Les Questions symboliques d'Achille Bocchi [2: Traduction, annotation et commentaire] 9782869063808, 9782753539921


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Les Questions symboliques d'Achille Bocchi [2: Traduction, annotation et commentaire]
 9782869063808, 9782753539921

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Tome 2

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annotation et commentaire

Collection « Renaissance »

Anne Rolet

Dirigée par Pascal Brioist, Philippe Hamon, Cédric Michon, Anne Rolet et Alain Salamagne, la collection « Renaissance » est une co-édition des Presses universitaires Franqois-Rabelais

(PUFR)

et des Presses universitaires

de Rennes (PUR), soutenue par le Centre d'études supérieures de la Renaissance (CESR). Elle propose de mettre en lumiere, sous ce vocable au singulier, la diversité foisonnante d'une période qui s'étend chronologiquement du milieu du x1v* siécle au début du xv siècle et qui voit l'espace géographique européen s'ouvrir de maniére large aux relations avec les autres continents. Résolument pluridisciplinaire, la collection permet le dialogue entre les différents champs du savoir et de la recherche. Elle se propose de publier des travaux inédits et variés : monographies, essais, biographies, recueils d'études, actes de colloque et théses. La maquette est instituée sur un grand format

(210 x 380 mm) favorisant ainsi la mise en valeur des ressources iconographiques. Des représentations aux pratiques culturelles, des manifestations du politique à la spiritualité religieuse, des cadres géographiques, sociologiques et

économiques aux formes esthétiques et littéraires, de la philosophie aux différents champs artistiques, la collection souhaite faire du concept unificateur de « renaissance » un outil pour rendre compte des développements pluriels d'une époque féconde, qui articule tradition et innovation, rupture et continuité. Elle entend ainsi dépasser la coupure académique, souvent illusoire et parfois intellectuellement nuisible, entre Moyen Áge et Temps modernes.

Les Questions symboliques 9 Achille Bocchi Symbolicae quaestiones, 1555

Titres déjà parus 2014

L. Gaugain, Amboise. Un cháteau dans la ville

A. Bernazzani, Un seul corps. La Vierge, Madeleine et Jean dans les Lamentations italiennes

A. Bernardoni, A. Neuwahl, Construire à la Renaissance. Les engins de chantier de Léonard de Vinci X. Pagazani, La demeure noble en Haute-Normandie. 1450-1600

Tome 2 X

Traduction, annotation et commentaire

2013

C. Michon, L. Petris (dir.), Le Cardinal Jean Du Bellay. Diplomatie et culture dans l'Europe de la Renaíssance

M. Meiss, Les Guise et leur paraítre

C. Alix, F. Épaud (dir.), La construction en pan de bois au Moyen Age et à la Renaissance P. Martin, Les Emblemes nouveaux d'Andreas Friedrich (1617)

2012

A. Salamagne, J. Kerhervé, G. Danet (dir.), Cháteaux et modes de vie au temps des ducs de Bretagne C. Michon (dir.), Conseils et conseillers dans l'Europe de la Renaissance (v. 1450-v. 1550)

P. Morel (dir.), Le Miroir et l'Espace du prince dans l'art italien de la Renaissance A.-L. Collomb, Splendeurs d'Italie. La peinture sur pierre à la Renaissance J. Varet (dir.), Calvin. Naissance d'une pensée

2010 A. Salamagne (dir.), Le Palais et son décor au temps de Jean de Berry

Collection « Renaissance » Presses universitaires Francois-Rabelais de Tours Presses universitaires de Rennes

2015

Illustrations de couverture

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Achille Bocchi, Symbolicae Quaestiones, Bologne, 1555

Symbolum 64 (premier plan) et Symbolum 140 (arriére-plan)

[6 Glasgow University Library, exemplaire SM 185]

Traduction, annotation et commentaire des Questions symboliques Piéces RiinalTes aNES OS ENENT AnpsapeJuleo Mood OE A ANSA SOI

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Au pape Paul IV/Frés-Boty Fiet Grid 58s dédicace] Jetíolitius S DUET EE

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À Charles Boisot, jasiecongulis

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À Alexandre Farnése; trés illustre cardinal

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De'Giovanni Battista Pigna de Ferrare........ ocio trita hé eratis ebrii tee SEO EUN Ub REI CERCHI Le début de la sagesse.,. Au lecteur (noreste rote tttkeridoes toto eertrt dene émet

Siinbole des Symboles [ — Symb. a] aa sómos satt

© Presses universitaires Frangois-Rabelais de Tours, 2015 60, rue du Plat-d'Étain — BP 12050 37020 Tours cedex 1 - France

www.pufr-editions.fr

© Presses universitaires de Rennes, 2015

UHB Rennes 2 - Campus La Harpe

2, rue du Doyen-Denis-Leroy 35044 Rennes cedex - France www.pur-editions.fr

ISSN : 2107-2566 ISBN PUFR : 978-2-86906-380-8 ISBN PUR : 978-2-7535-3992-1

Dépót légal : 1*' semestre 2015

L1 & t. 2 ne peuvent étre vendus séparément

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1.2. Sources imprimées 1.3. Études

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3.1. Études sur l'Antiquité

3.2. Études sur le Moyen Áge et la Renaissance 3.3. Autres études

10

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1.1. Manuscrits

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CONVENTION ATTENTION, TRÉS CHER LECTEUR : QUE TOUT CE QUI, ACTE OU PAROLE, DANS CET OUVRAGE, SE TROUVE OFFENSER LES DÉCRETS PIEUX DES SAINTS-PERES, SOIT NUL ET NON AVENU.

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LES CINQ LIVRES DE QUESTIONS SYMBOLIQUES SUR TOUS LES SUJETS D'ACHILLE BOCCHI DE BOLOGNE: JEUX SUR UN MODE SÉRIEUX

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UN SACRO-SAINT DÉCRET DU PAPE JULES Ill A INTERDIT QUE QUICONQUE, À L'INSU DE SON AUTEUR, OU CONTRE SA VOLONTÉ, N'OSE À L'AVENIR FAIRE IMPRIMER CET OUVRAGE, NI LE VENDRE EN QUELQUE ENDROIT.

À BOLOGNE, RARUS:

DANS L'ENCEINTE DE LA NOUVELLE ACADÉMIE BOCCHIENNE 1555

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Piéces liminaires

Privilége de Jules III

AU PAPE JULES III VOICI LE PAPE JULES TROIS FOIS TRÉS GRAND, LE SEUL À SAVOIR, VOULOIR ET POUVOIR EN MÉME TEMPS RENDRE TOUS LES HOMMES

(Voir t. 1) HEUREUX

Privilége de Henri II signé par Lurault

Bienheureux celui dont les biens sont restés à l'abri du mal,

(Voir t. 1)

Et qui, de ces biens d'ailleurs immenses — ce ne sont ni des biens Corporels et mortels, mais des biens spirituels et immortels — Tirant fierté, foulant aux pieds des merveilles, ne voit personne 5

10

AU PAPE PAUL IV, TRÉS-BON, TRÉS-GRAND

Avec qui il pourrait vouloir échanger sa situation ;

Ces objets excellents et ambitieux sur tous sujets

Qui juge un homme gráce à la seule partie qui le fait homme ; Qui pour toujours adopte comme guide excellent et généreux La Nature, et se plie aux lois remarquables que celle-ci A édictées ; qui vit comme elle l'a divinement prescrit Enpersonne ; qui ne se voit dépossédé de ces biens-là

Te sont dus, Paul, qui sais et veux aider les bons.

Tous espérent donc qu'aux arts illustres tu donneras Loisirs dignes de ton pouvoir et de ton nom. S

Par nulle violence ; qui métamorphose le mal en bien, Portant sur la nature un jugement impartial et correct,

Sans trembler, sans étre ébranlé ; si le hasard veut qu'une force

15

Sur lui s'exerce, c'est sans le troubler ; si Fortune puissante, — Redoublant de force, a dardé sur lui un trait plus offensif Qu'elle avait en réserve, elle le touchera sans le blesser. Voici Jules, Trois-Fois-Trés-Grand, voici le souverain pontife, Qui, à lui seul, sait, veut et peut rendre tous les hommes heureux : Notre demeure académique, il la rendra heureuse aussi !

MÉTRIQUE Trimétres iambiques que nous avons rendus par des métres de 16 syllabes. NOTES

Cesjeux sérieux, Paul III m'ordonna de les composer,

Pour offrir aux esprits humains un sür reméde Et, comme en peinture, montrer les principes des deux Modes de vie libérant dela mort les hommes.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques. NorES

— Paulo IV) Il s'agit de Gian Pietro Carafa (1476-1559), qui fut pape de 1555 à 1559 en succédant à Marcel II. Fondateur de l'ordre des Théatins, il e$t nommé cardinal en 1536 et participe aux travaux initiés par Paul III sur

la réforme de l'Église, notamment à la rédaction du Consilium de emendenda Ecclesia, à laquelle prirent également part Jacques Sadolet et Gaspare Contarini. En 1542, il prend la téte du Tribunal du Saint-Office et se signale par la violence de son action contre les mouvements hétérodoxes. Il s'attaque en particulier à Giovanni Morone, qui affrontera un légendaire procés en inquisition.

- IVLIO III] Giovanni Maria Ciocchi del Monte est pape de 1550 à 1555. Déjà remarqué par ses compétences

en droit canon dans la commission réunie par Paul III entre 1536 et 1541 pour la réforme de l'Église, premier président du Concile à Trente (1545-1547) et à Bologne (1547-1548), c'est lui qui convoque la deuxiéme

[Sans dédicace]

session du Concile de Trente en 1551, en accord avec Charles Quint, mais avec la réprobation d'Henri II qui ralliera contre l'Empereur et le Pape les princes protestants autour de Maurice de Saxe en 1552 et contraindra le concile à la suspension de ses travaux. Jules III confirme à Ottavio Farnése la possession du Duché de Parme et de Plaisance, fondé pour la famille par Paul III en 1545 mais áprement contesté par Charles Quint. Il donne

Je t'offre un don afin d'en avoir un de toi, non négligeable ;

De toi, j'attends ni trop ni rien, mais ce qui me suffit.

Ce qui me suffit, c'est ce que ta Vertu, ta Piété, ta Foi

l'absolution à l'Angleterre en 1554, au vu de la contre-réforme catholique amorcée en 1550 par Edouard VI et

poursuivie par Marie Tudor'.

Ton Amour envers tous ordonneront de remarquable.

S

10 ! Voir L. von Pastor, Histoire des papes depuis la fin du Moyen-Áge, t. XIII : Jules III Reformtátigkeit der Pápste Julius' III und Pauls IV», Rómische Quartalschrifl, 42, « Jules III », Catholicisme, 6, 1967, p. 1218-1219 ; K. Ganzer, « Julius III », Theologische « Jules III », dans Ph. Levillain (dir.), Dictionnaire historique de la Papauté, Paris, 1994, p.

12

(1550-1555), Paris, 1888 ; H.Jedin, « Analekten zur 1934, p. 305-332 et 43, 1935, p. 87-3156; A. Duval, Realenzyklopádie, t. XVII, 1988, p. 445-447 ; M. Smith, 983-985.

Jaiune tendre vierge, qui atteindra bientót l'áge nubile,

Fille chére à son pére, de droit et par ses qualités. Je dois lui procurer la dot que mérite notre lignée

Avec ton aide et ton appui, je peux tout espérer. Ma fortune est modeste : auguste est la tienne, par ton mérite ; Mais tu peux faire en sorte que nous nous souvenions de toi.

Et vu que tu crains peut-étre qu'en me donnant de petits riens,

? Voir D. Santarelli, « Paul IV », in V. Lavenia, A. Prosperi,J. Tedeschi (dir.), Dizionario storico dell "Inquisizione, Pise, 2010, t. III, p. [enligne], URL : «http:/ /halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00408732».

1164-1166

13

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Piéces liminaires

Tu ne puisses donner satisfaction à mon désir, Ce qui te ferait mal agir, de te redonner au centuple Chaque denier recu de toi, je te fais la promesse.

REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE

- ded. : CAROLO BOISOTIO

Ton client Achille Bocchi qui menait ces bagatelles sur un mode sérieux À Bologne, le 5 avril 1556

MÉTRIQUE Distiques élégiaques que nous avons rendus par une alternance 16414 syllabes. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE

Comme

le remarque M. Sicco M.Sicco

Quaestionum...

(« Alcune osservazioni su: Achillis Bocchii Bonon.

Veneranda Fabbrica del Duomo di Milano (cote MIo191 de l'Edit 16?). L'identité méme du personnage, dont la

famille est originaire de Bruxelles, n'est pas claire. S'agit-il du fils de Pierre Boisot, chevalier, trésorier général des

finances et de l'ordre de la Toison d'Or, qui signa en 1566 un Compromis des Nobles et fut un fidéle soutien de Guillaume d'Orange, qui le nomma gouverneur de l'ile de Walcheren* avant sa mort en 1575 ? Il peut s'agir

Symbolicarum

libri quinque. Bononiae. 1555 », Il Corsivo, num. $pec., 2, 1994, p. 21-32, ici p. 25), ce poéme et

les deux suivants ont été ajoutés a posteriori dans des exemplaires destinés à étre offerts spécifiquement à d'illustres protecteurs ou bien à des amis. Pour le poéme que nous avons sous les yeux, M. Sicco signale, dans l'exemplaire conservé à la Bibliothéque Palatine de Parme (PRoo72), une dédicace à un sénateur bolonais du

nom de Giorgio Maggiolo, inconnu par ailleurs. Nous avons pour notre part repéré une dédicace à Giovanni

Angelo de Médicis, dans l'un des exemplaires conservés à la Bibliothéque Vaticane (Cicognara IV 1850b). Il s'agit du futur pape Pie IV (1499-1565), proche du pape Paul III, archevéque de Raguse en 1545 puis cardinal en 1549, avant d'étre élu pape en 1559. Il était milanais de naissance. En avril 1556, il est encore préfet de la

Signature Apostolique de la Gráce (qu'il occupe depuis mai 1555). Nores

- v. $-9 : Bocchi évoque celle de ses quatre filles (et sa préférée) qui n'était pas rentrée au couvent, Constantia (Costanza). — v. 9 : jeu de paronymie entre angusta (étroite) et augusta (noble, ample). —-v. 11: uf ne] Comme ne.

également de Charles Boisot, membre du Conseil privé en 1576 et comte du Saint-Empire, fils lui-méme d'un

autre Charles Boisot, jurisconsulte flamand et commissaire impérial, qui siégea au Grand Conseil de Malines en

1531, fut conseiller d'État et maitre des requétes impériales au conseil privé de Charles Quint, puis président du Conseil des Affaires des Pays-Bas à Madrid, avant de mourir à Ratisbonne durant la guerre de Smalkalde*. La notion de quaestor n'est pas claire, bien qu'elle convienne assez bien pour désigner un maitre des requétes impériales ou un trésorier général des finances. Dans l'état actuel de nos recherches, aucun titre de « Préfet du

Studio de Bologne » (Bononiensis gymnasii praefectus) ne semble avoir été attribué à un Boisot.

-v.7: paruam] En nous fondant sur la source pétrarquienne (cf. notes), nous proposons de ajouter le terme paruam entre ingens et sequitur, afin de permettre à cet hexamétre de compter le bon nombre de pieds. Sur le paradoxe ingens/paruam appliquée à la flamme et à sa source, voir le Symb. 114 sur la poudre à canon. NOTES

- v. 7 : cf. F. PETRARCAE, Africa, 8, 731 : Et magnam tenui flammam accendente fauilla.

- v. 8 : il faut sous-entendre flamma ingens sequitur devant hoc munusculum. — v. 9 : foetus abandonne l'image de la flamme pour la relayer par celle du fruit ou du surgeon, amorcée au v. 5 avec le mot fructum.

À CHARLES BOISOT, JURISCONSULTE EN DROIT CIVIL ET DROIT CANON, PRÉFET DU STUDIO DE BOLOGNE, FILS D'UN CONSEILLER DE CHARLES QUINT CÉSAR AUGUSTE ET SON PROTECTEUR, QUI S'EST MONTRÉ GÉNÉREUX ENVERS LUI De ma gratitude, voici pour toi la faible preuve Que je me résigne à t'offrir en mon nom propre, Je ne sais pas comment ; car j'éprouve une vive honte Que le désir trés fort que j'ai de t'honorer 5

. N'offre de ta gloire infinie qu'un fruit aussi malingre ;

À ALEXANDRE FARNÉSE, TRÉS ILLUSTRE CARDINAL, SON PATRON, QUI S'EST MONTRÉ GÉNÉREUX ENVERS LUI, ACHILLE BOCCHI DE BOLOGNE, SON CLIENT, SOUHAITE LA FÉLICITÉ

Si c'est étre Dieu que de vouloir et pouvoir aider les hommes, Si cette voie est la seule vers le bien éternel, Alors pour moi toujours tu seras Dieu à mes cótés ; toujours , Alexandre, vivront ta vertu, ton honneur illustres. S

Mais, ainsi que le chante un illustre poéte,

Souvent un grand brasier surgit d'une faible étincelle,

Peut-étre aussi un jour de ce don minuscule :

10

Bientót, des surgeons différents naitront pour ton clan seul,

Pour ton nom et pour ta gloire des plus illustres.

Son client Achille Bocchi qui menait ces jeux sur un mode sérieux À Bologne, le 5 avril 1556

MÉTRIQUE Distique constitué d'un hexamétre dactylique et d'un trimétre iambique.

14

... B«ENE» M«ERENTI»] La question des titres et des désinences latines est ici

épineuse. Il est possible de comprendre que les qualités de jurisconsulte et de conseiller sont attribuées au Charles Boisot de la dédicace (avec des datifs: iuris... consulto et praefecto, solution à laquelle nous nous sommes ralliée), ou bien à son pere, « questeur » de Charles Quint (et, dans ce cas, avec des génitifs : iuris... consulti et praefecti). Comme le remarque M. Sicco, « Alcuni osservazioni su: Achillis Bocchii », p. 27, la dédicace à Charles Boisot n'apparait que dans un seul exemplaire, celui conservé à la Biblioteca e Archivio della

10

Si,sansregret, tu confirmes tes promesses et si d' Achille

Qui t'appartient tu peux et veux bien aider la fortune, Fortune profuse ne voudra pas que tu ne puisses pas, Bien que ton courage et tes mérites de loin l'éclipsent. Ma confiance inébranlable me force à n'avoir point de crainte, Ton insigne loyauté t'interdit de refuser.

* M. Sicco (dir.), Le edizione italiane del xvt secolo, censimento nazionale, vol. II B, Rome, 1989.

* Voir Th. Juste, s. v. « Boisot, Charles », Bibliographie Nationale de Belgique, Académie royale de Belgique, t. II, 1866, col. 619-620.

* P. Labrousse, Grand Dictionnaire Universel du XIX' siécle, Paris, 1867, t. II, P- 890, s. v. « Boisot, Charles » ; J.-C. F. Hoefer, Nouvelle Biographie Générale depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, t. VI, Paris, 1862, col. 443.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

MÉTRIQUE Distiques élégiaques que nous avons rendus par une alternance 16414 syllabes. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE M. Sicco, « Alcuni osservazioni su : Achillis Bocchii », p. 27, attire l'attention sur le fait que la page manuscrite enluminée contenant le poéme et la dédicace à Alexandre Farnése n'apparait que dans un seul exemplaire des Symb. Quaest., conservé à la Bibliotheque Nationale

de Naples

(cote S. Q. XXIV

G. 18, p. 7; Planche

III,

Fig. 6). Il s'agissait probablement d'un exemplaire d'offrande, personnalisé pour le dédicataire gráce au ajout de cette piéce supplémentaire de la main méme de Bocchi. Poéme et dédicace, de deux couleurs d'encre

différentes, viennent s'inscrire dans un cartel découpé à l'en-téte et au pied, avec des enroulements, délimité par

un listel bleu avec rehauts marron, sur lequel viennent se poser de maniére réguliére des mascarons orange et jaunes et, de chaque cóté, un motif végétalisé serti d'une fleur orange sommitale. NOTES

ded.: ALESSANDRO FARNESIO] Alexandre Farnése (1520-1589)? est le petit-fils d'Alexandre Farnese, le pape Paul III et le fils de Pier-Luigi Farnése. Il fait ses études à Parme et à Bologne. Il est élevé au rang de cardinal (Sant' Angelo) dés quatorze ans, en décembre

1534, et céde alors l'évéché de Parme à son cousin le

cardinal Guido Ascanio Sforza. L'évéque de Viterbe, Gian Pietro Grassi, supervise son éducation. En 1535, il est

nommé évéque d'Avignon et vice-chancelier de l'Église. Il regoit à la méme date le titre de San Lorenzo in Damaso. En 1538, Paul III e charge de la correspondance officielle, avec Marcello Cervini, futur pape Marcel II. Légat en Avignon en 1541, il recoit de nombreuses missions diplomatiques en Allemagne (1539-1540) et en France (1543-1544) pour tenter de réconcilier Charles Quint et Francois I". Grand mécéne, protecteur de

nombreux artistes dont P. Bembo et G. Vasari, il fit construire l'église du Gesù à Rome. Il prit une grande part dans la préparation du Concile de Trente. Il était le patronus de l'Academia Bocchiana. Nommé Heros dans la correpondance

de Bocchi

et d'Amaseo

(et dans le Symb. 102), il vit entouré d'une cour dont les lettres

autographes de Bocchi conservées à Milan nous restituent l'ambiance. Il est également le dédicataire des Symb. 3, 63, 103, 109, 110, 125.

^ Voir G. Alberigo, « Farnese (Alessandro), dit Alexandre le Jeune », Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastique, t. XVI, Paris, 1967, col. 608-615 ; Th. B. Deutscher, « Alessandro Farnese of Valentano », in P. G. Bietenholz, Th. B. Deutscher (dir.), Contemporaries of Erasmus. A Biographical Register of the Renaissance Reformation, Toronto/ Buffalo/ Londres, t. II, 1986, p. 13 ; C. Robertson, Il " gran Cardinale " Alessandro Farnese,

Patron

of the Arts, New

Haven/

Londres,

1992 ; S. Andretta,

Farnese, Pomp, Power and Politics in Renaissance Italy, Rome, 2007.

16

« Farnese, Alessandro,

in DBI,

t. XLV,

1995, p. 52-65 ; H. Gamrath,

LES QUESTIONS SYMBOLIQUES D'ACHILLE BOCCHI DE BOLOGNE LIVRE |

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

D'ALBERICO LONGO DE SALENTO

d'Apollon et des Muses. Là, le berger Linus lui confie les flütes du poéte Hésiode, gráce auquel le poéte grec, à l'instar d'Orphée, faisait descendre les frénes des montagnes, et lui demande de chanter le bois de Grynée (en

Tityre, né prés des rives de l'ausonien Mincio — Aucun vieillard jamais ne fut plus cher aux Muses -,

Éolide), oü se dressait un temple consacré à Apollon. — v. 6 : Pieridum] Autre nom des Muses. - v. 7-8 : Damoetas... Amyntae] Damétas et Amyntas sont deux bergers rivaux de Corydon et sont mentionnés en particulier dans la seconde Bucolique de Virgile (v. 35, 37, 39).

Vint pendre avant sa mort, en une grotte héliconienne,

Ces flütes de son pouce tremblant, tout en chantant : $

« Sur le point de mourir, Tityre a fait don de ces flütes

À Phébus et au chceur des Gráces et Piérides. Maints Damétes, maints Amyntas s'efforceront de prendre Notre bien : mais que le noble Apollon le garde ! 10

DE TIRESIA FOSCARARI

Mon descendant, Bocchi, un jour, par sa Muse guidé,

Viendra en votre grotte : qu'il soit mon héritier ! » Phébus a exaucé tes voeux, ó Tityre, et les flütes Accordées par les Muses, Bocchi tout seul les a.

MÉTRIQUE

$

Distiques élégiaques. NorES

- tit. : ALBERICI LONGI SALENTINI] Alberigo Longo est né à Nardó dans la région de Salento (non loin de Salerne), à la fin du xv* s. On lui préte des études d'humanités et de droit au Gymnasium Nerentinum et de médecine au Studium Urbis de Naples. De retour dans sa patrie, il y aurait enseigné les humanités avant de partir, en vue d'apprendre le grec, dans un long périple qui l'aurait conduit de Corfou à Candie en Créte, puis à Constantinople. Il rentre en Italie en 1530, s'établit à Ferrare oà il rencontre L. G. Gyraldi, puis

à Rome oà il

entre dans le cercle de Marcello Cervini, le futur pape Marcel II (dédicataire du Symb. 6o). Il traduit du grec le De sacris imaginibus de Jean Damascéne et la Vita beati Simeoni Maioris de Théodoret, l'évéque de Cyrene. Il

arrive à Bologne en 1540 oü il devient l'éléve de Pietro Vettori puis entre en 1549 au service de Giovanni Battista

Campeggi, évéque de Corfou (l'un des dédicataires du Symb. 123). Il devient alors membre de l'Academia

Bocchiana, entretenant des liens d'amitiés avec Francesco Bolognetti (dédicataire du Symb. 114) ou Lodovico Bonamici. Il est élu princeps de l'Académie bocchienne en 1554 (il succéde à Tommaso Calcagnini) et le restera

jusqu'à sa mort en 1555*. Il rédige alors des Carmina latina, restés manuscrits, et des Rime, aujourd'hui perdues.

Il prend part à la violente polémique littéraire qui opposa en 1555 Annibale Caro (l'un des interlocuteurs du Ptolemaeus resté manuscrit de Bocchi) et Lodovico Castelvetro, avant de mourir assassiné en juin de la méme année. L. Castelvetro fut accusé de ce meurtre et condamné à mort par contumace. Il est également l'auteur du poéme du Symb. 145. -V.1: - Ausonius] D 'Italie. - Minti] Le Mintius ou Mincius (aujourd'hui Mincio), riviére de Gaule transpadane, affluent du Pó, cf. VERG.,

Buc., 7, 13 : Hic uiridis tenera praetexit harundine

ripas/Mincius ; cf. Georg., 3, 15 : Mincius

et tenera praetexit

harundine ripas ; F. PETRARCAE, Buc., 10, 44-45 : Primum iter in Latium, qua pulcher Mintius uda,/ Formoso de patre oriens, interluit arua ; cf. B. SPAGNOLI, Sylu., 1, 8, 73-76 : Inde per montis iuga saltuosi/ Venit errantes ubi

maior undas/ Mintius spargit, bifidoque terram/ Circuit amne. — v. 3 : Heliconis] Montagne de Béotie, consacrée aux Muses et à Apollon.

- V. $-10: tout le passage imite un extrait de la sixieme Bucolique de Virgile (v. 64-73), oà Siléne raconte

l'initiation poétique du poéte Gallus. Conduit en Aonie par l'une des Muses, il est accueilli par le cheeur 7 V. Gallo, « Longo, Alberigo » in DBI, t. LXV, 2005.

" E. See Watson, Achille Bocchi, p. 6o.

18

Choisis avec un grand talent et un zéle assidu, Vois quels trésors a livrés le génie d'Achille, Sil'on veut charmer l'esprit par des inventions ou bien Par des peintures d'artistes et des poémes. Nature subtile les admire longtemps, pleurant Sa défaite compléte et ses forces brisées. Choisis ce que tu veux car tu ne peux trouver ici Rien qui ne puisse pas satisfaire tes vceux.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques. NorES

- tit. : TIRESIAE FOSCARARII] Né en 1485 et mort en 1552, Tiresia Foscarari^ est le fils d'Agostino Foscarari, l'un des « Anziani » de Bologne. Devenu chanoine de San Petronio en 1503, il méne des études de jurisconsulte

puis devient professeur de droit civil et canon. Léon X l'appointe comme protonotaire apostolique. Egalement poéte, il est l'auteur d'un poéme épique latin racontant les Diui Francisci Vmbrigenae gesta (aprés 1518), d'une

Conuersio diui Pauli (1547) en vers que Bocchi envoie d'ailleurs à Romolo Amaseo, comme en témoigne une lettre'?, et d'une étude annotée de la Donatio Constantini Magni (1549). Son nom est mentionné en téte du

Symb. 2, en guise de titulus.

- v. 3-4: Tiresia Foscarari distingue ici deux strates: celle des idées (inuentís) et celle de la mise en forme

combinée de ces idées par les images plastiques (pictis artificum signis) et par l'expression poétique (carminibus).

ÉLOGE DES QUESTIONS SYMBOLIQUES DE L'ILLUSTRE ACHILLE BOCCHI, PAR GIOVANNI BATTISTA CAMOZZI D'ASOLO

Elle est venue du ciel et du resplendissant Olympe, La Sagesse symbolique, fille d'Hermés. Mais pendant tout ce temps, oü t'étais-tu cachée, si chére Enfant, toi bouclier de la sainte Pallas ? ? Voir G. Fantuzzi, Notizie degli scrittori Bolognesi, Bologne, t. III, p. 355-356; T. Nappo, P. Noto (dir.), Indice biografico italiano (édition augmentée et corrigée), t. IV, Münich/Londres/New York/Paris, 2002, p. 1528 ; J.-P. Lobies et alii, Index bio-bibliograficus notorum hominum, : " Osnabrück, 1972- ; L. Ferrari, Onomasticon. Repertorio biobibliografico degli scrittori italiani dal 1501 al 1850, Milan, 1943, p. 288. ? Voir Achillis Bocchii Epistolae autographae ad Romulum Amaseum, Milan, Biblioteca Ambrosiana, ms D.14s inf, £ 7v° : D«iuini» Pauli

conuersionem heroico carmine a Tiresia Fuscaerario nostro elegantissime conscripta mitto, et eius ipsius uerbis tibi salutem dico plurimam.

19

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Est-ce avec l'ambroisie que les dieux du ciel te retinrent,

Et t'offrent maintenant aux mortels affligés ? Ou bien faut-il que les Muses du Parnasse t'envoient Afin que tu sois utile aux hommes brillants ? Non seulement les hommes étaient sages, je crois, quand tu 10

Étais leur invitée, que régnait l’Age d'or, Mais les dieux bienheureux, délaissant le monde des astres,

Venaient souvent fréquenter les villes des hommes.

Qui se trompait de route et délirait sur tout, SS

60

Etles dieux, regagnant le ciel, demeure de leur pere,

65

Telle était la situation ; mais, sous la terre féconde

25

70

75

Tous les hommes mortels le nomment Achille Bocchi, 8o

D'exploits, comme le sage Phénix nous l'apprend. Apollon et les Muses de l'Hélicon lui offrirent Les plectres colorés d'une lyre chantante.

Aux confins du monde, jusqu'en sol étranger ;

40

Sur les hauteurs il siége, prés du pére des Bienheureux, Le roi du ciel : pourtant, c'est sur terre qu'il vit. Allons, ó Muse harmonieuse, choisis de nous conter Comment les dieux envoyérent cette Sagesse. Tu n'es point descendue sans avoir l'accord de l'Olympe, O Sagesse, de tous les biens le plus précieux ! On dit qu'avec les Immortels, Zeus un jour t'appela, Et, devant tous les dieux, tint ces propos ailés :

85

45

90

Jusqu'à ce qu'ils rencontrent les ténébres du mal. Si bien que moi, voyant la race humaine tout entiére

Car il tient seul les clés du royaume céleste.

Pouvoir, conformément au nom qu'il a recu.

Nous tous, les Immortels, nous lui réservons les noms de

9$

Quand je punis les gens qui sont méchants, vous savez bien Comment je détruis leur raison et leur sagesse.

Devenus soudain fous, ils ont erré, déjà perdus,

Et se distille une éloquence fort savante.

Paulle Sage, avec intelligence, conduit le saint

Ceux qui gouvernaient bien leur patrie ou cité.

So

De sa bouche s'écoule un chant à la douceur de miel, Mais un autre flambeau, semblable aux dieux, égal aux cieux, À lui seul dirige et gouverne tous les prétres, Lui qu'on honore comme un dieu sous le soleil levant,

« Écoutez-moi tous, vous les dieux, vous aussi, les déesses,

Pour apprendre l'issue de ces événements. Car vous savez tous, vous les dieux qui habitez l'Olympe, A quel point j'ai toujours chéri la race humaine. Mais nous avons aux preux accordé notre préférence :

Qui congut maintes formes de discours symboliques ;

C'était un orateur, il se fit aussi le héros

La clarté qu'aux humains il délivre s'étend au loin, 35

Maintenant que tout mon vceu s'est réalisé ! Pourvu d'une voix et d'une gloire célestes.

Les actions humaines, comment tu viens du ciel,

Sárement honoré, bienheureux, fortuné ;

Pour rendre service à bien des peuples humains.

Par les neuf Muses, l'un d'entre eux sera fort apprécié, De sa bouche sortiront des sons mélodieux. Mais le second, de tous les dieux et de tous les mortels Sages sera, de loin, le supréme pontife. C'est maintenant, è dieux, maintenant que tout s'accomplit, Il vint, le poéte admiré, redoutable et puissant,

Car quiconque comprend comment tu délibéres sur Celui-là parcourt l'océan, parcourt toute la terre,

Prenant en pitié toute la race mortelle : « Ne vous affligez plus, ó dieux, plaignant tous les mortels Anéantis, qui vont souffrir les maux suprémes. Et me rangeant aux décisions que vous venez de prendre Pour les hommes, j'approuve trés fort leur salut. Mais cette tàche ne sera pleinement accomplie Qu à l'avenir et la vertu rayonnera Quand deux hommes viendront, qui seront forts et redoutables,

La richesse et la gloire, et mille autres bienfaits.

30

Fléchissant par vos vceux mon esprit emporté.

Aprés avoir délibéré, je déclarai soudain,

Et l'affreuse discorde, les maux rivalisérent,

Restaient bien des beautés, ainsi que les trois Gráces. Et toutes ces vertus conduisaient ensemble leurs danses, Et Thémis préservait paix et tranquillité. À travers la terre entiére, tu brillais par ta gráce, Tu offrais à tous ton éclat sous mille formes. Ó Sagesse, toi qui sauves les villes et les peuples, Salut, bien-aimée : offre-nous toutes les joies, Offre-nous la paix et la vertu que nous désirons,

J'ai donné mille souffrances, au temps jadis. Alors jusqu'à la racine, les hommes furent prés

D'étre détruits, suite à ma colére terrible. Mais à mes genoux, vous vous étes tous précipités,

Mais quand surgirent les clameurs, les guerres, les combats

Laissérent aux hommes les peines insensées. Les fautifs ne purent alors plus voir les dieux en face, Ni s'aimer, ni s'apprécier les uns les autres.

Dans ma fureur, à tous ces rois et à tous ces mortels,

Grand penseur et d'avisé souverain pontife. Un tel homme, je l'ai chéri bien plus que tous les autres, Dans tous les endroits oü j'ai engendré des rejetons. À cet homme vais-je envoyer un esprit remarquable En attendant qu'il regagne le seuil céleste ?

Ainsi, nous voulons bien qu'il régne en dieu sur tous les hommes, 100

Et nous lui conférons un pouvoir admirable.

Qu'en notre honneur, il impose aux états libres des fétes, En offrant aux dieux immortels du bel encens.

21

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

105

110

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Il rend illustres villes et peuples, dans leurs contrées, Ordonnant l'univers par ses avis précieux. Pendant que ce grand homme vit, offrons donc aux mortels Le salut de la Sagesse, gráce aux symboles. Car on ne pourrait leur offrir l'esprit de Vérité : L'éclat de leur pensée par le corps s'engourdit ».

- v. 29-36 : le portrait de l'homme qui s'attache à la sagesse est imité du roi de justice décrit par Hésiode (Theog., 91-9 3). Son éloquence lui assigne un statut divin : « Lorsqu'il traverse l'assemblée, on le féte à l'égal

d'un dieu, à cause de sa vertu douce comme le miel, et il se distingue parmi ceux qui sont accourus : tel est le présent divin que les Muses octroient aux humains ». - V. 49-56 : Camozzi renvoie ici au passage oü Hésiode décrit les calamités envoyées au peuple dont les rois sont injustes (Op., 238-247).

À ces mots, Zeus fit envoyer, par Pallas Athéna,

- V. 69-105 : Zeus, qui lit dans l'avenir, prophétise l'avénement de deux héros, l'un poete, l'autre grand pontife, qui seront progressivement, au fil du poéme, identifiés l'un comme Achille Bocchi, l'autre comme Paul III. Tout

Chez Achille Bocchi, Sagesse symbolique. Salut, Sagesse bien aimée, fais donc de nous des sages ! Salut, Achille, qui nous crées de beaux symboles !

NoTES -tit.:

IQANNOY

BAIITIETOY

KAMOTIOY

AXOAANOY]



à Trévise

en

1515

et mort

en

1581,

Giovanni Battista Camozzi"' fit ses études de médecine et de philosophie à Bologne. Il fut notamment l'éléve de

l'aristotélicien Lodovico Boccadiferro, qui enseigna à Bologne entre 1527 et 1545, et pour lequel il prononqa une oraison funébre en 1545. En 1549-1550, il est nommé maitre de rhétorique du Studio de Bologne et, de 1550

à 1555, sous le pontificat de Jules III, il est nommé professeur de philosophie à l'école espagnole de Bologne. Sous Paul IV, il enseigne à l'Université de Macerata puis, appelé par Sixte IV, il s'établit à Rome. Les biographes anciens lui prétent des connaissances en langues orientales et lui attribuent des travaux de traduction des Péres grecs, dont on ne trouve cependant pas trace. Il a publié beaucoup d'éditions annotées, commentées et traduites d'Arittote et de ses commentateurs antiques (Théophraste, Olympiodore, Jean Philopon, Alexandre

d'Aphrodise, Michel Psellos"?). Son De antiquitate litterarum, dedié au cardinal Filippo Vastavillani fut publié à Rome en 1575. Son commentaire à la Métaphysique d' Aristote est resté manuscrit, tout comme

son Theodoreti

episcopi Cyri interpretatio in Hieremiam prophetam (Vat. lat. 5305), dédiée à Pio IV, ainsi qu'une Oratio de

pulchritudine rédigée en grec en 1580. Il est le dédicataire du Symb. 134 (sur le tribolos) et 137 (sur la Chimére).

- v.1-2 : l'arrivée de la Sophia symboliké, la discipline emblématique, est comparée ici au retour de Parthénos Dike, la Vierge Astrée, associée à la justice et à la paix de l'Àge d'or. C'est elle que chante Virgile au début de la quatriéme bucolique. Bocchi traite de ce retour sous la forme d'une vision onirique dans le Symb. 125 (voir notre analyse). - V. 9-12: sur le motif des dieux visitant les hommes et se mélant à eux pendant l'Áge d'or, voir par exemple

CATVLL.,

64, 385-386 : Praesentes namque

ante domos

Caelicolae, nondum spreta pietate, solebant.

inuisere castas/ Heroum

guerrier. Voir aussi PL., Rsp., 3, 390e.

- v. 85 : Tob xai àxò oróuacoc u£Aitoc yAvkiov péet aó85j] Fusion de deux vers d'Hésiode, l'un s'appliquant au poete et cithariste chéri des Muses (cf. Theog., 97 : ... yAvxepr| oi àxó oxóuaoc péet a6), l'autre évoquant le roi juste qui apporte la paix par son éloquence et que les Muses chérissent également (cf. Theog., 83 : 109 8'Ex' èx ctópacoc pet ueQuxia)). - v. 89 : $% "à v £uóv vc] Expression imitée d'Homeére (cf. Il., 12, 239 ; Od., 13, 240) pour désigner le lieu où le soleil point. — v. 94 : Opovqrijpa] Le mot, inconnu en grec, est fabriqué à partir de @povéw, avec un suffixe actif en -crjp, et un

allongement du -o en -w en initiale. - V. 105-108 : topos qui loue l'aptitude de la métaphore et du symbole de dissimuler, sous une apparence accessible aux sens corporels, un contenu spirituel précieux qui ne peut s'offrir qu'à l'intellect.

DE GIANO VITALE Qui, de tous les mortels, a peint les mceurs dans leur ensemble

et sese mortali ostendere coetu/

- V. 15-16 : Camozzi poursuit son évocation des tourments de l'áge de fer. Il s'inspire en particulier du passage d'Hésiode (Op., 196-201) qui décrit le départ d'Aidós et de Némésis, abandonnant la terre et les hommes au

mal: Kai téte 8i] xpóc "Olwyzov dnò y8ovóg eópvo8einc/

le passage (voir par ex. v. 85) renvoie à la Théogonie d'Hésiode, qui associe le roi juste, qui sait manier l'éloquence pour faire régner la paix, et le poéte, en les placant tous les deux sous la protection des Muses (cf. Theog., v. 80-103). - v. 81-82 : Tobrov xai Prymmp' Éuevat xpaxrjpa xal Epywv: Dotvi£ t£edidaoxe cooóc] Cf. HOM,, Il., 9, 443 : MóOwv ce putnp' Éuevat mprktfpá ce Épyov. Phénix, fils d'Amyntor, était le précepteur que Pélée avait chargé d'accompagner son fils Achille au cours de la guerre de Troie, pour le former à l'éloquence et au courage

.../ Metà qUÀov itov zpoAxóvr' ávOpixovc/ Aidwg kal

Néyeoic- tà 8E Aetyerat üvyea Vvypà/ Ovrroic àvOpinoict. - v. 18: sur la haine qui anime les hommes les uns contre les autres, pendant l’Age de fer, y compris dans la

Avec éloquence et clarté ?

Qui, seul et par son zèle, a enrichi toute la vie

5

Du Bien a fixé les limites,

cadre de la famille ou de l'amitié, voir HES., Op., 183-194 et OV., Met., 125-150.

- V. 19-22: allusion au passage d'Hésiode (Op., 225-237) qui suit la description des quatre races. Hésiode explique que, malgré la présence de l'áge de fer, les rois justes permettent de rétablir la paix et la prospérité de l’Age d'or.

‘’ Voir P. Schreier, « Camozzi (Camosio) Giovanni Battista », in DBI, XVII, 1974. ? Aristotelis opera omnia cum Theophrasti historia plantarum Graece, Venise, 1351-s 3; Comment. in primum metaphysices Theophrasti libri tres...

Des humains gráce à ses symboles ? Quelartiste disert aux arts a procuré leurs formes,

10

Que ne doivent jamais transgresser les hommes de bien ? Qui nous a liés par des lois Équitables qui sont le fait des àmes les plus saintes ? C'est Bocchi, précepteur de vie !

MÉTRIQUE

Métre épodique : trimétre et dimétre iambiques, que nous avons rendus par une alternance 14-8 syllabes. Voir les Symb. 16 (1) ; 185 52556 (1) ; 100 ; 101; 136.

Graece, Venise, 1551 ; Olympiodori philosophi Alexandrini in Meteora Aristotelis commentarii, loannis Grammatici Philiponi scholia in primum Meteororum Aristotelis, Graece et Latine, Venise, 1551 ; Michaelis Pselli commentarii in Aristotelis libros de physica auscultatione, Latine, Venise, 1554 ; Michaelis Pselli in Physicen Aristotelis commentarii, Latine, Venise, 1554 ; Alexandri Aphrodisiensis in quattuor libros Aristotelis meteorologicos commentarii, Latine, Venise, 1556.

22

23

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

NorES

tit. : IANI VITALIS] Giano Vitale (Janus Vitalis Panormitanus) nait à Palerme en 1485, et meurt vers 1560, ce qui fait de lui, à quelques années prés, un exact contemporain de Bocchi". Avant 1512, on le localise à Naples, puis à Bologne, moment oà il fait sans doute la connaissance de Bocchi. En 1512, il s'établit à Rome, oü il rédige

des piéces poétiques de circonstances, par exemple pour l'avénement de Léon X - qui le nommera comes palatinus, titre que Bocchi portait également — ou le couronnement de Charles Quint. Il se lie d'amitié avec Lelio Gregorio Gyraldi et Pierio Valeriano, qui lui dédie le livre des Hieroglyphica consacré au symbolisme des vétements. Il participe en 1524 au recueil collectif des Coryciana'*, dà aux presses romaines de Ludovico degli Arrighi et Lautizio Perugino. Cet ensemble rassemblait quatre cents poémes latins offerts à Johannes Coricius (Hans Goritz), noble personnage d'origine luxembourgeoise, et reprenait l'essentiel des courtes piéces que les fidéles?^ du cercle de Goritz avaient l'habitude, à la Sainte-Anne, de déposer auprés de la statue d'Andrea Sansovino, offerte par leur hóte à l'Église de Saint-Augustin à Rome, avant d'assiter au banquet qu'il leur offrait dans ses jardins. Vitale entre dans les ordres et rédige des hymnes religieuses et des paraphrases sur les Psaumes. En 1553, il dédie à Jules III et au Sacré-Collége de cardinaux un recueil d'une soixantaine d'Éloges (Sacrosanctae Romanae Ecclesiae Elogia). Son poéme le plus connu, en hexametres, est sans doute le Teratorizon (perdu),

déplorant les malheurs qui s'abattent sur l'Italie au moment du sac de Rome, et qui aurait servi de modéles aux Antiquités de Rome de Du Bellay'^. Vitalis est le dédicataire du Symb. 144 sur le caractere exclusif de l'amitié.

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

MÉTRIQUE

Strophe aslépiade A (trois asclépiades mineurs et un glyconique). NOTES

tit.: IO BAPTISTAE PIGNAE] Giovanni Battista Nicolucci (1530-1575), nait et fait ses études à Ferrare". Il prend le nom de Pigna car son pére était apothicaire à Florence sous l'enseigne du pin. Éléve de Lelio Gregorio Gyraldi et de Battista Guarini, lauréat en philosophie à vingt ans, il entre ensuite au Studio de

Ferrare comme professeur puis dans le cercle personnel d'Alfonse D'Este'? dont il devient le secrétaire et le

chancelier. Traducteur en latin de l'Anthologie Palatine et commentateur d'Horace, il écrivit lui-méme un recueil de quatre livres de Carmina dédié à Alphonse II de Ferrare et publié à Ferrare en 1553 chez Vincent Vaugris^". On lui doit également un traité sur le duel et la chevalerie (Il Duello, 1554), une réflexion sur le roman (I Romanzi,

1554), une étude sur le poéme épique, Gli Eroici, dove si tratta del poema

eroico, publié à Ferrare,

chez Gabriel Giolito, en 1561, ainsi qu'un traité politique, II Principe (nel quale si descrive come debba essere il Principe Heroico), en réponse au Prince de Machiavel. Ce traité fut publié en 1561 et dédié une premiére fois au jeune Alfonse d'Este, puis une seconde fois à Emmanuel Philibert de Savoie. Enfin, Pigna est l'auteur d'une histoire des Este, Historia de' Principi di Este, publiée à Ferrare, chez Francesco Rossi en 1570. Il a rédigé également plusieurs oraisons funébres, dont celle de Francois II de France, de Marguerite de Gonzague et de

Barbara d'Autriche, épouses successives d' Alphonse II, ainsi que celle d'Hercule II de Ferrare. Il connait Bocchi DE GIOVANNI BATTISTA PIGNA DE FERRARE

et lui adresse un poéme d'éloge dans ses Carmina, oü il loue le recueil d'emblémes (« De Achille Bocchio », p. 27). Pigna est le dédicataire du Symb. 150.

Confisqué dans un art secret, sous des noms neufs Se dévoile à présent l'ordre de la Nature,

[Aulecteur]

Parle verbe et la vertu d'un héros, illustre

Gloire de la docte Bologne.

5

LE DÉBUT DE LA SAGESSE,

C'EST DE NE PAS FAIRE PREUVE DE SOTTISE

Quelleforce des dieux nous gouverne ici-bas, Quels biens nous signalent l'existence des dieux,

AU LECTEUR

Quelle énergie vitale en nos esprits réside,

Prends donc, lecteur, mes symboles : jamais leur examen

Quel genre de vie vaut le plus,

Et aussi quelle est la cause de l'univers, 10

Sous la forme d'une image claire et obscure,

C'est ce que donnent à voir aux chantres sacrés Les symboles du grand Bocchi. ? Trente-sept épigrammes de Vitale figurent dans les Elogia de Paolo Giovio publiés 1 546. Nous avons aussi consulté les Delitiae CC Italorum Poetarum collec. Ranutius Gherus [Janus Gruter], Francfort, 1608, vol. II, p. 1434. On peut se reporter également à l'ouvrage de A. Perosa et

J. Sparrow, Renaissance Latin Verse, an Anthology, Londres, 1979, p. 242-244. ^5 Sur ce texte, voir l'édition de J. Ijsewijn, Rome, 1997, ainsi que son étude « Poetry in a Roman Garden » in P. Godman et O. Murray ( dir.),

Latín Poetry and the Classical Tradition : Essays in Medieval and Renaissance Literatur, Oxford, 1990, p. 211-231 ; voir égalementJ. Ruysschert,

5

Ne t'ennuiera ; sois sans regret si tu peux t'y livrer. Je ne suis point Lyncée, dis-tu. Mais si tu es chassieux, Pour tes yeux mal en point, pense à exiger un collyre. Aveugle ? Apprends à écouter, à te fier à meilleur Que toi. Tu ris ? Il te faut maintenant trois Anticyres. Tu ne veux point ? C'en est fini : ta téte est incurable. Des fers et du bàáton, malheureux, tu es digne !

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques.

« Les péripéties inconnues de l'édition des Coryciana de 1524 », in Atti del Convegno di studi su Angelo Colocci, Jesi, 13-14 septembre 1969, Jesi, 1972, p. 45-60.

5 On compte, parmi les rédacteurs des Coryciana Pietro Bembo, Baltassare Castiglione, Angelo Colocci, Paolo Giovio, Ulrich von Hutten. ‘° Voir G. H. Tucker, « Sur les Elogia (1553) de Janus Vitalis et les Antiquitez de Rome de Joachim du Bellay », Bulletin d'Humanisme et de Renaissance, 47, 1985, p. 103-112 ; Id., « Du Bellay, Janus Vitalis et Lucain : la trame des mots dans les Antiquitez... plus un Songe et dans quelques vers analogues des Poemata » dans G. Cesbron (dir.), Du Bellay. Actes du Colloque International d'Angers du 26 au 29 mai 1989, Presses de l'Université d'Angers, 1990, p. 149-160 ; M. Quainton, « Du Bellay and Janus Vitalis », French Studies Bulletin : A Quarterly Supplement, 38, Spring 1991, p. 12-15 ; Id., « Roma rediuiua: André de Resende, Joachim du Bellay and the Continuing Legacy of Janus Vitali's Roman Diptych », Bulletin d'Humanisme et Renaissance, $4, 1992, p. 731-736.

24

" Voir R. Baldi, Giovan Battista Pigna : uno scrittore politico del Cinquecento, Génes, 1983.

!8 Né en 1534 et mort en 1597, Alfonse II d'Este était le fils d'Hercule II de Ferrare et de Renée de France (elle-méme fille de Louis XI et

d'Anne de Bretagne).

? Voir sa Poetica horatiana ad Franciscum Gonzagam cardinalem amplissimum, Venise, Vincent Vaugris, 1561.

? Avec trois livres de poémes de Celio Calagnini et deux de l'Arioste, ajoutés par Pigna lui-méme.

25

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET SUR LES MANUSCRITS

Une correction portant sur Anticyris apparait dans S, f° 2171? (antyciris à corriger en Antyciris [sic]), ce qui

montre que cet embléme était déjà rédigé lors de la constitution du manuscrit et apparaissait à la page I. Malgré la perte du début, le manuscrit S contenait donc initialement l'intégralité des Symbola (hormis peut-étre le Symbolum symbolorum, non numéroté ; voir sur ce point notre introduction).

l'épitre 1 d'Horace, 39-41 : Inuidus, iracundus, iners, uinosus, amator,/ Nemo adeo ferus est ut non mitescere possit,/ Si modo culturae patientem commodet aurem. ANALYSE

Cette adresse au lecteur présente (habe) en termes horatiens les symbola comme des objets énigmatiques dont il convient de percer la nature secréte et qui, en méme temps, apportent un traitement curatif gradué aux yeux et à

NorES

- v. 3 : Lynceus] Fils d'Apharée, il était, comme son frere Idas, l'un des cousins de Castor et Pollux et participa à l'expédition des Argonautes. Il était particuliérement réputé pour sa vue percante qui lui permettait de voir la nuit et méme à travers des objets solides (cf. A. R., 1, 153-155 ; APOLLOD,, Bibl., 3, 10, 3 ; HYG., Fab., 14, 12). Le

lecteur qui se voit confier la táche d'inspicere, c'est-à-dire à la fois de « regarder à l'intérieur » ou « à travers » les symbola proposés, mais aussi de les « comprendre », avoue qu'il n'a pas la faculté qui caractérisait Lyncée et qui permettait précisément au héros grec de percer une enveloppe

hermétique

ou opaque

pour accéder à un

contenu caché. C'est là le vocabulaire topique de l'allégorie ou du symbole qui dissimule comme un voile ou une écorce et appelle un labor herméneutique?!' que l'embléme suivant mettra en valeur dés le motto de la gravure :

uictoria ex labore honesta et utilis. Le motif de l'homme aux yeux chassieux (lippus) et du collyre dont il faut les baigner permet à Bocchi, qui propose pour le titre une référence d'Horace (Epist., 1, 1, 41-42), de basculer vers une autre référence horatienne, la Satire 1, s. De plus, l'Építre et la Satire d'Horace ont en commun la

thématique du voyage riche en rebondissements, voyage qu'Horace fit de Rome à Brundisi dans le cas de la Satire, voyage du marchand qui va jusqu'aux Indes et sert de métaphore à l'inconstance humaine dans l'Épitre

(v. 45-46).

-Yv.6:

- tribus Anticyris] Anticyre est le nom donnée à trois villes grecques, l'une en Phocide, appelée aussi Cyparissus, située sur le golfe de Corinthe (cf. STRAB., 9, 3, 3; PAVS., 10, 36, 5-7) ; la seconde en Locride (Liv., 26, 26 ; STRAB., 9, 3, 3), également sur le golfe de Corinthe ; la troisiéme en Thessalie, non loin du Mont CEta et du golfe maliaque, sur le fleuve Sperchios (HDT., 7, 198, STRAB., 9, 3, 3). Elles étaient toutes les trois fameuses pour leur

ellébore, une plante qui avait la réputation de soigner la folie, en particulier la mélancolie (cf. par ex. PLIN., Nat., 22, 133). Plusieurs témoignages confirment son absorption préventive, en particulier par des philosophes soucieux d'aiguiser leur acuité intellectuelle (cf. par exemple, GELL., 17, 17, 1, à propos de Carnéade s'apprétant à réfuter Zénon, ou PETRON., 88, 4, à propos de Chrysippe). Par métonymie, les Anticyres ont fini par désigner l'ellébore lui-méme. Les trois Anticyres mentionnées par Horace dans son Art poétique (v. 300), vers dont s'inspire trés fortement Bocchi pour ses vers 6-7, signifient donc un remede puissant qui provient des meilleures origines conjuguées et se voit prescrit en cas de folie incurable, comme le signale Érasme dans son adage « Nauiget Anticyras » (1, 8, 52). Le contexte de cette citation horatienne utilisée par Bocchi a trait à la folie et à sa relation avec la production poétique : dans ce passage, Horace entend équilibrer, par la raison et le travail de la lime, la tendance « démocritéenne » à faire de la composition poétique un pur phénoméne de furor, c'est-à-dire une forme de folie inspirée par les dieux. Cette noble conception, toujours selon Horace, a été dévoyée par des poétes médiocres qui imaginent qu'en négligeant leur aspect et en se laissant pousser barbe et ongles, ils passeront pour des génies. On remarquera que l'allusion aux cheveux mal coupés permet effectivement de rapprocher ce passage de l'Art Poétique avec un autre passage de l'Épitre 1 d'Horace (v. 94-95 : Si curatus inaequali tonsore capillos/ Occurri, rides), qui traite également de folie (v. 101 : insanire). C'est à nouveau le motif de la folie qui permet également de rassembler les deux textes : folie inspirée pour l'Art poétique, folie liée au déréglement des passions et à l'inconstance humaine dans l' Építre. - irrides] Sans doute suggéré à Bocchi par la répétition de ride (v. 91) ou rides (v. 95, 97) de l'Épitre 1 d'Horace.

-v. 8: uinclis...

plus sage (credere meliori), puis en ellébore puissant (tribus Anticyris). Bocchi, par un subtil travail intertextuel,

renvoie à une source qui lui est chére et qui permet d'éclairer ses intentions : il s'agit de la premiere épitre d'Horace. Bocchi emprunte d'ailleurs à ce texte antique nombre de citations pour d'autres emblémes, par exemple l'évocation du gladiateur Véianus (Symb. 133, cf. HOR., Epist., 1, 1, 4-6), celle du cheval vieillissant

d'Ennius (Symb. 73, c£. HOR., Epist., 1, 1, 8-9), celle du peuple monstre polycéphale que la Fortune remet à Alexandre (Symb. 66, cf. HOR., Epist, 1, 1, 76) ou celle du roi et du mur d'airain qui constituent des devises reproduites sur la facade du Palazzo Bocchi (voir nos analyses du Symb. 102 ; cf. HOR., Epist., 1, 1, 59-61). Dans

cette épitre, Horace explique vertueuse. Il reprend ensuite n'est pas Lyncée, on soigne renom, on prend soin de son

?' Voir notre analyse du symbolum symbolorum.

à Mécéne qu'il veut changer radicalement son mode d'existence et mener une vie la comparaison topique entre maladies du corps et maladies de l'àme. Méme si l'on ses yeux pour leur éviter d'étre chassieux ; méme si l'on n'est pas un athléte de corps pour le préserver de la goutte. De méme, il existe des traitements pour l'àme

malade de l'envie, de l'avarice, de la paresse ou de la débauche. Dans ce cas-là, les remédes sont constitués par les mots (HOR,, Epist., 1, 1, 34-35 : Sunt uerba et uoces quibus hunc lenire dolorem/ Possis) et les livres, dont on

s'imprégne comme de formules rituelles (ibid. 36-37 : sunt certa piacula quae te/ Ter pure lecto poterunt recreare libello). Le texte bocchien se conclut de maniere plus ferme. Si le malade refuse la cure, il devient alors non plus seulement stultus mais ferus (voir note au v. 8) quittant le monde civilisé. Il faut lui substituer un traitement plus énergique et plus coercitif, qui n'est plus du ressort du livre : la captivité et les chátiments corporels, comme le fou ou la béte rétive.

Symbole des symboles LA VICTOIRE QUI NAÎT DU TRAVAIL EST VALEUREUSE ET UTILE *

AU LECTEUR PASSIONNÉ ET DISTINGUÉ, LE SYMBOLE DES SYMBOLES

et baculo] Sur ces deux objets qui chátient le fou, voir Symb. 69, qui identifie le sauvage et

l'aliéné. Le rapprochement entre feritas et stultitia comme désordre passionnel est explicitement souligné dans

26

l'esprit qui les examinent, sans que le reméde soit désagréable (non pigebit ; ne paenitat). Le texte-médicament joue en permanence de l'ambiguité entre vision et intellection, permise par le double sens d'inspicere, « regarder à l'intérieur », mais aussi « comprendre ». On passe ainsi imperceptiblement des maladies de la vision (yeux chassieux : lippus, affectis oculis ; cécité : caecus) à la folie (stultitia) qui altére la compréhension et se manifeste par un rire, inconscient de la gravité du mal (irrides). Pour ces trois maux, le texte (et son auteur, qui endosse dés à présent le róle socratique qu'il assumera pleinement dans le Symb. 3) se mue successivement en collyre (collyra), en guide pour aveugle qu'il faut apprendre à écouter (audire) et à suivre parce qu'il voit mieux ou est

5

Ce qu'est le symbole ? Ne pose Plus la question : je vais tenter De résumer au mieux pour toi. Oui, le symbole est bien un signe, Tels les étendards militaires. Il est aussi cotisation, Et met en commun plusieurs parts.

27

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

10

De là provient son sens d'écot Chez Térence, fameux poéte ;

Auxquels ne doivent accéder

L'Arpinate évoque une marque,

Del'éclatante pureté, Qui, loin de l'esprit de la foule

Mais pour les Grecs, en général, C'est un anneau à cacheter, Puis un présage et des insignes. 15

C'est aussi par ce mot précis Que l'on appelle les tesséres Que des cités publiquement Offrent à certains citoyens Pour convenir qu'on les accueille Dans les villes confédérées,

20

Tels des hótes et des amis. Nous pouvons nommer de ce terme Les tesséres de conversion,

Sorte d'accords pour quel'on change En tous endroits de la monnaie 25

30

Étrangére, que le vulgaire

Dénomme aussi lettres de change. Pour Pollux, c'est une piécette. Le trés illustre Stagyrite Des mots y voit les étymons, Quintilien, l'étymologie. Les mystéres longtemps secrets

Des Anciens avaient leurs symboles : Par exemple, une année fertile 35

Avait pour signe le pavot. On classe, dans le méme genre,

Les symboles de Pythagore,

Les allégories et énigmes, Comme les Emblémes d' Alciat ;

Nommés aussi synthémata,

40

Ce sont mystérieux énoncés

Qui recélent ces trés utiles Et admirables instructions

Touchant à la vie et aux moeurs,

45

Offerts sans voile aux sages mais Inconnus pour les ignorants.

Et ne va pas, trés cher Lecteur,

T'imaginer que ces lecons, Livrées par Dieu et en figures,

Ont été sans raison transmises,

So

Ni que, dans le sens qu'elles montrent, Elles seront d'emblée comprises ; Ce sont là les mystérieux voiles D'une science sans erreur, Et tenue secréte, afin que

53

28

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Méchants et dépravés ne souillent Point les objets saints et sacrés,

Que gens de bien et serviteurs

60

Confuse, savent, peuvent, veulent

Chasser et bannir les pensées Profanes de toute nature.

MÉTRIQUE Dimétres iambiques. Dans son étude sur la métrique de Pietro Crinito (« Le choix des métres dans les Poemata

de Pietro Crinito », Bibliothéque d'Humanisme et Renaissance, 67, 1, 2005, P. 7-26, ici p. 10), Jean-Louis Charlet

analyse les modéles antiques qu'implique quasi obligatoirement l'utilisation de ce métre si spécifique : « Chez Horace, le dimétre iambique n'apparait que comme second vers d'un distique. Mais, à partir de Sénéque le Tragique (Ag., 759-774), on le trouve en stiques chez quelques petits poétes des II° et III° siécles, puis chez Ausone ; et Ambroise, suivi par Prudence, a imposé une forme lyrique qui dominera l'hymnodie médiévale et se prolongera au-delà de l'époque humaniste: la stance de quatre dimétres iambiques ». J.-L. Charlet note également (p. 13-14) l'importance d'une composition dans ce métre d'un ami d'Aulu-Gelle à partir d'une épigramme attribuée à Platon (GELL., 19, 11, 1-4 : Dum semiulco sauio/ Meum puellum sauior...) et ajoute qu'à la

Renaissance, aprés l'Ode in puellam de Politien, « Marulle use aussi du dimétre iambique dans certaines de ses épigrammes (3, 5 et 4, 28) ». Enfin, il constate (p. 15) que, chez Crinito, ce métre répond avant tout à une

grande diversité d'inspiration, qu'elle soit «louange (1, 7), méditation morale (1, 3) ou préoccupation éducative (2, 26), épigramme (1, 19 et 2, 32), poétique (2, 22 avec connotations érotiques ; 24) ». Or c'est précisément à cause de la liberté d'inspiration qu'il offre que Bocchi a utilisé ce métre xaxà otíyov, trouvant là un support qui lui permet de méler harmonieusement plusieurs préoccupations complémentaires. La premiére est sans doute didactique et Pietro Crinito avant lui, dans son poéme 1, 16 (Ad Nouatum de instruendis adolescentibus in re militari), avait utilisé ce métre pour évoquer l'éducation militaire, ce qui ne nous éloigne guère des signa militaria ou des insignia évoqués par Bocchi dans les premieres lignes de son poéme. Relater les sens du mot symbolum, y compris dans ses aspects les plus matériels ou les plus ardus, pourrait faire craindre que le propos ne sombre rapidement dans une fastidieuse énumération de définitions. Or, par une briéveté extréme et quasi programmatique (cf. v. 2 : breuissime ut potest), le dimétre iambique instaure un rythme vif et plein d'allant où les termes définitoires et les noms propres s'enchainent sans répit, sans développement superfétatoire, moyen idéal et efficace de les fixer dans la mémoire sans l'encombrer. On ajoutera que cet enchainement dynamique crée une illusion de chatoiement qui n'est pas étrangére à l'esthétique de la mosaique « emblématique » oü les minuscules tesselles de pierre, en s'agengant les unes aux autres, finissent par faire apparaitre un tableau cohérent. La seconde préoccupation de Bocchi est de donner de la hauteur à cette scientia, et de célébrer, à travers ces objets qui livrent des signes, les arcanes d'une volonté divine qui se donne à lire sur un mode crypté. L'allusion finale aux mysteres, aux sacra et sancta, puise dans le dimétre iambique un peu de l'élan mystique que l'hymnodie médiévale lui a conféré et permet au poéme d'atteindre, dans sa partie finale, à

une authentique expression religieuse.

REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS — Dans un important article que nous avons abondamment cité dans notre introduction", places trés variées occupées par cet embléme-prologue selon les exemplaires : avant les sont placés avant les emblémes ; aprés la dédicace à Paul IV et le privilége de Francois 1° entre la page I et la page II. Pourtant, le descriptif des pages (series chartarum) prévoit que ? Voir M. Sicco, « Alcune osservazioni su : Achillis Bocchii Bonon. Symbolicarum Quaestionum... num. $pec., 2, 1994, p. 21-32, en particulier p. 24 et la note 4.

Maria Sicco décrit les index lorsque ceux-ci ; aprés les emblémes ; : A secundo folio illud

libri quinque. Bononiae. 1555 », Il Corsivo,

29

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1 555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

ponitur cuius initium est VICTORIA EX LABORE, « au second feuillet, vient se placer l'embléme dont le début (sans est VICTORIA EX LABORE », c'est-à-dire juste aprés le folio contenant le frontispice et l'avis au lecteur

tenir compte des piéces liminaires).

— Les deux gravures différent entre l'édition de 1555 et celle de 1574 (Fig. 1), comme cela p

'

:

vestarqus à de

nombreuses reprises. Ces remaniements sont dus à la main d' Agostino Carracci, dont ce fut EHPOSHER l'un des premiers travaux, ainsi qu'au passage d'une gravure sur bois à une gravure sur cuivre^. Dans l'édition de 1555, les contours sont effectivement plus épais, les lignes osseuses du bucrane plus imprécises que dans celle de 1574, oü l'organisation d'ensemble est toutefois exactement la méme, intégrant la presence de gs les composants symboliques initiaux. Outre la couronne, entiérement refaite, qui s'allege et s'aére ainsi que 3n cornes de l'animal qui se dotent de trois bourrelets caractéristiques à la base dans l'édition de 1574, on notera 6 a iben m petite différence dans la représentation des marteaux à deux griffes : seule la partie supérieure de la téte apparait au bout du manche dans l'édition de 1555, alors qu'on apercoit une partie de ce manche qui se prolonge et ressurgit au sommet de la téte des instruments dans l'édition de 1574. Cette présence de - pue

bois est

unique dans le recueil. La raison en est probablement le caractere trés tardif de la composition de l'image pour accompagner la rédaction d'un poéme trés tardif lui aussi par rapport à la composition du reste ins recueil (aucune référence n'est faite au texte ni à la gravure du Symbolum symbolorum du manuscrit Sloane). L'impression sur papier d'une gravure en taille-douce nécessite en effet l'usage d'une presse Spéciale, —— que la gravure sur bois peut s'imprimer sur la méme presse que les caractéres typographiques. Au moment de l'édition du recueil, on supposera donc que Bocchi, pressé par l'urgence, n'aurait pas eu le temps ni peut-étre les moyens de requérir le tirage de cette seule gravure, si elle avait été réalisée sur cuivre, alors que toutes les autres images avaient déjà été imprimées.

signalé par un astérisque (*) les sources antiques déjà repérées et indiquées par Denys Drysdall, en corrigeant quelques erreurs minimes — et inévitables — dans les références. D. Drysdall notait déjà la grande proximité entre

le texte de Budé et celui de Bocchi (ibid., p. 339-340). Nous avons constaté que Bocchi a visiblement complété

les remarques de Budé à l'aide des définitions du mot symbolum que Philippe Béroalde l'Ancien avait fournies dans son essai d'élucidation des préceptes pythagoriciens (Symbola Pythagorae a Philippo Beroaldo moraliter explicata, Bologne, 1503), traité qui vient poursuivre la lecture sur les dits des sept sages (Philippi Beroaldi libellus quo septem sapientium sententiae discutiuntur). Enfin, pour les quelques emprunts à Giovanni Battista Pio, nous avons utilisé l'édition du Plautus integer cum interpretatione Johannis Baptistae Pii, Milan, 1 500, sans pagination. - tit. : symbolum symbolorum] Ce type de génitif partitif, qu'on retrouve dans les textes bibliques (cf. saeculum saeculorum) mais que propose également la langue courante du théátre latin (cf. PLAVT., Curc., 388 : reliquiae reliquiarum) doit étre pris dans sa valeur de superlatif et de renchérissement^*, mais également dans son acception littérale : le texte effectue une collecte, un rassemblement (oóufoXov/symbolum) de tous les symboles (cvpBóAov/symbolorum), c'est-à-dire de toutes les acceptions du mot symbole, en tenant compte des différences de genre et de nombre, du probléme du passage du grec au latin, et de la longue liste des termes synonymes et équipollents. -v.$: signa militaria] Pour illustrer l'acception dans laquelle il entend le terme, Guillaume Budé renvoie à l'exemple d'Antonin chez Hérodien, qui, lors de campagnes germaniques, n'hésitait pas à partager la vie des troupes et à porter sur ses épaules de lourdes enseignes. Les signa sont les enseignes, les étendards ou les drapeaux de l'armée, en particulier ceux des manipules par opposition à l'aquila des légions (cf. CIC., Cat., 2, 13), quoique la distinction ne soit pas constante. Le terme est passé au pluriel dans toute une série d'expressions idiomatiques fondées sur la métonymie pour désigner les mouvements de l'armée, que ce soit l'engagement du combat (signa conferre, cf. CIC., Pis., 49), l'avancée (signa conuellere, cf. L1v., 3, 50, 11), la retraite (signa referre, cf. LVCAN., 2, 598), ou la bataille rangée (collatis signis, cf. CIC., Pomp., 66) C'est également une maniere

d'exprimer l'enrólement ou le service actif (ad signa conuenire, cf. CAES., Gall., 6, 1, 2, ou habere legiones sub signis,

PLANC., Fam., 10, 8, 6). - v. 6-7 : collatio... conferre] Collatio es le nom construit à partir de conferre, auquel s'est ajouté le suffixe -tio. Bocchi spécifie l'acception de collatio en insistant sur la notion de « mise en commun ». L'expression ín unum [sous-ent. locum, cf. Liv., 3, 8, 11] conferre est ici synonyme de in commune conferre. Le mot collatio désigne le paiement par plusieurs d'une contribution à l'État (cf. LiV., 4, 60, 6) ou d'une offrande à l'empereur (PuIN., Paneg., 41, 1). Elle différe du tribut dans la mesure oü, bien qu'elle soit imposée, son montant n'est pas fixe. Au niveau juridique, la collatio bonorum (DiG., 37, 6) ou dotis (DiG., 37, 7) consiste pour les fils émancipés ou pour les filles mariées à mettre en commun, sous l'autorité du préteur, tout ou partie de leurs propres biens ou de leurs dots avec les biens paternels destinés à l'héritage pour pouvoir en jouir au méme titre que les enfants restés sous patria potestas, méme si le testament s'y oppose.

Fig. 1 > Symbolum symbolorum (1574) : gravure sur cuivre réalisée par Annibale Carrache, d'apres la xylographie de Giulio Bonasone.

- v. 8 : symbolum] Bocchi, en se référant à Térence, pense ici au sens trés précis de symbolum qui désigne l'écot, c'est-à-dire la participation individuelle aux frais d'un repas collectif, et qui est bien attesté chez les écrivains

grecs, comme le montrent les exemples cités par Budé, en particulier ATHEN., Deipn., 8, 365d* : Tijv ovuBokiîjv Ti|v eic 1ó copzóctov 0zó tàv ztvótoY eiopepouéviy (cf. aussi AR., Ach., 1211 ; ALEX., 97 ou encore XEN,, Conu., 1,

NoTES N. B. Le travail d'annotation et de recherche des sources sur cet embléme a été considérablement facilité par le précieux article de Denys L. Drysdall, « Budé on * symbole, symbolon " (Text and Translation) », Emblematica, 8/2, 1994, p. 340-349, qui édite, annote et commente le texte des Commentaires de la langue grecque de Budé en se servant de l'édition de Bále de 1557, s. v. « symbolé, symbolon », col. 866, 1. 3-868, 1. 29. L'édition princeps du texte de Budé est celle de Josse Bade, Paris, 1529. Dans notre apparat critique et nos commentaires, nous avons ? C. C. Malvasia, Felsina pittrice. Vite de' pittori bolognesi, Bologna, 1841 (1678'), vol. 1, p. 68 attribue les gravures à Bonasone et les retouches à

Agostino Carracci (p. 84 et 267). Voir aussi A. Lugli, « Les Symbolicae Quaestiones di Achille Bocchi e la cultura dell'emblema in Emilia » in A. Emiliani (dir.), Le arti a Bologna et in Emilia dal 16 al 17 secolo, Atti del XXIV* Congresso Internazionale di Storia dell'Arte, Bologna, 1982, p. 87-

97, en particulier p. 93, note s.

30

16 oü le terme renvoie au repas lui-méme). Or ce sens convient plutót à cvuoAj (4) qu'à eóufoXov (10) et

donc, en latin, à symbola, ae ou symbole, és (féminin) plutót qu'à symbolum (neutre). Méme si les exemples grecs

cités par Budé (cvufoAat, evufoMiv, evupoAác) ne laissent aucun doute sur le genre féminin du substantif, le

terme lui-méme pose un probléme philologique, ne serait-ce que parce que, dans les manuscrits, la distinction entre une forme en -am ou en -um, en l'absence d'autres termes discriminants, peut s'avérer difficile. À tel point que, dans l'édition compléte des ceuvres de Plaute annotée par le maitre de Bocchi, Giovanni Battista Pio (Plautus integer, s. p.), on trouve successivement employés symbolum puis symbolam pour renvoyer au méme

sens d'écot, dans deux passages contigus du Stichus: eo condictum symbolum

ad coenam

(v. 432) et eádem

é Sur ce sens, voir A. Ernout et F. Thomas, Syntaxe latine, Paris, 1984*, p. 50.

31

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

symbolam/dabo (v. 438-439). La confusion était encore renforcée par le fait que la Vulgate emploie symbola

Prou., (neutre pluriel) avec le sens de symbola, ae : quia uacantes potibus et dantes symbola consumentur (VVLG., 23, 21). Ce probléme philologique est clairement souligné par Claude Mignault dans son Syntagma de symbolis (que nous citons dans l'édition diplomatique de F. Vuilleumier-Laurens, La raison des figures symboliques à la

uel Renaissance, Genéve, 2000, p. 378, en modifiant la ponctuation) : Tertio idem (sc. symbolum) sonat ac collatio

pecunia, qua plures in unum conferunt ad epulas et conuiuia celebranda; quo sensu plerique uiri eruditi etiam symbolum et symbolam usurpant neutro et foeminino generibus et quibusdam rationibus confirmant, Symbolam dedi, apud Terentium [7 Andr. 88-89 ], non Symbolum dedi esse legendum. Comme le remarque F. VuilleumierLaurens (ibid., p. 58-59), Politien avait traité la question dans l'article 43 (« Symbola

et asymbolus ») de sa

seconde centurie de miscellanées et proposé le premier la legon symbolam au lieu de symbolum dans l'Andrienne de Térence (v. 88-89) et dans le Phormion (v. 239).

— v. 10 : Orator Arpinas notam] Voir la note aux v. 28-31.

-v.12-14: anulum signatorium, omen et insignia correspondent à trois sens essentiels du mot signum pour

traduire le mot grec oóupoXov : le sceau ou le cachet (cf. PLAVT., Pseud., 988 ; CIC., Cat., 3, 6) ; le présage ou signe divin (c£. CIC, Diu, 1, 775.1; 118; 3; 145) et, au pluriel, les insignes d'une magistrature ou d'un

commandement (cf. les insignes prétoriens chez CAES., Ciu., 1, 24, 3), équivalent du terme grec zapáoryov (PLvrT., Ant., 33).

- v. 12: anulum signatorium] Le terme symbolus peut désigner un anneau portant un sceau, comme le rappelle Pline, et qui permet d'identifier une personne mandatée par une autre pour venir retirer de sa part de l'argent

placé en dépót. Le fonctionnement est expliqué chez PLAVT., Bacch., 327-330 : NI. - Quid opust anulo?/ CH. —

Quia id signumst cum Theotimo, qui cum illi adferet,/ Ei aurum ut reddat. Le terme symbolus désigne également l'impression laissée par l'anneau dans la cire. Cette image en impression sert de signe de reconnaissance pour identifier l'envoyé de l'acheteur venu prendre livraison de l'objet de la vente : cf. PLAVT., Pseud., 55-58 (symbolus est ici au masculin) : ea causa miles hic reliquit symbolum, expressam in cera ex anulo suam imaginem,/ ut qui huc adferret eius similem symbolum,/cum eo simul me mitteret ; cf. ibid., 648-651 ; 717-7197. On retrouve ici l'un des

sens originels de cóufoAov, qui désigne au départ un objet coupé en deux contractantes recoit une moitié, pour sceller un accord ou une entente. Le fait que (cvuBáXu) permettent de reconstituer l'objet initial, sert à identifier les porteurs et garantit l'authenticité du lien engagé. Budé, dans le passage des Commentarii

et dont chacune des parties les deux fragments rassemblés munis d'une des deux piéces, sur le mot symbole, (éd. cit.,

p. 343, L 14-15), rappelle d'ailleurs que le mot vaut aussi pour dire « coupure » (ou « section ») : ZóufoAov

àvtì rob tufjua. Il se référe ensuite au fameux passage du Banquet de Platon (191d) oü Aristophane, pour expliquer l'amour qui unit l'homme et la femme, raconte le mythe de l'androgyne coupé en deux et dont les parties séparées cherchent désespérément leur « conjoint » : Zrxei 87] àeì tò éavro Exaotog o$uBoAov. Chacun est donc un àvOpomov obyufoXov, « une partie complémentaire d'étre humain ». — V. 13 : dans son sens de présage (omen ; portentum), le neutre 1ó oóufoAov rencontre le masculin è oóufoXoc (sc. olwvés ; cf. PIND., Ol. 12, 7 et schol. ; ARCHIL., 44; AESCH., Prom., 487 ; Ag. 144), qui signifie également augure ou auspice (cf. PLvT., Per., 6 ; XEN., Mem., 1, 1, 3 ; Ap. 13, AESCH., Suppl., 502). Voir également Béroalde,

Symbola Pythagorae, éd. citée : Symbolum quoque graece dicitur augurium atque uaticinium, hoc est, ut graecis uocabulis utar, oiovioyóc kal uavreía.

prise devant Zeus hospitalis, était à généralement en deux. Ce geste ne

xenios ou Jupiter hospitalis. Cet objet, connu plus tard sous le nom générique latin de tessera l'origine un osselet qu'on se partageait (cf. Scholia in Euripidis Medea, 613)'*. Ensuite, bronze, en bois ou en pierre, il a pu étre une tablette couverte d'inscriptions qu'on brise en rend possible la lecture du message que lorsque les deux piéces sont rassemblées, mais il peut

aussi prendre la forme d'un animal (bélier, poisson, taureau ou lionceau), à caractere rituel ou magique. Enfin, il peut encore représenter deux mains jointes (c£. XEN., An., 2, 4, 1 ; 4g. 3, 15 TAC., Hist., 1, 545 2, 8). Les porteurs

puis leurs héritiers peuvent ainsi étre reconnus sans difficulté et bénéficier des avantages prévus par les accords de part et d'autre : protection des personnes et de leurs biens ; droit de se présenter devant les tribunaux sans proxéne ni patron ; droit de posséder des terres et des maisons ; droit de se présenter au culte public. Une inscription grecque (IG*, 141, 19) offre ainsi l'exemple d'un accord de philia établi à l'époque de Démosthéne entre les Athéniens et Straton, roi de Sidon, et qui prévoit pour la boulé de faire fabriquer des symbola permettant

aux agents de Sidon de reconnaitre les émissaires athéniens, et aux Athéniens, les délégués sidoniens. L'exemple de la coupe d'or, emprunté par Budé au discours de Lysias Sur les biens d'Aristophane (19, 25), décrit l'origine du prét sur gage (ou lettre de crédit) et annonce de maniére cohérente les lettres de change ou de banque dont il sera question un peu plus loin. Il semblerait toutefois que cet exemple, qui décrit les accords entre le Grand Roi et un particulier athénien, reléve plutót de l'usage privé de la tessera hospitalis, qu'on connait bien gráce à Plaute (cf. PLAVT., Poen., 958 : Ad eum hospitalem hanc tesseram mecum fero ; ibid., HA. Si itast, tesseram/ Conferre si uis

hospitalem, eccam attuli ; ibid., 1052 : Haec mihi hospitalis tessera cum illo fuit). Dans le passage de Lysias, un certain Démos, qui a besoin d'argent pour payer sa triérarchie à Chypre, veut emprunter à Aristophane seize mines et lui propose comme dépót de garantie une coupe d'or qu'il a reque du Grand Roi. Arrivé à Chypre, Démos récupérera la coupe en remboursant à Aristophane les seize mines, plus quatre mines d'intéréts, dans la mesure oü, gráce à la coupe, qui fonctionne aussi comme une sorte de passeport prestigieux auprés des agents

financiers du roi de Perse, Démos pourra faire des bénéfices dans toute l'Asie. Dans une étude qui reste passionnante, Émile Egger interpréte comme suit le sens du mot : « Que pouvait étre ce symbolon, ou signe de reconnaissance, sinon une piéce qui accréditait l'armateur athénien auprés des agents du Grand Roi, et surtout

aupres de ses officiers des finances" ? ». Dans une trés belle étude sur les pratiques pré-monétaires, Louis Gernet étudie l'aura mythique qui entoure certains agalmata, ces objets précieux qu'on offre comme récompenses agonistiques (les athla) ou comme dons aux dieux, et explique que la valeur, à l'origine rituelle, passe progressivement à une dimension plus quantifiable, d'ordre économique, dans le cadre du mercantilisme contractuel?. Comme antécédent historique à la coupe dont parle Lysias, il suggére l'exemple d'une coupe que l'un des amis du Grand

Roi Crésus avait offerte à Thalés, destinée « au plus sage des Grecs », anecdote

rapportée par Eudoxe de Cnide et Évanthe de Milet (dans D. L., 6, 29). On rapprochera la coupe de Lysias de l'objet qui permettait d'identifier la ou les personnes représentant le déposant ou ses héritiers, venues pour récupérer les sommes que le défunt avait pu confier en dépót à la garde d'un temple. Il s'agissait généralement de la chevaliére du propriétaire". Ce sens de signe conventionnel qui permet de reconnaitre l'une des parties contractantes d'un traité ou d'un pacte, souvent commercial ou financier, est confirmé et élargi par le GreekEnglish Lexicon de Henri George Lidell et Robert Scott (Oxford, 1940, s. v. « cóupoAXov ») qui donne du terme la

définition générale suivante : « any token serving as proof of identity ». Il peut s'agir de n'importe quel type d'objet : un sceau ou un en-téte sur une lettre, comme celle que Panthée envoie à son époux Abradatas (XEN.,

qui

Cyr., 6, 1, 46) ; la corbeille et les langes qui doivent permettre à Ion et à sa mére Créüse de se retrouver (EVR., Ion, 1386) ; les signes secrets convenus entre Héléne et Ménélas pour se reconnaitre et connus d'eux seuls

juridiques ou commerciaux (cf. ARIST., Pol., 1280a 39 ; Ath., 59, 6 ; AND., 4, 18), mais bien l'objet symbolique

coupé en deux dont chacune des parties contractantes recoit un morceau pour sceller la convention d'hospitalité

° Sur ce point, voir R. Etienne, P. Le Roux, A. Tranoy, « La tessera hospitalis, instrument de sociabilité et de romanisation dans la péninsule Ibérique », dans F. Thélamon (dir.), Sociabilité pouvoir et société, Rouen, 1987, p. 324-325. ‘7 E. Egger, « Note sur la question si les Grecs ont connu la lettre de change », Mémoires d'histoire ancienne et de philologie, Paris, 1863, p. 130-

^5 Sur tous ces aspects, voirJ. Andreau, « Banque grecque et banque romaine dans le théátre de Plaute et Térence », Mélanges d'archéologie et

55 L, Gernet, « La notion mythique de la valeur en Gréce », Journal de psychologie normale et pathologique, 41, 1948, p. 415-462, republié dans Anthropologie de la Gréce antique, Paris, 1968, p. 93-138, en particulier p. 99-103.

-v.14-20:

tesserae...

hospitaliter]

Il a existé,

en

Gréce

comme

à Rome,

des

contrats

entre

cités

garantissaient de maniére publique ce que la proxénie ou l'hospitium priuatum assurait de maniere privée. Le cóufoXov ne désigne pas ici le traité officiel lui-méme que signent deux cités pour garantir la sécurité mutuelle des citoyens se rendant dans l'une, l'autre ou des cités tierces, ainsi que le réglement à l'amiable des différends

d'histoire, 8o, 1968, p. 461-526, en particulier p. 509-510.

32

134, en particulier p. 133.

? Voir sur ce sujet R. Bogaert, Banques et banquiers dans les cités grecques, Leyde, 1968, p. 287-288.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi

(1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

(Ev&., Hel., 291) ; la cicatrice au-dessus du sourcil qui permet à Electre de reconnaitre son frére Oreste (EvR.,,

El., 577). De fait, la coupe de Lysias est bien au départ un « souvenir » ou un « gage d'amitié » fonctionnant comme un signe de reconnaissance qui permet de faire valoir ses droits et dont il est possible, in fine, de faire un usage financier. Henri Henne voit dans le terme symbolon à la fois un synonyme de diagraphe (réunion), dans un méme

écrit, « d'un ordre de paiement et d'un bordereau justificatif », mais, plus généralement, un contrat

unilatéral par lequel un émetteur effectue une reconnaissance de droits envers son porteur". — v. 21-26 : tesseras collybisticas... litterae cambii] le terme de collybisticus, décalqué du grec koJvfiovxóc et probablement dérivé de koJwfiortjc ( « changeur, banquier » ), n'a pas de source antique, comme le confirme le Thesaurus linguae Graecae d' Henri Estienne (s. v. x6MuBosg), qui se référe d'ailleurs au texte de Budé. Raymond de Roover donne une définition trés précise des litterae cambii, en précisant qu'il n'y a pas, au XVI^ s., de changement majeur par rapport au fonctionnement médiéval : « La lettre de change était réellement une lettre " de change ", ou en d'autres termes, une cédule qui servait à constater et exécuter le contrat de change. Ce dernier peut se définir comme une convention par laquelle le “ donneur ” ou datore fournissait une somme d'argent au * preneur" ou prenditore, et recevait en échange un engagement payable à terme (opération de crédit), mais en un autre lieu et en une autre monnaie (opération de change). [ ... ] Il s'ensuit que la lettre de change ou, avant elle, l'instrumentum ex causa cambii, était à la fois un instrument de transfert et un instrument de crédit?! ». Dans le texte de Budé, comme dans celui de Bocchi, l'expression ad mutandam externam pecuniam

insiste, certes, sur l'idée du change, mais implique l'idée de crédit. Le procédé n'était pas inconnu dans l'Antiquité et Cicéron suggére la possibilité pour son fils de ne pas voyager de Rome vers la Gréce en transportant de l'argent, au risque de le perdre ou de se le faire dérober ; cette opération de change et de crédit est suggérée par le terme permutare (CIC., Att., 12, 24 : quaero quod illi opus erit Athenis permutarine possit an ipsi

ferendum sit). La question du change préoccupe abondamment les juristes de la premiere Renaissance en Italie, comme le suggeére la prolifération des traités sur l'usure, parmi lesquels on citera, à cause de la diffusion qu'ils ont connue, le Tractatus de usuris d'Antonio Roselli (Rome, 1488), qui enseigna le droit canon à Bologne de 1406 à 1407, etle De cambiis du cardinal Cajétan (Milan, 1499). -v. 27 : nomisma paruulum] Il s'agit de l'obole attique?. La seconde partie de la citation de Pollux (9, 71-72),

qui cite à l'appui un extrait d'Hermippe (frg. 61 Kock), évoque « la moitié d'une piéce » et, pour W. Müri, il s'agit bien d'un support pour le contrat d'hospitalité ou le contrat commercial". Pollux semble de sucroit indiquer que, pour sceller une transaction, le vendeur et l'acheteur se partagent en deux une petite piece de monnaie qui symbolise leur contrat : O yov "Epyzzoc èv uèv Qopuogópotg Aéyet « zapà vàv kazrAov Arjyoyuat 1o oóupoAov », &v èè voic Anuóatc « ol pot, ti $paow obufoAov kekapuévoc ; ». KexdpBai Eoixe có fjpucv, oce i) èx Oaxépov uóvov cexvzóoOat robro Bei 1ó vopouáciov vosioOau, f| GiuprioQat Gg Exetv 16 u£poc £xárepov, TOv xe zixpáckovra kal róv cvobuevov, &xi cvuBóAo rob róv uév vt zpocügéva, và $è £vogsüecOa,, « Hermippe déclare en effet dans les Phormophoroi : “ Je vais retirer mon symbolon auprés des boutiquiers ", et dans les Etrangers, “ Que vais-je faire, Spolié de mon symbolon** ? " La moitié de monnaie semble avoir été grattée, de sorte qu'il faut soit supposer que la piécette n'a recu d'impression que sur l'une de ses deux faces, soit comprendre que chacun des contractants en possede une partie, celui qui achéte et celui qui vend, pour prouver que l'un des deux partenaires a pris quelque bien de maniére anticipée mais reste débiteur de l'autre

partenaire ».

-v.28-31: originem... originationem] Le texte de Quintilien (1, 6, 28) résume le probléme que pose la traduction en latin du terme grec érvpoAoyía, en reprenant les hypothéses données par Cicéron dans les Topiques 35, elles-mémes in$pirées par Aristote (voir apparat des sources). Cicéron pose l'équivalence notatio / &vyoXoyia/ ueriloquium : Multa enim ex notatione sumuntur. Ea est autem quum ex ui nominis argumentum elicitur ; quam Graeci &oyoXoyía uocant, id est, uerbum ex uerbo, ueriloquium. Nos autem nouitatem uerbi non satis

apti fugientes genus hoc notationem appellamus, quia sunt uerba rerum notae. Itaque hoc idem Aristoteles cóufoAov appellat, quod latine est nota. L'étymologie, selon Cicéron, est une explication concernant l'origine de la formation des mots (cf. Ac., 1, 32 : Verborum etiam explicatio probabatur, idest qua de causa quaeque essent ita

nominata, quam etymologiam appellabant ; cf. également CASSIOD., Inst. diu., 1 : Etymologia est aut uera, aut uerisimilis demonstratio, declarans ex qua origine verba descendant), Comme le rappelle P. Chantraine, le mot grec &ropog est un doublet de éx£oc « vrai, authentique, véritable »?*. Il n'apparait comme nom (1ó Érvpuov) qu'à l'époque hellénistique, en particulier avec Aristote, et désigne « l'élément véritable, authentique d'un mot », élément que l' « étymologie » se charge précisément de retrouver. D'oü la traduction littérale (uerbum ex uerbo) que propose Cicéron dans les Topiques (ueriloquium), avant de la réfuter immédiatement pour sa nouveauté et son manque de précision (nouitatem uerbi non satis apti). Tl lui préfére le terme notatio, dérivé de nota. En suivant

le procédé, il serait possible, à cóté d'etymologia, de créer un mot symbologia. Chez Aristote, le mot est un symbole, dans la mesure où il renvoie à autre chose qu'à lui-méme, à une partie manquante dont il est, suite à un pacte, un signe (sémeion) : « Nous usons des mots comme symboles à la place des choses ». Mais cette relation n'est pas directe puisque les mots renvoient d'abord aux états d'áme ou affections, qui eux-mémes sont des

répliques ou des images des choses (voir De Interpretatione, 16a)*°. Le composé originatio, à cóté d'origo dont il est un dérivé, permet le parallélisme avec notatio. — v. 31-32 : Fuere symbola... mysteriis] Le symbolon grec est effectivement un code secret, à l'instar des codes militaires inventés par les soldats pour ne pas étre compris de leurs ennemis, comme le rappelle Béroalde (Symbola Pythagorae) : Quae tamen symbola ex praecepto disciplinae militaris quotidie uariari debent, ne ex usu hostes signum agnoscant, et exploratores inter nostros uersentur impune. Les symbola, mots codés connus seulement des initiés, ont également cours dans les cultes à mystéres, comme le rappelle Plutarque, à propos du culte orgiastique de Dionysos (Consol. ad uxor., 61 1d), et Orphée (fr. 23 Diels-Kranz). Il s'agit soit de mots de passe, de commandements rituels et magiques (CLEM. ALEX., Protr., 21, 2; ARNOB., Nat., 5, 267") soit de jetons

de la d'entrée (cf. AR,, Plut., 278; Au., 1214). La forme allégorico-symbolique récupére ici une vieille idée

rhétorique qui, en ajoutant des voiles et du mystére autour de l'óxovoobytvov, ajoute au sentiment du sacré, et ressemble « aux ténébres et à la nuit » (cf. DEMETR., Eloc., 101 : Atò xal tà gvocijpia èv &uryopíiatc Aéyerat zrpóc C'est ÉznÉw xal opíkrv, donep èv oxóro xal. voxri. "Eotkev $è xal fj dMAnyopia t9 oxóro xai 1j] voxri, « les pourquoi les mystéres s'énoncent dans des allégories, pour frapper de terreur et faire trembler, comme dans

ténébres et la nuit. L'allégorie aussi ressemble aux ténébres et à la nuit »). Pythagorae -v. 33-35 : papauer fertilem/ Signabat annum] L. G. Gyraldi, dans la préface de son Philosophi seconde partie de ses Symbolorum interpretatio (nous avons consulté l'édition de Leyde, 1691, t. 2, p. 641), collection d'énigmes Libelli duo publiés chez Oporinus à Bále en 1551, dont la premiére comprenait une

et de la antiques, rappelle que papauer fertilitatis et urbis symbolum fuit, « le pavot était un symbole de fertilité Theol., ville ». À ce propos, A. B. Cook note qu'il faut sans doute lire orbis à la place d’urbis, à cause de Cornutus, des Mystéres d'Éleusis, car 28?* (p. 56,1. 8-13 Lang), qui explique que le pavot est attribué à Déméter, la déesse

mime les cavités et la plante imite extérieurement la forme sphérique de la Terre, avec une surface irréguliére qui ? H. Henne, x Sur le sens du mot diagraphein et symbolon dans P C. Z. $9814 », Annuaire de l'Institut de Philologie et d'Histoire orientales et slaves, 13 (Mélanges Isidore Lévy), Bruxelles, 1955, p. 173-177. Voir également W. Müri, EY MBOAON. Wort und Sachgeschichtliche Studien Beilàge zum Jahresbericht über das Stádtische Gymnásium in Bern, 1931, P. 1-8. ?! R. de Roover, L'évolution de la lettre de change, 14*-18' siécles, Paris, 1953, p. 43. ? C£. W. Müri, ZYMBOAON,

P. 4

33 [bid. * Selon Müri (ibid.), il faut imaginer un homme privé de sa solde ou de sa reconnaissance de dette. Pour ce sens second de xgipo

« raser » en signe de deuil) voir HERMIPPE, frg. 14 Kock.

»

1999 (1968'), s.v. &xéoc, p. 381. 35 p, Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris,

Dherbey, Les choses mémes: la pensée du réel chez % Voir sur ce point T. Todorov, Théories du symbole, Paris, 1977, p. 14-15 ; G. Romeyer-

Aristote, Paris, 1983, p. 138.

vers 39, pour la trad. frangaise, p. 90 et 149, note 21. Voir infra, note au 37 Voir W. Burkert, Les cultes à mystéres dans l'Antiquité, Paris, 2003

(à l'origine :

ae

entrée synthémata.

Cambridge University Press, 1922, vol. 2.2, p. 1165. 38 A. B. Cook, Zeus : a Study in Ancient Religion, Cambridge,

Traduction, annotation, commentaire

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

et les protubérances des montagnes, tandis que sa structure intérieure chargée de graines ressemble aux grottes cavernes, à l'instar de la Terre.

- v. 36:

Pythagorica

symbola)

Avec

s'était écarté du symbole comme

l'évocation

de l'étymologie

et de la sémiotique

aristotélicienne,

Bocchi

objet pour renvoyer à la notion d'énoncé. Les symboles pythagoriciens,

qualifiés aussi d'énigmes ou d'akousmata, ont à voir eux aussi avec un mode

particulier d'énonciation, requis

précisément dans les cérémonies à mystéres dont il vient d'étre question**. Ils désignent des formules à double sens inventées par Pythagore à l'intention de ses disciples, destinées à cacher un énoncé philosophique aux oreilles des profanes tout en révélant à mots couverts une doctrine aux initiés, essentiellement des prescriptions religieuses. En ce sens, la définition des cvvOrjuaxa par Bocchi aux v. 39-45 s'applique exactement aux symboles pythagoriciens, à la fois projet de vie et initiation morale (documenta uitae atque morum), mais recouverts d'un voile d'obscurité linguistique qui éloigne les néophytes et les fous (imprudentibus). Mais ils ne détournent pas les initiés et les gens raisonnables (sanis). La formulation ambivalente servait, comme le veut le terme symbole, de

preuve d'identité pour les disciples, les akousmatiques, qui se réclamaient ainsi d'une secte bien précise, réunie autour de la personnalité charismatique de leur maitre". Des listes trés variables de ces énoncés sont proposées,

outre chez Diogene Laérce (8, 17, 18) et Jéróme (In Ruf., 3, 39), dans la Vita Pythagorae (227) et le Protrepticus

(chap. 21) de Jamblique, qui s'appuie sur un traité d'Aristote perdu (Sur les Pythagoriciens). Plutarque (Quaest.

conu., 727b-73of)

et Clément

d'Alexandrie

(Strom.,

s, 5) ont tenté d'en donner

une

interprétation. À la

Renaissance, ces formules ont stimulé la curiosité des humanistes, en particulier Érasme qui en insére quelques-

unes dans le premier de ses Adages à partir de 1508 (Amicorum communia omnia) et, à Bologne, Philippe Béroalde*', sans mentionner Gyraldi, lui aussi lié à Bocchi. Bocchi lui-méme fait allusion à des symboles

pythagoriciens, par exemple « ne pas s'asseoir sur la chénice » (Symb. 26) ou « s'asseoir avant d'adorer » (Symb. 76).

— Livre I

de Chrysippe à propos de la naissance d'Athéna hors de la téte de Zeus*. Dans notre embléme, la présence des symboles pythagoriciens un peu plus haut, et des emblémes d'Alciat un peu plus bas, indique qu'il s'agit ici d'allégorie « au sens fort », pour reprendre la distinction d'A. A. Long, c'est-à-dire la production d'énoncés oü sont volontairement dissimulées des significations philosophiques, méme si celles-ci ne se dévoilent pas

immédiatement mais au terme d'une démarche interprétative, assumée par le texte lui-méme ou laissée à la

sagacité du lecteur. Que Bocchi évoque allégories et énigmes aprés l'évocation des cérémonies à mystéres et des symboles pythagoriciens, mots de passe pour une doctrine secréte, n'e$t pas incongru : F. Buffiere constatait la parenté qui existe généralement entre l'exégése allégorique des mythes et le vocabulaire religieux, en particulier chez Jamblique et Porphyre*. Le mot aiviypa, en contexte platonicien, peut renvoyer parfois aux cérémonies à mystéres?, et on constatera que la philosophie grecque utilise en général métaphoriquement le langage des mystères pour assimiler la progression dialectique ou philosophique à l'initiation religieuse (cf. PL., Symp., 209e210e??). Un texte de Thémistius assimile en effet l'obscurité qui protége le texte philosophique au voile qui dissimule l'idole du dieu?'. Les symboles de Pythagore appartiennent à la fois à l'énigne comme mode d'expression et aux cérémonies à mystéres dans la mesure oü leur contenu est tenu secret et oü sa clarification s'apparente à une révélation épiphanique*. À la Renaissance, l'équivalence entre symboles, allégories et énigmes passe par l'assimilation entre le poeta, le philosophus et le theologus : les trois termes s'emploient indifféremment pour désigner à la fois le langage sacré de l'enseignement philosophique (de Platon ou de Pythagore), le vocabulaire religieux utilisé dans les cérémonies à mystéres et la poésie allégorique. C'est sans doute auprés de Marsile Ficin, adepte du néoplatonisme, que Bocchi peut trouver confirmation de cette association entre : mystéres religieux et philosophie, en particulier le Proemium au Commentarium in Parmenidem Platonis?

suam Pythagorae Socratisque et Platonis mos erat, ubique diuina mysteria figuris inuolucrisque obtegere, sapientiam et Socrate contra Sophistarum iactantiam modeste dissimulare, iocari serio et studiosissime ludere, « Pythagore,

dit une chose mais en sous-entend une autre (De orat., 3, 41, 166 ; Or., 94), définition que reprend Quintilien, en utilisant le terme inuersio mais en conservant l'idée de narration (8, 6, 44)*. L'énigme est une allégorie obscure, par sa forme et son contenu (QVINT., Inst., 8, 6, 52; TRYPH., Peri Tropón, 3, 193, 17-19 Spengel). En réalité,

Platon avaient pour coutume de toujours recouvrir les divins mystéres par des figures et des voiles, de dissimuler avec humblement leur sagesse, à l'opposé de la jactance des sophistes, de plaisanter sérieusement et de s'amuser souligne beaucoup de science ». On se souviendra que l'opposition iocari serio, variante du spoudaiogeloion, qui précieux la disparité entre le caractére étrange voire comique de la lettre des énoncés symboliques et le caractére méme de son mais dissimulé du contenu philosophique ou théologique, a été retenue par Bocchi dans le titre de Socrate usant ouvrage emblématique ([Symbolicarum Quaestionum] ... quas serio ludebat), tandis que l'image progressivement de la figure de l'ironie ou de la méthode de l' inductio pour ne pas rebuter son public et l'amener Aprés Ficin, à la vérité figure en bonne place dans le troisiéme Symbolum, lui aussi programmatique.

378d), désigne l'attitude intellectuelle qui, sous les mythes, les récits ou les ceuvres d'art, suppose l'existence

zotobvr' £ugacty, « le récit met en lumiére un autre 4+ Voir GALEN., Plac. Hipp. Plat., 3, 8, p. 226 De Lacy (SVF Il, 909) : Xov ztwóc cvyfóXov

- v. 37 : Al\nyopiai, aivéyuaxa] Dans l'Antiquité, ces deux termes se définissent, d'un point de vue rhétorique,

comme des tropes interdépendants. Cicéron définit l'allégorie comme une métaphore (tralatio) continuée qui

lorsqu'on regarde les exemples donnés par les grammairiens antiques, il est assez difficile de les distinguer de la métaphore. Du fait du contexte, il est plus probable que Bocchi entende ici les termes à\\nyopia et alviypata au sens plus vaste d'ózóvoia (« soupcon », « conjecture »). Ce terme, présent chez Platon par exemple (Rsp., 2, d'un discours ou d'une signification autre, évoquant des réalités physiques ou théologiques, des préceptes

philosophiques ou moraux?. Un texte fameux de Plutarque (De aud. poet., 4, 19e) signale le passage d'ózóvoia à

&Xyopíat avec ce sens, tandis que le grammairien Timée pose trés clairement l'équivalence entre èv aiviyp@ et èv uqyopia à comme synonymes de èv óxovoig?. Le terme aivíyuaca recouvre lui aussi l'idée d'interprétation

allégorique des mythes, comme le montre par exemple le verbe aivicoec8at chez Plutarque (De Is. et Os., 366c)

ou Philon (Opif., 154). Le terme ovuBokov, qui rassemble ici allégorie et énigme, comme le souligne Budé, renvoie effectivement chez Proclus, et plus généralement chez les néoplatoniciens, aux mythes homériques susceptibles de recevoir une exégese allégorique*. L'usage du terme en ce sens était préparé par le Peri Psychés

in the De Placitis, Books II-III, Leiden, 1996, p. 222 symbole ». Pour T. Tieleman, Galen and Chrysippus on the Soul : Argument and Refutation

note 13,le mot symbole a ici le sens fort d'allégorie intentionnelle.

ici p. 6o. ‘7 A. A. Long, « Stoics Readings of Homer » in ID., Stoic Studies, Cambridge, 1996, p. 58-84,

le vocabulaire de l'initiation et de l'expérience mystérique 48 F. Buffiére, Les mythes d'Homére et la pensée grecque, Paris, 1973, p. 53. Sur

« L'allégorie comme interprétation des mythes, appliquée à l'enseignement philosophique, et donc, à l'allégorie qui en reléve, voir L. Brisson, à la Renaissance, Paris, 2004, p. 23-39, l'Antiquité de L'allégorie dir.), ( Pérez-Jean et P. Eichel-Lojkine

de l'Antiquité à la Renaissance » dans B. Essays of Proclus! Commentary on Republic, Góttingen, 1980, en ici p. 29-32. Voir également A. D. R. Sheppard, Studies on the Fifth and Sixth 48. particulier ch. 4, « Allegory, Symbols and Mysteries », p. 146-1

Berlin/New York (de Gruyter), 1987. * C. Riedweg, Mysterienterminologie bei Platon, Philon und Klemens von Alexandria,

et de psychologie religieuses, Paris, 1936; J. Pépin, 0 Voir P.Boyancé, Le culte des Muses chez les philosophes grecs. Études d'histoire d'histoire des exégétiques dans le néoplatonisme », Mélanges « Merikóteron/epoptikóteron (Proclus, In Tim., 1, 204, 24-27) : deux attitudes

ici p. 150D. R. Sheppard, « Allegory, Symbols and Mysteries », p. 145-161, religions offerts à Henri-Charles Puech, Paris, 1975, p. 323-330 ; A.

? Sur cette connexion, voir Peter T. Struck, Birth of Symbol. Ancient Readers at the Limit of Their Texts, Princeton and Oxford, 2004, p. 105.

* Voir Peter T. Struck, Birth of Symbol, p. 102-107. * Voir le catalogue chronologique proposé par F. Vuilleumier-Laurens, La raison des figures symboliques, passim. * On exclut ici le sens d'ironie, euphémisme ou antiphrase que le terme peut prendre chez Quintilien, qui oppose l'attitude affichée dans le discours et les intentions réelles de la pensée. 5 Sur cette définition, voir Jean Pépin, Mythe et allégorie. Les origines grecques et les contestations judéo-chrétiennes, Paris, 1958, p. 85. ** TIMAEVS, Glossarium Platonicum, p. 404 Hermann, cité parJ. Pépin, Mythe et allégorie, p. 88. *5 Voir J. Dillon, « Image, Symbol and Analogy: Three Basic Concepts of Neoplatonic Exegesis », in R. Baine Harris (dir.), The Significance of Neoplatonism, Norfolk, 1975,p. 247-262.

j

152. tradition dionysienne » dans Id., La tradition de l'allégorie, Orat., 20, 235ab, cité parJ. Pépin, « La théorie du symbolisme dans la rct 207. p. ici de Philon d'Alexandrie à Dante, Paris, 1987, p. 199-221, 2 Voir P. T. Struck, Birth of Symbol, p. 103-105. Paris, Proemium, in Marsilii Ficini... omium... operum tomus secundus, 3 Voir M. FICIN, In commentarium suum in Parmenidem proemium, suam sapientiam obtegere, e inuolucrisqu figuris mysteria erat ubique diuina Guillaume Pelé, 1641, p. 109 : Pythagorae, Socratisque et Platonis mos

et Platon avaient et studiosissime ludere (notre traduction) : « Pythagore, Socrate contra sophistarum iactantiam modeste dissimulare, iocari serio de la jactance

de dissimuler avec humilité leur sagesse, à la différence coutume de toujours protéger les divins mystéres de figures et de voiles,

beaucoup d'érudition ». des sophistes, de plaisanter avec sérieux, de s'amuser avec

37 36

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

l'équivalence se retrouve clairement formulée chez Gyraldi, dans ses Libelli Duo...

de 1551, dont l'un commente

les symboles pythagoriciens (voir supra), que Bocchi connait également. Pour Gyraldi, l'énigme caractérise les oracles et généralement le discours des poétes et prophétes (paiens et chrétiens) qui recoivent l'inspiration divine. Et le mythographe d'associer explicitement mystéres, philosophie, énigmes et symboles (cf. Libellus in quo aenigmata pleraque antiquorum explicantur ; édition consultée : Leyde, 1696, vol. 2, p. 614CD : Aenigma uocabulum est Graecum et obscurum inuolutumque sermonem significat, adeo ut in sacrarum etiam literarum scriptoribus pro abditis et mysticis nonnumquam accipi uideamus : quin etiam et symbola Philosophi et celebres

Un sens encore plus technique est celui de la greffe, par laquelle on insére ce qui est urbanum, cultivé, dans ce qui est siluestrum, sauvage. Le second sens, métaphorique et dérivé du premier, appartient à l'art oratoire et désigne la couleur bigarrée (uermiculatum, à l'instar d'une mosaique) que préte au discours l'insertion d'ornamenta qui amplifient la portée et la valeur des propos principaux, et les font briller et scintiller (ou au contraire rendent la ligne de parole discontinue et confuse). D'oü la définition de Miedema : An emblem is an epigram in which something specific is described in such a way as to give an additional

meaning (significet) to a pleasant, but fortuitous fact or phenomenon ; or: in such a way that what is

quidam scriptores aenigmata uocauere, ut Pythagorici, « Énigme est un mot grec qui signifie un énoncé obscur et

recouvert d'un voile, au point que chez les auteurs des lettres sacrées nous constatons que le terme est parfois entendu au sens de cérémonies secrétes et mystiques ; de surcroit, les philosophes et certains écrivains célébres ont appelé énigmes des symboles, par exemple les symboles pythagoriciens ». Dans la préface de son Philosophi Pythagorae symbolorum interpretatio, (éd. citée, vol.2, p.637E), Gyraldi reprend, pour l'appliquer à l'enseignement théorique de Platon et de Pythagore, un ancien argument rhétorique qui veut que l'allégorie (comme le symbole ou l'énigme) ennoblit le contenu qu'elle protége : Hinc in primis Pythagorici et Platonici aenigmatis symbolisque usi sunt, quia sciebant Deo naturaeque inimicam esse nudam apertamque expositionem, « De

là vient que les Pythagoriciens et les platoniciens surtout ont fait usage d'énigmes et de symboles, car ils savaient qu'une exposition qui dénude et place au grand jour nuirait à Dieu et à la Nature ». L'idée était déjà exprimée par Macrobe, pour qui « La nature déteste s'exposer sans voile et dans sa nudité [ ... ]. Ainsi, les mystéres euxmémes sont dissimulés par le cheminement souterrain des symboles, afin que, méme aux adeptes, la nature de telles réalités ne s'offre pas toute nue, mais que, si les hommes éminents, par le truchement de la sagesse, ont

seuls connaissance de la vérité secréte, les autres se contentent, pour les vénérer, de symboles qui protégent le mystere de la dépréciation?* ». -v.38:

Vt Alciati Emblemata ] Les Emblémes

d'Alciat, parus à Augsbourg

Steyner?, ont pour noyau originel une cinquantaine d'épigrammes

en février

1531

chez Heinrich

ecphrastiques grecques, traduites de

l'Anthologie de Planude? et décrivant des figures et objets (eikones) pourvus, dés l'Antiquité, d'un sens allégorique et symbolique que Alciat expose ou remanie, tout en élargissant ensuite ses sources d'inspiration

(voir la lettre à Francesco Calvo du 9 janvier 15237 oü Alciat évoque le volume des emblémes : ex historia, uel ex

rebus naturalibus). Une partie importante des traductions de l'Anthologie que propose le recueil rassemblé par Cornarius et paru en 1529?5, est due à Alciat. La lettre à Francesco Calvo justifie le titre d'emblemata attribué au libellum epigrammaton : singulis enim epigrammatibus aliquid describo, quod [... ] aliquid elegans significet, « dans chacune de mes épigrammes, je décris un objet susceptible de comporter une signification raffinée ». H. Miedema rappelle que le terme emblema désigne, dans l'Antiquité, deux réalités trés différentes?. L'une, concrete, signifie le tesson de mosaique qui sert à dessiner une figure d'ensemble, ou encore la piéce de métal ou la pierre précieuse que l'on ajoute pour décorer un vase et que l'on peut retirer à sa guise pour la placer ailleurs.

* MACROBE, Songe de Scipion, 1, 2, 17, éd./trad. M. Armisen-Marchetti, Paris, p. 8-9. 55 Sur cette édition et les probléme d'interprétation qu'elle a suscités, cf. B. Scholz, « The 1531 Augsburg Edition of Alciato's Emblemata : A Survey of Research », Emblematica, 1991, 5, p. 213-254.

% Voir la synthése d'A. Saunders, « Alciatus and the Greek Anthology », The Journal of Medieval and Renaissance Studies, 1982, 12, p. 1-18. Pour Alciat traducteur de l'Anthologie grecque, voir J.-L. Charlet, « Les épigrammes d' Alciat traduites de l' Anthologie grecque (édition Cornarius, Bále,

Bebel, 1529) dans A. Rolet, S. Rolet (dir.), André Alciat (1492-1550), un humaniste au Turnhout, 2012, p. 97-107. Voir aussi V. Woods Callahan, « Uses of the Planudean R. J. Schoeck (dir.), Acta conuentus Neo-Latini Bononiensis. Proceedings of the Fourth 26 August to 1 September 1979, Binghampton, N. Y., 1985, p. 399-412. *' Voir R. Abbondanza, « A propositio dell'epistolario dell'Alciato », Annali di storia del

confluent des savoirs dans l'Europe de la Renaissance, Anthology : Thomas More and Andrea Alciati », in International Congress of Neo Latin Studies, Bologna, diritto, 1957, p- 467-500 (ici p. 481) corrige la date du

9 janvier 1522 donnée par Luigi Barni : « La quale pertanto va con ogni probabilità datata 9 gennaio 1523 ».

55 Selecta epigrammata Graeca Latine uersa, ex septem Epigrammatum Graecorum libris, Bále, Bebel. ? H. Miedema, « The Term emblema in Alciati », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 31, 1968, p. 234-250, en particulier p. 239241. Voir également l'analyse du terme emblema et les exemples trés riches, de l'Antiquité à la Renaissance, proposés par D. Drysdall, dans « Préhistoire de l'embléme : commentaires et emplois du terme avant Alciat », Nouvelle revue du seiziéme siécle, 6, 1988, p. 29-44, qui insiste en

particulier sur le sens juridique d'emblemata, c'est-à-dire les gloses insérées dans le corpus principal.

38

described comes to indicate something else and thereby iteself acquires a pleasing moral*'.

L'idée de dire une chose mais d'en signifier une autre, tout comme l'urbanitas, qui rappelle les asteia grecs, les « bonheurs d'expression » pour reprendre la traduction de Pierre Chiron*', reléve effectivement, comme le souligne Bocchi, de la définition rhétorique de l'allégorie voire de l'énigme. L'objectif des Emblemata littéraires était cependant de permettre aux peintres, sculpteurs ou fondeurs de réaliser des emblemata bien concrets, des badges, selon l'avis méme

Conrad

d'Alciat (voir la lettre

Peutinger), c'est-à-dire des ornements

à Calvo déjà citée et la lettre-dédicace de l'édition de 1531 à

amovibles que l'on pouvait insérer (ou retirer, selon les

circonstances) sur ses vétements, ses chapeaux, sa vaisselle, dans ses livres ou sur les murs de sa demeure, etc.,

pour ajouter une idée plaisante caractérisant une « pensée secréte » du porteur. Outre la longue tradition du langage secret des élites, cautionné par les formes cryptées du discours oraculaire ou de la révélation divine, dont l'aristocratie romaine avait donné l'exemple, on reconnait dans ces phénoménes symboliques la matiére pour le corps des devises. L'embléme devient donc un genre épigrammatique qui, par métonymie, s'attache à décrire et décrypter des emblemata, des objets composites dotés d'un surcroit de sens allégorique. Ces objets peuvent étre matériels ou vivants : objets d'art, artefacts en tous genres (et surtout archéologiques), prodiges, signes naturels, animaux,

végétaux

ou

minéraux

aux

propriétés

$pécifiques

ou

remarquables,

gestes,

rituels,

coutumes

et

comportements, empruntés directement à l'expérience ou à la littérature. Ces objets peuvent également consister déjà en phénoménes linguistiques ou en formes rhétoriques ayant une dimension imagée : adages, métaphores, fables, exempla, apophtegmes, paraboles, similitudes, mots d'ordre, etc.

- v. 39 : ovvOr]uaxa] Ce terme signifie au départ « signe, signal, accord, pacte, convention » : par exemple le

signal militaire pour engager la bataille (HDT., 8, 7 ; HRD, 2, 13, 7 ; PLB., 5, 22, 2), l'insigne militaire permettant la reconnaissance sur le champ de bataille (HDT., 9, 98, XEN., Cyr., 7, 1, 10, les formules codées dans les lettres (PLB., 8, 19, 4), ou toute autre forme de signe établi suite à un accord, par ex. PL., Crat., 433e, qui l'emploie pour

désigner le caractére conventionnel des mots). Le mot oóvOrya désigne en particulier une formule religieuse, un mot de passe dans les cérémonies à mystéres, par exemple à Eleusis?. Pierre Roussel rassemble plusieurs hypothéses sur le sens de oóvOrua: réponse à la question posée par le prétre, profession de foi, formule sacramentelle chantée par un chceur avant l'époptie ou l'entrée dans le felesterion?. Son allure énigmatique le rapproche du symbole pythagoricien. Ce sens religieux et mystique se précise avec le néoplatonisme, en particulier les Oracles chaldaiques (fr. 108-109, 3 Des Places), le De Aegyptiorum Mysteriis (2, 11 [96, 17-97, 5]; 6, 6 [246, 16-247, 6]) de Jamblique, le In Alc. (103 B 2, 94 Segonds), le In Remp. (2, 242, 24-6), etle In Tim. (1, 60 H. Miedema, « The Term Emblema », p. 241. Il n'est donc pas question de gravures. La méme conclusion est proposée par C. Balavoine, « Les Emblàmes

d'Alciat:

sens et contresens » dans L'Embléme

à la Renaissance, Paris,

1982, p. 49-59. H. Miedema

n'estime pas que les

tentatives de F. Vuilleumier-Laurens et P. Laurens à partir des manuscrits des Antiquitates Mediolanenses puissent remettre en cause ces

conclusions et constituer une étape dans la genése formelle du livre. Voir sa réponse courtoise mais ferme à leur article (« De l'archéologie à

l'embléme : la genése du Liber Alciati », Revue de l'Art, 101/3, 1993, p. 86-95) dans « Alciati's Emblema Once Again », Emblematica, 7/2,1993, P. 365-367.

5! P, Chiron, « Allégorie et langue, allégorie et style, allégorie et persuasion : le témoignage des traités de rhétorique » dans B. Pérez-Jean, P. Eichel-Lojkine (dir.), L'allégorie, de l'Antiquité à la Renaissance, Paris, 2004, p. 41-73, et spécialement p. 55-57.

8 CL EM, ALEX., Protr., 2, 21, 2, Montdésert p. 76 : « Voici enfin le mot de passe des mystéres d'Éleusis : * j'ai jeüné, j'ai bu le kykéon, j'ai pris

dans la corbeille ; aprés avoir agi, j'ai déposé dans le panier, et du panier dans la corbeille " » ; ARNOB., 5, 26.

3 Voir P. Roussel, « L'initiation préalable et le symbole éleusinien » dans Bulletin de correspondance hellénique, 54, 1930, p.

51-74, en particulier

P: 72-73.

39

0 G —————— o WWuAwAw————-— R

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

139, 27, p. 188 et 2, 211, 2, p. 32) de Proclus. Les synthémata, héritiers des symbola Pythagorica qui les préparent au niveau du langage philosophique^', sont des symboles « en acte », qui permettent l'efficacité des rites théurgiques, et, en ce sens, sont strictement équivalents au terme symbola?^. Le but de la théurgie est de parvenir àl'union avec le divin et à la purification totale de l'àÀme : comme l'explique Jamblique, la théurgie ou rituel sacré est bien produite par les hommes, préservant la place de ces derniers dans la nature universelle, mais gráce aux synthémata, c'est-à-dire aux symboles divins, elle réussit à unir l'homme

pythagoriciens, tradition néoplatonicienne et langage figuré de la Bible*. Dans la Lettre 9, 1 (1105c), au grand

prétre Titus, Denys l'Aréopagite explique que les métaphores bibliques qui prétent des formes humaines, animales,

converti par Paul dans son discours sur l'Aréopage (Acta, 17, 34) : cette référence est essentielle car elle permet

de faire la transition entre l'univers paien et les textes scripturaires, et d'instaurer une continuité entre symboles

minérales

à Dieu

sont

des synthémata,

des

« apparences

allégoriques », comme

le

c'est-à-dire des moyens commodes de figurer « sous des formes multiples ce qui n'a ni forme ni figure ». La

nécessité du symbole et de sa double nature qui voile et dévoile à la fois, poursuit Denys l'Aréopagite, vient du

revétant de la « tunique hiératique des dieux° », au point qu'il peut leur donner des injonctions. A. Jahn donne la définition suivante du synthéma* : Est in oraculis oóvOnya [... ] signum a deo cunctis naturis mente praeditis [... ] inditum, quo illae eum agnoscant, « Dans les oracles, le synthéma est un signe, imprimé par Dieu dans toutes les natures dotées d'une àme, afin qu'elles puissent le connaitre ». Les synthémata sont donc d'abord des signes semés par l'intelle&t du Démiurge (vobc zatpwxóc) à travers le monde5*. Mais, bien qu'ils soient qualifiés d'ineffables (&zópprroi?), ils désignent aussi des paroles que l'on prononce avec le nom des dieux dans la

(pierres, animaux, plantes) et l'érection de statues qui s'animeront sous l'influence divine en proférant des oracles (la télestique). Alors que les Oracles chaldaiques laissent entendre que le salut de l'Àme passe par la remémoration du symbole paternel, au cours de rites réservés aux seuls initiés capables de mettre en ceuvre la fleur de l'intelle&, Jamblique étend le symbolisme à toute la théurgie en considérant que les synthémata « éveillent le vouloir divin, font remonter jusqu'aux étres supérieurs, et provoquent l'union? », vu que l'intelle& est nécessaire mais non suffisant pour unir l'homme aux dieux (il est une cause auxiliaire"*). Mais le sens auquel Budé, repris par Bocchi, fait allusion (synthémata dans le sens d'áuyoprjuaxa) se trouve chez le pseudo-Denys l'Aréopagite, auteur anonyme du v siecle apr. J.-C., souvent confondu avec l'Athénien

ou

propose la traduction de M. de Gandillac (pseudo-DENvs L'ARÉOPAGITE, CEuvres complétes, Paris, 1943, p. 353),

aux dieux, à le rendre leur égal, le

priére^^, des suppliques hiératiques"', ou encore des actes rituels comme la manipulation d'objets rituels

végétales

fait que l'homme est composé d'une partie passible (le corps) et d'une partie impassible et immatérielle (l'àÀme)". Le synthema/symbolon es mystagogique, il conduit « par la main » (xeipayoyía) du sensible vers l'intelligible : « car notre esprit ne saurait se hausser à cette imitation et contemplation des hiérarchies célestes, à moins d'y étre conduit par des images matérielles qui conviennent à sa nature » *. Les beautés visibles sont des

copies (áxewovicuaa) de la beauté céleste, les parfums sensibles sont des figures (ixrvxóyaza) de la diffusion intelligible et les lumiéres matérielles des images (cikóvec) de la lumiere divine. Mais loin de poser une analogie

entre les symboles figurés et leur signifié, Denys l'Aréopagite affirme au contraire leur radicale dissemblance, poussée parfois jusqu'au « comble de l'invraisemblance et de l'absurde"? », qu'il associe à la voie négative, consistant à dire ce que Dieu n'est pas plutót que d'affirmer ce qu'il est. L'intérét est double : éviter que les esprits paresseux ne se reposent dans la matérialité du symbole dont le caractere impropre les force à chercher une signification plus spirituelle ; dissimuler les mystéres du divin aux yeux du vulgaire qui n'en est pas digne?". Ainsi, les réalités divines sont « honorées à la fois par de véritables négations et par des similitudes empreintes d'altérité » : bien que multiples, les symboles « portent l'empreinte de l'Un », et c'est à la condition d'élever son esprit que l'on peut tenter de saisir le mystére divin. Quels sont ces symboles ? Ils sont de trois ordres. Dans la Hiérarchie céleste (domaine de l'Écriture sainte), ce sont à la fois les noms des anges (Séraphins, Trónes, Chérubins), le corps de l'homme et ses vétements, les pierres et les métaux, leur couleur et leur éclat. Dans la

Hiérarchie ecclésiastique (domaine de la Liturgie), ce sont les objets ou les rituels liturgiques au cours des sacrements (baptéme ou eucharistie, à vocation théurgique, par exemple la transsubstantiation) : huile, pain, encens, baiser de paix, marche vers l'autel, immersion, etc. Dans la Théologie mystique (domaine de l'initiation

mystique), c'est la Ténàbre (yvógoc ou oxóroc) au-delà de l'intellect.

^ Jamblique explique que, Pythagore étant un démon que les dieux envoient, son enseignement, d'origine divine, s'apparente à une révélation

théologique. Voir par ex. Vit. Pyth., 15, 64 et 6, 30. ^5 JAMBL., De Myst., 6, 6 (246, 16-247, 6). Voir E. des Places, « Jamblique et les Oracles chaldaiques », Comptes rendus des séances de l'Académie

des Inscriptions et Belles Lettres, 1, 1964, p. 178-185. Voir, à propos de cette synonymie, les réserves émises par L. Cardullo, Il Linguaggio del Simbolo in Proclo. Analisi filosofico-semantica dei termini symbolon/eikón/synthéma nel Commentario alla Reppublica, Catania, 1985, p. 42-48. Voir également P. T. Struck, Birth of Symbol, p. 218 sq. ^ JAMBL., Myst., 4, 2 (184, 13) : &neii] nepiBdMetai zc dà tv &xoppijtov couBóXov có iepatikóv tv OrGv zpócynua. Cité par C. Van Liefferinge, La théurgie, des Oracles Chaldaiques à Proclus, Kernos, Supplément 9, Liege, 1999, p. 56-57. Pour Jean Pépin, « La théorie du

symbolisme dans la tradition dionysienne » dans Id., La tradition de l 'allégorie, p. 199-221, ici p. 203, les symbola ou synthémata sont les marques imagées que chaque dieu imprime au niveau inférieur de la série ontologique qu'il gouverne

7 A. Jahn, Eclogae e Proclo de philosophia Chaldaica siue de doctrina oraculorum Chaldaicorum, Halle, 1891, p. 14.

% Voir Oracles chaldaiques, frg., 108 et 109 Des Places.

“ JAMBL., Myst., 6, 6 (247, s-6). Selon A. D.R. Sheppard,

caractere obscur et voilé des liturgies mystériques.

? 7 ? «

« Allegory, Symbols, Mysteries », P- 146, ce terme renvoie génériquement au

JAMBL., Myst., 1, 12 (42, 15-16). Ces noms divins sont connaturels aux dieux qu'ils représentent. Voir ibid., 7, 4 (255, 9-11). JAMBL. Myst. 1, 15 (48, 5-7). Voir P.Boyancé, « Théurgie et télestique néoplatoniciennes », Revue d'Histoire des Religions, 147, 1955, p. 189-209; Mantique et télestique dans le Phédre de Platon », Kernos, 3, 1990, P. 35743 ; C. Van Liefferinge, La Théurgie, p. 268-276.

158-159. Voir égalementJ. Bidez, « Le philosophe Jamblique et son école », Revue des Études Grecques, 32, 1919, p. 29-40 ; H. Lewy,

Chaldaean Oracles and Theurgy. Mysticism, Magic and Neoplatonism in the Later Roman Empire, Le Caire,

1956' (nouvelle édition de M. Tardieu,

Paris, 1978) ; E. Des Places, « La religion de Jamblique », dans De Jamblique à Proclus. Entretiens sur l'Antiquité Classique, 21, VandeceuvresGenéve (Fondation Hardt), 1974, p. 68-101 ; F. W. Cremer, Die Chaldaischen Orakel und Jambliks De MysSteriis, Beitráge zur Klassischen

Philologie, 26, Meisenheim-am-Glanz,

27, 1981, p. 209-225

1969 ; H.-D. Saffrey, « Les Néoplatoniciens et les Oracles chaldaiques », Revue des études augustiniennes,

; Id., « Quelques aspects de la spiritualité des philosophes néoplatoniciens, de Jamblique à Proclus et Damascius », Revue

des Sciences Philosophiques et Théologiques, 18, 1984, p. 169-182; Id., « La théurgie comme phénoméne culturel chez les Néoplatoniciens »,

Koinonia, 9, 1984, p. 161-171 ; B. Nasemann, Theurgie und Philosophie in Jamblichs De MysSsteriis, Stuttgart, 1991.

40

- V. 41-42 : Documenta commodissima... pulcherrima] Le terme documenta vient de Béroalde (sententiae morales

atque salutaria documenta continentur), qui s'en sert pour discuter du contenu moral des symboles pythagoriciens. -v.43: uitae atque morum continent] L. Gregorio Gyraldi, dans la Praefatio de sa Philosophie Pythagorae symbolorum interpretatio (éd. citée, p. 638e) précise que les symboles pythagoriciens, comme les mystéres des Anciens, etsi a nostra religione aliena, nonnihil tamen institutionis ad bene beateque uiuendum afferre possunt, « bien qu'ils soient étrangers à notre religion peuvent toutefois apporter quelque régle pour vivre bien et heureux ». On est moins ici du cóté de l'initiation et de la théurgie télestique que de l'enseignement philosophique comme pourvoyeur de régles de vie. -V.44-45: sanis... imprudentibus] Cette opposition entre le sage, sain d'esprit, et le fou ou le sot est traditionnelle dans la littérature biblique sapientielle. Elle est une justification traditionnelle pour produire un énoncé allégorique, dont l'apparence sensible séduira les sots mais dont le contenu précieux, préservé par ces

O. Ballériaux,

7 C. Van Liefferinge, La Théurgie, p. 161. 4 [bid., p.

- v. 40 : leterme mysteriorum [plena] du v. 40 permet de faire le lien avec les cérémonies à mystéres du v. 33.

75 Voir Y. de Andia, « Symbole et mystére selon Denys l'Aréopagite », dans Ead., Denys l'Aréopagite. Tradition et métamorphoses, Paris, 2006,

P- 58-94 ; R. Roques, « Les “ théologies ” dionysiennes : notions, fonctions et implications » dans Id., Structures théologiques. De la gnose à Richard de Saint-Victor, Paris, 1962, p. 134-150. "° On trouvera une traduction de certains des passages de cette lettre dansJ. Pépin, « La Lettre IX de Denys sur le symbolisme et sa traduction par Jean Scot Érigéne », dans Id., La tradition de l'allégorie, p. 223-233.

7 ® ? 9

Voir DIONYS. AREOP., Epist., 9, 1, 1108a. DioNvYs. AREOP., CH, 121d. [bid., 140c. Jbid., 1452.

41

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ll

hdc i

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

voiles matériels, ne sera accessible qu'aux sages, qui sauront produire le saut intellectif nécessaire pour aller au-

delà de la matérialité.

— v. 46-63 : tout le passage est inspiré par Budé, traduisant lui-méme un passage de Denys l'Aréopagite (Epist., 9", 1, 1105€, p. 197 Heil-Ritter) : N'allons pas croire, en effet, que les apparences allégoriques se suffisent pleinement à elles-mémes. Elles sont au vrai les boucliers qui garantissent cette science inaccessible, que la foule ne doit point contempler,

afin que les plus saints mystéres ne s'offrent pas aisément aux profanes et qu'ils ne se dévoilent qu'aux véritables amis de la sainteté, parce que seuls ils savent dégager les symboles sacrés de toute imagerie puérile, [parce qu'ils sont seuls capables de pénétrer par la simplicité de leur intelligence et par le pouvoir propre de leurs puissances contemplatives jusqu'à la vérité simple, merveilleuse et transcendante des symboles]. (trad. Maurice de Gandillac, éd. citée, p. 3 $3)

Il e& remarquable que, alors méme que Budé fournit le texte grec, Bocchi semble ne pas s'y reporter scrupuleusement, attentif visiblement surtout à proposer des formules alternatives à celles du philologue francais. Il remplace par exemple la formule integumenta arcanae [intelligentiae] par inuolucra abdita, qui respecte l'image du vétement protecteur. Budé a sacrifié l'image du bouclier à celle du voile (integumentum), qui est, elle aussi, parfaitement dionysienne*'. Au terme peruulgatae, appliqué à scientiae chez Budé, Bocchi préfére le paronyme peruagae, qui implique l'idée, non plus de vulgaire, mais d'errance, qu'il renforce encore par l'adjonction de l'adjectif erraticae. Au terme relativement neutre comprehendere dont Budé se sert dans un sens intelle&uel pour signaler qu'il ne faut pas que le vulgaire « comprenne » les saints mystéres, Bocchi se sert du sens propre de comprehendere, « embrasser », « étreindre » pour glisser vers celui du contact qui souille et de la main qui salit, avec le terme polluant. Les profani de Budé, dont Bocchi se sert plus loin avec les sensus prophanos, sont remplacés par mali et perditi. Bocchi sacrifie l'un des termes du doublet sanctitatis puritatis de Budé pour ne garder que puritatem, qu'il gratifie de sa couleur traditionnelle, candidam. Mais là où Denys emprunte à Proclus la notion de « l'imagination infantile » (tijv xaiGapuoór] gavracíav), qui caractérise la partie inférieure de l'áme, étrangére au vooc?, suivi par Budé (sensus pueriles), Bocchi supprime la référence à l'enfance pour lui substituer l'idée des sensus prophanos, « des représentations profanes ». - v. $7 : exaudienda] L'adjectif a ici le sens d'un participe futur passif, comme c'est devenu courant à partir du III* s. apr. J.-C. Voir A. Ernout et F. Thomas, Syntaxe latine, Paris, 1984, p. 287. Je remercie J.-L. Charlet de

m'avoir indiqué ce phénoméne.

-v.57: quae debent] Les antécédents de quae sont sacra et sancta, et non, comme le traduit M. Bianchelli Illuminati (p. 189), la scientia haud erraticae : « E questa dottrina sacra e divina deve essere rivelata ai buoni ».

-v.62-63 : Vulgi.. Sensus prophanos quoslibet] Vulgi est un génitif de caractérisation qui compléte sensus prophanos, et non le complément d'objet de arcere, comme le traduit M. Bianchelli Illuminati (p. 189), obligée alors de faire tenir à sensus prophanos le róle de complément de séparation (présent pourtant avec a mentibus), bien qu'il soit à l'accusatif : « e vogliono tenere lontano il popolo da sentimenti profani ». — v. 63 : prophanos| Pour l'aspiration, voir IOANNIS TORTELII ARETINI, De orthographia tractatus. Eiusdem [ ... ] lima quaedam per Georgium Vallam de orthographia, Venetiis, 1501, Bartolomeum de Zanis de Portesio, c. 125r,

s. v. « phanum » : Phanum cum .ph. aspirato scribit : aedes est sacra, quae latine splendidum et illustre designat. Nam a qavepo, quod est illustro deducitur. Voir aussi NICOLAI PEROTII : Cornu Copiae seu linguae Latinae commentarii, éd. J.-L. Charlet, Sassoferato, 1989, t. I, 193, p. 75.

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

ANALYSE Cet embléme liminaire, dont la gravure porte une adresse au lecteur, constitue, avec les Symb. 2 et 3, une sorte de triptyque programmatique (voir également notre introduction générale). Avec un long poéme intitulé

Symbolum symbolorum, qui paraphrase, en en bouleversant l'ordre de composition, un article des Commentaires

de la langue grecque? de Guillaume Budé (voir apparat des sources), l'embléme effectue une sorte de récapitulation, un lieu de rassemblement collectif, oà l'on « jette ensemble » (sym-bolum) les différents sens du

terme (symbolorum), et donc des formes de symbola. Cette véritable page de dictionnaire mise en métres, en

soulignant la stratégie accumulative qui constitue son principe de progression, mime la configuration de son objet d'étude : chaque définition s'enchaine à la précédente pour faire apparaitre un nouveau sens et souvent un nouvel objet, créant un ensemble bigarré dont la logique échappe parfois mais dont l'objectif est de cerner et restituer la densité polysémique du terme générique. Cette récapitulation, d'allure apparemment hétéroclite, suit cependant une progression qui part des sens concrets ou matériels (de l'insigne militaire à la lettre de

change en passant par l'anneau à cacheter ou à l'écot), au sens abstrait (étymon ou étymologie selon Aristote et Quintilien), pour terminer par les énoncés philosophiques ou religieux (symboles de Pythagore, hiéroglyphes, cultes à mystéres, symboles dissemblants selon Denys l'Aréopagite). Ces derniers donnent lieu aux développement topiques sur l'allégorie comme langue des mystéres et sur le symbole comme voile protégeant du profane (voir les notes aux v. 40-63). Cette progression semble suivre la technique de l'hylaia cheiragógia de

Denys l'Aréopagite (voir Symb. 3), qui consiste à s'élever des phénomeénes les plus évidents et apparents, en particulier les symboles et les images, pour tenter de comprendre les puissances invisibles?" En revanche, tenter de voir dans l'énumération des différents sens une récapitulation systématique des objets symboliques qui constitueront la matiére des emblémes eux-mémes nous parait réducteur, méme si, ponctuellement, tel sens du mot symbole peut effectivement rencontrer tel objet symbolique du recueil (nous pensons en particulier aux étendards, aux insignes, aux piéces de monnaie). Beaucoup plus fructueuse semble étre au contraire la voie qui consiste à prendre le titre Symbolum symbolorum dans un sens générique, voire métapoétique. La mention des Emblémes d'Alciat invite à prendre le mot Symbolum non pas seulement au sens d'objet d'étude (un signe iconique que l'on décrit et dont on tire les interprétations) mais au sens de forme ou de genre littéraire, puisque c'est le nom qu'a choisi Bocchi pour caractériser chacune des piéces : un Symbolum est une forme littéraire qui décrit et interpréte des symbola, des « objets symboliques », qui peuvent, à leur tour, étre des conjonctions, des composés de plusieurs éléments symboliques. Mais le terme symbolum lui-méme, si l'on veut bien revenir au composé étymologique, syn-balló, permet d'aller un peu plus loin, et décrit la nature composite de ce genre littéraire: un assemblage entre plusieurs éléments, en particulier une gravure et un poéme, autour desquels viennent graviter des suppléments discursifs, tituli? et dédicaces. On pourrait étre tenté de projeter sur la forme générique la structure de son objet d'étude, et de voir dans la gravure un équivalent de l'élément sensible du symbole, et dans le poéme un équivalent de l'élément intelligible. Les analyses des emblémes montrent cependant que c'est rarement le cas et que l'image, en incluant des éléments inscriptionnels ou en s'adjoignant les indices d'un titulus, tend déjà vers un processus herméneutique, tandis que le poéme ne s'interdit pas des parties ekphrastiques portant sur des éléments purement iconiques. En réalité, le Symbolum comme entité générique rassemble des formes distinctes, l'une iconique, l'autre poétique, mais qui sont souvent déjà symboliques chacune de son cóté et ne se recoupent pas toujours totalement.

55 Voir L. A. Sanchi, Les Commentaires de la langue grecque de Guillaume Budé : l'aeuvre, ses sources, sa préparation, Genéve, 2006.

5 DIONYS. AREOP., EH, 1, 5, 376d ; 2, 3, 2, 3974.J. Pépin, dans La tradition de l'allégorie, p. 201, signale que c'est là un des développements tardifs d'une conception trés répandue dans la philosophie antique, qui veut que le spectacle du ciel et de la nature donne à l'homme l'intuition des dieux. Voir également A. S. Pease, « Caeli ennarant », Harvard Theological Review, 34, 1941, p. 163-200.

55 l'entends ici tituli au sens matériel des titres qui surmontent les images et les poémes. Il convient cependant de distinguer, pour le sens, entre * Le terme grec est zapazezácyaxa. Voir par exemple DIONYS. AREOP., CH, 121 b-c. La métaphore est déjà chez CLEM. ALEX., Strom., s, 9, $6. 9 Sur ce terme et ses sources proclusiennes (notamment In Remp., Il, 107, 14-109, 3), voir A.D. R. Sheppard, « Allegory, symbols and mysteries », p. 157-158.

42

le titulus à proprement parler, qui énonce simplement le motif dont il va étre question (par exemple Proteus au-dessus du poéme du Symb. 61 oà il va étre question de Protée, ou De magno Alexandro et reo dans celui du Symb. 53 oü l'on traitera d'Alexandre face à un accusé), et le motto,

souvent issu d'un des vers du texte, et qui tire déjà une interprétation allégorique de l'objet décrit (par exemple Imago iusti principis, qui analyse le geste d'Alexandre comme un symbole de iustitia dans le Symb. 53).

43

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

La piéce que nous avons sous les yeux traduit bien cette hétérogénéité entre gravure et texte, puisqu' aucun

élément évoqué par le texte n'est repris dans la gravure et qu'aucun des signes de la gravure ne fait l'objet d'une énonciation ou d'une élucidation dans le texte. Leur congruence semble s'effectuer d'abord sur la notion de symbole en général, dont le poéme déploie les sens, et dont la gravure propose un exemple appliqué. Surmontée d'un motto, la gravure propose un bucrane couronné, orné d'infulae (bandelettes rituelles pour les animaux sacrificiels) et portant deux instruments aratoires attachés aux cornes. On ne s'étonnera pas de voir apparaitre le bucrane dans la premiere gravure qui orne, ou plutót qui ouvre le livre d'emblémes,

comme

une

facade : le bucrane est, avec la patére, un motif privilégié des métopes des frises qui ornaient les facades de

certains temples et autres bátiments dans l'Antiquité (temple de la Fortune virile, temple d'Apollon Sosien,

basilique émilienne). Abondamment reproduit comme élément con&titutif de la frise dorique à la Renaissance,

en particulier en milieu véronais, le bucrane apparait sur une planche représentant l'entablement dorique au quatriéme livre de l'édition vénitienne de Vitruve par Fra Giocondo en 1511

(P 37 ; Fig. 1 )*6, mais aussi chez

des théoriciens de l'architecture comme Serlio, dans les planches gravées par Agostino Veneziano qui paraissent à Venise en 1528, ou encore dans les Regoli generali di architettura de 1537 (Venise,

p. XX v^; Fig. 2)". Le

bucrane joue donc, dans cet embléme, un róle d'introduction à la fois au sacré et à l'Antiquité, par le biais de l'archite&ure comme motif métapoétique qui renvoie au livre lui-méme. Ce motif architectural de facade tient lieu d'image de frontispice et signale l'ouverture du livre, dans lequel le lecteur va pénétrer comme dans un temple. Proposée par la premiére gravure du recueil cette image du bucrane ne peut se comprendre indépendamment de la derniére, proposée dans le Symb. 151 : un temple de Janus dont les portes se ferment, en méme temps que les pages. me:

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la couronne se libére pour assumer le sens d'honestum. Par quel raisonnement ? Chez Cicéron (Off., 5, 3,

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Fig. 1 > Entablement dorique : M. Vitruvius per locundum solito castigatior factus, Venise, 1511 (F 37),

Fig. 2 > Entablement dorique : S. SERLIO, Regoli generali di architectura, Venise, 1537 (f

€ CESR, Tours.

XX v^) © CESR, Tours.

sens gráce au motto. Le travail (labor), signifié par le bucrane, est ici le labeur herméneutique, l'effort? qu'il faut

Sil'on a bien repéré que le bucrane est un emprunt dire& à Colonna*, en particulier au sens de labor, on n'a pas en

revanche

compris

13), on

sait que l'honestum est le summum bonum, c'est-à-dire le bien qui est au-dessus de tous les autres, le bien qui couronne tous les autres, comme la couronne vient se placer au sommet de la téte. De la méme maniere, les bandelettes et les instruments aratoires retrouvent eux-aussi une disponibilité sémantique: les outils, logiquement, se font les ambassadeurs de l'adjectif utilis, tandis que les infulae ou bandelettes rituelles, jouent le róle syntaxique de coordination pour signifier et (un róle semblable est assumé par des rubans dans la suite de Colonna que nous avons évoquée, pour relier le dauphin et l'arche close au sens de incolumemque seruabit). La gravure relaie à sa maniere le texte poétique, dont elle compléte l'intention. Sa figure allégorique livre son

x

EA _

Si l'on s'en tient à une lecture commune des signes, la palme est, depuis l'Antiquité, un signe de victoire?", souvent associée à la couronne. L'on trouve ces symboles courants sur les sarcophages antiques pour signifier que le défunt, véritable athléte dans l'agón qui l'a opposé à la vie, n'a pas démérité, et que la mort est pour lui, non pas un gage de fin, mais une victoire et une récompense de ses efforts, puisqu'il goütera la vie éternelle auprés des dieux"'. Ce sont en particulier aussi les attributs des martyres chrétiens, selon la méme métaphore. Nous l'avons rappelé, le bucrane comme signe pour labor est emprunté à Colonna oü, avec les bandelettes et les instruments aratoires, il signifie à lui seul ex labore. Il serait naturel de vouloir transposer ce sens chez Bocchi et de lire uictoria ex labore dans la simple superposition de la couronne et du bucrane (la couronne sur le bucrane). Les deux palmes se contenteraient alors de redoubler le sens de victoire, déjà assumé par la couronne". iconiques. La premiére lecture n'est donc pas satisfaisante. En revanche, si l'on réserve les palmes au sens de uictoria, et le fait qu'elles sortent des orbites comme l'expression de la provenance marquée par la préposition ex,

We

B>

uictoria = palme ex = palme qui sort du bucrane labore = bucrane honesta = couronne et : bandelettes qui relient les instruments à la couronne utilis : instruments aratoires bidents

Mais dans ce cas, la deuxiéme partie du titulus bocchien, honesta et utilis, reste en suspens, sans référents

Am

-—

« hiéroglyphique », telle que Francesco Colonna les pratique dans son Hypnerotomachia Poliphili*?, et dont le recueil de Bocchi traduit à plusieurs reprises l'influence, soit par citation directe de motifs (voir par exemple les gravures des Symb. 5, 147, 149), soit, de maniére plus générale, comme méthode de syntaxe picturale (voir introduction). L'image et son motto proposent un véritable exposé de la méthode colonnesque, dans son application à l'embléme. On peut tenter de transcrire ainsi la séquence hiéroglyphique, en essayant, comme le fait Colonna, d'associer à chaque terme du motto un signe de la composition iconique :

que

la

figure

proposée

par

cette

gravure

constitue

une

véritable

séquence

faire pour aller de l'enveloppe sensible du signe à sa signification cachée. Jean Pépin montre que cette thématique de la difficulté qui stimule l'activité créatrice et technique de l'homme est probablement à chercher

* Sur le procédé, voir l'article séminal de G. Pozzi, « Les hiéroglyphes de l' Hypnerotomachia Poliphili », dans Y. Giraud (dir.), L'Embléme à la Renaissance, Paris, 1982, p.15-27 et l'édition toujours indispensable procurée par G. Pozzi et L. A. Ciapponi de F. COLONNA, Hypnerotomachia Poliphili, Padoue, 1980.

“ M. Vitruvius per Iocundum solito castigatior factus cum figuris et tabula ut iam legi et intellegi possit, Venise, Giovanni da Tridentino, 1511.

% Voir par exemple GELL., 3, 6, 3 : propterea, inquit Plutarchus, in certaminibus palmam signum esse placuit uictoriae ; cf. PLVT., Quaest. conu., 8, 4 ; VALERIANO, Hieroglyphica, 56, Bàle, 1556, p. 369 F- 370 A.

p. 85-92 et, du méme auteur, l'article en ligne, « Du bucrane au protome : le motif taurin dans l'archite&ure de la Renaissance », version révisée de la communication prononcé au colloque Histoire naturelle et architecture à la Renaissance, dir. P. Choné et G. Viard, Langres, 20-22

% C'est la solution qui a été suggérée par M. Kiefer dans son article: « Ex mysticis Aegyptiorum literis. Überlegungen zum Verháltnis von

57 Sur tous ces aspects, voir F. Lemerle, « Le bucrane dans la frise dorique à la Renaissance : un motif véronais », Annali di Architettura, 8, 1996,

octobre 1995 et publié en ligne à l'adresse suivante :

« http:/ /hal.archives-ouvertes.fr/docs/oo/35/78/78/PDF/HAL " Voir Hypnerotomachia Poliphili, b8r, 1, p. 33 Pozzi-Ciapponi.

44

TEXTE INTEG RAL Lemerle Collog. Langres

1995.pdf».

?' Voir F. Cumont, Le symbolisme funéraire des Romains, Paris, Geuthner 1966 (1944^), p. 456-484, « Un cippe funéraire d'Urbin et le triomphe sur la mort » ; et R. Turcan, Messages d'outre-tombe. L'iconographie des sarcophages romains, Paris, 1999, p. 80-90.

Emblematik und Hieroglyphenkunst », in A. et J. Assmann (dir.), Hieroglyphen. Stationen einer anderen. abendlándischen Grammatologie, Münich, 2003, p. 192-219.

° Voir IVL,, Or., 7, 14, 219a qui emploie le mot zoAozpayuovetv.

45

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d'Achille Bocchi (15 55) - tome 2

urgens in rebus egestas) et Sénéque (Epist., chez Virgile (Georg., 1, 145-46 : ... labor omnia uicit/ Improbus, et duris ore d'un point de vue rhétorique, 90, 18), et s'applique parfaitement à l'allégorie?*: fondée sur la métaph qui poussent l'esprit, par besoin et l'allégorie participe de l'inopia linguae, des insuffisances de la langue nt?*. Le bucrane n'est rien d'autre nécessité, à recourir à l'artifice et à l'inventivité pour compenser le dénueme s'est décomposée. Sa valeur est que l'ossature de l'animal de trait qui s'est épuisé à la tàche et dont la chair ie, de l'Ara Pacis ou de la tombe de religieuse et, dans les frises antiques — par exemple celle du Portique d'Octav ore du symbole en général, Cecilia Metella -, c'est l'embléme de la victime sacrifiée. Mais c'est aussi une métaph retiré l'enveloppe charnelle de car le noyau ossifié, c'est l'idée et le sens que l'on trouve enfin lorsqu'on a

on de la vérité) et à l'utilitas (car l'apparence. Cette victoire, qui touche à la fois à l'honestum (car elle est révélati

elle fait progresser l'humanité dans le chemin de la Le message délivré par la séquence est à la fois l'ouvrage, à poursuivre son effort herméneutique, digne d'une notice de dictionnaire, toute poétique

science), se décline en couronne et palme. une adresse et une invitation faites au lecteur, au seuil de et à ne pas se laisser rebuter par cette déclinaison de signifiés qu'elle soit. Mais c'est également une description de l'effort

ce sur le labor, au détriment du créatif qu'a nécessité, pour son auteur, la gestation du volume. Cette insistan

détournement furor, prépare la réflexion du Symb. 3 sur la poétique. On n'écartera pas la possibilité d'un tement évoqué humoristique de la scéne topique de couronnement du poéte par le laurier apollinien, explici

épuisé par sa táche est dans le Symb. 145, oà Bocchi recoit la double couronne des mains de Felsina : ici, le poéte bien couronné, mais sous la forme du cráne desséché d'une béte de somme...

Symb. 2 Sur l'image : Achille Bocchi, de Bologne

DANS LES SYMBOLES DE BOCCHI, IL Y A PLUS

À COMPRENDRE

QUE CE QUI EST EXPRIMÉ

TIRESIA FOSCARARI

Prospero sut peindre la face et non l'áme d' Achille. L'immensité en tableautin ne se peut peindre ! Mais une pure áme pourrait, elle, saisir cette àme. Le sage ici comprend plus que ce qu'on y lit.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. NoTES - tit. pi&t : exprimi] On remarquera que le terme désigne aussi bien la représentation plastique que l'imitation rhétorique. Le titulus tout entier sous-entend de fait le symbolum comme un composé d'image (plastique ou rhétorico-mentale) et de texte. L'insistance sur le surplus de signification par rapport au sens premier ou évident d'un énoncé (intelligi plus quam exprimi dans le titulus ; et heic plus intelligit ac legitur au v. 4), liée à l'opposition entre sagesse (Qui sapit, v. 4) et bétise/folie (implicite), entre apparence physique (os) et àme (mentem), appartient au vocabulaire traditionnel de l'allégorie, à la fois comme trope rhétorique et comme méthode philosophique. L'allégorie comme trope dit effectivement plus, c'est-à-dire autre chose que ce qu'elle semble dire (c'est son sens étymologique), et englobe toute une série de figures fondées sur le sous-entendu : l'énigme

(métaphore continue), l'ironie, l'euphémisme, l'antiphrase, le sarcasme, et le mot d'esprit ou asteismos?6. Comme méthode herméneutique qui s'empare du sens caché des mythes, des récits ou des représentations plastiques,

%5 [bid., p. 134-135.

46

« philosophique »

recouvre

ce

que

les

Grecs

appelaient

hyponoia,

c'est-à-dire

le

décryptage d'une intention dissimulée et d'une signification abstraite. L'allégorie peut alors s'entendre « au sens large », c'est-à-dire indépendamment des intentions réelles énoncées dans le texte ou l'image-support ou « au sens Strict », si le support a été composé en vue d'une interprétation?" L'invitation faite par Bocchi à comprendre autre chose que ce qui est énoncé signale clairement les intentions philosophiques cryptées du texte et de l'image (allégorie au sens strict), et l'invitation faite au lecteur à user de l'allégorie comme méthode d'investigation (allégorése) en recherchant le sens caché, sans se limiter à la lettre ni aux apparences.

-tit. carm.: Tiresia Foscararius] Voir la notice consacrée au personnage dans la piéce liminaire qu'il a composée. On notera ici que le titre est au nominatif : il ne s'agit donc ni d'une dédicace (au datif) à proprement parler ni d'un poéme qui serait composé par le personnage (au génitif). -Vv.d: - Prosperus] Il s'agit du peintre Prospero Fontana (1512-1597)"*, qui décora le palais de Bocchi, via Goito??, Malvasia avait suggéré l'hypothése que ce peintre serait à l'origine d'une partie des images incisées ensuite par Bonasone, et en particulier des portraits de Bocchi et d'Ulisse Aldrovandi^". - os [...] non mentem pingere] la question du portrait artistique qui ne peut représenter l’àme humaine est un

topos de l'antiquité gréco-latine, en particulier de tout un ensemble d'épigrammes de l'Anthologie de Planude

(voir apparat des sources au v. 1 pour le texte grec'?'). L'une d'entre elle en particulier (A. G., 9, 594 = PLAN., 4,

35^, 4) évoque le cas de Socrate dont l'artiste n'a pas pu rendre la qualité de l'àÀme. L'exemple est d'autant plus important que, comme nous l'avons montré dans le Symb. 1, l'auteur des emblémes se construit, visuellement et poétiquement, autour du langage ironique et du paradoxe beauté intérieure/laideur ou ridicule extérieurs, un ethos socratique (voir également infra). Bocchi reparlera de l'incapacité de l'art à figurer l’àme dans le Symb. 24, dédié à Francois I. Pour les princes et les membres de l'aristocratie, ce sont leurs exploits et leurs vertus qui dressent d'eux un portrait authentique, comme le rappelle Tacite (Agr., 46, voir apparat des sources aux v. 2- 3) qui souligne que l'anima est immortelle et que les mores qu'elle faconne survivent dans la mémoire des hommes de maniére plus durable que la pierre ou le bois des ceuvres d'art (voir aussi CIC., Arch., 30). Le topos s'associe

souvent à l'idée implicite que c'est l'ceuvre littéraire rédigée par le poéte qui prend le relais des arts plastiques pour rendre compte du génie, de l'intelligence ou du caractére de la personne représentée. Voir par exemple DEMETR,, Eloc., 227 : Exe8óv yàp £ikóva £kaovoc trc &avroo Vvyiic ypáoet tijv moroXjv. Kal Eoti u£v xai è£ d ov Aóyov zavróc i8eiv tò f|Ooc vo? ypáqovroc, ££ os8evóc BE obroc, óc £moroArc ; HOR., Ep., 2, 1, 248-250 : Nec ma-

gis expressi uoltus per aenea signa/ Quam per uatis opus mores animique uirorum/ Clarorum apparent ; MART. Ep., 9, 76, 9-10 : Sed ne sola tamen puerum pictura loquatur,/ Haec erit in chartis maior imago meis ; cf. 7, 84, 6-8 ; Ov., 53-61. % Voir la synthése trés claire de J. Dross, Voir la philosophie. Les représentations de la philosophie à Rome, Paris, 2010, p.

7 Voir J. Pépin, Mythe et allégorie. Les origines grecques et les contestations judéo-chrétiennes, Paris, 1958, p. 91. Voir aussi J. Dross, Voir la philosophie, p. 49-51 et A. Rolet « Allégorie et symbole : voiles et vecteurs de la dissidence ou phénoménes dissidents ? » dans A. Rolet (dir.), Allégorie et symbole : voies de dissidence ? (De l'Antiquité à la Renaissance), Rennes, 2012, p. 7-39.

a Bologna e in % Voir A. Lugli, « Le Symbolicae Quaestiones di Achille Bocchi et la cultura dell'emblema in Emilia », in A. Emiliani (éd.), Le arti » in DBI, t. XLVI, 1997, p. 714-719: Ead., Emilia dal xvi al xvi secolo, Bologna, 1982, p. 87-96; V. Fortunati, « Fontana, Prospero (éd.), Le arti a Bologna, « L'immaginario degli artisti bolognesi tra Maniera e Controriforma : Prospero Fontana (1512-1597) », in A. Emiliani

p.97-111.

? Voir la présentation de ce peintre et la bibliographie dans notre introduction.

donnó pitture... ». 100 C. C. Malvasia, Felsina pittrice, Bologna, 1678, vol. 1, p. 216 : « Fece loro senza premio i ritratti, varii disegni,

dans la cire une àme 101 A G, 9, 594 (— PLAN., 4, 35*; 4) : « Aprés que tu as représenté l'apparence, si seulement tu avais pu mettre aussi

est plus aisé » ; c£. A. G., 9, 687, 1-2 : socratique ! » ; A. G., 11, 412, 1-2 (2 PLAN., 2*, 43, 13) : « Peindre l'àme est difficile mais peindre la forme XEN., Mem. 3, 10, 3 : « Eh bien, dit; » désir mon bridé a l'art mais : * Moi qui avais peint l'apparence, je désirais représenter aussi le caractére

c'est-à-dire le il, vous ne représentez pas ce qu'il y a de plus attirant, de plus agréable, de plus aimable, de plus désirable, de plus séduisant,

caractére

% ]. Pépin, « Saint Augustin et la fonction protreptique de l'allégorie » dans Id., La tradition de l'allégorie, p. 132-135.

l'allégorie

de l’àme ? Ou

bien

ne peut-on

pas le représenter ? - Comment

en effet, répondit-il,

pourrait-on

proportion, de couleur, ni aucune des autres qualités que tu viens de citer, et qui est complétement

représenter

invisible ? » ; MART.,

ce qui n'a pas de 10, 32, 5-6:

« Si

». seulement l'art avait pu représenter le caractere et l'esprit ! Il n'y aurait point de plus beauc tableau au monde

47

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Tr. 1, 7, 7-8 ; 11-12 : Effigiemque meam fuluo complexus in auro/ Cara relegati, quae potes, ora uides ; | ... ] Grata

tua. est pietas, sed carmina maior imago/ Sunt mea)". Dürer reprend également l'idée de la supériorité des ceuvres littéraires sur l'oeuvre plastique dans le portrait gravé d'Érasme

ERASMI

KPEITTO

ROTERODAMI TA

AB ALBERTO

XYITPAMATA

AEISEI,

DVRERO

AD VIVAM

qu'il réalise en 1526:

EFFIGIEM

« Portrait d'Érasme de Rotterdam

IMAGO

DELINIATA.

THN

par Albercht Dürer, réalisé

d'aprés l'original au vif. Une meilleure image de lui, ce seront ses ceuvres qui la montreront » !?*. C'est Adalgisa

Lugli qui a suggéré la premiére de rapprocher le premier vers de l'épigramme de Bocchi évoquant son portrait

par Fontana avec le titre que Dürer adjoint à son portrait de Mélanchton'"*. Cette filiation picturale est impor-

tante dans l'hypothése d'un Bocchi sensible aux idées nicodémistes d'un Camillo Renato, où le symbole joue un róle si important comme moyen de protéger la mens (oü résident les convictions religieuses) par la figure. ANALYSE

Cet embléme e&t la seconde piéce d'un triptyque programmatique entamé avec le Symbolum symbolorum et qui se clót avec le Symb. 3. Aprés l'exposition du sujet principal du livre (le symbolum et toutes ses acceptions), l'embléme nous présente la figure du narrateur-auteur qui préside à la composition et à l'unité de l'ouvrage, et nous précise ses intentions. En face d'une gravure reproduisant un portrait de Bocchi explicitement attribué à Prospero Fontana (on ne connait pas l'original), mais complété d'éléments stylistiques typiques de la maniere de Bonasone'^5, l'épigramme cependant ne se livre à aucune description de l'oeuvre d'art représentée. Le texte préfere jouer sur le lieu commun antique du portrait « mimétique » parfaitement réussi (potuit... pingere), auquel il manque cependant l'áme, c'est-à-dire l'essentiel, pour s'identifier totalement à son modéle (voir supra note au v. 1)'5. Le poéme s'organise autour d'une série de doublets, essentiellement en relation d'opposition (os/mens ; minimo/maxima ; exprimi/intelligi ; legitur/intelligit), qui semblent établir un rapport hiérarchique de supériorité (plus... quam) entre le corps et l'àme, l'expression poétique (ou plastique) et l'intelle&tion (voir

supra note au v. 1), qui recouvre en partie la polysémie du terme « allégorie ». On pourrait étre tenté d'inscrire la gravure et son épigramme dans une relation dialectique propre à la devise : le « corps » de l'image à gauche s'évanouirait dans le flux de lecture pour céder le pas à « l’àme » du texte à droite, la seconde venant compléter les manques de la premiére. Or, il n'en est rien. En effet, sous couvert de discuter le lieu commun antique du portrait peint incapable de restituer l'intériorité (v. 1-2: ... non mentem pingere [potuit]/ Res minimo pingi maxima in orbe nequit; voir les sources dans l'apparat), l'auteur de l'épigramme ne renvoie cependant pas non plus au texte comme medium capable de traduire cette spiritualité

qui ferait défaut à l'eikón. Au d'impuissance dans laquelle capacité à tenir un discours Pura tamen mens ipsa potest

contraire, il met en paralléle l'image et le texte pour souligner la situation identique ils se trouvent tous les deux, à moins que le lecteur/spectateur ne fasse appel à leur allégorique : au-delà des uerba ou des signa, c'est la mens qu'il faut aller saisir (v. 3 : comprendere mentem). Bocchi reprend ici une image fameuse, celle de l' Alcibiade de

1 Pour une analyse d'ensemble de la question et d'autres références antiques, voir W. Ludwig, « Das bessere Bildnis des Gelehrten », Philologus, 142, 1998, p. 123-161. 13 La formule apparait déjà sur une médaille représentant Érasme et réalisée à Anvers en 1519 par Quentin Metsys. Sur ces ceuvres et ces artistes, voir E. Pommier, Théories du portrait, de la Renaissance aux Lumiéres, Paris, 1998, p. 194 ; L. Campbell, M. Mann Philipps, H. Schulte

Herbrügen,J. B. Trapp, « Quentin Matsys, Desiderius Erasmus, Pieter Gillis and Thomas More », Burlington Magazine, 908 (vol. 120), 1978, p.717-725; Ph.Fehl, « Dürer's Portrait of Erasmus and the Medal by Quentin Massys: two Types of Mimesis », Künstlerischer

Austauch/Artistic Exchange, Berlin, 1993, vol. 2, p. 453-472 ; F. Zóllner, « The Motions in the Mind in Renaissance Portraits: the Spiritual Dimension of Portraiture », Zeitschrift für Kunstgeschichte, 68, 2005, p. 23-40. L'ensemble de la question est réexaminée par W. Ludwig, « Das bessere Bildnis des Gelehrten ».

' A. Lugli, « Le Symbolicae Quaestiones di Achille Bocchi », p. 93, note 8. "5 Attentive aux deux figures monstrueuses qui flanquent le cadre du portrait de Bocchi, Marzia Faietti (« Giulio Bonasone disegnatore »,

Grafica d'Arte, 44, 2000, p. 2-10, ici p. 4-5) a montré leur origine indubitablement bonasonienne en rapprochant ces motifs décoratifs de ceux proposés dans une étude de Bonasone réalisée à l'encre et à la plume et conservée à la Kunsthalle de Hambourg ( Decorazioni ornamentali per un bordo inciso, inv. 52191), ainsi que dans les bordures de la gravure intitulé Giunone parla alle Parche (B. 119), appartenant à la série des Amori

sdegni/e Gielosie di Giunone.

106 Sur cette question voir E. Pommier, Théories du portrait de la Renaissance aux Lumiéres, Paris, 1998, p. 28-30.

48

Platon (133a-b), qui se décline chez Cicéron (Tusc., 1, 52) et chez Grégoire de Nazianze (Or., 2, 39 et 74), où Socrate explique que de méme que, pour se voir, l'ceil a besoin de se réfléchir dans un autre oeil, de méme, l'àme qui veut se connaitre elle-méme a besoin d'une autre áme pour se voir elle-méme car elle apercoit alors 026v xai opovrjotw,

« un dieu et la pensée », qui constituent son essence méme.

La devise socratique invitant à se

connaitre soi-méme (nosce te ipsum) implique donc le passage par l'àme autrui, comme nous le verrons dans notre analyse du Symb. 5 : l'autoportrait de Socrate au bon démon, métaphore de ses epaktikoi logoi, est une porte qui s'ouvre pour le lecteur dans le cadre de la gravure, afin d'aller le chercher et de lui permettre d'entrer

dans le tableau, oü il pourra rencontrer Socrate (et son démon), étre soumis à ses questionnements et contempler sa propre àme. Cette référence à la réflexivité noétique chez Platon se méle à l'évocation

traditionnelle de l'hyponoia et de l'allégorie, qui invite à chercher le plus haut sens au-delà de la lettre (v. 4 : heic plus intelligit ac legitur). L'interprétation des signes obvies et de l'enveloppe matérielle est toujours différée en dehors de l'oeuvre méme et confiée à la virtuelle herméneutique d'un lecteur/spectateur. Le texte et l'image

véhiculent de maniére implicite une sorte d'aura sémantique, de surplus de signification qui flotte autour d'eux mais qu'ils ne peuvent pas dévoiler par l'apparence ou la lecture au premier degré : tout au plus peuvent-ils « faire signe », en livrant à autrui le privilége de «faire sens ». Aristote, établissant la différence entre la musique et les autres arts, rappelle que, dans la peinture ou la sculpture, ce n'est qu'au prix d'une construction mentale, d'un raisonnement dianoétique de type syllogistique (cf. dans le texte de l'embléme : intelligi) que l'on se rend apte à lire en termes de tempérament et de psychologie les signes du portrait figuré (semeia), alors que les rythmes et les mélodies sont de véritables équivalents des états d'àme'"". Cette idée aura une belle fortune, en

particulier chez Xénophon (Mem., 3, 10, 4-5 et 8'*) et chez Pline l'Ancien (à propos du peintre Aristeidés, capable de peindre éthos et pathoi, Nat., 35, 98'?). De la méme maniere, c'est une lecture interprétative et non

littérale (legitur) qui peut venir à bout du texte métaphorique. Qu'il s'agisse de l'image ou du texte, le plaisir esthétique du symbole, comme dans celui de la métaphore, est de nature cognitive, et se fonde sur la reconnaissance du semblable. Mais ce qui est important est moins la ressemblance du signifiant avec son modéle réel (Bocchi par rapport à son portrait, Socrate à travers le portrait de Bocchi), que la possibilité de ce signifiant de renvoyer par convention à un concept abstrait dont il restitue la configuration, c'est-à-dire à une forme d'universel. Le titre, en parlant de In Bocchianis symbolis, ne distingue pas entre l'élément figuré et l'élément littéraire dans l'unité générique qu'ils constituent. Le plus... quam restitue le surplus de labor intellectif que doit fournir le lecteur devant ce qui s'offre à lui. Qu'il n'y ait pas interdépendance de l'image et du texte (au sens où le second commenterait ou approfondirait la premiére) mais stri& parallélisme, tels deux discours qui traiteraient d'un méme sujet mais en suivant la voie et les moyens qui leur sont propres, est un fait renforcé encore par le travail d'imitation textuelle de l'épigramme. Le dernier vers paraphrase en effet un passage de Pline l'Ancien qui renvoie au travail du peintre Timanthe (35, 73 : « Et dans les ceuvres de cet artiste unique, il faut comprendre davantage que ce qui est peint et, bien que l'art y soit au sommet, l'intelligence dépasse l'art », voir apparat des sources au v.4 pour le texte latin). Timanthe (1V* s. av. J.-C) peignit en particulier un tableau fameux représentant Iphigénie menée au supplice : aprés avoir représenté toute la gamme des souffrances que suscite le spectacle de la scéne sur l'assistance peinte autour

d'Iphigénie,

reconstituer

en

le peintre

imagination

ou

a préféré voiler la téte d'Agamemnon, par

la colle&ion

de

souvenirs

offerts

laissant au spectateur

par

la mémoire,

la tàche

à travers

de

ce signe

symbolique, l'étendue d'une douleur inexprimable et échappant à la possibilité de la représentation plastique?

L'art est comme pris en défaut de faiblesse. Or, dans cet exemple et dans les autres cités par Pline l'Ancien (par 107 ARIST,, Pol., s, 1340 a. Voir les analyses de M. A. Zagdoun, L'esthétique d'Aristote, Paris, 2011, p. 85. Voir 108 Pour Xénophon, ce sont les yeux, la physionomie et les mouvements qui permettent de traduire les sentiments et états d'àme.

F. Preisshofen, « Sokrates im Gesprách mit Parrhasios und Kleiton » in K. Dóring, W. Kullman (dir.), Studia Platonica. Festschrift für Hermann Gundert, Amsterdam, 1973, p. 21-40.

109 Sur ce point voir J. J. Pollitt, Art and Experience in Classical Greece, Cambridge, 1972, p. 43-45.

patruum et tristitiae 110 Eius enim est Iphigenia oratorum laudibus celebrata, qua stante ad aras peritura cum maestos pinxisset omnes praecipueque omnem imaginem consumpsisset, patris ipsius uoltum uelavit, quem digne non poterat ostendere.

49

= _

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

exemple Le Cyclope mesuré par le thyrse de satyres, pour donner au spectateur l'impression du gigantisme), il s'agit, certes, de donner des signes pour interpréter correctement l'éthos (le caractere acquis par habitude et

Symb. 3 Gravure :

éducation) ou le pathos (les émotions liées aux circonstances) du personnage peint, par exemple la douleur

L'IMAGE RÉVELE LE POIDS DES RÉALITÉS IMPORTANTES

du Cyclope. Mais c'est surtout l'ingéniosité du peintre, dans le choix du symbole (le manteau sur la téte, le

PLUS LES NOTIONS SONT DIFFICILES, PLUS CLAIRS SONT LES MOYENS QUI LES RÉVELENT

intense qui submerge celui qui occupe le statut de pére d'Iphigénie, ou le tempérament et l'attitude monstrueuse

thyrse tenu par les satyres pour servir de coudée) et dans l'habileté de sa trouvaille (ingenium, mens, à prendre ici

sans doute au sens de l'imagination délibérative aristotélicienne, phantasia bouleutike!!'), qui se trouve mise en

valeur de sorte qu'elle supplante la qualité mimétique parfaite que peut avoir l'ars du peintre par ailleurs. Ce subterfuge, qui a trait à l'Idée portée dans l'imagination (voir notre analyse des Symb. 24 et 36), capable de réorganiser le réel, ne se trouve pas dans la nature et ne peut pas faire l'objet d'une imitation. Il ne peut pas non plus étre dit directement par la représentation mais gráce à un signe qui y renvoie. Libérée de la matérialité (pura), l'intelligence du lecteur peut alors s'emparer de l'intention du crypteur, qui passe de l'état de sujet actif à l'état d'objet d'étude, comme le montre le polyptote mens/mentem. Si l'on revient à l'emblématiste, qui joue le róle du peintre, l'habileté de l'invention symbolique, c'est-à-dire l'originalité de la mise en forme allégorique d'une pensée abstraite ou d'un discours intérieur, ne pourra étre appréciée que par un lecteur qui saura aller audelà des manifestations sensibles. La gravure semble dans un premier temps relayer ce propos. Par le portrait gravé, l'auteur du volume que le lecteur a sous les yeux tient ici à se manifester sous cette identité explicite, comme l'indique la titulature du tableau sous l'image (Achilles Bocchius Bononiensis). Beaucoup d'humanistes et de réformateurs célebres au début du XVf s. se font représenter dans un portrait oü ils exhibent un exemplaire de leur ouvrage majeur, qu'il s'agisse de Martin Luther, Philippe Mélanchton ou Érasme par Dürer, Lucas Cranach ou Hans Holbein, et il y a bien d'autres exemples!" Le livre invite à compléter l'image visuelle par un portrait de l'áme et du talent, qui ne se peint pas mais se donne à lire dans un texte. Or le Symbolum 2 de Bocchi nous présente ici une situation inversée : un livre qui montre à l'intérieur de ses pages un portrait de son auteur, habile renversement d'une citation plastique à la mode. Il faut feuilleter l'ouvrage pour voir apparaitre le visage de celui qui offre au lecteur les fruits de son ingenium. Mais une autre surprise nous est réservée. L'auteur, explicitement nommé Achilles Bocchius sur le tableau, comme sur la page de titre du livre, apparait sur un portrait au vif, en profil de trois-quarts, qui n'idéalise en rien la physionomie : àge mür, barbe abondante et broussailleuse, traits saillants, légére calvitie. Or, jusque dans ces défauts, tout rapproche ce portrait de Bocchi de celui de Socrate dans l'embléme suivant, auquel il ressemble de maniére troublante. Ce qui fait signe ici, paradoxalement, c'est la mimesis ! La métaphore socratique ne s'applique pas seulement au concepteur des emblémes dont on voit le portrait ici, mais aux emblémes eux-mémes, qui sont autant d'applications de la méthode socratique, la redoutable dialectique de l'eironeia, destrucrice des apparences, des faux-semblants et des idées toutes faites (voir notre analyse du Symb. 3). Le Symb. 2, comme le Symbolum symbolorum et le Symb. 3, s'inscrit dans le cadre d'un art poétique. L'allure familiére et simple que peuvent prendre certains symbola dissimule un contenu allégorique précieux, philosophique, qui relaie les préceptes socratiques. Au-delà du spoudaiogeloion, c'est-à-dire de l'ironie socratique et de ses inductions, dont Érasme insiste sur le caractére populaire et accessible à tous, il faut ouvrir le siléne d' Alcibiade, qui, derriére le portrait grotesque, dissimule l'image d'un dieu ou d'un bon démon ailé. Mais l'enveloppe est toutefois une premiére étape nécessaire et c'est elle qui « signale » l'ingenium de l'artiste et happe l'ceil du spectateur.

Sur l'image :

— Le démon eudémonique — Socrate

AU TRÉS ILLUSTRE CARDINAL ALEXANDRE FARNÉSE

Si l'homme que Phébus jugea la source et le flambeau Incomparable des sages, éprouvait le désir D'instruire le peuple ignorant de notions difficiles, Il exposait d'abord les points qu'il connaissait le mieux. 5

Aussi, non sans raison, jugeait-il fort sürs et solides

20

Que ceux-ci voulaient bien ouir et trouver vertueux

En plus d'étre brillants, tous les sujets qu'il s'apprétait À mettre en discussion. Le grand Homére loue de méme Comme un orateur persuasif, cet Ulysse d'Ithaque Qui réussit à se rallier, par des moyens trés clairs, 10 Tousles esprits, oà que ceux-ci voulussent l'entrainer. C'est pourquoi tous ceux qui avaient eu l'heur de progresser Dans les arts libéraux n'ont pas recherché les secrets Au point de les dominer tous, mais jugeaient suffisant De pouvoir se saisir de quelques modestes objets, 15 Qui puissent se faire à leur tour de précieux stimulants Pour la quéte du Vrai. Aussi, le poéte phrygien Fit jadis de belles fables, le vieillard de Samos, Fils de Panthoüs, des symboles ; les chantres peignirent Des poémes divins, charmant si puissamment les hommes Ce que voyaient leurs yeux auparavant sans se tromper. Et qu'on n'aille point m'objecter, dans une vaine image, De montrer le poids, le sérieux des notions importantes : Tout mon effort vise à unir l'utile et l'agréable,

25 Aucasoüje pourrais gagner l'ensemble des suffrages ; J'ai choisi, craignant de lasser, d'imiter la Nature, Et de revétir mes pensées de figures variées,

De facon que tout serve l'art, par effet ou discours.

Je ne suis entravé par les chaines d'aucune école, 30

1! Cf. ARIST., Anim., 3, 433b- 4, 434 a. !? Voir K, Lócher,

« Humanistenbildnisse — Reformatorenbildnisse. Unterschiede und Gemeinsamkeit », ín H. Boockmann,

L. Grenzmann,

B. Moeller et al. (dir.), Literatur, Musik und Kunst im Übergang vom Mittelalter zur Neuzeit, Góttingen, 1995, p. 352-390 ; H. Vredeveld, « “ Lend a Voice ": The Humanistic Portrait Epigraph in the Age of Erasmus and Dürer », Renaissance Quarterly, 66/2, Summer 2013, p. 509-567.

$0

35

Maislà où me séduit l'aspect du Vrai, beau entre tous,

Je m'y porte en hóte et, tel l'abeille du Matinus Qui butine — táche immense ! - les lys qu'elle apprécie, Je crée mes vers, nés de fréle mais laborieuse Muse, Goütant, des sages antiques, les préceptes dorés.

Ò trés illustre Farnése, ne va pas, je t'en prie, Mépriser nos chants, quels qu'ils soient ; j'implore, pour ma part, Faveur pour mes trouvailles, et pardon pour mes omissions,

S1

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome2

40

—-v. 19:

Comme fit Aristote : il me suffit d'avoir voulu ! À ton humeur aimable, il sied d'absoudre nos erreurs.

- Pinxere] Le terme pingere appliqué à l'écriture poétique et l'équivalence posée entre oreilles et yeux, entre

audition et vision, s'inscrit ici dans le topos rhétorique de la critique littéraire et picturale au xv* siécle qui emprunte à l'Art Poétique d'Horace un vers devenu fameux, ut pictura poesis, décliné en ut pictura rhetorica. À travers une formule rebattue de Plutarque qui préte à Simonide la désignation de la peinture comme poésie

Car jamais invention ne fut aussitót perfection. Sil'on daigne polir un jour cet ouvrage grossier

Et combler ses lacunes, l'on pourra peut-étre obtenir

muette et de la poésie comme peinture parlante (De Gloria Atheniensium, 3, 346f-347c = Simonide fr. 190B

Qu'avec profit beaucoup se seront plu à l'étudier.

Bergk), la Renaissance, à l'instar de l'Antiquité, suppose qu'il y a entre les arts visuels et la rhétorique des affinités essentielles et que l'on peut essayer de dégager des paralléles stylistiques dans le cadre d'un parallele

MÉTRIQUE

Hexameétres dactyliques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE

— mot. mage] Archaique pour magis.

— v. 2 : prophani] Pour l'aspiration, voir notre note au v. 63 du Symbolum symbolorum. — v. 11 : feliciter] Cette diphtongaison en -oe- de la voyelle longue -e- s'effectue sans doute par imitation de l'adjectif foecundus pour fecundus.

— v. 9 : his] Les éditions donnent tantót is tantót his, variante que nous avons adoptée. Dans ce dernier cas, le

datif est appelé par le verbe liberet (his liberet) et le pronom renvoie au terme hominum dans le méme vers, et non pas à Ulysse (is) comme le comprend Elisabeth See Watson, Achille Bocchi, p. 83. La source xénophontienne (voir apparat des sources), que Bocchi traduit presque littéralement, invite à cette interprétation, en particulier

la séquence 8t& àv Sokobvrov voig àvÜpomoic avec un datif: "Eon $è xai 'Oynpov xà 'O8voosi àvaOsivat 1ó àcoaAi] pijtopa slvat, ws ikavóv abxóv óvxa $1à vàv Bokobvrov xoig àvOponois &yetv vobc Aóyovc, « Socrate disait

également qu'Homeére attribuait à Ulysse la qualité d'étre un orateur persuasif, vu qu'il était capable de construire son discours en se servant de ce que les hommes jugeaient bon. » — v. 43 : iuuarit] Pour expliquer cette forme syncopée (pour iuuauerit) et non attestée de futur antérieur quel'on trouve dans les deux éditions, on peut rappeler que l'on trouve chez Salluste (J. 47, 2) et chez Pline (Ep. 4, 15, 13), une forme réguliére de participe futur en iuuaturus et, pour le composé adiuuo, une forme de parfait adiuuaui chez le juriste Iulius Paulus (Dig., 34, 9, 5 ; 40, 2, 15).

théorique!" En effet, certaines figures rhétoriques ont un rapport tout spécial à l'image et à la représentation, comme la métaphore ou l'hypotypose : elles se fondent sur l'enargeia, cette clarté irréfutable de l'évidence sensible, devant un spectacle réel ou la contemplation d'une ceuvre d'art, qui emporte l'assentiment. Elles ont par conséquent, à l'instar du réel, le pouvoir de stimuler des visions génératrices d'émotions dans la phantasia des auditeurs, les soumettant à la fascination du récit poétique ou emportant leur conviction dans le cadre d'un discours rhétorique'"^. Aussi, la Renaissance suivait-elle le propos de Lucien (Imagines, 8) et voyait-elle en Homére (comme en Virgile) « le meilleur des peintres », qui sollicitait davantage les yeux que les oreilles. On peut se référer à un passage trés éclairant de Politien, Oratio in expositione Homeri, dans Angeli Politiani Opera, Bàále, apud Nicolaum Episcopium Iuniorem, 1553, p. 489 : Quid si eumdem picturae quoque magistrum auctoremque uocemus, num opinor mentiemur ? Cum praesertim sapientis dictum feratur, poesin esse loquentem picturam, sicut e contrario pictura ipsa muta poesis uocatur. Quod si fortasse aut

absurdum uidetur aut magnificum nimis, legat, obsecro, uel illam in Achillis clypeo coelaturam (cf. QUINT., Inst. or., 2, 17, 8), uel si hoc grauatur, locum certe hunc de Euryclea anu, Vlyssem ex cicatrice agnoscente, diligenter consideret, cuius equidem imaginem slatumque et habitum non tam accipere auribus, quam ipsis plane oculis uideor usurpare.

Si nous déclarions que le méme homme est également le maitre et l'inventeur de la peinture, dirions-nous, si je ne me trompe, un mensonge ? Surtout en citant le propos d'un sage, qui déclare que la poésie est une peinture éloquente, de méme qu'à l'inverse, on dit que la peinture est une muette poésie. Si cette pensée donne l'impression peut-étre d'étre trop absurde ou trop flatteuse, qu'on aille lire, j'en fais la prière, soit la scene ciselée

sur le bouclier d'Achille, soit, si l'on s'ennuie, qu'on examine au moins avec attention le passage qui évoque la vieille Euryclée reconnaissant Ulysse à sa cicatrice : pour ma part, je crois moins saisir son apparence, son allure et

NOTES

- ded. carm.:

ALEXANDRO

FARNESIO]

Voir la notice dans la piéce liminaire manuscrite

dédiée au

ses gestes par l'écoute que de me servir exclusivement de la vue.

personnage, p. 15-16.

- allexere] Ce verbe désigne l'attraction exercée par l'aimant (cf. CIC., Diu., 1, 86) et rappelle la métaphore de la pierre de Magnésie dans l'Ion de Platon où la fascination exercée par la divinité à travers le chant de l'aéde est suggérée par la concaténation d'anneaux de fer rivés à un aimant. Le terme suggére également les incantations

Bocchi, p. 83). Voir les sources de ce vers dans l'apparat. - v. 10 : aperta désigne la clarté aussi bien des mots ou uerba (cf. CIC., Fam., 9, 22, 5) que des pensées ou

des Sirénes ou l'image d'Orphée charmant les animaux (cf. CIC., Tusc. 1, 6).

— v. 2: ludicio Phoebi... et fons et lumen] Il s'agit de Socrate, proclamé le plus sage des hommes par l'oracle de Delphes, c'est-à-dire l'oracle d'Apollon, et non, comme le suggére Elizabeth See Watson, de Platon (Achille

sententiae (cf. CIC., Brut., 66). - v. 15 : irritamenta] Dans un sens péjoratif, cf. SEN., Ir., 2, 5 : fallacissima irritamenta ; cf. aussi SEN., Epist. 51,5 : uitiorum irritamenta. Pour un sens positif, cf. AVG., Iul. (PL col. 1347 1. 45) : praesentium bonorum et iucunditatum irritamenta.

- v. 16 : Veri indagandi] Pour la métaphore de la chasse, voir nos analyses au poéme. L'idée de la vérité qui n'est pas donnée d'emblée ni révélée de maniére divine prépare les références des v. 32-41 au modele prométhéen puis horatien du labor qui vient compléter les dons de l'ingenium ou de la natura. Pour la relation avec l'esthétique de la silve, voir l'analyse du texte. — v. 16-17 : Vates...

Phrygius] Ésope, originaire de Phrygie, auteur des Fables. Plutarque

16b) rapporte que Socrate, tout en insistant sur le fait qu'il était champion

de la vérité et donc incapable de

fabriquer des mensonges (cf. PL., Phaedr., 60c-61c), aurait traduit les Fables d'Ésope.

— v. 18 : Panthoides Samius] Pythagore, l'auteur des Symboles pythagoriciens.

(De audiendis poetis,

l3 A. Rouveret, Histoire et imaginaire de la peinture ancienne, Rome, 1989, p. 424-454 (sur les paralléles entre rhétorique et beaux-arts). !* Voir W. Trimpi, « The Meaning of Horace's Vf pictura poesis », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 36, 1973, p. 1-34; A. Rouveret, Histoire et imaginaire, ibid. Sur les uisiones, leur pouvoir, et leur relation à l'imagination, voir

QVINT., 6, 2, 29. Pour les positions

théoriques antiques qui associent étroitement phantasia, enargeia et ecphrasis, avec des références au monde pictural, la bibliographie est

immense. On renverra à quelques titres essentiels : A. Manieri, L'Immagine poetica nella teoria degli antichi : phantasia ed enargeia, Pise/Rome,

1988 ; A. Rouveret, Histoire et imaginaire p. 383-423 (sur mimesis et phantasia, d'Aristote à la période hellénistique récente) ; C. Calame, « Quand dire c'est faire voir : l'évidence dans la rhétorique antique », Études de lettres, 4 (oct.-déc. 1991 : Relectures de la rhétorique), p. 3-22 ; P. Galand-Hallyn, « L'enargeia, de l'Antiquité à la Renaissance », Les yeux de l'éloquence. Poétiques humanistes de l'évidence, Orléans, 199, p. 99122 ; R. Webb, « Mémoire et imagination : les limites de l'enargeia dans la théorie rhétorique grecque », dans C. Lévy, L. Pernot(dir.), Dire l'évidence (Philosophie et rhétorique antiques), Paris, 1997, p. 229-249 ; J. Dross, « De la philosophie à la rhétorique : la relation entre phantasia et enargeia dans le traité Du Sublime et Institution Oratoire », Philosophie antique, 4, 2004, p. 61-93. Pour la Renaissance, on se reportera à l'ouvrage fondateur de R. W. Lee, Vt pictura poesis : Humanisme et théorie de la peinture, XV-XVIf siécles, Paris, 1991 (1967) ; J. Lichtenstein, La couleur éloquente. Rhétorique et peinture à l'áge classique, Paris, 1989, p. 103-128 : « Des limites du discours à l'éloquence de l'image » ; P. Dandrey, « ‘Piétura loquens' : l’ 'ecphrasis' poétique et la naissance du discours esthétique en France au XVII" siécle » dans O. Bonfait (dir.)., La description de l'euvre d'art. Du modéle classique aux variations contemporaines, Rome, 2004, p. 93-120 ; J. Lichtenstein, « La description de tableau : énoncé de quelques problémes », ibid., p. 295-302.

52

S3

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

— v. 20 : Bocchi cite ici textuellement un passage de l'Art poétique d'Horace pour en prendre en réalité le contrepied. Dans ce passage, Horace explique que, si certaines scénes particuliérement violentes (Médée égorgeant ses enfants ou Atrée faisant cuire des chairs humaines, par exemple) ne peuvent étre représentées sur scéne pour des questions de convenance et doivent faire l'objet d'une narration, il faut toutefois admettre que ce type de récit édulcore le spectacle et que son impact est amoindri (cf. HOR,, Ars, 180: segnius inritant). Pour Bocchi au contraire, qui suit la logique de l'enargeia, l'illusion de réel ou la « fiction de réel » est complete, et le texte est apte à générer le méme degré d'adhésion que la vision directe des choses (credere honesta). — v. 22-25 : seria inani/... utile dulci] En plus de la citation d'Horace (voir les sources à ce vers), voir VERG., Buc., 7, 17 : posthabui tamen illorum mea seria ludo et AVS. Mos., 206-207 : sua seria ludo/ Posthabet.

— v. 26-27 : Naturam imitari... uarias inducere formas] Bocchi reprend ici pour l'appliquer spécifiquement à l'invention symbolique les développements de Macrobe (Sat. s, 1, 19-20), relayés par Politien (Silves, « Ambra », 489-496), qui compare la uarietas du style « récapitulatif» de Virgile à la diversité du cosmos.

Reprenant la réflexion des rhéteurs antiques, tels Denys d'Halicarnasse ou Hermogene de Tarse, Macrobe fait l’éloge de Virgile en montrant que le poéte mantouan a abordé tous les styles, qu'il les a unifiés en alliage (temperamentum) harmonieux si bien que le style poétique imite la nature et le réel en restituant leur bigarrure : atque adeo non alium secutus ducem quam ipsam rerum omnium matrem naturam hanc praetexuit uelut in musica concordiam dissonorum. Quippe si mundum ipsum diligenter inspicias, magnam similitudinem diuini illius et huius poetici operis inuenies. « Et dans ce but, il n'a pas suivi d'autre guide que la Nature en personne, mére de l'univers, et a réussi à tisser ensemble, comme

en musique, cette dissonante harmonie. L'observation attentive

du monde permettra de découvrir une forte ressemblance entre l'ouvrage divin de la nature et celui du poéte »!?, On notera que la formule naturam imitari rappelle fortement un passage de la Rhétorique à Herennius (23, 36 : Imitetur ars igitur naturam) qui l'emploie cependant dans un sens totalement différent, puisque natura désigne alors les qualités naturelles et innées du poéte, son ingenium, qu'il faut compléter par le labor" ^. Enfin, la uarietas,

à laquelle Érasme concéde le nom cicéronien de festiuitas (cf. De Or. 2, 54, 219), est un impératif

essentiel de la rhétorique de l'orateur chrétien : ce dernier, à l'instar de Protée, de Socrate ou de saint Paul doit savoir adopter un style polymorphique dont la souplesse conditionne sa capacité à persuader un public

extrémement divers et des tempéraments opposés'"".

-formas] Le changement de contexte contribue, non pas à l'évidtion des connotations péjoratives de la formulation horatienne, où l'on n'avait pas formas mais plumas, mais à leur récupération dans un autre sens : la chimére du début de l'Art poétique d'Horace devient moins ici une créature monstrueuse qu'il s'agit d'évincer des productions picturales, poétiques et symboliques, qu'une sorte de modéle composite dont l'hétéroclicité est apparentée au caractére étrange que peut parfois prendre le symbole et qui va susciter la chasse allégorique. Par ailleurs, formas a souvent le sens de figures de rhétorique ; f. CIC. Brut. 69 : sententiarum orationisque formae quae Graeci uocant oxrjuaxa. La traduction latine la plus fréquente est celle de figurae. Sur le sens des couples formas/sensis et agens/loquens, voir nos analyses du poéme. - v. 29: Me sane impediunt nullius uincula sectae] La source cicéronienne se double ici d'une référence à la premiere épitre d'Horace (voir apparat des sources à ce vers). Dans son épitre, Horace affirme que désormais, il ne pratiquera plus la poésie comme avant. Il s'intéressera uniquement au vrai et au bien moral (uerum atque decens, v. 12), sous toutes ses formes, sans se préoccuper d'obéir à telle ou telle secte. Il accumule toute une série de témoignages empruntés aux auteurs pour se constituer un garde-manger (Condo et compono quae mox depromere possim, v. 13). Cette liberté est précisément celle que revendique Horace dans l'Art poétique, 9-10 pour les poétes et les artistes : pictoribus atque poetis/ Quidlibet audendi semper fuit aequa potestas.

-v. 30-31: quocumque trahit species.../ Deferor hospes] À l'inverse du vers précédent, c'est maintenant la citation horatienne qui doit étre à son tour complétée par une référence à Cicéron (CIC., Tusc., s, 82). Ce

dernier permet de comprendre le sens de species pulcherrima Veri, qui doit étre réinséré dans le contexte des doctrines philosophiques. Pour Cicéron, l'important n'est pas d'étre fidéle à tous les préceptes d'une secte philosophique mais bien de servir la vérité en prenant dans chacune des doctrines ce qui peut contribuer à l'exercice de la raison. On notera ici le souci constant d'adapter à la diversité extréme des idées la richesse d'un style métamorphique qui en épouse toutes les nuances et à la souplesse d'un genre adéquat dont la silve semble remplir les conditions. -v.32: - Fingo] Le verbe fingo file la métaphore apicole et s'applique spécifiquement à l'élaboration du rayon de miel

(cf. CiC., Off., 1, 157). Anne-Marie Lecoq, dans son article « Finxit: le peintre comme fictor au. XVI s. », Bibliothéque d'Humanisme et Renaissance, 37, 1975, p. 225-243 (ici p. 226-227), rappelle que fingere, parent de figura, est synonyme de formare (cf. CIC., Ac., 1, 6). Ce verbe devient équivalent à creare, sur le modéle du deus

artifex qui d'une matiére éparse constitue un tout harmonieux et cohérent (cf. AvG., De Gratia et libero arbitrio,

8, 20). Il s'emploie en particulier pour la création des mots et des vers (CIC., Fin. 4, 7 ; HOR., Ars, 52). Assimilé à

fabricari, fingere à la Renaissance se spécialise dans la désignation de l'activité du poéte/rhéteur qui invente des fictions poétiques et des fables mythologiques''*. Celles-ci sont empruntées non à la réalité mais nées de son imagination créatrice, tout comme les images du réve. Il a ensuite la possibilité de les transmettre à la représentation de ses auditeurs, gráce à l'enargeia propre au langage et au style qui mettent sous les yeux (sub oculos ponere), sculptent sous le regard (Iypotyposis) l'objet absent. C'était un cas particulier d'application de la

fonction imaginante de la phantasia, qui peut former des images mentales (cf. CIC., Mil., 79 ; SEN., Epist., 13, 12 ; QVINT. 12, 1, 21 etc.). Depuis le Philébe (39b 6-7) de Platon, qui assimile la doxa à un scribe et l'imagination à un peintre intérieur qui décrit et représente en nous les objets extérieurs, l'imagination est comparée à un peintre (cf. CiC., De Orat., 2, 51 : cum sibi fingit aliquid et cogitatione depingit). Fingere insiste sur l'idée d'un objet à trois

dimensions, par opposition à pingere, qui renvoie plutót à une image de surface. Toutefois cette fiction n'est pas seulement ceuvre mensongére destinée à tromper. Elle sert souvent de voile pour cacher la vérité ou, au contraire, pour mieux l'exprimer et la rendre accessible. La fictio devient l'équivalent de l'allegoria, comme le laisse entendre Macrobe (Somn. Scip. 1, 6-11) : sacrarum rerum notio sub pio figmentorum uelamine honestis et tecta rebus et uestita nominibus enuntiatur et hoc est solum figmenti genus quod cautio de diuibis rebus philosophantis admittit. On retrouve la méme idée chez Boccace, Genealogia... deorum, 14, 1 : apud integumenta fictionum). Or cette idée se retrouve dans le vocabulaire de la peinture à la Renaissance, qui veut absolument rivaliser avec la poésie, oà le poéte est justement un fictor. Fingere, c'est peindre une image allégorique: le finto, c'est le « figuré ». Cette image matérielle n'est pas différente du signum ou res significans qui constitue le point de départ de l'embléme ou de la devise. Dans le Della Pittura d'Alberti, le mot fingiere traduit imitari employé dans le De Pictura, c'est-à-dire tout ce qui a l'apparence de la réalité mais suppose une intervention créatrice qui fait passer une représentation dans la matiére. Puis Alberti passe à l'art de la feinte et du trompe-l'ceil et rejoint l'idée de l'invention imaginaire. Mais le terme ne se départit pas de sa densité sémantique initiale. Fingere, c'est composer en trois dimensions, c'est « rendre le modelé des corps », c'est faire ressortir le volume sculpté de la surface plane de la peinture par le jeu des ombres et des lumiéres, c'est accorder à l'art la capacité illusionniste de l'enargeia qui nous fait croire que nous sommes en contact non seulement avec les choses absentes mais aussi avec les réalités invisibles, les sentiments ou les dieux ; sans oublier qu'il peut également avoir le sens fort banal

de facere ou de pingere. - tenui ast operosa... Musa] Sur cette revendication volontaire du labor et de la pratique des genres mineurs, propre à la silve, voir nos analyses au texte.

' Sur ces textes, voir les analyses de P. Galand-Hallyn, F. Hallyn (dir.), Poétiques de la Renaissance. Le modèle italien, le monde francobourguignon et leur héritage en France au xVT° siécle, Genéve, 2001, p. 544 ; P. Galand-Hallyn, Le reflet des fleurs : description et métalangage poétique d'Homére à la Renaissance, Genéve, 1994, p. 538-539.

"^ Sur la question de l'imitation de la nature, voir notre analyse du Symb. 36.

! Voir J. Chomarat, Grammaire et rhétorique chez Érasme, Paris, 1981, t. I, P. 582 sq.

54

"* Sur cette relation à la fabula, voirJ. Lecointe, L'Idéal et la différence. La perception de la personnalité littéraire à la Renaissance, Genéve, 1993,

P. 42-43.

3S

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

— v. 40 : Nam simul inuentum... unquam] CIC., Brut., 71 : nihil est enim simul et inuentum et perfectum 119 Comme l'explique Jean Lecointe dans L'Idéal et la différence, p. 49-53, cette formule rejoint les universaux de la dialectique ars, natura, exercitatio dans l'Antiquité. Les prodromes de toute création sont fournis par la nature,

c'est-à-dire l'ingenium de l'artiste (et non pas le monde réel). Celui-ci e&t porté par un désir et un goüt qui se manifestent par l'exercice (exercitatio), c'est-à-dire le recours à toute une série de principes cohérents techniques ou théoriques formulés par ses prédécesseurs (ars ou doctrina). Ces principes améliorent et portent à leur

perfection les trouvailles générées par la nature ; cf. RHET,

Her., 23, 36 : Imitetur ars igitur naturam

et quod ea

desiderat, id inueniat, quod ostendit, sequatur. Nihil enim quod aut natura extremum inuenerit, aut doctrina primum ;

sed rerum principia ab ingenio profecta sunt, exitus disciplina comparantur. Voir aussi CIC., de Or., 1, 25, 113-114. Le méme propos se trouve repris par un passage fameux de l'Art Poétique d'Horace, (v. 409-411): Ego nec

studium sine diuite uena/ Nec rude quid prosit uideo ingenium ; alterius sic/ Altera poscit opem res et coniurat amice, « Pour ma part, je ne vois pas l'utilité de l'étude sans la riche veine de l'inspiration, ni celle du génie lorsqu'il n'est pas travaillé »'??, Bocchi insiste sans doute ici sur le róle capital de la relation entre maitre et disciple. C'est une relation agonistique qui suscite le désir d'émulation et enflamme l'esprit. On retrouve une idée semblable dans la conclusion du De pictura d' Alberti (3, 63 : Simul enim ortum atque perfectum nihil aiunt). Toute la fin de l'embléme peut d'ailleurs étre mise en paralléle avec la fin du traité albertien, et

« parler, c'est peindre » '? ? Quel rapport entre la méthode de Socrate et l'usage d'une rhétorique de l'évidence fondée sur la pictura ? Quel sens donner au mot pictura lui-méme, qui apparait dans le motto au-dessus de la gravure (Pictura grauium ostenduntur pondera rerum) ? Le terme ne renvoie-t-il vraiment qu'à la gravure de Bonasone dans son ensemble, comme entité figurative, ainsi le considerent certaines analyses"* ? Pourtant, le sujet de la gravure consiste précisément en la représentation d'un tableau, une pictura que peint Socrate, dans un jeu vertigineux de mise en abyme et de dialectique entre ces deux niveaux de représentation. Mais la difficulté se complique encore du fait que ce motto lui-méme, porté au-dessus de la gravure, est directement emprunté au poéme dont il constitue le vers 235, et qu'il est inséré dans un contexte oü il est indubitablement question de la

forme sensible du signum symbolique au sein de l'invention poétique. Enfin, il conviendra de définir quel róle joue le démon aux allures d'ange-gardien qui semble autant dicter qu'inspirer la figure apercue sous le pinceau de Socrate : parle-t-il au philosophe ou au peintre ? Quelle est sa nature ? D'oü vient-il ? Comment interpréter la familiarité qu'il manifeste à l'égard de Socrate ? A-t-il une action autre que celle de regarder ? Si l'observateur de l'image gravée cherche quelque secours dans le texte, il sera décu dans cette attente. En effet, le poéme célébre les vertus du symbole, décrit sa longue histoire avant de proposer une poétique de la silve (voir infra), en se fondant sur un riche intertexte antique. Or, méme s'il y est question de Socrate dans le texte et si

l'emblématiste souligne la valeur de l'intention (mihi sat uoluisse, v. 38) et le théoricien de l'art, le caractere

c'est le vers 23 qui est repris pour servir de motto à la gravure, il semble difficile de comprendre d'emblée le lien entre texte et image. C'est au terme d'une analyse spécifique que nous tenterons de déterminer les relations qui les unissent. Dans le Symbolum 3, l'objectif avoué du poéme est moins de décrire et d'interpréter un signe en particulier que de réfléchir sur les pouvoirs psychagogiques dont les symboles en général sont investis par celui qui les imagine ou les transmet. Le Symbolum 3, comme nous l'avons rappelé dans les Symb. 1 et 2, constitue la partie conclusive d'un triptyque dont l'unité s'édifie autour de la notion de symbole elle-méme. Fidéle à la méthode posée dans notre préambule, nous commencerons par l'étude du texte poétique. Celui-ci s'organise en quatre parties distinctes de longueur inégale, fortement scandées par divers connecteurs d'argumentation qui dessinent une continuité historique, malgré quelques anomalies chronologiques au sein de chaque unité. Le début du texte est consacré à l'évocation de l'Antiquité et de ses représentants, origine et

ANALYSE""

mathématique du texte (Ergo mihi, v. 22), qui se pose en héritier de cette tradition exemplaire. Ce «je » invoque ensuite naturellement un « tu », destinataire de la piéce (Tu uero interea, v. 35). Enfin, la postérité se

ce, sur plusieurs points capitaux. D'abord, Bocchi espere que son ouvrage sera utile (cum fructu aliquo, v. 44),

demande,

à la suite

d'Aristote,

de

la reconnaissance

pour

les

trouvailles

(gratiam

inuentis,

v. 36)

et de

l'indulgence pour les oublis (omissis ueniam, vv. 36-37), là oü Alberti estime rendre service et espere de la

reconnaissance de la part de ceux qui ont approuvé sa démarche (ibid. : hoc potissimum laborum meorum premium exposco ut faciem meam in suis historiis pingant, quo illos memores beneficii et gratos esse ac me artis studiosum fuisse posteris praedicent). Bocchi souligne à l'envi l'imperfection de ses travaux (rudia polire ; defecta explere, V. 41, Y. 42) qu'il livre au talent et à la sagacité d'autrui, tandis qu' Alberti, de méme, admet que son ouvrage sera perfectible par autrui (Aderunt fortasse qui nostra uitia emendent et plus loin Qui uero nos sequentur, si qui aderunt studio et ingenio quam nos praestantiores, hi fortasse artem picturae perfectam atque absolutam reddent). Enfin, louable de la volonté (meminerint tamen solere in maximis rebus laudi esse id uoluisse quod difficillimum est).

Comme pour l'image du Symbolum 64, où le dieu Mercure exhibe une étrange ménorah en mettant un doigt sur sa bouche, l'ingéniosité de la gravure du Symbolum 3 aux énigmatiques partis pris, ouvertement allégoriques et métaphoriques, attire le regard, parfois au détriment du poéme qui l'accompagne. Sans entrer maintenant dans le détail de la description, signalons que l'image nous montre Socrate réalisant un autoportrait (peint ou sculpté) oü il se représente en compagnie de son bon démon, sous l'ceil amical et attentif de ce dernier qui regarde l'ouvrage, familierement appuyé sur l'épaule du philosophe à l'oreille duquel il semble parler. Pausanias et Diogene Laérce prétent effectivement à Socrate une activité, non pas exactement de peintre, mais de

sculpteur, avant la carriere de philosophe qu'on lui connait'?. Pourquoi avoir choisi de représenter Socrate en

caution (cf. les termes fons et lumen appliqués à Socrate au vers 27). Puis apparait le «je» au milieu

voit sollicitée pour l'accomplissement de l'ceuvre (si aliquis olim, v. 41). 1. De l'induction à l'allégorie : un paralléle en trompe-l'ceil

La premiére partie du texte (v. 1-21), vouée à l'Antiquité, met en relation deux procédés d'investigation de la

vérité dont elle célébre les illustres inventeurs.

Le premier procédé consiste en la méthode rhétorico-dialectique que Socrate affirme tenir d'Ulysse (v. 1-10).

Cette méthode est décrite dans un passage célébre des Mémorables de Xénophon (4, 6, 14-15, voir apparat des

sources) mis ici en vers par Bocchi"5, Érasme met la dialectique socratique en relation avec l'induction ou

artiste ? Suffit-il d'invoquer le lieu commun du ut pictura poesis ou ut pictura rhetorica pour expliquer que

119 Sur l'idée d'un progrés en art et sur la différence entre « inventeurs » et « perfectionneurs », voir A. Rouveret, Histoire et imaginaire de la peinture ancienne, p. 431.

120 Pour d'autres citations, voirJ. Lecointe, L'Idéal et la différence, p. 59.

121 Une premiere version de cette étude a été prononcée sous le titre « Socrate peintre ou le réel différé », lors du colloque L'Art en débat philosophique : le probléme du réel de l'époque hellénistique à la Renaissance, organisé par P. Hallyn-Galand, C. Lévy, G. Sauron, H. Massa-Pairault à l'université de Paris IV-Sorbonne

et à l'École normale supérieure les 22, 23 et 24 novembre

2007. Je tiens à exprimer ici toute ma

reconnaissance et mes remerciements à Laurence Boulégue, Perrine Galand-Hallyn, Fernand Hallyn, Carlos Lévy, Frangoise-Héléne MassaPairault et Gilles Sauron pour les remarques et suggestions stimulantes qu'ils ont exprimées au cours de la discussion qui a suivi notre communication. 2 Voir D. L., 2, 18 ; PAVS., 1, 22, 8 ; 9, 35, 7. Selon Pline, Nat., 36, 32, il s'agit d'une confusion avec un autre Socrate, originaire de Thébes.

56

75 A. Angelini, « "Quaeque latent magis, haec per mage aperta potent (sic)". La genesi dei simboli nella filologia di Achille Bocchi", Intersezioni, 23, 3, 2003, p. 361-398, en particulier p. 380-385. Voir également G. Arbizzoni « 'Pictura grauium ostenduntur pondera rerum". Per le immagini degli emblemi », Letteratura et arte, 3, 2008, p. 125-138. » "5 Voir E. See Watson, Achille Bocchi, p. 85. tradition biographique "5 || s'agit bien de lui et non de Platon comme le croit, à tort, Elizabeth See Watson, Achille Bocchi, p. 83. Sur cette p. 74-75. Pour antique du prótos eurétés, du « premier inventeur » (primus ou princeps inuentor en latin), voirJ. Lecointe, L'Idéal et la différence, les exemples antiques, voir, entre autres, HOR., Ars, 21.

m

t. IL, p. 706 et dans notre étude de "5 Nous avons signalé cette source dans notre thése en 1998, Les Symbolicae Quaestiones d'Achille Bocchi,

2003 « Achille Bocchi's Symbolicae Quaestiones », p. 117.

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

epagógé""", dont Aristote attribue effectivement la paternité à Socrate". Cicéron explique les aspects de cette méthode qui, avec la déduction, constitue l'un des deux aspects de l'argumentation : L'induction es un raisonnement qui, en se fondant sur des points bien établis, tente d'obtenir l'assentiment de

l'interlocuteur avec lequel la discussion a débuté ; fort de cet assentiment, le raisonnement amène l'interlocuteur à approuver les points douteux gráce à la ressemblance qu'ils entretiennent avec les points auxquels il a donné son

assentiment. [ ...] Une fois que l'assentiment a été accordé sur des points non douteux, l'analogie permet que méme un point en apparence douteux, s'il fait l'objet d'un questionnement séparé, est admis comme certain, gráce à cette facon d'interroger. Socrate usait fort couramment de ce genre de discussion parce qu'il ne voulait rien apporter lui-méme qui suscitát la persuasion; mais de ce que lui avait concédé l'homme avec qui il s'entretenait, il préférait tirer une conclusion que son interlocuteur devait nécessairement approuver, au regard de la concession qu'il avait déjà faite'?.

Dans ses Praelectiones de 1556 au De legibus de Cicéron (Bologne, Bibl. univ., cod. lat. 304, f° 26v^-27r^, Bocchi

reprend la définition cicéronienne de l'induction socratique"?. Cette technique, dans l'embléme bocchien,

semble justifier l'avis de l'oracle de Delphes qui fait de Socrate le plus sage des hommes (v. 1-2 : Iudicio Phoebi sapientium maximus ille/ Et fons et lumen)". Par cette méthode inductive ou dialectique, Socrate raméne la diversité expérimentale aux définitions universelles, en allant du particulier au général. Le texte, qui multiplie les métaphores ayant trait à la lumiere, insiste sur le passage de l'évidence familiére (notissima, v. 4 ; lucida, v. 5 ;

maxime aperta, v. 10) à l'invisible (obscura, v. 2) et sur le processus qui fait surgir la connaissance (in cognitionem

deducere, v. 3), tout en préservant de l'erreur et en chassant le doute (firmissima, v. s ; tutissima, v. 6). L'orateur

est véritablement doté de pouvoirs psychagogiques (animos hominum... concilians sibi, v. 9-10), quelle que soit

la détermination originale des interlocuteurs (trahere his quocumque liberet, v. 9), et son efficacité est incontestée

(securum, v. 8). Destinée à un public large (prophani/uulgi, v. 2-3), l'induction s'appuie sur un style bas et prend

ses exemples parmi le peuple et les humbles, comme le rappelle d'ailleurs Érasme dans le passage de l'adage Sileni Alcibiadis précédemment évoqué. Le second procédé (v. 11-20), qui associe allégorie et allégorése, est présenté, au prix d'une distorsion logique astucieuse, comme un développement naturel du premier (propterea, v. 11). Les vers 14-16 présentent ce procédé en des termes mystérieux. C'est une quéte progressive et incompléte, de nature intellectuelle (bonis... in studiis, v. 11-12), et qui garantit le succés de ses inventeurs (feliciter, v. 11). Initiée pour le bien de l'humanité,

elle suit un schéma historique de progres (progressi, v. 12). En effet, elle est partielle (non omnia, non prorsus, v.12-13) et modeste (parce, pauca, satis, v.14), dans ses débuts chronologiques comme dans son fonctionnement, puisqu'elle joue le róle d'un aiguillon (irritamenta, v. 15), qui suscite une chasse du vrai (ueri

indagandi'?) dont les résultats, bien qu'abondants (gratissima), seront différés (deinceps). Quel est donc ce

procédé ? On reconnait le vocabulaire protreptique traditionnel que Porphyre'*?, Maxime de Tyr'?* mais surtout saint Augustin appliquent à l'énoncé symbolique, véritable excitant à penser. Cette hypothése est confirmée

par l'énumération de quelques-uns de ses inventeurs, qui, comme Socrate au début du texte, sont désignés par des périphrases magnifiantes (v. 17 : Phrygius uates pour Ésope ; v. 18 : Panthoides Samius pour Pythagore ; uates pour les poétes et dia pour désigner leur ceuvre), en harmonie avec la solennité du motif des prótoi euréteis. Le lien entre les deux procédés, quelque forcé qu'il paraisse, trouve alors sa justification. Le langage allégorique, en effet, à l'instar de l'induction, procéde de la lettre à l'esprit, du sens premier au sens caché, de l'évidence à

l'invisible. Le raisonnement implicite se fonde ici sur une topique qui remonte à l'Antiquité. Il est vrai que le vocabulaire de la stimulation (irritamenta, v. 15) et de la chasse (indagandi, v. 16) souligne l'idée de l'effort imposé au destinataire : il s'agit du fameux labor'?? herméneutique requis dans le Symb. 1 pour l'étude des symboles et qui précede le plaisir de la uictoria. Cette nécessité de l'effort interprétatif, qui alimente le désir tout en stimulant l'ingéniosité, doit étre rapprochée du sens du mythe prométhéen : l'étre humain est amené à compenser par des qualités techniques ce qui ne lui est pas donné d'emblée par la nature ni la divinité'". Les auteurs chrétiens, à l'école des sectes paiennes qui voyaient dans l'allégorie un moyen d'écarter les profanes et de préserver les mystères religieux, interprétaient également cette nécessaire mise à l'épreuve par le sens comme

un instrument de sélection divine". Toutefois, cette attitude n'allait pas sans contradiction". Cette tentation de l'ésotérisme gnostique s'opposait radicalement à l'esprit universaliste des Évangiles et à la vocation populaire

du christianisme. D'oà les tentatives acharnées d'un Origeéne'? ou d'un Grégoire de Nazianze'"! pour insister,

parallélement à l'initiation ésotérique et élitiste des oligoi que permet le sens spéculatif de l'allégorie, à la satisfaction des esprits humbles et simples qu'autorise son sens littéral. Et Bocchi, qui avait insisté sur le vocabulaire des mystéres allégoriques dans le Symbolum 1, insiste ici au contraire, pour des raisons de captatio beneuolentiae, surtout sur le caractére obvie et le charme sensible du symbole, soucieux de son efficacité, comme

pour l'induction. À la maniere de saint Augustin qui voyait dans l'allégorie un moyen précisément de rajeunir des idées connues et d'éviter le taedium!*?, Bocchi délaisse volontairement la tradition de l'allégorie-voile et de l'allégorie-instrument de sélection pour privilégier celle de l'allégorie-plaisir qui évite la satias (v. 26), retrouvant l'esprit du spoudaiogeloion. Le sens littéral de l'allégorie ou la partie figurée du symbole, en s'adressant aux sens ou à l'imagination du destinataire, travaillent d'abord au delectare et au mouere et initient une propédeutique émotionnelle nécessaire au docere, étape ultérieure, à l'inverse des normes rhétoriques antiques. Ces charmes poétiques (mire allexere, v. 19), en dissimulant la difficulté, suscitent l'appétit (Auribus uellent haurire, v. 20) et plient la volonté de l'auditeur (libenter, v. 19). Mais, en se fondant sur l'évidence sensible (voir l'expression horatienne oculis subiecta fidelibus du v.21), ils instaurent également un climat de confiance, propice à l'abstraction (credere honesta, v. 20). D’où l'insistance du texte bocchien sur des auteurs antiques célébres pour avoir eu recours à des formes linguistiques simples et populaires, comme les fables ésopiques (v. 17), voire

127 ÉRASME, Adagia, 3, 3, 1: « Sileni Alcibiadis » : [il s'agit d'un portrait de Socrate] Cultus neglectus, sermo simplex ac plebeius et humilis, ut qui

semper aurigas, cerdones, fullones et fabros haberet in ore. Nam hinc fere sumebat illas suas eisagógias (sic), quibus urgebat in disputando. « Vétement négligé, langage simple, populaire et bas car il avait toujours à la bouche cochers, boutiquiers, foulons et ouvriers. En effet, c'est de là qu'il tirait en général ses inductions avec lesquelles il chargeait dans la discussion. » (tradJ. Chomarat dans ÉRASME, CEuvres choisies, Paris, 1991, p. 403.) 77 ARIST., Met., 1078b 27-30: « Car deux choses pourraient étre attribuées à juste titre à Socrate : les raisonnements épagogiques (epaktikoi logoi) et les définitions universelles, découvertes concernant l'une et l'autre le point de départ du savoir. » Voir la mise au point de G. Vlastos, Socrate, ironie et philosophie morale, Paris, 1994, P- 364-367 : « Les raisonnements épagogiques ». Pour G. Vlastos, ces raisonnements sont des

inférences probables sans nécessité de confirmation empirique. Pour la nature exacte de la dialectique socratique chez Xénophon, voir C. Natali, Socrates! Dialectic in Xenophon's Memorabilia, in L. Judson, V. Karasmanis ( dir.), Remembering Socrates, Oxford, 2006, p. 3-19.

7? CIC, Inu., 1, 31, 51-53 : Inductio est oratio, quae rebus non dubiis captat assensionem eius, quicum instituta es ; quibus assensionibus facit ut illi

dubia quaedam

res propter similitudinem earum rerum, quibus assensit, probetur. [...] cum rebus non dubiis assensum est, factum est propter

similitudinem ut etiam aliud, quod dubium uideretur, si qui separatim quaereret, id pro certo propter rationem rogandi concederetur. Hoc modo sermonis plurimum Socrates usus est, propterea quod nihil ipse afferre ad persuadendum uolebat, sed ex eo, quod sibi ille dederat, quicum disputabat, aliquid conficere malebat, quod ille ex eo, quod iam concessisset, necessario approbare deberet. MO ISTA QVAERIS] per inductionem Socraticam quae rebus non dubiis captat assensionem eius qui cum instituta esl, usque eo ut illi propter similitudinem earum rerum quibus assensit dubia quaedam res probetur genere argumenti remoto. ?! Voir les sources à ces vers dans l'apparat. 7 Sur le vocabulaire cynégétique pour désigner la quéte du sens figuré, voir CLEM. ALEX, Strom. 1, 2, 21, 1.

58

5 De Antro nymph., 4, 21-24. 135: Diss.

$46.

rud. 9, 13 : quid "5 Pour l'image de l'aiguillon, voir par exemple le Doctr. Christ. 4, 8, 22 : ad acuenda studia discere uolentium ; et le Catech. ualeant aenigmatum latebrae ad amorem ueritatis acuendum ; pour celle de l'incendie qui enflamme le désir, voir par exemple Epist. 55 ad

de Philon lanuarium, 11, 21. Toutes ces références, et de plus nombreuses encore, sont données par J. Pépin, La tradition de l'allégorie, d'Alexandrie à Dante, Paris, 1987, p. 100-102.

le terme "5 L'idée est déjà présente chez Aristote (Met. A2, 982b 12-19) mais elle devient un topos sous la plume de Porphyre (c£.

tradition de l'allégorie, p. 75. polypragmonein du De Antro, 3) et de Maxime de Tyr (Diss., 4, 5-6). VoirJ. Pépin, La 1 Voir PL, Prot., 320c-322d.

135 Voir par exemple CLEM. ALEX., Strom, 5, 9, 58, 4-5.

de Platon, Denys d'Halicarnasse, Quintilien 139 Sur cette critique du caractere élitiste de l'allégorie paienne, préparée par certaines déclarations

et Lucréce, voir Jean Pépin, La tradition de l'allégorie, p. 140 Cels, 1, 18, 2-8 ; 4, $0, 1-3.

110-111.

" Orat. 4 (Contra Iulianum, 1), 118.

'? Doctr. Christ., 2, 6, 7-8 (cité parJ. Pépin, La tradition de l'allégorie, p. 98).

59

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

triviales, comme certains énoncés pythagoriciens (v. 18), mais qui privilégient l'image et l'enargeia'?, dont les avantages pédagogiques sont immenses. Car c'est là également le moyen de ne pas laisser les humbles de cóté et de donner une portée universelle à l'allégorie. En effet, à la différence de la perfection de l'image mimétique, la clarté de l'image symbolique n'est pas que délectation dans l'instant. Elle est aussi source d'un plaisir didactique et différé, dans la mesure oü elle propose une analogie sensible d'un contenu abstrait, philosophique, théologique ou moral (credere honesta, v. 20), ce qui octroie à ses fondateurs le statut inspiré de uates (v. 16 & 18). C'est dans ce contexte de la dimension figurative du symbole que vient s'insérer, de maniére un peu forcée, le terme pinxere du v. 19, qui intégre la tradition bocaccienne de la poésie théologique. Appliqué aux chantres inspirés (uates), il constitue une variation sur le ut pictura poesis et suggere le procédé éminemment poétique de l'hypotypose. Cette figure joue de la pictura comme phénoméne mental d'illusion du réel suscitée par le texte récité, illusion qui met en branle les passions et l'imagination de l'auditeur. Le symbole est donc à la fois exercice pédagogique de création pour son inventeur et mise à l'épreuve herméneutique de son destinataire. Il suppose un effort de clarification et de variation de la part de celui qui le compose, qui doit donner le goüt et laisser des indices. Il suppose aussi un effort d'analyse et d'abstraction de la part de celui qui le déchiffre et qui ne doit pas rester engourdi et passif dans la délectation du propos figuratif. Au-delà du schéma historique du progrés, emprunté à la biologie aristotélicienne et au mythe prométhéen, c'est un modele de synergeia, au sens paulinien'^*, que Bocchi met en place, avec toutes ses implications religieuses (Voir Symb. 51). L'emblématiste rappelle d'ailleurs, dans le Symb. 2, que seule une àme peut comprendre une àme!5, méme si l'exercice s'effectue par l'entremise du symbole matériel, sorte de báton de reconnaissance posé entre les deux parties, comme entre le sensible et l'intelligible. Cette mise à l'épreuve réciproque est dangereuse, courant le risque de ne pas s'accomplir ou d'étre accomplie partiellement. Mais elle est aussi facteur d'efficacité pour le rhéteur, de plaisir et d'instruction pour l'auditeur qui, comme le rappelle Démétrios, a ainsi l'impression

intellection par la négative, en particulier des concepts divins, ineffables par excellence?) L'allusion de Bocchi (uarias inducere formas, v. 27) au début de l'Art poétique d'Horace (uarias inducere plumas, cf. Ars, 2.) suggére

Cette double nature du symbole qui associe douceur et rigueur, mais dans un ordre hiérarchique différent,

aménagement

d'étre intelligent'^*.

trouve une forme plus radicale et paradoxale dans le spoudaiogeloion, rendu en latin par la formule virgilienne seria ludere. C'est d'ailleurs la démarche ouvertement revendiquée par l'emblématiste dans le titre du recueil d'emblémes'^ et que nous retrouverons formulée un peu plus loin dans le texte. Les fables d'Ésope et les symboles de Pythagore relévent de cette logique : la simplicité, voire la trivialité du style et des référents signale d'elle-méme qu'il faut chercher le sens ailleurs'**. Rappelons de plus que Ficin utilise justement la formule seria

ludere, variante latine du spoudaiogeloion, pour décrire l'enseignement de Socrate!?. Érasme la rattache à la

méthode de l'induction socratique gráce à l'image des Silénes d'Alcibiade, reprenant un texte fameux du Banquet de Platon: le discours commun, simple voire parfois ridicule de Socrate révéle en fait une sagesse profonde, comme celui de Moria. Socrate lui-méme traduit, aux yeux d'Érasme, la nature de tout symbole : suscitant l'hilaritas par sa laideur et sa lourdeur extérieures, mais invitant par là méme à la dépasser, il recéle une

beauté spirituelle et une sagesse toute philosophique. On reconnait là l'influence du symbolisme dissemblable de Denys l'Aréopagite : laideur et impropriété, créant le sentiment de l'inquiétante étrangeté, favorisent une

discrétement l'image de la chimére à téte de jeune femme montée sur un cou de cheval et terminée par une queue de poisson qu'Horace déconseillait au peintre de représenter. Bocchi à l'opposé revendique le

monstrueux

comme

indis$pensable

au symbole:

c'est ce sentiment

d'étrangeté

nous montrent d'emblée oüà sont les modéles. Dans ce processus, la métaphore, la pictura ou eikón, joue pleinement son róle : ornement, elle est aussi organon, instrument du savoir".

Ce rapprochement de la dialectique et du langage symbolique ne va pas de soi, méme si l'on comprend bien que l'objectif de cette assimilation est de faire de Socrate le garant illustre des pratiques poétiques et allégoriques, en créant une sorte de nouvelle catena Homeri qui le relierait à Pythagore, à Ésope et aux poétes en général, convives au grand banquet des sages (cf. v. 32 : aurea ... ueterum decreta sophorum). Bocchi toutefois n'est pas l'inventeur de l'identification des deux procédés et on peut trouver avant lui divers fondements théoriques à sa démarche. Ainsi, Dante, dans le Conuiuio (2, 1, 13), cherchant à justifier la nécessité de commencer par le sens

littéral d'un texte avant d'en aborder les sens figurés, signale « une disposition innée en nous, qui impose », dans l'ordre de la connaissance, « de procéder du mieux au moins bien connu'* ». Cette attitude remonte à la lecture que fait saint Thomas d'un passage de la Physique d'Aristote'?. Mais si l'on se référe à des traditions plus anciennes, l'on peut constater que c'est également le sens de la théorie de l'hylaia cheiragógia du Pseudo-Denys, ou materialis manuductio, pour reprendre la traduction de Jean Scott. Inspirée par les hiérarchies proclusiennes, oü tout ordre supérieur participe figurativement à l'ordre inférieur, la cheiragógia dionysienne veut que, selon un de la divine providence, l'univers sensible, en nous « prenant par la main », nous conduise

symboliquement à la contemplation des intelligibles, dont il est le reflet analogique et dont nous ne pouvons avoir qu'une appréhension médiate!**. Or c'est précisément le mouvement continu du texte emblématique, qui évoque un signum puis en suggère à mots couverts le sens crypté ou hyponoia.

2. Ductilité de l'objet et liberté du genre : la silve symbolique, entre texte et image

Tous ces aspects vont permettre de situer et de cautionner dans sa pratique poétique le « je » qui apparait au v. 22. Trois points remarquables méritent d'étre soulignés. Tout d'abord, l'emblématiste, qui établit une filiation entre la double nature de Socrate et la double nature du

symbole comme jeu sérieux, spoudaiogeloion, décline toute une série de binómes à partir de la recommandation

des vers 333 et 343 de l'Art Poétique d' Horace, selon laquelle le poéte doit plaire ou instruire (prodesse/delectare ; delectando/monendo, variantes du seria ludere) ou mieux, faire les deux (miscere). Du cóté du placere, du delectare,

l'emblématiste place l'inani pictura (v. 22-23), citation de Virgile'5, et le dulci (v. 24). Du cóté du monere, du Age, V-XV' siécles, Paris, 2008, p. 163. 150 Lettre, 9, 1. Voir les analyses d'O. Boulnois, Au-delà de l'image. Une archéologie du visuel au Moyen

!! VoirJ. T. Kirby, « Aristotle on Metaphor », American Journal of Philology, 118, 1997, p. 517-544. 152 Cité parJ. Pépin, La tradition de l'allégorie, p. 290.

de l'adage, retient Érasme » dansJ. Lafond (dir.), Les formes bréves de la prose et le discours discontinu (xvr-xvir siécles), Paris, 1984, p. 144 Voir VVLG., Rom., 5, 9.

naturae. Cité parJ. Pépin, La tradition de l'allégorie, p. 290.

145 V. 2 : Pura tamen mens ipsa potest comprendere mentem. 146 DEMETR., Eloc, 222.

117 Achillis Bocchii Bononiensis Symbolicarum Quaestionum de uniuerso genere quas serio ludebat libri quinque. '** Sur l'absurdité, signe de l'allégorie et ses sources antiques, voirJ. Pépin, La tradition de l'allégorie, p. 70-74.

149 Voir M. FICIN, [n commentarium suum in Parmenidem proemium, Proemium, in Marsilii Ficini... omium... operum tomus secundus, Parisiis, ap.

Guillelmum Pele, 1641, p. 109 : Pythagorae, Socratisque et Platonis mos eras ubique diuina mysteria figuris inuolucrisque obtegere, sapientiam suam contra sophistarum iactantiam modeste dissimulare, iocari serio et studiosissime ludere : « Pythagore, Socrate et Platon avaient coutume de toujours

protéger les divins mystéres de figures et de voiles, de dissimuler avec humilité leur sagesse, à la différence de la jactance des sophistes, de

plaisanter avec sérieux, de s'amuser avec beaucoup d'érudition ».

60

de

décrypter l'allégorie. Cet aspect duel du symbole nous laisse déjà deviner la double persona qu'assumera l'emblématiste et le double mouvement du texte emblématique en général : déjà poéte, rhéteur et peintre pour imaginer et présenter le signe sous une forme ingénieuse et plaisante, l'emblématiste sera philosophe pour aider le lecteur à en décrypter le sens et à en considérer le contenu. Les citations d'Horace et le patronage de Socrate

'5 Cette idée rejoint la pensée d'Érasme dans la lettre-dédicace de l'édition des Adagiorum Collectanea de 1500 qu'il adresse à Lord Mountjoy puis dans les Prolegomena des Adagiorum Chiliades de 1508. La parémiographie, et en particulier tous les énoncés de nature métaphoriques, constitue une source importante du matériel emblématique. Voir l'article de C. Balavoine, « Bouquets de fleurs et colliers de perles ou, ce que 51-72.

qui suscite la volonté

sunt nobis magis nota, in ea quae sunt magis nota 5 S, THOMAS, In Arist. Phys., 1, lect.1 : Innata est nobis uia ut procedamus incipiendo ab iis quae

de l'allégorie, p. 201, signale que c'est là un des !5 DioNys. AREOP., De eccles. hier. 1, s, 376d ; 2, 3, 2, 397d. J. Pépin, dans La tradition que le spectacle du ciel et de la nature donne à veut qui antique, philosophie la dans répandue trés développements tardifs d'une conception 34, 1941, p. 163-200. l'homme l'intuition des dieux. Voir égalementA. S. Pease, « Caeli ennarant », Harvard Theological Review, temple que Didon a fait édifier en du le décor 55 Aen., 2, 464 : Sic ait atque animum pictura pascit inani. Énée es en train de contempler et les Troyens et dont se repait Grecs les représentent qui images Les Troie. l'honneur de Junon et oü sont figurées les péripéties de la guerre de Le terme inani, appliqué à uoltum). flumine ulectat largoque ... : 465 v. (cf. larmes des arrachent spirituellement Enée (cf. animum pascit) lui du monde mais bien celui celui pas n'est spectacle le que fait le Bocchi, propose qu'en reprise la dans que Virgile pictura, désigne, autant chez suivent ici la conception Bocchi comme que propose une image figurative, qui n'a pas la consistance ni l'épaisseur du réel. Mais Virgile

représentation, l'image d'art ou mimétique de l'enargeia dans l'Antiquité, pour qui l'écran supplémentaire que constitue, dans le processus de la

61

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 155 5) - tome 2

docere, il pose les seria pondera et grauium rerum (v. 23-24), repris dans le motto de la gravure. Pour les relier, il

pose la présence de l'opération déictique ostendendo, « rendre visible » (v. 23) qui se traduit, dans le motto de la gravure, par l'expression de proportion, magis... magis, et par le renversement latent/aperta patent.

De plus, tout est fait pour qu'il ne soit pas possible de distinguer si ce propos s'applique au symbole comme objet matériel, au symbole comme texte poétique décrivant et expliquant un symbole-objet matériel (l'emblema alciatique) et utilisant donc un langage métaphorique, ou au symbole-Symbolum comme dispositif éditorial associant un texte et une gravure. Le terme symbolum peut, chez Bocchi, désigner indifféremment les trois. Cette

ambiguité est particuliérement remarquable dans deux cas : — le terme pictura du v. 23 peut caractériser aussi bien l'aspect iconique du symbole-objet matériel sous toutes ses formes (objet visible ou décrit par un texte), que le pouvoir d'enargeia de la métaphore poétique, le verbe pinxere étant d'ailleurs employé au v. 19. Mais déplacé au-dessus de la gravure au sein d'un motto, il désigne aussi le tableau que Socrate est train de peindre, et se trouve donc relié à la gravure elle-méme. Il semble d'ailleurs que la gravure seule ne suffise pas à se signaler comme pictura : c'est bien le tableau socratique qui améne ici le mot et amorce le jeu dynamique de mise en abyme. — le couple formas/sensis (v. 27) se voit spécifié par le couple agens/loquens (v. 28). Le terme formas, à l'instar du terme pictura, peut désigner indifféremment la forme sensible du symbole, le sens littéral du discours métaphorique comme trope-ornement (forma est d'ailleurs la traduction du grec skhéma, « figure de style ») mais aussi la forme picturale spéciale que constitue la gravure à gauche du texte. Le terme agens, emprunté à la rhétorique et aux arts de mémoire, insiste alors sur la puissance émotionnelle et stimulante, la psychagógia, qu'exercent le visuel et l'iconique sur la perception sensible. Le terme sensis, de son cóté, désigne les opérations intellectives et peut s'appliquer autant au contenu noétique du symbole, à l'élément comparé par la métaphore poétique qu'au texte de l'embléme. Le mot loquens qui lui est associé souligne l'aspect de déploiement discursif de l'énoncé caché et le processus de l'intellection. De fait, ce sont bien tous ces aspects et tous ces sens qui se trouvent réunis et se mélent au sein du Symbolum comme piéce générique unitaire du recueil. Enfin, à cette indétermination générique, au caractére ambigu du symbole ne peut convenir qu'une écriture mouvante, celle de la silve : Bocchi revendique explicitement cette appellation pour son recueil emblématique, qu'il qualifie de sylua symbolica dans une lettre à Romolo Amaseo datée de janvier 1548.5". Comme le rappelle Perrine Galand, la silve à l'époque humaniste, héritiére des positions théoriques d'Horace, de Stace et de

Quintilien, ne suppose aucune thématique ni aucune spécificité générique. Elle privilégie un mode d'écriture

qui doit donner l'impression de l'improvisation et du naturel et susciter chez le le&eur le plaisir décuplé qui nait de la surprise. Cette apparence de spontanéité expressive d'un « moi » repose en réalité sur une conception du Statut du sujet poétique qui doit autant voire plus au labor qu'au furor inspirateur, à l'ars qu'à la natura qui prodigue les dons. Or l'emblématiste revendique implicitement cette poétique de la silve et de la docta uarietas à travers plusieurs déclarations topiques :

— Bocchi affirme tout d'abord son refus de la satias pour privilégier la uarietas (uarias, v. 26-27). Cette

opposition, empruntée à Cicéron'? et à la Rhétorique à Herennius'9, connait une belle postérité de Politien à

l'image poétique n'induit nullement un pouvoir psychologique amoindri ou des effets diminués puisqu'elle propose un substitut mimétique

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

l'Actius de Pontano'^., Sur l'exemple de la diversité dans la nature (naturam imitari, v. 26), on bannit l'idée d'un modéle unique, füt-il insurpassable comme Cicéron ou Virgile, pour privilégier une imitation éclectique et un temperamentum Stylistique'^", apte à embrasser tous les sujets, à se conformer à tous les objets. Liberté stylistique et liberté d'inspiration, en particulier philosophique, vont de pair, comme le montre la citation des Tusculanes de Cicéron du v. 29 (voir nos notes au texte). Celle-ci dissimule une référence à la premiere Epítre d'Horace (1, 1, 15, voir apparat des sources), où le poéte, converti à la philosophie, veut prendre dans chaque école ce qu'elle a de meilleur. L'image de l'abeille du Matinus (v. 31-33), empruntée elle aussi à une Ode fameuse d'Horace (4, 2, 27-32, voir apparat des sources), non seulement suggere des titres de recueils de silves antiques comme les Kéria

(rayons de miel) ou les Prata (prés)'?, mais rend compte spécifiquement de la nature anthologique du travail

poétique, qui puise à différents nectars (on aura remarqué que les lys, lilia, embléme des Farnése, ont remplacé le thym horatien au v. 32), et suggére la bigarrure, la poikilia, qui lui est inhérente. On notera que l'image du

butinage chez Sénéque'^*, Macrobe'^ et Érasme!, associée à celle la digestion, sert à traduire l'émergence d'un

style personnel concu comme un dépassement de la diversité des sources ; -lemblématiste se lance alors dans une déclaration d'humilité'^, directement inspirée par la retractatio d'Horace dans l'Ode que nous venons d'évoquer. Chez Horace, l'abeille du Matinus volant au ras des fleurs s'oppose au cygne dircéen qu'est Pindare, c'est-à-dire au uates inspiré qui rédige un carmen perpetuum, un poéme épique. L'insecte promeut au contraire un modeste carmen deductum. Bocchi adapte les vers d'Horace et évoque son humble production, (tenui musa, v. 33), fondé sur le travail et l'innutrition littéraire (multum laborem ; operosa musa, v. 33). Comme l'a montré Perrine Galand, ces aveux de renoncement à l'ambition

littéraire sont empruntés à Horace et caractérisent, eux aussi, l'esthétique de la silve. Depuis Politien, le furor poeticus se voit remplacé par le phénoméne psycho-physiologique du calor rhetoricus, tel que le définissaient Quintilien et Stace. Plutót que d'une origine divine, l'inspiration poétique nait de l'innutrition et du labor qui, lorsqu'ils se conjuguent à la mémoire et à l'imagination, peuvent trouver une forme d'adéquation stimulante dans l'événement extérieur suscitant la composition littéraire et les amenant à s'exprimer'?. Cette aisance en apparence naturelle, cette impression du jaillissement et de l'emballement de l'esprit qui « s'échauffe », reconstruisent de maniere artificielle l'énergie fulgurante de l’àme possédée par le délire divin. Cette concession majeure à l'art, au travail et au progrés s'était vue précédée aux v. 11-16 d'une acceptation d'un idéal de mediocritas : certains ont entamé la quéte du vrai mais ne sont pas parvenus au terme de leur recherche, jetant seulement des jalons pour les autres. En effet, comme le rappelle Cicéron (Orat., 4, voir apparat des sources pour

le texte latin), repris par Quintilien (12, 11, 26) « il n'y a pas seulement de place pour le seul Homére (pour ne

citer que des Grecs), ou Archiloque, ou Sophocle ou Pindare, mais aussi ceux d'entre eux qui viennent au

second rang, et méme en dessous du second rang »!7°.

161 Voir le panorama historique qu'en dresse P. Galand-Hallyn, « Du 'cocktail' des styles à l'expression du moi », dans Ead., Les yeux de l'éloquence. Poétiques humanistes de l'évidence, Orléans, 1995, p. 20-24 ; Ead., Le reflet des fleurs, p. 538-548.

'? Sur le terme, voir P. Galand-Hallyn, « Pouvoir tout dire : 'tempérament ' des styles et abolition des genres de la rhétorique antique à la

poétique du Quattrocento », dans E. Nogacki (dir.), L'effacement des genres dans les lettres et les arts, Valenciennes, 1994, p. des fleurs, p. 545-548.

163 Sur cette question, voir F. Delarue, « Paradis », dans F. Delarue, S. Georgacopoulou, P. Laurens, A.-M. Taisne (dir.), Epicedion. Hommage à

exact du réel. C'est ce que montre clairement la répétition des termes ayant trait aux larmes chez Virgile (c£ lacrimans, v. 459 ; lacrimae, v. 462 ;

P. Papinius Statius, 96-1996, Poitiers, 1996, p. 283-296.

v. 19-21 (Pinxere atque homines mire allexere, libenter/Auribus ut uellent haurire et credere honesta/ Quae fuerant oculis subiecta fidelibus ante) qui

'5 MACR.,, Sat. 1, Praef., s.

flumine, v. 465), qui insiste sur les capacités émotionnelles des arts visuels, à l'instar du réel qu'ils représentent, ou la formule de Bocchi des

gomme les frontiéres entre le réel et ses représentations poétiques. Carlos Lévy nous fait remarquer que la formule a également des connotations lucrétiennes. 1%° Voir RHET. Her., 3, 22, 37, où le terme désigne le caractére frappant de visions belles ou horribles qui permet une mémorisation plus aisée. Voir les analyses de Frances A. Yates, L'art de la mémoire, Paris, 1975 pour la traduction francaise (1966'). 157 Milan, Bibl. Ambr., ms D. 145 inf, £ 441? : Ergo quia ualidiora sunt duo, accipe rursus hoc non ita pridem natum in sylua symbolica. 158 Voir P. Galand-Hallyn, « Quelques coincidences (paradoxales ?) entre l'Épitre aux Pisons d'Horace et la poétique de la Silve (au début du XVI' siécle en France), Bibliothéque d' Humanisme et Renaissance, 60/3, 1993, p. 609-639. 19 De Or., 5, 32 (à propos de l'éloquence d'Antoine) : summa orationis uarietate, nulla nostrarum aurium satietate ; Or., 174 : cum iucunditatis causa tum ut uarietas occurreret satietati. 16 4,11, 16 : ut facile satietas uarietate uitetur.

62

21-32 ; Ead., Le reflet

164 SEN,, Episl., 84, 3-9.

166 P. Mesnard (éd.) : ÉRASME, Ciceronianus, ASD, I-2, 961, p. 652, 1. 2. Voir les analyses de J. Chomarat, Grammaire et rhétorique chez Érasme, 1981, Paris, p. 802-803. 167 Pour une analyse de ces citations, voir A. Moss, Les recueils de lieux communs : apprendre à penser à la Renaissance, Geneve, 2002 pour la trad. francaise (1996^), p. 35-37 et 184. Voir également P. Galand-Hallyn, « Du "cocktail" des styles », p. 22-23 ; Ead., Le reflet des fleurs, p. 380-384

(« Poikilia esthétique et individualité poétique »). 168 Sur ce topos, voir J. Lecointe, L'idéal et la différence, p. 206-207 ; et P. Galand-Hallyn, « Les "fureurs' plus basses de la Pléiade », dans

Prophétes et prophéties au XVI siécle, Cahiers V.-L. Saulnier 15, Paris, 1998, p. 157-187. !9 Voir p. Galand-Hallyn, Le reflet des fleurs, p. 261-264. (« Improvisation et enthousiasme » chez Stace) et p. 498-502 (sur Politien). 170 Sur ces textes, relayés en particulier par Pontano, voir P. Galand-Hallyn « “ Médiocrité ” éthico-stylistique et individualité littéraire à la Renaissance dans E. Naya, A. -P. Pouey-Mounou (dir.), Éloge de la médiocrité : le juste milieu à la Renaissance, Paris, 2005, p. 102-120.

63

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

du — par conséquent, Bocchi insiste sur le caractére improvisé (inuentum, v. 40) et inachevé (perfectum nil, ibid.) travail qu'il livre à la publication, matiére encore grossiére (rudia ista, v. 41) à laquelle fait défaut le travail final de la lime (polire). Les citations proviennent directement du Brutus de Cicéron et de la fin du De Pictura d'Alberti (voir apparat des sources). Cet inachévement résolument assumé et ouvertement revendiqué en forme de captatio beneuolentiae se veut traduction et conservation des qualités intenses de pathos d'un texte poétique improvisé né du kairos (les Latins diraient ex tempore) c'est-à-dire sous la pression d'une circonstance extérieure, souvent banale, mais génératrice d'émotions ; — enfin, la dédicace et l'apostrophe finale (v.35) à Alexandre Farnése, protecteur de l'Academia

Bocchiana,

servent à appeler sur l'objet poétique imparfait la protection et l'indulgence d'un patron qui en a favorisé ou permis l'élaboration: le prince personnifie souvent la circonstance extérieure, le kairos qui a stimulé l'improvisation poétique. La uarietas liée à la silve et au symbole permet au poéte, tout en revendiquant une forme de spécificité individuelle et d'ingéniosité personnelle, de se plier à la diversité des ingenia et des goüts de ses destinataires pour les convaincre sans les brusquer. Cette idée, pilier de la rhétorique du mouere chez Érasme!”!, ne nous

étonnera pas chez un Bocchi, sensible aux idées hétérodoxes. Elle favorise une forme de « nicodémisme »

pédagogique oü l'orateur chrétien, en devenant Protée ou Vertumne, adapte sa langue et sa culture à l'ethos divers de ses interlocuteurs et les convertit sans violence aux idéaux de la foi et de la charité. La valeur de cette

pia uafrities, « pieuse tromperie » attribuée à Socrate, saint Paul et au Christ", est garantie par l'ethos

irréprochable de l'orateur partisan de l'irénisme. Il est temps à présent d'observer la gravure de Bonasone'^, dont nous rappellerons qu'elle reprend un dessin prépratoire à la plume et à l'encre brune, avec trace de pierre noire (121 x 91 mm), peut-étre de la main de Prospero Fontana, conservé à la Pierpont Morgan Library (Dept. of Drawings and Prints, 1992.24 : voir Fig. 1),

suite au don du propriétaire Julius S. Held en l'honneur de Felice Stampfle en 1992!7*.

Socrate de profil est assis sur deux blocs de pierre superposés et de taille inégale, peut-étre en attente d'étre

sculptés"5. Sur le bloc le plus large, comme pour un socle de statue, le nom du philosophe s'inscrit en caractéres

grecs (Sókratés). Manches retroussées, jambe repliée dans une position instable qui suggere l'urgence de l'inspiration, muni d'une équerre et d'un compas dans la main gauche, d'un pinceau ou d'un stylet dans la main droite, Socrate réalise, non pas une sculpture, mais un dessin ou une peinture, sur un grand panneau, peut-étre

de pierre, posé à méme le sol, sorte d'esquisse préparatoire qui prélude à l'incision du bas-relief et en constitue le programme. La disposition du panneau nous permet de constater qu'il s'agit d'un autoportrait en buste oü apparait aussi le visage de son démon", le fameux « démon de Socrate », bien connu dans l'Antiquité et à la Renaissance (voir infra) : ce détail n'apparait pas dans le dessin préparatoire de Bonasone ou de Fontana de la Pierpont Morgan Library (Fig. 1), où figure seulement Socrate. De plus, par le sujet et la ressemblance physique entre les deux hommes, le tableau que peint Socrate semble comme la correction ou le prolongement du portrait

de Bocchi peint par Prospero Fontana dans l'embléme précédent, le Symbolum 2, que le lecteur a donc encore

tout frais dans la mémoire : l'emblématiste se plaignait, en suivant un topos fameux emprunté à l'Anthologie

Grecque, que le peintre n'ait pas pu représenter son àme'"". Il y a donc visiblement ici superposition volontaire

entre le poéte Bocchi, le philosophe Socrate et la question de la réalisation du portrait par la peinture ou le recours à l'image, qu'elle soit symbolique, verbale ou textuelle. Derriére Socrate, comme arrivé à l'instant, les 171 VoirJ. Chomarat, Grammaire et rhétorique, p. 915.

ailes encore

en mouvement,

le pied levé, son bon démon,

lui aussi identifié en caracteres grecs, daimón

eudaimón, s'appuie familiérement et amicalement contre le dos de Socrate, les yeux fixés sur le panneau, la main préte à arréter le bras du peintre. Le démon, de profil également, la bouche contre l'oreille de Socrate, semble

autant inspirer que commenter le travail accompli par le philosophe-peintre. Au-dessus de la scéne planent d'abondantes nuées, percées par le soleil qui, en haut à gauche de la gravure, suscite tout un jeu d'ombres. Derriére le démon, on voit une souche d'arbre mort qui, comme nous le fait remarquer Pierre Martin, ressemble

à un torse humain acéphale et sans bras. Dans le dessin préparatoire de Fontana, l'artiste a pris soin de dessiner un cadre imaginaire, renforcant encore l'impression du tableau dans le tableau, impression qui disparait dans la version de Bonasone. Outre celle de son organisation d'ensemble et de la dispositio si particuliére qu'elle met en ceuvre, cette image souléve plusieurs questions : - Comment comprendre que Socrate soit ici représenté sous les traits d'un artisan, peintre et/ou sculpteur, alors qu'on le connait comme philosophe ? - Comment, dans ces conditions, comprendre le scénario poiétique de l'autoportrait souligné dans la gravure, et le sens du motto qui la surmonte ? - Pourquoi l'autoportrait peint a-t-il remplacé le reflet dans le miroir, davantage attendu comme objet réflexif symbolisant l'adage socratique gnóthi sauton, « connais-toi toi-méme » qui résume toute la pensée du philosophe antique ? — Quel róle joue le démon si Socrate est représenté non pas en philosophe mais en peintre ? - Quels liens avec le texte de l'embléme qui vante le symbole et sert d'ouverture programmatique caractéristique de la silve ? Nous tenterons de répondre à ces questions en reprenant une analyse méthodique et progressive de l'image. 3. Mythes originels : naissance de la peinture, naissance de la philosophie

On commencera par la figure centrale de la composition, Socrate lui-méme. Animé d'une fougue créatrice qui explique sa posture en déséquilibre, impatient qu'il est de tracer dans la matiére la forme qu'il a congue, le philosophe est installé sur deux blocs de pierre superposés, dont l'un exhibe son nom en grec, comme la base d'une Statue. Attendues dans l'atelier du sculpteur, ces assises quadrangulaires ont en outre un intérét métaphorique. Chez Bocchi, c'e un symbole de uirtus'"?. L'idée était déjà présente dans l'embléme d'André Alciat intitulé Ars naturam adiuuans, inspiré lui-méme par un texte du Protreptique de Galien : le cube à l'assise solide représente la stabilité que conférent l'ars et les bonae litterae, dispensatrices de uirtus et patronnées par Mercure, par opposition à la sphere de Fortune, symbole de la labilité du hasard. La préoccupation majeure de Socrate, on le sait, c'est la vertu en général. Un passage célebre des Tusculanes nous rappelle que Socrate l'invente au moyen d'une révolution épistémologique, en faisant descendre la philosophie du ciel sur la terre, à l'intérieur des maisons et des àÀmes humaines (voir Symb. 127) : Socrate fut le premier à faire descendre la philosophie du ciel, à la placer dans les villes, à l'introduire au cceur méme des maisons et à la contraindre à enquéter sur la vie et les mceurs, sur le bien et le mal'*?,

Or le dispositif pictural de la gravure lui-méme met en scéne l'idée de rupture conjuguée à celle d'innovation. Ainsi, la position du soleil, qui rappelle Apollon et l'oracle delphique proclamant Socrate comme le plus sage des philosophes dans le poéme, fait que l'ombre de Socrate se projette sur le tableau et qu'il semble presque la

172 [bid., p. $82, 661-662, 929.

I7è Voir la sommaire évocation de la gravure par K. Lapatin, « Picturing Socrates », in S. Ahbel-Rappe et R. Kamtekar (dir.), A Companion to

Socrates, Oxford, 2006, p. 110-157, en particulier p. 134. L'auteur toutefois ne lit pas les inscriptions en grec et ne met pas en relation texte et image.

174 Accessible en ligne à l'adresse suivante : «http:/ /www.themorgan.org/collections/collections.asp?id2460». 175 Sur Socrate sculpteur, voir supra.

176 Sur le dessin de Fontana, on ne voit qu'une ombre. 77 Symb. 2, v. 1 : Prosperus os potuit, non mentem pingere Achillis. Sur le topos de l'àme irreprésentable, voir par exemple A. , 4, 594 (Anonyme),

et nos analyses au Symb. 2.

64

"* Comme nous le rappelions au début de cette analyse, certains sculpteurs réalisaient une esquisse ou un dessin sur les surfaces qu'ils s'apprétaient à inciser. '? Voir par exemple le Symb. 125 de Bocchi oü on lit sur la gravure : Virtuti merito sedes quadrata dicatur. Voir également le Symb. 48 qui évoque le tombeau de Philippe Pepoli en forme de pyramide montée sur un socle quadrangulaire. Ce dernier, symbole de constantia, est évoqué en ces termes : Heroi merito sedes quadrata dicatur/ Rectus enim semper constitit ille sibi.

180 CIC, Tusc.,

s, 4, 10 : Socrates autem primus philosophiam deuocauit e caelo et in urbibus conlocauit et in domus etiam introduxit et coegit de uita et

moribus rebusque bonis et malis quaerere.

65

Achille Bocchi d' iques Les Quedtions symbol

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

(1555) - tome 2

détourer de son pinceau. Ces indices nous renvoient à deux mythes, ici confondus, des origines de la peinture. et qu'il On reconnait ce que Victor Stoichita appelle la « confusion du stade de l'ombre et du stade du miroir », qui Pline, par a repéré chez Vasari'*'. Le stade de l'ombre, c'est le mythe de la fille de Dibutades rapporté détoure au charbon sur la paroi d'une caverne l'ombre de profil qu'y projette son amant, interposé entre une

source de lumiére et le mur lui-méme'*.. Le stade du miroir est incarné par le Narcisse d'Ovide'^ puis celui

d'Alberti'* qui se refléte de face dans une source et en embrasse la surface. La fusion des deux est assurée par le mythe de Gygés imaginé par Vasari où c'est un seul personnage qui, face au mur, détoure lui-méme son ombre projetée sur la paroi'*.. Dans la gravure de l'embléme, l'invention de la peinture se fait métaphore de l'invention

daimón. Peindre son démon, c'est voir son àme et découvrir sa nature divine. Ficin propose, parmi d'autres, cette interprétation du démon socratique : Cur item alias daemonem, alias Deum uocat ? Quia sublimis demon Socratem, quasi Dei interpres nuntiusque afflabat.

Sed nunquid ipsum Socratis intellectum possumus demonem nuncupare ? Possumus certe. Nam Timaeus inquit Deum

nobis supremam animi partem tanquam daemonem tribuisse. Rursus in Simposio ipse mentis amor ad diuinam pulchritudinem contemplendam, demon cognominatur"^".

de la philosophie. Mais peut-on justifier davantage la métaphore qui permet à l'activité picturale d'évoquer directement l'activité philosophique ? Deux indices en sont donnés dans la gravure. Le premier indice réside dans le fait que réaliser un autoportrait, comme Socrate s'y efforce, suppose évidemment une démarche réflexive : on se regarde soi-méme en train de se peindre. Or un adage semble généraliser cette démarche à l'ensemble de la peinture. C'est la formule de Cóme l'Ancien, reprise ensuite par Savonarole et Léonard de Vinci : ogni dipintore dipinge se medesimo, « tout peintre se peint lui-méme », méme

On notera d'ailleurs que l'absence de paysage sur la gravure ou plutót la nature réduite à une souche morte en forme de torse humain sculptural nous manifeste le désintérét de Socrate pour les phénoménes extérieurs. Aucun spectacle extérieur ne peut dévier ni distraire le regard qu'il darde sur le dessin : à l'inverse, la pictura, objet de tous les efforts, focalise l'attention de tous les personnages, y compris le regard du soleil personnifié. Enfin, le scénario « poiétique », qui nous fait assister à l'élaboration du portrait de Socrate par lui-méme, portrait qui n'est pas achevé, insiste sur le caractére non fini du processus : cette peinture toujours en cours traduit symboliquement que l'acquisition de la sagesse en philosophie est toujours en devenir, comme une

peintre donne à voir son àme, son imagination et son ethos à travers les figures qu'il représente, qui ont une forme particuliére et dépendent de la forme méme de l'àme. Il existe une formule similaire dont Socrate passait pour s'étre fait le praticien exemplaire. C'est la formule énigmatique délivrée par l'oracle delphique, « connaistoi toi-méme », gnóthi sauton'**. Dans la doxographie socratique, cette démarche s'effectue justement par l'image du miroir dans lequel Socrate invitait ses disciples à se regarder'*". S'ils étaient beaux, ils devaient

Le deuxiéme indice qui permet de transposer l'activité du peintre à celle du philosophe, ce sont les instruments que Socrate tient dans la main opposée à celle qui tient le pinceau/stylet et qui semblent faire contrepoids à ce dernier : le compas et l'équerre. Or ce sont là des symboles courants communs aux deux disciplines, qui se trouvent ainsi jumelées'*: la géométrie, discipline du peintre, comme l'a montré Alberti au livre 1 du

lorsqu'il ne fait pas un autoportrait. Comme l'a expliqué Paolo d'Angelo'*5, à la suite d'André Chastel'*", le

essayer, dans leur conduite, de rendre leur áme aussi belle que leur image. S'ils étaient laids, ils pouvaient tenter

de compenser cette insuffisance par la beauté de leur áme et de leur conduite morale. Bocchi consacre d'ailleurs le Symb. 59 au miroir socratique, en l'associant au nosce te ipsum. Mais le Socrate sur la gravure du Symb. 5, en se peignant lui-méme, ne se contente pas de se regarder dans un miroir qui ne renverrait qu'un reflet : il ne serait alors que Narcisse cédant au vice de la philautia, l'amour vain de sa propre image. La peinture fait apparaitre ce que le miroir ne saurait montrer : Socrate fait surgir, à ses propres yeux et aux nótres, son bon démon, que nous voyons aussi présent derriere lui, bien qu'il soit invisible par nature. C'est une maniere de nous montrer que le sujet de la peinture socratique est conforme à la réalité cachée de l'ethos, que la gravure elle-méme prétend nous dévoiler. Le panneau de Socrate n'est pas simplement reflet spéculaire ou mimesis. À travers la métaphore de la peinture, la figure que Socrate peint ou incise traduit l'activité méme du logos, langage et raison, dans une

dimension réflexive. De méme que la peinture fixe dans la matiére l'idée que le peintre porte dans son

imagination ou dans son intellect et le discours (philosophique, mais on pictura poesis qui pose à sa maniere l'énonce, montrant un pan de son

traduit quelque chose de sa personnalité aux yeux du spectateur, de méme, peut supposer également poétique, en vertu de la fameuse métaphore ut l'équivalence entre les arts) traduit adéquatement la pensée de celui qui àme. C'est l'a&ivité philosophique par excellence que définit le Premier

Alcibiade de Platon: se connaitre soi-méme, c'est connaitre sa nature, c'est connaitre son àme, qui définit

exclusivement l'humanité'?". De plus, l'àime, comme le rappelle Cicéron?!, à la suite de Platon, est un deus ou un 151 V. L Stoichità, Bréve histoire de l'ombre, Genéve, 2000, p. 38-40. '* PLIN., Nat., 35, 43. Voir les analyses du mythe proposées par V. I. Stoichita, Bréve histoire de l'ombre, p. 11-19.

! Ov., Met. 5, 407-493.

14 Th. Golsenne et B. Prévost (éd./trad.) : ALBERTI, La Peinture (De Pictura), 2, 26, Paris, 2004, p. 101.

185 Cité par V. L Stoichita, Bréve histoire de l'ombre, p. 38.

16 p. D'Angelo, « 'Ogni dipintore dipinge sé' : contributo alla storia di un'idea », Intersezioni, 11, 2 (1991), p. 213-235. '* A. Chastel, Art et Humanisme à Florence au temps de Laurent le Magnifique, Paris, 1961, p. 102-105. + Sur la mise en relation spécifique de la formule avec l'enseignement socratique, voir XEN., Mem., 4, 7, 3-8 ; PL, Apol, 38 a; Prot. 143 aj Charm., 164 d-e; Phaedr., 229 e; Phil, 19c et 48 c; Tim., 72 a; Leg, 11, 923 a; Alc, 124 a. Pour une étude générale, nous renvoyons à P. Courcelle, « Connais-toi toi-méme », de Socrate à Saint Bernard, Paris, 1974. !* Voir D. L., 2, s, 16 et 33 : 3, 26, 39 : PLVT., Coniug. Praec., 25, 141 d. ; Bias ap. STOB., Anth., 1, 21 (Meineke, p. 317) ; SEN., Nat, 1, 17 ; APVL., Apol., 15, 2-7. Voir le Symb. 59 de Bocchi sur le sujet. '9 PL, Alc, 133 b-c. Sur cette question, voirJ. Pépin, Idées grecques sur l'homme et sur Dieu, Paris, 1971, p. 71-80.

66

esquisse qui attendrait indéfiniment d'étre incisée dans la pierre^".

De Pictura ; la dialectique"5, terrain du philosophe et de Socrate en particulier comme nous l'a rappelé le

passage de Xénophon dans le texte de l'embléme. Non seulement les deux disciplines partagent les symboles qui les désignent mais elles se complétent l'une l'autre. Ainsi, la géométrie prélude à l'initiation dialectique, par la exemple dans le Ménon de Platon, de méme que, dans les traités théoriques sur l'art à la Renaissance, lois géométrie est congue comme la dialectique du peintre. En retrouvant, par l'expérience et l'observation, les en mettre peut peintre le universelles de la proportion et des mathématiques qui gouvernent le monde, péle-méle : harmonie et faire accéder à la beauté parfaite les formes souvent imparfaites que la nature lui offre la beauté de et concept l'organisation volontaire du sensible par l'art permet d'atteindre l'abstraction du

associe idéelle?5. La disposition méme des instruments sur la gravure invite à cette définition de l'Art qui

flottent au-dessus. Théorie et Pratique. Le burin ou stylet touche le tableau, tandis que l'équerre et le compas parfaitement la L'équerre rime avec la bordure supérieure du tableau socratique dont elle épouse à distance cadre. C'est forme, pour montrer qu'elle lui imprime sa norme, autant qu'elle parait étre un fragment détaché du peinture qu'elle le dirige. que la géométrie, comme le rappelle Alberti, émane autant de l'exercice concret de la le concept. Mais De méme, la dialectique suppose, pour le philosophe, de partir de l'expérience pour atteindre et caché. Sur la gravure, au-delà de l'exercice de la singularité, c'est aussi le conta& avec l'universel, invisible

: j studio litterarum recte et commode instituendo, 5, 3 de 1532. ULCUS Leg., 1, 22. L'idée est reprise par G. BUDÉ, dans son De parle-t-il Platon maniere, méme la de omnia, Lyon, 1590, p. 797-8 : « Pourquoi, 5* Marsile FICIN, In apologiam Socratis epitome, dans Opera

est pour ainsi dire un interpréte et un message de la tantót d'un démon, tantót d'un dieu? Parce que le démon aérien qui inspire Socrate Socrate ? Nous le pourrions, assurément. Car Timée de l'intelle& à nt préciséme divinité. Mais ne pourrions-nous pas donner le nom de démon

sorte de démon. A nouveau, dans le Banquet, l'amour déclare que la divinité nous a accordé la partie supérieure de notre esprit comme une e aux Lois, livre 9, Lyon spécifique qui pousse l’àme à contempler la divine be auté recoit le nom de démon. » En revanche, dans le Commentair nostrum demonem memento Ac : ou puissance intermédiaire 1490, p. 839b, Ficin nuance son propos et réaffirme 1 e démon comme messager

— a geniumque non solum, ut quidam putat, nostrum intellectum esse, sed numen. inspiré largement ont qui 1999 Genéve, tableau, du on L'instaurati Stoichita, I. V. de P Sur cette problématique, voir les passionnantes analyses

notre développement.

rfr

profane (1450-1600 ). Dictionnaire d'un langage perdu, Genéve, 1958, ' Voir les références dans G. de Tervarent, Attributs et symboles dans l'art | 1, col. 110 (compas) et 159-160 (équerre). pourrait l'équerre que suggere me Lévy Carlos 62. Symb. du gravure la sur "5 Le compas et l’équerre apparaissent dans les mains de Dialectica | | , ? étre interprétée, en relation avec l' Alcibiade de Platon, comme un symbole du canón.

théorie de l'art, Paris, 1983 (pour la traduction frangaise), p. 61-90, 1% Voir E, Panofsky, Idea. Contribution à l'histoire du concept dans l'ancienne

en particulier p. 84-85.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire - Livre I

exhaussés par la main socratique, l'équerre et le compas touchent aux nuages et manifestent ce rapport au général, à l'universel et à l'Idée, fille de l'induction. 4. L’eeil et le seuil

L'expression de cette force de généralisation inductive qui fait passer du sensible à l'intelligible n'est cependant pas réservée au compas ni à l'équerre qui tournent autour du tableau. Elle est réalisée par le tableau lui-méme, ce que deux points semblent suggérer. Tout d'abord, Socrate et son démon sont représentés de profil sur la gravure. Selon Omar Calabrese, dans une puissante analyse qu'il nous est impossible de détailler ici, le passage du profil à la représentation de face implique généralement un passage du modéle « cartographique » au modéle « spéculaire », c'est-à-dire de l'individualité à la généralité idéalisée'"". Le Socrate qui peint de profil est parfaitement identifié. En revanche, la silhouette

socratique

réalisée par Socrate

sur le panneau

se présente

quasiment

de trois quarts,

effacant

progressivement l'identité individuelle « Socrate » pour parvenir à une forme de généralité. De plus, cette silhouette peinte ne regarde pas son auteur dans les yeux mais brise la circularité réflexive impliquée par le gnóthi sauton pour se tourner vers la droite, à un endroit oü, justement, le cadre du tableau peint rencontre la bordure

de la gravure et fait communiquer l'espace intradiégétique de la gravure avec l'espace extradiégétique oü se tient le Spectateur-lecteur virtuel de l'embléme, constituant un « seuil intertextuel ». Comme l'a montré V. Stoichita, la présence d'une image dans l'image, avec des contours et des délimitations précises, cherche à structurer pour mieux isoler deux niveaux de réalité : la « fiction » de l'image peinte d'un cóté, et de l'autre, le monde qui n'est pas peint et que la fiction picturale entend représenter en se distinguant de lui'?*. Or, à cet endroit précis de la gravure de l'embléme, gráce à son regard qui se voit relayé par le cadrage qui gomme les frontiéres et fusionne les marges, le Socrate peint sort simultanément de l'esquisse sur le chevalet puis de la gravure elle-méme pour aller chercher le spectateur potentiel dans le monde oà il vit et auquel, en tant qu'homme, Socrate s'identifie et dont il prend les traits. Le terme pictura du motto accentue cette confusion en pointant autant la gravure qu'il surmonte que l'autoportrait réalisé par Socrate. Cette dynamique est accentuée encore par la représentation de trois-quarts. Celle-ci, intermédiaire entre le portrait de profil et le portrait de face, représente une sorte d'étape

du tableau dans la gravure traduit les étapes du processus. Le morceau de marbre sculpté ou le tableau peint par Socrate est un dispositif complexe et dynamique oü s'articulent le particulier et le général, le moi et les autres et par conséquent, le passage de la pensée réflexive au discours pour autrui. L' Alcibiade de Platon insistait sur l'idée que le nosce fe ipsum ne peut s'effectuer que dans le détour par autrui puisque, comme l'ceil ne peut se voir que dans un autre ceil, de méme une àme ne peut se voir que dans une autre àme"", Le marbre peint ou incisé offre donc une mise en scene du « connais-toi toi-méme » qui, tout en renvoyant à celui qui l'énonce, apostrophe aussi violemment autrui par sa forme verbale pour le contraindre à aller du concret à l'abstrait, de l'évidence à l'obscur, du particulier à l'universel, des traits grossiers de Socrate au visage sublime de son démon. Mais le jeu d'entrée et de sortie de l'image permis par le regard du philosophe et par la mise en abyme semble traduire aussi métaphoriquement le mouvement de l'eironeia, dont Grégory Vlastos montre qu'elle est l'essence méme de l'enseignement socratique"".. Cette tromperie linguistique consiste pour Socrate à faire semblant de se glisser dans la peau de son interlocuteur qui croit savoir et par là méme le confondre pour qu'il reconnaisse son ignorance et devienne à son tour Socrate qui sait qu'il ne sait rien. Sur la gravure de l'embléme, la double présence du démon signale que la méthode socratique vise moins à ce que le spectateur reconnaisse son ignorance, qu à l'instruire de la divinité de l'esprit. Cette tromperie sans violence est autorisée dans la mesure oü l'ethos du philosophe est irréprochable : derriére le dicendi peritus doit se cacher le uir bonus. Aristote souligne d'ailleurs que l'ironie est par excellence le signe de la megalopsychia, la magnanimitas 9? Or précisément, derriere le tableau qu'il est en train de peindre, Socrate est assis sur le cube de la vertu. Derriére Socrate, il y le bon démon dont nous allons voir qu'il a partie liée à l'excellence de la vie morale. Mais qui est ici le démon et quel róle joue-t-il ? La difficulté s'accroit du fait que Socrate est représenté ici non en philosophe mais en peintre ou sculpteur. 5. La puissance démonique et son róle dans la création artistique et littéraire : entre ars et natura

volontairement entre les deux, et joue sur l'illusion d'animation : le sujet se meut sur un fond, comme hésitant

Comme l'a brillamment montré Louis-André Dorion, le « démon » de Socrate est une invention du moyenplatonisme (Maxime de Tyr, Apulée et Plutarque) et du néoplatonisme (Porphyre, Jamblique, Hermias, Olympiodore, Proclus )'5, et ce sont sur leurs théories que s'appuiera Ficin à la Renaissance pour définir les catégories du démonique 204 . Ces conceptions sont assez éloignées des témoignages que nous livrent Platon et

double niveau de réalité. Une fois franchie la fiction du tableau peint, la pictura, véritable seuil, oà il a aperqu la

phóné, une voix, qui rententit à son oreille. Incitateur, prophétique et directement clair pour Socrate chez Xénophon, le signe en revanche est inhibiteur et nécessite une interprétation de la part de Socrate chez Platon.

entre deux postures ou saisi sur le vif à un moment de déplacement'?". Mais inversement la peinture socratique n'est pas seulement un lieu d’où Socrate sort pour aller chercher ses interlocuteurs. C'est également une porte par laquelle, happé par le regard du sujet peint, le spectateur, à son tour, peut pénétrer, avant d'accéder à un

Xénophon. Chez Platon, comme chez Xénophon, le daimónion, c'est-à-dire ho theos, le dieu, ou to theion, le 205 divin?'5, se manifeste à Socrate par l'intermédiaire d'un signe divinatoire (sémainein, sémeion), généralement une

représentation de Socrate et de son démon, le $pectateur arrive au coeur méme de la gravure, le lieu des res, c'est-

à-dire du « réel » par rapport à la fiction picturale. Il constate alors la présence effective non seulement de Socrate mais aussi de son démon. Le mythe littéraire du « démon de Socrate » n'es plus fantasme ou apparence mais présence charnelle, matérielle, dotée d'un poids (cf. le pondera du motto), comme l'atteste le dessin des ombres : une ombre, c'est le volume opaque d'un corps qui s'interpose à la lumiere. Le spectateur peut désormais s'identifier au philosophe et découvrir son propre démon, sa propre àme, sa propre divinité. Cette assimilation est d'autant plus facile que les traits de Socrate sur le tableau qu'il peint ne sont qu'esquissés et pourraient étre ceux de n'importe qui. La pictura est ici le seul moyen d'accéder à la réalité : la mise en abyme

?0 Alc, 133b: « Eh bien, mon cher Alcibiade, l'àme également, si elle s'appréte à se connaitre elle-méme, doit regarder une áme et, au sein de celle-ci, surtout la partie où réside la vertu méme de l'áme, à savoir la sagesse, ou encore dans tout autre objet auquel elle ressemble ». 1 G. Vlastos, Socrate, ch. 1, p. 37-68 : « L'ironie socratique »

?? Seconds Analytiques, 98a16-24.

203 L.-A. Dorion, « Socrate, le daimonion et la divination », dansJ. Laurent (dir.), Les dieux de Platon, Caen, 2003, p. 169-192. Sur le démon de

Socrate, la bibliographie est immense. Nous renvoyons en particulier au dossier de A. Willing, « De Socratis daemonio quae antiquis temporibus

fuerint opiniones », Commentationes Philologicae Ienenses, 8, 2, 1909, p. 125-183, ainsi qu'à l'exposé de A. Corlu dans Plutarque, Le démon de Socrate, Paris, 1970; F.]. Olivieri, « Lo demónico en Sócrates », Anales de Historia Antigua y Medieval, 21-22, 1980-1981, p. 242-257 ; Ph. Hoffmann, « Le sage et son démon. La figure de Socrate dans la tradition philosophique et littéraire », Annuaire de l'Ecole Pratique des Hautes

17 O. Calabrese, L'art de l'autoportrait : hisloire et théorie d'un genre pictural, Paris, 2006, p. 126-120, en particulier p. 129 : « Le portrait de face

est celui de l'homme régnant, qu'il soit laic ou religieux. C'est un portrait-type, abstrait, non ressemblant parce qu'il représente moins l'homme

que la charge [-- ]. Le portrait de profil, lui, est un portrait plus terrestre et plus laic. Il est réservé à un autre genre “ d'ayants droit ” : les

fondateurs de l'Église, grands bienfaiteurs et donateurs qui témoignent par là, d'une certaine maniére, de leur coprésence à l'objet et se transforment en auteurs de ce qu'ils représentent ». Le portrait de profil, selon Calabrese, a le statut d'empreinte

historique, de trace

mnémonique, comme pour l'ombre peinte par la fille de Dibutades : il n'implique pas la présence de celui dont on trace le détour. Le portrait de

face, au contraire, stade spéculaire, pose une situation de communication oü la co-présence du sujet peint et du sujet observant, apostrophé

depuis le tableau, est indispensable.

15 Voir V. I. Stoichita, L'instauration du tableau, p. 87-88. 199 Sur ce point, voir O. Calabrese, L'art de l'autoportrait, p. 143.

Etudes

en Sciences Sociales : résumé

des conférences et travaux, 94, 1985-1986,

p. 417-436;

P. De Bernardi,

« Socrate, il demone

et il

visveglio : sul senso dell'etica socratica », Sapienza, 45/2, 1992, p. 425-443 ; D. Agne, « Le démon de Socrate: un masque de liberté », Dialogues d'histoire ancienne, 1993, 19/1, p. 275-285 ; G. Vlastos, Socrate, Notes complémentaires : « Le daimonion de Socrate », p. 382-391 ; P. Destrée, N. D. Smith (dir.), Socrates Divine Sign: Religion, Practice and Value in Socratic Philosophy, Apeiron, 38/2, 2005 ; L. Mouze, « Entre les dieux et les hommes. Démons et philosophes chez Platon » dans E. Naya, A. -P. Pouey-Mounou (dir.), Éloge de la médiocrité : le juste milieu à la Renaissance, Paris, 2005, p.25-37; A.A.Long, « How does Socrates Divine Sign. Communicate with Him? » ín S. Ahbel-Rappe, R. Kamtekar (dir.), A Companion to Socrates, Malden, Victoria, Oxford, 2006, p. 63-74. "^ Voir M. J. B. Allen, « Marsilio Ficino, Socrates and the daimonic voice of conscience », Viuens Homo, 5/2, 1994, p. 301-324.

%5 Sur ces synonymes, voir E. De Strycker et S. R. Slings, Plato's Apology of Socrates: A Literary and Philosophical Study with a Running

Commentary, Leyde, 1994, p. 154 et 381 qui réfutent les positions de J. Burnet et G. Vlastos pour qui fo daimónion équivaut par ellipse à to

daimonion sémeion. Sur cette polémique, voir L.-A. Dorion, « Socrate, le daimonion », p. 171 n. 7.

—Ó



"LIV

9B



——

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

La transformation

du signe divin en démon

provient de la nécessité de poser une catégorie

intermédiaire entre le divin et l'humain, déjà suggérée dans le Banquet de Platon (202d-e)^*.

ontologique

Les positions de Bocchi sur le démon de Socrate proviennent essentiellement du De deo Socratis d'Apulée,

comme

le laisse entendre le texte d'un autre embléme, le Symb. 147 auquel nous renvoyons le lecteur. Cet

embléme sur le proprius genius, que Bocchi adresse à son fils en perdition pour le remettre dans le droit chemin,

consiste en une paraphrase versifiée d'un des passages les plus célebres du traité d'Apulée (16, 155-156) traitant

du démon personnel et en particulier, socratique. Rappelons quelques points essentiels de la doctrine apuléenne

sur le sujet. Selon Apulée, qui participe, comme Plutarque, Maxime de Tyr ou Celse, à l'essor extraordinaire de

la démonologie au II° siécle?"", le démon de Socrate, de nature divine et supérieure comme Éros ou le Sommeil, fait partie des daemones testes et custodes, témoins et gardiens du destin individuel, qui, aprés la mort, conduisent l'àme du sujet devant ses juges. Attachés spécialement à la personne dont ils ont la charge (cf. les mots d'Apulée pour les désigner : priuus, singularis, domesticus, proprius, intimus, indiuiduus, inseparabilis), leur róle prophétique leur

permet

d'étre

éminemment

protecteurs

(custos,

praefectus,

curator,

prospector,

praemonitor,

tutator,

opitulator). Ils envoient des signes, des songes, voire se manifestent en personne à leurs protégés pour leur éviter des catastrophes que ces derniers ne peuvent pas prévoir, ou accélérer des succes qu'ils ne peuvent anticiper. Le démon personnel, sans attache corporelle, se distingue nettement du genius, dieu inférieur qu'Apulée, par un jeu de fausse dérivation étymologique, identifie avec l’àme donnée à chaque homme au moment de la genesis, de la naissance, et qui se trouve unie au corps". Sur la gravure du Symb. 5, l'attitude familiére et les gestes affectueux du démon envers Socrate, l'emboitement de leurs deux profils et la ligne uniforme que dessinent leurs regards dardés sur la pictura montre cette relation du démon à l'individualité : le démon est un compagnon intime de Socrate, qui lui est attaché de maniére indéfectible. Mais le démon personnel tel que le décrit Apulée, en particulier pour Socrate, concentre surtout des caractéristiques morales (arbiter, malorum improbator, bonorum probator), et, dans la paraphrase d'Apulée que

Bocchi propose dans le texte du Symb. 147, c'est précisément les motifs qu'il retient et qu'il souligne pour convaincre son fils Pirrho de changer de ligne de conduite. Selon Apulée, le démon est un véritable directeur de conscience (quasi conscientia) qui incite au bien, à l'exercice de la vertu, à la pratique de la philosophie et au culte

mystérieuse désignerait plutót une vision par Socrate du démon lui-méme, comme Athéna pour Ulysse?

Apulée ajoute d'autre part que, la vertu de Socrate étant parfaite, le démon n'intervient pas pour le bien, mais simplement pour le retenir dans des situations oü la sagesse philosophique de Socrate ne pas d'échapper au danger ou au malheur, point que retient Ficin à la Renaissance?", Ces deux trouvent parfaitement restitués dans la gravure. D'une part, en effet, le démon semble parler à

pousser au lui permet aspects se l'oreille de

Socrate, mais le fait que ce dernier se dessine sans s'aider d'un miroir montre d'autre part que c'est bien dans

son intellect, son imagination ou sa mémoire que s'inscrit la vision mentale de ce qu'il est en train de réaliser : c'est une image qu'il contemple plutót qu'une voix qu'il entend. Le fait que le démon « parle » à l'oreille de Socrate permet de traduire iconiquement cette transfusion de pneuma, c'est-à-dire d'images et de représentations. Une idée courante, répandue par les néoplatoniciens, en particulier Porphyre, et reprise à la Renaissance?", voulait que les pensées des démons puissent s'imprimer dans l'esprit humain par l'intermédiaire d'un véhicule (ochéma), le pneuma ou spiritus, sorte de corps subtil qui sert au transport des images envoyées par les démons mais qui entoure également l'àme humaine pour assurer sa relation au corps?"*. Pour Ficin, la voix et les images démoniques que recoit Socrate relévent de cette essence intermédiaire visuelle, et le philosophe y est sensible gráce au mode de vie qu'il méne et qui permet à son áme de se dégager des entraves corporelles". De méme, le bras gauche du démon de la gravure, posé sur l'épaule droite de Socrate, semble prét, non pas à guider,

mais plutót à arréter le stylet au cas où celui-ci s'égarerait.

Mais la gravure engage aussi une réflexion sur le processus artistique, vu que, méme

si c'est par métaphore,

Socrate est bien représenté sous les traits d'un pictor en pleine action. La composition de la gravure nous montre clairement que le démon entre dans un jeu complexe et équilibré de plans coordonnés et de forces vectorielles qui tournent autour de Socrate, axe central dont la stabilité et l'immobilité sont garanties par l'assise quadrangulaire. Le démon semble n'étre ici qu'une puissance parmi d'autres qui entrent dans le processus de création. Tout d'abord, c'est le démon qui vient prendre appui sur l'épaule du peintre philosophe, et non l'inverse, malgré le léger déséquilibre de Socrate vers l'arriére comme pour mieux entendre les propos démoniques. De plus, la position de Socrate de profil permet d'opposer deux espaces distincts, de part et d'autre de l'espace vertical central qu'il occupe sur l'image et que délimitent les lignes de force des cubes superposés : d'un cóté, la bande verticale située derriere lui (à gauche de la gravure), habitée par le démon debout ; de l'autre,

de l'áme, ce qui lui confére un caractere sacré (si rite animaduertur... religiose colatur). Socrate et son démon doivent étre pour tous les hommes un exemplum qui les invite à la droiture morale et à la philosophie. La gravure du Symb. 3 lui affecte explicitement le nom daimón eudaimón, « démon de bonne nature démonique », pour le distinguer du kakodaimón , le « mauvais démon » attribué aussi à chacun à la naissance, selon les

instruments. Il n'y a, bien sár, pas de rupture visuelle radicale, car la ligne de force horizontale qui relie la téte du

outre le sens de « pourvu d'un bon démon », celui d'« heureux ». Apulée renvoie d'ailleurs implicitement au jeu de mots du Cratyle, qui rapproche daimón de daémón, sage, sensé et vertueux (398c), pour souligner

l'intelligence du philosophe à laquelle il communique la vision de la vérité. L'ascése à laquelle se soumet Socrate libére son àme des pollutions corporelles et lui permet d'étre malléable au contact des démons.

Pythagoriciens'?, Le terme exact serait plutót agathodaimón, mais le terme eudaimón a l'avantage de posséder,

l'équivalence rigoureuse entre « avoir un bon démon » = « étre sage/vertueux » = « étre heureux »2! Le

daimón eudaimón, c'est donc le démon bienfaiteur qui pousse personnellement Socrate à la vertu et qui lui apporte l'eudaimónia, le bonheur. Fidéle à la tradition platonicienne, Apulée explique que, pour communiquer avec Socrate, le démon se manifeste, certes, sous la forme d'une « certaine voix » (uocem quampiam), mais que ce phénoméne de nature

le plan vertical situé devant lui (à droite de la gravure), peuplé par le tableau autour duquel s'agitent mains et

211 ApVL, Socr., 20 : Id signum potest et ipsius daemonis species fuisse, quam solus Socrates cerneret, ita ut Homericus Achilles Mineruam. Plutarque dans son De Genio Socratis 20, 588c explique que le démon de Socrate n'a pas besoin d'une voix, qui ébranle l'air, mais qu'il agit directement sur

?? M. FICIN,, In apologiam Socratis epitome dans Opera omnia, Lyon, 1590, p. 797 : Si quaeras qualis Socratis demon fuerit, respondibitur igneus, quoniam ad contemplationem sublimium erigebat. Item Saturnius, quoniam intentionem mentis quotidie mirum in modum abstrahebat a corpore.

Attributus quoque ab initio, non acquisitus. Nam sibi a puero dicit aspirauisse. Non prouocabat unquam, qui non Martius, sed sepe ab actionibus reuocabat, qui Saturnius. Item non adhibebat calcaria uiro per se ad honesta propenso sed cohibebat freno, ubi in eligendis ad finem uiis ob coniecturam

fallaciam posse decipi uideretur. « Si tu t'interroges sur la nature du démon de Socrate, on te répondra qu'il était igné, car il poussait Socrate vers le haut, vers la contemplation, que, de méme, il était lié à Saturne car tous les jours, de maniére prodigieuse, il incitait l’àme à vouloir sortir du corps. Il était inné et non pas acquis. En effet, Socrate prétend que dés l'enfance, son démon l'attirait. Il ne le poussait jamais à l'action, n'étant pas lié à Saturne, mais le détournait de certains actes, puisque lié à Saturne. De méme, il ne s'attachait pas aux pas d'un homme enclin par nature

au bien mais lui mettait un frein lorsque, dans le choix de la voie à suivre, cet homme risquait visiblement d'étre induit en erreur par une

?* L.-A. Dorion, « Socrate, le daimonion », p. 191. 7 Voir N. Fick, « La démonologie impériale ou les délires de l'imaginaire au II° siécle de notre ére », dans J. Thomas (dir.), L'imaginaire religieux gréco-romain, 1994, Perpignan, p. 235-272. Voir également les mises au point historiques de J. Baujeu (éd.) : APULÉE, Opuscules philosophiques, Paris, 1973, p. 183-201 et l'introduction d'A. Corlu (éd.) PLUTARQUE, Le démon de Socrate, Paris, 1970. 95 APVL, Socr., 15.

?? Voir M. Détienne, La notion de daimón dans le pythagorisme ancien, Paris, 1963. Sur l'existence non pas d'un mais de deux démons personnels, l'un poussant au mal, l'autre au bien, voir P. Boyancé, « Les deux démons personnels dans l'Antiquité grecque et latine », Revue de

Philologie, 9, 1935, p. 189-202. Cette conception

dyadiste, héritée de Philon

d'Alexandrie et des néopythagoriciens,

Numenius, est adoptée par Bocchi dans le Symbolum 72 oà deux petits génies se disputent le « vase » de l’àme. 210 APVL, Socr., 15.

70

en particulier Lydus et

supposition trompeuse ». ?? Voir Robert Klein, « Spirito peregrino » dans La Forme et l'intelligible, Paris, 1970 (pourla traduction francaise), p. 31-64. ?^ Voir G. Verbeke, L'évolution de la doctrine du pneuma, du stoicisme à Saint Augustin, Paris/Louvain, 1945, p. 351-386; Augustin

et

le

symbolisme

néoplatonicien

de

la véture »,

dans

Id.,

La

tradition

de

l'allégorie,

J. Pépin, « Saint

p. 137-165 ; S. Toulouse,

« Influences

néoplatoniciennes sur l'analyse augustinienne des uisiones », Archives de philosophie, 72/2, 2009, p. 225-247. ?5 FICIN, In apologiam Socratis, éd. citée, p. 797-798 : Aspirabat menti, ostenta oculis, uoces auribus suggerebat. Sed quibus oculis atque auribus ? sensus, Visui uidelicet atque auditui qui per omne eduntur corpus ethereum sub manifesto hoc corpore latens. Poterat autem Socrates per atheros sensire suscitait àme, son inspirait démon Le « uigilans. et pariter ab elementalibus sensibus se facile seuocans. Ostensa cernebat eosdem sensus et somnians il s'agit des des prodiges devant ses yeux et faisait entendre des voix à ses oreilles. Mais devant quels yeux, et à quelles oreilles ? Assurément

facultés de vision et d'audition qui sont suscitées par l'intermédiaire du corps éthéré, qui se cache sous cette enveloppe corporelle visible ».

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Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1 555) - tome 2

démon, celle de Socrate et l'angle supérieur du tableau, garantit une continuité harmonieuse des trois plans. Et cette continuité se voit prolongée par de subtils phénoménes de transition (les mains et les bras de Socrate constituent de véritables ponts vers le tableau, soulignés par la convergence des regards du démon et du

philosophe) et de superposition (le démon légérement penché vers Socrate dissimule une partie de son dos).

Enfin, la ligne de force oblique dessinée par le bord supérieur de l'aile gauche de l'ange, aux courbures harmonieuses et douces, rencontre celle que dessinent les bras gauches de l'équerre et du compas, pointus et anguleux, que tient la main gauche de Socrate. Ces deux lignes viennent former un triangle renversé dont la pointe s'inscrit sur la téte de Socrate, comme pour la pointer du doigt. Tous ces signaux déictiques nous invitent à constater que le philosophe, qui est aussi peintre/sculpteur, constitue le terrain propice oü s'exercent deux

l'enthousiasme""^ 224 et prédispose aux excés de la phantasia ou uis imaginatiua^?. Soumise d'ailleurs, comme le montrent les théories galéniques, à l'influence de la planéte de Saturne, la mélancolie rend également pensif et

prédisposé aux táches intellectuelles". Ficin explique que la mélancolie, allégeant l'àme et alourdissant le corps,

permet à la premiere de se dégager du second et d'obtenir un état de « vacance » propre à subir les influences célestes"". La rhétorique que suscite cet ethos se ressentira forcément dans l'ceuvre qu'il produit, qu'elle soit tableau peint ou discours prononcé : ce que peint (ou plutót, dit) Socrate influencé par le démon, c'est Socrate accompagné par son démon.

Dans la gravure du Symb. 5, Socrate se fait donc le chantre de l'aurea mediocritas, non point une pàle médiocrité,

prestigieux furor Platonicus, à laquelle il sert de vecteur: ce feruor poeticus à la Boccace^?, héritier de

mais l'art subtil et complexe de tenir le point d'équilibre entre labor et furor, entre ars et ingenium, entre expérience et inspiration. Les témoignages de Platon, Xénophon, relayés par Érasme dans les Sileni Alcibiadis, livrent effectivement l'image d'un Socrate construisant méthodiquement la dialectique par ses epaktikoi logoi au caractére imagé et populaire mais recevant parallélement les illuminations divines de son semeion et dévoilant sa propre divinité (puisqu'une tradition faisait de Socrate lui-méme un daimón). Sur la gravure de Bonasone, l'image que Socrate réalise, en tant que peintre, sur la surface de marbre semble autant construite par les instruments de l'art que par l'inspiration du bon démon. Or c'est là un point de préoccupation constant non seulement de la théorie de l'art à la Renaissance, mais aussi de la littérature voire de la théologie de cette époque. Dans le domaine de l'art, Erwin Panofsky a décrit ce statut mixte de la peinture mélant technique et inspiration géniale, qui caractérise Michel-Ange et Dürer"*. Anticipant sur les idéaux maniéristes, cette conception permet d'effectuer la synthése entre deux positions en apparence contradictoires. D'une part, les théories purement rationnelles et géométriques, par exemple celles d'Alberti et de Léonard, posent l'art comme fruit d'usus et d'experientia. D'autre part, l'idéalisme mystique d'un Ficin, d'un Henri de Gand ou d'un Agrippa de Nettesheim, qui congoivent le poéte mélancolique comme le fils inspiré des Muses, se voit transposé au peintre??, L'art de peindre, selon Dürer, exige de l'artiste à la fois l'exercice de la mathématique pour appréhender scientifiquement le réel et construire l'« idéal », mais aussi le don irrationnel et divin de l'inspiration qui lui permet la « différence », pour reprendre l'opposition proposée par Jean Lecointe. Ainsi, la gravure Melancolia I, oà Panofsky voit le premier degré de l'inspiration mélancolique du De Occulta Philosophia, l'imaginatio, répartit autour de la figure démonique tout un ensemble d'objets géométriques auxquels elle ne

prendre la parole) et lui envoie des images, envahissant son intellect ou influengant sa faculté imaginative". Ces

sombre, mais manie avec vivacité les instruments de la géométrie. Corrigeant son tempérament mélancolique par l'action artistique voire le « sublimant », pour reprendre un terme anachronique, il associe travail et

sortes d'influences complémentaires. Devant l'artiste, dont les manches sont retroussées, s'étagent les outils du

labor et de l'ars dans sa dimension théorique (compas et équerre) et pratique (stylet). Ces instruments, tout en raideur et en angles, soumis au regard de l'artisan et au contróle de ses mains, participent de l'expérience et construisent lentement et méthodiquement sur le tableau l'abstraction géométrique et, par métaphore, dialectique et philosophique. En revanche, derriere l'artiste, mais invisible pour lui et échappant à sa volonté, son démon, tout en plis souples et en courbes, vient lui parler à l'oreille ou plutót à l'esprit, c'est-à-dire l'inspire au sens étymologique : il fait pénétrer son souffle, son pneuma, dans l'àme humaine sous la forme d'images inorganiques. Cette influence secréte et d'essence divine, comme le montrent les ailes du démon, ce sont les

dons mystérieux et incontrólables du furor ou, de maniére moins surnaturelle, de la natura. Le démon résume en effet toute l'ambiguité de la notion de genius in$pirateur entre deus et ingenium, et porte la marque de l'intervention des puissances d'en haut^'*.

D'un cóté, comme chez Ficin, lecteur de Plotin et de Proclus, le démon socratique est probablement l'un des

217 démons de la troisiéme providence^", vecteurs des influences astrologiques et des dons planétaires qui déterminent certains talents et aptitudes psycho-physiologiques humains, en particulier artistiques? Pour Ficin, le démon de Socrate est indubitablement un démon saturnien, qui pousse le philosophe à l'abstraction^? et, sur la gravure bocchienne, il initie le peintre à la représentation de l'invisible, de l'Idea. Il personnifie aussi probablement la « vocation » individuelle imposée par l'astre natal, variante horoscopique et atténuée du

l'inflammatio animi de Cicéron"", s'accorde assez bien avec le caractere igné du démon socratique. Sur la gravure, c'est le démon qui pousse Socrate à saisir le stylet dans l'urgence (c'est-à-dire, métaphoriquement, à images sont simultanément travaillées et complétées par l'ars, qui, de son cóté, touche aussi aux astres, comme le montrent le soleil, la lune et les étoiles parmi les nuées de la gravure. D'un

autre

cóté, le démon

incarne

aussi, de maniére

moins

surnaturelle,

l'ingenium,

la « personnalité »

intellectuelle du philosophe, son « caractére », son « naturel », dont le point de départ est sans doute le

tempérament humoral, mais qui n'exclut pas le perfectionnement par l'art. Depuis Aristote^?, on voit dans Socrate

un

mélancolique.

Or

la mélancolie

est le tempérament

le plus

propice

à l'exaltation

et à

7 Sur cette conception de l'ingenium, traduction latine de la phantasia grecque, qui désigne l'aptitude du peintre ou du poéte à dépasser le cadre de la mimesis et de la Philostrate, voir les analyses P. 392-414 et B. Schweitzer, x A cóté de celle de Dieu et

perception sensible pour représenter des de E. Birmelin,« Die Kunsttheoretischen « Mimesis und Phantasia », Philologus, 89, de celle de ses anges. Voir M. J. B. Allen, «

notions invisibles, imaginaires, abstraites ou divines, par exemple chez Gedanken in Philostrates Apollonios », Philologus, 88, 1933, p. 149-180, 1934, p. 286-300 et E. Panofksy, Idea. Voir dios wotes au v. 19. Marsilo Ficino, Socrates and the daimonic voice », p. 310.

7? La source importante de ces « vétures » que l'àme prend aux planétes successives qu'elle traverse au cours de la descente qu'elle effectue pour s'incarner et que relaient les démons, est Macrobe, In somnium Scipionis, 1, 12, 13-14.

e CÉ Macr, Somn. Scip., 1, 12, 13 : (Anima producit) In Saturni ratiocinationem et intelligentiam quod logistikon et theórétikon uocant. Voir P. Galand-Hallyn, F. Hallyn (dir.), Poétiques de la Renaissance, p.

?3 De Or. 2, 194.

114-117.

7? Sur le lien entre spiritus et phantasia, voir Robert Klein, « L'imagination comme vétement de l'àme chez Marsile Ficin et Giordano Bruno »,

dans Id., La forme et l'intelligible, p. 65-88. ?5 Problemata, 3, 1, 953a.

72

rien de touche pas, perdue dans une sombre réverie. Dans la gravure de Bonasone au contraire, Socrate n'a

inspiration, vertu et bonheur, incarnant l'idéal de l'eudémonie. De méme,

dans le domaine

de la poétique

et ars, littéraire, Perrine Galand a montré que cette aurea mediocritas, qui implique la collaboration entre natura

(Art Poétique, entre studium et ingenium, a été récupérée et adaptée d' Aristote (Poét., 4, 48b 20-24) et d'Horace les limites de 408-411) à la Renaissance, en particulier par Politien. Cette position cherche à compenser

l'autorité de l'inspiration et du talent par les prouesses du labeur technique, afin de conférer le prestige et l'enthousiasme

à la pratique

de genres

littéraires mineurs

liés à l'improvisation,

en particulier

ceux

qui se

et de Stace. Comme rattachent à la silve. Au furor poeticus se substitue le calor rhetoricus de Quintilien

nous

(ou du peintre, ou du philosophe !), fruit de veilles et de travail, trouve appui

dans

de l'affectivité l'avons rappelé plus haut, ce phénoméne psycho-physiologique désigne un emballement intense l'immense lorsque et des émotions du poéte. Cet état se produit sous l'appel d'une circonstance extérieure, érudition

du poéte

?^ bid, 954 a: « Nombreux

sont saisis de maladies de aussi sont ceux qui, parce que cet échauffement se situe prés du siege de l'intellect,

transports exaltés ou d'enthousiasme ». sont disposés à suivre leur imagination (akolouthétikoi téi 25 ARIST., EN, 1150b 25 oü les mélancoliques sont dit intempérants « parce qu'ils p. 124-128. fantasiai) ». Sur mélancolie et inspiration, voir les Poétiques de la Renaissance, Sur cette correspondance entre le tempérament mélancolique et la esse. melancholicos ingeniosos omnes ait quidem Aristoteles : 80 26 CC, Tusc. 1, Paris, 1989 (pour la traduction francaise). planéte Saturne, voir R. Klibansky, E. Panofsky, F. Saxl, Saturne et la Mélancolie, les Poétiques de la Renaissance, p. 126-128. dans analysées uita Triplici De 227 Voir les citations de la Théologie platonicienne et du ?5 Voir Idea, p. 137-153.

p. 435-655, en particulier 568-569. ?9 Voir R. Klibansky, E. Panofsky, F. Saxl, Saturne et la Mélancolie,

73

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Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

l'imagination et la mémoire pour se déployer avec aisance et naturel dans une ceuvre composée en apparence sur le vif, mais qui en restitue toute la complexité et les scintillements.

Mais outre les significations que nous lui avons données plus haut, à la fois intellect, démon protecteur, gardien moral, puissance astrologique et messager divin de l'inspiration créatrice, le démon derriere Socrate, avec ses

ailes, sa jeunesse, ses pieds instables qui semblent l'emporter dans un perpétuel mouvement, ressemble de maniére troublante à une personnification du Kairos. Il se pourrait bien qu'il soit ici également une personnification l' « Occasion » de l'improvisation, qu'elle soit philosophique, artistique ou poétique. À cette différence prés, par rapport à la tradition, que c'est lui qui s'empare de l'artiste et non l'inverse. Cet état de gráce, ce « coup de génie » n'exclut pas le labor ni l'ars, au contraire, mais donne bien l'impression, pour reprendre le mot de Cicéron, qu'au moment oü l'ceuvre s'est composée, « un dieu était présent sap

Le philosophe du nosce te ipsum, le peintre de l'autoportrait et le poéte-emblématiste, chantre de la silve, se trouvent rassemblés derriére le visage du Socrate de la gravure comme autant d'enfants de l'art et du démon.

Leur ceuvre aussi porte la marque des mémes influences, fruit de la divinité et de leur vertu, de leur ingenium et

de leur ars, du calor et du kairos, de l'inspiration et du labeur : en tout cas, elle révéle leur personnalité profonde, dont le démon est une figuration et initie le spectateur à l'investigation de la sienne. Par quel biais ? Celui qui associe le philosophe, le peintre et le poéte dans une pratique commune : l'invention de l'image symbolique qui conduit du visible à l'invisible, du monde sensible à la divinité. Le texte du symbolum, nous l'avons dit, identifie

les propos imagés de la dialectique de Socrate, les symboles de Pythagore, les fables d'Ésope, et, implicitement, l'eikón emblématique (qui ne se résume pas à la gravure !), comme autant de pratiques réussies du langage allégorique qui ravissent les sens en nourrissant l'áme. Les pouvoirs « cheiragogiques » de l'image symbolique dans l'imaginaire de la Renaissance lui sont en partie conférés, au prix d'un fructueux contresens, par le prestige attaché à ce qui n'en est au départ qu'une espéce, mais dont l'aura religieuse finit par contaminer le genre tout entier : le hiéroglyphe (voir notre introduction et notre analyse du Symb. 147). On résumera comme suit le point de vue contradictoire que suscite le signe égyptien. D'un cóté, Ficin, héritier de Plotin et de Jamblique, voit dans le hiéroglyphe le résidu fossile d'un idiome subtil originel qui ignorait les développements discursifs et donnait à voir instantanément le concept à travers sa forme sensible, mettant ainsi l'áàme directement en contact avec les concepts divins et donc les pensées de Dieu??'. D'un autre cóté, la redécouverte puis la traduction des Hieroglyphica d'Horapollon aménent à mettre dans le sillage du hiéroglyphe égyptien toute la tradition du symbole antique gréco-romain et à jeter les bases fécondes d'une véritable écriture, pourvue d'un vocabulaire et d'une syntaxe, largement explorée par le Songe de Poliphile de Colonna ou les Hieroglyphica de Pierio Valeriano??. On voit bien l'avantage à retirer de chacune des positions : prestige du sacré dans le premier cas,

réservoir immense d'invention déployant la souplesse d'une combinatoire quasi infinie de l'autre. Nous montrerons, dans notre analyse de la gravure du Symb. 147, que seule la conception ficinienne, qui plonge ses racines dans les conceptions antiques d'un Plutarque ou d'un Hermias d'Alexandrie, permet de comprendre

pourquoi le démon sur l'image déploie sous nos yeux un phylactére où s'inscrit l'une des suites hiéroglyphiques du Songe de Poliphile de Colonna. C'est que l'écriture hiéroglyphique y est posée comme le langage par excellence des démons, vu qu'elle est une langue conceptuelle que notre esprit pergoit directement, sans

?* CIC, De Or. 1,202.

?' Voir les textes et les analyses toujours indispensables de K. Giehlow, « Die Hieroglyphenkunde des Humanismus in der Allegorie der Renaissance », Jahrbuch des Kunsthistorischen Sammlungen des allerhóchsten Kaiserhauses, Band XXXII, Heft 1, Vienne et Leipzig, 1915, p.1-232;

désormais disponible dans une traduction italienne (éd. M. Ghelardi, S. Müller): Hieroglyphica: la conoscenza umanislica dei geroglifici nell'allegoria del Rinascimento : una ipotesi, Turin, 2004. Pour le hiéroglyphe, voir Ficin (Opera omnia, Bále, 1559, p. 1768) : Sacerdotes /Egyptii

ad significanda mysteria non utebatur minutis literarum characteribus sed figuris integris herbarum, arborum, animalium ; quoniam uidelicet deus scientiam rerum habet non tanquam excogitationem de re multiplicem, sed tanquam simplicem firmamque rei formam. « às prétres égyptiens, pour signifier les objets divins, n'employaient pas de lettres mais des figures complétes de plantes, d'arbres, d'animaux, car Dieu a sans doute une connaissance des choses qui n'est pas une pensée compléte et discursive, mais en quelque sorte, leur forme simple et directe ». 232

1956,

74

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è

x

5

hd C. Balavoine, Le modéle hiéroglyphique à la Renaissance, dans C. Balavoine,J. Lafond, P. Laurens (dir.), Le modéle à la Renaissance, Paris, p. 209-225.

l'intermédiaire organique de l'ouie ni les étapes du raisonnement"? : l'intuition visuelle n'est plus ici perception sensible mais époptie noétique. Cette écriture est au fond l'exacte transcription de ce qu'est l'impression du spiritus de notre àme sous l'effet de la volonté d'un démon qui lui communique ses visions 234 La vision sensible se voit relayée quasi instantanément par une sorte d'éblouissement intellectif et mystique à la fois. Or la gravure

du Symb. 3, tout comme le texte qui lui fait face, joue à merveille des ambiguités implicites du hiéroglyphe dont elle exprime le caractere contradictoire à travers l'opposition ars/natura ou par le couple furor/labor. L'image que peint le Socrate de la gravure posséde à la fois le caractére culturellement construit du symbole grécoromain, manifestant par l'équerre, le compas et le stylet la science théorique et l'habileté technique de son inventeur, mais aussi la dimension inspirée du signe égyptien qui doit toujours quelque chose aux influx astrologiques et aux pensées des démons. De méme, le texte de l'embléme a beau renvoyer au modele prométhéen du labor pour promettre un développement continu de la science allégorique inventée par Socrate, Pythagore ou Phédre et un travail de lime sur le poéme improvisé, en revanche l'allusion à la Muse, aux pondera rerum, au Verum et à l'improvisation elle-méme insiste au contraire sur les forces mystérieuses et inspirées de la création qui mettent l'auteur en contact avec les puissance supérieures. Mais le démon de la gravure, comme celui du Symb. 147, n'est pas seulement la représentation d'une des forces inspiratrices de l'art. Il entre dans un scénario plus religieux, qu'on ne s'étonnera pas de voir chez Bocchi, sensible aux idées réformées.

6. Quand le démon fait l'ange..

Il n'y a évidemment

qu'un pas pour superposer au démon

personnel gardien moral de la destinée et

transmetteur des influences astrales, son équivalent chrétien, l'ange-gardien, comme

l'ont fait les Péres de

l'Église et la tradition iconographique. Comme le démon était l'émanation d'une philanthópia divine, l'angele gardien devenait naturellement le vecteur individualisé de la Gráce que Dieu délégue personnellement. Ficin

dit d'ailleurs trés clairement : si l'on préfére, on peut appeler ange-gardien le démon de Socrate?*.

sauton Car l'autoportrait réalisé par Socrate avec son bon démon, mise en scéne métaphorique du gnóthi les courants philosophique, pourrait étre une figure typologique de la conversion spirituelle attendue par c'est reconnaitre évangéliques. Se connaitre soi-méme, rappelle Érasme dans l'Enchiridion militis Christiani, par l'áme, et à anges, des invisible que notre nature est tierce ou médiane et qu'elle participe à la fois à l'univers des stoiciens, il faut l'univers animal, visible et terrestre, par le corps^?". Suivant l'exemple des platoniciens et nos facultés pour donc adapter notre comportement à notre constitution, en établissant une hiérarchie entre et d'Origéne, cette suivre le meilleur mode de vie. Pour Érasme, influencé en outre par les écrits de Paul par des siécles de corrompue révolution philosophique doit s'effectuer au sein méme de la religion chrétienne, de la spiritualité. Il convient reláchement et de contresens qui l'ont conduite à se ritualiser à l'excés, au détriment la loi mosaique pour la loi de délaisser la lettre pour l'esprit, l'homme extérieur pour l'homme intérieur, pour devenir culte christique : débarrassée des « pratiques charnelles » des Pharisiens, la religion se purifie le secret du cceur^**, Selon exclusivement intérieur et célébration des mystéres de la foi et de la gráce dans 23 Voir PLVT., De deo Socratis, $89a-c et Symb. 147. Phaedrum scholia, 95, 7-18, Paris, 1901, p. 68-69 et Symb. 147. 234 Voir par exemple P. Couvreur (éd.) : HERMIAS D'ALEXANDRIE, In Platonis placet, familiarem hominis ducem damonem appellare, saltem, ut placet 55 FICIN, In apologiam Socratis epitome, éd. citée p. 797 : At si minus tibi 2, 10 : Proinde appositi nobis hi, quos diu iam more ueterum nostris, bonum angelum apellato. Voir également Rhodiginus, Lectiones antiquae, a, nuncupemus iam, sicuti patribus Christianis appellare nomenclatur est displicita daemones dicimus tamquam pastores, ut placet Platoni. Ea uero si dissentaneum est. « De là vient que nous sont apposés ceux que, moris est, angelos bonos, quod Areopagita Dionyso s conprobat nec ab Platonis mente “pasteurs , comme il plait aux platoniciens. Et si ce nom déplait, nommonsselon une coutume des anciens, nous nommons "démons" ou bien pensée protecteurs ", ce qu'approuve Denys l'Aréopagite et ne trahit pas la les, comme les Pères de l'Eglise ont coutume de le faire, "les anges

des platoniciens. » ' noris. 236 ÉnASME, Enclt., 3, p. 38 Holborn : Caput esse sapientiae ut temet ipsum hominem ueluti tertium quendam mundum ?7 A.J. Festugière (trad.) : ÉRASME, Enchiridion militis Christiani, 8, s, Paris, 1971, p. 142: Tum troisiéme sorte de « Outre cela, il y a l'homme, qui est comme une utriusque participem, uisibilis secundum corpus, inuisibilis secundum animam. corps, invisible selon l'àme ». monde, participant aux deux autres, visible selon le

% Tid, p. 147-156.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Érasme, qui suit la tradition patristique, Socrate préfigure la vie évangélique, par le culte voué à l'esprit et par le don total de soi à la vertu. Le démon matérialise cette dévotion à la religion intérieure et à la spiritualité invisible. Le sacrifice de sa vie consenti par Socrate au nom de la fidélité aux lois et à la justice, anticipe également sur celui du Christ. Ficin, dans une lettre à Paolo Ferobanti, dit méme de Socrate qu'il est une adumbratio Christi??. Le terme est intéressant car il renvoie à nouveau au dispositif de l'ombre projetée sur le tableau de notre gravure : Socrate épaulé par son démon est l'ombre paienne et naturelle de ce qu'est, dans l'ordre de la Gráce et de l'ére

gráce, et à éviter le mépris de soi, en s'adonnant au labor, c'est-à-dire aux ceuvres, à l'activité de charité, qui

mettront cette gráce en évidence.

christique, l'homme évangélique, tourné lui aussi sur son àme, son intériorité, son bon ange. Le Symb. 147, que nous avons déjà évoqué, constituera un point de comparaison intéressant et instructif, qui

vient confirmer notre hypothése. Le texte de cet embléme, comme nous l'avons dit plus haut, évoque le démon en termes

apuléens

et Bocchi

y invite son fils, et, plus généralement,

le lecteur à honorer

cette divinité

protectrice comme il se doit et à l'écouter. Or la gravure qui accompagne ce texte nous montre, non plus seulement un démon, mais bel et bien un ange gardien, comme l'atteste sans ambiguité la flamme qui se dresse sur sa téte. Cet ange déploie sous nos yeux un phylactére oü vient s'inscrire une des suites hiéroglyphiques du Songe de Poliphile de Francesco Colonna, celle qui justement dit : Ex labore deo naturae sacrifica liberaliter, paulatim reduces animum deo subiectum. Firmam custodiam uitae tuae misericorditer gubernando tenebit, incolumem que seruabit^*?,

Cet ange qui nous fait face nous interpelle pour nous « parler» en hiéroglyphes (sur les présupposés philosophiques de cette conception, voir supra). Nous montrerons plus loin que Bocchi reprend ici la tradition iconographique antique du « Tolle ! Lege ! » des Confessions de saint Augustin, où un ange invite le narrateur à se saisir d'un livre, c'est-à-dire à changer de vie. L'ange de l'image emblématique relaie les efforts du texte pour susciter en nous la conversion religieuse à l'intériorité et au culte du cceur, dogme fondamental de l'évangélisme.

Nous avons insisté supra sur la coopération entre l'ingenium et le labor, l'ars et la natura, topique antique réclamée par Horace chez le poéte et par Érasme, chez l'orateur chrétien. Le Socrate de la gravure, manches

Fig. 1» P.FONTANA

ou

G.BONASONE,

Dessin

pour le Symb. 3, The Pierpont Morgan Library (NY).

préparatoire

Fig. 2 > Quelques lignes de force qui structurent la gravure du Symb. 3.

retroussées, instruments en main, exerce la peinture comme un labor, que vient compléter le souflle inspirateur

démonique, qui apparait ainsi sur la toile par le biais de la technique. Apulée avait lui aussi insisté sur cette obligation de collaboration étroite entre le sujet et son démon. Mais si le démon est aussi l'ange-gardien et le véhicule de la gráce, le scénario pictural, poétique, philosophique et moral se double sans difficulté d'un scénario théologique. En effet, la collaboration de la gráce divine et de l'a&ivité humaine recoit précisément chez Érasme le nom de gràce coopérante, qu'il a mise au point dans la polémique contre le Traité du Serf-arbitre de Luther. Selon Érasme, qui s'inspire d'un passage de Paul"*', le travail conjugué (synergeia) de la gráce et de la volonté humaine? évite le double écueil de l'orgueil et du désespoir^?. Dans l'adage « connais-toi toi-méme », Érasme

explique que la formule nous invite à comprendre notre nature, faite de forces et de faiblesses. L'attitude que nous devons avoir par rapport à la gráce, c'est précisément

cette aurea

mediocritas

socratique

qui consiste à

bannir la curiosité orgueilleuse, en se laissant guider par l'inspiration démonique de l'ange-gardien, vectrice de la 239

4

s

:

a

M. FICIN, Epistolae, livre 8, Venise, 1495, f° 144r°, « Confirmatio Christianorum per Socratica » (notre traduction) : Nisi uererer optime Paule fore nonnullos qui uel prauitate ingenii uel paruitate iudicii alio quam nos loquamur sensu captent singula, demonstrarem Socratem etsi non figura qua Iob zi Ioannes Baptista, tamen adumbration forte e quadam Christum salutatis auctorem quasi (ut ita loquar) praesignauisse. « Si je ne craignais pas, trés cher Paul, que certains individus, par la perversité de leur intelligence ou la faiblesse de leur jugement, n'aillent pen chacun de nos propos dans un sens différent que celui oü nous les énoncons, je montrerais que Socrate a, pour ainsi dire, annoncé à l'avance le Christ sauveur, a: e Hte eem ap comme celle de Job ou de Jean Baptile, mais nd sorte ds silhouette esquissée. » i a ce généreux au Dieu de Nature et tu raméneras peu à peu ton áme dans la soumission à Dieu. En te guidant

avec miséricorde,

Il mettra

ta vie sous bonne

garde et la conservera

saine et sauve. » Sur l'interprétation

de cette frise, voir les analyses

fondatrices G. Pozzi et L. A. Ciapponi dans leur édition de F. Colonna, Hypnerotomachia Poliphili, Padoue, 1980, p. 33.

41 VvLG., Rom. 3, 5-9. 42 ÉRASME ; Tractatus de libero arbitrio, 1 itrio, Bále, Bà Froben, 1524 (sans pagination) : hoc ipsum esse diuini muneris, ut possimus animum ad ea quae sunt inati

salutis afflectere, aut gratiae cvvepyeiv.

?? [bid. a : Mihi placet illorum sententia, ihil tribuunt tri í entia, quiqui nonnihil libero arbitrio, sed gratiae plurim um. Nec enim im sic erat uitanda Scylla arroganti ae, ut xj i y feraris in Charybdis desperationis aut socordiae. ; — i iade

76

Conclusion

Mais il est temps à présent de récapituler les points acquis avant de considérer de maniere plus spécifique le lien entre le poéme et la gravure. Socrate, auquel Bocchi ressemble si fort d'aprés le portrait de Fontana, incarne ce lien. Dans le poéme de l'embléme, Socrate est l'inventeur de l'induction et de la dialectique, ce qui permet à Bocchi de l'instaurer comme fondateur et garant involontaire de la technique symbolique, conférant par conséquent son efhos philosophique au poéte-emblématiste, à travers toute une chaine de transmission qui inclut nommément Pythagore, Ésope et les poétes, inventeurs de symboles, de fables et d'images poétiques fondées sur l'enargeia. Ces formes littéraires, en apparence triviales, ressemblent au Socrate décrit par Alcibiade sous la forme d'un siléne, disgracieux d'apparence, divin quand on l'ouvre. Cet efhos mi-contemplatif, mithéologique se fonde sur le principe du gnóthi sauton, « connais-toi toi-méme », c'est-à-dire, connais ton àme, le bon démon qui est en toi, ta nature divine, et par conséquent, la divinité elle-méme. Pour transposer métaphoriquement dans la gravure le caractére réflexif de la démarche du philosophe Socrate, qui conduit de l'ombre des corps à la lumiére de l'intellect, de la diversité sensible à l'intériorité contemplative, tout comme le poéte allégorique s'éléve de la forme sensible du symbole à l'éclat noétique du sens figuré, Bocchi a demandé à Bonasone de montrer le philosophe Socrate en peintre/sculpteur effectuant son autoportrait, qu'inspire ou commente son bon démon/ange-gardien placé derriere lui. Cette transposition était doublement facilitée, d'abord par la célébrissime formule ut pictura poesis qui identifie les pouvoirs de la parole et du texte à ceux de l'image, ensuite par le proverbe fameux de Cóme, ogni dipintore dipinge sé, qui, comme la notion méme de démon, fait émerger la conscience d'une individualité artistique, d'un ingenium, qui prélude à la notion de génie. Le choix du tableau à la place du miroir pour signaler la démarche réflexive et dialectique permet de déployer toute une série de conséquences essentielles. Jouant des ombres qui se projettent et des seuils intertextuels (le tableau s'ouvre comme une porte vers l'espace du spectateur et l'invite à rentrer pour rencontrer Socrate, autant la qu'il aide Socrate à sortir de la toile pour aller vers le spectateur) à des fins rhétoriques et psychagogiques, 77

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

surface peinte par Socrate a tous les avantages et les difficultés du symbole littéraire et plastique, à la fois matériel et spirituel : elle ravit le spectateur pour l'inviter à la tàche de l'herméneutique. Elle permet en particulier de

REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

directement à autrui et questionne son entendement, comme le fait l'ironie socratique. La combinaison entre le

(Milan, Bib. Ambros., D. 145 inf, f" 71^), datée du 28 janvier 1549. Il est relié à tout un ensemble d'autres

montrer que l'apophtegme socratique ne se résume pas à une simple introspection narcissique mais s'adresse

démon d'un cóté, les outils techniques de l'art de l'autre, montre qu'en Socrate, comme chez le « je » du texte

poétique,

garant

modeste

et

ambitieux

à la

fois

du

genre

littéraire

de

la

silve,

s'allient

les

ressources

— Dans l'édition de 1555, le poéme apparait sur la page précédant la gravure.

- L'embléme est cité sous le numéro XL dans l'une des Epistolae autographae ad Romulum Amaseum de Bocchi emblémes dédiés aux Farnése et Bocchi avoue qu'il s'agit là pour lui d'un moyen de solliciter la libéralité de ses protecteurs à son égard :

complémentaires de la vertu, de l'inspiration surnaturelle et du labor technique propre à l'artiste. Le méme labor exégétique est demandé en retour au spectateur qui contemple son ceuvre, tout comme au lecteur-décrypteur de symboles. Aprés les charmes sensitifs de la représentation, il faut passer aux nourritures spirituelles, plus secrétes mais aussi plus riches. Socrate, non content d'assurer ici la transition de l'exercice poétique à l'exercice artistique puis philosophique, permet de plus le passage de l'hellénisme au christianisme. Le dieu du furor inspirateur, philosophique ou littéraire n'est plus seulement un démon paien mais un ange personnel, vecteur de la gráce. Le labor, en collaborant avec le furor, la natura et l'ingenium du peintre-philosophe révéle sous forme de tableau

Neque ueró causa est cur parùm pudens, parumque tempestiua uideri debeat postulatio mea, si quidem iusta est, et justé a iusto semper impetranda. Quin summae Iustitiae et Bonitati non summé confidere, prorsus iniurium nefasque puto, atque adeó fortunis meis intempestiuum, quas quidem me profiteri non pudet conturbasse fiducia pontificiae liberalitatis et iuslitiae, quam scio nunquam non boniconsulturam meum hoc aequissimum studium Farnesii nominis memoriae celebrandi. Puto te recordari symbolorum meorum, quae ad te misi : illa tibi posthac argumentorum loco sufficiant, quibus ipse communem causam in tempore defendas, ne parüm inepta fuisse uideatur postulatio nostra. Primum illud occurit, cuius haec thesis ad Paulum Pont. Max. (LXXV) :

l'influence divine à l'artiste méme. Celui-ci se connait alors pleinement, dans sa force et sa faiblesse, et les dévoile au spectateur qui, à son tour, par le biais de la distraction figurée de l'ceuvre d'art, peut s'initier au retour

Speranda summi est principis benignitas, Maligna ubi urget temporum necessitas".

sur soi età la conversion évangélique.

Item ad eundem (XL) PASTORIS OPTIMI SCOPVS?*. Porró ad Alexandrum VIRVM ESSE PRINCIPEM VERVM DECET*"*5 Iamuero aliud ad eundem (CIII) :

Symb. 4 Gravure :

TOUS

DOIVENT TOUT

RAPPORTER

Minorem

(LXXVI)

QVALEM

FIDES EX BONITATE CHARITASQVE AC SPES EST DECVS VSQVE SEMPITERNVM

À DIEU

Quid plura ? Ó me imprudentem, qui dum inepti nomen effugere contendo, propius nihil ago quam ut ineptus efficiar, qui

Sur l'image :

noctuas Athenas".

— Au pape Paul III — Le salut de tous - Tout pour la puissance, la gloire et la vertu des citoyens

LE BUT DU MEILLEUR DES PASTEURS Comme le pilote vise une course aisée, Le médecin, la santé, le chef, la victoire, L'illustre homme d'État aussi vise d'abord, Pour tous ses concitoyens, une vie heureuse,

S

Viequisoit garantie toujours par la puissance,

Fort riche en biens, fameuse en gloire et respectée Pour sa vertu : car qui ménera cette tàche

10

- in pic. : PAVLO III PON«TIFICI» MAX«IMO?*] Alexandre Farnése (1468-1549) succéde à Clément VII et devient le pape Paul III en 15347. Favorable à la fondation de la Compagnie de Jésus (bulle Regimini militantis de 1540), il fonde la Congregazione del Sant'Uffizio, le tribunal de l'inquisition romaine en 1542 (bulle Licet ab antérieure, où il 4 [I s'agit en réalité du Symb. 85. Mais ce dernier porte effectivement, dans le manuscrit Sloane, la trace d'une numérotation

est 5 46 47

doté du numéro LXXV. [| s'agit de notre Symb. 4. T] s'agit du Symb. 125. justifiée et s'il est juste « Mais il n'y a pas de raison pour que ma requéte doive paraitre manquer de tact et d'opportunité, si du moins elle

clairement qu'elle soit toujours soumise par un juste. Bien plus, ne point avoir une confiance absolue dans l'absolue Justice et Bonté me semble

me une faute et un sacrilége, et une attitude particuliérement inopportune pour mes affaires, dont je ne rougis pas d'avouer qu'elles à accueil bon un toujours réserveront sais, le je qui, pontificales justice la et libéralité la tourmentent, en raison de la confiance que me portent symboles que je t'ai envoyés : ils devraient mon désir trés légitime de transmettre à la postérité le nom des Farnése. Tu te souviens, je pense, des

Par trois fois la plus noble et la plus belle au monde, Sera le bon pasteur, comparable au Seigneur,

de peur que notre demande ne par la suite te suffire comme arguments pour défendre en personne et en temps voulu notre cause commune,

À qui nul ne devrait ne pas tout rapporter.

BUT DU MEILLEUR DES PASTEURS. Sans oublier celui qui est dédié à Alexandre le Jeune E Symb. 76) : Quel genre d'homme le véritable

MÉTRIQUE Trimétres iambiques.

78

NorES

espérer en la bonté semble trop impertinente. Le premier symbole qui apparait adresse au pape Paul la mention suivante (7 Symb. 75) : “ Il faut est dédié au méme: du souverain supréme/ lorsque la dure nécessité des circonstances nous presse ^. Il faut également ajouter celui (40) qui

prince doit se montrer. Et un autre encore, adressé au méme

ET

PROCURENT

UNE

GLOIRE

ÉTERNELLE.

Que

(7 Symb. 103): CHARITÉ,

puis-ajouter?

Imprudent

FOI ET ESPÉRANCE

que je suis, moi

NAISSENT

DE LA BONTE/

qui, en m'efforcant d'éviter le nom

de l'eau à la riviére] ! ». d'impertinent, ne fais rien d'autre que de me rendre impertinent en portant des chouettes à Athénes [c'est-à-dire

; t. XII : Paul III (suite), Paris, 1929 28 Voir L. von Pastor, Histoire des papes depuis la fin du Moyen Age, t. XI : Paul III (1534-1549), Paris, 1926 pape Paul III », Études italiennes, du intellectuels maîtres Les « Dorez, L. ; vol. 3 1923, Messine, III, Paolo Capasso, (pour la trad. francaise) ; C. t. I:La dur pontificale Pt ü : Les dépehses privées ; 12, 1931, p. 5-13 ; 1d., La cour de Paul III d'aprés les registres de la Trésorerie secréte, Paris, 1932, Ph. Leyillin (dir.), Dictionnaire historique de la dans » III F. Bérence, Les papes de la Renaissance, Paris, 1966, p. 312-341 j F. Fossier, « Paul di Stato, Turin, 1990 ; Id., La leggenda del ritratto e Nepotismo nipoti. suoi i e III Paolo Tiziano, papauté, Paris, 1994, p. 1263-1268 : R. Zapperi, 1998. Turin, pontificia, Roma nella censura e papa Paolo III : arte

79

_

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

initio), sous l'influence du cardinal Carafa, et convoque en décembre 1545 le concile de Trente, amorcé dés 1534 par toute une série de travaux préparatoires de réforme des institutions puis publié dans le mémoire Consilium... de emendenda Ecclesia de mars 1537, dont l'application fut confiée aux cardinaux Carafa, Contarini, Ghinucci et Simonetta pour la réforme de la Daterie, aux cardinaux Campeggio, De Cupis, Cesarini et Ridolfi

parviendrons, ainsi qu'au terme de notre carriére, de goüter au repos dans une paix et une sécurité profondes.

népotisme, par exemple envers ses petits-fils Alessandro (fils de Pier Luigi) et Guido Ascanio Sforza (fils de

— tit. pit. : Referre] Sur referre in équivalent à referre ad, voir TAC., Germ., 34, 2. — v. 1-2 : dans sa traduction, M. B. Illuminati, p. 190 rompt la construction induite par ut...

pour celle de la Rote, de la Pénitencerie, et de la Chancellerie. Sa politique, dés le départ, fut fondée sur le Costanza) qu'il nomma cardinaux dés son élection, et auxquels il attribua respectivement la Chancellerie et la Chambre apostolique^? ; envers ses fils, Pier Luigi, nommé Gonfalonier de l'Église en 1537 puis héritier du duché de Parme et de Plaisance en 1545, Ottavio, qui recoit le duché de Camerino (puis de Castro), et Orazio qui se voit attribuer la Préfecture de Rome. Il fait nommer également tout un ensemble de cardinaux célebres,

par exemple John Fischer ou Jean du Bellay, et certains se montreront favorables à une réforme interne de

l'Église catholique, par exemple Gaspare Contarini, Jacques Sadolet, Reginald Pool ou Giovanni Morone, le chef

des Spirituali. Le régne de Paul III se place sous le signe d'un généreux mécénat et d'un grand intérét pour les productions artistiques", méme si l'on s'accorde aujourd'hui à reconnaitre à son petit-fils homonyme, le grand cardinal, des dispositions supérieures dans ce domaine. — tit. epigr. : Scopus] Le terme scopus vient du grec axozóc. Le terme apparait dans un passage de la lettre de Cicéron dont de larges extraits sont paraphrasés dans l'épigramme bocchienne (Att. 8, 11, 2). Cicéron y évoque la paix impossible entre Jules César et Pompée à cause de leur esprit de domination (dominatio) qui réactive la « royauté syllanienne », régne de l'arbitraire et de la volonté privée au détriment du bien public : Sed neutri est ille okonóg ut nos beati simus; uterque regnare uult, « Mais aucun ne se donne pour but que nous soyons heureux ; chacun des deux veut régner ». Au début du méme $2, Cicéron rappelait que : Dominatio quaesita ab utroque, non id actum beata et honesta ciuitas ut esse,

« Chacun des deux a recherché le pouvoir, mais que la cité

vive dans le bonheur et l'honnéteté n'a pas été obtenu ». L'emploi du terme oxozóg est essentiel, car il entretient avec son synonyme c£Aog des relations complexes. À partir d'Antipater de Tarse, la philosophie $toicienne, qui confondait jusque-là les deux notions, avait entrepris de les distinguer nettement". En effet, suite aux critiques de Carnéade, il convenait de trouver une solution au fait que le sage, tout en visant le but ultime de la philosophie, c'est-à-dire l'acquisition de la sagesse supréme en s'identifiant au Aoyóc universel, pouvait voir sa volonté contrecarrée par les aléas de la fortune. Antipater distingue alors le x£Xoc, effort et tension

vers le but recherché du oxozóz, l'acquisition effective. Caton, au livre 3 du De Finibus (22) clarifie la distinction en employant la métaphore de l'archer : celui-ci met toute sa volonté pour atteindre sa cible mais l'essentiel n'est pas dans l'obtention de ce résultat. C'est la tension elle-méme qui devient sagesse. Or Bocchi insiste ici au contraire, non pas seulement sur l'effort, mais sur la réalisation effective de l'objectif politique (voir analyse) et

semble prendre a contrario la formule de Sénéque qui opposait le sage et le pilote (Ep, 85, 32 : Huic [i. e. sapienti] enim propositum est in uita agenda non utique quod temptat efficere, sed omnia recte facere ; gubernatori propositum est utique nauem in portum perducere : « L'objectif du sage est, en effet, dans la direction de son

existence, non pas de réussir à tout prix ce qu'il tente mais d'accomplir toujours des actions justes ; l'objectif du capitaine e$t de ramener coüte que coüte le navire au port »). La métaphore de l'archer est reprise au début du livre 1 des Disputations Camaldulenses de Cristoforo Landino, qui explique que le telos c'est la fin morale ultime de l'homme, celle qu'il doit trouver pour étre le plus heureux possible : « c'est [le domaine d'étude] oà nous cherchons la fin ultime de toutes choses, que les Grecs appellent telos, [celui] qui nous donnera, quand nous y

le palais Farnése et les Farnése, Paris, 1914 ; Coll, Le palais Farnése, Rome/Paris,

nature, qui ne fait jamais défaut en rien, a placé devant l'homme ce terme que j'ai dit ultime. S'il le néglige, l'homme se condamne à la misére. Si au contraire nous y faisons tendre toutes nos raisons de vivre, nous

parviendrons au bonheur accompli ». (trad. Christophe Carraud).

ita en isolant les

termes deux à deux: « Come la navigazione per il capitano di una nave, cosi é la salute par il medico : come la vittoria è il fine del comandante, cosi del valente reggitore dello stato [ ... ] ». — v. 10 : C'est le vers final qui fonde le titulus qui surmonte la gravure. - nemo non Les deux négations s'annulent et renforcent l'affirmation ; « à qui tout le monde doit tout rapporter. - quo] Nous interprétons le quo comme l'adverbe relatif (— in quem). L'antécédent est ille pastor bonus. ANALYSE

L'épigramme se fonde sur une similitude empruntée à Cicéron et articulée syntaxiquement par les corrélatifs ut (v. 1)/ita (v. 3). Cette comparaison assimile le chef d'État (moderator, c'est-à-dire celui qui dirige en imposant un modus, une mesure) au pilote du navire, au médecin, au général. Par conséquent, le corps social ou, de maniere plus abstraite, l'État, se voit comparé au navire, à l'organisme vivant, à l'armée. Mais le coeur de la

comparaison porte plus spécifiquement sur l'objectif (scopus) que se donne celui qui dirige et domine : bonne

traversée (cursus secundus) pour le pilote, santé (salus) pour le médecin, victoire pour le général (uictoria) et vie heureuse de la cité pour l'homme d'Etat.

Dans le titulus de l'épigramme, le terme scopus doit étre replacé dans l'intertexte cicéronien dont il est détaché,

clairement politique. En effet, dans la lettre à Atticus qui inspire tout le texte bocchien, Cicéron insiste sur l'incompatibilité entre le bonheur collectif de la cité et l'ambition syllanienne de régner qui anime César et Pompée et les rend peu soucieux d'un objectif pourtant essentiel, celui de la uita beata de leurs concitoyens. Par une ambiguité savamment entretenue, Bocchi laisse planer le doute sur la nature des fonctions du pape, qui, bien que nommé pastor, comme les rois législateurs de l'Ancien Testament, Jéhovah

ou le Christ eux-mémes (cf. v. 9 :

simili Deo), apparait ici comme un véritable chef d'état, et non pas comme celui qui régne uniquement sur le domaine spirituel. Il est en effet courant, depuis saint Augustin, de décrire la collectivité chrétienne en termes civiques et politiques (cf. les termes de ciuium ou de reipublicae, v. 3-4), tandis que les termes de salus (v. 2), de

uita beata (v. 4), de gloria (v. 6), de uirtute honesta (v. 6-7), s'ils ont d'indéniables connotations religieuses et morales, peuvent aussi s'entendre suivant des acceptions plus concrétes et renvoyer au domaine de la vie civile. Cette interprétation plus politique est d'ailleurs corroborée par les termes opibus et copiis (v. 5), qui renvoient à la puissance et à la richesse temporelles. Or à quel moment Paul III auraitil pu jouer un róle dont les conséquences politiques auraient autant d'importance que les $pirituelles, et oà il aurait mis un frein à l'expansion d'une ambition de régner caractéristique d'un tyran ? Il s'agit probablement de la conclusion de la Tréve de Nice en juin 1538: pour pouvoir enfin rassembler le Concile de Trente et permettre à l'Église catholique de repartir sur des bases théologiques plus saines, aprés les contestations de la Réforme, Paul III doit mettre fin au conflit ouvert qui oppose Charles Quint et Francois I. Cet arbitrage pontifical, conforté par l'entrevue effective des souverains espagnol et francais à Aigues-Mortes en juin 1539, apparait comme

une

entre les tentative réussie (l'accord est signé pour dix ans) de faire cesser, au moins temporairement, les rivalités

deux plus ambitieux princes d'Europe qui se ménent une guerre incessante, afin de profiter d'un contexte de un paix pour jeter les bases d'une renaissance sbirituelle de l'Église. Paul III apparait ici effectivement comme

“° Voir R. Zapperi, Tiziano, Paolo III e i suoi nepoti. %0 Voir F. de Navenne, Rome,

[...] Mais de méme qu'on place au loin, pour les archers, la cible qu'ils ont à viser de leurs fléches, de méme la

1980-1994,

3 vol. ; L. Fornari

Schianchi, N. Spinosa (dir.), I Farnese. Arte e collezionismo, Catalogo della mostra, Milan, 1995 ; F. Buranelli (dir.), Palazzo Farnese : dalle colleBa rinascimentali ad Ambasciata di Francia, catalogo della mostra, Roma, Palazzo Farnese, 17 dicembre 2010-27 aprile 2011, Florence, 2010. ! Voir A. A. Long, « Carneades and the Stoic telos », Phronesis 12, 1967, P- 59-90 ; M. Soreth, « Die zweite Telosformel des Antipater von Tarsos », Archiv für Geschichte der Philosophie, so, 1968, p. 48-72; G. Striker, « Antipater or the Art of Living », The norms of Nature, M. Schofield et G. Striker (dir.), Cambridge-Paris, 1986, p. 185-204 ; C. Lévy, Cicero academicus. Recherche sur les Académiques ef sur la philosophie cicéronienne, Rome, 1992, p. 407-413.

moderator, comme celui qui aura privilégié de toutes ses forces l'objectif (scopus) de la uita beata des citoyens,

autant sur le plan matériel qui spirituel, en favorisant la venue de la paix, indispensable à une réflexion plus ample sur les missions du clergé.

pape beata e$t précisée par différentes allégories qui viennent rendre hommage à un : Salus pourvue d'ailes, à Paul III trónant sous un dai et qui les accueille à bras ouverts, en se penchant vers elles

Sur la gravure,

la uita

et Gloria qui genoux, escortée par Ops, munie d'une corne d'abondance, Virtus, sous les traits de Pallas-Minerve, 81

S

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555)



Ic

LE

GOE

sooo

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Symb. 5 Gravure :

INSIGNES GENTILICES DES BOCCHI

ANALYSE

Dans cet embléme^*, Bocchi se livre à l'analyse de son blason, de ses composantes et du message symbolique qu'il est possible d'en tirer (Fig. 1; Planche II, Fig. 4)?5. Ces armes réelles? dessinent implicitement un dessein de vie, une « entreprise » dont il faudra reconstituer les enjeux. L'épigramme fait usage du vocabulaire spécifique des armoiries, comme l'avait fait Alciat pour son propre

blason: les termes stemma (v. 1), insignia (v. 9, repris dans le titulus de la gravure) désignent l'ensemble constitué par l'écu, le timbre et le cimier, tandis que le vocable nomisma (v. 11), qui peut désigner dans un autre contexte le sceau ou la piéce de monnaie^*, évoque ici exclusivement l'écu. L'épigramme elle-méme comprend

six distiques élégiaques répartis selon un plan trés équilibré. Le texte débute par la description des éléments qui compose l'écu et le cimier (2 distiques), se poursuit par leur exégese allégorique (2 distiques) et s'achéve en élargissant le propos, en amont par l'évocation des origines de l'insigne donné par Bocchus le Maure (2 distiques), en aval par l'indication de sa portée, de sa finalité éthique ou religieuse (2 distiques).

Sur l'image : Le roi Bocchus

TOUS LES HOMMES DOIVENT VÉNÉRER DIEU D'UNE ÁME PURE Le chevron d'or en équerre par trois étoiles ceint,

Marque, sur champ d'azur, ton blason, ó Bocchi.

Un cygne blanc sur le casque, les ailes éployées,

Libére de son bec un autre astre d'éther. L'équerre d'or, bien sár, signifie la Raison parfaite, Tirant sa clarté d'une clarté trine et une ;

Là, pureté de vie sans tache, abondance divine

10



- tome 2

apporte la tiare, symbole du royaume spirituel. L'ambiguité entre régne temporel et régne spirituel que nous avons constatée dans l'épigramme est ici savamment entretenue.

S

@

Du verbe ; mais là, gloire du heaume, en protection. Bocchus le Maure, à vos aieux, offrit jadis ces signes,

Et vous permit d'avoir son nom pour gentilice.

En somme, il faut toujours, de toute sa raison, aimer

Son Dieu : tout l'esprit de l'écu nous y engage.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. NorES

v.9: Maurus... Bocchus]i Comme le note W. Ludwig, deux personnages historiques répondent au nom de | Bocchus”?. Bocchus I*?5? est roi de Maurétanie de 120 à 80 av. J.-C. Il livre en 106 à Sylla son gendre Jugurtha, le

roi de Numidie, au cours de la guerre qui oppose ce dernier aux Romains. Bocchus II^ est le petit-fils du

premier, fils de Sosus ou Mastanesosus et frére de Bogud. Il régne sur la Maurétanie de 44 à 33 av. J.-C. Lors de

la guerre d'Afrique en 46, il e&t aux cótés de Jules César et attaque Juba, le roi de Numidie, favorable aux républicains, en particulier Metellus Scipion, pour affaiblir ce dernier avant la bataille de Thapsus. Aprés la mort de César, il se rallie à Octave qui le confirme comme seul roi à la téte de la Maurétanie.

1. La disposition des signes.

Ce blason reléve du « type à l'écu soutenu et timbré » et comprend tout d'abord un écu armorié, que la gravure nous montre échancré inégalement à dextre et senestre, tandis que sa forme de targe rappelle les écus allemands. La description héraldique de l'écu, « d'azur au chevron retrait en équerre d'or, entouré de trois étoiles du méme », montre une composition assez courante qu'il est aisé de reconstituer à partir des termes latins de l'épigramme (premier distique). En effet, le champ de l'écu recoit pour émail la couleur azur (caeruleo, v. 2). L'écu accueille pour piéce héraldique un chevron en équerre, dit retrait, car l'une de ses extrémités ne touche pas la bordure de l'écu, comme on peut le constater sur la gravure. Le chevron a pour émail le métal or (aurea norma, v. 5). Autour de la piéce héraldique viennent se disposer trois meubles ou figures propres, ici trois étoiles, deux en chef et une en pointe. La formule obscure de l'épigramme indiquant que la clarté de l'équerre prend sa

source dans celle des étoiles (Quae trino atque uno a lumine lumen habet, v. 6) laisse entendre que l'émail de ces derniéres est également l'or. Le blason comporte aussi un timbre constitué d'un casque de chevalier (galeae, v. 3), qui apparait, sur la gravure, pourvu d'une visiére à quatre barres (grille à trois ouvertures, Planche II,

Fig. 5) : Bocchi avait acquis le titre d'eques auratus. Le casque recoit également sur la gravure une tresque,

couronne d'étoffe torsadée, insigne redondant de la qualité de chevalier. Le timbre, quant à lui, est surmonté d'un cimier zoomorphe, un cygne (olor, v. 3) aux ailes éployées (passis alis, v. 3) portant une étoile dans son bec (Rostro aliud sydus qui uomit aetherium, v. 4). Le détail du vomissement par la bouche rappelle l'écu des Visconti portant la guivre décrit par Alciat/? mais aussi la saisissante description par Virgile du casque de Turnus, surmonté d'une chimére qui lance des flammes??'. La gravure permet de compléter quelque peu cette

description. Ainsi, sur l'image, l'écu est représenté avec des soutiens, c'est-à-dire cinq figures végétales. Mais la

gravure transpose de maniére tout à fait virtuose le cinquiéme distique de l'épigramme : le geste du roi Bocchus qui, de son tróne, livre l'écu aux mains de Bocchi qui le recoit dans la position agenouillée du vassal, permet à la fois de faire des deux personnages

des tenants traditionnels du blason, mais aussi de lire cet écu comme

des

Rolet (dir.), 55 Une premiére esquisse de cette analyse a été proposée dans A. Rolet, « Aux sources de l'embléme : blasons et devises » dans S. en remaniée été a ici proposons nous que version La 53-78. p. 2007, mars 145, Lifférature, « L'embléme littéraire : théories et pratiques », en », Bocchius Achilles des Lenfe-Variation Festina emblematische Die « Ludwig, Walter par formulées remarques tenant compte des particulier p. 92-94.

256 Sur les devises comme sources des emblémes, voir notre introduction.

e aggregate, Bologna, 57 Voir F. Canetoli, I] Blasone bolognese, cioè Arme gentilizie di famiglie bolognesi, nobili cittadinesche

1791-1795, t. I, 1°°

partie : Arme Gentilizie delle Famiglie Nobili Bolognesi Paesane, p. 11 ; voir également S. P. Dolfi, Cronologia delle famiglie illustri Bolognesi, 1670,

252 W. Ludwig,: « s : , Lente-Variation Die emblematische Feslina des Achilles Bocchius »; Humanistica Lovaniensia, 59, 2010, p. 83-102. 2s. Voir: E. Klebs, s. v. « Bocchus, 1-2 » in RE, t. IIL1, 1896, col. 577-579; W. Smith (éd.), A Dictionary of Greek and Roman Biography and Mythology, Londres, 1878, s. v. « Bocchus ». ; 254 Voiri J. G. ^ Germain, « Bocchus le Jeune et les Sosii », Semitica, 11, 1961, P.9-15; M. Euzennat, «Le Roi Sosus et la dynastie maurétanienne », Mélanges J. Carcopino, Paris, 1966, P. 333-339.

Bologne, p. 173. 55 Susceptibles d'ailleurs de recevoir des armoiries. l'Empereur ou le Pape aux 7? Ce titre purement honorifique, souvent associé avec celui de comes palatinus, pouvait étre décerné par 1530. Voir G. Zaccagnini, en VII Clément par Quint Charles de sacre du lors exemple par occasion, grande une universitaires, pour célébrer Storia dello Studio di Bologna durante il Rinascimento, Genéve, 1930, p. 276-280.

260 ALCIAT, Emblemata, 1, « Super insigni Ducatus Mediolanensis », Lyon, Bonhomme, 1551, p. 9. ! VERG, Aer, 7, 785.

MÁS

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1 555) - tome 2

armoiries de succession imaginaires, le roi livrant à la fois des armes et son nom. La paronomase (Bocchus/Bocchius) constitue ici l'essentiel de la motivation de cette affiliation fictive et de cette transmission onomastique

imaginaire : l'expression Maurus...

Bocchus,

qui ouvre

et ferme

le v. 9, enserrant l'expression

auis... uestris transcrit visuellement l'idée de protection assumée par le roi. Toutefois, l'Antiquité romaine connaissait d'authentiques exemples de ces tranferts de nom, par exemple pour les Iulii de Glanum : leur ancétre s'était probablement illustré sur les champs de bataille, et ils ont recu la ciuitas Romana de la part de Jules César

pour exploits héroiques, ainsi que le droit de porter le nom de sa gens". 2. Le sens des signes : un programme hiéroglyphique.

Sur l'écu, le champ d'azur se voit attribuer symboliquement, à cause de sa couleur, l'espace céleste, sur lequel viennent s'inscrire les trois étoiles d'or. Leur couleur (l'or qui rougeoit est assimilé, dés l'Antiquité, au feu et à l'éther bráülant^?), leur nombre, leur disposition (deux en chef et une en pointe, c'est-à-dire en triangle pointe en lair) et leur nature stellaire (traditionnellement rattachée à la divinité) en font, implicitement, une représentation symbolique du dieu chrétien trinitaire (Deum, v. 12), à la fois triple et un (trino atque uno a

contraire monte vers les étoiles, aspiré vers elles par le désir puissant de se fondre en elles et de leur ressembler. La revendication de la doctrine trinitaire n'est pas neutre en cette époque d'anabaptisme et d'antitrinitarisme. Bocchi, bien que défenseur de Camillo Renato clarifie, ici ses positions religieuses et, en affirmant qu'il croit en

ce mystére de la foi chrétienne, ne se place pas du cóté de certaines idées d'inspiration réformée?9*. Cette insistance sur le secret et la dissimulation, qui n'est pas seulement nicodémiste mais sans doute liée aussi à la culture du symbole et aux topoi mystiques de la justification de l'allégorie — ne pas révéler les mystéres à ceux qui n'en sont pas dignes —, se confirme dans la symbolique des autres éléments qui accompagnent l'écu. Le timbre en forme de casque est pris ici non seulement comme ornement (decus) qui dit le rang de son porteur, mais ajoute (addit) sa signification originale : protéger (praesidio). Ce sens, assez clair vu la destination utilitaire

de l'objet, est précisé ailleurs par Valeriano", qui n'avait pas manqué de le voir dans les trophées du roman de Colonna? ** ou dans l'une des séquences hiéroglyphiques oü il signifie protectio. m Mais comment ce signe honorifique peut-il protéger l'écu ?

lumine, v. 6). Le chevron ou équerre d'or en retrait signifie pour Bocchi ratio, sans doute à cause d'une image de

Cicéron^^ qui associe justement par métaphore la figure géométrique rigoureuse de l'équerre à l'activité régulatrice de la raison (ratio), en particulier lorsqu'elle est productrice de doctrine (ratio), à l'aune de laquelle il faut mesurer la droiture des actions. Ce chevron lui-méme est d'or, couleur qui atteste selon Bocchi sa parenté avec les étoiles qui le ceignent (circumdata) et dont il recoit en quelque sorte sa matiére. Cette communauté d'essence est d'ailleurs renforcée par la forme pyramidale de chacune des figures. Pourquoi cette insistance sur l'unité du triangle, dont les sommets sont interchangeables ? La fin du poéme répond en termes ambigus. En effet, le dernier distique, au ton prescriptif (monet, colendum) et généralisant (semper), révele la valeur exhortative des armes. Elles forment, telle la devise, un projet de vie auquel il faut se conformer. L'expression ad summam joue à la fois sur le sens de « pour finir », mais aussi de « pour faire la somme », c'est-à-dire désigne le moment le plus important de l'herméneutique hiéroglyphique, le moment oü l'on additionne les sens de chaque signe pour reconstituer leur discours global. Le symbole, qui voile et protége, exige et induit en méme temps la recherche d'un plus haut sens, la poursuite de l'hyponoia, c'est-à-dire d'un contenu ab&strait de nature spirituelle. Le terme tota mente appliqué à l'écu signale cette idée de pensée cachée, tandis que le vocable monet insiste sur sa dimension didactique et instructive. Bocchi suggére dans son blason la nature du culte qu'il faut rendre à la divinité. Tout tourne autour de ratio. Mais la ratio n'est pas seulement ici, comme on pourrait le croire, la faible intelligence humaine avide de raisonnements impuissants. Découpée sur l'azur éthéré, dotée d'une forme aussi parfaite et équilibrée que celle du cercle, elle est sans doute la perfecta ratio évoquée par Cicéron, lecteur de

Fig.1»S.P.DOLFI,

Cronologia

delle

famiglie illustri Bolognesi, 1670, Bologne, p.173.

Fig. 4> ALCIAT, Emblemata, Lyon, 1551, « Insignia poetarum », p. 197 © CESR, Tours.

Cette fonction de protection est en réalité assumée par le cimier. Celui-ci, un cygne aux ailes éployées, est directement à rattacher à la vocation de Bocchi lui-méme, entre poésie et philosophie. Le cygne est l'embléme des poétes, et des exemples fameux le confirment, que ce soit le chant magnifique des cygnes à l'agonie dans le Phédon (84e-85b), la métamorphose d'Horace^^?, le réve de Socrate où Platon lui apparait sous forme d'un jeune cygne qui s'envole hors de son giron", ou encore l'embléme d'Alciat intitulé « Insignia poetarum », oü le

cygne joue le róle non pas de cimier mais de portant (Fig. 2)". L'étoile qui sort du bec signale l'effusion du

de la divinité et la proclamer comme un dogme : à la fois triple et une. En forme d'équerre, elle est un guide pour

verbe poétique qui se déploie (c'est le sens des ailes) sous l'inspiration divine, et rappelle la parenté entre chant rythmé et doctrine religieuse. La parole du poéte, qui a digéré le verbe divin, le restitue sous une forme à la fois semblable et distincte, qui garde quelque chose de ses origines sans se confondre avec elles: la distinction stella/sidus le marque clairement. Cette régurgitation mystérieuse n'est pas si éloignée d'un trait physiologique prété par les naturalistes antiques au pélican, dont la signification christique n'est plus à rappeler^?. C'est donc le

uniuersalis, qui circule dans le cosmos et contribue à l'unifier/5 Le triangle étoilé s'abaisse par la pointe et se

"5 Sur la question de la religion de Bocchi et son influence sur le recueil, voir notre introduction. 7 P, VALERIANO, Hieroglyphica, Bále, 1556, 42, p. 316f, « De galea » : Quoniam de armis ad offensionem comparatis est dictum satis, nunc de galea

Platon

et des

stoiciens,

c'est-à-dire

l'àme

du

monde,

à laquelle

se joint l'àme

du

sage

qui

a dépassé

les

contingences humaines. Mais Ratio, nous l'avons déjà dit, signifie aussi « doctrine ». L'image du triangle qui lui est attaché, double inversé du triangle stellaire, indique que la doctrine religieuse doit imiter l'essence trinitaire

redresser et étayer la raison humaine : la compénétration des deux triangles, celui des étoiles et celui de la ratio, indique clairement une essence commune, mais surtout une idée topique maintes fois rappelée par Ficin : l'amor

dirige vers le bas de l'écu, c'est-à-dire vers les essences inférieures, qu'il ne délaisse pas. Le triangle rationnel au

et thorace quae ad defensionem accipiuntur, dicendum aliquid.

"5 M. Ariani et M. Gabriele (éd./trad.) : Francesco COLONNA, Hypnerotomachia Poliphili, Milan,

1998, t. l, p. 327 (casque surmonté d'une

étoile) et p. 328 (casque surmonté d'un bucrane).

"? P. Gros, « Note sur deux reliefs des Antiques de Glanum : le probléme de la romanisation », Revue Archéologique de Narbonnaise, 14, 1981,

p. du "8 4

165-172 ; Id., « Le mausolée des Julii et et le 1II siécle av. J.-C. à la fin du Haut-Empire, t. II Voir par exemple LVCR,, 6, 205 : color aureus CIC, Mur., 3 : Et primum M. Catoni uitam ad

statut de Glanum », Revue Archéologique, 1, 1986, p. 65-89 ; Id., L'architecture romaine du début : Maisons, palais, villa et tombeaux, Paris, 2001, P. 412-413. ignis et OV., Met., 13, 587 : aureus ether. certam rationis normam dirigenti [... ] respondebo.

"* Voir R. Marcel (éd.) : M. FiCIN, Commentaire sur le Banquet de Platon (In Conuiuium Platonis... commentarius), Paris, 1978, 3, 3, p. 165: « Voilà pourquoi toutes les parties du monde, parce qu'elles sont l'oeuvre d'un seul ouvrier et les membres

d'une méme

machine, sont

semblables entre elles dans leur essence et leur existence et se trouvent liées entre elles par un amour réciproque, qui permet de dire avec raison que l'Amour est le noeud éternel et la copule du monde (nodus perpetuus et copula mundi) [ . ] ».

84

?? [bid., t. I, p. 69 et t. II, p. 614-615. Voici la séquence figurée : un casque surmonté d'un cimier en forme de chien, un bucrane portant deux

rameaux de pin accrochés aux cornes, une lampe à huile. Elle signifie : Patientia est ornamentum, custodia et protectio uitae, « La patience est l'ornement et la sauvegarde de la vie ». Le bucrane signifie patientia, le chien custodia, le casque protectio, les rameaux accrochés aux cornes

ornamentum, et la lampe uitae. ?? Hon, Carm. 4, 1. "DL, 355.

?? ArCIAT, Emblemata, Lyon, 1551, n? 183, p. 197, Y. 4 : doctaque sustineat stemmata pulcher olor. « Et que le cygne splendide supporte les armes

savantes. » 73 Voir Symb. 131.

85

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

cygne-poete, assis sur le casque, qui joue cette fonction de protection. La position du cygne (à la fois assis et sur

le casque) traduit au sens propre l'étymologie de praesidio, praesidere, « étre assis devant » d'oü « protéger ». Par son chant, il divulgue et préserve à la fois le mystére trinitaire, tout comme le symbole proposé ici. Cet embléme, comme les trois premiers symboles, propose une sorte de portrait en image ou de résumé hiéroglyphique d'un projet littéraire et spirituel.

Symb. 6

UN GRAND AMOUR

S

10

EST SOUVENT SOURCE D'UN GRAND

EFFROI

PLIN.,

11,

150:

Vni

animalium

homini

deprauantur

oculi:

unde

Strabonum

et Paetorum

qui, pendant qu'elles observent, veulent donner l'impression qu'elles ne regardent pas. Cf. Ov., A. A., 2, 659 : Si paeta est, Veneri similis ; si flaua, Minerua ; VARR., Men., 344 : Non haec res de Venere paeta strabam facit ?

PÉTRARQUE, Africa, 3, 627 ; LANDINO, Xandra, 1, 24, 141. On notera les harmonies rythmiques et phonétiques qui associent ictus, totus, inflammatus, subito.

Amour, qu'un pauvre amant avait fléchi de ses priéres, Visait de ses traits d'or une belle farouche : Elle vit la ruse, jeta de cóté une ceillade, Et dit, en se moquant des traits du fier enfant : « Tu n’as pas besoin d'un carquois ni d'un arc recourbé. Viens combattre avec moi et mesurer mes forces. » Ainsi parla-t-elle. Ses mots plurent au tendre Amour, Tant la belle était charmante et Vénus puissante ! Mais lorsqu'il eut déposé l'arc et déposé les fléches,

ANALYSE

Elle, d'un bras vengeur, s'en saisit aussitót. Sans tarder, en Furie, elle bande l'arc qui transperce

de paronymie entre uictus et ictus. La source essentielle de Bocchi est un poéme de Marulle à Néére (Epigr., 1, 3),

— V. 15-16 : ce sont les termes riualis et durus qui permettent de constituer le titre du motto qui surmonte la gravure : riualitas cupidinis durissima. Cette piéce figure dans les deux recueils de jeunesse de Bocchi, qui l'a fait illustrer par Bonasone. Le poéme

prend le contre-pied d'un vers fameux de Virgile, Amor

auquel Bocchi fait subir plusieurs inflexions. Dans son épigramme, Marulle imagine qu'Amour est vaincu par la (v. 3-4). Amour la poursuit (v. 4-5) mais perd son arc dans sa course (v. 5). Néére récupére l'arme (v. 6) pour

frapper indistinctement et hommes et dieux (v. 7). Amour vaincu s'en Marulle, Bocchi double le nombre de vers du poéme (16 contre 8) et en en deux parties égales (8v. + 8v.), avec un retournement de situation au (v. 5), appuyé par la circulation d'objets essentiels, les armes d'Amour :

tela) Sur la différence entre les fléches d'or de Cupidon, qui font naitre l'amour, et les fléches de

plomb qui le suppriment ou attisent la haine, cf. Ov., Met, 1, 468-471: E que sagittifera prompsit duo tela pharetra/ Diuersorum operum : fugat hoc, facit illud amorem ;/ Quod facit, auratum est et cuspide fulget acuta,/ Quod fugat, obtusum est et habet sub harundine plumbum, et, à la Renaissance, P. SASSO, Epigr., 4, 136 (ad Cupidinem), 1-2: Aurea cur gestas et ferrea tela, Cupido ?/ Haec odium generant, his generatur amor et L. LAZZARELLI, De gentilium deorum

imaginibus, 727-730 : Aurea

uincit et nos cedamus Amori (Buc., 10, 69),

beauté de Néére et ne peut la percer de ses fléches (v. 1-2). Néére lui décoche en échange une ceillade et s'enfuit

Hélas, hier jel'avais cru mon allié, le voici Mon rival ; et demain, mon cruel adversaire ?

-v.1:4aurea...

omnia

puisqu'il évoque la double défaite d'Amour, vaincu une premiere fois par les suppliques d'un amant malheureux (v. 1, exoratus), puis une seconde fois par la domina de ce dernier. Amour se voit alors obligé de céder ses armes à la jeune femme qui le frappe en retour par ses propres fléches : Amour est à la fois vaincu et blessé, dans un jeu

Distiques élégiaques.

nunc neruis, nunc plumbea

spicula torquet/

Diuersosque hominum uulnere corda ferit./ Plumbea tela fugant ; facit aurea cuspis amorem/ Vtque graue odium, sic quoque charus amor. - v. 2: Dominam... trucem] Il s'agit du topos de la dura domina, emprunté à PROP., 1, 7, s-6 : Nos, ut consuemus, nostros agitamus amores/ Et aliquid duram quaerimus in dominam. L'exigence d'un tempérament belliqueux chez la bien-aimée permet à la poésie amoureuse d'étre le pendant privé et personnel de la poésie épique. Voir S. Laigneau, La femme et l'amour chez Catulle et les élégiaques augustéens, Bruxelles, 1999, p. 110-118.

86

est;

jalouse d'Anna, la sceur de Didon : furialiter odit/ Et parat insidias et cupit ulta mori. Voir aussi POLITIEN, Syluae, 4, 300, à propos du corps d'Orphée déchiqueté par les méres thraces : Dispersit totis lacerum furialiter agris. -v.13: inflammatus amore] Sur cette iunctura fréquente dans la poésie de la Renaissance, voir par ex.

MÉTRIQUE

NoTES

cui filius

cognomina). Le terme s'applique à Vénus qui jette des ceillades de cóté et aux jeunes filles faussement pudiques

joute amoureuse. — v. 1 : furialiter] Sur ce terme, rare en poésie, cf. Ov., Fast. 3, 637-638, à propos de Lavinia, l'épouse d'Énée,

EST LE PLUS CRUEL DES RIVAUX

Et pique le cceur nu du dieu sans méfiance. Frappé, Amour brüla tout entier d'un amour subit Et se soumit à la main qui l'avait vaincu. 15

Si

- v. 6 : uires experiare meas] Bocchi renverse ici le sens du fragment d'Ovide qu'il emprunte à l'Art d'aimer. L'exemple d'Ovide s'insére dans une liste d'objets ou de personnages qui finissent par céder aux forces physiques ou morales qui leur sont opposées, et vise à démontrer qu'à force de patience, l'amant parviendra à anéantir la résistance de sa belle. Bocchi, de son cóté, propose au contraire un appel féminin au combat et à la

Gravure :

CUPIDON

- v. 3 : petos] L'adjectif petus (paetus), dont l'étymologie reste obscure, signifie « qui regarde obliquement », « qui louche légérement » (cf. HOR., Sat., 1, 3, 44-46 : strabonem/ Appelat paetum pater ; et pullum, male paruus/

va, les mains vides (v. 8). Par rapport à modifie le scénario. Le poéme se divise centre du poéme, comme chez Marulle au v. 9, l'arc et les fléches sont déposés

au milieu des deux protagonistes (positi positaeque séparés par la coupe hephtémimére), puis changent de propriétaire (Has rapit... illa, v. 10), alors que, chez Marulle, le retournement est involontaire et résulte de la chute inopinée du carquois lors de la poursuite (Sed dum forte fugit, plenae cecidere pharetrae, v. 5 ). Dans la premiére partie de l'épigramme bocchienne, on assiste à un assaut de ruses. Aux ruses d'Amour pour la frapper (dolos, v. 3), la belle répond par des ruses linguistiques. Elle convainc le dieu, autant par son charme que par sa rhétorique, de venir se mesurer à elle à mains nues, aprés avoir déposé les armes. L'oeillade marullienne et l'idée que la jeune femme est consciente de ses forces sont conservées, mais la fuite de la jeune fille est remplacée

par une confrontation et une joute oratoire dont Amour sort une premiere fois vaincu puisqu'il se laisse séduire (placuit, v. 7). Dans la seconde partie, lorsque les armes déposées sont passées entre d'autres mains, on assiste à un échange

des róles et une métamorphose des caractéres, déjà annoncés dans la premiere partie : la puella se transforme en Furie vengeresse (ultrici, v. 9 ; furialiter, v. 10) et Amour en victime soumise une seconde fois (se dedit ipse, v. 14), inconscient du danger qui le guettait (v. 12 : incauti... dei). Pour bien marquer cette inversion et la nouvelle configuration qui en résulte, l'hexamétre du septiéme distique, qui présente chacun des personnages, s'ouvre sur l'expression Ictus Amor, tandis que le pentamétre commence par Victricem in dominae... manum. Là 87

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

où Marulle donnait la vision d'une puella ivre de son nouveau pouvoir et frappant indistinctement hommes et

dieux, Bocchi insiste sur le fait que sa cible unique est ici Amour (Incauti figit pectora nuda dei, v. 12), vaincu par l'amour, comme intervient

ego

le montre

qui envisage

le polyptote Amor/amore un

dernier

effrayant (cf. titre de l'épigramme:

changement

magnus

du v. 13. Dans le dernier distique, pointe du poéme, de

róle,

consécutif du

premier,

mais

dont

Symb. 7 Gravure :

DÉSCUVRÉ, AMOUR EST À L'EUVRE?

le caractére

timor) est occulté par l'atténuation de l'interrogation : Amour,

victime de la puella, passe automatiquement du statut d'allié d'ego (adesse, v. 15) à celui de rival (Rivalis, v. 16) et de son ennemi (ibid.) dans un sens quasi militaire, suivant une métaphore traditionnelle des élégiaques latins

POUVOIR DE L'AMOUR QUI DONNE LA VIE DANS LA MORT

pour caractériser les relations amoureuses. Ego est donc deux fois vaincu : Amour l'a frappé une premiere fois

mais désormais, frappé à son tour, il n'y a plus aucune chance que le petit dieu puisse viser la puella et lui inspirer une passion réciproque pour ego. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana", est postérieure au texte et en propose une illustration. Sur la gauche, la domina de profil, en pleine course, un arc à la main, s'appréte à frapper un petit Cupidon ailé qui lui fait face, entierement nu, à genoux et les bras repliés en croix sur la poitrine, vers laquelle pointe la fléche. À propos de ce geste des bras croisés, Pierre Martin me suggére un trés judicieux rapprochement avec un tableau de Vasari que nous évoquerons dans notre analyse du

Depuis longtemps mon cceur s'est dissous en cendres légéres, Jadis de braise, me voilà désormais suie. Mais mon cceur a beau s 'étre dissous en cendres légéres, J ai beau, jadis de braise, étre désormais suie,

5

Symb. 49, L'Allégorie de la Patience, peint en 1551 et conservé à la Galerie Palatine de Florence (Fig. 1) : en effet,

sur ce tableau, l'allégorie croise ses bras sur sa poitrine pour indiquer qu'elle ne tentera rien et s'abandonne à son sort. Le Cupidon de l'embléme se trouve dans la méme attitude de passivité et de résignation.

10

15

Desflammes sans arrét pourtant consument ma poitrine ; Plus elles me brülent, et plus je me lamente. D'oü brülent-elles donc ? D'oü surgit ce feu qui renait, Si mon cceur s'est réduit en une fois en suie ? Car les torches brülent seules, mais non l'ombre du cceur

Que désceuvré Amour ne cesse de percer. Pourquoi, dans le brasier, s'enflent les larmes ? Par le feu Se liquéfient les humeurs du corps tout entier. Incroyable qu'à si grande chaleur la vie subsiste. Albie est la seule qui me redonne vie. Debrülantes amours font toujours naitre un lent repos, Oü la mort est vie et le repos sans repos.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques, à partir d'un modéle en hendécasyllabes phaléciens. REMARQUES

SUR L'ÉDITION

DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

- Il est intéressant de noter que, dans le manuscrit florentin P du Libellus, ce poéme est dédié au célebre Baldassare Castiglione (1478-1529), qui composa, outre le fameux Courtisan, des élégies latines dont certaines ont un caractére amoureux.

- Les Carminibus illustrium poetarum Italorum de 1719 proposent les deux versions du texte, celle du manuscrit P Fig. 1 > G. VASARI, Allégorie de la Patience,

1551, Huile sur toile, Florence, Galerie Palatine.

On remarquera en outre dans la gravure le caractére vallonné du paysage, tout en formes courbes, particuliérement adapté en contexte érotique. L'arbre vif qui s'élance derriére la domina et semble faire corps avec elle rappelle diverses scénes de poursuite des Métamorphoses d'Ovide, en particulier celle de Daphné : le graveur, par cet indice iconographique décalé, suggére probablement la métamorphose invisible qui s'effectue dans le sein de la puella, qui, de proie de l'Amour, se change en poursuivante.

"^ Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n? 3.

88

et celle de l'édition de 1555, avec les deux titres différents, des variantes au v. 11, et surtout au v. 14, deux

prénoms différents (Albia et Lydia). Voir apparat des sources. - tit. pict : le manuscrit S porte la trace d'un premier titre, biffé ensuite: VIS MIRA ET MAXIMA AMORIS, « Toute-puissance admirable de l'amour ».

ANALYSE Inspirée également par Marulle, cette piéce, comme dans la piéce précédente, est en distiques élégiaques et comporte seize vers. La source de Bocchi est ici l'épigramme 1, 13 (ad Neaeram) de Marulle, composée en hendécasyllabes phaléciens et qui joue subtilement de l'aliiance entre l'art du blason et la thématique hydropyrique. Chez Marulle, le feu de la passion, avivé par la vision des beautés féminines, se voit sans cesse opposer l'eau des larmes, dans une sorte d'équilibre précaire oü ego est toujours menacé d'anéantissement, cendre ou liquide. Le caractere obsessionnel du sentiment et la confusion mentale qu'il génére s'y traduisent par l'épiphore, ainsi que par une configuration syntaxique itérative, véritable tour de force, où les éléments 75 Ye remercie J.-L. Charlet qui m'a suggéré cette traduction.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

thématiques, bien qu'identiques, sont déplacés dans une disposition nouvelle. Le poéme marullien propose une double structure inversée de 6 vers + 6 vers + 1 vers de conclusion. Dans la premiére séquence proposée par Marulle, c'est gráce aux larmes qui viennent éteindre le feu passionnel suscité par les beautés de la belle qu'ego n'est pas réduit en cendres ; dans la seconde séquence, c'est gráce au feu passionnel suscité par les beautés de sa belle qu'ego n'est pas réduit en flots. Bocchi, reprenant l'image marullienne du poéte réduit en cendres et le procédé de l'épiphore (v. 1-2 = v. 3-4), tente de répondre logiquement à un ensemble de paradoxes que suscite la passion dévorante, comparée à un brasier (igni, pruina, flammis, incendia) qui consume et ravage les organes en les réduisant en cendres (fauillas,

celui de la mélancolie. Pierre Martin nous fait remarquer qu'aux bras croisés de Cupidon dans l'embléme précédent répondent les jambes croisées de l'amant, résigné au pied de l'arbre.

Symb. 8 Gravure :

AU MILIEU DE LA SOURCE DES DÉLICES POINT QUELQUE AMERTUME

cinis), en particulier le cceur, qui lui sert d'aliment de combustion. Le statut oxymorique de l'amour se lit dans

l'opposition entre la noirceur de la cendre assumée par le poéte et la blancheur implicite que le nom d'Albie confére à l'aimée. La tentative de raisonnement, propre à la stratégie des Quaestiones, se manifeste dans des adverbes interrogatifs (Vnde ? Cur ?), alternant avec des réponses étiologiques (nempe). Car il s'agit de résoudre

un paradoxe de taille (licet... tamen, v. 3 et 5), énoncé à plusieurs reprises de maniére anxieuse : unde flagrant (v. 7) ; unde ignis origo (ibid.). En effet, au lieu que le sentiment amoureux ne s'efface et disparaisse logiquement

Sur l'image : — ]e Bien — ]e Mal

par la destruction du corps matériel qui lui sert de siége et d'aliment, il est au contraire ravivé (quo magis... hoc magis, v. 6) et entretenu. La réponse est ingénieuse : à la différence des torches qui ne peuvent brüler au-delà de l'épuisement de leur propre matériau inflammable, le coeur semble pouvoir le faire dans la mesure oü, bien que

DOULEUR EST COMPAGNE

La journée est soit pieuse mére ou bien dure marátre,

réduit à néant, subsiste cependant de lui un fantóme (cordis imago, v. 9-10), un eidolon, qu'Éros peut continuer

de percer de fléches brülantes sans craindre de l'anéantir. Survient alors un second paradoxe. Le brasier passionnel produit des larmes et de l'eau qui non seulement se montrent incapables d'éteindre le feu mais contribuent à en accroitre la puissance (augent icendia, v. 11). Bocchi répond par une anomalie chimique habile. C'est qu'en brülant, le corps produit de l'eau, évaporation de toutes les humeurs qui le composent : plus la chaleur est intense, plus elle liquéfie tout et fait donc apparaitre des liquides en surcroit. Sur ces paradoxes amoureux, Pierre Martin nous signale un rapprochement avec l'embléme

de Johannes Sambucus intitulé « Malum interdum simili arcendum » (Anvers, Plantin, 1564, p. 20-21) La conclusion du poéme prend nettement une inflexion métapoétique. Anéanti par la passion, ego trouve dans la

source méme de son mal mortifére, Albie, une vie de remplacement (sufficit). En réapparaissant comme créature de plume au sein de l'otium littéraire (lenta otia), elle suscite

à nouveau la passion et le mouvement là où il n'y

DE VOLUPTÉ

Car Saturne toujours vient y méler quelque amertume.

La sage Antiquité jadis concut un joli conte : Au bord du seuil jovien se dressent deux vases jumeaux, Dontl'un de biens regorge et l'autre abonde en maux.

s

Les dieux y puisent pour troubler les coeurs mortels, aux joies

Mélant les peines ; pour leur part, ils goütent l'allégresse,

10

Sans souci pour toujours, par la vieillesse à tout jamais Épargnés. Qu'autour de l'éther, par une loi constante Ils pressent leur course et ne succombent point sous les siécles, Tel est l'ordre du tout-puissant souverain de l'Olympe.

avait plus que néant et inaction, engendrée par la passion elle-méme : d'oà une succession d'oxymores qui rendent compte d'une vie où alternent sans cesse, en cycles répétitifs, mort et résurrection : urenteis/lenta ;

MÉTRIQUE Hexameétres dactyliques.

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana" 5, montre un jeune homme affligé, assis contre un arbre et transbercé par les fléches de Cupidon. L'ensemble de la composition travaille sur la continuité avec la gravure du Symbolum précédent : paysage vallonné et boisé quasi identique, présence d'une figure humaine prés d'un arbre, et de Cupidon. Toutefois, le rapport de force s'est

| ! " NorES devoirs ses remplit et enfants ses aime qui mére v. 1: pia] Le terme, appliqué à mater, désigne la qualité d'une

hauteur en position de domination pour viser le cceur de ses fléches : il abandonne l'inertie qu'il avait adoptée dans l'embléme précédent et son vol s accompagne d'un vigoureux jeu de jambe. Le bras droit qui a bandé l'arc et vient de laisser partir la fléche est encore en arriére du corps. Le bandeau qui cache traditionnellement les yeux du dieu, symbole de l'amor ferinus qui frappe sans distinction et rend aveugle, est légérement relevé pour lui permettre de regarder sa cible. L'arc, clé de la transition visuelle avec la gravure qui précéde, a non seulement changé de main mais également d'orientation puisqu'il dirige désormais les fléches de droite à gauche et de haut en bas. L'opposition du feu et de l'eau, suggérée par le texte, est soigneusement transcrite dans l'image, méme si elle reste peu lisible : l'amant a déjà la poitrine percée de deux fléches, qui suscitent des flamméches à l'entrée de

L'épigramme

otia/amores ; mors uiuens ; irriquieta quies.

inversé : l'amant, dénudé et endormi, est bien ici victime d'un Cupidon qui a récupéré l'arc, se retrouve en

la plaie, tandis que, de sa main droite, il essuie les larmes qui coulent de son ceil droit en un geste qui rappelle

7$ Voir ]e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n? 2.

familiaux d'affection et de soins.

ANALYSE fonde

son propos

sur l'image homérique

des deux jarres de Zeus

= (Iliade,

i 24, 525-533),

l'une

en pecie remplie de maux, l'autre remplie de biens, qu'évoque Achille tout dnd au moment e deus de la con iion dans son camp lui réclamer le cadavre d'Hector. L'image permet d'expliquer le garactére mélé de peines. Achille humaine et le double visage de la fortune qu'elle connait, avec une pce de one et homérique commence suggére, à travers la comparaison, le destin contrasté de son pére Pélée. Le texte

par

de Bocchi s’achève sur cette pig i heureuse, tandisis q que l’épigramme à i une existence mènent rappeler que les dieux évocation :

contre, sont feit de inti Car les dieux ont destiné les malheureux mortels à vivre dans l’affliction j ett pnr

biens, 1 autre les dies don il ne Deux jarres sont placées sur le seuil de Zeus, l'une contenant les

dud

i Spcomve yc renim : i celui pour qui Zeus tonnant mélange les dons avant de les lui dispenser Celui-là, dérision. de objet un fait en il celui pour qui Zeus ne fait don qu’en puisant dans la jarre des chagrins, négligé des dieux et des hommes. faim dévorante le chasse partout sur la terre divine ; il erre,

D



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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Chez i5 :

Homére,

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il n'est:

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3

question

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"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

pour Zeus de ne dispenser sp ;

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que le .

4

cont contenu

n

j contenant de la jarre .

*

,

"

i les biens.

et des revers quand

Zeus

ne puise que dans

la jarre des maux.

À partir de la fable, l'emblématiste élargit son propos à une réflexion sur la marche du monde, qui ne va pas sans

quelques paradoxes, sans doute parce que différentes influences philosophiques s'y mélent. Ainsi, le court constat d'Homeére sur la félicité divine est développé par Boccliü'aur v. 7-9 sur le mode de la vision épicurienne A e: 4 A s ; ’

d’un monde e d divin séparé d du monde d

terrestre et menant -

:

boli

une existence paisible, indifférente aux malheurs À

À la faux ne polluait pas cette source, dieu le plus éloigné qui occupe, du ciel,

Vltimus, unde imas aeterno frigore terras

La derniére sphére?"', qui enveloppe de son froid éternel les terres

Afficit, afflatu labefactans cuncta maligno, L d

D'en-bas, q qui anéantit l'univers de son souffle délétére,

4

e peut, au mieux, s'attendre à un mélange, donc à une part inéluctable de maux, voire à n'avoir que des

deor

: Falcifer, extremum caeli qui possidet orbem 3

e

4o | Causa, nec humanae tot dura incommoda uitae, Felices nimirum homines, felicia cuncta Saecla forent. Sed nulla diu mortalibus aegris gr

1 ^ ; Gaudia contingunt, nulla est sincera uoluptas.

onheurs qui peuvent affecter les humains. Tout un ensemble d'expressions lucrétiennes font donc leur

2

°

Cos

£

Il n'y aurait pas de mort destructrice/? ni de cause

Non letum" exitiale esset, non ulla doloris

ou

x

| De souffrance, il n'y aurait pas tant de malheurs pesants dans la vie humaine?" Les hommes seraient vraiment heureux, tout comme la suite Des siècles. Mais P pour les mortels affligés, g il n’est P point échu de jjoie

n* point i de volupté ' sans mélange. : Durable, ilil n'est

apparition (le motto de la gravure ; mortalia pectora ; scatet), tandis que l'opposition entre mater et nouerca, qui caractérise la natura chez Pline l' Ancien, renvoie indirectement aussi à Lucréce.

Mais cette conception épicurienne s'accorde mal avec le propos méme de la fable, qui relaie au contraire la tradition des dieux qui tentent de rivaliser d'influence sur les hommes. Il n'est pas non plus question d'un E:

monde régi c | lg pP par le hasard de la chute des atom es. Le poéme nous présente un monde supra-lunaire et è ire éternel é

immortel

(aeternum,

Symb. 9

G

ravure

:

VOICI LE PORTRAIT DE LA CONSTANCE

v. 8 ; nulloque senescunt tempore, v. 8-9 ; nulloque fatiscere seclo, v. 10), où les astres et les

planétes sont autant de divinités dont le mouvement est régi selon les lois mathématiques (stabili lege, v. 9) par une force toute-puissante identifiée à Zeus/Jupiter (summi regnator Olympi, v. 11), qui conduit leur cortége bienheureux (ipsi laetantur, v. 7) autour de l'éther (cursus circum aethera, v. 9), comme dans le Phédre de Platon (247a). Le texte bocchien véhicule, d'autre part, des sous-entendus astrologiques, par exemple l'idée que les

i À BARTOLOMEO VOLTA, CHEVALIER DE L'EPERON D'OR DE BOLOGNE

astres et les planétes ont une influence sur le monde sub-lunaire, et les hommes en particulier. Si le poéme

Debout, compagne inlassable, Constance aux traits riants,

entre lui et Jupiter. Dans la gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Gulio Bonasone ou Prospero Fontana", la i On y apercoit,: dominant i est beaucoup plus marquée. dichotomie entre monde terrestre et monde supra-lunaire sur une nuée un paysage de campagne vallonnée avec une ville en arriére-plan, Ganyméde, l'échanson des dieux aux traits enfantins, qui puise, comme par jeu, dans chacune des deux jarres, dont l'étiquette en grec laisse

L'égide forgée à Lemnos à force de sueur,

réserve à Saturne le privilége de dispenser l'amaritudo, il n'est pas question d'une stricte répartition des róles

deviner 1 E ——

: entre biens et maux

A 1» 278 : (« le bien », «le mal »)"*. L'opposition

Protégeant d'une fiére épée son flanc insoumis, porte

Sans craindre les piéges, sans tourner le dos aux périls ; j Maisi ferme face àà tous les EE courageuse EOTIODIS Dans l'adversité, elle conduit, d'un bras acharné, Les combats: et se fie, hardie, à sa lance robuste. Y

S

se répartit, gráce à une

composition symétrique, entre Jupiter, à gauche, qui enlace l'une des anses de la jarre des biens, identifiable à : ; et Saturne à; droite, ti pied et au foudre qu'ilil tient l'aigle i 18 à ses pieds dans la main, qui ; enlace lui i aussi l'une des anses de a jarre des maux, reconnaissable à ses traits vieillis et à sa faux.

; nettement astrologiques est confirmée; par le poéme de Bocchi resté manuscrit, extrait des Lusuum libri duo et intitulé De Ioue (cod. Vat. Lat., 5793, f 45v°-46r° = V). C'est de cette pisce plus Nitexqu est tirée l'épigramme du symbolum et nous citons ici le passage éclairant (v. 31-43) qui

uy

10

:

d'influen ces 3à cuncè Cette répartition P

précéde celui qu'a extrait Bocchi :

Hinc ede(i. e. Ioue): ;

ce guide, trdversapt sQrus iid Po

Énée, autrefois ballotté it, j ie s° Enltalies entut, jura Avec ce guide, le héros

ed

par des destins iniques, mes laviniens. j ETUR T danéen terrassa

de Goregone,

et Alcide, tant de

grands monstres :

bes Seen o !, RC NO 8 Sans craindre les cous effrayants qu'avait l'Hydre de Lerne, Les chevaux du cruel Dioméde, la gueule funeste 15

Dulion de Molorchus, les cornes du puissant taureau,

Il osa se rendre au royaume du maitre du Styx Et trainer Cerbére captif jusqu'aux brises d'en haut.

i Toxiti uera | De F ) FPas, ;ura., pom, Leges Sapientia, son seinup(i. e., de Jupiter), le droit divin et humain, les lois, la sagesse, la vraie

ion

ru od

Gratia, Virtus,

Noblesse d'áme, la prudence, la gráce, la vertu,

i i sncorrupta A laes “:C“" aque copia rerum, ummus Amor patriae manant ceu fonte perenni . 35 | Quem nisi letali?" inficeret malus ille ueneno

LU

2

4

La foi incorruptible, l'abondance délectable de biens Et l'amour préme supré de la patrie,i comme d : PLE le di di Et si, de son poiso E HMM dE i

;

eere

iailliss

een

, r n s : "n Vu qu'elle ! La planéte Saturne habite effectivement dans la derniére sphére, celle qui précéde la sphére des astres fixes (cf. CIC., Rep. 6, 17). est conséquent, par et 4), 1, III, est la plus éloignée du Soleil, elle passe pour la plus froide, la plus humide et la plus lente (cf. Mythographus de cánse à vieiliacd, Bn d traits les sous apparait Saturne lui-méme associée à la vieillesse, la maladie, les troubles mentaux, la pauvreté et la mort. toujours l'enquéte voir points, ces tous Sur vieillard. un à la confusion qui existe en grec entre Cronos et Chronos, le temps, assimilé d'iconologie, Paris, 1967 pour la trad. francaise, p. 105-130 ; voir également indispensable d'E. Panofsky, « Le vieillard temps » dans Id., Essais

1989. R. Klibansky, E. Panosfky, F. Saxl, Saturne ef la mélancolie, Paris, € Pour laetum.

?" Voir le catalogue de la vente Sotheby's de

7* Pour lé contexte

francaise 279 E bs 230 Saturne.

]

hi

un t €

Lond

vs

Londres en juillet 1972, lot 25, P. 16, n^ s.

Paris, 1990 pour la trad. ene iconographique et Ie lien avec la jarre pandoréenne, voir D. et E, Panofksy, La boite de Pandore,

y

i

E

en faux et renforce encore ?5 Dés le Moyen Age, la faucille de Saturne, lointain signe de ses fonctions de dieu des travaux agricoles, se mue l'association des représentations du dieu avec celle de la Mort, munie elle aussi de cet instrument.

constitués par les rebuts de la société : ?^ Saturne était tenu pour responsable des cataclysmes et des famines et ses « enfants » étaient de la bile mendiants, infirmes, voleurs, prisonniers, ou ceux qui vivent à ses marges, comme les ecmites ou les contemplatifs, sijete à produire astre Saturne, « : 2 noire, la fameuse melancolía, réputée favoriser l'inspiration. Voir R. Klibansky, E. Panosfy, F. Saxl, Saturne, en particulier ch. de la mélancolie », p. 201-350.

93



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Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

MÉTRIQUE

Hexamétres dactyliques. Ce métre convient bien à cette piéce pleine de réminiscences antiques (en particulier

épiques), qui décline les vertus des plus fameux héros de l'Antiquité. NorES

- tit. pict. : constantia heic effingitur] Bien que placé au-dessus de la gravure, vers laquelle il pointe gráce au déictique heic, ce titulus pourrait trés bien annoncer le programme allégorique de l'épigramme: le verbe effingitur renvoie autant aux arts plastiques qu'à l'expression symbolique oü l'on traduit sous une enveloppe figurée ou une personnification un contenu moral. — dedic. : Bartholomeo Volteio equ«iti» aurato] Bartolomeo Volta ou della Volta?*5, mort en 1578, était le fils d'Antonio della Volta qui fut chevalier en 1507, gouverneur de Campagna

en 1511, nommé

membre

du Sénat

des Quarante à Bologne par Léon X en 1513 (la famille occupe des siéges de sénateurs sans discontinuer entre 1466 et 1557), et fait Comte

de Vico, Verzuno et Savigno en 1515 par le méme

Léon X. Cet Antonio passait

pour un chef militaire courageux et il aurait fait assassiner un certain Luigi Maria Griffone à Molinella, ville au nord de Bologne. L'épouse d'Antonio et la mére de Bartolomeo était Orsina Grassi, elle-méme fille d'Orsina Bocchi, et qui se voit dédier le Symb. 49. Bartolomeo hérite de ces titres — dont celui de chevalier — et des juridictions afférentes aprés la mort de son pére Antonio en 1527. Il est nommé sénateur en 1554. Il fut en outre l'époux d'Alessandra Bianchini, dite la Cavaliera Volta, femme de lettres éminente?6, Un eques auratus avait

droit aux éperons d'or, à la différence de l'écuyer, qui n'avait droit qu'aux éperons d'acier'"". Le titre d'eques auratus (ou cavaliere dorato) est généralement accordé par Charles Quint, mais il peut l'étre aussi par le pape, ainsi que le titre de Comes Sacri Palatii et Aule Lateranensis. Ces titres honorifiques dépendent de la pure volonté du prince et ne nécessitent pas forcément d'exploits particuliers : ainsi, lorsque Charles Quint et Clément VII se rencontrent à Bologne pour le couronnement de l'empereur en 1530, ils accordent les deux titres à tous les lecteurs du Studio; de méme, en 1536, Paul III, par une bulle, accorde les deux titres à tout le college des docteurs de droit civil de l'Université de Bologne?**. Mais on peut supposer que, vu les exploits guerriers de son

pere, le titre de chevalier transmis à Bartolomeo est ici vraiment lié à un statut militaire.

—- v. 1 : Constantia) il s'agit en réalité du portrait de Pallas Athéna, vierge guerriére, dotée de l'épée au cóté (latus

ense), de l'égide (aegida, voir infra) et de la lance (hasta). Athéna sert ici de personnification allégorique de la

habitants de cette ile aprés qu'Héra l'eut jeté du haut de l'Olympe, cf. HES., Th., 927 sq.), la rendant indestru&tible (cf. HOM. Il., 2, 101). L'adjectif sudatam signifie « au prix d'un travail qui a réclamé beaucoup de sueur et d'effort ». Voir dans ce sens SIL., 4, 435 : Multoque labore Cyclopum/ Sudatum thoraca capit.

- v. 11 : Danaeius Heros] Il s'agit de Persée qui combattit la Gorgone et lui trancha la téte, en prenant soin de ne pas la regarder directement mais en se servant de son bouclier comme d'un miroir pour éviter d'étre pétrifié par le regard du monstre, sur les conseils d'Athéna. Sa chevelure était composée de serpents (d'oü l'expression Gorgoneos angues). Le terme angues fait la transition avec l'hydre de Lerne.

— v. 12-17 : Alcide est Héraklés/Hercule, descendant d'Alcée (fils de Persée, il était le pere d'Amphitryon, lui-

méme pére mortel d'Hercule), mais aussi représentant d'àAxrj, « la force » (c£. C. Salutati, De laboribus Herculis, 3,

11, 21, t. 1, p. 214, L 14-16 Ullman : Plus enim perfectionis sonat Herculis nomen quam Alcyde. Hoc enim ab 'alce',

quod est 'uirtus' dictum est). Il est célébre en particulier pour les douze travaux que lui infligea Eurysthée. Si la lie canonique de ces tàches est sujette à de multiples variations ?9 on trouve évoqués dans le texte emblématique les monstres suivants : l'hydre de Lerne (Lernaei draconis) dont les tétes repoussaient au fur et à mesure qu'elles étaient tranchées (fera colla) ; la cavale de Dioméde (Diomedis equos), roi des Bistones en Thrace, qui se nourrissait de chair humaine ; le lion de Molorchus (leonis/Ora Molorchei ; Molorchus était le

nom du berger qui habitait Cléones, prés de Némée en Argolide, et offrit l'hospitalité à Hercule venu délivrer la contrée du monstre) ; le taureau de Créte (cornua tauri), rendu fou par Poséidon ; le chien tricéphale Cerbére, ramené enchainé (captiuum Cerberon) hors des Enfers (ad superas... auras). Ce travail, toujours placé en dernier et qui confronte le héros aux Enfers et à Hadés (Stygii... regna Tonantis), à l'instar d'Enée, est une sorte de

triomphe sur propose, pour considere que (ambiguitates)

la mort". Compilant les sens allégoriques des différents travaux herculéens, Coluccio Salutati l'hydre de Lerne, l'interprétation de Bernard Silvestre (Comm. En. Virg., p. 71, 22, Riedel) qui l'hydre représente l'ignorance (ignorantiam) et ses multiples tétes, les raisonnements tortueux que génére l'ignorance et qui ne peuvent étre combattus que par le feu trés vif de l'esprit

(uiuacissimo igne mentis, pour reprendre un mot de Boéce, Cons., 4, 6, 10 ; c£. SALVT. Lab. Herc., 5, 9, 5, t. L p. 193 Ullman). Diomede est, pour Salutati, l'embléme de l'inuidia qui livre en páture aux chevaux des passions les hommes dont elle s'empare (Lab. Herc., 3, 21, 10, t. I, p. 286 Ullman : Tradit autem hic rex, hoc est huius uitii

dominium, hospites suos equabus in cibum. Nam postquam huius pestis tenebre mentem hominis comprehenderunt, dat ipsum equabus, hoc est. affectibus suis, in esum). Aux yeux de Salutati, le lion de Némée abattu par Hercule

constantia (sur la source numismatique de cette confusion, voir l'analyse de la gravure infra) : debout, droite et immobile (stat; immota), elle traduit cet état d'équilibre de l'àme du sage dont la vertu reste ferme sur elle-

3, 8, 17, symbolise la victoire sur un tempérament irascible, que caratérise une colére permanente (Lab. Herc., Créte est la t. I, p. 190 Ullman : conficitur hic leo, quem iracundiam, hoc est manentem iram, diximus). Le taureau de

C£. SEN., Const., s, 4 : Libera est [uirtus], inviolabilis, immota, inconcussa, sic contra casus indurat, ut ne inclinari

par Hercule, vertus que représente Hercule (Lab. Herc., 3, 18, 9, t. Ll, p. 277 Ullman). Pour Cerbére dompté triomphe du héros Salutati suit Servius (Ad Aen., 6, 395) et y voit, comme un couronnement des autres táches, le

méme, sans étre affectée par les événements extérieurs ni les passions intérieures, comme le désir ou la crainte.

quidem, nedum uinci possit ; aduersus adparatus terribilium rectos oculos tenet, nihil ex uultu mutat, siue illi dura siue secunda ostentantur. - v. 3 : Aegida... sudatam] L'égide est le bouclier de Pallas, orné de la téte de Méduse. Cet accusatif grec renvoie au terme aiyíc, dérivé de ait, « la chévre ». Selon certains mythographes (cf. schol. HOM, Il., 15, 229 ; 2, 157 ; HYG., Astr., 2, 13 : Cum Iuppiter fidens adulescentia bellum contra Titanas appararet, responsum est ei, si uincere

uellet, ut aigos pelle tectus et capite Gorgonis bellum administraret, quam aigida Graeci appellauerunt ; SERV., Ad

Aen. 8, 354 : Nam aegida, id est pellem Amaltheae caprae, a qua nutritus est, in sinistra Iuppiter tenet), il s'agissait

de la peau d'Amalthée dont Zeus s'était fait une arme dans la guerre contre les Titans pour remporter la victoire. La nature méme de l'arme est indéfinie : elle peut prendre la forme d'un manteau, d'un baudrier, d'une cuirasse, de pectoraux ou d'un bouclier rond orné d'écailles, et s'orne le plus souvent d'une téte de Gorgone

(cf. HOM.,

IL, 5, 741). Zeus peut la confier à Apollon ou à Athéna pour leur permettre de défendre les héros qu'ils protégent. C'est Héphaistos qui l'a fabriquée dans ses forges de l'ile de Lemnos (il avait été recueilli par les -- Voir Scipióne Pompeo Dolfi, Cronologia delle famiglie illustri Bolognesi, 1670, Bologne, p. 716-717. Pellegrino Antonio Orlandi, Notizie degli scrittori Bolognesi e dell'opere loro stampate, Bologne, 1714, p. 43. 257 ÉRASME, Colloquia, 41, Funus, 90 : pedibus aurea calcaria ; erat enim eques auratus. ?* Voir G. Zaccagnini, Storia dello Studio bolognese durante il Rinascimento, Geneve, 1930, p.151.

94

partie inférieure de l'áme sujette aux passions (appetitus sensitiuus) et qui doit étre dominée et ligotée par les

Cerbére est la qui a réussi à dompter tous les désirs (cupiditates) et tous les vices terrestres (uitia terrena), car 1, 2, t. IL, p. 525 Ullman). terre (terra) qui consume les corps (consumptrix est corporum ; cf. Lab. Herc., 4,

ANALYSE par Bocchi pour Ce court poéme à tonalité épique faisait partie d'une piéce de jeunesse plus vaste rédigée textes consacrés à célébrer les qualités du dieu Mars, piéce insérée elle-méme au sein d'un ensemble suivi de d'un De Ioue) dans le plusieurs grands dieux de l'Olympe (cf. le symbolum précédent qui reprend des extraits le nom du dédicataire Lusuum libri duo. Bocchi la réadapte à un contexte précis en la dédiant à Volta. Jouant sur v. 1) de la Constantia, (Volto, «le visage » en italien), Bocchi entreprend de peindre le « visage » (uultu, prises avec une campagne guerriére, entendue ici dans un contexte militaire, soit parce que le destinataire est aux

Herc. fur, : 215-248 ; SEN., ie AVS,, Ed., 17 : De arerumnis Herculis ; Sors 259 Voir par exemple A. G., 16, 92 = Plan. IV*, 9, 6 ; D. CHR, Orat., 8, 27-35 ; et trés souvent Virgile à attribuée liste « Monodtica de erumnis Herculis », BOET., Cons., 4, metr. 7, 1-35 ; Anthologia Latina, Riese, n° 627, p. 95,

ec Herculis. publiée à la Renaissance ; ALCIAT, Emblematum liber : Duodecim certamina p. 239-248 particulier en et 219-266, p. 1921, 39, d'histoire, et ie ?? Sur cet aspect, voir J. Bayet, « Hercule funéraire », Mélanges d'archéolog

(« Hercule et le "triomphe sur la mort". Sa lutte contre les Enfers »).

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Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d’Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

soit parce que la métaphore des combats armés est une constante chez Sénéque pour renvoyer à la lutte contre les passions. C'est moins le Caton de la Constance du sage que Bocchi célébre ici que le Cicéron des Devoirs. En

AVGVSTI, S-C)??. Le revers représente une Constantia impériale casquée, en habit militaire, debout à gauche,

d'áme ») ou de la fortitudo (« vaillance ») : la magnitudo animi consiste à mépriser les biens extérieurs auxquels

Pour rendre compte de son róle de protectrice et d'inspiratrice de héros fameux, le graveur a imaginé de flanquer

effet, Cicéron (Off., 1, 20, 67) fait de la constantia une partie complémentaire de la magnitudo animi (« grandeur

la foule accorde de la valeur ; la constantia vise à se montrer indifférent aux attaques de la fortune et à toutes les épreuves rencontrées dans une vie. Les deux vertus conjuguées aboutissent tout d'abord à une indifférence absolue à ce qui n'est pas la vertu et donc, à l'absence de trouble de l'áme. Mais elles s'expriment également dans un second caractere, plus pratique et plus dynamique : mener des entreprises « grandes et utiles » (magnas illas quidem et maxime utiles; ibid., 66) mais « trés difficiles et remplies d'épreuves et de dangers » (uehementer arduas plenasque laborum et periculorum). Ce versant social, politique et offensif de la constantia et de la magnitudo animi défini par Cicéron donne l'image d'un sage qui ne vit pas replié sur lui-méme mais se dévoue pour sa patrie et pour sauver l'humanité : c'est le modéle d'Hercule partisan de l'action, qui fait face à un Atlas contemplatif dans le Symb. 112. Bocchi a choisi d'organiser son portrait complexe autour de Pallas, déesse guerriére, dont la constantia remplit les deux

impératifs

cicéroniens:

indifférence

aux

attaques

extérieures,

sans

crainte

levant la main droite, tenant une lance dans la main gauche et que l'on peut aisément confondre avec une Athéna/Pallas (Fig. 1).

Pallas de deux personnages : à gauche Hercule couvert de la léonté, massue sur l'épaule et tenant fermement au

bout d'une chaine Cerbére, le chien tricéphale des Enfers, en s'avangant vers la droite, tourné aux trois-quarts ; à

droite Énée, barbu, tenant d'une main les pénates de Troie, de l'autre tirant son jeune fils Anchise, marchant vers la gauche, lui aussi tourné aux trois-quarts. Enfin, avancant dans le ciel à grandes enjambées depuis la partie supérieure gauche de l'image, surgit Persée, ailes au dos (elles sont normalement sur ses sandales ou sur son pétase), la harpé dans la main gauche et la téte de Méduse tranchée et dégouttant de sang dans la droite. Pour meubler le haut de l'image à droite, un arbre vif se dresse, tout droit, symbole de l'animi robur, la « fermeté

d'áme » qui inspire la constantia.

(v.3-5) ;

ni passion

expression pratique de la vertu de l’àme dans des táches au service de l'humanité, en particulier militaires. Il est donc logique que la déesse veille ici (hac duce, suivant la formule de Pontano) sur trois héros de l'Antiquité gréco-latine dont les exploits quasi militaires ont justement prouvé la constantia, l'aptitude à n'étre troublé ni par la fortune ni par les biens extérieurs, et surtout, à servir l'humanité avec un pur désintéressement : Énée, qui n'a pas désespéré, malgré sa longue errance et les multiples péripéties de son voyage, affronte des monstres et mene

Symb. 10 Gravure :

LA VRAIE VOLUPTÉ S'ACCORDE AVEC L'ALME VERTU

des guerres pour réussir à fonder une ville et une nation ; Persée et Hercule, qui se sont, eux aussi, mesuré sans

effroi aux redoutables monstres que la tradition cynico-stoicienne interpréte allégoriquement

comme

SILENE, CHROMIS ET MNASYLE

les

passions abattues par la vertu (cf. D. CHR., Orat., 8, 26-35 : CLEM., Hom., 6, 15??!), ont délivré des contrées de

Tandis qu'ensemble Pallas et l'alme Vénus d'une couronne

fléaux qui les terrorisaient.

Parent la téte de Siléne, il dit lui-méme, heureux :

« Pourquoi te tourmenter sans t'accorder sur le terme des biens,

Grécaillon ? L'idée est la méme, autrement résonnent les mots :

7

et 54 apr. J-C. Au revers : Constantiae Augusti.

Il est difficile de saisir ici le contexte qui motive la dédicace, en l'absence de toute datation süre. On peut supposer que, Bocchi ne mentionnant que le titre d'eques, la dédicace a été effectuée avant 1554, date à laquelle

Volta est promu sénateur. De méme, il n'est pas aisé de voir s'il s'agit pour Bocchi de raffermir son destinataire dans une campagne militaire éprouvante, de l'aider à affronter des querelles politiques, voire, si on accepte une

dédicace précoce (autour de 1527), de le consoler de la perte de son pére au combat (au siége de Pistoia), puisque le poéme se termine sur une évocation des enfers. Toutes les hypothéses restent donc ouvertes.

La gravure trans$pose en termes spatiaux les suggestions contenues dans le texte. Le róle central de Pallas est

milieu de l'image, nettement surélevée sur un monticule naturel. Elle est casquée, bouclier, dans une attitude immobile qui traduit la notion de constantia (constare : »). La référence iconographique est sans doute un as de l'empereur Claude (41-54 et 54 apr. J.-C. (A/CAESAR AVG P M TR P IMP P P; R/CONSTANTIAE

! Pour la postérité de ces textes à la Renaisance, voir M. Simon, Hercule et le christianisme, Paris, 1955 ; M.-R. Jung, Hercule dans la littérature francaise du XVr' siécle : de l'Hercule courtois à l'Hercule baroque, Genéve, 1966.

96

* Vis dans le bien ” et “ vis ce que tu vis " ; en effet, Volupté

10

Mnasyle entre-temps laisse en suspens son accord entre les deux Partis, et rappelle, bien à l'abri : « je ne sais rien ». Mais Chromis, titillant les sens, dans le vain espoir d'une coupe Lyéenne, s'en vient troubler les joyeux loisirs.

Et Vertu siégent ensemble sur un unique socle ».

4:

Fig. 1 > As del'empereur Claude, frappé entre 50

souligné par sa présence au munie d'une lance et d'un « rester ferme sur ses pieds apr. J.-C.), frappé entre so

s

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques, que nous avons rendus par une alternance 16 +14 syllabes. NOTES

mais — v. 8 : nescio quid) Le passage est délicat. La séquence nescio quid signifie non pas « un “ je ne sais quoi ” » avons Nous Mnasyle. de direct style « je ne sais pas » ou « je ne sais rien », et constitue une intervention au donc mis des guillemets. le pied de Siléne et il le — v. 9 : irritans sensus] L'expression est incompréhensible sans la gravure : le satyre a saisi titille. L'expression posséde aussi un sens abstrait qui signifie « stimulant les pensées ».

9? Voir RIC t. 1, n°

111; BMCRE, n" 201.Je remercie J.-L. Charlet qui m'a suggéré ce rapprochement.

97

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

ANALYSE

Il es fort probable que la gravure qui ouvre l'embléme ait préexisté à l'épigramme qui l'accompagne, tant le poéme (et en particulier sa deuxiéme partie, à partir du v. 6) semble dépendre d'une configuration visuelle précise, dont l'ignorance menace l'intelligibilité méme des étapes textuelles et des objets sur lesquelles elles s'arrétent. Nous commencerons donc exceptionnellement par nous conífronter à la gravure avant de reprendre le fil du texte. 1. Aux sources de l'image : un bas-relief antique revu d'apres Virgile

La scéne présente deux plans superposés, chacun occupé par trois personnages. Le motto de la gravure (Cum Virtute alma consentit uera Voluptas, « Avec l'alme Vertu s'accorde la vraie Volupté ») ne semble évoquer que la partie supérieure de l'image qui montre, assises et enlacées, une Pallas casquée et virile, qui ressemble à Mars, avec son bouclier posé à cóté d'elle, et une Vénus dénudée, couronnée de fleurs, qu'accompagne un petit Cupidon ailé muni de son arc. De maniere trés traditionnelle, Pallas est ici l'allégorie de Virtus, et Vénus celle de

Voluptas. Le socle où les deux déesses sont assises est cubique (on voit le détail partiel des arétes sous le bras du personnage central), et il a été lui-méme placé sur une sorte de grand promontoire rocheux et herbeux, qui permet aux trois figures de se détacher sur le ciel. Si l'on cherche à identifier les trois personnages du plan inférieur de la gravure, il faut se référer, contre toute attente, au titre qui surmonte non pas l'image, mais l'épigramme (De Sileno et Chromi et Mnasylo), comme s'il s'agissait de souligner par ce chiasme à quel point image et texte sont ici complémentaires dans le processus herméneutique. Le titulus de l'épigramme invite à identifier Siléne au centre du groupe, qui ressemble plutót à Socrate qu'au personnage ventripotent aux traits épais connu par ailleurs : barbu, drapé dans un manteau aux larges plis qui lui dénude une épaule, et muni d'un pedum (le báton recourbé des bergers), il avance, le pied droit en avant dans le vide, le pied gauche en arriére et encore posé sur une sorte de marche rocheuse qu'il s'appréte à descendre. Il semble prés de perdre l'équilibre au moment oà il franchira l'obstacle. Il est soutenu par-derriére par un satyre (est-ce le Mnasyle énoncé par le titulus ?) muni de cornes, d'oreilles, de pattes et d'une queue caprines, tandis qu'à l'avant, un autre satyre que l'on apercoit de dos (s'agit-il de Chromis ?) se baisse pour lui saisir à deux mains le pied droit. Siléne tient dans la main droite une coupe dont il semble exhiber le fond vide au satyre à ses pieds, tandis qu'une gourde pourvue d'une bandouliére et dont le contenu se répand git à terre au premier plan de l'image. La jonction entre les deux plans de la gravure est réalisée par le geste des deux déesses qui, tenant chacune d'une main une couronne, s'apprétent à la déposer sur la téte de Siléne au moment oà il arrive à leur niveau.

Comme l'a démontré de maniére convaincante Gilbert-Charles Picard??, commentant un court passage

qu Edgar Wind consacre à cet embléme^", la source plastique de la gravure provient des reliefs néoattiques dits

d'« Icarios* » ou « de la théoxénie », dont le prototype remonterait à Alexandrie et daterait du II° s. av. J.-C°*, ?3 G.-Ch. Picard, « Dionysos chez le poéte : suites diverses d'un théme antique », Revue Archéologique, 1, 1960, p. 114-117. ?** Voir E. Wind, Mystéres paiens de la Renaissance, Paris, 1992 pour la traduction francaise, p. 85.

” L'appellation remonte à Ennio Quirino Visconti dans son ouvrage Les Monuments antiques du Musée Napoléon, t. 1I, Paris, 1804, p. 12, comme le rappellent V. Huet et F. Lissarague, « Un “ relief néoattique ” : Icarios, le retour », p. 97. 7" Parmi l'immense bibliographie, on renverra, dans l'ordre chronologique à : G.-Ch. Picard, « Observations sur la date et l'origine des reliefs

dits de la " visite chez Ikarios ” », American Journal of Archeology, 38/1, 1934, p. 137-152; Id., « Dionysos chez le poéte » (art. cité) ; C. Watzinger, « Theoxenia des Dionysos », Jahrbuch des Deutschen Archüologischen Instituts, 61-62, 1946, p. 76-87 ; C. Gasparri, A. Veneri,

« Dionysos », in Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae, t. III-1 et 2, Zürich-Münich, 1986, P- 495 et fig. 855-858; E. Pochmarski,

Dionysiche Gruppen. Eine typologische Untersuchung zur Geschichte des Stützmotivs, Vienne, Selbstverlag des Ósterreichen Archáologischen Instituts, Sonderschriften Band XIX, 1990, en particulier p. 97-128 et planches 30 à 33 ; V. Huet, F. Lissarague, « Un “ relief néoattique ” : Icarios, le retour », Métis, 3, 2005, p. 85-100 ; G. Sauron, « L'actualité des Bacchantes d'Euripide dans les conflits idéologiques de la fin de

l'époque hellénistique

», dans F. -H. Massa-Pairault,

G. Sauron

(dir.), Images

et modernités

hellénistiques. Appropriation

et représentation

du

monde d'Alexandre à César, Rome, École Francaise de Rome, 2007, P- 248-259, en particulier p. 250-251. Pour la Renaissance, voir Ph. Bober, R. Rubinstein, Renaissance Artists and Antique Sculpture.

("Triclinium') », p. 134-136.

98

A Handbook

of Sources, Turnhout, 20107, n° 90 : « Bacchus visiting the Poet Icarius

On connait aujourd'hui trente-deux exemplaires de cette composition, présentant entre eux de notables variations. Parmi eux, deux exemplaires sont bien connus dés le début du XVr' s. : l'un, d'époque néronienne, propriété des Maffei, fut ensuite acheté au XVIII° s. par Charles Townley, avant d'entrer en 1905 au British Museum de Londres (inv. 6713 et Fig. 1) ; le second, d'époque augustéenne, conservé aujourd'hui au Musée national de Naples, appartenait à la famille Sassi, avant d'étre vendu à Paul III en 1546 pour rejoindre les

collections Farnese (inv. 2190 et Fig. 2)".

Malgré les différences qui les distinguent^*, ces bas-reliefs présentent une scéne typique aux composantes à peu prés fixes. Certaines études y ont vu la visite de Bacchus indien chez le paysan Icarios ou chez l'a&eur Ménandre et sa Muse Glycére (ou bien une hétaire) et d'autres, une théoxénie de Dionysos. Les chercheurs aujourd'hui

interprétent la composition comme l'accueil de son dieu par un fidéle de Dionysos. Dans la partie gauche du

bas-relief, allongé sur un lit de banquet et soutenu par un coussin, un acteur? ou un adorateur'" effectue un ample geste d'accueil du bras droit qui désigne l'intérieur de sa demeure, dont on aper«oit à l'arriére-plan d'autres bátiments complexes ; à ses cótés, à la méme hauteur, une hétaire (plutót qu'une Muse) est allongée,

pensive sur une Kliné. Mais cette présence féminine n'apparait pas sur tous les exemplaires, dont certains montrent l'acteur/adorateur seul. Le geste d'accueil effectué par ce dernier, accompagné d'un mouvement de téte dans l'autre direction pour regarder son invité, s'adresse à un Dionysos àgé, ventru et ivre, qui s'avance vers son hóte et occupe la partie centrale de la composition. Le dieu, son diadéme noué sur le front, retient les plis de son vétement pour ne pas trébucher, tandis qu'un satyre à forme entiérement humaine (hormis la queue) l'empéche de tomber en le soutenant par l'arriére. Devant lui, un autre satyre se baisse pour lui óter sa sandale, comme il se doit lorsqu'un invité entre dans une demeure. L'intérieur de la piéce est délimitée par la présence d'un candélabre à gauche et d'une colonne à droite surmontée d'une plaque sculptée représentant un attelage : entre les deux, à l'arriére des banqueteurs, de Dionysos et des satyres, court une draperie, masquant partiellement un mur et une fenétre. À l'entrée de cette salle imaginaire, derriére Dionsysos, un personnage fait un signe d'arrét, en se tournant vers la suite qui l'accompagne et qui se déploie dans la partie droite de l'image : muni d'un thyrse, qui fait le lien entre extérieur et intérieur, il demande l'immobilisation du groupe qui constitue, selon toute vraisemblance, le thiase bacchique. En effet, dans le cortége, un siléne joue de la fláte au

son de laquelle divers personnages dansent ou marchent en se soutenant. D'une maniére trés réductrice, et non sans quelques contresens sur l'image de Bonasone (les cornes du satyres sont interprétées comme des cornes diaboliques et la gourde vide comme l'urne-source d'un fleuve), GilbertCharles Picard ne voit dans la gravure de l'embléme qu'une suite de contresens qu'il faudrait corriger"!, Or ces prétendus contresens constituent au contraire un témoignage important de la « migration des symboles » dont

parlait Rudolf Wittkower?", ces réajustements, ces citations partielles, ces substitutions et ces transferts subtils

d'un vocabulaire esthétique et de références classiques qui permettent aux humanistes de renvoyer à l'Antiquité

tout en la transfigurant et en la revivifiant.

Dans la gravure de Bonasone, la scene d'intérieur urbain s'est muée en une scene d'extérieur, mais sans paysage. Seule la partie gauche du bas-relief a été reprise et le thiase bacchique a été complétement supprimé. Les personnages de l'acteur et de l'hétaire, couchés sur le lit de banquet dans les bas-reliefs antiques, ont été ?7 Ph. Bober, R. Rubinstein, Renaissance Artists, p. 134-135. la femme allongée sur la 55 Voir V. Huet, F. Lissarague, « Un “ relief néoattique " » p. 94, qui notent que, sur le relief du British Museum, « installer un petit satyre semble que guirlande d'une orné est il ; Gorgone une figure où fronton d'un kliné a disparu ; le bátiment est pourvu

montre un placé devant un palmier, à cóté d'un pilier supportant un pinax non décoré, alors que le pilier séparant Dionysos de son cortége pinax sculpté où figure un bige ». Ma 1606), il y a en effet des ?? Sur certains exemplaires, comme celui, déjà mentionné du British Museum ou celui conservé au Louvre (inv.

masques de théátre sous la kliné. ; :/ ; ‘ ** P. Zanker, Un art pour le plaisir des sens. Le monde figuré de Dionysos et d'Aphrodite dans l'art hellénistique, Paris, 2001, p. 10-13, y voit une

visite du dieu qui se transforme en véritable féte pour son hóte et son amie. ‘ ' : a %1 G.-C. Picard, « Dionysos chez le poète », p. 115-116: « Il n'est pas sür que l'auteur, tout en saisissant l'ambiance antique de l'ceuvre, ait voire des modifications ». remarqué les influences plastiques inspiratrices, dont il ne dit rien. Cela aboutit à une exégése qui appelle des réserves

?* Allegory and the Migration of Symbols, Londres, 1977.

99

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

déplacés sur le haut de l'image. Dans ce déplacement, le personnage masculin s'est transformé en Pallas, la plus virile des déesses. En montrant les deux déesses, et donc en proposant deux personnages dans la partie supérieure, Bonasone montre qu'il s'est probablement inspiré du type conservé à Naples (avec l'hétaire, inv. 6713

; Fig. 1), plutót que de celui du British Museum, oü l'acteur est seul (Fig. 2). C'est probablement dans

les collections Farnése du pape Paullll et de son neveu, le cardinal Alexandre Farnése, protecteurs de l'Académie bocchienne et dédicataires de plusieurs emblémes de Bocchi, qu'il a pu apercevoir cet exemplaire à partir de 1546. Avant lui, la transformation de l'acteur en personnage féminin avait déjà été effectuée par

Giovanni Maria Falconetto qui, dans un dessin de 1501 conservé à l'Albertina de Vienne (inv. 13247), interpréte la scéne comme l'arrivée de l'amant dans la chambre de sa maiítresse, qui l'attend, allongée sur le lit (Fig. 3)*5.

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3

*4.

blanc), 1501, Fig. 3 > G. M. FALCONEITO, Le repas d'Icarus, dessin sur papier (plume, papier et rehauts de 22,7 X 33)5 cm, Vienne, Musée de l'Albertina.

4> A. LAFRÉRY, Gravure de 1548 extraite du Speculum. Romanae Magnificentiae : TRICLINARIVM Fig. LECTORVM TRIPEDIS MENSAE ET ACCVMBENTIVM EX MARMOREIS DEFORMATIO. ROMAE DXLVIIII € The University Chicago Library.

TABVLIS

GRAPHICA

un Le titulus de l'épigramme (De Sileno et Chromi et Mnasylo) indique qu'à la source plastique vient se ajouter Fig. 1> Bas relief dit d'«Icarios» archéologique.

ou «de

la théoxénie », époque

augustéenne,

Naples,

intertexte littéraire. Les trois personnages de la partie inférieure de la gravure sont en effet interprétés par l'emblématiste à la lecture du début de la sixieme Bucolique de Virgile. Dans le texte virgilien, deux satyres'^, Mnasyle et Chromis, et une Naiade, Aeglé, s'emparent de Siléne, ivre et endormi dans une grotte, et le ligotent

Musée

Fig. 2 > Bas relief dit d'« Icarios » ou « de la théoxénie », époque néronienne, Londres, British Museum.

% Voir T.Buddensieg,

G.Schweikhart,

R. Rubinstein, Renaissance Artists, p. 135.

100

« Falconetto

als Zeichner»,

Zeitschriff für KunslWgeschichte,

33,

1970,

p.21-40;

Ph.Bober,

sont des satyres » ; ibid., 6, 9! SERV,, Buc, 6, 13 : CHROMIS ET MNASYLVS isti pueri satyri sunt, « CHROMIS ET MNASYLE : ces enfants : selon certains, le nom 14: PVERI

nonnulli

“ pueri ” non

absurde putant

dictum,

quia

Sileni priusquam

senescant, satyri sunt, « ENFANTS

d’“ enfants ” a été attribué non sans raison, car les Silénes, avant de vieillir, sont des satyres ».

101

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

avec des guirlandes, tel Protée, pour le forcer à chanter un poéme (v. 13-22) : Siléne s'exécute et entame un

chant cosmologique qui raconte, en termes quasi lucrétiens, la formation de l'univers à ses débuts (v. 31-40), avant de poursuivre par l'évocation d'une série de divers mythes célebres (Deucalion et Pyrrha, Hylas, Pasiphaé, les Héliades, Scylla, Philoméle, etc.). N'ont été retenus pour l'embléme que le trio de Siléne et des deux satyres. Aeglé a disparu. Certains détails de la gravure de Bonasone, étrangers au bas-relief, prennent tout leur sens, si on veut bien les rattacher à la source virgilienne : ainsi, la grotte oü s'est endormi Siléne (VERG., Buc., 6,

13-14 : in

antro/ Silenum [...] iacentem) e&t discrétement suggérée par les ombres appuyées qui courent sur l'éminence rocheuse de l'arriére-plan, juste devant Siléne : le décor de l'idylle a remplacé le contexte urbain du bas-relief. De méme, la couronne dont se servent Pallas et Vénus rappelle, certes, les guirlandes dont un esclave orne le

bátiment du fond dans le bas-relief de la théoxénie conservé à Londres, mais surtout les guirlandes abandonnées

qui entourent Siléne et dont les deux faunes s'emparent pour le ligoter"* (cf. ibid., 6, 16 : Serta procul tantum

capiti delapsa iacebant, « Les guirlandes tombées de sa téte gisaient au loin » ; 6, 19 : [.... ] iniciunt ipsis ex uincula sertis, « ils se servent des guirlandes pour lui passer des liens » ). Enfin, Virgile évoque une coupe vide que tient Siléne tient à la main (cf. ibid., 6, 17 : Et grauis attrita pendebat cantharus ansa, « et sa main laissait pendre un

lourd canthare à l'anse usée) : elle y est encore sur la gravure, tandis que la gourde dont le contenu se répand sur

l'image rappelle l'hesterno Iaccho virgilien, «le vin de la veille » (ibid., 6, 15). Les deux objets et l'attitude

chancelante du personnage suggérent visuellement l'ivresse dont il est atteint, tandis que Virgile évoquait ses

veines enflées (ibid., 6, 16 : inflatum uenas). Enfin, la référence à Virgile est également pointée dans l'usage des

nombres: nous examinons le Symbolum 10, qui comporte dix vers, comme les dix Bucoliques du poéte mantouan. Aprés avoir insisté sur l'image, il convient à présent de regarder de plus prés l'épigramme 2. Organisation de l'épigramme

L'épigramme se décompose en cing distiques organisés en deux groupes inégaux (3*2 distiques).

Dans la premiére partie, Pallas et Vénus couronnent Siléne, nommé le bienheureux, beatus (v. 1-2) ; il prend la

parole (v.3-4) pour blámer, en s'adressant directement à lui, un Graeculus, un pseudo-philosophe, dont l'opinion se partage (discors) entre deux propositions irréconciliables sur la fin des biens (de fine bonorum). Ce Graeculus, qui n'apparait pas dans la gravure, est probablement une adresse à un interlocuteur imaginaire, comme c'est souvent le cas dans l'épigramme grecque dialogique. Le diminutif signale le mépris où le tient son interlocuteur qui blàme par le terme sa sottise ou son incapacité à raisonner correctement (les vrais Grecs sont

ceux qui font de la vraie philosophie). Pourquoi ce mépris? C'est que, poursuit Siléne (v. 5-6), il n'y pas

d'opposition réelle entre vivre selon le bien (uiue bene), et donc selon la Virtus, et vivre sa vie (illud quod uiuis uiue), et donc selon la Voluptas : il s'agit d'une méme réalité (res eadem est), malgré la différence de vocabulaire (uerba sonant aliud), car Plaisir et Vertu siégent ensemble sur un socle commun (una in statione).

La deuxiéme partie de l'épigramme est rattachée à la premiére de maniére assez láche (interea, v. 7) puisqu'il ne sera plus question de Siléne, mais des actions et de l'attitude des deux satyres. Seule la référence à l'image et ses sources permet

de comprendre

qu'elles concernent

implicitement

Siléne, puisque

celui-ci est en conta&

physique dire& avec les deux satyres. Le quatriéme distique (v. 7-8) est réservé à l'évocation du satyre Mnasyle,

qui suspend son jugement (sustinet assensum) entre deux avis (in utramque partem) et, sans s'impliquer ni courir

de risque (tutus), se rappelle (meminit) qu'il ne sait rien (nescio quid). L'idée de la suspension entre deux avis

permet de comprendre que Mnasyle est selon toute vraisemblance le satyre qui, par-derriére, maintient Siléne en équilibre entre deux postures, en lui évitant de basculer vers l'arriére ou vers l'avant, méme si graphiquement, Siléne est plutót du cóté de Vénus, la jambe de cette derniere épousant visuellement la courbe de son épaule. Le

main de Siléne chez Virgile n'est plus seulement la trace de ses ivresses de la veille, mais devient le récipient dont le satyre attend vainement quelque reliquat (pateramque Lyai/ Necquicquam expectans). Or le pied chatouillé, qui va déséquilibrer Siléne , et l'attente vaine de Chromis, qui suscite probablement son mécontentement,

sément le trouble dans les joyeux loisirs ou débats (ocia laeta agitat). Le sens du terme otia n'est pas immédiatement clair et il faudra y revenir. 3. La réconciliation de Pallas et de Vénus : un long processus

La premiere partie de l'épigramme (v. 1-6) reléve clairement de l'éthique et pose la question du souverain bien (de fine bonorum). Elle nous présente Pallas/Virtus et Vénus/Voluptas enlacées et réconcilées, assises sur une base commune et couronnant conjointement Siléne. Cette alliance peut sembler surprenante : les déesses sont souvent rivales dans l'Anthologie de Planude"*, tandis que Virtus et Voluptas, comme choix de vie, se présentent dans l'Antiquité sous la forme de deux routes qui divergent, qu'il s'agisse d'Hésiode""", de l'embranchement du Y pythagoricien5, ou encore d'Hercule à la croisée des chemins dans l'apologue de Prodicos raconté par Xénophon? et relayé par Cicéron?. De méme, au livre 2 du De Finibus (44), Cicéron, réfutant les arguments de l'épicurien Torquatus exposés au livre 1, affirme que la vertu et la volupté sont en guerre l'une avec l'autre (uirtuti cum uoluptate certatio). Or Bocchi évoque une réconciliation entre vivre selon le bien (v. s : bene uiuere) et vivre sa vie (ibid. : illud quod

uiuis uiue), d'autant plus facile à comprendre, explique-t-il, que le probléme réside moins dans la réalité que dans les termes (v. 4: res eadem est, uerba sonant aliud). On reconnait là un tic de langage propre à une tendance

conciliatrice qui, dans les débats de la Renaissance, entend minimiser les différences radicales de positions entre

les philosophes?'!. Serait-ce que Pallas et Vénus pourraient trouver un terrain d'entente ? Cette entente est probablement facilitée visuellement par le fait que la Minerve austére de la gravure, cuirassée et casquée, aux formes féminines gommées, ressemble étrangement au dieu Mars, dont les ébats avec Vénus sont largement

évoqués de l'Antiquité à la Renaissance""".

de Dans l'embléme, chaque déesse conserve sa personnalité et ses prérogatives, mais accepte en quelque sorte mais voir l'extension de son champ d'action accrue — ou réduite — et ouverte à une influence complémentaire tempérer d'en permet et égale en importance de sa partenaire. La Voluptas gagne du terrain sur la Virtus l'austérité, tandis que la Virtus accepte de céder un peu de place à la Voluptas et d'en réguler les débordements. à Le motto de la gravure confirme cet échange d'influences gràce à l'hypallage, puisque Virtus-Pallas emprunte Or cette montée en Voluptas-Venus le qualificatif d' alma, et Voluptas, celui de uera, plus adapté peut-étre à Virtus. tendance de premiére puissance de la uoluptas et sa prise en compte généralisée s'inscrivent dans une siécle : l'irruption de la importance dans les débats philosophiques de la fin du Quattrocento et du début du xvf par la réflexion éthique et pensée d'Épicure et de la poésie de Lucréce sur la scene, préparée et accompagnée 96 A. G., 16, 172 ; 174 ; AVSON., Epigr., 64. ?" Hrs, Op., 287-291.

5, 34-35 et SERV., ad Aen., %% Anthologia latina, éd. F. Bücheler, A. Reise, Leipzig, 1906, t. I, 2, p. 98, n° 632 (De Y littera), v. 1-2. Voir aussi PERS.,

6, 136, Thilo-Hagen t. II, p. 31. 39 XEN., Mem., 2, 1, 21-34. 310 Cic, Off, 1, 115. Voir les études désormais classiques de F. De Ruyt, « L'idée de biuium et le symbole pythagoricien de la lettre Yos Revue des chemins, Paris, 1999 (pour la traduction francaise), et la Belge de Philologie et d'Histoire, 10, 1931, p- 137-144; E. Panofsky, Hercule à la croisée and Writing in Renaissance Europe, Genéve, 2003, P. 79-95 précieuse synthése de G. H. Tucker, Homo uiator. Itineraries of Exile, Displacement

and the Story of (« Hercules in biuio : the Legacy of a Moral Paradigm » ; « Pythagoras's Y : a Visual Symbol ») ; T. E. Mommsen, « Petrarch

the Choice of Hercules », Journal of the Warburg and Courtault Institutes, 16, 1953, P. 178-192.

dernier distique (v. 9-10) évoque le cas opposé (at) de Chromis, le satyre qui fait face à Siléne. Les détails du

Guillaume Pelé, 1641, p. 1018, pour fbentétr l'accord de Platon et ?! Voir par exemple FICIN, De uoluptate, 4, dans ses Opera omnia, Paris, 5 et nomine quidem discrepat Aristoteles a Platone, re congruit. traps avec CIC., Luc,

chatouillement de pied nu (irritans sensus), présent également sur la gravure, tandis que la coupe placée dans la

his tam Fin., 2, 20 : duae sunt enim res quoque, ne tu uerba solum putes. [...] Vos ex ego uerbis, in ponis tu unam ex duabus facere conamini ; et 5, 90 : quam [inconstantiae] que remarquer fait justement trés 32 Mme Liana Cheney, que je remercie, m'a en 1497) ressemblances avec la peinture de Mantegna intitulée Le Parnasse (peinte

bas-relief et de la bucolique virgilienne font ici l'objet d'une lecture tout à fait originale dans l'embléme : le délacement de la chaussure de Siléne par le satyre de gauche dans le bas-relief se transforme en un amusant

305

ems Ser : * Dans l'Antiquité, on noue les couronnes à partir de guirlandes.

102

d'Aristote : Vtitur enim pro arbitrio suis quisque uocabulis, Stoici ipsi uerbis magis quam sententiis dissenserunt ; ou, au contraire, 15 : Peripateticos et Academicos, nominibus differentis re congruentis, a quibus non modo nomen unum [... ] sed etiam rem

dissimilibus rebus ' | positam in re putabam. de troublantes présentaient les deux figures sur le sachet effectivement sont Mars et Vénus rocheuse, arche : sur une

enlacés. On notera toutefois qu'ils se tiennent debout chez Mantegna.

103

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

anthropologique d'Aristote (en particulier l'Éthique à Nicomaque), mais un Aristote largement revu par Cicéron dans le De Finibus (en particulier le livre 5 et l'intervention de Pison). Ce double mouvement entraine les deux termes dans une dynamique combinée : avec le systéme académico-péripatéticien décrit par Cicéron, la uirtus abandonne un peu de son intransigeance et se tempére de uoluptas ; avec Épicure, la uoluptas se hausse aux exigences de la uirtus. La premiere tendance pose une anthropologie oü l'homme est explicitement défini comme un composé d'áme et de corps. Le souverain bien doit donc prendre en compte ces deux constituants dans la définition du bonheur, et non plus seulement réfléchir à la contemplation ou aux exigences de la vertu, qui satisfont la seule àme. Il s'agit d'un idéal de vie mixte, inspiré par Aristote et repris par les Académiciens : bien qu'accordant le primat du bonheur à la contemplation et à l'activité de l'intelle& qui confére à l'homme le statut divin, cet idéal exige cependant une place pour le corps et pour la fortune, et donc pour les biens corporels et extérieurs, ceux qui font la différence entre la uita beata et la uita beatissima?" Cette prise en compte du corps et de ses besoins est par exemple l'une des préoccupations majeures de Francesco Filelfo et de sa théorie de l'alipia, paix de l’àme qui impose aussi l'apaisement des troubles du corps?'* . Elle occupe une place prépondérante dans l'argumentation du Phaedrus siue De laudibus philosophiae libri duo de Jacques Sadolet (paru à Lyon chez S. Gryphe en 1538), un ami de Bocchi. Quant au deuxiéme mouvement, qui invite la uoluptas à se hausser au niveau de la uirtus, il ne peut se comprendre qu'avec la présence grandissante d'Épicure et de Lucréce dans les débats philosophiques de la Renaissance?'5. La connaissance de la pensée d'Épicure s'effectue au Quattrocento notamment par la lecture du livre 1 du De Finibus de Cicéron, par celle d'Horace, de Sénéque et du livre 10 de Diogene Laérce, traduit par Ambrogio Traversari en 1433?'5, tandis que le De rerum Natura de Lucréce, autre relais découvert par Poggio Bracciolini en 1417, est commenté avec un succés et une diffusion considérables par Giovanni Battista Pio (le

maitre de Bocchi) puis par Denis Lambin?" Or le terme uoluptas au coeur de la doctrine épicurienne présente une ambiguité fondamentale qui explique sans doute sa large utilisation au XVI* siécle. Ce terme, explique Cicéron, traduit exactement le grec rj8ovij et désigne autant les plaisirs de l'àme que ceux du corps. Le vocable rassemble à la fois le gaudium et la laetitia, alors que ce dernier terme ne désigne normalement que les joies spirituelles"*. Le rassemblement de Virtus et de Voluptas se voyait donc programmé dés le départ pour des raisons philologiques, tandis qu'un passage fondamental de la Lettre d'Épicure à Ménécée (128-132), relayé par exposé de Torquatus au livre 1 du De Finibus, apportait des arguments décisifs en faveur de cette

?5 Voir CIC., Ac., 1, 19-21 qui évoque une fripertita ratio bonorum, déjà évoquée en 1, 5, 19 oü il déclare que le finem bonorum adeptum esse

omnia e natura et animo et corpore et uita, « la fin des biens consistait à obtenir tous les biens selon la nature, dans le domaine du corps, de l’àme et de la vie ». En 1, 6, 22 Cicéron attribue aux Académiciens et aux Péripatéticiens une méme vision du finis bonorum. Voir J. Pépin, Idées

grecques sur l'homme et sur Dieu, Paris, 1971, p. 63-70 et 115-126 ; C. Lévy, Cicero Academicus, Essai sur les Académiques de Cicéron et sur la philosophie cicéronienne, Rome, 1992, p. 387-417. ?^ Sur les passages des Epistulae, des Commentationes et du De morali disciplina qui revendiquent cette thése, voir E. Garin, « L'univers des passions et la valeur du plaisir » dans Id., L'humanisme italien, Paris, 2005 pour la traduction francaise (1947), p. 73-78. 35 Sur la diffusion de l'épicurisme à la Renaissance, voir G. Saitta, « La rivendicazione di Epicuro attraverso i primi umanisti », in Studi critici in onore di G. A. Cesareo, Palerme, 1924, p. 276-291 ; D. C. Allen, « The Rehabilitation of Epicurus and his Theory in Early Renaissance », Studies in Philology, 41, n° 1, 1944, p. 1-15 ; G. Radetti, « L'epicureismo nel pensiero umanistico del Quattrocento » in A. Padovani, A. M. Moschetti

(dir.), Grande Antologia Filosofica, t.6, Milan, 1964, p.839-961; C.Vasoli, « Nuove prospettive su Lorenzo Valla: interpretazioni e commenti », Nuova Rivista Storica, 57, 1973, p. 448-458 ; E. Garin, « Ricerche sull'epicureismo del Quattrocento », in Id., La cultura filosofica del Rinascimento, Florence, 1961, p. 72-92 ; C. Polly Goddard, Epicureanism and the Poetry of Lucretius in the Renaissance, PhD diss., Cambridge

University, 1991; M.de Panizzia Lorch, « The Epicurean in Lorenzo Valla's Om Pleasure », in M. J. Osler (dir.), Atoms, Pneuma, and Tranquillity. Epicurean and Stoic Themes in European Thought, Cambridge, 1991, p. 89-114 ; L. S. Joy, « Epicureanism in Renaissance Moral and Natural Philosophy », Journal of the History of Ideas, 53, n? 4, 1992, p. 573-583 ; S. Gambino Longo, Savoir de la nature et poésie des choses.

Lucréce et Épicure à la. Renaissance italienne, Paris, 2004; J. Kraye, « Epicureanism» in J. Hankins (dir.), The Cambridge Companion to Renaissance Philosophy, Cambridge, 2007, p. 102-106 ; A. Brown, The Return of Lucretius to Renaissance Florence, Cambridge, Mass./Londres, 2010. ? Sur cette traduction effectuée à partir d'un manuscrit ramené de Constantinople en 1416, voir M. Gigante, « Ambrogio Traversari interprete di Diogenio Laerzio », in G. C. Garfagnini (dir.), Ambrogio Traversario nel VI centenario della nascità, Florence, 1988, P. 367-459. 3!17 Voir S. Gambino Longo, Savoir de la nature, p. 19-34 ; A. Brown, The Return of Lucretius, p. 1-2. 18 CIC, Fin., 2, 4, 13 : Sed hoc interest, quod uoluptas dicitur etiam in animo [... ], non dicitur laetitia nec gaudium in corpore.

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réconciliation : Épicure réclame, certes, le plaisir comme principe et fin de la vie heureuse, comme bien premier et connaturel. Toutefois, comme le rappelle Torquatus, si l'on doit tout rapporter à la santé du corps et à l'absence de troubles de l’àme, alors tout plaisir n'est pas systématiquement à prendre, ni toute douleur à refuser, mais doit faire l'objet d'une délibération rationelle qui permet de comparer les avantages et les inconvénients. La Renaissance découvre alors, comme le montre par exemple la défense rédigée vers 1429 par Cosma Raimondi?"?,

un Épicure austére qui, dénigrant les beuveries, les banquets et autres plaisirs débridés, próne au contraire un régime sobre et mesuré, un « calcul » des peines et des plaisirs, pour reprendre l'expression d'A. Gigandet??^, Mais surtout, en louant la prudence comme mére de toutes les vertus, Épicure imagine des binómes et des couples de valeurs, car, explique-t-il, la prudence nous enseigne que l'on ne peut vivre avec plaisir sans vivre avec prudence, honnéteté justice, « ni vivre avec prudence, honnéteté, justice» sans vivre avec plaisir. Les vertus sont, en effet, connaturelles (cvyzéovkaot) avec le

fait de vivre avec plaisir, et le fait de vivre avec plaisir en est inséparable (àyóptocov)?"'.

La formule fameuse, reprise par Cicéron??, réapparait par exemple sous la plume de Leonardi Bruni? Il était

dés lors possible, dans un vaste mouvement de syncrétisme, de rattacher cet aspect exigeant de la pensée d'Épicure à la théorie aristotélicienne du plaisir supérieur de la contemplation, à l'éloge cicéronien de la vie active, ou encore à l'impératif stoicien du bien moral?" : Épicure à son tour autorise Vénus et Pallas à s'enlacer tendrement pour devenir inséparables l'une de l'autre. La deuxiéme partie de l'épigramme bocchienne quitte le champ de l'éthique pour se rattacher, semble-t-il, à un autre probléme philosophique : celui de la connaissance (nescio quid, v. 8). Comment interpréter alors le trio que forment Mnasyle, Siléne et Chromis ? 4. L'embl&me dans la tradition allégorique des commentaires serviens : Platon, Aristote et la sixiéme Bucolique du Une bréve consultation de l'index des Symbolicae Quaestiones dans l'édition bolonaise de 1555 et de celui

manuscrit Sloane 3158 de la British Library de Londres montre que les trois personnages empruntés à la bucolique virgilienne recoivent de la part de Bocchi une interprétation allégorique substitutive. Siléne y est simplement identifié comme le Sapiens, le « sage », mais, de maniere plus précise, Mnasyle devient le masque de Platon (Mnasylus Plato?) et Chromis, celui d' Aristote (Chromis Aristoteles*). de ceux Lorsqu'on regarde les commentaires de la sixieme Bucolique de Virgile à la Renaissance, qu'il s'agisse de la Ramée, il n'est d'Antonio Mancinelli, de Cristoforo Landino, de Philippe Béroalde ou méme de Pierre

la théoxénie. Il jamais question de cette identification, encore moins d'un rapprochement avec le bas-relief de Mais c'est une semblerait que cette lecture allégorique substitutive soit une authentique invention de Bocchi. commentaires invention qui ne nait pas ex nihilo. Elle témoigne en effet d'une connaissance méditée des et dont les Renaissance la à antiques et des scholies au texte virgilien, en particulier serviens, transmis

humanistes font grand usage. Voici par exemple ce que dit Servius du passage de Virgile :

sull'epicureismo », p. 91-92. Voir le propos de Torquatus 319 Defensio Epicuri contra Stoicos, Achademicos et Peripateticos in E. Garin, « Ricerche

quam grauis, quam continens, quam seuera sit, chez Cic,, Fin. 1, 37 : [ut] intellegaturque ea quae uoluptaria, delicata, mollis habeatur disciplina, amollissante e$t sérieuse, modérée et efféminée, voluptueuse, « afin que l'on comprenne aussi à quel point cette doctrine que l'on juge austére ».

C. Lévy (dir.), Hédonismes. Penser et dire le %0 Voir A. Gigandet, « Le calcul épicurien des plaisirs : l'utile et l'agréable », dans L. Boulégue,

plaisir dans l'Antiquité et à la Renaissance, Villeneuve d'Ascq, 2007, p. 85-945, p. 233). Marcel Conche, Paris, 1987, p. 224-225 (2 Maximes capitales, 321 BpiC,, ad Menoec., 132, dans Épicure, Lettres et Maximes, éd.

esse deditum dicitis, non posse iucunde uiui, nisi sapienter, honeste iusteque 322 Cic., Fin. 1, 18, 57 : Clamat Epiurus, is quem uos nimis uoluptatibus mote uiuatur, nec sapienter, honeste, iuste, nisi iucunde.

iuste, 737: Clamat enim Epicurus ipse: non posse cum uoluptate uiui, nisi 323 L, BRUNI, Isagogicon, 21, éd. L. Bernard-Pradelle, Paris, 2008, p. » nisi cum uoluptate. temperate, prudenterque uiuatur, neque rursus iuste, temperate, prudenter, de « Ricerche sull'epicureismo », p. 83 pour caractériser le renouveau Garin, E. par distinguée rationnelle, 324 C'e& la deuxieme tendance, l'épicurisme. 325 1555, f°D iii v° ; S, f 205 r°. 95 1655 PC iiiv? ; S, £ 193 v^.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

PERGITE PIERIDES hortatur musas ad referenda ea, quae Silenus cantauerat pueris: nam uult exequi sectam Epicuream, quam didicerant tam Vergilius quam. Varus docente Sirone. Et quasi sub persona Sileni Sironem inducit loquentem, Chromin autem et Mnasylon se et Varum uult accipi. quibus ideo coniungit puellam, ut ostendat plenam sectam Epicuream, quae nihil sine uoluptate uult esse perfectum?"

Le commentaire servien propose de voir, à travers le trio Siléne-Mnayle-Chromis, le groupe Siron, Alfénus Varus et Virgile, c'est-à-dire un philosophe, un homme de guerre (vainqueur des Germains et friumuir agris diuidundis) et un poéte?*. La tradition rapporte en effet que Virgile aurait suivi à Naples les cours de Siron, adepte de la secte épicurienne, et que ses écrits porteraient la marque de cet enseignement en différents endroits, dont la sixiéme Bucolique??. Servius insiste également sur la présence d'Aglaé, personnification de la uoluptas qui constitue le summum bonum de la doctrine épicurienne. Tout un ensemble d'indices tendrait à prouver que la Bucolique virgilienne porte la marque de la philosophie épicurienne, ne serait-ce que dans la mise en valeur d'un personnage dionysiaque entouré de satyres, ou de l'atmosphére de jeu, d'ivresse et de prophétie dans laquelle sont plongés les protagonistes". Nous verrons tout à l'heure quel parti le commentateur de l'embléme tire de cette atmosphére épicurienne. À partir du schéma de substitution allégorique servien, Bocchi interpréte Siléne non plus comme le représentant de telle ou telle secte — l'épicurisme de Siron — mais comme le Sapiens en général, c'est-à-dire la Sapientia personnifée, et agrége autour de lui deux illustres disciples, Aristote et Platon. Quant à Aglaé, absente comme telle de l'épigramme et de la gravure bocchiennes, elle se voit implicitement remplacée par Vénus — ou l'hétaire du bas-relief antique. La posture et les gestes de chacun des satyres, inspirée par le bas-relief, deviennent à leur tour significatifs pour traduire symboliquement les positions intellectuelles de chacun des deux philosophes et la conception qu'ils se font de la Sapientia. Ainsi, Mnasyle-Platon, sur le bas-relief comme

sur la gravure, est en train de soutenir

(sustinet) Siléne, pour l'empécher de pencher vers l'avant ou vers l'arriére, c'est-à-dire, sur l'image, vers Pallas (à gauche) ou vers Vénus (à droite), assises en arriére-plan. Or, si l'on revient à l'épigramme, le terme sustinet forme avec assensum in utramque partem une expression caractéristique, « suspend son assentiment entre deux avis opposés », qui renvoie à un point bien connu de la doxographique socratique : Socrate, le maitre de Platon, jugeant qu'il ne savait rien, avait entrepris sur le mode sceptique une méthode de réfutation systématique (elenchos) de toutes les positions de ses adversaires, comme l'explique Varron au début des Académiques de Cicéron, ajoutant que savoir qu'on ne sait rien constitue la sagesse par excellence, comme le signalait déjà l'oracle de Delphes?". La conséquence de cette équipollence des postures et des positions dogmatiques est justement l'epoché, la suspension du jugement chez celui qui, en proie au doute, refuse de pencher pour l'une ou pour l'autre des opinions, dans la mesure oà elles ne contiennent pas la vérité. Ainsi, Cicéron, partisan de la 77 SERV., Buc., 6, 13 : « POURSUIVEZ, PIÉRIDES. Virgile exhorte les Muses satyres : car il veut suivre la secte épicurienne que Virgile aussi bien que Varus masque de Siléne pour ainsi dire, introduit le discours de Siron, tandis qu'il veut ainsi que Varus. À ces personnages, il associe une jeune fille, pour montrer que la parfait sans le plaisir ».

Nouvelle Académie, explique que, puisque les sens ne peuvent garantir systématiquement une représentation

vraie, alors nihil esse quod nosci, percipi, comprehendi possit, « rien ne peut étre connu, percu, compris » (Ac., 2, 26, 83). Chez Bocchi, Mnasyle, dont le nom dérive de mimnéskó??, garde présent à la mémoire et à l'esprit (meminit) le point fondamental de la doctrine socratique : nescio quid, « je ne sais pas ». Ne permettant pas que Siléne-sapiens bascule d'un cóté ou de l'autre sur la question du souverain bien (le plaisir ou la vertu, Pallas ou Minerve), il le maintient dans un état d'équilibre parfait dà à la suspension du jugement. Mnasyle, comme Siléne, est ainsi protégé de toutes les erreurs (futus), évitant de s'attacher à quelque certitude ou vérité que ce soit. Ce doute systématique n'est cependant pas celui que la Renaissance préte d'ordinaire à Socrate puis à Platon, préférant retenir plutót à leur propos une attitude probabiliste??. Bocchi réutilisera ce scepticisme radical en contexte socratique dans le Symb. 138 (SVMMA OMNIA TENET, SCIRE QVI SCIT SE NIHIL), dédié à l'évéque de Noyon, Jean de Hangest. Il s'agira alors d'un scepticisme théologique et fidéiste, à la maniere de Pétrarque (voir le De sui ipsius et multorum ignorantia de 1368) et surtout, de Jean-Francois Pic de la Mirandole (voir son De Studio diuinae et humanae philosophiae de 1496, ainsi que son Examen uanitatis doctrinae

gentium et ueritatis Christianae disciplinae de 1 520?) : le scepticisme antique fournit un instrument argumentatif commode pour permettre d'affirmer l'ignorance humaine générale, de renvoyer dos à dos toutes les philosophies dogmatiques pour annuler leur prétention à la vérité, et laisser ainsi la place libre pour la révélation divine, source de certitude.

Quant au Chromis-Aristote de l'embléme, trois actions lui sont prétées, plus énigmatiques et difficiles à interpréter : il chatouille le pied de Siléne sur la gravure, ou plutót, excite ses sens dans l'épigramme (irritans sensus), alors que le bas-relief antique montre clairement qu'il est en train de lui óter sa sandale ; il sollicite un peu de vin de la gourde de Siléne, mais sans effet (pateramque Lyaei/ Necquiquam expectans) ; il joue un róle de trublion (otia laeta agitat). Les deux premieres actions sont énoncées dans le poéme latin sur le mode participe, la derniere à l'indicati£. Ces indices syntaxiques montrent que les gestes et attitudes sont probablement implicitement reliés les uns aux autres sur le mode causal ou consécutif : c'est parce qu'il n'obtient pas de vin que Chromis chatouille le pied, et c'est suite à ces deux premieres causes qu'il bouleverse la tranquillité de Siléne, soutenu à l'arriére par Mnasyle, menagant ainsi de le déséquilibrer. Comment interpréter les gestes qui lui sont prétés ?

Un détour par un autre texte s'avére nécessaire à ce point de la démonstration, dans la mesure oü il livre au

lecteur son exégése des points essentiels du Symbolum, en particulier l'interprétation de la signification des gestes de Chromis-Aristote.

à poursuivre le récit que Siléne avait chanté pour les jeunes avaient suivie, lorsque Siron y enseignait. Et le poéte, sous le que l'on comprenne que Chromis et Mnasyle le représentent secte épicurienne est au complet, elle qui veut que rien ne soit

5 p, Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, avec un supplément de A. Blanc, Ch. de Lamberterie, J.-L. Perpillou, Paris,

32 Pour les autres interprétations, celles Philargyrius ou des scholies courtes de Berne, voir S. Viarre, « Les commentaires antiques de la 6° Bucolique de Virgile », L'Antiquité Classique, 59, 1990, P. 98-112.

eu e on de ses interlocuteurs des d opinions uariets %3 Patrizi souligne que la méthode de Socrate in utramque partem est un moyen de se plier à la . uarietas (ibid., probabiliora positions des aussi lui fournissait doute, (C. B. Schmitt, Cicero scepticus, p. 173) et que Platon, aprés avoir pratiqué le

?? Parmi l'immense bibliographie consacrée au sujet, voir en particulier quelques titres récents : S. Morton Braun, « Virgil and the Cosmos: Religious and Philosophical Ideas », in Ch. Martindale (dir.), The Cambridge Companion to Virgil, Cambridge, 1997, p.204-221;

A. L. Giesecke, Atoms, Ataraxy,

and Allusion:

Cross-generic Imitation of the De Rerum

Natura

in Early Augustan

Poetry. 2000, Hildeseheim,

Spudasmata 76, p. 31-58 ; M. Gigante, « Virgilio all'ombra del Vesuvio », Cronache Ercolaneni 31, 2001, p. 5-26; J. Rundin, « The Epicurean Morality of Vergil's Bucolics », Classical World, 96, 2002-3, P: 159-76 ; R. Chambert, « L'influence de Lucréce dans les poémes de jeunesse de

Virgile », dans A. Monet, Le jardin romain. Épicurisme et poésie à Rome. Mélanges offerts à Mayotte Bollack, Villeneuve-d'Asq, 2003, p. 247-64 ;

D. Armstrong,J. Fish, P. A. Johnston, M. Skinner (dir.), Philodemus, Vergil and the Augustans, Austin, Texas 2004, passim. 330 Voir D. S. Wilson-Okamura, Virgil in the Renaissance, p. 72-73. i 9! CIC, Ac., 1, 15 : ita disputat ut nihil affirmet, ipse refellat alios [ ... ] ob eamque rem se arbitrari ab Apolline omnium sapientissimum esse dictum, una omnis ;quod haec esset i à sapientia, non arbitrari sese scire quod nesciat. Voir la paraphrase explicite qu'en propose Francesco Patrizi dans une ettre à Achille Petrucci et que rapporte C. B. Schmitt, Cicero Scepticus. A Study of the Influence of the Academica in the Renaissance, La Hague;

1972, p. 173.

2002, p. 703, S. V. utuyrjoxo, $14.

Pelé, 164 b le h PP. p: 174-175). Voir également FICIN, Liber De Voluptate, dans Opera omnia, Paris, Guillaume

1ónp ( Tria disserendi genera) :

ex iis Alterum quo quaestione proposita diuersas ad id, quod quaeritur, sententias, rationesque referimus, ut propositis pheibos inicie collatis, quid

est celle qui nous probabilius, uerisimiliusque appareat eligamus, quo Academici, ac Socratici pene omnes utebantur, « La deuxiéme méthode

que les permet, une fois la question posée, de rapporter les propos et les opinions qui touchent à l'enquéte, de maniére que, une fois i le j i nous choisissions parmi elles ce qui nous apparait : autres, aux unes les comparées été propositions ont été assez nombreuses et qu'elles ont

C. Lévy, Cicero academicus, p. 277-290. Sur les plus probable et le plus semblable à la vérité ». Sur Cicéron, inventeur du probabilisme, voir

Paris, 2008, p. 27. différences entre le doute méthodologique d’Arcésilas et le doute radical et hyperbolique de Pyrrhon, voir Id., Les scepticismes, 9^ Voir C. B, Schmitt, Gianfrancesco della Mirandola

(1469-1533) and his Critique of Aristotle, La Haye, 1967. Sur ce courant, voir M. Granada,

« Apologétique platonicienne et apologétique sceptique : Ficin, Savonarole, Jean-Frangois Pic de la Mirandole » dans P.-F. Moreau, Le

scepticisme au XVI. et XVII siécle. Le retour des philosophies à l'áge classique (II), Paris, 2001, p. 11-47 ; E. Naya, « L'examen du Grand Code : Gianfrancesco Pico et les vaines subtilités de la signification », Réforme, Humanisme, Renaissance, 64, 2007, p. 73-91; R. Popkin, The History of

Scepticism from Savonarola to Bayle, Oxford, 2003 (nouvelle édition augmentée), p. 17-43-

107

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

5. Le témoignage capital de Giovanni Antonio Delfinio

De maniére tout à fait exceptionnelle à la Renaissance, nous possédons pour cet embléme le commentaire que lui a consacré un érudit contemporain de Bocchi, Giovanni Antonio Delfinio (1506-1561), vicaire général de

l'Ordre des Conventuels de Casalmaggiore (prés de Crémone), à la fois théologien, exégéte d'Aristote et rédacteur d'un De fine hominis aujourd'hui perdu?*5. Le commentaire à l'embléme, intitulé In symbolum decimum

Achillis Bocchii et rédigé entre 1555 et 156175, était jusqu'à présent resté inédit. Nous l'avons édité, traduit et

commenté?" à partir de l'unique exemplaire conservé à Bibliothéque Communale de l'Archiginnasio de Bologne sous la cote cod. Latin. B 1513?*. Rappelons qu'un autre embléme de Bocchi a lui aussi bénéficié d'un commentaire érudit quasi contemporain de la parution du recueil d'emblémes : Gavinio Sambiguccio a publié en effet en 1556

à Bologne,

chez Antonio

décryptage de l' Hermathena Bocchiana??.

Manuzio,

un commentaire

sur le Symbolum

102, consacré

au

Ce n'est pas le lieu ici de reprendre l'analyse de la composition du commentaire de Delfinio ni de présenter les nombreuses sources auxquelles il se référe. Nous l'avons fait ailleurs? Nous nous contenterons de puiser les éléments qui nous intéressent pour compléter notre interprétation, en particulier celle des gestes étranges de Chromis-Aristote. Delfinio confirme l'interprétation de l'identité des deux satyres, l'un comme Platon, l'autre comme Aristote, et

attribue explicitement cette trouvaille à Bocchi :

In Emblemate hoc aut Symbolo duo Satyri Mnasylus et Chromis graphice picti sunt. Chromis quidem, ut ante dixi, soleas Sileno demit, atque hic Satyrus barbatulus Chromis Vergilianus esr, ut opinatur haud ab re Bocchius. Porró uero alius imberbis, item nudus Satyrus inclinabundum sustinet dum soleae detrahuntur, Mnasylus, cuius nomine allegorice Plato,

sicut Chromi Aristoteles, intelligitur. Sileni ad pedes chantarus iacet inuersus ; senex ipse dextra pateram tenet, quasi

destillaturus in os inhiantis barbatuli Chromis. [ ...] Chromis etiam irritat sensus, et pateram Lyaei frustra expectat, sic

tamen ut agitet ocia laeta**!.

Un point visuel est tout d'abord à remarquer dans le témoignage de Delfinio. Il identifie le geste du Chromis non comme un chatouillement du pied de Siléne, à l'instar de Bocchi, mais bien comme le fait que le satyre retire la sandale. Delfinio, un peu plus haut dans son commentaire, a effectivement montré qu'il a parfaitement saisi la référence de la gravure de l'embléme aux bas-reliefs antiques, mais le lecteur constate avec surprise que, sans le dire, le philosophe se référe directement à eux plutót qu'à la gravure dans son analyse de la composition graphique. En effet, décrivant l'aspect physique de Siléne, Delfinio nous dit qu'il se tient debout sur un pied (stans pede in uno), puis, comme s'il se reprenait, il ajoute : uel potius sedens iuxta lectum decubitorium, puluino

?* Voir R. Zaccaria, « Delfini, Giovan Antonio » in DBI, t. XXXVI, Rome, 1988, p. 546-550.

?" Sur cette datation, voir A. Rolet, Emblématique, politique et philosophie à Bologne au XVf siècle : autour d'Achille Bocchi et de l'" Academia Bocchiana ” à paraitre aux Presses Universitaires de Tours/Presses Universitaires de Rennes. *7 Voir A. Rolet, Emblématique, politique et philosophie à Bologne au XVf siécle. 8 C'est un manuscrit sur papier in-4° (216 x 155 cm), rédigé en latin, comprenant vingt-quatre folios, sans illustration et de provenance

inconnue.

?? Sur ce commentaire, voir D. Drysdall, « Gavinio Sambigucio and his Interpretation of Achille Bocchi's "Hermathena" », Emblematica, 13, 2003, p. 53-71. Pour le Symb. 102, voir nos analyses dans notre édition commentée des Symbolicae Quaestiones et dans notre article : A. Rolet, « L'Hermathena

Bocchiana ou l'idée de la parfaite académie », dans M. Deramaix, P. Galand-Hallyn, G. Vagenheim, J. Vignes

(dir.), Les

Académies dans l'Europe humaniste. Idéaux et pratiques, Genéve, 2008, P. 295-338. “ Voir A. Rolet, Emblématique, politique et philosophie à Bologne au XVf siécle (à paraítre dans la collection « Renaissance » aux Presses Universitaires Francois-Rabelais).

! DELFINIO, Commentariolus, P 21v?-221" : « Dans cet embléme ou symbole, deux satyres, Mnasyle et Chromis ont été parfaitement peints. Chromis, comme je l'ai dit auparavant, retire à Siléne ses sandales, et ce satyre qui porte une barbiche est le Chromis de Virgile, comme le pense

Bocchi avec raison. Mais l'autre satyre, imberbe et nu également, retient Siléne sur le point de perdre l'équilibre pendant qu'on lui retire ses

sandales : il s'agit de Mnasyle dont le nom signifie allégoriquement Platon, de la méme maniere que l'on interpréte celui de Chromis comme Aristote. Aux pieds de Siléne git un canthare renversé ; le vieillard lui-méme tient dans la dextre une patere, comme s'il allait en verser le contenu dans la bouche ouverte de Chromis à la barbiche [ ... ] Chromis chatouille également Siléne et attend en vain une coupe de vin lyéen,

de telle maniére cependant qu'il trouble les joyeux débats ».

108

innixus, cui soleas iuuenis Satyrus, ut iacituro?*?, demit, « ou plutót assis tout contre un lit de banquet, appuyé à un

coussin, lui à qui le jeune satyre enléve les sandales pour qu'il s'allonge ». Or, qu'il s'agisse du lit de banquet et de ses coussins, ou des sandales de Siléne que le satyre défait (détail mentionné encore deux fois au £ 21v? : dum soleae detrahuntur ; Sileno Chromis demit soleas), aucun de ces éléments n'apparait dans l'embléme, mais bien dans les bas-reliefs. On ajoutera que, dans le dessin de Falconetto également, le satyre défait la sandale du personnage masculin, tout comme

dans une gravure de 1548 extraite du Speculum Romanae

magnificientiae

d'Antonio Lafréry (1512-1577)?^ (Fig. 4). Delfinio avoue d'ailleurs un peu plus loin son emprunt à l'original

ancien en déclarant que les marmora ueterum... testantur, que « les marbres des Anciens l'attestent ». Selon Delfinio, Chromis, qui fait la chasse au doute et à l'ambiguité, s'oppose à Mnasyle le sceptique qui refuse d'attribuer quelque vérité que ce soit aux représentations et aux sens et de se ranger à tel ou tel avis : Dum autem Chromis, hoc est Aristoteles, certam aliquam disputando quaestionis partem deffendit, probatque, ac dum ex propriis quidem principis colligit asserítque proprias conclusiones, et omnem ambiguitatem aut dubitationem tollit, ex

animo ut laeta omnino agitet ocia, interim Mnasylus imberbis et nudus, id est Plato, carens declarationibus sustinet in

utramque partem assensum",

Delfinio, relayé par Bocchi, montre que la suspension du jugement et le doute généralisé auquel Mnasyle-Platon, maitre d'Aristote, condamne le sage Siléne, laissent Chromis-Aristote sur sa soif. Pour Delfinio, la méthode

probabiliste de Socrate, reprise par Mnasyle-Platon et qui n'exclut pas une forme de scepticisme (rien n'est assuré, mais on peut se rallier à une position probable) a eu son utilité historique, à une époque oü la Gréce était infestée de sophistes qui prétendaient faire connaitre la vérité à travers l'opinion : [...] nihil autem firmiter ac prorsus indubie asserat, et nil uere sciat per ueras declarationes, ac solum ex probabilibus opinetur, ac suum illud nescio quid, quod a Socrate didicerat, in memoria teneat, cum aetate illa quidem sophistis plena erant omnia, cimque ad insaniam usqué ferueret inter stultos profitendi sapientiam ambitio, nec unus tum esset Gorgias, [qui] se nihil prorsus nescire iactaret, et ardelionibus eiusmodi plena esset in primis Graecia**.

Mais cette attitude est désormais stérile et frustrante : sur la gravure, aucune goutte ne tombe du canthare vide et l'épigramme souligne le caractére vain de son attente (frustra expectat). Le satyre Chromis trouve une parade à cet immobilisme. Son geste de titiller le pied (selon Bocchi) ou de délacer de la sandale de Siléne (selon Delfinio), outre son caractére ludique, festif et bon enfant, indique un changement radical de méthode : l'on part de la base, c'est-à-dire des principes (les pieds ou les sandales servent à poser le corps sur le sol et à avancer), qui sont précisément établis dans les sens : 32 Je remercie Héléne Casanova-Robin qui m'a suggéré la correction de facituro en iacituro.

-

?* Le titre exact en est : Speculum Romanae Magnificentiae. Omnia fere quaecumque in urbe monumenta extant partim iuxta antiquam, partim iuxta

hodiernam formam accuratissime delineata representas. L'ouvrage a d'abord existé sous la forme d'une série de gravures représentant Rome et les antiquités romaines, qu'Antoine Lafréry constitua dés son arrivée à Rome en 1544, avec l'aide d'autres graveurs. Aprés 1575, Xafréry en

rassembla un noyau important qu'il publia à Rome avec une page de garde réalisée par ses soins. L'ouvrage conant de nombreuses publications, présentant de substantiels remaniements. Voir C. C. F. Huelsen, Das Speculum Romanae Magnifientiae des Antonio Lafreri, in Collectanea uariae

doctrinae Leoni S. Olschki, Münich, 1921, p. 121-170. Le titre exact de la gravure est : TRICLINARIVM LECTORVM ACCVMBENTIVM EX MARMOREIS TABVLIS GRAPHICA DEFORMATIO. ROMAE DXLVIIII.

TRIPEDIS MENSAE ET

34 DELEINIO, Commentariolus, &'a3r^: « Pendant que Chromis de son cóté, c'est-à-dire Aristote, défend et approuve par la discussion une certaine partie de la question, pendant qu'à partir de ses propres principes du moins, il rassemble et affirme ses propres conclusions et efface

toute ambiguité ou toute interrogation dubitative, pour semer consciemment un désordre général parmi les joyeux entretiens, Mnasyle pendant Eon ». ce temps, imberbe et nu, c'est-à-dire Platon, sans faire de déclaration, suspend son assentiment entre les deux parties d'ordinaire des propose [Mnasyle-Platon] il examiné, point le sur question la posée fois une effet, En « : 231^ P Commentariolus, DELEINIO, *5 lui avis et des raisonnements opposés de maniere qu'aprés avoir confronté entre elles des propositions assez nombreuses, il choisit celle orme de.con rien sait ne définitive, absolument et ferme maniere de rien parait en soi la plus probable et la plus vraisemblable, mais il n'affirme son i je ne Slals au vrai au fil de déclarations qui viseraient au vrai, ne forme son opinion qu'à partir de jageetents probables, e garde en mémoire chez es connaissait dagesse la d'enseigner l'ambition que sophistes, de rempli était tout époque, cette qu'à vu Socrate, de appris avait qu'il " rien ne süt qu'il rien avait n'y qu'il vanter sots une effervescence confinant à la folie, qu'il n'y avait alors pas qu'un seul Gorgias [£ 23v*] pour se point, et que la Gréce avant tout autre pays était pleine de ce genre d'agités ».

109

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Aristoteles enim principia quibus proprie acquiritur scientia cognouit, a sensibilisbüsque procedendo quaesitam ueritatem inuenit, cum uero multis annis, et Socratem et Platonem docentem audisset, frustra Lyaei pateram expectauit. Non enim ab eis quemadmodum nec ab aliis ueram philosophandi rationem accipere potuit. Itaque post longas et praecellentes quidem cogitationes laeta omnium agitat ocia; suis nimirum ante Aristotelem in opinionibus ac ualde absurdis quiescebant ueteres philosophi. Tum ille, omnium commonstratis erroribus, omnium scholarum quietem agitauit, ac perturbauit laeta et quietissima ocia [ ... |^.

Delfinio, en bon aristotélicien, pense sans doute à certains passages du De anima, par exemple celui qui pose le début de la connaissance dans les sens et décrit comment l'organe sensoriel recoit la forme sensible sans la matiére (2, 12, 424 a 17) ou celui qui affirme que « L'áme, dans la plupart des cas, ne semble ni éprouver ni faire

quoi que ce soit sans le corps. La fonction qui semble surtout propre à l'áme, c'est de penser; si la pensée est l'imagination ou ne se produit pas sans imagination, l'áme ne peut pas étre séparée [i. e. du corps) » (1,1,403a

9)?*. La réaction-réflexe et incontrólable que le titillement de son pied suscitera chez Siléne permettra de voir à quel point les sens sont puissants et combien leur message est réel. Mais il faut comprendre également que c'est par ce biais des sens, fondements de la connaissance, que la uoluptas fait son entrée : non plus une uoluptas exclusivement contemplative mais une uoluptas sensible. Selon Delfinio, ce geste transgressif vient dans un premier temps semer le trouble dans les otia laeta des autres écoles, avant que celles-ci, fascinées par la pensée d'Aristote, ne trouvent dans la doctrine de ce dernier la solution de toutes leurs questions et goütent enfin l'apaisement : [Tum ille, omnium commonstratis erroribus, omnium scholarum quietem agitauit, ac perturbauit laeta et quietissima ocia] ut iam in antiquis illis opinionibus et scholis plus quam pauci quiescerent, sed certatim ad Peripateticos amore

cognitionis et ueritatis confugerent, et iam in scholis Peripateticorum inuenta sapientia et ueritate, per ipsum Aristotelem agitarent ocia laeta, et quiescerent animo laeto in unius doctissimi et sapientissimi Chromis opinione?**.

[C'est alors que, démontrant que tout le monde se trompait, il est venu troubler le calme de toutes les écoles et perturber les loisirs joyeux et trés apaisés], puisque déjà il n'y avait pas qu'une poignée de gens à se reposer sur ces antiques opinions et écoles, mais que, par amour de la connaissance et de la rivalité, ils rivalisaient pour trouver

refuge auprés des Péripatéticiens et que, suite à la découverte de la sagesse et de la vérité dans les écoles

péripatéticiennes, ils goütaient désormais les joyeux loisirs par l'intermédiaire d' Aristote lui-méme et trouvaient le

repos, l'esprit joyeux, dans l'opinion du seul Chromis, le plus savant et le plus sage.

L'expression de l'épigramme bocchienne ocia laeta agitat (v. 10) est particulierement ambigue et Delfinio ne clarifie pas la situation, puisqu'il semble recourir à deux interprétations de la formule à quelques lignes d'intervalle. Dans un premier temps, en glosant le terme agitauit par perturbauit, il souligne sans doute possible

?5 DELFINIO, Commentariolus, f 22x" : « Aristote en effet a pris connaissance des principes qui permettent d'acquérir rigoureusement la science

et, en progressant à partir des réalités sensibles, il découvre la vérité qu'il recherchait ; mais tandis que, pendant de nombreuses années, il avait assisté aux lecons de Socrate et de Platon, il a vainement attendu une patere de vin lyéen. Il n'a pu d'aucune maniére recevoir d'eux, pas plus

que des autres, la juste méthode pour philosopher. C'est pourquoi, aprés de longues et éminentes réflexions, il trouble les joyeux loisirs de tout le monde ; de maniere étonnante, avant Aristote, les anciens philosophes se reposaient sur leurs opinions propres et fort absurdes. C'est alors

que, démontrant que tout le monde se trompait, il est venu troubler le calme de toutes les écoles et perturber les loisirs joyeux et trés apaisés ».

?" Sur le paysage intellectuel général dans lequel évolue Aristote au moment oü il rédige son traité, voir S. Snoussi, « Le róle du corps dans la constitution des connaissances chez Aristote », dans M. Tholon, A. Coutté, S. Poinat (dir.), Corps et Savoir, Actes du colloque plusridisciplinaire de Nice, 9-10 octobre 2008 [mise en ligne : 11 février 2010], URL : «http:/ /revel.unice.fr/symposia/corpsetsavoir/index.html?id-182». Voir également J. Frére, « Fonction représentative et représentation. Phantasia et phantasma chez Aristote » dans G. Romeyer-Derbey, C. Viano

(dir.), Corps et áme. Sur le De Anima d'Aristrote, Paris, 1996, p. 331-348; T. K. Johansen, Aristotle on the Sense-Organs, Cambridge, 1998 ;

G. Romeyer-Derbey, « La construction de la théorie du sentir », dans Id., La parole archaique, Paris, 1999, p. 270-289 ; M. Siggen, L'expérience chez Aristote, Aux confins des connaissances sensible et intellectuelle en perspective aristotélicienne, Berne, 1005 ; M.-A. Zagdoun, L'Esthétique d'Aristote, Paris, 2011, p. 72-74. La question doit sans doute étre reliée au grand débat philosophique autour de la question de l'immortalité de l'áme, qui avait eu lieu au début du xvr siécle, à Venise et Padoue, et qui avait remis sur le devant de la scéne les textes d'Aristote sur l'origine de la connaissance et le róle fondamental qu'y jouent les sens. 348 DELFINIO, Commentariolus, P 22v?-231".

le róle d'agitation et de perturbation que jouent Aristote et sa méthode au sein des sectes philosophiques (omnium

scholarum

quietem

agitauit, ac perturbauit laeta et quietissima ocia). L'expression perturbare otium

apparait en effet dans les Académiques (2, 15), oà Cicéron explique que l'arrivée d'Arcésilas a joué au sein des écoles philosophiques le méme róle que celui de Tiberius Gracchus dans la république : troublant l'ordre établi (otium perturbaret), il a fomenté une véritable révolution (constitutam philosophiam

euerteret). Aux yeux de

Delfinio, le terme otia laeta ne désigne plus simplement les loisirs consacrés à l'étude de la philosophie dans l'école platonicienne, mais l'ordre établi d'une paix dogmatique satisfaite d'elle-méme (laeta), qui s'enivre de sa propre puissance mais qu'Aristote-Chromis vient mettre en cause. Dans un second temps, Delfinio semble accorder à l'expression ocia laeta agitat exactement le sens inverse en glosant la formule per ipsum Aristotelem agitarent ocia laeta par l'expression voisine quiescerent animo laeto. Héléne Casanova-Robin nous fait remarquer qu'agitare, comme fréquentatif de agere, entre dans tout un ensemble d'expressions indiquant « passer » : dies noctesque, « passer ses jours et ses nuits » ou encore pacem dans Jug., 29, 4, Laeti pacem agitabamus, « nous

jouissions d'une paix heureuse », qui s'accorderait avec le beatus du v. 2 de l'épigramme. Comment concilier ces interprétations contradictoires ? Tout simplement par le fait que l'expression ocia laeta agitat permet à Delfinio d'exprimer à la fois le processus et son résultat : il faut d'abord le tumulte et la crise, propice à l'éviction d'un systéme périmé, pour pouvoir trouver la quiétude d'une solution plus satisfaisante. Delfinio ne manque pas d'évoquer le point crucial du processus, qui permet naturellement à l'agitation de s'apaiser : la découverte de la sagesse et de la vérité (in scholis Peripateticorum inuenta sapientia et ueritate). Et celles-ci ne peuvent bien sür se

réaliser, selon notre commentateur péripatéticien, que sous l'égide d'Aristote (per ipsum Aristotelem). Revenons un instant à la gravure de l'embléme, au regard de ces nouveaux éléments apportés par le commentaire de Delfinio. Dans cet embléme, Bocchi joue de l'immobilité de l'image fixe et de la pétrification des gestes pour traduire le suspens d'un moment-clé oà l'histoire de la philosophie bascule. L'espace pictural, construit en forme pyramidale et qui met en ceuvre des lignes de force et des divisions spatiales trés accentuées (haut et bas ; premier et arriére-plan ; gauche et droite) fonctionne comme un ensemble de loci doxographiques articulés syntaxiquement, qui interagissent et se contaminent, mais oü chaque idée a une place précise. La théorie de la connaissance divise à la base Chromis-Aristote et Mnasyle-Platon sur la définition du sapiens : pour Mnasyle, éléve du sceptique Socrate, il n'est pas de science exacte possible, juste du probable, ce qui renvoie dos

à dos toutes les opinions et les convictions sur le critére de la vérité ; pour Chromis, seule compte la vérité des

sens, fondamental principe sur lequel s'échafaude tout l'appareil de la connaissance. L'image nous présente d'ailleurs un duel physique oü les satyres s'emparent du corps de Siléne pour lui imprimer leurs convictions. L'équilibre et fragile et va étre bouleversé d'un instant à l'autre, au moment oü Siléne tombera du cóté nous d'Aristote, entrainant tout le cortége. Mais l'ivresse, la coupe renversée, la gourde à terre, le pied chatouillé

montrent que régnent encore les rires et les jeux, les otia laeta qui se déroulent dans l'atmosphére dionysiaque et épicurienne de la bucolique virgilienne à laquelle nous renvoient directement le titre et les premiers vers de l'épigramme: les discussions philosophiques mettent à l'honneur la uoluptas. L'esprit bon enfant se poursuit avec la progression de l'oeil vers le sommet de la pyramide ; aprés la question de la vérité et de la science, celle de l'éthique, encore plus importante. Là, plus de division : des fleurs, des couronnes et des femmes enlacées qui et des partagent leur siége. Les armes sont déposées et l'on célébre l'athléte Siléne, vicorieux des préjugés font nous Vénus, séduisante la et Pallas pseudo-philosophes. Les deux personnifications mythologiques, la virile avancer dans le temps, à l'époque oü, comme nous l'explique le De Finibus de Cicéron, l'Académie d'Antiochus acceptait de s'accorder avec le Lycée et avec la doctrine d'Aristote autour de deux valeurs essentielles à la conduite de la vie, la uirtus et la uoluptas, l'áàme et le corps réunis.

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1 $55) - tome2

Symb.

11

ANALYSE

DE LA SAGESSE

oü elle figurait comme la traduction ou la paraphrase d'un texte d'un auteur hébraique, comme l'indique son

1

Gravure :

INEFFABLE

BEAUTE

— Jésus

À CÓME DE MÉDICIS, DUC DE FLORENCE Qui donc s'offre à nos yeux ? Qui donc paraít, si lumineuse Et si belle ? Emportée sur son char de roses, est-elle De Tithon l'éclatante épouse ? Ou la blanche Phébé ? Ou le Soleil doré qui, d'un flambeau inextinguible, Illumine les murailles en feu du monde ? Ou bien

Vénus, montrant aux mortels affligés son éclat pourpre ? Épouse de Tithon, blanche Phébé, Soleil, et toi

Qui l'annonces, de mes propos ne prenez pas ombrage : Une clarté plus grande point ; devant elle, pálissent

Tous les astres, se lévent les dieux, se léve l'Olympe.

Te voilà, honneur de ce siécle ; ah! dévoile pour moi

Ce front, ce front serein, surmontant deux yeux éclatants

15

Qui chassent tristes ténébres et nuages de l'àme ; Ces tempes, tempes rivales des roses au printemps, Source d'un éternel printemps : par leur douce pudeur, Elles éclipsent la beauté ou ce qui la supplante. Te voilà : que tes doux brasiers en entier me consument ; Perce ma poitrine gráce à tes fléches innombrables, Blesse, consume, tue ! Ainsi, ainsi, j aime périr

20

Toujours : cette mort est pour moi plus douce que la vie !

MÉTRIQUE Hexamétres dactyliques. Sur le respect des alinéas typographiques dans les deux éditions, voir infra, analyse.

Le poéme initial, un hymne qui célébre en métre héroique l'apparition d'une divinité d'une beauté éclatante, suscitant aussitót l'attachement amoureux, s'est vu adjoindre une dédicace à Cóme I* de Médicis. La mise en scene cosmique du texte, l'évocation de l'apparition d'une allégorie de la Sapientia qui, telle une aube nouvelle, éclipse les autres astres, sur fond d'avénement d'un printemps éternel, suggére le motif du retour de l'Àge d'or. Cette mise en scéne poétique plaide en faveur d'une dédicace de circonstance : elle date probablement de 1537, au moment oü le trés jeune Cóme accéde au pouvoir comme « capo et primario del governo della città », alors que le duc Alexandre de Médicis a été assassiné??!, permettant ainsi à la paix de revenir et à un nouveau regne de s'établir à Florence?*". La sagesse nouvelle qui parait ici, faisant pálir les divinités mythologiques antiques, peut étre celle du prince chrétien qui, tel un nouvel Auguste, refonde la cité pour y faire régner la paix et la prospérité. Mais, plus largement, elle est la Sagesse divine qui accompagne le prince. En personnifiant la sagesse chrétienne sous les traits d'une jeune femme que sa beauté égale aux déesses du paganisme (la présence de la planéte Vénus et la sensualité du corps féminin suscitent des réminiscences lucrétiennes), comme l'avait fait par exemple Battista Spagnoli dans ses Parthenices, le poéme semble ne pas échapper à une forme de pétrarquisme ni aux paradoxes topiques de la poésie amoureuse, oü, comme dans le Symb. 7, la mort est vie et la souffrance plaisir

(dulcibus... flammis, v. 17 ; sic iuuat usque perire, v. 19 ; uita mors dulcior omni, v. 20) largement fondée sur l'hyperbole (sexcentis sagittis, v. 18; Vulnera, adure, neca, v. 19). Mais nous verrons un peu plus loin la signification de ces paradoxes.

Le poéme bocchien présente une organisation bipartite. Il se découpe en deux parties symétriques de dix vers chacune, soulignées par la typographie qui isole au sein de chaque partie deux séquences composées à leur tour chacune d'une strophe longue de six vers, et d'une strophe plus courte de quatre vers. Aprés avoir hésité sur

l'identité de l'apparition (v. 1-6), souligné son caractere exceptionnel qui surpasse les autres astres et dieux (v. 710), Bocchi énumére les beautés de la sagesse (v. 1 1-16), sous la forme de blasons qui restituent les traits du

visage (frontem, v. 12 ; lumina, v. 12 ; tempora, v. 14) avant de la supplier de le faire mourir d'amour et, par cette mort, de l'initier à la vraie vie (v. 17-20) : au vers 20, le terme uita est mis en valeur entre les coupes penth- et hephthémimeére, et éclipse de fait le terme mors qui le suit immédiatement, effet renforcé par le comparatif dulcior. La référence au lever astral (aurore, lune, étoile du matin/Vénus, soleil) constitue une isotopie qui harmonise différents champs lexicaux convergents et emboités. La présence insistante de l'éclat et de la lumiere (lucida, v. 2 ; fulgida, v. 3 ; lucem, v. 6 ; iubar, v. 9 ; fulgent, v. 12) permet de jouer des effets de l'enargeia et de restituer l'éblouissement admiratif que suscite la fulgurance de l'apparition divine, sous le signe de la beauté (formosa, v. 1 ; formam, v. 16 ; formosius, v. 16). Les questions multipliées et les formules répétivives au début du

NOTES

— ded. carm. : Cosmo Medici duci Florentiae] Il s'agit de Cóme I* de Médicis (1519-1574), fils de Marie Salviati

et Jean des Bandes Noires, époux d'Éléonore de Toléde (à partir de 1539) et pére de Marie de Médicis. Il fut duc de Florence entre 1537 et 1569 avant de devenir grand-duc de Toscane à cette date??.

-v.3: - Tithoni Coniux] Il s'agit de l'Aurore. Tithon, son époux, était fils de Laomédon, roi troyen et pere de Priam. - Phoebe] Diane ou la Lune, sceur de Phébus, le Soleil. — v. $-6 : Venus...

(7 R, £37v?-38r?), oü il est précisé en plus qu'elle a été rédigée, sur l'ordre de Léon

X, à l'intention d'un certain Raphael Musicus ou musicus (musicien ?).

— Elle juge au mieux des affaires

10

titre, « Ex Hebraico poeta??? ». Elle figurait aussi dans l'exemplaire du recueil des Lusuum libri conservé à la Biblioteca Angelica de Rome

Sur l'image : - Toujours la méme

5

Bocchi a emprunté cette piéce à son recueil de jeunesse, les Lusuum libri duo, conservé au Vatican (7 V, f331^)

lucem] Il s'agit ici de la planéte Vénus, c'est-à-dire Phosphoros/Lucifer, l'Étoile du matin, qui

annonce effectivement la venue du soleil (cf. v. 8 : solis praenuncia).

— v. 10: cui superi assurgunt, assurgit Olympus] Cette clarté qui soumet les astres et les dieux paiens et qui accompagne l'avénement de Cóme I* de Médicis (voir analyse) est celle d'une sagesse toute chrétienne.

texte (Quaenam ? ; ne? An?) traduisent l'incertitude d'un narrateur aveuglé par la lumiére et qui ne peut discerner clairement ce qu'il a devant le regard. L'éclat lumineux, qui se décline en trois teintes fondamentales,

rouge (Roseis, v. 2), blanc (candida, v. 3) et jaune (aureus, v. 5), par sa seule force, dissipe ce qui lui est contraire, dans une sorte de lutte cosmique entre jour et nuit, ténébres et clarté (triseis... tenebra et nubila pellunt, v. 13). Le motif de la lutte se transpose ensuite au sein méme de la lumiere (iubar maius... cui sydera cedunt, v. 9). Les rayons astraux se transforment rapidement en feux (flammantia

moenia, v. 4), flambeaux (Lampade, v. 5) et

incendies (flammis, v. 17) chargés de traduire à la fois l'intensité hyperbolique (cf. sexcentis, v. 18) des

350 Sur Bocchi et l'hébreu, voir G. Busi, « Achille Bocchi, ebraista figurativo », in Id., L'enigma dell' ebraico nel Rinascimento, Torino, 2007, p. 187-196.

351 O, Rouchon, « Les troubles de 1537 dans le domaine florentin », Histoire, économie, société, 19/1, 2000, p. 25-48.

Leo X, and the two Cosimos, ?*? Sur la référence augustéenne constante, voir J. Cox-Rearick, Dynasty and Destiny in Medici Art. Pontormo, 3 Voir E. Fasano Guarini, « Cosimo I de'Medici, duca di Firenze, granduca di Toscana », in DBI, t. XXX, 1984, p. 54-61.

Princeton, 1984, p.277.

113

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-—

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 "Traduction, annotation, commentaire — Livre I

sentiments amoureux qu'ils sucitent mais aussi leur caractére mortifere : la lumiere et le feu, sous la forme de

rayons en forme de fléches (sagitiis, v.

18) portent en leur sein les puissances des ténébres et de la mort, appelées

des vceux mémes de l'amant sous la forme d'injonctions à l'impératif (obrue, traiice, uulnera, adure, neca), toutes concentrées dans les v. 17-19. Ce paradoxe se double d'un second : la souffrance des blessures et de la mort apporte la jouissance supréme (dulcibus... flammis, v. 17 ; sic, sic iuuat usque perire, v. 19 ; uita mors dulcior, v. 20),

sans cesse renouvelée (usque) gráce à l'écriture qui permet à la fois de fixer et de revivre à l'infini l'expérience . Les échos aux textes antiques évoquant le phénix au v. 20, relayés par la formule semper eadem dans la gravure (voir infra analyse de l'image), permettent de saisir la valeur théologique de ce paradoxe et la référence implicite

à la passion du Christ, auquel le phénix est souvent comparé. Le lexique de la naissance (exoritur, v. 2 et 9;

assurgunt/assurgit, v. 10) se méle à celui du renouvellement saisonnier (uernis ; uer perpetuum, v. 14-15), avec

l'apparition du printemps et de sa fleur emblématique, la rose (roseis, v. 2 ; rosis, v. 14). À travers la référence

topique à la fleur, parangon de la beauté féminine, le texte rappelle les valeurs esthétiques et morales de la bichromie : rouge, la rose rivalise avec la lumiere pourprée de l'aurore (roseis quadrigis, v. 2) ou de la planete Vénus (purpuream lucem, v. 6) et rend compte de la vigueur physique de la jeunesse où afflue le sang (rosis certantia tempora, v. 14) ; blanche, elle relaie également l'éclat lumineux (candida, v. 3 et 7), mais signale surtout

la pudeur (dulci pudore, v. 15) et l'harmonie de la paix (serenam, v. 11). Surgissement et naissance permettent de

glisser insensiblement vers le motif du dévoilement (sese offert, v. 1 ; lustrat, v. 5) et celui, plus religieux, de la révélation (reserans, v. 6 ; pande, v. 11 et 14) : les beautés dévoilées une à une sont autant d'étapes initiatrices

vers une époptie finale, qui oscillent entre passion amoureuse, transport intellectuel et ravissement religieux. Si la source exacte de ce poéme qui célébre l'ineffable beauté de la sagesse (à la fois celle de Dieu et celle du

prince) est difficile à identifier, on notera toutefois que sa thématique (et celle de la gravure) rencontre les développements de la Sagesse de Salomon. Dans ce texte scripturaire, on trouve une déclinaison des séductions

de la Sagesse, avec une insistance particuliére sur son éclat, qui éclipse la lumiere des autres astres, comme chez

Bocchi : « car elle est un reflet de la lumiere éternelle/ un miroir sans tache de l'activité de Dieu » (VvLG., Sap.,

7, 26°3 : candor est enim lucis aeternae et speculum sine macula Dei maiestatis et imago bonitatis illius), « Elle est en

effet plus belle que le soleil/ elle surpasse toutes les constellations,/ comparée à la lumiere, elle l'emporte ;/ car

celle-ci fait place à la nuit, mais contre la Sagesse le mal ne prévaut pas » (VvrG., Sap., 7, 29-30 : est enim haec

speciosior sole et super omnem stellarum dispositionem luci conparata inuenitur prior). La Sagesse de Salomon,

comme

celle du texte bocchien

(v. 13), chasse les soucis et les peines

(VVLG., Sap., 8, 16: erit adlocutio

cogitationis et taedii mei, « elle me serait ... un encouragement dans les soucis et la tristesse » ; 9, 16 : non enim

habet amaritudinem conuersatio illius nec taedium convictus ipsius sed laetitiam et gaudium , « car sa société ne

cause pas d'amertume, ni son commerce de peine »). De plus, là oà Bocchi demande à la Sagesse de le brüler et de le transpercer d'amour, Salomon de méme souhaite la prendre pour épouse et exprime son amour pour elle : « C'est elle que j'ai chérie et recherchée dés ma jeunesse ; j'ai cherché à la prendre pour épouse et je suis devenu

amoureux de sa beauté » (VvrG., Sap., 8,

2) ; « Je décidai donc de la prendre pour compagne de ma vie

» (VVLG., Sap., 8, 9) ; et il supplie plusieurs fois lÉternel de la lui donner: « Donne-moi celle qui partage ton tróne, la Sagesse » (VVLG., Sap. 9, 4) ; « Mande-la des cieux saints » (VVLG., Sap., 9, 10). Enfin, la Sagesse de Salomon garantit la justice du prince et la légitimité de son régne au regard de Dieu: « Elle me guidera

prudemment dans mes actions et me protégera par sa gloire/ Alors mes ceuvres seront agréées, je jugerai ton peuple

avec justice et je serai digne du tróne de mon pere » (VVLG., Sap., 9, 12). La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana?**, est occupée par une jeune femme nue à la coiffure complexe qui laisse échapper un voile tombant sur le dos. On remarquera les deux arbres vifs derriere elle. Légérement tournée de profil vers la gauche, elle est assise sur un socle de pierre quadrangulaire oü figure la mention Semper eadem, « toujours identique à elle-méme », comme

la Sagesse de Salomon (VvLG., Sap., 7, 27 : et cum sit una omnia potest et permanens in se omnia innouat, « bien *$ Nous utilisons la traduction de la Bible de Jérusalem, Paris, 1975, p. 1178 sq. 354 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n° 6.

qu étant seule, elle peut tout, demeurant en elle-méme, elle renouvelle l'univers »). Le cube ou le socle est effectivement un symbole de stabilité et s'oppose à la labilité de la boule de la Fortune : il y a sans doute

implicitement une allusion à l'homo quadratus de Simonide?5, l'homme vertueux associé au tetragonos, au cube,

c'est-à-dire à la forme de la terre?5, de l'univers et à la perfection du chiffre quatre, la tetraktys pythagoricienne. Cette inscription laconique de semper eadem, qui fonctionne comme une devise, fait référence au phénix qui meurt puis renait de ses cendres, toujours identique à lui-méme (auis est féminin en latin), passant ainsi le cycle des siécles, à la fois pere et fils?*, Le phénix est par ailleurs une figure du Christ, mort puis ressuscité??*, Ce que

suggére l'inscription sur le socle, c'est que cette sagesse émanant de Dieu s'incarne dans des princes terrestres

successifs,

de

Salomon

à Cóme,

mourant

pour

renaitre,

mais

toujours

pérenne.

Mais

on

peut

également

supposer que la formule semper eadem transpose à la Sagesse la longévité du phénix qui a traversé les différents ages bibliques, ante legem, sub lege, sub gratia, c'est-à-dire à l'époque d'Abel, de Moise et du Christ, voire assure la

continuité entre antiquité paienne, réforme évangélique et renaissance moderne, l'une annongant les autres de

maniere cryptée. Dotée du mot « Jésus » au-dessus de sa coiffure alors qu'elle affiche une belle nudité, la Sagesse est ici à la fois paienne et chrétienne, mosaique et christique. La référence au phénix et à sa consomp tion dans les flammes permet de comprendre un peu différemment du simple topos érotique l'aspiration émise par ego, dans la deuxiéme partie du texte, à étre consumé d'amour par la Sagesse : cette Sagesse détruit l'ancien moi, comme le phénix, le purifie pour le faire renaitre, identique et différent. Sur la gravure, l'allégorie de la Sapientia rassemble autour d'elle plusieurs attributs attachés à d'autres personnifications. La nudité, la position assise comme sur un tróne, la ceinture défaite aux pieds, symbole des voluptés?*?, le miroir constellé, oà l'on apergoit planétes et étoiles, rappellent les représentations de la Vénus

astrologique au Moyen Áge**^, suggérée dans le texte par la mention de Phosphoros/Lucifer (Venus ipsa, v. s).

Cette translation de symboles vénusiens vers une allégorie de la Sagesse relaie bien l'esprit du texte, trés inspiré par le pétrarquisme, oü l'amour sensuel traduit des aspirations spirituelles. Symbole du cosmos aux régles

mathématiques

infrangibles, le miroir que tient la figure féminine montre que la sagesse divine, immuable,

toujours identique à elle-méme et qui concilie à la fois les théses platoniciennes et l'influence chrétienne, se refléte effectivement dans l'univers qu'elle a créé et qui lui renvoie l'image de sa beauté. C'est pratiquement là encore des citations de la Sagesse de Salomon, qui est « un miroir sans táche de l'a&tivité de Dieu, une image de

sa bonté » (VvLG., Sap., 7, 26 : speculum sine macula Dei maiestatis), qui « gouverne l'univers pour son bien »

(VvLG., Sap. 8, 1) qui est « plus belle que le soleil », qui « surpasse toutes les constellations » et qui,

« comparée à la lumiére », l'« emporte » (VVLG., Sap., 7, 29) : le reflet féminin au centre du miroir éclipse en

effet les étoiles et les astres qui gravitent autour d'elle sur le cadre circulaire et qui semblent lui faire cortége. Mais le miroir est aussi un attribut traditionnel de la Prudentia en association avec le serpent, présent en bas à gauche de l'image et comme souligné par le pied droit de la jeune femme. Le miroir, avec le reflet qui s'y 555 Cité par Platon, Prot.,

339b (voir aussi 344a) : 'Av8p' ayaBòy pèv d\aBéws yevéaOat yaAezóv,/ xepaiv te kal xoci xal vóg xexpáywvov, áveo

Vóyov/ xecxeyuévov, « il est vraiment difficile de devenir un homme de bien, un cube avec ses mains, ses pieds et son esprit, ouvrage sans défaut ». Pour d'autres références, voir A. Eberhardt, « Vir Bonus Quadrato Lapidi Comparatur », Harvard Theology Review, 38, 1945, p. 177193, en particulier p. 177, note 2. *55 APVL,, Plat., 1, 7. Voir aussi ps.-TIM. LOCR,, 98c. 39 Semper eadem accompagnant antiques

et renaissantes

le phénix est la devise de Gabriele Giolito de'Ferrari (1508-1518). On trouvera une synthése des références ainsi qu'un exposé de ses significations dans l'embléme qui lui est consacré par Joachim Camerarius,

au phénix

Symbolorum et emblematum ex uolatilibus et insectis desumtorum centuria tertia collecta, Nuremberg, 1596, n° C, p. 100-102 : Vita mihi mors est. 358 Voir le passionnant article de P.A. Deproost, « Les métamorphoses du Phénix dans le christianisme ancien » dans M. Mazoyer,

J. Perez-Rey, F. Malbran-Labat, R. Lebrun (dir.), L'oiseau, entre ciel et terre, Paris, 2005, p. 113-139. Voir également J. Hubean, M. Leroy, Le mythe du phénix dans les littératures grecque et latine, Paris, 1938 ; F. Zambon, A. Grossato, Il mito della fenice in Oriente e in Occidente, Venise,

2004 ; L. Gosserez, Le Phénix et son autre, poétique d'un mythe à travers le temps, Rennes, 2013.

39 Voir HOM, Il., 14,

214-218. Nous remercions Pierre Martin d'avoir attiré notre attention sur ce détail.

99 Voir G. Trottein, Les enfants de Vénus. Art et astrologie à la Renaissance, Paris, 1993, p. 17-23. Le frontispice du Liber De Sapiente de Eire Bovelles (1510) représente, face à une Fortune dotée d'une roue sur laquelle tournent des personnages, une Sagesse, assise ar un tróne (oü se lit l'inscription sedes uirtutis quadrata), qui tient devant elle un miroir oü elle se refléte, entourée d'astres (on apercoit un soleil en haut et une lune en bas), avec la mention Speculum Sapientie sur un phylactére.

115



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"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

projette, rappelle le principe réflexif de la sagesse socratique, « connais-toi toi-méme ». D'oü la formule inscrite mieux des sur une plaquette qui descend du ciel, attachée à une chaine, De rebus optime iudicat, « elle juge au choses ». La Sagesse

de Salomon

es

en effet omnisciente

et omnipotente : elle « peut tout, surveille tout,

(VvLG., pénétre à travers tous les esprits » (VvVLG., Sap., 7, 23), « elle est, de fait, initiée à la science de Dieu » les résoudre de et maximes les Sap., 8, 4), « elle connait le passé et conjecture l'avenir,/ elle sait l'art de tourner

» énigmes,/ les signes et les prodiges, elle les sait d'avance/ ainsi que la succession des époques et des temps sur une (VvVLG., Sap., 8, 7). Le pied gauche de la jeune femme, en signe de victoire et de domination, s'appuie

la hydre ailée à sept tétes, symbole du mal et des sept péchés capitaux, en accord là aussi avec les propos de Sagesse de Salomon qui signale que, « contre la Sagesse, le mal ne prévaut pas » (VVLG., Sap., 7, 30).

Symb. 12 Gravure :

À CUPIDON, L'ENFANT AVEUGLE, POINT NE FAUT SE FIER

SUR TOTTUS DE MODÈNE Tottus brüle de tout son cceur pour sa cruelle belle : Ni priéres ni dons ne peuvent la fléchir ; Par des larmes et suppliques, il prie le tendre Amour D'infliger méme plaie au cceur de la cruelle, s Oud'éteindre d'un plomb bleuté les feux qui le ravagent. Le dieu sur Tottus jette alors ses traits de plomb. Mais elle, s'opposant soudain, dans son sein dur regoit Les traits et s'endurcit plus qu'à l'accoutumée. Des mains d'Amour moqueur qui les darde déjà sur elle, 10 De force elle saisit bientót les pointes d'or ; Déchainée, de son pauvre amant, elle perce à nouveau La poitrine meurtrie par des coups mortiferes,

Et dit : « Allons, va donc te pendre de ce pas ! » Et puis ?

15

Il céda de bon gré à l'ordre de sa dame ;

Parune seule mort, il vainquit mille morts ; un seul Noeud lui permit de rompre d'innombrables nceuds. Aux armes de l'enfant, va donc te fier ; suis son camp.

Tel sera le digne butin de ta campagne.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

— v. 13 : abei] L'impératif ei se lit dans les manuscrits de Plaute (cf. Cas., 212 ; Men., 435) et chez Catulle. Cette orthographe est fréquente chez les humanistes.

— v. 12 : laetiferis] Pour letiferis.

NoTES _ tit. carm. : de Totto Mutinensi] Je n'ai pas pu identifier ce personnage, lié visiblement à la ville de Modéne. — v. 2 :le motif de la belle qu'on ne peut pas fléchir en amour est topique dans la poésie élégiaque latine??!, — v. 17-18 : les termes armis, castra, militiae, praemia renvoient par métaphore à une thématique traditionnelle chez les élégiaques, celle de la militia amoris, facilitée par le fait que l'arc et les fléches sont effectivement les ses attributs d'Éros : le poéte abandonne les idéaux patriotiques pour leur substituer l'engagement amoureux et

batailles??? et oscille entre la réfutation épique et la promotion de l'élégie. ANALYSE

Dans une structure parfaitement symétrique (4441

distiques) et trés dynamique, Bocchi imagine un scénario

transi, et qui où les fléches d'Amour contribuent à aggraver la distance entre la belle indifférente et son amant le plan de Voici ! s'achéve sur la surprise d'une guérison imprévue et paradoxale de ce dernier... par le suicide l'épigramme :

— Premiere partie (quatre distiques) : —- v. 1-2 : Introduction : les paradoxes de l'amour : " v. 1: Tottus ne peut fléchir sa belle insensible. Il aime... «V. 2: ... mais elle non — v. 3 : il demande à Éros de l'aider en égalisant les situations :

chez elle (tous » V. 4: Soit en frappant la jeune fille d'une fléche d'or pour allumer une passion identique les deux aiment) indifférence qu'elle . V. 5 : soit en le frappant lui-méme d'une fléche de plomb, pour ressentir la méme (aucun n'aime) — v. 6 :le dieu s'exécute et envoie à Tottus une fléche de plomb

ce et sa dureté augmentent, creusant d'un — v. 7-8 : mais la jeune fille s'interpose et recoit la fléche. Son indifféren

cóté l'écart de situation (il aime, mais elle encore moins)

- Deuxiéme partie (quatre distiques) :

— v. 9-12 : poursuite du jeu de fléches (deux distiques) :

lancer sur elle - v. 9-10 : la jeune fille dérobe la fléche d'or qu Amour s'appréte à creusant l'écart de situation (son amant . V. 11-12 : elle atteint son amant dont la passion s'attise encore, aime encore plus) — v. 13-16 : le reméde de la corde (deux distiques) :

il obtempére - v. 13-14 : la belle conseille à son amant d'aller se pendre et . V. 15-16 : la corde (et la mort) guérissent donc de l'amour

euses et peuvent aussi se solder par la mort. - Conclusion (un distique) : les campagnes d'Amour sont danger Second », dansJ. Balsamo, : l'étiologie de la dura domina dans deux Baisers de Jean **! Voir A. J. H. Smarius, « La maitresse, la misere, le mythe | 69-75. p. 2000, Paris, siècle, XVI au Second et son influence P. Galand-Hallyn, P. Laurens (dir.), La poétique de Jean Diss., Erotik, antiken der Militat omnis amans : Ein Beitrag zur Bildersprache € Parmi l'immense bibliographie, voir en particulier A. Spies, 1947, 78, on, Associati cal Philologi n Roman Elegists », Transactions of the America Tübingen, 1930 ; O. F. Copley « Seruitium amoris and the Murgatroyd, « Militia Amoris

1968, p. 322-349 ; P. Military Motif in Propertius », Latomus, 27, p. 285-300 ; R. J. Baker, « Miles annosus: The Amoris and the Ironies of Elegy », Journal of Militia : 7 2, us ; M. R. Gale, « Properti and the Roman Elegists », Latomus, 34, 1975, P 59-79 and Reader, in P. Allen Miller (dir.), Latin Erotic Elegy. An Anthology

The Life of Love », Roman Studies, 87, 1997, p. 77-91 ; R. O. A. M. Lyne, «

us and the Reinvention of Elegy, Ann Arbor, 2003, ch. 1: « Between Londres, New York, 2002, p. 353-365 ; J. B. Debrohun, Roman Properti Present and Past, Roma et Amor. The Manipulability of Arma

», spécialement p. 83-84.

117 116

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Dans une concaténation virtuose de thématiques amoureuses topiques, Bocchi propose un scénario narratif

cohérent qui lui permet de recomposer des motifs abordés ailleurs (le feu et les larmes, déjà traités dans le Symb.7 ; l'arc d'Amour dérobé par la puella qui frappe ensuite qui elle veut, comme dans le Symb. 6; la pendaison qui guérit de l'amour qui constituera le propos du Symb. 13 suivant), de les croiser avec d'autres, tout en les insérant dans une logique d'ensemble mue par une stratégie de surenchére : la belle ici n'est pas seulement dura mais durissima, tandis que les armes dérobées à Amour ne servent pas à se retourner contre le petit dieu mais à percer une nouvelle fois le cceur de l'amant éconduit pour accroitre encore sa passion. Reine d'une rhétorique mortifére qui s'exerce contre celui qui l'aime encore plus, la domina triomphe et réussit à convaincre son amant de se donner la mort. La pointe de l'épigramme est double. Elle repose d'abord (v. 15-16) sur deux antanaclases (neces/nece; laqueos/laqueo), soulignées par les polytotes et le passage du pluriel au singulier (Sexcentas/una ;

uno/Innumeros),

pour

démontrer

le

caractére

trompeur

de

la

solution:

aux

Symb. 13 L'ANTIDOTE D'AMOUR Sur l'image :

- L'ultime espoir

— Cratés — La Faim

- Le Temps

UNE FORMULE REMARQUABLE

5

La sombre faim calme l'amour ; si ce n'est elle, Le temps ; sinon, enfin, un lacet suffira. Tel était le verdict de Cratés. Qui le nie Verra bien vite, aprés en avoir fait l'essai, Quecelacet dénoue le lacet de l'amour.

33 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n° 4.

118

NOTES

- tit. pict : antipharmacum] Ce terme (à cóté d'antipharmacon) ne se rencontre que chez SERV., ad. Georg., 2, 299 et ISID., Orig., 20, 17, 9.

— v. 3 : Crates] Il s'agit de Cratés de Thébes (vers 365-285 av. J.-C.), philosophe cynique, disciple de Diogene de Sinope, auteur d'élégies, de tragédies, de parodies, de lettres. Il intervient dans plusieurs chries, en particulier chez Diogene Laérce, qui, à l'instar de celle-ci, manifestent son souci de mener une vie d'une extréme frugalité et

de parvenir à l'absence de souci?**,

morts

métaphoriques et aux liens symboliques de l'amour se substituent la mort réelle et son instrument bien tangible, le lien de la corde. La mort apaise les souffrances et dénoue les liens de l'amour en ótant la vie elle-méme. La pointe se poursuit (v. 17-18) sous forme d'antiphrase ironique : les praemia digna de la campagne militaire d'Amour ne sont plus des récompenses métaphoriques mais la mort elle-méme. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana**?, met en scene les différentes étapes chronologiques du récit. Au premier plan, dans une composition triangulaire que redouble la forme du paysage à l'arriére-plan (une colline escarpée pourvue d'habitations), on apercoit à gauche de l'image l'amant agenouillé à gauche, les bras levés, qui implore sa maitresse. Celle-ci s'enfuit vers la droite, tournant légérement le visage vers lui. Elle léve les bras, frappée en plein cceur par une fléche que lui décoche un Cupidon en surplomb sur un promontoire à droite de l'image, les yeux bandés. Au second plan, sur la gauche, se déploie la deuxiéme partie du récit : l'amant s'est pendu à l'une des branches d'un arbre : le tabouret qu'il a utilisé pour l'atteindre git renversé par terre. Le gibet improvisé sur l'image et la thématique générale du suicide de l'amant qui ne voit d'issue à sa passion que dans la mort, annoncent l'embléme suivant.

Gravure :

MÉTRIQUE Trimétres iambiques, comme dans l'original grec.

Fig. 1 > Marque typographique

de Simon de Colines.

ANALYSE Bocchi se fait ici l'émule des traducteurs d'une épigramme de l'Anthologie de Planude sur un mot de Crates conseillant le lacet, métonymie pour la mort, comme solution ultime à l'amour dévorant, si la faim puis le temps restent inaptes à le faire cesser. La gradation implacable de l'énumération de ces remédes à l'amour dans les trois premiers vers aboutit paradoxalement à la possible mise en doute (si quis negat) de leur efficacité, et donc de la contestation de la parole d'autorité que constitue la maxime attribuée à Cratés. Mais les deux vers suivants rétablissent la situation par une attitude ironique du narrateur : contre le doute, il faut vérifier par l'expérience (probabit, periclum fecerit). La conclusion est implacable et tient en un seul mot paradoxal : soluier, « étre dénoué ». La corde nouée délie bien les autres noeuds, c'est-à-dire ceux de l'amour: mais si l'expérience s'achéve par une guérison, c'est aussi et surtout parce qu'elle délie le patient... de la vie. La piéce a des liens trés forts avec le Symbolum précédent. La transition se fait également par la gravure, puisqu'on y retrouve la corde et le gibet, ainsi que la présence de quatre personnages. Deux personnifications, clairement identifiées par des inscriptions, surgissent de la droite de l'image : Limos, la Faim, sous les traits d'une femme maigre à la poitrine tombante (on la retrouvera dans le Symb. 26) ; et Chronos, le Temps, sous la forme

d'un satyre cornu aux pieds fourchus. Cette représentation de Chronos sous les traits d'un satyre est attestée à la Renaissance. Elle provient d'une fausse étymologie qui rapproche Saturne (l'équivalent latin de Chronos) de Satyre, et Francoise Lavocat signale la figure d'un Pan-Saturne ou saturnien, c'est-à-dire mélancolique, selon l'expression de Marsile Ficin dans une lettre à Laurent de Médicis, comme marque de l'imprimeur Simon de Colines, actif entre 1526 et 1546 (Fig. 1)5. Comme me le suggére Pierre Martin, la Faim vient d'attscher son

carquois au petit Éros qui lui fait face (il a encore l'arc en main), pour le remettre au Temps. Il s'agit d'une solution ingénieuse pour traduire l'idée des remàdes à l'amour successifs. L'enfant trépigne et proteste, pere le montrent sa main et son pied levés. Face à cette colére enfantine, le quatriéme personnage, assis sous un dais à * Voir M.-O. Goulet-Cazé, « Cratés de Thébes » dans R. Goulet (dir.), Dictionnaire des philosophes antiques, t. II, Paris, 1994, p. 496-500. 365 F. Lavocat, La syrinx au bücher. Pan et les satyres à la Renaissance et à l'áge baroque, Geneve, 2005, p. 135.

119

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi

(1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

gauche et qu'une inscription permet d'identifier comme Cratés, brandit un doigt menacant pour désigner la solution définitive, un gibet à l'arriére-plan, où s'enroule une corde avec nceud coulant. Dans le cartouche, on lit

spes ultima, l'ultime espoir. Les deux montants du gibet surmontent presque exactement les tétes de Limos et Chronos : là oü ces deux derniers ont échoué, la corde promet de réussir.

Symb. 14 Gravure :

pointe du pied, la gauche tendue à l'extréme, avec le pied dissimulé par le relief. S'agit-il de montrer les tensions que suscite la recherche de la vertu ? Ces oppositions semblent elles-mémes relayées par le décor. À l'arriéreplan, apparaissent les murailles d'une ville, avec son port circulaire, creusé dans le littoral, et nichée au pied d'une colline surmontée d'un énorme rocher en forme de cube. Cette forme stable et rectangulaire, postée à

l'horizon, forme un contraste appuyé avec le golfe du port et les formes rondes des nuages accumulés au-dessus de l'eau, des vaguelettes qui en agitent la surface, et bien sür, des carénes bombées des navires qui la parcourent. Dans l'épigramme emblématique, la formule apta sors rudentibus était en elle-méme riche de potentialités visuelles. Elle joue en particulier avec les représentations traditionnelles de la Fortune qui, dans son aspect

versatile, est souvent représentée avec un gouvernail de navire et une voile'^*. La navigation, avec ses tempétes et SORT INSTABLE N'EST POINT SOUHAITABLE

LE MARCHAND

ET LE SPARTIATE

Il était une fois un prospére marchand Qui par trop se vantait d'avoir fait dépécher Des vaisseaux fort nombreux sur tous les littoraux. Un Spartiate lui dit : « On ne saurait envier Le sort qui t'est échu, aux cábles suspendu ». MÉTRIQUE Trimétres iambiques, propices au récit d'un apologue.

ses accalmies, offre en effet un symbole commode pour décrire les dangers d'une situation instable et imprévisible. L'image proposée est ici celle d'une Fortuna individuelle (dans le double sens de condition et de richesses, puisqu'il s'agit d'un marchand) non pas attachée à sa traditionnelle roue, mais prisonniére d'un mát et des cordes qui servent à hisser les voiles. Suspendue à un fil, elle risque donc tous les dangers qui peuvent attendre un bátiment en mer, tempéte, attaque de pirates, naufrage, sans que l'intéressé ne puisse rien y faire. Il n'a donc pas lieu de s'en réjouir. La distance est grande entre la gravure de l'embléme et le blason que le marchand Giovanni Rucellai fit sculpter en 1460 dans la loggia de son palais florentin : en guise de cimier, un navire se dresse sur le casque, avec, à la place du mát, une Vénus-Occasion tenant une voile à deux mains.

Allégorie dynamique qui ne punit ni ne chátie, cette Fortuna-Occasio manifeste l'énergie du porteur qui se précipite au-devant de l'action et fait ployer les circonstances gráce à sa volonté d'entreprendre. Comme l'a montré Florence Buttay-Jutier (Fortuna. Usages politiques d'une allégorie morale à la Renaissance, Paris, 2008,

p. 99-123), s'y ajoute également en surimpression le motif de la Buona Ventura et du bon gouvernement. La version bocchienne de la fortune est ici plus sombre.

NorES

— V. 5: sors] il s'agit ici de la condition ou du lot qui échoit (de sortiri, tirer une tablette de l'urne oà elle a été mélangée avec d'autres) à chaque individu, et non du sort en général.

Symb. 15 Gravure :

PAR DÉSIR DE LA VIE IMMORTELLE LA SOMBRE MORT SE VOIT MÉPRISÉE

ANALYSE

Cet embléme, comme les Symb. 135, 15 à 19, est inspiré par un apologue cicéronien. La présence d'une premiere version du texte dans l'exemplaire des Lusuum libri duo de la Biblioteca Angelica de Rome (- R, fs s1^-v?), dédié en 1547 à Claude de la Guiche, nommé évéque de Mirepoix cette année-là, fournit, de maniére précise, un

TOMBEAU

terminus ante quem pour la date de rédaction. Le poéme emblématique consiste en une mise en vers d'un passage

Le grand Cléombrote d'Ambracie en haute mer git : Sa hauteur d'esprit lui fit mépriser la mort. Car, aprés avoir lu de Platon doux comme le miel

de Cicéron (Tusc. 5, 14, 40) et doit étre restitué dans le contexte du cinquiéme livre des Tusculanes et de sa

lancinante question : oü réside le bonheur du sage ? Cicéron tente d'établir ce qui caractérise en propre la nature humaine et il découvre que c'est l'esprit (animus), qui rapproche l'homme de Dieu. Dégagé progressivement des contingences et des besoins matériels par l'éducation et la culture, l'esprit peut devenir perfecta mens,

absoluta ratio, c'est-à-dire uirtus (ibid., s, 40, 39), accomplissant ainsi intégralement au niveau individuel le

développement prévu par l'espéce, l'oikeíecic. Or cet état induit le bonheur parfait puisqu'il repose sur la jouissance permanente d'un bien acquis durablement et indépendamment de l'extérieur. Pour souligner la différence avec les positions péripatéticiennes qui concédent le nom de biens à des avantages qu'on ne peut

DE CLÉOMBROTE D'AMBRACIE

5

Les divins écrits, sans connaitre aucun malheur,

Ilse précipita du haut d'un mur pour, dans ces flots, Ensevelir les flots divers de ses soucis.

Mer bienheureuse à ce titre! Car ces os bienheureux,

Quel plus noble tombeau pouvait les recouvrir ?

contróler, Cicéron oppose, à l'autarcie et à la stabilité vertueuses, la santé et la fortune qui échappent à notre

volonté : Atqui nisi stabili et fixo et permanente bono beatus nemo potest, « Mais personne ne pourrait étre heureux

en dehors d'un bien stable, fixe et éternel ». Suit alors l'exemplum du marchand et du Lacédémonien retenu par

Bocchi. La gravure tente d'illustrer les conditions de l'entretien entre les deux personnages de l'apophtegme.

Elle est incompréhensible sans le texte de l'épigramme. Au bord d'une mer surpeuplée de bateaux à voile et de

barques oü l'on apercoit cà et là une forme humaine — rameur ou pécheur -, les deux hommes désignent les

embarcations du bras, montrant que c'est là l'objet de leur discussion. Pierre Martin nous fait remarquer que le

Spartiate, qui porte un couvre-chef, adopte une curieuse position, la jambe droite reláchée et reposant sur la 120

représentations antiques de la Tyché, comme puténoique la 366 Le gouvernail est un signe de souveraineté et de victoire, et il caractérise déjà les 65. Il vient genéteiement par Bocchi dans le Symb. statue de Smyrne peinte en 540 par Boupalos, décrite par Pausanias (4, 30, 6) et évoquée

VoirJ. Champeaux, portans: Le culte de la Fortune s'adjoindre au polos et à la corne d'abondance dans les représentations figurées.

à Rome et

de Fortuna sous la République, Rome, 1986, p. ttal Pour la dans le monde romain des origines à l'époque de César, t. 2 : Les transformations Eléments d'une L. Galactéros de Boissier, « Images emblématiques de a fortune. représentation de Fortuna dans les livres d'emblémes, voir

1982, p. 79-126, qui ne parle pas d'Achille Bocchi. typologie », dans Y. Giraud (dir.) L'Embléme à la Renaissance, Paris,

121

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

VOICI L'ÉPIGRAMME GRECQUE CORRESPONDANTE :

NorTES

carm. 1 -v. 1: Ambraciota... Cleombrotus]. Ambracie, à Thesprotis, dans le Sud de l'Épire. Luigi Spina signale que la tradition grecque est unanime pour évoquer le personnage sous le nom de KAeópfporoc, alors que les textes

En disant « Adieu, Soleil ! », Cléombrote d'Ambracie

Plongea du haut d'un mur au royaume d' Hades, Non qu'il eüt vu un mal méritant la mort : de Platon Il avait lu l'ouvrage intitulé « Sur l'àme ».

latins, les deux extraits de Cicéron compris, proposent Theombrotus (cf. LACT., Inst., 3, 18, 8-10 ; HIER. Ep. 39, 3;

55 AVG., Ciu., 1, 22)9. Concluant que c'est sans doute l'anthroponyme grec qui est correct, il suggére la possibilité que l'erreur, de nature orthographique, remonte à Cicéron lui-méme (ou aux copistes de son époque qui ont diffusé l'ouvrage) : dans la háte oà il a composé le Pro Scauro (cf. ad Q. fratr., 3, 1, 11), l'Arpinate se serait laissé emporter par les séquences Atheniensem Themistoclem du paragraphe précédent et aurait, dans le

Pomponio Gaurico en a donné la traduction latine suivante : « Adieu, vie ! » : aprés sa chute du haut d'une muraille,

paragraphe 4, écrit Theombrotum. L'erreur se répercute alors dans les Tusculanes, elles aussi rédigées dans la

Voilà ce qu'en mourant dit l'enfant d'Ambracie.

précipitation (ad. Att, 13, 32, 2 et 39, 2). Mais de qui s'agit-il ? Selon KathrynJ. Gutzwiller (Poetics garlands,

Nul mal dans la mort, croyais-tu. Mais ces mots de Platon,

p. 205), qui suit en cela les commentateurs qui la précédent (voir cependant les réserves de G. D. Williams,

Ton esprit ne devait pas les comprendre ainsi.

« Cleombrotus of Ambracia », p. 158), Callimaque souhaite associer le Cléombrote callimachéen qui se suicide, originaire d'Ambracie (ville d'Épire, en Gréce), avec le personnage homonyme, compagnon du philosophe hédoniste Aristippe de Cyréne, dont le Phédon (59c) nous dit qu'il était à Égine au moment de la mort de Socrate, manquant ainsi cet événement fondateur de la philosophie occidentale. G. D. Williams (« Cleombrotus of Ambracia », p. 155-156) rapporte méme l'interprétation qui veut que c'est parce qu'il aurait été absent et

MÉTRIQUE Distique élégiaque, le métre par excellence des épigrammes funéraires. REMARQUES

SUR L'ÉDITION

carm. 1:

DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

aurait découvrant

nommé

évéque de Mirepoix cette année-là, fournit, de maniere précise, un terminus ante quem pour la date de rédaction.

lévocation de (cf. S. A. White,

carm. 2:

Variantes pour les lecons du texte grec de Callimaque (nous n'avons pas réussi à identifier le texte grec dont S ee servi Bocchi ; pour les v. 1-3, les lecons correspondent aux manuscrits de Sextus Empiricus) :

1 AuBpakio trc S 1555 1574 cf. ELIAS, Proleg. phil., 14, 3 2 18, 1 Busse ; DAVID, Proleg. phil., 31, 29 = 18, 3 Busse ; AMMON, In Porphyr. Isag., p. 4, 1. 22 Busse (Comment. in Aristot. Graeca, 4, 3) ; S. E., M, 1, 48 ; Schol. in E Thrac. art. gramm. (Scholia Vaticana) in Hilgard, Grammatici Graeci, vol. 1, 3 p. 160 : óufp- Pl Bad. Lasc. G.-P. W. || 2 *HÀiat' S 1555 1574 cf. S. E., M,, 1, 48 (nonnulli codic.) : "HAav' Bad. Lasc. "HAa0" G.-P. W. || 3 Ai8ov S

1555 1574 : Aièny W Ai8nv S. E., M,, 1, 48 ; Bad. Lasc. G.-P. || 4 "Ev x6 S 1555 1574 cf. unus Schol. in Dionys.

Codex : "Ev 16 S. E., M,, 1, 48 ; Bad. Lasc. G.-P. W. |l Ypáupant S NB. Pl- Codex Anthologiae Planudeae, Ven., Marc. 481; epigrammatum in septem libros, Parisiis, 1531, f 191v? ; Lasc. = Florentiae, L. F. de Alopa, 1494, sine pag. (= f 166r") ; G.-P.

1555 1574 : Yeáuu' Bad. Lasc. G.-P. W. Bad.- Badius Ascensius, Florilegium diuersorum Anthologia Graeca Planudea, lanus Lascaris (ed.) - A. S. F. Gow-D. L. Page, The Greek Asuhology

Hellenistic Epigramms, Cambridge, 1965, t. 1I, p. 70 (epigr. 53/23) ; W. = P. Waltz (éd.), Anthologie Tome s. Anthologie Palatine, livre 7 : épigrammes 364-748, Paris, 2002, p. 56. carm.3:

:

—’Le poème de Gouticus ne figure pas dans son Epigrammatum liber de 1526. Il n'e& pas impossible qu'il s'agisse d'une traduction originale réalisée à la demande expresse de Bocchi. - Aprés celle de Gauricus, Bocchi proposait une autre traduction de l'épigr amme grecque de Callimaque, mais

d'un auteur inconnu, qui a ensuite été supprimée sur le manuscr it Sloane (voir apparat critique) : « Voici la version d'un autre traducteur: "Aux mots de '"Phébus, adieu ! ' ; du haut d'une citadelle/ Cléombrote

d'Ambracie gagna les Enfers./ Nul mal dans la mort, pensa-t-il : il suivait les mots d'or/ Du Phédon sur l'àme sans les avoir compris" » Bocchi ne l'a pas conservée, sans doute en raison de sa médiocrité : voir par exemple le verbe trés plat iuit, v. 2 ; la redondance x inutilement e xplicative Phaedonis de anima et l'élision de la préposition monosyllabique de au v. 4; le participe passé (non bene) nota qui traduit plutót l'idée d'ignorance

mauvaise interprétation.

que de

de Platon, comme

une accusation, que Cléombrote se

Théombrote (1, 83-84), c'est un philosophe hédoniste « Callimachus on Plato », p. 143), Hégésias Pisithanate

contemporain (xeti0ávaroc,

de Callimaque «le pousse-au-

suicide » ), qui se voit chassé par le roi Ptolémée à cause de sa faculté de convaincre autrui que la vie ne vaut pas la peine d'étre vécue. le -v.1: mari situs] L'épigramme grecque évoque un saut dans l'Hadés et c'est Cicéron qui introduit l'idée que un suicidio », suicidé atterrit dans la mer (cf. Tusc., 1, 34, 84 : in mare). Luigi Spina (« Cleombroto, la fortuna di

p.25

et n. 26), soulignant la qualité imagée du raccourci qui veut que le saut réel s'achéve en saut métaphorique

L. Page (The Greek dans les régions infernales, c'est-à-dire la mort, réfute l'hypothése de A. S. F. Gow et D.

Anthology, p. 205-206, 311) qui voient là « a slip of memory » de la part de Cicéron. Selon Spina, la paraphrase rappelé tout de l'épigramme par Cicéron donne un lieu de chute plus concret au personnage, et Th. Sinko avait d'Ambracie l'intérét de cette interprétation (« De Callimachi epigr. », p. 2 et n11): en effet, la ville épirote

d'Ov., Her., 15, ouvrait sur le golfe du méme nom (appelé aussi mer d'Actium ou de Leucade, cf. l'imprécision

recque

(M

dans le Phédon

suicide. La philologue américaine suggére que Callimaque subit ici l'influence d'une tendance de l'école de Cyrénaique à s'attacher plus particuliérement à la topique du suicide, dans le contexte plus large d'une réfutation de l'immortalité de l'àme. Dans le passage des Tusculanes de Cicéron qui précéde immédiatement

Comme pour la piéce précédente, la présence d'une premiére version du texte dans l'exemplaire des Lusuum

libri duo de la Biblioteca Angelica de Rome (- R, f° 55v?-56r^), dédié en 1547 à Claude de la Guiche,

ensuite son nom

cette région, en 494). Or il existe tout un ensemble de « sauts » fameux dans l'Antiquité qui se déroulent dans passaient pour guérir de particulier celui de Deucalion ou de Sappho à Leucade, car les eaux de cette baie sans doute plus ou moins l'amour le sujet qui éprouvait une passion non partagée (cf. Ov., Her., 15). Cicéron a la mer pour se guérir en consciemment à la mémoire cette légende et présente un Cléombrote qui saute dans ' L, Spina, « Cleombroto, la fortuna di un suicidio (Callimaco, ep. 23), Vichiana, 18, 1989, p. 12-39. Sur l'épigramme de Callimaque et sa

postérité, nous avons également consulté :

p. 1-10; — Th. Sinko, « De Callimachi epigr., XXIII W. », Eos, 11, 2005,

|

W,

Cambridge, 1965, vol. II, p. 2047207 (Epigr. $3). — A. S. F. Gow-D. L. Page, The Greek Anthology. Hellenistic Epigramms,

i

d'Ambracie » dansJ. Lagrée et Ch. Delattre (dir.), Ainsi parlaient - L. Jerphagnon, « Sur un effet pervers du Phédon : l'aventure de Cléombrote d'Ascq, 1994, p. 39-48, qui semble ignorer la bibliographie Villeneuve Jerphagnon), L. par les Anciens, Mélanges Jean-Paul Dumont (textes réunis sur le sujet, en particulier les articles de Sinko et Spina ; | Philological Association, 124, 1994, p. 135-161 ; American — S. A. White, « Callimachus on Plato and Cleombrotus », Transactions of the chus to Agathias », CQ, 45/1, 1995, p. 154-169 ; Callima of Ambracia: Interpretations of a Suicide from

— G. D. Williams, « Cleombrotus

- K. . Gutzwiller, Poetics Garlands: Hellenistic Epigrams in Context, Berkeley, 1998, p. 205-206, 311 ;

m

LA

'

logou » in A. Vasileiadis, P. Kotzia, — P. Kotzia, « To peri psuches gramm'analexamenos » : enas ypainigmos tin paltoniki kritiki tou graptou Thessalon iki, 2004, p. 186-216.

gia ton kathigiti Dimitri Lypourli, Ai. D. Mavroudis, D. A. Cristidis (dir.), Demetrio stephanos : timitikos tomos

123

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

quelque sorte de la maladie qui attache l'àme au corps. Les néopythagoriciens s'étaient d'ailleurs emparés de la légende du saut de Sappho pour en faire un symbole du moment où l'áme se sépare du corps. Leucade était fameuse pour son temple d' Apollon, dieu auquel Socrate fait abondamment référence dans le Phédon. carm. 2 - v. 4 : Iepi yoyric] C'est une référence des Lettres de Platon, 13, 363a qui permet d'identifier le ITepi yvxyi}g avec le Phédon (cf. L. Spina, « Cleombroto, la fortuna di un suicidio », p.24 et n. 18). Pour L. Spina (ibid.), la traduction de morte par Cicéron, qui renvoie plutót à l'Axiochus, est plus une indication de contenu que de titre

d'ouvrage, et évoque un traité qui parle de la mort de Socrate. Ovide parle du De nece (Ibis, 494) et la piéce 63 des Epigramma Bobiensia (v. 4) du De anima. Bocchi, comme Gauricus, évoque simplement les scripta et les

dicta Platonis. -V.4: Ypáppani] Selon Sextus Empiricus, (M., 1 [7 Adu. Gramm.], 48), qui renvoie à deux passages de Callimaque, dont l'épigramme 23, le terme ypáyya désigne tantót un poéme (zotjua) tantót un ouvrage en

prose (xacvaloyá8nev o?yypaga). carm. 3 -tit.: POMP. GAVRICVS]

Pomponio

Gaurico

(c. 1482-c.1530)?9 est l'un des fréres cadets du célébre

astronome Luca Gaurico. Il fait ses études à Padoue et perfectionne sa connaissance du grec aux cótés de

Niccoló Leonico Tomeo et de Marcus Musurus, présent à Padoue à partir de 1503. Il devient professeur à l'université de Naples, tout en étant le tuteur du prince de Salerne, Ferrante Sanseverino. Il est l'auteur d'un traité De Sculptura (Florence, 1504) et d'un commentaire Supra Arte Poetica Horatii (Rome, 1541). Beaucoup

de ses ceuvres n'ont pas été publiées, à cause de sa mort prématurée. Ses poésies en langue latine (vingt-neuf Elégies, quatre Églogues, trois Sylves et des Épigrammes, publiées à Naples en 1526) sont trés connues et largement citées au XVI* siécle. Comme le fait remarquerJ. Hutton, The Greek Anthology in Italy to the Year 1800, Ithaca

(NY)/Londres,

1935,

p. 186-188,

la traduction

que

Gaurico

propose

de

l'épigramme

7, 471

de

l'Anthologie grecque ne figure pas dans le recueil des Epigrammata de Gaurico, pas plus que dans les recueils de Ioannes Soter (Cologne, 1525 & 1528; Freiburg-in-Breisgau, 154479) ou de Cornarius (Augsburg, 152977), mais uniquement dans l'ouvrage de Bocchi.

— puer] Voir l'épigramme d'Agathias, elle aussi ironique, dans A. G., 11, 354, 17-18, où Cléombrote apparait GORNd un xaic. Chez Olympiodore, in Plat. Alc, 1 » P- 7, 23 Westerink, c'est un jeune homme : ka0ázep Ayzpaxtko9 ueipaktov. ANALYSE

La page poétique qui fait face à l'image s'organise autour de trois piéces successives : une épigramme latine de Becem) qui se présente plus comme une variante et une adaptation que comme une véritable traduction de l'épigramme grecque de Callimaque, recopiée en dessous et suivie à son tour d'une traduction latine de Gauricus. Dans le manuscrit Sloane suivait encore une autre traductio n, qui n’a pas été retenue P pour l’édition finale. On reconnait l'esprit d'émulation dans la traduction qui a présidé à la composit ion des recueils de VAnthologie de Planude par Soter puis Cornarius, qui présentaient des traductions latines successives à partir du

grec. Dans notre embléme,

l'unité entre tous ces éléments est assurée par le motif thématique,

le suicide

spectaculaire de Cléombrote d' Ambracie (voir note à l'épigramme 1, v. 1), aprés la lecture du Phédon de Platon ouvrage oü il est question d'un autre suicide, celui de Socrate et du fait qu'il ne faut pas redouter la mort car elle ' délivre l’àme immortelle du corps mortel qui l’entrave.

Dans la premiére épigramme qui compte six distiques élégiaques, Bocchi bouleverse entiérement la structure de l'épigramme

callimachéenne.

Comme

l'indique le titre (Tumulus

Cleombroti Ambraciotae), le poéme

met

particuliérement l'accent sur l'aboutissement du saut suicidaire de Cléombrote d'Ambracie : ce n'est plus dans l'Hadés mais dans la mer que le héros s'est précipité, suivant la version donnée par Cicéron (voir note au v. 1 de l'épigramme 1). C'est d'ailleurs sur ce constat que s'ouvre le texte (mari situs, v. 1), et non plus sur les adieux du héros au soleil avant la chute. La mer congue comme un tombeau pour ceux qui s'y noient est une image que l'on trouve chez les élégiaques latins (cf. PROP., 3, 7, 7, sur la mort de Pétus : Nunc tibi pro tumulo Carpathium

omne mare est), renforcée par la tradition mythologique des héros grecs qui tombent dans la mer et donnent leur nom, épitaphe de substitution, aux flots qui les accueillent, comme Icare ou Egée (cf. ISID., Etym., 13, 16). La

mer d'Ambracie devient ici une sorte de « Mer de Cléombrote ». L'essentiel de l'épigramme se passe à mettre en valeur l'adéquation parfaite de ce tombeau improvisé avec le défunt qui y repose (quo tumulo... nobiliore, v. 8) : loin d'étre un objet de tristesse, le tumulus signale la mémoire d'un moment heureux (cf. v. 7 : felix o pelagus) et du corps glorieux (cf. ibid. : felicia et ossa) d'un homme qui n'a pas eu peur devant la mort. Ainsi, dans le premier, le troisieme et le dernier distique, un jeu d'homophones et de polyptotes souligne la relation symbiotique qui se tisse entre Cléombrote et le milieu maritime : un méme adjectif, aux significations différentes mais au méme cas (alto, v. 1-2), semble unir la profondeur de la mer (mari) et la hauteur d'esprit (animo) de Cléombrote qui méprise la mort (temnere mortem). Mais, par une subtile ambiguité conforme à l'épigramme d'Agathias (A. G., 11, 354), le lecteur ne saura pas si l’àme de Cléombrote, mortelle, git dans les abysses (et sa

grandeur n'aura réussi célestes qui constituent poursuit aux vers 5-6 l'intériorité humaine.

qu'à précipiter son propriétaire au plus bas) ou si, immortelle, elle a rejoint les hauteurs son domicile. La relation essentielle établie entre la mer et l'Àme autour du terme altus se avec le polyptote fluctibus/fluctus, qui met en regard l'agitation des flots et celle de L'image des « flots de soucis », en adéquation avec la contemplation d'un paysage

maritime qui contamine son spectateur, est fameuse et renvoie aux sentiments d'Ariane qui assiste au départ de Thésée (cf. CATVLL., 64, 62 : magnis curarum fluctuat undis ; cf. aussi, sans référence au contexte maritime, LVCR., 6, 34 : Voluere curarum tristis in pectore fluctus ; VERG., Aen., 8, 19 : Cuncta uidens magno curarum fluctuat aestu).

Enfin, si elle semble recevoir son esprit à l'ouverture du poéme, la mer-tombeau recoit également le corps du héros dans la conclusion du texte, et c'est pour tous les deux un sujet de gloire et donc de bonheur (cf. le

polyptote felix/felicia, v. 7).

Dans la mesure oü cette premiére épigramme prend le parti délibéré de commencer par énoncer la conclusion morale illustrée par l'épisode de Cléombrote —le mépris de la mort (temnere mortem) —, le récit et les motivations du saut suggérés par Callimaque n'interviennent donc qu'ensuite, aux deuxiéme et troisiéme distiques, dans l'ordre inverse de celui de Callimaque. Bocchi commence par évoquer la lecture de Platon (il ne

parle d'ailleurs pas du Phédon mais seulement des diuina Platonis/Scripta, v. 3-4, à l'instar de Gauricus qui parle des dicta Platonis) et l'absence de malheur (etsi aduersi tum nihil acciderat, v. 4), avant de relater le saut lui-méme dans la mer (praecipitem è muro dedit huc se, v. s, qui imite visiblement le muro praeceps delatus de Gauricus).

Il est incontestable que Bocchi prend l'épisode dans un sens positif et loue le héros, comme l'avait fait avant lui

Jacques Sadolet dans son Phaedrus siue de Laudibus philosophiae de 1538 (trad. E. Charpenne, Paris, 1855, p. 170). En ce sens, Bocchi, comme Sadolet, suit strictement la tradition cicéronienne. En effet, le saut fatal de

Cléombrote dans l'Hadés (KAeóufporoc mi8nua) était devenu quasi proverbial dés l'Antiquité : outre les réfé-

rences déjà évoquées supra, on notera qu'Ovide le mentionne sous forme allusive dans son Ibis (493-494) ; que

Plutarque préte à Caton une fin similaire (Cat. Min., 68, 2), tandis que Cicéron (Tusc., 1, 71-74) et Lactance (Inst., 3, 18, 8-10) réunissent Cléombrote et Caton dans leur propos ; que plusieurs auteurs tardifs enfin lui con-

sacrent encore des épigrammes, une grecque (cf. OLYMPIOD., in Plat. Alc., 1, p. 7, 23-27 Westerink) et une latine

(Epigr. Bob., 63). Mais on notera surtout que ce saut cléombrotéen suscite deux types de réaction opposés : d'un

cóté l'ironie et la condamnation (et c'est l'esprit que beaucoup de commentateurs prétent à l'épigramme de

38 Voir F. Bachelli, s. v. « Gaurico, Pomponio » in DBI, t. LII, Rome, 1999, p. 705-707. ?? Epigrammata aliquot Graeca Veterum Elegantissima ...

?" Selecta Epigrammata Graeca Latine Versa ex septem epigrammatum Graecoru m libris ...

124

Callimaque, voir infra) ; de l'autre, l'admiration philosophique. Si l'expression péjorative Graeculi fingunt du Pro

Scauro de Cicéron porte sans doute encore quelques traces d'ironie, en revanche, dans les Tusculanes, l'intention

ironique présente qui était présente chez Callimaque a désormais disparu puisque l'épisode n'est plus cité, parmi d'autres, que comme simple preuve que la mort n'est pas un mal et ne doit pas étre redoutée car elle ne fait que 125

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

nous délivrer des maux

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

de l'exi&tence. Les Péres de l'Église eux-mémes

(voir les citations au v.1

de

l'épigramme 1, auxquelles on ajoutera GREG. NAZ., Adu. Iul, 1, 70 ; voir la récapitulation dans S. A. White,

« Callimachus on Plato », p. 137), tout en condamnant le suicide, donnent de l'épisode de Cléombrote une vision plutót positive, et voient dans la fortitude du héros une préfiguration de la vertu chrétienne. La traduction de Gauricus, qui constitue la troisieme épigramme de la page, est assez fidéle au texte de Callimaque qu'elle suit et dont elle respecte le métre et le nombre de vers. Dans le premier distique, on retrouve l'adieu au soleil et l'évocation du saut du haut d'une muraille élevée. En revanche, Cléombrote d'Ambracie perd son prénom pour devenir Ambraciota puer (voir note à ce vers), et l'évocation de l'Hadés est remplacée par le participe moins imagé moriens. Dans le second distique, à la formule « Bien qu'il n'ait rien vu qui méritát la

mort » de Callimaque, Gauricus substitue une idée un peu différente : Cléombrote croit que la mort n'est pas

un mal (Nullum in morte malum credens). Cette notation est déjà une interprétation, alors que Callimaque se contentait de dire que Cléombrote n'était pas plus malheureux qu'un autre et n'avait donc pas de raison particuliére

de se suicider. La conclusion

de l'épigramme

de Gauricus,

sous

sa forme

prohibitive,

tente

également d'expliciter les sous-entendus de l'original grec. Sans évoquer le Phédon mais simplement les dicta

Platonis, comme on parlerait d'un recueil de bons mots (cf. les dicta septem sapientium), Gauricus, à la différence

de Bocchi, explique que Cléombrote n'est pas un héros mais un naif: il s'est trompé dans l'interprétation du texte platonicien (non ita erant percipienda). Le animo tuo a d'ailleurs plusieurs sens et peut s'interpréter comme un datif d'intérét ou de destination : il sert à la fois de complément d'agent de percipienda (« ce n'est pas ainsi que les propos de Platon devaient étre compris par ton esprit », esprit étant synonyme d'intelligence), et de complément de destination ( « ce n'est pas ainsi que les propos de Platon devaient étre compris dans l'intérét de ton esprit », esprit étant ici à entendre au sens de « vie »). En effet, comme le notent les commentateurs, la

piéce de Callimaque est ironique, ce que suggére également sa pointe : Cléombrote se tue non pas suite à un grand malheur mais aprés la lecture d'un texte philosophique de Platon. Cette ironie se retrouve dans la piéce d'Agathias (A. G., 11, 354), oà le philosophe Nicostrate propose à ceux qui sont impatients de connaitre la nature de l'áme de suivre l'exemple de Cléombrote et de se précipiter du haut d'un toit pour se libérer au plus vite de leur corps et trouver enfin la réponse à ce qu'ils cherchent. Callimaque se moque de la lecture au premier

degré et donc erronée de Platon que fait Cléombrote, dans la mesure oü, tout en posant l'immortalité de l’àme et la nécessité d'une préparation efficace à la mort par la purification qu'apportent les vertus, le Socrate du

Phédon interdit cependant expressément le suicide (cf. Phdr., 61c-67e). Cléombrote d'ailleurs n'a pas subi de malheur remarquable qui expliquerait son geste : quelle raison pourrait-il avoir d'en finir avec la vie sinon pour goüter plus rapidement à l'existence dans l'au-delà, promise par sa lecture de Platon affirmant l'immortalité de

l'áàme ? S. A. White suggére également la possibilité d'une ironie anti-platonicienne au second degré puisque, en supposant que Callimaque fasse allusion à l'extraordinaire force de persuasion rhétorique du Phédon de Platon,

capable de pousser un lecteur à se suicider, l'efficacité se retourne contre Platon, en promouvant un acte que le

texte du Phédon — et donc Platon lui-méme -interdit. C'est en fait la tradition néoplatonicienne, en particulier Ammonius (In Porph., 4, 18-25), qui, dans sa volonté de défendre Platon et la philosophie grecque contre les attaques du christianisme, insiste sur l'inexpérience de Cléombrote

et ses erreurs d'interprétation,

et cite

l'épigramme de Callimaque comme une mise en garde contre l'ignorance et la folie? Dépeint par Ammonius comme un jeune homme plus enthousiaste qu'intelligent, Cléombrote commet une monumentale erreur de le&ure en interprétant l'expression 1] 0avárov, non comme une préparation à la mort, mais comme une

invitation au suicide (7j pvatxo Oavárov pe\étn).

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana?^, se présente comme une libre interprétation et illustration de l'épigramme de Callimaque, reprise par Bocchi et Cléombrote. Elle joue alternativement sur la division des plans horizontaux et verticaux et Cléombrote d'Ambracie, le héros

de l'épisode, occupe le centre de la partie supérieure de l'image. Au milieu des nuages, il surplombe les flots, le ?' G. D. Williams, « Cleombrotus of Ambracia » , P» 162-163. ?? Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 20, n? 79.

126

visage baissé vers les remous qui s'agitent sous lui : on notera les allures michelangelesques de cette figure qui évoque le Dieu de la Genése séparant les éléments ou un Moise s'apprétant à briser les tables de la Loi. Cléombrote tient à bout de bras, au-dessus de sa téte, un livre largement ouvert vers le spectateur, que la

perspective déforme et grossit : c'est le Phédon de Platon dont il est question dans l'épigramme mais que rien n'identifie comme tel sur l'image, sauf peut-étre le terme studio dans le titulus de la gravure, qui peut suggérer le travail intellectuel et la lecture. Les genoux du personnage arrivent juste au-dessus de la ligne d'horizon et ne touchent pas encore les flots, méme en perspective. Gráce à cette disposition en suspension, où le personnage

principal domine le paysage et oppose, au bouillonnement des eaux qui vont l'engloutir, l'ouvrage qu'il lit, nimbé de nuages, le graveur a réussi à mettre en scene visuellement, par une dispositio signifiante, le mépris de la mort (cf. titulus de la gravure : mors temnitur atra). Le long manteau du héros flotte vers la gauche, et l'un des

pans du vétement est encore prisonnier de la fenétre d'un bátiment trés étroit qui épouse presque toute la hauteur de l'image sur la gauche et dont les fondations sont battues par les vagues : c'est une maniere habile de suggérer qu'il ne s'agit pas d'une apparition divine mais bien d'un personnage qui vient de se jeter par la fenétre (« du haut d'un mur » dit l'épigramme, v. 5) et que l'on saisit au moment oü il s'immobilise un instant dans les airs, avant de retomber. Répondant au bátiment de gauche (plutót une maison d'habitation), on apercoit en contrebas, à droite de l'image, l'entrée d'un petit temple ou d'un hieróon, avec fronton et colonnes corinthiennes

qui flanquent la porte: c'est le tumulus Cleombroti, du tombeau de Cléombrote, qui s'éléve sur un petit promontoire au milieu des flots. Ce bátiment ne peut figurer sur l'image que par prolepse narrative, qui annonce des événements bien postérieurs à la chute du héros principal à laquelle nous assistons — en particulier l'érection de son monument funéraire. Toute la partie centrale de l'image, entre les deux monuments qui en épousent les bords et jusqu'aux deux tiers de la hauteur, est occupée par la mer. Sous le personnage qui les surplombe, les flots marins sont agités de vagues et de remous, rendant plus frappante encore l'inconscience du héros qui va s'y précipiter. À l'arriére, la surface est plus étale et on apercoit des bàtiments qui sillonnent l'horizon : l'élément marin e$t ici un personnage à part entiére.

Pierre Martin a en outre remarqué sur cette gravure un trés subtil jeu d'ombre et de lumiére. Une source lumineuse invisible, probablement un soleil couchant, arrive par la droite de l'image, comme le montre la longue ombre portée du tumulus sur les flots, ou celle du corps de Cléombrote sur la facade de la demeure. Or cette source a pour effet de plonger certaines parties dans l'obscurité ou, au contraire, de projeter sur d'autres une vive clarté, instaurant des homologies au sein de la composition. Ainsi, la facade du bátiment d'oü se jette Cléombrote recoit de plein fouet la lumiere, tout comme la page de droite du livre que tient le héros (à gauche pour le spectateur). En revanche, la fenétre, la page de gauche du livre ou l'entrée du tumulus sont sombres et hachurées : pour Pierre Martin, il s'agit de montrer distinctement l'opposition entre la mort atra, noire, et la lumiére de la vie éternelle.

E] /

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Symb. 16 Gravure :

L'HONNEUR ALLEGE LA CHARGE DE LA SOUFFRANCE

À CAMILLO ORSINI, TRES VAILLANT CAPITAINE LA CHARGE DU CAPITAINE EST MOINS LOURDE QUE CELLE DU SOLDAT Mémes peines ne pésent pas

Autant au bon général qu'au simple soldat. Car l'honneur de lui-méme allége Toujours aux généraux les peines qu'ils endurent. QUELLE CRAINTE DOIT ÉPROUVER LE BON SOLDAT ENVERS SON GÉNÉRAL

Cléarque, noble capitaine Des glorieux Lacédémoniens, Aimait jadis à répéter S

Que le soldat doit craindre plus

Songénéral que l'ennemi. C'est juste. Que mes soldats craignent L'ennemi, je le voudrais bien ;

Mais leur général, pas du tout ! MÉTRIQUE carm. 1 : métre épodique inversé : dimétre et trimétre iambiques. carm. 2 : dimétres iambiques.

Symb. 48). Aprés la mort de Lautrec qui met un terme à la conquéte du royaume gouverneur général des Pouilles et affronte Alfonso d'Avalos, le marquis de Vasto, Trani. Aprés la paix de Cambrai en 1529, qui ordonne la restitution des territoires retourne à Venise, privé par Charles Quint de son duché d'Atripalda et Montefredano

de Naples, il est nommé puis Ferrante Gonzaga à pris par les Vénitiens, il pour avoir envahi Naples.

Il est nommé commandant de cavalerie à Vicence et Vérone puis gouverneur général de Damaltie en 1537, au moment du conflit contre les Turcs. En 1539, il défend Vérone puis renoue son contrat de condottiere avec Venise de 1540 à 1543. Il passe alors à Ferrare et fréquente la cour de Renée de France et d'Hercule II, avant de

se remettre au service du pape en 1547. Paul III, qui redoute de perdre le duché de Parme aprés l'assassinat la méme année de son fils Pier-Luigi Farnése, nomme Orsini gouverneur général de Parme et l'autorise à briguer

au titre de duc la succession de son petit-fils Ottavio Farnese, le fils de Pier-Luigi, qui s'était affranchi des ordres de son grand-pére. Ferrante Gonzaga, le duc de Milan, occupe Plaisance pour Charles Quint. Ce n'est qu'en 1550, sur l'ordre du nouveau pape Jules III, qu'Orsini abandonne Parme à Ottavio. Mais dés 1551, en qualité de gouverneur général des troupes pontificales, Orsini mene la guerre contre Ottavio Farnése, allié aux Francais. Il part ensuite défendre Bologne de 1551 à 1552. Paul IV l'autorise à guerroyer pour Hercule II de Ferrare en 1556

puis le charge d'assurer la défense de Rome retire alors dans son fief de Mentana. Mais, capitaine général de l'Église en 1559 et le fait méme année. C'est un personnage auquel

lors de la guerre contre Philippe II qui s'achéve en 1557. Orsini se bien qu'il se soit retiré des charges militaires, Paul IV le nomme entrer au Sacré-Conseil, instauré parle pape Carafa Orsini meurt la on attribue des tendances « spiritualistes » inspirées par Juan de

Valdés*. Il aurait fréquenté en 1537 l'hérétique Oddo Quarto da Monopoli. Entre 1549 et 1550, il tente de

soustraire à la justice inquisitoriale Fanino Fanini et accueille en 1550 Pietro Bresciani, en relation étroite avec le cercle de Giorgio Siculo. Il faut probablement dater cet embléme (ou du moins sa dédicace) de 1551, au moment où Camillo Orsini se

trouve à Bologne.

carm. 2 v. 3 : Clearchus] Général spartiate qui, aprés avoir été condamné à mort pour désobéissance par les éphores à Sparte, se rallie à Cyrus, et prend la téte de l'armée lacédémonienne qui participe à l'expédition des Dix Mille

(401 av. J.-C.), racontée par Xénophon dans l'Anabase.

NOTES

ANALYSE Avec les Symbola

carriére militaire??. Son pére, Paolo Orsini, avait été assassiné sur l'ordre de Cesare Borgia en 1503. Soutenant

1547 à Claude de la Guiche, nommé évéque de Mirepoix cette année-là, fournit, de maniere précise, un terminus

carm. 1 — tit. pict. : onus honos] Le jeu de paronomase est difficile à rendre en frangais. - ded. carm. : Camillo Vrsino] Le condottiere Camillo Orsini (1492-1559), né à Rome, fut destiné trés tót à la les Francais pendant la guerre de la Ligue de Cambrai contre Venise, il passe en 1510 au service des papes, d'abord Jules II puis Léon X, qui le nomme général de cavalerie. En 1520, ses secondes noces avec Elisabetta, fille de Giampaolo Baglioni, duc de Pérouse, emprisonné puis assassiné par Léon X, éloigne Orsini de la Rome pontificale et le pousse à tenter de se mettre au service de Venise ou de Charles Quint. À la mort de Léon X en 1521, il se place résolument du cóté des Baglioni qui veulent reconquérir Pérouse et inflige des pertes séveres

aux troupes pontificales.en 1522. Venise, au service de laquelle il entre poru une vingtaine d'années, lui confie

alors une compagnie montée d'une centaine d'hommes. Entre 1523 et 1525, il repousse la tentative francaise de

conquéte du Milanais. En 1526 il est à Padoue, oü il est chargé, sans succés, de ralentir la progression des

lansquenets de Georg von Frundsberg, puis devient gouverneur militaire de Bergame, avant de retourner à Rome. Au moment du sac de 1527, il s'enfuit à Spoléte, défend Bergame puis participe à l'offensive contre les troupes espagnoles dans les Pouilles menée par Odet de Foix, vicomte de Lautrec (sur ses événements, voir ?? Voir G. Brunelli, « Orsini, Camillo », in DBI, t. LXXIX, 201 3.

128

14-18 et 17-19, cet embléme fait partie de la longue série du premier livre inspirée par les

Tusculanes de Cicéron. Dans les deux épigrammes, Bocchi entend célébrer la grandeur du chef militaire et souligner la différence qui le sépare du simple soldat. La présence d'une premiere version du texte de la premiere épigramme dans l'exemplaire des Lusuum libri duo de la Biblioteca Angelica de Rome (7 R, f° 551^), dédié en

ante quem pour la date de rédaction. Dans la premiére épigramme, Bocchi emprunte aux Tusculanes de Cicéron (2, 26, 62) l'exemple de Scipion l'Africain lisant la Cyropédie de Xénophon (1, 6, 2 5), oà le pére de Cyrus explique à son fils que les soldats s'attachent à leur général en le voyant souffrir et s'exposer davantage que ses hommes : « Sois bien persuadé d'une chose : malgré une constitution physique identique, les mémes souffrances n'affectent pas de la méme maniére le général et le simple soldat ; mais la gloire allége quelque peu les souffrances pour le général, et la conscience qu'il a que tout ce qu'il fait ne passe pas inaperqu ». Cicéron a choisi cet exemple pour appuyer l'une des théses essentielles qu'il soutient au livre 2 des Tusculanes : que la douleur n'est pas un mal. Pour aider à supporter la douleur, le moyen le plus simple consiste à se persuader que lui résister participe de l'honestum. La mort glorieuse, qui éléve l'àme, permet d'endurer toutes les souffrances. Cette gloire cependant ne reléve pas de xviit, Torino, 1974, p. 1049 sq. ; 374 Voir G. Miccoli, La storia religiosa, dans Storia d'Italia, t. Il : Dalla caduta del impero romano al secolo 197. p. 2001, Milan, sette, sua della e Siculo Giorgio di A. Prosperi, L'eresia del Libro Grande : storio

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

l'approbation populaire mais elle est engendrée par la conscience qu'a le sujet de faire usage d'une raison toutepuissante sur les passions (cf. Tusc., 2, 64 : nullum theatrum uirtuti conscientia maius est : « il n'existe pas de plus beau théátre pour la vertu que la conscience » ). La deuxiéme épigramme e&t reliée à la premiere par sa source (un passage de Xénophon cité à travers un filtre latin) et sa thématique (les relations qui unissent le général à ses soldats). La source en est un extrait de Valére Maxime (2, 7, ext. 2) qui lui-méme se sert d'un passage de l'Anabase de Xénophon dressant le portrait de

Cléarque (2, 6, 11). Xénophon reconnait à ce chef deux qualités essentielles, celle de savoir toujours comment assurer la subsistance de son armée et celle de savoir se faire craindre en infligeant de sévéres punitions : « Il disait méme, soutient-on, que le soldat doit craindre son général plus que les ennemis s'il faut qu'il garde son poste, épargne ses alliés ou marche sans hésiter contre ses ennemis ». Bocchi emprunte le motif pour le retourner et imagine que Camillo Orsini chef militaire (cf. miles meus, v. 7) prend la parole à la premiere personne pour espérer que la crainte de l'ennemi est supérieure à celle qu'il inspire à ses soldats. Nous ne sommes

pas

trés éloignés

des

recommandations

de l'Art

de

la guerre

de Machiavel

(4,

10),

selon

qui

l'« acharnement [des soldats] est encore augmenté par la confiance et l'amour qu'ils éprouvent pour leur capitaine ou leur patrie. La confiance nait de la qualité de leurs armes, de la discipline, des victoires récentes et de

l'estime qu'ils ont pour leur capitaine » (MACHIAVEL, CEuvres, trad. C. Bec, Paris, 1996, P. 557). Un peu plus haut (Art de la guerre, 4, 9, éd. citée p. 556), Machiavel invitait les princes à parler à leurs soldats, et la premiere

raison qu'il y voyait était que « les paroles ótent la crainte ». La gravure représente la confrontation entre deux armées antiques de fantassins. À gauche, l'armée attaquante présente des lances et des piques en l'air, tandis que l'armée agressée tente de repousser l'assaut en présentant des lances baissées pour la défense. Seul et bien mis en valeur entre les deux armées (c'est l'honos souligné par le

NOTES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

— tit. carm. : le manuscrit Sloane mentionne une dédicace à Vicenzo Bovio qui n'a pas été conservée par la suite. Ce Vincenzo Bovio ou del Bü, primicerius de la cathédrale San Pietro de Bologne?? et protonotaire apostolique en 155075, est connu par une médaille de Giovanni Antonio de'Rossi?" (Fig. 1) : sur le revers, on apercoit une

allégorie de la Religion, pointant du doigt vers un bceuf auquel on a retiré le joug, avec la mention Antidotum

uitae, « l'antidote de la vie ». Le bceuf renvoie au nom Bovio ou del Büu, mais aussi à la festa di bii, le bucrane,

figure symbolique du labor et de la souffrance. La religion est en effet ce qui permet au boeuf-homme exténué par les labours d'alléger le joug qu'il porte, selon la formule de saint Matthieu (11, 30), évoquant la douceur du joug du Christ. Dans le Symb. 49, Bocchi associe la formule antidotum uitae avec Patientia, pour rendre hommage à Orsina Grassi. Vincenzo Bovio passe pour avoir participé à une conjuration fomentée en 1548 par Ferrante

Gonzagua, duc de Milan et proche de Charles Quint, désireux de s'emparer de Bologne aprés l'occupation

impériale de Plaisance en 1547. Parmi les conjurés, organisés autour de deux freres de la famille des Bentivoglio,

Cornelio et Guido, on trouve Francesco Ranuzzi et le comte Filippo Pepoli. Le légat pontifical Giovanni Morone les fait arréter et envoyer à Rome. Comme le montre Guido dall'Olio?*, Bovio était partisan de la mise en place d'un gouvernement élargi à Bologne, fondé sur des institutions plus populaires, comme en témoigne une lettre non datée qu'il adresse au secrétaire de Paul III, Ambrogio Recalcati, sopra l'instituire un nuovo modo di governo in Bologna. Mais G. dall'Olio réfute l'hypothése émise par M. Fanti"" que cette arrestation füt liée aux idéaux hérétiques du personnage. Il n'est pas improbable que l'embléme date des années 1548-1549, au moment oü Bovio

est arrété et enfermé au Cháteau

Saint-Ange, lieu obscur oü le dédicataire est comme

aveugle,

dédicataire qu'il faut réconforter ...

titulus), le général, avec casque à panache, sur un cheval vigoureux qui se cabre, tient une oriflamme : il entraine

sans crainte son armée qui se rassemble derriere lui. Sans le titulus, le sens précis de la gravure est incompréhensible : gráce à elle, on saisit toutefois qu'il s'agit de la gloire militaire. Mais c'est l'épigramme seule qui restitue véritablement la chrie.

Symb. 17 Gravure :

MÉME AUX AVEUGLES, LA NUIT APPORTE QUELQUE VOLUPTÉ

Fig. 1 > G. A. DE'ROSSI, médaille du bolonais Vincenzo Bovio (7,2 cm). Avers : VINC.BOVIVS.BONONIEN. PROTHONOT. APOST. Revers : ANTIDOTVM VITAE. (source : G. F. Hill/ G. Pollard, Renaissance Medals, fig. 371 obv./ rev).

*

SUR ANTIPATROS DE CYRÈNE, QUI ÉTAIT AVEUGLE Une faible femme, un jour, constata qu'Antipatros De Cyréne était aveugle et se lamenta :

— La présence d'une premiere version du texte dans l'exemplaire des Lusuum libri duo de la Biblioteca Angelica de Rome

(- R, f° ssv^), dédié en 1547 à Claude de la Guiche, nommé

fournit, de maniére précise, un terminus ante quem pour la date de rédaction.

évéque de Mirepoix cette année-là,

« Ò douleur ! », cria-t-elle, arrachant ses cheveux défaits,

S

« Quelle vie s'ouvre à toi, plongée dans les ténébres ? »

« De quoi te méles-tu, sotte ? La volupté nocturne

Te semble donc compter pour rien ? » rétorqua-t-il.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques.

rattaché 75 Le primicerius, aprés l'archidiacre, l'archiprétre et le prévót, constitue l'un des membres les plus importants du chapitre de chanoines chant. du et à une cathédrale, responsable des manifestations liturgiques 375 Hors de Rome, le terme désigne un titulaire d'une dignité honorifique obtenue par un rescrit pontifical.

fig. 371 et p. 70. 377 Voir G. F. Hill, G. Pollard, Renaissance Medals from the Samuel Kress Collection at the National Gallery of Art, Londres, 1967, Sur Bovio, voir 168-169. p. 1999, Bologna, di ** G. Dall'Olio, Eretici e inquisitori nella Bologna del Cinquecento, Bologne, Istituto per la Storia cité par E. Watson, Achille Bocchi, égalementJ. Rainieri, Diario bolognese, éd. O. Guerrini, C. Ricci, Bologna, Regia Tipografia, 1887, p. 103, 163,

p- 175, note 37.

"n

;

-

|

alla metà dell'Cinquecento », L Archiginnasio, 79, 1984, 379 M, Fanti, « Un progetto di riforma del Senato e una vincenda di eresia a Bologna

P. 315-335.

130

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

NoTES

-tit. carm. : De Antipater Cyrenaico] Selon Diogéne Laérce (2, 86) Antipatros de Cyrene était un disciple d'Aristippe le socratique, fondateur de l'école de Cyrene. Il aurait vécu entre le milieu du IV° s. et le milieu du III° s. av. J.-C. C'est le témoignage de Cicéron qui nous apprend qu'il était aveugle". ANALYSE C'est encore un texte des Tusculanes qui, à l'instar des Symb. 14-16 et 18-19, est à l'origine de cet embléme. Rappelons le contexte cicéronien. Dans le passage des Tusculanes (5, 38, 112) cité par Bocchi (qui ne retient plus

que la présence d'une seule femme), Cicéron examine la doctrine épicurienne sur le souverain bien et le bonheur du sage et constate que les épicuriens ne redoutent pas les attaques du sort, en particulier les infirmités. Bien qu'ils défendent le plaisir, les épicuriens soutiennent l'argument selon lequel l’àme peut éprouver mille satisfactions sans recourir à la vue (cf. Tusc., 5, 38,

et 15259, et qui reprenait peut-étre un tableau de Francesco Francia (Fig. 2). La gravure de Bonasone est difficilement compréhensible indépendamment de la source littéraire qu'elle illustre. Seuls le motto qui surmonte l'image et le nom d'Antipater inscrit sous le siége oü prend place le personnage masculin, permettent d'y voir un peu plus clair. La scene se déroule dans l'aula de quelque palais antique, avec une haute rangée de colonnes sur la gauche, et une ouverture au fond de l'image. Antipater, assis sur la gauche, est représenté avec la barbe et la tunique courte des philosophes à l'antique. L'image produit méme un effet paradoxal puisque, alors méme que le motto évoque la uoluptas, la femme que regarde Antipatros et qui surgit de la droite de l'image s'arrache les cheveux qu'elle a dénoués, le sein dénudé, en proie à une vive agitation : le graveur met en scene

emphatiquement la douleur dans laquelle la plonge la cécité d'Antipatros. Le geste de la main gauche d'Antipatros montre toutefois qu'il lui parle et cherche à la calmer, tandis que ses yeux baissés vers le sol, sans regard pour son interlocutrice, suggérent une tentative pour rendre compte de sa cécité.

111 : Animo autem multis modis uariisque delectari licet, etiamsi

non adhibeatur aspectus). Le raisonnement est le suivant, appliqué à la cécité : si l'alternance du jour et de la nuit est sans effet sur l'état du sage, la nuit permanente de la cécité ne le sera pas davantage. Le mot licencieux d'Antipater, qui s'adresse à un public féminin, apporte un argument inattendu : il n'y a pas que les plaisirs de l'àme pour se consoler d'étre aveugle, il y a aussi ceux de la nuit, c'est-à-dire de la chair. Antipater sous-entend malicieusement que, comme il vit dans une nuit continue, ils sont sans interruption pour lui et qu'il est donc toujours heureux. Cicéron détourne le sens de l'exemple d'Antipater en tirant imperceptiblement le sens du mot « plaisir » de l'idée de uoluptas charnelle à celle de délectation intellectuelle : le théme du sage aveugle trouvant joie dans la prophétisation, comme Calchas, ou dans la poésie, comme Homere, était un topos de la littérature antique et, à la Renaissance, l'extase époptique du sage néoplatonicien, qui annihile les yeux de chair et que décrit Ficin, s'inspire de cette thématique. Cicéron oriente la chrie d'Antipater dans le sens du dualisme platonicien, qui condamne le corps en soulignant que non seulement il est inapte à participer à la connaissance du Vrai, mais encore qu'il entrave l'áme dans cette fonction : les plaisirs spirituels sont donc incommensurables.

Symb. 18 Gravure :

AUX LOIS SACRÉES L'HOMME MAGNANIME OBÉIT SANS RÉSERVE

MAGNANIMITÉ D'UN SPARTIATE Un Laconien, par les éphores

Condamné, à la mort marchait, la mine bien

Riante et joyeuse ; un passant

s

Lui demanda hostilement s'il méprisait DeLycurgue les lois. « Mais non, Dit-il, je lui sais gré, et méme infiniment,

De m'avoir puni d'une peine

Dont, sans emprunter, sans rembourser d'intéréts, Sans ressentir le poids des dettes,

10

Je puisse aussitót m'acquitter ». Homme trés digne De Sparte ! Selon moi du moins, Il faut estimer que, pour tout homme à ce point Magnanime, c'est l'injustice Qui le fit condamner malgré son innocence !

Fig.

2> M. RAIMONDI, Femme s'arrachant

MÉTRIQUE Métre épodique inversé : dimétres et trimétres iambiques. Si un mot technique comme mütüátion(e) impose

les cheveux, gravure, entre 1520 et 1525,

10,6 X 6,40 cm, Wellesly College (MA), Davis Museum and Cultural Center,

ne répond effectivement un métre iambique, on peut se demander aussi si ce renversement d'un métre horatien

(1991.37).

La gravure de Bonasone, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Gulio Bonasone ou Prospero : 153A Fontana”” 381 , est partiellement inspirée, en ce qui ; concerne le personnage féminin, par une gravure de Marcantonio Raimondi intitulée « La femme qui s'arrache les cheveux » (106 x 640 mm), réalisée entre 1520 SU

XS ' f bi chen Voir G. Giannantoni, I Cirenaíci, s, Florence,

1958, p. 277-279;

436-436;

F. Caujolle-Zaslawsky,

s. v. « Antipatros de Cyréne » dans

E^ Goulet (dir.), Dictionnaire des philosophes antiques, t. I, Paris, 1994, P. 219 ; H. Usener, Epicurea, Stuttgart, 1966 (1887), p. 336.

" Voirle catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n° 14.

132

valeurs, en pas à des raisons symboliques, en se mettant au diapason d'une justice excessive qui « inverse » les condamnant à mort pour dettes un homme d'une valeur morale remarquable.

Raimondi and His School, New York, 1978, 3? Voir K. Oberhuber, L. W. Strauss (éd.), The Illustrated Bartsch, t. 27: The Work of Marcantonio

dell'emblema in Emilia » in n? 437 p. 117. Cette source est signalée par A. Lugli, « Les Symbolicae Quaestiones di Achille Bocchi e la cultura

e di Storia dell'Arte, Bologne, 1982, p. 87A. Emiliani (dir.), Le arti a Bologna et in Emilia dal 16 al 17 secolo, Atti del XXIV* Congresso Internazional 97, ici p. 89.

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]

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Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

4

NoTES

- v. 1 : ephoris] Comme le rappelle Aristote, les éphores, dont les pouvoirs les apparentent aux tyrans bien qu'ils soient des magistrats élus (cf. ARIST., Pol., 2, 9, 1270b 6-36), ont un róle général de surveillance de la société et

leur contróle s'étend des hilotes aux rois, en passant par les jeunes gens. Outre un pouvoir gouvernemental et exécutif, ils ont des compétences policiéres et judiciaires élargies, percevant des amendes, pronongant des peines d'emprisonnement, exercant le droit de vie et de mort sur les hilotes. Ils s'occupent en particulier des affaires pénales, mais aussi des affaires de droit civil fondées sur des contrats (cf. ARIST., Pol., 3, 1, 1275b 9-11 : tàg tàv

coupoAatcv 8(xac), comme c'est visiblement le cas dans l'extrait de Cicéron paraphrasé dans l'embléme?**. -v.s: Leges Lycurgi] Lycurgue est le législateur mythique de Sparte, auquel on attribue l'ensemble des institutions de la cité. Plutarque (Lyc., 1, 1) déclare qu'on ne sait à peu prés rien de lui et qu'on ne peut méme dater avec précision le moment oü il a vécu. Les historiens contemporains le situent entre le IX et le VII s. av. J.C.?** Suite à la propagande des rois réformateurs du III° siécle, il est devenu le symbole de l'eunomia et une figure idéale du législateur nourri de préceptes philosophiques platoniciens. Contester ses lois s'apparente au sacrilége. -v.8: mutuatione et foenore] La mutuatio (de mutuor) signifie un emprunt d'argent. Le terme foenore, de la méme racine que fetus et fecundus, n'apparait pas dans la source cicéronienne, c'est donc un ajout de Bocchi. Comme l'explique Varron, il exprime l'intérét sur de l'argent prété, qui fructifie ainsi (cf. VAR. ap. GELL., 16, 12 :

Fenus dictum a fetu et quasi a fetura quadam pecuniae parientis atque increscentis). Il est synonyme d'usura, point de droit particuliérement d'actualité à la Renaissance, puisque l'usure était condamnée par l'Église et le droit canon. Un décret de Gratien stipulant que homo mercator numquam aut uix potest placere deo est abondamment relayé par la scolastique??? et saint Thomas pendant le Moyen Áge, tandis qu'avec l'apparition du protestantisme et l'assouplissement idéologique próné par Calvin, on voit peu à peu la pratique supplanter l'opprobre

premier plan, à gauche de l'image, des badauds pointent du doigt l'arrivée sur la droite de l'accusé à moitié nu, encadré par un peloton de soldats vétus à l'antique, portant lance, casque et bouclier. La présence de l'échelle, accolée à l'estrade, et l'espace libre devant le groupe qui surgit de la droite, dessine implicitement le parcours de l'accusé. Pierre Martin nous a fait remarquer la main disproportionnée du spectateur du premier plan, à gauche. Il existait divers antécédents iconographiques qui tentaient de faire remonter à l'Antiquité l'invention de la machine et souligner ainsi son prestige. Une gravure de Georg Pencz de 1535 et une d'Heinrich Aldegrever (1502-1561) de 1553?" (Fig. 1-2) montrent toutes deux le supplice du fils de Titus Manlius Imperiosus Torquatus, consul de 347, qui fit exécuter son fils pour avoir quitté les rangs de l'armée afin de se battre en duel

avec son ennemi, le chef des Tusculans, Geminus Maecius, et ce, au mépris de la discipline militaire (cf. VAL. MAX., 2, 7, 6). Une gravure d'apres le Martyre de Saint Matthieu de Lucas Cranach*** propose également une représentation de l'appareil (Fig. 3). Dans ces trois exemples toutefois, l'appareil est montré de cóté ou de troisquarts et, pour les gravures de Pencs et d'Altdorfer, son cadre ouvragé et les détails précis montrant sa mécanique complexe en font un véritable objet d'art. Notons aussi que, dans ces trois exemples, la téte du condamné

est déjà engagée dans l'instrument. En revanche, dans la gravure de Bonasone,

trónant sur son

estrade, la guillotine apparait à la fois comme l'objet du spectacle, mise en valeur par le bourreau qui, la main sur le cadre, semble en vanter les mérites, mais également comme un curieux dispositif optique qui délimite une fenétre encadrant deux spectateurs à l'arriére.

théologique et moral, —v.9

: uersura]

De

uerto : ce verbe désigne le fait de faire passer la dette sur un autre créancier, c'est-à-dire

d'emprunter à quelqu'un pour rembourser un autre. ANALYSE Comme les Symbola 14-17 et 19, cet embléme est inspiré par les Tusculanes de Cicéron. La présence d'une premiére version du texte dans l'exemplaire des Lusuum libri duo de la Biblioteca Angelica de Rome (= R, f 54v?-551?),

dédié

en

1547

à Claude

de la Guiche,

nommé

évéque

de Mirepoix

cette année-là, fournit, de

maniére précise, un terminus ante quem pour la date de rédaction. Le passage de Cicéron paraphrasé par Bocchi fait suite à deux développements, l'un sur Théramene, l'autre sur Socrate, qui ont bu le poison sans s'effrayer et ont par là montré que la mort leur était indifférente : seules la vertu et la grandeur d'àme, comme manifestation de la rationalité, ont eu de l'importance. On retrouvera Théraméne dans le Symb. 139, avec référence au passage

cicéronien. Cicéron s'emploie dans l'extrait choisi à prendre l'exemple d'un spartiate inconnu et qui n'a pas la réputation établie des personnages précédemment cités, mais dont la grandeur d’àme est exemplaire : comme Socrate, il préfére mourir plutót que d'offenser les lois de sa cité, et y trouve méme une joie puisque la mort mettra un terme à ses dettes. Le propos doit étre relié au Symb. 15 sur Cléombrote d'Ambracie qui n'a pas craint la mort non plus. La gravure e$t une mise en image du passage de Cicéron versifié dans l'embléme. Elle propose une illustration

d'une exécution publique « à l'antique », mais se signale par l'instrument du supplice mis en valeur au centre de

l'image, sur une estrade : il s'agit d'une des premiéres représentations connues de guillotine. Une tour crénelée en arriére-plan et le bourreau debout à cóté, main sur le chássis, dans un geste déictique et emphatique, en relaient la verticalité et les formes

angulaires. Autour

de l'estrade,

se masse

une

foule, en second

plan. Au

** Voir E. Lévy, Sparte, histoire politique et sociale jusqu'à la conquéte romaine, Paris, 2003, p. 190-202 ; N. Richer, Les Éphores. Étude sur l'histoire et sur l'image de Sparte (ViIl'-I' s. av. J.-C.), Paris, 1998, en particulier p. 431-454 sur les compétences judiciaires.

34 VoirJ. Christien, F. Ruzé, Sparte. Géographie, mythes et histoire, Paris, 2007, P. 49-75. *5 Voir R. de Roover, La pensée économique des scolastiques, Paris, 1971 ; J. Le Goff, Marchands et banquiers du Moyen-Áge, Paris, 1972, p. 70-75: 386 Voir Ph. Dessan, L "imaginaire économique de la Renaissance, 2002, P. 64-70.

134

Fig. 1 > G. PENCZ, Titus Manlius, gravure vers 1535 (11, 5 x 7, 3 cm), Londres, British Museum. Londres, British Museum. Fig. 2 > H. ALDEGRAVER, Titus Manlius Torquatus ordonne l'exécution de son fils, gravure de 1553 (11,2 x 7,2 cm), Supérieure des Beaux-Arts. Nationale École Paris, 7cm), 16, x (21,2 1539 de bois sur gravure Fig. 3 > L. CRANACH, Martyre de saint Matthieu,

Il existe divers témoignages montrant que l'instrument existait sous une forme plus rudimentaire en Europe dés le Xi* siécle (sous le nom

de diele en Allemagne,

de mannaia

ou mandara

en lItale, de halifax

Gibbet en

Angleterre ou maiden en Écosse), et qu'il était réservé à l'exécution des élites aristocratiques, pour les préserver dans du contac impur de la main du bourreau et leur garantir une efficacité technique maximale

l'administration de la peine de mort^"".

Georg Pencz. Heinrich Aldegrever, New York, 1980, 387 Voir R. A. Koch (éd.), The illustrated Bartsch, t. XVI: Early German Masters. Jacob Bink. p.178.



9

Artisls: Hans Burgkmair the Elder, Hans Schüufelein, 388 Voir W. L, Strauss, T. Falk (éd.), The illustrated Bartsch, t. XI : Sixteenth Century German 366. p. 48, n? 1980, York, New Lucas Cranach the Elder, 42. *? Voir D. Arasse, La guillotine ou l'imaginaire de la terreur, Paris, 1983, p. 24 et

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

se La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana (Fig. 1)*”°,

Symb. 19 Gravure :

POUR

LES BRAVES,

LA MORT

EST LA FIN DE TOUS

LES MAUX

Sur l'image : - [Philippe :] « Par la force, j'empécherai tout ce que vous tenterez » - [les Lacédémoniens :] « Méme de mourir ? »

PHILIPPE ET LES LACÉDÉMONIENS

inscrite veut illustration de l'apophtegme. Une armée de fantassins et de cavaliers surgit de la droite de l'image, able à sa dans un triangle dont la pointe à gauche est occupée par Philippe de Macédoine à cheval, reconnaiss Sparte, apercoit couronne. Sur une partie plus restreinte de la composition, contre la marge de gauche, on de fortins représentée sous la forme d'une ville médiévale fortifiée. La tour d'entrée quadrangulaire, flanquée sur les traits leurs crénelés circulaires, est occupée par des lanciers casqués à l'antique qui menacent de jeter la rencontre les uns des assaillants. Le dialogue entre les deux partis s'inscrit sur des phylactéres qui vont à Lacédémoniens reste autres: le premier part de la téte de Philippe et se termine dans sa main; celui des phylactéres sont traités suspendu en l'air, attaché sur une pique, elle-méme fichée sur les créneaux de la tour. Les des fantassins, laissant comme les oriflammes qui flottent au vent, tenus par un soldat ouvrant la marche entendre que les paroles sont emportées dans les airs.

Glorieuse bravoure des Lacédémoniens ! Alors que Philippe, en montrant force insolence, Dans une lettre les menagcait d'empécher Tout ce qu'ils tenteraient avec beaucoup de zèle, Ilss'enquirent auprés de lui si de mourir Il les empécherait avec grand zèle aussi.

s

MÉTRIQUE

Trimétres iambiques. Ce métre, souvent employé par Sénéque dans les scénes dialoguées du théátre, est adapté ici à un apologue qui s'élabore dans un systéme serré de question-réponse qui pivote autour de l'adverbe sedulo,

et rappelle la stichomythie. La coupe e$t tantót penthémimére (v. 1; 2 ; 5) tantót hephthémimére (v.35 4; 6),

avec un effet de variation de coupe sur l'anaphore et le polyptote Se prohibiturum(/s) des v. 5-6 . NoTES

— v. 122 : fortitudinem... Lacedaemonum/ ... Philippus insolenter] Les deux termes fortitudinem et insolenter sont, eux aussi, empruntés au méme passage de Cicéron, source du poéme (Tusc., 5, 14, 42). Cicéron les utilise pour

caractériser respectivement la réponse des Lacédémoniens et l'attitude de Philippe de Macédoine, mais dans un contexte plus vaste de lutte générale contre les passions (nous soulignons) : Quid ? Ad hanc fortitudinem, de qua loquimur, temperantia adiuncta, quae sit moderatrix omnium commotionum, quid potest ad beate uiuendum deesse ei, quem fortitudo ab aegritudine et a metu uindicet, temperantia cum a libidine auocet, tum insolenti alacritate gestire non sinat ? « Eh quoi ? Si à la vaillance que nous évoquons vient s'ajouter la tempérance, capable de tempérer toutes les affections de l'àme, que pourrait-il manquer au bonheur de l'homme que sa vaillance protege du chagrin et de la crainte, et que sa tempérance détourne de la concupiscence autant qu'elle lui interdit de s'étourdir dans une insolente précipitation ? » ANALYSE La présence d'une premiére version du texte dans l'exemplaire des Lusuum libri duo de la Biblioteca Angelica de Rome (-

préparatoire pour le Fig. 1 » G. BONASONE ou P. FONTANA, Dessin Fitzwilliam Museum, Symb. 19 de Bocchi (11,3 X 82 cm), Cambridge, à Y. Tan Bunzl, Vente (don de D. E.Scrase en 1988, aprés achat Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972).

R, f ssv^), dédié en 1547 à Claude de la Guiche, nommé évéque de Mirepoix cette année-là, fournit,

de maniére précise, un ferminus ante quem pour la date de rédaction. L'exemple de Philippe de Macédoine et des Lacédémoniens, lui aussi emprunté aux Tusculanes, comme les

Symb. 14 à 18, permet à Cicéron de poser les conditions du bonheur du sage : ce dernier doit s'attacher à un bien

qui soit durable, sans jamais étre menacé de l'extérieur, afin de ne pas éprouver la crainte de sa perte : « Car qui pourrait se montrer détaché et imperturbable, n'accordant que peu d'importance à tous les événements qui peuvent affecter un homme, tout comme le sage que nous appelons de nos vceux, s'il n'a pas la conviction qu'il porte en lui tout ce qui est précieux pour lui ? » (Tusc., 5, 14, 42). La fortitudo des Lacédémoniens n'est pas donc

pas animée par un vain désir de gloire mais par la volonté de s'affranchir de la crainte et du chagrin en ne cédant pas aux injonctions de la fortune ou aux ordres d'un étranger, füt-il roi tout-puissant.

n° 16. 1972), lot 23, Catalogue Sotheby's, p. 16, 9? Vente Sotheby's de Londres, 13 juillet

137 136

e

BENE

a

e TRO a

DM

E

Mc———

, ou celle à Pompée (2, 7) exemple l'ode fameuse (1, 37) Nunc est bibendum... , qui célebre la mort de Cléopátre

Symb. 20

À SEBASTIAN SCHLEUPNER, TRES CHER ÉLEVE ALLEMAND

3) pour lui rappeler que mais aussi à caractére plus philosophique et personnel, par exemple l'ode à Dellius (2, à l'arbre qui a manqué de le tous les hommes, nobles ou obscurs, riches ou pauvres devront mourir un jour, l'ode

RIEN N'EST PLUS DÉSIRABLE QUE L'AMOUR DIVIN

métre réapparait avec Stace chantant les mérites d'une existence frugale, à l'instar des anciens Romains. Le

odes civiques du troisiéme livre tuer (2, 13), l'ode à Postumus sur la fuite du temps (2, 14), ou encore les

pendant la latinité tardive, avec Filelfo, (Silves, 4, 5) puis seulement à la Renaissance, aprés une longue éclipse

»??. Le caractére trés lyrique du Marulle, Dolet, Macrin, qui l'adoptent avec une « certaine liberté hellénistique ponctuée d'interjections affectives métre convient parfaitement aux accents hymniques de cette piéce laudative,

*

AU CUPIDON

PLATONICIEN

du narrateur. (o, en) qui en accentuent le caractere personnel en soulignant l'émotion

La cohorte ignare du vulgaire profane N'entend rien, ó divin Amour, à ton illustre Vertu, ni à cette flamméche,

NOTES fait partie des étudiants allemands - ded. pic. : Sebastiano Seleupenerio Germano discipulo] Sebastian Schleupner du théologien catholique né à qui ont fréquenté le Studio de Bologne. Il s'agit sans doute d'un homonyme

Sür plaisir pour les hommes et les dieux.

s

serait, lui, pas sorti d'Allemagne. On sait qu'avec Breslau, et mort en 1572, mais qui, d'apres les biographes, ne

favorite de la celle de Padoue, l'Université de Bologne était l'une des destinations particulier y étudiants scandinaves, polonais ou hongrois, qui venaient en Bononiae, l'une Schleupner faisait probablement partie de la Natio Germanica Un poéme depuis le XII s., regroupait au Studio de Bologne des éléves allemands.

Pendant quel'àáme, des yeux captive, ne sait Voir nulle part le vrai bien, elle est abusée, Fuyant toujours les biens souhaitables, Et court vers son malheur, téte baissée.

10.

15

peregrinatio academica pour les faire leur droit 9". Sebastian des guildes estudiantines qui, des Lusuum libri duo de Bocchi

dicolos distrophos » recoit dés ce titre la mention Pro (Ms Vat. Lat. 5793, f° 22v?) intitulé « Ad Glyceren. Ode motif de

Schleupner et d'un poéme sur le Sebastiano discipulo, et il s'agit sans doute, là encore, de Sebastian de la jalousie infligées à ego par sa maitresse l'amour : sur le modéle néotérique, le poème y traite des souffrances les étreintes amoureuses du nouveau couple en Glycére qui lui a préféré un autre amant et le poéte imagine à Jules de Médicis, cardinal-légat avec le titre San appelant la mort qui ne vient pas. Les Lusum libri duo, dédiés

Mais si ta beauté immortelle était connue Des malheureux mortels, comme elle l'est aussi

Des dieux bienheureux, qui, déliés De la prison du corps et des ténébres,

Bocchi dédicacés entre 1517 et 1523. Or, entre 1513 et 1524, Lorenzo in Damaso, ont été rédigés, ou du moins disciple et son

de dater la rencontre entre le maitre occupe la chaire de rhétorique et de poésie. Cela permet peut-étre dés 1513, et dédié à Schleupner a pu étre composé avant 1517,

Goáütent la vive lumiére, notre existence Ici-bas, délivrée des cruelles douleurs, Suivrait une voie plus droite et Plus sáre, totalement délaissée.

entre 1513 et 1524 (le poéme à Glycere

inséré seulement ensuite). par souligné ici par la diaphore, est probablement inspiré -v.22: uror... peruri] Le motif du feu dupliqué, qui alium superans », 2, oü il est question de Némésis ALCIAT, Emblematum liber, « Avrépag Amor Cupidinem ignes ] ... [ : inflige lui faire subir à son tour les brülures qu'il fait naitre un second Amour pour punir le premier et 16, 251.

Alors, pour la seconde fois, de l'univers

; cf. A. G., crematur/ Igne ignis. Furias odit Amoris Amor igne domans Nemesis ; $-6 : [ ... ] res mira,

La supréme beauté, avec les siécles d'or S'en reviendrait ; tous enfin nous

20

Lll dL RQd o

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d'Achille Bocchi (1555) - tome 2

Gravure :

NE

Pourrions goüter l'ambroisie généreuse.

(Lucréce, Cicéron, c'est-à-dire spirituel, méle iuncturae classiques Le poéme, qui célebre l'amour platonicien, ta Spagnoli, G. Pontano), et

ANALYSE

tines (Pamphilo Sasso, G. Battis Catulle, Horace, Stace, Sénéque, Ovide) et néola adopte un plan trés travaillé :

Ah ! Puisses-tu préter l'oreille et m'exaucer, Divin enfant, jadis invoqué dans mes voeux. De tout mon cceur je brüle, brüle D'étre tout entier brülé par tes feux ! MÉTRIQUE

Strophe alcaique. Cette strophe, trés employée par Horace, comporte deux hendécasyllabes, un vers de neuf syfisbes et un vers de dix syllabes. Nous avons choisi de rendre la traduction par Pidteince rythmique suivante : 12412-810. La Strophe est utilisée également dans les Symb. 70, 129 et 139. J.-L. Charlet note que edi

Strophe

est adaptée

aux

sujets

un

peu

graves,

et signale

qu'elle

«se

préte

bien

aux

attaques

et à

l'agressivité »??', Horace, dont c'est le métre favori dans les Odes, l'a adaptée d'Alcée, en coupant le dernier vers de aides! syllabes en un ennéasyllabe suivi d'un décasyllabe. Il l'emploie dans dei piéces d'inspiration trés

variée, comme des hymnes aux dieux (à Bacchus, par exemple, 2, 19), des poémes à caractére politique, par et alcaiques de 'antiqui l'antiquité à l'époque humaniste », Fauentia, 29/1, 2009, p. 133-155, ici p. 1459 J.-L. : Charlet, : « Les metr es sapphiques hi T

322 [bid., p. 15. 1890, p. 473-474 » in Allgemeine Deutsche Biographie, 31, An cct Man s. v. « Schleupner, Sebastian à la fin du européennes université Les « voir J. Verger,

|

M. Bideaux, européens, dello Studio di Storia G., 34 Sur ces parcours estudiantins Zacagnini ; 11-24 p. Geneve, 2003, entre les universités européennes à la Renaissance, al XVI secolo, M.-M. Fragonard (éd.), Les échanges a Bologna. Personaggi, momenti e luoghi dalle arigini xv*

siécle »,

dans

; O. Capitani (dir.), L Università Monografie Bologna durante il Rinascimento, Geneve, 1930 tedesca presso lo Studio bolognese, in Id., Malagola, Memorie storiche della nazione C. voir a Bologna tedesca Nazione della Bologne, 1987. Sur la natio Germanica, agli statuti 1888, p. 221-302 ; M. Bohàcek, Note marginali germanicae nafiorie Statuta in storiche sullo Studio bolognese, Bologna, Zanichelli, Introduzione, p. 1-49 P. Colliva,

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Brizzi, A. I. Pini (dir.), N. Sarti (éd.), Milan, 1996, p. 543-576 ; G. P. n.s., 7, 1988. na, Bolog di ità nivers Memorie per la storia dell'U

139 138

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

- Strophes 1 et2: - Strophe 1 : le vulgaire ignore le sens de l'amour spirituel, source de joie, y compris pour les dieux ; - Strophe 2 : explication (namque) : le vulgaire reste prisonnier des sens qui le ménent à sa perte ;

- Strophes 3 et 4 : pourtant (Ast) c'est un bien divin. Protase d'un systéme conditionnel : si on le possédait, on

menerait la vie des dieux ;

- strophe 5 : apodose du systeme conditionnel : alors l'Àge d'or reviendrait ; - Strophe 6 : priere pour étre bràlé par l'amour divin.

Bocchi phileros joue ici pleinement son róle de maitre auprés de son jeune éléve allemand, qu'il met à la croisée

des chemins entre vice et vertu, à la maniere de l'apologue d'Hercule chez Prodicos, mais en lui donnant le choix

entre amour sacré et amour profance. Selon G. de Tervarent, l'éloge de l'amour platonicien que propose Bocchi dans cette piéce lyrique renvoie au systéme exposé par Marsile Ficin dans son Commentaire au Banquet de

Platon, 2, 7. Dans ce livre, qui se veut le commentaire par Antonio Agli du discours de Pausanias dans le Banquet de Platon, le narrateur distingue entre deux Vénus, la céleste (détachée de toute matiére et située dans l'intelligence angélique) et la naturelle (puissance d'engendrer située dans l’àme du monde), accompagnée

chacune d'un Éros ou Amour correspondant??? : l'Amor diuinus ou Platonicus s'empare de l'intelle& humain et le pousse à contempler les plus hautes réalités célestes et lui fait vivre la vie des dieux ; l'Amor uulgaris régne sur les facultés humaines intermédiaires (raison, imagination, perception sensible) pour le pousser à procréer dans la

matiére une image de la beauté céleste. Chacun de ces deux amours, selon Ficin, a une valeur positive. Certes, ils sont tous les deux « honorables et dignes d'éloges » (2, 7 : uterque honestus atque probandus ; voir aussi Conu., 6,

11), mais la force contemplative de l'amor diuinus le place toutefois bien au-dessus de la puissance active de l'amor uulgaris, en relation avec la matiére. L'amour platonicien a d'ailleurs chez Ficin des connotations religieuses et s'apparente à la caritas et à l'amor dei chrétiens dont il traduit l'aspect mystique et ineffable. Mais, plus loin dans le septiéme discours du Commentaire au Banquet, la position se radicalise avec Carlo Marsupini qui commente les propos d'Agathon, et l'amor uulgaris, loin de conserver des traits positifs, glisse vers l'amor

ferinus. Qualifié de noxius, (Conu., 7, 12), l'amor ferinus transforme l'homme

in bestie naturam. Toutefois, il

convient d'apporter une nuance au propos de G. de Tervarent : si l'Amor uirtutis est effectivement personnifié dans le texte de Bocchi (cf. les apostrophes diuine Amor et sancte puer), comme il l'avait d'ailleurs déjà été chez Alciat?5, son adversaire, l'Amor ferinus, n'apparait pas comme tel, et Bocchi se sert plutót de l'image des chemins opposés empruntés par l’àme. Or, c'est encore à Ficin (Conu., 7, 1) qu'il emprunte cette image, bien qu'il laisse de cóté le motif ficinien de la bataille que les deux amours se livrent à l'intérieur de l'homme (Hos utique amores sibi ipsis in homine repugnare), et qu'il réserve pour la gravure. Selon Ficin, qui signale les deux voies, ascendante et descendante, par des adverbes et préverbes appropriés, le premier amour « précipite l'homme vers le bas, vers

la vie bestiale et voluptueuse » ([hominem] deorsum ad ferinam et uoluptuosam [uitam] depellere), tandis que le second,

«l'éléve

vers

le haut

et vers

la vie

angélique

et

contemplative

(sursum

ad

angelicam

uitam

et

contemplativam attollere). Apanage d'une élite (paucis), l'amour vulgaire recoit chez Ficin son appellation non seulement de sa nature dégradée, mais aussi parce qu'il est le lot du plus grand nombre (plurimos occupare). Le texte de Bocchi se présente comme un poéme d'amour, célébrant en termes lucrétiens le plaisir (cf. v. 4), mais joue de la polysémie des termes amor et uoluptas, qui le conduit à l'hymne philosophique louant l'Amor uirtutis ou Amor sophiae : nous ne sommes pas loin de l'hymne religieux puisqu'Amour a partie liée avec la caritas. Ego se sert de la description de l'amour charnel pour traduire les délices de l'amour spirituel. Au v. 4, le 395 G. de Tervarent, Attributs ; , et symboles dans l'art profane, 1450-1600. Dictionnaire d'un langage perdu, Genéve, Droz, t. 1, col. 20-21. }% L'Amor uirtutis est identifié par Alciat à Antéros, qui n'a rien à voir avec la Vénus vulgaire ou pandémienne, mais porte quatre couronnes dont la plus importante est celle de la sagesse. Voir Alciat, Emblemata, Lyon, 1551, 109, « Anteros, id est amor uirtutis », v. $-8 : Haud mihi uulgari est, hospes, cum Cypride quicquam/ Vlla uoluptatis nos neque forma tulit,/ Sed puris hominum succendo mentibus ignes/ Disciplinae, animos astraque ad alta traho. « Je n'ai rien à voir, passant, avec la Cypris vulgaire, et aucune forme de plaisir de nous entraine ; mais dans les esprits des biotadieg s ils sont purs, j'allume les ardeurs du savoir et j'entraíne les esprits vers les astres supérieurs ». La source est une épigramme de

l'Anthologie grecque, 16, 201, rédigée par Marianos le Scolastique.

140

terme uoluptas, trés ambigu, est ainsi corrigé par certa : comme dans le Symb. 10, il se conjugue avec uirtus, plutót que de lui étre antagoniste, à l'image de la réconciliation de Pallas et de Vénus, à l'oeuvre dans le Symb. 10. Le poéme recourt à des effets contradictoires qui, par le biais de la métaphore continue du feu, miment le caractere paradoxal de son objet : y alternent une forme de préciosité dans le goót pétrarquisant (cf. le diminutif flammula ou la personnification de l'amour sous les traits de Cupidon muni de torches), et des hyperboles tournant autour d'une consomption redoublée (cf. la diaphore et le polyptote uror/uri, emprunté à l'Anthologie par l'intermédiaire d'Alciat, voir infra). Le feu, comme l'amour, se transforme de processus mortifére en principe vital, comme ce sera le cas dans le Symb. 143. En plus de la métaphore ignée, Bocchi utilise l'image hésiodique puis ficinienne des deux routes (iter) qui ménent à deux mondes opposés. Du cóté du vulgaire profane aux prises avec l'amor ferinus, la voie mene à la captivité (capta), à la prison (carcere), aux ténébres (tenebris) et à la chute vers le bas (praeceps), c'est-à-dire à une descente infernale telle qu'elle est décrite par Macrobe?"". Le mode verbal est le présent de l'indicatif, qui reléve ici du constat. Du cóté des hommes vertueux et de l'amor spiritualis ou Platonicus, le chemin conduit vers les dieux, la délivrance (soluti, exempta) et la lumiére (uiuo... lumine).

Mais il ne s'agit là que d'un réve, qui prend grammaticalement la forme de l'apodose d'un systéme conditionnel le en deux parties (strophes 4 et s). À l'accés à une vie de justice (rectius) et de sécurité (securius), Bocchi ajoute aux motif du défunt qui va rejoindre le banquet des dieux et goüter l'ambroisie (ambrosia frueremur), emprunté permet banquet le travers à épigrammes funéraires. La thématique de la réconciliation des hommes et des dieux que à Bocchi de signifier le retour de l'Àge d'or hésiodique. Cette référence à un mythe politique n'en rapproche gouverner se pourraient davantage la piéce des réflexions platoniciennes : rendus sages, les hommes parfaitement, sans violence et en harmonie avec les dieux. e, sur La réitération lancinante des images oxymoriques caractérisant la dichotomie corps/àme, ténébres/lumiér

semble-t-il, en raison de sa fond d'amour initiatique qui permet libération et ascension, doit étre reliée, nous

Il s'agit de fréquence, avec les thématiques religieuses érasmienne et les fondements spirituels de l'évangélisme. à l'immatérialité de libérer l'étre de la pesanteur « charnelle » des rituels mosaiques ou pharisiens pour l'initier dans le texte de la gráce promise par la seconde Alliance christique. Mais l'amour spirituel décrit poétiquement mystique par image et l'embl&me n'en fonctionne pas moins comme symbole: il traduit une expérience place accorder à la figuration : métaphore, que les sens peuvent appréhender. La question reste de savoir quelle lequel le passage à l'invisible simple fragment résiduel qu'on laisse derriere soi, ou constituant irréfragable sans ? ne peut se faire et qui y laisse sa trace en définissant les cadres de l'expérience ou Prospero Fontana?^, a été La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone la forme de touffes d'herbe sur le légérement retouchée par Agostino Carracci, qui a ajouté de la végétation sous met en scéne Éros et Antéros??". La promontoire rocheux qui sert d'arriére-plan à la gravure (Fig. 1). La gravure alium superans ». La bataille entre les source en est le motto de l'embléme d'Alciat, « Avrépoc Amor Cupidinem l'épigramme de Platon, qui imagine que deux Amours, amour vulgaire et amour spirituel, est inspirée à Alciat par qu'il inflige de son cóté (A. G., 16, Némésis faconne un contre-Éros pour faire souffrir au premier les blessures clauum clauo pellere, « un clou 251). Ce que les traducteurs et interpretes d'Alciat rapprochent du proverbe d'une autre passion honnéte'"". Dans chasse l'autre », c'est-à-dire qu'on peut guérir une passion néfaste à l'aide

bandés, signe qu'il s'agit de l'Amor uulgaris^! : la gravure de Bocchi, l'Éros sur la droite est caecus, avec les yeux prét à sortir du champ visuel. Face à lui, muni ses armes gisent à ses pieds : il court en levant les bras, effrayé,

super sex libros Eneidos, 6, p. 29 Riedel. 97 MACR., Somn., 1, 10, 10-11 ; BERNARD. SILV., Comm. juillet 1972, lot 23, p. 16, n° 17. en Londres de 's Sotheby 398 Voir le catalogue de la vente

9 Bocchi parle de la naissance d'Antéros dans le Symb. 80.





p. 135: « Vng plaisir faict de nouveau Translatez en Frangois, Rouillé, Lyon, 1549, 4% Voir par exemple Barthélémy Aneau, Emblàmes d'Alciat, et aeternelles, Ars, divines choses concoiue en soy une aultre Amour caelestiel des oblier l'aultre, Parquoy qui veult dompter l'amour charnel tur, turpem significa quo : 358 p. 1583, t, Cavella Alciati... emblemata, Paris, Marnef/ Sciences, et Vertus » ; et Claude Mignault, Omnia Andreae

affectu et labore non modo imminui, sed et sospiri. amorem aut noxiam aliquam cupiditatem posse ab honesto quodam 1967 pour la traduction francaise (1939'), p. 151-183. y, « L'Amour aveugle » dans Id., Essais d'iconologie, Paris, 401 Sur ce point, voir E. Panofsk

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

d'une torche dans chaque main, Antéros ou le « Contre-Amour », c'est-à-dire l'Amor Platonicus, sous les traits

d'un adolescent, plus grand de taille et sans bandeau, incarne à la fois l'amour réciproque mais aussi et surtout le véritable amour, celui qui s'oppose à l'amour vulgaire (repugnans, dirait Ficin). Il adopte par conséquent une attitude conforme à son appellation en pourchassant sans merci son rival, brandissant ses torches et se dirigeant vers son ennemi d'un pas menagant. Pierre Martin nous signale l'importance visuelle des deux torches tenues par Antéros. Au nombre de deux, elles traduisent l'idée de l'amour réciproque. En outre, celle qu'Antéros tient dans la main droite et dont il menace Éros aveugle, est de la méme taille que le carquois posé à terre et parallele à lui, pour montrer qu'elle est désir, mais un désir trés différent de celui qu'inspire Éros, dont les armes jonchent le sol. Quant à celle que tient Antéros dans la main gauche, soulignée par le bord du cadre, elle s'éléve toute droite vers le ciel, puisqu'elle est amour spirituel. Le paysage est constitué de collines

Symb. 21 Gravure : LE PRINCE TIENT SON

PRINCIPE

ET SA FIN DE JUPITER TRÉS-GRAND

Sur l'image : - Charles Quint - Empereur auguste pour toujours — Auguste piété

SAGESSE IMMORTELLE DE CHARLES QUINT, CÉSAR AUGUSTE

dénudées dans 1555 (mais pourvu d'une rare végétation dans 1574), à l'exception d'un unique arbre vif qui

relaie la torche qu'Antéros tient dans la main gauche et qui sert de ligne axiale entre les deux protagonistes.

L'empire te rend auguste, ta piété plus encore, Car la piété, chez toi, surpasse tout empire. Auguste par l'empire, Charles, tu te vaincs à ton tour, Tenant sous tes ordres et les sorts et toi-méme. Quelsensal'aigle aux deux tétes, porte-foudre jovien ? Serait-ce que Jupiter donne un double empire ? Pouvoir humain de l'esprit et pouvoir divin de l’àme, Qui dévoile à tes yeux passé et avenir.

_

5

10

Nées du premier, Justice, Force d'àme, Prudence et Force

Montrent comment satisfaire à l'humain devoir. Bienheureux, de tels auspices te conduiront aux astres Lointains, pour goüter le nectar et l'ambroisie.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS

' tit. pict. : principium... princeps] Pour un semblable jeu de paronymie, cf. Giovanni Aurelio Augurelli (14561524), Chrysopoiea ad Leonem X pontificem maximum,

1, 40-41 : Tu princeps operis tanti, tu carminis esto/

Principium ... 4

-

c

Fig. 1 > G. BONASONE, gravure du Symb. 20, retouchée par Agostino Caracci, Bologne, 1574.

— v. 5: Quid sibi uult insigne biceps Iouis armiger ales] Littéralement : « quel sens remarquable a l'oiseau portefoudre de Jupiter quand il est à deux tétes? » Biceps et armiger ne sont pas coordonnées car biceps est en apposition, avec une valeur circonstancielle.

(uis), - v.9: 0n trouve énumérées les quatre vertus cardinales, justice (iustitia), prudence (prudentia) et force tandis que la tempérance apparait sous l'expression animi robur, « la force d'àme », celle qui permet justement

d'équilibrer raison et passions.

des -v.12-13: Talibus auspiciis... ambrosia] Le terme auspicium a ici son sens premier d'« observation est examiné l'objet puisque présages, oiseaux » (génitif objectif : on observe les oiseaux), en vue d'obtenir des alors l'oiseau qui justement un oiseau, l'aigle jovien. Mais le génitif subjectif n'est pas impossible non plus (c'est doublement sur veille l'aigle observe), suggérant l'idée qu'avec ses deux tétes et ses deux paires d'yeux, par l'empereur, à la fois dans la vie et aprés la mort, sur terre et dans l'au-delà. Car l'aigle est également l'oiseau en courante trés l'antiquité, excellence de l'apothéose astrale. Sa présence sur les monuments funéraires de par Jupiter, il contexte impérial ou dans le décor privé, s'explique par le fait que l'on pensait que, délégué (cf. duceris). L'áme allait emportait l'àme du défunt vertueux, l'aidait à quitter la terre et à franchir les sphéres

de la sphére des astres fixes, ensuite s'établir parmi les étoiles (cf. ad alta... / Sydera), celles de la Voie Lactée ou ue traditionnelle du goütant ainsi une béatitude éternelle (cf. beatus), souvent exprimée par la vision mythologiq

142

143

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

festin des dieux'?. Parallélement au catastérisme, Bocchi imagine d'ailleurs la vision du banquet de l'au-delà, où

27 av. J.-C 5. L'épiclése d'augustus lui avait été conférée par le Sénat et le peuple à cette méme date, de préférence à celle de Romulus, qui renvoyait trop explicitement à la royauté. Le terme, qui signifie à la fois

le rendent désormais immortel.

« saint », « sacré », est rattaché étymologiquement à augur, mais aussi à augere/auctoritas, « celui dont le

le défunt peut siéger parmi les dieux et se délecter de nectar et d'ambroisie (cf. fructurus nectare et ambrosia) qui

pouvoir est augmenté par les dieux'^ », en particulier Jupiter. Le qualificatif d'augustus inuictissimus avait été attribué à Maximilien I", grand-pére de Charles Quint et pére de Philippe le Beau, au moment de la vaste propagande autour du Saint Empire Romain Germanique et de la restitutio imperii, à la fin du xv* siécle et au début du xVI°, initiée par des humanistes comme Heinrich Bebel, Ulrich von Hutten ou Conrad Celtis". Marque d'une préférence divine, le terme augustus se voit précisé par imperium, qui joue sur trois sens. Il renvoie tout d'abord à la nature du commandement qui caractérise les magistratures supérieures à Rome (en particulier le consulat). Il désigne également la notion géographique et politique d'empire, gouverné par un souverain. De plus, comme le montrent les vers 3-4, il a aussi le sens d'« empire sur soi-méme », c'est-à-dire de continence.

Enfin, relié à la domination sur soi-méme, il évoque un pouvoir cosmique, qui est celui du philosophe qui

triomphe de la contrainte ou de l'arbitraire des destins (fata, v. 4) : d'oü la mention de la sapientia immortalis de

Charles V dans le titulus du poéme. La notion de pietas, attachée à l'empereur Auguste et à son double épique, l'Énée virgilien, vient compléter harmonieusement les notions d'augustus et d'imperium. Trés différent de la notion de croyance ou religiosité, le terme désigne la relation privilégiée (religio) que l'on entretient avec les

Fig. 1a > N. HOGENBERG, Charles Quintet Clément VII sous un dais, gravure extraite du Gratae et laboribus aequae poseritati... (Cortége triomphal pour le couronnement de Charles Quint à

dieux lorsqu'on les honore comme il faut : ils répondent alors en concédant l'empire (imperium) temporel qui « augmente » le charisme du prince élu, devenu augustus. C'est implicitement le comportement religieux attendu du prince chrétien. Mais la pietas désigne aussi la qualité des rapports entrenus avec les membres de sa patrie, de sa cité et de sa famille, et le respect des devoirs qui leur sont dus : c'est l'empire au sens moral et politique**, À ces mots-clés viennent s'en ajouter d'autres plus discrets qui en précisent les nuances, par exemple la mention de la victoire (uincis, v. 2) et celle de la royauté (regis, v. 3), dans un sens non pas militaire ni politique, mais intérieur et philosophique : l'expression fataque teque au v. 4 est embrassée par l'expression

Fig. 1b » N. HOGENBERG,

Bannieres impériale et pontificales, ibid., p. 8.

Bologne), Hendericus Hondius, Anvers, 1540 (1535'), p.27 (36 x 30 cm) Londres, British Library.

arbitrio...

ANALYSE Les deux premiers distiques de ce poéme laudatif en l'honneur de Charles Quint ne cessent de faire entendre les termes imperium, augustus et pietas. Ce sont des termes qui renvoient à la fois au droit et aux valeurs de la Rome paienne, mais également au prince chrétien : dans la frise de quarante gravures incisées par Nicolas Hogenberg pour le couronnement par le pape Clément VII de Charles Quint à Bologne le 24 février 1530*?, l'empereur apparait aux cótés de Clément VII, avec une titulature abrégée : IMP«ERATOR» CAES«AR» CAROLVS .V. P«IVS» F«ELIX» AVG«VSTVS»*"* (Fig. 1a). La référence est celle d'Octave-Auguste, le nouveau fondateur de Rome, le promoteur de la paix et le rénovateur de l'Áge d'or, contemporain du Christ, qui accàde au principat en

tuo, qui la maintient visuellement dans son emprise. La piéce poétique noue fortement le sens

politique et le sens philosophique. La facture des quatre premiers vers eux-mémes est assez remarquable et on y trouve abondamment exploitées la figure de la répétition et celle de l'amplification. La répétition de termes et de groupes de mots est frappante. Ainsi, outre l'omniprésence des embrayeurs de la seconde personne, traditionnels dans le panégyrique, imperio apparait trois fois à trois places différentes dans le vers (v. 15 2 5 3), relayé par son paronyme homéotéleute et isosyllabique arbitrio (v. 4). Augustus apparait trois fois, avec une alternance positif-comparatif, ce qui génére le polyptote -us/-ior/-um (v. 1 ; v. 3), tout comme pietas/pietate (v. 1 ; 2). On notera la répétition à l'identique du groupe Imperio Augustus /-um (v. 1 ; 3). De plus, dans chaque distique, le pentamétre reprend l'idée contenue dans l'hexamétre, en la variant, l'amplifiant ou la complétant (v.1:

pietate augustior; v. 2: maior pietas ; ou

encore v. 3 : fe uincis ; v. 4 : regis... te).

Les vers s et 6 présentent l' « objet » symbolique à décrire (v. s : il s'agit de l'aigle de Jupiter, pourvu ici de deux

+? Sur tous ces aspects eschatologiques, voir F. Cumont, Le Symbolisme funéraire des Romains, Paris, 1942 et R. Turcan, Messages d'outre-tombe. L'iconographie des sarcophages romains, Paris, 1999.

tétes'?), et suggérent une signification allégorique (v. 6). L'aigle est, depuis l'Antiquité, un symbole royal et était l'un impérial, et les Habsourg l'ont pris dans leurs armoiries*'?, L'aigle à deux tétes (qui devient féminin)

*? Gratae et laboribus aequae posteritati. Caesareas sanctique patris longo ordine et turmas aspice et artificem ter uenerare manum tradere quae potuit rigido mansura metallo nomina magnorum tot generosa virum pictor Hogenbergus... , Malines, Nicolaus Hogenberg & Engelbert Brunning, 1535. L'ouvrage comprend quarante gravures réalisées par Hogenberg. Il est réédité à Anvers en 1540 (avec des insertions de cartouches

et des éléments essentiels du blason de Maximilien I° (« d'or, à l'aigle bicéphale de sable, membrée, becquée

Voir Ch. von Heusinger, « Einige Bemerkungen

au XVF siécle, Paris, 1989 pour la traduction *5 Voir F. A. Yates, « Charles Quint et l'idée d'empire » dans Ead., Astrée. Le symbolisme impérial frangaise, p. 17-56, ici p. 20.

liée de gueules »), motif que Charles Quint intégre à son tour à son propre blason à partir de 1519. Dans les

généalogiques dans les gravures, dus à Jacques Androuet du Cerceau), à la La Hague en 1610, puis en 1619 chez Hendrick Hondius l'Ancien. zur Editionsgeschichte des Triumphzugs

Kaiser Karls V. und Papst Clemens VII. nach der

Kaiserkrónung am 24. Februar 1530 in Bologna von Nicolas Hogenberg. Mit einem Anhang : Der Holzschnittfries von Robert Peril », Jahrbuch der Berliner Museen,

43, 2001,

synthése

du professeur

commode

charles-v-largest-and.html».

p.63-108.

La British Library date de maniére

Konrad

Eisenbichler

erronée

à l'adresse suivante:

son exemplaire

(144.g.3-[1.])

de

1532.

Consulter la

«http:/ /grahamarader.blogspot.fr/2012/06/ coronation-of-

** Voir l'exemplaire de la British Library (p.27 /43): «http://special-1.bLuk/treasures/festivalbooks/ pageview.aspx?strFest-oo86&str Page-043». Voir également F. Paoli (dir.), II Trionfo di Carlos s, 1530. Storia di slampe ducali dal ritrovamento al restauro. Catalogo della mostra, Sala del Trono, Palazzo Ducale, Urbania, 27 Luglio-31 Agosto 1991, Urbania, 1991. Sur le contexte épidictique et idéologique, voir M. Philipp,

Ehrenpforten für Kaiser Karl V. Festdekorationen als Medien politischer Kommunikation, Berlin, 2011, p. 112-118. Pour la référence à l'antique qui

a présidé à l'entrée de 1529, voir J.-C. D'Amico, « Aue Caesar Imperator inuicte. Les représentations de l'empire romain dans l'entrée de Charles Quint à Bologne en 1529 », Bulletin de l'assocciation des historiens de l'art italien, 5, 1998-1999, p. 13-25.

144

und die Macht der Bilder, München, 46 Voir Ov., E., 1, 608 sq. Sur ce terme et ses sens, voir P. Zanker, Augustus et romaines, t. I, p. 561. G. Humbert, s. v. « Augustus » dans Daremberg/Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques siécles, Paris, 2000, p. 66. XVII et XVf au France en * A. Y. Haran, Le lys et le globe. Messianisme dynastique et réve impérial

+08 Sur le terme pietas, voir J. Champeaux, La religion romaine, Paris, 1998, p. 11-12.

1997, p. 103-104 et

L. G. GyRALDI, De deis gentium libri, Syntagma II, Lyon, 40 Sur la légende de l'aigle, oiseau jovien, voir FVLG., Myth., 1, 25 ;

— 1565 (1** édition :

Bále, 1548), p. 72. Civilian Terms in the Imperial +0 Voir A, Y. Haran, Le lys et le globe, p.67 ; J. M. Headley, « Rhetoric and Reality: Messianic, Humanist and 253. p. 1992, Oxford, Period, Renaissance High the in Rome Ethos of Gattarina » in M. Reeves (dir.), Prophetic

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

gravures sur bois de Dürer intitulées Le char triomphal de Maximilien I" ou le Grand Char triomphal de 1522*'!, on apercoit, sur le dais du char, un soleil et une aigle bicéphale sur un écusson, avec la comparaison Quod in celis

géographique et renvoie au Nouveau Monde outre Atlantique, celui qui s'ouvre au-delà des limites jusqu'alors

sol, hoc in terra Caesar est, « Ce que le soleil est dans le ciel, César l'est sur la terre » (Fig. 2.). L'aigle est ici, bien

l'Occident, l'Ancien et le Nouveau Monde,

entendu, un symbole de royauté solaire.

conquises*?.

L'aigle à deux tétes, comme

le dieu Janus, regarde à gauche et à droite, à la fois l'Orient et c'est-à-dire deux empires. On ne s'étonnera pas, dans un premier

temps, de la suggestion herméneutique de Bocchi (sous la forme d'une question rhétorique) selon laquelle l'aigle à deux tétes est le symbole d'un double empire (duplex imperium). Dans le distique, les termes biceps et duplex sont placés juste avant la coupe, hephtémimére (v. 5) et penthémimére (v. 6), car c'est sur eux que se fait l'articulation entre signifiant et signifié. La surprise vient ensuite, dans les vers 7-10. Car le double empire que symbolise l'aigle n'est pas géographique ou directement politique, mais bien spirituel. Bocchi y voit les deux parties supérieures de l’àme : d'un cóté, l'animus, l'esprit purement humain qui régne sur les quatre vertus cardinales (cf. v. 9 : Iustitia hinc, animi et robur, prudentia uisque), de l'autre la mens, c'est-à-dire l'intellect, de nature divine et contemplative, qui dispose de deux facultés, la mémoire et la providence ou prévoyance. Dans la Rhétorique à Herennius (3, 8, 15), les quatre

vertus cardinales sont associées à l'éloge du caractére.

Mais la source directe est probablement un texte de Rhodiginus (Lectiones antiquae, 2, 23), qui associe la ratio et

la mens aux deux visages du dieu Janus, qui peut voir à la fois ce qui est au-dessous et au-dessus de lui, c'est-à-dire le monde humain et le monde divin, la terre et le ciel (voir le texte de Rhodiginus dans notre analyse au

Symb. 151). Ces deux « faces » d'une àme janusienne, qui se substituent, dans l'embléme, aux deux tétes de l'aigle qui regardent dans deux directions opposées, sont évoquées également par Marsile Ficin (Theol. Plat., 6, 5) et Cristoforo Landino (Disp. Camald., 4, p. 213-214 Lohe), pour représenter la nature de l'àme rationnelle ou

Fig. 2 > A. DÜRER, gravure pour Le char triomphal de Maximilien I", 1518-1522, New York,

Metropolitan Museum of Art (49,5 x 33,7 cm).

L'aigle bicéphale regarde simultanément à gauche et à droite. En 1516, au moment oü il devient grand maitre de la Toison d'Or, Charles Quint prend pour devise (inventée par son médecin Luigi Marliano) un blason couronné représentant une aigle bicéphale portant un écu, flottant entre deux colonnes couronnées également, tandis que s'enroule une banniére autour de chacune d'elles, portant à gauche Plus... , à droite ... oultre. La forme en était également Plus... ultra*?. Les deux colonnes sont les colonnes d'Hercule, limites du monde connu, au-delà desquelles l'Antiquité pensait qu'il n'y avait plus rien (à rapprocher des adages Nec plus ultra, Ad columnas Herculis et ultra Gades nil) et qu'il était périlleux de s'engager. Michel Bataillon pense que le sens de la devise a évolué avec le temps, signifiant d'abord (vers 1516) que Charles Quint, nouvel Hercule, dépassera son modéle, allant au-delà de ses exploits. Puis, à partir de 1535, avec la découverte du Pérou, la devise prend un sens ?! Le secrétaire de Maximilien, Max Treitz-Saurwein, établit le programme de ce Cortége triomphal de Maximilien I" dés 1512. Les planches

sont dessinées pour moitié par Hans Burgkmair et l'autre moitié par Leonard Beck, Altdorfer, Wolf Huber, Chaüffelein Springinklee et Dürer,

mais taillées seulement en 1516-1518. La mort de Maximilien en 1519 interrompt le travail, qui sera publié en 1526 cut l'archiduc Ferdinand, free de Charles Quint. La partie concernant le char impérial est confiée à Dürer, qui réalise en 1512-1513 un premier croquis (conservé à I Alberti de Vienne). Sur les indications de Pirckheimer, qui veut renforcer le caractere allégorique de la procession, Dürer corrige cette

premiére version et propose en 1518 un dessin en couleur, qui ne sera pas gravé suite à la mort de l'empereur. Rompant avec l'esprit « propagandiste » initial du projet, la composition est publiée de maniére indépendante en 1522 sous le titre Le Grand Char triomphal. Voir

E. Panofsky, La vie et l'art d'Albrecht Dürer, Paris, 1987 (pour la traduction francaise), p. 278-279 ; et le catalogue d'exposition Künstler und

Kaiser, Albrecht Dürer und Kaiser Maximilian I. Der Triumph des rómisch-deutschen Kaiserhofes, Kunsthalle Bremen, 25 nov. 2003 bis 18 Jan. 2004, Bremen, 2003, n" 57, p. 90-91. Y '

?? Voir M. L. Doglio (éd.) : Paolo Giovio, Dialogo dell'imprese militari e amorose, Rome, 1978, P. 46-47.

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tierce essence, qui peut descendre vers le corps ou monter vers l'intellect, s'occuper des réalités mortelles ou des pensées divines. L'opposition entre voüc et y5yn, avec le premier qui s'occupe du divin et tend à s'assimiler à lui*'^ et la seconde qui vaque à la cohésion et à la nutrition du corps, aux perceptions et aux passions, recouvre en réalité une tripartition à laquelle il faut intégrer le cya, pour pouvoir définir l'intégralité de la nature humaine. Son origine est grecque et A. J. Festugiére montre qu'il faut y voir moins une influence des divisions platonicienne de Rep. 435d-4436c (voc, 90poc, émiBóytar*5) qu'une distinction aristotélicienne : l'àme (vbxn) est la forme du corps matériel (cóya), qu'elle met en acte et en dehors duquel elle ne peut subsister ; principe de elle sera vie et nutritive chez tous les étres, elle sera aussi sensitive chez les animaux ; chez l'homme, xou]ttkóc), accompagnée d'un voc, non coordonné au corps, universel et séparé (du moins pour le vobc

peut principe des opérations intellectuelles, de la saisie des premiers principes et de la contemplation*'^. On à suivre la survie de ce topos (et les adaptations, notamment sous l'influence du platonisme) de Sénéque l'àme est un saint Paul (1, Thess., 5, 23), en passant par Plutarque et Philon d' Alexandrie. Pour ces deux derniers, entre la terre et le mélange, un intermédiaire entre le corps et le vobc, exactement comme la lune tient le milieu

irradier par la soleil*". Logée dans le corps, abritant à son tour le voüc, l'àme peut se tourner vers lui et se laisser

par l'obscurité lumiere qu'il envoie lorsqu'il contemple le divin, ou, au contraire, se laisser absorber totalement

J. Jacquot (dir.), Les fétes au temps de la Renaissance, t. 1l : Fétes #13 Voir M, Bataillon, « Plus oultre : la cour découvre le nouveau monde », dans par E. Rosenthal, « Plus ultra, Non plus ultra, and the apportées nuances les Voir 13-27. p. 1960, et cérémonies au temps de Charles Quint, Paris, ; Id. « The invention of the Columnar Device of the Emperor Columnar Device of the Emperor Charles V », JWCI, 34, 1971, p. 204-228 p. 198-230. Paul Jove confirme cette interprétation dans son Charles V at the Court of Burgundy in Flanders in 1516 », JWCI, 36, 1973, imprese, Venise, 1560, p. 15 : Per certo queste colonne col motto, chiamano nte Ragionamento sopra i motti e disegni d'arme e d'amore che communeme

antichi Romani, soddisfà mirabilmente col considerata la buona fortuna del felice acquisto dell'India Occidentale, il quale avanza ogno gloria degli

soggetto alla vita e con l'anima agli intelletti che la considerano.

«à, ? Sur cette notion capitale de la philosophie grecque de l'ógotootc p. 9. 1971, Dieu, sur et l'homme sur grecques Idées Pépin, J. voir Stoicisme,

l'assimilation à Dieu, reprise autant par le platonisme

que par le

demeurent bien sur la notion d'« espéces d’àme », qui se *5 De méme, les passages du Tim. 69c-e et 90a-C, qui opposent vobc, opa, yoóxn,

distribuent à différents endroits du corps. +6 Voir A, J. Festugiére

« La division

corps-áme-esprit de I Thess.

.

s, 23 et la philosophie

grecque » dans

E

Id., L'idéal religieux des

Grecs

et

à "l'Évangile, Paris, 1932, Excursus B, p. 197-220, en particulier p. 202-203. », p. 205-206 ; sprit corps-àme-e division La « Festugiére, A.-J. Voir 5-6. 1, Somn., ^" PLvT., De facie in orbe lunae, 30, 944e-945d et PHIL, De J. Pépin, Idées grecques sur l'homme et sur dieu, Paris, 1971, p. 94-95.

147

ENT

00202020

BI

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Ce qui surprend, c'est que le sens donné à l'aigle bicéphale n'est pas du tout le méme que celui donné dans le

de la matiére corporelle. Ficin ne dira pas autrement. On se demandera d'ailleurs si cette opposition entre intelle& et raison ne recouvre pas implicitement l'opposition aristotélicienne entre vertus intellectuelles et

texte : le titulus de la gravure, sous la forme d'un motto, nous explique que l'aigle, oiseau jovien, signifie ici que le

s'en expliquera plus largement dans le Symb. 151 (voir notre analyse à ce symbole).

l'aigle qui regarde à droite — sont entre les mains de Jupiter. Comment interpréter tous ces éléments ? Comment

vertus morales, qui se traduit en latin par le double ingenium/mores*?. Bocchi reprendra tous ces éléments et

début (principium) de l'empire de Charles — téte de l'aigle qui regarde à gauche -, et sa fin (finem) — téte de

Le caractere bicéphale de Janus est interprété comme le signe d'un bon roi pour Macrobe

les relier au texte ?

(Sat., 1, 7, 20), suivi

par Valeriano (voir apparat des sources) dans la mesure où il traduit les deux nuances de la prudentia : avoir la faculté de voir devant et derriére soi, pour ne pas se laisser surprendre par ses ennemis (sollertia) ; associer la

connaissance du passé (memoria) à la prévision du futur (prouidentia*"?). Le contexte du bon prince ou du bon roi est significatif chez Macrobe, et Bocchi a probablement retenu l'idée pour l'appliquer à Charles Quint. Mais

Janus et l'aigle ne sont pas, dans ce cas, orientés dans la méme direction. Ainsi, chez Macrobe, Janus

regarde vers

la droite et vers la gauche : l'une des tétes regarde le passé et l'autre l'avenir, alors que le texte de Bocchi suggére plutót un aigle-Janus dont une téte regarde vers le bas (celle qui correspond à l'animus/ratio) et l'autre qui regarde vers le haut (celle de la mens/intellectus). À la différence de Macrobe, la connaissance du passé et celle de

l'avenir chez Bocchi, loin d'étre séparées, constituent au contraire les vertus d'une seule des deux tétes, celle qui regarde vers le haut et s'occupe de la contemplation. Ultime paradoxe chez l'emblématiste, qui crée une véritable originalité : le doublet mémoire/prévoyance vient prendre place là où l'on attendrait les trois vertus théologales (foi, eSpérance et charité), dans la partie de l'àme qui est la plus proche des réalités divines. C'est sans doute que ces vertus théologales sont réservées à un autre souverain, dont le pouvoir est spirituel : le pape. Quant aux quatre vertus cardinales qui dépendent de l' animus et aident dans le devoir proprement humain (v. 9-10), elles ont une trés grande importance dans la propagande impériale, correspondant aux quatre couronnes qui doivent ceindre la téte de l'empereur (or, argent, fer et

paille), suivant l'hypothése de Juan Carlos d' Amico?'.

Le poéme se termine sur la vision d'apothéose du héros, emporté, sans doute par par l'aigle jovien, au banquet des dieux (voir note aux v. 11-12). Quant son regard se porte sur la gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana? le lecteur ne peut manquer d'étre supris : il va y retrouver des éléments qu'il a lus, mais d'autres, qui ne correspondent pas exactement à ce qui lui a été expliqué. La scéne se décompose ainsi : sur la droite, Charles Quint, barbu et visiblement ágé, siége sous un dais, revétu de la tiare du Saint Empire romain

germanique surmontée de la croix, signe du prince chrétien. Il a revétu la léonté d'Hercule. Son coude gauche est replié sur le dossier du tróne, et son index pointe vers le sol. En bas des trois marches qui ménent au tróne et qui portent l'inscription Carolus V imperator semper augustus, on apergoit une personnification de la Pietas augusta, un pied sur le premier degré, qui tend de la main droite une phiale à l'empereur, qu'il s'appréte à recevoir lui

aussi de la main droite. De l'autre, la Pietas augusta désigne de l'index gauche l'aigle bicéphale qui, face au spectateur, se déploie sur la banniére d'une enseigne qu'un lansquenet cuirassé tient devant lui. En bas, à gauche de l'image, on apercoit d'autres marches, peut-étre celle d'un escalier monumental : l'idée n'est pas ici celle d'une descente aux enfers*?, mais au contraire l'idée que Charles Quint a gravi tous les degrés, et qu'il est maintenant au sommet de sa gloire. La disposition de l'image, qui met en valeur la diagonale qui coupe l'image en deux, paralléle aux marches, renforce l'impression d'ascension. 418

EE Nici ent particulier M. FiCIN, Theol. Plat., 16, s, t. III, p.

123 Marcel : « Puisque la vie humaine est intermédiaire entre la vie divine et la vie des

Outre la référence à lÉpitre aux Romains de saint Paul (non est potestas nisi a Deo), on rappellera que, dans la

Monarchia (3, 4 et 3, 1 5), Dante expliquait, en s'inspirant du De Ciuitate Dei de saint Augustin, que l'homme a

deux fins : l'une qui vise à la béatitude terrestre, l'autre à la béatitude céleste. Il parvient à la premiére gráce aux vertus morales et intellectuelles, enseignées par la philosophie, et à la seconde, gráce aux vertus théologales (foi, espérance, charité) diffusées par un enseignement spirituel. Sur ce double chemin, l'homme est donc guidé par deux chefs, qui se répartissent de maniére stricte deux champs d'intervention : le souverain pontife, qui le méne à la vie éternelle, et l'empereur, qui lui assure la béatitude temporelle*?*. Dante précise en outre qu'à la différence de la lune qui regoit sa lumiere du soleil, l'empereur n'est pas subordonné au pape, mais que tous deux dépendent de Dieu et tiennent directement de lui leur autorité. En France, Claude de Seyssel puis Guillaume

Budé, avec son Institution du prince de 1519, fondent l'absolutisme du « roi trés chrétien », et invitent le

souverain à n'étre redevable qu'à Dieu de la puissance et de l'étendue de son pouvoir, ce qui implique que l'autorité royale est ceuvre de Dieu et trouve là son seul frein 95. Le théoricien Jéróma Balbi et son De Coronatione, rédigé en 1530, jouérent un róle important dans la légitimation juridique et symbolique de la procédure du couronnement impérial de Charles Quint, en plus d'en définir un protocole possible. Pour Balbi, du les trois couronnes dues à l'empereur, sur le modéle du Christ, attestent que le souverain recoit directement

bien ciel son pouvoir. De plus, le couronnement manifeste le fait que pouvoir temporel et pouvoir spirituel, donc pas qu'agissant dans des ordres différents, ont la méme origine, divine et christique, et qu'ils ne dépendent de Dieu vicaire l'un de l'autre : l'empereur, à l'instar du pape, est un minister Dei mais c'est « le pape en tant que telle qu'elle est qui peut attribuer “ l'exercice de la juridiction ” à l'empereur? 5 ». L’àme du bon empereur, la premiere symbolisée par l'aigle dans le texte de l'embléme, se divise en deux parties, l'animus et la mens, vertus intellectuelles garantissant les vertus morales dont parle Dante (les vertus cardinales), et la seconde les philosophique, et non (mémoire et prévoyance). Mais leur destination demeure finalement politique et cette conclusion du spirituelle, ce qui explique l'absence de mention des vertus théologales. On rapprochera doigt de Charles Quint pointé vers le sol dans la gravure, signe de la temporalité terrestre. de Janus chez Macrobe (voir Par ailleurs, l'aigle sur la gravure s'inspire de la signification qu'a le double visage qui regardent apparat des sources). Incarnant le sens du passé et l'anticipation de l'avenir avec ses deux tétes prudentia est cette Mais dans des directions différentes, l'aigle matérialise tout d'abord la prudentia du prince. et que signifie aussi l'aigle, liée à la parfaite connaissance qu'a le prince de la nature du pouvoir qu'il détient,

mais il a une nature temporelle et donc symbole de l'empire : ce pouvoir émane, certes, directement de Jupiter ;

(qu'anticipe sa prévoyance), mortelle, puisqu'il a un début (dont la mémoire du prince se souvient) et une fin

la pérennité de l'empire, réservé à qui dépendent de Jupiter (a Ioue summo). Le prince ne doit donc pas chercher uniquement par le pouvoir divin de la l'ordre spirituel et au pape. Cette conscience de la limite lui est conférée

de Bonasone fait référence à Mens. Par ailleurs, en revétant l'empereur de la peau du lion de Némée*", la gravure cette de vie que fixait la devise de Charles Quint, mais en subvertissant quelque peu le sens du programme la conquéte du Nouveau-Monde, impresa. On se souvient que le moto, « Plus Oultre », avant méme de signifier

bétes, l'áme, en menant la vie intermédiaire, touche aussi aux deux vies extrémes. Mais en se portant vers l'un des extrémes, elle atteint peu

l'existence intermédiaire et pas du tout l'autre extréme ». +19 Voir ARIST., EN, 1, 1103a et 3-6. 420 On est ici ici éloigné éloioná de la définition e de la prudentia, telle que la donne Cicéron dans le De inuentione, 2, 159-160, et qui fait intervenir les quatre

vex cardinales : la prudence rassemble trois facultés, mémoire (qui s'occupe du passé), intelligence (qui s'occupe du présent), prévoyance (qui s'occupe de l'avenir).

?! J. C. D'Amico, Charles Quint maitre du monde, entre mythe et réalité, Caen, 2004, p. 147-162. ** Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n? 13. *5 L, Chines, « Guicciardini, Bocchi e l'umanesimo bolognese » in E. Pasquini, P. Prodi (dir.), Bologna nel età di Carlo V e Guicciardini, Bologna, 2002, p. 477-486.

148

complétes, sous la direction de C. Bec, Paris, 1996, p. 514: « C'est pourquoi +4 DANTE, De Monarchia, 3, 15, trad. F. Livi dans DANTE,finsCEuvres : à savoir le souverain Pontife, pour conduire le genre humain à la vie éternelle, en l'homme a eu besoin de deux guides en vue de ces deux nts conduire le genre humain au bonheur temporel, en suivant les enseigneme suivant les enseignements de la révélation ; et l'Empereur, pour

de la philosophie s». I France (Xit-XV s.), Paris, 1993, p- 345-383 et A.-M. Lecoq, Franoisi 95 Voir J. Krynen, L'Empire du roi. Idées et croyances politiques en. imaginaire. Symbolique & politique à l'aube de la Renaissance francaise, Paris, 1987, p. 139-178. i 95 J. C. D'Amico, Charles Quint maítre du monde, p. 126. Sur Balbi et son traité, voir ibid. p. 117-145. 2006, p. 256-258. +27 Sur Je ròle d’Hercule dans la propagande impériale en Espagne, voir G. Salinero, Les Empires de Charles Quint, Paris,

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Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

invitait d'abord

Charles

Quint, nouvel

Hercule,

à franchir les deux colonnes

qui marquent

Symb. 22

le détroit de

Gibraltar, pour aller au-delà des limites fixées dans le sol par le héros grec, bref à en surpasser les exploits. Sur la

Gravure :

gravure de Bonasone, les colonnes n'apparaissent pas mais elles sont implicitement rappelées par le motto, qui

pose des limites (finem, principium) déployer hors du cadre temporel et d'Hercule, symbole de l'animi robur impose aux passions et à la démesure

IL DISPOSE DE TOUT, L'HOMME QUI DISPOSE DE LA VERTU

et invite l'aigle à ne pas regarder au-delà d'elles : l'empire ne doit pas se moral qu'elles lui fixent. Cette limitation convient bien au personnage et de la temperantia, lorsqu'il lutte contre les monstres, c'est-à-dire qu'il les lois de la raison** : pour prix de cette limitation, il connait l'apothéose

LES QUATRE VERTUS IMPÉRIALES DU MÉME CHARLES QUINT

personnelle et gagne le ciel, comme Bocchi le promet à Charles Quint. Le double geste de la Pietas augusta sur la

gravure va dans le méme sens : en tendant la phiale, elle montre que le prince est pieux et observe les rites religieux ; en montrant l'aigle, elle lui rappelle de se soumettre aux ordres de Dieu-Jupiter et aux limites qu'il fixe aux empires, à la fois dans la durée et dans leur domaine d'action. Pour l'empereur, il s'agit du bonheur terrestre, pour le pape (absent de la gravure mais implicitement trés présent), du bonheur spirituel. Enfin, la présence de la banniére portant l'aigle et soutenue par un lansquenet pourrait étre rapprochée d'une des gravures de Nicolas Hogenberg, réalisées pour le Couronnement de Bologne, oà Charles Quint recu la couronne et les insignes impériaux des mains de Clément VII en 1530. Bocchi assista probablement à cet

Aux plus nombreux échoit la science militaire ; Bon nombre ont le prestige invaincu du courage, La plupart, l'autorité ; mais rares sont ceux

À qui échoit le succés, désiré par tous. 5

Peuréussissent

événement. La gravure d'Hogenberg*? exhibe quatre étendards, portés par des cavaliers (Fig. 1b). La disposition des banniéres est significative : la seconde en partant de la gauche montre une crucifixion, qui sépare

les deux derniéres banniéres, portant les insignes papaux de Clément VII, de la premiére banniére oü apparait

l'aigle bicéphale soutenant le blason complexe de Charles Quint : le Christ, au centre, est ici celui qui, par son sacrifice, distribue chacun des empires. Il n'est pas impossible que la gravure de Bonasone ait été influencée par cette image d'Hogenberg. L'allusion au couronnement bolonais permet de conforter les positions idéologiques sur l'indépendance du pouvoir impérial mis en ceuvre dans le texte et l'image de l'embléme, qui insistent sur le fait que le corollaire de cette indépendance est la stricte conscience de sa double limite, en terme de temps mais aussi d'influence.

10

Que méme les Réunis chez le Méme Momus Beaucoup s'en

à montrer un seul des traits

gens aveugles voient désormais seul César au plus haut point. se voit contraint de l'avouer. étonnent ; moi, non. Et pourquoi donc ?

Tous ces talents aident celui qui, en ses mains, Détient la véritable et supréme Vertu.

MÉTRIQUE Trimétres iambiques. NOTES

Quint portée sur une — tit. pié. : inclyta uirtus] La formule rappelle la devise Caesaris inuicta uirtus de Charles

gravure d'Enea Vico célébrant le franchissement de l'Elbe au cours de la bataille de Mühlberg*". — v. 1 : rei] Synizèse.

-Yv.2: animi praestantia] Cf. VERG., Aen. 12, 19 : praestantior animi.

une référence à Perotti - v. 3 : autoritas] Pour auctoritas. Pour l'étymologie grecque, J. L. Charlet me suggére (Cornucopia, 6, 391-393). satisfaction à Momus » -v.8: Momus id fateri cogitur] Allusion à l'adage « Momo satisfacere », « donner perfection apte à désarmer méme (cf. ÉRASME, Adagia, 1, s, 74), qui désigne « de maniére hyperbolique une

ipsum quidem nihiloperis edere, sed Momus », pour reprendre les mots de P. Eichel-Lojkine*! : Huic deo mos est, perperam factum, id summa cum aliorum deorum opera curiosis oculis contemplari et, si quod est omissum, aut tout en ne produisant luilibertate carpere. Nam Momos Graece reprehensionem sonat. « Ce dieu a pour habitude, avec des yeux vétilleux et de blàmer méme rien de valable, d'observer cependant les travaux des autres dieux signifie “ reproche ” ». Momus est toute omission ou imperfection avec une extréme liberté. Car Momos en grec Raphaél Riario qui ouvre son Apologia in en effet le dieu du sarcasme. Dans la lettre dédicatoire au cardinal attaques de Pilade, Bocchi évoque Momus Plautum (Bologne, 1508), qui lui permet de défendre Pio contre les (f Avii r?-v?)??, 59 Voir G. Salinero, Les Empires de Charles Quint, Paris, 2006, p. 265. ?* À Bologne par exemple, sur la facade d'un palais bolonais donnant sur la Piazza Maggiore, la devise Plus Vltra figure en dessous d'une peinture montrant Hercule terrassant le géant Antée. Sur la signification de cette ensemble, voirJ. C. D'Amico, Charles Quint maítre du monde,

p. 210-215. Tandis que Charles Quint débarque à Majorque en 1541, l'Université de Las Palmas fait ériger un arc de triomphe oü apparaissent l'empereur Hadrien face à Hercule jetant la peau du lion de Némée sur le sol. Voir G. Salinero, Les Empires, p. 257. Sur tous ces aspects, voir F. Checa Cremades, Carlos V y la imegen del héroe en el Renacimiento, Madrid, 1999. *? Exemplaire de la British Library, p. 8/13

150

: «http://special-1.bl.uk/treasures/festivalbooks/ pageview.aspx?strFest2oo86&strPage-0137.

:

|

ent des codes à la Renaissance, Genéve, 2002, p. 87. ?!p. Eichel-Lojkine, Excentricité et humanisme : parodie, dérision et détournem gliscere — ac magis quotidie ego quum asi hipudesii m, quidem insaniam, temeritate 432 [Herculem] quem nemo uituperat nisi Momus, cuius

iflitam 6 ut inquit : » nouam eo effrenatum fore quo impunitiar sit. Ne uéterens ferendo perspicerem aduerteremque libidinem iuxta Liuii sententiam enim e quaesiui 5r malum nodo cogitans, interim malae arboris

inuitare uiderer, sero potius quam nunquam obuiam eundum esse audaciae yges carnes ferto indigent et sauterio, Et si sciam Homeromastyges e irgiliomast aliquando uitio tollitur, et (ut inquit Hieronymus) putridae [£ Avii v?] et carpent saeuientem et nimis asperam ut tum editam, candidato nuperrime minime defuturos qui hanc nostram Apologiam tum ut à Tyrone literarum inuitum. : si Apologiam nostram legere non placuerit, nemo compellet more suo lacerabunt. Sed lacerent carpantue usque licet

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"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome2

(iustitia, uis, prudentia, animi robur), et qui se voient remplacées ou complétées ici par la notion de « vertus

l'empereur se dirige à la rencontre de quatre vertus personnifiées qui surgissent de la droite de l'image, et que l'on peut tenter d'identifier gráce à celles évoquées par l'épigramme. On reconnait, en téte de la procession, une déesse guerriére (ce n'est pas Athéna, qui apparait en dernier), tenant un trophée d'armes (de bas en haut:

J.-C. Ce dernier énumére uirtus, clementia, iustitia et pietas dans ses Res Gestae (34, 2), qui ne sont pas connues à

vient l’Audtoritas,

ANALYSE Le texte de l'embléme effectue une variation sur les quatre vertus cardinales évoquées dans la piéce précédente

impériales », dont il faut trouver l'origine dans le clipeus uirtutis que le Sénat romain offrit à Auguste en 27 av.

l'époque de Bocchi*?. En revanche, ce sont les panégyriques impériaux tardifs qui en assurérent ensuite la perpétuation et la diffusion**. En plus des supports strictement littéraires, les bas-reliefs monumentaux, le monnayage impérial et les camées ont constitué des supports trés importants de diffusion de cette liste*^, Les vertus impériales prétées à Charles Quint par Bocchi sont respectivement la rei militaris scientia, l'auctoritas, la

faisceaux, tambour, hache et lance croisées, cuirasse), qui incarne ici visiblement la scientia rei militaris ; puis

sous

les traits d'une

femme

voilée

tenant un

cierge

allumé,

rappelant

le caractere

essentiellement religieux et sacré de cette notion ; on voit ensuite une allégorie tenant d'une main une couronne de vi&oire, et de l'autre, une sorte d'immense caducée, aux deux serpents affrontés, avec, en dessous, une paire

d'ailes de part et d'autre de la hampe. C'est un rappel d'une gravure d'un des Emblémes d' Alciat intitulé Virtuti Fortuna comes (Fig. 1).

felicitas" et l'inuicta animi praestantia : art de la guerre, autorité du chef, félicité et excellence invaincue du

courage marquant la qualité d'une belle àme. Ce sont des valeurs guerriéres*? qui fondent le charisme de la victoire et les sources iconographiques de la gravure permettent de comprendre le contexte politique dans lequel a été composé cet embléme, et de le dater non pas de 1530, au moment du couronnement bolonais, mais aprés

1548, au moins pour la gravure (voir analyse de la gravure). De plus, les vertus définies par l'embléme ne sont en fait que les facettes variées de la seule et unique Vertu (Virtus), dans son sens guerrier et héroique d'une part, intérieure et philosophique d'autre part. Dans la tonalité épidictique du panégyrique, Bocchi ne cesse renchérir sur l'idée de prodige : méme les aveugles constatent cette vertu (voir le Symb. 40 sur l'idée de l'évidence de la vertu et la question des aveugles), méme Momus, qui n'épargne aucune valeur, la confesse. Sur la gravure, l'empereur à parait à gauche (dans l'image précédente, il occupait la partie droite de l'image). Sa représentation est un décalque du portrait équestre que Titien réalisa de lui en 1548 (Madrid, Musée du Prado), aprés que Charles Quint eut vaincu en 1547, à la bataille de Mühlberg, les princes électeurs de la ligue de Smalkalde, rassemblés autour de Jean-Frédéric de Saxe et du landgrave Philippe De Hesse (PlancheIl, Fig. 3) *. Comme dans la gravure précédente, on notera le caractére trés paganisant et « à l'antique » de l'image emblématique, bien dans le goùt des « fétes mythologiques » et de la vogue des portraits allégoriques qui caractérisent le régne de Charles Quint. L'empereur en cavalier, dans la tradition de la statue équestre de

Marc Auréle, est en armure, avec un sceptre qui vient remplacer la lance du portrait de Titien. Avec sa monture,

+33 Sur cette origine, voirJ. R. Fears, « The Cult of Virtues and Roman Imperial Ideology », Aufstieg und Niedergang der rómischen Welt, IL 17. 2, 1981,

p.827-848;

A. Wallace-Hadrill,

« The

Emperor

and

his

Virtues »,

Historia,

30,

1981,

p.205-218

et

C.J.Classen,

« Virtutes

Imperatoriae », Arctos, 25, 1991, p. 17-39.

+4 Voir à ce sujet F. Burdeau, « L'empereur d'aprés les panégyriques latin », dans F. Burdeau, N. Charbonnel, M. Humbert, Aspects de l'empire

romain, Paris, 1964, p. 1-60 ; R. Seager, « Some Imperial Virtues in the Latin Prose Panegyrics : the Demands of Propaganda and the Dynamics of Literary Composition », Papers of the Liverpool Latin Seminar, 4, 1983, (1984), 129-165 ; M. Whitby (dir.), The Propaganda of Power: The Role of Panegyric in Late Antiquity, Leyde, 1998.

+5 Aspect étudié par C. F. Norena, « The Communication of the Emperor's Virtues 55 Sur ce sens particulier de fortuna/tyché en relation avec le succés de l'action, rhétorique de l'éloge dans le monde gréco-romain, t. 1: Histoire et technique, Paris, 1993, +27 Voir par exemple pour l'auctoritas, CIC., Manil., 43 : et quoniam auctoritas quoque

», The Journal of Roman Studies, 91, 2001, p. 146-168. et qui se fait signe d'une faveur divine, voir L. Pernot, La p. 174-176. in bellis administrandis multum atque in imperio militari ualet,

certe nemini dubium est quin ea re idem ille imperator plurimum possit. La notion d'auctoritas cicéronienne, à l'origine des conceptions impériales, repose sur l'idée du prestige individuel du chef et sur une autorité naturelle ayant force de loi, fondée sur l'initiative et librement consentie par ceux sur qui elle s'exerce. Liée à augeo et à auctor, elle signale le mystére d'un pouvoir permettant de faire advenir ce qui n'existait pas auparavant. Voir H. Lévy-Bruhl, Deux

études : addicere ef auctoritas, Paris,

1942 ; A. Magdelain, Auctoritas principis, Paris,

From Imperium to Auctoritas, A Historical Study of Aes Coinage in the Roman Empire, 49 B. C.-A. D. 14, Cambridge,

1947 ; M. Grant,

1946, en particulier la

quatrieme partie; S. Gély, Le pouvoir et l'autorité: avatars italiens de la notion d'auctoritas d'Augsute à Domitien

(27 a. C.-96 p. C),

Louvain/Paris, 1995 ; C. Lanza, Auctoritas Principis, Milan, 1996 ; Pour la Renaissance, voir D. Letocha (dir.), Aequitas, Aequalitas, Auctoritas.

Raison théorique et légimitation de l'autorité dans le XVI siècle européen, Paris, 1992.

*** Sur Titien et les portraits de Charles Quint, voir I. Cloulas, « Charles Quint et le Titien. Les premiers portraits d'apparat », L'information d'histoire

de l'art, 9/5,

1964,

p. 213-221;

E.Panofsky,

Le

Titien,

questions

d'iconologie,

Paris,

1989,

(1969),

p. 121-123 ; D. Bodart,

« La

codification de l'image impériale de Charles Quint par Titien », Revue des Archéologues et Historiens d'Art de Louvain, 30, 1997, p. 61-78; F. Cremades Checa, Carlos V en la batalla de Mühlberg de Tiziano, Madrid, 2000 ; M. Falomir, « Tiziano, el Aretino y las *alas de la hipérbole".

Adulación y alegoría en el retrato real de los siglos XVI y XVII », in F. Cremadas Checa/M. Falomir (dir.), La restauración de «El emperador

Carlos V a caballo en Mühlberg», de Tiziano, catalogue d'exposition, Madrid, Museo del Prado, 2001, p. 71-86 ; D. Bodart, « De Mülberg à Lérida : le portrait militaire et la présence du roi en guerre dans l'Espagne des Habsbourg », dans T. W. Gaehtgens, N. Hochner (dir.), L'image du roi de Frangois I* à Louis XIV, Paris, 2006, p. 283-305.

152

Fig. 1 » ALCIAT, Emblematum liber, Augsbourg, 1531, f° Br? : « Virtuti Fortuna comes » © Glasgow University Library.

Dans les éditions d'Augsbourg de 1531 et 1534, cette gravure montrait, autour du caducée mercurial, deux

serpents affrontés (symboles de l'éloquence qui arréte les litiges), mélés aux deux ailes (Alciat dit au v. 1 : Anguibus implicitis geminis caduceus alis, «le caducée aux serpents enlacés, avec deux ailes » ou bien « les serpents mélés à deux ailes »), symboles de la parole qui vole et caractéristiques du pétase et des talonniéres de Mercure. Une autre paire d'ailes couronnait l'ensemble. Dans la gravure de Bocchi, les deux serpents du caducée sont à interpréter sans doute comme un hommage à l'éloquence pacificatrice de l'empereur - qui peut fédérer vertu autour de lui une armée ou une nation -, portée par les ailes de la bonne Fortune : cette alliance entre la apporte qui intérieure et appui divin, servie par le charisme personnel du guerrier, caractérise la Felicitas, de la Victoria, matérialisée par la couronne qu'elle porte dans l'autre main. La derniere vertu, symbole Pallas d'une praestantia animi, la prestance du courage guerrier ou de la force d'áme intérieure, a les traits tient une Elle pectoral. de guise en gorgoneion Athéna, casquée, cuirassée, munie d'une lance et portant un montrant colonne de la main droite, symbole de constantia, et pose le pied gauche sur une boule immobilisée, est l'insigne. par ce geste qu'elle limite les errements et les retournements de la Fortune, dont la boule instable par un long cortége de En outre, elle regarde en arriere, pour faire comprendre au spectateur qu'elle est suivie qui surmonte l'image : vertus invisibles car en dehors du champ visuel, réalisant ainsi ce que promet le motto omnia sunt praesto ...

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1 555) - tome 2

Symb. 23 Gravure :

VOULOIR ET POUVOIR RENDRE LES HOMMES

HEUREUX, TELLE EST LA CHANCE DORÉE DES ROIS

À HENRI DE VALOIS, ROI DE FRANCE

Les empereurs romuléens faisaient jadis dresser Une Fortune d'or dans leurs chambres augustes.

Ce symbole en effet rappelait aux rois magnanimes

Leur devoir et désir trés intenses de rendre Leshommes fortunés ; car elle est sans yeux et changeante,

s

La Fortune vulgaire, qui choie les gens indignes. Celle des rois est stable et pourvue d'yeux, guide des sceptres : La divine Abondance tient pour elle la barre. Sila Fortune d'or fait que les rois peuvent et veulent

10

Rendre heureux maints hommes, selon qu'ils le méritent,

C'est la méme qui t'offre, Henri, des lys dorés, à toi Qui en es digne et rends heureux notre àge en fleur.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

Le manuscrit porte la mention biffée d'une ancienne adresse à Francois I" au vers 11. On peut légitimement voir

là un remaniement postérieur à la mort de Francois I* (mars 1 547), au moment oü son fils Henri II accede au

tróne de France, c'est-à-dire en juillet 1547 (c'est lui qui accordera en janvier 1555 le privilege pour l'édition du livre d'emblémes, reproduit dans certains exemplaires). En ocobre 1547, le chancelier de France Michel de l'Hospital, accompagné de Claude d'Espence et Claude d'Urfé, arrive à Bologne pour prendre part aux sessions du Concile de Trente, installé dans la ville

d'Achille Bocchi, sur ordre d'Henri II*?. L'Épitre 1, 11 de Michel de l'Hospital, dédiée à Bocchi**, montre

clairement que le chancelier et l'emblématiste se sont rencontrés à cette occasion. Il n'est pas difficile d'imaginer que c'e peut-étre à ce moment-là, pour rendre hommage à son hóte et à son roi nouvellement sacré, que Bocchi modifie la dédicace à FrangoisI" pour saluer le nouveau roi, Henrill, fils du précédent. Les remaniements ont sans doute été minimes. L'apostrophe d' Henrice (v. 11) peut se substituer sans changement à Francisce, tandis que la mention des lys d'or, allusion au blason des rois de France (« d'azur, à trois fleurs de lys d'or), peut subsister également telle quelle. NOTES ET ÉCLAIRCISSEMENTS

— v.

2: Romuleis ] C'est-à-dire romains. Romulus, premier roi, était le pére de la nation romaine.

+9 Voir D. Crouzet, La sagesse et le malheur. Michel de l'Hospital, chancelier de France, Seyssel, 1998, p. 27-100 ; L. Pétris, La plume et la tribune : Michel de l'Hospital et ses discours, Geneve, p. 8-10 ; A. Tallon, « Claude d'Urfé, ambassadeur de Frangois I** et Henri II au Concile de Trente-

Bologne », Revue d'Histoire diplomatique, 111, 1997, p. 195-216.

^? Voir les extraits dans notre analyse du Symb. 130.

154

- v. 10: pro meritis] Cf. CIC., Off., 1, 42 : Videndum est [...] tum ut pro dignitate cuique tribuatur : id enim est

iustitiae fundamentum ad quam hae referenda sunt omnia. « Il faut veiller enfin à accorder à chacun en fonction de ses mérites, ce qui est le fondement de la justice, à laquelle il faut rapporter tous ces propos ». ANALYSE L'embléme s'organise autour d'une allégorie polysémique qui draine à elle tout un ensemble de thématiques royales et de mythes impériaux depuis l'Antiquité (voir introduction) : il s'agit de la Fortune dorée des Princes.

Liée à Némésis, Diké, Tyché, Parthenos/Virgo, Astrée, la Fortune princiére réapparaitra à de multiples reprises dans les emblémes, par exemple dans les Symb. 63, 66, 67, 71, 103, 109, 121, 125.

La source principale de l'embl&éme est une citation de l'Histoire Auguste, reprise et développée en particulier par Guillaume Budé dans son De Philologia (voir apparat des sources) : Les rois et empereurs romains avaient coutume de placer dans leur chambre à coucher une Fortune dorée

qui symbolisait leur pouvoir et que certains écrivains nomment Fortune royale. Par cette pratique, ils

voulaient indiquer qu'ils étaient des princes si puissants et des chefs au pouvoir si étendu qu'ils devaient voulaient étre plus favorisés par la Fortune que le reste des hommes. C'est pour cela qu'ils transportaient statue, signe de la Fortune, partout oà ils se rendaient. Entre la Fortune princiére et la Fortune vulgaire, voulaient établir la différence suivante : la seconde, aveugle, inconstante et favorable à ceux qui ne

et la ils le

des méritent pas, aux dires de Pline, dés qu'elle se précipite sur quelqu'un, fait de lui, selon l'opinion imbéciles,

un homme

heureux.

Au

contraire,

la Fortune

dorée,

compagne

et alliée des sceptres,

est

perspicace et stable à la fois. Les princes la faisaient peindre ou représenter comme une déesse, tenant à la main un gouvernail et une corne d'abondance.

qui est Dans l'épigramme de l'embléme, l'opposition est trés clairement exprimée entre la Fortune vulgaire, qui se aveugle, instable et injuste (v. 5-6 : caeca ; uolubilis ; uulgaris ; quae fauet immeritis) et la Fortune princiere, gouvernail (v. 8 : montre clairvoyante et stable (v. 7-8 : oculata ; stabilis ; quae sceptra gubernat/regia), dotée du vision négative de la clauum) et qu'accompagne une autre allégorie, l'Abondance (cf. v.6: diua copia). La et sans considération Fortune-hasard, empruntée par les Romains à la Tychè grecque, qui frappe à l'aveugle à Hérennius, 2, 23, 36 (r* s. morale, trouve son expression dans un passage de Pacuvius, cité par la Rhétorique

doute av. J.-C.) ainsi que dans la Tabula Cebetis, 7-8 [7 30, 3 Praechter] (1* s. ap. J.-C.) deux passages sans

à de célébres descriptions, inspirés par une méme source d'époque hellénistique, et qui donneront lieu plus tard ome (Or., 63, 7), de Galien qu'il s'agisse de celle de Plutarque (Fort. Rom., 4, 3176-3182), de Dion Chrystost comme le suggére Jacqueline (Protrept., 2), d'Artémidore (Oneir., 2, 37), ou de Pline l'Ancien (5, 22), comme attributs principaux de Champeaux*'. Ces sources prétent invariablement la boule et le gouvernail la boule, en relation avec la Fortuna, qui sont, à l'origine, des symboles de sa domination sur l'univers, avant que à elle, le texte de l'embléme roue, autre attribut de la Fortune, ne se spécialise dans le sens de l'instabilité*?. Face Dés l'époque hellénistique, les présente, non pas simplement une bona Fortuna, mais une Fortune princiére.

villes, et accordaient un prestige Grecs considéraient qu'une Tyché spéciale veillait sur les individus ou sur les

basileós faisait partie intégrante du particulier à la Fortune des souverains, en particulier Alexandre. Cette Tyché à Rome sous Pompée et César, qui, culte royal et du phénoméne de divinisation du souverain. Elle se transfére

en scene l'idée du charisme monarchique par l'intermédiaire de cette divinité tutélaire et personnelle, mettront Elle se perpétue sous la forme du et du chef providentiel, inspiré par les dieux et jouissant d'une faveur spéciale. et des triomphes, elle est aussi Genius, du Numen ou de la Fortuna des empereurs : source de la gloire

la République, Rome, dans le monde romain, t. 1 : Les transformations de Fortuna sous ^^ J. Champeaux, Fortuna. Le culte de la Fortune à Rome et tier, Fortuna. Buttay-Ju F. voir nce, Renaissa et les inflexions de ces idéaux à la École Francaise de Rome, 1982, p. 48 et 194 Pour la permanence 2008. Usages politiques d'une allégorie morale à la Renaissance, Paris, TTE Champeaux, Fortuna, t. II, p. 48, note 68.

155

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

l'expression de la iustitia et, plus généralement, de la uirtus du prince, qui assure la prospérité de son peuple**', Dés César, des monnaies portent des représentations de la Fortune munie du gouvernail et de la corne d'abondance, tandis que sur des monnaies de Galien, elle apparait avec ces attributs et la légende Fortuna Augusti". À la Renaissance, le motif de la Fortuna aurea apparait par exemple dans le programme de l'entrée à Paris d'Henri II, le 16 juin 1549, lors de la station du roi à l'intérieur des murs, à la fontaine du Ponceau, rue

Saint-Denis : Jupiter fulminans, dressé sur le globe du monde qui surmonte l'édifice de la fontaine, est entouré par trois Fortunes assises, celle d'or pour le roi et le royaume, celle d'argent pour les nobles, celles de plomb pour le peuple*5. La composition des trois métaux différents pour désigner un ordre hiérarchique qui va en se dégradant est une relecture par Platon du mythe hésiodique des races et une transposition à l'espace de la cité

idéale (Rsf., 3, 413 c-e). On notera que, dans l'entrée d'Henri II, la Fortuna aurea tient seule le gouvernail et la

corne d'abondance, ce qui n'es le cas ni pour le texte ni pour la gravure de Bocchi, où l'on voit bien deux allégories (voir infra). Le lien entre Fortune du Prince et Fortune de son peuple ou de sa cité sera trés clairement exprimé dans les Symbola 63 et 121, oà Bocchi imagine la découverte archéologique d'une statuette de la Fortune à Bologne. Réunissant le type de la Tyché de Boupalos à celui des deux Némésis de Smyrne, apparues en songe à Alexandre le Grand pour l'inciter à fonder une nouvelle Smyrne au cóté de l'ancienne, l'emblématiste suggére que les deux déesses, associées à Bologne, protégent les deux Alexandre Farnése, le pape Paul lll et son neveu le grand cardinal, figures tutélaires de Bologne puisque, politiquement, la cité dépend des états pontificaux*^. Quant à

Fortune de la gravure regarde cette boule, comme pour indiquer l'extension de son pouvoir, à moins qu'elle ne signifie par là qu'elle abandonne définitivement l'instabilité. Au contact de la sphére et du piédestal, on apergoit un immense gouvernail, que la Fortune agrippe de l'autre main, la droite, pour montrer qu'elle n'est pas le jouet des vents mais bien le pilote de l'embarcation. L'immense gouvernail a des allures de roue de bois coupée en deux, déconstruite (nous suggére Pierre Martin), comme

incapable ici de tourner et de renverser l'ordre établi. Le demi-cercle qu'il forme s'oppose à celui de la voile de la Fortune, gonflée par le vent. Sur la droite, symétrique de la Fortune, apparait l'Abondance, vétue à l'antique, dont l'épaule supporte une

célébrer le retour non seulement

d'une bonne

Fortune sur le royaume

de France,

mais surtout le retour

d'Astrée, que chantait la quatriéme Bucolique de Virgile. Astrée n'est autre que la déesse de la Justice (souvent assimilée à Dik? ou Némésis*^"), celle qui avait abandonné la terre au moment de l'Áge de fer (cf. Hzs., Op., 197)*5, et qui se confondait avec la constellation de la Vierge, toute proche de celle de la Balance*?. La gravure semble reprendre la mise en scéne évoquée par le texte. Deux allégories portent les armes de France. Mais il ne s'agit plus de montrer l'opposition entre Fortune vulgaire et Fortune royale. L'allégorie de gauche représente clairement la Fortune dorée ou royale : nue comme Vénus, ailée, sans bandeau sur les yeux, elle a audessus de la téte une voile gonflée, qu'elle tient de la main gauche. De cette méme main, elle saisit en méme temps le blason de la monarchie francaise (trois lys d'or sur champ d'azur), surmonté de la couronne : le royaume, comme

un navire doté d'une voile, connait ici les faveurs du destin favorable qui souffle sur lui.

Parallélement, cette Fortune royale stabilisée descend d'un piédestal quadrangulaire, qui contraste avec la boule qui est à cóté d'elle, et dont il n'est pas impossible qu'elle soit plutót un symbole de la monarchie universelle qu'un attribut de l'instabilité, symbole qui aurait été relégué provisoirement sur le cóté. Dans les monnaies antiques par exemple, Vénus uictrix, pourvue des armes de Mars, a pareillement une boule à cóté d'elle. La

^? [bid., p. $8. Voir aussi les p. 172-184, consacrées à Ennius et à la définition de la souveraineté qui associe Fortuna à la uirtus, notamment dans le proverbe Fortis Fortuna adiuuat. 44 [bid., p. 284.

^5 Voir le livret rédigé par Jean Martin, C'est l'ordre qui a été tenu à la nouvelle et joyeuse entrée, que... Henri deuxiéme... a faite... en sa bonne ville... de Paris.., Paris, 1549. Le texte de l'édition parue chez Jean Dallier et sa transcription sont consultables en ligne, avec une notice et une bibliographie d'Yves Pauwels sur le site du CESR de Tours, à l'adresse suivante : «http:/ /architectura.cesr.univ-tours.fr/Traite/Notice/INHA8Rs31b.aasp».

+6 Voir A. Rolet, « Une lecture humaniste de quelques exempla historiques antiques : variations emblématiques autour de la iustitia principis dans les Symbolice Quaestiones d' Achille Bocchi (1555) », dans G. Lachenaud, D. Longrée (dir.), Grecs et Romains aux prises avec l'hitoire : représentations, récits, idéologies, Rennes, 2003, t. II, p. 655-690; et Ead., « La Fortune d'Alexandre sur la coquille de Vénus : un exemple de contamination dans l'image emblématique » dans C. Jouanno (dir.), Figures d'Alexandre à la Renaissance, Turnhout, 2012, p. 227-262 ‘7 Voir Symb. 63, v. 18, qui la nomme aussi Eunomia. ^* Voir F. A. Yates, Astrée. Le symbolisme impérial au XVr siecle, Paris, 1989 pour la trad. frangaise. +9 Voir GERM., Aratea, 97-138. VoirA. Le Beeuffle, Le ciel des Romains, Paris, 1989, p. 100-103.

156

ll |

| |

immense cornucopia regorgeant de fleurs et de fruits. Elle tient, elle aussi, le blason monarchique, mais le fait de

la main droite, et se saisit du gouvernail de la gauche. La symétrie entre les deux figures est harmonieuse et montre qu'elles conjuguent leurs efforts. Pourquoi les avoir distinguées, alors que l'allégorie de la Fortune porte généralement non seulement le gouvernail mais aussi la cornucopie ? Sans doute pour rappeler au roi que cette ere d'abondance marquée par la Fortune royale doit spécifiquement apporter son lot de dons et de rétributions financiéres: c'est un moyen d'en appeler à la générosité d'Henrill, pour qu'il verse des subsides pour l'Académie bocchienne. On retrouvera la présence des deux allégories autour de la lucerna pensilis des Farnése dans le Symb. 132, princes qu'il s'agit également de solliciter pour une aide financiére, comme le montrent les lettres autographes de Bocchi à Amaseo, et qui datent de cette période (voir introduction).

l'abondance, elle n'apparait pas seulement dans notre embléme 23 sous la forme de la cornucopia, remplie de fruits, dans les mains de la déesse Fortune, mais sous celle d'une personnification de l'Abondance elle-méme.

Bocchi ajoute d'ailleurs une notion supplémentaire : l'évocation des lilia aurea et des florida secla (v. 11-1 2), àge de bonheur (beas) et de prospérité, suggére topiquement le renouveau l'Áge d'or. L'idée implicite est de

une réminiscence de la roue de la Fortune, mais

|

| | | | l I | |

|

Symb. 24 i

Gravure :

l

ON NE VAINC NI PEINT LA VERTU DES ROIS

À FRANGOIS DE VALOIS, ROI DE FRANCE SEULE LA VERTU PEUT PEINDRE LA VERTU En cédant à la Fortune, ta Vertu, roi illustre, Oblige la gagnante à lui céder, vaincue. Gagnant quand tu gouvernes, que fera-t-elle, si, vaincue, Elle triomphe ? Vertu d'un dieu, non d'un homme !

'

5 Etdonc, puisque tu es divin, 6 roi grand entre tous, Quel mortel à te peindre aurait pu réussir ? La Vertu en personne a pourtant pu te peindre tel

Que l'esprit, non les yeux, puisse te contempler.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. ANALYSE

biffé L'épigramme est inspirée par un portrait de Frangois I, comme le suggérent les termes In simulachrum Jean Clouet et conservé dans le manuscrit Sloane (voir apparat critique). On pense au tableau de 1525 réalisé par

la mort du au Musée du Louvre. La dédicace, et peut-étre méme l'épigramme, sont antérieures à 1547, date de roi. L'épigramme se divise en deux parties distinctes et équilibrées.

157

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

2 Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome

fins épidictiques, le motif traditionnel de la Dans la premiére partie (v. 1-4), le texte prend à rebours, à des jusqu'à l'hyperbole. Le motif traditionnel, Fortune qui se soumet à la Vertu ou bien la suit**^, pour l'amplifier fortuna 2 : omnia summa consecutus es uirtute duce, emprunté à Cicéron dans une lettre à Plancus (cf. Fam., 10, 3,

uoluntas et iudicium] quidem etiam, quae comite), et repris dans les Paradoxes des stoiciens (cf. Parad., 5, 34 : cui [ suis ea cuique fingitur moribus"), imagine uim habere maximam dicitur, Fortuna ipse cedit, si, ut sapiens poeta dixit, qui s'attache à ses pas. Le proverbe un cortége oü c'est la Vertu qui ouvre la marche, suivie de prés par la Fortune comite ») et par Alciat dans son embléme est repris par Érasme dans l'adage 4, 10, 47 (« Virtute duce, fortuna

ce sont les vertus intellectuelles et Virtuti fortuna comes, plus spécifique cependant puisque, dans l'épigramme, l'explique Érasme, qui souligne rhétoriques qui se voient récompensées par l'abondance de revenus*?'. Comme s ce qui est le meilleur. En cas la pertinence de l'expression comme devise politique, « la vertu choisit toujour

d'avoir fait preuve de volonté. En cas de d'échec, il est noble aussi, dans les entreprises illu&res et ambitieuses,

cette entreprise remarquable ; succés, on doit le premier éloge à la vertu, comme si c'était elle qui menait à bien ce motif ailleurs dans le le second éloge est dà à la fortune qui s'est mise aux ordres de la fortune ». Bocchi utilise e. Dans le Symb. 111, dédié à recueil d'emblémes. Dans le Symb. 51, Pallas/Virtus sauve la Fortune du naufrag

ce soit à l'intérieur du Clément VII, on assiste à la lutte que se livrent les deux vertus complémentaires, que , se voit di&er les poéme (cf. v. 13-14: magna est fortuna [...] wirtus longe maior), oà la Fortune, vaincue

[...] conditions de sa reddition (iussu uirtutis) et doit remettre l'empire aux mains de Clément (deferet

ée, portant égide imperium), ou bien dans la gravure, oü l'on voit Pallas, incarnation de la Virtus, casquée, cuirass

ion iconique du mot iussu, et lance, désigner de son doigt impérieux de dux Clément VII, assis à sa droite, traduct

pour que la Fortune lui remette la tiare pontificale qu'elle tient de la main droite. Dans

l'embléme

24, pour

des

raisons

encomiastiques,

Bocchi

modifie

le schéma

initial,

en

imaginant

propose paradoxalement la Vertu qui cede le pas à la Fortune (v. 1 : Dum tua fortunae cedit, rex inclyte, uirtus). Il imagine implicitement deux retournements successifs. Dans un premier temps, la Fortune soumet la Vertu (on t, trouvan en temps, second un que c'est en offrant au roi vertueux la possibilité de monter sur le tróne). Dans gráce à la Fortune, l'occasion de montrer tout son éclat et sa puissance, la Vertu royale, vaincue car obligée de

ure : en effet, céder dans un premier temps, soumet à son tour la Fortune, en montrant que sa valeur est supérie

monté sur le tróne, le roi exerce cette vertu et montre que la position qu'il occupe est pleinement justifiée. Cette

« éthomachie » circulaire, oà les dons accordés par la Fortune se voient éclipsés par ceux de la Vertu puis vice-

versa, dans un véritable perpetuum mobile, se traduit par le jeu des antonymes (uictricem/uicta, v. 2) et des

paradoxes : le terme uicta, renvoyant à uirtus, est associé à subigit tandis que uictricem, renvoyant à Fortuna, est lié

à cedere.

Aprés la transition du v. 4, qui insiste sur la nature divine du roi, avec un passage de deus à diuinus (v. 5), la

seconde partie (v. 5-8) exploite de maniere rhétorique un autre paradoxe, déjà énoncé dans le motto de la gravure : si le roi et divin, nul n'a pu le voir ni, par conséquent, le représenter. Bocchi, dans le Symb. 2 oü l'image montre son propre portrait, soulignait qu'en suivant une conception mimétique de la nature par l'art, la peinture se trouve incapable de représenter ce qu'elle ne voit pas, qu'il s'agisse de l'áme, de la vertu ou des dieux. Cette aporie avait été évoquée et résolue dans l'Antiquité par l'Orator de Cicéron (2, 10), qui entendait réaliser le portrait du parfait orateur, méme si cette perfection n'existe pas dans la nature, en se servant de l'Idea, sorte de modele platonicien qui aurait quitté le ciel des idées pour se loger dans l'esprit de l'artiste et devenir une sorte de

450 Pour une tentative de cerner ce que peut recouvrir la notion fort vague de uirtus, qui est d'abord la qualité du uir, du héros, voir U. Langer, Vertu du discours, discours de la vertu. Littérature et philosophie morale en France au XVI. siécle, Geneve,

1999, qui montre l'imporance de

l'honestum cicéronien et des quatre vertus cardinales décrites parla Rhétorique à Herennius dans cette définition. 451 Sur cet embléme et ses sources visuelles, voir S. Rolet, « La genése complexe de l'embléme d'Alciat Virtuti fortuna comes : de la devise au caducée de Ludovic Sforza à la médaille de Jean Second, en passant par quelques dessins de Léonard » dans A. Rolet, S. Rolet (dir.), André

Alciat (1492-1550). Un humaniste au confluent des savoirs dans l'Europe de la Renaissance, Turnhout, 2013, p. 319-362.

+52 Sur ce topos du roi image de Dieu inspiré par la rhétorique de l'éloge des souverains antiques et transmis par le Policraticus de Jean de Salisbury, voir le Discours de la court de Claude Chappuys

(1543) et les analyses d'Ulrich Langer dans « La flatterie et l'éloge: Claude

Chappuys et Francois I » dans E. Cogitore, F. Goyet (dir.), L'Éloge du prince. De l'Antiquité au temps des Lumiéres, Grenoble, 2003, p. 209-222.

158

concept inné*?. Philostrate reprenant la réflexion cicéronienne dans la Vie d'Apollonios de Tyane (6, 19) explique

que, par le biais de la phantasia, la faculté imaginative*^*, l'àme humaine a le pouvoir extraordinaire de concevoir intelle&tuellement méme ce dont elle n'a pas l'expérience dans la nature, et de le construire sous forme d'images conceptuelles à partir de matériaux sensibles qu'elle réorganise et qu'elle peut ensuite réinjecter dans la matière pour réaliser l'oeuvre artistique'^*. La nature de ce concept mental, cette idea propre à chaque artiste et résidant dans son esprit (qu'elle soit innée ou fabriquée), est trés problématique, car il reléve à la fois de l'universalité du paradigme platonicien et de l'eidos-cause formelle aristotélicienne. À la Renaissance, deux conceptions s'affrontent, héritées l'une de Sénéque (cf. Epist. 65) qui retire à l'Idée sa perfection absolue pour en faire une sorte de concept relatif élaboré par l'artiste individuel, l'autre de Plotin, qui veut que toute information de la matiére inerte par l'art participe de la beauté de l'Idée qui rayonne à travers cette matiére. Selon Ficin, héritier du néoplatonisme, l'Idée est une véritable substance, immanente à l'esprit divin et à l'intellect angélique et dont l'esprit humain n'est capable de concevoir que l'ombre, sorte de vestige séminal obscurci, qui ne peut étre réactualisé que par l'intervention divine, projetant sa lumiére sur lui et lui redonnant vie : ainsi, l'Idée du Beau a laissé une trace en nous mais c'est réactivée par Dieu qu'elle nous guide, à travers nos impressions sensibles, vers la beauté immatérielle et parfaite. À l'inverse, les théoriciens et artistes comme Alberti, Cennini puis Léonard et Raphael, fidéles aux exigences de la mimesis, invitent, certes, l'artiste à imiter la nature mais surtout à élaborer par

l'expérience, l'exercice (en particulier l'observation des oeuvres des autres artistes) et l'application des lois mathématiques, une sorte d'idéal intérieur, construit et abstrait, qui se dégage de l'incomplétude expérimentale et de son insatisfaisante dissémination : non plus une idée innée, comme chez Cicéron, mais un idéal mental élaboré intérieurement, fondé sur les vertus conjuguées du labor et des intuitions de l'imagination créatrice**. Cette conception n'est pas trés éloignée de la définition de l'art par Aristote comme jugement universel qui, à partir de l'éclatement de l'expérience sensible, produit l'intuition de l'unité invisible du réel5". Mais la synthése du réel n'est pas simplement collation ou sélection des formes sensibles éparses qu'il livre : elle fait passer à un

autre ordre de pensée, « heuristique », oü se construit l'intelligible**".

Poursuivant la personnification de Virtus amorcée dans la premiére partie, Bocchi lui fait endosser dans la seconde le róle du peintre officiel (potuit tamen te fingere Virtus, v. 7) chargé de dresser un portrait du roi*°°. Mais il ne s'agit pas de peindre l'apparence physique du roi que proposerait une image artistique destinée aux yeux : la Virtus-peintre propose un portrait abstrait qui s'adresse directement à l'esprit (animus) du spectateur, que l'on actes suppose également doté de uirtus : cette idée traditionnelle de la littérature épidictique antique veut que les glorieux des héros ou des hommes de premier plan, chantés dans les ceuvres historiques ou les panégyriques, gens plus brossent d'eux une image immortelle, plus fidéle que la toile, le marbre ou le métal, et qui donnera aux paroles d'un modestes la volonté de les imiter'£. C'est la vertu, c'est-à-dire les actions vertueuses et les

l'art, Paris, 1983 (pour la traduction frangaise), p. 27-36. +53 Voir E, Panofsky, Idea. Contribution à l'histoire du concept dans l'ancienne théorie de

on chez les Anciens : 1- Les philosophes », +454 Sur cette notion difficile, voir les analyses de M. Armisen-Marchetti, « La notion d'imaginati Watson,

- La rhétorique », Pallas, 27, 1980, p. 3-37 ; G. Pallas, 26, 1979, p. 11-51 et Ead., « La notion d'imagination chez les Anciens : II A. Manieri, L'immagine poetica nella teoria degli Phantasia in Classical Thought, Galway, 1988, p. 59-95 : « The transformation of phantasia » ; antichi. Phantasia ed enargeia, Pise/Rome, 1988. Apollonios », Philologus, 88, 1933, p. 149-180, 455 Voir les études fondatrices d'E. Birmelin, « Die Kunsttheoretischen Gedanken in Philostrates 286-300. p. 1934, 89, Philologus, », P- 392-414 et de B. Schweitzer, « Mimesis und Phantasia 456 E. Panofsky, Idea, p. 84-85.

à l'expérience, nait un jugement universel unique, 457 Cf. ARIST., Met., 981a : « L'art survient quand, à partir d'une multiplicité de notions liées : que l'on peut appliquer à tous les cas semblables ». de la théoriciens des pensée la dans conceptions ces de ns prolongatio les Sur 458 Sur le terme « heuristique », voir E. Panofsky, Idea, p. 194. fiction la de Théorie fable. de Th. Chevrolet, L'idée poétique à la Renaissance, en particulier Fracastor dans son Naugerius, publié en 1555, voir

poétique à la Renaissance, Genéve, 2007, p. 569-577.

:



1987, p. 227-230, en *9 Voir A.-M. Lecoq, « La pittura delle metafore » in P. Georgel, A-M. Lecocq (dir.), La pittura nella pittura, Milan,

particulier p. 228.

Paris, 1998, p. 25-26. +0 Voir E, Pommier, Théories du portrait de la Renaissance aux Lumiéres,

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Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

personnage qui en dressent le portrait le plus fidele, car c'est un portrait de l’àme*!, Ainsi, dans un passage fameux du Pro Archia (30), Cicéron constate la vogue du portrait chez les aristocrates romains mais se demande consiliorum relinquere ac uirtutum nostrarum effigiem nonne multo malle debemus summis ingeniis expressam et politam, « si nous ne devrions pas préférer de beaucoup laisser un portrait de nos pensées et de nos vertus réalisé et poli gráce aux meilleurs esprits », c'est-à-dire l'euvre littéraire historique. Tacite suggérait à son tour, à la fin

de la Vie d'Agricola (46) que forma mentis aeterna, quam tenere et exprimere non per alienam materiam et artem, sed

tuis ipse moribus possis, «la forme de l’àme est éternelle, si bien qu'il te serait impossible de la saisir et de l'exprimer à travers un matériau et un art qui lui sont étrangers, mais par ta facon de te comporter elle-

méme » €. Enfin, Pline le Jeune, dans le Panégyrique de Trajan (5, voir apparat des sources), suggérait que la

beauté et le visage du prince n'ont pas de meilleur support artistique que l'affection que leur portent leurs concitoyens, qui dressent dans leurs propos le portrait idéal qu'ils se font de leur souverain, et qui restituent verbalement celui qui s'est inscrit dans leur áme. Ici, les vertus de Francois I* dessinent de lui une image authentique, que relaie d'ailleurs l'épigramme laudative. La Virtus peint ici l'Idea du parfait souverain, non pas sur la toile, mais directement dans l'áme du spectateur/lecteur. Mais le constat de l'incapacité mimétique peut également s'interpréter comme la possibilité du dépassement du sensible par l'intelligible au sein méme de la représentation plastique, gráce à la valeur symbolique des signes.

Cette conception se fonde sur une théorie artistique antique trés répandue (voir par exemple XEN., Mem., 3, 10,

8464), Celle-ci veut qu'au-delà de la simple mimesis, les traits corporels traduits dans l'oeuvre d'art aient une valeur métaphorique chargée d'exprimer des mouvements de l'áme et des caractéristiques psychologiques. Ces détails physiologiques prennent un sens symbolique et s'offrent donc à une herméneutique générale, par exemple celle que propose la physiognomonie. Or nombre de rhétoriqueurs contemporains de Frangois I^, comme André de la Vigne ou Francois Desmoulins, célébrent l'alliance de la beauté physique exceptionnelle du roi avec de solides vertus morales. De méme, Jean Thenaud, au livre 3 des Triomphes de Vertuz, resté manuscrit (BnF ms. fr. 144), entend montrer que la beauté du corps du roi Frangois est « judicatisve et demonstratisve »

de celle de son àme et des qualités de ses vertus, reprenant là encore un vieux topos du panégyrique antique,

tandis que Guillaume Budé, dans l'Institution du Prince chrétien de 1518-1519 ou dans l'épitre dédicatoire des

Commentarii linguae Graecae de 1529, souligne l'importance pour la fonction royale des biens du corps, entre ceux de fortune et ceux de l'áme 6. Mais A.-M. Lecoq souligne que, dans le cas de Francois I*, il s'agit sans doute plus que d'un lieu commun, et que les attraits réels du roi, qui frappaient les visiteurs, étaient lus comme autant de témoignages d'une élection divine et de la prédisposition à occuper la position de souverain '*^. L'idée de la gráce physique alliée au don de l'éloquence, est soulignée dans l'épigramme 14 de Clément Marot : Du Roy. Vers Alexandrins. Celluy qui dit ta grace, eloquence & scavoir Ne estre plus grands que humains, de pres ne t'a peu veoir E à qui ton parler ne sent divinité

De termes et propos n'entend la gravité.

De l'Empire du Monde est ta presence digne,

Et ta voix ne dit chose humaine mais divine.

Combien doncques diray l'Ame pleine de grace, Si outre les Mortels tu as parolle et Face" ?

On peut également supposer qu'à travers la hiérarchie entre sensible et intelligible, et la dialectique de l'oeil et de l'esprit, Bocchi suggére discrétement la vogue du portrait allégorique : les objets symboliques qui entourent, voire dissimulent le corps du roi n'ont pas de valeur figurative en eux-mémes mais servent à celui qui les regarde d'indices sémantiques à la compréhension d'une vertu abstraite, renseignant sur l'intériorité du personnage

représenté : ils disent les qualités de l'áàme, mais par le biais de la métaphore, qu'il faut donc décrypter. Méme si les conditions de sa diffusion sont obscures, et que rien dans le dessin de Fontana ou la gravure de Bonasone n'y renvoie vraiment, on ne s'interdira pas de penser que l'emblématiste a eu connaissance du fameux portrait de Frangois I* en divinité composite, peint approximativement entre 1536 et 1552, sur parchemin fixé sur panneau

de chéne (234 x 134 mm), et attribué au Maitre des Heures d'Henri II (Paris, BnF, Estampes, Rés. Na255, Planche I, Fig. 1), aprés avoir été longtemps attribué à Niccoló dell'Abate et Niccoló da Modena. Selon

Barbara Hochstetler Meyer, le commanditaire en aurait été Marguerite de Navarre, sceur du roi, désireuse de

célébrer à travers la figure ficinienne de l'androgyne, les liens puissants de l'amour chaste qui l'unissait à son frére^*. Sur ce portrait, expliqué par un huitain qui prend place dans un cartouche orné sous les pieds du souverain?, le roi concentre en sa personne les qualités de dieux majeurs de l'Olympe, masculins et féminins,

rendus métonymiquement présents à travers des emblémes qui les caractérisent : la force de Mars traduite par la main droite qui tient l'épée, par la cuirasse à téte de lion qui orne l'épaule, et par le casque ; la sagesse pacifique de Minerve qui s'exprime dans la figure de la Gorgone en pectoral ; l'éloquence de Mercure résumée par le caducée et les sandales ailées ; le goùt cynégétique de Diane présent dans l'arc et le carquois ; la gràce d'Amour dont rendent compte la complexion du visage et l'harmonie d'ensemble. La composition est reprise pour l'essentiel en 1552 par Marc Béchot pour deux médailles figurant Henri II*?, Comme dans le mythe du Banquet de Platon, repris par Ficin, l'androgynie est ici le signe d'une complétude toute divine, et non d'une atrophie ou

d'une ambiguité sexuelle*".

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana"^, s'organise

en deux plans horizontaux superposés. Dans la moitié inférieure de l'image, une Virtus, sous les traits de Pallas

Athéna, avec son casque, sa cuirasse et sa tunique qui lui couvre les jambes, est assise sur une sorte de terrasse close. Flanquée par deux petits bancs portant pinceaux et boites de couleurs, munie d'une palette, de pinceaux et d'un repose-main, elle est représentée sous les traits d'un pictor et esquisse un portrait du roi sur un grand chevalet placé devant elle. D'une maniere paradoxale, c'est bien le portrait sensible et l'image picturale qui sert ici de métaphore au portrait intelligible que propose la somme des actions vertueuses du roi. La Vertu est déséquilibrée vers l'arriére car elle léve la téte pour contempler la partie supérieure de l'image oü, au milieu

du d'une nuée épaisse, nimbé d'un halo lumineux (qui ne figure pas dans le dessin préparatoire), le modéle idéal

lumineux sont là pour roi est traité comme une apparition divine. L'emplacement céleste, la nuée et les rayons

son dessin, qu'il signifier le caractere fulgurant du concept ou de l'idée que regarde la Virtus avant d'effectuer

+7 C. A, Mayer (éd.) : C. MAROT, Épigrammes, Londres, 1970, p. 107. +8 B. Hochstetler Meyer,

+1 [] ne s'agit donc pas seulement de « la vertu qui se lit sur le visage », comme le dit A.-M. Lecoq, mais bien de la biographie méme du personnage, ses propos et ses actions, qui dessinent un portrait non plastique. Voir A.-M. Lecoq, « La “ pittura ” delle metafore » in P. Georgel,

», Renaissance Quarterly, 48-2, 1995, p. 287« Marguerite de Navarre and the Androgynous Portrait of Frangois I*

d'histoire de l'art, 8, 1963, p. 1-7 ; R. B. Waddington, « The 325 ; voir également F. Bardon, « Sur un portrait de Francois 1° », L'Information », in J. R. Brink et alii (éd.), Playing with Gender: Mythology Courtly of Bisexual Portrait of Francis I: Fontainebleau, Castiglione, and the Tone

a Renaissance Pursuit, Urbana et Chicago, 1990, p. 99-132.

A.-M. Lecoq (dir.), La pittura nella pittura, Milan, 1987, pour la trad. italienne, p. 227-230. ^? Voir aussi MART., 10, 32, 5-6 : Ars utinam mores animumque effingere posset !/ Pulchrior in terris nulla tabella foret. 463 Sur ce róle des symboles dans l'énonciation de l'áme, voir F. Zóllner, « The Motions in the Mind in Renaissance Portraits : the Spiritual Dimension of Portraiture », Zeitschrift für Kunstgeschichte, 68, 2005, p. 23-40.

la chasse/ A bien parler Mercure copieme/ A bien aymer vray Amour ‘ Francois en guerre est un Mars furieux/ En paix Minerve et Diane a la face/ De ton grand Roy qui surpasse Nature/ Car l'honorant tu sers en mesme place/

Hermann Gundert, Amsterdam, 1973, p. 21-40.

qui lui voue un véritable culte et un amour qu'au portrait viril du roi, vient se surimposer peut-étre celui de sa sceur Marguerite de Navarre,

+4 Voir F. Preisshofen, « Sokrates im Gesprách mit Parrhasios und Kleiton » in K. Dóring, W. Kullman (dir.), Studia Platonica. Festschrift für +65 Voir A.-M. Lecoq, Francois I* imaginaire. Symbolique & politique à l'aube de la Renaissance francaise, Paris, 1987, p. 163-167 ; sur la tradition épidictique antique de la beauté des souverains, voir Laurent Pernot, La Rhétorique de l'éloge dans le monde gréco-romain, Paris, 1993.

‘6 A.-M. Lecoq, Frangois I* imaginaire, p. 165.

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plein de grace/ O France heureuse honore donc

Minerve, Mars, Diane, Amour, Mercure ». p. 24, n^ 89-90. +70 F. Mazerolle, Les Médailleurs frangais du XV* siécle au milieu du XVf,, t. II, Parsi, 1902, ?' B, Hochstetler Meyer, « Marguerite de Navarre and the Androgynous Portrait of Francois I" », p. 306. M. Hochstetler Meyer suggére l'idée chaste et chrétien. ‘? Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n^ 15.

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

s'agisse du paradigme platonicien séparé, de la cause formelle aristotélicienne ou du concept mental généré par la phantasia, bref un véritable disegno. Il s'agit en tout cas d'une réalité d'un autre ordre que le monde sensible. Le spectateur est laissé juge de la ressemblance entre la figure peinte sur la toile et son modéle idéal qui siége dans l'empyrée. Le roi dans la nuée, représenté légérement trois-quarts vers la droite, porte une couronne et une cuirasse, symboles politiques et guerriers de son pouvoir et de sa uirtus. Son visage, pourvu de la barbe,

metre ciselé à une courte épigramme satirique d'inspiration philosophique sur l'association paradoxale chez un méme personnage de la comitas (générosité, mais aussi bonté, douceur, affabilité) et de la superbia (hauteur, arrogance). Le travail stylistique de l'effet voyant, non dénué de préciosité, mime les maniéres du personnage

roi est présenté en costume d'apparat (et non en armure), avec un aspect plus mür que sur les petits panneaux

l'interlocuteur s'interroge naivement sur le comportement du narrateur (cur...

ressemble au portrait de Jean Clouet peint entre 1527 et 1530 (Paris, Musée du Louvre, Planche I, Fig. 2), où le

de Chantilly (Musée Condé) et de Pavie (Museo Civico) "^. La position du buste dans la gravure, légérement

NOTES

LA DOUCEUR DE L'ORGUEILLEUX SUSCITE UNE JUSTE MÉFIANCE

alicuius concitati). La comitas désigne aussi une espéce de la vertu qui réside dans le caractere (moribus) et

*

s'accompagne de beneficientia (propension à faire le bien et à se montrer généreux)". Elle désigne enfin « la bonne maniére de s'adresser à autrui dans le domaine du sermo » et se rend « sensible par le choix des

CONTRE LA BOUFISSURE DE L'ORGUEILLEUX QUI FAIT PREUVE D'URBANITÉ

mots » "5, Elle est visiblement chez Bocchi une tentative pour traduire le terme àoteíoc (voir ci-dessous) du fit.

carm. 1. Le tit. pict. e$t une adaptation du vers 6 dont il est trés proche.

Méme si ton orgueil s'affiche envers tous, Tu voudrais cependant que je te regarde Comme un homme doté de grande douceur. Si tu demandais, Philippe, pourquoi donc S Jefuis ton contact assidu, je dirai : L'urbanité de l'orgueilleux m'est suspecte !

-tit. carm. 1 :

- 6yxov (16)] Désigne métaphoriquement l'enflure (tumor) d'un esprit arrogant, qui se distend au-delà de sa propre mesure. - àoteiwsg] L'adverbe grec, qui correspond au latin urbane, désigne la nature des maniéres « urbaines », courtoises et raffinées, de celui qui vit en ville et parle un langage plein d'esprit et de subtilité suscitant un plaisir agréable (480) chez ceux qui l'entendent. On y trouve en particulier des mots d'esprit (áoveia) qui révélent l'élégance du locuteur et permettent à l'auditoire « de s'instruire de facon rapide et efficace » car « sous une forme spirituelle et condensée, les bons mots révélent une évidence nouvelle avec laquelle les auditeurs tombent d'accord" », L'áoveioc/urbanus s'oppose au paysan qui vit à la campagne (&ypotxoc / rusticus/subagrestis), mais aussi à l'homme sans éducation (&xaí8evroc) qui ne sait pas sourire ou au peregrinus qui ignore les subtilités de la

IL FAUT PROSCRIRE L'ORGUEIL

Seul l'orgueil est à proscrire, surtout dans les bienfaits, Méme si d'autres vices prévalent dans les crimes, De peur que, pris peut-étre d'un vain désir de louange, On n'oublie ce qui, aux bienfaits, donne valeur.

latinitas**,

- zÀsovekztkóc] Signifie à la fois « cupide » mais aussi « orgueilleux » et « arrogant » (cf. HRD,, 7, 158).

MÉTRIQUE

carm. 1 : hendécasyllabes phaléciens. Ce métre catullien (celui des fameuses épigrammes sur le moineau de Lesbie ou le phaselus) a été trés utilisé à la Renaissance. Politien l'emploie dans des épigrammes d'invectives à Mabilius (Epigr., 30, 31, 44, 46, 47, 50). Pontano rédige un recueil de deux livres de poémes intégralement

composés dans ce métre et explique la nature de l'inspiration qui préside à ce type de vers dans la piéce liminaire de l'ouvrage : leur pouvoir réside dans leur extréme malléabilité et dans la faculté qu'ils possédent de rassembler simultanément des intentions paradoxales. Les hendécasyllabes associent à la fois gráce et légéreté, souvent en (Hendecasyllabi,

1, 11 : leporum) ; ils aiment les plaisanteries (ibid., 11:

iocorum ; ibid., 12 : facetiarum), jusqu'à la satire et à l'inve&tive ; ce sont des poémes en réduction (ibid., 13 : minutuli) mais qui compensent cette facture miniature par une efficacité nerveuse (ibid., 13 : citi), propice à saisir les sauts de l'inspiration ou à vilipender un défaut physique ou un vice de caractére ; ils s'amusent et ils réconfortent tout en méme temps (ibid., 22 : Et ludunt simul et simul fouentur). Bocchi s'amuse ici à appliquer ce ‘ Voir E.Jollet,

« L'cil du prince: le regard dans les portraits royaux par Jean et Frangois Clouet»,

N. Hochner (dir.), L'image du roi de Francois I" à Louis XIV, Paris, 2006.

162

rogitas), avant que ce dernier

- tit. pict. : comitas] La comitas, « bonté » ou « douceur » désigne chez Cicéron l'un des modes d'intervention de la clementia (qui, avec la continentia et la modestia sont des parties de la temperantia*"*). Elle décrit la douceur qui permet à la clementia de calmer les esprits qui ont sombré dans la haine d'autrui (animi temere in odium

Symb. 25

contexte amoureux voire érotique

la piéce, avec son systéme de question/réponse purement rhétoriques, la rapproche de certains textes de Martial (voir par exemple 8, 10 : Quid sibi uolt ? inquis. Dicam quid suspicer esse). En effet, elle mime un dialogue fiif, oü n'annonce solennellement sa réponse pour mieux différer la chute du poéme et la rendre plus frappante (dicam) : entre apparence et réalité, ego ne s'est pas fait prendre au jeu trompeur. carm. 2 : distiques élégiaques, plus adaptés à une paraphrase de saint Augustin (voir infra).

tourné vers la droite, avec le regard dans cette direction, est identique à celle des tableaux.

Gravure :

décrié, et se marque, entre autres, par l'utilisation du grec dans le motto de la premiére épigramme. La facture de

dans Th. W.Gaehtgens

et

ANALYSE et de L'identité du Philippe évoqué dans l'épigramme, qui tente de se faire passer pour ce qu'il n'est pas

dissimuler son ambition sous la flatterie et l'urbanité, n'est pas dévoilée*?. Toutefois, on pense aux Philippiques

du de Démo&théne, en particulier la quatriéme, où l'orateur grec stigmatise d'un cóté l'ambition démesurée

trompeuses, qui lui ouvrent tyran Philippe de Macédoine, et de l'autre, ses manceuvres faussement généreuses et roi et la la Gréce et anéantissent la résistance par l'asservissement (cf. Philip. 4, 64 : SovAsíav). L'ambition du

-, la cupidité des peuples qu'il trompe sont exprimées d'ailleurs par le méme terme — employé par Bocchi de zÀeovsfía (voir par exemple Philip., 4, 2 : « l'impudence et l'ambition que Philippe manifeste au détriment 474 Cic, Inu., 2, 164.

: | ad Ad cin 5 Cic. De Orat., 2, 343cicéronienne de la persona orafoire, Paris, *'5 Voir Ch. Guérin, Persona. L'élaboration d'une notion rhétorique au Ier siècle av. J-C. t. I1 : Théorisation 2011, p. 390. p. 203. * Voir Ch. Guérin, Persona, t. I : Antécédents grecs et premiere rhétorique latine, Paris, 2009,

78 Voir Ch. Guérin, Persona, t. I, p. 203-206 et t. II, p. 240-262. *? [| n'est pas mentionné non plus dans les index.

163

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

tous » et 4, 65 : « ainsi, c'est aprés avoir cueilli quelques fruits de leur cupidité, que chacun de ces peuples... »). La servitude des Grecs est accélérée par l'usage d'une parole flatteuse et agréable à entendre, qui ne dit pas la vérité et n'assure pas le salut (cf. Philip., 1, 38 : | xov Aóyov xáptc ; Olynth., 2, 20).

L'association suspecte des termes latins comitas et superbia est à chercher dans l'évocation que donne Tite-Live

Augustin

appuie

sa critique

de l'orgueil sur la conception

stoicienne

« préférables », on ne devrait pas se vanter des biens extérieurs

des adiaphora.

Méme

s'ils sont

(beauté, santé, richesse), ni en tirer un

sentiment de supériorité. Relevant du bon vouloir de la fortune, ils ne jouent aucun róle dans l'acquisition de la sagesse ni de la perfection :

d'Appius Claudius (3, 35, 6), l'un des dix decemuiri entrés en charge en 451 av. J.-C. Tite-Live le présente

comme un membre des optimates qui dissimule ses convictions à des fins électoralistes et se fait passer pour un popularis : regimen totius magistratus penes Appium erat fauore plebis; adeoque nouum sibi ingenium induerat, ut plebicola repente omnisque aurae popularis captator euaderet pro truci saeuoque insectatore plebis (ibid., 3, 33, 7), « les rénes de toute la magistrature étaient aux mains d'Appius, soutenu par la faveur plébéienne ; il s'était revétu d'un caractére si nouveau qu'il était devenu, du jour au lendemain, un partisan de la plébe, cherchant à s'attirer la moindre faveur populaire, au lieu du cruel et impitoyable pourfendeur de la plébe qu'il avait été ». Devant son comportement de captateur de la faveur populaire et de flatteur du peuple, ses collégues sont pris de

Hoc ergo malum superbia est, impediens perfectionem. Iactet ergo se quisque de diuitiis, iactet de pulchritudine et de uiribus corporis: ista certe omnia mortalia sunt ; ridendi sunt qui se de mortalibus iactant, a quibus rebus plerumque aut

sources): «Il était évident qu'il n'y avait là rien de sincére: assurément, cette bonté au milieu de tant d'arrogance, n'était pas désintéressée ». Ce soupcon se manifeste par un jeu de regard trés explicite, comme pour Bocchi à l'égard de Philippe (carm. 1, 6 : celui qui est suspectus est regardé par en dessous, parce qu'il éveille

Parmi tous les vices, Augustin fait donc une place spéciale à l'orgueil, véritable cause de la chute de Satan. C'est l'orgueil qui, selon lui, a aveuglé les Juifs et les Gentils et leur a fait assassiner le Christ sans le reconnaitre, alors

soupcons, et leur incrédulité s'exprime par l'association entre superbia et comitatem (3, 35, 6, voir apparat des

la méfiance) : donec collegae quoque, qui unice illi dediti fuerant ad id tempus, coniecere in eum oculos, mirantes quid sibi vellet (LIV., 3, 35, 7), « jusqu'à ce que ses collégues également, qui jusqu'à ce moment-là avaient été dévoués

à sa seule personne, ne jetassent les yeux sur lui, en se demandant avec étonnement ce qu'il pouvait bien vouloir ». Tite-Live dénonce ici la maladresse que constitue la rupture opportuniste et brutale induite par la manceuvre politique d'Appius avec ce qui définit le contexte biographique du personnage. Ce contexte crée un horizon d'attente au nom du decorum et lui garantit l'auctoritas : nom, origine sociale, passé politique. On peut supposer que Bocchi condamne ici le ralliement à des fins stratégiques d'un personnage politique ou d'un prélat à un courant pour lequel il n'a pourtant que mépris. Le caractére « voyant » de la manceuvre la discrédite en partie et la rend inefficace. La seconde épigramme est reliée à la premiere gráce au motif de la superbia, qui prend la forme de la cupido laudis, le désir de louange, lorsqu'on accomplit des bienfaits. Le danger était trés clairement énoncé par Cicéron (Off., 1, 19, 63-65), qui explique que la grandeur d'àme, vertu essentielle pour accomplir les devoirs qui touchent à la communauté sociale, peut facilement basculer dans une nimia cupiditas principatus, « un désir excessif d'occuper la premiere place ». Or c'est permettre à l'injustice de faire irruption à l'intérieur méme de l’àme : l'honestum étant ce qui convient le mieux à la nature humaine, lui préférer l'apparence de la gloire et la renommée, sur laquelle l'homme n'a aucune prise, fait violence à cette exigence. Cicéron reconnait d'ailleurs que le terrain est glissant (lubricus) car il est difficile de ne pas rechercher la gloire comme récompense (mercedem) des dangers et des épreuves. Mais plus encore que Cicéron, c'est la seconde partie du commentaire de saint Augustin au psaume 58 (Ennarationes in Psalmos, 58, 2, 5) qui tient lieu d'intertexte à cette seconde

épigramme, comme le montrent trés clairement non seulement les arguments, mais également leur formulation méme. Ainsi, la double idée soutenue par les vers 1 et 2 de la seconde épigramme, selon laquelle c'est précisément quand on réalise des bonnes actions qu'il faut se garder de l'orgueil et de lui seul, ce qui n'empéche pas de faire preuve de bien d'autres vices quand on commet des mauvaises actions, est présentée dans l'ordre inverse d'Augustin : ce dernier commence par faire le constat que l'on doit redouter les vices dans les mauvaises actions (denique omnia uita in malefactis timenda sunt), et poursuit en ajoutant qu'il faut craindre plus encore l'orgueil dans les bonnes (superbia in benefactis plus metuenda est). Dans les v. 3 et 4, Bocchi suit toujours le raisonnement d' Augustin qui estime comme un défaut majeur de se laisser atteindre par l'orgueil quand on vient d'accomplir une bonne action (illud est uitium capitale, quod cum quisque bene profecerit, superbia tentatur), au

point de gàcher tout le bien qu'on a fait (ut perdat totum quod profecit). Bocchi distribue entre hexamétre et pentamétre la double articulation syntaxique : d'abord le vain désir de gloire qui se saisit du sujet (captus...

cupidine laudis inani), ensuite la conséquence, c'est-à-dire la perte de la valeur méme du bienfait que ruine la une

mauvaise intention (amittas... quae benefacta ualent).

164

uiui deseruntur, aut mortui eas necesse est ut deserant.

Le mal, c'est donc l'orgueil, qui entrave la perfection. Chacun peut bien se vanter de ses richesses, de sa beauté et de sa force physique : tous ces biens sont assurément périssables ; risibles sont les hommes qui se vantent de biens

périssables : pour la plupart, ils en seront privés au cours de leur vie, ou bien ils en sont nécessairement privés au

moment de leur mort.

méme

qu'ils se pensaient justes. À la Renaissance, Ugolino Verino (Epigr., 2, 15, De superbia, quae est uitiorum

pessima et malorum omnium radix) réactive la critique de ce vice, comme source de tous les autres, en insistant

sur le fait qu'il a provoqué la chute d'Adam et fait s'imaginer à l'homme qu'il est l'égal de la divinité. Pour Verino, un homme qui se vante de ses biens matériels s'imagine qu'il en est le maitre, alors que seul Dieu régne sur le destin de l'univers et le cours de la Fortune :

5

Exsuperat fastus pestes capitalior omnes ; Ex hoc nequitiae fonte venena fluunt. Impyrea haec primum deiecit ab arce superbos, Esse Deo meritis qui voluere pares. Foelicem haec eadem paradiso dispulit Adam, A quo contraxit tota propago notam.

10

Quicquid peccatur, damnosa superbia causa est : Infensos homines haec iubet esse Deo. Aequalem nullum patitur natura superbi ; Illi saepe tamen contigit esse minor".

Le motto de la gravure contribue à guider quelque peu sa lecture. On apercoit à droite de l'image le superbus,

sous les traits d'un homme fort bien vétu, botté, avec une barbe et un couvre-chef à la maniére orientale, dont

l'accoutrement n'est pas sans rappeler le personnage

central du tableau de Giorgione intitulé Les trois

philosophes, peint en 1509 et conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne. Dans la gravure de Bonasone, il

a la main gauche posée sur la hanche, il marche le regard levé, preuve de superbia, sans sembler s'apercevoir du second personnage qui surgit de la gauche du tableau. Beaucoup plus légérement vétu, ce dernier effectue une légére génuflexion devant le premier personnage, détourne le regard en fixant le sol et tient son chapeau entre ses mains, comme autant de marques de respect et de déférence : le premier personnage, tout en ne le regardant pas, pose nonchalamment la main droite sur son épaule, dans un geste protecteur et méprisant à la fois, marque de la comitas. Le paysage en arriére-plan relaie ces rapports de force. Derriére le superbus, version hypertrophiée de l'urbanus, on apergoit effectivement une haute colline rocheuse, supportant en son sommet une ville fortifiée, dont +0 « L'orgueil dépasse tous les vices, car sa menace est plus grave ;/ De cette source de faiblesse s'échappent deà poisons./ Ce la ape

qui

a expulsé de la citadelle céleste les orgueilleux/ Qui éprouvérent le désir de s'égaler à Dieu par leurs mérites./ C'est elle qui a chassé du Paradis invite le bienheureux Adam,/ dont toute la descendance a hérité de la flétrissure./ Tout péché trouve sa cause dans la coupable superbe :/ Elle étre à souvent contraint la sort le Pourtant, :/ d'égale pas souffre ne l'orgueilleux de nature La Dieu./ de ennemis montrer se les hommes à inférieure ».

165

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

l'enceinte renferme une tour coiffée d'un toi pointu, qui domine l'ensemble des bátiments et des murailles, et se situe exactement dans l'axe du corps dressé du personnage. Quant au second personnage, le rusticus, qui se découpe au pied de la colline, son attitude respectueuse et humble est soulignée par la courbure des branches d'un arbre qui s'inclinent et projettent leur ombre sur cette partie de la scéne.

révélations philosophiques, rentrait parfaitement dans le cadre du spoudaiogeloion, le seria ludere, annoncé par Bocchi dés le titre de l'ouvrage, et dont Ficin attribuait également la paternité à Socrate et Platon". S'inscrivant

dans la condamnation générale de la paresse et de l'oisiveté, véritable péché capital, le symbole pythagoricien « ne pas s'asseoir sur la chénice » doit sans doute s'entendre avec des résonances chrétiennes comme nous le montrerons en deuxiéme partie de notre analyse. Mais comment les Anciens comprenaient-ils cette étrange formule et qu'en ont retenu les humanistes ? La chénice est une mesure de blé de quatre cotyles (ou hémines) ou de deux sextarii, c'est-à-dire environ deux

litres (1, 94 1.) . Ce terme sert à désigner la ration de nourriture journaliére d'un homme, comme le rappelle Diogene Laérce (8, 18) : « Ne pas s'asseoir sur la chénice équivaut à se faire du souci pour l'avenir, car le

Symb. 26 Gravure :

LE JOUR, COMME

LA NUIT, EST IMPROPRE AU TRAVAIL POUR LE PARESSEUX *

CONTRE LE PARESSEUX, HONTEUSEMENT OISIF ET INACTIF

Si la nuit, pour les autres, est impropre au travail, sans temps d'action

— Carle temps s'évalue en fonction des actions humaines -,

En demeurant toujours assis, è Paresseux, sans temps d'action, Le jour devient aussi, pour toi, impropre à tout travail. Surtachénice assis, tu me demandes ce que tu mérites ?

s

Que par une faim paresseuse un triste sort t'achéve!

MÉTRIQUE Distiques élégiaques que nous avons rendus par une alternance de 1614

apparat des sources), puis Plutarque** et Démétrios de Byzance chez Athénée*5, cité aussi par Eustathe*'6,

confirment l'interprétation du proverbe comme l'interdiction de se reposer sur les acquis du présent et l'invitation à anticiper sur l'avenir et se montrer prévoyant. Comme beaucoup de proverbes pythagoriciens, la formule imagée est énigmatique dans la mesure oü la chénice, par sa petitesse, offre un siége bien peu commode. Cette interprétation antique va faire fortune à la Renaissance. Jamblique*" avait tiré l'interprétation du cóté de l'intelle& en voyant dans le symbole une invitation à la philosophie, et sa lecture inspire un passage du De hominis dignitate de Pic de la Mirandole : la ratio, liée à l'activité (gnaua), ne doit pas rester oisive mais étre travaillée par la dialectique**. Érasme choisit la premiere solution dans le début de ses Adages, qu'il consacre au commentaire des Pythagorea Symbola. Il rappelle que Est enim choenix demensum et cibus diurnus, « la chénice est une mesure et équivaut à la nourriture journaliére ». Parmi de multiples sources, il se sert des textes de Plutarque, Homére et Athénée et souligne la concordance des interprétations, par exemple entre Démétrios de Byzance et Plutarque (propemodum cum Plutarcho consentiens, voir apparat des sources), qui invitent à ne pas se

syllabes.

NoTES

- tit. pic. : Intempesta dies] Le terme intempestus, « impropre à l'action » (cf. VARRO, Ling., 6, 2, 7), forme

généralement avec nox une expression idiomatique qui désigne la « nuit profonde », « le cceur de la nuit », c'est-à-dire le moment oü l'on ne fait rien (cf. CIC., Verr. 4, 94 et VERG., Aen. 3, 587). Bocchi évoque d'ailleurs

l'expression au v. 1 de l'épigramme (intempesta aliis si nox) et en développe le sens gráce à un complément (sine tempore agendi). L'astuce consiste ici à l'appliquer au plein jour, normalement synonyme d'une intense activité (cf. le vers 4 de l'épigramme : Intempesta dies est quoque). - v. 3 : desideas] Jeu étymologique qui rappelle que desidiosus, «le paresseux », présent dans le motto de la gravure, vient de desideo, « rester assis à ne rien faire ».

— v. 6 : Bocchi utilise à rebours un vers de Martial qui célébre la mort glorieuse de Festus, partisan de César, qui, pour éviter de subir les ravages de la maladie, avait préféré la mort par l'épée plutót que le poison ou la faim. La lenta fames correspond bien à Lentus, dont elle mime le nom et le vice, et qu'elle vient punir de la maniére méme dont il s'est rendu coupable : par une mort lente et infamante. ANALYSE Les symbola de Pythagore sont un passage quasi obligé dans un recueil qui porte le titre de Symbolicae Quaestiones (voir notre introduction). Bocchi, dans cet embléme, se fait l'écho du succés que connaissent les

listes diverses des symboles ou Akousmata du Samien à la Renaissance, de Ficin à Gyraldi en passant par Pic, Béroalde, Érasme et bien d'autres*', La nature obscure et métaphorique des formulations, censées contenir des +! Ch. L. Joost-Gaugier, Measuring Heaven: Pythagoras and His Influence on Thought and Art in Antiquity and the Middle Ages, Ithaca/New York, 2007 ; Ead., Pythagoras and Renaissance Europe. Finding Heaven, New York, 2009 ; F. Vuilleumier-Laurens, La raison des figures symboliques à la Renaissance et à l'áge classique. Études sur les fondements philosophiques, théologiques et rhétoriques de l'image, Geneve, 2000.

166

boisseau est la nourriture journaliére ». Les parémiographes (Mant. prou., 1, 58 ; SVD., II, n?3124 Adler, voir

^*' Voir M, FICIN, In commentarium suum in Parmenidem proemium, Proemium, in Marsilii Ficini... omium...

operum tomus secundus, Parisiis, ap.

Guillelmum Pele, 1641, p. 109 : Pythagorae, Socratisque et Platonis mos eras ubique diuina mysteria figuris inuolucrisque obtegere, sapientiam suam

contra sophistarum iactantiam modeste dissimulare, iocari serio et studiosissime ludere (notre traduction) : « Pythagore, Socrate et Platon avaient

coutume de toujours protéger les divins mystéres de figures et de voiles, de dissimuler avec humilité leur sagesse, à la différence de la jactance des sophites, de plaisanter avec sérieux, de s'amuser avec beaucoup d'érudition ». Voir notre analyse du Symb. 1. 43 Voir par exemple le grammairien Q. RHEMNII FANNII PALAEMONIS, De ponderibus et mensuris liber, 2, « De ponderibus siue mensuris

humidorum et frugum », 14-15 in Aurelii Cornelii Celsi de Re medica... Q. Sereni Samonici Praecepta medica... Q. Rhemnii Fanni Palaemonis De ponderibus et mensuris [...] Hos libros D. Ioan. Caesarius Soter... castigauit, Salingiaci, 1538, Dav: Heminas recipit geminas sestarius unus/ Qui

quater assumptus fit Graio nomine choenix, « Un seul setier comprend deux hémines, et si on en additionne quatre, cela donne la chénice, de son nom grec ».

** Voir par ex. Quaest. conu., 7, 4, 703e-f: « Je lui dis en riant : “ Et ce proverbial poisson de réserve, cher ami, pourquoi ne pas le mettre en

avant avec la chénice de Pythagore, sur lequel il nous défendait de nous installer, nous enseignant toujours à laisser quelque chose du présent

pour l'avenir, et aujourd'hui, à nous souvenir de demain ? ” » et Liber. educ., 12e: « Ne pas s'asseoir sur la chénice signifie qu'il faut fuir la

paresse et veiller à se procurer la nourriture nécessaire ». Pour d'autres références de Plutarque et le texte grec, voir apparat des sources au v. 5. 5 ATHEN. Deipn., 10, 452e (77 Kaibel). Voir apparat des sources au v. s pour le texte grec.

486 EVST., ad Od., 19, 28-29, t. II, p. 188 Stallbaum : « Quant au précepte de Pythagore de ne pas s'asseoir sur la chénice, c'est-à-dire ne pas

nourrir le paresseux, il vient du fameux passage d'Homére que nous avons cité [...] et, selon Démétrius de Byzance, l'énigme énoncée par Pythagore, à ce qu'en dit Athénée lui-méme, montre qu'il ne faut pas se focaliser sur le jour présent mais attendre le lendemain ». Voir apparat des sources au v. s pour le texte grec.

un ‘7 [AMB., Protr., 21, n? 18, p. 107, 116-117 Pistelli (notre traduction) : « Puisque la nourriture se mesure selon ce qui fait de nous un corps et elle, à t'offrant en mais ; philosophie la à initiation une sans pas poursuis ne faire, rien sans pas reste ne chénice, la selon non et étre- vivant,

occupe-toi surtout de ce qu'il y a de plus divin en toi, c'est-à-dire l'àme, et davantage encore de l'intellect qui réside en elle et dont la nourriture

ne se mesure pas selon la chénice mais selon la contemplation et le savoir ». Ce sens sera repris dans l'interprétation du proverbe proposée par non Rhodiginus (Lect. ant., 16, 17), Bàle, 1542, p. 611 : Praecipit ergo auctor clarissimus primo, ne super choenicem sedeamus, eo nimirum nomine fallente, nunquam choenice tanquam potentia, enim Ea myslicé. signans partem animae rationalem sed concipiens, utique cibaria, nec quid eiusmodi cauendum insinuauit, omnia metimur, iudicamus, examinamus, mittimus in digitos. Propterea, ne ignauo ac torpenti otio, et resina (ut ille ait) pigriore,

ac tacitis uelut ambagibus, praesignis philosophus, rationis actum remittentes amittamus etiam, sicuti Musonius dicebat. Quin dialectica exercitatione regula dirigamus assidue et excitemus.

*5 « I] nous enjoindra d'abord à ne pas nous asseoir sur le boisseau, c'est-à-dire à ne pas perdre en l'abandonnant pee

la partie

et la regle rationnelle par laquelle l'àme mesure, juge et examine toute chose, mais de la diriger et de l'aiguillonner assidüment par l'exercice

dialectique » (p. 33 Boulnois-Tognon).

167

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Vous vous souvenez, fréres, de nos labeurs et de nos fatigues: de nuit comme de jour, nous travaillions, pour

praesentis diei sunt, quin reposer sur le présent mais à anticiper sur l'avenir (non oportere spectare tantum quae

crastinum semper esse exspectandum, « il ne faut pas considérer seulement les affaires d'aujourd'hui mais il est au contraire nécessaire de penser toujours à demain » ). Enfin, Érasme suit Eustathe pour affirmer que le précepte de pythagoricien s'inspire de la citation homérique oü Télémaque, qui n'a pas reconnu Ulysse sous ses habits 19, 28-29)**. mendiant, déclare à la nourrice Euryclée qu'il refuse de nourrir un parasite, un oikositos (Od.,

découle Érasme oppose deux couples antithétiques : d'une part le travail (industria, artem) et le mérite qui en

Il faut surtout (facultates, munditiam), d'autre part la paresse (inertiam, parasiticum) et l'opprobre (foedum).

n'étre à la charge d'aucun de vous",

Chez saint Paul, l'opposition entre le jour et la nuit se fait, comme chez Bocchi, entre l'alternance du travail et du repos mais également selon des critéres moraux : la nuit pour les justes est réservée au sommeil, et le jour doit les trouver éveillés, préts à l'a&ion. Au contraire, pour les hommes voués au vice, la nuit est le moment des

actions honteuses et le jour se passe à dormir :

noter l'inflexion qu'il fait subir à l'interprétation traditionnelle du proverbe. Cette inflexion semble résulter d'une sorte de téléscopage entre le proverbe pythagoricien et la sentence homérique adoptée comme source par

Nous ne sommes pas de la nuit, des ténébres. Alors ne nous endormons pas, comme font les autres, mais restons

éveillés et sobres. Ceux qui dorment, dorment la nuit, ceux qui s'enivrent, s'enivrent la nuit. Nous au contraire,

yance du la version eustathienne et qui invite à ne pas nourrir un paresseux. Érasme insiste moins sur l'imprévo

paresseux que sur le caractére honteux d'une vie parasite aux dépens d'autrui qui consiste précisément à entamer leur boisseau et à se reposer dessus". Il est d'ailleurs révélateur que si, dans l'embléme d'Alciat consacré à la chénice (« Desidiam abiciendam »), l'épigramme adopte le sens traditionnel du proverbe et fustige l'imprévoyance*', le commentaire de Claude Mignault, au contraire, n'évoque que la honte attachée à la vie en

parasite en reprenant le vocabulaire méme d'Érasme^". Bocchi, dans son épigramme,

imagine

qu'un

interlocuteur imaginaire

apostrophe

virulemment

un certain

Lentus, assis sur une chénice : par cette attitude, le personnage fait évidemment preuve de paresse et refuse de

travailler, comme l'indique le vocabulaire (inertem, otiosum, intempesta, sine tempore agendi, desideas) et son nom

méme, Lentus, le paresseux. Cette inactivité appelle l'ignominie : turpiter. La forme syllogistique du poéme souligne à quel point le temps tout entier, et non pas simplement la nuit, e$t pour Lentus intempestum, c'est-àdire impropre au travail. Le personnage vit dans une sorte de durée confuse oü ni le jour ni la nuit ne sont distingués. Lentus est opposé aux aliis, au reste de la société. Pour eux, au contraire, le temps est trés nettement scandé par la présence ou l'absence de travail, par la séparation entre le jour et la nuit : dans la mesure où Lentus

refuse ces critéres et ce modéle d'organisation et de structuration, il s'exclut délibérément de l'ordre social. Le

parasite n'est ni un penseur contemplatif ni un citoyen actif, paysan, soldat ou artisan : il n'a donc pas de place dans la cité. L'insistance de Bocchi sur l'opposition entre Lentus et les autres, dans la mesure oü pour lui nuit et jour sont impropres au travail, se comprend par opposition à un modéle chrétien implicite d'extréme labeur, incarné par saint Paul et les Apótres. Pour ces derniers nuit et jour sont certes confondus, mais dans un travail sans reláche qui leur assure l'indépendance :

nous qui sommes de jour, soyons sobres ^^".

La saveur épigrammatique réside dans la pointe finale et en particulier dans l'expression lenta fame, sa polysémie et les jeux d'échos qu'elle fait résonner. Bocchi appelle sur la téte de Lentus, personnage sacrilége qui a osé enfreindre par sa paresse un précepte sacré, un chátiment conforme à la nature de sa faute : imprévoyante cigale, il sera taraudé par le manque de ressources, c'est-à-dire la disette, la faim. Le verbe mereor (quid merearis) évoque, comme la chénice, une donnée quantifiable ou au moins positive, une sorte de salaire. Le paradoxe réside dans le fait que le nom qui lui fait écho, fames, dit précisément l'absence et la négation de tout bénéfice, de toute rémunération. Une forme d'équivalence cependant est respectée puisque, pour Lentus, la faim sera elleméme lenta. Une seconde opposition se dessine alors : l'adjectif lenta prend en fait ici un sens opposé à celui de Lentus, le paresseux, puisqu'il indique une faim tenace c'est-à-dire précisément constamment active. Le dernier qui va vers bocchien indique subtilement que l'inactivité du paresseux engendre un seul principe actif, celui au terme d'un entrainer sa perte. Justice est faite : l'inactivité du paresseux mérite l'inactivité absolue, la mort, processus trés actif mais qui lui échappe totalement. pour signifier un Quant au terme de fames, il peut prendre un sens un peu moins concret et sert de métaphore appelle certes la mort désir dévorant ou une passion inassouvie. La perfidie de l'embléme se dessine : Bocchi coupable une sorte du téte la corporelle du personnage pour le punir de son vice. Mais il appelle également sur en plus violemment de mort figurée : le paresseux, par l'oisiveté de son corps, est condamné à ressentir de plus (lentus). personnage du l'effet du Désir, de la Fames, dont la ténacité (lenta) est proportionnelle à l'inactivité Bocchi a certainement en mémoire le proverbe de Salomon : +1495

489 .. Quant à moi, puisque dans ce type de symboles l'interprétation est non seulement recommandée mais encore obligée, je pense que cette

énigme pythagoricienne est empruntée au passage d'Homeére que nous avons cité. Elle signifie que la paresse ne doit pas pousser à rechercher le repos et la subsistance d'un autre, mais, gráce à sa propre activité, développer les facultés qui permettent de vivre décemment. C'est étre un parasite sans honneur que de vivre aux dépens d'autrui sans avoir de métier pour pouvoir vivre sur ses propres deniers ». Voir texte latin dans l'apparat des sources au v. 5.

40 ÉRASME, Adag, 1, 1, 2 [« Pythagorea Symbola», 3], « Choenici ne insideas » (voir apparat des sources) : « Pour ma part, puisque, dans des symboles de ce genre, il est non seulement permis de se livrer à des devinettes, mais que c'est là aussi une nécessité, je pense que cette énigme

que nous avons cité précédemment et qui signifie qu'il ne convient pas, par paresse, de s'attacher au repos et à la nourriture d'autrui mais, pour chacun, gráce à son activité, d'acquérir les facultés qui permettent d'entretenir la

pythagoricienne

a été tirée du passage

d'Homére

dignité de la vie. À mon avis, en effet, c'est le propre d'un parasite et une abjection que de vivre aux frais d'autrui sans développer de qualité qui permette de vivre avec ses propres moyens ». ‘1 ALCIAT, Emblemata, Lyon, 1551, 18 : « Que le paresseux, quel qu'il soit, s'éloigne, car s'asseoir sur la chénice nous est défendu par les saints

préceptes du vieillard samien. Léve-toi donc et habitue tes mains au dur labeur afin que demain t'apporte la nourriture nécessaire ».

472 Omnia Andreae Alciati V. C. Emblemata, cum commentariis... Per Claudium Minoem diuisionem ..., Parisiis, Apud Hieronymum de Marnef, & Viduam Gulielmi Cauellat 1583, p. 279 : Monuit Pythagoras choenici non insidendum, id est, non esse cibum alienum per inertiam sectandum neque in alienis sportulis uitam collocandam, ut sede in eis statuta, totum etatis tempus otiose traducamus sed aliquam ineamus rationem, ut nostra industria

uictum comparemus neque semper et ab aliorum pendeamus ope, « Pythagore nous invite à ne pas nous asseoir sur la chénice, c'est-à-dire à ne pas se reposer, par paresse, sur le bien d'autrui ni à placer sa subsistance dans la sportule des autres, si bien que l'on s'établit chez eux et que l'on passe toute sa vie dans l'oisiveté. Au contraire, nous devons subvenir à nos besoins par notre propre activité sans dépendre de la richesse des autres.» Sur les rapports entre Érasme, Alciat et le Bolonais Béroalde à propos de cette devise pythagoricienne, voir Karl Gielhow, Die Hieroglyphenkunde des Humanismus in der Allegorie der Renaissance, Jahrbuch des Kunsthistorischen Sammlungen des allerhóchsten Kaiserhauses, 32/1, Vienne et Leipzig, 1915, p. 151 note 4.

: ps Le désir du paresseux cause sa mort/ car ses mains refusent le travail".

ou Prospero Fontana"^, nous La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone

huit litres, beaucoup plus montre Lentus, assis, non sur une chénice, mais sur un boisseau ou modius (environ

l'attitude mélancolique du adapté à l'image) le menton appuyé sur la main, dans une position caricaturant l'idée de semper, c'est-à-dire du temps contemplatif. Il met le pied sur un sablier posé à l'horizontale, qui traduit Fames, sous les traits d'une femme qui ne passe plus et s'éternise dans une confusion entre nuit et jour. l'Envie, comme nous le fait remarquer décharnée, appuyée sur un báton, qui ressemble beaucoup à une figure de Pierre

Martin,

s'approche

de lui à grandes

enjambées,

mouvement

qui

contra&e

avec

l'immobilité

du

. (2 Thess., 3, cite également le précepte de Paul : Qui non laborat, nec manducat 493 VviG,, 1 Thess., 2, 9. Érasme, dans son adage sur la chénice, Paul pans échirer cette formule qui

plus. » Nous citons la suite du texte de 10): « Si quelqu'un ne travaille pas, qu'il ne mange pas non Or nous la vie civique alors que sa paresse lui en retire de fait le droit: « de partie faire convoque l'image du parasite qui prétend encore ». tout de mélant se mais ne travaillant pas du tout entendons dire qu'il en est parmi vous qui ménent une vie désordonnée, e, Bocchi joue peut-étre implicitement avec un des Disticha Catonis, nourritur de l'idée à nt s'opposa Fames de terme Le 494 VyrG. 2 Thess., 5, 5-8. somno le le jour est la nourriture de ses vices : Plus uigila semper neu qui x paresseu 1, 2 où il est dit que la seule nourriture que puisse fournir le d avantage et ne t'abandonne pas au sommeil : car quies uitiis alimenta ministrat, « Reste éveillé toujours somno

deditus esto

/ Nam

diuturna

dormir le jour fournit son aliment au vice ».

495 VyLG., Prou., 21, 25. 1972, lot 23, p. 19, n? 74. +% Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet

169 168

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

personnage sur le boisseau, pour signifier sans doute Toutefois, le mouvement qui courbe les deux corps toucher bientót : entre le lentus et la fames lenta, il y fatalité. Les délais de la justice divine n'empéchent pas

qu'une faim lenta est au contraire active et tenaillante*"", les appelle à se rencontrer, et les tétes promettent de se a plus qu'un simple jeu étymologique mais une véritable son exercice.

— v. 4 : quod sat est] C'est-à-dire ce qui rassasie et pousse à dire « cela me suffit », « j'en ai assez ». -v.7: quid decet expeditue] Le caractére interchangeable de ces deux termes, posés par la particule -ue, est défendu par Cicéron, qui estime que le convenable absolu (decet, qui définit le champ de l'honestum ou du zp£zov) ne se distingue pas de ce qui est utile ou avantageux (expedit) ; cf. Off., 3, 18, 74-75 : nam eadem utilitatis quae honestatis, est regula. [...] Sic enim cogitans : " Est istuc quidem honestum, uerum hoc expedit ", res a natura

copulatas audebit errore diuellere.

— v. 6: continentia] Cicéron (Inu., 2, 164), fait de la continentia, avec la clementia et la modestia, une partie de la

Symb. 27 Gravure :

NE DÉDAIGNE

DE L'ESPRIT,

BIENHEUREUSES

PAS CES NOURRITURES

VOICI LE NOBLE

BANQUET

ET TU OBTIENDRAS

LA SUPRÉME

FÉLICITÉ

Symb. 30 et 31. Toutefois, la continentia désigne une qualité morale intérieure, alors que l'abstinentia renvoie

plutót au respect d'un cadre légal.

— L'homme ne se nourrira pas seulement de pain mais de toute parole sortie de la bouche de Dieu

ANALYSE

*

L'épigramme se présente sous la forme d'un décalogue mosaique qui s'énonce sur le mode impératif. Parallélement, les recommandations constituent autant de symbolae, d' « écots » que l'on offre pour un banquet imaginaire, celui de la table méme de Bocchi : les propos philosophiques se substituent progressivement au service des mets. Le passage du corps à l'àme est d'ailleurs explicitement souligné dans les v. 1-2. C'est une variation tràs austére sur le carmen 13 de Catulle, qui proposait à son invité Fabullus, de compenser la pauvreté

VOICI LES DIX SYMBOLES DE LA TABLE FAMILIALE

Nourris ton corps de mets simples, et du verbe Divin nourris ton àme, encore et encore ;

par la du repas par du vin, des mots piquants (sale, v. 5), des éclats de rire (cachinnis, ibid.), et, à travers l'amitié,

Dans tout ce que tu fais, prends Dieu pour témoin.

douceur et le raffinement (suauius elegantiusue, v. 10) de la poésie amoureuse. Le caractere trés général voire topique des formules leur permet d'apparaitre comme des sententiae empruntées autant à l'Antiquité paienne qu'aux textes bibliques. On insistera ici sur le caractére méditatif de ce repas solitaire : on est loin de l'assemblée amicale qui s'amuse chez le cardinal Poggi dans le Symb. 118. l'une des Le premier précepte, qui figure également sur la gravure sous la forme d'un panneau que désigne

Voulant ce qui suffit, point ne souffriras.

Suisla nature en tout, prends-la pour ton guide. La continence seule te réjouira.

Vois toujours ton devoir ou ton intérét. Dans les bonnes mceurs se tient la vie heureuse. Il est roi, celui qui supporte et s'abstient. N'aie de désir que pour ce qui est aimable.

seulement de allégories féminines, est biblique (VvrG., Deut. 8, 3 ; Matth. 4, 4: « L'homme ne se nourrira pas

MÉTRIQUE Hendécasyllabes phaléciens. Les éditions comme le manuscrit présentent typographiquement un vers court et un vers long, comme s'il s'agissait de distiques, alors que le titre du poéme lui-méme (decem... symbola) invite à lire chacun des dix vers comme l'énonciation d'un précepte à part entiére. Les deux premiers vers font exception et, malgré la distinction posée entre les besoins du corpus et ceux de l'animus, du corps et de l'áme, ils affirment l'unité du composé humain dont il ne faut négliger aucune partie. Cette unité dans la pluralité est soulignée par l'enjambement (Deique ouvre dés le premier vers une proposition coordonnée qui se poursuit dans le second) et par la métaphore qui permet de jouer sur le sens concret et le sens transposé des termes (pasce a pour complément d'objet autant corpus qu'animus, et pour complément de moyen autant cibis que uerbo dei). NorES

— tit. carm. : SYMBOLA] Le mot est ici synonyme de « préceptes ». Le terme lui-méme renvoie à Pythagore,

tandis que le nombre dix rappelle la figure de Moise. 497

E. See Watson, Achille Bocchi, p. 104 ne sait pas comment

prostituée (harlot).

170

Cicéron associe la continentia et l'abstinentia comme les deux qualités nécessaires pour vaincre la cupiditas au

et 14). Le motif est développé par Bocchi réguliérement dans le recueil d'emblémes, en particulier dans les

— Supporte et abstiens-toi

10

cupiditas, qu'elle soumet au commandement de l'intelligence (consilii gubernatione). Dans le De Officiis, 22, 77,

sens strict d'amour des richesses et de l'argent (sur la substitution d'un mot par l'autre, voir VAL. MAX,, 4, 3, 6; 7

DE BOCCHI

Sur l'image :

5

temperantia, qu'il définit comme la rationis in libidinem atque in alios non rectos impetus animi firma et moderata dominatio, «la domination ferme et équilibrée de la raison sur la passion et sur les autres mouvements désordonnés de l'áme ». La continentia, qui recouvre l'éyxpaxs(a grecque, s'occupe plus spécifiquement de la

E

.

*

(celle du pain mais de toute parole sortie de la bouche de Dieu ») et lié à l'épreuve de la faim dans le désert et invite jours), quarante peuple hébreu pendant quarante ans sous la garde de Moise ou celle du Christ pendant spirituelles, à une hiérarchie entre nourritures terrestres (qui doivent étre simples : simplicibus) et nourritures du frugalité la et ventre qu'il faut assimiler sous la forme de ruminatio (usque et usque, v. 2). La modération du qui prend pour modèle régime de vie sont recommandées largement par les soiciens, en particulier Épictéte, l'école cynique

et Diogene,

en pleine santé (voir EPICT., Diss. 3, 22, 87-88:

« Il faut qu'il [...] montre

corps »). C'est aussi le également par son corps qu'une vie simple, frugale et au grand air ne nuit pas non plus au la Lettre à Ménécée d Epicure principe du calcul mesuré des peines et des plaisirs, et de la gestion des désirs dans et il faut savoir abandonner des ($129-130) : ainsi, la prudence est sens de la mesure, qui évite les souffrances, plaisirs présents qui menacent d'engendrer des douleurs futures^? qui privilégient les facultés La suite de la liste propose de poursuivre l'énumération de commandements insistent sur la présence d'un dieu intellectuelles et spirituelles, recommandent la modération et la continence, « qui scrute les cceurs » (voir Symb. 122).

sur le modéle paulinien (2 Cor. 1, 23 ; La transparence de l'action est en effet garantie par le serment fait à Dieu

975), qui commente la formule, 2 Thess., 1, 23). L'un des entretiens de saint Augustin (Serm., 180, PL 38, col. le serment de la charité, de la vérité et de l'absence de fausseté qui est engagée par

souligne la triple nécessité interpréter le personnage et suggére de maniére erronée qu'il s'agit d'une ©

?

,

p. 161-206 : « Une vie conforme à la nature ». 48 p..M. Morel, Épicure, la nature et la raison, Paris, 2009,

171

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

(Quod autem ius debemus...

nisi charitatis, ueritatis, et non falsitatis ? ). On remarquera qu'Épictéte (EPICT., Diss.,

3, 22, 56) recommande également de prendre le dieu à témoin, mais l'invitation simultanée qu'il fait à se connaitre soi-méme montre qu'il s'agit en réalité du bon démon qui est en chacun de nous (voir Symb. 3 et 147). Apulée rappelle effectivement qu'il est notre juge et notre témoin et une sorte de conscience du bien et du mal (cf. Socr.,

155 : inseparabilis testis, malorum improbator, bonorum probator).

Toute la place est ensuite accordée à la définition d'une sorte de souverain bien et des vertus de modération qui y conduisent. La paix intérieure (nihil dolebis, v. 4) sera assurée par le respect de l'aurea mediocritas d'Horace (c£. Carm., 2, 10, 5) ou plutót le quod sat est de Sénéque cité dans le v. 4 (cf. HOR., Carm., 3, 1, 25 ; SEN., Ep, 2, 1 ; PVBL. SYR., Sent., 626 Duff = SEN., Epist., 108, 11 ), dont les racines sont à trouver dans la mésotés

6 ; ibid., 4,

aristotélicienne ou le undèv &yav de Chilon de Sparte : aucun excés, ni dans un sens ni dans l'autre, et un contróle mesuré des désirs, dans la limite de la rationalité. Sénéque dans la Lettre 2 qui célebre le quod sat est rend hommage à la pauvreté recommandée par Épicure comme frein au déréglement du désir. Le v. 6 célébrant la continentia va dans le méme sens. Sur quel fondement baser une telle affirmation ? La réponse est donnée de maniére énigmatique au centre du poéme, au v. s, avec la formule topique « suivre la nature comme un guide en tout » (Naturam sequere omnibus magistram, voir apparat des sources). Pour Lucréce, éléve d'Épicure, la mesure et le satis constituent le principe méme des foedera naturae, ces pactes de la nature qui « assurent la stabilité dans le changement », et font par exemple que les configurations atomiques ne sont pas illimitées, ou bien que chaque espéce vivante n'a pas une croissance, une longévité ou un nombre de spécimens infinis : elles se voient toutes assigner un finis. Pour les

stoiciens, la nature, dans ce contexte, désigne à la fois la raison universelle qui gouverne le monde, mais aussi (et

sans discontinuité), la raison accomplie en chaque homme, qui le distingue radicalement des autres espèces, méme si son corps et ses exigences l'ancrent à la naissance dans une continuité biologique qui se développe et se modifie de maniére adaptée au fur et à mesure qu'il grandit (oikeiósis). Suivre la nature n'est pas un « abandon aux sollicitations immédiates de nos tendances naturelles : cela consiste à discerner, dans la nature hiérarchisée

que la physique a décrite, les niveaux propres dont reléve chaque action et à veiller à ce qu'ils restent consonants,

ne se contredisent pas? ». L'éthique définit en effet un télos, qui s'identifie avec le souverain Bien, et qui

constitue la fin ultime de nos actes : ce but est l'action moralement droite, qui consistera dans la manifestation à

l'extérieur d'un équilibre intérieur, commandé par la raison, et qui vise à l'ordre et à l'harmonie. Principe supérieur qui définit l'humanité et qu'il faut apprendre à connaitre?"', la raison ne se préoccupe donc que de la moralité des actions et de la mise en application de l'honnéte : elle n'a que faire des « indifférents », le bonheur, le plaisir et la satisfaction du corps, les biens auxiliaires (santé, beauté) et ou extérieurs (richesse, réputation, bonne naissance, etc.), qui échappent à son contróle, méme si certains d'entre eux, en suscitant une attraction

naturelle, doivent étre comptés au nombre des « préférables ». L'homme doit donc apprendre à se connaitre lui-méme, à définir sa propre nature, et à répondre aux aspirations exprimées par la faculté qui lui appartient en propre, c'est-à-dire la raison ou l'hégémonique, ainsi que l'y invite Épi&éte??, Or le propre de la raison, c'est qu'« elle est portée à désirer le bien, à avoir de l'aversion pour le mal, et à n'éprouver ni l'un ni l'autre envers ce qui n'est ni bien ni mal? ». C'est précisément ce que définissent les dogmata énoncés au v. 6-10 : respecter la

continentia en ne cédant pas à la cupiditas, qui est une passion, c'est-à-dire une maladie de la raison (v.6) ; apprendre sans relàche à connaitre son devoir, qui se confond avec l'intérét et l'utile (quid decet, expeditie nosce, v. 7, voir notes supra) ; à se constituer un éthos d'homme vertueux qui s'habitue, dans la durée, et par des

exercices spirituels?^, à pratiquer l'action droite, conforme à la raison (v. 8). Les termes beabit (v. 6) ou uita beata (v. 8), rappellent une conclusion essentielle, qui veut que la vertu suffise au bonheur (uirtutem sufficere a ad beate uitam beatam ; cf. CIC., Fin., 1, 61 : uirtutem autem nixam hoc honesto nullam requirere uoluptatem atque

se ipsa esse contenta ; Tusc., s, 48 : Beata igitur uita uirtute conficitur ; et SVF, II, 49-67). Les deux

uiuendum

derniers principes formulés par l'embléme sont largement conditionnés par les précédents. Le v. 9 affirme que celui que gouverne sa raison est comme le dieu qui gouverne le monde en maitre, puisque rex, le « roi » vient de rego, « diriger », tout comme hègèmonikon® ; or cette raison lui ordonne deux impératifs, sustinet, abstinetué, GELL., 17, définis par Épictéte et détaillés par un adage d'Érasme, d'aprés les éclaircissements d'Aulu-Gelle (voir

aux assauts de la 19, 5-6 ; ERASM., Adag., 2, 7, 13, « sustine et abstine » et l'apparat des sources) : étre indifférent

ut aduersa fortiter fortune, en supportant les maux dont elle nous accable (ERASM,, ibid.: Quorum altero monemur illicitis temperemus toleremus), et en se détournant des biens qu'elle nous octroie (ibid.: altero, ut ab et extérieurs. Il uoluptatibus), dans la mesure où le malheur et le bonheur ne concernent que les biens auxiliaires contróle, dépendent de la faut réaliser que ces maux et ces biens, étrangers à la vertu qui, seule, est sous notre universel, en l'assumant comme volonté des dieux et de la providence, et il faut viser à se fondre dans ce vouloir

s'abstenir sous la forme du sa volonté propre. Bocchi se souviendra de cet équilibre entre supporter et

ce qui est aimable, comme y invite le funambule marchant sur sa corde dans le Symb. 57. Enfin, ne désirer que que les passions sont engendrées v. 10, revient à écarter tout ce qui ne concerne pas la vertu. Épictéte souligne

biens : l'exercice spirituel consistera par des erreurs de jugement qui nous font prendre les indifférents pour des

la formule de l'embléme (cupias en une rectification logique de ces appréciations biaisées®, On notera ici que

Dieu comme soi-méme, et on soulignera quod est amandum) épouse parfaitement l'impératif chrétien d'aimer d'éradiquer les passions, sert la combien le &oicisme, en détournant des « fausses » valeurs et en tentant que le remarque Érasme tout au long de dodrine chrétienne comme une sorte de propédeutique, ainsi à Épictéte. l Enchiridion militis Christiani, dont le titre rend d'ailleurs hommage

Bonasone ou Prospero Fontana?", propose La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio : hormis le plafond à caissons, il n'y a pas de une scéne qui se déroule dans un intérieur délibérément austére de la table sont ornés, que la table elle-méme décoration (mais Pierre Martin nous fait remarquer que les pieds assis

Sur la gauche de l'image, un homme est est recouverte d'une nappe et que le fauteuil est pourvu de bras). à sa bouche. Il s'agit selon toute vraisemblance de devant une table garnie d'une nappe et il porte la main droite BOCCHI NOBILE SYMPOSIVM EST. À la gauche Bocchi lui-méme, comme le suggére le titulus : HOC ILLVD à vin. Pierre Martin nous a permis d'identifier et du convive unique, on apergoit sur la table un carafon table. Le personnage attablé porte à sa bouche un d'interpréter les objets parfois énigmatiques qui occupent la d'étre consommés, aprés avoir été ouverts en deux fruit, tandis que deux autres, de tailles différentes, attendent convive, une assiette a recu les trois noyaux. Pourquoi gráce au couteau posé à la droite du mangeur. Devant le suggérer la frugalitas, propre E les fruits? Comme nous le suggère brillamment Pierre Martin, il s'agit de

son nom de frux, le « fruit », et qui a pour róle « de dominer l'homme frugi, une qualité qui, selon Cicéron, tireSAT sir, de P préserver j 5si au désir, 4 toujours et de calmer les mouvements

499

; d'une

i àme

en proie à l appétence

et, en résistant

Sur le terme, voirè par exemple LVCR., 1, $86 ; 2, 302 ; 5, 310 et 924 ; 6, 906. Pour le sens complexe de l'expression, voir G. Droz-Vincent,

: Les foedera naturae chez Lucréce » dans C. Lévy (dir.), Le concept de nature à Rome : la physique, Actes du séminaire de philosophie romaine de l'Université Paris XII-Val de Marne (1992-1993), Paris, 1996, p. 191-212. *9 R. Muller, Les Stoiciens. La liberté et l'ordre du monde, Paris, 2006, p. 197. *! Voir par exemple EPICT., Diss., 3, 1, 24 : « Jeune homme, qui veux-tu rendre beau ? Sache d'abord qui tu es et tu pourras ainsi te parer. Tu es un homme, c'est-à-dire un animal mortel qui peut se servir rationnellement de ses représentations. Mais que veut-dire “ rationnellement "?En s'accordant avec la nature et en se conformant à la perfection. Mais quel élément préférable possédes-tu ? L'animal ? Non. Le mortel ? Non. Le ir ge se servir de ses représentations ? Non. L'élément préférable que tu possédes, c'est la raison. C'est celui-là qu'il faut parer et embellir ». Ibid., 3, 3, 1 : « La matiére de l'homme de bien, c'est la faculté directrice qui le caractérise en propre ; le corps est la matière du médecin et du

maitre de gymnastique, le champ, celle du paysan ». *5 {. 1 Da iE

172

A

2002 (19817), p. 75-88 ; Id., cf. P. Hadot, Exercices spirituels et philsophie antique, Paris, 3* Sur ]e róle des exercices spirituels dans le stoicisme,

; 4 : ; m : Qu'est-ce que la philosophie antique ?, Paris, 1995. voir rex/rede/regere, étymologie fausse la sur joue qui et Bocchi palazzo le sur figurait qui s05 Sur a formule d'Horace (Rex eris si recte facies) notre analyse au Symb. 102. et les et s'y employer de toutes ses forces. Que sont donc les larmes $06 EpiCT,,

Diss.,

3, 3,

18 : « Il faut donc déraciner ces jugements fallacieux

l'accusation, l'impiété, Qu'est-ce que l'infortune ? Un jugement. Qu'est-ce que la révolte, le désaccord, le blàme, a ue sur des chyoes indifférentes, e et rien d'autre, de surcroit des jugements qui portent la sottise ? Tout cela, ce sont des jugements de notre choix et je garantis qu'on rétablira son étaient des biens et des maux. Qu'on déplace ces jugements sur des objets qui dépendent

lamentations ? Un jugement. ”

e.

J

,

E

équilibre, quelle que soit la situation qui nous affecte ».

f

*? Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 26, n m

173

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

une constance pleine de mesure dans toutes les circonstances? ». La présence de ces fruits et la disposition clairsemée des objets sur la table (une seule assiette, quelques aliments, un seul couteau pour tout couvert) vont dans le sens de cette frugalitas. Cette ingénieuse solution visuelle s'effectue toutefois dans l'image au prix d'une petite inexactitude lexicographique, dans la mesure oü frux désigne non pas le fruit à noyau ou à pépin (le terme

utilisé est alors pomum), mais le fruit de la terre, c'est-à-dire le grain de blé (qui fait le lien avec le &x' &ptw uóvo

de la formule biblique). Pour indiquer que ce symposium n'est pas simplement matériel mais spirituel, une saliére, en forme de pyramide en réduction, est posée sur un socle quadrangulaire (voir les Symb. 48 et 97). Cet objet utilitaire à la forme ingénieuse vient rappeler symboliquement les valeurs de constantia et de continentia qui doivent présider au régime de vie. Devant la table, se dressent deux allégories féminines. La premiére, dont le vétement léger laisse apercevoir la nudité, regarde le convive et s'appuie du bras gauche sur un panneau de bois oü vient s'inscrire en grec la citation biblique oox &x &ptw uóvo Üjoexat &vOporroc ANN éxi xav prjuati éxrropevou£vg Bii oxóuaxoc Ocob (c£ VvLG., Deut., 8, 5 ; Matth. 4, 4). L'allégorie pointe le haut du panneau de l'index de la main droite, pour le

désigner à l'homme attablé. Une seconde allégorie tient dans la main droite, au sommet d'une longue tige qui

touche le plafond, une sorte de caducée : deux serpents, dont les tétes et les queues sont reliées en haut et en bas

par deux bagues serties d'un diamant, entourent une pancarte oi se lisent les deux préceptes d'Épictéte (áv£yov, àn£Xov) tandis qu'à l'arriére surgissent deux palmes de victoire également de part et d'autre de l'axe central. Le

serpent est symbole de prudentia (qualité qui, selon Cicéron, rentre dans la frugalitas*") et il se voit ici redoublé,

comme pour indiquer une prudentia multipliée par deux. Chaque animal assume symboliquement l'un des deux préceptes épictétiens et remporte de son cóté une palme. Les deux bagues serties de diamants (comme le montre la forme pointue du chaton) viennent, elles aussi, assumer chacune l'un des termes du précepte, mais surtout, compléter la prudentia des serpents par la fortitudo du diamant. Selon Valeriano en effet, le diamant est symbole de fortitudo car il permet de libérer l'esprit de celui qui le porte à la fois de la crainte et du désir, et de

supporter mieux les aléas de la Fortune?" : les palmes de victoire disent clairement son triomphe. C'est au titre

de la fortitudo que l'anneau et le diamant constituent le mors qui bride la gueule du lion dans le Symb. 102. La troisiéme qualité citée par Cicéron comme constituant indispensable de la frugalitas, est la iustitia, indirectement représentée dans la gravure par le caractére symétrique et équilibré de la figure: chez Platon comme chez Cicéron, la iustitia ou dikaiosyné traduit le principe de l'harmonie intérieure de toutes les parties de l’àme. La citation biblique et la sententia paienne d'Épictéte se complétent et se renforcent mutuellement. La gravure insiste largement, des le titulus, sur le caractere métaphorique (pabula laeta animi) du repas réel auquel elle nous fait assister (hoc...

symposium est). La partition de l'image en deux va dans le méme sens : à

gauche, le repas réel, à droite, sous forme d'inscription, l'énonciation de principes moraux. Mais la frontiere n'est pas imperméable : la frugalité des mets et la présence de la pyramide sur la table de banquet à gauche

annoncent le programme éthique de la partie droite, de la méme maniére que le début de la premiere inscription à droite de l'image ( « l'homme ne se nourrira pas seulement de pain ») pose comme nécessaire la sustentation du corps. La gravure, par la nécessité d'aller aux préceptes essentiels, abandonne l'idée du décalogue, tandis que

l'épigramme, qui la met en valeur, n'évoque qu'allusivement l'idée du repas (dans le titulus, mensae domesticae,

etauv. 1 : corpus simplicibus cibis).

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Symb. 28 Gravure :

LA PRIME SAPIENCE SAISIT LES PRIMES CAUSES Sur la gravure : — Matiére — Pensée bátarde

SEULE UNE PENSÉE BATARDE SAISIT LA PRIME MATIERE Née du sel, je consume sel, sol et ciel insondable,

Je détruis l'univers et l'engendre à la fois.

Nature, de mon sein, tire, accroit, nourrit toutes choses,

Etla méme à nouveau en mon sein les détruit. 5 Bien que je semble étre pourvue de la forme ici peinte, Nulle forme pourtant ne peut m 'appartenir. Sans raison propre pour me connaitre, prime Matiére

Suis, que seule saisit une pensée bátarde.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. La structure métrique qui respecte l'autonomie de chaque distique est soulignée par l'armature rhétorique du poéme, qui consiste en un jeu subtil d'antithéses : — dans le premier distique, l'hexamétre et le pentamétre s'appuient chacun sur une opposition sémantique entre génération et corruption : orta/uro dans l'hexamétre et progenero/corrumpens dans le pentamétre. L'opposition cependant est atténuée par l'usage du polyptote (salo/salum) et par la mise en facteur commun de omnia. De méme, loin de distinguer les éléments naturels, les vocables isosyllabiques et homéotéleutes chargés de les évoquer métonymiquement (salum/solum/coelum) les rapprochent dans l'hexamétre et cette indistinction se trouve confirmée par l'emploi de omnia dans le pentamétre qui les rassemble tous ; — dans le deuxiéme distique, l'hexamétre est placé sous le signe de la génération (a me creat auctat alitque) et le pentamétre sous celui de la corruption (in me soluit). L'opposition est encore une fois atténuée par la répétition en chiasme omneis res/res omnis qui souligne la circularité d'un processus (a me/in me) auquel rien n'échappe ; - le troisiéme distique repose quant à lui sur l'opposition entre forme (praedita forma) et absence de forme (uidear) et réalité (careo), l'ensemble étant trés nettement charpenté

|

— le dernier distique, loin de s'appuyer sur une opposition, répond aux lois de l'énigme et, en liant hexamétre et pentamétre par le procédé de l'enjambement, fait attendre le sujet, Materia. Le pentamétre lui-méme ouvre sur une seconde énigme (Mens notha) et les deux personnages se « partagent » métriquement le vers autour de quam, qui marque la césure à la penthémimeére : Mátéri(a) | il-I(a) &gó | quàm || Mens nóthà | solà t2 | nét.

J

(omni forma

careo), entre apparence

rhétoriquement sur le mode concessif (licet/tamen) ;

REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

tit. pit. : la premiere version du titre (voir apparatus criticus), trés inspirée par le dernier vers du poéme, est

biffée dans S : « La prime matiére que voici n'est connue que par une àme bátarde ». Le déictique haec invite à 9* CIC, Tusc., 3, 8, 17 : Eius enim uidetur esse proprium motus animi adpetentis regere et seruare semperque aduersantem libidini moderatam in omni re seruare constantiam.

*? Avec la iustitia et la fortitudo. Voir CIC., ibid. “1° VALERIANO, Hieroglyphica, XLI, « De adamante. Fortitudo », p. 306a-b : Quin etiam id insitum diuinitus habere fertur adamas, ut mentem animumque gestantis uano metu liberet, ut superbae etiam fortunae responsare suadeat.

174

| |

rechercher cette materies dans la gravure.

NOTES - tit. epigr. : mens] Non pas l’àme, mais la pensée en action, c'est-à-dire la réflexion, le raisonnement, comme le

veut le sens du terme grec dianoia.

175

li

|

|

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome2

la paronomase -v1 :salo... salum] Il s'agit bien entendu d'une métonymie pour la mer. Le texte travaille ici sur e [ f ]). Voir salum, solum, caelum. Il faut supposer que caelum était prononcé en sifflante [s] et non en chuintant analyse. Elle — v. 5: At licet hac uidear quae picta est, praedita forma] La formule hac forma est volontairement ambigue. cas d'un joue implicitement avec la tradition de l'épigramme grecque, celle que l'on inscrit sur (ou sous, dans le de s'en tableau) l'objet-cadeau ou votif, et qui joue avec la configuration esthétique de son support, avant on détacher complétement pour devenir un genre autonome. Mais on ne peut pas exclure le fait que l'expressi qui renvoie de fait à la gravure, ou plutót à ses choix esthétiques et à la longue tradition iconographique caractérise les représentations de Vénus depuis l'Antiquité.

ANALYSE?

plus, l'expression Aeneadum genetrix, employé au second vers par Ausone renvoie directement au début du Natura rerum de Lucréce. Les vers 2-4 de l'épigramme emblématique, en montrant Vénus comme celle qui assure le cycle de la vie, c'est-à-dire de la génération (progenero) et de la corruption (uro, corrumpens), rappelle le róle assigné à la déesse par Lucréce qui voit en elle la natura naturans, la mére de toutes les espéces vivantes (cf. LVCR.,

1, 4-5 : per te quoniam

genus

omne

animantum/

Concipitur)

et celle qui gouverne la natura

naturata

(LVCR,, 1, 21: Quae quoniam rerum naturam sola gubernas). Dans le poéme emblématique, le processus de naissance et de mort ne dépend pas directement de Vénus, mais plutót d'un second personnage, Natura, qui, à partir de Vénus, dans une sorte d'opération circulaire (a me / in me rursum), crée, fortifie (creat, auctat alitque) et détruit (soluit) : les vers 3 et 4 oà Natura intervient sont une paraphrase de Lucréce 1, 56-57 (voir apparat des

i sources à ces vers). Le mystere s’épaissit à partir du troisiéme distique. Le personnage incarné par Vénus nous révèle soudain qu'il n'a pas de forme (omni forma careo), mais est apparemment susceptible d'en recevoir une (licet hac uidear...

une allégorie prend ici la parole pour dévoiler progressivement ses qualités et ses propriétés à la premiere personne (cf. ego, v. 2), afin de permettre son identification??. Dés le premier vers cependant, l'énigmatique

métonymie Orta salo, « née du sel », nous éclaire sur la nature de ce personnage : salo, comme salum (du fait

des élisions, seule la premiére partie du mot est prononcée : sal-) est une métonymie pour la mer aux eaux salées. Il s'agit donc d'une Vénus/Aphrodite anadyoméne, c'est-à-dire « sortant des flots », juste aprés sa création, à partir du sang d'Ouranos castré par Zeus, sang qui s'était répandu dans la mer?". Apelle avait réalisé de la déesse

une peinture extraordinaire?'*, et la relative du vers 6 de Bocchi (quae picta est) joue probablement d'une double

référence, à la fois à la gravure qui accompagne le texte, mais aussi au chef-d'ceuvre antique disparu d'Apelle dont il ne reste plus que l'idée ou la forme que se propose l'imagination. À la Renaissance, le motif connait un regain d'intérét. Ainsi, à la suite de plusieurs piéces de l'Anthologie de Planude (cf. A. G., 16, 178-1 82) consacrées au célébre tableau, Politien compose à son tour une épigramme grecque sur le sujet (54, p.32 Ardizzoni).

Botticelli, avec sa Naissance de Vénus, propose sa version du mythe fameux, et la gravure de Bonasone n'est pas restée indifférente à l'influence de ce modéle (voir infra l'analyse). Le mythe de Vénus inspire particuliérement

le milieu bolonais, en particulier avec le commentaire

de Giovanni Battista Pio à Lucréce

(1511), ou les

multiples gravures de Marcantonio Raimondi représentant la déesse?".

La mythique Vénus anadyomene s'identifie, dans le texte emblématique, à une véritable divinité cosmique. En effet, la formulation du premier vers est une paraphrase d'une épigramme d'Ausone consacrée elle aussi à Vénus (54 Prete, voir apparat des sources). Ausone y présente la déesse comme la force universelle de la Natura liée aux quatre éléments : Orta salo, suscepta solo, patre edita Caelo, « Du sel éclose, au sol cueillie, moi qui du Ciel

naquis?'ó ». Le feu n'est pas mentionné par Ausone (il l'est par Bocchi avec le terme uro) mais il est implicite, car

Vénus emporte la flamme sur les torches qui la caractérisent dans les représentations plastiques. Renforgant le

praedita forma).

Au quatriéme distique, Vénus dévoile qu'elle est Materia prima, que l'on peut entendre comme « matiére premiére » ou « originelle », et qu'elle est sous la dépendance d'une mens notha, d'une « pensée bátarde » qui la « saisit » (tenet). Ces indices précieux et précis, ainsi que la terminologie grecque de la gravure qui distingue entre hylé et nothé dianoia (traduction exacte des termes du texte, Materia et Mens notha), renvoient directement

au Timéc^" et à l'un de ses passages les plus difficiles et les plus énigmatiques (48e-s 1b) : l'évocation de la chóra.

2. Venus siue materia : de Platon à Ficin Dans le Timée 48e-49b, Platon explique la nécessité d'un troisiéme genre d'étre pour expliquer la formation du monde, et aborde l'épineuse question du matériau cosmique, véritable substrat de toutes les formes sensibles, faconné par le Démiurge sur le modéle des Formes idéelles qu'il contemple?? (nous donnons le texte grec et la traduction latine de Ficin) : Térte yiv yàp 8o e(8r SievóusOa, vàv $è tpitov &XXo yévoc ijiv Breréov. Tà pèv yàp 8$o ikavà rjv éxi toic ÉunpocOrv AeyOriciv, £v uiv ix mapaBetyuaroc elBoc bxoreÜÉy, vontòv xai deì xarà tabtà Óv, uiunua Si zapaBekyuarog Beórepov, yéveotv Éyov xai óparóv. Tpírov BP róre piv ob SuiAóurBa, vouícavreg và Boo &&etv Eov ikavac-vov $è è Aóyoc £oixev elcavayxátetv xaAezóv xat ápo8póv elBoc £ntyeipeiv Aóyotg &upavicat. Tiv’ oov Eipncat Bóvapuv kal qóotv abxà ozoAnzréov ; votáv8e uáMota- ndong elvat yevéaeosc bxoBoyi]v abciv olov vi&Üvnv. epi xopóc kal uev ov vánO£c, 8ei BE évapyécrepov eimeiv mepi abvot, yaAenóv $è duoc ve xai 8ióxt xpoaxopri]vat t&v uetà zvpóc &vaykatov roórov yápiv?^".

Ficin, comportant entre autres une traduction du Timée, date de 5" La premiere édition des Opera omnia de Platon dans une version latine de de Chalcidius pour le Timée, voirJ. Hankins, Plato in the traduction la de 1484 (Florence, Laurentius Venetus). À propos de l'influence sur Ficin

lien entre les quatre éléments, le terme salo du texte emblématique permet en outre de jouer sur les paronomases salum, solum, caelum (ce dernier étant prononcé sans doute à la Renaissance en sifflante [s] et non

studio della traduzione di M. Ficino dal Italian Renaissance, Leyde/New York/Cologne, 1994, p. 474-477 ; M. C. Zerbino, « Appunti per uno n chrétienne et interprétation interprétatio Entre « Etienne, A. 3-165; p.12 1997, 20, litterarum, publica Timeo platonico », Res de sa réception, p. 173-200. l'histoire à néoplatonicienne : Marsile Ficin », in A. B. Neschke-Hentsche (dir.), Le Timée de Platon : contributions

3! Nous avons exposé les premiéres conclusions d'une étude de l'embléme dans notre article « De l'explicite à l'indicible : jeux littéraires et discours philosophique dans le Symbolon 28 des Symbolicae Quaestiones d' Achille Bocchi (1555) », in P. M. Daly, J. Manning, M. Van Vaeck (dir.), Emblems from Alciato to the Tatoo : selected papers of the Leuven International Emblem Conference, 18-23 August 1996, Turnhout, 2001,

1998? p. 175-267 ; J. F. Mattéi, « Le réve de la chóra « Étre quelque part, occuper une place. Topos Jean-Paul Dumont. Ainsi parlaient les Anciens, Villeneuve-d'Ascq, 1994, p. 84-100 ; J.-F. Pradeau, Chora und Chronos: Logos und Ananke in der et chóra dans le Timée », Les Études philosophiques, 3, 1995, p. 375-399 j J. Escobar Moncada, 2003, p. 242-243 : « Le réceptacle ». Voir aussi C. Diano, « Il Elemententheorie von Platons Timaios, Wuppertal, 1995 ; M. Dixsaut, Platon, Paris, Filosofia Italiana, 49, 1970, p. 321-335 ; J. Moreau, « L'idée della Critico problema della materia in Platone : la chora del Timeo », Giornale 1988, p. 137-149 ; J. Derrida, Chóra, Paris, 1993. 86, lÉtranger, de et France la de e platonicienne et le réceptacle », Revue philosophiqu

en chuintante [ f ]), qui amalgament en un tout les éléments entre eux, et annoncent le omnia du vers suivant. De

P. 53-80. La version que nous présentons ici a été remaniée et complétée.

5? 1] ne nous semble pas que l'on puisse interpréter l'embléme de Bocchi dans le sens alchimique, comme le fait S. Masari dans Giulio Bonasone, Catalogo, Rome, 1983, vol. I, p. 21.

55 HES., Theog., 186-206.

34 Cf. PLIN., Nat., 35, 87-92.

515 Voir M. Faietti, « Stampe e disegni di Marcantonio (1-58) », in M. Faietti, K. Oberhuber (dir), Bologna e l'Umanesimo 1490-1510, Bologna, Pinacoteca Nazionale, 6 marzo-26 aprile 1988, Bologne, 1988, p. 89-90, en particulier les fig. 15, 22, 28, 34.

SER. TAM p. 377 lepigr. 37].

176

DECIMI MAGNI AVSONII BVRDIGALENSIS / AUSONE DE BORDEAUX, Opuscula omnia / Cuvres complétes, Bordeaux, 2010,

du Timée de Platon, Sankt Augustin, 518 Sur la chóra et le milieu spatial, voir L. Brisson, Le méme et l'autre dans la structure ontologique D. Delattre (dir.), In honorem Lagrée, J. Jerphagnon, L. dans », Platon de dans le Timée

59? Traduction de L. Brisson dans L. Brisson

(dir.) : PLATON,

CEuvres complétes, Paris, 2008, p. 2007 : « En effet, nous avions alors distingué

un troisiéme. Ces deux genres suffisaient pour notre exposé antérieur : deux genres d'étre ; or, il nous faut maintenant en découvrir un autre, nous avons supposé

identique, et le second, l'un, nous avons supposé que c'était l'espéce du modele, espéce intelligible et demeurant toujours

pas alors distingué un troisieme genre, parce que nous avions que c'était la copie du modele, sujette à la génération et visible. Nous n'avions nous force, semble-t-il, à entreprendre une description qui permette estimé que ces deux-là suffisaient. Mais maintenant, notre argumentation présente naturellement? La propriété que voici d'élucider une espece difficile et obscure. Quelle propriété faut-il supposer qu'elle

et, pour employer une image, la nourrice. Certes, ce qui vient essentiellement : de tout ce qui est soumis à la génération, elle est le réceptacle,

177

NEL

1. Venus celata Le texte se présente comme une prosopopée en forme d'énigme. À la maniere des épigrammes ecphrastiques,

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Tunc enim duas in species facta diuisio est. Nunc tertium genus addendum. Duo enim in superiobus sufficiebant. Vnum quidem exemplaris loco, semper idem, solaque intelligentia comprehendendum. Alterum simulacrum ab hoc exemplari deductum, generationis oculisque subiectum. Cum uero duo haec sufficere putaremus, tertium non adiunximus. Nunc autem cogere nos ratio uidetur, ut difficilem et obscuram speciem declarare conemur. Quam igitur uim, quamue naturam habere putandum ? Hanc utique generationis horum omnium receptaculum et quasi nutricem esse. Quod quamuis uere dicatur, paulo tamen apertius est dicendum. Arduum id quidem, eo maxime quod ad huius rei demonstrationem dubitare prius necesse est et inquirere de igni et reliquis quae elementa uocantur,

troisiéme genre est successivement comparé à de l'or modelé en multiples figures par un orfévre en Tim., 50a ; à une matiére molle comme la cire, qui doit au préalable étre lisse en Tim., 50e; à l'excipient neutre d'un parfumeur qui doit accueillir les substances parfumées, ibid.). L'évocation du travail de l'orfevre et du faconneur

de matiére molle que l'on peut rapprocher du sculpteur, pouvait facilement se transposer au peintre, comme le fait l'embléme (picta), ou, de maniére plus générale, aux arts plastiques qui prennent comme point de départ la matiére vierge.

rox«Ü£vra àx' abtGv, voir apparat des sources au v. 2), qui entrent et sortent d'elle (ibid. : xà $è eieióvra xai i&ióvra), et elle en donne une copie sous la forme d'imitations sensibles (ibid. : xàv óvxov deì yuyrjuaxa). Cet

Chez Bocchi, l'aépect nourricier est conservé à travers la figure de Vénus, déesse-mére de toutes les procréations. Toutefois, le terme technique qui apparait à la fin de l'épigramme est materiam, dont l'équivalent grec (yl?) n'a jamais été employé par Platon pour désigner le troisiéme genre (en Tim. 69a, il signifie le bois comme matériau de construction). C'est que la chóra platonicienne, comme entité essentiellement amorphe et dépourvue de qualités (voir infra), a subi chez la plupart des commentateurs l'influence de l’hylè aristotélicienne qui se présente, elle aussi, comme une substance indéterminée qui passe de la puissance à l'acte en recevant la forme". Aristote semble étre lui-méme responsable de l'assimilation entre chóra et hylé, comme le montrent certains

commentariorum in Timaeum Platonis (voir apparat des sources au v. 2). Les termes d'« entrer » et de « sortir »

passages de la Métaphysique (A 6, 988 a 10-11) ou de la Physique (4, 2, 209 b 11-210 a 2). Méme si Théophraste

Platon précise un peu plus loin que le troisiéme genre recoit les empreintes des intelligibles (Tim., soc:

aspect est souligné par les vers 2-4 du poéme de l'embléme, qui montrent que l'entité mystérieuse qui a les traits de Vénus es le substrat qui demeure toujours au-delà du cycle de génération et de corruption des réalités sensibles, comme le soulignait Ficin dans la Théologie platonicienme s, 11, ainsi que dans son Appendix de l'original platonicien (xà $è eictóvra xai iÉióvta) sont librement restitués par l'emblématiste avec les termes

antinomiques du cycle vital (corrumpens omnia progenero ; creat res, auctat alítque ; soluit). Cette solution est suggérée par Ficin qui explique que l'alliance entre matiére et forme détermine la génération d'un corps, tandis que leur séparation marque la corruption?". La gravure elle aussi souligne le róle d' Hylé dans le processus de génération et de corruption. La Vénus-Matiere qu'elle nous présente détient deux torches, variante originale des torches nuptiales attachées traditionnellement à Vénus mais qui recouvrent ici une tout autre symbolique. La premiére torche, dressée vers le haut, alimente sa flamme au contact des espaces supérieurs et indique ainsi le

cycle de la génération c'est-à-dire l'alliance entre matiére et forme. Pic avait d'ailleurs explicitement associé la lumiére comme présence démiurgique et la forme??. Dans l'image de l'embléme, la seconde torche, retournée et tendue vers le bas, matérialise la force de mort : ce symbole funebre de la flamme renversée (traditionnel attribut de l'Éros funéraire des sarcophages romains) est à mettre en parallele avec la chlamyde d'Hermés

psychopompe qui porte des motifs identiques dans la Primavera de Botticelli???.

Chez Platon, l'opération de production de répliques sensibles à partir de l'empreinte des intelligibles dans la

chóra est présentée comme inexplicable et suscite l'étonnement (ibid. : xpónov vwà 80oopaoctov xai Oavpaoctóv).

Le troisiéme genre semble donc une « notion difficile et obscure » (cf. Tim., 49a : yaAezóv xai duvdpòv el8oc) et le premier indice de cette difficulté apparait dans la multiplication des termes, des métaphores et des images qui lui sont appliqués. Ces images oscillent entre plusieurs domaines sémantiques?"^ : l'aspect nourricier (yftnp, « mére », tiBjvr, « nourrice » $xoSoyrj, « réceptacle, « utérus », d'oü la traduction de gremium par Ficin), l'aspect spatial (xópa « contrée », « emplacement », tóxog «lieu», £8pa, «siége), l'apect artisanal (le d'étre dit est vrai, mais il faut sur ce troisiéme genre dire quelque chose de plus précis. Or, cela est difficile, notamment parce que, pour y arriver, il faut, au préalable, affronter des difficultés relatives au feu et aux trois autres éléments ». *? Diuini Platonis opera omnia quae exstant, Marsilio Ficino interprete, Lugduni, apud Franciscum Le Preux, 1590 (1484/), p. 534b. 9?! M. FICIN, Théologie platonicienne. De l'immortalité des àmes, s, 11, éd. R. Marcel, Paris, 1964, t. I, p. 196-197 : « De méme que la génération se

fait par l'union de la forme et de la matiére, de méme la corruption est le résultat de la séparation de la forme d'avec la matiere [... ]. Un étre composé de matiere et de forme se résout dans la matiére. Cette forme, elle aussi, qui avait été tirée des entrailles de la matiére, est ramenée dans les entrailles de la matiére. Mais la matiére quant à elle reste immortelle, puisque, la nature ayant horreur du vide, il faut que les corps soient tirés d'une chose et y retournent, sans jamais rencontrer le néant ». Si la référence explicite de Ficin est le Timée de Platon, sa conception de l'alliance entre forme et matiére est conditionnée par la Métaphysique d' Aristote mais aussi par son traité De la génération et de la corruption oü Aristote procéde d'ailleurs à une critique du Timée (329a). *" Jean PIC DE LA MIRANDOLE, Oeuvres philosophiques, Heptaplus, 1, 2, éd. O. Boulnois et G. Tognon, Paris, 2004), p. 164: « Et tout soudain, au commandement de Dieu, le démiurge, l'esprit, ayant pétri ces eaux et déterminé le sujet, s'est épanouie la lumiére, qui est la beauté et la splendeur de la forme ». Pic interpréte le langage mosaique de la Genése comme une parole allégorique qui voile de faut entendre sous le terme « eaux » la disposition de la matiére à recevoir des formes, sous le terme « lumiére », la 33 Sur l'origine antique de ce motif, attestée par Cyriaque d'Ancóne, et sur son utilisation par Dürer, voir Edgar Renaissance, Paris, 1992, pour la traduction francaise, p. 136 n. 30. 9^ Voir l'analyse magistrale de L. Brisson, Le méme et l'autre, p. 208-220 : « Nature ontologique du milieu spatial

« Étre quelque part, occuper une place. Topos et chóra dans le Timée ».

178

trop hautes réalités ; ainsi, i forme elle-méme. Wind, Mystéres paiens de la ». Voir aussi J.-F. Pradeau,

assure que le terme hylè n'est pas platonicien (Physic. opinio., fr. o, Doxogr. p. 485, 2), l'emploi systématique qu'en fait le pseudo- Timée de Locres dans son commentaire du Timée (Traité de l'àme du monde et de la nature) prouve la fortune de cette subsitution aristotélicienne aux vocables imagés et volontairement imprécis de Platon que nous avons cités supra?*. Quant au terme latin de materia évoqué par l'épigramme emblématique (on trouve le terme siluam chez Chalcidius, In Tim., 296), tout en traduisant le terme aristotélicien de hylé, qui figure

explicitement sur la gravure, il a pu étre suggéré à Bocchi par la lecture des Academica de Cicéron, traducteur du Timée en latin, oü le terme apparait en relation étroite avec l'exposé de la pensée de l'Ancienne Académie^". 3. Matiére, forme et éléments Si l'on en revient au Timée de Platon, un second passage (51a-b), qui insiste sur la sémantique nourriciere,

précise deux éléments importants pour notre propos: la nécessité pour la chóra de n'avoir aucune forme spécifique pour pouvoir en accueillir une diversité infinie sans se laisser déterminer par aucun d'eux ; le rapport compliqué qui l'unit aux quatre éléments, avec lesquels elle ne s'identifie pas : A 8i] ci] 109 yeyovóroc ópao kal návrwc alonrob urrépa kal $x08oyilv urjce rv urjce áépa wire zop urjxe ddwp Myeysv, unte óca èx robrov uijte &£ @v cabra yéyovev. AN àvóparov £8óg vt Kal üpgoppov, mavOeXÉc, uevaAapfiávov $è &nopirará ny 109 voryrob kal Svcaorórarov abró Ayovrec ob Vevoóus0a. Ka0' ócov 8' èx tGv aposipnuévuv Svvaróv éqikveloOat tíjc quosws abroD, T$ dv ri; ópBórara Af£yot zbp uiv Ékácrote abroU TÓ nexvpey£vov uépoc qaiveoBat, 10 $è bypavBèv Bop, yNv xe kal á£pa xaO" ócov àv puurjuara tobtwy déyntal,

Quamobrem uniuersi quod et genitum est et sensibus omnibus manifestum, matrem ipsam receptaculumque, neque

aut aliqua ex terram, neque aerem, neque ignem, neque aquam esse dicamus, neque rursus ex his aliquid constitutum,

qui quibus proprie haec ipsa subsistunt ; sed inuisibilem potius speciem quandam et informem sinum omnium capacem se per modo quodam ambiguo et uix explicabili diuinae et intelligibilis naturae fit particeps. Ipse quidem comprehendi

95 Voir L, Brisson, Le méme et l'autre, p. 221-243 : « Évolution de la notion de milieu spatial ». $5 Sur ce probléme

conceptuel,

voir G. S. Claghorn,

Aristotle's

criticism

of Plato's Timaeus,

La Hague,

1954, p. 5 sq. et J. Pépin,

Théologie

cosmique, théologie chrétienne, Paris, 1964, p. 25. de matiére (materiam quandam) $27 Voir CIC., Ac., 1, 7, 28 : « Mais ces philosophes supposent, pour servir de base à tous les étres, une sorte

toutes choses, elle qui peut recevoir entiérement amorphe et dépourvue de toute qualité [...] ; c'est de cette matiére que sortent et se faconnent

toutes les formes, subir toutes les modifications et de toutes parts, périr aussi, non dans le néant mais dans ses parties ».

à l'étre, de ce qui est visible, ou du 9* Trad. L. Brisson citée supra, p. 2009 : « Voilà bien pourquoi nous disons que la mere de ce qui est venu qui vient de ces éléments et de tout ce tout de rien ni eau, ni feu, ni air, ni terre, ni n'est réceptacle, le moins perceptible par un sens, c'est-à-dire tout, qui participe de l'intelligible ce dont ils dérivent. Mais, si nous disons qu'il s'agit d'une espèce invisible et dépourvue de figure, qui recoit Et, dans la mesure ol ce qui vient point. d'une facon particulierement déconcertante et qui se laisse trés difficilement saisir, nous ne mentirions Ce que, à chaque fois on quive correctement. plus le parler en d'étre dit permet d'approcher sa nature, voici de quelle maniére on pourrait et de l'air toute portion qui a recu terre la de liquéfiée, portion la l'eau, de ; enflammée est comme étant du feu, c'est la portion du réceptacle qui des images de terre et d'air ».

179

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

licet, sic utique recte possumus dicere : ignem nullo pacto potest, sed quantum ex supradictis naturam eius attingere : terram quoque aeremque similiter, quatenus quidem, partem eius ignitam uideri ; humefactam uero partem, aquam

ipsorum simulacra suscipit?"

ou chóra comme réceptacle Conformément à ce long développement platonicien, qui concoit le milieu spatial les formes imposées par les initiaeement amorphe mais susceptible de recevoir toutes les empreintes donc toutes

n'en posséde en réalité aucune (omni essences éternelles, la matiére chez Bocchi offre l'illusion de la forme, mais elle dans la hiérarchie des étres : forma careo, v 6). Cette matière est dite premiere (prima) car rien ne vient aprés

ion d'une primauté elle e& l'élément le plus bas et le matériau originel. Ficin reprend à Platon cette concept e de mouvement : ontologique d'une matiére subordonnée à la forme et ne possédant en elle aucune puissanc privée de toutes formes, La nature, elle aussi, artisan des choses, a donc à sa disposition une matiére donnée

artifici) et de la également préparée à les recevoir toutes [.... ]. Ainsi, au-dessous de l'artisan universel (uniuersali lum) à nature, il y a une matiére universelle (uniuersalis materia), réceptacle indifférent (indifferens susceptacu formes aux également soumise est qui celle materia) (prima premiere n'importe quelle forme. On appelle matiére tantót forme, telle tantót ui) (naturali naturelle puissance la de des éléments et à celles des autres corps, qui recoit

telle autre et qui par nature ne posséde aucune forme propre (neque ullam [formam] propriam). Elle ne serait pas, en effet, la derniere (infimam), si elle possédait quelque perfection et une puissance d'agir naturelle, provenant d'une forme qui lui serait propre?"

La matiére est donc essentiellement placée sous le signe de la « privation » (comme le soulignent les termes de careo et de incognita employés par Bocchi). Pic nous rappelle cette caractéristique essentielle de la matiére dans un texte de l'Heptaplus : Il y a une matiére grossiére, de formes dépourvue, bien que de toutes elle soit capable, et cependant privée d'elles par sa nature ; en raison de quoi, outre la matiére, ils [- les physiciens] établissent encore la privation pour principe des choses naturelles?".

Non seulement Pic se référe au Timée mais il interpréte le passage de Platon (jusque dans la comparaison avec la cire, cf. Tim., soe) à la lumiere de la Physique et de la Métaphysique d' Aristote : Puis ils aménent la cause du changement, qu'autrement on appelle efficiente, par la force de laquelle, la matiére étant amollie, ce qui est en puissance devienne quelquefois en acte, tout de méme que la cire molle et indéfinie, par le maniement et l'étirement de la main, est transformée à volonté par celui qui la manie en diverses formes. Or

parce que la nature ne fait rien à la volée mais pour quelque bien, la cause finale soudain se met en place, et

certainement la fin prochaine de la cause agissante est la forme, qu'elle tire du giron de la matiére?".

Jetons à présent un coup d'oeil sur la gravure de l'embléme : la Vénus anadyoméne, qui occupe le centre de

l'image, est nue et immobile sur une coquille d'écume que les flots dessinent à ses pieds. Les pieds de la déesse sont d'ailleurs invisibles, pour bien montrer qu'elle émerge

et nait de la mer, voire s'identifie à elle.

Traditionnels dans ce type de représentation?" la nudité et l'immobilité font toutefois sens, non seulement

parce que le contexte est philosophique, mais aussi parce que ces caractéristiques s'opposent terme à terme à celles du deuxiéme personnage de l'image, féminin lui aussi, mais vétu et mobile et que nous interpréterons un $29 Divini Platonis opera omnia, p. 535B. ci M. FiCIN, Théologie platonicienne, 4, 15, éd. citée t. I, p. 178. Voir le texte latin complet dans l'apparat des sources au v. 2. 331 J. PIC DE LA MIRANDOLE, Heptaplus, 1, 1, éd. citée p. 160. Voir le texte latin complet dans l'apparat des sources au v. 6.

5? [bid., p. 160-161. Pic subit ici l'influence du platonisme scolaire répandu par les doxographes qui, tel Porphyre, lisent Platon à la lumiere des quatre causes aristotéliciennes, matiére, forme, agent, fin, auxquelles il faudrait ajouter deux autres, le paradigme et la matiére pour avoir la doctrine platonicienne (voir par ex. Porphyre apud SIMPLICIVS, In Aristot. Phys. I, 1, Diels, I, p. 10, 35-11, 3). Sénéque avait déjà pratiqué cette assimilation dans la Lettre à Lucilius 65, en particulier $ 4, 9, 5, 11-14.

533 Voir E. Wind, « La coquille d'Aphrodite » dans Id., Mystéres paiens, Appendice s, p. 283-285.

peu plus loin : on ne peut rien retrancher à la nudité, de méme que la matiére est le principe dernier au-delà duquel on ne peut aller. On ne peut qu'y ajouter. Le personnage est immobile parce que la nature de la matière veut qu'elle n'ait par elle-méme aucune aptitude à la vie, c'est-à-dire au mouvement. De méme la différence de taille entre les deux personnages matérialise un rapport hiérarchique entre un principe inférieur, donc représenté dans la logique iconique par un personnage plus petit, et un principe supérieur, associé à un personnage de taille plus importante. Difficile également est l'articulation entre la matiére et les éléments. Le texte et la gravure de l'embléme indiquent explicitement les liens de la matiére et des quatre éléments, l'eau (salo/salum), le feu (uro), la terre (solum) et l'air (caelum). C'est en se référant dire&ement à Platon (Tim., s 1b) que Ficin établit sa théorie d'une matiére malléable à l'infini mais qui garde, au-delà des modifications imposées par la forme, une nature pérenne et &able. Les formes sont envisagées comme autant de transmutations des quatre corps élémentaires :

C'est cette matiére qui, rendue simplement plus subtile par raréfaction, s'éléve à la forme du feu, descend

réciproquement par condensation, s'épaissit en air, se condense en eau, enfin se solidifie en terre. Tu vois une seule matiére revétir successivement toutes les formes, tandis qu'elle monte par suite de la raréfaction et descend

par suite de la condensation?"

Dans la gravure emblématique, les quatre petits personnages qui se répartissent autour d'Hylé ont pour táche de figurer les quatre éléments, toujours selon un principe hiérarchique, qui place le feu et l'air comme principes supérieurs et moteurs, l'eau et la terre comme principes inférieurs et passifs?? : en haut, le premier personnage Le porte une torche, symbole du feu. En dessous, le second personnage enlace un paon, symbole de l'air. troisiéme, muni

d'un trident évoque l'eau tandis que le dernier, avec une corne d'abondance,

personnifie la

la terre. On retrouve cette figuration symbolique des éléments dans la gravure du Symbolum 140. Toutefois, ni neutre ni disposition de chacun des personnages, dans la gravure du Symbolum 28 qui nous occupe, n'est figurant l'air et le feu, arbitraire et nous verrons comment elle peut faire naitre, notamment pour les personnages

un surcroit de sens voire une surdétermination symbolique.

beauté 4. La matiére dans l'ordre du monde : une Vénus allégorique ou le principe de

n, mére, réceptacle ou Nous avons constaté plus haut que la matiére, support de la génération et de la corruptio aspects la déesse Vénus et il nourrice, pour reprendre les formulations platoniciennes, rencontre sous bien des ne. L'idée était d'autant n'est donc pas incongru de figurer Materia sous les traits d'une Aphrodite anadyomé prendre dans un aisément assez plus judicieuse que le mythe hésiodique de la déesse sortant de l'eau se laisse

tirée du matériau informe de la mer, à scénario allégorique pour éclairer le processus de la naissance de la beauté,

par Zeus et tombées ensuite partir du modele céleste que constituent les parties génitales d'Ouranos tranchées dans l'Océan. avec la matiére. Cette Aphrodite La Vénus née des flots chez Plotin et chez Ficin est toutefois sans rapport aucun

née de Zeus et de Dioné^*. céle&e est fille de Cronos ou d'Ouranos et se distingue de l'Aphrodite pandémienne

(v. 21 1-232), évoque l'aphros, l'écume de la Son nom méme, comme l'avait évoqué Hésiode dans la Théogonie

marque que l' Intelligence (c'est-àmer d’où elle surgit, aprés la castration de son pére. Pour Plotin, cette filiation

immuablement dire Ouranos) émane en une premiere hypostase, l'Àme (c'est-à-dire Aphrodite). Celle-ci,

conversion nait Éros?". Ficin rappelle tournée vers l' Intelligence, ne se compromet pas avec la matiére et de sa

lien avec le monde sensible et corruptible, et cette distinction entre Vénus céleste, située dans l'Intelligence, sans

Voir le texte latin complet dans l'apparat des sources au v. 1. ** M, FICIN, Théologie platonicienne, 4, 1 5, éd. citée, t. I, p. 178. puissance motrice et capable d'action productive, tandis que les 95 Voir CIC,, Ac., 1, 26 : « Parmi les éléments, l'air et le feu possédent une je dirais méme, de la subir ». autres éléments, c'est-à-dire l'eau et la terre, se contentent de recevoir l'action,

$36 PL. Symp, 180b-d.

voirJ. Pépin, Mythe et allégorie ( Paris, 1958) p. 194-195. 57 Enn, 8, s, 2-3. Pour une analyse de ce passage de Plotin,

181 180

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Vénus pandémienne, située dans l'Àme du monde, et qui contribue aux variations du monde sublunaire*", Mais

quoiqu'influant sur la matiére, cette derniere ne se confond pas avec elle, et son lieu propre est l’Ame du monde. Or dans l’emblème bocchien, hylè apparait précisément sous les traits d'Aphrodite sortant de l'eau, c'est-à-dire d'une Aphrodite céleste. Pour comprendre cette anomalie, il faut se référer à l'interprétation de la Vénus anadyoméene que donne Pic de la Mirandole. Pic souligne le lien métaphorique que l'on peut instaurer entre la mer et la matiére :

Les eaux ne signifieront-elles pas, en cet endroit, les qualités et dispositions accidentelles de la matiére, qui

représentent proprement les eaux, en raison de leur fluidité et de leur naturel extensible ? [ ... ] Car, dans la sphére des choses générales et corruptibles, la matiére demeurant stable, ainsi qu'au creux de la mer, il y a un passage alternatif de formes allant et venant qui ne cesse jamais, pas plus que le perpétuel flux et reflux des ondes*?,

Pour lui, la Beauté, incarnée par Vénus, est une donnée composite, qui résulte de l'union entre un principe

unificateur et divin, la forme idéale, et une nature plus dégradée, celle de l'Ange par rapport à l'Un, celle de l'Àme rationnelle par rapport à l'Ange, celle de la nature corporelle par rapport à l'Àme rationnelle??, Pour Pic, nul élément ne saurait mieux rendre compte de cette nature informelle — dont le dernier degré est la matiére — que la mer car : Expliquer ce mystére [- de la naissance de Vénus]

suppose que l'on sache avant tout que la matiére, cette

substance informe dont nous avons dit qu'elle composait toutes les créatures, est souvent symbolisée par l'eau chez les théologiens, vu que l'eau est un flux perpétuel qui se préte à toutes les transformations?"

À travers Vénus, incarnation de la féminité et de la fécondité, Pic semble ici avoir en téte l'image aristotélicienne

de la matiére comme principe femelle qui aspire à recevoir la semence mále, image qui fonde un passage du De Iside et Osiride de Plutarque?*, et renvoie aux termes platoniciens du Timée décrivant le milieu spatial. Pic emprunte en outre à Plotin et au néoplatonisme l'idée fondamentale que la matiére n'est pas seulement le substrat matériel de l'univers : dans la hiérarchie des étres, dont la continuité est garantie par la présence de l'Un à la place supréme, « à chaque niveau, toute réalité est composée de forme et de maniere »^*. Par conséquent, est matiére tout principe inférieur qui regoit l'empreinte bénéfique d'un principe supérieur. Ce dernier contribue en quelque sorte à améliorer l'essence du principe inférieur en lui conférant la beauté, de la méme maniére que lui-méme peut ainsi ne pas demeurer figé et improductif dans une sorte de hiératisme

ontologique?^.

538 M. FicIN, Commentaire au Banquet de Platon, 2, 7, éd. R. Marcel, Paris, 1956, p.

La castration d'Ouranos**, dont les parties génitales sombrent dans la mer, évoque le processus qui permet aux formes idéales contenues dans l'áme rationnelle de ne pas rester stériles et improductives mais de rencontrer et de féconder la matiére informe, de méme que Dieu (Ouranos ou Célius) s'épanche dans l'informalité de l'Ange (Saturne), que l'Ange s'épanche dans l'informalité de l'Àme rationnelle (Jupiter). La beauté incarnée par Vénus nait de cette union et de la diversité des corps ainsi créée : puisque ces Idées ne pourraient comporter telle variété et telle diversité si elles n'étaient mélées à l'informalité en question, il s'ensuit que Vénus n'aurait justement pu naître si les testicules de Célius n'étaient pas tombées dans la mer^**,

Le texte de Bocchi souligne l'aporie. Tout en étant fidéle aux exigences doctrinales néoplatoniciennes qui pensent la matiére comme dénuée de forme (omnia forma careo), il évoque les difficultés d'une représentation picturale : la matiére ne peut apparaitre figurativement que munie d'une forme (praedita forma). En choisissant Vénus, graveur et auteur ont choisi une forme générique qui embrasse toutes les autres, Vénus incarnant l'extréme variété de tous les corps. Mais quelle est alors l'identité de la Mens/Dianoia nothé ? 5. Comprendre la matiére : une táche impossible?

L. Brisson?" rappelle que Platon, par trois fois dans le passage consacré à chóra dans le Timée, avoue son embarras et la difficulté à saisir l'objet en question : en 49a 3-4 oü le milieu spatial est présenté comme « une espéce difficile et obscure » ; en 51a 7-s2b 2 oü le milieu spatial « participe d'une facon embarrassante à

l'intelligible et se laisse difficilement saisir; en 52b 1-3, où le milieu spatial exige une forme spéciale de connaissance, intermédiaire entre l'intellection des intelligibles et la sensation des copies. Ce dernier passage est sans doute celui qui a directement inspiré Bocchi (voir texte grec dans l'apparat des sources au v. 8 : Par ailleurs, il y a une troisiéme espéce, un genre qui est toujours, celui du « matériau », qui n'admet pas la

destruction, qui fournit un emplacement à tout ce qui nait, une réalité qu'on ne peut saisir qu'au terme d'un

raisonnement bátard (Aoyiouó xtvi vó8Q) qui ne s'appuie pas sur la sensation ; c'est à peine si on peut y croire (uóyig ztexóv). Dés là que vers lui nous dirigeons notre attention, nous révons les yeux ouverts (óvetpozoAobpev

BAéxovrec)555.

Le milieu spatial est étranger au monde des réalités sensibles et au monde des intelligibles. Il ne peut donc étre saisi ni par les sens ni par l'intelle& mais emprunte aux deux à la fois puisque « étant à mi-chemin entre le

sensible et l'intelligible, «il» participe d'une part à la crédibilité de la connaissance sensible?" et d'autre part à la

154 : « La premiere Vénus, qui est dans l'Intelligence, est née

du ciel sans mére, parce que, chez les Physiciens, la mére, c'est la matiére. Or cette Intelligence est étrangére à tout commerce avec la matière corporelle. La seconde Vénus, que l'on situe dans l'àme du monde, est fille de Jupiter et de Dioné. [ ... ] En fait c'est elle qui crée la puissance qui engendre les choses terrestres ».

$9 ]. PIC DE LA MIRANDOLE, Heptaplus, 1, 1-2, éd. citée, p. 162 et 164. Pour l'image de la mer traduisant l'imperfection de la matiére chez Platon

et les néoplatoniciens, voir J. Pépin, « À propos du symbolisme de la mer chez Platon et dans le néoplatonisme », in Congrés de Tours et de

Poitiers, 3-9 Septembre 1953, Paris, 1954, p. 257-259. 59? J. PIC DE LA MIRANDOLE, Commento, 1, 2, traduction Stéphane Toussaint, Lausanne, 1989, p. 86-87.

certitude de la connaissance intellectuelle5*? ». Toutefois, sa réalité est de l'ordre de la nécessité (&àveyxaiov). Se fait alors sentir le besoin d'un « raisonnement bátard » (AoytouQ xtvt vó8Q), qui inspire à Bocchi l'expression mens notha à la fin du texte ou nothé dianoia pour l'image. Ficin (voir apparat des sources au v. 8) a traduit par adulterina quadam ratione. Chez Bocchi, le terme notha est simplement translittéré du grec. De quelle nature sera ce raisonnement ? Platon le compare au réve (óvetpozoAoóyev fMéxovcec), dont il faut comparer l'influence sur

l'àme à celle du sommeil, de la maladie ou de la divination enthousiaste : la raison intervient directement sur la

partie concupiscible et lui envoie des phantasmes et des images. « Or, cette connaissance qui se trouve en decà

541 [bid., 2, 18, trad. citée, p. 125-126. Voir E. Wind, Mystéres paiens, p. 147. 5? PLvT., Is. ef Os., 3726, 53 : « Isis est le principe femelle (xó 05v) de la nature, celui qui recoit toute génération, d'oü les noms de “ nourrice P

(18v) et d' “ universel réceptacle ” (xav8eyéc) que lui donne Platon. [...] Si elle e& le lieu et la matiére du Bien et du Mal à la fois, elle ne cesse, de son propre mouvement, de s'approcher du principe du Bien ; elle s'offre à lui pour qu'il procrée en elle et séme les émanations qui

portent sa resemblance. Elle éprouve de la joie et du bonheur d'étre fécondée et enceinte des germes de la génération. Car la génération dans la

matiére est une image de l'essence et le devenir, une imitation de l'Étre ». 55 L. Brisson, Le méme et l'autre, p. 237. Voir aussi tout le chapitre sur les interprétations de la chóra dans le néoplatonisme, p. 237-243.

4 Voir PLOT., Enn., 2, 4, 15, 17-19. Voir aussi PLVT., Is. et Os, 374e, 58: « Ainsi, quand nous convoquons le terme de *matiére", il faut s'abstraire de l'influence de certains philosophes, qui la concoivent comme une sorte de corps sans àme, sans qualité, sans activité qui lui soient propres. [...] Méme l'àme et l'entendement humains sont livrés à la raison, comme une matiére (+An) faconnable par la science et la vertu,

pour qu'elle leur confére la beauté et l'ordre, et certains ont considéré notre esprit comme le lieu des idées et le réceptacle (éxpayeiov) oü s'impriment les intelligibles ». Laurence Boulégue, que nous remercions, nous suggére également la possibilité que cette matiére-Vénus,

182

la Vierge, assimilée aux eaux des mers (maria), ne soit pas totalement dénuée d'allusions chrétiennes et puisse renvoyer implicitement à Maria,

substrat fécondé par le souffle saint et engendrant l'homme-Dieu. voir *5 Pour le sens philosophique identique de cette castration donné par Plotin au sein de la triade des hypostases Ouranos-Cronos-Zeus, J. Pépin, Mythe et allégorie, p. 205. $46546]_ PIC DE LA MIRANDOLE, Commento, 2, 20 trad. citée p. 129.

? Le méme et l'autre, p. 198. 48 Trad L. Brisson citée, p. 2010.

*? Dont il possede le caractére vraisemblable. 59 TL, Brisson, Le méme et l'autre, p. 200.

183

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 155 5) -tome2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

de l'intelle&ion et au-delà de la sensation, implique que soit court-circuitée la réflexion propre à cette voie longue qu'est la dialectique?* ». Il faut imaginer une vision envoyée par les dieux pendant le sommeil. Si l'on regarde la gravure de l'embl&me, on apercoit la présence d'une seconde allégorie féminine (mens et dianoia sont du féminin), beaucoup plus grande qu'Hylà. Sa téte, c'est-à-dire la partie supérieure de son étre, est invisible et dissimulée entiérement dans la nue, marquant par là qu'elle reléve du monde supra-lunaire et se rattache aux intelligibles, qui échappent à toute tentative de représentation. Ses pieds touchent terre, indiquant qu'elle entretient aussi des liens avec le monde sublunaire et sensible, et l'attitude de marche du personnage

permet de traduire la notion fondamentale de mouvement et d'avancée du raisonnement. Enfin, pour indiquer la relation qui unit le raisonnement et son objet, le graveur a représenté une chaine qui part des mains de Dianoia pour venir étreindre les hanches d'Hylé : on parle effectivement des maillons ou des chainons d'un raisonnement, qui, liés les uns aux autres, finissent par embrasser, c'est-à-dire définir le principe que l'on

souhaite éclairer. La présence, liée aux hasards de la composition, du petit amour au paon qui figure l'élément air, se trouve surdéterminée au-dessus de la chaine, et en souligne implicitement le caractére subtil. Enfin, le petit amour brandissant une torche, symbole du feu (s'élevant par nature vers le haut), qui occupe la partie supérieure gauche de l'image, contribue de fait à l'éclairage de toute la scéne et participe d'une sorte de commentaire épistémologique auto-réflexif. À ceux qui penseraient que le poéme et son image se perdent en discussions oiseuses, ce petit amour à la torche est là pour rappeler l'universalité de l'amor scientiae : aucune partie du monde, aucun élément qui le compose, si difficile soit-il à saisir, ne demeure à l'abri de l'investigation scientifique, ni plongé dans les ténébres de l'ignorance. La forme allégorique de Vénus conférée à la matiére n'est pas ici une des nombreuses manifestations esthétique de l'engouement pour cette déesse à la Renaissance,

en particulier dans la peinture. Elle propose une solution plastique et méthodologique à un probléme philosophique qui avait déjà embarrassé Platon. Elle est véritablement un symbolum, au sens où l'entendait E. Gombrich?*", c'est-à-dire que la forme choisie par le peintre pour la représenter est imposée par une nécessité dictée par les intelligibles. C'est celle qui traduit au mieux dans la matiére sensible la réalité du modéle.

MÉTRIQUE

Trimétres iambiques. NoTES

— v. 1 : impostor] Il s'agit de l'empereur Julien (331-363), petit-fils de Constance Chlore et neveu de Constantin

par son pére, Julius Constance. Il avait été surnommé « l'Imposteur », ou plus couramment « l'Apostat », c'està-dire le renégat, par les chrétiens qui signalaient ainsi que, bien qu'élevé dans la religion chrétienne par Eusébe de Nicomédie, il s'en était détaché ensuite radicalement pour tenter de restaurer le paganisme antique? -v.1-2: maxime... persequi decreuerat] La vision d'un Julien sous les traits d'un persécuteur acharné des chrétiens semble n'étre pas conforme à la réalité historique. L'empereur, à des fins politiques d'harmonie civile et pour éviter de susciter de nouveaux martyrs, s'explique lui-méme sur sa politique de tolérance envers les « Galiléens » (cf. Lettres, 115, 424c), attitude qui tranchait avec la violence de celle de son prédécesseur, Constance (ibid., 114, 436a-438b). Cette vision hostile de sa politique émane des chrétiens eux-mémes. En effet, certains auteurs grecs comme Grégoire de Nazianze ou Socrate, tout en reconnaissant l'absence d'hostilité

ouverte sous son regne, soulignent toutefois les répressions locales auxquelles se livrent les paiens contre les chrétiens, sans que l'empereur n'intervienne, et assimilent cette passivité à des persécutions (cf. GREG. NAZ.,

Orat., 4, 14; 945; SOCR., Hist. eccl, 3, 12, 6, p. 206-207 Hansen)?**. C'est d'ailleurs la position généralement

adoptée au Moyen Áge et à la Renaissance (voir analyse).

— v. 3-4 : artes eos docere uetuit... hominibus] Il s'agit d'une loi scolaire promulguée par Julien, qui écarte les chrétiens de la carriére professorale. Outre dans une lettre de Julien lui-méme concernant les magistri studiorum

doctoresque*5, l'existence de cette loi est attestée par une multitude de sources antiques?*, tant paiennes?* que

chrétiennes^*. Bien que longtemps datée du 17 juin 362, en référence au Code Théodosien (13, 3, 5 ; cf. Cod. Iust., 10, 53, 7), Richard Goulet montre toutefois qu'en l'absence de toute allusion spécifique aux chrétiens, ce n'est

sans doute pas à cette loi qu'il est fait allusion dans les corpora juridiques et que, par conséquent, on ne sait pour l'instant rien de sa date précise ni de son contenu exact, malgré le témoignage des historiens??. Pour Jean-

Michel Carrié, au contraire, la lettre 61c de Julien est bien un kainos nomos, un édit de portée universelle, et les

différences en apparence insurmontables avec le Code Théodosien s'expliquent comme « cas extréme d'écart

Sur l'image : L'empereur Julien

PRIS AU PIÉGE DE SES PROPRES ARTIFICES

Julien l'Imposteur, qui avait décrété D'intenses persécutions contre les chrétiens, Défendit qu'ils ne se fissent professeurs d'arts Libéraux, dans le but qu'ils fussent empéchés 5

D'óteràson aigle ses pennes si rapides,

Ainsi que d'en percer l'oiseau. De cette image, Dit-on, il se servit quand le sort lui fit voir Que ses propres artifices l'avaient blessé.

59 La bibliographie est immense sur le sujet. Je renvoie ici simplement à quelques titre essentiels concernant la biographie de Julien parus dans les dix dernieres années : J. Bouffartigue, « Julien entre biographie et analyse historique », Antiquité tardive, 17, 2009, p. 79-89; S. Tougher,

Julian the Apostate, Édimbourg, 2007 ; K. Rosen, Julian, Kaiser, Gott und Christenhasser, Stuttgart, 2006 ; K. Bringmann, Kaiser Julian, Darmstadt, 2004 ; A. Murdoch, The Last Pagan. Julian the Apostate and the Death of the Ancient World, Stroud, 2003 ; M. Giebel, Kaiser Julian Apostate : die Wiederkehr der alten Gótten, Düsseldorf-Zürich, 2002 ; I. Tantillo, L'imperatore Giuliano, Rome-Bari, 2001. Voir également L. Jerphagnon, Julien l'Apostat, Histoire naturelle d'une famille sous le Bas-Empire, Paris, 1986. La question du christianisme de Julien est discutée de maniere trés éclairante dans P. Renucci, Les idées politiques et le gouvernement de l'empereur Julien, Bruxelles, 2000, p. 40-50, qui conclut que « l'enfant a été élevé dans le christianisme mais que l'adulte n'y adhéra nullement ». Sur les qualificatifs d'apostat et d'athée qui circulent entre paiens et

chrétiens, voir ibid. p. 244.

55 Voir R. Goulet, « Réflexions sur la loi scolaire de l'empereur Julien » dans L'enseignement supérieur dans les mondes antiques et médiévaux, Paris, 2008, p. 175-200, en particulier p. 177. Sur le sens de cette politique, voir également, M. Marcos, « “ He Forced with Gentleness ". Emperor Julian's attitude to Religious Coercion », Antiquité tardive, 17, 2009, p. 191-204 ; P. Renucci, Les idées politiques, p. 241-323, « Le combat contre le christianisme ». 555 IvL, Ep., 61c, 422d-423b. Sur cette lettre, qui serait une circulaire d'application de la loi, voir R. Braun, « Julien et le christianisme », dans The R. Braun, J. Richer (dir.), L'empereur Julien, de l'histoire à la légende (331-1 715), Paris, 1978, p. 159-188. Voir également R. Browning, La « Id., ; 135-166 p. 2004, Naples, l'Apostata, Giuliano Emperor Julian, Londres, 1975, p. 171 et E. Germino, Scuola e cultura nella legislazione di Hardy, « The legislazione dell'imperatore Giuliano : primi appunti per una palingenesi », Antiquité tardive, 17, 2009, p. 158-174 ; B. Carmon

Emperor Julian and his School Law », Church History, 37, 2, 1968, p. 131-143. dans R. Goulet, 556 Le leteur trouvera le texte et la traduction des autres auteurs paiens et chrétiens à avoir mentionné la loi de Julien « La politica Saracino, S. ; cultura e Scuola « Réflexions sur la loi scolaire de l'empereur Julien » p. 177-185. Voir également E. Germino, 123-141. p. 2002, culturale dell'imperatore Giuliano attraverso il Cod. Th. XIII, 3, et l'Ep. 61 », Aevum, 76, $57 Voir par exemple AMM,, 22, 10, 7 ; 25, 4, 20 ; EVN,, VS, 10, 8, 1-2.

55! Ibid., p. 204.

5? Voir E. Gombrich, Symbolic Images. Studies in the Art of Renaissance, Londres, 1972.

184

i

8, 5, 10 ; Ciu. Dei, 18, 59$ Voir par exemple GREG. NAZ., Orat., 4, 101-103 ; 55 29 ; 39 ; HIER, Chro. ad ann. 363, p. 242-243, 1 Helm ; AVG., Conf, 1, etc. 18, s, eccl., Hist. 7- 13, 2 ; SOZOM,, 52, 40-43 ; OROS., Hisl, 7, 30, 1 ; SOCR., Hisl. eccles., 3, 16, 1 ; THEODOR., Hist. eccl., 3, 12, 59 R. Goulet, « Réflexions sur la loi scolaire de l'empereur Julien », p. 187-188.

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L'ARTIFICE EST PRIS AU PIÉGE DE L'ARTIFICE

— meme

VOICI COMMENT

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Symb. 29 Gravure :

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

entre le texte original d'une constitution impériale et ce qu'il est au terme du travail des compilateurs », ces

derniers réduisant le texte de la loi et le discours justificatif de Julien « à quelques formules passe-partout^9? ;,, Par ailleurs, R. Goulet est convaincu que les passages de la lettre 61 c, où Julien semble taxer les chrétiens de

dissimulation religieuse (cf. 422b, trad. Bidez, p. 73: « Ainsi, quiconque pense une chose et en enseigne une

autre à ses éléves me parait étre aussi loin de la vraie éducation qu'il l'est de l'honnéteté. [ ... ] Professer sur les

[ ... ]? »), ne les questions les plus graves l'opposé de ce que l'on croit, n'est-ce point là agir en boutiquier viserait pas spécifiquement, mais pourrait s'appliquer plus généralement à tous les professeurs, y compris les paiens*', Julien critiquerait ici moins la duplicité et l'hypocrisie consistant, pour les chrétiens, à professer les lettres paiennes bien qu'ils croient au Christ, mais plutót à l'aberration intellectuelle qui pousserait certains maítres à penser qu'on peut séparer la lettre du texte de son contenu religieux et faire fi des valeurs morales et des dieux traditionnels transmis par les grands auteurs grecs, qu'il s'agisse d'« Homére, Hésiode, Démosthéne, Hérodote, Thucydide, Isocrate et Lysias », qui « reconnaissaient [... ] les dieux pour les guides de toute éducation » (423a, trad. Bidez p. 74). Selon R. Goulet, « ces valeurs morales et religieuses traditionnelles ne

peuvent étre dissociées de la source littéraire qui nous les a transmises. Culture littéraire et religion hellénique vont de pair? ». D'aprés Julien lui-méme, la loi édictée, qui vise plus à éclairer qu'à punir, est inspirée par la raison et cherche à éliminer des comportements contradictoires. Si les chrétiens refusent la piété civique qui inspire les textes paiens, mieux vaut pour eux quitter les écoles pour se rendre dans les églises, afin d'enseigner les évangiles et la foi qui inspire ces ouvrages : « Si l'on considére comme sages ceux dont on se fait l'interpréte et pour ainsi dire le prophéte attitré, que l'on commence par imiter leur piété envers les dieux. Si au contraire on se figure qu'ils ont erré à l'égard des étres les plus vénérés, que l'on aille dans les églises des Galiléens, pour y commenter Matthieu et Luc » (423cd, trad. Bidez, p. 75). -v.$: pennas] À la fois « plume » et, par métonymie, « fléche », à cause de son empennage de plumes. En francais, le mot « penne » conserve ce double sens.

— v. 7-8 : sil'on trouve bien chez Socrate?? et Zonaras? la thématique des belles lettres transformées en armes

qui se retournent contre leurs possesseurs, c'est Théodoret (Hist. eccl., 3, 8) qui, incontestablement, attribue à

Julien le recours explicite au motif proverbial des fléches qui reviennent contre leur propriétaire: « Et tout d'abord il [7 Julien] interdit aux enfants des Galiléens (c'est ainsi qu'il appelait les partisans de notre sauveur) de prendre part à l'étude de la poésie, de la rhétorique et de la philosophie : " En effet, dit-il, nous sommes frappés, suivant le proverbe, par nos propres flèches° ; car ils tirent de notre littérature de quoi s'armer pour

engager la guerre contre nous " ». Le proverbe évoque une idée de justice immanente qui se retourne contre

celui qui croyait prendre. Le proverbe est cité par Macarius (8, 57) etla Mantissa prouerbiorum (3, 7 : « Tu as été

touché par des traits empennés de tes propres plumes: se dit de ceux qui sont réfutés avec leurs propres

59 J.-M. Carrié, « Julien législateur : un mélange des genres », Antiquité Tardive, 17, 2009, p. 175-184, ici p. 179-180. 5? [bid., p. 190-191. Voici le texte dans la traduction de J. Bidez (JULIEN, Lettres, Paris, 1960, p. 74) : « Certes, je les [les Galiléens ou

arguments »). On le trouve également dans la Souda qui reléve le vers 808 des Oiseaux d'Aristophane oà l'expression est attribuée à Eschyle (« Voilà à quoi nous ressemblons, pour reprendre le vers d'Eschyle : "Ces traits ne nous sont pas décochés par autrui mais sont empennés avec nos propres plumes" »). Et la Souda explique qu'« Eschyle en effet appelle ce proverbe, un proverbe lybien. Parmi les fables des Lybiens, il existe en effet une légende qui dit que l'aigle frappé par la fleche décochée par un arc, voyant qu'elle est empennée, s'exclame : “ Ce n'est point par les plumes d'autrui mais bien par les nótres que nous voilà pris ! " ». Ésope (Fables, 7) rapporte la fable, et l'Anthologie Grecque propose deux variations sur ce théme (9, 263 et 265). Le proverbe latin, cité par Cassiodore (Hist. trip., 6, 17 : « C'est par nos propres fléches, dit-il, que, conformément

au proverbe, nous voilà blessés ») et Publius Syrus (Sent., 87: «Il meurt doublement celui qui périt sous le coup de ses propres armes »), doit étre rapprochée d'une autre tradition parémiographique rapportée par Ausone, celle de la pierre qui rebondit sur la victime et s'en retourne frapper l'ceil de celui qui l'a lancée, le rendant aveugle (Epigr., 76, 8 Green : auctorem ut feriant tela retorta suum )*66.

- v. 8: deprendit] Jeu de mots sur les deux sens de deprehendo, qui oppose ici le deprensus du motto,

« attrapé », « pris au piége » et le deprendit du vers final, « se rendre compte », « découvrir ». Allusion à

la fin de Julien, transpercé par une fléche lors de la bataille de Ctésiphon en 363 menée contre les Perses et qui se serait exclamé : « Tu as vaincu, Galiléen ! ».

ANALYSE

L'épigramme tente de justifier la loi scolaire de l'empereur Julien, interdisant l'accés des chrétiens aux carriéres professorales, par la crainte éprouvée par l'empereur de les voir attaquer la religion traditionnelle paienne, qu'il cherche à restaurer à l'aide d'arguments empruntés à la culture paienne elle-méme, et que les « Galiléens » avaient appris à maitriser. Julien, qui avait connu à Athénes Basile de Césarée et Grégoire de Nazianze, mesurait parfaitement le danger que représentait le travail de rationalisation philosophique entrepris par les apologistes du I° siécle et les théologiens du III° siécle, de Clément d'Alexandrie à Origéne, en passant par Justin l'Apologiste et Tatien. Comme le dit Pierre Renucci, « l'empereur a beau reprendre à son compte le vieil argument de rusticité et de déraison, il a beau ne pas vouloir admettre dans la sagesse chrétienne qu'une simple pistis, il enrage en réalité de voir les chrétiens user du patrimoine philosophique pour fonder leur foi en raison et, qui pis est, le retourner contre la religion traditionnelle pour en démontrer les incongruités'? ». Pour traduire le retournement douloureux de situation de celui qui est pris à son propre piége, Bocchi se sert d'un proverbe traditionnel imagé, mis dans la bouche de l'empereur par l'historien Théodoret. Ce proverbe aux formes variées (voir supra notes au v. 7-8) imagine qu'un aigle frappé par des fléches empennées par ses propres plumes subit une double défaite, attaqué en retour par ce qui faisait sa force. L'aigle dont il est question évoque sans doute l'aigle romaine des légions, image de la puissance de l'empire, qu'il faut rapprocher de l'aigle jovien, symbole du roi des dieux dans le panthéon antique, animal doté par ailleurs d'une vue percante et métaphore de l'acuité intelle&uelle. Ajoutons que l'aquila;, synonyme du mot grec aetóma, désigne en architecture le fronton

Je trouve absurde que celui qui commente leurs ouvrages méprise les dieux qu'ils ont honorés. Néanmoins, quelqu'absurde que me paraisse

triangulaire qui orne la facade d'un temple et porte généralement la figure d'un aigle aux ailes éployées, en particulier sur le temple de Jupiter Capitolin, ou encore les modillons d'angle, sculptés en forme d'aigles, et sur lequel venait reposer le toit du bátiment^*, Animal jovien ou forme architecturale, l'aigle renvoie à la religion

d'enseigner ce qu'ils ne prennent pas au sérieux, ou bien, s'ils veulent continuer leurs lecons, qu'ils préchent l'exemple avant tout [...]. Comme

en La Renaissance, à la suite du Moyen Áge, cite réguliérement le décret de Julien??. Si Bodin et Montaigne

Chrétiens] loue d'aspirer à une si belle profession, mais je les louerais bien davantage s'ils ne mentaient pas et s'ils ne fournissaient pas la preuve

qu'ils enseignent à leur disciple le contraire de ce qu'ils pensent. Quoi donc ! Homére, Hésiode, Hérodote, "Thucydide, Isocrate et Lysias ne reconnaissaient-ils pas les dieux pour les guides de toute éducation ? Ne se croyaient-ils pas consacrés, les uns

à Hermes, les autres aux Muses ?

cette inconséquence, je n'exige pas des éducateurs de la jeunesse qu'ils changent d'opinion, mais je leur laisse le choix: qu'ils cessent ils vivent des écrits de ces auteurs dont ils tirent leurs honoraires, ils confesseront que leur cupidité est sans vergogne, et que, pour quelques

drachmes, ils sont capables de tout » 2 R. Goulet, « Réflexions sur la loi scolaire de l'empereur Julien », p. 191.

$68 SOCR., 3, 12, 17: « Par une loi, il [7 Julien] exclut les chrétiens des bienfaits de l'enseignement, "de peur que, dit-il, ils ne s'aiguisent la

langue pour étre préts à répondre à la dialectique des Grecs". »

555 77 ONAR., 13, 12, 21 : « Il fut saisi d'une telle fureur contre les chrétiens qu'il les empécha de s'initier à la science hellénique. "Puisque, disait-il, ils n'y voyaient que des fables et qu'ils n'en disent que du mal, ils ne peuvent prétendre en tirer du profit, ni s'en servir pour s'armer contre elle". »

D * Suite ROM à un lapsus calami, ? R. Goulet, « Réflexions : : de l'empereur ; sur la loi : scolaire Julien », dont nous citons ici la traduction modifiée p. 182, rend BaMiépeBa par un verbe actif: « "Nous (les) frappons en effet, dit-il, avec leurs propres fléches, comme dit le proverbe" ». Il s'agit, bien

entendu, d'un passif.

186

romaine traditionnelle, ainsi qu'à l'intelligence.

donnent une vision positive*?, en revanche, celle de Budé est nettement critique et nous éclaire sur les 305, s. v. « Sagitta ». 55 A. Otto, Die Sprichwórter des Rómer, Hidelsheim/New York, 1971 (rééd.), p. ** P. Renucci, Les idées politiques, p. 151.

568 D'oà la formule de Tacite (Hist. 3, 71 : aquilae fastigium sustinentes Capitolii).

J ulien, t. 1, p. 269-294 ; plus récemment, voir S. Conti, « La fortuna ip VoirJ. Larmat, « Julien dans les textes du Moyen Áge » dans L'empereur

Percorsi della memoria, 2, Florence, 2004, p. 9-23 ; di un imperatore pagano negli autori cristiani dell'Italia medievale », in M.-P. Pieri (dir.),

del Medioevo, Trieste, 2005. S. Conti, A. Doria, Giuliano l'Apostata : un imperatore romano nella letteratura tedesca XVI? siécle : une attitude nouvelle chez quelques auteurs du moitié deuxiéme la dans Julien $70 Voir J. M. Demarolle, « L'image de l'Empereur um X bis, Paris, 1976, p. 317-332. frangais », dans R. Chevallier (dir.), Aión, le temps chez les Romains, Casarodun

187

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

intentions probables de Bocchi lorsqu'il utilise le mot de Julien. Dans son Étude des lettres (1532), Budé emploie

un paralléle avec Julien l'Apostat pour stigmatiser de maniere imagée ceux qui, au nom de l'orthodoxie religieuse — en réalité pour cacher leur ignorance -, veulent empécher les chrétiens d'avoir accés à la culture profane pour les réduire à l'ignorance : Toutefois, comme dans cette vaste forét de la science antique se présentent beaucoup de difficultés oü, bien souvent, on se trouve arrété, et aussi de fréquents obstacles à contourner, certains hommes

enclins à la

paresse furent portés à dire, et avec insistance, qu'il n'y avait de science estimable que dans les strictes limites

de l'orthodoxie; ils en firent le prétexte de leurs censures. Dans leur souci de la vérité religieuse, ils dissuadaient de la lecture et de l'étude, mauvaises selon eux et à déconseiller, des auteurs que l'on appelle profanes et non chrétiens. Ils prenaient ainsi un parti tout à fait comparable à celui de l'empereur Julien, surnommé l'Apostat. Celui-ci, comme en témoigne le grand Grégoire [- Grégoire de Nazianze], avait, par haine du nom du Christ, imaginé un interdit analogue comme chátiment supréme à l'égard de ceux qui avaient été désignés comme fidéles à la personne du Sauveur et, par conséquent, ouvertement attachés à l'étude de

semblant d'autorité temporelle. On sent là toute l'indignationde celui qui apprécie les travaux de commentaire et d'établissement philologique des textes sacrés qui se pratiquent, entre autres, dans les milieux évangéliques. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana?"*, présente

l'empereur Julien à cheval, sur le modéle de la statue équestre de Marc Auréle; peut-étre y aurait-il une subversion originale dans ce réemploi plastique d'éléments empruntés à un épisode caractéristique de la clémence de l'empereur (ici Hadrien), mais dans un contexte qui justement stigmatise l'inclementia de Julien. C'est-là d'ailleurs la nature du reproche qu'Ammien Marcellin formule contre cette mesure??. On peut remarquer que, dans l’alliance entre le titulus, sic ars deprenditur arte, et l’étendard porté par le soldat, où l’on apercoit un homme arrachant des plumes à un aigle, la gravure exploite le fonctionnement de la devise : devise quelque peu inversée puisqu'elle traduit ici, non pas une qualité ou un pouvoir que s'arrogerait le porteur (Julien, représenté sur la gravure), mais bien une faiblesse et un étiolement de ce pouvoir culturel et militaire incarné par l'aigle.

|

|

l'Évangile?".

À l'instar de Budé, Bocchi suggére sans doute un parallele entre Julien et les théologiens contemporains qui

refusent au christianisme les lumiéres de la science profane, de peur de se voir destituer de l'autorité temporelle

dont ils se servent pour abuser la foule ignorante. Or c'est précisément cette attitude de condamnation qu'adoptent certains théologiens lorsqu'Érasme entreprend d'appliquer au texte grec de la Vulgate la méthode critique de la nouvelle philologie humaniste^?, mise au point sur les textes profanes de l'Antiquité. Érasme rédige en mai 1515 une lettre trés éclairante pour répondre à la prudente et amicale mise en garde que Martin Dorp, professeur de philosophie au Collége du Lys à Louvain, lui adresse en septembre 1514, suite à la publication de Encomium Moriae et à la décision de réviser le texte de la Vulgate. Il y expose les motivations qui le poussent à faire ce travail d'émendation sur le texte saint. Érasme, à l'instar de Budé, vilipende l'attitude de refus des théologiens et l'interpréte comme la crainte qu'ils éprouvent de se voir battus précisément avec les armes qu'ils interdisent. Mais en utilisant l'ignorance comme arme pour protéger leur pouvoir, ils contribuent à leur tour à s'accuser eux-mémes d'étre ignorants et voient donc,

comme Julien, leur arme retournée contre eux :

Ah! mon cher Dorp, si seulement les Pontifes Romains avaient le loisir de publier sur ces questions des constitutions salutaires qui fixeraient des régles pour la restitution des ceuvres de bons auteurs, pour l'acquisition et la restauration d'exemplaires corrigés ! Mais je ne voudrais pas voir siéger dans ce conseil ces prétendus théologiens qui ont pour but unique de faire réserver les honneurs à ce qu'ils ont eux-mémes appris. Or qu'ont-ils

CE N'EST POINT QUI BEAUCOUP POSSÉDE MAIS QUI SOI-MÉME SE GOUVERNE QU'IL FAUT QUALIFIER DE RICHISSIME

Qui de ses biens se satisfait, sans désirer Ceux d'autrui, mérite le nom de continent.

Ainsi Fabricius passa pour le plus riche 5

Parmi tous les mortels, et c'est avec raison :

Sans posséder beaucoup mais en se gouvernant Lui-méme, il gouverna ses propres ennemis.

En présent, leurs députés vinrent lui offrir Un fort joli trésor, tout en le suppliant De ne point refuser ; alors, sans hésiter, 10

[...] Ce sont ces gens qui refusent toute restitution pour qu'on ne voie pas leur ignorance, eux qui nous opposent

Je pourrai commander et résister, jamais

ne voudraient rien perdre de leur réputation. Ils craignent que, quand ils citent de travers les Lettres divines, ce qui

leur arrive souvent, on ne leur lance à la figure l'autorité du texte grec ou hébreu et que cela ne révéle bientót

l'irréalité de ce qu'ils faisaient intervenir comme un oracle??,

En mettant en scène la figure de Julien, il est probable que Bocchi se livre à son tour à la critique quasi explicite

des faux théologiens, de tous ceux qui les écoutent et qui veulent empécher les chrétiens d'appliquer à leur enseignement les lecons tirées de la pratique des artes dignas, et ce, afin de pouvoir étre victorieux et de conserver un 7! G. BUDÉ, De litterarum studio, XVIII, l.1065-1079, éd. M.-M. dela Garanderie, Paris, 1988, p. 102-103. T i : Le méme Érasme a fait publier chez Josse Bade, en 1505, le manuscrit des Annotationes ad Nouum Testamentum de Lorenzo Valla et il connaît les Commentaria ad Pauli Epistolas de Jacques Lefèvre d'Étaples, parus en 1512 chez Henri Estienne. 53 ® ÉRASME, É Lettre à: Martin; Dorp, Anvers, 1515 (éd. Allen 337) dansJ. Chomarat (trad.), ÉRASME, CEuvres choisies, Paris, 1991, p. 315-316.

|

Portant ses paumes des oreilles aux paupiéres,

Ensuite à la bouche, à la gorge et au bas-ventre,

l'autorité fictive des conciles ; eux qui grossissent et amplifient le risque couru par la foi chrétienne, eux qui parlent de danger pour l'Église (car bien entendu, ce sont eux qui la soutiennent sur leurs épaules [ ... ]) et répandent des fumées de ce genre devant une foule ignorante et superstitieuse auprés de laquelle ils passent pour théologiens et

ll

ul

Gravure:

appris qui ne soit en méme temps trés sot et trés confus ? S'ils parvenaient à la tyrannie, les meilleurs auteurs

seraient supprimés et le monde serait contraint de tenir pour des oracles les plus niaises ritournelles de ces gens-là.

188

Symb. 30

Il déclara : « Tant qu'aux sens que vous voyez là |

Rien ne me manquera. N'en ayant nul usage,

|

15 Je n’accepterai point d'argent des mains de ceux

Qui, je le sais fort bien, en ont l'utilité ».

MÉTRIQUE

Trimétres iambiques. Ce métre qu'on rencontre dans les tragédies philosophiques de Sénéque, mais aussi chez Horace et à l'époque tardive, se plie fort bien, dans cet embléme et le suivant, au récit d'apologues héroiques oü les grands hommes de la République romaine font montre de leur antique vertu, de leur proverbiale

| |

incorruptibilité et de leur résistance à la luxuria, tant vantée par les historiens et les philosophes.

Î

5^ Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 18, n° 45. 575 AMM., 22, 10, 7 : illud autem erat inclemens... et 25, 4, 20 : Inter quae illud inclemens...

|

189

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

NOTES v. 3 : Fabricius] Caius Fabricius Luscinus* fut consul en 282 et 278 av. J.-C et censeur en 275, les trois fois avec Quintus Aemilius Papus pour collégue. Il joua un róle diplomatique éminent lors de la guerre que les Romains menérent en Italie du Sud contre Pyrrhus, roi d'Épire, appelé à la rescousse par les Tarentins et rejoint par les Lucaniens, les Bruttiens et les Samnites. Il fut délégué auprés de Pyrrhus, aprés la bataille d' Héraclée (280) oü le roi grec vainquit les Romains, pour négocier le rachat des prisonniers romains. Son incorruptibilité et son extréme pauvreté étaient proverbiales et il refusa l'or que lui offrait Pyrrhus en gage d'amitié et d'hospitalité

(PLvr., Pyrrh., 20, 2). Il dénonca méme à Pyrrhus lui-méme, sous forme de lettre, la tentative d'assassinat par le

poison que son propre médecin fomentait contre lui (ibid., 21, 3-4). Dans l'Antiquité, il est souvent cité avec

Manius Curius Dentatus, qui apparait dans l'embléme suivant: le motif des Samnites, celui des présents d'argent et du refus par le consul républicain assurent la liaison entre les deux personnages. Fabricius partage en

effet avec Curius une proverbiale austérité morale dans la tradition littéraire (cf. par exemple CiC., Parad., 50 ; Rep., 3, 40 ; Lae., 5, 18 ; Cat., 6, 15 ; LVCR., 10, 152) et il est son allié dans la lutte commune contre Pyrrhus

(cf. AVR. VICT., De uir. ill., 35, 8 ; FLOR., Epit., 1, 18, 9), et dans celle contre les Samnites (EVTR., Breu., 2, 14, 2). Certains auteurs antiques remplacent les deux héros l'un par l'autre dans l'évocation de diverses anecdotes (par

exemple FLOR, 1, 18, 21, qui préte à Curius la dénonciation à Pyrrhus du médecin empoisonneur ou FRONTIN,, Strat., 3, 2, 99 qui attribue à Fabricius accueillant la délégation épirote la réponse de Curius aux Samnites). À la

Renaissance, les deux personnages sont également souvent associés (pour la tradition iconographique, voir

analyse). Outre les deux récits consécutifs du De Viris illustribus de Pétrarque (13 ; 14), on citera, du méme Pétrarque, l'Africa, (3, 526 et 531) et le Trionfo della Fama, 1 : Un Curio ed un Fabrizio assai più belli/ Con la povertà che Mida o Crasso/ Con l'oro, ond' a virt furon ribelli ; voir aussi T. FOLENGO, Epigrammaton liber, 71, 4 ; B. SPAGNOLI MANTOVANO, Epigrammata ad Falconem, 74, 8 ; et encore PALINGENE, Zodiacus uitae, 2, 447-449.

On ne s'étonnera donc pas de voir apparaitre Curius dans le symbolum suivant de Bocchi, qui forme avec celui-ci un véritable diptyque, que vient renforcer encore la composition des images (voir analyse). ANALYSE

En préférant à d'autres la version d'Hygin relatée par Aulu-Gelle sur la continence de Fabricius qui refuse de se laisser corrompre par une délégation samnite, Bocchi signale son intérét pour certains détails de l'apologue

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

autres mouvements incorrects de l’àme (Temperantia est rationis in libidinem atque in alios non rectos impetus animi firma et moderata dominatio). La temperantia se divise entre trois parties : la continentia, la clementia, la modestia.

Pour

(continentia

Cicéron,

est, per quam

la continentia

permet

au raisonnement

et à l'intelligence

de contróler

la cupiditas

cupiditas consilii gubernatione regitur). Dans le De Officiis, Cicéron insiste sur la

nécessité de fuir la uoluptas et la cupiditas, qui nuisent à la magnitudo animi^". Le geste de Fabricius condamne

toutes les entrées corporelles par où la uoluptas et la cupiditas peuvent mener leur assaut et ternir la gloire. En ne dépouillant pas les Samnites, il fait également preuve de liberalitas, dont le premier impératif est de ne nuire à personne (Off., 1, 13, 21 : nemini noceat). La relation trés forte que ce symbolum entretient avec le suivant s'explique sans aucun doute par la tradition antique qui associe, dans la vertu morale et guerriére, Fabricius Luscinus et Curius Dentatus (voir note au v. 3), et que relaient sur ce point les humanistes du Quattrocento. En revanche, on constatera que les deux personnages ne sont pas évoqués dans les Elogia clarorum

uirorum (1ére édition: Venise,

1546) de Paolo

Giovio. Parallélement à la tradition littéraire bien attestée des cycles de personnages illustres, notamment dans

l'épigramme puis dans l'embléme?^, il existe, depuis la premiére Renaissance en Italie au Trecento, des

exemples de programmes décoratifs de bátiments publics ou palais princiers oü les deux personnages apparaissent cóte à cóte, généralement insérés dans un cycle plus large consacré aux hommes illustres. Ainsi, Francesco da Carrara l'Ancien fit peindre en 1370 dans son palais padouan des fresques inspirées du De uiris illustribus de Pétrarque, probablement sur les conseils de ce dernier^". Parfois méme, la représentation plastique se voit complétée par l'adjonction d'un texte poétique qui sert de titulature ou d'exposé biographique, dans la tradition antique rapportée par Cornélius Népos (25, 18, 5-6), selon laquelle Atticus, l'ami de Cicéron, aurait

décoré son Amaltheum d'une série de tableaux d'hommes romains illustres, sous lesquels figurait une épigramme de quatre ou cinq vers rédigée de sa main et déclinant leurs titres et leurs exploits. C'est le cas par exemple des fresques de la salle du Palazzo Trinci à Foligni, peintes au début du XV^ s. par l'atelier de Gentile da Fabriano, et qui représentent une vingtaine de généraux et empereurs romains illustres, dont Fabricius et

Dentatus?*?", Les portraits s'accompagnaient d'épigrammes de Francesco da Fiano, longtemps considérées comme remontant à l'Antiquité tardive?*', On lit, par exemple dans le tetracolon qu'il consacre à Fabricius (v. 12):

Respuit

immensi

locupletia

ponderis

era/

Spreuit

et oblatos

Samnitum

munera

seruos,

«1l

dédaigna

les

possible transposition iconique. Ouvrant et fermant les deux premiers vers, les termes de contentus et de

foisonnants trésors de piéces d'une valeur immense et méprisa les esclaves offerts en don par les Samnites ». De méme à Sienne, dans les fresques de l'antichambre de la chapelle du Palazzo Pubblico réalisées par Ambrogio Lorenzetti et Taddeo di Bartolo en 1414, Fabricius Luscinus et Curius Dentatus apparaissent, aux cótés de

passif contentus insiste sur l'idée d'acceptation de ce qui est extérieur, tandis que continens, participe présent actif, souligne plus vigoureusement une force intérieure et dynamique de coercition. Le verbe contineo, appliqué en

S7 Cic., Off., 1, 20,67 : Non est autem consentaneum, qui metu non frangatur, eum frangi cupiditate nec, qui inuictum se a labore praestiterit, uinci a

dotés de fortes potentialités visuelles et symboliques. Tout se joue autour du terme continens du v. 2 et de sa continens sont en miroir et se définissent l'un l'autre, comme le montre le terme uocetur. Le participe parfait

contexte militaire, signifie « tenir à distance », « contenir » les ennemis, au moyen de fortifications ou d'une

Stratégie qui les empéchent d'avancer. Composé de feneo, «tenir», il implique, dans un sens littéral, l'intervention des mains. Les ennemis auxquels Fabricius résiste ici sont moins les ennemis extérieurs qui, aprés l'avoir affronté armes à la main, viennent le corrompre, que ses propres sens qui suscitent des passions. 1l

emploie d'ailleurs à leur égard des termes militaires : obsistere ; imperare (v. 13). Le geste des mains qui se posent sur les organes comme pour les cerner et les empécher de mener leur assaut, mime de maniére symbolique le

sens étymologique de contineo, avec son préfixe cum- qui souligne à la fois l'importance numérique de ce qu'il

faut contrer et, dans un sens intensif, la force de la coercition que peut exercer l'utilisation conjuguée des deux

mains, relais visuel de la raison qui contróle les sens. Cette stratégie de limitation des désirs, en particulier de la luxuria vilipendée chez les Grecs et condamnée par un Salluste ou un Tite-Live, correspond bien, lorsqu'elle s'associe au courage guerrier, à l'idéal républicain d'austérité à Rome. D'un point de vue philosophique, la continentia e& pour Cicéron une partie de la temperantia. La temperantia, explique-t-il dans l'inventaire des vertus du De inuentione (2, $4, 164), « c'est la domination ferme et mesurée de la raison sur la passion et les

uoluptate. Quam ob rem et haec uitanda et pecuniae fugienda cupiditas ; nihil enim est tam angusti animi tamque parui quam amare diuitias [ ... ]

(ibid.), « Il n'e& pas cohérent que l'individu que la peur n'abat pas soit brisé par la convoitise, ni que celui que son endurance à la souffrance a montré sans rival soit vaincu par le plaisir. Il faut donc éviter le plaisir et fuir le désir d'argent ; rien ne signale autant l'étroitesse et la petitesse d'esprit que d'aimer les richesses [... ] ». 75 Voir P. Laurens, « L'épigramme latine et le théme des hommes illustres au XVI siéce: Icones et Imagines », dans R. Chevalier (dir.), Influences de la Gréce et de Rome sur l'Occident moderne, Paris, 1977, p. 123-132 ; P. Eichel-Lojkine, Le siécle des grands hommes. Les recueils de vies d'hommes illustres avec portraits du XVf siécle, Louvain, 2001. 5? Voir T. E. Mommsen, « Petrarch and the Decoration of the 'Sala Virorum Illustrium' at Padua », Art Bulletin, 34, 1952, p. 95-116. 59 M. Salmi, « Gli affreschi del Palazzo Trínci a Foligno », Bollettino d'Arte, 13, 1919, p. 138-180.

*'' Voir en particulier R. Guerrini, « Anthologia latina 831-85 5? Riese. Per un'edizione critica degli epigrammi di Francesco da Fiano (Salla

degli Imperatori, Palazzo Trinci, Foligno) », Materiali e discussioni per l'analisi dei testi classici, 20-21, 1988, p. 329-342 ; Id., « "I venerati volti degli antichi". Gli epigrammi di Francesco da Fiano nel salone dei Trinci a Foligno », dans Signorie in Umbria, tra medioevo et Rinascimento : l'esperienza dei Trinci, Atti del convegno, 10-13 dicembre 1986, Pérouse, 1989, t. IL p. 459-467 ; Id., « * Uomini di pace e di guerra che l'aurea

Roma generó ". Fonti antiche e tradizione classica negli epigrammi di Francesco da Faino per la Sala degli Imperatori (Anthologia latina, 1906, Riese, 831-8552) » ín G. Benazzi et F. F. Mancini (dir.), Il Palazzo Trinci di Foligno, Pérouse, 2001, p. 375-400 ; A. Messini, « Documento per la

storia del Palazzo Trinci a Foligno. Gli epigrammi latini nella salla degli Imperatori », Rivista d'Arte, 24, 1942, p. 74-98. Voir également C. Revest et J.-B. Delzant, « L''artiste, le savant et politique. Gentile da Fabriano et Francesco da Fiano au service d'Ugolino Trinci, seigneur de Foligno

576 Voir F. Münzer, RE, t. VI-2, 1909, col. 1931-1938, s. v. « Fabricius » (9).

190

(début xv* siécle), dans le bulletin en ligne du groupe Quesles, n° 17 (déc. 2009), Les Hommes

illustres, disponible sur le site

«http:/ /questes.free.fr».

191

Traduction, annotation, commentaire — Livre T

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) -tome 2 :

.

82

4 ’ : "PS . . 7 . Mucius Scaevola, dans les médaillons insérés dans la frise entourant l’allégorie de la Justice??", sur le mur de

droite. Dentatus apparait encore, cette fois en pied, avec Furius Camillus et Scipion l'Africain, en dessous de

l'allégorie de la Magnanimité, située à cóté de la Justice. Sous ce portrait du héros en armure, on peut lire une épigramme de quatre vers dont N. Rubinstein suggére la possibilité qu'elle porte la marque de l'humanisme

florentin, peut-étre celle de Leonardo Bruni? Le dernier vers fait référence à l'or samnite refusé par Curius : (me probat) Et spretum aurum, proh, quod nunc inficit orbem, « On me reconnait aussi à l'or que j'ai refusé et qui infeste maintenant l'univers ». Enfin, Coluccio Salutati, le célébre chancelier florentin, avait rédigé vingt-deux épigrammes pour accompagner des portraits aujourd'hui disparus dans l'aula minor du Palazzo Vecchio de

différents organes. Mais la lisibilité de la gravure n'est pas totale et seul le titulus qui la surmonte, emprunté à Valére-Maxime

(et non

à Aulu-Gelle,

source

de l'épigramme),

permet

d'interpréter le geste et de lever

l'équivoque : l'expression non multa possidens confirme l'isolement des ambassadeurs samnites et la formule imperans sibi appuie l'interprétation du mouvement de la main sur le coeur comme domination de soi, et non pas comme geste de surprise, ou de reconnaissance. Le superlatif ditissimus permet d'insister encore sur la hiérarchie de valeur entre les deux parties de l'image, déjà instaurée par l'agenouillement d'un des personnages devant Fabricius : à la richesse matérielle du groupe de gauche s'oppose la richesse intérieure de l'individu à droite.

Florence, et que l'on connait par les citations qu'en a faites son ami Domenico di Bandino dans son De claris uiris**. L'épigramme composée par Salutati sur M. Curius Dentatus occupait la quatriéme place, entre celles

profit du surcroit de gloire lié à la domination d'une nation riche (v. 1-2) : Dona referte uiri Curius Samnitibus inquit/ Malo preesse quidem genti que possidet aurum, « "Rapportez vos présents, députés !", dit Curius aux Samnites. Je préfére commander à une nation qui possede de l'or! » Celle sur G. Fabritius Lucinius (sic) occupait l'avant-derniére place (vingt et uniéme), aprés celle de Cicéron et avant celle de Caton d'Utique, et débutait également par l'évocation du refus de l'or samnite (v. 1-3) : In partem regni Pyrrho donante uocatus/ Pauper Fabricius, contempsit munera regis/ Donaque Samnitium, « Appelé au partage du royaume, tandis que Pyrrhus lui offrait des dons, Fabricius, qui était pauvre, refusa les présents du roi et les cadeaux des Samnites ». Sommes-nous ici exactement dans le méme cas de figure, celui d'un portrait gravé d'homme illustre avec une épigramme-titulature déclinant ses exploits? L'absence de moto au-dessus de l'épigramme, laissée nue, constitue un phénoméne suffisamment rare dans le recueil pour étre souligné et pourrait aller dans ce sens. Toutefois, la longueur de l'épigramme (seize vers), la spécificité de son sujet (le geste symbolique des mains accompli par Fabricius), qui l'entraine loin de la simple énonciation de res gestae, et enfin, le caractere « illustratif » de la gravure qui relaie précisément le contenu narratif de l'apologue vont dans une direction opposée. Il ne s'agit pas d'une gravure proposant un portrait immobile et intemporel de Fabricius, synthése de toute l'action d'une vie et expression d'une somme de vertus abstraites, mais au contraire la mise en scéne de "épisode spécifique emprunté chez Aulu-Gelle pour traduire par un symbole une vertu en acte. La gravure, subtilement composée, s'organise en deux parties distinctes que viennent structurer les lignes obliques de l'immense tente à l'antique de Fabricius, qui porte son nom. Les trois ambassadeurs samnites,

tenant tous un vase de forme et de taille différentes visiblement chargé de piéces de monnaie, se massent sur la

gauche de l'image, tandis que leur disposition et leur étagement en profondeur imitent de maniere dynamique la

trajectoire sinueuse du cortége : l'un, de profil en arriére-plan, arrive par la gauche, ployant sous son fardeau ; un second, plus prés, fait face au général, le troisiéme est agenouillé, téte baissée, avec d'autres récipients de diverses

tailles et remplis d'or disposés autour de lui. Ils se détachent sur le fond blanc de la tente, sans outrepasser la ligne de force oblique indiquée par la partie gauche de l'embrasure de la tente. L'un d'entre eux, au premier plan

de l'image se présente comme une sorte de vaste baquet circulaire, de faible hauteur : il repose sur trois pieds

zoomorphes, une patte de lion sortant d'une téte de lion, soulignant la nature monstrueuse des passions que l'or

Symb. 31 Gravure :

L'HOMME VAILLANT ET FRUGAL NE SE LAISSE POINT CORROMPRE PAR L'ARGENT, NI VAINCRE AU COMBAT

Marcus Curius, un jour, faisait griller des raves,

Assis prés d'un foyer. Des délégués samnites Lui portérent un lourd poids d'or, don officiel. Prié par de doux mots d'en user à sa guise, Il se moqua puis dit : « Eh, vous ! Allez-vous-en, Stupides ministres d'une délégation Bien plus stupide encore. Allez dire aux Samnites Que Curius aime mieux commander aux gens riches Que s'enrichir lui-méme. Allez-vous-en, vous dis-je, 10 Rapportez sans tarder ce présent inventé Pour le malheur humain. Sachez-le : ni combat Ne pourrait me vaincre, ni argent me corrompre ».

Un

consacrées à Scipion l' Africain et Dante Alighieri, et s'ouvrait sur les paroles du consul refusant l'or samnite au

MÉTRIQUE Trimétres iambiques, comme la piéce précédente. Nores -v.1:

Marcus]

L'abréviation M. est régulierement interprétée comme

Marcus

au XVI

siécle, fidéle à la

tradudion manuscrite du De uiris illustribus d'Aurelius Victor (33, 1), alors qu'il s'agit de M', c'est-à-dire en question e$t Manius. Nous avons respecté l'usage de la Renaissance dans notre traduction. Le personnage

en 272. ll prit part à la Manius Curius Dentatus, consul en 290, 284 (suffe&), 275, 274 ay. J.-C. et censeur

Fabricius, avec casque à plumet et armure à l'antique, est au contraire assis à droite, sur le fond noir de l'embrasure, isolé dans un espace triangulaire et comme à l'abri de l'or qu'on lui propose. D'aprés le mouvement

Bénévent en 275). Il troisieme Guerre Samnite (298-290) et à la guerre contre Pyrrhus (vaincu à la bataille de d'existence, aprés son meurt en 270. L'anecdote racontée par Valére-Maxime a lieu dans sa derniére année personnage (cf. CiC., Cat., triomphe sur Pyrrhus. Caton l'Ancien contribua à populariser l'image d'austérité du

sorte d'autel de marbre quadrangulaire, symbole de la constantia intérieure dont il fait preuve et qui le retient. Le bras gauche replié, main sur le cceur, il est saisi à mi-parcours des gestes de continentia qu'il effectue sur les

analyses au symbolum précédent.

$82 Sur ce programme, sa composition et son interprétation, voir N. Rubinstein, « Political Ideas in Sienese Art: the Frescoes of Ambrogio

cette formule qui désinence archaique en -ier placée en finale de vers. Versifiée à partir de Valére-Maxime, c'est

suscite.

de ses jambes, il semble effectuer un léger mouvement de bascule vers l'arriére mais son dos s'appuie sur une

Lorenzetti and Taddeo di Bartolo in the Palazzo Pubblico », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 21, 1958, n° 3-4, p. 179-207$83 Dbid., p. 203-208. 5*5 Sur ces textes et leur histoire complexe, voir T. Hankey, « Salutati's epigrams for the Palazzo Vecchio at Florence, JWCI, 22, 1959; n° 3-4

p- 363-365.

192

et l'iconographie, voir nos $5 sq. ; Rep., 3, 40)". Sur la relation avec Fabricius Luscinius, dans la littérature

de la mémoire — y. 11-12 : il s'agit d'une sententia conclusive à la forme rhétorique travaillée qui facilite le travail

4 verbe au passif) ; (c£. memores) : balancement nec... nec, avec une &ructure identique (complément d'agent

55 Voir Münzer, RE, 4.2, col. 1841-1845, $ 9. « Curius » (9).

193

Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

sert à constituer le titulus/motto de la gravure oà les deux éléments sont inversés (pecunia corrumpitur apparait

Mais bienheureux plutót celui oü les savants Appliquent dans les faits ce qu'ils lisent, prescrivent

ANALYSE Comme l'épigramme précédente auquel il est fait pendant, ce poéme consacré à Curius Dentatus renvoyant l'or et les délégués samnites affiche une grande fidélité au texte-source, jusque dans le respect de certains détails : le ton bienveillant des ambassadeurs (benignis uerbis) ; le caractére ludique de la réponse de Curius (uultum risu soluit chez Valére-Maxime ; illusit chez Bocchi) ; le caractére sans fondement de la délégation (ineptae), souligné par le jeu entre degré positif/degré comparatif de l'adjectif qualificatif chez Bocchi (inepti/ineptioris) ; le

À les voir et les ouir, serait forcé de dire :

d'abord, puis acie uincitur).

Et prónent à autrui ; oü l'homme de valeur,

15

polyptote locupletibus/locupletem de Valére-Maxime qui devient ditibus/diuitem chez Bocchi; le caractére formulaire de la mise en garde de Curius (nec acie uinci/... nec pecunia corrumpi). La composition de la gravure s'applique aussi à faire écho à la gravure

précédente

« Oui, ils parlent comme ils vivent, excellemment ;

Et ils vivent comme ils parlent, trés saintement. » Ne point faire assez bien ce qu'on ne peut mieux faire, Pourquoi en rougir ? Mieux vaut rougir de mal faire Ce qu'en nulle facon on ne pourrait bien faire.

LA VÉRITÉ EST LE BUT ULTIME DE TOUS LES BIENS

par un jeu de

ressemblances/différences. Dans l'image du Symb. 30, Fabricius, assis à droite de l'image, regardait les délégués entrer dans le tableau par la gauche. Ici, Curius (identifié dans un cartouche suspendu), lui aussi assis, casqué et

La pure vérité aime toujours l'éclat,

ambassadeurs samnites : l'un nous fait face, l'autre, à l'arriére, est de profil. La scéne n'est pas extérieure, mais se

Servir, et ne veut point qu'on lui fasse de l'ombre. Maiselle s'enchante de sa propre lumiére, N'a point de relation avec le genre odieux

Déteste les recoins, hait le fard et recherche

Les larges voies ; elle est libre, fiére, ignorant

vétu d'une cuirasse, occupe la gauche de l'image, et se retourne vers la droite du tableau, oü apparaissent les déroule dans un bátiment doté de deux fenétres. La téte casquée de Curius se détache sur l'une des embrasures, tandis que la délégation samnite est plongée dans une semi-pénombre que ne parvient pas à dissiper l'étroite ouverture qui les surplombe. On apercoit nettement les raves qui grillent dans un foyer à méme le sol et qu'attise Curius, assis sur un simple trépied de bois, deux symboles évidents de la frugalitas du personnage. Sa posture déstabilisée (jambes à gauche, torse de face, téte de profil à droite), qui suggére qu'il est surpris dans cette humble activité, est suscitée par l'énergie de son bras gauche qui se tend, traversant l'image pour venir graphiquement barrer la route aux ambassadeurs et leur signifier leur renvoi. Ces derniers ne portent pas

d'argent ni ne s'agenouillent, rendant la signification de la scene aléatoire : les spectateurs doivent avoir à la

mémoire les sources littéraires pour interpréter ce qu'ils voient. Nous sommes face à une gravure « illustrative », congue pour une épigramme qui est elle-méme une versification d'un passage de ValéreMaxime. L'image ne peut réellement s'interpréter qu'en référence à l'intertexte antique.

Symb. 32 Gravure :

LA VÉRITÉ SE SIGNALE ASSEZ PAR ELLE-MÉME : QUE CESSE LA VAINE OSTENTATION ! Sur l'image : Vérité

N'AIE PAS HONTE DE NE PAS FAIRE ASSEZ BIEN LES TÀCHES QUE TU SAIS NE PAS POUVOIR FAIRE MIEUX Rien, de la Vérité, n'éclipse la clarté ;

5

Fát-elle un temps cachée, son éclat flamboyant, Pourtant, finit toujours par la produire au jour. Les prospéres brebis, au pasteur point ne vantent Combien, chaque journée, elles ont dévoré. En attestent leur lait, leurs petits et leur laine.

Le stoicien Épi&éte l'avait montré.

10

194

Mais la foule imbécile appelle bienheureux Le siécle oà abondent toutes les connaissances, Jedis qu'un tel siécle n'est pas bienheureux,

s

Des esclaves ; c'est seulement aux hommes libres

Et trés purs qu'elle vient porter son assistance. Bref, c'est l'ultime but visé par toute science. MÉTRIQUE Dans les deux épigrammes : trimétres iambiques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

— Comme les emblémes précédents (Symb. 28-51 ), le Symb. 32 porte la marque d'une renumérotation, et donc,

d'un reclassement. — v. 1 : syncera] Sur ce terme, appliqué aussi à fides, voir Symb. 61, v. 2o. L'idée est celle de pureté sans mélange. La graphie en syn-, bien qu'inexacte, est cependant riche d'enseignement et nous avons choisi de la conserver. Elle évoque en particulier le préverbe grec avv- qui insiste sur l'union et l'association. Or la vérité sincére désigne justement la faculté de transparence qui lie les paroles et les actes, les convictions morales et le comportement

(voir l'analyse).

ANALYSE

Pour caractériser la Vérité qui ne peut se dissimuler longtemps et se trahit par son propre éclat, la premiere 2-3 ; épigramme joue dans un premier temps sur l'opposition entre clarté (luce clarius, v. 1 ; igneo ... / Fulgore, v. 4-7) permet de proditur, v. 3) et ténébres (occulatur, v. 2). Mais l'exemple des brebis emprunté à Épictéte (v. n'a rien à qu'elle explique nous mieux saisir le contenu philosophique et religieux de cette Veritas, dont Bocchi voir avec la somme des connaissances ni un savoir pédant (eruditione plurima, v. 9). En effet, voici le passage concerné du Manuel (46, 2) : ique, garde le plos souvent le silence. Le Et si, parmi les profanes, la conversation tombe sur quelque thése philosoph Et lorsque quelqu'un te dit que tu ne sais rien, et risque est grand en effet de rejeter sur l'heure ce que tu n'as pas digéré. Car de méme les brebis : ce n'est pas en que toi, tu ne ressens pas la morsure, sache alors que tu commences l'oeuvre.

; elles digérent leur fourrage au-dedans, puis apportant de l'herbe aux bergers qu'elles montrent combien elles ont mangé théses et du lait Donc: toi non plus, ne montre pas aux profanes les elles rapportent,

au dehors,

de la laine

"Traduction, annotation, commentaire — Livre I

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

philosophiques, mais les oeuvres qui s'ensuivent lorsqu'elles ont été digérées ; digére-les d'abord pour les montrer en acte??6,

Suivant les recommandations de l'Enchiridion d'Érasme, qui montre à quel point les doctrines des paiens ont préfiguré le christianisme et constitué une propédeutique à la vie vertueuse, Bocchi repére dans le passage d'Épi&éte une métaphore qui rappelle les comparaisons pastorales des deux Testaments (Dieu comme berger ; l'humanité comme troupeau) et la récupére pour rappeler un des points essentiels de la vie évangélique : il ne suffit pas d'avoir les saintes écritures à la bouche pour agir en chrétien, mais il faut s'imprégner du message christique pour convertir son cceur à la foi et la manifester sous forme de charité. La Veritas, par opposition à l'ostentatio, désigne donc une forme de transparence et de liberté qui permet d'harmoniser corps et cceur, langage et vie, intériorité spirituelle et manifestation pratique de l'amor dei. Érasme, s'opposant à ce qu'il nomme l'obscurité des pratiques rituelles des Pharisiens, rattachées à l'alliance mosaique, célebre l'exigence de la loi christique oü, selon lui, on purifie le coeur avant les mains ou la bouche?" : la qualité des ceuvres qui prouvent la foi et l'expriment en charité devient alors tout autre (cf. VVLG., 1 Ioh., 3, 18 : Filioli mei, non diligamus

uerbo, neque lingua, sed opere et ueritate. In hoc cognoscimus quoniam ex ueritate sumus; et in conspectu eius suadebimus corda nostra). Bocchi dénonce probablement, comme dans l’Éloge de la folie, le reláchement des moeurs du clergé, impropre à délivrer le message christique mais qui, en se placant du cóté de la uana ostentatio vilipendée par le motto de la gravure, c'est-à-dire, de l'ancienne loi mosaique, espere cependant faire illusion.

Érasme célébre par contraste la qualité de la vie évangélique, du cóté du Christ et de la Veritas : celle-ci impose comme une évidence (qui... uideat, exclamare cogatur, v.

12-13) un modéle moral exigeant car cohérent. La mise

en scéne de cette évidence par le biais de la métaphore lumineuse est conforme au sens premier d'euidentia qui, comme son équivalent grec d'enargeia, caractérise l'éclat d'une apparition divine qui se signale comme telle?*".

L'équivalence entre actes et paroles (loquuntur ut agunt uita, v. 14 ; ut loquuntur, uitam agunt, v. 1 5), oü chaque élément peut se substituer à l'autre dans le balancement corrélatif, transparence qui signale le uir doctus (v. 11),

est un fopos de la philosophie grecque. Bocchi, par l'intermédiaire des Tusculanes de Cicéron (5, 16, 47) renvoie

au cas de Socrate dont la vie trés sainte (cf. sanctissime, v. 16) s'accorde parfaitement avec l'excellence rhétorique (cf. optime, v. 15), dans un idéal de transparence absolue entre gestes et paroles. Cette harmonie entre intérieur

et extérieur, entre cceur et discours confirme l'opposition (apparente) entre Aóyog et épyov posée par Platon à

propos de Socrate pour souligner que la sagesse réside moins dans un contenu scientifique ou dans la beauté de

la parole que dans la mise en pratique de l'idéal de justice qu'il n'a cessé de professer, au péril de sa vie (cf. Apol.

32d : « Et alors je prouvai, non en parole, mais en acte, que je me préoccupais de la mort comme de rien, si je peux

employer expression assez vulgaire, mais que mon unique préoccupation était de ne rien faire d'impie ni d'injuste » ; Men., s2d [les lois s'adressent à Socrate] : « Tout d'abord, réponds-nous sur ce point : disons-nous la vérité lorsque nous affirmons que tu t'es engagé à vivre selon nos préceptes, non pas en paroles, mais en actes, ou bien n'est-ce pas la vérité ? »). Le « docte ignorant », son long proceés et sa fin tragique au service de ses convictions préfigurent bien sür le Christ, comme le signalait déjà Marsile Ficin?*?. L'épigramme se conclut non

sur la difficulté à progresser vers le bien (parum recte) dans certains domaines, malgré l'intensité des efforts fournis (quae haud melius potes «facere»), mais surtout sur l'impossibilité méme de la progression (male facere) dans d'autres domaines (quae neutiquam potes bene «facere» ) : nous verrons plus bas la lecture chrétienne qui peut en étre faite. Notons en attendant que Sénéque invitait dans le De uita beata (20, 1) à ne pas condamner

trop vite les philosophes cyniques à l'idéal si exigeant, sous prétexte qu'ils n'ont pas réussi à accorder la réalité de

leur existence à la hauteur de leurs déclarations, car ils ont au moins essayé : « Les philosophes ne font pas ce 555 Trad. E. Catttin, X Voir par exemple Voir P. Galand, emploie à plusieurs

Paris, 1997, p. 87. Érasme, Paraphrase à l'Évangile de Luc, (1523) 11, 38-39; Paraphrase à l'Évangile de Marc (1523), 7, 2. Le reflet des fleurs, p. 37 : « Pour dépeindre les apparitions divines qui visitent les mortels dans leur sommeil, Homére reprises, dans l'Iliade et l'Odyssée, l'adjectif évapyrjg. Ce terme évoque à la fois une blancheur brillante [ ... ] et le caractere

immédiatement reconnaissable du personnage ou de l'objet ainsi ^ mis en lumiere ” ».

59 FICIN, Epistolae, livre 8, Venise, 1495, f° 1441". Voir le texte et la traduction dans notre analyse du Symb. 1.

196

qu'ils disent? Mais c'est déjà beaucoup qu'ils parlent et concoivent d'un cceur honnéte. Pour sùr, si leur conduite était à la hauteur de leurs paroles, ils seraient au comble du bonheur ». Cicéron, de méme, invitait à

suivre la nature de son genius ou tempérament naturel, et à ne pas se lancer dans des activités qui dépassent nos capacités : il faut tácher de faire le moins mal possible ce qui nous est confié, méme si on sait ne pas pouvoir le faire bien, par incapacité naturelle (Off., 1, 31, 114,). On peut risquer également un paralléle entre les sophistes

de l'époque socratique, habiles manipulateurs d'un langage qui ne sert aucune conviction intérieure, et les Pharisiens ritualistes de l'époque christique dont Érasme se sert pour dénoncer les pratiques catholiques obsolétes où la foi n'entre pour rien. Si Bocchi s'oppose à une forme d'hypocrisie (celle des hommes qui n'ont pas la vraie foi dans leur coeur mais se clament chrétiens dans leurs discours), il sauvegarde à l'inverse la possibilité de la dissimulation en prónant ce

que Carlo Ginzburg appelle une « apologia del silenzio »?". L'extrait d'Épicure invitait déjà à cette attitude : se

taire, ne pas faire étalage de sa philosophie mais attendre qu'on s'en soit suffisamment imprégné pour rendre la parole d'ostentation parfaitement inutile. En s'interdisant de manifester outranciérement leur appartenance évangélique voire en la taisant (cf. v. 2 : enim occulatur interim [Veritas]), les vrais chrétiens ne trahissent pas leur foi, qui se manifestera indépendamment de leur volonté. C'est sans doute dans cette perspective qu'il faut comprendre les deux derniers vers du premier texte, assez contournés. Bocchi invite en effet à ne pas avoir honte de ne pas faire assez bien ce qu'on sait ne pas pouvoir faire mieux, mais plutót de rougir de faire mal ce qu'on n'a aucune chance de pouvoir faire un jour bien. Que veut-il dire ? L'allusion à Aulu-Gelle traduisant un passage de Platon (Conu. 181a) permet de saisir que tout se joue autour de la sincérité des intentions?"'. Bocchi invite ici ceux qui ont la foi véritable à ne pas avoir honte s'ils ne peuvent pas la manifester avec toute l'intensité et la qualité qu'ils voudraient, en raison par exemple du contexte politique tourmenté et des persécutions qui les menacent : la sincérité les protége par la qualité de l'intention que leur préte la gráce, et ils font du mieux qu'ils peuvent. Il condamne au contraire à la vergogne ceux dont les actes ostentatoires tentent de manifester une foi qu'ils n'éprouvent pas du tout. Cette charité d'apparence est en soi mauvaise action absolue (male facere) car, en l'absence d'intention sincére, elle n'a aucune chance de jamais aboutir aux débuts d'un acte bon (neutiquam...

bene), authentiquement dicté par la foi.

Dans la seconde épigramme, qui constitue une uariatio sur les trois premiers vers de la précédente, Bocchi nous présente une personnification de la Vérité, qui, par son nom tres général, peut servir d'objectif (scopus, v. 9) autant à la sagesse socratique qu'à la foi chrétienne, toutes les deux scientiae (cf. v. 9). Le portrait s'organise

autour de póles thématiques cohérents qui se répondent ou s'opposent, tout en traduisant, conformément au discours allégorique, un ensemble de valeurs morales et psychologiques. L'adjectif syncera (v. 1) qualifiant le caractére sans mélange de la Vérité, se traduit par l'expression de deux sentiments opposés qui l'animent envers les hommes, d'amour (amat, v. 1 ; oblectatur, v. s) et de haine (odit, abhorret, v. 2 ; non cupit, v. 4). Ces deux réactions s'insérent dans une mise en scene visuelle oà s'opposent lumiere (candorem, v. 1 ; patentes, v. 3) et ombre dissimulatrice (latebras, fucum, v. 2 ; umbra, tegi, v. 4). D'ailleurs, le terme candor (v. 1) désigne à la fois l'éclat de la lumiére et la pureté morale. L'adjectif libera (v. 3), qui s'applique également à la Vérité, s'oppose, de et de son cóté, aux termes renvoyant à l'esclavage (nescia/Seruire, v. 3-4 ; seruili, v. 6). Les sentiments d'amour

haine éprouvés par la Vérité se manifestent en termes visuels par une réaction de rejet (nec ulla ... habet commercia, v. 6) envers ceux qui ne sont pas semblables à elle (Taeterrimóque, v. 7, qui renvoie à l'obscurité et à la noirceur) ou au contraire d'attraction (praesto adest, v. 8) pour ceux qui partagent les mémes caractéristiques qu'elle au plus haut degré (liberis/Purissimisque, v. 7-8). pour Les deux derniers vers, un peu énigmatiques, se comprennent comme une adresse à l'homme du commun linviter

à modeler

sa conduite

sur

celles

des

sages

de l'épigramme

précédente

(cf. purissimis,

v.8

de

dont les l'épigramme 2 qui renvoie aux adverbes au superlatif optime et sanctissime de l'épigramme 1), eux del' 500, Turin, 1980, p. 179-182. *? Voir C. Ginzburg, Il nicodemismo. Simulazione et dissimulazione religiosa nell'Europa la maniére dont elle a été accomplie au moment où elle c'est mais ; droite elle-méme en n'est actions ces de aucune Car « 9! GELL, 17, 20, 9 : le bien, alors elle devient une action droite ; si au s'accomplissait qui va en déterminer la nature : si elle a été accomplie selon la justice et contraire elle a manqué de justice, elle devient une action honteuse ». .

"t

’”

I

197

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

discours sont le reflet de la conduite et vice-versa. Pourquoi ? Le terme scopus (v. 9) indique que la vérité est

moins un résultat effectif que la qualité de l'effort qui tend vers un but (sur ce terme cf. Symb. 4) : si la Veritas (autre nom pour la foi chrétienne) n'assiste que ceux qui se montrent libres de leurs passions (liberis) et d'une pureté irréprochable (purissimis), alors il faut se montrer tel pour espérer qu'elle se manifeste. Bocchi illustre ici l'idée de la synergeia, l'étroite collaboration entre ceuvres et foi, entre l'homme et Dieu, telle que la définissent

Augustin et Érasme (voir Symb. 130) à partir de saint Paul.

La gravure se décompose en trois plans horizontaux. Au premier plan, le graveur rend compte au pied de la lettre de la métaphore d'Épictéte en évoquant une scéne pastorale où deux bergers, l'un assis à gauche au pied d'un arbre, appuyé sur son pedum, à cóté de son chien, l'autre debout à droite, encadrent trois femmes qui tondent leurs brebis, assises dans l'herbe. Le deuxiéme plan montre une campagne arborée qui se clót à l'horizon par une ville. Le dernier plan laisse une large place à un ciel obscurci sur la droite par d'abondantes nuées. De l'un des nuages émergent les maillons d'une chaine au bout de laquelle pend un globe fendu dans sa partie inférieure, et qui laisse s'échapper de longues flammes. Le terme Alétheia, écrit en capitales grecques sur le nuage, permet d'identifier cet objet symbolique comme la manifestation de la vérité divine: sphérique comme les astres, il s'entrouvre comme un ceuf et les flammes qui s'en propagent témoignent de sa nature éthérée, la fameuse quintessence aristotélicienne, dotée d'un mouvement circulaire et perpétuel. Pierre Martin nous fait remarquer le lien visuel trés fort de ce curieux objet avec la lampe sphérique enflammée appelée Logos aléthés du Symb. 70. On constatera que, dans le Symb. 32, les llammes sont dirigées vers le bas et viennent lécher le sommet d'un

bátiment circulaire qui ressemble beaucoup à un cháteau Saint-Ange stylisé surmonté d'un clocher : tombeau d'Hadrien puis propriété papale, l'immeuble est le symbole antique puis chrétien de la uana ostentatio qui se voit ici dévoré ou révélé par une punition céleste. L'unité de l'image est assurée, sur la gauche, par l'arbre immense à la téte vaporeuse qui s'éléve jusqu'au ciel et qui redouble la forme de l'alétheia sortie de sa nuée. Le tronc prolonge le buste du berger assis. La circulation entre les éléments est garantie par le berger de droite qui semble jouer ici le róle d' « admoniteur d'histoire » ou plutót de d'incitateur sémiotique à la comparaison. Ses deux bras tendus dans deux directions opposées constituent les deux póles de la comparaison : la main droite désigne l'apparition céleste, la main gauche pointe vers les brebis, pour montrer le paralléle entre les deux. Les brebis manifestent involontairement par leur laine la qualité de l'herbe qu'elles ont ingérée, de la méme maniére que la vérité se manifeste naturellement chez ceux qui ont assimilé la bonne doctrine. La scéne pastorale, dictée par la référence à Épictéte, est d'autant plus pertinente qu'opposée à la ville en arriéreplan, elle éveille de lointains échos virgiliens : dans la seconde Géorgique (v. 490-531) Virgile situe l'Àge d'or, áge

de piété, de justice et d'authentiques vertus romaines, dans la campagne, et vilipende la corruption de l'espace

urbain, soumis à l'áge de fer et aux vices correspondants. Elle suggére également implicitement la condamnation

de l'impia curiositas des doctes : la vérité ici se révéle à un peuple pastoral simple, qui n'a que faire des querelles dialectiques mais accueille comme une évidence la vérité venue d'en haut.

198

LIVRE ll

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Symb. 33 Gravure :

L'AUGUSTE VERTU EST L'ANTICHAMBRE QUI MÉNE À L'HONNEUR Sur l'image : — La Vertu est l'antichambre de l'Honneur — «temple» consacré à la Vertu -

Al'Honneur

Le héros de Tirynthe à l'entrée du temple se tient ; Derriére, en la chapelle, une statue d'Honneur.

10

Consule Marcello] Selon Tite-Live (27, 25, 7-9), c'est aprés la bataille de Clastidium en 222 av. J.-C

contre les Gaulois que Marcus Claudius Marcellus avait restauré un temple dédié à Honos et Virtus, l'Honneur et la Vertu. Pour Valére-Maxime (1, 1, 8), ce vceu est renouvelé lors de la prise de Syracuse en 212 av. J.-C., et

c'est en 208, lors de son cinquiéme consulat, que Marcellus entreprend les travaux de réfection du sanctuaire

Pontifes, pour qui il était interdit d'honorer deux dieux dans une méme cella ou de leur sacrifier ensemble, sous prétexte qu'on ne pouvait, lors d'un prodige, discerner lequel des deux dieux était responsable, ni, par conséquent, engager les cérémonies propitiatoires adéquates (Liv, 27, 25, 9; VAL. MAX,,

1, 1, 8 ; PLVT., Marc.

28, 1). Marcellus aurait alors ajouté un deuxiéme édifice à Virtus et placé des statues de chacune des divinités

Vouer un sanctuaire à deux dieux, sauf dans des cas précis, Était, sous Marcellus consul, un sacrilége.

dans le sanctuaire adéquat. C'est son fils qui en fit la dédicace en 205 (LiV., 29, 11, 1-3). Son neveu consul y fera ériger, autour de 150 av. J.-C., trois statues, une de son oncle, une de son pére et une de lui-méme (ASCON., ad Cic. Pis., 44). Marcellus avait également déposé dans ce double temple, situé prés de la Porta Capena (Liv., 25, 40, 1-3 ; 29, 11,

Au prodige, l'un ou l'autre parfois reste étranger, La réponse est cachée, mais sue de Ceux d'en haut.

des chefs-d'ceuvre dérobés lors de la prise de Syracuse (CIC. Verr., 4, 121 ; LIV., 25, 40, 11-13), en particulier la fameuse sphere armillaire d' Archimede (CIC., Rep., 1, 21-22). Pour l'apparence des deux temples, il subsiste une

. Caràchacun des deux, à part, on doit une priére, Pour peu que, par hasard, un prodige ait eu lieu.

Ensuite, terrifiés, les hommes supplient humblement La puissance des dieux au moment opportun.

Mais Nature, en mére, fit de l'Honneur le compagnon

Spécial et éternel de l'auguste Vertu.

15

-v.4:

qui, selon le témoignage de Cicéron (Nat. deor, 2, 61), avait été dédié à l'origine par Quintus Fabius Maximus Verrucosus durant la guerre contre les Ligures (234 av. J.-C.). La dédicace aurait été empéchée par le collége des DE RANUCCIO FARNÉSE, PETIT-FILS DU PAPE PAUL Ill, CARDINAL SANT'ANGELO

5

dans le distique final qui évoque Ranuccio à la troisiéme personne et Paul III à la seconde, suggére que ce génitif traduit plutót une possession : l'objet symbolique proposé (le temple d'Honos et de Virtus) constitue la devise personnelle de Ranuccio Farnese (voir analyse). - v. 1: Tyrinthius heros] Hercule. - v a : posterior... caellula] Voir analyse.

13 ; Res Gestae Diui Augusti, 11), c'est-à-dire juste prés de l'enceinte de Rome, in uestibulo urbis, (LIV., 26, 32, 4),

trés courte notation de Symmaque (Epist., 1, 20, 1) qui dit que les anciens Romains avaient placé les deux temples « jumeaux cóte à cóte » (gemella facie iunctim). Le couple Honos/Virtus apparait également dans les monnaies romaines, en particulier sur un denier de Q. Fufius Calenus et Mucius Cordus de 70-68 av. J.-C.

L'avers montre les tétes jointes à droite d' Honos laurée et de Virtus, portant le casque à panache (Fig. 1)**.

En somme, fonder sur Vertu le véritable éclat, Tel est l'engagement d'un haut dessein de vie. Ce fut la sage décision du héros Ranuccio, L'autre espoir de gloire, ó Paul, que nourrit ton cceur.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. NorES - tit. carm. : RAYNVTII FARNESII] Ranuccio Farnése (1530-1565), fils de Girolama Orsini et de Pier Luigi

Fig. 1 » denier de Q. Fufius Calenus

et Mucius Cordus de 70-68 av. J.-C. (droit) avec les tétes à droite d'Honos et Virtus (revers).

Farnése, duc de Parme et de Plaisance en 1545, lui-méme fils d'Alessandro Farnése, le pape Paul III. Jeune

homme brillant dont l'éducation fut suivie avec attention par le pape, formé aux humanités grecques et latines

par Alessandro Manzuoli, Lazzaro Bonamico et Lodovico Beccadelli, il fut en contact avec des personnalités de

la Réforme italienne tels Marcantonio Flaminio, Gasparo Contarini ou Reginald Pole. Trés apprécié de son grand-pére, il recut de lui toute une série charges ecclésiastiques, en particulier le cardinalat, auquel il accéda le

- v. 16 : altera spes... et gloria] Ranuccio Farnése était en effet le frére cadet d' Alessandro Farnése (1520-1589),

fils ainé de Pier Luigi, lui aussi promu cardinal (1535). Ne bénéficiant pas de la préférence de son grand-pere, il

16 décembre 1545, avec la mention de Diacre de Santa Lucia in Silice, titre qui fut transformé le 5 mai 1546 en

celui de Cardinal Sant'Angelo*". La dédicace du poéme ne peut donc étre antérieure à 1546. Le génitif laisse entendre qu'il s'agit d'une épigramme rédigée par le cardinal lui-méme?. Mais l'intervention d'un narrateur

*?? Sur le personnage, voir I. Meluzzi, I Vescovi e arcivescovi di Bologna, Bologne, 1975, p. 389-392 ; R. Zapperi, Tiziano, Paulo III et i suoi nipoti, Torino, 1990 ; G. Fragnito, « Farnese, Ranuccio » in Dizionario Biografico degli Italiani, t. XLV, Rome, 1995, p. 148-160. *? E. See Watson, Achille Bocchi, p. 110 affirme que le symbole est dédié à Ranuccio Farnése, comme s'il s'agissait d'un datif.

200

$94 Sur ce temple appelé aussi Aedes Mariana, voir M. Biber, « HONOS and VIRTVS », American Journal of Archeology, 49/1, 1945, p. 25-34 ; A. Van Heck, Breuiarium Vrbis Romae antiquae, Leyde/Rome, 1967 p.65-69; L.Jr Richardson, « Honos et Virtus and the Sacra Via », American Journal of Archeology, 82, 1978, p. 240-246 ; F. Coarelli, Il foro romano 1 : il periodo arcaico, Rome, 1983, p. 101-102 ; L. Jr Richardson, A New Topographical Dictionary of Ancient Rome, Baltimore/Londres, 1992, p. 190 ; D. Palombi, « Honos et Virtus Aedes » in M. Ashby (dir.), Lexicon Topographicum Vrbis Romae, Rome, t. III, 1996, p. 31-33 ; M..]. Kardos, Topographie de Rome : les sources littéraires latines, Paris, 2000,

p. 23-26 et Ead., Lexique de topographie romaine (Topographie de Rome, II), Paris, 2002, p. 180-181. 95 Voir M. H. Crawford, Roman Republican Coinage, Cambridge, 1974, t. I, p. 413.

201

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

voyait d'un trés mauvais oeil les distinctions honorifiques dont on gratifiait son frére, pensant qu'elles réduisaient ses chances d'accéder un jour au pontificat. ANALYSE

E. See Watson (Achille Bocchi, p. 110) signale une lettre d'Annibale Caro à la mére de Ranuccio, la duchesse de Castro, datée de 1546, dans laquelle Caro déclare que les temples d'Honos et Virtus constituent l'impresa

personnelle de Ranuccio Farnese? 5, mais devraient étre changés en un objet plus adapté pour un cardinal, par exemple l'Ara Maxima entourée des attributs d'Hercule?".

L'épigramme travaille à l'élucidation allégorique de ce que l'on est en droit d'appeler une devise, dont l’àme figure en latin au-dessus de la gravure (Virtus uestibulum est Honoris alma). Elle figure en grec dans la gravure elle-méme, sur une banderolle qui se déploie sous les armes de Ranuccio Farnése (« d'or et à six fleurs de lys d'azur »), tenues par deux putti et surmontées du chapeau de cardinal. Cette impresa énonce sous forme métaphorique un uifae nobile propositum (v. 14), en relation avec un objet symbolique double de nature architecturale, un. uestibulum (xpozóAatov) et un bátiment principal: la relation entre Honos et Virtus est exprimée par l'image du temple dont l'entrée, tout en étant un espace de moindre sacralité (où siége la Vertu), conditionne cependant l'accés à l'espace le plus important, la cella proprement dite, oü réside la divinité (l'Honneur). L'idée est cependant moins celle d'une hiérarchie que d'une préséance temporelle et conditionnelle, matérialisée dans l'espace. La partie ecphrastique de l'épigramme se déroule en effet sous forme d'un parcours. Elle imagine la progression imaginaire d'un visiteur qui, en pénétrant dans le temple d'Honos et Virtus édifié par Marcellus, verrait d'abord à l'entrée (adstat uestibulo) une statue d'Hercule, symbole par

Farnése » ), datant du III° s. apr. J.-C., récupérée dans les termes de Caracalla et copie d'un original en bronze du IV* s av. J.-C. de Lysippe de Sicyone. Le héros antique s'était fait astrologue en soutenant le globe d'Atlas (sujet d'une célébre sculpture du II° siécle apr.J.-C. qui faisait partie des collections Farnése et dite « Atlas Farnése »?*),

mais, si cet épisode est évoqué

dans le Symb. 112, justement en relation avec un Farnése,

l'épigramme de ce méme Symbolum souligne qu'Hercule n'est pas seulement un héros contemplatif mais qu'il tire aussi sa gloire de l'action. Hercule trouvait donc dans le temple historique de Marcellus, oü fut entreposée la $phére d'Archiméde, un cadre architectural adéquat pour célébrer un jeune homme aux compétences intellectuelles remarquables. L'interprétation allégorique de cette mise en scene architecturale, qui veut que l'on ne puisse avoir accés à la vraie Gloire sans passer par l'antichambre de la Vertu, est sans doute inspirée par un passage de Symmaque (Epist., 1, 20, 1) pour qui les deux temples jumeaux de Marcellus rappelaient aux Romains que ibi esse praemia honoris, ubi sunt merita uirtutis, « les récompenses de la gloire sont là oü sont les mérites de la vertu ». La méme idée est reprise chez saint Augustin (Ciu. Dei, 5, 12), qui interprete ainsi la présence des deux sanctuaires (voir

apparat des sources) : « Cela permet de comprendre quelle fin les hommes de bien voulaient assigner à la vertu et à quelle valeur ils la rapportaient, c'est-à-dire la gloire; car les méchants ne possédaient pas la vertu, bien qu'ils eussent le désir de posséder l'honneur, qu'ils cherchaient à acquérir par de mauvais procédés, c'est-à-dire par ruses et tromperies ». On en retrouve trace chez Lorenzo Valla également dans son Sur le plaisir, 2 (trad. L. Chauvel, Fougéres, 2004, p. 113-1 14) : « Pour cette raison nos ancétres ont voulu que soient réunis le

excellence de la force d'áme, cette robur animi incarnée par le bois de la massue, caractéristique de la uirtus,

temple de la Vertu et celui de l'Honneur, de sorte que dans l'un se trouve le devoir, dans l'autre sa fin, dans le premier le travail, dans le second le fruit du travail et que la Vertu doive étre repoussée, à moins qu'elle se joigne à l'Honneur ». C'est également l'interprétation qu'en donne Annibale Caro dans une lettre familiére (pour le

qualité principale du uir, le héros viril. En poursuivant sa visite, et à cette condition seulement, il apercevrait

texte italien, voir apparat des sources) :

ensuite à l'arriére (posterior), dans la cella proprement dite (caellula), une statue de l'Honneur (signum Honoris, v. 2), sans que cette derniere ne soit rattachée à un héros mythologique précis, encore que la gloire que valut à Hercule ses travaux et son apothéose sur l'Osta constitue un enchainement cohérent. Tout en rappelant le souvenir de Marcellus, obligé de construire deux sanctuaires distincts (voir notes au v. 4) pour les deux entités divinisées, l'épigramme insiste, à travers la continuité architecturale, sur le lien consubstantiel qui unit les numina et la pertinence qu'il y a à ne leur consacrer qu'un seul bátiment oü chacune figure à sa place: Hercule/Virtus à l'entrée ; Honos dans la cella. Guillaume Du Choul, dans son Discours sur la religion des Romains (Lyon, 1556, p. 33) imaginera méme une troisiéme solution. Selon lui, il y aurait bien eu deux sanctuaires mais

une seule porte d'entrée, celle du temple de Vertu :

Le temple de Vertu fut mis anciennement devant le temple d'Honneur, qui n'avoit qu'une seule porte, qui

monstroit que l'entree pour venir aux honneurs n'estoit point ouverte, sinon par le moyen de la vertu. C'est ce que Marcus Marcellus donna à entendre à Rome en edifiant ces deux temples quarrez conjoints ensemble, l'un

consacré à la vertu, & l'autre à Honneur. Et certainement les grands honeurs naissent de la belle & pure racine de vertu : dont il advient qu'ils se font plus clers, plus glorieux, & pleins d'immortelle mémoire.

Le paralléle entre le héros tirynthien et le héros farnésien s'éclaire si l'on veut bien se souvenir de l'attachement

proverbial des Farnése au personnage d'Hercule, eux qui possédaient une sculpture du héros (dite « Hercule

$% A. Caro, Lettere familiari, 274, éd. A. Greco, Florence, 1957-1959, t. II, P. 7-8, ici p. 7 : « Eccellentissima Signora, Il Reverendissimo di Napoli

[i. e. Ranuccio Farnése] portava per impresa i due tempi de l'Onore, e de la Virtü ». 57 [bid., p. 7-8 : « Il che, quantunque sia verissimo, sarrebbe come una laude in bocca propria. Imperó, bisognando farne un'altra, che imiti piü

la modestia di Sua Signria, non uscendo da le cose sacre, ho convertiti i due tempi in uno altare, ed in quello specialmente che da Ercole fu

dedicato a Giove Inventore, a le radici de l' Aventino, detto da' Romani Ara Maxima, e per contrassegno di ció seono la clava et la pelle de lione

et la corona d'alloro ». Caro précise qu'Hercule est le Christ, abattant le vice sous les traits de Cacus. L'Ara Maxima représente l'Église Romaine, fondée par le Christ sur la pierre du pontificat. L'áme de cette nouvelle devise sera : Maxima semper (« Le plus grand [i. e. autel] pour

l'éternité»), d'aprés les propos d'Évandre cités dans l'Énéide (8, 272-272) : Hanc aram luco statuit, quae maxima semper/ Dicetur nobis, et erit quae maxima semper.

202

... les deux temples de l'Honneur et de la Vertu, construits par les Romains, l'un accolé à l'autre, de sorte que l'on quitte celui de la Vertu pour entrer dans celui de l'Honneur, ce qui veut dire que, pour étre honoré, il fallait d'abord étre vertueux.

Cet embléme semble nuancer la problématique stoicienne qui veut que seule importe la vertu (uirtus) et qu'elle se suffit à elle-méme.

L'admiration,

la gloire et les honneurs

(honos)

que suscite son exercice, qualifiés

d'adiaphora, d'« indifférents » par les stoiciens qui pensent qu'ils n'ajoutent en rien à la perfection vertueuse, font ici au contraire partie intrinséque de la uirtus, dont ils sont le fruit logique et la récompense plaisante. Il faut donc voir dans cet embléme moins un pendant du Symb. 42 sur le mot de Cicéron repris par Sénéque, gloria umbra uirtutis, mais plutót une variation sur le Symb. 48 célébrant la uera gloria ex uirtute resurgens (titulus de la gravure) ou encore sur le Symb. 97 qui illustre la gloria uirtute innixa (v. 9). Dans la mesure où le couple Gloria/Honos appartient à l'attirail de la bonne Fortune, on peut également rattacher ces deux emblémes à la thématique plus vaste signalée dans la formule uirtute duce, fortuna

comitante, qui, si elle est illustrée par

l'association Fortune/Pallas dans la gravure du Symb. 111 de Bocchi, avait déjà été signalée par Alciat dans la complémentarité Mercure/Fortune qui fait l'objet de son embléme Virtuti fortuna comes. La figure mythologique d'Hercule permet en méme temps un déploiement encomiastique dans la lignée d'une morale aristocratique : les distinctions honorifiques dont Paul III gratifie son petit-fils ou qui lui sont promises par succession dynastique, ne sont que la conséquence logique, la récompense de ses compétences intérieures et de sa vertu. La lettre d'Annibale Caro signalée plus haut (voir l'apparat des sources pour le texte italien) confirme cette interprétation :

; cependant, Cette devise a été des plus appropriées, depuis que Ranuccio est enfant, pour le pousser aux études vertueux étre faut qu'il sens le dans point non r du fait qu'il a été nommé cardinal, elle pourrait aussi s'interpréte vertueux. est l'on que parce pour étre honoré, mais au contraire, que l'on a été honoré $% Voir C. Gasparri, Le sculture farnese. Storia et documenti, Naples, 2007.

203

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Ces justifications morales interviennent dans un climat général de désapprobation et on rappellera les qui mécontentements vifs que suscita l'accés de Ranuccio Farnése au cardinalat : Paul III violait un principe voulait que deux fréres ne pussent siéger en méme temps au Sacré Collége (Alexandre Farnése, le frére de

REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE — in pict.: KAMHAONJ] Le proverbe grec fameux, « Il est plus facile pour un chameau de passer par le chas d'une aiguille que pour un riche d'entrer dans le royaume de Dieu », est donné dans la gravure sous forme

monarchie absolue dont le pouvoir temporel ne connaít pas de limite. La gravure, qui relaie la rhétorique encomiastique, n'illustre pas exactement l'épigramme ni le motto intégré à l'image, puisque, conformément aux sources historiques et à la devise de Ranuccio Farnése décrite par Annibale Caro, elle présente deux sanctuaires distincts en enfilade (et non pas un seul temple avec vestibule et sanctuaire proprement dit, comme l'énonce le poéme), sans doute pour des raisons de lisibilité plus grande. Bien que leurs proportions et leur configuration soient identiques, les deux temples, présentés de profil, de sorte qu'on en voit bien l'entrée et une facade latérale, sont clairement distingués par plusieurs détails. Le temple de Virtus a des vases allumés qui brülent de part et d'autre du fronton, une porte d'entrée surmontée d'un arceau et des motifs symétriques de losanges flanquant un double cercle sur le mur latéral face au spectateur. Le temple d'Honos a une porte plus étroite, pas de flambeaux, et une colonne corinthienne à l'angle de la facade et du grand cóté face au spectateur. Les chevauchements graphiques suggérent que le second temple est tout contre le premier, qui le dissimule en partie, et qu'on ne peut se rendre dans le second sans passer par le premier. Pour plus de lisibilité là encore, la &tatue d'Hercule n'est pas à l'entrée du temple mais sur son toit, de la méme maniére que c'est également sur le toit du deuxiéme sanctuaire qu'on trouve la statue d'Honos, dont on remarquera qu'elle a ici les traits de Paul III exhibant à la main, outre celle qu'il porte sur la téte, une seconde tiare pontificale, celle qu'il remettra à son successeur. La fiction à l'antique harmonise temps antique et temps présent. Horos comme cuj est ici à prendre dans son sens de gloire attachée à une fonction honorifique. Les armes cardinalices de Ranuccio, qui flottent en haut de la gravure, sont soutenues par des angelots et on doit comprendre que, fourbissant par l'éducation ses armes herculéennes (la massue est symbole de constance et de force d'àme), le héros est appelé bientót à accéder aux plus hautes charges, en particulier au pontificat, et à réaliser ainsi les visées népotistes de la politique de Paul III.

manquer de séduire une àme emblématique, mais force est de constater ici que l'animal exotique a disparu au profit du cáble maritime, que ce soit sur l'image elle-méme, oü on voit l'objet décrire au sol de nombreux méandres, ou dans l'épigramme (v. 2 : funis). Il s'agit d'un probléme philologique de paronymie (entre xáyrAov

Ranuccio était également cardinal) et justifiait les accusations portées contre lui de faire de la papauté une

d'inscription, dans la version de Matthieu (19, 24). La parabole a indéniablement un cóté imagé qui n'aurait pu

« le chameau », et kájiÀov, « le cordage » ), commenté par Érasme lui-méme : Theophylactus? dissentit uolens hoc loco significare rudentem nauticum atque id sane magis quadrat ad foramen acus. Et apud unum Suidam káyiov eo reperio significatu", Théophylacte s'écarte de l'interprétation traditionnelle en voulant que le terme, dans ce passage, signifie le cordage marin et assurément, cette explication s'accorde davantage avec le chas d'une aiguille. Et je trouve chez

Suidas une occurrence de kamilon avec cette signification. Dans

l'édition ASD,

P.F. Hovingh note (p.273, n.993) qu'il n'a rien trouvé chez Camers mais que le Dictionnarium de Calepinus (circ. 1440-1510), publié pour la premiére fois en 1502 et abondamment réimprimé

ensuite, confirme la signification de camelus comme cordage pour fixer les amarres, avec une référence au passage de Matthieu: Chamelus, káyr|Xov, uero pro fune nautico, quo nautae marinas anchoras ligant, generis masculini est, ut apud Euangelium, Facilius est chamelum per foramen acus intrare. Le terme figure dans l'Elementarium doctrinae rudimentum de Papias (Venise, 1491, f° 241?), avec le sens de funis nauticus. Érasme

cependant se déclare en accord avec le commentaire de saint Jéróme qui porte la lecon camelum avec le sens de « chameau » (cf. HIER., Comm.

in Matth., 5, 19, 23 sq.) et il explique qu'il s'agit pour l'évangéliste d'utiliser

l'incongruité et le caractére absurde d'une métaphore qui relie un objet minuscule (le chas de l'aiguille) à un animal immense à la morphologie tourmentée (le chameau), pour suggérer un impossibile (à85varov), en attirant l'attention pour rendre l'idée plus frappante (ad emphasim faciat). Le texte biblique lui-méme suggere

cette analyse puisqu'aux disciples, manifestant leur étonnement, le Christ répond (Matth., 19, 26) : « Pour les

Symb. 34 Gravure :

ON NE PEUT JAMAIS RENDRE HEUREUX UN RICHE AVARE Sur l'image : Il est plus facile pour un cáble de passer par le chas d'une aiguille que pour un riche d'entrer dans le royaume de Dieu.

SENTENCE TIRÉE D'UNE PARABOLE DU CHRIST SUR L'HOMME

5$

Dans l'étroit chas d'une aiguille s'introduira le cáble Qui à l'ancre permet de retenir la proue, Avant que le riche avare ne puisse un jour entrer Aux bienheureux séjours du ciel constellé. Unefortune opulente gáte un bon naturel Etle luxe inactif engendre tous les maux.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques.

204

hommes c'est impossible, mais pour Dieu tout est possible ». Bocchi préfére à l'évidence le sens de « cordage » (nauticus/funis, v. 1-2) et on pourrait discerner l'influence du dictionnaire dans son ajout d'une relative quasi définitionnelle aprés funis (v. 2) : Funis, quo proras anchora iacta tenet, « cordage, gráce auquel l'ancre une fois jetée fixe la proue ». -v.1-3: ante... quam] Les sources gréco-latines insistent sur l'idée de facilité (Eoxozcepov, facilius). La formulation chez Bocchi de l'adynaton rappelle celle des élégiaques latins, qui congoivent la difficulté en termes temporels, prius... quam (cf. PROP., 2, 15, 31-35 : Terra prius falsu partu deludet arantis/ Et citius nigros Sol agitabit equos/ Fluminaque ad caput incipient reuocare liquores/ Aridus et sicco gurgite piscis erit/ Quam possim nostros alio transferre dolores). Le balancement corrélatif isole ici chacun des distiques.

RICHE ANALYSE

Les quatre premiers vers de l'épigramme développent la parabole de Matthieu sur la difficulté du riche d'entrer dans le royaume des cieux, transposée dans la difficulté qu'il y aurait de faire passer une corde d'amarrage (ou un chameau, voir notes au texte supra), épaisse et rigide, dans le chas minuscule d'une aiguille. La thématique de la lutte contre les richesses matérielles est déjà présente sous forme épigrammatique chez Ugolino Verino*!, en

association avec le message christique d'abandonner les biens de ce monde pour se consacrer aux richesses de

de Michel Psellos et auteur d'un Commentaire sur 9 'Théophylacte d'Ochrida est un polygraphe byzantin (vers 1150-vers 1226), éléve l'Évangile de Matthieu in Migne, PG, 123, ici p. 356. [= LB, 6, 102]. 600 ÉnAsME, Annotationes ad Nouum Testamentum, « In Matthaeum 19, 24 », éd. P. F. Hovingh, in ASD, 6.5, 2000, p. 271-272 1030. Vesp. ad Aristoph., Schol. aussi cf. ; cxotviov zax? 1 $è KáyiAov : Voir SVD., 5, p. 24 Adler *' Voir par ex. Epigr. 1, 15 ; 1,225 1, 305 2, 2 j 4, 32, elc.

205

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d'Achille Bocchi (1555) — tome 2

l'au-delà, les seules véritables. Tout le passage de Matthieu va dans ce sens puisqu'au jeune riche qui veut savoir et donne-le quoi faire, le Christ répond (Matth., 19, 21) : « Si tu veux étre parfait, va, vends ce que tu possédes dans Bocchi donne que aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi ». L'interprétation

le dernier distique, sur les richesses qui corrompent l'áme et engendrent toutes sortes de vices, l'interprétation donnée par saint Jéróme du passage. Jéróme explique en effet que le chas d'une image pour la porte étroite qui donne accés au royaume céleste et que, pour la traverser, il faut se tout ce qui épaissit l'àme, les vices et les péchés, figurés par le chameau aux formes lourdes ou le au diamétre imposant (HIER., Matth., 3, 19) :

est conforme à aiguille est une débarrasser de cordage marin

Si legamus Esaiam quomodo cameli madian et epha ueniant ad Hierusalem cum donis atque muneribus et qui prius curui erant et uitiorum prauitate distrorti ingrediantur portas Hierusalem, uidebimus quomodo et isti cameli quibus

diuites comparantur, cum deposuerint grauem sarcinam peccatorum et totius corporis prauitatem, intrare possint per angustam et artam uiam quae ducit ad uitam. Si nous lisons Isaie [= 6o, 6], lorsque des chameaux de Madian et d'Efa viendront à Jérusalem avec des dons et des

La gravure, pour laquelle nous disposons d'un dessin préparatoire de Prospero Fontana conservé au British Museum (Fig. 1)°?, nous présente la citation de Matthieu en grec dans un cartouche, fixé par un anneau rattaché à une corde qui disparait dans une trouée des nuages, dans la partie supérieure de l'image. Au-dessous, le graveur a tenté de représenter la scéne proposée par la citation biblique, avec le caractére cocasse qu'implique la figuration des symboles au pied de la lettre. Un personnage richement vétu et coiffé, qui regarde vers la gauche - probablement le riche de la parabole — tient verticalement dans la main droite une grosse aiguille, dont on voit bien le chas, et, de l'autre main, il s'appréte à y faire pénétrer le bout d'une épaisse corde. Trois autres personnages sont disposés autour de cette figure centrale, probablement des marins, à en juger par leur tunique courte qui leur dégage une épaule et les jambes. À deux mains, ils semblent se passer la corde, formant une sorte de ronde parodique autour du riche. La corde, qui unifie l'image et rassemble les personnages, s'enroule, rampe à terre avant de se redresser, disparait dans les mains et derriere les corps pour réapparaitre, comme dotée d'un mouvement propre, avant de finir sa course à gauche de l'image, accrochée à une grosse ancre qui git au sol : l'idée, comme dans l'épigramme, est de souligner qu'il s'agit bien d'une amarre, et donc d'une corde particuliérement épaisse et solide, bien incapable de rentrer dans le chas de l'aiguille.

présents et, eux qui étaient auparavant courbés et tordus par la difformité des vices, franchiront les portes pour entrer à Jérusalem, nous verrons comment ces chameaux, auxquels les riches sont comparés, aprés avoir déposé

leur lourd fardeau de péchés et la difformité de tout leur corps, peuvent entrer par la voie étroite et resserrée qui mene à la vie.

Cet appel au dépouillement et à la pauvreté s'inscrit vraisemblablement dans le programme évangélique des réformés qui s'opposent ainsi aux excés du clergé catholique. On notera que la parabole est citée dans

Symb. 35 Gravure : QUICONQUE

l'Enchiridion d'Érasme (9, 3, p. 128 Holborn ; 207 Festugiére), dans la partie consacrée au vice de la cupidité. Bocchi reviendra sur l'obligation du renoncement à la richesse dans son épitre de conversion (Symb. 133).

QUICONQUE

AIME

LA SAGESSE

AIME

AIME

SAIT SOUFFRIR

DIEU FOULE

SANS DE

PEINE

MAUX

Sur l'image : - Diogéne

— Antisthéne

— « Frappe, si tu veux ; tu ne trouveras rien d'assez dur pour me détourner de toi, pourvu que tu t'exprimes ! »

DIOGÈNE LE CYNIQUE ET ANTISTHENE

Tu veux savoir peut-étre qui est amant de la sagesse ; Mes mots seront plus vrais que le trépied pythien. Sile Dieu tout-puissant est la vraie sagesse, le vrai Amant d'icelle sera qui aimera Dieu. 5

L'amant vrai sera celui qui, jamais, ne cessera

D'aimer mais, s'il le doit, souffrira tous les maux.

Devant le báton d'Antisthéne un illustre cynique Ne sut point autrefois se laisser terrifier Pour apprendre humaine science ; que fera donc celui 10 Fig. 1 > P. FONTANA, dessin préparatoire pourle Symb. 34 de Bocchi (12,4 X 9,4 cm), plume et lavis brun sur

Qui, de toute son àme, poursuit celle de Dieu de toute son àme ?

MéTRIQUE

Distiques élégiaques.

papier, Londres, British Museum.

5? N° d'inventaire : 1980-1-26-107. Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 17, n? 20. Voir également J. A. Gere, P. Pouncey, Artists working in Rome, c. 1540 to c. 1650, Londres, 1983, n. 104, p. 77 (Plate 97).

206

207

"Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d'Achille Bocchi (1555) - tome 2

célébre leur frugalité, leur pauvreté et leur endurance. Dans le méme passage, il loue en particulier la répartie de

NorES

Diogene de Sinope (412/103tit. carm.: DE CYNICO DIOGENE ET ANTISTHENE] On ne sait pas si

ne (ca 445-aprés 366 av. J.-C.); 324/321 av. J.-C.), peut-étre le fondateur de l'école cynique, fréquenta Antisthé Il existe dans les études actuelles disciple de Socrate à qui revient peut-étre réellement la création de cette école. et Diogéne, qui notent deux des tenants et des opposants d'une relation maitre-disciple entre Antisthene

dont l'une permettrait de rattacher tendances dans les sources de Diogéne Laérce pour sa Vie d'Antisthéne,

-Antisthéne-Diogéenel'école cynique à Socrate, puis les stoiciens aux cyniques, avec une succession Socrate

Cratés-Zénon^.

- v. 1: Pythio... trépied.

t le tripode] Allusion à l'oracle d'Apollon Pythien à Delphes, dont le symbole était justemen

ANALYSE

L'épigramme comprend deux moments principaux. de la Cité de Dans un premier temps (v. 1-4), Bocchi reprend, à la suite de Pétrarque (Sen., 15, 16), une citation étymologique, Dieu de saint Augustin (8, 1), dans laquelle le Pére de l'Église, sous la forme d'un syllogisme explique que si le philosophe est celui qui aime la sagesse, et que la sagesse s'identifie à Dieu, alors le véritable philosophe est aussi celui qui aime Dieu. Augustin rappelle un peu plus loin que Pythagore aurait inventé ce nom de « philosophe », qui désigne davantage une aspiration qu'un état, en jugeant trop présomptueux celui de « sage », qui ne peut s'appliquer qu'à Dieu*^^, Suivent

ensuite deux vers de transition

(5-6), dans lesquels Bocchi

déduit deux qualités

de l'amour:

Diogene à Antisthéne qu'évoque l'embléme, et ces lignes connaitront une grande postérité puisqu'elles seront ultérieurement citées par Vincent de Beauvais (Speculum historiale, 3, 69), Jean de Salisbury (Policraticus, 3, 17) ou encore Pierre Abélard ( Theologia Christiana, 3, 70). On sait également le prix qu'accorde Érasme à la vertu de Diogene", dans la perspective générale que, tout en maintenant une frontiere stricte entre le paien et le profane, la philosophie antique peut, sous certains aspects, préparer à la vie évangélique ou s'harmoniser avec elle. Dans l'Aduersus Iouinianum, saint Jéróme entendait réfuter, sur le témoignage méme des philosophes et des médecins

antiques,

trois

dogmes

fondamentaux

du

christianisme

remis

en

cause

par Jovinien

en

393,

l'observation du jeüne, les pratiques ascétiques et la virginité consacrée? . Mais ce n'est sans doute pas seulement la frugalité ou la tempérance dont fait preuve Diogene et que souligne le Pere de l'Église qui intéresse ici l'emblématiste : la chrie montre surtout que, pour recevoir l'enseignement philosophique, Diogene est prét à endurer de violentes souffrances physiques dont le dur báton d'Antisthéne est en quelque sorte l'instrument métonymique. Bocchi entend probablement appeler tous les partisans de la vie et de la discipline évangéliques à ne pas se laisser impressionner par les chátiments physiques qui leur sont imposés, mais, par amour pour la sagesse qu'ils servent, à les endurer en pensant que les sages antiques avaient déjà montré semblable vertu. Cet embléme doit donc étre rapproché de la figure de Mercure appelant au martyre dans le Symb. 143 et qui trouve dans les flammes non pas la mort mais la victoire puisque l'àme, de feu elle aussi, est enfin libérée du corps. Le martyre est une véritable mise à l'épreuve pour la foi comme amor Dei.

la

permanence (nullo... tempore... desinet) et la faculté d'endurer les souffrances (omnia dura feret). Pour illustrer cette propriété (v. 7-9), l'emblématiste se sert d'une chrie rapportée par la Vie de Diogéne dans Diogéne Laérce

(6, 21), par Élien (Histoires variées, 10, 16), ainsi que par Jéróme et Érasme (Apophtegmata, 3 ; pour toutes ces

références, voir apparat des sources). Cette chrie met en scéne Diogéne le Cynique se rendant auprés d'Antisthéne, prét à essuyer toutes les rebuffades, y compris les coups de báton*5, pour entendre la parole du maitre, jugeant que la dureté du bois n'est pas suffisante pour le dissuader de revenir. Épictéte avait fait des

coups de báton le principe méme de l'initiation philosophique (Diss., 3, 22, 56 ).

À la maniere de l'apologétique chrétienne qui, d' Augustin à Érasme, voit dans le paganisme une propédeutique à la vie évangélique, le poéme se conclut ouvertement (v. 9-10) sur un appel à remplacer mais surtout à dépasser les vertus antiques par les vertus chrétiennes, et donc à souffrir pour la sagesse que l'on veut servir. Comme l'a montré M.-O. Goulet-Cazé, le christianisme antique et le Moyen Áge oscillent entre éloge et blàme des cyniques, selon une attitude complexe et paradoxale qu'adopte également la Renaissance26, Saint Jéróme ne dissimule pas son admiration dans d'Aduersus Iouinianum (2, 14) pour Pythagore, Socrate et Antisthéne, et il 3 Voir la synthése de Voir M.-O. Goulet-Cazé, « Diogene de Sinope » dans R. Goulet (dir.), Dictionnaire des philosophes antiques, t. II, Paris,

1994, p. 812-820, en particulier p. 815 ; et Ead., « Antisthéne », ibid., t. I, 1989, p. 245-253, en particulier p. 247. 5* D, L,, 1, 12 (trad. R. Goulet dans Diogene Laérce, Vies et doctrines des philosophes illustres, éd. M.-O. Goulet-Cazé, Paris, 1999, p. 72): « Le

premier à avoir utilisé le nom de philosophie, et pour lui-méme, celui de philosophe, fut Pythagore [ ... ] car il considérait que nul homme n'est sage, si ce n'est Dieu. La philosophie était trop facilement appelée “ sagesse ” et “ sage ” celui qui en fait profession — celui qui aurait atteint la perfection dans la pointe de son áme -, alors qu'il n'est que philosophe ” celui qui chérit la sagesse ».Voir également CIC., Tusc., 5, 3, 8-9. 55 Sur cet attribut, symbole du philosophe avec la barbe, la besace et le pallium, voir P. Courcelle, « La figure du philosophe d'apres les écrivains latins de l'Antiquité », Journal des savants, 1/2, 1980, p. 85-101.

56 Pour le cynisme antique, voir M.-O. Goulet-Cazé, « Le cynisme à l'époque impériale », ANRW, 2.34.4, 1990, Berlin, 1990, p. 2070-2833; M.-O. Goulet-Cazé/R. Goulet (dir.), Le Cynisme ancien et ses prolongements, Actes du colloque international du CNRS

(Paris, 22-25 juillet

Fig. 1 > P. FONTANA, Dessin préparatoire pourle Symb. 36 (12,3 X 9,4 cm), Londres, British Museum.

au British Museum La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Prospero Fontana, conservé

de

Londres^? (Fig. 1), se divise en deux parties, à l'imitation du texte, et les deux tituli qui la surmontent soulignent à la fois la séparation entre les deux espaces (on passe de l'amator sapientiae àl'amator Dei) mais aussi l'analogie

1991), Paris, 1993. Pour la doxographie, voir L. Paquet, Les cyniques grecs. Fragments et témoignages, Presses de l'Université d'Ottawa, 1988".

Pour la relation entre christianisme antique et cynisme, voir G. Dorival, « L'image des cyniques chez les Péres grecs », dans M.-O. Goulet-

Cazé/R. Goulet (dir.), Le Cynisme ancien, p. 419-443 ; Id., « Cyniques et Chrétiens au temps des Péres grecs », dans M. Soétard/M. Spanneut (dir.), Valeurs dans le stoicisme. Du Portique à nos jours, Lille, 1993, p. 57-88; F. G. Downing, « Cynics and Early Christianity », dans

M.-O. Goulet-Cazé/R. Goulet (dir.), Le Cynisme ancien, p. 281-304 ; Id., Cynics and Christian Origins, Edimbourg, 1992 ; Id., Cynics, Paul and

the Pauline Churches, Londres/New York, 1998. Pour le Moyen Áge et la Renaissance, voir S. Matton, « Cynicism and Christianity from the

Middle Ages to the Renaissance » in R. Bracht Branham, M.-O. Goulet-Cazé (dir.) The Cynics. The cynic movement in Antiquity and its Legacy, Berkeley/Los Angeles/Londres, 1996, p. 241-264 et M. Clément, Le cynisme à la Renaissance d'Érasme à Montaigne, Geneve, 2005.

208

», p. 82-104, qui montre l'importance de “7 Voir M. Clément, Le cynisme à la Renaissance, ch. 4 : « Érasme et la pratique humaniste du cynisme la préface au Nouveau Testament de de encore ou a Apophtegmat des », Alcibiadis Sileni cette figure chez Érasme, qu'il s'agisse de l'adage « christique. vie la de modele un comme 1516, oà Diogene apparait au cóté de Socrate et Épictéte, aux IV-V' siécles, Rome, 2003. 5* Voir Y.-M. Duval, L'affaire Jovinien : d'une crise de la société romaine à une crise de la pensée chrétienne acquis en 1980 par le British Museum (Inv. 180-1-265? Vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, Catalogue Sotheby's, p. 20, n° 78, Rome, Londres, 1983, n° 105, p. 77 (plate 97). in Working Artists 108. VoirJ. A. Gere, Ph. Pouncey, Italian Drawings in the British Museum.

209

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

e la vie terrestre, on qui les relie (tous les deux sont préts à souffrir). Dans sa partie inférieure, qui représent assiste à la petite scéne entre Diogene et Antisthéne. Diogene, sous les traits d'un jeune homme, semble surgir

et cette course lui fait en courant de la gauche de l'image, une jambe pliée devant lui, l'autre tendue derriére,

, pencher le buste vers l'avant, décoiffe sa chevelure et gonfle l'étoffe de son manteau. Cette attitude précipitée une sur pose qu'il gauche main la qui traduit visuellement son désir d'aller vers Antisthéne, est contredite par stèle quadrangulaire qui restitue ses propos : « Frappe, si tu veux; tu ne trouveras rien d'assez dur pour me détourner de toi, pourvu que tu t'exprimes!». Ce geste d'immobilisation de la main, accompagné de l'inscription, transforme la course en attitude défensive de résistance, pratiquement de lutte. Le personnage montre ainsi qu'il ne bougera pas d'un pouce, malgré la massue levée qui s'approche de lui et qu'Antisthéne tient dressée. Le philosophe, sous les traits d'un homme plus àgé, vétu à la grecque et doté d'une barbe, surgit de la droite. Dans la partie supérieure, réservée à l'espace céleste, la gravure confirme de maniére éclatante le parallélisme entre doctrine antique et doctrine chrétienne, suggérée par le texte, mais avec la supériorité affirmée du christianisme. Dieu le Pére, portant un immense soleil, apparait sous les traits d'un vieillard barbu, debout sur les nuées, entouré d'angelots qui volent autour de lui. De part et d'autre de sa téte, on apercoit les denses hiérarchies de chérubins dont on ne voit que les visages. La figure divine observe la scéne qui se déroule à ses pieds et tend le doigt vers Antisthéne, en un geste qui appelle à convertir le spectacle en termes chrétiens.

L'ART RIVALISE D'HABILETÉ AVEC LA NATURE AUTANT QU'IL LE PEUT, VOIRE MÉME POURVU QUE NE MANQUENT NI L'EXPERIENCE NI L'APRE LABEUR

LA SURPASSE,

- Usage/Labeur

— Le Bien - Le Vrai

QUI POURRAIT PRENDRE LA MESURE D'UN OBJET SANS CONNAÍTRE LA MESURE DE LUI-MÉME

— L'Art. — Quilui a donné ce nom ? — C'est Areté.

5

Rien plus que la Vertu qui se connait n'accroit les forces Du génie. — Pourquoi préférer figurer l'homme ? —Pour pouvoir figurer le Tout, en le figurant seul. — Le compas à double branche, que veut-il dire ? — Le bras fixe tient le centre, l'autre décrit un cercle ;

Il cherche le Vrai, le premier trouve le Bien.

10

Sage au dedans, l'Art observe au dehors ; de ces deux fins, Habile, il est conscient ; docte, il les met en signes. — Quel sens ont le bucrane et les instruments aratoires

AEMVLATVR

VT POTEST]

Le terme aemulatur est synonyme ici

d'imitatur, comme le montre le vers 13, où il apparait selon la méme formulation empruntée à Aristote (Phys., 2, 2, 197217). Simplicius les associe d'ailleurs étroitement. Voir Simplicii Peripatetici acutissimi Commentaria in octos libros Aristotelis de Physico auditu [...] Lucillo Philaltheo interprete, Parisiis, apud Ioannem Roigny, 1544 (1543), II, f 931? : Nisi ergo hoc ita dixerit, quia ars supplet defectui naturae, hoc autem et priorem facere potest, uel

etiam tanquam aemula imitatrixque, « à moins qu'Aristote ne s'exprime ainsi parce que l'art supplée le défaut de la nature;

ceci peut méme

rendre l'art supérieur à la nature, voire méme

en faire une sorte d'émule

et

d'imitateur de la nature ».

— tit. carm. : ce titre se présente comme la réunion de la formule de Protagoras ( « l'homme est la mesure de

toutes choses » ) etle gnóthi sauton de Socrate.

-v.1: - On notera les phénoménes d'harmonie acoustique de ce vers, créés par la répétition des finales en -ulis (lucidulis ; oculis) et en -ui (uiuida ; uirgo). - uirgo] Ars en latin est féminin, à la différence du francais.

-v.10:

- animo aduertit] Méme sens que animaduertit ; sur cette forme, cf. VITR., 5, praef. s ; 8, 4, 1; PLIN., Nat., 17, 9, 3.

de conscience.

ANALYSE Cette épigramme dialogique se présente comme le décryptage d'une personnification d'Ars (l'Art), tenant un compas double à la main pour prendre les mesures d'un modéle humain réel qui, comme le montre la gravure, a été reproduit sur un haut-relief. Ce texte décline à la suite tout un ensemble de topoi propres aux débats spéculatifs sur l'Art qui agitent les théoriciens et les artistes à la Renaissance, mais que Bocchi organise et infléchit dans un sens qui lui e propre, non sans quelques contradictions d'ailleurs. La réflexion sur l'art avait déjà fait l'objet du Symb. 2, sur le propre portrait de Bocchi par Fontana, et celui du Symb. 24, sur le portrait de Francois I*'. Le poéme constitue une sorte de memento récapitulatif des points théoriques concernant la création

Sur l'image :

— Quelle est cette vierge pleine de vie, aux yeux brillants ?

NATVRAM

- callida, docta] Il s'agit clairement d'un hypallage : le terme callidus, qui désigne l'habileté manuelle de l'artiste lorsqu'il trace des formes, accompagne en réalité le sens de notat (« tracer des signes »), tandis que docta, qui désigne un savoir théorique et acquis, caractérise animo aduertit, qui désigne une opération intellectuelle de prise

Symb. 36 Gravure :

NOTES

-tit. pict.: ARS DOCTA

?

artistique (voir l'introduction générale).

Le v. 1 nous présente une personnification d'Ars sous les traits d'une uirgo, comme la Pallas qui peint Francois

ju

dans le Symb. 24. Cette vierge associe l'éclat de l'intelligence (d’où les yeux lumineux, lucidulis oculis) à l'énergie

vitale (uiuida). Bocchi transpose à l'allégorie elle-méme l'une des principales qualités de l'art qu'elle représente : le concept d'enargeia, qui désigne l'aptitude qu'a l'art (poétique, plastique ou rhétorique) de donner l'illusion convaincante de la réalité et de la vie, en mettant un objet sous le regard du spectateur ou de l'auditeur dans tout son éclat et sa clarté, mais aussi dans le mouvement qui caractérise la vie (energeia 9^. Approfondissant le portrait de cette allégorie de l'Art, le v.2 reprend un jeu étymologique fondé sur la

paronymie oü Ars, artis (ou arte en italien) est tiré de Ar( e)tè (pex), la vertu en grec. Le terme latin uirtus ne permettait pas cette dérivation

(pas plus que techné en grec), mais il apparait au vers suivant, avec un autre

que tout paronyme, uires (ingenii). Mais quelle est la nature exacte de cette uirtus, et comment peut-elle, plus autre, stimuler (excitat) les forces du talent (uires ingenii) ?

Attachés au trophée ? — Labeur ápre et constant.

L'Art dédalien imite, selon ses forces, la Nature

Et la vainc, pourvu qu'Expérience et Labeur l'aident.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques.

Le reflet des fleurs. Description et métalangage 59? Sur cette notion d'enargeia/euidentia, en particulier à la Renaissance, voir P. Galand-Hallyn, humanistes de l'évidence, Caen, 1995, en Poétiques l'éloquence. de yeux Les Ead., ; 1 ch. 1994, Genéve, poétique d'Homére à la Renaissance, (dir.), Dire l'évidence ( philosophie et rhétorique particulier 2* partie : « Poétiques humanistes de l'évidence ». Voir également C. Lévy, L. Pernot

antiques), Paris, 1997.

Tradmction, annotation. commentare — Livre il

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (15 55) - tome z

l'art peut venir compléter et perfectionner la nature, là oà elle se montre incapable ou impuissante^". Nous

1. Art et vertu : Platon ou Aristote?

La parenté ars/areté éveille des échos nettement aristotéliciensó! , oà areté renvoie à la disposition permanente et acquise qui permet aux artistes et artisans d'exercer leur art à la perfection. Toutefois, le terme conscia, « consciente d'elle-méme », qui est apposé au mot uirfus (v. 3), lui confére une portée beaucoup plus générale. La uirtus est ici la vertu socratique, c'est-à-dire la sagesse comme science de soi, qui repose non sur l'observation des phénoménes extérieurs mais sur le retour réflexif próné à travers le précepte nosce te ipsum^", repris par

verrons plus loin que le terme « nature » bascule progressivement de la notion de monde extérieur à celle de l'homme régi par une providence divine: on passe ainsi de la conception de la « nature » comme force sublunaire de génération universelle et de produit de cette génération, à celle, plus spécifique, de nature

Symb. 3 nous rappelait, sous la forme spéculaire de l'autoportrait, cette obligation éthique de l'introspection comme fondement de tout art, rhétorique ou pictural (voir nos analyses à ce symbolum). Il s'agit de prendre conscience de la part divine en soi qu'incarne le bon démon ou in-genium, « le génie à l'intérieur de soi » : ce génie désigne non seulement le talent naturel, résidu des influences astrologiques, mais aussi le tempérament défini par les humeurs, en particulier mélancoliques, et enfin l'enthousiasme (incarné par le démon et la présence du soleil et de la lune sur la gravure). Reconnaitre la part divine en soi, c'est aussi prendre conscience de la part humaine, celle qui est modelable et perfectible par le travail et l'apprentissage (incarnée par le pinceau, l'équerre et le compas dans la main de Socrate-artiste dans le Symb. 3). La uirtus est donc d'abord connaissance introspective : elle permet à l'artiste de découvrir, sinon le divin en lui, du moins la « vocation » naturelle à pratiquer un art Spécifique, et constitue une sorte de version atténuée du furor platonicien. Un texte autobiographique fondateur de Boccace, au quinziéme livre de la Généalogie des dieux, imitant un passage des Tristes d'Ovide (4, 10), évoque cet appel irrépressible et quasi religieux du tempérament poétique (et donc

antiques fame 19 et ce, de deux maniéres : soit en proposant à l'art une mission de sélection (elecfio) et de correction des formes naturelles (voir infra)*?, soit (et ce n'es pas exclusif de la premiére alternative) en lui

Érasme dans un adage (1, 6, 95) oü il en inventorie les sources antiques^'". Le Socrate-peintre de la gravure du

artistique) qu'il faut savoir écouter (me in hac uocatione uocatum )*'*. Il est donc naturel, comme le souligne le

texte emblématique du Symb. 36, que la uirtus « développe les forces du génie », puisque, véritable prise de conscience, acceptation de l'incontrólable et consentement à un talent natif, elle en promet le libre déploiement. 2. La nature dépassée

Or la définition de l'art comme uirtus introspective offre l'avantage supplémentaire de réactiver une conception topique déjà développée dans l'Antiquité et que rappelle le titulus de l'image de l’emblème : Ars docta naturam

aemulatur ut potest, quin uincit?^. Ce titulus, qui reprend en réalité la fin du poéme épigrammatique, pose l'hypothése que l'art humain ne se contente pas de rivaliser avec la nature, reproduisant plus ou moins bien ses

humaine, de composé perfectible de corps et d'esprit**. Mais si on l'applique à la « nature » comme force extérieure qui crée ou, du moins, fait subsister l'univers, il faut bien avouer que la conception de l'art comme amélioration met à mal la vision de l'art comme simple copie du réel que semblent restituer certaines anecdotes

superposant un principe idéal et supérieur de beauté, situé dans l'imagination méme de l'artiste. Dans cas, délaissant le seul spectacle de la nature, l'artiste peut se représenter des réalités invisibles ou inexistants, comme le rappellent Cicéron (Or., 7-10), Séneque (Epist, 65) ou Philostrate (VA, 6, travaille le regard rivé sur un concept intérieur, une « idée » (siBoc) qui posséde la perfection du platonicien tout en résidant —et c'est inconciliable avec les conceptions platoniciennes — dans

ce dernier des objets 19), car il paradigme l'esprit de

l'artiste. Associée au principe aristotélicien de la cause formelle, qui déclare qu'« est un produit de l'art tout ce

dont la forme réside dans l'àme^" », cette théorie antique de l'idée a, en outre, l'avantage de rencontrer les « pré-notions » stoiciennes, fruits immédiats et intuitifs des expériences universelles qui caractérisent le genre humain et qui pourront se développer ensuite par l'apprentissage et l'instruction^?. Une partie des humanistes de la Renaissance, sous l'influence de Plotin et du christianisme, infléchissent ensuite le statut de l'Idée. Ficin, par exemple, attribue à l'Idée le statut de substance, dont les objets terrestres ce sont qu'une copie et qui réside dans la pensée de Dieu et des anges. Mais l'àme individuelle porte elle aussi, inscrite en elle par l'esprit de Dieu avant méme son incarnation, cette impression de la substance idéale des choses, qui se réactive sous l'effet continu du rayon lumineux émanant de Dieu et qui parcourt l'univers tout entier. Cette lumiére lui permet d'éclairer les concepts inscrits en elle et de juger à travers eux les productions de la nature ^. Or, en rentrant en lui-méme pour se connaitre sur l'injonction de la uirtus, l'artiste ne peut manquer de découvrir cette idea parfaite qui sommeille dans son imagination, introduite là par une divinité et des démons bienveillants, une conjoncture

astrale favorable ou une intelligence prédisposée.

effets, en visant à la méme fin et en copiant ses objets (cf. v. 13 : Daedala Naturam pro uiribus Ars imitatur), mais

peut aussi la surpasser (cf. v. 14 : Et uincit)?'5. L'idée se fonde en partie sur la suggestion d'Aristote selon laquelle 5! Voir D.E.Orton,

R.Dean

Anderson

(éd.):

H.Lausberg,

Handbook

of Literary Rhetoric.

A

Foundation for Literary

Study,

Leyde/Boston/Cologne, 1998, p. 4, $7 : « hexis that meets the demands of perfection set by the art (technà) is called aret = uirtus. Cobblers, musicians, who are perfect in their ars have the uirtus of their ars ». *?? Voir notre analyse du Symb. 64. 53 Sur ce principe repris par le christianisme, voir notre analyse du Symb. 64

55 J. Lecointe, L Idéal et la différence. La perception de la personnalité littéraire à la Renaissance, Geneve, 1993, p. 247-269. Voir aussi P. GalandHallyn, F. Hallyn (dir.), Poétiques de la Renaissance. Le modile italien, le monde franco-bourguignon et leur héritage en France au XVI siécle, Genéve,

2001,p. 114-117. *5 Un topos antique trés présent à la Renaissance était de considérer au contraire la nature comme supérieur à l'art, dans la mesure oü la copie ne saurait égaler en valeur l'original. Voir E. W. Tayler, Nature and Art in Renaissance Literature, New York, 1964 ; K. Flasch, « Ars imitatur Naturam. Platonischer Naturbegriff und mittelalterliche Philosophie der Kunst», Parusia. Studien zur Philosophie Platons und zur

Problemgeschichte des Platonismus. Festrgabe für Johannes Hirschberger, Francfort, 1965, P. 265-306 ; A. J. Close, « Commonplace Theories of Art and Nature in Classical Antiquity », Journal of History of Ideas, 30/4, 1969, P- 467-486 ; Id. « Philosophical Theories of Art and Nature in Classical Antiquity », ibid., 32/2, 1971, p. 163-184; H. Mikkeli, « Art and Nature in the Renaissance Commentaries and Textbooks on Aristotle's Physics » in E. Kessler, I. Maclean (dir.), Res et uerba in der Renaissance, Wolfenbütteler Abhandlungen zur Renaissanceforschung, Band 21, Wiesbaden, 2002, p. 117-130 ; M.-A. Zagdoun, L'esthétique d' Aristote, Paris, 2011. *'^ Voir par exemple ARIST., Phys., 199a16. Le commentateur du texte d'Aristote du Vr' s., Simplicius, explique que, parallélement à sa fonction de reproduction imitative, il est des cas oü l'art (au sens de production technique) termine et accomplit des réalisations que la nature est

incapable de mener à bien, par exemple lorsque la médecine redonne la octos libros Aristotelis de Physico auditu [... ], Lucillo Philaltheo interprete, et naturae] communionem conuenientiamue indicat [Aristoteles] eo quod assequi efficereque posset, ceu medicina sanitatem et carnis restaurationem

santé. Voir par exemple Simplicii Peripatetici acutissimi Commentaria in Parisiis, apud Ioannem Roigny, 1544 (1543"), II, c. 93r : Quarum [= artis ars cooperatur naturae, suppeditando ea quae suis uiribus haud natura exhibet, quando haec agenda natura imbecilla est. Equidem ars imitatur

naturam pingendo formandoque multiplicium diuersorumque animalium effigies. Mais Simplicius note ensuite une incohérence de la part de

Porphyre : si l'art produit ce qui n'existe pas dans la nature, comment l'accuser d'étre inférieur à la nature ? Il se pourrait bien dans ce cas que

l'art soit supérieur à la nature. Voir ibid. - Sed quomodo dicit artem esse deteriorem natura, siquidem illa inquit artem perficere, quae natura operari agereque nequit? Nisi ergo hoc ita dixerit, quia ars supplet defecui maturae, hoc autem et priorem facere potes, uel ctiam tanquam aemula imitatrixque.

dans le domaine de 57 Phys. 199216 ; Pol., 13372 ; Part. anim., 687a-687b25. L'idée e& abondamment reprise à la Renaissance, en particulier

l'art, pour recommander la rédaction de manuel de principes, ou bien en matiére d'éducation.

5* Sur ce qu'est la natura au Moyen Áge et à la Renaissance, Voir E. R. Curtius, La littérature européenne et le Moyen Age latin, Paris, 1957 pour la

traduction francaise, p. 131-156: « La Déesse Nature » ; H. Busson, Le rationalisme dans la littérature francaise de la Renaissance - 1533-1601,

Paris, 1956, p. 461-468.

|

SEN., Contr., 10, 5, *5 La plus célébre est sans doute celle des raisins de Zeuxis que les oiseaux cherchaient à picorer (cf. PuN, Nat,, 55, 64 ; ps. 27). Pour d'autres exemples voir E. Panofsky, Idea. Contribution à l'hidoire du concept de l'ancienne théorie de l'art, Paris, 1983 pour la trad. francaise, p. 31.

Script. cens., 5* Ce sont d'autres célébres anecdotes sur Zeuxis, par exemple celle rapportée par Cicéron (Inu., 2, 1-3 ; voir aussi D. H., De priscis 0ü 214-215, n* 1985, Paris, Milliet, Recueil ancienne. peinture la de l'histoire à relatifs latins et grecs Textes Reinach, A. : (éd.) 1 ; voir A. Rouveret un constitue et Alberti, par repris e$ L'épisode d'Héléne. peinture une réaliser pour Crotone de filles jeunes belles plus des cinq Zeuxis choisit

Humanisme et Théorie de la peinture, lieu commun des recueils de théorie de la peinture aprés lui, comme le rappelle R. W. Lee, Vt pictura poesis.

et du décor XV-XVIf. siécles, Paris, 1991 pour la traduction francaise, p. 25. Il exi&e une variante de la méme anecdote à propos des Agrigentins 216). n* Milliet, Recueil Reinach, A. c£ ; 65 du temple de Junon Lacinia (PLIN, 55,

Apollonios », 5! Voir E. Panofsky, Idea, p. 17-25 et 61-90. Voir également E. Birmelin, « Die Kunsttheoretischen Gedanken in Philostrates 286-300. p. 1934. und Phantasia », Philologus, $9, ; B. Schweitzer, « Mimesis Philologus, 88, 1933,p. 149-180, p. 392-414 “ ARIST., Met., Z, 6, 7, 10322 14.

*5 Voir notre analyse du Symb. 127. p. 91-95. ** E. Panofsky, Idea, p. 70-75 ; A- Chastel, Marsile Ficin et l'art, Geneve, 1997,

213

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre II

3. L'artiste, un homme de bien doué : l'orateur et la rhétorique comme modeles artistiques

oratoire?', Car, pour Quintilien, la puissance et la qualité de la parole sont intrinséquement liées à celles de

Enfin, en plus d'étre une introspection, une véritable investigation scientifique intérieure qui permet à l'artiste de connaitre sa véritable natura et son ingenium et de lire l'idea inscrite dans son imagination, la notion de uirtus garde bien entendu le sens traditionnel de « science du bien » comme systéme de valeurs morales auxquelles on se conforme, et implique la présence de la bonitas. L'importance de la uirtus, qui donne à l'artiste sa stabilité, se manifeste dans la gravure du Symb. 3 par les cubes superposés qui servent de siége à Socrate, allusion à l'homo quadratus de SimonideS55, l'homme vertueux associé au tetragonos, au cube, c'est-à-dire à la forme de la terre, de l'univers et à la perfection du chiffre quatre, la tetraktys pythagoricienne. La relation entre art et vertu, que nous avons rencontrée également dans le Symb. 24, est une question trés présente dans les débats antiques sur la rhétorique, matrice conceptuelle et terminologique à la Renaissance des théories de l'art à travers le trés rabáché ut pictura poesis, qui doit se lire aussi sous la forme ut poesis pictura, et qui insiste sur la rhétorique de l'image". L'on s'interroge en particulier sur ce qui assure le caractére persuasif du discours, sa crédibilité et son efficacité, avant de transposer les conclusions à toutes les formes d'art plastique, concu comme un discours iconique :

l'éthos et à l'auctoritas de celui qui la profére. Quintilien avance tout un ensemble d'arguments pour montrer que l'homme méchant et vicieux ne peut pas devenir orateur : s'occuper de ses vices prend du temps, or l'orateur a besoin de tout son temps pour parfaire ses connaissances ; l'amour de la gloire est un plus puissant stimulant que la passion pour le vice; l'homme méchant ne peut développer des idées généreuses; plus généralement, le véritable orateur ne peut s'exprimer sur les valeurs morales qu'en les ayant éprouvées authentiquement soi-

suffit-il, comme le recommande Aristote, de construire, à partir de la doxa, l'apparence d'un éthos vertueux par la

motif des ciuiles quaestiones d' Hermagoras, puisera dans les trois parties de la philosophie (dialectique, physique, et surtout éthique), mais toujours dans la perspective romaine de l'administration des affaires publiques et non pas dans la retraite solitaire du contemplatif. Quintilien ajoute d'ailleurs le róle essentiel que joue l'imitation des exemples romains illustres pour faciliter l'acquisition des vertus fondamentales. Enfin, Quintilien, dans un autre

technique oratoire au sein méme de l'énoncé, ou bien la parole exige-t-elle, pour étre crédible et efficiente auprès de ceux qu'elle vise, d'étre le reflet de la moralité réelle de l'orateur ? L'idéal d'une transparence entre éthos et logos est affirmé par Isocrate qui affirme que la qualité du discours se fonde sur l'excellence vertueuse de celui qui le prononce et qu'elle manifeste? : les compétences morales (mais aussi intellectuelles) de l'orateur, qui le désignent comme véritable homme politique et assoient sa réputation, servent de caution à son éloquence, tandis qu'en retour la rhétorique, véritable philosóphia, lui sert à approfondir ces qualités intérieures. Relayée à Rome

par Cicéron??, mais aussi par les historiens Salluste, Tite-Live ou Tacite, en particulier dans leurs

préfaces, l'association forte posée par Isocrate entre ars et uirtus effectivement acquise trouvait à s'exprimer dans une formule célébre tirée des Apophtegmata catoniens, abondamment citée dans l'Antiquité, qui définit l'orateur accompli comme celui en qui s'associent capacité technique à l'éloquence et exigence éthique : uir bonus dicendi peritus?", Les deux premiers chapitres au livre 12 de l'Institution Oratoire de Quintilien sont dévolus à l'éclaircissement de cette notion et à l'exaltation de la bonitas comme primant l'apprentissage de la technique 95 Cité par Platon, Prot., 339b (voir aussi 344a) : 'Av8p' àyaBòy pev &AaOécc yevéoOat xalezóv,/ Xepotv xe kal xoci kai vóp verpáydwvov, ávev Vóyov/ vecxvyyévov, « il est vraiment difficile de devenir un homme de bien, un cube avec ses mains, ses pieds et son esprit, ouvrage sans défaut ». Pour d'autres références, voir A. Eberhardt, « Vir Bonus Quadrato Lapidi Comparatur », Harvard Theology Review, 38, 1945, p. 177193, en particulier p. 177, note 2. ‘ ApVL., Plat., 1, 7. Voir aussi ps. TIM. LOCR., 98c.

méme, sinon il sera incapable de convaincre, réfuter, consoler, exhorter ou appeler son public à des sentiments

nobles ; le méchant finit toujours par trahir ses noirs desseins ; la vertu confére au propos une gráce naturelle, méme en l'absence d'un savoir technique. Dans le cas avéré d'un mensonge, de la défense d'un coupable voire d'un crime de la part de l'orateur, on questionnera avant tout la qualité de ses intentions, qui, dans ce cas,

importent seule. Au chapitre 2, Quintilien récapitule la nécessité pour l'orateur de parfaire ses mores par la doctrina, insistant sur le fait que la nature, c'est-à-dire le tempérament inné, peut s'améliorer par l'instruction (adiuuari disciplina) : le rhéteur, comme le recommandait Cicéron dans l'Orator (3-12 et 118), reprenant le

développement fameux qui oppose èthos et pathos (6, 2)9?, rappelle que l'éthos, réel ou supposé tel (aut habeat aut habere

credatur)

de l'orateur, requiert un bonum

et comem

uirum, un « homme

bon

et chaleureux »,

s'exprime dans le style moyen et tempéré (en particulier de la comédie), par opposition au pathos, expression des émotions décuplées (colere, haine, crainte, jalousie, pitié), qui s'exprime dans le style élevé voire sublime

(en particulier de la tragédie). Comme le souligne Perrine Galand-Hallyn?*, l'exigence tempérée de l'éthos rencontre à la Renaissance l'idéal horatien de la mediocritas, qui associe la douceur à l'utilité et le travail au talent et à l'inspiration (voir infra). Le poéme emblématique suggere que l'artiste se double d'un homme de bien et d'un philosophe qui se connait lui-méme, tout comme le Socrate du Symb. 3 était un philosophe et un homme de bien qui se double d'un artiste (en l'occurrence, un peintre-poéte des mots, pour mieux accéder à l'Àme de ses auditeurs). La transparence isocratique entre logos et éthos trouve son équivalent dans la formule topique à la Renaissance, ogni pittore dipinge se : la peinture, comme le discours, est un révélateur de l'état moral de l'orateur

(voir nos analyses du Symb. 3). On se demandera alors ce que peut étre une « peinture vertueuse » : celle qui représente les vices sous un jour répugnant pour en détourner le spectateur ? Ou celle qui exalte la beauté des vertus de facon à susciter l'attachement ?

5" La bibliographie sur le sujet est immense. Nous avons consulté les études fondatrices de J. R. Spencer, « Vt rhetorica pictura. A Study in the

Quattrocento Theory of Painting », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 20, 1957, P. 26-44 ; R. Klein, « Pomponius Gauricus et son chapitre “ De la perspective ” (De Sculptura, 1504) » dans Id., La forme et l'intelligible, Paris, 1970, p. 237-277 ; M. Baxandall, Giotto and the Orators, Oxford, 1971, en part. le chapitre 1 ; G. Le Coat, The Rhetoric of the Arts, 1550-1650, Berne/Francfort, 1975 ; M. Barash, Theories of Art from Plato to Winckelmann, New York, 1985 ; F. Lecercle, La chimére de Zeuxis. Portrait poétique et portrait en France et en Italie à la Renaissance, Tübingen,

1989, p. 9-19; A. Blunt, La

Théorie

des arts en Italie,

1450-1600,

Paris,

1989 pour la trad. francaise ; J. Lichtenstein, La

couleur

éloquente. Rhétorique et peinture à l'áge classique, Paris, 1989 ; R. W. Lee, Vt pictura poesis, p. 6-19 ; E. Pommier, Théories du portraits, de la

Renaissance

aux

Lumiéres,

Paris,

1998. Sur l'influence sur Alberti de l'Institution

oratoire

de Quintilien, voir D. R. E. Wright,

« Alberti, De

Pictura : Its Literary Structure and Purpose », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 47, 1984, p. 52-71 ; M. Baxandall, Les humanistes à la découverte de la composition en peinture. 1340-1450, 95 Voir Antidosis, 255 : « Un discours vrai, fidéle à M. Müller, Talis oratio-qualis uita. Zur Theorie und P. 92-97 ; Ch. Guérin, Persona. L'élaboration d'une Paris, 2009, p.123-135.

Paris, 1989 pour la trad. frangaise. la loi et conforme à la justice est une image de l’àme bonne et digne de confiance ». Voir Praxis mimetischer Verfahren. in der griechisch-rómischen Literaturkritik, Heidelberg, 2004, notion rhétorique au 1” siecle av. J.-C., t. 1: Antécédents grecques et premiere rhétorique latine,

$? Voir Ch. Guérin, Persona, vol. 2 : Théorisation cicéronienne de la persona oratoire, Paris, 2011, et la rupture historique de 46 qu'il constate dans les valeurs qui séparent De Oratore de l'Orator, p. 338 sq. 5? SEN., Contr., 1, praef., 9 ; QVINT., 12, 1, 1, etc. Voir A. Michel, Les rapports de la rhétorique et de la philosophie chez. Cicéron : essai sur les fondements philosophiques de l'art de persuader, Louvain/Paris, 2003, p. 11-19 ; S. Aubert, « Stoicisme et romanité. L'orateur comme “ homme de bien habile à parler ” » dans Camenae, 1, janvier 2007, Philosophie, rhétorique et poétiques latines de l'Antiquité à la Renaissance, Actes du colloque des jeunes chercheurs de l'EA 4081 « Rome et ses Renaissances », Paris-Sorbonne, juin 2007, P. Galand/C. Lévy (éd.), p. 1-13 ([en ligne], sans pagination générale: «www.paris-sorbonne.fr/IMG/ pdf/ S.Aubert definiti. pdf»). S. Aubert souligne le fait que peritus, qui appartient à la méme famille qu'experíor, renvoie sans doute moins à une compétence technique et intellectuelle qu'un simple savoir-faire.

214

4. La vertu dans l'art : construire par le labor la science universelle

Parfaitement cohérent avec ce principe de réflexivité, le titulus du poéme, relayé par les vers 4 et 5, pose l'idée

que la figuration de l'homme fonde et préfigure la représentation de l'univers : cette conception s'appuie sur la conviction antique, implicite chez les pré-socratiques et Platon, puis explicite à partir de Philon d' Alexandrie? et dans le néoplatonisme??,

est un univers en

avant de devenir un topos à la Renaissance, que l'homme

réduction, un microcosme, qui trouve de multiples correspondances dans l'univers macrocosmique et se voit

Plato and 53: Voir M. Winterbottom, « Quintilian and the uir bonus », Journal of Roman Studies, 54, 1964, p. 90-97 ; A. Brinton, « Quintilian, naher dreier Geschichte Kleine Preudhome. bonus, Homo bonus, Vir « Welti, M. ; 167-184 p. 1983, 16, Rhetoric, and the uir bonus », Philosophy verwandter Begriffe », Archiv für Begriffsgeschichte, 38, 1995, p. 48-65 ; A. E. Walzer, « Quintilian's uir bonus and the Stoic Wise Man », Rhetoric Society Quarterly, 33, 2003, p. 25-41.

'

pt.

», dans F. Cornilliat, 5? Voir les analyses de P. Galand-Hallyn, « Le statut du sujet dans les théories de la représentation antiques et humanistes 37-32. p. 2000, Paris, rhétorique, sujet du R. Lockwood (dir.), Ethos et pathos. Le statut

$3 Ibid., p. 43.

72-74 et les analyses de 4 Voir par exemple Quis rer. diu, haer., 29-31, 146-157. Voir également De migr. Abr., 39, 220 et De Abr., 15-16, 16-19. p. 1922, York, New G. P. Congers, Theories of Macrocosmos and Microcosmos in the History of Philosophy,

1976. 635 J. Coulter, The Literary Microcosm : Theories of Interpretation of the Later Neoplatonists, Londres,

215

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

parcouru par tout un réseau d'analogies poético-philosophiques, voire d'influx médico-astrologiques$*6 qui le relie au monde d'en haut. Ainsi, en découvrant la divinité de l'áàme qu'il abrite à l'intérieur d'un corps mortel, comme Socrate le fait pour son bon démon, l'homme découvre par analogie que l'univers implique la présence d'un dieu qui crée, agence et régule le tout, ou d'une nature toute-puissante qui améne chaque créature à la vie. Dans la théorie de l'art à la Renaissance, par exemple chez Gaurico qui congoit le sculpteur comme « cataleptique », c'est-à-dire qui s'empare de tout, la correspondance entre microcosme et macrocosme est inversée (en représentant les formes de l'univers, on représente la forme humaine), et s'allie à la valorisation de

l'imagination :

qu'elle a de meilleur pour le recomposer, le débarrasser de ses imperfections et de sa pluralité éclatée, quitte à aboutir à une figure qui n'existe pas comme telle dans la réalité. Or, pour élaborer la beauté dans l'oeuvre et réaliser l'harmonie des couleurs et des proportions, l'artiste ne peut pas se fonder sur sa seule perception, ni sur sa seule subjectivité. Il a besoin d'étre « catalpetique » comme le disait Gaurico, c'est-à-dire qu'il ne pourra pas se passer du soutien des mathématiques, de la musique, de l'astronomie et des autres disciplines scientifiques, comme l'anatomie ou la physiognomonie. Adaptant l'idée sénéquienne et cicéronienne du modele intériorisé dans l'esprit humain, les artistes de la fin du xv? s. et du début du xvr* s. comme Alberti, Léonard de Vinci et,

jusqu'à un certain point, Dürer, tout en posant la beauté comme principe absolu, refusent désormais d'en faire

un concept inné ou inspiré mais au contraire une construction mentale progressive, fondée sur l'apprentissage et

En outre le sculpteur doit étre compréhensif (xavaAnzcikóv), c'est-à-dire embrasser et représenter les formes de tout ce qu'il concoit et veut exprimer. — Le sculpteur doit-il cependant comprendre dans son esprit les images de toutes les choses ? — Oui, de toutes. Mais de méme que la connaissance universelle est donnée au philosophe pour qu'il connaisse l'homme lui-méme, et au médecin la vertu des essences pour qu'il guérisse l'homme, et au juriste la science des lois et procés pour qu'il maintienne l'homme dans le devoir, de méme le sculpteur doit embrasser toutes les formes pour figurer l'homme, qui, comme son objet fondamental, doit orienter entiérement sa pensée

l'exercice des lois physico-mathématiques?? . L'idée intérieure n'est plus le pur produit de l'imagination, un concept porté par l'artiste en soi de toute éternité, mais un lent processus d'assimilation des structures invisibles

du réel, qui vont en retour faconner à leur tour l'esprit de l'artiste, de maniére à ce qu'il apprenne quasi mécaniquement à retrouver ces invariants mathématiques et harmoniques qui constituent la parfaite beauté au

sorte de dialectique et d'entrainement tout cicéroniens, oü la vertu conduit à la science et la science à la vertu. Introspection, connaissance d'un tempérament, contemplation d'un idéal et bonitas, la uirtus e$t donc également pour Bocchi science acquise au sens aristotélicien, qui recourt au labor et à l'usus ou experientia (cf. v. 14), la confrontation extérieure à l'ordre du réel (qui comprend donc également les ceuvres d'autrui) et que traduit le

cceur méme de l'expérience sensible, dans une sorte de dialectique sans cesse renouvelée. Il faudra attendre Benedetto Varchi, puis Anton Francesco Doni, au milieu du xvr^ siécle, pour que la notion de disegno renoue avec l'idéal cicéronien du concept intérieur à l'esprit de l'artiste ou dessein qui devient le principe spéculatif et métaphysique seul capable de nourrir le dessin°*°, Ces théories humanistes autour des arts plastiques qui mettent en valeur l'idée de pratique, d'apprentissage, d'effort et de culture rencontraient par ailleurs la táche de conceptualisation mise en place pour la poésie et la rhétorique par les commentateurs de la Renaissance. Perrine Galand-Hallyn a souligné le róle prépondérant joué par l'Építre aux Pisons d'Horace dans la pensée de la Renaissance, oü Horace se moque du génie enthousiaste célébré par Démocrite, véritable furor, pour insister au contraire sur la nécessité du labor comme adjuvant de la nature de l'artiste, c'est-à-dire du talent inné, et pour promouvoir une « conspiration amicale de l'art et du génie » : natura et ingenium, au sens de tempérament et de facultés naturelles et innées du poéte/rhéteur, sont livrés aux efforts propédeutiques de l'instruction et du travail diversements nommés ars, ratio praeceptio, doctrina. Le méme constat se trouvait chez Cicéron (voir apparat des sources), Quintilien (2, 19,

Francesco Colonna, déjà utilisé dans la gravure du Symb. 1, où il a aussi le sens de labor. Il montre également des instruments aratoires (agrestia arma), qui apparaissaient eux aussi chez Colonna et dans la gravure du Symb. 1, oü ils servent à dire l'utilitas : on ne s'étonnera donc pas qu'ils expriment ici la notion d'usus, qui repose lui aussi sur le verbe utor, « utiliser ». Elle évite à la conception socratique du retour sur soi mal compris de sombrer dans la philautia, l'amour de soi-méme, dénoncé à la Renaissance par Narcisse?*. Mais comment concilier sans contradiction ingenium vertueux et labor ? Comme nous l'avons rappelé plus haut, l'émulation de l'art avec la nature et la victoire sur cette derniere pouvaient se fonder sur la prise en compte de l'idea intérieure, mais surtout — et non sans contradiction — sur celle de l'electio : au nom du principe absolu de la beauté, on puise dans la nature elle-méme, en choisissant ce

innés, tout indispensables qu'ils soient, peuvent néanmoins se voir considérablement améliorés si vient s'y adjoindre l'ars ou fechné. Dans cette perspective, une mise au point terminologique s'impose, qui permettra de situer dans un contexte sémantique l'évocation par l'embléme de usus et labor. Les termes ars/techné désignent l'ensemble des régles (regulae ou praecepta) qui définissent une doctrina, et que l'on peut apprendre gràce à la disciplinat?. Mais cet apprentissage théorique, qui a pour résultat une scientia, ne peut devenir une facultas acquise qu'à la condition de se confronter à une pratique, l'exercitatio, c'est-à-dire des exercices répétés et des expériences (usus). L'exercitatio et l'usus peuvent d'ailleurs passer par l'imitatio, c'est-à-dire un entrainement à reproduire, non la nature (au sens oü les artistes plastiques reproduisent des formes), mais les ouvrages des Anciens et les productions des maitres. C'est pourquoi la Rhétorique à Hérennius (1, 3) de son cóté, pose les trois

et sa main. Les sculpteurs s'attachent cependant à composer satyres, hydres, chiméres et monstres qu'on n'a

jamais vus nulle part, comme s'ils n'avaient rien d'autre à faire^"".

Bocchi, nous l'avons dit, semble donc accorder à la uirtus un contenu éthique. Mais le sens de uirtus en est-il

pour autant épuisé ? On se souvient du célébre propos d'Alberti sur la nécessité pour le peintre non seulement

de l'excellence morale, mais aussi de l'érudition dans le De pictura de 1435 (3, 52) : cupio pictorem [ ... ] in primis

esse uirum et bonum et doctum bonarum artium, « Je veux que le peintre soit avant tout un homme de bien et

versé dans les arts libéraux ». Le balancement et... et, loin de distinguer réellement, introduit au contraire une

trophée d'armes (tropaeo) dans la main d'Ars (v. 11-12) : ce trophée montre le bucrane du Songe de Poliphile de

“’ Voir G. P. Congers, Theories of Macrocosmos and Microcosmos ; R. Allers, « Microcosmos from Anaximandros to Paracelsus » , Traditio, 2, 1944, p. 319-409 ; A. Olerud, L'idée de macrocosmos et de microcosmos dans le Timée de Platon, Upsala, 1951; F. Saxl, « Macrocosm and Microcosm in Medieval Pictures » in Id., Lectures, t. 1, Londres, 1957, P. 58-72 ; G. Boas, « Macrocosm and Microcosm » in Ph. Wiener (éd.), Dictionary of the History of Ideas, t. 3, New York, 1973, P. 126-131 ; M.- Th. d'Alverny, « L'homme comme symbole : le microcosme » in Simboli

et simbologia sull'Alto Medioevo, Spoléte,

1976, p. 124-195; J. Coulter, The Literary Microcosm ; J. Queron,

« Les avatars de l'homme

3) ou dans la Rhétorique à Herennius (cf. 3, 16, 28 ; 3, 22, 36). L'Antiquité avait déjà souligné combien les talents

piliers qui parachévent l'art oratoire : ars, imitatio, exercitatio, c'est-à-dire le respect des préceptes, le recours aux

figures reconnues qui suscitent l'admiration et la ferveur, et l'entrainement quotidien?

Parallélement, P. Galand a mis en relation certains propos de Quintilien (10, 7, 13-14 ; 6, 2, 28-30) et de Stace

(Silu., 1, praef), relayés et mis en pratique par Politien, qui invitaient l'orateur et le poéte à pratiquer l'improvisation et pour ce faire, à acquérir une extréme érudition, fondée sur la pratique incessante des textes et

microcosme de l'Antiquité à la Renaissance », Diotima Athinai, 8, 1980, p. 108-114 ; E. Cassirer, Individu et Cosmos dans la philosophie de la

Renaissance, Paris, 1983 ; L. Brisson, Le méme et l'autre dans la structure ontologique du Timée

de Platon, Sankt Augustin,

1994,

p. 415 :

« Comme le macrocosme, le microcosme a un corps et une àme. Une àme qui est un résidu de l'àme du monde. Et un corps qui, quoique formé à partir des mémes éléments que le corps du monde, est cependant soumis à la génération et à la corruption. Et comme le macrocosme, le

5? E. Panofsky, Idea, p. 80-82



5? E, Panofsky, ibid. ; E. Pommier, Théories du portrait, p. 139-140.

v



microcosme vit parce que son corps est animé par son áme dans le cadre d'une union qui cependant n'est ni donnée d'entrée de jeu ni

5! HOR, Ars., 408-411. Voir P. Galand-Hallyn, F. Hallyn (dir.), Poétiques de la Renaissance, p. 128-129 et J. Lecointe, L'idéal et la différence,

^? A. Chastel, R. Klein (éd.) : P. Gaurico, De sculptura (1504), Genéve, 1969, $9, p. 60-61.

Lausberg, Handbook of 5*' Sur ces termes et ceux qui vont suivre, ainsi que leurs sources antiques, voir D. E. Orton, R. Dean Anderson (éd.) : H. Literary Rhetoric. A Foundation for Literary Study, Leyde/Boston/Cologne, 1998, p. 3-4, $3-8.

pérenne ». 638

: " Voir J. Mesnard, « Sur le terme et la notion de

Genéve,

216

1984, p. 197-214.



n 2» £ ^ ; philautie ” », Mélanges sur la littérature de la Renaissance à la mémoire de V.-L. Saulnier,

p. 58-62.

,

‘3 VoireJ. Lecointe, L'idéal et la différence, p. 71-80.

217

"Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 $) - tome 2

sur une forme d'innutrition intelle&uelle. Ce bagage culturel, travaillé par de longues veilles et par la contrólé fréquentation des maítres, à la condition qu'il se combinát à un recours à la sensibilité, au déploiement des émotions et des visions de l'imagination, au choix habile de la circonstance opportune, permettait de susciter technique, mais un véritable calor subitus/calor rhetoricus, une sorte d'échauffement affectif et verbal, né de la

se offrant l'impression d'une véritable inspiration**^ dans les pratiques improvisées dont le genre de la silve et usus par réclamera à la Renaissance45. Bocchi fait donc sienne l'intime conviction que l'ars docta, appuyée labor, plus que par l'influx divin, ou en accord avec lui, produit des merveilles dont la nature est bien incapable. Dans

la gravure

du

Symb.3,

nous

avions

montré

combien

l'usus,

le labor

et le recours

aux

doctrines

mathématiques, symbolisées par le compas et l'équerre dans la main de Socrate, permettaient de construire le tableau elles aussi, et faisaient contre-poids au démon, vecteur des influences divines et astrales, de la bonté

morale et de la vocation naturelle, qui chuchote à l'oreille de Socrate. Ces deux sources d'inspiration s'équilibrent sans s'annuler. Nous avions toutefois émis l'hypothése que le poids de la technique était trés largement souligné dans la gravure, à tel point qu'il faut se demander si le bon démon socratique ne traduirait pas, plus qu'un influx divin, le kairos, cette inspiration ponctuelle qui nait de la rencontre heureuse mais conjoncurelle entre les circonstances extérieures, l'imagination affective et/ou la solidité d'une culture.

Or la complémentarité entre la uirtus comme bonitas et la uirtus comme scientia est exprimée symboliquement par un objet double, que le poéme met dans les mains d'Ars : le compas (circinus, cf. v. 6-10). Image en général des proportions (voir le Symb. 3 oü il apparait dans la main de Socrate), le compas dans la main d'Ars n'est pas étonnant et renvoie, comme l'équerre, aux mathématiques. Mais le compas e$t aussi un symbole de la géométrie

(voir la gravure du Symb. 146), science de l'arpentage terrestre, et par analogie, mesure de soi et instauration de

la vertu, comme le géométre au fronton de l'académie platonicienne (voir notre analyse du Symb. 102). Mais ici,

le sens du compas est plus précis. Le poéme insiste sur la présence complémentaire d'une branche fixe et d'une branche mobile qui décrit un cercle (v. 7 : Altera stans centrum pars, altera perficit orbem). La premiere représente

la découverte du Bien (v. 8 : inuenit illa Bonum), la seconde, la recherche du Vrai (Indagat Verum haec). Ainsi,

l'art ne s'occupe pas seulement de vertu, qui invite au retour sur soi de la conscience (intus sapit, v. 9), mais aussi de vérité, c'est-à-dire de science, en permettant à l'esprit de se déployer à l'extérieur et de faire l'expérience de l'altérité (inde foris speculatur). Mais ces deux fins (utrinque/ Finem, v. 9-10) se conditionnent mutuellement. La branche immobile constitue l'axe stable et le point de référence : c'est l'éthos accompli de l'artiste comme uir bonus. L'art en effet, ne peut débuter qu'au moment oü ce repére est parfaitement défini et acquis. C'est en fonction de lui que la branche mobile peut étre actionnée pour s'éloigner plus à l'extérieur, à la recherche du Vrai. Mais gráce à l'investigation du monde et par la mise à l'épreuve de l'expérience, la branche mobile peut s'éloigner pour tracer le « cercle » des connaissances, qui viendront à leur tour consolider le Bien, posant une complémentarité idéale entre l'éthos et la scientia, entre vertu et savoir comme l'indique le terme utrinque. Comme le veut la formule fameuse, ogni pittore dipinge se, l'éthos et la scientia de l'artiste se transportent dans l'oeuvre d'art sous la forme des signa qu'Ars trace. On se souvient que, dans le Symb. 3, le portrait de Socrate, pour éviter le risque de célébration de la philautie, prenait la forme d'une porte s'ouvrant sur le cóté du cadre, dans l'au-delà de l'image, à la fois pour porter le discours socratique à la rencontre d'autrui mais aussi pour inviter autrui à rentrer dans l'image et acquérir à son tour la faculté du discours critique. Le compas, comme le trophée d'armes, réapparaít dans la gravure du Symb. 36.

5. Les solutions théoriques de la gravure

La gravure nous présente une personnification d'Ars, exhibant des symboles et prise dans un scénario dynamique de création plastique, ici la sculpture, et non la peinture, abordée dans le Symb. 24. Ars apparait sous les traits d'une jeune femme vue de dos, dont on apercoit à peine le profil du visage, les cheveux relevés et organisés en tresses, vétue d'une tunique à l'antique. Elle s'appuie de la main gauche sur le trophée d'armes évoqué par le texte, qui repose sur le sol et exhibe un bucrane au sommet, et deux hoyaux en dessous, liés horizontalement à l'aide d'un ruban. À la base du trophée se découpe un cube sur lequel sont placés différents instruments de sculpture, burins, stylets et marteaux. Ars avance la jambe gauche, comme pour marcher, montrant ici qu'elle est prise dans un processus qui « avance ». De la main droite, elle tient un compas. On remarquera que le circínus n'a pas seulement deux branches, comme le suggère le texte, mais quatre, et qu'il n'a pas une branche fichée en terre, tandis que l'autre décrit un cercle, mais qu'il est placé horizontalement. Deux branches s'ouvrent et se ferment de part et d'autre d'un cercle métallique central qu'Ars agrippe de la main droite, de telle maniére que l'écartement du compas de gauche s'ouvre à la hauteur du visage de la jeune femme, dont il semble épouser les dimensions, tandis que l'autre compas fait de méme pour le visage d'un personnage situé à droite de l'image. Le compas à gauche recoit le nom de Bonum, celui de droite, Verum, comme le signalait

le texte, mais en l'appliquant à chacune des branches d'un seul compas. Le personnage masculin, le pied gauche posé sur un bloc de marbre, bras le long du corps, légérement écartés, adoptant le déhanchement classique du canon de Polycléte, fixe l'Ars. Il s'agit d'un modéle qui pose, comme le laisse supposer le bloc de marbre sculpté adossé au flanc de la montagne à l'arriére-plan, et qui reproduit les traits du jeune homme en haut-relief. Coupant l'image selon une diagonale qui descend de droite à gauche, une montagne rocheuse (probablement celle qui fournit les blocs de marbre, matériaux du travail du sculpteur qu'on apercoit au premier plan) sert d'austére toile de fond, se découpant sur un ciel quasi noir. On remarquera que la gravure de l'édition de 1555 (copie de celle du manuscrit Sloane) differe sur de nombreux éléments de celle de 1574 (Fig. 1-2 et tableau). Méme si la configuration générale est conservée, on notera que celle de 1555 se signale par une épaisseur supérieure des contours.

Que nous révéle la composition de l'image ? Qu'Vsus et Labor, qui ne sont pas dans le champ de vision d'Ars,

constituent cependant un appoint non négligeable et l'aident, par-derriére et comme inconsciemment, à tenir

l'équilibre. Le choix du compas à quatre branches, qui permet soit de reporter des figures à la méme échelle soit de les diminuer ou de les augmenter selon un rapport déterminé, se révéle particuliérement astucieux. Il sert en effet à traduire le processus complexe de la formation du concept mental qui présidera ensuite à la réalisation de l'oeuvre artistique. Il souligne également la difficile articulation entre l'éthos vertueux du sculpteur, fondé sur le bonum acquis dés le départ, et l'investigation a posteriori du réel qui, à travers l'experientia, cherche le uerum : ils se conditionnent mutuellement et les mesures prises par l'un sont reproduites par l'autre, dans une interférence perpétuelle que nous avons déjà rencontrée chez Alberti (voir supra). On notera que l'anneau qui articule le double compas constitue une sorte de centre optique de la gravure : il est le point oà convergent les regards, les pensées et sur lequel la main s'invite. Le spectacle du monde, percu à travers les lois mathématiques et jugé à l'aune de critéres moraux qui indiquent quels objets choisir, sert à construire patiemment un modele intérieur qui, à son tour, influera sur l'appréhension des formes extérieures.

Dans la gravure, les relations que suggére le compas double entre Ars et l'« objet » qu'elle doit imiter, l'étre

humain, monopolisent toute l'attention, si bien que la gravure ne traite pas du processus technique à proprement parler : comment s'effectue le passage du modéle extérieur et du concept mental qu'il suscite à son expression dans la pierre sous forme de sculpture ? Il n'en est rien dit. La gravure ne nous donne à voir que le résultat, la mise cóte à cóte du modeéle et de la sculpture (sous la forme d'un bas-relief), et qui semblerait

% (« p. ^5

Voir Voir P. Galand-Hallyn, Le reflet des fleurs: description et métalangage poétique d'Homére à la Renaissance, Geneve, 1994, p. 261-264 Improvisation et enthousiasme » chez Stace) et p. 498-502 (sur Politien) ; P. Galand-Hallyn, F. Hallyn (dir.), Poétiques de la Renaissance, 129-140. P. Galand-Hallyn, « Quelques coincidences (paradoxales ?) entre l'Epítre aux Pisons d'Horace et la poétique de la Silve (au début du

XVI siécle en France), Bibliotheque d'Humanisme et Renaissance, 60, n? 3 (1993), p. 609-639.

218

mimétique, si le titulus ne venait corriger cette impression : il faut supposer qu'il n'y pas seulement reproduction du méme et donc émulation entre art et nature, mais production d'un résultat plus parfait, et donc d'une victoire de l'art sur la nature : le labor qui choisit, sélectionne et élimine est passé par là, gommant les inévitables ratés du réel. Le compas, intermédiaire entre les formes vues et la pensée, incarne la doctrina mathématique et le substrat

éthique qui filtrent les passages de l'un à l'autre.

219

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Symb. 37 Gravure :

L'INCONSTANCE FÉMININE

CÉLÈBRE SENTENCE TIRÉE D'HOMÉRE

s

On sait bien les pensées que nourrit le coeur d'une femme Qui reprend un époux : elle veut, avec tout son zèle, Faire prospérer sa maison et l'aider largement. Elle oublie ses premiers enfants, gages de sa tendresse, Etson époux délié du doux devoir de l'existence ; Elle n'a qu'un seul souci, celui de son nouveau mari.

MÉTRIQUE

Hexametres dactyliques. ANALYSE Le point de départ de l'épigramme est une réflexion d'Homére sur le statut de la veuve qui se remarie. Athéna s'adresse à Télémaque venu à Sparte pour le presser de rentrer à Ithaque et le mettre en garde contre les prétendants entreprenants qui couvrent sa mére de cadeaux dans le but de l'épouser, en particulier Erymaque. Pénélope pourrait bien accepter, abandonnant son fils et son manoir. Elle pourrait méme, en partant, s$polier son fils d'une partie de ses biens, dont le droit stipule qu'elle doive les abandonner derriere elle en cas de remariage, pour se consacrer tout entiére à cette nouvelle union, comme le souligne Athéna qui insiste sur l'inconstance des femmes dans une maxime reprise par l'embléme :

Fig. 1-2 > Le Symbolum 36 dans les éditions de 1555 et 1574.

Nous proposons un petit tableau pour noter le jeu des différences : Éléments sur lesquels porte la différence socle à gauche avec instruments de sculpture Ars

1555 (et manuscrit Sloane) trois burins ; un piolet

- visage de profil dans la pénombre ; - nudité du corps soulignée sous le vétement ; — coiffure avec tresse sur l'arriére de la téte

1574 quatre burins ; un marteau -visage de profil trés distinct,

largement

tourné vers le spectateur ;

-vétement

pudique

qui ne moule pas les

formes ;

double compas personnage masculin debout à droite, jambe gauche sur une pierre ; personnage sculpté paysage de montagne à l'arriére

sol

trophée

large écartement du compas de gauche

écartement réduit du compas de gauche, dont

traits grossiers ; ressemblance floue

traits

les branches épousent plus précisément le visage d'Ars. fins

(cheveux

premier lit, l'époux de leur jeunesse ne comptent plus pour elles ; il est mort ! C'est l’oubli°*°.

La tentation est d'autant plus grande que le pére et les fréres de Pénélope eux-mémes la poussent à se remarier

— coiffure en torsade

accentuée

Tu sais le cceur des femmes : c'est toujours la maison de leur nouveau mari qu'elles veulent servir ; leur fils d'un

frisés);

ressemblance

- bloc rocheux à l'extréme gauche, séparé du reste de la - montagne d'un seul bloc montagne (le trophée passe dans la fracture) - sommets avec pics pointus - lignes courbes des sommets uniquement rocheux roches et touffes d'herbe clairsemées -petite dimension du bucrane; dessin grossier: | — bucrane imposant ; détails visibles légérement incliné — VSVS/LABOR apparaissent sur les uittae qui — pas d'inscription sur les bandelettes fixent les haches

(Od., 15, 16). Dans son avertissement, Athéna incite Télémaque à veiller lui-méme sur ses biens (Od., 15, 20 et 24-25 : « Prends garde ! à ton insu, si quelqu'un de tes biens sortait de ton logis. [ ... ] Rentre donc et sois là pour

confier tes biens à celle des servantes dont tu verras le zéle »). Pénélope elle-méme s'exprime sur le dilemme auquel elle est confrontée : C'est ainsi que mon cceur tiraillé se déchire: dois-je rester ici, auprés de mon enfant, tout garder en l'état, défendre mon avoir, mes femmes, ce manoir aux grands toits, ne songer qu'aux droits de mon époux, à l'estime du peuple ? ou dois-je faire un choix et suivre l'Achéen dont les présents sans fin viendront, en ce manoir, faire le

mieux sa cour ? Mon fils, tant qu'il était petit et sans calcul, m'empéchait de quitter, pour me remarier, ce toit de mon époux. Il est grand maintenant ; il entre à l’àge d'homme ; il désire ne plus me voir en ce manoir, oü ses biens 1 " ard 7 dévorés par tous ces gens l'irritent^".

Sous couvert d'une référence à Homere, l'épigramme dénonce en réalité une question juridique contemporaine cruciale : il s'agit de stigmatiser les agissements de la « mére cruelle », dont Christiane Klapisch-Zuber a montré qu'il s'agissait de la veuve encore jeune d'un premier mariage qui abandonne pour se remarier ses enfants, éléments

d'une filiation patrilinéaire, laissant leur éducation à leurs oncles paternels et les contraignant à

66 How. Od., 15, 20-23, trad. V. Bérard, t. II, Paris, 1974 [1924'], p. 197 ; Voir apparat des sources pour le texte grec. ‘7 HoM,, Od., 19, 524-531, trad. V. Bérard, t. III, Paris, 1987 [1924'], p. 89.

220

221

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

restituer la dot, souvent prise dans le patrimoine du défunt mari^*. Qualifiée d'« “ inconstante ”, “ légére ", * volage ", elle balance d'une famille à l'autre, " oublie " ses enfants et l'époux à peine enseveli pour chercher le plaisir dans le lit d'un second mari? ». Or ce remariage n'est pas simplement le fait de l'épouse elle-méme, et les qualificatifs dépréciatifs dont elle est stigmatisée dissimulent en réalité des pratiques sociales auxquelles elle ne peut échapper. Il s'agit souvent d'une pression générale de tout le groupe familial de la veuve, dans une société italienne qui concoit la femme solitaire comme une anomalie voire un péché. Le remariage, outre une nouvelle alliance et une capacité stratégique à l'exogamie, garantit l'honneur familial. Au contraire, la « bonne mére », véritable Pénélope, est présentée dans la littérature comme celle qui, refusant de céder aux objurgations de sa famille de naissance, accepte de rester auprés de ses enfants, pour leur assurer éducation et transmission du patrimoine, à l'instar d'un pére dont elle assume en partie les qualités viriles. ' —

1) un dessin inédit de Prospero Fontana conservé au British avec la gravure (Fig. 1). On apercoit les deux cótés de la rue et juste entre les épaules des nouveaux époux qui se tiennent par et le troisiéme est partiellement masqué par les deux autres ; le

Museum*?', qui présente de notables différences le point de fuite entre les deux diagonales se situe la main ; deux enfants font le geste de protection quadrillage s'explique peut-étre par l'intention de

reproduire les dessins sur paroi ;

2) une esquisse préparatoire de Bonasone lui-méme à la gravure de ce Symb. 37, réalisée à l'encre brune",

Symb. 38 Gravure :

——

C'EST POUR LA FOURMI, ET NON POUR EUX, QUE LES B(UFS SUPPORTENT L'ARAIRE

CONTRE CEUX QUI PROFITENT DU TRAVAIL D'AUTRUI Un beeuf labourait. Sur sa corne, on vit errer,

Un jour, une fourmi, déclarant labourer. Vous portez donc le joug, è bceufs, mais point pour vous. AUTRE VERSION Tandis qu'une fourmi erre sur la corne d'un boeuf,

On s'enquiert de ce qu'elle y fait : « Nous labourons ».

Fig. 1 > P. FONTANA, Dessin préparatoire pour le Symb. 37 (18,6 x 2,40 cm), sanguine et fusain, Londres, British Museum.

La gravure montre au premier plan un couple qui avance vers la droite de l'image. L'homme se dirige résolument dans cette direction et sa main pointe semble désigner un spectacle hors-champ qui a toute son attention. La femme, entrainée elle aussi vers la droite, tourne cependant la téte vers la gauche, avec une légère

torsion du haut du buste, et sa main droite brandit une badine qu'elle s'appréte à abattre sur un groupe de trois jeunes enfants qui, ainsi chassés, s'éloignent vers la gauche de l'image, tout en regardant vers la femme : le plus

proche d'elle tente tant bien que mal de se protéger des coups. Le travail sur les forces vectorielles est significatif : le mouvement du couple vers la droite de l'image représente l'avancée vers la nouvelle vie qui s'offre à eux, tandis que la retraite des enfants sur la gauche rappelle l'ancienne vie dont la veuve veut se débarrasser, y compris par la violence. Derriére la scéne, on apercoit un décor urbain, probablement le cóté gauche d'une rue

dans une ville italienne qui présente de hauts palazzi dont les fagades vont s'amenuisant selon les regles d'une

perspective trés appuyée qui donne l'illusion de la profondeur. Le palazzo du premier plan s'éléve sur une galerie découpée de grandes aracades, et des personnages sur le balcon du piano nobile semblent regarder la scene. Le couple est visiblement à un carrefour, lieu où les voies se divisent, comme les existences.

A. Lugli*? a repéré au moins deux antécédents de la gravure de Bonasone :

MÉTRIQUE Carm. 1 : trimétres iambiques ; le vers 2 est scazon ou choliambe (l'iambe final est remplacé par un spondée). Au vers 3, Bocchi choisi ici d'adapter le pentamétre dactylique de sa source au trimétre iambique (voir analyse). Carm. 2 : distique élégiaque. ANALYSE La fable, qui joue sur la rencontre improbable entre un animal imposant (un boeuf au labour) et un insecte

minuscule, la fourmi, met en scene l'idée de l'étre opportuniste et sans qualités réelles qui, par sa seule présence dans le méme espace où évoluent de plus puissants que lui, prétend retirer par contiguité un bénéfice de l'effort et de la peine d'autrui, dont il serait par lui-méme incapable. Pierre Martin nous renvoie à la fable 45 : « Musca et quadrigae », extraite des Fabulae centum de l'humaniste italien Gabriele Faerno, parues à Rome en 1563, et qui

tourne autour du méme motif. II s'agit en réalité d'une amplification d'une fable d'Abstemius (« De musca quae quadrigis insidens puluerem se excitasse dicebat », « Sur la mouche qui, assise sur un quadrige, prétendait qu'elle avait soulevé beaucoup de poussiére »), l'auteur d'un Hecatomythium, paru à Venise en 1495 et augmenté d'une seconde centurie en 1499. L'ensemble reparut en 1536 à Lyon chez Gryphe, avec la traduction des Fables

d'Ésope et d'autres fables rédigées par d'éminents humanistes, parmi lesquels il faut citer Érasme, Ange Politien, Pietro Crinito et Lorenzo Valla. L'apologue d'Abstemius sur la mouche se terminait par la conclusion suivante : Haec fabella ad eos spectat, qui cum ignaui sint, alienam tamen gloriam, suis magnificis uerbis in se transfere

648 La maison et le nom. Stratégies et rituels dans l'Italie de la Renaissance, Paris, 1990, p. 249-261, ch. 12 : « La “ mére cruelle ". Maternité, veuvage et dot ».

$9 Ibid., p. 259. 59 « Le “ Symbolicae Quaestiones ” di Achille Bocchi e la cultura dell'emblema in Emilia », in A. Emiliani (éd.), Le arti a Bologna e in Emilia dal 16 al 17 secolo, Bologne, 1982, p. 87-97, ici p. 88.

222

1983, 55! N° d'inventaire : 1956-2-11-17. VoirJ. A. Gere, Ph. Pouncey, Italian Drawings in the British Museum. Artists Working in Rome, Londres,

n° 112, p. 78 (plate 101). *9 Catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, p. 17, n° 21.

223

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

par leurs discours conantur5?,, « La fable s'applique à ceux qui, alors qu'ils sont paresseux, tentent toutefois, magnifiants, de s'attribuer la gloire d'autrui ».

Symb. 39 Gravure :

complétée par le choix d'une La &tru&ure rythmique du trimétre dans la premiere épigramme de l'embléme est ent. Le poéme piéce de trois vers, qui travaille sur le caractere narratif de la scéne oü les événements s'enchain 2 : la fourmi), v. ; boeufs les : 1 (v. réserve les deux premiers vers à présenter les deux groupes de protagonistes discours (arare se dixit), et, à travers la paronymie entre errare et arare, souligne l'audace de la fourmi qui, par le conclusion gnomique, réussit à aller contre l'évidence (uisa errare). L'épigramme s'achéve au v. 3 par une pour autrui sous la assumée par un narrateur (cf. le vocatif boues), qui énonce le paradoxe de ceux qui travaillent n'est pas celui qui forme d'un polyptote, doublé d'une négation (uos/non uobis) : le sujet actif au nominatif sentence. Il s'agit bénéficie du datif d'intérét. La pointe est assumée par l'ensemble du vers 3, à la fois citation et de Virgile du en effet d'un vers extrait d'une citation plus longue et que l'on attribue à Virgile, d'aprés la Vie

SYMBOLE DE LA RELIGION CHRÉTIENNE INTERLOCUTEURS : CHRISTOPHE, SON HÓTE, LA RELIGION.

Christophe : — Tu t'étonnes qu'Atlas ait soutenu les astres vagabonds ? Mais moi, Je portai tantót le maitre du monde et le monde en un monde. Son Hóte : — Pendant qu'il transportait celui qui fit le monde et le monde lui-méme, Dis-moi donc, je me le demande : où se tenait alors Christophe ?

aurait pseudo-Donat (Donatus auctus) qui circule à partir du xv* siécle5*, Un obscur poéte du nom de Bacillus e (Nocte ravi à Virgile la paternité de deux vers qu'il aurait fait inscrire sur la porte du palais impérial d'August

nuit mais les pluit tota, redeunt spectacula mane/ Diuisum imperium cum Ioue Caesar habet, « Il pleut toute la

en spectacles reprennent au matin : César partage avec Jupiter l'empire du monde » ). Virgile se serait vengé la inscrivant quatre fois l'énigmatique début de vers suivant : sic uos, non uobis. Pressé par Auguste d'en révéler signification, Virgile aurait ajouté, aux deux vers qu'on lui avait volés, le dactyle suivant, en forme de justification : Hos ego uersiculos feci, tulit alter honores (« C'est moi qui ai composé ces petits vers mais c'est un autre qui remporte les honneurs »). Puis il aurait complété ainsi les quatre vers tronqués, pour leur donner la forme de pentameétres, susceptibles de s'associer avec le dactyle précédent pour former autant de distiques possibles : Sic uos non uobis nidificatis aues/ Sic uos non uobis uellera fertis oues,/ Sic uos non uobis mellificatis apes/ Sic uos non uobis fertis aratra boues (« De méme, les nids par vous bátis, oiseaux, ne furent point pour vous ; / De méme, la toison de laine par vous portée, moutons, ne fut point pour vous ;/ De méme, le miel par vous produit,

abeilles, ne fut point pour fourmi joue, dans la fable Virgile. L'épisode est bien uobis comme devise sans

vous ;/ De méme, l'araire par vous portée, bceufs, ne fut point pour vous »). La bocchienne au caractere géorgique, le róle de l'obscur Bacillus et le boeuf, celui de connu à la Renaissance, et on retrouve par exemple la citation tronquée sic uos non corps d'Antonio da Leyva, capitaine général des milices impériales. Ce dernier,

gouverneur de Milan de 1525 à 1529, fut contraint de restituer à Francesco Sforza le duché de Milan qu'il avait

pourtant conquis^*,

Le monodistique binaire qui compose la seconde épigramme, variation sur la premiére, resserre encore la configuration précédente et rassemble la présentation des protagonistes dans l'hexamétre. Le comportement surprenant et paradoxal de la fourmi est souligné dans le pentamétre par l'intervention d'un interlocuteur inconnu (quidam) sous la forme d'une question (petit). C'est la réponse laconique de la fourmi à cette question (ait), à la fin du pentamétre, qui constitue la pointe : la fourmi, seule et inactive (elle se contente d'errer), répond au pluriel, avec un verbe d'action (aramus).

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana$55, est en elle-

méme peu explicite, en nous représentant un laboureur et son araire attelé de deux bceufs dans un paysage de guérets. Dans le coin inférieur gauche s'alignent les sillons correctement creusés. Pierre Martin nous fait

remarquer que le laboureur tente de stopper par sa houlette l'animal de gauche, et, par un geste autoritaire de la

main gauche, celui de droite. En effet, deux énormes fourmis, grossies pour des raisons de lisibilité, déambulent sur les cornes de l'animal de droite qui s'est libéré en partie du joug et dont l'échine tournée trahit la géne. Les fourmis parasites sont, de surcroit, contre-productives.

55 Lyon, 1532, n° 16, p. 214.

654 Voir la bibliographie dans G. Brugnoli, F. Stock (éds.), Vitae Vergilianae antiquae. Scriptores graeci et latini, Roma, 1997 p. XLV-LXII. Sur l'épisode, ibid., Vita Donati aucti, p. 111, 5-113, 2. ie M. L. Doglio (éd.) : Paolo Giovio, Dialogi dell'imprese militari e amorose, Rome, 1978, p. 55. 555 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 17, n? 22.

SCRUTER LES MYSTÉRES AVEC TROP DE SUBTILITÉ N'AMÉNE AUCUNE SAGESSE

s

LaReligion : — Cesse de t'étonner et, sur les mystéres du supréme Tonnant,

De débattre. Car cette voie n'est point sagesse, mais folie.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques que nous avons rendus par une alternance 18+ 16 syllabes. REMARQUE SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET SUR LES MANUSCRITS

distinctes, en Le manuscrit R montre que les quatre premiers vers résultent de la fusion de deux épigrammes relation avec une représentation de saint Christophe, probablement une peinture. NOTES

-v.1: fulserit]

Maria

Bianchelli Illuminati

(p.198)

traduit fulserit,

«a

soutenu»,

par « abbia fatto

« soutenir » et fulgeo, risplendere », par confusion probablement entre les deux parfaits paronymes de fulcio, « briller ». ANALYSE

39 doit étre également rapproché Variation sur le socratique Quae supra nos nihil ad nos (cf. Symb. 54), le Symb. pour percer, avec les seules du Symb. 98, car il propose, lui aussi, une condamnation sans ambiguité de tout effort

deux emblémes sont proches et forces humaines, les arcanes divins. Les tituli qui surmontent les gravures de ces quaerens curiosus perit (Symb. 98). explicites : quaerens nimis subtiliter arcana nil prorsus sapit (Symb. 39), arcana curiositas et à la subtilitas, Les deux formules s'attaquent d'emblée, dans des termes quasi identiques, à l'impia accorde une créance démesurée aux non de celui qui se penche sur les mystéres du monde en général, ou qui

(arcana quaerens) et qui se savoirs humains, mais sur celui qui scrute à l'aune de la raison les mystéres divins de (nil prorsus sapit) ou à la mort (perit). Le modéle est celui des deux épitres

condamne ainsi lui-méme à la folie topique sur la sagesse saint Paul aux Corinthiens: la premiere, qui reprend un théme vétéro-testamentaire la lettre de la loi, qui tue, à son esprit, qui humaine comme folie au regard de Dieu, et la seconde, qui oppose sont par essence insondables pour les vivifie (voir Symb. 130). La premiére épitre rappelle que les réalités divines altiora te ne quaesiueris, « ne va pas yeux humains^?". L'Ecclésiastique (ou Sirach, 2, 3 3) recommande en effet dans le De sui ipsius et multorum chercher des réalités qui te dépassent », conception que reprend Pétrarque 102-103) : « Ne cherche pas ce qui est trop ignorantia, 4, 10 (trad. J. Bertrand/Ch. Carraud, Grenoble, 2003, p.

scruter : pense toujours aux enseignements de Dieu haut pour toi, ne scrute pas ce que tu n'as pas la force de point nécessaire de voir ce qui t'a été caché » (Altiora ne te

sans étre trop curieux de Ses CEuvres ; il ne t'es

: « Le haut et le bas » et histoire, Paris, 2010 pour la trad. francaise (1986'), p. 97-112 57 Voir C. Ginzburg, Mythes, emblàmes, traces. Morphologie »). Century

Knowledge in the Sixteenth and Seventeenth (titre original : « High and Low: The Theme of Forbidden

225 224.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre II

quaesiueris, et fortiora ne te scrutatus sis ; sed que precepti Deus tibi, illa cogita semper, et in pluribus operibus eius ne

de la foi chrétienne et une connaissance d'un autre ordre, qui accorde une large place à l'éthique. L'invitation à

Dans le texte de l'embléme, Christophe se met en paralléle avec le héros Atlas (v. 1 : Miraris quód Atlas uaga fulserit astra ?), qui a aussi porté le ciel, pour montrer que son exploit n'a rien à envier aux prodiges de l'Antiquité paienne. L'exploit de Christophe s'énonce sur le mode énigmatique, comme le soulignent les polyptotes orbis, orbe, orbem : porter le héros du monde et le monde dans un monde. Comment comprendre cette étrange formule ? Comme son nom l'indique ( Christo-phorus, « celui qui porte le Christ »), Christophe a

suivre les praecepta rappelle l'évocation par Cicéron de la révolution socratique (cf. Tusc, 5, 4, 10, et la paraphrase dans le Symb. 127), ramenant la connaissance du ciel sur la terre pour en faire une science de

porté (tuli) le maitre le plus puissant (herum) qu'il ait connu, c'est-à-dire le Christ : le domaine oü regne le Christ est le monde (orbis), et, lors de sa passion, il supporte le péché universel c'est-à-dire le poids du monde

fueris curiosus;

non

est tibi necessarium

ea que abscondita

sunt uidere).

Ce scepticisme

face aux capacités

intelle&uelles de l'homme de comprendre le monde conqu par Dieu (scepticisme qui, dans l'embléme, n'est pas total puisque le titulus du Symb. 39 ne stigmatise que l’excès, nimis subtiliter), vise

à mieux définir la supériorité

l'homme intérieur. Nous retrouverons des variations autour de la formule sceptique de Socrate, scio me nihil scire, dans le Symb. 138. Cette invitation à se garder d'une trop grande confiance dans le savoir humain pour

tout entier. Mais, comme nous le confirme la gravure, le Christophe du dialogue prend peut-étre ausi dans un sens non métaphorique le fait que le Christ enfant exhibe comme signe de reconnaissance un globe miniature

dans la lettre 130, 15 de saint Augustin $55 à laquelle Nicolas de Cues doit le titre de son célebre et radical traité

(in orbe) l'univers (orbem) et le pouvoir spirituel: il a donc bien, comme le dit la légende, porté l'enfant et le

privilégier une approche affective de Dieu, voire « inspirée » par le souflle divin lui-méme, trouve ses racines De docta ignorantia (voir notre analyse du Symb. 130). Cette condamnation générale des savoirs humains au bénéfice d'une connaissance intérieure des préceptes du christianisme passe à la Renaissance par toute une série de relais, dont les plus célébres sont sans doute l'Encomium

Moriae

d'Érasme

de 1511, l'Examen

uanitatis

doctrinae gentium et ueritatis Christianae disciplinae paru en 1520 de Jean-Frangcois Pic de la Mirandole, ou encore le De uanitate scientiarum d'Agrippa de Nettesheim publié en 15305. Dans cette perspective, on notera que le terme arcana, répété deux fois dans les tituli, appartient au vocabulaire érasmien**?, Mais rentrons plus avant dans l'analyse de la piece. Le Symb. 39 propose, sous le titre de Christianae religionis symbolum, une sorte de bref dialogue à trois, entre saint Christophe, son « hóte » et la Religion, oü le dernier

mot revient à la religio, qui définit ici ses convictions. Le poéme Légende Dorée. Christophe le géant se met au service des princes le diable. Désireux de servir le Christ, plus puissant encore que passer sans relàche un fleuve à des pélerins, jusqu'au jour oü il traits d'un enfant. Le poéme bocchien s'inspire de l'épisode

a pour point de départ un célébre épisode de la les plus puissants de ce monde et finit par servir le diable, il suit les conseils d'un ermite et fait est jugé digne de transporter le Christ, sous les de la traversée de Christophe raconté dans le

chapitre que la Légende dorée de Jacques de Voragine consacre à ce saint (voir apparat des sources), et oü

Christophe est mis à l'épreuve (nous soulignons) : Christophe leva donc l'enfant sur ses épaules, prit son báton et entra dans le fleuve pour le traverser. Et voici que l'eau du fleuve se gonflait peu à peu, l'enfant lui pesait comme une masse de plomb ; il avangait et l'eau gonflait toujours, l'enfant écrasait de plus en plus les épaules de Christophe d'un poids intolérable, de sorte que celui-ci se trouvait dans de grandes angoisses et craignait de périr. Il échappa à grand-peine. Quand il eut franchi la riviére, il déposa l'enfant sur la rive et lui dit : « Enfant, tu m'as exposé à un grand danger, et tu m'as tant pesé que si j'avais

eu le monde entier sur moi, je ne sais si j'aurais eu plus lourd à porter. » L'enfant lui répondit : « Ne t'en étonne pas, Christophe, tu n'as pas eu seulement tout le monde sur toi, mais tu as porté sur les épaules celui qui a créé le monde :

car je suis le Christ ton roi, auquel tu as en cela rendu service ; et pour te prouver que je dis la vérité, quand tu seras repassé, enfonce ton báton en terre vis-à-vis de ta petite maison, et le matin tu verras qu'il aura fleuri et porté des fruits » 561.

de docte ignorance, dirais-je, mais docte selon l'esprit de Dieu qui vient assister notre infirmité ».

59? Pour un panorama d'ensemble de cette tradition sceptique à la Renaissance, voir N. Correard, « Rire et douter » : Lucianisme, scepticisme(s) et pré-histoire du roman européen (xv--xvir siecle), thése de doctorat de littérature générale et comparée, soutenue à l'Université Paris DiderotParis 7 sous la direction de Francoise Lavocat, le 6 décembre 2008, t. I, P- 69-498.Je remercie l'auteur de m'avoir communiqué sa thése.

5*9 C. H, Miller (éd.) : ÉRASME, Encomium mensuras,

motus,

moriae, 32 (ASD, IV. 3, p.i 10) : Porro religiosiores erant, quam

effectus, abditas rerum

causas scrutarentur,

nefas esse rati, si homo

ut impia curiositate arcana naturae,

mortalis ultra sortem suam

Praeterea dum arcana mysteria suo explicant arbitratu, qua ratione conditus ac digestus sit mundus...

sapere conaretur ; $3 :

a J.de VoRaGINE, La légende dorée, trad. J.-B. Roze, Paris, 1967, t. 2, p.9. Sur ce texte, voir B. Fleith, F. Morenzoni, De la sainteté à l'hagiographie. Genése et usage de la Légende dorée, Genéve, 2001 ; B. Fleith, Studien zur Überlieferung der lateinsicher Legenda aurea, Bruxelles, 1991 ; G. P. Maggioni, Ricerche sulla composizione e sulla trasmissione della « Legenda aurea », Spoléte, 1991 ; B. Dunn-Lardeau (dir.), Legenda aurea, sept siécles de diffusion, actes du colloque international sur la Legenda aurea, texte latin et branches vernaculaires, Montréal 11-12 mai 1983, Montréal/Paris, 1986 et Legenda aurea, La Légende dorée (xu-xv' s.). Actes du Congrés international de Perpignan (Nouvelles recherches sur la Legenda aurea), Ceres, 1993. Pour l'édition critique du texte, voir IACOPO DA VARAZZE, Legenda aurea, G. P. Maggioni (éd.), Florence, 1999.

226

monde dans un monde. L'hóte du futur saint (peut-étre un passager qu'il va faire traverser) intervient alors pour opposer à Christophe une autre énigme, sur le mode logique : si Christophe avait le Christ et le monde sur ses épaules, oi posait-il les pieds° ? Sous-entendu : puisque, comme l'a montré Archiméde, un solide ne peut se trouver en deux endroits

différents ? La formulation, qui joue elle aussi sur les polyptotes (mundi, mundum), répond aux termes du

géant. Le personnage de l'« hóte » joue le róle du tentateur qui raisonne et tente d'appréhender le mystére religieux par la voie de l'intelligence humaine raisonneuse. L'hóte (hospes) du texte s'appuie sur l'étymologie Christophorus mais dans un sens que l'on pourrait qualifier de matériel : celui qui porte le Christ pour l'aider à traverser le fleuve. Ce sens fait l'objet d'une devinette oiseuse, inspirée de la physique antique, à laquelle il n'est pas possible de répondre. Pierre Martin nous suggére un rapprochement avec la controverse sur l'Eucharistie, oà les catholiques doivent répondre aux attaques portées par leurs adversaires contre la Sainte Céne et la doctrine de la transubstantiation au nom de la logique : en invitant ses disciples à manger le pain et à boire le vin qu'il leur présente, devenus son corps et son sang, et en donnant lui-méme l'exemple, le Christ se porte lui-méme et

devient autophage^6.

La Religion s'interpose pour clore le débat et indiquer que la démarche et la direction (istuc) sont fallacieuses et relévent de la folie (desipere) : les subtilités dialectiques qui ne prennent pas en compte le symbolique et le métaphorique ne permettent pas de comprendre les mystéres spirituels. La Religion — et Bocchi à travers sa bouche — veut au contraire nous suggérer, sans le dire, que Christophorus doit étre pris au sens beaucoup plus spirituel de Christianus, dont il est en quelque sorte un renchérissement et une amplification, comme le rappellent Jacques de Voragine et Petrus Damianus : Beatus Christophorus, hoc est, Christum ferens. Christum scilicet ferebat in corde, Christum proferebat in uoces6. « Le bienheureux Christophe, c'est-à-dire celui qui porte le La Légende dorée, Paris, Sur la vie de saint Christophe, voir la notice au ch. 96 dans A. Boureau et M. Goullet (éd.) : JACQUES DE VORAGINE, eine Untersuchung zur Kultgeographie, Leipzig, 2004, p. 1304-1306 et H. F. Rosenfeld, Der heilige Christophorus, seine Verherung und seine Legende,

qui fascinait le Moyen Age, Genéve, 1937. Sur la question iconographique, voir B. Fleith et alii, La légende dorée de Jacques de Voragine, le livre

des Légendes dorées illustrées 1998 ; voir aussi D. Donnadieu-Rigaut, « La “ Légende dorée ” et ses images. Quelques jalons pour une histoire

555 Est ergo in nobis quaedam, ut ita dicam docta ignorantia sed docta spiritu dei, qui adiuuat infirmitatem nostram, « Il existe donc en nous une sorte

siderum

surmonté d'une croix (orbis), détail courant au XvI° siécle^*?, Ce globe représente ou contient symboliquement

(xur- xx* siécle) » dans A. Boureau et M. Goullet (éd.) : JACQUES DE VORAGINE, La Légende dorée, p. LVII-CXI ; Jahrhunderten. Ein entwicklungsgeschichtlicher 59 Voir E, K. Stahl, Die Legende vom heiligen Riesen Christophorus in der Graphik des 15. und 16. Versuch, Münich, t. I-II, 1920. ogie und Ich-Analyse de 1922 : Christophorus 63 On notera que Sigmund Freud cite le distique suivant au chapitre 4 de son Massenpsychol

Richter, « Der deutsche Christum, sed. Christus sustulit orbem :/ Constiterit pedibus dic ubi Christophorus? ll l'a emprunté à Konrad

S. Christoph », Acta Germanica, V, 1, Berlin, 1896.

d'appui hors de la terre pour pouvoir soulever la 55 Synésios de Cyrene (De Insomn., 4) rappelle le propos d'Archiméde qui demandait un point -— ». elle sur agir peux ne terre car, disait-il, « tant que je l'habite, je Église pour répondre à leurs l de Péres les par employés arguments des s. XVII" au et Renaissance la à 665 Sur ce débat antique et la postérité 85 /3, 2005, p. 365-400. adversaires, voir P. Martin, « Le Christ autophage », Revue d'histroire et de philosophie religieuse, Antike und Christentum, Stuttgart, 1954, t. II, für Reallexikon in » s 666 PETRVS DAMIANVS, PL 144, 681b, cité par A. Hermann, « Christophoru

(Monumenta P- 1243, qui renvoie également à un fragment d'une Passion carolingienne

Germaniae Poetica, 4, 2/3, 838, v. 349): Christophorum,

dans sa chair, tu le portes à ton tour dans ta poitrine ». qui Christi crucem in carne, ipsum fers in pectore. « Christophe, qui porta la croix du Christ dicebatur Reprobus, sed postmodum Christophorus cf. Iacobi Voragini Legenda aurea, éd. Graesse, ch. 100, p. 431 : Christophorus ante baptismum per traductionem, in corpore per macerationem, humeris in scilicet dictus est, quasi Christum ferens, eo scilicet, quod Christum quatuor modis portauit,

227

"Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

Symb. 40

Christ. En effet, il portait le Christ dans son cceur et il l'apportait en parole ». Petrus Damianus se livre à un jeu sémantique sur ferebat, « porter » et proferebat, « porter vers l'avant » d'oà « proclamer » L'évocation de

Gravure :

organe ou emplacement symbolique de la foi, et la bouche qui lui est soumise pour dévoiler ce qu'il contient. La réponse de la Religion fait écho à une formule célébre de saint Paul rappelant que la sagesse de Dieu est folie

Sur l'image :

IL EST AVEUGLE, CELUI QUI NE VOIT PAS LES RAYONS ÉMIS PAR LE SOLEIL DU BEAU

Christophe met en avant un double motif, que nous retrouverons dans le Symb. 130 de Bocchi : le coeur, comme

auprés des hommes et vice versa°7. Cette nécessité d'appréhender le divin sur un autre mode que l'intelleaif et

Les yeux sont les guides de l'amour

le rationnel alimente une position spirituelle familiére à la Renaissance^?. Cette attitude de deuotio moderna

invite, par l'intermédiaire de saint Augustin, de saint Thomas, de Nicolas de Cues et d'Érasme, à privilégier un

rapport plus « affectif », fondé sur la foi et permettant de sauvegarder la part ineffable et mystérieuse de la nature divine et de son rapport à l'humain. Car la Religio sert étymologiquement à « relier » l'humain et le divin. Dans cet esprit, l'épigramme de l'embléme joue avec un autre doublet célébre de Paul, l'opposition entre la lettre et l'espritf?. Bocchi oppose systématiquement une lecture littérale des signes avec leur interprétation spirituelle. Le passage de l'une à l'autre est permis justement par l'exégése allégorique. On mettra en paralléle les propos trés éclairants d'Érasme qui soulignent la dualité entre sagesse et folie et définit la vraie nature de la piété et de la religio, c'est-à-dire la nature du lien qui relie l'homme à Dieu : C'est évidemment la parole de Dieu qu'il ne faut pas chercher dans les hauteurs en escaladant les cieux, ni faire

venir de loin au-delà des mers, mais ce qui est proche de nous sur notre bouche et dans notre ceur. Cela, chacun doit l'apprendre à fond, tout le reste il est meilleur de le laisser à Dieu, et il est plus pieux d'adorer ce que nous ne connaissons pas que de chercher à pénétrer ce qui nous est inaccessible ^",

Par ailleurs, cette référence à saint Christophe fournit un indice précieux sur les convictions religieuses de Bocchi dans la mesure où Christophe, porteur du Christ ou figure légendaire de martyr?"', a un lien explicite avec le baptéme. Pour interpréter ce que signifie ici ce sacrement, il convient d'examiner le titre donné à l'épigramme par Bocchi : Symbolum Christianae religionis chez Bocchi. Symbolum désigne ici la figure de Christophe portant le Christ, véritable personnification du chrétien qui porte en lui le Christ. Il signifie probablement aussi la discussion-banquet oü chacun des inferlocutores apporte son écot et son interprétation (voir le Symb. 1). Mais il convient sans doute de prendre le mot symbolum dans le sens que lui donnent les spirituali : toute cérémonie religieuse n'a de sens que comme figuration matérielle et symbolique d'une réalité spirituelle et non comme son accomplissement. L'histoire de Christophe ne justifie ainsi en rien les manifestations particuliéres de dévotion que le monde catholique peut lui vouer: elle ne mérite l'intérét que comme symbolum, comme allégorie du baptisé qui recoit en lui le Christ aprés avoir été sollicité et mis à l'épreuve par lui, et non par une décision

arbitraire humaine, ou une cérémonie imposée et accomplie de l'extérieur. La gravure nous montre sur la gauche Christophe habillé de haillons, appuyé sur son báton, les pieds dans la riviére, au moment oii il accoste en portant l'enfant et son globe. Il est accueilli par un personnage richement

vétu qui exhibe un rosaire et incarne l'hospes du texte (peut-étre un prélat), celui qui accueille Christophe en raisonnant, les mains encombrées par un objet de piété au lieu d'écouter la religion du cceur.

in mente per deuotionem, in ore per confessionem siue praedicationem, « Christophe était appelé Réprouvé avant son baptéme mais regut ensuite le nom de Christophe, pour ainsi dire « portant le Christ », pour cette raison préciément qu'il souleva le Christ de quatre maniéres : sur ses épasien par la traversée, dans son corps par la macération, dans son àme par la dévotion, dans sa bouche par la confession ou la prédication ». ' VVLG, 1 Cor. 1, 19 et 3, 18, repris par Érasme, Enchiridion, 3 (Holborn, P. 38-40). > 4 : ^ VoirJ. Chomarat, Grammaire; et rhétorique chez Érasme, Paris,i 1981, t. 1, P. 31-51; A. Godin, « Pia/impia curiositas » dansJ. Céard (dir.), La

668

curiosité à la Renaissance, 1986, p. 25-36.

$9 VyLG, 2, Cor., 3, 6. : i C ; ÉRASME, Le Libre Arbitre, trad. J. Chomarat dans ÉRASME, CEuvres choisies, Paris, 1991, p. 837-838 (nous soulignons). : ; e &

67i

La tradition de Christophe-martyr, qui remonte au it siécle, fait de lui un cynocéphale mangeur d'hommes nommé Reprobus qui, par la gráce de Dieu u du baptéme, recoit forme et langage humains avant de s'engager dans une activité missionnaire (oà prend place l'épisode

aaronesque du báton refleuri) et de recevoir la couronne des martyrs. VoirA. Hermann, « Christophorus », p. 1242-1243.

228

À ANDRÉ ALCIAT, LE MEILLEUR DES AMIS IL EST PRIVÉ DE LUMIÉRE, CELUI QUI IGNORE LA CAUSE DE L'AMOUR DU BEAU

Pourquoi donc les hommes sont-ils possédés par l'amour Du Beau ? C'est ce qu'un jour l'éminent Aristote Se vit demander. « Question d'aveugles ! », répondit-il. Avec raison, car, en amour, les yeux sont guides.

5 Pourquoi l'amour de ta vertu me posséde-t-il tant ? Qui le demandera sera, pour moi, aveugle.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. NoTES

- tit. epigr. :

-AD ANDREAM ALCIATVM|] C'e& lors du séjour d'Alciat à Bologne, entre 1511 et 1514 (années durant lesquelles il suit, entre autres, les cours de Carlo Ruini, auquel Bocchi dédie le Symb. 146), que Bocchi a fait la connaissance du jeune humaniste et lui adresse ce poéme de compliments qui rappelle les éloges d'un liber amicorum. Bocchi est depuis 1508 lecteur de grec au Studio.

- PVLCHRI ... CAVSSAM AMORIS] La formule, que nous comprenons comme « la raison de l'amour du Beau » (à cause des v. 1-2 : rerum... amore/ Pulchrarum, «l'amour des belles choses ») pourrait aussi se traduire par : « la cause d'un bel amour » ; ou encore : «la cause de l'amour pour un homme beau ». Pulcher pouvant étre un neutre ou un masculin, il peut renvoyer autant à une notion qu'à une personne. Le méme phénoméne se produit dans le titulus de la gravure (PVLCHRI... LVMINA SOLIS). Toutes ces ambiguités sont

voulues et font osciller le lecteur entre le registre de l'élégie latine et celui du poéme philosophique, où viennent se méler références platoniciennes et citation aristotélicienne (voir analyse). - v. 1-2 : rerum... amore/ Pulchrarum] Bocchi joue de l'ambiguité de la citation attribuée à Aristote par Diogene Laérce. En effet, en grec, l'expression toig kaAoic peut aussi bien étre un qu'un neutre (« les belles choses »). Bocchi prépare ainsi le motif du uirtutis - v.4 : oculi... duces] La citation gnomique de Properce (2, 15, 12) s'insére l'embléme gráce au motif de la caecitas. En effet, au vers précédent (2, 15, 11

masculin (« les beaux hommes ») amor (v. 5). dans le contexte de l'épigramme de ), Properce affirme que non iuuat in

caeco Venerem corrumpere motu, « qu'il ne lui plait guére de gácher son plaisir en tátonnant à l'aveuglette » : l'expression, suivie d'exemples sur la nudité d'Héléne quand elle est apparue à Páris ou celle d'Endymion quand Diane s'éprit de lui, semble signifier que les plaisirs amoureux s'accordent mal de l'obstacle des vétements et Properce invite l'aimée à se dévétir promptement. ANALYSE Bocchi célebre son ami Alciat dans une épigramme encomiastique qui semble répondre aux débats contemporains sur le Beau et l'Amour, leurs relations avec la Vertu, le sensible et l'intelligible. Mais Bocchi s'amuse surtout à tromper les attentes de son lecteur.

229

Traduction, annotation, commentaire - Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Le vocabulaire de la vue (caecus, cernit) employé dans l'épigramme, relayé par des références à la lumiere et au soleil (lumina solis) et à l'amour du Beau (amoris pulchri), rappelle l'expérience de l'intelligible chez Platon et les platoniciens. Or, là oü l'on attendrait le Platon du Banquet et du Phédre ou le Ficin du De Amore, qui rappellent que l'amour des beaux corps incite non seulement au désir charnel mais aussi et surtout à celui de contempler les

Symb. 41 Gravure :

LA MESURE DE LA VERTU N'EST PAS LA MÉME QUE CELLE DES RICHESSES

réalités incorporelles, comme l’àme ou Dieu (2, 7), Bocchi utilise de maniére inattendue une citation d'Aristote

rapportée par Diogene Laérce (voir apparat des sources), trés laconique, et s'inscrit ainsi dans une tendance identique à celle du De Pulchro et Amore d'Agostino Nifo, qui veut traiter ces questions d'un point de vue

SYMBOLE TIRÉ DE PLATON

aristotélicien plus que platonicien*", À tous ceux qui s'interrogent sur la source (caussam) et l'instrument (qua ratione) qui permettent aux belles choses de susciter l'attachement humain

(amore), Aristote rétorque qu'ils

posent une question d'aveugles, estimant que la beauté, comme la lumiére, est une évidence qui s'impose aux sens et au cceur. Il se voit relayé par le narrateur (Et bené, v. 4), qui explicite cette réponse gràce un aphorisme de Properce (voir apparat des sources) : c'est par les yeux (oculi) que tout passe, car la beauté est d'abord une expérience

sensible. La citation malicieuse de Properce,

empruntée

à un contexte

ouvertement

érotique,

s'accorde bien avec le propos d'Aristote puisqu'elle implique que les yeux et la vue sont ici des facultés exclusivement organiques. Ici, bien sár, il ne s'agit pas pour Bocchi de célébrer la beauté physique d'un amant mais d'évoquer, selon les mémes

critéres d'évidence et de rayonnement de la beauté extérieure, la beauté

intérieure d'un ami que l'on admire : les vertus et qualités d'Alciat sont si manifestes et éblouissantes qu'elles transparaissent à l'extérieur comme des qualités physiques (par l'attitude, l'action ou l'éloquence), se laissent donc facilement appréhender par la vue et suscitent l'attachement immédiat. La pointe ingénieuse de cette épigramme « apophatique » est toute trouvée : gráce à Aristote et à Properce, il devient inutile de répondre à la question de la cause ou de décrire les qualités en question, il suffit d'inviter le lecteur à réaliser l'expérience, en l'accusant de cécité mentale si elle n'a pas réussi. Et de garder la piéce poétique dans les limites de la briéveté allusive que lui impose le genre. Bocchi étant plus ágé que Alciat, cette rhétorique épidictique trés appuyée fonctionne là encore sur la subversion d'un motif platonicien. Inversant le rapport d'áge entre le Socrate et l'Alcibiade platoniciens, le disciple Bocchi insiste sur la beauté intérieure de son jeune maitre, qui lui servira de guide initiatique. Le manuscrit S avait initialement placé le titulus du texte au-dessus de la gravure, soulignant la parenté avec la devise, avant de se repentir (voir l'apparat critique). Toutefois, la gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana^^, fonctionne moins comme une véritable devise avec le titulus qui la surmonte que comme son illustration redondante et une mise en scéne maladroite de l'aphorisme

empruntée à l'épigramme de Properce, et relégué dans le coin inférieur droit sous la forme d'une inscription sur pierre. On apercoit deux personnages sur l'image. Celui de droite, appuyé sur un báton, les yeux fermés, le dos tourné à la lumiére, incarne le caecus vilipendé par Aristote, celui qui ne fait pas usage de ses yeux pour regarder

la beauté et ne peut donc pas comprendre instantanément pourquoi elle ne peut que susciter l'amour. C'est

aussi celui qui ne pourra pas éprouver l'amour puisque, comme l'énonce la citation de Properce sous ses pieds, « Les yeux sont guides en amour ». Face à lui, sur la gauche de l'image, le personnage d'Aristote tente de traduire sous forme de gestes le contenu de sa pensée : les deux doigts de sa main droite désignent les yeux clos de son compagnon pour signaler leur cécité, tandis que l'index de sa main gauche pointe vers le haut et vers l'immense soleil doté d'un visage aux yeux grands ouverts qui jette ses rayons dans la partie supérieure de

l'image : c'est le soleil de l'évidence, celui qui éclaire tout et permet de tout comprendre.

s

Richesses et Vertu sont comparables à deux poids Dans une balance, l'un pesant plus que l'autre. Car lorsque l'opinion donne plus de poids aux richesses, Sa folie fait plus haut s'élever la Vertu. Mais plusla Raison sage apprécie l'auguste Vertu, Moins elle voue d'estime à l'endroit des richesses.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. ANALYSE Dans cette épigramme trés structurée sur la valeur relative de la vertu et des richesses (v. 1-2), Bocchi emprunte à la République de Platon (8, 550e) une comparaison (cf. ueluti, v. 1) fondée sur l'image dynamique des poids inégaux répartis sur une balance et qui empéchent l'équilibre des plateaux : En effet, la richesse ne différe-t-elle pas de la vertu en ce que, placées chacune sur le plateau d'une balance, elles

vont toujours dans un sens opposé ? [... ] Par conséquent, si la richesse et les riches sont honorés dans une cité, la vertu et les hommes de bien y obtiennent de moindres honneurs.

Dans l'épigramme emblématique, le réseau métaphorique et les marques syntaxiques de comparaison rappellent l'esprit des paraboles érasmiennes. Il s'agit de rendre, de maniére imagée, gráce au mouvement mécanique de la balance qui en résulte, les relations de proportions inversées qu'entretiennent entre eux les deux objets, l'un concret (diuitiae), l'autre abstrait (uirtus) : quand l'un monte, s'allége et « perd du poids » c'est-à-dire de l'importance, l'autre s'alourdit, descend et gagne en valeur. Les corrélatifs de proportion structurent l'articulation des distiques suivants en se partageant entre l'hexamétre et le pentamétre : pendit pluris/... eleuat magis, V. 3-4; quo magis...

/ Tanto...

minus, v. 5-6). La parabole se complexifie avec l'intervention dés le

troisieme vers de deux personnifications, lune négative (l'Opinio, qualifiée d'insipiens, «folle », « déraisonnable » ), l'autre positive (la Ratio, qualifiée de sapiens, « sage », « prudente »). Chacune tient une balance oà les poids sont répartis selon une configuration opposée à celle de l'autre : dans les mains d'Opinio, les richesses sont en bas et pésent davantage, la Vertu en haut a moins de poids ; dans les mains de Ratio, le rapport s'inverse, avec la Vertu en bas et les richesses en haut. Les deux cas de figure se trouvent donc représentés dans cette sorte d'expérience scientifique compléte. On notera que l'image de la balance et de la pesée des vertus et des biens est reprise dans les Tusculanes, mais que son invention est alors liée au philosophe péripatéticien

Critolaüs**,

les biens relatifs à l'Àme, dans 674 Cic., Tusc., 5, 51 : « À présent, je me demande quelle force a la balance de Critolaus, qui place dans un plateau la terre et dans les mers. » l'autre, les biens du corps et les biens extérieurs et qui pense que le premier plateau pése si lourd qu'il s'enfonce dans

de notre passage : Dans son édition (voir CICÉRON, Tusculanes, Paris, 1960, t. II, p. 131 ), J. Humbert propose la traduction suivante pour la fin

IER : : de Laurence Boulégue à son édition du texte (Agostino Nifo, De Pulchro et Amore I. De Pulchro liber, Paris, 72 Vo)lr la trés: belle introduction 2003). 55 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n° 7 (renvoyant par erreur au Symb. LX).

230

entendre que la « le premier [7 plateau] l'emporte tellement que la terre et les mers ne rétabliraient pas l'équilibre ». Cette interprétation laisse

voudrait dire que le terre et les mers viendraient prendre place, elles aussi, sur la balance. On comprend alors mal le terme de deprimere qui

avec ce que Cicéron veut plateau sur lequel elles sont placées penche vers le bas et leur donne donc la supériorité, ce qui est contradictoire Nous montrer, le poids de la raison, qui implique que ce soit elle qui occupe le plateau du bas.

nous rangeons

donc à l'avis d' E. Bréhier,

231

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

L'incompatibilité entre Vertu et richesses, c'est-à-dire entre Vertu et Fortune (les richesses font partie des biens extérieurs qu'apporte la Fortune) est topique à la Renaissance et souvent mise en scene symboliquement à travers l'antagonisme du cube, symbole de constance et de stabilité, et de la sphére, symbole de labilité et de

mutabilité?5, Elle es relayée dans l'embléme par l'opposition entre la Raison et l'Opinion, la Sagesse et la Folie. L'idée est d'origine stoicienne, mais avec les retouches que lui apportent les Tusculanes de Cicéron : miser sur la fortune revient à détróner la raison de son pouvoir, en reconnaissant que des facteurs extérieurs à elle peuvent intervenir dans l'élaboration d'un état heureux pour l'homme". Or, par un syllogisme cohérent, ne peut étre appelé bonum que ce dont on peut garantir la possession inaliénable^". La fortune au sens large — c'est-à-dire les biens du corps comme la santé ou la beauté, les biens extérieurs, comme la richesse, le pouvoir ou la gloire — ne peut donc y participer car l'homme n'a aucun contróle sur elle*, C'était déjà le propos des Symbola 14 (l'apophtegme du marchand et du Lacédémonien),

30-31

(Marcus

Curius et Caius Fabricius refusant l'or

samnite). L'image de la balance est reprise par Bocchi dans la devise qu'il propose pour un certain Bergonzi au Symb. 108 : la balance oppose sur ses plateaux le cube de la vertu à la boule de la fortune et cette pesée constitue l'étape intermédiaire d'eligere, « donner sa préférence à », qui se situe entre la connaissance (cognoscere) et l'action sans hésitation (maturare). Si le texte de Bocchi attribue à la balance le mouvement physique correct qu'on attend d'elle (lorsque les richesses pésent plus lourd et ont plus de valeur, c'est la vertu qui monte dans la balance, puisque tenue en moindre estime : Diuitias etenim cum pendit opinio pluris/ Virtutem insipiens eleuat illa magis), la gravure au contraire, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana? (Fig. 1)

semble curieusement incohérente, puisque lourd) est celui qui occupe paradoxalement une logique visuelle du « sommet » qui est Pierre Martin nous fait remarquer que ce

l'objet choisi comme ayant le plus de valeur (et donc, qui pése le plus le plateau le plus haut. Plutót qu'une logique pysique des poids, c'est ici privilégiée : on place au plus haut ce qu'on estime le plus. n'est pas le cas dans la gravure de l'embléme « Vertu meilleure que

richesse » tiré de l'Hécatomgraphie de Gilles Corrozet (Paris, D. Janot, 1540, f"Oiv^) : une allégorie (peut-étre

une Fortune, vu la curieuse méche qui se noue en haut de son front) tient une balance oü les symboles de la Richesse (couronne et sceptre), de moindre poids, occupent le plateau en l'air, tandis que le symbole de la Vertu, une palme pése plus lourd et occupe le plateau qui s'abaisse (Fig. 2).

Les sloiciens, Paris, 1962, p. 379, qui pense que deprimere a le sens de « creuser » et qui rend compte avec cohérence de l'idée qu'aucune balance n'est adaptée au poids de la vertu. Voir aussi De Finibus, V, 91-92 : [ ...] uirtutis autem amplitudinem quasi in altera libre lance ponere [audebo].

Terram, mihi crede, ea lanx et maria deprimet. « [J'oserai] placer la vertu dans toute son ampleur sur l'un des plateaux d'une balance. Et, croismoi, ce plateau s'enfoncera dans la terre et la mer. » 55 Sur les origines de cette image, voir A. Doren, « Fortuna im Mittelalter und in der Renaissance », dans Vortráge der Bibliotek Warburg, 1922-

1923, G. Kirchner, Fortuna in Dichtung und Emblematik der Barock, Stuttgart, 1970, et L. Galactéros de Boissier, « Images emblématiques de la

fortune, éléments d'une typologie » dans Y. Giraud, L'emblàme à la Renaissance, Paris, 1982, p. 79-127. La Tabula Cebetis place Paideia sur un cube et Tyché sur une boule. Voir PLVT., Defect. Orac., 34 ; CEBES, Tab., 7, 15 18, 3.

676 CIC., Tusc. 3, 37 : « Car si la Vertu se trouvait dépendre d'un lien qui lui soit extérieur, au lieu de trouver en elle-méme son origine et sa fin et

d'embrasser des éléments qui lui appartiennent en propre, sans recourir à rien d'étranger, je ne comprends pas pourquoi elle doit, de toute évidence, étre célébrée si chaudement dans nos discours et recherchée avec tant de force dans nos actes. »

57 CIC., Tusc.,

5, 40 : « Que manque-t-il en effet pour vivre heureux à celui qui peut compter totalement sur ses biens ? Inversement, s'il ne peut

compter sur eux, comment peut-il étre heureux. [... ] Qui pourrait d'ailleurs compter sur la santé du corps ou la stabilité de son sort ? Or, en

l'absence d'un bien stable, fixe et permanent, il n'existe pas de bonheur possible. »

5* Cicéron, réfutant la distinction d' Antiochus, s'inscrit radicalement contre la conception aristotélicienne telle qu'il la présente en Tusc. 5, 47 qui veut faire intervenir dans la définition de la félicité la considération des biens corporels et extérieurs : la présence ou l'absence de ces biens détermine la différence entre vie heureuse et vie parfaitement heureuse. D'autre part, la position stoicienne est, pour Cicéron, arguties de langage et la théorie des precipua ou producta (xponyyuéva), les « préférables », est un moyen déguisé d'accorder une place aux choses extérieures dans la définition du bonheur et de dissimuler que leur théorie n'est au fond que la pále reprise de la pensée des Antiqui. « Mais les Stoiciens appellent "préférables" et "avantages" ce que les Péripatéticiens nomment "biens". Les premiers s'expriment, il est vrai, en ces termes,

Fig. 1 » P. FONTANA, Dessin préparatoire pour le Symb. 41, plume, lavis brun, craie noire (12,5 X 9,5 cm), cadre au crayon et lavis brun, avecle numéro 33 au verso, collection privée.

Fig. 2 > G. CORROZET, Hécatomgraphie, Paris, D. Janot, 1540,

fOiv? : « Vertu meilleure que richesse » © Glasgow University Library.

Sur l'image de Bonasone, les deux figures féminines évoquées par le texte tiennent chacune une balance. Celle de gauche, l'Opinio insipiens du texte, est représentée ici sous les traits d'une caeca Fortuna, assise sur une boule, symbole de son inconstance et de son mouvement perpétuel, avec les yeux bandés, puisqu'elle attribue à chacun sans regarder ses mérites. Dans la balance qu'elle tient, les richesses sont sur le plateau le plus haut (allégorie avec une corne d'abondance), la Virtus prenant place sur le plateau déprimé. On constatera que la Virtus est incarnée par une Pallas casquée tenant une boule d'or, comme dans le Symb. 42. Il s'agit probablement d'une référence à la pomme d'or que Páris a offert à Vénus, mais qui, dans les mains de Pallas, signifie la suprématie recouvrée de la déesse de la raison. La seconde figure à droite de l'image incarne, par opposition, la Ratio sapiens, les pieds sur la terre ferme : dans sa balance, la Vertu occupe le plateau plus élevé. Le dysfonctionnement mécanique des balances évoqué plus haut, qui veut que la valeur choisie occupe la place supérieure au lieu de peser vers le bas, peut s'expliquer sans doute également par la présence explicite de la Fortune derriere la représentation d'Opinio. L'ombre de Fortuna contamine implicitement le symbole de la balance avec son attribut traditionnel, la roue de Némésis, qui éléve les élus et abaisse les réprouvés. Or, sur la

roue de la Fortune, à l'inverse de la balance choisie par Bonasone et Bocchi, ce qui vaut le plus est au sommet de

la roue, tandis que ce qui est d'une valeur moindre vient prendre place, en revanche, tout en bas.

mais ils ne disent pas que ces biens déterminent totalement le bonheur, alors que les seconds pensent que, sans ces biens, il ne peut y avoir de

vie heureuse ou, si elle l'est déjà, de vie parfaitement heureuse. Nous voulons au contraire que la vie soit heureuse sans eux [...] ». Voir

également la critique terminologique du De Finibus, s, 9o.

“” Voirle catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n° 8.

232

233

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

NorES

Symb. 42 Gravure :

— dedic. carm : Octavio Farnesio] Cet embléme est dédié à Ottavio Farnese (1521-1586). La qualité de duc que lui reconnait le titulus (et de Parme en particulier, comme le montre une premiere version dans le manuscrit) et l'allusion explicite à la mort de Paul III (v. 13) améne à situer l'embléme autour de 1547. À cette date, en effet,

LA GLOIRE EST L'OMBRE DE LA VERTU

Ottavio Farnése, petit-fils du pape Paul III et frére d'Alexandre et Ranuccio Farnése, est proclamé par la population successeur de Pier-Luigi Farnése, son pere, assassiné lors d'une conspiration aristocratique. Il est

À L'EXCELLENT ET TRÉS ILLUSTRE DUC OTTAVIO FARNÈSE

alors fait duc de Parme et de Plaisance, possession constituée par Paul III dés 1545. Ce duché suscite bien des

convoitises, notamment

Ta Vertu retentit, sans rivale, tout comme un clair

Ferdinand I* de Gonzague (Don Ferrante Gonzaga), gouverneur de Milan, dés l'année 1547. Le pape Paul III,

Écho : les gens de bien ne sauraient la manquer. Vois, derriere elle, les trophées, la couronne espérés, Présents dorés qu'offre la divine Justice. $

désireux de mettre à la place de son petit-fils une personnalité plus apte à défendre le territoire (Parme en particulier), malgré le plébiscite populaire dont Ottavio avait bénéficié, envoie comme légat Camillo Orsini pour gouverner la ville. Aprés le retour du duché dans le giron des possessions papales, Paul III offre en compensation le duché de Camerino à Ottavio, qui le refuse. Aprés avoir vainement tenté de reconquérir militairement ses

La Gloire escorte la Vertu, comme l’ombre le corps, Bien réelle ; mais vaine, si elle court devant.

possessions, Ottavio Farnése négocie avec Ferdinand de Gonzague. Son frere, Alexandre Farnése, obtient une

Le fou nous signifie le peuple stupide et obscur. C'est un sot qui, sans penser, précéde Pallas.

10

bulle de Paul III pour exiger d'Orsini qu'il se retire de Parme, ce que le légat refuse, suite au décés de Paul III. Enfin, c'est le nouveau pape, Jules III (Giovanni Maria Del Monte), qui restitue en 1550 la ville à Ottavio, oü le

Il rallie tous les insensés d'un éventail de plumes ;

jeune homme fait une entrée triomphale. L'embléme a probablement été rédigé dés

Bougeant les jambes, il fait tinter ses grelots. Oui, son tapage vain capte la faveur populaire. La Gloire qui suit la Vertu est bien réelle.

autographe de Bocchi

M'avait chargé de te rappeler ces préceptes.

Tu mérites donc bien cette supréme Gloire.

à Amaseo (voir Annexe), datant de novembre 1547, nous raconte la visite du jeune duc

— v. 6-7 : on notera le jeu sur les paronymes, entre solida (« réelle », « concréte ») et stolidum (« stupide »,

« niais »). En prenant la téte du cortége, la Gloire gagnerait un -t- mais perdrait en valeur puisqu'elle devient inanis, « vaine », comme le peuple qui la confére et qu'incarne le fou.

REMARQUES SUR LES MANUSCRITS ET L'ÉDITION DU TEXTE Le manuscrit S présente la trace de nombreux remaniements (par exemple les vers 7-12 déplacés aprés le vers 6 des éditions de 1555 et 1574) et de nombreuses corrections successives (voir apparat critique). Quelques points sont à souligner plus particuliérement : — tit. pict. : Virtutis umbra gloria] Le manuscrit S porte une autre lecon (Vt umbra corporis comes, uirtutis est sic gloria), corrigée par la suite. La correction permet le passage d'une comparaison corrélée (ut... sic), suivant la maniére d'une parabole érasmienne, à une métaphore cicéronienne, et donc à un énoncé beaucoup plus concis

et imagé. La genése du titulus initial est claire : il s'agit de l'adaptation du vers 5 (Gloria uirtutis comes est, ut

corporis umbra), trans$posé ensuite au-dessus de la gravure qui en assure une illustration partielle. -v.7: Morio significat solidum] La distinction des strates temporelles de correction se laissent assez bien déterminer sur le manuscrit S: d'abord Morio quid signat, qui induisait une proposition interrogative ; puis Morio enim signat, qui supprime l'interrogation et enfin Morio significat. — v. 12 : Gloria, Virtutem quae sequitur, solida est] La premiére version de ce passage dans le manuscrit S était : Germana et uera en Gloria quae sequitur qui est devenue Virtutem uera en Gloria quae sequitur et enfin Talem haec uirtutem Gloria quae sequitur. - v. 14: Mandata haec dederat commemoranda] Là encore, plusieurs corrections successives sont discernables dans ce pentamétre sur le manuscrit S : d'abord Mandarat nobis haec memoranda ; puis Haec mihi mandarat (il y

a un -m- minuscule sous le -M- majuscule) commemoranda. L'ajout du préfixe com- permet de marquer la mandarat;

penthémimére aprés dederat.

234

de gratitude. En effet, une lettre

rappeler les recommandations de son aieul de ne se plier qu'à la Virtus.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques.

aprés

témoignage

l'embléme à l'aura popularis : par deux fois (1547 et 1550), elle acclame le jeune duc, invité par l'embléme à se

Puisque, de toutes tes forces, tu t'en es acquitté,

penthémimére

1547, comme

au palais de l'Académie et son intérét pour les entreprises de l'emblématiste. Mais il est possible que l'embléme soit plus tardif et n'ait été congu qu'en 1550. C'est dans ce contexte tourmenté et incertain, oü la fortune se retourne en faveur ou au détriment des uns et des autres, qu'il faudrait alors transposer les allusions de

Paul, troisiéme du nom, pendant qu'il était de ce monde, 15

celle de Charles Quint, qui d'ailleurs fait occuper Plaisance par son lieutenant

lultime

version

était Mandata

haec

dederat

commemoranda,

avec

une

ANALYSE Dans cet embléme, comme dans les Symb. 16 (à Camillo Orsini, sur la vertu du général), 33 (sur le temple d'Honos et Virtus), 91 (sur Socrate et la bonne réputation), 99 (à Giovanni Battista Egnazio sur le crocodile), et 141 (consolation à Paul III), Bocchi se livre à une réflexion sur les relations entre la gloire et la vertu, véritable

leitmotiv des Tusculanes de Cicéron. Si l'honestum est le 1£Aoc unique que se fixe le sage, la recherche de la vertu a suffisamment de séductions pour constituer en elle-méme un motif de fierté et de gloire. L'attrait de la gloire supérieure, c'est-à-dire l'éclat intrinséque que recéle en elle une àme qui se conforme à la raison et à la uirtus, táche que lui impose la nature, s'oppose en tout point à l'ambitio, véritable passion qui guette les princes s'ils recherchent la gloire indépendamment de leur valeur intérieure. Ce goát de l'honos contribue d'ailleurs à stimuler la contentio de l’àme. Ce qui relégue la gloire populaire au rang des indifférents (à&tágopa), ces choses qui ne concernent pas la réalisation du souverain bien, mais que l'on peut préférer (praeposita), si elles sont agréables au vu des tendances naturelles de l'homme, ou que l'on peut rejeter, si elles sont désagréables selon les

mémes critéres9??, On se souvient que, dans le Symb.33, l'accés à la cella d'Honos était Strictement conditionné par le

est franchissement du vestibule de Virtus. La nécessité philosophique (d'abord la Vertu, ensuite l'Honneur) et franchir matérialisée par la contrainte architecturale : pour pénétrer au cceur d'un bátiment, il faut y accéder

l'entrée. L'idée de préséance impérative entre les deux valeurs se trouve déclinée ici sur un autre mode : pour Bocchi montrer que la Vertu précéde toujours la Gloire, qui joue le róle d'une suivante discréte et indéfectible, “° Voir l'exposé de Caton dans CIC., Fir, 3, 53.

235

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

analogie liée à l'observation emprunte à Cicéron et Sénéque non plus une image architecturale mais une solide, celle de l'écho qui suit la physique et à la pensée scientifique, celle de l'ombre qui s'attache à un corps

ANNEXE

la vertu (CIC., Tusc. 1, 1099?! ; SEN., réalisation d'un son initial. C'est la gloire qui se fait ici ombre ou écho de

Lettre de Bocchi à Romolo Amaseo, 22 novembre 1547 (Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 Inf., f ^4or^)

le corps, les deux À la différence du texte de Sénéque, qui évoque le cas de l'ombre qui peut parfois précéder en téte, en reléguant textes de Cicéron insistent bien sur la préséance ou l'antériorité de la vertu qui marche la récompense nécessaire l'ombre ou l'écho en position de suivante (sequitur). La gloire survient donc comme n'y a nul besoin de la de la vertu (qui devient iustitia de l'àge d'or au v. 4) et qui se présente donc aprés. Il Bocchi lui concéde rechercher ni de s'en préoccuper pour elle-méme : elle est une régle incoercible de la natura. de deux allégories des attributs distinctifs de uictoria, les trophées et la couronne (v. 3). Mais au cortége figé devant les qu'imagine Cicéron, Bocchi propose une parade à trois, avec un autre personnage pour marcher qui la suit, autres. Pour s'opposer au bruit clair qu'émet la Vertu et à la noblesse des objets que porte la Gloire apparat des Bocchi s'éloigne un peu de Cicéron pour suivre le passage du De remediis de Pétrarque (1, 92, voir (praecurret, sources) oi le stultus est explicitement mentionné. En effet, l'emblématiste ajoute en téte du défilé ; stultus, v. 6 ; temere anteuenit, v. 8) un fou, le morio (v. 7), qui incarne la fausse gloire (inanis, v. 6 ; stolidum, v. 7 ridicules nts instrume des v. 8 ; male sanos, v. 10) que délivre le uulgus, sur le conseil de l'opinion. Le fou porte

Noli, obsecro, te, mihi frater, animum despondere, imó ueró tibi persuade Deum coeptis nostris adesse coepisse,

Ep., 79, 135? ; CiC,, Tusc., 3, 35).

beau scapo, v. 9), se contorsionne (crura agitans, v. 10) et ajoute à ses mimiques visuelles un des ition transpos tapage (resonis tintinat oriculis, v. 10 ; strepitu, v. 1 1). L'image du fou est en réalité une légére (pinnarumque

propos de Cicéron et une exploitation ingénieuse des termes simulatrix et simulatio employés par l'Arpinate (Tusc., 3, 4). La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana^"*, présente

ceint les trois acteurs qui forment cortége. Au centre, on reconnait Pallas Athéna, revétue de sa cuirasse, le flanc

d'une épée, exhibant dans la main gauche sa boule d'or éponyme, la palla, qui en précise l'identité, comme dans

le symbolum précédent. Les deux autres personnages constituent le dédoublement d'une méme allégorie, la gloire ou renommée, positive si elle suit Pallas, négative si elle la précéde. En téte du cortége, la renommée

négative a l'apparence d'un stultus, qui arbore le costume médiéval du sot, avec des grelots au chapeau et aux jambes : il effectue une danse grotesque en brandissant un éventail de plumes de paon dont les multiples yeux jouent avec ceux qui s'inscrivent sur le manteau de Fama. Il est la Fama ridicule qui précéde la vertu. Fermant la marche, la Fama positive, munie d'ailes et brandissant une couronne de la main droite, suit de trés prés Pallas,

mettant ses pas dans les siens. Ces ailes, dont les plumes s'opposent aux plumes de paon du sot, la rapprochent de Fortuna et permettent à l'embléme de jouer aussi sur le motif, trés apprécié à la Renaissance, que constitue la sentence de Cicéron, Duce uirtute comite fortuna**. Elle porte dans la main gauche un trophée d'armes qui précise sa nature : les livres et le chapeau de docteur, juste au-dessus de la téte Minerve, signalent que celle-ci est dans son róle de protectrice des arts et des travaux intellectuels et que la Fama qui la suit est celle de l'écolier ou plutót de l'étudiant, en tout cas celle du prince éclairé qui a accompli un cycle d'études couronné de succés, ce qui convient bien au jeune Ottavio Farnese.

cuius quidem rei nonnullam significationem dedit Octauii Farnesii ducis benignitas eximia, qui non solum nudiustertius me hilaré et bené prandere acceptum apud se uoluit, mox à cibo familiariter allocutus omnia rebus nostris commoda et ornamenta pollicitus est, sed etiam sponte sua cum magno nobilissimorum ciuium comitatu hodié ad me studio uenit, aedium Academicarum exaedificationem uisurus, quam beatissimi aui auspiciis et Alexcandri» quantámque

fratris liberalitate inchoatam fuisse audierat. Vide, amabo, quantam charitatem praesetulerit, sui fauoris opinionem ergà nos no$tráque opera qualiacunque praebuerit. Cum enim domum

meam uenisset, rogat an ibi essem. Ego ueró tum forte aberam. Nihilo tamen secius ipse ultró constitit, simul diu suspiciens, ac totam contemplatus faciem, inter haec multa de nobis amicé et honorificé locutus, abscessit. Cras fertur hinc Romam profecturus. Tu, si me amas tantum quantum sine dubio amas, cum adibis ad eum, tam meo

quam tuo ipsius nomine salutatum, uelim nos ita commendes, ut suum praesidium tam maturé nobis afferat quam benigné promisit. Illud non omittam, quod ne obliuiscaris obtestor, exemplum diuinae illius epistolae tuae quam mihi excidisse nuper ingemui, quamprimum ad me remittas, abs te peto. *

Je t'en prie, mon frere, ne laisse pas ton àme se déprimer mais, au contraire, persuade-toi que Dieu a commencé

d'appuyer le commencement de nos entreprises ; de cette réalité, la bonté remarquable du prince Ottavio Farnése nous a donné un signe non négligeable, lui qui non seulement a souhaité avant-hier m'accueillir chaleureusement et généreusement auprés de lui pour déjeuner, s'est adressé à moi aussitót aprés le repas et m'a promis tous les subsides et équipements pour notre projet, mais de plus, de son plein gré, est venu aujourd'hui chez moi avec empressement, accompagné d'une suite des forts nobles concitoyens, pour contempler l'édification des bátiments de l'Académie, dont il avait entendu dire qu'elle avait commencé sous les auspices de

son aieul bien-aimé** et gráce à la générosité de son frére Alexandre". Vois (j'apprécierai !) de quelle charité il qu'ils fait montre, et quelle image il offre de la faveur qu'il nourrit à notre endroit et envers nos travaux, quels absent. soient. Car comme il était arrivé à mon domicile, il demanda si j'étais là. Or il se trouvait que j'étais alors la contemplé ayant puis, instant, Il n'en est pas moins resté là, levant en méme temps le regard pendant un long de repartir. facade tout entiére, sur ces entrefaites, il a tenu à notre endroit des propos amicaux et flatteurs avant ne saurait qu'on autant On dit que demain, il quittera notre ville pour regagner Rome. Quant à toi, si tu m'aimes voudrais que tu nous douter que tu m'aimes, lorsque tu l'aborderas pour le saluer en mon nom et en ton nom, je montré de bonté en recommandes de maniére à ce qu'il nous apporte son aide avec autant de rapidité qu'il a plus : un exemplaire de nous faisant sa promesse. Je ne saurais oublier ce que je te conjure de ne pas oublier non renvoyer. ta divine lettre dont j'ai regretté récemment qu'elle se füt perdue, et que je te prie de me

5 . Méme sila gloire ne comporte rien en elle qu'on puisse désirer, elle suit pourtant la vertu, pour ainsi dire comme son ombre. » 682 « La gloire est l'ombre de la vertu ; méme si c'est contre le gré de la vertu, la gloire l'acompagnera. Mais de méme que l'ombre tantót nous

précéde, tantót nous suit, dans notre dos pour ainsi dire, de méme la gloire parfois se place parfois devant nous et s'offre aux regards, parfois

passe derniére nous, mais elle est d'autant plus grande qu'elle vient plus tard, car l'envie s'est retirée. » 55 «La gloire est une réalité qui a de la consistance et du relief, et non une pále ombre ; elle réside dans la louange des gens de bien, dans la voix impartiale des juges intégres de la vertu, elle résonne comme un écho de la vertu. Puisqu'elle est la compagne des actions droites, les hommes de bien ne doivent pas la rejeter. » 55 Voir e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n° 9.

685 CIC, Fam., 10, 3 ; ÉRASME, Adag., 10, 47, ALCIAT, Emblemata, « Virtuti fortuna comes » ; on se reportera également à la médaille de Julien II

de Médicis (Giuliano II de'Medici), gravée en 1513 par Gambello (Voir G. F. Hill, Londres, 1930, n° 460 bis).

236

A Corpus of Italian Medals of the Renaissance before Cellini,

555 1] s'agit de Paul III, qui est son grand-pére.

bocchienne. 687 Alexandre Farnése, le grand cardinal, protecteur de l'Académie

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Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

MÉTRIQUE Carm. 1-2 : distiques élégiaques.

Symb. 43 Gravure :

VOICI L'HERCULE GAULOIS : COMPRENNE

QUI A DES OREILLES

*

SOIN ET TRAVAIL MÈNENT L'ÉLOQUENCE À SA PERFECTION Qui veut apprendre à bien parler, doit apprendre d'abord Que soin et labeur soutiennent cette passion. Si la passion sans borne et quelque ardent amour t'assistent, Soin et labeur, pour toi, ne seront point obstacles. Quid'Alcide gaulois aura un jour repu son ouie,

5

Sera non seulement disert, mais sage aussi. VOICI LE PORTRAIT QUE DRESSE LUCIEN DE LA FACULTÉ QUI CONDUIT ET CHARME L’AME, SOURCE DE PERSUASION

|

|

— Quel est ce vieillard, au cráne glabre, chenu, sans soin, |

La peau toute ridée, sans énergie, flétri,

Basané, tels les travailleurs de la mer que souvent Nous voyons desséchés au terme de leur vie ? s

- C'est Ogmios, l’Alcide gaulois, méme si tu croirais

Que l'homme est tout ce que l'on veut plutót qu'Alcide,

Tant ses traits sont ceux d'un monstre, bien loin de s'accorder

Avec l'Hercule peint sur les tableaux des Grecs. Malgré cet aspect, il a pourtant toute la parure 10 Et l'attirail plus justement herculéens. Drapé du cuir du lion (comme jadis), il porte à droite La massue, l'arc à gauche, le carquois sur l'épaule. Il tróne sur un char, triomphant d'une foule immense 15

Qu'il mene de là, enchainée par les oreilles. Lesliens sont chaines ténues, faites d'or et d'electrum,

Que la langue percée du dieu tient et dirige. Contre le timon, les taureaux vont d'un pas assuré ;

Deleur torche enflammée, deux Amours les stimulent.

— Calliope, dis-moi, quel est le sens de cette image ? 20

— Jadis plus jeune, il fut Mercure ; ágé, il est

Alcide désormais : car la divine faculté D'éloquence domine tout dans l’àge avancé. Juste constat des poètes : jeunesse a l'esprit vif Et changeant ; vieillesse l'a toujours ferme et grave : 25 Lepoéte de Smyrne chanta donc jadis que le miel Dela bouche du vieux Nestor coulait à flots. Les Troyens, croit-on, parlent fleuri. — Le dieu tire Liés par les oreilles à sa langue, des hommes ? - Pas de quoi s'étonner pour peu qu'on sache bien le lien 30 De parenté qui lie la langue et les oreilles.

|

|

L'or dit connaissance des dieux, mais l'electrum indique

Celle des hommes : rien n'est plus grand ni meilleur.

238

NorES

tit. pict: INTELLEGAT

QUI AVRES HABET?

Le titre joue ici sur un triple sens de aures habere, « avoir des

oreilles ». Au sens premier, il s'agit de l'organe auditif concret, nécessaire pour que la peinture de Lucien de Samosate puisse relier plastiquement la bouche d'Hercule à l'ouie de ses auditeurs. Dans un sens métaphorique, c'est l'oreille au sens d'« esprit» ou de « volonté », qui montre le pouvoir subjuguant de la rhétorique herculéenne, qui s'empare de ses auditeurs et les méne selon son désir. Mais il faut sans doute adjoindre au terme une valeur jussive, une sorte d'injonction faite au lecteur à comprendre le code herméneutique qui lui est offert : oreille prend alors le sens de « faculté interprétative », « compréhension », celle qui sait percevoir audelà des mots prononcés la valeur symbolique sous-jacente. L'oreille est ici un substitut de l'intelligence du lecteur qui interpréte le contenu latent d'une image ou d'un texte qui lui est soumis. Carm. 2 - tit. : oblectatrix] Féminin construit sur le masculin oblectator (qu'on trouve chez Apulée, Flor., 17). Le terme

vient directement des Annotationes in Pandectas de Budé (voir apparat des sources). -v.4: artifices... maris] Maria Bianchelli Illuminati (p. 199) traduit artifices maris («les travailleurs de la mer ») par « uomini che erano stati perfettamente virili », en prenant maris, génitif de mare, « la mer » pour

maris, forme improbable d'accusatif pluriel de mas, « le mále ». - v.

15 & 31 : electro] Le terme, qui vient du grec (#\extpov), désigne l'ambre, liée aux larmes des Héliades et à la chute de Phaéton, vi&ime de son hybris (cf. Ov., Met., 3, 340-366 ; PLIN., Nat., 37, 11, 31; HYG,, Fab., 152 ; LvC., De Electr., 1-2 ). Le terme désigne également un alliage d'or et d'argent, oü le premier métal entre dans une

proportion de quatre cinquiémes (cf. PLIN., Nat., 33, 23, 80 ; PAVS. s, 12, 7)85. Dans les deux cas, l'electrum rappelle le caractére imparfait et mixte de la science humaine.

— v. 29-30 : jeu de paronymie entre cognatio (de nascor) et cognitio (de nosco).

ANALYSE Le premier poéme évoque, à l'aide d'une allusion à l'Hercule gaulois de Lucien de Samosate (voir infra), l'idée que l'éloquence n'est pas seulement un don de nature, mais qu'elle est surtout le fruit de cura et labor, le soin et l'effort, accompagnés de studium et amor, la passion et l'amour pour une discipline, qui rendent les premiers indolores*?. L'Hercule gaulois, sous l'influence du cynisme et du stoicisme, a quitté son róle violent de héros des marges pour se transformer en promoteur de la civilisation? : i] est présenté ici comme un pédagogue et un

rhéteur hors pair, maitre de la paideia?!, dont le discours forme non seulement à l'éloquence (disertus), mais également à la sagesse (sapiens) : l'association isocratique et cicéronienne d'Hermés et d'Athéna qui préside à l'académie bocchienne (voir notre étude du Symb. 102) rappelle que le logos grec est à la fois discours et raison,

point qu'avait également rappelé Guillaume Budé?". Curieusement, le premier poéme apparait comme la conclusion anticipée non seulement de l'ecphrasis imagée que le second texte propose de l'Hercule gaulois, mais

688 Voir A. Jacob, « Electrum », dans Ch. Daremberg et E. Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, t. IL. 1, p. 531-536. d' Horace, reprise par 59 Sur cette théorie de la correction de la natura (ou dons naturels) du poéte par l'exercice, inspirée par l'Art Poétique Politien, et caractéristique de la silve à la Renaissance, oü l'érudition et l'aisance dans l'improvision donnent l'illusion de l'enthousiasme et du

uates inspiré, voir P. Galand-Hallyn, « Les 'fureurs' plus basses de la Pléiade », dans Prophétes et prophéties au XVI siécle, Cahiers V.-L. Saulnier,

261-264 15, Paris, 1998, p. 157-187 ; Ead., Le reflet des fleurs : description et métalangage poétique d'Homére à la Renaissance, Genéve, 1994, p. 1. Symb. du analyse notre aussi Voir Politien). (sur (« Improvisation et enthousiasme » chez Stace) et p. 498-502 et témoignages, Paris, 1992 ; 59 Voir R. Hóistadt, Cynic Hero and Cynic King, Uppsala, 1948, p. 22-73 ; L. Paquet, Les cyniques grecs. Fragments A. Gangloff, Dion Chrysostome et les mythes. Hellénisme, communication et philosophie politique, Grenoble, 2006, p.

310-311.

! Voir par ex. D. CHR,, Or., 4, 31. en un doublet latin que 592 Voir le début du De studio litterarum recte et commode instituendo de 1532, où le double sens du terme grec se décline voir l'ouvrage association, cette Sur oratio. et ratio sémantique, valeur a qui paronymie une avec Cicéron, Budé emprunte au De Legibus de de persuader, l'art de fondements les sur Recherches Cicéron. de l'auvre dans philosophie la de et rhétorique la de rapports Les Michel, d'A. séminal Louvain, 2003*. Voir égalementJ. R. Seigel, Rhetoric and Philosophy in the Renaissance, Princeton, 1968.

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Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

par rapport à la source aussi de la composition spécifique de la gravure, qui apporte de notables infléchissements antique qu'est Lucien. Mais qui est cet Hercule gaulois ? ent par deux tabulae La seule source littéraire antique sur l'Hercule Ogmios, confirmée archéologiquem

rhétorique plus defixionis??, e&t une prolalie, un discours en forme de préface qui prélude à un exercice sous le signe conséquent, que Lucien consacre à cet étrange Héraklés celtique (II1poAaMa fj 'Hpaxàiic), figure

exploits héroiques du paradoxe. En effet, muni d'un carquois et d'un arc, le dieu de la force, de la vaillance et des ridé et noir par excellence se présente ici sous les traits d'un vieillard à la téte en partie chauve, en partie chenue, d'or et d'ambre comme un marin, et ressemble à un Charon ou un Japetos**. De sa bouche partent des chaines me. Outre qui viennent s'attacher aux oreilles d'une foule disparate et joyeuse qu'il entraine avec dynamis

l'identification avec le logos, que propose Lucien*5, cet Héraklés-Ogmios, dont le nom celtique est à rapprocher à la fois du latin aio, « parler »” et du grec &yetv, « mener, conduire »**, s'apparente aussi au choreute d'une

n prés gigantesque danse macabre ou d'une scéne de triomphe dont il serait le général vainqueur, à cette exceptio talents des fois la que les prisonniers exulteraient de joie au lieu de regimber sous le joug. Il allie donc à rhétoriques de persuasion et des compétences de divinité psychopompe, comme l'Héraklés grec ou l'Hercule Dürer romain, à qui on connait des fonctions chtoniennes??, ou encore comme Hermés, sous les traits duquel s l'a d'ailleurs représenté en 1514, dans un dessin de l'Ambraser Kunstbuch, conservé au. Kunsthistorische

Museum de Vienne (Kunstkammer)"" (Fig. 1). À l'instar du célébre texte que Lucien consacre à la calomnie

d'Apelle"', l'évocation qu'il donne de l'Hercule gaulois a suscité à la Renaissance un engouement extraordinaire, tant littéraire que plastique". Si l'authenticité archéologique de l'association entre Hercule/Héraclés et Ogmios est aujourd'hui contestée"?, la question de la réalité de l'oeuvre évoquée par Lucien n'est pas davantage

assurée"^, Lucien prétend avoir vu le tableau en Gaule" et s'en étre fait expliquer le sens par un philosophe

celte, sous lequel il faut voir, selon toute vraisemblance, le sophiste Favorinos d'Arles?5, Érasme avait procuré

une traduction latine du texte de Lucien dans ses Luciani... complurima opuscula, parue chez Josse Bade à Paris en 1506/"", suivie par celle donnée par Guillaume Budé dans ses Annotationes in Pandectas en 1508. Caelius Rhodiginus, que Bocchi connait bien et qu'il imite réguliérement, avait consacré un passage de ses Lectiones antiquae, 6, 7 (Bàle,

1542,

1516', p. 193) à une courte paraphrase latine du texte lucianesque. Budé avait

également proposé une traduction francaise dans son De l'Institution du Prince, livre contenant plusieurs Histoires,

Enseignements et saiges Dicts..., paru pour la premiére fois à Paris en 1547 (ch. 14, £f 421?-43v? : « Les Francoys

anciennement n'usoyent de l'eloquence de Mercure... mais... feignoyent un Hercules, comme amplement est declairé en ce chapitre »)"*. La traduction latine d'Érasme est convertie en francais par Geoffroy Tory dans son Champ

Fleury en 1529, et par Guillaume

du Choul en 1547 dans son Discours sur la religion des anciens

Romains"?. On rappellera enfin que Alciat avait fait un embléme quasi politique de l'épisode, intitulé

« Eloquentia fortitudine praestantior ». Rappelant à son tour la curieuse apparence de cet Hercule vieilli et chenu et examinant les chaines qui percent la langue du dieu et le relient à une foule, Alciat conclut qu'Hercule s'est distingué par son éloquence et non par la force, qu'il a eu une action civilisatrice sur les peuples auxquels il a conféré le droit, et invite, comme Cicéron, les armes à le céder à la toge"^, puisque, ajoute-t-il, celui qui domine

55 Voir W. Egger, « Aus der Unterwelt der Festlandkelten », Wiener Jahreshefle, 35, 1943, p. 99-137.

64 Sur Lucien et la Renaisance italienne, voir E. P. Goldschmidt, « The First Editions of Lucian of Samosata », Journal of the Warburg and

Courtauld Institutes, 14, 1951, p. 7-20 ; C. Robinson, Lucian and his Influence in Europe, Londres, 1979 ; E. Mattioli, Luciano e l'umanesimo, Naples, 1980 ; Id., « I traduttori umanistici di Luciano », in Studi in onore di Raffaele Spongano, Bologne, 1980, p. 205-214. Pour la France, voir C. A. Mayer, Lucien de Samosate et la Renaissance francaise, Paris, 1984 ; B. Lauvergnat-Gagniére, Lucien de Samosate et le lucianisme en France au XVf siécle, 1988. 65 Surl'Héraklés Ogmios, la littérature est abondante. Voir les articles fondamentaux de R. Peter, « Der keltische Heracles », in W. H. Roscher, Ausführliches Lexikon der griechischen und Rómischen Mythologie, 1, col. 3020-3023 ; J. Balmaseda, « Hercules (in peripheria occidentali) », in LIMC, V. 1, 1990, p. 254-262. Nous avons également consulté (par ordre chronologique) F. Koepp, « Ogmios : Bemerkungen zur gallischen Kunst », Bonner Jahrbücher, 125, 1919, p. 38-73 (en particulier p. 38-43) ; J. Martin, « Ogmios », Würzburger Jahrbücher, 1, 1946, p. 359-399 ; G. Hafner, « Herakles-Geras-Ogmios », Jahrbuch des rómisch-germanischen Zentralmuseums Mainz, s, 1958, p. 131-153 ; F. Le Roux, « Le dieu celtique aux liens. De l'Ogmios de Lucien à l'Ogmios de Dürer », Ogam. Tradition celtique, 12, 1960, p. 209-234 ; J. Elsner, « Ancient Viewing and Modern Art History », Metis, 13, 1998, p. 417-437 ; F. Bader, « Héraklés, Ogmios et les Sirénes » dans C. Jourdain-Hannequin, C. Bonnet (dir.), Héraclés, les femmes et le féminin, Bruxelles/Rome, 1996, p. 145-185 ; M. Euskirchen, « Ogmios : ein wenig bekannter Gott » in G. Brands et alii (dir.), Rom und die Provinzen : Gedenkschrift für Hanns Gabelmann, Mainz, 2001, p. 119-124 ; G. Moitrieux, Hercules in Gallia. Recherches sur la personnalité et le culte d'Hercule en Gaule, Paris, 2002 ; M. Cistario, Sotto il velo di Pantea. Imagines e Pro imaginibus di Luciano, Messine,

2009, p. 36-40 ; A.-M. Favreau-Linder, « Lucien et le mythe d' 'Hpaxij ó Aóyoc : le pouvoir civilisateur de l'éloquence » dans M. BastinHamou, Ch. Orfanos (dir.), Kaina pragmata. Mélanges offerts à Jean-Claude Carriére, Pallas, 81, 2009, p. 155-168. — Sur la prolalie, voir par ordre chronologique K. Mras, « Die Prolalia bei den griechischen Schriftstellern », Wiener Studien, 64, 1949, p. 71-81 ;

G. Anderson, « Patterns in Lucian's Prolaliae », Philologus, 121, 1977, p. 313-315 ; H. G. Nesselrath, « Lucian's Introductions » in D. A. Russel (dir.), Antonine Literature, Oxford, 1990, p. 111-140, en particulier p. 132-135 ; A. Georgiadou, D. H. Larmour, « The prolaliae to Lucian's Vera Historiae », Eranos, 93, p. 100-112. — Sur Lucien et les ceuvres d'art, voir S. Maffei (éd.) : LUCIANO DI SAMOSATA, Descrizioni di opere d'arte, Turin, 1994, p. Ixvi-Ixxi. Voir également

H. Werner, Lukianos von Samosata und die bildende Kunst. Archáologisch-philologische Untersuchungen : Teil I, diss. Jena, 1922 ; A. Le Morvan, « La description artistique chez Lucien », Revue des Études Grecques, 45, 1932, p. 380-390 ; V. Ando, Luciano critico d'arte, Palerme, 1975.

$5 Lvc., Her., 5 :'HpaxAijc 6 Aóyoc.

57 Voir F. Bader, « Héraklés, Ogmios et les Sirénes », p. 151, qui évoque la racine indo-européenne *h2eg, renvoyant à la parole transmise.

55 Voir W. Egger, « Aus der unterwelt der Festlandkelten », et F. Le Roux, « Le dieu celtique aux liens », p. 211-212.

59 Sur cet aspect d'Ogmios, voir A. Grenier, « Le dieu gaulois Ogmios et la danse macabre », Compte-rendu de l'Académie des Inscriptions, 20, 1947, p.

254-258 ; F. Benoit « L'Ogmios de Lucien et Hercule » in G. Moro (dir.), Festschrift für Rudolf Egger : Beitráge zur álteren europáischen

Kulturgeschichte, Klagenfurt, 1952, t. 1, p. 144-158. Sur les fonctions infernales d'Hercule, voir J. Bayet, Les origines de l'Hercule romain, Paris, 1926, p. 410-472.

700 Voir Albrecht Dürer, 1471-1528. Das Gesamte graphische Werk, Band I : Handzeichnungen, Münich, 1970, p. 739. La source du dessin de Dürer

est à chercher dans un dessin du Codex d'Hartman Schedel (1440-1514), conservé à Münich, à la Bayerische Staatsbibliotek (Handschriftenabteilung, cod. 716), lui-méme copié d'apérs Cyriaque d'Ancóne. Voir O.Jahn, « Intorno alcune notizie archeologiche

conservateci da Ciriaco di Ancona », Bulletino dell'Instituti di corrispondenza archeologica, 1861, p. 180-192 ; Ch. Mitchell, « Ex libris Kiriaci Anconitai », Italia medioevale e umanistica, 5, 1962, p. 283-299.

240

par son éloquence peut adoucir les cceurs les plus farouches. L'Hercule gaulois d'Alciat marche dans les traces de Mercure, et surtout d'Orphée, conduisant par la raison jointe au logos les peuples vers la civilisation du droit

et des lois, sur le modéle proposé par Cicéron dans les prologues du De inuentione (1, 2, 2-3), du De Oratore (1,

8, 33) et de la cinquiéme des Tusculanes (2, 5). L'embléme alciatique propose un véritable miroir du prince, invité à user de persuasion, d'éloquence et de justice pour parfaire une ceuvre de civilisation et de culture, plutót que de réver à de belliqueuses conquétes. L'image des chaines sert à suggérer la vision de bétes domptées et soumises à l'autorité d'un maitre. Le mythe avait été récupéré par la monarchie francaise, et on citera, parmi beaucoup d'autres témoignages visuels, le décor de l'arc de triomphe de la porte de Saint-Denis, au dessous duquel passa le cortége royal d'Henri II en juin 1549, et qui avait été sculpté d'aprés les dessins de Jean Goujon. Il montrait, dans sa partie supérieure, le roi Francois I" tenant, depuis sa bouche, enchainées par les oreilles,

quatre personnifications, dont Jean Martin explique le sens allégorique" : l'Église et la Noblesse d'un cóté ; le 7! Voir J. -M. Massing, La calomnie d'Apelle et son iconographie. Du texte à l'image, Strasbourg, 1990. à l'Ogmios de Dürer », Ogam, 7% Sur l'Ogmios à la Renaissance et les arts figurés, en particulier Dürer, voir F. Benoit, « De l'Ogmios de Lucien de Bocchi), voir W. A. Bulst, question pas soit ne qu'il (bien emblématique particulier en large, plus 12, 1960, p. 209-234. Pour un panorama

Aufgabe des 16. Jarhunderts in Deutschland, Frankreich « Hercules Gallicus, der Gott der Beredsamkeit : Lukians Ekphrasis als künstlerische Folge 3, Münich, 2003, p. 61-121. Sur Ogmios dans la und Italien », Italienische Forschungen des Kunsthistorischen Institutes in Florenz, 4,

the Gallic Hercules Myth », Studies in littérature, voir R. M. Jung, Hercule dans la littérature francaise, p. 75-93 ; R. E. Halowell, « Ronsard and p. 243-253 ; D. Droihxe, L'étymon 1966, Paris, Pléiade, la de Lumiéres dans », gallique L'Hercule « Id., ; the Renaissance, n? 9, 1962, p. 242-255

des dieux. Mythologie gauloise, archéologie et linguistique à l'àge classique, Geneve, 2002, p. 22-25. 2002. 703 Voir G. Moitrieux, Hercules in Gallia. Recherches sur la personnalité et le culte d'Hercule en Gaule, Paris,

CEuvres, Paris [CUE], t. 1, 1993, p. 57 ), un modéle ?* PourJ. Bompaire (Lucien écrivain, Paris, 1958, p. 726-727 ; et J. Bompaire [éd.] : LUCIEN, d'un pur exercice d'éloquence. A.-M. Favreaus'agit il 49), p. d'arte, critica (Luciano Ando V. réel est possible, tandis qu'au contraire, pour

du dieu tout un ensemble de Linder, « Lucien et le mythe d' 'HpaxAjc ó Aóyoc », p. 158 montre que Lucien emploie dans la description

métaphores déjà utilisées ailleurs pour traduire la puissance du langage. 75 I] s'y est rendu plusieurs fois (voir Apol., 14 ; Bis acc., 27).

identificazione », Symbolae Osloenses, 79, 2004, p. 7$ Voir E, Amato, « Luciano et l'anonimo filosofo celta di Hercules 4 : proposta di

128-149.

siue Hercules Gallicus », ASD, I. 1, p. 590-593. 707 Voir C. Robinson (éd.) : D. ERASMVS ROTTERDAMVS, Luciani dialogi, « Praefatio

708 L'ouvrage fut présenté au roi en 1519 et publié de maniere posthume. Geneve, 1966, p. 75-76. 7 Voir R. M. Jung, Hercule dans la littérature francaise du XVI* siécle. De l'Hercule courtois à l'Hercule baroque, 70 Cic, Off., 1, 77, De Or., 3, 167 ; QVINT., 11, 1, 24-

a faite en... Paris... le seiziéme jour de juin 1549, publié à 711 Voir C'est l'ordre qui a été tenu à la nouvelle et joyeuse entrée que... Henri deuxième... à l'adresse suivante « http:// architectura.cesr.univligne en accessibles sont transcription sa et Paris en 1549, f 3v°. L'édition originale établies par Y. Pauwels. bibliographie d'une et présentation d'une accompagnées », sp NHA-8Rs31b.a tours.fr/Traite/Notice/I

241

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Conseil et le Labeur de l'autre. Les chaines làches montrent qu'il n'y a pas contrainte et que le nouvel Hercule « a faict fleurir en ce royaume les langues hébraiques, grecque, latine et autres ». La source directe de Bocchi n'est pas Lucien, ni méme la traduction d'Érasme, comme on aurait pu s'y attendre, mais la traduction de Budé dans ses Annotationes in Pandectas de 1508 (P 101v?-10217-v^, voir apparat des sources), que l'emblématiste suit fidélement, jusque dans la reprise d'expressions et de termes rares (par exemple oblectatrix dans le tit. du carm. 2), comme il l'avait fait pour les Commentaires de la langue grecque dans le Symb. 1. Dans ce passage, Budé entend faire la différence entre la persuasion comme pratique et action, et la persuasion comme résultat de cette pratique : il distingue ainsi suadere (qui, pour lui, est actus et affectus, résultat de l'hortantis et impellentis) et persuadere (qui est un effectus de l'exhorantis et perpellentis), et récapitule les termes latins pour traduire le terme grec pitho (peithó) : suada chez Ennius, suadela chez Horace, lepor chez Cicéron. La traduction du texte de Lucien intervient dans ce contexte comme une illustration symbolique du róle psychagogique de la persuasion obtenue par le discours, entendue comme animae ductrix oblectatrixque. C'est l'un des sens possibles du terme ziotig chez Aristote, qui ne désigne pas seulement la preuve mais également l'effet de persuasion et de conviction que l'argumentation (par l'enthyméme ou par l'exemple) réussit à

engendrer chez l'auditeur^".

La traduction de Budé versifiée par Bocchi dans le second poéme emblématique suit toutefois d'assez prés le texte lucianesque et en restitue les moments importants (voir l'apparat des sources qui permet de confronter les deux versions). L'image proposée sous le nom d'Hercule suscite tout d'abord l'étonnement : le héros énergique et courageux qui abat les monstres est devenu un vieillard chauve et chenu, à la peau ridée et basanée (v. 1-4). Ce portrait donne d'Hercule une vision inconnue des Grecs (v. 5-8). Toutefois, les attributs du personnage (léonte,

massue, arc et carquois) montrent qu'il s'agit bien d'Hercule (v. 9-12). Plus étrange encore, Hercule apparait sur un char triomphal et méne des hommes attachés par les oreilles gráce à des chaines d'or et d'électrum qui

viennent se fixer dans la langue percée du dieu (v. 13-16). On notera que la mention du char (excelso curru,

v. 13) n'existe pas chez Lucien, pas plus que celle de l'attelage de taureaux conduits à la badine par deux Amours

dont Bocchi fait mention aux vers 17-18. Inversement, Bocchi ne dit rien de l'atmosphére de liesse et d'entrain

qui anime la foule des prisonniers, et que soulignait Lucien"?. Le narrateur pose ensuite la question de la

signification générale du tableau, non pas à un interlocuteur gaulois, comme chez Lucien, mais à la Muse Calliope" (v. 20). Cette derniére présente le dieu figuré sous les traits d'Hercule ágé comme un Mercure qui aurait vieilli, soulignant la parenté entre les deux divinités (v. 19-20), d'ailleurs confirmée par les sources antiques (puis le dessin de Dürer), qui rappellent à l'envi le róle psychopompe et funéraire des deux dieux, les épisodes mythologiques qui les rapprochent et leurs liens avec les gymnases'. Le philosophe souligne la vieillesse comme source incomparable d'éloquence, par opposition à l'instable jeunesse, en prenant l'exemple de Nestor et des Troyens (v. 22-27). Les chaines du tableau matérialisent le lien trés fort qui unit la langue de l'orateur (source de l'éloquence) et les oreilles de ses auditeurs (le lieu par où la parole s'infiltre dans la pensée des récepteurs du discours et suscite en eux passion et conviction ; v. 28-30). L'or et l'électrum qui constituent les chaines sont rattachés à deux sources de connaissance que posséde l'orateur : l'or, métal pur, pour la connaissance des réalités divines, l'electrum, alliage imparfait, pour la connaissance du monde humain (v. 31-

32 ; voir supra notes). On notera que Bocchi passe sous silence la derniere partie de la traduction de Budé, qui conclut l'interprétation allégorique de la composition picturale: Hercule est un sapiens aux pouvoirs psychagogiques considérables, qui réussit tout gráce aux forces de son éloquence, supérieures à celles de 7? Voir W. Grimaldi, « A Note on the Iliotei in Aristotle's Rhetoric 1354-1356 », American Journal of Philology, 78, 1957, p. 188-192. Sur la

tripartition des preuves techniques chez Aristote qui regroupe, autour des trois póles de la situation oratoire (émettenr, message, récepteur), trois sources de conviction (argumentaire, caractére de l'orateur, passions du public), voir Ch. Guérin, Persona. L'élaboration d'une notion rhétorique au I s. av. J.-C., t. 1 : Antécédents grec et premiére rhétorique latine, Paris, 2009, p. 175-178.

73 LvC,, Herc., 3 : cf. BUDÉ, Annotationes, @ 102r° : Nec omnino resistantes aut in diuersum renitentes resupinatosque uideas : hilares etiam laetitiaque

perfusi sequuntur,

ducentem

se deum

laudibus

efferentes, trahensi se ultro. eousque obsecundantes

ut praeueniendi studio uincula

incontentaque relinquant. Diceres eos tristes futuros si huiusmodi uinculis eximi se sentiant. 7!14 Muse de la poésie épique et de l'éloquence en général. Voir l'ode que lui consacre Horace ( Carm, 3, 4) 75 Voir A.-M. Favreau-Linder, « Lucien et le mythe d' 'HpakArc ó Aóyog », p. 166.

242

etiam

laxa

Mercure, car les talents rhétoriques se confirment avec l'áge; les fléches symbolisent les paroles ailées qui s'enfoncent dans l'àme de l'auditeur et le subjuguent/. La raison en est probablement que le texte emblématique ne souffle mot de la présence de fléches ou de carquois entre les mains d'Hercule, soucieux de mettre en valeur surtout les chaines et la relation bouche/oreille.

Le texte de Budé (et l'embléme également, par conséquent) passait à son tour sous silence les paragraphes 7 et 8 du propos de Lucien, ce que ne faisait pas la traduction d'Érasme. Le poéme de l'embléme manifeste derechef par là ses priorités : il est avant tout intéressé par la mise en figure de l'idée abstraite et par le fonctionnement du langage allégorique. Il est difficile de supposer toutefois l'ignorance ou le mépris du caractére métapoétique de la peinture évoquée par Lucien, dans la mesure oü ce dernier lui-méme le suggérait"". En effet, au terme de

l'exégése de la peinture, le narrateur/orateur du texte grec s'adresse à ses jeunes auditeurs pour leur avouer qu'il revient aprés une longue absence aux réunions littéraires et craint de n'avoir plus l'áge pour s'adonner aux exercices publics d'éloquence. Mais l'Héraclés Ogmios est une figure auto-réflexive et le narrateur, à l'instar du héros grec paradoxal, constate que malgré les incapacités et les disgráces physiques dont le frappe la vieillesse, c'est bien par la parole poétique qu'il pourra recouvrer la vigueur et la force d'une jeunesse perdue et susciter malgré tout l'admiration de son auditoire, devenu captif de son éloquence. Dans son étude trés complete sur la fortune du mythe d'Ogmios à la Renaissance en Allemagne, France, Italie, en particulier dans les arts figurés, Wolfger A. Bulst ne mentionne cependant pas l'embléme d'Achille Bocchi, ni

sa gravure, dont la composition se distingue trés nettement de toutes les représentations". La scene de la

gravure de Bonasone, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana"? (Fig.1), propose une composition pyramidale: Hercule est au centre et en hauteur, assis sur un socle quadrangulaire, symbole de sa constantia", socle lui-méme posé sur un carroi assez sommaire, composé d'une plate-forme et de quatre roues, qu'on apercoit en partie. Comme précisé dans le texte (et nous avions souligné qu'il s'agissait là d'une innovation de Bocchi), le char est tiré par deux taureaux placés sous le joug et fouettés par deux Amours assis sur leur échine : Amor/Studium (les Amours) et Labor (les taureaux) sont les deux forces qui font avancer le char herculéen, redoublées sous la forme de couples pour en montrer la puissance. Le héros grec a la téte et les épaules recouvertes de la léontà et il appuie son bras gauche sur sa massue, symbole des de robur, qui lui sert en quelque sorte de colonne de soutien. De sa bouche partent, de part et d'autre, Hercule chaines, qui matérialisent dans l'espace le lien hiérarchique et symbolique de domination qui associe les hormis aux deux groupes humains qui le flanquent. Ceux-ci apparaissent comme deux masses indistinctes, un statut social figures du premier rang, dont on apercoit nettement la toge à l'antique, montrant par là privilégié : il ne s'agit pas du stultum uulgus. son antique épiclése La présence d'Hercule monté sur un char, accompagné par un cortége de vaincus, rappelle tradition du triomphe de uictor ou d'inuictus, en association avec les victoires impériales^?!, mais également la liées à la tradition Renaissance militaire romain. En écho avec les pratiques littéraires et iconographiques de la six Trionfi de Pétrarque du cortége triomphal, on notera une réminiscence probable des illustrations des sapientem fuisse censemus : sermone omnia perficientem ; flexanima 716 BUp£, Annotationes... , P 102v : Ad summam Herculem nos Celtae hominem ipsius sermones fuisse interpretamur acutos, celeres, ab scopo non Telaque illa suada quam uos pitho dicitis pleraque eluctari peruincereque solitum. Yn es. aberrantes, plerumque collimantes animas quoque consauciant

L'invention de l'autobiographie. D Hésiode à saint Augustin, 717 S. Said, « Le " je ” de Lucien », dans M.-F. Baslez, Ph. Hoffmann, L. Pernot (dir.), Paris, 1993, p. 253-270.

75 W. A. Bulst, « Hercules Gallicus, der Gott der Beredsamkeit ». n° 10 et illustration p. 54. 7!9 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16,

N

une position versions proposaient déjà l'Hercule gaulois mds Dicn que dans 7? Sur ce cube, voir nos analyses aux Symb. 11, 41, 64. D'autres attribué à Raphael, de l'atelier de en 1521), un dessin à la plume émanant totalement différente : par exemple, à l'époque de Léon X (mort au Londres, à conservé Romano Giulio de dessin ; ou encore sur un Giovanni Francesco Penni et conservé à l'Ashmolean Museum d'Oxford 90-95. p. », eit Beredsamk der Gott der Victoria and Albert Museum. Voir W. A. Bulst, « Hercules Gallicus, 53, 1951, p. 51-61. à Rome et le triomphe d'Octave », Revue des Études Anciennes, 71 Bt ce, dés Auguste, comme le rappelle P. Grimal, « Énée 60, 2001, p. 829Latomus, à Rome »,; ) p. 369-391 ; A. Delcourt, « Évandre Voir aussi H. Huttner, « Hercules und Augustus », € hiron, 27, 1997, Commode, sous enfin et Auréle Marc et sous Trajan, puis chez Antonin 863. Hercule devient ensuite une figure protectrice de l'empereur

und Niedergang der rómischen Welt, 1. 17, 2, 1981, p. 631-661. nouvel Hercule.Voir M. Jaczynowska, « Le culte de l'Hercule romain », in Aufstieg

243

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5)-tome2

(Triumphus Cupidinis, Triumphus Pudicitie, Triumphus Mortis, Triumphus Fame, Triumphus Temporis, Triumphus

Gravure :

Eternitatis) ou des descriptions des six triomphes évoqués dans le Songe de Poliphile (les quatre premiers concernent les amours de Zeus avec Europe, Léda, Danaé, Sémélé, le cinquiéme Vertumne

Symb. 44

et Pomone, le

dernier célébre l'Amour) "?.

COMMENT SE RENDRE JUSTE

Sur l'image :

- Ne nuis à personne, sois utile à tous

— J'aime et je crains

À PERSONNE TU NE NUIRAS, À TOUS TU RENDRAS SERVICE Si tu veux étre juste, aime et redoutes Dieu ;

Tu l'aimeras, si tu l'imites sur ce point : Vouloir ne nuire à personne, étre utile à tous. Vis toujours ainsi, tu seras enfin heureux. s

DubDieu Trés-Bon, Trés-Grand, c'est là le vrai royaume. PUISSANCE DE LA MANSUÉTUDE SELON ISIDORE

Forte est ton áme, si tu ne blesses jamais celui Qui t'a blessé ; plus forte, si, blessé, tu lui pardonnes ;

Trés forte, en épargnant celui à qui tu pourrais nuire. MÉTRIQUE Carm. 1: trimétres iambiques. Carm. 2 : hexamétres dactyliques. REMARQUES SUR LES MANUSCRITS ET SUR LES ÉDITIONS

Fig. 1> A. DORER, Allegorie der Beredsamkeit (Hermés-Ogmios), extrait de

VAmbraser Kunstbuch, 1514 (22 x 33 cm), plume, pinceau et aquarelle sur papier, Vienne, Kunsthistorisches Museum.

On remarquera l'apparition d'une erreur de pagination dans 1574, qui numérote les deux pages de l'embléme

Fig.2 > G. BONASONE ou P. FONTANA, Dessin préparatoire

XCVI-XCVII au lieu de XCIV-XCV. Cette erreur affectera ensuite l'ensemble de la pagination.

pour le Symb. 43 de Bocchi (11,4 x 8,3 cm) © Sotheby's.

NorES Carm. 2

tit.: VIS MANSVETVDINIS EX ISIDORO] Le poéme ne semble pas reprendre de sources isidoriennes directes. Précisons toutefois que pour Isidore de Séville, la mansuetudo est la vertu enseignée aux hommes par

Moise"? et c'est elle qui permet d'apaiser la colére, avec l'aide della tranquillitas. ANALYSE

La premiere épigramme se présente comme une adaptation christianisée de la réflexion que Cicéron, au premier livre du De Officiis (voir apparat des sources), mène sur les divisions de la beauté morale et les devoirs qui y sont liés. Après la connaissance de la vérité, Cicéron énonce les divisions du beau qui concernent la communauté humaine : la justice, la bienfaisance et la grandeur d’àme. Les devoirs de la bienfaisance consistent, pour

| |

Cicéron, à ne nuire à personne, à ne pas dépasser ses moyens, à tenir compte du mérite à ceux à qui l'on donne.

ex Christo, 73 Voir par exemple ISID., Sententiae, 2, 11, 12 : Exempla sanctorum quibus aedificatur homo, uarias consectare uirtutes : humilitatis de mansuetudinis Ioseph, de castimoniae lacob, de tolerantiae Isaac, de patientiae Abraham, de obedientiae Iohanne, ex caritatis Petro, ex deuotionis

| | 7? T. ], p. 158-181 Ariani/Gabriele.

244

|

de Danihel Moyse, constantiae de Iosue, benignitatis de Samuhel, misericordiae de Dauid, abstinentiae

Dans la différence établie 7^ Ibid,, 2, 37, 6 : Aduersus inuidiam praeparatur caritas, et aduersus irae incendia mansuetudinis adhibetur tranquillitas.

: Illa, ira entre concupiscientia carnis et concupiscientia spiritus, la mansuetudo s'associe également avec la tranquillitas, contre l'exasperatio sed per mouetur, exasperatione nulla ista exaltat; tumultum uocis ad usque mentem perturbatam sed portat, aequanimiter exaesruans, nihil tranquillitatem et mansuetudinem patienter omnia sustinet.

245

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Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d'Achille Bocchi (155 5) - tome 2

connait Le fondement chez Bocchi n'est pas le bien moral en soi mais Dieu lui-méme. La bienfaisance ne d'ailleurs pas les limitations que lui impose Cicéron et elle s'apparente ici plutót, par son caractere exclusif et total, à la vertu de charité dont le Christ est le modéle et qui rompt avec la loi du Talion prónée à l'époque

mosaique, « cil pour oeil, dent pour dent»: on pense bien sür à l'épisode des lecons du Christ qui Matt., 5, recommande à ses disciples, s'ils sont souffletés, de tendre l'autre joue et d'aimer leurs ennemis (VVLG.,

38-47). Dans le contexte général de persécutions qui frappent les hétérodoxes et les hérétiques, cet appel à la paix reprend le message d'apaisement de la colére défendu dans les Symb. 107 et 128. L'idée de ne pas se venger des offenses et méme, de faire du bien à ses ennemis, est évoquée dans la seconde épigramme. Contrairement à ce qui est annoncé par Bocchi en titre du second poéme, la source n'est pas Isidore mais saint Ambroise dans son traité Des Devoirs, inspiré lui aussi par le texte de Cicéron. À la fin de la premiere partie du livre 3 de ce traité, Ambroise évoque la question des captations d'héritage par les prétres et leur intervention dans des procés d'argent, pratiques encore plus condamnables chez les hommes d'Église que chez les laics. La référence au texte patristique permet seule de déceler une allusion polémique de Bocchi au contexte religieux contemporain, celui de l'enrichissement et de la cupidité des prétres, incompatibles avec leur sacerdoce, qu'Érasme avait vilipendés dans l'Éloge de la folie. Saint Ambroise, cité par Bocchi dans la gravure de l'embléme

(nemini noceas, prosis omnibus), dans le titulus du premier poéme (nulli nocebis, commodabis omnibus) et au vers 3

du méme poéme (nulli ut uelis nocere, prodesse omnibus), rappelle que le prétre a le devoir de ne pas nuire à autrui, en particulier aux malades et aux mourants

communauté. Il et important de remarquer que le poéme de l'embléme (si parcas, cui possis ipse nocere) sommeil, alors qu'il aurait pu l'assassiner dans son livre 3 du traité. Sensible à l'enchainement des idées

|

qui rédigent leur testament, et de se rendre utile à la

passage d'Ambroise qui inspire le dernier vers du second concerne l'histoire de David épargnant le roi Saül dans son lit. Ce passage sert de conclusion à la premiere partie du dans l'original ambrosien (1°] ne pas faire de mal, méme si

on a été blessé, ut nulli noceat, ne lacessitus quidem ; 2?] pardonner si l'on a été blessé, illa uirtus est si laesus

remittas ; 3°] épargner, alors qu'on peut soi-méme blesser, cum potuisset regio inimico nocere, maluit parcere), Bocchi en souligne la gradation dans le second poéme par l'utilisation successive du positif (magna animi uirtus, v. 1), du comparatif (maior, v. 2) et du superlatif (maxima, v. 3). La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana^, présente un groupe de quatre Amours ou Chérubins ailés, qui entourent et assistent une sorte d'Éros, lui aussi ailé, mais de plus grande taille, agenouillé au milieu de l'image. L'un des amours-chérubins soutient le bras droit d'Éros, portant un panneau oi s'inscrit la mention NEMINI NOCEAT, PROSIS OMNIBVS, qu'une main divine fait

dans le trophée indique le triomphe sur la philautie, l'amour de soi-méme. D'une figure de l'emportement passionnel, Éros passe à un statut de modération et de justice. Le Symb. 102, consacré à la figure de l'Hermathéna, l'embléme de l'académie bocchienne, reviendra sur cette métamorphose : Éros constitue le point nodal de la composition visuelle, celui qui dompte la fureur du lion, symbole des emportements du 0puog et écoute l'avis de ses parents, Hermés et Athéna. Dans le devoir de non-

nuisance et d'assistance à autrui que proclame la pancarte envoyée par la main divine sur l'image du Symb. 44 (NEMINI NOCEAS, PROSIS OMNIBVS), Éros est aidé par plusieurs Amours auxiliaires, qui déclinent la multiplicité des tàáches qui permettent d'accomplir le commandement. Loin d'étre le dieu des passions excessives, Éros est ici un modele de justice tempérante, comme l'indiquent le motto de la gravure

EFFICI QVEAS) et les autres instruments du trophée d'armes : attachés à la torche et à l'arc (les deux objets qui infligent les plaies d'amour) pendent le mors et les éperons, qui en régulent les excés. Ces deux symboles liés à l'art de l'équitation sont trés clairement d'inspiration platonico-stoicienne : le mors, force qui bride, permet de retenir le cheval fougueux tandis que les éperons, véritables aiguillons, stimulent la monture languissante. Fondionnant par paire, ils indiquent l'équilibre à trouver au milieu des deux forces qui se contrarient : amour et du crainte. On les retrouve dans le Symb. 67, aux mains de Némésis, et dans le Symb. 82, aux mains du conseiller

prince. Pierre Martin me fait éditées par Érasme à Bále chez traduire le róle régulateur que mais la stimulant de l'aiguillon

(fléche) et violent (torche). Comme l'indique la pancarte envoyée par la main divine et que soutient Éros (ET

AMO ET VEREOR), le jeune dieu se transforme ici en l'amour de Dieu, non dénué de crainte et de respect, celui

qui permet d'exercer la justice (nemini noceas) et la charité (prosis omnibus). De méme, la poutre de la parabole

remarquer que, dans l'une des Orationes siue meditationes d'Ambroise de Milan Froben en 1527, Ambroise se sert de l'opposition entre le mors et l'aiguillon pour Dieu joue auprés de sa créature, l'entrainant avec le mors pour la rendre docile, pour qu'elle ne s'endorme pas"^.

Symb. 45 Gravure :

J'ÉCOUTE NON À L'EXTÉRIEUR MAIS À L'INTÉRIEUR DE MOI-MÉME *

NCE LA RAISON JUGE AVEC FERMETÉ : LES FACULTÉS INFÉRIEURES LUI DOIVENT OBÉISSA

descendre des nuées, attaché aux maillons d'une chaine. Deux autres putti, flanquant le personnage central,

s'affairent autour de ses pieds, et Pierre Martin propose de voir leurs gestes comme une maniere de libérer la cheville entravée d'Éros. Un quatriéme chérubin porte conjointement avec Éros un trophée d'armes composé, de haut en bas, d'une paire d'ailes de part et d'autre d'un panneau portant l'inscription ET AMO ET VEREOR, une torche et un arc oü sont accrochés à leur tour un mors et des éperons, devant un objet rectangulaire que Pierre Martin interpréte comme la poutre de la parabole (celle que l'on a dans l'ceil sans la voir mais qui n'empéche pas de dénoncer la paille que l'on apercoit dans l'oeil du voisin ; cf. Luc., 6, 41-42 ; Matth., 7, 3-5) Comment interpréter cet ensemble quelque peu hétéroclite ? L'identité du personnage central, Éros, outre son aspect physique (un jeune homme nu, ailé, le visage fin), est confirmée par les instruments supérieurs du trophée d'armes, qui sont autant d'attributs du dieu de l'amour : les ailes, l'arc et la torche. S'ils figurent dans le trophée, c'est pour nous indiquer que le dieu a triomphé des passions que ces symboles représentent, en particulier l'amour paien érotique qui est arbitraire (ailes), douloureux

(VT IVSTVS

Elle a beau étre douce aux sens humains, la fláte née De sept calames inégaux unis entre eux,

Elle a beau enchanter les sept sphéres beaucoup plus loin, Et l'étendue des terres, et le vaste Océan,

s

Rien n'est plus doux, pourtant, que l'harmonie qui chante en nous Sur trois notes, premiere et trés grande vertu.

La premiere, Hypate, trés belle et trés grave, est laloi

De Nature qui peut tout. La deuxiéme est Mése,

supréme, D'oü vient l'accord du cceur, plus prés de la raison

10

Que sert et soutient Néte, la derniére des trois.

etpeot de Marnef: Opera Diui Ambrosii Mediolantusis Bpiscapi guoigi 726 Nous avons consulté l'édition parisienne de 1549 chez Jéróme Episcopi orationes, aut si mauis Méeval, meditagones

Ambrosii Mediolanensis licuit, omnia, in quinque tomos digesta... , Tomus Quintus, Diui mansuetum animal " nullo tuis frenum tuum in maxillis meis et trahe me post s tanquani aliquot piissimae, p. 585 v^ : Pone, quaeso, magis magisque Excita domine meum portantem et uoluntati tuae in omnibus obtethperantem.

te dominum iussionibus recalcitrantem, sed plano moderatoque incessu me ad te, uirtus salutis nostrae quaerere faciem tuam cunctis diebus uitae meae. Attrahe uirtute tota torporem meum tuis stimulis et fac me toto corde,

725 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n° 11.

246

uoluntate, uel libero arbitri uagari. deus, freno potentis dexterae tuae, et non sinas me propria

247

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

sources), oà elle sert traduire l'idée de justice que veut instaurer la philosophie", c'est-à-dire le fait que chaque élément occupe la place qui lui est fixée, sans déborder sur les autres, selon une échelle de valeurs et de fonctions précisément définie :

MÉTRIQUE Distiques élégiaques.

ANALYSE 1. Deux musiques et deux mondes en apparence opposés

Sur le mode des Similitudines d'Érasme, l'épigramme évoque deux univers musicaux — macrocosmique et microcosmique -dans une composition en miroir dont l'homme constitue le point de référence. Les deux premiers distiques élégiaques mettent en scene la flüte de Pan aux sept calames inégaux (v. 2) et soulignent son influence sur les sens humains (v. 1), et, au-delà de l'homme, sur les sept sphéres (v. 3), sur la terre et l'océan

(v. 4). Le propos semble identifier la musica mundana, la musique cosmique et mathématique émise par les

spheres, à la musica in instrumentis, pále reproduction de la précédente". Par une sorte de retournement qu'il

faudra expliquer, c'est la musique instrumentale qui semble s'imposer ici à la musique macrocosmique, là où la tradition insiste au contraire sur la difficulté pour la musique instrumentale de traduire de maniere sensible la perfection mathématique et l'harmonie cosmique (voir infra). La musique instrumentale de la syrinx est dite agréable, bénéfique et apaisante, à la fois pour les sens humains et pour les $phéres, comme l'indiquent les termes dulcissima, demulceat, temperet. Au centre du poéme, un troisiéme distique (v. 5-6) joue le róle de pivot et introduit une métaphore qui pose une identification entre harmonie et vertu. Cette harmonie est dite interna et l'opposition de ce terme avec l'adverbe exterius du v. 3, renvoyant lui-méme à sensibus humanis, pose d'emblée que le point de repére est constitué par l'étre humain. Il est fait ici allusion à la musica interna, celle qui régne à l'intérieur de l'homme lorsque son áme est en équilibre. Cette harmonie est triplex et les deux derniers distiques, qui parachévent la construction métrique tripartite 2+1+2, développent cette division en proposant une assimilation entre trois sons (hypate, mése et néte) et trois parties ou fonctions de l'intériorité humaine (lex

naturae ; harmonia cordis ; summa ratio). Une relation hiérarchique est tissée entre ces parties ou fonctions psychiques, sur le mode de l'échelle musicale qui monte des graves vers les aigus, tandis que l'énumération poétique assigne un ordre d'apparition qui pose une différence de valeur assez surprenante : l'hypate est optima,

grauissima, prima (v. 7-8) ; la mése est secunda et propior [summae rationi, v. 8-9], la néte est postrema. Les termes

mémes d'hypate et de mése révélent, par un jeu de fausse étymologie, leur position hiérarchique : on entend hypo-, « ce qui est dessous » dans hypate ; mése fait entendre mesos « ce qui est au milieu » ; néte rappelle neatos, superlatif de neos, « le plus récent », « le dernier ». Dans le titre surmontant le texte, les termes obediant et subdita renvoient à l'attitude de serviteurs envers un maitre ou un roi. L'origine de la métaphore musicale

À vrai dire, la justice était effectivement, à ce qu'il me semble, quelque chose de cette sorte ; toutefois, parmi les actions humaines, elle ne s'applique pas à l'action extérieure mais à l'action intérieure ; elle s'applique en réalité à l'homme lui-méme et à ce qui lui appartient en propre, à la condition qu'il ne laisse pas chaque élément en lui s'occuper d'affaires qui lui sont étrangéres ou les parties à l'intérieur de son àme empiéter sur leurs fonctions respectives, mais qu'il organise son monde intérieur, se gouverne lui-méme, se remette en ordre, devienne son

propre ami, harmonise ses trois natures tout simplement comme les trois bornes de l'harmonie, la néte, l'hypate,

la mése et tous les sons qui se trouvent dans l'intervalle, relie ensemble toutes les notes et, de multiple, devient un,

plein de raison et d'harmonie.

Sur le modéle de la structure du cosmos (sphéres des fixes, des astres errants, du monde sublunaire), de la cité (sages, gardiens, producteurs), Platon propose la hiérarchie de l'interna harmonia humaine?'. Au sommet se

trouve l'élément raisonnable ou noétikon (ratio chez Bocchi), au centre l'élément irascible ou thymétikon (cor chez Bocchi), à la base, l'élément concupiscible ou epithymétikon, dont la traduction lex naturae, chez Bocchi,

s'écarte quelque peu ; voir infra). Aucun élément n'est exclu de la hiérarchie intérieure humaine. La justice n'est

pas en soi une vertu spécifique (comme la sagesse, le courage et la tempérance, cf. Rsp., 4, 427d-434d), mais « le

principe qui harmonise les vertus pour rendre l’àme une », dans la mesure où « la justice n'exige de chaque

partie rien d'autre que ce qui est requis par les autres vertus »^*.

Les deux mondes, extérieur et intérieur à l'homme, sont opposés l'un à l'autre, comme l'indiquent la tournure

concessive, ut sit (v. 1), renforcée par l'adverbe attamen (v. 3) et l'expression nihil dulcius (v. 6), qui pose, de

prime abord, la supériorité radicale du second terme. Cette opposition, ou, du moins, cette dissemblance,

semble se confirmer dans le heurt entre le nombre 7, qui structure la fláte et le monde extérieur (sept calames et ou sept spheres), et le nombre 3, qui régit une échelle de sons (trois notes) et l'intériorité humaine (trois parties

trois fonctions). Mais tout en opposant ces deux mondes, le texte joue implicitement sur leurs similitudes.

2. Des nombres dissimulés ou l'analogie retrouvée non Les termes musicaux de nète, mése et hypate s'entendent à l'origine dans le cadre d'une harmonie, 2

*

.

.

,

.

utilisée dans la seconde partie de l'embléme est à chercher dans la République de Platon (443d, voir apparat des

desquels il d'octave, mais à sept sons. Par ailleurs, néte, mese et hypate sont des adjectifs qualificatifs, aux cótés dont Hermés?, faut sous-entendre le terme chordé: nous voici renvoyés à la mythique lyre heptacorde,

77 Nous proposons ici la version remaniée et complétée d'un premier article, « Musique des sphéres, musique de l’àme : une utilisation

et les termes de néte, mése et cordes leur ont emprunté cette dénomination, indépendamment de l'instrument, référence à la lyre. L'harmonie hypate, dans un systéme harmonique, se comprennent en dehors de toute

allégorique de Pan et son contexte philosophique dans les Symbolicae Quaestiones d' Achille Bocchi », in W. Harms, D. Peil (dir.), Polyvalenz und Multifunktionalitát des Emblematik, Akten des 5. Internationalen Kongresses der Society for Emblem Studies, Frankfurt-am-Main, 2002, t. Il, p- 547-581. Y Sur cette musique, voir PL., Rsp., 617b ; ARIST., Cael., 2, 9, 290b 12 ; PLIN., Nat., 2, 84 ; CIC., Rep., 6, 18 ; MACR., Somn., 2, 1, 2. Au Moyen Áge, qui se souvient des propos de Platon (cf. PL., Rsp. 53od), l'enseignement de la musique et de celui de l'asronomie, « sceurs jumelles » se

complétent mutuellement au sein du quadriuium et s'appuient sur la mathématique au méme titre que l'arithmétique et la géométrie. Sur la question de l'harmonie des sphéres dans l'Antiquité, voir B. MacLachlan, « The Harmony of the Spheres: dulcis sonus », in R. Wallace,

B. MacLachlan (dir.), Harmonia mundi: musica e filosofia nell'antichità, Rome, 1991, p. 7-19; B. Wuebert, « Cicero, Somnium Scipionis : Gedanken zur Spháren Harmonie » Anregung, 34, 1988, p. 298-307 ; J. Flamant, Macrobe et le néoplatonisme latin à la fin du 1V* siécle, Leyde, 1977, p. 351-381. Pour le Moyen Áge, voir M. Cristiani, C. Panti, G. Perillo, Harmonia mundi : musica mondana e musica celeste fra Antichità et

Medioevo : atti del convegno internazionale di studi (Rome,

14-15 décembre

2005), Florence, 2007 ; S. Rankin,

« Naturalis concordia

vocum

cum planetis : Conceptualizing the Harmony of the Spheres in the Early Middle Ages », in S. Clark, E. E. Leach (dir.), Citation and Authority in Medieval and Renaissance Musical Culture : Learning from the Learned, Woodbridge/Rochester NY, 2005,

p. 2-19 ; G. Rico, « Auctoritas cereum

habet nasum: Boethius, Aristotle, and the Music of the Spheres in the Thirteenth and Early Fourteenth Centuries », ibid., 20-28 ; G. Ilnitschi,

« Musica mundana, Aristotelian Natural Philosophy and Ptolemaic Astronomy », Early Music History, 21, 2002, p. 37-74 ; J. Godwin, Harmony of the Spheres, A Sourcebook of the Pythagorean Tradition in Music, Rochester, 1993 ; Ead., Harmonies of Heaven and Earth, Londres, 1987. 79 BOET., Inst. mus., 1, 2 ; c£. MACR., Somn., 2, 3, 7

248

par les Pythagore/** ou Terpandre?*, selon les traditions, furent les inventeurs. Cependant, les sons produits

tétracordes conjoints, oü classique fut à l'origine une échelle descendante de sept sons, composée de deux ent les l'on pouvait distinguer trois « notes fixes » à intervalle de quarte, par rapport auxquelles se définissai néte, la de nom le recevait autres notes, dites « notes mobiles ». La note fixe la plus haute du premier tétracorde

"— i | 7%0 Voir aussi PL., Phdr., 6od-61a. Études sur la République de (dir.), Dixsaut M. dans » musicale psychologie d'une promoteur Platon « 731 Sur ce point, voir E. Moutsopoulos, part. p. 110-111; A. Brancacci, « Musique et Platon, Paris, 2005, vol.1: De la justice. Éducation, psychologie et politique, p. 107-119, en », comme harmonie de l'àme dans la République et dans les Ennéades philosophie en République II-IV », ibid., p. 89-106 et A. Pigler, « La justice ibid., p. 285-306.

7% Voir A. Pigler, « La justice comme harmonie de l'Àme », p. 291. 79 Voir H. Merc, 51 ; Lvc., D. Deorum, 7, 4; HOR., Carm., 1, 15. 7* Voir MACR., Somn. Scip., 2, 1, 13 ; IAMBL., Pyth., 112.

75 Voir PLIN., Nat., 7, 201.

toute mélodie ». 736 Voir PLvT., Mus., 23, citant Aristote : « Car c'est en deux tétracordes que s'ordonne

249

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

plus basse du second tétracorde recevait le nom d'hypate""", la mése étant à la fois la derniere note du premier

tétrachorde et la premiere du second"*. Dans cette configuration, la mése occupe exactement la place centrale et Aristote rappelle qu'elle constitue alors un principe, une arché, c'est-à-dire la fin du premier tétrachorde et le

début du second. De ce fait l'opposition numérique entre le monde cosmique et l'intériorité humaine s'efface

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

(un ami et contemporain d'Aratos) sur l'harmonie des sphéres. Toutefois, dans le texte de Théon, c'est la terre et non plus la lune qui occupe la position de l'hypate, basse et grave : I'aia u£v oov $zárr] te Bapeia xe ueccó8t vatev

pour révéler un parallélisme fondamental : d'un cóté la flüte à sept tuyaux en correspondance avec les sept sphéres, de l'autre une tripartition fondée sur trois notes fixes, mais qui rappelle en fait un systéme de sept sons. Orla tripartition musicale associée par Platon à l’àme humaine semble pouvoir s'étendre, de maniére plus vaste, à l'ensemble du cosmos : derriere les sept spheres, qui émettent elles aussi un son, peut donc se cacher le

Agavéov 8È agaipa cvvrjauévr £xàeco vien: Méconv è r£uoc rÀayxcàv 0£otv EoxyeBey dotpwv-

nombre

Quant au Soleil, mése, la position au mileu des astres errants est la sienne".

3, deux extrémes et un élément médian, éventuellement avec des degrés intermédiaires. Quelques

rappels s'imposent avant de développer ce point. La musique céleste résulte du fait que chaque sphére émet, en

effet, un son de hauteur différente, lié à sa vitesse, au poids de la planéte ou de l'astre qu'elle abrite, à la distance

proportionnelle qui la sépare des autres. Boéce divise cette tradition des gammes planétaires, d'origine pythagoricienne, en deux écoles, selon que l'hypate correspond à la sphere inférieure ou à la sphere supérieure dans la disposition de l'univers. La premiére école propose une gamme descendante lorsque l'on monte de la Lune à Saturne", ce qui implique que la Lune est la planéte la plus légére et la plus rapide, tandis que Saturne

est la plus lente et la plus pesante'"*'. La néte est donc émise par la sphére de la Lune, la mése, par celle du Soleil,

l'hypate par celle de Saturne. On retrouve la disposition spatiale de la lyre à sept cordes lorsqu'on en joue : la corde du son le plus grave correspond à la position la plus élevée sur l'instrument, de la méme maniere que la sphère de Saturne, qui occupe la position la plus élevée dans le cosmos, émet le son le plus grave. La seconde école est représentée par Cicéron'? , auquel Boéce fait subir quelques inflexions notoires. Le systéme décrit par Cicéron comporte non pas sept mais huit sphéres mobiles, donc musicales. Toutefois, seuls sept sons sont émis : la sphére des astres fixes, la plus rapide, émet le son le plus aigu, celle de la lune, la plus pesante et la plus lente, le son le plus grave ; Mars et Vénus, tournant à la méme vitesse, émettent un son identique. Boéce retient l'idée

d'une gamme ascendante de la sphére de la lune à la sphére des fixes, mais l'élabore non pas sur sept, mais sur

huit sons/?. La distorsion qu'il fait subir à Cicéron s'explique par l'application, à l'échelle des planétes, d'une

partie du grand systéme parfait à cinq tétracordes, et cette distorsion aura une belle postérité, puisqu'on la retrouve dans le célébre frontispice de la Practica Musicae de F. Gafurius, publié en 1496. Le systéme de la

gamme ascendante se retrouve chez un contemporain de Plutarque, Théon Smyrne, qui évoque dans son Expositio rerum mathematicarum ad legendum Platonem utilium (p. 140 Hillier) un poéme d'Alexandre d'Étolie

77 Le terme hypatos signifie à l'origine summus, « trés haut », « supréme » et s'appliquent aux dieux olympiens par rapport aux chtónioi (cf. A.,

Ag., 89). Plutarque (Quaest. conu., 9, 14, 74sb-c) emploie le terme hypate pour désigner la corde la plus élevée, néte pour la corde la plus basse.

Il faut se rappeler en effet que, lorsqu'on joue de la lyre, la corde spatialement la plus haute est celle qui rend le son le plus bas et que les aigus, vu la position inclinée dans laquelle on jouait l'instrument, se trouvaient le plus prés du sol, donc tout en bas. Toutefois, pour la fláte, Plutarque (Quaest. Plat., 9, 2) rappelle que l'hypate correspond au tuyau le plus extréme et le plus bas : « Dans la lyre, l'hypate occupe la place supréme qui est aussi la premiere, dans la fláte, la plus basse et la derniere. » 7 Les autres cordes portaient les noms suivants : entre hypate et mése, on trouvait la parhypate et la lichanos, entre la mése et la néte, la trite et la paranéte. Le systéme disjoint, qui posait un intervalle d'un ton entre la mése et la paramése et distinguait cette derniére de la trite, comportait

donc un intervalle d'ensemble d'une octave.VoirJ. Chailley, La musique grecque antique, Paris, 1979, p. 39-40. 739 ARIST,, Pr., 19, 44, 922a. ° BOET., Inst. mus., 1, 27 Friedlein : « En effet, l'hypate de la mése est attribuée à Saturne et la parhypate est associée à la sphere de Jupiter. On rapporta la lichanos de la mése à Mars. Le Soleil obtint la mése. Vénus a la trite des jointes, Mercure régit la parénéte des jointes. La néte est le mode de la sphére lunaire » ; c£. NICOM,, Enchiridion, 3, traduit dans A. Barker, Greek Musical Writings, t. II, p. 250-253. Voir également

F. L. Levin, The Manual of Harmonics of Nicomachus the Pythagorean, Grand Rapids (Mich.), 1994.

7? Surla relation entre vitesse de la planéte et hauteur du son émis, voir MACR., Somn., 2, 4, 1-7. 7* Cf. Rep., 6, 18. Voir aussi MACR., Somn., 2, 4, 8.

7? BOET,, Inst. mus., 1, 27 Friedlein : « C'est pourquoi, le mouvement du ciel des astres fixes, dont la révolution est plus rapide que les autres, s'effectue sur un son aigu et intense, tandis qu'au contraire, celui de la lune s'effectue sur un son grave et faible. La terre, en effet, la neuviéme, demeure immobile et fixée définitivement au méme point. Cicéron place la Terre à cet endroit, pour ainsi dire comme une note silencieuse, c'est-à-dire immobile. Aprés elle, toute proche du silence, il donne à la Lune un son trés grave, comme si la Lune était la proslambanomeéne,

Mercure l'hypate des hypates, Vénus la parhypate des hypates, le Soleil la lichanos des hypates, Mars l'hypate des méses, Jupiter la parhypate des méses, Saturne la lichanos des méses et le Ciel en dernier [7 la mése]. »

250

La terre assurément, à la fois hypate et grave, habite au milieu ;

La sphére des étoiles fixes, elle, on sait qu'elle est la néte conjointe ;

Mais revenons à la question de la triparition du monde suggérée par l'embléme. L'insistance du texte emblématique à associer les sept tuyaux, les sept sons, les sept planétes invite à calquer sur la premiére partie la tripartition lisible dans la seconde partie, et on trouve cette division musicale ternaire du monde en relation avec les notes de musique explicitement formulée chez Plutarque par exemple (Quaest. conu., 9, 14, 5, 745a-b, voir apparat des sources pour le texte grec) -

Les habitants de Delphes [...] expliquent que, l'univers étant divisé dans son premiere est la partie des astres fixes, la seconde celle des planétes, la troisiéme celle sont toutes rassemblées ensemble et organisées selon des rapports harmoniques, et de chacune d'elles, Hypate pour la premiere, Néate pour la derniére, et Mése pour et fait

ensemble en trois parties, la qui s'étend sous la lune ; elles une Muse se fait la gardienne celle du milieu, qui maintient

se mouvoir ensemble, autant que possible, les réalités mortelles avec les réalités divines, les terrestres avec

les célestes.

Plutarque adopte une division inverse à celle du poéme emblématique : il place la néte en bas et l'hypate en haut de la hiérarchie, faisant ici allusion moins aux notes en elles-mémes, qu'à leur disposition sur la lyre, oà l'hypate, note la plus grave, est donnée par la corde supérieure, et la néte, note la plus aigué, par la corde la plus basse. Les sept spheres des planétes correspondent à un seul son, la mése. La terre, normalement immobile, produit elle aussi un son, comme chez Théon, ce qui s'oppose aux conceptions généralement admises, par exemple chez Cicéron (Rep., 6, 17-18). Il ne faut retenir ici que le fait que les trois parties de l'univers se voient attribuer les trois noms des notes fondamentales. Plutarque, on l'aura remarqué, pose explicitement que la note centrale joue un róle essentiel de copula, de lien — pour reprendre un terme ficinien — entre des substances radicalement

séparées (la sphere des fixes et le monde sublunaire) : nous retrouverons l'idée essentielle chez Platon du

metaxu, de la catégorie de ' « entre-deux », qui permet de penser et d'associer les extrémes. Cette analogie entre musique de l'àme et musique des sphéres participe plus généralement de l'idée couramment répandue dans l'Antiquité d'une correspondance entre l'homme et l'univers, entre macrocosme et microcosme/5, 3. La syrinx, variante de la lyre heptachorde de Pythagore ?

Mais un second paradoxe semble se dessiner. La syrinx, attribut traditionnel de Pan, dont on connait les ardeurs

sexuelles, n'apparait pas ici comme un symbole de luxure et de sexualité débridée, mais plutót comme le signe : arithmétique, "^ Nous citons la traduction de J. Delattre-Biencourt (éd.) : THÉON DE SMYRNE, Lire Platon. Le recours au savoir scientifique musique, astronomie, Toulouse, 2010, p. 261-262.

fonctionnelle proposé par "5 Pour la bibliographie, voir notre analyse du Symb. 36. On citera également l'exemple trés éclairant de la tripartition

à Aristote, 38, 14 David, un philosophe de l'école d'Alexandrie du VI' s., qui était un disciple d'Olympiodore, et qui écrit, dans ses Prolégoménes nous voyons, d'une part, des étres qui, [cité par J.-P. Dumont, Les Écoles présocratiques, Paris, 1988, p. 516]: « Et de méme que dans l'univers

(ceux-ci en comme les dieux, ne font que gouverner, d'autre part, des étres qui à la fois gouvernent et sont gouvernés, comme les étres humains comme gouvernés, qu'étre font ne qui étres des enfin et brutes), bétes les effet sont gouvernés par les dieux en méme temps qu'ils gouvernent Certaines répartition. méme cette microcosme, un est Démocrite, selon qui, l'homme, dans les bétes brutes, de la méme facon nous observons

parties gouvernent exclusivement, comme gouvernées, comme la passion ».

la raison ; d'autres sont gouvernées et gouvernent comme

le coeur; d'autre sont simplement

251

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

d'une mise en ordre harmonique et mathématique. Pythagore, en effet, inventa la lyre à sept cordes pour imiter la musique engendrée par le mouvement des spheres, et Virgile rappelle qu'Orphée modulait sur ce méme

insrument de musique". La notion d'harmonia au sens étymologique de «jonction » entre éléments

disparates et hétérogénes, appliquée au cosmos et à la musique des sphéres, suppose, chez Pythagore, plusieurs notions intrinséquement liées. D'une part, la mise en présence d'éléments de natures totalement différentes : chaque sphére a en effet à la fois un poids, une vitesse et, dans le cas de la sphére des fixes, un sens de rotation, différents. Ce qui implique une diversité essentielle, qui toutefois, loin de tourner au chaos, fonde au contraire un ordre riche des différences dépassées. L'existence d'un ordre mathématique et proportionnel entre les différents corps de l'univers se traduit par une consonance musicale"*. D'autre part, cet ordre mathématique crée de fait une hiérarchie, oü la différence de nature exprime une différence de valeur. Sur cette échelle stricte, la perfection de la sphere des fixes, au sommet, n'a rien en commun avec le monde sublunaire en bas, voué à la

génération et à la dégradation. Avec ses sept calames inégaux, qui rendent possible l'idée d'harmonie par opposition à l'unisson, la syrinx du texte bocchien est un équivalent de la lyre heptacorde de Pythagore, symbole de l'harmonie de l'univers. D'une part, elle introduit d'une part des proportions mathématiques : le terme tempero, « unir par des proportions », apparait dans une phrase oü se cótoient les terme ferras et oceanum qui renvoient à un mélange savant et quasi

démiurgique, à la maniére du Timée de Platon, entre deux essences, l'élément terre et l'élément eau. Elle se réfere, d'autre part, à une hiérarchie trés stricte, oà le monde des spheres (septemgeminum orbem) est nettement distingué du monde sublunaire (terras et oceanum), et oü, à l'intérieur du monde sublunaire, l'homme occupe

une place à part. En outre, le terme dulcissima, caractérisant l'effet de la flàte sur les sensibus humanis, laisse entendre que dulcedo ne désigne pas ici le caractere alangui d'une musique lascive qui flatterait les sens mais, au contraire, la douceur thérapeutique de la musique mathématique, inspirée ou imitée du ciel. Cette musique astreint à l'ordre ce qui reléve du désordre, en soumettant les epithymiai, du cóté de la matiére. Mais Bocchi n'est pas le seul à pratiquer cette équivalence de la syrinx et de la lyre. Ainsi, Valeriano pose également leur équivalence autour du nombre 77. Plus significatif encore, lorsque Valeriano évoque le propos

analogie harmonique, car l'instrument est le signe d'une mise en ordre hiérarchique entre des éléments de natures différentes, sSphéres des sept planétes mobiles, monde sublunaire et homme dans le premier cas, lex naturae, cceur et raison dans le second cas.

Comment la syrinx, instrument fétiche d'un dieu dont on connait les déboires sexuels, peut-elle devenir ainsi le symbole positif de l'harmonie cosmique et équivaloir à la lyre heptacorde ? 4. Le dieu caché : Pan et l'ordre cosmique

On pourrait invoquer, comme premiere réponse à ce paradoxe, la tradition antique de l'origine de la flüte qui préte à Apollon l'invention de l'aulétique, concurremment à la citharistique**. Ce texte de Plutarque est connu à

la Renaissance, et Valeriano s'en inspire directement^*. Mais ce n'est pas le seul argument valable dans le cas de

l'épigramme bocchienne. Si la syrinx se fait symbole d'un ordre mathématique et musical, c'est que le dieu Pan lui-méme, dont elle est l'instrument, voit son statut modifié : il n'est plus le dieu ithyphallique à la sexualité débridée, poursuivant les nymphes de ses ardeurs (voir par exemple le Symb. 150 oü Pan tente de séduire Pitys), mais au contraire le symbole du grand II&v, du grand Tout, du Cosmos, qui étymologiquement contient l'idée d'ordre et de beauté. Dans la premiere partie du texte bocchien, la syrinx a valeur métonymique pour désigner la figure du dieu Pan - passée sous silence dans le texte mais exhibée par la gravure -, comme symbole du grand Tout. Implicitement, Bocchi se référe ici à la tradition mythographique de l'Antiquité, en particulier servienne^*,

reprise à la Renaissance^", qui attache à chaque partie constitutive du dieu une partie de l'univers, et en fait le

chantre de la concordia discors^. Le caractére ludique de cette allégorie réside dans la trouvaille de motivations iconiques entre le symbole et son référent, entre Pan, ses attributs d'une part, et l'Univers, ses parties constitutives d'autre part. La téte de Pan, partie supérieure, présente deux traits caractéristiques : sa face rouge, par allusion à un passage de

Virgile"*, et ses deux cornes. À la suite de Servius? Boccace et Gyraldi voient dans le rouge le signe du mélange

de Plutarque sur la pratique pythagoricienne de la musique comme apaisement des forces irrationnelles/??, il le

fait sous la rubrique fistula et non sous lyra, alors que le texte de Plutarque précise bien tà xpoópaca tij; Aópac.

L'assimilation lyre/fláte était déjà préparée par Horapollon^, que Valeriano cite d'ailleurs explicitement. Cette

confusion, improbable de la part de Valeriano, indique que la syrinx, comme force qui impose la rationalité et

l'ordre, joue comme équivalent apollinien de la lyre à sept cordes".

Ainsi, pour Bocchi, le monde extérieur, sous le signe de la syrinx, est en relation d'analogie avec le monde intérieur

à l'homme:

analogie structurelle autour du nombre

7, qui dissimule ou exhibe une tripartition ;

7*5 Voir CIC., Rep., 6, 17-18 ; MACR., Somn. Scip., 2, 1, 9-14; Boéce, Inst. mus., 1, 11 ; PORPH., Pyth, 30.

78 PLVT., De musica, 136-137: « En effet, on doit à ce dieu [Apollon] l'invention de l'aulétique, aussi bien que de la citharistique. [...] En

outre, la $atue monumentale d'Apollon à Délos tient dans la main droite un arc, dans la main gauche les Gráces, dont chacune tient un instrument de musique : l'une, une lyre, une autre, une double flüte, celle du milieu, une syringe, qu'elle approche de sa bouche ». Voir aussi

PAVS, 9, 35; 3-

77 Aen., 6, 119-120. Sur la relation entre la lyre d'Orphée et les sept sphéres d'aprés une scholie manuscrite à Virgile du Parisinus Latinus 7930;

75* VALERIANO, Hier., 47, De Tibiis, p. 349 C. Voir aussi RHODIGINVS, Lectiones Antiquae, 9, 3, p. 314755 Voir ZETIVS, Plac., 2, 1, 1 cité par J. P. Dumont, Les écoles présocratiques, p. 126 : « C'est Pythagore le premier qui a donné le nom de cosmos à

of Orphic Fragments. In Honour of Alberto Bernabé, Berlin/Boston, 2011, p. 147-151. Voir également M. Paterlini, Septem discrimina uocum.

755 C'est, en effet, Servius qui parait lancer cette tradition allégorique, ad Buc. 2, 31 : Nam Pan deus est rusticus in naturae similitudinem formatus

voir F. Molina Moreno, « Non-musical Notes on the Orphic Lyra (OF 417), dans M. Herrerodejáuregui et alii (dir.), Tracing Orpheus. Studies Orfeo e la musica delle sfere, Bologne, 1992 ; A. D. Nock, « The Lyre of Orpheus », Classical Review, 41, 1927, p. 169-171. 74 Sur cette idée essentielle qui, à bien des égards, rappelle la pensée d'Héraclite, voir STOB., 1, 21, 7d ; IAMBL., In Nic. ar., p. 73 Pistelli/Klein :

Evvapuoy xai Evwoig àv Biyogwveóvcuv kai và qct zoAeulov ; THEO SMYRN., Expos. p. 12, 10 Hillier : ivavciov cvvappoy!] kal vàv zoA ov Evwoig Kal vv 8lya epovobvrev cvuopóvnetc, « Les Pythagoriciens, que Platon suit en maintes occasions, affirment eux-aussi que la musique

est une combinaison harmonique des contraires, une unification des multiples et un accord des opposés ». “? VALERIANO, Hieroglyphica, XLVII, De Fistula p. 348f : Facit ad hoc [2 harmoniam] et fistula, ut chordis lyra septem, ipsa quoque septem compacta

cicutis. « La syrinx convient également pour [produire l'harmonie], de méme que la lyre à sept cordes, étant elle-méme composée de sept tuyaux. »

79 PryT. Is. et Os, 384 A: « Le parfum polit et nettoie la partie imaginative de l’àme, celle qui recoit les réves, tout comme le faisait le toucher de la lyre, auquel les Pythagoriciens avaient recours avant de s'endormir, pour enchanter et calmer la partie émotive et irrationnelle de l’àme ».

751 HORAP,, 2, 117.

7? Ces constats permettraient de nuancer l'affirmation quelque peu péremptoire de E. Winternitz dans Musical Instruments and Their Symbolism in the Western Art, New-Haven/New York, 1979, P- 152, qui se sert du mythe d'Apollon et Marsyas et de l'incontestable rejet de l'aulétique hors

du domaine éducatif chez Platon, pour déduire, de maniere générale, l'irréductible supériorité des cordes sur les vents, d'Apollon sur Dionysos, dans l'Antiquité.

252

l'enveloppe de l'univers, en raison de l'organisation qui s'y voit. » Voir aussi PL., Tím., 40a.

unde et Pan dictus esl, id est omne. Cette tradition sera relayée par le courant néoplatonicien, qui lit Pan comme xà £v xai tò zàv, « l'Un et le

Tout. Voir, par exemple, H. Orph., 10, 12 ; 32, 13 et aussi la citation d'un fragment du De cultu simulacrorum de Porphyre par EvS., Praep. eu., , 3, 11, 44 et MACR., Somn., 1, 17.

757 Voir Boccur, Symb. 75, qui traduit le célébre vers virgilien amor omnia uincit par l'image d'Éros vainquant Pan au combat. Voir aussi

GYRALDI, De deis gentium libri siue syntagmata XVII, Lyon, 1565, syntagma XV, p. 385, qui suit de trés prés SERVIVS, ad Buc. 2, 31 ; VALERIANO, Hieroglyphica, XLIV, p. 330 C et V. Romano (éd.) : BOCCACIO, Genealogie deorum gentilium libri, Bari, 1951, 1, t. 1, p. 24. Pour la mise en paralléle du mythe de Pan chez Fulgence, Boccace, Gyraldi et Conti, voirJ. Mulryan, « Literay and Philosophical Interpretations of the Myth of Pan from the Classical Period trough the Seventeenth Century », in J.-C. Margolin (dir.), Acta Conuentus Neo-Latini Turonensis. Actes du troisiéme congrés d'Études NéoLatines, Tours, Université F. Rabelais 6-10 sept. 1976, Paris, 1980, p. 208-218. 755 Voir F, Lavocat, La syrinx au bücher. Pan et les satyres à la Renaissance et à l'áge baroque, Geneve, 2005, p. 105-106 et E. Wind, Mystéres paiens de la Renaissance, Paris, 1972 pour la trad. francaise, p. 205-210. 79 VgRG,, Buc. 10, 26-27 : Pan deus Arcadiae uenit quem uidimus ipsi/ Sanguineis ebuli bacis minioque rubentem. « Vint Pan, le dieu d'Arcadie, que

nous vimes de nos yeux, le visage rougi de vermillon et des baies sanglantes de l'hiéble ».

79 SERV, ad Buc., 2, 31 : Habet enim cornua in radiorum solis et cornuum lung similitudinem ; rubet eius facies ad aetheris imitationem. « Il a en effet des cornes, à l'image des rayons du soleil et du croissant de la lune ».

253

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

air/feu, c'est-à-dire l'éther, zone hypercosmique"*'. La partie inférieure de Pan symbolise, quant à elle, l'univers

terrestre, au-dessous de la lune"? Le corps de Pan, plus précisément sa nébride, c'est-à-dire sa association avec la syrinx, est lu conjointement comme une « recouvre », est interprétée comme la sphére des astres Boccace file la métaphore du manteau qui, conformément

peau constellée de taches à la maniére des daims, en représentation des corps stellaires. La nébride, qui fixes'?, dont on sait qu'elle enveloppe les autres. au propos de Platon dans le Timée^*, permet de

rendre compte avec assez d'exactitude de l'imbrication des spheres"^".

En accord avec la gamme des sphéres d'origine pythagoricienne, l'exégese mythographique voit, dans la fláte à sept calames d'inégale longueur, la musique émise sur sept tons par les sept Sphéres comportant les sept planétes mobiles’, Pour Boccace, comme pour Bocchi, cette harmonie se fait sentir jusque sur la terre, jusqu'aux oreilles humaines ’7. Cette tradition mythographique rend compte de la correspondance sept calames/ sept sphéres/sept sons sur laquelle joue Bocchi (septem calamis/septemgeminum orbem). Sur ce grand Pan symbole et àme du cosmos, il est donc possible de reporter une division musicale triple : la téte rouge, cornue et hilare du dieu au sommet, correspondant à l'univers hypercosmique et à la néte; la nébride et la syrinx au centre, correspondant à la partie des astres fixes et mobiles et à la mése ; le bas-ventre et les pattes, renvoyant au monde sublunaire et à l'hypate. Comme sa syrinx, Pan dissimule le nombre trois. Parce que Pan réalise l'unité des parties contraires du monde, il n'y a donc plus de différence de nature entre la musica mundana et la musica instrumentalis. La syrinx du poéme emblématique matérialise l'unité musicale du monde dans les premiers vers : elle est à la fois l'instrument fabriqué par l'homme pour charmer sa propre ouie, mais en méme temps l'objet-symbole entre les mains de Pan mythologique et cosmique, dont les sons se répandent dans tout l'univers, se communiquant aux sphéres, et descendant sur la terre aussi.

discours qui n'a de sens que si Pan est ici considéré, effectivement, comme le symbole du grand Tout auquel rien n'e$ extérieur. Le terme audio sous-tend l'idée d'harmonie, ou du moins de sons, et le propos trouve sa réalisation iconique dans le geste du dieu qui pointe le doigt vers son oreille. De fait, en montrant son oreille, Pan désigne également sa téte, la partie la plus élevée de son étre et celle qui renvoie à l'éther hypercosmique : à travers l'harmonie, nous somme renvoyés aussi à l'idée de hiérarchie, qui lui est connexe. D'autre part, le titre qui préte la parole à Pan oppose extra et intus, de la méme maniere que le texte avait opposé exterius et interna harmonia. Sorte de devise philosophique, la gravure et son titulus, à l'instar du texte, propose le dieu Pan, figure de l'ordre cosmique extérieur à l'homme, comme modele analogique de l'harmonisation qu'il doit réaliser en lui. Comme l'ont remarqué Nuccio Ordine"? et Francois Lavocat, la devise de l'Accademia degli Occulti, active entre 1574 et 1570, avait justement pour corps non un Pan mais un Siléne, dont la poitrine semble

par opposition du chiffre 7 au chiffre 3, de la perfection à l'imperfection, mais parce qu'elle symbolise l'ordre

pouvoir s'ouvrir comme une boite avec des fermoirs/?, et qu'accompagne l’àme suivante : intus, non extra. Bartolomeo Arnigio, dans son Discorso intorno al Sileno, Impresa de gli academici Occulti, publié en téte des Rime degli academici occulti con le loro imprese et discorsi, ouvrage paru à Brescia en 1568, renvoie à l'adage qu'Érasme consacre aux « Silénes d'Alcibiade », inspiré par un passage fameux du Banquet de Platon (215a-b) oà Alcibiade compare Socrate aux silénes des peintres, sculptures gigognes dont l'extérieur est en forme de satyre grotesque, mais qui s'ouvrent pour révéler une figure de dieu. Variante de l'opposition rabelaisienne entre l'écorce et la substantifique moélle, la devise, selon Arnigio, dessine un idéal académique fondé sur la dualité allégorique, qui épouse bien le paradoxe de la nature humaine : celui de nourrir sous le voile grossier des fables des pensées subtiles, inacessibles au vulgaire, sur la nature profonde de l'univers"?. Mais chez Bocchi, l'idée est assez différente. Il ne s'agit pas d'opposer, à travers Pan, les deux visages de l'allégorie mais de montrer l'unité de la justice psychologique, d'oà aucune partie n'est exclue. La difficulté de l'entreprise, véritable quéte semée d'embáüches, rend cette musique tritonale intérieure plus précieuse que l'harmonie extérieure, méme si elle lui emprunte les modalités de son fonctionnement. Cette pensée semble aller au rebours de la conception d'un

toute son importance.

6. Psychologie et supériorité de l'éthique On retrouve en effet la possibilité d'une tripartition de Pan chez Alciat, qui, à la différence de Bocchi, voit dans

5. Le Pan de la gravure : du macrosome au microcosme

division inhérente à la nature humaine en ratio, cor et pubes". Dans le corps composite de Pan, Alciat constate

Toutefois, l'harmonie de la vertu et de la musica humana l'emporte sur l'harmonie cosmique chez Bocchi, non

intérieur à l'homme, plus précieux que l'ordre extérieur. Plus qu'une enquéte sur les secrets mathématiques de l'univers et son harmonie, le texte emblématique pose la supériorité de l'éthique et de la justice psychique : l'embléme musical relaie à sa facon les Symb. 39 et 98 condamnant l'impia curiositas. La gravure prend alors

La gravure, présente aux cótés du texte, entretient des rapports ambigus avec lui. Loin de n'étre qu'une simple illustration, elle exhibe le personnage qu'il s'efforce de masquer, la figure du dieu Pan, muni de sa syrinx. Le titredevise qui surmonte la gravure, non extra at intus audio, pose la figure de l'image comme sujet de l'énoncé, ! GynALDI, De deis gentium, p. 385 : Rubet eius facies ad aetheris imitationem. « Sa face est érubescente à l'image de l'éther. » Voir aussi BOCCACE, Genealogie, éd. citée p. 23 : Per ignitam autem eius faciem ignis elementum cui annexum aerem uoluere, sumendum reor, quos sic iunctos louem dixere non nulli, « Parla face rouge du dieu, à mon avis, il faut comprendre l'élément feu, auquel ils ont voulu que fàt adjoint l'air, les deux ainsi réunis ayant parfois recu le nom de Jupiter ». 7? Voir SERV., ad Buc., 2, 31 : Pars eius inferior hispida est propter arbores, uirgultas, feras ; caprinos pedes habet ut ostendat terrae soliditatem. « La partie inférieure de son corps est hirsute, en référence aux arbres, aux branchages, aux bétes ; ses pieds de chévre montrent la solidité de la terre » .Voir aussi BOCCACE, Genealogie, éd. citée p. 23.

7$ Voir SERV., ad Buc., 2, 31 : In pectore nebridem habet stellatam ad stellarum imaginem. « Sur la poitrine, il a une nébride constellée à l'image des étoiles ». 764 PL, Tim., 38e- 40b.

7° BOCCACE, Genealogie, éd. citée p. 23 : « Dans leur description, ils [= les Anciens] rapportent que Pan est recouvert d'une peau tachetée, pour montrer à travers elle l'admirable beauté de la huitiéme sphére, généralement représentée avec l'éclat propre aux étoiles. Cette sphére d'ailleurs,

de la méme maniere que l'homme se couvre d'un manteau, recouvre tous les corps qui relévent de la nature ». Voir aussi GYRALDI, De deis gentium, p. 385 qui se contente encore une fois de recopier Servius. 766 Tid. : Fistulam uero ad armoniam celestem designandam illi apposuere, « Ils lui ont attribué une flàte pour renvoyer à l'harmonie céleste ».

Voir aussi GYRALDI, De deis gentium, p. 385 citant Servius : « Il joue d'une syrinx à sept calames car l'harmonie du ciel comporte sept sons et sept registres de voix ». 77 Ibid., p.22 : « [ ...] et ainsi, nous pourrons affirmer que la syrinx matérialise la musique des cieux, ou plutót des spheres, celle qui, comme Pythagore se plut à le penser, naissait ou nait des révolutions différentes accomplies par les cercles des sphéres [ ... ] ».

254

autre emblématiste qui s'est intéressé à Pan, André Alciat, dans son embléme intitulé Natura.

les trois parties constitutives du dieu non seulement la marque d'une division irréconciliable, mais encore d'une

l'impossibilité de l'harmonie, en énongant que Inferiora modus nec ratio ulla tenet (v. 10) « Le bas, ni mesure, ni raison ne le tiennent » 7? : la uirtus n'e& donc composée que de deux éléments. Bocchi, en revanche, y lit la consonance de l'univers autour de trois points clés dont aucun ne pourrait étre exclu sous peine de briser l'équilibre entier, consonance qui annonce l'ordre intérieur humain (la prima et maxima uirtus triplex harmonia interior). 7$ N. Ordine, Le seuil de l'ombre. Littérature, philosophie et peinture, Paris, 2003, p. 242-243.

79 Voir F. Lavocat, La syrinx au bücher, p. 26.

7? Rime degli academici occulti, Brescia, apud Vicentium Sabbium, f#**r° : « con questo SILENO, ch'à prima vista pare à tutti inetto, materiale, et ridicolo, dimostriamo, che sotto velo di favole, parabole, od amori sempre sarà nostra mente d'occultare cose remote dal cieco et storto giudicio

o delle turbe. [ ...] Di dentro dunque et non di fuori stà la midolla, et l'ottima parte, ecco nel Mondo nostro inferiore le forme stanno occulte

sotto la Materia et sotto gli accidenti ; et questo non solo ne gli elementi et ne' misti cosi perfetti, come imperfetti appare, ma nella nostra specie

ancora ». Voir aussi P ***r° : « Et in conchiusione con l'Impresa del SILENO informato dal Motto, INTVS NON EXTRA, mostriamo (compe poco anzi hó detto) che impiegando ogni cura nostra nell'abbellir il di dentro, si sforziamo d'esser tanto simili à quel sapientiss. Greco quanto dissimili à coloro, che solo mostrandosi studiosi del corpo, et nascondendo un'Animo contaminato et bestiale ». 7! ArciAT, Emblemata, « Natura », 3-6 (nous soulignons) : Est uir pube tenus, quod nobis insita uirtus / Corde oriens, celsa Hinc caper est, quia nos natura in secla propagat / concubitu ... « Il est homme jusqu'aux parties génitales, car la vertu qui cceur pour prendre place dans la haute citadelle de la téte. Pour le reste du corps, il est chévre car la nature nous perpétue gráce à l'accouplement. » En les placant aux deux extrémités du vers 3, Alciat invite à lire uirtus comme un composé de uir. 7? Bocchi a sans doute été sensible, dans sa lecture alciatique au double sens de modus, « mesure », mais aussi « mélodie ».

uerticis arce sedet. / est en nous nait du de siécle en siécle,

Parallélement, tenet

signifie « retenir », « maitriser » mais encore « tenir sous le charme », « enchanter » au sens propre, ce qui donnerait la traduction suivante

volontairement glosée : « Les parties inférieures, ni musique ni raison ne les tiennent sous leur charme ».

255

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Nous l'avons rappelé, Bocchi pense l'équilibre intérieur de l'àme humaine à travers l'accord de trois sons

texte et le distingués par Platon, hypate, mése et néte. Mais diverses anomalies brouillent la parfaite clarté du

caractére mécanique de l'équivalence symbolique. À l'hypate, Bocchi associe la lex Naturae omnipotentis, qui occupe la place inférieure dans la hiérarchie des fonctions intérieures humaines, ainsi qu'on peut le déduire à partir du terme summae, appliqué à la raison, qui indique que l'on va du bas vers le haut, de la fonction inférieure à la fonction supérieure. Les philosophes et

poétes antiques s'accordent à peu prés pour voir en la Nature" la force qui régne dans le monde sublunaire et

qui, par un principe de génération et de corruption, fait naitre, se développer et dépérir les étres vivants. Comme le rappelle Bocchi, elle est omnipotens, « toute-puissante », ce qu'il faut sans doute entendre dans le sens aristotélicien de « qui est le tout en puissance », puisqu'elle a en charge l'ensemble des étres créés et à venir qu'elle aménera à l'existence. Bocchi fait correspondre à cette fonction l'hypate, note grauissima : grauis, qui évoque la gravité d'un son, signifie aussi la qualité d'un corps pesant, lourd, caractéristiques qui ont à voir avec la matiére. Trés surprenant, bien sùr, est le qualificatif d'optima. La pensée platonicienne ne saurait effectivement souscrire à un tel jugement, elle qui voit dans le corps, lié à la matiére, une prison, un tombeau et le lieu par excellence du devenir et du mouvement. Or, l'expression de lex Nature employée par Bocchi gomme le caractére trés négatif que le platonisme assigne à la fonction inférieure et renvoie plutót au caractére contraignant d'un processus indépendant, qui a « force de loi ». L'expression, empruntée à Cicéron et à Sénéque, est lourde d'implications philosophiques que nous tenterons de déméler un peu plus loin. Bocchi met en relation la mése, note seconde et centrale de l'accord, avec l'idée d'harmonia cordis. Alors méme

que l'expression triplex harmonia du vers 5 semble appliquer l'idée d'harmonie à toute la deuxiéme partie du

texte, curieusement, Bocchi rappelle à nouveau ce terme à propos du coeur, comme si ce dernier, plus que tout

autre partie, en avait le monopole. Le cor chez Bocchi est, sans doute, l'équivalent du thymos platonicien, du cóté de l'ardeur belliqueuse et du courage. Mais les deux termes ont une étendue sémantique plus large. Le cceur, source vitale, fons uenarum artistotélicien, diffuse aussi le sang dans le corps entier. Il a donc partie liée avec une

réalité organique et matérielle. Comme organe oi résident humeurs qui déterminent un profil psychologique, il prend spirituelle. Enfin, comme siége du spiritus, du pneuma, sorte subsiste, il est fragment détaché de la divinité cosmique, le

les sentiments et les passions, comme lieu des également une acception plus abstraite et plus de véhicule de l'àme à travers le corps, qui lui pyr technikos. Ayant recu en partage une nature

médiate, il tend à la fois du cóté du corps et du cóté de la raison (propior rationis) et sert de lien entre ces deux

éléments que leur essence sépare radicalement. Si deux notes extrémes ne forment pas harmonie, puisque, comme le rappelle Aristote, entre deux extrémes seule la mése est principe, de méme la lex Naturae et la Ratio ne

peuvent consoner, si on ne leur adjoint pas une fertia essentia, selon le vocable ficinien, pour les relier l'une à l'autre. Dans l'expression harmonia cordis, il faut lire harmonia dans le sens actif d' « harmonisation », qui insiste

plus

sur un

processus

que

sur le résultat

(« harmonie »),

et voir

dans

cordis

un

génitif subjectif

« [l'harmonisation] effe&uée par le coeur ». Le coeur devient de fait l'élément essentiel pour que consonent la

loi naturelle et la raison pure. La troisiéme faculté humaine, la ratio, est symboliquement traduite par la néte, la note la plus élevée,

conformément à la tradition antique qui voit, dans la téte humaine, point le plus élevé du corps, la citadelle abritant la raison (arx mentis). Toutefois, au lieu d'exprimer le rapport entre objet signifiant (ratio) et objet

signifié (note de musique) par une simple copule est, Bocchi brouille les pistes et signifiant et signifié, en mettant, pour sujet des verbes subest et obsequitur, la néte, et De surcroit, les deux verbes subest et obsequitur rappellent, en écho, les deux mots du obediant et subdita, et donnent de la néte l'idée d'une servante soumise aux ordres

fusionne les deux niveaux, pour complément, la ratio. titre qui surmonte le texte, de la raison. L'équivalence

une note = une fonction humaine est, de fait, compromise et avec elle, l'équilibre du discours symbolique du texte, puisque l'élément supérieur de l'harmonie, la néte, parait inapte à traduire la ratio, l'élément supérieur de

l'intériorité humaine, en demeurant, en quelque sorte, toujours inférieur à lui. Comment comprendre cet apparent paradoxe ? Le terme subest désigne, certes, un élément qui est en dessous d'un autre. Mais il désigne aussi un support, un fondement, une base, ce qui précisément soutient. Que la néte « soutienne » la raison devient clair, pour peu que l'on accepte de poursuivre la métaphore musicale et de comprendre que « soutenir » signifie ici « tenir la hauteur d'un son sans baisser ». Comparée au son le plus aigu, la raison a besoin, effectivement, qu'on la soutienne, afin de ne pas compromettre sa nature et de ne pas s'abaisser vers les parties inférieures. Par le jeu de la métaphore, qui consiste à attribuer à un objet les caracteres d'un autre, Bocchi applique à la raison le caractere de l'aigu qu'il emprunte à la note, afin d'indiquer que seule est raison la raison qui ne s'abaisse pas, de la méme maniére que seule est néte, celle qui n'est ni mése ni hypate. La néte soutient la raison en étant le point de référence en dessous duquel la raison ne doit pas descendre. Mais le terme obsequitur pose en méme temps l'idée d'une radicale sujétion, en indiquant l'idée d'une volonté à laquelle on se plie. Bocchi tente de suggérer la nature du pouvoir de la raison : la uoluntas domine la lex et l'harmonia, tout comme la néte domine la mése et l'hypate et comme la raison domine le cceur et les sens. Mais l'obéissance dont parle le texte n'est pas celle d'une fonction mais, de maniére un peu paradoxale, celle d'une note, la nete, qui est la res significans, le symbole, et dont nous avons dit qu'elle soutient métaphoriquement la raison en étant un repére inférieur à ne pas dépasser : si la néte est le seuil symbolique inférieur à ne pas dépasser, le fait qu'elle obéisse prouve qu'elle ne saurait de fait étre un point de référence pour fixer les sommets auxquels touche la raison, c'est-à-dire étre un modéle supérieur indépassable. Il n'y a pas de symbole assez puissant pour traduire cette réalité. En soumettant la néte à la raison, dont elle subit la volonté, Bocchi refait un superlatif du superlatif, pour tenter de traduire l'ineffable « ce qui est plus haut que la note la plus haute ». La raison ne peut descendre en dessous de la néte, mais son élévation en revanche est telle qu'aucune note de l'accord ne pourrait la limiter ou la traduire. 7. D'un dernier paradoxe : l'Rypate comme optima uox et la réflexion cicéronienne

la En considérant l'hypate et donc la lex naturae comme la note la plus belle, Bocchi bouleverse quelque peu ses à structure hiérarchique de l'àme imposée par Platon. Il se sert de la métaphore musicale pour la faire éclater deux extrémes : la néte ne suffit pas à traduire la raison, l'hypate prend en quelque sorte le dessus et se signale par sa beauté, méme si (et peut-étre parce que) elle demeure à la place qui lui est assignée, c'est-à-dire premiere et le chronologiquement et derniére ontologiquement (grauissima). Une fonction dénigrée est ici réhabilitée ent modéle harmonique, tout en soulignant l'irréductible différence de chacune des parties, pose simultaném implique Naturae lex la leur fondamentale complémentarité, voire leur interdépendance. La réhabilitation de reconnaissance de leur une reconsidération positive des fonctions et des impératifs du corps ou, du moins, la

purement existence comme part intégrante de la nature humaine. Ce modéle anthropologique, loin d'étre intérieure, quelle descriptif, pose immédiatement un probléme de téléologie éthique : au regard de sa structure fin assigner à l'homme ?

prima La lex naturae est une formule qui apparait souvent chez Cicéron"*. Chez Bocchi, la position de l'adjectif

étre lu avec Naturae lex et de (v. 7), qui renvoie à uox selon la logique de l'énumération, lui vaut aussi de pouvoir

est faire sens avec elle: «la premiére loi de la nature ». Or cette idée d'une premiére loi de la nature terme par référence au parfaitement définie chez Cicéron sous les vocables de conciliatio ou commendatio,

créature — plante, d'oikeiósis des stoiciens, qui renvoient à la tendance innée et instinctive qui pousse toute lui fournit, dans ce but, un savoir animal ou homme — à persévérer dans son étre, à préserver son existence, et qui animales, la « fin » de la espéces les inné et instinctif ?. Mais, bien que point commun qui rassemble toutes ; 3, 27 ; 5 30315 3) 69 ; Rep., 1, 27. Voir aussi le Symb. 27. 74 Voir par exemple Tusc., 1, 30 ; 5,8 5 Fin., 5,47; Off, 1) 102

: les Académiques et la philosophie cicéronienne, Rome, 1992, p. 377-444 75 Cic. Fin., s, 41. Voir C. Lévy, Cicero academicus : recherches sur naturelle dans la

qui tantót prend en compte la loi « Nature et éthique dans le De Finibus». Sur les variations idéologiques de Cicéron ts philosophiques, voir J. Pépin, Idées grecques sur antécéden leurs et , Tusculanes définition de l'humanité, tantót la réfute, comme dans les

7? Voir E. R. Curtius, « La déesse Nature » dans Id., La pensée européenne et le Moyen Áge latin, Paris, 1956 pour la trad. francaise, p. 131-156.

256

l'homme et sur Dieu, Paris, 1971, p. 55-1685.

257

"Traduction, annotation, commentaire — Livre Il

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Nature n'en demeure pas moins de conserver chaque individu dans la spécificité que lui confére son espéce et de l'amener au plein épanouissement de sa constitution, de la naissance à la mort. C'est donc en déterminant la spécificité naturelle humaine que la sagesse, ou philosophie, concue comme art de vivre, pourra construire son propos et son action et permettre à l'homme de vivre heureux. Or, composé d’àme et de corps, l'homme se doit, pour étre heureux, de s'occuper des deux, car l'acquisition progressive, au fil des àges, du sentiment, puis de la connaissance, ne se construit pas sur l'annihilation des fonctions antérieures et des facultés acquises, mais, au

contraire, sur leur complémentarité et leur hiérarchisation naturelle. Leur valeur, en effet, n'est pas d'une égale importance et tout le monde s'accorde à reconnaitre la supériorité de l'àme et à la définir comme ce qui sépare l'homme de la simple créature animale. Selon Cicéron, dans le quatriéme livre du De Finibus, les $toiciens, tout en reconnaissant la nécessité de fonder la philosophie sur la Nature, ne prennent pas en considération la totalité de la nature humaine. Certes, ils décrivent la continuité, en l'homme, entre fonctions vitales et fonctions psychologiques et rationnelles, mais ils laissent de cóté, dans leur éthique, tout ce qui concerne le corps pour ne se pencher que sur l'àme, comme si l'homme n'était qu'un esprit désincarné"?. Cette critique du stoicisme s'accompagne, de fait, d'une critique de l'épicurisme, doctrine qui, elle non plus, ne prend pas en compte la totalité de la nature humaine, mais seulement la part corporelle, celle qui peut susciter le plaisir, comme si l'homme n'avait pas d'áme. Cicéron leur oppose la conception éthique aristotélicienne et carnéadiennne, selon laquelle la vertu peut étre aidée de biens extérieurs, comme gloire ou fortune, et que ces éléments peuvent transformer une uita beata en uita beatissima : autant d'objets que les stoiciens classent dans les adiaphora, les choses indifférentes, qui sont à collecter (sumenda) si elles se présentent, mais en aucun cas à rechercher (exspectanda), puisqu'elles ne participent pas au

souverain bien".

En posant l'áàme comme une harmonie oü toutes les parties trouvent leur place, Bocchi utilise une citation de Platon de maniére anti-platonicienne et anti-Stoicienne, puisqu'il revendique un róle fondamental et harmonique pour une partie à laquelle Platon et Zénon dénient toute possibilité harmonique, tout caractere humain. La lex naturae, signifiée par l'hypate chez Bocchi, liée certes à la matiére (grauissima), désigne positivement le caractére impératif de la vie, qui ne se comprend pas en dehors de l'incarnation biologique et du corps. En qualifiant l'hypate d'optima uox, Bocchi rappelle, à la suite de Cicéron, l'unité du vivant et, en particulier, de l'eSpéce humaine. La uirtus parfaite n'est donc pas la réalisation d'une philosophie niant les principes vitaux, mais celle qui, au contraire, revendique, pour chacun des éléments qui composent l'homme,

8. Présence du débat à la Renaissance : Colonna, Alciat, Sadolet

Dans cette perspective, l' Hypnerotomachia Poliphili de Francesco Colonna (Venise, 1599) probant. Comme l'a clairement montré M. Ariani, l'initiation de Poliphile ne constitue pas platonicien, où la révélation s'obtient par l'annihilation ou la négation du corps et des sens. cicéroniano-aristotélicienne de la medietas et la physique cosmique de Lucréce, le parcours

fournit un exemple une paideia de type Associant l'éthique de Poliphile vise à

réaliser l'accomplissement de l'humanitas, « come vitalizzata, fermentata dall' integrazione tra corpo e anima, tra sensi materiali e sensi spirituali, tra Venere Pandemia et Venere appunto, coincidenti nell' Alma Venus, nella

grande Madre Physizoa ai cui misteri verano iniziati i due Amanti » ^. Parallélement, alors méme que les apparences semblent en faire un contre-exemple, l'embléme d'Alciat « Natura » précédemment cité peut étre lu dans ce sens. Dans la description qu'il effectue de Pan en lui associant les trois fonctions humaines, Alciat donne à la fonction inférieure les dénominations de pubes et concubitu, évoquant sans ambages la fonction sexuelle. Au premier abord, on peut voir là l'expression d'une morale traditionnelle, qui serait à la fois intellectualiste, en posant que la meris est une part divine et supérieure et que les fonctions corporelles apparaissent comme des forces débridées et incontrólables (v. 10 : Inferiora modus nec ratio ulla tenet), mais aussi christianisée, dans la place positive qu'elle donne au cceur, lieu de la charité. Pourtant, Alciat nous semble se livrer en réalité à une raillerie du systéme platonicien, tout en présentant, dans les apparences, une tripartition typiquement platonicienne entre corps, cceur et esprit et en proposant la métaphore celsa uerticis arce, qui évoque des formules de la République. En effet, si le dernier vers du poéme apparait négatif, en revanche, la formule nos in secla propagat indique l'idée positive d'une filiation qui s'effectue à travers les áges, qui prolonge la vie de génération en génération et fait entendre subrepticement l'expression chrétienne de l'éternité, in saecula saeculorum. Or le mot concubitu souligné par sa place au début de vers est sans

ambiguité et indique l'union sexuelle et la génération. Alciat se souvient, mais à des fins antiplatoniciennes, à

l'instar de Bocchi pour la République, d'un passage célébre du Banquet. Aprés avoir évoqué le mythe de l'androgyne et indiqué que, dans l'union sexuelle, chacun tente de retrouver son unité primitive, Platon rappelle, par la bouche de Diotime, que le seul espoir pour l'homme de survivre, en tant qu'étre vivant, et d'étre, en quelque sorte, immortel « organiquement », consiste à avoir une descendance'?, en se reproduisant de génération en génération par les relations sexuelles. En utilisant Platon au rebours de Platon, et en donnant une

image positive du corps qui, par la reproduction, s'assure une forme d'immortalité, Alciat laisse entendre, non sans ironie, que si la perpétuation de l'eSpéce humaine s'est effectivement assurée à travers les siécles (in saecla),

Symb. 79, oà la statue de Léocharés représentant l'aigle et Ganyméde devient un symbole du corps et l’àme

ce n'est pas gráce aux professeurs de vertu (ceux qui s'appuient sur le cceur), ou à ceux de philosophie (qui s'appuient sur la mens), mais parce qu'une forme de sagesse des nations et de salutaire instinct naturel, peu enclin à obéir au modus et à la ratio, a poussé les individus à faire aussi usage des pubes et du concubitu, à se perpétuer charnellement et non pas seulement par la paternité abstraite des ceuvres morales et philosophiques. si Le débat autour de la réconciliation de l’àme et du corps auquel participe Bocchi est d'une singuliére actualité, la l'on se référe aux attaques livrées contre le stoicisme et le pyrrhonisme par les sectes épicuriennes de Renaissance’®!, On sait par ailleurs que la curie romaine, des le début du xv* siecle et pendant toute la premiere

particuliérement goütée à la Renaissance de la conciliatio, concordance des philosophies antiques entre elles et

hia Poliphili, t. II, Milan, 1998, Introduzione, 78 M. Ariani, « Il sogno filosofico » dans M. Ariani, M. Gabriele (éd.), F. COLONNA, Hypnerotomac

une place à part entiére. La lex naturae est en bas, car sa valeur n'atteint pas celle du cceur, ni celle de la raison.

Cependant elle est aussi prima, car chronologiquement, elle est la premiére donnée de la vie humaine et, si l'émergence du cceur et de la raison la supplante en valeur, elle conserve le droit à étre reconnue et considérée, puisque c'est sur elle que repose tout l'édifice. Cette complémentarité entre áme, cceur et corps et la spécificité téléologique qu'elle induit est à l'euvre ailleurs dans le recueil d'emblémes: le Symb. 10, oà Vénus et Pallas harmonisent uirtus et uoluptas ou encore le réconciliés. Bocchi, en célébrant la réconciliation de l'àme et du corps, s'inscrit dans la tradition philosophique

avec le christianisme, qui doit permettre trouver un idéal d'équilibre et de complétude pour l'individu.

arce sedet./ Hinc caper est, quia 79 ALCIAT , Emblemata, « Natura », v. 3-6 : Est uir pube tenus, quod nobis insita uirtus/ Corde oriens, celsa uerticis nait du cceur pour prendre nous en est qui vertu la car nos natura in secla propagat/ concubitu ... « Il est homme jusqu'aux parties génitales,

perpétue de siécle en siécle gràce à place dans la haute citadelle de la téte. Pour le reste du corps, il est chévre car la nature nous

l'accouplement. »

pt



se donner perpétuité, immortalité. Or elle le peut 79 PL. Conu., 207d-208e : « [...] la nature mortelle cherche, dans la mesure oà elle le peut, à étre.: [...] ; | est un autre toujours un nouveau, qui seulement par ce moyen, par la génération, vu que celle-ci, à la place de l'étre ancien, en laisse 76 C1 s Tusc, 4, 35-36. PE Qn connait ha postérité, à la Renaissance, du mot de Cicéron dans une lettre à Atticus, repris dans un adage d'Érasme (4, 10 47), pour

traduire cette idée de la complémentarité entre vertu autonome et bien extérieur: duce uirtute, fortuna comitante, dont la déclinaison

emblématique sera plutót fortuna uirtutis comes (cf. ALCIAT, Emblemata), formule qui montre bien que, si les deux sont indispensables, la raison n'en demeure pas moins la faculté dirigeante (dux).

258

C'est de cette facon, sache-le, qu'est préservé tout ce qui est mortel ; non point,

existence d'une absolue i ^ d comme ce qui est divin, par l'identité

lui autre chose, du Bouveat, pared à uá qu'il était. » éternelle, mais par le fait que ce qui s'en va, ruiné par son ancienneté, laisse aprés lettre antérieure à 1531 rédigée par un certain Cosma Peripateticos, et Achademicos Stoicos, contra 7! Voir par exemple la Defensio Epicuri cicéroniens, popsumos la structure composite de Raimondi et adressée à Ambrosius Tignosius, qui critique les stoiciens avec des arguments » Ricerche sull AREE del Giitibcento ” in Garin, E. dans l'homme qui exige une sagesse permettant le plein usage de toutes les parties La cultura filosofica del Rinascimento italiano, Florence, 1961, p. 89 : : « Si nous étions composés d'une seule àme, je dirais que Régulus aussi est

259

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) -tome 2

moitié du xvi? siécle, était friande de ces débats intellectuels et de l'érudition en matiére de doctrines antiques

qu'ils exigeaient/*". Ainsi, l'exemple le plus directement inspiré de Cicéron et du De Finibus est le Phedrus de

J. Sadolet, intitulé aussi Attaque et défense de la philosophie, ouvrage publié en 1538 et dédié à Mario Maffei. Dans la premiere partie, un dénommé Phèdre vilipende la philosophie et son inutilité au nom de l'action civique et politique. Dans la seconde partie, utilisant le texte cicéronien, Sadolet lui-méme prend la parole et se fait l'avocat de la sagesse. Sadolet pose tout d'abord une tripartition humaine, contenue implicitement chez Cicéron dans la

distinction effectuée entre régnes végétal, animal et humain? et souligne le jeu conjugué des trois facultés et

l'unité infrangible qu'elles dessinent. Pour chaque faculté, Sadolet détermine la recherche d'un bien supréme. La partie inférieure vise à l'utile, que Sadolet rattache à la nécessité vitale de l'auto-conservation. On retrouve là la définition des biens du corps rappelée par Cicéron, santé, beauté, absence de douleur, et leur aspect impératif, caractérisé par Bocchi (et Cicéron) sous le vocable lex naturae. Sadolet, tout en précisant que cette premiere fonction joue un róle de fondement sur lequel les autres facultés prennent leur assise, n'oublie cependant pas d'en préciser l'infériorité essentielle. On retrouve l'idée bocchienne de l'hypate, comme assise et fondement de l'accord, mais, par là méme, placée en bas'**. Sadolet évoque ensuite la fonction médiane, mi-consciente, miinstinctive, relevant à la fois du pur organique et d'une ébauche de rationalité, et visant à la volupté, puis considére enfin la fonction derniére, rationnelle, qui tend vers la vérité et qui demeure toutefois

incommensurable aux deux précédentes fonctions/**. Au vu de la constitution composite de l'homme et du bien

constater à quel point Bocchi s'inscrit dans une tradition intellectuelle bien attestée, qui attribue au corps et aux externa qui s'y rattachent une valeur et une utilité et les fait participer à la définition du souverain bien. Conclusion

L'accord conjugué de la néte, de la mése et de l'hypate nous fait entendre puis concevoir l'harmonie entre un centre et deux extrémes : qu'ils constituent la gamme simplifiée de l'harmonie du monde, la forme hybride du dieu Pan ou encore la hiérarchie de l'áme, ces trois sons distincts consonent gráce à leur radicale altérité. Le jeu érudit et poétique de l'emblématiste se fonde sur un impératif de la pensée de la Renaissance : l'unité du monde et du sujet humain dans toutes leurs composantes. Gráce au Cicéron du De Finibus, Aristote supplante Platon et ses héritiers dans l'établissement d'un programme de vie oü le corps dominé n'est plus ce monstre quaerens quem deuoret mais un allié fidéle de la raison dans l'ordre de la nature et l'instrument de la mise à l'épreuve du sujet chrétien.

Symb. 46 Gravure :

IL N'EST POINT UN AMI CELUI QUI N'AIME POINT TOUJOURS

supréme différent que chaque partie vise, Sadolet, sur les traces de Cicéron, entend définir un bien qui permettrait de satisfaire, non pas un seul élément, mais l'ensemble de la nature humaine :

*

Mais qu'est-ce donc qu'elle [-la philosophie] enseigne ? Voici : de méme que nous sommes composés de l'union

SCIPION RÉFUTE UNE SENTENCE DE BIAS

et de l'alliage de trois natures, de méme, nous devons méler et comprendre ces trois biens en un seul, si nous

voulons jouir d'une vie heureuse et compléte dans toutes ses parties"5,

Les trois biens liés aux trois parties, tout en étant différents, s'accordent cependant de fait et entretiennent entre

eux une parenté qu'il faut savoir respecter pour étre heureux. Pour Sadolet, cette conception aristotélicienne ruine les opinions des stoiciens, en particulier Zénon. Au terme de ce trés succinct parcours, force est de heureux, j'écouterais les stoiciens et je penserais que le bonheur réside dans la seule vertu. Mais alors qu'en réalité nous sommes faits d'une áme

et d'un corps, pourquoi négligent-ils, dans le bonheur de l'homme, une partie qui appartient à l'homme et le concerne? Et pourquoi s'occupent.ils de l'àme, mais négligent le corps, demeure de l'àme elle-méme ? Tout étre composé d'un ensemble caractérisé d'éléments, s'il lui manque quelque chose, lorsqu'on recherche quelle est sa perfection, je ne le considére pas comme parfait ni pleinement accompli ». ?? Voir H. Harth (éd.) : Poggio BRACCIOLINI, Lettere, t. III, Florence, 1987, lettre 19, p. 467-468 : Educatus sum ab adolescentia in romana curia,

in qua tum Epicuri, tum Peripateticorum disciplina in usu esse consueuit, quorum alter in uoluptate, alteri etiam in rebus externis summum bonum

collocauerunt. « Adolescent, je reus mon éducation à la curie romaine, oi régnait habituellement tantót la doctrine d'Épicure, tantót celle des

Péripatéticiens : le premier a placé le bien supréme dans la volupté, les seconds, dans les biens extérieurs aussi ».

73 E, Charpenne (trad.) : J. SADOLET, L'Attaque et la défense de la philosophie, Paris, 1864, P- 254-255 : « Or cette premiere connaissance de

nous-mémes dont nous avons parlé, sera suivie d'un autre précepte, ce sera de considérer et de remarquer que les trois parties qui nous constituent, ayant chacune un but qui lui est propre, et dans lequel le bien de chacune d'elles se trouve placé, nous qui sommes composés de ces trois natures pour ne former qu'une seule chose, nous ne pouvons nous contenter du but, de la fin d'une seule des parties ; mais de méme que nous avons trois maniéres d'étre et trois facultés de l'àme, de méme trois biens nous sont proposés, dont chacun convient séparément à chaque

partie et tous les trois conjointement à notre universalité. »

74 Ibid., p. 255. C'est nous qui soulignons : « La fin, le but que se propose la partie inférieure et la moins noble de l'àme, par laquelle nous nous

entretenons et nourrissons, c'est notre conservation, c'est-à-dire notre santé et notre vie ; et ce genre de bien qui s'appelle l'utile a son principal fondement dans cette partie de l'Àme. En effet, nous l'appelons surtout l'utile parce qu'il tend, soit à donner, soit méme à rétablir notre santé et notre état florissant : ce qui, de tous les biens, est le plus nécessaire ; car il est comme l'assiette et le fondement des autres biens, lesquels, s'il est soustrait et enlevé, semblent ne pouvoir exister nulle part. Or les choses qui participent à ce bien sont celles qui manquent de tout sentiment, comme les plantes, les arbres et les autres choses semblables, dont la nature est de beaucoup la plus assujettie dans le genre animal tout entier.

Ne contenant rien en soi qui ne dépende de la nécessité, elle n'a, pour cette raison, ni honneur, ni noblesse. »

755 Ibid, p. 256 : « Quant à la troisiéme nature de l'àme qui a la raison en partage, ou plutót qui est est la raison méme, elle est céleste et divine. Eu égard à sa noblesse et à son excellence, l'importance des autres natures est, en quelque sorte, nulle ou si petite qu'elles ne doivent pas lui étre companées; Le but extréme qu'elle se propose, si on le considére seulement en lui-méme, c'est la science et la vérité ; si on le considére dans son union avec les autres buts, c'est la beauté et l'honnété. » 755 [bid, p. 258.

260

Je ne sais point quel sage est l'auteur de ce mot inique : « Aime comme pour hair ». Je voudrais aimer

Comme pour ne jamais hair. Si elle est bonne et vraie, N'est ce point pour la vie que dure l'amitié ? 5 Quiconque aimerait son ami en pensant qu'il pourrait Étre son ennemi, est-ce vice ou vertu ?

J'aimerai, non « comme pour » mais « pour ne jamais » hair. Toujours est constante l'amitié véritable. MÉTRIQUE — tit. pict. : trimétres iambiques. - carm. : distiques élégiaques. NorES -tit. pit. : EPAXTHE]

C'est Cicéron qui, rappelant les deux sens d'amare et de @ieiv, autorise à traduire

utrumque enim ductum est ab £paotrjc par amicus et non par amator ou amans (Lae., 100) : siue amor, siue amicitia,

amando « Que ce soit l'amour ou l'amitié, les deux termes proviennent tous les deux d' “ aimer ” ». -tit. carm. :

- Biantis] Il s'agit de Bias de Priéne, qui faisait partie de la liste canonique des sept sages de - Gréce.

E

- a Scipione] Il s'agit de Scipion Émilien (185-129 av. J.-C.), fils de Paul-Émile mais adopté par Publius Scipion,

Aficain. », pour fils du premier Scipion l' Africain. Il détruisit Carthage en 146 et prit alors le nom de « Apsend

le le distinguer de son grand-pére adoptif. Il détruisit également Numance en 133. Il est réguliérement cité dans au jewie Laelius de amicitia. Rappelons que, dans le De Amicitia, l'augure Quintus Mucius Scaeuola rapporte Gaius commun, beau-pére leur et Cicéron une conversation qu'il aurait eue jadis avec Gaius Fannius Strabo Laelius Sapiens, ami de Scipion, et éléve de Diogene de Babylone et Panétius de Rhodes.

261

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

ANALYSE Le poéme de l'embléme est fondé sur un mot paradoxal de Bias rendu célébre par un passage Cicéron (CIC., Lae., 16, 59 ; voir apparat des sources), oü il est rapporté par Laelius qui dit Émilien. Bias conseille la prudence, en rappelant que l'amitié peut toujours se transformer en qu'il faut donc étre sur ses gardes en se préparant à détester celui qu'on a aimé. Le propos est

du De Amicitia de le tenir de Scipion une haine fatale et célébre et suivi par

toute une tradition parémiographique (voir apparat des sources). entretiens avec Scipion, rappelle trois positions qui fixent les limites de l'amitié (16, 56-59) et il les réfute l'une aprés l'autre. La premiere conception consiste à avoir envers ses amis les mémes sentiments que pour soi-

méme : Laelius explique qu'on est capable pour ses amis d'attitudes héroiques dont on est incapable pour soiLa deuxiéme

conception veut que les services rendus entre amis soient égaux:

chez un Ficin et au sein de

l'Académie florentine de Careggi, la Renaissance ne manque pas d'accorder aussi une place de choix à Aristote, à

Cicéron et à Sénéque*5, dont les positions sont revisitées par Pétrarque, L. Battista Alberti ou encore Érasme,

qui confronte l'amicitia à la notion de caritas, pour ne citer que les plus fameux. La référence érudite à Cicéron, qui ancre l'amitié dans la continuité de l'oikeiósis, rejoint d'un cóté la position aristotélicienne de la sociabilité naturelle mais aussi, de l'autre, l'idée stoicienne de la philanthrópia universelle, et vient renforcer ce lien social et

Le contexte du passage cicéronien est important pour comprendre l'embléme. Laelius, qui rapporte ses

méme.

dialogues de Platon sur l'érós et la philia, continue de prévaloir, par exemple

mais cette attitude

comptable et mesurée ne convient pas à la générosité qu'impose l'amitié ; enfin, la troisiéme et la pire de toutes, aux yeux de Laelius, juge bon que chacun inspire à ses amis la méme estime qu'il a pour lui-méme. Or, reléve fort justement Bias, les circonstances de la vie peuvent nous plonger dans le désespoir et la dépression, et il est heureux que, loin de partager le peu d'estime que nous nous vouons alors, l'ami au contraire tente de nous réconforter, sans se laisser engloutir dans notre infortune morale. C'est alors que Laelius expose la position de Bias, rapportée par Scipion, et qui imposerait de se préparer à hair son ami. Pour Scipion, cette seule pensée serait la fin de toute amitié dans la mesure où elle nourrirait l'espoir que l'ami en question fasse le plus d'erreurs possible, pour justifier l'hostilité à venir, et où elle susciterait jalousie et douleur, si l'ami connaissait le succes. En réponse à ce danger, Scipion (Lae., 16, 60), approuvé par Laelius, invite à choisir avec beaucoup de circonspection ses amis, de maniére à élire quelqu'un qui ne pourra jamais susciter la haine (ut ne quando inciperemus eum quem aliquando odisse possemus). Et si le cas se présente, à tolérer plutót que d'accepter que la haine s'installe. Dans le texte de l'embléme, la fatalité qui conduirait de l'amitié à la haine est assumée par l'usage du participe

futur, bien que modalisé par la conjonction comparative-conditionnelle (tamquam osurus ama, v. 2, « aime

comme si, fatalement, tu devais un jour hair »), et son réultat inéluctable traduit dans l'usage de l'antonyme (amicum + inimicum, v. s). À l'opposé de Bias, Scipion pose l'amor (d’où dérive l'amicitia) comme fondement

affectif fondé sur le partage d'une culture commune"*.

La présence chez Bocchi de l'Amor/Amicitia fonde une forme d'irénisme cultivé. Ce dernier garantit la pax par l'adhésion des membres d'un groupe à des modeéles littéraires communs, par exemple celui de Cicéron et d'Atticus partageant amitié et goùt pour le savoir philosophique et la culture grecque. L célébration de l'amitié au sein de la culture est précisément le programme défini par l'Hermathena Bocchiana, à l'angle du Palazzo Bocchi, et objet du Symb. 102 (voir nos analyses) : dans cette sorte d'allégorie de l'àme que nous présente la composition complexe, Éros est au centre, en remplacement du thymos platonicien, lieu des ardeurs guerriéres et des brutalités colériques. Il pose le pied sur la téte du lion, auquel il passe aussi un mors, signe double pour montrer qu'il brise les élans de colere du fauve, variante des epithymiai platoniciennes : derriere lui, bienveillants, pour lui inspirer confiance, Hermés et Athéna, unis par les liens du mariage, nous platonicien dédoublé, jouent le róle de ses parents et éduquent l'Amour à force de Ratio et d'Oratio, d'Intelligence et d'Éloquence, seuls moyens de garantir la longévité du régne du petit dieu, et la stabilité de toute la figure. La gravure, dans un paysage minéral (à l'exception d'une touffe d'herbe à gauche et d'un arbre mort à droite), nous montre une Vénus/ Caritas ou Amicitia sous les traits d'une jeune femme en marche, vétue d'une gracieuse tunique gonflée par le vent. Elle tient dans la main gauche un mors qui entrave la bouche du petit Éros ailé qui marche derriere elle, arc et fléche en main, carquois dans le dos : il n'est plus l'amour folátre qui volette là oü bon lui semble, mais l'enfant sage qui met ses pas dans ceux de la Caritas. Trois autres putti (non ailés), accompagnent le couple : un derriere, à cóté d'Éros, le second juché sur le bras gauche replié de Vénus, muni

d'une torche (symbole de l'amour), et un troisiéme, qui ouvre le cortége et désigne le chemin.

permanent d'un lien social stable. La répétition du verbe « aimer » est lancinante (ama, amare, v. 2 ; amet, v. 5 ; amabo, v. 7) en relation avec les termes amicum (v. 5) ou amicitia (v.4 & 8).

À l'usage fatidique du participe futur porteur de haine et souligné par tanquam, Bocchi fait répondre Scipion par la correction de ce participe par l'adverbe nunquam « jamais », qui réfute la sentence de Bias par deux fois (Vt nunquam osurus, V.3; sed nunquam osurus amabo), avec de surcroit, le passage d'une seconde personne

apophtegmatique (ama) à la prise en charge du message par un ego revendicatif (quin ego amare uelim, v.2 ;

amabo, v. 7). La position stratégique de certains termes en écho ou en opposition manifeste encore plus cette volonté de réfutation. Ainsi, d'un cóté, iniquum en position finale du v. 1 répond phonétiquement et pour le sens à inimicum en position finale du v. 5 et à uitium [e]st en position finale du v. 6. De l'autre, à amicitia, deux fois en

position finale de vers (v. 4, 8) répond pour le sens amabo, à la fin du v. 7.

Ce n'est pas lieu d'exposer ici la théorie de l'amitié humaniste. On soulignera seulement l'importance en général du lien de sodalité qui pouvait unir les humanistes entre eux, en particulier lorsque s'y ajoutait la conscience d'appartenir à un cercle lettré Spécifique, à une académie ou à une petite communauté

plus ponctuelle et

éphémére, réunie pour un dialogue, un entretien littéraire ou apparaissant sous la forme des dédicaces dans un recueil", modele de sociabilité trés différent de la cour princiére ou du milieu monastique. Si le modéle des

7? Sur l'amitié à la Renaissance, voir M. Aymard, « Amitié et convivialité » dans Ph. Ariés, G. Duby (dir.), Histoire de la vie privée, t. II : De la

Renaissance aux Lumiéres, Paris, 1986, p. 455-499 ; M. Rey, « Communauté et individu : l'amitié comme lien social d'histoire moderne et contemporaine, 38/4, 1991, p. 617-625 ; U. Langer, « Friendship and the Adversarial Rhetoric Knowledge, 3/1, 1994, p. 45-53 ; Id., « L'honneste amitié et le refus du désir dans la tradition morale latine » dans (dir.), Anteros, Caen /Orléans, 1994, P. 95-115 ; Id., « Vsus, fruitio et l'économie de l'amitié », dans A. Tournon,

à la Renaissance », Revue of Humanism », Common J. Miernowski, U. Langer G. -A. Pérouse (dir.), Or,

monnaie, échange dans la culture de la Renaissance, Ales du 9* colloque international de l'Association Réforme, Humanisme,

262

Renaissance

(Lyon,

Leyde, 1994 (avec en 1991), Saint-Etienne, 1994, p. 95-106 ; R. Hayatte, The Arts ot Friendship in Medieval and Early Renaissance Literature, offerts à Robert Mélanges moderne. période la à Europe en amitié fidélité, Foi, (dir.), Maillard B. ; particulier une réflexion sur Boccace et Alberti) 1997 ; Fribourg, anciens, philosophiques textes de Anthologie : 1 t. l'amitié, de Sagesses (éd.), McEvoy J. Follon, Sauzet, Tours, 1995, 2 tomes ; J.

t.2: Anthologie de textes philosophiques patristiques, médiévaux et renaissants, Fribourg, 2003, avec leurs trés précieuses introductions

p. 581-593 ; synthétiques ; Ph.-J. Salazar, « La société des amis: éléments d'une théorie de l'amitié intellectuelle », xvir' siécle, 20$, 1999, 2008 ; Turnhout, humaniste, médiévale littérature la dans et Rome à amis des société P. Galand-Hallyn, S. Laigneau, C. Lévy, W. Verbaal (dir.), La

M. Daumas, Des trésors d'amitié. De la Renaissance aux lumiéres, Paris, 2011.

785 Voir J.. C, Fraisse, Philia : la notion d'amitié dans la philosophie antique, Paris,

1984.

-}

de senectute ; Laelius de amicitia, Oxford /NY, 789 Sur Cicéron et l'amitié, voirJ. G. F. Powell (éd.) : M. Tulli Ciceronis, De Legibus ; Cato maior Roman Republic» in Proceedings of the Late the in 2006, en particulier l'introduction, p . 1-26. Voir également P. A. Brunt, « Amicitia

romaines de Cambridge Philological Society, 2, 1965, p. 1-20 ; F. Prost, « La structure du Laelius de Cicéron » et M. De Franchis, « Pratiques C. Lévy, Laigenau, S. Galand-Hallyn, P. dans », Gracchus Tiberius et Cumes de Blossius Scipion, et l'amitié à la lumiere du De amicitia : Laelius dans Laelius le dans W. Verbaal (dir.), La société des amis à Rome, p. 11-26 et 43-62; F. Prost, « La philosophie cicéronienne de l'amitié Laelius de siia C. Lévy, S. Aubert (dir.), Cicéron, Revue de Métaphysique et de Morale, 1, 2008, p. 111-124 ; Id., « Cicéron,

», Vita Latina, 180,

particulier chez Pétrarque, voir par exemple 2009, p. 98-108. Sur les fondements cicéroniens et sénéquiens de l'amitié à la Renaissance, en

2001. C. Lafleur, Pétrarque et l'amitié. Doctrine de l'amitié chez Pétrarque à partir de ses textes latins, Paris/Québec,

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Symb. 47 Gravure :

BIENS MAL ACQUIS NE PROFITENT JAMAIS *

SUR LA FIN D'UN AVARE

Dans ses cassettes, un avare sans foi Avait caché un monceau de monnaie d'or,

Soustraite à un homme pieux et généreux, Par un affreux crime et une ruse impie.

s

Maiscette somme, le Serpent ennemi

La vient bientót réclamer comme son dà ;

Lui passant un lacet solide, il emporte L'avare et ses cassettes, et puis le tue. 10

Les biens justement acquis souvent se perdent, Les biens mal acquis, toujours ; leur maitre aussi.

MÉTRIQUE

Hendécasyllabes phaléciens. NoTES - tit. : male parta male dilabuntur] Littéralement : « biens mal acquis sont mal dépensés ». — v. 5 : reptilis perduellis] Cet « ennemi rampant » ou ce « serpent ennemi » est bien sür une figure du diable. ANALYSE

La source de cet embléme est un passage du Narrenschyff de Sebastian Brant, publié à Bàle en 1494 (voir apparat des sources)" et qui fut traduit en latin par Jacques Locher (Stultifera Nauis, Paris, Geoffroy de Marnef, 1498). Sous la forme d'un petit apologue, le poéme emblématique, au fil de trois parties qui s'équilibrent, narre comment un avare, probablement un usurier, dépouille un honnéte homme de son argent (v. 1-4), se voit de ce

fait puni par le diable qui lui óte et ses biens et la vie (v. 5-8), avant qu'une morale ne soit tirée de l'épisode : les biens honnétement acquis peuvent souvent (saepe) étre perdus, par suite des retournements de la fortune. Mais les biens mal acquis, par une sorte de fatalité immanente (semper), le sont toujours : les adverbes groupés par paires plus ou moins antinomiques (bene/male ; saepe/semper) organisent seuls la différence entre les deux énoncés qui ouvrent de maniere identique les deux derniers vers (Perduntur bene parta ; Perduntur male parta), tandis que la disposition de saepe et de semper autour d'une ponctuation semi-forte accentue l'écart de signification, malgré la proximité phonétique. L'écart de signification est précisé encore par l'hyperbate qui clót le texte aprés une virgule: et author ipse, montrant qu'alors ce n'est plus seulement la propriété qui est en danger, mais la vie elle-méme. La formule male parta male dilabuntur, emprunté au tragique latin Naevius, est passée en proverbe dés l'Antiquité (voir apparat des sources, en part. CIC., Phil., 2, 27, 65 : Sed ut est apud poetam nescioquem). Érasme lui consacre un adage et Alciat un embléme, oü il évoque l'exemple du milan qui vomit ses entrailles, symbole de l'avare qui perd avec difficulté méme ce qui ne lui appartient pas. Pourquoi les biens mal acquis causent-ils toujours la perte de leur propriétaire ?

Si la fable rappelle Ésope", elle s'ancre également dans une tradition tardo-antique et médiévale bien établie de condamnation radicale de l'avarice au sein d'un septénaire de péchés capitaux. L'avarice n'est pas la seule pingrerie, à laquelle le sens actuel du mot la réduit, mais plutót la philargyria, « amour de l'argent ». Elle est racine de tout mal, pour reprendre une sentence de Pierre Lombard (Sent., 2, d. 42, 8) ou un acrostiche de Gautier Map vilipendant Rome (Radix Omnium Malorum Avaritia, cf. De nugis curialium, 2, 17), et se lie

étroitement à l'auiditas et à la cupiditas. L'avarice comme désir de possession connait, comme l'explique saint

Augustin (Gen. ad litt, 11, 15), une extension plus large qui lui permet de désigner le vice de celui qui ne se contente pas de ce qu'il a, mais souhaite toujours plus, qu'il s'agisse de pouvoir ou de science. L'avarice s allie alors avec le vice de l'orgueil et de la superbe, auquel il dispute la premiere place". L'avarice comme amour effréné de posséder l'argent prend une multitude de formes, des médecins aux avocats en passant par les

corsaires, les bandits et les prélats, mais s'incarne tout particuliérement dans une figure honnie, celle de l'usurier : celui-ci, idolátre de l'argent, vole le bien de l'honnéte homme, entrave la libre circulation des biens et

appauvrit son prochain, compromettant ainsi l'exercice de justice que permet la charité, lorsqu'elle tente de rééquilibrer les rétributions^. L'embléme souligne immédiatement ce contexte moral, insistant sur l'impiété de l'avare (impius ; nefandum), véritable malfaiteur qui use de ruse pour commettre ses crimes (scelus ; dolus),

antithéses de la piété et de la générosité de sa victime (munifico ; pio). Dans notre embléme, la relation avec la

terre, d'oü l'on extrait l'or et oà on le cache (condidit), par opposition au ciel angélique et divin vers lequel le chrétien doit lever le regard, est également soulignée, tout comme le désir pathologique qu'on ne peut satisfaire (uim magnam). L'embléme doit se lire en paralléle avec les autres piéces du recueil condamnant l'amour de l'argent (voir le Symb. 34 qui reprend la parabole de Matthieu contre le riche) ou célébrant l'incorruptibilité des grands hommes du passé (voir les Symb. 31 et 32 sur Curius et Fabricius refusant l'or samnite) ou encore exaltant le mépris des biens extérieurs (voir le Symb. 41 sur la balance de Platon). Nous avons insisté dans notre

introduction sur la signification érasmienne de cette lutte générale contre les passions troublant l’àme et la

quiétude comme propédeutique à la vie évangélique""*.

Le récit poétique de l'embléme, dans sa seconde partie, connait un dénouement devenu lui aussi classique depuis le XIII° s. L'avare-usurier, véritable partenaire du démon sur la terre, se moque de la vie éternelle, des chátiments de l'enfer ou des sacrements, tout préoccupé qu'il est d'amasser et de thésauriser, bref d'idolàtrer Mamon?*5. Or, comme l'explique M. Greislammer, « cette amitié prend subitement fin à l'approche de la mort, car Satan qui convoite les àmes des usuriers doit empécher toute confession et contrition de leur part. Dans ce but, le Malin peut provoquer une mort subite pour les prendre en état de péché mortel?5 ». D’où le caractére spectaculaire de certains récits racontant la fin dramatique de certains usuriers ou la présence démoniaque dans certaines scenes picturales traitant du méme sujet. On pense à La Mort de l'avare de Jéróme Bosch, peint vers 1490 et conservé à la National Gallery of Art de Washington, oü les anges et les démons se disputent l'àme de

l'avare au moment oü la Mort s'appréte à le frapper de son trait. Dans notre embléme, Satan estime que la somme amassée par des moyens malhonnétes lui revient, et que l'usurier lui a donc vendu son àme. Il prend alors l'avare par surprise pour le soumettre à la mort infamante par pendaison, toute symbolique. L'avare n'a en

particulier pas le temps de faire pénitence, c'est-à-dire non seulement d'avouer et de regretter ses fautes, mais surtout de rendre l'argent.

71 Voir par exemple AESOP., 344 Chambry, « L'avare ».

francaise, « L'avarice », p. 1537? Voir l'étude de C. Casagrande, S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux au Moyen Age, Paris, 2003 pour la trad. », ibid., P. 339- 386 ; médiévale l'iconographie dans chátiments leurs et capitaux péchés 192, en part. p. 158-159 et J. Baschet, « Les sept Ph. Hamon,

7° Comme le signale A. Lugli, « Les Symbolicae Quaestiones di Achille Bocchi e la cultura dell'emblema in Emilia » in A. Emiliani (dir.), Le arti

a Bologna et in Emilia dal 16 al 17 secolo, Atti del XXIV* Congresso Internazionale di Storia dell'Arte, Bologne, 1982, p. 87-97, ici p. 94, note 12.

264

« L'avarice en images : mutation d'une représentation, Seizième Siécle, 4, 2008, p.

11-34 ; M. Greilsammer, L 'usurier chrétien, un juif

métaphorique ?, Rennes, 2012. p. 186-187. 73 Sur ce point important, voir C. Casagrande, S. Vecchio, Histoire des péchés capitaux Érasme », Seiziéme siécle, 4, 2008, p. 35-45. chez l'avarice de théologie et 7% Sur Érasme et l'avarice, voir D. Ménager, « Philosophie et la vie, Paris, 1986, p. 69. bourse La Goff, Le J. voir idéologiques, fins des à l'Église 75 Sur cette image fictive inventée par

79* L'usurier chrétien, un juif métaphorique ?, p. 17.

265

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Le dernier vers montre que l'avare essuie en réalité une triple perte : celle de ses biens évidemment, puisqu'il ne peut les prendre avec lui dans l'au-delà ; celle de la vie, qui lui est retirée sans avertissement ; celle de son àme

enfin, puisqu'il se vend au diable et connaitra une damnation éternelle. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana", est inspiré de la gravure de Dürer (Fig. 1) et propose une scéne qui se déroule dans une campagne déserte, légérement vallonnée, occupée à gauche par un arbre aux troncs multiples. L'avare est trainé à plat ventre sur le sol, corde au

5

cou, par un démon à taille humaine, aux pieds en forme de pattes d'oiseau (comme chez Dürer), vu de trois-

quarts dos, les fesses nues, et qui se tourne pour montrer son visage barbu et cornu. L'usurier, malgré sa position, continue de brandir dans chaque main deux bourses qui attestent son vice: on comprend qu'il ne va pas les lácher jusqu'à la mort, preuve qu'il ne fait pas pénitence et s'abandonne corps, àme et biens à Satan.

PARLE DIEU TRES GRAND, TRES BON, POUR UGO PEPOLI QUI, EN RAISON DE SES ÉCLATANTS MÉRITES, FUT NAGUERE PROMU PAR FRANGOIS DE VALOIS, ROI DE FRANCE, ÀL'ORDRE DES CHEVALIERS DE SAINT-MICHEL, EN RAISON DE L’ESTIME DONT IL JOUISSAIT, FUT NOMMÉ EN MÉME TEMPS AUX CÒTÉS DU COMMANDANT DE CAVALERIE LAUTREC, TOMBA SUBITEMENT MALADE LORS DE LA GUERRE CONTRE NAPLES ET MOURUT À L'AGE DE QUARANTE-TROIS ANS, PHILIPPE PEPOLI, SI PARFAITEMENT UNI À SON FRÈRE, A ÉRIGÉ CE MONUMENT.

10

1543.

MÉTRIQUE V. 1-4 : distiques élégiaques. NOTES

- tit. piét. : RESVRGIT EX VIRTVTE

VERA

GLORIA] La formule, en contexte funéraire, est chrétienne et

s'applique généralement à la résurrection des corps. Voir par exemple VVLG., 1 Cor., 15, 43 : seminatur in ignominia, resurgit in gloria : seminatur in infirmitate, resurgit in potentia, formule légérement corrigée par RVF.,

Orig. princ., 3, 6, 6 : seminatur in infirmitate, resurget in uirtute ; seminatur in ignobilitate, resurget in gloria, qui fait

apparaitre le doublet uirtus/gloria. Ce couple complémentaire faisait déjà l'objet du Symb. 42 et de la formule cicéronienne et sénéquienne Gloria umbra uirtutis. On garde l'idée que la uirtus est premiére et que la gloire en naít (ex) et que c'est cette postériorité conditionnelle qui lui assure sa nature positive (uera). Sur la relation avec la figure de la gravure, voir infra. - ded. :

Fig. 1 > A. DÜRER, gravure sur bois pour le Narrenschyff de Sebastian Brant, Bále, 1494.

- VGONI

PEPVLO...

INTERIIT ANN«VM»

AGENS

XLIII] Il s'agit d'Ugo Pepoli (1484-1528), membre

d'une trés illustre famille bolonaise connue dés le xiti* s. Dans la notice qui lui est consacrée, Pompeo Scipione Symb. 48

Dolfi, Cronologie delle famiglie nobili di Bologna con le loro insegne, e nel fine i cimieri, Bologne, 1670, p. 597, le présente ainsi, à la date de 1508: « Ugo di Pepoli fut un condottiere à la téte d'une troupe armée employé

LA VRAIE GLOIRE RENAÍT DE LA VERTU

nomma Maréchal et Chevalier de l'ordre de Saint-Michel. Il fut nommé Général des Bandes noires en 1511. Il

Gravure :

successivement par la République de Génes, la Seigneurie de Venise et le roi de France Frangois I^, qui le fut également membre des Anziani avec le Gonfalonier Giovanbattista Castelli. Il se battit à Gaggiolo Castello pour les Gonzague de Mantoue et meurt en 1528 à Capoue en guerroyant pour ledit roi de France et son nom

Sur l'image : Bienheureux l'homme qui établit comme bien ce qui est unique

fut réputé dans toute l'Europe ». Ugo Pepoli participa en effet au siége de Naples de 1528" en compagnie de

Lautrec, oü les deux laissérent la vie. Rappelons quelques faits historiques. Aprés le sac de Rome par les

TOMBEAU SURLA

DIGNE

D'UN

HOMME

VAILLANT

FACE A DE LA PYRAMIDE :

Vertu, qui ne sait point à Fortune céder, soumet Les sens, et touche aux cieux de sa pointe élancée. SUR LE CUBE INFÉRIEUR B :

À bon droit au héros l'on voue une base carrée, Toujours droit en effet, il reste inébranlable. 77 Voirle catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n? 12.

266

lansquenets de Charles Quint en 1527, lancés par le connétable de Bourbon, la France, membre de la ligue de Cognac, envoie des troupes en Italie, avec, à leur téte, Odet de Foix, vicomte de Lautrec, pour poursuivre

l'armée impériale, qui s'enferme à Naples. Les Francais font le siége à partir du 1* mai 1528, aidés par Filippino

Doria, le neveu de l'amiral génois Andrea Doria, qui assure un blocus maritime avant de faire défection. L'arrivée des galéres frangaises du prince de Navarre, Charles d'Albret, le 18 juillet 1528, et la descente de

troupes fraiches pour soutenir le siége, suscitérent l'escarmouche de la Maddalena : les troupes impériales menées par Ferrante Gonzaga sortent de la ville, livrent bataille contre les assiégeants et, malgré sa résistance à la

téte des troupes florentines des Bandes-Noires"", font prisonnier Ugo Pepoli à la suite d'une erreur tactique de

78 Sur ces événements, voir K. Meyer Setton, The Papacy and the Levant (1204-1571), Philadelphie, 1976-1984, vol. III, The Sixteenth Century to the Reign of Julius III, 1984, ch. 11, p. 269-311 : « The sack of Rome and the Siege of Naples » ; O. Browning, The Age of the Condottieri: A Short | History of Medieval Italy from 1409-1530, Londres, 1885, p. 239-240.

7 Fondées par Giovanni de' Medici, elles obéissaient désormais à Orazio Baglioni, qui fut tué à Capoue en mai 1528.

267

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

le typhus, la malaria et la ce dernier, comme le racontent par exemple Guichardin?? et Blaise de Monluc*"'. Mais meurt le 16 aoüt 1528, suivi de dysenterie qui sévissent depuis le début de l'été ont raison des Frangais. Lautrec espagnols, était également tombé peu par Ugo Pepoli qui, libéré au début du mois en échange de prisonniers

malade? et s'était réfugié à Capoue, comme le raconte Paolo Giovio® ;

outre iceux, une fort grande multitude de estoit en garnison à Pozzolo, avec les noires ensignes de la Fanterie &

de maladie au malades de toutes sortes. Car Capoua estoit retraite seure et saine à tous ceux qui estoient supris camp.

Cronologie, - PHILIPPVS PEPVLVS] Frére d'Ugo, Filippo Pepoli est également mentionné par Scipione Dolfi, 1511:

par Jules II Cameriere

« Filipo Pepoli est nommé

Segreto

(attaché au service

fit un personnel du souverain pontife). Il se battit comme fantassin pour les Crémonais en 1538. Le pape en

Il meurt en maitre de camp dans la guerre contre les habitants de Pérouse et il fut élu nommé sénateur en 1553. 15269 décembre 15 du datée 1554. Il fut marié à une Fantuzzi »**. Il est le destinataire d'une lettre de Bocchi

oü il est gratifié du titre d'édile perpétuel de la Fabrica di San Petronio de Bologne'^*,

ANALYSE Le texte de cet embléme, qui a pour pendant le Symb. 97 (voir les éléments de comparaison dans notre analyse à cette piéce), se propose ouvertement comme l'évocation du tombeau d'un héros magnanime (voir tit. carm. : dignum magnanimo uiro sepulchrum), et présente trois parties distinctes : deux monodistiques, l'un inscrit sur la face d'une pyramide/obélisque, l'autre sur une base quadrangulaire soutenant la pyramide (inferiore), et une dédicace non versifiée de dix lignes, présente également sur la base quadrangulaire""". La dédicace à Ugo Pepoli par son frere Filippo, que le texte de l'embléme présente comme inscrite sur la face B de la base quandrangulaire aprés le second monodistique, laisse penser que c'est Filippo qui est le commanditaire voire peut-étre le concepteur du programme iconographique que l'on a sous les yeux, véritable tombeau de papier et de rhétorique, que Bocchi, séduit par l'invention, aurait intégré au recueil, ou bien qu'il aurait mis en forme emblématique, sur les indications précises de Filippo Pepoli**. Si le siége de Naples et la mort d’Ugo datent de 1528, on constatera que la dédicace est fixée explicitement en 1543. S'il s'agit pour Filippo 39 Voir J.-L. Fournel, J. -C. Zancarini (éd.) : F. GuicciARDINI, Histoire d'Italie, 19, 4, Paris, 1996, t. I1: 1513-1534, p. 582: « Le comte Ugo

de'Pepoli — successeur d'Orazio Baglioni, aprés la mort de ce dernier, à la téte des troupes florentines — fut fait prisonnier par les cavaliers ennemis alors qu'il avangait à pied avec quarante arquebusiers, devant le gros des Bandes-Noires, qui suivaient à un tir d'arquebuse ». 9! p. Courteault (éd.) : B. DE MONLUC,

Commentaires (1521-1576),

Amaseo*?, datée précisément de début avril 1543, l'emblématiste signale une forme d'effervescence créatrice

dans la constitution du recueil emblématique et adresse cinq compositions à son destinaire pour qu'il les lise publiquement et les fasse connaitre au pape :

Strozzi qui par-avant Dedant Capoue estoit Ugo de Pepoli, malade, jusques à getter le dernier souspir & Julian

p.598, à la date de

Pepoli de commémorer la date anniversaire du décés de son frére, pourquoi le faire quinze ans plus tard ? Quelle occasion spéciale cette date de 1543 représente-t-elle pour lui ? Tout d'abord, cette date fait entendre dans ses deux derniers chiffres l’àge auquel est mort Ugo (quarante-trois ans). Mais dans une lettre de Bocchi à Romolo

1, Paris, 1964, p. 56: « Car le conte Hugues fust prins prisonnier, et

monsieur de Candalle aussi, estant blessé d'une arquebuzade en un bras ».

9? E. GUICCIARDINI, Histoire d'Italie, 19, 4, p. 586 : « Vaudémont était mort, et le marquis de Saluces, le comte Guido, le comte Ugo et Pietro Navarra étaient malades ». 503 Histoire de Paolo Giovio [... ] sur les choses faictes et avenues de son temps en toutes les parties du monde, traduction de Denis Sauvage, Paris, 1581, Gilles Beys, t. I, p. 62.

804 G. Guidicini, I Riformatori dello stato di libertà della Città di Bologna dal 1394 al 1794, Bologne, 1876, t. III, p. 107, précise certaines de ces

indications : Filippo Pepoli a eu trois épouses, Elena Fantuzzi, Giulia Cesarini et Ginevra Baragazza dal Calice ; il fut gonfalonier en 1554, date de sa mort, que certains placent en 1555.

95 A. Bocchius Philippo Pepulo comiti ac diui Petronii Bononiensis Fabricae aedili perpetuo, Bologne, Bib. del Archiginnasio Ms B 3146, f° 11r-v. On

trouvera le texte édité de cette lettre dans G. Fantuzzi, Notizie degli scrittori Bolognesi, Bologne, 1782, t. 9, p. 61.

96 Sur cette fabbrica, voir A. Gatti, La fabbrica di S. Petronio : indagini storiche, Bologne, 1889 et M. Fanti, La Fabbrica di S. Petronio in Bologna

Mitto tibi symbola quattuor Academica, quorum primum est marmoreum futurum in angulo domus sub titulo HERMATHENAE, quid in philologiae nostrae ratione praeseferat intelliges ex uersiculis ipsis, quos adscribendos putaui, ut cum Orthographia?", duce Archinto*'', Pontifici max" prelegas, et uerbis tuis amiciss. exornes, et amplifices. Huic accedet DIALECTICA??, Deinde NOCTVA PALLADIS?' non omnibus dormiens. Postremo ANTEROS'? quibus singulis suos interpretes uersus addidi*'5, Mystica omnia sed admiratione iuuanda, ut tute nosti. Vale mi frater suauissime et me opera tua (quod facis) iuues et ames. Bononia IV Eid. Apriles MDXLIII*,

Il n'est pas impossible qu'à cette date, soucieux de proposer aux membres de l'Académie Bocchienne des symbola academica à étudier et à commenter lors des réunions du cercle érudit, Bocchi ait sollicité Filippo Pepoli à l'occasion de l'anniversaire de la mort de son frére pour qu'il lui propose un objet symbolique autour duquel créer un embléme, à moins que l'idée ne lui ait été directement suggérée par Filippo lui-méme, voire réalisée par lui. Ces réunions littéraires s'effectuant sous le regard du pape Paul III, qui appuiera trois années plus tard la fondation officielle de l'Académie dans le Palazzo Bocchi via Goito, le désir éprouvé par Bocchi de manifester une intense activité philologique pour susciter des subsides, en plus de la composition de l'Historia Bononiensis, pourrait expliquer qu'il s'adresse à ses amis et connaissances pour trouver des sujets: Bocchi adopte ici de maniére parfaitement consciente l'esthétique improvisée de la silve, qui s'empare des occasions de la vie officielle pour en faire autant de sujets de composition. Le texte, nous l'avons dit, présente trois éléments.

Le premier distique, associe la Virtus à la forme de la pyramide ou de l'obélisque (les deux formes sont posées comme identifiées ici) et insiste sur trois propriétés de la Virtus, mise en valeur au premier vers entre la coupe penthémimére et la coupe hephthémimére : elle ne céde par à la Fortune (nescia fortunae... cessisse) ; elle soumet les sens (subactis/sensibus) ; elle s'éléve de toute sa hauteur (excelso uertice) jusqu'au ciel (summa petit).

*9? Milan, Bibl. Ambros., ms D 145 inf., £P 16v°. Bocchi in Bologna, Freiburg im 399 Sur ]a définition vitruvienne (1, 2, 2), voir M. Kiefer, Emblematische Strukturen in Stein. Vignolas Palazzo facade d'un bátiment et de ses la de dimensions deux en et réduite échelle à représentation Breisgau, Rombach, 1999, p. 37 : il s'agit d'une

ornements, dont on projette la réalisation. Charles Quint, il entre 511 [I s'agit de Filippo Archinto (1500-1558). Aprés des débuts à Milan, oi il manifeste ses tendances pro-impériales pour

il est nommé à cette date archevéque de au service de Paul III en 1535, puis à celui de Jules III. Nonce apostolique à Venise entre 1554 et 1556,

Archinto, Filippo », DBI, Milan, mais ne put pas prendre ses fonctions suite à des pressions de la part de la curie locale. Voir G. Alberigo, «

t. III, 1961.

5? Alexandre Farnese, le pape Paul III.

correspondent avait déjà été effectuée par Watson 513 Symb. 62, dédié à Antonio Bernardi. L'identification des titres avec les emblémes qui leur

[1993], p. 69.

8 Symb. 85, dédié à Gaspare Mazzoli.

$15 Symb. 80, dédié à Guido Pepoli. Symb. 66.) 516 [n margine : praeterea quintum affinxi ALEXANDRI Macedonis fortunae se dedentis (=

« À qui

figurera à l'angle de ma demeure sous le titre d'Hermathéna ; $17 « Je t'envoie quatre symboles académiques dont le premier, réalisé en marbre,

#7 Sur cette pratique qui consiste à ajouter des subscripta en prose à des épitaphes en vers, voir E. Wolff, La poésie funéraire épigraphique à Rome,

pape, avec le plan de la facade, que tu les agrémentes et adjoindre pour que, sous la présidence d'Archinto, tu en fasses une premiere lecture au la Chouette de Pallas, qui ne dort pas pour tout le monde. les enrichisses par tes propos si plaisants. À ce symbole succédera la Dialectique, puis

dal xiV al xx secolo : storia di una istituzione, Rome,

1980. Sur la fabrique et l'édification des cathédrales en Italie, voir P. Boucheron,

appartient la cathédrale ? La fabrique et la cité dans l'Italie médiévale », dans P. Boucheron, J. Chiffoleau (dir.), Religion et société urbaine au Moyen Áge. Études offertes à Jean-Louis Biget, Paris, 2000, p. 95-118. Rennes, 2000, p. 38.

508 E. See Watson, Achille Bocchi, p. 110 soutient que Bocchi tire son embléme du blason des Pepoli et s'appuie sur le fait que Girolamo Rucelli (dont Le Imprese illustri, Venise, 1566, sont pourtant postérieures à l'ouvrage de Bocchi) donne pour impresa au comte Fabio Pepoli une

pyramide tronquée.

268

versifiés dont j'ai pensé qu'il fallait les tu saisiras le sens qu'il propose dans le systéme de notre philologie gráce précisément aux fragments interpréter. J'ai en outre ajouté, en cinquiéme Enfin Antéros ; pour chacune de ces compositions allégoriques, j'ai adjoint des vers pour les

mais doivent recevoir l'appui de l'admiration qu'ils position, le symbole d'Alexandre se rendant à la Fortune. Ils sont tous énigmatiques puisses-tu m'aider par ton travail (ce que tu fais) et et cceur, mon à doux si frére, cher Adieu susciteront, comme tu le sais bien toi-méme. de ces lignes, voir notre analyse au Symb. 102. m'aimer ! Bologne, 10 avril 1543. » Sur le contexte et les implications génériques

269

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Le second distique, qui utilise la forme du cube, pose ce solide comme

un attribut mérité du Hero

(Heroi

connu de merito) qui demeure toujours en équilibre (rectus) et immobile (constitit). Le cube est un symbole bien

de l'obélisque), constantia, en particulier sous les pieds de Mercure", et la forme élancée de la pyramide (ou aristocratique*? monument funéraire par excellence, égyptien ou romain", est à la fois un symbole de la gloire

» vient de xp, le et d'élan vers le ciel. C'est sans doute à cause de son étymologie, qui rappelle que « pyramide

elle feu, car la pyramide s'éléve en pointe vers le haut, à la maniére du feu®?!, mais aussi parce que la gloire dont , et est le symbole « éléve jusqu'aux astres"? ». Le fait que le cube soit sous la pyramide (quadrato inferiore) et les sens comme soumis à elle, laisse entendre qu'il est à proprement parler le tombeau dans lequel le corps

sont ensevelis (sans doute à cause de l'association platonicienne cóya/ofjua?) et donc dominés (subactis

sensibus), tandis que la pyramide, prenant son maniére du tombeau d'Archiméde, indique en retrouve la vieille idée romaine du catastérisme d'État valeureux, à la fin de la République de

élan sur cette base et jouant le róle d'épitaphe figurative, à la méme temps le mouvement ascensionnel suivi par l'Àme. On héroique promis par Scipion le premier Africain aux hommes Cicéron*", et transposable au christianisme. La Rome de la

Renaissance offrait elle-méme plusieurs pyramides dont la vocation était funéraire"". Ainsi, on pouvait voir la

pyramide de Caius Cestius, toujours debout de nos jours, prise dans la muraille aurélienne prés de la porte d'O&ie. Elle était devenue la meta Remi ou sepulcrum Remi au Moyen Áge"^. Elle avait son pendant dans la

pyramide appelée pour cette raison meta Romuli ou sepulcrum Scipionis""", situé entre le Vatican et le mausolée

d'Hadrien. Diverses vues de Rome les représentent encore toutes les deux ensemble, par exemple dans le « Martyre de saint Pierre » sculpté sur la porte de la basilique Saint-Pierre de Rome réalisée par Filarete en 145575. La destruction de la Meta Romuli commenqa sous Alexandre VI en 1499 et s'acheva sous Léon X en

1521, afin de permettre la percée d'une artére plus vaste menant à Saint-Pierre de Rome".

818 Voir ALCIAT, Emblemata, « Ars naturam adiuuans », où le cube de Mercure s'oppose à la boule de la Fortune, et le Symb. 64 de Bocchi. 39 Pour l'Égypte, voir HDT, 2, 124 ; pour les tombeaux des nobles romains, voir SERV., ad Aen. 11, 849 : Apud maiores nobiles aut sub montibus

aut in domibus sepeliebatur. Vnde natum est super cadauera aut pyramides fierent aut ingentes locarentur columnae, « Chez les anciens appartenant à la noblesse, on ensevelissait sous des collines ou dans les maisons. De là est né l'usage de dresser sur les dépouilles des pyramides ou d'ériger d'immenses colonnes » ; cf aussi ISID., Etym., 15, 11, s. v. pyramis et VALERIANO, Hieroglyphica, 39, & 291 b-d : « La meta indique le terme ou

bien l'accomplissement d'un ouvrage et le perfectionnement d'une méthode. [ ... ] Les Égyptiens honoraient d'ordinaire les rois qui s'étaient

distingués par la gloire du commun des mortels, de metae et de pyramides ayant cette perfection [7 mathématique], qu'ils superposaient sur leurs tombeaux ». 9? Parfois jusqu'à l'excés, comme le rappelle la condamnation de Pline (Nat., 36, 7 5) : regum pecuniae otiosa ac stulta ostentatio.

9?! AMM,, 22, 29 : : Quae figura apud geometras ideo sic appellatur quod ad ignis speciem (xoà xvpóc, ut nos dicimus) extenuatur in conum, « Les géométres nomment ainsi cette figure parce qu'elle se termine en un cóne évoquant l'image du feu, “ pyr ” dans notre langue. » Ammien Marcellin est cité par RHODIGINVS, Lectiones Antiquae, 23, 6. Cette étymologie remonte au paragraphe 56b du Timée de Platon « le solide qui a la forme d'une pyramide est l'élément et comme le germe du feu ». Voir également APVL.,, Plat., 1, 7 : quapropter mobilem pyramidis formam igni

dedit, quod eius celeritas agitationi huius videatur esse consimilis. Jean-Louis Charlet nous fait remarquer que cette étymologie traditionnelle se trouve également dans les scholies d'Horace (Carm., 3, 3o, 1) ou chez Isidore de Séville (Orig., 3, 12, 6 et 15, 11, 4). Selon J.-L. Charlet, Rhodiginus a pu la trouver chez Perotti ( Cornu copia, 1, 1, 17) ou encore dans le commentaire de Calderini à Martial (ad Spect,, 1). 9? Voir par exemple CIC., Att. 2, 25, 1 : quam ornate nostras laudes in astra sustulit. VERG., Buc. s, s1 : Daphnimque tuum tollemus in astra ; Aen., 7, 99 : Daphnim ad astra feremus. Voir également PROP., 3, 18, 34. ; OV., Met. 9, 272

53 Sur cette comparaison d'origine orphique ou pythagoricienne, voir par exemple PL., Grg., 439a ; Crat., 400c.

9^ Cic., Rep., 6, 29 : « Applique-donc ton áme aux táches les plus nobles ! Or il n'est pas de plus belle entreprise que celle qui vise au salut de la patrie. Une àme habitée d'une telle inquiétude et grandie par l'effort, s'éléve d'un vol plus rapide vers cette demeure où nous nous trouvons et qui est la sienne. Flle y parviendra plus vite si, alors méme qu'elle est prisonniére du corps, tendue vers la contemplation des choses qui ne sont pas matérielles, elle se libére du corps ». $5 Voir M. Scherer, Marvels of Ancient Rome, New York, 1955, p. 121 sq. 95 S. Ball Platner/Th. Ashby, A Topographical Dictionary of Ancien Rom, Londres, 1929, p.349 ; J. R. L. Richardson, A New Topographical Dictionary of Ancient Rome, Baltimore/Londres, 1992, p. 353-354 ; P. Gros, L'architecture romaine, Paris, 2001, t. II : Maisons, palais, villas et tombeaux, p. 435-436. 87 J. R. L. Richardson, A New Topographical Dictionary, p. 359. *5 Les deux fondateurs de Rome, Romulus et Rémus, étaient associés à saint Pierre et saint Paul, fondateurs de la Rome chrétienne. Voir N. Temple, Disclosing Horizons : Architecture, Perspective and Redemptive Spaces, Londres, 2007, p. 135-138. On voit apparaitre la meta Romuli

pour la derniére fois dans le plan de Rome de 1551 par Bufalini, sous le nom de sepulcrum Scipionis. Ce dernier ne l'avait probablement jamais

vue. Voir R. Lanciani, Storia degli scavi di Roma e notizie intorno le collezioni romane di antichità, Rome, 1902-1912, t. L, p. 161 ; 186-189. 9? Voir E. Rodocanachi, Histoire de Rome : Le Pontificat de Jules II, 1503-1513, Paris, 1928, p.48.

270

La dédicace détaille, en invoquant la protection divine, les distinctions du dédicataire, Ugo Pepoli, décoré de

l'ordre de Saint-Michel par Francois I", et compagnon de Lautrec ; les conditions de sa mort (au siege de

Naples) ; l'áge auquel il est décédé (quarante-trois ans) ; le nom de commanditaire (Filippo Pepoli) et la date d'érection

du

monument

(1543).

Tout

comme

les formes

géométriques

sur lesquelles

ils sont inscrits

s'emboitent parfaitement l'une sur l'autre, les deux monodistiques se complétent en se présentant comme une réflexion générale sur la vertu de constantia du héros. Ainsi, ce dernier peut résister aux assauts de la fortune et des sens, sans jamais étre déséquilibré, et gagner par là méme la vie immortelle parmi les astres du ciel. La dédicace à Ugo Pepoli, qui multiplie les allusions à la chronologie contemporaine et aux circonstances particuliéres, vise à donner à l'événement historique la dimension éternelle de la célébration héroique, autant qu'elle permet à l'évocation abstraite du héros de s'incarner dans un temps historique et une figure individuelle. La séparation entre gravure et épigramme

est volontairement gommée

et chacune renvoie effectivement à

l'autre sur tout un ensemble de points. Ainsi, les deux monodistiques et l'inscription finale qui constituent le texte de l'embléme sont censés étre inscrits sur le monument proposé par l'image, comme le montrent les lettres de repérage A et B : ce sont bien des « épigrammes » funéraires, au sens propre, destinées à étre incisées sur un support virtuel de pierre (ici de papier), et jouant implicitement avec la configuration de ce support et sa destination (servir de tombeau). On constatera cependant que ces inscriptions ne figurent pas sur l'obélisque/pyramide de la gravure, sans doute pour des raisons de place. De méme, les indications spatiales qui servent de titres aux monodistiques (in fronte pyramidis A ; in quadrato inferiore B), tout en renvoyant à l'image dont elles apparaissent comme des sortes de légendes, fonctionnent cependant indépendamment d'elle, comme une sorte d'ekphrasis prosaique, en permettant au lecteur de comprendre, sans l'aide de l'image, quelle est la forme de l'objet et qu'il sert de sépulcre. Cette autonomie relative s'applique également à la gravure qui, à son tour, propose tout un ensemble de détails iconographiques dont le texte ne souffle mot. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana?", présente

au premier plan un obélisque à quatre pans (plutót qu'une pyramide?) dont le cóté qui fait face au spectateur

est marqué par la lettreA. La section de l'obélisque repose sur quatre astragales posés sur un volume quadrangulaire dont le cóté visible est noté par la lettre B. Cette base cubique est elle-méme placée sur un socle pyramidal de cinq degrés sur lequel ont été dessinés, comme s'il s'agissait de hiéroglyphes, les cinq organes correspondants aux sens humains : tout en bas les deux mains représentant le toucher ; la bouche pour le goát ; le nez pour l'odorat ; puis les oreilles pour l'audition ; enfin l'oeil pour la vue. Chacun organe est répété sous forme de frise pour occuper tout l'espace du socle oü il s'inscrit, avec des effets d'alternance entre organe de gauche ou organe de droite lorsqu'ils sont deux, comme les yeux, les oreilles, mais aussi le nez, orienté à gauche

et à droite. Tout en haut de l'obélisque, on note la présence d'une sphére qui touche le bord supérieur de l'image. Le dispositif n'est pas sans rappeler la partie supérieure de la monumentale pyramide décrite au chapitre 3°°° de l'Hypnerotomachia Polifili de Francesco Colonna, et qui ferme une vallée (Fig. 1) : posée sur une immense base, une pyramide éléve ses mille quatre cent dix degrés dont les dix dernieres marches ont été remplacées par un cube sur lesquel vient reposer un obélisque, lui-méme posé sur quatre pieds de harpies. Au sommet de l'obélisque se tient une Fortune/Occasion, chauve à l'arriére du cráne, chevelue à l'avant, munie

%30 Voir e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 17, n° 23.

5! Le terme pyramis, agulia ou iulia, pouvait en effet désigner un obélisque. Voir H. Jordan, Topographie der Stadt Rom in Alterthume, Berlin, 1871, II, p. 182; K. Giehlow, Die Hieroglyphenkunde des Humanismus in der Allegorie der Renaissance, Jahrbuch der Kunsthistorischen

Sammlungen des allerhóchsten Kaiserhauses, Band XXXII, Heft 1, Vienne/Leipzig, 1915, p. 16, n. 1, rappelle une bulle de Léon X où le terme agulia est employé pour désigner l'obélisque du Vatican, nommé explicitement sepulchrum Iulii Cesaris. 5? Voir M. Gabriele, M. Ariani (éd.), F. COLONNA, Hypnerotomachia Poliphili, Milan, 1998, t. L, p. 20-25, et le titre p. 20 : « Poliphilo quivi narra che gli parve ancora di dormire et altronde in somno ritrovarse in una convalle, la quale nel fine era serata de una mirabilie clausura cum una portentosa pyramide de admiratione digna et uno excelso obelisco de sopra. La quale cum diligentia et piacere subtilemente la considero ». Pour la mise en relation de l'image de l'édition originale aldine avec une hypothése de reconstruction du Mausolée d'Halicarnasse, voir Ch. Hülsen, « Le illustrazioni della Hypnerotomachia Polifili e le antichità di Roma », Bibliofilia, 12, 1910, p. 161-167.

271

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

d'une corne d'abondance et tournant sur un axe comme sur une girouette*?, On retrouve chez Bocchi les degrés

omnibus uoluptas, quae immodice capitur, ea turpis atque improba est. Sed enim quae nimia ex gustu atque tactu est, ea

pyramidaux, le cube, les astragales remplacant les pieds de harpies, l'obélisque et, au sommet, non pas la

igitur gemina uoluptas, sicut sapientes uiri censuerunt, omnium rerum foedissima esl, eosque maxime qui duabus istis

En arriére et à gauche de l'obélisque de l'embléme, mais tout proche, on apercoit une allégorie de la Force, s'appuyant de la main gauche sur une colonne brisée et rajustant de la droite un pan de sa tunique, tandis qu'elle

incontinentes dicimus uel intemperantes.

uoluptatibus dediderunt grauissimi uitii uocabulis Graeci appellauerunt, uel àxpaxeig uel àxoAáovovc nos eos uel

Fortune, mais la sphere, instrument de la Fortune.

Aristote nous apprend de quels plaisirs il convient de se méfier. Les sens humains sont au nombre de cinq, que les Grecs appellent aisthéseis, et on voit bien que, par leur entremise, on recherche du plaisir pour l'esprit ou pour le corps : le toucher, le goüt, l'odorat, la vue et l'ouie. Le plaisir que l'on tire d'eux sans modération est honteux et dégradant. Mais le plaisir excessif que l'on tire du goùt et du toucher constitue un plaisir redoublé le plus honteux

léve la jambe droite pour poser le pied sur le premier degré du socle pyramidal. Pierre Martin nous suggere qu'il

pourrait s'agir aussi d'une allégorie qui viendrait redoubler le sens de constantia que posséde la pyramide, dont l'une des caractéristiques est d'étre immobile, comme le rappelle Typotius à propos du marquis Andrea Sforza

(del Caretto) dont la devise a pour corps une pyramide et pour áme le motto « Immobilis »***.

de tous, comme l'ont pensé les sages ; quant à ceux qui se sont livrés totalement à ces voluptés, les Grecs les

qualifient des termes propres au pire des vices, akrateis ou akolastous, et nous d'hommes incapables de continence

A droite, on distingue une architecture imaginaire : un temple rond au centre d'une enceinte en demi-cercle ; à l'arriére, une tour carrée. Le paysage se poursuit sous la forme de petites collines, avec une église lointaine, au fond à gauche. Le ciel occupe la moitié supérieure de l'image. Des petits nuages circulaires s'amoncellent autour de la pointe de l'obélisque, redoublant la forme de la sphére. De part et d'autre, on lit, tout contre la bordure de la gravure : felix qui statuit bonum quod unum est. Comment interpréter cet ensemble ? Le motto de la gravure (resurgit ex uirtute uera gloria), autre indice de la dimension funéraire du spectacle qui s'offre à nous, vient quelque peu perturber les acquis du texte emblématique. Dans ce dernier, la pyramide semblait étre symbole de uirtus dominant les sens et s'élancant vers le ciel, tandis que la base cubique, le sépulcre qui contient le corps, se faisait le symbole de la constantia, toujours immobile et impassible. La signification des formes architecturales se déplace ici quelque peu, et d'autres éléments apparaissent. Le motto de la gravure voit dans la fléche de l'obélisque le symbole de la uera gloria, dominant la mort pour renaitre (resurgit) de la uirtus, c'est-à-dire la base carrée : gloire et vertu se trouvent ici intimement jointes, comme elles le sont dans les Symb. 33 (architecture complémentaire des temples d' Honos et Virtus) et 42 (motif du corps et de l'ombre). Il n'est pas question dans le texte du Symb. 48 des quatre astragales visibles aux angles et qui rivent les deux solides entre eux (ils seront interprétés dans le Symb. 97). Mais il n'est pas question non plus dans le texte du socle pyramidal qui soutient l'obélisque ni de la base carrée décorée par les cinq sens. Dans la gravure, la base cubique trouve son assiette dans la domination qu'elle exerce sur le corps et les sens. Une mise en scene un peu différente

ou de tempérance.

Au sommet de l'obélisque, nous avons noté la présence d'une sphére, entourée de l'expression : felix qui statuit bonum quod unum est. Le paradoxe est en apparence complet avec des solides qui travaillent sur la fermeté de l'assise et l'immobilité. Dans le Symb. 97, cette sphére sera remplacée par un oeil. S'agit-il de la sphere de la Fortune, enfin domptée et portée jusqu'aux astres ? D'une figuration de la sphére céleste que va occuper le défunt? D'une matérialisation du Dieu unique ? En réalité, l'aspect que donne la gravure à l'obélisque, privé d'inscriptions hiéroglyphiques, fixé sur un cube et surmonté de sa sphere, présente de grandes similitudes avec l'un des mirabilia profanes les plus cités par les guides de Rome qui se multiplient à la fin du xv* siecle? : l'obeliscus Vaticanus appelé aussi Obeliscus Caesarís, oà la sphére sommitale joue le róle d'urne funéraire. L'obélisque du Vatican*?, en provenance d'Héliopolis, est un monolithe de granite rouge qui portait initialement une inscription en lettres de bronze de Caius Cornelius Gallus sur la base. Aprés l'effacement et le remplacement de cette dédicace par une autre à Auguste et Tibére, le monument fut transféré à Rome sous le régne de Caligula et placé sur le Circus Gai, lieu du martyre de saint Pierre, d'oü le nom qui fut ensuite donné à

l'obélisque de Pyramis ou acus (aiguille?) Beati Petri. Toutefois, au Moyen Áge, certaines chroniques

véhiculérent l'idée que la boule de bronze qui couronnait l'édifice, tombeau de César, contenait les cendres du défunt. Malgré la volonté du pape Nicolas V (1447-1455) de placer l'obélisque devant Saint-Pierre, peut-étre

sera mise en place dans le Symb. 97 où la base carrée évidée accueille à l'intérieur de son volume une téte et une

sur le conseil de Leon Battista Alberti, le projet n'aboutit pas et ne fut réalisé qu'en direction de l'architecte Domenico Fontana. Il fut dessiné par de célébres artistes, Sangallo, Pirro Ligorio, Baldassare Peruzzi et Martin van Heemskerck?*'. En tout cas, la meta Remi ou au sepulcrum Caesaris, la référence reste héroique et funéraire. Nous

main, symboles des cinq sens. Dans la gravure du Symb. 48, le personnage féminin, une allégorie de la force ou de la constance, est là pour nous rappeler combien cette ascension est difficile et nécessite de courage héroique

(cf. magnanimo uiro dans le titulus du texte)*55. Ce n'est qu'aprés avoir gravi ces marches que l'on peut parvenir

au tombeau. Le classement hiérarchique des sens sous forme de degrés repose sur un topos antique, qui dénigre les sens où la perception se fait par contact avec un objet extérieur. Selon Macrobe**,

1586, sous Sixte V, sous la parmi lesquels Giuliano di que l'objet face référence à retrouverons cet objet dans

notre étude du Symb. 97.

qui suit l'opinion

d'Aristote*"", le toucher et le goüt sont des plaisirs inférieurs, à la différence de l'ouie et de la vision, car l'homme les partage avec l'animal : Docet Aristoteles a quibus uoluptatibus sit cauendum. Quinque enim sunt hominum sensus, quos Graeci aia8fjaetc appellant, per quos uoluptas animo aut corpori quaeri uidetur : tactus, gustus, odoratus, uisus, auditus. [11] Ex his

55 M. Gabriele et M. Ariani (F. COLONNA, Hypnerotomachia Poliphili, t. II, p. 557-558, note 10) proposent le rapprochement entre le dispositif colonnesque et l'obeliscus Vaticanus, en notant parallélement que la pyramide tronquée au sommet et couronnée d'un cube rappelle la meta

en 1510 et réédité en 1515, 1522, 1523. 53 Voir par exemple l'Opusculum de mirabilibus nouae et ueteris urbis Romae de F. Albertini, paru

Romuli (ibid. p. 556, note 6).

de Magister Gregorius et la D'autres guides plus anciens, comme les Mirabilia Romae Vrbis (milieu du xir siécle), le De mirabilibus urbis Romae

54 Voir J. TYPOTIVS, Symbola diuina et humana pontificum, regum et imperatorum, Prague, 1601-1603, t. III : Symbola uaria diuersorum principum cum facili isagoge, 1603, p. 180 et 183 : Obeliscus a pyramide non differt figura, sed structura, quod ex uno lapide obeliscus, pyramis ex pluribus

Graphia Aurea Vrbis Roma (début du 59 Voir C, D'Onofrio, Gli obelischi di 46 ; G. Alfóldy, Der Obelisk auf dem Egyptianizing Monuments of Imperial

constructa sit. Vtraque constantiam designat, quam principes plerunque profitentur.

5 [bid. : Constantia circa res arduas et aduersas uersatur, quibus cedere uiro constanti non licet, sed constra stare et obsistere, inde enim nomen habet

constantia. Qui hac uirtute praeditus est, nullo malo opprimi plane potest.

animaux ? Donc, du fait qu'ils sont communs à tous, ils sont les plus dégradants, et c'est pourquoi ce sont ces plaisirs surtout, sinon les seuls, qui sont répréhensibles ».

272

?

.

1.

#



siécle. : The Obelisks of Rome, Copenhague, 1968, p. 19Heidelberg, 1990 ; A. Roullet, The Egyptian and Topographical Dictionary of Ancient Rome, p. 275-

276.

$36 MACR., Sat., 2, 8, 10-11. Voiraussi GELL., 19, 2, 1-2. #7 ARIST., Probl, 28, 7, 950a (trad. P. Louis, Paris, CUF, 1994, t. III, p. 8) : « Ceux au contraire dont les sensations viennent de la vue ou de l'ouie ne sont pas qualifiés d'intempérants. Est-ce parce que les plaisirs que procurent le toucher et le goüt nous sont communs avec les autres .

xii siécle) connaissaient encore un grand succés au XVI Roma, 1967, p. 1-103 ; E. Iversen, Obelisks in Exile, vol. 1 Petersplatz in Rom. Ein historisches Monument der Antike, Rom, Leyde, 1972, n° 68, p. 67-69 ; L. Richardson, A New

de l'Horologium Augusti, qui était situé $4° L'obélisque peut servir de gnomon, c'est-à-dire d'aiguille de cadran solaire, par exemple l'obélisque 1

surle Champ de Mars, non loin de l' Ara Pacis. L'obélisque se trouve aujourd'hui sur la Piazza Montecitorio. et d'histoire, %1 Voir J.J. Gloton, « Les obélisques romains de la Renaissance au Néo-classicisme », Mélanges d'archéologie

73, 1961, p. 437-449,

en particulier p. 443.

273

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Symb. 49 Gravure :

APPRENDS L'ENDURANCE, TO! QUI DÉSIRES VAINCRE TOUJOURS

tience comme l'une des parties du courage (fortitudo), qui comprend en outre la noblesse d'áme (magnificentia), la confiance en soi (fidentia) et la persévérance (perseuerantia). La patientia se définit comme honestatis aut utilitatis causa rerum arduarum ac difficilium uoluntaria ac diuturna perpessio, « l'aptitude à endurer volontairement et longtemps des épreuves pénibles et difficiles pour servir l'honnéteté ou l'intérét ». Rudolf Wittkower rappelle que Vasari avait réalisé en 1551, pour Bernardetto Minerbetti, évéque d'Arezzo, qui le lui demandait,

SOUVIENS-TO! DE L'ENDURANCE VICTORIEUSE D'ORSINA GRASSI DELLA VOLTA, TRES ILLUSTRE DAME DE BOLOGNE De la vie, l'endurance est l'antidote : nul, sans elle,

N'entame ni ne clót jamais rien d'excellent.

Suave est pour moi ce joug. J'y soumets volontiers ma nuque : Une chaine d'or le conduit, lancée du ciel.

5 Jaiappris de bon gré à supporter toutes les peines : Ce que disent bucrane et casque empanaché. MÉTRIQUE

Distiques élégiaques, particuliérement adapté dans une piéce qui célebre la souffrance et l'endurance. — ded. carm. : ORSINAE CRASSA VOLTEIAE] Orsina Grassi (ou De Grassis) était la fille illégitime d'Achille Grassi (1456-1523), cardinal en 1511

et grand-oncle du cardinal Carlo Grassi, dédicataire du Symb. 117**.. Elle

avait épousé le sénateur Antonio della Volta, comte de Vico. C'est la mére de Bartolomeo della Volta, dédicataire du Symb. 9. Rappelons que Bocchi avait des liens avec la famille des Grassi puisqu'il avait épousé Taddea Grassi, une niéce d'Achille Grassi. Il est possible que cette épigramme ait été rédigée (ou dédiée) à l'occasion de la mort d'Antonio della Volta au combat, en 1527. -V.6:

- Bp£yyua] Pierre Chantraine (Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, 1999", p. 195) rappelle que le

Homére (Il., 5, 586) et qui signifie « sommet de la téte », connait plusieurs autres formes Bpéxua). Il désigne la fontanelle des enfants, partie du cráne la plus longue à se consolider et comme le rappelle le Thesaurus Linguae Graecae d'Henri Estienne (Genéve, 1572, t. I, l'interprétation d'Eustathe qui fait venir le terme de Bf péy0at, « étre humide » (Ad Il., 584,

Van der Valk, t. II, p. 153). - pennicoma ] Le terme, inconnu de l'Antiquité, est fabriqué sur le terme grec Koyrj, « chevelure » et le latin penna/pinna, « plume ». Le mot est cité par Ravisius Textor, dans son Epithetorum opus absolutissimum, Bàle,

1549, p. 373-374 : S. v. « galea », qui renvoie à un passage de Battista Spagnoli dit le Mantouan : Cataphractorum

turmae trepidantibus armis/ Pennicomas et tollunt galeas, ac more Latino/ Picturata ferunt longis hastilia rostris. Il

sagit des Trophaei Francisci Gonzagae libri quinque, Paris, 1513, livre 1, édité par Josse Bade, qui propose l'explication suivante pour le terme pennicomas (f 87v?) : habentes pennatas cristas in summitate, « qui ont des panaches de plumes au sommet ».

ANALYSE Le processus emblématique est ici quelque peu bouleversé et commence par un distique sentencieux repris du

Satellitium de Juan Luis Vivés, lui-méme emprunté à Publilius Syrus, et que l'on aurait plutót attendu comme

pointe de l'épigramme: la vie est comparée à un poison contre lequel existe un antidote, la patience ou l'endurance (patientia), qui garantit l'accomplissement de grands projets. Cicéron (Inu., 2, 163) classe la pa** L, Cardella, Memorie storiche de' cardinali della Santa Romana Chiesa, Rome, 1793, t. III, p. 352-355 ; L. Meluzzi, I vescovi e gli arcivescovi di

Bologna, 1975, p. 258-364 ; Ch. Weber/M. Becker, Genealogien zur Papstgeschichte, 1999, t. II, P- 483 sq. (7 Pápste und Papsttum, Bd. 29, p. 1-6).

274

Pazienza » au Palazzo dei Diamanti à Ferrare, l'une des résidences du duc, qui fut par la suite transféré à Mo-

déne?*. L'allégorie de Vasari représente une figure féminine, à demi vétue (à mi-chemin entre richesse et pauvreté), les bras croisés sur la poitrine, pour montrer qu'elle ne tentera pas de se libérer, un pied enchainé, attendant que le goutte-à-goutte d'une clepsydre entame le rocher sur lequel l'instrument est posé et oü la chaine vient s'ancrer. L'allégorie peinte sur le plafond s'accompagnait en particulier de la devise Superanda omnis Fortuna*^, d'apres Virgile (Aen., s, 710 : Quidquid erit, superanda omnis fortuna ferendo est), qui associe la Patience

et la Fortune, et qui fait de la premiére le reméde ou la parade (pour ne pas dire l'antidote) contre la seconde. Le second distique, oà la voix d'un narrateur se fait entendre (ou d'une narratrice, qui pourrait étre Orsina Grassi elle-méme, comme on peut le penser en apercevant le personnage féminin de la gravure), met en scéne un objet symbolique aux propriétés mystérieuses : un joug qui, loin de peser, s'avére au contraire léger et doux (dulce iugum, v. 3), et il suscite l'envie de s'y soumettre de plein gré (iuuat huic mea subdere colla, v. 3). La source

NoTES

terme, connu dés (Bpexuóc, Bpeyuóc, toujours humide, col. 790F) d'aprés

une allégorie de la Patience (voir notre analyse du Symb. 6, Fig. 1), dont il décrivit longuement dans une lettre les attributs et l'attitude générale. Minerbetti en offrit une copie à Hercule II de Ferrare qui l'adopta comme devise, la fit représenter sur des médailles et des monnaies et la peindre sur le plafond de la salle dite « della

de ce passage est une phrase du Christ rapporté par Matthieu, oü le Christ lui-méme se compare à un joug (VvrG., Matth., 11, 30, voir apparat des sources : « Doux est mon joug, léger mon fardeau »). Orle propos du Christ, qui exploite le paradoxe, explique que c'est justement le joug qu'il représente qui va soulager les peines que la vie inflige aux individus (ibid., 1 1, 28-29 : uenite ad me omnes qui laboratis et onerati estis et ego reficiam uos/ Tollite iugum meum super uos et discite a me quia mitis sum et humilis corde et inuenietis requiem animabus uestris).

Bocchi joue d'ailleurs sur la relation entre patientia, l'art de souffrir, et la passion du Christ comme exemple ultime de l'endurance. On e&t ici aux exacts antipodes du Symb. 39, où le Christ pése de tout son poids sur les épaules de Christophe. La citation de Matthieu est bien connue dans l'Italie de la Renaissance. En effet, le mot

suaue seul, emprunté à la formule biblique, a servi de motto à la devise de Jean de Médicis, le futur pape Léon X, à son retour à Florence aprés dix-huit ans d'exil. La devise avait pour corps un joug. Comme l'explique Paolo Giovio dans son Dialogo dell'imprese militari e amorose, (Rome, 1555, éd. M. L. Doglio, Rome, 1978, p. 62-63),

c'e& la promesse d'un régne de clémence et de paix faite par Jean de Médicis aux Florentins, y compris à l'adresse des factieux opposés à la domination médicéenne. Valeriano rappelle à son tour la devise de Léon X et le sens de patientia attaché au joug :

Léon X, parce Certains associent au joug la signification de « patience », insigne qui a beaucoup plu au pape

que Virgile qui, dit-on, allait répétant qu'en effet, il s'était mis, depuis sa plus tendre enfance, à admirer le fait

poéme la sentence qu'aucune vertu n'est plus utile à l'homme que la patience, finit bientót par insérer dans son

exécuter quelque ouvrage suivante : « il faut par l'endurance dominer toute fortune ». Et ce pape ne fit jamais les insignes des jougs, avec public ou privé, méme aprés qu'il eut été élevé au pontificat, sans y faire figurer à recueillir le fruit de l'inscription « doux », afin de faire comprendre que la volonté qui le pressait était prompte

le voulait bien. Rien n'est sa vertu et que c'était là un joug qui serait doux, vu qu'il était supporté par une áme qui Léon X se fut emparé si facile qu'il ne se révéle pas difficile si on l'accomplit à contrecceur. Mais ensuite, lorsque

Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 1, 1938, p. 1713 R_ Wittkower, « Patience and Chance : the Story of a Political Emblem », A

: « Giorgio Vasari's Patience: 177. Voir également L. Cheney, Giorgio Vasari's Teachers : Sacred and Profane Art, New York, 2007, p. 169-176

Palatina », Atti e memorie della Accademia Personification of Daily Tolerance ». B. Agosti, A. Bisceglia, « Il caso della Pazienza della Galleria une collaboration de Vasari avec le tableau le dans voir de proposent 73-88 p. (2012), 2010/11 72/73, s., n. Scienze, e Arti Petrarca di Lettere,

pazienza, catalogo della mostra, Galleria Palatina, peintre espagnol Gaspare Becerra. Voir enfin A. Bisceglia (éd.), Vasari et l'Allegoria della e }

Firenze, 26 novembre 2013-5 gennaio 2014, Livourne, 2013.



/

'

ab&tiens-toi) ou bien sic omnia ( « c'est ainsi 5 Pour d'autres corps accompagnant la méme àme, par exemple sustine et abstine ( « supporte et 195-198 et R. Wittkower, « Patience and Chance », p. 176. que l'on peut tout vaincre » ), voir RUCELLI, Le imprese illustri, Venise, 1566, p.

275

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome2

on née de l'objet méme, à savoir que, sous ce prince, c était une du pouvoir, on accorda à cet insigne la significati :. 845 & . cxi. A A : B servitude juste, clémente et méme douce qui était échue au genre humain"".

divinité : ainsi, la chaine d'or, dite aussi d'Hermés, ou Logos, accorde des qualités rhétoriques et la faculté du

selon toute Mais l'embléme n'a sans doute pas une portée aussi politique que chez Giovio, préférant chaine d'or, vraisemblance l'allusion biographique. Il convient de remarquer que le joug est dirigé par une

10-11), la pensée obscure car céleste de Plotin est opposée aux raisonnements de Porphyre rendus clairs par la rhétorique?**. La chaine d'or devient l'image privilégiée de la connaissance, de la découverte, ou encore de l'inspiration poétique ou intellectuelle, comme « enthousiasme », présence de Dieu en l'homme. Chez Lucréce,

raisonnement??, et on retrouve en l'image dans l'Ogmios de Lucien, avec la chaine qui relie la bouche de cet

L'évocation de la envoyée du haut du ciel (v. 4), et que l'on peut voir sur la gravure se perdre dans les nuages. la chaine du chaine d'or homérique (que nous retrouverons au Symb. 130, v. 45-57, et qui nous rappelle

raisonnement qui enlace hylè et que tient la nothé dianoina du Symb. 28) apparait pour la premiere fois dans deux passages homériques, et le motif connaitra une postérité allégorique considérable, en relation ou non avec les textes d'Homére. Nous ne retiendrons ici que celles qui sont susceptibles d'éclairer le sens général de

sa l'embléme. Dans le premier passage homérique (Il., 8, 19-27, voir apparat des sources?^^), Zeus veut montrer

toute-puissance et imagine les dieux en situation de joute, formant deux équipes qui tirent en sens opposés sur une corde suspendue verticalement : d'un cóté, l'ensemble des dieux moins Zeus tirent vers le bas ; de l'autre,

Zeus et le ciel tirent vers le haut. Zeus explique que les dieux de la premiere équipe ne pouront pas le faire descendre vers la terre, pas plus que le ciel. En revanche, lui, le souverain des dieux, unique membre

de la

seconde équipe, a le pouvoir de tout faire venir à lui : non seulement les dieux tous ensemble, mais aussi la terre et l'océan, Dans le second passage (Il. 15, 18-20 ), c'est Héra qui, en guise de punition, a été suspendue par son

époux dans les airs avec deux enclumes à chaque pied et les mains liées par une chaine d'or $77 La chaine d'ora été diversement interprétée par Aristote, les stoiciens, Platon ou les médio- et néoplatoniciens : qu'elle soit soleil, chaine des jours, colonne de lumiere servant d'axe à l'univers, moteur immobile, lien des quatre éléments entre eux, fil de la nécessité et du destin, la chaine d'or traduit un lien invisible qui maintient la cohésion de l'univers, relie entre elles ses parties, assure la continuité entre la hiérarchie des étres, et unit l'homme aux

puissances supérieures 5, Outre une image de la succession des scholarques au sein de néoplatonicienne"^, les philosophes néoplatoniciens interprétent la chaine d'or comme le symbole qui unit les forces spirituelles entre elles et assure l'unité hiérarchique de l'univers, par exemple chez et Olympiodore?! (sans doute d'aprés un traité perdu de Porphyre), thématique que reprend

l'académie de l'amitié Macrobe*? Ficin à la

Renaissance?", Véhicule de l'influence divine en l'homme, la chaine d'or désigne également la nature des dons

qu'octroie le démon personnel et qui déterminent le sens de l'existence de chaque individu, en relation avec une 95 VALERIANO, Hier., 48, p. 359b-c : Sunt qui iugum significato patientiae praeferant, quo plurimum insigni gauisus est Leo X, Pontifex Maximus, cum enim ab ineunte aetate Virgilianum illud admirari coepisset, quod solitus ille, ut aiunt, dicere, nullam homini uirtutem patientia commodiorem esse, eam

sententiam ita carmini mox inseruit : " superanda omnis fortuna ferendo est ". Nullum unquam is opus neque publicum neque priuatum, etiam cum ad pontificatum euectus esset, faciundum locauit, cui iugorum insignia non apposuerit, cum inscriptione SVAVE, ut scilicet ad uirtutis eius fructum percipiendum alacrem esse necessariam uoluntatem innueret, iugumque id suaue futurum, quod libenti animo toleraretur. At contra nihil tam facile quin difficile appareat, quod inuitus facias. Postea uero, cum is rerum potitus esset, ad insigne id ea accomodata est interpretatio, quae orta est ex re ipsa, eo scilicet principe iustam et clementem atque adeo suauem humano generi seruitutem obtigisse. *^5 Trad. Paul Mazon

(Paris, 1937, t. II, p. 26): « Suspendez donc au ciel un cáble d'or ; puis accrochez-vous y, tous, dieux et déesses : vous

n'aménerez pas du ciel à la terre Zeus, le maitre supréme, quelque peine que vous preniez. Mais si je voulais, moi, franchement tirer, c'est la

I

et la mer à la fois que je tirerais avec vous. Aprés quoi, j'attacherais la corde à un pic de l'Olympe, et le tout, pour votre peine, flotterait dans

es airs ».

Héraclés celtique aux oreilles de ses auditeurs (voir Symb. 43). Dans un texte d'Eunape (Vie des sophistes, 4, 1,

Sénéque ou Suétone (voir apparat des sources), la chaine renvoie au caractére mystérieux mais incontournable

du destin ou de la fortune, qui favorise ou envoie le malheur d'en haut, sans qu'il n'y ait forcément l'intention de renvoyer au texte homérique.

Inversement, plusieurs textes insistent sur une dynamique ascendante et voient

dans cette chaine d'or une matérialisation des forces anagogiques par lesquelles l'àme humaine peut se hausser au niveau du divin : ces forces peuvent étre l'amour divin chez le pseudo-Lucien**, les discours initiatiques du maitre qui tire son disciple jusqu'à la vertu et au savoir chez Lucien**6, le bon usage du désir qui fait monter vers Dieu chez Grégoire de Nysse®°”, ou encore la pratique de la priére chez le pseudo-Denys**. Rappelons enfin que pour le Byzantin néoplatonicien du Xi* s, Michel Psellos, le mythe se plie parfaitement à une relecture chrétienne : Donc ce dieu, qui est notre dieu et le dieu véritable, aprés avoir créé le monde intelligible et le monde sensible, les

a distingués l'un de l'autre par le propre de leur nature, et les a liés l'un à l'autre, afin que les anges fréquentassent les hommes et que les hommes, s'ils le voulaient, devinssent d'autres anges [... ] ; donc leur lien, on l'appelle

chaine, parce que de quelque maniére nous sommes entrelacés les uns aux autres : on la dit d'or, parce qu'un tel entrelacement est éclatant, et n'a rien de caché, et que, par la participation du premier ordre, qui est d'or, nous devenons aussi de l'or ; et le principe de la chaine, c'est la puissance divine supérieure à toute puissance. Nous sommes tirés par lui et nous ne pouvons le tirer : considére cela comme suit. Aucun des étres ne peut contenir Dieu, et aucun ne peut le tirer, quelle que soit sa nature ; mais Dieu qui a en lui, avant toute création, les Verbes

des créatures, les contiendra tous aisément, ou parce que, s'étant mis par amour de l'homme au centre de tout,

la selon Platon, comme un modele, il nous tire à lui par l'imitation dont il est l'objet ; et, ayant tiré, il suspend

chaine, aprés l'avoir liée ailleurs, parce qu'aucune nature engendrée n'approche de Dieu ; mais pour autant que nous sommes allégés du corps, suspendus dans l'air, nous souffrons ; et les anges et les chérubins enveloppent Dieu comme il convient, mais ne l'approchent nullement : car la chaine qui monte vers lui se dissimule quelque part ailleurs, et il n'est pas possible de s'élever jusqu'à lui*??,

l'enchevétrement des Qu'elle soit force invisible, contraignante voire punitive du destin, qu'elle matérialise

le Christ, tout en créatures au sein de la création, ou signifie le pouvoir absolu de Dieu qui envoie son joug, fois un promettant des récompenses qui en allégent la pesanteur, la chaine évoquée par Bocchi est à la arbitraire mais la instrument de souffrance et le signe de l'éle&ion : elle assure que le joug n'est pas le malheur le dit le premier mise à l'épreuve de la foi. Face à cela, l'homme n'est pas totalement démuni, et, comme isme próne L'évangél joug. le distique, sa qualité essentielle doit étre la patientia, comme le Christ dont il porte ici une imitation de la vie christique. symbole qui L'exaltation de cette endurance s'effectue dans le dernier distique de l'embléme à travers un second d'armes compléte le joug autant qu'il s'oppose à lui, et qui renvoie à la composition de la gravure : le trophée

47 Trad, Paul Mazon (Paris, 1938, t. III, p. 66) : « As-tu donc oublié le jour oi tu étais suspendue dans les airs ? J'avais à tes pieds accroché deux

enclumes et jeté autour de tes mains une chaine d'or infrangible : et tu étais là, suspendue, en pleine éther, en pleins nuages ». 548 Voir l'étude encore indispensable de P. Lévéque, Aurea catena Homeri : une étude sur l'allégorie grecque, Paris, 1959. Nous lui devons toute la suite de notre exposé et les références concernant l'Antiquité. "9 P. Lévéque, Aurea catena Homeri, p. 41-44.

55? Scip., 1, 14, 15, t. I, p. 80 Armisen-Marchetti (notre traduction) : « On constatera, si l'on y regarde de plus prés, depuis le dieu supréme jusqu'à la lie ultime du monde, un enchainement continu, fermé sur lui-méme par des liens réciproques et qui ne s'interrompt nulle part : c'est

la chaine d'or d'Homére que le dieu, rappelle-t-il, à ordonné de faire pendre depuis le ciel jusque sur la terre ».

51 OLYMP., In Platonis Gorgiam commentaria, 47, 2 Westerink : Eictv obv u£(tovc áiat Gvvágetc, c kai xpvetjv eeip&v oi zxotcat qactv Siu civ cvvéyetay abcav. $52 FICIN, Theol. plat., 13, 4, t. 2, p. 239 Marcel (notre traduction) : « C'est là, selon moi, la fameuse chaine d'or qu'

Homére

a vue pendre du ciel

et qui s'étend jusque sur la terre ; lorsqu'ils s'en sont saisi, les hommes peuvent se hausser jusque dans les cieux ». Sur le rapprochement entre Macrobe et Ficin, voir S. Lecompte, La chaine d'or des potes : présence de Macrobe dans l'Europe humaniste, Geneve, 2009, p. 274-

276

par P. Lévéque, Aurea catena Homeri, p. 34 : « Vivre selon %53 Voir OLYMP., In Platonis Alcibiadem priorem commentarii, 3, p. 20 Creuzer, traduit par exemple la vie du soldat, si c'est par la chaine d'Arés ; tiré, est on le chois convient à la chaine par laquelle son essence, c'est vivre la vie dont par la chaine d'Apollon ; et, en un mot, comme il a été la vie de l'orateur, si c'est par la chaine d'Hermés ; la vie du médecin ou du devin, si c'est dit, vivre selon sa nature ». descendant vers les hommes, expliquait tout de 55 Trad, P. Lévéque, Aurea catena Homeri, p. 39 : « Porphyre, lui, comme une chaine d'Hermés maniére nette et aisée à comprendre, en raison de sa culture variée ». 55 Ps. Lvc., Demosthenis encomium, 13. 856 Lvc, Hermotimus, 3. * GREG, Nyss., De anima et resurrectione, 221 (PG, 46, 88-89).

55 DIONYS. AREOP., Diu. nom., 3, 1, 680c.

59$ Traduit par P. Lévéque, Aurea catena Homeri, p. 81.

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

(bregma) et le que porte le personnage féminin de l'image exhibe deux objets complémentaires, le bucrane superposés dans un casque à panache (galea). Le bucrane et le casque (mais sans panache) figurent déjà pas de ensemble de sept trophées d'armes décrit par Francesco Colonna, qui n'en propose d'ailleurs

jeune femme, on n'apercoit que des rochers nus oü perce une rare touffe d'herbe. Derriére la jeune femme, se

casque est début d'une séquence hiéroglyphique, avec quelques variantes iconographiques (Fig.2): le Cette surmonté d'un cimier en forme de chien et le bucrane porte deux rameaux de pin accrochés aux cornes?!, um, ornament séquence, une fois complétée par un troisiéme signe, une lampe à huile, signifie : Patientia est

désigne le chaine. La présence des deux arbres signale discrétement la présence de la force d'àme (robur désigne

au transposition interprétative (Fig. 1)**. Par ailleurs, Colonna avait déjà proposé les deux signes cóte à cóte

dressent deux troncs d'arbres, qui relaient la verticalité du trophée d'armes et le caractére rectiligne de la chaine d'or et qui disparaissent dans l'au-delà du cadre de l'image, de la méme maniére que la chaine se perd dans les nuages. Le premier tronc d'arbre présente une branche sectionnée, qui s'articule comme un membre coupé qui à la fois le bois du chéne et le courage de l'àme). Au dernier plan, sous un vaste ciel, on apercoit un paysage de collines avec un petit village et son clocher noyés dans la verdure, et un pont qui traverse une riviére.

custodia et protectio uitae, « La patience est l'ornement et la sauvegarde de la vie ». Le bucrane signifie patientia,

le chien custodia, le casque protectio, les rameaux accrochés aux cornes ornamentum, et la lampe uitae*?. Bocchi se souvient donc du sens de patientia que Colonna attribue au bucrane en relation avec le casque, symbole de

protectio, qui transpose le mot antidotum : la patientia protege contre la vie (v. 5 : omnia dura). On constatera de

surcroit que le bucrane s'adapte parfaitement au contexte du joug : c'est le signe de la béte de somme qui a

Symb. 50 Gravure :

résisté au labour/-beur. Enfin, le panache ou « chevelure de plumes » (pennicoma) qui surmonte le casque,

LA DISCUSSION DÉVOILE LA VÉRITÉ, LA DISPUTE L'ÉTOUFFE

illustre le pentamétre du premier distique qui célébre les hauts faits, incipere aut perficere eximium : il est un ornement remarquable (eximium) qui vient couronner le casque avec prestance, et offrir les fruits de la renommée ou de la gloire (allégories dotées de plumes, elles aussi).

SYMBOLE POUR LES PARTISANS DE LA DISCUSSION. Comme les semences de feu, des veines du silex >

dieus.Dofauna

bclla cum el feriptur

SEIEMNISIVAD AM

A

rir



Tirées, peuvent un tas de bois sec embraser, Dont chacun se sert aussitót pour allumer la lampe

PATIENTIA EST ORNAMENTVM CVSTO:

DIA ET

Qu'il tient devant lui et dissiper les ténébres, Deméme, en débattant, les érudits tirent sans mal

s

Le Vrai de ses recoins, vers les rives du jour. Les sophistes au contraire, bataillant à l'excés, Souvent l'étouffe entiérement, perfide gent !

AUTRE VERSION : AU COURS D'UNE DISCUSSION, C'EST UNE HONTE D'EN VENIR À SE QUERELLER VIOLEMMENT Il ne saurait arriver que tu puisses taire Fig. 1 > Francesco COLONNA, Hypnerotomachia Poliphili, Venise, Alde, 1499 : trophée avec casque et bucràne superposés (Ariani/Gabriele, t. L, p. 326-327).

1499 : suite hiéroglyphique avec casque et bucrane juxtaposés

*9 M, Ariani et M. Gabriele (éd./trad.) : Francesco COLONNA, Hypnerotomachia Poliphili, 1499, Venise, Alde, Milan, 1998, t. I, p. 328. Les éditeurs (t. II, p. 1018, note 7), qui remarquent la présence de la dépouille du lion dans le trophée, voient dans le bucráne une allusion au

taureau de Créte, vaincu par Hercule. *? [bid, t. HT, p. 614-615. 59 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 17, n° 24.

278

De ton adversaire. En effet, comment le Vrai

(Ariani/ Gabriele, t. I, p. 69).

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana**, propose une représentation d'Orsina Grassi, à moins qu'il ne s'agisse d'une allégorie de la Patientia elle-méme (trés différente de celle imaginée par Vasari et décrite plus haut, malgré le caractére à demi vétu de l'allégorie et la présence de la chaine), sous les traits d'une jeune femme à la savante coiffure, dont le haut du corps est dénudé et qui marche les épaules affaissées, la téte et les yeux baissés vers le sol. On distingue à peine le joug qui pese sur sa nuque et se rattache au ciel par une chaine qui se perd dans les nuages. La jeune femme semble soutenir sa marche difficile à l'aide d'un trophée d'armes qu'elle tient à deux mains devant elle et dont le sommet est couronné par le bucrane et le casque à panache. Le paysage joue sur l'imbrication des plans. Tout autour de la

“1 [bid., t. I, p. 69.

Quel point recoit moins ton accord dans l'opinion

Fig. 2 > Francesco COLONNA, Hypnerotomachia Poliphili, Venise, Alde,

Pourrait-il s'établir s'il nous prenait l'envie

5

D'approuver tous les points qui nous sont opposés ?

N'allons donc point blàmer les objections qu'entre eux Se font les débatteurs. Toute insulte, toute injure Et emportement, toute querelle insensée Et toute bataille violente et durable 10 Dans la discussion ne semblent en rien dignes De l'attachement que l'on voue à la sagesse. Avant la mesure ne faites rien passer Vous qui voulez progresser : rien ne passe avant.

MÉTRIQUE

- Carm. 1 : distiques élégiaques. - Carm. 2 : trimétres iambiques scazons.

279

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Il n'est possible en aucune facon, cher Triarius, que tu ne dises pas sur quel point porte le désaccord que tu as avec

REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

celui dont tu ne partages pas l'avis. Comment ne serais-je pas épicurien si j'approuvais tout ce que dit Épicure ?

Carm. 1 :

comme adversatif : tit. : IN DISPVTANTES SYMBOLVM] Maria Bianchelli Illuminati (p. 201) comprend le in d'elle que nait la « Simbolo contro i dialettici ». La disputatio est ici au contraire un terme laudatif, puisque c'est

du second poéme). Le terme vérité (cf. motto de la gravure), ou pour le moins un terme neutre (cf. motto

: quód multi in unum symbolum prend ici le sens important que Bocchi lui accordait dans le Symb. 1 (v.7 conferunt) : « ce qu'on met en commun ». Carm. 2 : V. 5 : disserentium] Certains manuscrits du De Finibus de Cicéron (dont le Parisiensis

6331 du xri s.) et plusieurs

éditions éditions du XVI* s. portent la lecon disserentium, contre la lecon dissententium retenue dans les contemporaines.

Surtout vu que c'est un jeu que d'apprendre à fond ses positions. C'est pourquoi il ne faut pas blámer les critiques que se font entre eux des gens qui ne sont pas d'accord ; au contraire, les insultes, les injures, les crises de colére, les disputes et les vains et continuels affrontements dans la discussion me semblent étre généralement indignes de la philosophie.

La position

cicéronienne

en flamme et la discussion. Le comparant (la flamme), qui occupe deux distiques (v. 1-4), se divise à son tour

deux moments : la flamme jaillit du silex et embrase l'étoupe (premier distique) ; elle permet ensuite à chacun de venir allumer sa lampe et de disperser les ténébres (second distique). Le comparé (la discussion), qui occupe lui aussi deux distiques, se déploie à son tour en deux moments. Tout d'abord, par le débat, les lettrés (disceptando studiosi), frottant chaque argument les uns contre les autres, font jaillir la vérité comme une flamme

qui disperse simultanément les ténébres de l'ignorance (troisiéme distique). Ensuite, le quatriéme et dernier distique oppose, à la lumiére de ces sages qui discutent, la cohorte des sophistes dont les arguties étouffent la flamme et raménent l'obscurité. La relation entre l'invention du feu et l'émergence du langage rassemblant les hommes et leur permettant de fonder par la discussion une société civilisée qui entre dans l'histoire gráce à l'usage conjugué de la technique et de la dialectique, constitue ce qu'E. Panofsky appelle le « primitivisme dur »*^' : il s'agit d'un matérialisme rationaliste et réaliste qui pense les origines de l'homme sur un mode entiérement naturel et imagine que l'humanité progresse à partir de découvertes fondamentales nées du hasard, sans rien devoir à quelque intervention des dieux, sans qu'il y ait nécessité d'une révélation, d'un destin programmé ou d'une élection. Cette vision trouve ses fondements dans un passage célébre et important de Lucréce sur les origines de l'humanité (5, 1011-1104), qui a inspiré Vitruve (De architectura, 2, 1), puis Boccace (Genalogia deorum, 12, 70) à la Renaissance. Tous ces auteurs associent de maniére serrée et selon un schéma quasi immuable"? la découverte du feu, l'invention du langage et l'art architectural. La similitudo adoptée par Bocchi assimile par le biais de l'image invention du feu et invention de la disputatio et de la méthode dialectique. La seconde épigramme, qui constitue plus un prolongement qu'une variation sur la premiere (aliud), et n'a pas du tout la méme portée imagée, a pour source un passage de Cicéron, extrait du De Finibus (1, 27). Le dialogue cicéronien, qui porte sur les théories du souverain bien, met aux prises Cicéron, Lucius Manlius Torquatus et

Caius Valerius Triarius. Dans le premier livre, Torquatus se fait l'avocat de la doctrine épicurienne, poussé par Cicéron qui présente le philosophe grec comme un ignorant et un homme dont les propos sont parfois incohérents ou du moins contradictoires. Amusé, Triarius fait remarquer à Cicéron la radicalité de sa critique. Celui-ci lui répond alors que c'est le propre de ceux qui débattent de présenter des arguments opposés pour signaler nettement leur position, faire avancer le débat et la recherche de la vérité, en refusant l'affrontement et la dispute violente. C'est ce court interméde que paraphrase Bocchi (voir apparat des sources) :

** Voir E. Panofsky, « Les origines de l'histoire humaine : deux cycles de tableaux par Piero di Cosimo », dans Id., Essais d'iconologie. Les thémes humanistes dans l'art de la Renaissance, Paris, 1967 pour la trad. francaise, p. 53-85.

approuvée

par Torquatus

(Fin.,

1, 7, 38):

sine

la rivalité des d'un cóté la discussion des sages fait naître la vérité (ex disputatione ueritas patet) ; de l'autre

partie sophistes la fait disparaitre (contentione euertitur). La gravure, pour sa part, assume visuellement la lumiere, par iconique de la similitudo, c'est-à-dire la mise en scene du comparant : la concorde autour de la opposition au combat dans l'ombre. àgé et deux de Au premier plan, en pleine lumiere, légérement sur la gauche, trois personnages, un de face, plus flammes. Le des profil (un maitre entouré de ses deux disciples ?), entourent un brasero dont surgissent est en train de battre personnage de gauche, comme l'a bien vu Pierre Martin, tient un « fusil », c'est-à-dire qu'il devise de Philippe III de le briquet pour allumer les flammes du brasero. Ce curieux objet apparait dans la le motto : « Autre nauray P udi Bourgogne dit Philippe le Bon, avec sa pierre à feu d’où surgissent des flammes et de droite. Le graveur a Le personnage central verse un peu de l'huile de sa lampe dans celle du personnage vétu d'une tunique à l'antique, insisté sur les différences qui signalent chaque personnage : celui de gauche est de droite est nu, et visiblement qui lui couvre les jambes ; celui du milieu porte la barbe du philosophe ; celui costumes et d'áges, les trois de plus jeune que ses compagnons. Mais au-delà des disparités de postures, vers la flamme, et sont unifiés par le personnages ont, de maniere similaire, l'échine courbée et le visage dirigé s'agit d'une petite secte, d'un noyau cercle qu'ils forment et qui redouble en partie la circularité du foyer. Il « académique » qui discute dans la lumiere de la vérité. l'un de face et l'autre de dos, s'affrontent à l'épée Au plan intermédiaire, légérement sur la droite, deux hommes,

lampes renversées gisant à terre au et dessinent de vastes moulinets avec leur arme. Ils sont dans l'ombre, et les dans

s'agit des sophistes qui se disputent premier plan permettent de suggérer ce contraste d'obscurité. Il

l'ombre, loin de la vérité. portail monumental à l'antique, qui ouvre sur un L'arriére-plan de la gravure est constitué par un portique ou un

est flanquée de deux niches dont chacune se paysage qu'on devine plus qu'on ne le discerne : une arche centrale en saillie, surmonté à son tour par voit encadrée par deux colonnes corinthiennes couvertes par un entablement au niveau supérieur. On apercoit deux arches deux petits pilastres qui viennent s'inscrire sur un mur-balustrade toile de fond a sans doute une fonction latérales, identiques à la niche centrale. Cet ordonnancement qui sert de 17, n^ 25. 55 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p.

e

dans les Pays-Bas méridionaux Usages et décors héraldiques à la cour de Bourgogne et 867 Voir M, Pastoureau, « Armoiries, devises, emblémes.

politiques puis au langage, suppose la présence du feu.

«http:/ /base-devise.edel.univ-poitiers.fr/ index. php?id-1575?.

280

disputari

dans le cadre de la science et de la vérité, puisqu'elle révàle le caractére insatisfaisant des opinions et les confronte entre elles ; son intérét humain, puisqu'elle permet à l'humaniste de ne pas rester reclus entre ses quatre murs, enchainant la lecture des livres ; sa capacité formatrice, puisqu'elle confére une aisance remarquable dans les débats ; et enfin sa dimension de plaisir puisqu'il renouvelle le goát pour des questions rebattues. Ce sont les deux éléments du comparé évoqués par la premiere épigramme qui constituent les deux parties du : titulus de la gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana

au XV* siecle », Miniatures flamandes, 1404-1482, Paris, 2011, p. 89-102. Voir également l'article

et 1015), il avait précisé que le début de socialisation humaine, qui améne à l'amitié, à l'amour filial et aux traités

enim

et 1406. Salutati, dans cet éloge, souligne à la fois l'utilité méthodologique de la disputatio

$65 Lucréce, dans le livre s du De rerum natura, décrit d'abord l'invention du langage (1028-1090), puis revient sur celle du feu (1091-1104), mais un peu plus haut (1011

neque

reprensione nec cum iracundia aut pertinacia recte disputari potest, « On ne peut débattre sans émettre de critique, ni débattre correctement si l'on se met en colére ou si l'on se montre entété ». Cet éloge de la disputatio, au-delà de ses sources cicéroniennes, avait trouvé une réactualisation au sein de l'éloge qu'en prononce Coluccio Salutati dans les Dialogi ad Pierum Paulum Histrium de Leonardo Bruni (en part. $89), rédigés entre 1403

ANALYSE La premiére épigramme, trés imagée, se présente sous la forme d'une similitudo érasmienne à deux éléments, la

sera ensuite

familles

« AULTRE NARAY. Devise - CESCM- Les

le 21 aoüt 2014. URL : [En ligne] Publié en ligne le 15 octobre 2013, consulté /Maison de Bourgogne/Philippe III de Bourgogne »

281

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

métatextuelle: relayer le róle positif du feu comme métaphore du langage en transcrivant en termes architecturaux l'harmonie et l'équilibre du discours rhétorique, qui ouvre sur la nature de maniere disciplinée et totalement symétrique.

Symb. 51 Gravure : L'HOMME

Sylvie Béguin** et Jürgen Winckelmann*? ont insisté sur l'importance d'une peinture réalisée entre 1548 et 1550 par Nicoló dell'Abate sur une cheminée dans un salon du rez-de-chaussée du Palazzo Torfanini à Bologne, reconstruit en 1735, ce qui fit disparaitre tout un cycle pictural du méme artiste inspiré par le livre I de Tite-Live

chute des rois étrusques"". La « storia pinta sul camino »"' adopte la méme opposition significative des espaces

Silla Zamboni"^a montré que cet embléme de Bocchi avait à son tour inspiré une peinture que Prospero

Fontana, décorateur du Palazzo Bocchi et auteur du portrait de Bocchi évoqué au Symb. 2, réalisa pour le palais

des comtes Marsigli à Bologne, probablement entre 1555 et 1565. Les Marsigli, vieille famille de Bologne connue depuis le XII* s., comptaient, à partir du XIV* s., de nombreux membres au Sénat et dans le Conseil des Anciens, mais aussi des gonfaloniers, des ambassadeurs et des juristes.

DOIT ALLÉGER SA FORTUNE

EN AGISSANT

LE SORT REND GRÁCE À PALLAS DE SON SALUT

et représentant les Storie di Tarquinio e Lucrezia et les débuts de la République romaine autour de Brutus et de la que dans la gravure qu'elle a inspirée : une scéne de premier plan, dans des ruines à l'antique, montre quatre personnages rassemblés autour d'un vase d'oü jaillit une flamme et qui repose sur un socle quadrangulaire avec la mention Sic ueritas elicitur, « c'est ainsi que jaillit la vérité ». Les deux personnages de gauche, plus jeunes, se penchent pour venir allumer leur lampe à la flamme du vase, que le personnage de droite, barbu, avec un manteau drapé et bonnet phrygien (certainement un philosophe), a visiblement réussi à enflammer en frottant deux pierres contre une flamméche. Le troisiéme personnage, vu de face, désigne avec son bras tendu vers la gauche un événement hors du tableau (l'un des personnages de gauche au premier plan se tourne d'ailleurs pour regarder dans cette direction) : la foudre est-elle tombée ? Ou quelque autre prodige s'est-il produit, alimentant les discussions? Les ennemis sont-ils aux portes de la ville? Le personnage aux pierres reste visiblement impassible. À l'arriére-plan, on retrouve les deux jeunes gens de gauche, mais qui se battent à mains nues, leurs lampes éteintes gisant sur le sol; se dresse derriére eux un piédestal portant des stylobates de colonnes et l'inscription Bellum sophisticum, et l'on apercoit à l'avant un bloc de pierre quadrangulaire portant la mention Sic ueritas amittitur, « c'est ainsi que disparait la vérité », qui répond à l'inscription du premier plan.

DE FORTITUDE

Naufragée sur ordre des dieux, Fortune, en pleine mer Ballottée, fait surface au beau milieu des flots ;

Accostant au rivage, elle implore l'appui de l'alme Fille de Latone, qui l'exauce aussitót, s

Hissel'affligée de sa dextre et, regardant le ciel,

L'invite à espérer désormais mieux des dieux.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS - Les anomalies que nous rencontrons dans S à partir de ce Symbolum (texte ou image manquant, texte ou image redoublé(e), image en face d'un poéme qui ne lui correspond pas) confirment que ce manuscrit est une copie de

travail abondamment remaniée (voir introduction). À partir de cet embléme, le manuscrit a été démembré,

plusieurs folios ont été arrachés et remplacés par des copies plus récentes, oà apparait une graphie différente

(main A") de celle des emblémes précédents (main A) : il s'agit de la main plus tardive de Bocchi plutót que

celle d'un copiste différent. Le £ 48v? de S, sur lequel apparait la gravure, figurait sans doute à l'origine en face du P 53r°, qui comporte le poéme, comme le laisse supposer l'erreur de numérotation du Symbolum (à l'origine

XLIX) corrigée de la méme maniére sur ces deux folios, en barrant les deux X. Le f? 49r? (comme les suivants

d'ailleurs, jusqu'au f° 52v?), qui copie à nouveau le texte de l'embléme et son titulus, a été inséré a posteriori, comme le montrent la graphie différente, plus large, ainsi que le numéro du Symbolum (LI) sans rature""".

- Le poéme est cité in extenso dans une des Lettres de Bocchi à Amaseo (Milan, Bib. Ambr., D 145 inf, f 25r°-v°) datée de mars 1548, qui comporte le terme Latoidos au v. 3 (sur ce terme problématique, voir l'anayse infra), et

qui affirme que l'embléme est nuper natum, « né récemment » :

55 S. Béguin, Mostra di Nicolò dell'Abate (. Bologna, Palazzo del Archiginnasio, 1 settembre-20 ottobre 1969), catalogue d'exposition, Bologne, 1969,

p. 67-71.

*9 J. Winckelmann, « Nicoló dell'Abate in Palazzo Torfanini, la Storia “ pinta sul carmino ", Accademia Clementine. Atti e memorie, n. s. 33-34, 1994-1995, p. 25-30. Pour le rapprochement avec la gravure de l'embléme de Bocchi, voir également S. Cavicchioli, « La * visibile poesia " di Nicoló : fonti letterarie e iconografia dei fregi dipinti a Bologna » in S. Béguin, F. Piccini (dir.), Nicolà dell'Abate. Storia dipinte nella pittura del

Cinquecento tra Modena e Fontainebleau, Catalogo della mostra (Modena, Foro Boario, 20 marzo-19 giugno 2005), Milan, 2005, p. 101-105 et

I. Bianchi, « Nicoló dell'Abate e Achille Bocchi : un'ipotesi per la storia “ pinta sul camino ” di Palazzo Torfanini », in S. Béguin, F. Piccini (dir.), Nicolà dell'Abate, p. 125-131 et Ead., Iconografie accademiche. Un percorso attraverso il cantiere editoriale delle Symbolicae Quaestiones di

Achille Bocchi, Bologne, 2012, p. 91-116. *? Des dessins préparatoires de l'artiste, dispersés dans différentes bibliothéques italiennes et une collection cycle commandées avant la restructuration du xvirr' siecle, elles aussi dispersées, permettent de reconstituer fresque. Voir G. Zucchini, « La scoperta di affreschi di Nicolo dell'Abate in Bologna », Il Comune di Bologna, « Disegni inediti di Nicoló dell'Abate per Palazzo Torfanini e un pezzo d'archivio dimenticato » Prospettiva,

privée, ainsi que des copies du à peu prés l'organisation de la 16/6, 1929 p. 11-28 ; S. Béguin, 33-36,

1983-1884, p.: 183-190; '

Ead., « A proposito di due disegni di Nicolò dell’Abate », in M. Scolaro, F. P. Di Teodoro (dir.), Intelligenza della passione. Scritti per Andrea

Emiliani, Bologne, 2001, p. 73-84. *"' L'expression est due à G. P. Zanotti, Storia dell'Accademia Clementina, Bologne, 1739, t. IL p. 313-316, cité par S. Béguin, Mostra di Nicoló del Abate, p. 69. 5? S. Zamboni, « L'artista e il filosofo : un episodio inedito del rapporto fra Prospero Fontana e Acchille Bocchi », in E. Sala di Felice, L. Sanna, R. Puggioni, Intersezioni di forme letterarie a artistiche, Rome, 2001, p. 23-32 (qui parle, de maniére erronnée,: d'une seconde édition des i Quaestiones Symbolicae en 1577, p. 26).

282

An non meministi quoties aurem mihi uellebas ut admoneres aduersum Fortunam, uirtute duce et auspice, aut uitari

prorsus, aut minui, aut certé patienter sustineri ? Vnde per occasionem et ocium

nuper illud natum symbolum:

FORTVNAM INDVSTRIA SVBLEVANDAM. Cuius imaginem cum uersiculis suis appinxi : [texte du Symb. 51].

Mais peut-étre ne te souviens-tu pas combien de fois tu m'as cassé les oreilles à me mettre en garde contre la fortune, en me disant que, lorsqu'on prenait la vertu pour guide et protectrice, la fortune pouvait soit étre totalement évitée, soit atténuée ou bien assurément supportée avec patience ? C'est de là qu'est né récemment, du fait de l'occasion et d'un congé, IL FAUT ALLÉGER SA FORTUNE EN AGISSANT. J'ai peint son image avec

des vers spécifiques.

NorES v. 3 : Latoidos] Sur cette anomalie qui fait intervenir Diane, fille de Latone, alors que le titre du poéme évoque explicitement Pallas-Athéna, voir l'analyse infra. On ajoutera que l'expression emergit fluctibus du vers précédent est employée chez Apulée (APVL., Met., 11, 1) et chez Pontano (Vrania, 1, 423-424, voir apparat des sources)

"5 Voir notre présentation du manuscrit Sloane dans l'introduction générale.

283

Traduction, annotation, commentaire — Livre I1

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

ANALYSE

874

de comparaison) de Cet embléme entretient avec le suivant (voir notre analyse à ce symbolum et les éléments

le ciel fort liens de symétrie et d'opposition mais tous les deux vérifient un dicon populaire: « Aide-toi,

t'aidera ». La lettre

à Amaseo citée en partie supra, datée de mars 1548, invite à considérer comme point de

oü les départ de la piéce l'exhortation que Bocchi se lance à lui-méme pour se donner du courage, à un moment Farnése semblent moins enclins à lui verser des subsides et oü il apparait criblé de dettes, suite à la construction de son palais académique. Mais, au-delà de l'anecdote, l'embléme dévoile une tout autre dimension, religieuse

en particulier.

Dans le poéme comme dans la gravure du Symbolum 51, c'est la Fortune ou Sors qui, étrangement, fait naufrage,

ironique renversement de situation pour celle qui est d'ordinaire effectivement naufraga, mais dans un sens actif, « celle qui inflige des naufrages ». Jouant sur des traditions iconographiques et plastiques, Bocchi prend à la

lettre le contexte marin oü se trouvent habituellement insérées les allégories de la Fortune;

ce contexte est

chargé, tout comme les attributs du personnage (voile, gouvernail ou navire), de transcrire métaphoriquement

les retournements imprévisibles, l'instabilité constitutive et incontrólable de cette divinité du hasard*^. La

Fortune se débat ici à son tour dans la mer dangereuse et profonde qui sert habituellement de métaphore pour traduire ses pouvoirs et qui semble se retourner contre elle. Nous aurons d'ailleurs à revenir sur les raisons de cette mise en scéne d'une Fortune victime des dieux et qui risque la noyade. La chronologie des événements dans le texte est par ailleurs importante. La Fortune commence par faire effort pour ne pas se laisser submerger (emergit, v. 2). Ce n'est qu'ensuite, au moment critique oi elle risque de venir se briser sur le rivage (Ad litusque appulsa, v. 3), qu'elle implore (implorat supplex, v. 4) l'aide divine qu'elle obtient (subleuat afflitam dextra, v. 5), non pas de Pallas, comme le laissait supposer le titulus (sors Palladis

salutis habet gratiam), mais de la fille de Latone (Latoidos almae, v. 3), c'est-à-dire Diane. Si la présence de Diane, déesse qui veille sur les cótes et les navires, se justifie parfaitement d'un point de vue mythologique""5, les allusions à Pallas dans le titulus, et sa présence dans la gravure, instaurent une discordance qu'il faudra expliquer. L'hypothése que la « fille de Latone » serait un simple lapsus calami semblant peu convaincante?", d'autant

plus que l'index rerum des éditions de 1555 et 1574 renvoie bien à Latois alma. La Fortune obtient enfin la

promesse d'un avenir plus clément (Sperandum a superis iam meliora iubet, v. 6). Comme ce sera le cas pour l'embléme suivant, la source de cet embléme (pour le texte comme pour l'image) provient d'une fable d'Ésope (53 Chambry = 30 Hausrath-Hunger, voir apparat des sources), qui met en scéne un Athénien faisant naufrage et invoquant la déesse tutélaire de sa cité : Un riche Athénien naviguait avec d'autres passagers. Une tempéte violente étant survenue, le vaisseau chavira. Or, tandis que les autres passagers cherchaient à se sauver à la nage, l'Athénien invoquait à chaque instant Athéna, puis promettait offrandes sur offrandes s'il parvenait à se sauver. Un des naufragés, qui nageait à ses cótés, lui dit : « Fais appel à Athéna, mais aussi à tes bras. » Nous aussi, invoquons les dieux ; mais n'oublions pas de travailler

de notre cóté pour nous sauver.

La fable insiste sur la notion d'effort, en mettant en valeur l'organe méme de l'action, la main ou le bras. Le jeu de mains et de bras de la Fortune est discrétement suggéré par les termes emergit et appulsa, qui nous font ** Nous proposons ici la version remaniée de notre analyse parue sous le titre « Des délais de l'intervention divine : gráce et salut dans deux emblémes d' Achille Bocchi », dansJ. Pigeaud (dir.), « Les Gráces », Littératures Classiques, 60, automne 2006, p. 75-94.

° Sur cette figure instable et négative, voir les Symb. . Mais le recueil montre également un versant positif de la Fortune, généralement liée au prince, qu'il s'agisse de la Fortuna aurea, de Némésis ou d'Astrée (Voir notre introduction générale). ** Fait déjà souligné par C. Balavoine, « Duplicités emblématiques: sur un Symbolon d'Achille Bocchi (1555) », La Licorne, 23, 1992; Lisible/visible : problématiques, Actes du Colloque de Poitiers de 1991, p. 145-159, ici p. 148. *7 Ibid., p. 154.

284

|

supposer qu'elle nage ou, du moins, se débat pour flotter. Le terme supplex suggere à son tour le geste des mains qui se joignent pour prier, geste qui est effectivement réalisé par la Fortune dans la gravure. Mais, à la différence de la fable ésopique qui ne l'évoque pas, le texte emblématique met l'accent sur la réaction de la divinité à cet effort. Et cette réaction, là encore, met en ceuvre un jeu de bras et de mains : c'est effectivement le bras vigoureux

de la divinité (Subleuat afflictam) qui, en réponse aux gestes de la Fortune, vient la sauver. Cette main divine est explicitement

mentionnée

au

vers

5 avec

dextra,

terme

mis

en valeur gráce

à son

insertion

entre

la coupe

penthémimére et la coupe hephthémimére. Cette idée d'effort, exprimée par la main qui agit, et qui recoit en retour un « coup de main » de la part des dieux, donne lieu à une profusion de références parémiographiques et épiques qui débordent le cadre de l'épigramme et viennent contaminer les tituli. Dans le titulus qui surmonte la gravure, l'expression fortuna forti subleuanda industria est un curieux monstre bicéphale né de la fusion entre une formule proverbiale de César

(Ciu., 3, 3, 74 : « Si tout ne se présente pas de maniere favorable, il faut alléger la fortune par son action ») et de versions multiples autour de la fausse étymologie fortuna/fortes (ENN. in MACR., Sat., 6, 1, 62; TER. Phorm., 203 ; CIC., Tusc. 2, 4, 11 ; voir l'apparat des sources pour d'autres références). La gravure en est d'ailleurs la

fidéle expression. Sur l'image, la Fortune, sous les traits de l'Occasio, avec sa méche sommitale caractéristique, est hissée verticalement hors des eaux par Pallas/Athéna, la déesse qui patronne les arts et métiers et donc l'industria. On peut identifier cette derniére sans ambiguité à son casque, sa cuirasse et au long jupon transparent qui flotte gracieusement autour de ses jambes, constante chez Bonasone*. Claudie Balavoine invite à lui superposer le personnage de Mercure", qui apparait souvent, comme sur la fameuse statuette réalisée par Gianbologna, l'index pointé vers le haut. Si la vision d'un Bonasone « au diapason culturel et philosophique d'Achille Bocchi**? » parait désormais dépassée, il n'en demeure pas moins que, s'il y a de la part de Bocchi luiméme une discrete allusion à l'Hermathéna cicéronienne, choisie pour étre l'embléme de l'Academia Bocchiana (voir le Symb. 102), elle ne manquerait pas de sel : criblé de dettes à cause de la construction de son palais orné par l'Hermathéna, l'emblématiste ne ferait donc rien d'autre que de demander aux divinités protectrices qu'il célébre intelle&uellement de venir le secourir de maniére moins intellectuelle, c'est-à-dire par des espéces sonnantes et trébuchantes. Ce ne serait pas incompatible avec les attributions du dieu du commerce ni avec

elle qui est celles de la déesse des arts et des artisans. Mais revenons à Athéna, déesse de l'industria, car c'est bien

sa au centre du propos de l'image. Dans la gravure en effet, la déesse ne saisit pas la malheureuse Fortune par sont qui et (supplex) méche caractéristique mais par ses mains, que celle-ci a jointes en signe de supplicatio organisée autour précisément celles qui l'ont aidée à émerger lors du naufrage (emergit). Or cette composition,

que celui du d'un nceud de mains, exploite au sens propre — mais sans le citer explicitement — un autre proverbe » c'est-à-dire titulus, cov AOnva xai eipa xtvet (cum Minerua manum moue, « Remue aussi le bras avec Athéna de se tirer « participe aussi à l'effort que Athéna fait [sous-entendu: pour te sauver] », qui invite à tenter d'ailleurs souvent ce d'affaire en méme temps que l'on implore l'aide des dieux. Les parémiographes citent de Pallas proverbe imagé avec celui qui invite les courageux à alléger leur fortune par leur industrie?*', L'identité sur l'image ne fait donc pas vraiment doute. est incarné par deux Mais l'homme plein de fortitude (forti) à qui incombe la prescription formulée par le titulus, avant d'étre fracassé sur le rivage) héros épiques par excellence : l'Ulysse d'Homére (sauvé lui aussi par Athéna 1-2) par l'intermédiaire et surtout, l'Énée de Virgile, modéle auquel renvoie explicitement l'épigramme (v.

a choisi dé substituer d'expressions empruntées au début de l'Énéide (voir apparat des sources). Bocchi vaut ici pour toutes les péripéties métonymiquement au héros sa fortune tourmentée et périlleuse, et le naufrage diégétiques de l'épopée, voire de l'humanité dont Énée serait le modele. oü réside la victime, Fortune, Revenons un instant à la gravure. L'espace est partagé en deux. Le monde humain

surgit de la partie occupe la partie inférieure de l'image. Enveloppée ou supportée par des nuées, la divinité 5 Voir les gravures des Symbola 9, 22, 42, 65,

81, 83, 91, 111, 129, 134-

*? Voir C. Balavoine, « Duplicités emblématiques », p. 153. 89 Ibid. p. 146.

*'! Voir apparat des sources.

285

————

la contamination, Diane justement pour évoquer le disque lunaire ou solaire qui sort des flots, et peut expliquer étant aussi une figure de la Lune, comme Apollon son frére l'est du Soleil.

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

supérieure de la composition picturale. La solidité du bras vertical de Pallas, bras relayé par son index levé et la

méche dressée de la Fortune, et qui vient saisir les mains jointes de la naufragée, établit une connexion entre les deux mondes et les deux personnages dans le Symb. 51. Le doigt levé de Pallas indique clairement que celle-ci joue le róle de messagére des dieux et que la nuée qui la porte, lieu de transition, sert en méme temps à dissimuler l'espace hors-champ réservé aux Superi. La tentation de voir Mercure pourrait un instant ressurgir, avec un numen ainsi délégué par les dieux pour leur servir d'intermédiaire et effectuant un geste que l'on connait pour le dieu messager*. Le contexte philosophique va permettre de confirmer, une fois de plus, l'identité indubitable de Pallas. La Fortune qui émerge des eaux n'est point ici la déesse régulatrice qui préside aux grands bouleversements cosmiques. Ballottée, au bord de la noyade, elle résume, à travers Énée, l'humaine condition soumise aux volontés incompréhensibles et contradictoires du destin, et surtout, immergée dans la matiére. La mer, privée de

forme, est effectivement une image platonicienne de la xoa, le réceptacle lié aux quatre éléments décrit dans le Timée (49a-51b) et susceptible de recevoir toutes les formes? Or le personnage nu de Fortune sur la gravure, aux formes galbées, à la chevelure ébouriffée et qui surgit des vagues, n'est pas sans évoquer la Vénus anadyoméne que Bocchi, dans le Symbolum 28, interprétait comme 0r, c'est-à-dire la matiére lorsqu'elle est dotée d'une forme***. Jean Pic de la Mirandole rappelle que le mythe de la naissance de Vénus signale le moment oi un principe supérieur féconde un principe inférieur et lui confére ainsi un supplément d'étre**. La Fortune humaine, à l'instar de Vénus, est tirée des eaux de la matiére par Pallas-Minerve. Ce mouvement d'extraction et

d'émergence est souligné de maniere inversée par la présence dans l'image d'un bateau qui sombre à l'arriéreplan et dont on n'apercoit plus que la proue. Or la silhouette de ce navire redouble singuliérement celle de la Fortune au premier plan, en particulier la forme de la téte et de sa méche caractéristique, mais pour suggérer le caractére opposé du mouvement qui les anime, ascensionnel pour la Fortune, descendant pour le navire. La Fortune a quitté son navire, c'est-à-dire son « véhicule », pour le laisser sombrer dans les profondeurs abyssales de la matiére. Elle participe à son propre sauvetage, orchestré par Pallas. Si Claudie Balavoine avait raison de voir là une mise en scéne cosmologique*5 il faut sans doute y voir également une dimension anthropologique et une réflexion religieuse. Bocchi rappelle effectivement à maintes reprises que Pallas est la divinité qui veille sur les citadelles**", y compris

sur l'acropole de la téte qui, selon une image empruntée au Timée de Platon, abrite le voc ou la mens, siége de

divins pensers. Le voc, partie divine de l'àme, prend parfois la forme d'un démon chez Bocchi, en particulier du bon démon socratique aux allures angéliques*?. L'androgynie de Pallas, dans la gravure du Symb. 5 1, est à relier *" C, Balavoine, « Duplicités emblématiques », p. 149.

%%3 VoirJ. Pépin, « À propos du symbolisme de la mer chez Platon et dans le néoplatonisme », Bulletin de l'Association Guillaume Budé, Actes du Congrés de Tours et de Poitiers, 3-9 Septembre 1953, Paris, 1954, p. 257-259.

“4 Voir notre analyse de l'embléme 28. Pour une autre Vénus-Fortune, voir le Symb. 68 et nos analyses. “°° Voir les citations de l' Heptaplus et du Commento, 1, 2, que nous donnons dans notre analyse du Symb. 28. #° Voir C. Balavoine, « Duplicités emblématiques », p. 152, qui relie l'organisation de l'image à la cosmologie ficinienne. Le coude minervien

constituerait, selon elle, le uinculum qui unit l'Univers céleste ou translunaire, et l'Univers terrestre ou sublunaire. L'Intellect cosmique et le

régne de la matiére échapperaient à la possibilité de la représentation.

5" Voir le Symbolum 64 (Silentio deum cole), v. 1-5. Voir aussi les Praelectiones in libros De Legibus M. T. Ciceronis habitae Bononiae in Academia

Bocchiana, 1556, Bologne, Bibliothéque Universitaire, Cod. Lat. 304, £ 20-21 : Pallas sapientiae dea condidisse arces dicitur quia sapientia ipsa uersatur circa summa et perfectissima quaeque eodem modo se habent semper. Hinc nata dicitur ex capite Iouis. Quare uidendum est diligenter cur poeta dixerit : « [...] Pallas quas condidit arces/ Ipsa colat; nobis placeant ante omnia silua » [7 VERG., Buc., 2, 61-62]. Vbi pulcherrima allegoria

plerique homines per arces spectatiuas artes et ea quae intellectu id est habitu principiorum percipiuntur, per syluas autem ea quae scientia habitu conclusionum et prudentiam circa hominis bona et mala uersantur. « Pallas, déesse de la sagesse, fonda, dit-on, des citadelles, car la Sagesse

s'applique aux sujets les plus élevés et les plus nobles, qui demeurent immuables à jamais. De là vient la légende qui la fait naitre de la téte de

Jupiter. Observons avec attention les vers du poéte : ^ [...] Que Pallas à son gré/ Dans les citadelles qu'elle a fait établir,/ Trouve logis. Pour

nous, rien ne vaut les foréts!" La plupart des commentateurs, dans une superbe allégorie, entendent par "citadelles" les disciplines contemplatives et les intuitions nées de l'intellect, c'est-à-dire de l'acquisition des principes, et ils entendent par "foréts", ce qui touche à la

verit C'est-à-dire à l'acquisition des conclusions, sans oublier la prudence concernant les bonnes et les mauvaises actions humaines ». PL, Tim., 90a.

55 Voir les images des Symbola 3 et 147.

286

à l'indétermination sexuelle des anges et des démons, qui constituent précisément le vobc ou la mens. Mais cette partie la plus précieuse de l'áme, qui résume à elle seule l'humanité de l'homme en la reliant au divin, ne peut exercer ses fonctions que si les autres parties (le 0ouoc et les &xi&vpíat), liées aux fonctions corporelles, sont reléguées à la place inférieure qui leur revient??^, Il faut que le sujet, dont l'àme s'est incarnée dans un corps, participe par la volonté à cette remise en ordre intérieur que Platon appelle Justice (8txatocóvr), et qui permet à la partie supérieure d'accomplir les potentialités divines qui sont les siennes, et qui sont perpétuellement

menacées"", Mais, de maniére trés troublante, cette structuration dynamique des facultés de la psyché pourrait porter en latin le nom d'industria (de *endo-struo, « j'édifie en moi-méme »*?), mot qui apparait justement dans

le titulus qui surmonte l'image. Ce terme désignerait alors non pas seulement l'énergie de l'artisan qui s'attelle à l'ouvrage, mais, plus subtilement, une organisation interne hiérarchisée oà chaque partie de l’àme est mise à sa place. Ainsi Pallas, sur la gravure de Bocchi, allégorie du voc ou de la mens, partie sommitale de l'étre, aide l'humaine condition à quitter son véhicule matériel, son navire, c'est-à-dire son corps et les facultés qui lui sont

liées, pour l'aider à participer à la vie divine. Mais le mouvement initial appartient au sujet, qui doit d'abord se débattre pour s'extraire, relayé ensuite par l'appui divin. Les proverbes qui jalonnent l'embléme, et la gravure elle-méme, soulignent et célébrent cette participation volontaire en mettant le jeu des mains au premier plan. Mais pourquoi cette mise en scene platonicienne ? Pourquoi insister autant sur la nécessité de la participation de la naufragée à l'opération de sauvetage ? Comme souvent chez Bocchi, le recours à l'anthropologie platonicienne du Timée est à relier aux développements d'Érasme sur le méme sujet dans l'Enchiridion militis Christiani, paru pour la premiére fois en 1504. Érasme, dans l'Enchiridion, relie Platon à saint Paul et Origene pour insister sur le caractére duel de la nature

humaine, mi-ange, mi-béte, qui est une conséquence directe du péché originel". Le voóc ou mens, sans com-

mune mesure avec les facultés inférieures de l'àme, doit dominer, afin de permettre l'éradication des passions

qui sont l'oeuvre du démon. Cette domination volontaire sur sa propre nature permet, au sein d'un méme individu, de promouvoir l'homme spirituel et intérieur, au détriment de l'homme charnel et extérieur, le premier étant le seul apte à recevoir et à comprendre la doctrine christique, qui abolit les rituels matériels et extérieurs de l'aliance mosaique**. Chez Érasme comme chez saint Paul, l'esprit, qui se confond avec le cceur, devient le véritable organe de la religion intérieure voulue par le Christ, débarrassée des cultes extérieurs et des cérémonies, tout entiére tournée vers la spiritualité : c'est dans le cceur/esprit que s'ancrent l'espérance, la charité et la foi. Il faut donc que, purifié du tapage des passions, il recouvre la pureté et la lucidité inhérentes à sa qualité divine. Dans cette perspective, la Pallas de la gravure, malgré ses traits paiens, représente une allégorie du $% 99! 9" 553 est

Sur toutes ces questions, voirJ. Pépin, Idées grecques sur l'homme et sur Dieu, Paris, 1971, p. 5-12 et nos analyses au Symb. 64. p. 8-9. Sur cette nécessaire intervention de la volonté pour préserver la suggeneia noétique avec le divin, voirJ. Pépin, Idées grecques, Sur cette étymologie, voir FEST., 94, 15. ÉRASME, Enchiridion militis Christiani, ch. 4, trad. A. J. Festugiere, Paris, p. 109 (à partir du texte latin établi par Holborn, p. 41) : « L'homme une sorte d'animal prodigieux composé de deux ou trois parties tout à fait diverses, d'une àme à titre pour ainsi dire de puissance divine

(numine quodam) et d'un corps qui joue le róle de béte brute (muta pecude). De fait, nous l'emportons si peu par le corps sur le reste des bétes

brutes (reliquo brutorum generi) que, sous le rapport des qualités naturelles nous leur sommes manifestement inférieurs. Selon l'àme en revanche, nous somme si bien susceptibles de contenir la divinité (diuinitatis capaces), qu'il nous est permis de dépasser dans notre vol les

esprits des anges mémes et de ne faire qu'un avec Dieu (unum cum Dio fieri). S'il ne t'avait pas été ajouté un corps, tu serais un étre divin

(numen) ; s'il n'avait pas été mis en toi un esprit, tu serais une béte (pecus) ». il [Origéne] établit trois parties : 59 ÉnASME, Enchiridion militis Christiani, ch. 7, éd. citée p. 123 (7 Holborn, p. 52-53) : « À la suite de Paul,

l'esprit, l'Àme et la chair, toutes parties que l'Apótre a associées quand il écrit aux Thessaloniciens (1 Thess. s, 23). [...] De ces lieux, Origene conclut avec quelque raison qu'il y a trois parties en l'homme (Cf. OniG., In epist. ad Rom., 1, 5; 10). [...] Le ope

(corpus) ou la chair

[... ]. (carnem), partie la plus basse en nous, dans laquelle, du fait de la faute originelle, notre vieil ennemi, le SUPUUM a gravé is loi du péché

cette partie que nous sommes L'esprit (spiritus), partie gráce à laquelle nous reproduisons une ressemblance de la nature divine [ ... ] : c'est par pour collés à Dieu et rendus un avec Lui. Outre ces deux parties et entre elles, Origéne a établi, comme troisiéme et médiane, l'áme ( animam), se pas ne pas peut ne factions, aux livrée étre le réceptacle des sensations et des mouvements naturels. Celle-ci, comme dans une république elle lequel vers cóté le soit que quel laissée étant lui liberté l'autre, de ou rallier à l'un ou l'autre de ses extrémes elle est sollicitée d'un cóté elle se veuille se tourner. Si, renongant à la chair, elle se fait passer du cóté de l'esprit, elle deviendra, elle-méme aussi, spirituelle ; si au contraire ce [Paul] méme le choi lis Tu « 118: p. 6, ch. aussi Voir » corps. en finir jusqu'à s'abátardira elle chair, la de convoitises les vers laisse tomber établi deux àmes dans le seul et avait Platon jour. en jour de renouvelle se qui l'intérieur, de et corrompt, se qui extérieur, l'homme de dit qu'il méme homme. Paul établit dans le méme homme deux hommes [ ... ] ».

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Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1 $55) - tome 2

nue, allégorie de l'humaine condition cceur/esprit dévoué à Dieu, qui tire hors de la mer de la matiére la Fortune . De plus, la présence de termes renplongée dans les passions, mais qui souhaite s'en abstraire et en émerger ramme, ne doit pas étre lue simplement voyant au salut (salus) et à la gràce (gratiam) dans le titulus de l'épig e. Elle doit étre réinsérée dans un condans les acceptions paiennes que suggere le contexte antique du naufrag iques. Plusieurs détails y invitent. texte de polémiques religieuses et d'ápres discussions sur ces questions théolog la tempéte, mais garde encore la force La Fortune naufraga et afflicta évoquée par l'épigramme a tout perdu dans t à l'origine de ses malheurs. de montrer sa piété (supplex, implorat) en invoquant les dieux, qui sont pourtan

non seulement d'Ulysse, l'illustre Mise à l'épreuve de l'humilité absolue, puis sauvée, elle se fait ici l'émule

ves et d’errances®° mais protégé de Pallas-Athéna, et d'Énée, à la piété exemplaire", au milieu de tant d'épreu figure héroique biblique. aussi et surtout de Job. On passe imperceptiblement du modéle épique antique àla vers et a superis dans Comme nous l'avons déjà remarqué, le texte, avec les formules ui superum dans le premier

t sur le róle d'intermédiaire entre le dernier, ainsi que la gravure, avec le doigt et le regard levés de Pallas, insisten

le motif du naufrage, monde terrestre et monde des Superum joué par la divinité qui sauve la Fortune. Or, si

, c'est chez associé autant à Ulysse et Énée qu'à saint Paul", a connu un regain d'intérét à la Renaissance??*

cession divine, et en Érasme en particulier qu'on le trouve lié précisément à une réflexion religieuse sur l'inter exces et les particulier celle des saints. Paru en 1523, le colloque Naufragium expose avec une ironie mordante les rien de aberrations de la superstition qui font recourir, dans la peur du naufrage, à des pratiques qui n'ont on situati religieux, notamment à invoquer les saints, plutót que le Christ, et à promettre des ex-votos. La se exemplaire que propose le naufrage, qui met la victime en position de désarroi complet et éprouve sa piété, trouve donc tout à fait adaptée à une réflexion sur la possibilité et la nature de l'intervention divine : il nous és, semble que Bocchi se livre discrétement à cette réflexion théologique sur l'intercession divine et ses modalit mais à l'aide de figures paiennes. De plus, la lettre de l'épigramme recéle une anomalie dont on a déjà signalé la présence. Alors que la gravure et on les deux tituli font trés clairement allusion à Pallas, le troisieme vers du texte commet une curieuse confusi

entre cette divinité et Diane, fille de Latone (Latoidos almae). Si l'adjectif périphrastique Latois rend moins

frappant le glissement que ne l'aurait fait un nom propre comme Dianam, qui aurait trahi immédiatement l'incohérence, il est cependant assez incompréhensible sous la plume d'un humaniste aussi érudit que Bocchi*?". Sauf si l'on suppose que, loin de résulter d'une confusion, il est au contraire le produit d'une volonté délibérée, non d'induire en erreur, mais de signaler là une voie oü s'engager. La présence du méme mot dans la citation que Bocchi fait du poème dans une lettre à Amaseo datée de 1548 (voir supra) confirme cette hypothése.

La confusion Pallas/Diane est effectivement attestée chez deux auteurs, Martianus Capella et Plutarque, et elle

repose dans les deux cas sur le fait que les deux déesses sont confondues et renvoient alors à un seul et méme

signifié, la lune??. Donc si la fille de Latone renvoie à la lune, le nom et l'identité de Pallas ne lui sont pas

interdits. Mais quel est l'intérét d'attirer l'attention de maniére aussi contournée sur l'identification de Diane et

de Pallas avec la lune ? On sait que Diane comme divinité lunaire peut symboliser l'Église, dans la mesure o,

comme la lune, elle recoit sa lumiére du soleil?!, Dans l'idée de l'Église interpréte de la révélation, elle incarne

si l'on parfois aussi la Théologie??. Lorsqu'elle est lune, Diane est placée sous le signe du nombre trois??. Or,

observe de prés le texte de Bocchi, et que l'on porte son attention sur les termes qu'il emploie, on peut remarquer justement que trois actions sont liées à Pallas/Diane. 1) la Fortune implore d'abord son aide (fidem,

v. 3) ; 2) la déesse la lui accorde et la sauve alors par un mouvement de sympathie (fauet, v. 4) ; 3) elle demande

enfin à la rescapée d'espérer une condition plus heureuse (sperandum, v. 6). Fidere, fauere, sperare forment de la effectivement une singuliére triade oi un ceil aguerri peut déchiffrer la présente discréte de l'Espérance, voir de logique donc est qu'il et Charité et de la Foi : ce sont bien là les trois vertus que l'on nomme théologales, Latone, dispensées par la déesse symbolisant la Théologie, la science des choses qui touchent à Dieu. La fille de dans la immergée dans le poéme bocchien, sauve la fortune naufragée, symbole probable de l'humaine condition évangélique matiére, par l'apprentissage des trois vertus théologales, celles qui doivent permettre de mener la vie

décrite par Paul".

Or cette réflexion sur le salut par l'exercice de la des débats théologiques menés sur la gràce par pardonne de simplifier ici la question. Si, comme et de son élection par une gráce qui le prédestine,

charité et des deux autres vertus théologales est indissociable Érasme, grand lecteur de Paul et d'Augustin. Qu'on nous le veut Paul, Dieu est le seul responsable du salut de l'homme que faire de la volonté humaine et de l'exercice du bien ? Si au

de son salut, oü placer la toutecontraire, l'homme, par ses ceuvres et sa volonté, peut conquérir les conditions

puissance divine ? Dans la querelle qui l'opposa à Luther retient la précieuse notion d'une synergeia qui, au lieu de associe le vouloir humain et le dessein divin, empéchant l'orgueil et du désespoir". En reprenant la typologie et

sur cette épineuse question du libre arbitre’”, Érasme les séparer en assurant la suprématie à l'un ou l'autre, ainsi que l'homme ne céde à la double tentation de la terminologie augustiniennes, Érasme explique que

la vie éternelle »"". La l'espérance ou gráce « opérante », premiere étape, « le pousse à désirer ce qui conduit à »?". Entre les deux, la charité ou foi, processus ultime ou gráce qui « mene au terme? », est la « porte du salut ses devoirs, afin de rendre la gráce « gráce coopérante » agit sur la volonté qu'elle oriente et fait progresser vers

la volonté humaine est le plus efficace?!?, C'est dans l'étape intermédiaire de la charité que le róle dévolu à de le libre-arbitre gardent la possibilité important, méme s'il reste infime. Car, selon Érasme, si la volonté et choisir le mal, le choix du bien et de la gráce émane de Dieu lui-méme :

attrait qui excite l'àme ; c'est seulement D'aprés moi la meilleure opinion est celle qui attribue à la gráce le premier humaine dans la mesure oü elle ne s'est pas pour la suite du processus qu'elle accorde un tant soit peu à la volonté le progrés et l'achévement, elle accorde à soustraite à la gráce. Or comme tout se déroule en trois parties, le début, seulement dans le progrés, mais de telle la gráce les deux extrémes et reconnait que le libre arbitre intervient , concourent ensemble à une méme action maniére que les deux causes, la gráce de Dieu et la volonté humaine re qui ne peut rien sans la principale alors que indivisible : la gráce est cause principale, la volonté cause secondai celle-ci se suffit à elle-méme’!!,

%? D. L, Ettlinger, ibid.

15 : triuia ; VERG., Aen., 6, 35 ; TIB., 1, 5, 16; ora Dianae ; Ov., Met., 7, 94 : triformis ; CAT., 24, 93 Voir par ex. VERG., Aen., 4, 511: tria uirginis

le symbole de la Trinité. Ov., Met., 2, 416. L'Ovidius moralizatus, 3, 635 sq., fait de Diane d'entre elles, c'est la espérance, charité, ces trois choses, mais la plus grande foi, demeurent donc %4 VytG., 1, Cor. 13, 13 : « Maintenant pour réfuter Luther, suscita une en 1524, àla demande du Roi d'Angleterre Henri VIII *5 Le Traité du libre arbitre qu'Érasme publia à Anvers par point (85 alinéas) que point du serf-arbitre (1525). Érasme se défendit dans la réfutation charité ».

95 96 9? $98 399

VERG., Aen., 1, 10 : insignem pietate uirum. VgnG., Aen., 1, 9: tot uoluere casus ; 1, 10 : tot adire labores. Voir VVLG,, Act, 27, 9-44. Voir RABELAIS, Quart Livre, ch. 18 à 22. C. Balavoine, « Duplicité semblématiques », p. 154, suggére un « simple lapsus, dà, peut-étre, à un écart temporel important entre la

conception des deux unités textuelles ».

%0 MART, CAP., 9, 914. : Pallas corusca ac decens Latoia ; PLVT., De fac. orb. lun., 938 B : &ijv oeMjvqv, A0nvàv Aeyouévry kat oboav. %1 Voir par exemple RABAN MAUR, Commentarium in Ecclesiasticum in PL CXII, p. 392 : Christum sequitur Ecclesia et sicut luna a sole, ita Ecclesia a Christo illuminatur. [...] Luna enim Ecclesie merito comparatur, quae natiuum non habet splendorem sed a sole certis modis suscipit lumen.

« L'Église suit le Christ et, comme la lune est illuminée par le soleil, l'Église l'est par le Christ. Il est juste de comparer l'Église à la lune : celle-ci n'émet pas de lumiére en propre mais, selon des principes sárs, recoit sa clarté du soleil », cité par L. D. Ettlinger, « Pollaiuolo's Tomb of Pope

Sixtus IV », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 16, 1953, p. 239-274, ici p. 263, qui fournit d'autres références, notamment à saint Ambroise et Petrus Lombardus.

réponse immédiate de celui-ci sous le titre Traité IL en 1527, à la demande de Thomas More. constitue l' Hyperaspistes, dont le livre I parut en 1526 et le livre de ceux qui CEuvres choisies, Paris, 1991, p.871: « Moi j'approuve la doctrine ** ÉnAsME, De Libero arbitro, dans J. Chomarat (éd.) : ÉRASME, entrainer laisser se Car il ne fallait pas pour éviter la Scylla de l'arrogance accordent un róle mineur au libre arbitre, un róle capital à la gráce. dont mais quoiqu'imparfaite, bonne, ] Par cet équilibre on obtiendra qu'il y ait une ceuvre dans la Charybde du désespoir ou du laisser-aller. [ ...

dont l'essentiel revient à Dieu ». l'homme ne peut rien s'approprier, il y aura un mérite, mais la folie, Adages, A. Godin, J.-C. Margolin, D. Ménager (éd.) : ÉRASME, Éloge de Blum, C. dans Sage, P. trad. 9" ÉnAsME, Traité du libre arbitre, la philosophie, Correspondance, Paris, 1992, p. 718. Colloques, Réflexions sur l'éducation, la religion, la guerre, ?* Ibid. p. 719.

?? [bid,, p. 718.

1° [bid., p. 718.

?! Ibid. p. 763. 289

288

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Tous les éléments de ce débat se trouvent suggérés de maniere symbolique dans l'épigramme du Symb. 51 de Bocchi, en particulier gràce à la superposition des deux divinités Diane et Pallas, qui servent d'intermédiaires

dans le processus du salut et personnifient les modalités complexes de la gráce. La fille de Latone, Diana triplex, symbolise ici, comme allégorie de la Théologie, le contenu spirituel de la gráce, sous la forme des trois vertus

théologales, espérance, charité et foi. Pallas, comme déesse des acropoles et de l'industria ou de l'energeia, insiste de son cóté à la fois sur la localisation de ces vertus théologales (dans l'acropole du vobc) et sur la condition de

leur exercice. Bien que dons divins, ces vertus exigent, pour leur accomplissement, l'investissement dynamique et volontaire de l'individu, qui doit rétablir une juste hiérarchie des facultés en lui assurant la suprématie du

Le jeu des mains unies dans la gravure de Bonasone, point nodal de focalisation des forces, illustre spécifiquement la notion de synergeia, si importante chez Érasme et chez Augustin, ainsi que leurs trois étapes. La priére des mains jointes de Fortune se prolonge indissolublement par le sauvetage actif de la main droite de Pallas, dont la trajectoire est à son tour relayée par le doigt levé qui conduit aux portes du ciel. La Fortune de la gravure de Bonasone, si elle a encore les jambes prisonniéres du flux, se trouve de fait exhaussée vers cet espace invisible que Pallas touche du doigt : son vrai salut ne fait plus de doute. D'oü l'intérét, comme le souligne Pierre Martin, d'avoir fait s'abimer l'allégorie tout prés du rivage : le vrai port du salut, c'est au ciel.

voc, et collaborer ainsi avec l'action divine.

Symb. 52 Gravure :

LES DIEUX ASSISTENT SANS DÉLAI TOUS CEUX QUI AGISSENT

Sur l'image : Agis d'abord de ton cóté, invoque ensuite les dieux.

LE MULETIER ET LE DIVIN HERCULE

QUI NE SE SOUCIE DE RIEN N'A RIEN DU TOUT Prisonnier d'un épais limon, un petit àne Fig. 1 > B. MELIOLI, médaille de Ludovic III de Gonzague : : (revers), vers 1475 :la Foi et Pallas devant le Prince.

Fig. 2 > N. FIORENTINO, médaile Strozzi (revers), 1489 : l'Espérance.

de

Ne bougeait plus ; bien qu'à l'aider Le muletier eüt dà viser, l'appui d'Hercule Il implore, dans sa paresse,

Nonnina

On peut remarquer que la gravure s'accorde pleinement avec ce programme religieux, méme si Pallas est la seule à apparaitre, comme déesse du voc, véritable messager des dieux. Les trois vertus théologales, dispensées par Pallas, s'y manifestent par des signes explicites : le regard levé vers le ciel marque l'Espérance, la vigueur du bras qui sauve un prochain dans le malheur, la Charité, le doigt désignant le ciel, la Foi. Ce geste de l'index levé pour

Plusinerte que son ánon. Le Tirynthien Lui répondit, en attendant, De préter main-forte à la pauvre béte ; ainsi

5

désigner la Foi est bien attesté et on le retrouve par exemple dans le revers d'une médaille réalisée en 1475 par Bartolomeo

Melioli

en

l'honneur

du

second

marquis

de

Mantoue,

Ludovic

III

de

Gonzague""?

(Fig. 1 )

L'allégorie de la Foi, qui accomplit ce geste caractéristique, est accompagnée de Pallas, appuyée sur sa lance. Or la main de Pallas qui retient la hampe, redouble à son tour le geste de la Foi, avec l'index levé et les autres doigts

repliés, dans un processus de contamination graphique dont Bonasone et Bocchi ont tiré parti. Mais, sur la gross la Porte participe elle-aussi à ce programme : avec ses mains jointes, elle relaye le sens d'Espérance

déjà marqué par le regard levé de Pallas. Les deux « gestes », celui des mains jointes et celui du regard levé, se trouvent accomplis simultanément par une méme allégorie féminine incarnant l'Espérance dans plusieurs médailles réalisées avant 1500 par Niccoló di Forzore Spinelli, plus connu sous le nom de Niccoló Fiorentino. On peut citer, parmi d'autres", le revers identique de deux médailles qu'il réalisa l'une pour Costanza

Bentivoglio, épouse d'Antonio Pico della Mirandola, vers 1470, et l'autre pour Nonina Strozzi, en 1489 (Fig. ay»

avec la mention i«n»spero in deo?

10

Dieu l'appuyerait en plein effort. Qui que tu sois, agis de ton cóté d'abord ; Puis invoque le nom des dieux.

Il faut que les meilleurs méditent, de Rhinton Cette sentence si célebre :

» « Ils ne comptent pour rien, ceux que rien ne concerne

;

Qu'ils fuient la paresse odieuse !

MÉTRIQUE

mètres dans les Poemata de Métre épodique : trimétre et dimétre iambiques. Dans son article « Le cho ix des Charlet rappelle (p. 19) que Pietro Crinito », Bibliothéque d'Humanisme et Renaissance, 67, 1, 2008, p. 7-26, J.-L.

le métre épodique

est « employé par Horace

Martial, Ausone, Prudence, Boéce...

(Épodes,

1-10), puis par le Ps. Virgile (Catal.,

et Marulle (Epigr. et Hymn.

13), Sénéque,

nat., passim) : Crinito 1, 9, 12 et 15; 2, 4, 6, 7,

8, 10 et 18 ». è H On lit$ sur le revers »nl'inscription : FIDO ET SAPIENTI PRINCIPI FIDES ET PALLAS ASSISTVNT, J « Aux cótés du prince qui possede la foi T" & et la sagesse, la Foi et Pallas viennent se ranger. S» Voir G. . F. P. Hill, Hil, A C. orpus of Ital j i of Italian Medals of the Renaissance before Cellini, Londres, Bristish pus à p. 47-48, fig. 194. Museum, 1930, EE #

912

"s Voir le revers de celle qu'il frappa en 1492 pour Roberto di Dante Castiglione dans G. F. Hill, A Corpus,

p. 256, fig. 964.

VoirJ. G. Pollard, Medaglie italiane del Rinascimento nel Museo Nazionale del Bargello, Florence, 1984, t. I: dns 530 ái 434-435, n? 236.

290

REMARQUES SUR L’ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS (sur et son poéme, font partie de pages insérées a posteriori - Les f° 49v°-sor° de S oü figurent la gravure : 1) leur calligraphie différente, plus épaisse, l'apparition de ce phénoméne, voir Symb. $1) comme le montrent de celle des f° 53v^-54r ° conforme au début de l'ouvrage ; plus large et plus haute, bien que de la méme main, qui comportent également la gravure 2) l'ajout d'un titre-banniére : LIB SECVND«VS». Les f° 53v^-541^, 291

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d'Achille Bocchi (1555) — tome 2

que confirme la présence sur ces deux et son poéme, constituent donc la premiére version de l'embléme, ce les feuillets f" 49v?-sor^ insérés postérieurement. feuillets d'une dédicace (voir ci-dessous), qui a disparu dans

ce personnage, qui apparait dans S au — ded. carm. : Ioannes Franciscus Fabrius] Nous n'avons pas pu identifier ainsi que dans les deux éditions. P s4r? mais plus au f° sor? (l'entrée est d'ailleurs biffée dans l'index, f? 201v?),

à qui tout est égal ». La — v. 13 : Ol uèv zap' ovdév eiatv oc 008v u£Aet] « Ils sont quantité négligeable, ceux par Cicéron est : Oi pèv zap' lecon actuellement retenue par les éditions savantes de cette citation de Rhinton t » (voir par exemple ob8£v sictv, toic 8o08tv u&Aey « Les uns ne comptent pour rien, les autres s'en moquen , Stuttgart, t. I, 1987). celle de D. R. Shackleton Bailey, M. Tulli Ciceronis Epistulae ad Atticum

NoTES

-9.53 Tirynthius) Héraclés/Hercule, élevé à Tirynthe en Argolide. av. J.-C.), auteur de -v.12: Rhintonis] Il s'agit du poéte grec Rhinton de Tarente ou de Syracuse (IV*-III* s.

en Rhintonicae ou tragikoi phlyakes, sorte de parodies tragiques. Les Phlyakes (du grec «qui coulent J.av. s. IV* au abondance » ) étaient des représentations de danses comiques de Sparte, attestées en Italie du Sud C., et qui ont évolué ensuite vers le spectacle hilarotragique""*. - v. 13 : Ol yv zap' oo8£v eiotv...] Dans le passage qui précéde cette citation de Rhinton, tous deux extraits

d'une lettre de Cicéron datée de mai 6o av. J.-C. (Ad Att., 1, 20, 3), l'Arpinate évoque sa charge de consul en lui

conférant le nom proverbial de Spartan et c'est probablement cette référence à Lacédémone qui prépare l'évocation de Rhinton (voir note au v. 12). Évoquant son ralliement inévitable à Pompée, Cicéron explique cependant qu'il es le seul, depuis la mort de Quintus Lutatius Catulus, à veiller réellement et indéfectiblement à l'intérét du parti des optimates (uiam optimatem), partisan de la collégialité sénatoriale, et ce, dans l'indifférence générale, d'oü la citation du poéte comique. On notera l'emploi d'optimates par Bocchi au v. 11. — v. 14-18 : Maria Bianchelli Illuminati (p. 201) croit que le Ot u£v renvoie aux dieux et que le dernier vers fait

toujours partie de la citation de Rhinton : « Poiché gli dei sono nulla e di nulla si prendono cura, comincino almeno ad evitare l'ozio vergognoso ». ANALYSE

Le Symb. s2 entretient avec le Symb. 51 des liens trés forts, à la fois de similarité et d'opposition. Les deux forment une véritable paire, oà chaque élément ne prend tout son sens que par rapport à son pendant. L'épigramme de l'embléme propose un petit apologue qui prend à rebours l'épisode du sauvetage de la Fortune par Diane-Athéna. La Fortune est ici remplacée par un attelage composé d'un ànon (asellus, v. 1) et d'un muletier (Agaso, v. 3). La mer et le naufrage laissent la place à une boue tenace (Tenaci...luto, v. 1) où l'animal enlisé est comme paralysé (Haerebat, v. 2). Aux efforts de l'animal (laboranti, v. 7) ne répondent pas ceux que

l'on attendrait du maítre (huic succurrere/ Agaso cum deberet, v. 2-3), frappé d'inertie et de paresse (ociosus... et inertior, v. 4-5). Quant à Diane-Athéna, elle céde son róle à Hercule, qui intervient pour inviter le muletier à faire effort (ut .../ Manum ... admoueret, v. 6-7) et lui rappeler que l'appui divin ne s'effectuera qu'à cette condition

(Deum adfuturum sedulo, v. 8). On remarquera que, dans les deux épigrammes, celle du Symb. 51 et celle du Symb. 52, l'expression de la priére par laquelle les victimes demandent appui à la divinité s'effectue à la méme place, à la fin du troisiéme vers et au début du quatriéme, à l'aide des mémes formules (fidem ... / Implorat). Dans la premiere épigramme (Symb. 51 ) l'intervention divine se fait immédiatement, dans la deuxième partie du pentametre (v. 4), à peine retardée par la

durée de la syllabe longue finale de supplex. Dans la seconde épigramme

(Symb. 52), Hercule

( Tirynthius)

n'apparait qu'à la fin du vers s, et son apparition est différée par l'expression de la paresse du suppliant (ociosus et/ Asello inertior suo).

Ésope (Fab., 72 Chambry, voir apparat Comme pour la précédente, la source de l'embléme est à rechercher chez

des sources )?'6 :

dans un ravin profond, au lieu d'aider à l'en Un bouvier menait un chariot vers un village. Le chariot étant tombé

dieux le seul Héraclés, qu'il honorait sortir, le bouvier restait là sans rien faire, invoquant parmi tous les aiguillonne tes bceufs et n'invoque les roues, aux main la particuliérement. Héraclés lui apparut et lui dit : « Mets ». vain en s dieux qu'en faisant toi-méme un effort ; autrement tu les invoquera

le bras, demeure présente à travers tout un Par ailleurs, la question de l'effort et de ses vecteurs, la main ou

pour celui qui est dans le malheur, de ensemble de références parémiographiques, qui insistent sur la nécessité, Outre la formule de Rhinton citée commencer par tenter de se tirer d'affaire avant de s'en remettre aux dieux. es, aliquid tute interim/ Deinde inuocato par Cicéron (Att. 1, 20, 3), l'expression des vers 8-9 (Fac ergo quisquis avant de t'adresser aux dieux » ), est la numina « Qui que tu sois, commence par faire toi-méme quelque chose, qu' Hercule fait choir jusqu'au muletier sur transcription latine du proverbe grec qu'on peut lire sur la banderole des

é par la Souda (n?452s Adler; voir apparat la gravure : A?1óc tt vov 8pàv, elxa 1obc Osobc káAet. Rapport 48, 46). Le proverbe est connu aussi de Plutarque sources) et d'autres parémiographes (APOST., 15, 92 ; ARSEN., c'est la Souda qui le relie explicitement avec la (Apopht. Lacon., 29, 239a; voir apparat des sources). Mais

xai xeipa[c] xtveu en expliquant que les deux formule qui structure toute l'image du Symb. 51, oov A8nvà outre une variation sur le méme théme, avec des proverbes sont à peu prés équivalents. Bocchi propose en de celui des dieux, et rappellent que ceux-ci ne se formules qui voient la situation, non du cóté de la victime mais volonté. Ainsi, Hercule déclare au v. 7 qu'il ne dérangent que pour des individus qui manifestent leur bonne i admoueret), tandis que le titulus de la gravure prétera main-forte qu'à celui qui fait effort (manum laborant reprise à son tour au vers 8 par la formule Deum décline la méme idée Di superi presto facientibus omnibus adsunt,

1, 1, (fr. 673 Mette = 395 Radt ; Pers., 742) et Varron (R., adfuturum sedulo. On trouve cette idée chez Eschyle il oü gravure, par une périphrase épique ( Tirynthius), et dans la

4). Dans le texte emblématique, qui le célébre à à l'instar de Pallas, un exemplum de l'énergie qui pousse apparait muni de sa léonté et de sa massue, Hercule est, la de et e un contrepoint convaincant du courage l'adion. L'inefficacité du muletier au contraire constitu et d'Énée. On est ainsi dans la méme mouvance résidtance de la Fortune et, à travers elle, d'Ulysse des 51, qui célébrent l'activité préludant à l'intervention parémiographique que le titulus et la gravure du Symb. t un déploiement si important de formules topiques dieux. On se demandera finalement les raisons qui motiven dont l'enchainement peut sembler quelque peu mécanique. o un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prosper L'observation de la gravure, pour laquelle il existe l'espace y une réelle parenté avec la précédente. A nouveau, Fontana", permet de constater qu'elle entretient est nettement

partagé

en deux. Au

le limon, niveau inférieur, l'àne báté e&t enlisé dans

dessinant

une

ligne

niveau les bras et léve le regard en signe d'imploration. Au horizontale. À sa droite, le muletier, agenouillé, écarte d'un relation la Mais, à la différence de l'image précédente, supérieur, Hercule apparait, supporté par des nuées. les deux mondes du bras de Pallas qui assure la connexion entre univers à l'autre ne s'accomplit pas. À la solidité l'àne dans le qu'Hercu le laisse tomber jusqu'au fardeau de s'opposent les volutes légéres de la banderole visuelle, d'avertisse ment qui, si elles font bien la jonction Symb. $2 : ce support symbolique porte des paroles les entre l'absence d'int ervention et donc la séparation réelle traduisent cependant par leur évanescence méme

continuité graphique une position marginale qui l'exclut de la deux espaces. Le suppliant occupe d'ailleurs monde humain sur e. L'éparpillement syntaxique des éléments du

instaurée entre Hercule et la béte de somm aucune prise et bras inertes et ouverts de muletier qui n'offrent une ligne horizontale, souligné encore par les efficace de la gravure précédente. ique d'élévation, tranche avec la verticalité n'instaurent pas de dynam

Souda (n? 4525 Adler) et enfin cité par mythiambiques par Babrius (Fab., 20), repris par la ?* Rappelons que le texte ésopique a été mis en vers es). sourc des at appar oir v es, ces référenc Érasme dans deux adages (1, 6, 18 et 2, 2, 81 ; pour toutes ?5 Voir M. Gigante, Rintone e il teatro in Magna Graecia, Naples, 1971.

292

1972, lot 23, p. 17, n 32’7 Voir e catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet

T

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

La conclusion s'impose : entre Hercule et le muletier, on ne peut que constater l'absence de cette synergeia, cette collaboration dans l'effort dont nous avons rappelé l'importance par rapport au contexte religieux dans notre étude de l'embléme 51. La gráce ne s'effectue donc pas et le processus de salut en est inéluctablement compromis. L'apparente légereté de la fable ésopique et le caractere conventionnel du réseau parémiographique ne doivent pas occulter la gravité du sujet, qui prend place dans l'actualité spirituelle du débat autour du librearbitre. À nouveau, Bocchi montre qu'il est plutót du cóté d'Érasme que de celui de Luther.

Le geste d'impartialité effectué par le souverain macédonien et rapporté dans l'épisode de Plutarque (Alex., 42, 2-3, voir apparat des sources) a séduit Bocchi par sa capacité iconique et symbolique originale qui illustre la notion méme de iustitia, congue comme un systéme de stricte équivalence. Les deux plateaux de la traditionnelle balance sont ici remplacés, non sans humour, par les deux oreilles du iudex, alternativement bouchées par un doigt, afin de montrer qu'il recoit précieusement et indépendamment le discours du reus et celui de l'actor. La justice ici précéde l'acte méme de juger : elle est contenue tout entiére dans l'attitude équitable et impartiale préliminaire du juge, qui ne décide d'aucune culpabilité a priori et ne se laisse pas gagner à une cause plutót qu'à

l'autre?'*,

La gravure peu explicite, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero

Symb. 53 Gravure :

IMAGE D'UN JUGE ÉQUITABLE ALEXANDRE LE GRAND ET DE L'ACCUSÉ

Fontana?"?, illustre le texte de l'épigramme inspiré de Plutarque. Son titulus permet d'identifier immédiatement

Alexandre le Grand. L'image nous montre le souverain attentif, assis dans la position du juge, une main sur

l'oreille droite pour l'obturer, face aux protagonistes du procés. La question de l'alternance du geste, si importante dans l'épigramme, n'a pas été totalement résolue iconographiquement. On notera toutefois que le léger mouvement de contrapposto du souverain, une jambe repliée et une jambe tendue devant lui, le buste de trois quarts, amène un léger déséquilibre qui laisse supposer qu'il conduira à un changement de position exactement inverse lorsque la partie adverse s'exprimera.

En juge, et, pour l'accusateur, Il se bouchait du doit, sagement, une oreille.

Symb. 54 Gravure :

5

Pourquoi ce geste : « Une à l'accusation suffit.

Je réserve l'autre intacte pour la défense. »

LES AFFAIRES DU CIEL NE NOUS CONCERNENT EN RIEN



Il dit aux siens qui demandaient

Sur l'image : - Asclépios — Les affaires du Ciel ne nous concernent en rien

MÉTRIQUE

Metre épodique, comme dans l'embléme précédent.

IL EST SAGE, CELUI QUI SAIT QU'IL NE SAIT RIEN

REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

— les f sov°-s1r° de S oü figurent la gravure et son poéme, font partie des pages insérées a posteriori dans le manuscrit et redoublant certains emblémes (sur l'apparition de ce phénoméne, voir Symb. 51) comme le montrent : 1) leur calligraphie différente, plus épaisse, plus large et plus haute, bien que de la méme main, que celle des f° 54v^-55r^ qui comportent le méme embléme et dont la graphie est conforme au début de l'ouvrage ;

2) l'ajout d'un titre-banniére : LIB SECVND«VS».

— tit. : S avait d'abord fixé le titre

DE MAGNO ALEXANDRO ET REO au-dessus du texte, avant de le transposer

— Piérides, qui avez à cceur ces mystéres, pourquoi,

Dites-moi, le vieillard nourri sur l'Hymette athénien Voulut qu'au médecin fils de Phébus, on sacrifiát L'oiseau qui ne dort pas, annonciateur du jour divin, s — Quivient tirer les cceurs mortels de leur profond sommeil ? Serait-ce qu'il faut, à la bonté de Dieu, rapporter Nos desseins et le flambeau de la vie, d'elle regus ? — Sagesse, fille unique du Trés-Haut, soigne, infaillible,

au-dessus de la gravure (sur ce phénoméne, voir introduction générale). Ce transfert permet au titre d'identifier

quasi immédiatement le personnage sur la gravure comme Alexandre et de donner une incarnation historique au

premier élément du titre: IMAGO IVSTI IVDICIS. Il permet en outre de laisser seule la formule du titre du

poéme: PARTEM AVDIAS PRIVS ALIAM, DEINDE IVDICA, qui suggére dés l'abord une interprétation

symbolique du geste d'Alexandre (expression de l'impartialité) se bouchant une oreille, puis l'autre, au fur et à

mesure qu'il écoute chaque partie du proces.

10

Les maladies touchant l'esprit chez les mortels souffrants. L'oiseau perse est l’àme : promise au médecin supréme,

Quel terme auraient nos maux si on ne la lui rendait point ?

Ne rien savoir plus qu'il ne faut, c'est là pure sagesse.

ANALYSE

L'embléme s'organise autour d'une scéne de procés oü Alexandre le Grand figure en juge équitable. Les Symbola 58 et 86 proposent eux aussi des scénes judiciaires, mais le strict respect de l'équité dont y font preuve Cambyse et Alexandre Sévére en juges transforme la justice en discipline particuliérement sévere et punitive. Nous retrouverons le personnage d'Alexandre le Grand ailleurs, dans les Symb. 66 et 119, oü il apparait tantót comme un personnage positif, tantót comme un despote privé de raison.

294

———

Un jour, le jeune homme de Pella siégeait



ÉCOUTE D'ABORD LA PARTIE ADVERSE AVANT DE JUGER

i principis iut historiques antiques : variations emblématiques autour de th la iustitia !8 Voir A, Rolet, « Une lecture humaniste de quelques exe mpla et récit(s) : e ations de l'Histoir dans les Symbolicae Quaestiones d' Achille Bocchi (1555) », dans G. Lachenaud, D. Longrée (dir.), Les représent idéologie, Rennes, 2003, t. II, p. 173-201.

26. ?* Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 17, n°

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

(1555) - tome 2 Les Questions symboliques d'Achille Bocchi

MÉTRIQUE

Hexameétres dactyliques. Rem



REMARQUE SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

a posteriori (sur et son poéme, font partie de pages insérées -Les f s1v°-s2r° de S oü figurent la gravure , pls épaisse, e le montrent : 1) legt calligraphie différente comm 51) Symb. voir e, omén phén ce de on l'appariti de l ouvrage ; 2) main, de celle des f° 55v^-56r', costis au début plus large et plus haute, bien que de la méme premiére version de la ND.«VS». Les f° 55V^-56r^ sopétituent donc l'ajout d'un titre-banniére : LIB.cER» SECV ace ensuite supprimée (voir ci-dessous).

’ dédic l'embléme, ce que confirme la présence d'une sénateur de n'apparait dans $ qu'au P sór?. Tiresia Foscarari, _ ded.: TIRESIAE FVSCERARIO] Cette dédicace nnage). La ait de Bocchi (voir la notice biographique du perso Bologne est le dédicataire du Symb. 2, sur le portr dédicace a disparu dans les deux éditions. -

^us

NOTES

de Linus et les neuf filles de Pieros, roi d Émathie (en _v. 1: Pierides] Les Piérides sont normalement les sceurs l'Hélicon, sous l'arbitrage

lors d'un concours musical sur Macédoine), et d'Evippé, qui défient les Muses sens CIC., terme désigne les Muses elles-mémes (cf. en ce d'Apollon et de Pallas, et perdent la bataille. Ici, le

Nat. deor., 3, 21, 54 ; VERG., Aen., 8, 63, etc.) hrase insiste sur l'appartenance senex nutritus Hymetto] Il s'agit de Socrate. La périp -v.2: Cecropio de la citadelle d'Athénes, Cécrops, en méme temps athénienne du sage en renvoyant au premier roi légendaire que, le topos du sage qui, nourri par les abeilles qu'elle évoque, par l'allusion à la plus célébre montagne de l'Atti son art comme un don divin. On rencontre et le miel réputé de l'Hymette, comme Platon ou Pindare, regoit l'expression Cecropium... senem chez MART., Epigr., 10, 34.

-V. 3-4:

- medico... fameux

à

Esculape, qui jouissait d'un sanctuaire Phoebigenae] Il s'agit du dieu-médecin grec, fils d'Apollon, Épidaure.

L'épithéte

de

Phoebigena

lui

est

donnée

en

particulier

par

VERG.

Aen.

7,

773.

est apposé à Phoebigeno et pense qu il M. B. Illuminati, Symbolicae Quaestiones, (p. 201) ne voit pas que medico icare ad Esculapio [ ... ]». est complément de mandauit : « aveva raccomandato al medico di sacrif

24). - uigilem... uolucrem] Le coq. L'épithéte de uigil est traditionnelle (cf. PLIN., Nat., 10, —v.7: consilia...

la force rationnelle, qui lumina uitae] Les deux natures de l'Àme sont ici désignées, à la fois

pense et prend des décisions, et l'étincelle de vie.

ressions cicéroniennes. Le suffixe en -frix _ v. 8 : curatrix morborum animi] la formulation est un condensé d'exp

5, 2, 5 (o uirtutis indagatrix rappelle un passage de Cicéron faisant l'éloge de la philosophie dans les Tusc. ; 4, 23 5 4) 83; expultrixque uitiorum !), et l'expression morborum animi se trouve également dans les Tusc., 3, 22

24, p. 173d. Le coq était un insigne — v. 10 : persica aues] Sur les origines perses du coq, voir VALERIANO, Hier. ry : Ille ales gallus, qui suscitabat des guerriers perses: cf. PLVT., Artax. 10, 3 et VaR., Men., frg. 370 Astbu

Atticarum Musarum scriptores (allusion aux guerres médiques et à l'ouvrage d'Hérodote). « de maniére unique au -v.12: sapere unum est] unum a ici une valeur superlative: « par excellence », monde ». ANALYSE Le personnage de Socrate apparait à plusieurs reprises, chez Bocchi, dans le róle trés positif qui lui était déjà assigné par Cicéron, celui du premier initiateur à la philosophie morale". On le voit brandir au Symb. 59 le miroir de Chilon de Sparte, symbole du « connais-toi toi-méme », ou invitant, au Symb. 91, à étre ce qu'on veut

paraitre. Ainsi Socrate semble bien étre le champion, chez Bocchi, de la transparence morale des sages du Symb. 32 qui, en agissant comme ils pensent et parlent, fuient la uana ostentatio. ?? Voir par exemple Symb. 127, 38-39, à rapprocher de CIC., Tusc., s, 10.

Le texte de cet embléme « socratique » (et donc à rapprocher de la longue liste des emblémes qui mettent en scene Socrate??!) se présente comme un dialogue entre un narrateur qui pose une énigme aux Muses (v. 1-5), en suggérant une réponse (v. 6-7), puis la réponse quasi oraculaire qu'il obtient (v. 8-12). Les objets et acteurs du texte sont dissimulés sous des formules périphrastiques qui en occultent l'appréhension directe et enveloppent le texte dans l'atmosphére des mysteria, évoqués au v. 1 du poéme. La question énigmatique est fameuse et fait

allusion à un passage du Phédon de Platon (118a) :

A ce moment, il se découvrit le visage, qu'il s'était effectivement couvert, et prononga ces mots, les derniers qui soient sortis de ses lévres : « Criton, dit-il, à Asclépios nous sommes redevables d'un coq ! Vous autres, acquittez ma dette ! N'y manquez pas.

Pourquoi Socrate, au moment de mourir, demande-t-il

à son compagnon Criton de faire à Esculape le sacrifice

d'un coq, animal que l'on offre pour réclamer une prompte et totale guérison ? De nombreuses et passionnantes

études ont récemment tenté d'interpréter cette requéte socratique"", qui, par son étrangeté, ne manque pas de

rappeler les préceptes pythagoriciens, comme le remarquent d'ailleurs Pic de la Mirandole et Valeriano qui relient Pythagore et Socrate à travers la figure du coq (voir apparat des sources, v. 10). Notre objectif ne sera pas d'exposer les conclusions auxquelles les critiques d'aujourd'hui sont parvenus, mais plutót d'observer la lecture qui est faite de ce passage à la Renaissance", et en particulier par des contemporains connus de Bocchi comme

Valeriano et Rhodiginus. Dés l'Antiquité, le passage de Platon avait recu diverses interprétations. Parmi les Péres de l'Église, Tertullien (Apol., 46) voit dans le geste d'offrande du coq un moyen pour Socrate de remercier Apollon de l'avoir reconnu comme le plus sage de tous les hommes, puisque Socrate, à la différence des autres hommes, savait qu'il ne savait rien. D'oü le titre paradoxal choisi par Bocchi en téte de l'épigramme : QVI SCIRE SCIT SE NIHIL, SAPIT, que l'on retrouve par exemple dans le titulus de l'image du Symb. 138, dédié à Jean de Hangest (SVMMA OMNIA TENET, SCIRE QVI SCIT SE NIHIL), et qui manifeste de maniére éclatante l'influence du scepticisme

Inst., 5, 20, théologique d'un Pétrarque, d'un Érasme ou d'un Jean-Frangois Pic de la Mirandole. Lactance (Diu.

15), quant à lui, se moque du geste de Socrate en y voyant une soumission à la piété paienne et aux croyances pris traditionnelles, en particulier celle d'un chátiment aprés la mort pour n'avoir pas respecté l'engagement une envers un dieu de lui faire un sacrifice. Si Lactance condamne Socrate sur ce point, il lui reconnait toutefois enquéte une par vertu: en s'intéressant à l'éthique, Socrate n'a pas cherché à percer les mystéres divins la formule quod physicienne sur le monde?" et s'est résigné à la plus compléte ignorance sur ces questions, avec NOS supra nos nihil ad nos, transcrite par Bocchi en titulus de l'image sous la forme: QVAE SVNT SVPRA en particulier PERTINERE AD NOS NIHIL. Cette sentence a fait le bonheur des parémiographes et d'Érasme pour satisfaire notre curiosité (Adag., 1, 4, 69), qui y voit la volonté de Socrate « de nous dissuader v d'enquéter 925 ^ E yx 4 " ^ x e de l'impia curiositas ^, érasmien ment sur les phénoménes célestes et les arcanes de la nature ». Ce bannisse

?! Voir par exemple les Symb. 3, 59, 91. for Ancient Philosophy and Science, 19/2, 1985, p. 161?? Voir par exempleJ. Mitscherling, « Phaedo 118: the la& Words », Apeiron : A Journal 165 ; G. W. Most,

« A Cock for Asclepius », The Classical Quarterly, N. S. 43/1,

1993, p. 96-111; J. Crooks, « Socrates'Last Words: Another

; A. Allen, « Words Amiss at Plato, Phaedo 118a1-4 », The Look at an Ancient Riddle », The Classical Quarterly, n. s., 48/1, 1998, p. 117-125 Classical Quarterly, n.s., 52/1, 2002, p. 381-383. de la demande socratique, voir l'article Gallus dans Antonio RICCIARDI ?3 Pour une énumération quasi exhaustive de toutes les interprétations

Symbolica, Venise, 1591, t. I, p 245-246.

BRIXIANI, Commentaria In quo caeteros, qui naturam rerum putauerunt ingenio posse comprehendi. ?^ Diu. Inst, 3, 20, 2: Non inficior fuisse illum paulo cordatiorem, quam

illius providentiae curiosos oculos uoluerint immittere. illos non excordes tantum fuisse arbitror, sed etiam impios ; quod in secreta coelestis Godin, « Pia/impia curiositas », dansJ. Céard (dir.), La curiosité à %5 Sur ce terme, voir AVG., Ciu., 4, 34. Sur la notion à la Renaissance, voir A. et histoire, Paris, 2010 pour la trad. frangaise (1986), Morphologie traces. la Renaissance, Paris, 1986, p. 25-36 ; C. Ginzburg, Mythes, emblémes, Knowledge in the Sixteenth and Seventeenth Forbidden of Theme The Low: and High p.97-112: « Le haut et le bas » (titre original: « S. Houdard Connaissance et scepticisme au XVI* s. » dans N. Jacques-Chaquin, Century ») ; S. Houdard, « La bible, le curieux et la vérité. , t. I, Paris, 1998, p. 35-51(dir.), Curiosité et libido sciendi de la Renaissance aux Lumiéres

297 296



Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

dans le recueil bocchien?^, corollaire de l'affirmation de l'ignorance socratique, est d'ailleurs un motif récurrent à la La formulation laisse supposer de la part de Bocchi une forme de scepticisme théologique et fidéiste, ainsi 1496, de iae philosoph maniere de Jean-Franqois Pic de la Mirandole (voir son De Studio diuinae et humanae

L'interprétation de Ficin, reprise par Bocchi, est suivie scrupuleusement par Pic de la Mirandole (De hom. dignit, 26) et Rhodiginus (Lect ant, 16, 12), tandis que Valeriano (Hier. 23, 172F), reprend presque

annuler leur affirmation de l'ignorance humaine renvoie dos à dos toutes les philosophies dogmatiques pour nt la prétention à la vérité, et laisse ainsi la place libre pour la révélation divine, source de certitude. En proclama folie de la sagesse humaine, l'homme se prépare à mieux recevoir la Gráce : Socrate, comme souvent, prépare à la vie chrétienne, avec son geste d'offrir un coq. Ne sachant que penser de ce qui l'attend au moment de mourir, Socrate accomplit une action religieuse dans lequel il montre qu'il s'en remet tout entier et avec confiance à la bonté divine. Mais revenons à l'épigramme pour tenter d'interpréter le sens de ce geste religieux. Outre la requéte de Socrate de sacrifier un coq à Esculape, Bocchi insiste sur plusieurs points. Il rappelle que le coq annonce le lever du jour (v. 4) et qu'il sort les étres humains de la torpeur du sommeil (v. 5)?*5, Il suggére que le sens du sacrifice pourrait étre qu'il faut rendre à Dieu ou plutót à la bonitas diuina, la « divine bonté », l'àme que nous en avons reque (accepta, v. 6) : cette àme est à la fois pensées (consilia, v. 7) et source de vie (lumina uitae). L'association du geste et de l'objet fait paradoxe: le coq annonce l'aube et la fin de la nuit alors que rendre l'áme signifie justement cesser de vivre et plonger dans les ténébres. D'oü l'intervention d'un second locuteur pour éclaircir le mystére. Asclépius, fils d'Apollon, est un dieumédecin, chargé de la santé des corps. Mais il devient, dans l'épigramme de l'embléme, la Sagesse, fille du pére supréme, qui guérit les maladies de l’àme (curatrix morborum animi, v. 9 )??, s'assimilant en quelque sorte à Athéna. Le coq joue le róle de l'àme (Persica auis mens, v. 10), d'aprés une comparaison célébre formulée par Platon dans le Phédre qui identifie l'àme contemplative à un oiseau dont les ailes repoussent. Le coq promis par Socrate à Asclépius est donc une maniere symbolique pour le philosophe d'annoncer que, comme il l'avait promis (uota), il va remettre son àme (reddatur, v. 11) à son créateur (medico... supremo, v. 10), qui la guérira de

Parce qu'il comprenait que l'àme allait migrer hors du corps, il estimait qu'il était totalement guéri. Selon d'autres interprétations, Socrate a tenu ce propos parce qu'une fois absorbé le poison mortel, il sentait déjà les effets positifs de la guérison, au moment où il quittait son corps dont on comprend bien qu'il est la raison pour laquelle toutes les maladies de l'áme se répandent et prospérent.

comme que son Examen uanitatis doctrinae gentium et ueritatis Christianae disciplinae de 15207") : le scepticisme

ses douleurs. Le paradoxe s'éclaire dans un sens tout platonicien : la mort n'est pas ici fin ou ténébres, elle est une aube qui annonce la fin des souffrances et des maladies (modus...

laborum, v. 11), engendrées par la

présence de l'àme dans le corps. L'offrande du coq symbolise à la fois le processus de guérison de l’àme et l'action de gráce à la divinité qui le permet. Pour donner l'étiologie de cet étrange rite, Bocchi puise dans les développements que les humanistes ont réservés au passage platonicien (voir apparat des sources). Il emprunte les formules utilisées par Ficin dans son

Argumentum in Phaedonem :

Socrate enfin déclare qu'il doit à Esculape un coq qui lui avait été consacré, et il ordonne que l'animal soit rendu trés promptement à la divinité. Les Anciens sacrifiaient un coq à Esculape, le dieu-médecin, fils d'Apollon,

annonciateur du jour et du soleil ; c'est que, disaient-ils, le jour, ou plutót la lumiére de la vie, est due à la bienveillance divine qui guérit de toutes les maladies et que l'on nomme fille de la providence divine. Socrate avait

ordonné dans les jours précédents d'aller quérir un médecin de cette sorte pour guérir les maladies de l'àme. Et comme si les esprits étaient désormais libérés de la maladie du doute et de la crainte, il ordonne qu'on offre à Dieu une victime en guise de remerciements??,

?* Voir par exemple le titulus de l'image du Symb. 39, consacré à l'épisode de saint Christophe portant le Christ : QVAERENS NIMIS SVBTILITER ARCANA NIL PRORSVS SAPIT, ou encore celui de l'image du Symb. 98, qui a pour objet la Transfiguration : ARCHANA

QVAERENS CVRIOSIVS, PERIT.

7 Voir C. B. Schmitt, Gianfrancesco della Mirandola (1469-1533) and his Critique of Aristotle, La Haye, 1967. Sur ce courant, voir M. Granada, « Apologétique platonicienne et apologétique sceptique : Ficin, Savonarole, Jean-Frangois Pic de la Mirandole » dans P.-F. Moreau, Le scepticisme au XVI et XVII siécle. Le retour des philosophies à l'áge classique (II), Paris, 2001, p. 11-47. Voir également notre édition du

Commentariolus au Symbolum 10 de Bocchi par Giovanni Antonio Delfinio.

?* Sur cette banale réalité, voir par ex. LVCR., 4, 709-710 : Quin etiam gallum, noctem explaudentibus alis/ auroram clara consuetum uoce uocare

[....]. « Bien plus, le coq, qui applaudit de ses ailes le départ de la nuit, appelle habituellement l'aurore de son chant clair ». % Sura tradition d'Esculape guérisseur des maladies du corps mais aussi de l'áme, voir IVL., Gal., 2. ?? Nous traduisons à partir de l'édition des Opera omnia, Bále, 1576, p. 1394-1395.

298

textuellement l'interprétation d'Érasme (Adagia, 3, 3, 1, « Sileni Alcibiadis » ) :

Bocchi toutefois n'a pas retenu la seconde interprétation, livrée par Ficin et Valeriano, qui voient dans le coq qui chante à l'aube une image de l'àme libérée du corps qui entonne le péan, l'hymne à Apollon solaire, tandis qu'elle entame sa migration dans les espaces célestes. On signalera également que l'interprétation donnée par

Reuchlin va dans le méme sens?"!.

Comme dans le Symb. 76, oà un symbole pythagoricien à caractére religieux (« s'asseoir avant d'adorer ») fonctionne comme un appel à servir une religion chrétienne plus spiritualisée et moins tournée vers les rites « charnels », pour reprendre un terme paulinien et érasmien, la mention du sacrifice socratique proposé par l'embléme doit probablement étre lue dans le contexte de la spiritualité évangélique : l'anthropologie du Premier Alcibiade de Platon sert ici le dessein d'une religion lasse de la matérialité et qui ne veut se préoccuper que de l'Àme et de son salut. Le supplice de Socrate buvant la cigué devient bien entendu une figure du Christ à l'agonie, remettant son áme entre les mains du Pere", Le symbole joue une fonction conciliatrice, qui permet d'harmoniser rite et esprit. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana??, place la scéne de sacrifice dans une campagne urbanisée. À gauche, au premier plan, un homme en toge, de profil, le pied droit légérement en arriere, se tient debout sur un podium à deux degrés : la mention en grec du terme Asklépios sur le dernier degré qui sert de base permet de comprendre qu'il s'agit d'une statue du dieu-médecin. Un serpent dressé à ses pieds confirme cette interprétation. Le degré le plus large du podium a l'apparence d'une table de sacrifice. Il porte sur le petit cóté face au spectateur la mention Tà ózip rjuác 008v xpóc fjuác, traduite

en latin dans le titulus. La perspective dessinée par les différentes bases et podiums renvoit à un point de fuite

situé sous l'entablement, une sphinge, oiseau apollinien par excellence, masque l'angle : Pierre Martin nous fait remarquer la ligne de force qui dessine une diagonale traversant l'image et passant par la téte du soleil, celle de Socrate et la téte de la sphinge. À cette diagonale en répond une autre, celle qui passe par la téte d'Esculape, la téte du coq sacrifié et, à nouveau, la téte de la sphinge : toutes deux dessinent un triangle inversé dont la pointe touche la téte de la sphinge (Fig. 1). fibule sur Agenouillé face à lui sur un socle, un sage, la téte voilée comme un prétre par un manteau noué par une la main de la poitrine, maintient de la main droite un oiseau au milieu des flammes d'un petit brasier. De l'index supérieur gauche, qu'il pointe vers le ciel, il désigne un immense soleil anthropomorphe qui apparait à l'angle droit de la gravure et qui projette ses rayons sur la scéne. Comme l'a bien vu Pierre Martin, la téte du serpent qui s'enroule au pied d'Esculape est au méme niveau que celle de Socrate, suggérant un face-à-face hypnotique

(Fig. 1).

Si Lactance l'ignore, qu'il interroge le trés sage %1 F, Secret (éd.) : J. REUCHLIN, De Arte Cabalistica (1516, P XXXr^), Milan, 1995, p. 135 : « ne le fit pas pour guérir son corps, puisque déjà Il Platon. de Phédon le dans lit on comme sacrifice, en coq un offrit Socrate, qui lui [= Esculape] incorporel, dispensateur de la vie voué à la mort il avait bu le poison, mais pour rendre à son pére Apollon, c'est-à-dire au soleil premier et

consacré Apollon Phébus, qui est appelé soleil, le éternelle, l’àme tranquille d'un mourant avec les jubilations de la joie et le péan. Car le coq est

les anciens la jubilation d'Apollon, la victoire et le triomphe coq, le joyeux messager des heures et du jour. Quant à Esculape, il a été appelé par [...] Les plus savants au jugement droit verront avec libération. la aprés repos le et calme le Paua qui se dit Péan, parce qu'ils avaient appelé bien et à leur srasitager quand par la mort quel à-propos Socrate avait offert à Esculape ce péan, en pensant qu'il était digne de tous les gens de serpent Python de ce monde, d'offrir à Esculape c'est-àest prise rapidement la route qui méne à la vraie vie, aprés avoir foulé aux pieds le grand dire de célébrer le péan ». 32 VVLG, Luc., 23; 44.

p. 17, n° 27. %3 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23,

299

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

les deux motti, celui de l'image et Seule la lecture de l'épigramme permet d'identifier Socrate explicitement mais permet de comprendre qu'il celui du po&me, le laissaient déjà supposer. De la méme maniere, c'es le texte qui tement gommé. L'image se s'agit du sacrifice du coq. On remarquera que le contexte de l'agonie est complé nt le soleil anthropomorphe concentre uniquement sur le sacrifice de l'animal. L'index pointé de Socrate désigna que Socrate promet son rappelle à la fois qu'Asclépios est fils d'Apollon mais aussi que c'est à l'astre supréme àme, une fois libéré du corps.

De diuinis rebus et caussis remotis, quae nulla percipi ratione possunt, non esse nimis diligenter inquirendum docemur.

Vnde illud. Quod quidem Epicuri dictum a pietate nostra non abhorret omnino. MARCUS.JE NE VEUX RIEN DIRE DE SPÉCIAL SINON QU'ON NE DOIT PAS MENER UNE ENQUÉTE

TROP POUSSÉE SUR DES LÉGENDES où la tradition l'emporte nécessairement sur le raisonnement. Voyez le Symbolum LIV, dont les sentences sont :

LES AFFAIRES DU CIEL NE NOUS CONCERNENT EN RIEN IL EST SAGE CELUI QUI SAIT QU'IL NE SAIT RIEN. Voyez aussi le Protée, Symbolum LX.

Sur les réalités divines et les causes cachées, qui ne peuvent étre saisies par aucun raisonnement, on nous apprend qu'il ne faut pas mener une enquéte trop poussée. D'oü cette formule. Ce propos d'Épicure ne s'oppose pas du tout à notre sensibilité religieuse.

Symb. 55 Gravure :

VAILLANT, TEMPÉRANT ET PUISSANT *

ALCIDE, VICTORIEUX, PORTE LES POMMES

D'OR DES HESPÉRIDES

Quelle est cette statue, oü l'on voit bien massue, dépouille Du lion néméen et senestre avec trois pommes ? C'est là l'image vraie du sage et magnanime Alcide,

Qui vainquit le dragon et prit les pommes d'or.

Fig. 1 > Quelques lignes de force qui Structurent la composition de la gravure.

Carle dragon, en nous, n'est rien quele cruel désir. De sa mort aussitót nait une triple gloire :

5

Fol emportement, désir funeste d'avoir s'éteignent, Plaisir oisif du ventre à son tour s 'évanouit.

ANNEXE

Dans ses Praelectiones in libros De Legibus M. T. Ciceronis habitae Bononiae in Academia Bocchiana, Bibliotheque

Universitaire de Bologne, Cod. Lat. 304°*, p. XXVII, (1556), Bocchi évoque cet embléme à propos de CIC. Leg., 1, 1, 4, où Marcus répond à Atticus qui l'interroge sur des légendes attachées à certains lieux, par exemple la divinisation de Romulus ou l'enlévement d'Orythie par Borée. Bocchi attribue ici la formule quae supra nos nihil ad nos à Épicure?5 et non à Socrate, et précise qu'elle peut s'appliquer également à la doctrine chrétienne : M.[ARCVS]. NIHIL SANE, NISI NE NIMIS DILIGENTER INQVIRAS IN EA in quibus authoritas esse debet pro

ratione. Videte symbolum LIV. cuius aphorismus hic est :

QVAE SVNT SVPRA NOS PERTINERE AD NOS NIHIL. QVI SCIRE SCIT SE NIL SAPIT. Porro etiam uidete Proteum, Symbolum LX.

10

La dépouille dit un cceur vaillant ; la massue, un homme Puissant qui, victorieux, commande aux sens domptés.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques. NorES - tit. carm. :

- HESPERIDVM] M. Bianchelli

Illuminati,

Symbolicae

Quaestiones,

p.202,

croit

que

Hesperidum

est

le

complément de uictor et traduit par « dopo la vittoria sulle Esperidi ». SERV., ad Aen., 6, 393. - ALCIDES] Pour le parallele entre Alcide, épiclése d'Hercule et àÀxt|, la force, cf.

-v.2: tria mala] cf. v. 4: aurea...

uicto poma dracone] allusion à l'avant-dernier travail fixé par Eurysthée à

frgt 33 [= Schol. Héraklés et qui consistait à aller cueillir les fruits d'or offerts par Gaia à Héra (PHERECYD.,

[= Schol. Germ., 49]) dans le Apollon., 1396] ; 33a1 [2 HyG., Poet. Astr., 2, 3; 33a2 [2 ERATOSTH,, 3]; 33a3 ?" Sur ce manuscrit, voir L. Chines, « Filologia e arcana sapienza : l'umanista Achille Bocchi commentatore ed esegeta », Studi e problemi di critica testuale, 6o, avril 2000, p. 71-80 et A. Rolet, « Le Protée d'André Alciat et le Protée d'Achille Bocchi (dans le Symbolum à Renée de France et les manuscrits) : variations emblématiques, entre philologie et théologie » dans Ead. (dir.), Protée en trompe-l'oeil. Genése et survivances d'un mythe, d'Homére à Bouchardon, Rennes, 2010, p. 429-500. 935 1 — Voir: EPICT., Ench. 1 s, trad. E. Bréhier dans Les stoiciens, Paris,n 1962 : « Aussi, à propos de toute idée pénible [ ... ], examine-la, éprouve-la selon les régles que tu possédes et surtout la premiére, à savoir : concerne-t-elle les choses qui dépendent de nous ou celles qui ne dépendent pas de nous ? Et si elle concerne des choses qui ne dépendent pas de nous, que la réponse soit préte : * Voilà qui n'est rien pour moi Sag

300

Hesperaréthousa). Les jardin lybien?*6 des Hespérides, les trois nymphes qui en avaient la garde (Aeglé, Érythie, 215-216 ; APD., 2, 5, 115 E, HF, fruits étaient gardés par un dragon, fils de Typhon et d'Échidna (cf. HES., Theog.,

394-399, etc.). ? On le situe aussi prés du Mont Atlas ou chez les Hyperboréens.

301

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

2 Les Questions symboliques d'Achille Bocchi (1555) — tome

ANALYSE

3

:

;

vis

d'une statue d'Hercule, célébre L'épigramme ecphrastique propose la description puis l'exégese symbolique e et trois

(Nemeíque ga (insignis) pour la massue (claua, v. 1), la dépouille du lion de Némée

v. 2). A pas pommes dans la main gauche (laeua quae tria mala tenet,

(conn (v.

de cet Lie ryon

de ijs ogie, on

et antique, réalisé en DrOnsP au III : apr qot ü ig. 1), reconnait le colossal signum Herculis uictoris (2, 40 m) en méme espe quet zx mettait au jon puis dee qui fut redécouvert à l'époque de Sixte IV (1471-1484), m, non loin de l'église Santa Maria in Cosmedin, telait un temple rond d'Hercules inuictus sur le Forum Boariu

entre la Piazza Bocca della Verità et la Via dell'Ara Maxima?"

toujours l'emplacement exact?".Selon une étymologie qui associe son nom à la force, autant morale que

physique, Hercule est, dans cette épigramme, présenté explicitement comme la figure du sage (sapientis imago,

v. 3), suivant une analogie qui remonte à l'Antiquité et que reprend largement la Renaissance?" : la lutte menée par Hercule contre les bétes est congue comme la force vertueuse triomphant des vices de l'àme et le parangon de la lutte philosophique contre les turpitudes intérieures?" Hercule, dés l'Antiquité, s'était fait émule

d'Orphée ou du roi David?" instructeur de l'humanité?**, patron agonothéte des cyniques?^ et des &oiciens?6$,

voire figure christique qui domine et expie le péché humain?" C'est un héros particuliérement prisé des recueils emblématiques"". Les pommes d'or mentionnées ici sont le symbole d'une triple victoire sur le dragon (uicto dracone, v. 4) qui incarne, chez l'homme, trois formes spécifiques du désir (cupido, v. 5) : colére (furor irae, v. 7), avarice (habendi libido, ibid.) et gourmandise (uentris desidiosus amor, v. 8). La peau du lion (exuuiae, v. 9) devient le symbole du courage (fortem animum, v. 9), et la massue, celle de la puissance de celui qui vainc ses

passions (potentem... / uiclor, v. 9-10). Bocchi, qui abandonne l'interprétation traditionnelle des trois pommes

comme une figuration des trois saisons (LYD., Mens., 4, 67), s' inspire ici de l'exégése de la statue d'Hérakles

proposée par le lexique de la Souda (n?454 Adler, voir apparat des sources) :

?* p. P. Bober, R. O. Rubinstein, Renaissance Artists and Antique Sculpture.

A Handbook of Sources, Londres/Turnhout, 2010", p. 178-179,

n° 129 : « Hercules standing »

?! Voir par exemple le De Laboribus Herculis de Coluccio Salutati (début xv* siecle), Le fatiche di Ercole de Petro Andrea de' Bassi (1475), Los doze trabajos de Hercules d'Enrique de Villena (1483) etle Roman du fort Herculis de Raoul Le Févre (1464). Sur ces ouvrages voir R.-M. Jung, Hercule dans la littérature francaise du XVI° siécle, Geneve, 1966. E. See Watson, Achille Bocchi, p. 133, rappelle judicieusement la popularité des

travaux d'Hercule dans les arts visuels, notamment la frise de Baldassare Peruzzi et les fresques de Sebastiano del Piombo peintes à la Farnésine

pour Agostino Chigi entre 1510 et 1512 ?? Voir par exemple D. CHR., Orat., 5, 22 : « Ce ne sont pas des bétes de proie qu'Hercule a vaincues ; mais ces monstres étaient les désirs et les passions ». Voir aussi HERACLIT., AlL,, 33, 2-6 qui fait correspondre un vice à chaque animal tué par Héraclés %3 Pour une synthése de ces paralléles, voir R. Eisler, « Orphisch-Dionysiche Mysteriengedanken in der christlichen Antike », in Vortráge der Bibliothek Warburg 1922-23, Nendeln/Liechtenstein, 1967 (reprint), t. II-2, p. 61-85. °4 Voir par exemple PLvT., De uitioso pudore, 536b : «ij; rapatvéaecc, f|v 6 AvrtaOÉvetoc 'Hpaxrjc xapi]vet voic zratct 8iakeAevóuevog undevì xáptv

Éxetv &xatvobvzt abrotc, « la recommandation apportée par l'Héraclés d'Antisthéne, exhortant les enfants à ne pas étre reconnaissants envers celui qui les flattait ».

%S Voir par exemple le paralléle trés éclairant effectué par Apulée (Flor., 22, 3-4) entre Hercule et le philosophe cynique Cratés de Thébes : Fig. 1 > Hercule capitolin, Rome, Palais des

Conservateurs.

Fig. za > Hercule Farnése,

Naples, Musée archéologique.

Fig. 2a » Hercule Farnése, détail.

F. Coarelli propose d'identifier ce temple disparu mais connu par des dessins de Baldassare Peruzzi avec l'Aedes Aemiliana Herculis (LIV., 10, 23, 3 ; FEST., p. 282 Lindsay), un temple rond d'Hercule construit en 142 av. J.-C. par Scipion Émilien, le second Africain, et décoré de peintures dues à Pacuvius (PLIN., Nat., 35, 4, 19)^*. Sixte

IV fit placer la statue de bronze redorée dans la collection d'antiques du palais des Conservateurs sur le Capitole oü elle es toujours visible (Inv. n^1265)??. Cette version romaine en bronze dérive du type dit « Héraklés Lenbach », qui remonte probablement à un prototype lysippéen du IV* s. av. J.-C. Rien ne dit cependant qu'il faille l'identifier avec la statue d'Hercules triumphalis mentionnée par Pline (Nat., 34, 33), et dont on ignore

?"' Voir L. Richardson Jr., A New Topographical Dictionnary of Ancient Rom, Baltimore, 1992, p. 188-189, « Hercules Victor, Aedes Q)»i F. Coarelli, Il Foro Boario, dalle origini alla fine della Repubblica, 1992*, p. 88-92, qui mentionne en particulier les témoignages des antiquaires

humanistes (voir apparat des sources) ; F. Coarelli, « Hercules, Aedes Aemiliana » in E. M. Steinby (dir.), Lexicon Topographicum Vrbis Romae, t. III, Rome, 1996, p. 11-12 ; S. Ball Platner, S. Ashby, A Topographical Dictionnary of Ancient Rom, Londres, 1929, p. 257-258, $. V. « Hercules uictor (inuictus), aedes ». ?5 E, Coarelli, Il Foro Boario, p. 84-92.

%9 VoirJ. Boardman et al, « Herakles » in LIMC, 4/1, 1988, p. 728-838, en part. n° 325-376, p. 747-749, en particulier n° 372 ; LIMC, s, 1990; p. 1-192 et LIMC Supplementum 2009, 1, p. 266 (Katalog, n° 3). Voir également M. Winner, « Der eherne Herkules Victor auf dem Kapitol -

in E. Beyer, L. Lampugani, G. Schweikhart (dir.), Hülle und Fülle. Festschrif für Tilmann Buddensieg, Alfter, 1993, p. 629-642. La peau de lion,

absente, a peut-étre été perdue. Sur la découverte de la statue à la Renaissance, voir R. Weiss, The Renaissance Discovery of Classical Antiquity, Oxford, 1973?, p. 191-192.

302

« De méme que les poétes racontent que, jadis, Hercule soumit des monstres terrifiants parmi les hommes et les bétes et en purgea le monde,

de méme, c'est contre la colére, la haine, l'avarice, la luxure et autres monstres et vices de l'àme humaine que ce philosophe se montra un Hercule : il chassa ces fléaux des àmes, libéra les familles, dompta le mal, à demi nu et reconnaissable lui aussi à sa massue ». % Voir chez Sénéque (Const., 2, 2-3, trad. R. Waltz, dans SÉNEQUE, Entretiens, Lettres à Lucilius, Paris, 1993, p. 316) le paralléle entre Caton et

Hercule, oà Caton apparait comme le héros initiateur d'une régénération politique aprés l'éviction des maux républicains et, en particulier, à la

tyrannie de l'ambition, dont les premiers triumvirs se sont rendus coupables : « [... ] les dieux immortels nous donnérent en Caton un modeéle de sagesse plus accompli encore que les Ulysse et les Hercule dont ils avaient doté les siécles primitifs. Ces derniers, en effet, furent proclamés sages par nos stoiciens pour leur invincible énergie, pour leur mépris de la volupté, pour leur victoire sur toutes les terreurs de ce monde. Caton, lui, ne s'est point attaqué aux animaux féroces dont la poursuite est une besogne de chasseur et de paysan ; il n'a point pourchassé les monstres le fer et le feu à la main ; il a vécu à une époque oà il n'était plus possible de croire que le ciel reposàt sur les épaules d'un géant : l'antique crédulité était morte et le siécle était parvenu à un degré supérieur de culture. C'est à l'ambition, ce fléau aux cents formes, qu'il a livré bataille, C'est à cette insatiable soif de pouvoir que le partage du monde en trois lots ne suffisait pas à assouvir. Il se dressa, lui seul, contre les vices d'une cité dégénérée qui s'effondrait sous sa propre masse [ ... ] ». Voir aussi HERACLIT., All. 33, 1: « Héraclés fut un sage, initié à la science des astres, et qui fit briller d'un vif éclat la philosophie, plongée pour ainsi dire dans un épais nuage : C'est aussi l'opinion admise par les plus illustres Stoiciens. » et EPICT., Diatr., 3, 24, 13 : « De méme, auparavant Hercule avait parcouru la terre entiére, “ surveillant les excés des hommes et leur bonne conduite ” [Od. 1, 3] ; il donnait aux uns la chasse pour en purger les hommes et les remplacait par les autres. » 7 Voir par exemple G. BUDÉ, De Asse, 2, 308 : Ipse enim Christus uerus fuit Hercules, qui per uitam erumnosam omnia monstra superauit et edomuit. « Le Christ lui-méme fut un véritable Hercule, qui, au cours de sa vie chargée d'épreuves, dompta et soumit tous les monstres », cité par R.-M. Jung, Hercule dans la littérature fangaise du XVI siécle. De l'Hercule courtois à l'Hercule baroque, Genéve, 1966, p. 116. Sur l'Hercule chrétien, voir aussi M. Simon, Hercule et le Christianisme, Paris, Strasbourg,

1955 ; F. Gaeta, « L'avventura di Ercole », Rinascimento, 5, 1954,

p. 228-260 ; E. M. Waith, The Herculean Hero, New York, 1962 ; K. Galinsky, The Herakles Theme: the Adaptations of the Hero in Literature from

Homer to the Twentieth Century, Totowa (NJ), 1972.

% I] apparait par exemple

cinq fois chez Alciat, dans les emblàmes

intitulés « Duodecim

certamina

'

"T

Herculis », « Eloquentia fortitudine

praestantior » (sur l'Hercule gaulois), « Contra eos qui supra uires quicquam audeant » (sur Hercule et les pygmées), « In nothos » (sur Hercule, Junon et la naissance de la Voie Lactée), « Populus alba » (surla couronne de peuplier dans les cultes à Hercule).

303

————— INM—————————-—————

á—Á——!-

4

—PHEMMN

599.7.

995

-

—————

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

sement organisée en Statue d'Héraklés. Il porte trois pommes dans la main gauche car son àme est harmonieu

Il est trois parties. L'Héraklés du jardin [des Hespérides J?*, lui aussi fils de Zeus, est un parfait philosophe. les avait représenté portant la peau du lion, exhibant la massue et maitre de trois pommes, dont on a dit qu'il

du désir ; ainsi, il dérobées aprés avoir occis le dragon de sa massue, c'est-à-dire aprés avoir triomphé de la cause

le possede trois pommes, c'est-à-dire trois vertus : ne pas se mettre en colére, ne pas aimer l'argent, ne pas aimer s'entoure. on dont plaisir ; la dépouille du lion qu'il a revétue, c'est le noble courage

La Souda reprend en partie à son compte l'exégése du portrait d'Héraclés proposée par le mythographe du V* s., Hérodore d'Héraclée, auteur d'une Héracléide perdue (FGrH, t. 1, frgt 14, p. 218 Jacoby) :

"Ov ypágovot Sopàv Movroc qopobvra kal pózaAov épovta, vpía pijka xparobvra- ázep apía urjAa üpeAécOat abróv &yvOoXóyncav, à ponáAo qoveócavra xov Bpákovra- vovrécti vikrjoavra TOv zoAvzoíküov fj xtkpág EmBvpiag

Aoytayóv 8t& 10b pozáAov trj; qocogíac, Exovta xepifóAatov opóvnua wS Sopàv Aéovroc- kal obroc dpeileto xà ufja, ónep £orl vpeig dpetàs, xà y dpyiteodai, 1ó ui] oapyvpetv, và pi] qunBovety- dà yàp 1ó pónaAov cfc

typologie sculpturale, ou les anomalies qu'elle présente par rapport à des modéles attestés. Hercule apparait au premier plan, dans un paysage naturel. Il est totalement nu, le poids du corps appuyé sur la jambe droite, la jambe gauche, relàchée, légérement en avant, les bras le long du corps : la position est inversée par rapport à celle du type d'« Héraklés Lenbach » (voir supra), dont dérive la statue du Capitole. Cette inversion est logique sur

la gravure. Dans la main droite, il tient la massue, téte vers le bas, selon le méme angle que le type capitolin. De la

méme main, il retient la queue d'une immense dépouille de lion qui vient s'enrouler autour de la massue. La dépouille de lion a conservé la forme méme de l'animal qui semble s'affaisser derriere les jambes d'Hercule, en appui sur ses pattes postérieures mais l'avant du corps et la téte couchés au sol, comme en signe de soumission. Dans la main gauche, le héros porte un rameau feuillu oü l'on apercoit trois immenses pommes. Là encore, on repére l'inversion de la répartition spatiale des symboles par rapport au type classique, due à l'impression de la gravure. De plus, on notera que la dépouille de lion n'e& plus ou n'a jamais été présente dans le type capitolin, de méme que la téte du héros est tournée du cóté de la massue, et non des pommes.

kaprepikrjs Wvyijc, xal tij; Sopág rob Opacvrárov awgpovos Aoytcyuot, évíkroe 1óv vióv tic qaóAÀng émiOvuiac:

QQvocogrjcac u£ypt Qavácov, xaBig HpóBoroc

(sic - 'HpóBepoc) è cogóraroc.

Ils le représentent portant la peau du lion, exhibant la massue et maitre de trois pommes, dont on a dit qu'il les avait dérobées aprés avoir occis le dragon de sa massue ; c'est-à-dire qu'il a triomphé des formes bigarrées de l'amer désir gráce à la massue de la philosophie, et qu'il porte le vétement du courage comme la dépouille de lion ; et c'est ainsi qu'il a ravi les pommes, c'est-à-dire trois vertus : ne pas se mettre en colere, ne pas aimer l'argent, ne

pas aimer le plaisir ; gráce à la massue de l’àme endurante et à la dépouille d'une raison sage et trés sáre d'elleméme, il a vaincu le fils de l'ignoble désir ; il fut philosophe jusqu'à la mort, selon le trés sage Hérodore.

L'association directe de cette exégése avec la statue du Capitole n'est pas originale et on la trouve chez Pierio Valeriano, qui rend compte « hiéroglyphiquement » de chaque détail que présente l'oeuvre d'art (Hier., 54, p. 396 B-C, voir apparat des sources) : Trois vertus d' Hercule. À propos d'Hercule, nous avons dit au début qu'il existait au Capitole une statue de lui, réalisée en bronze, remarquable par la peau de lion, la massue et les trois pommes d'or qu'il a dans la main gauche. Ces détails indiquent que le héros possede trois vertus particuliérement remarquables, la maitrise de la colére, la domination de l'avarice et le noble mépris des voluptés. Lorsqu'on raconte que, pour emporter ces pommes hors du Jardin des Hespérides, il tua le dragon qui montait une garde vigilante, la signification en est qu'Hercule imposa la mesure à la concupiscence, puisque nous avons déclaré ailleurs, d'apres Philon, que le dragon signifie la voluptueuse langueur née du désir. La dépouille du lion montre sans aucun doute la noble fermeté de l'áme et l'excellence de sa partie supérieure. Le sens de la massue, nous l'avons développé ailleurs, lorsque nous avons soutenu qu'elle incarnait la raison et les disciplines philosophiques : elles ont d'autant plus de force chez le héros

qu'elles trouvent en lui une assise plus ferme et plus stable. En effet, on préte à Hercule une massue taillée dans le

bois incorruptible du chéne. Plus haut, nous avons indiqué que le chéne signale la résistance et les forces. La

massue est représentée avec des noeuds, à cause des inquiétudes et des difficultés qui, pour ceux qui recherchent la vertu, notre guide et celle qui nous permet de connaitre la véritable vertu, ne manquent pas de s'opposer lorsque

la cohorte immense des erreurs s'est réduite, et surgissent de tous cótés.

Le titulus qui surmonte la gravure définit trois qualités attachées à Hercule à la suite de cette victoire : la fortitudo l'a préservé de la crainte pour lui permettre de s'attaquer au monstre; la modestia ou temperantia l'aide à triompher des passions et des vices ; la potentia résume la situation du sage parvenu à la raison parfaite et que, par conséquent, aucun événement extérieur ne peut plus atteindre, ni affaiblir. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana (Fig. 3), présente un ensemble de difficultés interprétatives, en particulier dans les liens qu'elle peut entretenir avec la 949

’ ; ix. TU ; Le texte d'Adler porte la lecon Ifjxov. II s'agit en réalité de Krjzov. Je remercie Lucie Thévenet de m'avoir éclairée sur ce point.

%%0 Voirle catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 17, n? 28.

304

Fig.3 » G. BONASONE ou

P. FONTANA, Dessin préparatoire

pour le Symb. 55 de Bocchi,

Minneapolis Institute of Arts, Minnesota (USA).

la barbe L'anomalie la plus frappante sur la gravure par rapport au type de l'Hercule capitolin est bien entendu est un Capitole broussailleuse et la chevelure abondante du héros, qui en font un homme már : or l'Hercule du l'aspect de jeunesse Hercule jeune et totalement glabre. L'intention du graveur est probablement de gommer l'interprétation d'Hercule pour lui substituer la « barbe » austére du sage et du philosophe, plus en accord avec e par le type célébrissime des symboles qu'il porte. De plus, cette figure d'Héraclés mür est sans doute contaminé

dans le dos, et colossal de l'Hercule Farnése (Fig. 2a)°!, au poil bien fourni et plus mélancolique : main droite

l'Hercule Farnése avec les trois pommes (Fig. 2b), en appui sur la jambe droite, la gauche relàchée vers l'avant, et contre lequel repose la est soutenu sous l'aisselle gauche par un support rocheux qu'enveloppe la peau du lion direction, c'est-à-dire massue. L'Hercule de la gravure et l'Hercule Farnése ont la téte qui regarde dans la méme

Ils le font habiter dans un vers la droite. Bonasone/Fontana ne se sont pas contentés de figurer un Hercule.

Musée archéologique de Naples (Inv. 6001). Voir J. Boardman et al, *9! Découvert dans les termes de Caracalla en 1546, il est actuellement au prototype en bronze de 325-320 av. J.-C., en particulier la version un d'aprés « Herakles », p. 762-765. Les copies romaines sont effectuées éponyme (ibid., n? 702 p. 764).

305

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

une forét sombre décor naturel dont l'organisation semble symbolique à son tour. Derriére le héros, on apergcoit discrétement et touffue, qui coupe verticalement l'arriére-plan en deux. Les troncs abondants viennent rappeler À l'exception du bras que la massue d'Hercule, signe du courage inaltérable, provient du rouvre au bois si dur. C'est aussi le lieu gauche portant les pommes, toute la silhouette du héros vient s'inscrire sur cette partie boisée. tenir à bonne distance. La qui abrite les monstres et autres créatures sauvages, qu'Hercule est chargé de et lumineux : deux cours deuxiéme fraction de l'arriére-plan est au contraire constituée par un décor paisible formes douces à l'horizon. C'est d'eau, un pont, une embarcation, des maisons, quelques arbres, des collines aux

tranquillité. parce que le héros grec veille que les terres habitées peuvent connaitre la paix et la

jadis le second espoir de la grande Rome »). Le personnage apparait sous les traits d'un membre de la curie romaine, poéte virtuose, dans un dialogue lucianesque d'Andrea Guarna di Cremona ou Salernitano, intitulé Simia et publié à Milan en 1517, où, transporté au paradis aprés sa mort, il donne la réplique à Donato Bramante devant saint Pierre?*", le L'usage du nominati dans le titulus montre qu'il ne s'agit pas d'une dédicace. Zambeccari est identifié avec à face t ressentimen et inuidia héros antique, Scipion l'Africain et devient un exemplum : il a visiblement su éviter un rival non identifié au sein de la cour pontificale romaine. - tit. carm. 1:

-SCIPIONE ] Il s'agit de Publius

Cornélius

Scipion

dit l'Africain (235-183

av.J.-C.). Au moment

des

nommé à la téte des événements évoqués dans l'embléme (-21 1), il est ágé de vingt-quatre ans et vient d'étre

Symb. 56 Gravure :

"

IL N'ÉPROUVE POINT DE JALOUSIE, CELUI QUI, À BON DROIT, PLACE SA CONFIANCE EN LUI-MEME ALEXANDRE ZAMBECCARI

légions d'Espagne. punique, - MARTIO] En 212 av. J.-C., alors que les Romains tentent de soustraire l'Espagne à la domination de leurs chefs à Lucius Marcius Septimus, un chevalier romain, prend la téte des armées hispaniques, privées dit « Caluus », consul de cause de la mort des deux fréres Scipion (LIV., 25, 37-39), Cnaeus Cornelius Scipion,

les deux tombés en 222, et Publius Cornélius Scipion, pére de l'Africain et consul en 218. Ils étaient tous Lucius Marcius avait été Espagne sous les coups des Numides, en particulier la cavalerie de Massinissa. Ce de Publius Scipion, nommé propréteur et général en chef par les troupes romaines, de préférence au lieutenant

victorieux et ayant infligé de Tiberius Fonteius (Liv., ibid. ; VAL. MAX., 1, 6, 25 2, 7, 155 8, 18, 1 1). Largement un colossal butin, dont un bouclier lourdes pertes à l'adversaire, Lucius Marcius prend sur l'ennemi carthaginois 35, 14), connu désormais sous le d'argent portant pour épiséme un portrait d'Hasdrubal Barca (cf. PLIN., Nat.,

Sur l'image :

— Scipion — Lucius Martius

l'incendie de 83 av. J.-C. nom de « bouclier de Marcius », qui restera dans le temple de Jupiter Capitolin jusqu'à

SCIPION ET MARCIUS

Ta modestie, Scipion, était si remarquable

(Liv., 25, 39)^5*. proportion avec le passage de CIC., - carm. 2 : QVO MAGE... HOC... MINVS] On rapprochera la formule de omnium uel potius solus esse. Off., 64 : Vt quisque animi magnitudine maxime excellet, ita maxime uult princeps ANALYSE

Qu'un jour, devant Lucius Marcius,

Tu crus devoir le louer comme un grand général, Au cours d'un magnifique éloge, 5 Toiqui des généraux étais bien le plus grand. Ce trés bel exemple nous montre Qu'il ne jalousait point la gloire d'autrui, l'homme Qui se fiait à ses vertus. AUTREMENT DIT Plus on se fie à sa vertu, moins on se montre envieux

Des récompenses méritées par d'autres hommes.

MÉTRIQUE

— carm. 1 : métres épodique (voir Symb. $2) — carm. 2 : distiques élégiaques.

NorES - ded. pict.: ALEXANDER ZAMBECCARIVS] Ce personnage apparait dans le recueil poétique des Lusuum libri duo de Bocchi (Vat. Lat., 5793, f 47v?-49r^), dans une piéce de déploration intitulée « Deploratio Alexandri Zambecharii auunculus superioribus adnectanda sed hic quoque principium deest ». Il s'agit d'un oncle maternel,

frere de la mére de Bocchi, Constanza Zambeccari in Bocchi, membre de la Curie romaine et décédé avant 1517 (cf. Lusuum, f° 47v^, v. s-6: Naturae, Phileros, concessit auunculus ille/ Ille tuus, magnae quondam spes altera

Romae : « ll a péri de sa belle mort, Philéros, ce grand homme, oui, ce grand homme qui est ton oncle maternel,

précédent, le Symb. 56 présente le Aprés l'éloge d'un Hercule victorieux, héros de tempérance dans l'embléme en suivant un passage de Tite-Live (26, 20, portrait du Scipion en champion de la modestia et de la magnanimitas, 6 ; voir notes et apparat des sources)

:

qu'on comprenait bien que la derniere de ses Scipion se comportait avec un tel respect pour Lucius Marcius craintes était de voir quelqu'un nuire à sa gloire.

danger pratiquement inéluctable de la grandeur Dans le De Officiis, Cicéron met en effet en garde contre un ?**. Or ce désir de supplanter les autres sans reconnaissance pour les

d'àme : la volonté d'étre toujours le premier et supprime la liberté?5$. Cet exemple est à vertus dont ils font preuve entache la grandeur d'àme d'injustice ent une autre forme de

les Symb. 30 et 31, qui illustr rapprocher de la célébration de Curius et de Fabricius dans la magnanimitas, celle qui se désintéresse des richesses. qu'a Scipion d'étre maitre de ses forces et sur sa L'emblématiste insiste dans les deux poémes sur l'assurance le garantit contre toute forme de jalousie : nihil/ Aliud conviction de la réalité de la gloire qui en découle, ce qui repris à l'identique mais sous une forme syntaxique inuidere gloriae, suis/ Qui fideret uirtutibus (1, 6-8, propos %2 Voir E. Battisti (éd.): A. GUARNA, Scimmia, Rome, E. Simoncini, « Guarna, Andrea », DBI, t. LX, 2003. ?9 Voir S, Lancel, Hannibal, Paris, 1995, p. 220-221. Ji

1970 et B.Pellegrino

(éd.),

A. GUARNA SALERNITANO,

Simia, Salerne, 2001;

maxime uult princeps omnium ut quisque animi magnitudine maxime excellet, ita i e Off., 64 : nimia cupiditas principatus innascitur. [...]

uel

potius solus esse. ; cf. CiC., Off., 65 : Facillime seruare aequitatem quae est iustitiae maxime propria %S Ibid. : Dificile autem est, cum praestare omnibus concupieris, autem ad res iniustas impellitur, ut quisque altissimo animo est, gloriae cupiditate. qua magnanimis uiris omnis debet esse contentio. gloriae cupiditas, ut supra dixi : eripit enim libert atem pro

* Cic, Off., 68 : Cauenda etiam est

307 306

"Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

différente dans le poéme 2). Cette réflexion doit étre également rapprochée d'un passage du De Officiis, oü

Cicéron explique que la vraie grandeur d'áme croit aux actes plus qu'à la gloire", mais aussi du Symb. 42 où la

véritable gloire suit la vertu comme une ombre.

pauvre » (Graeculus esuriens), qui vient à Rome pour gagner sa vie, est prét à faire toutes les activités, des plus savantes aux plus farfelues (grammaticus, rhetor, geometres, pictor, aliptes/ augur, schoenobates, medicus, magus, « grammairien, rhéteur, géométre, peintre, masseur, augure, danseur de cordes, médecin, magicien »), voire de

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana?*5, illustre le

« monter au ciel, si on le lui demande » (in caelum, iusseris, ibit). Bocchi associe le motif de « monter au ciel »

(symbole de constantia) oü s'inscrit son nom, se tourne de trois-quarts pour poser une couronne de laurier, symbole de louange et de gloire, sur la téte d'un personnage agenouillé de profil et identifié comme Lucius Marcius par une inscription. De la main gauche, il touche le genou gauche de Scipion, en signe de

également employée par Lucien (Rhet. praec., 9) et par Grégoire de Nazianze (Or., 2, 34).

passage livien. Dans le quart inférieur droit de l'image, Scipion en habit militaire, assis sur un bloc carré

Tout autour de lui, pour regarder la scéne, se massent

des soldats, dont certains sont munis

de

casques à panache, d'autres de lances, d'autres encore de boucliers. On apercoit à droite, en arriére-plan, deux

tentes militaires, sans doute celles des deux généraux.

Symb. 57 DE

LA PRUDENCE

EST

DE TOUJOURS

TENIR

LE JUSTE

MILIEU

Sur l'image : - Supporte — Abstiens-toi

PRENDRE LA MESURE DES CHOSES EST LA MEILLEURE DES ATTITUDES Tel un vaillant funambule, qui, sur la corde raide,

Méprisant le monde, s'en va comptant ses pas, Atteint la voüte céleste, de son pied de mortel

l'acrobate et le sage, et chacun des deux termes se distribue sur trois distiques : le funambule (v. 1-6) qui, sur sa corde, dans les airs, garde l'équilibre à l'aide d'un balancier, donne une image du sage (v. 7-12) qui, du haut de

De méme, face à aux sollicitations de notre esprit, il faut tenir une sorte de juste milieu, qui se situe entre l'excés et l'insuffisance, afin de ne pas étre déséquilibré d'un cóté ni de l'autre. On dira que c'est impossible. Un étranger, il y a quelques mois, avec le peuple de Lucques pour public, marchait avec une trés grande rapidité sur une corde tendue entre le péristyle de la Curie et sa tour la plus élevée; et lorsqu'il s'apprétait à redescendre, nous redoutions tous qu'il ne tombát ; lui, s'équilibrant avec les bras, se maintenait de telle maniére que non seulement il n'était pas précipité la téte la premiére, mais qu'il ne penchait ni vers l'arriére ni vers l'avant ; et lorsque parfois, avec talent, il avait effectué un saut, atterrissant sur l'un ou l'autre pied, ayant, comme une balance, retrouvé son assise gráce à des poids égaux, il se remettait debout d'une maniere admirable. Donc, l'équilibre que le funambule

pourra trouver dans le corps, le sage ne pourra pas le trouver dans l'àme ? Pourquoi nous laissons-nous entrainer, tout gonflés d'une vaine gloire? Pourquoi pratiquons-nous l'étude des vertus? Pourquoi appelons-nous l'expérience le pére de la sagesse, si pour régir les mouvements entrainement n'ont aucun pouvoir ?

de nos ámes aucune philosophie ni aucun

Le sage, soulevant les charges de l'humaine vie,

Sans crainte, ni mépris, il s'abstient d'un cóté, de l'autre

son équilibre (sui compos, v. 5) obtenue gráce à l'usage du balancier (librat, v. 6). Le sage prend ensuite le relais.

Équilibrant son balancier d'une main-forte,

Se comporte en suivant son esprit supérieur.

10

Talis),

Plusieurs éléments sont mis en valeur dans l'épigramme et assurent la transition harmonique entre le comparant et le comparé. Ainsi, pour le funambule, si le texte mentionne son courage (magnae animae, v. 2), il insiste plus particuliérement sur sa position privilégiée en hauteur (supera, leuatus, v. 2) qui lui permet à la fois de s'engager dans l'inconnu (ignotas... inire uias, v. 4) et d'embrasser le spectacle du monde (partes speculatur in omnes, v. s),

Aime à fouler des voies inconnues des humains, Et, maitre de lui, peut voir dans toutes les directions,

5

L'épigramme se fonde sur une comparaison (similitudo) improbable entre deux types sociaux (Qualis...

sa citadelle, « supporte et s'abstient » (v.9), pour reprendre le mot d'Épictéte qui apparait en grec sur la gravure. Bocchi avait déjà employée la formule dans son décalogue du Symb. 27 (v. 9). La similitudo a sans doute été suggérée à Bocchi par le passage d'un discours d'Aonio Paleario, qui met lui aussi en parallele un funambule venu faire ses tours d'équilibrisme à Lucques et la tempérance du sage concue, sur le mode aristotélicien, comme le medium entre deux excés (voir le texte latin dans l'apparat des sources) :

Gravure : LE PROPRE

ANALYSE

4 T

reconnaissance.

(cf v. 3 : supera ad conuexa), en l'expurgeant de sa connotation négative, avec l'image du funambule. L'image est

Se retient, pour toujours et partout rester droit. Enfin toute son áme exulte, en pensant qu'il occupe Désormais ce juste milieu, que peu atteignent.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques.

Face aux munera uitae, aux charges de la vie (v. 7), le sage adopte une position d'équilibre (rectus... constet, v. 10) entre deux vices, la crainte (timet, v. 9) et l'orgueil (femnit, v. 9), si proches phonétiquement, et il le fait à l'aide de deux vertus qui sont comme les deux poids qui équilibrent les extrémités du balancier: patience corde (sustinet) et continence (abstinet). L'altitude, marque de l'excellence, n'est plus celle à laquelle se tend la au de l'équilibrise mais la hauteur d'àme du philosophe (excelso animo, v. 8). Certains termes appliqués

v. 5) et l'inverse se funambule pourraient d'ailleurs convenir parfaitement au sage (par exemple speculatur au

vérifie d'ailleurs aussi (par exemple rectus constet au v. 10).

NoTES

v. 2 : schoenobates] Ce terme adapté du grec (oyotofcnc), qui signifie « qui marche sur une corde » apparait

chez le pseudo-Manéthon ( Apotelesmatica, 4, 287), un théologien égyptien du II s. av. J.-C. Le terme est cité

sous sa forme latinisée par Juvénal, Sat., 1,

mais aussi d'adopter une forme d'indifférence au reste de l'univers (contemptor, v. 1). Le texte met en évidence

75-77 dans un sens négatif. Le satiriste explique que le « Grécaillon

en particulier le Symb. 142, Là question de l'équilibre renvoie à tout un ensemble d'autres emblémes bocchiens, doute à la mémoire le où Hercule tient comme une balance une dioptrie en forme d'équerre. Bocchi a sans

juste milieu est Sermo 12 d'Urceo Cordro, tout entier consacré à la notion de medium. Le motif du de la gravure, oü il se particuliérement important lui aussi, puisque le terme clót le texte et est repris dans la motto

957

Tel : E ; = Ci; Off. 68 :: [animi magnitudo honestum] in$ factis5 positum, non in gloria iudicat principemque se esse mauult quam uideri.

“ Voirle catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, p. 17, n? 34.

308

309

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

l'Éthique voit conjugué avec la prudence, dans une association aristotélicienne qui rappelle

à

Nicomaque??. On

les notera que la mention d'opérations de calcul (numerat uestigiat, v. 1) ou de pesée (librat, v. 6), rappelle

optimaux passages oi Aristote insiste sur le róle délibératif de la bouleusis comme calcul pour établir les moyens pour parvenir à ses fins"? Mais la vertu qu'incarne le funambule n'est pas présentée seulement comme le juste

ence, mais aussi milieu entre deux vices contraires (crainte excessive et mépris excessif), c'est-à-dire l'indiffér

comme l'association simultanée de deux vertus complémentaires (patience et continence), nécessaires pour les lutter contre les deux formes de vices contraires. Les poids du balancier signalent donc à la fois les vertus et les d'abord : mére vices qu'elles combattent : le vers 9, binaire, les solent de part et d'autre de la coupe penthémi qui vices (nec timet, aut temnit), puis les vertus (se hinc sustinet, abstinet illinc). L'excellence de ce juste milieu,

n'est pas « médiocrité » mais « sommet », est signifiée par l'altitude oà évolue le funambule, qui, à l'instar du sage, écrase par ses compétences le commun des mortels. L'interprétation de la maxime d'Épictéte différe en partie de celle que propose Érasme (Adag. 2, 7, 13), qui suit Aulu-Gelle (17, 19, 5), et qui veut que « le premier terme nous invite à supporter l'adversité avec courage et le second à nous abstenir des plaisirs illicites » (Quorum altero monemur, ut aduersa fortiter toleremus, altero, ut ab illicitis temperemus uoluptatibus). Alciat suit Érasme, en déclarant qu'il faut endurer nombre d'épreuves et préserver sa main des plaisirs défendus (v. 3-4 : oportet/ Multa pati, illicitis absque tenere manus). L'emblématiste milanais fait s'incarner le dicton dans l'image du taureau : l'animal supporte la férule et l'entrave de son maitre ; mais il s'abstient de copuler avec les vaches gravides. Chez Bocchi, il n'est pas question de plaisirs illicites mais plutót des deux attitudes recommandées face aux changements de la Fortune : le sage tentera donc autant que possible d'étre indifférent à celle-ci, qu'elle lui apporte heurs ou malheurs. Mais les éléments aristotéliciens de l'embléme ne doivent pas occulter certains thémes épicuro-stoiciens comme l'éloge de la patientia et de la continentia, qui permettent à l’àme de ne pas sombrer dans les passions, comme la

— au niveau du décor, on remarquera que les deux fenétres, qui s'ouvrent sur le mur du fond dans le dessin, ont été déplacées sur le mur de gauche dans la gravure, permettant au funambule de mieux se détacher sur une surface uniforme ;

- les carreaux au sol, insistant sur la perspective, ont disparu de la gravure, sans doute pour éviter la disharmonie que suscitent la corde et le balancier, qui ne sont pas paralléles aux lignes horizontales qui dessinent les carreaux. — l'échelle d'accés, qui repose de maniére un peu irréaliste sur la corde méme dans le dessin, s'appuie désormais sur le mur dans la gravure ; - les inscriptions grecques reportées à l'envers sur les cartels qui flanquent le balancier montrent qu'à l'origine toute la gravure devait étre inversée (funambule marchant de droite à gauche, foule à gauche, échelle à droite). Mais le dessin et la gravure sont bien disposés à l'identique et il faut donc supposer que ce dessin préparatoire n'a pas été l'ultime version. Il a dà en exister au moins un autre avant l'incision de la gravure. — des sortes d'oiseaux affrontés apparaissent sur chacun des deux cartels dans le dessin mais ont disparu dans la gravure, tandis que le balancier du funambule dans la gravure s'orne dans ses extrémités de deux boules décoratives, absentes du dessin.

- ]e dessin ne présente pas encore non plus les deux personnages qui se détachent en avant de la foule des spectateurs, et dont l'un, visage tourné vers le lecteur, lui désigne l'équilibriste de son index pointe.

joie qui nait de l'exercice lui-méme de la vertu (cf. gaudet, v. 4 ; laetatur, v. 1 1) ou encore comm le motif de l'àme

du sage comparée à une citadelle inexpugnable et indifférente aux attaques comme aux séductions de la fortune. La gravure restitue pour l'essentiel la partie iconique de la similitude, c'est-à-dire le spectacle du funambule. E. See Watson (Achille Bocchi, p. 53) propose de faire le rapprochement entre le bateleur de la gravure et un danseur de corde venu de Turquie qui se produisit à Bologne le 11 avril 1547 au Palazzo della Podestà. La gravure bonasonienne présente une scene d'intérieur qui se déroule dans une grande piéce nue éclairée par deux fenétres sur la gauche. L'image est partagée en deux parties égales, délimitée par la corde attachée par un anneau sur le mur de gauche"*' et sur laquelle évolue le funambule. Dans la partie supérieure, l'acrobate se tient à miparcours, pieds nus, le regard fixé sur une perche parallele à la corde qui lui permet de tenir son équilibre. Aux deux extrémités de la perche-balancier, deux petits cartels viennent s'accrocher par des anneaux et on peut y lire respectivement à gauche àvéyov, à droite, àx£yov : ces inscriptions permettent à l'élément iconique de la simi-

litude révéler de révéler son référent abstrait. Le funambule est ici une image du sage. Dans la partie inférieure,

une foule se presse depuis la droite de l'image. Les tétes sont levées vers le spectacle tandis qu'en téte du cortége, un « admoniteur d'histoire », le doigt pointé en l'air et le regard orienté vers le lecteur, invite ce dernier à admirer le prodige qui se déroule dans les airs et surtout, à en tirer les lecons morales qui s'imposent : cet

Fig. 1 > G. BONASONE ou P. FONTANA, Dessin préparatoire

pour le Symb. 56 © Sotheby's.

admoniteur joue le méme róle que les cartels en invitant à relier les figures iconiques à leurs référents abstraits.

Il existe pour la gravure un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana (Fig. 1)"9 et le jeu des différences mérite

d'étre conduit :

?9 Sur ]a vertu comme médiété, cf. AnIST., EN, 2, 6, 1107a : uecócr $è 860 xaxióv, vfjc pèv ka" &xepfoNiv cric 8€ kac EXenyuv, « elle est milieu entre deux vices, l'un par exces, l'autre par défaut », et nos analyses du Symb. 82. Pour l'association entre vertu et prudence, voir 2, 6, 1 106b1107a : « [la vertu est ] une médiété relative à nous, laquelle est rationnellement déterminée et comme la déterminerait l'homme prudent ». %0 ARIST., EN, 3, 5, 1112a.

1 Et non, comme nous l'avions supposé, directement à l'échelle. Pierre Martin nous a signalé cette incohérence. ?? Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, n° 58, p. 19 et illustration p. 55.

310

311

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome2

Symb. 58 Gravure :

CONTRE LES JUGES ABJECTS QUI SE LAISSENT ACHETER

EXEMPLE CÉLEBRE DE CAMBYSE

Cambyse, roi sanglant, autrefois proposa De sa sévérité un remarquable exemple Mais sans précédent : il voulut qu'on dépouillát De sa peau, sur tous les membres, un mauvais juge, Qu'onla disposát sur un siége et que, plus tard,

s

Le fils du malheureux, pour rendre son verdict,

Vint y prendre place. Puisse ce chátiment D'un genre nouveau, et pourtant fort salutaire,

Venir frapper tous les juges vénaux qui restent !

MÉTRIQUE

Trimétres iambiques. ANALYSE Le poéme est directement inspiré par un passage d'Hérodote (s, 25, voir apparat des sources), qui raconte comment Sisamnés, Juge Royal, avait été égorgé et écorché vif pour vénalité, sur l'ordre de Cambyse :

acheter pour rendre la justice, dépouille ses concitoyens d'une partie de leurs biens. Énongant à la fois la faute et sa punition, le terme met en évidence la parfaite équité de Cambyse qui mesure la peine à l'aune du crime. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana55, s'articule autour de trois petites scenes rassemblées en une seule : deux en avant de l'image, une à l'arriére-plan, dans la

pénombre. À gauche de la gravure, le roi Cambyse, portant une cuirasse et une couronne, siége sur son tróne, avec un conseiller en toge et des soldats en armes dont on apercoit les casques et les lances. Le roi, déséquilibré vers l'avant, pointe du doigt un second groupe en face de lui, qui occupe la partie droite de l'image. Ce second groupe est constitué d'un personnage assis, la téte baissée et mains croisées humblement sur la poitrine, pour manifester qu'il se plie à la sentence royale, entouré de conseillers chauves et barbus portant le long manteau des sages. Il s'agit d'Otanés, comme permet de le comprendre la dépouille écorchée sur laquelle il est assis et qui montre une téte, des bras et le haut d'un dos humain. Le doigt pointé du roi relie les deux groupes et matérialise les paroles royales, qui désignent Otanés et le sermonnent pour lui rappeler le crime de son pére Sisamnés. La

troisiéme scéne, à deux personnages, est placée dans la pénombre car elle est antérieure aux deux autres, les

explique et permet de visualiser le « souvenir » auquel Cambyse voudrait qu'Otanés pense. Elle montre le pére d'Otanés, Sisamnés, attaché à un poteau, les deux bras en l'air, pendant qu'un bourreau procéde à son écorchement. La scene avait été illustrée d'une maniere totalement différente en 1498 par le peintre flamand Gérard David (1460-1523), dans son Cycle de la justice de Cambyse, un diptyque qui comprenait la « Capture de Sisamnés » et l'« Écorchement de Sisamnés », conservés au Groeningemuseum à Bruges ^55, Les deux tableaux avaient été

peints pour la chambre des échevins dans l'Hótel de Ville de Bruges. Les choix de Bonasone, en particulier de représenter la nomination du juge au premier plan et l'écorché à l'arriére, en position verticale, prennent l' exact contre-pied de ceux de Gérard David qui relégue la scéne de jugement à l'arriére-plan et montre l'écorchement au premier plan, mais en position horizontale, à la maniére d'une dissection médicale.

Darius [ ... ] avait placé, à la téte des troupes de la région littorale, Otanès, dont le pére, Sisamneés, avait été l'un des juges royaux. Ce dernier, ayant rendu pour de l'argent une sentence injuste, avait été, sur l'ordre de Cambyse,

égorgé et écorché de la téte aux pieds. Dans la peau arrachée de son corps, Cambyse avait fait tailler des bandes de chair, qu'on avait tendues sur le siége où Sisamneés avait coutume de rendre la justice. Et, le siége une fois recouvert de ces bandes, Cambyse avait désigné le fils de Sisamnes pour étre juge à la place de son pere — qu'il avait fait égorger et mettre à mort -, en lui demandant de se rappeler sur quel siége il était assis pour rendre la justice.

L'épisode est repris par Valére Maxime (6, 3, 5, voir apparat des sources) : À présent, évoquons Cambyse, qui fut d'une inhabituelle cruauté : il ordonna que l'on déployát sur un siége la peau d'un mauvais juge que l'on avait écorché et que ce fàt sur ce siége que le fils du juge rendit la justice. Mais ce roi barbare avait veillé, par ce chátiment atroce et inoui réservé à un juge, à ce que, par la suite, le juge ne püt point se laisser corrompre.

Les Juges Royaux constituaient un corps qui rendait la justice et tranchait les différends exclusivement en Perse, selon un droit coutumier local, mais sous l'autorité du roi. Nommés à vie, ils pouvaient transmettre leur charge à leurs enfants de maniére héréditaire?9?". L'astuce épigrammatique repose sur le terme diripi au vers 4: au passif dans le texte, il a le sens d'« étre déchiqueté, étre mis en piéces » et traduit visuellement le chátiment réservé au juge ; mais implicitement, le terme nummarius, « vénal, corrompu », appliqué à ce méme juge, fait allusion au sens actif et plus métaphorique de diripio, qui veut dire « piller, mettre à sac » et renvoie alors à la faute commise par celui qui, en se laissant

?* Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, p. 17, n° 35.

?

-

:

Justice of %S Voir C. N. Robert, La justice dans ses décors (XV-XVI* siécles), Genéve, 2006, p. 74-81 ; H. J. Van Miegroet, « Gerard David's

Cambyses for example : the Cambyses : Exemplum Iustitiae of Political Allegory ? », Simiolus, 1988, 18/3, p. 116-133 ; H. Van der Velden, « Centuries », Simiolus, 1995, of an exemplum iustitiae in Netherlandish Art of the Fifteenth, Sixteenth and Seventeenth Origins and Function

”3 Voir Th. Petit, Satrapes et satrapies dans l'empire achéménide de Cyrus le Grand à Xerxis f", Liége/Paris, 1990, p. 163-64.

TIO

p. 40-62. Davids's exemplum iustitiae for Bruges Town Hall », ibid., 23/1, p. 5-39 ; Id., « Cambyses reconsidered : Gerard

313

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Gravure :

Symb. 59

VOIS, LE PORTRAIT VIVANT QUE TE RENVOIE LE MIROIR ÉTINCELANT : DE CE REFLET, TU TIRERAS SAGESSE ET TOUTE-PUISSANCE, POURVU QUE TU EN AIES, DE TON CÓTÉ, LA VOLONTÉ

s intéresser à la vraie beauté (pulchrique dedecoris), celle de l'àme, élément divin. Fidéle à la source sénéquienne,

Bocchi reprend la dinstinction entre deux groupes, qui se subdivisent eux-mé mes en deux catégories, occupant

chacune un distique : d'un cóté, les hommes beaux et les hommes laids (1, 3-6) ; de l'autre, les jeunes gens et les

vieillards (1, 7-10). Le miroir invite les étre beaux à harmoniser la qualité de leur àme avec l'agrément de leur physionomie, et les étres laids, à corriger leurs défauts physiques par les attraits de leur áme. Pétrarque, dans la

préface au De remediis utriusque Fortunae (15, t. I, P. 19-20 Carraud ), compare son livre à un miroir qu'il tend à

Sur l'image :

l’àme de son lecteur et l'invite à effectuer la méme transformation : « c'est ce qui m’a fait tout quitter pour écrire

Socrate

un ouvrage que je ne prévoyais pas, afin de laisser aussi dans mes pages une image de toi que tu puisses regarder

comme dans un miroir. Si tu trouves en lui un défaut qui te déplaise sincérement, veuille bien le corriger sur ce

patron ».

EN TE CONNAISSANT TOI-MÉME, C'EST L'UNIVERS ENTIER QUE TU SERAS CERTAIN DE CONNAÍTRE Le miroir, juge de beauté et de belle vertu, Consulte-le ; souviens-toi du mot de Socrate : Tout d'abord, te connaitre, pour racheter, par tes vertus,

Tout ce qui est défaut pour ton corps disgracieux. Maissitues beau, par tous les moyens, essaie de fuir Le déshonneur : car est-il rien de plus honteux ? Situ es jeune, dis-toi que c'est l'áge florissant Pour apprendre et oser les actions intrépides.

$

Que le vieillard chenu s'abstienne des actions honteuses,

10

Qu'il ait quelque pensée pour son heure supréme.

À SON FILS Tu souffres que je ne puisse t'aider ; je souffre que tu ne le veuilles point. Lequel, mon fils, est le plus fondé à souffrir ? Jele demande.

Mais c'est bien ta faute, s'il est vrai que ta volonté, désormais corrompue,

Hélas, défaille, pour s'étre empétrée dans les sens pervert is. 5 Mais que dois-je faire ? me diras-tu. Ton devoir e& d'implorer la supréme Volonté, pour qu'elle t'accorde la force de voir en toi-mé me. Alors, tandis que te consumera la passion pour l'étern elle piété, N'en doute pas : bientót tu voudras et pourras en méme temps.

MÉTRIQUE

Dans les deux piéces : distiques élégiaques que nous avons rendus par l'alternance 20416 syllabes dans la seconde piéce. NorEs

- tit. image : splendente] On attendrait plutót splend enti. La désinence insiste sur la personnification du miroir.

Mais, passant de l'individu au groupe social, Sénéque, suivi par Bocchi, invite surtout les jeunes et les vieux à adopter un programme de vie qui corresponde à leur àge, c'est-à-dire à respecter la conuenie ntia et le decorum : les jeunes, en pleine possession de leurs moyens physiques et intellectuels, doivent apprend re et voir le monde en prenant des risques, afin de montrer leur vaillance et leurs forces ; les vieillards doivent éviter de pratiquer des activités qui ne sont plus de leur àge et apprendre à mourir, c'est-à-dire philosopher?66, La deuxiéme épigramme, dédiée au fils de Bocchi (Ad filium), Pirro Bocchi, se rattache à la premier e gráce à deux motifs : l'introspection qui permet de se connaitre soi-méme (cf. 2, 6: te intus ut inspicia s) ; les róles respectifs du pére et du fils, du vieillard et du jeune homme. Comme nous le suggere Pierre Martin, la présence de la seconde épigramme implique que le fils de Bocchi n'a pas respecté les consignes de la premiére et ne s'est pas regardé au miroir socratique. La piéce comporte quatre distiques : aprés avoir constaté la douleur qui oppresse le pére et le fils dans le premier distique, le narrateur, dans le second distique, renvoie la faute sur le jeune homme qui a succombé aux « sens pervertis » (2, 4 : prauis sensibus). Ego conseille à son interlocuteur, dans le troisiéme distique, de se tourner vers la divinité pour quelle lui accorde la faculté de voir en lui-méme : le sens du nosce fe ipsum, fondement de la doctrine socratique??' repris par la doctrine évangélique, est effectivement de découvrir que la mens (ou le cor) définit seule l'humanité et qu'elle est divine?*, La pensée évangélique fait de la mens ou du cor le lieu de l'épiphanie divine et l'organe de la foi. Le pére espére enfin, dans le dernier distique, que l'amour divin accordera à son fils de vouloir et de pouvoir se libérer de la tentation charnelle. L'amor pietatis aeternae (2, 7) qui accorde volonté et puissance e$t une autre expression pour signifier la gráce qui incline et supporte, telle que la définit Augustin à plusieurs reprises (voir apparat des sources), et qu Étienne Gilson résume ainsi : La différence entre l'homme qui a la gráce et celui qui ne l'a pas n'est aucunement dans la possession ou la non

possession de leur libre-arbitre, mais dans son efficacité. Ceux qui n'ont pas la gráce se reconnaissent à ce que leur

libre arbitre ne s'emploie pas à vouloir le bien ou, s'ils le veulent, à ce qu'ils sont incapables de l'accomplir ; ceux qui ont la gráce, au contraire, veulent bien faire et y réussissent. La gráce peut donc se définir : ce qui confére à la volonté soit la force de vouloir le bien, soit celle de l'accomplir?*.

E. See Watson suggére de voir dans les vers de la seconde épigramme une allusion aux relations homosexuelles

que le fils de Bocchi aurait pu avoir avec l'hérétique Camillo Renato, établi à Bologne entre 1538 et 1540, et

défenseur d'idées valdésiennes"". Ce dernier fut le précepteur des fils de certaines grandes familles bolonaises

% PL, Phaed., 81, 1: eET Oavárov ; cf. CIC. Tusc., 1, 30, 74 : Tota [...] philosophorum uita [ ... ] commentatio mortis est. Sur les nuances qui

ANALYSE

La premiére épigramme propose une variation sur un motif bien connu dés l'Antiquité, et que rapporte Sénéque (Nat., 1, 17, 4), suivi, à quelques variantes prés, par Diogéne Laérce (5, 3 3) et Apulé e (Apol., 15), qui en attribuent la paternité à Socrate (voir apparat des sources) : ce dernier proposait à ses disciples de se regarder dans un miroir. Le miroir, par le reflet qu'il renvoie à celui qui s'y mire, es un symbole du nosce te ipsum, et invite le sujet à aller au-delà de l'apparence physi que (iudicium formae), pur reflet sans consi stance du corps, pour

314

séparent les synonymes commentatio, cogitatio, meditatio, voir J. Dománsky, La philosophie, théorie ou maniére de vivre ? Les controverses de l'Antiquité à la Renaissance, Fribourg, 1996, p. 8-10. 7 Voir XEN., Mem., 4, 7, 2-8 ; PL, Apol., 38a ; Prot, 143a ; Charm., 164d-e ; Phaedr., 229 e ; Phil, 19c et 48c ; Tim., 72a ; Leg., 11, 9232; Alc., 124a. Pour une étude générale, nous renvoyons à P. Courcelle, « Connais-toi toi-méme », de Socrate à Saint Bernard, Paris, 1974. Sur le róle de

Socrate dans le recueil d'emblémes, voir notre introduction. ?$ PL, Alc,, 133 b-c. Voir aussi notre étude du Symb. 64.

" E. Gilson, Introduction à l'étude de saint Augustin, Paris, 1987 (1921"), p. 208.

4

i

'

E

?? E. See Watson, Achille Bocchi, p. 29-30 ; 123 (sans mention des sources gréco-latines) ; 127. Sur le Sicilien Camillo Renato, alias Paulo Ricci

ou Lisia Fileno, voir A. Rotondoó, « Per la storia dell'eresia a Bologna nel secolo xvi », Rinascimento, n. s., 2, 1962, p. 107-154, en particulier

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

(en particulier les fils de Giulio Danesi, Ottavio, Angelo et Ludovico) et, outre avec Bocchi, il entretint des relations amicales avec Cornelio Lambertini, Alessandro Manzuoli et Francesco ou Marcantonio Bolognetti?"', Bocchi se serait porté garant de lui, avec Cornelio Lambertini et Alessandro Manzuoli, lors d'un premier procés contre un frére augustin à Bologne pour lui éviter une accusation d'hérésie"". Le séjour bolonais de Renato fut marqué par la rédaction d'un recueil de dix-sept Carmina, dont certains ont été dédiés à ses jeunes éléves. Dans ses vers, il joue souvent le róle du précepteur chargé par les parents de redresser les torts de leur enfant, par exemple dans la piéce adressée à Lodovico Danesi (Carm., 4, ad Lodouicum), oü il invite le jeune homme

renoncer à la relation amoureuse excessive qu'il entretient avec une catella. Mais, comme l'avait déjà remarqué

à

E. See Watson??, Renato évoque de maniére ambigué son affection pour ses protégés, par exemple à Ottavio Danesi (Carm., 5, 10, t. I, p. 14 Rotondoó : ante alios, fateor, tu mihi carus eris, « je te chérirai, oui, je le confesse,

plus que tous les autres) ou dans la piéce oà Renato évoque un puer sordidulus, « un petit coquin » (Carm., s, p: 15-16), visiblement un jeune garcon plus beau qu'Hyacinthe et Ganymede (v. 6-7), mais qui a la langue effrontée et bien pendue (v. 23 : Licentiosis utitur uerbis). À la fin de la piece, Renato souhaite ne jamais en tomber amoureux (v. 29 : Amare nunquam optem, sequi numquam

hunc iuuet), et il invoque Jupiter, Vénus et

Cupidon d'exaucer son vceu d'étre délivré des tourments de la passion (v. 31-32 : Cupido[que]/ Molestiis me his

liberet) et de ne pas en perdre la téte (v. 33-34 : ac dura supplex fata deprecor mihi/ Nulla auferat mentem dies). Le

terme sordidus lui sert également à qualifier un puer qui ne lui rend pas son affection et qu'il menace de délaisser (Carm., 10, p. 18-19, v. 21-22 : Illiberalem, sordidum ille [i. e. Philaenus] negligit/ Et non amantem non amat). Le

mot apparait également deux fois dans une seconde piéce dédiée à Ottavio Danesi, dont Renato souligne l'ingratitude à son égard (Carm., 12, p. 19-20, v. 1-2 : Te quis, Octaui puer, esse dicat/ Sordidum aut numquam mihi liberalem ; v. 17-18 : Inter aequales amo singularem/ Sordidos odi pueros). Nous ne partageons pas tout à fait l'avis d'Elizabeth See Watson qui voit dans ce terme la marque de mceurs homosexuelles : le mot désigne celui qui est « avare » d'affection et ne répond pas aux sollicitations celui qui l'aime (amantem, Carm., 12, 4). L'amour « pédérastique » du précepteur nous semble étre ici plutót une posture littéraire, inspirée par le Socrate des dialogues de Platon, dans la mesure oü il favorise une initiation intellectuelle. Aprés 1555, date de publication du recueil d'emblémes, d'autres démélés avec Pirro suivront, qui semblent en

quelque sorte confirmer les inquiétudes qui affleurent sous la plume de l'emblématiste dans ce Symb. 59 et,

surtout, dans le Symb. 147, consacré au démon personnel et dédié lui aussi à Pirro Bocchi. En 1556, Pirro est

accusé de complicité dans le meurtre du patricien Achille Volteius, perpétré par le fils du sénateur Gaspare Bargellini et doit fuir Bologne. Précisons que ces faits sont consignés dans une lettre, postérieure au recueil d'emblémes, que Bocchi adresse le 31 aoüt 1556 à Tamàs Nadasdy (voir, en annexe de notre étude à l'embléme

147, l'édition et la traduction de ce document inédit), dans laquelle il recommande au gentilhomme hongrois de

veiller sur son fils qui, aprés les déboires de l'affaire Bargellini, semble abandonné de son bon génie et de ses conseils avisés (suadente genio, dit la lettre). Pirro se rendra effectivement en Hongrie dés 1556, ce qui posera quelques problémes par la suite dans la mesure oü, aprés la mort de son pére en 1562, le Sénat lui avait confié la mission de continuer l' Historia Bononiensis commencée par Achille Bocchi?^,

Le motif du miroir rattache cet embléme au suivant, le Symb. 60?^, où il n'est plus question de se regarder soiméme pour se connaitre, mais de faire de son cceur, organe de la foi, un miroir qui incendie le coeur des autres en y portant la flamme de la charité, et l'objet d'un sacrifice d'humilité à Dieu. On remarquera le contraste entre les

deux miroirs sur les gravures: le miroir philosophique et socratique est rectangulaire, celui du coeur est circulaire. Le théme de l'auto-réflexion et du nosce te ipsum rapproche également cet embléme du Symb. 3, oü il n'est pas question de miroir, certes, mais d'un autoportrait socratique (voir notre analyse à cet embléme pour la distinction entre « stade du miroir » et « stade du portrait »). La composition de la gravure est particuliérement travaillée. La scéne se déroule à l'intérieur d'un palais ou d'une demeure aristocratique. Sur la droite, un personnage identifié par une inscription comme Socrate, et qui ressemble à Bocchi (sur cette ressemblance voir nos analyses aux Symb. 2 et 3), est assis sur un cube et fait face

au $pectateur qu'il regarde. Il lui présente, en le tenant à deux mains, un miroir inséré dans un cadre rectangulaire : pour qu'on ne confonde pas l'objet avec un tableau, la plaque réfléchissante a été partiellement sortie du cadre. Le miroir constitue le centre de l'image. À gauche, de profil, un jeune garcon se penche pour soutenir, lui aussi des deux mains, le miroir qui lui est destiné et il tourne vers lui son visage. Mais seule une

ombre apparait sur la surface dure oü le graveur a figuré les miroitements sous forme de lignes courbes. Les mains des deux personnages se touchent, ainsi que l'un de leurs pieds, pour figurer sans doute la proximité affective et familiale qui les unit : maitre et éléve selon la premiere épigramme ; pére et fils selon la seconde. Sur le grand mur qui se détache derriére le jeune garcon, Bonasone a figuré une vaste niche, ornée d'un riche

encadrement architecturé, à l'instar d'un portail, et protégé par une tenture qui se souléve de maniére à épouser graphiquement le dos courbé du jeune garcon. Il s'agit probablement de suggérer par cette chapelle qu'en se regardant dans le miroir, et en apprenant ainsi à se connaítre lui-méme, le jeune homme va découvrir la nature divine de sa mens, qui, comme le rappelle Cicéron (Leg, 1, 22, 58) ressemble à la statue d'un dieu dans la cella

d'un temple. Sur la droite de l'image (et donc à la gauche de Socrate qui nous fait face), on apercoit une table de travail qui supporte des ouvrages et un encrier oü trempe une plume. L'interprétation de ces symboles est ambigué : inscrits graphiquement au flanc gauche de Socrate, ils signifient qu'à la vieillesse conviennent des táches méditatives et intelle&uelles. Mais, contrebalangant la présence du miroir au flanc droit de Socrate, ils peuvent également donner un contenu aux recommandations socratiques de se regarder dans un speculum : ils sont les instruments de l'instruction et s'adressent dans ce cas-là au jeune homme et au spectateur. On remarquera d'ailleurs que la ligne de fuite constituée par le grand cóté de la table de travail est exactement parallele à celle que constitue l'assise au sol de l'immense galerie voütée et à colonnes qui s'ouvre en arriére-pan sur la droite de l'image et dont on n'apergoit qu'une partie. La table semble littéralement aspirée visuellement vers l'extérieur. C'est la deuxiéme partie de la lecon du miroir pour le jeune homme : aprés les travaux de l'esprit, il faut accepter la mise à l'épreuve des forces et du courage dans des travaux qui emportent à l'extérieur, qu'il s'agisse d'opérations militaires ou de voyages pour partir à la découverte du monde. Ce que fera Pirro Bocchi en

se rendant en Hongrie.

P.197.1371 G. H. Williams, « Camillo Renato (ca 1500 ?- 1575) » ín J. A. Tedeschi (dir.), Italian Reformation Studies in Honor of Laelius Socinus, Florence, 1965, p. 103-183 ; Simona Calvani, « Camillo Renato », dans A. Séguenny, J. Rott (éd.), Bibliotheca dissidentium. Répertoire

des non-conformistes religieux des seiziéme et dix-septiéme siécles, t. IV, Baden, Baden, 1984, P. 155-190 ; G. Dall'Olio, Eretici e inquisitori nella Bologna del Cinquecento, Bologne, 1999, p. 101-110

?' G. Dall'Olio, Eretici e inquisitori, p. 107.

Les trois noms sont mentionnés dans l' Apologia Lysiae Philaeni Pauli Ricci Siculi Ferrariae nomine haereseos detenti imperante Hercule II duce

IIII, que Renato rédigea en 1540 (f" 44v^), édité par A. Rotondó dans Camillo Renato, Opere. Documenti e testimonianze, Florence/ Chicago

(Corpus Reformatorum Italicorum, 1 ), 1968, p. 85,1. 1721-1722. ?? E. See Watson, Achille Bocchi, p. 30. Wei a i : DM Voir G. Raveira-Aira, « Achille Bocchi e la sua Historia BononiensisAcn », Studi e memorie per la storia dell'Università di Bologna, 20, 1942, p. 59112 et E. See Watson, Achille Bocchi, p. 53. Pirro envoie son travail en 1564 mais le Sénat veut le voir rentrer s'il veut toucher sa rémunération.

Pirro demeure en Hongrie mais continue une correspondance avec le Sénat jusqu'en 1568, date à laquelle Carlo Sigonio est appointé pour prendre la reléve.

316

"5 Cette parenté a déjà été relevée par E. See Watson, Achille Bocchi, p. 94.

317

Traduction, annotation, commentasre — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Symb. 60

Gravure :

LES MIROIRS CONCAVES CONCENTRENT LES RAYONS DE SOLEIL

Sur l'image:

— Vénére toujours Dieu et tu réussiras dans toutes tes entreprises

— Un cceur qui s'est humilié est une offrande à Dieu

UNE AME PURE QUI HONORE DIEU SE MET À AIMER ET EMBRASE AUSSITÓT LES AUTRES HOMMES DU FEU DE L'AMOUR DIVIN Les miroirs, s'ils sont concaves et sans défaut, s'embrasent

Sous les flammes ardentes de Phébus ignifére. En placant de l'étoupe en face, on l'allume aisément. Ainsi, qui regoit Dieu avec une áme simple,

s Etvoue de plein gré à la Foi le secret sanctuaire

De son cceur, se voit consumé d'un feu céleste

Qui permet à autrui de brüler d'un amour divin, Heureux d'étre bientót aux royaumes des dieux . AUTRE VERSION D'UN AUTEUR DONT L'IDENTITÉ N'EST PAS SÜRE

Les corps creux du miroir s'embrasent là oü leur surface Pure renvoie l'éclat au soleil ignifère. En ajoutant du bois, on allume aisément un feu Que, d'un seul brandon, on divise entre plusieurs.

Ainsi, celui qui recoit Dieu au fond d'une àme pure,

Coeur battant, s'embrase aussitót de feux célestes,

Qui font que d'autres puis d'autres, enflammés par l'amour Divin brüálent puis gagnent les temples célestes.

MÉTRIQUE

Dans les deux poémes : distiques élégiaques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS — La gravure et son titre, privés du poéme, ont été renvoyés, parmi d'autres, au début de S avec le numéro 53. Ce qui prouve à nouveau un important travail de remaniement de l'ordre des piéces, avec un nouveau tirage de la gravure pour le f 61v. - carm 2 : $ témoigne d'un doute sur l'auteur du second poéme, attribué dans un premier temps au dédicataire lui-méme, Marcello Cervini, poéte à ses heures, avant que cette paternité ne soit biffée. - Bocchi fait allusion à l'appui que lui a offert Marcello Cervini dans une des Lettres de Bocchi à Romolo Amaseo (Milan, Bib. Ambr., ms D 145 inf, f° 551?) datée de mai 1547 :

318

diuinae bonitatis auxilio gratiam

apud Marcellum

Card. S. Crucis iniui. Vir est incomparabili benignitate,

huius authoritatem nobis praesidio fore.

À MARCELLO CERVINI, TRÉS ILLUSTRE CARDINAL DE LA SAINTE CROIX

5

lam

prudentia, integritate, qua ego mire fretus cum eo de uacatione mea egi, simul de exaedificatione domus nonnihil. Spero

NorES - in pict. 1 : - Ac] om. Jákel (Menandri Sententiae, Leipzig, 1964) et alii. - oéfe] céov Jákel et al. - ded. pict. : Marcello Ceruino] Il s'agit de Marcello Cervini (1501-1555), qui deviendra le pape Marcel II le 10 avril 1555, date à laquelle il succédera pour un mois à Jules III (mort le 23 mars 1555). Aprés de solides études

classiques, en patristique, en théologie, en grec et en latin, le pape Paul III le nomme Scriptor à la Bibliothéque Vaticane en 1535, ainsi que précepteur de ses petits-fils, les jeunes Ranuccio et Alexandre Farnése. Nommé protonotaire apostolique, puis nonce, il est fait ensuite évéque de Nicastro en Calabre puis de Reggio-Emilia. En décembre 1539, il est élu cardinal-prétre de la Sainte-Croix de Jérusalem (ce qui permet de donner un terminus

post quem à la dédicace de l'embléme, sinon à la rédaction de l'embléme lui-méme). Il s'est illustré entre 1540 et 1544 comme légat pontifical auprés de Francois I* et Charles Quint. En 1545, aux cótés de Reginald Pole et du

Cardinal Del Monte, le futur pape Jules III, il participe aux travaux du Concile de Trente, où il peut montrer la mesure de ses talents diplomatiques et canonistes. Jules III le nomme cardinal-bibliothécaire à la Vaticane, qu'il dotera d'un important fonds d'imprimés et de manuscrits, en particulier grecs, et il entre dans la Congrégation du Saint-Office en 1552. Il entretint des relations avec Ignace de Loyola, Bernardino Maffei, Onofrio Panvinio et

on compte, parmi ses correspondants, bien des noms illustres comme Jacques Sadolet, Angelo Colocci, Pietro Bembo, Gaspare Contarini. Il n'était pas hostile à certaines réformes et, dés son élection au pontificat, il prend des décisions pour régenter les mceurs de la Curie, régler les Conclaves, Signatures et Consistoires, et on lui doit une bulle qui impose les réguliers. Rappelons que c'est pour son élection que Palestrina écrivit la Messe du pape Marcel, qui ne fut publiée qu'en 1 56775. La dédicace ne peut étre antérieure à 1539, date à laquelle le futur pape

Marcel II recoit la pourpre cardinalice. Il es possible que l'embléme soit contemporain de la lettre à Amaseo datée de mai 1547 citée supra.

L'embléme, articulé autour du miroir, fait pendant au précédent (Symb. 59) qui s'intéresse au méme objet. On

rapprochera également ce motif du Symb. 5o, oü la vérité qui nait de la discussion est comparée à un flambeau où chacun vient tirer une étincelle pour allumer sa propre lampe : le feu qui se communique maintient la paix et la discussion entre les hommes. À cause du dispositif technique mis en ceuvre gráce au miroir, cet embléme peut aussi étre mis en relation avec le Symb. 111 et de la devise du pape Clément VII, où la boule de cristal concentrant les rayons se fait symbole de son candor illaesus. Ce type de comparaison rappelle les Parabole ou Similitudines d'Érasme. Le texte se présente sous forme de deux courtes piéces en distiques élégiaques qui reprennent chacune à leur tour le méme motif, la comparaison entre l'expérience scientifique du miroir concave exposé au soleil et qui met

le feu à de l'étoupe interposée, et l'expérience mystique de l'amoureux de Dieu qui communique son sentiment et contribue à enflammer les esprits qui se trouvent autour de lui.

Les deux poémes bocchiens — dont le second est probablement de la main méme de Cervini — mettent l'accent sur les mémes éléments, avec des tournures remarquablement proches :

II », Dictionnaire de 7$ Pour de plus amples détails biographiques, voir M. Palma, « Cervini », in DBI, t. XXIV, 1980, p. 111-115; Id. « Marcel de Charles Quint en 1540, la Papauté, Paris, p. 1088-1089. Sur sa politique, voir M. Dykmans, « Quatre lettres de Marcel Cervini, cardinal-légat

Archivium Historiae Pontificae, 29, 1991,

113-171; W. V. Hudon, Marcello Cervini and Ecclesiastical Government in Tridentine Italy, DeKalb (Ill),

», Mélanges d'Archéologie 1992. Sur ses activités éditoriales, voir L. Dorez, « Le cardinal Marcello Cervini et l'imprimerie à Rome (1539-1550)

p. 383-413. Sur sa et d'Histoire, 12, 1982, p. 289-313 ; P. Paschini, « Un cardinale editore », Miscellanea in onore di Luigi Ferrari, Florence, 1952, L'humanisme et (dir.), Gilli P. dans » Vettori Piero et Cervini Marcello culture classique, voir R. Mouren, « La lecture assidue des classiques. 433-463. p. 2004, Rome, méridionale), France et (Italie siécle l'église du XV' siécle au milieu du Xvr

319

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

(Igniferi — le miroir concave (specularia concaua, speculi caua corpora) et lisse (puraque; puro orbe), le soleil

La réflexion spéculaire est le symbole du devoir apostolique, qui accomplit médiatement la volonté divine en

- l'interposition d'un matériau inflammable (oppositus fomes ; iniecta taeda) qui prend feu sans aucune difficulté

métaphore néoplatonicienne de l'incendie (ignescunt diuino prorsus amore; diuino prorsus amore/ Succensi ignescunt). La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Prospero Fontana"? (Fig. 1), traduit fidélement les métaphores et comparaisons du texte, à valeur poétique et didactique, d'oü un effet d'ensemble involontairement cocasse.

Phobi ; igniferum ad solem), l'incendie (flammas concipiunt dans les deux textes) ; (facili comprehenditur igne ; facile comprenditur ignis) ;

- l'interposition d'un matériau inflammable (oppositus fomes ; iniecta taeda) qui prend feu sans aucune difficulté (facili comprehenditur igne ; facile comprenditur ignis) — l'adverbe comparatif (sic dans les deux textes) ; -]a pureté de l'àme (mente simpliciore; mente pura) de celui qui accueille Dieu (Deum capit dans les deux textes) ; — le feu de nature expressément divine (igni carpitur etherio ; flammas concipit aethereas) qui se déclare dans le

ceuvrant par la caritas sen faveur du Christ. Là oü Paul ajoute une métaphore olfactive"*, Bocchi file la

cceur (arcana... penetralia cordis ; ilicet intus/ Corde micans)

— ]a communication à d'autres (alii ignescunt ; alii atque alii... succensi ignescant) de ce métaphorique incendie de nature spirituelle (diuino prorsus amore dans les deux textes), qui conduit à l'extase et à la contemplation du

divin (superum regna beata tenent ; templa summa petant).

Cette utilisation parabolique d'une comparaison à caractere technique pour décrire l'action de la Vérité et de l'Amour au sens mystique et philosophique est fréquemment repérable chez Marsile Ficin, qui prend, lui aussi, l'exemple du miroir qui réfléchit la lumiére du Soleil, c'est-à-dire du Verum et Bonum platoniciens. Nous

renvoyons à deux passages dans notre apparat des sources ( Theol. plat., 6, 2 et 8, 3) :

[...] tout comme les rayons du soleil recueillis au centre d'un miroir concave en cuivre acquiérent tant de force

que leur réflexion embrase aussitót et consume les corps les plus résistants.

Quand on présente un miroir face au soleil, la lumiere se réfléchit immédiatement sur le miroir et si l'on en approche de la laine, dés qu'elle est convenablement exposée, elle prend feu. C'est pourquoi et un éclat subit jaillit

sur le miroir et un feu subit enflamme la laine. Il n'en va pas autrement de l'éclat de la vérité : il jaillit soudain dans l'intellect, puis c'est l'embrasement soudain dans l'appétit.

Fig. 1 > P. FONTANA, Dessin

préparatoire pour le Symb. 60 de

Mais au-delà de la référence philosophique, les épigrammes contribuent à mettre en valeur jusqu'au ressassement un organe privilégié de la conversion religieuse évangélique : le cor ou la mens (on se reportera dans cette perspective au Symb. 64). Il s'agit de la faculté mystique par excellence, où l'homme entre en contact avec la divinité. Dans la premiere épigramme,

Bocchi (12,2 x 9,1 cm), plume et encre brune sur papier, Londres, British Museum.

outre le caractere intérieur, secret et caché du coeur (arcana,

penetralia cordis), Bocchi ajoute l'idée que le coeur est un espace consacré (dedicat, penetralia, qui veut dire

également « sanctuaire »), qu'il est animé par la foi (fidi cordis) selon une libre adhésion (libens). Cette idée du cceur comme femplum oà se livre le culte secret de la Foi renvoie à la supériorité de la religion spirituelle confiée aux Apótres, qui rend caduques les manifestations extérieures de la piété pharisaique et mosaique au profit d'un

seul commandement de la Loi : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton àme, de tout

ton esprit » (VVLG., Deut. 6, s). L'ignis aetherius, qui vient récompenser cette piété invisible et sincere, signifie, par métaphore, la flamme de l'Esprit Saint qui vient habiter l'étre et signaler qu'il est justifié. Or le motif du miroir, qui réfléchit la lumiere qu'il recoit, entre lui-méme dans une dialectique complexe de l'infériorité de la chair et de l'exaltation de l'esprit que l'on voit à l'oeuvre chez Paul. Ainsi, au voile que Moise met sur son visage pour dissimuler aux Juifs la gloire divine, Paul oppose le miroir du visage des apótres qui réfléchit la gloire du Christ, miroir qui se confond avec l'image qu'il refléte au point que les apótres eux-mémes deviennent images du Christ. Voile et miroir sont également les emblémes, l'un de l'Ancien-Testament qui annonce le Christ de maniere cryptée, l'autre du

Nouveau Testament qui le révéle et en répand la nouvelle?"

EA bón 2 Cor., 3, 12-18 : « Oui, jusqu'à ce jour, toutes les fois qu'on lit Moise, un voile est posé sur leur cceur, C'est quand on se convertit au Seigneur que le voile est enlevé. Car le Seigneur, c'est lEsprit, et oà est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. Et nous tous qui, le visage découvert,

320

L'image propose deux scenes paralléles. À gauche, au premier plan, un premier groupe de cinq s'inscrit dans un triangle dont le sommet principal, orienté vers la droite, s'inscrit exactement sur flambeau que tient à bout de bras une jeune femme. Le groupe se rassemble autour d'un immense posé sur une souche d'arbre, qui occupe le cóté gauche de l'image, et recoit les rayons du soleil qui

personnages la flamme du miroir ovale brille dans le

qui, debout, coin supérieur droit de la gravure. Chacun des personnages, agenouillé, à l'exception de celui

L'un d'eux maintient le miroir du bras droit, a les yeux fixés sur l'objet et exhibe un brandon enflammé. que c'est la maintient le sien tout contre la surface du miroir oü il se refléte, afin que le lecteur comprenne bien

te du miroir, la réflexion lumineuse qui a enflammé les tisons. De maniére ingénieuse, sur la surface réfléchissan

premier plan, comme flamme du brandon vient se pose sur le reflet de la téte du personnage agenouillé de dos au

image, allant de gloire en gloire, comme de par le réfléchissons comme en un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en cette méme Seigneur, qui est Esprit »

en

qui, par nous, répand 78 VvtG.. 2 Cor. 2, 14-18 : « Gráces soient à Dieu qui, dans le Christ, nous emméne sans cesse dans son triomphe et sauvent et parmi ceux se qui ceux parmi tous lieux le parfum de sa connaissance. Car nous sommes bi en, pour Dieu, la bonne odeur du Christ qui se perdent ». 1650, Londres, 1983, n? 106, p. 78 (Plate ?? N° d'inventaire : 1980-1-26-109.Voir J. A. Gere, P. Pouncey, Artisls working in Rome, c. 1540 to c. 98), et le catalogue de la vente Sotheby's de Londres de juillet 1972, lot 23, p. 18, n° 36.

321

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

l'infusion de l'Esprit aa moment de la Pentecóte. Tombant du ciel, maintenue par une chaine, un cartel porte la citation de Ménandre (Sent. 321, voir apparat des sources).

Symb. 61 Gravure :

Au second plan, une foule plus dense et en mouvement se dirige vers la droite de l'image, occupée par un autel oü se consume un sacrifice et oü se lit l'inscription tirée des Psaumes (50, 19, 1-2, voir apparat des sources). Chaque fidéle de ce second groupe arbore un cceur entre ses mains, parfois à bout de bras, comme une offrande. Il s'agit de leur propre cceur, ainsi que le laisse entendre la figurante au centre qui l'extrait de sa poitrine. La ligne horizontale de l'angle formé par les bras qui s'élévent est relayée par l'extrémité de la table de l'autel. Entre les flammes de l'autel, on apergoit un coeur, maniere habile de représenter l'idée du « sacrifice du coeur » dont

IL N'Y A QU'UNE VÉRITÉ À VOIR EN TOUT *

parlait Lactance’®°, c'est-à-dire le culte intérieur de la foi.

UNE FOIS LES OPINIONS ASSOUPIES, IL FAUT FERMEMENT MAINTENIR LA VÉRITÉ CAPTIVE

Ainsi, dans l'ensemble que forment le texte et l'image, c'est tout un circuit spirituel de conversion qui est énoncé par la concaténation des symboles évangéliques. Adressé à Marcello Cervini, l'embléme n'est pas sans

PROTÉE

ambiguité : les qualités missionnaires de Cervini sont-elles acquises, Bocchi se contentant d'aller dans le sens d'une certaine tendance réformiste de son dédicataire ? Ou bien, au contraire, ces qualités sont-elles à venir, les

Sous quels traits, merveilleux Protée, te représente-t-on,

louanges de Bocchi sonnant alors comme une sorte d'exhortation et d'avertissement ? Par sa personnalité, Cervini laisse lui-méme transparaitre cette ambivalence, partagé qu'il est entre des sympathies réformistes, avec Contarini ou Sadolet, et l'intransigeance doctrinale des conciliaires, dont il se fait le héraut : Bocchi n'agit donc

pas inconsidérément en tentant d'encourager celui qui n'est encore que cardinal dans une direction à laquelle, sans répugner fondamentalement, il n'adhére visiblement pas sans réserve.

À LA VÉNÉRABLE RENÉE, TRÉS NOBLE DUCHESSE DE FERRARE ET D'ORLÉANS, FILLE DE LOUIS XII, ROI DE FRANCE

5

Si tu prends toutes les formes et si, bien que le méme, On ne peut pourtant pas te voir à toi-méme identique ? Rocher, eau fuyante, flamme dont les reflets scintillent, Arbre touffu ou figures d'animaux différents,

Cela ne me plaít point ; tu dois maintenant m apparaitre Comme au pátre Aristée, quand il serra tes liens. Ne retiens pas tes oracles, réclamés dans le doute. Protée est-il autre chose que l'image du Vrai 10 Quise métamorphose en tous les prodiges du monde ?

C'est aussi, de l'homme intérieur, la forme aux traits divins

Que raillent les apparences et l'opinion trompeuse. Voici des erreurs l'antre immense, oü l'aveugle plaisir Tiraille les sens insensés entre désirs contraires. 15 Tu dois tendre tout ton esprit pour tenir fermement Le Vrai, fait prisonnier gráce à la subtile raison.

Dés qu'à la faveur du sommeil, s'offrira l'occasion, Quand les phoques libidineux s'étendront sur le bord,

Et qu'au repos l'ancien livrera son corps épuisé, 20 Alors, passe au captif les chaines d'une foi sincére, Puis attends que sa fourberie n'ait plus moyen de fuir, Et qu'il retrouve enfin sa véritable forme : d'homme.

MéTRIQUE

Hexametres dactyliques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

i

|

)

-

permutés par rapport à $, qui avait Mois 1555 et 1574 montrent que titre de la gravure et titre du poème ont été

rem definiendam esse hinc en outre, sous le titre Vnam uidendam ueritatem in omnibus, les mots suivants : totamque de cette substitution parait assez clair. uide, « de là, constate qu'il faut définir l'ensemble du sujet ». L'objectif , placé au-dessus de la gravure dans le Le motto le plus métaphorique (Opinionibus sopitis... capta ueritas) du discours plaftique de manuscrit, voyait son potentiel iconique amoindri et rendu inutile par la présence ; , il ' imprimée du texte dans la version redouble les traits saillants. En revanche, situé a u-dessus l'image dont il

980 EP ; 53, 4: : Hoc est sacrificium. ifici uerum non quod ex arca sed quod ex corde profertur, non quod manu, sed quod mente libatur, hac atceptabli is ietiba est quam de se ipso animus immolauit, « Le véritable sacrifice n'est pas celui qui vient de l'arche mais du cceur, non pas celui

qui est accompli de là main mais dans l'áme. La victime que Dieu peut accepter, c'est la part que l'esprit aura prélevée sur lui-méme ».

323.

ue. Tout d'abord, il condense épouse et souligne plus nettement les deux étapes du poéme emblématiq

: sopitis donne la vision de Protée visuellement l'objet ou l'épisode à représenter (précisé par le titulus Proteus) ses phoques ; tenenda et capte abandonnant ses métamorphoses pour céder au sommeil en méme temps que er. De l'autre, il en révele déjà la renvoient aux deux gestes d'Aristée qui ligote puis maintient Protée prisonni 323

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

teneur symbolique : les figures animales qu'imite Protée et les phoques sont les opiniones ; la forme humaine que reprend Protée ligoté devient la ueritas. De la méme maniére, le motto placé au-dessus du texte dans le manuscrit

(Vnam uidendam... omnibus), plus abstrait et moins métaphorique (à part peut-étre pour uidendam qui relaie le

jeu de regard entre Protée et Aristée sur la gravure), acquiert au-dessus de la gravure de la version imprimée une capacité généralisante proprement aphoristique qui subsume les détails visuels d'un mythe précis dans une approche allégorique synthétique. L'expression du motto constitue un récapitulatif du statut scientifique de l'interprétation allégorique en général, qui, au-delà de l'extréme variété des mythes paiens, est toujours en quéte d'une seule ueritas, la vérité chrétienne. L'histoire de Protée dont la vraie nature est révélée par les liens quAristée lui passent devient alors une sorte d'archétype de l'exégése des mythes. Un tel témoignage annule en tout cas toute tentative d'enfermer l'embléme bocchien dans la trés sclérosante forme de l'emblema triplex (inscriptio, subscriptio, imago)?" , modele qui ne fait aucune place aux dédicaces, si importantes chez Bocchi. Il montre au contraire que le sens circule librement entre l'épigramme et l'image et que, loin d'étre en position de sujétion l'une par rapport à l'autre, ces deux formes spécifiques de langage iconique sont congues comme deux vecteurs distincts bien que complémentaires d'une méme idée symbolique dont ils peuvent, chacun à leur maniere, souligner des aspects différents. NorEs

- V. 11-12 : diuini hominis forma interioris] L'homme intérieur ou spirituel, à l'image de la divinité, s'oppose à l'homme extérieur et corporel, Érasme, dans l'Enchiridion militis Christiani oppose la stabilité de l'homme

intérieur à la versatilité de l'homme extérieur ballotté par les passions gráce à l'image du Protée virgilien?**,

- v. 12 : illudunt uariae facies] Cette idée des images qui trompent et altérent gravement la vérité, est utilisée par AVG., Acad., 3, 6, 13 (avec le terme illudere) à propos de Protée comme persona ueritatis (cf. v. 9)?95. - V. 13 : specus ingens] La formule specus errorum rappelle l'utilisation que fait Érasme du mythe de la caverne

platonicienne (Rsp. 7, 514a sq.) dans l'Encomium Moriae, 66°

. Érasme distingue ici l'homme pieux,

uniquement préoccupé de réalités spirituelles, de l'homme atteint de folie, uniquement attentif aux biens matériels. Le premier évoque le sage platonicien qui revient ébloui de sa contemplation dans la caverne, tandis que le second s'apparente au prisonnier enchainé, condamné à voir les ombres sur les murs et à les prendre pour les réalités elles-mémes.

%1 C'est malheureusement encore l'attitude de A. M. Fioravanti Baraldi, « Il simbolo di Renata di Francia nelle Symbolicae Quaestiones di

Achille Bocchi », in A. Samaritani (dir.), L'Aquila bianca : studi di storia estense per Luciano Chiappini, 2000, p. 313-329, en particulier p. 317 : z ... è il simbolo LXI per la duchessa di Ferrare, costituito, come tutti i simboli bocchiani, di tre elementi : il lemma, l'epigramme e l'imagine ».

”? Nous récusons l'opinion encore largement répandue selon laquelle l'épigramme commenterait la gravure ou résoudrait l'énigme soulevée par la conjonction des deux motti ou tituli.

%3 Sur les sources philosophiques et pauliniennes de cette conception, voir J. Pépin, Idées grecques sur l'homme et sur Dieu, Paris, 1971 et P. Courcelle, « Connais-toi toi-méme », de Socrate à Saint-Bernard, Paris, 1974. 4 Voir en particulier le ch. s, De homine interiore et exteriore et de duabus partibus hominis ex litteris sacris, $ so-s1 Holborn : Interim dum uehementibus perturbationibus aestuat animus, tu modis omnibus preme, urge, immine ac Proteum istum tuum uinclis dtringe tenacibus, dum "Omnia

transformat sese in miracula rerum,/ Ignemque horribilemque feram fluuiumque liquentem" [- VERG., Georg., 4, 440-442], donec in natiuam speciem redeat. Quid autem tam Proteus quam affectus et cupiditates stultorum, quae cum eos nunc in beluinam libidinem, nunc in iram ferinam, nunc in uenenatam inuidiam, nunc in alia atque alia uitiorum portenta trahunt, nonne pulchre quadrat, quod eruditissimus poeta dixit : "Tum uariae illudent species atque ora ferarum./ Fiet enim subito sus horridus atraque tigris/ Squamosusque draco et fulua ceruice leaena,/ Aut acrem flammae sonum dabit" [= VERG., Georg., 4, 406-409]. Hic uero memento, quod sequitur : "Sed quanto ille magis formas se uertet in omnes,/ Tanto, nate, magis contende tenacía uincla" [* VERG., Georg., 4, 411-412].

?55 [Personam] quam obtinere nemo potest, si falsis imagi. nibus deceptus comprehensioni s nodos uel laxauerit uel dimiserit. Sunt enim istae imagines quae consuetudine rerum corporalium per islos quibus ad necessaria huius uitae utimur sensus, non etiam cum ueritas tenetur et quasi habetur in manibus, decipere atque illudere molliuntur.

*** taque solet iis usu uenire, quod iuxta Platonicum figmentum, opinor, accidere iis qui in specu uinci rerum umbras mirantur, et fugitiuo illi qui reuersus in antrum, ueras res

uidisse se praedicat, illos longe falli, qui praeter miseras umbras nihil aliud esse credant. Etenim sapiens hic commiseratur, ac deplorat illorum insaniam qui tanto errore teneantur. Illi uicissim illum ueluti delirantem rident, atque eiiciunt. Itidem uulgus hominum ea quae maxime corporea sunt, maxime miratur,

eaque prope sola putat esse. Contra pii, quo quidquam propius accedit ad corpus, hoc magis negligunt, totique ad inuisibili, um rfrum contemplationem í 7 idi primas pri : E i mg Nam isti partes tribuunt diuitiis, proximas corporis commodis, postremas animo relinquunt quem tamen plerique nec esse credunt, quia non cernatur oculis.

324

- v. 20 : syncerae] L'expression, fréquente chez Tite-Live (cf. par exemple 29, 4, 8 ; 29, 37, 10 ; 36, 35, 8 5 37, 11, 25 40, 34, 10, etc) est orthographiée dans les éditions comme dans les manuscrits avec un -y-: syncerae. Cette

graphie inexacte est cependant riche d'enseignement. Elle évoque en particulier le préverbe grec syn- qui insiste sur l'union et l'association. Or une foi sincere est justement celle qui lie sans réserve ni duplicité ceux qui la

contractent. À l'époque humaniste, Jean-Louis Charlet nous suggére pour ce terme une référence à Valla (Eleg.,

6, 37) età Perotti (Cornu copia, 3, 303-304 et 307). ANALYSE

1. Échos virgiliens Dans une étude déjà parue oü nous avons mis en relation l'utilisation du mythe de Protée dans l'emblématique

de la Renaissance, en particulier chez André Alciat et chez Achille Bocchi?", nous avions montré que Alciat

utilisait la figure de Protée, le « vieillard de la mer », symbole de la vieillesse, des talents prophétiques et de la capacité de métamorphoses, pour vilipender les fantasmagories et les élucubrations de ses contemporains, prisonniers de leur imagination et incapables de s'atteler à la tàche de reconstitution du passé gráce à la connaissance croisée de l'histoire ancienne, du droit, de la littérature et de la philologie"*. La version alciatique du mythe renvoie implicitement à la quatrieme Géorgique de Virgile (v. 387-528), oü le vieillard de Palléne renseigne le berger Aristée, fils de la Néréide Cyréné, sur les raisons de la perte de ses abeilles, sur la colere

d'Orphée et sur les préceptes de la bougonie. Dans les coulisses de l'épigramme en effet, l'emblématiste, sous les traits d'Aristée, aidé par Cyréné, allégorie de la Ratio ou de la Sapientia, suggére discrétement qu'il est celui qui

redonne à Protée ses traits humains. Ni la Néréide ni son fils, bien qu'en permanence à l'horizon, ne sont pourtant explicitement mentionnés.

Dans l'épigramme emblématique de Bocchi, l'omniprésence de l'intertexte virgilien pour évoquer Protée. Chez Virgile, la description de Protée s'effectue en deux temps : une premiére fois dans la bouche de Cyréné (v. 386413) ; une seconde fois lors de la geste d'Aristée qui se rend dans l'antre du dieu (v. 417-451). Bocchi utilise habilement cette duplication narrative dans la Géorgique de Virgile non seulement en reprenant des formules qui relient les deux passages antiques, mais en adoptant à son tour une structure oü l'épisode essentiel est redoublé, à quelques variations prés : la scéne oü Aristée passe les liens à Protée apparait en effet deux fois, une fois aux v. 6-8, une fois aux v. 17-22. La séquence des v. 17-22 est plus développée et fait quasiment tableau (on voit le rivage, les phoques endormis, le vieillard épuisé), tout en expliquant pourquoi l'épisode est possible (c'est le sommeil et la fatigue qui rendent Protée vulnérable). Cette construction en miroir est permise pour l'essentiel par les conventions de l'épigramme ecphrastique symbolique. En effet, aprés la description de l'objet, l'interprétation allégorique autorise un nouveau parcours de ses éléments constituants, pour leur attribuer un sens abstrait. Dans le texte de l'embléme, l'interprétation occupe le centre du poéme (v. 9-16) et sépare les deux évocations de l'épisode. Certaines formulations, dans ce cas, peuvent s'appliquer autant au signifiant qu'au signifié (cf. v. 10 : Omnia uertentis sese in miracula rerum qui vaut à la fois pour Protée et pour le Verum) ou glisser imperceptiblement de l'un à l'autre (cf. v. 14: Heic specus errorum). Le propre du sens allégorique est précisément

de conserver une part du caracdtére iconique de l'objet qui le porte. Observons

à présent la

composition du poéme emblématique. L'épigramme s'ouvre sur une apostrophe fictive au dieu et sur les difficultés de le représenter picturalement en raison de ses mutations permanentes (v. 1-3). En insistant sur le caractere insaisissable de cette figure, Bocchi rend hommage à l'embléme d'Alciat, qui établissait le méme constat aux vers 3 et 4 de son épigramme"?., Puis le %7 Voir A, Rolet, « Le Protée d'André Alciat et le Protée d'Achille Bocchi : variations emblématiques, entre philologie et théologie », dans Anne Rolet (éd.), Protée en trompe-l'oeil. Genése et survivances d'un mythe, d'Homére à Bouchardon, Presses Universitaires de Rennes, 2010, P. 429-500.

"5 Dans l'embléme « Antiquissima quaeque commentitia », qui parait pour la premiere fois dans l'édition vénitienne de 1546.

"? Dic age, quae species ratio te uertit in omnes/ Nulla sit ut uario certafigura tibi ?, « Dis-moi quelle raison te fait prendre tous les aspects, / Et tant varier que tu n'as point forme assurée ? ».

325

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d'Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

particuliérement bien représentée par Origene", l'emblématiste fait également de Protée la forme divine de

ambiguité subsiste dans le motto de l'épigramme avec l'expression opinionibus sopitis, qui peut désigner aussi bien les formes animales de Protée que ses phoques. Nous verrons le parti-pris ingénieux que la gravure tire de cette confusion volontaire. Aprés ce tableau assez statique des protagonistes et du décor, l'embléme nous plonge dans une action mouvementée dont chacune des étapes recoit une interprétation allégorique. Les efforts d'Aristée pour s'emparer de Protée, le ligoter et le garder prisonnier sont particuliérement soulignés. Ils deviennent l'image de l'esprit qui se tend à l'extréme, selon une métaphore cicéronienne (v. 15 : adhibenda animi summa est contentio ;

fallax, maitresse d'erreur et de fausseté (v. 11-12). Le lien avec le uerum et la ueritas n'est pas loin, comme le montre le dernier vers du texte (hominis uerissima forma) : l'homme intérieur ou spirituel est l'homo uerus,

raison (c'est-à-dire Cyréné), par ses conseils, a aidé à faire prisonnier (v. 15-16 : Verum/ Gnauiter adprensum ut teneas ratione sagaci). La distinction entre sensus, ratio et animus rappelle curieusement la tripartition

narrateur refuse les métamorphoses traditionnelles de Protée (v. 4-6) et lui enjoint de se montrer sous la forme qu'il avait lorsque le berger Aristée l'a ligoté (v. 6-7), avant de rendre ses oracles (v. 8). Commence ensuite une

analyse des sens allégoriques de Protée, de sa grotte et de son troupeau. Suite à un développement fameux du Contra Academicos d' Augustin qui exploite le róle de devin de Protée, capable de tout savoir", Bocchi présente d'abord Protée comme une imago Veri (ueritas apparait dans les deux motti) qui échappe à la prise de son adversaire en se transformant en prodiges (v. 9-10). Puis, reprenant une tradition anthropologique patristique

l'homme intérieur (diuina hominis forma interioris), que ridiculisent (illudunt) les apparences (facies) et l'opinio

cf. CIC., Tusc., 2, 23, 55, voir apparat des sources), pour pouvoir maintenir le Vrai (c'est-à-dire Protée) que la

entierement représenté par son àme, dans la tradition du Premier Alcibiade de Platon*". Cet homme noétique, tout entier inclus dans le vo?c, est divin puisque la faculté elle-méme est divine. Les chrétiens associent ce propos

psychologique fondamentale instituée par le platonisme et reprise par le christianisme entre corps, áme et esprit. La caverne tout entiére devient une sorte de représentation de l’àme et des forces qui la traversent. Aristée, le meilleur (aristos) incarne ici la faculté psychologique supérieure, celle de l'intelle& (animus). Aidé par la raison, ratio (non nommée, mais implicitement présente dans le mythe, sous les traits de Cyréné), l'esprit-Aristée fait

platonicien à la formule de la Genése 1, 26, « fait à la ressemblance et à l'image de Dieu » (xaz'eixóva kai kat

ópoieotv) pour opposer l'homme terrestre, fait seulement à l'image de Dieu, et l'homme psychique, fait à sa ressemblance'*. Ils rapprochent également l'homme intérieur de Platon à celui de Paul dans 2 Cor., 4, 16. Dans l'embléme, la vérité recherchée qu'incarne Protée redevenu humain est celle de l'homme intérieur et spirituel, c'est-à-dire de l'homme tout court, comme le rappelle Lactance? : animus, id est homo ipse uerus.

Dans cette perspective anthropologique, la grotte oà Protée se métamorphose en figures animales et oü viennent se coucher les phoques devient l'antre des erreurs oü le Plaisir (libido) tiraille les sens dans des directions opposées (v. 12-13). L'association specus/ libido est permise par le qualificatif qu'ils partagent en commun: caeca. L'antre est aveugle car sans lumiére ; le plaisir est aveugle au sens où il rend aveugle celui qui l'éprouve en le privant de discernement. Pour suggérer le désordre et la confusion, le préverbe dis- au vers 13 est renforcé

sémantiquement par l'adjectif contraria, tandis que l'association entre la sifflante -s- et les dentales -d- et -t- crée une parenté phonétique forte entre distrahit, insanos, studia et sensus : la désorganisation est créée par des forces irrationnelles et animales. Il s'agit là encore d'une triple tradition platonicienne : celle qui associe la caverne et l'erreur? ; celle qui fait du corps un lieu obscur qui rappelle le tombeau, selon un jeu célébre sur les paronymes grecs o@ya/ ofjua^^ ; et celle qui assimile la partie inférieure de l'àme, les &xi8óytat. (sensus dans le texte de

l'embléme), à des monstres composites polycéphales comme la Chimére, Scylla ou Cerbére?"". De plus, Platon

précise que, si les monstres occupent la partie inférieure de la vvy9j et si la partie centrale (le 8opoc) est représentée par un lion, en revanche, la partie supérieure (le voüc), qu'Origene identifie à l'homme intérieur,

doit étre imaginée comme... une téte d'homme. Aucune distinction n'est cependant faite par l'emblématiste entre les formes animales fantaisistes que prennent Protée et les bétes bien réelles qui composent son troupeau. La caeca libido du vers 13 est relayée par l'adjectif cupidines utilisé au vers 18 et appliqué aux phoques. La méme

?? AVG., Acad., 3; 6, 13 (voir apparat des sources) : « Car ce Protée devient une image de la Vérité. Oui, c'est bien le róle de la Vérité que Protée exhibe et endosse dans les vers [de Virgile] ». K ORIG, Com, in Epist ad Rom. 7, 4, (ad Rom., 7, 20), voir apparat des sources : « Car cet homme intérieur, fait d'aprés Dieu et à l'image de Dies est incorruptible et invisible et on pourrait méme dire, conformément à la raison qu'il possede en propre, qu'il est incorporel ». ‘

L'expression « homme véritable » (6 dv8pomoc ó áin8rjc) se rencontre chez Platon (Lach., 188c ; Rsp., 2, 359b) ainsi que l'expression « homme intérieur » (6 £vB8ov &vOptnoc, cf. Rsp., 9, 5892). Voir J. Pépin, Idées grecques sur l'homme et sur. Dieu, Paris, 1971, p. 98, et notre analyse du Symb, 64.

95 J. Pépin, Idées grecques, p. 22-32. 4 LACT., Diuin. Instit, 2, 3, 8.

99s

CI Ls wget 5 C'est le récit funeux du « mythe de la caverne », oüÀ les prisonniers prennent les ombres projetées sur la paroi de la caverne oix ils sont enchainés, pour la néolité des objets que l'on transporte et que l'on exhibe derriere eux : cf. PL., Rsp., 514 sq. Platon précise d'ailleurs que ce qui atrophie ceil de l'áme, ce sont justement « les excroissances de la famille du devenir, semblables à des poids de plomb, qui se développent sous l'impulsion de la gourmandise, des plaisirs et des appétits de ce genre, et qui orientent l'áme vers le bas » ( Rsp., 519b).

% PL, Gorg., 493b.

997

!

: PL, Rsp., 9, 588b-c (voir notre analyse du Symb. 66) ; Puvr., Plac. 6, 298. Cette image est reprise par SEN., Epist. 92, 9-10 et probablement par

Cc, Luc., 25 45, 139 : ... honestatem cum uoluptate tanquam hominem cum belua copulabis ? Cf. aussi AvG., Mor. eccl., 1, 4, 6 : Quid ergo hominem dicimus ? Animam et corpus, tamquam... centaurum ? cf. J. Pépin, Idées grecques, p. 158-159.

326

disparaitre les opinions, liées aux sens (sensus), et oblige la vérité à se révéler et l'homme intérieur à apparaitre.

On constatera l'ambiguité de l'interprétation allégorique, qui ne va pas sans inexactitude ni redoublement. L'homme intérieur est représenté de maniére dynamique à la fois par Protée qui redevient humain et par Aristée, l'animus, qui lui passe les liens et le contraint à apparaitre sous sa forme véritable avant de prophétiser.

C'est que Protée est à la fois une partie de la psyché (l'homme intérieur), comme Aristée, et un contenu de pensée accessible à cette partie exclusivement (la vérité divine). La vision d'Aristée passant les liens à Protée dans la grotte devient une image adaptée de l'àme qui reprend possession d'elle-méme et découvre qu'elle a une partie divine qui définit son humanité et qui doit étre arrachée à l'emprise des facultés inférieures et des fausses représentations qu'elles générent: c'est une variante du nosce fe ipsum socratique"*, Ce dédoublement de

l'homme intérieur en deux protagonistes distincts à l'intérieur du mythe, Protée et Aristée, a non seulement le

privilége d'offrir une mise en scéne iconographiquement parfaitement claire et pédagogique, mais a également l'avantage philosophique de faire résonner en écho la nécessaire altérité supposée par le nosce te ipsum : la connaissance de soi s'opére par le détour de l’àme d'autrui qui offre à la nótre un miroir où elle peut se contempler??. Il n'est donc pas indifférent que, sur la gravure, le jeu de regards entre Protée et Aristée soit souligné si nettement. La connaissance réflexive passe par cet échange de regards.

Le tu s'adressant à Protée qui ouvrait le texte se voit désormais remplacé par un tu (v. 16: teneas) qui vise à la

fois Aristée, le lecteur anonyme mais aussi, plus spécifiquement, la destinatrice de la piéce, Renée de France : celle-ci joue alors le róle d'Aristée, et nous en verrons les implications. Les termes contentio et adprensum conservent leur potentiel iconique : le premier renvoie à la tension de la corde et des liens, ceux-là mémes dont se sert Aristée (cf. tetendit, v. 6), et le second, à la main du berger qui saisit le dieu avant de l'immobiliser. Cette insitance

sur les mouvements

et le dynamisme

des forces a sans doute

une

fonction

rhétorique

voire

pédagogique, propre justement au signifiant iconique emblématique. L'energeia aristotélicienne qui insiste sur la nécessité de représenter des figures en mouvement et en actes! trouve ici toute sa raison d'étre pour créer une

hypotypose, cette figure de style qui place l'objet symbolique sous les yeux du lecteur et en permet une

représentation immédiate et facilite la mémorisation de son signifié et de ses parties : l'objet en question est ici Aristée se précipitant pour enchainer sa proie immobile. L'energeia propre à Aristée se substitue ici à l'enargeia, cette impression de « clarté » évidente que suscite l'effet de réel, que l'on pourrait croire réservée à Protée et à ses changements étonnants, mais qu'interdit le cadre obscur de la grotte. Cette enargeia se voit récusée dés le

début du poéme par les négations aux vers 4-5 qui évacuent les métamorphoses spectaculaires de Protée, comme

y de i % Ce motif est trés important chez Bocchi pour des raisons religieuses. Voir nos analyses des symbola 3 et 64. ?? Voir le passage trés éclairant de CLEM. ALEX., Strom. 1, 19,94, 3-5 : « Car, dit-il, tu as vu ton frére, tu as vu ton dieu ». L'origine de l'image de l'intelle& de l'autre comme miroir est tirée de PL., Alc. 1, 132d-133b. m : P 1000 ARIST., Rh., 1411b, 24-25. Sur ce passage, voir P. Galand-Hallyn, Le reflet des fleurs. Description et métalangage poétique d'Homére à la Renaissance, Geneve, 1994, p. 43 et 99.

327

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

autant d'images en mouvement qu'il faut stopper, et annulent l'effet descriptif et sonore décrivant ses mutations, à dominante de sifflantes (saxum, liquens, coruscans, frondosa).

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

des expressions

Contrastant avec les mouvements dynamiques d'Aristée, l'immobilité de Protée et de ses phoques est fortement soulignée : sternent pour les phoques au vers 18, componet à propos de Protée au vers 19. Cette absence de mouvement est mise en relation avec la fatigue (defessa membra, v. 19) et avec le sommeil : somnum apparait au vers 17 et quieti au vers 19. Les raisons en sont philosophiques. L'Antiquité pensait en effet qu'au cours du sommeil et des réves, l'áàme pouvait se séparer temporairement du corps pour vivre des expériences uniquement

spirituelles''!, Le caractére à la fois ténu et exceptionnel de cette circonstance oü Protée va se laisser prendre est mis en valeur dans le texte : quum primum (v. 17) insiste sur la fugacité de la chance offerte (oblata facultas) qu'il

faut saisir à l'instant méme (tum, v. 19).

Le dénouement prend place de maniére accélérée dans les trois derniers vers. Le tu/Aristée passe les « liens d'une foi sincére » (syncerae inicias fidei, v.20) au prisonnier Protée: ce lien de confiance absolument transparent et sans arriére-pensée (syncerae) est essentiel à la vérité et tranche avec le róle duplice de l'opinio fallax, tantót vraie, tantót fausse. Le terme fidei est mis en valeur par la position qu'il occupe entre la coupe penthémimére et la coupe hephthémimére. Nous verrons dans notre derniére partie l'importance religieuse et théologique de cette transparence contractuelle qui lie les deux partis. Là encore, l'effort est de mise : le donec du vers 21 insiste sur le mécanisme d'un processus qui dure. Protée tente d'user une derniere fois de ses ruses (pellacia) pour fuir (fugam inueniat) avant de reprendre sa forme humaine, la plus authentique. Comment ces éléments ont-ils été rendus dans la gravure ? Cette derniére, tout à fait originale, ne doit que peu aux illustrations

des recueils emblématiques d' Alciat'??",

2. La gravure : lignes de force et construction

L'image est occupée par une grotte marine mi-naturelle, mi-artificielle, constituée de moéllons quasi réguliers et surmontée d'un parterre herbeux : l'endroit n'est pas totalement sauvage et annonce déjà l'action civilisatrice d'Aristée. Son ouverture béante fait face au spectateur. Les flots marins occupent le premier plan inférieur et l'arriére-plan de l'image. Sur le sol surélevé de la grotte, Protée est étendu, nu, visiblement surpris dans son sommeil comme le suggère l'épigramme au vers 17 (Quum primum fuerit per somnum oblata facultas). La posture

de torsion contradictoire du corps suggére la violence des forces qui s'affrontent: la volonté du dieu de

poursuivre ses métamorphoses (cf. v. 21 : Donec nulla fugam inueniat pellacia) s'oppose à la volonté d'Aristée de les faire cesser en ligotant le devin. La jambe gauche de Protée, repliée en angle droit, s'appréte à basculer dans les flots vers le spectateur et semble entrainer tout le bas du corps à venir rejoindre les formes étranges qui flottent sur les eaux du premier plan. Le haut du corps au contraire se redresse légérement, les épaules tournées

vers le fond de la grotte, de l'autre cóté, tandis que le regard de Protée rencontre celui d'Aristée. Les deux forces

vectorielles se trouvent marquées et annulées par les mains de Protée que les liens maintiennent croisées sur son ventre. Poéte et graveur ont choisi d'illustrer le moment précis décrit aux vers 6-7 de l'épigramme ( ... qualis eras quum uincla tetendit/ Pastor Aristaeus, iam nunc mihi talis adesto) et développé à la fin du texte, dans les vers 20 (Sincerae inicias fidei tum uincula capto) et 22 (In se hominis tandem redeat uerissima forma), celui oà Protée enfin dans les liens revient à une forme humaine. Au pied de la grotte, allongé sur la gréve ou sur un rocher voisin, on apercoit le troupeau de Protée évoqué par le

texte (v. 18 : Quumque cupidineae sternent se in littore phocae) mais réduit ici à trois figures aux formes étranges. A droite, un cheval de mer couvert d'écailles dont les pattes postérieures s'achévent en queue piscine, rappelle

l'attelage protéen chez Virgile. A gauche, deux diables marins se présentent sous la forme de quadrupédes à téte de satyre, barbue et hirsute, aux oreilles faunesques, aux pattes fourches, le corps couvert d'écailles et dotés eux !! L'exemple le plus célébre en est le songe de Scipion raconté à la fin de la République de Cicéron, conqu comme un pendant au mythe raconté par Er fils d'Arménios à la fin de la République de Platon, et commenté comme texte autonome dans le In somnium Scipionis de Macrobe. Voir par exemple aussi Synésios de Cyréne, De Somniis 15, oü le philosophe explique que c'est dans le sommeil que se libérent les facultés

divinatoires de l'imagination, véhicule éthéré de l'áme. 1? Voir notre étude de l'iconographie alciatique dans A. Rolet, « Le Protée d'André Alciat et le Protée d'Achille Bocchi ».

328

aussi d'une queue piscine. Par une sorte de raccourci trés ingénieux déjà constaté dans les éditions d'Alciat de 1550 et 1615, ces phoques hybrides qui permettent normalement d'identifier Protée servent en méme temps à visualiser le caractére monstrueux de ses métamorphoses animales. La jambe de Protée qui s'appréte à basculer vers les formes animales souligne cette proximité d'essence. Baignés par les flots, les animaux subissent par contamination les caractéristiques instables de la mer-matiére qui peut donner naissance à toutes les formes,

comme nous le soulignerons à propos d'un autre embléme!99?,

Aristée, quant à lui, est placé à l'entrée de la grotte, à droite, et sa silhouette s'inscrit plastique ment sur les

frontiéres de l'antre protéen. La courbure méme de son dos épouse parfaitement l'épaisseur du flanc droit de la caverne. À l'instar de Protée, une partie de son corps (la gauche, plus la téte) est à l'intérieur de la grotte, mais l'autre partie (la droite) aspire déjà à se retirer. Sa présence en cet endroit, on le comprend bien, n'est que temporaire. Si sa jambe gauche repliée, dont la posture redouble graphiquement celle de la jambe droite de Protée, lui permet de prendre appui sur le sol surélevé de la grotte, la droite reste trés nettement en dehors, le pied sur le rivage. De la méme maniere, alors que son bras gauche passe les liens à Protée, la main droite qui tire sur la corde pour resserrer le nceud est propulsée vers l'arriére, au-delà de la paroi extérieure de la grotte. Cette trajectoire qui oriente le regard de gauche à droite est suggérée par une ligne de force horizontale, matérialisée par la corde passant derriere les corps et associant trés fortement le bras droit de Protée, le bras gauche et la main droite d'Aristée. Elle est relayée par une autre ligne de force horizontale, celle que crée implicitement le regard d'Aristée qui rencontre celui de Protée. Cette rencontre des regards au-dessus de la corde est essentielle : elle fait apparaitre le pacte implicite de fides qui lie les deux contractants. On le constatera aisément : gráce aux phoques aux formes fantaisistes, l'image suscite et sollicite du spectateur

une interprétation allégorique du mythe protéen, interprétation encouragée encore par le motto qui la surmonte

et le texte qui lui fait face. Le motto de la gravure (Vnam uidendam ueritatem in omnibus) relaie le jeu de regards

des protagonistes de l'image : Aristée fixe Protée droit dans les yeux, indifférent aux formes étranges qui flottent

autour de lui. Mais il est temps à présent d'expliquer la présence de la dédicace à Renée de France, qui oriente l'embléme dans

une tout autre perspective.

3. La dédicace à Renée de France : l'embláme comme manifeste réformiste ? Rappelons en quelques mots qui était cette personnalité remarquable. Renée de Ferrare (1510-1575) est la seconde fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne'??*, Dés sa jeunesse, elle subit l'influence des idées évangéliques et calvinistes, par l'intermédiaire de Marguerite de Navarre, de Madame de Soubise, ainsi que par la lecture des

écrits d'Érasme. En 1528, elle épouse Hercule II d'Este, duc de Ferrare, dont elle aura quatre enfants!5, Patronne de la culture frangaise à la cour de Ferrare, elle soutient d'emblée les courants d'inspiration luthérienne et évangéliste. Elle protége Clément Marot et ses amis, compromis pour hérésie en France (Jehannet et Léon Jamet), qui arrivent à Ferrare en 1535. Jean Calvin, qui la rencontre en 1536, devient son

directeur de conscience. Entre 1537 et 1538, Renée de Ferrare se lie également avec Vittoria Colonna, marquise

de Pescara, épouse de feu Alphonse d'Avalos, membre de la Confrérie de l'Amour Divin, fondée par Juan de Valdés, et protectrice du vicaire général des Capucins, Bernardo Ochino, aux convictions pro-luthériennes trés marquées. Soupconnant son épouse de sympathies réformistes, Hercule II l'exile à Consandolo, à trente 1%3 Voir nos analyses du Symb. 66. ; ' : 1% Pour de plus amples informations, voir E. Belligni, « Renata di Francia tra Ferrare e Montargis », dans Ph. Benedict, S. Seidel-Menchi, A. Tallon (dir.), La Réforme en France et en Italie. Contacts, comparaisons, contrastes, Rome, 2007, p. 363-379 ; E. Taddei, Zwischen Katholizismus

und Calvinismums : Herzogin Renata d'Este. Eine Eklektikerin der Reformationzeit, Hambourg, 2004 ; A. Puaux, La huguenote Renée de France,

Paris, 1997 ; P. Carile, R. Gorris (dir.), Alla corte degli Estensi. Filosofia, arte e cultura a Ferrare nei secoli Xv e xvi, Atti del Convegno di Ferrara, 5-7

marzo 1992, Ferrare, 1994 ; C. J. Charmarie, « Renée de France, between Reform and Counter-Reform », Archiv für Reformationsgeschichte, 63, 1972, p. 196-226 ; Id. « Heresy and Politics in Ferrara, 1534-1559 », Sixteenth Century Journal, 6. 1, April 1975, p. 68-93 ; toujours précieux, voir

aussi E. Rodocanachi, Une protectrice de la réforme, Renée de France, duchesse de Ferrare, Paris, 1896.



'

1005 Sa fille Anne, épouse de Francois de Lorraine, duc de Guise (1519-1563), sera la mére d'Henri de Lorraine, duc de Guise, dit le Balafré (1550-1588), et de Louis, Cardinal de Lorraine (1555-1588).

329

i

Traduction, ammocutnom, commencare: — Lire [T

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

En attendant, tandis que l'áme bouillonne de perturbations violentes, toi, par tous les moyens, serre, presse, menace et lie ce Protée qui est tien par des chaines solides tandis qu "il se transforme en mille choses étonnantes,/ du feu, un fauve horrible, un fleuve aux eaux limpides (VERG., Georg. 4, 441-442)", jusqu'à ce qu'il retrouve som aspect originel. Or, qu'est-ce qui est aussi protéen que les passions et les convoitises des sots ? Tandis qu'elles entrainent tantót à un désir amoureux bestial, tantót à une colére animale, tantót à une jalousie empoisonnée, tantót à tel ou tel autre vice prodigieux, n'est-il pas vrai que convient joliment bien ce qu'a dit le poéte tres savant ^Alors te duperont formes et gueules variées de fauves/ car il sera soudain sangher hérissé ou sombre tigresse./

kilométres de Ferrare, en 1540. Entourée d'un cóté par Jean Sinapio, humaniste allemand luthérien en liaison de depuis Ferrare avec les activistes de Modène!, de Lucques'"", de Venise et précepteur de ses enfants, l'autre par Olympia Morata, poétesse acquise elle aussi à la Réforme, Renée de France entame une correspondance assidue avec Marguerite de Navarre. En 1543, elle est rappelée pour la visite à Ferrare du Pape

Paul III, qui, par un bref, la place sous sa protection directe et la seule juridiction de Rome. Malgré tout, elle assiste secrétement la fuite de ses protégés hérétiques, Bernardino Ochino, Celio Curione, Mainardi, Sinapio, Pierre Martyr Vermigli. Mais les soupcons d'hérésie qui pésent sur la duchesse se précisent, notamment lorsqu'elle refuse ostensiblement de participer à la messe et de recevoir les sacrements : Hercule II, s'attaquant alors à son entourage, fait chasser Madame de Soubise et sa fille Anne de Parthenay, mariée au calviniste Antoine de Pons. Dans la bibliothéque de Renée, on peut trouver l'Anatomie de la Messe de Mainardi, la Tragédie du libre-arbitre et les Trente Dialogues d'Ochino,

le Beneficio

di Cristo de Benedetto

da Mantova,

dragon écailleux, lionne à la nuque fauve/ ou bien on entendra crépiter vivement une flamme ( ibid. 406-409)." IG,

souviens-toi de la suite : "Mais plus variées les formes qu'il prendra,/ plus tu dois, mon enfant, serrer ses liens solides (ibid. 411-412)".

traités

fondateurs de la pensée évangélique. En 1550, elle supplie en vain son époux de ne pas faire appliquer la sentence de mort exigée par le Saint-Siége contre le jeune Fannio Fannino, anti-papiste. En 1551, elle accueille Galeazzo Caracciolo, chambellan de Charles Quint et chevalier de la Clé d'or, fils du marquis Colantonio de

Ces considérations aux échos platoniciens et stoiciens ont une finalité théologique qu'Érasme dé&nit trés précisément. Il s'agit de signifier l'accés de l'homme à l'état religieux, c'est-à-dire purement spirituel, au terme

d'une ascése qui ressemble à la passion christique''?. L'homme charnel désigne, chez Érasme, le Pharisien qui

fait passer l'observance rituelle de la Loi mosaique avant la spiritualité que cette méme Loi signifie par figure et

Caracciolo, un proche conseiller du vice-roi de Naples. Galeazzo, fils de grande famille, a provoqué la stupeur de l'Eglise Romaine en se ralliant aux idées de Calvin et Valdés. Sous la protection de Renée, il s'exile à Genéve, malgré les appels à la conversion lancés par Rome. Hercule II, harcelé par les semonces du Pape qui l'invite à éradiquer le foyer de révolte et de contestation alimenté par les idées de son épouse, se tourne alors, en 1554, vers le neveu de la duchesse, le roi de France Henri II, qui délégue à Ferrare le redoutable et intransigeant

inquisiteur dominicain Mathieu Ory. Malgré les pressions multiples qui sont exercées, comme l'enfermement de force de ses filles au couvent du Corpus Christi, Renée ne renonce à aucune de ses convictions, au point qu'un

véritable procés en hérésie lui est intenté, sous l'égide d'Ory : la sentence finale exige qu'elle soit séquestrée,

privée de ses biens et de ses enfants, et que sa bibliothéque soit brülée. Devant la lourdeur de la peine, elle abjure, mais sa liberté reste étroitement surveillée, dans un entourage soigneusement choisi par son époux^", Dans la mesure oü le texte de l'embléme bocchien souligne explicitement la présence de la caverne et des liens (specus, v. 13 ; uincula, v. 20), le lecteur est invité à faire le rapprochement avec la situation que connait Renée en Ferrare en 1554: à la suite du procés entamé par Ory, elle est condamnée à la prison et à la solitude. Nous

suggérons la possibilité que l'embléme ait été composé, ou pour le moins dédicacé à cette date, dans le but de réconforter la duchesse soumise à l'instar de Protée aux liens et à l'obscurité de sa geóle-caverne. Mais quel détour interprétatif faut-il supposer pour que l'épisode de Protée, épisode essentiellement positif, puisse venir se superposer à l'expérience difficile de persécution vécue par Renée de France et en supprimer l'aspect négatif ? Protée n'est pas une figure neutre dans le contexte de la diffusion des idées évangéliques érasmiennes en Italie.

Pour l'Érasme de l' Enchiridion, si proche du vocabulaire de la philosophie antique, le Protée de Virgile incarne la dualité de l'homme, partagé entre deux natures. Sa nature charnelle et extérieure le pousse à des métamorphoses

sans fin, preuves de la suprématie des sens et des passions qui l'écartélent. Sa nature intérieure et divine est placée sous le pouvoir de la raison, oi peut se rendre le vrai culte à Dieu :

que réalise la Loi christique"""'. Cette référence à l'histoire du christianisme et du judaisme permet en méme

temps à Érasme de stigmatiser, à travers la critique du pharisaisme, les excés « matérialistes » ou « charnels » du catholicisme contemporain, qu'il pourfend vigoureusement : pélerinages, images pieuses, ex-votos, culte des reliques, répétitions des priéres, trafic des indulgences, etc., sont autant d'excés qui éloignent de la doctrine de saint Paul sur la justification par la foi. Érasme fait en effet sien l'idéal évangélique du vrai temple construit dans le ceeur de l'homme et du culte silencieux et invisible de la vraie foi qui s'y loge. Son utilisation du mythe de la

caverne va exactement dans le méme sens'?"., À l'instar d'Érasme, Bocchi oppose, à travers la dualité constitutive

de Protée, d'une part l'homme intérieur et d'autre part l'homme extérieur, c'est-à-dire la vérité, les sens et

l'opinion. Comme Érasme, il fait de la grotte protéenne le lieu de toutes les erreurs liées aux sens. À condition

que l'intelled-Aristée s'empare de lui, avec l'aide de la raison-Cyréné, et le ligote, l'homme intérieur réapparait et livre la Vérité, laissant de cóté ses métamorphoses et le troupeau des phoques.

Mais n'oublions pas que les liens passés à Protée sont ceux de la sincera fides (v. 2) et qu'ils le sont de surcroit

gráce à l'autorité et à l'intervention d'une divinité extérieure, Cyréné. Le terme fides, qui arrive à la fin du poème, oblige à reconsidérer dans une perspective religieuse plus spécifique les termes de Veritas, Veri, et leurs antonymes, facies, opinio, error, libido, studia, sensus, etc. Dans ces termes empruntés à la terminologie antique

transparait une formulation prudente pour stigmatiser, à la maniére d'Érasme, les manifestations extérieures d'une piété sans sincérité et « charnelle », qui s'active dans la superstition en négligeant le spiritus, l'inspiration

divine de la foi qui siége uniquement dans la partie supérieure de la psyché humaine. La fides e& au cxeur des débats théologiques contemporains, en particulier celui qui tourne autour du dogme de la justification par la seule foi, défendu par Paul. La síncera Fides, c'est la fides iustitiae de Paul, celle qui apporte la justice, c'est-à-dire qui justifie. Cette rédemption individuelle est permise par le sacrifice du Messie, qui a racheté collectivement l'humanité. Mais, aux yeux de Paul, l'homme ne peut en aucun cas y participer par les ceuvres de la Loi, puisqu'alors une partie du mérite de son salut dépendrait de lui-méme et non de la décision divine, ce qui revient à nier le líbre-arbitre divin. La gráce accordée sous la forme de la foi répond à un plan de salut que Dieu

^". Comme le rappelle Paul « vouloir le réserve uniquement à ceux qu'il a élus, distingués et donc prédestinés

1006 Autour du Cardinal Morone, emprisonné au Cháteau Saint-Ange de 1557 à 1559.

1007 Autour de Pierre Martyr Vermigli qui, aprés avoir connu un énorme succés à Naples en dénongant l'existence du purgatoire dans ses Mim sur la premiere Lettre au Corinthiens, II, 13-15, est accusé d'hérésie par les Théatins, interdit de préche par le vice-roi et forcé de s'exiler ucques. 1008 À la mort de celui-ci en 1560, Renée part pour la France. Favorable au parti huguenot de Condé, Andelot et Coligny, contre les Guise, elle s'établit au cháteau de Montargis, d'oü elle assiste aux guerres de religion. Elle y accueille, en 1568, des réfugiés calvinistes, comme

le

précepteur d'Agripppa d'Aubigné ou les Burlamacchi de Lucques. Gráce à sa fille, remariée avec Jacques de Savoie, duc de Nemours, et qui plaide en sa faveur auprés de Charles IX, elle échapppe à un procés en hérésie intenté par le Parlement de Paris. À Montargis, elle ouvre un

CEuvres choisies, Paris, 19961, p. 64-65. Pour le texte latin, vow 955 ÉRASME, Enchiridion militis christiani, dans J. Chomarat (trad.) : ÉRASME,

E notre note au v. 13. tu l'auras crucifiée avec vices et désirs, zucun ne te faisant ples que et chair ta chátié auras tu Quand « 66: p. citée d. , Enchiridion sur, És !?^ et regarder la douceur du Seigneur. | — | Examimeobéacle, tu auras la tranquillité et le repos pour étre libre et regarder le Seigneur, pour goóter . | ” sauvée. Veille donc à etre esprit toi : si tu es chair, tu ne verras pas le Seigneur, sí tu ne le vois pas, ton áme ne sera pas MI ÉRASME, Paraphrase à VÉvangile de Luc, 11, 38-39, dans

collége et se penche, avec Jacques Androuet du Cerceau, sur des études pour embellir sa demeure. Avant de mourir en 1575, elle rédige un

l'Évangile de Marc, 7, 2, ibid., p. $98.

dote généreusement ses filles, Lucréce et Anne, et son autre fils, le cardinal Louis.

3

testament, qui déshérite son fils Alphonse de Ferrare, trés hostile aux idées religieuses de sa mére et pourfendeur à Ferrare des réformés, mais

330

à J. Chomarat (éd.) : ÉRASME, CEuvres choisies, p. 604-605. Voir aussi Paraphrase

texte latin). !3 ÉnAsME, Éloge de la folie, 66 (voir notre note au vers 13, pour le et 9,018. Paul, Rom. 8, 28-3

"Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

nne double, qui insiste sur la bien est à ma portée, mais non pas l'accomplir/?'^ ». Cette position paulinie de la polémique qui a opposé prédestination tout en laissant une infime place à la volonté, est l'un des nceuds tenté de trouver pour l'homme une voie Luther, partisan du serf-arbitre de l'homme, et Érasme'?'5, Ce dernier a

présomptueux, véritable médiane entre deux défauts aussi néfastes l'un que l'autre. D'un cóté, l'orgueil volonté et du libre-arbitre, Charybde, peut générer la certitude que les ceuvres et la Loi, comme signes de la émane exclusivement de Foi jouent un róle dans l'acquisition du salut. De l'autre, la certitude que le don de la

de trouver Dieu suscite le désespoir, sorte de Scylla". C'est la lecture d'Augustin qui permet à Érasme

chez l'homme d'un l'équilibre entre ces deux extrémes. Augustin met effectivement en évidence l'existence le mal, de se libre-arbitre en synergie ou coopérant, qui préserve la liberté que l'homme a de choisir ou de refuser

re de soustraire à la gráce ou de l'accepter (voir notre analyse du Symb. 51 )1017, Chez Bocchi, la tension volontai

les liens de l'intelle& symbolisée par l'effort d'Aristée pour attraper, ligoter et maintenir prisonnier Protée dans pour la fides, tandis que Cyréné intervient pour le seconder dans ses tentatives, est probablement une tentative Gráce, la et elle individu traduire allégoriquement la synergeia augustinienne, cette coopération entre la volonté invisible ici, tout comme Cyréné : elle a pour résultat de libérer l'homme intérieur des faux-semblants du pharisaisme. Ainsi, Bocchi semble réconforter ici Renée de Ferrare en renversant la situation oü se trouve la princesse. Bien qu'elle soit isolée dans la caverne de sa prison et souffre des liens que lui imposent les ministres d'une religion dévoyée, le mythe de Protée est là pour lui rappeler sa vocation martyriale au sens étymologique : proclamer la vérité christique par le spectacle des souffrances. Elle est en prison car elle a su, en elle-méme, passer les liens à son Protée et devenir à part entiére un vrai membre des spirituali, ceux qui, à l'instar de Camillo Renato et de Juan de Valdés, pensent que les cérémonies cultuelles ne sont à prendre que comme des figurations matérielles d'une célébration purement spirituelle. 4. Un éloge crypté de la dissimulation ?

Mais cette ingénieuse transposition littéraire n'épuise pourtant pas la capacité de dissimulation à l'aeuvre dans ce symbolum, placé décidément sous le signe d'une radicale ambiguité. La méthode d'Aristé pour vaincre la dualité chair/esprit incarnée par Protée repose, dans l'embléme de Bocchi, à l'instar de Virgile, sur un stratagéme et une ruse légitimes (per aequa iniqua dira le manuscrit de la praelectio à Cicéron). Il faut effectivement aller chercher Protée dans le secret de son antre, il faut attendre que le sommeil vainque les opinions (opinionibus sopitis), la conscience (per somnum oblata facultas, v. 17), les désirs (cupidinae sternent se in littore phocae, v. 1 8), c'est-à-dire une part de Protée lui-méme (Et defessa senex componet membra quieti, v. 18). Cette capacité à ruser qu'Aristée oppose au cauteleux Protée (pellacia, v. 21) sonne comme un conseil de dissimulation et d'invitation à la fraus. On ne peut lutter de front contre le pouvoir de métamorphose dont est pourvu Protée: il faut attendre patiemment que sa vigilance s'assoupisse et c'est alors que le triomphe est possible. Bocchi semble ici dédouaner Renée de France et justifier une attitude qu'elle pourrait envisager: ce n'est pas en montrant ses intentions

qu'elle réussira à convaincre Protée et à l'obliger à formuler de vraies prophéties (oracula, v. 8). Endormir la méfiance (opinionibus sopitis) est la condition de la réussite véritable, c'est-à-dire le triomphe de la vraie Foi (firmiter tenenda capta ueritas).

On se rappellera que, pour Érasme, Protée, comme Vertumne, renvoie, par sa capacité à étre insaisissable, à l'attitude pédagogique de saint Paul qui, pour convertir ses adversaires, fait semblant de leur ressembler :

[...] sic polypum ac chamaeleontem, sic Proteum ac Vertumnum quemdam agit [... ] in omnia se uertens [... ] per

cuniculos insinuat'"'*,

Il agit tel un poulpe et un caméléon, tel Protée et Vertumne, en prenant toutes sortes de formes et il s'insinue par des moyens détournés.

En méme temps qu'il célébre la conversion religieuse évangélique de sa destinatrice par le mythe de Protée et d'Aristée, Bocchi invite, peut-étre plus subtilement encore, Renée de Ferrare, à faire un autre usage du mythe. Si

la princesse veut jouer le róle d'Aristée auprés du Protée « opinioneux », comme le dit le manuscrit de la praelectio (cf. annexe

2, $5 : mutiformibus

opiniosissimisque miraculis), c'est-à-dire de ses adversaires, partisans

d'une fausse religion, elle doit d'abord, comme

Paul, se faire Protée elle-méme pour pouvoir se méler à ses

ennemis : user de ruse et faire semblant de se rallier à ce qu'on lui demande. Aprés avoir endormi la méfiance de ses opposants, elle pourra prendre les traits d'Aristée et les vaincre. Dans cette perspective, il n'est pas indifférent de rappeler que c'est effectivement la solution à laquelle Renée de France s'est ralliée dés 1554, en abjurant pour ne pas étre davantage persécutée.

Mais l'intérét que Bocchi porte à Protée ne se limite pas à cet embléme et il fait d'autres usages de l'épigramme ailleurs, dans son ceuvre inédite. 5. Protée, figure tutélaire du nosce te ipsum et du commentaire allégorique

dans d'autres manuscrits autographes de Bocchi.

L'épigramme du Symbolum que nous venons d'analyser est citée, sans dédicace, dans le manuscrit autographe

des Praelectiones in libros De Legibus M. T. Ciceronis habitae Bononiae in Academia Bocchiana, conservé à la Bibliothéque Universitaire de Bologne sous la cote 304, cité par Elisabeth See Watson '?? et décrit plus

récemment par Loredana Chines'", Nous en proposons une édition, traduction et annotation dans notre annexe 1. Les Praelectiones se présentent comme un parcours analytique du premier livre du traité cicéronien (p. XIII à XCV). L'analyse membre de phrase par membre de phrase est précédée d'un long préambule (la véritable praelectio qui introduit le texte, présente et loue la matiére, p.Ià V), d'un plan du texte de Cicéron classé par livres (p. VI-VII), d'un plan des matiéres abordées par Cicéron au fur et à mesure qu'elles apparaissent dans le traité et qui seront relayées par le commentaire bocchien (p. VII-XI), d'une priére aux astres et d'un distique appelant à se remémorer ce travail (p. XI). Cet ensemble est numéroté page par page en chiffres romains de la main de l'auteur. Il est précédé d'un autre fascicule, toujours de la main de Bocchi, mais numéroté

cette fois en chiffres arabes par folio, de 1 à 18. Ce premier groupement est constitué d'une dédicace à un certain Thomasus Contuberius!?! (f 1v°), d'une épitre dédicatoire (f? 11°-2v°), d'un index des notions et des noms

du propres (f? 3r-17v) et, pour finir, d'une sorte de colophon qui précise les circonstances de composition

texte"? en particulier les personnalités politiques en charge à Bologne au moment de la rédaction, Tomaso (le un poulpe et un caméléon, tel Protée et 1018 ÉRASME, Epistolae (LB, 7, col. 855-6) : Praesuli D. Erardo de Marca (s février 1519) : « Il agit tel Vertumne, en prenant toutes sortes de formes, et il s'insinue par des moyens détournés ». 119 E, See Watson, Achille Bocchi, p. 247. : esegeta », Studi e problemi di critica testuale, 6o, avril 1020 1,, Chines, « Filologia e arcana sapienza : l'umanista Achille Bocchi commentatore ed

2000, p. 71-80.

1s c

Rom., 7, 18. Sur toutes ces questions, voir E. MacGrath, Iustitia Dei. A History of the Christian Doctrine of Justification, Cambridge, 1992,

2° édition. 1015 Le Traité du libre arbitre qu'Érasme publia à Anvers en 1524, à la demande du Roi d'Angleterre Henri VIII pour réfuter Luther, suscita une

réponse immédiate de celui-ci sous le titre Traité du serf-arbitre (1525). Érasme se défendit dans la réfutation point par point (85 alinéas) que

constitue l' Hyperaspistes, dont le livre I parut en 1526 et le livre IL en 1527, à la demande de Thomas More. 1016 ÉRASME, De Libero arbitrio, dans J. Chomarat (éd.) : ÉRASME, CEuvres choisies, p. p. 871. 1017 ÉRASME, De Libero arbitrio, ibid. p. 862. Cette position était déjà esquissée dans l' Enchiridion, 1.

332

CAE» GVBERN«ATORI» SAPIENTISS«IMMO» '?! THOMAE CONTVBER«IO» EPISC«OPO» PENEN«SI» BONON«IAE» REIP«VBLI EM OPTAT AETERNAM. Nous ne voyons pas FELICITAT S«ENATVS» P«OPVLI» Q«VE» BONON«IENSIS» A«CHILLES» BOCCHIVS e arcana sapienza », p. 7 3). Filologia (« Chines, Loredana dit que ce à la mention ciuis aprés Thomae Contuberio, contrairement PROLEG«ATO» | PENEN«SI» EPISC«OPO» «NIO» CONTVBER THOMA BOCCHIA ACADEMIA EX BONONIAE |

CAE» SAPIENTISS-IMO» VNA CVM AVGVSTINO HERCVLANO VEXILLIFERO IVSTITIAE VIRO CLARISS«IMO» REIP«VBLI LEGATI CARAFA CAROLI AVSPICIIS E MODERANT BONON«ONENSIS» CLAVVM AEQVITATE PRVDENTIAEQ«VE» SINGVLARI CARD«INALIS»

AMPLISS«IMI»-

QVA

TEMPESTATE

PAVLVS

IV

PONT«IFEX»

MAX«IMVS»

ATQ«VE»

OPT«IMVS»

IN COMPONENDAE PACIS INTER PRINCIPES CHRISTIANOS AVTHOR EA DE RE LEGATOS AD REGEM PHILIPPVM MITTERET 1*', le fils

avec les Francais, une guerre contre l'Espagne de Philippe BRITANNIAM. MDLVII. Paul IV, qui détestait les Habsourg, avait entamé, de Charles Quint. Il avait été battu et forcé à signer la Paix de Cave en septembre 1557.

333

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Thomasus Contuberius cité précédemment)'?? et Agostino Ercolani'"", appartenant au cercle du légat de

l'intelle& humain qui, dans sa quéte de la vérité, réussit

une premiére fois à la fin de l'encadré du titre sous lequel commence le préambule de la praelectio'?^ ainsi qu'au

. soporatis et superatis omnibus monstris affectuum uictor euaderet). Il est aidé par sa mére Cyréné, qui représente la philosophie (ibid. : Cyrenes matris et philosophiae suasu atque opera), qui s'avére étre aussi la nature et la raison humaines (cf. $ 8 : nisi Cyrene matre consulente, id est auspice natura hominis atque ratione). Seule la philosophie

Bologne, Carlo Carafa'?5 (f? 18v^). Ces praelectiones ont été tenues en 1556. Cette date apparait à deux reprises, début de la praelectio elle-méme'"", et non en avril 1557, comme

le soutient Loredana

Chines!?* , abusée

probablement par la date de 1557 (octobre et non avril) qui figure effectivement à la fin de l'épitre dédicatoire'??, à la fin du colophon qui présente le dédicataire, et au début de l'index ^". Comment comprendre

peut aider l'individu à retrouver l'homme véritable en lui, malgré qu'il en ait (cf. $5: repugnantem hominem

capere), au milieu des tempétes déchainées que suscitent le corps et l'opinion (ibid.: incumbente tempestate

cette disparité chronologique ? Bocchi lui-méme, dans l'épitre dédicatoire, explique qu'il est en retard et qu'il achéve seulement la rédaction définitive de son exposé sur le De Legibus suite à une maladie, aux difficultés politiques contemporaines et, surtout, au travail que lui demande la rédaction de son Histoire de Bologne ; il avait pourtant obtenu une dispense d'enseignement au Studio de Bologne pour accomplir cette tàche historique,

turbulentissimos redundantium fluctuum impetus excipere). C'est à cette condition qu'à l'instar de Protée, il pourra

vaticiner (ibid. : uaticinetur), c'est-à-dire contempler et connaitre le dieu unique et trinitaire (ibid. : Deum trinum et unum contempletur et agnoscat). - Bocchi céde à la demande de ses auditeurs et cite le texte de l'embléme 61 qui résume son interprétation allégorique de Protée ($6).

gráce à Contuberius lui-méme'??', Il es probable que Bocchi, aprés avoir rédigé voire prononcé l'exposé en

— Bocchi

1556, le reprend pour le compléter en 1557, en ajoutant dédicace et index.

1855 : Opinionibus sopitis...

— Les fables ne sont pas que des propos de vieilles femmes ($1 : fabulae aniles) mais comportent un véritable enjeu pédagogique pour initier à la philosophie ($1: instrumentum quandoque sunt et quasi pedagogia quaedam philosophiae capessendae). — Métamorphoses du dieu égyptien Protée d'apres la quatriéme Géorgique de Virgile. Selon Homére et Virgile, Protée ne rend ses oracles qu'aprés avoir été ligoté et avoir repris sa forme humaine ($2). traduit la difficulté pour appréhender la vérité ($3 : ueritatis cognoscendae ratio). L'épisode lui-méme, sous les voiles religieux des mystéres ($4: quibusdam quasi mysteriis), montre en outre la nature de l'homme (ibid. : - L'homme,

bonum) et la maniére d'accéder à la vérité (ueritatis assequendae

à la différence des autres étres vivants, est né pour la pensée

et la vérité ($5:

ad cogitionem

ueritatemque natum esse). Le bonheur et le souverain bien sont placés dans la contemplation exclusive des réalités divines (ibid.: in sola diuinorum

contemplatione). Mais les passions corporelles l'en empéchent. Aristée est

'?* Evéque d'Atri et de Penna en 1554, il fut nommé vice-légat de Carlo Carafa le 4 avril 1557 puis gouverneur de Bologne le 1er février 1559, avant d'étre destitué parle pape Paul IV et remplacé à ce poste par l'évéque de Macerata, Girolamo Melchiori, le 6 mars de la méme année. Voir

M. Pasquali et M. Ferretti, « Cronotassi critica dei Legati, Vicelegati

e Governatori di Bologna dal sec. xvi al XVIII », Atti e Memorie della

Deputazione di storia patria per le province di Romagna, n.s., 23, 1972, pp. 117-301, en particulier p. 243 et G. Dall Olio, Eretici e Inquisitori nella Bologna del Cinquecento, Bologne, 1999, p. 248-249.

'?* La notice le désigne comme uexilliferus iustitiae. Il s'agit à Bologne du Gonfalionere di giustizia, que le Sénat bolonais élit tous les deux mois parmi ses membres, pour pouvoir gouverner en accord avec le légat papal.

1025 Neveu du pape Paul IV, né en 1517 et nommé cardinal en juillet 1555, aprés l'accession au tróne pontifical de son oncle le 23 mai. Ses malversations lui valurent d'étre évincé de son poste en 1559 par Paul IV lui-méme, avant d'étre condamné à mort et exécuté en 1560 sous le

pontificat de Pie IV.

1026 P. T (2 f19r): A«CHILLIS» BOCHII BON«ONIENSIS» PRAELECTIONES IN LIBROS DE LEGIBVS M«ARCI» T«VLLII» CICERONIS HABITAE BONONIAE IN ACADEMIA BOCCHIANA MDLVI. Voir notre annexe 2. 1?" p, XIII (7 f 247^) : MDLVI. A«CHILLIS» BOCHII BONONIENSIS IN PRIMVM LIBRVM M«ARCI» T«VLLII» CIC«ERON»IS DE LEGIBVS PRAELECTIO PRIMA. 1028 L, Chines, « Filologia e arcana sapienza », p. 72. 1029 F° 2v? : Bononiae ex academia nostra, XV. KL. Nouembres. MDLVII. 1030 F° 3r°: A«CHILLIS» BOCCHII B«ONONIENSIS» INDEX RER«VM» VERBOR«VM»Q«VE» ILLVSTRIVM IN LIBR«OS» PRAELECTIONVM DE LEGIB«VS» M«ARCI» T«VLLII» CICERONIS. MDLVII.

1? F° 1 : Diuturno silentio meo cuius causam partim temporum malignitas, partim incommoda ualetudo dederat mea, finem iam nunc liber hic attulit.

Nam postea quam legitimam studiis meis quietem eximia singularisque benignitas et munificentia uestra concessit, nullam praeterea cogitationem aliam prius mihi suscipiendam putaui quam progressionem conscribendae Patriae Historiae, diu quidem aduerso communium temporum casu intermissam

continuare, ne forte officii mei uiderer oblitus. « Aprés mon long silence, qui s'explique en partie par la difficulté de notre époque, en partie par ma mauvaise santé, mon livre que voici est enfin parvenu à sa fin. Car, aprés que votre bonté et votre générosité singuliéres et remarquables

m'eussent accordé le congé nécessaire à mes travaux, j'ai pensé que je ne devais pas entreprendre d'autre projet avant d'effectuer une progression décisive dans la rédaction de mon Histoire de Bologne, interrompue par les difficultés des circonstances que nous vivons ». Sur cette question voir G. Raveira-Aira, « Achille Bocchi e la sua Historia Bononiensis », Studi e memorie per la storia dell'Università di Bologna, 20, 1942, P. 59-112.

334

($7: Symbolicarum

ueritas?" ($7). Ultime récapitulation du sens du mythe. La vérité se cache dans la

diversité des opinions qui l'obscurcissent et il faut chercher à la retenir lorsqu'on s'en est emparé. Il faut, pour cela, que l'intelle& (Aristée) soit aidé par la nature et la raison humaines (Cyréné). Citation de Cicéron sur le postulat Stoicien: vivre selon la nature, c'est vivre selon la vertu. Si l'intellect est ce qui définit le plus essentiellement la nature humaine, alors c'est à ses exigences purement spirituelles que l'homme doit répondre. - Conclusion ($8) : quelle régle de vie faut-il s'imposer comme loi ? La philosophie définie par Cicéron bien sár, dont le nom vient du grec « amour de la sagesse », qui aide à guérir des vices et à vivre selon la nature, c'est-à-dire à étre vertueux, la plus haute táche à laquelle l'homme est appelé.

— Les efforts d'Aristée, d'ascendance divine, pour saisir, ligoter puis immobiliser Protée, avec l'aide de Cyréné,

rationem).

invite ses lecteurs à s'emparer de Protée, figure centrale du recueil d'emblémes

Quaestionum nostrarum principem laudatissimum), avec l'aide de Cyréné, la philosophie cicéronienne, médecine de l'àme. — Pour résumer sa pensée, Bocchi cite, en guise d'aphorisme, le motto qui surmonte le texte dans l'édition de

Le développement s'organise comme suit :

hominis natura), du souverain bien (summum

à dominer les monstres des affects et des opinions ( ibid. :

de inuestigatione ueritatis actum esset omnino, nisi pastor Aristaeus, is est humanus intellectus, imago et similitudo Dei

On retrouve dans ce préambule de la praelectio, les grandes orientations exégétiques de l'embléme, mais sous un éclairage différent, puisque la pensée philosophique de Cicéron constitue l'arriére-plan théorique du raisonnement. Ainsi, la métaphore de la tempéte en mer du $5, qui convient parfaitement au cadre d'un mythe marin comme celui de Protée, a en outre l'avantage de rappeler le Cicéron des Tusculanes*?. De méme, faire de Protée la forme de l'homo interior permettait de rattacher cette figure mythologique à la conclusion du livre 1 du De Legibus. Ce livre se termine en effet par l'évocation de la philosophie qui doit servir de fondement aux lois. Cicéron brosse alors le portrait de l'homme d'État idéal, qui sera également philosophe. La premiere chose qui importe, c'est que cet homme applique le précepte delphique et qu'il se connaisse lui-méme pour découvrir

qu'il comporte une partie divine, qui est comme une effigie à l'image de la divinité'"*, Ce passage, d'inspiration

platonicienne, renvoie directement à la définition de l'homme intérieur décrit par la République de Platon. Cicéron poursuit en mettant en valeur les efforts de l'homme idéal pour valoriser ces aptitudes (totumque temptauerit) et en soulignant que, dans cette épreuve, il est secondé par la nature qui l'équipe de la maniere la

plus adéquate'??5,

La sagesse joue ensuite le róle de guide (sapientia duce) pour amener l'homme à étre vertueux et par là méme,

heureux. Cette connaissance des vertus s'accompagne obligatoirement de l'abandon du corps (cum animus... a corporis obsequio indulgentiaque discesserit5) et des passions (uoluptatemque sicut labem aliquam dedecoris oppresserit, omnemque mortis dolorisque timorem effugerit'"?"). Tout l'itinéraire du mythe virgilien peut ainsi étre "3: Contrairement à ce qui a longtemps été soutenu dans la théorie emblématique, cet exemple montre de maniére flagrante que le texte n'est pas concu comme un développement a posteriori du motto mais que le motto constitue un condensé sentencieux du poéme. 1033 Voir par exemple Tusc. 1, 118-119.

1034 CiC, Leg, 1, 22, 59 : Nam qui se ipse norit, primum aliquid se habere sentiet diuinum ingeniumque in se suum sicut simulacrum aliquod dicatum

putabit.

1035 Tbiq. : intelleget

quem

ad

modum

a natura

subornatus

in uitam

uenerit,

quantaque

instrumenta

habeat

ad

obtinendam

adipiscendamque

sapientiam, « Il comprendra à quel point la nature l'a équipé au moment d'entrer dans la vie et quels puissants instruments il posséde pour

acquérir et conserver la sagesse ».

16 Ibid., 1, 23, 60 : « Lorsque l’esprit... se sera détaché de l’obéissance et de la complaisance envers le corps...

».

1037 Ibid. : « ...qu’il aura piétiné la volupté comme une tache déshonorante et abandonné toute crainte de la mort et de la douleur ».

335

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

ons métaphoriques qui permettaient reconstitué en filigrane des propos cicéroniens, riches de plusieurs expressi

réné, qui l'équipe et le l'exploitation allégorique : l'esprit-Aristée, avec l'aide de la Nature et de la Philosophie-Cy c'est-à-dire le dieu trinitaire. guide, oblige Protée à abandonner les opinions illusoires et à contempler la vérité,

supra) qui fait de Protée le Bien entendu, la source augustinienne empruntée au Contra Academicos (voir ueritas que représente Protée symbole de la Veritas demeure fondamentale dans ce préambule du manuscrit. La à Aristée : apparaitre sous des est double, tout comme s'effectue en deux temps la révélation que Protée propose épistémologique. C'est traits humains ; livrer ses prophéties. La ueritas est donc à la fois anthropologique et pas céder aux passions, d'abord la vérité de cette partie spirituelle de la psyché humaine qui, forcée de ne prophétique à laquelle abandonne la forme animale pour prendre un visage d'homme. Mais c'est aussi la vérité trinitaire qui fait cette partie est capable d'accéder en abandonnant l'opinion : il s'agit de la connaissance du dieu

signifiés ressembler au divin, pour reprendre une formule platonicienne'^*. La confusion allégorique entre les

cóté la que véhiculent Protée et Aristée et que nous avons déjà mentionnée plus haut, est ici frappante. D'un u humain ueritas apparait comme une faculté psychologique humaine, incarnée à la fois par Protée redeven cf. $5 : imago (l'homme intérieur) et par Aristée (l'intelle& humain, fait à l'image et à la ressemblance de Dieu,

au et similitudo Dei). De l'autre, la ueritas se définit comme contenu de pensée, symbolisé par le seul Protée, e du De moment oü il prophétise : cette ueritas est religieuse, c'est celle du dieu trinitaire. Là encore, la présenc

Legibus en arriére-plan est fondamentale pour comprendre les raisons de cette confusion, ou du moins, de cette ambiguité. En effet, l’éloge que le De Legibus de Cicéron (1, 57) fait de l'oracle d'Apollon à Delphes oü est

évoquant une citation d' Horace : Erit id (opinor) haud inutile uinculum Proteo nostro constringendo'^? (£^ 43V): « Ce texte à mon

l'ensemble de la figure allégorique constituée par l'Hermathena Bocchiana. L'enchainer veut dire l' interpréter et faire apparaitre la vérité derriere le voile des figures mythologiques. Dans une autre lettre du méme manuscrit, datée du 18 janvier 1548 (f? 431"-v^) et dont on trouvera le texte latin

en annexe 2, Bocchi invite son destinataire Amaseo à se transformer en Aristée afin de pouvoir s'emparer d'un

Heros, c'est-à-dire de leur prote&eur commun, le cardinal Alexandre Farnése, qui, visiblement trés affairé et

occupé à plusieurs táches, manque à ses promesses de subsides pour l'Académie bocchienne.

Ce que tu dis, à savoir que notre Héros a été occupé à plusieurs affaires en méme temps, cela fait un certain temps que je l'ai appris aussi par d'autres, et que je le soupconnais moi-méme. Je n'ai toutefois jamais perdu courage, et c'est là l'ordre de mon bon génie. Il est impossible que les voies pour parvenir à notre protecteur ne te soient pas un jour facilitées ; et dés qu'elles seront libres, ce ne sera pas trop tard ou en désaccord avec nos intéréts. Voici l'espoir auquel m'appellent ta prudence et ta diligence : dés que tu te seras emparé de Protée, tu le maintiendras bien serré dans les liens trés puissants de l'affection, j'en suis sùr. Pour le reste, tu seras coupable si tu le laisses partir, à moins qu'il ne t'ait accordé tout ce que tu réclames. Mais, me diras-tu, que va-t-il se passer si : « Soudain il prend pour t'abuser formes variées et gueules de bétes ? » [7 VERG., Georg., 4, 405] Et tu te souviens de ce qui

suit : « Mais plus il se changera en formes de toutes sortes/ Plus vigoureusement, mon fils, tu serreras ses liens solides » [2 VERG., Georg., 4, 410-411].

*

e, délivré le fameux nosce fe ipsum, trouve son écho dans le manuscrit non seulement dans la généalogie d'Aristé

lui aussi fils d'Apollon (cf. $3 : praeclara stirpe deorum genitus) mais aussi dans le fait qu'en s'emparant de Protée, le pátre respedte le commandement de son pére Apollon à Delphes : attraper Protée, c'est se retrouver et se connaitre soi-méme. Cette parenté voire cette identification est soulignée par l'usage symétrique de la ruse. Aux piéges métamorphiques de Protée, répond l'astuce légitime d'Aristée qui écoute les conseils de sa mére et attend

l'heure du sommeil, astuce exprimée par la formule antithétique per aequa iniqua du manuscrit ($2). Mais cette

quasi-identité est rendue plus sensible encore par les liens que le berger passe au devin et qui les réunissent en une seule et instable figure. Dans le manuscrit, on observe la méme ambiguité polysémique pour Cyréné qui incarne autant la philosophie que la nature et la raison humaines (cf. $5 et 8), c'est-à-dire des facultés et leurs objets ou contenus. Enfin, il convient ajouter une troisiéme signification de cette ueritas protéenne, explicitement mentionnée en ouverture du texte manuscrit, et induite par la démarche méme du commentateur allégorique, conformément à la longue tradition à laquelle il se rattache. La fable est une école de la philosophie (cf $1: [fabulae] instrumentum quandoque sunt et quasi pedagogia quaedam philosophiae capessendae) dans la mesure oü l’exégèse du mythe suppose que l'on s'éloigne de la matérialité du signe, du symbole ou du récit, sorte d'enveloppe charnelle, pour en dégager la vérité cachée et les aspects spirituels (cf. $4 : quibusdam quasi mysteriis inuoluerent). Le mythe protéen qui voit la forme humaine triompher des métamorphoses multiples permises par la matière sert ici d'archétype méthodologique pour permettre le passage du fabuleux au rationnel, de l'imaginaire au spirituel, ce que confirmait le motto qui surmonte la gravure : unam uidendam ueritatem in omnibus.

Cette vision d'un Protée archégéte de l'herméneutique des fables est confirmée dans un autre manuscrit de

Bocchi. Dans une des Lettres de Bocchi à Romolo Amaseo datée de 1548 et conservée à la Bibliotheque Ambrosienne de Milan sous la cote D. 145 inf, l'emblématiste se propose d'élucider la signification du groupe statuaire complexe qui définit le programme de son académie et qui doit figurer à l'angle de son palazzo, siege de

cette académie. Cet ensemble qui montre une Hermathéna à l'angle d'un mur, derriere un Éros tenant en bride une téte de lion, constituera le sujet du Symbolum 102 (voir nos analyses à ce symbole). Dans la lettre

manuscrite, aprés avoir cité l'épigramme qui constituera le texte du futur Symbolum

102, Bocchi conclut en

1038 Sur cette identité entre le sujet et l'objet, entre la nature de l’àme et la nature des concepts qu'elle pense impliquée par l'ópotectic 0:6 (cf. Uie 10, 613a ; Tim., 9od ; Leg., 4, 716cd), cf. J. Pépin, Ex platonicorum persona : études sur les lectures philosophiques de saint

PL, Rb, 6,

Augustin, « L'origine plotinienne de l'identification de l'"intellectuel" et de l"intelligible" chez Augustin », Amsterdam, 1977, p. 181-210.

336

lien pour enchainer notre Protée ». Protée renvoie ici à

avis ne sera pas inutile comme

ANNEXE 1

Nous proposons ici un extrait du manuscrit du XVI s., Achillis Bocchii Praelectiones in libros De Legibus

304), p. I-V M. T. Ciceronis habitae Bononiae in Academia Bocchiana, Bibliotheque Universitaire de Bologne (Ms.

(2 P 19r-21r) - A. Par rapport à la version latine du texte que nous donnons dans notre article de 2010 1? nous avons pu ajouter

méme les rares variantes et omissions constatées dans l'autre exemplaire manuscrit du

conservé

à la Bibliothéque

Universitaire

de Bologne

texte, daté du XVII. s.,

(Ms. 4326, p. 1-4) et signalé par P.-O. Kristeller, Iter

to Italy (A-F), Italicum, vol. s : Alia Itinera III and Italy III : Sweden to Yugoslavia, Utopia [and] Supplement Londres/Leyde, 1990 - B.

avons laissé quelques Nous avons développé les ligatures et les abréviations et modernisé la ponctuation. Nous nous avons commodité, de particularités orthographiques : caussam, quum, syncerae, solicitudines. Pour plus numéroté les paragraphes. ACHILLIS BOCHII BONONIENSIS PRAELECTIONES BONONIAE IN ACADEMIA BOCCHIANA MDLVI"*.

IN

LIBROS

DE

LEGIBVS

MARCI

TVLLII

CICERONIS

HABITAE

etiam quae aniles 1. LIBET MIHI PAVLISPER fabulari uobiscum, auditores, idque non ab re, siquidem fabulae pedagogia quaedam philosophiae putantur non rudimentum modo sed instrumentum quandoque sunt et quasi capessendae"??,

et fatidicus uates : 2, Estne cuiquam uestrum unquam fando auditus PROTEVS ille deus Aegyptus Omnia transformat qui se in miracula rerum, frs» : . 1043 Ignemque horribilemque feram fluuiumque liquentem ? ? « Par quel noeud fixer ce Protée au visage changeant ? » 109 Cf Hor, Epist., 1, 1, 90 : Quo teneam uoltus mutantem Protea nodo 1040 A Rolet, « Le Protée d'André Alciat et le Protée d'Achille Bocchi ». ‘1 MDLVIA : 1556 B. ad capessendae nos : capesc- AB. 109 VERG,, Georg., 4, 440-441.

$5y

"Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

est) cecinit Homerus cum Graecus, tum Hunc ipsum, siue uatem siue deum (quemcumque dici ius fasque cumque se captum senserat, ad horrendos Latinus noster numquam nisi coacte reponsa dare consueuisse,

pristinum hominis habitum confugere aspectus. Is tamen ad extremum si nequaquam se dimitti uidebat, recipiens ita tandem diuinabat. ratio, propterea paucissimi ad 3. Verum quia difficillima uidetur haec diuinandi et ueritatis cognoscendae stirpe deorum genitus'^*, conPROTEVM accesserunt. Vnus tamen hunc ipsum pastor Aristeus, praeclara captum [p.I1- £f 19v?] -silio atque suasu'^^ Cyrenes matris accedens propius cepit, hominisque uoce loqui per aequa iniqua omnia coegit.

uinxit, uinctum tenuit,

issimos poetas, quibus 4. Ecquid, obsecro uos, putatis hac fabella tam bella significare uoluis-[p. 2B]-se sapient quidem sententia) nisi ut cordi fuit prodesse non minus ac delectare" ? Profecto nihil aliud intenderunt (mea dam quasi mysteriis hominis naturam, summum bonum, atque adeo ueritatis assequendaee rationem quibus inuoluerent. emque natum esse. Quippe s. Satis enim constat hominem solum ex caeteris animantibus ad cognitionem ueritat

sese corpus cuius beatitudo summumque bonum in sola diuinorum contemplatione consistit. Sed ubique attonitum, reddit ens percuti quasi opponens tumultu quodam atque insania plus nimio perturbat animum, et dum

male sanis amoribus,

cupiditatibus, timoribus,

uariisque imaginibus,

et multis illum

nugis illudit. Et

mehercle de inuestigatione ueritatis actum esset omnino, nisi pastor Aristaeus, is est humanus intellectus, imago s et similitudo Dei, Cyrenes matris et philosophiae suasu atque opera, soporatis et superatis omnibus monstri m dmodu affe@&uum, uictor euaderet. Praesto enim est prudentissima illa gubernatrix, edocens quema incumbente tempestate turbulentissimos redundantium fluctuum impetus excipere nos oporteat, tum

repugnantem hominem capere, captum ligare, ligatum tamdiu tenere, quousque peregrinis imaginibus relictis et multiformibus opiniosissimisque "" (ut ita loquar) mira- [p.III = P 20r°A] -culis et, ambagibus rerum

posthabitis, tandem aliquando in naturam redeat suam. Postremo uaticinetur, hoc est caussam"* rerum omnium Deum trinum et unum contempletur et agnoscat.

6. Video plerosque uestrum, auditores, expectare iam quod tantopere nuper eflagitastis, eundem scilicet PROTEVM nostrum symbolice iampridem a nobis descriptum, quemadmodum quidem uoluimus. Nunc creditores uos haud grauatim liberabo. Quod ego dum facio, ne grauemini uos quaeso mihi fauere tantisper et linguis et animis uestris. Pauca sunt (fateor) [p. 3B] &M\à páAa uyéoc'?? , ut ait Homerus? : Qua tu pingeris Proteu mirande figura, Omnigenam in speciem si transformaris, et idem Sis licet, haud idem tamen es potis ipse uideri ? Non saxum, non unda liquens, non flamma coruscans,

Non frondosa arbor uariarumue illa ferarum

Ora placent ; sed qualis eras, quum uincla tetendit Pastor Aristaeus, iam nunc mihi talis adesto.

Ne quaesita neges dubiis oracula rebus. Quidnam aliud Proteum quam ueri ipsius imago est Omnia uertentis sese in miracula rerum ? Illa eadem diuina hominis forma interioris

104 VERG., Georg., 4, 322 : Quid me praeclara stirpe deorum/ ... genuisti .

1045 atque suasu A : om. B.

Quam uariae illudunt facies et opinio fallax. Heic specus errorum ille ingens, ubi caeca libido

Distrahit insanos studia in contraria sensus. Quare adhibenda animi summa est contentio, Verum Gnauiter adprensum ut teneas ratione sagaci,

Quum primum fuerit per somnum oblata facultas, Quumque cupidinem sternent se in littore phocae

[p.1= f° 20v^A] Et defessa senex componet membra quieti.

Syncerae inicias"*! fidei tum uincula capto, Donec nulla fugam inueniet pellacia et ipsa

In se hominis tandem redeat uerissima forma.

7.lam nunc, auditores optimi, confido PROTEVM illum quidem Symbolicarum Quaestionum nostrarum principem laudatissimum, uestrum plerisque non ignotum, breui in potestate uestra futurum, si modo Cyrenem illam Diis [p. 4B] immortalibus genitam id est diuiniam M. T. Ciceronis nostri philosophiam saepe ac saepius audiendam mecum uobis esse putabitis ; illa nostris medebitur animis, inanes solicitudines detrahet, cupiditatibus liberabit, pellet timores'^*". [...] E& profecto (ut inquit Cicero) animi medicina philosophia, cuius auxilium nec ut in corporis morbis petendum est foris omnibusque opibus uiribusque ut nosmet ipsi nobis mederi possimus, elaborandum est^?

affers, hoc est Heic mihi forte dicet aliquis : cur non designate magis et praecise dicis ? Tuoque more &popicuóv distinctam rerum explicationem et quasi ad regulam exactam doctrinam ut sic : cito dicta ^?*. fideles Percipiant animi dociles teneantque

Igitur uniuersa res comprehensa est duobus hisce uersiculis : OPINIONIBVS SOPITIS FIRMITER TENENDA CAPTA VERITAS.

semel apprehensam sum|ma -[p. V Enimuero quis nescit in obscuritate opinionum latere ueritatem eamque ad ipsam, nisi Cyrene matre P 21A] ope retinendam ? Sed numquam intelle&us noster accedet propius quis, nisi rationis impos, neget ? consulente, id est auspice natura hominis atque ratione ; qua nihil diuinius esse sit, id est uita modica et apta uirtute perfrui aut Nam certe res ita se habent ut ex natura uiuere summum bonum sit in ipso praetermittere quo minus ea quae natura naturam sequi et eius quasi lege uiuere, id est nihil quantum

^*^, postulet, consequantur, quod inter haec uelit uirtute quasi lege uiuere

summam uidelicet explicari legem 8. Intelligo nunc expectare uos quod restat, huiusce disputationis proprium, disciplinamque uiuendi. profecto ita se res habet ut quoniam Atque utinam (ut noster orator inquit) esset e tiam facultatis meae. Sed ducatur. Ita fit emque uirtutum, ab ea uiuendi doctrina uitiorum emendatricem legem esse oportet, commendatric

1046 HOR, Ars, 343-344 : Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci/ Lectorem delectando pariterque monendo.

1047 Cet adjectif est imité de la forme opinosissimus que l'on trouve dans les manuscrits de Cicéron (Ac., 2, 143) au lieu de spinosissimus, subtil, recherché. Le positif opiniosus, « riche en conjectures » se trouve chez Tertullien (Marc., 4, 35, 8). Voir aussi Philippe Béroalde l'Ancien, Declamatio an orator sit philosopho et medico anteponendus, Bologne, 1497 (s. p.) : Cum ueritas demersa in secretariis naturae delitescat, hinc

"5! Ms, inijcias.

19? How. IL, 3, 214. 1050 ut ait Homerus A : om. B.

US eotec mag

philosophos a scriptoribus luculentis opinatores, opiniosos, opiniosissimos dici nouimus. 1048 caussam A : causam B.

338

liberat, pellit timores. medetur animis, inanes sollicitudines detrahit, cupiditatibus los2 Cic. Tusc, 2, 4, 11. Le début est au présent chez Cicéron : 55 CIC. Tusc; 3,3,6. "5! HOR, Ars, 334-335. 36

339

"Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

uerbo philosophia nomen inuenit, qua nihil ut mater omnium bonarum artium sapientia sit, a cuius amore Graeco 056 n . : s 2 a [p. 5B] diis immortalibus uberius, nihil florentius, nihil praestantius hominum uitae datum est!956. :

:

nu

Hactenus Cicero, a quo ipso laudata quidem sapientia grauiter, et uere, dicet aliquis, sed quorsus haec

pertinent !

LECTURE PRÉLIMINAIRE D'ACHILLE L'ACADÉMIE BOCCHIENNE EN 1546.

BOCCHI

AU

TRAITÉ

DES

LOIS

DE

CICÉRON,

TENUE

À

BOLOGNE

DANS

1. Me voici autorisé, chers auditeurs, à affabuler avec vous pendant un petit moment, et non sans profit, s'il est vrai que les fables aussi, regardées comme contes de vieilles femmes, constituent parfois non seulement un entrainement mais encore un véritable instrument et une sorte d'école pour embrasser la philosophie. 2. Quelqu'un parmi vous a-t-il jamais entendu parler de Protée, ce fameux dieu égyptien prédisant l'avenir, Qui se transforme en toutes sortes de prodiges : Feu, terrifiante béte ou bien fuyant cours d'eau ?

De ce personnage, qu'il soit dieu ou devin (tous les qualificatifs sont permis et autorisés), l'Homére grec aussi bien que notre Homére latin"* ont dit, dans leurs chants, que son habitude était de ne jamais donner de réponse sinon sous la contrainte et que, lorsqu'il se voyait fait prisonnier, il recourait à de terrifiantes apparences. Toutefois, en dernier ressort, s'il constatait que ses tentatives pour fuir restaient vaines, reprenant sa premiere forme, celle d'un homme, c'est sous cet aspect qu'il rendait enfin son oracle. 3. Vu que cette méthode de divination et de connaissance de la vérité semble extrémement difficile, fort peu

d'individus se sont rendus auprés de Protée. Seul le berger Aristée, issu d'une illustre lignée de dieux", sur les conseils persuasifs de sa mére Cyréné, se saisit de lui en s'approchant plus prés, le ligota lorsqu'il l'eut saisi, le maintint fermement lorsqu'il l'eut ligoté et le contraignit par licite injustice à tout lui révéler d'une voix humaine. 4. Par cette fable si séduisante, qu'ont donc voulu signifier les plus sages des poétes, je vous en conjure, eux qui eurent à cceur d'étre utiles autant que de plaire ? Ils n'eurent sans doute pas, à mon avis, d'autre intention que de dissimuler par des sortes de mystéres la nature de l'homme, le bien supréme et la méthode pour atteindre la vérité.

5. Il est suffisamment établi que l'homme est le seul, parmi tous les étres animés, à étre né pour la connaissance et la vérité. Et donc, le bonheur et le bien suprémes pour lui résident dans la seule contemplation des réalités divines. Mais le corps, en s'interposant partout, trouble l'esprit par une sorte de vacarme voire de folie, et, lui portant pour ainsi dire des coups, le laisse stupéfié, tout en lui jouant de mauvais tours au moyen des amours qui rendent malades, des désirs, des craintes, des images variées et de nombre de sottises. Et, par Hercule, c'en eùt

été fini de la quéte de la vérité si le berger Aristée, c'est-à-dire l'intelle&t humain, fait à l'image et à la ressemblance de Dieu, ne sortait pas vainqueur gráce au conseil et à l'aide de sa mére Cyréné et de la philosophie, aprés que tous les monstres des passions ont été endormis et dominés. Nous avons en effet à notre disposition cette gouvernante trés avisée qui nous apprend comment, lors d'une tempéte, il nous faut endurer les assauts irrésistibles des flots qui nous submergent puis saisir l'homme qui se rebiffe, l'enchainer une fois qu'il est pris, le maintenir une fois qu'il est enchainé aussi longtemps que nécessaire, jusqu'à ce qu'il abandonne les

images étranges, les prodiges aux multiples formes et «trés opinioneux » (si je puis dire), délaisse les

subterfuges matériels pour revenir enfin à son authentique nature. Il prophétisera ensuite, c'est-à-dire qu'il contemplera et connaitra la cause universelle, le Dieu triple et un. 6. Je constate que la plupart d'entre vous, chers auditeurs, attendent ce que vous avez récemment tant réclamé, à savoir l'interprétation symbolique de ce méme Protée que nous avons donnée il y a longtemps, mais de la maniere que nous voulions. Et c'est sans effort que je vais vous payer la dette que je vous dois. Pendant que je le fais, je vous demande de ne pas rechigner à m'étre favorables en parole et en pensée. Ce sont là peu de mots, mais fort clairs, comme dit Homére'? : Sous quels traits, merveilleux Protée, te représente-t-on,

Si tu prends toutes les formes, et si, bien que le méme,

On ne peut pourtant pas te voir à toi-méme identique ? Rocher, eau fuyante, flamme dont les reflets scintillent, Arbre touffu ou figures d'animaux différents, Cela ne me plait point ; tu dois maintenant m'apparaitre Comme lorsque Aristée, pátre, resserra tes entraves.

Ne retiens pas tes oracles, réclamés dans le doute. Protée est-il autre chose que l'image du Vrai, Qui se métamorphose en tous les prodiges du monde ?

C'est aussi, de l'homme intérieur, la forme aux traits divins

Que raillent les apparences et l'opinion trompeuse. Voici des erreurs l'antre immense, oü l'aveugle plaisir Tiraille les sens insensés entre désirs contraires. Tu dois tendre tout ton esprit pour tenir fermement Le Vrai, fait prisonnier gráce à la subtile raison. Dés qu'à la faveur du sommeil, s'offrira l'occasion, Quand les phoques libidineux s'étendront sur le bord, Et qu'au repos l'ancien livrera son corps épuisé,

Alors, passe au captif les chaines d'une foi sincere, Puis attends que sa fourberie n'ait plus moyen de fuir, Et qu'il retrouve enfin sa véritable forme, d'homme.

7. Désormais,

excellents

auditeurs, j'ai la certitude

que

ce Protée, personnage

essentiel de nos

Questions

Symboliques qui suscite les louanges les plus vives et dont la plupart d'entre vous sont familiers, va étre rapidement en votre pouvoir, à condition seulement qu'en ma compagnie, souvent et plus encore, vous pensiez

devoir écouter Cyréné, née des dieux immortels, c'est-à-dire la divine philosophie de Cicéron qui :

soignera nos esprits, détruira nos vaines préoccupations, nous libérera des désirs et chassera les craintes.

Assurément, (pour citer Cicéron), la philosophie est la médecine de l’àme ; il ne faut pas rechercher son aide à l'extérieur, comme dans les maladies corporelles mais il faut travailler avec toutes nos capacités et nos forces à faire en sorte de pouvoir nous soigner nous-mémes .

On me dira sans doute : « Pourquoi ne parles-tu pas de maniére plus nette et plus précise ? Cite comme à ton habitude un aphorisme », c'est-à-dire une explication incisive et une lecon pour ainsi dire tirée à la régle, pour que, de cette maniere : Les maximes rapidement

Entrent sans effort dans l'esprit qui les retiendra bien.

Ainsi, tout le sens de l'épigramme est compris dans ces deux petits vers : 156 C1C Dog:3,:58;

1057 C'est-à-dire Virgile. 105 IL était, en effet, le fils d'Apollon ; cf. VERG., Georg., 4, 323 : ... pater est Thymbraeus Apollo.

340

1059 Anténor (IL, 3, 214), décrivant la différence entre Ulysse et Ménélas, rappelle que ce dernier « parlait peu ».

341

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Symb. 62

UNE EOIS LES OPINIONS ASSOUPIES, IL FAUT FERMEMENT MAINTENIR LA VÉRITÉ PRISONNIERE.

Gravure :

dés qu'on s'en est emparé, il Qui ignore en effet que la vérité se dissimule dans l'obscurité des opinions et que, plus prés d'elle sans les faut la maintenir de toutes ses forces? Mais jamais notre intellect ne s'approchera humaine : qui, à moins d'en conseils de sa mére Cyréné, c'est-à-dire sous les auspices de la nature et de la raison étre privé, niera que rien n'est plus divin qu'elle ?

À ANTONIO BERNARDI DE LA MIRANDOLE, TRÉS ILLUSTRE PHILOSOPHE EXCELLENCE DE LA DIALECTIQUE ET ART DE LA DIVISION

Sur l'image : La Dialectique est le sommet des mathématiques

à jouir d'une vie pleine de En réalité, le souverain bien consiste à vivre conformément à la nature, c'est-à-dire ce qui signifie ne négliger loi, sa selon dire mesure et jointe à la vertu, ou bien à suivre la nature et à vivre pour ainsi

de ces biens aucun effort, autant qu'il est en soi, pour obtenir les biens qu'exige la nature, vu que vivre au milieu

— Dis-moi, je te prie : Appelée par Platon le — Ta main exhibe des Les signes et marques

veut dire vivre selon la vertu faite loi, en quelque sorte.

sous 8. Je comprends que vous attendez à présent le reste, essentiel à cette discussion : que l'on déploie bien sür vos regards la loi et la méthode suprémes de l'existence : Et puissé-je en avoir les capacités (comme dit notre orateur) ! Mais c'est un fait que, puisqu'il faut que la loi corrige les vices et enseigne les vertus, c'est d'elle qu'il faut s'inspirer pour tirer un art de vivre. C'est pourquoi la mére de toutes les vertus est la sagesse dont l'amour donna en grec le mot de philosophie, le plus fécond, le plus généreux, le plus admirable des dons que nous firent les dieux immortels. En voilà assez pour

Cicéron

qui a certes loué la sagesse

combien ces propos portent !

avec force, et avec raison, pourrait-on

dire:

mais

ANNEXE 2

Tu ueró meministi quod sequitur :

Qu''ainsi ils forment et gardent de toi une idée juste.

Tous les genres des mots, qu'ils soient isolés ou en groupes ; Et toutes les facons dont on peut dire chaque idée, 10 Comment voir le vrai et le faux, quel résultat se tire De chaque affirmation, quelles sont ses suites logiques, Ce qui la contredit ; pour chaque expression ambigué, Comment il faut mener distinctions et explications. Puisque souvent notre pensée, cachée, doit s'expliquer,

Lettre de Bocchi à Romolo Amaseo, 18 janvier 1548 (Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 Inf., f 43r°-v°)

Tum uariae illudent species atque ora ferarum ?

- Que doivent faire, selon toi, tous les esprits studieux ? — Ils doivent d'abord connaitre le sens, la nature et

*

Quod ais Heroa nostrum fuisse distentum, id iam pridem et ab aliis acceperam, tamen animum despondi, quo macte iubet esse me genius meus [P 43v^]. Fieri eum pateant aliquando faciles; qui quandocunque patuerint, nunquam seri importuni. Hanc in spem prudentia et diligentia uocor tua ut primum enim tenacissimis amoris uinculis constrium tenebis opinor. De reliquo iam culpa petieris omnia concesserit, dimiseris. Dices fortasse : quid si

s

qui estu ? — J'ai pour nom Dialectique, plus haut degré du savoir. outils ? — J'enseigne gráce à eux du Vrai, du Faux et du Probable.

et ipse suspicabar ; nunquam non potest quin tibi aditus ad erunt aut rationibus nostris Proteum depehenderis, eum tua fuerit, si illum, nisi quae

Quele sens obscur d'un concept doit étre clarifié, On doit rapidement définir le sujet traité. Une fois éclairci le genre de chacun des points, De ce genre on doit voir les espéces et les parties, Afin d'y répartir tout l'agencement du discours. 20 Or, quand le sujet l'exige, le sage répartit,

15

Divise en espéces claires le genre tout entier,

Sans oublier ni répéter aucune parmi elles. Quiconque sait bien diviser a si grande valeur Que si un tel individu s'était jadis montré 25 Auregard de Socrate, on l'aurait sans mal vénéré Avec le culte et le respect qu'on témoigne à un dieu.

SUR LA MÉME

Sed quanto ille magis formas se uertet in omnes, Tantó, nate, magis contende tenacia uincla.

(voir la traduction supra, dans le corps de notre analyse.)

Cette divine faculté illumine les arts ; Elle ne souffre point ni doute ni désordre.

Où qu'elle pose un pied, elle n'accepte en aucun lieu

D'étre défaite. Elle guerroie d'un cceur sans crainte.

MÉTRIQUE - carm. 1 : hexamétres dactyliques. - carm. 2 : distiques élégiaques.

342

343

"Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

- v. 41: ueri et falsi et probabilis] Pour la distinction entre le vrai et le faux, qui relévent de la science, et le

NOTES

_ ded.: Antonio

Bernardo

Mirandulae] Né

en

1502, mort en

1565, Antonio

Bernardi

est originaire de la

de Lodovico Mirandole'9. Il débute ses études de philosophie à Bologne, en 1517, sous la direction lecteur au Bocchi, e Boccadiferro et Pietro Pomponazzi. C'est probablement à ce moment-là qu'il rencontr et il occupe en 1537 la chaire Studio. En 1533, Paul III le promeut lecteur de logique au Studio de Bologne,

mundo. En 1539, il extraordinaire de philosophie : il étudie la Physique d'Aristote, ainsi que le De Caelo et ro, représentants s'établit à Rome, sous la protection de Giovanni Battista Campeggi et de son frére Alessand (publié d'une illustre famille bolonaise (voir Symb. 123), puis rédige un commentaire à la Rhétorique d' Aristote le précepteur du de facon posthume en 1 589). À partir de 1540, il est sous la protection des Farnese (il devient Flaminio, Romolo cardinal Alessandro Farnése) et se lie avec Pietro Bembo, Jacques Sadolet, Marcantonio

il Amaseo et Paolo Giovio. En 1545, il publie à Bále une Institutio in uniuersam Logicam, oü il explique pourquoi propose d'exclure les Catégories de l'Organon et de faire débuter ce dernier par le De Interpretatione. Il publie en méme temps un In eamdem Commentarius et une Apologia en huit livres, pour répondre aux objections que lui a . faites Giacomo Giacomelli en 1542 (In nouam quandam A. Mirandulani de praedicamentis opinionem responsio)

L'une des questions essentielles soulevées à la fin de la premiere partie du Commentarius s'intitule Quid sit Logica et quo differatur a Dialectica. Elle se prolongera par une réflexion, au livre XIV de son traité sur le duel dédié au cardinal Farnése, les Euersionis singularis certaminis libri XL (parus en 1562, connus aussi sous le titre

Disputationes in quibus... Monomachia (quam singulare certamen Latini, recentiores duellum vocant) philosophicis

rationibus astruitur, sur la définition de la grammaire, de la rhétorique, de la logique, de la dialectique, et de tout

probable, qui reléve de l'opinion ou de l'habitude, cf. CiC., Inu., 1, 46 : Probabile autem est id, quod fere solet fieri

aut quod in opinione positum est aut quod habet in se ad haec quandam similitudinem, siue id falsum est siue verum.

Dans le De oratore (2, 38), Cicéron attribue à l'aristotélicien Diogene de Babylone, membre de l'ambassade de philosophes grecs qui vint à Rome en 155 av. J.-C., l'invention de la dialectique, comme art d'organiser le

discours et de distinguer le vrai du faux : Videsne Diogenem eum fuisse qui diceret artem se tradere bene disserendi et uera ac falsa diiudicandi, quam uerbo Graeco SiaAexixr appellaret ? - v. 7-9 : il s'agit ici de catégories purement grammaticales qui définissent la latinitas, la correction de la langue,

qui fait partie de la logique. -v.7 : uim, naturam, genera] C'est-à-dire le sens des mots (à partir de l'étymologie), leurs éventuelles flexions ou rections et leurs catégories (nom, adjectif, verbe, etc.) ^! — v. 8 : coniunctorum] Cicéron emploie le terme copulatorum pour désigner les mots rassemblés en propositions ou en phrases. — v.9: quot modis] Le terme désigne à la fois les propositions sous l'angle de la logique (majeure, mineure ou conclusion d'un syllogisme par exemple), mais aussi sous l'angle purement syntaxique (subordonnée circonstancielle, par exemple, marquant la cause, le but, la conséquence, l'hypothése, etc.) — v. 11 : conque sequentia] Coordination induisant une tmése pour consequentiaque.

— v. 10-22 : Bocchi suit à la lettre Cicéron qui aborde le domaine propre de la dialectique : - distinguer le vrai du faux

ce qui les distingue. En 1552, il e& nommé évéque de Caserte, aprés de multiples missions diplomatiques couronnées de succés. On peut penser que l'embléme de Bocchi célébre la publication de l'Institutio et du

- tirer une conséquence

-

Commentarius en 1545 (ou sa réédition báloise en 1549) et la tentative de distinguer entre logique et dialectique.

On remarquera que la dédicace est au-dessus de la gravure, et non, comme souvent, au-dessus de l'épigramme. Une lettre de Bocchi à Romolo Amaseo (Milan, Bibl. Ambr., D. 145 in£, f° 37r°-v°), datée du 25 mars 1548, montre l'intérét que prend l'emblématiste à se faire connaitre d'Antonio Bernardi : Bern«ardino» Mafeo, et Ant«onio» Mirandulae nostris cupio etiam atque etiam tua praedicatione meum nomen illustrari. Fac sciam quid uterque de nobis loquatur et sentiat, an usque adeo grata sit eis obscuritatis nostra recordatio, ut nobis est illorum.

[P 37v^] Est illorum claritudinis iucunda

memoria

? Deus max.«imus»

ambos

ita sospitet, ut

minimé uereor quin eadem futuri sint erga nos humanitate, fide, et pietate qua semper in amicos, et boni omnes, ut tenuis fortunae homines, extitere. Auprés de nos chers Bernardino Maffei et Antonio de la Mirandole, je désire que tu fasses rayonner mon nom par ta recommandation, encore et encore. Fais en sorte que je sache ce que chacun d'entre eux pense et dit de nous ; s'ils se souviennent encore de notre obscure personne avec autant de plaisir que je me souviens d'eux. Leur est-il agréable que l'on se remémore leur gloire ? Dieu le trés Grand les favorise suffisamment pour que je ne redoute pas qu'ils ne manifestent pas envers nous la méme générosité, la méme confiance et le méme respect que tous les gens de bien, fussent-ils de modeste condition, témoignent toujours envers leurs amis.

- tit. pict. :

- praestantia] Le terme reprend en latin le mot grec Optyxóc, placé en dessous de la gravure, et est relayé par l'expression summum apicem au v. 2 du carm. 1.

- diuisio] Le terme est relayé deux fois par les verbes diuidi (v. 13) et diuidit dans la premiere épigramme (v. 21 et 23).

1060 Pour de plus amples développements,

voir P. Zambelli,

« Bernardi, Antonio », DBI, t. IX, Rome,

1967, p. 148-151

et M. Forlivesi,

« Appendice: elementi di biografia e bibliografia », in M. Forlivesi (dir.), Antonio Bernardi della Mirandola (1502-1565). Un aristotelico umanista

alla corte dei Farnese, Florence, 2009, p. 183-194. Pour Bocchi et Antonio Bernardi, voirA. R. Angelini, Simboli e questioni : l'eterodossia culturale di Achille Bocchi e dell'Hermathena, Bologne, 2003, p. 125-172 ; Ead. « Dialecticae praestantia et divisio. Achille Bocchi, Ad Antonio Bernardi, illustrissimo filosofo », in M. Forlivesi (dir.), Antonio Bernardi della Mirandola, Florence, 2009, p. 114-139. Dans ces deux études, il n'est pas fait mention de l'Orator de Cicéron.

344

définir ce qui est cohérent ou contradictoire diviser et analyser les ambiguités établir des définitions distinguer les genres des causes et leurs subdivisions énumérer les parties sans omission ni redoublement.

ANALYSE

Bocchi lui-méme renvoie à cet embléme dans un passage manuscrit des Praelectiones in libros de Legibus

M. T. Ciceronis habitae Bononiae in Academia Bocchiana MDLVI (Bologne, Bibl. Univ., cod. lat. 304, p. LXXIVLXXV), lorsqu'il commente le terme de Cicéron SVBTILIVS [- CIC., Leg., 1, 13 : et conscribis de iure ciuili

subtilius quam ceteri] :

Acutius uim rerum uerborumque definis et explicas, dein diuidis atque partiris, quippe qui non ignarus es illius artis quae Optykóg tv uaOmuárev dicitur a Platone. Consulite Symbolum LXII nostrum ANTONIO BERNARDO MIRANDVLAE philosopho clarissimo» dicatum, ubi dialecticam ex Aristotelis Organo exprimere poetica quadam usque eo ut pictura conati sumus. Nempe sciendum est, subtilitatem disserendi a Cicerone propriam dialecticis attribui, ipsi se plerumque acuminibus compungerent [cf. Cic. de Or., 2, 158] notentur.

et les distingues en Tu définis et éclaires avec plus de pénétration le sens des choses et des mots, puis tu les divises regarder notre Allez homme qui n'ignore pas cet art que Platon appelle «le couronnement des sciences ». avons tenté de rendre Symbolum 62, dédié à Antonio Bernardi de la Mirandole, trés illustre philosophe, oà nous que la subtilité dans la par une image poétique" la dialectique selon l'Organon d'Aristote. Car il faut bien savoir « ils se piquent discussion est attribuée en propre aux dialecticiens par Cicéron, au point que, la plupart du temps, eux-mémes à leurs traits d'esprit ».

de réconcilier dans cet Il y avait quelque paradoxe à tenter, dans un esprit caractéristique de la Renaissance,

embléme Platon et Aristote, par l'intermédiaire de Cicéron, sur la notion de « dialectique ». La premiere pour clarifier les formules cicéroniennes. 101 Voir A. Yon (éd.) : CICÉRON, L'Orateur, Paris, 1964, p. LVIII, dont je me suis servie

102 C'egt-à-dire usant de la figure de l'allégorie ou personnification.

345

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

épigramme est en effet une longue paraphrase de l'Orator 114-116 de Cicéron, comme le montre le tableau comparatif suivant :

® >

eme

PM

EET

c:

m

dedu

B--———

— Verborum uim, naturam, genera omnia primüm

Simplicium et coniunctorum cognoscere debent, Dein quot quicque modis dicatur. Qua ratione Sit uerum an falsum statuatur, praeterea quid

TEE

CICÉRON,

|

[Eveil

[115]

Orator, 315-117

i

_

Nouerit primum uim naturam genera uerborum

et simplicium et copulatorum ; deinde quot modis quidque dicatur ; qua ratione uerum falsumne sit iudicetur ; quid

efficiatur e quoque, quid cuique consequens sit quidque contrarium ; cumque ambigue multa dicantur, quo modo quidque eorum explanarique oporteat

Et quia Mens saepe ostendenda est abdita nostra Itque uoluta rei uis euoluenda, necesse est Definire quid id sit, quo de agitur breuiter. Tum

explicanda est saepe uerbis mens nostra de quaque re atque inuoluta rei notitia definiundo aperiunda est, siquidem est definitio oratio,

| diuidi;

[116]

Explicito genere uniuscuiusque uidendum

Quae eius sint generis formae aut partes, ut in illas

Omnis distribui composta oratio possit.

de

quo

agitur

ostendit

quam

ut scis, explicato genere cuiusque rei uidendum est

| tribuatur omnis oratio

Idemque etiam, cum res postulabit, genus uniuersum

Diuidit in species certas genus atque ita plané

in Species certas,

Nulla ut praetereatur earum néue redundet.

ut nula neque praetermittatur partietur ac diuidet

neque

cependant les disciplines philosophiques, dans la mesure oü elle peut mener ses investigations plus loin que chacune des disciplines concernées, et raisonner sur les principes eux-mémes, pour lesquels elle constitue une sorte de voie d'accés (Top., 1, 2, 101b 1 : i£eraoxixi] yàp o$ca xpóc tà ánacàv vv ue868uv ápyàc 080v Éyei). Toutefois, dés l'Antiquité tardive et au Moyen Áge, la dialectique, qui fait partie du triuium avec la grammaire et la rhétorique dans la doctrine des sept arts libéraux que Martianus Capella (V* s.) emprunte à Varron, devient l'ars artium ou la disciplina disciplinarum, comme le signale Augustin, c'est-à-dire « celle qui apprend à apprendre » (Ord., 2, 13 : haec docet docere, haec docet discere) : l'expression disciplina disciplinarum ressemble à

un superlatif hébraique et se rapproche ainsi de la formulation platonicienne. On retrouve la formule dans une inscription qui figure sur le livre que tient une allégorie de la Dialectique dans le tombeau que Pollaiuollo réalisa pour le pape Sixte IV: Ars artium

| quae sint eius generis siue formae siue partes, ut in eas

[117]

Ast ubi res poscit, sapiens partitur et omne

problémes pratiques, problémes théoriques et problémes dont la solution aide à résoudre les deux précédents. Il ajoute, dans la Rhétorique (1, 1, 1355c), que rhétorique et dialectique sont deux disciplines apparentées. Toutefois, pour Aristote, la dialectique, comme partie de la logique, n'a qu'une fonction préliminaire et instrumentale (organon). Contrairement à la position des stoiciens, la dialectique n'est pas une « science » aux yeux d'Aristote mais fait partie de la « formation propédeutique, méthologique et formelle, parfois désignée simplement sous le nom de “ culture ” (paideia), parfois identifiée plus précisément avec la connaissance des

Analytiques'?** », c'est-à-dire des syllogismes. Aristote ajoute que la dialectique, tout en étant imparfaite, aide

E quoque efficiatur conque sequentia cuique Et contraria quae sint, quoque modo ambiguorum Quicque opus est dictorum diuidi et explanari.

quae quid sit id breuissime. Tum,

évitant de se contredire (Top. 1, 1, 100 a 18). En Top. 1, 14, 105 b 19-20, Aristote divise les problémes de la dialectique en trois classes (éthiques, physiques et logiques), alors qu'en Top. 1, 11, 104 b 1-2, il distingue entre

redundet, | |

L'épigramme toutefois s'ouvre et se ferme sur l'évocation de Platon (cf. la citation sub pict. ; 1, v. 1-2) et de Socrate (1, 24-25), tandis que, dans le passage des Praelectiones cité supra, Bocchi renvoie à l'Organon d' Aristote.

et scientiarum scientia ego sum

in omnibus doctrinis principia pono

quia

ratiocinandi doceo modum ideo uerum et falsum undecunque elicio'55, « Je suis l'art des arts et la science des sciences ; dans toutes les disciplines j'établis les principes car j'enseigne la méthode pour raisonner, c'est-à-dire que je choisis le vrai et le faux, quelle qu'en soit la source ». Cicéron, dans l'Orator 113, explique que la dialectique, comme art du raisonnement, est une composante essentielle de la culture de l'orateur. Il précise, en outre, que la dialectique est l'art de la discussion (disputandi ratio et loquendi), alors que les orateurs s'occupent plutót de l'ornement de l'élocution (oratorum autem dicendi et ornandi [ratio]). Selon lui, entre les deux disciplines, Aristote voit une différence de densité, attribuant à la

rhétorique un caractere plus láche (latior) et à la dialectique une forme plus serrée (contractior). Cicéron évoque

dialectique permet de parvenir à l'essence et à la vérité de chaque chose, alors que les autres arts ne s'intéressent

à ce propos le geste de Zénon, fondateur du stoicisme, qui fermait le poing et les doigts pour désigner la dialectique, et les ouvrait pour la rhétorique. Dans le passage de l'Orator paraphrasé par Bocchi, l'analyse grammaticale prélude harmonieusement à l'exposé des procédés dialectiques qui s'enchainent sans rupture (voir notes). Il semblerait que le texte cicéronien soit ici utilisé par Bocchi comme argument d'autorité pour tenter d'atténuer la rigueur des positions soutenues par Bernardi dés le Commentarius et qui visent à séparer logique et dialectique, mais surtout grammaire, rhétorique les et dialectique (les disciplines du triuium). On trouvera trace de cette distin&ion plus tard, par exemple dans

autres sciences qui touchent un peu à l'étre, et la géométrie en particulier, ressemblent à un songe (ou à des

exposées par Bernardi bien avant.

L'évocation d'Aristote n'est guére étonnante dans cet embléme dédié à un aristotélicien. Le paradoxe vient du

fait que, pour Platon et pour Aristote, la notion de dialectique ne se situe pas au méme rang dans la chaine des connaissances. Pour Platon, elle est « sommet » (Oprykóc), c'est-à-dire l'aboutissement

(1£Aog) d'une méthode.

Platon

explique en effet, dans la République (533b-c), non loin du passage cité sous la gravure de l'embléme, que seule la qu'aux opinions, aux goüts, à la maniere de produire et de fabriquer les objets ou de les conserver. Méme les ombres sur le mur de la caverne), car elles ne peuvent pas rendre raison des principes sur lesquels ils se fondent : tout le raisonnement báti sur ces prémices incertaines demeure donc hypothétique. Un peu plus loin (534 b-d),

Platon explique l'intérét de la méthode dialectique et ses principes, qui peuvent prendre appui sur les autres

sciences : rendre raison pour soi et pour les autres de l'idée d'une chose, en la distinguant des autres idées, c'est-

Euersiones ou Disputationes sur le duel!°, publiées en 1562, mais dont il est fort probable qu'elles ont été

!9** ]. Brunschwig, « Aristote », p. 483. 1068 L, D, Ettlinger, « Pollaiuolo's Tomb of Sixtus IV », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 16, n° 3/4, p. 239-274, ici p. 254. 1562, 14, oratio 1, p. 275 : Quod autem consequens si falsum 1066 Voir A. BERNARDI MIRANDVLANVS, Euersionis singularis certaminis libri XL, Bále, congruam, non dicitur Logica : neque pars illa et contra sententiam Aristotelis, ex eo perspici potest, quod Grammatica, quae docet conficere orationem

à-dire la définir ; réfuter les objections ; en faire la démonstration non selon l'opinion mais selon la réalité en

docet conficere elocutiones et ordinare partes orationis est Rhetoricae quae docet conficere entymemata et exempla, quae sunt orationes, aut illa quae

Aristote, quant à lui, s'occupe de dialectique dans la partie de l'Organon intitulée Topiques ^6, et il la définit

interrogationes et responsiones, et ipsae inter se ordinem habent, diuerso posuit Aristoteles, ut ex libris ipsius perspicuum est [ ... ] quia artes quae docent conficere orationes, quae talem d Aritote peut se coitu l'opinion contre et fausse soit non sunt unius artis genere, cum tamen eadem si ratio, « Que cette conséquence Logique ; et la partie de la appelée pas n'est convenable, discours un composer à aisément à travers le fait que la Grammaire, qui apprend

utilisant la logique. La dialectique est ainsi l'art qui rend capable « d'interroger et de répondre de la maniere la plus savante possible ».

comme l'art de raisonner méthodiquement sur toute espéce de sujets, à partir de propositions probables et en 1063 T *

s

rA

*

L'Organon comprend : les Catégories ; le De l'interprétation ; les Premiers Analytiques ; les Seconds Analytiques ; les Topiques et les Réfutations sophistiques. Voir J. Brunschwig, « Aristote de Stagire: Organon- tradition grecque » dans R. Goulet (dir.), Dictionnaire des philosophes antiques, t. I, Paris, 1994, p. 482-502.

346

dialecticos et inductiones, aut illa quae docet Logica, sed Rhetorica. [... ] similiter etiam neque illa pars Dialecticae quae docet conficere syllogismos genere, siquidem omnes tanquam sub genere artis eiusdem sunt non facultates enim Dictae Dialectica. sed est Logica

apprend à composer des Rhétorique qui apprend à composer d es enthymeémes et des exemples, constituant les discours, ou celle qui la partie de la expressions et à mettre en ordre les parties du discours, ne s'appelle pas Logique mais Rhétorique. [...] de la méme maniere, et des questions des composer à Dialectique qui apprend à composer des syllogismes diale ctiques et des inductions, ou celle qui apprend vrai est s'il discipline, méme la de genre le selon réponses ne s'appelle pas Logique mais Dialectique. Les apti tudes n'ont pas été nommées

347

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome2

Traduction, annotation, commentaire — Livre II

À la Renaissance, Politien place la dialectique dans la troisiéme des divisions de la philosophie, la discursive, qu'il distingue de la contemplative et de l'active. Selon lui, « La partie discursive désigne, raconte, démontre, persuade ou charme. De là sont nées la grammaire, l'histoire, la dialectique, la rhétorique et la poétique » 9*7, Une rapide analyse du texte bocchien, imité de Cicéron, permet de constater la mise en valeur de deux éléments essentiels : 1?) la définition précise de toute idée, de tout concept qui entre dans la matiére du discours, afin que

tout soit clair, distinct et probable. 2") une conception organique du discours, comme tout harmonieux économique, composé de parties indispensables, qui se complétent sans se répéter. Or cette insistance sur les notions de définition, d'explication et de division, comme critéres de composition discours, n'est pas une invention cicéronienne. Le texte de Bocchi qui, outre sa définition platonicienne, référence à l'admiration socratique pour les dialecticiens (v. 25-26), nous invite à rapprocher le propos

et

du fait de

^", insiste sur le double Cicéron d'un passage célébre du Phédre. Socrate, à l'aide d'une image zoologique

mouvement qui doit guider l'orateur-philosophe dans son discours, définir et diviser. Définir consiste à rassembler la disparité des organes et des membres sous l'unité d'un corps. Diviser permet d'effectuer le chemin inverse et de retrouver, derriére l'ensemble corporel, la spécificité des organes et des membres. Pour Socrate, les dialecticiens, à l'instar des philosophes, sont capables d'une telle attitude : Il y a deux procédés dont il ne serait pas sans intérét de pouvoir étudier, techniquement, la fonction. [... ] Tout

d'abord, saisir d'une seule vue et ramener à une forme unique, les notions éparses de tous cótés, afin de rendre

clair, en le définissant, chaque point sur lequel on veut faire porter l'instruction. [... ] — Etle second procédé, quel est-il, Socrate ? — Il consiste, en retour, à pouvoir détailler par espéces, en suivant les articulations naturelles, en

qu'au nom de l'inscription de l'orateur dans la vie publique et politique, Cicéron s'autorise avec son propre idéal et, au contraire, il se rallie résolument à Platon

Ce qui frappe dans la rédaction de cet embléme, c'est l'absence de la traditionnelle association entre l'énonciation du signe iconique et son décryptage symbolique. Bocchi explicite ici les parties de la dialectique et ses champs d'application, indépendamment de la figuration allégorique, se contentant d'évoquer sans les spécifier les instrumenta que l'allégorie tient en main (v. 3). Seule la personnification proposée par la gravure assume ce róle. On voit sur la gravure un personnage féminin dans un paysage naturel, exhibant des attributs dont la polysémie ne clarifie pas le róle précis qu'elle joue : la citation de Platon permet cependant de l'identifier immédiatement comme la Dialectique. On est loin de la représentation qu'en donne Pollaiuolo sur la tombe de Sixte IV, en compagnie de la Géométrie et de la Grammaire, et où elle apparait avec un livre ouvert, un scorpion dans la main gauche et une branche fleurie dans l'autre, comme le rappelle Alain de Lille dans son Anticlaudianus (3, 1) ^. Les symboles que porte la Dialectique de la gravure contribuent à la confondre au contraire avec d'autres vertus aux attributs proches. Enroulé autour de son bras gauche, le serpent qu'elle dissimule en partie lui est déjà prété par Martianus

Capella

(Nupt., 4, 327-3 29):

symbole

des « ruses sophistiques » '""*, le serpent ou dragon

rappelle aussi celui de la Prudence ; l'équerre, le fil à plomb et le compas sont également les attributs de la Géométrie, qu'on peut aussi entendre au sens platonicien de Temperantia (et de la devise de l'Académie : « Que nul n'entre ici s'il n'est géomeétre ») ; le flambeau qui éclaire est un signe de Veritas. Le crible indique l'art de la diuisio, qui permet de séparer ce qui doit l'étre.

táchant de ne briser aucune partie comme le ferait un mauvais découpeur de viande. [ ... ] Voilà, Phédre, de quoi je suis amoureux, moi : des divisions et des syntheses, pour étre capable de parler et de penser. Si je crois trouver chez quelqu'un d'autre l'aptitude à porter ses regards vers une unité qui soit aussi, par nature, l'unité d'une multiplicité, je marche sur ses pas, je le suis comme un dieu" Et de plus, ceux qui en sont capables, Dieu sait si j'ai raison ou si j'ai tort de les nommer ainsi, mais jusqu'à présent je les appelle dialecticiens'^".

On se souvient que l'Orator débute sur une évocation du Paradigme idéel platonicien, dont Cicéron nous dit qu il sera à l'horizon de ses développements sur le parfait orateur'""'. Cette entrée en matiére est capitale et elle autorise Bocchi à faire de Platon le référent implicite de Cicéron, lorsqu'il cite le passage de l'Orator. En tirant la

rhétorique et le discours du cóté de la philosophie, par l'intermédiaire de la dialectique, Bocchi fait implicitement référence aux conceptions du Phédre : la psychagogie n'est pas l'art de susciter la transe des foules, elle est le devoir de vérité, qui incombe au sage et auquel il sacrifie toute complaisance aux séductions purement rhétoriques, propres à susciter l'assentiment du vulgaire!" Sur ce point, Bocchi n'adhére pas aux compromis

qu'Aristote les a toutes établies pour ainsi dire sous un genre différent, comme le montrent clairement ses ouvrages [ ... ] car les disciplines qui apprennent à composer les discours, et qui occupent telle ou telle place entre elles, ne relévent pas du genre d'une seule discipline, méme si l'organisation en est identique ». 1067 A. POLITIEN, Praelectio cui titulus Panepistemon (Florence, 1492), 6, traduit par J.-M. Mandosio dans P. Galand-Hallyn, F. Hallyn (dir.),

Poétiques de la Renaissance. Le modéle italien, le monde franco-bourguignon et leur héritage en France au XV siécle, Genéve, 2001, p. 79 et l'article de A. Bettinzoli, « Éloge des disciplines et divisions de la philosophie dans la littérature humaniste du Quattrocento », ibid., p. 3-28, en part. p. 1825. Voir également J.-M. Mandosio, « Filosofia, arti e scienze : l'enciclopedismo si Angelo Poliziano, in L. Secchi-Tarugi (dir.), Poliziano nel suo tempo, Atti del VI Convegno Internazionale ( Chianciano-Pontepulciano, 18-21 luglio 1994), Florence, 1996, p. 135-164 ; Id., « Les sources antiques

de la classification des sciences et des arts à la Renaissance », dans D. Jacquart (dir.), Les voies de la science grecque. Études sur la transmission des textes de l'Antiquité au dix-neuviéme siécle, Genéve, 1997, p. 221-390. 1068 Sar:la conception du discours comme animal ({@ov), voir P. Galand-Hallyn, « Nature et naturel: métonymies métaphores maniéristes » dans Ead., Les yeux de l'éloquence. Poétiques humanistes de l'évidence, Caen, 1995, p. 297-315.

platoniciennes

et

109 Voir v. 25-26 : Si talis quondam potuisset forte uideri/ Socratis oculis, omni facile ille fuisset/ Obsequio et cultu uenerandus numinis instar. « Si Socrate amit pu, par bonheur, jadis en voir un de ses yeux, il l'aurait sans doute honoré de tout son dévouement et vénéré à l'égal d'un dieu. » 17° L. Robin (trad.) : PLATON, Phédre, 265 d- 266 c, Paris, 1985, p. 68-69. '7' Sur les inflexions conceptuelles trés particuliéres que Cicéron fait subir à la pensée platonicienne dans ce traité, voir la magistrale analyse de E. Panofsky, Idea, contribution à l'histoire du concept de l'ancienne théorie de l 'art, Paris pour la trad. fr., 1983 (1924), p. 25-48. 1072 PLATON, Phédre, 273e, trad. citée p. 81, ne fait pas de l'auditoire le seul destinataire du discours du sage. Il évoque aussi un public divin auquel le plaisir des auditeurs humains peut étre sacrifié : « Et ce n'est pas pour parler ni pour traiter avec les hommes que le sage se donnera

348

leur agrée en toute chose, pour autant toute cette peine, mais pour se rendre capable d'un langage qui plaise aux dieux, et d'une conduite qui

qu'il dépend de lui. Car l'homme de jugement mais à des maítres qui sont bons et de bonne destiné qu'à un auditoire humain. Voir Orator, assurément de l'appui d'idées nombreuses et

ne doit pas [... ] s'exercer à plaire à ses compagnons d'esclavage, si ce n'est de fagon quip" race [= les dieux]. » Cicéron au contraire revendique la possibilité pour le discours de n'étre 13 : « Ainsi, notre éloquence du forum, que les philosophes ont méprisée et répudiée, a manqué vastes, mais gráce à l'ornement des mots et des phrases, elle a su se mettre en valeur devant le

peuple, sans craindre le jugement réprobateur d'une minorité ». 173 Voir L. D. Ettlinger, « Pollaiuolo's Tomb of Sixtus IV », p. 260.

Genéve, 1997', p. 185. '7* Voir G. de Tervarent, Attributs et symboles dans l'art profane. Dictionnaire d'un langage perdu (1460-1600),

349

LIVRE II]

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Symb. 63 ,

;

. DECOUVERTE A BOLOGNE EN L'AN DE GRACE 1548 D'UNE STATUETTE DE BRONZE REPRESENTANT LA FORTUNE

Gravure :

Sur l'image : Boupalos sculpta pour les habitants de Smyrne la premiere statue de la Fortune

5

10

LE GRAND ANCIEN

— Quelle est cette déesse ? — Fortune qui sauve, parfaite Fille du Trés-Haut Pére : rien n'est plus sür au monde. Le bonnet étoilé qui coiffe le haut de sa téte Laisse présager qu'elle est douée d'un pouvoir divin. - Pourquoi sur sa nuque ses cheveux sont-ils attachés ? — Le sage s'en saisit selon qu'il le décide. Mesure et retenue temperent le luxe inactif, D'oà l'allure et les traits d'une vierge sévére. Son regard transpercant la rend austére et redoutable, Ni timide ni farouche, mais vénérable ; Joie des bons, fléau des méchants, elle est altiére et dure, Chaste, grave, sincére, hautaine, puissante et forte.

Elle parcourt des yeux tout le monde mortel, un pied Sur la barre, pour terres et mer gouverner.

15

Enguerre, elle conduit les chefs, en paix, c'est le sénat.

Elle présente, aucun dieu ne saurait manquer. Colonne des royaumes et sagesse du divin droit, Elle est Diké et Eunomie et Némésis. Elle est la riche profusion de biens variés ; propice, 20 Dans la corne que tient sa main, elle offre aux àmes Les doux loisirs suivant les durs labeurs de l'existence,

Et sauve les gens pieux d'une mort éternelle.

Du magnanime héros Farnése, on voit surgir ici,

Trés grandes par trois fois, Vertu, Gloire et Justice.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques.

-in pict.: BoózaAoc Eyvpvaíot: dyakpa Tóync £epyatóuevog xpóxov éxoipoev] Comme nous l'avions déjà

remarqué en 19985, ]e passage de Pausanias (4, 30, 6) reproduit par Bonasone sur la base de la statuette est incomplet. En voici l'intégralité (nous mettons entre crochets ce qui ne figure pas dans la gravure) :

352

Boupalos, [artiste habile à édifier des temples et à sculpter des étres vivants, ] fut le premier à réaliser, pour les habitants de Smyrne une statue de la Fortune [qui, d'aprés ce que nous en savons], portait un polos sur la téte et,

Sur Boupalos, membre de l'école de Chio, voir PLIN., Nat., 36, 11-13. -tit. carm.: ALEXANDRI FARNESII MINORIS AT«QVE» MAXIMI] Référence est faite ici aux deux Alexandre Farnése. Le cadet (minoris) est le fils de Pier-Luigi Farnese, duc de Parme et de Plaisance, plus connu

sous le titre du Grand Cardinal Farnése, qui se voit dédier le Symb. 3 ; l'autre, son ainé, est le pape Paul III, le grand pére du premier. On attendrait le terme MAIORIS pour le désigner, mais l'adjectif MAXIMI est approprié pour un souverain pontife, qui récupére souvent l'épiclése antique d'optimus maximus. Le titre du poéme, avec les termes Fortuna Alexandri, fait allusion à la Fortune d'Alexandre le Grand, qui inspira à Plutarque deux traités célébres. Contrairement à ce qui se passe dans la gravure oü apparaissent deux divinités (voir infra), il n'est question dans le texte que d'une seule Fortune, liée aux deux Farnése et incarnant le destin de Bologne. — v. 1-2 : optima summi/ Nata patris] Il s'agit d'une allusion au fait que la Fortune serait la fille ainée de Jupiter (primigenia) : il existe un sanctuaire fameux à Préneste, dédié à la déesse dotée de cette épiclése. Plutarque, évoquant le culte archaique de la Fortune établi à Rome par Servius Tullius, signale un temple dédié à la Tyché

primigeneia (Quaest, Rom., 106, 289b ; Fort. Rom., 10, 322F). J. Champeaux a montré que, bien que dérivé du

grec zpovoyevric/ xpotayóvoc, qui désigne à la fois l'ainé d'une famille ou d'une lignée et le premier élément d'une temporalité ou d'une hiérarchie, le terme latin primigenia avait vu son extension sémantique se réduire et, abandonnant

le

sens

de

« premiére-née »,

«fille

ainée

de »,

il signifiait

exclusivement

« originelle »,

« primordiale » et désigne une entité divine qui, à l'origine du monde, engendre toutes les autres!07,

- v. 8: filo] Le terme le sens ici, non de « fil », ni d'« étoffe », mais d'« apparence », de « physionomie ». Cf. VARR,, L., 10, 4; GELL,, 1, 9, 2.

— v. 20 : inferiore manu] Nous comprenons « la main la plus intime », c'est-à-dire la main plus proche du corps, celle qui se replie contre lui.

ANALYSE Le Symb.63, qui forme un diptyque avec le Symb. 121 (voir notre étude à cet embléme), propose une épigramme dialogique qui ressemble à celle que Posidippe fait du Kairos sculpté par Lysippe (A. G., 16, 275 ; cf. ALCIAT, Emblematum liber, « Occasio »). L'épigramme s'articule en distiques oü s'effectue la présentation d'un attribut qu'arbore la déesse Fortune, puis son élucidation symbolique. Le plan d'ensemble se présente ainsi : — V. 1-2 : généalogie : la bonne Fortune est fille de Jupiter ; — Y. 3-4 : elle porte un polus sur la téte, symbole du pouvoir divin ; - v. 5-6 : elle porte ses cheveux rassemblés dans la nuque et non une seule méche sur le front, avec la nuque chauve (comme l'Occasio ou le Kairos) pour pouvoir étre saisie aprés réflexion (arbitrio) ;

NorTES

175 Voir Rolet [1998], t. III, p.

"EXivov. Obcoc u£v ri vocobro £81]woe 11g 0609 và £pya.]

dans une main, ce que les Grecs appellent Corne d'Amalthée. Ce sculpteur a ainsi manifesté les fonctions de la déesse.

*

ILLUSTRE FORTUNE D'ALEXANDRE LE JEUNE ET D'ALEXANDRE

BotnaAoc [8é, vaoóc te oixoSopijcacOat xal (a àvijp &ya80c zAácay] Xuvpvaloi &yaApa £pyatóuevog Tóync npóxoc Eroincev [@v lopev xóXov xe Éyovaav ézi vj] keaAj kal 1j] étÉpa etpi xó xaAobuevov ApaA8elag xépac xà

1111-1120.

- V. 7312 : énumération des qualités de la déesse qui ressemble à Némésis dans l'équilibre des forces qu'elle réunit (cf. v. 7 : modus atque pudor luxum moderantur ; v. 10 : non humilis neque atrox) et dans la répartition juste des rétributions (cf. v. 11 : laeta bonis, truculenta malis) ;

L ‘ 176 Pindare (O., 12, 1-2) en faitla fille de Zeus Eleuthérios et l'une des Moires. religion La 1. t. César, de mort la à origines des romain le monde 9. Champeaux, Fortuna : recherches sur le culte de la fortune à Rome et dans

archaique, Rome, 1982, p. 33-36.

353

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

— v. 13-14 : elle n'est pas aveugle (cf. v. 13 : omnia perlustrans oculis) et le gouvernail (clauo) est le symbole de

du Symb. 67 et préfigure l'Astrée du Symb. 125, la Justice de l’Age d'or dont Aratos et Virgile nous rappellent

— V.

— v. 17-18 : maitresse des royaumes et protectrice du droit, Tyché-Fortuna prend divers visages, celui de Diké

La Fortune évoquée ici n'a rien à voir avec Sors? ou Occasio"*!, émanation de la Tyché grecque (ou du Kairos), dotée des ailes, de la méche frontale caractéristique et du bandeau sur les yeux et qui emprunte tout un ensemble de symboles d'inconstance et de labilité tels que la base sphérique, la roue ou encore les bateaux,

distributive). Elle n'est pas trés éloignée de la Vierge-Astrée, qui voit revenir l’Age d'or et le régne de la justice. — v. 19-20 : elle est symbole de copia et de felicitas, ce qu'exprime sa cornucopia ; — v. 21-22 : elle est symbole de paix aprés la mort et d'immortalité ; — v. 23-24 : elle s'accompagne d'autres vertus qui font cortége au prince-héros : Virtus, Gloria, Iustitia (à moins qu'il ne s'agisse là encore d'une seule et méme entité aux pouvoirs multiples mais rassemblés sous le vocable de Fortuna). En son centre, l'épigramme se transforme en hymne célébrant les multiples qualités de la déesse toutepuissante. Si certains termes semblent empruntés à Pindare ou à Mésoméde (voir apparat des sources), la source principale (v. 8-10) en est un chapitre de Nuits attiques d'Aulu-Gelle (14, 4, 2-3) dans lequel l'auteur latin interpréte le sens allégorique de la description d'une statue de la Justice faite par Chrysippe dans son

Alexandre en monstre dans le Symb. 66. Il s'agit au contraire de la transposition d'une forme particuliere de la Tyché, l'agathé Tyché, « la bonne Fortune », associée généralement à la Tyché des villes mais aussi à la Tych? des souverains. Jacqueline Champeaux a montré que cette Tyché hellénistique se transpose à l'époque romaine pour accompagner les hommes d'État, qu'il s'agisse de la Felicitas de Sylla, de la Venus uictrix de Pompée et de la Fortuna de César!°® : cette tyché basileós, sorte de bon démon féminin, incarne le charisme de la victoire et exprime un ensemble de vertus politiques qui prédestinent l'individu auquel elle est attachée à d'éminentes fonctions en en faisant un élu des dieux. Cette élection rejaillit sur la cité administrée par le prince sous la forme de la prospérité, tout autant que la fortune du peuple permet la victoire du chef'**, Dans l'embléme, la Fortune lie indissolublement le destin de Bologne à celui du pape et de son petit-fils, les deux Alexandre. La gravure de Bonasone, sur laquelle nous reviendrons, nous donne une information encore plus précise, avec la citation de

son empire universel (terris imperat et pelago). On notera que le gouvernail est étranger au type de Smyrne.

15-16 : cette fortuna principalis aide les hommes d'état (duces, senatum) en temps de paix comme en temps

de guerre (bello ; in pace) et leur assure tous les succes (nullum numen abesse potest) ;

(justice en général), d'Eunomia (justice qui s'exprime dans la qualité des lois) et de Némésis (justice

ouvrage Du beau et du plaisir (IIepl kaXo0 xai fj8ovi]c), en commengant par décrire son apparence extérieure"5 ; Chrysippe donne en effet une image de la Justice et précise que d'ordinaire, elle est représentée par les peintres et les rhéteurs à peu prés ainsi: « Elle a la beauté et l'apparence d'une vierge, son regard est austére et inspire la crainte, ses yeux sont percants, elle affiche la dignité d'une sorte de sévérité qui n'est ni humble ni cruelle mais respectable ».

Bocchi emprunte non seulement à la traduction latine de Chrysippe par Aulu-Gelle, mais, pour énumérer les qualités multiples et complémentaires de la déesse au v. 11, il reporte sur la personnification de la Justice (et donc sur la res significans) les traits qu'Aulu-Gelle attribue au juge (et donc la res significata) :

qu'aprés un long exil, elle revient rétablir la paix cosmique, sous l'égide du bon prince",

gouvernails, voiles et flots mouvants'"*", Elle n'a rien à voir non plus avec la Vénus-Fortune qui transforme

Pausanias inscrite sur la base (voir note) : l'intention de Bocchi est de suggérer, dans l'image en tout cas, le type dela Tyché de Smyrne, qui aurait été réalisée vers 550-525 av. J.-C. par Boupalos, et dont on sait qu'elle portait

le kalathos ou polos sur la téte, et la corne d'abondance dans une main. La nature exacte de ce polos ou de ce

kalathos, qui n'apparait en réalité pas avant l'époque hellénistique (11° s. av. J.-C.)55, est inconnue, comme

pour les Isis- Tyché, et il pourrait s'agir aussi bien d'une représentation du cosmos tournant autour de son axe ^*^

que d'un boisseau à blé (ou modius), symbole de fécondité, ou d'une tour crénelée, comme pour les

représentations de Cybéle/Déméter. Bocchi en fait un symbole du ciel astrifére qui signale une divinité au pouvoir cosmique (v. 3-4). Pausanias ajoute que Pindare l'appelle Tyché Pherepolis, « Fortune porte-ville »

(fr. 39 Maelher) et il est probable que la déesse constituait une divinité protectrice de la ville de Smyrne et de sa prospérité, assez peu distincte de Cybéle dont on connait bien la coiffe en forme de couronne de tours ^".

À partir de la signification de cette représentation, Chrysippe a voulu que l'on comprenne que le juge, qui est le champion de la Justice, doit étre pondéré, pur, sévére, incorruptible, ne cédant pas à la flatterie, sans pitié et

inexorable contre les gens malhonnétes et les coupables, droit, difficile d'accés et puissant, inspirant la terreur par la puissance et la majesté que lui conférent l'équité et la vérité.

Pour l'attitude tranchée que l'allégorie adopte pour diviser les bons des méchants, Bocchi s'inspire également de la citation grecque du texte chrysippéen, un peu différente de celle d'Aulu-Gelle et que ce dernier prend soin de rapporter (GELL., 14, 4, 2-3 = SVF, 3, 28, fr.1, voir apparat des sources) : Elle est représentée d'humeur sombre, avec un visage dur, le regard tendu et percant, de maniére à inspirer de la crainte aux injustes, mais de la confiance aux justes : ses traits se font amicaux pour les seconds, mais hostiles pour

les premiers.

Cette confusion volontaire entre Fortune et Justice de la part de Bocchi suggére en filigrane la présence d'une Némésis/Astrée rouvrant un nouvel Áge d'or : Bocchi fait ici le portrait d'une Fortune princiére, trés proche de

la Fortuna aurea que nous avons rencontrée au Symb. 23, dédié à Henri II, et qui ne saurait s'entendre sans ses

parédres que sont Iustitia et Copia. Cette Fortune annonce également la Nemesis principalis ou Adrasteia Nemesis

17 On s'étonnera de ne pas voir apparaitre un seul exemple emprunté à Bocchi dans l'étude de L. Galactéros de Boissier, « Images

emblématiques de la fortune. Eléments d'une typologie », dans Y. Giraud (dir.), L'Embléme à la Renaissance, Paris, 1982, p. 79-126.

99? Voir Symb. 14. 1051 Voir Symb. 25, 48, 51,97, 111. "9 Voir Symb. 23 ; 41; 51; 123. Pour Galien (Protr., 2), le gouvernail est un symbole de l'instabilité et de mouvement, à l'instar de la base sphérique ou des ailes dont la déesse est dotée. Dion Chrysostome (Or., 63, 7) interpréte le gouvernail comme un symbole de pouvoir et de

Her., domination. Sur la base sphérique, voir CEB., Tab., 7 ; OV., Tr., 5, 8, 7 sq. ; Pont., 2, 3, 56 ; sur la Fortune aveugle, voir Pacuvius dans RHET. Némésis Adrastia à préte Ammien qu' celle à identiques sont Fortuna de 2, 23, 36 ; PLIN,, Nat., 2, 21, 1 ; CIC, Lael., 54; 67. Les caractéristiques Lexikon, 1886-1890, t. 1-2, col. (14, 11, 25 : ailes, sphère et gouvernail). Sur Fortuna dans l'Antiquité, voir P. Drexler, « Fortuna » in Roscher, Tyché », in LIMC, t. VIII-1, « Villard, L. ; Fortuna Champeaux, J. ; 12-41 col. 1910, VII-1, t. RE, dans 1503-1558 ; W. F. Otto, « Fortuna » romain (I* s. avant notre l'empire 1997, p. 115-125 ; F. Rausa, « Sors/Fortuna », ibid., p. 125-141 ; B. Lichocka, L'Iconographie de Fortuna dans Mittelalter und in det im Fortuna « Doren, A. voir ére-IV* siécle de notre ére), Varsovie, 1997. Pour le Moyen Age et la Renaissance, M. Santoro, Fortuna, 71-143; p. (rééd.), 1967 (Lichtenstein), Nendeln II-1, vol. 1922-1923, Warburg Renaissance », Vortráge der Bibliothek Barock, Stuttgurt, des Emblematik und Dichtung in Fortuna Kirchner, G. ; 1967 Naples, Cinquecento, del letteraria civiltà ragione et prudenza nella Journal of Medieval and », Iconography and Thought Renaissance the in Occasion and Fortune of 1970; F.Kiefer, « The Conflation Fortuna. Renaissance Studies, 9, 1 (1979), p. 1727 ; F. Graf, « Fortuna » in Der Neue Pauly, Stuttgart, t. IV, 1998, p. 598-602 ; F. Buttay-Jutier, Usages politiques d'une allégorie morale à la Renaissance, Paris, 2008.

Champeaux,

Fortuna,

t. II, p. 216-291. Voir également

H. Bru, Le pouvoir impérial dans

|

les provinss syriennes À mprésentütions et

: impérial ». célébrations d' Auguste à Constantin (31 av. ].-C.- 337 apr. ]-C.), Leyde/Boston, 2011, ch. 8, p. 157-174: « Némésis et le culte ER: Champeaux, Fortuna, t. II, p. 246-253.

1078 Sur ces descriptions rhétoriques destinées à étre interprétées xatà obufoAov, comme le dit l'extrait de Chrysippe cité en grec un peu plus loin ( = SVF, 5, 28, fr.1), voir J.-B. Gourinat, « Explicatio i fabularum | : la place de l'allégorie dans l'interprétation stoicienne de la mythologie », dans R. Goulet, G. Dahan, Allégorie des poétes, allégorie des philosophes. Études sur la poétique et l'herméneutique de l'allégorie de l'Antiquité à la

Réforme, Paris, 2005, p. 9-34.

354

fef». "55 L. Villard, « Tyché », p. 120-122. où s'inscrivent un serpent et "5 Les Isis-Fortune portent sur la téte une fleur de lotus épanouie que complétent des plumes et le globe lunaire

des étoiles. Voir P. Drexler, « Fortuna », col.

1531-1532.

Tyché : sa signification religieuse et morale, son culte ey Champeaux, Fortuna , t. II, p. 44 note 40. Voir aussi F. Allégre, Étude sur la déesse grecque

et ses représentations figurées, Lyon, 1889, p. 187.

355$

'T'radu£hton

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

e de Twché peuvent se confondre (elles partagent en particalier les symboles duo timon et de ja cormacopii)'". Boochi et Bonasone ont donc décidé iG d'adopter un type de Tyché-Fortuna aum palos, cornncopia et timon, mais dans la configuration des Némésis de Smyrne ( deux déesses face à face ), telles qm 'on

neprésentant le songc

par exemple sur une monnaie de bronze de l'époque de Marc Aurélje'"^

E

peut les woür

Pourquoi faire allusion à deux déesses dans l'image, outre le fuit évident quelles jeux Alexandre Farnése à la lignée spirituelle d' Alexandre le Grand dont ils portent je mom ? £n 1548, le pape Paul II] est gravement malade et le cardinal Alexandre Farnése est présenté dans l'embléme

comune

son

C

m

e

E

s'il s'agissait d'une emblémes de Bocchi dans ses Marmora Felsinea parus à Bologne en 1690 (p. 47-51 ), comme statuette de authentique découverte. Le fait que Bocchi redouble l'embléme en opposant à la découverte d'une en faveur Bonne Fortune celle d'une statuette de la Mauvaise Fortune (Symb. 121), l'année suivante, plaide d'une mise en scene fictionnelle, méme si le type plastique est attesté. on Avec son inscription, la gravure prétend appuyer la représentation plastique offerte au lecteur sur la descripti corne que donne Pausanias de la Tyché de Smyrne réalisée par Boupalos (voir supra), et qui portait le polos et la d'abondance. Or on constate que le graveur a représenté un type beaucoup plus courant de Fortune où celle-ci exhibe de surcroit un gouvernail'*?, comme la Némésis d'Éphése. Cet élément apparait d'ailleurs aussi dans l'épigramme (v. 13-14). On connait effectivement plusieurs types de statuettes en bronze représentant la

1

Les deux déesses incarneraient ainsi les protectrices de la noumelle et de l'ancienne cité Uttar pius facile quoc les rapreserniatins 4e ation entre les deux références pausaniennes était d'au d aut.

»"

le rappelle E. See Watson!°®8, Carlo Cesare Malvasia cite les deux

—1:vrc

transférer la population.

e

découverte à Bologne en 1548. Comme

commentaire

5, 2-1), les deux déesses seraent apparues en songe à Alexandre je Grand, endormi sous un piatane apres ume ; : e L E i "nir Paexn cum le Mont i T 2 chasse menée sur Pagos, pour 1l'inviter à rebátir une nouvelle Smyrne sur les rttines de ['ancienme et à *

n.

que la volonté de Toutefois, le détail du texte semble nous éloigner de la Tyché boupalienne, et il semble présente à son pendant l'emblématiste soit plutót d'opposer la déesse positive (seruatrix, optima, certa) qu'il négatif bien connu, la mala fortuna ou kakè tyché, qu'il traitera au Symb. 121. sur le topos de la La gravure propose un scénario narratif qui n'est pas évoqué dans l'épigramme et qui repose aheneum) qui aurait été piéce archéologique que l'on met au jour. Il s'agirait d'une statuette de bronze (sigillum

anndátátim

digne

et naturel

successeur.

Les deux

Némésis

de Bologne

vont,

comme

les déesses

poliades

de

Smyrne, succéder l'une à l'autre, tandis que le jeune Alexandre Farnese va prendre le relais de l ancien, simon sur

le tróne ponti&cal du moins à Bologne, et contribuer ainsi à faire durer la prospérité de la wille, placée directement sous l'administration du Saint-Siége depuis 1506.

Fortune avec le timon, la cornucopia et le modius sur la téte!??,

De plus, il n'y a pas une mais bien deux déesses identiques qui sont représentées sur une méme base, l'une de face (à droite), l'autre de dos (à gauche). Trés ingénieusement, elles projettent sur le mur une seule ombre qui vient se placer entre elles deux, comme un axe de symétrie. Elles tiennent chacune un gouvernail dans la main droite, qui repose sur le sol, prés de leurs pieds, et qu'incline légérement leur bras droit tendu vers l'avant. On remarquera que le manche de l'instrument de l'une se prolonge par le bras de l'autre, et vice-versa : ces lignes de force dessinent une croix dont le centre épouse parfaitement le centre de la composition.

Fig.2» Revers d'une monname de bronze de Smyme en lonie frappée sous Theudimmus et représentant le songe d'Alexandre awec deux Némésis.

Fig. 1 > Cistophore d'Hadrien (117-138 apr. J.-C.).

à fait, comme Malgré l'inscription reportée sur la base Statuaire dans la gravure, il ne s'agit donc pas tout

Au revers : les deux Némésis de Smyrne.

La présence sur la gravure d'une double statue, dont on comprend bien qu'elle exprime la bonne fortune des deux Alexandre Farnése, s'explique sans doute par la contamination avec un passage différent de Pausanias. Le géographe grec évoque en effet une autre ceuvre de Boupalos pour un autre sanctuaire de Smyrne, une sculpture des deux Némésis

(PAVS., 9, 35, 6), surmontées par trois Charites en or, connue

par un type monétaire

des

cistophores de Smyrne qui circule couramment à l'époque d'Hadrien (Fig. 1)!?!. Selon une légende (PAVS., 7,

Némésis de Smyrne, l’affirme S. Maffei*, du type de la Tyché de Boupalos, mais plutót du type des deux

: Pausanias est apparues en réve à Alexandre. La contamination entre les deux types s'explique assez facilement attributs ; le la source pour les deux passages ; les divinités représentées sont proches par leurs fonctions et leurs le songe de Smyrne sculpteur, dans les deux cas, est Boupalos et la ville, Smyrne ; la présence d'Alexandre dans de Bologne pour les et l'apparition de deux Némésis permet une transposition harmonieuse avec deux Fortunes deux Alexandre Farnése.

1088 Achille Bocchi, p. 88 et note 51 p. 220-221.

"? Le type avec polos, corne et gouvernail est couramment représenté sur les monnaies impériales, surtout à partir des Sévéres, où il alterne avec le type à la phiale. Voir L. Villard, « Tyché », p. 121. !? Voir F. Rausa, « Tyché/Fortuna », p. 130 (par exemple n° 67f). 11 Voir P. Karanastassi, « Nemesis » in LIMC, t. Vl-1, p. 733-762, ici p. 739, n° 9 (2 SNG von Aulock, 6627). Voir également R. Fleischer, « Eine neue Darstellung der doppelten Nemesis von Smyrna », dans M. B. de Boer, A. Edridge (dir.), Hommages à M. J. Vermaseren, Leyde,

1978, p. 393-396 ; D. O. Klose, Die Münzprügung von Smyrna in der rómischen Kaiserzeit, Berlin, 1987, p. 28-29 ; M. B. Hornum, Nemesis, The Roman State and the Games, Leyde, 1993, p. 65-66 et p. 328-330 ; K. Dahmen, The Legend of Alexander the Great on Greek and Roman Coins, New York, 2007, p. 129-30 et fig. 15, ainsi que A. Rolet, « La Fortune d'Alexandre sur la coquille de Vénus : un exemple de contamination dans l'image emblématique » dans

C. Jouanno

(éd.), Figures

d'Alexandre

à la Renaissance, Turnhout,

Brepols

(Alexander

Rediuiuus,

2), 2012,

n? 181.

1%3 Voir P. Karanastassi, « Nemesis », p. 739-740, n° 15 (2 SNG von Aulock, 8002). « Fortuna

semper

mouetur.

Iconografia

e varianti

della

statua

della

Fortuna

Smirnea

descritta

|

da

Pausania »,

im

M.



Bit

!5! S. Maffei, per Giovanni Nencioni, Sienne, di scritto e di parlato. Nuovi Studi di Linguistica ltaliama O. Calabrese, L. Salibra ( dir.), Italia linguistica : discorsi 2008, p. 26-40.

»" tn

p. 227-262 ; Ead., « Une lecture humaniste de quelques exempla historiques antiques : variations emblématiques autour de la iustitia principis

(dir.), Les représentations dt l'Histoire : véat(s) et dans les Symbolicz Quaestiones d' Achille Bocchi (1555) »; dans G. Lachenaud, D. Longrée idéologie, Rennes, 2005, t. IL p. 173-201. s Museum dans P. Karanastassi « Nemesis », p. 7350. "** Voir par exemple la statuette de marbre conservée à Vie nne au Kunsthistorische

356

Traduction, annotation, commentaire - Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Symb. 64 Gravure :

HONORE DIEU EN SILENCE

souffle mot, tandis que Raymond B. Waddington, s'il reconnait qu'il s'agit là d'un attribut moins conventionnel

*

SOUVENT PARLER CAUSE DU TORT, MAIS SE TAIRE, JAMAIS À l'Àme, la Vertu, la Foi, nous consacrons des temples ;

En nous-mémes pourtant nous les voyons bátis. - Pourquoi la Tritonienne en la capitoline enceinte Siégea-t-elle ? - Rome et le monde ont là leur téte.

L'àmeestl'honneur de l'homme, image de l'áme divine, Qui jamais, au contact des sens, ne s'est offerte . Qui veut se connaitre lui-méme doit la connaitre

D'abord et consulter Harpocrate pharien.

IL DOIT LA DÉTOURNER DES SENS, CELUI QUI A RECU LE DON D'UNE ÀME DIVINE Qui peut, bien loin des sens, garder son áme, Et dégager, bien loin de l'habitude,

Sa réflexion, sur tous sans mal l'emporte :

5

Par l'áme il vit, et il vit tel un dieu, Par corps et sens, il n'est que béte brute.

Cette phrase d'Hermés le Trismégiste, Point de malheur pour qui l'aura à cceur.

MÉTRIQUE — carm. 1 : distiques élégiaques. - carm. 2 : trimétres iambiques.

que le caducée ou le pétase, n'en propose aucune interprétation ni ne met en relation le geste du silence avec l'exhibition de cet objet", Barbara Bowen voit dans l'union du candélabre et de Mercure la « fusion of wisdom stemming from both ancient worlds, the Greco-Roman and the Judeo-Christian world » !1° interprétation. difficilement contestable mais qui nous semble poser toutefois un probléme d'équilibre syntaxique. En effet, il parait difficile de doter le geste harpocratique de la main droite du dieu d'une signification précise, celle de l'incitation au silence, et de ne donner à l'imposant objet exhibé par la main gauche qu'une fonction de connotation culturelle, donc bien vague.

Un extrait d'une lettre de Bocchi à Amaseo de 1548 (voir annexe) montre que la composition iconique, voire le dessin préparatoire à la gravure lui-méme, ont préexisté à la rédaction des épigrammes. Méme si Bocchi présente

ces

vers

comme

« explicatifs »

(interpretes),

on

constate

rapidement

qu'il

ne

s'agit

pas

de

« description » de l'image ni d'interprétation directe de son programme symbolique. Ainsi, il est remarquable de constater, par exemple, que Athéna, qui apparait dans le premier poéme, ne figure pas dans la gravure. Inversement, ni le dieu Hermés/Mercure, ni le candélabre aux allures de ménorah de la gravure ne sont évoqués

dans l'une ou l'autre épigramme, méme s'il est question d'Hermés Trismégiste au terme de la seconde. Il nous parait important de redonner toute sa place au texte — ici formé de deux épigrammes - comme partie constitutive de l'embléme, qui exige, par là méme, une attention soutenue que ne doit pas lui dérober l'étude de l'image. Force est de constater que texte et gravure constituent deux développements symétriques et complémentaires,

mais

résolument

autonomes,

d'un

méme

argument

dont

ils assurent

différemment

l'encodage et/ou le décryptage allégorique. Nous constaterons que l'ambivalence des signes, inhérente à l'usage du symbole, loin de n'étre que pur jeu sur les références antiques ou argutie mythographique, permet l'allusion à une actualité politique et à un contexte idéologique précis. Ceux-ci transforment l'embléme en véritable dispositif de « propagande religieuse », pour reprendre une expression trés judicieuse que Delio Cantimori applique à certains aspects de la démarche méme de Bocchi' ^". 1. Tétes et citadelles : entre anthropologie et archéologie

Les deux épigrammes célébrent la Mens, terme qui apparait six fois dans l'ensemble, et que met en relief un jeu subtil d'anaphores (1, 1 et 5?) et de polyptotes (menti, mens, mentem, mente).

Equivalent du voc platonicien dans l'anthropologie tripartite exposée par le Premier Alcibiade, le Phédre, le

ANALYSE!995

Le symbolon 64 a suscité beaucoup d'études!95, La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de

Giulio Bonasone ou Prospero Fontana", a généralement focalisé toute l'attention des commentateurs, qui ne

prétent guére attention aux épigrammes, sinon pour y puiser le nom propre d'Harpocrate et le relier, sur la

gravure, au signum harpocraticum "^", ou pour transformer l'Hermés Trismégiste du texte en Hermés

1% Les principaux résultats de cette analyse ont été publiés dans A. Rolet, « Les métamorphoses d'Hermés/Mercure dans les Symbolicae

Quaestiones d'Achille Bocchi », in R. Duits, F. Quiviger (dir.), Images of the Pagan Gods. Papers of a Conference in Memory of Jean Seznec, Warburg Institute Colloquia 14, 2009, P.199-250; Ead, « Une énigme hiéroglyphique: le Mercure à la ménorah dans les Symbolicae

Quaestiones d'Achille Bocchi », dans D. Martin, P. Servet, A. Tournon (dir.), L'Énigmatique à la Renaissance : formes, significations, esthétiques, Actes du colloque organisé par l'Association "Renaissance, Humanisme, Réforme", Lyon, 7-10 septembre 2005, Paris, 2008, p. 233-260. 1096 L, Marin, « Notes sur une médaille et une gravure : éléments d'une étude sémiotique », Revue d'Esthétique, 22, n° 2, 1969, p. 121-138.

R. B Waddington, « The Iconography of Silence and Chapman's Hercules », JWCI, 33, 1970, p. 248-263 ; B. Bowen, « Mercury at the

Crossroads in Renaissance Emblems », JWCI, 48, 198 5, p. 222-229. "7 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 19, n° 73 (2 LXII). Deng i E : : Voir E. Wind, Mytéres paiens de la Renaissance,

Paris, 1992 pour la traduction frangaise (Londres, 1958"), p. 23, n. 40 et A. Chastel,

« Signum harpocraticum », Studi in onore di G. C. Argan, Rome, 1984, t. 1, p. 147-153.

358

lucernes allumées, pour le moins insolite dans la main de Mercure comme variante de l'habituel caducée, mais

qui ne suscite cependant pas de réelle interprétation symbolique. Ainsi, Louis Marin, dans son étude, n'en

Sur l'image : - La monade demeure en elle-méme — D'avoir parlé, souvent il se repent, mais de se taire, jamais

s

mystagogue sur l'image". Or certains des éléments de la gravure, quoique parfois signalés, sont écartés du

processus herméneutique. Le cas le plus frappant est celui du gigantesque candélabre en forme de Menorah aux

Timée ou la République de Platon, la Mens ou àme intellective constitue la partie supérieure et excellente de l’àme humaine (decus hominis, 1, 1). La Mens a son siége dans la partie la plus élevée du corps humain, la téte, que Platon compare à une áxponóAig oü s'exerce l'autorité d'un Bac cóc "^, Cette métaphore, trés connue des

humanistes!55, est relayée par Bocchi dans le deuxieme distique du premier poéme, à travers un subtil jeu de

variations qui ne cesse de faire entendre la notion d'acropole (arx) ou celle de téte (caput), en les reliant à Pallas Tritonia. En effet, la Capitolina arx désigne à Rome l'une des éminences du Capitole, véritable enceinte sacrée ou acropole de Rome. Le terme d'arx fait, chez Bocchi, le lien avec les delubra du distique précédent. C'est là que se dressait le temple de Jupiter Capitolin, qui abritait la seconde triade capitoline, c'est-à-dire précisément 19 E, Wind, Mysléres paiens, p. 23 et F. Yates, Giordano Bruno et la tradition hermétique, Paris, 1996, pour la traduction francaise (1964*) ;

R. B. Waddington, « The Iconography of Silence », p. 259. 11 R. B Waddington, « The Iconography of Silence », p. 258.

M! B. Bowen, « Mercury at the Crossroads », p. 228. a

Cantimori, Umanesimo e religione nel Rinascimento, Turin, 1975, p. 175.

! Le premier chiffre renvoie à l'épigramme concernée, le second au numéro de vers.

! PL, Rsp. s8ob.

1105 Voir par exemple BOCCACE, Genalogie deorum gentilium liber, 2, 23c ; ALCIAT, Emblemata, « Natura », v. 4 ; BUDÉ, De Philologia, 2.

359

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Minerve, aux cótés de Jupiter et de Junon. Mais, comme le rapporte Tite-Live, l'étymologie méme de Capitolius se calque sur la notion de caput, en souvenir de la téte aux traits intacts qu'on aurait mise à jour en creusant les fondations du temple!" 6. Les devins, interprétant à la fois le lieu (arx) et la nature du prodige (caput), y virent le signe que cette colline ferait de Rome l'acropole, le centre religieux et politique (arx), la capitale du monde, caput urbis et orbis comme le dit Bocchi qui paraphrase les formules liturgiques. La présence de Minerve n'y est guére étonnante puisqu'elle est la déesse protectrice de toutes les acropoles, à Athénes comme ailleurs. De plus, les Anciens lisaient l'épiclése de Tritonia que lui accorde Bocchi comme un rappel que la déesse était née de la

téte de son pére, en rattachant le terme de Tritonia à l'éolien tpitw, la téte!'^. Les humanistes, de Boccace à

Budé en passant par Bocchi lui-méme, voyaient là un lieu d'origine parfaitement adaptée pour la déesse qui patronne l'intelle& ou la Mens, la plus haute des facultés, ainsi que les disciplines contemplatives qui s'y rattachent. Née de la téte de son pére, Minerve régne sur les acropoles, tétes des villes, de la méme maniere qu'elle régne sur la Mens, située dans l'acropole du corps humain, la téte. La Mens, qui s'ouvre à l'influence de la divinité, lui offre une sorte de temple intérieur, comme l'impliquent les termes de delubra, (1, 1) et d'arx. Elle partage avec la divinité une communauté d'essence, une parenté ou

cvyyeveía!5 comme l'indique l'expression mente uiuit atque uiuit ut deus (2, 4). Cette parenté peut se

incarnation du vobG, a visage humain et domine les deux chevaux. Dans la République, seul le démon noétique ressemble à un homme, tandis que le lion symbolise la partie irascible, et les créatures composites comme Scylla,

Cerbére ou la Chimére, la partie concupiscible!'*. Bocchi reprend ces couples antonymes platoniciens dans la

deuxiéme épigramme (v. 1-2), par l'intermédiaire de Cicéron (Tusc, 1, 16, 38) et du Corpus Hermétique (traité

10, 24 et Asclépius, 6) en opposant, au sein méme de la nature humaine, d'un cóté la mens et la cogitatio, qui font de l'homme un deus, et, de l'autre, les sensus, l'assuetudo et le corpus, qui en font un brutum pecus. Car le choix volontaire de l'obéissance à telle ou telle faculté définit deux modes de vie et deux catégories

d'hommes : celui dont la vie est divine, (2, 4 : ut deus) et qui devient donc un @eîog &vrjp, et celui qui vit comme une béte (2, 5 : brutum ut pecus). La premiere catégorie est bien entendu supérieure à l'autre (2, 3 : facile ille

praestat omnibus) car elle posséde le bonheur (2, 7: esse non potest esse miser), lié à un certain type de connaissance. Cette connaissance n'est pas le savoir des réalités extérieures recherché par les physiciens présocratiques. C'est au contraire un savoir réflexif et purement intérieur que Pythagore puis Socrate avaient défini comme l'essence et l'objectif mémes de la philosophie. Il trouve son expression dans la lapidaire et

célébrissime invitation yvà0t cavróv''?, nosce te ipsum, inscrite sur le fronton du temple d'Apollon à Delphes''?^, et dont les sens sont récapitulés, à la Renaissance, par un adage d'Érasme. Bocchi en réserve

transformer en véritable ressemblance (óuolcotg 029!9) et faire de l'àÀme humaine une diuinae mentis imago (1, 5), selon une formule qui rassemble Platon, le Corpus Hermeticum '''? et la Genése 1!!! "Toutefois, cette assimilation ne peut se faire qu'à la condition que l'homme accepte de réaliser par la volonté ce qui, au départ, n'est qu'une simple virtualité. Platon, qui suit le principe implicite de la connaissance du semblable par le semblable, nous rappelle qu'il faut nourrir la partie noétique de notre étre par des pensées qui lui conviennent, éternelles et immortelles, c'est-à-dire par la contemplation du divin et des mouvements parfaits qui régissent le monde supra-lunaire ?7?, Chez Bocchi, la récurrence d'expressions conditionnelles qui potest (2, 1) ou cui diuina mens obtigit ou encore les formules prescriptives comme reuocanda (tit. 3 ; 2, 1) ou oportet (1, 7) rappellent en

l'énigmatique formulation et son exégése au dernier distique du premier poéme. Il l'associe à une non moins énigmatique recommandation, celle d'aller consulter Harpocrate. Bocchi explique que, pour se connaitre soiméme (1, 7 : Noscere qui cupit... ipsum se), il faut d'abord connaitre sa Mens (1, 7 : hanc... noscat oportet), c'està-dire saisir précisément son caractére divin et assimilable au divin (1, 6 : diuinae mentis imago). Bocchi suit ici $trictement l'interprétation de Platon et la tradition du Premier Alcibiade, qui veut que l'intellect, véritable

possibilité de cette assimilation de l'áàme à Dieu. Car la Mens ou voüc est effectivement, par nature, sans commune mesure avec les deux autres parties de l'àme,

de soi!'??, Ce caractere divin et réflexif de la pensée du vobc est mis en scéne par l'image du démon socratique, qui sert d'interlocuteur privilégié au philosophe pour le dissuader de commettre une action injuste. Nous avons montré dans le Symb. 3, qui met en scene le nosce te ipsum, que le démon ailé, ange-gardien de Socrate, est une métaphore de la mens, l'authentique et secréte personnalité du philosophe grec. Dans le Syrib. 64, l'idée de la connaissance comme connaissance de la divinité de la mers rejoint également l'exégése du Cicéron platonicien qui compare cette faculté à la statue consacrée d'un dieu dans la cella d'un temple, Cette image cicéronienne est d'autant plus importante qu'elle nous éclaire sur l'omniprésence du vocabulaire du temple (delubrum, arx) dans la premiére épigramme de Bocchi. Que signifie alors l'énigmatique obligation corollaire d'aller consulter Harpocrate de Pharos ?

écho les formules pleines de réserve qu'émettaient Platon (xatà tò 8vvaxóv!!?) et Plotin (xeipácOat^) sur la

l'irascible (le Qóuoc) et la concupiscible (les &xi&0jiat). Ces dernieres lui sont substantiellement hétérogénes.

C'est ce qu'indique, dans les poémes bocchiens, la récurrence de ab (a sensibus, tit. 3, et 2, 1 ; a assuetudine, 2, 2 ; abducere, 2, 3) et de ex (exposita, 1, 6) en préposition ou en préverbe, pour marquer une distanciation autant

spatiale qu'essentielle et hiérarchique. Mais les parties inférieures en contestent aussi perpétuellement l'autorité, au point que l'équilibre ou justice!''^ entre elles est particuliérement difficile à établir au sein de ce genus mixtum qu'est l'homme. Pour rendre compte de cette scission ontologique et de ce dualisme fondamental, Platon propose toute une série d'images qui opposent les figures anthropomorphiques et les figures zoomorphiques. Le divin, de nature noétique, revét seul une forme humaine!!'6, Ainsi, dans l'attelage ailé du Phèdre!!!7, le cocher,

démon placé au sommet du corps!!?!, définisse à lui seul la part humaine de l'homme et sa personnalité la plus intime!!?, Or, comme le montre Augustin qui emprunte l'idée à Plotin, l'intelligence qui pense, pense

forcément qu'elle pense et se rencontre donc elle-méme, en tant que sujet, objet et acte de connaissance, et

permet d'établir l'identité entre intellectuel et intelligible. Toute connaissance est donc d'abord connaissance

1106 Lty, 1, 55, 5-6. Voir aussi VARR,, L. L., 5, 41. 1107 Voir Schol. ad Aristoph., ad Nub., 985.

11° Le double concept de la cvyyeveía et du tò £v juiv Betov, abondamment décliné chez Platon (Tim., 73a ; 88b ; Alc., 133b-c) puis dans la

tradition néoplatonicienne, par exemple chez Plotin (Enn., 4, 7, 10, 1 et 18-19), semble étre un topos de la philosophie antique grecque

117 Pr, Phaedr., 246a-d. M8 pr, R$5, o, 588c-d.

Paris, 1964 ; J. Pépin, Idées grecques sur l'homme et sur Dieu, Paris, 1971, p. 5-12.

t. IL p.750 et Appendix prouerbiorum, 1, 81, t. 1, p. 390. Sur la mise en relation spécifique de la formule avec l'enseignement socratique, voir 48 c; Tim., 72a ; Leg. 11, 923a ; Alc. 124a. Pour XÉN., Mem., 4, 7, 2-8 ; PL., Apol., 38a ; Prot. 143 a ; Charm., 164d-e ; Phaedr., 229e ; Phil., 19c et

puisqu'on le retrouve aussi dans l'orphisme ancien, chez Aristote, chez les stoiciens (par exemple, I' Hymne à Zeus, s, de Cléanthe), ou encore chez Épicure et Lucréce. Voir E. Des Places, Syngeneia. La parenté de l'homme avec Dieu, d'Homiére à la patristique, Etudes et Commentaires, 51,

1? Pr, Theaet., 176b. Voir H. Merki, OMOIQXIX OEQ. Von der platonischen Angleichung an Gott zur Gottühnlichkeit bei Gregor von Nyssa, Paradosis, 7, Freiburg, 1952, p. 1-7 ; J. Pépin, Idées grecques, p. 8-9. 11° Voir Poim., 12 ; Asclep., 7. Gen, 1, 26, 7 pr, Tím., gob-d. 1113 Pr, Theaet., 176b. 114 PORPH,, Vit. Plot., 2, 27. Cité parJ. PÉPIN, Idées grecques, p. 10. 1115 Sur ce terme appliqué à l'harmonie intérieure de l'homme, voir PL., Rsp., 4, 443d.

I1° Sur cette question et sa diffusion à Rome par l'intermédiaire de Varron, voirJ. Pépin, Idées grecques, p. 17.

360

''? Sur cette formule qu'on attribue au départ à divers sages tels que Bias, Chilon, Solon ou Thalés, voir Mantissa prouerbiorum, 1, 43 in CPG,

une étude générale, nous renvoyons à P. Courcelle, « Connais-toi toi-méme », de Socrate à Saint Bernard, Paris, 1974. 1120 CiC, Tusc., 1, 22, 52 ; Fin., 5, 16, 44 ; SEN., Marc. 11, 2.

!?! Voir PL, Tim., 90a. ‘ " "7? PL, Alc, 133b-c. Sur cette question, voirJ. Pépin, Idées grecques, p. 71-80. », plotiniennes origines ses et Augustin saint de 2) 10, (12, litteram ad Genesi De du idéaliste déclaration curieuse Une « Pépin, J. '5 Voir

P Revue d'Histoire et de Philosophie religieuses, 34, 1954, p- 373-400; p- 393vM aliquid primum norit, ipse se qui Nam [...] "Bs Leg., 1, 22, 58 : Haec [= philosophia ] docuit ut nosmet ipsos cognesceremus.

se habere

diuinum ingeniumque in se suum, sicut simulacrum aliquod dedicatum putabit. L'idée est reprise par G. BUDÉ, dans son De studio litterarum recte et

commode instituendo, 3, 3 de 1532.

361

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

2. La consultation d'Harpocrate : silence vocal et voix des signes

:

'

montrent Harpocrate, nom grec d’Horus et fils d’Isis, est un dieu-enfant de l’Égypte, que les représentations avec Rome à assimilé été a souvent assis sur une feuille de lotus, sucant son doigt. Ce geste, mal interprété,

celui de la déesse Angerona qui presse son doigt sur ses lévres ^^. En plus de son simple statut diacritique

permettant l'identification d'Harpocrate, ce signe du doigt sur la bouche a acquis, en méme temps que son autonomie, une valeur prescriptive. Il invite effectivement à garder le silence!!?7, en particulier dans les

cérémonies religieuses!" au point que certains humanistes, comme Politien, Rhodiginus ou Valeriano, voient en Harpocrate l'on retrouve également, en emprunté par D'autre part,

et en son geste une invitation à silentio deum colere, « prier Dieu en silence'"? », expression que dans le Symb. 64 de Bocchi sous la forme d'un titulus surmontant la gravure. On remarquera anticipant quelque peu notre analyse de la gravure, que le geste d'Harpocrate est, dans l'image, Hermés/Mercure, symbole pour le moins paradoxal pour le dieu du discours ! cette invitation au silence éveillait bien sár des échos philosophiques, en particulier la fameuse

échémythia de Pythagore et de ses disciples acousmatiques''?^, mais aussi les préceptes gnostiques d'Hermés

Trismégiste qui fait du silence la condition de l'extase et de l'initiation!?' ou encore, les livres sapientiaux de

l'Ancien Testament qui opposent le sage, gardien du silence, au fou dont la bouche ne tarit pas de mots et révéle

au monde la sottise! ^",

Bocchi se rallie plutót ici aux développements du De Garrulitate de Plutarque citant le fameux propos de

Simonide''?, qui apparait en grec sur la gravure, sous la forme d'une inscription sur le socle oà Mercure prend

appui. Bocchi reprend la phrase en latin, sous forme d'un motto au-dessus de la premiere épigramme, dans une

tradu&dion qu'il emprunte probablement aux Disticha Catonis (1, 12) et à Valére-Maxime

(7, 2), par

l'intermédiaire d'un adage d'Érasme (5, 5, 3). Pour Plutarque, la parole a toujours pour inconvénient majeur de ne pas pouvoir récupérer ou annuler les mots qu'elle a proférés à l'extérieur, alors que le silence permet à la

pensée de se conserver unie et intacte!*, Comme l'a déjà souligné Barbara Bowen!!*°, Bocchi s'inspire de

Plutarque dans la gravure, en plagant dans un support circulaire, symbole de l'unité autarcique, une citation sur la monade qui demeure en elle-méme sans se partager ni se diviser (monas manet in se), dans une formulation trés néoplatonicienne empruntée au De Mensibus liber de Lydus (2, 6: « car la monade tire son nom du fait qu'elle demeure en elle-méme, voir apparat des sources! '?^). On mesurera alors toute l'ironie ou l'énigme du conseil d'aller consulter Harpocrate, suggéré par Bocchi dans la premiere épigramme. Bocchi joue sur la représentation du dieu égyptien qui, avec le doigt rivé sur les lévres, ne pourra évidemment pas répondre. En revanche, le geste qui l'empéche d'émettre un son vocal lui permet en

1125 Voir PLVT., De Iside., 357c. Voir aussi T. Tam Tinh, B. Jaeger, S. Poulin, « Harpokrates » in LIMC, t. IV-1, p. 415-445. 1126 Voir MACR., Sat., 1, 10, 7-9 et 3, 9, 4. 1127 Voir PLVT., De Iside, 378B. L'alliance du doigt et du silence est soulignée par Ov., Met., 9, 692 : quique premit uocem digitoque silentia suadet,

et ALCIAT, Emblemata, « In silentium » v. 3, reprend presque textuellement la citation : Ergo premat labias digitoque silentia signet. Sur ce signum

harpocraticum et sa postérité à la Renaissance, voir A. Chastel, Signum Harpocraticum, déjà cité, ainsi que W. Deonna, « Le silence, gardien du

secret », Zeitschrift für schweizerische Archüologie und Kunstgeschichte,

12 (Heft 1), 1951, p. 28-41.

1128 Voir PLVT., De Garr., sosf. 7? Voir POLITIEN, Miscellaenarum centuria prima, 83, comme l'a déjà remarqué E. Wind, Mystéres paiens, p. 23. Voir aussi RHODIGINVS, Lectiones Antiquae, 15, 22 ; VALERIANO, Hieroglyphica, 29, De crocodilo, p. 206c : Deus et 36, Digiti et mensurae, p. 261a : Silentium.

!* D, L, 8, 10 ; IAMBL, Vit. Pyth., 16, 68. !1 Le Traité 13 porte le titre : « D'Hermés Trismégiste à son fils Tat : discours secret sur la montagne concernant la régénération et la régle du

silence ». 1132 Voir par exemple les Proverbes de Salomon, 13, 3 ; 17, 27; 17,285 18,6; 18,7; 20; 195 21,23 ; Sirach, 19, 5; 19,285; 20,75 23, 33; 28, 29, etc. 13 PrvT., De garr., $152. 155 PrVT., De garr., sosf. Bsp Bowen, « Mercury at the crossroads », p. 228. Cf. PLVT., De garr., 507a : « L'unité ne franchit pas sa limite et reste enfermée dans l'un une fois pour toutes, aussi l'appelle-t-on monade, tandis que le nombre deux est le principe indéfini de la différenciation, car il a tót fait de sortir

méme temps, non pas de garder le silence ni le secret, mais de s'exprimer d'une autre maniere, précisément sous forme d'un signe, à lire comme une invitation à se taire. En ce sens, Harpocrate se comportera exactement comme Apollon qui délivre des oracles à Delphes : ore Aéyet óvxe xpósrcet à orjuatven, « Il ne parle ni ne

dissimule mais envoie des signes » ''". Le signe visuel du doigt sur la bouche donne l'impression qu'on en saisit

le sens immédiatement et comme par intuition contemplative. C'est qu'il répond exactement à la définition du hiéroglyphe tel que l'entendent les hommes de la Renaissance, qui, à la maniére de Ficin, sont héritiers des

contresens de Plotin, de Porphyre et de Jamblique sur la langue égyptienne"*. En réalité, dans son fonctionnement, le signe ici n'a rien d'immatériel mais obéit de fait aux préceptes discursifs et syntaxique mis en ceuvre par Francesco Colonna dans son Hypnerotomachia Poliphili. Il se décompose en deux unités sémantiques reliées par une syntaxe, le doigt étant posé sur la bouche. Pourquoi est-il si important de faire silence pour se connaitre et pour honorer Dieu, et quelle relation avec les hiéroglyphes ? La Mens, partie divine de l'homme, est comparée par Platon à un démon, et nous avons vu que Bocchi acceptait pleinement cette assimilation. Or, pour communiquer ses réflexions au sujet sur lequel il veille, le démon noétique n'emploie pas d'intermédiaire organique comme la parole, ni de langage articulé. Car, comme Plutarque nous l'explique, le démon s'exprime sous forme d'intuition inorganique qui s'imprime dans le pneuma''?". La pensée subtile du démon ne peut pas s'accommoder de la grossiéreté matérielle de la parole articulée, comme nous le verrons dans le Symb. 147, oü les hiéroglyphes inscrits sur une banderole tenue par le démon/ange-gardien sont censés transcrire la nature purement noétique des propos du démon, qui recommande d'honorer Dieu. Or le silence imposé aux lévres par le doigt d'Harpocrate permet justement de faire taire la parole organique et la voix matérielle, qui risqueraient d'occulter et d'étouffer la voix subtile de la mens et du démon/ange gardien révélant la véritable connaissance de soi ou apportant les messages divins. On comprend enfin que les deux motti qui surmontent chacune des deux épigrammes, ainsi que celui de la gravure, se répondent mutuellement. La voix organique de l'homme qui parle à tort et à travers est apparentée à la matérialité des sens et du corps et constitue une véritable entrave (nocuit), une nuisance réelle non seulement à

la vraie connaissance, mais un obstacle à la perception des avis divins lors des cérémonies religieuses. Lorsque la voix se tait, elle laisse la place au langage intérieur beaucoup plus subtil, et inaudible de l'extérieur, que constituent les admonestations du bon démon ou Mens, messager des dieux. La Mens, par le silence de la voix,

s'arrache alors à l'empire corporel (reuocanda mens a sensibus).

Malgré leur subtile déclinaison, on peut remarquer que ces motifs et ces images constituent autant de topoi trés familiers à la pensée de la Renaissance. Leur caractére syncrétique et leur concaténation thématique leur permettent de rassembler, dans la troublante unanimité de la prisca theologia, des textes aussi disparates que ceux de Platon, Cicéron, Hermes Trismégiste ou encore la Bible. Que cachent cette neutralité et ce langage consensuel des symboles ? 3. Silence et culte évangélique : l'éloge érasmien de l'homme intérieur

Bocchi, nous l'avons montré, fait l'éloge de la Mens comme temple intérieur, en se servant de l'image platonicienne de l'acropole établie au sommet de notre étre; il célébre sans réserve cette faculté et invite l'homme à la restaurer ou à la conserver dans son róle royal de domination en montrant qu'elle nous associe au

divin en nous permettant de nous connaitre nous-mémes, de goüter à la félicité, et qu'elle relégue notre corps à

la brutalité animale. Parallélement, il signale l'obligation corollaire d'adopter un silence tout harpocratique, de nature philosophique et religieuse. Or cette imbrication cohérente des thémes et leur expression par des images platoniciennes nous renvoient à un groupe de textes qui se servent eux-aussi des mémes motifs et des mémes métaphores empruntés à Platon : l'Enchiridion militis Christiani d'Érasme, dont la premiere édition date de 1504, et les Paraphrases au Nouveau Testament, qui s'échelonnent de 1517 à 1524. Ces textes constituent de

véritables manifestes de la piété évangélique, congue par Érasme comme un retour au christianisme originel et

de lui-méme et en se doublant, de tourner vers la pluralité. De méme, la parole qui demeure chez la premiére personne est un vrai secret, mais

127 PLvT., De Pyth., 21 in Moral., 404d.

1* Cette référence n'est pas donnée par B. Bowen.

'* PLVT, De Genio, 588 d-e. Voir aussi HERM. ALEX,, In Platonis Phaedrum scholia, 95, 7-18.

dés qu'elle est passée à une seconde, elle a acquis le statut de rumeur publique ».

362

'* Voir nos analyses et la bibliographie du Symb. 147.

363

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

authentique, par opposition aux dérives de certaines pratiques catholiques. Silvana Seidel-Menchi insiste sur la Italie!!^. Les dimension hérétique de ces textes et le caractere suspect qu'ils revétent lors de leur circulation en chez références implicites à Érasme nous permettront peut-étre de saisir les intentions de Bocchi. Comme Bocchi, l'Enchiridion militis Christiani récupère en la simplifiant l'anthropologie platonicienne et la relecture

qu'en ont proposée saint Paul et Origene''" pour opposer, dans un dualisme conflictuel, l'àme (anima, synonyme de mens et de spiritus) et les sens (sensus, synonyme de corpus et de carnis). Par l'Àme, l'homme mene la vie des dieux, par les sens et la chair, la vie des bétes brutes : L'homme est une sorte d'animal prodigieux composé de deux ou trois parties tout à fait diverses, d'une àme à titre pour ainsi dire de puissance divine (numine quodam) et d'un corps qui joue le róle de béte brute (muta pecude). De fait, nous l'emportons si peu par le corps sur le reste des bétes brutes (reliquo brutorum generi) que, sous le rapport des qualités naturelles nous leur sommes manifestement inférieurs. Selon l'àme en revanche, nous sommes si bien susceptibles de contenir la divinité (diuinitatis capaces), qu'il nous es permis de dépasser dans notre vol les esprits des anges mémes et de ne faire qu'un avec Dieu (unum cum Dio fieri). S'il ne t'avait pas été

Péripatéticiens et le stoicisme!'*".

Mais Érasme se sert de Platon pour préparer à la distinction, effectuée par Paul (2 Cor. 4, 16), entre l'homme intérieur, qui marche selon l'Esprit et se renouvelle, et l'homme extérieur, qui obéit à la Chair et se corrompt'!*.

Cette opposition n'a pas seulement une valeur anthropologique ou philosophique, elle est également théologique et définit la nature du rapport religieux que l'homme doit établir avec la divinité. L'homme

extérieur ou charnel, rappelle Érasme dans le Cinquiéme Canon de l'Enchiridion'*, se perd dans le rigorisme d'un culte matériel qui contraint le corps sans s'occuper de l'àme: rabáchage de priéres, humiliations

ostentatoires, beaux vétements, purification des objets, sacrifices, pélerinages, etc. Ces prescriptions formelles

correspondent au régne de la premiere alliance, établie par Moise pour le Temple. Les adeptes en sont les Juifs

Pharisiens scrupuleux, attachés à la lettre de la Loi'?*, Au contraire, l'homme intérieur ou spirituel, tout entier

contenu dans la mens, s'efforce de rendre à Dieu le culte immatériel d'un cceur sincére, pétri par la foi et la charité. Reléguant dans un ordre secondaire et contingent l'exercice matériel de la Loi, il privilégie au contraire les offrandes invisibles, les priéres muettes et les pensées pures à l'intérieur de son esprit, véritable temple

ajouté un corps, tu serais un étre divin (numen) ; s'il n'avait pas été mis en toi un esprit, tu serais une béte

(pecus)!'*". [ ...] Tu vois en vérité comment, de cette facon-ci, l'homme, un vivant divin (diuinum animal) par le haut, se termine entiérement en béte brute (in pecudem)''*".

consacré à Dieu!!$!, Cette religion intérieure est prónée par le Christ et la Nouvelle Alliance, elle abolit et rend

Reprenant les images du Timée à l'instar de Bocchi, Érasme rappelle également que l'áme, qui jouit d'un statut royal, se situe dans l'acropole de la téte : Et il [Platon] a donné logement à l'àme divine, c'est-à-dire à la raison, pour ainsi dire en qualité de roi, dans le cerveau, comme dans l'acropole de notre cité (uelut in arce ciuitatis nostrae) !'**. [ ... ] Mais ce conseiller divin qui préside en sa sublime acropole (sublimi in arce), se souvenant de son origine, ne congoit rien de grossier, rien de bas!!

soi, l'élément divin et supérieur pour se soumettre à ses jugements, et réussir à le distinguer de la partie inférieure et superficielle afin de dominer les affects, selon une méthode déjà conseillée par le platonisme, les

5,

La guerre entre les deux parties est une conséquence de la faute et de la chute et l'objectif de l'Enchiridion est de restaurer la justice perdue gráce à la doctrine du Christ. La fondamentale étape de l'acquisition de cette sagesse,

caduques les prescriptions de l'Ancienne. Érasme récupére cette division historique entre les Pharisiens et les premiers fidéles du Christ, partisans de la doctrine des Évangiles, en la transposant implicitement dans un contexte contemporain oü s'affrontent les partisans d'un catholicisme pharisien, pétri de rituels, d'observances, de jeünes, de pélerinages, d'adoration d'objets et d'images, de confessions et de messes, et ceux d'une religion épurée, spiritualisée, intériorisée et conforme aux premiers áges du christianisme. En invitant l'homme à se détacher de l'habitude, des sens et du corps pour privilégier l'àme et le rapport direct qu'elle entretient avec Dieu, Bocchi relaie secrétement les propos érasmiens et exalte une religion débarrassée des entraves matérialistes qui s'attaque véritablement aux fléaux des passions et des vices et méne la guerre contre eux. La citation cicéronienne qui apparait au premier vers de la premiére épigramme bocchienne et qui rappelle que les temples de l'Àme, de la Vertu et de la Foi sont intérieurs, semble faire écho aux propos d'Érasme condamnant la

matérialité fastueuse du temple de Jérusalem pour exalter l'avénement du sanctuaire intérieur de l'àme.

celle qui conduit à la félicité, consiste, pour Érasme, à se connaitre soi-méme, selon une formule paienne qui

concorde avec les préceptes bibliques''5. Or, se connaitre soi-méme, c'est connaitre, dans les profondeurs de

' ÉRASME, Enchiridion, s, éd. citée, p. 115 (7 Holborn, p. 46) : « Voilà donc le seul chemin qui méne à la béatitude : qu'en premier lieu, tu te

connaisses , qu'ensuite tu n'agisses en rien conformément aux affects, mais en tout conformément au jugement de la raison. Mais que la raison

1140 Silvana Seidel-Menchi, Érasme hérétique : Réforme et Inquisition dans l'Italie du XVle Siécle, Paris, 1996 pour la traduction francaise. Voir aussi A. Renaudet, Érasme et l'Italie, Genéve, 1954 et l'article Érasme dans The Oxford Encyclopedia of the Reformation (dir. H. J. Hillerbrand), New York/Oxford, 1996.

74! ÉRASME, Enchiridion militis Christiani, 7, trad. A. J. Festugiére, Paris, p. 123 (à partir du texte latin établi par Holborn, p. 52-53) : « À la suite

de Paul, il [Origene] établit trois parties : l'esprit, l'áme et la chair, toutes parties que l'Apótre a associées quand il écrit aux Thessaloniciens (1 Thess. 5, [...] Le Serpent, C'est par

23). [...] De ces lieux, Origene conclut avec quelque raison qu'il y a trois parties en l'homme (Cf. OnIG., In epist. ad Rom. 1, 5 ; 10). corps (corpus) ou la chair (carnem), partie la plus basse en nous, dans laquelle, du fait de la faute originelle, notre vieil ennemi, le a gravé la loi du péché [ ... ]. L'esprit (spiritus), partie gráce à laquelle nous reproduisons une resemblance de la nature divine [...] : cette partie que nous sommes collés à Dieu et rendus un avec Lui. Outre ces deux parties et entre elles, Origene a établi, comme

troisieme et médiane, l'àÀme (animam), pour étre le réceptacle des sensations et des mouvements

naturels. Celle-ci, comme

dans une

république livrée aux factions, ne peut pas ne pas se rallier à l'un ou l'autre de ses extrémes ; elle est sollicitée d'un cóté ou de l'autre, liberté lui étant laissée quel que soit le cóté vers lequel elle veuille se tourner. Si, renoncant à la chair, elle se fait passer du cóté de l'esprit, elle deviendra, elle-méme aussi, spirituelle ; si au contraire elle se laisse tomber vers les convoitises de la chair, elle s'abátardira jusqu'à finir en corps. » Voir aussi ch. 6, p. 118 : « Tu lis chez le méme [Paul] ce qu'il dit de l'homme extérieur, qui se corrompt, et de l'intérieur, qui se renouvelle de jour en jour. Platon avait établi deux ámes dans le seul et méme homme. Paul établit dans le méme homme deux hommes [: pow 1 ÉnASME, Enchiridion militis Christiani, 4, p. 109 (Holborn, p. 41).

1143 ?5 1145 146

Tbid., 4, p. 112 (7 Holborn, [bid., p. 112 (7 Holborn, p. [bid,, p. 112 (2 Holborn, p. ÉRASME, Enchiridion, 3, éd.

p. 44). 43). 44). citée, p. 108 (7 Holborn, p. 41) : « L'essentiel, maintenant, de cette sagesse, tiens que c'est de te connaitre toi-

méme (ut temet ipsum noris) : [ ...] Néanmoins, léger à nos yeux serait le poids de cette sentence si elle ne s'accordait pas avec nos Saintes Lettres. »

364

elle-méme soit saine et sage, c'est-à-dire qu'elle n'ait regard qu'à l'honnéte. »

1148 ÉnASME, Enchiridion, éd. citée, 6, p.117 (2 Holborn, p. 47) : « Ce que les philosophes nomment “ raison (rationem) ", Paul le nomme

tantót " esprit (spiritum) ", tantót " homme intérieur (hominem interiorem) ", tantót * loi de l'intelligence (legem mentis) ". Ce qu'ils nomment

" affect (affectum) ", il l'appelle tantót “ chair (carnem) ", tantót “ corps (corpus) ", tantót “ loi de membres (legem membrorum) ”. » 1149 ÉRASME, Enchiridion, éd. citée, P. 142-164 (= Holborn, p. 67-88).

1150 Voir aussi ÉRASME, Paraphrase à l'Évangile de Luc, (1523) 11, 38-39 (trad. J. Chomarat dans ÉRASME, CEuvres choisies, Paris, 1991, p. 605) : « Jésus donc comprenant que c'était le principal fléau de la piété évangélique, critique áprement la supersition pharisaique en disant : Moise jadis avait prescrit quelques rites de purification qui cependant contenaient le type et l'image de la purification de l'esprit. Car c'est à cela que tend tout ce que cette loi a esquissé par ses figures. Mais aujourd'hui alors que la vérité rayonne, qu'il est juste que s'évanouissent peu à peu les ombres de l'ancienne Loi, vous Pharisiens qui faites profession de connaitre parfaitement la Loi, vous vous attachez seulement à la partie de la Loi qui a le moins d'importance pour la vraie piété. Et vous ne péchez pas seulement en ceci que vous vous attachez à la chair de la Loi en négligeant l'esprit de la Loi, mais en ceci qu'en ajoutant des cérémonies charnelles et de petites constitutions qui viennent de vous, vous voulez citée., p. 598 : « Mais ils [-les passer pour plus saints que les préceptes de Dieu. » Voir aussi Paraphrase à lÉvangile de Marc (1523), 7, 2, trad.

Juifs] mesuraient cette pureté non à la transparence de l'áme qui est la seule et vraie pureté devant Dieu, mais à des cérémonies du corps. Parmi

elles, certaines avaient été prescrites par la Loi de Moise, non pas pour étre respectées à perpétuité et sérieusement, mais en partie pour que,

avec le temps, le peuple ignorant et indomptable s'habitue à obéir aux préceptes divins, en partie pour que gràce à ces sortes d'esquisses et de premiers éléments ils apprennent petit à petit les choses de la vraie piété qui est sise dans l'àme. Et puis, certains ne se contentant pas de ce qu'avait prescrit la Loi, y avaient ajouté d'innombrables constitutions de leur invention que les Pharisiens imposaient au peuple plus sévérement que ce que Dieu avait prescrit [ ... ]. Gráce à des bagatelles de ce genre ils réclamaient pour eux le renom de sainteté et amenaient le peuple à croire sottement à celle-ci. » EE." : 151 ÉnASME, Para phrase à l'Évangile de Jean, 4, 21-23, trad. citée, p. 629 (nous soulignons) : « Et désormais Dieu plus pleinement connu par le Fils et le Saint-Esprit devait recevoir un culte non seulement en Judée, mais sur toute la terre, et ceci dans des temples plus sacrés que ne l'était celui consacrées par son Esprit. » de Jérusalem, entendons dans les àmes pures des hommes que Dieu lui-méme s'était

36s

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Parallélement, la curieuse formule idiomatique du dernier vers de la deuxieme épigramme, variante d'un double datif, qui cordi habebit [sous-ent. hanc sententiam Hermetis ter maximi], « celui à qui cette phrase d'Hermes Trismégiste tiendra à cceur », souligne explicitement le mot cor, « cceur ». Or, depuis saint Paul et saint Augustin, le cceur se confond souvent avec la Mens comme le lieu où se fait l'illumination mystique. Le rapport à

5. Mercure, dieu des paradoxes

permet de montrer à quel point cette faculté est moins le siege de l'intelligence que celui de la Foi, c'est-à-dire

dire le divin et l'humain. Mais il relie aussi horizontalement deux signes distribués dans deux mains différentes, le doigt et le candélabre. Il est donc un agent de religio, au sens syntaxique et théologique. Les gestes qu'Hermés/Mercure fait, et les objets qu'il montre, sont pour le moins étonnants. Alors qu'on voit

Dieu se congoit alors moins comme intuition intellective que comme rapport affectif. La confusion cor/Mens

de l'amour pour Dieu, et celui de la Charité, c'est-à-dire de l'amour pour autrui. Dans la doctrine évangélique,

cet organe ambigu est donc appelé à jouer un róle central dans la question du culte, et on ne s'étonnera pas de le voir figurer sur deux autres gravures du recueil d'emblémes, précisément dans un contexte de célébration religieuse : dans le Symb. 60 accompagné d'une citation grecque qui fait référence aux Psaumes (50, 19) ; dansle Symb. 122, avec une citation néotestamentaire en grec (Adt., 1, 24 : 15, 8). De fait, la promotion d'Harpocrate et du silence par Bocchi, l'invitation à se taire qu'il stipule, peuvent s'entendre comme une condamnation de la bouche organique qui débite mille priéres sans y penser et qui perturbe la priére muette de l'áme. Il convient alors de relier ensemble le propos des deux épigrammes et, en particulier, les deux tituli qui les surmontent. Ils montrent que la parole, associée aux sens, devient en quelque sorte l'embléme de la religion charnelle de l'homme extérieur, rivé à l'Ancienne Alliance et à la Lettre. Au contraire, le silence, du cóté de la Mens, invite l'homme intérieur à ressembler à Dieu gráce aux prescriptions de

la Nouvelle Alliance, tout entiére Esprit!!*?. Le premier motto, qui insiste sur la nuisance de la parole (saepe loqui nocuit) et la sécurité du silence (numquam nocuit tacuisse) peut méme s'entendre comme une discréte invitation à un nicodémisme non plus pédagogique, mais pragmatique : si la chair est indifférente et sans importance, on peut se plier aux rites pour sauver sa vie et vivre en paix, à condition que les intentions soient pures, que la Foi habite la Mens et que ce soit elle qui dirige et inspire les pratiques matérielles. Il est temps de passer à présent à l'analyse de l'image : en quoi le langage de l'image promeut-il des solutions symboliques originales et spécifiques, qui ne recoupent pas exactement les choix métaphoriques et allégoriques du texte ? 4. La gravure : composition générale

Dans la gravure, symétrie vertical jeune, imberbe, debout, la jambe légérement pliée

Hermés/Mercure se tient parfaitement au centre de l'image et constitue une sorte d'axe de pour le paysage de campagne planté de quelques monuments qui se déploie derriere lui. Il est la chlamyde sur les épaules, reconnaissable au pétase ailé qui lui couvre la téte, et se tient gauche d'appui tendue, avec le contrapposto significatif du Canon de Polycléte, la jambe droite en retrait. Sous ses pieds, un socle quadrangulaire en forme de cartouche propose en grec la

Hermés/Mercure, avec son pétase ailé et son manteau qui vole derriére lui, semble remplir ici les fonctions dynamiques d'&yyzXoc, de messager empressé de la volonté de Zeus, qui lui sont traditionnellement dévolues.

Plus spécifiquement, son róle est ici d'étre un interpres!?^, c'est-à-dire un intermédiaire, un médiateur. Il relie effectivement verticalement deux mondes, le céleste, obscur et mystérieux, et le terrestre, clair et distinct, c'est-à-

en lui le dieu de la parole, et qu'un messager est chargé normalement de délivrer un message, il met ici, de

maniére paradoxale, le doigt sur la bouche en reproduisant le signe d'Harpocrate. Ce signe est prescriptif, il invite celui qui le regarde à se taire et à garder le silence. À la maniére de l'oracle de Delphes, le dieu ne parle ni ne cache, mais envoie des signes, de véritables hiéroglyphes qui s'inscrivent dans un ensemble syntaxique plus vaste, à la maniére de Colonna. Ces signes sont au nombre de deux : le doigt répond au candélabre, tenu dans l'autre main et à la méme

hauteur. À la maniére de Colonna, les deux citations inscrites dans la gravure

décryptent, transcrivent et déclinent sous forme discursive le contenu du hiéroglyphe que constitue le doigt sur la bouche. Toutefois, l Hermés/Mercure de la gravure bocchienne n'est sans doute pas l'Hermés Trismégiste dont Bocchi donne une citation dans son épigramme, malgré la référence à l'Égypte que l'on peut lire derriére l'évocation d'Harpocrate, et malgré le passage de Cicéron rapportant l'existence d'un cinquiéme Hermes qui, aprés avoir tué Argus, aurait été obligé de s'exiler en Égypte où il serait devenu le Thot égyptien, inventeur de l'écriture, et

Hermés Trismégiste pour les Grecs (Nat. deor., 3, 22)'5*. Comme le rappelle Lelio Gregorio Gyraldi, et avant

lui Ficin, Hermes Trismégiste, premier maillon de la chaine de la prisca theologia, est un sage, un sapiens comme Pythagore, un mage,

comme

Zoroastre, et non pas un dieu. Le pavement de la Cathédrale de Sienne le

représente également comme un mage, dans un costume oriental. Or, chez Bocchi, c'est bien un dieu qui est représenté.

L'alliance chez Bocchi d'Hermeés/Mercure et du silence est moins paradoxale qu'il n'y parait. Nous avons montré tout à l'heure comment, dans le langage hiéroglyphique, et donc la langue immatérielle des démons et de la mens, le silence lié à l'absence de paroles organiques ne signifie pas absence de discours. Cette idée est confirmée par le pseudo-Héraclite, qui voit en Hermés non seulement le patron du Aóyoc zpogóptxoc, qui s'extériorise sous forme d'émission de paroles vocales, mais aussi du Aóyoc £v8tárrjroc qui demeure intérieur au

ceur et qu'emploient aussi les dieux''^5. Mais cette invitation au silence vocal n'est pas simplement une

l'exception d'un manteau qui vient s'attacher sur sa poitrine, mais qui libére et dévoile le corps en flottant vers la

condition de sagesse philosophique : c'est un impératif religieux, comme l'indique le motto, silentio deum cole, qui dévoile donc une modalité importante du culte à rendre à Dieu. Dans le contexte historique érasmien dans lequel nous avons tenté de situer les deux épigrammes, la gravure prend, elle aussi, d'autres résonances. Ce doigt qui ferme la bouche pourrait bien inviter le spectateur à faire taire les priéres rabáchées qui sont du cóté de l'homme charnel et du culte ritualite, selon les termes d'Érasme. Parallélement, le manteau d'Hermés/Mercure, qui s'envole aussi du cóté gauche en dénudant ostensiblement le corps, pourrait, lui aussi, tenir un discours crypté, symétrique du doigt qui s'applique sur les lévres. Le vétement, effectivement, sert à

juste de se poser. Le manteau dessine un axe horizontal qui partage l'image en deux, réservant à des ténébres

qu'on retrouve dans la pensée grecque, juive et chrétienne''*^. Richement orné, relique ou insigne ostentatoire

phrase de Simonide, tandis qu'au-dessus de sa téte, un disque circulaire porte la mention monas manet in se inscrite à l'intérieur de son périmétre. Mais le dieu ne regarde pas le spectateur. Légérement tourné vers sa gauche, il effectue le geste d'Harpocrate, en portant un doigt à ses levres, tandis qu'il exhibe de l'autre main, tout en la contemplant, au lieu de son traditionnel caducée, une inhabituelle et gigantesque ménorah à sept

branches, aux lucernes allumées, dont l'échelle est nettement supérieure au reste de l'image. Le dieu est nu, à gauche en un élégant drapé, soit sous l'effet d'un vent invisible, soit parce qu'emporté dans sa course, il vient

mystérieuses et à des nuées impénétrables la partie supérieure du ciel, dans laquelle le candélabre vient inscrire une trouée de lumiere, tandis que le monde terrestre, vallonné, boisé, piqué d'édifices, se déploie dans une parfaite clarté au bas de l'image, à l'arriére du dieu. Au-dessus de la gravure on lit le motto : silentio deum cole. Comment interpréter tous ces éléments, graphiques autant qu'iconiques, dont certains ne manquent pas de créer l'étonnement et la surprise ? Quelle est exactement l'identité du dieu Mercure qui apparait devant nous ? s Pour la confirmation de cette idée, voir ÉRASME, Enchiridion, éd. citée, p. 161 (= Holborn, p. 86, passage oü la psalmodie est associée à la génuflexion, au culte des reliques, à l'observance du jeüne, et rendue nulle si elle n'est pas suivie d'une véritable conversion du ceeur, : « Tu

psalmodies de la langue du corps, mais écoute au-dedans ce que dit l'àme. Tu bénis de bouche, mais tu maudis de cceur. »

366

envelopper le corps, comme le corps enveloppe l'áme, selon un topos d'origine orphique et pythagoricienne

1153 Sur ce terme voir VALERIANO, Hier., 43, p. 323a : diuinaeque humanae naturae totius interpretem.

1154 Saint Augustin brouille un peu les pistes dans la Cité de Dieu (8, 26) : suggérant dans un premier temps qu'Hermés Trismégiste, mortel,

n'aurait pas pu avoir le dieu Hermés pour grand-père, il recourt ensuite à l'hypothése évhémériste pour suggérer que l'aieul du Trismégiste

aurait été divinisé pour ses bonnes actions. Voir les rappels d'A. Faivre, « D'Hermés-Mercure à Hermés Trismégiste - au confluent du mythe et du mythique » dans Id. (éd.), Présence d' Hermés Trismégiste, Paris, 1988, p. 24-48, en particulier p. 25-29. P

HERACL., AIL, 72, 14-17.

|

i

du Congris vgrceqt "** Voir J. Pépin, « Saint Augustin et le symbolisme néoplatonicien de la véture », dans Augustinus magister, Actes l'union de l'áme du ^Sur Porphyre de ZHTHMA le : augustinien, Paris, 1954, L, p. 293-306 et « Une nouvelle source de saint Augustin COrps" », Revue des Études anciennes, 66, 1964, p. 53-107, p. 63-

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

de pureté, le vétement se met du cóté des sens car il est le véhicule et donc le symbole de la concupiscence et du charnel évoqué par Paul'*. Il faut donc s'en débarrasser métaphoriquement, conjointement à la parole inutile

cabbalitisque. Cette mise en scéne d'allure cabbalistico-platonicienne, séduisante, permettrait de retrouver lidée d'un Hermes mystagogue. Malheureusement, quel rapport peut-on lui trouver avec la dichotomie fondamentale qui partageait les deux épigrammes entre l'éloge de la Mens et la condamnation des sens et

Mais le geste du doigt prépare et conditionne en quelque sorte le geste effectué par l'autre main de d'Hermés/Mercure. Ce geste consiste en l'exhibition d'un objet aux proportions décuplées, une sorte de

insistait sur la nécessité de la connaissance réflexive, corrélative au silence ?

qui prie sans y penser.

ménorah à sept branches, aux lucernes allumées. L'ostentatio, là encore, insiste sur le caractere prescriptif du

symbole, qui n'est pas ici un simple attribut qui permettrait d'identifier le dieu. Les imposantes dimensions du chandelier insistent sur son importance. Dans la main d'Hermés/Mercure, l'instrument est pour le moins intrigant, méme si l'on peut rappeler que, à l'instar du doigt sur la bouche, la torche est un attribut traditionnel dans la main d'Harpocrate. Que signifie ce chandelier ? 6. L'énigme du candélabre : une lecture typologique

Chez les Péres de l'Église, chez Philon d' Alexandrie et Flavius Joséphe, la ménorah est associée essentiellement au Tabernacle mosaique!'**, et symbolise le plus souvent les sept planétes, selon une exégése qui fait du Temple

construit par Moise le symbole de l'univers'?. Cette exégése est adoptée également à la Renaissance, par exemple par Pic de la Mirandole!'? et Guillaume Postel'!°!, D'autre part, à la Renaissance, un courant inspiré par la cabbale chrétienne voit en Mercure le ministre délégué aux sept planétes!"'^ ; le candélabre n'est alors

qu'un symbole commode pour évoquer ces sept planétes, la référence à Moise et à l'Égypte ne jouant qu'indire&ement. Hermés/Mercure deviendrait ici un dieu astrologique. Enfin, toujours liée à la tradition de la cabbale chrétienne, une lecture consiste à voir dans le chandelier une représentation des dix séphiroth, les dix

noms ou puissances divines émanées de l'En-Sof, l'abime ineffable du Tétragramme. Ces dix séphiroth se

partagent entre trois supérieures (Kether, Hokmah, Binah''9?) et sept inférieures (Hesed, Gebura, Tiferet, Nezah, Hod, Yesod, Malkuth''^*). Guillaume Postel situe les sept séphiroth inférieures dans les sept branches

du chandelier, et les trois supérieures dans ses « bifurcations » c'est-à-dire le point d'intersection oà chaque branche horizontale se rattache au corps central et vertical du chandelier!'^, En s'appuyant sur ce schéma

cabbalistiques trés sommaire, il serait possible de lire la gravure bocchienne comme une réflexion sur l'ineffabilité de Dieu. Cette ineffabilité mystérieuse, rappelée à la fois par le doigt d'Hermés/Mercure posé sur sa bouche et par les citations qui invitent à garder le silence, trouve sa contrepartie dans la « figuration », par la Menorah, des pouvoirs divins des séphiroth qui s'exercent du plus profond de l'univers céleste jusqu'à la terre habitée par les hommes. Derriére Hermés/Mercure se cacherait un Moise, messager de la doctrine

!5 Voir ÉRASME, Enchiridion, trad. citée, p. 147 (7 Holborn, P. 73) : « [...] Jésus, notre précepteur, fait de méme, quand, à propos [...] des phylactéres qu'on fait bien larges [ ... ], il méprise la chair de la Loi et la superstition de ceux qui aimaient mieux étre Juifs aux yeux de tous que dans le secret. » Voir aussi p. 149 (7 Holborn, p. 74) : « Crois-tu que ce soit bien important qu'on te porte au cimetiére enveloppé de la cuculle de Francois ? D'avoir méme vétement que Francois une fois mort ne te profitera en rien si, vivant, tu n'as pas vécu comme lui ». Voir aussi p. 161 (7 Holborn, p. 86) : « Si l'homme extérieur est en toi couvert d'une tunique blanche, que les vétements de l'homme intérieur aussi soient blancs comme neige ». 1158 Voir VVLG., Exod., 37, 12-24. 1159 I PHIL. ALEX,, Vit.] Mos., 2, 102-103. Voir. aussi à FLAV.-IOS., AJ, 3, 6, 4 et 7, 7 ; CLEM. ALEX,, Strom., V, 6, 34, 8-9. HIER, Epist, 64 (ad Fabiolam). PIC DE LA MIRANDOLE, Heptaplus, Préface à Laurent de Médicis, (trad. O. Boulnois et G. Tognon, Paris, 1993, p. 149) : « Le second, tout rayonnant par la splendeur de son or, était éclairé par le chandelier en sept lampes, lesquelles signifiaient les sept planétes comme disent tous les interprétes latins, grecs et hébreux. » 1 7 H è * G. POSTEL, Interprétation du Candélabre typique de Moyse, en hébreu, latin, italien et francais, Venise, 1547, introduction et notes de F. Secret, Nieuwkoop, 1966, p. 365 : « [... ] les sept planétes sont notées sur les sept rameaulx et les dix ciels sont notés par lesdicts sept rameaux et par les troys bifurcations dudist chandellier ». ; 1 P es :1162 VALERIANO, Hier., 4» P 323a: « Mercure; dit-on, était son ministre des planétes, avec le pouvoir de parler et d'agir, intermédiaire de ensemble de la nüture divine et humaine. » Le passage en question est une mise en pratique du Notarikon, c'est-à-dire la substitution de noms an. lettres Valeriano tente de lire le nom des quatre archanges dans le nom hébreu du char d'Élie, "Argaman", et se rattache ainsi explicitement

à la tradition cabbalistique du Massah Merkhavat.

? P s . » 15 163 C'est-à-dire Couronne, Sagesse, Intelligence. Voir REUCHLIN, De Arte Cabbalistica, 15 17, trad. F. Secret, Milan, 1995, p. 246.

> A d; 2 : b64 C'est-à-dire Clémence, Gravité, Ornement, Triomphe, Confession de louanges, Fondement, Royaume. Voir REUCHLIN, ibid. G. POSTEL, Interprétation du candélabre typique, p. 361.

368

Nous pensons que les allures cabbalistiques de la gravure relévent à leur tour d'une sorte de dispositif illusionniste : le candélabre juif nous semble intégré à une réflexion proprement chrétienne, comme l'avait souligné B. Bowen, mais, plus précisément, avec un sens typologique. La ménorah fait partie du mobilier rituel du temple que Moise édifie, sur l'ordre de Yahvé, pour abriter les tables de la Loi reques sur le Mont Sinai! 6, Nous avons rappelé que l'exégése allégorique traditionnelle lit le Tabernacle comme une figuration de l'ensemble du monde et la ménorah en particulier, comme un symbole des sept planétes. Or, en se fondant sur la correspondance entre macrocosme et microcosme, Origene explique qu'avec l'avénement de la Nouvelle Alliance, celle du Christ, le Temple n'aura plus la matérialité qu'il avait à l'époque de Moise. Toutefois, selon un ordre spirituel, chacun, dans l'intériorité et le secret de son cceur, pourra

l'édifier sous forme d'un Tabernacle invisible''^. On retrouve cette idée sous la plume d'un théologien francais du xii siecle, Guillaume Durand, dans son ouvrage intitulé Rationale diuinorum officiorum (1286), trés prisé à la

Renaissance!!68, Pic et Postel se souviendront de cette correspondance entre l'homme, « petit monde », et

l'univers, pour évoquer l'édification d'un tabernacle à l'intérieur de l'étre humain' E De ce fait, tous les objets du Temple acquiérent une valeur symbolique, et particuliérement le candélabre. Sa lumiére figure, chez Origene, la vigilance du coeur!" et son matériau, l'or, symbolise la foi qui vient du cceur, tandis que l'argent est réservé à la priére et le bronze, au son de la voix. L'or du chandelier est donc le signe de la

supériorité de la foi et du cceur sur les autres manifestations cultuelles'""'. Pour Origene, il est en effet clair que

l'endroit idéal pour l'édification de ce Tabernacle invisible, c'est précisément la Mens, ou encore le cor, le cceur de l'homme intérieur selon Paul. Le Candélabre de Moise pourrait donc fonctionner chez Bocchi comme un signe métonymique. Il vaut pour

l'ensemble du Tabernacle intérieur que constitue le Cor ou la Mens, tout comme le doigt sur la bouche vaut

pour toutes les cérémonies ritualisées. Mais il fonctionne surtout comme signe typologique, avec une double valence. Comme symbole de l' Ancienne Alliance, il incarne l'un des objets matériels placés dans le Temple par

Moise, entouré de la dévotion des Pharisiens ritualistes, à travers lesquels Érasme, à la suite de Paul, vilipende les

adeptes d'un catholicisme pétri de cérémonies charnelles. Mais cet ancien objet juif acquiert désormais une fonction spirituelle de préfiguration et symbolise le nouveau Temple et la nouvelle Loi édifiés par le Christ, entiérement sous le signe de la spiritualité. Et seuls les hommes intérieurs au sens paulinien, ceux qui mettent le mille doigt sur leurs lévres et écoutent leur Mens au lieu de se laisser aller au bavardage de la bouche qui débite Testament par priéres sans y penser, pourrront percevoir cette ambiguité et lire cette annonce du Nouveau l'Ancien. Les autres, aveuglés, n'y verront qu'un embléme juif ou cabbalistique.

De fait, certains textes bibliques eux-mémes proposaient d'aller dans ce sens. Ainsi, les sept dons de l'Esprit sans doute d'aprés le évoqués par Isaie!!?? avaient déjà été mis en relation avec les sept branches de la ménorah, 5$ VyG, | Exod., 25, 31-40. "5 OniG., Homélies sur l'Exode, 9, 4.

1168 Nous avons consulté l'édition de Venise de 1581, ch. 2 : De Altari, p. 8 : Sane homo, si habet altare, mensam, candelabrum et arcam, templum est le temple de Dieu. » Cet ouvrage connait Dei esl. « Véritablement, s'il a en lui un autel, une table, un candélabre et une arche, l'homme Veit réimpressions au XVI* siécle, surtout à Paris et m quarante-trois éditions incunables, en Allemagne, Italie et France et quarante (éd.) s Jones-Davie T. M. dans », Durand : le Rationale de Guillaume F. Berriot, « La tradition de la liturgie médiévale à la Renaissance Expérience, coutume, tradition au temps de la Renaissance, Paris, p. 7 1-85. p. 365. ?* Pic, Heptaplus, p. 153 ; G. POSTEL, Interprétation du candélabre typique, 1170 OniG, Homélies sur l'Exode, 9, 4-

117. fhid, 33,3.

W>

pn.

or

e

sapientie et intellectus/ spiritus consilii et fortitudinis Spiritus scienti et "7? VyiG, Es, 11, 2-3 : ef requiescet super eum spiritus Domini/ spiritus et de l'Esprit de Yahvé, esprit de sagesse & d'intelliginich edprit de conseil pietatis/ et replebit eum spiritus timoris Domini. « Et sur lui s'étendra dans Erasme fait

Voir 1 évocátion qu'en l'esprit de la crainte de Dipt. courage, esprit de connaissance et de foi et il sera rempli de divin Esprit. Car il se plait à se Holborn, p. 40) : « La mansuétude nous rend susceptibles d'accueillir le l'Enchiridion..., 3, p. 107-108 (7

369

"Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

passage de l'Apocalypse de saint Jean, où les sept lampes prés du tróne figurent effectivement les sept formes du spiritus Dei''^. Bocchi lui-méme, dans une lettre à Amaseo (voir infra notre annexe) parle de candelabrum illud mysticum «ij; àxokaAóyioc, «le candélabre mystique de l'Apocalypse ». Cette association est reprise chez

ANNEXE

Lettre de Bocchi

à Romolo Amaseo, datée du 5 décembre 1548

Grégoire de Nysse!"*, Bède le Vénérable'5ou encore Guillaume Durand" Or, dans la prophétie d'Isaie, les

(Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 Inf., f^ 46v^-47r^)

figure typologique de l'Esprit se rencontre pendant tout le xvi* siécle!'*. Rachel Hachlili rappelle justement que

[f 46v^] En igitur habe tibi natum recens aliud Symbolum Mentis 182 sub forma Mercuri candelabrum illud mysticum 1f|c &noxaXóioc '? dextra tenentis, sinistra ueró comprimentis sibimet os digito. Cuius supra caput, circulus est cum huiuscemodi uerbis : IN SE MONAS MANET SEMPER. Sub pedibus tabellula tanta quanta

sept dons s'appliquent au descendant de la souche de Jessé, de la race de David, c'est-à-dire le Messie''7", l'instigateur précisément de la Nouvelle Alliance, spirituelle. L'association du candélabre mosaique comme

c'est cette signification typologique du candélabre qui permet d'en expliquer la représentation sur des monuments chrétiens. Figuration des sept dons de l'Esprit, la ménorah en contexte chrétien montre que l'église chrétienne se congoit comme un nouveau temple de Salomon, mais parfait car spirituel" ?. Dans la gravure bocchienne, la distribution des deux objets, le doigt et le chandelier, dans les mains d'Hermés

les lie indissolublement: l'extrait du manuscrit de Milan qui évoque l'embléme (voir annexe) évoque clairement la répartition significative entre dextra et sinistra. Il faut d'abord que le doigt impose le silence au culte charnel et ostentatoire de la bouche pour que la ménorah puisse faire rayonner, dans le sanctuaire du coeur qu'elle représente, les sept dons de l'Esprit qui caractérisent l'avéenement du Messie et de sa doctrine. Le cceur, équivalent paulinien de l'àme noétique, est considéré par Bocchi comme le vrai Tabernacle, le vrai temple, le vrai lieu du culte à rendre à Dieu!!®°, D'oü les dimensions considérables qui sont accordées au chandelier, forme de l'Ancienne Alliance qui préfigure et annonce la Nouvelle. Les deux objets hiéroglyphiques tenus par Hermés/Mercure,

le doigt

sur la bouche

et le chandelier,

constituent,

comme

l'exige

le nicodémisme

pédagogique, une invitation discréte faite aux lecteurs à abandonner les excés d'un christianisme dévoyé pour se raliier à une doctrine plus spirituelle. L'image, en ce sens, s'accorde parfaitement avec la tonalité platonicoérasmienne des épigrammes qui opposent corpus/mens, lettre et esprit, parole et silence. Comme dans les épigrammes, on rappellera également que le doigt qui ferme la bouche s'inscrit probablement aussi dans le contexte d'un nicodémisme plus pragmatique : en cachant quelles sont les véritables convictions du cceur ou de la mens, le silence permet de sauvegarder sa vie et de ne pas se nuire en parlant, comme le rappelle le propos de Simonide gravé sur le socle quadrangulaire oà Mercure se tient et conserve son équilibre.

Hermés/Mercure se présente donc ici comme un émissaire de la doctrine christique, qui est celle de l’Esprit!!!,

On peut d'ailleurs constater que la combinaison du corps vertical et rectiligne d'Hermés/Mercure avec la ligne

horizontale du manteau qui vole (peut-étre sous l'effet du souffle divin, comme nous le suggére Pierre Martin) dessine une silhouette en forme... de croix.

capere possit hanc Simonidis sententiam : AaMjcac

uev zxoMiáxic uexevónos, otezrjcac $è obbénore. [f 4715]

Nunc interpretes uersiculos agnosce, et tractatione tua obscuritatem, si qua inesse tibi uidebitur, illustra, et si me amas tantum, quantum profectó amas illos suauissima tua ubertate et copia facito gratiosos, ne quando nimia exilitate fastidiis adhaerescant!'?^,

[texte du carm. 1] Cura ut bellissimé ualeas mi optime atque concordissime frater et rescribas aliquid, quo meum angorem, istum angorem animi leues aut omnino aut magna ex parte pro tuo in me amore singulari. Maphaeo, Mirandulae, Flaminio et ceteris me etiam atque etiam commendes uelim. Bononiae, Nonis Decembris, .MDXLVIII.

Voici pour toi un autre Symbole de l'àme, récemment concu, qui se présente sous la forme d'un Mercure tenant dans sa dextre ce fameux candélabre mystique de l'apocalypse, tandis que, de la gauche, il pose son doigt sur ses

lévres. Au-dessus de sa téte, il y a un cercle, avec ces mots: « La monade demeure en elle-méme ». Sous les pieds de Mercure, un petit socle, assez grand pour pouvoir recevoir la phrase de Simonide : « D'avoir parlé, souvent il se repent, mais de se taire, jamais ». Prends à présent connaissance des petits vers qui interprétent

l'image, et par ton explication, éclaire leur obscurité, s'il te parait y en avoir ; et si tu m'apprécies autant que tu les apprécies assurément, fais en sorte qu'ils plaisent, gráce à ta faconde si douce et à ton abondance verbale, afin

que leur maigreur ne les condamne pas à susciter l'ennui général. [poéme 1]

Táche de te porter à merveille, mon excellent ami et mon frére de cceur, et de me répondre quelque chose pour soulager totalement

ou en partie mon

angoisse, cette horrible angoisse

de l'àme, au nom

de l'affection

:118S A remarquable que tu me portes. Je voudrais que tu me recommandes encore et encore à Maffei" ^, à de la

Mirandole!56 à Flaminio et à tous les autres. Bologne, aux Nones de décembre 1548.

reposer sur l'humble et le doux, et dés qu'il aura pénétré notre esprit du charisme de ses sept dons (septeno charismate), alors enfin croitra cette

heureuse moisson de toutes les vertus [ ... ] ».

17! VVLG,, Apoc, 4, s : et septem lampades ante/ thronum quae sunt septem spiritus/ Dei.

1174 GREG, NYSS., Vit. Mos., 2, 181. Voir aussi CLEM. ALEX., Strom., 5, 6, 36 ; DIDYM,, Trin., 2, 14. 1175 BEDE, De tabernaculo et uestibus sacris, 2, 9 (PL, XCI, col. 419).

1176 G. DURAND, Rationale, ch. 1: De ecclesia et eius partibus, p. 9: « Moise fit sept lampes qui figurent les sept dons de l'Esprit Saint et illuminent dans la nuit de notre époque les ténébres de notre cécité. On les met sur le candélabre car sur le Christ s'est reposé l'esprit de Sagesse et d' Intelligence, etc... » 1177 1178

^ e VVLG, Is., 11, 1-2 : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé/ un surgeon poussera de ses racines/ Sur lui reposera l'Esprit de Yahvé. » 2 . è Cette mise en relation du chandelier à sept branches avec l’effusion de l’Esprit Saint se trouve, à une date plus tardive, chez Antonio

RICCIARDI DREGIANL Commentaria symbolica, Venise, 1591, t. I, p. 361, Lucerna, n° 21. On peut également la repérer dans un décor pariétal de l'abbaye bénédictine de San Giovanni Evangelista de Parme, commandé en 1 573 par Stefano Cattaneo da Novarra. Voir M. L. Madonna,

« La

es indications d'Amaseo ( (voir l'annexe à notre i qu'i ilis i è À RES 182 Bocchi vient de s'exprimer sur l'embléme concernant la lucerna pensilis qu'il a corrigé sur les

bibliotheca : theatrum mundi e theatrum sapientie », L'abbazia benedittine di San Giovanni Evangelista a Parma, éd. B. Adorni, Parme, 1976,

analyse du Symb. 132).

1179 R. Hachlili, The Menorah, the ancient seven-armed candelabrum: Origin, Form and Significance, Leyde/Boston/Cologne, 2001, p. 271. 1160 Voir aussi LACT., Epit., 4, 4. 1181 Sur Mercure, figure du Christ, voir BuUDÉ, De transitu Hellenismi ad Christianu m, 1, 10 ; 1 (SS.

"^ Cf. Cic., De Or., 1, 258 : praua fastidiis adhaerescunt. "5 Bernardino Maffei, dédicataire des Symb. 87 et 96.

p.181.

370

"8 sic (2 -Aóyreuc)

"5 Antonio Bernardi, dédicataire du Symb. 62.

371

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Symb. 65

Gravure et sur la gravure :

ELLE EST SANS VALEUR, LA GLOIRE QUI NE PORTE POINT DE FRUIT *

VOICI LE MANTEAU

DE PALLAS : OBSERVE-LE ATTENTIVEMENT ET TU EN TIRERAS BÉNÉFICE

Ce manteau, la Tritonienne le fit pour elle-méme, Car toujours la vertu se suffit à soi seule. On connait l'ancien litige sur le nom de l'Attique : Douze dieux sont assis, majestueux et graves. Leroides dieux est au milieu ; prés de lui, l'aigle au foudre ;

S

Sur ses deux pieds, le dieu bleu de la mer immense.

Il frappe, avec un long trident, les roches dures :

Sort un fougueux cheval, protecteur de la ville.

À son tour, la Tritonienne bat le sol de sa lance : Le fruit de l'olivier, éclatant, en surgit.

10

Sagesse, née de Jupiter, conquit la digne palme, D'oü naissent paix féconde et gloire aux mille fruits.

Mais l'orgueil du cheval, c'est de mener d'horribles guerres. Toute gloire sans fruit n'a aucune valeur.

MéTRIQUE

Distiques élégiaques. NorES

- tit., v. 1: PALLADIS HOC PEPLVM EST ; Hoc sibimet peplum fecit Tritonia uirgo] C'es Homere (Il., s, 733737, c. apparat de sources) qui oppose le peplos, que Athéna a fabriqué de ses mains et qu'elle porte en temps

HYGIN., Fab., 164, 2 : at Neptunus iratus in eam terram mare coepit irrigare uelle. Il aurait existé dans l'Érechteion

une trace sur le sol, témoignant du fameux coup de trident : cf. STRAB., 9, 1, 16, 9-10 et PAVS., 1, 26, 5. Pausanias précise l'existence également d'un puits rempli d'eau salée dans l'Erechteion et produisant un bruit de vagues

lorsque soufle le vent du Sud, vestige de la source salée que Poséidon aurait fait jaillir à cet endroit. Sur la survivance de l'olivier (historiquement, au moins jusqu'au second siécle ap. J. -C.), voir PAvs., I1 27,35: 816;

Leg., 1, 1 ; PLIN, Nat., 16, 240 ; HYGIN,, Fab., 164, 1. Sur l'épisode de l'olivier brálé par les Perses lors des guerres

médiques, mais repoussé en une seule nuit, voir PAVS., 1, 27, 2.

- Actaeae] attique, de l’Attique (cf. VERG., Buc., 2, 24 ; Ov., Met., 3, 138)

—- v. 4: bis sex... di] cf. Ov., Met., 6, 72 : bis sex ; APOLLOD., 3, 14, 1 : 0£obc 5è 8668exa. La narration de la fable par

Hygin (Fab., 164) propose plusieurs inflexions notables par rapport à celle d'Apollod ore et d'Ovide, en

racontant notamment que Neptune et Minerve auraient pris Jupiter comme seul juge du conflit (Iouem iudicem sumpserunt). Bocchi assimile les deux familles de versions en évoquant certes les douze dieux, mais en laissant à

Jupiter son róle d'arbitre supréme (v. 5 : caelicolum medius Rex). -v.8: Exilit.. equus] sur le cheval qui jaillit au lieu de la source, voir note au v. 3. Le lien entre Poséidon/Neptune, le cheval et la source est ancien. Appelé réguliérement « dompteur de chevaux » chez

Homére (hippodamos) et « maitre de la course de chevaux » (hippodromios) chez Pindare (L, 1, 71), monté sur

un cheval (type hippios) ou conduisant un attelage de chevaux sur les vases, Poséidon est en outre celui qui donne l'ordre à Pégase de faire jaillir de son sabot la source Hippocréne sur l'Hélicon (HEs., Theog., 6). Pégase, dont le nom contient le mot pégé, « source » fut donné à Bellérophon sur l'ordre de Poséidon. Sur un cratere campanien à figures rouges du IV° siécle av. J.-C., Pégase apparait précisément comme attribut de Poséidon dans la lutte qui l'oppose à Athéna pour la possession de l'Attique. Le scholiaste de Pindare rappelle la légende qui

fait de Poséidon le pére de Scyphios, le premier cheval (Ad. Ol. 13, 60). Voir aussi Serv., ad Georg., 1, 12;

VALERIANO,

H ieroglyphica,

représentations

plastiques

4,p.

de

32

A:

« Neptune

unde

et

au

equos

cheval»,

et

currum

on

citera

Neptuno

uidemus

un

de

type

attributos.

monnaie

Parmi

les

appartenant

au

« bestiaire » de Gallien (253-268) oü l'on voit apparaitre, sous l'invocation à Neptune, l'hippocampe, mi-

cheval, mi-poisson''?", et qui semble parfaitement connu

à la Renaissance, comme

le montre VALERIANO,

Zeus porte-égide, laissait tomber sur le seuil de son pére sa belle robe chatoyante, qu'elle avait confectionnée elle-méme, de ses propres mains. Elle revétit une tunique et endossa la panoplie de Zeus assembleur des nuées pour la guerre terrible ». On rappellera que l'une des épithétes traditionnelles d'Athéna était précisément

Hieroglyphica, 4, p. 32 B : Adpingebant uero Neptuno equum anteriore parte figura sua, posteriore uero effigies piscis, qui caudam in spiram replicaret, quod et ueteres sculpture passim et plerique Galieni nummi palam faciunt in quibus inscriptio est NEPTVNO CONS. AVG. Nota praeterea est fabula in deorum concilio pro imponendo Athenis nomine, percussa a Neptuno petra exiliisse ferum. « Ils représentaient, prés du mot Neptune, un cheval, dont l'avant est intact mais qui s'achéve en forme de poisson dont la queue s'enroule sur elle-méme. On trouve cela sur de vieilles sculptures et sur la plupart des monnaies de Gallien, oà figure l'inscription “À l'auguste consul

transporté en grande pompe lors de la féte des Grandes Panathénées. Les démonstratifs hoc dans le poéme

à Athénes, un cheval s'élanga du rocher frappé par Neptune. » Pour une autre narration de l'épisode par

de paix, avec le chitón, la tunique qu'elle endosse sous son armure pour se rendre à la guerre : « Athéna, fille de

ergané, celle qui préside aux travaux de tissage. Par la suite, ce manteau mythique, tissé par les Arrhéphores, était

bocchien jouent de l'illusion inscriptionnelle, traditionnelle dans l'épigramme ecphrastique grecque, oü le texte

accompagne le don d'un objet matériel qu'il décrit et interpréte en partie, puisque le destinataire est censé l'avoir sous les yeux. La description du tissu rappelle le passage du Carmen 64 de Catulle évoquant la tapisserie qui représente l'abandon puis les noces d' Ariane.

- Tritonia uirgo] Il s'agit de Pallas Athéna. Cf. VERG., Aen., 11, 481. - v. 3: lis uetus] Il existe d'autres sources qu Ovide et Servius concernant l'histoire du conflit mythique entre Athéna/Minerve

et Poséidon/ Neptune pour la possession de l'Attique. Pausan ias (1, 24, 5) rappelle que, si l'un des frontons du Parthénon traite de la naissance d'Athéna, le second prend pour motif la lutte pour la possession de l'Attique. L'élément le plus remarquable est la mention d'une source jaillissant du trident de Neptune, à la place du cheval. Servius (ad Georg. 1, 12) explique le probléme de tradition textuelle, oà equum a été pris pour aquam, confusion d'autant plus probable que Neptune passe effectivement pour le dieu des eaux : Antiquissimi libri " fudit aquam " plerique habuerunt, quoniam Neptu nus fluminibus et fontibus et aquis omnibus praeest, ut ipse docet (cf. Georg., 4, 39) aut praeceps Neptuno inmers erit eurus; sed melius "equum" propter armenta. Pour la mention de la source, voir par exemple APOLL., 3, 14, 1; Ov, Met., 6, 77 : [facit] Exsiluisse fretum ; 372

Neptune ". On connait la légende selon laquelle, lors d'une assemblée des dieux pour décider du nom à attribuer

Valeriano, voir Hier., LIII, p. 388 A.

- V. 9-10 : L'olivier symbolise le triomphe de l'industria et des arts liés à la paix, et sa présence historique sur l'Acropole permet de rappeler que Athéna est également la protectrice de l'autre acropole qu'est la Mens et que, Par conséquent, elle patronne l'industria qui permet de s'adonner aux recherches $péculatives. Loin de s'opposer, ces deux aspects concourent, au contraire, à l'accomplissement de la sagesse qui se suffit à elle-méme

(v. 2 : sufficit ipsa sibi), car selon une vieille idée stoicienne, uirtutis omnis est in actione laus''**. Bocchi confirme par ailleurs cette interprétation dans un fragment inédit des Praelectiones in libros De Legibus M. T. Ciceronis habitae Bononiae in Academia Bocchiana MDLVI (Bologne, Bibliothéque Universitaire, Cod. Lat. 304, p. XXXXI), en explicitant le symbole de l'olivier. L'occasion en est donnée par un passage de CIC., Leg., 1, 1 : Nisi forte Athenae tuae sempiternam in arce oleam tenere potuerunt. « Ton Athénes n'a-t-elle pas conservé dans sa citadelle l'olivier immortel ? » : "* RIC, V, n° 244-245, p. 152.

1188 Voir Symb. 112 : « Tout le prix de la vertu est dans l'action ».

373

Traduction, annotation, commentaire — Livre Ill

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

SEMPITERNAM OLEAM : cuius inuentricem fuisse Mineruam testatur Virgil[ius] "^. Cur uero praecipue coleretur Athenis Pallas satis constat, et nos in Symbolicis Quaestionibus nostris non ab re significauimus. [...] Per OLEAM

uim

cognoscendi intelligit sicut inferius per PALMAM rationem agendi! '"". Sapientia namque cognoscendo inuenit et inchoat. Agendo recte disponens et ordine iudicans omnia perficit hominesque beatos facit, sicut hoc disticho symbolico nuper testati sumus : Inchoat una tamen sapientia cunctaque mira

Disponens serie perficit, una beat''?'.

- v. 11-12 : palmam/, Vnde est pax alma] Bocchi tente sans doute ici d'accréditer une fausse étymologie, en

faisant dériver palma de pa[x-] [-a]lma.

lune qui orne son front. Jupiter tend la couronne de la victoire à Pallas. Derriére Jupiter, se dressent les deux jarres des Biens et des Maux, évoquées dans le Symb. 8. Le roi des dieux porte le foudre et le sceptre et, à sa gauche, on distingue son aigle aux ailes éployées. En outre, Bonasone a ressenti le besoin de « coiffer » la partie droite de la gravure pour accentuer davantage sa signification allégorique positive: la symbolique de paix attachée à l'olivier se trouve en effet renforcée par l'apparition du char de Vénus, attelé de colombes dont le vol s'élance juste au-dessus de l'arbre. Vénus, identifiée Phosophoros, l'étoile du matin, est celle qui apporte l'aube

de l’Age d'or. Elle est aussi déesse de l'Amour et des unions fécondes, et manifeste par l'irruption de la lumiere le caractere fructuosus et frugiferens de la paix.

ANALYSE

Dans cet embléme, Bocchi se sert du célébre épisode de la querelle entre Minerve et Poséidon, bien connu dans

l'Antiquité (voir notes), pour opposer, à travers les deux divinités, leurs attributs (trident/lance) et les symboles

de leur domaine d'action (cheval/olivier), la guerre à la paix, comme l'avait déjà fait Servius. Ainsi, au cheval neptunien qui incarne les horentia bella et la superbia caractéristiques des chefs militaires (v. 13-14), s'oppose l'olivier féminin de Pallas, symbole de paix (v. 12) et de vertu (v. 2). L'opposition guerre/paix est relayée par l'opposition entre stérilité (le cheval qui mene à la guerre) et la fécondité (l'olivier qui porte des fruits). Cette opposition radicale, bien marquée par les conjonctions de coordination contra et asf, qui ouvrent les vers 13 et

Symb. 66 Gravure :

IL DEVIENT UNE BÉTE MONSTRUEUSE, L'HOMME QUI A DÉCIDÉ DE SE CONFIER AU SORT AVEUGLE

Sur l'image : Alexandre de Macédoine *

QUELLE FOLIE QUE L'ORGUEIL !

14, se marque aussi dans la quasi-identité du second membre des vers 12 et 14, aprés la coupe penthémimere : et

gloria frugiferens (v. 12), pour caractériser la gloire représentée par l'olivier d'Athéna ; est gloria fruge carens, pour représenter la gloire militaire apportée par le cheval neptunien. La conséquence négative de la défaite de Poséidon, qui se solda par l'irruption du Mauvais Conseil à Athénes, suggérant aux habitants de la ville des décisions irréfléchies et précipitées, est évoquée dans le Symb. 83 La gravure partage trés nettement la composition en deux groupes de protagonistes : à gauche, isolés sur un promontoire quadrangulaire qui semble s'ouvrir naturellement dans le sol, et sur lequel on lit l'inscription inanis est infructuosa gloria, on apercoit Pallas et Neptune; à droite de l'image, l'assemblée des dieux. La scéne opposant Pallas et Neptune se partage elle-méme en deux, suivant l'axe vertical que dessine l'immense olivier tenu par Pallas. À gauche de cet axe, les aspera saxa, dont Poséidon tire le cheval, sont figurés par le roc escarpé,

et attestent l'aridité, la dureté et la stérilité du monde infructuosus sur lequel régne le dieu. L'animal semble

d'ailleurs bondir hors d'une cavité creusée dans le roc, rappel discret de la fonction chtonienne du dieu de la mer, qu'il partage avec Hadés. De l'autre cóté de l'arbre, régnent au contraire tous les symboles de l'urbanisme, de la justice et de la fécondité. Outre l'olivier lui-méme, Athéna se tient debout, avec son casque, sa lance, sa cuirasse et le voile qui la prolonge en lui couvrant les jambes. Derriére elle, se déploie une ville médiévale

conventionnelle, sorte d'Athénes imaginaire, objet de la lutte entre les deux divinités. Les dieux olympiens, conformément aux sources littéraires, sont au nombre de douze et siégent à droite de l'image, en demi-cercle

autour d'un siége surélevé''?. Sur ce socle, Jupiter a pris place, avec Diane, reconnaissable gráce au croissant de 1159 Voir VERG., Georg., 1, 18-19 : [...] oleaeque Minerua/Inuentrix.

!9 Cf. CIC, Leg., 1, 1 : Aut quod Homericus Ulysses Deli se proceram et teneram palmam uidisse dixit, hodie monstrant eamdem. « Et aujourd'hui ne montre-t-on pas à Délos le palmier que l'Ulysse d'Homére vit si grand et si flexible ? » ‘ « L'OLIVIER ÉTERNEL : Virgile montre que c'est Minerve qui le découvrit. Les raisons du culte particulier de Pallas à Athénes sont suffisamment connues et nous avons déjà abordé le sujet avec pertinence dans nos Quaestiones Symbolicae. [ ...] Par l'OLIVIER, Cicéron entend la connaissance en puissance et, dans le passage qui suit, par la PALME, la faculté d'agir. Car la sagesse commence par la science et progresse par elle. Par l'action, elle met en ordre et classe la totalité des choses, les accomplit et rend les hommes heureux. Nous le montrons s ges vere composés récemment : “ Sagesse est seule à ses débuts ; placant le Tout en ordre/ Étonnant, le fait perfection, et seule rend eureux " ». 1192 Bianchi, Iconografie accademiche. Un percorso attraverso il cantiere editoriale delle Symbolicae Quaestiones di Achille Bocchi, Bologne, 2012,

Ceux que Fortune aveugle incite à lui faire confiance,

s

Ont souvent une soif de gloire allant bien au-delà De leurs limites. Qu'on le dit fils du grand Jupiter Fut ordre du roi d'Émathie et non plus tolérance ; Désireux de répandre la gloire née de ses hauts faits Par ce nom, illa corrompit plutót. Qui, de plein gré, À la Fortune aura livré son étre tout entier,

Du vrai royaume de l'homme se dépouille et devient Un monstre gigantesque, aux mille tétes mais sans yeux.

MÉTRIQUE

Hexameétres dactyliques. NorEs v. 4: Aemathius] d'Émathie, une des provinces de la Macédoine. Sur l'emploi du terme, cf. par exemple STAT.,

Silu., 5, 2, 117. ANALYsE'9?

L'épisode de la vie d' Alexandre qui constitue le point de départ de l'épigramme de Bocchi est emprunté à un

passage de Quinte-Curce (Alex. 4, 7, 29-30) oü les ambitions d'Alexandre de se voir promu au rang de divinité

le conduisent à exiger d'étre appelé fils de Jupiter et non plus d'attendre patiemment que son entourage veuille

bien le nommer ainsi :

Mais les hommes que la Fortune a contraints à ne se fier qu'à elle, sont généralement rendus par elle aides d'une gloire plus grande que ce qu'ils peuvent supporter. Il ne se contenta donc plus d'étre appelé fils de Jupiter ; bien un tel titre. plus, il l'ordonna et corrompit la gloire de ses hauts faits en voulant l'accroitre par

p- 22-24, voit dans cette disposition un souvenir du dispositif scénique inspiré par Léonard et mis en ceuvre par Prospero Fontana lors d'une

représentation en 1543 d'une comédie organisée par l'Accademia degli Affumati, et oà s'était jouée, aprés le premier interméde musical, La

contesa di Nettuno e Pallade per dar il nome alla città di Atena. Voir la description dans R. Trovato, « Un ignoto spettacolo bolognese del 1543 »; Studi e problemi di critica testuale, 3, 1989, p. 109-113.

374

« La Fortune d'Alexandre sur la coquille de Vénus : un exemple de 1193 Les premiers résultats de cette analyse ont été présentés dans A. Rolet, d'Alexandre à la Renaissance, Turnhout, 2012, p. 227-262. Figures (dir.), Jouanno C. contamination dans l'image emblématique » dans

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Pour saisir pleinement la portée du texte de Quinte-Curce, il convient de rapprocher ce passage de deux autres

d'éminentes fonctions en en faisant un élu des dieux''?5, Bocchi en donne au contraire une vision trés pessimiste

prosterner devant leur roi divinisé (Alex., 8, s, s-6). Les textes de Quinte-Curce, fortement teintés d'éthique &oicienne et assez différents, en cela, de la tradition plutarquienne de la « fortune » d'Alexandre, plutót

incerta,

extraits du méme ouvrage. Dans le premier cas, l'historien latin signale le désir d'Alexandre de s'attribuer des origines joviennes au moment oü il s'appréte à se rendre au temple de Jupiter Ammon en Égypte ( Alex., 4, 7, 8). Le deuxieme passage indique comment les ambitions d'Alexandre de se voir promu au rang de divinité s'expriment à travers le rituel de la proskynése, qui oblige les Macédoniens, à l'instar des sujets perses, à se favorable au souverain, s'articulent autour de la notion d'hybris, cette passion de la démesure que les Latins connaissent sous le vocable de superbia et qui pousse l'étre humain à s'arroger des prérogatives divines, voire à tenter de rivaliser avec les habitants célestes. Métamorphose monstrueuse (ingens cupido) d'une raison défaillante (praua mente), comme toutes les passions chez les Stoiciens, la démesure qui affecte ici Alexandre est aussi proverbiale que son insatisfaction : fatigué d'avoir conquis les terres et les mers, Alexandre voulait obtenir aussi le ciel. Le

texte bocchien,

qui subit l'inspiration

stoicienne

de

son

modéle

latin,

met

en

évidence

la passion

monstrueuse, à l'aide des termes cupit (v. 5), ingens (v. 8), bellua (titulus de la gravure et v. 9). Cette passion est trés clairement définie comme la superbia dans le titulus qui surmonte le texte. Le motif de la raison défaillante est souligné par le terme stulta dans le méme titulus. L'expression linguistique de la démesure s'effectue par l'opposition sémantique iussit/passus, avec la différenciation actif/déponent. Enfin, le motif de l'insatisfaction chronique générée par la pathologie passionnelle est un des pivots de l'épigramme, qui multiplie d'un cóté les termes marquant la privation (auidos, v. 2 ; corrumpit, v. 6 ; spoliat, v. 8 ; expers, v. 9), et de l'autre, le comparatif

de supériorité (magis atque capaces, v. 2 ; potius, v. 6) ou les formules de renchérissement (non modo, aboutit alors à des paradoxes structurels bien connus du stoicisme que l'épigramme rend à travers des d'opposition sémantique (extendere vs corrumpit) et asyndétique (capitum multorum, luminis expers, pouvoir d'Alexandre et le royaume qu'il édifie autour de lui semblent paradoxalement se résumer à

v. 3). On formules v. 9). Le un fragile

édifice de mots, comme le laissent entendre les termes de iussit, dicier, famam, nomine : nous ne sommes pas trés éloignés des Symb. 42 et 99, qui nous montrent que, si le désir de gloire précéde la vertu, alors l'homme est

condamné à étre l'esclave de l'aura popularis, cette fluctuante opinion publique aussi changeante que l'air et incarnée par le fou qui agite les grelots de son bonnet (voir le commentaire de ces emblémes). L'inefficacité du désir d' Alexandre est matérialisée au v. 4 par la coupe hephthémimére qui sépare nettement les deux séquences en chiasme Aematius iuuenis et magno Ioue, au lieu de les réconcilier comme le supposerait le terme natum.

Alexandre le Grand disparait ici et la fonction magnifiante de l'épithéte épique Aemathius est subvertie pour n'étre plus que le qualificatif d'un petit provincial originaire d'un obscur endroit de la Macédoine. En plus de Quinte-Curce, Bocchi a vraisemblablement à la mémoire certains passages fameux de Sénéque qui s'attaquent précisément à ce paradoxe de la passion qui s'accroit au fur et à mesure que l'on tente de la satisfaire, et qui la condamnent en particulier chez les hommes d'Etat (cf. par ex. Ben., 7, 3, 1).

Comment comprendre que c'est au moment méme oü Alexandre semble étre au sommet de la gloire et libre d'assouvir ses volontés que l'épigramme le montre au contraire sous la forme d'un monstre sans pouvoir !!? Cette question ne peut trouver de réponse qu'aprés un examen serré des images mises en place par le texte puis

sous la forme d'une allégorie, appelée tantót Sors (titulus de la gravure) tantót Fortuna (v.1; 7) et qualifiée d'aveugle (caeca). Cet adjectif, qui ouvre le texte, renvoie à la description de la déesse donnée par Pacuvius que cite la Rhétorique à Herennius (2, 23, 36), aux cótés d'autres qualificatifs qui permettent au dramaturge latin de stigmatiser l'absence de rationalité de la déesse (insana, bruta), sa violence (atrox), son instabilité (uolubilis, instabilis)

et dont Jacqueline

Champeaux

a montré

la proximité

avec

les termes

dont

se sert

Ménandre''*". D'une part, au sens subjectif d'« aveugle », le terme caeca, équivalent du grec typhlos, stipule

l'une des principales caractéristiques de Fortuna, héritiére du kairos grec, que les représentations figurées dotent à l'envi d'un bandeau qui lui dissimule les yeux, signe manifeste de l'indifférence absolue avec laquelle la Fortune, Chance ou Mauvais Sort, variantes d'une méme entité, agissent sur leurs élus ou leurs victimes, sans considération morale du temps, du lieu, de leur àge, de leur sexe, de leur rang social, de leur vertu ou de leur

méchanceté. D'autre part, le terme a le sens objectif de « qui rend aveugle », résultat auquel on parvient au terme de l'épigramme, avec l'expression finale luminis expers. L'attitude qui consiste à se confier à la Fortune (credere, v. 1 ; se permiserit, v. 8), au vu de son intrinséque versatilité, reléve donc pour le moins du paradoxe,

sinon de la déraison. C'est précisément cette évocation de la confiance dans le sort qui permet à Bocchi d'introduire le motif des passions et de le relier à celui de la Fortune, de comprendre le rapport avec l'épisode d'Alexandre et la transformation de l'homme en ingens bellua. Dans le systéme stoicien'5, le malheur de l'homme vient de ce qu'il souhaite acquérir des biens qu'il ne peut maitriser, comme la santé, la beauté, la gloire ou la richesse, et fuir des maux qui sont inexorables, comme la

vieillesse, la maladie ou la mort. Ces événements ou ces qualités sont précisément accordés par la Fortune, qui les distribue selon un plan dont la logique échappe à l'homme et lui parait relever du pur hasard. La volonté humaine s'épuise donc en permanence contre un destin qui n'a de cesse, en apparence, de contrecarrer la réalisation de ses désirs et de lui óter sa liberté. Cette attitude provient d'une trés grave erreur de jugement et d'appréciation de la nature humaine : il faut que l'homme ne s'intéresse qu'à ce qui dépend de lui, ce qu'il peut maítriser, le reste étant indifférent. Or, la seule chose sur laquelle il a du pouvoir, et qui définit donc précisément sa nature, infiniment plus que les caractéristiques biologiques, c'est sa raison et la volonté qu'il a d'agir selon elle. La raison, par les jugements qu'elle porte sur les choses, doit étre capable, au-delà de l'impression de hasard et de désordre, de lire la marque de la Raison universelle, l'enchainement rationnel des causes et la cohérence

implacable du Fatum, auquel elle participe. Elle trouve alors la liberté « en voulant ce qui arrive »'!”, en

collaborant en synergie avec l'ordre universel : c'est l'état de bonheur et de vertu parfaite auquel parvient le sage. Les passions constituent précisément un état pathologique de la raison qui altere la qualité de ses jugements et la pousse à juger comme mal ou comme bien ce qui n'est qu'adiaphoron, « indifférent » ou

praeferenda, « préférable »'??, Dans le texte de Bocchi, en essayant d'agir sur les conditions de sa gloire (decoris,

v.2; famam, v. 5) Alexandre oublie qu'elle n'est qu'un préférable, c'est-à-dire un accident, qui peut, certes,

accompagner agréablement l'exercice de la vertu et la recherche du bien rationnel, mais ne doit en aucun cas se substituer à lui. Loin de goüter alors la liberté, l'homme qui veut assouvir ses passions devient au contraire un jouet ballotté par l'extérieur et les événements sur lesquels il n'a aucune prise : toujours surpris, malheureux, insatisfait, il e& condamné à étre l'esclave d'un sort dont il ne comprend pas les trajectoires mais dont il a besoin

reprises dans la gravure, qui sont largement inspirées par l'anthropologie et l'éthique stoiciennes mais aussi par

certaines métaphores platoniciennes. L'épigramme bocchienne met en scéne le motif de la Fortune d' Alexandre, cher à Plutarque'?5, Mais, au lieu de la fortune charismatique caractéristique des souverains hellénistiques, la tyché basileós, sorte de bon démon féminin qui apporte la victoire et exprime un ensemble de vertus politiques qui prédestinent le sujet à 1194

"E

A

C'était déjà le constat de Sénéque (Epist., fkail

113, 29) : « Alexandre décimait et mettait en déroute les Perses, les Hyrcaniens, les Indiens et

toutes les nations que le Levant déploie jusqu'à l'Océan, mais à son tour, aprés avoir tué ou perdu un ami, il restait prostré dans les ténébres,

maudissant tantót son crime, tantót le tourment du regret, lui le vainqueur de tant de royaumes et de tant de peuples, qui succombait à la colere

et à la tristesse ; car sa conduite l'avait poussé à étre le maitre de l'univers plutót que de ses passions ». 155 Voir ses deux traités Sur la Fortune d' Alexandre.

376

de César, Rome, 1982, '5* Voir J. Champeaux, Fortuna : recherches sur le culte de la fortune à Rome et dans le monde romain des origines à la mort

t. II: Les transformations de Fortuna sous la République, p. 246-253. EU Champeaux, Fortuna., t. II, p. 191 et 41.

C. Lévy, 1198 Pour une approche à la fois claire et trés brillante, nous renvoyons à P. Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique ?, Paris, 1995 et

largement inspirée Cicero Academicus : Recherche sur les Académiques et su r la philosophie cicéronienne, Rome, 1992, dont nous nous sommes

pour ce trop succinct exposé de certains aspects de la philosophie stoicienne. '5 P. Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique ?, p. 207. Voir SEN. Vit., 15, 6-7. ntre les i coups du : sort, voir SEN., Vit., 15, 6. 1200 Sur l'emploi de dementia, stultitia et ignorantia qui caractérisent la folie de celui qui se révolte co voir SEN., Vit., 21, 4. Sur les préférables, hasards heureux que le sage accepte, préfere (mauult) mais sans quéte ni dépendance,

E

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre III

pour satisfaire ses voluptés'"", D'oü le portrait que Bocchi fait de la Fortune en déesse toute-puissante, qui a le monopole d'une action contraignante quasi maléfique (adegit, v. 1 ; efficit, v. 3) et dont les charmes irrésistibles finissent par muer les hommes en bétes, comme Circé le faisait pour les compagnons d'Ulysse. La réalisation de ses désirs et la tentative de fuir ses peurs emportent l'homme hors de lui-méme et le dépouille de ce qui fait sa

véritable spécificité, sa vraie nature, c'est-à-dire la raison : Bocchi désigne cette défaite à l'aide d'une métaphore,

« se dépouiller du véritable royaume de l'homme » (uero hominis regno spoliat se, v. 8) , qui rappelle les images de la citadelle intérieure ou du lieu fortifié inexpugnable gráce auxquelles Sénéque, Épictéte et Marc Auréle montrent le pouvoir et la liberté du sage galvanisé par la raison. En obéissant aux ordres de ses passions et donc de la Fortune, l'homme se rattache à des ordres inférieurs de vie, comme l'animal. Les passions sont d'ailleurs des animaux multiples et variés qui dévorent l'homme de l'intérieur?" La citation d'Horace (bellua fit capitum

multorum, v.9 ; c£. HOR., Epist, 1, 1, 76, qui évoque le peuple, déchiré par une multiplicité d'opinions et incapable, du fait de sa versatilité, de trouver une décision stable et rationnelle) choisie par Bocchi pour décrire

cette métamorphose de l'homme en monstre polycéphale, n'est pas sans évoquer certains passages de Sénéque. Mais elle a en outre l'avantage de jouer le róle de pivot pour articuler le stoicisme à certains aspects du platonisme. En effet, la béte polycéphale évoquée dans l'embléme, et qui décrit la métamorphose de l'àme du tyran, nous semble inspirée trés directement par un célébre passage de la République de Platon. En essayant de donner une image représentative de la tripartition de l’àme humaine entre le noís, le thymos et les epithumiai, Socrate invite son interlocuteur Glaucon à se représenter la faculté noétique comme une téte d'homme, la

faculté irascible comme une téte de lion, et la faculté concupiscible, livrée aux passions, comme

un monstre

composite à plusieurs tétes, Chimére, Cerbére ou Scylla. L'équilibre, appelé justice, consiste en une stricte hiérarchisation et le désordre intérieur surgit lorsque les facultés inférieures en viennent, comme s'en souviendra Sénéque, à dévorer leur maítre : - [Représente-toi], disais-je, une image [de l'Àme] qui ressemble à ces antiques créatures évoquées par les fables,

la Chimére, Scylla et Cerbére et beaucoup d'autres qui, composées de formes multiples, dit-on, ont été rassemblées en un tout. — Onle dit, en effet, répondit-il. — Fagonne donc la forme d'une béte qui soit polycéphale, possédant des tétes d'animaux apprivoisés et d'animaux sauvages disposées en cercle, et qui soit capable par elle-méme d'engendrer et de métamorphoser toutes ces

créatures.

- C'est là l'ouvrage d'un habile modeleur, dit-il ; néanmoins, puisque la pensée est plus malléable que la cire et les matériaux du méme genre, que ce soit chose faite !

- Faconne à présent une autre forme, celle d'un lion, puis celle d'un homme. Mais il faut que la premiére des

formes soit de loin la plus grande et que la deuxiéme arrive au second rang. - Voilà qui est plus facile et déjà accompli, dit-il.

- Rassemble-les donc, de trois qu'elles sont, en une seule forme, de maniére à ce qu'elles constituent, en quelque

sorte, les unes avec les autres, une unique créature.

— Les voilà rassemblées, répondit-il.

- Recouvre-les à l'extérieur de l'image d'un seul étre, celle de l'homme, de sorte que, pour qui ne pourrait pas voir l'intéri

eur mais seulement contempler l'enveloppe externe, il n'y ait que l'apparence d'un seul étre animé, l'homme. - Elles sont recouvertes, dit-il.

- Disons donc à celui qui prétend qu'il est avantageux pour cet homme d'étre injuste et qu'il n'a aucun intérét à accomplir des actions justes, que cela revient à affirmer que l'intérét consiste pour lui, en engraissant la béte

multiforme, à la rendre plus forte, ainsi que le lion et son entourage ; à affamer et à affaiblir l'homme d'autre part, si

bien qu'il se trouve entrainé partout oü l'une des deux autres créatures cherche à l'emporter ; et, en ne les habituant pas les unes aux autres, en ne leur apprenant pas la concorde, à leur permettre au contraire de se mordre, de se battre et de se dévorer réciproquement'??,

On notera que la Chimére apparait justement dans la gravure, comme le signe tangible que le texte platonicien est bien la référence implicite qui nourrit tout l'embléme. Mais la gravure n'est pas ici la servile illustration de sources antiques, mais au contraire une magistrale variation sur les thémes que l'épigramme travaille explicitement ou suggère discrétement. À l'aide d'une mise en scene trés dynamique, la gravure imagine que la Fortune

(ou Sors), nue, les cheveux libres'??*, de larges ailes dans le dos, accoste sur un rivage oü vient de la transporter la

curieuse coquille dotée d'hélices, sur laquelle nous reviendrons. Une voile gonflée se déploie en cercle immense

autour d'elle, passant entre les deux ailes pour enlacer l'une de ses jambes. La voile est retenue à l'autre extrémité par des nceuds qui l'attachent à une sorte de mát fin et court, qui traverse le bec d'une figure animale prenant place au milieu de deux autres, l'ensemble constituant une sorte de casque que la Fortune tient à l'aide des deux mains. G. Kirchner'"5 y avait déjà reconnu la représentation d'une étrange Chimére , réduite ici à l'assemblage des tétes des trois animaux qui la composent ordinairement (dragon/serpent, lion et chévre), mais il n'évoquait à aucun moment le contexte stoicien des passions animales, ni le texte de la Républi que de Platon, cité plus haut, qui alimentent la création emblématique et ses images métaphoriques. On rappelle ra en outre que le caractére composite de la Chimére, dont la premiére occurrence se trouve chez Homére et Hésiode' ^96, était percu par les exégétes allégoriques comme l'intrication de tous les vices!" et seule la puissance rationne lle incarnée par Bellérophon, le héros aux « sages et prudents pensers », pouvait en venir à bout'"*, [e traiteme nt

de la Chimére sous forme de casque évoque, d'autre part, l'apparition de Turnus chez Virgile?, à |a différen ce

prés que le monstre n'est pas ici un simple cimier zoomorphe mais les nouvelles tétes qui vont prendre place sur le corps du héros. La Fortune est bien ici caeca, comme l'indique le titulus qui surmonte la gravure, non au sens d'« aveugle » (elle n'a pas de bandeau sur les yeux), mais de « qui rend aveugle ».

La Fortune, à peine débarquée, un pied à terre, l'autre sur son véhicule et donc sur la mer (possible allusion à

l'empire d'Alexandre, sur terre et sur mer'?'?), se penche vers le personnage agenouillé devant elle et que l'inscription identifie sans ambiguité comme ALEXAN«DER» MACE«DO». On constatera que Bocchi se souvient du contexte de la proskynése évoquée par Quinte-Curce, mais c'est ici Alexandre le souverain qui fléchit l'échine devant la Fortune, comme un vulgaire sujet. Pour indiquer que le personnage se dépouille du regno hominis, c'est-à-dire de la raison, l'emblématiste a pris le parti de suivre, là encore, le texte de la République de Platon que nous avons évoqué"! et imagine qu'Alexandre s'empare de sa propre téte, dotée de son casque et séparée du reste du corps à la base du cou, pour la remettre à la Fortune. L'ingénieuse réalisation plastique que propose Bonasone mue l'étre humain en statue antique acéphale, clin d'ceil aux goüts d'une époque qui se plait à la reconstitution inlassable des statues grecques et romaines mutilées (comme le Laocoon) et aime à assister à

la joute des arts, ce paragone qui veut que le pictural se mesure au sculptural. À la place laissée vide sur la section du cou, la Fortune va pouvoir poser les tétes monstrueuses de la Chimére, symbole des passions, river le 7? PL, R$5. 8, $88c-589a (nous traduisons d'aprés l'édition des Platonis Opera par John Burnet, Oxford University Press, 1903).

77 II s'agit d'une véritable chevelure qui descend jusqu'aux reins et épouse une partie du visage, et non de la méche frontale de l'Occasio, qui

lui laisse l'arriére du cráne chauve.

a 1205 G. Kirchner, Fortuna in Dichtung und Emblematik des Barock, Stuttgart, 1970, p. 216, n. 9. Sur la comparaison entre Fortune et Chimére chez

Jean Cousin, dans le Livre de Fortune, voir ibid., p.104.

7?! SEN,, Vit, 15, 3 : nam ( quae maxima seruitus est) incipit illi [ uirtuti] opus esse fortuna , sequitur uita anxia, suspicios a, trepida, casum pauens, temporum suspensa momentis. « Car — et c'est là la plus grande servitude — la vertu en question se met à avoir besoin de la fortune ; il s'ensuit une vie d'anxiété, de soupcon, de tremblement à redoute r les hasards et à se river au cours des événements. » Aux termes seruitus « servitude », et seruus « esclave », font également écho, chez Sénéque, les termes ancilla « servante », habere au sens fort de « posséder », emere/ uendere (ibid., 14, 1-2 et 4) « acheter/vendre » qui appartiennent au méme registre métaphorique de l'esclav age, servant à signifier

l'absence absolu de droit et de liberté dans laquelle se trouve l'homme livré aux passions. 1202 Voir

C. Lévy, Cicero academicus, p. 1997, p. 174-175. Voir également SEN. Vit., 14, 3-4 qui file la métaph ore cynégétique.

7* HOM, Il., 6, 179-185 et 16, 328 ; HES., Theog., 319 sq. ; LUCR., 5, 904-905.

p

1207 EVSTATH., Schol. ad IL, Z, 181. Voir aussi Ov., Trist, 2, 397 et TIB., 3, 4, 86, qui considérent la Chimére comme un symbole de malitia

multiformis.

1208 Voir nos analyses au Symb. 137 de Bocchi. 1309 VERG., Aen, 7, 785.

i

1210 C'est le cas pour le lion dans le blason de Venise, avec ses deux pattes avant sur la terre, et ses pattes postérieures dans l'eau. 1211 Voir aussi ]e Tim., 70a et 90a oü il est stipulé que le nos a sa résidence dans la partie la plus haute, c'est-à-dire la téte, qui est comme la citadelle du corps.

378 379

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre III

souverain à sa voile et le livrer ainsi aux emportements des vents et aux désordres de la mer, qui sont autant de métaphores de son désordre intérieur : l'imminence de cet échange inhabituel, suspendu dans l'inachévement des mouvements, crée l'attente et le suspens. Comme nous l'avons déjà remarqué, l'étrange véhicule sur lequel se déplace la Fortune est constitué d'une coquille flanquée de deux hélices latérales qui en assurent la propulsion. On retrouve cette invention dans un

l'homme en monstre. Rappelons enfin que la Vénus anadyoméne du Symb. 28, juchée comme il se doit sur sa

coquille, est une représentation de Materia, qui, à partir des quatre éléments, fait jaillir de la mer les créatures et les y replonge, dans le cycle incessant de la création.

dessin de Prospero Fontana de 1553, conservé à la Royal Library du Windsor Castle (inv. $990 ; Fig. 1), dont on connait une esquisse plus rudimentaire conservée au musée des Offices à Florence (inv. 109066) '?"?. Cette

utilisation du coquillage, objet éminemment marin, peut sembler, au premier regard, s'accorder parfaitement

avec les habituelles métaphores empruntées à la mer et à la navigation (bateaux ou voiles) pour caractériser le

caractere instable de Sors et de Fortuna. Néanmoins, son occurrence est rare à la Renaissance sous les pieds de la

Fortune"?, Par exemple, à la fin du xvr* siécle, Théodore de Bry, dans la piéce qui ouvre les Emblemata

nobilitatis (1593), glissera une coquille superfétatoire sous la conventionnelle boule qui roule sous les pieds de

Fortune!?!4,

Or, on ne peut manquer de se souvenir qu'il existe une autre figure mythologique attachée à la coquille : Vénus, qui l'aurait utilisée pour aborder sur l'ile de Chypre". La confusion entre les deux déesses remonte à l'Antiquité grecque, qui connait plusieurs exemples archéologiques et numismatiques, à partir du III° s. av. J.-C., dans lesquels Aphrodite, associée au concept de victoire, se voit attribuer l'épithéte d'euploia, « celle qui

favorise la navigation », et, consécutivement, le gouvernail : il est alors trés difficile de la distinguer de Tyche"'^.

À Corinthe ou à Aphrodisias, les sanctuaires dévolus originellement à Aphrodite deviennent des Tychaia consacrés à la fortune poliade : les niches absidiales et les décors à coquille accueillent sans transition une déesse aprés l'autre, preuve que leurs attributs et attributions peuvent se recouper. À Rome sous la République, la Venus uictrix ou felix qui accompagne le général triomphant (qu'il s'agisse de Sylla, Pompée ou César) se confond avec la déesse de la chance, Bona

Fortuna".

À la Renaissance,

l'iconographie

de Fortune

nue,

séduisante, dotée de longs cheveux, tenant une voile, juchée sur une sphére, un dauphin ou quelque monstre marin, ou encore accompagnée par des vents, doit beaucoup à l'iconographie traditionnelle de Vénus"5. Pour revenir à la gravure de Bocchi, on constate que l'allégorie qui se penche vers Alexandre méle les caractéristiques

de la Fortune marine (ailes, voile, flots marins) avec des attributs plastiques propres à Vénus, elle aussi déesse marine : nudité harmonieuse, chevelure abondante, voile, coquille. Le casque chimérique, qui donne à cette

personnification une allure inquiétante et négative, conviendrait d'ailleurs aussi bien à l'une qu'à l'autre déesse, dans la mesure où la confiance démesurée en la chance ou l'abandon aux plaisirs de Vénus transforment

7? Voir la bibliographie dans M. Faietti, « Disegni giovanili di Prospero Fontana : da Perino a Vasari, attraverso Salviati » dans C. Monbeig

goguel, Ph. Costamagna, M. Hochmann (dir.), Francesco Salviati e la bella maniera, Actes du colloque de Rome et de Paris, 1998, Rome, École Frangaise de Rome, 2001, P- 547-578, ici p. 561, note 39.

7? Elle l'était déjà dans l'Antiquité, hormis un exemple dans le Tychaion d'Es-Sanamen oü l'abside est coiffée d'une coquille et contenait une

Statue de la Fortune, comme l'indique le Corpus des Inscriptions Grecques, 4556. Voir P. Gros, « Trois temples de la Fortune des I* et II° siécles :

remarques sur l'origine des sanctuaires romains à absides », École Francaise de Rome, Mélanges d" Archéologie et d'Histoire, 79, 1967, p. 554-555.

1214 Voir G. Kirchner, Fortuna in Dichtung und Emblematik, p. 174, n. 27 et Ill. 3. L. Galactéros de Boissier, « Images emblématiques de la

fortune », p. 98, tout en affirmant que le type d'une Fortune à la coquille et aux dauphins devient trés courant, n'en donne cependant aucune

référence ni aucune illustration. 75 Voir W. Deonna, « Aphrodite à la coquille », Revue archéologique, 2, 1917, p. 392-417 ; M. Brisckoff, « Afrodite nella conchiglia », Bolletino d'Arte, 1929, p. $63-569 ; M. Bratchkova, « Die Muschel in der antiken Kunst », Bulletin de l'Institut Archéologique Bulgare, 12, 1938, p. 1-128 ; E. Simon, Die Geburt der Aphrodite, Berlin, 1959 ; M. Lawrence, « The Birth of Venus in Roman Art », Essays Wittkower, II, Essays in the History of Art, New York, 1969, p. 10-16 ; P. Gros, Aurea templa : recherches sur l'architecture religieuse de Rome à l'époque d'Auguste, Rome, 1976, P. 138-145 ; H. Lavagne, Operosa antra : recherches sur la grotíe à Rome de Sylla à Hadrien, Rome, 1988, p. 418-425 ; E. Wind, Mystéres paiens de la Renaissance, Paris, 1992, p. 283-285, Appendice 5 : « La coquille d' Aphrodite ».

1216 Voir G. Roux, Pausanias en Corinthie, Paris, 1961, p. 111 et P. Gros, « Trois temples de la Fortune » ; P» 514 sq. Sur le gouvernail qui vient s'ajouter au polos et à la corne d'abondance, voirJ. Champeaux, Fortuna, t. 2, p. 44-48. 1217 Voir P. Gros, ibid. Pour une synthése de cette Fortune/Victoire/Félicité des chefs, voir J. Champeaux, Fortuna, t. II, ch. s, « L'Áge des

Imperatores », p. 216-292.

1218 Voir les pages éclairantes et la belle iconographie de F. Buttay-Jutier, Fortuna. Usages politiques d'une allégorie morale à la Renaissance, Paris,

2008, p. 87-166.

380

Fig. 1 » P. FONTANA, La Vertu soumettant la Fortune, 1553, dessin (plume, encre,

lavis sur fusain), 36 x 24 cm, "The Royal Collection.

Rattachée à la Fortune, la coquille vénusienne perd de son ambiguité sémantique pour devenir un signifiant univoque : fragile esquif propulsé comme un bolide et menagant toujours de verser, elle souligne ici tous les aspects négatifs de la mer-matiére sur laquelle elle vogue, pour reprendre l'équivalence platonicienne mer = matiére. Elle n'est plus, comme dans La Naissance de Vénus de Botticelli, la plaisante embarcation qui accueille puis emporte vers Chypre, sur une eau étale, la déesse de l'Amour pressant avec tant de séduction sa chevelure gorgée d'eau, symbole de l'harmonie hiérarchique de la création. Associée aux trois tétes monstrueuses de la Chimére, cette coquille montre au contraire le caractére trouble et inquiétant de la déesse qu'elle porte, fille d'une mer agitée, c'est-à-dire d'une matiére débridée. L'instabilité de Fortune se dissimule ici sous les attraits de

Vénus, voire les blandices d'une Victoria au goüt amer. Cette Fortune (ou Vénus)-matiére n'est plus tenue par aucun raisonnement, comme dans le Symb. 28, puisque la dé-raison (stulta superbia, dit le titulus du texte du

Symb. 66) envahit l'espace le plus haut du corps de l'homme, traditionnellement réservé au nous et devenu ici la

proie de chimériques passions, véritables animaux qui montent à l'assaut de la citadelle de la téte au lieu de se tenir à la place qui leur est réservée.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Némésis est en effet la déesse de la justice distributive"'? : messageére de O&yuc et fille de Aíxr, elle préside au

Symb. 67 Gravure :

DEVOIR

DU VRAI

PRINCE

Sur l'image : - Némésis

— Adraste - Non pour moi mais pour autrui

VOICI LA DÉESSE DE RHAMNONTE, CONSEILLERE DES PRINCES Toi, qui que tu sois, qui voudrais

Étre digne du nom de prince, À tes intéréts personnels

N'accorde pas plus qu'à autrui.

s

Telestl'ordre dela déesse De Rhamnonte, qui, dure et ápre,

Vengea l'orgueil des Titans et Leur ignoble méchanceté.

Della main droite, elle offre donc

10 Bourse pleine à celui qui tróne, Joignant aux éperons le mors Etl'équerre de tempérance, Par peur, sot, qu'en fuyant des vices, Tu ne tombes dans leurs contraires.

MÉTRIQUE

Dimétres iambiques acatalectiques. Bocchi imite ici Crinito qui avait également utilisé ce métre en contexte

pédagogique et moral, en particulier dans ses Poemata 1, 3 (Ad Avitum exhortatio ad uirtutem) et 2, 36 (Ad Nouatum, in instruendis adulescentibus in re militari). L'impression de rapidité induite par ce métre court a ici une

valeur quasi mimétique et reproduit rythmiquement la vélocité de la déesse, portée par ses ailes, prompte à s'attacher aux pas de chacun. NoTES

-in pict. : NEMESIS / "ABpactoc] Les divers parémiographes (voir apparat des sources) résument sous la

forme du proverbe ABpáoreia Néyect; ( « Némésis adrastienne ») les pouvoirs de la déesse Némésis et Érasme, à leur suite, explique ses attributions (Adag., 2, 6, 38) :

Licebit uti uel in eos, quibus ob insolentiam arrogantiamque fortunae commutationem minamur uel qui a rebus

florentibus ad calamitosam fortunam redacti sunt. Hanc quidam Nemesim deam esse putant, insolentiae et arrogantiae

uindicem quaeque spes immoderatas et uetet et puniat.

On pourra utiliser ce proverbe à l'endroit de ceux que nous menacons d'un changement de fortune à cause de leur insolence et de leur arrogance, ou de ceux qui passent d'une situation florissante à un sort de calamités. Les Anciens croient en effet que Némésis est une déesse qui chátie l'insolence et l'arrogance, qui interdit et punit les espoirs démesurés.

juste partage des choses. Proche d"Eptvóc et de Tóyr, elle assure l'ascension des gens méritants, mais venge les paroles ou les actes pleins de démesure et d'orgueil. Sur ce point, voir ARTEM., Onir., 2, 37 : Toig 8& zapavouo?ot

Kal roig £xtriÜeuévoig viol xai oic ueyáÀov ápyouévoig zpayuárov évavría xa0iorarat kal éunó8tog Tv énueipovpévov, « À ceux qui bravent les lois, qui aspirent à certaines charges et nourrissent d'ambitieux

desseins, Némésis impose le contraire et entrave leurs entreprises » ; MACR., Sat., 1, 22 : Nemesis, quae contra

superbiam

colitur, « Némésis,

que l'on invoque

contre l'orgueil

» ; et AMM.,

14, 11, 25:

ultrix facinorum

impiorum bonorumque praemiatrix, « elle chátie les crimes impies et récompense les bonnes actions ». Gardienne de la juste répartition des fonctions et des richesses dans la cité, elle préside au bon gouvernement et accompagne le prince juste (cf. l'adjectif apposé dans le tit. du poéme : principalis), en le prémunissant contre l'ambition excessive ou l'égoisme déplacé (voir analyse ). Les inscriptions de la gravure suggérent une association entre la déesse Némésis et le roi d'Argos et de Sicyone, Adraste. Trois interprétations expliquent l'épithéte d' Adrastea ou Adrastia qui lui est conférée : 1) La premiere explication évoque l'histoire d'Adraste, l'un des sept chefs qui prirent part à la guerre contre Thébes. Zénobius (1, 3o, CPG, 1, p. 9-11) consacre à l'histoire de ce roi d'Argos un récit long et confus, d'autant

plus que la fin de ce texte manque dans l'archétype Paris. Gr., 3070, comme le font remarquer F. Heinimann et E. Kienzle dans leur édition de cet adage (ASD, II-4, p. 51). Adraste aida Polynice à combattre son frére Étéocle,

qui, enfermé dans Thébes, refusait de lui remettre le pouvoir pour l'année suivante. Au cours de l'affrontement, tous les assaillants argiens furent massacrés, à l'exception d'Adraste, et leurs fils eurent toutes les peines du monde à récupérer leurs cadavres. Ensuite, ces « épigones » menérent une expédition de représailles contre Thébes pour venger la mort de leurs péres et les Thébains, conscients que la chance avait tourné, leur laissérent la ville sans combattre : preuve, dit Zénobius, que le proverbe s'applique à ceux qui ont commis une injustice et ne cherchent pas à échapper au chátiment. Érasme (Adag. 2, 6, 38) traduit en latin une partie du passage de Zénobius (qu'il nomme Zenodotus) mais, pour lui, la lecon de l'histoire est que les fils des Argiens ne purent

jamais remporter de victoire seuls et furent condamnés au mercenariat. L'explication qu'Eustathe donne de l'histoire est plus tranchée, et ce commentateur d'Homeére pense que l'association des deux noms vient du fait qu'Adraste, seul survivant de l'expédition contre Thébes (cf. EVSTH., ad Iliad., B, 828, van der Kalk, 1, p. 557 : oo uóvov rv fjyeuóvov GtaccO£vroc & ro? Onaikob xoAéuov), fut en revanche le seul à perdre son fils lors de

l'expédition de représailles menée par les Épigones (ibid. : uóvoc $è è ££ ABpácvov néxvoxs). 2) La seconde explication fait intervenir l'étymologie, comme l'explique encore Eustathe (ibid.), pour qui adrasteia signifie « celle qu'on ne peut pas fuir » : '"Exepot $è tijv Néyeotw á8páoreiav eixov kaAeioOai 8ià 10 1i]

Ociac Bir &vanóBpaorov f|rot ágvxrov, explication reprise par Érasme (Adag., 2, 6, 38) qui décompose le mot en une particule privative a- et le mot drasmos, « fuite ».

3) La troisiéme explication est citée par Strabon (3, 1, 13), qui l'emprunte au poéte Antimaque, selon lequel

Adraste aurait été le premier à ériger un autel pour la déesse Némésis et que le sanctuaire se serait trouvé sur les rives de l'Aesépos, un fleuve de Mysie

(ANTIM., fr. 53 Wyss,

separauit

est cum

2-3: Bwpòv 8€ ol eloato npaxoc/ 'Aóprnoroc

zotayoio zapà póov Aiorjxoto). La déesse se serait donc ensuite appelée Adrasteia. Voir aussi Erasme (Adag., 2, 6, 38) : Adrastiam dictam tradit non ab aufugiendo, sed ab Adrasto rege, qui primus huic templum constituerit, idque Antimachi poetae uersibus confirmat. - tit. carm. : Rhamnusia diua] Érasme explique qu'Adrastia Nemesis et Rhamnusia Nemesis ne constituent qu'un seul et méme proverbe, méme si les parémiographes les distinguent (Adag., 2, 6, 38 : Hoc adagium, quamquam Zenodotus,

mihi

tamen

uisum

superiore

conjungere,

cum

nihil intersit praeter

commutatam

cognominis uocem). Pausanias (1, 33, 2-3) évoque une statue gigantesque de Némésis située dans le temple de Rhamnonte (en Attique, prés de Marathon, en face de l'Eubée), que Phidias (ou Agoracrite de Paros, un 1219 Sur Némésis, voir « Nemesis » in Daremberg et Saglio, t. IV/1, p. 52-55 ; H. Herter, « Nemesis », RE, t. XVIII, 1935, col. 2338-2380: L. Rossbach, « Nemesis » ín Roscher, Ausführliches Lexicon, t. Ill, 1897, col. 117-166 ; H. Posnansky, Nemesis und Adrasteia; Breslon, fio (« Breslauer philologische Abhandlungen », t. V-2) ; B. Schweitzer, « Dea Nemesis Regina », Jahrbuch des Archáologischen Instituts, 46, n° 3, 1931, p. 175-246 ; P. Karanastassi, F. Rausa, R. Vollkommer, « Nemesis » in LIMC, t. VI-1, p. 733-773.

382

383

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

"Traduction, annotation, commentaire - Livre III

disciple de Phidias, selon PLIN., Nat., 36, 17) aurait sculptée, à partir du bloc de marbre apporté par les Perses

pour réaliser une statue de la Victoire, lors de la bataille de Marathon où ils furent finalement vaincus (cf. A. G., 221, 223 et 224). Zénobius (5, 82, CPG, 1, p. 153) évoque le passage, ainsi qu'Érasme, Adag., 2, 6, 38 (Eadem

appellatur Rhamnusia a Rhamnunte Atticae loco cognominata, ubi, quemadmodum ostendit Zenodotus, huic deae statua est, solido lapide, decem cubitorum magnitudine, Phidiae opus). Cette ceuvre se présente comme une

Aphrodite, munie d'un rameau de pommier dans la main gauche, d'une phiale dans la main droite, sur laquelle apparaissent des Éthiopiens, et elle porte une couronne ornée de cerfs et de victoires", Voir également

VALERIANO, Hieroglyphica, $4, p. 395d ; RHODIGINUS, Lectiones antiquae, 11, 19, et GYRALDI, De Deis gentium syntagmata, 16, « De Fortuna, Nemesis Rhamnusia et Adrastea » (in Opera omnia, Leyde, 1696, p. 464C-D).

Bocchi, malgré l'adjectif de Rhamnusia, évoque le « type» de Smyrne, où Némésis est dotée d'ailes, d'une

bride et d'une coudée (sur ces attributs, voir analyse). -v.7: Titanicae] Terme non classique pour Titania

(cf. VERG.,

6, 580). Les Titans,

comme

les Géants,

voulurent monter à l'assaut de l'Olympe depuis l'Othrys en Thessalie, pour vaincre les enfants de Kronos. Mais ils furent vaincus par Zeus, aidé des Cyclopes et des Hécatonchires, et précipités dans le Tartare (cf. HES., Theog.

134; APOLLOD.,

1, 1, 3-4; HYG,, Fab., praef. 3;

150, « Titanomachia » ; A, Prom.,

196-221). La

référence à cet épisode mythologique illustre bien la dynamique spatiale symbolique que peut prendre l'action vengeresse de Némésis, abattant dans les profondeurs de l'univers (Tartare) ceux qui prétendent se hisser au

sommet (Olympe). ANALYSE

Ce petit poéme de quatorze vers, sur le rythme vif du dimétre iambique, propice à l'énoncé et à la mémorisation de préceptes moraux, propose un condensé de l'action idéale du prince (cf. quodnam sit ueri principis officium, tit. pic. ; principalis, tit. carm. ; principis, v. 1), mais matérialisée sous la forme d'une apparition de la déesse Némésis pourvue d'attributs significatifs qu'elle vient remettre à un souverain (sedenti, v. 10)'?'. Nous avons déjà vu apparaitre Némésis comme fortuna principalis dans le Symb. 63, où elle relie Bologne aux Farnése. On s'étonnera que David M. Green n'évoque pas le cas de Bocchi dans son article « The Emblematic Nemesis »,

La déesse surgit ensuite dans les quatre vers suivants (5-8), qui déclinent son aspect inquiétant (seuera, aspera)

et son chàátiment impitoyable (uindex), qui avait trouvé dans l'épisode des Titans une mise en mythe exemplaire. Dans les six derniers vers, Némésis présente un certain nombre d'attributs symboliques qui doivent permettre (ergo, v. 9) au prince de garder l'équilibre entre intérét personnel et intérét collectif. Il n'est pas ici question des ailes, du gouvernail ou de la roue qu'Ammien Marcellin (14, 11, 26) préte à la déesse, à l'instar de Tóyr, pour signaler sa rapidité aérienne, le régne universel qu'elle exerce sur un monde où elle se déplace sans entrave. La traditionnelle corne d'abondance, symbole des bienfaits qu'elle peut dispenser à sa guise, comme Tyrj ou Fortuna, se transforme chez Bocchi en bourse pleine (crumenam... plenam, v. 9-10), tendue au prince de la main

droite (dextra) : ce sont les richesses et les commoda qui sont à la disposition de ce dernier. Mais déesse de la Justice, Némésis tend au roi, en méme temps que la bourse pleine, les symboles des qualités intérieures qui doivent déterminer la gestion de cette richesse, et permettre de réaliser la devise inscrite sur le tróne de la gravure, non mihi sed aliis. Ces symboles sont au nombre de trois et la versification nous invite à regrouper, d'un cóté, le mors (frenum, v. 11) et les éperons (calcaria, ibid.), de l'autre, la coudée, ou plutót l'équerre de tempérance (norma temperantiae, v. 12). Une épigramme de Parménion (A. G., 16, 223) mettait effectivement

entre les mains d'une Némésis-Tempérance une coudée (ou son propre coude") et un mors, pour nous

inviter « à ne rien faire sans mesure, à ne rien dire sans retenue ». Politien avait repris ces symboles dans son

évocation de la déesse dans la silve Manto (v. 9 : Frena manu pateramque gerit), et Alciat avait de son cóté traduit en latin l'épigramme grecque de Parménion dans son Emblematum liber, « Nec facto nec uerbo quemquam laedendum ». Mais la configuration est un peu différente chez Bocchi. Le mors et les éperons, qui apparaissent ensemble dans un texte de Cicéron (Brut., 204), et que l'on retrouve dans le Symb. 82 (voir notre analyse à ce

symbole), forment ici une paire antagoniste qui s'équilibre dans la jonction méme des contraires : le mors sert à brider l'excés d'impétuosité tandis que les éperons servent à stimuler le manque d'énergie. L'idée n'est pas (cf. v. 13-14), pour le prince, de se laisser emporter d'un cóté (tout donner à ses propres intéréts) ou de l'autre (tout accorder à autrui) : ce serait stultitia, comme le rappellent les vers 13-14 de Bocchi, inspirés par Horace (Sat., 1,

l'équilibre des plateaux d'une balance (sur ce symbole, voir introduction ; voir aussi Symb. 41 et 142) : ne pas donner plus à ses intéréts (magis tuis, v. 3) qu'à ceux de ses concitoyens (quam alienis, v. 4). Outre celle qui

2, 24) : Dum uitant stulti uitia, in contraria currunt. Mais il s'agit pour le prince d'adopter une attitude équilibrée, faite d'une tension harmonieusement dominée, bref, de sacrifier à l'aurea mediocritas : c'est ce qu'indique la présence de norma, la coudée et ou l'équerre. Nous avons une illustration de ce qu'Aristote définit comme vertu, « juste milieu entre deux défauts, l'un par exces, l'autre par défaut » (EN, 2, 6, 1107a : uecórrc $è 8$o Kaktàv, tfj u£v ka" ózepQoAiy, 1f]; $è xav! EXetyt). La coudée peut d'ailleurs devenir une véritable balance'?5, comme la dioptrie du Symb. 142, l'instrument qui permet d'accorder un poids égal aux tendances et à la raison,

gloire individuelle. Cicéron, en effet, ne voit pas pire ennemi de la justice et de l'équité sinon l'orgueil, que leur

au v. 12), Platon, le terme de justice, et Aristote, celui de vertu.

Studies in the Renaissance, 10, 1963, p. 25-43.

Les quatre premiers vers rappellent que le prince doit respecter une forme de justice, que défendent Platon et Cicéron (cf. CIC., Off., 1, 84; voir apparat des sources), et qui pourrait étre illustrée, une fois encore, par

pousse à vouloir posséder des richesses pour son intérét personnel, le Prince peut éprouver la coupable envie de

position élevée suscite souvent chez les hauts personnages de l'État"? Pour Cicéron, cet orgueil, né d'une confiance coupable en la fortune prospere, trouve précisément son chátiment dans une fortune adverse, qui a tót

fait d'abaisser, afin de rétablir un juste ordre des choses'??.

selon cet équilibrage dynamique auquel les Stoiciens prétent le nom de tempérance (le mot est cité par Bocchi

On remarquera comme l'épigramme est attentive à suggérer une mise en scéne : Némésis tend (porrigit, v. 9) les

objets à un personnage qui est assis (c£. sedenti, v. 10 : « qui tróne », comme un souverain), et qui lui sert donc

de destinataire. La présence d'un souverain ou d'un prince qui siége, admonesté par un conseiller qui lui tend le mors et les éperons, est une configuration qui sera reprise dans le Symb. 82 où Bocchi décrit une médaille inventée par ses soins et qui présente le méme idéal d'équilibre et de temperantia (pour le Symb. 82, entre

jeunesse et vieillesse). 1220 Voir J. Pouilloux, La forteresse de Rhamnonte, Paris, 1954; M.B. Skinner, « Rhamnusia

Virgo », Classical Antiquity, 3/1, 1984, p. 134-

141 G. I. Despinis, ZvufoAv av uec] ov Ayopakpíxov, Athénes, 1971 ; V. C. Petrakos, « Tó Neyéctov 100 Pauvobvroc » in Qa

Téopywv E. MvÀovàc, Athénes, 1987, p. 295-326. 1221 Sur l'association entre Némésis et l'empereur, voir M. B. Hornum, Nemesis, The Roman State and the Games, Leyde,

e

eic

1993 ; H. Bru, Le

pouvoir impérial dans les provinces syriennes : représentations et célébrations d'Auguste à Constantin (31 av. J.-C. — 337 apr. J.-C.), Leyde/Boston,

2011, p. 157-175. Voir aussi E. J. Stafford, « Nemesis, Hybris and Violence » dans J.-M. Bertrand (dir.), La violence dans les mondes grec et

romain, Paris, 2005, p. 195-213.

7? Cic., Off. 1, 64: « Plus on excelle dans la grandeur d'áme, plus on veut étre le premier de tous, voire méme le seul. Or il est difficile,

lorsqu'on veut dépasser les autres, de préserver l'équité, qui est la premiere qualité de la justice ». 123 Cic, Off,, 1, 90 : « Méme lorsque nos affaires sont prospéres et suivent notre volonté, fuyons de toutes nos forces l'orgueil, le dédain et l'arrogance. Car, comme l'adversité, c'est faire preuve de légéreté que d'accueillir la prospérité sans réserve ».

384

"^ D, M. Green, « The Emblematic Nemesis » p. 29 pense que le geste que fait Némésis de retenir son coude dans certaines gravures l'embléme d'Alciat « Nec facto nec uerbo quemquam laedendum » reléve du pur contresens et vient du fait que cubitus signifie à la fois coudée. Je ne suis pas persuadée qu'il s'agisse d'une mauvaise interprétation : le mors se met dans la bouche et contróle les paroles alors que retenir son coude permet d'éviter les actions précipitées (facto). "5 Le symbole de la balance, lié à la justice, est logiquement et fréquemment suggéré dans l'évocation de Némésis. Voir par

illustrant coude et (uerbo), exemple

de la justice et l'épigramme de Théététe dans A. G., 221, v. 9 ; MESOM,, Nem., 2, 40. Chez Bocchi, Némésis est associée à Astrée, elle aussi déesse

de la fortune princiére, et qui porte par conséquent corne d'abondance et balance. Voir par exemple le Symb. 125.

385

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) -tome 2

Traduction, annotation, commentaire - Livre III

La gravure, trés harmonieuse, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana'?5 reprend les éléments essentiels du texte. Elle présente au premier plan deux personnages identifiés

Symb. 68 Gravure :

par des noms : surgissant de la gauche, nue et de profil, les ailes déployées, Némésis a les traits d'une jeune

femme à la coiffure austére. Elle est en partie inspirée par la gravure de Dürer intitulée « Némésis ou la Grande Fortune », réalisée entre 1501 et 1503" (Fig. 1), qui portait un vase dans la main droite (variante de la phiale du type de Rhamnonte) et un mors dans la gauche.

AVANTAGES DE LA POUDRE À ENCRE ET À SABLIER Sur l'image : Ce qui suffit

IL FAUT TOUJOURS VOIR CE QUI SUFFIT EN TOUT

Au bon moment et en homme prudent, un peu de poudre Répands : il n'y aura aucune rature honteuse. Si, en homme avisé, tu ajoutes un peu de temps À tes actes, tu ne feras rien de honteux.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. ANALYSE Ce double distique est construit sur le mode de la parabole, à la maniére d'Érasme, mais Bocchi a supprimé les

signes explicites de comparaison (ut... ita), qu'il convient de rétablir implicitement : de méme que... (v. 1-2), de méme

Fig. 1 > A. DÜRER, Némésis ou La Grande Fortune, entre 1501 et 1503,

Londres, British Museum.

sur le papier (foeda litura) ou tache morale (turpe), quand on se précipite sans réfléchir. Cette décomposition de

Bonasone en a repris l'allure générale, y compris le vétement qui flotte au vent. Mais les instruments ont été

modifiés,

comme

le signale

l'épigramme.

(v. 3-4). La comparaison s'effectue entre l'acte d'écrire et l'action en général, et prend un objet

symbolique ou métonymique que les deux domaines partagent : la poudre. Ce paralléle est mis en évidence par le début quasi similaire de chaque distique : Pulueris exigui iactu (v. 1) : Temporis exigui... spatium (v. 3-4). Dans le premier cas, il s'agit de la poudre que l'on jette sur la page pour la sécher ; dans le second cas, de la poudre qui coule dans le sablier et qui scande le passage du temps, celui qui est nécessaire à la réflexion avant d'agir. Dans les deux cas, gráce à une action ou à un délai supplémentaire, la poudre permet d'éviter la tache : tache d'encre

La

Némésis

de

Bonasone

tient

dans

la main

droite

une

paire

d'éperons, un long mors et une équerre, et dans la gauche une bourse, qui vient remplacer le vase couvert de Dürer (la modification gauche/droite par rapport à ce que dit l'épigramme tient sans doute à l'inversion de

l'image liée au processus de la gravure). Face à elle, assis sur un tróne auquel ménent deux degrés, on identifie

Adraste gráce à son nom : il montre que la déesse est bien l'Adrasteia Némésis dont parle Érasme, lourde de tout un contexte mythologique et sémantique. Comme il se doit, le roi porte couronne et sceptre. Un dais se déploie

au-dessus de lui. Il a déjà dans la main la bourse que Némésis lui tend, tandis que l'expression non mihi sed aliis inscrite sur le tróne l'invite à en faire un usage généreux et non pas seulement personnel. En arriére-plan, on

distingue la vaste architecture d'un palais : une voüte soutenue par deux colonnes ioniques à gauche, une arche à droite. Entre cet arriére-plan et les personnages vient s'installer un élément architectural intéressant car

signifiant symboliquement : un escalier et sa rambarde relient discrétement Némésis et Adraste, comme pour

l'action en séquences complémentaires, au rythme différent, est présentée sous la forme d'un motto ternaire au Symb. 108 : cognosce, elige, matura.

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana"? (Fig. 1), présente deux hommes face-à-face de part et d'autre d'une table, qui se regardent. Le premier est en train de répandre de la poudre sur un document qu'il vient visiblement de finir ; le second, visiblement un philosophe,

tient un sablier qu'il a posé sur la table. Pour relier les deux instruments contenant de la poudre et annoncés dans le motto (scriptorii/horologii), le graveur a placé au-dessus un panneau, sur lequel on lit quod sat est, « ce qui suffit » (voir notre analyse au Symb. 27) et que le philosophe à droite de la table tient suspendu à une chaine : le scribe à gauche porte également la main à la chaine, pour montrer qu'il partage ce point de vue. Le bras levé du philosophe, relayé par celui du scribe, permet d'inscrire la composition générale de la figure dans un triangle inégal. Pour Pierre Martin, il s'agit par là de traduire l'exacte équivalence des deux situations et la possibilité de les placer dans une relation syntaxique de comparaison.

indiquer que le roi est susceptible de monter ou de descendre, selon la volonté de son interlocutrice.

"7^ Voir le 1227 Voir E. insiste sur réalisée en

386

catalogue de Panofsky, « l'importance 1482 ou peu

la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, p. 18, n° 37 (= LXV). “ Virgo et uictrix", a Note on Dürer's Nemesis » in A. Dürer, Prints, éd. C. Zigrosser, New York, 1962, p. 13-38, qui qu'aurait eue sur Politien puis Dürer une médaille commémorative de Niccoló Fiorentino pour Julien de Médicis, aprés, et représentant une Némésis.

125 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, p. 18, n° 38 (2 LXVI).

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Symb. 69

en le faisant tourner, comme lorsqu'on perce le bois d'un navire à l'aide d'une tariére: au moyen d'une courroie, on la fait tourner à la base, en tirant d'un cóté puis de l'autre. L'instrument progresse sans jamais

Gravure :

L'EXPÉRIENCE DU MALHEUR CONFERE SAGESSE AU FOU

dévier ». On retrouve mention de l'instrument chez Philostrate, dans la descripti on de Dédale construisant une vache de bois pour Pasiphaé (PHILOSTR., Imag., 15). À Rome, la terebra Gallica remplace la terebra antiqua, et ce

Sur l'image : Les coups rendent le Phrygien meilleur

changement est percu comme un grand progrés dans la mesure oà désormais, elle permet de percer le bois sans

le brüler, comme le rappelle Pline (Nat., 17, 1 16) : Nostra aetas correxit ut Gallica uteretur terebra, quae excauat

nec urit). consistait l'incision, beaucoup

UTILITÉ DE LA TARIÉRE GAULOISE La tariére gauloise sert par son foret et ses courroies ;

De méme, les fers et les coups donnent sagesse au fou. Ilest bon que souvent les mortels apprennent à leurs dépens, Car c'est dans le malheur qu'on honore la religion.

Nos rursus terebram quam Gallicam dicimus, huic insitioni aptauimus. Ea excauat nec urit, quod non scobem sed ramenta facit. Itaque cauatum foramen cum purgauimus undique adrasos surculos inserimus atque ita circum linimus. Talis insitio facillime conualescit.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques, que nous avons rendus par une alternance de 16 +14 syllabes.

Nous, au contraire, nous avons adapté à cette opération de greffe une tariére appelée gauloise. Celle-ci creuse

mais ne brále pas, car elle ne fait pas de la sciure mais des copeaux. C'est pourquoi, une fois que nous avons nettoyé le trou percé, nous y implantons des greffons taillés et enduisons le pourtour de la perforation. Une telle greffe reprend trés facilement.

NorES

- tit. pict.: STVLTVS MALO ACCEPTO SAPIT] Érasme, dans l'adage qui porte ce titre (1, 1, 31, voir apparat des sources), s'appuie sur l'analyse d'Eusthate (Ad Iliad, 17, 30sq.) pour expliquer que l'origine du proverbe doit étre cherchée dans la fable hésiodique de Prométhée et d'Épiméthée. Ce dernier, ayant ouvert la jarre de Pandore et voyant tous les maux se répandre sur la terre, se rend compte de son erreur, mais trop tard. Érasme rappelle que l'étymologie méme du nom d'Épiméthée indique qu'il ne réfléchit qu'aprés avoir agi : &mun@ebs, cui re peracta, tum demum consilium in mentem uenit. — in pict : pit] le stultus est assimilé dans l'Antiquité au Phrygien, vilipendé comme barbarus (cf. APUL, Flor.,

3) ou comme esclave (ATH., Deipn., 1, 21, 28a). Un passage du Pro Flacco (27, 65) de Cicéron rappelle tous les proverbes négatifs associés aux habitants d'Asie Mineure. Cicéron, citant un passage de la piéce Equus Troianus de Livius Andronicus, évoque ailleurs (Fam., 7, 16, 1) un proverbe qui veut que la sagesse soit venue tard aux

Phrygiens (Sero sapiunt Phryges ; cf. FEST., p. 460 Lindsay). L'origine de cette déconsidération remonte à la

guerre de Troie : il a fallu dix ans et la ruse du cheval qui a causé rendre Héléne. Érasme consacre à cette formule l'adage 1, 1, 28 Troyens, celle des Athéniens n'est pas en reste non plus, puisque d'étre vaincu, ne sait pas penser à la paix. Érasme se rique alors à Chrétiens incapables de vivre en paix en Europe :

Cet avantage n'est pas négligeable dans la mesure oü l'une des attributions essentiel les de la tariére à greffer les vignes. Columelle (Arb., 8) explique qu à la différence de la tariére antique qui brüle la tariére gauloise produit des copeaux et non de la sciure et permet ainsi à la greffe de repartir plus vite :

leur perte pour que les Troyens acceptent de et rappelle que, s'il faut blámer la sottise des c'est un peuple avide de guerre et qui, à moins une comparaison avec l'actualité politique des

Mais nous, quelle n'est pas notre folie, supérieure à celle des Athéniens, puisque méme

les malheurs

de

tant d'années ne nous ont pas fait hair la guerre et que nous ne commen cons méme pas à envisager la paix, qui n'aurait jamais dà étre rompue entre Chrétiens.

-V.1-2: - terebra Gallica] La tariére, instrument de forage, est une sorte de vilebrequin composé d'une méche et mis en action par un archet'*?,

Appelée tépetpov ou tpózavov chez Homére, cet instrument sert en particulier

à Ulysse à construire le radeau qui doit l'aider à quitter l'ile de Calypso (Od., s, 246), ou à construire le lit conjugal, comme il le rappelle à Pénélope (Od., 23, 198). Dans le passage oü il raconte l'aveuglement du cyclope, Ulysse décrit le mouvement

vrillant du pieu par un comparaison avec le trépan (Od., 383-38 5):« Mes compagnons se

saisirent du pieu en olivier affáté et le placérent sur l'oeil saillant. Quant à moi, je pesais dessus pour l'enfoncer 122 ” Voir irlaets : l'article « terebra » de H. de Villefo sse dans Ch. Daremberg, E. Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, t. V, p. 119-121 .

- baculo

et loris...

uinclis uerberibus]

La similitudo, explicitement signalée

(ut...

sic), se base sur les deux

composantes de la tarière (le foret ou baculum) et les courroies de l'archet (loris) pour faire la comparaison avec les deux instruments de méme nom qui servent à punir l'esclave ou le simple d'esprit, les coups de báton (uerberibus) et les fers (uinclis). L'usage de chátier le sot par le báton se rencontre par exemple dans les Proverbes de Salomon (cf. VvLG., Prou., 26, 3 ; 19,29 ; 10, 14 ; 17, 10). -V.3: suo didicisse periclo] Érasme (Adag., 1, 1, 38) précise qu'il existe une sentence grecque pour prendre à rebours le proberbe du sot qui s'instruit à ses dépens. Il s'agit d'une sentence de Ménandre (Monost., 121

Jákel) : BAézov zezaí8gvy' eic cà xv dv

kaxá, « II a tiré lecon en observant le malheur des autres ».

- V. 4 : religio] -l- redoublé pour des raisons métriques (-e- normalement bref.)

ANALYSE

L'ingéniosité et l'utilité de la terebra gallica résident dans l'alliance entre son foret (baculum) et sa courroie (lorum). L'objet sert à percer le métal, la pierre ou le bois dans le but de « greffer » un autre élément sur le premier: des surgeons sur une branche de vigne, des chevilles d'assemblage en menuiserie, des plaques décoratives ou protectrices sur une sculpture ou un autre ouvrage. On ne saurait se passer d'elle pour effectuer les travaux d'incrustation, c'est-à-dire précisément dans l'art des emblemata. Cet objet a donc tout à fait sa place dans

un

recueil

emblématique

oü,

comme

sym-bolum

(ce qui relie ensemble),

il indique

la démarche

interprétative à suivre, démarche comparative guidée par la construction grammaticale ut... sic. La tariére, issue elle-méme d'un assemblage, permet à son tour de réunir (re-legere) des matériaux étrangers pour en faire un

tout. Le nom correspondant au verbe religere est précisément religio, évoqué au dernier vers de l'épigramme.

Dans l'épigramme, l'épithéte Galla/Gallica adjointe à la terebra nous renvoie certes à l'objet antique mais nous invite aussi à voir dans cet instrument une invention gauloise, donc « francaise ». Le rapprochement entre la

tariére et les coups qui pleuvent sur le sot est exprimé grammaticalement par une comparaison (ut... sic), qui

invite explicitement à assimiler les composantes de la tariére (baculum et lorum) aux instruments qui chátient le

Sot. Il serait tout à fait dans l'esprit ludique de l'embléme de signifier par là l'invention qui se retourne contre son inventeur : la tariére gauloise se retournant, métaphoriquement en quelque sorte, et pour son bien, contre le

Gaulois, c'est-à-dire le Francais. Le sot est d'ailleurs appelé dans la gravure le Phrygien, et on sait que, appuyée

par la parution en 1513 de l'ouvrage de Jean Lemaire des Belges intitulé les Illustrations de Gaule et singularitez

388

389

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

^^. La citation du proverbe de Troye, la monarchie francaise travaille à s'octroyer des ascendances troyennes

dans la gravure permet d'évoquer la tradition littéraire et théátrale antique, parémiographique et cicéronienne, qui ne met pas les Troyens à l'honneur. Le stultus d'autre part a une signification précise chez Bocchi et, dans les emblémes qui précédent celui-ci, il sert clairement à vilipender l'ambition militaire des rois. Ces emblémes d'ailleurs sont autant d'appels à la tempérance, à la sagesse et à la paix?'. Curieusement, le terme de stultitia apparait à plusieurs reprises, associé à

la démesure et à l'orgueil : Quam stulta sit superbia?" ou Ne forte uitans incidas / Stulte in uitia contraria??, Le

stultus pourrait cacher un souverain francais dévoré d'ambition et de soif de conquéte, mais que Némésis punit par la conjugaison des coups et des liens, c'est-à-dire, en langage militaire, la conjugaison de la défaite et de l'emprisonnement. Peut-étre peut-on évoquer la bataille de Pavie en 1525

et l'exil de Francois 1ӈ Madrid. De

cette punition (suo periclo) nait cependant un bien (expedit) : religio colitur, le culte de la religion. Si l'action de re-ligere est l'art de faire des assemblages entre matériaux, la religio pourrait donc n'avoir rien à faire avec Dieu mais désigner le fait de pratiquer une alliance entre hommes : le roi, battu et prisonnier, accepte de contracter une alliance avec son adversaire et renonce à ses ambitions sur l'Italie. Il serait toutefois périlleux d'occulter le sens proprement religieux de Religio, car si l'on accepte l'hypothése d'un Frangois I* se rendant aux conditions de Charles Quint, l'alliance ne demeure pas seulement militaire : outre la

promesse d'alliance matrimoniale avec Éléonore de Toléde, la sceur de l'empereur, Frangois I* propose l'envoi

d'une flotte francaise dans la croisade contre les Turcs'?^*, La Religio devient alors la religion chrétienne qui, au-

delà des dissensions entre catholiques et réformés, soude les souverains pour qu'ils forment un bloc uni face aux infidéles, ces Phrygiens contemporains que sont les Turcs. L'utilité implicite de la tariére gauloise trouve ici sa vérification. Elle permet que les greffes, c'est-à-dire les alliances, militaires, matrimoniales et religieuses, reprennent sans difficulté, car elle ne brále pas le bois qu'elle a percé. La victoire dans ce cas porte des fruits. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Prospero Fontana, conservé au British Museum de

Apu er m

PONASONE Desin pesa q

TN

Londres'^* (Fig. 2), tente de traduire la similitudo de l'épigramme en plagant autour du stultus, agenouillé et

portant le bonnet phrygien, deux personnages : l'un, à gauche, frappe le sot à l'aide du baculum et tient dans l'autre main les lora ; l'autre, à droite, porte la barbe et le couvre-chef fréquents dans les gravures du recueil pour

I

identifier le sage'^*. Dans la main gauche, il porte conjointement une tariére et une banderole sur laquelle on

peut lire le proverbe grec: Opi£ zAnyeig áyetvov. Cette formule incluse dans l'image commente en quelque sorte le geste du personnage de gauche et, en établissant un lien explicite entre tariére d'une part, báton et fers d'autre part, confirme le sens positif dans lequel il faut lire, paradoxalement,

- Opinion

|

- Repentir - Aphrodite - Vitoire S'est, hélas, souvent armé. Au-dessus, la troupe

Insidieuse des Opinions,

1993, p. 19-54.

En un assaut violent, méne la guerre

honteuse ». Le Symb. 68 met en scéne Némésis, déesse vengeresse de la superbia Titanica, venant remettre à Adraste les attributs de la tempérance. Le Symb. 67 montre Alexandre, dévoré d'ambition et d'appétit de conquéte, transformé en monstre chimérique par la Fortune. L'embléme: 66 évoque l'épisode de la dispute entre Athéna et Poséidon pour la domination ination d' ictoi de l'olivier, "olivi d'Athénes et la victoire gage de paixi et

S

de fécondité, sur le cheval, prémice de guerre et de &térilité. La victoire n'a de sens que si elle est frugiferens. Sinon, elle est uana. ds

:

i

Nx

.

ces éléments, voirJ. Garrisson, Royaume, Renaissance et Réforme, 1483-1559, Paris, 1991, p. 142-143. 23 deme 755 Vente Sotheby ’ s de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, Catalogue Sotheby's, p. 18, n° 39 (= LXVII), acquis en 1980 par le British Museum (180-1-26-110). Voir J. A. Gere, Ph. Pouncey, Italian Drawings in the British Museum. Artists Working in Rome, Londres, 1983, n° 107, p. 78

(plate 98).

!* Voir par exemple la gravure du Symb. : 76 repré présentant Pythagore, celle du Symb. 84 représentant Hippocrat ,

Périclés, ou celle du symbolon 112 représentant Atlas en astrologue.

390

Contrela Raison ; mais cette derniére hésite, bp. B ME

Empétrée B dans

Symb. 66.

1234 6 ur

d

cel e du Symb. 94 représentant ASAN

d

Mon désir insensé, d'un espoir trop crédule

11 Le Symb. 69 recommande semper uidendum quod sat est in omnibus, « d'observer la mesure en tout, de peur de commettre une action

?* Symb. 67.

DE LA RAISON

- Raison /Discours véritable

la scéne de violence. Il faut

AT. i t Voir F. A. Yates, Astrée, Paris,: 1989 pour la traduction francaise, P. 223-227 : « La monarchie francaise. Thémes impériaux : la descendance

troyenne ». Voir aussi C. Beaune, La naissance de la nation France, Paris,

COMBAT

Sur l'image :

remarquer que le stultus de la gravure, avec les curieux colliers qu'il porte autour du cou et des chevilles, ressemble étrangement au fou qui porte des grelots (voir Symb. 42), mais plus encore à un « sauvage ». Muni du bonnet phrygien, il évoque les deux statuts négatifs qu'on attache depuis l'Antiquité au Phrygien : barbare et surtout esclave. L2

Syrib: 70

:

D

son beau Vrai. ;Si là, FS hasard,

Victoire erre sans soutenir

;

egre

id

premier assaut ni lui résister

; : e son pied courageux — noble tempérament

10 Lasituation bien souvent a pour conséquence ;

i i Qi ui ysdu combat i vi ais se retire et recherchhe d cpi

{ . -,

ET DU DÉSIR

D

mee



Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

résiste pas à l'affrontement, décidant ainsi de l'issue du combat (v. 10-13) : Ratio et Bonum sont mis en déroute

Dans la fuite le ferme appui de son salut. De moi si mal en point, le Caprice effréné 15 Triomphe alors plus sürement, Puis, de conduire à leur terme ses vceux

Il se presse sans relàcher. Mais la Conscience Et le sensible Cceur soulignent de concert Qu'il es pis d'obtenir souvent 20 — Cequi plait à notre mauvais génie.

et prennent la fuite. Puis le paysage s 'élargit et présente une vision plus ample de la bataille. Surgit alors une autre faculté de l’àme, au neutre cette fois, dont on comprend que Libido, Spes et Opiniones constituaient en quelque sorte l'avant-

garde : l'Arbitrium impotens (le Caprice débridé), qui ne pense qu'à se donner satisfaction (v. 14-17) et qui

remporte facilement la victoire (triumphat, v. 15) sur le champ de bataille que constitue le sujet, ego, réduit à la folie (me insanum, v. 14). Deux autres facultés, la conscia Mens (la Conscience) et le molle Pectus (le Coeur tendre), comme des spectateurs extérieurs, commentent la défaite en regrettant les mauvaises tendances d'ego,

son caractere ou plutót son Genius dépravé (le genius, qui vient de gignere, recouvre les facultés vitales, mais aussi la personnalité et les qualités du sujet au moment de la naissance ?*).

MÉTRIQUE

Strophe alcaique (deux alcaiques de onze syllabes, un vers de neuf et un de dix syllabes), que nous avons rendue

par l'alternance 12+12+8+10 syllabes. Horace utilise cette strophe en contexte guerrier, par exemple pour

évoquer le combat d'Octave et Cléopátre (1, 37) ou encore la priére à la Fortune d'Antium et aux cortéges de

divinités parédres pour qu'elles se montrent favorables aux armées augustéennes (1, 35). Elle a été utilisée par Bocchi dans les Symb. 20, 129, 139". NOTES

-v.4: impete] Comme impetus, pour des raisons métriques (pour l'emploi de l'ablatif, cf. Ov., Met., 3, 79; LVCR,, 1, 293). - v. 19 : quam peius id sit crebró habere] « combien il est pire d'obtenir [ce que nous voulons ] ». Le tour est elliptique : il est plus nuisible d'obtenir satisfaction que de ne pas l'obtenir car dans le premier cas, le mauvais génie triomphe. -v.20: - genio proteruo] Sur ce malin génie, incarnation des pulsions, voir nos notes au Symb. 72.

- libet] Méme racine que la Libido du v. 2. ANALYSE

Le propos général du poéme l'apparente à la Psychomachie de Prudence qui décrit le combat des vertus contre

les vices (Foi contre Idólatrie, Chasteté contre Luxure, Patience contre Colére, Humilité contre Vanité, Sobriété contre Sensualité, Charité contre Cupidité et Concorde contre Discorde). Ici, un personnage qui prend la parole à la premiére personne (mea, v. 2; me, v. 15) fait le décompte des forces intérieures qui s'affrontent en lui sur un mode belliqueux, comme le montre le vocabulaire : impete (v. 4) ; bellantur (v. 4);

resistens (v. 7) ; impressionem sustineat (v. 9), proelio (v. 11), etc. Le poéme ne porte pas de titre mais le titulus de

la gravure (rationis et libidinis certamina) donne une orientation générale: celle d'un combat oü se mélent

passions et facultés de l'áme, la partie ou la faculté intellective d'un cóté, la partie ou la faculté appétive de l'autre. Une seconde difficulté s'ajoute, puisqu'il y a entre la gravure et le texte quelques disparités, en particulier liées à l'usage du grec pour nommer les allégories dans l'image. Si l'on regarde le texte, il est possible de distinguer à la fois différentes personnifications et plusieurs étapes dans la bataille. Dans le premier camp (v. 1-6), qui mene l'assaut, on trouve une passion ou une tendance, Libido,

variante déréglée du Plaisir, aidée de Spes credula (l'Espoir trompeur) dont elle se sert comme d'une arme, et appuyée par une armée d' Opiniones qui volent au-dessus (v. 2 : insuper). Face à elles, une autre faculté de l'àme,

Fig. 1> G. BONASONE ou P. FONTANA, Dessin

préparatoire pour le Symb. 70 de Bocchi. Collection particuliére.

ou Prospero Fontana (Fig. $1) La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone

forces présente quelques différences dans les troupes qui s'affrontent. À droite de l'image, se massent les le consume), attaquantes. Une Aphrodite en marche brandit une torche de la main droite (c'est le désir qui en regard levé vers le ciel, et accompagnée d'un petit Éros ailé, avec carquois, bandeau sur le front, et un jouet cheval à l'arriéreforme de sceptre, dont les extrémités se terminent l'une par un oiseau, l'autre par une sorte de le titre, tandis d'ailleurs suggere le train serpentin. Elle est sans doute à identifier avec la Libido du texte, comme De la main gauche, en que Éros, hochet en main, au centre du champ de bataille, traduit le régne du Caprice.

du texte), tournant légérement le torse, Aphrodite traine par l'une de ses ailes une Nik? entravée (la Victoria

te, mais au niveau supérieur, pieds et poings liés. Toujours à droite de l'image, et donc dans le camp d'Aphrodi

la Ratio, empétrée dans ses armes, et son objet, le Bonum pulchrum ou Pulchrum bonum, ne semble pas décidée

les Opiniones deux énormes torches affrontées, à la flamme fuligineuse, portent la mention Doxa, et traduisent du texte, les jugements incertains dont se nourrit Aphrodite.

"7 Voir la partie MÉTRIQUE de nos analyses du Symb. 20.

1238 Voir nos analyses du Symb. 3, notamment autour du génie de Socrate. n? 40 (= LXVIII). Le dessin a fait l'objet d'une nouvelle 7? Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, p. 18, Drawings, lot 35). vente par Sotheby's à Londres, le 4 juillet 2007 (Old Master

ou apte à gagner la bataille (v. 5 : haesitat). Sur son chemin (v. 6-9), Libido rencontre par hasard Victoria, qui ne

392

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Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Surgissant de la gauche de l'image, les forces défensives opposent leur résistance. Metanoia (le Repentir, qu'on peut peut-étre rapprocher de la conscia Mens du texte), marche d'un pas décidé vers Aphrodite en pointant un

Symb. 71 Gravure :

SI TU ES AVISÉ NE LAISSE PAS S'ÉCHAPPER L'OCCASION

doigt menagant vers elle : elle a la main sur le coeur (le molle pectus du vers 17 du texte ?) et sa bouche grande

ouverte suggere les imprécations qu'elle est en train de lancer. Derriére s'ouvre un paysage et un petit temple rond sépare graphiquement les deux personnifications, peut-étre un temple de la vertu, comme nous le suggére Pierre Martin : sa coupole offre le lieu d'inscription graphique oü se rencontrent le doigt menacant de Metanoia et le bras d'Aphrodite qui brandit sa torche vers le ciel. Au-dessus de Metanoia, surgissant aussi de la gauche de l'image, une allégorie féminine apparait, flottant sur un nuage, à la téte d'un invisible escadron de renfort : elle porte un vase rond d'oü surgissent de petites flammes, qui brülent tout contre celle de la premiere torche portant la mention Doxa. Ces petites flammes produisent des volutes qui s'échappent vers la gauche, accompagnant le vol de l'allégorie, et ces volutes, qui portent la mention Logos aléthés, permettent d'identifier l'allégorie escortée : il s'agit du Discours Vrai, par opposition bien sür avec la Doxa qui lui fait face. Pierre Martin nous fait remarquer que le vase circulaire d'oü s'échappent des flamméches constitue la version redressée de l'ceuf renversé qui s'attache au ciel par une chaine et porte la mention Alétheia dans le Symb. 32. Toutes ces allégories semblent en partie inspirées par la Tabula Cebetis ou Pinax du pseudo-Cébeés, un stoicien du I* s. apr. J.-C. Le texte, publié en grec pour la premiére fois à Florence chez Lorenzo de Alopa (ca. 1494-

Sur l'image : Sache reconnaitre l'Occasion

À JOHANN DE JONG, TRÉS ÉMINENT JURISTE ANVERSOIS Pendant qu'Occasion en amie, pour gérer tes affaires, À toi s'offre à propos, méche au front, saisis-t'en. Elle s'envole en un clin d'ceil pour ne point revenir : Vois, sa nuque est chauve. Es-tu lent ? Elle est partie !

ÉNIGME

1496 ?), avait été traduit en latin par Ludovicus Odaxius et publié en 1497 à Bologne sous la direction de Béroalde l'Ancien, tandis que Giovanni Battista Pio, le maitre de Bocchi au Studio de Bologne, en donnait

O n'est rien, CC traduit deux cents, A ne compte pas, S cinquiéme, I premier, O à nouveau n'est rien.

parallelement une paraphrase versifiée, restée manuscrite""^. Gilles Corrozet en a donné une traduction

francaise en 1543 et publiait la méme année partie ceux de l'Hécatomgraphie. Le texte vieillard à des touristes d'un curieux tableau la vie humaine, on apercoit trois enceintes aprés avoir bu un breuvage d'erreur, les confrontés à tout un ensemble d'allégories

les Emblemes du Tableau de Cébés, dont certains bois reprenaient en du pseudo-Cébés se présente comme une ekphrasis faite par un placé à l'entrée d'un temple de Saturne. Sur ce tableau, symbole de concentriques et une foule qui se presse à l'entrée de la premiére : étres humains sont différemment orientés par un daimón puis chargées de les tromper (Imposture, Erreur, Ignorance, Opinions,

Passions, Voluptés, Mauvaise Fortune, Intempérance, Débauche, Convoitise, etc.), pour mener certains aux mains de Douleur, Deuil et Désespoir, tandis que d'autres personnifications (Bonne Fortune, Modération,

Patience, Instruction, etc.), gráce à l'instruction, guident les groupes humains restants sur le chemin de la vertu et du bonheur. Certes, il n'y pas vraiment de guerre entre les allégories de la Tabula Cebetis, et l'ensemble de la composition

figure des trajectoires de vie plutót qu'un tableau des conflits de l'áàme. Toutefois, certaines allégories du texte et

de la gravure de l'embléme semblent tout droit sorties de la Table. Ainsi, la Libido du v. 2, qui trouve son relais

dans la gravure de Bonasone sous les traits d'une Aphrodite accompagnée d'Éros, rappelle étrangement les

'ExiQvyíat et les 'H8ovaí que la Tabula Cebetis attribue comme compagnes aux Aó£ai, aux opinions (Tab. Ceb., 5, 2). Or ces opinions se retrouvent également dans l'embléme, au v. 3 du texte, et sous la forme de deux flam-

beaux croisés sur la gravure, portant chacun la mention 8ófa. La gravure à son tour met en scéne Metávoia, le

« Repentir », qui n'apparait pas dans l'épigramme, mais qui est bien présente dans la Tabula (10, 4 ; 11, 1). La gravure propose aussi un Aóyoc dÀnéc « Discours vrai », variation sur la Ratio du v. 4 etle pulchrum Verum des V. 5-6 : on peut rapprocher cette figure de l'áàn05c &norrjur de la Tabula (32, 2), « la science véritable » qui est escortée par un cortége de vertus (Tab. Ceb., 2o, 3), mais qui interdit à l'Opinion de pénétrer dans sa demeure (cf. Tab. Ceb., 29, 3 : Oo yàp 86yic Aó£av elonopeósoQoi zpóc ti]v 'Extovrjunv). Enfin, le genius du v. 20 peut faire

penser au Gaípov de la Tabula, qui oriente les voyageurs tout au long de leur parcours.

Le début vaut zéro, deux cents font vraiment beaucoup, cinq

N'e$t pas assez, un l'est, zéro vient à la suite. 5

Cesvers ont beau sembler obscurs, observés un à un

Ils peuvent délivrer un message limpide.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. REMARQUES

SUR L'ÉDITION

DU TEXTE

A

ET SUR LES MANUSCRITS

L'embléme est mentionné dans les Praelectiones in libros De Legibus M. T. Ciceronis habitae Bononiae in Academia

Bocchiana (Bologne, Bibliothéque universitaire, cod. lat. 304), p. XXXI, pour commenter le mot d'Atticus (CIC., Leg., 1, s), Teneo quam optabam occasionem : Non amissenda est quae tentetur occasio. Videre symb. LXIX cuius aphorismus est: OCCASIONEM QVI SAPIS NE AMISERIS. Bocchi fait également un rapprochement avec les v. 6-9 du Symb. LXXXV (en réalité 87) : NAM INCHOANDO TVM REMITITENDO OMNIVM/ RERVM IN DIES PROFERTVR EVENTVS, LICET/ PARVARVM/ ET ABIT AMISSA PROCVL OCCASIO.

NOTES - ded. carm. : IOANNI IVNIO ANTVERPIENSI IVRISCONS ] Il s'agit probablement d'un Johann

de Jong. Un juriste doté de ce nom apparait dans Le livre des procurateurs de la nation germanique de 1 ancienne Université d'Orléans

(1444-1602), Leyde,

1988, p. 534, en date du 5 novembre

1566 (procurateur Georgius

Ketteler) : Nomina eorum qui me procuratore in album hoc relati sunt et nobilitatem professi : Clarissimus dominus Iohannes Iunius, Iuris utriusque doctor et comitis Palatini ad regem Gallorum et principem Condeanum legatus

mores (d'une autre main : et eques auratus ; et encore : qui cum à nemine tempore adscriptionis admoneretur et ipse (q p his ni, (quod Hotoman et eo pro Brisonii , i Lexica Brisonii ica i , Ferdina receptos ignoraret i nus et Iacobus Bernuy, fratres Anverpienses, i

affinis erat) in bibliothecam dederunt).

dome 1 - tit. pict. : sapis] Jeu avec le sens propre de sapio (sentir par le goüt, avec un accusatif d'objet interne) et le sens

figuré (avoir de la sagesse, de l'intelligence, du jugement). "* Voir la précise synthése de l'histoire du texte dans G. H. Tucker, Homo Viator. Itineraries of Exile, Displacement and Writing in Renaissance Europe, Genéve, 2003, p. 109-112.

394

ANALYSE , : pouvoirsè La première épigramme décrit les caractéristiques d'une représentation plastique de l'Occasion, et les variante féminine du qu'elle matérialise sous forme de symboles. C'est une allégorie de la prospérité fugace, 395

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Kairos grec, et Alciat l'avait déjà évoquée (Emblemata, « In Occasionem » ), en s'inspirant de la description de la

statue du Kairos par Lysippe et de l'épigramme que Posidippe lui avait consacrée (A. G., 16, 275). Bocchi néglige tout un ensemble d'attributs (les pieds ailés ou le rasoir dans la main), pour se concentrer essentiellement sur la fameuse méche. L'Occasio s'offre d'elle-méme (se... offert), à un individu donné (tibi), à un moment donné (iam) particuliérement propice (opportune), pour seconder les actions humaines (rebus... gerendis). Elle se présente de face (ob-fert) et, gràce à sa méche frontale (fronte comata), elle donne prise à qui s'en saisit?" (tene). Mais la fenétre temporelle est trés courte (momento) car la créature ailée (praeteruolat) suit son chemin et le destin veut qu'elle ne retourne jamais en arriére (haud unquam reditura). Pour peu qu'on soit

trop lent à la saisir (si lentus es), elle est déjà passée (on notera le parfait résultatif : abiit) et on ne peut plus l'agripper puisque l'arriére de sa téte est chauve""* (occiput en calua est). Comme le signale le titulus de la gravure, tout l'enjeu est donc de connaitre cet instant propice (TNQ@I KAIPON) et de savoir saisir la chance qu'il constitue, sans se tromper ni le manquer (ne amiseris), sans trop se háter ni trop tarder. Et cela constitue une forme de sagesse (qui sapis).

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

L'image représente le Kairos immobile en haut de la roue, prét déjà à basculer de l'autre cóté, au point précaire d'un équilibre menacé (le momento du v. 3 de l'épigramme 1) : la roue est à son tour fixée sur un socle à deux

degrés, où apparait le motto grec reprit en titre (FPNQ2O0I KAIPON). L'axe vertical qui supporte la roue s'orne, à l'endroit oü il se rive au socle, de deux dauphins de part et d'autre, dont la queue, dressée vers le haut, en épousant l'axe, est ligotée par un anneau commun. Comme dans l'adage d'Érasme qui reprend la devise d'Auguste, Festina lente et l'associe à la monnaie de Titus représentant un dauphin qui s'enroule autour d'une

ancre"^, le dauphin est un symbole de rapidité (celeritas), mais une rapidité que les liens viennent tempérer

(matura). Au milieu des deux dauphins, on voit apparaitre une figure grotesque et barbue. En arriére-plan, on apercoit un paysage de campagne vallonnée, avec quelques bátiments, dont un petit temple rond. Sur la droite de l'image, une colline rocheuse, ornée d'un arbre en son sommet, découpe un triangle : la diagonale de ce

triangle, qui indique le sens de la pente, rencontre parfaitement le dos du Kairos/Occasio et accentue l'impression que le personnage est déjà en train de basculer vers la gauche.

Cette premiere piéce est relayée par une seconde épigramme qui propose, sous la forme de l'acrostiche, un jeu

de chiffres et de lettres autour du mot OCCASIO, qui mime en quelque sorte les pouvoirs de la déesse. Le mot s'ouvre et se ferme par la lettre O, qui est aussi le zéro : avant et aprés le passage de l'Occasion, il n'y a rien (nil), c'est-à-dire zéro. Les deux CC du nom correspondent numériquement à 2 x 100 = 200 (bis centum), c'est-à-dire

Symb. 72 Gravure :

une somme ou une quantité de biens importante (plurima), qui surgit de rien, mais se voit immédiatement

IL FAUT ACCORDER LES MOTS AUX CHOSES, SANS FAIRE VIOLENCE À CEUX QUE L'ON A DÉJÀ DÉCOUVERTS

redoublée. La lettre A ne compte pour rien car elle ne traduit aucun nombre. La lettre S est la cinquiéme dans le mot et dit donc implicitement s, ce qui n'est pas assez (non satis est), et on le comprend, quand on vient d'avoir

*

200. La lettre I représente aussi le chiffre 1 en latin (primus ou unus). Pourquoi serait-il suffisant (unus sat) ? Car

un vaut mieux que zéro, qui suit (uenit inde nihil).

À BALTASSARE RUSTICELLO : ASSEZ DE PRÉCIOSITÉ !

L'apostrophe et les marques de seconde personne, qu'on trouve souvent dans les épigrammes descriptives, s adressent à la fois à un personnage imaginaire et à un dédicataire, dont on souligne deux qualités : la culture juridique et l'éloquence. L'occasio désigne sans doute ici à la fois la faculté de saisir une ou plusieurs bonnes affaires, qui apporteront leurs rétributions financiéres, mais aussi la nature de l'inspiration rhétorique propre à l'éloquence judiciaire, qui peut aller et venir, et donc faire gagner ou perdre beaucoup d'argent.

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou de Prospero Fontana'^9,

propose une représentation, non de l'Occasio mais plutót du Kairos (le personnage est clairement masculin, avec

des pieds ailés, un large toupet sur le haut du cráne mais l'occiput chauve). Cette représentation inhabituelle

n'est pas dépourvue d'une forme de malice amusée qui se rit des codes. En effet, ce n'est pas le Kairos qui fait

tourner la fameuse roue de la Fortune, mais lui qui, ligoté à elle, tourne à son rythme, comme quelque Tantale

supplicié aux Enfers pour tous les crimes qu'il a commis, ou comme la malheureuse Fortune sauvée par Pallas dans le Symb. 51 : ainsi, il apparait et disparait du regard, s'offre ou se refuse à la main, comme le prévoient son nom et sa fonction, mais ce n'est plus lui qui décide. Tantót roi, tantót néant, il est bien la victime de la roue qui

l'emporte, mais celle-ci ne semble obéir qu'à des contraintes mécaniques : pas de divinité ni d'allégorie pour impulser son mouvement. Toutefois, une petite poignée, bien visible, s'attache à l'essieu, laissant au $pectateur la curieuse impression qu'en l'actionnant, il serait possible de mettre la route en mouvement. Le décor lui-

méme, qui met en valeur la petite scéne en la plagant sur une sorte de terrasse fermée par un muret, suggére l'idée qu'il s'agit d'une sorte d'attraction oü l'on offre à qui veut bien regarder un spectacle peu commun, auquel il est possible de mettre la main.

7!

ALCIAT, Emblemata, « In Occasionem », V.7: — Cur in fronte coma ? — Occurens ut prendar, « — Pourquoi une méche sur le front ? — Pour qu'on me saisisse quand je me présente de face ». 1242 [bid,, v. 8-10 : — Dic, cur pars calua est posterior capitis ?/ — Me semel al ipedem si qui permittat abire,/ Ne possim apprenso crine deinde rapi, « - Dis, pourquoi as-tu l'arriére de la téte chauve ? - Pour que, si quelqu'un me laisse m'enfuir, avec mes pieds ailés, il ne puisse ensuite plus

m'arréter en m'agrippant par les cheveux ». "7 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, p. 18, n° 41 (5 LXIX).

396

Pendant qu'ici le bon génie, plus attentif, remplit l'esprit De ses trouvailles, là le mauvais génie l'en empéche. Prudence, leur mére, cependant chasse le mauvais génie, N'acceptant pas qu'aux trouvailles violence soit portée.

s

Aux choses fort souvent les meilleurs mots s'unissent sans nul doute,

Tant l'éclat qui leur est propre nous permet de les distinguer.

Pourtant, comme s'ils se cachaient et sans cesse prenaient la fuite,

Nous traquons et recherchons à des sources différentes Ceux qui sont à disposition, sur ordre de bonne Nature. Pour tout dire, c'est là faire outrage envers son bon génie. 10

Les meilleurs mots sont les moins recherchés, et du réel tout proches ;

Les pires font obstacle à la simplicité sans fard.

MérRIQUE

Distiques élégiaques que nous avons rendus par l'alternance 16*14 syllabes. NorES -ded.: BALTASSARI

RVSTICELLO]

Il est le fils de Giano Rusticelli, marchand de Bologne, auquel le

Symb. 95 e&t dédié, et qui fut l'exécuteur testamentaire de Bocchi"5. Il est probable que d'anciennes relations d'amitié liaient les deux familles, car le pére de Bocchi était lui-méme un marchand.

de Bocchi et le Symb. 108. "^ Pour les deux sens de maturitas, qui siginifie soi t ralentissement, soit accélération, voir le Symb. 82 sur la médaille Bologna, 20, 1942, p. 59Bocchi e la sua Historia Bononiensis », Studi e memorie per la storia dell'Università di « Achille eR 1245 Voir G. Raveira-Aira, ; 112, ici p. 111.

397

"Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

—v. 1-2: Bonus...

Genius, malus...

Genius] Les démons, étres de l'entre-deux (uéxa£v), assurent la transition

entre le monde des mortels et celui des dieux, en permettant une communication qui ne contrevienne pas à la nature de chacun d'eux (cf. PL., Conu., 202e ; APUL., Socr., 132-1 33). La classe supérieure est celle des démons

personnels, attachés à un individu et fusionnant complétement avec lui dés la naissance (genius en latin est construit sur la méme racine que gignere, « engendrer »). Ce démon tutélaire protecteur, gardien, conseiller

moral, auquel Apulée attribue une influence bénéfique (voir le Symb. 147 et nos notes et analyse), s'oppose à la catégorie du mauvais démon, dont il s'efforce d'annihiler le pouvoir maléfique au sein méme de l'áme humaine, croyance antique puis chrétienne, comme le montre P. Boyancé'"**, Les mauvais démons sont assimilés, dans les croyances pythagoriciennes, à des puissances vindicatives nées des àmes des morts qui viennent posséder l'humain, ou encore à la part irréductible de bien ou de mal dans la nature de l'àme allouée à chaque humain, comme le rappelle Aristoxéne dans les ITo8ayopixai Azogáotic, cité par Stobée, 1, 6, 18 : « En ce qui concerne le destin, voilà ce qu'ils soutenaient : une part du destin est de nature démonique, car certains parmi les hommes recoivent de la part de leur démon une sorte une tendance au bien ou au mal, ce qui fait bien évidemment que les uns sont favorisés par le destin, les autres, défavorisés »!°7, Chez les philosophes, en particulier Plutarque, Dieu étant parfait, le processus du mal, lié à la matiére, au devenir, à la génération et à la corruption, ne peut étre engendré que par le démon, soumis à la passion ; cf. Isid. et Os., 45 : « Il faut qu'il y ait dans la nature, comme il

existe pour le bien, un principe particulier qui donne naissance au mal. Certains réservent le nom de Dieu au principe le meilleur et appellent démon le plus mauvais ». - v. $-6: le terme cohaerent suppose une sorte d'essence commune entre les mots et les choses et cette adéquation se signale par son lumen, son « éclat ». Nous ne sommes pas loin ici du vocabulaire de l'euidentia Stoicienne qui signale la vérité indubitable de la représentation kataleptique et sa conformité avec le réel. La congruence des mots et des choses, d'ordre logique et causal, ferait donc l'objet d'une intuition rationnelle dont l'évidence est le signe. Si l'on voulait rattacher le propos à la dialectique stoicienne, il faudrait supposer que les uerba ou sons vocaux sont ici les signifiants et les res les signifiés (c'est-à-dire les concepts ou exprimables, que saisit notre pensée à l'écoute des mots, et qui sont des incorporels qu'il faut distinguer des « porteurs », c'est-à-

dire les étres et les objets réels'^**), unis par une nature rationnelle commune qui explique que le signifiant est indicatif du signifié qu'il porte. Mais, à cause de l'évolution diachronique du langage, cette adéquation « onomatopéique » originelle, vérifiable par l'étymologie, ne se conserve plus que dans un tout petit ensemble de mots. Le reste du corps du lexique est constitué de mots dérivés par la pensée des mots originels par

similitude, opposition, analogie, où la jonction entre signifiant et signifié est diffuse'??. Nous pensons cependant

que la notion de lumen est plutót un emprunt judicieux et poétique au stoicisme qu'une référence précise à leur systéme linguistique. -v.9-10: Quae Natura iubet nobis praesto esse benigna/... Genium hoc est uiolare bonum] La question de l'origine naturelle, c'est-à-dire non conventionnelle, du langage est ici évoquée. Tout le probléme réside dans ce que l'on entend par « nature ». Les scholies 16 et 17 au Commentaire sur le Cratyle de Proclus éclairent quelque peu la situation en distinguant les partisans d'une origine naturelle, Cratyle, Pythagore et Socrate, et ceux d'une origine conventionnelle, Hermogéne, Démocrite et Aristote. Il précise ensuite les quatre sens de l'expression

« avoir un caractere naturel ». Le scholiaste explique en effet que le langage est un processus naturel évolutif,

engendré par la nécessité où se trouvaient les hommes de communiquer entre eux et de raconter ce qu'ils ressentaient ou observaient autour d'eux : « pour Épicure, les noms ont un caractére naturel selon le deuxiéme 1246 P. Boyancé, « Les deux démons personnels dans J. Lecointe, L'idéal et la différence : la perception de « nattre », le génie est, pour reprendre la définition aux déterminations astrologiques, il est une figure

l'Antiquité », Revue de philologie et d'histoire anciennes, 1935, p. 182-202. Voir également la personnalité littéraire à la Renaissance, Genéve, 1993, p. 223 : formé sur la racine ge'r-, d'Horace, le deus humanae naturae, le « dieu de la nature humaine ». Lié à l'horoscope et du destin de chacun et définit le caractere spécifique de 1’ individu (moeurs, tendances,

sens : ils font partie des principales ceuvres de la nature, au méme titre que la voix et la vue : le fait de nommer est analogue au fait de voir ou d'entendre et par conséquent le nom, ceuvre de la nature, a bien un caractére naturel » 7?" Sur l'origine naturelle du langage, voir la Lettre à Hérodote d'Épicure, 75-76. Voir aussi LVCR., s,

1014-1061 et 1087-1090. Le scholiaste de Proclus précise ensuite que la position de Cratyle, exposée dans le dialogue éponyme de Platon, ainsi que celle de Socrate, relévent du quatriéme sens, d'origine pythagoricienne, oü le caractére naturel se dit « à propos d'images artificielles dans la mesure oü elles ressemblent à leur modeéle ». À cause de l'unité du monde, les noms sont des « imitations des formes ab&traites, c'est-à-dire des

nombres » et comme des « reproductions des étres » qui résident dans l'áme : il faut donc que la création des noms n'appartienne pas « au premier venu mais seulement à celui qui peut percevoir l'intelle& et la nature des étres. Les noms ont donc un caractére naturel ». Chez Socrate, l'origine naturelle du langage ne vient pas d'un

instinct naturel, mais « des facultés de représentation propres à l'àme », dans la mesure oü les noms sont « une création de la pensée éclairée par la science ». Les noms sont donc inventés en relation avec les choses de maniére « convenable ». Le scholiaste ajoute enfin que le caractere naturel des mots réside dans leur forme (qui est un produit de l'intelle& qui posséde des images des choses), mais qu'en revanche, dans leurs réalisations matérielles, leur « matiére », ils sont conventionnels et sous le signe de la dissemblance. Comme nous le montrerons dans notre analyse, il semble que, dans l'embléme, la question de la nature et de la conformité des mots avec elle soit moins posée en termes d'origine naturelle du langage qu'en terme de « naturel », c'est-àdire de ce qui reléve d'un usage simple et commun. La métaphore de la luminosité, évoquée plus haut, ne provient pas de l'éclat factice d'un style paré, mais de sa transparence, qui laisse filtrer l'éclat de la pensée et rend l'idée évidente. L'image de la violence faite au bonus genius pose en termes moraux l'adéquation ou la nonadéquation au régime de la nature. - V. 12 : synceris...

simplicibus] Sur l'alliance de ces deux termes en maniére de style, voir GELL,, 13, 27, 2, qui

oppose sur un vers Homére et Virgile: Esse enim videtur Homeri neóterikóteros et quodam quasi ferumine inmisso fucatior.

simplicior et sincerior, Vergilii autem

ANALYSE Bocchi reprend ici la tradition des deux génies de l’àme, l'un bon, l'autre mauvais (voir notes), et imagine que,

sous le regard de Prudentia, ils se livrent une guerre à l'intérieur de l'àme concernant les mots : le bon génie se sert de ceux qui sont naturellement à sa disposition, alors que le mauvais génie pousse à les chercher ailleurs (locis ex aliis). Le texte dénonce

sous le terme d'affectatio cette recherche (quaerimus, petimus,

accersita),

synonyme d'obscurité (lateant), de dérobade (recedant) et d'opacité (obstant), pour lui opposer la clarté de

l'évidence

(cernuntur,

lumine)

de certains termes, immédiate

(praesto esse) et garantie par une corrélation

essentielle (cohaerent) entre les mots (uerba) et les choses (rebus).

La source de ce texte est un passage important de la fin de l'Institution Oratoire de Quintilien (12, 10, 40-41, voir la apparat des sources). Bocchi, tout en adoptant une autre mise en scene (la rivalité des deux génies au lieu de

métaphore athlétique), rend hommage au texte de Quintilien par divers emprunts significatifs comme adfectatio ou arcessiti. Bocchi avait déjà blàmé l'affectatio qui nait des exces de l'urbanitas dans le Symb. 25. Au chapitre 10 du livre 12, Quintilien se propose de traiter du genus dicendi, c'est-à-dire du style et des problémes qu'il génére. latine e Comparant les Grecs et les Romains sur cette question aux paragraphes 38-39, il souligne que la langue d'y posséde pas intrinséquement la gratia uerborum, « la gráce procurée par les mots », mais qu'il est postibte aux particulier en recourant suppléer par des « condiments étrangers » (extrinsecus condienda est), en

sur les périphrases (circuitu) et aux métaphores (tralationibus). Et il insére à ce moment-là une petite digression

sans recherche ni partisans de l'efficacité naturelle du langage, transparente à la pensée, avec des mots simples, affectation, comme dans la conversation courante :

goáts), auquel il confére une personnalité, une natura, un ingenium (qui n'a donc pas ici le sens seulement d'intellect ou de raison).

e: Sur ces questions, voir M. Détienne, La notion de daimon dans le pythagorisme ancien, Paris, 1963. Voir R. Muller, Les stoiciens. La liberté et l'ordre du monde, Paris, 2012, p. 134-136. V9 XT ; ; d Api nee

Voir M. Baratin et F. Desbordes, L'analyse linguistique dans l'Antiquité classique, t.1: Les théories, Paris,

L'adéquation du signifiant et du signifié ».

398

1981

p. 26-34: « Les Stoiciens.

:

linguistique, p. 119, texte 22 et renvoyons à leur "5! Nous empruntons les traductions des passages cités à M. Baratin et F. Desbordes, L'analyse introduction, en particulier le chapitre « Une question annexe : l'origine du langage », p. 25-26.

399

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

De plus, certains estiment que l'éloquence n'est pas naturelle si elle ne se montre pas parfaitement semblable au parler de tous les jours, celui que nous employons pour nous entretenir avec nos épouses, nos enfants, nos serviteurs et qui se contente de traduire la volonté de notre esprit, sans rien rechercher d'éloigné ou d'artificiel ; selon eux, tout ce qu'on ajoute à cette maniere de s'exprimer reléve de l'affectation et d'une prétention qui cherche à plaire, s'éloigne de la vérité, se voit faconné par amour des mots auxquels la nature a attribué pour seule fonction de servir les pensées ; il en va de méme pour le corps des athlétes : l'exercice et la rigueur alimentaire ont beau les rendre plus vigoureux, ils n'ont cependant rien de naturel et s'éloignent de l'apparence qu'ont normalement les individus. À quoi bon, disent-ils, désigner les choses par des périphrases et des métaphores, c'est-à-dire en multipliant les mots ou en les empruntant à un domaine différent, alors qu'un terme spécifique a été assigné à chacune d'entre elles ?

Le langage naturel apparait donc ici comme un langage non orné et dépouillé, c'est-à-dire privé des figures de réthorique qui lui conféreraient un éclat artificiel. C'est un langage qui évite donc la multiplication des termes à l'oeuvre dans la périphrase, et surtout l'impropriété, procédé de la métaphore qui associe des termes appartenant à des domaines étrangers les uns aux autres (locis ex aliis dit l'embléme au v. 8 ; alienis uerbis, dit Quintilien). Les mots ont pour seul devoir d'étre serviteurs de la pensée et, pour Bocchi, ce dévouement s'exprime par l'éclat (lumen) indirect que leur confere la fidélité à l'idée. Quintilien, dans la suite du passage, concede certes un peu de terrain à ces partisans du langage naturel, mais, retournant contre eux-mémes leur argument-phare, finit par élargir la notion méme de nature en montrant qu'elle a en elle-méme les facultés de son propre développement et qu'elle suit là un processus idiosyncrasique qu'il ne faut surtout pas freiner ou limiter ($43-44). Bocchi ne le suit donc pas sur ce point.

Symb. 73 Gravure :

IL CONVIENT

PAUVRETÉ

ET VIEILLESSE AVEC

- Ennius - Vieillesse - Pauvreté *

ACCABLÉ PAR L'ÁGE, LE CHEVAL D'ENNIUS SE REPOSE IL NE FAUT POINT ACCUSER LES CIRCONSTANCES EXTÉRIEURES MAIS DE MAUVAISES MCURS On dit qu'Ennius, jadis, devant vieillesse et pauvreté,

De loin les plus graves fléaux selon l'avis commun , Les vainquit avec un courage et un succés si grands

Qu'il donna presque l'impression d'étre charmé par elles,

5

Cartoutes ses actions, comme ses propos, étaient sages.

Il décida qu'il lui fallait d'abord chercher les vrais Biens, qui offrent sans mal une existence heureuse et droite.

Il ne pouvait donc pas, avec raison, voir comme un mal Ce que lui apportaient Mére Nature ou Sort adverse. 10 Point ne faut accuser Vieillesse, Pauvreté en loques Ni des causes externes, mais des mceurs iniques.

présente une scéne qui se déroule dans un paysage extérieur, minéral et désertique, avec des collines à l'arriéreplan. Prudentia, sous la forme d'une matrona lourdement vétue, est agenouillée sur la gauche, identifiable au

Hexameétres dactyliques.

miroir et au serpent qui gisent devant elle. D'un doigt sévére, elle admoneste le couple de petits démons qui jouent à ses cótés. Le bon génie, sous les traits d'un chérubin aux ailes lisses, se retourne pour l'écouter et,

DIGNITÉ

vieillesse, se repose.

défenseur de la transparence du langage qui laisse filtrer l'éclat de l'idée. C'est probablement le dédicataire qui explique ce positionnement. Rusticello est un marchand, il a besoin d'un langage efficace et direct pour traiter ses affaires, ce sermo cotidianus qui ne s'encombre pas de « périphrases et de métaphores », pour reprendre les exemples de Quintilien. Son nom méme (rusticellus ; cf. VARR. in PLIN., Nat., 7, 83) le prédispose à une forme de

rusticité atténuée ... La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana'?', nous

UNE HUMAINE

Sur l'image : - Comme un vaillant cheval, qui, à force de parcourir la piste, a vaincu aux Jeux Olympiques et qui, désormais accablé de

Il est intéressant que dans cet embléme Bocchi, si souvent partisan de l'obscurité du symbole (pratique elle-

méme fondée sur un usage extensif de la métaphore) et défenseur d'un nicodémisme religieux, se fasse ici le

D'ENDURER

MÉTRIQUE

ANALYSE Comme

le suivant, ce symbolum

tourne autour du Cato Maior (ou De Senectute) de Cicéron. Gravure et

pendant que son attention se détourne ailleurs, le petit récipient à puiser qu'il tient des deux mains (pour que

épigramme procédent à un savant montage entre deux passages importants du traité cicéronien. Ainsi, l'inscription de l'épigramme, les quatre premiers vers et les deux derniers de l'épigramme ont pour source Cato,

De l'autre cóté du stamnos, le mauvais génie, reconnaissable aux ailes démoniaques, aux pieds en pattes de

14:

son frére ne puisse pas le lui prendre), déverse une partie de son contenu dans le grand stamnos posé à ses pieds.

rapace et au front cornu, tentait d'arracher au bon génie le petit récipient qu'il a dans les mains, mais son délit vient d'étre interrompu par Prudence : comme nous l'a fait remarquer Pierre Martin, il détourne la téte, surpris et pris en faute, une de ses mains est encore sur le récipient qu'il s'apprétait à dérober, mais l'autre s'en est retirée prestement et le pied gauche amorce déjà un mouvement

de retrait. La portée réelle de la scéne,

linguistique et stylistique, est incompréhensible sans la lecture du texte: le bon démon doit trouver des

expressions simples et naturelles, le mauvais s'acharne à les lui retirer pour lui en souffler de plus compliquées.

La présence du vase rappelle une métaphore empruntée à Cicéron qui avait défini le corps comme vase de l’àme (Tusc,

1, 22, 52: nam

corpus quidem

quasi uas est aut aliquod animi receptaculum), reprenant une image

lucrétienne (3, 440). Ici toutefois, c'est l'Àme elle-méme qui devient récipient (cf. v. 1 : animum...

implet). On

trouve par exemple l'image dans les Psaumes (cf. VvrG., Psalm., 142 : ad te leuaui animam meam, tamquam uas

ad fontem adtuli : imple ergo me, quoniam ad te leuaui animam meam).

75! Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, p. 18, n? 42 (= LXX).

400

je citais tout C'est de leurs propres torts, de leurs propres fautes que les insensés chargent la vieillesse. Ennius, que

du dernier tour, à l'heure, ne le faisait pas : « Il est semblable à un cheval plein d'ardeur, qui souvent, au moment ] cesapare, sa ». l'accable... a remporté une victoire olympique et se repose maintenant, quand la vieillesse

ans — car c'est à cet àge propre vieillesse à celle d'un cheval intrépide et habitué à vaincre. [...] À soixante-dix grands fardeaux, de qu'il est parvenu — Ennius supportait la vieillesse et la pauvreté, regardées comme les plus maniére à sembler y trouver presque du charme

Bocchi reprend implicitement l'argumentation que le &toicisme inspire à Cicéron. En tant qu 'altération de la . force physique et obsolescence corporelle, la vieillesse - comme la mort — entre dans le cadre des indifférents la de discipline Elle est certes « à rejeter » et on ne saurait nier ses désagréments, mais elle n'entrave en rien la avec toute Vertu ou la recherche du souverain Bien : en tant qu'étre de raison, l'homme se doit de la supporter la dignité que lui impose sa nature, une nature oü la faculté la plus haute ne cesse pruis

iue souveraine. Ce

endurer la principe est rappelé dans le titulus de la gravure, ferendam egestatem et senectam humaniter, : il Dat ici à ce qui distingue l'homme du pauvreté et la vieillesse avec une dignité tout humaine. » Humaniter renvoie 401

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

reste des autres étres de la Nature, c'est-à-dire la raison. Bocchi rappelle, à l'instar de Cicéron, que la vieillesse est à l'image de la vie qu'on a menée. Si elle est amére, c'est que l'homme s'est laissé aller, toute sa vie durant, à

Symb. 74 Gravure :

C'EST AVEC

son caractére mauvais (mores malos), à ses passions funestes, qu'il a cédé aux assauts de la fortune, ou aux

sollicitations des biens extérieurs, sans chercher à dompter sa nature par la discipline rigoureuse de la raison, pour se mettre à l'abri des retournements du sort. Le cceur du poéme bocchien s'inspire largement d'un autre passage (Cato, 4) :

ASSIS TRANQUILLEMENT À LA POUPE, LE VIEILLARD TIENT LA BARRE

En effet, ceux qui n'ont en eux-mémes aucune ressource pour mener une vie bonne et heureuse, trouvent tout áge pesant; mais ceux qui tirent d'eux-mémes qu'apportent la Nature et la Fortune.

tous les biens ne peuvent

regarder comme

un mal rien de ce

L'extrait illustre l'idée cicéronienne que c'est en lui-méme que le sage doit trouver joie et richesse, de maniere à ne pas donner de prise à ce qui ne dépend pas de lui, c'est-à-dire les assauts de la Fortune, qui peut prendre le visage de Pauvreté ou Vieillesse.

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana"? (Fig. 1),

est fidéle au texte de Cicéron et nous présente Ennius, porté par deux allégories, d'un cóté Senectus (la

Vieillesse), sous les traits d'un homme àgé courbé sur un báton, de l'autre Paupertas (Indigence), incarnée par

une femme couverte de haillons. Ennius désigne un cheval allongé à terre au second plan, devant lequel une $téle porte en inscription les vers du poéte. Le geste déictique d'Ennius permet au graveur de traduire la comparaison qu' Ennius effectue entre le cheval et sa propre vieillesse.

L'APPUI DE SON INTELLIGENCE ET NON AVEC SES FORCES QUE L'ON ACCOMPLIT DE GRANDS EXPLOITS

Vois la peine des jeunes gens qui, de toutes leurs forces, Au beau milieu des flots, ébranlent le navire.

Les uns grimpent aux máts, un autre tire les cordages ; s

L'un court, sans peur, parmi les rangs larges des bancs, L'autre vide la sentine ; le rameur fend les eaux

De sa rame à l'envi, d'autres déploient les voiles.

À la poupe installé, calme, cet homme tient la barre, Mais sans la force ni l'élan des jeunes gens ;

À lui seul cependant il fait beaucoup plus, beaucoup mieux, 10 Et l'emporte sur tous par son intelligence. Les exploits ne sont point le fait d'un corps fort et rapide Mais d'un esprit rassis, avisé, souverain.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. NorES

— v. 1 : satagunt] Indicatif au lieu du subjonctif attendu à l'intérieur d'une subordonnée complétive exclamative

indirecte. Sur cette confusion entre exclamative directe et indirecte, oà le verbe introducteur joue presque le róle d'un simple adverbe, voir A. Ernout et F. Thomas, Syntaxe latine, Paris, 1984^, p. 314, avec quelques

exemples fameux empruntés à Virgile (Aen., 6, 779 : uiden ut geminae stant uertice cristae ; 8, 190-192 : aspice...

ut... stat domus). - v. 8: at non [facit] quae iuuenum robora, strenuitas [faciunt]] « mais il ne fait pas ce que font les forces des jeunes gens ni leur énergie ». ANALYSE

Bocchi, qui Comme le précédent, l'embléme tente de montrer que la vieillesse n'est pas une étape à redouter.

suit Cicéron (Cato, 6, 17), établit que si le corps du vieillard manque de force et d'agilité, son esprit au contraire de ce qui concentre en lui toute l'énergie du savoir et de l'expérience accumulés au cours d'une Ye. Le choix non s les convient, du zpéxov, impose d'examiner ce que réclame la nature et d'en suivre les disectives enfreindre. Loin d'étre inapte à l'action, le vieillard sage est celui qui présente au contraire, par sa maitrise intellectuelle, les dispositions les plus heureuses pour le commandement politique ou militaire :

Fig. 1 > G. BONASONE ou P. FONTANA, Dessin préparatoire

pour le Symb. 73 de Bocchi, © Sotheby's,

aux affaires ; c'est comme si l'on C'est donc parler pour ne rien dire que prétendre que la vieillesse est impropre aux máts, vont et viennent grimpent matelots disait que le pilote ne fait rien sur la mer ; en effet, tandis que les à la fours. tenant le lement tranquil bien assis entre les bancs des rameurs, vident l'eau de la cale, il reste Ce * es e la n haute. et gránde t gouvernail. Il ne fait pas ce que font les jeunes, mais sa táche est autremen a Eds t é des ce expérien choses, c est 1 physique, la promptitude, l'agilité du corps qui font des grandes or loin d'étre privée de pareils avantages, la vieillesse qu'on a su prendre, la justesse des opinions qu'on soutient ;

1252 Voir ]e catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, P. 18, n° 53 (2 LXXI), ill. P. 55

402

les possede à un plus haut degré.

403

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

L'image de la poupe et du gouvernail est reprise par Cicéron dans sa correspondance (Fam., 9, 15, 3), et il

développe ailleurs (Off., 1, 23) l'idée que la vieillesse doit continuer à occuper des fonctions politiques en prodiguant des conseils précieux nés de l'expérience et de la sagesse : « Pour les vieillards, les efforts physiques

Symb. 75 Gravure: CELUI

DEVANT

QUI S'INCLINE L'UNIVERS

DOIT CÉDER AU DIVIN AMOUR

semblent devoir étre réduits, l'activité intellectuelle, augmentée au contraire. Ils doivent consacrer leurs efforts à

assister le plus possible de leur jugement et de leur prudence leurs amis, la jeunesse et surtout l'État ». La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana"? (Fig. 1), nous montre un navire voguant sur les flots, oü l'équipage s'affaire. Elle s'efforce d'étre fidéle au texte-source de Cicéron qui oppose l'agitation plurielle de l'équipage préposé à une multitude de tàches oü il peut exercer son

PAN S'ÉCROULE, VAINCU PAR AMOUR AU COURS DE LA LUTTE Pan, le plus noble des bergers, tu eus aussi, dit-on, Le dessous autrefois, en luttant contre Amour ;

énergie, à l'immobilité concentrée de celui qui tient le gouvernail. L'activité hétéroclite est montrée gráce à cinq

personnages à des altitudes et dans des attitudes trés différentes, mais qui, comme nous le fait remarquer Pierre Martin, consistent à hisser et à tendre les voiles : en haut du mát qu'ils flanquent de maniére symétrique, deux personnages en équilibre sur les cordes ou sur une échelle, renforcent la composition triangulaire qui structure l'image ; en bas, les pieds sur le pont, dos au spectateur, un troisiéme aide à tendre les cordes, tout comme un

Elles ne t'aidérent point, les cornes sur ton front moqueur, Ta barbe brillant plus que l'astre de Phébée,

5

CTanébride qui reproduit l'Olympe porteur d'astres, Ta fláte et ses sept calames irréguliers, La houlette dans ta dextre pour régir l'univers,

quatriéme qui nous fait face et dont on n'apercoit que le haut du buste, et un cinquiéme qui regarde vers la gauche. À la gauche du navire, un vieillard siege, immobile, à la poupe et son bras tendu, avec l'index pointé,

nous donne à entendre qu'il donne des ordres et dirige les opérations depuis son poste. On apercoit un large gouvernail, immergé en partie dans les flots.

Puisque le monde entier constitue ton empire.

Car si toi, un dieu si puissant, tu cédes à l'Amour,

10

Qui de nous rougira d'y céder à son tour ? Supréme victoire, quand nous vainc le vainqueur supréme! Tule prouves, supréme pére de Nature.

qu[|

MÉTRIQUE Distiques élégiaques.

NEM x

z

NorES v. 7 : la proposition infinitive dextra gestasse pedum, « le fait de porter la houlette dans la main droite » est à son tour, au prix d'une anacoluthe, l'un des multiples sujets de profuerunt, sur le méme plan donc que cornua, nebris, barba, fistula. ANALYSE Le poéme du Symbolum est ici une épigramme qui reproduit une scéne bien connue des l'Antiquité, celle du combat d'Éros contre Pan! La scene apparait plusieurs fois dans la peinture pompéienne, en particulier dans le contexte des noces de Bacchus et d'Ariane, par exemple dans l'oecus E de la maison des Vetii à Pompéi, ou

dans le Cassagietto di Bacco e Ariana à Ostie"*. Dans la Maison des Épigrammes à Pompéi (ins. V, 1, 18),

l'exédre y illustre la lutte entre les deux divinités, sous le regard d'Aphrodite, à l'avant d'une tholos, tandis qu'on

lit, sous ce pinax, deux distiques en grec, découverts en 187655, L'épigramme grecque insiste sur l'angoisse

d'Aphrodite et l'issue incertaine du combat entre d'un cóté, les forces brutales de Pan, et de l'autre, les ruses

ingénieuses d'Éros"5".

"5! Voir M. Lausberg, « Der Ringkampf zwischen Pan und Eros im antiken und im neulateinischen Epigramm » in R. Schnur (éd.), Acta

Fig. 1 > G. BONASONE ou P. FONTANA, Dessin préparatoire pour

le Syrib. 73 de Bocchi O Sotheby's.

1991, Conuentus Neo-Latini Hafniensis, Proceedings of the Eighth International Congress of Neo-Latin Studies, Copenhagen, 12 August to 17 August Tempe Arizona, 1997, p. 589-596.

:

323.

ì

es

#

p. 194 ; 5221255 Voir R. Turcan, Les Sarcophages romains à représentations dionysiaques : essai de chronologie et d'histoire religieuse, Paris 1966,

:

:

ADT

musées en vers. Epigramme 1256 CIT TV, 3407, 1 = Kaibel 1103 = Diehl 821a. L'épigramme est éditée, traduite et commentée dans E. Prioux, Petits angoissée, ne sait lequel des deux et discours sur les collections antiques, Paris, 2008, p. 32 : « Éros s'est opposé à Pan dans une lutte et Cypris, Au reste, c'est Éros : la force d'astuce. plein est l'ailé robuste, et parviendra le premier à l'emporter sur l'autre. Si Pan, de son cóté, est puissant

céde le pas ». Voir également M. Lausberg, « Der Ringkampf », p. 591.

;

-

uc ; und sein Wandbild “ Eros im Ringkampf mit 1257 Voir B, Neutsch, « Das Epigrammenzimmer in der “ Casa degli epigrammi " zu Pompeji

75 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, p. 18, n? 43 (2 LXXII), ill. p. 56.

404

Pan ” », Jahrbuch des deutschen archáologischen Instituts, 70, 1955, p. 155-184, en particulier p. 176 ; E. Prioux, Petits musées en vers, p. 31-38 et 44-48.

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

À la Renaissance, une épigramme d'Ercole Strozzi en six distiques (Strozzii poetae pater et filius, Venise, 1513,

constat paradoxal : la défaite de Pan n'en est pas une (v. 11-12) : c'est au contraire une réelle victoire. Cette

symétrie, d'oppositions et d'attente. Aprés la décision d'engager l'affrontement (v. 1-2 : Pan, et Amor quondam

Le dernier vers permet de comprendre cette anomalie : c'est que cette défaite ne se solde pas par la mort, mais

pedum). Aprés l'onction d'huile (v. 5-6: Tum liquido exutos artus perfundit oliuo/ Cecropiaeque modum seruat

L'utilisation de la lutte fameuse entre Pan et Amour par Bocchi constitue une des manifestations de ce que E. Garin appelle la tendance cosmique d'un épicurisme diffus qui se fait jour à la Renaissance, représentée en

p. 83r), éditée par Marion Lausberg^5, s'empare du sujet avec beaucoup de virtuosité, ménageant les effets de

antinomie

est d'ailleurs soulignée par le polyptote

(summo, summa)

et par la dérivation (uictore, uinci, uictoria).

Lucta certare uolentes/ Deponunt calamos ille, uel ille sacros), Strozzi procede à la revue comparée des armes et attributs des deux protagonistes (v. 3-4 : Hic onus alarum, uillosae Nebridos ille,/ Proijicit hic arcus, proijicit ille

par la vie et la perpétuation de la nature (naturae... parens, avec natura qui fait référence au passif natus, « qui est né », et parens, qui fait référence à l'actif pario, « engendrer » ).

uterque Pales), le combat s'engage, à l'exa& centre du texte, entre le puissant Pan et l'habile Éros (v. 7-8 : Conseruere manus totis conatibus ambo,/ Robore Pan fidens, dexteritate Puer). La lutte est violente mais incertaine

particulier par le Zodiacum uitae de Palingéne ou les Hymni naturales de Marulle"**, Cette tendance célébre la

(v. 9-10; Aspera pugna fuit, primisque assultibus anceps,/ Nunc Pana aiebant uincere, nunc puerum), jusqu'à ce qu 'Éros saisisse son rival par les cornes et finisse par l'abattre (v. 11-12 : At demum elato prensauit cornua saltu,/

Panaque qui uincit omnia, uicit Amor).

C'est une scholie de Servius à Virgile (Buc. 2, 31; voir apparat des sources) qui livre la clé du combat en

expliquant qu'il faut relier l'épisode à la formule virgilienne Amor omnia

uincit (Buc., 10, 69), et le lire de

maniere allégorique, en relation avec un jeu d'homophonie sur le nom de Pan en grec, qui veut dire « tout » : le Tout, c'es la Nature ou l'Univers. L'interprétation est reprise par Bocchi au vers 8 (Nempé tuum est mundi totius imperium). Comme le rappelle Evelyne Prioux, le motif est humoristique : comment Pan, dieu de la lubricité, pourrait-il lutter contre l'amour ? On ajoutera que le motif est en outre paradoxal et joue de la personnification d'Éros en puer: comment le Tout pourrait-il succomber à un petit bambin muni d'ailes? L'interprétation allégorique permet de lever les incongruités : le combat doit étre interprété comme la nature vaincue par la force universelle de l'amour, qui lui permet de se régénérer et de se reproduire à l'infini. Cette interprétation sera reprise par tous les mythographes, de Boccace à Gyraldi, qui paraphrasent longuement Servius. L'épigramme de Bocchi, qui veut probablement rivaliser avec celle de Strozzi (elle comprend le méme nombre de distiques), adopte une configuration totalement différente. Le titulus de la gravure (Omnia cui cedunt, diuino

cedat amori) annonce clairement la référence à Virgile (Buc., 10, 69) et donc implicitement à Servius, tandis que le titulus de l'épigramme livre l'issue de la lutte de maniere quasi visuelle, sous la forme d'une chute (Pan uictus a Cupidine in lucta cadit) : on notera le jeu de paronymie cedat/cadit. De plus, le premier distique du poéme, en guise d'introduction, reprend d'emblée le motif de la défaite de Pan (Te... sucubuisse ferunt, v. 1-2), là oü Strozzi en différait l'énonciation jusqu'à la fin de la piéce.

uoluptas comme le fondement de l'harmonie divine du monde et elle prend sa source dans l'amor universalis tel que l'avait défini Marsile Ficin dans le Commentaire au Banquet de Platon, c'est-à-dire une attraction réciproque entre toutes les parties du monde, qui assure une cohésion universelle""*, Intégrant une trés forte dimension religieuse, et chrétienne en particulier, cette tendance avait été initiée par le De Voluptate de Lorenzo Valla, mais

aussi par Francesco Filelfo et Andrea Navagero, et on la retrouve avec L'Épicurien d'Érasme : la vraie uoluptas est celle de la contemplation de Dieu et des jouissances du paradis. Les Symbola 78 et 79 de Bocchi, sur le rapt

de Ganyméde, en montrent un bel exemple. L'amour divin qui triomphe de Pan dans notre embléme ne signifie pas seulement qu'une forme d'amour supérieur et sublimé (celui de la philosophie ou de Dieu) triomphe des forces brutales et indomptables de la nature, mais également que toute la nature, y compris dans ses fonctions les plus basses, est soumise au plan de Dieu et participe à la beauté divine : ce pouvoir universel rappelle celui que chante Lucréce, dans l'éloge de Vénus qui ouvre le De Natura rerum. Alciat lui-méme avait expliqué que le corps biforme de Pan décrit la nature duelle de l'humanité, à la fois àme et corps, vertu et sexualité débridée. Mais méme la sexualité permet de

participer à une forme d'immortalité"*!', comme le rappelle le discours de Diotime"*".

La gravure nous montre le triomphe de Cupidon sur Pan, dans un paysage naturel et rocheux qui rappelle l'Arcadie. Le petit dieu est assis à califourchon sur Pan dont il a saisi les cornes. Pan, les pattes encore en l'air sous l'effet de la chute, léve un bras impuissant. Sur le cóté droit, on apercoit un promontoire rocheux trés

escarpé, de forme pyramidale, surmonté par un arbre, peut-étre un pin, plante favorite de Pan. Les tétes de Pan et de Cupidon viennent s'inscrire sur la ligne de force qui marque le cóté gauche de la colline, si bien qu'on a l'impression que les deux personnages viennent de tomber de toute la hauteur de l'escarpement.

Les deux distiques suivants (v. 3-8) énoncent sur le mode érudit les attributs de Pan, sans évoquer en parallele

ceux d'Éros comme le faisait Strozzi, mais en soulignant l'infériorité (nec tibi profuerunt) de ceux du dieu

d'Arcadie : cornes, barbe, nébride, flùte, pedum. Bocchi se référe sans doute, à la suite de Servius, lui-méme imité

par Boccace et Gyraldi (voir apparat des sources), à la division cosmologique de l'apparence de Pan qui concilie

les éléments sublunaires de l'univers, représentés par le bas du corps caprin, aux réalités supra-lunaires,

symbolisées par la forme humaine du haut de son corps : Pars eius inferior hispida est propter arbores, uirgultas, feras ; caprinos pedes habet ut ostendat terrae soliditatem [ ... ] Rubet eius facies ad aetheris imitationem (SERV., Buc., 2, 31, cité par GYRALDI, De Deis... Syntagmata, éd. citée, p. 383). Ainsi, les traits physiques du dieu ou certains

de ses attributs sont interprétés de maniére symbolique comme telle ou telle réalité cosmique : les cornes pour la lune et le soleil ; la barbe comme transmission de l'élément air et de l'élément feu, issus de l'éther, au reste de l'organisme; la nébride comme image de la sphére des astres fixes (astriferum. Olympum) ; la syrinx pour l'harmonie distincte des sphéres ; le pedum comme báton de commandement universel, et non comme symbole de l'année qui se retourne sur elle-méme, comme chez Servius et les mythographes (pour les références, voir

apparat des sources, v. 3-8) .

Les deux derniers distiques constituent une sorte de point d'orgue virgilien qui développe le distique d'ouverture : si Pan, la puissance de l'univers tout entier (tantum numen), est vaincu par Amour, pourquoi rougir de l'étre à son tour (v. 9-10) ? À l'instar de Virgile, Bocchi invite également le monde à céder à l'amour :

personne ne doit donc résister à l'amour. Le texte épigrammatique se conclut sur une pointe en forme de 1258 M. Lausberg, « Der Ringkampf », p. 589, avec la traduction en allemand, P. 592-593.

406

Florence, 1979, p. 72-92, en EN Eugenio Garin, « Ricerche sull'epicureismo del Quattrocento », in Id., La cultura filosofica del Rinascimento, particulier p. 82. "9 FICIN, De Amore, 3, 2-3. 75!

celsa uerticis arce sedet. AL CIAT, Emblemata, « Natura », 3-6 : Est uir pube tenus, quod nobis insita uirtus / Corde oriens,

/ Hinc caper est, quia

du cceur pour prendre nos natura in secla propagat / Concubitu ... « Il est homme jusqu'aux parties génitales, car la vertu qui est en nous nait en siécle gràce à siécle de perpétue nous nature la car place dans la haute citadelle de la téte. Pour le reste du corps, il est chévre

l'accouplement ». le peut, à se donner perpétuité, immortalité. Or elle le peut "9 PL. Conu., 207d-208e : « [... ] la nature mortelle cherche, dans la mesure oà elle qui est un autre étre. 1 par ce moyen, par la génération, vu que celle-ci, à la place de l'étre ancien, en laisse toujours un nouveau, seulement qui est divin, par l'identité absolue d'une existence C'est de cette facon, sache-le, qu'est préservé tout ce qui est mortel ; non point, comme ce du nouveau, pareil à ce qu'il était ». chose, autre lui &ternelle, mais par le fait que ce qui s'en va, ruiné par son ancienneté, laisse aprés

407

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

En attendant, il nous faut nous souvenir de ce symbole de Pythagore, « s'asseoir avant pour adorer ». C'est pourquoi, protégés par l'enceinte de la plus solide force d'àme, nous devons prendre patience et ne pas douter que nous obtiendrons de la part de notre excellent prince tous les biens les plus excellents.

Symb. 76 Gravure :

IL FAUT QUE, CHEZ LES HOMMES

D'EXCELLENCE, L'ÀME S'ENTOURE DE LA MURAILLE DE SA FORCE

ANALYSE

La premiére épigramme nous présente l'exemple curieux d'un augure (Phoebeius augur, v. 1), assis sur une base

Sur l'image :

carrée (quadrato sedet...

— Il faut s'asseoir avant d'adorer

optima, v. 2), et qui finit par avoir gain de cause (consequitur) en ne changeant pas d'avis (finem respicit unum, v. 3; durandum, v. 6), preuve de sa constance (v. 4), de sa force et de sa grandeur d'áme (alti robore firmo animi, v. 6). C'est la gravure (voir infra) qui nous renvoie à la source qui a inspiré ces lignes : il s'agit d'un adage

- Pythagore

L'HOMME

D'EXCELLENCE DOIT DÉSIRER L'EXCELLENCE

d'Érasme (1, 2, 2 : Ka6fjo8at xpookvvrjcovtac, « s'asseoir avant d'adorer » ou « s'asseoir pour adorer », qui fait

partie du grand ensemble du début de l'ouvrage qui élucide les symboles de Pythagore (voir apparat des sources) :

Le devin de Phébus siége sur un socle carré : Il formule d'excellents vceux et les obtient.

Pourquoi les obtient-il ? Car il ne vise qu'un seul but, 5

La formule « Il faut s'asseoir avant d'adorer les dieux » signifie qu'il faut formuler des vceux fermes et qu'il faut persévérer dans ceux qui sont les plus louables. Plutarque attribue ce propos à Numa, sauf que nous lisons dans l'édition aldine zpooxvvrjcavrac et non zpooxvvijcovzac, et il ajoute que cela signifiait à peu prés que les voeux faits par l'augure aux dieux seraient réfléchis et assurés. Il précise que certains voyaient dans cette immobilité la

Et recherche, constant, ce qu'il a décidé. Chacun doit donc aux dieux demander des biens excellents

Et s'y tenir par la vigueur d'une grande áme.

séparation entre les actions, comme si ceux qui mettaient un terme à une premiere action, en s'asseyant auprés

des dieux, réclamaient en méme temps d'eux les auspices favorables à une seconde action. Certains sousentendaient un autre sens, selon lequel ceux qui accomplissent des actes religieux ne doivent pas le faire en passant, en pensant à autre chose, mais avec l'esprit disponible et concentré tout entier sur le rituel divin. D'oà l'attitude identique rapportée par Plutarque : chaque fois qu'un pontife s'apprétait à prendre les augures ou à effectuer d'autres actes religieux, les hérauts criaient : « Concentre-toi"* ! », Par ces mots, on lui rappelait que si

j LA PLUS SOTTE DES PRIÈRES : LES MÉCHANTS HONORENT DIEU SEULEMENT POUR L'ARGENT Des biens en soi désirables et immortels,

Il es juste de « jouir ». De ceux

on accomplit un acte religieux, il faut le faire avec révérence et attention.

Qui servent un autre but, nous « usons » plutót :

Érasme insiste sur un point "55, c'est-à-dire le zpooxvvrjcovrac marquant le but, ce qui change la solutions sont possibles et c'est

Il faut « user » des biens ponctuels, s

Afnde « jouir » des éternels : or les méchants

À contre-temps, de l'argent veulent

« Jouir », comme de Dieu. D'ailleurs, ils vénérent Dieu

Apolo, ms Di14s d'endurcissement :

inf,

f22v^),



la formule

(14, 5-6, voir apparat des

comme sources). Numa Pompilius, second roi de Rome et successeur de Romulus, est présenté par la tradition

un personnage trés religieux :

MÉTRIQUE - carm. 1 : distiques élégiaques. - carm.2: métre épodique (un hexamétre dactylique suivi d'un dimétre iambique). C'est un métre adapté pour l'invective et la critique morale (voir par exemple HOR., Epod., 6, qui se compare à Archiloque et Hipponax, illustres représentants de la poésie iambique). REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

philologique important, la legon aldine zpocxvvioavrac au lieu. de choix d'un participe aoriste marquant l'antériorité, au lieu du participe futur traduction du proverbe : « s'asseoir aprés avoir adoré ». En réalité, les deux Plutarque, paraphrasé par Érasme, qui récapitule les interprétations de

l'énigmatique formule. En effet, Érasme renvoie à un extrait de la Vie de Numa

Seulement en vue de l'argent, Et non l'argent en vue de Dieu. L'espéce humaine 10 Est donc bien sotte et répugnante !

L'embléme est cité dans l'une des Lettre de Bocchi

saxo, v.1) pour implorer les dieux de lui accorder le meilleur (uotaque concipiens

à Romolo Amaseo datée du 23 octobre 1548 (Milan, Bibl. pythagoricienne

est

associée

à l'idée

de

patience

Interea meminisse nos oportet illius symboli nostri Pythagorici Ka8ro0ai npooxvvrjcovrac. Quare firmissimo animi robore septi duremus et ab optimo principe nostra quaeque optima petere non"9 dubitemus.

et

priéres et de durée pour Pour ce qui est de s'asseoir aprés l'adoration, c'est, dit-on, un présage de fermeté pour les avoir mis un terme à aprés ainsi, : actes des séparation la est repos les bienfaits obtenus. On dit aussi que ce autre. Ce détail peut d'une début le d'eux obtenir pour dieux l'action précédente, les fidéles s'assoient auprés des voir infra ], que le législateur voulait aussi se rapporter à notre observation déjà énoncée [c£. PLVT., Num., 14, 2,

et à la háte mais lorsque nous nous habituer à ne pas traiter avec la divinité incidemment, en faisant autre chose avons le temps et le loisir.

assis, es Trois interprétations sont retenues par Plutarque, qui tournent autour du fait qu'étre

à A fois étre

s immobiliser ehiee stable (dans ses priéres pour le fidéle, dans les récompenses pour la divinité qui les accorde),

l'on fait. beputbeipe aoriste deux actions pour bien les séparer, ou encore prendre le temps de penser à ce que

déjà sur la seconde, l'acte de s'asseoir insiste sur la fin de la premiere action, alors que le participe futur anticipe plutót qu'à l'autre. étant en suspension entre ces deux temporalités, sans appartenir à l'une

sprit»,«p », « penser à aussi i « retourner dans son esprit igni Maisi le verbe agere signifie "5 Mot à mot : « faisi cela », avec un sens purement factuel de agere.

dex.

408

quelque chose ». Giunta en 1517, suivie par Aldeà 1265 La bremiére édition des Vies paralléles avait été réalisée à Florence par Philippe

Venise en 1519.

409

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

On notera que c'est la premiere interprétation qui inspire à Bocchi la mention de la base carrée, comme symbole de constance dans les voeux religieux. Le matériau méme du cube, la pierre (saxo), anticipe sur la

Bocchi reprend les définitions augustiniennes en précisant que le terme frui ne peut s'appliquer qu'à des choses

opposer le cube, attribut du dieu Mercure, symbole de constance, de prudence et de vertu, à la sphére de la Fortune, par exemple dans l'embléme d'Alciat, Ars naturam adiuuans. De méme l'image du Symb. 11 de Bocchi nous montre une Prudence assise sur un parallélépipéde rectangle avec les mots : semper eadern, tandis que, dans le Symb. 127, la base carrée de la gravure porte la mention : uirtuti merito sedes quadrata dicatur. Mais Érasme renvoie également dans son adage à un passage qui se situe un peu plus haut (Num., 14, 2, voir apparat des sources), oà Plutarque fait explicitement la comparaison avec un précepte pythagoricien identique :

revient à user de Dieu pour jouir de l'argent. Cette incompatibilité conceptuelle est le fait à la fois de la folie, stultitia, et du sacrilége, taeter. Bocchi reprend à son compte le propos d'Érasme, qui se fonde lui-méme à la fois sur la tradition stoicienne des adiaphora et sur Matthieu et Luc"**, pour dénoncer l'attachement aux valeurs

« préférables en elles-mémes, immortelles ou éternelles » (expetendis per se; immortalibus ; aeternis), le terme uti, à des choses « périssables » (temporariis). Pour Bocchi comme pour Augustin, prier Dieu pour l'argent

métaphore du bois de chéne, trés dur, pour désigner la force d'àme (robore animi). L'emblématique se plait à

périssables, comme l'argent, la santé et autres objets de la « vie charnelle ». Les termes stultissima, stultissimum,

employés par Bocchi, renvoient plus largement à l'Éloge de la Folie et à son systéme d'inversion des valeurs.

De méme que, dit-on, les Pythagoriciens ne permettaient pas que l'on adore les dieux ou qu'on leur fasse des

priéres en passant, mais exigeaient qu'on sorte de chez soi exprés dans ce but, en se préparant mentalement, de

méme Numa croyait que les citoyens ne devaient rien entendre ou voir des choses divines accessoirement et sans s'y intéresser; il leur fallait au contraire s'abstenir de toute autre occupation

cérémonies du culte comme au plus grand acte de la vie. Il voulait qu'on fit tous les bruits qui accompagnent les travaux indispensables et manuels, souiller la majesté du service divin. Il reste encore maintenant une trace de l'observation des présages, ou à un sacrifice, on crie : Hoc age ! c'est-à-dire présents à l'attention et à l'ordre.

et attacher leur pensée

aux

tréve au fracas, au cliquetis, aux cris, à et qu'ainsi rien ne vint dans les rues ce souci ; quand un magistrat vaque à : « Fais-cela ! », ce qui invite les gens

Valeriano affirme de son cóté que, malgré l'attribution du proverbe à Numa, il s'agit cependant bien d'un symbole de Pythagore (cf. Hieroglyphica, 6, p. 46C, « Cynocephalus » : Sed enim Pythagoras proprio dogmate adoraturos sedere iubet, quamuis Plutarchus usurpatum a Numa dicit, ut hinc colligamus, uota rata firmaque esse debere). Bocchi prend soin de ne pas trancher, renvoyant à la fois à l'augure et à Pythagore dans l'image.

Fig. 1 L. CRANACH, illustration pour le Passional Christi et Antichristi, Wittenberg, 1521.

La seconde épigramme illustre la premiére en donnant l'exemple de uota qui ne seraient pas optima, c'est-à-dire les fausses priéres. Elle dénonce la confusion entre frui et uti, vilipendée par saint Augustin ( Ciu. Dei, 11, 25, voir

Il nous semble toutefois que l'intérét de cet embléme est ailleurs, et qu'il convient de le rattacher à l'actualité religieuse. Le propos des deux épigrammes met en effet deux éléments particuliérement en relief : l'immobilité est la seule attitude valable dans tout acte religieux et en particulier la prière ; comme signe d'une réflexion intérieure profonde et d'une concentration intense, elle permet en fait de ne pas accomplir de priéres aberrantes

apparat des sources) :

Je n'ignore pas que le fruit est proprement le fait de celui qui a la fruition, et l'usage, le fait de celui qui use, ni que la différence entre les deux me semble étre qu'on dit que nous jouissons d'une chose si elle nous délecte en elle-

oü les valeurs seraient confondues. Parallélement à l'exaltation du silence, célébrer l'immobilité du corps, dans

une perspective religieuse réformiste, revient à contester radicalement tous les cérémoniaux fixés de maniére rigide par le clergé catholique et imposant de s'incliner, par exemple, devant les représentations de saints et autres objets sacrés. Car il faut bien avouer que, dans le symbole pythagoricien, le terme zpocxvvijcovrac indique certes la priére, l'acte de s'adresser à Dieu (adoraturi sedeant), mais renvoie aussi plus particuliérement à

méme, sans qu'il faille la rapporter à un autre but, et que nous usons d'une chose si nous la recherchons en vue

d'un autre but : par conséquent, il faut davantage user des biens temporels qu'en jouir, afin de mériter de jouir des

éternels;

ce n'est pas comme

ces étres pervers qui veulent jouir de l'argent, mais

dépensent pas l'argent en vue de Dieu, mais honorent Dieu en vue de l'argent.

user de Dieu;

car ils ne

toutes les formes

Dans les chapitres 3, 4 et 5 du De Doctrina Christiana, publié en 397, Augustin avait déjà abordé la question ^^,

410

de respect,

pied de Paul III à Rome sur un bas-relief anonyme en stuc datant de 1538 et conservé à la Casa Crivelli de Rome, ou celle, caricaturale, proposée par une des gravures de Cranach pour le Passional Christi und Antichristi

publié Wittenberg en 1521 (Fig. 1).

Érasme, Paris, 1992, p. "55 A Godin (trad.) : ÉRASME, Manuel du soldat chrétien, dans C. Blum, A. Godin, J.-C. Margolin, D. Ménager (éd.),

2, $2,187 ; Off. 3, 33, 118)"9,

P. 635-642, qui réfute l'hypothése d'un intermédiaire varronien.

et autres marques

comme le baiser, que l'on adopte en présence d'objets rituels ou à certains moments du cérémonial de la messe, en particulier en présence du pape. On aura à la mémoire l'image de Charles Quint s'agenouillant et baisant le

en expliquant qu'on ne peut « user » que des biens matériels, périssables, car ils ne sont qu'un moyen pour accéder à ce qui est éternel. Par contre, on « jouit » du Pére, du Fils et du Saint-Esprit réunis dans la Trinité, car ils sont éternels et fin en soi. Prier Dieu pour avoir de l'argent, plus qu'un abus de langage (abusio), est un véritable sacrilége et une inversion perverse des valeurs. J.-M. Fontanier a montré que cette distinction entre frui et uti avait sans doute été inspirée à Augustin par ses lectures cicéroniennes de jeunesse : Cicéron rattache frui au summum bonum, c'est-à-dire à l'honestum (Fin., 2, 27, 88 ; Tusc., s, 23, 67), qui doit étre recherché pour luiméme, tandis qu'uti doit étre rattaché à l' utile, c'est-à-dire à ce qui sert d'instrument en vue d'autre chose (Inu.,

"5 Voir également les Diuersae quaestiones, 30. 1267 Voir J. M. Fontanier, « Sur l'analogie augustinienne honestum/utile / / 'frui/uti », Revue des sciences

de proskynése?* c'est-à-dire les génuflexions, révérences

prix et qui la tiennent pour le becguis principal de la vie, $65 : « Ceux qui, d'un zèle immense, recherchent la fortune comme chose d'un grand ceux-là se sont forgés assurément une multitude perdue, est elle si qui s'estiment heureux si elle est saine et sauve, qui se proclament misérables Matth., 6 24: « Nol ne peut servir deux VVLG., Voir ». Christ du l'égal fais en tu malheureux, ou heureux de dieux. Si l'argent peut te rendre servir Dieu et l'Argent. » Voir aussi pouvez ne Vous l'autre. méprisera et l'un à s'attachera il ou l'autre, aimera et l'un haira maítres : ou il

2

philosophi

sud

t théologi

HE

8

4 DAR

2000

:

VVLG., Luc., 16, 13. », Dumbarton Oaks 7? Pour les origines médiévales de ce phénomeéne, voir E. Kitzinger, « The Cult of Images in the Age before Iconoclasm

Papers, 8, 1954, p. 83-150, ici p. 94-99.

411

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Cette confusion du charnel et du spirituel, bien exploitée par les catholiques à des fins pédagogiques, par

exemple dans la politique des images'", est rigoureusement contestée par la pensée réformée'"" et il est

possible que, dans cet embléme, Bocchi se serve du symbole pythagoricien pour condamner à son tour, en recommandant l'immobilité totale, ces manifestations extérieures d'une piété charnelle qui visiblement ne font qu inciter les stulti à une confusion des valeurs frisant l'idólatrie. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana", montre l'augur Phoebeius, évoqué par la premiére épigramme. Il est muni du fameux lituus, le báton à la crosse

Symb. 77 Gravure :

À L'ÉVÉQUE LODOVICO BECADELLI QUI AIME SERA AIMÉ

caractéristique, dont il se sert pour délimiter l'espace sacré dans le ciel, le templum, surface fictive oü s'effectuent

l'observation et l'interprétation des vols d'oiseaux. Il est assis sur une base carrée portant en grec le symbole pythagoricien Ka0je0at xpockvvrjcovrag et ses mains jointes laissent entendre qu'il effectue une prière. L'étendue d'eau qui se détache en arriére-plan et sur laquelle on peut distinguer un bateau, semble répondre au

QUI SE VAINC LUI-MÉME VAINC FACILEMENT L'UNIVERS L'AMOUR EST L'ORIGINE ET LA FIN DES BIENS

cube du premier plan, selon une opposition traditionnelle entre Vertu (ici de constance) et Fortune, dont on

sait que l'attribut peut étre un navire. Le personnage de droite, identifié explicitement par le nom de Pythagore inscrit à ses pieds, désigne l'augure de la main droite, geste déictique qui permet de traduire iconographiquement que le Samien est le pére du précepte inscrit sur le cube, qui modele l'attitude de l'augure.

- Des réunions, rassemblements et entretiens humains Le feu dévorant fut, au début, la raison.

- Mais le feu dévorant détruit toute chose. Pourquoi ?

Parce qu'il est à la fois l'origine et la fin ?

$

-L'amour est un feu qui détruit et nourrit l'univers ;

Son propre feu vainc celui qui vainc l'univers. Qui donc apprendra à se vaincre lui-méme, vaincra Le reste ; on aimera qui voudra bien aimer.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. NOTES

- ded. LVDOVICO

BECATELLO

EPIS] Lodovico Beccadelli, né à Bologne en 1501 et mort à Prato

en 1572"7?, humaniste, diplomate et homme d'église, fit ses études à Bologne et à Padoue, en montrant rapidement de l'intérét pour la culture classique. Il fut l'ami de nombreuses personnalités religieuses et littéraires du xvr' siecle italien, avec lesquels il entretint une trés abondante correspondance, en particulier de Giovanni Della Casa, Pietro Bembo, Alvise Priuli, Marcello Cervini (le pape Marcel II, élu en 1555), Michel-

"7 Voir G. Scavizzi, « La teologia cattolica e le immagini durante il XVI secolo, Storia dell'Arte, 21, 1974, p. 183-184 : « La paura della coscienza

individuale, che poteva portare l'individuo a sfuggire al controllo per lunghi secoli esercitato del clero, spingeva a rafforzare l'esteriorità del

culto come strumento di sottomissione publica e collettiva al fine di aumentare il meccanismi del controllo e dare la possibilità di stabilire

l'errora in forma quasi visiva. [...] Per questi raggione i trattati insitono sur argumenti come [...] l'aspetto giuridico dell sottomissione

all'immagine o alla statua, con il frequente paragone, di origine medicevale, tra il culto dell'imagine sacra e il culto della statua dell'imperatore

presso i pagani. Vi é poi tutto il cerimoniale del culto esterno — genuflessioni, ecc.-, che i trattasti e gli stessi decreti del tempo discutono con

grande serietà ». Pour les débats sur les images à la Renaissance, voir la synthése de F. Lecercle, « Róle de l'image » dans E. Kushner (dir.), L'Époque de la Renaissance, t. III : Maturations et mutations (1520-1 560), Amsterdam/ Philadelphie, 2011, p. 142-154. Voir également G. Scavizzi, The Controversy on Images from Calvin to Baronius, Berne, 1992 ; S. Michalski, The Reformation and the Visual Arts. The Protestant Image Question in Western and Eastern Europe, Londres/New York, 1993, qui montre que parfois, l'iconoclasme est une frontiere qui sépare des

clans confessionnels au sein méme de la réforme (par exemple Luthériens et Calvinistes ), et n'oppose pas seulement les protestants aux iconolátres catholiques . "7 Les conclusions de Zwingli et Carlostadio sont identiques lorsqu'e n 1520, ils déclarent que l'essence de la vraie prière est d'adorer Dieu dans le silence et l'immobilité. Cf. G. Scavizzi, « La teologia cattolic a.. ‘1 P: 179, qui rappelle que, dans son traité Disputatio de cultu et

putes

Imaginum; Rome, 1552, p. 135, A. Catarino condamne comme hérétiqu es les propos suivants de Jacques Sadolet

: Iam ut animus sit a ne superstitione purus, tamen non daret superstitionis specie orantem ad ligneum simulacr um procumbere, in hoc intentos habere oculos, ad hoc uerba facere, neciorare pross absque Imagine. « À supposer à présent que l'esprit soit indemne de toute superstition, en revanche il montre bien

si siperdtition celui qui prie en s'allongeant devant une statue de bois, dirige vers elle ses regards, lui adresse la parole, bref, ne prie jamais trés loin d'une

image. » 127 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 18, n° 44 (7 LXXIIII)

412

b

Ange, mais surtout Gaspare Contarini (1509-1580), Giovanni Morone (1483-1542) et Reginald Pole (15001559, dont il fut successivement le secrétaire, s'ouvrant ainsi à l'influence d'un groupe de cardinaux favorable à la réforme interne de l'église catholique, sous l'impulsion de Paul III et du programme intitulé De emendanda Ecclesia, initié en 1536 et officialisé en 1537. Il rédigea d'ailleurs une biographie de Contarini et de Pole, outre

celle de Pétrarque et de Bembo'?*, Aux cótés de Contarini et de Morone, il se rend en 1541 à la Diéte de Ratisbonne qui vise à ouvrir des négociations entre catholiques et protestants "^. II fut secrétaire du Concile de Trente en 1545, évéque de Ravello à partir de 1549, nonce papal de Paul III à Venise entre 1550 et 1554,

archevéque de Raguse (en Dalmatie, aujourd'hui Dubrovnik) en 1555, et jusqu'en 1564. Il prend encore part au 273 Voir G. Alberigo, « Becadelli, Ludovico », in DBI, t. VII, p. 407-413 ; G. Fragnito, Memoria individuale et costruzione biografica. Beccadelli, della Casa, Vettori alle origini di un mito, Urbino, 1978 ; Ead., « Per lo studio dell'epistolografia volgare del Cinquecento : le lettere di Ludovico Beccadelli », Bibliotheque d'Humanisme et Renaissance, 43, 1981, p. 61-87 ; P. Dalipagic, Un archevéque italien à Raguse (Dubrovnik). La correspondance de Ludovico Beccadelli (1555-1560). Thése de doctorat sous la direction d'André Rochon, Université Paris 3, sontenus eni 988: E. G. Gleason, Gasparo Contarini: Venice, Rome, and Reform. Berkeley, University of California Press, 1993, passim ; R. Baier, x Beccadelli Lodovico », in Biographisch-Bibliographisches Kirchen Lexikon, t. XXII, 2003, p. 81-83. On pourra se reporter anriped à la bibliographie sur

Reginald Pole que nous proposons dans notre étude du Symb. 79. Sur l'oeuvre de Beccadelli, voir Monumenti di varia letteratura, Tome I, partie 1.2-tome II, Tratti dai manoscritti di Ludovico Beccadelli, Bologna, Istituto per le Scienze, 1797-1804.

77^ Voir M.-F. Viallon (éd.) : L. BECCADELLI, Vite del Bembo, del Contarini, del Petrarca e del Polo, Paris, 1980.

1275 Sur l'analyse des ces événements, voir M.-F. Viallon-Schoneveld, « L'échec des prélats érasmiens et la biographie » dans Gérard Gros (dir.), La Bible et ses raisons : diffusion et distorsions du discours religieux (xiv*- xvir siécles), Saint-Etienne, 1996, p. 97-112.

413

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

a été Concile de Trente entre 1561 et 1563. Le titre d'évéque que lui confére Bocchi montre que l'embléme à Beccadelli de de la Woifiinddon dédicacé sinon rédigé aprés 1549, et avant septembre 1555, date officielle

Raguse. C'est le moment où Beccadelli est nonce apostolique à Venise et, outre ses Minn GRTHURE et juriditionnelles, se charge de traduire quelques nouellae de Justinien, qui seront publiées en 1550 à Bàle. On notera que Reginal Pole se voit attribuer un embléme un peu plus loin, le Symb. 79. -v.2: ignis edax] Sur cette iunctura, cf. VERG., Aen., 2, 758 ; Ov., Met., 9, 202 ; 14, 541.

ANALYSE

L'épigramme, sous la forme d'un dialogue, se présente comme une évocation du feu dans ses multiples acceptions, concrétes et métaphoriques, et se fonde à la fois sur le paradoxe et l'analogie.

La premiere partie, sous la forme de deux distiques, s'interroge sur un paradoxe. Le feu est, dés l'origine

(principio), un instrument de vie, qui permet de rassembler les hommes et d'assurer l'unité et la cohésion sociale, en les obligeant à partager décision (concilii), nourriture (conuictus) et parole (colloquiorum) — les trois

mots commencent par le méme préfixe cum-, qui indique une action partagée. Nous avons déjà évoqué au

Symb. s0 cet « primitivisme dur » décrit par E. Panofsky'", qui s'en sert pour désigner les débuts difficiles de l'humanité, confrontée à une nature ingrate et hostile qui l'oblige à développer art et ingéniosité pour survivre. Cette vision plonge ses racines dans les descriptions données par Lucréce sur les origines de la race humaine (s, 1011-1104), qui ont inspiré Vitruve (De architectura, 2, 1), puis Boccace (Genalogia deorum, 12, 70) à la Renaissance, et oü s'associent de maniere serrée, et selon un schéma quasi immuable!’””, la découverte du feu,

l'invention du langage et l'art architectural (voir infra l'analyse de la gravure). Mais le poéme emblématique nous présente également le feu comme un principe destructeur qui ravage tout autour de lui, y compris le monde lui-méme, comme le veulent les théories stoiciennes sur l'embrasement final de l'univers (ekpyrósis). Il est donc à la fois (idem ; simul) origine (finis) et fin (principium), comme le Créateur du début de l' Apocalypse de

la gravure : amabitur quis amauerit). Loin d'aboutir à la destruction universelle et à l'autoconsomption, l'Amour est donc un processus de régénérescence, pourvu qu'il ne reste pas ciblé sur lui-méme. Ce texte, qui souligne les conséquences diplomatiques et sociales de l'Amour, montre qu'il s'agit ici de l'amour chrétien par excellence, c'est-à-dire la Caritas, ce que confirme l'étude de l'image. Bocchi entend probablement célébrer chez son dédicataire les qualités de conciliation et de générosité dont il doit inévitablement faire preuve lors de son sacerdoce. La gravure, quelque peu énigmatique, superpose deux plans allégoriques. Dans la partie supérieure, une Charité, sous les traits traditionnels d'une jeune femme à la poitrine opulente, portant deux nourrissons joufflus, est assise sur un bücher enflammé et montre les propriétés de l'ignis edax, mentionnées par l'épigramme. Flle se découpe sur la surface d'un immense soleil blanc, dont les multiples rayons ponctuent le disque de traits noirs. De sa main gauche, elle tend vers le bas une torche allumée, dont la flamme, outrepassant les limites de la surface circulaire du soleil, se propage dans la partie inférieure de l'image, guidant l'ceil dans cette direction. Autour du disque solaire, se répartissent quatre tétes de putti soufflant par la bouche. Ce sont les vents divins qui activent la combustion du bücher et de la flamme de la torche. La partie inférieure de l'image se présente comme une campagne coupée en deux parties symétriques par un chemin qui conduit à un temple rond. À droite de l'image, un bois d'arbres denses prend feu au contact de la torche de la Charité et d'immenses flammes s'élevent vers le ciel. À gauche, une foule mélée, qui se presse sur le

bord du tableau, observe la scéne : à sa téte, un personnage vétu d'un long manteau qui lui couvre la téte mais lui

dénude la poitrine et le ventre, ouvre les deux bras en signe d'étonnement. Derriére lui, un homme barbu le regarde, en levant également un bras vers l'incendie, tandis qu'un autre, la téte couverte d'un turban pyramidal,

fait face au spectateur, qu'il regarde. On distingue à peine la téte d'un quatriéme individu. Que signifie cette scene ?

Jean, comme le Christ lui-méme, selon saint Ambroise dans son Commentaire à 1 '"Évangile de Jean (voir apparat

Pour la comprendre, il nous semble nécessaire de passer par deux passages du livre 5 de Lucréce évoqué plus haut (voir aussi apparat des sources), qui souligne le róle essentiel du feu dans le développement de la civilisation humaine. Lucréce insiste sur le fait qu'à l'instar des huttes ou des peaux de bétes pour se couvrir,

une question.

c'est avec le feu que genus humanum primum mollescere coepit (LVCR., 5, 1014), « le genre humain commenza,

des sources au v. 4). Ce paradoxe suscite l'interrogation (quid ergo ?) et la premiére partie s'achéve au v. 4 sur La deuxiéme partie se présente sous la forme d'une analogie: l'Amour est comme un feu: on peut donc transposer les propriétés du second au premier (Amor est ignis). Ce parallele était déjà suggéré par le second titulus de l'épigramme (finis principiumque amor bonorum est). C'est pourquoi, dans le troisiéme distique, le

pour la premiére fois, à s'attendrir ». Ce progrés matériel, permis en particulier par le feu (v.1015-1016), s'accompagne en effet du développement des sentiments entre les étres, qu'il s'agisse du mariage (v. 1012), de

l'amitié (v. 1019), de l'affection filiale (v. 1017-1018). Un peu plus loin, Lucréce revient plus longuement

second locuteur réactive le paradoxe initial concernant le feu par le binóme destruction vs nutrition (corrumpens

encore sur la découverte du feu et ses conséquences matérielles et institutionnelles (v. 1091-1111). C'est à cette occasion qu'il se livre à la description de l'origine céleste du feu, embrasant les corps et les objets (LVCR., s,

(Omnia qui uincit, uincitur igne suo). La circularité du processus est assurée par l'usage du polyptote qui souligne

1095-1100):

omnia alenáque), mais en ajoutant une précision scientifique : aprés avoir tout ravagé, le feu s'éteint de lui-méme

le passage de l'actif au passif (uincit/uincitur), et l'identité entre le sujet passif et l'agent dans le processus d'autodestruction (ignis/igne suo). Le dernier distique, qui retourne à l'Amour, ou plutót à celui qui aime, opére un renversement des propriétés et joue sur les conséquences du mot uincere : attribué à l'Amour, il signifie propagation et multiplication (avec un jeu sur la formule virgilienne Omnia uincit amor) ; appliqué au feu, il signifie l'anéantissement. Si le feu, aprés avoir tout vaincu, se vainc lui-méme, c'est-à-dire s'autodétruit, le processus s' inverse totalement pour l'homme qui aime son prochain et engage ainsi la croissance exponentielle

de ce sentiment. L'homme qui aime doit d'abord apprendre à se vaincre lui-méme (ipsum sese... discet qui

uincere, que reprend le premier titulus de l'épigramme : ipsum qui sese uincit, facile omnia uincit), ce qui ne veut pas dire se détruire, mais simplement triompher de sa philautia, l'amour de soi-méme, pour pouvoir vaincre

ensuite tout le reste, c'est-à-dire se faire aimer des autres (amabitur quisquis amare uolet, que reprend le titulus de

1276 E. Panofsky, « Les origines de l'histoire humaine : deux cycles de tableaux par Piero di Cosimo », dans Id., Essais d'iconologie. Les thàmes

humanistes dans l'art de la Renaissance, Paris, 1967 pour la trad. francaise, p. 53-85.

777 Lucréce, dans le livre 5 du De rerum natura, décrit d'abord l'invention du langage (1028-1090), puis revient sur celle du feu (1091-1 104),

mais un peu plus haut (1011

et 1015), il avait précisé que le début de socialisation humaine, qui amene à l'amitié, à l'amour filial et aux traités

politiques puis au langage, suppose la présence du feu.

414

Multa videmus enim caelestibus insita flammis Fulgere, cum caeli donauit plaga uaporis. Et ramosa tamen cum uentis pulsa vacillans

ZEstuat in ramos incumbens arboris arbor, Exprimitur ualidis extritus uiribus ignis,

Emicat interdum flammai feruidus ardor, Mutua dum inter se rami stirpesque teruntur. Souvent, nous constatons que bien des corps, pénétrés par des flammes célestes,

S'embrasent, aprés qu'un coup de foudre leur a transmis sa chaleur.

Cependant, un arbre épais aussi, lorsqu'il s'agite, frappé par les vents, S'échauffe, en se frottant sur les branches d'un autre arbre : Un feu en jaillit, extrait par la violence des forces en action ; Parfois la clarté brülante d'une flamme se met à briller,

Pendant que les rameaux et les troncs s'entrechoquent mutuellement.

Et Lucréce de conclure (5, 1105-1107) :

415

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Inque dies magis hi uictum uitamque priorem Commutare nouis monstrabant rebus et igni,

Ingenio qui praestabant et corde uigebant.

10

Et, jour aprés jour, dans leur nourriture et leur vie d'antan,

Intervinrent des changements, gráce à la découverte récente du feu,

En suivant l'instruction des plus intelligents et des plus généreux.

Il est fort possible que Bonasone, inspiré en partie par les traités vitruviens sur la découverte du feu, mette en scéne les deux passages de Lucréce dans la partie inférieure de la gravure : il oppose d'un cóté les foréts embrasées oü le feu se propage, et de l'autre, des représentants de l'humanité primitive découvrant le phénoméne et manifestant leur stupeur : vétus de l'amictus du prétre, ou du turban que la Renaissance préte parfois aux philosophes, ils incarnent alors les individus ingenio qui praestabant et corde uigebant de Lucréce, futurs rois et chefs fondateurs de villes que leur intelligence et leur cceur distinguent des autres car ils savent expliquer et utiliser ce qui se produit sous leurs yeux. Mais la partie supérieure de l'image vient substituer au contexte lucrétien une dimension allégorique, voire religieuse : ce n'est pas ici la foudre ou le frottement naturel des arbres l'un contre l'autre qui fait naitre le feu, mais bien la Caritas christique érigée au rang de divinité universelle, et qui va permettre de fonder une société chrétienne où amabitur quis amauerit, « celui qui aime sera aimé » comme le rappelle le titulus. Or la présence du bois et l'apparition de cette caritas diuina prépare l'arrivée des deux emblémes suivants

15

REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

Une premiere dédicace au pape Léon X (le dédicataire des Lusuum libri de Bocchi, poémes de jeunesse restés manuscrits) apparait dans le manuscrit Sloane, au-dessus de la gravure. Une seconde dédicace à Roberto Maggio (voir infra) apparait au-dessus du texte. L'embléme a été probablement adressé dans un premier temps au pape,

puis, aprés sa mort (1521), dédié à Roberto Maggio, probablement en 1522, au moment oü ce dernier devient

protonotaire apostolique (pour l'importance de cette date, voir infra). Il e£ remarquable que Bocchi prenne soin, dans le dernier distique, de rappeler la chronologie, en insistant sur le nom de l'ancien dédicataire (olim... Decimo... Leoni), avant de citer le nouveau (posthac... Magio). Outre le fait qu'il n'était pas indigne pour un protonotaire apostolique de voir son nom se substituer à celui d'un pape, on peut supposer que le nom méme du pape est ici indispensable pour comprendre comment l'embléme s'insérait dans une actualité allusive. Par exemple, on a déjà formulé l'hypothése que le rapt de Ganyméde

pouvait renvoyer à la version de l'Ovide Moralisé, qui l'applique à saint Jean'’” : or Léon X était précisément un Jean de Médicis?*. On pourrait également supposer que l'enlévement de Ganymeéde a ici la signification

Symb. 78

funéraire antique qu'il avait sur les sarcophages, l'ascension de l’àme du défunt dans les sphéres célestes vers le paradis, aprés la mort (voir infra) : dédié à Maggi, il l'invite à multiplier les périodes extatiques oü l'arrachement de l'àme loin du corps, dans la priére ou la contemplation, anticipe cette échéance définitive. Notons que Bocchi met en évidence au v. 17 le terme Decimo, « dixiéme » entre la coupe penthémimeére et la coupe hephtémimére. Il serait tentant de supposer l'influence, postérieure par rapport à la rédaction initiale de l'embléme, d'un texte cabbalistique célébre, la Shekinah de Gilles de Viterbe, que ce dernier compose en 1530 à la demande de Clément VII, afin d'initier Charles Quint aux secrets de la Cabbale, et oü il utilise tout un ensemble de notions hébraiques (et numérologiques en particulier) qu'il travaille depuis longtemps et dont il s'était probablement entretenu avec Léon X lui-méme. Léon X lui-méme n'était pas hostile à ces spéculations, comme le montre l'exemplaire du recueil des Lusuum libri de Bochi conservé à la Biblioteca Angelica de Rome

Gravure : ET LE CULTE

DE DIEU

Sous la gravure : Nommé non point « agréable par le corps » mais « agréable par l’àme » *

À ROBERTO MAGGI C'EST AINSI QUE NOUS NOUS DÉLECTONS DE LA DOUCEUR DU NECTAR ET DE L'AMBROISIE - Pourquoi l'auteur de l'Iliade divine, un jour, chanta

« Ovidius moralizatus » naar de Parijse 7? J. Engels (éd.) : Petrus BERCHORIVS (Pierre BERSUIRE), Reductorium morale, Liber XV, cap. ii-xv. Utrecht, Institut voor Laat Latijn der explanata, Anglico... druk van 1509: Metamorphosis Ouidiana Moraliter a Magistro Thoma Walleys

Les beaux appáts qui firent ravir Ganyméde ?

L'artisan des choses, principe d'un monde meilleur,

S

1275 E, Panofsky, Essais d'iconologie, p. 296-298.

416

Rijksuniversiteit (Werkmateriaal, 2.), 1962, 10, 7, p.

Est pris par la beauté, non du corps, mais de l’àme ? -Lenom du héros le montre. Car un plaisir supréme

À l'homme est réservé quand il sait qu'il est pieux.

Òè mon àme, étre ainsi emportée !

MÉTRIQUE Distiques élégiaques.

aimée de Dieu qui se porte vers les réalités célestes et la contemplation, aprés s'étre libérée des choses mortelles, et en particulier de l'àme végétative et sensible, représentée symboliquement par la forét du Mont Ida où a lieu le rapt (hylè en grec signifie à la fois bois et matiére) "*.

LA CONNAISSANCE

Quifait rage ici bas ; mais lui triomphe dans les airs. Puisses-tu,

sur Dante (Purg., 9, 19-33), cite un certain Francesco da Buti qui propose une exégeése du mythe de Ganyméde : selon Da Buti, l’Aigle qui enléve le berger signifie la divina charità. Pour Landino, Ganyméde est la mens humana

RÉSIDE DANS

La face de Dieu, est nectar et ambroisie. Entre-temps se déchaine en vain, dans les airs, l'aboiement D'une chienne obscéne, brutal désir humain

Bel exploit que ceci ait plu jadis à Léon X, Le plus beau sera de plaire ensuite à Maggi !

consacrés à Ganymede. En effet, comme le remarquait E. Panofsky, Cristoforo Landino, dans son Commentaire

LA VRAIE VOLUPTÉ

Quel sens a la piété sinon de connaitre le Vrai Et d'aimer Dieu dans la fleur pure de son àme ? Séduit par elle, le Roi trés Bon trés Grand, prés de Lui Nous enléve et nous soustrait à la mort cruelle. La joie qui ravit notre àme quand, sans crainte, elle voit

\

150-151 : Ista aquila significat limpitudinem sicut Ganimedes significat Johannem euangelistam

alte fecit. Vel iuuenem et gratiosum : quia scilicet aquila id est subtilitas et claritas sicut ipsum rapuit in coelum inquantum ipsum loqui de coelestibus et beau jeune le que aigle signifie la pureté, de méme aquila est Christus qui istum puerum dilexit et ad secreta coelestia sublimauit. « Cet dans la ciel, le dans Jean enlevé dire ainsi pour a clarté la et signifie l'évangéliste Jean : car assurément l'aigle, c'est-à-dire la subtilité Ganyméde

est le Christ, qui tomba amoureux de cet enfant et mesure oü il lui a permis de parler dans style élevé des réalités célestes. [...] Ou bien l'aigle

l'emporta vers les espaces secrets du ciel ». A. Kruszynski, 1250 Voir E. Panofsky, Essais d'iconologie, Paris, 1967 pour la traduction frangaise, p. 297-298; p. 46. particulier en 44-50, p. 1985, Worms, Jahrhunderts, 16. des Literatur cher mythographis und Emblematik

Der

Ganymed

Mythos

in

417

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

(- R), où il e précisé que le texte, inspiré par un poéte juif (« Ex Hebraico poeta » ), a été rédigé sur l'ordre de

ne fut Léon X, à l'intention d'un certain Raphael Musicus ou musicus (musicien ?). Le traité de Gilles de Viterbe

jamais publié, mais il connut cependant un grand succés et nombre de ses théses furent diffusées par l'intermédiaire de Pierre Galatin ou Theseus Ambrosius, qui l'utilisa largement dans son Introductio

in

et Chaldaicam linguam. Bocchi, bon hébraisant, en avait probablement entendu parler. La Shekinah, la dixiéme à derniere Sephira, représente la « gloire divine » manifestée dans la création et s'adresse directement

l'Empereur dans le traité, à la premiere personne. Gilles de Viterbe, par sa bouche, fait jouer un symbolisme numérique subtil. La dixiéme Sephira doit venir révéler les mystéres de la Cabbale au dixiéme siécle de la Gloire

forme d'une du Christ. Or ce siécle s'ouvre précisément... avec Léon X"*!. De plus, la Shekinah doit venir, sous

colombe ou d'un aigle, enlever l'empereur, une fois qu'il se sera débarrassé de la tunica errorum, pour l'emporter dans les espaces supérieurs et lui faire contempler son royaume (on remarquera que le Ganyméde de la gravure

est nu)? Le nom méme de Ganyméde fait par ailleurs l'objet d'une interprétation étymologique de la part de Gilles de Viterbe, qui y voit l'enlévement d'Énoch dans les Ganim Heden, c'est-à-dire dans les jardins des

délices'^*?, NOTES

— ded. : ROBERTO MAGIO] Né à Brescia, Roberto Maggio" fut protonotaire apostolique de Clément VII à

Jéróme occupe une place à part pour la transmission du terme et c'est lui qui permet de comprendre la pertinence de cette métaphore en relation avec le rapt de Ganyméde par l'aigle. Dans son Commentaire sur Ezéchiel (1, 1), saint Jéróme interpréte la vision du tétramorphe par le prophéte et voit dans l'aigle une sorte de quatriéme faculté, la synteresis, qui se tient en dehors et au-dessus des trois parties platoniciennes de l'áme, concupiscible (représentée par le taureau), irascible (figurée par le lion) et noétique (incarnée par le visage

angélique). Pour Jéróme, il s'agit de l'étincelle de conscience morale (syneidesis), présente méme chez Cain, qui nous procure l'intime conviction que nous faisons le mal, que nous sommes submergés par les plaisirs ou que nous nous fourvoyons dans une apparence de rationalité. Par la suite, étayé par les développements de Denys l'Aréopagite qui y voit l'affection principale de l'àme qui la pousse à s'assimiler à Dieu (De myst. theol, 1, 1), le concept de synderesis connait un succés extraordinaire au Moyen-Áge sous diverses expressions métaphoriques comme apex/oculus/flos mentis ou encore scintilla animae, par exemple chez les Victorins, dans la mystique cistercienne ou encore chez Isaac de l'Étoile?*", À la Renaissance, tous ces termes, et surtout celui de synderesis, sont discutés par Coluccio Salutati (De laboribus Herculis, 4, 6, 5-7, t. IL, p.

551-552 Ullman), Cristoforo Landino

(Disp. Camald., 4 Lohe p. 200) et Ange Politien'?** qui s'accordent pour y voir la partie supérieure de l'àme intelle&ive qui s'ouvre ou s'assimile au divin. On voit chez Bocchi l'assimilation entre contemplation et foi, entre noscere Verum et Deum colere, par le biais de cette faculté prééminente.

Venise en 1522, comme l'indique une médaille frappée à la méme date par Maffei Olivieri, avec le personnage de profil sur le droit, et le motto LABORE INGENIO PROBIT«ATE» MDXXII sur le revers. Une dédicace de l'édition vénitienne de 1522 du Décameron de Boccace par Gianfrancesco d'Asola le fait « Secretario del

ANALYSE

évéque de Pola et légat pontifical à Venise sous Léon X puis Clément VII. Bocchi adresse à Altobello Averoldo

5, 255-257), mais à laquelle il emprunte nombre de termes et expressions (voir les v. 14-15 de l'épigramme et l'apparat des sources). Le récit mythologique raconte que Zeus/Tupiter s'était épris de la beauté de ce berger troyen (cf. Ov., Met., 155-156 : Rex superum Phrygii quondam Ganymedis amore/ Arsit), fils de Trós, et l'avait enlevé pour qu'il servit d'échanson aux dieux, afin de leur verser le nectar et leur servir l'ambroisie. Plusieurs éléments saillants de la fable sont retenus ici pour articuler l'exégése allégorique de l'épisode : la

Reverendissimo Signore Altobello ». Altobello Averoldo (1497-1532), lui-méme originaire de Brescia, était

la préface de son Oratio pro dictatore republicae oratoriae deligendo habita?" discours tenu à Bologne la méme

année, 1522. Roberto Maggi dédie à la duchesse d'Urbino, Eleonora Gonzaga, son Eccitatione... a divotione del sacratiss. Corpo D. Christo avanti si recava, paru à Venise en 1529 "56, - v. 8: puro mentis flore] Le flos mentis, appelé aussi syndereris, « étincelle », est la pointe supérieure de l'áme qui entre en contact direct avec la divinité. Inspirée par l'idée stoicienne d'hegemonikon, elle est récupérée par les Péres de l'Eglise, en particulier Origéne

et Augustin,

qui l'utilisent dans une

théologie

trinitaire et une

Bocchi reprend, pour cet embléme et pour le suivant, le mythe de Ganyméde"*,, ravi par l'aigle de Jupiter (ou

par Jupiter lui-méme prenant la forme d'un aigle, cf. Ov., Met., 15 5-161), en renvoyant à deux sources littéraires, l'une explicite (v. 2 : Diuinae cecinit conditor Iliados ; cf. HOM., II., 20, 232-23 3), l'autre implicite (cf. VERG., Aen.,

beauté du jeune homme ; la passion qu'il suscite chez Jupiter ; la notion de raptus ; les chiens qui, chez Virgile,

aboient au moment de l'enlévement.

psychologie tripartite, cette notion désignant chez eux, au-delà du noüs platonicien, le siége mystique de l’àme par excellence. C'est là que s'opére, indépendamment de la connaissance et de la volonté, la révélation du divin. 1281 Paris B. N. lat. 3363, f° 164, cité sans traduction par F. Secret, « Le symbolisme de la Kabbale chrétienne dans la Shekinah de Egidio da Viterbo » in E. Castelli (dir.), Umanesimo et simbolismo, Padoue, 1958, p. 131-154, ici p. 148 : Decimum nunc seculum agitur [ ... ]. Ad me nunc decimam peruentum est, mihi seculo regnandum decimo et a Leone decimo inchoandum, « Le dixiéme siécle bat à présent son plein. [...] On et arrivé maintenant à moi, la dixiéme [- Sephira], qui dois régner sur le dixiéme siecle, que doit entamer Léon X ». 122 Gilles de VITERBE, Shekinah, f° 217, cité par F. Secret, « Le symbolisme... », P. 145-146 : Sed iam abi, Caesar : et id quod sepe facis : exue tunicam errorum sacerdoti mundaturo ostende te et tua : sed id age quam maximo potes nisu : ut eo mecum conscenda ubi regna, opes, thesauros uideas nominum diuinorum. [...] Tu nunc illum [7 David] imitare : illum sequere : has alas indue : huius sapiente machinas : linque humum : humama desere : elementa transi omnia : nec id sat : perge corpus omne transcendito : planetarum et syderum orbes : qui mundi non sunt : trajicito : tolle oculos : aciem fingito [... ] Dices fortasse : Non possum. Aquila ego : iuuente renouande : rapiam te puerum meum ad magni sponsi mei mysteria ac ministeria traham, « Mais à présent, pars, ó César. Et, comme tu le fais souvent, débarrasse-toi de la tunique des erreurs et montre-toi, avec ce que tu possédes, au prétre qui purifie. De toutes tes forces, travaille à t'élever avec moi, vers le lieu oü tu pourras voir le royaume, les richesses et les trésors des Noms Divins. [...] À présent, imite David, suis-le, revéts ces ailes, quitte les artifices de cette sagesse d'ici-bas, quitte la terre, abandonne le monde humain, traverse tout l'univers. Mais cela n'ect pas suffisant. Sans tarder, va au-delà de tout corps, des cercles des planétes et des astres, qui sont impurs. Traverse-les, éléve tes yeux et fixe ton regard. Tu me diras peut-étre, "Je ne puis". Mais moi, l'Aigle qui redonne la jeunesse, je t'enléverai, 6 mon enfant et je te conduirai vers les mystéres etla demeure de mon puissant fiancé. » 1283 G. de VITERBE, Shekinah, f" 226 v° cité par F. Secret, « Le symbolisme... », P. 149, n. 76.

7" Sur Maggio, voir D. H. Rhodes, « Roberto Maggio bibliofilio » dans Miscellanea di studi in memoria di Anna Saitta Revignas, Florence, 1978,

p. 297-299, republié dans Id., Studies in Early European Printing and Book Collecting, t. II, Londres, 1983, p. 266-269. 1285 (LIS Conservé àA Rome, Biblioteca Casanatense, A IV 38, mbr. XVI, cf. L. Chines, I lettori di retorica e humanae litterae allo Studio di Bologna nei secoli XV-XVI, Bologne, 1990, p. 18.

77^ A. Kruszynski, Der Ganymed-Mythos, note 224.

418

chez les Péres 1257 Voir A. Petzill, « La syndérése », Theoría, 1954, p. 64-77 et E. von Ivankà, Plato christianus : la réception critique du platonisme

de l'Eglise, Paris, 1990 pour la traduction francaise (1964'), p. 298-334 (pour Jéróme, voir en particulier p. 350, note 3):

p. 14), rapporte l'enquéte qu'il 1258 Politien, dans sa Miscellaneorum centuria secunda, 2, 7 (éd. V. Branca et M. Pastore Stocchi, Florence, 1978,

fit sur ce vocable auprés de Pic de la Mirandole, dans la bibliothàque des Médicis à Fiesole, ce qui lui permit de constater, d'aprés un manuscrit,

Poliziano e l'Umanesimo di que Jéróme avait employé non pas le terme synderesis mais bien celui de suneidesis. Sur ce manuscrit, voir P. Viti Pico, p. 317. 1994, Florence, fine Quattrocento, Biblioteca Medicea Laurenziana 4 novembre - 31 dicembre 1994, catalogue de l'exposition, in Roscher, Lexikon, » Ganymedes « Drexler, ; 737-749 col. 79 Sur ce mythe en général, voir P. Friedlànder, « Ganymedes » in RE, 7,1 (1910) » in LIMC, Ganymedes « Id., ; 1949 Berlin, Kunst, antiken der in 1 (1886), col. 1595-1603 ; H. Sichtermann, Ganymed. Mythos und Gestalt Ganyméde « Bruneau, Ph. ; 87-88 p. 1956, Budapest, VII, t. », Ganymed des Raub Der t. IV-1 (1988), p. 154-169 ; A. Piegler, Barockthemen, « ; P. C. Mayo, Amor et l'aigle : images, caricatures et parodies animales du rapt », Bulletin de correspondance hellénique, 86-1, 1962, p. 193-228 G. Kempter, Ganymed Studien spiritualis et carnalis. Aspects of the Myth of Ganymede in Art, New York, 1967. Sur les Ganymédes bocchiens, voir

zur Typologie, Ikonographie und Ikonology, (Diss. Würzburg), Cologne/Vienne,

1980 ; A. Kruszynski, Der Ganymed Mythos, p. 44-50;

'400 et 500 : mito, allegoria, analisi R. Piccininni, « Il mito di Ganimede in ambiente veneto fra '400 et 'soo » in Giorgione e la cultura veneta tra New Haven, Yale University Society, and Art in Homosexuality Renaissance: the in Ganymede Saslow, M. J. ; 149-154 p. 1981, Rome, iconologica, of Humanism, Stanford, SUP, 1991, p. 100-103 [qui parle de Press, 1986, p. 69 ; L. Barkan, Transuming Passion: Ganymede and the Erotics

Michelangelo, Catalogo della mostra, « Guido » [sic 1] Bonasone » à deux reprises] ; M. Marongiu (éd.), II mito di Ganimede prima e dopo

contrepoint au sublime ? " dans Firenze, Casa Buonarrotti, 18 giugno—-30 settembre 2002, Florence, 2002 ; F. Villemur, « Le chien de Ganyméde, l'article semble ne pas voir qe de [L'auteur 161-162. p. 2008, Paris, poétique, ivresse et ravissement rapt, : V. Gély (éd.), Ganyméde ou l'échanson selon elle n Suri paru qu'en qut gravure, seconde la que et 1555, de l'édition dés ensemble déjà apparaissent les deux gravures, si différentes, de 1574, l'évidence de la l'édition Bonasone souligne, dans 1574, n'est pas un remaniement de la premiere : « Dans le contexte post-tridentin, fin de cette étude. la à spécifique bibliographie notre voir morale en habillant la nudité de Ganyméde »]. Sur les deux emblèmes bocchiens,

419

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

L'analyse symbolique effectuée par Bocchi, qui laisse de cóté les aspects du mythe célébrant pédérastie et homosexualité!?*, se fait dans un sens nettement spiritualiste, préparé par la tradition néoplatonicienne'?!, et

que l'on retrouve d'une maniere simplifiée chez Dante", dans l'embléme d'Alciat In deo laetandum, selon l'interprétation qu'en donne Claude Mignault'?, ou encore chez Natale Conti^ : celui du rapt de l'áme loin

symboliquement par la forét du Mont Ida oà a lieu le rapt (hylè en grec signifie à la fois bois et matiére)'95.

Cette interprétation a le mérite de faire le lien avec l'embléme précédent, où l'on apergoit justement une caritas diuina, mettant le feu à une forét.

En outre, un élément a particuliérement séduit l'emblématiste dans le mythe, et l'intérét qu'il manifeste tire

du corps, sous l'effet d'un furor amoureux, poétique, mystique ou prophétique. Ces aspects étaient bien connus de l'Antiquité, qui voyait dans le rapt de Ganyméde une manifestation de l'amour pédérastique transformé en amour céleste et arrachant l'homme à sa condition mortelle par la vision amoureuse du Beau qui suscite l'himeros, le désir, et donne des ailes à l'Àme (cf. PL., Phaedr, 255c-256b), ou la migration de l'àme dans les spheres célestes aprés la mort du corps, au cours de l'activité contemplative ou dans le sommeil, Mais Bocchi tire de ce mythe paien au symbolisme mystique une épigramme aux connotations religieuses plus chrétiennes : ainsi, le Zeus/Jupiter du mythe, tout en gardant des épithétes paiennes (cf. v. 9 : rex maximus optimus) devient un pére créateur, plus proche du christianisme (v. 3 : opifex rerum ; mundi melioris origo). De

probablement le sens de l'embléme vers une spiritualité évangélique : Bocchi insiste en effet beaucoup sur les étapes d'un processus complexe d'attraction réciproque qui relie l'àme ravie à son divin ravisseur, ce qui fait que le rapt n'est plus premier mais s'insére bien dans une dynamique complexe qui rappelle les débats contemporains sur la Gráce divine, ses relations au libre-arbitre et à la justification par la foi. John Dillon a d'ailleurs montré à ce propos que, dés l'Antiquité, Philon d'Alexandrie avait comparé la gráce divine au nectar et à l'ambroisie que Dieu répand sur les hommes""", par l'intermédiaire du Grand Prétre, médiateur entre Dieu et les hommes et figure du logos divin répandu à travers le monde. Or l'allégorie implicitement présente en

qui oscille entre contemplation philosophique (noscere uerum, v. 7) et foi religieuse (Deum colere, v. 8). Comme le remarquait E. Panofsky, cette christianisation était déjà à l'oeuvre dans le Commentaire sur Dante de Cristoforo

poussent Dieu et sa créature à la rencontre l'un de l'autre, qu'il s'agisse de la peinture que fit le Dominiquin du ravissement paulinien et de celle de Poussin sur le méme sujet, ou chez Ficin du De Raptu Pauli et du De Amore : la théorie de l'amor uniuersalis comme circuitus spiritualis, issue de la conversion des hypostases plotiniennes, permet à Ficin d'imaginer une attraction combinée qui pousse les créatures à se tourner vers leur créateur et le

méme, ce qui fait la beauté de l'àme-Ganyméde, c'est précisément sa pietas (pium, v. 6, relayé par pietas, v. 8),

Landino (Purg., 9, 19-33), qui cite Francesco da Buti : selon ce dernier, l'Aigle signifie la divina charità. Pour

Landino, Ganyméde est la mens humana aimée de Dieu qui se porte vers les réalités célestes et la contemplation, aprés s'étre libérée des choses mortelles, et en particulier de l'àme végétative et sensible, représentée

1250 Voir PL., Leg., 1, 636c-d ; AVG., Ciu., 7, 26 ; 18, 13 ; LACT., Diu. inst., 1, 11. Dans son embléme In Deo laetandum, 5, Alciat semblait aller ce sens : Quisne Iouem tactum puerili credat amore ? « Qui pourrait croire que Jupiter a été saisi d'une passion pour un jeune homme ? » également VALERIANO, Hieroglyphica, 40, 30, Bàle, 1556, p. 374, à propos des moeurs pédérastiques des Chalcidiens. 1221 Voir par exemple PORPH., Quaestionum Homericarum ad Iliadem pertinentium reliquiae, 4, 2, 1. 24-27 Schrader : 'avvyrjSng 8€ ózrjpecet t@ Ad óc 6 pév Zebc 6 npüróc toti voUc, uóvoc $è vobc olkeiov Éyet xó voic prjdeot YávvoOar rooro yàp ó l'avoyrj8rio, « Ganyméde

dans Voir uóve obéit

seulement à Zeus car Zeus est le premier esprit, et seul le premier esprit peut avoir comme propriété de s'enchanter de ses pensées : c'est cela qu'est Ganyméde ». Voir M. Chase, « What does Porphyry Mean by theón patèr ? », Dionysius, 22, déc. 2004, p. 77-94. Voir également, OLYMP,, In Platonis Gorgiam commentaria, 40, 3, 1. 17-20 Westerink : Mb8oc yáp totiy obcoc, éxel oóx àv ui£ig rjv £r Oo, xal pitig rapávoyoc:

&XXà SnXobrat Bit tobtov 61 'avoyrjSnc xi àvrpryayev tavtòy zpóc xà Beta, óc xal evveoriácOat abroic Aéyexat kal olvoxosiv, dvtì x00 áóAuc xal Occ xoMreóroQat ndone Svoyepriac &mrayyuévov, « Voici quel est le mythe, vu qu'il n'y a pas d'union charnelle pour le dieu et que l'union charnelle lui est interdite ; mais on montre à travers ce mythe qu'un certain Ganymede s'était élevé vers les réalités divines, au point qu'on raconte qu'il banquetait avec elles et leur versait le vin, au lieu de dire qu'il se domine de maniére immatérielle et divine, libéré de toute tristesse ». Voir F. Renaud, « Rhétorique philosophique et fondement de la dialectique: le commentaire du Gorgias par Olympiodore,

Philosophie antique, 6, 2006, p. 137-161.

1222 DANTE, Purgatoire, 9,

15-31 : « À l'heure oü [... ] notre esprit qui voyage, moins pris par la chair et plus par les pensées, est presque divin

dans ses visions, en réve il me semblait voir suspendu un aigle dans le ciel avec des plumes d'or, les ailes déployées et tout prét à descendre ; il me semblait étre là oü ses compagnons furent abandonnés par Ganyméde, quand il fut ravi au consistoire des dieux. [... ] Puis il me semblait qu'il tournait un peu et qu'il descendait, terrible comme la foudre, et m'emportait tout en haut jusqu'au feu. Là il me semblait que nous

brülions tous deux ».

7? Voir Omnia Andreae Alciati V. C. Emblemata : Cum commentariis [... ], per Claudium Minoem, Parisiis, apud Hieronymum de Marnef, &

Viduam Gulielmi Cauellat, 1583, embléme 4, p. 36 : Age uero per Ganymedem ab aquila raptum, animam humanam intellegimus, quae, ut ait Plotinus, tum condere caput intra caelum dicitur, cum relicta quasi corporis secretione, caelestia mentis oculo contemplatur : quod sane absque raptu quodam fieri minime potest. Plato etiam in Phaedone et Theaeteto, cum iubet animam a corpore seiungere, non loco segregandam esse intelligit, sed monet ne corporis animus adhaerescat, neque ob corporis commercium a mente superiore fiat alienus coneturque quantum fieri poterit subditam sibi

animae speciem ad superiora perducere, « À travers le rapt de Ganyméde par l'aigle, nous comprenons l’àme humaine qui, selon Plotin, passe

pour enfouir sa téte dans les profondeurs du ciel lorsque, laissée libre par une sorte de mise à l'écart du corps, elle contemple les réalités célestes avec l'aeil de l’àme ; ce qui ne peut guére arriver indépendamment d'une sorte de rapt. Dans le Phédon et dans le Théététe, lorsque Platon

ordonne à l'áme de se dissocier du corps, il n'entend pas qu'elle doive s'en isoler Spatialement, mais invite l'esprit à ne pas rester rivé au corps, ni à devenir étranger à l’àme supérieure à cause du commerce qu'il entretient avec le corps, mais à s'efforcer autant qu'il est possible à conduire la part de l'àme qui lui est soumise aux réalités d'en haut ».

294 Mythologíae siue explicationes fabularum, 1551, 9, 13. 1295 Voir F. Cumont, Recherches sur le symbolisme funéraire des Romains, Paris, 1942, P. 97. Carlos Lévy me suggére que Cicéron évoque aussi le

mythe de Ganyméde

dans les Tusc., 1, 6s, pour en réfuter l'interprétation voluptueuse et montrer que les hommes

ont des traits divins, en

particulier l’àme. Il s'agirait de la trace d'une allégorisation oubliée, que l'on retrouve également chez Philon (Deus, 155-158 et Somn. 2, 249),

oü Ganyméde incarne le logos qui infuse dans le monde l'ordre et les gráces divines, comme l'a montré J. Dillon, « Ganymede as the Logos :

Traces of Forgotten Allegorization in Philo ? », Studia Philonica, 6, 1979-1980, «37-41 et Classical Quarterly, 31/1, 1985, p. 183-185.

420

filigrane est celle de Ganyméde, le divin échanson'?*. À propos de l'épisode de l'enlévement de saint Paul au troisieme ciel", Jean-Claude Margolin a mis en évidence cette conjugaison de mouvements inverses qui

créateur à se tourner vers ses créatures", L'expérience de l'extase ou du ravissement se place généralement sous le signe de la volupté'??', comme dans le fameux groupe statuaire du Bernin intitulé Extase de sainte Thérése.

Un passage significatif est celui du Commentaire au Banquet de Platon (De Amore), 4, 6, p. 176 Marcel, où Ficin rappelle que « Nul, en effet, ne regagne le ciel, excepté ceux qui plaisent au roi des cieux. Et ceux qui lui plaisent sont ceux qui l'aiment par-dessus tout ». Mais revenons à l'embléme : quelles sont les étapes du processus, et quelles sont les implications religieuses ? Au départ de l'épigramme, il y a la beauté de Ganyméde, c'est-à-dire de l'áme. Bocchi souligne en termes ambigus la beauté du jeune homme : il est question des pulchros honores rapti Ganymedis (v. 1, avec une valeur consécutive de l'adjedif rapti), « les séduisantes beautés de Ganyméde qui le firent enlever ». Le terme honos désigne autant les charmes physiques que l'austérité vertueuse, ce à quoi nous préparait la petite citation grecque en dessous de l'image: O9x rj8voóuarog óvouacOsig à frBvyvóuev. Empruntée au. Banquet de Xénophon (30-31, voir apparat des sources), la formule se fonde sur l'étymologie du nom de Ganyméde : Je déclare méme que ce n'est pas à cause de son corps mais à cause de son áme que Zeus a fait monter Ganyméde dans l'Olympe. Son nom méme en témoigne. On lit en effet, vous le savez, dans Homeére : il est ravi (ganytai) d'entendre, ce qui signifie « il se plait à entendre ». On lit aussi en un autre endroit : ayant dans l'esprit de prudentes

pensées (médea), ce qui veut dire « méditant de sages desseins ». Étant composé de ces deux éléments, le nom de

Ganyméde signifie non pas « agréable par son corps » mais « agréable par son esprit » ; d'oü l'honneur qu'il a obtenu chez les dieux.

'* Voir E. Panofsky, Essais d'iconologie, Paris, 1967, p. 296-298

1297 Voir PHILO, Quod sit deus immutabilis, 158, cité parJ. Dillon, « Ganymede as the Logos ». 1298 Voir De Somniis, 2, 183 et surtout 240. 75? At. 9, 3-9; 22, 6-12 ; 26, 12-20 ; 2 Cor., 12, 2-5. Margolin, « La notion de raptus chez Ficin et Bovelles », dans S. Toussaint (dir.), Marsile Ficin ou les mystéres platoniciens, Actes du 42e p

Colloque International mouvement de l'àme terrain — si je puis dire transforme en un acte

d'Études Humanisles du CESR, Tours, 7-10 juillet 1999, Paris, 2002, p. 264-298, en particulier p. 276: «Il y a donc un - qui est un mouvement d'amour — vers Dieu. C'est ainsi que le raptus ne peut, selon Ficin, se réaliser qu'à partir d'un — préparé à l'avance, entendons à partir d'une créature dont l’ “ avidité rationnelle ", identifiée à la recherche du Bien, se d'offrande, à l'appel de Dieu, méme dans la manifestation brutale que nous avons décrite. Mais c'est Lui qui a permis à la

créature de l'aimer, en l'enflammant lui-méme d'amour ». : | ’ 101 Pour une analyse historique des deux conceptions de l'extase, mystique et philosophique, voir M. A. Screech, Brasme. L'extase et l Éloge de la folie, Paris, 1991 pour la trad. frangaise, en particulier p. 84-95. Voir également A. Klinger-Dollé, « Mouvements de l'esprit : extase biblique (translatio) et démarches intellectuelles chez Charles de Bovelles (1479-1 567) », Camenae, 3, novembre 2007 [en ligne] à l'adresse suivante : < http:/ /www.paris-sorbonne.fr/IMG/pdf/1 2. Article 24. Klinger-Dolle.pdf^.

421

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Le berger est donc celui « qui s'enchante de ses pensées », yávo«tat» u8e«ot» (cf. v. 5 de l'épigramme : Ipsum testatur nomen ; la formule grecque est citée dans la gravure du Symb. 79), et qui plait donc par la beauté de son áme et non celle de son corps (cf. non forma... corporis ast animi, qui traduit la citation grecque sous l'image). De quelles natures sont ces pensées qui nourrissent la beauté intérieure du berger ? Elles se résument en un seul terme, que nous avons évoqué plus haut : la pietas, qui désigne ici à la fois la contemplation (noscere uerum) et le

culte divin (colere uerum), dans une association toute platonicienne""?, génératrice de summa uoluptas (v. 5). Cette volupté, terme épicurien par excellence, l'homme se la procure à lui-méme par le sentiment que ses actes sont en accord avec ses pensées, selon une formule empruntée à Catulle (76, 1-2 : cum se cogitat esse pium). Comme le rappelle Cicéron, le terme uoluptas traduit exactement le grec rjSovrj, désigne autant les plaisirs de

l'àme que ceux du corps et implique aussi le gaudium et la laetitia, normalement réservés à l’àme!’ : les plaisirs

physiques de l'amour homosexuel que célébre le mythe de Ganyméde se font ici métaphore spirituelle des joies de l'àme qui prend connaissance du divin, comme l'avait déjà montré Platon (Phaedr. 255c) qui substituait l’Epws obpávtoc à l’Epws zai&ikóc'"?"*, La pietas s'exerce en effet dans la partie la plus élevée de l'àme humaine, le flos mentis, « la fleur de l’àme » (v. 8), qualifié de puro, « pure ».

Or ces manifestations pieuses qui s'adressent gratuitement à Dieu concourent à une véritable attraction de la divinité par sa créature, que traduit la passion de Jupiter pour Ganyméde : Bocchi use du vocabulaire du charme et du sortilége pour traduire l'emprise amoureuse qu'exerce le jeune homme sur son créateur, et les verbes sont au passif (v. 4 : capitur ; v. 9 : allectus). En guise de récompense de cette piefas, Dieu effectue alors un véritable rapt de l'àme pieuse, qui n'est plus celle de Ganyméde seulement, mais qui peut s'appliquer à l'humanité en général (v. 9-10 : ad se nos rapiens). Au cours ou au terme de ce rapt de l’àme, qui est comme un approfondissement et un accomplissement de sa piété initiale, l'homme se voit délivré de la mort (v. 10 : dira morte carere facit). En effet, l’àme alors contemple la face de Dieu (v. 11-12 : tuendo/ Diuinam speciem), véritable nectar, véritable ambroisie. Elle ressemble à l'attelage psychique du Phédre 247e (voir apparat des sources) qui plonge la téte dans l'univers hypercosmique pour contempler les idées, tandis que le cocher donne aux deux chevaux le nectar et l'ambroisie, qui conferent effectivement l'immortalité : en contemplant ce qui est immortel, l'àme devient elle-méme immortelle, comme le rappelle le Timée. L'évocation du nectar et de l'ambroisie est une référence non seulement à Platon, mais aussi à un passage de Ficin dans son Commentaire au Banquet de Platon (4, 6), où le philosophe explique que le nectar et l'ambroisie sont la récompense que le roi des cieux, c'est-à-dire Dieu, offrent à ceux qui l'aiment par dessus tout et qu'il aime en retour. Dans l'épigramme bocchienne, la vision de Dieu remplit l’àme de transports de joie (v. 11 : laetitia effertur) et la délivre de toute inquiétude (v. 11: secura). On constatera que ce sont les vers 5 et 6, oà est évoquée la pietas, qui inspirent le motto de la gravure, comme si l'image était la conséquence logique ou la récompense de cette pietas, à moins qu'elle n'en soit la description. Au cours de ce rapt qui la délivre de la mortalité (ponctuellement, s'il s'agit d'une extase, ou définitivement, s'il s'agit de l'envol aprés la mort), à moins que cela ne soit dés ses tentatives purement humaines pour étre pieuse (l'adverbe interea du v. 13 e& ambigu), l'áàme abandonne une partie de ses facultés inférieures, compromises avec le corps, ou de ses passions (v. 14 : bruta cupido hominum). Ces dernieres sont représentées sous les traits d'une chienne furieuse et obscene qui aboie'*5 (v. 13-14 : canis obscaenae latratus/ Saeuit). Cette présence animale, directement empruntée à l'épisode chez Virgile, permet en méme temps de faire le lien avec la tradition

de la République de Platon qui figure les parties inférieures de l'àime comme des monstres, Scylla, Cerbére, la Chimére (Rep., 8, 588c-589a ), ou avec celle des Stoiciens, qui voient les passions comme des bétes furieuses. On

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

notera le jeu d'assonances entre furit et inferius pour caradtériser la bruta cupido, tandis que la coupe

penthémimére du v. 15

isole inferius d'un cóté et sublimis de l'autre, tout comme furit et triumphat, autrement

dit sépare radicalement la chienne et Ganyméde, le monde sub- et supra-lunaire : l'áàme connait ainsi une

véritable apothéose (v. 14 : triumphat) et Valla au livre 3 du De uoluptate avait déjà largement exploité l'image du triomphe romain pour exprimer l'accueil de l'àme au paradis (voir apparat des sources). À travers

l'opposition entre l'humanité de Ganyméde et l'animalité du chien qui aboie, nous retrouvo ns la dichotomie paulinienne et origénienne de l'Enchiridion d'Érasme qui oppose homme intérieur et homme extérieur, et qui recommande à la fois de s'éloigner des passions, mais aussi des cultes charnels dans les manifest ations de la piété, pour privilégier le lieu par excellence du culte divin, le cceur ou l'intelled : le flos mentis. Au mouvement de l'homme qui veut reconnaitre et honorer Dieu, répond le mouvement de l'aigle. La fusion des deux mouvements qui se redoublent et s'unissent (l'homme qui tend vers Dieu et veut se libérer du corps, et Dieu qui descend vers lui avant de l'emporter définitivement) traduit les mouvements complexes d'un libre-

arbitre synergique ou coopérant avec la gráce divine, défini par saint Augustin d'aprés saint Paul'?5, et

qu'Érasme utilise pour contrer les positions dans la gráce, visible sur la gravure que nous Nous sommes là en présence de la tendance Eugenio Garin'"* et qui, prenant ses sources

radicales de Luther sur la prédestination?", Cette collaboration allons commenter, engendre aussi la uoluptas, ou plutót la laetitia. chrétienne et cosmique de l'épicurisme humaniste qu'avait défini dans l'amor uniuersalis ficinien, se manifeste de maniere éclatante

dans le De uoluptate de Valla'?? ou l'Épicurien d'Érasme. Mais le plaisir épicurien se fond ici avec la théorie augustinienne de la délectation de l'homme intérieur dans la gráce!?'^. La gravure, dont le titulus célebre l'association entre volupté, philosophie et religion, a pour source deux dessins

fameux que Michel-Ange réalisait entre 1528 et 1532 pour Tommaso De'Cavalieri?!! et qui représentait le rapt

de Ganyméde (Fig. 1 et 2).

La posture des deux protagonistes imaginée par Michel-Ange, oü la sensualité partagée se fait métaphore de l'amour spirituel, rencontrait sans doute les intentions de Bocchi pour traduire la uoluptas mystique liée à la Foi et à la Gráce, ainsi que la question de la synergeia, sur fond de contemplation platonisante : Ganyméde est une image de la partie supérieure de l’àme, intellective, celle qui contemple et honore Dieu : elle a donc des traits humains, qui s'opposent à l'animalité des parties inférieures, liées aux passions, et représentées ici par le chien qui aboie, pour suivre les images dichotomiques de la République de Platon (voir supra). L'enlévement vers les 7* On peut la résumer ainsi, d'aprés Rom., 7, 18 : « Vouloir le bien est à ma portée mais non pas l'accomplir ». Selon Augustin, la gráce prévenante oriente le libre arbitre vers le bien, la gráce coopérante confirme son engagement dans la voie du bien, et la gráce subséquente l'assiste pour mener au terme l'action bonne. On se reportera au traité de saint Augustin intitulé De Gratia et libero arbitrio et la lecture trés claire d'E. Gilson, Introduction à l'étude de saint Augustin, Paris, 1929, en particulier p. 210, qui élucide les apparents paradoxes de la théorie augustinienne : « Dieu vient en aide à l'homme qui agit, non pour le dispenser d'agir, mais pour le lui permettre ; il faut donc bien que, méme sous la pression victorieuse de la gráce, le libre arbitre soit toujours celui-là. [... ] Quelle que soit l'origine de l'attrait que la volonté éprouve vers telle fin plutót que vers telle autre, cet attrait ne saurait mettre en danger sa liberté, puisqu'il est le choix méme par lequel elle s'exprime. Quel est donc l'effet produit par la gráce sur la liberté ? Elle y substitue la délectation du bien à celle du mal. [... ] L'homme trouve désormais

Spontanément sa joie dans ce qui jusqu alors lui répugnait ».

117 Le Traité du libre arbitre qu'Érasme publia à Anvers en 1524, à la demande du Roi d'Angleterre Henri VIII pour réfuter Luther, suscita une

réponse immédiate de celui-ci sous le titre Traité du serf-arbitre (1525). Érasme se défendit dans la réfutation point par point (85 alinéas) que constitue l' Hyperaspistes, dont le livre I parut en 1526 et le livre II en 1527, àla demande de Thomas More. 1108 Voir E, Garin, « Ricerche sull'epicureismo del Quattrocento », in Id., La cultura filosofica del Rinascimento, Florence, 1961, p. 72-92

7? Voir par exemple De Voluptate, 3, 9, 2-3, trad. L. Chauvel, Fougéres, 2004, p. 211: « Une conduite vertueuse, comme nous chrétiens

l'entendons, est cependant la méme

que celle que j'ai énoncée tout d'abord : la vertu ne doit pas étre recherchée pour elle-méme, comme

quelque chose de sévére, dur, ardu, elle ne doit pas l'étre non plus pour un profit terrestre, mais elle doit étre poursuivie comme une démarche

1302 Sur cette association, voir W. Burkert, Les cultes à mystéres dans | "Antiquité, Paris, 2003 pour la trad. francaise. 9? CIC, Fin, 2, 4, 13 : Sed hoc interest, quod uoluptas dicitur etiam in animo (uitiosa res, ut Stoici putant, qui eam sic definiunt : sublationem animi

sine ratione opinantis se magno bono frui), non dicitur laetitia nec gaudium in corpore. 3? VoirH, Sichtermann, Ganymed. Mythos und Gestalt, p. 37

148 L'usage du féminin et du singulier e&t ici discriminant. Dans l'épisode du rapt, Virgile parle de chiens, au masculin et au pluriel. Faut-il y voir une condamnatio

n de l'amour exclusif pour une femme ? Voir, sur ce motif de l'amour pour les jeunes hommes supérieur à celui pour les femmes, XEN., Conu., 8, 29 ; PL., Conu. 181c.

422

vers ce bonheur parfait que l'esprit ou l'áme, libérée de sa partie mortelle, goütera avec le pére de toutes choses dont elle vient. Qui hésiterait à

appeler cette joie * plaisir " ou qui pourrait lui donner un nom meilleur ? ».

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,

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BY Voie par exemple AvaG., In psalm., 17, 1-2 :: quando enim delectat bonum, magnum est Dei donum. [...] Cum quo ergo Deus facit suauitatem, id 65i, cui propitius insbirat boni delectationem ; atque, ut apertius exemplicem, cui donatur a Deo caritas dei. M BU Voir E. Panoksfy, Essais d'iconologie, p. 296-312. La sanguine des Offices (31 x 25,5 cm), compete entre 1528 et 1530, est considérée comme la copie d'un original perdu ou la premiére version du dessin donné à Tommaso de'Cavalieri : Ganyimi&de semble, par la torsion du

Corps, résister à l'envol. La version conservée au Fogg Art Museum (36,1 X 27,5 cm) et composée en 1532 au fusain est visiblement celle qui a inspiré Bonasone. Pour une description de ces ceuvres, voir aussi F. Villemure, « Le chien de Ganyméde ».

423

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

espaces supérieurs, aidé par l'aigle de l'apothéose, l'aigle traditionnel de l'univers funéraire antique, poursuit un

processus déjà enclenché et approfondit le mouvement ultime : rencontre de Dieu et de sa créature sous le signe beaucoup sur le fait que, dés le dessin de Michel-Ange, notion de rapt qui emporte vers les espaces célestes, et sur

de la pietas pour lui donner son accomplissement de la uoluptas. Les différents commentateurs insistent les lignes de force de la composition insistent sur la la séparation radicale d'avec la terre.

kx ZW Fig. 1> MICHEL-ANGE, Enlévement de Ganyméde, sanguine, 1528-1530,

Florence, Offices.

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les ponts et leurs arches (symboles du lien et du passage), et oü l'on voit une tour circulaire aux étages emboités,

pour relayer le mouvement graphique ascensionnel de l'arbre ; l'aspect du chien, trés différent de celui de Michel-Ange, aboie assis sur le sol, le museau en l'air, pour regarder l'enlévement de son maitre.

Nous traiterons dans notre analyse de l'embléme suivant la question du redoublement.

A.

Fig. 2 > MICHEL-ANGE, Enlévement de Ganyméde, dessin, 1532, Cambridge (Mass.), Fogg Art Museum.

Fig. 3 > Nicolas BÉATRIZET, Ganymedis iuuenis

Dans les deux tiers supérieurs de l'image encore toute michelangelesque proposée par Bonasone, le berger troyen est représenté sous les traits d'un jeune homme à la gráce angélique et à la nudité héroique, soulignée par l'envol du manteau autour de la nuque. La complémentarité entre les mouvements humains et l'énergie animale semble appuyer le propos de l'épigramme qui insiste, dans un contexte religieux évangélique, sur la synergeía dans la gráce entre Dieu et l'homme. La ligne verticale formée par les jambes de l'échanson, dont la gauche est repliée dans la posture du Laocoon'?" donne l'illusion d'un saut puissant et gracieux que les serres de l'aigle immobilisent: combattant comme Laocoon les forces chtoniennes, Ganyméde a réussi à se propulser vigoureusement dans les airs, méme si la posture du bas de son corps garde trace du combat. L'aigle semble venu au moment adéquat prendre le relais du mouvement ascensionnel en étreignant à pleines serres les membres inférieurs du berger. En revanche, le haut de son corps parait enfin délivré du combat. Les bras du

jeune homme se déploient pour épouser d'un geste nonchalant la forme des ailes et s'abandonner à leur soutien. La téte elle-méme se relàche légérement pour s'appuyer sur l'épaule droite. La fusion entre animalité et humanité est remarquable : le corps de l'aigle s'enroule amoureusement autour du jeune homme et sa téte, humblement baissée, vient se nicher contre la poitrine humaine, tandis que l'une des ailes semble attachée directement au flanc de Ganyméde. L'idée suggérée par cette fusion n'est pas que le jeune homme retombe dans une espéce animale inférieure, mais pour traduire le fait que, allégé des passions, il devient l’àme purifiée du Phédre dont les ailes repoussent et qui se porte naturellement vers les espaces supérieurs. Dans le tiers inférieur de l'image, A. Kruszinski notait l'influence d'une gravure de 1542 par le graveur lorrain Nicolas Béatrizet (Fig. 3). On constatera que c'est probablement cette gravure qui, à partir de 1550, influence

considérablement la composition générale des vignettes qui accompagnent l'embléme d'Alciat In deo laetandum dans les éditions (Fig.4). Bonasone, à son tour, lui a effe&ivement emprunté l'essentiel des éléments : les

nuages qui s'écartent pour former une sorte d'aura circulaire et moelleuse autour du couple ; l'arbre vif et élancé sur la gauche, qui relie les deux plans visuels ; le paysage mi-marin (avec des bateaux), mi-terrestre, oà abondent

Bonhomme pour Guillaume Rouille, 1551

Troianus raptus a Ioue, gravure, 1542 (42,3 X

28,2 cm), Bibliothéque-médiathéque de Nancy.

© Tours, CESR.

Symb. 79 Gravure : OBSERVE À PRÉSENT C'EST L'EMBLEME

LE GANYMEDE DU SCULPTEUR LÉOCHARES : DE LA PAIX ENTRE LE CORPS ET L'ESPRIT

Sur l'image : Se délecter de ses pensées AU TRES ILLUSTRE CARDINAL REGINALD POLE LA PAIX RÉJOUIT TOUJOURS LES GENS PIEUX, DEDANS COMME AU DEHORS

Vois, comme du grand Jupiter l'oiseau porte-foudre comprend Ce qu'il emporte en Ganymede, et pour qui il le fait. Il retient méme, à travers le tissus, ses serres acérées,

Redoutant de porter atteinte aux sens rendus paisibles : $ Léocharés jadis sculpta cette remarquable expression De l'union calme et heureuse du corps et de l'esprit. De toute ton àme pure, recherche et vénére ton Dieu :

5? G. Kempter, Ganymed Studien, propose le rapprochement entre les deux figures.

424

Dedans comme au dehors, tu auras toujours paix et joie.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

TASC

MÉTRIQUE Distiques élégiaques, que nous avons rendus par une alternance 16/14 syllabes. REMARQUES SUR L'ÉTABLISSEMENT DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

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Ainsi,

les appels

à voir

(cerne)

et le démonstratif

(hoc),

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La version actuelle du titulus de la gravure figurait, à l'origine dans le manuscrit l'épigramme.

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d'une aile les flancs du jeune h

l'épigramme

ecphrastique (voir d'ailleurs le premier vers de l'épigramme : apsice) ne renvoyaient pas aux éléments visuels de la gravure. D'ailleurs, malgré le transfert du titre au-dessus de la gravure, un élément montre qu'il n'y a pas exacte correspondance entre motto et image : alors que le motto invite à se représenter la sculpture de Léochares, dont on connaissait l'aspect à la Renaissance gráce à des imitations antiques, la gravure réalisée par Bonasone s' inspire ouvertement de la gravure de Béatrizet, elle-méme trés marquée par les dessins de Michel-Ange, tous trés éloignés de l'original antique. Comme souvent chez Alciat, c'est ici l'idée générale de la composition qui est

etant

ici

une

sculpture

et

sans

doute

aussi;

au

sens

que

nous

entendons

aujoura

ou l'allégorie du corps et de l'àme réconciiés. Mais le fait que la. sculpture soit debattu pour savour iequei comprenait iposé de deux éléments ont on a longtemps c E È f

significative et symbolique, et non ses représentations particuliéres, antiques ou contemporaines.

.

NOTES

- ded. : REGINALDO POLO CARDINALI] Né en 1500, mort en 1558!3!3, ce mécène originaire d'Oxford fit

Rome en 1536 et il est nommé cardinal. Il fait alors partie de la commission qui rédige le De emendenda ecclesia (1537). Il est chargé de préparer le Concile de Trente, au cours duquel, en 1546, il se montrera partisan du

ensemble »

(v. 6 de l'épigramme)

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Viterbe, qui compte parmi ses membres Vittoria Colonna, Marcantonio Flaminio, Lodovico Beccadelli, Bernardino Ochino et Gaspare Contarini, exilés de Naples aprés la mort de Juan de Valdés. Paul III l'appelle à

m m F1

ses études à Padoue. Henry VIII le délégue en mission à la Faculté de Théologie de Paris en 1529-1530. En 1532, hostile au divorce du roi d'Angleterre, il s'exile en Italie, où il rejoint le cercle évangélique des Spirituali de

comme les éléments consitutifs d'un

dogme de la justification par la foi. Sous Paul III, Pole se révele un précieux médiateur entre la papauté et Charles Quint, avec qui il entretient d'excellentes relations. Il lui adresse une Apologia en 1539. Aprés la mort de

Paul III, il manque d'une voix l'élection au Saint-Siége. Légat pontifical, Pole regagne l'Angleterre au moment

de la Contre-Réforme tudorienne et il est nommé archevéque de Canterbury par la reine Marie, qui succede à Edouard VI en 1553 et dont il demeurera un des fidéles conseillers. En 1555, suite à l'absolution de l'Angleterre

par le pape, qui couronne sa mission légataire, il rédige un Discorso di pace qui próne la réconciliation générale,

notamment entre Charles Quint et Henri II. En 1556, Paul IV, qui lui est trés hostile, le démet de ses fonctions

de légat et le cite à comparaitre à Rome sous l'accusation d'hérésie, en raison de ses positions dogmatiques sur

la justification et de sa fréquentation du cercle de Viterbe. Pole, protégé par la reine, demeure en Angleterre et

méne une politique de refoulement du protestantisme dont les épisodes les plus célébres sont l'affaire John Cheke et l'affaire Thomas Cranmer, dont il essaya d'obtenir l'abjuration, sans succes toutefois pour le second.

— tit. pic. : - SCVLPTORIS...

LEOCRAE] Léocras ou Léocharés est un sculpteur grec originaire d'Athénes, contemporain

de Céphisodote (PLIN., Nat, 34, 79), actif vers 350 av. J.-C. Il participa avec Scopas et Bryaxis à la décoration du Mausolée d'Halicarnasse. Il serait l'auteur de l'Apollon du Belvédére. Le Ganyméde enlevé par l'aigle évoqué par Pline (voir apparat des sources et infra, analyse) fut sculpté en bronze et date des années 328-325 av. J.-C. On n'en connaít pas de véritables répliques, mais seulement des variantes, dont deux sont célébres. Dans un

groupe de marbre d'époque antonine conservé à la Galerie des candélabres au Vatican (Inv. 2445), Ganyméde, les pieds encore sur le sol et les jambes serrées, le bras gauche baissé, tenant son arc, léve le bras droit, sans doute

Oque

par | amie, cogue exievééde & Ganym À I MM nsec duV v ancan.: zutonme,

2> Gaepmide proupe de masbee d: cpucgae CPG amtoaze Masée zn Iheciorxnmme de Naples cobeCmoms Farmese

p. 166, n° 251 ; C. Rolley, art. “4 Voir H. Sichtermann, « Ganymedes », in LIMC, t. IV-1, p. 154-169, en part.

1313 Sur Pole, voir W. Schenk, Reginald Pole, Cardinal of England, Londres, 1950 ; D. Fenlon, Heresy and obedience in Tridentine Italy: Cardinal Pole and the counter reformation, Cambridge University Press, 1972 ; P. Simoncelli, Il caso Reginald Pole : Eresia e santità nelle polemiche religiose

del Cinquecento, Rome, 1977 ; T. F. Mayer, « Pole, Reginald » in H. J. Hillerbrand (dir.), The Oxford Encyclopedia of the Reformation, Oxford,

1996, t. IV, p. 288-289; p. 393-395 ; Id., A Reluctant Author : Cardinal Pole and his Manuscripts, Philadelphie, 1999 ; Id., Cardinal Pole in European Context : a via media in the Reformation, Aldershot/Burlington/Ashgate, 2000 ; Id., Reginald Pole, Prince and Prophet, Cambridge University Press, 2000. i j

426

P. 293-294.

Lz scultpare £rzcgwe

t Hi, Paris, 1996

7 H Sichtermann, « Ganymedes », p. 161, n° 131dore uns e 55 Voir Ph. P. Bober; R. O. Rubinstein, Renaissance Artists and Antique Sculpture. A Handbook aj Sources, andres auguog axm ] TPCEPIZCEÓw 3 Noir la famense formule de CiC., Tusc., 1, 22, 53 : nam corpus quidem quas: uas est aus 33 en partucuber Courtauld £Inzutes, andtourtaua Mari she nf sl s $,31,D.234-250, i Szhutes, 1968, T T and ; yr Warburg 5 Voir the of Journal », H. Miedema. « The terme emblema in Alciati 5* xx. 6 selIe-—Zu rerue tenme avant Alciat », Nouwel du term 24 ; D. Drysdall, « Préhistoire de l'embléme - commentaires et emploss du P- 239-241

1

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

ANALYSE

Le point de départ de l'épigramme et de ses quatre premiers vers (voir apparat des sources) est un passage de Pline décrivant une statue de Léocharés qui représente le rapt de Ganyméde (34, 79) :

Léocharés a fait un aigle qui comprend quelle proie il emporte en Ganyméde, et pour qui il le fait, car il prend garde de ne pas blesser l'enfant de ses serres, méme à travers le vétement.

L'aigle n'est pas ici Zeus/Jupiter lui-méme (comme chez Ovide, Met., 10, 155-156 ou Nonnos de Panopolis, D., 25434-435), mais son messager. Cette tradition « sensuelle » du rapt, oü l'aigle prend garde de ne pas abimer sa proie, est un motif connu. On le retrouve par exemple dans une épigramme grecque de Straton (A. G., 12, 221),

bien que la piéce ne figure pas dans l'Anthologie de Planude

1319 .

Monte vers l'éther divin, aigle, éloigne-toi en emportant l'enfant, tes ailes déployées. Monte en tenant bien le

tendre Ganyméde, sans laisser tomber l'échanson qui doit verser à Zeus les délicieuses coupes! Prends garde aussi que tes serres crochues ne blessent le garcon, pour ne point affliger Zeus d'une lourde peine??? !

De cet ensemble de Ganyméde et de l'aigle, avec la mention d'un aigle attentif à ne pas blesser le berger, Bocchi

fait, dans les vers suivants (5-6), un symbole de tranquillité heureuse (otia laeta) du corps et de l’àme réunie (compositi corporis atque animi). Il n'est donc plus question ici, comme dans l'embléme précédent, de la divinité ravissant l’àme

de sa créature,

mais

d'une

image

de la nature

composite

de

l'homme,



s'associent

harmonieusement l'àáme-aigle et le corps-Ganyméde. Le mouvement cependant est clair : c'est l’àme qui dicte le mouvement et, sous les traits tout platoniciens de l'oiseau ailé, éléve le corps vers le ciel pour l'emporter dans les espaces célestes. Sur le modéle du Phaedrus de Sadolet, l'embléme semble nous proposer une sorte de réconciliation entre deux positions : d'un cóté, l'éloge de la vie intellective selon Aristote, qui génére le plus de plaisir et le plus durable, tout en faisant place au corps, mais dans la limite de la satisfaction des besoins

élémentaires, puisque le philosophe n'est pas un pur esprit?" ; de l'autre, l'austére hédonisme d'Épicure, fondé

sur un calcul rationnel des plaisirs, qui ne laisse pas le corps s'abandonner à tous les excés imaginables'??. La conclusion semble adressée à Pole lui-méme : s'il connait et révére Dieu de toute la pureté de son àme (v. 7),

il aura éternellement à disposition la paix et la joie (laeta... pax, v. 8), et ce, domi et foris (v. 8), formule qui peut

se traduire et s'entendre de maintes maniéres : à l'intérieur et à l'extérieur, dedans et dehors, chez lui et chez les autres, dans sa patrie et à l'étranger. Comment interpréter cette conclusion qui proposer une sorte de quiétisme généralisé ? Qu'on nous permette de différer un peu nos tentatives d'explication et de passer tout de suite à la description de la gravure. Malgré son titulus déictique qui invite à contempler la statue antique de Léocharés, la gravure n'a rien à voir l'aeuvre du sculpteur antique, mais constitue une sorte de libre adaptation et variation visuelles. Bonasone re-

prend en réalité la configuration de la gravure précédente, imitée de Michel-Ange : Ganyméde et l'aigle sont

dans la méme posture. Les modifications apportées n'en semblent que plus frappantes. En effet, le berger n'est

plus nu mais a le corps revétu d'une tunique, en plus de son manteau flottant, et le bas des jambes est protégé

par des cnémides. L'aigle n'agrippe plus les membres à pleines serres mais se contente de les effleurer, comme le veut le commentaire que fait Pline sur la statue de Léocharés, et la référence à la sculpture antique se fait sans 7? Qui n'a retenu que seize épigrammes du livre XII, qu'elle a classées dans la section VII des Amatoria, en les mélant aux épigrammes

amoureuses du livre V de l'Anthologie. Voir R. Aubreton (éd./trad.) : Anthologie grecque. Anthologie palatine, livre XII, Paris, 2002. (1994.), p. XIV-XVV. 37) A. G., 12, 67, 2-4 : Alexé, xóv Xaplevra moti zrrepà zvxvà xtváfac/ IIoc Épepec ; urj zov xvicyax' óvo£tv yet ; 12, 221 : Exeiye xpóc aiBépa 8iov,

&vépxeo xaiBa xoyilov,/ Aiexé, vàc Bipvelc &nerácag zrépvyac,/ XYreîxe tòv áfpóv Eyov l'avourjSea, un8E ysOeinc/ Tov Auóc fjStoxwv olvoyóov kvAikov./ Qeíbeo 8° aiuá£at xobpov yayyóvvyi rapa, / Mî} Zebc aXyrjor tobto Bapvvóuevoc. 121 ARIST., EN., 10, 7 et 10, 9, 1178b-1179a. 13" EpICVR,, Ep. (ad Menoec). in D. L., 10, 128-132.

428

doute sur ce point de détail : l'épigramme de l'embléme le signale et le motto de la gravure, opportunément déplacé au-dessus de l'image dés la version manuscrite, rappelle également ce passage. On constatera que les proportions du jeune homme ont changé : moins fluet, il est plus grand par rapport à l'aigle et semble peser davantage. C'est une vraie créature de chair, douée de pesanteur. Faut-il voir dans l'intervention du vétement

une manifestation de pudeur liée à la Contre-Réforme, comme on le répéte à l'envi ? Nous ne le croyons pas. C'est en réalité la signification symbolique des deux Ganymédes qui a changé. Dans la gravure précédente, le jeune homme est une représentation de la flos mentis, la partie intellective de l'áàme ouverte au divin et ravie par lui : comme le veut Platon, cette partie a forme humaine. La nudité du berger figure sa nature démonique et quasi angélique : c'est la partie la plus pure de l'áme. Dans la gravure du Symb. 79, tout a changé. Le jeune

homme n'est plus une partie de l'áàme mais un corps pesant et sexué qu'il faut vétir pour le protéger, que l'on observe ici emporté par le mouvement de l’àme et qui se plait à cette ascension. Apaisé, réconcilié, il s'abandonne. Le paysage a quelque peu changé lui aussi. Bonasone a ajouté un second chien, manifestant la multiplicité des passions les plus basses, abandonnées ici à leur sort terrestre et incapables désormais de nuire au corps. Le graveur a supprimé l'arbre vif à gauche, ótant en méme temps une ligne visuelle qui insistait sur la verticalité et le mouvement propulsif: le sentiment que donne le couple est ici moins celui du rapt que celui d'une danse suspendue et harmonieuse au-dessus de la terre. Le graveur a également supprimé la tour circulaire à droite, remplacé par un groupe de bátiments et une pyramide. *

Mais il est temps d'aborder la difficile question du redoublement et de la signification générale du Symb. 79 que nous avions différée. Ce Symbolum forme avec le précédent une paire liée par le motif du rapt de Ganyméde par l'aigle, et au sein de laquelle interviennent tout un ensemble de correspondances et de variations que les gravures rendent particulierement frappantes. On remarquera qu'outre le choix du sujet mythologique, les dédicaces manifestent une grande cohérence : le premier embléme a été dédié une premiere fois à un pape. Le second, sur le méme théme, est dédié à un cardinal qui n'a manqué que de peu l'élection au pontificat. Plusieurs hypothéses pourraient expliquer cette déclinaison successive d'un méme motif. Tout d'abord, à la copie du dessin de Michel-Ange revu par Béatrizet, avec un titulus de pia deuotio, dans le Symb. 78, succéde une libre adaptation gravée de Bonasone dans le Symb. 79, mais présentée par son titulus comme une citation plastique de Léocharés : à travers les deux gravures, leurs similitudes et leurs disparités, le plus grand sculpteur de la Renaissance, Michel-Ange, est en quelque sorte comparé à l'un des plus grands sculpteurs de l'Antiquité et présenté comme son héritier. De plus, un méme ensemble plastique (Ganyméde enlevé par l'aigle et le chien qui aboie), à quelques nuances prés dans le détail de ses composantes, se voit attribuer deux significations symboliques différentes : c'est une constante de l'Anthologie Grecque et de la tradition épigrammatique en général que d'effectuer des interprétations divergentes qui tournent autour d'un objet fixe, comme pour en manifester la profondeur gràce au développement successif d'hypothéses herméneutiques radicalement différentes. Enfin, si l'on passe au détail des épigrammes, on notera combien le vers 7 (Tota mente Deum ac pura nosce et

cole) de l'épigramme 79 rappelle les v. 7 et 8 de l'épigramme précédente, définissant la pietas (noscere uerum/ Et puro mentis flore Deum colere). Or cette notion de pietas nous semble étre la clé non seulement de l'épigramme

du Symb. 79, mais également de l'association entre les deux Symbola. Nous l'avons dit plus haut, dans notre analyse de l'épigramme du Symb. 79 : si Pole se montre vraiment pieux, il connaítra partout et toujours la paix et la joie. La piété est bien sùr la piété évangélique, celle du cercle de Viterbe que le cardinal fréquentait : son mot d'ordre est l'amour exclusif de Dieu, au plus profond de l'étre, indépendamment des autres manifestations extérieures de la piété. Or la statue de Léocharés interprétée par Bocchi nous parle d'une constitution humaine oü l'àme ne serait pas l'ennemie du corps ni le corps celui de

l'àme, mais où tous les deux vivraient en bonne entente et dans une harmonie pacifiée. L'áme toutefois dirige les opérations et montre la bonne voie : vers la spiritualité. C'est probablement une maniere symbolique subtile

d'évoquer pour les condamner deux excés du comportement que les hétérodoxes vilipendaient chez certains catholiques, en particulier les prélats : d'un cóté la tendance à complaire au corps en s'abandonnant à la luxuria,

429

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

qu elle soit gloutonnerie, débauche sexuelle ou goát des richesses extérieures ; la tendance inverse d'afficher une austérité tout aussi répréhensible envers le corps en se flagellant, en s'imposant le cilice, le jeüne et les positions inconfortables sous couvert d'honorer Dieu. Les deux emblémes invitent à fuir les excés : l'àÀme doit inviter le corps à fuir l'écueil de la débauche mais le corps doit se rappeler à elle pour interdire les manifestations cruelles

15

d'une piété qui ne serait pas amour.

Le rapt mythologique met ici en scéne une piété évangélique fondée sur la sincérité, l'harmonie et la mesure, qui réconcilie l'homme avec lui-méme, et avec son corps en particulier (domi), corps qui doit d'ailleurs renaitre un jour. Mais cette réconciliation s'effectue aussi avec le monde qui l'entoure (foris), puisque l'expression concréte de la piété comme amour pour Dieu, c'est la charité, comme amour du prochain. Les activités diplomatiques du cardinal en faveur de la paix manifestent assez cette volonté de charité et elles sont ici implicitement célébrées : comme àme de l'Église, puisqu'il fait partie de ses dirigeants, Pole fait tout pour vivre en paix avec le corps de l'Église, c'est-à-dire les fideles dont il a la charge, inspiré par la vraie foi. La piété intérieure et temporelle promue par Pole, en partie fruit de la volonté humaine, réconcilie l'homme avec Dieu et promet la uoluptas éternelle: dans une chronologie inversée, le rapt de l'àme par Dieu vers le paradis ou vers la pure contemplation dans l'embléme précédent est en quelque sorte préparé par le rapt du corps par l'àme dans le Symb. 79, pour traduire la volonté des spirituali vers le bien qui manifeste déjà la trace de la gráce. La premiere gravure nous en montre l'accomplissement et la récompense ultime ; la seconde nous en décrit les conditions et la mise en ceuvre. Les deux emblémes sont donc parfaitement complémentaires et renvoient l'un à l'autre, non plus selon un temps chronologique, mais un temps essentiel et mystique. L'ordre lui-méme est significatif : si le premier embléme met en scéne une trajectoire spirituelle individuelle, le second embléme en manifeste les retombées sociales, par l'intermédiaire de la caritas.

20

Prend ceci, sinon qu'amour doit étre mutuel ? L'amour prend sa source dans le cceur de l'amant.

Mais point ne grandit s'il n'est aimé en retour. Mais quoi ? Tu en saurais assez sur le sujet

Guido, espoir et honneur des bons citoyens, Si toi tu consultais aussi ton Apollon, L'alme Dioné, sans oublier non plus les Gráces, Quit'ontélevé et te chérissent trés fort.

MÉTRIQUE Triméres iambiques. NorES

- ded. : GVIDONI PEPVLO

PHILIPPI OCELLO]

Scipione Dolfi dans sa Cronologia delle famiglie nobili di

Bologna con le loro insegne, e nel fine i cimieri, Bologne, Gio. Battista Ferroni, 1670, p. 598, fait de ce personnage le

fils du comte Cornelio de' Pepoli, l'un des fréres d'Ugo et de Filippo Pepoli ou de' Pepoli, que nous avons rencontrés au Symb. 42. Cornelio, à la solde des Pisans, serait mort en 1512 lors d'une escarmouche contre

Ravenne, en qualité de commandant d'infanterie. On peut imaginer que c'est à cette occasion que le jeune Guido Pepoli aurait été recueilli par son oncle, Filippo. Toujours selon Dolfi, Guido aurait fait partie du

Collegio degli Anziani de Bologne en 1538, avec le Gonfalonier Marcantonio Marsili. Il se serait marié à Porzia Bandini en 1543. Selon Giuseppe Bolletti ( Notizie istoriche di Città della Pieve, Pérouse, 1830, p. 306), il serait en

réalité le fils de Filippo di Pepoli et son mariage aurait eu lieu en méme temps que celui de son pére et de son

frére Giovanni, à Città della Pieve, en Ombrie, oü ils se seraient établis à partir de 1554. Symb. 80

Gravure :

À GUIDO DE' PEPOLI, LE PETIT CHÉRI DE PHILIPPE Sur l'image : - Vénus — Les Gráces

— Les Charites

— Aphrodite — Antéros

Antéros le vengeur d'un amour méprisé créé par Némésis pour punir celui qui avait repoussé ou méprisé une

passion sans y répondre"*, Antéros est aussi celui qui détruit la passion, et de nombreuses gemmes et basreliefs antiques montrent les deux jeunes gens en train de s'affronter : ils se disputent une palme, font des

courses au flambeau, jouent aux osselets, se disputent un concours de péche, assistent à un combat de coqs'?^,

Antéros est aussi le dieu aux quatre couronnes de vertu qui convertit l'amour terrestre en amour des réalités célestes'?*, Nous l'avons rencontré avec le vocable de Platonicus dans le Symbolum 20. Enfin, Antéros est celui

qui garantit l'amour réciproque, comme nous allons le voir.

VOICI ANTÉROS : QUE SIGNIFIE-T-IL SINON QUE L'AMO UR VÉRITABLE EST L'AMOUR MUTUEL ?

Quand Cupidon fut né, aux Gráces délicieuses Vénus vint le confier. Mais s affligeant, en mére, Que leur empressement ne pùt faire grandir

5

ANALYSE

La signification d'Antéros n'est pas claire ni univoque et ce, dés l'Antiquité'??. Si les Grecs voyaient dans

L'enfant selon ses vceux, elle alla consulter

Bientótl'oracle Delphes, et revint Avec cette réponse : il lui fallait vraiment

La légende rapportée par Bocchi est empruntée au Protreptique de Thémistius (Orat., 24), un rhéteur du IV° s., qui utilise le mythe pour convaincre son auditoire de Nicomédie que philosophie et rhétorique voient leur

pouvoir

décuplé

traduction :

lorsqu'elles

sont

en présence

l'une

de l'autre

(voir apparat

des sources).

Voici

notre

Lorsqu' Aphrodite eut engendré Antéros, l'enfant était beau à tous égards et digne de sa mére ; mais il n'avait pas grandi jusqu'à atteindre la taille qui convenait à sa beauté, ni forci de corps mais il resta pendant longtemps aussi petit qu'il était à la naissance. L'affaire inquiéta sa mére et les nourrices du bébé, les Gráces. Elles se rendirent

auprés de Thémis (Apollon ne possédait pas encore Delphes) et l'implorérent de trouver un reméde à ce malheur

étrange et étonnant. Thémis répondit: «Je vais mettre un terme à vos questions, car vous ignorez encore la

Engendrer Antéros ; car ainsi, chaque enfant

Rivaliserait pour grandir jusqu'à la taille

10

Qu'il devait atteindre. Puis, une fois concu Antéros, la déesse aux Gráces à nouveau

En confi l'instruction : à point se produisit Ce qu'avait prédit le Délien. Quel autre sens

430

133 Voir D. A. Beecher, M. Ciavolella (dir.), Eros and Anteros : The Medical Traditions of Love in the Renaissance, Toronto,

1992 ; R. V. Merrill,

* Eros et Antéros », dans U. Langer, J. Miernowsky (dir.), Antéros, Actes du colloque de Madison (Wisconsin), Orléans, 1994, p. 27-59; A. Comboni, « Eros e Anteros nella poesia italiana del Rinascimento : appunti per un ricerca », Italique, 3, 2000, p. 7-21. 135 Voir l'épigramme de Platon dans A. G., 16, 251. Voir ALCIAT, Emblematum liber, « Avrtépws : Amor Cupidinem alium superans ».

35 Voir p. Panofsky, Essais d'iconologie, Paris, 1967 pour la trad. francaise, p. 183, note 3.

—..

126 Voir l'épigramme de Marianos le Scolastique dans A. G., 16, 201. Voir ALCIAT, Emblematum liber, Avtépws id est amor uirtutis ».

431

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

véritable nature de ce nourrisson. Éros, ton enfant, le vrai,

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

ó Aphrodite, a probablement pu naitre en étant tout

qu Eros grandisse. seul, mais il ne saurait grandir en restant tel : au contraire, tu as besoin d'Antéros, si tu veux

Voici quelle sera la nature de ces deux fréres : ils seront l'un pour l'autre la raison de leur croissance. Sous les yeux l'un de l'autre, ils s'épanouiront à l'identique, mais si l'un d'entre eux est abandonné, ils dépériront ». Aphrodite conqut donc Antéros et aussitót Éros se mit à croitre, ses ailes poussérent et il devint grand. Placé dans de telles

conditions, Éros vit souvent d'extraordinaires aventures : tantót il s'épanouit, tantót il diminue, puis augmente à

de son frére et, constatant que ce dernier est grand, il désire paraitre nouveau. Il a toujours besoin de la compagnie

plus grand à son tour ; mais s'il le voit petit et fragile, méme sans le vouloir, il se met à dépérir en retour.

Symb. 81 Gravure :

À MARIO NIZOLIO

Sur l'image : — Admiration

- Effort

Huit discours de Thémistius furent édités pour la premiére fois en 1534 à Venise, mais il existait un manuscrit,

identifié par Schenkl comme du xv* ou XVf' s., qui contenait uniquement l'histoire d'Antéros rapportée par le Protreptique, et s'intitulait ITepi tfj; 109 "Epeoc a&ioewc « La croissance de l'Amour » 37 Le mythe inventé par Thémistius fut imité et paraphrasé par Celio Calcagnini et Lelio Gregorio Gyraldi, qui l'attribuent à Porphyre, ainsi que par Agostino Nifo qui le restitue à Thémistius. Equicola consacre également un passage à cette légende (voir apparat des sources). La signification en est claire : le préfixe du nom Antéros, ávre-, signifie « en échange de ». C'est donc l'idée que l'amour doit étre réciproque et partagé pour durer. Les deux fréres rivalisent d'amour entre eux. L'incertitude biographique qui entoure Guido de' Pepoli (est-il le neveu ou le fils de Filippo de" Pepoli 2), complique l'interprétation de l'embléme. Le terme ocellus mentionné dans le titulus de la gravure est un diminutif de tendresse, que l'on trouve autant chez Plaute que dans le contexte élégiaque, en particulier chez Properce et Ovide. On le trouve en particulier, avec un sens d'affection filiale, dans une lettre que l'empereur Auguste adresse à son petit-fils Gaius (fils d'Agrippa et de Julie) et que cite Aulu-Gelle (15, 7, 3) : Aue, mi Gai,

meus ocellus iucundissimus, quem semper medius fidius desidero cum a me abes. C'est Béroalde qui, dans l'édition qu'il procure du texte en 1503, préfere la lecon ocellus à celle d'asellus, présent dans les manuscrits et retenu par les éditeurs modernes. Bocchi invite sans doute le jeune homme à nourrir des sentiments meilleurs à l'égard de son oncle ou de son pére, en le prévenant qu'il risquerait de perdre l'affection qu'on peut lui porter. La gravure propose une mise en scene assez réussie des deux moments du récit mythologique. La premiere

étape est figurée en haut de l'image, à gauche, et a pour décor de fond une vaste tenture, moyen commode pour figurer un éloignement temporel et circonscrire l'épisode. Vénus, qui marche de droite à gauche, accourt pour remettre un nourrisson dans ses langes aux trois Gráces accolées, qui tendent les bras pour le recevoir.

GRATIAE et VENVS, en latin, surmontent les personnages pour en permettre l'identification. La deuxiéme étape est figurée en bas de l'image qu'elle occupe en entier, indiquant clairement qu'il s'agit du présent. Le décor est naturel et un bosquet d'arbres sur la droite monte depuis le sol pour occuper l'espace laissé libre par la petite scéne inscrite sur la tenture, assurant la liaison entre les deux scénes. La position des personnages e$t inversée par rapport à la scéne supérieure et les légendes sont désormais rédigées en grec.

Aphrodite accourt de la gauche, non plus pour remettre, mais pour recevoir dans ses bras le petit Antéros,

bambin qui désormais marche et se précipite vers elle. Les Gráces le laissent partir à regret, et leurs bras guident

l'avancée du jeune enfant. En méme temps qu'elle implique une distance chronologique, la superposition des deux tableaux permet de traduire visuellement la proximité spatiale des deux enfants, qui correspond à un impératif: c'est parce qu'ils sont en présence l'un de l'autre qu'Éros et Antéros grandissent.

L'AMOUR ENTRAÍNE L'EFFORT, L'ADMIRATION

L'AMOUR

Tu t'étonnes de voir Pallas sur un cerf prenant fuite, Que deux chiens à la fois poursuivent puis rattrapent : Ici, c'est Thaumastus, là c'est le vif Camaterus. L'un est Admiration, l'autre Effort acharné. 5 Admiration engendre un étonnant amour d'apprendre :

Que n'obtient pas Effort, s'il s'acharne áprement ?

MÉTRIQUE Distiques élégiaques. REMARQUES SUR LES MANUSCRITS ET L'ÉDITION DU TEXTE

Le manuscrit Sloane porte la marque d'un changement dans la dédicace qui surmonte la gravure. Avant de l'étre à Mario Nizolio (voir notes), l'embléme avait visiblement d'abord été adressé à Pompilio Amaseo'?* le fils ainé de Romolo

Amaseo

et de Violante Guastavillani, né en

1513, et qui, à partir de 1540, assurait la lecture

matutinale des humanités au Studio, en méme temps qu'Achille Bocchi, tandis que son pére, Romolo Amaseo,

effectuait celle de l'aprés-midi. En 1543, gráce à Alexandre Farnése, son protecteur, il obtint de sucroit la chaire

de langue grecque, en remplacement de manuscrite, compte des traductions de Chrysostome), de Diodore de Sicile et de s'est intéressé à l'armement et à la stratégie

Ciriacio Strozzi. Il meurt vers 1586. Son ceuvre, essentiellement péres grecs (Cyrille d'Alexandrie, Grégoire de Nazianze, Jean Polybe. À partir d'extraits de Polybe et de Tite-Live commentés, il militaire des Romains.

NorES

- ded. : MARIO NIZOLIO] Né en 1488 et décédé vers 1567'??, Mario Nizolio'*? fut professeur d'humanités à Parme à partir de 1549, et auteur d'un monumental dictionnaire basé sur les écrits cicéroniens et intitulé Obseruationes in M. T. Ciceronis, publié pour la premiere fois en 1535 puis réédité de nombreuses fois sous le titre Thesaurus Ciceronianus. Il participe à partir de 1544 à une querelle autour de Cicéron avec Marcantonius Majoragius, professeur l'éloquence à Milan, puis avec Celio Calcagnini (autour du titre du De Officiis), en se

distinguant toutefois des « Cicéroniens » traditionnels comme Pietro Bembo ou Cristoforo Longolio. Moins que de se faire l'arbitre des élégances cicéroniennes et de la pureté lexicographique, il veut promouvoir Cicéron

555 Voir L, Chines (éd.), I lettori di retorica e humanae litterae allo Studio di Bologna nei secoli XV-XVI, « Amaseus, Pompilius », Bologne, 1990, P. 3-4.

3? Sur ses dates, voir Q. Breen, « Marius Nizolius: Ciceronian Lexicographer and Philosopher », Archiv für Reformationsgeschichte, 46, 1955,

P. 69-87.

7* Voir R. Battistella, M. Nizolio umanista e filosofo, 1498-1576, Trévise, 1905 ; G. Saitta, Il pensiero italiano nell'Umanesimo et nel Rinascimento, Bari, 1952, p. 194 sq ; Q. Breen, « Marius Bologne, 1951, t. 3, p. 445-471 ; E. Garin, L'Umanesimo italiano. Filosofia e vita civile nel Rinascimento, Nizolius », art. cit. ; P. Rossi, « La celebrazione della retorica e la polemica antimetafisica nel De Principiis di Mario Nizolio » in A . Banfi (éd), La crisi dell'uso dogmatico della ragione, Milan, 1953, p. 99-121 ; C. Vasoli, La dialettica e la retorica dell'Umanesimo. Invenzione e metodo nella cultura del XV e XVI secolo, Milan, 1968, p. 603-632 ; E. Garin, History of Italian Philosophy, Amsterdam-New York 2001, pour la traduction

5" R. V. Merrill, « Eros et Antéros », p. 39.

432

anglaise, t. 1, p. 1224.

433

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

non seulement comme orateur, mais aussi comme philosophe, en insistant sur le fait que la plus grande erreur de Socrate, de Platon et d'Aristote avait été de séparer éloquence et philosophie. Dans cette perspective, il rédige, comme ultime réponse dans la polémique qui le confronte à ses adversaires, un traité majeur, véritable manifeste anti-aristotélicien, le De ueris principiis et de uera ratione philosophandi contra Pseudophilosophos libri IV (1553)'?!, où il próne une réforme radicale de l'enseignement : l'instruction de la philosophie et des sciences

doit étre retirée aux dialecticiens et aux métaphysiciens, qui l'ont totalement corrompue, pour étre remise entre les mains des rhéteurs et des grammairiens. La grammaire et la rhétorique doivent constituer les piliers de la connaissance.

-v.3-4: - Thaumastus... admirator] Bocchi établit des équivalences fondées sur des approximations en grec. Admirator est un substantif renvoyant à l'a&ant (« celui qui admire »), alors que le grec Qa$uaorog

(« étonnant »,

« merveilleux ») désigne plutót l'objet de l'admiration. L'équivalent grec en serait plutót Bavpaotis, -o9 ou Oavuactikóc, rj, 6v « porté à admirer ». - Camaterus... improbus... labor] Kápaxrpoc désigne ce qui est fatigant et pénible. L'effort lui-méme se dirait Káyaxoc. Mais les deux noms ont aussi ici des propriétés qu'il ne faut pas négliger : ils sont homéotéleutes (-66) mais non isosyllabiques : Kauatnposg a une syllabe de plus que Bavpaotos, syllabe qui l’alourdit et le ralentit, tout comme le travail qu'il représente n'a pas l'instantanéité de l' ingenium ou du furor inspirateur. ANALYSE La vision de Pallas emportée sur un cerf au galop est interprétée comme une image de l'amor discendi, la « passion d'apprendre » : Pallas est en effet la déesse qui patronne les disciplines intellectuelles, tandis que le cerf est réputé pour sa rapidité et sa ténacité dans la course, comme le rappelle Valeriano (voir apparat des sources). Gráce à sa monture, la déesse, assoiffée de connaissances, est ainsi toujours entrainée plus loin et sans

reláche dans sa quéte. Cette image de la recherche de la vérité ou de la sagesse, symbolisée par le cerf chassé par une meute, a des origines antiques : la quéte du Bien s'apparente chez Platon à une « chasse à l'étre » (Phaed., 66a : Ékacxov Onpeóstv tv óvrov), oü l'on piste (ixvebcat) le bien et la vérité, tandis que Cicéron relaie l'image de la vénerie par l'expression indagatio/indagatrix (CIC., Off., 1, 5 ; Tusc., 5, 2, 5). Nous avions vu, dans le Symb.

1 (voir notre analyse et le v. 16 en particulier), l'importance de cette image de la chasse dans la quéte herméneutique. Mais l'image plus spécifique de la chasse au cerf est probablement inspirée à Bocchi par le « traité de vénerie » que Budé élabore au second livre du De Philologia, paru chez Josse Bade en 1532. Budé y

compare la philologie à un cerf apeuré qui tente de fuir les veneurs et les chiens, et ne se laisse saisir qu'apres maints détours, ruses et dérobades"? ;

Cette béte fuyante, trompeuse, glissante m'a entrainé dans des détours aussi longs, aussi nombreux, et d'une méme nature que les méandres, pour ainsi dire, que, dans vos chasses à courre, les cerfs remarquables tracent habituellement pour fuir, lorsque la meute aboyante de Diane, effrayante par ses máchoires béantes, les poursuit à la trace.

en fuite, te consacre cet aulne situé au milieu de sa propriété/oü l'on a pendu des lynx domptés par la fléche véloce, les daims peureux et les cornes du cerf rapide qui te sont consacrées » !234),

Cette soif d'apprendre est stimulée par deux aiguillons, symbolisés par des chiens aux noms grecs, qui pressent leur proie : Thaumastus (admiratio) et Camaterus (labor). Gráce à la vénerie et à l'univers des animaux, nous sommes en réalité en plein débat rhétorico-philosophique sur la mimesis littéraire et son traitement par Cicéron. Ce choix était tout à fait adapté à Nizolio, grand lecteur de Cicéron (tout comme Bocchi lui-méme), et qui avait, à sa maniere, participé à la querelle du cicéronianisme. L'admiration, selon Cicéron, c'est le sentiment qui s'empare de l'auditoire devant un discours qui, faconné par l'excellence, porte la marque du grand style? :

celui-ci pourrait assez bien étre rendu par la majesté du cerf au galop, emporté par son propre mouvement et se riant des obstacles. Témoin pour son créateur de l'efficacité rhétorique du discours et de son succés, l'admiration est donc aussi le sentiment qui guide l'écrivain — qui commence par étre lecteur — dans le choix des auteurs qu'il voudra imiter lui-méme dans ses propres productions". Mais l'admiration signale aussi que le lecteur posséde des moyens intellectuels équivalents à l'auteur qu'il parcourt, qui le rendent capable de saisir,

dans toute son ampleur et sa richesse, l'oeuvre qui lui est soumise". Il s'engage ainsi, pour poursuivre la

métaphore, sur la trace des pas de sa proie (sequitur), qu'il contribue à son tour à aiguillonner. Car l'admiratio est un processus réciproque qui entraine la proie autant que le chasseur. Le labor est au contraire l'exercice d'émulation par l'ars, l'apprentissage technique qui donne le pouvoir

d'atteindre un jour ses modeles par l'effort, c'est-à-dire de rejoindre sa proie (assequitur ; petit).^*. Bocchi

imagine d'ailleurs, dans le titulus de l'épigramme, un processus de création fondé sur la concaténation de trois

éléments: admiratio engendre amor qui engendre labor. L'admiration n'est pas seulement une réaction éphémére, qui resterait extérieure au sujet qui l'éprouve, manipulé en quelque sorte contre son gré par l'orateur tout-puissant : véritable phénoméne d'attachement, elle s'enracine profondément en lui pour devenir une vraie

passion (Amor), dont l'énergie peut ensuite produire l'effort.

La gravure présente une Pallas casquée assise sur un cerf dont le corps se déploie de droite à gauche sous l'effet du galop. La déesse, dont le manteau flotte au vent, porte de la main gauche sa lance, paralléle à la ligne des jarrets arriere du cerf qui le propulsent en avant, et son bouclier portant la face de Méduse. Elle exhibe de la main droite un livre pourvu d'un fermoir et jette en arriére un regard apeuré, pour mesurer la distance qui la sépare de ses poursuivants : le livre a une valeur métaphorique et permet à la composition de signaler qu'elle est une allégorie de la quéte rhétorique, philologique ou, plus largement, littéraire. Les deux chiens, dont les noms apparaissent en grec sur l'image, redoublent les mouvements du cerf : à l'avant

du cerf, mais en partie caché par lui, Thaumastus court également, tandis que le corps déployé de Camaterus, arriére mais visible au spectateur, effectue des mouvements qui épousent parfaitement ceux des pattes avant cerf. Les deux poursuivants ne sont pas au méme niveau: Thaumastus tient la téte, Camaterus suit mouvement, en peu en retrait. Pour Bocchi l'admiration est premiere, tandis que le labeur vient pour

en du le la

seconder. Au second plan, un piqueur avance en sonnant du cor, confirmant la dimension cynégétique de la

scene. Le paysage est celui d'une campagne déserte, marquée par des collines dont les pentes présentent des diagonales paralléles au mouvement du cerf, et qui strient de lignes ascendantes l'image de droite à gauche.

On rappellera par ailleurs que Pierio Valeriano dédie à Bocchi le livre 7 des Hieroglyphica dédié... au cerf??,

tandis qu'un poéme de Marcantonio Flaminio (Carmina, 1, 34, 5-12, « Ad Dianam ») évoque Bocchi chassant

le cerf et d'autres animaux, pour en offrir les prémisses à la déesse chasseresse dans sa propriété, probablement le Vado Bocchiano, à San Giovanni in Calamosco : Bocchius, linguae decus utriusque/Doctus errantes agitare ceruos/Hanc tibi uilla media locatam/Dedicat ulmum ;/Vnde ueloci domitae sagitta/Pendeant lynces, timidique

damae/Atque uiuacis tibi consecrata/Cornua cerui, « Bocchi, gloire des deux langues, habile à poursuivre les cerfs 1331 Voir l'édition de Q. Breen, Rome, 1956. Le traité fut réédité par Leibniz à Francfort en 1671 et 1674 sous le titre Antibarbarus philosophus.

5? Voir l'apparat des sources pour le texte latin.

1233 Voir la dédicace (Hier., Bále, 1556, P- $1) : PIERIVS VALERIANVS AD MAGNIFICVM ACHILLEM BOCCHIVM BONONIENSEM, DE IIS QVAE PER CERVVM SIGNIFICANTVR EX SACRIS AEGYPTIORVM LITERIS.

434

b CiE partiellement par E. See Watson, Achille Bocchi, p. 14-15. l'Ecole de Mélanges », Pontano de l'Adtius dans admiratio et 1335 Sur l'association des deux notions, voir l'article de M. Deramaix, « Excellentia Fran,aise de Rome, Moyen-Age, Temps modernes, 99/1, 1987, p. 171-212, en particulier p. 174-176. 1% Cf Cic., De Orat,, 2, 32,90: Ergo hoc sit primum in praeceptis meis, ut demonstremus eum quem imitetur atque ita ut, quae maxume excellent in

eo quem imitabitur, ea diligentissime persequatur, « Voici le premier de mes préceptes : indiquer à l'éléve qui il doit imiter, de telle maniere qu'il s'attache avec une attention scrupuleuse aux qualités les plus remarquables du modile qu'il imite ». On remarquera la présence de maxume excellent, l'excellence, source d'admiration, et le terme persequatur, qui rappelle la filature cynégétique. 77 Ibid, p. 184-185.

_

|

1338 C£ Cic, De Orat,, 2, 22, 90 : Tum accedat exercitatio, qua illum quem delegerit imitando effingat atque exprimat, Ensuite, vient l'entrainement

qui lui permet, par l'imitation, de reproduire et de traduire par limitation celui qu'il a choisi ».

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Symb. 82

donc pas d'une tmése de cornucopia, due à l'enijambement. Iuuenis peut étre aussi un substantif au nominatif

NI RIEN, NI TROP

peut étre également un génitif complément d'un nom, qui peut étre soit cornu (« avec la corne du jeune

apposé à copia (« l'Abondance, en jeune homme/femme »), solution à laquelle nous nous sommes ralliée. Il

Gravure :

homme

DIFFÉRANT TOUT

» ou

« avec la corne

Sur l'image :

(« l'Abondance

du jeune homme », c'est-à-dire

de cet àge plein d'énergie et de vitalité, comme l'élan ou comme Alexandre dans l'embléme d'Alciat.

Promptitude mesurée

É CLAN

TE VOICI, SYMBOLE DE LA MÉDAILLE DE BOCCHI : PROMPTITUDE

de la jeunesse » ) soit Copia

« l'Abondance qu'apporte la jeunesse »). L'idée, dans tous les cas, reste trés claire: l'abondan ce est ici personnifiée sous les traits d'un jeune homme, et la corne pleine de fruits transcrit symboliq uement les trésors

MESURÉE

AC LE

2

L'élan, de ses sabots bombés, supporte les insignes Fameux, montrant ces mots : « ne différant rien ».

S

10

Un autre défend le contraire avec maintes raisons Et maints exemples : « en différant toujours tout ». Je ne me satisfais ni de « rien » ni de « toujours tout », Mais de la position située entre les deux : Ne pas trop hésiter sans pour autant trop se háter. Rien n'éclipse un esprit rapide avec mesure.

Cet homme est roi ; à ses cótés, l'Abondance en jeune homme

À la corne fournie, qu'oriente ce vieillard.

Montrant les éperons unis aux mors impitoyables,

Fig. 1 > ALCIAT, Emblematum

Un troisiéme ainsi tient le milieu entre eux deux.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. NorEs

- tit. pict. : si la formule nec nihil nec nimium est une reprise ramassée du vers 7 de l'épigramme (Vt neque cunctandum nimis est, ita nec properandum), la présence du seul závra &vapaMóyevoc, sans qu'il soit accompagné de sa contre-partie, pn8èv àvaaXóyevoc, est plus étrange. S'agit d'un oubli ? -v.1:

- alce] Il s'agit ici de la transcription phonétique du mot grec àAxr|, qui signifie l'élan, symbole de vitesse (cf.

PLIN., Nat., 8, 16; ALCIAT, Embl., « Nunquam procrastinandum », 6 : Fortior haec dubites ocyor an ne siet) et

d'énergie (le mot es homophone de àAktj, la force et Servius, ad Aen., 6, 393, y voit la provenance de l'épiclése

d'Alcide conférée à Hercule). Il ne s'agit pas du poéte Alcée, comme le croit E. See Watson!?*.

- insignia] Comme nous l'avons indiqué dans l'apparat des sources, la référence est ici faite à un embléme d'Alciat, « Numquam procrastinandum », « il ne faut jamais repousser au lendemain », qui associe pour des raisons phonétiques le nom de la famille Alci-ato à l'alc-é, l'élan. Les gravures proposées par différentes éditions pour accompagner l'embléme d'Alciat montrent effe&ivement l'animal tenant entre ses sabots une banderole

oü s'inscrit le motto unév &vaiaMóysvoc (Fig. 1-2). -v.9: iuuenis] W. Ludwig?" souligne les multiples fonctions syntaxiques que peut avoir ce terme dans le

distique. Il peut étre interprété comme un adjectif épithéte (ou attribut) de copia «la jeune Abondance », « l'Abondance, pleine de jeunesse ». Le terme copia est au nominatif, alors que cornu est à l'ablatif : il ne s'agit

35? E, See Watson, Achille Bocchi, p. 127-128. 140 W. Ludwig, « Die emblematische 'Festina lente"-variation des Achilles Bocchius », Humanistica Lovaniensia, $9, 2010, p. 83-102, ici p. 9697 ; 1d., « Erasmus'Adage “ Hasten Slowly ” and the Art of Emblems », Mittellateinisches Jahrbuch, 45/3, 2010, p. 445-458, ici p. 452.

436

libellus, Venise, Alde, 1546, P 46v^ Glasgow University Library

Fig. 2 » ALCIAT, Emblemata, Lyon, Macé-Bonhomme, 1551, p. 9 € Tours, CESR.

ANALYSE

L'épigramme se présente comme l'évocation du programme symbolique d'une médaille congue par Bocchi

(numismatis Bocchiani dans le titulus de l'épigramme), à l'origine pour Altobello Averoldo (1468-1531), gouverneur de Bologne pour la troisiéme fois, par ailleurs évéque de Pola en 1497 et légat pontifical à Venice, et

que l'emblématiste a reprise pour son propre compte'?*'. On connait en effet deux médailles réalisées par

Antonio Vicentino en 1530, avec un portrait d'Averoldo sur le droit, avec ses titulatures, et le programme

bocchien au revers? (Fig. 3). Mazuchelli'?? distingue deux médailles distinctes de Bocchi possédant ce méme revers, mais avec un droit différent, représentant le portrait de l'humaniste. Voici la description qu'il en donne :

Due medaglie coniate in suo onore noi serbiamo nelle nostra raccolta di medaglie d'uomini letterati. Amendue

hanno lo stesso rovescio, cioé un vecchio sedente con verga in mano, a cui si presenta altro vecchio in piedi con

uno sprone in mano, e di dietro d'amendue si vede la Cornucopia con altro vecchio che alcuna cosa le addita. La

prima è di mediocre grandezza senza alcun motto nel rovescio, e nel diritto rappresenta la sua effigie colle parole

Achilles Bocchius Bonon. An. Aet. LXVII. La seconda è d'inferiore grandezza, ed è grande come un Ducato d'argento Veneziano : ha nel diritto la sua effigie colle parole : Ach. Bononiensis Historiae conditor ; e nel rovescio si legge il motto Matura Celeritas, il qual rovescio pur si vede fra i suoi Simboli rappresentato^.

La premiére d'entre elles, décrite par Mazuchelli, est encore visible dans la reliure des Praelectiones in libros De

Legibus M. T. Ciceronis, conservées à la Bibliotheque Universitaire de Bologne sous la cote ms 304 : l'avers avec

P5 Voir p. Wind, Mystéres paiens de la Renaissance, Paris, 1992 pour la traduction francaise, p. 113. 39? VoirA. Armand, Les médailleurs italiens des quinziéme et seiziéme siécles, Paris, 1885, t. II, p. 104, n° 13-14 (diam : 68 et 47 mm) ; et G. F. Hill, G. Pollard, Renaissance Medals from the Samuel Kress Collection at the National Gallery of Art, Londres, 1967, p. 89 et fig. 470.

i@ Mazuchelli, Gli Scrittori d'Italia, Brescia, 1753-1763, t. I1-3, p. 1390-1391. 5* Mazuchelli (ibid.) renvoie à la pagination de l'édition de 1574 : « Num. CLXXIV ». Sur ces médailles, voir aussi A. Armand, Les médailleurs italiens, t. II, p. 219, n? 31-31.

437

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

le portrait ouvre l'ouvrage, tandis que le revers avec la composition symbolique le clót au dos de la reliure (Fig. 4).

son régime par le passage au pentamétre). Les formules matura

(titulus de l'épigramme)

celeritas (sur l'image) ou matura festinatio

font allusion à l'idéal laconique du cxeb8e BpaSéwc ou Fesina lente, « Háte-toi

lentement », la devise d'Auguste, popularisée par un adage d'Érasme (2, 1, 1, « Festina lente ») et par la marque

de l'imprimeur Alde Manuce : cette derniére s'inspire du motif antique présent sur une monnaie de Titus et qui montre un dauphin (symbole d'énergie et de rapidité ?*" ) s'enroulant autour d'une ancre (symbole

d'immobilité et de süreté'^**). Walther Ludwig étudie de maniere trés compléte la diffusion de ce proverbe à la

Renaissance, du Songe de Poliphile à l'emblématique, en passant par Érasme"?*. Bocchi ne fait pas référence à

l'ancre et au dauphin mais, si la mise en scéne symbolique qu'il propose es bien différente (voir infra), le

Fig.3» , 6,7cm

A. VICENTINI,

Médaille pour Altobello Averoldo,

(Source: i G.F.Hill, L .

j

G. . Pollard,

1

Renaissance

Medals

1530-1531, from

Samuel Kress Collection, fig. 470)

the

Fig. 4 > Droit et revers de la médaille de Bocchi insérée dans la reliure des Praelectiones in libros De Legibus M. T. Ciceronis, Bibliotheque Universitaire

de Bologne, ms 304.

Articulée autour du proverbe matura festinatio, « promptitude mesurée », l'épigramme se divise en deux parties parfaitement équilibrées, mais oü l'interprétation précéde la description iconique du symbole. Dans la premiere, Bocchi oppose, sans les nommer explicitement, deux personnages antiques trés différents, l'un grec et l'autre romain, qui ont mis en ceuvre deux formes opposées de l'utilisation du temps. Le premier personnage est Alexandre de Macédoine, qui ne différait rien. La référence à Alexandre, dans le premier distique, e$t permise par le biais de l'embléme d'Alciat « nunquam procrastinandum », v. 3-5, où Alciat effectue l'interprétation symbolique du blason de sa famille, porté par un élan (alké, voir notes) : Constat Alexandrum sic respondisse

roganti/ Qui tot obiuisset tempore gesta breui/ qu'Alexandre ait fait la réponse suivante à qui lui dans un temps si court: * En refusant toujours renvoie à l'adage d'Érasme, Nunc tuum ferrum in

Numquam, inquit, differre uolens [...], « La légende veut demandait comment il avait accompli de si nombreux exploits de différer " ». Claude Mignault, le commentateur d'Alciat igni est [7 4, 4, 100] ^55. Érasme y cite effectivement à son tour

le scholiaste d'Homére [- ad Iliadem, B, 436], qui préte ce propos à Alexandre.

Le second personnage, qui occupe le second distique, est Quintus Fabius Maximus Verrucosus, surnommé

Cundtator, «le Temporisateur », qui différait toujours tout, et il a été identifié comme tel dans l'embléme par

W. Ludwig***. En 217 av. J.-C., aprés la défaite des Romains prés du lac Trasimene, lors de la seconde guerre

punique, Fabius Maximus fut nommé dictateur. Face à l'impétuosité du jeune Publius Cornélius Scipion qui voulait porter la guerre en Afrique, le vieux Fabius Maximus adopta au contraire une stratégie de guerre d'usure, en laissant Hannibal s'épuiser sur le sol italien et en refusant l'affrontement direct : cette tactique permit aux

contenu du programme éthique sous-entendu reste le méme. Le narrateur de l'embléme (ego) explique la nature exacte de cette position moyenne : elle est équilibre entre deux forces opposées, la réflexion qui retarde (cunctandum, v.7) et l'impulsivité qui ne médite pas (properandum, ibid.). Ces deux défauts, en se tempérant mutuellement, peuvent induire des effets positifs. Raison et impulsion, en travaillant de concert, permettent d'assurer l'équilibre d'une action juste (mature celeri nil prius est genio, v. 8). C'est déjà la signification qu'Érasme préte à la formule festina lente, dont il admire la concision : Rursum si adsit tò onebderv BpaSéuc, hoc est maturitas quaedam, ac moderatio simul ex uigilantia lenitudineque temperata, ut neque per temeritatem quicquam faciat poenitendum, neque per socordiam quidquam praetercat, quod ad reipublicae commodum pertinere uideatur, quaeso te, quid esse possit hoc imperio felicius, firmius stabiliusque ? Si en revanche on recourt au « háte-toi lentement », c'est-à-dire à une sorte de temporisation accompagnée de modération, le tout mélé de vigilance et de bienveillance, de facon à ne commettre aucune action regrettable par imprudence et, par précipitation, à ne pas passer à cóté de ce qui concerne visiblement l'intérét de l'État, que pourrait-il se trouver de plus heureux, de plus ferme, de plus stable que cet empire, je te le demande ?

Érasme conclut l'adage sur la méme idée, et propose de faire de l'ancre et du dauphin un programme mnémonique (absent de notre embléme) : In summa, quicunque uel socordia peccant, uel immoderato impetu, iis illud Octavii Caesaris axebbe Bpabéwc, simul symbolum illud olim Titi Vespasiani, nunc Aldinum, oportebit in memoriam reuocare, ut delphini atque anchorac meminerint.

En somme, il sera bon que tous ceux qui péchent par paresse ou par une impulsivité incontrólée rappellent à leur souvenir cette maxime d'Odctave César, « háte-toi lentement », ainsi que le symbole adopté autrefois par Titus Vespasien et par Alde aujourd'hui, et qu'ils gardent dans leur mémoire le dauphin et l'ancre.

Romains de refaire une partie de leurs forces. Érasme fait référence à ce personnage dans l'adage 1, 10, 29, « Romanus sedendo uicit », «le Romain remporte la victoire en restant assis » : Ex historia Fabii Cunctatoris

Érasme souligne en outre que l'adage s'applique particuliérement bien pour décrire la justice intérieure du prince et de l'homme d'État (Proinde sic equidem existimo, prouerbium hoc, si quod aliud, optimo iure, BacUuxóv,

natum arbitror, qui Hannibalem iuueniliter exultantem sua patientia fregit, de quo extat uersus ille Ennianus : " Vnus qui nobis cunctando restituit rem ". Citatur apud Ciceronem in Catone Maiore, « Le proverbe est né, je crois, de l'histoire de Fabius Cunctator qui brisa par sa patience la fougue caractéristique de la jeunesse que manifesta

id est regium appellari debere) : de fait, Alexandre et Fabius Maximus sont présentés par Bocchi comme

exemples historiques à ne pas suivre isolément, mais à combiner l'un avec l'autre, peut-étre successivement, comme le suggérait d'ailleurs Érasme qui invitait à user du proverbe trifariam ^9.

des

Hannibal. C'est à propos de ce personnage qu'Ennius écrivit ce vers, cité par Cicéron dans le Cato Maior [7 10,

7; voir aussi VERG., Aen., 6, 845 ; LIV., 30, 26, 9] : * Il fut le seul qui, en temporisant,

nous rendit notre

dignité I

Un narrateur intervient (ego) dans les troisiéme et quatrieme distiques pour présenter ces deux positions

comme deux repoussoirs, auxquels il oppose le moyen terme, nec nil nec nimium, comme le dit le titulus de la

gravure (voir aussi inter/ Haec duo quod positum est, id satis esse puto, v. 5-6, avec la préposition inter séparée de

' Voir Omnia Andreae Alciati V. C. Emblemata : Cum commentariis, Parisiis : Apud Hieronymum de Marnef, & Viduam Gulielmi Cavellat 1583, p. 30-31.

146 W. Ludwig, « Die emblematische 'Festina lente'-variation », P- 94-95 ; Id., « Erasmus'Adage “ Hasten Slowly ” », p. 452.

438

1347 ÉRASME, Adag., 2, 1, 1, ASD, II-5, p. 12, L137-138 : Delphinus, quod hoc nullum aliud animal celerius aut impetu perniciore, uelocitatem exprimit ; et p. 16, 222-224: Quod igitur symbolum magis conueniebat ad exprímendum acrem illum, et indomitum animi impetum, quam Delphini ? 7*5 ÉRASME, ibid. p.12, L136-137: Ancora, quoniam nauim remoratur ef alligat sistique, tarditatem indicat; et p. 16, L 224-229: Porro ad significandam tarditatem cunctationemque [...] magis ad id placuit anchorae symbolum, quae, si quando periculose nauigatur ob uentos nimium secundos, ibi cursum immoderatum nauis figit, ac retinet. : 56 Voir W. Ludwig, « Die emblematische "Festina lente'-variation ». 55 ÉRASME, Adag., 2, 1, 1, p. 24, L 431-434 : Primum, si quando admonebimus, diutius deliberandum, priusquam aggrediare api : gow quam. Slatueris, tum uelociter peragendum, ut ad consultandi moram pertineat anchora, ad conficiendi celeritatem delphinus, « Tout d'abord, il nous faut

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Qu'il s'agisse là d'un programme d'équilibre de la psyché est également mis en valeur par Érasme, qui explique

que Alter usurpandi modus fuerit, cum admonebimus affectus animi rationis uelut habenis reprimendos esse, «il

pourra y avoir une autre maniére d'appliquer l'adage, lorsque nous rappellerons que les affections de l'esprit doivent étre réfrénées en quelque sorte par un mors ». Érasme rappelle que la devise festina lente próne la réconciliation entre la tripartition psychologique de Platon, les passions moyennes d'Aristote et les ebmabBeiai des Stoiciens :

Plato animum hominis in treis partitus parteis : rationem, iracundiam, concupiscentiam, in hoc philosophiae summam

sitam esse putat, si affectus pareant rationi non aliter quam regi [ ... ] Peripatetici, quorum signifer Aristoteles, affectus,

qui sunt animorum impetus quidam, ceu stimulos quosdam a natura datos existimant, quibus ad virtutis usum excitemur, quamquam reclamantibus Stoicis [... ]. Quanquam ne isti quidem inficias eunt in animo sapientis illius,

quem imaginantur, relinqui primos impetus, anteuertere solitos rationi, quos funditus exstirpare non queas ; uerum ii, ne consequatur assensio, protinus a ratione reiiciuntur .

Platon a divisé l'ime humaine en trois parties, la raison, la colere, la concupiscence ; et il pense que l'essentiel de la philosophie réside dans le fait que les passions obéissent à la raison comme à un roi. [...] Les Péripatéticiens, dont le porte-drapeau est Aristote, pensent que les passions, qui sont des sortes d'impulsions de l'esprit ou un genre d'aiguillons, nous ont été conférées par la nature : c'est gráce à elles que nous sommes poussés à la pratique

de la vertu, en dépit de l'opposition affichée par les Stoiciens [... ]. Et pourtant méme eux ne s'opposent pas à l'idée que, dans l'esprit du sage qu'ils imaginent, subsistent des impulsions primitives, qui interviennent

stimule Éphore qui est trop lenissimus, « doux » 7? Le paralléle avec Némésis et l'embléme 67 est d'autant plus

justifié que les deux objets sont mentionnés, dans les deux épigrammes, au vers 11. Ces deux instruments réunis dans une méme main relaient les deux allégories déjà évoquées. Par le mors (duris lupatis, v. 11), le philosophe invite le prince à ne pas pencher excessivement du cóté de l'impulsivité, défaut de la jeunesse. Par les éperons qui stimulent (calcaria, v. 11), il l'appelle à ne pas céder à l'inaction, née de la réflexion excessive, écueil de la vieillesse. Il ne s'agit pas de supprimer sa nature mais de la contraindre et de la tempérer par une tendance opposée. La gravure présente le programme de la médaille bocchienne dans une forme ovale qui imite le support réel, comme il se doit. Moins concise que la monnaie de Titus ou la marque d'Alde, la médaille conserve toutefois le caracdére

de la devise, dont l'àme, matura

celeritas (sous la forme

d'un cartel qui supporte

le sol de la

composition) se joint au corps, c'est-à-dire à la séquence hiéroglyphique composée par les quatre personnages et leurs attributs symboliques, déjà évoqués dans l'épigramme. L'organisation spatiale imprécise des personnages que propose l'épigramme est ici rigoureusement réagencée pour utiliser au mieux la surface disponible et rendre intelligible le statut de chacun. Au premier plan, le prince et son conseiller. Le prince est assis de profil, à gauche. C'est un homme dans la force de l'áge, ni jeune, ni vieux, à la barbe et aux cheveux fournis. Son sceptre, sa cuirasse militaire et son siége curule monté sur une estrade en bois, à l'antique, font référence à Alexandre et à Fabius Maximus évoqués dans le texte. Face à lui, à droite de la composition, on

des objets (mors et éperons).

trouve le philosophe-conseiller muni des éperons et du mors dans la main droite, qui observe son souverain. À l'arriére-plan, les allégories morales qui constituent en quelque sorte l'horizon du regne et le contenu des propos du conseiller : on peut apercevoir en effet, en partie cachés, et avec une ligne de dessin moins claire, le jeune homme à la corne d'abondance et le vieillard qui, de la main droite, l'oriente ostensiblement. L'embléme propose implicitement de s'adresser à toute une gamme de princes, en fonction de leur tempérament (acer ou lenis), mais il peut aussi étre entendu comme un programme qui accompagne le méme souverain tout au long de sa vie, et lui permet de corriger les défauts de la jeunesse, puis ceux de la vieillesse. Bocchi próne un temperamentum entre ces forces antinomiques qui permet de réaliser l'idéal de la voie du

jeune homme (iuuenis, v. 9, voir notes), es munie d'une corne d'abondance (diuite cornu, ibid.), qui symbolise

idéal susceptible de se modifier avec le temps. Nous avons une illustration de ce qu'Aristote définit comme dbo vertu, « juste milieu entre deux défauts, l'un par exces, l'autre par défaut » (EN, 2, 6, 1107a : u£aótrjc $è la passage, kaxiGv, ti]c uiv a0" óxepBoXiv cfc $è xav! Buen). Or, comme le rappelle Aristote dans le méme surtout, elle est vertu comme médiété est, « dans l'ordre de l'excellence et du parfait, [...] un sommet », mais

d'ordinaire avant la raison, et dont on ne saurait extirper les racines ; mais à moins que l'assentiment ne s'ensuive, ces impulsions sont rejetées par la raison.

Les deux derniers distiques de l'épigramme (v. 9-12) décrivent comment ce programme moral se met en ceuvre dans la composition figurée de la médaille qui est, en effet, trés éloignée de la composition associant l'ancre et le dauphin sur la monnaie de Titus. Il n'y a, dans l'épigramme bocchienne, que des allégories anthropomorphes et Alors que les concepts illustrés sont au nombre de deux (maturitas et festinatio/ celeritas), Bocchi propose une scene à quatre personnages. Il est d'abord question d'un prince ou d'un roi (Hic regnat, v. 9). Aux cótés de ce premier personnage, et à sa disposition, en quelque sorte (huic praesto), deux autres personnages, véritables personnifications allégoriques, apparaissent. D'un cóté, la Copia (v. 10), liée à la jeunesse, ou sous les traits d'un tous les trésors de l'impulsivité et de l'énergie naturelles (cunctatio) de cet áge de la vie ; de l'autre, un vieillard (senex, v. 10), symbole de la vieillesse, régle l'usage de cette corne d'abondance (regit). Il peut en diriger au mieux l'usage gráce à la raison, fortifiée par l'expérience que signale son grand àge (grandaeuus, v. 10). E. Wind voyait dans ce couple un avatar du puer senex ou paedogeron'??'. Le troisiéme personnage (tertius) qui entoure le prince n'est pas une personnification : il s'agit d'un étre bien réel, philosophe ou conseiller, chargé visiblement de l'édification de la justice intérieure ou temperantia, süre gardienne de l'action politique. Il joue le méme róle que Némésis dans le Symb. 67 et présente au souverain le mors et les éperons, afin qu'il fasse, par tempérance, bon usage des qualités qui sont à sa disposition au cours de son régne (force et réflexion, jeunesse et vieillesse).

s'agit d'un milieu, fuite des extrémes, l'aurea mediocritas (sic medium ostendens inter utrumque tenet, v. 12), mais il

?*. « relative à nous » et constitue un point d'équilibre mobile qui s'adapte au sujet et aux circonstances

Cicéron réunit ces deux objets dans un passage du Brutus (204, voir apparat des sources), comme l'a montré

W. Ludwig? : Isocrate apparait dans le róle du maitre et conseille à Théopompe et Éphore de se corriger de deux défauts contraires. Le mors refréne le caractere trop acerrimus, « emporté » de Théompompe, les éperons

délibérer aser longuement avant de nous lancer dans l'affaire ; ensuite, quand la décision est prise, il faut la mener à bien avec vélocité, dans la mesure oü l'ancre concerne le délai que constitue la délibération, et le dauphin, la rapidité d'exécution ».

55! E, Wind, Mystéres paiens, p. 113, note 8.

59 W. Ludwig, « Die emblematische 'Festina lente'-variation », P. 99 ; ld, « Erasmus'Adage “ Hasten Slowly " », p. 453

» P.

440

453:

voir oü la nature de chacun le porte et, tout en s'en servant comme d'un 1358 Cic, Brut., 204 : « C'est le propre d'un maitre compréhensif de t-on, à propos du tempérament trés emporté de Théompompe et de guide, de prendre les mémes dispositions qu'Isocrate qui disait, rapporte| celui trés doux d'Éphore, qu'il appliquait les éperons à l'un et le frein à l'autre ». (dir), ” : prudence montaignienne », dans E. Naya, A. -P. Pdiey-Manion 355 Voir les analyses d'E. Naya, « De la “ médiocrité ” à la “ mollesse 195-217, en particulier p. 198. Voir également T; Vigliano, Mnenisme p. 2005, Paris, , Éloge de la médiocrité. Le juste milieu à la Renaissance

et

p. 23-31. Pour la remise en question de la médiété en matiére d'éthique, juste milieu au siécle de Rabelais. Essai de critique illusoire, Paris, 2009, décentrée, Valla, Vives et Montaigne » dans F. Tinguely (dir.), La renaissance voir U. Langer, « La mise en question du “ milieu ” éthique chez XII d'Antonio Urceo Codro. Genéve, 2008, p. 106-118. Pour l'éloge de la Mediocritas, voir le Sermo

441

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire - Livre III

Symb. 83 Gravure :

« La chouette vole: pour ceux qui recoivent un heureux présage »). La Souda (n?282 Adler), qui rappelle également le symbole de victoire, mentionne un autre proverbe qui se rattache au précédent, « les chouettes du Laurion » : il s'emploie pour évoquer ceux qui ont beaucoup d'argent. Cette formule métonymique, empruntée également à Aristophane (Au., 1106 sq.), fait allusion aux piéces de monnaies athéniennes fondues à partir de l'argent tiré des mines du Laurion et qui portaient la fameuse chouette gravée sur l'une de leurs faces. Ces

À GASPARE DA ARGILE

Sur l'image : Prends garde, je ne peux voler au secours de tous

piéces, pour l'essentiel des tétradrachmes, présentaient sur l'autre face une effigie casquée d'Athéna et l'on

comprend que, lorsqu'elles sortaient des poches ou des bourses pour passer de main en main, elles « volaient » en quelque sorte, et proposaient un heureux présage quoiqu'artificiel, pour les tractations pécuniaires qui

s'opéraient. La métaphore filée par Aristophane préte vie à ces images ornithologiques, symboles de prospérité,

L'AUDACE NE RÉUSSIT PAS À TOUS

présentes sur les monnaies. Le poéte imagine, dans Les Oiseaux, que le coryphée, interpréte du chceur des

oiseaux, entend gagner le concours en achetant les juges et voici quels sont ses arguments : « les [chouettes du

— Pallas Tritonienne, sur sa dextre, exhibe un oiseau

Laurion] ne vous feront jamais défaut: [elles] feront leur nid dans vos maisons, [elles] couveront dans vos escarcelles et feront éclore des petits bien trébuchants » (trad. V. Debidour, Paris, 1966, modifiée).

Grec ; dis-moi : quels sont donc les mots grecs qu'il prononce ? - Il dit : « Prudence ! Je ne puis, pour tous, voler partout ! » Partout de sots avis trouvent issue funeste.

C'est Érasme (Adag., 1, 1, 76) qui rappelle explicitement que la chouette, consacrée à Minerve, symbolise l'efficacité de l'intervention de la déesse auprés des Athéniens, y compris dans les opérations imprudentes et

MÉTRIQUE

trop audacieuses. Le motif du vol éveille, dans le texte d'Érasme, l'image de deux autres déesses qui portent elles aussi des ailes, la Fortune et la Victoire, liées de fait au proverbe de la chouette :

Distiques élégiaques.

Car, pour les anciens Athéniens, le vol de la chouette était considéré comme un symbole de victoire : la chouette

NoTES

— ded. : GASPARI ARGILENSI] Il s'agit sans doute de Gaspare Mazzoli, peut-étre une branche de la famille

bolonaise des Manzuoli'?5, Gaspare da Argile passe pour avoir été lecteur de rhétorique et poésie entre 1485 et 1505 7". En réalité, il semblerait qu'il ne l'ait été que pour l'année 1505-1506. H.-D. Saffrey suggére que ce

docteur bolonais en 1485 aurait pu se rendre à Paris dans la derniére décennie du xv s. En effet, il a été le mentor de Jean Grolier, secrétaire du roi, à l'Université de Paris avant 1 500 et lui dédie son édition du De uita duodecim Caesarum de Suétone (Lyon, 1508). Puis, revenu à Bologne, Gaspare da Argile y aurait enseigné la rhétorique et la poésie en 1505-1506, avant de retourner à la cour du roi de France. On le retrouve à Lyon en 1358 ’ ,

1508

7. Il est l'auteur d'un De pastore, poéme en latin publié par J. G. Bottarius dans ses Carmina illustrium

poetarum Italorum, t. I, Florence, 1719, P. 362.

ANALYSE Dans cette épigramme de quatre vers à la facture simple, Bocchi emploie le premier distique pour poser une question concernant le sens de la présence de la chouette que Pallas Tritonia, c'est-à-dire Minerve, tient dans la main droite et qui, de surcroit, « parle » grec : il est difficile de faire ici abstra&tion de la gravure, oü une banderole couverte d'inscriptions grecques s'échappe du bec du volatile. ì Bocchi prend ici le contre-pied (cf. le titulus de l'épigramme : non... foelix) d'une concaténation de formules proverbiales qui tournent autour de la chouette de Minerve. Les parémiographes (voir apparat des sources pour

le grec) s'accordent pour voir dans le vol de la chouette le symbole de la victoire, comme le rappelle Zénobius (»

89 : « La chouette vole : les Athéniens pensaient que le vol de la chouette était un symbole de victoire »), qui reprend une expression d'Aristophane (Vesp., 1086 : « [Les dieux étaient avec nous] car, avant la bataille, une chouette avait survolé nos troupes »). Diogénien explique l'origine ornithomantique du proverbe (5, 91 : Dux . bun «s 2: rene ipi midej

f

"hir PE

» dar 1962, p. 2260-22 | 61 ;

:

T? Dictiona ry of the Italian Humanists of the World of Classical Scholars hip in Italy, 1300-

AG. Fantuzzi, Notizie degli scrittori bolognes gnesi, i t.

V, Bologne, 1786, p. ES s Voir G. N. P. Alidosi, I dottori Bolognesi di teologia, filosofia, medicina e d'arti liberali, Bologne 1623 n ’ C. Malagola, Della vita e delle

37.

|

opere di Antonio Urceo detto C. odro. Studi e Ricerche, Bologne, i 1878, x p. 235-239, qui signale une épigramme de

Codro ad Gasparum Argileum. "55 Voir H. D. Saffrey, Humanisme et imageries au XV'et XV' siécles. Études iconologiques et bibliographiques, Paris, 2003, P. 231. Voir également A. Hobson, Renaissance Book Collecting. Jean Grolier and Diego Hurtado de Mendoza, their Books and Bindings, Cambridge Universit y Press, 1999, p. 7-8.

en effet, croyait-on, était l'oiseau consacré à Minerve, dont on disait qu'elle donnait une heureuse issue méme aux

entreprises irréfléchies. [... ] Ainsi, lorsque des affaires trouvaient un dénouement assez satisfaisant et conforme à la volonté, on prit l'habitude de dire « la chouette vole ».

Érasme rappelle à son tour la piéce de monnaie portant une représentation de la chouette, et donc la nature pécuniaire que peut prendre la victoire : C'est avec une certaine élégance qu'on dira «la chouette vole » toutes les fois qu'on croit qu'une affaire s'est conclue non par le déploiement des forces mais par une intervention financiére, car les monnaies athéniennes

présentaient l'image d'une chouette.

Pour comprendre le contenu des male consulta et de la temeritas chez Érasme ou des consilia qui passim stulta

cadunt nec bene (v. 4) chez Bocchi, il faut se reporter à un autre adage d'Érasme (1, 8, 44), « Atheniensium inconsulta temeritas » :

Le proverbe s'applique à ceux dont les mauvaises décisions trouvent une issue heureuse. La légende populaire l'applique aux Athéniens, qui prenaient des résolutions insouciantes et faisaient preuve de peu de prévoyance. Mais Minerve, protectrice de la cité, prit l'habitude de donner un tour favorable à leurs mauvais plans. Le proverbe ressemble à ce qu'on dit aujourd'hui dans la rue, « plus chanceux qu'intelligent », à propos d'un homme qui réussit non par sa propre énergie mais par un coup de chance.

Érasme reproduit l'analyse du scholiaste d'Aristophane, qui voit dans les stulta consilia qui envahissent le pays (passim, dit Bocchi), la vengeance de Neptune, spolié de l'Attique au cours de la querelle qui l'opposa à Athéna et dont Bocchi fait le sujet de son embléme 65 : aux Lorsque Neptune, supplanté par Athéna, ne put obtenir de régner sur l'Attique, il se mit en colére et infligea

habitants le Mauvais Conseil, c'est-à-dire la prise de décisions erronées et stupides. Ce fut par la suite un défaut

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

national et que Athéna ne changea pas. En fait, à toutes les mauvaises solutions qu'ils adoptaient, elle donnait une conclusion heureuse "*,

On comprend alors que Bocchi prend à rebours le proverbe grec ou plutót lui assigne une portée limitée, lorsqu'il déclare que la prudentia doit céder place à la temeritas : Minerve n'enverra pas à tous les hommes sa chouette pour assurer le succés des actes irréfléchis, d'oü le titulus: non omnibus felix temeritas accidit, qui reprend les mots clés de l'adage d'Érasme, felix (cf. felicius), temeritas et accidit (cf. fortunare). Bocchi, d'ailleurs, en soulignant dans les deux premiers vers le caractére grec du propos (Attice loquitur) et de l'oiseau (Attica auis), laisse entendre de maniére amusée que seuls les Grecs — et en particulier les Athéniens protégés par Athéna — peuvent bénéficier de ce genre de faveur et donc trouver un avantage à étre stulti. Il faut noter également que le mot dextra dans le premier vers de l'épigramme bocchienne n'est pas anodin. Il désigne certes la main droite de la déesse qui tient l'oiseau, mais renvoie également à l'action favorable qu'elle exerce, qui corrige les décisions « gauches » (laeua) c'est-à-dire vouées par leur stupidité à l'échec. Le refus formulé à la premiere personne par la chouette, dans la gravure et dans l'épigramme, d'aider tous les stulti aux décisions irréfléchies, révéle en fait un aspect positif: Bocchi invite à retrouver la signification de prudentia attachée à Minerve et donc à sa chouette", signification que l'interprétation de l'oiseau comme symbole d'une Fortune systématiquement complaisante, y compris à l'égard de la temeritas et de la stultitia, avait fini par occulter. Selon Bocchi, il est heureux que le succés ne vienne pas systématiquement sous forme d'aide

du port s'impose, d'autant que le bateau suscite également l'idée d'une prospérité maritime liée au commerce", tandis que comme symbole de la fortune inconstante et téméraire, le bateau confirme en quelque sorte le propos restrictif tenu par l'oiseau. Pour la postérité iconographique de la gravure de Bonasone, on peut citer la marque de l'imprimeur vénitien Giovanni Battista Ciotti, qui fait apparaitre dés 1592 la chouette sur la lance (Fig. 3), et celle du Padouan Lorenzo Pasquati (1599), qui ne comporte pas la chouette mais reproduit le méme type iconographique pour la déesse. On peut également constater la fidélité à ce type dans la vignette illustrant le concept de Sapientia dans les Hieroglyphica de Valeriano, XV, Bàle, 1556, p. 116.

extérieure de la Fortune, mais soit assuré au contraire par un acte de prudentia : c'est combattre résolument la stultitia, chacun devant trouver en lui-méme, par son intelle& et son industria, patronnés par Athéna,

l'équivalent de l'oiseau salvateur. On retrouve de fait un motif traditionnel de l'emblématique, la Prudence ou la Vertu palliant les déficiences de la Fortune ou corrigeant ses excés. Il est difficile de préciser le contexte biographique exact dans lequel cet embléme a été rédigé. Mais le motif de la chouette comme symbole de victoire et d'enrichissement qui n'arrive pas pour tout le monde pourrait suggérer ici une forme de consolation amusée pour Gaspare da Argile qui, aprés avoir postulé pour une chaire au Studio de Bologne, aurait été éconduit, avant de voir ses efforts récompensés en 1505.

Fig. 1 > P. FONTANA ou G. BONASONE, Dessin préparatoire pour le Symb. 83 de Bocchi, papier, plume et encre brune,

(Fig. 1)*!, elle s'inspire du monnayage de Marc Auréle et d'Antonin le Pieux qui alliaient la déesse casquée,

lavis gris, traces de mine noire, collection privée.

Quant à la gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou de Prospero Fontana

l'égide reproduisant la figure de la Gorgone, la chouette tenue par Athéna dans la main droite, et parfois la lance

(Fig. 2)?9.

Comme souvent lors du passage à la gravure, il y a une inversion droite/ gauche chez Bonasone : la déesse tient

NC

la chouette de la main gauche alors que l'épigramme dit pourtant dextra (mais c'est le bon cóté pour le spectateur). En outre, iconographiquement, l'oiseau se substitue de fait à la traditionnelle hasta sur laquelle Athéna prend généralement appui et qui n'apparait pas ici. La formule grecque, inscrite sur une banderole, sort

X2 -

P

REL



du bec de l'oiseau qui prend ainsi la parole. Pierre Martin nous fait remarquer que, comme dans la gravure du

Symb. 81, Méduse sur le bouclier n'a plus une chevelure faite de serpents mais des tétes de serpents affrontés et dont le corps s'entrelace en bas, autour du cou, à la d'unir prudentia et eloquentia. On peut noter, en arriére-plan, la présence de la mer Un tel détail est doublement pertinent : dans le cadre d'un apopthegme grec et en

cheveux surmontés par deux maniére du caducée. Il s'agit sur laquelle vogue un bateau. particulier athénien, l'image Fig. 2 > Denier de Marc-Auréle (153-154 apr. J.-C.) : Minerve avec

1359 ÉRASME, Adag., 1,8, 44 : Cum Neptunus a Minerua uictus non posset Attica regione potiri, iratus immisit illis SvofovAMav, id est laeua stultaque consilia. Hoc deinde uitium Atheniensibus ÉztyGpiov, hoc est uernaculum fuisse idque Mineruam non mutasse. Caeterum quod illi male statuissent, illa

Fig. 3 > Marque de l'imprimeur vénitien

Giovanni Battista Ciotti.

la lance et la chouette.

in bonos exitus uertebat. ?* Voir VALERIANO, Hieroglyphica. P- 147 F: Sane uero cum Mi nerua consilii prudentieque Dea diceretur, aliquot in ostrentis Noctua sapiente signum fuit. « Puisque Minerve était considérée comme la déesse de la sagesse et de la prudence, on a regardé quelquefois la chouette comme un signe favorable, au cours de présages. » 11 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, let 23, p. 18, n? ss (7 LXXXI). Le dessin a fait à nouveau l'objet d'une vente par Christie's à

New York, le 3o janvier 2009 (lot 207). 1362 Denier de Marc Auréle (153-154 apr. J.-C.) : R/TR POT VIII COS T I. Minerve debout à gauche, s'appuyant sur un bouclier, tenant une chouette et une haste 'RIC, n? 459 et BMC, n° 822).

444

99 Voir Symb. 14.

445

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Lorsque la sonde arrive en contact avec l'os, [ ... ] si elle rencontre quelque aspérité, surtout là où il n'y a pas de suture, c'est là la preuve que l'os est fracturé. Hippocrate avoua à la postérité qu'il avait été induit en erreur par les sutures, à la maniére effectivement des grands hommes qui ont confiance dans la grandeur de leurs entreprises. Car les esprits faibles, puisqu'ils n'ont rien, ne peuvent en rien se rabaisser: mais au grand esprit, qui aura à l'avenir de nombreux titres de gloire équivalents, méme cet aveu sans détour d'une erreur réelle convient, en particulier dans l'exercice d'une táche que son utilité transmettra à la postérité, de peur que d'autres ne

Symb. 84 Gravure :

UN GRAND ESPRIT CORRIGE SES PROPRES ERREURS

Sur l'image : Hippocrate

commettent l'erreur que soi-méme on a commise

Rappelons qu'au livre 8, Celse traite des os et commence par évoquer ceux du cráne. Lorsqu'il aborde la question des fractures, il conseille l'examen de la blessure à l'aide d'un specillum (cf. v. 1 de l'épigramme ), c'està-dire d'une sonde, ni trop fine, ni trop épaisse, et il avoue que ce genre de plaie est particuliérement malaisé à analyser et à traiter, puisqu'il est trés difficile de distinguer entre les sutures naturelles du cráne et celles qui sont

HIPPOCRATE AVOUE SINCÉREMENT LA VÉRITÉ Un jour, observant l'os d'un cráne fracturé

Avec une sonde, pour le guérir, le grand

provoquées par un choc. Le terme sutura d'ailleurs est unique, là où Hippocrate ( De uuln. cap., 3, 7-9; 12 ) distinguait entre &8pat (sutures accidentelles) et pagai (sutures naturelles). Or l'évocation de la difficulté

Hippocrate se trompa sur une suture.

En ami, franchement, il avoua l'erreur Pourla postérité, tels les hommes illustres

5

d'identification des sutures dans le texte de Celse semble amener librement celle de l'erreur commise par Hippocrate, revendiquée explicitement comme une digression (Med., 8, 4, 4 : Sed haec quidem alioqui memoria

Pleins de confiance en leurs plus grandes entreprises. Car les petits esprits, n'ayant aucun talent, Ne se retirent rien ; mais aux grands esprits sied Cet aveu si sincere de la vérité.

magni professoris ut interponeremus efficit). L'épisode de la faute est emprunté à l'une des fiches médicales

établies par Hippocrate dans les Epidémies (5, 27-28) :

Autonomos, à Homilos, mourut d'une blessure à la téte, le seiziéme jour, au milieu de l'été, frappé d'une pierre

lancée à la main qui avait atteint les sutures au milieu du cráne. Il m'avait échappé que ce cas exigeait la

MÉTRIQUE

trépanation ; ce qui avait égaré mon jugement, c'est que les sutures avaient en elles-mémes la lésion causée par le

Trimétres iambiques.

projectile ; car plus tard cela devient manifeste.

NoTES v. 3 : amice] La question de l'amicitia mérite d'étre relevée en contexte médical. Ce n'est pas un terme neutre,

mais un mot qui traduit la bienveillance philanthropique qui incite Hippocrate à ne pas entrainer ses successeurs néophytes (posteris, v. 4) dans ses errements (errorem), attitude généreuse relevée également à son propos par Quintilien et Plutarque (voir apparat des sources). Mais derriere elle, c'est tout un comportement humaniste qui est ici résumé'**, et Bocchi emprunte certainement cette idée à Celse qui rappelait que l'efficacité du

médecin est plus grande selon qu'il est amicus ou extraneus (cf. CELs., Med., proem., 73). Philippe Mudry rattache cette attitude à la philanthropia d'Hippocrate"55 et établit également sa filiation avec des modéles romains, qu'il s'agisse de Caton ou de l'idéologie du pater familias? ANALYSE?67

L'exemplum d' Hippocrate avait déjà été utilisé dans l'Antiquité (voir apparat des sources). Ainsi, Quintilien (5,

6, 64), s'en sert pour effectuer une retractatio oü il avoue avoir changé son point de vue dans la définition de

l'état de la cause. Plutarque (Mor., 82d) se sert du méme exemple pour encourager l'homme qui souhaite se débarrasser de ses vices à les dénoncer violemment pour réussir à s'en dégoüter et à en dégoüter ses congénéres. 2. Grandeurs et révolutions La confessio d' Hippocrate constitue donc, à plusieurs égards, une petite révolution méthodologique. Elle confére tout d'abord au médecin une grandeur morale. Cette noblesse d'áme d'Hippocrate, évoquée au deuxiéme vers (magnus) et qui le place au rang des hommes illustres, est encore soulignée à la fin par un enthyméme à valeur généralisante qui s'oppose, pour le sens, à un second enthyméme qui n'est pas formulé, mais qui prendrait une tournure symétrique (v. 7-8). Bocchi reprend directement cette idée de Celse. On peut essayer de le reformuler

ainsi, pour plus de clarté : [on ne peut rien óter à zéro (majeure sous-entendue)] ; or les esprits faibles (ingenia

1. Sources et réécriture

La source directe du texte de l'épigramme est constituée par un passage du De Medicina (8, 4, 3-4, voir apparat

des sources) du médecin d'époque augustéenne Celse (Aulus Aurelius Celsus), auquel Bocchi emprunte des expressions entiéres'?6s .

leuia) sont proches du zéro (quae nihil prorsum habent: mineure exprimée) ; donc on ne peut rien leur retrancher (nil detrahunt sibi, conclusion déductive formulée). Le second syllogisme n'est, lui, pas du tout formulé, car sa tournure serait identique : on ne peut rien óter à l'infini (majeure) ; or les grands esprits sont proches de l'infini (mineure) ; on ne peut donc rien leur óter (conclusion). Jouant également du paradoxe, Bocchi se contente d'identifier ici implicitement l'erreur à une soustraction pour poser la conclusion que les grands hommes, par l'infinité de leur savoir, non seulement ne se mettent pas en danger en avouant leur erreur,

136425 & i : ies aed : d E Un médecin humaniste : Celse. Notes sur le proemium du De medicina », Les Etudes Classiques, 40, 1972, p. 302-309. c: : i ;Lapr fface au De Medicina de Cdse : texte, traduction et commentaire, Rome, 1982, p. 199-200. = ; ds mí « Medicus amicus. Un trait romain dans la médecine antique », Gesnerus, 37, 1980, p. 17-20.

» A

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B.

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A. Rolét; « La faute d'Hippocrate : sources et contexte d'un embléme médical au xvr* siécle », dans

Schueren (dir.), Une traversée des savoirs : mélanges offerts à Jackie Pigeaud, Laval, 2008, p.

437-461 è L'édition princeps fat publiée à Florence en 1478. Pour les lecteurs illustres de ce texte à la Renaissance , comme Simon de Génes, Pietro

d'Abano ou Berengario da Carpi, voir D. Jacquart, « Du Moyen Áge à la Renaissance : Pietro d'Abano et —

da Carpi, lecteurs de la

Préface de Celse », dans Ead., La science médicale occidentale entre deux renaissances (Xir-XV' s.), Aldershot/Brookfield, 1997, XVII, p. 344-358. À , u da

446

mais font au contraire progresser l'humanité en acceptant ponctuellement de rabaisser leur orgueil: une soustraction sur le plan de la science se transforme ici en addition sur le plan de l'éthique. Le conuenit (v. 8), en harmonie avec amice et libere (v. 3), indique bien ce lustre moral que l'on ne peut pas faire entrer dans la froide

équation du syllogisme et qui non seulement contribue à grandir encore l'homme de génie, mais fait de ce qui

est scientifiquement négatif, un élément éthiquement positif. I s'agit presque d'une révolution socratique.

construit et D'un point de vue épistémologique, la confessio d'Hippocrate fait du uerum et de la scientia un objet non pas révélé. De plus, l'erreur suivie d'un aveu signale précisément l'harmonisation méthodologique

voie préconisée par Celse entre deux doctrines, harmonisation qui constitue, aux yeux de médecin latin, la

447

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

médiane idéale pour la médecine romaine : l'examen des phénoménes symptomatiques ou causae euidentes,

emprunté à l'école empirique, et le recours au raisonnement ou rationalis medicina, inspiré par les dogmatiques"9. Dans l'exemplum, Hippocrate se sert de l'expérience permise par la lecture des signes ou qatvóueva prodigués par la nature (comparer avec le kazagavéc du texte hippocratique). Il peut dans un premier

temps revenir sur l'analyse des premiers signes et des conclusions inférées : « le cráne n'est pas brisé » devient

« le cráne est brisé », car entre-temps sont intervenus d'autres signes, la paralysie et la mort de la victime, qui ont nié les premiers. Dans un second temps, ses observations l'aménent à élaborer un raisonnement, une conjecture qui, si elle n'a pas permis la guérison, a pu néanmoins dessiner un savoir plus général sur la

physiologie humaine : en cas de fracture du cráne, la suture cránienne peut dissimuler l'impact et faire croire à

un état sain de l'os. Et c'est l'union des deux qui assure la supériorité du médecin et sa gloire (cf. illustrium chez Bocchi, v. 5). Enfin, cette confessio d'un professeur, offerte en exemple à méditer, n'est pas sans conséquences sociologiques : sous la forme de l'embléme, elle peut adresser une critique implicite à tous les professeurs en général qui, imbus de leur importance, préferent poursuivre dans l'erreur, au détriment de leurs disciples, plutót que de l'avouer et faire ainsi progresser l'humanité. L'analyse détaillée de l'embléme ne doit pas isoler cette piéce de son contexte social et culturel : cet embléme n'est-il qu'une simple référence à l'Antiquité ou est-il marqué ou inspiré par la pratique médicale de son temps?" ? La gravure n'est-elle alors que simple illustration ou bien rend-elle compte d'un certain nombre d'options idéologiques contemporaines ? 3. Du texte à l'image : Bologne et l'actualité médicale au xvi° siécle

Cet exemplum hippocratique a probablement été inspiré à Bocchi par un personnage illustre du Studio de

Bologne, Jacopo Barigazzi, connu sous le nom de Berengario Da Carpi". En 1502, il fut nommé lecteur sur la chaire de chirurgie et, en 1505, sur celle de médecine. Il avait acquis une extraordinaire réputation en guérissant

par ses talents chirurgicaux d'illustres blessés comme Laurent II de Medicis, duc d'Urbin, ou le cardinal Pompeo Colonna. Cet humaniste, précepteur des deux fils de Lionello da Carpi aux cótés d'Alde Manuce vers 1469, vient se spécialiser en anatomie à Bologne, où il termine le cursus des Arts et Médecine en 1480, avant d'y

étre nommé lui-méme aux cótés de grands noms comme Alessandro Achillini ou Gabriele Zerbi. Aprés

plusieurs voyages à Carpi et à Modéne, il entre en 1529 au service du duc de Ferrare, Hercule de Gonzague et

révise la méme année une monumentale édition latine des ceuvres de Galien par divers auteurs et la dédie au duc. Outre un petit memento d'anatomie paru en 1522, les Isagoge Breues, Berengario da Carpi publie en 1521

79 CELSE, De Medicina, Proemium, 74, éd. cit., p. 41 et surtout p. 201-202 oü Ph. Mudry explique bien que l'idée de ratio n'est pas ici théorique, au sens où l'entendent les dogmatiques, mais pratique et fondée sur l'analyse des causae euidentes, comme le souhaitent les empiriques.

Néanmoins, dans le $47, Celse indique que la ratio des dogmatiques présente un caractere formateur considérable pour le praticien. Pour la

question de l'histoire des sectes médicales en Gréce, voir J. Jouanna, Hippocrate, pour une archéologie de l'Ecole de Cnide, Paris, 1974 ; A. Thivel, Cnide et Cos ? Essai sur les doctrines médicales dans la collection hippocratique, Paris, 1981 et l'excellente synthése de P. Pellegrin, « Médecine hippocratique et philosophie », en introduction à Hippocrate, De l'Art médical, (trad. É. Littré), Paris, 1994, p. 16-40. Pour les courants hellénistiques dogmatique, empirique et méthodique qui, selon Celse, furent suivis à Rome, voir J. Pigeaud et Ph. Mudry (dir.), Les écoles médicales à Rome, Actes du 2° colloque international sur les textes médicaux latins antiques (Lausanne, septembre 1986), Genéve/Nantes, 1991. Àla Renaissance, on complète les informations historiques que donne Celse dans son proemium au De Medicina, par la lecture du De Sectis de

Galien. Voir D. Jacquart, « Du Moyen-Àge à la Renaissance», p. 349. 130 1] n'est pas question ici de donner une bibliographie exhaustive sur la médecine à la Renaissance et nous renvoyons pour cela à M. D. Grmek (dir.), Histoire de la pensée médicale en Occident, t. 11 : De la Renaissance aux Lumieres, Paris, 1997, en particulier le chapitre rédigé par M. D. Grmek et R. Barnabeo, « La machine du Corps », p. 7-14. Nous signalons simplement quelques ouvrages stimulants dont la lecture

nous a beaucoup guidée dans la rédaction de ce travail, en particulier A. Wear, R. K. French, I. M. Malonie, The Medical Renaissance of the

Sixteenth Century, Cambridge/Londres, New York, 1985 ; N. Siraisi, Medieval and Early Renaissance Medicine. An Introduction to Knowledge and Practice, Chicago, 1990 et Ead., Medicine and the Italian Universities, 1250-1600, Leyde, 2001 ; R. French, Dissection and Vivisection in the

European Renaissance, Aldershot/Brookfield, 1999 ; Id., Ancients and Moderns in the Medical Sciences, Aldershot/Burlington/Singapour, 2000 ; ud Medicine before Science: the Business of Medicine from the Middle-Ages to the Enlightenment, New York, 2003. Sur Berengario da Carpi, voir V. Putti, Berengario da Carpi : Saggio biografico e bibliografico seguito dalla traduzione del De Fractura caluae

siue cranei, Bologne, 1937 ; R. French, « Berengario da Carpi and the use of commentary in anatomical teaching » in A. Wear, R. French (dir.),

The Medical Renaissance of the Sixteenth Century, Cambridge, 1985, p. 42-74 ; L. R. Lind (trad.) : BERENGARIO DA CARPI, On Fracture of the Skull or Cranium, Philadelphie, 1990. j

448

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

son maitre ouvrage, les Commentaria supra anatomiam Mundini, qui se présente comme l'annotation abondante du traité d'anatomie de Mundino dei Liuzzi, rédigé en 1316, mais paru seulement en 1475. Mais surtout, il avait déjà composé en 1512 un livre intitulé De Fractura Cranei, oü il fait un usage abondant d'Hippocrate, de Galien, d'Aristote, du Canon d'Avicenne et, bien entendu, de Celse. L'épisode de l'erreur d'Hippocrate y est d'ailleurs

cité!27?, Mais il est remarquable que le De Fractura Cranei s'ouvre sur plusieurs poémes liminaires, en particulier une épigramme à Laurent de Médicis, duc d'Urbin, par... Achille Bocchi, dont on sait qu'il fut lui aussi lecteur

au Studio de Bologne à partir de 15087. Dans cette piéce, Bocchi salue son illustre dédicataire, en jouant de la traditionnelle assimilation étymologique des Médicis à des medici, des médecins, qui leur permettait de s'arroger une filiation légendaire avec Apollon (protecteur des médecins et des poétes inspirés), et d'arborer, sur leurs médailles et dans leurs devises, le laurier, symbole de victoire et de vertu""*. De plus, sous le nom méme de Laurentius Mediceus on peut lire à la fois laureus et medicus, le laurier et le médecin : A Phébus on dédia le laurier, juste monument.

Premier, il créa la puissante médecine.

Justes aussi ces monuments d'art médical, dédiés À toi, Laurent ; nul don ne te convenait mieux.

Phébus, tu portes seul le nom et de l'arbre et de l'art. Toi seul tu nous soutiens, semblable au dieu Phébus'

375

!

Malgré un cadre rhétorique trés marqué par l'approche scolastique, cet ouvrage présente une grande innovation. Précédé par Mundino dei Liuzzi, Berengario se montre ici un des représentants de l'« anatomie pré-vésalienne""5 » : il promeut le concept d'anatomia sensibilis qui établit un subtil équilibre entre deux principes en apparence contradictoires, mais dont l'anatomiste soulignait au contraire la complémentarité. D'un cóté, devant l'immensité de la táche que constitue la description du corps humain dans son ensemble, Berengario affirme sa volonté de se fonder, au moins partiellement, sur l'autorité des Anciens, Grecs et Arabes, à

condition que la tradition corrompue de leurs ouvrages, liée aux traductions successives, du grec en arabe, de l'arabe en latin, füt soumise à un réexamen linguistique complet". De l'autre, il próne un recours aux constats

de l'experientia, fondée par un plus large recours à la dissection et à l'examen visuel. Berengario propose une

image de cette coopération et imagine que les anatomistes de son époque sont semblables à de jeunes enfants

juchés sur les épaules de géants, qui peuvent voir plus loin qu'eux, mais uniquement gráce à eux ^. Or

1372 Voir BERENGARIO DA CARPI, De fractura Cranei, I, 1 in L. R. Lind (trad.) : BERENGARIO DA CARPI, On Fracture, p. 12.

55 L, R. Lind, ibid., p. xxiii, n'a visiblement pas identifié notre auteur sous le nom d'Achilles Phileros Bocchius.

1374 Sur cette utilisation du laurier dans les devises médicéennes, voir F. Ames-Lewis, « Early Medicean Devices », Journal of The Warburg and

Courtauld Institutes, 42, 1979, p.

122-143 et J. Cox-Rearick, Dynasty and Destiny in Medici Art, Princeton, 1984, p. 15-31. Le Lorenzo de'Medici,

Duc d'Urbin, dont il est question ici, arborait sur sa devise, dont le corps représentait un laurier flanqué par deux lions, le motto Ita et uirtus, « Il

en va de méme pour la vertu ». L'impresa conférait à la vertu de son porteur les qualités de l'arbre, toujours vert, et la force puissante, tempérée

par la clémence, des deux lions, qui montent la garde autour du tronc. Voir P. Giovio, Dialogo dell'imprese militari e amorose, éd. M. L. Doglio, Rome, 1978, p. 41-42.

1375 BERENGARIO DA CARPI, Tractatus perutilis et completus de fractura cranei, Venise, 1535, P ar^ : Diuo Laurentio Medici Vrbini duci. Et Phoebo

laurus monimentum iure dicatum./ Et primus medicae est ille repertor opis./ Iure etiam medicae haec artis monimenta dicantur/ Laure tibi poterant

nec magis apta dari./ Phoebe, unus habes et frondis nomen et artis./ Vnus Phoebi numinis instar ades./ Achilles Phileros Bochius. La piece figure dans l'exemplaire des Lusum libri de Bocchi conservé à la Biblioteca Angelica de Rome. 104, 1276 Voir L, R. Lind, Studies in Pre-Vesalian Anatomy: Biography, Translations, Documents, Memoirs of the American Philosophical Society, Philadelphie, 1975. 77 BERENGARIO

DA CARPI,

Commentaria

cum

amplissimis

additionibus

super

Anatomia

Mundini,

Bologne,

1521,

p.7r.

Voir

R. French,

byzantins « Berengario da Carpi », p. 57. Parallélement, la tàche de traduction latine à partir des originaux grecs, effectuée par les hellénistes le approuvant en Tout Zerbi. de ni Berengario de l'enthousiasme toujours pas suscite ne émigrés en Italie suite au Concile de Florence en 1439, par Voir vocabulaire. du choix le dans impropriétés des induit arabes sources des rejet le que constatent ils purifiée, terminologie une à retour exemple les reproches adressés par Berengario à Niccolo Leoniceno traducteur de Galien dans R. French, « Berengario da Carpi », p. 67 et dans Medicine before Science, p. 134-139 1375 BERENGARIO DA CanPi, Commentaria, p. 141^.

449

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

l'observation sensible pouvait entrer en conflit avec les affirmations de la science antique", ou au contraire,

permettre de résoudre les contradictions soulevées par plusieurs sources non cohérentes entre elles. Dans tous

les cas, son autorité est supérieure et elle apparait comme une véritable magistra scientiae???

De surcroit, l'ouvrage méme de Berengario manifeste cette méthode en proposant des illustrations, ce qui est sans précédent pour un livre d'anatomie : la description verbale des os ou des organes se trouve ainsi relayée dans un espace à deux dimensions par une praesentalis ostensio, c'est-à-dire une gravure pourvue d'une légende, dont l'évidence posséde l'efficacité d'une preuve scientifique et évite les contresens interprétatifs. Les instruments de trépanation eux-mémes sont représentés en détail (ferebrum, terebellum, trepanum), avec des précisions sur leurs appellations, leurs configurations et leurs utilisations, ne operatores ambulant in tenebris.

En effet, isolé dans sa cathédre, le lector lit à haute voix l'ouvrage antique de référence, généralement le De Vsu

partium corporis humani de Galien ou sa version incompléte traduite de l'arabe au XII* siécle intitulée le De Iuuamentis membrorum, le Canon d'Avicenne ou l'Anatomia de Mundino dei Luzzi trés marquée par le galénisme.

Pendant

cette lecture, l'ostensor ou demonstrator traduit en langue vulgaire et, en désignant les

emplacements sur le cadavre posé sur la table de dissection, donne des instructions à l'incisor ou sector pour qu'il entaille et mette au jour les organes concernés. Selon les statuts de l'Université de Padoue, l'ostensor était

généralement un médecin, enseignant à l'Université, tandis que l'incisor était chirurgien ou barbier!?**, Autour

d'eux, un public d'érudits et d'étudiants se livrent à la disputatio, phase ultime du quodlibet. Cette division

fonctionnelle des activités, qui subordonne l'examen concret à l'autorité du texte ancien, montre bien quelle

valeur démonstrative posséde la lecon d'anatomie : la vision de la réalité doit confirmer et clarifier dans la

4. Le pouvoir conservateur des images : des pratiques médicales dépassées

Or les illustrations qui servent de frontispices au Commentaires à l'Anatomie de Mundino ou encore aux Isagoge breues (Fig. 1a-b) sont en contradiction méthodologique avec les livres qu'elles se proposent d'orner. Comme

l'a fort brillamment montré Andrea Carlino"*', alors méme que Berengario promeut l'anatomie au rang de science expérimentale, qui exige uisus et tactus, les frontispices témoignent encore d'une conception médiévale de cette discipline, dépendant de ce qu'il appelle, à la suite de W. Heckscher?*', le modéle scolastique du

quodlibet, organisé autour de la disputatio ?*. Ce modéle se lit, eu sein de l'image, dans la séparation

hiérarchique des espaces et la stricte répartition des fonctions et montre que les dissections publiques, en présence d'étudiants, ne répondent absolument pas à un principe d'investigation expérimental.

mémoire, sous forme d'images, ce qui est écrit?" Ce véritable rituel académique, comme l'indique Andrea

Carlino'*^, vise non seulement à célébrer le savoir antique mais également, l'institution et ses représentants, qui en assurent la vérification et la diffusion. Curieusement, l'image fonctionne comme un conservatoire idéologique, alors méme que, dans son ouvrage, Berengario montre l'inutilité de ces séances publiques de dissection oü les étudiants ne peuvent quasiment rien voir, rien toucher, et donc rien comprendre, où ils n'ont

jamais de vision d'ensemble puisque, pour atteindre un organe, on en détruit d'autres. 5. La révolution vésalienne

C'est avec la publication du De humani corporis fabrica libri septem d' André Vésale, à Bále, en 1543, par Giovanni Oporino, que survient une véritable révolution iconographique, suscitée par des perspectives plus radicales dans

la conception de la science anatomique'?*. En dehors de la question complexe des illustrations'?*, on peut noter le róle méthodologique du frontispice, qui vient soutenir les déclarations de la préface* (Fig. 2). Outre

la mise en scéne de la lecon d'anatomie dans une architecture de théátre provisoire inspirée par Sebastiano Serlio, le frontispice présente certains détails symboliques et polémiques remarquables. Andrea Carlino note l'altercation, au premier plan, des deux barbiers se disputant un rasoir et rappelle que, dans la préface vésalienne, ils sont déclarés définitivement incompétents dans la science anatomique. Il souligne également la présence du squelette, recommandé par André Vésale lors de toute dissection. La présence à droite d'un chien qui aboie aux cótés d'un homme rendu vénérable par sa barbe et son grand habit, ou encore la morsure qu'un singe inflige à gauche à l'un des spectateurs, sont autant d'éléments qui soulignent la férocité animale, et sont à lire dans le cadre d'une attitude résolument anti-galénique, qui entend réfuter que les dissections animales puissent permettre des analogies avec la constitution humaine, comme l'avait soutenu le

médecin grec — représenté sous les traits de l'homme au chien. Mais ce qui, aux yeux d'A. Carlino, est le plus remarquable, c'est la désorganisation de l'espace. Au public spécialisé de l'univers académique succéde une foule trés diverse par l'áge et le rang social. À la spécialisation extréme et étanche des róles entre un lecfor, un

555 Voir J.J. Bylebyl, « The School of Padua : Humanistic Medicine in the Sixteenth Century », in C. Webster (dir.), Health, Medicine and Mortality, Cambridge/Londres/New York, 1979, p. 335-370, ici p. 353 et A. Carlino, La Fabbrica del corpo, p. 20.

"55 Voir R. French, « Berengario da Carpi », p. 58.

Fig. 1a > G. BERENGARIO DA CARPI, [sagogae breves perlucidae ac uberrimae in anatomiam humani corporis,

1#° La fabbrica del corpo, p. 25. 17 Parmi la bibliographie pléthorique, nous renvoyons à la préface de J. Pigeaud au fac-similé de 1543 du De Humani corporis fabrica, Fig. 1b > G. BERENGARIO DA CARPI, Isagogae , détail.

Bologne, Benedetto di Ettore Faelli, 1523. Frontispice.

Paris/'Turin, 2001, p. VII-LIIL Voir également H. Cushing, A Bio-bibliography of Andreas Vesalius, Hamden,

1% Voir en particulier M. H. Spielmann, The Iconography of Andreas Vesalius, Londres, 1925 ; L. Crummer, « An Original Drawing of the Title

Page of Vesalius' Fabrica, » Annales of Medical History, Andreas

57 [bid., p. 413r. Voir R. French, « Berengario da Carpi», p. 58.

P" Berengario est le premier à mettre en cause, gráce à la dissecti on, l'absence du rete mirabile décrit par Galien. Voir Berengario da Carpi, P. 424r. Comment aria,

1381 La Fabbrica del corpo : libri e dissezione nel Rinascim ento, Turin, 1994, p. 15-66.

7? Rembrandt's Anatomy of Dr. Nicholas Tulp : an Iconographical Study, New York, 1958. 59 Sur ce modéle promu dans les cursus universitaire au XiII* siécl e, voir A. de Libera, La Philosophie médiévale, Paris, 1993, p: 374-375.

450

1962 et C. D. O'Malley, Andreas

Vesalius of Brussels, 1514-1564, Berkeley, 1965.

Vesalius, New York,

1930, p. 20-30 ; J. B de C. M. Saunders, Ch. D. O'Malley, The Anatomical Drawings of

1950 ; W. Artelt, « Das Titelbild zur Fabrica Vesals und seine kunstgeschichtliche Vorausetzungen », Centaurus,

1/1, 1950, p. 66-77 ; F. Guerra, « The Identity of the Artists involved in Vesalius's Fabrica 1543 », Medical History, 13/1, 1969, p. 37-50;

M. Kemp,

« A

Drawing

for

the

Fabrica

and

Some

Thoughts

upon

Vesalius

Muscle-Men », Medical

History,

14/3,

1970,

p. 277-288;

M. Muraro, « Tiziano e le anatomie del Vesalio », in Tíziano e Venezia, Convegno internazionale di Studi, Venezia, 1976, Vicence, 1980, p. 307316. ; M. Muraro, D. Rosand, Tiziano e la silografia veneziana del Cinquecento, Vicence, 1976, p. 123 sq. ; Ch. M. Bernstein, « Titian and the Anatomy of Vesalius », Bolletino dei Musei Civici Veneziani, 22, 1977, p. 39-50.

39 Voir la trés belle analyse d'Andrea Carlino, La fabbrica del corpo, p. 40-54 à qui nous sommes largement redevable pour les lignes qui vont suivre.

451

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

demonstrator, un incisor, se substitue un personnage-clé unique, l'anatomiste, Vésale en personne qui, rédacteur

d'ouvrages scientifiques (voir la plume et le parchemin), n'en pratique pas moins lui-méme la dissection, à

l'aide des instruments placés devant lui (rasoir et bistouri), tout en commentant ses gestes devant son public.

Pour l'anatomiste, la pratique expérimentale et l'élaboration théorique ne peuvent plus étre séparées comme elles le furent dans une dichotomie radicale, interdisant le progrés de la science.

vésaliennes. Mais en méme temps, c'est Hippocrate lui-méme qui pratique l'auscultation et derriere lui se pressent deux autres personnages, étudiants ou assistants, qui semblent eux aussi discuter les gestes du maitre. Hippocrate-médecin assume le double róle que Vésale requiert de l'anatomiste et qu'il incarnait en se faisant représenter en personne sur le frontispice de son ouvrage, au milieu d'un public varié : le progrés de la discipline passe par l'alliance entre le raisonnement théorique, promu par la rédaction de traités scientifiques, et l'expérimentation pratique. Nous pencherions volontiers pour une influence du frontispice vésalien sur la gravure de l'embléme et pour une réalisation, pour l'image du moins, postérieure à 1543 (l'épigramme aurait

|ANDREAE

trés bien pu étre rédigée beaucoup plus tót, mais ne recevoir de gravure qu'ultérieurement, comme c'est souvent le cas dans le recueil). Mais cet entrelacs de citations visuelles n'est pas sans implication épistémologique. Derriére la référence iconographique à Vésale, qui, on l'a vu, malmenait l'autorité de l'Antiquité, en particulier celle de Galien, on lit ici en filigrane l'hommage aux textes de Berengario da Carpi qui, bien que précurseur de Vésale, soulignait néanmoins le róle d'appui, de soutien et de fondement que joue le médecin antique pour l'expérience anatomique contemporaine, méme si celle-ci est amenée à remettre en question, voire à dépasser l'Antiquité. Hippocrate, pére de l'Ancienne Médecine, devient ici l'admoniteur de la Nouvelle, comme si la réforme passait par un retour aux sources. Le médecin grec incarne l'autorité scientifique des Anciens et témoigne en méme temps qu'il ne fait pas bon séparer l'esprit qui raisonne des sens qui constatent, comme le soulignait Celse. Mais le mouvement de correction qu'Hippocrate s'impose à lui-méme fonctionne à son tour comme une invitation méthodologique faite à la médecine de la Renaissance à se corriger elle-méme, à remettre en cause ses fondements, c'est-à-dire... Hippocrate et Galien.

YRSALIO l

BEVXRLLÁNSPTS,

CHO

Symb. 85 Gravure

Fig. 2 » A. VÉSALE, De humani corporis fabrica libri septem,

Fig. 3 P. FONTANA, Dessin préparatoire pour le Symb. 84 (11,2

frontispice de l'édition de Bále, Johannes Oporinus, 1543.

X 8,3 cm), plume et lavis brun, Londres, British Museum.

Divine bonté

AU PAPE JULES III Il est bien sec, l'arpent que j'ai ! Si ta gráce aussitót

Bien entendu, il ne s'agit pas ici d'une scéne de dissection.

qui pratique l'opération et celui qui montre, évoque pour nous, formellement du moins, la structuration de

l'assemblée académique lors des dissections publiques, telles qu'elles sont représentées par les images pré-

Acquis> sous le n° o 180-1-26-112. Voir* J. A. Gere, Ph. Pouncey, R. Wood, Italian Drawings in the British Museum. Artists Working in Rome, Londres, 1983, n° 108, p. 79 (plate 99). Voir aussi le catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, p. 17, n? 29 (7 LXXXII). 1390

452

IL FAUT ESPÉRER EN LA BONTÉ DE NOTRE SOUVERAIN SUPREME, LORSQUE SE FAIT SENTIR L'INSIDIEUSE PRESSION DES CIRCONSTANCES

Sur l'image :

6. La gravure de Bonasone : un compromis Il est temps à présent de nous pencher sur la gravure qui accompagne l'épigramme de l'embléme, et pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Prospero Fontana, conservé au British Museum de Londres"? (Fig. 3). La gravure n'est pas sans subir l'influence de la révolution iconographique dont nous venons de parler. Néanmoins, on apercoit sur la gravure un personnage qui est clairement identifié à Hippocrate par l'inscription et porte le bonnet et la barbe du savant médecin du xvr siécle, à la fois praticien et enseignant. L'examen public qu'il pratique sur le malade alité rappelle une lecon d'anatomie, d'autant que Bonasone a soigneusement représenté le specillum qui permet l'auscultation. De fait, certains aspects nous raménent encore aux codes iconographiques des ouvrages de Berengario da Carpi, en particulier dans les détails de la disposition spatiale : on remarquera effectivement la présence, de part et d'autre du lit, de deux hommes en robe, pourvus eux aussi du bonnet et de la toge de docteur ; le personnage de droite semble méme désigner du doigt telle ou telle partie du cráne, tandis que celui de gauche, avec une mimique gestuelle, semble discuter les résultats de l'expérience et focaliser les regards d' Hippocrate et de son collégue de droite. Cette triade qui rassemble celui qui dispute, celui

A

:

En douce pluie n'y coule pas,

Hélas, la graine infortunée mourra sans rémission, Immense espoir d'un suave fruit.

S

N'es-tu point d'une eau pérenne la source intarissable, Dont les flots scindés en riviéres Font lever mille récoltes généreuses, — merveille ! —

Sur les terrains les plus arides ? Verse de cette eau sur ma soif ardente mais louable, 10

Pour réussir, en temps utile, Je ne dis point à l'étancher, mais pour le moins, un peu

À l'apaiser ; et ta bonté Pour moi, dés lors, Pere excellent, égalera l'espoir Que j'ai toujours placé en elle.

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

MÉTRIQUE Métre épodique : hexamétre dactylique et dimétre iambique. Horace s'en sert dans les Épodes 14 et 15 pour déplorer ses amours avec l'affranchie Phryné et l'infidéle Néére. REMARQUES SUR LES MANUSCRITS ET L'ÉDITION DU TEXTE

— num. : la trace d'une premiére numérotation qui apparait à gauche de la gravure dans S, et oü l'embléme est signalé avec le numéro LXXV, est confirmée par l'une des Lettres d'Achille Bocchi à Romolo Amaseo (Milan, Bib. Ambr., ms D. 145 inf, f 7r^), où l'embléme est mentionné avec le méme

numéro

(voir infra, analyse de la

gravure). — v. 1 : le manuscrit Sloane porte la trace biffée du v. 1 de l'embléme suivant. NoTES - ded. : IVLIO III] Il s'agit de Giovan Maria Ciocchi del Monte (1487-1555)!'*°!, qui fut élu pape le 8 février 1550. Il fit des études juridiques à Pérouse et à Sienne. Gráce à son oncle, Antonio del Monte, il devient camérier, avant d'obtenir l'archevéché de Siponto en 1513 puis celui de Pavie (1521-1530; 1544-1550).

Membre de la curie pontificale, deux fois gouverneur de Rome, il est pris en otage par les Impériaux lors du sac de Rome en 1527 et manque d'étre exécuté. Il est nommé ensuite vice-légat de Bologne, auditeur de la Chambre apostolique et devient cardinal du titre de San Vitale en 1536. Il est légat de Paul III au Concile de Trente dont il

le retour de la belle s'accompagnera d'une renaissance (Buc., 7, 59) sous l'influence des pluies bénéfiques de

Jupiter (Buc., 7, 6o). Reprenant l'image de Thyrsis, Bocchi imagine qu'il possede un champ desséché et appelle de ses voeux la pluie fécondante que ne manquera pas de verser le pape Jules III sous les traits du pater Jupiter, puisqu'on sait que le roi des dieux est attaché aux phénoménes météorologiques (Iuppiter pluit). Cette métaphore géorgique articule visuellement les rapports inégaux qu'induit l'évergétisme du prince à l'endroit de son sujet, et permet d'opposer, dans le texte, la sphére du suppliant, du « je » (meus, v. 1; meam, v. 9 ; me, v. 13 ; mea, v. 14), articulée sémantiquement autour de termes marquant le desséchement (aret, v. 1 ; ardentem, v. 9 ; macerrimis, v. 8) et la soif (sitim, v. 10) et celle du « tu » (tuae, v. 1 ; tu, v. 5 ; tuo, v. 10 ; tua, v. 13), placée au contraire sous

le signe de l'eau (unda, v. 1 ; perennis aquae fons, v. s ; riuis flumina, v. 6 ; liquore, v. 9), de l'irrigation (irrigetur, v. 2, sparge, v. 9) et de l'étanchement (extinguat, v. 12). Le processus du don évergétique est pensé en partie sur le mode de l'équation arithmétique entre une demande exigeante (plurima,v. 4) et sa satisfation pléthorique (maximus, v. 5 ; sescentas, v. 7 ; laetissimas, v. 8), comme l'indiquent les superlatifs qui se répondent et la formule

comparative falis... qualis (v. 13). Mais il s'exprime également, de maniére plus complexe, à travers la métaphore de la fructification : les images de la graine (miserum. semen, v. 3), du fruit (fructus, v. 4) et des moissons (segetes, v. 7), non seulement prolongent habilement la rencontre de la terre et de l'eau mais signalent

est le premier président (en 1545-1547 puis à Bologne en 1547-1548). Il rouvrira le Concile en 1550. Son élection a suscité un trés long conclave (du 18 novembre 1549 au 8 février 1550) et constitue un compromis

également l'infusion d'une puissance vitale d'engendrement et de croissance, qui ne se limite plus dans le temps ou dans l'espace et suscite l'admiration et la célébration poétique (admirabile dictu, v. 7). Pourquoi cette mise en scene, et que réclame exactement Bocchi ? Probablement qu'à la suite du pape Paul III (auquel Jules III a succédé en 1550) et de son petit-fils Alexandre Farnése, le Grand Cardinal, le nouveau pape

en 1554, au moment où Mary Tudor permettait le retour au catholicisme en Angleterre. Bocchi dédie aussi à ce pape le Symb. 148. Sur ses relations troubles avec son protégé Innocenzo Monte, voir notre analyse de cet

donc à lire parallélement aux Symb. 109 et 110, qui constituent eux aussi des requétes financiéres de la part de l'emblématiste. Il n'es alors pas sans habileté de choisir la voix de la bucolique, dans la mesure où, fidéle à Servius, la Renaissance y voyait un cryptage allégorique des plaintes répandues par les propriétaires terriens

entre les pressions contradictoires exercées par Charles Quint et Henri II, roi de France. Il fut en général partisan d'une une réforme de l'Église. Il soutint la Compagnie de Jésus et délégua Reginald Pole en Angleterre

embléme. Sur l'hypothése d'un changement de dédicace, voir analyse de la gravure infra.

- V. 13 : Pater optime] Bocchi joue des quatre sens du mot pater, à la fois épiclése de Jupiter, pére des dieux et des hommes (il avait, sous la double épithéte d'optimus maximus, un temple sur le Palatin à Rome), mais aussi

épithéte de vénération lorsqu'on apostrophe un dieu, titre honorifique (Pater patriae) dévolu dans l'Antiquité romaine à celui qui, par ses actes, avait montré qu'il s'était fait le protecteur de la nation et enfin, épithéte épique que l’on réserve au héros vénérable, comme Enée ou Anchise. ’

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4

1. Évergétisme et poétique virgilienne Bocchi met en scene les rapports cliens/patronus à l'aide d'une métaphore empruntée à la septiéme Bucolique de Virgile (v. 57 sq. : aret ager), où le poéte latin évoque les chants amébées de deux bergers, Corydon et Thyrsis. Paus le pátre Corydon, la présence de son bien-aimé Alexis et la joie qu'elle lui procure se marque dans l'épanouissement généreux d'une campagne fertile et son départ signifierait l'asséchement des fleuves (Buc, 7, 57). Le berger Thyrsis, prenant appui sur l'évocation des fleuves à sec qui clót l'intervention de Corydon, un

tableau

exactement

inversé,

oü l'absence

de

Phyllis

et la douleur

intérieure

qu'elle

génère

$ expriment au contraire parle moyen d'un paysage embrasé par la chaleur qui fait périr la végétation, tandis que

Dp Gánzer, « Julius III », Theologische Realenzyclopádie, 17, 1988, P- 445-447 ; L. Von Pastor, Histoire des papes depuis la fin du Moyen Age, t. XIII, Paris, 1992; M. Smith, «Jules III » dans Ph. Levillain (dir.), Dictionnaire histori que ; de la Papauté, Paris, 1994, p. 983-985 ; W. E us « Jules er The Oxford Encyclopedia of the Reformation, New York, Oxford, t. II, 1996, p. 359-360.

ous avons esquissé une premiere analyse de cet embléme dans A. Rolet, « La pluie de fleurs dans les Symbolica e Quaestiones d' Achille cchi, entre spiritualité religieuse et élo, quence encomiast Bocchi, iasti ique», dans P. Choné, B. G i i i i religieuse au XVI et XVII siècles, Glasgow Emblem Studies, 9, 2004, P. n

454

spoliés de leurs terres, à l'instar de Virgile. Bocchi, lui, n'a pas été directement spolié, mais il a besoin de la

générosité de son puissant mécéne. La métaphore de l'arpent aride fécondé par la pluie nourriciére permet d'exprimer visuellement le caractére positif et fructificateur d'un flux financier qui viendrait abreuver une cette institution qui a toutes les peines du monde à voir le jour et à exercer son activité intellectuelle. Mais justification économique de la métaphore ne doit pas faire oublier toutes les résonances littéraires et spirituelles qu'elle véhicule et qui viennent enrichir le discours épidictique d'une surcharge symbolique particuliérement cohérente.

ANALYSE?

élabore

offre des subsides pour contribuer à l'édification de l'Academia Bocchiana, entamée en 1546. Cet embléme est

|

ii

ew

2. La terre et la source : un réseau complexe de significations

La métaphore bucolique crée dans le texte la vision d'un paysage, d'un locus amoenus à venir, où la terre enfin

c'est Bocchi irriguée par des eaux bienfaisantes promet à profusion ses fruits et ses moissons. À la fin du texte, lui-méme qui se substitue au paysage pour insister sur la soif qui le ronge (ardentem...

meam/ Sitim, v. 9- 10) et

textel'espoir qu'il nourrit de voir arriver la pluie de son bienfaiteur (liquore, v. 9). Or, il nous semble que ce cours d'eau est, en effet, paysage reléve en partie d'un métalangage'?? : la source qui donne naissance aux divers

une image courante de l'inspiration poétique, et le vocable de liquor au vers 9 rappelle l'onde de Castalie,

dans un paysage renvoie, symbole des Muses et du génie littéraire. De méme, la vision d'un cours d'eau glissant ou de style?*. On selon que ses eaux sont calmes ou impétueuses, abondantes ou rares, à un type d'éloquence en rivieres) des notera que Bocchi reprend dans un sens propre (voir par ex. v. 6, à propos des flots divisés phénoménes expressions que Quintilien ou Cicéron utilisent. comme métaphores pour désigner des de son protégé, rhétoriques. Le pape, en livrant ses subsides, non seulement contribue à l'aisance financiére 1994, p. 139 sq. 93 Voir P, Galand-Hallyn, Le reflet des fleurs : description et métalangage poétique d'Homére à la Renaissance, Genéve, l'analyse de ces textes dans 30 Voir par ex. HES., Theog., 1-7 ; CIC., De Orat., 1, 94 ; HER,, 4, 6 ; HOR,, Ars, 53-54; QVINT,, Inst., 1, 10, 46. Voir Perrine Galand-Hallyn, Le reflet des fleurs, p. 121-122.

95 Voir les références dans P. Galand-Hallyn, Le reflet des fleurs, p. 122-125.

455

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

mais, de maniére plus ample, offre aussi aux artistes qui l'entourent une source d'inspiration pour leur art : l'image de la graine qui léve en moisson sert d'image au talent qui fructifie gráce à l'offre d'un sujet digne de ses forces. L'épigramme de Bocchi aux dimensions encore modestes, ne livre pour l'instant qu'un paysage à la frontiére entre monde bucolique et monde géorgique, oü l'eau est rare, méme si l'usage du style moyen, un genus floridum qui s'orne de deux métaphores, celle du suppliant en arpent, celle du bienfaiteur en eau féconde, tente de déployer ses séductions discrétes'?*^. Mais c'est déjà là la riche promesse d'un paysage beaucoup plus ambitieux, à condition que les eaux papales décident de répandre leurs bienfaits. À ce flot ample et impétueux des bienfaits, Bocchi promet de répondre par un style poétique généreux et fougueux, de l'ordre du sublime, celui de l'hymne ou de l'épopée. De surcroit, la célébration de l'inspiration poétique sous forme d'un domaine qui reverdit sous l'influence de l'eau renvoie également à tout un réseau d'images spirituelles liées à la cultura animi. Cicéron (Tusc., 2, 13) et

Horace (Epist., 1, 14) rappellent fécondant que le cultivateur qui en cultivateur qui travaille l'àme par l'Antiquité chrétienne entre et les Évangiles d'autre part. Et

que les bienfaits du savoir et de la philosophie jouent sur l'esprit le méme róle laboure la terre, l'arrose, l'ensemence et arrache l'ivraie. Mais la vision du pape de son disciple est préparée par l'immense travail de mise en relation réalisée Virgile d'une part, les écrits vétérotestamentaires — en particulier les Psaumes — on sait que cette articulation se fait précisément sur les motifs pastoraux, et

géorgiques.?"' On remarquera d'ailleurs que, dans l'épigramme de Bocchi, les termes de gratia (v. 2), « gráce »,

fons aquae perennis (v. s), « source d'une eau éternelle », spes (v. 4 et 14), « espoir » mais aussi « espérance », tout en conservant leur neutralité profane, se lisent aussi en relation avec les vertus théologales, dans un contexte spirituel plus spécifiquement chrétien. De méme les termes sitim honestam (v. 9) et benignitas (v. 12) laissent là encore entendre un réseau spirituel et non plus seulement des motivations matérielles ou économiques. Dans les Psaumes, on trouve à plusieurs reprises le motif de l'àme assoiffée!?? telle une terre. L'eau devient alors l'expression imagée des bienfaits divins qui viennent la satisfaire, tout comme Moise fera jaillir une source dans le désert?. Chez Philon d'Alexandrie, le logos divin est comparé à une source qui, comme le nectar, apporte l'immortalité!^?, Les poétes chrétiens de l'áge théodosien, tels Paulin de Nole ou Prudence de Calagurris, propriétaires terriens, surimposent à cette cultura animi la notion de cultura cordis. Ils allient par là méme, aux exigences du labeur intellectuel requises pour toute ceuvre poétique, les impératifs

virgiliens des Géorgiques qui se soucient des champs en dispensant des eaux généreuses, sont lus comme les précurseurs d'une Trinité champétre, avec le Fils Vraie Vigne, le Pére Cultivateur'*" et l'Esprit rigator animarum, « qui baptise les àÀmes »'*5, Bocchi, habilement, fait résonner tous ces harmoniques en se présentant

comme l'hortulus que doit fertiliser l'action papale!*5,

3. L'Hermés de la gravure : travaux géorgiques, travaux rhétoriques

La gravure nous montre, dans une campagne vallonnée et cultivée, l'orant Bocchi sous les traits d'un Hermés, reconnaissable à son caducée, son pétase et ses pieds ailés. Dans son arpent soigneusement délimité par une clóture oà la vigne s'enroule autour des arbres, Hermés/Bocchi a abandonné son araire et implore, les mains jointes, la pluie de fleurs qui tombe d'un nuage, sous l'ceil bienveillant de Jupiter, muni de son foudre, interprétation littérale de Iuppiter pluit, « Jupiter fait pleuvoir ». Une allégorie, identifiée par une inscription à Benignitas, semble diriger du bras cette pluie, afin qu'elle tombe à l'emplacement désiré, c'est-à-dire sur la parcelle d'Hermés. On se demandera pourquoi l'orant se trouve ici transformé en Hermés/Mercure, au milieu d'un champ oà git une charrue. Il nous semble que, contrairement à ce qu'affirme E. See Watson, Hermés ne joue pas ici son róle de messager'^" mais retrouve ses fonctions de gardien des champs et de leurs bornes, de patron des troupeaux

et des vergers, de maitre de l'agriculture, qui furent parmi ses premieres attributions! comme l'attestent ses

nombreuses épicléses'"?. Hermés remplit par exemple aussi le róle de mitium et fructiferarum arborum sospitator'^'^, On comprend alors la présence sur la gravure de la vigne enroulée autour des arbres, qui joue aussi probablement sur un célébre embléme d'Alciat où la vigne qui s'enroule autour de l'orme célebre l’amicitia, et

donc le lien qui peut s'établir entre un cliens et son patronus *"'. L'astuce allégorique consiste bien entendu, dans

la gravure bocchienne, à faire fusionner le róle géorgique d'Hermés avec ses fonctions d'éloquence, par l'intermédiaire de la métaphore de la cultura animi qui relie les deux aspects : patron de la culture intellectuelle, Hermes l'est aussi des fruits et des moissons qu'elle produit gráce à la uis loquendi, faculté essentielle du poéte. Cette alliance entre Hermes/Mercure et la notion de cultura dans sa double acception, agricole et intellectuelle, 143 Voir par exemple PAVL. NOL., Epist. 39, 3 ; 44, 7 ; PRUD., Sym., 1020 ; 1037. VoirJ. Fontaine, « La spiritualité des propriétaires terriens »,

Spirituels de la laudatio Dei sous forme de priéres ou de louanges, dont la poésie doit se faire le vecteur, pour

P. 257-261.

d'ager, mi-champ, mi-jardin est, dans ce contexte, fondamentale!*. I] devient pour son propriétaire un lieu de

d'ailleurs significatif que l'éloge de l'eau baptismale dans le genre épidictique chrétien reprenne, tout en gardant sa spécificité liée à l'idée méme

ouvrir l’àme à l'influence divine qui pourra alors à son tour la travailler et l'irriguer comme une terre. La notion retraite propice à l'ofium et à la priére, un modele de rusticatio, de culture agricole qui doit inspirer la culture spirituelle, un cadre et un sujet du travail poétique, du fait des liens étroits qu'il entretient avec la nature, avec

l'idéal de pureté morale attachée à l'Áge d'or paien, au Paradis biblique et autres jardins originels ou funéraires^". Mais l'ager est aussi et surtout une métaphore de l'àme du poéte travaillée par Dieu'*?, Les dieux

M0 Voir Ioh., 15, 1 ; 1 Cor. 3, 8. On peut également rapprocher les bergers virgiliens des multiples figures du Bon Pasteur. 1405 Voir la liturgie de la Pentecóte : riga quod est aridum, citée par J. Fontaine, « La spiritualité des proprétaires terriens », p. 25 3, n. 52. Il est

de sacrement, le topos encomiastique paien des ablutions et autres eaux sacrées, par exemple chez ARISTIDE, Égée, 2; Isthmique, 5-7. Sur ce point, voir L. Pernot, La rhétorique de l'éloge dans le monde gréco-romain, Paris, 1993, t. II, p. 777. 10 L'usage de ces motifs était traditionnel à l'époque tardive dans les panégyriques royaux ou impériaux ainsi que dans les laudationes épiscopales. Pour un bref apercu

des raisons idéologiques qui motivaient ces pratiques littéraires, et en particulier l'usage des eapons

fondées sur la topique de l'eau comme célébration par excellence de la caritas, variante chrétienne de la benignitas, voir A. Rolet, « L Ascodie chrétienne de Venance Fortunat : un projet culturel, spirituel et social dans la Gaule mérovingienne », Médiévales : langue, und histoire, $1,

automne 1996, p. 109-129. Voir également M. Reydellet, La royauté dans la littérature latine de Sidoine Apollinaire à Isidore de Séville, Rome,

7 Pour l'association de chacun des styles à une ceuvre de Virgile, d'aprés Servius et la « roue de Virgile », voir P. Galand-Hallyn, Le reflet des fleurs, p. 125. Les Géorgiques relévent du style moyen. 117 Voir Voir] J. Fontaine, ag « La conversion version du du christiani christianisme sme àà lala cul culture antique ique : la lecture chrétienne i de l'univers 'uni bucolique de Virgile i irgi » dans Id., La poésie latine tardive, 1998

1399

d'Ausone à Prudence, Paris, 1980, p. 214-239 ; Id., Naissance de la poésie dans l'Occident chrétien, Paris, 1981, p- 143-194. Xr. EL. i ò E Voir par exemple le Psaume 62, 3 : sitiuit te anima mea desideraui t te/ caro mea : « Mon àme a eu soif de toi,/ Ma chair t'a désiré ». . 2 4 ^ Voir par exemple le Psaume 64, 10-11

: uisita terram et inriga eam ubertate/ dita eam/ riuus Dei plenus aqua/ praeparabis frumentum eorum

quia/ sic fundasti eam/ sulcos eius inebria multiplica fruges eius/ pluuiis inriga eam et germini eius/ benedic. « Viens voir ma terre et abreuve-la, de richesses/ Pourvois-la./ Le ruisseau de Dieu est rempli d'eau./ Tu as préparé le grain des hommes car/ C'e&t ainsi que tu as disposé le sol :/ Arrose

ses sillons, multiplie ses moissons, / arrose-la de tes pluies et à la graine/ accorde ta bénédiction ».

IR i Leg., 303, cité parJ. Dillon, « Ganymede as the logos: Traces of Forgotten Allegorization in Philo ? », Classical Quarterly, 31/1, p. 183-185. 1981, 1401 Voir J. Fontaine, « La Spiritualité des grands propriétaires terriens » dans La poésie latine tardive, p. 241-265. Voir en particulier le rapprochement qu'il effectue ( p. 253, n. 49) entre la doctrine du labeur virgilien qui s'exprime en Géorg. 1, 121-122, les termes de la Sagesse de

Salomon, 8, 1 et le passage imperceptible entre travail manuel et travail spirituel qui s'effectue chez Paulin de Nole, en particulier Epist. 39, 2. 1402 Voir P, Grimal, Les jardins romains, Paris, 1984.

456

:

1981.

147 E, See Watson, Achille Bocchi, p.141. i 1108 L'attribut le plus ancien du dieu était, en effet, le tas de pierres qui servait au jalonnement des chemins et au bornage des champs. La version

plus élaborée de ce symbole de fécondité et de prospérité se présentait sous la forme de piliers sur lesquels se dressait un buste du dieu

ithyphallique, appelés Hermai, et qu'on plagait sur les terres cultivées, les routes ou l'entrée des maisons. Voir par exemple AG, 12, 3-4. Voir aussi pour la Renaissance VALERIANO, Hieroglyphica, Bàle, 1556, p. 290C et ALCIAT, Emblemata, « Qua Dii uocant, eundum ». Sur tous ces aspects concernant Mercure à la Renaissance, voir M.-M. de la Garanderie (dir.), Mercure à la Renaissance, Paris, 1983 ; A. Rolet, « Les métamorphoses d'Hermés/Mercure dans les Symbolicae Quaestiones d' Achille Bocchi », in R. Duits, F. Quiviger (dir.), Tnages of the Pagan Gods. Papers of a Conference in Memory of Jean Seznec, Warburg Institute Colloquia 14, 2009, p. 199-250; Ead., « Une énigme hiéroglyphique : Le Mercure à la ménorah dans les Symbolicae Quaestiones d'Achille Bocchi », dans D. Mons P. Seat A. Tournqn (éd.), L Em%mahque à la Renaissance : formes, significations, esthétiques, Actes du colloque organisé par l'Association "Renaissance, Humanisme, Réforme", Lyon, 7-10 septembre 2005, Paris, Champion, 2008, p. 233-260 99 Voir par exemple HES., Theog., 444 ; HOM., Od., 8, 335 ; AR., Thesm. 977 ; PAVS., 9, 34, 3 ; AG, 6,634 ; Hymn. hom., 314. 1410 V.

I

è

1411 V:îrEîlîé-Il;\î;'É;bî.., m

etiam post mortem durans », v. 5-6 : Exemploque monet tales nos quaerere amicos/ Quos neque disiungat foedere

summa dies.

457

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire - Livre III

nourrit une page trés éclairante de Guillaume Budé, où la métaphore cicéronienne vient à l'appui du propos d'Hermés Trismégiste, et que Bocchi a sans doute présente à l'esprit puisqu'il fréquente assidüment l'auteur frangais'*"? ; Ces semences, les hommes d'étude les empruntent de nos jours aux auteurs qui, autrefois dans les champs latins

et attiques (in latino quondam agro atque attico), ont pratiqué les armes de Pallas et de Mercure. On dit en effet de l'esprit lui-méme qu'il se cultive (animus ipse coli dicitur), quand il se forme aux arts libéraux. D'oü cette phrase de Cicéron dans le De Finibus [7 5, 19]: « Mais la culture de l'esprit (animi cultus) était pour lui comme la nourriture de son humanité » et cette autre, au livre II du De Oratore [- 2, 30] : « Il me faut une intelligence qui

soit pétrie comme une terre labourée non une fois seulement (agro non semel arato) mais à maintes reprises, afin

que ses produits (fetus) soient plus beaux et plus grands ». Ainsi donc, aprés avoir soigneusement cultivé l'esprit

(ex diligenti cultura animi), si le terrain (solum) n'est pas naturellement stérile, on voit se lever la moisson de la

science (messis doctring)!*.

Le double sens du terme d'arator appliqué à Hermés/Mercure, géorgique et spirituel, peut appliqué à une vignette illustrant l'ouvrage La fabbrica del Mondo de M. Francesco Alunno da Ferrara, imprimé pour la premiere fois à Venise en 1548 par Niccoló Bascarini (Fig. 1), sorte de lexique d'expressions frappantes empruntées à Dante, Pétrarque et Boccace. Sur cette vignette énigmatique, on apercoit, sous un ciel nocturne peuplé d'étoiles oi brille la lune, Hermés/Mercure, l'échine courbée, qui s'occupe d'étranges labours à l'aide d'une charrue tirée par Pégase. Au milieu du paysage se dresse un arbre, et, suspendue à l'une des branches, fume une lampe. À l'avant de la composition, une souche d'arbre mort, sur un unique rameau, porte une équerre et un fil à plomb, qui domine un sablier qui se trouve juste en-dessous. À gauche de l'arbre mort, un échassier porte un objet dans l'une de ses pattes. À droite, on apercoit un chien. Sur le cadre qui ceint l'image, on lit : Nocte agit ad normam

sulcos incuruus arator, « la nuit, le laboureur à l'échine courbée trace ses sillons sans dévier ». Cette vignette doit

se lire, selon nous, à la maniére des compositions hiéroglyphiques de l' Hypnerotomachia Poliphili de Francesco Colonna. Chaque objet porte un sens symbolique qu'il faut repérer mais s'intégre à son tour à l'ensemble de la composition gráce à une syntaxe qui relie ensemble des groupes de symboles pour les inclure dans un énoncé à décrypter. Mercure/Hermés est ici le dieu des labours spirituels et incarne de maniere allégorique l'homme de lettres qui travaille son esprit. Ce travail signifie bien entendu de longues heures de veille, qui peuvent parfois durer toute la nuit : d'oà le ciel étoilé et la lune. L'araire qui creuse s'orne du fameux caducée, embléme du logos qui fait régner la paix et sépare méme les ennemis les plus acharnés, tels les deux serpents entre lesquels Mercure a lancé sa verge d'or pour faire taire la dispute. Mais la maitrise de ce logos et la récolte de ses moissons ne s'acquiérent qu'à force de labor improbus, ce travail acharné aux racines virgiliennes qui fait ployer l'échine au

paysan qui s'y emploie (incuruus arator, dit le motto qui ceinture l'image). À cette charrue qui permet de tracer

les laborieux sillons du savoir, est attelé Pégase, le cheval de la Fama, de la Renommée, mais aussi de l'inspiration poétique et littéraire, sous le sabot duquel a jailli autrefois la source Hippocrene, et qui tire tout l'appareil vers l'avant. Son association avec Hermés/Mercure est antique: on la trouve sur une médaille

d'Antinoüs et elle sera reprise par Andrea Mantegna'^", Dans la nuit sombre, notre laboureur s'éclaire

toutefois d'une lampe, fixée à la branche d'un arbre vif, que ses feuilles nous invitent sans trop d'ambiguité à identifier au laurier. Le fait que la lampe soit attachée à l'une des branches vaut pour un signe syntaxique de dépendance, ici le génitif d'appartenance, comme chez Colonna : c'est la lumiére dy laurier (lux lauri), c'est-à-dire la lumiere de la Vertu (avec un jeu étymologique qui rapproche uirtus, la « vertu » et uirens , « vif » ou « vert »!*5). Cette Vertu, symbole de la force de résistance qu'opposa jadis Daphné à Apollon, permet au savant de ne pas céder

aux tentations du monde et à l'attrait des vices pour s'adonner à son art. Mais comme arbre d' Apollon, le dieu de la poésie, le laurier dont on utilise le feuillage pour tresser des couronnes entretient aussi un lien discret avec la gloire poétique et littéraire, comme Pégase. À l'avant de la composition, plusieurs figures symboliques permettent de visualiser d'autres qualités abstraites qui aident l'homme de lettres dans sa cultura animi: l'équerre et le fil à plomb montrent que le laboureur au travail suit une trajectoire rectiligne, ad normam, « en suivant l'équerre », et ad perpendiculum, « en suivant le fil à plomb », c'est-à-dire avec une discipline qui ne le fait pas s'écarter de sa route. Le fait que l'équerre et le fil à plomb soient fixés à la souche morte vaut encore pour signe syntaxique. Cette discipline est portée (et donc suscitée, inspirée) par l'arbre desséché, c'est-à-dire la mort, et domine le sablier, lui aussi symbole de l'existence qui coule et s'échappe : le regard rivé sur sa fin et conscient du temps qui fuit, le savant n'a de cesse de mener à bien sa táche et de ne pas s'en laisser distraire. C'est à ce prix qu'il pourra toucher les fruits promis par Pégase et le laurier. Dans ce parcours, il est secondé par une valeur essentielle: la grue à gauche qui tient un caillou dans sa patte et le chien sont deux symboles de uigilantia, dans son double sens de « rester éveillé » (la grue) et « veiller sur, faire attention à » (le chien), autant de recommandations qui peuvent s'appliquer à l'érudit qui veille fort tard et táche de ne pas se laisser détourner de son activité par les séductions du monde et par les passions. On remarquera que l'ensemble de la gravure semble jouer du redoublement de certaines significations par deux signes différents : Pégase et le laurier, l'équerre et le fil à plomb, l'arbre sec et le sablier, la grue et le chien. On peut ensuite s'interroger sur le choix par Bocchi et Bonasone d'une pluie de fleurs pour signifier la générosité des dons papaux'*"*, outre l'hypothése selon laquelle la fleur constitue une variante iconographique

pratique, un substitut harmonieux à la représentation de l'eau ou de la pluie, moins lisibles. En fait, l'idée est ancienne et remonte

sans doute aux monnaies

romaines, en particulier des sesterces de Claude, oü le revers

porte à l'exergue SPES AVGVSTA, tandis qu'une allégorie féminine identifiable à SPES marche à gauche en tenant une fleur et en relevant sa robe. C'est ce type de monnaie antique qui inspire la gravure du symbolon 104 dédié à Guido Ascanio Sforza (AVGVSTA SPES HAEC SFORCIAE EST) où l'on peut remarquer que la fleur unique s'est transformée en brassée de fleurs que SPES jette en pluie, en puisant à pleines mains dans le pli de sa

tunique.

4. Un changement de dédicace ?

Mais une lecture plus attentive de l'image du Symb. 85 révéle que ces fleurs sont en fait des lys, et ce n'est sans doute pas un hasard. Cette hypothése se confirme pour peu que l'on observe le blason arboré par Benignitas et

que l'on examine la dédicace. Ce blason est, certes, caviardé. Mais on y distingue néanmoins, avec surprise, les armes, non pas de Jules III, ni de la famille Del Monte, mais bien des Farnése, six lys disposés en couronne,

comme nous le confirment les gravures des symbola 109 et 125. Il est probable que cet embléme, composé vers 1546, au moment de la fondation de l'Académie, portait une premiére dédicace à PAVLO TERTIO PONTIFICI

MAXIMO. Ce fait est confirmé par l'une des Lettres d' Achille Bocchi

à Romolo Amaseo (Milan, Bibl. Ambros., ms D 145 inf., f? 71^), datée de janvier 1549, oà l'embléme, qui portait alors le numéro 75, est explicitement dédié à

Paul III (pour le contexte, voir l'annexe 2 de notre analyse du Symb. 132) :

Puto te recordari symbolorum meorum, quae ad te misi : illa tibi posthac argumentorum loco sufficiant, quibus ipse

communem causam in tempore defendas, ne parüm inepta fuisse uideatur postulatio nostra. Primum illud occurit, cuius haec thesis ad Paulum Pont. Max. (LXXV) : Speranda summi est principis benignitas,

^? Budé est en particulier la source des Symbola 1 et 81.

bs G. BUDÉ, L'étude des lettres, éd. M.-M. de la Garande rie, Paris, 1988, P. 70. Comparer avec HERMÉS TRISMÉGISTE, Traité, 9, 30. : Voir G. de Tervarent, Attributs et symboles dans l'art profane (1450-1 600), Genéve, 1958, p. 92. PSE ; , C'était l'analogie retenue pour un certain nombre de devises médicéennes oü apparait le laurier. Voir F. Ames-Lewis, « Early Medicean Devices », Journal of The Warburg and Courtauld Institutes, 42,1979, p. 122-143 et J. Cox-Rearick, Dynasty and Destiny in Medici Art, Princeton University Press, 1984, p. 15-31.

458

Maligna ubi urget temporum necessitas"", 1416 Sur l'utilisation de ce motif par les Farnése, voir J. Kliemann, « Die “ Lilie der Gerechtigkeit ”. Über die Erfindung und Bedeutung einer

Farnese-Imprese » in Gedenkenschrift für Richard Harprath, Münich/Berlin, 1998, p. 207-218.

HU « Tu te souviens, je pense, des symboles que je t'ai envoyés : ils devraient te suffire par la suite à trouver des arguments qui te permettront

de défendre notre cause commune, en temps voulu, afin que notre requéte ne paraisse pas avoir été trop déplacée. Le premier qui me vient à

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Aprés la mort du souverain pontife, en novembre 1549, l'embléme a été réattribué à son successeur, Jules

III, élu

Symb. 86

en mars 1550. Pour que le changement ne füt pas trop perceptible, on a caviardé le blason, signe trop visible de la premiére dédicace. Les lys qui tombent en pluie et redoublent ceux du blason sont évidemment les lys de la générosité Farnése mais pouvaient finalement émaner de n'importe quel autre pape. Or cette premiere dédicace permet de justifier davantage la présence de Jupiter sur la gravure, présidant en

Sur l'image :

quelque sorte à cette pluie d'abondance, et surtout, de réinsérer ce choix iconographique dans une thématique

César Alexandre

Gravure : IL FAUT

idéologique et encomiastique plus vaste attachée aux Farnése et au pape Paul III en particulier. On peut rapprocher la gravure de l'embléme, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana'5, d'une autre composition célébre réalisée par Alessandro Cesati sur une médaille dont

destinataire de cette pluie sur les gravures des Symb. 109 (il est agenouillé à l'angle de son palais) et 125

(il est

endormi et réve comme Poliphile), oà Astrée apparait avec ses attributs traditionnels, balance et cornu copiae.

LA BRIGUE

DE

LA VIE

POLITIQUE

À PAOLO GIOVIO, ÉVÉQUE DE NOCERA

l'avers représente en buste le pape Paul III'*?, Au revers de cette médaille, on aperqoit l'échanson des dieux,

Ganyméde, qui déverse sur un buisson de lys, embléme des Farnése, le contenu de l'amphore qu'il porte sur l'épaule, tandis que la présence de l'aigle jovien en arriére-plan rappelle discrétement la légende de l'enlévement du berger phrygien par le roi des dieux (Fig. 2). Les légendes qui accompagnent l'image, DEPNH ZHNOX, « la dot de Zeus » (qui joue de la paronomase pour justifier étymologiquement le nom des Farnése) et EY PAINEI, « il asperge généreusement », rappellent que le régne du pape, voulu et favorisé en quelque sorte par les dieux eux-mémes et Zeus/Jupiter en particulier (le nectar qui se déverse sur le buisson de lys), s'effectue sous le signe de la générosité et de la prospérité'*?, Cet ensemble sémiotique qui associe l'eau versée en pluie, les lys et Zeus/Jupiter est récupéré en partie dans la gravure de Bonasone mais avec un léger déplacement, puisque c'est le pape Farnése qui est ici implicitement identifié à Zeus/Tupiter, tandis que les lys ne sont plus les bénéficiaires de la pluie fertilisante mais l'expression méme de cette pluie généreuse. Cette pluie de lys Farnése rattache l'embléme aux mises en scéne de l’« Astrée Farnése », cette déesse de la justice qui raméne l'Áge d'or en Italie et qui fait pleuvoir de son giron des lys. Bocchi lui-méme est l'heureux

BANNIR

Un homme àllait sollicitant la faveur populaire, Dévoré qu'il était d'une ambition sans borne : 5

César Alexandre ordonna de l'empaler, et puis

D'allumer dans du bois vert une flamme épaisse

Pour le tuer, obstruant ses bronches de fumée noire.

Ó digne jugement d'un prince si puissant ! Un méchant habitué à vendre et acheter fumée 10

Doit, dit-il, à bon droit, mourir par la fumée. L'ambition nourrit et causa nombre de grands malheurs,

Et sera pour toujours le pire des fléaux. Sachant cela, ton áme, ó Paul, approuva notre embléme, Etle fait qu'à te louer nos symboles s'emploient.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. NoTES - ded.: PAVLO

GIOVIO EPISCOPO NVCERINO]

Paolo Giovio ou Paul Jove (1483-1552)?! commence ses

humanités à Milan (oü il fut l'éléve de Démétrios Calchondylas et Giano Parrasio) puis poursuit des études de médecine à Padoue (oü il rencontre également le philosophe Pietro Pomponazzi) puis Pavie. Titulaire d'un double doctorat en 1511, il se rend ensuite au Studio Romano pour y enseigner la médecine et la philosophie. Il est intéressé par l'histoire, lit César, Tacite et Tite-Live, et fréquente l'Académie Romaine. Il entre au service du Cardinal Jules de Médicis en 1517, le futur pape Clément VII, et devient un familier de la curie pontificale. Il accompagne son protecteur à Florence, travaille à ses Historiae et participe à l'élaboration du programme des fresques de la villa médicéenne de Pogio a Caiano. Il appuie la politique anti-francaise de Léon X et, en 1521, accompagnant le Cardinal de Médicis, nommé légat auprés des armées, il assiste au sac de Cóme, sa ville natale,

par les troupes du marquis de Pescara, Ferdinando Francesco d'Avalos. Établi au Vatican aprés l'élection au pontificat de Jules de Médicis en 1523, il entretient une abondante correspondance avec des prélats et des Fig. 1 » Illustration pour La fabbrica

del Mondo de M. Francesco Alunno da Ferrara, Venise, 1548.

Fig. 2 > A. CESATI dit « il Grechetto », Ganyméde arrosant les lys Farnise, médaille de bronze pour Paul III, 1550 (4,1 cm).

l'esprit, c'est celui qui adresse cette affirmation à Paul III : “ Il faut espérer i en la bonté de notre souverain supréme, lorsque se fait. sentir; l'insidieuse pression de la nécessité ” ».

1118 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, P. 17, n° 30 (2 LXXXIII). 7? Conservée à Naples, aux Museo e Gallerie Nazionali di Capodimonte. Pour une description détaillée, voir par exemple L. Fornari Schianchi, N. Spinosa (dir.), I Farnese: arte e collezionismo, Milan, 1995, P. 450, n^247. Voir également N. Spinosa (dir.), La Collezione Farnese : le arti decorative, Muzeo Nazionale di Capodimonte, Naples, 1996, p. 282, n" 8. 75. 1420 : n à : en Ce motto rappelait: les pratiques scu er népotistes du souverain; pontife, particuli la création du Duché de Parme et de Plaisance, en 1545, à la téte duquel le pape avait placé son fils ainé Pier-Luigi. Voir J. Rupert Martin, The Farnese Gallery, Princeton, 1965, p. 113.

humanites et rédige le Liber de piscibus Romanis, fruit de sa participation aux banquets papaux. Il se met également sous la protection de Gianmaria Giberti, le dataire apostolique. Aprés le sac de Rome, Giovio regoit en 1528 l'épiscopat de Nocera puis, invité à Ischia par Vittoria Colonna, se lie d'amitié avec Costanza et Alfonso d'Avalos. Il rédige dans l'ile son De uiris et foeminis aetate nostra florentibus. Lors du couronnement de Charles Quint à Bologne, il recoit le titre de Comte Palatin. Aprés la mort de Clément VII en 1534, il devient le protégé

de Paul III et de son petit-fils le cardinal Alexandre Farnése. Il se fait le partisan d'une forte alliance entre empire et papauté pour lutter contre les ambitions frangaises, ainsi que contre le protestantisme et la menace turque.

"!! Voir T. C. Price Zimmermann,

« Giovio,

Paolo » in DBI, t. LVI, 2001, p. 430-440 ; Paolo. Giovio. Il Rinascimento

e la memoria. Atti del

convegno (Como, 3-5 Giugno 1983), Cóme, 1985 ; P. Eichel-Lojkine, Le siècle des grands hommes. Les recueils de vies d'hommes illustres avec portraits au XVI's, Louvain-Paris-Sterling, 2001, p. 350-353 (Annexes, s. v. « Paul Jove/Paolo Giovio).

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Enthousiaste lors de l'élection de Paul luthériennes, il s'en éloigne rapidement. Paul III. Il recommande Giorgio Vasari participera au programme de la Sala dei personnalités éminentes qui le prennent

III, Giovio découvre sa tendance au népotisme. Favorable aux idées Il refuse de siéger au Concile de Trente et s'aliéne ainsi la sympathie de au Cardinal Farnése et l'encourage dans la rédaction de ses Vite, et il Cento Giorni décorée par Vasari et ses aides en 1546. Il se lie avec des sous leur protection : Federico Gonzaga, Hercule II d'Este, Cóme I*' de

Médicis, Francesco II Sforza, Ferrante Gonzaga, Fernando Álvarez de Toledo duc d'Albe et Alfonso d'Avalos, qui l'aide dans la construction de son Musaeum. Entre 1537 et 1543, il avait fait effectivement construire au bord

du lac de Cóme une villa contenant des portraits d'hommes illustres, dont il rédige les notices dans ses Elogia. C'était un fervent défenseur de la politique impériale en Italie, sous l'influence de Ferrante Gonzaga : il avait offert à Charles Quint en 1531 son Commentario delle cose de'Turchi, au moment où l'empereur s'apprétait à affronter Soliman ; il avait salué la victoire de Tunis en 1535 contre les pirates turcs et avait accompagné Hippolyte de Médicis, légat pontifical, assiter à la campagne impériale contre les Turcs en Hongrie en 1532. Mais la défaite d'Alger en 1541 et les ravages menés en Italie par la lutte entre Francois I* et Charles Quint l'oblige à nuancer ses convictions, non sans avoir suscité l'hostilité de Paul III qui ne lui confére par le cardinalat et lui supprime également l'épiscopat de Nocera en 1548, date à laquelle il publie sa Vita Leonis Decimi. Giovio

en disgráce quitte alors Rome en 1549. On le retrouve à Florence en 1550, à la cour de Cóme et d'Eléonore.

C'est à cette date que sort le premier volume de ses Sui temporis historiarum libri, qu'il a composés durant toute

sa vie et qu'il dédie à Cóme. Il meurt en 1552. Ce n'est qu'en 1556 que sera publié son Dialogo delle imprese

militari e amorose, qui avait toutefois circulé bien avant. - v. 3 : Affigi palo] Aelius Lampridius ne signale pas le supplice du pal mais dit simplement que le fautif fut ligoté à un poteau sur le Forum transitorium ou de Nerva (voir apparat des sources), c'est-à-dire dans le quartier des fora impériaux, avant d'étre asphyxié. ANALYSE

L'embléme présente une scéne de jugement, comme les Symb. 53 et 58, consacrés respectivement à un jugement d'Alexandre et à un jugement de Cambyse. L'épisode relaté ici par Bocchi est emprunté à l'Histoire Auguste, et en particulier à la Vie d'Alexandre Sévire. L'épisode est connu par Érasme qui le rapporte dans l'adage intitulé « fumos uendere », « vendre des fumées » (Adag. 2, 2, 41), c'est-à-dire du vent. Par un souci évident de souligner les oppositions trés nettes entre la vie d'Élagabale et celle d'Alexandre Sévére, Aelius Lampridius, son auteur présumé, met en valeur la réforme que l'empereur Alexandre Sévére (222-235 apr. J.-C.) a instaurée à

propos des « vendeurs de fumée, » par réaction aux excés constatés sous le regne d'Élagabal'*?. « Vendre de la fumée » désigne, dans l'Histoire Auguste, une pratique qui consiste, pour des confidents et des conseillers du

prince, à monnayer des informations confidentielles concernant la vie secréte de l'empereur ou certains de ses projets politiques, et de se faire ainsi passer pour un personnage important ayant l'oreille

Traduction, annotation, commentaire — Livre HII

d'Alexandre en lui parlant discrétement en sa faveur. Turinus lui promit son aide, puis lui dit qu'il avait parlé de lui à l'empereur — alors qu'il n'en avait rien fait -, mais que le résultat de la démarche dépendait uniquement du

demandeur, aprés quoi il lui fixa un prix pour son intervention positive. Alexandre ordonna alors que la requéte lui füt à nouveau présentée, et Turinus, feignant d'étre occupé ailleurs, fit à l'homme un signe d'intelligence, sans

toutefois lui adresser un seul mot dans la salle. Une fois la requéte satisfaite, Turinus recut de l'heureux solliciteur, pour lui avoir vendu de la fumée (fumis uenditis), une colossale gratification. C'est alors qu Alexandre le fit mettre en accusation!**,

L'épisode évoqué par Bocchi prend place au terme de ce stratagéme et le poéte est attentif à respecter certains

détails du supplice (voir apparat des sources) :

Il ordonna qu'on le lie à un poteau au Forum Transitorium, puis il alluma un feu de paille et de bois humide et le laissa mourir asphyxié par la fumée, tandis qu'un héraut proclamait : « Que la fumée soit le chátiment de celui qui

a vendu de la fumée (Fumo punitur qui uendidit fumum) »!*'5,

L'exemplarité du jugement tient ici dans la stricte équivalence entre la faute et la peine, avec un passage du métaphorique au concret : les confidences du prince répétées et vendues à prix d'or sont de la fumée, c'est-àdire des mots et de l'air qui sortent de la gorge, alors que le chátiment est une fumée réelle qui rentre dans la gorge et étouffe la victime. La fumée joue ici le méme róle que l'écorchement dans l'embléme 58 sur le jugement de Cambyse : elle est le signe, non de la cruauté, mais d'une justice sans faille, qui raisonne par équivalences symboliques pour équilibrer les deux plateaux de la balance. Mais la fumée est polysémique : symbole du néant que sont les mots qui se perdent et se dissolvent dans l'air, elle est aussi, dans cet embléme, une image de l'ambition (cf. tit. pict. : ambitum ; ambitio, v. 10), conformément

à l'interprétation qu'en donne Érasme dans l'adage « fumos uendere », qui voit dans les fumos l'espoir trompeur et l'illusion d'obtenir de grands biens » (praestigiosam rerum magnarum spem atque ostentationem). Mais c'est dans une similitudo d'Érasme que Bocchi emprunte la signification de la fumée comme gloriae inuidia « jalousie qui s'exerce contre la gloire » : comparant la gloire naissante à une flamme qui brille, Érasme constate qu'elle s'accompagne inévitablement de fumée dans ses débuts, c'est-à-dire d'envieux qui la jalousent et en Oobscurcissent l'éclat, mais sans réussir à l'étouffer; au fur et à mesure que la flamme s'affirme, la fumée se

dissipe :

Lorsque nait la flamme, se produit un abondant nuage de fumée, qui disparait cependant lorsque la flamme croit

et se déploie ; de méme, celui qui accéde aux honneurs est au début entouré de jalousie, jusqu'à ce que la gloire, affermie, dissipe la fumée de l'envie. Car la fumée, c'est l'envie suscitée par la gloire!**.

du prince. De véritables fortunes se con&tituaient ainsi, gráce à cette conception toute particuliére de la diplomatie, car il

Bocchi lui-méme, dans le Symb. 111 (v. 7), évoquait les torches de l'Envie (extinctaeque faces prorsus Liuoris

C'est dans cet esprit de probité et de réforme morale qu'a lieu l'histoire de Verconius Turinus, dont Bocchi toutefois tait le nom. Ce dernier est un ancien ami intime d'Alexandre Sévére et s'est fait acheter nombre de confidences concernant l'empereur, la plupart n'étan t que des calomnies, selon l'historien. Alexandre, alerté, met au point un stratagéme pour prendre le coupable sur le fait :

que les cours princiéres et ecclésiastiques soient remplies de Turinus et invitent les souverains à imiter l'exemple

s'agissait bien str de duper les deux parties!*?",

Mais ; Alexandre finit par le confondre gráce au $tratagéme suivant: il chargea quelqu'un de présenter officiellement une requéte à l'empereur, mais de sollicit er en secret Turinus pour qu'il le pistonne auprés cab. Cha£tagnol (éd./ trad.), Histoire Auguste : les empere urs romains des I1° et II s., Paris, 1994 : Vie d'Alex andre Sévére, 67, 2, p. 637 (éd. et trad.) : « Ce qui est également remarquable chez Alexan dre, c'est que jamais il ne regut en téte-à-téte au palais, sauf son préfet — je veux parler d'Ulpien - et ne donna jamais à personne la Possibilité de vendre de la fumée (nec dedit alicui facultatem uel fumor um uendendorum) en son nom ou de dire du mal d'autrui en sa présence ». 1423 Voir l'histoire de Zoticus dans A. Chastagnol (éd./trad.), Histoire Auguste : Vie d'Élagabal, 10, 1-4, p. 516-517.

iniqui) qui ne réussissent pas à souiller de fumer la robe papale. Dans l'adage « fumos uendere », Érasme déplore

d'Alexandre en se montrant hostiles « aux courtisans, aux délateurs, aux juges avides, aux vendeurs de fumée et

aux maux identiques de la cour ».

|

Adresser à Giovio un emblème stigmatisant l’ambitio, c'était rendre hommage à la probité, à la modestie et au dévouement proverbiaux du personnage, fidéle à Clément VII lors de l'épreuve du sac de Rome en 1527 an cours duquel Giovio accompagne le pape dans sa retraite au cháteau Saint-Ange. Giovio raconte, dans ses Hlogia

uirorum illustrium (Florence, 1549) et en particulier dans la Vita di Pompeo Colonna, que, lors de cette fuite

"^ Vie d' Alexandre Sévére, 36, 1-2, p. 601. H5 [big,

PE



Ms ÉRASME, Parabolae siue similitudines, LB $63 : Flammam primum emicantem multus comitatur fumus, qui quidem euanescit, iam ina n

u

explicante se flamma, sic res egregias aggredientem initio multa premit inuidia donec aucta gloria inuidic fumum discutiat. Nam fumus gloriae inuidia es.

462

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

éperdue du 8 mai 1527 devant les assaillants qui pénétraient au Vatican, il couvrit de son manteau violet

d'évéque le vétement blanc du pape, afin qu'il ne füt pas reconnu"

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana'??, illustre

l'épisode de l'Histoire Auguste avec une scrupuleuse minutie. À droite de l'image, Alexandre-Sévére, casqué et en habit militaire, est assis sous un dais, sur un tróne auquel ménent deux marches, dont la premiére sert de cartouche inscriptionnel oà l'on peut lire le nom de l'empereur. Autour de lui, le graveur suggére la présence d'une cour et de courtisans. La position de l'empereur n'est pas statique : déséquilibré, il se penche légérement vers l'avant, en se retenant à son siége de la main gauche : son regard est tourné vers le supplice et une baguette de justice qu'il brandit montre que ce qui se déroule sous ses yeux s'effectue sur son ordre. À gauche, la scéne est obscurcie et trés nettement délimitée par une zone verticale qui parcourt l'image de bas en haut. L'obscurité répond à la nature méme de la scéne et du supplice. Sur un pal, on apercoit le condamné,

MÉTRIQUE

Trimétres iambiques. REMARQUES

SUR

L'ÉDITION

DU TEXTE ET SUR LES MANUSCRITS

Les vers 7-9 de cet embléme sont mentionnés dans les Praelectiones in libros De Legibus M. T. Ciceronis habitae Bononiae in Academia Bocchiana (Bologne, Bibliothéque universitaire, cod. lat., 304), p. XXXI, à propos du mot

d'Atticus Teneo quam optabam occasionem, à la suite du Symb. 87 (numéroté LXIX).

Les vers 10-12 sont cités dans un passage d'une Lettre d' Achille Bocchi à Romolo Amaseo (Milan, Bibl. Ambros.,

D 145 inf, £331?) datée du 15 juin 1548 (Bocchi invite Amaseo à se mettre sous la protection de Giovanni

Morone)

mains liées dans le dos. Au sol, à droite du pal, un garde agenouillé allume des branches de bois vert, oü l'on

:

Crede mihi, nullum ipse patrocinium suscipere potes neque tutius neque gratiosius ac huiusce causae nostrae quam merit fateris optimam esse. Nam quid propius accedit ad unam illam uirtutem, quae omnes laudes habet ? Quare

apercoit encore les feuilles : son regard est tourné vers l'empereur, dont il recoit visiblement ses ordres. Une

flamme monte du bücher, ainsi que d'immenses volutes de fumée, que le condamné, légérement penché vers

praesenti fac sis animo, nam de acrimonia tua nil dubito in tam iusta causa cui Deus optimus maximus pro sua bonitate

l'avant, inspire visiblement à pleines narines. À la gauche du pal, en partie masquées par l'ombre, on apercoit des figures humaines qui s'étagent depuis le sol jusqu'en haut de l'image : un buste de soldat, au ras du sol, semble attiser le feu. À l'arriére, derriére un voile de fumée, on apercoit un autre buste d'homme barbu, sans casque, puis la téte d'un cavalier et de son cheval.

cum adsit, quomodo hic qui potestatem eius uicariam obtinet adesse non poterit ? Modò symboli illius nostri epilogum ne deponas ex memoria :

Bene inchoare diligenter progredi A carcere ad metam ultima est felicitas, Concessa paucis, expetenda omnibus^?, Norts

Symb. 87

Gravure :

AU CARDINAL BERNARDINO MAFFEI Sur l'image :

- Non pour qui entreprend mais pour qui persévére

- Diligence - Félicité

À l'homme que tu vois, remplacer ses chevaux Ne suffit pas pour étre prompt, s'il ne décide

Menant à bien sa route, d'étre diligent ; Sans jamais s'interrompre, de poursuivre sa course ,

Jour et nuit, jusqu'à ce qu'il mette enfin un terme Au voyage entamé il y a bien longtemps. Partir puis s'arréter, jour aprés jour repousse L'issue de tous nos actes, si modestes soient-ils,

10

confie l'instruction de son neveu, le cardinal Alexandre Farnése, de concert avec Romolo Amaseo (à partir de

1543) et Antonio Bernardi (à partir de 1540). Devenu secrétaire personnel de Paul III à partir de 1539, il

devient chanoine de la Basilique Saint Pierre en 1543. Il est nommé ensuite évéque de Massa en 1547 puis promu cardinal en avril 1 549, avec le titre de S. Ciriaco alle Terme. Il devient ensuite évéque de Caserte en juin

de la méme année puis archevéque de Chieti, en novembre. C'était un proche d'Ignace de Loyola et il participa

au conclave de 1549-1550 qui élut Jules III à la papauté. B. Maffei participa à diverses commissions, dont celle chargée de la réforme de l'Université romaine en 1555 (initialement confiée aux cardinaux Cervini, G. Morone

LA FÉLICITÉ EST L'OBJECTIF SUPRÉME DE LA PRUDE NCE ET DE LA DILIGENCE

S

-ded.: BERNARDINO MAFFAEI] Bernardino Maffei (1514-155 3)'?" fait des études de jurisprudence à Padoue. Valeriano lui dédie le livre XIV de ses Hieroglyphica. En 1534, il entre au service du pape Paul III, qui lui

Etl'Occasion manquée au loin s'évanouit. Partir du bon pied, poursuivre avec diligence, De l'enclos à la borne, est la supréme joie, À bien peu concédée, mais désirée par tous.

1477 Texte latin cité parA. Chastel, Le sac de Rome, 1527, Paris, 1984, p. 52. n. 39. 1428 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, P. 17, n^ 31 (2 LXXXIIII).

et R. Pole) et celle chargée de la réforme de la Curie et du cléricat de 1552 (qui comptait également parmi ses membres M. Cervini et S. A. Pighino). On notera que Cervini, Pole et Pighino sont tous trois des dédicataires

d'emblémes de Bocchi (respectivement les Symb. 60 ; 79 ; 98). On le sait également en relation avec Jacques

Sadolet, Annibal Caro, Piero Vettori, Aonio Paleario, Bartolomeo Ricci, Antonio Tebaldeo, Angelo Colocci,

Basilio Zanchi, Paolo Giovio. La fréquentation des Farnése et ses fonctions à la curie lui permirent de se lier

d'amitié avec Reginald

Pole, Marcello

Cervini

(futur pape Marcel

II), Pietro Bembo.

Il fut passionné

d'archéologie et de numismatique. Une lettre d'Aonio Paleario à Fausto Bellanti'?' mentionne son Historia de

inscriptionibus et imaginibus antiquorum numismatum, aujourd'hui perdue, et Tractatus sur les vases anciens et les bas-reliefs. =V. 11: À carcere ad metam] La métaphore est empruntée aux jeux du cirque et du début de la course jusqu'à son terme, sous le regard d'un public. Les carceres les cavaliers et leurs attelages, et qui s'ouvraient lors du départ des courses,

il aurait également rédigé un i désigne le parcours qui s'étend étaient les enclos qui abritaient marquant ainsi le début de la

WO Crois-moi, tu ne pourrais pas, de ton cóté, recevoir un patronage plus sür, plus généreux et propre à cette cause qui est la ne et que m qualifieras à bon droit d'excellente. Car qu'est-ce qui se rapproche le plus de cette unique vertu qui recoit toutes les louanges ? E est pourquoi, fais en sorte d'étre concentré, car je ne doute pas de ton acrimonie dans une cause si juste ; et puisque Diei Trés-Bon. Trés-Grand y est favorable autant qu'il est en sa bonté, comment celui qui exerce sa puissance par délégation pourrait-il ne pas l'étre ? Puisses-tu ne pas laisser sortir de ta mémoire la conclusion de notre symbole : « Partir du bon pied... ». H3 Sur Bernardino Maffei, voir R. Sansa, « Maffei, Bernardino » in DBI, t. LXVII, 2007, p. 243-245.

H3! Cité par G. Tiraboschi, Storia della letteratura italiana, Milan, 1824, t. VI, p. 854.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

compétition. La mefa était la borne d'arrivée et le terme a fini par dire toute espéce de but. On utilisait

Symb. 88

également le terme calx, la ligne d'arrivée tracée par terre à la chaux (cf. CIC., Cat., 83 : quasi decurso spatio ad carceres a calce reuocari).

Gravure :

AU ROSSIGNOL, LE CHANT NE FAIT PAS DÉFAUT *

ANALYSE

LUTTE DU ROSSIGNOL POUR LA VICTOIRE

Bocchi utilise ici une image familiére aux Romains pour décrire la trajectoire de l'existence humaine, celle des

courses de chars, que l'on retrouve souvent figurée sur les sarcophages, avec des Amours ou des jeunes enfants à la place d'auriges!^". Cicéron l'avait employée dans le Cato Maior (14), en évoquant une comparaison d'Ennius qui se voyait comme un cheval fatigué aprés avoir remporté trés souvent les Jeux Olympiques : Bocchi la reprend dans le Symb. 73. L'image du champ de courses a trois finalités : - tout d'abord, elle permet de visualiser spatialement l'étendue d'un parcours qui se fait trajectoire finalisée (In exequendo itinere, v. 3), des enclos de départ jusqu'à la borne d'arrivée (voir note au v. 11), c'est-à-dire de la

AU FRIOULAN GIULIO CAMILLO

Aux bords de la limpide source D'un cours d'eau claire, quand, au Zéphyr fécondant, La terre s'ouvre en souriant,

Que partout alentours les délicats bourgeons Devertes frondaisons se pressent

5

naissance à la mort ;

Sur le rameau couvert de fleurs d'un jeune arbuste, En doux murmure, la bavarde Philoméle langcait son chant. Le bois alors

- ensuite, elle introduit l'idée de l'émulation, puisque le concours se fait en public, en vue d'obtenir un prix et une récompense. Ici, la récompense est abstraite : c'est la felicitas, c'est-à-dire la joie victorieuse qui saisit celui qui a bien conduit son parcours et devancé ses concurrents. Cette récompense est obtenue par un petit nombre

De trilles virtuoses, partout,

d'élus (paucis concessa, v. 12), l'élite des athlétes ;

10

- enfin, elle souligne l'importance de la stratégie et de l'anticipation (cf. tit. carm. : prudentiae), dans la mesure

Résonnait harmonieux. Puis, ayant vu son ombre Sur la surface étincelante De la source, craignant peut-étre la défaite, Redoublant d'ardeur, elle entame De plus belle un chant neuf, varié, suave et gracieux. Parsuite d'un léger soupcon, Elle cesse un instant, puis, téte en avant,

oü il ne faut pas seulement prendre un bon départ (bene inchoare, v. 10) mais savoir mener la course dans la

durée (nodes deisque pergere, v. 5) : changer ses chevaux (v.1: mutare equos), ne pas s'arréter (Segni sine intermissione, v. 4), ne pas manquer l'occasion (amissa procul Occasio, v. 9) de devancer un ennemi, faire usage

d'énergie et d'endurance (tit. carm. : diligentiae ; diligentia, v. 2 ; diligenter, v. 10). L'importance de la diligentia, vertu d'endurance et de ténacité, est ici soulignée : elle est à la fois l'énergie de celui qui se tend vers son but

15

(telos), mais aussi garantie que ce but, skopos, sera bien atteint. Il y a là une atténuation de la différence effectuée

Volant vers le reflet trompeur,

par le stoicisme à partir d' Antipater de Tarse entre skopos et telos et reprise par Cicéron dans le De Finibus 3, 22 :

l'essentiel est moins dans l'atteinte de la cible que dans l'effort de l'archer pour y réussir, mais les deux sont intrinséquement liés. Nous avions déjà rencontré cet aspect dans le Symb. 4.

L'embléme, dont la dédicace date d'aprés 1549 (acces de Maffei au cardinalat) semble parfaitement adapté à un

dédicataire lancé dans un diplomatiques et politiques, aristocratique traditionnelle La gravure, assez maladroite

brillant cursus honorum ecclésiastique et qu'il s'agisse de Paul III, de Marcello Cervini qui veut que les succés de cette vie préfigurent dans l'ensemble, tente d'illustrer le propos de

dont les papes louent les qualités ou de Jules III. On retrouve une idée ceux de la vie dans l'au-delà. l'épigramme. La gravure est traversée

par la diagonale d'une colline pentue qui coupe l'image en deux et dessine une véritable trajectoire. On apercoit

un cavalier et sa monture en pleine ascension de la pente. Le cheval est au galop, tandis que le cavalier, chapeau sur la téte et cor aux lévres, donne du fouet et des éperons à l'animal, comme un chasseur. Sous le ventre du cheval fougueux, on lit DILIGENTIA. En haut de la colline, une Felicitas, qui a tous les traits d'une Victoria, avec ses ailes, émerge d'une nuée pour attendre le cavalier et se penche déjà vers lui, en tendant une couronne. À

gauche de l'image, deux chérubins déploient une banderolle sur laquelle on lit : non incipienti sed perseueranti, « non pas pour celui qui commence mais pour celui qui persévére », maniére d'indiquer que le cavalier ne se

verra couronné qu'au terme de son ascension et non pas au milieu du chemin. Pierre Martin nous fait remarquer que le paysage désertique va dans le sens de la « voie de la vertu », ápre et austére chantée par Hésiode et choisie par le jeune Hercule à la croisée des chemins.

Elle rencontra l'eau. Les Naiades alors

S'esclafferent. Quand, le plumage 20

Tout ruisselant, l'oiseau enfin réalisa Sa méprise, fendant l'air libre,

Il s'éloigne bientót, plus rapide que l'Eurus.

MÉTRIQUE Glyconique et asclépiade mineur. C'est la seule occurrence dans tout le recueil de ce distique horatien. Dans les

Odes 1, 13 et 4, 1, composées dans ce métre, Horace avait déjà chanté la rivalité (mais amoureuse et non point musicale, encore que le motif de Narcisse relaie bien ici l'inspiration érotique), et vilipendé le ridicule de certains comportements ( cf. 5, 15, sur la vieille Chloris qui veut rivaliser avec les jeunes).

Nores - ded. IVLIO

CAMILLO

FOROIVLENSI]

Giulio Camillo Delminio

(1480-1544)'^* e& né dans le Frioul

(peut-étre à Portogruario), une région du nord-est de l'Italie. Aprés des études à Padoue, il fait partie du cercle

!

Voir F. Secret, « Les cheminements de la Kabbale à la Renaissance : le Théátre du Monde de Gáulio Camillo », Rivista Critica di Storia della

Filosofia, 14, 1959, P- 418-436 ; P. Rossi, Clauis Universalis. Arti mnemotecniche e logica combinatoria da Lulle

Leibniz, Milan-Naples, 1960 ;

L. B. Wenneker, An Examination of « L'Idea del Theatro » of Giulio Camillo, including an annoted Translation wif special Atientipm ip hus

Influence on Emblem Literature and Iconography, Pittsburgh, 1970 ; G. Stabile, « Giulio Camillo detto Delminio », in DEI, t. XVII, 1974,p. 226

1442 Voir Franz Cumont, ) Le symbolisme funéraire des Romains, Paris, 1966 (1944') ; R. Turcan, Messages d'outre-tombe. L'iconographie des sarcophages romains, Paris, 1999.

466

5g. ; F. A. Yates, L'Art de la mémoire, Paris, 1975 pour la traduction francaise (1966), p. 144-187 ; C. Vasoli, « Le teorie del Delminio e del Patrizi e i trattatiéti d'arte fra 's00 e'600 », ín V. Branca, C. Ossola (dir.), Cultura e società nel Rinascimento tra Rsforme e Manierismi, Florence, 1984, p. 249-270 ; L. Bolzoni, Il teatro della memori. Studí su Giulio Camillo, Padoue, 1984 ; J.-M. Besse, Les grandeurs de la terre : aspects du

savoir géographique à la Renaissance, Lyon, 2003, p. 286-308 ; J. Rice Henderson, « Gaio Camillo » in P. G. Bietenhbniz, Th. &. Deutscher (éd. ),

467

"Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (15 55) - tome 2

des Asolani à Venise où il rencontre Érasme, dans les premieres années du XVI° s., avant de devenir professeur d'éloquence (ou de logique) à San Vito en 1519 puis professeur d'humanités à Udine. En 1520, il entre dans

l'académie de B. Viviani à Pordenone. Passionné par les textes classiques (Cicéron, Virgile, Pétrarque), il manifeste déjà un goüt pour la culture encyclopédique et ses possibilités de classement, ainsi que pour la tradition hermétique et cabbalistique. C'est à cette époque que germe en lui l'idée d'un théátre de la mémoire, construit sur le modéle de Vitruve et de Serlio, pour décrire et articuler entre elles toutes les sciences, de maniére organique. On sait qu'il séjourne à Bologne entre 1521 et 1523, oü il est lecteur d'humanités ou de rhétorique au Studio. On l'y retrouvera en 1525, en 1530, oü il assiste au couronnement de Charles Quint, en 1532 où il tombe malade, et encore une fois en 1536. Correspondant de Bembo, il connait des amis de Bocchi,

dédicataires de Symbola, comme Marcantonio Flaminio et Romolo Amaseo (qu'il rencontre à Padoue en 1523)

ou encore Stefano Sauli (son hóte à Génes en 1525, en méme temps que M. A. Flaminio). En 1530, il part pour

la France où il rencontre Frangois I*. Aprés avoir participé à la querelle soulevée par le Ciceronianus d'Érasme (publié en 1528) en rédigeant un Trattato della Imitazione, publié à Venise en 1544 sous la forme de Due Trattati mais circulant dés 1530, où il loue Cicéron et César comme modeles insurpassables d'éloquence à imiter, Camillo, financé par le roi de France, repart en Italie pour mettre la main à l'édification de son théátre, dont Viglius Van Zwichem, correspondant d'Érasme, dit avoir visité la $ructure en bois à Venise en 1332 : cet

« amphithéátre », dit Zwichem de maniére inappropriée, « a rassemblé sur des lieux déterminés tout ce qu'on trouve dans Cicéron sur n'importe sujet », de maniére à permettre à n'importe quel spectateur « de discourir sur n'importe quel sujet avec autant d'aisance que Cicéron!?* ». Or le modéle de ce théátre est peut-étre

évoqué par Bocchi dans l'une de ses lettres à Amaseo datée de janvier 1548 (Milan, Bibl, Ambr., D. 145f, £441^), méme si le texte de la lettre reste obscur. Aprés la mort de Camillo, l'emblématiste rapporte, dans une

lettre datée de janvier 1548, que la délégation présidée par Michel de L'Hospital, arrivée à Bologne en octobre 1547 et qui devait repartir en septembre 1548 pour participer aux sessions du Concile de Trente déplacé à Bologne entre mars 1547 et septembre 1549, s'est entretenue au sein de l'Academia Bocchiana sur l'achévement

d'un « théátre » en relation avec Frangois I*' :

Claudius Roseus, Ioannes Angesteus, Pontifex Nouiodunensis, et Michael Hospitalis, uiri clarissimi, Galliarum Regis

oratores in concilio Bononiensi nobis mirifice fauent, omniaque pollicentur. Posteaque certiores facti sunt in Academia nostra absoluendum iri Theatrum illud quod proximis superioribus annis Francesco Valesio Regi plausibiliter admodum repraesentasse fertur. Qua de re multa sane mecum collocuti cum ego sine te nihil huic negocio profici posse contenderem, incredibili omnes tui desideryo flagrare ceperunt ^.

Camillo retourne en France en 1534, puis à deux reprises encore, mais Frangois Ine manifeste plus d'intérét

pour son projet. Aprés 1534, Camillo dédie à Hercule II d'Este, le nouveau duc de Ferrare, dont il fréquente la Contemporaries of Erasmus. A Biographical Register to Renaissance and Reformation, Toronto, Buffalo, University of Toronto Press, vol. I-3, 1985,

p. 248-250.

1434 ÉRASME, Epist., Allen 9, p. 479 (cité par F. A. Yates, L'art de la mémoire, p. 145).

1435

yz ; : Milan, Bibl., Ambr., bé 145f, P441? (ce passage est cité fragmentairement et avec des erreurs de transcription par E. See Watson, Achille

cour, son Trattato delle materie que possono venire sotto lo stile dell'eloquente (publié dans les Due Trattati). Il se

trouve ensuite, à partir de 1544, un nouveau patron en la personne du marquis Alfonso d'Avalos, le gouverneur espagnol de Milan. C'est à l'intention de ce dernier qu'il dicte à son secrétaire, Girolamo Muzio, L'Idea del Theatro, qui ne sera toutefois publié que de maniere posthume en 1550 à Florence et sans que l'on puisse retrouver trace de l'appareil de bois fabriqué par son inventeur. Camillo meurt subitement à Milan en mai1544. - v. 19 : plumulas] Sur ce diminutif, voir POLITIEN, Odae, 8, 4 : anserculique plumula. ANALYSE L'ode proposée par Bocchi met en scene le rossignol, Philoméle, dont Ovide a raconté le tragique destin (Met., 6, 412-674)"5, mais qui fait l'objet ici d'une fable légére, placée sous le signe du rire. Dans le cadre printanier

d'un locus amoenus verdoyant, où coulent des eaux vives et régne une ombre protectrice (v. 1-6), Philoméle

entre en compétition (cf. tif. carm. : contentio lusciniae), non avec un de ses congénéres, comme le raconte Pline,

ou un oiseau d'une autre sorte (voir par exemple le coucou au Symb. 90), mais avec elle-méme. Cette rivalité réflexive nait d'une illusion, puisque l'oiseau, trompé (v. 17-18 : falsae... imaginem/ Formae) à la fois par l'écho de son chant (v. 8-10 : nemus...

argutum resonare) et par le reflet de son image dans l'eau d'une source (v. 11-

12: Vmbra fontis aequore/ Visa), croit avoir à faire à un authentique rival qui risque de l'éclipser (v. 12 : forte

timens uincier). Elle donne alors le meilleur de sa voix (v. 12-14), cherchant à se surpasser elle-méme (cf. v. 11 : certatim), puis s'arréte (constitit) pour se précipiter vers l'oiseau rival et l'anéantir (v. 14-16). Toute mouillée,

elle suscite alors le rire des Naiades (v. 18-19). Réalisant sa méprise (se denique fallier/ Sensit), elle s'envole dans

les airs (v. 20-22). Si le début du poéme est sous le signe explicite de l'évocation par Pline des traits remarquables du rossignol (Nat., 10, 43)'*, le double motif du reflet et de l'écho renvoie au long passage qu'Ovide consacre à décrire la légende d'Écho et Narcisse (Met., 3, 339-510), le jeune homme épris de sa propre image tandis qu'il se mire dans les eaux d'une source. Il est toutefois remarquable qu'en dehors du terme illimis, Bocchi évite ici tout

terme, toute formule qui puisse rappeler le texte ovidien, par exemple dans l'évocation trés attendue de l'image trompeuse : là oà Ovide écrit uisae correptus imagine formae (3, 416), Bocchi dit sua nitido/ Vmbra fontis in aequore/ Visa (v. 10-12), oü seul le participe uisa subsiste, comme une réminiscence, mais lointaine. D'autres

intertextes entrent en jeu de maniére subreptice, en début et en fin de poéme : ainsi l'adjectif lucrétien genitabili du v. 2 rappelle la nature féconde du locus amoenus en lui surimposant l'image de la terre printaniére ouverte à l'influence de Vénus au début du De Natura rerum. Au v. 22, l'expression Euro ocyius compare la rapidité de

l'envol aérien de l'oiseau à la fuite éperdue du Cacus de Virgile au sein de sa caverne (Aen., 3, 223).

Cet apologue a une indéniable fonction métapoétique, comme le souligne la présence de Philoméle, allégorie dés l'Antiquité de la voix du poéte; de la source, image de l'inspiration s'agisse de celle de Castalie ou d'Hippocréne ; ou encore du lieu bucolique tout entier, symbole, jardins, du cadre idéal où évoluent aédes et philosophes. L'attitude de Philoméle dévoile

la mélodieuse poétique, qu'il comme tous les ses intentions

poétiques : elle veut étre la meilleure et, pour cela, n'hésite pas à rivaliser avec son adversaire (certatim), en

donnant plus de souffle (animosior). Son chant (cantum) présente quatre qualités, dont deux se redoublent : il

est uarius, nouus, mellitus et lepidus (v. 13-14). Or c'est exactement le programme poétique que Bocchi suit dans

Bocchi, p.65) d» Claudius Roseus [d'Urfé ? cf. E. See Watson, ibid.] Jean de Hangest, évéque de Noyon et Michel de l'Hospital, illustres

citoyens et délégués du roi de France au concile de Bologne, nous sont admirablement favorables et nous font toutes les promesses. Nous les

mettons ensuite au courant qu'au sein de notre académie va s'achever l'édification du théátre qui, dit-on, avait donné il y quelques années des représentations^ trés applaudies pour Francois de Valois. Ils m'entretinrent lo nguement de ce sujet et, comme je prétendais que, sans toi, » je ne pouvaisi étre d'aucune utilité pour cette affaire, ils se mirent à désirer ardemment que tu fusses présent ». E. See Watson interpréte de manière

trés différente le passage Theatrum illud quod proximis superioribus annis Francesco Valesio Regi plausibiliter admodum repraesentasse fertur: « Bocchi received promises of aid from Frangois I, whose death shortly therafter removed that source of patronage ». Il est possible aussi, conformément au sens du mot theatrum, qu'il s'agisse tout simplement du Palazzo Bocchi comme siége de l'Académie. Sur cette délégation

francaise, voirA. Tallon, La France et le Concile de Trente (1518-1563), Rome, 1997, P. 197-203 ; Id., « Claude d'Urfé ambassadeur de

Frangois I*et de Henri II », Revue d'Histoire diplomatique, 1997, p. 195-216; D. Crouzet, La sagesse et le malheur. Michel de l'Hospital, chancelier de

France, Paris, 1998, p. 28-32 ; L. Pétris, La plume et la tribune. Michel de l'Hospital et ses discours (1559-162), Genéve, 2002, p. 8-10. On consultera également H. Amphoux, Michel de 1 "Hospital et la liberté de conscience a i de . 84-96 : « Michel yj ; Genève, u XVf' s., ] : l'Hospital, ambassadeur prés du Concile à Bologne ».

468

enbre,

1969 (1501^)j dh; VI, R SIAT

XIX-2, col. 2 $1 $1 gis ; F. Frontisi-Ducroux, "9*5 Sur le rossignol dans la littérature gréco-latine, voir M. C. Van der Kolf, « Philomela », RE, t. et ! araignée », Eüfope, Myme et l'hirondelle rossignol, L'homme-cerf et la femme-araignée, Paris, 2003, p. 224-248 ; F. Létoublon, « Le mythe aitiologique au début du Du : Philoméle « Delbey, E. Biraud, M. ; mythologie dans l'Antiquité gréco-romaine, 204-205, 2004, p. 72-104

mythe littéraire », Rursus [En ligne], 1, 2006, mis en ligne le o9 juillet 2006, URL: «http://rursus.revues.org/ aon nue le combat, voir

» dans V. Gély, J.S. Ballestra-Puech, « Philomelae bellum musicum : le “ combat du chant" du rossignol, entre baroque et romantisme 2006, p. 19 3-208, qui rand, Clermont-Fer artistique, et littéraire tradition la dans rossignol du Figures Philoméle. (dir.), Tomiche A. L. Haquette, n'évoque pas le texte de Vivés ni celui d'Érasme ; sur le motif dans la poésie néolatine, voir J.-F. Chevalier, « La métamorphose de Philomele ou les métamorphoses du mythe dans la poésie latine et néolatine », p. 53-73. f und Vogelmaske 1437 Ce trait est déjà suggéré par B. Coppel, « Philomela in Bologna und Wittenberg. Die Nachtigall als Topos, Epigrammstof

in der propagandistischen Reformations-Dichtung », in R. J. Schoeck (dir.) ACNLB, Proceedings of the Fourth International Congress of NeoLatin Studies, Bologna 29 August to 1 September 1979, Bologne, 1985, p. 420-429, en particulier p. 424.

469

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

cette piéce, tant sur la forme que sur le fond. La uarietas caractérise à la fois la diversité des intertextes utilisés (Ovide, Lucréce, Virgile), la qualité du style qui ne lésine pas sur les adjectifs évocateurs, en particulier dans le tableau naturel du début (limpidum ; illimis ; genitabili ; mollia ; uiridentium ; florenti ; dulci ; garrula), mais aussi

la richesse des objets décrits, qui appartiennent à plusieurs régnes (animal, minéral, végétal, liquide), ou

sollicitent la vue, l'ouie et le toucher, de plusieurs maniéres à la fois. La nouitas travaille les effets de surprise :

Bocchi invente non seulement une légende à partir d'un mythe trés connu, mais il le fait dans un metre horatien, qu'il n'utilise pas ailleurs dans le recueil d'emblémes,

et il imagine de sucroit un hapax

(voir le diminutif

suspiciosula, v. 15). La métaphore du miel (mellitus), associée au lepos, renvoie à la fois à l'agrément du cadre bucolique, au caractére composite du style qui le célébre, fait de plusieurs nectars, et aux douceurs de certaines épigrammes catulliennes, par opposition au sal piquant de Martial : le rossignol n'est pas ici trés éloigné du moineau de Lesbie, avec la méme dimension familiére et ludique qui suscite les delicias du lecteur attendri, bien que l'on soit passé de la scéne de genre à l'univers de la fable animaliére. Le motif de l'écho et celui du reflet dans l'eau soulignent, certes, la dimension réflexive du propos. Mais ils sont aussi l'expression d'une double illusion, dont ils assument,

d'un cóté, les effets positifs et, de l'autre, les

conséquences négatives. Pour rivaliser avec l'écho, qu'elle croit étre la voix d'un rival, Philoméle donne le meilleur d'elle-méme. Là où l'on entendait simplement un dulce murmure ou des promptae uoculae, on perqoit désormais un chant articulé (cantum), doté de qualités poétiques et oratoires (uarius, nouus, mellitus, lepidus) :

l'émulation (certatim, animosior), méme fondée sur un leurrre, a joué un róle stimulant, oü l'effort permet le

&ylistique propice à développer l'ingenium personnel — maitre de la nouitas, seconde caractéristique du chant de

Philoméle —, et qu'il faut préférer à l'imitation bornée d'un seul auteur. Le second constat prévient qu'en allant trop loin dans le purisme, en s'attaquant trop violemment à ses adversaires partisans de l'éclectisme pour les réduire au silence (c'est-à-dire en radicalisant ses positions à l'extréme), c'est à soi-méme que l'on fait violence : condamné au silence, comme Philoméle qui s'arréte au beau milieu de son chant, l'on est victime d'une illusion qui peut causer la perte de l'étre tout entier. Comme l'ont montré Bernhard Coppel et Dorotee Elm, le poéte néolatin originaire d'Allemagne, Petrus Lotichius Secundus, étudiant au Studio de Bologne en 1555-1556, a rédigé une élégie (en distiques élégiaques),

imitée en partie du texte bocchien, dont elle adopte le nombre exact de vers (22). Nous ne partageons toutefois par l'avis de Berhard Coppel qui veut voir dans la structure tripartite du texte de Lotichius une influence de l'« embléme tripartite » bocchien, avec son motto, sa pictura et son épigramme. La simple observation de la disposition des symbola chez Bocchi montre assez que ce schéma n'est jamais opérant dans le recueil : l'adjonction d'un titulus à l'image, souvent permutable avec celui du texte, et la présence d'une dédicace viennent généralement perturber cet hypothétique agencement (voir notre introduction). En outre, l'ode de Bocchi peut facilement, elle aussi, suivre un découpage tripartite, respecté par l'épigramme de Lotichius (v. 1-8 : présentation du cadre et de l'acteur principal ; v. 8-14 : Philoméle trompée par l'écho et le reflet chante de plus belle ; v. 15-22 : voyant l'inutilité de son effort, elle attaque son adversaire, suscite le rire des Naiades et s'enfuit couverte de honte).

dépassement des qualités naturelles. Mais les choses se gátent lorsque l'oiseau s'attaque physiquement au reflet,

Divers éléments

destiné à voler, entame une chute (praecipiti... lapsu) qui risquerait de lui étre fatale dans un élément qui lui est étranger (undam opetiit). La jalousie lui a fait imaginer des adversaires imaginaires et a suscité en elle la volonté de les anéantir, tandis que son esprit de compétition lui a fait fróler sa propre mort. Toutefois, l'histoire ici se termine bien. À l'image poétique et métaphorique de l'onde inspiratrice succede la mention de l'eau bien réelle qui trempe le plumage de l'oiseau et suscite le rire des gardiennes de la source, les Naiades : l'eau et le ridicule se font ici les instruments tempérés pour chátier l'hybris. Averti de son erreur, l'oiseau repart dans les airs, auxquels il appartient. Dans cette perspective, il est un élément qui joue un róle décisif: il s'agit de la dédicace à Giulio Camillo Delminio, dont nous avons rappelé plus haut qu'il avait eu plusieurs fois l'occasion de venir à Bologne et donc,

briévement

qu'il suppose étre un animal réel : le soupcon nait (suspiciosula), le chant s'arréte net (constitit), et l'oiseau,

de rencontrer Bocchi. Nous savons, en outre, qu'ils partageaient des amis communs (Amaseo, Flaminio, Sauli,

Serlio). Lina Bolzoni voit dans cet embléme une mise en ceuvre de la critique platonicienne de l'apparence :

qui composent

l'histoire de l'oiseau trompé

évoqué

(un arbre au-dessus

de l'eau, v.3), sans la mention

maniere

de Properce, un certain Acon

(dont le nom

Érasme dans le Ciceronianus, qui fait au contraire l'éloge de Bocchi. Au fond, l'histoire du rossignol vise sans

doute à avertir le dédicataire sur deux points essentiels. Le premier point montre qu'en participant aux débats et

en se confrontant à des rivaux, il est possible, par émulation, de développer des qualités poético-rhétoriques

insoupconnées, en intégrant des contraintes nouvelles : ainsi, pour Érasme admirateur de Politien, la docta

uarietas — la premiére caractéristique du second chant de Philoméle — constitue la base d'un éclectisme

1435 L, Bolzoni, La chambre de la mémoire. Modéles

littéraires et iconogr aphiques à l'áge de l'imprimerie, ) Geneve, , 3004. ) p. 194-196. 1439 . dd i : “p 542F. Tateo, « Il ciceronianismo di Mec GiulioE Camillo Delminio »,in Filologia e forme letterarie. Studi offerti a F. Della Corte, Urbino, 1987, p. 529-

470

est emprunté

au poéme

19 du Lusus d'Andrea

que la lecon allégorique, à l'intention de l'humanité, ne se perde pas.

Elle apercoit, en bas, sur les ondes, l'image d'un oiseau,

Stylistiques s'interpénétrent. Partisan d'une imitation rigoureuse de Cicéron'*?, Camillo avait été stigmatisé par

signale

Navagero!*°), qui donne au petit corps une sépulture et une épitaphe, afin que la mort ne soit pas anonyme et

toi-méme », mis en évidence dans les Symb. 3 et 59. Se regarder soi-méme n'est plus ici source de connaissance,

motif de la contentio rhétorique ou poétique semblerait tout adapté du cicéronianisme, à laquelle Delminio a participé avec son Della Discorso sopra l'Idee d'Ermogene, rhéteur antique connu en particulier catégories du style, et promu un idéal de poikilia oü toutes les vertus

Lotichius

rossignol finit mal, noyé par son orgueil et son vain désir de gloire. Lotichius fait intervenir à la fin du poéme, à la

Pendant que Philomele redouble sa plainte, perchée

ni d'art, mais source de mort. De plus, le pour évoquer la question de la querelle Imitazione. Il était par ailleurs l'auteur d'un pour avoir posé l'existence d' « idées » ou

du printemps;

immédiatement le reflet et l'écho trompeurs (v. 3-8). Il souligne également la jalousie délétére de l'oiseau (v. 910), qui, par conséquent, donne le meilleur de son chant (v. 11-12), au point de s'épuiser (v. 12-13). Comme chez Bocchi, l'oiseau se précipite dans l'eau, pour attaquer son rival (v. 15-16). Mais l'atmosphére chez Lotichius a radicalement changé (le terme querelas du v. 1 l'indique assez), tout comme la chute du texte : plus de Naiades bienveillantes, plus de rires, ni d'envol final vers des horizons meilleurs. Comme le moineau de Lesbie, le

l'oiseau découvre l'inanité du reflet et s'envole vers le monde des idées!*?, Notre interprétation sera un peu

différente. L'épigramme met en cause la contestation du reflet $péculaire socratique permettant le « connais-toi

par l'écho et le reflet, déjà présent dans

l'épigramme bocchienne, subsistent chez Lotichius, avec toutefois une organisation différente : le cadre est trés

Sur un arbre agité par le vent, qui ombrage des eaux claires,

Et son chant gracieux lui revient, renvoyé par les sommets voisins. Pendant qu'elle se plaint, aussitót l'image rivale lui semble à son tour Se plaindre, sous le feuillage qui doucement verdoit. Elle s'étonne, croit réellement à la présence d'un oiseau là oü il n'y a qu'un reflet,

Et pense qu'il est le rival de son divin chant.

Elle s'immobilise, affligée, et se consume d'une vaine jalousie, Certaine, si elle ne vainc pas, de périr, vaincue par la douleur.

Elle puise dans toutes les ressources de sa gorge et fait entendre Tous les sons, en usant d'innombrables modulations.

À la fin, tandis qu'elle rivalise inutilement pendant des heures, Et se trompe elle-méme avec le son renvoyé en écho, Elle se précipite sur l'image à coups de griffes, de bec et d'ailes,

Sans s'apercevoir qu'elle est emportée dans les eaux qui vont causer sa perte.

'0 Voir D, Elm, « De Philomela. Zum Selbstverstndnis des Dichters » in U. Auhagen, E. Scháfer, Lotichius und die rómische Elegie, Tübingen, 2001, p. 201-224, en particulier p. 207.

471

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Acon la vit, inanimée, et la recouvrit d'un gazon qui poussait alentours

Plaignant cette triste facon de périr. Il ajouta aussi l'épitaphe : LUI QU'UNE ERREUR ABUSA ET PERDIT, L'OISEAU DE DAULIS REPOSE ICI, SOUS LA TERRE VERTE. Malheureux destin, à quoi bon ce désir si puissant de gloire ? Fais-je erreur ou bien, nous aussi, imitons-nous les infortunés oiseaux

1441

Symb. 89

Gravure :

DIEU AIDE TOUJOURS LES HOMMES

Sur l'image : ?

En pratiquant la justice, tu auras Dieu pour allié.

Entre Bocchi et Lotichius — chronologiquement, du moins — vient s’insérer un troisième poète qui a fait un usage du mythe poétique, d’une manière assez proche de l’épigramme bocchienne. On retrouve en effet les principaux éléments de cette légende dans une piéce du Bocage de 1550 de Ronsard. Le poème disparaît ensuite des éditions pour ne reparaitre qu'en 1592. Ronsard insiste sur le printemps et la luxuriance végétale qui l'accompagne"* sur la présence du cours d'eau et des arbres!**, sur le phénoméne d'écho et l'émulation qu'il suscite chez l'oiseau. Il évoque également la vision par l'oiseau de son reflet dans l'eau, qui redouble le

AU CARDINAL CARLO GRASSI

JUPITER AU JUSTE APPORTE SON AIDE

Un jeune homme pieux cherche à secourir une belle Que vont engloutir de rapides tourbillons ;

phénoméne de l'écho!* et suscite un regain d'effort chez l'animal qui refuse d'étre vaincu!^5, le rire des

nymphes ou naiades qui révéle l'illusion et l'envol de l'oiseau, couvert de honte!*6, Chez Ronsard, l'oiseau n'attaque pas l'eau et c'est le rire des naiades qui lui fait réaliser sa méprise. La dimension métapoétique est explicitement présente. Le poéte se compare au rossignol : tous deux ont été incapables de fléchir leur rival, méme s'ils ont redoublé d'effort. La gravure de Bonasone reprend tous les éléments de l'épigramme qui l'accompagne, mais d'une maniére statique, et rend difficilement lisible le sens de la fable: on goüte un paysage bucolique paisible. À gauche, épousant le bord de l'image, un arbre se dresse sur toute la hauteur du dessin, le tronc légérement incurvé. Sur la branche la plus basse, qui s'allonge au-dessus d'un étang, on apercoit Philoméle : la branche et l'oiseau se reflétent exactement à la surface de l'eau. De l'autre cóté de la mare, un groupe de cinq nymphes quasi identiques forme, par sa disposition, un triangle renversé : la partie la plus large est constituée par trois nymphes debout, à l'extréme droite de l'image, tandis que la partie supérieure du triangle, tendant vers la gauche du tableau, est occupée par deux nymphes assises ; le doigt tendu de la premiere nymphe vers l'oiseau achéve d'en dessiner la pointe. Au-delà du groupe, une ligne d'arbres dessine un bois, ou plutót un bosquet, dont l'alignement redouble la ligne ascendante du cóté droit du triangle qui contient les nymphes. À l'arriére-plan, un paysage plus dégagé de collines rocheuses et de montagnes est sans doute là pour suggérer le phénomén e de l'écho. Le déroulement de la fable n'est pas restitué.

PIEUX

Pour atteindre la dame, Amour cruel armait ses traits, 5

Mais Jupiter ne le prit point d'une àme égale.

Soudain, du vaste Olympe, il libére d'un feu trifide Les torches arrachées des mains d'Amour touché.

Qui se montre juste et ferme, prés du roi éternel

Des hommes et des dieux, trouvera son secours.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques. REMARQUES SUR LES MANUSCRITS ET L'ÉDITION DU TEXTE

Les deux pages de cet embléme ont fait l'objet de trois strates de corrections dans le manuscrit Sloane de

Londres (voir apparat critique) :

- Bocchi avait commencé par copier le début des composantes du Symb. 124 : le titulus de la gravure sur le P91r*, la dédicace à Marcantonio Flaminio qui surmonte le poéme et les deux premiers vers du poéme sur le f° 92r°. Il biffe ensuite tous ces éléments. - Puis il copie, toujours sur le f° 92r°, le début du Symb. 9o, c'est-à-dire le titulus initial que ce dernier a dans le

manuscrit Sloane avant correction (f o2v^ : IVDICIIS EX CORRVPTIS FIDVCIA INEP.), ainsi que son premier

vers, éléments qu'il biffe ensuite. 141 LOTICHIVS, Eleg., s, 1, « De Philomela », in Petri Lotichii Secundi... Poemata quae exstant omnia, selectis Petri Burmanni Secundi Hoogstrat ani et Christinai Friderici Quelli, Dresdae, 1773, p. 215-217 : Dum sedet ac iterat Philomela querelas/ Pendula qua uitreas arbor opacat aquas,/ Alitis effigiem subiectis spectat

in undis/ blandaque uicinis uox redit icta iugis./ Illaque dum queritur, simul ipsa uidetur imago/ Aemula sub ramo dulce uirente queri./ Tum stupet et uere uolucrem putat esse, quod umbra esl,/ Et sibi diuini carminis esse parem./ Perstat et inuidia maerens tabesct inani,/

Certa, nisi uincat, uicta dolore mori./ Omnia depromit discrimina gutturis, omnes/ Elicit innumeris flexibus usa modos./ Postremo multas frustra dum certat in horas/ Seque repercusso decipit ipsa sono,/ Vnguibus et rostro simulacru m inuadit et alis/ inque necaturas inscia fertur aquas./ Vidit et

exanimem uicino cespite texit/ Triste genus leti conmiseratus Acon./ Addidit et titulum : FALSVS QVAM PERDIDIT ERROR/ DAVLIAS HIC VIRIDI CONDITVUR ALES HVMO/ Infelix fatum, quae laudis tanta cupido est ? Fallor an et miseras nos imitamur aues ? 142 RoNSARD, Bocage,

IV, « D'un rossignol abusé » dans Odes et Bocage de 1550, précédés des premiéres poésies de 1547-1549, éd. P. Laumonier, Genéve, 1938", p. 165-169), v. 1-3 : « En Mai, lors que les rivieres/ Desenflent de leurs ondes fieres/De la nége de l'iver... ; v. 13-14 : Donc, au retour

de ce tens/ Que tout rit sous le printens... »

- Enfin, en transcrivant correctement l'embléme, il hésite toutefois à deux reprises sur la formulation de la dédicace à Carlo Grassi. NorES

ded.:

CAROLO

CRASSO

CARD.]

Carlo Grassi ou De Grassis (1519 ou 1520-1571), es le petit-neveu du

cardinal Achille Grassi (1457-1523)'**. Bocchi était parent par alliance de la famille Grassi puisque sa grandtante paternelle, Orsina Bocchi Grassi, épouse de Baldassare Grassi, était la mére du cardinal Achille Grassi, et qu'il avait lui-méme épousé une Taddea Grassi, niéce (ou peut-étre fille) dudit cardinal, qui entretenait, en plus de quatre enfants légitimes, une descendance illégitime. Bocchi fait précéder d'une lettre dédicatoire à Achille Grassi sa Marci Tulli Ciceronis uita auctore Plutarcho, parue à la suite de l' Apologia in Plautum à Bologne en 1508.

1443 Ibid. v. 21-30: « [Le rossignol] S'assit [... ]/ Sur un buis, dont s'écartoit / Un ruisseau qui cler partoit,/ Chantant de vois si sereine,/ Si gaie, si souverein e,/ Que les chénes bien oiants,/ Et les pins en bas ploiants/ Leurs oreilles pour l'ouir/

S'en voulurent réjouir ». ^* Ibid, v. 39-44 : « Mais lui qui écoute un son/ Tout semblable à sa chanson,/ Puis voiant son ombre vaine/ Remirée en la fontaine,/ Pense que son ombre étoit/ Un oiseau

qui mieus chantoit ».

145 Ibid. v. 47-s0 : « Voulant demeurer le maistre/ Et de soi le vaincueur estre,/ Plus haut que davant il sonne, / Plus haut le bois en resonne ». 1446 Ibid, v.67-78: «Lors que

les nimphes des bois/ D'aise ne tenans leurs vois,/ A se mocquer commencerent/ Et le mocquant l'offencerent ;/ Lui, qui a bien apereu,/ Les oiant, qu'il est deceu,/ Taignit, tant ire le donte,/ Ses joües d'honest e honte,/ Si que rompant vite en l'air/ Le víde par son voler,/ Telleme

nt se disparut/ Qu'oncques puis il n'apparut ».

147 Voir G. N, Pasquali Alidosi, Li canonici della chiesa di Bologna... dall'anno 1014 fino al 1616, Bologne, 1616, p. 38-40 ; Id., Li dottori bolognesi di legge canonica e civile dal principio di essi per tutto l'anno 1616, Bologne, 1620, p. 59; Id., I sommi pontefici, cardinali, patriarchi, arcivescovi e vescovi bolognesi, Bologne, 1621, p. 83 ; P.S. Dolfi, Cronologia delle famiglie nobili di Bologna... centuria prima, Bologna 1670, p.396; G. Fantuzzi, Notizie degli scrittori bolognese, t. IV, p. 245-246 ; Ch. Weber, Legati e governatori dello Stato pontificio (1550-1809), Rome, 1994, P. 710 ; S. Tabacchi, « Grassi, Carlo », in DBI, t. LVIII, 2002, p. 601-603.

472 473

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Dans son dialogue resté manuscrit, le Ptolemaeus siue de officio principis in obtrectatores'***, Bocchi stipule que c'est Carlo Grassi (qualifié de necessarius, son « proche parent » ou « ami proche » ) qui lui rapporte l'entretien

mené à Plaisance par Gabriele Cesano, Annibale Caro et Claudio Tolomei'*?. Le titre de CARDINALEM n'apparait dans la dédicace que dans l'édition de 1574, puisque le personnage n'obtient la pourpre qu'en 1570.

Docteur en droit civil et en droit canon à l'Université de Bologne, Carlo Grassi occupe la charge de chanoine puis d'archiprétre de la Cathédrale de Bologne en 1545. Il part ensuite à Rome pour devenir cameriere segreto de

Jules III avant d'étre élu évéque de Montefiascone et Corneto en décembre 1555. Commendatorio de l'église Santa Maria in Cosmedin à Ravenne en 1559, il est élu la méme année gouverneur de Rome par le Sacré Collége, pendant la vacance du siége pontifical entre aoüt 1559 et mars 1560, puis gouverneur d'Ombrie et de Pérouse en 1560 et vice-légat du cardinal G. A. Serbelloni à Camerino de 1561 à 1562. Il participe au Concile de Trente entre 1562 et 1563 avant d'étre nommé gouverneur de Viterbe en 1564. Il entre en 1565 comme clerc à la Chambre apostolique!*, avec la fonction de préfet de l'annone en 1565 et 1566, à nouveau gouverneur de Rome et vice-camerlingue entre 1569 et 1570. Il est élu cardinal en mai 1570, avec le titre de Sainte-Agneés in

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Dans la partie supérieure, à droite, Jupiter apparait sur une nuée imposante, monté sur son aigle. De sa main

droite brandie, il jette le foudre, qui se déploie en souple ruban pour atteindre sa cible. De l'autre cóté, sur la

gauche, Cupidon, les yeux bandés, volette : arc en main, coude en retrait, il vient de tirer une fléche que le foudre

de Jupiter atteint juste avant qu'elle ne vienne se planter dans le cceur du jeune homme. On remarquera que cette fléche a remplacé les torches du texte (faces, v. 7) et surtout que c'est le jeune homme et non la jeune fille, qui a été visé. Mais le résultat est identique : le jeune homme ne connaitra pas de passion coupable. Ce petit changement visuel s'accorde mieux avec le titulus de l'épigramme, inspiré par un monostique de Ménandre (voir apparat des sources), et qui désigne un personnage masculin (iustus iuuatur a Ioue). Quant à la nudité de ce couple, loin d'étre le signe érotique d'un sentiment naissant, elle prend un tour héroique et transforme la représentation en une sorte de scene allégorique où Chasteté volerait au secours d'Innocence.

Agone. 1l participe à l'activité diplomatique anti-turque menée par le pape avec l'Espagne et Venise et meurt en 1571. Le Symb. 117 lui est également dédié.

ANALYSE Il est difficile de savoir si cet embléme, non dénué d'humour, invente de toutes piéces cette fable de pietas récompensée par les dieux, et de sauvetage réussi d'une belle jeune fille par un beau jeune homme, ou s'il fait référence à des événements réels qu'il transposerait. L'apologue met en scéne deux niveaux dramatiques : à la scéne terrestre de noyade évitée, parodie des mythes de sauvetages antique (Androméde), oà la mer menagante remplace les monstres, il superpose une théomachie oü le plus grand des dieux, Jupiter, affronte le plus petit d'entre eux, l'enfant Amour pour l'empécher d'inspirer une passion à la jeune fille (hanc petiturus, v. 3) que son sauveteur arrache aux tourbillons : les torches de Cupidon sont anéanties par un feu plus puissant qu'elles, le foudre jovien. Il est difficile d'imaginer, à travers le voile de la fable, que ce jeune homme pieux et juste, qui ne perd pas son sang-froid (praesens, v.7) ne renvoie pas d'une maniere ou d'une au dédicataire, promis aux charges ecclésiastiques : l'histoire nous le montre dans sa táche pastorale, volant au secours de son prochain, ou plutót de sa prochaine. La justice de Jupiter (ou de Dieu) consiste ici à préserver le prélat du péché de chair : la jeune fille, ne nourrissant pas de passion gráce à l'intervention jovienne, n'ira donc pas tenter son valeureux protecteur, qui se trouve indirectement protégé et confirmé dans ses choix de carriére religieuse par une sorte de signe divin. Mais le commentateur est ici obligé d'avouer son incapacité à interpréter l'embléme.

Symb. 90 Gravure :

UN JUGE SOT EST PIRE QUE LA PIRE DES PESTES Sur l'image :

- Par qui [le jugement est rendu]. - Auprés de qui [on fait appel].

LE COMBAT DU COUCOU ET DU ROSSIGNOL DOULOUREUX EST L'ÉCHEC CAUSÉ PAR UN JUGE STUPIDE - Muse, dis-moi, pourquoi le chant du rossignol Est-il, quand l'homme est là, plus long et plus soigné ? LA MUSE. — Le hasard a voulu que lui et le coucou , 5

La gravure sert ici d'illustration à l'épigramme, mais elle s'en éloigne par de nombreux détails, tout en lui restant

Était l'objet de la querelle, on crut que l'áne,

fidéle dans les intentions. La scéne est partagée en deux. Dans la partie inférieure, prés d'un littoral maritime, on apercoit un jeune homme nu, une jambe sur le rivage, l'autre dans l'eau, qui bascule en avant pour saisir par le

bras une jeune fille, également nue, qui flotte sur le dos à la surface de l'eau et se retourne, cheveux au vent, pour regarder son sauveteur. Au loin, sur la gauche, on apercoit une sorte d'ile et un port qui en protége l'entrée.

18 Nous avons proposé une édition, traduction et annotation de ce texte, précédées d'une introduction dans notre ouvrage Emblématique, philosophie et politique à Bologne au xvr siécle : autour d' Achille Bocchi et de l'Academia Bocchiana.

!^? Voir A. Rolet (éd.) : A. BoccHi, Ptolemaeus siue de officio principis in obtrectatores, 4, dans A. Rolet, Emblématique, philosophie et politique :

Sed cim mei ipsius commodi, tum legentium facilioris intelligentiae gratia placuit, illorum personas ita loquentes introducere, quemadmodum mihi relatum esi, illos esse locutos à necessario meo Carolo Crasso iuuene praestantissimo, qui fuit utrique maximé familiaris ... 1450 T] s'agit du conseil qui administre financiérement les biens pontificaux, et qui comprend, à sa téte, un cardinal-Camerlingue (ou Camérier, quí occupe le siége pontifical pendant sa vacance), le Gouverneur de Rome qui en est le Vice-Camerling ue, d'un Trésorier Général, d'un

Doté d'oreilles plus grandes que tous les autres, Conviendrait à merveille pour juger le litige. 10

A. Bannier, Histoire générale des cérémonies, maurs et coutumes religieuses de tous les peuples du monde, Paris, 1741, t. L, p. 331-333 : « La Chambre apostolique et es officiers » ; L. Moreri, Le grand dictionnaire historique ou le mélange curieux de l'histoire sacrée et profane, Paris, 1759, t. III,

p- 448.

474

Mais ayant écarté d'emblée le rossignol,

Dont il disait ne point saisir les harmonies, L’àne adjuge au coucou la palme de victoire. L'oiseau en appelle à l'homme et, sitót qu'il le voit, Plaide sa cause et chante avec ferveur, afin

15 Dese faire approuver et venger l'injustice Infligée par l'áne. Ceci doit nous apprendre À fuir les juges sots, fléau pire que peste,

À ne point apporter créance à l'ouie des bétes,

Auditeur, d'un Président, d'un Avocat Général, d'un Procureur Fiscal, d'un Commissaire et de douze clercs de Chambre (dont un Préfet de

l'Annone ou abondance des grains, un préfet della Grassia ou de toutes sortes de denrées, un préfet des prisons et un préfet des rues). Voir

Chantant, comme toujours, à la méme période Del'année, s'étaient trés vivement affrontés Sur la douceur de leur chant, et, vu que le son

Au point de susciter une foi déplacée 20

Que suit bientót l'échec, regrettable et cuisant.

MÉTRIQUE Trimétres iambiques.

475

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

ANALYSE

Cet embléme sur le combat du coucou et du rossignol, jugé par l'áne, avec l'appel de l'homme, n'a pas attiré l'attention des chercheurs'*', qui se sont plutót concentrés sur le Symb. 88, un autre embléme bocchien mettant en scene le rossignol et le motif de la « guerre du chant », puisque l'oiseau y rivalise avec son propre écho et son propre reflet. Pourtant, le Symb. 90 ne manque pas d'intérét. Le récit de la fable est imité jusque dans le détail d'un passage d'un colloque de Juan-Luis Vives intitulé « Les Bavards » (voir apparat des sources) : BAMBALIO. Écoute ce rossignol.

GRACCULUS. Où est-il ? BAMB. Ne le vois-tu pas, perché sur cette branche ? Vois : comme il chante avec ardeur, et sans s'arréter ! NUG. Philoméle raconte dans sa plainte le sacrilége qu'elle a subi. GRAC. Quy a-t-il d'étonnant à ce qu'elle gazouille joliment, puisqu'elle est grecque ? Là aussi, les flots de la mer viennent, innombrables, se briser sur la rive.

NUG. Pline écrit qu'avec les hommes pour témoins, elle chante plus longuement et plus intensément. TURDO. Quelle en est la cause ?

NUG.Je vais, moi, te la révéler. Le coucou et le rossignol chantent à la méme saison, c'est-à-dire au printemps, de la mi-avril à la fin mai ou autour de cette époque. Ces deux oiseaux en vinrent à s'affronter au sujet la douceur de leurs accents. On envoie chercher un juge et, comme la lutte portait sur le son, il sembla que l'áne était le plus adapté pour l'enquéte, vu qu'il avait, plus que toutes les autres créatures, de grandes oreilles. L'áne, rejetant Philoméle dont il disait ne pas comprendre l'harmonie, attribua la victoire au coucou. Philoméle fait appel auprés de l'homme. Dés qu'elle le voit, elle plaide aussitót sa cause, chante avec énergie pour se faire reconnaitre par lui et venger l'injustice qu'elle a recue de l'áne.

Érasme fait allusion au méme récit dans son Colloquium poeticum : l'usage de coccyx dans le titulus de l'épigramme est un hommage que Bocchi rend à l'humaniste hollandais, à moins que ce ne soit pour brouiller les pistes. Pierre Martin nous signale également le De asino imperitorumque iudicio au troisiéme livre des Facetiae

de Heinrich Bebel'**. On rappellera que cette fable réapparait dans une lettre de Diderot à Sophie Volland,

datée du 20 octobre 1760, où le propos est mis dans la bouche de l'abbé Galliani, ainsi que dans le Knaben Wunderhorn de Gustav Mahler, dans une piéce intitulée « Lob des hohen Verstandes » 453, L'organisation de l'épigramme est simple et rigoureuse. À une question initiale (v. 1-2) qui appelle un développement étiologique (cur ? pourquoi le rossignol chante-t-il mieux en présence de l'homme ?), la fable, révélée par la Muse, va s'efforcer de répondre, en soulevant un coin du myStére. Le coucou et le rossignol rivalisent par leur chant à la méme époque de l'année (v. 3-6), et on ne saurait dire lequel éclipse l'autre. Le litige

ayant trait au son, on choisit l'animal qui, ayant les plus longues oreilles, semble le plus à méme de juger l'affaire (v. 7-9). Mais étant aussi, de maniére proverbiale, le plus ignorant en matiére musicale'^* i] attribue la palme au

coucou (v. 10-12). Le rossignol, offensus, fait appel à l'homme, et, en donnant la pleine mesure de ses talents, essuie l'affront (v. 13-16). La fable s'achéve sur une conclusion morale (hinc discat quilibet, v. 16) en invitant le lecteur à ne pas se fier aux oreilles « animales » ni aux juges sots, si on ne veut pas étre humilié (v. 16-20).

"Traduction, annotation, commentaire — Livre III

L'interprétation allégorique de ce petit épisode, qui met en scéne à la fois la rivalité du coucou et du rossignol, mais aussi le jugement de l'áne, n'est pas univoque. On pensera par exemple à la mise en scéne d'une joute poétique ou rhétorique entre deux concurrents, laissée au libre-arbitre d'un mauvais juge ou d'un public, incapable de saisir, malgré leur évidence, toute la richesse et la suavité de la mélopée du rossignol. Mais on peut penser également — et cette hypothése n'est pas exclusive de la premiére- à la tradition allemande qui consiste à donner des noms d'oiseaux à certains acteurs de la réforme: par exemple, Luther devient le rossignol (Nachtigall) du Wittenbergisch Nachtigall de Hans Sachs en 1523, tandis que le nom d'Aedeon ou de Philomela, le « bon » oiseau, échoit ensuite à Philippe Mélanchton sous la plume de divers poétes contemporains (Adam

Siber, Michael Haslob, Johannes Franciscus Ripensus, « mauvais oiseau », à son rival Flacius Illyricus!555.

Hans

Maior),

qui attribuent

celui du coucou,

le

On notera que dans l'embléme, plus encore que le coucou, c'est l'áne-juge qui est vilipendé pour la faiblesse de son appréciation et le mal que cause son verdict blessant (offensio), alors qu'il semblait, par des attributs extérieurs, le plus à méme de rendre la justice. Une longue tradition qui remonte à l'Antiquité explique que l'áne est inapte à comprendre la musique'5 et un adage veut qu'au son de la lyre, il se contente de remuer les oreilles, comme s'il comprenait, alors qu'il n'y entend rien'**. La fable bocchienne, en tout cas, invite à se méfier des apparences dans le choix des censeurs. La gravure met en scene les protagonistes de la fable, selon une répartition géométrique. Servant de cadre à l'image, à gauche et à droite, on apercoit les juges. L'áne est à gauche, assis sur un tróne couvert un dais, oü on lit la mention A quo, « celui par qui l'affaire est jugée ». Les oreilles rabattues, il tend la patte droite comme un bras, en exhibant un sceptre en équilibre sur le sabot, comme s'il battait la mesure. L'homme (ad quem, « celui

auprés de qui l'on fait appel ») est à droite de l'image. Un brusque mouvement de torsion vers l'arriére déséquilibre son corps, dont le bas fait face au spectateur mais dont la partie supérieure se retourne : il tend le bras droit pour désigner, de son index pointé, un oiseau perché dans un arbre. Deux arbres au centre relaient par leur tronc les figures verticales de l'áne et de l'homme. Sur certaines de leurs branches, qui se déploient dans la partie supérieure de l'image, on apercoit les deux oiseaux de la fable. Désigné par l'homme, perché sur la droite, le rossignol apparait en marge de la scéne, tournant le dos à l'áne, pour

montrer qu'il a perdu le premier combat. Mais le mouvement rapide de volte-face de l'homme montre que ce dernier est interpellé par la beauté du chant de l'oiseau bafoué, et va rendre un juste verdict. Plus prés de l’àne, à peu prés au centre la gravure, le coucou regarde vers celui qui lui a donné la palme. Plus étrange est la présence, à la verticale du sceptre de l'áne, d'un troisiéme oiseau, dont la fable ne parle pas. La longueur des plumes de la queue et le bec crochu montrent qu'il s'agit indéniablement d'un perroquet. Bocchi ou Bonasone ont ici superposé une autre variante de la fable, où c'est un perroquet qui tient la place de l'áne. Pierre Martin nous signale que cette variante apparait dans les Triaca/ou Theriaca Musicale de Giovanni Croce (1557-1609), maitre de chappelle à San Marco à Venise. Il s'agit de madrigaux de quatre à six voix, publiés en 1595 et rédigés en patois vénitien comme panacea a tutti i mali. L'un d'entre eux s'intitule Canzon del Cucco et Rossignuolo con la sentenza del Pappagallo.

'! Voir par exemple B. Coppel, « Philomela in Bologna und Wittenberg. Die Nachtigall als Topos, Epigrammstoff und Vogelmaske in der

propagandistischen Reformations-Dichtung », in R.J. Schoeck (dir) Ada Conuentus Neo-Latini Bononensis, Proceedings of the Fourth International Congress of Neo-Latin Studies, Bologna 29 August to 1 September 1979, Bologne, 1985, P. 420-429 ; D. Elm, « De Philomela. Zum

Selbstverstándnis des Dichters » ín U. Auhagen, E. Scháfer, Lotichius und die rómische Elegie, Tübingen, 2001, p. 201-224. 1452 Obuscula noua, Strasbourg, Mathias Schurer, 1512, f Vvi v^: Cum nemo feliciter et bene possit iudicare de artibus nisi soli artifices, nemini dubium erit quin illorum sit iudicium omnino explodendum, uiolentum, rude atque mendax, qui iudicare uolunt de poetica, musica, atque aliis artibus, quarum omnino sunt expertes atque ignari. Ita contigit asino, qui sibi iudicis partes arrogauit inter philomelam et cuculum, quae de cantu decertabant

utra earum praestaret. Sententiam enim ferens ita dixit. Cuculus longe mihi excellere uidetur. Illius enim cantus est planus, atque intelligibilis, uniusque tenoris. Sed phphilomela nescio quid canis. Nunc enim uocem attolli s, acuteque canis, nunc presse atque graviter, nunc media uoce, adeo ut non facile pateat auditoribus quo tendat cantus tuus. 1453 Voir M. Bideaux, Martin en sa gloire, p. 286. 1454 Voir l'adage 4, 4, 35 : « Asinus ad lyram ».

476

1455 B, Coppel, « Philomela », P. 427.

:

i

;

MSS Voir par ex. AEL., NA, 10, 28 ; HIER,, Epist., 27, 1 ; BOET., Cons. 1, Metrum 4. Pour d'autres références, voir N. Ordine, Le mystére de l'áne. Essai sur Giordano Bruno, Paris, 1993, p. 171, n. 7; M. Bideaux, Martin en sa gloire : un livre d'ánes, Paris, 2010, p. 286-287, qui cite l'embléme de

Bocchi p. 149. ES ÉRASME, Adagia, 1, 4, 35, « Asinus ad lyram ».

477

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi

(1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Symb. 91 Gravure :

:

VOICI LA RENOMMÉE

n

LA PLUS RAPIDE À CONQUERIR ET LA PLUS PRESTIGIEUSE SOIS TEL QUE TU VOUDRAS ETRE CONSIDERE

AUSSI :

sous la conduite intransigeante de Pallas, la téte basse en signe redondant de soumission, elle est amenée à Socrate. Au phénomene naturel de l'ombre attachée mécaniquement au corps se substitue la contrainte quasi physique de la volonté humaine qui décide de ne pas se soucier de la fortune ni de l'opinion et qui, paradoxalement, les contróle par cette indifférence méme.

Sur l'image — Socrate

— Pallas

Symb. 92

- Renommée Gravure :

CE N'EST POINT LA VENGEANCE MAIS LES BIENFAITS QUI ETEIGNENT LA JALOUSIE

UN DÉSIR EXCESSIF DE GLOIRE ENTRAÍNE LA PLUPART DES HOMMES HORS DU DROIT CHEMIN

C'est clair : la soif de gloire induit de violents troubles, Et beaucoup, par ce mal, quittent le droit chemin. Un homme parmi eux demandait à Socrate S'il était quelque voie permettant d'acquérir S Gloire immense et trés belle en s'épargnant du temps. « À condition, dit-il, que tu aies décidé De te montrer tel que tu veux que tout le monde Te considére. » On ne pourrait pas énoncer Moyen plus économe, ni voie plus efficace. 10 Necherchons pas la gloire, escorte naturelle De noble vertu, comme infamie l'est du crime.

MÉTRIQUE

Trimétres iambiques. ANALYSE

Dans cet embléme, Socrate invite ses disciples à ne pas se soucier de gloire, mais à l'oublier, pour ne penser qu'à se montrer profondément vertueux, au lieu de le paraitre. Il faut donner les preuves de sa vertu si l'on veut passer pour un homme vertueux. L'épigramme s'articule sur la métaphore du chemin et du voyage pour décrire les effets de l'appétit de gloire ou de renommée (gloria ou fama). L'opposition entre Vertu et Crime chez

Bocchi, avec leur escorte respective (Gloire et Infamie), fait sans doute référence à Hésiode et aux deux routes de la Vertu et du Vice (Op., 287-291) : chez Hésiode, la voie de la vertu est longue, escarpée, baignée de sueur ;

celle du vice bréve et facilement accessible. Dans notre épigramme, les qualités sont inversées : certains, possédés par le désir de gloire, dévient de la route à suivre, qui devient ainsi beaucoup plus longue. D'autres, suivant la recommandation de Socrate proposée par Xénophon puis Cicéron (voir apparat des sources), l'empruntent sans détours et parviennent ainsi au but plus rapidement. La gloire alors suit mécaniquement la vertu, idée que l'on trouve développée également dans les Symb. 42 et 99. La gloire fait partie des préférables mais, étant par nature un indifférent, dans la mesure oà elle reléve de la fortune et de l'opinion, elle ne peut faire

l'objet d'une quéte éthique spécifique. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana!^* propose une intéressante variation iconographique. La Gloire e&t représentée comme une Renommée (Qrjun), dotée d'ailes et d'une tunique couverte d'yeux. Au motif de la Renommée qui suit la Vertu comme son ombre se substitue ingénieusement la métaphore de l'esclave. En effet, la Renommée sur l'image a les mains ligotées et, 1458 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, P. 20, n° 80 (2 LXXXIX).

478

*

VEU ADRESSÉ À L'ILLUSTRE HERCULE, DUC DE FERRARE

5.

Quelle force a permis au héros né d'Amphitryon De couper les cruels cous de l'Hydre de Lerne ? Dis-le, je t'en prie, déesse : qu'ainsi jamais la gloire Illustre de ton nom divin ne disparaisse. LAMUSE. Ce n'est point par le fer mais plutót par le feu grégeois Qu'il tua le monstre funeste aux mille tétes. Car méme au beau milieu des eaux, notre feu grégeois brüle,

Sa flamme consume la triste jalousie. Si par malheur un coup des méchants t'a blessé, en sage 10 Emploie ce feu avec courage et sans reláche. Ne va point aux méchants céder ; que ne t'égare point Le goüt malsain de la vengeance : elle est à Dieu. Ne cesse point pourtant de rendre de loyaux services : Suivre toujours son devoir tue la jalousie. MÉTRIQUE Distiques élégiaques.

NOTES - tit. carm : HERCVLI FERRARIAE DVCI] Il s'agit d'Hercule II d'Este (1508-1559), fils d'Alphonse I° d'Este et de Lucréce Borgia duc de Ferrare, Modéne et Reggio à partir de 1534. Il était, depuis 1528, l'époux de Renée

de France, fille de Louis XII et d'Anne de Bretagne, à laquelle est dédié le Symb. 61 sur Protée. Son prénom Hercule explique la dédicace d'un embléme consacré au héros grec. - v. 2 : heros Amphitrionades] C'est-à-dire Hercule, dont la mére, Alcméne, avait épousé Amphytrion. - V. 6: ferro... Graio... igne magis] La légende antique rapporte qu'Hercule tua l'hydre en tentant de percer ses tétes de fléches enflammées, de les broyer avec sa massue, ou de les trancher à l'aide d'une épée, tandis que son allié, Iolaos, aprés avoir mis le feu à une forét voisine, cautérisait les plaies gráce aux brandons pour empécher la repousse des cous sectionnés (cf. E., HF, 419-423 ; D. S., 4, 11 ; APOLLOD,, 2, 5, 2 ; OV., Met,, 9, 69-74, etc.). On

connait le « feu grégeois » depuis l'Antiquité. Ammien Marcellin (23, 6, 37) explique qu'il sert aux Perses dans le combat et le décrit sous le nom d'« huile de Médie » (oleum Medicum), dont on enduit les fléches ou des

projectiles incendiaires (cf.23, 4, 14; voir aussi STRAB., 16, 1, 15). Il précise ses étonnantes propriétés,

ressemblant à celle du naphte (cf. 23, 6, 16) : tenaciter cremat, et si aqua uoluerit abluere quisquam, aestus excitat acriores incendiorum, nec remedio ullo quam iactu pulueris consopitur, « il brüle de maniére tenace et, si on veut le

479

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

noyer sous de l'eau, on redouble l'ardeur de ses flammes ; aucun autre reméde ne réussit à l'étouffer, sinon d'y jeter de la poussiére. Hérodote (6, 119) rapporte qu'apres la bataille de Marathon, des prisonniers des Perses

ARTISTE

découvrirent à Suse un puits contenant « du sel, de l'asphalte et de l'huile », mélange que les Grecs ont appelé rhadanike. Pline (Nat., 2, [104] 235) attribue les mémes qualités à un limon produit à Samosate en Commagéne

et appelé maltha : ce mélange inflammable et visqueux, utilisé contre les soldats de Lucullus, adhére aux corps solides et les brüle intégralement : aquis et accenditur ; terra tantum restingui docuere experimenta, « ce feu est encore activé par l'eau ; les essais expérimentaux ont appris qu'il ne pouvait étre éteint que par de la terre ». Les Grecs byzantins, puis les Arabes, en redécouvrent l'usage vers 670, gráce à un Syrien nommé Callinicus!**,

Joinville, dans ses Mémoires, en mentionne l'utilisation par les Turcs contre les Croisés de Saint-Louis au siége

de Damiette en 1218. Avant de se spécifier pour désigner la poudre à canon, le terme « feu grégeois » finit par désigner tout objet incendiaire, et c'est probablement en ce sens que l'entend Bocchi. -v.7: mediis flagrat in undis] Une lecture « historique » du mythe voulait que l'hydre fát la représentation d'un marais aux mille bras, à cause de son nom dont l'étymologie renvoie à l'eau ; cf. LACT. PLAC., Comm. Theb.,

1, 360 ; SALUTATI,

De Laboribus

Herculis,

3, 8, 6, t. 1, p. 193

Ullman : Sed

in

Ydram fuisse locum

constat

euomentem aquas uastantes uicinas ciuitates, in quo uno meatu clauso multi erumpebant. Quod Hercules uidens loca

ipsa exussit et si aque clausit meatus. Nam Ydra ab aqua dicta est. Or le « feu grégeois

» du Moyen-Áge passait

justement pour résister à l'eau. ANALYSE Le motif d'Hercule

abattant l'hydre a connu un grand succés à la Renaissance, en particulier gràce à l'édition

parisienne des Trionfi de Pétrarque en 1554 (chapitre sur le Triomphe d'Hercule), gràce aux illustrations rovilliennes de l'embléme d'Alciat « Duodecim certamina » consacré aux travaux d'Hercule (Lyon, 1549, p. 178), ou par le Théátre des Bons Engins de Guillaume de la Perriére (Paris, 1540, 99). Mais le motif se

spécialise parallélement dans un sens politique pour désigner le prince en héros libérateur de sa patrie du fléau du mal, et de l'hérésie en particulier. Inviter le roi à se faire l'émule d'Hercule reléve d'une tradition antique ancienne, qu'il s'agisse par exemple d'Isocrate invitant Philippe de Macédoine à surpasser Héracles, ou Dion Chrysostome (Or., 1, 84) offrant Hercule comme modéle d'imitation à Trajan ** Ainsi, dés 1530, une médaille

fut fondue pour Francois, fils de Francois I", dauphin de France et duc de Bretagne'*^', resté prisonnier en

Espagne avec son frére entre 1526 et 1530 : l'inscription célébre son courage qui a aidé à pacifier le royaume de France (HERCVLI. GALLIAE. PACATORI). Le duel d'Hercule et de l'hydre exaltera par la suite également la politique monarchique francaise de lutte contre les huguenots, par exemple dans des représentations de Charles

IX'* ou d'Henri IV", En effet, depuis Ambroise!** et Irénée de Lyon'** qui en font une image de l'hérésie,

l'hydre, comme la béte de l' Apocalypse de Jean, est une figure du démon'*^, On rappellera que l'hydre de Lerne 1459 Voir L. Lalanne, Recherches sur le feu grégeois et sur l'introduction de la poudre

Partington,

à canon

en Europe,

Paris,

1845 ; voir également J. Riddick

A History of Greek Fire and Gunpowder, Cambridge, 1960 ; J. Kelly, Gunpowder: Alchemy, Bombards and Pyrotechnics, the History of

the Explosive That Changed the World, New York, 2004.

1

-

140 Voir J. Jacquiot, « Hercule aux revers de médailles et de jetons de la Renaissance au début du xIx* siécle », Revue Belge de Numismatique et

de Sigillographie,

117, 1971, P. 243-265.

1461 Ibid, p. 247.

i

1462 Par exemple sur une médaille commémorant la Saint Barthélémy. Voir Jacques de Bie, « Carolus IX », La France métallique contenant les

actions célébres tant publiques que privées des Rois et des Reines, Paris, 1634, fig. XXXI, pl. 68.

'*** Voir par exemple l'obélisque comportant les travaux d' Hercule concu pour l'entrée de Rouen en 1596 ( Discours de la joyeuse et triomphante

entree de tres-haut, tres-puissant et tres magnanime Prince Henry IIII, Rouen, 1599, P. 51-52). 5 De Fide, 1 6, 46 (PL 16, s61b) : Haeresis enim uelut quaedam Hydra fabularum. 1465 Adu. Haer., 1, 30, 15 : tales quidem secundum eos sententiae sunt, a quibus, uelut L ernaea hydra, multiplex capitibus fera [de] Valentini scola generata est, « Telles sont les doctrines qui prévalent chez eux et qui ont engendré, te lle l'hydre de Lerne, béte sauvage aux multiples tétes,

l'école de Valentinus ».

1466 Voir F. Bardon, Le portrait mythol ogique à la cour de France, sous Henri IV et Louis XIII. Mythologie et politique, Paris, 1974, p. 41-43 i D. El Kenz, « Le roi de France et le monstre dans les gravures : genése et déclin politique d'une image aux : XVI et XvII* siécles », Matériaux pour | l'histoire de notre temps, 28, 1992, p. 3-7; M.-F. Wagner, « Représe ntation allégorique d'Henri IV, rex imperator », dans Renaissance and Reformation/ Renaissance et Réformation, 17/4, 1993, p - 25-40 ; E. Karagiannis, « L'Europe des signes : les Grecs, figure de la dissidence au

480

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ALEXANDRO FARNESIO CARD AMPLISS -

PATRONO' B' MENS A:BOCCHIVS BONON:CLI |» — FELICITATEM uelle;s st patte ruunme, S ausa homietne H ee ue ad atttmum st decus unm fmtrt:

T u mifit semper erus pursens deus: máytn semper

V qutt Alexander, aus tut, uut fames. IN à ge poentont greruíris bare] et Ahilia

F ortum pute, et. ul ianaretna

T e nm gone ngu ^ fetum ampliiuma, purus L ege nma et menfa tt minor ill fits.

Fig. 3 > TrriEN, Charles Quint à la bataille de Mühlberg, 1548, Madrid, Musée du Prado.

Fig. 4» F. CANETOLI, ll Blasone bolognese..., Bologne, 1791-1795,

:



A c meg nr uerent dian; falus capit -

|

N c im. noli! sut. (t fun. summa_

»$

i

juley.

|

t. I, 1" partie : Arme Gentilizie

delle Famiglie Nobili Bolognesi Paesane, p. 11 : les armes des Bocchi. € Bologne, Biblioteca dell'Archiginnasio

Fig. 5» F. CaNETOLI, Il Blasone

— ii

bolognese ..., Bologne, 1791-1795,

t I, 1" partie : Arme Gentilizie delle Famiglie Nobili Bolognesi Paesane, p.14 : le cimier des Bocchi

Bologne, Biblioteca dell "Archiginnasio.

iIg.

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nationale de Naples (cote S.Q.

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XXIV G. 18, p 7) © Bibliothéque nationale de Naples.

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» Symbolicae :ae Sy

estiones Qu Quaestiones

c conservé

la à la

Rihliothéaue Bibliothéqu]

n J. BoscH, 16, Gand,

Le portement Musée des

Z2" ob. de croix avec sainte V éronique, huile

sur panneau,

83,5

X 76,7 cm,

Beaux-Arts.

Fig.

10 » Armes des Waldburg, extrait du

Scheiblersches

Wappenbuch (1

Bayerische Staatsbibliothek (

Fig.

7 » RAPHAÉL, Transfiguration, peinture a tempera sur

?0Is, entre 1518 et 1520, 410

Cod. icon.

312c)

X 279 cm, Musée du Vatican. Fig 9 > L. SusrRisS, Portrait du cardinal Otto von Waldburg, 1553, Schloss Zeil ( Allemagne)

Truchsess

VI

:

HILLE

BOCCHI

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Fig.

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VII

11> TrrIEN, Portrait de Paul III, 1545, Naples,

Musée national de

Capodimonte (inv. Q130).

Fig.

13 » J. DEL

FIORE,

Justice-Astrée

entre Michel

Triptyque sur bois, 1421, Venise, Académie.

Fig. 12 > TITIEN, Portrait de Paul III entouré

de ses neveux Ottavio et Alexandre, 1546,

Naples, Musée national de C apodimonte (inv. Q129).

Fig. 14» V.

CARPACC 10, Le lion de saint Marc, 1516, Venise, Palais des Doges (Salla delle Volte)

et Gabriel,

ACHILLE

BOCCHI

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Fig. 15»

Zh 035

F. Canetoli, Il Blasone

bolognese..., f. II], 1" partie,

p. 39 : blason des Ruini. © Bologne, Biblioteca dell'Archiginnasio.

t. I, 1" partie, p. 26 :

blason des Felicini. © Bologne, Biblioteca dell'Archiginnasio.

uA

du /

Fig. 16 » F. Canetoli,

Il Blasone bolognese ...,

à sept tétes brülant sur un brasier figurait sur un testone d'argent (Fig. 1) frappé par Hercule I* d'Este (14711505)'5", pour célébrer l'Addizione Erculea, l'édification par le prince d'un quartier au Nord de Ferrare, qui avait nécessité l'assainissement d'un marais porteur de malaria : c'était une référence directe à l'exégese de

l'hydre de Lerne comme marais asséché par le feu herculéen (voir notes au v. 7).

——2 Telictru.

uEASdEm (ERU DirR 1 ER

Fig. 1 > Teslone d'argent d'Hercule I° d'Este, duc de Ferrare (diam : 2,8 cm).

Au revers, l'hydre à sept tétes dans un brasier.

Bocchi ici infléchit cependant la signification allégorique du mythe en mettant un peu dans l'ombre son aspect purement politique, si familier à la France (Renée, l'épouse d'Hercule II, est francaise). Dans cette épigramme étiologique qui prend la forme d'un dialogue avec la Muse, l'emblématiste insiste sur le róle moindre du fer au profit du « feu grégeois ». L'Hydre n'est pas une figuration (ou du moins, pas directement) des protestants ou

de l'hérésie, mais, conformément à l'interprétation qu'en font Érasme et Horace (voir apparat des sources), elle est le symbole de l'Inuidia, la haine ou l'envie, qui nait chez les méchants (malorum, v. 9), attaque le prince sous forme d'iniuria (si qua lacesserit te iniuria, v. 9), et suscite à son tour la uindicta (v. 12), le désir de vengeance '***.

DIITPLUIPTILPIILIINILLPILILLI

VIII

Dante et Pétrarque avaient déjà stigmatisé ce fléau qui poursuit la gloire pour en amoindrir l'éclat'*?. Le sujet est d'autant plus d'actualité qu'en 1555, Ferrante Gonzaga, comte de Guastalla en 1549, triomphait de tout un

ensemble d'intrigues ourdies à la cour de Charles Quint. Pour célébrer cette victoire de la vertu contre la « malice », Leone Leoni réalise en 1555 une médaille représentant Hercule combattant l'hydre, avec Géryon

sous ses pieds et le chien Orthos à sa droite. La légende en était: TV. NE. CEDE. MALIS (Fig. 2)'*". Dans

l'embléme, le combat que méne Hercule contre l'hydre-inuidia, combat à la fois extérieur (éteindre la haine que

l'on suscite) et intérieur (résister au désir de vengeance qu'elle engendre''"'), est long, difficile et répétitif (cf. assiduus ; nec desiste, v. 10) : le succes n'est jamais acquis mais toujours à conquérir, à l'image des tétes de l'hydre qui ne cesse de repousser.

Bocchi, toujours à la suite de l'adage d'Érasme (voir apparat des sources), qui recommande d'opposer les bienfaits à la haine, invite Hercule II à faire preuve de sagesse (si sapis, v. 10 ; nec male sana cupido, v. 11), à

temps de la Pléiade et d'Étienne Pasquier » dans A. Rolet (dir.), Allégorie et symbole : voies de et dissidence ? (De l'Antiquité à la Renaissance), Rennes, 2012, p. 303-323. 1467 Voir Corpus Nummorum Italicorum, Rome, t. X : Emilia (Parte 2), Rome, 1927, p. 437, n^ 28. M. Ravegnani Morosini, Signorie e Principati. Monete italiane con ritratto (1450-1796), République de San Marino, 1984, 4 (testone). Monete Italiane Regionali, Edizioni Numismatica Varesi, Pavie, t. III : Emilia, 1998, 255. 1468 Ce n'était pas la seule possibilité allégorique. Chez Salutati, De Laboribus Herculis, 3, 8, 11 (1, p. 195 Ullman) ; 3 $; 37 (p. 203), l'hydre représente, outre l'ignorance, les raisonnement tortueux du sophiste, tandis que le feu grégeois signale la flamme de l'esprit (ignis mentis) qui

& a E T i

e "-

les combat. Ce sera également l'interprétation d'Alciat (Emblemata, « Duodecim certamina »), v. 2: Dicta sophistarum laqueosque resoluit inanes. "9 DANTE, Inferno, 13, 64-70 ; PÉTRARQUE, De sui ipsius et multorum ignorantia, 23. day Voir J. Jacquiot, « Hercule aux revers de médailles », p. 247-248. , ” 71 C'est d'ailleurs l'interprétation de GYRALDI, Herculis uita (1536'), in Opera omnia, Leyde, t. I, 1696, col. 575-876 : Alii secretiore arcano caeterorumque fabulae locum datum uolunt, quod scilicet Hercules animi sui ac continentiae ignita tanquam face identidem renascientia libidinum uitiorum Lernaea capita represserit, atque penitus extinxerit.

Fig. 17 > Pan et Pitys, mosaique polychrome, pseudo-antique (xvir' siécle), Naples, Musée archéologique national.

481

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555 ) -tome 2

renoncer à la vengeance pour laisser place à des sentiments plus dignes d'un souverain conscient de ses charges

et de ses devoirs (de quocumque mereri, v. 13 ; perpetuo officio, v. 14). Dans ces conditions, le feu grégeois prend alors une autre dimension. Dans le récit antique, il provient de la forét enflammée par Iolaos, qui en retire un

brandon. Or, dans l'embléme 77 dédié à Beccadelli, la Charité met justement le feu à une forét, pour traduire

l'extension de son pouvoir qui va consumer la terre entiére. Le feu utilisé par Hercule contre l'hydre est donc probablement, dans l'embléme, celui des devoirs chrétiens de la caritas, l'amour que l'on porte au prochain, et qui doit faire cesser la haine réciproque. Il est remarquable que ce feu grégeois, arme de guerre et de destruction, se transforme en symbole de la charité : il vient cautériser les blessures infligées par le fer.

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

surmontés de sept tétes!? , pourvues d'oreilles et de becs d'oiseaux d'oü sortent des langues fourchues,

surgissent du tronc : la premiére téte est déjà tranchée et Hercule est en train de la cautériser.

A l'arriére-plan, on apercoit une muraille naturelle de rochers, surmontée par des arbres. Trés ingénieusement,

Bonasone a fait en sorte que les roches arrondies d'oü partent une multiplicité de troncs d'arbres redoublent visuellement la forme de l'hydre au thorax bombé d'oà jaillissent les tétes (l'hydre recoit d'ailleurs le qualificatif de ramosa chez Ovide), suggérant implicitement l'idée que d'autres hydres sont tapies dans la pénombre du bois et, comme autant d'ennemis et de formes de haine, viendront prendre le relais de celle qui est combattue au premier plan.

Symb. 93 Gravure :

SOUVENT FORCE EXTRÉME SE VOIT CHEZ LES TOUT PETITS

À BENEDETTO ACCOLTI D'AREZZO Pourquoi le chardonneret, si petit, déteste

Fig.2» Leone LEONI, Médaille de bronze pour Ferrante Gonzaga, comte de

Tellement l'áne, on le sait bien. L'áne se frotte

Guastalla, vers 1555 (diam. : 7,4 cm).

Au revers, Hercule et l'hydre et le motto : TV. NE/CEDE.MALIS.

Mais qui peut vouer une haine si forte au duc et stimuler chez lui le désir de se venger ? Il est difficile de le dire mais les ennemis ne manquent pas, en particulier à partir de 1554-1555 : le pape Jules III, désireux de faire accélérer le procés en hérésie de Renée de Ferrare ; Henri II, sans doute peu satisfait de voir une princesse francaise, fille de roi, sur le ban des accusés ; la duchesse elle-méme qui, ayant abjuré pour retrouver ses enfants

et sa dignité, continue d'essuyer soupcons et brimades de la part de son époux, et s'en plaint auprés d'Henri II ; enfin, probablement le cercle évangélique réuni autour de la duchesse à Ferrare, et qu' Hercule II fait disperser ou exécuter. Si l'on accepte cette derniére interprétation, qui a pour elle de s'inscrire dans une longue tradition figurée, l'embléme est habile et ménage les deux bords. D'un cóté, le Symbolum montre un Hercule valeureux, torche à la main, brülant avec succés les tétes de cette hydre que l'imagerie symbolique conventionnelle assimile à l'hétérodoxie. Mais il tempére en méme temps ce triomphe en invitant (le titulus de l'épigramme porte le titre de uotum, « supplique, vceu, souhait ») le duc à renoncer à la vengeance, pour pratiquer l'amour chrétien, la caritas, qui engendre la pax : ce ne sera pas une faiblesse de sa part, mais une preuve d'intelligence et la marque d'un prince juste. De l'autre, en faisant de l'hydre une image diffuse, non pas directement de l'hétérodoxie, mais plus généralement des formes multiples et indéterminées de l'inuidia, l'emblématiste atténue ce que la comparaison avec le monstre pouvait avoir d'humiliant pour les évangélistes. Nous retrouverons cet esprit pacifiste dans l'appel à la clémence fait à l'inquisiteur Nerlio dans le Symb. 128. L'image est occupée au centre par Hercule, revétu de la léonté, aux prises avec l'hydre de Lerne. Le héros, fermement campé sur ses jambes, le buste et la téte légérement tournés vers la droite, applique une torche

allumée sur l'un des cous tranché du monstre. Il a déposé au sol, bien visibles, les instruments de la vengeance :

une épée courte en forme de cimeterre et sa massue. Le corps de l'hydre a la forme d'un gros serpent qui se redresse, doté d'ailes démoniaques et de pattes de lion, dont l'une vient griffer la cuisse d'Hercule. Sept cous

Aux épineux chardons oü le petit oiseau 5

Tissant son logis vient nicher, et de leurs fleurs

Il se repaît. L'oiseau ressent si forte peur

Que, pour peu qu'il entende un àne braire au loin,

Il expulse ses ceufs ; de peur, les petits choient

10

Du nid. Le crime ne reste pas impuni : Là oü báts et bátons ont blessé l'animal, L'oiseau fiche son petit bec, et des naseaux

Pique les plus tendres parties. La lecon veut Que, méme aux plus humbles, point ne faut faire offense. Parfois les tout petits possédent force extréme.

MÉTRIQUE Trimétres iambiques. Norts - ded.: BENEDICTO ACCOLTO ARRETINO]

Deux possibilités existent pour identifier ce personnage. La

premiere possibilité fait de lui Benedetto Accolti « Il Giovane » 1473 pour éviter la confusion avec son ancétre

homonyme, « Il Vecchio » (1415-1464), et qui nait à Florence en 1497. L'épithéte d'Aretino s'explique par la ville d'Arezzo, dont est originaire la famille Accolti, qui fut contrainte de la quitter au xit siécle pour s'établir à

1172 Ce nombre est traditionnel dans les représentations. Voir MYTH. VAT. 1, 62 : FABVLA YDRE ET HERCVLIS. Ydra fuit in Lerna Argiuorum palude serpens quinquaginta habens capita uel, ut quidam dicunt, septem qui omnem regionem deuorabat. Voir aussi BOCCACE, Genealogie deorum, | * v 13, 1, t. I p. 633 Romano : [ydra] cui cum essent capita septem, et uno exciso, septem illi renascerentur illico ... Milan, 1824, italiana, letterature della Storia Tiraboschi, G. ; 100-101 p. 1960, I, t. DBI, in », Benedetto Accolti, « '*? Sur Accolti, voir E. Massa, VII, 4, p. 2041-2048 ; L. von Pastor, Storia dei Papi, Roma, 1924, 4, 2, p. 250 et 509. Pour les rapports existant entre Accolti, Marc Antonio

Flaminio et les autres épigones de l'évangélisme érasmien comme Pole, Sadolet ou Cortese, voir S. Caponetto, « M. A. Flaminio et il Cardinale

di Ravenna », Bollettino della Società di Studi Valdesi, 97, 1976, p. 71-76 ; S. Pagano, Il processo di Endimio Calandra e l'Inquisizione nel 1567-1568, Rome,

482

a Mantova

1991.

483

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre III

Florence. Benedetto effectue des études de droit à Pise et Pietro Accolti, son oncle, aprés l'avoir accueilli à Rome en 1515, lui permet d'obtenir l'évéché de Crémone en 1523. La méme année, Clément VII le prend au

nombre de ses secrétaires et l'année suivante, le nomme archevéque puis, en 1527, cardinal de Ravenne. Charles Quint lui accorde deux pensions et plusieurs charges administratives abbatiales et épiscopales. La carriere littéraire et curiale ne lui suffit pas. Il achéte à la chambre apostolique la légation à vie de la province des Marches, exception faite d'Ancóne

qui demeure

libre. Il se heurte alors aux vues de Clément VII, qui, sous

couvert de prévenir une invasion turque, a installé des garnisons à Ancóne et placé, comme gouverneur de la ville, son neveu, le cardinal Hippolyte de Médicis. Accolti, dont la famille a donné plusieurs évéques à la ville, est d'abord soutenu par les habitants comme un protecteur contre les ambitions médicéennes. Il obtient que le port d'Ancóne soit placé sous son autorité de légat. Mais il continue de durcir ses positions, finit par occuper la ville et fait assassiner cinq opposants à sa politique. Révoltés, les habitants le dénoncent au pape, qui lui retire sa légation au profit d'Hippolyte de Médicis. En 1534, lorsque Paul III accéde au tróne pontifical, il tente de régler la querelle née de la rivalité entre Accolti et Hippolyte, en nommant légat Paolo Capizuchi. Mais la sédition menée par Accolti ne s'achéve que lorsque le pape le fait emprisonner au Cháteau Saint-Ange. S'ensuit un célébre procés oü sont dévoilés les forfaits d'Accolti'"* : signature de fausses bulles, enrichissement illégal, etc. Condamné

à mort pour trahison et lése-majesté, il est gracié en 1535, gráce à l'intervention d'Hercule de

Gonzague et de Charles Quint. Il est contraint de rédiger une confession écrite et de payer une forte amende. Une partie de ses biens sont directement confisqués par la famille Farnése. Aprés un séjour à Ravenne, Ferrare

verrons dans l'analyse, le sens de l'épigramme pourrait convenir aux deux personnages, dans la mesure où ils portent le méme nom et oü ils ont connu des démélées avec le pape. 21i: -acanthis] Il s'agit du chardonneret. Érasme (Adag., 1, 8, 83, « Acanthida uincit cornix ») rappelle les autres

vocables que l'on peut donner à l'oiseau : spinus, spinula, ligurinus, aédon, par imitation du grec án8ov, ce qui

revient à le confondre avec luscinia, le rossignol. Pline emploie acanthis (Nat., 10, 205), du grec áxavÓic, et acanthyllis (Nat., 10, 96). Servius, repris par Isidore de Séville, rappelle que l'oiseau, outre le nom de luscinia,

peut aussi recevoir le nom d'acanthis et de carduelis. Il en explique les raisons :

Per dumos uero acalanthis [sonat], quam alii lusciniam esse uolunt, alii uero carduelim, qua spinis et carduis pascitur,

ut inde etiam apud Gracos acalanthis dicta sit ab acanthis, id est spinis, quibus pascitur!**.

- cur... asinum... acanthis oderit] L'antipathie du chardonneret avec l'àne est mentionnée par Aristote (HA, 9, 1,

610 a7) : « L'áne et les chardonnerets sont en guerre. En effet, ces oiseaux vivent dans les chardons, que l’àne

vient brouter quand ils sont tendres ». Il précise également que ces oiseaux sont xaxópioU*? (HA, 9, 17, 616 b),

c'est-à-dire qu'ils ont du mal à assurer leur subsistance. Pline reprend cette antipathie, en associant égithe et

chardonneret (voir apparat des sources) :

L'égithe, tout petit oiseau, s'entend mal avec l'àne. En effet, l'áne, en se frottant aux épines, détruit son nid en le

et Venise, il rentre à Florence oü il meurt en 1549, non sans avoir fait son possible pour nuire à Paul III. On connait de lui un traité de droit canon, Tractatus de iure pontificum in regnum Neapolitanum, deux grands recueils de poésies sacrées, De Laudibus beate Marie et De immaculata eiusdem conceptione, ainsi que quatre-vingt-dix

déchiquetant, ce que l'oiseau redoute tant que le seul son du braiement lui fait jeter ses ceufs hors du nid, et les oisillons eux-mémes tombent d'effroi. Aussi, il vole vers l'àne et lui lacére les plaies à coups de bec. [...] Le chardonneret vit également dans les épines ; c'est pourquoi il hait les ánes, qui dévorent la fleur de l'épine, et

épigrammes en distiques élégiaques'*. Une abondante correspondance'"5 témoigne des relations qu'Accolti

entretenait avec les plus grands humanistes, tels Bembo, l'Arioste, Paul Manuce et avec des personnalités favorables à une réforme de l'église, tels Sadolet, Marc Antonio Flaminio (qui lui dédie son épigramme 2, 10 sur l'offrande d'une coupe de vin), ou encore Renée de France dont il rejoint la cour à Ferrare entre 1534 et 1536,

et surtout le cercle napolitain autour de Giulia Gonzaga et Juan de Valdés : l'inventaire de ses biens montre qu'il aurait eu en sa possession une copie du manuel hétérodoxe de Benedetto Fontanini da Mantova, le Beneficio di Cristo, et une collation d'écrits sur la justification par la foi.

La seconde possibilité identifie le destinataire de l'embléme avec un jeune cousin homonyme

déteste l'égithe [ ... ].

À la Renaissance, ces considérations d' Aristote et de Pline sont reprises par Érasme (Colloquia, « Amicitia », qui est la source directe de Bocchi. Voir apparat des sources). Valeriano reprend l'épisode pour en faire le hiéroglyphe de la vengeance (ultio iniuriarum) et fait intervenir l'égithe, appelé aussi salus, contre l’àne (Hier., 24, p. 182f ; voir apparat des sources pour le texte latin). Cependant, l'index de Valeriano renvoie au passage

sous le vocable acanthias [sic], montrant par là méme que la distin&ion entre les deux oiseaux est ténue :

du précédent, fils

naturel de Pietro Accolti'^. Venu à Bologne en 1541 pour faire des études de droit, il se lie d'amitié avec des

Les Égyptiens peignent un égithe, appelé par les Romains salus, fouillant de son bec les plaies de l'àne lorsqu'ils veulent signifier un homme qui se venge des injustices que lui ont infligées ses fils. L'oiseau en effet fait son nid

personnalités suspectes d'hérésie, en particulier des étudiants allemands pro-luthériens de passage à Bologne ou des réformés bolonais comme Giovan Battista Scotto ou Angelo Ruggieri. Sa conduite radicale l'oriente ensuite

dans les épines et il arrive que l'áne, tourmenté par l'inflammation d'une plaie, s'approche des épines pour s'y gratter : il frotte ses blessures mais détruit le nid. L'oiseau le redoute tant qu'au seul son du braiement, il expulse

vers la spiritualité des réformateurs suisses, tels Ulrich Zwingli. Accusé ouvertement d'hérésie par son cousin, le

ses ceufs avant terme tandis que la peur précipite à terre les oisillons éclos. Pour ce tort subi, l'égithe se précipite

cardinal de Ravenne, il quitte Bologne en 1543 pour se rendre à Ferrare, Venise, Padoue, Modéne, en France et à Genéve. En 1548, aprés avoir tenté de se venger des accusations de son cousin en les retournant contre lui directement auprés du pape, il est arrété et emprisonné au Cháteau Saint-Ange, oü il restera jusqu'en 1549, date

de la mort de Paul III. En

1564, Accolti fomente un attentat contre Pie IV, qu'il prévoit de poignarder,

conjuration qui échouera, mais pour laquelle il sera condamné

à mort. Qu'il s'agisse effectivement du

dédicataire de l'embléme semble plausible : il a probablement rencontré Bocchi au cours de son séjour bolonais

en 1541 et 1543, tandis que l'épithéte de paruulus répétée au cours de l'épigramme s'applique avec plus de justesse à ce révolté sans le sou plutót qu'à son riche et influent cousin de Ravenne. Néanmoins, comme nous le

'** Voir E. Constantini, Il cardinale dí Ravenna al governo di Ancona : il suo processo sotto Paolo III, Pesaro, 1891. 1475 £ ’ 1 " Nous

i avons consulté l’anthologie florentine de 1 562, Carmina quinque Hetruscorum Poetarum. Voir aussi A. Perosa et J. Sparrow, Renaissance Latin Verse : An Anthology, Londres, 1979, p:277. 1176 Voir ses Epistolg clarorum uirorum, Venise, 1568. 1477 Voir R. Ristori, « Benedetto Accolti. A proposito di un riformato toscano del Cinquecento », Rinascimento, n.s., 2, 1962, p. 225-312 ; 'Ol Ereticidin E G. Dall'Olio, e Inquisitorí nella Bologna del Cinquecento, Bologne, 1999, p. 109-110.

484

sur l'áne, dirige son bec vers ses plaies et, s'y fixant avec ténacité, il les fouille le plus fort qu'il peut. La haine entre eux est si forte, dit-on, que si l'on mélange leurs sangs, le sang de chacun se retire de son cóté et se sépare de celui de l'autre, du fait d'une antipathie tenace qui les empéche de se réunir.

ANALYSE

L'embléme se fonde sur le récit d'une antipathie entre le chardonneret et l'áne, bien documentée par les

naturalistes antiques, d'Aristote à Pline d'Érasme. La conclusion, trés nettement une impuissante victime, insiste sur le trouvent en elles la force (uim maximam)

(voir notes), et que Bocchi lit à travers le filtre d'un des colloques favorable au chardonneret, présenté dans un premier temps comme paradoxe de ces créatures minuscules (cf. paruulis ; humillimis) qui de se venger et de rétorquer aux injustices qui leur sont faites.

!95 SERV., ad Georg. 3, 338, LITORAQUE ALCYONEN RESONANT ACALANTHIDA DVMI : « Dans les buissons pépie l'acalanthis, que d'autres identifient au rossignol, d'autres, au chardonneret, car il se nourrit d'épines et de chardons. De là vient qu'en grec son nom est acalanthis, du mot acanthis, c'est-à-dire "épine", qui constitue sa nourriture. » Voir aussi ISID., Orig, 12, 74.

147 Voir aussi AEL., NA, s, 48.

'? ARIST., HA, 9, 17, 616 b.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

L'association entre l'acanthis et le dédicataire, Benedetto Accolti, qu'il s'agisse du cardinal de Ravenne ou de l'hétérodoxe qui séjourna à Bologne, qui ont été tous les deux emprisonnés par Paul III, est probablement fondée sur un jeu de fausse étymologie autour du nom italien d'« Accolti ». La célébration de deux qualités biologiques et conjuguées de l'oiseau permet de traduire deux qualités morales du « porteur » ou destinataire de l'apophtegme: le terme ascoltare signifie précisément « écouter » et l'ouie fine du chardonneret, qui reconnait de loin le braiement de l’àne, traduit la perspicacité de celui qui perce les manceuvres de son ennemi et sait écouter pour se protéger. Parallélement, accoltello veut dire « je perce de coups de couteau », ce qui renvoie immédiatement à l'oiseau attaqué qui trouve moyen de tirer vengeance de son ennemi et se sert de son bec comme d'une lame pour tourmenter son agresseur: l'attitude de l'oiseau désigne métaphoriquement l'attitude de celui qui ne se rend pas et qui trouve en lui-méme, malgré sa petitesse, les possibilités de se venger. Dans ce cas, l'áne qui vient se frotter aux buissons doit étre identifié au pape, et avertissement lui est fait de ne pas étre indifférent aux tourments que sa politique cause autour de lui, au risque de le regretter. La gravure se montre assez fidéle au texte. Deux ànes se tournent le dos, l'un dévore les feuilles d'un buisson, l'autre, la téte relevée et les babines retroussées, semble braire de douleur aux coups portés du bec par deux petits oiseaux qui s'acharnent, le premier sur le dos, où báton et bagages ont entamé la chair, le second sur les naseaux. Derriere les ànes s'affaire un muletier, muni d'un gourdin et coiffé d'un chapeau à plume. Il est plus difficile d'expliquer la présence au premier plan d'un personnage assis, un livre ouvert sur les genoux et qui désigne la scéne du doigt. Figure du moraliste/fabuliste qui étudie la nature pour rédiger des traités édifiants à l'usage de l'humanité ? Nous verrions plutót ici une contamination iconographique de l'embléme 120, où il est question également d'un àne qui se délecte à manger des épines. Ce paradoxe, significatif de la sottise inhérente à l'animal, contribue à faire rire une fois dans sa vie, celui qui n'avait jamais ri, Crassus V'Agélaste. Sur la gravure du Sym. 120, cette figure de senex doctus apparait un peu en retrait, regardant l’àne qui se nourrit. Il n'est pas impossible que Bonasone l'ait associée avec celle de l'àne qui mange des épines et, par conséquent, placée également dans le Symb. 93.

486

LIVRE IV

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

au Studio de Sienne, époque où il publie son De corruptis uerbis iuris ciuilis'^. En 1 518, il se rend à Rome, oü il

Symb. 94 Gravure :

LA FORCE DE L'ÉLOQUENCE PEUT TOUT À

LA FOIS

Sur l'image : Périclés

CLAUDIO TOLOMEI

Vois, Périclés tonne, fulmine et met tout en désordre :

Comme la foudre qui rougeoie, assourdit et transperce, Et comme la bombarde, semblable à la foudre à trois pointes, Qui ébranle et abat au sol, en un fracas horrible, Enceintes fortifiées, portes immenses, tours, bastions,

Larges remparts (nul ne se risque à se tenir prés d'elle, Courageux escadrons ou manipules gigantesques ; Lances et boucliers ne peuvent pas lui résister ; Elle finit par tout détruire et disperser dans l'air, 10 Par paquets, horreur ! corps de fantassins et cavaliers ; Son explosion met en fuite les oiseaux aériens, Surtout quand elle tonne et vomit ses feux nés en elle), Ainsi, le merveilleux talent du supréme orateur,

Quand il se porte tout entier des célestes objets

15

Versles hommes, le fait parler, sentir et émouvoir

Avec plus de hauteur, plus de magnificence et plus De puissance, si bien que rien ne peut lui résister Quand le feu de sa bouche chasse les vaniteux sophistes.

MÉTRIQUE Hexameétres dactyliques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET SUR LES MANUSCRITS

Cet embléme a pour noyau un poéme des Lusuum libri duo (V, f'43v^), dans lequel Bocchi effectuait une Descriptio bombardae, avec une modification de l'ordre d'apparition des vers et quelques modifications textuelles (voir apparat critique). À partir de cette ecphrasis, il a constitué une similitudo, où la violence de la machine de guerre est mise en relation avec la puissance de l'éloquence sublime (voir analyse). NoTES

- M. Bianchelli Illuminati, p. 211, classe par erreur cet embléme à la fin du livre 3. — ded. carm. : - CLAVDIO PTOLEMAEO EPISC«OPO»] Claudio Tolomei (1492-1555)'**!, n'est pas mentionné pour la premiére fois dans une ceuvre de Bocchi. Il est l'un des protagonistes du dialogue de Bocchi intitulé Ptolemaeus

siue de officio principis in obtrectatores'**", aux cótés de Gabriele Cesano et Annibale Caro. Quoique né à Sienne, il recoit une formation intellectuelle de juriste à Bologne de 1513 à 1516'^9, En 1516, il devient lecteur in iure ciuili 1481 Pour la biographie du personnage, voir L. Sbaragli, C. Tolomei, umanista senese del Cinquecento. La vita e le opere, Sienne, 1939. '**^ Présenté, traduit et annoté dans notre ouvrage Emblématique, philosophie et politique à Bologne au xvr siécle. ^5 1] y publie, en 1514, un ouvrage intitulé Laude delle donne bolognese.

488

Hippolyte de Médicis, où il restera jusqu'à la mort de ce dernier en 1535. Cette protection et, en particulier, la proximité de Tolomei avec le parti papal, lui vaut d'étre banni de la République de Sienne dés 1526, date à laquelle Clément VII engage une intervention militaire contre la République qui échoue totalement. Tolomei se rend à Bologne avec Hippolyte de Médicis et, en 1538, il y fonde l’« Accademia della Virtü » dont le but

AU TRÉS SAVANT ORATEUR ET ÉVÉQUE DE MONDONEDO,

s

entre au service de la Curie Romaine. En 1528, Clément VII le fait entrer au service de son neveu, le cardinal

essentiel est l'édition et l'étude des textes de Vitruve, et qui rassemble de grands noms tels que Marcello Cervini, Marcantonio Flaminio, Francesco Maria Molza et Annibale Caro ou Luca Contile!*5. Dissoute vers 1540, l'« Accademia della Virtü » est remplacée par l' « Accademia dello Sdegno », ou « degli Sdegnati », fondé par

Girolamo Rucelli et Tommaso Spica en 1541!56, et Tolomei en fait également partie. On le retrouve en 1545 à

Parme aux cótés de Pier-Luigi Farnése, fils de Paul III, qui le fait président du Conseil Supréme de la Justice. À la

mort de ce dernier en 1547, Tolomei se réfugie à Padoue, oü il donne des cours sur Aristote, puis, en 1549, il est

nommé évéque de Corsola (Korcola ou Curzola) en Dalmatie, oü il ne se rendra d'ailleurs jamais. Il part pour

Sienne en 1551, et la République, réconciliée avec lui depuis 1546, le charge de missions diplomatiques en France. Il demeure aux cótés d'Henri II jusqu'en 1554, puis rentre à Rome oü il meurt en 1555.

Son intérét va essentiellement aux débats linguistiques. Partisan d'une réforme orthographique de l'italien, dont

il assure avoir eu l'idée avant Giangiorgio Trissino, il publie en 1525 son Polito, oà il reconnait pourtant la

nécessité d'une rénovation alphabétique. Vers 1528, il rédige le Cesano de la lingua toscana, qui ne sera publié qu'en 1555 à Venise. L'ouvrage met en scéne Gabriele Cesano qui s'oppose aux idéaux linguistiques de plusieurs protagonistes : langue vulgaire, puisée aux sources populaires et non dans les écoles de philosophie, pour Pietro Bembo ; idiome unique fédérateur de l'italianité pour Giangiorgio Trissino ; langue courtisane raffinée et pure de tout accent, pour Baldassare Castiglione, et langue florentine pour Alessandro de'Pazzi. La

conclusion élabore une solution intermédiaire qui salue la prééminence de la langue vulgaire en privilégiant la langue toscane. Paralléelement, Tolomei s'intéresse à la poésie et propose l'application de la métrique quantitative au vers vulgaire dans son Versi et regole de la nuova poesia toscana, publié à Rome en 1539.

Tolomei est ici salué selon une double qualité, celle d'évéque de Corsola (la date d'éle&ion à l'épiscopat constitue donc un ferminus post quem pour la dédicace de l'embléme), et celle d'orator sapientissimus, c'est-à-dire de celui en qui s'allient à la fois des qualités rhétoriques et une hauteur de vue servie par l'étendue d'un grand savoir, comme pour Périclés d'ailleurs, dont l'érudition, acquise au contact d'Anaxagore de Clazoménes, est

soulignée par Plutarque au début de la biographie qu'il consacre à l'orateur athénien (Per., 4). - MODOGNETIT] M. Bianchella Illuminati p. 212 ne traduit pas ce terme. Pierre Martin nous suggére qu'il pourrait s'agir de Mondofiedo, en Espagne. Antonio de Guevara en a été l'évéque jusqu'en 1545. — v. 2 : perterricrepum] Hapax. Le terme ferricrepus, sans le préfixe intensif — per est composé de terreo et de crepo, il signifie « qui foudroie avec un bruit terrifiant » et on le trouve chez saint Augustin (Conf, 8, 2).

ANALYSE L'image de Périclés fulminant qui ouvre l'épigramme et qui fait de lui le Zeus tonnant de l'éloquence sert à

manifester les manifestations et les pouvoirs extraordinaires du grand style. L'alliance choisie par Bocchi entre

les trois verbes fulgurare, tonare, miscere est empruntée à Cicéron (Orat., 29), qui l'applique également à Périclés.

Cette comparaison remonte en réalité à Aristophane (Acharn., 530-531 : « Là-dessus, Périclés en colére lance

; è des éclairs, gronde

comme

le tonnerre

H

+ 1487 et bouleverse la Grèce 437 »). Plutarque à son tour commente

H8 Ses Disputationes et ses Paradoxa iuris ciuilis sont perdus.

"5 Voir M. Maylender, Storia delle Accademie d'Italia, Bologne, 1930, 5, p- 478-480.

le

/

1486 Voir W. Eamon, F. Paheau, « The Accademia segreta of Girolamo Ruscelli, A Sixteenth Italian Scientific Society », Isis, 75, 1984, p. 327-342. 1457 Cicéron, qui avait au départ attribué la citation à Eupolis, demande à Atticus, qui lui avait signalé l'erreur, de la faire corriger. Voir Att., 12, 6, 3: Mihi quidem gratum et erit gratius si non modo in libris tuis sed etiam in aliorum per librarios tuos Aristophanem reposueris pro Eupoli. « J'en serai

trés heureux [-qu'Atticus lise l'Orator], mais plus heureux encore si tu fais corriger par tes bibliothécaires, non seulement dans tes exemplaires, mais encore dans ceux des autres, le nom d'Eupolis en celui d' Aristophane ».

489

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

REMARQUE SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET SUR LES MANUSCRITS — ded. carm. : S conserve la trace d'une dédicace précédente à l'un des éléves de Bocchi, lacopo Casonio, à qui

il dédiera finalement le Symb. 120. Le BARTHOLO est énigmatique : est-ce la trace incompléte d'un troisiéme dédicataire ou d'un rappel généalogique (Bartholomei filio ou frater par exemple ) ? — v. 2: nautas] Pierre Martin nous suggére que le terme a ici son sens horatien (cf. Sat., 1, 1, 29) de « marchand, négociant ». NorES

ded. carm : IANO RVSTICELLO... INTEGERR«IMO? ] Il s'agit du pere de Baldassare Rusticelli, dédicataire du Symb. 72 et exécuteur testamentaire de Bocchi'*"*. Sa qualité de mercator, « marchand » est rappelée, et il s'agit sans doute d'un personnage connu du pére de Bocchi, Giulio, qui était lui aussi probablement un marchand. ANALYSE

Bocchi, dés la dédicace, annonce les deux qualités du mercator que l'épigramme va tenter de mettre en valeur:

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

contre-sens, déjà rapporté par Henri Étienne!*'?, Pour Étienne, le sens précis est : a naue, quae submergitur, « du

navire qui coule ». De plus, la formule érasmienne lucrum capias est trop elliptique et remplace un éventuel par un subjonctif d'ordre. Pour Étienne, il aurait fallut traduire : quodcumque ceperis est lucrum, « tout ce que tu as pu prendre est un gain ».

La formule sopor absit (6nvoc ànécvw), empruntée à Aristophane (Nub., 705)!'°!!, et appliquée en général par les

parémiographes à « ceux qui veulent philosopher'5? » est, chez Érasme puis chez Bocchi, astucieusement transposée au domaine mercantile. Elle confère ainsi à l'activité incessante du marchand, qui abandonne un objet dont l'intérét s'est épuisé pour s'attacher aussitót à un autre, la dignité de la méthode socratique. Le terme méme de philosophein comporte cette ambiguité, puisqu'il signifie « aimer la sagesse », non pas seulement dans l'absolu, mais aussi comme pratique accomplie d'un art ou d'une technique donnés. L'art du marchand consiste précisément... à gagner de l'argent ! La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou de Prospero Fontana (Fig. 1)5, ne se comprend que par référence aux sources textuelles, et tente de combiner les divers exemples parémiographiques évoqués dans le texte.

impiger, integer, c'est-à-dire l'efficacité et l'activité énergique dans le cadre strict d'une irréprochable honnéteté.

D'emblée, il célébre la rapidité et l'énergie de son dédicataire (sopor absit, v. 1 : strenuus, v. 2 ; anticipes, v. 2 ;

primus, v. 3). Il évoque ensuite les résultats financiers de cette promptitude, l'enrichissement du marchand qui sait faire des affaires (lucrum facere, v. 4), c'est-à-dire revendre plus cher ce qu'il a acheté à bas prix (uili emptae

merces [ ...] carius inde/ Venduntur, v. 5-6) : la clé du succés est, bien entendu, de savoir attendre et de saisir la

derniére offre, qui sera aussi la meilleure (Melior sors noua saepe uenit, v. 6). Dans cette perspective l'oxymore involontaire que pouvait constituer le nom méme du dédicataire, Janus Rusticellus, a sans doute séduit Bocchi: d'un cóté, le caractére naif et sans duplicité, qui rappelle celui de l'habitant de la campagne, attaché à de süres valeurs (rusticellus) ; de l'autre, la prudence, alliant mémoire,

intelligence et prévoyance, qui caractérise le dieu bicéphale, Janus, et qui permet justement au marchand d'anticipare, de devancer les autres et d'étre toujours le premier (primus, recens). Son enrichissement n'est donc . que le juste fruit de son mérite. L'épigramme est constituée d'une mosaique de proverbes à tonalité mercantile, qui se trouvent déjà rassemblés

et expliqués dans un adage d'Érasme (5, 2, 87, voir apparat des sources) :

« Du navire — sous entendu : qui arrive au port — tire profit ». Le proverbe nous rappelle que la rapidité est trés précieuse pour faire du bénéfice et que c'est au marchand que s'applique par excellence ce dicton: « Fi au sommeil ! ». Le proverbe vient de l'activité des marchands qui achétent directement aux marins eux-mémes qui

Fig. 1 > G. BONASONE ou

ramènent leur navire au port. À ce moment, en effet, on achéte à bas prix et l'on revend plus cher. On pourrait

P. FONTANA, Dessin préparatoire

rapprocher ceci d'autres formules, comme lorsqu'on dit qu'il faut saisir l'occasion offerte ou qu'il faut solliciter

pour le Symb. 95 de Bocchi © Sotheby's.

quelqu'un à qui la chance vient de sourire. Car, dans ces circonstances, nous sommes en général plus enclins à étre

généreux envers autrui. C'est ce que dit la formule de Perse : « Sois le premier à t'emparer du poivre frais, avant

que le chameau n'ait bu », c'est-à-dire tout de suite, alors que le chameau qui apporte la marchandise n'a pas

encore apaisé la soif due au voyage.

Bocchi suit Érasme dans son interprétation du proverbe a subeunte naue portum, emprunté à la Souda!??, en lui donnant le sens du « navire qui rentre au port », c'est-à-dire chargé d'une riche cargaison. Comme le soulignent

les éditeurs modernes de l'adage, F. Heinimann et E. Kienzle (ASD, II-5, 1981, p. 151, n. 97), il s'agit d'un

135 Voir l'édition de son testament rédigé par le notaire Cristoforo Zellini dans G. Raveira Aira, « Achille Bocchi e la sua Historia Bononiensis »,

Studi e memorie per la storia dell'Università di Bologna, 20, 1942, p. 59-112, p. 111 : dilecto sibi D. Balthassari Iani Rusticeli filio.

149 SVD., n° 3337 Adler : « Azó kara8voyévrg », Aeíxet, & ct &v AáBnc xépBoc. Azó t@v Euxópov fj ueragopá, oî xataBvoyévric ci]c ved, 6 vt àv

Aáfuot, kép8oc fj yobvrat, « “Du navire (sous-entendu) qui sombre, tout ce que tu peux sauver est un gain". La métaphore vient des marchands qui considérent comme un gain tout ce qu'ils peuvent sauver du navire qui sombre ».

494

On apercoit en effet sur la droite et en arriére-plan un navire amarré au port et des marins qui en disposent la cargaison sur le débarcadére, déjà jonché de paquets : l'un d'eux ploie sous le poids d'un ballot. Une seconde scéne se déroule à gauche de l'image, autour d'un chameau portefaix, dont la présence s'explique par la référence à la citation de Perse (5, 13) dans l'adage d'Érasme : Tolle recens primus piper e sitiente camelo. L'animal se désaltére dans un baquet, attestant qu'il est bien encore sifiens, comme le recommande la formule. En bas à

5" Voir son commentaire dans ÉRASME, Opera omnia, LB II, p. 766 note 1.

151 Socrate tente d'instruire Strepsiade mais devant la stupidité du personnage, il renonce et lui conseille de se coucher sur son grabat pour réfléchir. Le chceur renchérit dans la Strophe: « Médite à présent et examine à fond, retourne ta pensée en tous sens, ramassé sur toi-méme.

Vite, si tu tombes dans une impasse, saute à une autre idée de ton esprit ; et que le sommeil doux au cceur soit absent de ton esprit ». '* Cf Svp, n° 443 Adler: jj xapotgía ènì t@v BovXouévov Qihocogeiv ; n° 3072 : &xi r@v BovAogévev qUvocogetv è Zoxpátnc qnoiv. 1513 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, p. 17, n^ 33 (2 XCIII), et illustration p. 6.

495

MEE

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

droite, une plaquette porte en inscription óxvoc ázécvo, et semble étre mise en facteur commun pour les deux scénes. Pierre Martin propose d'interpréter le personnage doté d'un chapeau à plume, derriére le chameau, comme le négociant en gros, dont la main à la paume ouverte montre qu'il accepte la transaction que lui propose le second personnage, mais juste le temps que l'animal se désaltére : le geste du bras épouse le mouvement du cou du chameau qui se baisse pour boire. Le second marchand, qui semble faire irruption depuis la gauche l'intérieur de l'image, vient jauger, en la tátant de la main, la qualité de la cargaison qu'il transporte . Pour Pierre Martin, la tàche du négociant en gros sera de tenir la juste mesure entre le désir de faire immédiatement de l'argent (avidité à laquelle renvoie peut-étre aussi la soif du chameau), et une stratégie de temporisation qui permettra de réaliser la meilleure transaction.

On s'est posé, disions-nous, la question de savoir pourquoi Achate était le compagnon d'Énée. Les réponses sont

diverses, la meilleure proposant l'hypothése que le nom aurait une étymologie grecque. En effet, achos désigne la sollicitude qui est l'éternelle compagne des rois.

Sergio Casali a récemment proposé de montrer qu'Achate, double d'Énée, le compléte également sur le plan de l'étymologie'**, En effet, un hymne homérique (s, 198-199) fait dériver le nom d'Énée de aivóv &xoc, « terrible douleur », en écho sans doute à l'une des étymologies possibles d'Achille, regardé comme celui qui cause de l'áXoc à sa mére et aux 'Dueic, aux Troyens, ou à son propre peuple Aaóc, avec un probable jeu phonétique entre Axikeo-Axatóv-&yoc'*'^. Mais, comme le remarque S. Casali, le mot « Énée » lui-méme ne porte la trace que de alvóv : c'est donc bien Achate, dérivé d'áxoc, qui vient compléter la partie manquante de l'étymologie. Que

Virgile ait eu parfaitement conscience de cette parenté onomastique entre les héros apparait en Aer., 1, 458-460,

lorsque Énée contemple les peintures du temple de Junon à Carthage et en éprouve une vive affliction (c'est justement le sujet de la gravure) : or, comme le souligne S. Casali, les trois mots qui terminent les vers sont Achillem ; Achate ; laboris. Le mot apparait chez Homére à plusieurs reprises!" et décrit toute forme d'affliction et de douleur morale. Bocchi semble avoir préféré cura à sollicitudo, en partie sans doute pour des raisons

Symb. 96

Gravure : TOUJOURS

DES

LEURS

LES

ROIS

DOIVENT

SE SOUCIER

métriques. Si ces deux termes semblent synonymes^5, il faut noter que cura ne comporte pas, dans son sens

Sur l'image :

premier, l'idée d'inquiétude mais désigne d'abord l'intérét et le zéle qu'on met dans une action, en particulier politique ou administrative. Sollicitudo au contraire, constitué à partir de sollus (— totus) et cieo, revendique fondamentalement l'idée d'agitation et de troubles permanents. Bocchi toutefois insiste lui aussi sur la permanence par l'adjonction de termes tels que indefessa, omni tempore et semper. Le terme cura désigne une notion positive et si par ailleurs Achate recoit dans l'Énéide diverses épithétes, l'épigramme le fait apparaitre ici

- Énée — Achate

AU CARDINAL BERNARDINO

MAFFEI

sous l'angle de la prudentia, mére du consilium, et de la fides, qui caractérise la loyauté indéfectible (semper

Toujours l'Accablement se fait le compagnon des rois

reprenant les termes indefessa et omni tempori du vers 2) et le devoir de secours impliqué par l'amitié!?'?, Alors que l'épigramme renvoie à Virgile à travers le filtre servien, la gravure choisit d'illustrer un passage précis de l'Énéide qui s'appliquait tout particuliérement à l'interprétation d'Achate comme figure allégorisée de la douleur : celui oà Énée, en pleine affliction, lui narre ses peines devant le spectacle des épisodes de la guerre de Troie représentés sur les panneaux de bois du temple de Junon à Carthage, au chant 1. Mais de la peine méme nait l'espoir, puisque la douleur de Troie en fait aussi la renommée :

Car toujours, sans reláche, ils se soucient des leurs.

Prés du pieux Énée, le prudent et fidéle Achate Se tient toujours pour offrir avis et appui.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques. NorES - ded. carm.

: BERNARD«INO»

MAPHAEO

CARD«INALI >] Voir la notice au Symb. 87.

- V. 1 : &yoc] M. Bianchelli Illuminati (p. 213) traduit de maniére erronée ce terme par « medicamento » : «I re hanno sempre seco un medicamento ». ANALYSE Dans cet embléme, rédigé ou dédicacé entre 1 549, date de l'élection de Bernardino Maffei à la pourpre cardinalice, et 1553, date de sa mort, Bocchi entend célébrer les qualités et les fonctions de son illustre dédicataire, proche de Reginal Pole, de Marcello Cervini ou encore de S. A. Pighini, à qui il dédie aussi des emblémes. Achate apparait dans l'Énéide comme

un alter ego d'Énée,

son conseiller et son confident/?'^. L'épigramme de Bocchi se fonde sur l'étymologie servienne (Ad Aen, 1, 312) qui propose de faire venir le nom d'Achate du terme grec áxog : 1514 Voir le récapitulatif dans S. Casali, « The King of Pain : Aeneas, Achates and ‘ Achos' in Aeneid 1 », The Classical Quarterly, n. s., 58, 1, 2008, P. 181-189, p. 181 note 1 ; voir aussi O. Rossbach, « Achates » in RE, t. 1, col. 211-212 ; W. H. Roscher, « Achates » in Roscher, Lexicon, t. 1, p.6; F. Speranza, « Acate » in Enciclopedia virgilia na, t. I, p. 8-9 et, pour la postérité littéraire de l'amitié qui unit les deux hommes, R. Lejeune, « La naissance du couple littéraire Roland et Olivier », Annuaire de l'Institut de Philologie et d'Histoire oriental es et slaves, 10 1950, p. 371-401, ainsi que J.-C. Fraisse, Philia.

La notion d'amitié dans la philosophie antique, Paris,

496

1974.

"n

à;

Hoc primum in luco noua res oblata timorem Leniit, hic primum Aeneas sperare salutem Ausus et adflictis melius confidere rebus. Namque sub ingenti lustrat dum singula templo Regina opperiens, dum quae fortuna sit urbi Artificumque manus inter se operumque laborem Miratur, uidet Iliacas ex ordine pugnas

Bellaque iam fama totum uolgata per orbem Atridas Priamumque et saeuom ambobus Achillem. Constitit et lacrimans « Quis iam locus, inquit, Achate, Quae regio in terris nostri non plena laboris ?

En Priamus. Sunt hic etiam sua premia laudi, 5555 S. Casali, « The King of Pain », p. 187.

1516 Voir G, B, Holland, « The name of Achilles : a revised etymology », Glotta, 71, 1973, p. 17-27. 557 Voir Il, 3, 412 ; Od., 19, 167. On trouve le terme chez Pindare avec le sens de souffrance physique dans Pyth., 3, so. 118 Cf. CIC, Att., 15, 14, 3 : cura et sollicitudo. 33? Voir S. Casali, « The King of Pain », passim ; C. Santini, « Il comitato di Enea », in C. Santini, L. Zurli (dir.), Ars narrandi. Scritti di narrativa antica in memoria di Luigi Pepe, Naples, 1996, p. 209-224 ; Th. Weber, Fidus Achates: des Geführte des Aeneas in Vergils Aeneis, Francfort-sur-le-Main/New

York,

1988;

M. Lossau,

« Achates,

Symbolfigur

der Aeneis », Hermes

115,

1987,

p. 89-99;

L Opelt,

« Fidus

Achates », Grazer Beitráge, 14, 1987, p. 187-198 ; L. E. Eubanks, « The Role of Achates : Comes fidus Achates », Virgilius, 28, 1982, p. 59-61 ; M. B. Révész, « Fidus Achates » in Annales Vniversitatis Scientiarum Budapestinensis de Roloando Eótvós, sectio classica, 1, 1972, p. 53-58; M. Columba, « Vergilian Epithets in the Developement of Plot », Classical Journal, 58, 1962, p. 22-24.

497



M)

M

———S—CC

EEE

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Sunt lacrimae rerum et mentem mortalia tangunt.

Marcantonio Raimondi s'inspirait lui-méme du travail de copie et d'assim ilation que Raphael avait effectué à partir

Solue metus ; feret haec aliquam tibi fama salutem. » Sic ait atque animum pictura pascit inani.

d'un bas-relief romain

du I°

siécle, que l'on connaissait à la Renaissance sous l'appell ation de Tabula Iliaca'^*. Cette ceuvre s'inscrivait dans une tradition antique, la reprodu ction de scenes épiques tirées de l'Iliade et de l'Odyssée, sous la forme de petits panneaux narratifs portant des inscriptions et qui se distribuaient autour d'un tableau central.

Multa gemens largoque umectat flumine uoltum!5?^,

Ici Énée parle moins à Achate qu'il ne se livre à un monologue intérieu r et à une exhortation à l'espoir, espoir

permis par le fait que la souffrance troyenne (labores) est à l'origine de leur gloire (fama) : le prince souffre et

méne la guerre, mais sa récompense est dans la gloire que lui procure son courage et sa vaillance. Le mélange d'espoir et de douleur qui se lit dans le texte virgilien permet sans doute de comprendre l'alliance mise en place dans l'épigramme de Bocchi entre l'áxoc incarné par Achate et le róle positif de consilium/auxilium qu'il joue auprés d'Énée : pour le prince, le tourment est de bon conseil et assure sa réputation. Il semble nécessaire, dans cet esprit, de formuler une hypothése pour rendre compte de l'apparente opposition qui se fait jour au sein méme du personnage d'Achate, à la fois aiguillon de la Douleur et sécurité du Bon Conseil. En effet, si l'étymologie d'Achate est áxoc, elle peut étre aussi, plus directement &xátric, et renvoyer alors à une gemme aux propriétés multiples'*". Par un jeu de paradoxe, la douleur comporte alors les modalités méme de son reméde. Pline l'Ancien signale en effet les qualités exceptionnelles de certaines agates dont on fait des creusets pharmaceutiques et qui soulagent en particulier par le simple fait qu'on les regarde'^?", L'es termes coram et adest prennent alors toute leur importance chez Bocchi : la proche présence d'Achate, en permanence sous les yeux d'Énée, suffit à elle seule à guérir l'inquiétude qu'elle fait naitre en lui.

ix E SOLATYX VENI ICTIS PATER IP5E

Î

DOLENTIMs

M.

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prosper

o Fontana!5?, rend hommage à l'archéologue qu'est le dédicataire, en choisissant de montrer le passage de l'Énéide que nous avons cité supra, où Énée dit son affliction à Achate. Il faut toutefois noter que, dans le texte virgilien, Énée est indubitablement celui qui désigne à son compagnon les détails de la peinture, ainsi que le soulignent l'interjection en et les pronoms déictiques, hic ou haec. Dans cette perspective, les noms, ajoutés en dessous des personnages de la gravure de l'embléme pour permettre leur identification, sont curieusement inversés, puisque le geste du dénommé Achate revient en fait à Énée et l'attitu de de passivité et de simple spectateur à Achate. Estce une étourderie de Bonasone ? Le graveur de l'embléme s'est largement inspiré d'un fragment d'une composition de Marcantonio Raimondi réalisée entre 1515-1516 et intitulée par commodité Quos ego (Fig. 1) 5* par référence au passage de l'Énéide

(1, 135) qui en constitue le panneau central. Ce panneau central montre Neptune s'emportant contre les vents et les flots qui lui ont

désobéi et ont infligé un naufrage

à la flotte d'Énée. Tout autour viennent se placer des scenes relatant le parcours d'Énée. Bonasone à retenu le petit tableau qui prend place dans la partie inférieu re gauche de la composition,

de Junon à Carthage.

et qui représente Énée montrant à Achate les fresque s de Troie qui ornent le temple

UH AC, 1, 450-465 : « Voici que le bois [- des portes du temple] offre une vision

inattendue qui, pour la premiére fois, apaise l'angoisse d'Énée. Là, pour la premiére fois, il osa espérer le salut et reprendre espoir au milieu des tourments. Car, pendant qu'il regarde chaque pied du temple gigantesque, tout en attendan détail, au t la reine, pendant qu'il admire la bonne fortune de la ville, l'art des mains qui, ceuvrant ont élaboré l'ouvrag de concert,

e, il voit se dérouler à la suite les batailles de Troie, les guerres que la renommée a déjà révélées au monde entier, les Atrides, Priam et Achille qui n'eut de pitié pour aucun d'eux. Énée s'immobilisa et dit à travers ses larmes : “ Quel est le pays, quelle est la contrée, Achate, que le bruit de nos travaux n'ait point encore atteint ? Regarde Priam ! Méme ici, le mérite recoit les récompenses qui lui sont dues, les événements arrachent des larmes et le sort des mortels émeut l'àÀme. N'aie plus peur : cette gloire t'apportera, d'une maniere ou d'une autre, le salut. ” II se tait, nourrissant son àme du spectacl e figuré, il gémit et sur son visage ruissellent les larmes ». 1?! Ce renvoi est déjà effectué par Servius dans le commentaire qu'il fait du vers 174 du livre 1 de l'Énéide. Achate vient d'allumer un feu frappant des silex et Servius y voit là une en aptitude programmée onomastiquement : Achates adlusit ad nomen nam achates 1522 Cf PLIN. Nat., 39, 141 : Et in India inuentae lapidis species est. contre eadem pollent, magnis et aliis miraculis : [...] inde medicisque coticulas faciunt nam etiam prodest oculis, « Les agates venues spectasse de l'Inde sont efficaces contre les mémes affections, mais elles ont également d'autres considérables et spectaculaires : [ ... ] on en fait propriétés aussi de petits mortiers pour les médicaments, car les regarder est à soi seul bon pour les yeux ». ia Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, P- 18, n° 49 (XCIIII). 7" Voir K. Oberhuber, W.

L. Strauss (dir.), The Illustrated Bartsch, t. XXVII : The

Works of Marcantonio Raimondi and his School, New 1978, p. 49; I. H. Shoemaker et al., The Engravi York, ngs of Marcantonio Raimondi, Lawrence (KS), Spencer Art Museum, 1981, p. 120, Raphail et l'Antiquité, voir G. Becatti, « Raphael n? 32. Pour and Antiquity », in The Complete Work of Raphael, New York, 1969, p. 548-549.

Fig. 1> M. A. RAIMONDI, Quos ego... ou Neptune calmant les vents, gravure (vers 1515-1516), 43,4 X 32,8 cm, Londres, British Museum.

Fig. 2 > M. A. RAIMONDI, Quos ego... , détail.

C'est d'ailleurs cette référence antique qui permet, entre autres, de saisir la pertinence de la dédicace de l'embléme à Bernardino Maffei. En lui adressant un embléme oü la gravure manifestement met en jeu des

références à l'architecture — le temple de Junon à Carthage — et à un bas-relief — la tabula Iliaca —, tandis que l'épigramme célébre le róle essentiel de conseiller du prince joué par Achate, Bocchi entend sans aucun doute souligner la polyvalence d'un humaniste archéologue, doublé d'un diplomate, qui seconde les papes dans

l'ombre.

S

n

ac De * Quos Ego "de Marc-Antoine Raimondi », Nouvelles de l'estampe, 40-41, 1978, p. 18-29 ; I. Du Bois-Reymond, Die rómischen Antikenstiche Marcantonio Raimondis, Dissertation, Ludwig-Maximillians-Universitát, Münich, 1978,p. 99-115; C.Lord, « Raphael, Marcantonio Raimondi, and Virgil », Source, 3, 1984, p.81-92; Ch. K. Kleinbub, « Raphael's Quos ego: Forgotten Document of the Renaissance Paragone », Word and Image, 28/3, 2012, p. 287-301.

498 499

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Symb. 97 Gravure :

AUCUNE ATTAQUE N'ÉBRANLE UNE ÀME VALEUREUSE Sur l'image : Nulle force n'y réussit

À POMPEIO ZAMBECCARIO Touchant de son sommet pointu les étoiles errantes, L'obélisque s'appuie sur ses quatre astragales. Un cil qui ne dort pas au-dessus fait la sentinelle Et remplit le plus haut devoir du trés bon prince. 5

dans notre analyse du Symb. 48, ce róle est assumé par quatre pieds de Harpies'^". L'astragale, on l'a bien

Labaseimmobile, sans vaciller, tient prisonniers

compris, n'est pas ici une frise mais un élément architectural isolé reproduisant la forme de l'os du talon, endroit du pied qui supporte l'ensemble du corps (du grec àoxpáyaXoc, « vertébre »). L'épithéte solidis qui leur est adjointe n'a dans ce sens rien de surprenant : il décrit à la fois la matiére dure de l'os/de la pierre et la fonction Stratégique de stabilité qu'il assure pour permettre le ferme équilibre de l'ensemble du corps/édifice qu'il

Tous les autres sens corporels, au cceur des flots.

Nile souflle violent des vents, ni les assauts du Tibre

pyramis comme la gloria, dont on sait qu'elle « éléve jusqu'aux astres/?? ». Souvenir éyptien, la pyramide à Rome est, en outre, clairement une architecture funéraire, comme le montre par exemple la pyramide de Cestius ou Meta Remi, qui passait pour étre le tombeau de Rémus. On se souvient qu'associée à la forme du feu (pyr) qui se dirige vers le haut?) la pyramide se dresse naturellement vers les espaces supérieurs. Le terme lambens employé par Bocchi rappelle ce lien avec la flamme: la pyramide est donc parfaitement apte à traduire symboliquement l'aspiration éprouvée par l'áme délivrée du corps à retourner vers sa demeure céleste, dans la tradition des catastérismes héroiques et des développements platoniciens sur le motif du ciel-patrie. Le texte signale ensuite que la base de la pyramide repose sur quatre astragales (v.2): l'astragale est normalement une modénature décorative qui se présente sous l'aspect d'une moulure de section circulaire qui sépare le füt de la colonne de son chapiteau'??'. Son róle est de faciliter la transition harmonieuse entre des volumes différents, la section ronde du füt et la section quadrangulaire du tailloir. Ici, outre que son nom le rapproche du mot asíra, relayé par sidera, l'astragale permet la rencontre entre la base rectangulaire de la crepido et celle de la pyramide proprement dite : dans la gravure du Songe de Poliphile de Francesco Colonna évoquée

)

Ni ses courants puissants ne peuvent l'ébranler. Gloire, rivée par quatre points à la ferme Vertu, 10 Sa téte estimée dresse au plus prés des étoiles. L'áme ne risque rien, cernée par les eaux bouillonnantes

supporte (nititur ; nixa). Dans le Symb. 48, l'équilibre ferme de l'édifice était signalé, dans la gravure, par une

allégorie de la Force, appuyée sur une colonne. Rien de tel ici mais le titulus sur l'image, qui la transforme en devise, relaie l'idée : nulla ui, c'est-à-dire « aucune force ne peut l'ébranler ». De plus, les astragales sont au nombre de quatre : si la crepido désigne la vertu en général (voir ci-dessous), les quatre astragales aux quatre angles en sont sans doute une spécification, sous la forme de quatre vertus cardinales, prudence, justice, tempérance et force.

De Fortune, sans craindre les hasards douteux.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques.

L'épigramme mentionne ensuite qu'à la pointe de la pyramide (huic... super, v. 3), un ceil ouvert (peruigil...

NOTES

ded. carm. : POMPEIO ZAMBECCARIO] Pompeio Zambeccario ou Zambeccari, bolonais de naissance, fils de

Giacomo Zambeccari, fut dottore di legge collegiato en 15467. Il fut barone Romano, abbé-commandeur de San Spirito, évéque de Valense et de Sulmone en 1547, nonce au Portugal en 1562. Il participa au Concile de

Trente" et mourut en 1571. Il appartient à la famille maternelle de Bocchi. ANALYSE

L'épigramme, constituée de six distiques, méle étroitement deux démarches imbriquées: une démarche descriptive, qui s'attache à présenter un objet symbolique complexe (ici une pyramide/ obélisque, dans un décor mi-topographique, mi-symbolique), constitué de res significantes ; une démarche herméneuti que, qui décrypte la signification allégorique attachée à chaque élément qui compose le tout, les res significatae, tout en demeurant attentive à produire une signification globale cohérente. La présence de la pyramide invite à mettre cet embléme en relation avec le Symb. 48, oü le méme objet fait l'objet d'une interprétation légérement différente. Bocchi nous présente donc un objet complexe qui s'apparente à un obélisque pointu, constitué de trois parties : une base, quatre points d'attache, un füt/??, Le premier élément mentionné et premier mot du texte est une pyramide (pyramis), c'est-à-dire un füt de section quadrangulaire qui monte en s'amenuisant et s'achéve en pointe (excelso uertice), jusqu'à lécher les astres (v. 1). Comme

dans le Symb. 48, le vers 9 interprete cette

oculus) symbolise le « devoir supréme du prince remarquable » (eximii principis officio, v. 4), sans plus de précision, car le symbole est bien connu. L'ceil remplace ici la boule au sommet de la pyramide sur la gravure du Symb. 48 : dans notre analyse à cet embléme, nous avions dit que cette sphére permettait de rapprocher le tombeau d'Ugo Pepoli de l'obélisque du Vatican, pourvu d'une sphére semblable en son sommet, qui passait pour avoir contenu les cendres de César. Si l'oeil ouvert est avant tout le symbole hiéroglyphique de la garde de la justice, comme le précisent Rhodiginus et Valeriano, qui se souviennent de Platon (Leg., 9, 872e), Chrysippe (in GELL., 14, 4, sur une peinture allégorique de la justice), Diodore (3, 4) et Érasme (Adag., 4, 1, 11 : « oculus

iuslitiae »), les termes peruigil et excubat (v. 3) insistent effectivement plus particuliérement sur l'idée de la uigilantia et de la custodia, qui sont autant de manifestations de la prouidentia du bon prince, qui veille aux

intéréts de ses sujets, comme le signale la formule célébre de Xénophon, óo0aAgóc Beonórov, «l'oeil du

maitre »5?. La uigilantia est également l'attitude par excellence du chrétien?" Mais la position de l'oeil est

importante (huic... super, v. 3) : au sommet, l'aeil domine tout, de méme que le prince l'emporte sur les autres et leur commande. À l'instar de celui de Dieu, l'oeil du maitre peut tout voir et exercer au mieux son devoir de 5? Voir par exemple CIC., Att. 2, 25, 1 : quam ornate nostras laudes in astra sustulit. VERG., Buc. s, $1 : Daphnimque tuum tollemus in astra ; Aen., : 7, 99 : Daphnim ad astra feremus. Voir également PROP., 3, 18, 34. ; Ov., Mét. 9, 272

5? Voir AMM., 22, 29 : : Quae figura apud geometras ideo sic appellatur quod ad ignis speciem (1o? xvpóc, ut "e dicimus) extenuatur in conum, « Les géométres nomment ainsi cette figure parce qu'elle se termine en un cóne évoquant l'image du feu, "pyr" dans notre langue. » Ammien

est cité par RHODIGINVS, Lectiones Antiquae, 23, 6. Voir Symb. 48.

'5" Voir S. Dolfi, Cronologie delle famiglie nobili di Bologna, Bologne, 1670, p. 728. 127 Voir Voi J. H. Bóhmer, & i L A. L. Richter (éd.) : Corpus Iuris Canonici, Pars II, Leipzig, 1839, col. 167. Dans l'obélisque égyptien, la partie sommitale du füt est brisée pour former un pyramidion, qui donne à l'ensemble cette forme si caractériftique, quos i retrouve d'ailleurs pas dans le gravure de l'embléme. On voit bien que la conformité ou la vraisemblance archéologique n'a guére d'importance lorsqu'il s'agit d'un objet symbolique.

$00

19 Voir VITR, 5, s, 3 et 7. 15322 Voir F. COLONNA, Hypnerotomachia Poliphili, t. L, p. 20-25 Ariani-Gabriele. 153 XEN,, Oec,, 10, 12.

-

a

:

1$4 C£. VVLG., Marc., 13, 35-37 : « Veillez-donc, car vous ne savez pas quand le maitre de la maison va venir, le soir,

ge



à minuit, au chant

du coq ou

le matin, de peur que, venant à l'improviste, il ne vous trouve endormis. Et ce que je dis à vous, je le dis à tous : veillez ! » Voir aussi Matth., 24,

425; 25,13-15 ; Luc., 19, 12-13 ; 12, 38, 40.

501

J|

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

justice. Déjà placé dans le ciel, parmi les astres, cet oeil sommital annonce les récompenses qui attendent les bons

chefs d'état dans le songe de Scipion de Cicéron (Rep., 6, 13), puisque « Ceux des hommes qui administrent et assurent la conservation des cités, issus du ciel, y retournent ».

Sous la section de la pyramide, reposant elle-méme sur les astragales, le lecteur apprend ensuite que la crepido

sert de base à l'ensemble (v. 6). C'est le terme exact qu'emploie Pline pour décrire le piédestal des obélisques

(cf. Nat., 3, 36). Ce solide quadrangulaire se caractérise par sa stabilité inaltérable (cf. immota, v. s ; intrepide, v. 6 ; non quatitur, v. 8). L'adjectif solidus fait d'ailleurs le lien entre les astragales (solidis... astragalis, v. 2) et la

vertu (qualifiée aussi de solida au vers 9). La crepido est un symbole de la uirtus.

Outre le fait qu'elle comporte quatre angles, cette base présente une autre caractéristique, qui joue d'ailleurs

avec le sens figuré de continentia : évidée à l'intérieur, elle semble contenir (continet, v. s) des restes humains

(Corporeos sensus reliquos), en réalité « les autres sens humains ». Le reliquos n'indique pas « des restes », mais bien « tous les autres », puisqu'il a été question de l'oeil (et donc de la vue) auparavant, au sommet de la pyramide. Cette ambiguité qui laisse croire à un tombeau se retrouve d'ailleurs dans la gravure. Le cube comme sépulcre des sens, qu'aucune force (non ui) ni aucun assaut (non ullo impete) ne peuvent ébranler, évoque une autre pierre célebre, le socle du dieu Terme, qu'on n'a pas pu arracher de sa cella, lors de la construction du temple de Jupiter sur le Capitole, sous Tarquin le Superbe. Cet épisode fut interprété comme gage de la stabilité

du futur État romain'?5,

Mais, par ailleurs, le dieu Terme

est directement

associé à la mort:

il marque

précisément et irrémédiablement le moment où finit la vie humaine, moment qui en est le juge et qui va décider,

aprés la mort du corps, si l'àÀme mérite ou non de rejoindre son lieu originel'^*., II faut d'ailleurs noter que la

meta, ou pyramide de bornage dans les cirques, est, elle aussi, associée à l'idée de terme, y compris terme de la

vie, puisqu'à Rome, comme acclimatation des tombeaux égyptiens, elle est directement un symbole funéraire,

comme nous l'avons rappelé plus haut. Mais outre sa vocation sépulcrale, le cube, symbole de la Virtus de l'homo quadratus, sert aussi à transcrire visuellement le parfait équilibre (secura manet, v. 11) que la constantia et la

continentia, en plus de la hauteur, apportent à la mens (v. 11)'5 lorsque celle-ci a relégué à leur place les sens et

s'est délivrée de la peur que suscitent les passions (nec timet, v. 12). Par l'image du carcer et du sepulchrum, Bocchi renverse le sens de la métaphore philosophique platonicienne (cya/ofjua), qui voit dans le corps une prison ou un tombeau pour l'áme : c'est ici la vertu qui joue le róle de la prison, chátiant et bridant les affects sensoriels, sources de passions, pour permettre à la partie supérieure de l'àÀme de prendre son essor (tollit honoratum caput, v. 10). Comme meditatio mortis, l'objet funéraire devient méthode d'existence. Nous avions vu dans l'analyse de la gravure du Symb. 48 que la classification hiérarchique des sens rapportée par Aristote à

travers Macrobe'?"" était transcrite dans l'image sous la forme de degrés successifs et décroissants qui conduisent

à l'obélisque, tandis que, sur ces marches, venaient s'inscrire, comme des hiéroglyphes sculptés, des images des cinq sens. Les reliqui corporei sensus dont parle l'épigramme de l'embléme 97 désignent toutes les facultés

sensorielles liées au corps, hormis la vue : toucher, goüt, odorat, ouie. Si la vue manque parmi les autres sens

eafermés dans le cube, c'est que l'ceil s'est transposé ailleurs, au sommet de la pyramide, pour assurer des

fonctions non plus corporelles mais noétiques : il devient ici vraiment l'oculus mentis ou oculus contemplationis (ou encore apex mentis), la pointe de l'àme qui s'ouvre au divin'^?, On voit ici l'ambiguité des symboles : on

passe progressivement d'une composition associant deux qualités positives (Gloire et Vertu) à une allégorie plus générale de l'Àme humaine équilibrée par ces deux qualités. Pour comprendre la division entre crepido et pyramis, il faut se reporter à la description des facultés de l'Àme par Ficin: le philosophe distingue la pars

1536 pour la popularité du motif solonien du dernier jour qui juge de tous les autres, voir ALCIAT, Emblemata, « Terminus >. Érasme avait luieroi choisi Terminus comme devise, et il s'en explique dans la lettre à Alfonso Valdés du 1° aoüt 1528 (éd. Allen, n? 2018). Cf. SEN,, Epist., 76, 17 : ualidiorem animum et excelsiorem facit uirtus : 1538 MACR, Sat., 2, 8, 10-11. Voir aussi GELL., 19, 2, 1-2. 1539 i : , Voir notre anayse du Symb. 151. Valeriano dis rappelle l'oppositi on entre ceil de l'Àme et ceil du corps chez Platon, ce qui éveille, de fait, des r cmm néotestamentaires dans les Hieroglyphica, 19, P. 141€ : « Tu pourrai s trouver une idée semblable chez Platon, lorsque Socrate dit que ! ceil de 'áme saine commence à bien voir au moment précis oü l'oeil du corps commence à n'y voir plus ». fal

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l'autre (idolum), constituée par les sensus et les facultés vitales de croissance, génération et nutrition?^*, La

crepido devient donc un symbole de la pars prima tandis que la pyramis signifie la pars secunda, aspirant indispensable à l'équilibre de l'ensemble, et donc de avec la premiere que les relations les plus réduites et par les astragales. Comme dans le Symb. 48, l'alliance du cube et de la manifester la complémentarité à la fois essentielle et pour qu'il y ait la gloria, de la méme maniere que la que parce que la crepido lui préexiste et stabilise tout elle (nixa, v. 9) Cette préséance

de l'àme, qui trouve dans la Vertu une forme de stabilité, au divin, porteuse de Gloire. La stabilité de la pars prima est la pars secunda. Mais en méme temps, cette pars secunda n'a les plus ténues possibles : quatre points de contact, marqués pyramide, sous la forme d'un étrange obélisque, sert donc à chronologique entre uirtus et gloria : il faut d'abord la uirtus pyramide ne peut se dresser de toute sa hauteur vers le ciel l'édifice au sol. La pyramide de gloire vient ensuite se river à

entre les deux vertus est également

soulignée par l'image cicéronienne

de

l'ombre suivant le corps dans le Symb. 42, et par le temple de Virtus qui précéde celui d'Honos dans le Symb. 335. Mais l'étrange obélisque dessine simultanément une allégorie de l'àme équilibrée gráce à l'usage combiné des deux vertus : la pars prima est reléguée et stabilisée au niveau inférieur par la uirtus, et la pars secunda, placée au niveau supérieur et qui se porte naturellement vers l'univers céleste, poussée par la gloria. Alors seulement la Mens secura manet « l'àme demeure en sécurité », délivrée de la peur de la souffrance, de la mort et des changements de fortune. La formule méme rappelle la formule virgilienne, mens immota manet (Aen., 4, 449),

destinée à devenir un véritable topos emblématique au XVI s. et qu'on trouve par exemple chez Alciat, lohannes Sambucus, Goeffrey Withney ou Otto Van Veen. Mais il est encore un point que l'épigramme aborde : la relation de l'áàme et des vertus aux phénoménes extérieurs. À la stabilité et au caractére anguleux et pointu de la pyramide/obélisque, s'oppose, dans les vers 7-8, l'évocation de tout un ensemble de formes circulaires (uorticibus), labiles et fluctuantes, qui, sous l'aspect d'éléments naturels, matérialisent le caractére imprévisible de la Fortune (undis/ Fortunae, v. 11-12), qui se

retourne sans cesse et change de direction (casus... ancipites, v. 12) : il s'agit de l'air des tempétes (ui uentorum

ualida), de la violence des courants et des tourbillons du Tibre (Tybridis... impete... rapidis uorticibus).

La gravure tire parti de cet ancrage romain. La pyramide/obélisque qui occupe la gauche du champ visuel rappelle fortement celle du Symb. 48. On y retrouve notamment la méme séquence de formes : un cube, quatre astragales, le füt pyramidal proprement dit et un objet sommital. Il faudra se demander quel sens donner à ce redoublement : les paires sont rarement le fait du hasard chez Bocchi et l'on connait par ailleurs le goüt de l'épigramme hellénistique ou romaine pour les séries en forme de théme et variations. Rien n'interdit de penser que ce goüt pour la répétition et les décalages contamine également les images emblématiques. Comme nous l'avons noté ci-dessus, l’eeil a remplacé la sphére au sommet du monument et l'escalier-socle pyramidal du Symb. 48 oü venaient s'inscrire les cinq sens, signe d'une hiérarchisation et d'une domination progressive, a disparu : les sens en question sont ici figurés à l'intérieur de la crepido, sous la forme d'une main (le

toucher) et d'une téte sans ceil, avec un nez, une bouche et des oreilles pour figurer l'odorat, le goùt et l'ouie. Mais c'est le décor autour de ce gnomon qui ne manque pas d'intriguer à premiére vue, car le monument est

placé au milieu du cours d'un fleuve, que le texte nomme sans ambiguité Tybris, le Tibre. Tout dans l'image vise en effet à évoquer Rome par des signes caractéristiques. Le dieu Tibre bien sür, barbu et nu, avec sa rame, son urne et sa corne d'abondance, ainsi que la présence, à ses cótés, de la louve allaitant Romulus et Rémus,

renvoient sans doute possible à la statue antique colossale découverte au Champ de Mars en 1512, entre Santa

Maria sopra Minerva et San Stefano del Caco, sur l'ancien emplacement de l'Iseum Campense (Fig. 1). Au

1535 VoirVr Car. apud FEST., 160L ; LiV., 1, 55, 3-4 ; Ov., Fastes, 2, 667-676 ; D. H., 3, 69, 4-5.

é

secunda, plus noble, qui englobe l'Intellectus et la Ratio et/ou Phantasia, et la pars prima, simple « ombre » de

méme endroit, une année plus tard, on mettait à jour une statue du Nil, dont les similitudes avec la preme

laissent penser à un ensemble'5'. Précisons toutefois qu'en dehors de la sculpture, on pouvait trouver d'autres 55? Voir P.- O. Kristeller, Il Pensiero filosofico di Marsile Ficino, Florence, 1953, p. 404- -

'

:

5! Voir J. Le Gall, Recherches sur le culte du Tibre, Paris, 1953, p. 3-22 ; pour l'association du dieu fleuve, de la louve et des deux jumeaux sur

d'autre monuments, voir p. 23-34. Voir également R. Turcan, L'Art romain, Paris, 2002, p. 134 et P.P. Bober, R. O. Rubistein, Renaissance Artists and Antique Sculpture, Londres, 2010", n° 66 « River God Tiber » ; n° 67, « River God Nile », p. 113-115.

s03

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

représentations de cette divinité : ainsi, le revers d'un sesterce de Vespasien présente l'allégorie traditionnelle de Rome, casquée et assise, entourée des sept collines, avec à ses pieds le dieu Tibre et la louve allaitant les jumeaux (Fig. 2) ??. L'obélisque au milieu de Tibre, avec le Cháteau Saint-Ange en arriére-plan, rappelle la Meta Romuli, qui lui était

en effet toute proche (aujourd'hui disparue), ainsi que le montrent les plans de Rome'?? : le monument passait

pour avoir abrité les restes du fondateur de Rome et de nombreux paralléles étaient établis avec la présence non loin delà dela tombe de Saint Pierre, fondateur non de Rome mais de la nouvelle foi'^**. Enfin, le Cháteau SaintAnge lui-méme, l'ancien mausolée d'Hadrien (encore un édifice funéraire), ne saurait étre là par hasard, méme

si la gravure n'en représente qu'une partie. On peut en effet distinguer une partie du pont Saint-Ange, avec une statue, sans doute celle de l'Apótre Paul. On sait qu'aprés le sac de 1527, Clément VII fit remplacer les deux

chapelles dédiées à Pierre et Paul à l'entrée du pont par deux statues correspondantes^*. On remarque

également le Torrione construit par Nicolas V en 1445, qui garde l'entrée du pont et joue le róle de poste

avancé'^*. On notera enfin l'extraordinaire effet d'écrasement que propose la gravure : la masse immense des deux tours, telles des donjons, est relayée par le spectacle de murailles crénelées qui semblent se démultiplier et de murs d'enceinte escarpés. En guise de relais avec la pyramide, ces éléments sont placés là pour suggérer au spectateur la vision du sage (le pape) retiré dans sa citadelle fortifiée et observant de loin les tourbillons du monde. Mais ce n'est pas une vision désincarnée qui nous est proposée, mais bien un décor ancré dans une actualité historique. Quelle peut-elle étre ? Pour comprendre le sens de l'allusion historique, il est nécessaire de prendre en compte plusieurs détails pour le moins curieux.

Fig. 1 > Statue du Tibre découverte à Rome sur l'Iseum Campense, Paris, Musée du Louvre.

étendards du Torrione, hissés sur des máts. De cette maniere, le parallele entre l'obélisque et le Cháteau SaintAnge est explicitement signifié : de méme que rien n'ébranle l'obélisque, rien n'ébranle le bátiment papal. Tout en atténuant la valeur funéraire de l'obélisque, Bocchi en conserve la symbolique morale héroique. Le message implicite se déchiffre plus clairement à la lumiére des événements de 1527. Le sac de Rome fut en effet une véritable tempéte qui a soufflé sur les fondations de la papauté, à la fois contestation idéologique dans la mesure oü l'assaut des lansquenets et de Charles de Bourbon remettait en cause le pouvoir temporel du pape, mais aussi contestation géographique dans la mesure oü cet assaut était dirigé contre le monument qui incarne la perpétuité et l'assise méme de ce pouvoir, le Cháteau Saint-Ange, résidence du pape. La gravure invite le lecteur à lire dans les différents éléments le message suivant : l’àme solide et ferme de Clément VII, qui a dominé les sens, demeure inébranlable face aux revers de fortune qui l'assaillent et s'acquitte du devoir fondamental de prouidentia exigé du souverain-pontife. De méme, le cháteau Saint-Ange, sa résidence emblématique, demeure indestructible. C'est d'ailleurs impavide que Clément VII apparait sur une gravure de 1555 d'aprés Marten van Heemskerck, alors que les lansquenets de Charles Quint, à l'entrée du pont, braquent leur canon sur l'édifice (Fig. 3) : ce sont sans doute eux, bien qu'invisibles sur la gravure, que semble regarder le dieu Tibre. On peut supposer que, de maniére plus générale, la gravure et son épigramme invitent le destinataire à une forme de paix intérieure, mais aussi de confiance dans l'avenir de la papauté : participant aux débats du Concile de Trente, Pompeio Zambeccari doit savoir que c'est une institution soumise aux tempétes, dont les événements de 1527 constituent une sorte de référence générique. À l'image du pape-sapiers, il doit lui aussi édifier en lui-méme l'obélisque de la gloire vertueuse.

Fig. 2 > Sesterce de Vespasien, 71 apr. J.-C., avec au R./ : SC ROMA ; Rome assise sur les sept collines, tenant un sceptre, avec la louve, les deux jumeaux et le Tibre.

En effet, le dieu Tibre n'est pas allongé sur le cóté, sa position traditionnelle. Il se tourne aux semble regarder quelque chose qui surgit à l'entrée du pont et qui n'est pas représenté. D'autre dont il est question dans l'épigramme, sont figurés sous la forme habituelle de figures joufllues l'une en direction de la pyramide, ce qui va bien dans le sens du texte, tandis que la seconde

trois-quarts et part, les vents, qui soufllent, s'attaque aux

Fig. 3 > D. VOLKERTSZ COORNHERT d'aprés un dessin de Marten Van HEEMSKERCK de 1527, Siege

deux jumeaux ; à d. : le Tibre (RIC 108, BMC 774). 59 Sur ce monument, qui fut appelé successivement la memoria Romuli, le sepulchrum Romuli, la pyramis Romuli, avant d'apparaitre sous le nom de meta Romuli sur un plan d'Hermann Schedel (Nuremberg, 1493), et dans l'Opusculum de mirabilibus nouae et ueteris urbis Romae (Rome,

1510) de Francesco Albertini, voir S. Ball Platner, T. Ashby, A Topographical Dictionary of Ancient Rome, Oxford, 1929, p. 340, qui fournissent

les sources, et B. M. Peebles, « La “ Meta Romuli ” e une lettera di Michele Ferno », Atti della Pontificia Accademia Romana Rendiconti, 12, 1936, p. 21-36. Voir aussi notre analyse du Symb. 48

di Archeologia

'** Voir N. Temple, Renouatio urbis. Architecture, Urbanism and Ceremony in the Rome of Julius II, New York/Abingdon, 2011, p. 14-25 (« Inter

duas metas ») et p. 275 note 13. 55 Pour le sens symbolique de cette métamorphose, voir A. Chastel, Le sac de Rome, 1521, Paris, 1984, p. 269-273. 1546 Voir A. M, Frutaz, Il Torrione di Niccolò in Vaticano, Rome, Vatican, 1956.

$04

Cháteau

Saint-Ange,

gravure

(4*

état),

1555-1556

(15,6

X

232

cm),

Amsterdam,

Rijskmuseum.

1542

n . ‘? 71 ap. J.-C., avec au R./: Roma assise àt d. sur les sept collines, appuyéet sur sa main. d., et tenant un sceptre dans la g. ; à g. : la louve et les

du

C'est donc non seulement aux relations entre Gloire et Vertu et au portrait intérieur de l'àÀme que s'intéresse

l'embléme, mais également aux rapports entre la Vertu, la Gloire, et plus généralement l'áme, avec la Fortune :

Fortune ici n'a Le monument figuration d'un uentorum nous

pas de pouvoir contre l'àme et ses vertus, de méme que l'obélisque résiste contre vents et marées. bocchien, battu des vents et soumis à l'assaut des courants, ne prend son sens que comme refuge intérieur, la « citadelle du sage », établie contre les assauts du sort. La mention de la ui invite à rapprocher l'objet concu par Bocchi de la girouette du Poliphile, qui ECC sur le

pouvoir allégorique des mémes formes : une statue de l'Occasio, comme

une girouette, couronnait ] Sdifice

pyramidal décrit par Poliphile. Mais cet agencement demeure parfaitement ambigu : située au sommet, Occasio

SOS

"Traduction, annotation, commentaire - Livre IV

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

peut apparaitre comme la reine du monde, gouvernant tout et soumettant l'univers à ses caprices, au gré des vents; ou bien, attachée au reste de l'édifice par une pointe ténue, elle représente la conjuration ou la sublimation du sort par les valeurs mathématiques, obligée de répandre les bienfaits de sa corne d'abondance sans pouvoir s'écarter du point d'attache auquel elle est assignée.

— Dans une autre lettre, datée de mars

personnages mentionnés, voir notre introduction générale) : Quod de commendatione mea et existimatione nobis apud heroas hosce [i. e. Farnesios] colligenda polliceris, accipio libentissime. Spero enim hac ratione nobis haud dubié profici. Apud nostros, idem ego quoque facere non intermissi

hactenus, nec intermittam, donec aliquid fiat. Phil. Archintum, Sebastianum Pighinum, Iacobellum philosophum, Io. Michaelem Sarracenum Archiepiscopum Materanum, Lippomanum Veronensem episcocum singillatim priusque

Gravure : Une quéte trop curieuse des mystéres mene à la mort

Bononia discederent adiui. Et iis ipsis consilia nostra omnia de Academia Farnesiorum auspiciis instituenda atque exaedificanda summatim exposui, rémque omnem tibi explicandam reliqui. Itaque fac, obsecro, uiros ut hosce clarissimos et optimos uirtute, auctoritate orationéque tua confirmes, deducas, impellas quo uolumus. Omnes egregié animatos ergà nos inuenies, praesertim Pighinum, Archintum, Iacobellum, quibuscum secretiora quaedam communicaui, ne forent ignari meae propensissimae uoluntatis in Farnesium nomen immortale. Omnes ii polliciti sunt quoque primo tempore

*

omnem suam operam diligentiámque ut à Pauli Max. benignitate nobis aliquid impetrent auxilii, ne conturbare fortunas

AU TRÉS SAGE CARDINAL SEBASTIANO PIGHINO

inopia coacti tandem ab opere tanto támque praeclaro desistamus.

À qui Dieu permit-il de voir les célestes royaumes ?

Quant à la promesse que tu fais d'obtenir une recommandation pour moi et un avis favorable pour nous auprés de

Si un homme, bien téméraire, avait un jour l'audace

ces grands héros, je l'accueille trés volontiers. J'espére en effet que, de cette maniere, notre affaire avancera sans

aucun doute. De mon cóté, je n'ai pas jusqu'à présent cessé de faire la méme chose auprés de nos concitoyens, et je ne m'arréterai pas avant que quelque chose ne se passe. Je suis allé trouver un à un Philippo Archinto'^", Sebastiano Pighino, le philosophe [Iacobus] Iacobellus'5*, Giovanni Michaele Sarraceno'**?, archevéque de Matera et [Aloysius] Lippomani'5*, évéque de Vérone, avant qu'ils ne partent de Bologne. Et je leur ai exposé à gros traits, à chacun personnellement, tous nos projets concernant l'institution et l'édification d'une académie sous l'auspice des Farnése ; je te laisse le soin d'expliquer chaque détail. Fais en sorte, je t'en prie, par ta vertu, ton autorité et ton discours de convaincre tous ces illustres et excellents individus, de les amener et de les pousser dans la direction oà nous voulons aller. Tu les trouveras tous remarquablement bien disposés à notre endroit, surtout

D/y porter ses regards, tout son esprit aurait beau tendre 5

Sa pointe sans ciller, soudain, en plein effort, infirmes, Sesyeux défaillent puis, blessés, au cceur du jour radieux, Se recouvrent d'un voile, tout comme si, par le regard,

L'on tentait follement de saisir les traits d'Apollon. Aussitót la vue s'émousse et une blanche lumiére

Se méle peu à peu aux noires ténébres. Lumiére 10 Etténébres s'affrontent ; bientót, ceignant les tempes, plane Un brouillard qui tend sur les yeux le noir le plus complet. La gloire de l'éclat divin brisera aussitót Qui tentera ainsi d'en contempler la majesté. 15

(f° 251^), aprés le transfert du Concile de Trente à Bologne,

Sebastiano Pighini est mentionné, avec quelques autres, comme l'un des hauts dignitaires sollicités par Bocchi pour servir d'intermédiaires et obtenir de Paul III des subsides pour son académie (pour l'identification des

Symb. 98

Sur l'image : Voici mon fils

1548

Là, au sommet du mont, lieu oü Pierre se reposa, T'assisteront, Moise, auteur des lois, ainsi qu'Élie. Là, pour Dieu victorieux, tu mettras un trophée sublime.

MÉTRIQUE Hexamétres dactyliques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET SUR LES MANUSCRITS - La premiére partie du texte vient des dix premiers vers remaniés (voir apparat critique) d'une piéce de jeunesse, intitulée « De Ioue », tirée des Lusuum libri duo (Vat. Lat. 5793, £° 44v?-451? = V) dédiés à Jules de Médicis. La suite du poéme « De Ioue » du manuscrit V (v. 44-54) a été exploitée dans le Symb. 8, qui reprend

Pighino, Archinto et Iacobellus, auxquels j'ai confié mes intentions plus secrétes, pour qu'ils ne soient pas dans l'ignorance de ma trés forte volonté d'immortaliser le nom des Farnése. Ils m'ont tous promis que, à la premiére

occasion, ils mettraient toute leur énergie et leur empressement à obtenir pour nous quelque appui de la bienveillance du souverain pontife Paul, pour éviter que, contraints de bouleverser nos bonnes fortunes par manque de moyens, nous ne finissions par abandonner un projet si important et si illustre. NorES

- ded. carm: SEBASTIANO

PIGHINO

CARD«INALI»] Aprés des études de droit, Sebastiano Pighino ou

Pighini (1500-1553), né dans la province de Reggio en Émilie, devient chanoine à Capoue puis est nommé

auditeur de la Rote romaine (tribunal pontifical) par Paul III. Il est nommé évéque de Ferentina puis d'Alife en 1546 puis envoyé comme nonce auprés de Charles Quint à Augsbourg en 1548. Il est nommé archevéque de Siponto (Manfredonia) par Jules III en 1550, puis cardinal in pectore en 1551 et enfin cardinal-prétre de San

Callisto en 1552. En mars 1551, il est nommé nonce par Jules II, avec Aloys Lippomani, évéque de Modéne,

pour accompagner, à égalité de responsabilités, le légat-président de la seconde session du Concile de Trente

(1551-1552), le cardinal Marcello Crescenzio. Ami de Bocchi, il fréquente le cercle littéraire qui s'est constitué

l'allusion homérique aux deux jarres à l'entrée du seuil de Zeus, qui répandent biens et maux sur la terre. Bocchi

se sert ici de la description toute paienne de la majesté fulgurante de Jupiter pour décrire celle du Christ

apparaissant lors de l'épisode de la Transfiguration. On notera que dans l'une des Lettres d'Achille Bocchi à Romolo Amaseo (Milan, Bibl. Ambros., ms D. 145 in£, f 481^), Bocchi cite approximativement deux vers de l'embléme (v. 12-13) à propos de la gloire de Paul III : Scripsi ad eum [i. e. Alexandrum Maiorem], quando tibi uisum est, mihi uerà (ut ingenué fatear) oculi nescio quo pacto caligant in hoc tanto fulgore, in quem tamen, te duce, sum ausus intueri, neque reformidaui symbolum illud nostrum : qui maiestatem scrutatur, opprimetur a gloria.

506

au service 1547 Aprés des débuts à Milan, oi il manifeste ses tendances pro-impériales pour Charles Quint, Filippo Archinto (1500-1558) entre

de Paul III en 1535, puis à celui de Jules III. Nonce apostolique à Venise entre 1554 et 1 556, il est nommé

à cette date archevéque de Milan,

mais ne put pas prendre ses fonctions suite à des pressions de la part de la curie locale. Voir G. Alberigo, « Archinto, Filippo », DBI, t. III, 1961.

55 Ou Iacobus Misnensis ou de Misa, évéque de Belcastro en Calabre. 5? Archevéque napolitain de Matera puis d'Acerenza.

1550 Évàque de Modon (Méthoni en Gréce), Vérone et Bergame, l'un des présidents du Concile de Trente.

507

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire - Livre IV

autour de Sebastiano Corrado et de Giovanni Battista Egnazio'55'. Maria Bianchelli Illuminati (p. 213), parle du cardinal Pighi.

- 14-15 : Petro... tibi... aderunt] Maria Bianchelli Illuminati (p. 213) construit Petro et tibi sur le méme plan, et

introduit une comparaison qui n'est pas mentionnée dans le texte latin : « come a Pietro, cosí a te ». Elle semble faire de requies le complément de aderunt: « daranno pace ». En réalité, Petro est un datif marquant la possession et complétant requies : hic [est] requies Petro, « ce lieu est le repos de Pierre » et tibi compléte aderunt « seront à tes cótés », « t'assisteront ».

ANALYSE

Comme les Symb. 39 et 138, le Symb. 98 est une condamnation de l'impia curiositas et une célébration de l'amor

diuinus non pas comme ascension progressive de l'intelle& jusqu'à la contemplation de Dieu, mais comme anéantissement de la uoluntas au profit de l'expérience religieuse de la Gráce. Dans les treize premiers vers, le texte propose un petit dispositif expérimental qui se sert de l'image platonicienne du soleil irradiant pour mieux en renverser l'interprétation traditionnelle comme époptie du sage parvenu au terme de l'activité contemplative: tenter de regarder le Dieu chrétien dans toute sa gloire revient à essayer de regarder le soleil/Apollon en face (v. 7: Apollineos... comprendere uultus), c'est-à-dire rencontrer, au lieu de la pleine lumiére de la contemplation, les ténébres de la cécité et de l'incapacité. L'idée que les sens humains ne sont pas capables de saisir la majesté divine est une idée énoncée dans les Proverbes de Salomon (25, 27, voir apparat critique), qui effectue une comparaison avec le gourmand qui mange trop de miel et que son estomac rend malade. Chez Bocchi, la comparaison entre gloire divine et soleil se marque par la comparative hypothétique introduite par ut si quis (v. 6). Un second parallele, entre vision paienne et gloire chrétienne, est souligné par l'adverbe comparatif sic (v. 12). Le poéme met en valeur l'intensité des efforts humains (intenta, v. 3 ; Totius, v. 4; conatibus, v. s ; tentet, v. 7), le bras de fer qui se joue avec les éléments, lumiére et ténébres, et la ruine

progressive (ecce ; paulatim ; mox) mais inéluctable des sens humains, évoquée avec le vocabulaire de la maladie

physique (infirma, v. 4 ; aegra, v. 5) et mentale (v. 7 : demens). Le texte insiste sur le sacrilége (fas, v. 1), l'impiété et la démesure (curiosus, tit. picl.; temerarius audeat, v. 2) qui caractérisent une telle démarche, opposant

radicalement raison et foi. La derniére partie du texte (v. 14-16) fait allusion à la Transfiguration, un épisode religieux oü l'incapacité humaine à contempler Dieu est particuliérement soulignée. Les trois évangélistes qui rapportent l'événement

s'accordent sur le déroulement de cette théophanie (voir apparat des sources)?*. Pierre, Jacques et Jean

montent avec Jésus sur le Mont Tabor pour prier. Le visage du Christ se transforme alors et ses vétements

deviennent éblouissants ; il s'entretient avec Moise et Élie ; Pierre propose de dresser à Jésus, Moise et Élie trois

tentes ; une nuée surgit pour leur présenter le Christ comme le fils de Dieu ; lorsque chacun revient à lui, ils ne voient que Jésus, qui leur demande de ne rien dire jusqu'à sa résurrection, terme que les apótres ne comprennent pas. L'examen de certains détails des différentes narrations ne manque pas d'étre instructif. Ainsi, au cours de la transfiguration, Marc et Matthieu indiquent que les vétements du Christ deviennent blancs (splendentia candida; alba) comme neige (uelut/sicut nix). Mais Matthieu précise que cet éclat concerne également le visage du Christ, qui rayonne alors comme le soleil (resplenduit facies eius sicut sol). De plus, si tous

décrivent l'arrivée d'une nuée qui les engloutit, seul Matthieu joue sur le paradoxe de l'éclat et des ténébres : ecce

nubes lucida obumbrauit eos. Enfin si, pour Marc, c'est la peur qui fait que Pierre, qui veut élever des tabernacles,

ne sait pas ce qu'il dit (enim timore exterriti), pour Matthieu, cette peur est inspirée par la voix qui sort de la nuée (audientes discipuli ceciderunt in faciem suam et timuerunt ualde), tandis que pour Luc, c'est la nuée elle-méme qui

suscite la terreur (et timuerunt intrantibus illis in nubem). Quant à Luc, c'est le seul à employer le terme maiestatem pour désigner le changement d'apparence du Christ (uiderunt maiestatem eius), et à mentionner que les disciples sont tirés de leur sommeil par cette apparition (grauati erant somno et euigilantes). Il est clair que les textes évangéliques narrant l'épisode de la transfiguration contiennent déjà les motifs iconiques signifiants choisis par Bocchi, qui les fait entrer en résonance avec les thématiques et les images de Ficin: la face de Jésus comparée au soleil aveuglant; le motif de la pleine lumiére à laquelle succédent les ténébres, qui permettent à Dieu le Pére de se manifester sous la forme d'une voix. Mais quelle interprétation tirer de cet épisode ? D'un point de vue philosophique, Bocchi abandonne ici trés clairement l'idée d'une connaissance de Dieu par l'intelle& humain, incapable de se hisser aux dimensions de son objet. Comment parvenir à Dieu ? Méme si Bocchi n'en parle pas ici, les textes nombreux oü il est question de l'amor Platonicus apportent implicitement une réponse : Dieu ne peut étre connu que par la volonté, guidée et éclairée par l'amour. Or, l'emblématiste rencontre les positions du Ficin de la maturité, exposées par exemple dans la Théologie platonicienne (ou le De Felicitate) : celles-ci sont davantage tournées vers l'expérience mystique de l'amour de Dieu et le primat de la volonté que vers l'intellect et l'appréhension rationnelle de la vérité qu'on peut déceler dans les écrits antérieurs, comme le commentaire au Philébe. Dans le De Felicitate, Ficin insiste par exemple sur le fait que l'intellect réduit l'objet qu'il contemple à ses dimensions, alors que la volonté et l'amour

transcendent les capacités humaines'^?, Au fond, le Symb. 78 sur Ganyméde dont Dieu s'éprend de la pietas et

qu'il comble de volupté par un rapt céleste constitue le pendant de la transfiguration : non pas essayer de raisonner et de comprendre, mais s'abandonner aux transes de l'amour. On rapprochera ces positions des conclusions auxquelles parvient, par des voies trés différentes, le scepticisme d'un Jean-Frangois Pic de la

Mirandole qui, au nom de la foi, brise l'édifice des connaissances rationnelles (voir son De Studio diuinae et

humanae philosophiae de 1496, ainsi que son Examen uanitatis doctrinae gentium et ueritatis Christianae disciplinae de 152055*), D. Arasse, s'intéressant au contexte religieux qui préside à l'exécution de la Transfiguration de Raphaél, sur laquelle nous reviendrons plus loin, a souligné la parenté, dans les années 1520, entre les conceptions spirituelles de l'Oratoire de l'Amour divin, autour du Cardinal Caraffa, mettant en avant l'extase mystique d'une Catherine de Génes ou d'un saint Gaétan, le valdésianisme et la spiritualité des alumbrados arrivés en Italie, et le

néoplatonisme plus tardif de Ficin, que nous venons d'évoquer^*. Nous avions vu d'ailleurs que, dans les

Symb. 20 et 79 de Bocchi, l'amor platonicus ou diuinus, si proche de la moderna deuotio érasmienne, relevait plus

d'une expérience intuitive et quasi sensuelle, proche de l'extase, que de la véritable initiation philosophique. Mais le passage répond sans doute à une réflexion religieuse plus précise encore. Les Péres de l'Église qui commentent le passage se montrent sensibles à deux éléments : l'ascension de la montagne et le sommeil qui accable les disciples, si bien que l'on se demande s'il s'agit d'une véritable apparition ou de la clarté d'un réve. Pour saint Ambroise, le sommeil des disciples s'entend comme l'anéantissement de la chair, qui seul permet d'accéder à la spiritualité. L'apparition n'a pas pu étre observée par les yeux du corps'?**. La transfiguration 55 Opera omnia, p. 663 : Proinde cognoscendo Deum eius amplitudinem contrahimus ad mentis nostrae capacitatem atque conceptum, amando uero mentem

amplificamus ad latitudinem diuinae bonitatis immensem,

« Par conséquent, par la connaissance de Dieu, nous tentons de réduire son

extension à l'atptitude de notre àme et de notre entendement, alors que par l'amour, nous dilatons notre áme à la mesure immense de la bonté divine », cité par P. O. Kristeller, II pensiero filosofico di Marsile Ficin, Florence, 1953, p. 293. 5* Voir C, B. Schmitt, Gianfrancesco della Mirandola (1469-1533) and his Critique of Aristotle, La Haye, 1967. Sur ce courant, voir M. Granada,

« Apologétique platonicienne et apologétique sceptique : Ficin, Savonarole, Jean-Francois Pic de la Mirandole » dans P.-F. Moreau (dir.), Le

scepticisme au XVI et XVII siécle. Le retour des philosophies à l'áge classique (II), Paris, 2001, p. 11-47.

555 D, Arasse, « Extases et vision béatifiques à l'apogée de la Renaissance : autres images de Raphaél », Mélanges de l'École francaise de Rome,

!! Voir A. Guido, « Il Cardinale Sebastiano Pighini. Sua vita e rapporti con Ercole II, duca di Ferrara, e con la Comunità Reggiana », Bollettino

Storico Reggiano, 73, 1991, p. 17-58 ; G. Pagliani, Cenni intorno alla vita ed alle opere del Cardinale Sebastiano Pighini e dell'Umanista Sebastiano Corradi ambi di Arceto, Reggio Emilia, 1905 ; L. Cardella, Memorie storiche de' cardinali della Santa Romana Chiesa, Rome, 1793, t. IV, p. 320322 ; H. Biaudet, Les nonciatures apostoliques permanentes jusqu'en 1648, Helsinki, 1910, p. 101 ; C. Eubel, G. Van Gulik, Hierarchia Catholica Medii et Recientoris Aevi, Padoue, 1960", III, pP- 33, 95, 104, 195 et 301. 1552 Voir VvLG., Marc,, 9, 1-7 ; Matth., 17, 1-9 ; Luc., 9, 28-36

$08

Moyen Áge, Temps modernes, 1972, 84/2, p. 403-492, en particulier p. 474 sq. Selon le Ficin du Commentaire au Philébe (Opera omnia, p. 1251),

l'intelle& est supérieur à la volonté : Intellectus autem praestantior est quam uoluntas. Voir P. O. Kristeller, Il pensiero filosofico, p. 291. En

revanche, Ficin affirme dans le De Felicitate: In hac uita humanus amor in Deum humanae praestat cognitioni (O. o, p. 324). Pour d'autres citations dans le De Felicitate, voir P. O. Kristeller, Il pensiero filosofico, p. 292-293. Pour les passages de la Théologie platonicienne, voir ibid.,

P. 294-295.

555 AMBR, In Luc, 7, 17, trad. G. Tissot, Paris, 1973, t. II, p. 14: « Pierre a vu cette gráce ; ceux qui étaient avec lui l'ont vue aussi, bien qu'ils

fussent accablés par le sommeil. Car l'éclat incompréhensible de la divinité écrase le sens de notre corps. Si le rayonnement du soleil ne peut

$509

S

PP

e

”””

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

incarne

à elle seule

le plus

élevé

des

arcana:

le nombre

trois

(trois

disciples,

trois

tentes,

trois

figures

d'apparitions), allié ou opposé à l'un (un seul est le Filius Dei), est une manifestation du mystére de la Trinité!557,

De plus, la valorisation de l'ascension sur la montagne, doublée de l'évocation de la blancheur fulgurante de

l'apparition divine, permet à l'ensemble du récit d'apparaitre aux yeux des Péres comme la sublimation de

l'Ancienne Loi (Moise) et de son Verbe (Élie). Celle-ci s'accomplit dans l'avénement christique et le passage

pour les disciples du terrestre au céleste, de la Lettre à l'Esprit, de la Folie à la Sagesse, de l'aveugleme nt au discernement — non par les yeux, mais par le cceur (ou la volonté et l'amour) - : Si enim legas legem, hoc est Moysen, si prophetas legas, hoc est Heliam, et non illos intellegas in Xpisto, et non intellegas quomodo Moyses loquitur cum Iesu, quomodo Helias loquitur cum Iesu, sed intellegas Moysen sine Iesu et Heliam sine lesu, et quomodo ei non adnuntiant passionem : nec in montem conscendunt Moyses et Helias, nec habent candida

uestimenta, sed tota sordida sunt. [... ] Si lego Genesim, si lego Exodum, si Leuiticum, si Numeros, si Deuteronomium, quamdiu carnaliter lego, deorsum mihi esse uideor ; si spiritualiter intellexero ad montanam conscendo. Vides ergo

quomodo Petrus et Iacobus et Iohannes uidentes sese esse in monte, hoc est in intelligentia spirituali, humilia et humana

contemnunt, excelsa et diuina desiderant : nolunt ad terram descendere, sed toti in spiritalibus inmorari!55*.

Or il s'agit là d'un motif lancinant de l'évangélisme, en particulier érasmien : l'abolitio n, la sublimation de la loi

mosaique par la loi christique. Moise et Élie sont la lettre, le Christ l'esprit. Mais chronologiquement, les premiers préparent le second et aident à en comprendre le sens. On constatera, de plus, que l'épigramme bocchienne insiste en particulier sur la présence de Pierre (v. 14), mais ne dit rien de Jacques ou de Jean. Nicolas de Lyre, qui s'interroge sur la raison de la présence de ces trois apótres spécifiquement lors de l'épisode, souligne que Petrus enim propter feruorem fidei erat inter alios principalis propter quod et principali ter datae sunt ei claues ecclesiae ut patet precedenti capitulo, « Pierre était le premier des autres disciples pour la ferveur de sa foi ; c'est pourquoi c'est à lui en premier qu'ont été conférées les clés de l'Église, comme on le voit dans le chapitre

précédent » 59, Pierre est moins ici le fondateur du tróne pontifical que celui qui porte par excellence la fides, clé

essentielle de la doctrine évangélique. On s'interrogera sur la conclusion (v. 14-16) apportée par Bocchi, en relation avec son destinataire. La conclusion semble effectivement une apostrophe à Pighino : sur la montagne de Pierre, assisté d'Élie et de Moise, il érigera un trophée pour le Chris vi&orieux. Ce message s'adresse sans doute au cardinal qui préside les

travaux de la seconde session du Concile de Trente en 1 551 (voir notes supra). À ce poste au sommet, il se

confronte aux textes de loi à interpréter et à la logique des discussions. Mais le texte célébre sans doute sa tendance aux interprétations spiritualistes. On sait par exemple que, lors de la discussion sur les articles concernant l'Eucharistie, sur laquelle porte la XIII* session du Concile, les cardinaux-légats qui présidaient avaient été interrogés sur le sens du passage de Ioan., 6, 54 qui traite de la communion sous les deux espéces. Se

étre supporté par la prunelle de chair des yeux qui le regardent en face, comment la corruption des membres soutiendrait-elle la gloire de Dieu ? [... ] Peut-étre étaient-ils accablés de sommeil, afin de voir l'image de la résurrection aprés le repos de la mort ». 557 HreR, In Marc. [9, 1-7], 6 : [Jéróme développe les paroles de Dieu devant la proposition de Pierre

d'édifier trois tentes] ecce habes unum tabernaculum. Vide mysterium Trinitatis secundum meam tamen intelligentiam. [Jéróme reprend la parole] Nisi intellexero in Trinitate quae me saluabit, dulce mihi non potest esse quod intellego. « Tu as devant toi un unique tabernacl e. Vois le mystére de la Trinité, mais selon mon

intelligence. Sans douceur est ce que je comprends, si je ne le comprends pas dans la Trinité, qui me sauvera ». 159 HrER, In Marc. [o, 1-7], 6: « Si tu lisais la loi, c'est-à-dire Moise, et les Prophétes, c'est-à-dire Élie, sans comprendre comment Moise dialogue

avec Jésus, comment Élie dialogue avec Jésus, mais en comprenant au contraire Moise sans Jésus et Élie sans Jésus et en ne saisissant pas comment ils lui annoncent sa passion, alors, Moise et Élie ne gravissen t pas

la montagne et leurs vétements ne sont pas blancs mais au contraire salis. [ ... ] Aussi longtemps que je lis la Genése, l'Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome dans un sens charnel, je crois étre en bas : si c'est dans

le sens spirituel, je gravis la montagne. Tu vois donc

comment Pierre, Jacques et Jean, constatant qu'ils se trouvaient sur la montagne, c'est-à-dire dans l'intelligence spirituelle, méprisent les choses inférieures et humaines, mais désirent celles qui sont élevées et divines : ils refusent de redescendre vers la terre mais veulent tout entiers demeurer dans le spirituel. »

155? postilla super totam Bibliam, Strasbourg, 1492, sur Matth, 17, 1, cité par E. H. Gombrich, « The Ecclesiastical Significa nce of Raphael's Transfiguration » in J. A. Chruscicki (dir.), Ars Auro Prior : studia Ioanni Bilostocki sexagenario dicata, Varsovie, 1981, p. 241-243. Gombrich montre que la partie inférieure du tableau, où est soulignée l'impuissance des apótres en l'absence de Pierre, primatus papae, entend montrer aux Frangais, récalcitrants à reconnait

re la suprématie papale dans cette période de signature du Concorda t de Bologne, combien cette position pourrait les laisser aussi démunis que l'assemblée des apótres privée de leur princeps.

510

ralliant à l'avis de Cajétan pour qui le passage de l'évangéliste est de spirituali cibo, de spirituali potu, de spirituali manducare et bibere, Pighino s'était prononcé en faveur du sens Spirituel'^?, De la méme maniere, sur la question difficile de savoir s'il y a sacrifice au cours de la messe, le cardinal s'était prononcé pour le non, contre l'avis

général, privilégiant là encore une approche spirituelle et métaphorique5?!.

En relation avec la théologie, la transfiguration met en valeur la double nature du esprit : le visage humain du Christ devient face divine. Mais les apótres ne peuvent D'oü la nuée obscurcissante qui, comme le voile ou l'écorce de l'allégorie, vient éclatante et délivrer un message exégétique (ceci est le fils de Dieu), qui s'adresse au

symbole, à la fois chair et pas en supporter la vision. recouvrir la lumiére trop sens inférieur qu'est l'ouie.

Le mot qui clót le texte, tropaeum, est, en ce sens, révélateur. Devant la grandeur du mystére ineffable, le symbole

sert de truchement, de cheiragógia, à la maniere des symboles discordants de Denys l'Aréopag ite. Le tropaeum, c'est le symbole de victoire oà l'on accroche les dépouilles des ennemis, c'est-à-dire paradoxa lement la croix où le Christ fut suspendu à son tour. Cet instrument hideux de supplice devient le signe de la gloire et non de la défaite : objet mortifére, ancré dans la terre et le sous-sol, il est simultanément l'arbre de vie qui rachéte le péché adamique et touche au ciel (sublime). La gravure de Bonasone qui accompagne le texte s'inspire d'un célébre tableau de Raphaél. En 1517, Raphael recoit du cardinal Jules de Médicis (futur pape Clément VII et nommé évéque de Narbonne en 1515) la commande d'un retable d'imposantes dimensions, intitulé Transfiguration et destiné à figurer dans la cathédral e

de Narbonne en France, avec un autre tableau d'autel, la Résurrection de Lazare de Sebastiano del Piombo, qui se fit aider par Michel-Ange'*' Le tableau, inachevé à la mort de Raphael en 1520, fut terminé par ses éléves, Giulio Romano et Giovan Francesco Penni (Planche IV, Fig. 7) et conservé à Rome. La gravure de Bonason e

ne prend pas en compte l'intégralité du tableau de Raphaél, mais seulement sa partie supérieure, consacrée à l'évocation d'un phénoméne mystérieux et entiérement spirituel, qui abolit en quelque sorte le reste du monde. Bonasone a supprimé la partie inférieure de la peinture raphaélesque qui mettait en scéne en particulier l'épisode du jeune garcon possédé que les apótres essaient de guérir en vain et qui l'est au moment oü le Christ descend de la montagne, juste aprés l'épisode de la transfiguration. Il n'a pas repris non plus la figure des deux saints qui assistent à la transfiguration à gauche du tableau. Dans la gravure de Bonasone, les trois apótres sont couchés sur le sommet tronqué d'une montagne ou d'un immense pic rocheux étété, dont les assises puissantes viennent remplacer la partie inférieure du tableau de Raphaél, qui était dévolue au spectacle du monde terrestre. Chacun des apótres, dans une posture différente, couché, agenouillé ou presque redressé, se cache le visage ou les yeux, montrant qu'il ne voit pas réellement le spectacle qui se déroule au-dessus de sa téte. Comme le souligne E. H. Gombrich, l'apótre au centre qui, tout en protégeant sa face, tourne la téte vers l'apparition, est probablement Pierre'??, Dans la partie supérieure de l'image, la configuration de l'aeuvre de Raphaél est conservée : le Christ apparait de face, en lévitation, dans un léger mouvement de marche, les bras levés, avec la

mention hic est filius meus au-dessus de sa téte, « Voici mon fils », qui retranscrit la voix divine. De part et d'autre

du halo lumineux, Élie à gauche et Moise à droite, tenant les tables de la Loi, se tiennent de profil, le visage levé vers le Christ et semblent suspendus dans les airs. À la différence du tableau de Raphael, le Christ, Moise et Élie

surplombent exactement les trois apótres endormis. Les six personnages forment d'ailleurs une sorte de ronde

5? Voir A, Michel, Les décrets du concile de Trente, K... Hefele et al. (dir.), Histoire des Conciles d'aprés les documents originaux, t. X-1, Paris, 1938, p. 252.

159 Ibid. p. 432. 7 Sur cette ceuvre célébrissime, voir Ch. K. Kleinbub, Vision and the Visionary in Raphael, 2011, University Park, Pennsylvania, ch. 4, p. 120147 :« Raphael's Transfiguration as Visio-Devotionnal Program» ; J. Cranston, « Tropes of Revelation in Raphael's Transfiguration »,

Renaissance. Quarterly, 65/1, 2003, p. 1-35; K. Oberhuber, Raphael: The Paintings, New York/Londres, 1999, p. 223-229; Id., Raphaels "Transfiguration' Stil und Bedeutung, Stuttgart, 1982 ; Id., « Vorzeichnungen zu Raffaels "Transfiguration' », Jahrbuch der Berliner Museen, 4, 1962, p. 116- 49 ; D. A. Brown, « Leonardo and Raphael's Transfiguration », in Ch. Frommel, M. Winner ( dir.), Raffaello a Roma, Rome, 1986, P.237-243; M.Calvesi «Raffaello: La Trasfigurazione » ín L. Cassanelli, S. Rossi (dir), Oltre Raffaello, Rome, 1984, p.33-41;

E. H. Gombrich, « The Ecclesiastical Significance of Raphael's Transfiguration », p. 241-243 ; S.J. Freedberg, F. Mancinelli, K. Oberhuber, A Masterpiece Close-up : The "Transfiguration' by Raphael, Cambridge, MA, 1981 ; D. Arasse, « Extases et vision béatifiques à l'apogée de la Renaissance ».

1%3 E. H. Gombrich, « The Ecclesiastical Significance of Raphael's Transfiguration » p. 242.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

dynamique qui semble tourner devant le spectateur, relayant la forme circulaire du sommet sectionné de la montagne en forme de plateau, et la mandorle oü surgit le Christ.

J. Camerarius le Jeune, Symbola et emblemata, $4, 1-2 (Die Handschrifllichen Embleme von 1587, éd. W. Harms, D. Hess, Tübingen,

2009, p. 570), qui en fait un symbole de la Fortune : crocodilus in sequentes fugere, insequi

uero/ Fugientes dicitur. Voir également TH. de Béze, Icones, 36 : Niliacus qualis serpens fugientibus instat/ Instantes fugiens quamlibet ante ferox :/ Sic ueto ille draco, saeuus mortalibus hostis,/ Te reprimente fugit, te fugiente premit. Symb. 99 Gravure :

LA GLOIRE, LA VRAIE, DOIT ÉTRE UN RÉSULTAT ET NON UN BUT : ELLE SEULE EN EFFET TRIOMPHE DE LA JALOUSIE LA PLUS TENACE

Sur l'image :

(dont il prononga toujours en 1502, la collecte et de la domicile vénitien.

l'éloge funébre en 1506) et membre de l'Académie aldine dés sa fondation en 1502. Il publia, des Racemationes'*^, annotations critiques et interprétations d'auteurs antiques variés, fruit de confrontation de manuscrits antiques et de l'enseignement de la jeunesse qu'il effectuait à son Élu prieur de l' Hópital de San Marco en 1510, il succéde en 1520 à Raffaele Regio à la chaire

publique d'humanités à l'école San Marco de la Chancellerie ducale, oà il obtient un grand succés : en 1531, il

— Caton

fait cours sur les Géorgiques de Virgile, les Familiares de Cicéron ou le livre 7 de l'Histoire naturelle de Pline.

— Crocodile

À GIOVANNI BATTISTA EGNAZIO

Le crocodile, monstre fameux du Nil égyptien,

Fuit ceux qui le suivent, poursuit ceux qui le fuient.

De la langue, il ne se sert point ; il a un fumier suave S

— ded. carm. : IOxANNI» BAPTISTAE EGNATIO] Baptista Egnatius, en latin, ou Egnazio, en italien, est le nom académique de G. B. Cipelli'^**, humaniste vénitien (1478-1553), rival puis ami de Marcanton io Sabellico

Et utile pour soulager les maux du corps.

Lavraie gloire méprise ainsi qui la presse, mais presse

Qui la méprise et, méprisée, revient plus grande. Nul besoin de langue car l’illustre renommée parle, Et la vertu en soi offre un prix assez beau. La gloire apporte aussi un gain remarquable : elle enléve 10 Maints vices de l'esprit et terrasse l'envie. Vaine au contraire est la gloriole octroyée par le peuple, Que farde le suave fumier du crocodile.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. NoTES

Outre ses Racemationes, des éloges funebres, il est également connu pour son ouvrage De Caesaribus libri tres, paru à Venise en 1516, et qui va de Jules César à Maximilien I* de Habsbourg. On lui doit des éditions annotées

de Valére-Maxime

(Venise,

1502), des ceuvres de Virgile avec les commentaires

de Servius et de Probus

(Venise, 1507), des Építres de Pline (Venise, 1508) et des Lettres familiéres de Cicéron (Venise, 1509), des

Satires de Juvénal (Milan, 1514), des Institution Divines de Lactance (Venise, 1515), de l'Apologétique de Tertullien (Venise, 1515), des Nuits Attiques d'Aulu-Gelle (Venise, 1515), des Héroides (Venise, 1515) et des Métamorphoses d'Ovide (1527) Il se chargea de faire éditer le Contra Gentiles de saint Thomas avec le commentaire de Francesco Silvestri à Venise en 1524. Il assura également l'édition en grec des Histoires d'Arrien (Venise,

1535).

Parmi

ses

corre$bondants,

on

compte

P. Bembo,

G. Contarini,

A. Alciat,

R. Amaseo

en 1548.

-v.1: Paretonii] comme Paraetonii. De Parétonium, ville de Libye. Par métonymie, il signifie africain ou

égyptien.

-V. 3-4 : morbisque leuandis/ Vtile] Le passage de Pline évoqué (Nat., 28, 28) propose de destiner des parties spécifiques du corps du crocodile à des affections trés précises: ainsi, la substance tirée des intestins ou crocodilée (voir infra), sert à guérir les affections de la vue, celles de la peau et l'épilepsie. Son usage est également cosmétique car elle sert à traiter taches de rousseur, boutons et dartres (lentigines tollit ac uaros maculasque omnes). - v. 11-12 crocodili/

Fucatur...

slercore]

La

citation

d'Horace

empruntée

par Bocchi

(Epod.,

12, 9-11, voir

apparat des sources) renvoie à une piéce grivoise oü le poéte antique avoue son dégoüt pour une femme plus àgée à l'odeur nauséabonde avec qui il a eu des relations sexuelles : dans le passage concerné, les fards de cette

- in pict. : yaAeóc) La lecon YaAnvòg « calme », « serein », s'explique difficilement en dessous de la figure du

vieille maitresse, composé à partir de crocodilée (voir note aux v. 3-4), se dissolvent.

(Epist. 1, 8, 14) explique l'allusion textuelle. Pline demande à Pompeius Saturninus de revoir le discours officiel

ANALYSE C'est sans doute chez Juan Luis Vives (Satellitium animi siue symbola, 40, voir apparat des sources) que Bocchi emprunté l'idée du paralléle entre le crocodile du Nil et la Gloria, tout comme celle du paralléle entre crocodile et Caton mis en scene dans la gravure. L'intérét est qu'il pousse ici la comparaison jusque dans détail, en faisant correspondre point par point des propriétés physiques du crocodile avec des qualités de Gloria. Ainsi, les quatre premiers vers du texte, qui présentent les signifiants, se voient reliés dans les v. 5 à 12 leurs signifiés :

crocodile. Par contre, elle peut s'expliquer par la confusion avec un terme assez proche, yaAsóc qui désigne une sorte de lézard tacheté, ainsi que les vocables yaAeórmc ou ácxaAafrnc (cf. ps.-ZONAR., s. v. yaAeóc, Tittman, P- 415 ; STEPH. BYz,, Ethn., 3, lem. 23 Meineke). - tit. pict. NON APPETI DEBERE GLORIAM AT SEQVI VERAM] Le contexte de la citation de Pline le Jeune

qui doit étre prononcé lors de la remise à ses concitoyens de la bibliothéque de Cóme que Pline a financée. Il explique à son correspondant que le sujet le géne et qu'il se sent mal à l'aide à l'idée de vanter sa générosité et celle de sa famille. Pour Pline, la véritable générosité se manifeste in obscuritate et silentio (1, 8, 6). Il invite à se

rappeler quanto maiore animo honestatis fructus in conscientia quam in fama reponatur, « à quel point c'est le fait d'une áme supérieure de placer le fruit de la vertu dans la conscience qu'elle en a plutót que dans la renommée » et, pour expliciter le passage suivant (repris par Bocchi), il ajoute que nec si casu non sequatur, idcirco quod gloria non meruit, minus pulchrum est, « et si le hasard veut que la gloire ne suive pas, l'action n'en est pas moins belle parce qu'elle n'a pas obtenu cette gloire ». -v.2: Sedantes fugitat, qui fugitant sequitur] Outre les références antiques et celle à Jean-Louis Vivés

mentionnées $12

AO

dans l'apparat des sources, on signalera que cette propriété du crocodile est mentionnée par

et

P. Valeriano et Érasme. Egnazio fut également un proche du réformé Pier Paolo Vergerio, qu'il accueillit chez lui

a le le la à

— le premier distique évoque une propriété du crocodile bien connue de Pline (Nat., 8, 92), et reprise par Vives,

selon laquelle que le crocodile fuit ceux qui le suivent et suit ceux qui le fuient. Ce premier distique a pour

5"! Voir E. Mioni, « Cipelli, Giovan Battista », in DBI, t. XXV, 1981, p. 698-702. 555 Autres éditions : Venise, 1509 et Paris, 1511.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

correpondant

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

le troisiéme distique, qui ouvre la comparaison

construction ( instantes spernit, spernentibus instat) ;

sur la gloire (sic), et présente la méme

- le troisiéme vers souligne deux autres qualités du crocodile, le fait qu'il n'ait pas de langue (cf. HDT, 2, 8; PLIN., Nat., 8, 89, voir apparat des sources) et qu'il serve à guérir tout un ensemble de maladies dont Pline fait

l'énumération en précisant les posologies (PLIN., Nat., 28, 107). La premiére partie du vers 3 sur la langue est développée par le quatriéme distique (v. 7-8) oà Bocchi met cette qualité en relation avec l'idée que l'auteur d'actions vertueuses n'a pas besoin de langue pour les vanter puisque la fama s'en charge et que, sinon, la vertu est sa propre récompense : on comprend toute la pertinence de l'allusion faite par Bocchi dans le titulus de l'image au texte de Pline le Jeune (1, 8, 14, voir note ci-dessus) qui hésite à vanter sa propre générosité et explique que le sentiment d'avoir accompli une belle action suffit à servir de récompense si la gloire ne vient pas. La seconde partie du vers 3 est à relier au cinquiéme distique (v. 9-10) qui rappelle que la gloria est utile et qu'elle vainc bien des vices, dont l'envie, c'est-à-dire le fait que l'on jalouse les autres ou que les autres nous envient.

- enfin, le quatriéme vers évoque le fumier parfumé du crocodile. Pline nous explique que les intestins du crocodile sont parfumés parce qu'il vit dans un milieu oü il peut se nourrir de fleurs (Nat., 28, 107). Il a pour

La configuration du paysage en arriére-plan est, elle aussi, significative. Caton se découpe sur une sorte d'anfractuosité rocheuse, surmontée de deux arbres et de végétation, sorte d'écran de pénombre qui le dérobe à la pleine lumiére. Mais sur la droite de l'image, toujours en arriére-plan, dans la limite verticale marquée par le tronc des deux arbres, se découpe une claire ouverture dans laquelle apparait un monument composite, fait de trois éléments circulaires superposés, qui n'est pas sans rappeler la configuration du Cháteau Saint-Ange : une enceinte fortifiée qui entoure une large tour découpée en son sommet par une frise de modillons, qui dissimule à son tour la base d'une tour plus étroite, surmontée d'une pointe. La vie cachée du héros stoicien, au sein de la nature, trouve un relais architectural dans cette citadelle plantée au milieu de nulle part. L'évocation de Caton dans l'image d'un embléme dont l'épigramme est dédiée à Egnatius invite à faire le paralléle entre les deux hommes. Bocchi vante sans doute ici la gloire précoce du jeune Egnatius, qui, sur le renom de son talent, avait ouvert trés tót une école à Venise et s'était fait, pour cette raison, un ennemi de

l'humaniste érudit Marcantonio Sabellico, avant qu'ils ne se réconciliassent et qu'Egnatius prononcát son éloge funebre. C'est encore son talent qui lui avait valu d'étre recommandé par Raffaele Regio (le dédicataire de l'Apologia in Plautum de Bocchi publiée en 1508) pour lui succéder à l'école de San Marco.

corollaire le dernier distique (v. 11-12) oü, à travers une citation d'Horace (Epod., 12, 9-11) sur une vieille maítresse usant de crocodilée dans ses fards (voir notes ci-dessus), le fumier est mis en relation avec la gloriole

populaire qui attire comme une prostituée maquillée : le parfum et la couleur du produit n'occultent pas sa triste réalité, celle d'étre composé de la fiente d'un animal et de servir à cacher des chairs féminines abimées par l'áge.

Comme nous l'avons dit plus haut dans notre analyse, c'est le texte des Satellitium animi siue symbola (symb. 40) de Vivés qui est probablement à l'origine du rapprochement entre le crocodile, la gloire et le personnage historique de Caton d'Utique (95-46 av. J.-C.), petit-fls de Caton l'Ancien, et célébre pour sa rigueur toute Stoicienne. Le passage auquel Vives fait allusion est une citation de Salluste, où l'historien rappelle que c'est le discours de Caton qui fait basculer le sénat en faveur de la condamnation à mort de Catilina, là où Jules César demandait une peine plus clémente. Salluste en profite alors pour faire un portrait paralléle de Caton et de

Symb. 100 Gravure :

LA MEILLEURE

- Diogene

- Vie sans plainte - Voici l'homme de Platon

À GIROLAMO FERRI, TRES INTEGRE CITOYEN BOLONAIS Vis sans De D'autrui De

At Catoni studium modestiae decoris sed maxume seueritatis erat. Non diuitiis cum diuite neque factione cum factuoso, sed cum strenuuo uirtute, cum modesto pudore cum innocenti abstinentia certabat. Esse quam uideri bonus malebat : ita quo minus petebat gloriam eo magis sequebatur'*95.

signalées par l'épigramme emblématique et ses textesest identifié par son nom (Cato) à gauche de l'image. Il le faire sortir du cadre de la gravure : il fuit (fugiens) la par un crocodile. Par une rotation du buste, Caton se

retourne, le sourcil froncé et l'index de la main droite pointé vers le bas, en direction du crocodile qui le

poursuit, geste qui signifie qu'il interdit à l'animal qui léve la téte vers lui de s'attacher à ses pas. Un second personnage en toge est accroupi derriere le flanc droit de l'animal, peut-étre dans le but de ramasser sa fiente parfumée : visage baissé vers le sol, il représente celui qui se laisse séduire par l'apparence trompeuse de la gloriola populaire. Un troisiéme individu, surgissant en courant de la droite de l'image, semble avoir toutes les peines du monde à s'emparer de la queue de l'animal qui lui glisse visiblement entre les mains : il fait partie des persequentes, ceux qui tentent d'agripper la gloire, sans jamais y parvenir.

DES VIES EST CELLE OU L'ON NE SE PLAINT PAS

Sur l'image :

César. À propos de Caton (Cat., 54, 5), l'historien romain insiste sur l'idéal de proportion inversé qui veut que moins le héros recherche la gloire, plus elle s'attache à lui :

L'image tente de restituer tout un ensemble de notations sources. Caton, habillé à la romaine avec toge et cuirasse, est pris dans un mouvement de marche énergique qui va gloire qu'il doit recueillir de sa vertu, gloire incarnée ici

i

5

qu'il y ait motif qu'un jour on se plaigne toi, ou que toi tu te plaignes ou bien du sort. Refuse de commettre ton plein gré une injustice.

Ne crois jamais en avoir été la victime. Si tu veux vivre bienheureux,

Si modeste soit-il, habitue-toi à jouir De ton état, à moins t'en plaindre. De tous les atouts qu'il recéle, empare-toi. 10 Car il n'est rien de si pénible Qu'un esprit résigné n'y puisse point trouver Quelque lot pour se consoler. MÉTRIQUE Métre épodique (trimétre et dimétre iambiques), comme le poéme suivant, lui aussi dédié à un personnage bolonais.

1° : ’ . « Maisic l'amour de Caton pour une beauté morale pleine de mesure était: d'une extréme rigueur. Il ne rivalisait pas par les richesses avec le riche ni par l'intrigue avec l'intrigant mais par une vertu pleine d'énergie, une retenue mesurée et une continence sans arriére-pensée. Il préférait étre réellement un homme de bien que de le paraitre. Et ainsi, moins il recherchait la gloire, plus elle s'attachait à lui. » 1566

514

ANALYSE

Rien ne permet d'identifier plus précisément le bolonais Girolamo Ferri à qui est dédiée l'épigramme de l'embléme. Bocchi l'identifie comme un concitoyen (ciui) et souligne son intégrité (integerrimo).

S18

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Le texte de l'embléme se présente comme un ensemble de préceptes et de défenses, où abondent donc les impératifs présents et futurs. Le motif du refus de la plainte et de la récrimination contre la fortune ouvre et ferme le texte, relayé par l'image et son titulus (uita sine querela). La fin du poéme est une paraphrase versifiée d'un passage de Sénéque (Tranq., 10, 4, voir apparat des sources) qui invite à trouver, méme dans les plus

humbles ou les plus dures conditions, un sujet de satisfaction, qui permet d'alléger le poids des souffrances. On reconnait dans les v. 3-5 également l'invitation socratique à ne pas commettre l'injustice volontairement, et, dans les v. 5-6, un autre propos de Sénéque (Ir., 2, 28, 4, voir apparat des sources) qui nous suggere, lorsque nous sommes victimes d'une injustice, de ne pas penser qu'elle était sciemment dirigée contre nous.

effectivement gommé un certain nombre de détails par rapport à la gravure de Caraglio, comme le lampadaire allumé ou la figure géométrique sur le livre ouvert face au spectateur. Bonasone a respecté les grandes lignes directrices de la composition d'Ugo da Carpi : le philosophe cynique Diogene de Sinope, en position de contrapposto, est représenté assis sur un cube recouvert d'un tissu, barbu et nu, à l'exception d'un immense manteau qu'il sert contre sa poitrine. L'étoffe lui recouvre une partie du ventre et du buste (mais pas les pudenda, pour rappeler le caractére subversif que pouvaient prendre certaines réparties ou attitudes de Diogene, cf. D. L., 6, 2, 69), et un pan s'envole en forme d'arche derriere lui. Le philosophe a un

livre ouvert à ses pieds, dont on apercoit le dos, soutenu par un autre livre. Une baguette à la main, variante de l'invariable báton, il nous désigne la page d'un livre ouvert vers le spectateur à gauche, oü s'inscrivent son nom en grec (Auoyévnc) et la formule uita sine querela. Il s'agit d'une allusion à l'ascése prónée par Diogene et qui triomphe de tout (cf. D. L., 6, 2, 70-71). Ces deux inscriptions ne figurent pas dans la gravure de da Carpi En arriére-plan, sur la gauche, s'ouvre l'entrée d'un immense tonneau, un peu inquiétant (cf. D. L. 6, 2, 23),

comme une bouche infernale, et, sur la droite, se dresse un coq déplumé avec l'inscription (absente chez Ugo da Carpi) hic est homo Platonis, allusion à un apophtegme prononcé par Diogene et rapporté par Diogene Laérce (6, 2, 40, Voir apparat des sources)

è

Alors que Platon avait défini, avec du succés, l'homme comme une créature bipède et sans plume, il pluma un coq

et l'apporta à l'école de Platon en disant : « Voici l'homme de Platon ».

Le propos de l'image entre en résonnance avec celui du texte. Ainsi, l'évocation des conditions humbles (v. 7 :

Fig. 1 > J. DA CARAGLIO, Diogenes, d'apres Parmigianino, gravure, cà 1527 (29,1 X 21,6 cm),

New York, Metropolitan Museum of Art.

Fig. 2 > U. DA CARPI, Diogenes, d'apres Parmigianino, gravure sur bois en chiaroscuro, ca 1527 (47,5 X 34,6 cm), New York,

Metropolitan Museum of Art.

Sénéque insiste, dans les parages de l'extrait versifié par Bocchi, sur la puissance de deux remédes qui aident à alléger les souffrances : l'habitude et la raison. Il n'est pas impossible que le poéme de l'embléme soit une sorte de consolation faite à Girolamo Ferri, pour l'inviter à ne pas se révolter contre le sort et à accepter une souffrance ou un malheur imprévus. Son integritas doit étre plus forte que la fortuna. La gravure de Bonasone, qui représente Diogene à l'entrée de son immense tonneau, est inspirée d'une gravure d'Ugo da Carpi intitulée Diogéne'^*". C'est la source sénéquienne ( Tranq., 10, 4) qui a sans doute inspiré le motif de Diogéne et son tonneau (en réalité un dolion, c'est-à-dire une jarre à huile). En effet, immédiatement apres le

conditione quantula) trouve dans le dénuement oü vit Diogéne (nudité, manque de soin du corps, tonneau) une parfaite illustration, que vient souligner encore la vision cocasse du volatile déplumé, ridicule image de la condition humaine. Pierre Martin nous fait remarquer à quel point la forme du coq en arriére-plan reprend en écho la silhouette de Diogéne au plan intermédiaire : le bras du philosophe qui serre le manteau dessine une courbe semblable à l'aile nue de l'oiseau, les deux corps sont en tension et la chevelure de Diogéne orne son cràne d'une sorte de créte. Le premier plan de la gravure de Bonasone, peuplé de livres, corrige cette désolation et apparait comme le quicquid commodi ou le quidpiam solacii dont parle Sénéque cité par Bocchi (v. 9 et 11) : renoncant à se plaindre et à convoiter, Diogene s'entraine à la raison et à l'endurance pour triompher des maux de la fortune.

passage retenu par Bocchi, Sénéque écrit : Exiguae saepe areae in multos usus discribentis arte patuerunt et quamuis

angustum pedem dispositio fecit habitabilem, « Souvent, les lieux étroits s'élargissent pour servir de multiples usages, gráce à l'art de l'architecte, et la disposition rend habitable un espace malgré son exiguité ». Le propos pouvait en effet trés bien s'associer à l'étrange demeure de Diogéne, symbole de la vie ascétique du cynique. Plusieurs historiens d'art'?** plaident en faveur de l'antériorité de la gravure du Diogene de Jacopo da Caraglio (Fig. 1), elle aussi exécutée d'apres Parmigianino, sur celle réalisée par Ugo da Carpi à Bologne entre 1524 et 1527 avec la technique du chiaroscuro, qui permet de donner un effet de lavis (Fig. 2): Ugo da Carpi a 57 E.

Wind, « Homo

Platonis », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes,

1/3, 1938, P. 261, précise dans la note 3 que:

« The

inscription says that the woodcut [i. e. of Bonasone] was made after a design by Parmigianino. A drawing for the woodcut, attributed to Ugo

himself, is in the Pinacoteca at Bologna ».

"5 Voir A. D. Popham, Catalogue of Drawings by Parmigianino, New-Haven, 1971, t.II, p.11-12; F.S.Kossoff, « Parmigianino and Diogenes », The Sixteenth Century Journal, 10/3, 1979, P. 85-96. Sur cette antériorité, voir les réserves de D. Ekserdjian, Parmigianino, 2006, Londres/New Haven, p. 217-220.

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517

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

« Eurymnos » s'est dit proverbialement de celui qui tentait de mettre aux prises de fidéles amis, En effet,

Symb. 101 Gravure :

CONTRE CEUX QUI SUSCITENT PERFIDEMENT DE MAUVAISES QUERELLES Sur l'image : Eurymnus | Pollux | Castor

rappelle Érasme, ce lien est indissoluble (uinculo insolubili) et imposé par la nature (natura). Le choix fait par

Entre les deux jumeaux, Castor et de Castor Le frére, l'injuste Eurymnus Entrepris d'éveiller, par de méchantes ruses, De sombres luttes, pour les faire

Bocchi au vers 1 d'une formulation catulienne souligne encore l'idée que les deux individus sont semblables au point de n'en faire plus qu'un. La manifestation essentielle de ce lien est bien entendu l'amor, implicite chez Bocchi, mais dont Plutarque évoque le caractére exemplaire par le titre méme de son traité IIepi quAaóeAgíac.

S'affronter l'un et l'autre. Ensuite, il fut puni, Quand, la calomnie découverte, Comme il arrive, les deux se réconcilierent.

entre une femme et son époux, comme l'indique Érasme, est basée sur l'idée fondamentale de fides (fidos), la bonne foi qui permet la confiance et assure l'invincibilité, comme pour les trois fréres jumeaux que Alciat

Cette relation entre fréres, entre amis (le texte de Bocchi évoque également les amicos), entre un pére et son fils,

évoque sous le nom de Géryon'?. Eurymnos, type parfait du per-fidus est précisément celui qui cherche à rompre cette fides, cette con-cordia, c'est-à-dire la parfaite entente des coeurs ^". Le perfidus, qui seme la discorde

Puissent connaitre ce destin Tous les perfides qui ceuvrent pour séparer 10 Parents et amis de confiance.

et fait naitre les différends (le titulus de la gravure dit sator[es] litium) entre des personnes unies par le lien sacré

MérRIQUE

Métre épodique, comme le poéme précédent, également dédié à un personnage bolonais. ANALYSE Dans cet embléme dédié à un juriste bolonais, Paolo Pini (ou Pino), et qui traite de la résolution d'un différend opposant deux fréres célébres, Castor et Pollux, il n'est pas étonnant de voir se multiplier les expressions renvoyant au droit, telles iniquus, lites, iustas poenas dare. L'intérét de l'épigramme se fonde en partie sur cette adéquation entre la thématique épigrammatique et la fonction sociale du destinataire.

Comme nous l'indiquons dans l'apparat des sources, l'épisode d'Eurymnos répandant par la calomnie la

défiance entre Castor et Pollux, avant d'étre découvert et justement tué pour cette traitrise, est rapporté par Plutarque (De fraterno amore, 11, 483c), qui précise que c'est auprés de Pollux qu'Eurymnos répand ses calomnies et c'est de sa main qu'il périt : Aprés la mort du pere, il est bon de s'attacher plus qu'auparavant à sa piété filiale en pleurant et en s'affligeant avec lui, en repoussant des amis qui veulent embrasser le parti de l'un ou de l'autre, en l'amour fraternel des Dioscures, par exemple que Pollux tua d'un méchants propos contre son frere.

l'affection de son frére et de partager d'emblée les insinuations des serviteurs et les calomnies ajoutant foi enfin à tout ce qu'on raconte de coup de poing un homme qui lui susurrait de

Libanios en donne également une version, qui conserve Pollux comme meurtrier d'Eurymnos, mais signale que

la calomnie se fait auprés de Castor (Ep., 386, 12: « Eurymnos, pensent-ils, se livra au méfait suivant: il calomnia auprés de Castor son frére. Mais Castor ne se tut point : il révéla tout et Pollux se montra bon pugiliste

contre Eurymnos » ). Ce récit, qui se trouve déjà chez Phérécyde (in FGrH Jacoby, fr. 164, 1, p. 101) nourrit une

tradition parémiographique (voir par ex. PLVT., Paroem.,

1, 74, in CPG,

1, p. 332 : « Eurymnos : il tenta de

calomnier Castor auprés de Pollux et le paya de sa vie ») dont Érasme se fait l'écho (Adag., 4, 2, 6) : 1569

S Xsenior, docteur des Faut-il3]l’apparenter aux juristes bolonais: Lorenzo Pini Décrétales de 1361à 1 388 et Lorenzo Pini iunior, docteur en droit canon au début du xvr' siécle ? Voir G. Zaccagnigni, Storia dello Studio di Bologna durante il Rinascimento, Genéve, 1930, p. 18 et 198.

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d'insidieuses manceuvres, de séparer les étres que la nature a unis d'un lien indissoluble, comme la femme et son époux, un pere et son fils ou des fréres. Il arrive en effet qu'ils se réconcilient et infligent une punition à l'instigateur de la querelle qui les a jadis divisés.

Érasme, qui déclare explicitement que la calomnie d'Eurymnos marche dans les deux sens, insiste parallélement sur le caractére indissoluble tissé par les liens de parenté ou d'amitié. Castor et Pollux sont en effet unis par les liens du sang, ce que souligne la répétition de gemellum au début de l'épigramme de l'embléme. Comme le

À PAOLO PINI, JURISCONSULTE BOLONAIS

5

lorsqu'Eurymnos s'appliquait à faire naitre la méfiance entre Castor et Pollux en les accusant l'un auprés de l'autre, il fut démasqué et paya à chacun le prix fort. C'est le sort que souvent connaissent ceux qui essaient, par

de la fides commet donc un véritable sacrilége, qui mérite la mort. Le róle du juriste consiste alors à réparer, à restaurer dans un sens quasi religieux, ces liens rompus et à permettre aux procés de se terminer. Cette continuité parfaite entre l'action perfide du méchant et le juste rétablissement de la paix permise par le juriste est suggérée dans le texte par toute une série de gestes à la portée trés symbolique et qui font intervenir les mains. Ainsi, committere (v. 4)qui signifie « mettre aux prises » renvoie indubitablement aux ennemis qui « en viennent aux mains » et s'affrontent au corps-à-corps. De méme, pour comprendre le terme de iustas dans

l'expression iustas poenas dare (v. s) attachée à Eurymnos, il faut se référer aux sources, qui évoquent toutes les talents de pugiliste de Pollux qui tue Eurymnos de sa main, ou plutót de son poing : les mains qu'il voulait voir s'affronter se retournent contre Eurymnos en uppercut fatal. Enfin, l'expression uterque in gratiam redisset (v. 67) repose sur un échange symbolique des mains, comme le précise Sénéque le Pere à propos de la réconciliation

de deux antagonistes dans une controuersia : porrigite mutuas in gratiam manus ^^, « échangez une poignée de

main en signe de réconciliation ». On peut donc vraisemblablement penser que, si le dernier terme de l'épigramme est disiungere et évoque la rupture de la fides et de l'amor, c'est sans doute pour jouer sur son contraire, iungere, et faire implicitement allusion à un geste symbolique trés connu depuis l'Antiquité, la iunctio

dextrarum, qui manifeste à lui seul la fides et la concordia qui peuvent unir des chefs militaires scellant une alliance politique ou des étres liés par l'amor. L'exemple le plus éclairant se trouve sans doute chez Tite-Live :

Énée et Latinus joignent leurs dextres, en signe d'alliance militaire, d'amitié et d'hospitalité, mais aussi de promesse matrimoniale!5*, Voir ALCIAT, Emblemata, « Concordia insuperabilis »: Tergeminos inter fuerat concordia fratres/ Tanta simul et pietas mutua et unus amor/

Inuicti humanis ut uiribus ampla tenerent/ Regna uno dicti nomine Geryonis. « Il y avait entre trois freres jumeaux une telle concorde, jointe à une

piété mutuelle et à un amour unique, qu'aucune force humaine ne pouvait triompher d'eux et qu'ils gouvernaient un vaste royaume sous le nom unique de Géryon ».

1571 Pour un jeu de mots sur cette étymologie et sur le nom de Corrado, voir Symb. 122.

15? SEN. Contr., 1, rS

XEN., Ages., 3, 4 ; An., 2,4, 1 ; Cic, 155 Liv. 2, 6, 4. D'autres sources antiques attestent cette signification du geste. Pour un sens politique, voir Phil. 10, 9 : Graecia tendit dexteram Italiae suumque ei praesidium pollicetur. « La Gréce tend sa main droite à l'Italie et lui promet son appui »j la ]? « pourquoi n'est-il pour l'échange de ce geste entre une mére et son fils, voir VERG., Aen., 1, 408 : Cur dexterae iungere dexteram non datur objets d'or, d'argent ou véritables de l'Antiquité, point permis de joindre ma main droite à la tienne ? » Ces mains jointes pouvaient étre, dans 54 ;2,8. Onen trouve 1» Hif, Tac, ; 1 10, Datames, NEP., CORN. voir fait, ce Sur d'hospitalité. ou paix de signe en de bronze qu'on se donnait Octave, Antoine différent, triumvir d'un l'effigie à fois chaque à J.-C., av. 42 en Rome à frappés d'aurei série célebre des représentations sur une

519

"Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Prospero Fontana conservé au British Museum de Londres'5"* (Fig. 1), tente de combiner habilement les différentes phases de l'épisode. En effet, l'accolade

Symb. 102 Gravure :

LA MESURE PARFAIT LA SAGESSE, LE PROGRÉS PARFAIT L'ÉLOQUENCE, LA FIGURE QUE VOICI PARFAIT LA FÉLICITÉ

fraternelle qu'amorcent les deux fréres, Castor et Pollux, au centre de l'image, consiste ici en une iunctio

manuum, qui signale la réconciliation et que confirme le cadavre d'Eurymnos, gisant à terre, le flanc percé. Le costume militaire des deux fréres, qui présente de subtiles variations de l'un à l'autre (par exemple dans le casque, l'épaulette à téte de lion ou les franges de la cuirasse) ainsi que leur similitude physique attestant bien leur gémellité combinent les exemples de concordia évoqués par Alciat et Érasme : ils sont chefs militaires et en méme temps freres unis par l'amor. Le geste toutefois n'est pas sans une certaine ambiguité et évoque sans doute aussi, par une sorte de raccourci iconographique, la bataille que se sont livrée les deux freres. L'éloge du róle sacré du juriste, qui rétablit la concorde dans les familles et empéche que des intrus ne viennent

Sur l'image :

— C'est ainsi que l'on dompte les monstres — Gráce à moi, tu iras au terme : tu n'as qu'à t'avancer !

semer le désordre et la haine entre fréres n'est sans doute pas, de la part de Bocchi, totalement désintéressé. Son

À STEFANO SAULI

testament, rédigé en 1556 auprés du notaire Cristoforo Zellini'^?, montre le grand souci qu'il a eu de ne léser aucun de ses six enfants. Malade depuis de longues années, il adresse peut-étre cet embléme à Pini comme une sorte de dédicace apotropaique et espére éviter les convoitises, que ne peut manquer de susciter un legs et qui ont pour résultat de briser les familles.

SUR L'HERMATHÉNA BOCCHIENNE (Le héros) — Qui t'octroie, saint enfant, la force et le courage de dompter

5

Le plus vigoureux des monstres par un petit diamant ? (Amour) — Ne vois-tu point Pallas, qui naquit du cráne du Trés-Haut Pére, Sous la protection du disert petit-fils d'Atlas ? Auplus profond de ton àme, consacre-leur un culte ardent : En parole et pensée, tu pourras agir à ta guise.

Allons, en route ! De sa verge, hors de l'Orcus, le dieu t'appelle : Par moi, tu iras au terme : tu n'as qu'à t'avancer ! Et voici que déjà le noble Sauli, secours et gloire 10 Des hommes de bien, te félicite pour ton courage. MÉTRIQUE Distiques élégiaques, que nous avons rendus par une alternance rythmique 16/14 syllabes. REMARQUES

On

SUR L'ÉDITION

trouve mention

DU TEXTE ET SUR LES MANUSCRITS

de cet embléme

avant

1555

à deux reprises dans le manuscrit milanais des Epistolae

autographae ad Romulum Amaseum, f° 16v" et 43v^, ce qui nous permet de suivre les différentes étapes de sa

genése. La premiére occurrence (f16v^) date du 10 avril 1548. Dans cette lettre, l'embléme de l'Hermathéna

figure parmi un ensemble de symbola academica. ll s'agit visiblement de compositions symboliques originales inventées par Bocchi, transcrites et expédiées sous forme de dessins ou peut-étre méme de gravures, et complétées par une épigramme emblématique ecphrastique qui propose une description ou une évocation de l'ensemble allégorique, préludant à son exégèse interprétative :

Fig. 1 > P. FONTANA, Dessin préparatoire pour le Symb. 101 (7 XCIX), 11,5 x 8/2 cm, plume et lavis brun, Londres, British Museum.

ou Lépide, et portant au revers des mains droites jointes : voir M. CRAWFORD, Roman Republican Coinage, I, p. 504, n? 494, 10-12 et II, pl. 59.

Pour la Renaissance, voir par exemple VALERIANO, Hieroglyphica, XXXV, P. 254f qui se référe à Horapollon et à diverses monnaies ; ALCIAT,

Emblemata, « Concordia ». 1574 Vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, Catalogue Sotheby's, p. 19, n° 59, acquis en 1980 par le British Museum. Voir J. A. Gere; Ph. Pouncey, Italian Drawings in the British Museum. Artists Working in Rome, Londres, 1983, n° 109, p. 78 (plate 99). 1875

: À s Em VoirMas les extraits. dans G. Raveira-Aira, « Achille Bocchi E e la sua Historia Bononiensis », Studi e memorie per la storia dell'Università di Bologna, 20,1942, p. 59-112.

520

Mitto tibi symbola quattuor Academica, quorum primum est marmoreum futurum in angulo domus sub titulo HERMATHENAE, quid in philologiae nostrae ratione praeseferat intelliges ex uersiculis ipsis, quos adscribendos putaui, ut cum Orthographia'*5, duce Archinto'*"", Pontifici max«imo»** prelegas, et uerbis tuis amicisscimis» exornes, et il s'agit d'une représentation à échelle réduite 1576 Sur ]a définition vitruvienne (1, 2, 2) voir M. Kiefer, Emblematische Strukturen in Stein, p. 37 :

et en deux dimensions de la facade d'un bátiment et de ses ornements, dont on projette la réalisation.

|

i

|

la cour de Paul III à partir de 1535 et devient 57 Né en 1500, juriste formé à Padoue, soutien fidele de Charles Quint en Italie, il integre auditeur général de la une apostelique. 1536, en secrétaire des lettres apostoliques, protonotaire apostolique, gouverneur de Rome, puis,

du Saint-Siége. Bicenité ivtque En 1539, il devient référendaire des deux Signatures. Il est élu évéque de Borgo San Sepolcro en 1539 et vicaire orbis Pigs oratio et rédige un Christiani nova De une Rome à 1544 en publie en 1545, il participe au Concile de Trente entre 1 546 et 1548. Il

pias en 1554, nonce papal Christianum de Fide et Sacramentis edictum, publié à Rome en 1545. Le pape Jules III le nomme ensuite vice-camérier à une cabale fomentée suite jamais de Venise, jusqu'en 1556, date oü il est nommé archevéque de Milan par Paul IV, fonction qu'il n'exercera

521

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

amplifices. Huic accedet DIALECTICA?, Deinde NOCTVA PALLADIS'* non omnibus dormiens. Postremo

ANTEROS" quibus singulis suos interpretes uersus addidi (in margine : praeterea quintum affinxi ALEXANDRI macedonis fortunae se dedentis'"). Mystica omnia sed admiratione iuuanda, ut tute nosti. Vale mi frater suauissime et me opera tua (quod facis) iuues et ames. Bononia IV Eid. Apriles MDXLVIII9,

Le deuxiéme extrait (f'43v^) date du 18 janvier 1548 : la lettre présente une premiere ébauche de l'embléme, déjà assez aboutie (voir l'apparat critique pour les variantes). Le symbolum de l'Académie est ici explicitement une épigramme ecphrastique qui se présente sous forme d'un dialogue, souligné par les marques typographiques et une abréviation pour désigner les deux interlocuteurs, H (pour Heros, le héros, l'un des deux Alexandre

Farnése, réguliérement mentionnés sous cette appellation dans les lettres autographes à Amaseo) et E (pour Eros). Nous sommes dans le cadre rhétorique traditionnel de la prosopopée de l'aeuvre d'art, défini par de nombreuses piéces de l'Anthologie grecque : interrogé sur le sens de tel ou tel aspect de sa configuration, l'objet apostrophé, ou l'une de ses composantes, en livre une interprétation symbolique. On constatera qu'il n'y a pas encore de dédicace à Stefano Sauli et que les deux derniers vers qui évoquent ce personnage dans l'édition de 1555 n'y figurent pas non plus. Cette dédicace plus tardive permet probablement à Bocchi, en 1555, de remercier la famille Sauli de ses appuis financiers et du róle de patroni assumé par Stefano et Girolamo (voir notes), trés précieux depuis la mort du pape Paul III en 1549 :

Quare, dum licet, istic fac quod facis et igne hoc charitatis academiae nostrae heroas omnes incende. Cuius ipsius symbolum argumenti loco tibi adscriptum mitto. IN HERMATHENAM BOCCHIANAM H. « Quis tibi sancte puer, uires, animumque ministrat, « Maximum ut exiguo monstrum adamante regas ?

A. « « «

« Nonne uides summi eductam de uertice patris Auspice facundo pallada Atlantiade Hanc cole totius mentis penetralibus ardens. Sic animo poteris quicquid et ore uoles.

« Incipe. En uirga te iam Deus euocat orco.

« Me duce perficies. Tu modo progredere. Erit id (opinor) haud inutile uinculum Proteo nostro'*^ constringendo!**5.

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

NOTES

- tit. pict. : FELICITATEM HAEC PERFICIT] Contrairement à tous les traducteurs, je ne pense pas que le haec renvoie à eloquentia seulement. Placé au-dessus de la gravure, il renvoie sans doute aussi à la composition allégorique et à toutes ses parties. - v. 5 : hanc] ne renvoie pas seulement à Pallas mais bien à l'Hermathéna tout entiére.

- ded. carm. : STEPHANO SAVLIO] Stefano Sauli est né en 1492!595 En 1511, il recoit le titre de abbreuiator de parco minori, aprés la démission de son frére, le cardinal Bendinello Sauli. En 1513, il rentre dans les ordres à

Génes et, le 3 octobre de la méme année, devient protonotaire apostolique tandis que son frére, le cardinal, lui céde sa place de commendatario de San Simpliciano à Milan jusqu'en 1517, date oü il prend celle de l'abbaye de San Silvestro dans le diocése de Bénévent. En 1514, Giovanni Maria Mario Cattaneo lui dédie sa Genua au titre

de protonotaire apostolique. Stefano Sauli a été étudiant à Bologne entre 1513 et 1516 (peut-étre a-t-il rencontré Bocchi à cette occasion), avant de se rendre réguliérement à Rome jusqu'en 1517. Il poursuit son cursus universitaire

quelques visites

à Padoue puis rentre à Génes en 1521, oü il restera jusqu'à sa mort en 1570, en dehors de

à Rome. Il recoit Aonio Paleario en 1522 dans sa villa génoise, avec une foule de lettrés qui

constituent peut-étre une académie "^",

À Génes, il exerce la fonction d'anziano, puis consigliere di San Giorgio en 1526, puis devient membre de l'ufficio monialium en 1528. Paul III l'éléve à la dignité de cavaliere del giglio en 1546. Il se lie d'amitié avec l'architecte

Galeazzo Alessi, s'intéresse à l'architecture, en particulier à la construction de Santa Maria di Carignano et à l'édification d'un pont pour la relier à la ville. À Padoue, il rassemble autour de lui Marcantonio Flaminio (1498-

1550) dont il devient le protecteur, Christophe de Longueil et Lazzaro Buonamico (1477/1478-1552).

L'intérét pour le cicéronianisme (Stefano Sauli prévoit une édition compléte des ceuvres de Cicéron) rapproche Stefano Sauli de Pietro Bembo et Reginald Pole (qui deviendra cardinal en 1536), dont Longueil est l'ami (Pole écrit sa biographie aprés sa mort en 1522, pour servir de préface à ses lettres, publiées en 1524). Stefano Sauli a probablement rencontré Pole à Padoue, probablement entre 1519 et 1521. Lorsqu'il se rend à Rome en 1525, Stefano est accompagné de Buonamico, qui rallie l'entourage de Pole jusqu'en 1530. Lors du séjour de Giulio

Camillo Delminio à Génes en 1521, Stefano Sauli contribue à son projet de théátre de la mémoire. Stefano Sauli est, en outre, proche de partisans de la réforme en Italie, en particulier Gregorio Cortese. C'est probablement à travers Marcantonio Flaminio, qui rallie en 1524 l'entourage de Gian Matteo Giberti (1495-1543), mais aussi

par l'entremise du cardinal Bandinelli et de son cousin Filippo Sauli, que Stefano Sauli noue des contacts avec la contre lui par la curie milanaise, inquiéte de ses idées réformistes. Il est exilé à Bergame et meurt en 1558. Titien en fit deux portraits, et le

second, réalisé en 1558 et conservé au Museum of Art de Philadelphie, nous montre le personnage assis, qui porte bien la bague épiscopale au doigt mais qui est à moitié dissimulé derriere un voile, allusion aux difficultés qui ont agité la fin de sa vie. '5* Alexandre Farnése, le pape Paul III. 5? Symb. 62, dédié à Antonio Bernardi. L'identification des titres avec les emblémes qui leur correspondent avait déjà été effectuée par E. See

Watson, Achille Bocchi, p. 69. 559 Symb. 83, dédié à Gaspare Mazzoli.

1581 Symb. 8o, dédié à Guido Pepoli. 152 Symb. 66.

Compagnia del divino Amore. En 1553, suite aux conversations spirituelles avec Pole, Stefano Sauli rédige un De homine Christiano, désormais perdu. Il est en outre le correspondant de Paul Manuce, qui lui écrit en 1553 une

lettre pleine de désarroi à la mort de Bernardino Maffei (Epistolarum libri, 12, 1, 3).

Stefano Sauli est le frére de Girolamo Sauli, dédicataire du Symb. 126, archevéque de Bologne et protonotaire apostolique. Les Sauli, selon toute vraisemblance, avaient contribué au financement de l'Academia Bocchiana et en étaient devenus des patroni.

-v.8: modó] Il n'est pas facile de comprendre le sens de l'adverbe. Nous avons choisi l'idée de mesure

(« seulement », « ni plus, ni moins » d'oü « se contenter de », « n'avoir qu'à ») : le passant n'a qu'à entrer,

1555 a Je t'envoie quatre symboles académiques dont le premier, réalisé en marbre, figurera à l'angle de ma demeure sous le titre d'Hermathéna ;

les dieux qui patronnent le lieu s'occuperont de lui. Mais le sens temporel (« tout de suite », « maintenant » )

les enrichisses par tes propos si plaisants. À ce symbole succédera la Dialectique, puis la chouette de Pallas, qui ne dort pas pour tout le monde.

devise.

tu saisiras le sens qu'il propose dans le systéme de notre philologie gráce précisément aux fragments versifiés dont j'ai pensé qu'il fallait les adjoindre pour que, sous la présidence d'Archinto, tu en fasses une premiére lecture au pape, avec le plan de la facade, que tu les agrémentes et

est sans doute possible également car il crée une forme d'urgence, bien dans la tonalité d'apostrophe de la

Enfin Antéros ; pour chacune de ces compositions allégoriques, j'ai adjoint des vers pour les interpréter. J'ai en outre ajouté, en cinquiéme

position, le symbole d'Alexandre se rendant à la Fortune. Ils sont tous énigmatiques mais doivent recevoir l'appui de l'admiration qu'ils

susciteront, comme tu le sais bien toi-méme. Adieu cher frére, si doux à mon cceur, et puisses-tu m'aider par ton travail (ce que tu fais) et

m'aimer ! Bologne, 10 avril 1543. » 5* cf HOR, Epist, 1, 1,90: Quo tenam uoltus mutantem Protea nodo ? Sur Protée, voir nos analyses au Symb. 61. 1555 & C'est pourquoi, tant que tu le peux, poursuis ta táche là où tu es, et enflamme du feu de ta charité tous les héros de notre académie. De cette académie méme, je t'envoie le symbole, accompagné d'un texte, en guise d'argument : [voir la traduction de l'épigramme supra]. Ce sera, à mon avis, un lien qui ne sera pas inutile pour enchainer le Protée que nous avons en nous ». Protée désigne ici l'homme extérieur, soumis à l'opinion et aux sens débridés, et qui doit étre fait prisonnier par Aristée pour se transformer en homme intérieur, entiérement spirituel. Voir Symb. 61.

$22

1586 H. Hyde, Cardinal Bendinello Sauli and Church Patronage in Sixteenth-Century Italy, Woodbridge, UK/Rochester, NY, 2009, p. 54-56, qui

ignore cependant les relations bolonaises de Sauli, avec Bocchi en particulier.

|

|

f

'5 Voir G. Tiraboschi, Storia della letteratura italiana, Venise, Molinari, 1823-5, t. VIII-1, p. 196-197 et M. Young, The Life and Time of Aonio Paleario or The History of the Italian Reformers in the Sixteenth Century, Londres, 1860, p. 219. 1588 Dui lui consacre diverses piéces de ses Carmina : 2, 1 ; 2, 155 6,3 ; 6, 65.

523

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

ANALYSE Nous avons proposé dans un article antérieur une interprétation générale de l'embléme dont nous reprenons ici

les principaux développements, aprés quelques remaniements et réactualisations bibliographiques!/5?. Avant

tout, il convient de passer par l'indispensable description de la composition allégorique orchestrée par Bocchi et que nous restitue la gravure : c'est l'un des rares symbola qui propose, à l'instar d'Alciat qui invitait à frapper des broches ou des écussons pour mettre à son chapeau ou à ses vétements, la réalisation matérielle d'un emblema, piéce décorative amovible dotée d'un sens allégorique complexe qui traduit les idéaux d'un porteur. 1. La dispositio picturale : architectura ut rhetorica

Cette composition, dont l'allure générale s'inscrit parfaitement dans un triangle inversé, se présente comme un haut-relief à la maniére antique, épousant l'angle que forment les deux murs d'un bátiment. La gravure du Symb. 110, qui en propose une représentation, et le folio 16v? du manuscrit milanais des lettres à Amaseo, cité supra, nous indiquent explicitement qu'il s'agit du Palazzo Bocchi et donc du siége de l'Academia Bocchiana. De part et d'autre de l'angle, deux dieux en forme de termes tournent la téte l'un vers l'autre pour se regarder et se donnent le bras : l'un à gauche porte un buste d'Athéna, reconnaissable à son casque, sa lance et son égide,

l'autre à droite, un buste d'Hermés que l'on peut identifier gráce à son caducée et son pétase. En avant du

couple, dissimulant l'arréte de l'angle, Éros ailé, son arc déposé à ses pieds, regarde le spectateur/lecteur. Sans se retourner, il désigne Athéna, de son bras gauche à l'index pointé, tandis que, de la main droite, il maintient des rénes, qui viennent se rattacher à un anneau ou à une bague portant un diamant. Le bijou sert de mors à une téte

de lion, reprenant l'ancienne coutume de faire tenir à l'animal un heurtoir de porte de de lion est placée sous les pieds d'Éros, déséquilibré dans un mouvement de marche partie la jambe droite pour ne laisser voir clairement que la gauche. De part et d'autre de une plinthe et sur une seule ligne : sic monstra domantur, « C'est ainsi que l'on domine

forme circulaire. La téte qui plie et dissimule en la téte de lion, on lit, sur les monstres ». Sous la

II l ll

|

N

portes du temple de Janus et trouve sa métaphore dans le labyrinthe du Symb. 145. D'autre part, la pierre d'angle constitue le point nodal dynamique oü les directions des deux murs convergent vers le spectateur, c'est-à-dire une sorte de croisée des chemins à rebours oü la bifurcation se résout en fusion des voies, et non dans leur divergence radicale. La rencontre imminente des termes de Pallas et Mercure,

conditionnée par une imaginaire progression vers le spectateur de l'attelage d'Éros et du lion, promet de rassembler en un seul pilier carré les deux termes surmontés des bustes des divinités, pour l'instant séparés mais qui, venant se placer dos à dos, constitueront ce que l'Antiquité appelait justement « Hermathéna ». Mais leur union à venir est en fait anticipée par toute une série de symboles du mariage : la jonction des mains'?5, le croisement des regards, l'anneau en forme de bague sertie d'un diamant qui sert à brider la gueule du lion et,

« Sous ma conduite, tu atteindras la perfection. Toi, tu n'as qu'à t'avancer (ou : contente-toi d'avancer) ». Ces deux inscriptions forment un distique élégiaque tronqué (la premiére constitue la deuxieme moitié d'un

l'académie de Platon (voir infra). De plus, elles formulent de maniere cryptée un projet de vie dont la figure

IM

bucrane, motif de la frise qui figure sur la facade du Palazzo dans l'Orthographia de 1545, il se referme avec les

Hermathenae), variante de celles de Mercure et Philologie narrées par Martianus Capella?" et au-delà, à la consécration de la doctrine cicéronienne, comme nous le verrons.

étymologique d'inscriptions. Elles commentent et interprétent de maniere elliptique et allusive (voir le déictique sic) la figure symbolique avec laquelle elles font corps. Néanmoins, elles s'apparentent moins à l'épitaphe d'un tombeau (malgré l'évocation de Mercure et de l'Orcus dans l'épigramme) qu'aux devises et avertissements qu'on pouvait lire à l'entrée des temples et des écoles philosophiques antiques, par exemple

l

évoquait d'ailleurs explicitement cette dimension religieuse ??*. Enfin, c'est une pierre d'angle pour le recueil d'emblémes, qui voit ici rassemblés quelques-uns de ses thémes et de ses dieux de prédilection. Le livre d'emblémes multiplie les auto-références architecturales à la maniére d'Horace'?5, : i] s'ouvre avec l'image d'un

bien entendu, le petit Éros, allégorie de l'amour qui rassemble les deux termes en matérialisant le fruit charnel

hexameétre, la deuxiéme, un pentamére), et, sculptées dans la pierre, constituent des « épi-grammes » au sens

l|

d'angle'^*, bien mise en évidence dans le Symb. 130!53). Une inscription sur la facade du Palazzo Bocchi

téte du lion, dans une sorte de cartouche oü les lignes donnent l'illustion de s'adapter à la contrainte de l'angle,

on lit: ME |DVCE |PERF|ICIES | TV M|ODO | PROGR|EDERE, que l'on pourrait traduire littéralement ainsi :

MM J|

endroit pour regarder la facade et prendre conscience de ses perspectives. C'est donc aussi le meilleur endroit — à la rencontre des deux murs de facade et des deux rues, Via Goito et Via Albiroli — d'oà Éros peut apostropher le passant, disciple potentiel de l'Académie. D'oà la structure dialogique je/tu dans la devise de l'image et dans l'épigramme, à la maniére des ecphraseis de l'Anthologie Palatine où les ceuvres d'art prennent la parole pour s'adresser ou répondre à qui les regarde et énoncer leur signification symbolique énigmatique. Deuxiémement, c'est une pierre d'angle pour l'assemblée humaine que constitue l'Académie qui non seulement a son siége dans cet angle du palais, mais y trouve aussi l'expression ramassée et cryptée de ses idéaux philosophiques (platoniciens et cicéroniens) et religieux (on n'ignorera pas la signification paulinienne de la notion de pierre

symbolique transpose visuellement et donc métaphoriquement les orientations et les propriétés, ce qui est précisément le róle de l'impresa à la Renaissance!???, Or cette figure imitant une sculpture exploite à merveille les ressorts symboliques que lui offrent sa disposition et son emplacement architecturaux. L'ensemble de la figure souligne la notion d'angle, mais la téte de lion, sur laquelle le pied d'Éros prend appui, comme sur un socle ou un fondement, constitue plus précisément un Ozu£Mog (Aí8ocg), une pierre de

soubassement : l'équilibre général pése et repose sur elle. Or cette pierre d'angle, que l'on retrouvera dans le Symb. 130, joue son róle dans trois domaines qui se répondent métaphoriquement. Premiérement, c'est une

pierre d'angle pour l'édifice du Palazzo : Daniela Monari!5°! rappelle que cet angle du palais est le meilleur 5? Voir A. Rolet, « L'Hermathena Bocchiana ou l'idée de la parfaite académie », dans M. Deramaix, J. Vignes (dir.), Les Académies dans l'Europe humaniste. Idéaux et pratiques, Genéve, 2008, p. 295-338.

P. Galand-Hallyn,

G. Vagenheim,

"5" Rappelons toutefois que Bocchi contrevient ici à toute une série de recommandations que les théoriciens légérement postérieurs formulent à propos de l'élaboration de devises canoniques, par exemple Paulo Giovio. Nous parlons ici de devise en nous référant à l'utilisation qu'Erwin Panofiky en fait pour caractériser l'allégorie de la Prudence de Titien. Voir L'OZuvre d'art et ses significations , Paris 1969 pour la traduction

francaise (1955'), p. 257-277.

11 Voir D. Monari, « Palazzo Bocchi e l'opera rustica secondo il Vignola », in M. Fagiolo (dir.), Natura e artificio : l'ordine rustico, il fontane, gli

automi nella cultura del Manierismo europeo, Rome, 1979, p. 113-128, ici p. 124,n. 5.

$24

qui scelle leur union. Le spectateur assiste déjà aux noces évoquées dans le Symb. 110 (v. 19 : nuptias bonae

La composition picturale souligne également l'idée de passage, de transition, de seuil. Ainsi, on notera que la gueule du lion bridée par un anneau fait étrangement songer à un heurtoir de porte, tandis que le statut de terme de Pallas et d'Hermés renforce la notion d'entrée et de limite. De méme, au vers 7 de l'épigramme, la citation virgilienne (Aen., 4, 242) rappelle le róle de psychagogue dévolu à Hermés, qui fait sortir les àmes de l'Orcus, une fois qu'elles ont bu l'eau du Léthé, pour qu'elles entament leur cycle de purification. De fait, l'entrée dans l'Académie est congue ici comme une sorte de palingénésie héroique à la sortie des Enfers : comme le rappelle Cristoforo Landino, la descente d'Énée dans l'Erébe sert d'image à la descente de l'àme au sein de la matiére, tandis que sa sortie, à l'aide de la réminiscence et des disciplines contemplatives, lui permet de regagner sa patrie

céleste'5**, Chez Érasme, les passions font basculer l’àme dans un univers infernal'*?". Le passant qui accepte de

franchir le seuil de l'académie de Bocchi et de quitter son monde de concupiscence est d'ailleurs célébré dans

1592 La pierre d'angle est le Christ et Paul rappelle qu'il faut bátir au-dessus, non pas l'édifice des ceuvres, mais celui de la Foi. Voir 1 Cor, 5, 11. Voir aussi le rémploi de cette métaphore empruntée à Isaie et aux Psaumes dans 1 Petr., 2, 6-7.

PEU armos aNI

A

O

4 SVPRA PETRAM VERBI DEI | DOMVM HANC ACHILLES BOCCHIVS | FUNDAVIT. ABSISTANT MALI | IMBRES ET AMNES ET NOTI. Voir M. Kiefer, Emblematische Strukturen in Stein. Vignolas Palazzo Bocchi in Bologna, Freiburg am Breisgau, 1999, p. 49. 195 voir L. T. Pearcy Jr., « Horace's Architectural Imagery, Latomus, 36-3, 1977, p. 772-788. Voir aussi M. Kiefer, Emblematische Strukturen in e Stein, p. 79.

* Les contraintes picturales ne permettent pas ici de respecter à la lettre la dextrarum iunctio, qui déséquilibrerait toute la corposition. Il ne

faudrait pas en déduire hátivement, comme le fait E. See Watson, Achille Bocchi, p. 144, que Bocchi ne pense pas au mariage, voire qu'il ignore ce geste, alors qu'il l'a vu, entre autres, dans l'embléme d'Alciat « Fidei Symbolum ». 1597 Déjà cité par E. See Watson, Achille Bocchi, p. 143.

'5* Cristoforo LANDINO, Disputationes Camaldulenses, 4, éd. P. Lohe, Florence, 1980, p. 218,1. 8-21.

5? Voir ÉRASME, Enchiridion militis Christiani, 7, dans ÉRASME, CEuvres choisies, trad.J. Chomara,t Paris, 1991, p. 68 (LB s p. 19E) : « L'esprit

éléve jusqu'au ciel, la chair enfonce dans les enfers ».

S285

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire - Livre IV

l'épigramme de l'embléme tel un héros épique, sorti victorieux de sa catabase, que Stefano Sauli félicite pour son courage (v. 10 : macte animo esse iubet). Mais le terme architectural, qui marque une frontiére, signale autant l'entrée que la notion plus abstraite et plus

théorique d'aboutissement et de fin. On songe ici à la devise d'Érasme, qui comportait un dieu Terme avec le motto : Vel Ioui cedere nescit!°, et l'embléme d'Alciat intitulé « Terminus ». Lorsque Mercure, dans la gravure et dans le texte de Bocchi (v.8), demande au passant-spectateur d'avancer immédiatement ou de ne faire qu'avancer (tu modo progredere), il joue sur le double sens de progressio : le mot indique à la fois le mouvement concret par lequel le néophyte va avancer à l'intérieur des murs du palais et donc de l'académie, mais également le mouvement abstrait de progression intellectuelle que l'impétrant va accomplir (perficies) en embrassant le programme d'étude qui lui est proposé. Ce parcours s'effectuera sous l'égide de son guide Éros (me duce)- que signifie sa présence ici?-, lui-méme inspiré par ses deux parents, qui personnifient tous deux l'orientation disciplinaire de l'enseignement à l'Académie. Mais la progressio décrit aussi le mouvement vers l'avant de l'étrange attelage platonicien dirigé par son cocher Éros. Ce mouvement idéalement équilibré entre l'énergie léonine et la retenue que lui imposent le pied d'Éros, le mors et la bride, se distribue jusqu'à l'arriére de l'attelage pour se répartir entre les deux figures divines, ainsi que le laisse entendre le motto de la gravure : la tempérance ou modération (modestia) conduit à la forme ultime de sagesse (Sapientia) et à Athéna, tandis que le mouvement vers l'avant (progressio) est réservé à l'accomplissement de l'éloquence (eloquentia) et à Hermés.

tu modo progredere, avec un jeu habile sur l'identité du dux et une variante sur progredi/regredi. Pour finir, cette invitation à dompter nos monstres intérieurs et la promesse qui nous est faite, sur le seuil d'un bátiment qui abrite une assemblée philosophique, d'y parvenir au terme d'une initiation progressive, apparait comme une variante plus clémente du &yewyérprroc unóelc eloíxo, « que nul n'entre ici s'il n'est pas géométre », la devise en forme de symbole pythagoricien qui aurait été gravée au fronton de l'Académie de Platon!*?. La géométrie, discipline phare de la science spéculative et occupation essentielle du Démiurge'9", est par excellence l'activité d'une áme qui connait sa divinité et oublie les bassesses de la matiére: elle est synonyme de justice et

d'équité/^? ou tout simplement de culture'*5, Or Bocchi reprend explicitement cette devise de l'académie

platonicienne dans le Symb. 126, dédié précisément au frére de Stefano Sauli, Girolamo Sauli (voir notre analyse à ce symbole). Le titulus de l'épigramme (Nemo absque temperantia a diuina ope rite impetrata, profici putet sibi) et l'épigramme elle-méme proclament la nécessité de la tempérance comme condition d'entrée dans l'académie de Bocchi (Nemo Academia sine me dignabitur unquam/ Pura heic securi est temperies animi, v. 1-2). Surla gravure du Symb. 126, cette tempérance est personnifiée sous les traits d'une Géométrie tragant des figures dans le sable avec un compas. L'image de l'initiation philosophique qui permet à l'áme de s'élever loin de la matiére est ici trés christianisée : au-dessus de Géométrie qui le désigne du doigt, un ange tente d'empécher un démon d'entrer dans le paradis oü siége Dieu le Pére, entouré des hiérarchies angéliques.

Or cet équilibre parfait que réalisent Éros et le lion entre tempérance et impetus, variante du festina lente comme le rappelait Edgar Wind'*", aboutit au mariage d'Hermés et d'Athéna, expression supréme de la félicité (felicitatem haec perficit). Éros promet donc au $Spectateur qui accepterait de pénétrer dans l'enceinte, le déroulement d'une formation idéale, qui se verra couronnée par perfectio et felicitas. Mais en méme temps, la figure tout entiére, bien que postée sur le seuil, exprime déjà le résultat de cet enseignement, en proclame l'accomplissement et dresse un portrait, non plus seulement d'un bouquet de disciplines théoriques, mais surtout de l'àme équilibrée qu'elles ont faconnée en lui permettant de dompter ses ennemis : sic monstra domantur. Le lion bridé et dominé par Amour, la Gorgone figée sur l'égide de Pallas, les serpents pétrifiés autour du caducée d'Hermés manifestent assez, dans la gravure, les victoires écrasantes des Olympiens sur les monstres.

Ces monstres protéens, dont parle le manuscrit milanais, sont — nous y reviendrons - la métaphore antique topique des passions qui nous agitent et auxquelles il faut passer les liens d'Éros ou d'Aristée. L'Hermathéna incarne donc à la fois l'idéal disciplinaire théorique de l' Académie et sa réalisation effective au sein de la psyché. La composition inventée par Bocchi joue de plus sur une triple référence. Tout d'abord, l'image d'Amour en guide (dux), l'évocation de la progression lente et la présence de monstres domptés sonnent comme une lointaine évocation du labyrinthe et des exploits théséens: nous voici ramenés à l'image méme du recueil

Fig. 1 > G. CAVINO, médaille en bronze réalisée pour Marcantonio Passeri, vers 1549 (diam. : 3,7 cm). Collection particuliére.

cet Amour

Enfin, la gravure du Symb. 102 propose une syntaxe iconique parfaitement maítrisée et orchestrée, à la maniere des hiéroglyphes de l'Hypnerotomachia Polifili de Francesco Colonna: chaque élément conserve une signification qui lui est propre mais le sens général de la figure ne peut étre compris que dans la relation graphique que chaque objet entretient avec les autres, qui est elle-méme pourvue d'un sens et fonctionne

au terme d'une marche forcée (progressio), aux félicités d'une unité retrouvée entre Éloquence et Philosophie,

Tout d'abord, la figure insiste sur la maiestas, c'est-à-dire le respect de la hiérarchie. Un lien de domination trés

emblématique,

véritable

labyrinthe,

comme

le déclare

le Symb. 145.

Ensuite,

les

efforts

de

philosophique secondé par Pallas et Hermes qui permettent de tendre vers la perfection originelle et de s'initier, entre Bouche et Ame - sur laquelle nous insisterons plus loin -, évoquent une médaille en bronze réalisée par Giovanni da Cavino pour le professeur de médecine et de philosophie padouan Marcantonio Passeri (14911564), oü l'androgyne décrit par Aristophane dans le Banquet de Platon, sous les traits janusiens de fréres siamois, a enfin retrouvé sa moitié perdue et son harmonie, sous la conduite de la philosophie (Fig. 1)'9?, Le titulus de la médaille, Philosophia duce regredimur, semble résonner derriére le titulus bocchien, Me duce perficies,

comme signal syntaxique'^", Dans cette perspective, trois dimensions nous semblent devoir étre soulignées.

fort est marqué par le pied d'Éros sur la téte du lion, relayé par la bride dans la main d'Éros, bride elle-méme

1603 Sur l'improbable réalité historique de cette inscription, les étapes de la constitution d'une tradition doxographique et es sigülfications, voir H. D. Saffrey, nouvelle

« AFEOMETPHTOX

académie », dans

MHAEIX

EIXITO.

Id., Études sur le néoplatonisme

Une inscription légendaire », et « *Cy n'entrez pas, hypocrites... aprés Plotin, Paris,

1990, p. 251-295.

Théléme, E

Les sources majeures de cette devise à la

Renaissance sont les rédactions successives de l'adage d'Érasme 3, 3, 60, « Aysopérprivoc ob8elc eioíre » et le texte du chapitre 52 du

14? Paolo GIOVIO, Dialogo dell'imprese militari e amorose (Rome, 1555), éd. M.L Doglio, Rome, 1978, p. 139-140 et Claude PARRADIN, Devises héroiques, Paris, 1557, p. 103, Cedo nulli. Pour une analyse de cette énigmatiq ue devise, voir E. Wind, « Aenigma Termini », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 1, 1937, p. 67-69, repris dans Id., The Eloquence of Symbols. Studies in Humanist Art,J. Anderson (éd.), Oxford,

1983, p. 77 sq. Comme le rappelle Edgar Wind, Érasme justifie les intentions de l'embléme dans sa lettre à Alfonso Valdés du 1" aoüt 1528 (Epistolae, éd. Allen, n° 2018). 101 Voir Edgar Wind, Mystéres paiens de la Renaissance, Paris, 1992 pour la traduction francaise (19587),

p.217. 1? $ur Antonio Passeri, contemporain de Pierio Valeriano et d'André Vésale, voir E. Wind, Mystéres paiens, p. 216. Sur la médaille, voir A. Armand, Les médailleurs italiens des quinziéme et seiziéme siécles, Paris, 1883, t. I, p. 184, n? 29.

$526

Gargantua de Rabelais.

10 Voir PLvT., Quaest. conu., 8, 2, 4, 718b-720c. Voir H. D. Saffrey,

« ATEQMETPHTOX MHAEIX EIXITQ », p. 69.

1805. Ea premiére trace de cette interprétation de la devise platonicienne est fournie par Sopatros, un scholiaste de la seconde moitié du 1v* siécle, dans le commentaire qu'il fait à un passage du Pour les quatre d'Aelius Aristide. Elle est encore connue de Tzetzés au Xir* siécle (8, 974-977). Voir H. D. Saffrey,

« ATEQOMETPHTOX

MHAEIX EIXITQ », p. 72.

i

1606 Le terme d'áyeceyuécprixoc apparait chez Aristote (Seconds Analytiques, 2, 12, 77 b, 12-1 3) et au 1I° siécle, le philosophe Taurus (cité par Aulugelle, 1, 9, 8) lui donne pour synonymes áOeópnroc, áuovcoc. Voir H. D. Saffrey, « AT EGMETPHTOX MENS BIET », P. 8 $96. a 1607 Voir l’article toujours incontournable de G. Pozzi, « Les hiéroglyphes de l' Hypnerotomachia Poliphili », dans Y. Giraud (dir.), L'Embléme à

la Renaissance, Paris, 1982, p. 15-27.

527

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

rattachée à l'anneau servant de mors dans la gueule de l'animal ; dans l'épigramme ce lien de domination est

traduit par le terme regas (v. 2). Pallas et Hermes, de taille identique et parfaitement symétriques, sont placés à

l'arriére d'Amour mais le dominent de leur stature, autorité relayée dans l'épigramme sous le vocable ministrat (v. 1). De plus, le mouvement vertical dicté à notre regard par la continuité entre la bride et le doigt d'Éros levé nous indique un sens de lecture qui va de bas vers le haut. Nous passons imperceptiblement de l'écriture (celles des deux inscriptions) au hiéroglyphe, considéré comme d'une essence supérieure à la Renaissance au simple signe écrit'^*, mais surtout, nous montons les degrés d'une sorte de scala naturae, d'échelle de la nature, qui nous mene progressivement du régne minéral (pierre et métal) au régne animal (lion) puis humain, voire divin (avec le passage de l'enfance, incarnée par Éros, à l'áge adulte et sexué, personnifié par Pallas et Hermes). Ensuite, Éros accapare le róle principal, celui de la conciliation et de l'harmonie, en faisant tourner autour de lui l'ensemble des figures et en centralisant les forces vectorielles qui s'y déploient. Il faudra se demander pourquoi lui accorder une place si importante, alors méme qu'il n'est pas au sommet de la hiérarchie. Enfin, la composition travaille sur des solutions de continuité/discontinuité entre les diverses parties. Éros et le lion se trouvent reliés par un lien puissant de domination, matérialisé par le mors, les rénes et le pied sur la téte. De la méme maniere, Hermés et Athéna le sont par un rapport de fides qui prend la forme des bras joints et des regards croisés. En revanche, entre Éros et le couple de divinités, la relation est ténue et s'effectue par le geste déictique d'Éros et son index pointé. De plus, les jeux de regards isolent encore Pallas et Hermes, mais associent Éros et le lion qui semblent regarder le spectateur. Il faudra là encore s'interroger sur le sens de ces associations. Bocchi a rassemblé en une seule et méme composition des figures mythologiques dont l'association par couple est traditionnelle depuis l'Antiquité. 2. Les ressorts de l'inuentio : les couples mythographiques et leurs sources littéraires et picturales

Le couple mythique d'Hermés et d'Athéna, présent dés l'Odyssée d'Homére (10, 275-315), lorsque Ulysse découvre le móly qui doit l'aider à lutter contre les ensorcellements de Circé, répparaitra un peu plus tard dans le

recueil d'emblémes. Nous retrouverons les deux divinités dans la gravure du Symb. 129, oà Bocchi célébre les

pérégrinations formatrices de son maitre Giovanni Battista Pio.

En relation avec l'idée d'académie, la source directe de l'association d'Athéna et d'Hermés est indubitablement

constituée par les deux lettres de Cicéron à Atticus'^? où il remercie son ami de lui avoir envoyé une statue de l'Hermathéna pour son académie de Tusculum!" et précise que, si Hermés est présent dans tous les gymnases,

Athéna sera particuliérement adaptée au sien'‘!!, oà elle trouvera comme un sanctuaire (Cicéron joue sur la paronymie Athéna/anathéma) $7. Les Hermathenae de l'Antiquité sont tantót des piliers carrés (appelés « hermés ») avec un buste d'Athéna, tantót des piliers surmontés du buste d'Hermés et d'Athéna dos à dos!?!. Dans la gravure de Bocchi, la configuration d'Hermés et d'Athéna sous forme de deux termes distincts mais unis par les symboles du mariage est une libre et ingénieuse adaptation des schémas antiques!!*, 1608 Voir K. Gielhow,

« Die Hieroglyphenkunde

des Humanismus

in der Allegorie der Renaissance », Jahrbuch

des Kunsthislorischen

Sammlungen des allerhóchsten Kaiserhauses, Band XXXII, Heft 1, Vienne/Leipzig, 1915, P. 1-232. Voir également C. Balavoine, Le modéle hiéroglyphique à la Renaissance, dans C. Balavoine,J. Lafond, P. Laurens (dir.), Le modéle à la Renaissance, Paris, 1986, p. 209-225 ; Ead., « De la

perversion du signe égyptien dans le langage iconique de la Renaissance » dans C. Grell (dir.), L'Égypte imaginaire de la Renaissance à

Champollion, Paris, 2001, p. 27-49. 1609 CIC., Att., 1, 1,2 (nov. 68) ; 1, 4, 3 (début 66) ; 1, 1, s (juillet 65). Voir E. See Watson, Achille Bocchi, p. 145-146, que ne cite pas M. Kiefer, Emblematische Strukturen in Stein, p. 74, n. 30. 1610 Édifiée en 68-67 (cf. CIC., Diu., 1, 8 ; Tusc., 2, 9), cette académie était appelée par Cicéron également xyste, palestre et gymnase. Sur le sens

de ce vocabulaire grec, voir X.Lafon,

« À propos

des uillae républicaines.

Quelques

notes

sur les programmes

décoratifs et les

commanditaires » dans L'Art décoratif à Rome à la fin de la République et au début du principat, Rome, 1981, p. 151-172 en part. p. 162-165. 19! CIC. Att, 1, 4, 3 : Quod ad me de Hermathena scribis, per mihi gratum : est id ornamentum Academiae proprium meae, quod et Hermes commune omnium et Minerua singulare et insigne eius gymnasii. 15? Cic., Aff. : 1, 1, 5 : Hermathena tua ualde me delectat et posita ita belle est ut totum gymnasium &váOnua uideatur. Multum te amamus. 113 Voir W. Gundel, « Hermathena/Hermerakles » in RE, 1912, t VIII-1, col. 725-726. 1614 Sur ]a postérité de cette association, en particulier chez Cartari, voir E. See Watson, Achille Bocchi,, p. 76-77. Nous

remercions

Perrine

badinage

hivernal

Galand d'avoir attiré notre attention sur l'Hermathéna qu Erycius Puteanus avait choisi comme embléme de son académie Palaestra Bonae et

Mentis

$28

qu'il

avait

fait représenter

sur

une

médaille

dédiée

à l'Archiduc

Albert.

Voir

P. Galand-Hallyn,

« Le

D'autre part, comme le signale déjà Edgar Wind'^, Athénée indique que, dans les gymnases, Éros, divinité sainte qui ne s'accommode de rien de honteux, figure aux cótés d'Hermeés et d'Héraclés, gardiens respectifs du discours et de la force, pour les unir et engendrer l'amitié et la concorde!'6, I] ajoute qu'à l'Académie, on honore

sur un méme autel Athéna et Éros, symbole de concorde'5", Ainsi, il est remarquable de constater que la

présence d'Éros aux cótés d'autres divinités non seulement permet la fusion des vertus qui leur sont attachées singuliérement mais engendre de fait la paix et la concorde dans la société humaine. Comme nous tenterons de le montrer, cette idée pouvait retrouver, dans le contexte troublé des guerres de religion au xvr^ siécle, une singuliére actualité. Enfin, l'étrange attelage du lion dompté par Éros est un motif bien connu à la Renaissance. Il apparaissait déjà réguliérement dans l'Antiquité, par exemple sur des gemmes, des monnaies, des mosaiques, des bas-reliefs ornant des sarcophages ou encore sur des skyphoi'^. La composition de la gravure du Symb. 102 semble résulter de la fusion entre deux traditions iconographiques, celle qui montre Éros chevauchant un lion, par exemple sur une monnaie de Géta 1? et celle oü, monté sur un char, il dirige le fauve d'une bride et d'un fouet, comme le montre une peinture d'Herculanum'^", qui emprunte aux intailles et aux sarcophages ce motif courant/?!, Dans l'Anthologie de Planude, une épigramme de Marcus Argentarius (9, 221) se plait à souligner le paradoxe à voir ce petit enfant domptant la béte terrifiante. L'étrange union de l'enfant et de la béte sert à souligner symboliquement la toute-puissance de l'Amour, par référence au Banquet de Platon (180b). Alciat, dans son embléme « Potentissimus affectus amor », s'inspire de l'épigramme d'Argentarius, jouant de surcroit, dans le

second vers, sur la proverbiale citation virgilienne (Buc., 9, 69), amor omnia uincit. Chez Alciat, l'Amour est un véritable cocher, comme l'indique le terme auriger, et les gravures des différentes éditions montrent l'adolescent ailé, fouet et rénes en main, conduisant un bige mené par des lions (Fig. 2-3). Bocchi reprend à son tour, dans la

gravure et dans le texte du Symb. 102, le motif de l'attelage d'Amour domptant le lion (regas), avec toutes les

connotations platoniciennes qu'il peut avoir, en référence au mythe du Phédre (246a-253d) ^". Il souligne, dans

le premier distique de l'épigramme, à l'instar de l'Anthologie, le paradoxe entre le statut de puer du cavalier, la finesse du mors (exiguo) et la grandeur du monstre (maximum). Le terme d'adamante signifie à la fois « métal trés dur » mais surtout « diamant », et ce nom latin, translittéré du grec, adamas, fait entendre en filigrane le

terme Sauátetv, qui veut dire précisément « dompter ». Le diamant, chez Valeriano, est un symbole de fortitudo et il passait pour libérer magiquement ceux qui le portent de toute crainte, les rendant indifférents aux aléas de la Fortune'^?, Enfin, dompter les lions en les endormant est aussi la vertu de l'herbe magique appelée adamantis et décrite par Pline l'Ancien (24, 162). (chimonopaegnion) d'Erycius Puteanus » dans Ph. Heuzé, J. Pigeaud (dir.), Chemins de la re-connaissance, en hommage à Alain Michel,

Helmantica, so, 1999, p. 419-452, en particulier p. 444, n. 38. Sur Puteanus, voir les Acta Puteanaea, Proceedings of the International Colloquium Erycius Puteanus (1574-1646), Louvain-Anvers, 7-9 novembre

1986, Humanistica Lovaniensia, 49, 2000.

'55 E, Wind, Mystéres paiens, p. 217, n. 45.

1616 ATH, Deipn. 13, 12 Kaibel (s61d): 'Oxt $è xal oi xo?rov zpsofovepot xarà qiiocogiav csuvóv xtva 1óv "Epwrta kal zavróc aleypoó Kextopiouévov fj8ecav 8ijXov Ex xo kacà xà youvácia avtòy cvvibpocOat 'Epur) kat 'HpaxAet, và u£v Aóyov, x9 8'aAkic sporoviómt ovy £voBévvury

Qa

ve kai óuóvota yevváxat, $U àv 1) xaMMiotn &AevOspia roig vabta uextobotv cvvaóéexat, « Que les penseurs antérieurs à D



eu la

conviction qu'Éros avait un caractére sacré lié à la philosophie et éloigné de toute souillure, apparait clairement dans le fait qu'il se dressait dans

les gymnases aux cótés d'Hermés, patron du discours, et d'Héraklés, patron de la force. Leur union engendre l'amitié et la concorde, qui

accroissent de concert l'extraordinaire liberté de ceux qui recherchent ces valeurs ».

1617 ATHÉNÉE, ibid. : AÜnvaiot $è rocobrov ázécXov toò ovvovaag tivòs SuAapetv npoeotàvai Tòv "Epwrta Gore Tis Axaernulac HOM

i

1j A8nvà

»

KaBiepoyévrc ao1ó8t xóv "Epwra iBpvaáuevot avvObovotv avt@, « Les Athéniens, bien loin de comprendre qu'Éros présidait à l'accouplement,

placérent au contraire sa statue à l'Académie, alors méme que cette institution était ouvertement consacrée à Athéna, pour lui offrir un culte en

méme temps qu'elle ».

1618 Voir (Ch. Augé et P. Linant de Bellefonds, « Eros » in LIMC,

1988, t. III-1, III-2, p. 850-952, en particulier les figures 257-275, et N. Blanc,

F. Gary, « Eros/Amor/Cupido », ibid., p. 952-1049 et les figures 335-339 et 361-362.

'^? Denier de Géta (198-209 apr. J.-C.) frappé à Pautalia (Thrace). Cf. BMC (Thrace), p. 146, n° 42. 1620 Voir LIMC, t. ITI-1, p. 998, n? 361.

'?' Voir LIMC, t. III-1, p. 995. '?? Voir la reprise des images chez Érasme dans l' Enchiridion militis Christiani, 4, éd. citée p. 57 (LB s, p. 13E sq.).

183 VALERIANO, Hieroglyphica, XLI, « De adamante. Fortitudo », p. 306a-b. Voir apparat des sources. G. de Tennacent Attributs et symboles dans

l'art profane, Genéve, 1997", p. 181-182 rappelle que le diamant entre dans plusieurs devises fameuses des Médicis, dont celle de Laurent.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Mais dresser l'historique des formes et des motifs ne permet pas de comprendre l'unité de la figure et de sa syntaxe complexe. 3. Un programme académique complexe : la concordia sententiarum L'une des ambiguités et des difficultés majeures de la figure, semble-t-il, est de donner à voir simultanément

l'imbrication d'un ambitieux programme de formation philosophique oü s'harmonisent les disciplines selon une stricte hiérarchie, mais aussi un portrait psychique idéal de l'homme intérieur une fois formé par l'Académie, une vision d'ensemble de l'équilibre là encore hiérarchique entre toutes les fonctions qui le constituent. C'est là une idée bien cicéronienne. L'une des pierres d'angle de la réflexion philosophique de l'Arpinate est précisément l'effort considérable pour penser la réconciliation entre deux disciplines unies jadis dans les grandes personnalités de la Gréce classique,

comme Thémistocle ou Périclés, mais séparées ensuite par Socrate et ses disciples?

^. Cette union de

l'éloquence et de la philosophie, centrale dans l'Orator, le De Oratore et le De Inuentione'95, non seulement harmonise en un tout les champs du savoir, en établissant une corrélation entre copia rerum et copia uerborum,

mais elle réconcilie également l'homme avec lui-méme en sollicitant à la fois la bouche et le coeur/?6, De

surcroit, cette complémentarité disciplinaire assure le respect des deux styles de vie, active et contemplative, et oblige à alterner la solitude de la retraite et la fréquentation des places publiques et des assemblées. On sait le modéle qu'a constitué, dans cette perspective, la vie elle-méme de Cicéron pour les chanceliers de Florence comme Coluccio Salutati, Leonardo Bruni, ou Poggio Bracciolini. Bocchi reprend cette idée en soulignant, par

les constructions elliptiques en chiasme du titulus de la gravure (sapientiam modestia, progressio eloquentiam «perficit»), la complémentarité entre eloquentia et sapientia, menées à leur perfection par la pondération d'Éros, qui incarne ici la modestia, et par l'énergie du lion, symbole de progressio.

emprunte au De Legibus de Cicéron, oà la paronymie a valeur sémantique, ratio et oratio!'?". Mais Bocchi se

place surtout derriére Jacques Sadolet qui, dans l'Hortensius, la deuxiéme partie du De laudibus philosophiae de 1538, souligne l'effet désastreux de la séparation entre éloquence et sagesse et appelle à leur réconciliation". L'homo perfectus qui entre à l'académie bocchienne sera à la fois orator et sapiens et cette association lui assurera le statut d'absolue puissance d'un rex qui domine ses passions en unissant la langue et l'esprit, le pouvoir et le vouloir célébrés dans l'épigramme au vers 6. Mais faire de Cicéron l'exclusive référence de la figure gravée occulte le travail trés subtil effectué par l'emblématiste sur d'autres textes, en particulier platoniciens. Car le modéle philosophique incontournable de Cicéron, par-delà la Nouvelle Académie à laquelle il disait appartenir, était bien le pére fondateur, Platon. L'Hermathéna dans son ensemble est un hommage à la fois à la devise de l'Académie platonicienne et au mythe de l'attelage du Phédre. De fait, Hermés et Athéna, en dominant et en couronnant par leur taille et leur isolement l'ensemble de la composition, constituent une sorte de « troisiéme fonction », bicéphale, qui renvoie trés clairement aux images de tripartition psychologique de la République ou du Timée, quelque peu revisitées et adaptées dans notre embléme. Tout en bas de la figure gravée, et donc dans les parties du corps humain situées au-dessous du ventre,!°°” grognent et rugissent les epithymiai composites dont Platon nous dit qu'elles ressemblent, entre autres, à la

Chimére'9?, dont nous n'apercevons ici que la téte léonine, qui vaut précisément, par synecdoque, pour l'ensemble de la béte, comme l'indique le pluriel du titulus (sic monstra domantur). Le lion bridé a en outre

l'avantage non seulement de faire résonner en harmonique l'une des images animales chéres à Sénéque pour traduire l'hormé qu'est la colére, mais aussi de renvoyer à la théorie des passions moyennes de l'Éthique à Nicomaque d'Aristote dont la colére constitue le cas d'école, dans une sorte de syncrétisme ou de concordia philosophique si fréquente à la Renaissance. De plus, dans la perspective d'une lecture christianisée, le lion est la

figure traditionnelle du diabolos, du démon qui tamquam leo rugiens circuit, quaerens quem deuorat'9?', Dans la partie médiane de la figure, qui correspond à l'emplacement du cceur dans le corps humain 182 Éros joue

le róle de la deuxiéme fonction platonicienne, le thymos, organe du courage et de la force, comme le précise l'épigramme au vers 1 (uires, animum). Son róle est ici de dompter et de dominer la premiere fonction (regas), comme l'indiquent la bride et le pied sur la téte de lion. Cette image de téte de lion servant de socle au pied d'Éros est le signe qu'à la lecture de Platon vient se surimposer la lecture de certains passages du De Finibus de Cicéron. Bocchi suit ici Cicéron dans sa tentative de déterminer le souverain bien pour une nature humaine

double mais continue, comme le veut l'oikeiósis, à la fois áme et corps'9*. II faut tenir le juste milieu entre l'exigence purement

rationnelle du felos stoicien, à laquelle Cicéron confére une tonalité platonicienne, et la

position épicurienne sur le plaisir individuel, trés critiquée par Cicéron. Cette harmonisation est permise gráce à

Fig. 2 > A. ALCIAT, Emblematum libellus, « Potentissimus affectus Amor Ch. Wechel, 1534, p. 11

», Paris,

© Glasgow University Library.

Fig. 3 > A. ALCIAT, Emblematum libellus,

« Potentissimus affectus Amor », Paris,

M. Bonhomme pour G. Rouille, 1550, p. 115

O Glasgow University Library.

Dans l'épigramme, l'emblématiste insiste sur l'alliance entre la bouche (os) et l'animus, soulignée par la référence aux origines d'Athéna, née de la téte de son pere, siége de l'intelligence (summi eductam de uertice patris, v. 3) et la mention de la faconde d'Hermés (facundo Atlantiade, v. s). Il se met ainsi dans la droite lignée d'un Guillaume Budé, au début du De Studio litterarum de 1 532, invitant à retrouver, derriere Pallas et Hermes,

l'antique unité du logos grec : cette notion, à la fois raison et discours, se décline en un doublet latin que Budé

l'adoption d'une position éthique académico-péripatéticienne, réalisée au cinquiéme livre dans le discours de Pison : privilégier l’àme sans ignorer le corps. L'Hortensius de Sadolet développe à l'envi cette conception en suivant les mots mémes de Cicéron : l'équilibre intérieur de l'homme repose sur l'acceptation que toutes ses parties, végétative, sensitive et rationnelle, constituent une unité naturelle, et que la philosophie ne consiste pas à tenter d'en éradiquer certaines, mais à en hiérarchiser les exigences et à les mener au terme. Sadolet rappelle 167 Guillaume BUD£, De Studio litterarum recte et commode instituendo, Paris, Josse Bade, 1532, p. 9 r°.

'^* Jacques SApoLET, De Philosophia, trad. E. Charpenne, Paris, 1864, p. 183 : « Celui qui osa le premier disjoindre, séparer ces deux choses

unies ensemble naturellement par une étroite parenté, je veux dire l'éloquence et la sagesse, lorsqu'elles forment à elles deux une sorte de perfection, que l'une est la vertu de la pensée, l'autre du discours, [...], celui-là répandit dans le genre humain la semence de tous les maux. » Voir aussi p. 185 : « Cette belle forme d'une sagesse parfaite et absolue qui consiste dans ces deux excellents guides de notre vie, à savoir l’àme

et le discours, et dans leur accord et leur union, si l'on se figure qu'elle est facile et à la portée de tous, assurément on se trompe » Sur l'influence

de Sadolet sur Bocchi, voir nos analyse au Symb. 45. 1624 Voir CIC. De Or., 3, 61 et 3, 72.

15 Voir A. Michel, Les rapports de la rhétorique et de la philosophie chez. Cicéron : essai sur les fondements philosophiques de l'art de persuader, Louvain/Paris, 2003° ; J. Seigel, Rhetoric and Philosophy in Renaissance Humanism. The Union of Eloquence and Wisdom, Princeton, 1968 ; M. Fumaroli, L'Áge de l'éloquence. Rhétorique et res literaria de la Renaissance au seuil de époque classique, Genéve, 1980. 1626 Voir CIC., De Or., 3, 61 : discidium [ ... ] linguae atque cordis.

$30

1629 DL Tim. 7od-e. '5? PL. R65, 9, «88c-589a. 1 VviG, 1 Petr, 5,8: « rugissant comme un lion, róde alentour, cherchant qui dévorer. »

1632 Pr, Tim. 69d-70a.

1633 Sur toutes ces questions,voir C. Lévy, Cicero academicus. Recherches sur les Académiques et sur la philosophie cicéronienne, Rome, 1992, P- 377-444.

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Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

justement que la partie inférieure est pour ainsi dire le socle et la faculté la plus ancienne, sur laquelle les autres peuvent s'appuyer : nous retrouvons l'idée du themelios, la pierre d'assise'^*. Mais dans l'embléme de Bocchi, Éros lui-méme recoit son pouvoir (quis tibi ministrat, v. 1) d'une fonction supérieure qu'il désigne du doigt. Cette troisi&me fonction, noétique (le terme animus est relayé par le terme mens, v. 5 dans l'épigramme), occupe la partie supérieure de l'image et donc la citadelle de la téte!9*, Mais loin de n'étre représentée que par la seule déesse des acropoles, Pallas, elle est incarnée ici par le couple cicéronien Hermés et Athéna, à la fois l'os, la bouche, et la mens, l'esprit, conformément au double sens du logos antique, à la fois raison et discours. C'est cette

fonction double qui domine l'attelage tout entier et fait ressentir sa force jusqu'aux fonctions inférieures, selon la supériorité essentielle et régalienne que lui accorde Platon, mais aussi Cicéron, qui, dans les Tusculanes, assimile

au platonisme l'exigence stoicienne de la rationalité, en la coupant de son présupposé moniste. Le lien que cette fonction entretient avec la fonction inférieure est matérialisé par le doigt d'Éros : ce lien de parenté et d'autorité, à la fois fort et ténu, mais peut-étre aussi de séparation radicale d'essence, est librement accepté par Éros, sans la contrainte du mors et des brides. Car le point nodal de cette figure, et le plus original, est sans doute Éros. Dépourvu de son bandeau sur les yeux et de son arc qu'il a déposé à ses pieds, il est ici l'amour spirituel, fils de la Vénus ouranienne dont parle Pausanias dans le Banquet de Platon (180d-e), passage commenté par Marsile Ficin!?*, Bocchi, suivant Ficin, fait d'Éros un uinculum, un lien qui permet aux fonctions inférieures et supérieures de s'accorder harmonieusement'^"", en véritable dieu de la philia dont parle Athénée. Il est l'agent de modestia qui régule la progressio et que célébre le titulus bocchien, c'est-à-dire le régne intérieur de la mesure et de l'équilibre que Platon propose sous le mot de justice, et la tradition platonicienne, sous celui de geometria. Le mors qu'Éros tient, le pied qu'il appuie sur la téte léonine, le regard qu'il adresse au spectateur et le bras qu'il léve relient toutes les parties et montrent graphiquement comment il remplit ici le róle de circuitus spiritualis dont parle Ficin en s'in$pirant de Plotin: ce lien amoureux tourne les divinités supérieures du monde vers leurs hypostases inférieures mais convertit les deuxiémes vers les premieres, tout en conservant l'ordre établi dans un sentiment

de paix et d'équilibre!6*,

Prendre l'attelage bocchien en cédant aux injonctions d'Éros est une promesse faite à celui qui va entrer dans l'académie d'accéder au terme, non pas celui de la mort, mais au contraire celui de la perfectio et de la felicitas. C'est une promesse de récupération d'une harmonie et d'un bonheur perdus, sous la conduite d'Éros philosophe, récupération que Platon traduit par les images du délire, de l'essor de l'áme ailée, de l'attelage repu de nectar et d'ambroisie ou encore de l'androgyne, motif repris dans la médaille de Marcantonio Passeri. Mais le propos philosophique général de la figure invite à y déceler également une dimension religieuse essentielle. 4. Les enjeux religieux : un message évangélique en faveur de l'irénisme

Le premier indice d'une interprétation « évangélique » de l'embléme, en relation avec l'actualité religieuse des réformistes italiens, est sans doute l'importance accordée au lion, symbole traditionnel de la colere contre

laquelle il faut lutter. Le Symb. 107, dont la gravure montre la lutte d'Hercule contre le lion de Némée, conseille

au dédicataire, Angelo de Médicis, Et linguam et iram contine, « retiens ta langue et ta colére à la fois ». De

Or l'Hermathéna vient relayer ce discours. La vision du lion dominé par le mors et le pied d'Éros, lui-méme sous l'influence bienveillante d'Hermés et d'Athéna rappelle qu'à l'attitude violente de la partie basse de l'áme, entierement dictée par la colére et orientée vers les persécutions, il faut opposer la partie intermédiaire, celle du cceur, quand elle se soumet librement à la partie supérieure, oü régnent l'esprit et le verbe. Il nous semble, une fois de plus, que Bocchi subit ici l'influence d'Érasme et en propose une magnifique mise en symboles. Dans l'Enchiridion militis christiani, Érasme, reprenant les acquis psycho-physiologiques du Timée de Platon, rappelle que la Mens ou Esprit, véritable roi doté d'un sceptre et d'une couronne, se situe dans la citadelle de la téte!9?, ne s'attache qu'à des pensées immortelles et célestes, tandis que la partie irascible, à mi-chemin entre l'animalité et l'esprit, vient s'inscrire dans le diaphragme, reléguant la partie concupiscible, indomptable et sauvage, dans le ventre et le bas-ventre. Mais à cette tripartition platonicienne, Érasme surimpose la division origénienne entre

Esprit, Àme et Corps, reprise elle-méme de l'Epítre aux Thessaloniciens!°*° : l'Esprit est l'organe de l'homme intérieur, par opposition à l'homme extérieur ou charnel qui n'écoute que les appétits corporels. L'Esprit suit la Loi divine, c'est-à-dire celle de la Foi. L'ÀÁme peut glisser indifféremment de l'un à l'autre, s'élevant vers l'Esprit ou basculant vers le corps. Bocchi, dans son embléme hermathénien, fait du vo platonicien qui habite la citadelle de la téte, une entité

bicéphale qui se divise entre Bouche et Intelligence, entre Verbe et Sagesse, entre Hermés et Athéna. Mais, à la Vvyij ou au 69uoc, Bocchi substitue le coeur!*', si important chez saint Paul, qui s'incarne ici en Éros. Ministre de l'Esprit où régne la Foi, Éros, dieu de l'Amour, atteste la réalité de cette Foi en dispensant la charité, c'est-à-

dire l'amour pour autrui. La gravure livre un véritable manifeste iréniste, oü l'idéal religieux ne peut étre coupé d'une inspiration humaniste qui exalte le recours aux disciplines plurielles. Pour exalter le message évangélique de la Foi et de la Charité, Éros a besoin de la protection du Discours et du Savoir, cicéronien et biblique : l'éclat de la parole s'unit à la profusion de l'intelligence pour offrir les instruments de la paix". 5. Conclusion : du livre au palais

Le programme évangélique célébré par l'Hermathéna trouve de singuliéres résonances dans les trois citations qui ornent les deux fagades sur rue du Palazzo Bocchi, situé au n^16 de l'actuelle Via Goito à Bologne, à l'intersection avec la via Albiroli. La premiere citation, en hébreu (Fig. 4), à gauche du portail d'entrée, est tirée d'un extrait des Psaumes (120, 2) : « Seigneur, délivre mon àme des lévres qui mentent et de la langue qui trompe »!59). La seconde citation, à droite du portail (Fig. 5), es empruntée aux Epítres d'Horace (1, 1, s960) : Rex eris, aiunt,/ si recte facies, « Tu seras roi, dit-on, si tu agis droitement »).

La troisiéme citation orne la facade adjacente, Via Albiroli. Elle ne peut se lire que si l'on regarde l'angle orné d'une téte de lion (et oà devait probablement étre édifiée la statue de l'Hermathéna) et constitue la suite de la citation d'Horace précédente (Epist, 1, 1, 60-61 : Hic murus aeneus esto :/ nil conscire sibi, nulla pallescere culpa, « Il faut étre cette muraille d'airain : n'avoir rien sur la conscience, ne pàlir sous le coup d'aucune faute » ^*^). Marcus Kiefer voit dans l'association des deux premieres citations une variante de la recommandation faite par Jéróme dans sa lettre Ad Eustochium d'unir Horace et le Psautier'?^. La célébration du rex dans la deuxiéme citation est, à ses yeux, à lire selon un axe politico-littéraire, oà les propos d'Horace adressés à Mécéne, compagnon d'Auguste, invitent Alexandre Farnése, patron de l'Academia Bocchiana et neveu du Pape Paul III, à

maniére plus politique, Bocchi offre au légat de l'Inquisition à Bologne entre 1551 et 1554, Reginaldo Nerlio, le

Symb. 128, un embléme intitulé significativement Aduersus iram symbolum, « symbole pour lutter contre la colére ». Comme le Christ entouré de soudards que met en scene la gravure, l'emblématiste invite l'inquisiteur à calmer sa colére et à faire la paix avec ses ennemis.

1639 Pr, Tim., 69a-70d. 15 Voir A... Festugiére, « La division corps-àme-esprit de 1 Thessal., s, 23, et la philosophie grecque », dans L'idéal religieux des Grecs et l'Evangile, Paris, 1932, Etudes Bibliques, Excursus B, p. 196-220. 1641 Sur ]e ró]e idéologique essentiel de cet organe chez Bocchi, voir nos analyses des Symb. 6o, 64 et 122. 1642 Voir le Symb. 5o et le titulus de sa gravure : Ex disputatione ueritas patet, contentione euertitur.

15* 195 16% 157 1638

532

VoirJ. SADOLET, De Philosophia, p. 254-255, 257, 259. pr, Tím., 41d, 45b, 70a, 73c, 75c, 90a. Voir M. FICIN, Commentarium in conuiuium Platonis, 2, 7 : « De duobus amoris generibus ac de duplici Venere ». M. FICIN, Conu. Plat., 6, 11. Voir P.-O. Kristeller, Il pensiero filosofico di Marsile Ficino, Florence, 1953, p. 404.

1643 Voir G. Bosi, Archivio patrio di antiche e moderne rimembranze felsinee, Bologne, reprod. anast., 1853-1860, t. I, p. 190-191 ; G. Zucchini, « Il Vignola a Bologna », dans Memorie e studi intorno a I. B. da Vignola nel IV centenario della nascita, Vignola, 1908, p. 239-242, p. 13 ; G. Muggia,

« Il verso di un salmo di David sopra un antico palazzo bolognese », La rassegna mensile di Israel, 21/9, 1955, p. 3-4 ; R. E. Righi, « Le sentenze

incise su palazzo Piella », Strenna della Faméja Bugnéisa, 1955, p. 70-75. 1° Ces citations ont été identifiées par G. Fantuzzi, Notizie degli scrittori bolognesi, t. IL, p. 225. '* M. Kiefer, Emblematische Strukturen in Stein, p. 71.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi

(1555) - tome 2

jouer son róle de soutien financier et traduisent discrétement ses visées sur la succession au tróne pontifical!5*6, Enfin, toujours selon Marcus Kiefer, la troisiéme citation, en forme de devise, joue sur le róle double du mur d'airain, à la fois support et métaphore, et fait du Palazzo Bocchi une architecture parlante, l'immense symbole 1647 d'une citadelle de la vertu'^". Notre analyse sera quelque peu différente dans la mesure oü nous sommes persuadée que cet ensemble est fortement marqué par les idéaux religieux de Bocchi.

"Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

l'allégorie de la Fides, représentée sous les traits de la Poésie de Raphaél gravée par Raimondi et reprise par Bonasone, la stéle de gauche porte en hébreu le mot fameux de Paul qui vilipende le régne de la lettre (« La

lettre tue » ), tandis que la stéle de droite, (du cóté faste) exalte en latin l'avénement de l'esprit (Spiritus uiuificat,

« L'Esprit vivifie »)!*. Dans cet embléme comme sur la facade, l'hébreu, la bouche et le mensonge stigmatisent

le pharisaisme, c'est-à-dire toute religion ritualiste qui néglige la sincérité et la vraie foi, et que veut abolir la doctrine évangélique. Dans la figure de l'Hermathéna, cette bouche mensongeére est matérialisée par la gueule du lion qu'il faut brider car elle est du cóté des passions, de la colére et de la matiére. La premiere citation d'Horace'"! » à droite de la porte, exalte le statut du rex, en le réservant à celui qui privilégie

l'action droite (si recte facies), dans un jeu de fausse parenté étymologique entre rex et recte. Qu'est-ce qu'agir

droitement ? Contrairement à Marcus Kiefer, nous ne croyons pas que l'utilisation de la citation fasse référence au contexte historico-politique romain ni aux rapports entre Auguste et Mécene. Elle est avant tout intérieure,

Fig. 4 > Facade du Palazzo Bocchi à Bologne avec une citation en hébreu du Psaume 120.

psychologique et éthique et s'inscrit dans la tradition des métaphores platoniciennes du Timée et de la République, reprises par Cicéron, qui voit dans le vooc ou la Mens l'image d'un roi ou d'un souverain chargé de gouverner les autres parties comme des sujets'^*. L'épigramme du Symb. 102 en appliquant à Éros les termes ministrat et regas (méme famille que rex) au premier vers, montre que l'autorité royale d'Hermés et d'Athéna lui est déléguée comme un ministére : Éros, tel un roi, gouverne les passions et la chair léonines en leur passant un mors et en les tenant sous son pied. Cette autorité régalienne et coercitive fonde une hiérarchie trés stricte entre les diverses parties — de l’àme ou des disciplines, comme nous l'avons dit — oà chacune occupe la place qui lui revient'^?. L'instauration de cet ordre et de cette harmonie au sein de la nature humaine constitue précisément le «bien agir» (recte facere), la plus haute táche du sage, qui regoit diverses dénominations chez les philosophes. Si Platon le nomme justice, Cicéron choisit l'expression rectum factum!5^, c'est-à-dire le katorthóma, tandis qu'Érasme, à la suite de Paul, l'appelle Charité : le vrai roi, celui qui chérit ses ennemis, veut

leur faire du bien en veillant à leur salut, contribue à l'unité du corps de l'Église!5. Cette interprétation anthropologique

et éthique du terme rex est confirmée par le Symb. 27, oü l'épigramme énonce les dix

commandements qui prévalent à la table de Bocchi'^*, Au vers 9, Bocchi attribue la qualité de roi à celui qui

applique le précepte d'Épictéte, sustine et abstine, « Supporte et abstiens-toi » : Quisquis sustinet abstinetue rex est. Érasme, à la suite d'Aulu-Gelle'^", nous rappelle que ces deux termes à la concision extraordinaire, qui mériteraient d'étre gravés sur les murs et les colonnes, dressent le portrait du sage idéal, de l'action droite Fig. 5 > Fagade du Palazzo Bocchi à Bologne avec une citation de la premiere Épitre d'Horace.

Le vers en hébreu, à gauche de la porte (cóté néfaste), clame le fléau de la bouche qui trompe et de la langue qui

ment. Or la bouche, par opposition à la Mens, constitue, chez Érasme, l'organe de l'homme charnel qui s'en sert

pour débiter mille priéres oü il clame son amour de Dieu mais sans y penser'^**, C'est l'embléme de certains

chrétiens, catholiques en particulier, qui, à l'image des Juifs pharisiens, se perdent dans le ritualisme des cérémonies religieuses prónées par Moise. Ils n'ont pas conscience que la seconde Alliance, celle du Christ, a ouvert l'ére spirituelle de la Foi et de l'Esprit, qui relégue au rang des indifférents (adiaphora) l'accomplissement des sacrifices matériels. Ces Pharisiens purifient la coupe et leurs mains, mais non leur cceur, empli de haine, qui les pousse aux pires forfaits. La disposition de la citation sur le mur du Palazzo et l'emploi de l'hébreu doivent

étre rapprochés de la gravure du Symb. 130!59, véritable manifeste de la piété évangélique. De part et d'autre de 1646 Ibid. p. 66-68.

16417 [bid,, p. 79-94. Voir aussi M. Fagiolo, « Il Vignola e Bologna : il tempio, il foro, la rocca della Virtü », Quasar, 1/1, 1989, p. 5-22, ici p. 5 et 17. 1648 Voir ÉRASME, Paraphrase à l'Evangile de Luc, 1523, 10, 37 (LB 7, p. 377E), trad.J. Chomarat dans ÉRASME, CEuvres complétes, p. 603: « Par cette parabole le Seigneur Jésus critique l'arrogance des Juifs qui croyaient grandement aimer Dieu parce qu'ils allaients dans son temple, [ ... ]

parce qu'ils avaient toujours Dieu et Seigneur à la bouche, alors que Dieu ne s'intéresse pas à un culte de ce genre, mais prend davantage plaisir au sentiment caché d'un cceur sincére et pur. ». Sur les pratiques et le sens du pharisaisme, voir ÉRASME, Paraphrase à l'Evangile de Marc, 1523;

7, éd. citée p. 598-599 (LB 7, p. 209-211C).

1649 Voir notre analyse à cet embl&me.

$34

parfaite, et du bonheur ultime : ne céder à aucune de ses passions ; endurer les coups de la fortune'9?, Ces deux

recommandations trouvent une singuliére actualité si on les replace dans le contexte des persécutions religieuses qui assaillent les partisans de la doctrine évangélique. Ces derniers se voient secrétement invités à gouverner leur colére et à rester indifférents aux supplices qui affectent leur corps. Nous avons montré que la condamnation récurrente des passions dans le recueil d'emblémes répond parfaitement au programme religieux de l'Enchiridion militis Christiani d'Érasme, qui voit dans l'éthique prónée par certaines sectes antiques, comme le $toicisme ou le platonisme, une propédeutique à la vie évangélique'^?. La citation d'Horace sur le palais 1690.3 Cor. | 3; 5.

'5! Rappelons que cette épitre d'Horace (1, 1) est constamment citée par Bocchi au sein du recueil d'emblémes. L'histoire de Veianius (v. 4-6)

fait l'objet du Symb. 133 ; l'allusion à Lyncée (v. 28-29) et la définition de la sagesse (v. 41-42 : sapientia prima/stultitia caruisse) se retrouvent dans l'exergue ad lectorem ; le vers 76 sur le peuple concu comme un monstre aux multiples tétes (Belua multorum es capitum) est repris mot pour mot au Symb. 66, v. 9. Nous avons déjà signalé une allusion au v. 90 de la méme épitre dans le P 43v? d'une lettre de Bocchi à Amaseo (voir

supra).

'** Voir CIC, Tusc., 2, 21, 47 : Sed praesto esl domina omnium et regina ratio, quae conixa per se et progressa longiusfit perfecta uirtus. 1653 Sur ]a reprise des métaphores royales du Timée, voir ÉRASME, Enchiridion militis Christiani,

ÉRASME, CEuvres complétes, p. 53-55. 1654 CIC, Rin. 3, 45. 1655 ÉRASME, Epchiridion militis christiani, Canon s, éd. citée p. 86 (LB s, p. 35-36).

1° Voir le titulus de l'épigramme : Mensae domesticae decem haec sunt symbola.

Ps GELL,, 17 19, 6.

1658 ÉRASME, Adagia, 2, 7, 13. '5? Voir aussi ÉRASME, Enchiridion militis christiani, s, éd. citée p. 56 (LB s, p. 14F et 15F).

4 (LB s, p. 13E-14), dans J. Chomarat

(éd.) :

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

redouble le propos secret des allégories de l'Hermathéna dans une concaténation illustrée par la figure étymologique rex/recte/regere. Elle joue le méme róle que la devise de Platon à l'entrée de l'Académie : que nul n'entre ici s'il n'est géométre, c'est-à-dire s'il n'est pas roi de ses passions. Mais le futur employé par Horace (eris) permet d'enlever un peu de l'ápreté prohibitive de l'impératif platonicien. La royauté intérieure permise et promise par l'Académie bocchienne, sous le signe de la doctrine évangélique érasmienne, est un terme, un objectif et non un pré-requis : les figures d'Hermés et d'Athéna en forme de termes le disent assez clairement. La derniere citation, qui continue la précédente, prend place sur un autre cóté du palais. Elle est donc invisible lorsqu'on regarde la facade principale, tout comme la conscience qu'elle évoque est invisible au regard extérieur. En méme temps, elle constitue en quelque sorte la condition préliminaire et la conséquence des deux autres citations : pour que la bouche ne mente pas dans ses priéres, que l'action soit droite et manifeste la charité, il faut que la Mens, siége de la conscience, soit sans lien avec les passions ou les pratiques qui ont trait à l'homme charnel. S'appliquant à elle-méme le dicton delphico-socratique, « connais-toi toi-méme », véritable leitmotiv

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Symb. 103 Gravure :

Sur l'image :

L'illustre Alexandre Farnése

À SON ÉMINENCE LE CARDINAL ALEXANDRE FARNÉSE En toi, j'ai toujours espéré, toi le plus doux des princes, Et jamais ta Bonté n'a trahi mon espoir. C'est ce qu'a voulu la trés grande et parfaite Vertu, Qui crée toutes choses, les refait et parfait.

chez Bocchi'6? et chez Érasme!!, la conscience sait qu'elle nourrit une foi sincére, qu'elle se conforme à

l'Esprit et non à la Chair'^?, Inversement, c'est la foi sincére qui inspire la charité et empéche la bouche de mentir. Le mur d'airain, à la fois métaphore de la citation horatienne et son support réel, donne de la conscience pure une image double, mélant architecture et matériau. Une muraille offre la vision d'une barriére protectrice et

infrangible oà viennent se briser les aiguillons du remords, liés à la pugnacité des passions (nil conscire sibi).

L'airain, dur mais surtout rutilant, à la fois rouge et brillant, ne peut pas pálir par nature c'est-à-dire voir sa couleur affadie ni son éclat terni par la culpabilité (nulla pallescere culpa). L'image est reprise par Érasme'69*,

Mais ce rempart de la conscience, comme le rappelle Markus Kiefer à la suite de Marcello Fagiolo, trouve aussi son image dans la muraille du Palazzo Bocchi ^5, en particulier son soubassement de moellons, caractéristique de l'opera rustica, à visée défensive, qui transforme l'édifice en « citadelle de la vertu ». Le palais réel prolonge le travail de pacification de l'àme et propose un véritable abri aux partisans des positions évangélique d'inspiration érasmienne : murailles et inscriptions en sont les avant-postes. Il n'est pas impossible que la citation psalmique et les vers d'Horace, manifestant à demi-mot une aspiration à des paroles et des actions en accord avec les

véritables convictions religieuses, soient à lire comme une réponse cryptée à la question du nicodémisme. À l'intérieur du palais, siége de tolérance et de discussion, il n'y aura pas besoin de dissimuler ses vrais sentiments sous des propos mensongers, ni de se plier à des cérémonies rituelles. Réalité ou utopie! ? Toujours est-il que nous retrouvons en filigrane la sainte triade de la devise hermathénienne. À l'intérieur des murs du Palazzo,

Athéna, maitresse de sagesse, gouvernera la Mens oü regne la foi, Hermés, patron de l'éloquence, surveillera la bouche et son discours en l'accordant avec la Mens!7, Entre eux deux et influencé par eux, Éros, du cóté du

cceur, permettra l'action droite en calmant la colére et en promouvant la charité. Il ouvre les portes de la sagesse

et de la félicité, c'est-à-dire les portes mémes de l'Académie de Bocchi.

1%0 Voir en particulier la gravure du Symb. 3 oü Socrate, inspiré par son démon ou nous, se peint lui-méme, image parfaite de la réflexivité prónée par l'oracle de Delphes. 1661 Voir ÉRASME, Adagia, 1, 7, 95 : « Nosce te ipsum ».

CHARITÉ, FOI ET ESPÉRANCE NAISSENT DE LA BONTÉ ET PROCURENT UNE GLOIRE ÉTERNELLE

s

Defunestes ténébres m'écrasent, une nuit noire

Me soustrait encore à la clarté désirée. Étoile du matin, éclipsant tous les autres astres, À ton lever, déploie pour moi le jour fécond. Vois les lys abondants qu'à pleins paniers Astrée t'apporte : 10 Ainsi, tu fais qu'autrui se souvienne de toi. Toi qui t'octroies par ton mérite une gloire immortelle, Homme divin, fais que, de toi, je me souvienne.

MéTRIQUE

Distiques élégiaques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET SUR LES MANUSCRITS

— Le poéme apparait dans l'une des Lettres d'Achille Bocchi

P 43v°-44r°), datée de l'analyse de l'embléme lettre qui a sans doute cet extrait que la piéce dans la sylua symbolica,

la facade de son Académie, sous le blason des Farnese, mais une fois que les subsides nécessaires à l'édification

du bátiment auraient été versés. . : . ; ; Ergo quia ualidiora sunt duo, accipe rursus hoc non ita pridem'* natum in: sylua symbolica. Tu eo utitor

1662 Voir ÉRASME, Enchiridion militis christiani, s, éd. citée p.58 (LB s, p. 16B) : « Telle est donc la voie qui méne à la béatitude : d'abord

decere aut oportere statueris

aime jeüner, aime assister aux cérémonies religieuses, aime aller souvent à l'église, aime à dire le plus possible de psaumes, mais en esprit. Évalue ce qu'il fait d'aprés cette régle : s'il vise la réputation, un profit, cela sent la chair, non l'esprit. », etc. ue Ce n'est pas seulement l'image du sage stoicien ou épicurien dans sa citadelle de vertu. Voir M. Fagiolo, « Il Vignola e Bologna ».

[texte de l'embléme 103].

connais-toi toi méme ; ensuite, ne fais rien selon les passions, tout selon le jugement de la raison. ». Voir aussi p. 68 (LB s, p. 20D) : « Un autre

1664 ÉRASME, Enchiridion militis christiani, s, éd. citée p. 58 (LB s, p. 16B): « Il ne manque pas d'hommes pour étre attirés par certains vices

monstrueux et funestes, le vol, le sacrilége, l'homicide [ ... ] contre l'assaut desquels il faut dresser le mur de bronze d'un ferme propos. »

1665 M. Kiefer, Emblematische Strukturen in Stein, p. 80. Voir aussi M. Fagiolo, « Il Vignola e Bologna », p. 15 et D. Monari, « Palazzo Bocchi e

l'opera rustica ». 166 A. Prosperi a récemment proposé un document d'archives exceptionnel qui évoque le cas d'Ulisse Aldrovandi, accoudé à l'une des fenétres de la facade du Palazzo et invectivant une procession religieuse se déroulant dans la rue. Voir A. Prosperi, L'eresia del Libro Grande : storia di Giorgio Siculo e della sua setta, Milan, 2001?, p. 135-136.

' Sur cette obsession de la transparence linguistique, voir ÉRASME, Paraphrase à l'évangile de Jean, 1523, 1, 1-14, 5, éd. citée p. 618 : « Or il n'y

a rien qui représente plus complétement et plus clairement l'image secréte de l'esprit qu'un discours sans mensonge. Car il est vraiment le

miroir de l’àme qui ne peut étre discernée avec les yeux de chair. »

536

à Romolo Amaseo (Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 inf,

février 1548, juste aprés l'évocation du Symb. 102 sur l'Hermathéna (voir annexe dans précédent), avec le titre Ad inclytum Alexandrum Farnesium. On comprend que c'est la dicté la succession des deux Symbola dans l'édition de 1555. On apprend en outre dans 103 a été composée peu de temps auparavant le Symb. 102 (non ita pridem) pour figurer et que Bocchi avait prévu un autre texte en distiques élégiaques, destinés à étre incisés sur

1669

^", utcunque

Cur autem cesso tertium appingere ? Quod elogium in fronte domus academiae sub insignibus Farnesiorum gentilitis

apponendum curabo, sed tamen acceptis, non speratis beneficiis. INSIGNIA FARNESIOR«VM» GENTILITIA

Aspice dimidium qui fundamenta solebas

Despicere. Hinc totum postmodo suspicies.

1668 non ita pridem] c£. CiC., Brut., 41.

1°° Impératif futur de utor (cf. CAT., Agr., 117 ; 119 ; 127).

537

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Caerula dum laeto florebunt lilia mundo, Florebit pietas semper et alma fides.

Bocchie quid dubitas ? Viuit Farnesius heros!" Ne desponde animum, spes tua uiuit adhuc". O me ridiculum qui ligna in syluam, quanquam non iniussus hoc facio. Tu nuper a me digrediens ita mandasti!*?,

- Dans une lettre postérieure (f° 251^), Bocchi demande ce que les Farnése ont pensé de ces tria symbola, visiblement parvenus en leur possession, sans doute par l'intermédiaire d'Amaseo qui les a beaucoup appréciés. Pour Bocchi, ils sont bien destinés à susciter la générosité financiére du dédicataire :

Symbola illa tria, quae tantopere laudas, amabo te satin uisa tibi sint digna seuerioribus auribus hisce ? Quanquam satis erat, si dixissem tuis, quae mihi sunt inslar omnium ; sed non quaero abs te quid sentias, quippé qui iam pulcherrima illa uocarer non dubitaris. Quaero an Hero, et Heroi nostro tantillum saltem placuerint, ut liberalitate sua nos tandem

aliquandó putet erigendos ? Afflicti sumus, crede mihi, et rei familiaris angustiisque incredibiliter oppressi, ut uix iam tenuitatem meam sustentare possim.

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Astrée, fille de Zeus et de Thémis (ou d'Astraeus), est identifiée par Aratos!*^ (Phain., 96-136 ; cf. aussi HYG., Astr., 2, 25) avec la constellation de la Vierge (ou Parthénos), proche de la Balance (cf. AVIEN., 273-276). Elle se confond souvent avec Diké, Némésis, Isis ou Tyché (voir notre introduction et notre étude sur le Symb. 63 qui

met en scene la Fortune bolonaise des Farnése). Elle incarne la Iustitia chez les Latins. Derniére déesse à quitter la terre au moment de l'instauration de l'áge de fer (cf HES,, Op. 197-200), pour se transformer en

constellation ^, elle est la uirgo qui revient sur terre dans la quatriéme Bucolique de Virgile et annonce l'arrivée de l'Áge d'or. Aratos souligne qu'elle porte un épi de blé már (en réalité Spica, étoile la plus brillante, mais dont

le nom signifie « épi »'*^), ce qui, malgré son statut de uirgo, la rapproche des déesses de la fécondité, en

particulier Déméter, et s'accorde parfaitement avec les thématiques de renaissance et d'abondance véhiculées par l'Áge d'or. Les corbeilles chargées de lys qu'apporte Astrée dans l'embléme se substituent à l'épi et insistent

sur le devoir évergétique du prince!77,

Enfin, le texte se clót (v. 11-12) sur un motiftopique, déjà amorcé au v. 10 : la générosité du prince lui permettra de survivre pour la postérité gráce à la memoria, dont les poétes sont en particulier les instigateurs. On soulignera le caractére trés syncrétique de la gravure oü s'associent les références paiennes et les allusions chrétiennes. Sur la gauche de l'image, assis sur un siége surmonté d'un dais oü viennent s'inscrire les armes Farnése (d'or à six fleurs de lys d'azur posées 3, 2, 1), le cardinal Alexandre, identifié par son nom inscrit sur le

NorES

in pict.; ded. carm: ALEXANDRO FARNESIO CARDINALI] Voir la biographie du personnage dans notre étude du Symb. 5. ANALYSE Dans les deux premiers distiques de cette piéce encomiastique, dont on sait qu'elle a été rédigée avant 1548 (voir supra), Bocchi se met dans la position du courtisan-suppliant qui implore des subsides de la part de son mécéne, pour l'édification en cours de son Académie. Il souligne tout particuliérement son espoir (speraui, v. 1 ; sperantem, v. 2) et la bonté généreuse de son protecteur (amplissimum, tit. carm. ; bonitas, v. 2). Insistant sur le fait que cette générosité ne lui a jamais fait défaut (nec... destituit, v. 2), il souligne en outre que cet évergétisme trouve son fondement dans le plan de la sagesse divine (Virtus), dont il épouse les ambitions cosmiques (v. 3-4).

Dans les trois distiques suivants, Bocchi utilise une mise en scéne allégorique topique, celle du retour de l'Àge

d'or, métaphore de la générosité du prince qui ouvre un temps nouveau. Áge de justice, cet áge marque surtout le retour de la paix et de la prospérité. Le caractere progressif de l'instauration de cette nouvelle ére est

particuliérement mis en valeur à travers l'évocation du lever du jour. Dans les v. 5-6, Bocchi imagine qu'il est

délivré des ténébres du mal (oppressum tenebris... malignis) et de la nuit (nox atra) par une lumiere qui point.

socle oü il pose les pieds, siége en habit de cardinal, une fleur de lys dans la main gauche, flanqué à gauche d'un personnage qui exhibe la croix. Surgissant de la droite de l'image, la déesse paienne Astrée, les vétements gonflés par l'air de la course, se précipite vers lui pour lui tendre une corbeille chargée de fleurs. Ses insignes de justice, la balance et l'épée, gisent à ses pieds. Accompagnant son mouvement, mais dans les airs, Vénus-Lucifer apparait également sur un bige, nimbée de lumiére au sein des ténébres. Elle domine une campagne vallonnée mais vide de toute habitation. La dynamique du geste d'Astrée qui tend la corbeille est mise en paralléle avec l'énergie du char tiré par les deux coursiers et amenant la lumiére sur le monde. Le titulus de la gravure gomme l'aspect purement financier que pouvait prendre cette demande de subsides. Dans la générosité du prince-mécéne s'exprime sa bonitas, cette uirtus qui dépend directement de la uirtus divine. Or cette bonitas s'épanche à son tour sous la forme des trois vertus théologales : fides, charitas, spes. Ces

trois vertus sont représentées par le cardinal, qui réussit également à les susciter chez les autres. L'usage de spes dans le texte renvoie cependant plus à l'espoir d'un financement. Ce respect du róle terrestre et céleste du prélat lui confére en outre la gloire éternelle (decus inde sempiternum), que porte le verbe du poéte qui en chante la louange.

Cette lumiere, c'est celle de l'étoile du matin, Lucifer (v. 7-8), qui ouvre un nouveau jour et à laquelle Alexandre est identifié. Accompagnant l'aube, Astrée revient (v. 9-10), portant des corbeilles de lys (calathis... lilia plenis),

la plante emblématique qui orne le blason des Farnése. Par une sorte de superposition, le lever du jour

fonctionne comme une métaphore de l'arrivée de l’Age d'or et cette confusion est facilitée par le fait qu'Astrée est assimilée parfois à Vénus!73,

'5? Farnesius Heros : al«ite»r Farnesia proles add. M d. m. Il ne s'agit plus ici du Cardinal Alexandre Farnése, mais du pape Paul III, qui est malade en. 1548 et mourra Linde suivante. D'oà la mention de uiuit par deux fois dans la suite du texte. i: Les quitre derniers vers figurent sur ] orthographia meridionalis de la facade gravée en 1545 (S. Masari, Giulio B ;t.I, n*41). « Et puisque les bonnes choses vont par deux, regois en échange ce texte, qui a trouvé sa place il n'y a pas si longtemps dans ma silve symbolique. Utilise-le, selon que tu le jugeras convenable ou approprié. [...] Mais pourquoi renoncer à en ajouter un troisiéme ? Je vais m occuper de faire inscrire ce poéme élégiaque sur la facade du siege de mon académie, sous les insignes gentilices des Farnése, mais aprés avoir regu effectivement mes subsides, et non pas aprés m 'étre contenté de les espérer. “ INSIGNES GENTILICES DES FARNÉSE : Vois cet édifice dont la moitié est construite, toi qui avais l'habitude d'en surplomber/ Les fondation s. Tu léveras bientót tes regards vers le bátiment tout entier achevé, gov

lorsque les lys céruléens, dans l'univers

en liesse,/ S'épanouiront/ Lorsque s'épanouiront éternellement la piété et l'auguste foi./ Pourquoi ces craintes, Bocchi ? Le héros Farnése est bien vivant,/ Ne te décourage pas : celui qui incarne ton espoir est encore en vie. " Sot que je suis, d'apporter du bois dans la forét, méme si je le fais bien volontiers ». 155 Voir F. A, Yates, Astrée, Le Symbolisme impérial au XVI siécle, Paris, 1989 pour la traduction francaise, p. 57-66, ici

P. 61. La planéte Vénus était assimilée à l'étoile du matin (Lucifer) et l'étoile du soi (Vesper). La raison de l'assimilation Vénus/A&trée, c'est-à-dire Vénus/Balance,

538

provient sans doute du fait que Vénus passait pour avoir la Balance comme maison diurne : voirA. Le Bceuffle, Le Ciel des Romains, Paris, 1989, . $9.

ix Sur Cicéron, Germanicus et Aviénus traducteurs d'Aratos, voir P. J. Dehon, « Aratos et ses traducteurs latins : de la simple transposition à . | l'adaptation inventive », Revue belge de philologie et d'histoire, 81, 2003, p. 93-115. 175 Ce catastérisme est décrit par Ovide (Met., 1, 149-150), Juvénal (Sat., 6, 199) et Nigidius Figulus, un pythagoricien ami de Cicéron, dont on à le témoignage dans une scolie à la traduction d'Aratos par Germanicus, témoignage trés connu à la Renaissance (ap. Schol. German, p. 65 Breysig = fr. 94 p. 115 Swoboda). Voir J. Carcopino, Virgile et le mystére de la IV" Eclogue, Paris, 1930, p. 153-154; A. Le Becuffle, Le ciel des Romains, p. 101-102 ; J. Fabre, Mythe et poésie dans les Métamorphoses d'Ovide: fonction et signification de la mythologie dans la Rome augustéenne, Paris, 1995, p. 344, n. 12

176 Voir A. Le Boeuflle, Les noms latins d'astres et de constellations, Paris, 1977, p. 211.

]

|

1677 Sur la pluie de fleurs, voir Symb. 85 et notre étude de cet emblème dans A. Rolet, « La pluie de fleurs dans les Symbolicae Quaestiones d'Achille Bocchi, entre spiritualité religieuse et éloquence encomiastique », dans P. Choné, B. Gaulard (dir.), Flore au paradis. Emblématique et

vie religieuse au XVI et XVII siécles, Glasgow Emblem Studies, 9, 12004, p. 113-151.

$539

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Symb. 104

Gravure : VOICI

L'AUGUSTE

ESPÉRANCE

lui le róle de tuteur puis de conseiller. Le cardinal est d'ailleurs intervenu auprés du Sénat pour lui obtenir une dispense de cours pour l'année scolaire 1535-1536!69^. - v. 1 : Tiphys] Il s'agit du pilote de la nef Argo qui emmena Jason et les Argonautes. Sénéque (Med., 318 sq.) en fait un symbole de l'impudence qui poussa les hommes à naviguer et à mettre ainsi un terme à l'Áge d'or. — v. 3 : Eleus] C'est-à-dire de la province d'Élide, où était située Olympie, fameuse pour ses jeux. Synonyme ici

DES SFORZA

Sur l'image : Espérance auguste

d' « olympique » ; cf. VERG., Georg., 3, 202-203 : ad Elei metas et maxima campi/ [ ... ] spatia.

— v. 6 : conclamatam saepe redire animam] Au moment du deuil, la famille romaine se réunissait autour du défunt pour le laver à l'eau chaude et l'appeler solennellement à plusieurs reprises à haute voix, au cours de la conclamatio funebris, qui était un moyen de vérifier que le mort était bien mort, avant de le porter sur le bücher

AU CARDINAL ASCANIO SFORZA

L'espoir fait qu'en triréme Tiphys fend des flots incertains Et livre sa voilure au Notus déchainé. L'espoir fait que le coureur éléen, quittant sa stalle, Tend vers la borne d'arrivée d'un pas rapide. S L'espoir fait qu'au combat douteux le fantassin s'expose, Et qu'une àme qu'on rappelle, souvent, revient. Quand mille soucis jusque-là m'ont accablé, l'unique Espoir qui me redresse et m'invite au courage, Est celui que j'ai mis en ta remarquable bonté, 10 En ta justice, en ta véritable noblesse. Car qui pourrait m'aider ne le veut pas, qui le voudrait Ne le peut pas : toi seul peux et veux à la fois. Ó Flore auguste, immortelle à jamais, par toi les biens Apparaissent, croissent et bientót s'accomplissent .

pour y étre brülé. Voir SERV., ad Aen., 6, 218!°!, Les écrivains latins rapportent plusieurs cas de morts qui sont revenus à la vie (cf. PLIN., Nat., 7, $2 ; VAL. MAX,, 1, 8, 12 ; APVL,, Flor., 14, 19, 93).

MéTRIQUE

Distiques élégiaques. NOTES

- ded. carm. : ASCANIO SFORCIAE CARD«INALI»] Guido Ascanio Sforza di Santa Fiora (1518-156 4) est le fils ainé de Bosio II, comte de Santa Fiora, et de Constance Farnése, une fille naturelle du pape Paul III. Ascanio

est élevé au cardinalat en 1534, à seize ans, et nommé administrateur apostolique du diocése de Parme, entre 1535 et 1560. Il est légat de Bologne et de Romagne en 1536-1539 et devient Carmerlingue de la sainte Église

romaine entre 1537 et 1564!78 : il assure la vacance du siége pontifical en 1549-1550, aprés la mort de Paul III, en 1555, aprés celle de Jules III, et en 1555, aprés celle de Paul IV. Il devient légat en Hongrie pendant la guerre

contre les Turcs en 1540, patriarche d' Alexandrie en Égypte en 1541 et, à partir de 1555, il se tient à la téte de la

faction impériale, ce qui lui vaut d'étre emprisonné au Cháteau Saint-Ange durant les premieres années du

Pontificat de Paul IV, avant d'étre libéré contre une rancon de garantie. Au conclave de 1559 qui porte Pie IV au

tróne pontifical, on le retrouve à la téte de la faction espagnole et il représente officiellement les intéréts du roi d'Espagne auprés du pape. Il a exercé une vaste activité de mécénat. Il chargea Michel-Ange de faire édifier et

décorer la Capella dell'Assunta à Sainte-Marie-Majeure. Selon Mazuchelli et Fantuzzi'4?, c'est à partir de 1536,

c'est-à-dire au moment oü Sforza est légat pontifical à Bologne, qu'il rencontre Achille Bocchi qui joue auprés de

t i " Le camerlingu e préside la Chambre apostolique , un service de la Curie romaine chargé de l'administration des biens temporels du SaintSiége pendant la vacance du pouvoir apostolique (suite à la mort du pontife et dans l'attente de l'élection d'un nouveau pape). 1679 h

ANALYSE Dans cette piéce trés rhétorique, Bocchi tente visiblement de se rallier un protecteur lié par le sang aux Farnése (qu'il a probablement connu lorsque Guido Ascanio Sforza était légat de Bologne, à partir de 1536), et de lui soutirer des subsides. L'embléme forme avec le précédent un couple par l'objectif visé (demander une aide financiére), par la thématique (le retour de l'Àge d'or et des déesses Astrée et Espérance), par les liens de parenté qui relient les deux dédicataires (ils sont cousins), autant que par le motif de fleurs sur les gravures qui symbolisent pudiquement la générosité des méceénes qui font ou vont faire tomber en pluie sur leur protégé les récompenses du nouveau temps. La thématique encomiastique de l'espoir de générosité que le prince suscite chez ses sujets s'inscrit parfaitement dans ce cadre de régénérescence du monde. Les trois premiers distiques, topiques, décrivent les merveilles que l'espérance peut susciter dans le comportement humain: affronter les dangers de la navigation pour Tiphys (v. 1-2); gagner les épreuves olympiques pour l'athléte (v. 3-4) ; affronter la mort pour le soldat (v. 5) ou faire revenir un défunt d'entre les morts en l'appelant (v.6). Dans les deux distiques suivants, Bocchi se place dans la situation des héros mentionnés précédemment : il est accablé mais l'espoir qu'il place en son patron décuple ses forces (v. 7-8). Cet espoir est suscité par les qualités du prince: bonté, justice et noblesse de coeur (v. 9-10). Dans le sixiéme distique, il explique à son destinataire qu'il est son seul recours et que ses autres protecteurs ne peuvent ou ne veulent pas l'aider. Enfin, avec l'apostrophe de flora augusta dans le dernier distique, l'épigramme se clót sur une allusion à la ville de naissance d'Ascanio Sforza, Santa Fiora. Sur le mode de la croissance biologique du végétal, Bocchi invite la générosité de son mécéne à prendre son essor et à suivre une progression croissante et par étapes : début, milieu et fin, cette derniére étant à entendre comme « degré supréme », « point d'aboutissement » c'est-à-dire profusion et non cessation ! Mais le terme de flora augusta renvoie également à l'attribut que tient Spes sur les monnaies antiques, qui inspirent directement la gravure de Bonasone. Sur l'image, en effet, une allégorie féminine légérement tournée vers la gauche tend de la main droite une brassée de fleurs, dont quelques-unes s'échappent, et reléve de la gauche un pan de sa tunique oü sont accumulées d'autres fleurs. Un phylactére qui passe derriére le personnage avant de s'enrouler autour de son bras gauche porte la mention SPES | AVGVSTA, qui redouble en partie le titulus de la gravure : AVGVSTA SPES HAEC SFORCIAE EST. L'image est inspirée par un sesterce antique frappé par l'empereur Claude en 42-43, comportant à l'avers une téte laurée de Claude à droite avec la légende TI CLAVDIVS CAESAR. AVG. P. M. TR. P. IMP. (« Tibére Claude César Auguste, Grand Pontife revétu de la puissance tribunicienne, empereur »), et, au revers, une

1678

G.

$40

Mazuc

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1

S

li B 1 Scrittori i d'I talia, Brescia, 7 1 753-1 , $

76 3, t. II- 3, P.

1 389

1390

} G.

F

$

- FO : "n l antuzzi " Notiz le d eg 1 i" scrittori Bo. ognest, gn

B

l e, 1782, t. 2 DO. ogn! 3 7 , iin

1680 Voir G. Raveira-Aira, « Achille Bocchi ela sua Historia Bononiensis », Studi e memorie per la storia dell'Università di Bologna, 15, 1942, p. 59112, ici p. 67.

^

E

Te

S

11 Voir l'article et la bibliographie trés complete de F. Prescendi, « Le deuil à Rome : mise en scéne d'une émotion », Revue de l'histoire des

religions [En ligne], 2, 2008, mis en ligne le o1 avril 2011 (URL : http://rhr.revues.org/6123).

$41

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

allégorie de Spes marchant à gauche, tenant une fleur dans la main droite et relevant le pan de sa robe de la main gauche, avec la légende SPES AVGVSTA S C, « L'Espérance auguste » !°? (Fig. 1). La gravure joue sur tout un ensemble de traits symboliques en relation avec le dédicataire. L'abondance des fleurs que tient l'allégorie est, comme dans l'épigramme, un clin d'ceil onomastique à la ville d'origine d'Ascanio Sforza, Santa Fiora (province de Grosseto en Toscane), autant qu'une allusion à l'attribut de la Spes antique.

MÉTRIQUE Trimétres iambiques. ANALYSE L'épigramme vilipende le recours aux subventions pour publique : la vénalité topique de la foule ignorante de dénoncée à travers l'opposition entre deux expressions : La référence aux spectacles dont parle l'épigramme

inciter les citoyens à participer aux événements de la vie ses devoirs politiques et soumise à ses passions est ici mercedulae spes et honos. de l'embléme permet d'identifier la nature de cette

distribution d'argent dans l'Athénes classique : il s'agit du theórikon'^ (xà Oeopixóv), dont Plutarque préte l'invention

à Périclés (PLVvT., Per., 9, 1) et qui était offert aux plus pauvres pour qu'ils puissent assister aux représentations théátrales lors des Grandes Dionysies, avant d'étre étendu à la plupart des fétes religieuses et

Fig. 1 » Sesterce de Claude de 42-43 ; au revers : SPES AVGVSTA S C.

Mais ces fleurs ne vont pas sans rappeler les lys Farnése qu'Astrée apportait à Alexandre Farnese dans l'embléme précédent : Ascanio Sforza est apparenté aux Farnése par sa mére, et il est donc le cousin d'Alexandre Farnése. La gravure joue sur l'espérance (spes) que répandent ces fleurs, qui promettent la fécondité et la prospérité d'un Áge d'or qui revient : l'appel est ainsi fait à la générosité du dédicataire-mécéne. De plus, le sesterce antique de Claude rappelle que l'empereur est Grand Pontife au momen t de la frappe de la monnaie en 42 : or Ascanio Sforza est Camerlingue de l'Église depuis 1534, ce qui signifie qu'il se substitue au pape (héritier des pontifes) lors de la vacance du siége pontifical. Enfin, on soulignera les potentialités héroiques du nom du dédicataire :

Ascagne renvoie au fils d'Énée, et Sforza, à la « force » en italien.

Symb. 105

Gravure :

AUX YEUX DE LA FOULE, HONNEUR VAUT MOINS QUE PETIT PROFIT

civiques (cf. AR., Ath., 43, 1 ; 47, 2). Harpocration rappelle que l'historien Philochorus, au troisiéme livre de son Atthis (cf. FGrHist 328 F 33 Jacoby), expliquait que le theórikon désigne la drachme!**^ nécessaire pour payer sa place (thea) à un spectacle (cf. HARP., Lexikon in decem oratores Atticos, s. v. theorika, p. 154 Dindorf: 8paxur) fc 0£ac, óOev kal xobvoua Eae ; elc ve vàc O£ag xai elg xàc Ovoíac xai &opràc, óc Eoti 8rXov é 1o? a^ DOuxzikov

Anyoc8Évovc '**) : cette somme devait étre versée aux loueurs de bancs en bois (ikria, cf. ARIST., Thesm., 395), qui les offraient au public pour éviter les prises d'assaut, jusqu'à ce que les siéges en pierre fissent leur apparition

autour de 395 av. J.-C. dans l'enceinte du théátre. Le terme theórikon désigne donc à la fois le prix du siége au

théátre et l'allocation publique versée à certains pour pourvoir à cette dépense. Harpocration ajoute que, pour Philinos, c'est Eubule qui avait favorisé une subvention au moment des grandes Dionysies, afin de permettre à tous, y compris aux plus pauvres, de participer aux sacrifices, sans étre génés par leur manque de ressources

(cf. HARP., Theorika, ibid. : tva závtec éoprátoct kai tíjc Bewpiag undeìg TOv zoXcov ànoAsixqxat $U ácO£veiy tàv iS(ov). Un passage des Lectiones antiquae de Caelius Rhodiginus (8, 9), probablement la source de Bocchi, rassemble les

différents témoignages disponibles sur le sujet (voir apparat des sources) :

Nous avons donc découvert que l'on appelait theóricon l'argent qui nous permet d'acheter des rangs de siéges et des places dans les spectacles, car, dans le langage des Grecs, thea signifie le spectacle. C'est ce que signale Libanios dans le premier des Arguments aux Olythiennes de Démosthine ; il l'explique également dans son exposé au méme discours, d'oü nous avons extrait cette citation : « il était habituel pour les Athéniens que l'État dépensát deux oboles: les pauvres dépensaient la premiére dans l'achat de nourriture; l'autre était réclamé pour

l'architecte du théátre ». En effet, ils n'utilisaient pas à cette époque de théátre en pierre. C'est pourquoi, avons-

nous remarqué, Démade déclare habituellement que cette sorte d'argent, celui du theóricon, constituait la colle de

C'EST PLUS L'APPÁT DU GAIN QUE L'HONNEU R QUI SUSCITE L'AFFLUENCE AUX SPECTACL ES

L'Athénes de jadis avait pris pour coutume Acquise et respectée d'accorder couramment À ceux qui affluaient un peu d'argent sacré.

misthos heliastikos, donné aux juges de l'Héliée, ou le misthos bouleutikos, donné aux membres du Conseil), qui

consistait à payer les citoyens athéniens pour qu'ils vinssent assister aux différentes assemblées, permettant ainsi

Ainsi séduit, un nombre accru était bien mieux

x.

n^

plaisirs du théátre des sommes qu'il eàt fallu dépenser pour des flottes et la préparation d'une armée.

Par sa nature, le theórikon reléve des autres misthoi, parmi lesquels on citera le misthos ekkléziastikos (à cóté du

5 Disposé à se rendre aux spectacles publics. L'espoir d'un petit gain meut la foule ignorante Beaucoup mieux que l'honneur, fát-il très prest igieu

lét2

la démocratie, et un Lacédémonien (à ce qu'il semble), totalement ignorant de la situation, prétend que les Athéniens se trompaient lourdement, en hommes qui dépensaient tant d'énergie pour les jeux et payaient pour les

x7. ; Voir par exemple H. Mattin: gly, Coins T" of the Roman Empires e in the British Museum, t. I, « Augustus to Vitellius », Londres, 11 j 134, pl. 34, n? 12 ; 192, pl. 36, n? 3. 1965, 124, pl. 34, Voir aussi RIC, 1, 99 et I, 115.

1°3 Voir J. J. Buchanan, Theorika. A Study of Monetary Distributions to the Athenian Citizenry during the Fifth and Fourth Centuries B. C,, New York, 1962 ; C. Mossé, « Aristote et le theorikon : sur le rapport entre “ trophée ” et “ misthos ", dans Qüac xáprv. Miscellanea di studi

classici in onore di Eugenio Manni, Rome, 1980, t. 5, p. 1605-1612 ; Ph. Harding, « Introduction of the theorikon » in Id., The Story of Athens. The Fragments of the Local Chronicles of Attika, New York, 2009, p. 111-112; D. Kawalko Roselli, « Theorika in Fifth-Century Athens », Greek, Roman, and Byzantine Studies, 49, 1009, p. 5-30 ; Id. Theater of the People. Spectators and Society in Ancient Athens, 2011, University of Texas Press, en particulier ch. 3: « The Economics of the Theather: Theoric Distributions and Class Divisions », P- 87-117. Voir également E. Csapo et W. J. Slater, The Context of Ancient Drama, Ann Arbor, 1995, p. 287-297. '5* Pour d'autres sommes, en particulier deux oboles, voir LIBAN., Hypothesis in Demosthenis orationes, 1, 8 ; Decl., 32,15-16; PHOT., Lex., s.v. Occpikóv kai Bewpik1) ; schol. Dem., 1, 1; schol. Ar. Vesp., 1189. 1685 Voir l'analyse du passage dans D. Kawalko Roselli, « Theorika in Fifth-Century Athens », p. 11-212.

542 543

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

de lutter contre l'apathie et l'absentéisme politiques, et dont Aristophane se gausse abondamment'*,

Documenté à partir du IV* siécle av. J.-C. le theórikon a joué un róle d'équilibre social, financier et politique essentiel dans la cité, en particulier sous Eubule qui, président des préposés à cette caisse, y avait fait affluer tous

les excédents budgétaires des autres caisses, permettant ainsi aux plus démunis de bénéficier d'un revenu

financier, à un moment oü le déclin d'Athénes la prive d'une partie de ses ressources'^". L'épigramme emblématique ne prend pas en compte cet aspect, et se montre sensible uniquement à la vénalité. La gravure de Bonasone hésite entre monde grec et monde romain, soulignant la proximité des pratiques. En effet, l'époque romaine a transposé à ses institutions la coutume évergétique des misthophories sous la forme des congiaria et des donatiua : sous la république tardive, on sait que ces distributions d'argent ou de denrées alimentaires, symbole de largitio et de liberalitas, contribuaient à favoriser l'élection à de hautes charges de celui qui les offrait, tout comme les jeux ou les spectacles (cf. Liv., 25, 2, à propos des édiles P. Cornelius Scipio et

M. Cornelius Cethegus ; 37, 57, à propos de M. Acilius Glabrio). Les empereurs, à partir de Tibére (cf. SvET., Aug., 41 ; Tib., 20 ; 54, Ner., 7 ; TAC., Ann., 12, 41 ; 13, 31 ; PLIN., Paneg., 25) et jusqu'au Bas-Empire (cf. SPART., Hadr., 7 ; LAMPR., Comm., 16 ; Al. Sev., 26 ; VOPISC., Aurelian., 48), avaient pris l'habitude, à chaque avénement impérial, à ses dates anniversaires, au moment des renouvellements de vceux et de consulats, aprés une victoire

ou un triomphe, d'offrir systématiquement des sommes d'argent considérables (ou bien des dons en huile et en

blé, les congiaria, dont l'origine remonterait à Ancus Martius'^**) aux soldats des légions, à leurs officiers ou à la

garde prétorienne, avant d'étendre ces distributions à tous les agents de l'État'9?, Tacite (Ann., 12, 41) laisse entendre que le donatiuum concerne les soldats, et le congiarium, le peuple. La gravure conserve la relation entre le versement du theórikon et la présence de la foule aux spectacles et aux jeux, en particulier au théátre. On apercoit sur l'image un théátre à l'antique trés schématisé : à l'arriére-plan, la cauea est sommairement esquissée et se transforme en simple mur d'enceinte ; les spectateurs, en toge, sont sagement assis, tendant la main pour recevoir la pluie d'argent qui tombe sur eux, mais ne s'échelonnent pas sur des gradins. L'aspec le plus remarquable de cette architecture tient dans le fait qu'elle reléve ouvertement de l'esthétique des ruines ou d'une préoccupation archéologique certaine: le monument visible est partiellement ruiné. L'enceinte circulaire ne se referme pas sur elle-méme, mais présente, bien visibles au premier plan, sous la forme d'une section, les arches de souténement qui la supportent : à gauche, elles sont deux de front, étroites, et s'élévent sur deux étages, alors que, dans la partie droite, elles sont beaucoup plus larges, flanquées de colonnes doriques, et ont perdu un étage. Plus qu'à une architecture grecque, on pense ici à la topographie romaine et à deux monuments en particulier dont le dégagement et la redécouverte fascinent les humanistes : le Colisée ou amphithéátre flavien, construit entre 70 et 72, à l'allure asymétrique'^", et le théátre de Marcellus (Théátre du Circus Flaminius) entamé sous César et dédié par Auguste en 13 av. J.-C., que Pétrarque confond avec un

1686 Instauré en 403 sur la proposition d'Agyrrhios (Schol. Ar., Eccl., 102), il varie de une, deux puis trois oboles (cf. AR, Ath., 41, 3) à une drachme (An., Ath., 62, 2) et est dénoncé avec virulence par Aristophane. Voir par ex. Eccl., 183-188 ; 282-292 ; 300-310 ; 376-384 ; $47-548 ; Plut. 329-330. 1687 Voir C. Mossé, art. « theorikon » dans Ead., Dictionnaire de la civilisation grecque, Paris, 1982*, p. 474-475.

1688 Ce roi aurait offert six milles boisseaux de sel au peuple (PUIN., Nat., 31, 89).

1659 Voir P. Bastien, Monnaie et donatiua au Bas-Empire, Wetteren, 1988 ; voir également R. Brilliant, Gesture and Rank in Roman Art, NewHaven, 1963 ; S. Mrozek, « Les distributions alimentaires dans les cités de l'empire Romain tardif », Mélanges de l'École francaise de Rome, 87, 1975, 2, p. 995-1101 ; S. Pennestri,

« Distribuzioni di denaro e viveri su monete

e medaglioni

di età imperiale : i protagonisti, gli scenari,

Mélanges de l'École francaise de Rome, 101 ; 1989, p. 289-315. Plus ancien est l'ouvrage de D. Van Berchem, Les distributions de blé et d'argent à la plébe romaine sous l'empire, Genéve, 1939, p. 119-169.

190 Le plan, l'élévation et la section des ruines sont par exemple figurés dans Il terzo libro nel qual si figurano, e descrivono la antiqua di Roma de

Sebastiano Serlio, publié en 1540, p. 64-65. Sur l'histoire du monument dans l'Antiquité, voir R. Rea, « Amphitheatr um », in M. E. Steinby (dir.), Lexicon Topographicum Vrbis Romae, Rome, 1995, t. 1, p. 30-35 ; E. Gabucci (dir.), Il. Colosseo, Milan, 1999; K. E. Welch, Roman

Amphitheater, From its Origins to the Colosseum, New York, 2007, P. 128-162. Sur le Colisée à la Renaissance, voir D. Karmon, The Ruin of the

Eternal City and Preservation in Renaissance Rome, Oxford/New York, 2011, « The Colosseum », p. 117-141 ; Id. « The Colosseum », in A. Grafton, G. Most, S. Settis (dir.), The Classical Tradition, Cambridge, 2010, p. 216-217 ; Id., « Printing and Protecting Ancien Remains in the Speculum Romanae Magnificentiae », R. Zorach (dir.), The Virtual Tourist in Renaissance Rome : printing and collecting the Speculum Romanae

Magnificentiae, Chicago, 2008, p. 36-51 ; Id., « Strategies to Protect the Colosseum », Future Anterior, 2, 2, Hiver 2005, p. 1-10 ; R. Weiss, The Renaissance Discovery of Classical Antiquity, Oxford, 1988.

544

amphithéátre'^"', Dans la gravure, on notera en outre la présence sur une tribune de deux soldats, accomplissant d'un geste ample du bras droit la distribution de piéces en puisant à l'intérieur d'un sac de cuir qu'ils tiennent de la main gauche. Mais l'épigramme emblématique, loin de faire l'éloge de ces misthophories, s'en sert au contraire pour dénoncer le goàt du lucre chez le peuple et la dégradation des institutions politiques, à la suite d' Aristophane (voir supra), de Platon (Gorg., 515e : Tavri yàp Eywye áxoóo, ITepixAéa xezou]kévat AOnvatovg ápyobc kai 8eikobc kai AáAovc Kai gihapyópovs, eic utoOogopíav rp@tov xaracrijcavta, « J'entends dire effectivement que Périclés a rendu les Athéniens paresseux, làches, bavards, amoureux de l'argent, en ayant eu le premier recours à la misthophorie » ) et de Libanios, qui voit dans la loi interdisant sous peine capitale de transférer le budget du theórikon à des objectifs militaires (comme l'avait fait Apollodoros en 348-348) un signe du déclin athénien et de la mollesse

des habitants d'Athénes, plus soucieux d'aller au spectacle que de faire la guerre'?? (voir LiB., Hypothesis in

Demosthenis

orationes,

1, 9 : 'OOev xai xepi tà otpateiag ókvrpol cxattotnoav. náXat pèv yàp otpacxevóuevot

utoOov zapà víjc xóAecc £AáuBavov, xóxe 8E èv xai Bewpiaig xal raic &opraic olkot uévovrec Gievépovro và xprjuaca, « De là, ils devinrent réticents pour les campagnes militaires : s'il était vrai qu'autrefois, en allant au combat, ils recevaient un salaire de la part de la cité, en revanche à cette époque, tout en demeurant chez eux, dans les Spectacles et les fétes, ils se partageaient l'argent » ). Il est possible que l'embléme fasse implicitement allusion à des coutumes contemporaines d'évergétisme bien calculé, par exemple au cours de fétes données par de hauts personnages qui entretenaient ainsi l'affluence d'un plus large public.

Symb. 106 Gravure :

ON TROUVE SALUT ET PROTECTION LÀ OÙ RÉGNENT RESPECT ET PUDEUR

Sur l'image : Ménélas, Ajax, Teucer

JUSTESSE D'UNE TIRADE À LA HAUTEUR DU THÉATRE DE SOPHOCLE Il faut juger plein de superbe et d'insolence, Sans l'accepter du tout, le sujet qui néglige D'obéir aux ordres que lui donnent ses maitres : Une ville qu'abandonnent crainte et vergogne 5 Ne peut pas dans les lois trouver justes assises. Qui dirait qu'une armée pourrait étre menée Avec sagesse, sans le rempart trés solide Qu'offrent peur et pudeur si elles sont sans faille ? Il faut penser qu'un homme, eüt-il un corps robuste, 10 Peuttoutefois, par un mal méme insignifiant, 191 Entre 1525 et 1533, le Cardinal Giulio Savelli confie à Baldassare Peruzzi d'édifier un palais sur les ruines des deux premiers étages du théátre, en éliminant les tabernae qui en occupent les arcades et les édifices médiévaux qui se concentrent dans la cauea. Voir C. Tessari, « Baldassare Peruzzi e il Palazzo Savelli sul Teatro di Marcello » in Ch. Frommel et al. (dir.), Baldassare Peruzzi, 1481-1536, Venise, 2005 P. 267-271 ; Id., Baldassare Peruzzi, Il progetto dell'antico, Milan, 1995, p. 123-152 ; C. Rowe, L. G. Satkiwski, Italian Architecture of the 16th Century, New York, 2002, p. 117. Peruzzi réalisa plusieurs dessins du théátre, dont l'un fut repris par Sebastiano Serlio. 19? Voir E. M. Harris, Democracy and the Rule of Law in Classical Athens. Essays on. Law, Society, and Politics, Cambridge, 2010* ch.6:

* Demosthenes and the Theoric Fund », p. 121-140.

545

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

15

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Se voir souvent vaincu. Salut et protection Se tiennent oü respect et sainte pudeur sont. Maudite soit la ville oà sévit le funeste

leur sommeil, avant de réaliser sa méprise et de se donner la mort'*. Voici la traduction du passage (pour le grec, voir apparat des sources) :

Mépris des lois, oà par licence, on abandonne

Pourtant, c'est le fait d'un méchant homme que de ne pas consentir sur aucun point, quand il n'est qu'un sujet, à

L'obéissance, oü chacun fait ce qui lui plait. Dis-toi qu'une telle cité, bien qu'opulente,

obéir à ses chefs. Jamais, les lois ne pourraient bien résister dans une cité oü la crainte ne serait pas fermement

installée; et jamais plus une armée ne ferait montre de sage discipline, sans un rempart de crainte et de respect. Un homme doit savoir que, quand bien méme il aurait une stature de géant, il pourrait succomber, füt-ce sous le coup d'un mal de rien. Celui qui garde dans son cceur crainte et vergogne à la fois, celui-là, sois-en sár, porte son salut en lui. Crois bien que le pays oü l'on peut à sa guise étaler son insolence et faire tout ce que l'on veut, méme s'il a navigué avec des vents favorables, finit par aller au fond.

De toute sa hauteur, s'abimera bientót.

MÉTRIQUE

Trimétres iambiques, pour respecter la métrique du passage de Sophocle qui a inspiré l'épigramme.

Examinons le travail méthodique de transposition/traduction effectué par l'emblématiste, qui s'avére ici un véritable helléniste, jusque dans le strict respect du métre (trimètre iambique) :

NorEs v. 13 : veh] Vae.

— v. 1-2: superbus ille habendus et insolens/ Nihil ferendus ] Pour définir la trahison d'Ajax, Bocchi utilise les

ANALYSE

Le texte de l'embléme est constitué par une traduction trés méticuleuse d'un passage de l'Ajax de Sophocle (1081-1093 ; voir apparat des sources). Dans les nombreuses et érudites études qu'il a consacrées à la question, Élie Borza s'est intéressé non seulement à la vogue des éditions grecques du théátre de Sophocle à la

Renaissance'^ (Alde Manuce publie à Venise l'editio princeps des ceuvres de Sophocle en 1502, aidé par le travail de Jean Lascaris), mais également aux traductions latines'*", italiennes et frangaises que ces piéces antiques ont suscitées, traductions dont certaines sont restées manuscrites, sans oublier les notes de cours ou les

travaux préparatoires à des éditions sur Sophocle dont on trouve trace dans les papiers des humanistes!95, En

1533, Jean Lonicer publie pour la premiére fois une traduction latine littéraire de l'Ajax. Une traduction en latin

ad

uerbum

des

sept tragédies

l'importance du phénoméne

est publiée

par

Giovanni

Battista

Gabia

en

1543.

É.Borza

montre

ainsi

de traduction latine à partir du grec, exercice auquel se sont adonnées des

personnalités comme Philippe Mélanchton (Versio Sophoclis) et Adrien Turnébe (en 1551), en passant par Pietro da Montagnana, à la fin du xV® s. (cf. le Marcianus Lat., XIV 54, qui comprend

aux f° 691?-87v? une

traduction latine de l'Ajax'?*) ou encore Aulo Giano Parrasio (avec une traduction autographe de l'Ajax,

composée entre 1502 et 1506 et conservée à Naples)!5",

Le passage sophocléen, extrait d'une longue tirade exprimée par Ménélas, se signale par son caractere sentencieux. Le contexte dramatique est important. Aprés la mort d'Ajax, Teucros son frére se lamente sur le cadavre, tandis que le coryphée invite le héros à penser à la sépulture. Il est interrompu par Ménélas qui interdit à Teucros de pourvoir à l'enterrement d'Ajax, vu que ce dernier, pris de folie en apprenant que les armes d'Achille lui ont été refusées, a massacré des troupeaux, croyant exterminer les chefs de l'armée grecque pendant

Voir É. Borza, Sophocles redivivus : la survie de Sophocle en Italie au début du XVr siécle : éditions, traductions, notes de cours, Thése de doctorat

inédite, Uhntvessité Catholique de Louvain, Louvain-La-Neuve, 2001 ; Id., « Venise, Rome et Florence : quatre exemples d'éditions de Sophodle en Italie au XVt* siécle », L'information littéraire, 54, 2, 2002, p. 13-22 ; Id., « Sofocle nel Rinascimento europeo : una fortuna troppo sconosciuta », in R. Schnur (éd.), Aca Conventus Neo-Latini Bariensis. Proceedings of the Ninth International Congress of Neo-Latin Studies (Bari 29 August to 3 September 1994), Tempe Arizona, 1998, p. 169-174. Voir également M. Delcourt, Étude sur les traductions des tragiques grecs et latins en France depuis la Renaissance, Bruxelles, 1925.

adjectifs superbus et insolens qui précisent le terme grec kaxoó, en le tirant du cóté de l’hybris, de la démesure. Bocchi ajoute en outre l'idée de l'obligation (habendus, nihil ferendus), là oà le texte grec constate simplement Kaxo? zpóc àv8póc. — V. 2-3: principium... negligit] La phrase latine reprend l'idée de l'opposition fondamentale entre maitre et sujet. Elle suit la formulation grecque, en inversant l'ordre d'apparition des termes de l'opposition principum/subditus par rapport au grec (óvra ènuòotny/ vàv éoeotórov) ; Mrj8£v Bikatobv « ne consentir sur aucun point » est rendu par negligit et kAóetv « obéir, écouter », par persequi. Là oà Sophocle utilise deux vers, Bocchi en propose trois. - v. 4: Sophocle insiste sur l'idée des lois qui résistent bien dans une cité (kaAoc/ DMépowt’ áv), tandis que

Bocchi transpose en suggérant que c'est la ville elle-méme qui trouve ses fondations dans les lois (legibus

fundarier).

- v. 5 : Bocchi reprend la relative introduite par l'adverbe locatif unde pour rendre £v0a, et il insiste sur l'absence

de la crainte (abest), là où le grec met en valeur l'absence de son ancrage (yi ka6eovijkoi). À l'idée de crainte

(timor/8£oc), le traducteur latiniste ajoute celle de respect (uerecundus). - v. 6-8 : Bocchi suit fidélement Sophocle sur le motif de l'armée (exercitum/otpaxóc) que l'on peut gouverner sagement (prudenter/ow@pòvws) par la crainte (metus/oófov) et le sens de l'honneur (pudoris/aiSoüc). Il reprend également l'image de la crainte et de la pudeur formant un rempart ou un bouclier (propugnaculo/npófAnua). L'optatif potentiel grec (àv ovpaxóc ye cwopóvec ápyoir') est transposé en quis asserat suivi d'une infinitive pourvue du modalisateur posse pour rendre le potentiel. - V. 9-11 : Sed cogitare... consternari] l'image de l'homme au corps de géant (méme tour concessif : uf corpore/

Magno sit pour rendre xàv cópa yevvijor] uéya), abattu par un mal infime (là encore, reprise du tour concessif : uel a paruo malo pour rendre x&v àzó cyixpob kaxo) est scrupuleusement traduite. Le caractére impératif du constat est respecté (xpj... / Aoxeiv, rendu par cogitare oportet), de méme que la valeur de répétition de &v (neociv &v) est rendue par l'adverbe plerunque. - V. 11-12 : Vbi... esf] Bocchi reprend la tournure corrélative relative de lieu ubi... ibi , « où... là », alors que le grec emploie un relatif de la troisiéme personne @ zpóczottv « celui à qui sont attachés... ». Les deux termes

grecs 8£oc et aioyóvr sont traduits respectivement par reuerentia et pudor sanctus, mais Bocchi développe par une autre paire (salus tutelaque) le terme unique owrrnpíav.

164 É. Borza, « Une traduction latine de Sophocle au xv* siécle : problémes d'attribution et tentatives de réponse », Studi Umanistici Piceni, 16, 1996, p. 17-31 ; Id., « Sophocles Latinus. Étude de quelques traductions latines de Sophocle au xvr' siécle », Neulateinisches Jahrbuch. Journal of

Neo-Latin Language and Literature, 3, 2001, p. 29-46.

'55 Élie Borza, « Catalogue des travaux inédits d'humanistes consacrés à Sophocle, jusqu'en 1600 », Humanistica Lovaniensia, 52, 2003, p. 195216.

!96 Voir É. Borza, « Sophocles Latinus », p. 29-45 ; Id., Sophocles redivivus , p. 127-137 ; Id., « Une traduction latine de Sophocle au xv' siecle » ; Id., « Catalogue des travaux inédits d'humanistes », p. 203 (n? 18). !5" Voir É. Borza, « Catalogue des travaux inédits d'humanistes », p. 195-216.

546

"TS Aj., V. 1052-1065 : « La raison, c'est qu'en cet homme, nous avions pensé emmener de Gréce un allié, un ami des Grecs, et qu'à l'épreuve nous avons découvert en lui un ennemi pire que les Phrygiens. N'a-t-il pas comploté le massacre de toute l'armée ? et n'est-il pas parti en gueue contre nous, au milieu de la nuit, pour nous détruire de son fer ? Et si une divinité n'avait étouffé sa tentative, c'est nous qui eussions subi en mourant le sort qu'il a subi lui-méme, c'est nous qui serions à cette heure étendus à terre, frappés de mort ignominieuse, alors qu'il vivrait encore ! Le ciel a heureusement détourné sa folle insolence sur nos moutons et c'est pourquoi il n'est pas aujourd'hui d'homme assez puissant pour mettre son corps au tombeau. C'est pourquoi, jeté sur le sable fauve, son cadavre va au contraire nourrir les oiseaux du rivage ».

547

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

- V. 13-17 : Pour traduire l'idée que la cité oü régne l'hybris est condamnée à plus ou moins long terme, Bocchi

utilise cinq vers là oà Sophocle ramassait sa sentence en trois (v. 1081-1083). Le terme bppitetv « faire usage de

violence » est spécifié par l'emblématiste comme mépris des lois (nefaria contemptio legum), tandis que l'idée de licence contenue dans 8pàv 0' à BosAexat « [oü il est donné de] faire ce que l'on veut », que traduit licentia, est soulignée par une référence à son antonyme, abiecta oboedentia, absent du grec. Talem... urbem... mox iudica traduit exactement le grec Tavtny vépite civ xóXv xpóvo zoté. La comparaison formulée par le grec, sous la forme d'un participe concessif ('E£ obpicov S8papobcav), entre la ville et le navire qui a fait route sous des vents favorables, est simplement rendu par l'expression ut beatam, tandis que l'expression hyperbolique pessum ituram funditus, « couler dans les profondeurs », qui rend scrupuleusement le grec «ic BvOov meotiv, est encore accentuée par la formule de uertice alto qui, avec funditus, insiste sur toute la hauteur de la chute. Le texte de Sophocle comporte d'évidentes connotations politiques, qui ont sans doute séduit Bocchi, nourri de réflexions cicéroniennes sur l'art de bien gouverner. Il indique précisément le róle de soumission qui incombe au sujet, qui doit obéir aveuglément à ses chefs, car cette obéissance est le ciment de l'intégrité organique d'une cité. Le pouvoir des lois repose sur des fondements religieux : la Crainte et l'Honneur, qui animent sans cesse les héros homériques, sont les lois intérieures dictées par les dieux et elles appuient les lois concrétes de la cité. Cependant, nous n'avons pas à faire, chez Bocchi, au seul texte. La présence de la gravure exige que nous n'entendions pas la citation sophocléenne, hors de tout contexte, dans cette univocité quelque peu moralisatrice. La gravure, en effet, joue le méme róle que la source littéraire en « contextualisant » explicitement la citation empruntée à Sophocle. Elle nous montre Teucer soutenant d'un bras Ajax mort et repoussant de l'autre Ménélas qui tente de lui soustraire le cadavre. Cette joute physique montrée par l'image fait référence à un passage voisin de celui cité par le texte de l'embléme, et qui le compléte harmonieusement. Ce passage auquel l'image fait allusion est constitué par la réfutation que Teucer oppose au discours de Ménélas versifié dans l'épigramme emblématique. Le discours de Ménélas, nous l'avons dit, reposait sur deux postulats : Ajax est son sujet, Ajax est son ennemi. La réfutation de Teucer porte précisément sur ces deux points : Ajax n'est soumis à personne, il a accompli de valeureuses actions qui ont sauvé les Grecs. Pour le frére d'Ajax, cet héroisme guerrier donne droit à une sépulture décente. Bien plus, alors que Ménélas s'attache à démontrer que cette démesure est chez Ajax un trait constitutif dont on peut relever plusieurs manifestations, Teucer tend à prouver, au contraire, qu'elle n'est que la manifestation logique de la bravoure bafouée et du courage méprisé, puisque les armes d'Achille revenaient à Ajax, c'est-à-dire à celui qui a inspiré le plus d'effroi aux Troyens. Il en a été privé par un complot ourdi par Ulysse, l'incarnation de metis, la ruse, secondé par Ménélas, comme le laisse entendre la stichomythie où les deux héros, Ménélas et Teucros s'affrontent verbalement : Teucros : N'insulte pas les dieux puisqu'ils t'ont préservé. Ménélas : Quoi ! Pour toi je discute ici les lois des dieux ? T : Eh oui ! Situ m'empéches d'enterrer les morts.

M: Si ces morts sont nos ennemis, les enterrer est une honte. T : As-tu vu Ajax devant toi, du cóté de nos ennemis ? M : Je le haissais, il me haissait, et tu le savais.

T : Tu t'étais révélé un voleur de suffrages. M : Son échec fut le fait des juges, non de moi. T : N'aurais-tu pas en cachette adroitement machiné le scrutin ?

M : Ce mot coütera cher à quelqu'un que je connais.

T : Moins cher qu'il ne devra me le payer ensuite. M : Je n'ai plus qu'un mot à te dire : pour cet homme point de tombeau. T : Et je te répondrai moi : cet homme aura son tombeau'&?. La gravure met en scene cette joute verbale en la transposant en un geste : le bras de Teucer repoussant Ménélas. La gravure vient à la fois compléter et réfuter le propos du texte, en faisant entendre la voix des deux 169 S, Aj., V. 1129-1141.

$48

"Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

protagonistes autour du cadavre d' Ajax. Le processus moral que décrit le poéme et qui fonde le pouvoir de la loi est réciproque et l'obéissance des soldats, ou des citoyens, n'est possible ou due que si le chef lui-méme respecte les codes de Crainte et d'Honneur. Tous sont soumis à cette loi. Or, en truquant les suffrages, Ménélas et Ulysse ont fait triompher l'Insolence sur la Vertu et Teucer, en demandant une sépulture pour son frere, ne fait que réclamer les droits de cette Vertu méprisée. Le discours de Ménélas se retourne contre lui. Ajax partagé sur la gravure entre Ménélas et Teucer devient l'image de la Vertu partagée entre la calomnie et la reconnaissance.

Symb. 107 CONTIENS TA LANGUE ET TA COLÉRE AU CARDINAL GIOVANNI ANGELO DE MÉDICIS Tu es sans effet, ó fureur, lassant en vain mon cceur. Un travail d'Hercule m'invite à la vaillance.

Il rompit puis brisa la gueule du lion de Cléon,

s

Écrasant la langue repliée sous les dents.

Il est bon d'étouffer la violence de notre bile, Et de contenir notre langue en ses barriéres. Angelo, gloire et soutien du Sénat des cardinaux,

Tes spectacles jadis nous l'ont bien enseigné.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. NOTES

- ded. carm. : IOANNI ANGELO MEDICI CARD«INALI»] Giovanni Angelo de' Medici ou Jean-Ange de Médicis (1499-1565) succédera à Paul IV sur le siege pontifical en 1559 sous le nom de Pie IV. Dans certains

exemplaires des Symbolicae Quaestiones, c'est à ce personnage, encore cardinal (Io. ANGELO MEDICIO GARD. MEDIOLAN. AMPLISSIMO PATRONO SVO B. M.), qu'est dédié l'un des poémes liminaires composé par

Bocchi et commengant par Do tibi, quó mihi des aliquid mage, quàm nihil abs te (voir introduction générale). Más

Milan (la famille des Médicis à laquelle il appartient n'est pas apparentée à celle des Médicis de Florence), aprés des études de médecine à Pavie, Giovanni Angelo obtient un doctorat en droit canon et civil à Bologne. Protonotaire

apostolique

sous

Clément

VII,

gouverneur

des

états

pontificaux

sous

Paul

III, il devient

commissaire apostolique en Transylvanie et en Hongrie auprés de l'empereur pendant la guerre contre les dipres (1542-1543) puis administrateur des états pontificaux. En 1545, il devient archevéque de Raguse puis cardinal-

prétre en 1549. Entre 1550 et 1555, sous le régne de Jules III, il est préfet de la Signatura gratiae, Luna des dens chambres qui, avec la Signatura iustitiae constitue la Signatura apostolica, le plus haut tribunal rua qum qui

prévaut sur le tribunal de la Rote et sur les décisions de la Curie. L'embléme a donc été rédigé entre 1549, date

de l'élection du dédicataire à la pourpre cardinalice, et 1555.

- V. 3 : Cleonei... Leonis] - Cleonei : pour Cleonaei.

- Cleónes (Cleonae, -arum) ou Cléon est une petite ville du Péloponnése, entre Corinthe et Argos, et donna son nom au lion de la forét de Némée toute proche, abattu par Héraclés. Le lion fut transformé en cop&ellafion (c£. MART., 4, 60, 2). Pour l'identité entre le lion de Némée et le lion de Cléon, voir par ex. Coluccio SALUTATI, De

Laboribus Herculis, 3, 8, 3, t. I, p.

18s Ullman : Nemeus autem et Cleoneus leo unus et idem est.



OO

EREEENNNnE——-wmmmm———————————————————À

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

-v.$: uim stomacho] Stomachus désigne à la fois, sur le plan anatomique, le gosier, mais aussi, sur le plan

humoral, l'organe qui sécréte la bile responsable de l'ira ou du furor (cf. CIC., Verr., 20, 48 : Homo exarsit iracundia ac stomacho ; SVET., Tib., 59: Bile et stomacho aliquid fingere). Comme l'explique Valeriano, qui

interpréte en ce sens l'épisode du lion de Cléon, il s'agit de la bile noire ou mélancolie, celle qui suscite les emportements colériques (pour la traduction du terme grec par furor, voir CIC. Tusc., 3, s, 2). Le pseudo-

Aristote, dans son fameux probléme 30, 1, prend pour exemple de mélancolie la folie furieuse d'Hercule sur l'Oita. -v.8: aulaea] Le terme aulaeum (du grec aAaía) désigne toute forme de uelum ou de tenture dont on se

servait pour fermer l'entrée de certaines piéces, pour décorer les murs, dissimuler la scéne du théátre ou

recouvrir une statue. Servius (cf. Ad Georg, 3, 25 ; Ad Aen,, 1, 697) en fait remonter l'invention à l'époque où

Attale légua son royaume aux Romains (133

av.-].-C.) et fait venir l'expression de ab aula Attali regis", Pour

iubam/ Ceruice iactans, « Il se tient menacant, avec sa gueule monstrueuse, et souflle des flammes, rejetant sa

criniére sur sa nuque flamboyante ». On pourra rapprocher ce tableau de celui donné dans le De Ira, 1, 1, 3-4 et 3, 4; 172, ainsi que du passage du méme ouvrage où le furor caractérise la nature des animaux nobles, et du lion en particulier (ibid., 2, 16, 1). Coluccio Salutati, qui reprend Sénéque le Tragique, insiste à son tour sur le lien établi par autem ad pertinere), de Némée

les auteurs antiques entre le lion de Némée leonis naturam pertinere ; ibid., 3, 3, 9, p. et cite à l'appui Boéce (Cons., 4, 3, 58-59) simplement un symbole de robur inuictum

et la colére (cf. Lab. Herc, 3, 3, 8, t. I, p. 187 Ullman : Iram 188 : tantis autoribus patet leonis naturam ad iracundiam et Lactance (Inst., 1, 9, 5). On notera que Alciat fait du lion (voir Emblematum liber, « Duodecim certamina Herculis »,

v. 1), et réserve la charge de signifier furor et rabies au sanglier d'Érymanthe (ibid., v. 2). En revanche, dans

l'embléme intitulé furor et rabies, il fait de l'épiseme du lion sur le bouclier d'Agamemnon un symbole de ces deux passions. Bocchi ne semble pas faire place, à l'instar de Coluccio Salutati, à la doctrine péripatéticienne des passions moyennes qui voient dans la colére mesurée une forme de stimulation à l'action (Lab. Herc, 3, 3, 11, t. I, p. 188

Ullman : Que [7 ira] si quibus, quando, ubi, et qualiter et propter quid oportet ratione debita dirigatur, utilis et uirtuosa ; si autem omisso regimine rationis efferueat, uitium est ; cf. SEN., Ir., 1, 7, 1). Par des termes forts comme

spectacles auliques (par métonymie, à partir du rideau qui clót la scéne) ? Rien ne permet de l'affirmer. ANALYSE

Bocchi reprend ici l'un des douze travaux imposés à Héraklés/Hercule par Eurysthée, l'épisode du lion de

Cléon, qui a fait l'objet d'une longue tradition allégorique dans l'Antiquité et à la Renaissance!""'. I] ne retient

pas ici l'élément généralement souligné dans l'épisode, à savoir la peau intranspercable dont est revétu l'animal et que le héros ne put déchirer qu'en se servant de l'une de ses griffes, avant de la prendre comme manteau symbolique, la fameuse léonté (cf. D. S., 4, 11, 3 ; APOLLOD,, 2, 5, 1 ; HyG., Fab., 30, 2). Bocchi s'intéresse surtout au moyen dont Hercule a vaincu la béte, en lui brisant puis lui déchirant la máchoire (détail qui marque une

contamination avec l'histoire de Samson)

et en l'étouffant, ce qui est plus conforme aux sources antiques.

L'emblématiste met en valeur un organe, la gueule de l'animal, véhicule organique de la colére. La gueule est constituée

d'une

partie

profonde,

le gosier,

stomachus,

terme

générique

qui

désigne

aussi

de

maniére

métonymique ou figurée la poitrine ou l'àme, et donc lieu oà se produit la sécrétion de la bile sombre causant la caléte. Sa partie plus externe est formée de la langue qui profére des propos aigres. Gosier et langue sont

d'ailleurs anatomiquement rattachés l'un à l'autre!"?. Hercule brise la gueule et étrangle le gosier du monstre, la source de la colére et son expression par la parole!7°3,

Bocchi, dans le Symb. 115 qui traite des armes figurant sur l'étendard de Bologne, fait à nouveau une relation entre le lion et la colére (cf. v. 7 : uincit et iram). Sénéque associait explicitement l'épisode herculéen du lion de

Primus en noster labor/ Caeli refulget parte non minima Leo/ Iraque totus feruet et morsus parat). Il dresse un portrait saisissant des symptómes de cette passion ( ibid., 947-049) : ingenti minax/ Stat ore et ignes efflat, et, rutila

the Twentieth Century, Oxford, 1972 ; Geneve, 1966. Il exidte plusieurs listes 9, 6) ; c Ausone, Egl., 17 Green ; ou l'Astilogá latina 64i & 627 Riese

702 Cf. CIC., Nat., 2, 54, 135: Linguam autem ad radices eius haerens excipit stomachus. Voir aussi ÉRASME,

2002, p. 86 : « Dans la partie supérieure d'une part,

à

i

La langue, trad J.-P. Gillet, Genéve,

elle est reliée aux extrémités du palais des deux cótés des ouvertures EDIde la gorge,; oà des attaches la tirent vers la poitrine. En dessous d’autre part, dans la máchoir inférieure, elle est reliée jusqu'au rempart des dents [ ... ] ».

77? Pierre Martin nous suggére un rapprochement avec La langue d'Érasme (d. cité , p. 86-87), où Érasme souligne la prévoyance de la nature qui oppose aux débordements de la langue l'homérique « enclos des dents » et * les doubles battants des lévres », « pour lutter contre l'effronterie sans frein qui consiste non pas à proférer des mots, mais à répandre au hasard tout ce qui vient à la bouche ».

550

déchirer complétement la gueule.

L'iconographie d'Hercule et du lion de Némée est, dans cette gravure, trés proche de celle de Samson déchirant

à mains nues un lion gráce à l'esprit de Dieu qui lui permet d'entrer en furor ^, adoptée par Dürer dans sa gravure « Samson vainqueur du lion », datant des années 1497-1498 : on notera la position du héros à cheval sur l'animal, une jambe pesant sur son échine, avec les deux mains qui, derriere, lui ouvrent la gueule (Fig. 1).

L'attitude du héros est proche d'une autre gravure sur un sujet identique, réalisée en 1512 par Albrecht Altdorfer à Berlin, au. Kupferstichkabinett

(Fig. 2), ainsi que d'un tableau de Lucas Cranach

l'Ancien

(« Hercule déchirant le lion »), peint entre 1520 et 1525 et conservé au Musée de Weimar (Fig. 3). Cette

proximité n'a rien pour étonner. En effet, le parallele entre Hercule et Samson est traditionnel depuis l'Antiquité tardive, et on trouve la mise en relation de leurs travaux, outre dans l'iconographie, par exemple dans le Roman

de la Rose (v. 9182-9183) ou dans des traités tels que le De duodecim uirtutibus Herculis et Samsone fortissimo du

(longtemps attribuée à Virgile) ; et enfin par Boéce (Cons., 4, 7, carm., 13-35). Pour la Renaissance, voir par exemple Nicolas BOURBON, Nugae, i

deux jambes. La gueule ouverte de force révèle les dents pointues du monstre. Pierre Martin nous fait remarquer que le pouce d'Hercule vient appuyer sur la langue, qui recouvre les dents de la máchoire inférieure, empéchant ainsi toute morsure. Les pattes du lion s'agrippent aux mains d' Hercule, pour tenter d'empécher le héros de lui

x? g, 1706

E Voir article « Aulea » dans Ch. Daremberg/E. Saglio, Dictionna ire des antiquités grecques et romaines, t. I, 1, p. 561-562.

303, éd. S. Laigneau, Genéve, 2008, p. 583.

agripper des deux mains les deux parties de la máchoire d'un lion, dont il empéche la fuite, bien campé sur ses

et conservée

Némée, qui vit la transformation de la béte en constellation, avec la colére bouillonnante (Herc. f., 944-946 :

Voir G. K. Galinsky, The Herakles Theme. The Adaptations of the Hero in Literature Jrom Homer to R. M. Jung, Hercule dans la littérature frangaise du XVr' siécle. De l'Hercule courtois à l'Hercule baroque, fameuses des travaux d'Hercule, en particulier celle proposée par lAntholog ie Grecque, 16, 92 (Plan., IVa, encore les « DUROHINE de aerumnis Herculis » et les « Dodecasticha de Hercule », qui figurent dé

fregit, compescere, continuisse, Bocchi parait suivre Sénéque qui réfute dans le De Ira (1, 7-8) toute utilité à cette passion en montrant qu'en plus d'étre difficilement contrólable, la colére, méme justifiée, déstabilise le sage en ayant en permanence de bonnes raisons d'apparaitre, et n'a aucune efficacité. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana5, montre en arriére-plan un paysage de collines stériles et des pans rocheux à pic sur la droite, au-devant desquels viennent prendre place Hercule et le lion de Cléon. Hercule présente une nudité héroique, vétu seulement d'un pan de manteau qui s'envole en s'arrondissant au-dessus de lui. Légérement incliné vers l'avant, il se penche pour

A

1704 Voir ]e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 18, n° 46 (» CV). 1 75 VvLG, Iud. 14, s-6 : descendit itaque Samson cum patre suo et matre in Thamnatha cumque uenissent ad uineas oppidi apparuit catulus leonis

saeuus rugiens et occurrit ei, inruit autem spiritus Domini in Samson et dilacerauit leonem quasi hedum in frusta concerperet nihil omnino habens in

manu et hoc patri et matri noluit indicare, « c'est pourquoi Samson descendit avec son pére et sa pére à Thamnatha, et, alors qu'ils étaient Arrives dans les vignes, un jeune lion au rugissement cruel apparut et lui fit front ; mais l'esprit de Dieu envahit Samson et il déchira le lion, ciiin il

mettait en piéces en vain un chevreau, n'ayant strictement aucune arme dans les mains ; il ne voulut pas révéler cet incident à son père ni à sa mére ». Voir M. Simon, Hercule et le christianisme, Paris, 1955, p. 49-50 ; F. Gaeta, « L'avventura di Ercole », Rinascimento $, 1954, p. 227-a60 ;

G. M. Cropp, « The figure of Hercules in the Medieval French Translations of the Consolatio Philosophiae, in M. Ramsland (dir.), Variété :

Perspectives in French Literature, Society and Culture », Francfort, 1999, p. 67-76.

170° Cité par M.-R. Jung, Hercule, p. 107.

S51

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555)

- tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Le refus de la colére proposé par l'embléme vient rejoindre les autres invitations lancées par le recueil à

l'irénisme et à l'apaisement. L'appel est ici donné à un cardinal qui, à partir de 1550, occupe les fonctions de

préfet de la Signatura gratiae, dotée de pouvoirs judiciaires importants. Cet appel fait particuliérement sens en période de persécutions et de procés inquisitoriaux. On retrouve la condamnation de la colére dans le

Symb. 128, dédié à l'Inquisiteur de Bologne, Reginaldo Nerlio.

WINE

^

M

Symb. 108

R

Gravure :

1

PERSPICACITÉ, RAISON ET DILIGENCE PEUVENT FAIRE LE BONHEUR DE TOUS Sur l'image : Connais, choisis, fais vite !

Fig. 1 > A. DÜRER, Samson combattant le lion (ca 1497-1498), gravure sur bois, 38 X 27,8 cm, Washington,

National Gallery of Art, Rosenwald Collection (1964.8.1789).

Fig. 2> A. ALTDORFER, Samson Kupferstichkabinett, Berlin.

et

le

lion

(ca

1:512),

dessin|

plume

et

encre,

21,6

X

15,5

cm,

AU TRÉS ILLUSTRE BERGONZI

Berlin,

CONNAIS, CHOISIS, FAIS VITE : le héros Bergonzi estime

Qu'on peut rendre chacun heureux par ces trois mots ; L'homme avisé qu'il est le démontre par ces sept signes : Il n'est rien de plus saint que ce nombre divin. Lecceur qui s'orne d'yeux est la Prudence circonspecte,

S

Pour la vie et l'esprit source, départ, principe.

Le collier d'or ornant le cou et l'altiére poitrine, C'est la science encyclopédique, honneur du cceur. Une balance en main, la Vierge pése sphére et cube, 10

Et, assez lentement, sur un dauphin se háte ; Une couronne de laurier ceint son front vénéré,

Amie des gens de bien, ennemie des méchants.

15

3

Au beau milieu des flots, ce port qui se dresse trés sür, C'est là l'heureux repos de l'esprit d'excellence. Enfin, l'éclat brillant de l'Olympe qui étincelle,

Dit l'espoir et l'honneur de la vie immortelle.

Fig. 3 > L. CRANACH L'ANCIEN, Hercule déchirant le lion (ca 1520-1525) Huile sur toile, Weimar, Schlossmuseum.

Fig. 4 > A. POLLAIUOLO, Hercule terrassant le lion, Plume et encre brune sur papier bleu-jauni 18,7 x 17 cm, Paris, Musée du Louvre, département des Arts graphiques (Inv. 2519).

MéTRIQUE

Distiques élégiaques.

Antonio Pollaiulo, plus tót encore, réalisa trois toiles aujourd'hui perdues pour le Palais Médicis à Florence vers

1460 et qui représentaient subsisterait aujourd'hui un Arts graphiques du Louvre : 1708 peinture ^". Il permet en gravure.

Hercule et Antée, Hercule et le lion, Hercule dessin inspiré par la scéne d'Hercule terrassant (Inv. 2519 ; Fig. 4), mais dont il est difficile de aie tout cas de constater qu , Hercule faitEY ici face

et l'hydre, décrites par Vasari'"". Il le lion, conservé au département des dire s'il a été réalisé avant ou aprés la au monstre, à la différence de notre

177 R. Bettarini, P. Barocchi (éd.) : G. VASARI, Le Vite, Florence, 1967-1987 , t. III, P. 505. 1708 Pour une datation " Qa or i : postérieure à1 1460, voir1 L. D. Ettlinger, « Hercules Fiorentinus », Mitteilungen des kunsthistoriches Institutes in Florenz, 16, 1972, p. 128-138. Pour une description du programme,

552

voir C. Del Bravo,

« Etica o poesia,

e mecenatismo : Cosimo

il Vecchio,

Lorenzo e

NorES

Bernardus Bergontius, en réalité Bernárdino Francesco Bergonzi (1500-1561)! ?. Né à Parme, il commence trés jeune à composer des vers latins. Deux poémes de sa plume en hendécasyllabes sont ainsi ajoutés en 1516 à

alcuni dipinti », in P. Barocchi, G. Ragionieri (dir.), Gli Uffizi, quattro secoli di una galleria. Atti del Convegno Internazionale di Studi 1982, Florence, 1983, p. 201-216 ; Voir T. Wilson, « Pollaiuolo's Lost Hercules and the Lion recorded on Maiolica ? », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 53, 1990, P. 299-301. 70° De trés précieuses informations sont données par I. Affò, Memorie degli scrittori e letterati parmigiani, Parme, 1793, t. IV, ch. 159, p. 54-60 (et la continuation par A. Pezzana, p. 500) ; voir également V. Spreti, Enciclopedia storico-nobiliare italiana, Milan, 1935, Appendice 1, p. 330 ; Id.,

Aurea Parma, 2, 1956, p. 146 ; 2/3, 1957, p. 104 ; 4, 1958, p. 239-240 ; L. Gambara, M. Pellegri, M. De Grazia, Palazzi e casate di Parma, 1971, Parme, p. 469.

$553

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

l'ouvrage de Francesco Mario Grapaldo, De partibus Aedium!’!°. Il rédigera par la suite d'autres pieces poétiques qui figureront, l'une dans le De laudibus Parmae de Donato Veronese en 1533, et l'autre dans le De Laudibus

Herculis Estensis II de Giambatista Bonacossi, paru à Venise en 1555. Aprés 1516, Bergonzi se rend au Studio de

Bologne pour y apprendre la jurisprudence sous la direction de Carlo Ruini, avant de reprendre le chemin de Parme,

oü il prononce

un discours

devant Mattia Ugone,

devient alors avocat et rentre dans le Collége

des Juges,

évéque

comme

de Famagouste,

le chante

légat de Clément

Giorgio Anselmi

VII. Il

(repos), un

contemporain de Taddeo Ugoleto, de Paolo Giovio et d'Andrea Baiardi, dans une des pieces de ses Epigrammaton libri septem (5, 30, Parme, 1526'"''). Une épigramme de Baldassare Molossi da Casalmaggiore""? le célébre comme un mécéne dans un poéme composé en l'honneur d'un duel survenu en 1523 Sforza et Camillo da Gambara :

entre Sforzino

Digna Deo, nec iura tibi ciuilia laudem Sola ferunt : adsis, et grandibus annue caeptis.

Tes pas, è Bergonzi, nous frayent un passage

À travers une route inconnue, à travers des roches escarpées : pour moi Tu seras un guide, pour moi tu seras Phébus : tes poémes sont dignes D'un si grand dieu, et les lois juridiques, à t'apporter la gloire Ne sont point les seules : viens m'assister, et acquiesce à mes grandes entreprises !

En 1535, il obtient une chaire de jurisprudence à Parme. Il est appelé ensuite à Bologne par le Pape Paul III oü,

selon Leandro Alberti dans sa Descrizione d'Italia, il est élu au Tribunal de la Rote de Bologne en 1538 puis

nommé Podestà (premier magistrat de la cité). Il devient ensuite Auditeur des Causes du Légat de Bologne. Alciat lui rend visite (le fait est raconté par Giambattista Teodosio dans ses Epistole mediche, 30). Ensuite, Hercule II de Ferrare le nomme son conseiller et il recoit les louanges de Giambattista Giraldi dans sa Vita Herculis II. Une lettre de Pietro Vitali de 1541 explique que les Conservateurs de Rome (magistrats élus en charge de l'administration de la ville) lui offrent la charge de second Collatéral du Campidoglio pour un an. De retour à Parme, il est sénateur à partir de 1543 avec son frére Alessandro. Selon le comte

de Compiano,

Pierluigi Farnése, le duc de Parme et de Plaisance, fait de lui son conseiller et l'éléve à la ensuite d'amitié avec Annibale Caro et, apprécié du duc Ottavio Farnése, il participe au la cité tout en contribuant à enrichir sa bibliothéque et son musée de médailles. Costanzo 1559 son ouvrage In ueterum mumismatum Romanorum miscellanea explicationes. Il y célébre la Antiquitatum

studiosissimum)

et loue son musée, riche en

exquisitis ueterum. imaginibus clarorum uirorum et aeneis formis, oü il dit avoir vu beaucoup de perantiqua numismata. Landi insiste sur le fait que la bibliothéque compte beaucoup d'ouvrages de droit canon et civil

(Nam quos tu libros qui et ad diuinam et humanam iustitiam faciant non conquisisti ?) mais également des ouvrages plus littéraires, tant en latin qu'en grec. Il épouse Veronica Balducchini dont il a trois fils et deux filles. Ottavio Farnése le délégue à Novara, en qualité de vice-marquis, en 1557, et il y meurt en 1562. Il laisse un recueil manuscrit d'Orationes conservé dans le ms Parmense 803 de la Bibliotheque Palatine (y figurent par exemple un

1710 Sur ce personnage, voir J.-L. Charlet, « Grapaldo, Francesco Maria » dans C. Nativel (dir.), Centuriae Latinae II, Geneve, 2006, p. 361-366 ; A. Skekiera, « Grapaldo (Grapaldi) Francesco Mario (Maria) » in DBI, t. LVIII, 2002 ; F. Rizzi, « Francesco Mario Grapaldo », Archivio Storico per le Province Parmensi, s, 1953, P. 135-169.

77! Ad Bernardum Bergongium : Gloria magnanimum, Bernarde, et splendore auorum,/ In quo rara fides, nobile et ingenium,/ Multa, domus quamuis — ampla triumphis/ Penderit, infracto pectore plura refers. Le personnage est nommé jurisconsulte dans la table des matiéres qui ouvre ouvrage.

1712 Sur ce personnage, voir G. Bertini, « Molossi, Baldassare », in DBI, t. LXXV, 2011; F. Rizzi, « Figure dimenticate del Parnaso parmense »,

Aurea Parma, 41, 1957, p. 102-110.

554

au Tribunal de la Rote de Bologne (juridiction civile), institué en 1535, acquiert le statut de Podestà et celui d'Auditeur des causes du légat de Bologne. NoTES v. 6 : principium uitae fons et origo animi] Il s'agit là d'un topos, comme on peut le constater dans l'édition des Tusculanes de Cicéron commentée par Giorgio Valla, Philippe Béroalde, Ioachim Camerarius, Érasme et Paul Manuce (nous avons consulté l'édition de Paris de 1549 chez Roigny, f° 281^), où Béroalde rappelle que : In corde, ut ait Plinius, habitat mens et secundum Aristoteles cor fons est uenarum, arteriarum et sensuum, et ut inquit

Insolitum per iter, saxosa per ardua, tu dux, Tu mihi Phoebus eris ; sunt et tua carmina tanto

culture antique de son dédicataire (Romanarum

L'embléme a sans doute été écrit et dédicacé entre 1538 et 1541, au moment oü Bergonzi devient juge-auditeur

Auicenna, cor est principium uirtutis uitalis. Fons uitae et radix dicitur ab interprete Galeni. « C'est dans le cceur que réside l'esprit, comme le rappelle Pline et, selon Aristote, le coeur est la source qui alimente les veines, les artéres et les sens, bref, comme dit Avicenne, le corps est le principe de la faculté de vie. D'aprés l'interpréte de Galien, il est la source et l'origine de la vie». La célébration du coeur comme faculté de vie et d'intelligence est particulierement mise en valeur dans le Symb. 126, dédié à Sebastiano Corrado.

Praeuia Bergunti tua sunt uestigia nobis

Costanzo Landi, préture. Il se lie gouvernement de Landi lui dédie en

In petitione laureae legalis et togae ; un In auspiciis Lectionum Publicarum ; une Oratio Bononiae in Praetura habita À un In depositione Praeturae) et de lettres diverses (entre autres à Charles Quint ou à Paul III).

ANALYSE Le poéme et sa gravure en forme de devise rendent hommage à une double compétence du dédicataire : son goüt pour l'image antique et sa qualité de juge et d'avocat. La devise en elle-méme n'est pas sans rappeler la devise Festina lente, dont Érasme a fait un adage (2, 2, 1), et que Bocchi a adoptée pour son propre compte sous la forme de Matura celeritas, avec un programme iconographique complexe (voir Symb. 82). Bocchi se fonde implicitement sur un proverbe d'Aristote évoqué par Érasme dans l'adage Festina lente (EN, 6, 9-10 : « Il faut exécuter rapidement, mais délibérer lentement » ).

Bocchi ouvre le texte en rappelant les trois étapes de la bonne décision judiciaire, qui se mue en sentence juste et

rend son auteur heureux (quenque beare) : cognosce, elige, matura (rappelées sur la gravure sous la forme d'une

banderole qui se plie en trois parties pour accueillir chacun des termes et sert d'áme à l'image, corps de la

devise) : « connais, choisis, fais vite »'''*, On notera le caractére remarquable de cette sentence-programme de

vie (c'est le sens de la devise)!" ^, aisément mémorisable car constituée de trois impératifs isosyllabiques, dont seuls les deux premiers sont homéotéleutes (cognosce, elige), et qui se succédent en asyndéte pour apostropher l'auditeur. Comme l'indique le motto de la gravure, ces trois moments sont patronnés chacun par une faculté particuliére de la nature humaine : ratio «intelligence », qui prend connaissance des choses; acumen « per$picacité », qui permet de faire le bon choix ; et diligentia, « dynamisme » ou « énergie » qui aide à mettre en ceuvre la décision. On rapprochera ces trois éléments de l'interprétation que Démocrite donnait d'Athéna Tritogeneia : il y voyait en effet le déroulement de trois opérations complémentaires de la raison (phronésis), la

réflexion, la parole et l'action'^5.

Le chiffre trois de l'àme de la devise est associé à la dignité du septénaire ou de l'hebdomade, célébré par les

pythagoriciens et les Péres de l'Église, et mis en valeur dans le corps de la devise : les trois actions du motto

s'incarnent dans les sept symboles du programme hiéroglyphique de la figure. L'invention et l'interprétation de

cette figure sont prétées à Bergonzi lui-méme (explicat). Pour chaque élément figuré, Bocchi propose à la fois une description et la mise en relation avec une interprétation symbolique : - V. $-6 : un cceur oculé en sautoir (source de vie et d'intelligence) représente la Prudence qui voit dans toutes

les directions (circumspecta) ;

"5 Sur ce rythme ternaire, voir par ex. CIC., Att., 12, 21, 2 : urge, insta perfice !

À , « L'emblém "^ Voir A. Rolet, « L'utilisation du blason et de la devise dans l'embléme : entre histoire et propagande », dans S. Rolet (dir.), e littéraire : théories et pratiques », Littérature, 145, mars 2007, p. 53-78 ; ts 75 Voir D T, 9, 46 et EVST. ad Il., 8, 39 et 696, t. II, p. 186 Weigel, auxquels renvoie J. Pépin, Mythe et allégorie. Les origines crecques et les

contestations judéo-chrétiennes, Paris, 1958, p. 102.

555

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

- v. 7-8 : le collier auquel s'attache le coeur-pendentif représente la doctrina cyclica, le savoir encyclopédique,

fondement de la prudence, liée au cceur ;

- V. 9-10 : une jeune femme sur un dauphin porte une balance en équilibre dont l'un des plateaux soutient des

formes carrées (quadrata), et l'autre, des formes sphériques (rotunda) ; le mouvement conjuge et harmonise deux forces contraires, à la fois vitesse (approperans) et retenue (lentius) ; - v. 11-12 : la jeune femme porte une couronne de laurier (laurea), symbole de gloire et d'honneur ;

— V. 13-14 : un port sür se dresse au milieu des flots et représente la laeta quies animi, le repos bienheureux de

l'áme, à la fois état ataraxique du sage et préfiguration de la mort ; —v. 15-16: un soleil éclatant venu de l'Olympe signale l'espoir et la beauté de la vie éternelle (uitae immortalis

spemque decusque).

La jeune femme ou Virgo incarne Parthénos-Dike, Astrée ou Némésis, figure de la justice distributive dont le régne est symbole de l'Áge d'or : c'est la figure tutélaire par excellence du juge qui rend une sentence. Sur elle ou autour d'elle gravite tout un ensemble de symboles plus ou moins attendus. Sur sa poitrine, le cceur oculé, pendu à une chaine d'or, montre l'importance complémentaire de la Prudence comme faculté de prendre en compte tous les partis (gráce à la circumspectio, elle voit d'un cóté, comme de l'autre, à l'instar du dieu Janus!"'^), et du savoir encyclopédique, qui unit les uns aux autres les maillons de la connaissance, afin d'éclairer le regard et le jugement. Ce sont là les instruments qui permettent à la ratio d'emmagasiner les connaissances nécessaires au premier impératif de la devise : cognosce. La balance est naturelle dans la main d'Astrée : elle jauge ici le cube, symbole de la vertu stable et fermement ancrée, et la sphére, symbole de la fortune et des biens labiles qui ne sont jamais définitivement acquis", Bocchi avait déjà employé l'image dans le Symb. 41, d'aprés un passage de Platon (Rsp., 55oe) C'est le second moment de la devise, elige: gráce à la perspicacité et au caradtére pénétrant du jugement (acumine) qui a maintenant toutes les piéces nécessaires, une décision peut étre prise, qui doit trancher entre deux partis. Cette décision engage un processus moral, puisqu'elle implique qu'il faut se prononcer en faveur de la vertu ou en faveur des biens extérieurs. Le pendentif au cceur et la balance, symboles de processus mentaux et moraux lents qui prennent du temps participent à la maturitas, mais au sens que développait Bocchi dans le Symb. 82, c'est-àdire de processus de maturation. C'est l'équivalent du lente de l'adage érasmien.

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

justes en ce bas-monde qu'il peut espérer gagner le port de la vie immortelle, récompense qui vient compléter celle de la gloire humaine concrétisée par le laurier. La gravure se présente comme une devise, à laquelle vient se surimposer un moffo qui en explicite le contenu abstrait. Dans la partie supérieure de l'image, l'àme de la devise apparait sur une banderolle dont les trois plis permettent de séparer les trois impératifs (cognosce, elige, matura). La scéne est maritime. On voit Astrée, nue,

dans la posture d'Europe ou d'Io, montée en cavaliére sur le dos d'un dauphin qui l'entraine vers la droite de l'image. On apercoit nettement le cceur oculé qui se détache sur sa poitrine, suspendu au bout d'une chaine. Le mouvement de gauche à droite, qui traduit visuellement la celeritas ou maturatio, est renforcé par la présence du

port, en arriére-plan à droite de l'image, qui constitue le but de la trajectoire du dauphin : Pline (Nat., 18, 361) d'ailleurs explique que les dauphins annoncent le calme qui doit revenir sur la mer emportée. Mais ce mouvement est en méme temps atténué par le fait que la jeune femme tourne la téte de profil vers la gauche, pour observer la balance qu'elle tient en l'air dans la main droite : cette observation nécessaire, au cours de laquelle márit la décision, retarde l'élan de la course (lentius), pour mieux le permettre ensuite. Une pluie de rayons solaires obscurcit la scéne pour venir frapper la balance et le regard de la jeune femme. Leur verticalité céleste, interrompue par un petit nuage blanc à gauche et par la masse du port à droite, qui se dresse nimbé de blanc, tranche avec les mouvements circulaires des flots et la forme ronde des écailles du dauphin, symboles de

labilité, comme le fréle esquif qu'on apercoit sur les vagues à droite de l'image. On rappellera que cette devise est reprise dans les Emblematum et symbolorum... centuriae quattuor de Joachim Camerarius (4, 8, s. L, 1604) (Fig. 1), publiés entre 1590 et 1604, qui cite explicitement l'embléme de Bocchi et confirme l'invention de la devise par Bergonzi.

Au contraire le dauphin, symbole de vitesse (cf. VALERIANO, Hier., 27, P 19sf : uelocitas) et de l'impétuosité des

hormai, des tendances naturelles, incarne le dernier moment de la devise (matura), avec un sens opposé à celui que nous venons d'évoquer: non plus le mürissement chronophage, mais la phase d'accélération finale, la celeritas du Symb. 82, le festina de l'adage érasmien. C'est le mouvement naturel d'une pensée qui, éclairée par toutes les étapes préparatoires nécessaires, décidée dans ses choix moraux, va droit au but sans hésiter et propose une sentence juridique sans perdre de temps. La couronne de laurier sur le front de la jeune femme matérialise la gloire engendrée par le jugement juste qui satisfait les hommes de bien (bonis) mais frustre les méchants (malis). Les autres éléments mentionnés par Bocchi, la lumiére olympienne et le port, participent d'un paysage

allégorique plus que de symboles proprement dits, laissant entendre que l'emblématiste a sous les yeux non pas une simple esquisse de la devise, mais un dessin ou une peinture élaborée, oà personnages et objets sont mis en

scene dans un décor travaillé. Le port est à la fois le symbole de la citadelle intérieure du sage (excelsi laeta quies

animi ; cf. Tusc., 5, s), inaccessible aux perturbationes de l'exidtence et des passions, mais aussi la vision des

récompenses dans l'au-delà. En ce sens, il e harmonieusement complété par la vision de l'éclat solaire, espoir de la vie immortelle (uitae immortalis spemque decusque), qui éclaire toute la scéne et définit une trajectoire circulaire inspirée par un christianisme platonisant : c'e&t parce que le juge est éclairé par l'espoir chrétien de la justice divine qu'il peut rendre en ce bas monde des sentences justes, et c'est parce qu'il rend des sentences 1716 Voir MART. CAD., 2, 127 : quarum una intenta circumspectione cautissima et omnia rerum uigili distinctione discriminans dicebatur Prudentia

vocitari.

idei La Tabula Cebetisd place Paideia sur un cube et Tyché sur une boule. Voir PLVT., Defect. Orac., 34 ; CEBET., Tab., 7, 1; 18, 3. Alciat, de méme, dans l'embléme Ars naturam adiuuans, met Hermés sur un cube et Fortune sur une boule. La source est GALIEN, Protreptique, 2-3. 1717

556

Fig. 1 > J. CAMERARIVS, Emblematum

et symbolorum... centuriae quattuor, s. L, 1604, 4, 8.

La composition générale de la gravure est transposée chez Camerarius dans un médaillon circulaire, mais on remarquera que la femme sur le dauphin se dirige vers la gauche de l'image, que le paysage d'arriére-plan présente une ville et des collines, et non plus seulement un port, et enfin, que les phylactéres portant les trois termes de l'àme ont disparu, tandis que ces trois termes prennent la forme d'un titre précédent l'image. Sous l'image est placé un distique en forme de question (Quid uirgo haec, delphino equitans, in fluctibus errat ? Numquid et in uasto iustitia est. pelago ?, « Pourquoi cette jeune femme, à cheval sur un dauphin, est-elle emportée sur les flots ? Est-ce parce que la justice régne également sur la vaste mer ? »), auquel l'explicatio en prose qui suit est censée répondre. Dans son commentaire, Camerarius confirme l'identification de Virgo avec

Astrée, dont il souligne le róle distributi (iustitiam hanc quam distributiuam uocant). À ses yeux, le dauphin,

créature toujours en mouvement et infatigable jusqu'à sa mort, souligne le caractére de la justice authentique (ueram et genuinam iustitiae notam adumbrat) et montre que le bon juge est celui qui ne se fatigue jamais de 357

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

rendre des sentences justes (iustus uir semper iuste agit, nec unquam juste agere cessat aut defatigatur). Il ajoute en outre que, conformément à ce que dit Pierius (i.e. VALERIANO, Hier., 27, f? 195d-e), le dauphin représente

hiéroglyphiquement l'imperium maris, et il en conclut que ut in bello, sic in nauigationibus et maritimis negotiationibus iustitia uel primum sibi locum uendicat, « tout comme à la guerre, de méme dans la navigation et dans les tractations maritimes, la justice aussi revendique pour elle la premiere place », en citant à l'appui le Pro Lege Manilia de Cicéron et le commentaire de Cujas au titre De Lege Rhodia, de actu du Digeste.

REMARQUE SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET SUR LES MANUSCRITS

Une allusion à cet embléme est faite dans l'une des Lettres de Bocchi

Bona pars Academicae domus ad fastigium usque iam perducla sine ope diuina non potest absolui. Illam tu precibus omnibus si me, idest ipsum te amas, implora mi frater non immemor illius symbolici carminis Mri 8óyov ávexifsavov kacvaAeinetv. Une bonne partie de l'académie a déjà été menée à bien, jusqu'au toit, mais je ne peux pas l'achever sans une aide divine. Cette aide, je t'en prie, mon frére, implore-la dans toutes tes priéres si tu m'aimes, c'est-à-dire si tu t'aimes toi-méme, sans oublier le vers de ce symbole : « ne laisse pas ta demeure sans le coup de lime final ».

Symb. 109 Gravure :

QUI CONSTRUIT SA MAISON NE DOIT PAS L'ABANDONNER SANS LE COUP DE LIME FINAL AU CARDINAL ALEXANDRE FARNEÉSE EN CONSTRUISANT TA MAISON, NE L'ABANDONNE

PAS SANS LE COUP DE LIME FINAL

Toi qui bátis ta maison, prends garde, si Ton imprudence la laisse inachevée,

Qu'à son faite ne se perche en croassant

La corneille, oiseau bavard et insolent, Quibon droit, toujours, hait Pallas née d'un seul.

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Tel était l'avis du chantre héliconien. - Est-ce parce qu'avant l'hiver neigeux, il faut

Achever sa maison ? — Bien sáür, car elle est

Une fidéle amie, un bien trés précieux. 10 - Est-ce parce qu'il faut, l'ouvrage une fois Entrepris, l'achever le plus tót possible ? Pour pouvoir achever l'ouvrage entamé Sous tes auspices et ceux de ton aieul, Le plus heureux qu'ait jamais vu notre terre,

15

Aunom de votre exceptionnelle bonté, Je vous en prie, assistez-moi sans délai,

De peur que le méchant peuple ne me blàme, Méprisant à tort votre client fidéle,

Cet embléme, qui met en scene les besoins financiers de l'emblématiste lors de la fondation de son académie,

forme avec le suivant une véritable paire et doit étre rattaché également au Symb. 102, oü il est question du programme idéal de l'académie de Bocchi. Les Lettres de Bocchi à Romolo Amaseo attestent clairement des difficultés financiéres rencontrées par l'emblématiste au moment de la transformation de la Via Goito en siége de l'académie bocchienne. Les appels à la générosité financiére des Farnése vont en s'y répétant (voir introduction). L'épigramme ingénieuse, soutenue par le programme iconographique de la gravure, s'apparente à un billet intéressé oà, de maniére humoristique et cultivée, le poéte rallie à sa cause parémiographie et poésie antiques pour susciter chez son dédicataire le geste de soutien tant attendu. Le point de départ est une citation d'Hésiode en forme de proverbe qui recommande d'achever la demeure dont la construction est entamée, de peur de voir une corneille s'y percher et croasser (Op., 746-747 : « Lorsque tu bátis une maison, ne laisse pas d'aspérités, de peur qu'une corneille bavarde ne vienne s'y percher pour croasser »). La citation hésiodique est martelée pas moins de trois fois (en grec comme motto de la gravure, en latin comme motto du poéme, et une fois encore dans le début du poéme, v. 1-4). Érasme consacre un adage à la formule (1, 6, 26, « Domum cum facis, ne relinquas impolitam » ).

Par rapport au texte hésiodique, Bocchi ajoute une précision supplémentaire : la corneille est l'oiseau abhorré d'Athéna (nec ab re / Inuisa unigenae usque et usque diuae, v. 4-5). La corneille, symbole de la garrulitas, du

bavardage qui trouble la réflexion et la méditation, est traditionnellement en antipathie avec l'oiseau d'Athéna, la chouette, à laquelle Bocchi consacre le Symbolum 83. Cette antipathie est bien documentée dans l'Antiquité et

à la Renaissance (voir notre apparat des sources aux v. 4-55). L'inachévement du palais bocchien permet ainsi

5 Chez Ovide (Met, 2, 540-560), la corneille dissuade le corbeau de révéler à Phoebus que la nymphe Coronis lui est infidéle et rappelle

le panier contenant Erichtonios, avec ordre de ne pas en regarder le contenu, ont enfreint sa défense, elle s'est vu destituée de sa place privilégiée auprés de Minerve et reléguée aprés la chouette. PLINE, Nat., 10, 30, rappelle que « La corneille se voit rarement dans les bois sacrés et les temples de Minerve, et pas du tout en certains lieux, par exemple à Athénes » et dit, en 10, 203, qu' « Il y a antipathie entre les corneilles et la chouette ». VALERIANO, Hier., 20 « Cornix », p. 149c, « garrulitas », reprend ces différents éléments, en ajoutant une référence à Lucréce,

MÉTRIQUE Hendécasyllabes phaléciens.

et précise que la corneille est le symbole du bavardage qui empéche la réflexion : Sed esto fuerit Cornicis simulachrum in manu Palladis in dara admodum Peloponnesi ciuitate longe secus Athenis, ubi Cornices ad arcem Palladis non aduolabant de quo Lucretii sunt carmina in hunc modum Dipl 6a

NorEs

et Athenaeis in montibus arcis in ipso/ Vertice Palladis ad templum Tritonidis almae/ Quo numquam pennis appellunt corpora raucae/ Cornices non

FARNESIO]

Le cardinal Alexandre Farnése, le petit-fils de Paul III, patron de

l'Academia Bocchiana et son mécéne.Voir Symb. 3 et 103.

- V. 18-19: jeu de mots intraduisible qui oppose, à travers deux préfixes, deux maniéres de regarder : despicio

(regarder d'en haut) signale le mépris et le dédain, et suspicio, l'admiration mélée d'humilité (regarder d'en bas, lever humblement les yeux vers).

558

ANALYSE

comment son babil l'a perdue : pour avoir révélé à Athéna que les trois vierges — Pandrosos, Héré et Aglauros — auxquelles la déesse avait confié

Qui en vous aime et vénére ses patrons.

- ded. carm.: ALEXANDRO

à Romolo Amaseo, datée du 25 mars 1549

(Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 Inf, f° 11v), oà Bocchi annonce que le palais académique est presque achevé mais qu'il manque d'ultimes subsides :

cum fumant lataria donis./ Vsque adeo fugitant non iras Palladis acres/ Peruigilii causa, Graium ut cecinere portae/ Sed natura loci hoc opus efficit ipsa

suapte." Ex Grecorum igitur ipsorum sententia abiecta repulsaque cornix a Pallade esl, utpote quae meditationum peruigilio infesta sit et nndis agitationem interpellet obturbetque garrulitate sua, cuius est hieroglyphicum. « Mais à supposer qu'il y ait eu une statue de la conseille dans la main d'Athéna, en une cité du Péloponnése, il en allait bien différemment à Athénes, oà les corneilles ne s'approchaient pas del Acropole consacrée à Athéna, ainsi que le chante Lucréce : “ Il est un endroit sur les collines d'Athénes, au sommet de l'Acropole, prés du temple de l'auguste Pallas Tritonia, que jamais n'approche le vol des rauques corneilles, surtout lorsque, sur les autels, fument les sacrifices. De nos jours encore si les corneilles fuient les coléres terribles de Pallas, ce n'est point parce qu'elles la dérangent, comme le chantent les poétes grecs, mais c'est la fiature du lieu elle-méme qui produit spontanément cet effet." De l'avis méme des Grecs, Athéna repousse et déteste la corneille, parce qu'elle empéche la veille vouée aux méditations et qu'elle trouble et dérange l'activité spirituelle par son bavardage, bavardage dont elle est le symbole

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

le séjour de la cornix garrula, trouble d'autant l'intermédiaire de l'Hermathéna, est destiné spirituelle et de la méditation qui se veulent aux Bocchi rappelle les trois significations du

plus considérable que le palais, sous le patronage d'Athéna par à accueillir une académie, école par excellence de l'activité antipodes du bavardage. proverbe hésiodique, en usant pour les deux premiéres

d'interrogations oratoires : 1°) il faut achever une maison avant l'hiver (v. 7-8) : An quia ante hiemem domus niuosam/ Absoluenda ?

2^) tout travail entrepris doit étre mené à terme de la meilleure maniere qui soit (v. 9-11) : An quia institutum/ Quod recte semel est opus, sit ipsum/ Primo tempore quoque finiendum ?

3") de plus, au terme de son poéme, il semble attentif à éviter la risée du peuple (v. 18-20) : Ne uulgus mihi

detrahat malignum/ Fidum despiciens clientem inique/ Qui vos suspicio et colo patronos.

C'est chez Proclus le Diadoque (ad Op., 746-747), le scholiaste d'Hésiode, trés dépendant du commentaire de

Plutarque au poéme hésiodique, que nous trouvons confirmation de l'imbrication de ces différents éléments : la corneille est à la fois le symbole de l'hiver mais aussi celui de la rumeur publique qui blàme et se moque. Par conséquent, l'exemple de la maison à terminer doit étre étendu à l'ensemble des activités humaines : Lorsque tu bátis une maison, ne la laisse pas sans le coup de lime final : pour les uns, ce vers veut dire qu'il faut terminer sa maison avant l'hiver, car la corneille est le symbole de l'hiver. D'autres pensent qu'il ne faut pas

abandonner sa maison inachevée, de peur qu'elle ne suscite le blàme des autres, que le poéte a comparé à la

corneille, car ils seraient trés bavards en critiquant le travail inachevé. Mais il faut appliquer le précepte aux autres activités et ne pas accepter d'abandonner sans l'achever aucun de nos travaux. Il faut au contraire lui apporter le terme qui convient.

De peur qu'une corneille bavarde ne vienne s'y percher pour croasser : le cri de la corneille en effet est le signal de l'hiver. Le vers veut dire, de peur que la maison inachevée ne suscite le blàme des autres, que le poéte a comparés à la corneille car ils seraient trés bavards, prétendant soit que tel homme est incapable de gérer sa maison et de faire des efforts, pas méme dans son propre intérét, soit qu'il n'a pas les moyens de la construire et qu'il la laisse

inachevée.

Érasme évoque les trois points essentiels développés par Proclus, et c'est probabl ement sa traduction latine que Bocchi a sous les yeux : 1°) Quibusdam uideri moneri poetam uti quisque domicilium ante hyemem absoluendum curet, ne tum non habeat,

qui depellat frigoris molestiam. Hyemem

enim

cornicis indicatam

symbolo,

uidelicet auis hybernae.

« Certains

pensent que le poéte veut rappeler que chacun doit veiller à termine r son logis avant l'hiver, de peur de n'avoir pas d'endroit oü s'abriter des rigueurs du froid. L'hiver en effet a pour symbole la corneille, qui est précisément un oiseau qui apparait l'hiver » ; 2^) Alii putant significatum aedificium semel institutum non oportere semiperfectum relinquere ne uulgo risui sis et qui

praterierint obloquantur carpantque leuitatem tuam, qui quod caperis non absoluas. « D'autres pensent que le

poéte a indiqué qu'un ouvrage entamé ne doit pas rester à demi inachevé, de peur que tu ne deviennes un objet de raillerie pour le peuple, que les passants ne se mettent à jaser et à blámer ta légéreté, toi qui n'achéves pas ce

que tu as commencé » ;

3?) [...] finem idoneum imponendum, ut nihil omnino desidere tur et ubique connitendum ad perfectionem. « Il faut terminer comme il convient, afin de n'avoir pas de regret, et toujours tendre à la perfection ». Plusieurs points confirment le róle d'intermédiaire joué par Érasme. Ainsi, l'humaniste hollandais rappelle que C'est en hiver surtout que vaut le proverbe olkoc @ihog, olkoc &ápioroc (Porro cum semper alias tum maxime

Census optimus, v. 8-9) mais également dans l'embléme suivant, consacré entiérement à développer ce motif

emprunté à une fable ésopique. Par ailleurs Érasme s'appuie sur l'exemple des Évangiles pour donner la raillerie comme propre au peuple, au uulgus (Quandoquidem hunc obloquendi morem uulgo peculiarem esse, uel Euangelicae

notant parabolae).

Dans l'épigramme, Bocchi joue subtilement des proverbes, des citations et de la symbolique négative de la corneille, pour presser ses bienfaiteurs et obtenir le plus rapidement les fonds nécessaires : une maison — et à plus forte raison un palais — se termine avant l'hiver ; un palais inachevé suscite le bavardage et la moquerie ; une entreprise qui n'est pas menée à bout est le signe d'une légéreté et d'une inconséquence blámables. La requéte est effectuée dans les régles de l'art. Le vocabulaire, dans ses moindres expressions, est attentif à respecter, voire amplifier le modéle traditionnel du poéme de supplique où l'artiste-courtisan fait acte d'allégeance à son protecteur afin de voir sa priére exaucée. Malgré la dédicace au cardinal Alexandre Farnése au-dessus du texte, Bocchi ne manque pas de se placer aussi sous la protection de son grand-pére, le pape Paul III : auspiciis tuis auique. On apercoit d'ailleurs sur les armes Farnése qui surmontent l'allégorie de la gravure — et permettent son identification — la présence de la tiare pontificale. Bocchi se met dans l'attitude d'un client (fidum clientem) qui implore (obsecro) ses patrons (patronos). Dans le dernier vers, Bocchi se place explicitement dans la position de l'orant: suspicio veut dire effectivement « vénérer, honorer » mais étymologiquement, il indique l'attitude humble de celui qui regarde d'en bas, c'est-à-dire dans une position inférieure. Le verbe suspicio s'oppose, dans le texte, au verbe despicio, « regarder d'en haut » d’où « mépriser ». Cette attitude de mépris est celle du peuple qui se moque. Implicitement, Bocchi invite ses patrons à se garder de ce comportement, que leur autorise par

ailleurs leur rang élevé. Leur regard au contraire doit se poser sur leur client avec la bienveillance que mérite sa fides, sa fidélité. Le symbole de leur autorité, évoqué dans le texte par le terme auspiciis, le droit de prendre les auspices, autre composé sur la racine *spicio, doit étre justement secundus, « favorable ». Tous ces éléments sont traduits par la gravure: Bocchi est agenouillé à l'angle du palais de l'académie, reconnaissable, entre autres éléments, à l'Hermathéna qui l'orne"?. Le verbe suspicio est rendu par le geste de priére qu'il effectue, bras écartés, et par le visage qu'il léve vers l'apparition allégorique qui le domine. Le uulgus est symbolisé par les corneilles et son mépris moqueur est rendu par le fait que les oiseaux se penchent de maniére trés nette vers l'avant, pour regarder en bas, comme le veut le verbe despicio. L'idée du regard protecteur, évoqué dans le texte par le terme secundis auspiciis, est figurée par la légere inclinaison vers l'avant, donc vers l'orant, du personnage allégorique féminin qui apparait dans une nuée apportée par les vents. Dans l'épigramme, la requéte de Bocchi se masque habilement derriere des termes dont le sens est ambigu et qui atténuent quelque peu le cóté abrupt d'une demande de fonds. Par exemple, benignitas indique d'abord l'idée de bonté et de bienveillance et ensuite seulement la notion de libéralité et de générosité. De méme, ops au singulier

ne signifie que trés rarement les richesses matérielles ; il indique plutót l'aide, l'assistance, le secours, que le contexte de l'épigramme invite à entendre dans un sens moral : Bocchi semble prier ses patrons de défendre surtout sa loyauté (fidum) contre l'opprobre populaire. La gravure, quant à elle, souligne les deux aspects. En effet, l'allégorie qui apparait à Bocchi n'est autre que la déesse Astrée, symbole du retour de l’Age d'or et, par conséquent, d'une bonne fortune qui allie à la fois justice et propérité. Cette allégorie semble étre l'incarnation

de deux vertus attachées aux Farnése, comme l'indique le geste de son bras droit levé qui, tout en désignant de

deux doigts le blason de la famille, laisse simultanément tomber vers l'orant une pluie de lis, la fleur du blason

Farnése : la corne d'abondance qui contient des lis est un attribut de la liberalitas et de la benignitas, la balance dont on apercoit un des plateaux est un attribut de la iustitia, symbole redoublé en quelque sorte par l'adjonction

d'une épée comme fléau. La combinaison des deux signifie que la générosité (liberalitas) du prince est pleine de discernement, puisqu'il accorde à chacun selon son mérite (iustitia). On retrouve ici l'ambiguité voulue de la

mensibus hibernis olkoc e(Xoc, olkoc áptovoc, id est grata domus, domus optima, quemadmodum in prouerbio est). Or Bocchi se souvient lui aussi de la sentence, non seulement dans cette épigramme (Etenim haec amica fida, hic/

de son cliens) qui doivent le défendre contre la moquerie du peuple, comme le veut le lien de fides qui les lie,

hiéroglyphique ». Alciat consacre un embléme à cette antipathie, « Prudens ] magis quam loquax» v. 3-4: « La chouette, à bon droit, a été consacrée pour le service de la Minerve guerriére, à la place abandonnée par la bavarde corneille qui l'occupait auparav ant ».

Bonasone à l'architecture réelle, voir A.-M. Orazi, Jacopo Barozzi da Vignola, Rome, 1982, fig. 352 à 358.

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requéte de Bocchi : faire appel au sens de la justice de ses protecteurs (le patronus est celui qui prend la défense

7? Pour les projets de facade du Palazzo Bocchi qui nous sont restés sous forme de dessins et qui nous confirment la relative fidélité de

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

mais cette défense de l'honneur passe par une générosité financiére pour l'achévement du palais. On ne manquera pas de relever les expressions emphatiques et superlatives par lesquelles Bocchi marque, comme il se doit, la nature exceptionnelle de ses patrons : eximia (benignitate), quo nihil terra uidet beatius. Ces formules nous montrent bien la finalité du serio ludere. L'épigramme présente, sous la forme d'un jeu autour d'un proverbe, une demande d'aide trés sérieuse : son objectif est l'efficacité et elle joue du danger implicite qu'il y a à s'opposer à la sagesse populaire d'un dicton. Sous couvert d'amusement et de flatterie, elle vise à amener le Prince à répondre aux requétes du courtisan. Dans cet esprit d'efficacité, la réitération de la demande ne peut qu'étre bienvenue et elle s'effectue dans le Symb. 110.

Symb. 110 Gravure :

AUCUNE VIE N'EST PLUS PRÉCIEUSE NI PLUS HEUREUSE QUE LA VIE CHEZ SOI Sur l'image Ma maison me tient à cceur, ma maison est la meilleure

NorES v.25: apud me ero] Bocchi joue sur le double sens de la formule, c'est-à-dire « étre chez soi », mais aussi

« avoir toute sa téte », « étre en pleine possession de ses moyens ». Voir analyse.

ANALYSE

Cet embléme entretient avec le précédent des rapports manifestes sur le plan thématique, malgré la différence de métre employé. Adressé au méme personnage, le cardinal Alexandre II Farnese (ad eundem), il constitue, comme le précédent, une demande d'aide financiére pour l'achévement du palais bocchien. Aussi le texte est-il saturé de références au terme domus, qui apparait cinq fois, ou à l'expression apud me, variante du locatif domi, « étre chez soi », « étre à la maison ». Cette demande se fait cependant plus pressante encore que dans la piéce précédente, comme l'indiquent les termes imploro, appello et l'impératif da dans l'épigramme. La nature de l'aide demandée s'exprime de maniére moins détournée, avec des mots tels que tuas opes, facultates, et liberalitas, qui évoquent sans ambages une générosité financiére. La distance sociale demeure cependant trés nettement marquée, au moyen d'expressions comme duce fe et auspice, méme si l'appel à des liens plus personnels, comme la fides réciproque entre cliens et patronus, n'est pas absent. De la méme maniere que, par l'intermédiaire d'un adage d'Érasme (1, 6, 26 : « Domum cum facis, ne relinquas impolitam » ), Bocchi faisait allusion à l'embléme 110 dans l'embléme précédent (v. 8-9 : Etenim haec amica fide, hic/ Census optimus), c'est à nouveau à l'aide d'un adage d'Érasme (3, 3, 38, « Domus amica, domus optima »)

AU MÉME [ALEXANDRE FARNÉSE]

5

10

Le puissant Jupiter fit jadis mander à ses noces La gent des animaux. Tous alors firent le trajet ; La tortue fut la seule à refuser d'obtempérer Et lorsqu'elle arriva, le banquet était terminé. Jupiter fut surpris, et aussitót lui demanda Quelle bonne raison l'avait ainsi mise en retard. Elle répondit : « Ma maison me tient toujours à cceur, Ma maison est toujours la meilleure ». Des dieux le pére, Pris par la colére, lui ordonna de transporter Avec elle sans cesse, à l'avenir, son domicile,

Oà qu'elle se rendit. Dans la crainte qu'il ne m'arrive D'étre forcé de demeurer toujours à la maison, Ó mon patron, j'implore et j appelle, pour mes efforts, Ton appui financier, en méme temps que la confiance

15 Quet'engage à donner ta grande libéralité.

Accorde-moi les ressources qui m'autoriseront À finir vite et bien la maison dont la construction A débuté sous ta conduite et ton soutien, pour que, Mandé par notre Jupiter aux noces désirées, 20 Je puisse étre, en temps opportun, prés de l'Hermathéna :

Étre absent, honteux pour autrui, serait pour moi un crime.

Que ta bonté généreuse parvienne à exaucer

25

Mes souhaits et mes vceux. Alors, loin des tracas, toujours Je resterai à la maison, comme dit la formule, Àmoi-méme rendu, et tu m'auras fait ces loisirs.

MÉTRIQUE Trimétres iambiques.

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/

que Bocchi renvoie dans l'embléme 110 (v. 17 : Absuoluere inceptam domum sit fas) à l'embléme précédent, dans une sorte de lancinante circularité. Le récit, emprunté à Ésope (Fab., 108) par l'entremise d'Érasme (Adag, 3, 5, 38), déploie sur un mode amusé le récit de la tortue arrivée en retard aux noces de Jupiter et condamnée, pour n'avoir pas pu la quitter et arriver à l'heure, à transporter sans cesse sa maison avec elle. L'adaptation de cet apologue à la propre situation de Bocchi constitue un des ressorts ludiques de cette épigramme. Les noces de Jupiter deviennent dans le texte bocchien celles de l'Hermathéna, c'est-à-dire celles d'Hermés et d'Athéna, maniére imagée pour Bocchi de parler de l'ouverture, ou du moins de l'inauguration de son Académie, moment oü l'éloquence d'Hermés et la sagesse d'Athéna seront unies en une seule institution (ad cupitas nuptias [ ...]/ bonae Hermathenae, v. 19-20). Bocchi se compare à la tortue, recevant une invitation de Jupiter : uocatus ab Ioue nostro. Le possessif noster indique que le dédicataire, Alexandre II Farnése, a lui aussi des liens avec ce Jupiter ; il serait tentant d'identifier ce dernier à Paul III, protecteur de l'Académie bocchienne,

grand-pére d'Alexandre Farnése, et qui, logiquement, patronnerait l'ouverture d'une académie dont il est en quelque sorte le pére spirituel et la source de financement. Suivant la logique de la fable, Bocchi exprime son inquiétude d'arriver en retard à ces noces, comme l'a fait la tortue. Il veut au contraire étre parfaitement à l'heure (queam [ ... ] adesse in ipso tempore, v. 19-20) et contrevenir à la mauvaise réputation de la tortue comme symbole de lenteur en terminant son palais cifo ef bene, c'est-à-dire avec la rapidité d'Hermés et le talent d'Athéna. Car la raison de son retard serait, bien entendu, d'étre empéché par son oikos, son palais inachevé. Une lettre de Bocchi à Romolo Amaseo datant d'octobre 1548 (Milan, Bib. Ambr. D. 145 inf, f° 2v^) permet de

constater que la métaphore des noces de l'Hermathéna est un théme cher à Bocchi bien avant la parution du

recueil d'emblémes, et probablement dés le début de l'édification du palais en 1546. Dans cette missive, il

compare le pape Paul III-Jupiter au pére de la mariée (Athéna-Philologie, pour reprendre le titre de Martianus Capella), et le cardinal Farnése à son frére cadet. Bocchi imagine qu'il faut supplier le pape de doter cette fille máüre pour le mariage, au moment où celle-ci va s'unir à son fiancé, à qui elle a été promise de longue date : Adsit modó noster Hercules tuo rogatu ; et suae uirtutis atque authoritatis claua malignos hoscé summoueat, dfflictasque fortunas maturé iuuet Philologiae nostrae cuius sané propediem celebrandae sunt nuptiae, illae quidem plenae dignitatis et hilaritatis optatissimae, nisi ne uouerit maximus hic uicarius successor eius qui uino aquam olim Mitos in nuptiis

Galileae. Ipsa iam uiro matura philologia, iam plenis nubilis annis expectat etiam atque etiam Mercurium suum, cui non sperata sed dicta, pacta et sponsa iandudum fuit. Sanctissimus itaque pater"? modis omnibus exorandus, ut carissimae 7? Jeu de mot sur le sens de pater, à la fois géniteur et pape.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

filiae suae dotis prospiciat aliquid. Scio illam dilectam quoque penitus esse fratri suo minori Alexandro, cuius in primis benignitate fretus ego quicquid per tot labores unciatim uix de dimenso meo meum defrudans genium comparsi hactenus. [...] Tu uerà macte animo, mi frater, incumbe in unicam illam ingrauescentis aetatis expectatissimam requietem quam mihi etiam tecum non ab re polliceris fore communem. Quid dicas, uideo. Vtinam diem illum uideam ! Sed uidero breui,

si nuptiae fient quas dixi, quarum tu magister eris et rector unus ex omnibus facile singularis.

Puisse seulement notre Hercule nous préter assistance, comme tu le demandes ; et puisse-t-il, par la massue de sa

vertu et de son autorité, écarter ces méchantes gens, aider rapidement le sort dégradé de notre Philologie, dont il faut assurément sans tarder célébrer les noces, noces pleines d'une dignité et d'un enjouement tant attendus, à

moins que ne s'y oppose le souhait du supréme vicaire et successeur de celui qui a transformé jadis l'eau en vin aux noces galiléennes. Désormais, la Philologie en question est müre pour un époux ; ayant désormais atteint l’àge

nubile, elle attend encore et encore son Mercure ; pour lui, elle n'est pas un espoir : depuis longtemps elle lui a été désignée, promise et fiancée. C'est pourquoi il faut prier le trés Saint-Pére, par tous les moyens, de pourvoir quelque peu à la dot de sa trés chére fille. Je sais aussi qu'elle est profondément aimée de son frére cadet Alexandre ; et, fort avant tout de la bonté dont ce dernier m'a gratifié, j'ai moi-méme jusqu'à présent réussi à économiser un peu, par bien des efforts, sou aprés sou, en prenant avec difficulté sur mes économies et en me privant moi-méme [... ]. Allons, courage, mon frére, vise à ce repos unique et fort attendu offert à notre áge qui se fait pesant, repos dont tu m'as promis non sans raison qu'il nous serait commun. Ce que tu dois dire, je m'en occupe". Puissé-je voir ce jour ! Mais je l'aurai vu sans attendre, si ont lieu les noces dont tu me parles et dont tu seras l'instigateur et le maitre unique qui se distingue sans mal des autres.

aussi parce que plus personne ne souhaite l'inviter. Au contraire, dans la seconde expression, Bocchi fait explicitement allusion au proverbe érasmien (ex sententia) domi manendum (domi manebo): il faut alors comprendre qu'il suivra le précepte qui invite à demeurer chez soi, car une fois son palais achevé, il appartiendra à la catégorie des hommes pour lesquels le proverbe a un sens, c'est-à-dire les fortunati, qui vivent procul negotiis. Maniére habile pour Bocchi de faire entendre à Alexandre Farnése que c'est là sa derniére requéte et qu'il n'aura désormais plus besoin d'aide extérieure. Mais n'oubliant pas le sens qu'Érasme donnait à l'adage Domi manendum, à savoir qu'il faut se moquer de la louange extérieure et ne se sentir fort que de la conscience de sa

vertu", Bocchi prend en quelque sorte l'esprit de l'adage à rebours : de peur de passer pour un ingrat, qui s'imaginerait ne devoir sa félicité qu'à lui-méme, il rappelle qu'il devra son bonheur à son protecteur, donc extérieur : otia ipse feceris.

Ne pas pouvoir offrir aux époux une demeure serait nefas, sacrilége, pour Bocchi, car non seulement il ne pourrait pas répondre à l'invitation de Jupiter, mais il ne respecterait pas les devoirs de pietas qui incombent à un pere (il est lui aussi, comme Paul III, le pére de cette Athéna-philologie). Bocchi articule en outre son épigramme

autour de la formule Domi

manendum

d'ailleurs pas systématiquement dans le méme sens, comme nous allons tortue est effectivement le symbole employé pour indiquer qu'il faut généralement à la femme, comme le rappelle Plutarque'"? : ainsi, Phidias Élis, le pied sur une tortue, pour signifier que « la retraite et le silence

(v. 12, 24], qu'il ne prend

le voir. À travers la fable d'Ésope, la rester chez soi, mais il s'applique avait réalisé une statue d'Aphrodite à conviennent aux femmes mariées ».

Érasme confirme le propos dans l'adage 5, 5, 38 (Phidiam Helenorum Venerem ita finxisse ut testitudinem calcaret

tacite significans uxoribus domi manendum esse silendumque), et Alciat se sert du motif dans son embléme « Mulieris famam non formam uulgatam esse oportere », en rappelant le sens des deux gestes de la statue de

Phidias (pied sur la tortue et doigt sur la bouche) : quod manere domi et tacitas decet esse puellas. Cette

symbolique de la tortue comme précepte matrimonial qui invite l'épouse à rester chez elle et se double de l'obligation de se taire, a tout à fait sa place dans une épigramme oü il est précisément question de noces. Mais, dans l'épigramme, c'est Bocchi lui-méme qui en quelque sorte, devient la cible visée par l'adage : si le mariage a

lieu, il promet de rester chez lui (v. 24 : domi manebo) et surtout, de se taire, en n'importun ant plus son généreux

dédicataire par ses requétes incessantes. Mais Bocchi a sans doute aussi à la pensée l'adage d'Érasme 5, 1, 13 « Domi manere oportet belle fortunatum », qui dissuade l'homme heureux de s éloigner de son foyer, pour pouvoir profiter de ses biens et de la liberté que lui octroie la richesse (Cui suppetit copia facultatum, is si uelit felicem agere uitam, domi uiuat. Nusquam enim uiuitur commodius, nusquam liberius. Qui eget, peregrinando rem quaerat ac fortune experiatur aleam). Bocchi

s'amuse à dire une chose et son contraire : aux vers 12-1 3, il semble redouter que Jupiter-Pau l III ne le chátie comme la tortue, en l'obligeant à demeurer chez lui, Id / Iam ne accidat, manere semper ut domi / Cogar, tandis qu'au vers 24, il en fait l'objectif méme de sa requéte, Tunc procul negotiis / Domi manebo semper ex sententia. En

fait, il ne donne pas le méme sens aux deux expressions. Dans la premiere, il faut entendre domi semper manere comme le chátiment logique et irrépressible (cogar) qui vient punir celui qui ne s'est pas rendu à l'invitation du

pere des dieux : un tel comportement l'oblige à rester chez lui à la fois à cause de la honte qui y est attachée, mais 171 Sous la forme d'emblémes à soumettre à l'approbation de la cour pontificale.

7?! Pryr, De Iside et Osiride, 381e. Voir aussi le Septem Sapientium conuiuium, 142C.

$64

Fig. 3. G. BONASONE ou P. FONTANA,

Dessin préparatoire pour le Symb. 110 © Sotheby's.

La formule du vers 25, ipse otia feceris, constitue en fait un membre de vers tiré de la réplique de Tityre chez

Virgile (Buc., 1, 7-8). Bocchi se montre fidéle, par cette trés courte citation, à l'esprit de l'exégese virgilienne par Servius, qui privilégie un modele d'interprétation politique des Bucoliques et voit dans cet ille deus une allusion

cryptée à Octave futur Auguste. Dans le contexte de l'embléme, Bocchi veut simplement reprendre l'idée trés répandue que les bienfaiteurs sont des dieux pour ceux qu'ils aident. Le vocabulaire de l'embléme, notamment

dans le cadre de la supplique, va dans un sens religieux : imploro, appello, nefas ... Dans le dernier vers, Bocchi joue aussi de l'ambiguité de l'expression apud se esse : au sens propre, elle indique effectivement demeurer

chez soi et est donc synonyme

de domi manere. Au sens figuré elle signifie « étre en

possession de sa raison »'7?*, Bocchi ironise contre lui-méme et contre son obsession de voir son palais achevé.

eni Adag., 3, 1, 13 : Potest in hunc quoque detorqueri sensum : quis sibi bene conscius est, ne captet ex alienis laudibus gloriam sed sit Sud uirtutum conscientia contentus. « L'adage peut s'entendre aussi dans le sens suivant : celui qui a bonne conscience ne doit pas tirer fierté de la louange extérieure mais se satisfaire de la conscience de ses propres vertus 17 Voir par exemple PLAVT., Mil. 1345 ; TER., Hec. 707 ; Heaut. 920 ; Phorm. 204 ; SEN., Ep. 83, 26.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Il promet (c'est sans doute le sens du mot fidem, v. 14) à Alexandre Farnése que l'un n'ira pas sans l'autre et que le terme de la construction verra aussi le terme de sa folie. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana (Fig. 1)/75,

respecte la lettre de la fable ésopique et nous montre le banquet offert aux animaux par Jupiter. Autour de la table en U a pris place un représentant de chaque race animale et deux serviteurs s'affairent pour servir les plats. Jupiter, le foudre dans la main gauche, tróne au centre, entouré par l'aigle, l'éléphant et la licorne. Il désigne du doigt la tortue qui arrive et dont les propos s'inscrivent sur une banderole Olxog ioc, olkoc ápioroc. La sobriété de l'ameublement et de l'architecture — notamment les deux fenétres de petite taille percées dans le mur du fond - l'exiguité des lieux qui n'ont rien d'une salle de banquet olympienne et la représentation d'animaux aussi divers, sont autant de détails qui rapprochent la gravure d'un sujet plus biblique, celui de l'Arche de Noé.

Symb. 111

Gravure :

LA PURETÉ RADIEUSE DEMEURE SANS TACHE TOUJOURS ET PARTOUT

AU CARDINAL JULES DE MÉDICIS FUTUR PAPE CLÉMENT Vil

Jadis, dans le succes, la force de ton caractere Demeurait toujours illustre, trés vaillant Jules. Mais dans l'adversité, la voilà plus illustre encore, S

Tel Hespérus, brillant au milieu des ténébres,

Carencetempssi dur, tu as plus d'amis pour t'aider - C'est admirable ! — et moins d'ennemis pour te nuire. D'inique Haine les brandons se sont tout consumés, Et ta Pureté, comme avant, reste sans tache

10

15

Et fleurit plus encore : et ni l'affront du temps

Cruel, ni les humains crimes ne l'affaiblissent.

Dois-je dire pourquoi ? Grande et puissante est la Fortune, Mais bien plus grande encore, ó Jules, est ta Vertu ! Tu ne crains pas la Fortune, c'est elle qui te craint

À présent, t'honorant comme le dieu supréme.

Bientót, sur l'ordre de Vertu, elle t'apportera

En sus l'Empire, soustrait jadis par l'Envie.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. ANALYSE!726 L'épigramme de cet embléme est dédiée à Jules de Médicis, le neveu de Laurent le Magnifique , qui deviendra

pape sous le nom de Clément VII en succédant le 19 novembre 1523 au Batave Adrien VI. Il est l'un des 775 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 20, n° 81 (= CVIII) et illustration P. 53. 125 : i Nous avons esquissé Mus ] une ]premiér : e analyse de cet embléme dans notr e article « Aux sources de l’emblèm e : blasons et devises », dans . Rolet (dir.), « L'embléme littéraire : théories et pratiques », Littérature, 145, mars 2007, P. 53-78.

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dédicataires des recueils de Lusus de Bocchi. La mise en scéne épidictique et la rhétorique de l'éloge s'articulent autour d'une devise inventée par Clément VII et d'un embléme d'Alciat, unis probablement par l'intermédiaire d'une référence implicite à Cicéron. 1. Une situation politique tourmentée

L'épigramme, à tonalité politique, fait allusion à la période trés troublée qui précéde l'accession de Jules de Médicis au tróne pontifical. Fils de Julien de Médicis (et donc neveu de Laurent le Magnifique), il est nommé archevéque de Florence et cardinal en 1512, puis vice-chancelier papal par son cousin le pape Léon X (mort en 1521). Dés lors, Jules de Médicis contribue à étendre le pouvoir de sa famille mais doit faire face en 1522 au clan anti-médicéen, partisan d'une restauration républicaine, et qui monte une conjuration contre lui lors de son retour à Florence aprés l'élection d'Adrien VI. Les débats intellectuels menés au sein des Orti Oricellari, le cercle littéraire florentin fameux présidé par Cosimo Rucellai, qui a succédé dans cette charge à son pére Bernardo en 1519, et dont Nicolas Machiavel est l'un des illustres invités, suscite une conjuration qui s'organise avec Zanobi Buondelmonti (dédicataire, avec Cosimo Rucellai, des Discorsi sopra la prima deca di Tito Livio de Machiavel), Battista della Palla, Jacopo da Diacceto et le poéte Luigi Alamani. Les conjurés revendiquent le retour à l'ancienne constitution de Florence et sont appuyés par les manceuvres anti-médicéennes menées par le cardinal Francesco Soderini dans l'Italie centrale. L'attentat, prévu au Duomo, à l'endroit méme oü, en 1478,

avait eu lieu l'attentat des Pazzi qui vit périr le pére de Jules de Médicis, Julien, est cependant découvert avant sa réalisation et une partie des conjurés exécutés"" . La conjuration fut pour le cardinal un moyen d'éradiquer les courants pro-républicains à Florence. Des historiens comme Filipo de'Neri, Jacopo Nardi ou Scipione Ammirato, qui font le parallele avec les écrits de Machiavel sur la stratégie de la conspiration (Discorsi, 3, 6,

« Delle conjure » ), insistent sur l'ambiguité et la dissimulation du personnage qui se sert de cette occasion pour

asseoir son ambition'?, En 1525, le conclave réuni pour l'élection papale, au terme d'ápres débats, évince le

cardinal Farnése (futur pape Paul III en 1534) pour lui préférer Jules de Médicis. Dés son intronisation et malgré la réconciliation théorique qu'elle suppose avec ses adversaires, Clément VII doit faire face à l'hostilité

croissante de la famille gibeline des Colonna".

L'épigramme s'efforce de restituer ces fluctuations chronologiques en évoquant tout d'abord les temps heureux

(rebus secundis, v. 1) d'autrefois (olim, v. 1), puis la période troublée du présent (Aduersis rebus, v. 3 ; tempore

tam duro hoc, v. 6; inuria.../ Temporis, v. 9-10; hominum... scelera, v. 10), dont la difficulté est néanmoins tempérée par les comparatifs (plures amici, v. s ; rarior hostis, v. 6), qui amorcent un processus d'embellie. On

assiste ensuite à un spectaculaire renversement de situation, où la vertu du pape triomphe des aléas de la fortune

et de la haine. Ce renversement se marque dans la syntaxe par l'inversion de l'objet et du sujet mise en relief par le jeu de polyptotes (Nec tu fortunam, iam te fortuna, v. 13) et déborde dans le présent lui-méme, comme l'indiquent l'adverbe iam, « désormais » et les temps verbaux (ueretur, v. 13 ; habet, v.14). Enfin, le texte se clót

sur l'évocation d'un avenir radieux, au futur proche (deferet, v. 15), dont l'imminence quasi tangible relégue le

malheur dans le passé (prius, temps du parfait pour distulit, v. 16). | qui permanence la et continuité la encore Cette instabilité conjoncturelle doit rendre plus frappante caractérisent la uis animi, la force d'àme ou fortitudo du Cardinal, comme l'indiquent le titulus de la gravure, semper ubique manet, l'adverbe semper au vers 2, ou le terme illaesus au vers 8, dont le préfixe in- atteste le caractére incorruptible, ou encore l'expression ut ante manet du vers 8. Mais désireux de renchérir, Bocchi met en place un processus de croissance/décroissance : plus la situation se dégrade, plus le courage du cardinal est IK? Sor-cetattentat et les. sources historiques, voir la bibliographie dans P. J. Osmond,

« The Conspiracy of 1522 against Cardinal Giulio

de'Medici: Machiavelli and “ gli esempli delli antiqui ” in K. Gouwens, Sh. E. Reiss (dir.), The Pontificate of Clement VII. History, Politics, Culture,

Aldershot, 2005, p. 55-72.

‘7 Voir P, J. Osmond, « The Conspiracy of 1522 », p. 69-72.

^

*? Voir J. Hook, « Clement VII, the Colonna and Charles V. A Study of the Political Instability ofItaly in the Second and Third Decades of the

Sixteenth Century », European Studies Review, 2, 1972, p. 281-299. Le point culminant de cette hostilité se situera en 1526, lorsque les Colonna enverront des troupes piller le Vatican.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

remarquable et remarqué (multo praeclarior, v. 3 ; quin mage, v. 9 ; longe maior, v. 13), comme mis à l'épreuve et grandi par les attaques qu'il subit. Une concaténation métaphorique permet la visualisation de ces divers éléments au sein d'une véritable mise en scene allégorique qui se superpose à l'affrontement armici/hostes autour de la personne du cardinal et dont l'enjeu est l'imperium. La uis animi du cardinal, qui devient Virtus à la fin du poéme, est qualifiée de clara, « illustre », c'est-à-dire, au sens propre, qui « rayonne, qui jette de l'éclat ». Cet adjectif, relayé par nitidus « étincelant » au vers 4, améne l'image de l'astre de Vénus

(Hesperus) qui brille dans les ténébres, puis la

célébration du candor, blancheur éclatante qui fusionne les deux réalités par un jeu sens concret/sens ab&trait : c'est à la fois l'éclat de l'astre et l'éclat de la pureté intérieure du cardinal. Le terme floret au vers 9, qui désigne l'abondance florale, active la référence à l'instauration de l'Áge d'or, préparée par l'astre vénusien, qui ouvre un nouveau jour et une nouvelle ére, et par la référence au candor du souverain, propice à engendrer la paix et l'équité. À ces allégories positives, caractérisées par la clarté et l'éclat, se heurtent et s'opposent, dans le style épique des Gigantomachies oà l'on dénombre les forces (magna... potensque, v. 11; longe maior, v. 12), des allégories négatives, issues des ténébres (mediis...

in tenebris, v. 4) : c'est tout d'abord le Temps, figure de la

cruauté (duro, v. 6 ; saeui, v. 9), puis Liuor, l'Envie, appelée Inuidia au vers 16. La couleur bleu sombre et les torches charbonneuses (Extinciae faces, v. 7) de cette allégorie constituent des exacts contraires du Candor matérialisé par l'astre rayonnant. On remarquera qu'à illaesus et à son préfixe privatif in-, qui caractérisent

Candor, répond trés symétriquement iniqui, lui aussi doté du privatif in-, qui caractérise Liuor (v. 7) et s'oppose à

la justice du prince garant de l’Age d'or.

La figure de Tempus est, au terme du poéme, relayée par la figure de Fortuna, placée face à la Virtus qui la domine et à qui elle est obligée d'obéir. Cette lutte inégale est préparée dés le début, nous l'avons dit, par la correspondance des comparatifs plures (amici) et rarior (hostis). Mais elle se poursuit au fil du texte par les termes illaesus ( « sans blessure ») et haud conficiunt ( « ne réussissent pas à abattre»). Elle s'achéve enfin par la

vision du triomphe de la Vertu qui oblige (iussu uirtutis, v. 15) la Fortune à vénérer le cardinal à l'égal d'un dieu (ueretur, v. 13 ; colit et summis numinis instar habet, v. 14). Ce triomphe s'accomplit sous la forme d'une reddition

boule de cristal, posée sur un tronc d'arbre sectionné, recoit les rayons du soleil et les réfracte sur un arbre du

cóté opposé, dont le bois s'enflamme aussitót, tandis que l'àme de la devise, candor illaesus, s'inscrit sur une

banniére qui enlace le tronc supportant la boule de cristal.

Outre le fait qu'elle soit une synthése de motifs plus anciens, comme le brancone de Laurent le Magnifique et la palla des Médicis"?, et qu'elle refléte les spéculations physiciennes de Buoninsegni 75, l'intérét de la devise est triple, comme le rappelle A. Chastel qui rapproche ce processus des schémas scientifiques de Léonard'^?* : elle montre que le verre reste intact, que les rameaux de l'arbre atteints par les rayons diffractés s'enflamment et se consument en brandons, que la couleur blanche de la banniére reste immuable. Il faut également préciser que la boule évoque sans ambiguité le symbole papal du globum mundi, embléme d'une domination spirituelle sans partage sur l'ensemble des terres. L'opposition entre le blanc et le bois enflammé est encore plus appuyée dans la célébre réalisation de cette devise par l'école de Giulio Romano, dans la Salle de Constantin au Vatican, « devise de Clément VII écrite, sculptée et peinte par les Arts » (Fig. 2). En effet, l'arbre sur lequel viennent se concentrer les rayons réfractés par la boule de cristal est celui-là méme autour duquel vient s'enrouler la banniére sur laquelle l'allégorie ailée de la Peinture rédige, à l'aide d'une plume, le titulus encore inachevé : le bois touché prend aussitót feu, tandis que le tissu immaculé, juste au dessous, demeure sans dommage malgré les

rayons qui le frappent. Dans le texte de Bocchi, un certain nombre de caractéristiques visuelles du corps de la devise de Clément VII se retrouvent mais organisées différemment. Ainsi, l'éclat de la boule de cristal qui diffracte les rayons solaires se voit remplacé par l'éclat de l'astre de Vénus qui annonce le lever du jour. Le candor n'est plus matérialisé par la banniére immaculée qui recoit le motto de la devise mais par l'astre lui-méme. Enfin, l'arbre consumé de la devise originelle et ses brandons calcinés trouvent leur réplique dans les extinctae faces que tient Liuor. Nous verrons plus tard que la gravure de l'embléme suit, elle aussi, un parcours autonome, ne

reprenant pas tous les éléments de l'épigramme, et ne s'inspirant que de loin du corps de la devise de Clément VII tel qu'on le trouve réalisé chez Giovio ou au Vatican.

voire d'une donation, à la maniere de celle de Constantin, puisque la Fortune apporte au cardinal le pouvoir pontifical confisqué par ses ennemis (distulit).

Fig. 1 » P. GIOVIO (L. DOMENICHI, G. SIMEONI), Dialogo dell'imprese, Lyon, 1574, p. 51, © Glasgow University Library.

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Fig.2 > École de Giulio ROMANO, « La devise Candor illaesus peinte et sculptée par les arts », Rome, Vatican, Chambre de Constantin, 1523-1525.

3. Alciat et Cicéron

yf.

La vision de Fortune qui se soumet aux ordres de la Vertu (iussu Virtutis) à la fin de l'épigramme de Bocchi est

2. La devise de Clément VII Mais l'expression candor illaesus, qui apparait dans le titulus surmontant la gravure ainsi qu'au vers 8 (ac tuus

inspirée par une formule que l'on trouve dans la correspondance de Cicéron sous la forme duce uirtute, fortuna

précisément par la conjoncture difficile qu'a dà affronter le pape. L'expression partage le poéme bocchien en deux parties égales et exhibe par là méme son róle-clé pour l'interprétation. Comme le rappelle Paolo Giovio, la

travail (industria) :

illaesus candor, ut ante, manet), est une référence à l'àme de la devise personnelle de Clément VII, inspirée

devise inventée par le trésorier Buoninsegni'? pour Clément VII vise à affirmer la constance d'une pureté

morale face aux attaques ennemies'?', Le corps de la devise se présente sous la forme suivante (Fig. 1) : une 7? Voir M, Luzzati,

« Domenico Buoninsegni » in DBI, t. XV, 1972, p. 252-254.

'?! Paolo Giovio, Díalogo dell'imprese militari e amorose, éd. Maria Luisa Doglio, Rome, Bulzoni, 1978, p. 66 : « Le pape Clément VII, voulant montrer au monde que la pureté de son àme ne pouvai t étre offensée ni par les méchantes gens ni par la force, se servit de cette devise au moment oü ses ennemis, du temps du pape Adrien, fomentaien t une conjuration pour lui óter la vie et sa situation, mais ils n'eurent pas l'heur

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comite. Dans une lettre adressée à Plancus, consul désigné, Cicéron explique que la uirtus (la qualité du uir, du « héros », par figure étymologique) est un mélange de talent (ingenium) et d'énergie poussant à l'action et au

de pouvoir mener à bien leur projet. » Voir aussi le tétrastique moral dans Le sententiose imprese di Mgr.

Paulo

Giovio et del Signor Gabriel

Symeoni, ridotte in rima per il detto Symeoni, Lyon, 1561, p. 57 et CAPACCIO, Delle Imprese, Naples, 2 aga I, viii, p. A — 722 VoirJ. Cox-Rearick, Dynasty and Destiny in Medici Art. Pontormo, Leo X and the two Cosimos, Princeton, Princeton University Press, pus j A. Chastel, Le sac de Rome, 1527, Paris, 1984, p. 206-210 et M. Perry, « Candor illaesus: The "Impresa" of Clement VII and other Medici Devices in the Vatican Stanze », The Burlingon Magazine, oct. 1977, p. 676-686, et en particulier p. 683-684.

7* P. Giovio, Dialogo dell'imprese, éd. citée, p. 66. 7? A. Chatel, Le sac de Rome, p. 207.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Omnia summa consecutus es uirtute duce, comite fortuna, eaque es adeptus adolescens multis inuidentibus, quos ingenio industriaque fregisti^5.

La gravure est, en fait, structurée autour du motif récurrent de la sphére. Celle-ci est présente sous le pied de la

Tu as obtenu les plus hautes distinctions, sous la conduite de la vertu, avec la fortune pour compagne, et tu les as acquises dans ta jeunesse, suscitant la haine de nombreuses personnes, que tu as brisées par ton intelligence et ton

pontificat. Mais on la retrouve aussi dans son blason de Cardinal suspendu au plafond, six palle de gueules sur champ d'or des Médicis, dont la symbolique stellaire est bien attestée (six astres rouges tournant autour du soleil rayonnant constitué par la couleur de l'écu'"?). Les trois objets, outre leur configuration semblable, se trouvent

énergie.

Rappelons que la phrase, reprise jurisconsulte et maitre d'Alciat, comes, « Fortune est compagne excellente situation, alliant gloire

par Érasme sous forme d'adage'?5 inspira également Jason de Mayne, illustre qui voulut faire figurer sur le portail de son palazzo la devise Virtuti fortuna de Vertu », voulant montrer que son talent intellectuel l'avait haussé à une et prospérité, comme l'explique Paolo Giovio qui voit pourtant là une devise

insatisfaisante car privée de corps". Alciat lui-méme reprit ce motto pour titulus d'un de ses emblémes, dont l'épigramme décrivait et interprétait justement sa propre devise — sans áme, rappelle Giovio'* —, oü l'on voyait,

entre deux cornes d'abondance, se dresser un caducée muni de deux ailes autour duquel s'enroulaient deux serpents. Les deux cornes d'abondance symbolisent la prospérité (en particulier financiére) qui vient récompenser les serviteurs du logos, concu dans son antique et cicéronienne unité entre sagesse et éloquence

(Pollentes sic mente uiros fandique peritos) 7? Toutefois, c'est moins Alciat que Cicéron qui inspire ici Bocchi. On voit bien comment, au doublet Virtus/Fortuna, le texte de Cicéron adjoint, en la suggérant, la présence d'une troisiéme personnification allégorique, Inuidia (multis inuidentibus), qui contribue à la visualisation claire d'un contexte politique, parfaitement transposable au cas du futur Clément VII. Or cette allégorie si importante dans l'épigramme emblématique disparait dans la gravure, organisée sur le principe d'une rhétorique épidictique. 4. Les choix encomiastiques de la gravure

La scéne représentée sur la gravure se déroule à l'intérieur d'un palais aux murs élevés, avec un soffite à caisson et, au centre de la muraille du fond, celle qui fait face au spectateur, un couloir voüté qui ouvre sans porte sur

l'extérieur. Prise dans cette embrasure, comme une statue dans sa niche, Pallas, incarnation de la Virtus, casquée,

cuirassée, portant égide et lance, désigne du doigt le futur Clément VII assis à sa droite (et pour le spectateur, à

gauche de l'image). Le doigt pointé de la divinité, que relaie son regard, est la traduction iconique du mot iussu, qui ordonne à la Fortune, arrivant par la droite de l'image, de remettre au futur souverain pontife la tiare qu'elle

tient de la main droite. La Fortune est parfaitement reconnaissable à ses ailes, au globe qui roule sous son pied et

au gouvernail qu'elle tient de l'autre main. Le futur Clément VII exhibe de la main droite une sphére de cristal,

entourée d'un halo lumineux. Pierre Martin nous a fait remarquer que le cadre de la gravure vient interrompre sur la gauche le dessin du halo et des rayons émanant de la boule, montrant que l'objet se dégage des déterminations hic et nunc. Ce globe est le seul résidu dans la gravure bocchienne de la devise authentique inventée par le futur pape. Le rayonnement qui émane spontanément de la sphere lui donne l'apparence d'un astre, mentionné dans l'épigramme. L'objet n'est pas l'instrument d'une expérience scientifique, brillant d'une clarté empruntée au soleil, mais bel et bien le symbole stellaire de la pureté d'áme du cardinal qui justifie le geste

de désignation de Pallas récompensant ainsi la vertu. 1735 Cic, Fam., 10, 3.

Fortune et dans la main de Jules de Médicis, par référence, nous l'avons dit, à sa devise et à son accession au

en fait reliés entre eux par de subtils liens de pouvoir et de soumission. Entre la palla de la Fortune, la palla de cristal tenue par Jules de Médicis et les palle des Médicis se tient précisément Palla-s, qui soumet la Fortune au

cardinal et à sa famille, comme nous l'avons rappelé dés 1998 dans notre thése de doctorat. Pallas, dans tout le recueil bocchien, est l'incarnation de la uirtus, c'est-à-dire de l'action droite réglée sur les ordres de la raison, de

la Mens. La gravure a choisi de ne pas évoquer le triomphe de Virtus sur Inuidia mais de Virtus sur Fortuna. La réalisation la plus célébre de la devise de Clément VII, nous l'avons dit, se trouvait dans la Chambre de

Constantin au Vatican, peinte par l'école de Giulio Romano entre la fin de 1523 et l'automne 1325. On la voyait en frise au-dessus du Baptéme de Constantin, jointe au Semper, l'une des devises de Léon X. Mais on la

retrouvait aussi, seule, au-dessus de la Donation de Constantin, dans sa version « sculptée et peinte par les arts »'"*'. Le programme raphaélesque avait, en effet, pour objectif de désigner, à travers les figures antiques, les acteurs de la vie politique contemporaine ""*, et tentait de montrer la soumission du pouvoir militaire au pouvoir spirituel. À l'époque, on lisait cette peinture comme une admonestation à Charles Quint de se soumettre à l'Église et, en particulier, au pape Clément VII. La gravure de Bonasone reproduit à sa maniére cette association idéologique entre la boule de cristal et l'idée de donation. Ici, ce n'est point Constantin qui vient remettre la ville àl'évéque de Rome. C'est la Fortune, aux ordres de Pallas en armure, qui apporte au cardinal la tiare pontificale. Celle-ci est la légitimation officielle du pouvoir spirituel qu'il tient déjà dans ses mains sous la forme de la boule scintillante, pouvoir spirituel que rappelle également la croix exhaussée portée par le personnage debout derriere le futur pape. Cette correspondance entre la gravure et le programme iconographique de Rome ne saurait étre le fruit du hasard. D'autre part, si le titulus de l'épigramme célébre visiblement l'accession au tróne pontifical du cardinal Jules de Médicis (qui postea fuit Clemens VII pontifex maximus), c'est-à-dire en 1523, un fait atteste que la gravure, elle,

n'a pu étre exécutée qu'aprés 1527, date du sac de Rome : Bonasone a représenté le Cardinal Jules portant une barbe longue et fournie (dans le tableau de 1518 peint par Raphaél et intitulé Portrait de Léon X entre deux cardinaux, Jules de Médicis apparait à la droite du pape en ne portant alors qu'une légére barbe qui ne lui recouvre par les joues). Au début du xvr' siécle, cet ornement, considéré comme inconvenant pour tout membre

du haut-clergé, rappelait l'ermite ou l'Oriental, et le choix de Jules II de se faire représenter avec la barbe par Raphaél prenait alors une dimension symbolique de protestation personnelle contre les événements contemporains, c'est-à-dire la prise de l'Italie de 1510 à 15129. Imitant Jules II, Clément VII rompait

délibérément avec l'ordonnance d'Adrien VI qui interdisait aux ecclésiastiques le port de la barbe, réservé aux

soldats, et il affichait ainsi son deuil aprés le sac de Rome de 1527. Il est d'ailleurs approuvé par Valeriano qui,

dans un pamphlet intitulé Pro sacerdotum barbis apologia de 1531, justifie le poil comme un signe de sérieux, de dignité et de moralité et renvoie aux portraits publics de Jules II et aux monnaies de Clément, oà tous deux

portent la barbe'"**, Un portrait de Clément VII, peint par Sebastiano del Piombo en 1532 et conservé à la

Pinacothéque de Parme, représente le pape avec une longue barbe, que le prélat arbore également sur une gravure sur cuivre de 1530, réalisée par Nicolas Hogenberg pour célébrer la procession triomphale qui fait suite

176 ÉRASME, Adagia, 4, 10, 47 : « Virtute duce, comite fortuna ». 7? P. Grovio, Dialogo dell'imprese , éd. citée, P. 40-41.

73 [bid p. 140.

7? Voir A. ALCIAT, Emblemata, n° 118, « Virtuti Fortuna comes », 1551, Lyon, Bonhomme, p. 130 : Anguibus implicitis, geminis caduceus alis /

Inter Amalthaeae cornua rectus adest./ Pollentes sic mente uiros fandique peritos/ Indicat ut rerum copia multa beet. « Accompagné de serpents enlacés, le caducée aux ailes géminées se dresse entre les cornes d'Amalthée. Il montre que les hommes qui se distinguent par leur intelligence

et se montrent doués pour l'éloquence connaissent le bonheur d'une abondance généreuse de biens ». Voir les analyses de S. Rolet, « La

genése complexe de l'embléme d'Alciat Virtuti fortuna comes : de la devise au caducée de Ludovic Sforza à la médaille de Jean Second, en passant par quelques dessins de Léonard » dans A. Rolet, S. Rolet (dir.) : André Alciat (1492-1550), un humaniste au confluent des savoirs dans l'Europe de la Renaissance, Turnout, 2013, P. 321-383.

570

US Voir J. Cox-Rearick, Dynasty and Destiny in Medici Art et Y. Loskoutoff, « Le symbolisme des palle médicéennes au Palazzo Madama »,

Journal des Savants, 1001,2, p. 351-391.

'

,

UM Sur l'importance de cette alliance, qui célébre le róle important de mécéne joué par Clément VII aprés l'interméde culturellement stérile

d'Adrien VI, voirA. Chastel, Le sac de Rome, p. 208-209. | 742 Sur le cryptage iconographique des prétentions pontificales sur l'Empereur et sur Rome réalisé par les fresques vaticanes, ibid., p. 82-83. "55 VoirJ, M, Zucker, « Raphael and the Beard of Pope Julius II », The Art Bulletin, 59, déc. 1977, p. 524-533. 7^ Voir A. Chastel, Le sac de Rome, p. 262. Voir aussi M.-F. Auzépy,J. Cornette, Histoire du poil, Paris, 2011.

571

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

au couronnement de Charles Quint à Bologne'"*. Enfin, un portrait de Giorgio Vasari, exécuté aux alentours de 1560 et conservé dans la salle de Clément VII au Palazzo Vecchio de Florence, nous montre le pape doté d'une barbe, siégeant aux cótés de Charles Quint. Ce détail de la gravure de l'embléme réalisée par Bonasone permet d'ailleurs de comprendre que l'épigramme, rédigée en 1522 et qui mentionne que le cardinal de Médicis postea fuit Clemens VII, pouvait se lire également, par la suite, à la lueur des événements de 1527, comme une sorte de message de réconfort et de célébration adressé au pape. Malgré le triomphe militaire de ses ennemis, Clément VII retrouve, par sa vertu, le pouvoir spirituel que lui avaient retiré les vicissitudes de la fortune. Celle-ci, à nouveau soumise, devient une Diké-Némésis qui rend à chacun ce qui lui revient selon son mérite.

Symb. 112 TOUT LE MÉRITE DE LA VERTU EST DANS L'ACTION

POUR LE PLUS GRAND DES FARNÉSE

Le grand Atlas, livre à la main, parcourt des yeux les astres

Qu avec l'aide d'Alcide il a jadis portés.

Tous deux ils sont héros divins ; ils commandent tous deux

Aux astres du ciel. L'un contemple et l'autre agit. Quel est le plus puissant ? Celui qui put vaincre les monstres : Qui s'est vaincu lui-méme peut vaincre aussi les monstres. Le vrai Alcide est celui qui, l’àme assurée, le coeur Sans crainte, reste juste et ferme en son dessein.

Distiques élégiaques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET DES MANUSCRITS

Dans de si grandes difficultés, la seule consolation qui me reste est que notre objectif de repos et de sécurité a toujours été et sera toujours le méme : c'est la vérité méme de notre philologie ; je ne me repentirai jamais que ses mystéres t'aient été révélés à toi seul, au contraire : il faut te remercier pour tous tes bienfaits, toi qui m'a été donné comme Hercule à Atlas, pour supporter un fardeau si considérable.

- ded. carm.: PRO MAXIMO FARNESIO] Le terme de maximo nous invite à identifier ici le pape Paul III, Alexandre Farnése, qui recoit également cette épiclése dans le Symb. 63, tandis que son petit-fils, le cardinal Alexandre, recoit celle de minoris. Pour le sens de cette dédicace, voir notre analyse infra. - v. 1 : Alcides] On remarquera que, dans cette épigramme, Hercule n'apparait que sous cette épiclése (cf. v. 4 ;

v. 9), sans doute à cause de l'interprétation qu'en donne Servius (ad Aen., 6, 393) : Sane Alciden uolunt quidam àò 1fjc àÀr|c, id est a uirtute, « Certains veulent effectivement que le nom d'Alcide viennent d'alke, c'est-à-dire

- v. 4: fulserat] M. B. Illuminati (p. 217), qui traduit comme si c'était Atlas qui venait au secours d' Hercule, fait en outre venir cette forme de fulgeo, « briller » alors que le mot vient de fulcio, « soutenir » : « [le costellazioni] che un tempo risplendettero per il soccorso di Ercole ». Il est fait allusion ici au fait qu'Hercule propose à Atlas de porter pour lui le globe céleste pendant que ce dernier va lui chercher les pommes d'or des Hespérides, gardées par un dragon, et qu'il est le seul à pouvoir cueillir. Cet épisode avait fini par devenir une épreuve indépendante et ultime dans le cycle narratif, couronnant l'ensemble des labeurs expiatoires du héros et préfigurant l'apothéose, puisque, par sa victoire sur les monstres, intérieurs et extérieurs, Hercule gagnera sa divinisation et sa montée vers le ciel'7*6. En outre, cette aventure est à l'origine du mythe d'Hercule initié à l'astrologie (voir note aux v. 5-6). Le théme de la rivalité entre Hercule et Atlas, évoquée par Bocchi (v. 7: Quaeris uter potior), est emprunté à Philostrate (Im., 2, 20) qui, par ailleurs, fait également de l'épreuve du globe

MÉTRIQUE

L'embléme est évoqué dans l'une des Lettres d'Achille Bocchi (Milan, Bibl. Ambros., ms D 145 inf, f 32v°)

erit, Veritas ipsa philologiae nostrae, cuius Mysteria uni tibi patefacta esse nunquam poenitebit, imó ueró gratulandum

erit bonis omnibus, te uelut Herculem Atlanti tam immenso oneri ferendo datum.

de la vertu ».

L'illustre fils de Jupiter, vainqueur de tant de monstres, Alcide, d'un compas, trace un cercle parfait.

10

Hoc unum mihi solamen in tantis difficultatibus reliquum est, quod idem semper quietis et securitatis scopus noster fuit et

NorTES

Gravure :

5

Dans une autre lettre un peu antérieure, datée de mai 1548 (f 297^), il évoque l'aide que lui a apporté Amaseo gráce à l'image d'Hercule aidant Atlas à porter le ciel :

à Romolo Amaseo datée du 2 5 septembre 1548

Misi ad te plura symbola expicta cum suis interpretibus uersiculis, sed ultimum recens natum, de Alcide et Atlante, nondum pictor delineauit. Id ut primum absoluerit, ad te mittam. Je t'ai envoyé sous forme de dessins de fort nombreux symboles, avec les versiculets qui les interprétent, mais le dernier, qui vient juste de voir le jour, sur Alcide et Atlas, le peintre n'a pas encore eu le temps d'en faire une

esquisse. Dés qu'il sera achevé, je te l'enverrai.

la préfiguration de la divinisation. -v.5: - diuini heroes ambo] Hercule est, en effet, le fils de Jupiter et d'Alcméne tandis qu'Atlas, de la race des Géants, est enfant de Japet et de l'Océanide Clyméne, et par conséquent frére de Prométhée et d'Épiméthée. - caelestibus... imperitant astris] Dans le texte de Bocchi, des expressions telles que circumspicit astra (v. 3), imperitant astris (v. 6) circinum agens orbem perficit eximium (v. 1) renvoient sans ambiguité à une tradition

allégorique bien attestée, qui voit dans l'épisode d'Hercule soutenant le globe à la place d'Atlas l'origine non seulement de sa future apothéose (voir supra) mais également de son initiation à l'astronomie, voire à l'astrologie, car les deux sciences ne sont pas toujours nettement distinguées"*. Pline (Nat., 7, 203) fait en effet ^ 4 : : : 1748 d'Atlas l'inventeur de l'astronomie, hypothése retenue également à- la Renaissance '"*, mais; on trouve une autre 1746 Voir SEN., Herc. Fur., 64-74 ; APVL., Apol., 22, 9-10 ; BOET., Cons., 4, Metrum 7, 29-35. M "* Au Moyen Age, astronomie et astrologie sont souvent confondues et on peut voir l'astrologie faire partie du quadriuium. Voir, par exemple,

VAnticlaudianus d' Alain de Lille ou le livre II du Banquet de Dante.

"5 Voir F. Paoli (dir.) : II trionfo di Carlo V, 1530 : storia di stampe ducali dal ritrovemento al restauro, Catalogo della mostra, 27 luglio- 31 agosto 1991, Sala del Trono, Palazzo Ducale, Urbania, Urbania, 1991.

572

"5 Voir par exemple C. SALVTATI, De Laboribus Herculis, 2, 25, 19-21, t. 1, p. 309 Ullman : [... ] Athlas primus assignatur astronomus, non solum astronomie sed astrologie, sicut. creditur, studiosus. [...] Siue ergo solum motibus deprehendendis studuerit, quod astronomie esl, siue etiam diuinationibus per situs atque copulationes astrorum, que superstitio ad astrologiam proprie dicitur pertinere, non incongrue creditur hec mala per que sidera figuratur, ut supra retulimus, possedisse. « Atlas fut reconnu comme le premier astronome, car il prstiqnait as seulement 1 astronomie mais aussi l'astrologie. À supposer donc qu'il n'étudiát que les mouvements probables des astres, ce qui reléve de I Aftzotiomie, voire méme qu'il s'adonnát à la divination en examinant la position et les conjonctions des astres, croyance dont on dit à bon droit qu elle est la matiére de l'astrologie, il n'est pas absurde de croire qu'il ait eu en sa possession ces pommes, qui figurent les astres ». Voir aussi Jacques SaboLET, De

573

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

étiologie pour le terme d'Hercules astrologus chez Festus Pompée 79 L'interprétation historicisante de l'aventure entre Hercule et Atlas est trés répandue et on la repére chez Diodore de Sicile (4, 27, 4-5), qui rapporte que des pirates auraient enlevé les Hespérides, c'est-à-dire les sept filles d'Atlas et qu'Hercule les lui aurait rendues. En échange de ce service, le roi Atlas aurait initié Hercule à l'astrologie. Mais on trouve aussi une référence à l'Hercule astrologue chez Clément d'Alexandrie (Strom. 1, 15, 73, 2) et chez Servius (Ad Aen, 1,

741: [...] sed docuit [Atlas] Herculem : unde et dicitur ab Atlante caelum sustinuisse susceptum propter caeli

scientiam traditam. Constat enim Herculem fuisse philosophum et haec est ratio cur illa omnia monstra uicisse dicatur

1750), La formule du texte bocchien circinum agens orbem perficit eximium (v. 1) évoque à la fois le compas et le globe, les deux instruments par excellence d'Uranie, ou de l'astronomie que patronne la muse"?! , comme on le

voit sur une gravure de 1544 du monogrammiste B, émule de Bonasone?, et elle trouve sa parfaite illustration

dans la gravure qui accompagne l'embléme (voir infra).

ANALYSE À travers une évocation d'Hercule et d'Atlas, réunis dans l'épisode du jardin des Hespérides (voir note au v. 4), épisode qui préfigure l'apothéose d'Hercule et se voit interprété par les mythographes comme son initiation à l'astronomie ou l'astrologie, Bocchi met en scéne de maniére métaphorique un débat cher à la Renaissance, celui

de la vie active et de la vie contemplative'5. L'épigramme est trés rigoureusement construite.

Les trois premiers distiques présentent deux vies « paralléles », un peu à la maniére de Plutarque : c'est d'abord Hercule qui nous est montré, tracant un cercle parfait à l'aide d'un compas (v. 2) ; ensuite vient le tour d'Atlas qui tient un livre et contemple les astres (v. 3). Au v. 4, l'emblématiste propose un rappel des paralléles possibles entre les deux existences. Les deux héros sont liés par un épisode commun de la geste herculéenne : Hercule se substitue à Atlas pour l'aider à porter le ciel, tandis que ce dernier va chercher les pommes d'or, gardées par un dragon dans le jardin des Hespérides. Ensuite, au troisiéme distique, comme chez Plutarque, on assiste à une comparaison raisonnée des deux existences et des deux personnalités. Certains points en effet rassemblent les deux personnages (ambo répété deux fois dans le v. 5) : le statut de héros (Diuini heroes) et la relation avec le monde céleste (caelestibus... / philosophia libri duo, Lyon, 1538 (trad. E. Charpenne, Paris, 1864, p. 92) : « Les Lydiens comblent de louanges Atlas, pour avoir imité au

moyen de sphéres de bois les sphéres célestes ». 79 FEST, s. v. Hercules astrologus p. 89 Lindsay : dictus, quod eo die se flammis iniecit quo futura erat obscuratio solis. « Hercule est dit astrologue, car i] se jeta dans les flammes le jour oà devait se produire une éclipse de soleil ».

7* « Mais c'est Hercule qu'Atlas initia: de là vient qu Atlas, dit-on, le convainquit de soutenir le ciel en échange de la transmission de la

science des astres. Il est, en effet, avéré qu'Hercule fut un philosophe, raison pour laquelle on lui attribue la victoire sur les monstres ». 73! Voir G. de Tervarent, Attributs et symboles dans l'art profane, Geneve, 1997, p. 416-418.

7 Voir W. L. Strauss, R. A. Koch (éd.), The Illustrated Bartsch, t. XV: Early German Masters, Barthel Beham, Hans Sebald Beham, New York, 1978, p. 505-506, n° 7. 73 Parmi l'importante bibliographie consacrée à ce sujet, on se reportera en particulier à F. La Brasca, Chr., Trottman (dir.), Vie solitaire, vie

civile. L'humanisme de Pétrarque à Alberti, A&es du XLVII* colloque d'études humanistes, Tours, 2004, Paris, 2011 ; Chr. Trottman ( dir.) Vie

active et vie contemplative au Moyen dge et au seuil de la Renaissance. Du retrait volontaire à la retraite forcée. Actes des rencontres internationales

tenues à Rome, les 17 et 18 juin 2005, et à Tours, les 26 et 28 octobre 2006, Rome, 2009 ; I. Nuovo, Otium e negotium : Da Petrarca a Scipione Ammirato, Bari, 2007 ; L. Hermand-Schebat, « Pétrarque et Cicéron autour de la conception de l'otium » dans P. Galand-Hallyn, C. Lévy

(dir.), Vivre pour soi, vivre pour la cité, de l'Antiquité à la Renaissance, Paris, 2006, p. 123-137 ; D. Taranto « Le renouveau humaniste italien : vie active ou vie contemplative ? », dans A. Caillé e alii (dir.), Histoire raisonnée de la philosophie morale et politique. Le bonheur et l'utile, Paris, 2001,

p. 208-216 ; P.-O. Kristeller, « The Active and Contemplative Life in Renaissance Humanism », Studies in Renaissance Thought and Letters, Rome, 1996, t. 4, p. 197-214; F. Matzner, Vita adiva et Vita contemplativa. Formen und Funktionen eines antiken Denkmodells in. der Staatsikonographie der italienischen Renaissance, Francfort-sur-le-Main, 1994 ; B. G. McNair, « Cristoforo Landino and Coluccio Salutati on the Best Life », Renaissance Quarterly, 47, 4, 1994, P. 747-769 ; U. Rombach, Vita activa und vita contemplativa bei Cristoforo Landino, Stuttgart, 1991 ; B. Vickers « Leisure and Idleness in the Renaissance : The Ambivalence of otium (Part I-II) », Renaissance Studies, 4, 1, 1990, p. 1-37 et 4, 2, 1990, p. 107-154 ; B. Vickers (dir.), Betrachtungen zur Vita activa und Vita contemplativa, Zürich, 1985 ; A. Lombardo, « Vita activa versus Vita contemplativa in Petrarch and Salutati», Italica, 59, 1982, p. 83-92; R. A. Bonnell, « An Early Humanistic View of the Active and Contemplative Life », Italica, 43, 3, 1966, p.225-239; F.Schalk, «Il tema della vita activa et della vita contemplativa nell'Umanesimo italiano », in E. Castelli (dir.), Umanesimo e Scienza Política, Atti del Congresso Internazionale di Studi Umanistici, Milan, 1951, p. 101-118. Pour

les racines antiques de ces débats, on se reportera à la bibliographie proposée sur l'otium dans notre analyse du Symb. 136.

574

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Imperitant astris, expression qui fait allusion à l'apothéose d'Hercule et à la tradition d'Atlas astrologue/astronome initiant Hercule à ces disciplines ; voir note au v. 5-6). Mais d'autres points les opposent.

Ainsi

aprés

la coupe

penthémimére

du v.6, chacun

(hic..

alter) se montre

maitre

d'une

activité bien

spécifique : l'un contemple (uidet pour Atlas), l'autre agit (agit pour Hercule). Cette division donne un relief

plus appuyé aux verbes énoncés dans les v. 2-5 (perficit pour Hercule ; circumspicit pour Atlas) et aux attributs placés entre les mains des deux héros (le compas et le cercle pour Hercule ; le livre pour Atlas).

Le quatriéme distique propose de distinguer celui qui remporte ce duel (Quaeris uter potior ?) et le genre de vie qu'il représente. Il n'est alors plus question que d'Hercule, présenté comme vainqueur des monstres : il remporte la lutte car, par l'action, il met sa force physique (et morale) au service de la vie politique et de l'intérét social, alors que la contemplation risque d'isoler le sage et de le mettre aux marges de la cité. Le geste symbolique d'Hercule qui ouvre le poéme, circinum agens orbem perficit eximium, laisse en effet entendre dés le début, à travers la perfection incarnée par la figure géométrique du cercle, que le héros manifeste ici toutes les

qualités de l'ars par excellence, l'intelligence et l'habileté actives, incarnées aussi par Ulysse!5*, Au fond,

l'initiation astrologique d'Hercule n'est qu'une étape de l'otium lettré, qui ne change pas radicalement le cours d'une existence vouée au service actif de l'humanité. Avec l'affirmation catégorique de Cicéron qui sert de motto

à l'image, extraite du De officiis (1, 6: « Il est contraire au devoir de se laisser entrainer loin de l'action politique par l'amour de la science. Tout le prix de la vertu est, en effet, dans l'action » ), Bocchi prend ici position dans les

débats qui ont agité les humanistes, aprés les hommes de l'Antiquité et du Moyen Age, sur la question des genres de vie. L'emblématiste semble rejoindre sur ce point tout un courant bien connu de l'« humanisme

civique » de la seconde moitié du xv* siécle décrit par Hans Baron! et dont les porte-paroles illustres furent

des personnalités hors du commun comme Coluccio Salutati, Leonardo Bruni, Poggio Bracciolini ou encore Ermolao Barbaro et Leon Battista Alberti, chanceliers, conseillers du prince, hommes d'affaires couronnés de

succés, patriciens épanouis à la téte d'une famille bien gouvernée, ou humanistes quelque peu désenchantés. Se produit alors une atténuation voire une récusation des exigences de la retraite lettrée et contemplative du De Otio ou du De uita solitaria de Pétrarque'5, alternative à la solitude monacale, en faveur d'une promotion

nouvelle de l'idéal politique grec, revu et corrigé par l'apport cicéronien. La réflexion des théologiens de la fin du Moyen Áge avait apporté des nuances importantes à cette opposition binaire, en montrant « une valorisation

trés subtile de l'adivité sociale comme instrument de l'accomplissement de l'homme chrétien"? ». À la Renaissance, Leonardo Bruni, dans son lsagogicon moralis disciplinae, se fonde sur l'Éthique à Nicomaque d'Aristote et Cicéron pour montrer que chaque forme de vie a ses mérites propres et son intérét (Vtraque sane

uita laudes commendationesque proprias habet" 5*) mais il souligne que, si la vie contemplative est celle qui

procure le plus de plaisir et assimile l'homme à Dieu, la vie active la dépasse pour ce qui est de l'utilité publique (Contemplatiua quidem diuinior plane atque rarior, actiua uero in comuni utilitate praestantior). Dans ce débat, Cicéron a eu une influence considérable. Cicéron déclare en effet trés clairement que tout citoyen doit mettre sa culture et sa sagesse au service de l'État, sous peine d'étre accusé d'ingratitude. Inspiré par les réflexions de Panétius et d'Antiochus d'Ascalon sur le bios synthetos ou l'idéal mixte de la uita composita, mais

qu'il relit dans la perspective typiquement romaine d'un équilibre harmonieux entre politique et philosophie 7,

‘7 Pour le parallele entre les deux héros, voir EPICT., Diss., 3, 24, 13. 75 The crisis of the Early Italian Renaissance, Princeton, 1955.

755 Parmi l'immense bibliographie consacrée à ce sujet, nous avons consulté R. Fubini, Umanesimo e secolarizzazione da Petrarca a Valla, Rome, 1990 ; D. Dutshke, « Solitary Lives and Texts in the Making of the De uita solitaria », in Studi vari di lingua e letteratura italiana in onore di

Giuseppe Velli, Milan, 2000, p. 147-169 ; U. Dotti, « Solitudine e conoscenza », in Id., Petrarca civile: alle origine dell'intellectuale moderno,

Rome, 2001, p.73 sq.; L. Hermand-Schebat, « Pétrarque et Cicéron ». Sur la permanence du modéle de la solitude philosophique, voir

L. Boulégue, « Le De his qui in solitudine apte uiuere possunt d'Agostino Nifo : une nouvelle approche de la singularité du plilcscpbe » dans P; Galand-Hallyn, C. Lévy (dir.), Vivre pour soi, vivre pour la cité, Paris, 2006, p. 139-150; I. Nuovo, « Francesco Petrarca : il tempo dell'otium e

della solitudo » dans Ead., Otium e negotium. Da Petrarca a Scipione Amirato, Bari, 2007.

US Voir p, Gilli, « Vie active, vie contemplative chez les humanistes italiens du XV? siécle. Du retrait volontaire à la retraite forcée », dans Ch.

Trottman (dir), Vie active et vie contemplative, p. 425-442.

"55 Voir H. Baron (éd) : Leonardo BRUNI AnETINO, Humanistich-Philosophiche Schriften, Leipzig-Berlin, 1928, p. 39. 79 Voir ]a précieuse synthése de S. Luciani, Temps et éternité dans l'auvre philosophique de Cicéron, Paris, 2010, p. 77-95.

5785

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Cicéron affirme que la uirtus du chef héroique, active et désintéressée, doit se mettre au service de la collectivité, comme pour le Scipion du De Republica". La retraite studieuse à visée exclusivement théorétique n'est pas acceptable comme telle, sinon comme phase temporaire (intermissio) où s'accomplit la formation intellectuelle nécessaire à la formation politique"*', La science demeure en effet lettre morte, si elle n'est pas aussitót investie

dans une activité sociale et civique qui le met à l'épreuve de l'action"? Les devoirs sociaux sont regardés

comme supérieurs aux devoirs de connaissance et de theoria"? Cette conception se fonde sur le postulat,

véritable « impératif catégorique », que l'instinct social, ou humanitas, est une tendance naturelle plus conforme

à la raison que l'instinct de connaissance, qui sert en quelque sorte le premier et lui permet de s'épanouir'**. En posant que la tendance naturelle, sociale, de la communitas ou societas porte en premier lieu l'individu à réaliser le bien commun à tout le groupe humain, Cicéron montre qu'égoisme et individualisme nuisent à ceux-là mémes qui en font profession en étant contraires à leur nature humaine, c'est-à-dire rationnelle. Ils sont victimes

d'une conception illusoire et erronée de l' utilitas (species utilitatis 65) et, par conséquent, il n'y a jamais de conflit véritable entre l'honestum et l'utile"*^, Hercule est, pour Cicéron comme pour Bocchi, la figure idéale en qui la constantia, le modus et la temperantia deviennent des vertus civiques puisque le héros est un modéle de courage qui se met au service de l'humanité", Sa divinisation reléve d'une idée chére à l'Arpinate, à savoir que, dans le cas de ce héros, la gloire véritable procéde

de la vertu véritable, vertu

étant entendue

dans

le sens de

l'accomplissement du devoir civique, celui qui fait passer l'intérét collectif avant le bien propre'*. Dans le De Republica (1, 2), Cicéron précise les raisons qui motivent l'obligation faite au sage de participer à la gestion des affaires publiques. Au premier chef figure cette sorte d'impératif naturel et de sociabilité innée que nous avons évoquée et qui pousse à travailler pour le salut commun et à fuir les blandimenta uoluptatis otiique. Mais Cicéron

reprend en outre à son compte une vieille distinction aristotélicienne sur la science en acte et la science en

puissance!9,

Toutefois, on sait bien que le modéle cicéronien, soumis à la pression des circonstances (voir notre analyse du Symb. 132), promeut davantage comme idéal une alternance ou une succession entre les deux genres de vie,

plutót qu'une vision qui privilégierait l'une à l'exclusion de l'autre". P.-O. Kristeller a, de son cóté, montré que

la soi-disant primauté de l'action sur la contemplation chez les penseurs de la Renaissance relevait plus d'une illusion que d'une réalité tangible". Il insiste en particulier sur le modéle que constitue, dans le Commentaire au Philèbe de Ficin, la reprise de la scéne mythologique du jugement de Páris entre les trois déesses pour signifier le choix entre les trois genres de vie définis par Pythagore puis Aristote (EN, 1, 3: volupteux, pratique, théorétique), en remarquant que Ficin recommande à Lorenzo de Médicis non pas un choix entre les trois genres mais bien une vie les comprenant tous. De méme, dans le premier livre des Disputationes Camaldulenses de Cristoforo Landino, Léa et Rachel, comme Marthe et Marie, se complétent, tandis qu'Énée quitte la vie

vuoluptueuse de la jeunesse, symbolisée par Troie, pour se diriger vers la vie civique de la maturité qui se déroule à Carthage, avant de gagner les rivages latins de la vieillesse pour parvenir enfin à la contemplation. Dans cet embléme Bocchi, lui non plus, ne céde pas à une simplification abusive. Des le pentamétre (v. 8), il précise que la force physique, le courage et l'utilité sociale d'Hercule sont aussi le résultat de sa tempérance, de sa constance, c'est-à-dire d'une puissance morale intérieure que l'on ne peut acquérir qu'avec ou aprés un enseignement philosophique et une activité contemplative qui forment à cet équilibre psychologique, dans la tradition platonicienne du philosophe-roi. Bocchi adapte ici le schéma d'interprétation cynique et stoicien, devenu topique, qui voit dans la lutte d'Hercule contre les monstres une métaphore de la lutte de la raison ou de la vertu contre les vices ou les passions, en lui donnant cependant une puissante dimension civique. Il rejoint

1760 Voir E, Andreoni Fontecedro, Il dibattito su vita et cultura nel De Republica dí Cicerone, Rome, 1981, p. 88-91.

7! Sur le róle de l'otium et de son alternance ou de sa synthése avec le negotium, voir notre analyse du Symb. 132, avec la bibliographie.

79 Cic, Off, 1, 19 : Cuius [7 Veri] studio a rebus gerendis abduci contra officium est. Sur tous ces aspects, voir J.-M. André, L'otium dans la vie morale et intellectuelle romaine des origines à l "époque augustéenne, 1966, en particulier p. 135-334. "9 Voir par exemple CIC., Off., 1, 155 : « Au-dessus des lois et des devoirs de la science doivent étre mis les devoirs de la justice, qui tendent à procurer ce qui est utile aux hommes, car il n'est rien de préférable à l'homme. » Voir également 1, 158: « Tout devoir donc qui tend au rapprochement des hommes et au maintien du lien social est à préférer à ce devoir qui consiste à connaitre et à savoir » et 1, 160: « Que ceci

soit donc bien établi : quand il faut choisir entre des devoirs, ce genre de devoirs l'emporte, qui tient à la société humaine. »

79 Ibid., 1,157 : « [...] c'est parce qu'ils sont rassemblés par la nature que les hommes déploient de l'habileté dans l'action et dans la pensée. C'est pourquoi, si cette vertu qui consiste à prendre soin des hommes — je veux dire de la société du genre humain — ne pénétre pas l'activité de

la pensée, celle-ci parait souffrir de solitude et de faim. De méme la grandeur d'áme, coupée de l'instinct social et du rapport humain, n'est plus

que férocité et barbarie. De là vient que l'instinct et le rapport social des hommes surpassent la tendance à connaitre. » Le fondement naturel de l'instinct social, qui est lui aussi une manifestation de l'oikeiósis, se situe certes dans le prolongement de l'amour filial, comme chez les animaux qui s'attachent à leurs petits, mais il le dépasse infiniment dans la mesure oà il est bien le fait de la raison et donc un phénoméne

Sénéque qui, à la suite de Cicéron, insiste sur l'action comme preuve et mise à l'épreuve de la vertu. Il met l'accent sur l'idéalité d'une vie mixte parfaitement vertueuse, qui allierait action et contemplation et mettrait

l'une au service de l'autre et vice-versa'"?. Cette importance formatrice et initiatrice de l'éthique et de la philosophie pour l'intérét collectif se confirme avec le dernier distique, en forme de conclusion, où quatre qualités spécifiques sont assignées à celui qui veut se faire l'émule du héros antique : la constance d'áme ; le courage ; la justice ; la fermeté dans le dessein. La citation d' Horace et d'Ovide, reprise au terme de l'épigramme bocchienne (iustus propositique tenax), est à cet égard essentielle. Les deux premieres strophes horatiennes déclinent les fléaux qui laissent imperturbable l'homme pourvu de constantia : séditions des citoyens, menaces du tyran, tempétes, foudre et ruine du monde. De plus, parmi les exemples historiques et héroiques choisis par Horace pour illustrer le triomphe de la constantia, figurent Pollux et Hercule". S'il n'est pas explicitement question, chez Horace, des travaux d'Hercule, sous-entendus cependant dans l'épithéte uagus, « errant », en revanche, le théme des animaux et des monstres domptés est présent, non pas à propos d'Hercule, mais dans

purement humain. Voir ibid., 1, 12 : « La nature, par le moyen de la raison, attache l'homme à l'homme en vue d'une communauté de langage

et de vie, et elle suscite en lui, avant tout, un amour particulier pour ceux qu'il a engendrés. Elle l'incite aussi à vouloir qu'il y ait des réunions et

des assemblées et à y assister. »

V6 Tbid., 5,46.

756 Tbid.,3, 74 : « On renverse les principes qui sont les bases naturelles de l'existence lorsque l'on sépare l'utile du bien. Tous nous cherchons

l'utile, nous sommes irrésistiblement portés vers lui et il ne peut en étre autrement. iz]

Mais comme

nous ne pouvons trouver notre intérét

véritable que dans une vie irréprochable, harmonieuse et belle, c'est l'harmonie et la beauté qui sont pour nous les premiers des biens, les biens suprémes, et le mot d'utile s'applique à des objets propres à satisfaire nos besoins. » Pour résoudre le probléme du conflit de l'honestum et de l'utile, Cicéron fait subir à la pensée stoicienne une véritable transformation. Alors que pour les stoiciens, l'officium medium (katékhon) c'est-à-

dire l'action moyenne liée à la vie active, ne concerne que les indifférents, chez Cicéron il peut concerner l'honestum et devenir un officium

perfectum (katorthóma), en mettant en ceuvre les vertus cardinales. Voir le texte fondamental du De Officiis, 1, 17 : Iis enim rebus quae tractantur in uita, modum quemdam et ordinem adhibentes honestatem et decus conseruabimus, « En conférant aux actions que nous effectuons dans la vie une forme de mesure et d'ordre, nous conserverons la beauté et la convenance ».

7 Voir par exemple CIC., Fin., 2, 35, 118-119: [...] an cum de omnibus gentibus optime mererere, cum opem indigentibus salutemque ferres, uel

Herculis perpeti aerumnas, « |...] ou bien demande-toi si tu préferes rendre le plus grand service à l'humanité tout entiére, apporter secours et

appui aux indigents, méme s'il faut endurer les souffrances d' Hercule ». 7* Cic, Off, 3, 5: « De méme, entreprendre de grands travaux, ne pas craindre la peine pour le bien et le salut de l'humanité, imiter cet Hercule, qu'en mémoire de ses bienfaits les hommes ont voulu voir admis dans le conseil des dieux, cela aussi est bien plus conforme à la nature que de vivre retiré du commerce de ses semblables ».

576

7? « Il ne suffit pas de maitriser la vertu, comme un vulgaire savoir technique, sans en faire l'application, méme si, sans l'appliquer, on peut détenir la simple science de cet art. La vertu réside tout entiére dans son application. Et l'application la plus estimable est la direction de la cité, ainsi que la réalisation, non en paroles mais en actes, de ces valeurs que vantent les philosophes qui enseignent entre quatre murs ». 170 Voir p, Boyancé, « Cicéron et la vie contemplative » et « Cum dignitate otium » dans Études sur l'humanisme cicéronien, Bruxelles, 1970,

P 89-134 ; Ch. Wirszubski, « Cicero's cum dignitate otium : a reconsideration », Journal of Roman Studies, 4, 1954, 45 p.1:13; A. Michel, Les rapports

de la rhétorique

et de la philosophie

dans

l’aauvre de Cicéron, Paris,

1960, p.

556-560:

« Cum

dignitate

otium, une recherche

de

l'équilibre. » ; J.-M. André, L'otium dans la vie morale et intellectuelle romaine , p. 279-334 : « Cicéron et le drame de la retraite impossible. Histoire de ses tentations contemplatives » ; S. Luciani, Temps et éternité, p. 67-96.

77 P.-O. Kristeller, « The Active and Contemplative Life ». "— ' : a 77 SEN, Episl, 94, 45 : « La vertu comprend deux parties : la contemplation du vrai et l'action. [...] L'action droite est l'exercice et la preuve

de la vertu. » Voir aussi 95, 10 : « Or, la philosophie est la fois spéculative et active : elle contemple et agit dans le méme temps. » Voir aussi

Ben., 5, 1. C'était déjà l'opinion de CIC., Leg., 3, 6.

;

»

: : i 7? HoR, Carm., 3, 3, 9-10 : Hac arte Pollux et uagus Hercules/ enisus arces attigit igneas. Sur la liste quasi immuable des héros, qui mentionne Hercule, les Dioscures, Esculape, Liber, Romulus-Quirinus, voir CIC., Nat. Deor., 2, 24, 62 ; 3, 15, 39 Leg., 2, 8, 19.

$577

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

l'évocation poétique du canonique char de Bacchus et de l'apothéose de Quirinus""*. Le but d'Horace est de

célébrer le retour de la vertu archaique romaine, qui est l'oeuvre d'Auguste et lui vaudra à son tour la divinisation'^5. La présence de la dédicace « au plus grand des Farnése » (c'est-à-dire à Paul III) au-dessus de l'épigramme invite bien entendu à identifier le pape comme un nouvel Alcide: pourvu des vertus travaillées par la contemplation, il met cependant ces qualités morales au service du monde de la chrétienté, dont il défend les

intéréts contre les monstra que sont ses ennemis, en particulier les hérétiques, tel le véritable chef d'État cicéronien célébré dans le Symb. 4, qui lui est également dédié. On notera que l'évocation du dernier des travaux d'Hercule, qui prépare l'apothéose du héros et l'initie à la science du ciel, s'harmonise sans doute assez bien avec la vision d'un souverain-pontife fatigué et malade mais qui présente face à la mort la méme résolution (solida mente ; animo impauido ; propositique tenax) que devant l'immensité des táches qu'il avait à accomplir. Le premier plan de la gravure illustre le propos de l'épigramme. Hercule, couvert jusqu'à la téte de sa léonté, symbole de force et de courage, et muni d'un compas, pointe du doigt un emplacement sur une sphére armillaire traditionnelle, avec ses anneaux figurant les trajectoires astrales, la terre au centre et la ceinture du Zodiaque. L'association d'Hercule et du globe terrestre est traditionnelle sur les monnaies romaines, avec des objectifs de propagande impériale, tandis que les images de la Renaissance associent volontiers Hercule et Atlas autour d'une sphére armillaire, par référence aux compétences astrologiques des deux héros, comme on peut le constater dans le frontispice de l'édition du Lunario o reportorio de los tiempos de Bartolomeo Ripoll, paru à Valence en 1531 (Fig. 1).

Dans la gravure de Bonasone,

face à Hercule, Atlas, penché lui aussi sur la Sphére, est revétu comme

un

astrologue oriental: bonnet phrygien, longue barbe et lourd manteau resserré à la taille par une ceinture contenant une bourse. Devant lui, posé sur le globe, on apercoit un livre ouvert. Le paysage derriére eux est probablement symbolique : derriére Atlas, un arbre monte vers le ciel, indiquant probablement oü vont ses pensées. Derriére Hercule, on apercoit un donjon rectangulaire, dressé vers le ciel mais fortifié par de hauts remparts crénelés : on reconnait la métaphore stoicienne de la citadelle du sage qui résiste à tous les assauts.

La représentation de la sphére armillaire dans l'embléme bocchien n'est sans doute pas ici que le symbole des études astronomiques. Elle est doublement pertinente dans le cadre de la dédicace à Paul III. En tant que représentation de l'espace céleste, elle est une parfaite symbolisation du pouvoir spirituel incarné par le pape : mais en comprenant la terre en son centre, elle rappelle que l'embléme papal est également le globum mundi surmonté d'une croix. Ce dernier traduit les prétentions gibelines propagées par le Saint-Empire romain germanique"^ : l'empereur se veut dominus mundi, c'est-à-dire entend exercer un régne terrestre et spirituel à la fois. D'autre part, il faut rappeler que les banniéres et étendards papaux portaient en leur sommet une sphere

armillaire"". Enfin, les collections Farnése s'illustraient d'une sculpture antique fameuse, du II° siécle, appelée

par commodité « Atlas Farnése » : le globe supporté par Atlas est, en fait, une gigantesque sphere céleste, où il

est possible de reconnaitre certaines constellations ^5.

Symb. 113 Gravure :

LA VERTU STOÍCIENNE SUFFIT AU BONHEUR Sur l'image : Caius Marius

SI LA VERTU NE FAIT PAS PREUVE DE CONSTANCE, ELLE N'EST QU'UN VAIN NOM Qui se montrera sublime dans les malheurs, comblé Dans les succes, aura la joie et le bonheur,

Tel Marius jadis, à qui sa célebre vertu Permit d'endurer noblement heurs et disgráces.

Fig. 1 » Bartolomeo RIPOLL, Lunario o reportorio de los tiempos, Valence,

1531 :

Hercule et Atlas.

5

Hercule, reconnaissable à sa léonté, y tient une sphére armillaire sur laquelle Atlas, vétu comme un mage, lui

désigne un point ; la sphére, offerte par Hercule à son maitre comme l'une des fleurs de l'arriére-plan, est ici indubitablement le symbole de l'initiation astronomique et touche la partie supérieure de l'image, occupée par

des étoiles, le soleil et la lune. Outre par la répartition spatiale qui les isole de part et d'autre de la sphere, les deux

10

Toiqui ne fais qu'user vainement du nom de vertu,

Apprends sa valeur, quand s'y adjoint la constance. Car qui fait dépendre toute espérance et opinion Du sort fugace, ne peut rien avoir de sùr,

Rien dont il puisse étre certain qu'il le possédera Pour longtemps, pas méme l'espace d'un instant.

héros sont également opposés par une discréte allusion à leur « tempérament » : le soleil surmonte la téte d'Hercule, la lune celle d' Atlas.

76 774 Hon,

Carm,

3, 3, 13-16 : Hac

te merentem, Bacche pater, tuae/ Vexere tigres indocili iugum/ Collo trahentes ; hac Quirinus/ Martis aquis

Hm VALERIANO, H ieroglyphica, XXXIX, Terrarum urbis, rappelle que le globe terrestre figure dans la main des empereurs romains dans la mesaré oà Rome prétend gouverner le monde entier. Sur cette idée d'empire et ses racines juridiques et dantesques, voir F. A. Yates, « Charles Quint et l'idée d'Empire » dans Astrée, le symbolisme impérial au XVf' siécle, Paris, 1989 pour la traduction francaise, p. 17-56. 77 Voir F. Zorzi, Carpaccio et la représentation de Sainte-Ursule : peinture et spectacle à Venise au Quattrocento, Paris, 1991, pour la traduction

Acheronta fugit. « Par elle, tu as mérité, ó Bacchus, ó pére, d'étre mené là-haut par tes tigres tirant le joug de leur cou indocile ; par elle, Quirinus, qu'emportaient les chevaux de Mars, a fui l'Achéron ».

francaise, et P. Fortini-Brown, Venitian Painting in the Age of Carpaccio, New-Haven Londres, 1988.

buvant de ses lévres pourprées, le nectar ».

P- 97-124. Pour une imitation de cet antique célébrissime, voir Symb. 138.

75 HOR., Carm., 3, 3, 11-12: quos [- Pollux et Hercule ] Augustus recumbens/ Purpureo bibet ore nectar. « Entre eux Auguste sera couché,

578

178 Voir y. Valerio, « Historiographic and Numerical Notes on the Atlante Farnese and its Celestial Sphere », Der Globusfreund, 35-37, 1987,

579

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

MÉTRIQUE

dans la derniére les biens extérieurs, seule compte l'intention morale et le souci d'agir selon la vertu ; car,

Distiques élégiaques.

relevant de la raison, c'est l'attitude qui définit à elle seule l'humanité et qui dépend entiérement du sujet : d’où

NorES

V. 3-4 : Marius... dedit] Caius Marius (157-86 av. J.-C.), né à Arpinum comme Cicéron, d'origine obscure, fut un homo nouus : il fut élu sept fois consul et se rangea du cóté des populares. Il s'illustra dans le siege de Numance en 133 av. J.-C., aux cótés de Scipion Émilien, puis dans la guerre contre Jugurtha à partir de 107. En 102-101 il remporta les victoires d'Aix-en-Provence et de Verceil contre les Teutons et les Cimbres, participa à la répression des mouvements suscités par les tribuns de la plébe Saturninus et Glaucia entre 101 et 99, avant d'étre le protagoniste de Sylla dans la premiére guerre civile, à partir de 88/7. ANALYSE

L'épigramme de l'embléme constitue l'adaptation versifiée d'un extrait du second des Paradoxes stoiciens de Cicéron' ^,

et rappelle le titre du paradoxe

FELICITATEM

dans le titulus qui surmonte

l'image:

VIRTVS

SAT AD

STOICA EST, 'Owu avtàpecns 1) ápeti] xpóc eóSauyovíav, « Que la vertu [stoicienne] suffit au

bonheur ». Dans la préface de cet ouvrage, dédié à Brutus, Cicéron se propose d'exposer et d'éclairer, sous la forme de lieux communs acceptables par des lecteurs romains, les opinions étranges et contradictoires formulées par les Stoiciens, qui constituent les principes de leur philosophie mais que leur forme « lapidaire et un rien provocante » !! rendent inaccessibles au vulgaire : « que le seul bien, c'est l'honnéte » ; « que la vertu suffit au bonheur » ; « que les fautes et les mérites se valent tous » ; « que l'absence de sagesse est folie » ; « que le sage seul est libre et que n'étre pas sage c'est étre esclave » ; « que seul le sage est riche ». Pour Cicéron, il ne s'agit pas là d'une simple adaptation rhétorique, mais bien d'un défi intellectuel qui invite, à travers ces paradoxes et la nouveauté de leur langage, à tenter d'appréhender la vérité sous un autre jour : en ce sens, c'est bien Socrate qui en e$t l'inventeur. Plutót que l'exemple de Régulus, qui ouvre le second paradoxe, l'emblématiste choisit le second exemple évoqué par Cicéron, celui de Caius Marius, qui a connu, malgré ses modestes origines, une fulgurante ascension

aux plus hautes charges, scandées par des revers et des succés de Fortune, comme autant de mises à l'épreuve de

la vertu", Plutarque place dans la bouche de Marius, à la fin de sa vie, alors qu'il recoit la visite de Posidonius,

une semblable réflexion sur le double visage de la Fortune et sur l'impérieuse nécessité pour l'homme sage de ne

pas s'y fier5,

l'importance fondamentale de l'adverbe satis dans le motto de la gravure. Le sage doit donc viser en permanence à faire le bien, à manifester sa vertu et à accueillir sans broncher les obstacles ou les facilités qu'il rencontre comme autant de manifestations de la rationalité qui préside à la marche de l'univers et auxquelles il doit consentir, puisqu'il fait partie de ce destin cosmique. La vertu devient ainsi un bien inaliénable et inacessible aux aléas extérieurs,

ce qui garantit le bonheur,

comme

l'explique

Cicéron

(Parad.,

2, 17: Nemo

potest non

beatissimus esse, qui est totus aptus ex sese, quique in se uno sua ponit omnia, « Il n'est pas possible qu'il ne soit pas

au comble du bonheur, celui qui, tout entier, ne dépend que de lui-méme, celui qui fait reposer sur lui seul

l'ensemble de ses biens » ). C'est à ce prix que la vertu n'est pas un vain mot (nomen inane, v. 5 : voir aussi tit. carm.), comme l'explique le troisieme distique. Sinon, on place ses espoirs et sa raison sur du vent (ex sorte uolucri, v. 7) et de l'incertitude, précise le quatriéme distique. Il n'y a pas de certitude sur demain (cinquiéme distique), comme le soulignait Plutarque, à la suite de Cicéron, en opposant les « oublieux et les insensés » à Antipater de Tarse (Mar., 46, 3-4,

p. 809 ; voir aussi apparat des sources) : « ils sont toujours vides de biens, remplis de vains espoirs, et pendant qu'ils ont les yeux fixés sur l'avenir, ils laissent s'enfuir le présent. Pourtant la Fortune pourrait leur refuser cet avenir ».

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana 1785 nous présente une scéne assez énigmatique. Au premier plan, à gauche, on apercoit un rivage oü se dresse une

architecture de ruines antiques, avec des füts et des bases de colonnes qui jonchent le sol, des arches et des travées effondrées. S'agit-il des ruines de Rome, symbole de la labilité de la Fortune, qui précipite à bas ce qu'elle a élevé au sommet ? Dirigé vers le large, un navire quitte le bord, poussé par des rameurs. Debout sur la proue, un personnage tend les mains vers la pleine mer, et le fanion qui flotte, attaché au mát, permet gráce à son inscription de l'identifier comme Caius Marius. Le paysage se poursuit en arriére-plan, avec des collines peuplées de tours et d'habitations, et de hauts sommets rocheux sur la droite. Vera Fortunati attribue l'invention

de la gravure à Prospero Fontana, sous l'influence de Nicoló dell' Abate, et y voit la volonté manifeste de figurer l'action corrosive du tempus edax, dans un contexte de « neostoicismo che nasconde bisogni riformisti » Ire La configuration de l'image invite le lecteur à un rapprochement avec un autre passage de la Vie de Marius par Plutarque (Mar., 36, 1-3). Rappelons un instant le contexte de l'extrait antique. L'historien grec rapporte qu'au

malheur, comme l'émanation de sa propre volonté est la clé du bonheur"*^, Le second distique propose

moment où le commandement de la guerre contre Mithridate est confié à Marius par le tribun Sulpicius, contre l'avis du Sénat, Sylla se révolte et marche sur Rome. Malgré les massacres perpétrés par Marius contre les partisans de Sylla dans la ville méme, il ne peut résister à l'assaut militaire de Sylla et se trouve contraint de

(constans, v. 6 : voir aussi tit. carm : nisi constet), Marius manifeste que la bonne fortune comme la mauvaise sont

cótes de l'Italie (36, 1-2), d'abord avec un vent favorable puis aux prises avec une tempéte, ne sachant que faire et craignant de débarquer dans des villes abritant des ennemis. Le soudain bouleversement climatique sert de

Le premier distique résume le sens du paradoxe d'une maniére générale : accueillir ce qui arrive, bonheur et

l'exemple de Marius et précise l'esprit. En ne se laissant pas abattre par le malheur (iniqua) ni exalter par le bonheur (prospera), mais en gardant une áme équilibrée (magnanimo) et une vertu pleine de constance des « indifférents », qui ne dépendent pas de nous, méme si certains peuvent étre « préférables ». Pour les Stoiciens en effet, à la différence d' Aristote qui distinguait entre la uita beata et la uita beatissima en faisant entrer 17? Voir J. Van Ooteghem, Caius Marius, Bruxelles, 1964 ; Ph.A. Kildahl, Caius Marius, New York, 1968 ; Th. F. Carnay, A Biography of C. Marius, Chicago, 1979 ; R. J. Evans, Gaius Marius : A political Biography, Pretoria, 1994. 1750 Sur les paradoxes stoiciens, voir F. Stok, Omnes stultos insanire : la politica del paradosso in Cicerone, Pise, 1981 ; Th. Bénatouil, « Les possessions du sage et le dépouillement du philosophe. Un paradoxe socratique et ses reprises stoiciennes », Rursus, 3, 2008, en ligne, consultable à l'adresse suivante : «http:/ /rursus.revues.org/213» ; D. Demanche-Leliévre, Provocation et vérité. Forme et sens des paradoxes Stoiciens dans la poésie latine, chez Lucilius, Horace, Lucain et Perse, thése de doctorat dactylographiée d'études latines, soutenue à l'Université de

Paris IV-Sorbonne le 2 juillet 2011, sous la direction de C. Lévy.

7*' R. Müller, Les stoiciens. La liberté et l'ordre du monde, Paris, 2006, p. 218-219. pa Sur cet aspect, voir C. D. Gilbert, « Marius and Fortuna », The Classical Quarterly, 23/1, 1973, p. 104-107.

“° Marius, 45, 8 : « Il avait connu, disait-il, bien des alternances de maux et de biens, et un homme sensé ne devait pas se fier davantage à la

Fortune », dans A. M. Ozanam (trad.) : PLUTARQUE, Vies paralléles, Paris, 2001, P- 808 ; voir aussi notre apparat des sources. cu Sie ; ; EPICT., Ench, 8 cité par P. Hadot, Qu'est-ce que la philosop hie; antique ?, Paris, 1995, p. 207 : « Ne cherche pas à ce qui arrive arrive comme

tu le veux, mais veuille que ce qui arrive arrive comme il arrive, et tu seras heureux ».

$80

prendre la fuite. Agé, perclus de rhumatismes et obése (Mar., 34, 2-6), Marius prend alors la mer, le long des

toile de fond au retournement de fortune du personnage qui n'a plus sa place nulle part et s'en remet entiérement au hasard et aux événements extérieurs (Mar., 36, 1-2, trad. citée p. 797):

Quant au vieux Marius, ayant levé l'ancre, il était poussé par un vent favorable, le long des cótes de l'Italie. Mais

comme il redoutait un certain Géminius, un des hommes influents de Terracine, qui était son ennemi privé, il

demanda aux matelots d'éviter cet endroit. Ils voulurent le satisfaire, mais le vent tourna et se mit à souffler de la

haute mer, déchainant une tempéte : comme l'embarcation ne semblait pas capable de résister aux Yagnes et que

d'autre part Marius souffrait violemment du mal de mer, ils gagnérent à grand-peine le rivage pss du cap Circaeum. La tempéte augmentait toujours et les provisions manquaient : ils débarquérent donc et errérent sans

7*5 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 18, n^ 47 (- CXD). Phan i _ ES Béguin, F. Piccini (dir.), 7? Voir V. Fortunati, « Nota in margine al soggiorno bolognese di Nicoló dell'Abate : il paesaggio e l'antico » in S. Nicolò dell' Abate. Storia dipinte nella pittura del Cinquecento tra Modena e Fontainebleau, Catalogo della mostra (Modena, Foro Boario, 20 marzo-19 giugno 2005), Milan, 2005, p. 133-137, ici p. 136.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

but. [... ] La terre leur était hostile, la mer également ; il était dangereux de rencontrer des hommes, dangereux

aussi de n'en point rencontrer, car ils n'avaient pas de vivres.

l'Ancien. Ami de Bocchi, de Camillo Paleotti, de Marco Tullio Beró, mais aussi de Romolo et Pompilio Amaseo,

il fut lié à d'illustres noms d'écrivains ferrarais, mantouans ou vénitiens qui fréquentérent son palais bolonais,

Plutarque conclut alors sur le risque de se fier à l'avenir, au détriment du présent, d'une maniére qui rappelle le propos de Cicéron dans le second paradoxe : Ainsi qu'il arrive en général dans les situations les plus critiques, ils fuyaient le danger présent, qu'ils considéraient comme le plus redoutable, et mettaient leurs espoirs dans l'inconnu.

par exemple Torquato Tasso en 1563. Il fut nommé sénateur en 1555 par Paul IV, gonfalonier de justice en 1556 et plus tard podestat de Castel Bolognese (premier magistrat des cités au Nord de l'Italie, mais qui n'y appartient pas, pour éviter les conflits d'intérét). Il épouse Lucrezia Fantuzzi en 1536-1537 dont il eut trois fils et

six filles. Il rédigea un poéme en seize chants intitulé I] Costante, longuement remanié, dont on ignore la date de composition mais qui était achevé en 1547-1548, puisqu'il fut lu publiquement par le commissaire du Concile de Trente, Giacomello, durant son séjour bolonais au palais de Bolognetti. Avant méme sa publication, l'eeuvre

suscita des commentaires érudits. Proche de l'Ercole de Gianbattista Giraldi ou les Amadigi de Bernardo Tasso, le poéme narre, sur le modéle homérique et virgilien plutót que sur la ligne romanesque de l'Arioste, les aventures du patricien romain Ceonio Alboino, le « constant », qui passa sa vie à la libération de l'empereur

Symb. 114

Valérien, prisonnier du roi de Perse. Bolognetti rédigea également un poéme allégorique intitulé I] Piacere, dédié

Gravure :

PETITE ÉTINCELLE PRODUIT GRANDE

FLAMME

VOICI COMMENT FUT DÉCOUVERTE LA POUDRE À CANON

à Filippo Carlo Ghislieri en 1557, un poéme sur La Fede di San Tommaso d' Aquino, dédié au cardinal Paleotti en 1570, un poeme sur La Christiana vittoria maritima, sur la bataille de Lépante, publié à Bologne en 1572 et dédié au cardinal Alexandre Farnése, et un poéme inachevé sur Venise, intitulé Antenore, dédié à Domenico Venier en 1568. Certains de ses sonnets amoureux, rassemblés sous le titre de I] Laureto, et d'autres poésies variées

(épitres, canzone, églogue) sont publiés à Bologne en 1566 sous le titre de Rime. Mais une partie de cette production reste inédite, et deux manuscrits (Cors. 32.4.18 et 32.A.20) proposent une tentative d'organisation AU BOLONAIS FRANCESCO

BOLOGNETTI

Par de trés grands efforts, avec un sùr espoir, Un piétre alchimiste, cherchant

5

10

L'art del'or et à transmuer les éléments, Broyait, en un mortier de cuivre, Du soufre avec du nitre et du charbon de saule.

Une faible étincelle alors Jaillit des coups imprécis du pilon d'acier ; En surgit un grand incendie Qui tout détruisit de ses flammes rougeoyantes Et tua le pauvre ouvrier Sous sa force accrue, comme l'éclair phlégréen. C'est ainsi que l'on découvrit La poudre à canon. Étincelle minuscule Produit souvent trés grand brasier.

MÉTRIQUE

en vue d'une édition, jamais advenue, sous le titre de Selve (Silves). Pour les raisons de la dédicace, voir infra. -v.4: mortario] Comme le terme pistilli au vers 7, le mot apparait chez Plaute (Aul., 95), pour désigner les

objets de la vie quotidienne (avec la hache ou le couteau) que l'avare Euclion ne veut pas préter à ses voisins. - v. 11 : Phlegraei fulminis] Pline (Nat., 4, 36) place sur le site de la ville de Phlegra (Palléne), en Macédoine, la lutte des Olympiens contre les Géants révoltés, abattus par le foudre de Zeus. Le terme est associé à QAéyo, « brüler ». Properce (3, 9, 37) utilise l'adjectif pour désigner le site de la bataille de Pharsale ou de Philippe en Gréce et Stace (Silu., s, 3, 96) associe l'expression Phlegraea proelia aux guerres civiles. Mais il existe également des Campi Phlegraei en Campanie, prés de Pouzzoles, non loin du lac Averne (PuN., Nat., 3, 61), oü les

émanations de soufre et les explosions volcaniques invitaient les poétes à faire le rapprochement avec le combat des Géants (cf. PROP. 1, 20, 8). - V. 13-14 : l'opposition sémantique minima/maximum est renforcée par la tournure adverbiale adversative ut SEA

ANALYSE

Dans cette épigramme largement ironique, Bocchi propose de revenir sur l'invention de la poudre à canon 95, qu'il préte à un mauvais alchimiste (malus alcumista, v. 3) en quéte (inuentio bombardici/ Pulueris, v. 12-13)

dela transmutation de l'or (auriferam artem, v. 1). La figure illustre du primus inuentor (rxp@tog eópnric) tourne

Metre épodique : hexamétre dactylique et dimétre iambique

ici à la comédie. L'embléme emprunte en effet au vocabulaire de Plaute (cf. Mortario ; pistillo), qui s'en sert pour décrire les affres de l'avare ne pensant qu'à cacher son or et ses biens dans l'Aululaire, ainsi qu'au colloque

REMARQUE SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS On notera que le manuscrit Sloane montre qu'au dernier moment, Bocchi a fait passer la dédicace au-dessus du texte et que le titulus haec pulueris... bombardici s'est transféré du texte à l'image, ce qui permet d'identifier

des promesses d'enrichissement que lui a fait miroiter un faux alchimiste mais fort bon rhéteur, et qui se soldent par son dépouillement complet. Le texte de l'embléme ménage une forme de suspens. Dans les trois premiers vers, Bocchi commence par décrire les espoirs sincéres et les efforts ciblés de l'achimiste en herbe (summis certa

NoTES

salpétre (ou nitrate de potassium) et charbon (Admixtum sulphur nitro et carbone saligno, v. 5). On notera la

immédiatement le sujet de la gravure.

- ded. carm.: FRANCESCO BOLOGNETI BON«ONIENSI»] Francesco Bolognetti (ca1510-1574)'" est le

fils du sénateur Alberto Bolognetti et de Camilla Paleotti, qui avait épousé en premiere noces Philippe Béroalde 777 R. Cesarini, « Bolognetti, Francesco », in DBI, t. XI, 1969, P. 323-326.

$82

d'Érasme intitulé Alcumistica, publié en 1524, où Philecous et Lalus discutent du malheureux Balbinus, victime

spe uiribus... dum quaerit, v. 1-3). Il propose ensuite, dans les deux vers suivants, la liste, incongrue dans le cas d'une quéte de l'or, des trois composants bien connus pour leur caractere explosif: poudre noire, soufre,

"5 Voir L. Lalanne, Recherches sur le feu. grégeois et sur 1 'introduction de la poudre à canon en Europe, Paris, 1845 ; voir également J. Riddick ; Partington, A History of Greek Fire and Gunpowder, Cambridge, 1960 ; J. Norris, Early Gunpowder Artillery: 1300-1600, Marlborough, 2003 From Gartz, J. ; 2004 York, New World, the Changed That Explosive the of History the Pyrotechnics, and Bombards Alchemy, J. Kelly, Gunpowder:

Greek Fire to Dynamite : A Cultural History of the Explosives, Hambourg, 2007.

583

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

présence anticipée en finale du vers 3 de aheno (le métal dont le mortier est composé) et l'effet de retard du complément d'objet (les trois ingrédients au v. 5), qui permettent au lecteur de mesurer le danger de l'association entre les ingrédients pyrotechniques de la recette, et le pilonnage inconscient (ferrei/ Pistilli incerto...

icu, v. 6-7) auquel ils sont soumis dans leur mortier de cuivre (aheno...

in mortario, v. 3-4). La

conséquence ne se fait pas attendre (Tum, v. 6) et le lecteur apprend le résultat inattendu qui découle de cette hasardeuse expérience, résultat décrit en cinq temps, là encore avec un effet de retard suscité par l'énumération et un effet d'étonnement engendré par le paradoxe (minima/maximum) : d'abord une toute petite étincelle (parua... scintillula, v. 6-7) puis une explosion gigantesque (incendium/ Ingens... flammis, v. 8-9) qui détruit tout (corripuit omnia, v. 9) et suscite la mort de l'inventeur (opificem perditum, v. 10), et enfin, contre toute attente

dans ce contexte négatif, l'apparition inopinée d'un « élément » imprévu, la poudre à canon (inuentio...

pulueris, v.

12-13), à la fois révolutionnaire et mortifére.

La mort de malheureux alchimiste, dont l'invention commence par se retourner contre lui ( ipsum... perditum, v. 10) avant de nuire à autrui, relie l'embléme au Symb. 116 qui évoque la mort de Périllus, l'inventeur du taureau d'airain pour Phalaris : la punition de l'hybris artisanale de l'alchimiste par l'explosion est traitée dans notre embléme à la maniére épique, sous la forme du foudroiement que Zeus impose aux Géants révoltés à Phlégra (Vi decuma absumpsit Phlegraei fulminis instar, v. 11). L'évocation de la poudre à canon qui remplit la bombarde, elle renvoie au Symb. 94 et à l'effet terrible de la parole de Périclés qui bouleverse toute la Gréce. La référence rhétorique permet sans doute de déterminer la raison de la dédicace de cet embléme à Bolognetti, comme une mise en garde contre les effets incontrólables de la parole, qui peuvent semer le plus grand désordre et se retourner contre celui qui les prononce, à l'inverse de la paix invitée dans la discussion du Symb. 5o. On notera que l'allusion aux Géants et l'invention imprévisible de la poudre noire servant à la bombarde — et donc à la guerre — constituent autant de motifs épiques, qui ne pouvaient manquer de séduire l'auteur d'une épopée. Mais l'épigramme méle les tonalités et le ton satirique l'emporte sans doute ici sur l'épique (voir infra). Giulio Cesare Capaccio (Delle imprese tratatto, 1, 15, Naples, 1592, p. 47), reprend cette devise avec l'explication

suivante, qui confirme notre rapprochement avec l'embléme 94 sur Périclés et les effets de la rhétorique : Se si ragiona d'un che con una sola parola mortaio oue si pesta la poluere, oue picciola esprimer si volessero, l'uno che finiti quei l'incitatore, come l'artefice in quell'atto dell'

puó far nascere inimicite graui, sarebbe conuenientissima figura il scintilla eccitar suole gran fiamma : e massime si due effetti insieme primi sdegni, finirono anco l'ire; l'altro que con l'ire peri ancor incendio è il primo a morire.

La vignette, représente un mortier d'oü s'échappent des flammes, et au-dessus duquel un pilon a été fixé à un bras articulé, fixé dans le mur. Elle porte le motto MINIMA MAXIMVM FACIT. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana (Fig. 1), nous montre l'alchimiste assis, avec un énorme mortier entre les jambes, rehaussé par un socle. Il tient à deux mains un immense pilon, relié à une tige flexible accrochée au mur qui, comme nous le suggére Pierre Martin, permet de maintenir le pilon à la verticale et de bénéficier d'un effet ressort. La scene se passe à l'intérieur d'une demeure, peut-étre dans une cave, comme nous le montrent les marches d'un escalier incomplet à gauche de l'image, et la découpe d'un angle à droite. D'immenses flammes sortent du pilon pour gagner le plafond, laissant cependant entrevoir l'alchimiste, comme à travers un rideau qui trouble la vision. À gauche de l'alchimiste, par terre, on apercoit une feuille où est déposé un monticule de poudre, à sa droite, une sorte de barre métallique, peut-étre pour mélanger ou doser les ingrédients. Derriére le personnage, sur la gauche, une fenétre (ou une porte) s'ouvre sur un péristyle, composé d'arches et de colonnes, et ce subterfuge, qui constitue une prolepse narrative, permet de nous montrer la suite de l'histoire à travers l'écran de fumée produit par les flammes : la maisonnée accourt pour secourir le malheureux artisan étendu, mort ou agonisant, sur le sol.

Fig. 1 > G. BONASONE ou P. FONTANA, dessin préparatoire pourle Symb. 114, Sotheby's.

Symb. 115 Gravure :

LA LIBERTÉ DU PEUPLE BOLONAIS DOIT ÉTRE DOTÉE D'UN NOMBRE

DE SÉNATEURS MULTIPLE DE QUATRE

Sur l'image - Liberté - Le Peuple et le Sénat de Bologne

- Bologne instruit

LE SÉNAT ET LE PEUPLE DE BOLOGNE ASSURENT COURAGEUSEMENT LEUR SALUT EN SE GOUVERNANT EUX-MEMES VOICI UNE IMAGE DE BOLOGNE

Docte Felsine, un ordre de quarante te gouverne : Quatre confére au nombre dix sa perfection. Liberté, cens, lois, protection sont les quatre domaines Que, seule, contient la vertu des sénateurs.

$ Lacroix pourpre sur un fond blanc désigne le salut En temps de paix, et ces lys d'or disent la gloire. Un lion-support maintient ce signe, et vainc avec courage

Sa colére : par cette enseigne, il se gouverne.

MérRIQUE

79 Voir ]e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 18, n° 48 (7 CXII) et illustrat ion p. $1.

584

Distiques élégiaques.

585



Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2



u

i

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

NOTES —v.1-2: - Denus] comme chez Virgile (cf. Aen., 1, 381), le terme est synonyme de decem.

- quadrato] il faut comprendre quadrato numero, « par le nombre carré », c'est-à-dire 2° — 4, ce qui e précisé dés le v. 1 par quater, « quatre fois ». ANALYSE

1. L'éloge du sénat bolonais

Bocchi ouvre la premiére partie du poéme par l'évocation des quarante sénateurs bolonais. C'est sous le

pontificat de Jules II, en 1507, aprés la chute des Bentivoglio en 1506 et au moment du retour de Bologne dans

les états pontificaux, que le sénat bolonais se voit doté de quarante membres (désormais appelé le Consiglio degli Quaranta)"?.. Ce corps était destiné par Jules II à remplacer l'ordre des Sedici Riformatori dello stato di libertà, aux pouvoirs extrémement étendus'?' par rapport aux autres corps de magistrats plus « populaires », tels que les Gonfalonieri del Popolo (appelés aussi Tribuni della plebe), les Massari delle Arti (ces deux corps constituent les Collegi), le Vexillifero/Gonfalionere di Giustizia, les Consoli et Anziani Consoli (rappelons que Bocchi a fait partie en 1522 et 1530 du Consiglio degli Anziani, l'organisme qui gouverne en accord avec le légat ou le gouverneur

pontifical)??. Entre mai 1511

et juin 1512, lors du fugace retour des Bentivoglio à Bologne, le sénat de quarante

Fig. 1 > Blason de Bologne avec

Fig. 2 > Revers d'un grosso d'argent bolonais

le « chef d'Anjou ».

Comme

le rappelle Giorgio

Cencetti (« Lo s&emma

du XV' s.: BONONIA[DOCET, avecle lion tenant la banniére à la croix (diam : 2,2 cm).

di Bologna », Rivista del Comune,

5, 1937, p. 18-22),

est aboli remplacé par un nouveau conseil de trente Riformatori. Mais en juin 1512, au moment de la reconquéte de la ville par Jules II, ce conseil des Trente est définitivement aboli, sans étre remplacé par un autre organe. Une bulle de juin 1513 émanant du pape Léon X attribue au sénat de quarante patriciens le statut de Reggimento dei Quaranta : ils doivent gouverner en accord avec le légat pontifical ou gouverneur et les magistrats populaires. Cet éloge des quarantes sénateurs est mis en relation, dans une seconde partie du poéme, de quatre vers également, avec le blason de la ville de Bologne (Fig. 1).

l'adoption événement XII et XIII° distinguer

2. Le blason de Bologne

accolés l'époque de Charles I* et Robert d'Anjou, avant que celui des Angevins ne figurát plus qu'en chef, à partir du XIV' s,, avec une réduction à trois des fleurs de lys et quatre pendants du lambel. Dans la seconde moitié du XIV* s, le motto « Libertas » apparait et se voir clairement désigné comme « arme du peuple ». Cencetti rappelle qu'en 1376, les Bolonais chassérent le vicaire pontifical Guillaume de Noellet, pour entrer dans la Ligue,

Le blason s'énonce ainsi : « écartelé, en 1 et 4 d'argent à la croix rouge, chef d'Anjou (d'azur semé de trois fleurs de lys d'or au lambel de gueules) ; en 2 et 3 d'azur au motto d'or Libertas placé en bande ». Tous ces éléments ne

datent pas de la méme époque et il convient d'examiner successivement l'ordre d'apparition des différents

composants : croix rouge sur fond blanc ; armes d'Anjou ; motto « Libertas » sur fond bleu ; figure du lion au

sommet qui porte l'écu.

par Bologne de la croix rouge sur champ d'argent pour ses armes ne peut pas étre rattachée à un historique particulier. Elle a d'abord été l'embléme médiéval de la commune libre de Bologne (aux s.), et elle constitue probablement un lointain souvenir d'une époque médiévale antérieure où il fallait les unes des autres les milices féodales, armées et rassemblées autour de vassaux. L'ajout des armes

d'Anjou remonte

à l'époque oü Charles I° d'Anjou (1227-1285), frére du roi de France Louis IX, se voit

concéder par le pape Clément IV le Royaume de Sicile, soustrait à Manfred, le fils du trés gibelin empereur

Frédéric II de Hohenstaufen, défait à la bataille de Bénévent en 1266. Les deux blasons furent donc sans doute

appuyés par les Florentins qui leur envoyérent des troupes et un étendard où figurait l'inscription Libertas. Mais

l'historien souligne qu'en réalité, on voit apparaitre ce motto dés 1366. Au début du xv' s., le semis de France disparait parfois, et les deux écus, celui de la Commune de Bologne à la croix rouge, et celui du peuple, avec le motto « Libertas », s'accolent avant de fusionner au milieu du xv? s. À la fin du siécle, deux familles, celle de

Taddeo Pepoli et celle de Giovanni II Bentivoglio, surimposent briévement l'écu de leurs familles à celui de la 7 Pour tous les éléments historiques et institutionnels, voir A. De Benedictis, « Identità politica di un governo popolare: la memoria

(culturale) dei Tribuni della Plebe, in A. De Benedictis (dir.), Diritti in memoria, carità di patria. Tribuni della plebe e governo popolare a Bologna (XIV-XVIII secolo), Bologne, 1999, p. 13-83; Ead., « Da Gonfaloneri del popolo a Tribuni della plebe. Onore, insegne e visibilità di una magistratura poplare (Bologna, sec. XIV-XVI) in G. Delille, A. Savelli (dir.), Essere popolo. Prerogative e rituali d'appartenenza nelle città italiane d'antico regime, Ricerche storiche, 32/ 2-3, 2002 [giugnio 2003], p. 221-245 ; Ead, Una guerra d'Italia, una resistenza di popolo. Bologna 1506, Bologne, 2004, en particulier p. 123-133 ; Ead., « Il governo misto » in A. Prosperi (dir.), Bologna nell'età moderna (secoli XVI-XVIII), (Storia di Bologna, t. III/1) : Istituzioni, forme del potere, economia e società), Bologne, 2008, p. 201-271. 7?! Né en 1393, reconnu officiellement en 1447 par Nicolas V, cet organe de seize membres dirigeait effectivement la commune. Au cours du XV' s., il se voit dominé par l'influence de la famille Bentivoglio. En 1466, le pape Paul II en fait passer le nombre de seize à vingt-et-un et nomme Giovanni

II Bentivoglio président de cette institution à vie. Voir G. Guidicini, I Riformatori dello stato di libertà della Città

di Bologna dal 1394 al 1794, Bologne, 1876 ; I. Zanni Rosiello (dir.), « Archivio di Stato di Bologna » in Guida generale degli Archivi di Stato italiani, t. I, Rome, 1981, p. 551-661, ici p. 570 ( « Riformatori dello Stato di libertà, bb. 2 e regg. 38 (1537-1513 »). 1722 Voir P, Grassi, Spedizione di Giulio II per la cacciata di Gio. II Bentivoglio da Bologna (17 agosto 1506-23 marzo 1507), publié dans L. Frati,

cité. Quant au lion affronté qui tient lieu à la fois de cimier et de figure portante, Cencetti affirme qu'il n'en existe

pas d'occurrence iconographique avant le XVY* s. Mais recherchée dans la révolution de 1376, évoquée plus constitution, oà le pouvoir exécutif est confié, outre au Collegio dei Massari delle Arti, corporation d'artisans. monnaies par un lion rampant tenant entre les pattes un républicain du xv* siécle (Fig. 2), avec la légende au droit au-dessus de l'écu qu'il couronne, se met alors de face.

pour l'historien, l'origine de cette figure doit étre haut. Les Bolonais se dotent alors d'une nouvelle gonfalonier de justice et aux Anziani del popolo, au Cette révolution démocratique fut célébrée sur les fanion à croix, par exemple sur le revers d'un grosso : BONONI.A DOCET"? Le lion, venu ensuite se placer

« Le due spedizioni militari di Giulio III tratte dal Diario di Paride Grassi bolognese » in Documenti e studi pubblicati per cura della R.

Deputazione di Storia patria per le Province di Romagna, t. I, 1886, p. I-XXIII, 1, 365, ici P- 99, cité par A. De Benedictis, Una guerra d'Italia,

P. 145: « i quali [i. e. quaranta cittadini scelti dal popolo] avrebbero dovuto presiedere il governo di Bologna allo stesso modo tenuto da coloro

che precedentemente si chiamavano i Sedici». A. de Benedictis (ibid.), précise en outre que: « Decise [Giulio II] di denominarli " Consiglieri " e di conferire loro un potere limitato, che Specificó una bolla. Prima ancore, peró, aboli del tutto il governo dei Sedici ».

$86

e — —

7? Au revers : S. PETR ONIVS. Pour d'autres représentations, voir le site du Comitato Guiglielmo Marconi International à l'adresse suivante : « http:/ /www.radiomarconi.com/marconi/carducci/evoluzione dello stemma bologna.html»

587

nn] EOE

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

3. Une lecture symbolique de l'héraldique

Comme pour Bocchi traite éléments trés du blason qui

toutes les compositions héraldiques du recueil (voir par ex. les Symb. 5, 23, 122, 123, 146, etc.), ici les armes du blason de Bologne d'un point de vue symbolique. Cette lecture se base sur des consensuels, mais il faut souligner le fait que le texte renvoie réguliérement à des éléments visuels ne sont pas explicitement signalés.

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

en bande, en 2 et 5, la croix. Il n'y a, bien entendu, pas de couleur, et le « chef d'Anjou » a disparu. La hampe de

l'oriflamme est posée au sol et un lion assis de face, la téte tournée vers la gauche de l'image, la soutient de ses pattes, comme sur la monnaie évoquée plus haut.

Par un subtil jeu arithmétique, Bocchi réussit à relier le nombre des sénateurs (quarante, c'est-à-dire 4 x 10) à la

partition en quatre de l'écu (fines quattuor, v. 3-4), avec des paires visuelles délimitées par les champs. Dans le raisonnement de l'emblématiste sur ce nombre de quarante, le nombre 10 est affecté d'un multiplicateur élevé au carré (2*, quadratus [numerus]), c'est-à-dire multiplié par un nombre identique à lui-méme, et qui, de ce fait, porte en lui une forme de perfection (perficitur). Le quadratus numerus est relié à deux paires de substantifs désignant des réalités politiques, à la fois opposées et complémentaires : d'un cóté libertas et census (la liberté mais régulée et financée par l'impót), de l'autre leges et custodia (les lois portant contrainte mais également protection). L'autorité morale des sénateurs (uirtus), symbolisée par le champ d'azur (non mentionné), se fait la conservatrice de ces valeurs historiques essentielles. La croix rouge sur fond blanc est interprétée, dans un sens nettement chrétien, comme la croix christique apportant le salut (le rouge est la couleur du sang versé par le Messie pour le rachat de l'humanité ; le blanc est la couleur de la pureté obtenue par ce sacrifice). Les lys d'or (chef d'Anjou), déjà présents dans une série d'emblémes mettant en scéne l'évergétisme des Farnése (leur blason comporte cette fleur, voir Symb. 103-104 ; 109 ; 125), est à rattacher à la venue de l'Àge

d'or, àge de prospérité, comme l'indiquent et les fleurs et la couleur du métal héraldique. Mais, plus précisément, l'éclat (decus) des lys d'or est surinterprété comme symbole de decus, de « gloire ». On notera que ces lys n'apparaissent pas dans la gravure mais sont uniquement mentionnés par le texte, plus fidéle au blason authentique. Enfin, le lion apparait ici comme support (signifer leo), portant le blason tout entier (id statuit signum leo). Or, le texte tait ici un élément iconique essentiel, que seule une connaissance de uisu de l'aspect général du blason permet de comprendre. En réalité, le lion n'est pas un support comme les autres : il ne flanque pas l'un des cótés du blason, qu'il supporterait entre ses pattes. Il vient se placer au contraire en cimier, et il tient l'écu suspendu par l'intermédiaire d'un anneau qu'il tient entre ses dents: or c'e& justement l'anneau bridant la gueule (comme dans le Symb. 102, décrivant le programme de l'Academia Bocchiana, ou dans le Symb. 107, à propos du lion de Némée) qui fonctionne comme le symbole des passions domptées, et en particulier de l'ira dont le lion

est le représentant", Cette colére est ici le furor belli, l'ardeur belliqueuse qui pousse les ordres civiques à

s'opposer (par exemple le sénat et le peuple), ou certains membres aristocratiques à se révolter contre l'autorité

papale (c'est le cas des Bentivoglio qui feront une courte tentative pour reprendre position à Bologne en 1511). Cette faculté de l'animal sauvage à dominer sa propre nature renvoie à un passage célébre du De ira de Sénéque (2, 16, 4) oü le philosophe latin explique que le furor caractérise les nations belliqueuses, à l'instar des lions, mais que cette nature indomptée, qui les protége de la servitude, les rend inaptes aussi au commandement, puisque

nemo autem regere potest nisi qui et regi, « personne ne peut se gouverner s'il ne se gouverne pas ». Cette tradition

remonte peut-étre à Démocrite et assurément à Platon ( Gorg., 491d ; Leg., 626c. Le programme emblématique

próne au contraire l'harmonie entre les différentes composantes sous le signe du Christ. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana (Fig. 3) ^, s'éloigne trés nettement du propos de l'épigramme. Bologne est représentée sous les traits d'une virile et

guerriére Athéna, la téte tournée vers la droite de l'image, la main sur la hanche, dans un mouvement de marche.

Elle porte le casque à panache et la téte de Gorgone sur la cuirasse qui lui recouvre le thorax. Le bas du corps est enveloppé d'un tissu aux plis gracieux, qui flotte dans le mouvement. La déesse soutient de la main droite un étendard oü se dessine une partie des armes bolonaises : la surface e& écartelée, avec, en 1 et 4, le motto libertas 174 Cf. Sen, Ir., 2, 16, 4. 1795 Voir ]e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 19, n° 61 (= CXIII) et illustration p. 5o.

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Fig. 3 » G. BONASONE ou P. FONTANA, Dessin préparatoire pour le Symb. 115

© Sotheby's.

De part et d'autre de la déesse et du lion, on voit deux trophées d'armes distincts mais complémentaires. À gauche, se superposent les « armes » du savoir, qui conviennent à l'alma mater studiorum et à la magistra

artium : livres à fermoirs, ouverts ou fermés (sur parchemin à demi déroulé oü s'inscrit SPQB, romain antique ; au sommet, une plume et un militaires : épée, clairon, cuirasse, arc et fléches,

la surface le Sénat bonnet allusion

du premier en partant du bas, on lit Bononia docet), un et le Peuple de Bologne, référence au fameux SPQR d'étudiant. À droite, on apercoit de véritables armes peut-étre à la guerre de résistance que Bologne mene

pour conserver sa libertas et ses leges, en particulier contre les offensives papales'?6, Toute la composition

manifeste la continuité avec l'idéal républicain populaire lié aux confréries artisanales du xIII° s., relayé et

maintenu au XVI" s, par la liberté universitaire et les docteurs du Studio". On rappellera également qu'Urceo Codro avait rédigé, dans l'une de ses Syluae du second livre (ad Nicolaum Masinum

Caesenatem, Bàle, 1540,

Henricus Petrus, p. 332), de longues laudes Bononiae, oü il célebre l'organisation politique de la ville, secret de la

renaissance de l’Age d'or qu'elle connait : Quali consilio se Felsina magna gubernet

Selon quel dessein la grande Felsine peut se gouverner,

Non est ingenii noscere Codre tui :

Il n'est point de ton ressort de le connaitre, Codro :

Consilium dedit huic sanum Neptunus equester

luppiter huic mentem iustitiamque dedit, Alcides animos compleuit robore, partes

Ce dessein cohérent, Neptune au cheval le lui donna ;

Jupiter lui donna intelligence et justice, Et Alcide compléta par la force ces qualités intérieures ; quant au róle

19$ Voir A. De Benedictis, Una guerra d'Italia. 177 Voir G. p, Brizzi, L. Marini, P. Pombeni (dir.), L'Università di Bologna. Maestri, studenti e luoghi dal XVI al XX secolo, Bologne, 1988, p. 9o : « Le magistrature minori e i dottori della Studio ebbero un ruolo fondamentale nel fissare questa ideologia che, verso il 1590, il neosenatore

popolare Lorenzo Magnani faceva fissare dai Carracci nel proprio palazzo in un ciclo di affreschi esaltante l'eroe aristocratico-repubblicano Remo contro il re-tiranno Romolo ».

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Quae deceant docuit Virgo modesta suas. Non facile auditur populus sapientior alter, Alter qui possit iustior esse nequit, Nec qui Felsineam plebem fortesque tribunos Se uirtute aliqua uincere dicat erit.

Qui lui convenait en propre, c'est la Vierge [Pallas] qui le lui apprit. On n'entend pas facilement s'exprimer un autre peuple plus sage, Il n'en est point d'autre qui puisse étre plus juste Et capable de vaincre la plébe felsinienne et les courageux tribuns Par quelque vertu ; il n'y en aura point d'autre capable de l'affirmer.

Sic libertatem, sic sua iura tenet.

Ainsi qu'elle maintient sa liberté, ainsi qu'elle maintient ses lois.

Sic pacem aeternam seruare Bononia fertur,

C'est ainsi, dit-on, que Bologne conserve la paix éternelle,

Symb. 116 CONSEIL AU CONSEILLER

1, 12-13) nous rapportent les détails du supplice avec plus de précision que ne le font les bréves évocations de Pline et d'Ovide, choisies et imitées par Bocchi (voir apparat des sources). Une trappe ouverte dans le flanc de l'animal permettait d'y placer les coupables. On allumait ensuite un brasier sous le ventre du taureau et les malheureux mouraient dans d'atroces souffrances, non sans avoir proféré implorations et hurlements qui, soit étouffés par la carcasse du métal, soit restitués à travers des flùtes suspendues aux naseaux percés de la béte, ressemblaient par leur caractere indistinct à de véritables mugissements. L'épisode a nourri toute une tradition parémiographique qui met l'accent, non sur la cruauté de Périllus, mais

sur celle de Phalaris". Le tyran, champion de la crudelitas et de la saeuitia, se fait l'émule proverbial de Busiris et

Gravure :

MAUVAIS

L'épigramme et la gravure prennent pour sujet d'invention l'épisode du taureau d'airain, construit pour la

premiére fois par Périllus, dans le but de faire périr des victimes sans qu'elles puissent importuner par leurs suppliques le tyran sicilien, Phalaris d'Agrigente (570-554 av. J.-C.). Valére-Maxime (11, 2, 9) et Lucien (Phal.,

de Catilina, au point que, pour un Cicéron (Off., 3, 6, 29), c'est une béte sauvage qui se cache sous une enveloppe humaine et qu'il convient de reléguer aux marges du monde civilisé. Ce matériel proverbial alimente

NUIT SURTOUT

Sur l'image :

l'adage d'Érasme intitulé «Phalaridis imperium » (1, 10, 86), trés proche par ailleurs du texte de Lucien.

— Phalaris - Périllus

CONTRE CEUX QUI NOUS COUPENT LA PAROLE DANS UNE LANGUE BARBARE

tester l'endurance du sage et sa capacité à étre heureux, y compris dans les épreuves les plus pénibles!*?!,

L'inventeur du taureau d'airain, par un feu placé sous la béte, Promit, cruel, meuglements d'homme au tyran sicilien.

Périllus, le premier, fabriqua comme il se doit et l'objet Et le danger : contre l'auteur se retourna la peine. S En effet, il n'existe pas de loi meilleure ni plus juste Que faire périr par leur art les artisans de mort. Que puisse, à petit feu, brüler tout homme plein d'iniquité Qui vient causer du tort à notre éloquence romaine, De sorte qu'un beau jour, puisqu'il a négligé de bien parler, 10 Il apprenne à lancer de clairs et distincts meuglements.

Le taureau lui-méme a servi d'exemplum pour figurer un état supréme de la souffrance, à la fois dans les textes poétiques et philosophiques. Le genre élégiaque d'une part, servi par Properce (2, 25, 11) et Ovide (Ars, 1, 651654), voit dans l'animal la pitoyable condition des souffrances de l'amant négligé par sa belle, amant dont les plaintes amoureuses, impropres à briser l'indifférence féminine, n'ont pas plus de valeur qu'un mugissement de douleur. Épicure, d'autre part, aurait fait de l'invention une sorte d'instrument de mesure paroxystique pour

,

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques que nous avons rendus par une alternance 16/14 syllabes. ANALYSE

Dans un article publié en 20075, nous avons tenté de montrer que, dans cet embléme, comme dans le Symb. 81 et sa chasse au cerf, hommage au livre II du De philologia de Budé, ou encore dans le Symb. 137 sur la chimére

vaincue par Bellérophon, l'animal sauvage et/ou imaginaire permettait de traiter de questions rhétoriques et philologiques. E. De Luca proposait de lire l'embléme 116 sur le mode politique'??, Nous suivrons une voie quelque peu différente en proposant d'y voir au contraire une réflexion sur la barbarie, dont chacun sait qu'elle est d'abord une question linguistique.

Mais l'épisode recéle une dimension juridique supplémentaire, soulignée avec insistance par Ovide, Pline, Valére-Maxime et Lucien. À la cruauté de Périllus et de son chàtiment répond la cruauté du tyran qui punit l'ouvrier en l'obligeant à étre la premiére victime de son ouvrage. Cette surenchére de violence finit par s'annuler et donner lieu à un acte juste où la peine est exactement proportionnelle au délit en se confondant avec lui au sein d'un méme instrument : le chátieur est chátié par son chátiment. Cet aspect n'a pas échappé à l'emblématiste, friand de paradoxes et de renversements spectaculaires qui s'expriment à travers un seul objet, pourvu ainsi d'une double valence.

Chez Bocchi, cette conception réflexive de la justice est une source permanente d'invention symbolique. Nous l'avons constaté dans le Symb. 29 (voir analyse) qui évoque la fable ésopique de l'aigle abattu par une fléche empennée par ses propres plumes : cet apologue est repris par l'empereur Julien face aux chrétiens qui se sont initiés aux subtilités de la culture paienne et entendent bien s'en servir contre ses représentants. On la retrouve également dans le Symb. 86 (voir analyse), qui décrit le chátiment que l'Alexandre Sévére de l'Histoire Auguste (67, 2) réserve au traitre Verconius Turinus : c'est en l'asphyxiant par de la fumée qu'il convient de punir celui qui a vendu de la fumée. Derriére cette notion d'un retournement proportionnel de la faute en peine se dessine une figure inquiétante, celle de la déesse Némésis, fille de Diké, chargée de punir les mortels de leur orgueil et de leur démesure. Sa coudée, souvent représentée sous forme d'une équerre, si apte à se transformer en balance,

matérialise visuellement l'équilibre du juste milieu et de la proportion (voir nos analyses des Symb. 76 et 82). Dans l'épigramme du Symb. 116, ces nuances juridiques se déclinent dans plusieurs séries lexicales, autour du terme ius et de ses dérivations (iure, v. 3 ; iustior, v. 5), qui alternent avec le mot lex (v. 5). L'équivalence entre 1800 Voir CiC., Off., 2, 7, 26 ; ibid., 3, 6, 39; HOR., Epist., 1, 2, 58; AMM,,

26, 10, S, Sip. APOLL., Epist., 5, 7, 6. Voir ama

PIDXGEPIESN

8, 6s,

1” Voir A. Rolet, « Un animal sauvage au service de l'éloquence : le taureau de Phalaris dans les Symbolicae Quaestiones d'Achille Bocchi

5. v. GaAápiBoc ápyat (CPG, 1, p. 318) et APOSTOL,, 17, 78, s. v. DaAápiBoc ápyi] kai 'Exérov (CPG, 2, p. 706-707). Pour d'autres références, voir A. Otto, Die Sprichwórter und sprichtwórtlichen Redensarten der Rómer, Hildesheim/New York, 1971 (1890'), p. 277-278, s. v. « Phalaris " 1801 Voir CIC., Tusc., 2, 7, 17 ; 5, 10, 31 ; 5, 26, 75 ; Fin., 5, 28, 85 ; SEN., Epist., 66, 17, etc. Voir aussi l'utilisation amusante et trés ovidienne de l'épisode dans la devise de Prospero Colonnesi, inventée par Gabriele Altilio, évéque de Policastre (1440-1501), et citée par Paolo CGigWio dans son Dialogo dell'imprese militari et amorosi de 1555 (éd. Maria Luisa Doglio, Rome, 1978, p. 77). On y voit le tiva de Périllus, identifiable k la

2002, p. 65 : « [The emblem] stressed both the concept of " correct language ", like bene dicere, as well as the responsibility of not giving inappropriate advice as consiliares. The articulation of the symbol suggests that for Bocchi, as for Beroaldo, rhetoric was conceived as interconnected with the role of consiliares and never regained, in real terms, a role in the officium nobile of actual government ».

funera digna meo, « Je connais des funérailles dignes de mon génie ». Giovio explique que le malheureux Prospero; amd sed d'une belle mnis soucieux de ne pas compromettre sa réputation, se rendait chez elle accompagné d'un camarade dont la dame finit par s'éprendre. Voir aussi

(1555) », in Ph. Ford (dir.), L'animal sauvage à la Renaissance, Actes du colloque international de la Société Frangaise Des Études sur le Seiziéme siécle, Cambridge, 3-6 septembre 2004, Cambridge, 2007, p. 155-186. 179 Voir E. de Luca, « Silent Meanings: Emblems, Lay Culture, and Political Awareness in Sixteenth-Century Bologna », Emblematica, 12,

$590

trappe qui s'ouvre sur son flanc, placé sur un autel, tandis qu'un feu brüle sous son ventre. L'àme de la devise est ainsi rédigée : Ingenio experior

Capaccio, Del Trattato dell'imprese, Naples, 1 592, II, p. 36v".

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Les Questsons symboligues d Achille Bocchi (1555 ) — tome 2

faute et chátiment se manifeste particulierement bien au vers 6 ou le doublet étymologique artifices/arte se trouve comme encadré et embrassé par le doublet synonymique necis/perire, ainsi que dans la présence cóte à cote, au vers 7, du terme comburatur indiquant la punition, et du terme iniguus marquant le délit. Au vers 4, l'idée du juste retournement (in autorem... poena... rediit) fait image gráce au terme seguax, qui suscite | ombre inguiétante de l'Adrasteia Nemesis, précisément « celle qui s attache aux pas » (voir les sources et l'analyse que nous proposons pour le Symb. 76). Enfin, on constatera que le mot contempserit (v. 9) qui marque la démesure du mépris est contrebalancé par le terme percipiat (v. 10) qui traduit justement la notion de « recevoir le prix de sa faute ». Cette circularité d'une justice immanente semble se confirmer par la présence à l'ouverture et à la chute du texte du terme mugitus (v. 1 et v. 10), objet du délit et principe de la réparation. Le mugissement, comme chátiment, répond exactement au défaut qu'il est chargé de punir- il s'agit, on le verra, de punir le mugissement par le mugissement. Paralleiement, le titulus de la gravure, consultum male consultori pessima res es, propose un énoncé sentencieux autour de la méme notion. La formule, empruntée à Hésiode mais déjà traduite en latin par Aulu-Gelle (voir apparat des sources), joue de la parenté étymologique consultum /consultori et décuple méme le chátiment par rapport à la faute gráce à l'opposition entre adverbe au positif (male) et adverbe au superlatif (pessima). Maisle contexte méme oà apparait le vers d'Hésiode est éclairant: bien que le peuple expie généralement pour la démesure des rois, ceux-ci doivent néanmoins se garder des décrets iniques et surtout, modérer leurs propos. Le ubBoc devient l'agent des troubles et, une fois encore, on devine la présence de Némésis, dont le mors vient

freiner les bouches intempérantes. Mais que désigne donc ce mugissement, véritable faute qu il faudrait punir dans le taureau d airain ? À qui la fable de Phalariset de Périllus renvoie-t-elle ? Quelgues indices qui jalonnent l'épigramme mous permettent de délimiter le champ d'application dn mugissement : les hommes coupables de ce délit finissent par appartenir à la catégorie des loguentes barbare

(titulus de l'épigramme), de « ceux qui parlent comme des barbares », ou de celui qui detrahit Romano eloquio (v. 8), de « celui qui dégrade la langue romaine », de celui qui contempserit recie loqui, « a négligé de s exprimer

"Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

de 1505 et des Prose della volgar lingua de 1525. Entre 1520 et 1530, avec la floraison des traités de Baltassare

Castiglione, Claudio Tolomei, Sperone Speroni, Mario Ecquicola ou Pietro Vettori'*55, l'idéal stylistique promu

par les humanistes vise à faire accéder les parlers italiens, et non plus seulement le dialecte toscan, au rang de langue littéraire en les modelant sur les préceptes rhétoriques et la prose rythmée atticisante d'un Cicéron. On notera d'ailleurs que Giovanni Filoteo Achillini, dans son dialogue intitulé Annotazioni della volgar lingua et paru à Bologne en 1536, fait de Bocchi, porte-parole de l'auteur du traité, le défenseur d'un parler bolonais, italien de souche, contre Romolo Amaseo, Alessandro Manzuoli et Leandro Alberti!*?5, défenseurs du toscan, le dialecte supposé le plus proche du latin et qu'ont parlé Dante, Boccace et Pétrarque. En resserrant encore le champ d'investigation, on pourrait formuler une seconde hypothése, selon laquelle le Romanum eloquium pourrait étre entendu au sens étymologique : qui appartient à la ville de Rome. Bocchi se rangerait alors derriére le purisme des défenseurs romains contemporains d'une éloquence strictement cicéronienne reléguant dans le domaine de la barbarie les apports ultérieurs, en particulier les innovations

impériales et patristiques, voire les seules spécificités, licences et emplois poétiques'*"". Or, dans la vaste querelle

du cicéronianisme, Bocchi, formé à l'école « apuléenne » de Philippe Béroalde l'Ancien et Giovan Battista Pio,

défenseurs de la langue plautienne, de la latinité d'argent ou tardive!*55, ne saurait étre rangé au cóté d'un Paolo

Cortesi, d'un Pietro Bembo ou d'un Christophe de Longueil, partisans d'une théorie beaucoup plus restrictive de l'imitatio que celle d'un Politien ou d'un Jean-Frangois Pic de la Mirandole. La poétique de la citation promue par les emblémes, trés inspirée par l'art de l'adage, des proverbes et de la sentence, par la technique du butinage diachronique emprunté aux miscellanées, mais aussi par les orientations évangéliques et l'imitation d'auteurs tardifs, en particulier saint Augustin, à l'égal de Cicéron, montre au contraire qu'il épouse les grandes lignes du Ciceronianus d'Érasme. Retenir ces deux hypothéses, trés générales, ne permettrait pas de respecter la précision du symbole emblématique et reviendrait surtout à oublier la premiére acception du terme barbare, que l'article BápBapoc du Thesaurus Linguae Latinae d' Henri Estienne souligne avec beaucoup de clarté. En suivant Strabon et Zonaras, Henri Estienne rappelle que Bápfapog est un vocable en forme d'onomatopée : Qvoyatorezointai 1] Aéfic. Il

correctement ». L'ambiguité est ici de régle, méme si l'on entend en écho trois fois le mot loquor, quatre fois méme si l'on compte le terme oblocutores du titulus. L'eloquium, expression par la parole, renvoie à la fois à l'idée

imite, par le redoublement de sa racine trilittére articulée autour d'une labiale sonore et d'une roulante gutturale,

s opposer assez clairement à l'expression barbare loquentes.

grec!810, Le barbare est donc à l'origine le Grec ou le Romain (ou encore le Perse ou le Méde) qui commet des

d'éloquence et à celle d'élocution et désigne donc autant la qualité rhétorique de l'expression5^ que celle, quasi phonétique, de la prononciation, qui reléve de l'actio. En revanche, le doublet rectc loqui/Romano eioqui semble Une lecture trop hátive inviterait donc à voir dans le mugissement l'expression imagée du barbare qui ne parle pas latin, tout comme Thucydide voyait en lui l'étranger qui ne parle pas le grec, tels les Perses et les Medes'*",

Le Romanum eloquium, où l'adje&tif Romanum est employé pour des commodités de scansion, désignerait alors chez Bocchile Latinum eloquium, l'éloquence latine (le bien parler, recte loqui, par excellence ). Le terme barbare, vilipendé par le mugissement, renverrait de son cóté au caractere incompréhensible d'une langue vulgaire. Mais

cette attitude semble pour le moins dépassée à l'époque de Bocchi. Elle avait connu son heure de gloire avec l'enthousiasme de Valla qui, dans sa préface aux Elegantiac (vers 1440 9^) voyait dans le renouveau du latin les

prémices de l'éviction de la barbare scolastique et les prodromes d'une renaissance de la Rome antique, promise

à un empire européen sous la banmiére linguistique. Le mépris pour la langue wulgaire e&t, certes, encore revendiqué par Romolo Amaseo et ses deux discours De Linguac Latinae usu retinendo prononcés en 1530. Mais ces positions politiques et utopiques ne prennent pas totalement en compte la réalité historico-littéraire de

l'Italie. N'oublions pas que Pétrarque avait composé en langue vulgaire et en langue latine. Bembo, représentant exemplaire du parler latin pur de la secrétairie aux brefs pontificale, avait été égalemer.t le rédacteur des Asolani

em, C'est précisément ce. que Cicéron appelle. elocutio, la-troisiéme partie de la zhétorique, qui consiste dans le choix des mots, des expressions,

des figures oratoires, du niveau de yl. Voir Dc Inuentionc, 1, 0 ; De Oratorc, 1, 142.

- Pour Thacpdile (2,3), le mot n apparait pas chez Homére dans la mesure oi l'idée méme d'une nation grecque homogene unifiée sous la

banniére de ls langue-et de la civilisation helléniques n'e& pas-encore.constituée et ne le sera zéellement qu'au momerit des guerres médiques, face à l'agresseur commun. '*" C'estla date de composition proposée par J.-L. Charlet, qui réfute sur ce point celle de 1471 proposépar e M. Fumaroh.

592

les balbutiements désagréables du bégue qui n'arrive pas à prononcer les mots dans sa propre langue'?*. Le terme ne s'applique que par extension aux allogénes qui font des fautes de prononciation en parlant le latin ou le

155 Sur toutes ces questions, la bibliographie est immense. Voir, entre autres, G. Toffanin, « Il Cinquecento »in Storia letteraria d'Italia, Milan 1965, p. 85-122 ; M. Fumaroli, L’Age de l'éloquence. Rhétorique et res litteraria de la Renaissance au seuil de l'époque classique, Genéve, 20027, P- 77-134. Voir aussi M. Pozzi (éd.), Discussione linguistiche del Cinquecento, Turin, 1988 et V. Formentin, « Dal volgare toscano all'italiano », in E. Malato (dir.), Storia della letteratura italiana, vol. IV : Il primo Cinquecento, Rome, 1996, p. 177-250. Voir également notre étude du

Ptolemaeus siue De officio principis in obtrectatores de Bocchi dans A. Rolet, Emblématique, philosophie et politique à Bologne au XVI siécle : autour d' Achille Bocchi et de l'Academia Bocchiana. '** Sur ce dialogue, voir A. Rotondo, « Per la storia dell'eresia a Bologna », Rinascimento, 2, 1962, p. 107-136 : G. M. Anselmi, L. Avellini et E. Raimondi, « Il Rinascimento padano », dans A. Asor Rosa (dir.) Letteratura italiana, Storia e Geografia, t. Il, 1 : L'Età moderna, Turin, 1988,

P-569-570 et P. Vecchi Galli, « La questione della lingua a Bologna nelle Arnotazioni di Giovanni Filoteo Achillini » dans L. Avellini, A. Cristiani, A. De Benedictis (dir.), Sapere e/? Potere. Discipline, dispute e professioni nell'università medievale e moderna, t. 1 : Forme e oggetti della 2001, disputa delle arti, Bologne, 1990, p. 259-279 : S. Giombi, Libri et pulpiti : letteratura, sapienza e storia religiosa nel Rinascimento, Rome,

P. 187-190 : « La questione del ciceronianismo e Bologna ». 17 Voir M. Fumaroli, L'Àge de l'éloquence, p. 77-91. '** Voir S. Giombi, Libri e pulpiti, p. 170-178.

1809 H. Estienne, Thesaurus Linguae Graecae, Geneve, 1572, t. I, col. 720, s. v. « Bápfapoc » : Pronuntiatione uitiosa et insuaui utens litterasque

male exprimens, blaesorum balborumque more. « Se dit de celui qui use d'une prononciation défectueuse et cacophonique, en pronongant les lettres de facon incorrecte, à la maniere de ceux qui bégaient et butent sur les mots. » 1810 Jbid, : Quum autem Graeci, inquit [Strabo], hoc uitium in peregrinis linguis animaduerterent, eos per conuitium BappBaàpovs appellare coeperunt, quasi crassilingues siue durilingues ; tandem uero omnes qui diuerso ab aliis sermone uterentur, hoc nomine appellarunt. « Comme les Grecs, déclare Strabon, constataient que ce défaut existait dans les langues étrangéres, ils se mirent à appeler “ barbares ” ceux qui étaient affligés de cette tare, pour les blámer de leur parler grossier et bruyant ; mais finalement ils nommérent sous ce terme tous ceux dont la prononciation différait de celle des autres ».

593

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

fautes d'élocution dans sa propre langue. À notre avis, l'ensemble de l'embléme de Bocchi tourne autour d'un probléme de prononciation latine, stigmatisé par l'image du mugissement. Barbare

loquentes,

dans

le texte

de Bocchi,

nous

semble

avoir le sens

précis

de

«faire

des

fautes

de

prononciation », « parler en faisant des barbarismes ». En effet, Quintilien distingue deux formes de barbarismes pour les mots pris isolément : ceux que l'on fait en écrivant (scribendo), et ceux que l'on fait en

parlant (loquendo). Les barbarismes écrits se font par addition (adiectione), suppression (detractione), inversion (immutatione), remplacement (transmutatione) de lettres; les barbarismes oraux par la maniere de séparer

(diuisione), de réunir (complexione), d'aspirer (aspiratione) ou de prononcer (sono) les lettres'*!'. Or, dans la rhétorique antique, l'un des impératifs élémentaires de l'elocutio est de respecter la latinitas, c'est-à-dire la correction de la langue, donc l'absence de barbarismes et la pureté du vocabulaire. Par conséquent, lors de la

« performance » oratoire, qui reléve de l’adio, l'orateur doit également veiller à la correction de la prononciation. Pour Quintilien, l'absence de tous ces défauts constitue « l'orthoépie » c'est-à-dire les recte

locuta'^", termes employés par Bocchi dans son expression recte loqui.

Le sujet était d'actualité, car l'objectif des humanistes,

dans l'établissement des textes antiques, était non

seulement de rompre avec l'orthographe médiévale, en prenant pour modele les inscriptions et les pieces de monnaie antiques, mais aussi et par conséquent, d'adopter une prononciation nouvelle, d'esprit archaisant, radicalement différente de celle en vigueur à l'époque. Fleurit alors toute une série d'ouvrages techniques, sur le double sujet de l'orthographe et de la prononciation'*?. En 1528, le Dialogus de recta Latini Graecique sermonis

pronuntiatione d'Érasme'*'^ expose et clarifie, entre autres, les théses avancées sur cette question par Quintilien

dans le premier livre de l'Institution Oratoire. Érasme, comme Quintilien, vilipende les fautes de prononciation qui résultent d'une pathologie, d'une incapacité naturelle, comme le labdacisme ou le iotacisme'?'5, ou des accents étrangers inévitables induits par l'appartenance à telle ou telle contrée!/?'ó, Mais ce qui, aux yeux d'Érasme est plus grave, c'est que ces défauts ne sont pas seulement le fruit de la nature mais aussi de la négligence, dans le cas de la prononciation populaire, — Érasme ne cache d'ailleurs pas son mépris pour le uulgus,

incapable de conserver la pureté de la langue?" — ou bien, dans le cas des docti, d'une intention délibérée et d'un

goüt maniéré'*!* ;

Il y en effet différents défauts de prononciation et d'élocution, dont quelques-uns, pour certains individus, sont

imposés par la nature mais dont la plupart viennent de la négligence ou de l'affectation propres à chacun. [ ...] Si le labdacisme'^" est l'incapacité à prononcer la lettre -r-, ce défaut est, pour beaucoup, congénital, mais, pour

certains, c'est la préciosité de l'expression qui le fait adopter. Car le labdacisme que les écrivains relévent chez Alcibiade n'est pas, à mon avis, imputable à la nature mais bien à la préciosité!9??,

L'importance de la prononciation est ironiquement soulignée par Érasme, qui montre que la souplesse de la langue permet à l'homme de rivaliser avec les cris animaux. C'est la prononciation qui distingue précisément harmonie poétique de la langue et aboiement, et surtout, qui permet au discours d'atteindre ses objectifs

rhétoriques, plaire et convaincre? :

L'Ours : Pourquoi as-tu des craintes alors ? [le lion vient de lui dire qu'il redoute que son petit qui vient de naitre ne puisse jamais acquérir le langage humain] Le Lion : Parce que je vois bon nombre d'humains qui ne parlent pas avec une voix humaine, mais qui aboient

avec les chiens, hennissent avec les chevaux, grognent avec les porcs, meuglent avec les vaches, glapissent avec les renards, crissent avec les cigales [... ] enfin, ce que tu veux comme animal, plus que d'une maniére proprement humaine. [...] J'observe combien une juste prononciation met en valeur le discours, au point que, si deux

hommes le prononcent dans la méme langue, celui qui le prononce tel un citharéde, en chantant mélodieusement,

capte l'attention de tous ses auditeurs, tandis que le second, en un aboiement monocorde, suscite l'ennui de tous.

Le texte d'Érasme nous permet de saisir les intentions de Bocchi dans le parallele qu'il effectue entre barbare

loqui et mugitus. Pour punir les barbare loquentes, Bocchi souhaite les faire mugir dans le taureau d'airain de Périllus. La sévérité de ce chátiment s'explique sans doute par le fait que cette prononciation barbare n'est point

le fait de la nature, mais bien plutót d'une affectation répréhensible, car fondée sur une conception fautive de la

langue. Nous savons que l'invention de Périllus se retourne contre lui. Il y a fort à parier pour que le mugissement, appelé comme punition par Bocchi, soit la réponse à la forme de mugissement que constitue la

18! OVINT,, 1, 5, 6. 1812 Tbid, 1, 5, 33 : Remotis igitur omnibus, de quibus supra diximus, uitiis, erit illa quae uocatur ópOoéneia, id est emendata cum suauitate uocum

explanatio, nam sic accipi potest recta. « Si les défauts que nous avons évoqués plus haut sont évités, on sera en présence de ce que l'on appelle I’ " orthoépie ”, c'est-à-dire une prononciation irréprochable doublée d'une harmonie des sons, car on peut prendre en ce sens le terme de

" correct " ». 1513 ]] convient de citer en premier lieu les travaux italiens d'un Gasparino da Barziza (Orthographia, Paris , 1470), d'un Guarino da Verona (Ars diphtongandi, Bàle, 1478), d'un Tortellius (De Orthographia, Rome, 1471), ou encore le De expetendis et fugiendis rebus de Giorgio Valla, publié

à Venise en 1501, et le De aspiratione de Pontano à Naples en 1481. Ce type d'études se répand en Europe et Antonio de Nebridja publie en Espagne son Ars Grammatica (Salamanque, 1481), Henricus Bebelius de Tübingen, ses Commentaria de abusione linguae Latinae (Strasbourg, 1513). Voir l'introduction de M. Cytowska au De recta latini graecique sermonis pronuntiatione d'Érasme, ASD, I-4, 1973, p. 4-9.

1814 Sur ce probléme de la prononciation érasmienne, voir E. Drerup, Die Schulaussprache des Griechischen von der Renaissance bis sur Gegenwart,

Paderborn, 1930-1932, t. I, p. 46-75, 140 sq. ; t. III, P- 942 sq. et O. Bywater, The Erasmian Pronunciation of Greek and its Precursors, Oxford, 1908,

pour la langue grecque en particulier. Voir aussi A. Renaudet, « Érasme et la prononciation des langues antiques », Bibliothéque d'Humanisme et Renaissance, 18, 1956, p. 190-196 et M. Bonioli, La pronuncia del latino nelle scuole dall 'antichità al rinascimento, Turin, 1962. 155 Voir OVINT,, 1, 5, 32.

55/5 ÉRASME, De recta latini graecique sermonis pronuntiatione, éd. M. Cytowska, ASD, I-4, 1973, P- 44 (LB 931) : « Une grande partie de ce mal [ les défauts de prononciation ] est apportée par le pays d'origine lui-méme, étant donné que l'Espagne, l'Italie, la France, l'Allemagne et l'Angleterre ont chacune, dans leur accent, une particularité qui leur est propre et tout irait bien pour nous si les pays ne se divisaient pas, chacun, en catégories nombreuses de défauts de prononciation ».

594

1517 Dans le De recta... pronuntiatione, éd. citée p.

33-34 (LB 924), à travers un dialogue entre Leo et Vrsus, Érasme rend le peuple responsable de

la dégradation du latin en langues dites barbares, c'est-à-dire vulgaires, mais des ouvrages de référence établis par les savants : « Il ne convient Jadis, une bonne partie de l'Europe, de l'Afrique et de l'Asie Mineure nous a fait d'une langue unique ! De combien d'altérations sont nées

et souhaite que la tradition linguistique émane, non de l'usage populaire, pas de livrer au peuple ce que tu souhaiterais conserver intact et durable. s'exprimait en grec et en latin. Combien de langues barbares le peuple la langue italienne, la langue francaise, la langue espagnole ! Il convient

donc que ces langues, auxquelles on a confié l'essentiel des branches du savoir, ne soient conservées que par les érudits et qu'on ne cherche pas

leur pureté auprés du peuple, le plus mauvais gardien des arts libéraux, mais dans les ouvrages des écrivains éloquents. »

85 [biq,. P- 44 (LB 931) : Sunt autem oris ac lingue diuersa uitia, quorum aliquot nonnullis affixit natura, sed plura peculiaris cuique uel negligentia

uel affectatio.[... ] Si labdacismus est impotentia sonandi caninam litteram, multis uitium hoc adnascitur, nonnullis delicie loquendi conciliant.[ ... ] Nam labdacismus quem scriptores notant in Alcibiade, deliciis, non nature tribuendum arbitror. 7? Impossibilité de prononcer la lettre -r- en groupe consonantique, comme dans perlicere ou perlegere. Le -r- subit alors une assimilation, le plus souvent en -I-, ce qui donne pellicere ou pellegere.

1820 Le méme reproche est dénoncé dans le De recta... pronuntatione, éd. citée, p. 48 (LB 933) pour le deuxiéme sens de labdacisme, qui est la Prononciation trop longue du -l- et aboutit à l'adjonction d'une voyelle prothétique ou épenthétique, comme ellucet pour lucet ou sallaua pour salua : Quod uitium in magnis aliquot deprehendi, sed quod affectationi potuit imputari, non naturae (nous soulignons). i ÉRASME, De recta... pronuntatione, éd. citée, p. 14 (LB 913) : Vrsus : Quid igitur metuis ? Leo : Quia uideo complures non humana uoce loqui, sed latrare cum canibus, hinnire cum equis, grunnire cum suibus, mugire cum bubus, gannire cum uulpibus, stridere cum cicadis[ ... ], denique quoduis animal referre potius quam

humano

more loqui. [...] Ad haec perspicio, quantopere recta pronuntiatio commendet orationem,

adeo ut interdum

duobus eadem lingua pronuntiantibus, alter ueluti citharoedus quispiam modulatissime canens aures omnium habeat intentas, alter molesto latratu tedium moueat omnibus, nec alia uideatur pronuntiatio, sed alia prorsus oratio, imo quiduis potius quam oratio.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

maniere barbare de parler des oblocutores. Or Quintilien nous rappelle que les désinences en -m, fréquentes en latin, font l'effet d'un mugissement, face à l'harmonie des « nus » (-v) grecs en finale? : Quoi d'autre ? Il y a que nous donnons pour finale à la plupart de nos mots la lettre -m, qui est pour ainsi dire mugissante et qui ne termine aucun

mot grec. Les Grecs au contraire mettent à cette place un -v, lettre

harmonieuse et qui, en quelque sorte, tinte en finale. Chez nous, elle est trés rare dans les syllabes terminales.

Ce défaut qui consiste à faire entendre excessivement le son [m] et à le faire vibrer et « mugir » plus que de

raison, en particulier lorsqu'il devrait étre élidé en fin de mot avant voyelle, porte le nom de metacismus??, C'est

un cas de barbarisme oral par adjonction de syllabe. La vraie critique porte en fait sur le mauvais goüt attaché à cette pratique qui reléve d'une méconnaissance ou d'une ignorance. L'effet d'appui sur les -m « mugissants », loin d'étre raffiné, ne fait que souligner, comme le rappelle Quintilien, une des infériorités de la langue latine par rapport à la langue grecque. Ceux qui le pratiquent ne sont donc que des demi-doctes. Le chátiment devient alors plus clair. Il est des orgueilleux ou des négligents — le terme contempserit du v. 9 indique l'idée de mépris ou d'indifférence — qui refusent de se faire comprendre en parlant la langue correcte. Bocchi souhaite qu'ils continuent de mugir, c'est-à-dire à n'avoir pour tout langage que les cris inarticulés d'un animal, et à ne pouvoir étre compris. On retrouve l'idée de Némésis qui abat l'orgueil : à vouloir parler une langue plus raffinée que la langue courante correcte, on en est réduit à parler une langue fautive et incompréhensible qui ne différe pas beaucoup de l'état sauvage et animal, dont on prétendait justement s'étre éloigné. On est condamné à se consumer (comburatur), comme la victime du taureau de Phalaris, dans cette tentative infructueuse et absurde

d'élaborer un langage qui ne peut avoir d'interlocuteurs. Par le mugissement, on ne peut étre intégré à la discussion, on ne peut que l'interrompre violemment, étre un oblocutor, comme l'indique le titulus qui précéde le texte, et montrer par là méme son manque d'éducation et de savoir. Mais qui, chez Bocchi, sont ces obloquutores au parler peu recommandable ? La comparaison avec l'épigramme d'Alciat intitulée Doctorum agnomina (« les surnoms des doctes ») permet d'apporter des éléments de réponse. Alciat y stigmatise les défauts physiques ou de prononciation de certains professeurs, parmi lesquels des juristes aussi illustres que Parrhasios, Picus ou Parpalus'*"*, en recourant à des comparaisons plus ou moins flatteuses avec des objets ou des animaux. Ainsi, Parpalus à la voix tonitruante est

Phalaris, métaphoriquement, peut donc désigner un grammaticus qui n'a aucune pitié pour les erreurs et les punit de mort. Or le grammaticus est précisément celui qui enseigne à l'enfant dés le plus jeune áge à ne pas commettre de barbarismes ou d'erreurs de prononciation, comme le rapelle Quintilien au début du livre I. Son róle dans l'épigramme revient donc à appeler un chátiment terrible sur la téte de ceux qui se sont rendus coupables des perperam scripta — dirait Érasme -, qui sont des barbari locutores, ces mauvais professeurs qui n'ont pas retenu les premieres, mais fondamentales lecons d'éloquence et qui vont corrompre les générations de malheureux étudiants tombés entre leurs griffes, en leur coupant la parole.

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana? se déroule dans un intérieur palatial qui s'ouvre au fond par une immense galerie voütée. Phalaris est assis sur un tróne surélevé par un podium de plusieurs marches. Son nom, qui permet l'identification, est gravé sur la derniére. Placé sous un dai, il est vétu à l'antique, avec, à la main, un sceptre. Il pointe du doigt le taureau au flanc percé

d'une trappe et entouré de flammes, vers lequel deux serviteurs poussent Périllus qui se débat de toutes ses forces. Sur la gravure, les licteurs portant les faisceaux, à la droite du tróne, et la couronne de laurier qu'une

victoire ailée s'appréte à poser sur la téte de Phalaris, évoquent les attributs d'un chef militaire romain qui a remporté la bataille. Le Phalaris grammaticus qui triomphe de la barbarie linguistique est sur le point de recevoir le trophée que mérite sa victoire sur Périllus. Aprés cette bataille du langage, on donne au vainqueur, guerrier et poéte, la couronne de laurier. Ainsi le róle du Phalaris-grammaticus ne serait-il pas assuré de facon narquoise mais résolue par Bocchi lui-méme, goütant le plaisir fantasmatique de voir rótir à petit feu certains de ses maitres d'autrefois, de ses collégues indisciplinés ou d'étudiants pédants autant que peu scrupuleux ?

Symb. 117 Gravure :

TOUJOURS AU PLAISIR COMMANDE

LA PRUDENCE

ainsi assimilé au truo, le « cormoran » ou Albius, à la voix fluette, au uespertilio, la chauve-souris. On peut

supposer que Bocchi, à l'instar d'Alciat, fait référence implicitement dans son épigramme à des docti précis, professeurs sans doute, ou peut-étre aussi étudiants du Studio de Bologne. Derriére le professeur d'une préciosité ridicule ou l'étudiant rival, qu'il soit un étranger à la prononciation latine défectueuse ou un Italien au parler latin plein d'afféterie, l'ombre du barbare se profile encore, lui qui est par excellence l'agrestis et le ferus. Si le róle de Périllus est réservé aux faux doctes qui commettent des erreurs grossiéres de prononciation et entendent mettre tout le monde à leur école, on peut se demander qui est Phalaris, dont le róle apparait ici relativement positif, puisqu'il est à l'origine d'un chátiment bien mérité. Pour le comprendre, il faut se référer à un passage de Cicéron (Pis., 3o, 73), que cite Érasme dans l'adage réservé à Phalaris (1, 10, 86) :

AU CARDINAL CARLO GRASSI

Il n'est rien de violent qui n'ait en méme temps terme rapide,

Car c'est le propre de l'humaine

Raison de ne jamais pouvoir se livrer au repos avant D avoir recouvré l'équilibre. S

Ne peuvent pas rester en place Et vont en tous sens, ivres de liberté et d'élan fougueux, Jusqu'à ce que repris, contraints Par un licol, au pal ou à l'écurie leurs maitres les lient,

« Car », dit [ Cicéron], « nous tenons le grammairien que tu es pour un Phalaris », ce qui veut dire quelqu'un qui

punit méme les fautes d'orthographe de la peine capitale.

10 1822 Cy; ^ : ; à QVINT,, 12, 10, 31 : Quidi ? Quod pleraque nos illa quasi è mugiente littera cludimus -m, qua nullum Graece uerbum cadit ; at illi -v iucundam et inÎ

fine praecipue quasi tinnientem illius loco ponunt, quae est apud nos rarissima in clausulis. 1823 É iati. è i i ERASME, De recta... pronuntiatione, éd. cit., p. 49 (LB933) : « On ajoute aussi i le métacisme, en accentuant plus que de raison le -m en finale lorsque le mot suivant commence par une voyelle, par exemple dans plurimum audet. À cette position, l'usage veut que le -m disparaisse de maniere à faire entendre plurimaudet, comme dans ce passage de Cicéron (- début de la premiére des Catilinaires), Quousque tandem abutere, qu'on doit prononcer tandabutere ». Voir aussi QVINT., 9, 4, 40.

'** Voir notre analyse plus détaillée dans A. Rolet, « Un animal sauvage au service de l'éloquence : le taureau de Phalaris ».

596

Comme des chevaux indomptés, le mors rompu sous leur dent dure,

Ainsi, à la piétre ambition,

Au plaisir insensé, la prudence dédalienne toujours Apporte censure et mesure.

MÉTRIQUE

Métre alcmanien (hexamétre dactylique et tétrapodie dactylique), rendu par une alternance 16/8 syllabes. 1825 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 19, n^ 62 (= cxi).

597

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

NorES

-ded. carm.: AD personnage.

CAROLVM

GRASSVM]

Traduction, annotation, commentaire - Livre IV

Voir la notice biographique

au Symb.89,

dédié

au méme

-v. 7: impete] Pour cet ablatif, employé pour des raisons métriques à la place d'impetu, voir LVCR., 2, 330 ; Ov.,

d'une force disciplinaire invisible, à la reprise en main des bétes déchainés, qui sont d'abord capturées puis se

voient contraintes (captos pressosque) par trois types d'instruments : le licou (capistris), le pal oà l'on vient attacher le licou (ad palum innodent) et l'écurie (ad praesepe).

- v. 8 : capistris] Le terme est virgilien et désigne le licou auquel on habitue le jeune cheval (Georg., 3, 188 : inque

La proposition principale intervient dans les v. 10-12 pour clore la métaphore et présenter le comparé, composé de trois éléments : deux passions, l'ambitio et la libido, qualifiées respectivement de misera et d'insana (qui rappelle furibunda plus haut) et que traduisent les chevaux débridés ; la Prudentia, représentée par le magister, est

praefigunt ora capistris).

la raison à abandonner la passion, par exemple des jugements équilibrés), puis est précisée par deux attributs

Met. 3, 79.

uicem det mollibus ora capistris) ou les museliéres ferrées pour les chevraux (Georg., 3, 399 : primaque ferratis

— v. 12: correptrix] Le terme n'existe pas en latin classique. Il est déduit du masculin correptor (cf. SEN., Ir., 2, 10,

7), le censeur, celui qui critique, et vient de corripio, dont l'un des sens est « déchirer par des paroles », « attaquer violemment de maniére verbale ».

ANALYSE

Mettant en garde son parent et ami, Carlo Grassi, familier de la Curie romaine et de ses tentations, Bocchi

reprend et ajuste ici la définition stoicienne de la passion comme « une impulsion excessive et qui désobéit aux décisions de la raison ou bien un mouvement irrationnel de l'àme et contraire à sa nature »/9 è travers la métaphore du cheval rétif et emporté qu'il faut discipliner par tous les moyens. Au nombre de quatre fondamentales (peine, crainte, désir et plaisir), qui peuvent ensuite se décliner en une infinité de variations, les passions sont un débordement de la raison par elle-méme, qui adhére à des jugements faux sous l'effet d'une impulsion qu'elle ne maitrise plus, et non pas, comme chez Platon, les produits illusoires de parties irrationnelles de l'áàme. On notera toutefois que l'image du cheval emporté fait résonner la description donnée par Platon de l'àÀme comme un attelage ailé (Phaedr., 253d-e) conduit par l'intelle& (nous) et composé d'un cheval blanc et docile (le thymos) et d'un cheval noir et rétif (les epithumiai).

Dans les deux premiers distiques (v. 1-4), Bocchi insiste sur le fait que tout trouble passionnel (uiolentum) ne

peut étre que passager (cito... ruiturum) puisqu'il es conforme à la nature de la raison (proprium rationis est) de chercher à retrouver son équilibre (suum ad rectum redeat) et faire cesser la passion. Pour mieux montrer comment la raison agit contre les passions, en particulier l'ambitio et la libido (cf. v. 10-11), Bocchi se sert, dans la suite du poéme, de l'image des chevaux et du dresseur. La comparaison s'ouvre au vers 5 par la subordonnée introduite par ut et l'évocation des deux comparants (ut equi indomiti ; magistri), puis elle se conclut au vers 10 par la principale introduite par le corrélatif sic et qui comprend le comparé (ambitio ; libido ;

prudentia). Elle es probablement inspirée par Cicéron, (Off., 1, 9o), qui place dans la bouche de Panétius une

citation de Scipion l' Africain (voir apparat des sources pour le texte latin) :

qualifiée d'abord de Daedala (renvoyant à sa capacité de créer, comme le dompteur, des objets qui contraignent

homéotéleutes en -trix, qui rappellent Cicéron (cf. Tusc., s, 2, 5: o uirtutis indagatrix expultrixque uitiorum) :

correptrix et moderatrix. Il ne s'agit plus seulement de tenir l'àme en équilibre en lui imposant la mesure

(modus/moderatrix), mais bien, comme dans tout processus d'éducation, d'en changer la nature imparfaite en

corrigeant ses défauts (correctio/correctrix) : le terme correctrix rappelle le terme rectum du v. 4. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana", illustre la partie métaphorique du texte en mettant en scene les chevaux-passions et le dompteur-Raison. Le premier plan de la gravure se déroule dans l'intérieur d'une écurie, comme le montre la barriére à claires-voies pour retenir la paille, en hauteur sur le mur de gauche. À gauche de l'image, un dompteur nu, à l'exception d'un manteau à l'antique qui dévoile son corps dans l'effort, tire par le licol un cheval qui se cabre sur la droite, afin de l'attacher au pal qui se dresse le long du cadre de l'image. Derriére le dompteur, on apergoit à gauche la téte d'un autre cheval qui se retourne. Les animaux sont agités, mais la mise en valeur de la longe et du mors qui limitent les mouvements de l'animal de droite montre aussi l'imminence de l'apaisement. La force du dompteur, bien campé sur ses deux jambes, est relayée visuellement par plusieurs éléments. En effet, le coude droit du personnage, replié pour tirer la longe, et son bras gauche tendu pour maitriser l'animal, dessinent une ligne qui

vient seconder celle que trace le licou tendu. De méme, les franchissements graphiques sont significatifs : le coude bien visible vient s'appuyer sur le pal, véritable tronc d'arbre sectionné, tout comme le genou droit, dissimulé en partie avec le bas de la jambe. Cette contiguité avec l'instrument de bois indique une qualité partagée : le robur, la dureté infrangible de l'áme. Sur la droite de l'image se découpe une immense arche qui laisse apercevoir une vaste cour intérieure, sans

doute celle d'un palais, comme le suggere la haute muraille d'enceinte crénelée qui obstrue l'horizon et le portail

massif clos. Cette seconde scene s'oppose à la premiére, comme à son contraire : au milieu de la cour, laissés libres loin du dompteur, deux autres chevaux laissent libre cours à leurs impulsions : le premier lance des ruades, le second se cabre.

De la méme maniére qu'on confie d'ordinaire à des dresseurs des chevaux, que les épreuves répétées des combats ont rendus bouillants et féroces, pour les rendre plus doux, de méme il faut conduire les hommes déchainés par la

prospérité et trop confiants en eux-mémes au manége, pour ainsi dire, de la raison et de l'éducation, pour leur faire

voir la fragilité de la condition humaine et la versatilité de la fortune.

La subordonnée comparative

de l'épigramme se déploie en deux temps. Nous assistons tout d'abord (v. 5-7) à la fuite des chevaux indomptés (equi indomiti) qui se libérent en rongeant le mors qui les attache (abruptis...

lupatis, à l'entrée et à la fermeture du vers 5), qui ne peuvent rester en place (stare loquo nequeunt) et sont emportés en tous sens, en un mouvement désorganisé (discursant) qui signale le furor (furibunda) et la raison qui s'égare. Ils ne sont pas libres mais impuissants car livrés aux emportements de l'impulsion (furibunda... licentia ; impete uasto). Dans un deuxiéme temps (v. 8-9), une subordonnée temporelle introdu ite par dum vient marquer la limite temporelle où l'égarement cesse et oü le maitre reprend ses droits (et rappelle le donec du v. 3). Trés habilement, le terme magistri n'apparait qu à la toute fin du vers 9, mais nous assistons, comme sous l'effet 1826

" E STOB., Ed, 2, 7, p. 88, 8-12 Wachmuth, cité et traduit par S. Husson, « Le convenable, les passions, le sage et la cité » dans J.-B. Gourinat,

J. Barnes (dir.), Lire les stoiciens, Paris, 2009, p.

598

114-132, ici p. 120.

7" Voirle catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 25, p. 19, n° 64 (7 CXV).

599

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

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Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Symb. 118

concernant les aventures d'Ulysse)!*", avec la participation de Prospero Fontana. Il regoit la pourpre comme

Gravure :

MÉPRISE LES PLAISIRS : LE PLAISIR PAYÉ DE DOULEUR NUIT

cardinal-prétre, avec le titre de S. Anastasia, en 1551, puis repart en Espagne comme légat a latere de 1551 à 1553. Il participe à Rome aux deux conclaves de 1555 qui ont nommé success ivement les papes Marcel II puis

Paul IV, avant de mourir à Bologne en 1556. -v.3 : hamatum cochlear] Le terme coclear, à cóté des formes comme cocleare ou coclearum, est connu dans

À GIOVANNI POGGI, CARDINAL BOLONAIS

- v. 6: bellaria] Voir analyse.

-v.13: hamata... dolore... amanda] On notera le jeu de paronymie. Le participe adjectivé hamatus est une métaphore lucrétienne pour désigner les atomes crochus qui peuvent adhérer entre eux et qui blessent les sens

Afin que chacun pát, sans mal, en sa bouche Introduire de plus menues friandises, Comme c'est l'usage à la fin du repas.

(c£. 2, 394 : aut magis hamatis inter se perque plicatis ; 2, 405 : haec magis hamatis inter se nexa teneri). Pour Lucréce, ces crochets sont les agents de la douleur (cf. 2, 467-468 : [Est] sed leuibus hamata sunt illis admixta

Un incident survint, risible mais grave : Chacun avait ingurgité son crochet.

10

doloris/ Corpora).

Bocchi s'en rendit compte et tint ces propos : « Sache que c'est le fruit non du hasard mais D'une grande àme et d'un dessein excellent. Pourquoi donc ? Le sens est qu'on ne peut aimer De plaisir sous le croc de triste douleur ».

REMARQUE SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET SUR LES MANUSCRITS

Le retour de Giovanni Poggi d'Espagne aux cótés de Philippe II es mentionné dans l'une des Lettres de Bocchi à

Romolo Amaseo, datée d'avril 1548 (Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 Inf, £ 16v), où l'emblématiste rappelle les

liens trés profonds qui l'unissent à son ami :

Id autem minime tacebo, Ioannem Poggium nuncium pontificium in Hispaniam propediem in Italiam uenturum cum Philippo, Caroli V filio. Scio te non ignorare illum mihi iure sanguinis ac multo magis amicitiae iure copulatum. Huius herois fauore confido fortunas nostras haud dubi subleuandas. Iam finem faciam, si prius alliud addidero, me inopia rei pecuniariae summa laborare,

MÉTRIQUE Hendécasyllabes phaléciens. NoTES - ded. carm : IOANNI POGIO

voire recourbée en forme de crochet (d'oà l'adjonction de hamatum), pour extraire les escargots de leur coquille

(cochlea), tandis que l'autre extrémité est ronde et creuse, pour prendre des aliments plus liquides. La gravure montre un instrument hérissé de petites aspérités.

Il y a peu, Poggi, hóte généreux, Pére aussi des élégances, nous offrit Des cuilléres crochues, au second service,

5

l'Antiquité (cf. SCRIB. LARG., 122 ; 96 ; CELS,, 3, 22) et désigne une cuillére dont l'une des extrémités est pointue

CARDINALI BONONIENSI]

Giovanni Poggi (1493-1556)? est le fils de

Francesca Quistelli et Cristoforo Poggi, membre du collége des Anziani jusqu'en 1458, gonfalonier de justice en

Une autre lettre, datée de janvier 1549 (f? 71"-v^), évoque le départ imminent de Pogio pour Rome :

1561 et secrétaire de Giovanni II Bentivoglio. Aprés ses études et aprés avoir voyagé en Espagne dans la suite

Pogius erit Romae propediem. Tu cum eo de rebus omnibus nostris colloquere. Virum prudentia singulari et uoluntate

veuf en 1528 et pére de nombreux enfants. Il se rend alors à Rome et embrasse la carriére ecclésiastique. Paul III le nomme protonotaire apostolique et trésorier de la Chambre Apostolique. En 1535, il devient nonce auprès de

ad te omnia retuli coram explicanda commodius!'**.

d'un joueur de guitare", Giovanni Poggi revient à Bologne et épouse la milanaise Lodovica Bibieni qui le laisse

Charles Quint et, entre 1535 et 1539, il est appointé collecteur des biens ecclésiastiques des royaumes d'Espagne

auprés de Philippe II, s'enrichissant ainsi considérablement et favorisant la présence des Jésuites en Espagne, de concert avec le cardinal Juan Tavera et l'inquisiteur Diego Tavera!®®°, Paul III le délégue ensuite en Allemagne pour lutter contre la réforme protestante. Il participe à la diéte de Worms, aux négociations de Ratisbonne en 1541, aux cótés du cardinal Giovanni Morone, et de Bonn en 1544/9?. En 1 541, il et nommé évéque de Tropea, en Calabre. Il participe activement au Concile de Trente entre 1 $47 et 1548, tout en restant nonce pontifical en

Espagne. En 1551, il poursuit les travaux de restructuration et d'agrandissement de son palais bolonais Via san Donato (dans l'actuelle Via Zamboni), commencés dés 1549 avec l'aide de son frére Alessandro, et fait appel

pour la décoration intérieure aux services de Pellegrino Tibaldi (qui réalise en particulier les deux salles 128 V. Fortunati Pietrantonio, « Un singolare committente a Bologna sulla metà del Cinquecento : Giovanni Poggi (1493-1556) », Saecularia Nona, 3, 1988, p. 58-62 ; Ead., « Sguardi sulla pittura a Bologna nel Cinquecento : molteplicità di protagonis ti e linguaggio nell'intreccio di

eventi politici e religiosi », in V. Fortunati (dir.), La pittura in Emilia Romagna. 1l Cinquecento, t. II, Milan, 1996, P. 301-397 ; G. C. Roversi (dir.), Palazzi e case nobili del 'soo a Bologna. La storia, le opere d'arte, Bologna, 1986, p. 153-169, s. v. « Poggi » ; G. Fantuzzi, Notizie degli scrittori Bolognesi, p. 64-67 ; L. Meluzzi, I vescovi €gli arcivescovi di Bologna, 1975, p. 301-303. 1829 G. Fantuzzi, Notizie degli scrittori Bolognesi, P. 67 ; G. C. Roversi, Palazzi, p. 155. 5? M. Lorandi, O. Pinessi, Il mito di Ulisse nella pittura a fresco del cinquecento italiano, Milan, 1996, en particulier p. 50-53. 1831 G. C. Roversi, Palazzi, p.157.

600

ergà nos egregia cognosces. Negotium illi exaedificationis nostrae laconic? ut [£° 7v°] occupatus occupato commendaui, et

ANALYSE Comme le suivant, mais dans un contexte totalement différent, l'embléme propose un objet qui tourne autour de la bouche. Comme dans le Symb. 27, oü l'on est invité à la table de Bocchi, il s'agit ici d'un banquet bolonais,

certes, mais offert par le cardinal Giovanni Poggi, probablement dans le palais familial (profondément restructuré en 1551, voir supra), et auquel Bocchi lui-méme aurait participé. Poggi est loué pour son hospitalité

(v. 1-2) et Bocchi lui donne méme le titre de pater elegantiarum, qui renvoie aux Annales de Tacite (16, 18, 2 :

'* Voir V. Fortunati, « Il mito di Ulisse nei dipinti murali di Pellegrino Tibaldi a Palazzo Poggi. Iconografia e stile tra civiltà dell'emblema e

scienze enciclopedica » dans L. Capodieci, Ph. Ford (dir.), Homére à la Renaissance: mythe et transfiguration, Actes du colloque Omero nel Rinascimento, Rome, Villa Médicis, 27-29 novembre 2008, Rome-Paris, 2011, p. 161-173 ; Ead., « I dipinti murali di Palazzo Poggi. Artisti e letterati a Bologna alla metà del Cinquecento », in V. Fortunati, V. Musumeci (dir.), L'immaginario di un ecclesiastico. I dipinti murali di Palazzo

Poggi, Bologne, 2002*, p. 15-31 ; I. Bianchi, « Giovanni Poggi nell'età di Bocchi », ibid, p. 33-45. "52 « Je ne passerai pas sous silence que Giovanni Poggi, nonce apostolique en Espagne s'appréte à rentrer en Italie de maniére imminente avec

Philippe, le fils de Charles Quint. Je sais que tu n'ignores pas qu'il m'est lié par les lois du sang mais bien plus encore par celles de l'amitié.

Gráce à la faveur de ce héros, j'ai bon espoir que nos fortunes vont étre allégées.Je termine maintenant, en ajoutant au préalable un autre point : je suis dans les plus grandes difficultés financieres ». VB e Poggio sera à Rome trés bientót. Va t'entretenir avec lui de toutes nos affaires. Tu découvriras que l'homme est d'une sagesse singuliére et de bonne volonté à notre endroit.Je lui ai recommandé la construction de notre palais, laconiquement, comme

homme occupé, et je te renvoie la charge de lui expliquer tout le projet de maniére plus appropriée ».

un homme occupé à un autre

601

Z

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

elegantiae arbiter) et au portrait subtil et nuancé que l'historien donne de Pétrone, doht x Figs plaisirs de la vie et de la volupté sur un mode raffiné (erudito luxu, ibid., 18, 1) V"

à jouir Ms

fait i sépntatión. Leditteó

antique, qui ne passait cependant pas pour étre un débauché (non ganeo et profligator, ibid.), jouait le róle de conseiller en plaisir auprés de l'empereur Néron (scientia uoluptate potiorem, ibid., 19, 1), tout en sachant s'acquitter avec bonheur des táches politiques qui lui étaient confiées, par exemple lors de son proconsulat en j Bithynie puis de son consulat. que, danda privées civilités de et C'est sur ce modéle équilibré de moderatio et de uoluptas, de talent politique six premiers vers du poéme, Bocchi nous présente un Giovanni Poggi en maitre de maison, recevant ses i: dans sa demeure pour un banquet. Poggi tente de surprendre ses hótes au moment des amuse-bouches qui clóturent le festin, en faisant apporter des cuilléres'55, soi-disant pour des raisons de commodité (porter à sa bouche des morceaux trop petits pour étre saisis à la main). Les termes secundis mensis (v. 3-4) et bellaria (v. 6), « friandises », « douceurs » renvoient à un extrait de Varron discuté dans les Nuits attiques d'Aulu-Gelle (13,

11, 6-7), et qui sera repris dans les Saturnales de Macrobe (2, 8, 1-3). Varron explique en particulier que le terme

bellaria traduit deux mots grecs, néppata (pátisseries) et zpayrjuaxa (friandises), ainsi que les vins doux évoqués

dans la comédie ancienne.

Mais, de maniére plus générale, dans le chapitre 11 du livre 15, Aulu-Gelle rappelle les quatre conditions du

parfait banquet selon Varron : gens de bonne compagnie, lieu choisi, moment opportun, service raffiné (13, 11, 3). Varron indique que le nombre des banqueteurs doit aller de celui des Gráces à celui des Muses, c'est-à-dire de trois à neuf (Nodt., 13, 11, 3). Pour les conversations, Varron recommande par deux fois l'alliance de la uoluptas et de l'utilitas (13, 11, 4 : cum quadam inlecebra et uoluptate utiles ; 13, 11, 5 : quae simul sint et delectent).

Dans le méme esprit, le passage de Macrobe se sert des convives, Eustathe, citant Platon, un éloge de l'esprit et susciter la gaíté sans se laisser aller aux recommande de ne pas abuser des plaisirs du goát cing sens, ce sont eux qui nous rapprochent le plus

du terme de bellaria Liber pour mettre la modération dans la consommation débordements néfastes. Eustathe cite et du toucher, en particulier dans les des animaux. L'insistance d'Aulu-Gelle

dans la bouche d'un du vin, pour libérer ensuite Aristote qui festins, car, parmi les et de Macrobe sur le

raffinement des mets, l'érudition des convives, et le plaisir s'alliant à la modération morale a sans doute séduit

Bocchi pour l'évocation de ce banquet bolonais qui nous présente une société littéraire à l'antique.

Au centre du poéme (v. 7-8), une anecdote vient interrompre cette lecon de civilité : les convives avalent leur

cuillere (hamum sibi quenque deuorasse), associant malgré eux la douceur de la friandise au piquant de l'instrument. L'épigramme, on le comprend, adopte l'esthétique du kairos et transforme la banalité de l'événementiel en objet esthétique et précieux, mi-comique, mi-sérieux. Or, au chapitre 13 du livre 7 des Nuits

attiques, Aulu-Gelle détaille quelques symbolae (« écots ») que les convives devaient payer de maniére figurée à

la table du philosophe Taurus. Il s'agit de quaestiunculae sympoticae, de petites questions subtiles qu'on pose à la fin du banquet, au moment où l'on apporte les boissons. Ces questions ont une forme paradoxale : quand meurt un mort ? Lorsqu'il est encore en vie ou lorsqu'il est pleinement mort ? Quand est-on assis ? Lorsqu'on est déjà debout, en train de se lever ou encore immobile sur sa chaise? Ce sont des nugae et des ludi, mais les philosophes ont mené dessus des enquétes sérieuses (serio quaesiuerunt). La question posée dans l'embléme pourrait avoir la forme mi-sérieuse, mi-ludique : une douceur sucrée accompagnée d'une douleur amére est-elle

Athénée'**^ les réflexions philosophiques et les conversations littéraires!5?. L'emblématiste prend la parole pour deviser et voir là, non pas le fait du hasard (temere), mais un enseignement apporté par une providence supérieure (alta mente et consilio optimo). Il tire une lecon tout épicurienne de ce petit épisode qui associe paradoxalement les délicatesses sucrées du dessert aux blessures suscitées par le crochet de la cuillére qui sert à sa consommation : on notera la répétition tout au long du texte d'un vocable inspiré par Lucréce décrivant les atomes crochus qui blessent : hamum ; hamatum ; hamata. La volupté qui se solde par de la douleur n'est pas

appréciable, comme le rappelle le dernier vers, qui fait écho à une citation d'Horace (Epist., 1, 2, 55) qui sert de

motto/titulus à la gravure. Dans cette épitre adressée à Lollius, Horace suit la trajectoire d'Ulysse pour montrer combien, malgré les épreuves et les tentations, le héros grec n'a jamais succombé à ses passions, mais s'est trouvé fortifié par la vertu et par la sagesse. Horace met ainsi son interlocuteur en garde contre les voluptés qui

se soldent par des douleurs et il l'invite à mettre une limite à ses désirs (ibid., 1, 2, 56 : certum uoto pete finem) :

Horace rejoint ici les conclusions d'Aulu-Gelle et de Macrobe présentées plus haut, mais aussi celles d'Épicure invitant au calcul des plaisirs dans la Lettre à Ménécée. Pierre Martin, qui émet l'hypothése de l'embléme comme cas typique de private joke, excluant ceux qui n'ont pas la référence, nous fait remarquer que le terme hamatum/hamata invite à un rapprochement avec l'àne du Symb. 120 qui ingurgite des buissons d'épines (hamatis sentibus) au lieu de laitues, et suscite ainsi le rire de Crassus. Dans ce cas, de méme que le Symb. 120

invite le jeune disciple à fuir les maitres embrouillés qui se passionnent pour les questions épineuses, le Symb. 118 serait une mise en garde contre l'inutilité de certaines expériences désagréables. La gravure ne nous éclaire guére sur le sens général à préter à cette piéce. Elle nous montre l'intérieur d'une salle de banquet de la Renaissance, probablement l'une des piéces du Palazzo Poggi à Bologne. La décoration et le mobilier sont trés dépouillés et l'architecture trés sobre : pas d'encadrement pour la porte qui s'ouvre à gauche de l'image ; le vaste manteau d'une cheminée sur la droite n'est pas décoré ; pas de tapisserie aux murs ni de tapis au sol. Deux marches en premier plan de la gravure donnent l'illusion du niveau rehaussé d'une scéne théátrale. Sur la gauche de l'image, une table est dressée, couverte d'une nappe. Sept convives y ont pris place, assis sur des sieges curules. Trois serviteurs se tiennent immobiles derriere les invités du cóté gauche, et on peut

supposer que le personnage au centre, coiffé d'un couvre-chef et flanqué de deux autres hótes, est sans doute à identifier avec le maitre de maison, Giovanni Poggi : il est d'ailleurs le seul qui ait conservé sa cuillére, qu'il porte à sa bouche. Au bout de la table, on reconnait Bocchi, barbu et la téte couverte d'un chapeau. Derriére lui, dans l'ombre, une troupe de six spectateurs assiste au banquet. Ce qui ressemble à une tarte est posé au centre de la

table. Sur le petit cóté, du cóté du spectateur, une énorme cuillére couverte d'aspérités est retournée, avec un

manche recourbé à son extrémité. La présence d'un seul couteau souligne l'absence d'autres couverts, et le geste que fait le premier convive du cóté gauche de la table (Bocchi ?), paume ouverte, marque sa surprise. Prés de la table, couché par terre, un chien ronge un os: est-ce une allusion à la substantifique moelle rabelaisienne (le Pantagruel est paru en 1532), et donc une invitation à saisir le sens caché des propos et de l'événement, comme le fait le convive Bocchi ?

toujours une friandise ? Dans les cinq derniers vers (v. 9-13), l'un des hótes, Bocchi lui-méme, prend prétexte de l'incident (Sensit Bocchius) pour transformer le repas en véritable symposium, lieu où l'on mange, certes, mais où prennent place également, à l'imitation des banquets antiques, de Platon à Macrobe

en passant par Plutarque, Lucien et

%5 Sur l'histoire de cet ustensile, voir R. Lecoq, Les objets de la vie domestique. Ustensiles en fer de la cuisine et du foyer, des origines au XIX siécle,

Paris, 1979 ; L. Dreyfus, Cuillers, reflets de civilisation, Woippy, 1994. Sur le contexte de civilité qui préside à l'usage de ces instruments, et le róle

essentiel joué par le De Ciuilitate morum puerilium d'Érasme, paru en 1530, voir J.-C. Margolin, « De la civilité nouvelle. De la notion de civilité à sa pratique et aux traités de civilité », dans A. Montandon (dir.), Pour une histoire des traités de savoir-vivre en Europe, Clermont Ferrand, 1994, p. 151-178 ; et M. Jeanneret, Des mets et des mots. Banquets et propos de table à la Renaissance, Paris, 1987, p. 39-60.

602

1836 Voir L, Romeri, Philosophes entre mots et mets: Plutarque, Lucien, Athénée autour de la table de Platon, Grenoble, 2002 ; R. Nadeau, Les maniéres de table dans le monde gréco-romain, Rennes/Tours, 2010.

7 Sur cette dimention essentielle, voir M. Jeanneret, Des mets et des mots.

603

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Symb. 119

et verrous à leur bouche'**, On remarquera enfin le lien avec l'embléme précédent qui, dans un contexte

GARDE POUR TOI SECRETS ET CALOMNIES

Mais l'emblématiste joue aussi sur les significations en cascade que prend le geste symbolique d'Alexandre. Outre l'invitation au silence, l'application du sceau sur les lévres témoigne de la fides d'Alexandre sur deux

Gravure :

totalement différent, tournait autour de la bouche.

plans : d'abord en matiére d'amitié, envers Hephestion (Fiduciae exemplum de amico nobile, v. 10), ensuite en

EXEMPLE FAMEUX DE BONTÉ ET DE CONFIANCE DONNÉ

PAR ALEXANDRE

Alexandre de Macédoine, un jour, lisait

Une lettre de sa mére, qui contenait

$

Un fort grand nombre de secrets et calomnies Contre Antipater ; Hephestion, avec le roi, Lisait, comme à l'accoutumée. Pourtant, de lire Le roi ne lui défendit point ; la lettre lue, Il retira soudain de son doigt un anneau À sceller, le mit sur la bouche d'Hephestion,

Invitant par ce geste à taire les secrets. 10 Que nos descendants retiennent ce noble exemple D'absolues foi et bonté envers un ami.

Bien qu'haissant Antipater, il refusa Qu'on répandit plus largement les calomnies.

matiére politique puisqu'il se refuse à douter de l'honnéteté d'Antipater, malgré les calomnies et les objections maternelles (spargi... non passus est calumnias, v. 13), et malgré ses propres sentiments d'inimité (inuisum... Antipatrum, v. 12) : dominant ses passions, il fait preuve de magnanimitas ou plutót, d'une singularis humanitas (v. 11), c'est-à-dire d'un sentiment particulier d'estime à l'égard de son semblable né de la conscience de partager avec lui le statut supérieur d'homme.

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana!*?, illustre le

propos de Plutarque, et donc de l'épigramme emblématique qui s'en inspire. Elle nous montre un camp militaire, avec des tentes dressées en arriére-plan, devant lesquelles vient prendre place une armée en armes,

avec casque, et lances. À droite, on apercoit deux tétes de chevaux. Au centre du cercle formé par l'armée, Alexandre avec casque à panache, cuirasse et épée au flanc, tenant une lettre ouverte dans la main droite, fait face

à Hephestion, de profil, et lui applique une énorme bague à cacheter sur les lévres. Hephestion n'a qu'un simple casque. Il est plus petit qu'Alexandre, et emporté dans un mouvement déséquilibré des jambes qui, combiné à l'ouverture des bras, donnent à la fois l'impression qu'il s'agenouille devant son général, mais aussi qu'il est Stoppé en plein élan au moment oü il s'appréte à parler. Pierre Martin nous suggére de lire le mouvement opposé qu'effectue le bras d'Alexandre qui emporte la lettre en arriere et celui d'Hephestion vers l'avant comme le signe que les deux hommes tenaient conjointement la missive pour la parcourir ensemble.

MÉTRIQUE

Trimétres iambiques. ANALYSE Bocchi utilise pour cet embléme un épisode célébre de la vie d'Alexandre de Macédoine, qui donne du souverain une image positive (tout comme le Symb. 53 qui illustrait son équité et à l'opposé du Symb. 66 qui Stigmatisait sa démesure) : Alexandre n'empéche pas son ami d'enfance Hephe&tion, fils d'Amyntas, de lire en sa compagnie une lettre de sa mére Olympias contenant des calomnies et des insinuations à propos d'Antipater. Antipater était l'un des généraux les plus expérimentés d'Alexandre, et celui qui l'aida à accéder au tróne aprés l'assassinat de son pére Philippe II, tout en exergant la régence en Macédoine. Mais il voyait d'un trés mauvais cil l'expédition asiatique d' Alexandre et cette hostilité marque une rupture dans ses relations avec Olympias qui lui était jusqu'alors favorable et finit par lui reprocher d'avoir des ambitions (cf. ARR., Ar., 7, 12, 7). L'épisode connait trois rédactions différentes de Plutarque (voir apparat des sources), une dans le premier des deux traités Sur la fortune d' Alexandre (1, 11, 332f-333a), une seconde dans la Vie d'Alexandre (39, 8-9, 688c), une troisiéme dans les Apophtegmes des rois et généraux lacédémoniens, 180d. Les trois versions partagent l'allusion à un geste symbolique essentiel à décrypter, qui a retenu l'attention de Bocchi et qui est au cceur du dispositif emblématique : Alexandre, aprés qu'Hephestion ait lu avec lui la lettre, retire son anneau à cacheter et le place sur les lévres de son compagnon, pour lui sceller en quelque sorte la bouche et lui interdire de répandre les secrets et calomnies qu'il a lus (monens/ Gestu hoc tacenda arcana). Le symbole est aptum dans la mesure oà il s'intégre parfaitement au contexte d'un épisode où une lettre tient la place centrale. Mais, de maniére plus vaste, il rejoint aussi la culture humaniste du silence, dont Bocchi avait souligné la dimension mystique et religieuse dans le Symb. 64. Outre l'image familiére aux emblématistes d'Harpocrate mettant le doigt sur ses lévres (voir par exemple l'embléme d'Alciat « Silentium » ), la littérature

biblique des proverbes, de son cóté, ne manquait pas elle non plus d'inviter ses lecteurs à mettre sceaux, portes

Symb. 120 Gravure :

HÁTE-TOI D'APPRENDRE, CAR LA VIE EST BRÉVE IL FAUT METTRE FIN AUX QUESTIONS ÉPINEUSES Sur l'image : l'Agélaste (Celui qui ne rit jamais) *

À JACOPO CASONI DI CENTO, SON ÉLEVE La gráce des fleurs est bréve, leur destruction hátée, Et en pleine éclosion se sont flétries les roses ;

Tout aussi bréve est notre vie, notre jeunesse hátée Et en pleine éclosion se sont flétries nos joues. S Agis tant que tu peux, prends le présent, et n'attends point Demain. Si tu veux apprendre, apprends aujourd'hui. Sois prudent et veille à n'étre point blessé par les ronces Pointues des faux savants, avant qu'on ne t'instruise. Dans les ronces piquantes, l'àne, indigne animal, se plait. 10 Crassus ágé en avait ri fort justement. !55 Voir par exemple VVLG., Sirach (Ecclesiasticus) 22, 27 (trad. Bible de Jérusalem, Paris, 1975, p. 1231) : « Qui mettra une garde à ma bouche/ etsur mes lévres le sceau du discernement/afin que je ne trébuche pas de leur fait/ que ma langue ne cause pas ma perte ? » 28, 29 : « Dans ton langage, use de balances et de poids,/ à ta bouche mets porte et verrou. »

159 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 20, n° 75 (s CXVII).

604

605

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Vr

————MÀ

MUR

"Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome2

poéme d'Ausone s'achevait lui aussi sur une formulation sentencieuse (v. 59 : Et memor esto aeuum sic properare

MÉTRIQUE

tuum) mais le paralléle s'arréte là.

Distiques élégiaques.

Le domaine

NorES

E

épines) et au sens figuré, tit. pict. : SPINOSA] Le terme désigne ce qui est pointu, au sens propre (comme les c'est-à-dire subtil à l'excés. ANALYSE

repris les quatres premiers vers Comme nous le montrent les Lusuum libri duo (Vat. Lat. 5793, f° 62v°), Bocchi a

du Vado de cette épigramme d'un poéme qu'il avait rédigé à quinze ans, dans la propriété de campagne Bocchiano à San Giovanni in Calamosco, prés de Bologne, et qui s'intitulait « Ad sodales, ut genio indulgeant oü dum licet, anno aetate XV in Bocchiano » '**". Les quatre vers en question concluaient le poéme de jeunesse Bocchi invitait ses compagnons d'études à jouir des biens évacescents de la jeunesse et, gráce à la reprise de partielle sous forme d'embléme, l'emblématiste offre à son étudiant-dédicataire ces fruits poétiques datant nt son jeune temps. De nombreux motifs thématiques et littéraires qui composent ce double distique provienne d'une piéce attribuée à Ausone ou au Virgile du Catalepton et intitulée « De rosis nascentibus », Sur la naissance des roses, comme l'avait déjà noté S. Rotondella/*^', Dans ce poème pseudo-ausonien le poéte descend au jardin

spectacle lui oü il contemple la rosée couvrant les fleurs et constate que certaines roses se sont déjà fanées ; ce

inspire une comparaison avec la briéveté de la vie humaine et il invite alors la puella à savourer les trésors de sa

jeunesse. Sur le modéle ausonien (De nascentibus rosis, v. 36 : [Mirabar] Et dum nascuntur consenuisse rosas),

Bocchi élabore les deux premiers pentamétres (v. 2 et 4 : Et dum pubescunt consenuere rosae/ genae), identiques à l'exception du dernier terme, ce qui permet de faire alterner les homéotéleutes et isosyllabiques rosae/genae en relation de comparaison. En effet, les deux distiques bocchiens sont parfaitement symétriques et reliés par les deux termes de la comparaison inversée quam... tam qui mettent en paralléle les fleurs et les roses d'un cóté, la vieillesse et les joues humaines oü se lisent les ravages du temps de l'autre. Cette comparaison inversée apparaissait déjà dans le texte d'Ausone (v.43 : Quam

longa una dies, aetas tam longa rosarum), tandis que le

terme pubescunt choisi par Bocchi à la place de nascuntur est sans doute inspiré par l'emploi de ce terme dans le poéme antique à deux reprises (v. 44 : Quas [- rosas] pubescentes ; v. 49 : [ ... ] dum flos nouus et noua pubes). Les deux premiers hexamétres présentent eux aussi une facture symétrique, avec une coupe hephthémimére qui

d'application

de l'interdit, l'éducation,

se précise

à partir du quatriéme

distique, où Bocchi

déconseille en particulier à son dédicataire de perdre sa jeunesse à écouter les professeurs friands de spinosa (voir tit. pict.), c'est-à-dire de questions épineuses ou des sujets pointus. Bocchi se met ici dans les pas d'Horace qui, en rédigeant une épitre à Lollius, invite son jeune dédicataire à se confier au meilleur maítre (nunc te melioribus

offer), en insistant sur le fait que l'argile du vase neuf conserve longtemps l'odeur des premiéres substances qu'on y a versées (HOR,, Epist., 1, 2, 67-70).

Le motif des arguties épineuses (spinosa), qui se combine avec celui des buissons épineux du quatriéme distique (sentibus aspris), permet de faire, autour de la notion d'épine, la liaison entre les roses du second vers et la mention du petit àne dévorant des épines piquantes (sentibus hamatis) et suscitant le rire de Crassus l'Agélaste dans le dernier distique. Cicéron (et d'autres, voir apparat des sources) cite Lucilius, selon lequel Crassus l'Ancien, l'oncle du Crassus qui mourut chez les Parthes aprés la bataille de Carrhae en 53 av. J.-C., ne riait jamais, ou du moins, n'aurait ri qu'une seule fois, au spectacle d'un áne dévorant des chardons. Dans une lettre à

Chromatius (Epist., 7, 5), saint Jéróme signale l'existence d'un proverbe « Telles lévres, telles laitues » pour le en relation avec le passage de Lucilius. Érasme reprendra l'ensemble dans un adage (1, 10, 71 : « Similes habent labra lactucas », « Les lévres aiment les laitues qui leur ressemblent » ). Si l'áne est par ailleurs la figure scolaire du mauvais éléve, il apparait ici surtout comme l'animal stupide (turpis) qui se déle&e non de douces laitues

mais de chardons piquants (sentibus hamatis) qui, tout en lui blessant le palais, conviennent parfaitement à son

mufle rugueux, comme l'explique Érasme'*?. On comprend implicitement qu'à l'asellus, l'éléve-petit àne, correspond un asinus, un professeur-àne, qui aime les arguties et les problémes compliqués qui lui servent de nourriture piquante. Quel type d'enseignement et de méthode se voit visé ici? On peut penser à l'arrivée du philosophe Pietro Pomponazzi à Bologne dés 1511, adversaire d'Achillini, aux remous sans fin et aux arguties que suscitera son Tractatus de immortalitate animae, publié en 1516, auquel Bocchi tente probablement de répondre dans le Symb. 141. Bocchi rejoint ici la veine de l'embléme d'Alciat sur les Doctorum agnomina, les surnoms (en particulier d'animaux) donnés aux professeurs en fonction de leurs défauts physiques ou de prononciation, ou de traits marquants de leur personnalité.

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Prospero Fontana (Fig. 1)'?9, présente trois

qui n'avait pas été utilisée (Mirabar celerem fugitiua aetate rapinam).

personnages dans un paysage naturel. À gauche, un jeune homme vétu à l'antique cueille des fleurs sur une haute et dense haie qui traverse pratiquement toute l'image, comme pour faire le lien entre tous les personnages auxquels elle sert de toile de fond, offrant le lieu idéal oà prospérent les roses couvertes d'épines et les branches piquantes qui servent de nourriture à l'àne du texte. Le jeune homme tient un vaste panier d'osier de la main gauche, oü il dépose les fleurs qu'il a cueillies. Le jeune homme incarne bien sár la iuuentas de l'épigramme et l'acte de cueillir scelle la comparaison entre le dépérissement des roses et la fuite du temps. Il regarde vers la droite car c'est à lui que s'adresse le message allégorique délivré par les deux autres personnages à l'autre bout de la haie. Un personnage barbu et assis tend des branches couvertes d'épines à un àne qui, dans son dos, surgit du buisson, pour tendre le cou, et dont on n'apercoit pas le reste du corps, dissimulé dans les broussailles. À la

derniers, amorce un changement de tonalité, plus aphoristique au service d'un contenu plus éthique. Si

bouche pour rire, en accompagnant son hilarité d'un vaste geste des mains. Comme le suggere le titulus de la

ralentit le rythme pour mieux préparer l'effet de surprise et d'accélération de leur chute paralléle, renforcée d'un point de vue sémantique par l'adjectif praeceps (rapide, hàté) : praecepsque rapina (v. 1)/ praecepáque iuuenta (v. 3). Si cette symétrie n'apparait pas dans le texte d'Ausone, en revanche le terme rapina qui clót le premier hexamétre est, lui, bien emprunté à l'original antique (v. 35 : celeram... rapinam), de méme que l'expression Gratia quam florum breuis est qui ouvre le méme hexamétre est une refonte de la deuxiéme partie du v. 5o du

poéme d'Ausone ([Conquerimur, natura], breuis quod gratia florum). Le début du second hexamétre bocchien (Tam nobis breuis est aetas) semble une libre adaptation de l'expression fugitiua aetate du méme v. 35 d'Ausone,

Le troisiéme distique de l'embléme, véritable cheville qui articule les deux premiers distiques et les deux

l'épigramme reprend le motif topique de la briéveté de la vie qui se fane comme les fleurs, il s'agit moins d'illustrer le motif du carpe diem ou de s'adonner à la mélancolie de la beauté qui se fane que d'inciter le jeune interlocuteur du poéme à ne pas perdre de temps ou remettre au lendemain, comme l'indiquent les expressions jussives praesentibus utere ; ne cras expectes ; disce hodie, qui sonnent comme autant de formules gnomiques. Le

1540 Voir introduction. Pour l'analyse de cette piéce de jeunesse, voir S. Rotondella, « Dai Lusuum libri di Achille Bocchi : l'elegia Ad Sodales », in G. Catanzaro, F. Santuci (dir.), Poesia umanistica latina in distici elegiaci, atti del convegno internazionale, Assisi p. 289-301.

15! [bid,, p. 294-295.

606

15-17 maggio 1998, Assise, 1999,

droite de l'image, Crassus l'Agélaste, désigné en grec explicitement, sous les traits d'un vieillard barbu, ouvre la

!59 Adag., 1, 10, 71 : Natum adagium ab asino carduos pascente. Est autem lactuca herba mollis ac tenera, quae tamen non admodum sit dissimilis carduo praesertim siluestri. Itaque quemadmodum carduus spinosus est atque maiorem in modum asperis foliis et caule, denique ipso etiam flore, itidem et asini labris nihil durius ac petricosius, ut illis non alia lactuca magis apta uideatur, « L'adage trouve sa source dans l'àne qui broute des chardons. La laitue est une plante souple et tendre, mais qui n'est pas sans présenter beaucoup de ressemblance avec le chardon, en particulier la variété silvestre. C'est pourquoi de la méme maniére que le chardon, essentiellement du fait de ses feuilles hérissées, de sa tige et de sa fleur aussi, de méme, il n'est rien de plus dur ni de plus rugueux que les lévres d'un áne, si bien qu'il n'est aucune autre laitue [que le chardon] qui semble leur convenir ».

é 1843 vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, Catalogue Sotheby's, p. 16, n° 19 (CXVIII), acquis en 1980 par le British Museum

J. A. Gere, Ph. Pouncey, Italian Drawings in the British Museum. Artists Working in Rome, Londres, (inv. : 180-1-26-1 13). Voir

1983, n° 110,

p. 78 (Plate 100).

607

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

et de s'éloigner du personnagegravure, facesso spinosa, il est temps de mettre un terme aux problémes épineux, professeur qui donne des épines à brouter à l'áne.

10

Ses cheveux, autrefois coiffés, en désordre maintenant flottent,

Car la mesure et la noble pudeur ne sont plus là. D'une avide putain elle exhibe le répugnant visage,

Borgne, impudente, effrontée, méchante, sombre, cruelle, Sans respect pour le droit, menteuse, emportée, pleine de superbe,

Aux bons dure et perfide, mais aux méchants loyale et douce.

15

20

Ilsubsiste à ses pieds la trace d'un vide, l'inconsistance D'une ombre, là oü son globe roulait, solide et vrai.

Que dire Toi Celle que Elle

de plus ? C'est l'image saillante de notre époque. le sage, prie donc l'auguste Fortune, mais fuis voici. Cependant, comme les Anciens le faisaient, aussi, prie-la saintement, pour l'empécher de nuire !

MÉTRIQUE Distiques élégiaques. ANALYSE Dans le Symb. 63, Bocchi avait présenté une statuette de la Fortune censée avoir été découverte à Bologne en 1548 et dont le type se rattache à la sculpture de cette déesse réalisée par Boupalos pour les habitants de Smyrne (voir notre analyse à cet embléme), avec quelques notables exceptions (présence du polus, qui fait partie du type Isis-Fortune). Découverte fictive ou réelle, l'objet décrit mettait en scene agathe Tyché, la bonne Fortune, à la

——

(c



Fig. 1»P.FONTANA, Bocchi (7 CXVIII, British Museum.

fois protectrice des princes et protectrice des villes oü s'exerce leur autorité. Le modele littéraire qui sert dans l'épigramme emblématique à dresser le portrait de cette déesse complexe est un portrait peint imaginé par

Ó! i

Dessin préparatoire pour le Symb. 120 de

12,3 X 9,3 cm), plume et lavis brun, Londres,

Symb. 121 Gravure :

IL FAUT ENDURER LA FORTUNE DE NOTRE SIÉCLE, MÉME SI ELLE EST EXÉCRABLE

Sur l'image :

Soyez des serviteurs, soumis avec une profonde crainte non seulement aux maitres bons et équitables, mais aussi aux maitres difficiles

*

STATUETTE DE BRONZE REPRÉSENTANT LA MAUVAISE FORTUNE DÉCOUVERTE À BOLOGNE EN 1549

De Fortune auguste, ce fut jadis l'image préservée ; En cette dure époque, elle est amputée des deux mains : La main gauche a perdu sa corne et la main droite, son timon. Du gouvernail la partie basse est seule à subsister. 5

Lesloisirs dignes des hommes se sont évanouis, les táches

Vitales sont remplies de dangers apportant la mort. Seule survit l'humaine lie. Ont disparu le couvre-chef

Étoilé, et l'autorité de déesse supréme.

608

Chrysippe et cité par Aulu-Gelle (14, 4, 2-3). À l'instar d'Astrée, la déesse permet l'éclosion de l'Àge d'or à Bologne, àge de justice et de prospérité, sous le régne des deux Farnése. En outre, nous avions montré, dans

l'analyse de l'image du Symb. 63, que Bonasone proposait pour la gravure un type statuaire double, celui des deux Némésis de Smyrne face-à-face, réalisé également par Boupalos, et qui renvoie à l'histoire de la fondation des deux Smyrne, l'ancienne et la nouvelle, par Alexandre le Grand. La parenté onomastique avec les deux Farnése, le pape et son petit-fils cardinal, tous deux prénommés Alexandre, laisse assez peu de doute sur cette référence plastique et littéraire quasi explicite. De plus, nous avons insisté sur le fait que le motif de l'ancienne ville de Smyrne laissant place à la nouvelle, avec une succession de Némésis protectrices qui se passent en quelque sorte le relais, renvoyait probablement à l'actualité : en 1548, Paul III est gravement malade, et Bocchi

imagine qu'il sera remplacé par un autre Alexandre, le cardinal, au cours d'une passation harmonieuse des pouvoirs. En novembre 1549, tout e$t consommé puisque Paul III, le protecteur de l'Académie bocchienne, est

mort, que son neveu Alexandre ne lui a pas succédé et que le siege pontifical est vacant (il ne sera occupé par Jules III qu'en février 1550), laissant Bologne et l'Académie sans réel protecteur, voire soumises au caprice de méchants maítres, comme le suggere la citation de la premiere Épitre de Pierre dans l'image. On remarquera ici la prudence de Bocchi qui, dans la derniére ligne de l'épigramme, invite à prier la Fortune du méchant maitre (numen et ipse colas), de peur qu'elle ne se déchaine contre celui qui la récuse, tout comme Pierre invitait les serviteurs à se soumettre aux maitres qui leur font du tort. Pour présenter cette mala Fortuna (kake Tyché), à l'opposé explicite de la Fortuna aurea ou Augusta chantée dans le Symb. 23, Bocchi insiste sur l'idée d'image (imago répété en fin des vers 1 et 17), et il montre à quel point la représentation sculpturale à laquelle il fait allusion a des attributs dégradés par rapport au modéle complet qui nous est présenté dans le Symb. 63 : perte des mains, absence de la corne d'abondance et du gouvernail, manque du polus et cheveux négligés. On notera l'évocation de l'orbis, la fameuse boule de la Fortune, traitée ici comme

s'il s'agissait d'un symbole positif (solidus uerus et). En fait, c'est à la dégradation matérielle méme de la sculpture que Bocchi fait allusion de maniere négative : l'impossibilité à lire les signes qui permettent d'identifier la déesse constitue en soi une marque du caractere trouble et ambigu de l'époque, généré par la fortune elle-

609

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EM Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

2 Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome

qu'il 63, en un subtil jeu d'antinomies et de déplacements, méme. L'emblématiste prend le contre-pied du Symb. est possible de visualiser gràce au tableau ci-dessous : v. 374: | Astrifer impositus capiti polus ille supremo,/ Hoc est diuini numinis auspicium.

v. S: — Colledti in nodum cur stant ceruice capilli ? v.6:

ls or ium auspic numinis Polus ille facessit/ Astrifer et summi

v.9: Compositis fuerat, passis nunc crinibus illa est V. 10 :

V. 10:

y. 12: atrox

V.14:

V.12:

Yr:

V. 13-14 : clauo/ Insistens terris imperat et pelago

V.374 : sic dextera clauum [amisit]/ Sola gubernacli en infima pars reliqua est V.13: Impatiens iuris, mendax, furibunda, superba

Laeta bonis, truculenta malis, erecta, seuera Casta, grauis, uerax, ardua, magna, potens

v2: Regnorum haec columen, sancti prudentia iuris |v.18:

Haec augusta Dice, haec Eunomia, haec Nemesis

v.20:

En cornu praefert interiore manu

v. 21-22:

DE PRUDENCE

RÉSIDE

DANS

UN CCUR

PUR

À SEBASTIANO CORRRADO

i

Le cceur est source des veines, d'oü part la voie des sentiments ;

Fert prae se obscaenam faciem meretricis auarae

V.11:

LA FORCE

_ Dieu scrute les cceurs

l

Tum modus atque pudor luxum moderantur inertem YT

neque atrox

Gravure :

Sur l'image : - Hermocratés

v. 7-8:

Nam modus omnis abest et pudor ingenuus s 1

Hinc tetricae filo est uirginis et specie

Symb. 122

Des sens et de la vie, il est, à ce qu'on croit, principe.

L'esprit est dieu, le cceur, esprit ; par conséquent, le cceur est dieu.

]

Saeua, maligna bonis, laeta, benigna malis

5

Lusca, procax, petulans, improba, tristis, atrox

10

Vol:

Fortunae quondam augustae haec fuit integra imago (cf.

v. 18 : Augustam)

v.3:

15

Plena periclis sunt Otia blanda animis post dura negotia uitae/ Aeternáque | Otia digna uiris periere, negotia uitae/ exitiabilibus pios morte carere facit

renforcer à nouveau la crédibilité de la découverte archéologique (la mention de cette découverte est déplacée au-dessus de l'épigramme, sous la forme du titulus, alors qu'elle était placée au-dessus de la gravure dans le gouvernail Symb. 63). Outre le bouleversement des attributs dont le texte parle (cheveux dénoués, polus, corne,

la perdus ou dégradés), la représentation des visages et l'apparence du costume sont trés différentes. Bien sár, disposition reste semblable, avec le face-à-face des deux déesses sur un socle. Mais alors que ces derniéres nous faisaient face de trois-quarts profil et semblaient se dévisager dans le Symb. 65, on constatera que, dans la gravure du Symb. 121, elles ont tourné d'un quart de tour chacune, et ne peuvent plus réellement s'observer, comme

pour marquer le passage du temps. Nous voyons l'une de face et la seconde de dos : la mort du pape a rompu le pacte qui liait la nouvelle à l'ancienne Bologne.

Crois-moi : aucun sacrifice accompli d'un cceur pur et intégre Ne pourrait, au dieu tout-puissant, donner plus d'agrément. Comme un présage heureux pour notre Académie, cher Corrado Notre jeunesse, sans ton cceur, aura le cceur pris de folie, Elle qui, d'un seul cceur, cherche un appui auprés de toi.

V. 5-6:

statuette et une simple variation de la gravure du Symb. 63 mais bien une tentative pour montrer une autres

Les malheurs d'un sort menagant venaient tout accabler. Hermocrate aux dieux sacrifiait ; le cceur, volé par un corbeau, Avait été pour lui, jadis, un bienheureux présage.

Tu as recu ce nom d'une céleste volonté.

Vt laeua amisit cornu

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana"^, n'est pas

Enfouie tout au fond d'un cceur pur, l’àme demeure aussi. Delàvientl'homme intelligent de cceur : de là, Rome guerriére À Nasica donna l'honnéte nom de « cceur sensé ». Les haruspices étrusques au cceur portérent autrefois La plus grande attention ainsi que le plus grand respect. Car si le cceur ne battait pas, ou bien s'il venait à manquer,

20

Pour elle, source de raison, chemin pour vivre droitement,

Pour elle, tu seras l'équivalent d'un bon génie.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques que nous avons rendus par une alternance 16/14 syllabes. NorES

- ded. carm. : SEBASTIANO CORRADO] Sebastiano Corrado ou Corradi'** nait à Castello d'Arceto, prés de Reggio Emilia, vers 1510. Il fait ses études à Venise et suit l'enseignement de Giovanni Battista Egnazio jusqu'en

1524. Il fréquente alors Pietro Bembo et Lelio Gregorio Giraldi. Brillant esprit, il se voit proposer par Bembo un préceptorat auprés du fils du Duc d'Urbin et, par Marcantonio Flaminio, auprés du jeune prince Colonna. Il est nommé ensuite à Reggio en 1540 à la chaire d'humanités et fonde dans cette ville l'Accademia degli Accesi, en

**5, puis six dialogues de Platon traduits en prenant le nom de Fidele. Il publie un ouvrage sur Valére-Maxime

latin?" En 1544, Corrado succéde à Romolo Amaseo à la chaire de studia humanitatis au Studio de Bologne et l'occupera jusqu'en 1552. Il s'y illustre par son commentaire du Brutus de Cicéron, publié à Florence chez 1845 G. Zaccagnini, Storia dello Studio di Bologna durante il Rinascimento, Geneve, 1930, p. 284-285. F. R. De'Angelis, « Corrado, Sebastiano » in DBI, t. XIX, 1983, p. 322-323 ; G. Pagliani, Cenni intorno alla vita ed alle opere del Cardinale Sebastiano Pighini e dell' Umanista Sebastiano Corrado ambi di Arceto, Reggio Emilia, 1905. 55 Valeri Maximi Dictorumque factorumque libri nouem ... emendati et illustrati, s. l., S. Gryphe, 1559. 184 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 20, n^ 77 (2 CXIX).

610

"5" Platonici dialogi sex, nunc primum e Greco in Latinum conuersi, Lyon, S. Gryphe, 1543.

611

p—————————————

RR

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UA

érudition et une culture Torrentino en 1552/?*, qui, de l'aveu méme de ses contemporains, atteste une é fera date et les humanistes prodigieuses sur les institutions romaines. Cette approche culturelle de l'antiquit 1552, ayant terminé son contrat à Francesco Robortello et Carlo Sigonio la reprendront à leur compte. En

Les Quarante du Bologne, il souhaite se rendre à Venise pour pouvoir passer ensuite à l'Université de Padoue. à l'Université, Sénat de Bologne, satisfaits du travail de Corrado et peu enclins à se passer de ses services à Rome pour inciter Jules III à faire pression pour le retour de Corrado à Bologne.

ses honoraires, Corrado Malgré l'acquisition de la citoyenneté bolonaise et une augmentation substantielle de

Paul Manuce, il se rend à souhaite honorer son engagement avec les Vénitiens et, aidé par Silvestro Morosini et

s. Ils Padoue. Les Quarante rédigent alors une lettre à l'évéque de Ravello pour délier Corrado de ses obligation

non sans avoir publié, en obtiennent satisfaction et Corrado enseignera à Bologne jusqu'à sa mort en 1556, à Pierio Valeriano, qui lui 1555, à Florence chez L. Torrentino, un commentaire au premier livre de l'Énéide. Lié est proche dédie le livre 34 de ses Hieroglyphica, qui commence par les significations du coeur, Corrado ceuvres également d'Egnazio'**, qui fut son maitre cicéronien et lui inspira la rédaction du traité sur la vie et les de Cicéron,

intitulé Egnatius

siue de quaestura

e cuu

ÉD

n

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

déleguent des intermédiaires

————

Ciceronis, publié une premiere

fois en

1537

mais

dont

il ne

demeure plus que l'édition báloise de 15 i" xad

s'effectue : cceur enflammé (sur le blason) = [in] corde puro ; heaume = uis ; pélican (cimier) = prudentia (mais aussi sacrifice de soi, par sacrifice du cceur que l'on perce!55^) ; pélican sur le casque = génitif (uis prudentiae). Dans le texte, Bocchi effectue une progression en trois temps. D'abord, une mise au point sur les trois facultés permises par le cceur : comme principe vital et biologique, en liaison avec les veines, le spiritus et la sensation, d'aprés Aristote et Galien (v.1-2, voir apparat des sources) !55 ; comme siége de la faculté divine et

contemplative (v. 3) ; comme lieu de l'intelligence (v. 4)'5*. À ce propos, Bocchi analyse des formules comme

cordatus ou corculum, en s'inspirant d'un passage cicéronien (Tusc., 1, 18, voir apparat) qui repose, lui aussi, sur l'exemple de Scipion Nasica, deux fois consul entre 162 et 155 av. J.-C. : Quant à la nature de l’àme, sa localisation et son origine, les positions ne sont pas unanimes. Certains pensent que l'àme, c'est précisément le cceur, ce qui explique des mots comme excordes (stupide) ou uecordes (dément) ou concordes (qui est d'accord) ou le surnom de Corculus qu'on attribua au sage Scipion Nasica, deux fois consul.

Ensuite, Bocchi se place délibérément dans le champ

religieux. Il évoque ainsi l'importance du coeur dans

l'haruspicine étrusque (v. 7-8) ainsi que les présages défavorables lorsque celui-ci ne bat pas ou est absent!®°7,

La sympathie de Corrado pour les idées réformées est confirmée par une lettre de 1556 de Bartolomeo Ricci à Francesco Bolognetti, dans laquelle Ricci, qui évoque la mort de Corrado la méme année, se désole que ce !, dernier ait pris le chemin de devenir un autre Aonio Paleario, c'est-à-dire un sympathisant de la réforme'*?

L'exemple d'Hermocrate, en réalité Hermochareés'***, fondateur de la ville de Kardia, et du corbeau qui arrache le cceur dans les extae de la victime immolée, étiologie du nom de la ville, laissent bien entendre cette importance fondamentale du cceur. Ce présage'?? est double : d'une part, le cceur enlevé par l'oiseau est symbole de vie, d'autre part, le corbeau lui-méme, qui est assimilé à la corneille, est un bon présage en soi'*? et constitue un

effet, Corrado occupe depuis deux ans déjà la chaire de Studia humanitatis, ce qui justifie les éloges de Bocchi sur

l'épisode d'Hermocharés, et qui embraye en fait sur une sorte de maxime générale qui célébre le coeur comme

Il serait tentant de situer aux environs de l'année 1546 l'embléme bocchien dédié à Corrado : à cette date, en

son intelligence (cor). Mais, au méme moment, Bocchi voit entamer la construction de son palais et l'expression auspiciis secundis academiae du vers 15 pourrait bien faire allusion à l'inauguration de l'académie abritée par le nouvel édifice. L'embléme serait à prendre comme une invitation de Bocchi à Corrado pour qu'il rejoigne ce

exemple de longévité". Notons l'énigmatique formule qui, avec les termes litatio et corde, semble conclure

lieu idéal du culte à rendre à Dieu, v. 13-14: Casto atque integro, mihi crede, litatio corde/ Nulla potes summo

gratior esse Deo. L'épigramme lance alors un appel à la présence de Corrado au sein de l'Académie bocchienne

afin qu'il soit le guide de la jeunesse qui la fréquente (v. 15-18) : Bocchi joue à nouveau sur le mot cor avec le

cercle littéraire.

sens d'intelligence

(voir infra l'exemple de Spurina et de César)'**".

Truchsess. Ce symbolon joue sur le blason du prélat, tenu par deux allégories féminines, Prudentia (reconnaissable au serpent et au miroir) et Benignitas, deux vertus que Bocchi associe d'aprés les mceurs du pélican : l'oiseau avale les coquillages puis les régurgite pour mieux les ouvrir

— v. 7-8 : summa/ Relligio fuerat cordis haruspicibus] Les haruspices (ou augures étrusques) examinaient les extae (entrailles) des animaux sacrifiés pour y déterminer des signes permettant de prédire l'avenir. Deux organes font l'objet d'une attention toute particuliére, le foie (hépatoscopie) et le cceur, dont l'absence constitue prodige — v. 11 : Hermocrati] Bocchi suit ici le témoignage d'Alessandro d'Alessandri qui donne au fondateur de la ville de Kardia le nom d'Hermocratés plutót que d'Hermocharés, comme le fait Étienne de Byzance (voir apparat

des sources).

ANALYSE

Comme l'avait déjà remarqué E. See Watson, Bocchi décline dans l'épigramme tout un ensemble de vocables

99. Dans cette dérivés du terme cor ou faisant entendre cette syllabe (cordatus, corculus, coruus, excors, concordia)

mesure, il doit étre rapproché du Symb. 6o, dédié à Marcello Cervini et qui célébre le sacrifice du coeur. Bocchi joue de surcroit sur un jeu de fausse étymologie autour de Cor-rado, « je nettoie mon cceur ». Cette idée du cceur purifié ou égratigné (rado peut signifer aussi « écorcher » ), est explicitement signalée dans le titulus qui surmonte la gravure IN CORDE PVRO VIS SITA PRVDENTIAE, sorte de lecture hiéroglyphique à la maniere de Francesco Colonna du blason de Corrado représenté dans la gravure elle-méme. La transcription peut ainsi

(ex-cors, tuo sine corde) et d'unanimité pacifique (con-cor-dia). Le texte se referme sur lui-

1854 Cette interprétation du pélican comme symbole de la prudentia se retrouve dans le Symb. 131 dédié au Cardinal d'Augsbourg, Othon

(voir CiC., Nat. deor., 2, 124; ARIST., HA, 9, 10 et PLIN., Nat, 10, 115) et figure ainsi le sage qui, de la bétise du peuple, restitue la sagesse (prudentia) ; il fait revenir ses petits à la vie en s'ouvrant la poitrine, donc en s'écorchant le cceur, et en les aspergeant de son sang, devenant

l'image christique de la charitas ou benignitas. 1855 ]] s'agit là d'un topos, comme

on peut le constater dans l'édition des Tusculanes de Cicéron commentée par Giorgio Valla, Philippe

Béroalde, Ioachim Camerarius, Érasme et Paul Manuce (voir apparat des sources), oi Béroalde rappelle que « C'est dans le cceur que réside

l'esprit, comme le rappelle Pline et selon Aristote, le cceur est la source qui alimente les veines, les artéres et les sens, bref, comme dit Avicenne,

le corps est le principe de la faculté de vie. D'aprés Galien, il est la source et l'origine de la vie ». 1856 Sur |'équivalence corda = animi, voir LVCR., 3, 894.

55? Voir les réminiscences probables de CIC., Diu., 1 119 à propos des présages entourant la mort de César : « Alors que César immolait une

victime le jour oü, pour la premiére fois, il prit place sur un siége d'or, vétu de pourpre, on ne trouva pas le cceur dans les entrailles du bceuf

opime. Peut-on imaginer qu'un animal qui a du sang puisse étre dépourvu de cceur ? César fat ébranlé par ce phénoméne nouveau, tandis que Spurina lui expliquait qu'il fallait redouter que la raison et la vie ne lui fissent défaut puisque ces deux facultés procedent toutes les deux du cceur. » Voir aussi 2, 36 : « Tu mets en avant l'épisode du taureau gras sacrifié par César, dont les entrailles ne présentaient pas de cceur. [...]A-

Ciceronis ipsius explicantur. 15? Bocchi lui adresse son Symb. 99. 1850 Voir VALERIANO, Hiíeroglyphica, Bàle 1556, 34, 241d-e : qui clarissimo Egnatio collegam consularem me in Quaesturae tuae cognitione creari

t-il été privé de son cceur pour avoir vu César fou (excordem) dans son vétement de pourpre ? » 1858 L'exemple est rapporté par Alessandro D'ALESSANDRI, qui confond lui aussi Hermocratés et Hermocharés dans ses Genialium dierum libri sex, 5, 25 (voir apparat des sources) : « Si on trouvait de la graisse dans la partie supérieure du cceur, ou que ce dernier avait une taille supérieure à la normale ou encore qu'il avait été emporté par un aigle ou autres oiseaux, ces présages prouvaient que les dieux étaient extrémement favorables. Pendant qu'Hermocrate accomplissait un sacrifice aux dieux, le cceur de la victime fut emporté par un corbeau et soulevé dans les airs, ce qui constitua un heureux présage gráce auquel il fonda sous les meilleurs auspices la ville de Kardia, prés de Corinthe. » Le fondateur de la ville est en réalité Hermocharés, comme le rappelle ÉrIENNE DE BYZANCE (voir apparat des sources) : « Kardia : ville de

1851 E, See Watson, Achille Bocchi, p. 177, n° 59. Sur Paleario et ses idées érasmiennes et nicodémistes, voir S. Caponetto, Aonio Paleario (1503-

envol pour le déposer précisément à cet endroit, qui porte aujourd'hui son nom. »

55 Commentarius, in quo M.T. Ciceronis de claris oratoribus liber, qui dicitur Brutus, et loci pene innumerabiles quam aliorum scriptorum, tum

procurasti. « Toi qui as ceuvré pour me donner le rang de collégue consulaire d'Egnazio dans la connaissance de ton ouvrage Sur la questure. » 1570)

ela Riforma protestante in Toscana, Turin, 1979.

1852 Voir Ch. Guittard, « Les animaux dans l' Etrusca disciplina », Schedae, 16/2, 2009, p. 93-106. 1553 E, Watson, Achille Bocchi, p. 108.

612

le cceur de la victime et prit son Chersonnése de Thrace. Alors que son fondateur, Hermocharés, accomplissait un sacrifice, un corbeau arracha

1859 Peut-étre faut-il voir une allusion supplémentaire au cceur dans le mot cor-uus.

1860 Voir par exemple CIC., Nat. deor., 3, 14 ; Diu., 1, 12 ; VERG. Buc., 9, 15, etc. 1861 Cic, Tusc., 3, 63 ; OV., Met. 7, 274 ; MART, 10, 67, 5.

613

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Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

du premier méme (v. 19-20), mimant dans sa forme méme la circularité du cceur-organe : on retrouve les termes

vers (fons, semita) et la thématique du cceur source de pensée (fons consilii) et de vie, non pas biologique mais numinis instar eris). morale (uiuendi semita recte), dans laquelle Corrado jouera un róle de guide spirituel (diuini

à la plume Il revient à Richard Cocke d'avoir relié le programme iconographique de cette gravure avec le dessin 1)'59?. Fig. ; Vienne (inv. 20036 de Nicoló dell'Abate réalisé autour de 1530 et conservé à l'Albertina de Contrairement à Sylvie Béguin qui propose d'identifier l'homme agenouillé avec Corrado et la ville en arriérede Giulio plan avec Bologne", il nous semble que la gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire Bonasone ou Prospero Fontana (Fig.2) !85 choisit de relater de maniére diachronique l'apologue d'Hermocharés (identifié d'ailleurs explicitement par l'inscription de son nom) : devant un autel oü se consume

les le sacrifice d'un taureau, on apercoit Hermochareés, avec sa tenue guerriére à l'antique, en priére, agenouillé,

mains jointes. À l'arriére-plan, des ouvriers s'affairent à l'édification de la ville de Kardia, conformément au texte. On apercoit le corbeau sur l'autel, arrachant son butin dans le ventre ouvert du boeuf immolé, et on retrouve l'oiseau, survolant la scene de droite à gauche, avec le coeur enflammé dans le bec. Ce coeur enflammé permet une transition visuelle avec le blason de Corrado, dessiné sur la face de l'autel visible pour le lecteur. C'est bien par l'intermédiaire de ce blason que le lien diachronique entre Hermocharés et Corrado peut s'effectuer. Mais

l'élément subversif réside sans aucun doute dans l'intéressante formule KapSioyvóorr è 0£óc qui apparait dans

l'édition de 1555 et dans le manuscrit Sloane, mais qui ne figure pas dans le dessin préparatoire.

|

|

Il est clair, en effet, que les intentions de cet embléme sont religieuses : la célébration du cceur par divers jeux de mots, l'allusion à des pratiques religieuses, antiques comme l'haruspicine ou intemporelles comme « le sacrifice pratiqué dans un cceur chaste et honnéte », seul agréable à Dieu (v. 13-14), le róle privilégié de modéle que son nom prédispose Corrado à remplir et enfin la formule néotestamentaire de la gravure Kap8toyvootrs ó cóc, rappelant que « Dieu scrute les cceurs », sont autant d'indices visibles, qui nous invitent à reconnaitre, dans ce texte, un principe fondamental de l'idéologie des cercles évangélistes : à quoi bon les gestes cultuels, puisque seule compte la vraie foi, celle qui cherche le secret du cceur et l'obscurité de l'intériorité pour établir un pacte entre l'individu et le Christ. Participer aux cérémonies ne sert à rien, si l'intention n'est pas pure, si le cceur n'y

| Fig. 2 > G. BONASONE ou P. FONTANA, d'aprésN. Dell'Abate, Dessin préparatoire pourle Symb. 122 © Sotheby's.

Fig. 1 > N. DELL ABATE, Hermocharis agenouillé devant un aute surmonté parle lason de Sebastiano Corrado, avec la ville de uA SECHS Esciare es pi es abu

est pas. Mais il est possible d'aller plus loin, car, si le coeur est l'organe de l'amor in deum, il est aussi l'arche intérieure qui

Symb. 123

permet de dissimuler ses vraies convictions religieuses et d'échapper à la censure des hommes en toute tranquillité de conscience, puisque Dieu, qui seul compte, peut y lire comme en un livre ouvert. Corrado devient

Gravure :

la jeunesse de l'académie bocchienne aux stratégies de la prudence (fons consilii) et à la maniére de conduire une vie qui, quoique pétrie d'évangélisme, peut s'accomplir sans encombres (uiuendi semita recte). Le terme recte prend alors, non pas le sens philosophique de « juste », mais de « en toute sécurité, sans avoir rien à craindre », ce qui est conforme à l'option du nicodémisme.

Sur l'image : Alessandro Campeggi évéque bolonais

alors véritablement, non pas un directeur de conscience, mais un officiant du nicodémisme, celui qui peut initier

LE REPOS DOIT ÉTRE ACCOMPAGNÉ

DE LABEUR, ET LE LABEUR DE REPOS

É

AU TRES NOBLE CARDINAL BOLONAIS ALESSANDRO CAMPEGGI LA VIE HEUREUSE EST UN JUSTE ÉQUILIBRE

Un lion veille les yeux fermés ; il dort les yeux ouverts :

1862 R. Cocke, Veronese Drawings. A Catalogue Raisonné, Londres, 1984, p. 387 ; voir aussi les notices 128 (par Sylvie Béguin) et 132 (par Ilaria

e: Milan

5

oden

1863eC Bégui guin,



i

goat papequi dupettienienq propose le titre suivant pour ibid.,

A

:

Voirle catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 19, n° 66 (2 CXX) et illustration p. 51.

-

A "i »& ; Quand il faut, l’àme supérieure, en plein labeur, sommeille ;

:

ill : : En P lein sommeil, souvent, le labeur reste en veille.

le dessin : « Sebastiano Corrado inginocchiato davanti a un altare, il suo blasone i cielo e la : « Hermocharés agenouillé devant un autel surmonté par le blason de Sebastiano suivant titre le propose Je ». sfondo sullo città di Bologna

Cortudo, avec la ville de Kardia en arriére-plan ».

Toi qui as le désir de bien garder tes intéréts,

Dors en restant éveillé, dedans et dehors.

5 catalogue de S. piste F. Piccinini (dir.), Nicolò dell'Abate. Storie dipinte nella pittura del cinquecento tra Modena e Fontainebleau, .

De là vient que, sans cesse, il veille aux divins cultes. Son jumeau, sur son puissant dos tient deux colonnes sceurs, Lois humaines, lois divines dans leur ensemble.

10

Pour Alessandro, la vie heureuse est juste mesure :

Sommeil sans sommeil, et labeur loin du labeur.

615 614

ÓTT CL)] TÍIIÍÉZ )CCCI ÍIÍIÍÍÍ LCCCL ,. 12 EÉTTTTÍ TT 111 177ECELC PITT CELLL EZ!CÁ EHEHEEEEEEHEEEEEEEEESESESESSMECILELILCKECLLILCCTTT] o

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CMPSPSPAMOAA "Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Les Questions symboliques d'Achille Bocchi (1555) - tome 2

gouverneur des Marches et puis nonce en Toscane en 1560, auprés de Cóme I", avant de partir pour l'Espagne

À GIOVANNI CAMPEGGI, ÉVÉQUE BOLONAIS

1561, il devient nonce à Lisbonne au Portugal. De la méme année comme ambassadeur auprés de Philippe II. En

retour en Italie, il est fait gouverneur à vie de Castello di Dozza Imolese et meurt en 1563.

VOICI LES INSIGNES GENTILICES DES CAMPEGGI

2v. 2:multa Heroum

en doute au pere d' Alessandro, Lorenzo Campeggi (1474-1439), nommé cardinal en 1517 et évéque de Bologne 1523. ET

ET FOI ÉTERNELLES ! BIENHEUREUX L'HOMME CHEZ QUI VEILLENT PIÉTÉ

Tu vois les glorieux insignes de la gent Campeggi,

- dextra... laeua) La position des meubles héraldiques sur l'image est inversée par rapport à l'évocation du texte,

Qu'illustrent les nombreux flambeaux de ses héros. À droite, moitié d'aigle, aboyeur Anubis à gauche,

à cause du procédé de la gravure.

-latrator Anubis] Chez Virgile et chez Ovide (VERG., Aen., 8, 698 ; Ov., Met., 9, 690) la formule désigne le dieu Anubis à téte de chien. Il s'agit ici d'une métonymie pour désigner le chien héraldique.

Séparés ; champ d'or sur le reste de l'écu.

Gardien trés fidele, le chien veille sur tous les biens,

5

Jour et nuit ; mais par Dieu l'aigle est appréciée. L'or immortel, du Juste et du Bien est la bienheureuse

10

lumina nobilitant] C'est-à-dire les représentants de la famille Campeggi. Bocchi pense sans

ESSAI DE DATATION DES STRATES DE COMPOSITION

Les différents ajouts et corrections du manuscrit Sloane et de l'édition de 1555 donnent une idée des dates de révision de l'embléme (pour la date de composition de la gravure, voir infra) : 1) Sur le manuscrit Sloane, dans le premier poéme, la dédicace a été corrigée probablement en 1551, au moment

Surface, où l'alme Foi et la Piété fleurissent. Bienheureux ceux que ces deux noms, toujours, viennent aider,

Sur ordre de Jupiter ou vive Vertu !

de l'élection au cardinalat d'Alessandro Campeggi, et l'épithéte de cardinal vient remplacer celle d'episcopus.

MÉTRIQUE carm. 1-2 : distiques élégiaques.

L'appellation d'évéque (et la mitre épiscopale) subsistera cependant sur les bases des deux colonnes aux lions

NOTES carm. 1

rédigée trés tót, dés 1526, au moment oü la charge d'évéque est promise à Alessandro mais continue d'étre

sur l'image dans l'édition de 1555 et 1574 (ces bases toutefois sont vierges sur l'image gravée du manuscrit Sloane'*€). L'épigramme est donc antérieure à 1551, et on peut formuler l'hypothése qu'elle aurait pu étre

ded.: ALEXANDRO CAMPEGIO CARDINALI] Fils de Lorenzo Campeggi^^, cardinal et évéque de Bologne,

exercée par son pere. Ce qui explique le sens du vers 6, qui invite le futur évéque à une mise en veille non dénuée de vigilance, pour se préparer au moment crucial où il devra effectivement rentrer en charge : sic dormi ut uigiles

accepte qu'il Antonio Bernardi. Il part ensuite étudier le droit à l'Université de Padoue. En 1526, Clément VII

2) Sur le manuscrit Sloane, l'ajout dans la marge des vers 9-10 qui évoquent plus spécialement une irrequieta

il nait à Bologne en 1504. Son pére veille à son éducation et lui donne pour précepteurs Lazzaro Bonamico et soit désigné comme successeur de son pére pour l'épiscopat bolonais, avant de recevoir les ordres sacrés et la consécration épiscopale en 1539, date de la mort de Lorenzo, et d'occuper effectivement le poste en 1541, au

moment oà Guido Ascanio Sforza est relevé de sa charge de légat pontifical à Bologne et remplacé par le cardinal Bonifacio Ferrer. En 1541, Alessandro Campeggi est nommé vice-légat en Avignon oü il combat l'hérésie vaudoise et luthérienne. En 1542, la légation pontificale est assurée par Gaspare Contarini, qui meurt la méme année, et se voit remplacé en 1544 par Giovanni Morone. Du

12 mars 1547 au 10 novembre

1549, Alessandro

Campeggi accueille pour trois sessions le Concile de Trente, déplacé suite à une épidémie de choléra entre les

intus et exterius.

quies et un absque labore labor renvoie à la méme idée, celle d'une mise en veille, qui se comprend trés bien à la lueur du désistement d' Alessandro en faveur de son cousin, désistement survenu en 1553. Giovanni Campeggi,

est alors effectivement encore chanoine de Majorque (Pont. Balear. dit le manuscrit Sloane), comme le montre la dédicace du second poéme, poéme sans doute ajouté à cette occasion pour célébrer la figure du cousin d'Alessandro qui sort alors de l'ombre (méme s'il s'était déjà fait connaitre par sa participation aux travaux du

Concile de Trente transféré à Bologne). Bocchi avait d'ailleurs prévu de faire de la seconde pièce un embléme à

_ ded. : IOANNI CAMPEGIO EPISCOPO] Né en 1513, docteur en droit, Giovanni Campeggi^5, cousin du

part entiére, ce dont témoigne la présence du numéro CXXIV sous le titulus et le motto, qui disparaitra ensuite dans l'édition de 1555. 3) Ce n'est qu'avec l'édition de 1555 (oü le second poème et sa dédicace ne figurent que dans les addenda) et celle de 1574, que Giovanni Campeggi apparait, dans la dédicace du second poéme, avec le titre d'episcopus Bononensis, fonction qu'il n'occupe qu'à partir de 1554, aprés la mort de son cousin Alessandro. C'est probablement à cette date que Bocchi avait décidé de fusionner les deux piéces en une seule.

sera également chanoine de Majorque, gráce à l'intervention de son cousin Giovanni Battista, évéque des

ANALYSE

prélat pour un an à la Signature apostolique des Gráces (le plus haut tribunal de la curie romaine, avec la

Bocchi (voir datation supra). Dans l'édition de 1555, la configuration est la suivante : une piece est consacrée à

murs de son palais bolonais (Palazzo Bevilacqua). En 1551, il et nommé cardinal par Jules III, avec le titre de S. Lucia in Silice. Malade, il se désiste de son diocese en 1553 en faveur de son cousin Giovanni Campeggi, avant de mourir en 1554. carm. 2

précédent, e& nommé chanoine de la Cathédrale de Bologne en 1530, puis archidiacre du Chapitre en 1534. Il Baléares, désireux de céder son diocése. En 1537, il e$t nommé évéque de Parenzo puis gouverneur de Viterbe en 1539. À partir de 1540, il embrasse une carriére à la Curie, devenant référendaire à plusieurs reprises puis

Les deux piéces qui constituent la partie textuelle de l'embléme sont marquées par les différents remaniements auxquels le hasard des nominations de ses dédicataires au cardinalat et à l'épiscopat bolonais ont contraint

Signature de justice et le tribunal de la Rote). Il participe aux travaux conciliaires à Bologne entre 1547 et 1549.

Alessandro devenu cardinal en 1551, et une à son cousin Giovanni Campeggi, devenu évéque en 1554.

en 1554, qui s'était désisté en sa faveur, il prend ses fonctions d'évéque à Bologne. En 1559, il est nommé

de sa carriére épiscopale: promis au siege d'évéque dés 1526, il doit attendre la mort de son pére en 1539;

Il devient secrétaire apostolique en 1551 puis gouverneur de Civitavecchia en 1554. Aprés la mort de son cousin

1865 VoirA. Prosperi, Campeggi, Alexandre », in DBI, t. XVII, 1974, p. 432-435 ; L. Meluzzi, I vescovi e gli arcivescovi di Bologne, Bologne, 1975, p. 179-382.

1866 Voir L. Meluzzi, I vescovi, p. 383-386 ; G. Dall'Olio, Eretici e Inquisitori nella Bologna del Cinquecento, Bologne,1999, p. 191-192.

616

La premiére piéce rend compte de la situation instable rencontrée par Alessandro Campeggi au début et à la fin del Cinquecento tra 1867 flaria Bianchi fait également ce constat. Voir S. Béguin, F. Piccinini (dir.), Nicol dell' Abate. Storie dipinte nella pittura

et notice 130 : « Le armi della Modena e Fontainebleau, Catalogue de l'exposition (Modéne, 20 mars-19 juin 2005) Florence, 2005, p. 347, fig.

famiglia Campeggi ».

IIIIEE—

———

—————

2

122222211111. Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

2 Les Questions symboliques d'Achille Bocchi (1555) - tome

ic que Bocchi ' du lion en faveur de son cousin. C'est gráce à la figure malade, il doit se désister de ce poste en 1553 és positives. Au début r ces situations d'attente ou de déposses sion en réalit

trouve un moyen subtil de transforme 1 ; geminus... ille, v. 2) qui montent la garde à de la premiére piece, Bocchi décrit une paire de lions (leo, v. sert d'Hetspoliob, Hier., 1, 19, pott rappeller une l'entrée d'un temple (sacris custos peruigil appositus, v. 2). Il se de

ouverts'*9*, et qus RNMHEhaHHE nombre propriété attribuée par les Anciens aux lions, celle de dormir les yeux apparat des sources). Le lion Ret donc celui qui textes humanistes, par exemple Valeriano et Alciat (voir son sommeil, et peat ainsi viliier de maniére monte la garde sans discontinuer (custos peruigil), y compris dans ais

que Alessandro en 1526 veille sur le diccbke bolon permanente sur les temples (sacris), tout comme l'évé ce du droit

forme de colonnes jumelles : la connaissan gráce à deux qualités essentielles que Bocchi figure sous la ro Campeggi avait et diuina omnia iura tenet, v. 4), puisqu'Alessand

civil et celle du droit canon (humana de l'Église et condamné à somnoler (sic effectivement étudié le droit à Padoue. Il est certes encore à l'entrée

e doit lui permettre d'étre prét d'un instant à dormi, v. 6) tant que son pére occupe l'épiscopat, mais sa vigilanc cette alliance paradoxale, qui se l'autre, à la fois intellectuellement et socialement (ut uigiles intus et exterius) :

comme une sorte de temperatio, de mélange harmonieux entre deux vertus opposées (v. 9 : foelices quibus haec

semper duo nomina). La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana (Fig. 1)'*, réalisé entre 1547 et 1551 (vente Sotheby's de juillet 1972, lot 23), nous montre le pronaos d'une église,

qu Ilaria Bianchi^? propose d'identifier avec le prothyron de la cathédrale San Pietro à Bologne. Il s'agit probablement de la Porta dei Leoni, ouverte sur le flanc sud de l'édifice (détruite au xvr' s.), et flanquée de deux

&atues de lions stylophores en marbre rouge réalisées par le Maestro Campionese en 1220 et encore visibles de nos jours à l'intérieur de l'édifice (Fig. 3-4)'*. Un fort effet de perspective fuyante est donné par les portiques latéraux couronnés d'architraves d'oü part une voüte en berceau en plein ceintre. Sur le tympan, mis en valeur par les lignes de fuite, on apercoit un Christ en majesté, flanqué de deux saints agenouillés et désignant le ciel de la main droite, probablement saint Pierre et saint Paul, mais que les deux épigrammes de l'embléme invitent à mettre en paralléle avec Alessandro et Giovanni Campeggi. Ce dispositif architectural se retrouve ailleurs en Italie, par exemple dans le pronaos du Duomo de Modéne, réalisée par le Maestro Campionese (Fig. 2).

e (cum negotio otium ; cum otio negotium marque par la présence cóte à cóte de termes antinomiques et en chiasm

re harmonieux au sein de dans le titulus de la gravure ; labore quiescit, v. 7 ; quiete labor, v. 8), définit un équilib r (uita beata). Le texte se l'Àme, appelé iusta temperantia dans le titulus de l'épigramme et qui garantit le bonheu sur le manuscrit Sloane dans la clót sur la méme idée, et nous avons rappelé que les deux vers finaux, ajoutés de son cousin. Bocchi imagine marge, datent probablement de 1553, moment oü Alessandre se désiste en faveur ieta quies ; absque labore alors qu'il continue de garder un ceil protecteur sur la charge qu'il abandonne (irriqu

labor, v. 8). décrire l'écu des Dans la deuxième épigramme, adressée à Giovanni Campeggi, Bocchi prévoit dés le titre de r. Il en tire un motto qui Campeggi (sunt gentilitia haec insignia Campegiorum), et il invite le lecteur à le regarde formes présentées sur l'écu fonctionne comme une sorte de message symbolique délivré par les couleurs et les tuants du blason, traités (felix cui uigilat pietasque fidesque perennis). L'épigramme passe par le détour des consti eureusement les comme autant de signifiants allégoriques. L'écu se décrit héraldiquement comme suit (malh

au chien sautant à émaux des meubles ne sont pas précisés!*9) : « parti, d'or (reliquia est aurea planities, v. 4)

senestre (leua latrator Anubis, v. 2), demi-aigle éployée à dextre (dextra semiaquila) ». Dolfi'*? indique que c'est ndro, Maximilien de Habsourg, le grand-pére de Charles Quint, qui autorise Lorenzo Campeggi, le pére d' Alessa à prendre l'aigle impériale dans ses armes. Charles Quint a d'ailleurs nommé Lorenzo comte palatin à une date rs inconnue et Clément VII le confirme dans ce titre en 1526. L'interprétation des meubles se fait en plusieu étapes. D'abord, Bocchi précise que le chien est symbole de custos fides, gardien fidéle, et plus précisément, le symbole de l'ange gardien ou du génie personnel qui veille sur chacun de nous (omnibus aduigilat, v. 5), comme le montre Valeriano qui cite un passage de Matthieu (voir apparat des sources). Il ajoute ensuite que l'aigle est l'oiseau préféré de Jupiter/Dieu le Pére (grafa sed illa Deo, v. 6), celui qui se soumet à lui et lui obéit. Quant au métal du champ de l'écu (or), il devient la surface (ou plaine, au sens géographique) bienheureuse de l'équité et

du bien (felix aequique bonique/ Campus, v. 7-8), oü fleurissent piété et foi (ubi et pietas floret et alma fides), par

référence à l'Áge d'or hésiodique, áge originel de la justice où tout prospere sans labeur ni lois contraignantes. La mention de piété et de foi constitue une interprétation des deux animaux qui se détachent sur le fond du blason :

le chien se fait symbole de fides, l'aigle de pietas, tous les deux sous le signe de la uigilantia. Et c'est l'association

des deux qui, comme dans l'embléme précédent avec quies, labor et leurs contraires, constitue la felicitas, congue

1868 .. Pour représenter une personne qui veille ou un gardien, les Égyptiens dessinent une téte de lion car le lion ferme les yeux pendant qu'il veille mais, quand il dort, il les tient ouverts, ce qui est le signe de la garde. Par conséquent, aux portes des temples, ils ont placé symboliquement des lions comme gardiens ». 1869 p. S. Dolfi, Cronologia delle famiglie nobili di Bologna con le loro insegne, e nel fine i cimieri. Centuria prima, Bologne, 1670, p. 231, reproduit l'écu, mais en noir et blanc. On remarquera que l'aigle y est couronnée. On se reportera également, pour la couleur, à F. Canetoli, I] Blasone

bolognese, cio? Arme gentilizie di famiglie bolognesi, nobili cittadinesche e aggregate, Bologne, 1791-1795, t. I, 1** partie : Arme Famiglie Nobili Bolognesi Paesane, p. 16, consultable en ligne à l'adresse suivante : «http:/ /badigit.comune.bologna.it/canetoli/canetoli.a$px?Cod-a3007». 1870 Thid., p. 234.

618

Gentilizie delle

Fig. 1 > G. BONASONE ou P. FONTANA, Dessin

Fig.2 > Cathédrale de Modéne : Porta Regia.

préparatoire pour le Symb. 123.

À gauche et à droite, les portiques comptent huit colonnes corinthiennes (à l'exception de la seconde colonne du portique de gauche). Pour chaque portique, la premiere colonne se détache nettement pour venir reposer sur le dos d'un lion, lui-méme accoudé sur un socle rectangulaire.

Toute une série d'anomalies viennent perturber cet agencement : — la premiere colonne du portique de gauche est striée, mais celle de droite ne l'est pas ; — ]a seconde colonne du portique de gauche est torse et de style ionique. Elle est soutenue par un télamon assis, visiblement féminin, les mains posées sur les cuisses, et cerclée de cinq anneaux superposés à la base. Il s'agit de

1871 Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 19, n° 65 (7 CXXI).

872 Voir I. Bianchi, in S. Béguin, F. Piccinini (dir.), Nicolà dell' Abate, fig. et notice 130. p. 345-355 ; 1873 Voir A. Manaresi, « La “ Porta dei Leoni ” nell'antica catedra di Bologna » in Bollettino della Diocesi di Bologna, 1, 1910-1911,

La cattedrale scolpita. Il M. Medica, « Il portali dell antica cattedrale di Bologna, tra XII et XIII secolo » in M. Medica, S. Battistini (dir.), romanico in San Pietro

a Bologna, Ferrare, 2003, p. 109-146.

619

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

la reproduction assez fidele d'un vestige original du décor du xit" s. de la cátiiédrale MAG

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

J-e

s jours,

et qui montre un télamon assis, jambes croisées, portant une colonne corinthienne torse. (Fig. $-sbis) "e - la seconde colonne du portique de droite comporte en réalité quatre petites colonnettes, rassemblées au centre de leur füt par un noeud complexe et, à la base, des anneaux superposés : on trouve ces sylobates et ces nceuds

Le décor intérieur de cette église est donc à la fois la matérialisation symbolique et architecturale des vertus de l'évéque, mais aussi la promesse que son église et son diocése trouvent leur assise dans ces vertus, comme des socles.

entourant les colonnettes d'entrée à la Porta Regia du Duomo de Modéne (Fig. 5-5bis) ou sur l'un des petits

porches de la cathédrale San Vigilio de Trente (Fig. 6-óbis). Dans la gravure, de maniére symétrique au

portique d'en face, la double colonne repose sur le dos d'un télamon féminin assis, dont les deux bras levés audessus de la téte, comme pour aider à soutenir le poids des füts. Les deux lions à l'avant présentent entre leurs pattes, pour celui de gauche, une sorte de dragon ailé, dont le cou

et la téte se redressent, et pour la droite, un animal que l'on serait tenté d'interpréter comme un agneau. On lit,

sur les deux bases qui soutiennent les lions, « Alessandro Campeggi | évéque de Bologne ».

Au centre de l'image, flottant entre les colonnes, se distingue l'écu en amande des Campeggi, cerclé par un cartouche, et surmonté d'une mitre épiscopale gemmée aux fanons éployés et décorés d'une croix à leur

extrémité, qui viennent épouser la partie supérieure du cadre. Sous l'écu, on apercoit une téte humaine flanquée

d ailes. Une partie de ce décor est décrite par Valeriano (Hier., 1, « Leo », 16C, « Leones Taruisini quid » ), qui le relie à

la facade de la cathédrale de Trévise, oü le portail était flanqué de deux lions de marbre (voir apparat des sources) :

Il y a, à Trévise deux lions aux portes — comme c'est le cas presque partout des temples plus importants -, qui se tiennent dans le pronaos de la cathédrale ; à droite, l'un enserre dans ses griffes et perce un serpent ailé qui tourne

le col pour mordre la poitrine du lion : la pensée pervertie rentre dans le cceur, mais l'esprit courageux aussitót

l'anéantit ; à gauche, le lion se saisit d'un lionceau qu'il place sous sa poitrine : car un esprit magnanime se vainc lui-méme.

Ainsi, le cóté gauche de la gravure de Bonasone (- la partie droite décrite par Valeriano), montre comment la

praua cogitatio, symbolisée à la fois par le dragon ailé tenu entre les pattes du lion et par la colonne ionique torse, est domptée par la uigilantia léonine. Dans la partie droite de la gravure de Bonasone (- la partie gauche décrite par Valeriano), le petit lionceau (il ne s'agit donc pas d'un agneau) est dominé par le lion adulte, de méme que

l'esprit vertueux trouve en lui-méme la force de dominer ses passions et sa fougue. Devant les deux lions de marbre rouge conservés à la cathédrale de Bologne, on distingue en effet pour l'un, la forme de lionceaux étendus, et pour l'autre un serpent vaincu dont la téte se redresse prés de la gorge du félin (Fig. 3 ; 4). Dans la gravure, l'emblématiste propose l'idée que pour se vaincre lui-méme, l'esprit peut compter tout d'abord sur l'élan que confére la double colonne du droit civil et canon portée par le lion de droite et évoquée par le texte (v. 3-4 : geminas columnas ; humana et diuina omnia iura). Rappelons qu'Alessandro Campeggi avait suivi cette double formation. Notons également que, contrairement à ce que soutient Ilaria Bianchi, qui suit la traduction

Fig. 3 > Cathédrale San Pietro de Bologne (intérieur) : lion Stylopohre tenant deux

lionceaux entre les pattes. Fig. 4 > Cathédrale

San

Pietro

serpent dressé entre les pattes. Fig.s » Cathédrale colonne torse.

San

de

Bologne

Pietro de Bologne

(intérieur) : lion

(intérieur):

Stylophore

télamon

tenant

supportant

un

une

Fig. 5 bis > détail des télamons.

de M. Bianchella Illuminati'*5, c'est bien le lion de droite qui soutient seul la double colonne — droit canon et

droit civil -, et qu'au regard de l'interprétation de Valeriano, il ne faudrait pas imaginer que le lion de gauche représenterait le droit civil ni celui de droite, le droit humain: la division lion de droite/lion de gauche correspond à l'idée du triomphe sur le mal et du triomphe sur soi-méme. La gravure soutient l'idée que l'esprit vertueux pourra également compléter l'assurance que lui conférent les deux lions en s'appuyant sur le programme du blason des Campeggi : retour de la justice de l’Age d'or, relayée par l'aigle de la pietas et le chien de la fides, le tout sous la protection de la mitre épiscopale, dont la pointe désigne le Christ en majesté du tympan, qui lui-méme montre le Pére par son doigt levé.

74 Comme le montre M. Medica, « Il portali », p. 124-125 (fig. 18-21) ce type de télamon assis, les jambes croisées ou non, est assez courant dans la sculpture religieuse, par exemple dans la cathédrale de Ferrare. 175 Ibid : « due leoni “ che reggono tutte le leggi umane e divine ” ».

620

Fig. 6 > Cathédrale San Vigilio de Trente : porche latéral, avec lion Stylophore et colonnettes reliées par un noeud plat et soutenues par des télamons.

Fig. 6 bis > Détail

des

télamons

soutenant les colonnettes.

621

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire - Livre IV

Symb. 124 Gravure :

-

UNE GLORIEUSE

INFORTUNE,

VOILA LE LOT ASSEZ

PEU

ENVIABLE

DES MEMBRES

DE LA CURIE

- Pandore

- Épiméthée — Rome

— glorieuse infortune

- Enfin, l'embléme

À MARCANTONIO

FLAMINIO

Tout homme qui peut endurer sévère faim, Soif, longues veilles, froids glacés, chaleurs brülantes, Haines cachées, soucis constants, altercations, Disputes, compétitions, tromperies, mensonges, Fourberies, calomnies, poisons, plaies infligées, Mille périls en une heure, mille dommages,

Auxquels s'ajoutent fureurs, bouillonnant désir De gloire et arrogance des impertinents, 10

Licence des gens aisés, excés de débauche, Avarice tachée de honte, effronterie,

Gráces suspectes des princes sans gratitude, Espoirs nourris en vain, terreurs, retournements De l'inique Fortune en toutes situations ; 15

Qui peut voir rabaisser partout les gens de bien,

Devantles sodomites, les joueurs, les oisifs,

Devant bouffons, gourmands, ivrognes, corrompus,

Feints amis, intrigants, ennemis pleins de haine Devenus familiers, étres envieux, perfides, 20

25

Traitres parmi les traitres, et dont on ne pourrait

Jamais, sciemment ou non, étre assez éloigné ; Qui peut en outre voir ignorants, mécréants, Adultéres, assassins et empoisonneurs,

Faussaires et transfuges si légers à la course, Et les hommes méchants d'un semblable acabit

Etre seuls appréciés et portés jusqu'aux nues,

Aprés mille douleurs, aprés mille trépas

Et tourments en tout genre, et la perte accablante De son honneur, de ses efforts et de son temps,

30

amputée

des vers

19 à 23, est

Nunc in mentem uenere infelicissimi id genus homines, qui principibus ipsis seruiunt curiales uulgo adpellati. Huc ades, o Democrite, ride sis, ride amabilem horum insaniam, qui sola ambitione ducti in tot, tantasque miserias sese praecipitant, et quas, dii boni, miserias, tales scilicet quales amicus quidam nosler iambico uersu breuissime descripsit, ad hunc modum 1876 "^.

Sur l'image :

S

— Dans les manuscrits du Democritus (voir apparat critique), l'épigramme, présentée comme une invention de Marcantonio Flaminio lui-méme :

Celui-là peut bien, Marco, suivre votre cour : Ilestsür qu'il ne m'aura point comme rival.

MÉTRIQUE Trimétres iambiques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET SUR LES MANUSC RITS

— Une premiere version du texte est déjà présente dans le manusc rit V des Lusuum libri duo, f° 241?-v? avec une dédicace à Marcantonio Flaminio (voir apparat critique).

est évoqué

dans l'une des Lettres de Bocchi

à Romolo

Amaseo

datée du 30 octobre

1548

(Milan, Bibl. Ambros., ms D 145 inf, f° 22v). Bocchi se sert du mythe pour évoquer l'espoir qu'il a de toucher enfin les subsides promis par Alexandre Farnése le jeune pour l'édification de son Académi e et il évoque le mythe de Pandore : Ad quam spem ipsam me uocauerat illa postrema literarum tuarum particula scripta uerbis Heri nostri cardinalis. Haud

facilé dixerim quantus ea re et nobis animus accesserit et timor omnibus sit malignis iniectus, quos ego iam ita nihil timeo

ut omninò contemnam. Miras nugas quotidié rumoribus affingebant homines isti malé feriati, scilicet aulam Regulo

exaedificari ; alii me

thesaurum

inuenisse ; non pauci Farnesinae Academiae

titulos frustrà praescripsisse, surdis enim

fabulam cani. Propterea nonnulli neque mea sententia leuissimi, et sua grauissimi, prudentia m desyderare se profitentur in nobis,

qui rem

nostram

censuerimus

beneficiis, illud subindé iactitantes :

oblimandam

ut nomini

consuleremus

alieno, Speratis temeré,

non

acceptis

Qui spe uitam agitat, peribit expes.

Quare symbolum illud Pandorae mihi deberi, cuius in imo uase spem haesisse non sine causa commenti sunt poetae, perindé quasi plus mali spes afferat quam boni. Ego ueró contrà sentio spem malorum ultimum finem esse, at principium omnium bonorum, modó proficiscatur à fide quam syncerissimam herili iustitiae ac benignitati me habere si negem,

mentiar herclé, illa siquidem facit ut mihi sperata nescioquopacto iam uideantur accepta, etiamsi nominatim.nihil adhuc acceperim ab illa tanta bonis plerisque non immerità celebrata munificentia minoris Alexandri. J'avais été appelé à cet espoir par la partie finale de ta derniere lettre, qui me transmettait le propos de notre héros cardinal. Je décrirais avec difficulté quel grand réconfort nous a été apporté, gráce à cela, et, en méme temps, quelle grande terreur nous a été instillée par tous les fácheux, mais que désormais que je ne redoute en rien, au point de les mépriser totalement. Tous les jours, des hommes utilisant mal leurs loisirs inventent pour la rumeur

des balivernes inouies, par exemple que l'on construit une cour pour Regulus", et d'autres prétendent que j'ai trouvé un trésor'^" ; un bon nombre déclarent que le titre d'Académie farnésienne a été vainement apposé, et que l'on raconte la fable pour les sourds'*?. C'est pourquoi certains esprits, fort légers selon moi, mais trés forts à leurs propres yeux, déclarent qu'ils regrettent chez nous l'absence de prudence, vu que nous avons trouvé bon de mettre nos intéréts en péril pour veiller à celui d'autrui, à cause des bénéfices que nous avons espérés en vain mais

qui n'ont pas été touchés, et ils s'en vont répétant :

Celui qui occupe sa vie avec l'espoir périra désespéré .

C'est pourquoi le symbole de Pandore me convient : les poétes non sans raison ont expliqué que l'espoir était demeuré au fond de sa jarre, comme si l'espoir apportait plus de mal que de bien. Moi au contraire, je sens que l'espoir constitue le terme ultime de mes maux et le début de tous les biens, pourvu qu'il ait son point de départ 1876 « Voici que me sont revenus à la mémoire cette catégorie communément curiaux. Viens donc là, ó Démocrite, et ris, si précipitent téte en avant dans des miséres si nombreuses et briévement évoquées un certain ami à nous en vers iambiques,

fort misérable d'hommes au service des princes eux-mémes, et que l'on appelle tu veux bien, ris de l'aimable folie de ceux qui, conduits par la seule ambition se si grandes, et ces miséres, grands dieux, sont précisément telles que les a trés comme suit, etc. ».

75 c'est-à-dire pour un personnage toujours absent et qui ne risque pas de revenir, comme Régulus parti faire la guerre contre Hannibal. ! L'expression renvoie ironiquement au proverbe qui inuenit amicum, inuenit thesaurum et suggeére que Bocchi a bien trouvé un ami dans le cardinal, mais un ami qui ne paie pas en espéce sonantes. 15? Voir ÉRASME, Adagia, 1, 4, 87, « Surdo canis. Surdo fabulam narras ».

622

623

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

à la bonté de mon dans la confiance, et, par Hercule, je mentirais si je disais que celle que je voue à la justice et semblent maitre n'était pas absolue, puisqu'elle fait en sorte que les objets que j'ai espérés, je ne sais comment, me la si grande désormais acquis, bien que je n'aie pour l'instant rien regu en mon nom propre de la part de bien. de gens des plupart la par droit bon à célébrée générosité d' Alexandre le Jeune, Aa

NorES

T

nait à Serravalle (1498-1550) _ ded. carm. : M«ARCO» ANTONIO FLAMINIO] Marcantonio Flaminio (aujourd'hui Vittorio Veneto). Éduqué par son pére, humaniste en liaison avec de grands esprits comme Philippe Béroalde l'Ancien et Ange Politien, il se rend pour ses études au Studio de Bologne, oü il fait la connaissance de Leandro Alberti et Achille Bocchi, puis il part en 1514 pour Rome et dédie au Pape Léon X des Annotationum siluae oà il commente des passages des auteurs classiques et oà se conjuguent brillant, précocité et

érudition.

À Rome, il se lie avec R. L. Brandolino et Philippe Béroalde le Jeune, bibliothécaire du Vatican. Il fait

aussi un bref séjour à Naples oü il rencontre le poéte Sannazaro. Castiglione, en ambassade à Rome, le conduit à Urbin, à la cour de Francesco Maria della Rovere. Aprés la lecture du Cortegiano, Flaminio publie alors un

Compendio di la volgare grammatica. En 1515, parait à Fano, chez G. Soncino, un Carminum libellus, dédié à Achille Bocchi, qui connait son pére Giovannantonio, comme l'atteste sa correspondance 155! et qui a sans doute conseillé au jeune Marcantonio Flaminio de publier l'ouvrage.

Rappelé à Imola par son pére, Marcantonio part ensuite à Bologne jusqu'en 1517, dans l'entourage de Giovanni

Vérone, entre 1528 et 1538, au service de Giberti, Flaminio est en contact avec les cercles réformés vénitiens, en particulier les spirituali, parmi lesquels on peut compter Gregorio Cortese, abbé de San Giorgio Maggiore à

Venise, Gaspare Contarini et Reginal Pole. En 1533, Flaminio veut intégrer la congrégation des Théatins, mais

Gianpetro Carafa, qui a fui le sac de Rome en 1527, lui en refuse l'accés. En 1535, Flaminio veut reprendre ses études de philosophie interrompues et garde des contacts avec le Studio de Padoue. En 1536, il publie à Venise une Paraphrase au livre XII de la Métaphysique d' Aristote (Paraphrasis in

duodecimum Aristotelis librum de prima philosophia) et, en 1538, toujours à Venise, des Paraphrases à trente-deux

Psaumes (Paraphrasis in duo et triginta psalmos). Ses idées réformistes se précisent gráce à la lecture de textes

luthériens et il s'éloigne de Giberti. À Sessa, puis à Caserta, dans l'entourage de G.F. Alois, oü il restera jusqu'en 1540, Flaminio débat par correspondance sur la gráce avec G. Seripando. Il se rend à Naples en septembre 1540 et rejoint les membres du cercle de Juan de Valdés, Vittoria Colonna, Giulia Gonzaga, Pier Martyr Vermigli, Pietro Carnesecchi. Parti de Naples en 1541, Flaminio part à Rome pour y retrouver Bernardo Occhino, se dirige ensuite vers Florence oü il retrouve Catherine Cibo, puis vers Viterbe,

oü avec Reginald Pole, il fréquente le cercle d'Alvise Priuli et fréquente P. Carnesecchi. Le procés devant

l'Inquisition de Pietro Carnesecchi forcera ce dernier à avouer que Flaminio a révisé de maniére significative le traité évangélique Beneficio di Cristo, rédigé par Benedetto Fontanini da Mantova en 1 543. Flaminio partage les

sans doute pour la premiére fois, Reginald Pole, son futur patron, et le Génois Stefano Sauli, à qui Bocchi dédie son embléme sur l'Hermathéna (Symb. 102). Dés 1521, on retrouve Flaminio à Génes dans l'entourage de Sauli.

idées de Valdés sur l'indifférence aux sacrements et cérémonies religieuses, sur la mortalité de l'àme (comme son maitre bolonais Pietro Pomponazzi), sur la justification par la seule foi, sur l'inexistence du purgatoire. En 1545, Flaminio est à Trente pour l'ouverture du Concile mais il n'accepte pas le poste de secrétaire qui lui est offert durant la premiere session du Concile de Trente (1545-1548). Il publie, respectivement en 1545 et 1546, une In librum Psalmorum breuis explanatio, chez Alde, et une Paraphrasis in triginta Psalmos versibus scripta, chez Valgrisi, toutes deux dédiées à Alexandre Farnése. Il y développe les thémes du renouvellement intérieur sur le modéle christique, et défend la prééminence d'une poésie fondée sur les textes sacrés. De retour à Rome en

l'Amour Divin, groupe réuni pour des discussions théologiques et des « exercices spirituels », comprenant,

- v. 15 : cynaedos] Le terme cinaedos vient du grec xívaiSoc, le mignon, l'homosexuel. Le mot est fréquent chez

Antonio Bentivoglio et il entreprend des études de philosophie sous la direction de Pietro Pomponazzi. Au Studio de Bologne (faculté des artistes), il se lie avec Lodovico Boccadifero, Romolo Amaseo et Achille Bocchi. De retour à Rome en 1519, Flaminio fréquente le poéte Francesco Maria Molza, mais il fait aussi la connaissance

de Christophe de Longeuil, qu'il suit la méme année à l'Université de Padoue pour y poursuivre ses études de

philosophie et oü il restera jusqu'en 1521. À Padoue, il suit les cours de Marcantonio de" Passeri et il rencontre,

En 1522, Flaminio accompagne Stefano Sauli à Rome et l'année 1524 le voit devenir membre de l'Oratoire de entre autres, Bartolomeo Stella, futur membre du cercle de Viterbe autour de Pole, et le rigoriste Gianpetro

Carafa, futur pape Paul IV et fondateur de l'ordre des Théatins. Parallélement, Flaminio fréquente les cercles

littéraires romains, celui de Jacques Sadolet, d'Angelo Colocci et de Joannes Goritz, dédicataire des Coryciana.

En 1524, Flaminio entre au service de Gianmatteo Giberti (1495-1543) : celui-ci, émissaire papal de Léon X,

Adrien VI et Clément VII, puis évéque de Vérone, entretient une cour austére constituant une véritable académie, dont la volonté réformatrice se joint à une activité éditoriale portant sur des textes religieux, bibliques et patristiques. Parmi les membres, on peut noter la présence de l'hébraiste Johann van Kampen, du secrétaire de Giberti, Francesco della Torre, du poéte Adamo

Fumano

et de l'humaniste Galeazzo Florimonte, futur

évéque d'Aquin. En 1524, Flaminio va passer quelques mois à Padoue, oü il revoit Romolo Amaseo et Giulio Camillo, puis fait un détour par la cour des Gonzague à Mantoue, oü il relit encore une fois le manuscrit du Courtisan de Castiglione. En 1525-1526, aprés un passage à Venise, oü il rencontre Paolo Giustiniani, il retourne

à Serravalle où il compose les Lusus pastorales, qui ne seront publiés qu'en 1548, et qui portent la marque du poéte vénitien Andrea Navagero mais également des sonetti pastorali tels que les concoivent Claudio Tolomei, Benedetto Varchi, Francesco Molza ou encore Bernardo Tasso'*?, Pendant une dizaine d'années passées à 1850 Voir C. Maddison, Marcantonio Flaminio, Poet, Humanist and Reformer, Londres, 1965 ; Ead., Apollo and the Nine. A History of the Ode, Londres,

1960, p. 113-142 ; A. Pastore, Marcantonio Flaminio : Fortune et sfortune di un chierico nell'Italia del Cinquecento, Milan,

1981 ; Id.,

« Flaminio Marcantonio » in DBI, t. XLVIII, 1997, p. 282-288 ; D. Fenlon, Heresy and Obedience in Tridentine Italy : Cardinal Pole and the Counter-Reformation, Cambridge, 1972 ; E. G. Gleason, art. « Marcantonio Flaminio » in The Oxford Encyclopedia of the Reformation, t. IV, p.112. 75? [ s'agit de trois lettres (datées de 1512 et conservées à la Bibliotheque Vaticane (Barb. Lat. 2029, f'442v?-4461" ; £ 4561^-463v^et Barb. lat. 20635, P 108v^, P 110r^-v^ ; avec une copie partielle au Fondo Segreto Vaticano, Miscellanea, Politica uaria, Armadio II, 16, f" 5561"-5591^). 1882 W. L. Grant, « The Neolatin “ lusus pastoralis ” in Italy », Medievalia et humanistica, 11, 1957, p. 94-98.

624

1547,il meurt en 1550.

Plaute et dans les poémes injurieux de Catulle (cf. 16, 2 ; 29, 5 ; 33, 2 ; 57, 1, etc). Chez Catulle, cinaedos et aleo apparaissent ensemble dans le Carmen 9 (v. 2 , 9 et 10). Mais en écrivant cyn-, Bocchi semble faire venir le mot

de kvvóc, le chien. C'est une maniére ironique de retourner, contre ceux qui prétendent cacher leurs turpitudes sous des termes savants, la transparence étymologique du grec. Sur cette orthographe, voir Panfilo SASSO, Epigr.,

$71,354) 139, 35.

ANALYSE

L'embléme ne se comprend pas en dehors du contexte biographique qui le génére et le motive, et sur lequel la gravure donne des indices (voir infra). En se fondant sur le témoignage des lettres manuscrites de Bocchi à quelques amis, il est possible de déduire qu'il se rendit à Rome pour quelques mois, entre mars et octobre 1513, pour des affaires publiques et privées, et que durant ce court séjour il occupa une place de secrétaire impérial (a secretis) aux cótés d'Alberto Pio, prince de Carpi, au moment précisément oü celui-ci était ambassadeur de

Charles Quint à la cour de Léon X9. Atteint de la fiévre quarte, il regagne Bologne au début de l'automne

1513, au terme d'un épique voyage de retour (voir notre introduction). La vie dans l'entourage d' Alberto Pio et la fréquentation de la curie romaine ont probablement inspiré ce poéme, déjà présent dans les Lusuum libri duo et que l'on peut sans doute dater des années 1513-1514 : Bocchi, de retour à Bologne aprés un séjour romain mouvementé, rédige ces vers de mise en garde à l'intention du jeune Marcantonio Flaminio, pour l'avertir des

dangers qui ne manqueront pas de l'assaillir au moment oü ce dernier se prépare à partir à son tour pour Rome en 1514.

1883 Voir notre introduction générale.

625

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre IV

Ce cadre biographique toutefois ne doit pas occulter le caractere trés codifié de l'épigramme, qui renvoie à une s'5*. Inspirée par les critiques contre la vie urbaine lancées par Virgile, longue tradition de textes anti-curialiste ^ 1885 . 1886 i "et Lucien!*5

Horace et Juvénal, ou par les mises en garde de Plutarque

contre les parasites et les flatteurs,

cette littérature critique des cours royales et papales, qui trouve aussi à se nourrir dans les traités philosophiques tardo-antiques ou médiévaux, par exemple de De Consolatione philosophiae de Boéce, le Policrutiuside Jean de Salisbury ou le Roman

de la Rose de Jean de Meung, rencontre chez Pétrarque, chantre de la solde

et de

l'otium cum litteris, un regain de vigueur, qui se manifeste également en langue latine par exemple à la cour d'Avignon à la fin du XIV* s et au début du xV° s. avec les Epistolae de Nicolas de Clamanges, un correspondant de

Coluccio Salutati, chez Giovanni Moccia, un Napolitain au service du pape Clément VII, ou encore chez Jean de

Montreuil, prévót du chapitre de Saint-Pierre à Lille'**". Vers 1513-1514, date de la rédaction de l'épigramme de notre embléme, les principaux modéles humanistes en latin sont le De infelicitate principum du Pogge, publié en

avec le laconisme resserré du concetto au vers 30 : Non me profecto, non habebit aemulum, « celui-là, assurément,

ne m'aura pas pour rival », où l'emblématiste prend à son compte la recommandation du titulus, nec expetendam

ullatenus, « [distinction] qui, à certains égards, n'est pas enviable » qui joue lui-méme sur le paradoxe de la miseria honorata. Il convient de s'attarder quelque peu sur ces énumérations et ce qu elles vilipendent. Le point de départ consiste en une énumération de la gamme de souffrances physiques (dolores, tormenti genus)

que l'homme de cour subit (faim, soif, froid, chaud, v. 1-2) et qui se transforme bientót (v. 3-6) en une liste hyperbolique (cf. mille répété aux v. 6 et 26) et hétéroclite de périls (pericla, incommoda) qui menacent autant

l'intégrité corporelle du sujet que sa résistance morale et sa santé mentale - coups de poignard (uulnera) et breuvages empoisonnés (uenena) sont voisins des calomnies (calumnias), des haines (odia), des disputes

(iurgia) et des procés (lites), et le texte de Bocchi se montre ici étonnamment proche des critiques portées par

Giovanni Moccia ou Alain Chartier (voir apparat des sources). La Stratégie accumulative se poursuit (ad haec,

1440 (et qui considére les tourments de la vie de cour non du cóté des courtisans mais du prince lui-méme), la

v. 7), et on comprend

rencontra un trés grand succés/*) et un passage de l'Encomium Moriae d'Érasme publié en 1511, vilipendant les

(v. 7-12) ; une énumération des étres viciés, composée d'adjectifs, épithétes ou substantivés (v. 13-24). On peut

lettre intitulée De curialium miseriis epistola d'Enea Silvio Piccolomini'**5, rédigée en 1444, publiée en 1473 et qui

mceurs dépravées de la cour pontificale, suivant une longue tradition dont témoignaient déjà Jean de Roquetaille et son Vademecum in tribulacione, mais aussi Nicolas de Clamanges et Pétrarque dans leurs critiques des moeurs

papales en Avignon (voir infra)'*". La veine anti-curialiste ne se dément pas tout au long du XVI s.'*?' et, bien qu'elle ait été composée une quarantaine d'années avant la publication du recueil d'emblémes, on comprend que cette piéce ait conservé une forme d'actualité. Le poéme

est extrémement

travaillé et sa construction

syntaxique,

qui structure

une

phrase

unique,

est

remarquable. Le premier vers s'ouvre sur une proposition relative antéposée, Quicumque [...] perpeti potest [...], dont l'antécédent is n'arrive qu'au terme du poéme, au vers 29, avec la principale dont il est le sujet : Is

Marce uestram istam sequatur curiam. Tout le corps du texte, dilaté à l'extréme sous la forme d'une relative qui

travaille l'hyperbate, est constitué par de longues suites énumérant tout ce qu'il faut endurer à la cour papale, et son flot ininterrompu, qui se déverse au cours des lignes, a été transposé iconographiquement sur la gravure sous la forme de la jarre de Pandore répandant ses démons et ses serpents sur la ville de Rome. Ce volume contraste

1884 Voir Jes études de P. M. Smith, The Anti-Courtier Trend in Sixteenth Century French Literature, Geneve, 1966 ; et J. Ch. Lemaire, Les visions de la vie de cour dans la littérature francaise de la fin du Moyen Áge, Bruxelles-Paris, 1994. 1885 Par exemple dans le Quomodo adulator ab amico internoscatur. Voir P. M. Smith, The Anti-Courtier Trend, p. 17-19. 1856 Dans le De Parasito, le Rhetorum praeceptor et la lettre De Mercede conductis potentium familiaribus ou encore, dans une moindre mesure, le Mortuorum Dialogi oule Timon. Sur ces textes, voir P. M. Smith, The Anti-Courtier Trend, p. 19-21.

1857 Sur ces personnages et leurs ceuvres anti-curialistes, voir J. Ch. Lemaire, Les visions de la vie de cour, p. 388-428.

1885 Sur ce texte et ses sources antiques et néolatines, voir K. Schreiner, E. Wenzel (éd.), Hofkritik im Licht humanisticher Lebens- und Bildungsideale. Enea Silvio Piccolomini, De miseriis curialium (1444), Über das Elend der Hofleute und Ulrichi de Hutten, Equitis Germani Aula Dialogus (1518), Aula, eines deutschen Ritters Dialog über den Hof, Leyde, 2012 ; D. Canfora, « Due fonti del De curialium miseriis di Enea Silvio Miccolomini : Bracciolini e Lucrezio », Archivio Storico Italiano, 64, 1996, p. 479-494 ; K. Sidwell, « Il De curialium miseriis di Enea Silvio Piccolomini e il De infelicitate principum di Poggio Braccolini », Studi Umanistici Piceni, 14, 1994 ; Id., « Il De curialium miseriis di Enea Silvio

Piccolomini e il De mercede conductis di Luciano » in L. Rotondi Secchi Tarugi (dir.), Pio II e la cultura del suo tempo. Atti del I convegno

que le discours mime un débordement énumératif de vices dont on ne peut plus

interrompre le cours??? Deux types se détachent: une énumération des vices, qui accumule des substantifs

dégager également une sorte de classification thématique en trois grandes catégories, dont J. Ch. Lemaire a

montré qu'elles sont topiques et a constitué le répertoire!*?? ; — vices des courtisans ou canes palatini'*?*, liés à la fausseté, à la flatterie et à l'hypocrisie : occulta odia, simultates,

dolos, fraudes, uenena, infidam, fictos, malignos, perfidos, factiosos, proditores, falsarios, transfugas ;

— vices des princes et des grands (principum) liés à la chair : libidinem, cynaedos, adulteros ; - vices des princes et des grands liés à l'orgueil, à la vanité et au désir de gloire : aestuantem gloriae cupidinem ;

insolentium arrogantiam, impudentiam, inaneis spes. etc

Ce déploiement de forces néfastes inouies — d'oü les superlatifs (ingratissimorum, pessimorum pessimos) — décrit l'étrangeté d'un monde de désordre, où les valeurs sont inversées (deprimi passim bonos ; homines malos {a usque ad astra tolli), instables comme les retournements de la fortune (mutabiles/ Fortunae iniquae in omnibus rebus uices) et paradoxales, ainsi que le traduisent très bien les oxymores : miseriam honoratam, gratiam ingratissimorum, fictos amicos, hostes domesticos. Le motif du monde à l'envers, sur lequel régne une Fortune

imprévisible et prise de folie, annonciatrice de la venue de l'Antéchrist, est d'ailleurs un développement de

prédilection dans la littérature anti-curialiste'"5, par exemple dans le Curial d'Alain Chartier, rédigé vers 1427, qui a influencé la lettre de Pie II (voir apparat des sources) : Tu demandes ce qu'est la vie de cour : une opulence misérable, une pauvreté opulente, une hauteur d’où l'on peut tomber, une position instable, une sécurité où l'on tremble, une vie proche de la mort!5?*,

Or ce débordement se solde paradoxalement à la fin du texte par la privation et le plus complet dénuement : loin

d'étre récompensé, comblé et satisfait, le sujet qui fréquente la cour se découvre dépouillé (iacturam v. 28) de

tout, fatigué, humilié et vieilli (honoris et laborum et temporis). Fondé sur le motif stoicien de la critique des biens extérieurs, indifférents à la poursuite de la vertu, le dénigrement des valeurs de la cour montre à quel point ces

internazionale, 1989, Milan, 1991, p. 329-342 ; B. Widmer, « Zur Arbeitsmethode Enea Silvios im Traktat über das Elend der Hofleute » dans G. Cambier, C. Deroux, P. Préaux (dir.), Lettres latines du Moyen Age et de la Renaissance, Bruxelles, 1978, p. 183-206. 1859 Nombreuses éditions et traductions vernaculaires. Sur cette postérité, en particulier en France, voir P. M. Smith, The Anti-Courtier Trend ;

J. Ch. Lemaire, « L'originalité de la traduction du De Curialium miseriis dans la littérature anticuriale du temps », International Journal of the Classical Tradition, 2/3, 1996, p. 360-371 ; Id., La traduction en moyen francais de la lettre anticuriale De curialium miseriis epistola d'Aeneas Silvius Piccolomini, Villeneuve d'Ascq, 2007. 35? VoirJ. Ch. Lemaire, Les visions de la vie de cour, p. 312-315.

1891 Voir par exemple le De aulicorum aerumnis de 1516 de Pierio Valeriano (une traduction du pamphlet De Mercede de Lucien), le Misaulus

d'Ulrich von Hutten, publié en 1518, le dialogue Fortuna et aulicus (1529-1530) et le poéme De miseria aulicorum de Ravisius Textor, la stance

2 C'est une constante stylistique de ce genre de littérature. Voir par exemple Poggio BRACCIOLINI, De Infelicitate principum, 9o, Canfora,

P- $4 : uarii casus rerum, dubia regna, suspensa in diem atque instabilis fortuna, anceps consiliorum euentus, adulatorum fraus, ambitio amicorum,

domesticorum proditiones, insidie filiorum, uxorum perfidia, incerta fratrum uoluntas, dubia multorum fides, leuitas uulgi, bellorum incertus finis, pax suspecta, ipsa regni solicituro et anxii metus... 155 Voir J. Ch. Lemaire, Les visions de la vie de cour, P. 327-336, « La critique théologico-morale de la cour ».

9! Sur l'expression, reprise par Pétrarque dans sa lettre à Hugues de St-Séverin (Epistolae de rebus familiaribus, Fracassetti, 3, P. 233), voir

De re aulica d' Agostino Nifo paru en 1534, l'Aulica uita splendida miseria de J. Boissard ou le De curia aulica d'Étienne Pasquier (Epigrammes, 4,

VVLG., 2 Samuel, 16, 9.

Joannes Ravisius Textor. Regards croisés sur les miséres auliques », dans M.-F. André, M. Bost-Fievet, La représentation des élites : aristocraties

Bracciolini, De Infelicitate principum, 9o, Canfora, p. $4 : Nam uarii casus rerum, dubia regna, suspensa in diem atque instabilis fortuna, anceps

47), etc.. Pour un panorama, voir P. M. Smith, The Anti-Courtier Trend et N. Istasse, « Le chevalier Ulrich von Hutten et le pédagogue moraliste

politiques

et

aristocraties

intellectuelles,

—ISTASSE modifie selon instructions

626

Camenae,

de

9, juin

Max.pdf».

2011,

en

ligne:

«http:// www.paris-sorbonne.fr/IMG/pdf/ARTICLE 4 N-

! VoirJ. Ch. Lemaire, Les visions de la vie de cour, p.

317-325, « La critique théologico-morale de la cour ». Ce point est souligné par Poggio

consiliorum euentus... manifesto arguunt principes omnis quadam infelicitate conditione damnatos. 1896 P. Bourgain-Heymerick (éd.) : Les euvres latines d'Alain Chartier, Paris, 1977, p.370.

627

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

"Traduction, annotation, commentaire

— Livre IV

et ce refus de faux biens nuisent à la tranquillité. Le je poétique intervient alors pour signifier son retrait du jeu ’ possis). Mitare sális/ l'émulation avait déjà été annoncé un peu auparavant (v. 20-21 : nunquam La stratégie accumulative est précisément celle qu'emploie Érasme, avec l'ironie et le pescéd di l'antiphrase, romaine : dans le passage de l' Éloge de la folie ($5 9) où il critique la dépravation des moeurs dela curie iniita sa vie, c'est-à-dire sa t d'imiter Quant aux Souverains Pontifes qui sont les vi caires du Christ, s'ils s'efforgaien la vie, s'ils réfléchissaient à leur nom de « pape », ses travaux, son enseignement, sa croix, son mépris de pauvreté,

[...] Tant de c'est-à-dire de pére et à leur surnom de « trés saint », qu'y aurait-il sur terre de plus malheureux ?

, toutes ces taxes, richesses, tant d'honneurs, tant d'autorité, tant de victoires, tous ces offices, toutes ces dispenses

vous eel toutes ces indulgences, tant de chevaux, de mules, de gardes, tant de voluptés,

quel marché, quelle

moisson, quel océan de biens j'ai embrassés en quelques mots ! À leur place, il introduirait veilles, jeünes, larmes, le fait priéres, sermons, études, soupirs et mille épreuves misérables de ce genre. D'autre part il ne faut pas négliger es, que tant de rédacteurs, tant de copistes, tant de notaires, tant d'avocats, tant de promoteurs, tant de secrétair

Fig. 1 > Sesterce

tant de muletiers, tant de palefreniers, tant de banquiers [...], en résumé cette immense foule, charge du Siege

ble et romain — pardon, je voulais dire : charme — serait réduite à la famine. Ce serait un acte inhumain et abomina

il serait encore beaucoup plus détestable de voir les grands Princes de l'Église, les véritables lumiéres du monde, gx

A

ramenés à la besace et au báton

1897

”’.

de Néron

(bronze),

Lyon

vers 65 ap. J.-C. : Rome tenant le palladion.

Pandore, dont les formes féminines sont mises en valeur, apparait sous les traits d'une nymphe

qui repose sur

une nuée, le bras droit appuyé sur un vase renversé d'oü s'échappent démons et serpents : ce sont les maux qui

infestent Rome et que le texte poétique énumére en litanies, mimant par l'énumération le contenu dispersé du

La critique des abus de l'Église, de la simonie des bénéfices ecclésiastiques, du trafic des Indulgences, du train de

vase. On notera que les serpents constituent une lointaine réminiscence de l'association origénienne entre

la pensée réformée, chez Luther certes, mais aussi chez Juan de Valdés et Camillo Renato : à la vie dépravée de Rome, qui n'a plus rien de commun avec les recommandations de l'Évangile, on oppose alors avec force la vie

Pandora et composé vers 1549"? et dans un poéme de Jochim Du Bellay en 1558'?*. La dissociation

vie somptueux, des encouragements de la superstition populaire à des fins politiques, est un aspect important de exemplaire du Christ et de ses disciples. La gravure, dans cette perspective, assume un róle de « propagande » important, au sens oü l'entend D. Cantimori. Nous sommes avec cette piéce dans le cas oü la gravure ne se contente pas d'illustrer l'épigramme mais constitue avec elle un véritable « duo emblématique », oü l'image symbolique est exclusivement assumée

par la gravure et non par une partie ecphrastique du texte qui présenterait d'abord les symboles et serait suivie d'une séquence de décryptage. La gravure fournit en effet au poéme à la fois un cadre géographique (Rome) qui en délimite la pertinence et l'actualité (auto-)biographique, ainsi qu'un support allégorique (Pandore et sa jarre de maux) qui permet aux éléments poétiques de tendre vers le symbole et, en s'insérant dans la narration du mythe, de trouver une cohérence et une organisation, démentie par le propos méme du texte. La gravure se partage trés nettement en deux. Dans la partie inférieure au centre, Rome est représentée à la maniére des monnaies antiques, comme une vierge cuirassée et casquée, assise sur un socle oü se lit ROMA. Par exemple, sur un sesterce de Néron datant de 66 (Fig. 1), elle est assise à droite sur les sept collines, avec un

sceptre dans la main droite'**, Cet élément a été interprété par Bonasone comme un palladion que flanquent les deux termes de la formule £vriuoc zaAauxopía ?, séparés pour mieux en souligner le caractére contradictoire. Ce geste rappelle l'épisode oà Zeus offre à Épiméthée le « présent de tous les dieux » (Pan-dóra) et sa jarre

funeste'??!, On apercoit Épiméthée derriere l'allégorie de Rome. Celui-ci léve les yeux vers la partie supérieure de l'image oà apparait Pandore.

17 ]. Chomarat (éd.) : ÉRASME, CEuvres choisies, Paris, 1991, p. 201-202. 1898 Rev: ROMA/SC, Rome assise à gauche sur une cuirasse, tenant une victoire. Réf. : RIC I, 398.

18 Le terme vaAatxopía apparait dans les Scholia uetera in Hesiodum (ad Op., 48f). La formule chez Hésiode est kaÀóv xaxóv, « un beau mal »

(Theog., 585). Rappelons que le terme £vripoc se dit d'une monnaie qui a de la valeur (voir PL., Leg., 742a) 1%0 HES,, Op., 57-101 et Theog., 570-590. Voir aussi A. G., 10, 71 (Makédonios de Thessalonique), BABR., Fab., 58 ; PLIN., Nat., 36, 19 ; HYGIN,, Fab., 142 ; FVLG., Myth., 46, 82 ; BOCCACE, Genealogiae deorum, 4, 45. D'autres sources sont signalées par Pauly-Wissowa, RE, t. XVIII-3,

col 529-548 et ROSCHER, Lexicon, t. IIl, p. 1524 sq. et 3045 sq. Pour l'analyse de ces sources et la subsitution érasmienne de la boite à la jarre par



du mythe de Psyché, voir D. et E. Panofsky, La boite de Pandore, Paris, 1990 pour la traduction francaise (1ére éd., Princeton,

1962).

%1 Signalons au passage que Bonasone s'était déjà livré à la représentation de la jarre de Pandore : représentée comme un pithos antique, c'est-

à-dire à deux anses et de la taille d'un homme, la jarre est ici ouverte par l'homme et ce sont les biens qui s'en échappent pour remonter sur

628

Pandore et Eve,

reprise à la Renaissance dans un magnifique tableau de Jean Cousin intitulé Eua Prima

iconographique entre Rome et Pandore, pratiquée dans la gravure pour des raisons de lisibilité, masque en fait une identité. C'est Rome

elle-méme, autant que Pandore, qui est ici l’Evtiuog caAauopía, source simultanée de

gloire et de dépravation : la beauté de la jeune femme n'a d'égale que la laideur des maux qui s'échappent de sa jarre. Notons que le titulus qui surmonte l'image en corrige par restriction le sens : ce n'est pas Rome en général qui est vilipendée, mais plus précisément les curiales, les membres de la Curie papale. La Rome-Pandore bocchienne nous semble relever du méme esprit que l'illustration réalisée par Lucas Cranach

pour le September Testament de Luther, publié à Wittenberg en 1522!" et représentant la grande prostituée de

Rome-Babylone portant la tiare papale : une figure féminine dispensatrice de maux, en liaison avec les monstres. Dans cette perspective, on citera également un exemple emblématique, la piéce d' Alciat intitulée « Ficta religio »

oü le pape meretrix Babyloniae trompe les foules en travestissant les symboles sacrés!’ : richesse abusive des

insignes royaux, ironie contre les fidéles qui se vautrent comme à un banquet et s'enivrent du vin de messe au

lieu d'y voir la réitération du sacrifice christique, marques excessives de dévotion à l'égard du pape. comparaison d'une ville corrompue à une Babylone avait déjà été utilisée par Nicolas de Clamanges dans lettre à Gérard Machet datant du début de l'année 1414 et oü il invite son correspondant à quitter Paris avec mots : Babylone fugiendum'?"", Rappelons que Nicolas de Clamanges, à l'instar des sonnets de Pétrarque,

La une ces des

l'Olympe, privant le monde terrestre de leur présence, hormis l'Espérance. La version suivie est celle de Babrios. Voir D. et E. Panofsky, La boite de Pandore, p. 72

1902 ORIG, Cels., 4, 35, 36. 1903 Voir les analyses de D. et E. Panofsky, La boite, p. 51-59 et L. Wajeman « Création de la femme, invention de la peinture » dans J.C. Schmitt (dir.), Eve et Pandora. La création de la premiére femme, Paris, 2002, p. 163-185. 1904 ]. Du BELLAY, Antiquitez de Rome, 19, v. 5-8, dans J. Joliffe, M. Screech (éd.) : J. DU BELLAY, Les regrets et autres auvres poétiques, Geneve,

1966 : « Tout le malheur qui nostre aage dedore/ Tout le bonheur des siecles plus vieux/ Rome du temps de ses premiers ayeux/ Le tenoit clos, ainsi qu'une Pandore. » 95 Nous avons dit que le poéme a sans doute été composé aux alentours de 1514. Mais le recueil illustré des emblémes de Bocchi ne parait qu'en 1555 et il n'est pas impossible que la gravure de Bonasone pour le Symb. 124 date des années

1530-1535, au moment

oü les manifestes

illustrés d'inspiration luthérienne circulent en Italie.

1906 Sur cet aspect voir W. H. Huseman, « The Entry of Heresy into the Emblem Tradition: Circe and the great Whole of Babylon », ín A. Adams et A. J. Harper (éd.), Renaissance and Baroque Europe, Tradition and Variety, Selected Papers of the Glasgow International Emblem Conference, 13-17 aoüt 1990, Leyde/New York/Cologne, 1992, p. 154-172. 1%7 Voir P. Santoni, « Les Lettres de Nicolas de Clamanges à Gérard Machet. Un humaniste devant la crise du royaume et de l'église (14101417) », Mélanges de l'École francaise de Rome. Moyen Age, Temps Modernes, 99/2, 1987, p. 793-823.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

églogues 6 et 7 de son Bucolicum Carmen ou de son Liber sine nomine taxant Avignon de Babylone, dénongait

avec virulence la corruption des mceurs de la cour avignonnaise dans son De praesulis simoniacis et son De ruina

ecclesiae, corruption que tentera de résoudre le Concile de Constance en 1417: toute une partie de cette argumentation est reprise contre la cour de Rome à l'époque de la Réforme.

Mais la vision de Pandore, assise sur une nuée et déversant ses maux en pluie sur Rome, nous semble en outre

faire allusion, certes de maniére plus discréte, à un type iconographique lié à la propagande contre l'Antéchris : les pronostications millénaristes qui, à l'appui des conjectures astrologiques, prévoient une apocalypse pour mettre fin au régne de Babylone. Les serpents et démons de Pandore s'abattant sur la ville appellent et préfigurent en quelque sorte le déluge du feu divin, qui sera nécessaire pour purifier l'antre du péché, ainsi qu'on peut le voir dans le frontispice de J. Carion pour une Pronosticatio parue à Leipzig en 1521.

LIVRE V

630

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Symb. 125 Gravure :

QUEL GENRE D'HOMME

Qui fut le mien. Puis je revins Tout droit auprés des dieux, sous l'aiguillon de la colere.

LE PRINCE SE DOIT D'ÉTRE *

Maintenant, par mon cher amant

45

À L'ILLUSTRE CARDINAL ALEXANDRE FARNESE Quand Aurore la belle, au point du jour, quitte la couche

Rosée de son époux Tithon,

55

Semblable au Trés-Haut qui tonne. De l'éther, il descend , De ce royaume vil et bas La moindre part d'éther doit étre à lui seul imputée : Il posséde autant que l'éther. Ensemble, Cythérée et la belliqueuse Pallas, De gráce éternelle et fragile Parérent son front et son cceur ; ses deux mains, mon pouvoir

60

Tout atout qu'à l'ordinaire vous aimez et visez, Soit que nous en soyons la source, Soit qu'il vous soit inné, en lui fut placé par vivante Vertu et par Sort ambigu.

$0

Trés brillante qui, de l'Olympe Étoilé, avait éclipsé tous les astres restants.

« Ò mortels bienheureux, si, à mon illustre vertu, 10

Vous accordiez autant de prix Que lui donnaient jadis les grands héros de l'ancien temps, Qui, au milieu des glands, des eaux, Et des peaux hérissées, satisfaits de vivre de peu,

15

Quand Amour éternel faconna Phébus, de Phébus

Si vous le preniez pour exemple, Peuple ingrat, comme vous priez son aide généreuse, Vous lutteriez pour vous porter

65

La sceur, le ciel et autres astres,

20

C'est dans le sein de sa Bonté que je fus engendrée. Les nobles vertus, les exploits Menés par forte et belle àme sont tous, chers à mon cceur, Mes enfants et mes sceurs de sang.

25

30

70

35

40

Reine de l'immense Olympe. Mais les vols, les rapines Et l'infáme désir del'or Trainérent oiseaux et serpents mélés, et Méphitis L'infecte hors des marais stygiens.

J'eus pour servante la puissante

D'avoir plus ou moins de richesses — Onles voit vous ronger — n'altéreraient point la quiétude À mes cótés, toujours, Amour vrai régnerait, avec

23

Foi pure, et l'univers entier S'emplirait de la Joie riante et de la Paix drapée. Ce sera aussi le temps oü Il étendra sur vous son régne de douceur et, gráce

À l'antique Vertu, rendra

Votre état immortel, par sa loi, à travers les áges. 80

Le lin et la pourpre tyrienne, Signalent l'aurore espérée d'un si splendide jour, Qu'il contemple d'un front serein.

Il dirige et soutient le ciel, dompte les cruels monstres.

85

Ó exploits saints et remarquables ! Ó belle Italie, ó ville que féconde le Tibre, Lors je vois bien les siécles d'or,

Tous les lieux pleins des beaux monuments des héros anciens,

Ceints des flots vomis par la mer.

L'univers impie et souillé méprisa ce royaume

90

632

N'entachent cette vie terrestre Qui s'écoule, affligée, dans une douleur permanente. Dans vos us et coutumes viendrait

Du cceur, chez vous ou chez autrui.

Lors de ma venue sur la terre,

Je vous montrai Pluton, jadis caché, et à Samos

Mutuellement secours, sans que honte, impiété, aigreur

Ce qui est bon et utile ; tristesse et fou désir

Avec moi autant que par moi, ils furent tous concus.

Pourtant, je l'emporte sur eux, Moi l'unique et premiére admiration du vaste ciel, Et lorsque le supréme pere, En vous voyant, vous aime plus, il me consulte seule Avec passion, car je lui suis Plus chére et plus semblable. Étre utile à tous : a-t-il but Aussi cher et à lui semblable ? Or moi, je suis utile, aimante, et gratuitement j'offre Les présents des cieux sur l'avis De celui qui les fixe et régle le monde d'un signe.

Les emplit, ma raison les guide.

Volontiers, en ami, il en fait profiter les autres.

Vécurent pauvres mais heureux, À présent, quel honneur, quel salut vrais les siécles d'or Vous octroieraient-ils, sous ma garde ?

Pour m établir à vos cótés. Je reviens pour un seul, qui, sous son vétement mortel, Est et rend bienheureux, trónant

Les yeux encore clos, je vis, en la clarté, clarté

Je vis s'avancer, comme un guide, Une déesse qu'escortait une nombreuse troupe, Et son doux chant bercait l'éther :

Tendrement implorée, vers vous je reviens de plein gré,

Vous, les ámes illustres, amies de la Vertu divine, Qui, avec moi, à ses genoux 633

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

C'est aussi facilement que nous sommes rentrés en possession de notre liberté, dans laquelle nous avons désormais commencé de poser le pied, sous les auspices de notre héros, et nous avons formé le dessein qu'il en serait non seulement le défenseur mais également le conservateur, à moins qu'il ne veuille un jour que l'on puisse

Vous étes jetées et couvrez de baisers ses pieds saints, Vénérez-le avec ferveur. » Ce furent ses mots, ó Clio, et de son sein fécond,

dire qu'il a menti, le poéte qui, tu t'en souviens, je pense, a chanté ceci sur un mode symbolique :

Toujours offert, sur moi aussi

95

Elle versa, en pluie bleutée, des lys de félicité, Puis s'élanga, avec sa troupe, Là oü le soleil, d'un póle à l'autre, décrit sa courbe.

Mais tandis que j'ouvrais les yeux,

Ivre d'immense joie, soudain s'offrit à moi la Gloire

Toute neuve du grand Farnése.

Mais tandis que j'ouvrais les yeux, Ivre d'immense joie, soudain s'offrit à moi la Gloire

100

NOTES

— v. $8 : a nobis] C'est-à-dire de la part des dieux (allusion à l'étymologie de Pandora, celle qui est un cadeau de

Toute neuve du grand Farnése.

tous les dieux ou celle que les dieux parent de tous les dons), parmi lesquels Astrée vient se placer.

- v. 77 : reget] Le sujet du verbe est toujours le héros paré par les dieux, à la fois le Christ et le dédicataire de

MÉTRIQUE Métres alcmaniens : hexamétres et quaternaires dactyliques. C'est le métre des Carmina 1, 7 et 1, 28 et de l'épode 12 d'Horace. Mais c'est également un métre employé par Boéce dans un passage de la Consolation de

l'épigramme, Alexandre Farnése, et amant d'Astrée. - v. 78-79: uestrae... uitae/ legem] M. B. Illuminati, P. 217, semble ignorer l'expression consacrée lex uitae

ego est secouru par Philosophie qui chasse de ses yeux le voile noir qui les obscurcit. Le chapitre 3 s'ouvre sur un

désigne la loi du héros paré de tous dons : « [ ...] e per la vostra vita renderà eterna nei secoli la sua legge ». Il

Philosophie, 1, m 3, 1-10, auquel Bocchi rend ici hommage. À la fin du chapitre 2 du livre 1, accablé et silencieux,

poéme oü ego évoque comment les ténébres se sont dissipées et la vue lui est revenue. Boéce emploie en

particulier l'image du ciel d'orage, encombré de nuages sous l'effet du Corus, qui plonge la terre dans la nuit, et lui oppose la vision du firmament dégagé par Borée oü le soleil réapparait. Les paroles consolatrices de la Philosophie de Boéce sont remplacées chez Bocchi par celles d'Astrée, tandis que le ciel d'orage et les ténébres dissipés par le soleil sont transposés, gráce au fil narratif du songe nocturne, sous la forme de la nuit qui céde place au lever du jour. Enfin, l'éclat de Phébus se voit substituer l'apparition fulgurante de la Gloire Farnése. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS — num. : ce Symbolum porte le numéro LXXVI dans l'une des Lettres de Bocchi à Amaseo (Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 inf, P 71^), datée de janvier 1549. Il est précédé d'une mention du Symb. 4, qui portait alors le numéro

LXXV, avec lequel il formait visiblement une paire. — Dans certains exemplaires de 1555

(ainsi, l'exemplaire de la Bnf Rés. P. Z. 2 504), la gravure de ce symbole a été

permutée avec celle du suivant. — Une allusion indirecte à ce poéme est faite dans un passage d'une des Lettres de Bocchi (Milan, Bibl. Ambros., D 145 inf., P 371?) :

à Romolo Amaseo

De Liberalitatis umbra quid dicas uideo. Erit tuae prudentiae ex adumbrata ista imagine solidum et expressum quiddam

oculis Heroum nostrorum proponere per occasionem, quo pudeat ipsos aliquando tales non haberi, qualem uerum principem esse oportere nuper in magni Farnesi nostri symbolo descripsimus?"

— Les trois derniers vers (98-100) sont cités dans une autre missive des Lettres de Bocchi à Amaseo (Milan, Bib. Ambr., D 145 inf, f 281?), datée de juillet 1547 : Sic enim facilé consistemus in nostra illa possessione libertatis, in quam pedem ponere iam coepimus auspiciis Heri nostri, quem nobis proposuimus non modo defensorem sed conseruatorem etiam fore, nisi uelit olim falsum illum uatem dici posse, quem recordaris (opinor) ità symbolic cecinisse : Ast mihi tunc oculos reseranti

Mira et laetitia exultanti oblata repenté est Farnesi gloria magni.

P9" « Sur l'esquisse de la Libéralité, je regarde ce que tu as à dire. Il reviendra à ta prudence, à partir de cette esquisse, de proposer à l'occasion quelque chose de consistant et de bien net au regard de nos héros, de sorte qu'ils rougissent une bonne fois de ne pas étre jugés tels que doit étre le vrai prince, selon la description que nous avons faite de lui dans notre symbole sur notre grand Farnése » (il s'agit du Symb. 4).

634

« l'humaine condition », « la condition mortelle ». Elle fait de uitae uestrae un datif d'intérét et pense que legem

s'agit en fait d'un génitif complément de legem : « il rendra immortelle [la loi de] votre humaine condition ». - v. 87-88 : plena.../ omnia] M. B. Illuminati p. 218 fait de plena une apposition à aurea saecula, malgré la coordination ef. Bocchi signifie que tous les lieux de l'Italie, et de Rome en particulier, entrés temporellement dans l'Àge d'or, témoignent par leur géographie d'une fidélité à l'antique vertu, symbolisée par les tombeaux et monuments commémoratifs élevés à la gloire des héros de l'ancien temps, c'est-à-dire l'époque augustéenne qui a vu naitre le Christ. -v. 88: fluctiuomum] La formation de ce terme signifiant « qui vomit des flots » est identique à celle de fluctisonus, « qui retentit des sons de la mer ». ANALYSE

1. Mise en scéne encomiastique et rhétorique du songe

Le long poéme, en métres alcmaniens, est dédié au cardinal Alexandre Farnése et se place sous la protection de

la Muse de l'histoire (o Clio, v. 93). Découpé en trois parties (un exergue, une longue partie centrale et un

épilogue), le texte se présente comme le récit d'un songe héroique par un narrateur qui s'exprime à la premiére personne (uidi ego, v. 3) et qu'il est tentant d'identifier à Bocchi : la gravure représente d'ailleurs le dormeur inspiré sous les traits de l'emblématiste. Ce cadre onirique ceinture le texte, à son ouverture, alors que le narrateur est encore endormi (Vidi ego adhuc clausis oculis, v. 3), et lors de sa clóture, au moment oü le narrateur

ouvre les yeux et découvre que sa vision est devenue réalité (Ast mihi tunc oculos reseranti, v. 98). Au cours de ce

songe, une déesse et son cortége apparaissent au dormeur dans une imposante mise en scéne épique. L'identité

de la divinité n'est pas explicitement révélée. Néanmoins, dans le prologue (v. 1-8) comme dans l'épilogue (v. 93-100), sont disséminés quelques indices qui permettent une identification plus précise. Au début, elle est accompagnée de tout un cortége dont la description (stipatam comitatu... magno, v. 7) rappelle à la fois celui de Vénus décrit par Apulée (Met., 2, 8) et celui de Castitas par saint Ambroise (Abr., 2, 4, 17, voir apparat des sources). La déesse s'appréte ensuite, en termes virgiliens (Aen., 7, 34), à tenir un discours au dormeur (mulcere et dulci aethera cantu, v. 8). À la fin de ces propos qui occupent l'essentiel du poéme, elle repart dans l'éther avec sa suite (suo agmine, v. 96), non sans avoir répandu sur l'endormi une pluie de lys céruléens, symboles de felicitas

(Caeruleum effudit felicia lilia nimbum, v. 95), et révélé la Farnesi noua gloria magni, c'est-à-dire les armes

glorieuses du nouveau Farnése, le cardinal Alexandre, armes oü figurent précisément des lys. Ces données s éclairent au cours du grand discours prononcé par la divinité allégorique (v. 7-92), qui, on l'aura compris, n'est autre qu Astrée, Virgo ou Iustitia, qui vient rouvrir l’Age d'or en terre du Latium (sur cette déesse, voir notre

introduction et notre étude des Symb. 102 et 103). C'est donc à travers la source que constituent les Phaenomena

635

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Le songe et l'apparition divine constituent un passage épique incontournable depuis Ten DAere RE Virgle, qui permet au monde des dieux de cótoyer le monde des mortels et d'y intervenir. On rappellera qu Artémidore et

surtout Macrobe posent des catégories inférieures du réve: l'évórtov ou insomnium reproduit pendant le sommeil les sensations et les sentiments de l'état de veille, tant psychiques que somatiques ; le pávracoya ou uisum désigne le cauchemar qui peut saisir l’àme au moment de l'endormissement. Les up supérieures

comprennent l'oracle (xpnuaxcyóc ou oraculum) qui, délivré par une divinité^? ou une figure d autorité (pére,

mére, prétre), posséde une valeur prophétique ; la vision (ópaya ou uisio), qui reproduit à l'identique qui se montreront; et le songe mantique enfin (óvetpoc ou somnium), qui exprime en termes événements à venir'?'?, De fait, les images vues en réve par le narrateur dans l'épigramme de Bocchi, songe de Scipion de Cicéron commenté par Macrobe (en particulier le chapitre III), mélent à la fois

les objets voilés les comme le l'oracle, la

vision et le songe mantique : une divinité vient annoncer ce qui se produira et rattache le réve à l'oracle ; elle annonce la venue d'un héros trés particulier dont elle décrit les vertus et apparente le réve à une vision détaillée,

constituée d'un ensemble de traits physiques frappants, qui relévent de l'enargeia ; l'ensemble du discours demeure cependant allégorique puisque composé de signes à interpréter, et son décryptage reléve de l'herméneutique du songe. Toutefois, le texte du De Republica de Cicéron, oü s'insére le songe de Scipion, précise que, si Scipion réve de son aieul, c'est qu'il en a beaucoup entendu parler la veille. Cicéron ajoute que le sommeil fut profond (6, 10). Contrairement aux affirmations de Macrobe, l'ambiguité est bien maintenue entre réve et songe dans le texte de Cicéron. Il y a plutót, semble-t-il, passage insensible du réve au songe, au fur et à mesure que le sommeil devient plus profond ; ce qui est conforme avec la psychologie antique qui voit dans le sommeil un moment clé oü l'àme peut enfin se détacher du corps et des obscurcissements corporels pour connaitre une « vacance » propice à une vie autonome"?!!, théorie dont Ficin se servira largement'?"?, Le sommeil profond et le songe signalent ce moment essentiel oü l'àme quitte le corps et oi disparaissent les réves qui la rattachaient à lui. Ce phénoméne évoque bien entendu un autre personnage que Scipion, le héros du Songe de Poliphile de Francesco Colonna. Le jeune homme, tourmenté d'amour et d'insomnie pendant toute une nuit, s'endort au moment où pointent les premieres lueurs de l'aube. Le début de son sommeil est agité par un insomnium inquiétant qui le conduit dans une forét dantesque étrange et déserte'??, Or, par une sorte de phénoméne d'emboitement, le narrateur colonnesque réve ensuite qu'il s'endort et qu'il a un réve dans son

réve?'*, Cette mise en abyme nous semble étre le signe du passage de l'état d'insomnium, encore marqué par les

angoisses du coeur et des sens, à l'état de somnium, lié à un sommeil beaucoup plus profond et propice aux visions initiatiques. Le rapprochement de l'embléme de Bocchi avec l'aeuvre de Colonna nous semble d'autant plus autorisé que, sur la gravure, la posture du dormeur sur sa pile de livres, à l'ombre d'un arbre, prés d'un

palmier, symbole du labeur intellectuel?'5, rappelle celle de Poliphile qui s'endort sur un rocher, au pied d'un arbre. De plus, dans le texte comme dans la gravure de Bocchi, le songe survient à l'aube, comme pour l'amant

de Polia. Le poéme effectivement s'ouvre sur le lever du jour et avec l'évocation en termes virgiliens (Aen., 4, 584-586, voir apparat des sources) de l'Aurore abandonnant la couche de son époux Tithon, qui annonce la fin 9 Sur les divinités qui conversent avec les dormeurs et leur dévoilent la vérité, voir CIC., Diu., 1, 64: quod ipsi di cum dormientibus conloquantur.

de la nuit. La gravure montre le char de la Lune, s'effacant devant le soleil levant et inondant de lumiére le paysage terrestre qu'elle survole. À droite, une partie du ciel constellée d'astres montre que la nuit n'est pas encore dissipée. L'enjeu

du récit de songe

est à la fois rhétorique

et encomiastique.

Raconter

le réve reléve du bon

usage

rhétorique d'un détournement de la phantasia katalepitke selon Quintilien (6, 2, 29-30), c'est-à-dire à des fins de

persuasion. L'orateur suscite en lui et de maniere contrólée, par le biais de l'imagination, des uísiones puissantes,

semblables à la réalité : toutefois, leur évidence mimétique n'est plus un critére de vérité mais au contraire un moyen d'alimenter la rhétorique et de stimuler son pouvoir convaincant, source de pathé!'?!6, Dans l'embléme, l'Aurore et l'arrivée d'un nouveau jour servent non seulement de cadre au récit du réve, mais ils sont mentionnés à l'intérieur méme du discours de la déesse, et font donc partie du réve (En bysso, aurora, et Tyrio

ostro/ Insignis tam formosae exspectata diei/ Iam huic legitur sub fronte serena, v. 80-83). Ils fonctionnent de la

méme maniére que. dans l'embléme 103, c'est-à-dire comme métaphore de l'installation progressive dans l'histoire réelle de l'Age d'or, àge mythique de richesses et de justice. De fait, la vision onirique est en train de se réaliser pendant le temps méme oü parle la déesse qui se manifeste à ego et le couvre d'une pluie de lys, si bien

que, lorsqu'il ouvre les yeux, c'est dans la réalité (ast tunc, v. 98) qu'il peut contempler la Farnesi noua gloria

magni (v. 100) et que les fleurs, détachées du blason, tombent dans son giron comme une manne céleste. C'est là une régle courante du panégyrique : on anticipe sur la générosité du destinataire en célébrant déjà la gloire qu'elle lui suscitera, pour le pousser à accorder ses dons et à exprimer effectivement sa vertu. La rhétorique sert ici à accélérer la réalisation du songe prophétique. L'adjectif noua (v. 100) fait probablement allusion à la tàche

difficile mais prometteuse de mécénat qui attend le cardinal Alexandre, aprés la mort de Paul III en 1549, et qui lui permettra d'acquérir une gloire semblable à celle de son grand-pére. Cette continuité entre les deux mécénes est d'ailleurs voulue par la gravure qui les représente métonymiquement par leurs deux blasons, l'un papal (la tiare et les deux clés), l'autre cardinalice (le blason à six fleurs de lys, surmonté du chapeau), exhibés par des

chérubins eux-mémes portés par une nuée, convention iconographique pour l'apparition divine.



d'Aratos de Soles et les traductions/interprétations qu'en ont données Germanicus et Aviénus qu'il faut lire les E | déclarations de la déesse.

2. Les visions d'Astrée, entre paganisme et christianisme

Dans le prologue (v. 1-8), l'apparition d'Astrée s'effe&ue dans le style épique du songe homérique. Dans les réves des mortels, dieux et déesses se montrent pourvus de la qualité spécifique d'enargeia, qui désigne à la fois la clarté aveuglante dans laquelle ils apparaissent et l'évidence de leur identité dans l'esprit du dormeur'?", Pour souligner la clarté aveuglante de cette apparition, en liaison avec l'aurore (v. 1-2), Bocchi imagine que la déesse se présente d'abord à ses yeux sous l'apparence de l'Étoile du Matin, Lucifer, le plus lumineux des astres (lumina

syderei restinxerat omnia Olympi, v. 5), comme dans le Symb. 103. Il a d'ailleurs recours à une formule psalmique

de superlatif (cf. Psalm., 35, 10, voir apparat des sources) pour indiquer que l'étoile surpasse toutes les autres : in lumine lumen (v. 3). Aux vers 9-16, Astrée prend la parole et s'adresse aux hommes de l'áge de fer. Elle dit regretter de n'étre plus tenue en aussi grande estime (tanti... quanti, v. 10-11) qu'aux temps antiques d'une vertu frugale oü les héros des premiers áges (priscis heroibus, v. 11, selon une formule d'Ausone, cf. Comm. prof. Burdig., 21, 16-17 ; Epist.,

12, 38) se satisfaisaient de peu (contenti uiuere paruo, v. 13, comme dit Tibulle, 1, 25 : voir apparat des sources). Cette déploration et ces reproches directement formulés par la déesse de n'avoir plus la place occupée autrefois,

à l'époque de l’Age d'or, sont empruntés à la tradition astronomique (cf. ARAT., 121-122 ; GERM,, Arati Phaen.,

1910 MACR., Somn. Scip., 1, 3, 4-6 ; ARTEMID., Oneir., 1, 1, 1, trad. A. J. Festugiére, Paris, 1975, p. 19-20. Voir D. Desrosiers-Bonin, « Le Songe de Scipion et le commentaire de Macrobe à la Renaissance », dans F. Charpentier (dir.), Le songe à la Renaissance, Actes du colloque international de Cannes, 29-31 mai 1987, Saint-Etienne, 1990, p. 71-84, ici P. 73. Voir la synthése de S. Bokdam, Métamorphoses de Morphée. Théories du réve

125-127 ; AVIEN., Arati Phaen., 326-327 : voir apparat critique). La vision des peaux hirsutes (Hirsutas pelles, v. 12) et l'évocation de la consommation de glands et de l'eau des sources pour toute boisson rappellent le

9?! 1912 1913 1914

salutem, ibid.) ne sont donc plus ou pas encore permis : l'usage de l'irréel le dit assez (darent, v. 16).

et songes poétiques à la Renaissance en France, Paris, 2012, p. 381-460.

Voir CIC., Diu., 1,63; 115; 118 ; 128-129. Voir S. Bokdam, Les Métamorphoses de Morphée, p. 255-266. Francesco COLONNA, Hypnerotomachia Poliphili, 1499, Venise, Alde, t. I, p. 12 Ariani-Gabriele. bid, p. 19. Sur le « réve dans le réve », voir le De Somniis de Synésios de Cyrene, traduit en latin par Ficin (et publié en 1497 avec le De

Mysteriis Aegyptiorum de Jamblique), ch. 26 : Oratio uero capietur, dormit aliquis somnium, et insomnia uidet, ac surgit interea dormiens ut existimat, et iacens excutit somnum. Philosophatur, et aliquid de apparente somni iterumque niuit. 1915 Voir ALCIAT, Emblemata, « Obdurandum aduersus urgentiam » (Lyon, 1551, p. 43).

636

tableau de l’Age d'or chez Hésiode (Op., 109-126), mais surtout celui de l'humanité primitive par Lucréce (5, 939 et 945). Le régne de l'honneur (decus, v. 15) et de l'Àge d'or pourvoyeur de sauvegarde (aurea secla ;

^ Voir P. Galand-Hallyn, « Le songe et la rhétorique de l’“ enargeia ” », dans Le Songe à la Renaissance, p. 125-137. 117 Par exemple Héra dans Homére (Il., 20, 129-131). Voir P. Hallyn-Galand, « Le songe et la rhétorique de l'" enargeia ” ».

637

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Aux vers 17-37, pour renforcer son autorité et son prestige, Astrée — à une généalogie des dieux, une véritable Théogonie à la maniere

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mais umcHpes

Nous assistons revue. Astrée

évoque d'abord la création du monde, et fait d'Amour le premier des étres ^ , E le désalurge Maivecpal (aeternus amor, v. 17), responsable de la création du soleil et de la lune (Phoebum Phoebique sorore, ibid.), un ^ et des astres (coelum ; reliqua astra, v. 18). Puis, elle rappelle sa propre naissance, qui wem: à nda Athéna. Fille du dieu supréme (Nata ego sum gremio illius bonitatis in alto, v. 19), elle apparait en compagnie de ges sceurg

(cara/ Pignora germanae sorores, v. 21-22), qui sont aussi ses filles (Mecum etenim sont et de me genitae simul

omnes, v. 23), suivant les propriétés mystérieuses d'une sorte de parthénogenése : ils agit dela troupe des Vertus (uirtutes almae, v. 20), qui constituent le cortege qui accompagne et suit Astrée, à l — et à la fin du poéme. Dans la gravure, elles apparaissent en troupe serrée suivant une puissante diagonale qui traverse l'image

de haut en bas. Derriére Astrée munie de la balance de Justice, on distingue d'autres vertus cardinales sur l'image : une Tempérance, transavasant du liquide d'un broc à l'autre, une Force, dotée d'une colonne brisée et une Prudence qui exhibe un miroir. Cette naissance simultanée de sceurs rappelle bien entendu celle des Muses qui ouvrent la Théogonie d'Hésiode (v. 54-64). La déesse insiste ensuite sur le fait qu'elle est celle qui ressemble

le plus à son pére, que c'est elle qu'il aime le plus (v. 29), comme Athéna Tritogeneia chez Hésiode (Th., 895896), et que c'est sur son ordre qu'elle dispense les biens aux mortels (v. 25-37). Là encore, la référence est

hésiodique et évoque deux passages du poéte épique grec: celui où les Muses permettent aux souverains

d'apaiser par la justice de leur verbe et de leurs sentences la violence des disputes ( Th., 84-93), et celui oà Zeus

récompense par la prospérité les villes et les rois qui honorent Dik? (Op., 225-247). Astrée insiste enfin sur les dons qu'elle dispense aux hommes (gratis caelestia dona/ ... dispenso, v. 31-32). En plus des caelestia dona, dont on ne précise pas la nature, Astrée accomplit deux actions dont la formulation métaphorique fróle l'obscurité : elle révèle Pluton, jusqu'alors caché aux mortels (clausum, v. 35) ; elle maintient Héra, reine de l'Olympe en

esclavage à Samos (seruam, 36). On sait que Ploutón, « le riche », était l'un des surnoms d'Hadeés, le dieu des Enfers, celui qui régnait dans les entrailles de la terre et donc sur toutes ses productions et ses richesses, en en particulier les semailles et les minerais'?'?, Muni d'une corne d'abondance, Pluton entretient donc une relation certaine avec le dieu agraire Ploutos, fils de Déméter, qui veille sur la fécondité des sols et des moissons, et joue

un róle non négligeable aux cótés de Déméter et de Koré dans les Mystéres d'Éleusis??, « Dévoiler Pluton »

sert ici métonymiquement à désigner la fécondité extraordinaire du sol qui améne à maturité les graines enfouies

et les dispense généreusement à la surface de la terre, sans travail de la part des hommes, au cours de l'Àge d'or.

La seconde action consiste pour Astrée à maintenir Héra/Junon (la reine de l'Olympe) comme esclave à Samos.

L'Heraion de Samos était le plus grand temple élevé à Héra dans toute la Gréce'?"', Une tradition antique voulait en effet qu'elle fát née dans cette ile'?? et qu'elle y eüt connu Zeus avant la légitimation de leur union. Or on sait

à quel point Héra, une fois mariée, devient une déesse jalouse, qui suscite querelles et disputes, dont la guerre de Troie n'est pas la moindre. Il existe par ailleurs certains traits de sa personnalité liés directement à la guerre. Maintenir Héra esclave à Samos permet à Astrée d'empécher que les guerres ne déferlent sur l'humanité, ce qui

est une des caractéristiques de l’Age d'or.

Au cours des vers 37-43, Astrée décrit l'arrivée progressive des maux de l'Àge de fer, essentiellement liés à la convoitise et aux goüts des richesses (Furta, rapinae/ Atque auri scelerata cupido, v. 37-38), selon une tradition

latine bien attestée qui vilipende la corruption gréco-asiatique par rapport à la parcimonie vertueuse des

premiers Romains. Les passions se matérialisent dans le texte sous la forme de créatures monstrueuses, mioiseaux, mi-serpents (Anguibus implicitas uolucres, v. 39), et de Méphitis (déesses des exhalaisons pestilentielles,

en particulier infernales), qui déferlent sur le monde en provenance du Styx. Ce dévoiement suscite le départ

d'Astrée hors de la terre et son retour chez les immortels (Protinus ad superos ira stimulante reuerti, v. 43). La

fuite d'Astrée est un passage obligé dans la littérature astrologique qui traite de la constellation de la Vierge

(c£. ARAT., 133-134 ; cf. HYG., Astr., 2, 25 ; GERM.,, Arat. Phaen., 136-137 ; AVIEN,, Arat. Phaen., 348-350 : voir

apparat des sources).

Mais aussitót (v. 44-46), la déesse enchaine sur sa décision de revenir habiter chez les hommes, et elle est accompagnée d'un héros tout à fait particulier, dont les vers 44-61 proposent le portrait. Ce héros, semblable à

Jupiter tonnant, vient racheter le monde en sauvant la maigre pars aetherea (v. 51) qui subsiste en lui. Les déesses Pallas, Vénus et Astrée elle-méme le parent de toute une série de talents (v. 53-56), dans une sorte d'inversion christique du mythe de Pandore (cf. Hzs., Op., 59-82). Rappelons que le retour d'Astrée chanté par Virgile et annoncé sous le régne augustéen correspondait chronologiquement à la naissance et à la vie du Christ, rapprochement que n'avaient pas manqué de faire les exégetes chrétiens de la quatriéme Eglogue. Dans le texte de Bocchi, ce nouveau Christ est, comme Pandore, « don de tous les dieux ». Cependant, il ne vient pas ici pour perdre l'humanité, mais pour la sauver. Pandore avait toutes les séductions extérieures mais dissimulait un coeur

et des pensers fourbes: version paienne d'Éve, c'e&t par elle que le malheur et la faute sont entrés dans l'humanité. Le héros dont il est ici question, l'Adam rédempteur, a une enveloppe mortelle mais une nature divine (mortali sub ueste beatus, v. 47). Sa présence permettra de délivrer l'humanité des maux qui l'accablent (maesta. dolore, v. 67 ; tristitia, cupido, v. 70), de lui porter secours et assistance (opem benignam, v. 63) , de restaurer l'entraide (auxilium inter/ uos, v. 64-65) et la piété (nihil impium, v. 65), bref, de renouer avec les

valeurs de l'Áge d'or. Astrée dresse ensuite (v. 62-79) un tableau des vertus qui accompagneront son propre

retour et celui du nouveau héros : Amor (v. 73), Fides (v. 74), Laetitia, Pax (v. 75). Elles ne sont bien entendu pas choisies au hasard, comme nous le montrerons tout à l'heure. Enfin, Astrée imagine ensuite, en parallele avec l'arrivée de l'Aurore et le lever du jour (v. 80)??, que revient l'Àge d'or (aurea secla, v. 86) en Italie et plus particuliérement à Rome, sur les rives du Tibre (O pulchram Italiam, o felicem Tybridis urbem, v. 85), qui ont abrité jadis tant d'illustres personnages (Magnificis ueterum monimentis plena uirorum, v.87, pour reprendre l'expression d'Anchise, Aen., 3, 102), et qui accueillent désormais le siége de la papauté. Le héros christique qui accompagne Astrée marche sur les pas d'Hercule, venu

lui aussi jusqu'au Palatin, selon une assimilation courante à la Renaissance : comme Hercule, il a porté le ciel

(fulcit caelum, v. 83, cf. VERG., Aen., 4, 246) et dompté les monstres (domat effera monstra, ibid., expression stoicienne : cf. SEN., Epist., 88, 7), mais son exploit le plus grand consiste dans sa « Passion », exprimée à mots couverts (O santa eius raraque gesta, v. 84).

Cette focalisation du regard sur l'Italie, puis sur Rome, sur les héros qui en ont fait la grandeur et sur l'un d'entre

eux en particulier, rappelle le catalogue des grands hommes républicains prophétisé par Anchise au chant 6 de l'Enéide, et que couronne la vision d'Actium et d'Auguste triomphant sur le bouclier d'Énée au chant 8. Cette vision de l’Age d'or de retour à Rome et cette continuité entre l'antique vertu romaine et les prouesses d'un héros contemporain ont aussi des échos pétrarquisants. Les intentions de Bocchi sont sans doute davantage épidictiques que politiques. Les temps se superposent ou plutót, pour reprendre la vision cyclique du retour des áges, entretiennent des correspondances. Le retour d'Astrée, des siécles d'or et du héros christique font à la fois écho au contexte augustéen chanté par Virgile, prophéte malgré lui du Christ, mais aussi au retour d'Astrée sous les Farnése et leur empire en Italie. Le héros christique s'appelle ici Alexandre Farnése, c'est lui dont Bocchi apercoit la gloria à son réveil et c'est lui qui invite Astrée à répandre les lys de prospérité sur le poéte endormi. La

gravure nous montre, en haut, à droite de l'image, soutenues par des putti, les armes des Farnése : la tiare

pontificale et les clés croisées, ainsi que le blason aux lys surmontés du chapeau de cardinal. Mais que recouvre exactement ce réve d' Áge d'or sous les Farnése que formule Bocchi ?

1918 Chez Hésiode, il succéde au Chaos, à la Terre et au Tartare. 1919 Voir A, Pr. 804 ; S., Antig., 1200, E., Alc., 360 ; AR., Plut., 727. 120 Hymne

homérique à Déméter, 488-489 ; voir P.-F. Foucart, « Le culte de Pluton dans la religion éleusinienne », Bulletin de correspondance

hellénique, 7, 1883, p. 387-404. 121 Voir HDT., 3, 60 ; PAVS., 7, 4, 4. 1922 Schol, Ap. Rh., 1, 187 ; APVL., Met., 6, 4.

638

775 On est bien ici dans le cadre du réve emboité à la Colonna. Bocchi, à l'aube, réve d'Astrée qui réve qu'à l'aube revient l’Age d'or.

639

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

3. Rome et l'Áge d'or au temps des Farnése

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'

Rappelons tout d’abord que Virgile, à travers Énée, célébrait chez Auguste la pietas qui avait permis au princeps de restaurer non seulement la paix entre les hommes, bien mise à mal au cours d'un siècle de guerres civiles, mais

Gravure :

également entre les hommes et les dieux, puisque les guerres civiles avaient été ressenties enpme une punition

divine envoyée par les dieux pour chátier les hommes de la perte de l'antique fides. Le retour d'Astrée et de l’Age d'or, doublé du recours à des symboles solaires, permettaient à Auguste d'incarner, dans des images mythologiques, l'aspiration du souverain à s'ériger en instrument d'une harmonie cosmique et à poser les fondements d'un pouvoir dynastique. Or le contexte religieux dans lequel évolue Bocchi permettait la récupération habile de ce matériel idéologique et littéraire au terme, bien sár, de quelques légers aménagements et changements

de perspectives.

Les

guerres

civiles

du xvi* siecle

consistent

en

des

conflits

religieux

QUE NUL NE PENSE TROUVER SON PROFIT SI SA PIÉTÉ NE LUI A POINT PERMIS D'OBTENIR DE LA PUISSANCE DIVINE LA TEMPÉRANCE « Sans moi, nul, de l'Académie, ne sera jamais jugé digne ;

Là se tient de l'esprit serein le parfait équilibre . » Étre sage dedans et dehors, tel est le cycle d'études, Pourvu qu'on sache qu'au Tout, la Moitié est supérieure. Mais la folle impulsion rend cela difficile. Pourtant, quoi De difficile avec l'aide de la force divine ? Les membres, pieusement, toujours l'imploreront, tendant toujours Leur e$prit vers des mceurs et des occupations honnétes. Ce qu'à ton tour tu fais. C'est pourquoi nous espérons tous, Sauli,

s

du Concile de Trente en 1545. Cette démarche avait suscité un espoir immense de paix et de réconciliation. Mais la tournure que prirent les débats au cours des trois sessions du Concile, leur orientation progressive vers

un mouvement de Contre-Réforme et surtout, la création du Saint Office de l'Inquisition en 1542, ótérent

rapidement les illusions. Dans cet embléme, Bocchi se plie sans doute une fois encore aux exigences du panégyrique et à celles d'un nicodémisme pédagogique d'inspiration érasmienne, qui inspire la rédaction de bon nombre d'emblémes : le recours à l'Antiquité et à ses mythes sert souvent de voile allégorique qui contribue à atténuer l'ápreté et la rigueur d'un message religieux réformiste à l'attention d'un prince ou d'un prélat. Le réve d'Áge d'or formulé par Bocchi à l'attention du cardinal Farnése présente les ambages encomiastiques nécessaires à l'énonciation d'une aspiration politique. L'Áge d'or que doit ramener le héros Farnése sur l'Italie doit s'accompagner de vertus spécifiques, non seulement la pax, mais plus particuliérement amor, pura fides, laetitia (v.

75). On insistera sur la connotation trés religieuse de ces termes, en particulier sur fides, qui, dans un

contexte troublé, ne peut étre neutre. Or qu'est-ce que cette pura fides? C'est une foi qui ne saurait étre corrompue par les vicissitudes d'une Église en proie aux tentations séculiéres et qui se nourrit d'un texte saint que n'ont pas obscurci dogmes et conciles, c'est-à-dire des Évangiles. Cette foi est celle qui animait le Christ et ses disciples, à l'époque précisément oü Auguste instaurait la paix dans un empire immense et oü Virgile chantait, dans la quatriéme bucolique, le retour d'Astrée et la naissance d'un enfant mystérieux. Le motif de l'Àge d'or n'est donc pas simplement ici un topos épidictique à des fins de flatterie, ou un appel à la générosité financiére d'un mécéne, comme dans le Symb. 102. Il s'impose ici comme un véritable modele historique et théologique, et incite implicitement le destinataire de l'embléme à établir en Italie le retour de l'ére christique et de l'enseignement évangélique, exempt de toutes les influences qui l'ont détérioré. De plus, par l'emploi de ce motif au sein d'un grand poéme aux accents épiques, Bocchi signale ses ambitions littéraires et suggére à son illustre destinataire qu'il pourra étre le nouveau chantre de ces temps pacifiés, un second Virgile au service des Farnése, comme le poéte mantouan l'avait été pour Auguste. Mais un cardinal pouvait-il réussir là oà un pape, son grand-pére, avait échoué ?

À L'ARCHEVÉQUE GIROLAMO SAULI, PROCONSUL DE BOLOGNE *

qui

opposent de maniere sanglante les catholiques d'un cóté, les protestants et réformés de l'autre, ou plutót (en particulier pour l'Italie), la nébuleuse de réformistes organisés en divers cercles évangéliques ou nicodémistes plus ou moins revendicatifs. Or le pape Paul III, au début de son régne, suite à la promesse faite à Charles Quint dés 1536, avait entrepris d'orchestrer une série de réflexions théologiques"^ qui devaient conduire à l'ouverture

Symb. 126

10

Que ta bonté nous comblera de tous les plus grands biens.

Puis l'on te jugera digne d'entrer dans notre Académie ; Alors, par tes bienfaits, à nous, tu te rappelleras.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques, que nous avons rendu par une alternance 16414 syllabes. NOTES

- tit. pict.: HIERONYMO SAVLIO ARCHIEPIS«COPO» BONONIAE PROCOS«VLI»] Il s'agit de Girolamo

Sauli, frére du Stefano Sauli, dédicataire du Symb. 102. Il fut nommé archevéque de Bari-Canosa en 1540 puis

archevéque de Génes en 1550'?5, vice-légat apostolique et gouverneur de Bologne de 1550 à 1555? Il meurt

en 1559. Bocchi lui dédie en 1551

le livre XVII de son Historia Bononiensis.

-v.1: sine me] C'est la personnification de Temperantia/Geometria (au sens platonicien de respect de la mesure) qui prend la parole. - v. 3 :Littéralement : « La cohorte studieuse apprendra là sagesse intérieure et extérieure ». ANALYSE

Cet embléme constitue le pendant du Symbolum 102, qui présentait et interprétait la Bocchiana, une Hermathéna à l'angle d'un palais, au-dessus d'un Éros domptant un lion, perficies. Tu modo progredere (voir nos analyses à cet embléme). Le Symb. 126 est lui aussi la famille Sauli, le frére du dédicataire du Symb. 102. L'épigramme célebre probablement

devise de l'Academia avec le motto Me duce dédié à un membre de l'accueil de Girolamo

Sauli comme nouveau membre au sein de l'académie, vraisemblablement en 1550, moment oü il est nommé

vice-légat et gouverneur de Bologne. Il est d'ailleurs apostrophé à la fin du poéme.

75 Et non de Bologne, comme le dit D. Drysdall, « Gavinio Sambigucio and Hist Interpretation of Achille Bocchi's “ Hermathena ” »

Emblematica, 13, 2003, p. 53-71, en particulier p. 69 note 32. Voir G. Van Gulik, K. Eubel (dir.), Hierarchia Catholica Medii et Recentioris Aevi, t. III (1503-1592), Münster, 1923, p. 129 et 215. G. Fantuzzi, Notizie degli scrittori Bolognesi, Bologne, t. II, 1782, p. 231, dans la notice « Bocchi, Achille », note qu'il dédie en 1551 le livre 17 de son Historia Bononiensis à « Girolamo Sauli, Governatore di Bologna, e al Senato », qui traduit

lelatin Hieronymo Saulio Bononiae Praesidi Sapientiss. senatui. 7" Sur les Sauli, voir H. Hyde, Cardinal Bendinello Sauli and Church Patronage in Sixteenth-Century Italy, Woodbridge, UK/Rochester, NY,

77^ C'està sa demande que fut rédigé le rapport De emendenda ecclesia, trés critique sur la situation de l'Église. Il fut publié en 1538.

640

2009, qui ignore cependant totalement ce personnage ; Christoph Weber (dir.), Legati e governatori dello Stato pontificio,

1994.

1550-1809, Rome,

641

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Toute la piéce tourne autour de la célébration de la temperantia

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

(tit. carm.) au temperies animi (v, 2), qui

con&itue le résumé du programme intellectuel, moral et religieux idéal iie l'on dispense io sel de l'Académie, Au début du poéme (v. 1-2) la temperantia prend la parole pour avertir qu elle est la OMM sine qua non pour que l'on puisse entrer dans le palais de l'Académie. La présence sur la gravure d'une Geometría (voir notre analyse de celle-ci infra) montre que le vers 1 consiste en une variation sur la Viegada formule qui aurait été inscrite à l'entrée de l'académie platonicienne, « que nul n'entre ici s'il n'est géométre ». |

Née vers le IV° s. av. J.-C.7^, cette formule s'articule sur une structure syntaxique imitée des traditionnelles

interdidtions de l'entrée des temples grecs à certaines catégories de la population, reflétant la conception répandue à partir du 1f s. puis avec le néoplatonisme que la philosophie 2 congoit um le Rod de l'initiation religieuse. Le caractere trés fortement prohibitif et exclusif du vers 1 del épigramme de l UTUEDS 126 (nemo... unquam et l'usage du futur à valeur quasi jussive dignabitur) s'inscrit dans cette tradition TRE de l'interdit catégoriel à l'entrée d'un bátiment sacré. La figure de l'Hermathéna du Symb. 102 gut la méme fonction

que le puisqu'elle montait la garde à l'angle du palais, surveillant les entrées et les passants : nous avions nx mors qui bridait le lion était en forme de heurtoir de porte et que le terme Bregredere du motto était une

invitation à progresser, à la fois dans les études mais aussi dans l'espace, c'est-à-dire à entrer dans le palais. En outre, la sentence antique « que nul n'entre ici s'il n'est géométre », dans son contenu, propose un programme éminemment platonicien, en placant la géométrie au début du cursus mathématique obligatoire

pour l'éducation du philosophe, comme une sorte de préambule à la théologie. H. D. Saffrey suggére d'ailleurs

de rapprocher cette formule de la phrase attribuée à Platon, è 0óc &el yewpetpel, que proposait Plutarque dans ses Quaestiones conuiuiales, 8, 2, 4 (Moralia 718c)'?* : Érasme suggérait déjà ce parallele entre les deux formules dans l'adage qu'il consacre à la devise platonicienne (Adagia, 2, 2, 60, « Ayewuétpntog obóelc gicitw » : Plato

quoque dixisse creditur deum ipsum Yewyetpriv), en notant que la dimension spéculative de la géométrie (geometrica speculatio) qui travaille sur des images des intelligibles, tirait l’àme loin des réalités corporelles (a

rebus corporeis abducat), ce qui convient parfaitement au démiurge dont l'esprit est totalement éloigné de la matiére (ab omni materia purissimus). Mais pourquoi la géométrie du cursus platonicien, branche des mathématiques, aurait-elle à voir avec la Temperantia/temperies animi de notre embléme ? En quoi serait-elle un préambule à l'entrée dans l'Académie bocchienne ? La formule antique « que nul n'entre ici s'il n'est géométre » a recu plusieurs lectures dans l'Antiquité, dont H. D. Saffrey propose une récapitulation. L'une d'entre elles s'accorde parfaitement avec l'esprit de notre embléme. Il s'agit d'une scholie ancienne de Sopatros sur un passage du discours Sur les quatre d' Aelius Aristide (Schol. uet. in Ael. Arist., p. 125, 14 Jebb = t. III p. 464 Dindorf; voir notre apparat des sources). Le scholiaste

reprend le passage suivant du sophiste: «si la géométrie est une belle valeur, ainsi que l'égalité qui lui est attachée » (el $è f| yewyuetpía kaAóv, xal 1) kac' aoci]v ioótrjc = AEL. ARIST., Or., 46, t. II, p. 168 Dindorf), et il en propose l'interprétation suivante : "Ezeyéypazro £ynpocev «fj; 9tatpiiis 109 ITAázovog órt &yeoyuérprixoc urjBelg elotru- dvtì coo ávicoc kal áStkoc. 'H yàp yeoyespia tijv ioócrra xal xijv 8ucatooóvry tTnpei [{nteî Dindorf]. Il avait été inscrit au fronton de l'école de Platon que « nul, s'il n'est géométre ne doit entrer ici », pour signifier :

« s'il n'est égal », c'est-à-dire « s'il n'est juste » car la géométrie pratique l'égalité et la justice. (trad. H. D. Saffrey

modifiée,

« AFEOMETPHTOX

MHAEIX EIXITQ », p. 85)

777 Dans sa précieuse étude devenue classique, H. D. Saffrey note qu'il n'existe pas de témoignage de la derniere période de l'enseignement platonicien à Athénes, qu'il s'agisse de Syrianus, Proclus, Marinus, Damascius. En revanche, aux témoignages déjà repérés de Jean Philopon, David, Olympiodore et Élias (Vr s.), appartenant à l'école d' Alexandrie, une scholie sur Aelius Aristide (d'un certain Sopatros, rhéteur athénien

qui vécut au IV* s.) et un discours de 362 de l'empereur Julien (Contre Herakleios), permettent de faire remonter l'origine de l'institution au

moins au IV* s. Voir « ATEOMETPHTOX MHAEIX EIXITQ. Une inscription légendaire », Revue des Études Grecques, 81, 1968, p. 66-87 (ici p. 67-68), repris dans Id., Études sur le néoplatonisme aprés Plotin, Paris, 1990, p. 251-271. Sur l'utilisation de la sentence par Rabelais voir Id., « "Cy n'entrez pas, hypocrites... " Théléme, une nouvelle académie », dans Études sur le néoplatonisme aprés Plotin, p. 273-295. 1928 Ibid, p. 69.

642

Le grammairien byzantin Jean Tzetzés reprend l'interprétation au XII" s. ( Chil. 8, 249):

Sur son portail, Platon avait fait graver cette inscription : Nul ne doit entrer sous mon toit, s'il n'est géométre ; C'est-à-dire, nul ne doit s'introduire ici, s'il n'est juste ;

Car la géométrie est égalité et justice. (trad. H. D. Saffrey, ibid., p.86)

La recommandation est donc de commencer le parcours de la philosophie non seulement par des connaissances théoriques qui initient l’àme aux sciences spéculatives, mais surtout, de se servir du modéle épistémologique qu'elles mettent en ceuvre pour faire régner à l'intérieur de soi la justice, au sens platonicien : il s'agit d'instaurer

en soi une disposition strictement hiérarchisée entre toutes les facultés, selon leur valeur, avant de pouvoir transposer la justice et l'équité dans la cité et les relations humaines, oü elle sera régie par des rapports de

proportions. Érasme le confirme trés clairement au début de l'adage 2, 2, 6o, « Ayewuétpntog ob8elc sicitw » : admonet iniquum non admittendum, «il nous apprend que l'injustice n'est pas tolérable». Or cet ordonnancement intérieur des forces est désigné en latin par temperantia/temperies. On constatera que cet équilibre intérieur que constitue la temperantia avait déjà été mis en valeur dans la figure

de la devise de l'Académie présentée au Symb. 102 : nous avons montré que l'Amour bridant la gueule du lion

avec l'anneau de porte et le mors, un pied sur la téte du fauve, est une image cohérente pour montrer la

domination des passions, en particulier l'ira dont le lion est le symbole. De la méme maniere, la temperies, qui

signifie « équilibre », mais aussi « mélange équilibré », se voit

illustrée sur plusieurs plans dans le Symb. 102 : par la présence d'une sorte de scala naturae oü s'articulaient les

figures minérales (l'angle du palais), animales (le lion) et anthropomorphes (Éros, Minerve et Mercure) ; par le

remodelage quasi complet de la structure psychique tripartite de Platon qui proposait de symboliser le nous, le thymos et les epithumiai sucessivement par une téte d'homme, une téte de lion et un monstre polycéphale

comme Cerbére ou la Chimére dans la République (8, 588c-589a)???. Or la nouvelle configuration proposée par Bocchi placait bien les passions au niveau inférieur, mais, sous les traits du lion, transformait le thymos (organe

du courage et de l'énergie guerriers) en Éros, et sub&tituait enfin au nous unique un couple amoureux, Mercure

et Minerve, en suivant les recommandations

de Cicéron et de Guillaume Budé de marier l'éloquence et la

philosophie : la présence d'Éros au centre, véritable enfant du couple, articulait tous les éléments sous le signe de l'amour et de la paix. Dans le Symb. 126, la justice intérieure sucitée par la tempérance débouche sur une gestion harmonieuse des relations politiques (ici le petit microcosme de l'académie) et conditionne la philia : d'oü l'expression du v. 3 : sapere intus et extra. Nous avions déjà rencontré cette expression dans le Symb. 36, 9, oà Ars naît d'Areté, la vertu,

selon un jeu de fausse étymologie fondée sur la paronymie. Ces deux grandes directions du savoir étaient matérialisées par les deux branches du compas dans la main d'Ars, qui permettaient de distinguer, comme le faisait Horace dans son Art poétique, entre ingenium et labor, c'est-à-dire entre les facultés innées ou inspirées données par la nature, correspondant au sapere intus (la branche fixe qui connait intuitivement le Bon), et

l'apprentissage expérimental, donné par le labor, qui se confronte à l'inconnu, correspondant au sapere extra

(branche mobile qui va chercher le Vrai). Chacune des branches aide l'autre : la natura guide l'expérience en lui fournissant des cadres théoriques et l'expérience remplit la natura d'un contenu pratique. Nous avions également rencontré dans le Symb. 79 (v. 8) cette distinction à propos de la pax et de la laetitia de Reginald Pole, qui ne connaítront pas de frontiere. Nous la rencontrerons au Symb. 127 oü les doublets domi/foris (v. 37) et

intus/extra (v. 43) servent à distinguer sagesse intérieure (individus, maisons, cités), liée à l'éthique et à la révolution socratique, et sagesse extérieure, c'est-à-dire contemplation des phénoménes naturels et célestes, liée aux « physiciens » pré-socratiques.

1929 Sur cette image, voir notre analyse du Symb. 66.

643

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Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

tice définie par Mais qu'elle soit intérieure ou extérieure, fruit de la nature ou du labeur, le fait que la sagesse-jus

angéliques. Une douce lumiere tombe en faisceau de cette nuée pour nimber la Geometría, montrant, d'une part,

que l'embléme ne s'éloigne jamais de la tempérance ni de la géométrie est confirmé de surcroit par l'énigmati

l'interférence permanente

la vie que ce dernier a dilapidé le patrimoine paternel pour plaire aux rois qui n'en ont jamais assez et ignorent

l'ingenium et le labor déjà rencontrée dans le Symb. 3. La Geometria doit d'ailleurs elle aussi étre rapprochée du Socrate du Symb. 3, partagé entre les instruments de la dialectique (compas et équerre) et le souffle de son

que le tout », formulation du vers 4 (Dum sciat ut toto sit mage dimidium), qui voudrait que « la moitié vaut plus Perses aprés frére son Il s'agit en réalité d'une sentence empruntée à Hésiode (Op., 40), oü le narrateur fustige au « que nul n'entre modeste de la campagne. Le proverbe, dans l'embléme, vient harmonieusement s'articuler Proclus de ici s'il n'est pas géométre » sur le critére de la justice, de l'équité et de la tempérance. En effet, Diadoque, le scholiaste d'Hésiode, explique que ce paradoxe mathématique se justifie non en termes de quantité t mais sous l'angle de la morale, car se contenter de la moitié avec justice vaut plus qu'avoir le tout en commettan

et l'injustice. Platon (Leg., 3, 690e) précise en effet que se contenter du milieu permet de garder la mesure l'équité

(isotés), alors

qu'aller aux

extrémes,

c'est-à-dire

au tout

et à l'excés

l'intempérance, le propre du comportement tyrannique. Érasme fait « dimidium plus toto », qui, selon lui, « recommande comme doré l'art aurea mediocritas; c£. HOR., Carm., 2, 10, 5). Selon Érasme, trois possibles, et on retrouve la perméabilité entre sagesse intérieure et fondement de l'honestum ; mettre en avant l'aequalitas, qui favorise

de biens

(pleonexia)

favorise

de la phrase un adage (1, 9, 95) intitulé de garder le juste milieu » (commendatur usages de l'expression (trifariam) sont extérieure : célébrer l'aurea mediocritas, l'amitié et évite la discordia, mére des

entre l'Idea, sorte de substrat mental inné??, nourri par l'influence céleste et la

présence divine, et, de l'autre, l'expérimentation technique : nous retrouvons l'émulation horatienne entre

démon. Elle doit, de plus, étre mise en relation avec l'Ars du Symb. 39, portant double compas.

Pour montrer que cette Geometria n'est pas seulement ici l'allégorie de l'activité contemplative, mais qu'elle comporte une véritable dimension morale voire religieuse, la gravure propose une sorte de petit drame à droite

de l'image : Éros (ou un chérubin ?) sur le bord de la nue où Dieu repose, se tient fermement campé, bras et

jambes

écartés, le foudre jovien dans la main

droite, pour interdire l'accés du paradis céleste à une créature

démoniaque aux pattes griffues, au facies déformé et aux ailes découpées en écailles, elle méme portée par un nuage, mais à un niveau inférieur. Le démon, entouré d'obscurité, tente d'agripper le bord du nuage céleste, sans

y parvenir et semble proférer un cri de rage. Ce geste de défense relaie le geste de la Géométrie, pour reconstituer

la devise

platonicienne

(« que

nul n'entre

ici s'il n'est géomeétre »..)

qui prend

soudain

des

accents trés chrétiens. Par une sorte de parallele implicite, l'entrée dans l'académie bocchienne se transforme en accés au paradis céleste, et le monde extérieur, d'oü surgit le démon, en univers infernal.

guerres ; dissuader quelqu'un de commettre l'injustice en lui montrant qu'il vaut mieux se contenter de moins

en se faisant aimer de tous, plutót que d'avoir plus en suscitant la haine. Érasme invite en particulier à appliquer le troisiéme sens aux théologiens qui ne veulent pas faire de concessions dogmatiques et risquent ainsi de se voir

réfutés sur tous les points auxquels ils tiennent. L'invitation à l'aequalitas proposée par Érasme explique peutétre l'adresse finale à Girolamo Sauli, qui est célébré pour ses dons, sa bonitas et ses mérites : Bocchi le remercie

probablement de cadeaux financiers pour l'Académie mais il montre surtout à son destinataire que ce partage des richesses qui lui fait préférer la moitié à la totalité des biens, fait de lui un « géométre » au sens platonicien, c'est-à-dire un véritable sage qui a toute sa place dans la noble institution oü il s'appréte à rentrer. L'application religieuse que fait Érasme du proverbe a sans doute aussi invité l'emblématiste à insérer les deux proverbes antiques (celui de Platon sur la géométrie et celui d'Hésiode sur la moitié supérieure au tout) dans un contexte chrétien, à l'horizon permanent des travaux et des aspirations de son académie. Constatant la faiblesse

Symb. 127 Gravure :

Sur l'image : La vertu à bon droit se voit attribuer un socle quadrangulaire

Sil'utilité, Manzuoli, fait valoir à nos yeux Architecture, médecine, et tous les autres arts,

temperantia (Auspice diuino numine). Mais il souligne parallélement l'importance de la « synergie », au sens

augustinien de collaboration étroite et volontaire, entre la divinité et sa créature, dans le processus du salut et de

À l'homme de bien ne doit pas ne pas plaire (et c'est juste) L'art qui contient en bon ordre la peinture des formes

réparation du Mal'?*", Les v. 7-8 manifestent l'importance de la volonté personnelle, qui se travaille par les intendens et studiis animum) : comme

dans l'Enchiridion d'Érasme, la

philosophie paienne prend ici toute sa dimension propédeutique. Cette dimension religieuse est fortement soulignée par la gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire

5

De vertus, si vraiment cet art s'avére aussi utile Qu'un autre à la vie humaine. Tu as beau le connaitre,

Je vais tenter pourtant de t'obéir, selon mes forces ; Quand tu me confies un devoir, je pense sacrilége

de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana"?'. L'image fait ici écho au texte dont elle imite l'oscillation entre

paganisme et christianisme. À gauche de la composition, une Geometria/Temperantia assise sur le sol et entourée de trois figures géométriques (un losange, un octogone et un parallélépipéde) dont on se demande si elles constituent des « solides » platoniciens, ou sont de simples formes tracées dans le sable, comme dans le Ménon. De la main droite, la Géométrie, comme son nom l'indique, mesure des distances sur le sol à l'aide d'un compas, tandis que, de son index gauche, bras levé vers le ciel, elle touche une immense nuée au-dessus d'elle, le monde

des idées platoniciennes. Ce monde paien intégre de maniére remarquable des caractéristiques du ciel chrétien : un Dieu le Pére représenté sous les traits michelangelesque d'un vieillard barbu allongé sur la nue, avec un sceptre dans la main droite et un globe céleste dans la main gauche, le triangle de la Trinité dessiné comme une auréole à l'arriére de la téte. Les formes géométriques qui entourent Dieu, le triangle et la sphére, font écho aux figures tracées sur le sable pour leur opposer la perfection de la Création. Derriere lui, on apercoit les hiérarchies 1930 Sur ce terme, voir notre analyse du Symb. 130. 53! Vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972), lot 23, Catalogue Sotheby's, n? 18 (CXXIIII), p. 16.

644.

*

À ALESSANDRO MANZUOLI

humaine et la difficulté de résister aux impetus (v. 5-6), Bocchi pose la divinité comme véritable instigatrice de la

moeurs et l'étude (Honestis/ Moribus

RECETTE DE LA VERTU ET DE LA FÉLICITÉ

De rester dans mon ignorance et mon incompétence.

10

15

Au début, cet art mena les esprits de ses disciples D'une vie agreste et sauvage à l'état de culture Et aux devoirs civiques, en les brülant d'un grand amour. Tout homme qui connait les espéces du Bien en soi Les voit mieux et plus prés, comme peintes sur un tableau, Que le peuple grossier et la foule qui ne sait rien ;

Il e donc porté davantage à remplir ses devoirs, Car ses désirs se font mceurs et se fixent en tendances. Puis, aprés qu'on eut fondé et rendu stables les villes,

1932 Voir notre analyse du Symb. 5.

645

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

20

Quelle science engendra l'auguste puissance des lois, Les jugements publics et la raison qui tout gouverne ? Quelle est la discipline qui a davantage nourri hui Les bons auteurs de droit civil et canon qu'aujourd Nous utilisons ? En vérité, les bases d'un droit

25

30

35

40

Rigoureux, les semences d'une justice nuancée,

Les loisirs dignes des hommes, les affaires urbaines,

Doivent tous étre attribués à cet art si divin. De plus, si ce n'est point mince gloire de bien connaitre Des plantes les vertus, les pierres de Libye, les astres Repérés par temps clair chez les antiques Phéniciens, Comme il serait glorieuxde voir la nature de l'homme, L'excellence qui la distingue, oü l'appelle et la méne L'auguste raison, et de nous connaitre à fond nous-mémes ? À quoi bon observer arbres, gemmes et vaste ciel Sans entendre la douce voix ni les avis utiles Donnés, pendant ce temps, par notre mére la Nature, Qui nous montre la voie d'une vie honnéte et heureuse ? Torpeur dedans, savoir dehors, voilà ce que Sagesse

Était jadis ; mais quand, sous la protection de Socrate, Del'Olympe éthéré, elle vint pour servir à tous, Nous permettant de voir certains mouvements de l'esprit, Et certaines pensées présentes chez tous les mortels, Qui prouvent la droiture des bienfaits de la vie civique, Sages devinrent les hommes dedans comme dehors. Et cette connaissance, n'eüt-elle aucune utilité,

45

50

Il fallait cependant la regarder comme de loin La plus digne, la meilleure et la plus grande qui soit, Car, dans toute la nature, qu'est-il donc de plus noble, Ou de meilleur que de distinguer le Bien authentique ? S'il nous était permis de nous saisir de son reflet Par le regard, quels feux allumerait-il en nos ámes ! Comme il serait puissant, le désir que nous en aurions ! Nul spectacle ne réussit à ravir plus nos àámes

Que la Vertu en soi, si l'on peut la voir de plus prés.

Siles notions innées dont nos ámes sont à l'avance SS

Gratifiées constituent des dons d'origine céleste,

Afin de ne point, en ingrats, sembler les mépriser,

À leur connaissance il faut tous que nous nous engagions, Avec d'autant plus de force, puisque le roi supréme De l'Olympe élevé ne nous fit jamais plus beau don. 60

Souviens-toi, Manzuoli, d'achever les impérissables Monuments d'un brillant labeur, que tu produis sans aide ;

Car si la pourpre se voit mieux comparée à la pourpre, De méme, il vaut bien la peine de comparer la science

65

646

Des anciens sages avec les dogmes de notre foi,

Sans pourtant les méler, car seul pourra les distinguer L'homme qui, comme toi, connaitra bien et l'une et l'autre.

MÉTRIQUE

Hexameétres dactyliques. NOTES

- in pict. : VIRTVTI MERITO SEDES QVADRATA DICATVR|] Sur l'association du cube et de la vertu, voir

l'analyse ci-dessous.

-tit. carm.: ALESSANDRO

MAGIOLO]

L'humaniste bolonais Alessandro Manzuoli (1500-1553)

faisait

partie de l'Accademia della Virtà ou Vitruviana, fondée par Claudio Tolomei, à laquelle appartenaient également

Bernardino Maffei et Pirro Ligorio? II serait celui qui aurait incité cette académie à travailler sur les écrits

vitruviens. Il recommande l'architecte Jacopo Barozzi da Vignola aux Farnése et connait Sebastiano Serlio, qui le mentionne, avec Achille Bocchi, dans la table des auteurs et autorités utilisés, à la fin de son Terzo Libro publié en 1540. La mention du terme aedificandi à la fin du premier vers du poéme, qui renvoie à l'architecture, n'est pas un hasard et rend hommage aux goüts et aux activités du dédicataire. Manzuoli entretient aussi des liens amicaux avec Gian Giorgio Trissino : il est à ses cótés à Vicence au moment de l'entrée du cardinal Nicoló Ridolfi en 1543. C'est un proche de Claudio Lambertini, ce qui le relie aussi à Giulio Camillo Delminio ; il est l'un des dédicataires des Lettere de Claudio Tolomei, parues pour la premiére fois en 1547. Bocchi lui dédie une ode sur la mort de Nicolaus Lomelinus dans le Lusuum libellus de la Bibliotheca Laurentiana de Florence (Plut. 33, cod. 42, f° s1?-v?). — v.4: descriptas] Bocchi joue ici volontairement de la polysémie du terme describo, appliqué ici aux species Honesti, « aux catégories de l'Honnéte » : le terme signifie « dessiner », « représenter », qu'il s'agisse de la figure rhétorique de l'hypotypose (descriptio en latin, qui « sculpte sous les yeux » par le discours) ou de l'art de la peinture, mais aussi « instaurer », « organiser », et s'applique en particulier aux lois. La métaphore du tableau et de la peinture se poursuit aux v. 14-15 (uelut in tabula... depictas). On notera la modalisation apportée par la conjonction uelut, qui montre que la référence à la peinture n'est là que pour tenter de donner un équivalent à la clarté et à la précision des visions du sage. L'évocation d'une vision d'autant plus efficace qu'elle est de prés rappelle les propos fameux d'Horace dans l'Épitre aux Pisons (361-362 : Vt pictura poesis ; erit quae, si propius sles/ Te capiat magis). On retrouve le vocabulaire des arts plastiques aux v. 49-53 qui évoquent un simulachrum Honesti (simulachrum désigne l'oeuvre d'art en général, qu'il s'agisse d'une sculpture, d'une peinture mais aussi d'un portrait rhétorique) et soulignent l'importance de la vision de ces species Honesti (pour les conceptions rhétoriques, esthétiques et philosophiques qui sous-tendent ces réflexions, voir analyse). -v. 8-9:

- nec quod...

non queo posse] Nous proposons de construire : puto nec fas [esse] nescire quod nescio prorsus, neque

[fas esse] non posse quod non queo, « Je pense qu'il n'est pas permis par le ciel que j'ignore ce que j'ignore totalement, ni que je ne puisse pas faire ce que je ne peux pas faire ». - neque et non pas nec pour des raisons métriques.

- v. 37 : M. B. Illuminati, p. 222, qui n'identifie pas la signification de dormitare qui veut dire ici « négliger », met sur le méme plan domi atque foris « au-dedans [de soi-méme] et au-dehors » : « Starsene inattivi a fantasticare in casa e fuori, questo significó un tempo essere sapienti ». Les deux termes coordonnés domi atque foris sont en réalité en opposition et fonctionnent chacun avec un verbe (dormitare avec domi, sapere avec foris) : « somnoler pour ce qui nous concerne intérieurement; étre sage pour les choses extérieures ». La source cicéronienne (voir analyse), qui veut insister sur le caractere révolutionnaire de la doctrine socratique, montre qu'avant l'arrivée de Socrate, on ne se préoccupait de science qu'à l'extérieur des maisons, laissant de cóté la 55 M, Daly Davis, « Zum Codex Coburgensis. Frühe Archáologie und Humanismus im Kreis des Marcello Cervini », in R. Harprath, H. Wrede (dir.), Antikenzeichnung und Antikenstudium in Renaissance und Frühbarock, Mayence, 1989, p. 185-199; Ead., « Jacopo Vignola,

Alessandro Manzuoli und die Villa Isolani in Minerbio : zu den frühen Antikenstudien von Vignola », Mitteilungen des Kunsthistorisches Instituts in Florenz, 36,

1992, p. 287-328 ; M. Tafuri,

Venezia

e il Rinascimento : religione, scienza

e archittetura, Turin,

1985, p. 62-63 ; G. Fragnito

« Evangelismo e intransigenti nei difficili equilibri del ponteficato farnesiano », Rivista di storia e letteratura religiosa, 25/1, 1989, p. 20-47, p. 33

n; H. Günther, « Gli studi antiquari per l'" Accademia della Virtà ” », in R. Tuttle (dir.), Jacopo Barozzi da Vignola, Mailand, 2002, p. 126-128.

647

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

morale et la vertu pour ne penser qu'aux astres et aux merveilles de la physis. On rappellera l'épisode bien connu de Thalés marchant le nez levé vers le ciel et manquant de tomber dans un puits (PL., Theaet. 174a-1752).

|

des sources) "^^ qui ressemble beaucoup au passage que nous avons cité du De Oratore :

[ó philosophie], c'est toi qui engendras les villes, qui appelas les hommes disséminés à une existence partagée, qui les unis entre eux d'abord par leurs habitats, puis par le mariage et enfin par une communauté d'écriture et de

ANALYSE

1. La réécriture complexe des sources cicéroniennes: révolutions et primat de l'éthique

vie sociale et juridique. Mais on rappellera surtout le prologue de la cinquiéme Tusculane (s, 2, s, voir apparat

ow

Le texte poétique, à la tonalité et au métre épiques, se présente comme l'éloge d'une mystérieuse dicipline. Le poeéme, trés travaillé, débute en effet par une apostrophe à Manzuoli (v. 1:9), dans laquelle le narrateur déclare obéir (parere tibi, v. 7-8) à une demande précise de son dédicataire (Quo [i. e tibi] mandante, v. 9), celle de

dresser, au nom de l'utilitas (c£. v. 1 et 5), les caractéristiques d'une ars qui contiendrait une description (ou une peinture) organisée des formes de vertus (v. 5-6 : Descriptas certo quae continet ordine formas/ Virtutum) ou des catégories du Bien (v. 13 : species... Honesti). Cette mystérieuse discipline, à la disiensien particuliére voire technique (ars), se révéle donc étre, au fil du poéme, en relation étroite avec la philosophie morale, dont elle assure la distinction (descriptas) et l'organisation (ordine) des constituants. L'importance qui est accordée à

langue ; c'est toi qui inventas les lois, qui dirigeas les mceurs et le progres.

C'est à présent la philosophie (identifiée à l'éthique comme uirtutis indagatrix expultrixque uitiorum), et non plus l'éloquence, qui est à l'origine de la mutation de la civilisation. Mais l'adtion des deux disciplines est

énoncée chez Cicéron en termes presque identiques, car elles travaillent ensembl e et sont inséparables l'une de

l'autre/?", On notera de plus que, dans le passage de la Tusculane, l'éloge de la philosop hie s'intégre lui aussi à

que la science s'intéresse à décrire l'univers et les dieux. La relation entre ars et utilitas est trés clairement

une vaste enquéte historique sur son origine et sa diffusion, des sept Sages à Socrate en passant par Pythagore. Il n'est donc pas inutile de constater qu'à cause des multiples réminiscences cicéroniennes que son texte met en ceuvre, l'emblématiste nous invite à considérer que les pouvoirs de la mystérieuse discipline s'apparentent à ceux de l'éloquence et de la philosophie réunies ou leur sont comparables : cette ars ethica associer a donc la pertinence scientifique du « fond » à l'agrément travaillé de la « forme », et son utilité sera double : docere et delectare.

La méthode adoptée par l'emblématiste pour présenter cette ars ethica est celle de l'enquéte historique. Celle-ci

Le passage suivant du texte de l'embléme

l'éthique s'explique sans doute par l'intérét que lui porte Cicéron, pour qui elle constitue le couronnement

méme de toute la philosophie (Fin., 5, 6, 15 ; 15 4, 11/?*). De plus, l'éthique s'attache à définir le bonheur, tandis

énoncée par Cicéron, dans un fragment cité par Dioméde et que Carlos Lévy propose de rattacher aux Academica posteriora : « Un art est un assemblage de perceptions éprouvées visant à une fin utile à la vie'?^* ». s'ouvre sur le constat que l'art en question a constitué l'instrument d'une révolution majeure, celle de la civilisation, qui a fait passer les hommes de l'état de bétes sauvages à celui d'individus organisés en cité, conscients de

la nécessité des devoirs civiques (v. 10-12). Dressant un tableau diachronique (cf. principio, v. 10 ; porro, v. 18)

de l'évolution de l'humanité en quelques lignes (v. 18-26), Bocchi souligne la permanence temporelle de l'efficacité de cet art éthique qui, apres l'institution des villes, en permet la gestion, par l'intermédiaire de la loi (legum... potestas, v. 19), du droit (publica iudicia, v. 20 ; Iuris... elementa ; semina... aequi, v. 24) et de la raison

(ratio, v. 20), jusqu'à l'époque contemporaine (ista/ Tempestate, v. 21-22), où l'on distingue entre droit civil et droit canon (iure in utroque, v. 22), entre vie publique et vie privée (ocia... negocia, v. 25). La source utilisée ici est essentiellement cicéronienne : il s'agit d'un passage fameux du De Oratore célébrant

l'éloquence (1, 8, 33) :

d'une vie sauvage et agreste à notre raffinement humain et civilisé ou instaurer, une fois les villes fondées, les lois, les tribunaux, le droit ?

visionnaire, comme le Socrate du Symb. 3 (voir notre analyse à cet embléme), qui peint, sous la forme imagée du

discours rhétorique et poétique, l'enveloppe de symboles qui améneront les novices à la contemplation philosophique. La figure de Socrate est d'ailleurs explicitement évoquée dans le poéme de notre embléme 127, dans une sorte de longue digression (v. 27-48) qui retarde l'élucidation de la nature exacte des visions artistiques de la vertu que posséde le sage. Cette digression, qui poursuit l'éloge de l'éthique, fondement de la civilisation,

proposé au début du texte emblématique, nous présente Socrate comme l'instigateur d'une seconde révolution

questions du bien et du mal, à la maniére de diriger sa vie, aux relations avec autrui et avec la cité en général.

Au début du De Oratore, Crassus fait, en effet, l'éloge de la rhétorique, capable de « séduire les intelligences et entrainer les volontés » (mentis adlicere, uoluntates impellere), qu'il s'agisse des activités politiques et judiciaires ou du cadre de la retraite privée. Subjuguée par l'éloquence d'hommes hors du commun, l'humanité quitte alors la sauvagerie pour faire advenir la civilisation, et découvre les leges, les iudicia et les iura. Un peu plus loin (De Orat., 1, 9, 35-37), Scaevola interrompt Crassus et lui objecte que l'éloquence ne suffit pas, à elle seule, pour

obtenir cet effet révolutionnaire et civilisateur : il faut lui adjoindre la raison et la sagesse (consilio et sapientia). D'autres textes cicéroniens célébrent ce mythe de l'avénement de la civilisation gráce à l'union de la parole et de l'intelligence, de l'éloquence et de la philosophie : par exemple le proemium du De inuentione (1, 2, 2-3), oü Cicéron imagine un homme supérieurement doué, réussissant, par sa parole et son intelligence, à rassembler les hommes disséminés dans les foréts et vivant comme des bétes, pour les initier à la paix, aux arts techniques, à la

648

(v. 12-26) éclaire les pouvoirs quasi magiques de la philosophie

éthique, tout d'abord par le biais de l'art et de la représentation plastique, en reprenant l'idée suggérée aux vers 5 et 6. Le sage qui connait l'éthique se représente les catégories du Bien comme s'il s'agissait d'un tableau (uelut in tabula, v. 14) où elles seraient peintes (depictas, v. 15) : il les voit donc plus distincement et de plus prés (propius meliusque tuetur, v. 14) que le peuple vulgaire, qui n'en a pas de vision intérieure. Le sage se fait ainsi peintre

philosophique, celle de l'oracle delphique et du « connais-toi toi méme », qui invite la sagesse à abandonner la contemplation des astres et de la nature (allusion aux « physiciens », les philosophes présocratiques comme Thalés ou Anaxagore qui expliquaient le monde par des grandes forces naturelles) pour réfléchir plutót aux

Quelle autre force [que l'éloquence] aurait pu rassembler en un seul lieu les hommes dispersés, ou les conduire

1944 Sur ce point, voir C. Lévy, Cicero Academicus. Recherches sur les Académiques et sur la philosophie cicéronienne, Paris, 1992, p. 337. 135 Diow,, in Grammatici latini, éd. H. Keil, Leipzig, 1857, t.L, p.421, cité et traduit par C. Lévy, Cicero Academicus, p.302: perceptionum exercitarum constructio ad unum exitum utilem uitae pertinentium.

2. La rupture socratique

ars est

L'intertexte est, encore une fois, quasi exclusivement cicéronien, en particulier les Tusculanes (voir apparat des

sources). Philippe Béroalde l'Ancien avait proposé une vaste paraphrase de ce passage trés important?*, 1%° Pour l'alliance célébre de ces deux notions, voir notre analyse du Symb. 102 sur l'Hermathéna de l'académie bocchienne.

1927 Voir C. Lévy, « Le mythe de la naissance de la civilisation chez Cicéron » in S. Cerasuolo (dir.), Mathesis e philia. Studi in onore di Marcello

Gigante, Naples, 1995, p. 155-168. Sur la complémentarité entre éloquence et philosophie chez Cicéron et la postérité de ce topos à la Renaissance, voir les études désormais classiques d'A. Michel, Les rapports de la rhétorique et de la philosophie chez. Cicéron : essai sur les fondements philosophiques de l'art de persuader, Louvain/Paris, 2003° (1960) ; J. Seigel, Rhetoric and Philosophy in Renaissance Humanism. The Union of Eloquence and Wisdom, Princeton, 1968 ; J. Préaux, « Le couple de sapientia et eloquentia » dans R. Chevallier (dir.), Colloque sur la rhétorique. Calliope 1, Paris, 1979, p. 171-185 ; M. Fumaroli, L'Áge de l'éloquence. Rhétorique et res literaria de la Renaissance au seuil de époque classique, Geneve, 1980. 19388 PHILIPPI BEROALDI, « Oratio habita in enarratione Quaestionum Thusculanarum et Horatii Flacci », in Orationes, praelectiones et praefationes et

quaedam mithicae historiae Philippi Beroaldi : item plusculae Angeli Politiani, Hermolai Barbari, atque una Jasonis Maini oratio [ ... ] uaria [ eiusdem] Philippi Beroaldi opuscula, Parisiis, in aedibus Ascensianis, 1505, f° 16v? : Inter quos imprimis Socrates philosophorum fons nuncupatus excelluit, qui primus philosophiam deuocauit a caelo. Docuitque de uita et moribus rebusque bonis ac malis inquirere. Nam cum philosophiae tres partes esse tradiderint eximii scriptores, Physicen, Dialecticen, atque Ethicen quarum [...] Ethica quae dicitur moralis animum componit atque omnes animorum

perturbationes sedat, hanc postremam Socrates complexus est. Ethicam Socrates in scholis edocuit, ethicam adamauit, illustrauit, excoluit ; ad quam

cum transiret illud uulgatissimum usurpauit : quae supra nos nihil ad nos, tanquam sola philosophia moralis esset mortalibus maxime necessaria atque

649

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

donnée par la L'évocation du « connaís-toi toi-méme » dans la suite de l'embléme, comme injonction morale

qu'il pourra ensuite communiquer à l'auditeur par le biais du langage et des figures de style les plus aptes à

nature elle-méme (v. 27-32), et empruntée au De Finibus (5, 15, 44^). Dans ce passage du De Finibus, Cicéron

susciter la représentation, en particulier l'hypotypose, habile à « mettre sous les yeux » les éléments visuels d'un

définir la nature intime de l'homme : est-il un corps ? Est-il une àme ? Est-il un composé des deux ? Lequel a la primauté ?, etc. Pour répondre à cette question, il faut appliquer l'introspection recommandée à Socrate par l'oracle de Delphes dans la formule « connais-toi toi-méme ». Dans le texte de l'embléme, la rupture qu'a constituée la pensée socratique par rapport aux conceptions qui l'avaient précédée (v. 33-43, voir apparat des sources) paraphrase les Tusculanes (5, 4, 10), c'est-à-dire la conclusion du grand développement que Cicéron consacre à l'histoire de la philosophie et qui se clót sur la figure de Socrate, primus inuentor, champion de la discipline éthique :

uitium animi. Il devient ainsi possible d'envisager une utilisation positive du mouere dans le discours philosophique, et, comme le fait Sénéque, de donner de la place à une rhétorique favorisant les propatheiai, ces

recommande, pour définir pertinemment le choix des buts moraux et trouver les principes de la vie heureuse, de

Mais depuis la philosophie antique jusqu'à Socrate qui avait été l'auditeur d'Archelaüs, le disciple d'Anaxagore,

on étudiait les nombres et les mouvements, d'oü naissent toutes choses et oü elles retournent, et on recherchait avec sérieux les dimensions des astres, les distances qui les séparent, leurs trajectoires et tous les phénoménes célestes. Mais Socrate le premier fit descendre la philosophie du ciel pour la placer dans les villes, la fit méme

entrer à l'intérieur des maisons et la contraignit à effectuer ses recherches sur la vie et sur les mceurs, sur le bien et sur le mal.

Au fond, Bocchi répond à la question du De Finibus avec le passage des Tusculanes : la vie heureuse n'est pas dans la contemplation du ciel mais dans la définition d'une nature humaine qui se découvre rationnelle et vertueuse, et dont les exigences sont encadrées par l'éthique, inventée par Socrate.

drame ou d'un tableau ?"'. Il existe donc un bon usage de cette imagination onirique qualifiée par Quintilien de

impulsions antérieures à l'assentiment de la raison, à condition qu'elles servent un but supérieur : convertir à la

philosophie ^".

Les portraits de la sagesse sous la forme

de tableaux rhétoriques

dynamiques

ou de

personnifications plastiques féminines dotées d'attributs valorisants (beauté, clarté, grandeur, élévation, statut

de reine ou de déesse, etc.) servent justement à susciter cet emballement de l'émotion qui emporte la

conviction, et sur lequel on peut revenir ensuite par le raisonnement et l'organisation rationnelle.

Orl'emblématiste semble faire de ces images non pas des représentations mentales construites par l'imagination créatrice/??, mais des sortes de concepts innés. Pour préciser le contenu de ces concepts, ces species Honesti, Bocchi fait explicitement allusion ici à la doctrine stoicienne des kotvai 2vvoíav?**, les « notions communes » (anticipatae et/Innatae agnitiones, v. 54-55), que Cicéron traduit par communes notiones, et qui se confondent

avec les prénotions (npoAQyetc)'?5, terme dont Cicéron rappelle qu'il est emprunté à Épicure (Nat. deor. 1, 1,

43). Selon

les stoiciens

(AET.,

4,

11—

SVF,

2, 83), ces notions

communes

sont les concepts

qui viennent

s'inscrire naturellement sur l'hégémonique de l'homme, en suivant la seule expérience directe, sans étude. Comme le rappelle Bocchi, ces notions communes sont partagées par toute l'humanité (v. 41: Et quaedam

cunctis mortalibus insita sensa). En effet, dans la mesure oü les àmes humaines sont des étincelles arrachées au feu

Ce n'est qu'au terme du texte poétique que Bocchi nous propose enfin une explication sur les visions picturales

divin universel, elles comportent en elles-mémes des intuitions rationnelles qui s'expriment sous la forme de jugements généraux : les dieux existent ; il faut suivre le bien et rejeter le mal ou, comme le dit Bocchi « les avantages de la vie civile sont justes » (v. 42). Ces jugements sont issus d'une dialectique instin&ive et préludent à tout enseignement et à toute science acquise (anticipatae) : Sénéque les nomme d'ailleurs semina scientiae

Ces images claires et distinctes disposent mieux le sage à l'accomplissement des devoirs (ad officia is praestanda mouetur, v. 16) en suscitant un attachement constant (incenderet, desiderio, miro amore) qui devient habitude

informationem, « la représentation anticipée d'une chose dans l’àme » et qu'aucune recherche ni discussion ne peuvent étre menées sans elle. Il avait employé un peu plus haut l'expression anticipationem quandam deorum, qui permet de comprendre le choix d'anticipatae chez Bocchi, « formées à l'avance ». Or pour éclaircir le sens de ce mot, l'emblématiste, qui analyse ces prénotions comme des caelestia dona (v. 55) ou des munera (v. 59)

3. L'éthique en images et le syncrétisme philosophique : notions communes, idées innées et allégories stoiciennes

mystérieuses du sage. La métaphore du tableau, amorcée aux v. 4-5 et 14-15, réapparait en effet une nouvelle et derniére fois aux v. 49-52, oü il est question d'un simulachrum Honesti, « d'un portrait du Bien » (sur le sens de simulacrum, voir notes supra), et où se multiplient les termes marquant la vision (luminibus, spectacula, cernere).

(abeunt studia in mores habitusque perennant, v. 17), selon l'idée aristotélicienne que la vertu est un habitus et

qu'elle s'acquiert par la pratique et la volonté et finit par créer un éfhos, une disposition de caractére permanente (AnIsT., EN, 2, 1, 1103a). La référence à la peinture n'est là (cf. le modalisateur uelut v. 14) que pour souligner la clarté et la netteté des représentations qui peuplent l'esprit du sage et l'intensité des émotions positives qu'elle génére en lui, et par conséquent, sur les autres, que le sage peut instruire voire convertir par le biais de l'éloquence. Le texte emblématique conserve une véritable logique : il faut d'abord que le sage produise en lui ces images à l'attraction puissante, capables de déclencher en lui-méme la passion, avant de pouvoir les transmettre au peuple vulgaire (qui parle à la premiere personne du pluriel dans les v. 49-53), peuple chez qui elles vont susciter le méme effet et contribuer ainsi à son instruction. Quintilien (6, 2, 28-30) avait décrit trés

précisément ce processus qui se met en marche chez les orateurs ebQavracíotrou

« doués d'une bonne

imagination », en le reliant à la théorie de l'inspiration de l'Ion de Platon'?? : en imaginant au préalable des

scenes qu'il n'a pas sous les yeux (et non en se contentant de reproduire par simple imitatio ce qu'il a sous le regard), comme dans le songe, l'orateur se met lui-méme en condition pour ressentir les émotions les plus vives,

frugifera, plurimumque utilitatis afferet, cum reliquas partes non. multum probaret. Ideoque neque de natura rerum, neque de altioribus sublimioribusque rebus Socrates unquam disputabat, sed de sola morali philosophia assidue disserebat.. 1939« [| nous faut pénétrer à l'intérieur de la nature et distinguer profondément ce qu'elle réclame ; sinon, nous ne pouvons pas nous connaitre nous-mémes. Et ce précepte, comme il était trop important pour sembler n'émaner que d'un homme, on lui a prété une origine divine. C'est pourquoi Apollon pythien nous ordonne de nous connaitre nous-mémes. » 1940 Voir B. Cassin, « Procédures sophistiques pour construire l'évidence » dans C. Lévy, L. Pernot (dir.), Dire l'évidence, Paris, 1997, p. 15-29,

en particulier p. 21.

650

(Epist., 120, 4). Cicéron (Nat. deor., 1, 17, 43), explique que la prénotion est une anteceptam animo rei quandam

accordés par Jupiter Olympien (qui peut désigner le feu stoicien mais surtout, le dieu chrétien), les tire du cóté des idées innées de Platon, ces notions intelligibles qui constituent des sortes de reflets-souvenirs enfouis

profondément dans la mémoire des réalités contemplées par l'àÀme avant son incarnation, et qu'il faut faire ressurgir à la conscience avec la maieutique suscitant la réminiscence (Phd., 72e-77a)!?*6. Le néoplatonicien

Proclus avait d'ailleurs proposé d'identifier les notions communes stoiciennes avec les axiomata du Timée de Platon?" et expliquait que, pour se révéler à l'individu, les idées innées doivent étre éveillées par un archégéte 1941 Sur cet usage sur lui-méme des passions par l'orateur ARIST., Poet., 14552, 30-31 ; CIC., De or, 2, 189 et Or., 132 ; HOR,, Ars, 102, auxquels renvoie P. Hallyn-Galand, Le reflet des fleurs. Description et métalangage poétique d'Homére à la Renaissance, Genéve, 1994, P. 39-40, « Le songe

descriptif ».

192 Voir en particulierJ. Dross, Voir la philosophie. Les représentations de la philosophie à Rome, Paris, 2010, p. 133-155. 1943 Sur l'imagination créatrice, voir M. Armisen-Marchetti, « La notion d'imagination chez les Anciens : I — Les philosophes », Pallas, 26, 1979, P. 11-51 et « La notion d'imagination chez les Anciens: II — La rhétorique », Pallas, 27, 1980, p. 3-37; G. Watson, Phantasia in. Classical

Thought, Galway, 1988, p. 59-95 : « The transformation of phantasia » ; A. Manieri, L'immagine poetica nella teoria degli antichi. Phantasia ed

enargeia, Pise/Rome, 1988. 1944 Voir V. Goldschmidt, « Remarque sur l'origine épicurienne de la prénotion », dans Id., Les stoiciens et leur logique, Paris, 1978, p. 155-169; J-P.Dumont, « La formation $toicienne du concept de souverain Bien », Revue de 1 'enseignement philosophique, 18/1, 1967, p. 1-11; M. Jackson-Mccabe, « The Stoic Theory of Implanted Preconceptions », Phronesis 49/4, 2004, p. 323-347. 955 CIC, Ac. 2, 10, 30 ; Top., 6, 31. 1946 Voir l'exposé trés clair de R. Loriaux, « L'étre et l'idée selon Platon », Revue philosophique de Louvain, 52/25, 1956, p. 5-55, en particulier P. 9-13.

P! Voir PROCL., In Tím. 1, 228, 11-13 : « Mais il faut plutót dire avant tout cela que, dans le trésor des notions communes de l'humanité, il y a celle-ci, qu'il existe un certain étre " qui est toujours " ».

651

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

(Pythagore, Platon ou Jamblique) qui les déploient et les révélent, par l'intermédiaire des figures géométrique,

de la diale&ique ou du commentaire ?*. Pour l'emblématiste, ces idées innées sont placées en nous

indépendamment de la construction expérimentale ou intellectuelle, et sont vraies car c ut Dieu 2d les place en nous et en garantit la validité. C'est un contresens par rapport au stoicisme, mais qui fidet s'expliquer tout d'abord par la ledure de certains passages antiques qui semblent interpréter ces prénotions dans le sens de l'innéisme, comme Cicéron (Nat. deor., 2, 17, 44: insitas eorum uel potius innatas cognitiones) ou Plutarque (Stoic. rep., 17, 1041e : emphytoi prolipseis). De plus, ces notions communes ou prénotions sont au départ peu claires, confuses'?*, et l'emblématiste souligne qu'il faut donc mettre toute son énergie à tenter de les éclaircir, de les connaitre et d'en acquérir une pensée cohérente (Acrius ad cognoscendum inuitarier omnes/ Debemus, v. s758). Cicéron (Top., 9, 31) disait la méme chose lorsqu'il déclarait que la prénotion est une formae cognitio enodationis indigens, « une connaissance formelle qui exige qu'on en dénoue les difficultés » : la prénotion ne peut rendre compte de la réalité qu'au terme d'un travail de la raison, qui déploie tous les éléments dont elle est constituée et qui se trouve parfaitement accompli dans la pensée du sage. Or il est facile de mettre cette enodatio en relation avec la difficulté du travail de maieutique effectué par Socrate dans le Ménon, qui repose, lui, sur

l'idée de la réminiscence d'un savoir oublié : on ne peut identifier que ce que l'on connait déjà.

La difficulté majeure que pose la prénotion, c'est qu'en portant sur des universels, elle a du mal à s'articuler à des

situations concrétes, à passer du général au singulier, comme le rappelait Épictéte'??", Et c'est là qu'intervient la

fonction essentielle de l'ars décrite par le texte emblématique et que nous avons évoquée plus haut : générer dans l'esprit des néophytes, par la rhétorique ou la peinture, des images « artistiques » qui permettront de visualiser, de se représenter la densité du concept général placé dans l'esprit par la divinité (et donc indépendamment de l'expérience), en déployer les points intriqués, susciter l'attachement et stimuler à l'action droite, ce que le sage fait parfaitement puisqu'il a la sagesse. La notion commune et son lien avec l'art s'associent de maniére trés originale dans le texte emblématique avec les ideai que Cicéron avait déjà évoquées dans l'Orator (2, 7-3, 10) : il existe des formes purement pensées (les idées de Platon, mais qui auraient quitté le ciel des paradigmes), qui résident dans l'esprit des artistes, et sur lesquelles ils gardent les yeux fixés pour modeler des objets qui échappent à la représentation sensible, par exemple les dieux ou un orateur parfait, et que l'art réel

reproduit de maniere imparfaite ^?!

Or que peuvent bien étre ces images des formes ou des catégories du Bien ou de la Vertu « peintes en ordre comme sur un tableau », et dont la vision suscite des transports amoureux, sinon des images allégoriques

(plastiques ou rhétoriques), à la charniére entre le sensible et l'intelligible? D'un cóté, par leur aspect

mimétique, et donc singulier, elles donnent une forme sensible, accessible à l'ceil et à la représentation, de l'obscurité abstraite du concept ; de l'autre, leur contenu noétique invite l'ceil à ne jamais se complaire dans le matériel mais toujours à chercher le spirituel et l'universel au-delà des signes sensibles. L'intuition de l'existence de Dieu ou du bien-fondé de la morale ne nous donne aucune direction d'action, méme si elle place en nous la

certitude d'une vérité qui nous dépasse. Mais lorsque le sage associe son savoir, garanti par la divinité, à des facultés figuratives plastiques et/ou rhétoriques, il acquiert la faculté d'expliciter en nous ces notions confuses en suscitant des tableaux organisés, frappants et clairs, comme les imagines agentes de la mnémotechnique décrite dans la Rhétorique à Herennius (3, 37) : celle-ci nous éclaire immédiatement sur ce que nous devons fuir ou

rechercher en suscitant, par la beauté ou la laideur extrémes, l'attachement pour la vertu et le dégoüt pour le vice. Nous retrouvons l'image du Symb. 3 et de Socrate-peintre : inspirées par le bon démon, et garanties par Dieu, les idées innées qui habitent l'esprit du sage savent prendre une forme picturale, en partie construite par l'expérience et l'imagination, à des fins pédagogiques.

1348 Sur cet aspect, voir A. Lernould, Physique et théologie : la lecture du Timée de Platon par Proclus, Villeneuve-d'Ascq, 2001, p.249. 199 Cf. CIC, Leg, 1, 9 : rerum plurimarum obscuras nec satis apertas intelligentias inchoauit, quasi fundamenta quaedam scientiae. 9? Entret., 3, 127 : « Ce qui fait le malheur des hommes, c'est de ne pas savoir appliquer les notions communes aux cas singuliers ».

1951 Voir l'analyse de ce texte dans E. Panofsky, Idea. Contribution à l'histoire du concept dans l'ancienne théorie de l'art, Paris, 1983 (pour la

traduction francaise), p. 27-36.

652

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Voir clairement, comme nous y invite le texte de l'embléme, les formes de la Vertu en ordre (c'est-à-dir e les vertus dans leur particularité, leur diversité, leur hiérarchie) suppose un tableau de nature allégorique, oü les

concepts abstraits se trouveraient personnifiés, rassemblés dans des postures spécifiques ou des attitudes

dramatiques,

et dotés d'attributs qui en permettraient l'identification : on pense bien sür à de bien réels

ensembles picturaux italiens de la Renaissance, par exemple les vices et les vertus peints par Giotto dans la

chapelle des Scrovegni à Padoue ou encore aux effets du bon et du mauvais gouvernement peints par Ambrogio Lorenzetti au Palazzo Communale de Sienne et à bien d'autres encore. Mais l'idée de ces personnifications

picturales réunies en tableau dynamique a sans doute été suggérée à Bocchi moins par un cycle pictural réel que

par une

source

cicéronienne

que

nous

avons

déjà

rencontrée.

Nous

avons

vu l'importance

pour

le texte

emblématique du prologue du cinquiéme livre des Tusculanes, qui explique la révolution éthique menée par Socrate. Or, un peu plus loin dans le texte cicéronien (Tusc. s, s, 13), l'un des interlocuteurs pose l'idée que la

vertu ne suffit pas au bonheur et, pour appuyer sa démonstration, il imagine, à la maniére stoicienne, un tableau allégorique oà un cortége de vertus, composé de Constantia, Grauitas, Fortitudo, Sapientia et d'autres, se laisserait entrainer sur le chevalet du bourreau, tandis que la Vita beata, dissuadée de les rejoindre par la Prudentia, resterait à la porte, convaincue qu'elle n'a rien en commun avec la douleur ni avec la torture. Le

passage cicéronien est une allusion à une méthode trés prisée par les maitres du Portique, qui jugeaient en effet que l'interprétation allégorique de tableaux et récits mythologiques existants pouvait servir à l'explication et à la

clarification de notions philosophiques difficiles ou des relations qui les unissent?*", Certains, usant de leur imagination créatrice, avaient méme concu des images allégoriques au sens fort/?*?, c'est-à-dire les avaient

inventées avec l'intention d'une interprétation symbolique : ainsi, Cléanthe aurait évoqué dans un discours un

tableau représentant les vertus sous la forme de servantes entourant le tróne d'une reine, la Volupté épicurienne,

et se mettant entierement à personnification complexe de la L'usage des images allégoriques Bocchi connait bien et dont il a objets complexes qui donnent

son service (Fin. 2, 69) et Chrysippe aurait, de son cóté, imaginé Justice pour donner à voir toutes ses nuances (GELL., 14, 4). par les stoiciens pour clarifier les concepts éthiques nous renvoie à une ars fait sa spécialité : l'ars emblematica ou symbolica. Celui-ci consiste à inventer à voir les vertus invisibles de dédicataires célébrés comme des héros hors

une que des du

commun : on pense à la lucerna pensilis, au tribolos, à la dioptrie, etc. En invitant le lecteur à l'imitation, il se

transforme en Socrate. Mais, comme le souligne l'épilogue du texte, qui porte la marque de l'évangélisme érasmien, la sagesse n'est plus uniquement paienne : l'univers antique sert de propédeutique à la philosophia Christi, sans se confondre avec lui, et fournit un point de comparaison d'oà le christianisme sort vainqueur.

La gravure met en ceuvre le projet ambitieux exposé par le texte : représenter la révolution socratique sous une

forme artistique accessible à tous, qui aurait l'évidence de l'idée innée propre au sage, c'est-à-dire sous la forme d'une composition allégorique trés épurée. Celle-ci met en valeur deux jeunes femmes vétues à l'antique : à gauche, devant un arbre qui se dresse le long du cadre de l'image, l'une d'entre elle, un pied posé sur un parallélépipéde où se lit la phrase Virtuti merito sedes quadrata dicatur, montre à un homme barbu, lui aussi un pied sur le socle, une tablette à écrire. La seconde jeune femme, à droite du socle et de l'image, tient serrée contre sa hanche gauche, une tablette qu'elle ne regarde pas. Dans un léger mouvement de torsion, elle fait passer son bras droit devant sa poitrine pour pointer de l'autre cóté le sol de l'index. Son visage se léve du cóté droit vers les rayons d'un immense soleil dont on n'apergoit qu'une partie dans le coin supérieur droit de

1952 VoirA. Brancacci, « Zénon et la statue (fr 246 Arnim), Diotima, 25, 1997, P. 110-117 ; Id., « Zeno Cit. fr 246, SVFA, 58 : parola e immagine nello stoicismo antico », Museum criticum, 3s, 2000, p. 117-134 ; R. Goulet, « La méthode allégorique chez les stoiciens » dans G. RomeyerDerbey/J.-B. Gourinat (dir.), Les Stoiciens, Paris, 2005, p.93-120; J-B.Gourinat, « Explicatio fabularum: la place de l'allégorie dans

l'interprétation stoicienne de la mythologie », dans R. Goulet/G. Dahan (dir.), Allégorie des poétes, allégorie des philosophes. Études sur la

poétique et l'herméneutique de l'allégorie de l'Antiquité à la Réforme, Paris, 2005, p. 9-34. Voir également A. Le Boulluec, « L'allégorie chez les Stoiciens », Poétique, 33, 1975, p. 301-321.

1953 Sur cette distinction, voir A. A. Long, « Stoics Readings of Homer » in Id., Stoic Studies, Cambridge University Press, 1996, p. 58-84, en

particulier p. 6o ; G. R. Boys-Stones, « The Stoics's Two Types of Allegory », in Id. (dir.), Metaphor, Allegory and the Classical Tradition:

Ancient Thought and Modern Revisions, Oxford, 2003, p. 189-216.

653

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi

(1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

l'image, interrompue par la bande circulaire mais fragmentaire du Zodiaque oü apparaissent deux signes, la balance et le scorpion. Edgar Wind a proposé de cette gravure une brillante interprétation ?**. Il identifie comme source de cette image

de ce que Virtus écrit sur ses tablettes est défini par les deux gestes qu'accomplit Felicitas (doigt pointé vers le sol et yeux levés vers le ciel) et qui peuvent paraître contradictoires. C'est le texte de l'embléme évoquant, à travers Cicéron, la révolution socratique qui permet de comprendre que ces deux gestes se complétent : ils indiquent les

une gravure réalisée par Marcantonio Raimondi d'aprés Raphaél (Fig. 1) entre 1517 et 1520? et intitulée, à tort souligne-t-il, Les deux Sibylles.

deux directions simultanées dans lesquelles doit aller la Virtus/Sapientia. Le visage levé vers le ciel de Felicitas indique les disciplines contemplatives, promues par les philosophes pré-socratiques, fascinés par la physis/natura, à moins qu'il ne s'agisse des fameuses images du Bien que le sage contemple en lui-méme. Mais son index pointé vers le sol rappelle à l'inverse la nécessité de l'éthique de descendre à l'intérieur des individus, des maisons et des cités. Les deux gestes matérialisent cette discordia concors qui, une nouvelle fois, permet l'harmonie, et autorise la relation entre deux doublets chers à Bocchi, en relation avec la sagesse : domi/foris (v. 37) ; intus/extra (v. 43).

Il s'agit en réalité de Clio et Uranie avec les signes de la Balance et du Scorpion, c'est-à-dire la muse de l'histoire et celle de l'astronomie. Selon E. Wind, dans la gravure de Raimondi, Uranie, à droite, le visage en l'air, contemple le mouvement des sphéres célestes et des astres, matérialisés par la présence du Zodiaque, tandis que Clio, à gauche, en contact avec la terre'^56, le visage baissé, consigne par écrit la mémoire des faits. La présence de la Balance et du Scorpion fait référence à un passage d' Horace ( Carm., 2, 17, 17-18) oü ils sont annonciateurs de la mort, mais E. Wind note que comme « maisons » astrologiques, Libra et Scorpio appartiennent à Mars et à

Vénus, et constituent donc un exemple de concordia discors c'est-à-dire d'harmonie?5".

Symb. 128

Gravure :

SYMBOLE CONTRE LA COLERE LA COUTUME DES COUPABLES EST DE BLESSER L'INNOCENCE *

CET EMBLÈME EST, À JUSTE TITRE, DÉDIÉ À REGINALDO DE' NERLI, VENGEUR IRRÉPROCHABLE DE L'AGNEAU INNOCENT

COUP deett ner

pn peli en

les signes de la Balance et du Scorpion, gravure d'aprés

Raphaél, 1517-1520, Paris, BnF.

Bocchi a fait ajouter le vieillard pres des Muses, et on devine qu'il est l'un des sophoi/sapientes évoqués par Cicéron dans le texte des Tusculanes cité supra. Mais l'emblématiste change également le statut des deux jeunes femmes, comme l'indique le titulus de limage: Virtutis et felicitatis formula. Les deux jeunes femmes ne

s'opposent plus l'une à l'autre, comme l'action et la contemplation, mais se complétent. Clio, à gauche, se

5

10

Qui sous l'image d'un mortel vins te cacher

respectivement à Socrate et à Sapientia ; on le trouve également sous les pieds de Mercure dans le Symb. 64).

15

: i: n:

M v

pem

ue gres la traduction francaise), p. 165. I "XXVII : The Works of Marcantonio Raimondi, New York, 1978, p. 73, n° 382 et

Alleg;, 72,7:

« Les oio

ats : 3 " b Peri

de Moves

20 ptr

tette

P

ePres

rouler ni glisser dans un sens ni dans l'autre ». Chez Alciat, (Emblemata, « Ain dva

dest

nat

phare

ate drm Usar

EE

Á eit

teste

n

pig pers

aim (vertus) est placé sur un cube stable, par opposition à la labile sphére de la Fortune : Vt sphaerae ditti cubo sic insidet Hermes/ Artibus hic

naris, casibus illa praeest. Sur le cube, symbole de vertu, voir A. Ehrhardt, « Vir Bonus Quadrato Lapidi Comparatur », Harvard Theology Review, 38/3, 1945, p. 177-193. Sur] opposition sphére/cube, voir A. Chastel, « La sphére et le cube », Avant-guerre sur l'art, 2, 1981, p. 3-8.

654

EE

Bien que divin, annule en entier le verdict

Qu'à nous tous imposa jadis la faute due

À notre premier pére. Donne à nos cceurs la force Pure et sans faille, je t'en prie, de concevoir Que blesser l'innocence est le plus grand des maux,

ajoutons que, parmi les solides de Platon, le cube est Ie symbole de la terre ( Tim., 54c-55d).

nnt. i pmi

Et penser que jamais malheur ne nous atteint, Soit que de tous ses biens la Fortune labile Nous prive, soit que notre corps, par durs tourments

Toi qui es un second Adam, ó Christ parfait,

souvent présent chez Bocchi, par exemple dans la gravure du Symb. 3 ou dans celle du Symb. 11 oü il sert de siege

- datnm SE

Les autres créatures, il nous faut mépriser

Les biens qui peuvent, sans nuire à l'esprit, nous étre Enlevés, comme s'ils ne nous concernaient pas,

Et poignantes douleurs, se voie mis à l'épreuve.

transforme en Virtus/Sapientia, qui recoit également le cube pour symbole"** (dont on rappellera qu'il est

Uranie, à droite, devient une image de la Felicitas, mais dans la relation qu'elle entretient avec la Virtus : la nature

Que pouvons-nous estimer digne de colere Sinon ce qui nous blesse ? Ainsi, puisque l'esprit, Est la partie la plus puissante de nous-mémes, Lui qui seul, pensons-nous, fait que nous dominons

Et ce qui, de notre colere, est le plus digne.

De ta constance sans égale accorde-nous SA

VÌgueur

d,aimer

ii

s

enne.mls’

DE porter notre croix, dans la résignatlon,

Avec toi, sous l'étendard de ton alme Croix.

655

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

MÉTRIQUE

Trimétres iambiques. NOTES

ded. carm : IVRE HOC DICATVR REGINALDO NERLIO] Fra' Reginaldo de' Nerli (ou Reginaldo Nerli)!°°, fils d'Antonio de' Nerli, dominicain, né à Mantoue en 1494 et mort aprés 1564, étudie la théologie à partir de

1519 au couvent de San Domenico à Bologne. Il y sera nommé

théologie

(1539),

et bachelier-titulaire en

successivement prétre, puis bachelier en

1549. Il se lie avec Gian Matteo

Giberti, l'évéque

de Vérone,

représentant du mouvement des Spirituali connecté à Gaspare Contarini, Reginald Pole et Giovanni Morone'?99,

et noue également des relations avec Ercole Gonzaga ?*'. Sur l'invitation de Giberti, Nerli commente à Vérone

les Lettres de saint Paul tandis que Tullio Crispoldi commente les Évangiles. Une lettre du cardinal, adressée à Giberti, souligne le mouvement de foule suscité par les sermons de Nerli : la foule se met à parler de préche et de prédestination et hurle « Christ ! Christ ! » crucifix à la main*?, Nerli reste à Vérone jusqu'en 1543. Il est ensuite transféré à Milan à Santa Maria della Grazie jusqu'en 1546. En 1548, il est inquisiteur à Brescia!’3, Entre 1547 et 1548, il participe aux activités du Concile de Trente, déplacé à Bologne. De 1552 à 1554, il est recteur du

Studio de San Domenico et inquisiteur à Bologne, en remplacement de Leandro Alberti. Il devient l'ami d'Ignace de Loyola. Il est également en relation avec la Compagnia dei Servi dei Poveri. Il rédige un catéchisme à l'usage des orphelins Vtile e breue istruttione della fede christiana per modo di dialogo et une Espositione del symbolo

d'Athanasio fatta per essercitio spirituale delli orfanelli'?** (sans date). Sa sensibilité spirituelle en fait un

personnage difficile à cerner. Il aurait été tenté par exemple par le mysticisme de Iohannes Tauler'$5, Ses témoignages lors du procés en hérésie de Giovanni Morone (1553, 1555 et 1558) le montrent d'une extréme

prudence et plutót favorable au cardinal'5, ce qui explique probablement le mécontentement du Saint-Office

dés 1553 (en particulier de son commissaire général Michele Ghislieri), le fait qu'on lui retire le jugement de certaines affaires et qu'il finisse par s'éloigner provisoirement de Bologne/?*. À partir de 1554, ses jugements

vont dans le sens de la clémence, et il se fait rappeler à la fermeté par Michele Ghislieri'?*. II sera remplacé dans

les fonctions d'inquisiteur en 1554 par Eustachio Locatelli, malgré tous ses efforts pour empécher cette nomination.

ANALYSE

Cet embléme est difficilement compréhensible sans l'identification du destinataire (voir notes supra). La piéce a

probablement été rédigée entre 1552 et 1554, au moment où Nerli devient inquisiteur de Bologne (la formule

VINDICI INTEGERRIMO du titulus fait vraisemblablement allusion à ses fonctions judiciaires), tandis que ses

1959 Sur ce personnage voir A. Prosperi, Tra Evangelismo e Contro-riforma. G.M. Giberti, Rome, 1969, P. 242 ; C. Pellegrini (éd.) : Reginaldo

NERLI, Istruttione della fede christiana per modo di dialogo. Espositione del symbolo d' Athanasio fatta per essercitio spirituale delli orfanelli, Rome, 1984, en particulier l'introduction, p. X-XII ; M. Firpo, D. Marcatto, Il processo inquisitoriale del Cardinal Giovanni Morone, Rome, 1981-1995,

t. I, p. 250-252 ; t. II, p. 299-300 ; G. Dall'Olio, Eretici ed inquisitori nella Bologna del Cinquecento, Bologne, 1999, p. 230-232 ; p. 236-238. 190 Voir M. A. Tucker, « Gian Matteo Giberti, Papal Politician and Catholic Reformer », The English Historical Review, 18, 1903, p. 266-286 ; et

surtout A. Prosperi, Tra Evangelismo e Contro-riforma. G. M. Giberti. 99! Sur les sympathies hétérodoxes d'Ercole Gonzaga (par exemple Bernardino Occhino ou Agostino Mainardi), voir P. V. Murphy, « Between Spirituali and Intransigenti : Cardinal Ercole Gonzaga and Patrician Reform in Sixteenth-Century Italy », The Catholic Historical Review, 88/3, 2002, p. 446-469 ; Id., Ruling Peacefully: Cardinal Ercole Gonzaga and Patrician Reform in Sixteenth Century Italy, Washington, 2007.

7,9? Voir M. Firpo and D. Marcatto, Il processo inquisitoriale del Cardinal Giovanni Morone, t. Il (1), p. 298, n. 5; E. G. Gleason, Gasparo Contarini. Venice, Rome, and Reform, Berkeley, 1993, P. 264. 1963 A. Battistella, Il Santo Uffizio e la Riforma religiosa in Bologna, Bologne, 1905, p. 199 ; A. Walz, I Dominici al Concilio di Trento, Rome, 1961. 1964 G. Brusa, « I catechismi di fra Reginaldo o. p. », Somascha, 1, 1976, P. 64-72 ; V. García, « Elementos bíblicos en la primiera parte del

catecismo de fray Reginaldo », Somascha, 9, 1984, P. 121-141. Voir aussi Reginaldo NERLI, Istruttione, éd. citée.

1965 G. Dall'Olio, Eretici ed inquisitori, p.231. 1966 Voir M. Firpo, D. Marcatto, Il processo inquisitoriale del Cardinal Giovanni Morone, t. II-1, p. 254-255 ; 296-311 ; t. II-2, 784-802 ; Id., « II primo processo inquisitoriale contro il cardinal Giovanni Morone (1552-1 553) », Rivista storica italiana, 93, 1981, p. 72-142. 1967 G. Dall'Olio, Eretici ed inquisitori, p. 2332-233. 1968 Ibid, p. 236-237.

656

sympathies pour les courants hétérodoxes le mettent en délicatesse avec les autorités romaines du Saint-Office. L'appel à lutter contre la colére, à préserver l'innocence et à faire abstraction des avanies envoyées par la fortune peut s'interpréter comme un message d'encouragements de la part de l'emblématiste pour soutenir ce personnage dont le comportement ne satisfait pas ses supérieurs hiérarchiques. De maniére plus profonde, on y retrouve la volonté qui s'exprime ailleurs dans le volume d'embl&émes de promouvoir une forme d'irénisme. L'épigramme se présente en deux parties. Dans la premiere, le renoncement à la colére ou plutót son déplacement face aux objets qui la suscitent est proposé sous la forme d'un raisonnement logique dont les arguments sont empruntés au stoicisme : la colére s'exerce contre ce qui nous blesse vraiment. Or l'esprit est la partie la plus précieuse de notre étre et celle qui seule compte. Il est donc inutile de s'emporter contre les assauts de la fortune, qui n'atteignent que les biens matériels et le corps, et non l'esprit. On relévera dans l'épigramme l'importance des expressions renvoyant à la souffrance physique (laedimur, grauibus corporis incomodis, doloribusue accerrimis), ou aux coups de la fortune (offensione, damno, fortunae bonorum lubricae ablatione), qui,

au-delà du topos philosophique stoicien, ne sont pas sans évoquer les deux types d'attaques qu'on livre contre les hérétiques : chátiments corporels, comme la mort ou l'exil, et privation de tous les biens. On pensera également, dans une moindre mesure, à la réprobation et aux humiliations imposées à Nerli par l'Inquisition romaine. Contre ces assauts, Bocchi réclame au Christ, pour ceux qui sont persécutés, la vertu de constance

(Nobis tuae inuictae illius constantiae./ Robur da), mais dont les accents stoiciens disparaissent rapidement sous des impératifs chrétiens : chérir les ennemis (hostes diligamus inuicem/ nostros) et porter sa croix (crucemque humaniter tecum simul/ Feramus), comme une image de la passion christique (almae sub crucis signo tuae). C'est

l'enseignement de Paul qui est implicitement rappelé '?9.

Ce qui blesse l'esprit, c'est donc le fait de nuire (nocentes + innocentia) en succombant aux passions, c'est-à-dire de perpétuer le péché originel. D'oà la deuxieme partie qui constitue une forme de priére au Christ, venu racheter la faute d'Adam. La structure du poéme apparait elle-méme comme significative : deux groupes de dix trimétres iambiques séparés par le vers 11, O qui secundus es Adamus, Christe optime, qui se trouve mis en valeur par cette position-charniére. Ce vers est emprunté à l'Epítre aux Romains de saint Paul, oà Adam est « la figure de celui qui devait venir??? ». La mise en paralléle entre Adam et le Christ est expliquée par Paul à travers le principe de la justification : Ainsi donc, comme la faute d'un seul a entrainé sur tous les autres hommes une condamnation, de méme l'ceuvre

de justice d'un seul procure à tous une justification qui donne la vie. Comme en effet par la désobéissance d'un

seul homme, la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l'obéissance d'un seul la multitude sera-t-elle

constituée juste!^"!,

On saisit alors toute l'importance de la formule bocchienne da uim iudicandi laedi innocentiam ut malum grauissimum, « accorde-nous de pouvoir considérer l'acte de souiller l'innocence comme le pire des maux ».

Elle montre qu'il fait sienne la position spécifique qui veut le péché soit imputé à toute l'humanité en vertu de la Loi'^?, De maniére analogue, il souscrit donc à l'idée que cette faute ne peut étre rachetée que par le sacrifice christique et la justification par la foi : ce qui rend dérisoires les tentatives individuelles d'imposer par la force des

vues sur le salut déterminé par les ceuvres et de soumettre les foules aux pesantes contraintes charnelles de la superstition. Le sujet de la gravure et son titulus, aduersus iram symbolum, prennent alors tout leur sens : la colére 9? 2. Cor,, 6, 4-5: « Au contraire, nous nous recommandons en tout comme des ministres de Dieu : par une grande constance dans les tribulations, dans les détresses, dans les angoisses, sous les coups, dans les prisons, dans les désordres, dans les fatigues, dans les veilles, dans les jeünes ». Voir aussi Rom., s, 3: « Nous nous glorifions encore des tribulations, sachant bien que la tribulation produit la constance, la constance une vertu éprouvée, la vertu éprouvée l'espérance. » 1970 Rom., s, tle

9? [biq,, s, 18-19.

7" Ibid., s, 13 : « car jusqu'à la Loi, il y avait du péché dans le monde, mais le péché n'est pas imputé quand il n'y a pas de loi, » Sur la question de savoir si Paul fait allusion dans ce passage au péché originel ou au péché individuel par imitation, voir les Annotationes d Érasme, ad Rom. s, 12, LB 585B-591D, qui récapitule les positions, entre autres, d' Augustin, de Jéróme, d’Origène et de Chrysostome sur la lettre paulinienne.

657

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

est à la fois celle des hommes et celle de Dieu lorsqu'il constate les ravages qu'elle peut causer. La passion

passion christique et la volonté de livrer une guerre aux passions et aux tentations'"". La métaphore belliqueuse

impies :

invisibili, et massime dalle male suggestione del spirito maligno ». Le catéchisme explique ensuite l'inversion des valeurs suscitée par la croix christique : les joies aux yeux du monde deviennent croix, la croix aux yeux du

christique est la négation de toute colere??? dans la mesure où elle est sacrifice non pour des justes mais pour des À peine en effet voudrait-on mourir pour un homme juste ; pour un homme de bien, oui, peut-étre se résignera-t-

on à mourir, mais la preuve que Dieu nous aime, c'est que le Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous. Combien plus, maintenant justifiés dans son sang, serons-nous par lui sauvés de la colére'?"*.

Le sacrifice christique impose que l'homme nouveau et spirituel qu'il a créé'?? se refuse lui-méme à la colére, comme le recommande Paul, qui dresse une liste exhaustive de la violence de certaines attitudes qu'il faut

proscrire :

Que le soleil ne se couche pas sur votre colere. [ ... ] Aigreur, emportement, colére, clameurs, outrages, tout cela

doit étre extirpé de chez vous, avec la malice sous toutes ses formes. Montrez-vous au contraire bons et compatissants les uns pour les autres, vous pardonnant mutuellement, comme Dieu vous a pardonnés dans le Chria!?76

Par conséquent, ceux qui font acte de colére et de violence révélent par là méme qu'ils ne participent pas à la vie évangélique, à la différence du dédicataire qui, en rendant des décisions justes, participe à la rédemption christique. Sa vengeance paradoxale (uindex) consiste à chérir ses ennemis. Mais Bocchi n'oublie pas son attachement au symbole, et l'ensemble de l'embléme s'organise autour du salut, le signum crucis (cf. v. 23) le signe de la croix, en hommage aux deux ouvrages publiés par Reginaldo de'Nerli (Istruttione della fede christiana per modo di dialogo et Espositione del symbolo d' Athanasio). Le symbole de la croix constitue un élément particuliérement mis en valeur dans les deux parties de l'Istruttione, spécialement à propos de la priére du matin, où il est mis en relation avec le Psaume 85 (le texte se présente comme un ensemble de

questions-réponses) :

Preghiere del fanciullo la mattina, quando si leva da letto [Interrogatione]. Quando si leva il fanciullo dal letto la matina, che debba fare ?

[Risposta]. La prima cosa si segni con la santa croce et dica : Fac mecum signum + in bonum, ut uideant qui oderunt me et confundantur, quoniam tu domine adiuuisti me et consolatus es me .

L Et poi ?

se poursuit avec l'évocation de la croix comme

bouclier, « scuto che ci difende da tutti i nemici visibili et

monde devient joies", dans la mesure oü elles préparent à la gráce et à la félicité. De fait, le chrétien ne vit plus

dans le présent et se montre indifférent aux assauts de la fortune qui contraignent son corps/?*? pour ne plus

penser qu'au salut de l'áme. Cette évocation de la vie céleste comme « vraie vie », et de la vie terrestre comme

« mort » est un lieu commun du platonisme, repris par Cicéron'*!, et rejoint celui d'Érasme sur la lutte contre les passions et pour la spiritualité dans l' Enchiridion. En relation trés étroite avec le texte qui célébre la régénération permise par le sacrifice christique, la gravure propose une scene de portement de croix à la maniére des peintres nordique : on pense à Jéróme Bosch et aux figures monstrueuses qui entourent le Christ dans le Portement de croix (Planche V, Fig. 8). Dans la gravure, un

Christ courbé et couronné d'épines avance au centre de l'image, la téte entourée d'un nimbe et portant la croix en forme de Tau. Le cortége masculin qui l'accompagne se distingue autant voire plus par le caractére incongru des costumes que par la laideur des visages. On notera par exemple que l'archer à collerette au premier plan exhibe un toupet traversé par une fléche (désignant le Christ) au sommet du cráne. Le chevalier du premier plan porte un curieux heaume grillagé surmonté d'un croissant (turc ?) à la pointe d'une pique : le croissant est relayé sur la banniére qui flotte attaché à la pique, et réapparait encore sous la forme d'un étrange instrument de torture à deux máchoires que porte le chevalier. On remarquera aussi le casque en forme de passoire surmonté d'une pointe en forme de virgule et le casque lisse surmonté d'une trompe qu'arborent deux des protagonistes qui avancent derriére la croix. Tous ces personnages incarnent, par la grossiéreté de leur apparence et la laideur de leur tenue, dont ils semblent ne pas avoir conscience, les nocentes annoncés par le titulus de la gravure, ceux qui ont blessé l'innocentia, c'est-à-dire le Christ : la colére est de leur cóté, et non de celui du Christ qui apparait résigné. Toute la foule est coupable, en vertu de l'imputation du péché adamique, y compris le jeune enfant au premier plan. L'importance de la croix qui traverse l'image relaie le propos du texte qui y voit le signum salutis, le signe du

rachat. La représentation de cette passion fonctionne comme une image commémorative, mais aussi comme un

discours parénétique proposant un exemplum à méditer, à la maniere antique : le rappel de la passion christique est une invitation faite à chacun à montrer de la constance devant les assauts de la fortune, à l'instar du Christ, en se rappelant que les maux infligés au corps ne peuvent pas nuire à l’àme. C'est aussi la tentative de proposer aux persécutés une anticipation figurée de leur revanche, qui réside dans l'espoir que leur doctrine s'imposera.

R. Entri in pensiero che, quando fu battezzato, rinuntió alle pompe del demonio et s'accostó al soldo del signor lesù Christo, et perhó ha la sua insegna della croce dinanci a gl' occhi, acció conosca che non debbe lasciar mai il

signor Jesi Christo, di cui porta Tarme (sic : l'arme ?) et di novo come mancador di fede accostarsi al demonio.

Consideri che Christó é morto per lui e perhó pensi di non voler esse ingrato a tanto incomparabil amore?"".

Un paragraphe entier est d'ailleurs consacré un peu plus loin dans le catéchisme de Nerli à l'élucidation du « Segno della Croce ». Le premier point souligné par Nerli est que le fait de signer sur le front commémore la

17 [bid., P. 12 : « Etsi fa nelle fronte, accioché non habiano vergogna di confessar la croce et il nome del nostro signor lesù Christo : et nel petton, ac cioché ci ricordiamo di portar sempre nel core la memoria dell'amara passione, che sostene il nostra signor lesù Christo, per noi in croce, et quidi ci'infiammamo et accendiamo di desiderio di seguitarlo, crucifigendo et mortificando tutti i nostri vitii et passioni et portando

con pacientia et volontieri tutte le cose adverse, che sil signor Dio permette che vengano sopra di noi ».

1973 Sur la colére de Dieu contre les paiens et les Juifs qui n'ont pas su répondre à son appel, voir Ror., 1, 18 : « En effet, la colére de Dieu se

révéle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes qui tiennent la vérité captive dans l'injustice; car ce qu'on peut

connaitre de Dieu est pour eux manifeste : Dieu en effet le leur a manifesté. » Voir aussi 2, 5 : « Par ton endurcissement et par l'impénitence de ton cceur, tu amasses contre toi un trésor de colére [... ] ». 1974 Ibid, 5, 7-9.

17° Ibid., 4, 22 : « [...] il vous faut abandonner votre premier genre de vie et dépouiller le vieil homme, qui va se corrompant au fil des

convoitises décevantes, pour vous renouveler par une transformation Spirituelle de votre jugement et revétir l'Homme Nouveau, qui a été créé

selon Dieu [ ...] ».

1976 Did, 4, 26-32. 77 Reginaldo NERLI, Istruttione, éd. citée p. 9.

658

7? Ibid., p. 13 : « Vuol dire che le cose chel monde ama et desidera, le riputiamo croce ; et a quelle cose chel mondo reputa croce, ci accostiamo con ogni nostro sforzo et amore ». "* Ibid., P. 14: « Et come colui che è crucifisso già pià non contempla le cose presenti, né pià pensa punto delle sue affettioni, ne è distratto dalla solicitudine et cura del giorno sequente et non é commosso dalla concupiscentia del possedre, non é infiammato della superbia. Né da

invidia, né da contentione, non si dole delle presenti ingiurie, della passate pii non si raccorda, et se stesso, anchora sSpirando nel corp, a tutti

gli elementi si crede di esse morto, ivi drizzando il sguardo del suo core dove non dubito di haver a passare, cosi noi crucifigendoci col timor del

Signore è bisogno che siamo morti a tutte queste cose, cioé non solo alli vitii carnali, ma anchora ad essei elementi, tenendo sempre fisso gli occhi dell'anima nostra là dove sSperar debbiamo ogni momento che e siamo per andare ». 581 par exemple à travers l'image du corps-prison ou du corps-tombeau, ainsi chez PL., Ion, 534e : Phdr., 62b ; CIC., Tusc., 1, 74 ; 1, 118 ; 2, 48. Pour d'autres références, voir la synthése de P. Courcelle, « Traditions platoniciennes et traditions chrétiennes du corps-prison », Revue des Études Latines, 43, 1965, P. 406-422.

659

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Gravure :

Traduction, annotation, commentaire - Livre V

Symb. 129 L'USAGE EST À LUI SEUL UN MAÎTRE PARFAIT

30

' Lui qui, en sus de l’Egypte, vint visiter Lesconfins de Babylonie, Lacédémone, Les Perses, de Minos la Créte,

Sur l'image :

Sans oublier la salubre Crotone.

— Móly

NISMUE pisi

— Pallas

*

35

Les vers du docte Homére n'auraient pu qu'avec peine Porter jusqu'aux étoiles de Sisyphe le fils er a S'il n'avaitA vu, de bien des hommes, Les villes, les actions et mceurs diverses.

À GIOVANNI BATTISTA PIO

De là vient le récit fort beau qui, à Sagesse,

L'HOMME D'EXPÉRIENCE REMPORTE

Donne pour pére Usage, et pour mére Mémoire,

À BON DROIT GLOIRE ET RÉCOMPENSE Pour qui veut à bon droit, Pio, qu'on lui décerne Le nom de sage dans les affaires humaines, Point ne suffit de s'occuper De rhétorique ou bien de dialectique ; 5

Il faut aussi que cet homme, pendant longtemps

Se consacre, pendant longtemps s'entraine bien À sans cesse voir l'univers, Afin d'en faire, de trés prés, l'épreuve ;

10

Et il doit fermement, de tous actes et faits Survenus en sa vie, dans le fond de son cceur Garder mémoire ; il faut toujours, Dans le bonheur et dans l'incertitude,

Qu'il reste droit ; qu'à l'aide des enseignements

15

de l'Usage, maitre sagace, et des lecons Que lui ont montrées les dangers,

Il témoigne sagesse et réflexion.

20

Car qui sait prudemment se frayer un chemin Dans la totalité des propos et des actes, Les méditant tous longuement, Que le jour s'ouvre au lever du soleil

Ou que, du sombre Érébe, la nuit pointe sa téte

Obscure, celui-là ne saurait aisément

Se résoudre à ne point savoir Sur-le-champ ce qu'il doit fuir ou choisir.

25

Desancétres illustres, de là, prirent le titre D'augustes péres et le nom bien mérité De sages. De là, le Samien

Pythagore eut gloire et honneur sans fin, 660

40

Car que ne vainc pas une longue

Expérience, qui surpasse tout art ?

MÉTRIQUE

Strophe alcaique. Cette strophe horatienne a été utilisée par Bocchi dans les Symb. 20, 129, 139?*. Le métre

s'adapte parfaitement ici au caractere philosophique d'une piéce qui chante la valeur initiatique et formatrice du voyage à travers le monde. NoTES

- ded. carm. : IOANNI BAPTISTAE PIO] Giovan Battista Pio (ou degli Andali)'?*? nait probablement vers

1475-1476 (pour certains 1460'*^) à Bologne. Il suit les lecons de Philippe Béroalde l'Ancien et de Giovanni

Filoteo Achillini (à Bologne entre 1484-1512) et, en 1494, passe son diplóme de philosophie, avant d'obtenir la chaire ad rhetoricam et poesim in campana, toujours à Bologne, pour 1495-1496. En 1496-1497, il se rend à Mantoue oü il devient précepteur d'Isabelle de Gonzague. On le retrouve à Milan en 1498, oü il publie ses

commentaires aux Mythologiae de Fulgence et aux Epistolae et Poemata de Sidoine Apollinaire. De retour à Bologne, il occupe la chaire ad rhetoricam et poesim de sero entre 1500 et 1506. Il publie en 1505 à Bologne ses Annotationes (commentaires philologiques sur des passages de Virgile, Martial, Plaute, Apulée et bien d'autres). En 1506, Bartolomeo Boccardo (ou « Pilade ») attaque Pio sur son commentaire à Plaute (publié à Milan en

1500755). tandis que la chute des Bentivoglio la méme année contraint Pio à s'éloigner de Bologne pour se

réfugier à Bergame, où il devient le maitre du Tasse. Entre 1507 et 1512, Pio est nommé à Bologne sur la chaise ad rhetoricam et poesim in tertiis (qu'il occupera ensuite entre 1519 et 1527, en 1529-1530, en 1532-1533, méme sil n'enseigna pas en 1527, ni entre 1529 et 15 32). Aux attaques sur sa méthode, Pio répond par les

Retractationes de 1508, tandis que, la méme année, son éléve Achille Bocchi publie l'Apologia in Plautum, dédiée

au cardinal Raffaele Riario oü il se fait le défenseur de son maitre bafoué'?, En 1511, Pio publie son "^ Voir la partie MÉTRIQUE de nos analyses du Symb. 20.

^

imei

l

i

193 Sur la biographie de ce personnage, voir la notice « Pio (Del) Io Baptista » dans L. Chines (dir), I ipttori di retorica e twmanae wey a o Studio di Bologna nei secoli XV-xVI, Bologne, 1990, n° 207, p. 56-59; J. F. D'Amico, « Giambattista Pus of Bologna » in à G. dies olz, T. B. Deutscher (dir.), Contemporaries of Erasmus. A Biographical Register of the Renaissance and Reformation, Toronto/ Buffalo/Londres, t. » 1985, p. 88; V. Del Nero, « Note sulla vita di Giovan Battista Pio (con alcune lettere inedite) », Rinascimento, 1981, 21, p. 247-263; C. Dionisotti, « Giovan Battista Pio

e Mario Equicola » in Id., Gli umanisti e il volgare fra Quattro et Cinquecento, Florence, 1968, p. 78-130.

7 J. F. D'Amico, « Giambattista Pio of Bologna ». Pa ’ | 185 Voir A. Maranini, « Dispute tra vivi e morti : Plauto tra Bocchi, Pio e Pilade », Giornale italiano gifilologia, 53/2, p- 31 5-330. ?*5 Je remercie Maria Grazia Bollini, responsable du bureau des manuscrits à la Biblioteca comimanale m Archiginnasio de E: - e me confirme qu'il n'existe pas d'exemplaire des Carmina in laudem Io. Baptistae Pii qu Antonio Room sttdbie à Bocchi ( : 9e E E " »à », DBI, t. XI, P. 67-70) et dont il situe l'année de publication en 1509. Il s'agit probablement d'une confusion avec les Elegidia de Pio lui-méme, publiés effectivement en 1509.

661

JpD————



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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

commentaire sur Lucréce, essentiel pour la diffusion de l'épicurisme en Italie?" et, entre 1512 et 1514, il part

pour Rome afin d'occuper la chaire de philologie à la Sapienza. Il retourne à Bologne en 1514 et y séjourne jusqu'en 1527, prenant en charge à partir de 1520 une partie des cours confiés à Romolo Amaseo (legat tempore uacationum), parti pour Padoue. En 1519, il publie un commentaire sur Horace. On le retrouve à partir de 1526 à Lucques, oü il occupe la chaire des studia humanitatis à l'école Sant'Alessandro et oü il travaille sur les

Métamorphoses d'Ovide et la correspondance de Cicéron à Brutus et à Atticus. On pense qu'il a partagé son temps entre Bologne et Lucques de 1526 à 1537. Il meurt probablement en 1538. Pour les raisons de la dédicace

du poéme à Pio, voir notre essai de datation dans l'analyse infra.

Dans deux lettres autographes de Bocchi à Amaseo (voir annexe), respectivement datées de janvier et de mars 1549, l'emblématiste évoque des textes inédits de son maitre qui sont venus en sa possession aprés la mort de

Pio et qu'il souhaite faire publier avec l'aide financiére des Farnése. On y sent l'admiration pour le maitre.

Cette admiration est perceptible dans l' Apologia in Plautum (Bologne, 1508), 2, 89 où Bocchi, défenseur de Pio

contre les attaques de Pilade, fait ainsi l'éloge de l'humaniste bolonais [f. H iii v] :

Caeterum et polymathia et non tritarum rerum cognitione multiiuga praefulget Pius, ut eius in tuto sit laus quae nullius praeconio crescere potest, nulla uituperatione dimminui : iuuenis transgressus auos et ante diem dicenda tacendaque callens, foecundissimi supra coaeuos suos uir ingenii, nec dum enim trigesimum et quartum annum attigit ef ea non

aconiti nec sine puluere elaborauit in quibus uel quantulam partem attigisse summis literarum apicibus gloriosissimum fuit, quem meopte titulo Polygraphotaton appellare consueui ; prolificam eius mentem etiam tener exosculatus, et adhuc maiora supersunt. Nam quae iam promulgauit folia (ut ita dixerim) sunt artis paedomathiae getemataque iuue|nilia [£ H iiii r] si hiis quae quotidiana formantur incude conferantur.

- v. 29-32 : Aegyptum et Babylonias/ ... oras et Lacedaemona/ Persas$que Minoámque Cretam/ Atque salutiferam Crotonem] Les étapes du voyage de Pythagore mentionnées ici peuvent étre rapprochées de Valére-Maxime (8, 7, 2) dans un long développement que ce dernier consacre aux exemples étrangers (non-romains) pour montrer l'importance du travail et de l'activité. Pythagore est cité aprés Démosthéne et avant Platon. Selon ValéreMaxime, il apprend l'écriture en Égypte et consulte les prétres. En Perse, il s'initie au savoir des mages, en particulier l'astronomie et l'astrologie. Il visite ensuite la Créte et Lacédémone, dont il retient les lois et les mceurs, avant de se rendre aux Jeux Olympiques, oi il expose ses connaissances et réclame le titre de philosophos. Il part ensuite pour la Grande-Gréce (Italie du Sud), oü il est accueilli par de nombreuses villes (non mentionnées), avant de mourir à Métaponte et d'y étre incinéré. Crotone est mentionnée comme ultime étape

Bologne. Le poéme a donc probablement été rédigé en 1514 ou un peu aprés, au moment oü Pio, qui s'est déjà rendu à Milan, à Ferrare et à Bergame, rentre de Rome, oü il a occupé une chaire de philologie depuis 1512. Ce séjour romain, dont Bocchi a fait lui aussi l'expérience éprouvante en 1515, en particulier lors de son voyage de retour (voir introduction générale), et qui inspire l'embléme 124 sur les miséres curiales dédié à Marcantonio Flaminio, permet d'expliquer la référence aux pérégrinations d'Ulysse et à son retour dans ses foyers : Pio rentre enfin à Bologne, comme

maniére continue dans sa ville natale jusqu'en 1526, avant de repartir pour Lucques. Mais le voyage romain permet aussi de saisir l'allusion au móly dans la gravure (voir analyse) : la difficulté de la tàche et de l'exil trouve sa compensation dans la gloire directe d'avoir été appelé dans l'entourage des papes.

ANALYSE Dans le poéme de l'embléme, rédigé en strophes alcaiques et dédié à son maitre Giovanni Battista Pio (voir notes), Bocchi fait l'éloge de l'expérience directe (usus ou experientia), qui, secondée par la mémoire, permet de mener à la sagesse, par opposition au savoir indirect, appris dans les livres. Cet éloge de l'expérience et de la mémoire paraphrase un texte d'Aulu-Gelle (13, 8, 2 : voir apparat des sources) consacré à deux vers de la Sella (La Chaise) du poéte dramatique Lucius Afranius (auteur de togatae de la fin du Il° s. et début du 1° s. av. J.-C.) qui donne à Sagesse une curieuse généalogie en la faisant fille d'Vsus et de Memoria (13, 8, 1 et 13, 8, 3 : voir

apparat des sources). Dans le début du poéme, Bocchi commence par rapporter l'exégése qu'Aulu-Gelle propose de cette légende : [Afranius montre que ] qui veut posséder la sagesse dans les affaires humaines n'a pas besoin des seuls livres ni des connaissances en matiére de rhétorique et de dialectique, mais doit se consacrer et s'entrainer aussi à connaitre les choses de prés et à les affronter, se souvenir sans hésitation de tout ce qu'il a fait et de tout ce qui lui est arrivé et, ensuite, tirer savoir et décision des conclusions que les dangers eux-mémes lui auront appris, et non de ce que

seuls les livres ou les maitres auront débité à travers des sortes de mirages de mots et d'images, comme dans un mime ou un songe.

Le texte antique affleure en permanence dans la paraphrase poétique, comme le tableau suivant permet de le constater pour les quatre premieres strophes : s

par Diogene Laérce (8, 3), qui évoque auparavant comme destinations de Pythagore l'Égypte, Samos, la ipse Pythagoras et Aegyptum lustrauit et Persarum magos adiit ? Cur tantas regiones barbarorum pedibus obiit, tot 5

Bocchi spécifie son áge (voir introduction générale). La célébration que fait le texte emblématique d'une sagesse active, qui se passe à voyager pour apprendre à connaítre contrées et peuples inconnus, à l'intar de Pythagore et d'Ulysse, loue la mobilité du dédicataire, Pio, contraint d'aller enseigner sur de nombreux postes hors de

10

confronto, vol. 1 : Forme e oggetti della dispute delle arti, Bologne, 1990, p. 243-257 ; 1d., « La questione dell'anima nel commento di Giovan

Renaissance Florence, Cambridge, Mass./London, Harvard University Press, 2010.

662

The Return of Lucretius to

WII WESS T UID WES o

Verüm diü uersari etiam est opus Illum, diù exercerier omnibus Constanter in rebus uidendis,

Comminus atque periclitandis

17 Voir V. Del Nero, « Filosofia e teologia nel commento di Giovan Battista Pio a Lucrezio », Interpres, 6, 1985, p. 156-199 ; id., « G. B. Pio fra

Battista Pio al “ De Rerum Natura » di Lucrezio », Annali dell'Istituto di Filosofia, s, 1983, p. 29-69. A. Brown,

_

Non disciplinis sat uacare est

- Essai de datation du texte emblématique : Le texte du poéme emblématique apparait sans changement dans les Lusuum libri duo de Bocchi (P 4v*-5v?), déjà accompagné d'une dédicace à Pio. Les Lusum libri duo ont été dédiés à Jules de Médicis, cardinal-légat avec le titre San Lorenzo in Damaso, entre 1517 et 1523, avant que Jules de Médicis ne devienne le pape Clément

grammatica e filosofia : dai primi scritti al commento lucreziano dela 1511», in Luisa Avellini (éd.), Sapere e/? poetere. Il caso Bolognese a

P

Rhetoricis dialecticisue,

maría transmisit ? Pour d'autres trajectoires, voir ps. IAMBL., Theolog. arith., p. 52, 8 De Falco ; PORPH,, Vit. Pyth.,

VII, mais la rédaction, pour certains, est bien antérieure, comme le montre le cycle des poémes précoces, oü

FE

Qui nuncupari haud immeritó, Pie, In rebus humanis sapiens cupit,

Chaldée, la Perse (et ses mages), la grotte de l'Ida en Créte et de nouveau Samos. Voir aussi CIC, 5, 29, 87 : Cur

6 ; IAMBL,, Vit. Pyth., 248-251.

Ulysse à Ithaque, instruit par sa confrontation avec le monde, et il enseignera de

15

Atque omnia acta euentáque firmiter | Dum uiuit alti sub penetralibus Seruare cordis, tum secundis Temporibus dubii$que semper Rectum esse et ex iis, quae docuit sagax Vsus magister quaéque pericula Ipsa ante monstrarunt, perinde Consulere ac sapere est necesse.

E

Qui sapiens rerum esse humanarum uelit

| i

rhetoricis dialecticisque

|

[non libris solis neque] disciplinis

|

opus esse eum uersari quoque exercerique in rebus

comminus noscendis periclitandisque

eaque omnia acta et euenta firmiter [meminisse] et proinde sapere atque consulere v. 16), ex his quae pericula ipsa rerum docuerint

(- Bocchi,

663

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

La liberté la plus frappante prise avec l'original d'Aulu-Gelle est constituée par l'apparition, aux v. 13-14, d'une personnification d' Vsus, qualifié de sagax et de magister (sans doute un clin d'oeil à Pio, qui, de magister sagax de Bocchi, devient à son tour dans le poéme l'éléve qui aspire à devenir sapiens). Cette personnification prépare la derniére Strophe (9) du poéme emblématique (v.37-40) qui clót la réflexion sur une généalogie mythographique : Sapientia est fille d'Vsus et de Memoria, comme le rappelle Aulu-Gelle (13, 8, 1 et 3), citant les

deux vers d' Afranius (298 Ribbeck) : Le poéte Afranius a proposé une opinion remarquable et pleine de vérité sur la conception et l'acquisition de la

sagesse, en disant qu'elle était fille d'Usage et de Mémoire [ ... ] :

Usage m'engendra, Mémoire me fit naítre, Les Grecs Sophia me nomment, et vous Sapience.

Les vers 17-24 (Strophes s et 6), qui constituent la suite du poéme emblématique, ne présentent pas de source gellienne directe, mais constituent en réalité une libre variation sur les strophes précédentes, en particulier 3 et 4: aux acta et euenta du v. 9 se substituent les dicta et facta des vers 17-18 ; la formule alti sub penetralibus/

Seruare cordis des v.10-11, qui amplifiait déjà le simple meminisse chez Aulu-Gelle, se transforme dans l'expression Secum reuoluens cuncta au v. 19, pour désigner le travail de thésaurisation de la mémoire. Mais c'est surtout sur le travail du temps que Bocchi insiste (il l'avait fait avec la répétition de l'adverbe diu aux v. 5 et 6, repris au v. 18, et avec le dum uiuit au v. 10), lorsqu'il évoque de maniere périphrastique le jour et la nuit qui se succeédent (v. 21-22), avant de donner un contenu plus éthique aux termes gelliens Consulere ac sapere du v. 16, sous la forme de l'expression quin expetenda/ Aut fugienda repenté norit. Cette formule alternative, absente chez Aulu-Gelle et qui offre le choix entre deux possibilités morales

(le vice à fuir, la vertu à choisir), évoque

l'apologue de Prodicus sur Hercule à la croisée des chemins, dont nous reparlerons un peu plus tard. Les strophes 7 et 8 proposent d'évoquer les deux réalisations mythico-historiques les plus frappantes (hinc, v. 25 et 27) du portrait idéal du sage qui nous est brossé ici, un sage non pas contemplatif, mais actif, c'est-à-dire qui

voyage. Les sophi dicti du v. 26 rappellent le terme sophia du texte d'Afranius, mais permettent d'appeler le nom

le plus attendu dans ce contexte, Pythagore, dont Cicéron dit justement qu'il fut l'inventeur de la philosophia au début du livre 5 ($3) des Tusculanes'?**, Cette sagesse active acquise dans l'expérience et non dans les livres

trouve sa consécration dans l'exemple du philosophe-voyageur que fut Pythagore, dont les sources anciennes célébrent à l'envie le parcours géographique, doublé d'un parcours scientifique et philosophique (voir notes aux v.29-32). Notons que Pythagore passait en outre pour étre l'inventeur du Upsilon, le fameux «Y pythagoricien », dont les deux branches dessinent symboliquement l'alternative d'un parcours de vie (cf. PERS., 3, 56-57 ; AVS., Techn., 13, 9, etc.) un biuium, entre vice et vertu, austérité et plaisir, ou encore, à la Renaissance, vie active et vie contemplative : dés l'Antiquité, puis à la Renaissance, en particulier avec Coluccio Salutati ou Pétrarque, cet embranchement est mis en relation avec l'image des deux routes hésiodiques (Op., 287-295) ou

bien avec le récit de Prodicos d'Hercule à la croisée des chemins, repris par Xénophon (Mem, 2, 1, 21-34) et

Cicéron (Off., 1, 32, 118)/?9*.

Aprés Pythagore, c'est au tour d'Ulysse (strophe 8) de se présenter comme sage-voyageur'??^. Le personnage est évoqué par Bocchi à travers deux références à Horace, une à l'Art poétique (141-142), qui réécrit le début de 1988 Voir aussi D. L., 8, 8 et surtout 1, 12, qui attribue le propos à Héraclide Pontique ; VAL. MAX., 8, 7, 2

‘ Voir F. De Ruyt, « L'idée de biuium et le symbole pythagoricien de la lettre Y », Revue Belge de Philologie et d'Histoire, 10, 1931, p. 137-144;

E. Panofsky, Hercule à la croisée des chemins, Paris, 1999 (pour la traduction francaise), et G. H. Tucker, Homo

Displacement and Writing in Renaissance Europe, Genéve, 2003, p. 79-100 « Pythagoras's Y: a Visual Symbol ») ; T. E. Mommsen,

Courtault Institutes, 16, 1953, p. 178-192.

uiator. Itineraries of Exile,

(« Hercules in biuio: the Legacy of a Moral Paradigm » ;

« Petrarch and the Story of the Choice of Hercules », Journal of the Warburg and

Sur l'importance de ce personnage dans la conception littéraire et intellectuelle du voyage à la Renaissance, voir par ex. G. Defaux, Le curieux, le glorieux et la sagesse du monde dans la premiére moitié du XVrs. : l'exemple de Panurge (Ulysse, Démosthéne, Empédocle), Lexington (Kentucky), 1982, p. 23-70, qui y voit un modéle du Panurge de Rabelais pour la curiositas, et G. H. Tucker, Homo uiator, p. 6-7, qui expose et éclaire la bibliographie complexe sur le sujet.

664

l'Odyssée, l'autre à l'épitre 1, 2, dédiée à Lollius Maximus, dans laquelle Horace entend démontrer que l' Iliade dit mieux que Chrysippe et Crantor le beau, le laid, l'utile et ce qui ne l'est pas (HOR., Epist, 1, 2, 3: quid sit

pulchrum, quid turpe, quid utile, quid non). Ulysse y est présenté, suivant une lecture allégorique topique'??! que

nous retrouverons dans la gravure (voir infra), comme l'exemple des pouvoirs de uirtus, d'experientia et de sapientia car le héros a connu aspera multa, « bien des épreuves » et bien des tentations, mais sans succomber,

avant de pouvoir savourer la douceur du retour. Les voyages de Pythagore et d'Ulysse rendent hommage aux déplacements multiples de Pio, homo uiator, qui se déplace de ville en ville pour enseigner jusqu'à la fin de sa vie (Bologne, Milan, Bergame, Rome, Lucques), mais aussi à la sagesse et aux vertus développées que de telles pérégrinations lui ont permis de rapporter dans ses foyers, oü il retourne « plein d'usage et raison ». Curieusement, lorsque le regard du lecteur se porte sur la gravure, largement postérieure à l'écriture du texte emblématique (voir annexe) et pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana'??, |a scéne qui se présente à lui ne semble pas avoir de relation dire&e avec le poéme qui l'accompagne, si ce n'est avec l'allusion que fait ce dernier aux voyages d'Ulysse et à l'expérience qu'il en a retirée. Sur l'image, Mercure au caducée (à gauche de trois-quarts profil) vient apporter le móly sous la forme d'une fleur à Ulysse, vu de dos, flanqué sur sa droite de Pallas casquée, qui porte une lance et un bouclier à l’effigie dela Gorgone. Les personnages et la plante sont identifiés par leur nom, inscrit directement sur l'image. Cette image n'est pas éloignée de celles que l'on trouve pour illustrer l'épisode du don du móly dans les autres textes emblématiques, chez Alciat ou chez Coustau (voir infra). Notons que l'épisode est trés connu et apprécié dans les arts picturaux. Ainsi, entre 1553 et 1556, Gerard van Hoorn dit Ornerio peignait au Palazzo Poggi de

Bologne (salle du Polyphéme), d'aprés un dessin de P. Tibaldi, un tableau montrant Ulysse dégainant son épée

et tendant le móly à Circé'??, Mais de quoi s'agit-il ?

L'épisode du don du móly est narré par Homére (Od., 10, 281-308) : juste avant qu'Ulysse ne pénétre chez la magicienne Circé pour délivrer ses compagnons qu'elle a changés en bétes, Hermes lui apparait sous les traits d'un jeune homme et le met en garde contre le danger qu'il va affronter. Pour éviter d'étre transformé en animal, Ulysse devra se munir du pharmakon remis par Hermés (Od., 10, 287 ; 290), qui rendra inefficaces les philtres de

la magicienne. Le dieu arrache alors du sol la plante et en décrit à Ulysse les caractéristiques (physin) : « la racine en est noire, et la fleur, d'un blanc de lait: les dieux la nomment móly: elle est difficile à arracher pour les hommes mortels. Mais les dieux peuvent tout » (Od., 10, 304-306 ; voir aussi OV., Met., 14, 291-292 : Pacifer

11 Voir APVL., Met., 9, 13 : Nec inmerito priscae poeticae diuinus auctor apud Graios summae prudentiae uirum monstrare cupiens multarum ciuitatum obitu et uariorum populorum

cognitu summas

adeptum

uirtutes cecinit. Le texte est cité par Pétrarque dans la Fam., 9, 13, 26-27 (à

Philippe de Vitry), qui précise : Et reuera si experientia doctos facit, si mater est artium, quid artificiosum quidue alta laude dignum speret, qui paterne

domus perpetuus custos fuit ? [... ] At nobilis inque altum nitentis animi est, multas terras et multorum mores hominum uidisse atque obseruasse memoriter. Voir également PÉTRARQUE, Rerum memorandarum libri, 5, 87, 1 Billanovich : Homerus Vlixem suum, sub cuius nomine uirum fortem ac sapientem uult intelligi, terra marique iactatum fecit et carminibus suis toto pene orbe circumtulit. Quod imitatus uates noster Eneam quoque suum

per diuersa terrarum circumducit. Vterque consulto : uix enim fieri potest ut aut sapientia contingat inexperto aut experientia ei qui multa non uiderit. Vidisse autem multa herenti in uno terrarum angulo uix potest euenire, « Homére, sous le nom d'Ulysse, souhaite que l'on entende l'homme courageux et sage ; il l'a représenté ballotté sur terre et sur mer et, dans ses poémes, lui fait parcourir presque la totalité du globe. Notre poéte

[Virgile] a imité ce point et conduit aussi son héros Énée à travers la diversité du monde. Pour chacun de ces deux poétes, c'est à dessein : il est

pratiquement

impossible

soit que la sagesse advienne

à un homme

sans expérience, soit que l'expérience advienne

à celui qui n'a pas vu

beaucoup. Et voir beaucoup ne peut que difficilement arriver à quelqu'un qui s'accroche à un petit coin de terre ». Sur la vision d'Ulysse et d'Énée vus par Pétrarque à travers la lecture de Dante, on se reportera aux articles de M. Feo, « Un Ulisse in Terrasanta », Rivista di Cultura classica e medioevale, 19, 1977 : Miscellanea di studi in memoria di Marino Barchiesi, p. 383-388 ; E. Fenzi, « Tra Dante e Petrarca : il fantasma di Ulisse », in Id., Studi petrarcheschi, Florence, 2003, ch. 14, p. 493-517 ; Id., « Petrarca, Dante, Ulisse. Nota per una interpretazione della Fam. XXI 15 a Giovanni Boccacio », dans M. Brock, F. Furlan, F. La Brasca (dir.), La bibliothéque de Pétrarque. Livres et auteurs autour d'un humaniste. Actes du IIe congrés international sciences et arts, philologie et politique à la Renaissance, 27-29 novembre 2003, Brepols, 2011, p. 197-234. 9?! Voir e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 20, n? 76 (s CXXVII). 1993 Voir M, Lorandi, Il mito di Ulisse nella pittura a fresca del Cinquecento italiano, Bergame, 1995, p. 400-461 rattache le dessin de Tibaldi à la « cultura esoterica bolognese » autour de Béroalde et de Pio, et mentionne l'embléme de Bocchi dont il n'évoque que l'image et la dédicace.

Voir V. Fortunati, « Il mito di Ulisse nei dipinti murali di Pellegrino Tibaldi a Palazzo Poggi. Iconografia e stile tra civiltà dell'emblema e Scienze enciclopedica » dans L. Capodieci, Ph. Ford (dir.), Homére à la Renaissance : mythe et transfiguration, Actes du colloque Omero nel Rinascimento (Rome, Villa Médicis, 27-29 novembre 2008), Rome/Paris, 2011, p. 161-173.

665

Les Questions symboliques d'Achille Bocchi (1555) — tome 2

huic dederat Cyllenius album ; / Moly uocant superi ; Nigra redice tenetur )'^"'. Pourquoi faire apparaitre Pallas dans

la gravure de l'embléme, alors qu'elle n'est pas mentionnée chez Homére ? N'étant pas impliquée dans le scénario narratif homérique, il faut lui supposer un róle diacritique, celui de permettre l'identification du héros à ses cótés: Athéna est en effet la déesse tutélaire d'Ulysse, comme Vénus l'est pour Énée. Sur la gravure de l'embléme d'ailleurs, elle ne joue pas de róle dramatique. On notera toutefois que la présence conjuguée de Pallas et de Mercure renvoie implicitement à la double protection de l'Hermathena Bocchiana (voir Symb. 102) : sur Ulysse veillent donc le logos et son double équivalent latin, ratio et oratio, la parole et la pensée. Pourquoi avoir choisi pour motif de l'image cet épisode spécifique de l'Odyssée d'Homére, alors que le texte emblématique ne l'évoque pas dire&ement, méme s'il parle de maniére trés générale des voyages d'Ulysse qui lui ont permis de voir le monde ?

La lecture des périples d'Ulysse à la Renaissance, de Dante à Landino, de Dorat à Du Bellay!'”, suit une

tradition allégorique trés ancienne, résumée clairement par Héraclite Pontique, qui entend défendre Homére contre les accusations d'impiété (All., 70, 1-2) : « Toute l'errance d'Ulysse, pour qui consent à y regarder avec attention, se révéle étre un récit allégorique. En faconnant Ulysse comme un instrument de toutes les vertus, Homére expose par ce biais un contenu philosophique, car il hait les vices qui corrompent la vie humaine ». Cette tradition voit dans le trajet du héros grec une initiation à la sagesse, ainsi qu'un parcours de vie philosophique qui met en jeu vertus morales et qualités rhétoriques pour lutter contre toutes sortes de dangers et de tentations (voir les citations d'Horace supra) : Ulysse se transforme successivement en sage cynique,

Stoicien, néoplatonicien et chrétien '9*, L'interprétation d'Héraclite est éthique. Pour lui, en effet, le kykeón oà Circé mélange ses philtres n'est autre que

la coupe de la volupté (hédonés) et un symbole de la vie oisive (tryphén) qui amène les compagnons d'Ulysse à

se goinfrer et les transforme en porcs, à l'exception d'Euryloque qui ne boit pas et peut ainsi retourner prévenir

Ulysse, resté au bateau (cf. All., 72, 2). Hermés, qui vient mettre Ulysse en garde et lui offrir la plante-reméde, symbolise, comme son nom l'indique (All, 72, 4), la parole raisonnable (emphrón logos) qui interpréte les pensées (jeu de mots entre Hermés et herméneuein, « expliquer » )!°7, Cette parole apaisante vient conseiller le 194 — Sur cette plante mythologique, ses sources littéraires antiques et sa symbolique, voir la trés compléte étude de H. Rhaner, « Die seelenheilende Blume, Moly und Mandragore in antiker und christlichen Symbolik », Eranos Jahrbuch, 12, 1945, p. 118-239 ; Id, Mythes grecs et

mystéres chrétiens, Paris, 1954. On pourra consulter également également G.-Ch. Picard, « Ulysse et le moly », Revue archéologique, 2, 1946,

p. 156-157 ; J. André, « Pythagorisme et botanique », Revue de Philologie, 32, 1958, p. 218-243, en particulier p. 233-241 ; K. Ziegler, « Moly », Der Kleine Pauly, t. ll, p. 1403 ; A. Steier, « Móly » dans RE, t. XVI-1, 1933, col. 29-33 ; J. Stannard, « The Plant called " moly " », Osiris, 14, 1962, p. 254-307.

- Sur l'intérét culturel de l'enquéte onomastique, voir J. André, Les noms de plantes dans la Rome antique, Paris, 1985, s. v. « Móly », p. 3-4; Ch. de Lamberterie, « Grec homérique MOAY : étymologie et poétique », Lalies, 6, 1988, p. 129-138; F. Bader, « La langue des dieux: hermétisme et autobiographie », Les Etudes Classiques, 58, 1990, p. 3-26.

- Sur la réalité biologique de cette plante que l'on identifie aujourd'hui avec la nivéole d'été qui pousse dans une aire trés circonscrite du nord

de l'Arcadie, voir M. Dorie, « Les plantes magiques de l'Odyssée. Lotos et moly », Revue d'histoire de la pharmacie, 55/195, 1967, p. 573-5845 M. Mahé, H.-P. Reveillére, A. Foucaud, Revue d'histoire de la pharmacie, 56/199, 1968, p. 181-185 ; J. Clay, « The Planktai and Moly : Divine Naming and Knowing in Homer », Hermes, 100, 1972, Pp. 127-131 ; S. Amigues, « Des plantes nommées moly », Journal des savants, 1995, 1,

P. 3-29 ; J. Cuisenier, « Lotus et moly : deux plantes énigmatiques chez Homére », Cahiers de littérature orale, 53-54, 2003, p. 17-47.

1995 Voir G. H. Tucker, Homo uiator, p. 54-63. 1996 VoirJ. Pépin, Mythe et allégorie. Les origines grecques et les contestations judéo-chrétiennes, Paris, 1958, p. 107, 110-111; Id., « The Platonic and

Christian Ulysses », in H. Bloom (dir.), Ulysses/Odysseus, New York/Philadelphie, 1991, p. 228-248 ; F. Buffiére, Les mythes d'Homére et la

pensée grecque, Paris, 1973 (1956), p. 365-391 : « Un idéal d'humanité : Ulysse ». 197 Pour le móly comme reméde aux passions, voir A. G., 15, 12 (de Léon le Philosophe, trad. F. Buffiére : Anthologie grecque, t. XII, Paris, 1970; p. 128) : « Loin de moi, antre obscur de Circé : je rougis,/ Fils du ciel, de manger des glands comme une béte./ [...] Je prie le ciel pour obtenir

du ciel la fleur qui sauve,/ Le móly, ce reméde aux doctrines du mal ». L'origine semble en étre un propos de Cléanthe (fr. 526 Arnim), cité par

le sophiste Apollonios (Lex. Hom., Bekker, 114), qui explique que le móly symbolise allégoriquement le logos, $U o6 uwAbovrai ai ópyal xai và ná8, « gráce auquel les impulsions et les passions s'affaiblissent » (Voir H. Rhaner, « Die seelenheilende Blume », p. 134 et F. Buffiére, Les mythes d'Homére, p. 292). De méme, pour Porphyre (in STOB., Ecl., 1, 49, 60), les hommes transformés en bétes par Circé constituent une image des ámes qui, en s'incarnant, cédent aux mauvais appétits du thymos : face à la coupe de la génération, le seul reméde, c'est précisément la chance et la sagesse (MáAoxa 10g u£v sbrvxíac al Yroxat 8£ovrat xoMjc 5E ctpocóvrc). Voir F. Buffiére, Les mythes d'Homére, p. 513. Pour Maxime de Tyr (Or., 29, 6 Hobbein), le móly, c'est la vertu et la force qu'elle concéde (Apeci] oótet kai tò 5U éxelvnv 0ápooc) : elle permet à

666

"Traduction, annotation, commentaire — Livre V

calme et la prudence

à Ulysse, qui, en colére, s'appréte à la vengeance

aprés la métamorphose

de ses

compagnons (All., 73, 1). Quant au móly, que les hommes arrachent avec peine de la terre, Héraclite en fait un symbole de la phronésis (All, 73, 10-11) la « prudence », en recourant à l'étymologie, ou plutót à la paronymie,

pour expliquer que « seuls » (monous) les hommes la possédent, ou plutót qu'elle vient « difficilement » (molis) à un petit nombre d'entre eux. Héraclite n'omet pas d'interpréter l'opposition entre la fleur blanche et la racine noire difficile à arracher, et il propose la lecture suivante ( All., 73, 13) : Tous les biens de cette nature (celle de la phronésis) présentent en général des commencements ardus et difficiles ;

mais si, avec courage, on supporte bravement la souffrance du début, le fruit qu'apportent les avantages est proportionnellement agréable, lorsqu'il parait à la lumiere.

Il s'agit là d'une lecture traditionnelle de l'opposition racine/fleur ou fruit, renforcée par l'opposition chromatique blanc/noir, et celle amer/doux, le tout pris dans un processus biologique lent de maturation : la fleur ou le fruit est ce qui pousse et que l'on voit en dernier, tandis que la racine, réservoir nutritif et origine de la

vie, reste invisible'^?*. La racine sombre, début de la vie de la plante, est placée dans l'obscurité et promet par sa

couleur peine et difficulté ; le fruit clair, plein épanouissement du végétal, parait à la lumiére et apporte la délectation. On trouve les mémes oppositions dans l'interprétation allégorique donnée par Eustathe qui fait d'Hermés le logos, et du móly, véritable don divin, la paideia, « l'éducation », qui se réalise suite à l'effort

(Comm. in Od., t. I, p. 381, Stallbaum, v. 277 : óc è udÀov ... reptyvyvoyévn). Eustathe précise qu'à l'incertitude

informe, obscure et désagréable du début, indiqué par la racine noire (ibid. : Ob uwAvos1) uèv pta u&Aatva 8ià 1ó olov oxotetvóv xai 8voópaxov 109 téAovg vàv évapyouévov tfjc xat8g(ac, kal dà vobxvo Bvo£vrevkrov xai ob8è

7180/7). succede l'éclat du succés et de l'accomplissement, générateur de plaisir, que signale la fleur blanche (Tó

8é ye uwhvog &vOoc Aevxóv kaxà yáAa Bià tijv o0 x£Aovc qaiBpótryra kai Aauzpótrra, rjór| $è kal à rj8b xai

1pógiuov?"?). La racine difficile à arracher car parvenir au sommet dans son art coüte toujours un extréme effort, comme pour la vertu (ibid. : xaXenóv $è ópócottv 1ó uGÀv xal éozüv uéxpt népatog pitns, éxel maie(ac áxpoc, Qozep kal áperfjo, Svoyepég &fevpeiv). On notera que l'opposition racine-fleur, doublée de celle obscuritélumiére évoque le processus méme de l'allégorie et constitue un relais de l'image noyau-écorce.

À la Renaissance, Alciat puis Pierre Coustau’°! réservent un embléme à la plante miraculeuse. Alciat en fait un symbole de la facundia difficilis. L'embléme apparait pour la premiére fois dans l'édition vénitienne de 1546

(£. 13v.). L'image (Fig. 1) en est une fleur immense à la corolle déployée, avec une longue racine visible, qui prend place dans un paysage. Comme elle est peu lisible, les autres éditions lui substitueront la scéne oü Ulysse en armes, épée au cóté (l'épée joue un róle dans les mesures prophylactiques qu'Hermés conseille à Ulysse dans

l'Odyssée 10, 294-295), regoit la plante des mains de Mercure (Fig. 2).

Alciat, aprés avoir rappelé dans le premier distique que la plante fut donnée par Mercure à Ulysse comme

antidote aux poisons de Circé/"? rappelle dans le second distique qu'elle porte le nom de móly, puis se livre à un

jeu chromatique : en évoquant la difficulté à l'arracher par sa racine noire (v. 3 : [...] id uix radice euellitur atra), il renvoie à la paronymie du pseudo-Héraclite mentionnée supra et au rapprochement avec l'adverbe grec molis,

« avec peine ». Puis il signale que la fleur est purpureus, pourpre, et lactis instar, comme le lait (v. 4). Le dernier

Ulysse de se sauver de tous les malleurs qui l'assaillent, en particulier dans le palais de Circé. Voir H. Rhaner, « Die seelenheilende Blume », P. 139.

1998 Sur cette réflexion topique qui n'est pas sans rappeler le fonctionnement du langage allégorique lui-méme, voir AVG., Mor. in Iob, 8, 48, 81: Quid enim radicum nomine nisi latentes cogitationes accipimus, quae in occulto prodeunt, sed in ostensione operum per apertum surgunt ? 1999 « La racine du móly est noire du fait qu'au commencement de l'éducation, son terme est è combien enveloppé de ténébres et difficile à voir,

et, de ce fait, d'un abord difficile et sans agrément ».

99 «En revanche, la fleur du móly est agréable et satisfaisant ». x COUSTAU, Pegma, Lyon, 1555, p. 245 2 Antidotum Aeaeae medicata in pocula l'habitant d'Ithaque cette plante comme « Ééa

.

blanche comme le lait car le terme de l'éducation nous apparait brillant et étincelant, et donc déjà : « In herbam moly ex Homero. Magnae res sine magnis periculis non fiunt ». Circes/ Mercurium hoc Ithaco fama dedisse fuit : « Il y eut une légende selon laquelle Mercure offrit à antidote aux coupes empoisonnées de Circé d'Ééa. L'adjectif Aeaeus renvoie à l'ile d'Aeaea ou Aiaia,

».

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

distique se livre à l'interprétation de l'opposition chromatique et biologique entre fleur et racine : le blanc de la fleur est associé à l'eloquii candor, « l'éclat de l'éloquence », qui séduit tout le monde (allicit omnes), tandis que

la racine sombre signale un opus multi laboris, un « résultat qui suppose bien de l'effort ». Alciat reprend à nouveau une partie de l'exégese du pseudo-Héraclite (voir supra) qui voit dans l'opposition complémentaire des deux couleurs le processus qui méne de débuts difficiles à un accomplissement plaisant. Faire du móly un symbole de l'éloquence n'est pas éloigné de l'interprétation platonico-stoicienne qui voyait dans la plante donnée par Mercure le signe des effets du logos voire le logos lui-méme (à la fois discours et esprit) calmant les passions. La mention de la flos couleur de lait renvoie en outre à la métaphore topique des flores eloquentiae, les figures de rhétorique qui parent le discours d'un éclat et d'un brillant singuliers (candor eloquii), mais dont le juste usage ne peut s'acquérir qu'avec la maturation, le temps et surtout, beaucoup d'effort et de travail.

figure de Darius haranguant ses troupes avant la bataille d'Issos contre Alexandre : le prestige attaché au combat

dépasse la crainte de tous les dangers, y compris celle de n'en pas revenir vivant". I] s'agit là d'une allusion probable au scholiaste d'Homére qui promet la mort à celui qui arrache le móly"*, ou à Eustathe qui compare le móly et la mandragore mortifere^"*. La gravure (Fig. 3) montre Ulysse ou un sage, pourvu d'un bonnet oriental,

arrachant une touffe fleurie, tandis qu' Hermés apparait dans une nuée.

Fig. 3 > P. CoUSTAU, Pegma, Lyon, Macé Bonhomme, 1555, p. 245 : « In

herbam Moly, ex Homero : magnae res sine magnis periculis non fiunt » © Glasgow University Library.

Si nous revenons à la gravure de l'embléme bocchien, on constate que la présence du titulus (VSVM MAGISTRVM VNVM OPTIMVM) au-dessus de l'image gravée ne laisse pas d'ambiguité sur le sens que Bocchi donne au móly : c'est un symbole d'usus, d'usage, dans sa valeur expérimentale, c'est-à-dire la faculté qui consiste à se frotter aux choses pour en tirer des lecons. Offerte par Mercure, la plante ne renvoie pas seulement à un épisode précis de l'Odyssée (don d'un antidote pour lutter contre les maléfices de Circé), mais sert à traduire de maniere plus générale l'usage intérieur positif qu'Ulysse fait du calvaire de ses errances forcées : l'acquisition d'une sagesse pratique, par opposition à toute forme de connaissance révélée ou théorique""6, Or, usus est Fig. 1 > A. ALCIAT, Emblemata, Venise, Alde, 1546,

f'bsv^ : « Facundia difficilis » © Glasgow University Library.

Fig. 2 » A. ALCIAT, Emblemata, Lyon, Macé Bonhomme et Guillaume Rouille, 1551, p. 195 :

« Facundia difficilis » € Tours, CESR.

Ce candor, cette « blancheur pure » non seulement éblouit tout le monde (allicit omnes, le terme adlicio évoquant d'ailleurs les pouvoirs magiques de l'attraction) mais révéle que l'orateur lui-méme est un uir bonus, en plus d'étre peritus dicendi. Mais, comme souvent chez Alciat, l'embléme prend une tournure plus retorse, avec la mention en début de pentamétre d'une couleur supplémentaire attachée à la fleur du móly, sa teinte purpurine (purpureus), qui vient s'ajouter au blanc ladé, juste aprés la coupe penthémimére. Cette anomalie est porteuse de sens. Ce rouge fait évidemment penser à la pourpre. La fleur est dans ce cas le signe des justes récompenses attachées à un vigoureux labeur : la gloire qui vient couronner l'obscur travail de cabinet de l'orateur. Le rouge fait également penser au sang, le sang et l'eau qu'il a fallu transpirer pendant l'effort, et qui vient teinter la corolle du résultat, montrant ainsi son prix et sa valeur. Mais associé au lait nourricier, le sang de la fleur est aussi le liquide qui porte la vie. À qui la porte-t-il ? Aux auditeurs séduits par le discours ? Ce n'est pas à exclure, bien sür, dans un sens métaphorique. Mais sans doute davantage à celui qui se nourrit de la fleur, c'est-à-dire de son succés, à savoir l'orateur lui-méme, que l'on paie en proportion de ses talents. Les omnes mentionnés par Alciat renvoie donc non seulement au public mais aussi à tous les inconscients qui, sans y réfléchir, se laissent trompeusement séduire par les attraits faciles d'une carriére rhétorique dont ils ne percoivent que l'éclat et les succés : mais pour pouvoir en vivre, il faudra d'abord passer par la racine amére de l'effort. Coustau, dans le texte de son embléme « In herbam moly, ex Homero... », reprend l'opposition entre les débuts

difficiles d'un processus et les plaisirs du succés qui couronnent cet effort, en constituant l'opposition noir/blanc et racine/fleur au sein du móly en symbole des dangers qui jalonnent le chemin de la victoire et en font le prix (v. 8 : Proxima quaerendus damna triumphus habet). Il relaie cette image par celle, agonistique, de la palme qui se

conquiert dans la poussiére de l'aréne. La narratio philosophica donne un sens politique à l'embléme, à travers la

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précisément le terme qui est mis en valeur dans le texte emblématique, comme

fondement de la sapientia, aux

cótés d'experientia (dont il est synonyme) et de memoria. Mais oà Bocchi a-t-il trouvé cette signification du móly ? Sans doute par extension de la valeur de phronésis que le pseudo-Héraclite conférait au végétal. Or Aristote fait justement de la phronésis la vertu qui organise l'action droite et rationnelle (politique en particulier) dans des circonstances changeantes et particuliéres, par opposition à la science qui s'occupe du noncontingent et du général", Aristote souligne en outre que, pour s'accomplir, la phronésis a besoin de la ?95 Thid,, p. 246 : Nam

et multi exercitus eo profecti esse praedicantur, unde se nunquam

redituros confiderent. Tanta est enim in maximis

incitatio, tantumque pugnandi studium, ut victoriae laudem facile omnibus periculis anteponant.

animis

2004 Scholia uetera in Odysseam, 305 (t. II, p. 467 Dindorf) : Qaci $è abxó £kópevov t@ v&Aet ví]c piro Óávarov énigépetv x &vaonavut. 05 EvSTATH., Comm. in Od., t. I, p. 381, Stallbaum, v. 277 : MvOixGg pévtol, yalenóv éaxtv 1) tobtov ópvyr), £nei87] Aóyoc operai, ÉAxóyevov abxó,

Bávarov npóc xà xéAet ijs pilns éxipéperv t@ avaon@vti, óxoióv t kal nepì uav8paryópov Aéyerat. "5 Voir Guillaume BUDÉ, De transitu hellenimi ad christianismum (1535), ll, 207 (trad. M.-M. de la Garanderie, Paris, 1993, p. 191) qui fait de la plante le symbole de la philosophie : « Or les plus savants croient que par le nom de moly qu'il donne à cette plante, Homére a voulu désigner symboliquement la discipline philosophique. Selon eux, ce mortel plus ingénieux qu'aucun autre a pensé que la force de cette discipline et sa vertu étaient telles qu'elles restitueraient enfin à leur premier état et à la nature humaine les mceurs d'hommes dégénérés et redevenus sauvages

ou semblables à des bétes de somme et de troupeaux. »

?9? ARIST., EN., 6, 8, 1141b, 15 (trad. J. Tricot, Paris, 2007, p. 313) : « La prudence n'a pas non plus seulement pour objet les universels, mais elle doit aussi avoir la connaissances des faits particuliers, car elle est de l'ordre de l'action, et l'action a rapport aux choses singuliéres ». Sur l'habileté comme moyen nécessaire de la prudence, dont Périclés est le modéle, voir ibid., 8, 13, 144b, 30, p. 332. Voir P. Aubenque, La prudence chez. Aristote, Paris, 1993 (1963') ; E. Berti « Phronésis et science politique », dans P. Aubenque, A. Tordesillas (dir.), Aristote politique. Études sur la Politique d'Aristote, Paris, 1993, p. 435-459 : P. Ricoeur, « À la gloire de la phronésis », dans J.-Y. Chateau (dir.), La vérité pratique : Aristote, Éthique à Nicomaque, livre 6, Paris, 1997, p. 13-22 ; M. Christine Granjeon, « La prudence d'Aristote : histoire et pérégrinations d'un

concept », Revue francaise de science politique, 49/1, 1999, p. 137-146; J. Noel, « On the Varieties of Phronesis », Educational Philosophy and

Theory, 31, 1999, p- 273-399 ; G. Pearson, « Phronesis as a Mean in the Eudemian Ethics », Oxford Studies in Ancient Philosophy, 32, 2007, P: 273-296 ; G, Romeyer-Derbey, « La prudence d'Aristote », dans Ch. Delsol (dir.), La prudence, Actes du colloque de l'Académie des

Sciences morales et politiques (19 octobre 2007), Paris, 2008, p. 9-22 ; D. Lories, L. Rizzerio (dir.), Le jugement pratique. Autour de la notion de Phronésis, Paris, 2008, ch. 5 : « Du phronimos comme critére de l'action droite chez Aristote ». Pour d'autres références bibliographiques, voir

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

sensation et de se confronter à la réalité concrete : d'oü l'importance que joue dans sa constitution l'expérience (empeiria), qui se fonde sur le sens du passé restitué par la mémoire et sur une longue familiarité (sunétheia) avec les phénoménes""*5 : l'expérience assure ainsi la synthése des sensations contenues dans la mémoire et aboutit à la connaissance d'un singulier-type, permettant ensuite l'exercice de la phronésis, dont Ulysse est le héros exemplaire. Usage, expérience, mémoire : tous ces éléments nous renvoient au texte emblématique et à la genése de la prudentia/sapientia. Mais en qualifiant l'usus de magister optimus, Bocchi semble rattacher également au móly une partie du sens symbolique que lui conférait Eustathe, celui de la paideia, qui instruit dans le temps. Difficile en soi dans ses débuts, comme la racine noire du móly que l'on arrache avec peine, l'obscur usus s'appuie en outre sur la mémoire, celle qui entrepose les représentations dans l'obscurité, avant de les amener à la lumiere de la conscience. L'éléve Bocchi rassure son maitre Pio, exilé loin de Bologne, en assimilant explicitement ses voyages professionnels à l'instruction de Pythagore et aux voyages formateurs d'Ulysse. Cet exil contraint, qui fait partie de la condition du professeur au xvt'siécle, véritable homo uiator (on pense à Alciat lui-méme, ballotté entre la France et l'Italie), est difficile sans doute à vivre pour l'intéressé, tout comme la racine du móly est noire et

difficile à arracher. Mais l'emblématiste lui montre comment cet éloignement constitue une forme obligée

d'apprentissage, qui n'a rien à voir avec la formation scolaire et qui promet une gloire éclatante, matérialisée dans la blancheur de la fleur de móly. Le secret est bien sür dans l'unité organique et diachronique qu'incarne le

végétal lui-méme, de la racine à la fleur : l'un n'ira pas sans l'autre. *

Lettre de Bocchi

ANNEXE 1

à Romolo Amaseo, 29 décembre 1548 (Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 Inf., f^ 24r^)

Venerunt forte fortuna in manus nostras scripta quaedam Io«annis» Baptistae Pii nostri, quae mihi nepos eius ex filio

uendidit. Pietas adegit ut ne Pii praeceptoris olim mei memoriam paterer interire, ea prasertim monimenta quibus

praescriptum nomen habetur Sandtiss Pauli III Pont«ificis» Max«imi» et Alexcandri» Farnesii Card«inalis» amplissimi. Propius nihil est actum quam ut in manus piscatorum uenirent tot et tanti illius eruditissimi uiri labores. Quos sané recognitos in lucem emittere constitui, modo ita tibi ac ipsis praecipué Mecenatibus nostris uideatur. Quare per occasionem utrunque rogabis, huic ut operi edendo benigné et liberaliter adsint.

ANNEXE 2 Lettre de Bocchi à Romolo Amaseo, 25 mars 1549 (Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 Inf., f° 11v?) Ceterüm quod ad Pii lucubrationes attinet, mitto tibi commentariolum quo uniuersa in summam redacta continentur.

Praeposita in primis epistola est nuncupatoria, qua ipse paucis diebus anteà quam e uita excederet, omnia opera dedicauerat Alexandro Farnesio, cuius ipsius ibidem maximé celebrantur laudes. Reliqua cognosces hisce literis ascripta

seorsum. Extant praetereà uersiculi quidam non sané illepidi, nec inuenusti ad Iuturnam Nympham, ad Paulum Pont. Max, ad Leonardum Marsum, quos omnes describendos tibíque legendos et iudicandos curaui. In calce tomi prioris distichon hoc inueni et subrisi. Pius Paulo III : Excubat ante fores Pius, et te uisere feruet, Sole tuo uiuens. Cerberus arcet Iber. Verum de Pio iam satis, et fortasse nimis multa.

Par ailleurs, pour ce qui concerne les ceuvres de Pio, je t'envoie un petit commentaire oü tout a été consigné

dans l'ordre. J'ai placé en premiére place l'épitre mourir, offrait tous ses travaux à Alexandre Farnése Tu découvriras tout le reste, qui est écrit à part sur manquent pas de gráce ni de charme, adressés à la occupé de les retranscrire tous pour te les donner distique suivant, qui m'a fait sourire : Pio à Paul III,

dédicatoire dans laquelle lui-méme, peu de jour avant de et oü les louanges de ce prince sont abondamment chantées. cette lettre. On remarque en outre certains petits vers qui ne nymphe Juturne, à Paul III, à Leonardus Marsus : je me suis à lire et à apprécier. À la fin du tome premier, j'ai trouvé le

Pio est couché devant ta porte, et il brüle de te voir,

Vivant gráce à ton soleil. Mais son Cerbére ibérien l'en empéche. Mais en voilà assez sur Pio, et peut-étre est-ce déjà trop.

Le hasard a fait parvenir entre nos mains certains écrits de notre Giovanni Battista Pio, que son neveu m'a vendus, aprés les avoir recus du fils de Pio. La piété m'a poussé à ne pas accepter que périsse la mémoire de Pio qui fut jadis mon précepteur, en particulier ces monuments littéraires qui portent inscrit en en-téte les noms du

trés saint pére Paul III et du trés grand cardinal Alexandre Farnése. Il s'en e&t fallu de peu que les travaux si nombreux et si importants de cet humaniste fort savant ne tombassent entre les mains de poissonniers ! Une fois

que je les ai eu pleinement identifiés, j'ai décidé de les publier, à la condition que cela vous paraisse bon, à toi et

surtout à mes mécénes. C'est pourquoi, à l'occasion, tu leur demanderas qu'ils participent avec bonté et générosité à la publication du travail. *

la rubrique « Practical Wisdom » mise en ligne par le « Center for Contemporary Aristotelian Studies in Ethics and Politics » sur le site de la

Metropolitan University de Londres, accessible à l'adresse suivante :

http ://www.londonmet.ac.uk/ depts/lgir/research-centres/ casep/research-resources/a ristotelian-ethics /practical-wisdom.cfm» ?** ARIST., Met., A, 1, 980b, 30 : « C'est de la mémoire que provient l'expérience pour les hommes : en effet, une multiplicité de souvenirs de la

méme chose en arrive à constituer finalement une seule expérience ». Sur ces notions de mémoire et d'expérience, et leurs relations avec la prudence, voir M. Siggen, L'expérience chez Aristote. Aux confins des connaissances sensible et intellectuelle en perspective aristotélicienne, Berne, 2008, en particulier p. 159-185 et 407-412.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Symb. 130 Gravure :

LA FOI DONNE LE BIEN SUPRÉME, L'AMOUR INTIME POUR DIEU DONNE LA FOI, DIEU À SON TOUR, DÜMENT HONORÉ, ACCORDE TOUT

Sur l'image : — L'esprit vivifie

35

40

— La lettre tue

— De pierre d'angle, nul ne peut en placer d'autre que celle qui est déjà installée

À ANDREA CASALI, SÉNATEUR BOLONAIS

45

10

Mais à la permanente vigueur de l'auguste clarté

50

15

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65

70

Qui nous unit à Lui quand sa force a frappé nos coeurs.

Bien que l'humaine faculté, sans la clarté supréme, Ne puisse voir par soi les divines réalités,

Devons écrire et discourir, pour garder l'espérance, Non de pouvoir montrer ce qui ne peut étre montré, Mais d'exhorter, de préparer les esprits plus encore, Et, pas à pas, mener leur Mens à atteindre l'état Oü s'ouvre enfin pour elle, de toute sa hauteur, le siége

Du tout-puissant Olympe, où elle peut licitement s'emparer d'un monde meilleur.

Ò vaines craintes des hommes, ó poitrines aveugles, Qui préférez la science sans conscience de la nature,

Veulent que Foi soit vue comme verbe né de leur bouche, Qu'on leur confie en offrande le sanctuaire d'un cceur Sincére et qu'une fois qu'ont été obstrués les sens,

Nous nous attachions à croire que sont vraiment heureux Ceux qui décident de placer dans le Pére supréme

75

Matiére l'entraine, et le détache du Dieu Trés-Haut, L'étre le plus immobile, le plus puissant au monde,

Leur confiance et de le chérir du fond de leurs entrailles. Il n'est pour nous plus rien d'obscur, car soudain la divine Lumiére point, qui dissipe d'une nuit trés épaisse

L'ensemble des ténébres et fait voir la cause des causes ; De cette source éternelle, Science parfaite, Gráce,

L'étre qui se tient le plus éloigné de la matiére,

Par l'entendement humain, son jugement, sa méthode, Car l'infini est sans rapport avec la finitude.

| |

L'étude pointue de l'esprit, à la Foi sainte, calme Et tranquille. Depuis longtemps, Raison et vraie Sagesse

Les chantres inspirés, en choeur, exigent donc toujours Que, de tous les rituels sacrés, les profanes s'écartent,

Et c'est avec raison, s'il est vrai qu'une passion folle, Troublant l'esprit du sot peuple, violemment le déchire Entre des désirs contraires, vers l'horrible et pesante

L'audacieux Prométhée, croit-on, prit le feu au palais D'éther, sous l'ceil de Pallas, sans qui nous mourons de froid

Ni méme les traduire en mots, les confier au papier, Nous, cependant, pieuse assemblée, sans cesse à leur sujet

Marche sur la voie du crime et de la fureur impie, Qui le conduit jusqu'à nier que Dieu soit tout-puissant,

Qui se laisse le moins saisir, ou le moins limiter

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55

Mais il faut tout d’abord que sa quéte commence bien,

Ou bien à soutenir sur Lui de faux propos qui tuent Soudain la vraie religion et les bases de tous biens. En revanche, aussitót, toutes sortes de maux pro$spérent.

|

Du supréme Tonnant, Pallas, dit-on, est la sagesse

Rien ne s'oppose plus que le froid Tartare du sombre Dis et les murailles en feu du ciel qu'ornent les astres.

Car qui ne s'est pas purifié par trois fois par de süres Expiations et par de süres régles d'apprentissage,

|

Qu'aux coeurs purs verse le ciel. Pour donner la vie aux hommes

Et ne sommes qu épais limon et poids sans intérét.

Liés à sa nature : sens et monde sensible, ou formes

En partant loin de là, l'esprit se force un jour lui-méme À errer, à penser et dire le faux sur les dieux. Tout homme qui souhaite, avisé, embrasser le vrai Bien, Et jouir un jour de lui, doit quitter le monde terrestre, Visant au point supréme par supréme effort et désir.

Là oü elle montre aux gens pieux d'admirables énigmes,

Qu'il est impie de révéler à de pauvres mortels.

À nos inventions les mystéres par nous accueillis,

Il ne le saisit point dans le spectacle des objets

Que les ámes, à leur contact, engendrent bien souvent. Des réalités divines, tout cela est fort loin :

| I

Selons les sages, il ne faut donc point attribuer

S'il s'observe bien lui-méme ; ce divin, cependant,

5

|

Dont le soleil nous sauve d'un cachot sombre et des nuages, Quand nous a embrasés l'amour de l'immortelle vie,

QUICONQUE DÉSIRE LE BIEN SUPRÉME AVANT TOUT DOIT RECHERCHER LES SUPRÉMES RÉALITÉS Qu'un esprit divin vive en nous, généreux Casali, Puisqu'il désire le divin, c'est là une évidence,

Bien que notre intellect, s'il est actif, ne puisse atteindre Dieu, cependant parfois il le concoit, s'il est passif, Quand l'auteur généreux de la clarté impérissable Le remplit de son souffle, pourvu que la Mens tout entiére Se rassemble en sa pointe, qui est, dit-on, la fleur splendide, La nature intrinséque de l'àme et son centre secret. Il se dessine alors l'image de cette substance Simple de Dieu, qui régit tout d'un seul signe de téte,

80

Ferme Salut, Vertu, Gloire, Paix, Vie, Liberté d'or

Ainsi que des joies immenses viennent à s'épancher :

Tant, tirés d'elle seule, la juste Foi détient de biens ! Salut, fille vénérable de la haute Piété,

673

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Sans qui rien ne peut étre sauf, rien ne peut étre aimable. Nous te vénérons. Viens nous aider dans nos entreprises 85

-v.4-$8: - dum quae cognata sibi sunt... aspicit] M. B. Illuminati p. 224 traduit la proposition comme une conditionnelle dont les sujets seraient animus et illa diuina (« sebbene l'animo e il divino siano somiglianti » ) alors que le sujet est toujours animus et qu'il faut traduire le dum par une temporelle de durée « tant que », « aussi longtemps que ». La proposition se construit ainsi : dum (ea) aspicit quae cognata sibi sunt, hoc est sensus et sensilia, « tant que l'esprit porte les yeux vers les objets qui sont de méme nature que lui, c'est-à-dire les sens et le sensible ».

Ó illustre vertu, car les dons immortels du Bien

Supréme, l'homme est seul à en jouir, dés que, gráce à toi,

Illes comprend, les veut, les a. Seul, aux étres vivants, Aux montagnes, à l'océan, aux astres il commande.

- hoc est aut sensus et sensilia] M. B. Illuminati P. 224 fait de ce hoc est le départ d'une nouvelle phrase et d'une

MÉTRIQUE Hexameétres dactyliques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS — Il existe une premiére version du poéme, classée par erreur dans un recueil de lettres autographes de Romolo Amaseo conservées à l'Ambrosienne de Milan sous la cote A 179 inf. Le poéme, copié sur deux pages (f 1 r°-v°;

199 r?-v^), ouvre et ferme le recueil. Dans la dédicace de ce poéme manuscrit, il n'est pas fait mention du titre de

sénateur que Andrea Casali obtient en 1525 mais seulement de son titre de chevalier de l'ordre de Saint-Lazare

de Jérusalem""?, On peut donc situer la premiere composition du texte avant cette date, et la dédicace du recueil emblématique (où le titre est mentionné) aprés.

- v. 87 : animantum ] préférable, pour des raisons métriques, à animantium (finale iambique) proposé par 1574. NorES -tit. ict. RITE IPSE CVLTVS OMNIA] M. B. Illuminati p.224 interpréte cultus religione infine, assicura il possesso di tutti i beni ». Il s'agit en réalité d'un participe adverbe (rite), et apposé à ipse, qui reprend Deus : « Et Dieu, à son tour, s'il es honoré tous les biens ». - ded. carm. : ANDREAE CASALIO SENATORI BONONIEN«SI»] Andrea Casali,

nouvelle proposition principale (« Ciò significa che l'animo considera o solo i sensi, etc »), alors qu'il s'agit de préciser le sens de l'expression quae cognata sibi sunt, « [les objets qui sont de méme nature que lui], c'est-à-dire les sens et le sensible ».

-v.8: Ditis] Dis ou Pluton est Hadés, le roi des Enfers, « riche » (ploutos) des àmes innombrables descendent dans son royaume. Sur la confusion entre Hadés et Ploutos, cf. BOCCACE, Genealogia, 8, 4 et 6.

qui

-v.9: mundi] Le terme mundus recouvre ici la double acception du kosmos grec, à la fois ciel et parure, et désigne ici le ciel paré par les astres. - v. 71 : commendanda] Le terme s'applique aux objets sacrés et sanctuaires. Cf. VERG., Aen., 2, 293.

- v. 74: medullis] Le terme est employé en contexte amoureux dans la poésie élégiaque ; cf. PROP., 1, 9, 19.

ANALYSE?! La gravure et son titulus, sur lesquels nous reviendrons, mettent en valeur l'idée de Fides, de « Foi », comme

comme un nom: «la parfait, complété par un selon les régles, accorde fils de Francesco et de

Ginevra Aldrovandi est né à la fin du xv* siécle?""", Sa famille, qui n'a obtenu la citoyenneté bolonaise qu'en

1454, entretient des liens privilégiés avec le Saint-Siége : par exemple, l'oncle d'Andrea fut protonotaire et secrétaire apostolique d'Innocent VIII et d'Alexandre VI. En 1516, Andrea Casali est fait comte de Mongiorgio par Clément VII qui rencontre alors Frangois I* à Bologne pour signer le Concordat du méme nom.

Clément VII veut s'assurer les faveurs de la noblesse bolonaise, qui n'a pas encore oublié la domination des

Bentivoglio. Mais Casali donne rapidement une preuve de sa fidélité au pape en défendant sa cité en 1522, aux cótés de Camillo Gozzadini et Filippo Pepoli, contre la tentative de reconquéte d'Annibale Bentivoglio. Pour le

récompenser, Clément VII le nomme en 1525 sénateur de Bologne, oü il succéde à Lodovico Foscherari. En 1529, Casali recoit le commandement militaire de la région des Apennins placée sous contróle bolonais et, aux cótés des troupes impériales et papales, entre dans Florence en 1530. À cette date, Casali méne avec succés une mission secréte auprés de personnalités sénatoriales ou universitaires bolonaises, aux cótés de l'ambassadeur

d'Henri VIII, Richard Crook, afin d'obtenir un décret favorable de la part du Collége bolonais des juristes et

théologiens sur la question du divorce d'Henri VIIL auquel Charles Quint, présent à Bologne, est totalement hostile. En 1532, Casali est nommé colonel des munitions et de la garde du palais du cardinal-légat de Bologne et le Sénat le promeut gonfalonier de justice en 1535, distinction qu'il lui avait déjà accordée en 1525 et qu'il lui renouvellera en 1545. Il meurt à Bologne en 1550.

- v. 3: cernat] M. B. Illuminati p. 224 ne voit pas que le sujet de cernat (v. 3) est animus et traduit par un relatif indéfini « chi attentamente considera se stesso».

summum bonum, « bien supréme », et sa personnification allégorique. Le poéme s'organise autour d'une concaténation de notions philosophico-religieuses, qui mélent au paganisme antique un christianisme diffus. Rappelons les moments essentiels du texte sous forme d'un tableau : V. 1-14 : V. 15-22: V. 23-33: V. 34743:

Divinité de l'esprit humain lorsqu'il aspire au monde céleste, dont il est issu, et qu'il se dégage de la matiére. Cette quéte volontaire fait courir à l'esprit le risque d'un supréme sacrilége : nier la

toute-puissance divine.

D'oü la recommandation des chantres prophétes (fatidici uates) de l'Antiquité d'exclure la foule profane dont l'esprit, contaminé par les passions, est inapte à s'élever. L'esprit humain n'a pas de commune mesure avec l'infinitude de la divinité. La compréhension de Dieu se fait à condition que l'intellect soit passif et non actif pour recevoir la divine inspiration. Celle-ci s'effectue dans la partie sommitale de l'esprit, le

caput mentis, image de la divinité elle-méme.

V. 44-45 :

L'homme est alors initié aux plus hauts secrets. Mais il n'est pas autorisé à divulguer le contenu de cette époptie.

V. 46-54 :

Les mystéres religieux ne sont pas le fait d'une invention humaine mais une nécessité

induite par la nature céleste et ignée de l'esprit humain. Mythe de Prométhée et du vol

du feu. Róle d'Athéna, allégorie de la Sagesse divine.

V. 55-64 : V.65-74:

Malgré l'incapacité de l'esprit humain à saisir et à dire la nature divine, seul et sans

l'aide de Dieu, les pieux poétes (pia turba), sans dévoiler les mystéres divins, inclinent,

disposent et préparent les àmes des hommes à cette initiation. Opposition entre le savoir humain et la Foi. Celle-ci, Verbe de la supréme Sagesse, s'exprime dans le sanctuaire du cceur, qu'elle met en valeur. Elle est confiance en Dieu et amour pour lui.

? Nous développons ici les pistes de recherche proposées dans une précédente étude. Voir A. Rolet, « Raphaél, Raimondi, Bonasone : de

%9 Ce titre est confirmé par P. S. Dolfi, Cronologie delle famiglie nobili di Bologna, Bologne, 1670, p. 250. 010 G. P. Brizzi, « Casali, Andrea », in DBI, t. XXI, 1978, p. 62-63.

674

l'imitation à la lecture évangélique dans un embléme d'Achille Bocchi », in R. Dekoninck, A. Guiderdoni-Bruslé (dir.), Emblemata Sacra :

. Rhetoric and Hermeneutics of Illustrated Sacred discourse. Actes du colloque international de l "Université Catholique de Louvain, 27-29 janvier 2005, Turnhout, Brépols, 2007, Imago Figurata Studies, vol. 7, p. 165-186.

675

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Priére à la Foi qui assure la domination de l'homme sur le reste de la création.

Quelques motifs se dégagent nettement de cette intrication thématique, mis en valeur par la fréquence avec laquelle ils apparaissent dans le texte et qui les désigne à l'attention, mais aussi par le réseau métaphorique et les images multiples qui en assurent l'éclatante mise en scéne symbolique.

auspicio, v. 51), allégorie de la

Sagesse divine née de la téte du divin Zeus. Les sarcophages antiques, dont celui dit « de Prométhée », connus à la Renaissance, montrent assez bien comment ce mythe paien était lu comme une sorte de préfiguration ou

diuina cupit, v. 2 ; Verum bonum comprehendere | ... ]/ Optat, v. 12-13 ; summa petens, v. 14) et par son désir d'éternité (nos [...]/ [...] incensos uitae immortalis amore, v. 42-43). Mais cette divinité de l'esprit s'explique

aussi par le fait qu'il est lui-méme issu du monde céleste (Hinc animus discedens, v. 10 ; almae/ Lucis inexhausto

sub pectora mundo uigori/ Caelitus infuso, v. 47-49, selon une formulation qui rappelle la cosmologie virgilienne

du chant 6 de l'Enéide) et qui est sans commune mesure avec l'univers terrestre (procul, v. 7 ; nec diuersa magis, v. 8). Mais cette aspiration vers le divin passe d'abord par le mouvement réflexif de l'esprit qui, comme y invite le « connais-toi toi-méme » socratique, se rencontre lui-méme et prend conscience de la divinité de ce qu il pense

(si bene se ipsum cernat, v. 3 ; illa/ [ ... ] apprendit, v. 4). Ce mouvement de retour sur soi est volontaire (summo studio summoque labore, v. 14 ; dum mens se colligat undique totam/ In caput suum, v. 37-38), et impose que

l'esprit s'écarte des sens (sensus, v.s), des objets (sensilia, v. 5) et des représentations sensibles (quas/ Concipiunt animae formas saepe horum obiectu, v. 5-6), qui l'empéche de comprendre correctement le monde céleste (Errare ac male de superis sentire loquique, v. 11). Or tous ces éléments ont une tonalité platonicienne trés forte. En effet, chez Platon, le divin est placé dans la meilleure partie de l'homme, qui est l'àme, et plus précisément, dans le meilleur de l'àme, l'intelle& ou vooc?", placé au sommet de la téte. Relié au monde des dieux par un lien de parenté ontologique donné dés le départ, une ovyyeveía, ce xà èv fjuiv Ociov, cette « partie divine en nous » qu'est le vobc, comme dit Platon," ne peut véritablement s'accomplir que dans l'effort et la volonté dont l'individu fait preuve pour réaliser son assimilation véritable et effective au divin (óuoiccig xà 0&9). Car, comme l'áme est plongée dans un corps qui en atrophie les capacités contemplatives, la partie noétique subit de fait sans cesse l'attraction, le désordre et la violence des parties inférieures (le 0ouoc et les &xi8bptat), qui la rattachent à l'univers animal, bien qu'elles soient sans commune mesure avec le vobc. Bocchi reprend cette dichotomie fondamentale. Mais pour rappeler que, si elle

existe dans l'homme, c'est qu'elle existe aussi dans l'univers, entre monde supra-lunaire et monde sublunaire, il utilise une célébre image hésiodique sur l'incommensurabilité des distances cosmiques^"5 et insiste ainsi sur l'espace qui sépare le Tartare glacé et souterrain oà régne Pluton (tenebrosi frigida Ditis/ Tartara, v. 8-9), et les

astres brülants et supérieurs, désignés ici à travers une métaphore lucrétienne (astriferi flammantia

moenia

que Bocchi emprunte le réseau de métaphores qui oppose, au fil du texte, l'image du corps et du monde terrestre comme prison enténébrée et nébuleuse?"* (a nebulis et carcere caeco, d'aprés VERG., Aen., 6, 733-734 mais aussi Cicéron?? y, 42 ; obscurum, v. 75 ; tenebras omneis quae noctis opacae/ Discutit, v. 76-77), et celle du soleil et de la lumiére divine que rencontre l'áàme au terme de son initiation (Luminis aeterni, v. 36 ; sole suo, v. 43 ; almae/ Lucis, v. 47-48 ; luce suprema, v. 54 ; lux oritur, v. 76). Chez Platon comme chez Bocchi, par un paradoxe apparent, c'est en se retournant sur elle-méme, en s'arrachant

par un mouvement volontaire à l'attraction des choses extérieures (les sensus et sensibilia dont parle Bocchi) et en cherchant sa nature la plus intime et la plus vraie, que l'àme peut découvrir le divin à travers elle-méme. Ce mouvement introspectif ultime, recommandé par le fameux yvà6i cavróv (nosce te ipsum) de Socrate, inscrit

également sur le fronton du temple d'Apollon de Delphes'??, se lit dans le texte emblématique à travers

l'expression Si bene sese ipsum cernat au vers 3. Dans la mesure oü l'áme qui appréhende le divin découvre elleméme sa nature noétique et divine, elle devient un miroir, une image de ce divin (Tunc diuinae illius simplicitatis imago/ Exprimitur, v. 40-41), selon une formule qui rassemble le Corpus Hermétique et la Genése??"!, De fait, la partie qui, aux yeux de Platon, définit véritablement l'étre humain, c'est son intellect. Celui qui vit conformément à ses aspirations noétiques acquiert une forme de divinité. C'est un initié, un uates fatidicus (v. 24) comme le caractérise Bocchi en empruntant la formule à Virgile et Ovide (VERG., Aen., 8, 340 ; OV., Met., 3, 348), c'est-à-dire un theios anér, « un homme divin ». Les autres participent à la vie des bétes, liées à la matiére,

comme

l'explique

Bocchi,

en

décrivant,

à travers

une

métaphore

virgilienne

(Aen.

2, 39)

les

mouvements désordonnés de l'àme malade du peuple imbécile (male sana affectio stulti/ Exagitans animos uulgi, V. 25-26), vautrée dans la matiére (rapit ad tetraque grauemque/ Materiam, v. 27-28) et déchirée par la pluralité de ses désirs et passions (contraria [...] Distrahit in studia, v. 26-27), non sans évoquer certains aspects de la République ou des métaphores animales sur la maladie de l'áàme chez Sénéque. Le divin est à la fois la nature de l'áÀme, mais aussi et par conséquent, la plus haute forme de pensée à laquelle elle puisse aspirer. La pensée et la jouissance du divin sont ce qui convient le mieux à l’àme, c'est pour elle le summum bonum, comme le rappellent

les tituli du texte et de la gravure, source de beatitudo (beatos, v. 72). Cette partie la plus haute de l'intellect, Platon la compare dans le Timée à un démon qui redresse tout le corps. Bocchi semble faire sienne cette opinion dans le Symbolon 3 avec l'évocation d'un Socrate donnant une image de la vraie connaissance impliquée par le nosce te ipsum sous forme d'un autoportrait au bon démon (voir nos

analyses au Symb. 3). Mais dans le Symb. 130, c'est à d'autres images que recourt Bocchi. Pour lui, la partie la plus divine de l'àme, au contact avec Dieu, constitue en quelque sorte sa fleur (flos, v. 38), selon une métaphore

mb

modelage de l'homme par Prométhée, sur ordre divin, semble remonter aux Fables d'Esope. Voir F. Lissarague, « La fabriqne de

Pandora : naissance d'images », dans J.-C. Schmitt (dir.), Eve et Pandora. La création de la premiere femme, Paris, 2001, p. 39-68, et en particulier P. 54. 9?" Voir F. Lissarague, « La fabrique de Pandora », p. 61-64.

012 J. Pépin, Idées grecques sur l'homme et sur Dieu, Paris, 1971, p. 57-206. 2013 [bid, p. 7.

18 Voir PL. Phaed., 62c ; Crat., 400€.

" Le mot carcer est précisément celui qu'emploie Cicéron (Rep., 6, 14) pour rendre la métaphore platonicienne.

??^ pr, Tim., goc. I

d a s . : HES., Theog., 722-725 : « Une enclume d'airain tomberait du ciel durant neuf jours et neuf nuits, avant d'atteindre le dixiéme jour à la terre; _ et, de méme, une enclume d'airain tomberait de la terre durant neuf jours

et neuf nuits avant d'atteindre le dixieme jour au Tartare ».

^" Pour les sources de l'adage, voir le Symb. 64. ' ” à ; 7?! VVrG, Gen. 1, 26 : Et dixit deus : faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram ; VARR. ap. AVG., Ciu., 7, s : mortalium animus, qui est in corpore humano, simillimus est inmortalis animi. ; HERM. TRISM., Poim., 12 ; Asclep., 7 ; CLEM. ALEX,, Protrep. 10, 98, 4 : ORIG., Cels, 8, 17, 2.

677

——À

Le texte s'ouvre sur le terme diuinum et l'affirmation de l'évidente divinité de l'esprit humain (Diuinum nobis animum/ [... ] sat constat inesse, v. 1-2). Les trois premiers termes du premier hexamétre (Diuinum nobis animum), essentiels pour le sens, sont soulignés, outre par leur position en ouverture de vers et de poéme, par le régime des trois coupes, tri-, pent- et hephthémiméres qui tombent aprés chacun d'eux. Le texte s'achéve sur le terme astris et cette circularité qui assimile l'esprit humain et les astres sur le critére partagé du divin porte la marque du platonisme stoicisant. Comme dans le Symb. 64, Bocchi se fonde ici sur ce que J. Pépin appelle la tradition du Premier Alcibiade?"", Le raisonnement de Bocchi procéde par implications successives. Par une identification entre le sujet pensant et l'objet pensé, la divinité de l'esprit est induite et signalée par les aspirations divines qu'il nourrit (Quandoquidem

676

subducto fingitur audax, v. 49-50), insufflé avec l'assistance de Pallas (Palladis

d'antécédent de la création de l'homme dans la Genése""", Enfin, c'est directement à Platon et au néoplatonisme

1. La divinité de l'àme humaine et ses mises en images

2015

v. 51-52) et le feu volé de l'áàme, source céleste de vie (Hinc homines animasse Prometheus/ Igne domo aetheria

C

v. 82-88 :

mundi, v. 9). Il a recours ensuite à un autre mythe topique, celui de la création de l'homme par Prométhée, qui lui permet, dans des formulations empruntées à Horace (Carm., 1, 3, 25-27) "?'5, d'opposer, au sein de l'homme, la glébe glacée et inerte du corps (sine qua frigescimus omnes/ Nilque sumus, praeter graue ceenum et inutile pondus,

La Foi est aussi science de la cause des causes. C'est une lumiére qui dissipe les ténébres. Énumération de ses bienfaits.

E

v. 75-81:

Traduction, annotation, commentaire - Livre V

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

reprise par Proclus"?, sa pointe (caput, v. 38) ou son centre (centrum, v. 39), sa force la plus secréte (intima uis animae, v. 39)"??, Bocchi les a sans doute trouvées rassemblées chez Caelius Rhodiginus (Lect. Ant., 23, 2, voir apparat des sources), qui attribue ces trois images à Platon et cite les Oracles Chaldaiques : La force intime de cette intelligence contemplative, Platon l'appelle la pointe de l'àme. Mais elle est appelée aussi unité de l'àme ou centre de toute l'àme. [... ] D'ailleurs, la pointe de l'àme, le méme grand auteur la nomme

ailleurs fleur de l’àme : « est intelligible un objet que l'on doit penser par la fleur de l'àme ».

Plutót qu'une faculté intellective, la flos mentis est une faculté mystique qui permet d'appréhender Dieu moins comme concept de connaissance que comme cible affe&ive d'un amour absolu. Cette substitution de la mystique et de son vocabulaire amoureux à la science au sein du processus contemplatif caractérise la pensée augustinienne, relue au Moyen Áge par saint Bonaventure, l'école franciscaine ou Duns Scott", et on retrouve cet aspect à la Renaissance chez Marsile Ficin, dans la supériorité affirmée de la volonté comme amor sur

l'intellect?*. C'est probablement à eux que Bocchi se référe lorsqu'aux images solaires et au vocabulaire de l'époptie fulgurante et subite qui caractérisent la connaissance intellective chez Platon, il superpose un mode mystique d'accés à Dieu qui privilégie au contraire le cceur et l'intensité amoureuse (incensos uitae immortalis amore incensos, v. 43-44 ; sapientia [...]/ Cui nos conciliat perculsos corda sua ui, v.

53-54 . L'appréhension du

divin s'effectue dans l'au-delà de la faiblesse de la raison humaine et de ses capacités (pectora caeca, v. 65, qui reprend une célébre exclamation lucrétienne ; uesana scientia et acris/ Ingenii meditatio, v. 66-67). Plus que connaissance, ce savoir est d'abord tension et volonté vers le divin (constituunt)?5, amour de Dieu et confiance

en lui (patri confidere magno/ constituunt, totisque illum peramare medullis, v. 73-74)."?" Bocchi unifie ces deux

notions d'amour et de confiance sous le nom de Foi, dont il fait l'expression de la vraie sagesse (Ore suo uerbum,

v.69), qui devient de fait une « voie affective »"*. On passe d'ailleurs imperceptiblement des notions d'intellect et d'apex mentis à l'exaltation du coeur comme vrai sanctuaire dévolu à la divinité (Syncerique oblata sibi penetralia cordis/ Commendanda, v. 70-71), comme chez Augustin^?, On aura également remarqué qu'à

partir du vers 19, le terme de Deus vient remplacer les terminologies vagues et collectives qui, depuis le début du texte, renvoyaient à l'univers divin (diuina, diuinae res, astrifer mundus, superi, summa), assurant la transition entre paganisme et christianisme. Ce déplacement de l'organe théologique, de l’àme au cceur, est corrélatif du fait que Bocchi promeut surtout

par une intelligence discursive et conceptuelle? mais plutót par une intuition affective: Dieu est d'abord ineffabilité (Sed numquam est fas illa loqui mortalibus aegris, v. 45; Nedum [queat humana facultas] uerbis

exprimere aut committere chartis, v. 57) et incommensurabilité. La notion qu'on en peut former s'effectue par le décuplement et donc la négation des propriétés que l'on préte aux autres formes d'étre. D'oü la longue énumération comparative qui multiplie les pronoms et adjectifs de négation, ainsi que les comparatifs : quo nihil est immobilius, nil fortius uno/ Nil a materia quicquam semotius ipsa./ Quin pote nil intelligier minus aut finiri/ [... ] Nam ad finita infinito proportio nulla (v. 29-33). La conclusion qui s'impose aprés ce parcours doxographique, c'est que cet enchainement de réminiscences platoniciennes, citées à travers le prisme déformant du centon poétique, engendre un discours topique, avec lequel Ficin et Pic de la Mirandole, grands lecteurs de Platon et du néoplatonisme, ont familiarisé pour longtemps les humanistes. Ne s'agit-il donc chez Bocchi que d'une habile prouesse technique, un jeu formel, un exercice codifié de rhétorique? Comme pour le Symb. 64 dont il est proche par ses thématiques (voir nos analyses), il nous semble que cet embléme dissimule une portée polémique beaucoup plus centrée sur l'actualité religieuse qu'il n’y parait et renvoie implicitement aux images de l' Enchiridion militis christiani, le « poignard » ou « manuel de poche du soldat chrétien », paru en latin pour la premiere fois en 1504.

2. La référence à Érasme

L'Enchiridion militis Christiani récupére en la simplifiant l'anthropologie platonicienne de la République et du

Phédre. À travers la relecture qu'en ont proposée saint Paul et Origéne^?, Érasme oppose, dans un dualisme conflictuel, l'àme (anima, synonyme de mens et de spiritus) et les sens (sensus, synonyme de corpus Par l'àme, l'homme mene la vie des dieux, c'est l'homme spirituel ou intérieur exalté par Paul incorruptible, invisible et incorporel. Par les sens et le corps, il mene la vie des bétes brutes, il charnel ou extérieur soumis à la dépravation et à la dégradation. Pour rendre compte de la radicale scission qui partage la nature humaine, qui séme le désordre et la et constitue

l'une

des

conséquences

2032 Sur ]a condamnation

3

L

n



:

Kristeller, II pensiero filosofico

di Marsile Ficino, Florence, 1953, p. 295-296, qui souligne que Ficin a beaucoup hésité, attribuant tantót la supériorité à l'intellect, tantót à la volonté et à l'amour. Mais le philosophe a fini par aboutir, par exemple dans le De Felicitate ou le commentaire

au Philébe, à une solution de synthése oü la volonté, comme force dynamique d'extériorisation de l'àme, n'est plus séparée de l'intellec mais devient l'un des « moments » de ce dernier.

7^ Sur l'idée augustinienne de « direction » de l'áme vers le divin qui caractérise son essence, voir ibid p.188 777 Voir AVG., Trin.,

14, 17, 23 : « Dans la connaissance de Dieu [ ... ] on reporte son amour : du temporel orel à l'éternel » , cité par E. von Ivànka, l'é

Plato Christianus, p.178

75 Sur cette expression, voir P.-O. Kristeller, Il pensiero filosofico, p. 296.

99? par 9? 7?!

678

AVG., Trin. 1,8, 17 : « La contemplation est la récompense de la foi et c'est en vue de cette récompense que la foi purifie nos cceurs », cité E. von Ivànka, Plato Christianus, p. 186. ARN, Nat., 5, 19. Voir les analyses dansJ. Pépin, Idées grecques, p. 30. CLEM. ALEX, Strom., s, 11 ; 71, 3. VoirJ. Pépin, Idées grecques, p. 32.

comme

Bocchi

guerre en lui

dans

son

texte

sagesse royale de l'homme spirituel??*, Le mythe de Prométhée y apparait également, en relation avec l'origine

t. In Alcibiadem, 1, éd. Cousin, col. 5 19, cité par E. von Ivànka, Plato Christianus. La réception critique du platonisme chez les Péres de l'Eglise, Paris, 1990 (1ére éd. allemande : Einsiedeln, 1964), p. 345. Nous avons trouvé d'autres occurrences, par exemple dans le In Platonis Cratylum commentarium, 396a .

recourt,

emblématique, aux oppositions platoniciennes traditionnelles entre la lumiere et les ténébres^??* en liaison avec céleste des àmes humaines???

et dans les Eclogae de philosophia Chaldaica, frgt 4. * Sur ces variantes de l'apex, l'acies ou loculus mentis et leurs avatars dans la pensée occidentale, voir E. von Ivànka, Plato Christianus, p. 299334. 4 Voir l'exposé synthétique de H. Heimsoeth, Les six grands thémes de la métaphysiq ue, du Moyen Áge aux temps modernes, Paris, 2003 pour la trad. francaise, p. 215-260 : « Entendement et volonté », en particulier p. 215-236. | 775 Voir P.-O.

originel, Érasme

le corps-tombeau'?5, entre la glace et le feu'?6, entre le désordre de la foule entrainée par ses passions" et la

une théologie négative à la maniere d'Arnobe?? ou de Clément??!, oà Dieu ne peut ni ne doit étre appréhendé

202.

du péché

et de carnis). et Origene, est l'homme

par Bocchi de l'hybris humaine

qui cherche à percer par ses propres forces les mystéres divins et encourt ainsi le

sacrilége, voir par exemple les Symbola 39 (quaerens nimis subtiliter arcana nihil prorsus sapit), $4 (quae supra nos nihil ad nos, imité de la célébre formule d'Épictéte) et 98.

75! ÉRASME, Enchiridion militis Christiani, 7, trad. A. J. Festugiére, Paris, 1971, p. 123 (à partir du texte latin établi par Holborn, p. 52-5 3), qui cite 1 Thess. 5, 23 et Origene (trad. Rufin), Comm. in epist. ad Rom., 7, 4 (sur Rom., 7, 20). Paul et Origene distinguent l'esprit (spiritus), l'ime (anima) et la chair (carnis). Voir l'article fondateur de A. J. Festugiére, « La division corps-àme-esprit de 1 Thess. s, 23 et la philosophie grecque » dans Id., L'idéal religieux des Grecs, Paris, 1932, excursus B, p. 199-203. 034 Voir par exemple ÉRASME, Enchiridion, 8, éd. citée, p. 128 (7 Holborn p. 56) qui multiplie les métaphores de l aveuglement et des ténébres pour évoquer l'ignorance (Caecitas ignorantiae nebula rationis obscurat iudicium), et l'oppose à la lumiere christique (Lumen enim illud purissimum diuini uultu). Voir aussi les métaphores platoniciennes liées au soleil, poursuivies en paralléle avec des citations bibliques au chapitre

8 (séme canon), éd. citée, p. 142 (7 Holborn, p. 68).

?55 Ibid, 8 (sme canon), éd. citée, p. 94 (7 Holborn p. 71). | i i 2036 Ibid. Lettre à Paul Voltz, éd. citée, p. 75 (7 Holborn p. 8) : « Nulle froidure des vices n'éteint à ce point l'ardeur de la charité qu'elle ne

puisse étre restaurée à partir de cette pierre à feu ». ; Aen à ?7 Ibid,, 4, éd. citée, p. 110 (= Holborn p. 42) qui se réfère aux livres 3, 8, 9 de la République de Platon et déclare qu'« il n'y rien de plus stupide que la basse plébe ». Un peu plus loin, Érasme évoque « la plébe indomptée, cette lie désordonnée de la cité ». La plébe sert de métaphore

pour décrire la partie la plus basse de la république psychologique.

|

e

:

038 Ibid, 4, éd, citée, p. 112 (= Holborn p. 44) poursuit sa métaphore platonicienne en comparant la partie noétique de l'homme à « un conseiller divin qui préside en sa sublime acropole » et qui tient un « sceptre d'ivoire ». 200 Ibid | 4, éd. citée, p. 109 (7 Holborn, p. 42).

679

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire - Livre V

On retrouve également chez Érasme l'insistance sur la nécessité du nosce te ipsum, fondement de la vraie sagesse : c'est la premiere partie du titre du chapitre 3 de l'Enchiridion, « Caput esse sapientiae ut temet ipsum noris », « L'essentiel de la sagesse consiste à se connaitre soi-méme ».

On constatera de plus que l'opposition effectuée par Bocchi entre les deux sagesses, la uesana scientia (v. 66) et la sapientia uera (v. 69) pourvoyeuse de Foi, appelée aussi perfecta scientia (v. 78), semble décalquer la deuxiéme partie du titre du chapitre 3 de Enchiridion, « De duplici sapientia uera et falsa ». Érasme s'attarde effectivement

sur le mot célébre de Paul déclarant que la sagesse des hommes est folie au regard de Dieu et que la sagesse du Christ est folie aux yeux des hommes, afin que la révélation, qui fait partie d'un plan divin, reste cachée, myStérieuse et accessible seulement aux initiés qui ont fait effort pour la saisir?" C'est l'une des raisons pour lesquelles les écritures saintes utilisent le voile de l'allégorie?"*!, De surcroit, chez Boccchi, la Foi est tranquilla et quieta, elle est diSpensatrice de paix et conduit à l'établissement d'un nouvel Áge d'or (aurea libertas), ce qui est exactement le róle qu'Érasme attribue à la doctrine christique

gravure en deux temps : d'abord, par le doigt sur la bouche de Mercure, qui clót les lévres qui rabáschent les

priéres sans y penser ; ensuite par l'exaltation du candélabre aux lucernes enflammées, dont nous avons rappelé

qu'il constitue une image typologique du cceur rempli par la foi oà rayonnent les sept dons de l'esprit chantés par Isaie. Cette lecture religieuse est également suggérée par la double épigramme du Symb. 64 qui, par des citations empruntées à Platon, à Cicéron et au Corpus Hermétique, souligne en permanence l'opposition entre temples intérieurs et temples extérieurs, entre esprit et sens, exalte la partie noétique, invite à la connaissance de soi et fait l'apologie du silence harpocratique. Nous avons enfin remarqué dans l'introduction de cette édition combien le motif du cceur est souligné dans les emblémes, en particulier visuellement (voir par exemple les Symb. 6o et 122 oü l'organe apparait tel quel dans les images). Mais c'est la gravure et son titulus qui certifient de maniere éclatante le ralliement de Bocchi à l'inspiration paulinienne de l'évangélisme érasmien.

que l'Enchiridion entend diffuser. Contre la lutte insidieuse et invisible menée par le Mal au sein méme de l'homme pour le diviser et l'affaiblir, le chrétien doit mener la guerre, pour recouvrer la paix et l'unité originelle entre l'esprit et les parties inférieures. À la vision de l'ÀÁge d'or chez Bocchi correspond le Spectacle de la Jérusalem céleste chez Érasme??*? C'est à cette condition que peut naitre également la paix entre les individus par l'instauration du régne de la charité. Quel est l'objectif d'Érasme ? L'opposition platonicienne corps/áme qu'Érasme retrouve chez Paul dans la distinction homme charnel/homme spirituel, n'a pas seulement une valeur anthropologique ou philosophique, elle est également théologique et définit la nature du rapport religieux que l'homme doit établir avec la divinité. L'homme extérieur ou charnel, rappelle Érasme dans le Cinquiéme Canon de l'Enchiridion??*, se perd dans le rigorisme d'un culte matériel qui contraint le corps sans s'occuper de l'áme : rabáchage de priéres, humiliations ostentatoires, beaux vétements, purification des objets, sacrifices, etc. Ces prescriptions formelles correspondent au régne de la premiére alliance, établie par Moise pour le Temple. Dans les Paraphrases aux Évangiles, Érasme rappelle que les adeptes de ces cérémonies sont les Juifs Pharisiens scrupuleux, attachés à la lettre, à la chair de la Loi^**, dont le caractére est mortifére. Au contraire, l'homme intérieur ou spirituel, tout entier contenu dans la mens, s'efforce de rendre à Dieu le culte immatériel d'un cceur sincere, pétri par la foi et la charité : c'est l'Esprit

de la Loi, qui vivifie. Reléguant dans un ordre secondaire et contingent l'exercice matériel de la Loi, il privilégie au contraire les offrandes invisibles, les priéres muettes et les pensées pures à l'intérieur de son esprit, véritable

temple consacré à Dieu^"*, Cette religion intérieure est prónée par le Christ et la Nouvelle Alliance, elle abolit et

rend caduques les prescriptions de l'Ancienne. Dans l'Enchiridion, Erasme récupére la scission historique entre les Pharisiens et les premiers fidéles du Christ, partisans de la doctrine des Évangiles, mais en la transposant implicitement dans un contexte religieux contemporain. Elle lui sert à traduire l'affrontement que se livrent, d'une part, les partisans d'un catholicisme « pharisien », pétri de rituels, d'observances, de jeünes, de pélerinages, d'adoration d'objets et d'images, de confessions et de messes, et, d'autre part, ceux d'une religion épurée, Spiritualisée, intériorisée et conforme

l'évangélisme??*6,

aux premiers áges du christianisme, dont réve le courant de

De nombreux indices concordants nous ont invitée à voir l'influence d'Érasme non seulement dans le Symb. 130, mais réguliérement dans tout le recueil emblématique. Nous avons par exemple constaté que, dans le Symb. 64, la conversion du pharisaisme vers la pensée évangélique, de la chair vers l'esprit, se traduisait dans la 00 VyLG, 1 Cor., 1, 19 et 3, 18 et ÉRASME, Enchiridion, 3, éd. citée p. 106-107 (7 Holborn 38-40).

2041 Voir ÉRASME, Enchiridion, 2, éd. citée, p.102 (7 Holborn, p. 35). Sur la justificat ion théologique de l'allégorie, voir ibid., p. 145-147. 2042 Sur cette paix victorieuse, voir ÉRASME, Enchiridion, éd. citée, p.105 (7 Holborn, p.38). 03 ÉRASME, Enchiridion, éd. citée, p. 142-164 (7 Holborn, p. 67-88). 04 Voir aussi ÉRASME, Paraphrase à l'Évangile de Luc, (13 23) 11 » 38-39. Voir aussi Paraphrase à l'Évangile de Marc (1523), 7, 2. 2045 ÉRASME, Paraphrase à lÉvangile de Jean, 4, 21-23.

296 Voir par exemple ÉRASME, Enchiridion, 8, séme canon,

des religieux de son temps à la régle de vie des apótres.

680

éd. citée p. 158 (= Holborn p. 158) oà Érasme oppose les « superstitions judaiques »

Fig. 2 > RAPHAEL, dessin préparatoire pour

Fig. 1> M. A. RAIMONDI, Poésie, d'aprés Raphaél, gravure, ca. 1515,

la Poésie, ca 1509-1510 (35,9 X 22,7 cm),

(17,9 X 14,9 cm), Washington, National Gallery of Art.

3. la gravure comme hommage

Royal Collection (912534).

plastique

La gravure réalisée par Bonasone, sur les conseils de Bocchi, et dont le titulus qui la surmonte nous indique

qu'elle est une allégorie de la Fides, repose sur un double niveau de références. Elle est imitée assez fidéelement

d'une gravure actuellement conservée à la National Gallery of Art?" de Washington, que Marcantonio

Raimondi a composée en 1515

et dont le titre était Poesia (Fig. 1). L'oeuvre de Raimondi reprenait et adaptait

elle-méme un dessin préparatoire de Raphaél sur ce sujet, datant de 1509-1510, réalisé pour l'un des fondi de la voüte de la chambre de la Signature à Rome, conservé au cháteau de Windsor, dans les collections royales

(Fig. 2)?* Le médaillon de la voüte (Fig. 3) représentant la Poésie fut réalisé entre 1508 et 1510799.

“7 Don de W. G. Russell Allen (1941.1.72). 7 35,9 X 22,7 cm. RCIN : 912734. Voir I. H. Shoemaker, E. Broun, The Engravings of Marcantonio Raimondi, Lawrence/Chapell Hill, 1982, P:

110-111.

7? Parmi ]a trés abondante bibliographie sur le sujet, nous renvoyons en particulier Raphael,

a Critical

Catalogue

of his

Pictures,

Wallpaintings

and

Tapestries,

Londres,

à K. Oberhüber, Raffaello, Milan, 1971;

J. Pope-Henessy,

Raphael,

1982 ; L. Dussler, New

York,

1970;

J. Shearman, « The Vatican Stanze: Function and Decorations », Proceedings of the British Academy, 57, Londres, 1971, p. 1-58 ; E. Gombrich, « Raphael's Stanza della Segnatura and the Nature of its Symbolism », Symbolic Images. Studies in the art of the Renaissance, Chicago/Oxford, 1972, II, p. 85-101, et A. Emiliani, Raphaél, La Chambre de la Signature, Paris, 2002, pour la traduction francaise. Sur la question des citations

681

pa



n

a

m

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Les Questions symboliques d’Achille Bocchi (15 55) - tome 2

jeune femme Chez Bonasone, comme chez Raimondi et Raphael, le centre de la composition est occupé par une de son bras, vétue, assise, ailée, la téte ceinte de laurier, maintenant sur son flanc gauche une lyre en l'entourant

tenant au bout de son bras droit tendu un livre qu'elle fait reposer sur son genou. Mais l'allégorie de Bonasone, sans détourner le visage ni les yeux vers sa droite, regarde le spectateur de face. Un faisceau de rayons émanant des hauteurs célestes descend jusqu'à sa chevelure. Bonasone a emprunté les attitudes des putti à Raimondi, mais retenu de Raphaél l'idée d'une inscription partagée entre les deux stéles qu'ils exhibent, et non plus portée

par la seule stéle à droite de l'image, comme chez Raimondi. Au lieu de la citation virgilienne Numine adflatur

(Aen., 6, so), on lit chez Bonasone une citation paulinienne qui se répartit ainsi sur chacune des deux stéles : sur

la stèle de gauche, en latin, spiritus uiuificat, « L'Esprit vivifie »; et sur la stéle de droite, en hébreu, 075 51527

mno, littera occidit, « La lettre tue?"*? »., La Fides de Bonasone a les pieds appuyés sur un socle quadrangulaire

sur lequel on lit un autre extrait paulinien en grec: Osu£uov dXiov ob8elc Sóvacat Üctvat zapà TOv xeipévov,

« Personne ne peut poser d'autre fondement que celui qui est déjà en place » oci:

Dans cet ensemble visuel fortement structuré par des citations textuelles qui renvoient les unes aux autres,

plusieurs questions se posent. Comment s'effectue sur l'image le transfert sémantique des symboles d'une

allégorie de la Poésie à une allégorie de la Foi, sans que la lisibilité et l'identification en soient compromises ?

Quels fondements théologiques peut-on trouver à cette translatio ? La répartition spatiale et linguistique des citations pauliniennes a-t-elle un sens? Comment les options visuelles de l'image s'articulent-elles avec le propos du poéme ?

Apótres^'*, Aux tables de la Loi données à Moise se substituent les tables de l'Esprit que sont les cceurs habités

par le Christ^?*,

On notera, dans ce contexte, toute l'ambiguité du titulus qui surmonte la gravure, dans l'embléme de Bocchi. Exaltant l'idée spirituelle de fides et son corollaire, amor in deum, le titulus semble revenir en arriére avec l'expression de rite ipse [deus] cultus. En fait, le terme de rite signifie ici non pas « conformément au rite » mais « comme il convient ». Et ce culte à rendre à Dieu, la gravure et le texte en décrivent assez la nature : ce sera non

pas un culte extérieur ou charnel, mais celui offert par un cceur habité par l'Esprit et donc par la Foi. Chez Érasme, l'opposition paulinienne entre lettre et esprit, chair et esprit s'applique parfaitement à l'écriture allégorique du texte biblique, riche en paraboles. La naiveté apparente des métaphores dans les Écritures est autant un subterfuge didactique destiné à l'àme humaine, encore en enfance, qu'un indice sür de la présence d'un plus haut sens, de nature entiérement abstraite et conceptuelle, mais tenu caché et qu'il faut donc décrypter^?*, Or les stéles tenues par des angelots sur la gravure de Bonasone énoncent précisément un mode érasmien de lecture de l'image. Le lecteur est invité à ne pas se tenir à la lettre de la gravure, ni aux séductions féminines de la personnification. Il doit au contraire tendre vers le spiritus, et comprendre, comme dans toute

démarche allégorique, quelle est la vraie nature du concept qui est ainsi signifié sans étre dévoilé??**, Que nous apprennent, sur la nature de la Foi, les signes qui la manifestent ? Raphaél et Raimondi se servaient de la citation virgilienne pour décrire l'état d'inspiration de la Poésie, possédée par les puissances divines, à la maniere dont la Sibylle ressentait le souffle d'Apollon qui lui dictait les préceptes religieux qu'Énée devait suivre avant d'entamer sa catabase (Sibylla adflata numine dei). La gravure de Bonasone exploite à merveille cette double référence plastique et textuelle : la Foi, munie de la lyre et des lauriers de la poésie inspirée et prophétique, joue ici le róle d'une Sibylle d'un nouveau genre. Si l'idée virgilienne de souflle et d'inspiration divine est conservée, le vocable paulinien de spiritus inscrit sur la premiere stéle lui confére une tout autre dimension. Les recommandations religieuses qui vont sortir de la bouche de cette nouvelle prophétesse pour conseiller les héros qui, à l'instar d'Enée, se présentent à elle pour s'initier, énonceront l'avénement, non

d'Apollon, mais du Christ et de son ministére de vie. Nous reviendrons sur ce point. La répartition spatiale des stéles de part et d'autre de la personnification de la Fides rend plus frappante encore l'opposition terme à terme des deux expressions, littera et spiritus d'une part, uiuificat et occidit de l'autre. Mais cette disposition spatiale est confortée encore par la langue choisie : le latin, à la droite de la Fides, célebre l'esprit qui vivifie ; l'hébreu, à la gauche de la Fides, dénonce la lettre qui tue. On notera que la gravure a probablement inversé l'orientation par rapport au dessin préparatoire, qui devait avoir placé le latin à la droite de l'image pour

Fig.3 > RAPHAEL, Poésie, 1509-1511, Rome, Vatican ( Chambre de la Signature), 180 x 180 cm.

4. Les options pauliniennes de la gravure de Bonasone: l'éloquence de la foi

Comme nous l'avons déjà remarqué, autour de la Fides de la gravure, se répartissent deux angelots appuyés sur des stéles. La stéle de gauche (et donc à la droite de la Fides) porte la mention en latin Spiritus uiuificat, celle de droite (à la gauche de la Fides), la mention en hébreu, littera occidit, là oà Raphaél et Marcantonio Raimondi

avaient porté l'inscription numine adflatur inspirée par l'Enéide de Virgile (6, 50). Nous avons également rappelé que cette citation dans la gravure de Bonasone est empruntée à la Seconde Epître aux Corinthiens de Paul. Dans cette lettre, l'apótre annonce le passage des rituels matériels de l'Alliance mosaique, qui définissent la Loi, au caractere immatériel des prescriptions de l'Alliance christique, qui définissent la Foi et abolissent les prescriptions de la Loi. Paul se sert d'une opposition, fameuse par la suite, entre la Lettre et l'Esprit, entre un ministére de mort qui suscite la convoitise et le péché, celui de Moise,"* et un ministére de vie, celui des raphaélesques chez Bonasone, voir M. Catelli Isola, « Raffaello nelle interpretazioni di Giulio Bonasone », Almanacco dei Bibliotecari Italiani, 1970, p. 73-79.

50 VvtG, 2 Cor., 3, 6. 95! VyrG,, 1 Cor. 3, 11. 2052 Voir aussi VVLG., Rom. ,7, 12-13 et Gal. 3, 23-29.

682

le spectateur, et l'hébreu à sa gauche. L'utilisation de la langue juive est une référence explicite à Moise et à la Loi.

Mais les hébraisants à la Renaissance étant denrée rare, on comprend que cette langue a aussi l'inconvénient de

la non-lisibilité, moyen symbolique de montrer que les prescriptions qu'elle énonce sont désormais caduques. On retrouve une répartition spatiale et sémantique similaire dans les inscriptions qui furent frappées sur la facade du Palazzo Bocchi, Via Goito, et qui apparaissent déjà sur les dessins orthographiques?*" (voir introduction). Rappelons que, sur le Palazzo Bocchi, la premiére citation, en hébreu, à gauche du portail d'entrée et donc du cóté néfaste, est tirée d'un extrait des Psaumes (120, 2) : « Seigneur, délivre mon àme des

sd VWLG., 2. Cor., 3, 5-11.

54 VytG, 2 Cor, 3, 3.

755 Voir ÉRASME, Enchiridion, 2, éd. citée, p.102 (7 Holborn, p. 35). Voir aussi p. 147. Gombrich "56 Cette idée n'est pas étrangére au principe d'organisation d'ensemble de la Chambre de la Signature. Comme le rappelle E. tondi du les dans Théologie la de et Philosophie la de Poésie, la de Loi, la de allégories les (« Raphael's Stanza Della Segnatura », p. 88-89), plafond fonctionnent comme des personnifications des Idées platoniciennes, tandis que les grandes fresques qui occupent les murs en seraient pour ainsi dire la réalisation temporelle et terrestre. La Poésie est ainsi la figure idéale qui régit implicitement la représentation du Parnasse

apollinien et de ses grands hommes, Homére, Virgile ou Dante. ; "5 Nous renvoyons à nos analyses du Symb. 102, et à notre article « L'Hermathena Bocchiana ou l'idée de la parfaite académie », dans M. Deramaix, P. Galand-Hallyn, G. Vagenheim, J. Vignes (dir.), Les Académies dans l'Europe humaniste. Idéaux et pratiques Genéve, 2008, Vignolas Palazzo Bocchi in Bologna, P- 295-338. Pour une interprétation divergente de la nótre, voir M. Kiefer, Emblematische Strukturen in Stein. Freiburg am Breisgau, 1999.

683

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

lévres qui trompent et de la langue qui ment ». La seconde citation, à droite du portail et donc du cóté favorable, est empruntée aux Epîtres d'Horace (1, 1, 59-60) : Rex eris, aiunt,/ Si recte facies, « Tu seras roi, dit-on, si tu agis

droitement » (avec un jeu de mots sur rex/ recte). De part et d'autre de la porte s'opposent donc terme à terme deux univers : l'hébreu et le latin, la bouche et l'action, le mensonge et la rectitude, la servitude et la royauté,

qu'on peut entendre à la fois dans un sens psychologique et religieux. Toutefois, réduire le propos de l'embléme bocchien à un simple hommage à l'Enchiridion d'Érasme menacerait d'en réduire considérablement la portée. La réflexion théologique de Bocchi nous semble s'inscrire au contraire dans un débat beaucoup plus ample et s'emparer d'un certain nombre d'axes de réflexion chers à la pensée

évangélique. Là encore, texte et image travaillent de concert dans l'embléme. Car de fait, certaines formules du

poéme, noyées dans les lieux communs platonisants, sont susceptibles, au regard de l'actualité théologique, d'acquérir une portée nettement plus polémique. De méme, certaines options de la gravure comme l'apparition d'une troisiéme citation paulinienne indépendante sur le socle où reposent les pieds de la Fides ou le fait que la Fides continue d'exhiber les attributs de la Poésie, ne sont pas sans incidence. 5. Foi, gráce et synergeia

Comme nous l'avons déjà souligné, la révolution spirituelle, à la fois contemplative et mystique, à laquelle Bocchi convie le lecteur en termes platoniciens et augustiniens, émane d'une volonté et d'une décision du sujet. Divers indices le montrent. On remarquera, en particulier, l'usage de verbes actifs marquant le désir ou la décision (Quandoquidem diuina cupit, v. 2; summa petens, v. 14; quicumque bonum comprehendere prudens/ Optat, v. 12-13), y compris dans l'initiation par l'homme du rapport affectif intime avec la divinité que constitue la Foi (quicumque patri confidere magno/ Constituunt totisque illum peramare medullis, v. 73-74). On notera également la présence de verbes actifs traduisant directement un changement de comportement de l'àme (si bene sese ipsum cernat, v. 3 ; dum mens se colligat, v. 37). On insistera enfin sur les expressions marquant l'ordre et

l'obligation. Elles constituent une véritable tentative d'utilisation pragmatique du jussif pour susciter auprés du lecteur un changement spirituel (instituenda inuestigatio recte, v. 15 , iubent omnes [ ... ]/ Fatidici uates, v. 23-24 ;

sapientes mystica censent/ |...] numquam referenda, v. 46-47). Conformément au platonisme et au volontarisme

augustinien, l'homme semble avoir l'initiation du processus contemplatif. Cependant, de maniére tout à fait paradoxale, le texte multiplie par ailleurs les constats selon lesquels l'homme ne peut avoir aucune initiative, aucun pouvoir de décision, aucun espoir de réussite ou de résultat seul, dans l'ascension cognitive vers le divin ou dans l'acquisition de la Foi. Outre la trés claire formule des vers 55-56 (Quare diuinas quum res sine luce suprema/ Per se nulla queat speculari humana facultas), on notera le passage oü Bocchi joue en apparence sur deux concepts aristotéliciens empruntés au De anima, l'intellec& agent et l'intellect

passif^", mais dont il subvertit la portée philosophique puisque agendo et patiundo résument ici deux attitudes

possibles, deux options de comportement de l'intelle& humain pour concevoir la divinité : Hunc [Deum] autem

licet intellectus noster agendo/ Consequier nequeat, tamen interdum patiundo (v. 34-35). L'esprit ne peut parvenir au bout de sa quéte qu'avec l'aide et l'appui de Dieu, comme le rappelle d'ailleurs le titulus de la gravure (rite ipse

cultus [deus praestat] omnia [c'est-à-dire fides et amor in deum]) ou le v. 36 (Luminis aeterni authore aspirante

benigno/ assequitur). Bien plus, l'un des sacriléges qui menacent l'impétrant est précisément de nier que esse

Deum omnipotentem (v. 19). Comment comprendre ces apparentes contradictions ?

Il semble difficile de ne pas rattacher ces réflexions aux débats dogmatiques qui agitent l'Europe avant

l'ouverture du Concile de Trente. Or, si Bocchi précise aux vers 79-80 que, de la divine lumiére, émanent toute

une série de bienfaits qui évoquent l’Age d'or (pax, uirtus, gloria, aurea libertas, immensa gaudia), on remarquera toutefois que, dans cette série topique, ce sont glissés quelques termes plus ambigus, qui évoquent si l'on y préte

garde, le salut chrétien et la vie éternelle promise par le Christ par l'intermédiaire de sa gráce : perfecta scientia, gratia, cera salus, uita. On remarquera également que la Foi est qualifiée de iusta. Cette terminologie nous

renvoie en particulier à Paul. La iusta Fides, c'est la Foi qui apporte la justice, c'est-à-dire qui justifie. Lorsque

2055 Voir ARIST., Anim., 3, $, qui oppose voóc xounrikóc et vobc za8nkóc.

684

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

l'homme éprouve la Foi, qu'il croit dans le Christ, il est rendu juste par cette Foi, signe de l'infusion de l'Esprit, qui annule pour lui spécifiquement la faute du péché originel imputée à tous les hommes. Cette rédemption individuelle est permise par le sacrifice du Messie, qui a racheté collectivement l'humanité. C'est une gráce accordée par Dieu à l'homme et elle lui donne le salut. Mais, aux yeux de Paul, l'homme ne peut en aucun cas y participer par les ceuvres de la Loi, puisqu'alors une partie du mérite de son salut dépendrait de lui-méme et non de la décision divine, ce qui revient à nier le libre-arbitre divin. La gráce accordée sous la forme de la foi répond à

un plan de salut que Dieu réserve uniquement à ceux qu'il a élus, distingués et donc prédestinés??*?, Comme le

rappelle Paul, « vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l'accomplir'* ». Cette position paulinienne double, qui insiste sur la prédestination tout en laissant une infime place à la volonté, est l'un des nceuds de la polémique qui a opposé Luther, partisan du serf-arbitre de l'homme, et Érasme"*! Ce dernier a tenté de trouver pour l'homme, dans le De libero arbitro, une voie médiane entre deux défauts, aussi néfastes l'un que l'autre. D'un cóté, l'orgueil présomptueux, véritable Charybde, peut générer la certitude que les ceuvres et la Loi, comme signes de la volonté et du libre-arbitre, jouent un róle dans l'acquisition du salut. De l'autre, la certitude que le don de la Foi émane exclusivement de Dieu suscite le désespoir, sorte de Scylla?*?., C'est la lecture d'Augustin qui permet à Érasme de trouver l'équilibre entre ces deux extrémes. Augustin met effectivement en évidence l'existence chez l'homme d'un libre arbitre en synergie ou coopérant, qui préserve la liberté que l'homme a de choisir ou de refuser le mal, de se soustraire à la gráce ou de l'accepter'?9. Cette position était déjà esquissée par Érasme dans l'Enchiridion, oü il décrit la course que l'industria personnelle doit suivre, entre Charybde et Scylla, mais dans un contexte moins polémique??9*. Or l'impression de paradoxe que l'on retire, à la lecture du texte bocchien, d'un cóté de l'affirmation d'un róle de la volonté humaine dans le processus contemplatif et de l'autre, de la contestation d'une chance de succes sans l'aide divine, est sans doute l'indice d'une influence érasmienne. Ce ralliement à la position d'Érasme est d'autant plus probable que Bocchi a accueilli chez lui et défendu le réformé Camillo Renato, dont c'était la conviction, comme on peut le constater dans son Apologia'5. Cette attitude se lit dans l'un des moments-clés du texte du Symbolum 130 (v. 36-38). Ce passage semble décrire le processus cognitif par lequel l'intellect humain peut concevoir le divin, processus fondé essentiellement, dans un premier temps, sur une attitude de passivité, patiundo. Mais la tonalité religieuse de l'ensemble du poéme et la mention du souffle divin nous "9 VyrG. Rom, 8, 28-30 et 9, 18. Sur toute ces questions, voir E. MacGrath, Iustitia Dei. A History of the Christian Doctrine of Justification, Cambridge, 1992. 2060 VyrG.. Rom., 7, 18. 2061 Le Traité du libre arbitre qu'Érasme publia à Anvers en 1524, à la demande du Roi d'Angleterre Henri VIII pour réfuter Luther, suscita une

réponse immédiate de celui-ci sous le titre Traité du serf-arbitre (1525). Érasme se défendit dans la réfutation point par point (85 alinéas) que

constitue l' Hyperaspistes, dont le livre I parut en 1526 et le livre II en 1527,à la demande de Thomas More. "€! ÉnASME De Libero arbitrio, dans ÉRASME, CEuvres choisies, trad.J. Chomarat, Paris, 1992, p. 871. 2063 É RASME, De Libero arbitrio, ibid. p. 862.

"5! ÉRASME, Enchiridion, 1, éd. citée, p. os (7 Holborn p. 28)

"55 Abologia, cité par A. Rotondó, « Per la storia dell'eresia a Bologna nel secolo XVI », Rinascimento, 2, 1962, p. 107-154; ici p. 130, n. 3 (nous traduisons) : « Le probléme qui touche au libre arbitre revient souvent au milieu des discussions et on n'a pas donné de réponse suffisamment

explicite à la question de savoir ce que voulait dire le terme “ libre arbitre ”. Moi, lorsque l'on me demande si nous avons un libre arbitre qui

nous pousse au bien, voilà comment je comprends essentiellement l'idée qu'a le chrétien qui pose la question: savoir si nous pouvons,

indépendamment de la gráce et de l'aide de Dieu, penser, vouloir ou faire quelque chose qui puisse recevoir l'approbation de Dieu ou dont

nous pourrions étre redevables à nos seules forces ou à notre seul libre arbitre.Je réponds d'ordinaire que nous ne pouvons rien penser, vouloir ou accomplir de bon, dont Dieu nous soit reconnaissant, par la seule force de notre libre arbitre. Tous ces biens sont des dons et des récompenses, comme on dit, gratuits de la divine libéralité, de la divine bienveillance. À cóté de cela, nous ne nous suffisons pas ye penser quelque chose par nous-mémes, dont nous serions, pour ainsi dire, la source ; au contraire, notre pouvoir tout entier vient de Dieu et c'est Dieu

qui, en nous, l'accomplit, le veut et le réalise. Ce sont là des idées prouvées et approuvées par tous les théologiens, par Augustin qui les discute contre Pélage et les expose dans presque tous ses ouvrages, par Ambroise et tous les Péres. Je m'étonne assez que cette queftion soit aujourd'hui si périlleuse. Quel danger y a-t-il à dire et affirmer que les hommes n'ont pas de libre arbitre sinon pour le mal et que, pour le bien, il n'existe pas sans la gràce ? Voilà comment il faut l'interpréter: pour penser, choisir et accomplir le mal, les forces du libre arbitre sont suffisantes, voire excessives, pour l'homme, car par sa nature et sa personne, du fait du péché originel, il est poussé vers le t Pour penser, choisir et accomplir le bien, au contraire, le libre arbitre ne suffit pas, sauf s'il est accompagné de la Gráce, qui, par la vertu de l' Esprit Saint, le

libére du péché et le fortifie ».

685

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

orientent, non plus vers la description du fonctionnement psychique et les étapes de la connaissance, mais vers l'infusion de la gráce, tandis que la prétendue passivité se voit corrigée par une nuance importante : Luminis aeterni authore aspirante benigno/ Assequitur, dum mens se colligat undique totam/ In caput ipsa suum. Le verbe au présent d'effort assequitur, « réussit, parvient à saisir », dont le sujet sous-entendu est intellectus humanus, a pour complément d'objet direct le hunc du vers 34, c'est-à-dire Deum ou encore authorem. Ce verbe est inséré entre

deux expressions du conditionnel, un ablatif absolu à valeur de protase hypothétique (authore aspirante, « si le créateur répand son souflle ») et une subordonnée introduite par dum au sens de « pourvu que ». Cette position syntaxique médiane souligne que le résultat du verbe assequitur (saisir le divin) est soumis à l'obligation que deux conditions soient remplies de part et d'autre, qui correspondent chacune à deux sujets différents mais concourent au méme objectif en synergie : que Dieu insuffle l'Esprit ; que la mens se concentre dans sa partie la plus élevée. L'énoncé donne la premiére place à l'action divine mais exige de l'homme qu'il se tourne vers elle et la reconnaisse. L'évocation de l'aurea libertas et des immensa gaudia issus de la Foi au v. 81 anticipent sur ce résultat et on reconnait sous ces vocables l'expression traditionnelle de ce que S. Seidel Menchi a appelé « la

liberté évangélique », la vie in spiritu libertatis, délivrée du joug de la Loi" et dont Antonio Brucioli déclare qu'elle s'accompagne justement de paix et de joie.

6. Foi ou ceuvres ? La réponse de la gravure

Or la gravure de Bonasone à son tour s'inscrit dans ce débat. Nous avons remarqué que la jeune femme ailée qui personnifie la foi et assise sur un socle quadrangulaire où se lit une troisiéme citation paulinienne extraite de la Premiere Epitre aux Corinthiens (3, 11), cette fois-ci en grec : « De fondement, nul ne peut en poser d'autre que celui qui s'y trouve ». Cette citation n'apparait ni dans la peinture de Raphail, ni dans la gravure de Raimondi. De plus, elle est isolée visuellement des deux autres. Pour comprendre les implications de cette citation, il convient de se reporter à son contexte dans l'épitre paulinienne. Saint Paul décrit en effet son róle apostolique :

7. Ministére poétique, ministére apostolique : la translatio signorum

L'édifice de la Foi et de l'Esprit évoqué par Paul s'inscrit dans le contexte de sa táche de prédicateur. Paul rappelle à nouveau que tout dépend de la gráce divine, méme si la volonté humaine du ministre christique entre en synergeia avec elle dans son développement et son accomplissement : Qu'est-ce donc qu'Apollos ? Et qu'est-ce que Paul ? Des serviteurs par qui vous avez embrassé la Foi, et chacun

d'eux selon ce que le Seigneur lui a donné. Moi, j'ai planté, Apollos a arrosé ; mais c'est Dieu qui donnait la croissance. Ainsi donc, ni celui qui plante n'est quelque chose, ni celui qui arrose, mais celui qui donne la croissance : Dieu. Celui qui plante et celui qui arrose ne font qu'un, mais chacun recevra son propre salaire selon

son propre labeur. Car nous sommes les coopérateurs de Dieu (8c00 yáp topev ovvepyoí) ; vous étes le champ de

Dieu, l'édifice (oiko8oyr]) de Dieu?°68,

Or, dans le poéme du Symb. 130, on peut souligner quelques passages qui semblent aller dans ce sens. Passant au pluriel collectif, Bocchi au v. 58 se range au sein de la pia turba, cette assistance pieuse dont le texte lui-méme, par ses multiples citations de poétes latins classiques ou ses allusions aux uates fatidici et aux sapientes, nous suggére la composition : ce sont les artisans du verbe, qu'ils témoignent par la parole (uerbis exprimere, v. 57 ; loquamur, v. 58), ou par l'écrit (committere chartis, v. 57 ; scribamusque uicissim, v. 59). Le poéte pieux, celui qui

adhére à la Foi et en qui la Foi ceuvre, exerce un véritable ministére apostolique et poétique à la maniere de Paul. Il est chargé, par la gráce méme de Dieu, non pas de révéler ou de dévoiler ce qui est caché, les arcana et les mysteria, qui doivent le rester (Non quo ostendere posse/ Quae nulla ostendi possunt ratione, v. 59-60), mais de disposer et de préparer petit à petit les àmes de ses semblables et leur libre-arbitre à recevoir cette gráce (exhortari, animosque parare/ Atque statum sensim perducere mentis ad illum, v. 61-62). Les préverbes intensifs ex-

(exhortari) et per- (perducere), ainsi que l'adverbe de gradation sensim montrent bien l'ampleur et la lenteur de la

Selon la gráce de Dieu qui m'a été accordée, tel un bon architecte, j'ai posé le fondement. Un autre bátit dessus.

táche. Le fas est du vers 64 montre aussi que le terme de cet accomplissement reste aux mains de Dieu. Que le ministére poétique permette l'accomplissement d'un ministére apostolique est explicitement signifié dans la gravure. La Foi personnifiée par Bonasone a conservé effectivement, nous l'avons rappelé plus haut, les attributs de la Poésie qu'elle détenait chez Raimondi et chez Raphael : la couronne de laurier, le livre et la lyre. Au terme d'un processus de translatio qui les a inscrits dans un nouveau contexte, ces symboles subissent de fait

effet la fera connaitre, car il doit se révéler dans le feu et c'est le feu qui éprouvera la qualité de l'eeuvre de chacun.

une

Mais que chacun prenne bien garde à la maniére dont il y bàtit. De fondement, en effet, nul ne peut en poser d'autre que celui qui s'y trouve, c'est-à-dire Jésus-Christ. Que si, sur ce fondement, on bátit avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, de la paille, l'oeuvre de chacun deviendra manifeste ; le Jour en Si l'aeuvre bátie sur le fondement résiste, l'ouvrier recevra une récompense ; si son ceuvre est consumée,

il en

subira la perte ; quant au premier, il sera sauvé, mais, pour ainsi dire, à travers le feu. Ne savez-vous pas que vous étes un temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous? ?

Le Christ, par son sacrifice qui a racheté l'humanité, constitue le socle inamovible sur lequel chacun peut

prendre appui. Il revient à chacun d'édifier son monument sur cette base comme il l'entend, selon l'Esprit ou selon la Loi. Or, on l'aura remarqué, dans la gravure de Bocchi, la Foi assise sur le socle dans la gravure occupe

précisément la place que Paul attribue à I' « ceuvre de chacun », et sa personnification sous forme d'allégorie la rend manifeste : la présence de la Foi se substitue ici aux ceuvres. Mais pour rappeler en méme temps que cette édification méme de la Foi n'est pas dépendante du simple vouloir de l'homme, l'artiste a pris le soin de figurer un faisceau lumineux émanant des régions célestes, qui vient nimber le visage de l'allégorie : elle est avant tout un présent divin. Les ailes qui se déploient dans son dos, les mémes qui permettaient à la poésie de voler dans les airs de bouche en bouche, vont dans le méme sens et attestent d'une convention iconographique trés familiére dés l'Antiquité : elles permettent aux messagers des Dieux de traverser les cieux pour venir porter aux mortels les décrets de l'Olympe. Mais la citation grecque de Paul inscrite dans l'image, associée au fait que la Foi ait conservé les attributs de la Poésie, nous semble porteuse d'un sens supplémentaire, dont le texte se fait également l'écho.

resémantisation,

mais

continuent,

par allusion et par citation, à faire subtilement

référence

au modéle

antérieur auquel ils étaient rattachés. La poésie est en quelque sorte sublimée par la Foi, qui lui ordonne de continuer d'accomplir sa táche linguistique et musicale pour pouvoir, par l'intermédiaire du livre et de la lyre,

donner une diffusion maximale au Verbe divin. En remplissant ce devoir du verbe, qui dispose les esprits, la Foi,

premier précepte évangélique, permet simultanément la réalisation du second, c'est-à-dire la Charité, qui exige que l'on se préoccupe du salut de son prochain. Mais cette nouvelle Sibylle évangélique ne parlera pas, comme chez Virgile et Raphagl, sous l'influence d'Apollon : entourée par le latin, le grec et l'hébreu, elle témoigne par sa polyglossie que, comme les apótres, elle a recu le souffle de l'Esprit. On remarquera d'ailleurs que, plongeant ses regards dans les nótres, avant méme que nous ayons pu lire et entendre le poéme, cette allégorie a l'immédiateté d'une apparition angélique : elle restitue, par le biais de l'image figurée, l'instantanéité visuelle et contemplative de la révélation. La fulgurance de l'icóne, au sein du

dispositif de conversion réalisé par l'embléme, pallie les délais du déploiement discursif.

?** S. Seidel Menchi, Érasme hérétique : Réforme et Inquisition dans l'Italie du xvr siécle, Paris, 1996, pour la traduction francaise (1** édition :

Erasmo in Italia, 1520-1580, Turin, 1986), p. 106.

99 VVLG., Rom., 3, 10-15.

686

"55 VytG. Rom. 5, $-9.

687

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi

(1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

8. Postérité de l'embléme : une épitre de Michel de l'Hospital.

Michel de l'Hospital adresse à Achille Bocchi son Épitre 1, 11, intitulée De Fide Christiana^?, aprés que ce dernier eut accueilli le chancelier de France lors de son séjour à Bologne en 1547 pour suivre les séances du

Symb. 131

Gravure :

CE N'EST QU'UNE FOIS DÉVORÉES LES SOTTISES HUMAINES QUE L'ON PEUT CONCEVOIR LA VÉRITÉ UNIQUE

Concile, transféré de Trente?"?, Avec des emprunts quasi littéraux'?"', le poéme de Michel de L'Hospital doit au

texte de Bocchi un réseau similaire de métaphores topiques d'inspiration platonicienne opposant la lumiere et les ténébres, l'àme divine et le corps congu comme prison boueuse. Avec d'autres exemples (Icare aux vers 5658 ; les sophistes grecs aux vers 59 sq.), mais dans le méme esprit, L'Hospital oppose, comme Bocchi, la sagesse

antique et la sagesse christique. L'inspiration plus spécifiquement évangélique de L'Hospital se signale surtout dans les vers 96-105 oü, à travers l'image landinienne du rapt de l'áme, il insiste sur l'incapacité de l'esprit

humain, malgré sancta fides, don le poéme se clót tandis que vient

Sur l'image : - Ainsi fait-il pour ceux qui l'aiment — auguste Prudence — auguste Bonté

son élan initial, à parvenir à la connaissance de Dieu par ses propres forces et montre que la des dieux (voir v. 68), peut à elle seule lui permettre d'y arriver. Comme pour le texte de Bocchi, sur une vision grandiose de l'áme arrachée à la terre qui contemple le monde aux cótés de Dieu, se surimposer l'image paulinienne du miroir :

AU TRÉS ILLUSTRE CARDINAL OTTO, CARDINAL-ÉVÉQUE D'AUGSBOURG AUGUSTE REPRÉSENTATION DE LA PRUDENCE ET DE LA BONTÉ QUI CARACTERISENT LE BON PASTEUR

Ainsi, aucune réflexion humaine ne permettra à l'àme

De pénétrer les sphéres stellaires ni les profondeurs du ciel, Ni les arcanes de Dieu ni les mystéres confiés à une poignée d'hommes ; Par elle-méme et par sa propre force seulement, elle ne pourra en avoir connaissance : Mais elle se dépouillera de sa pesanteur terrestre et des liens Du corps et aprés avoir quitté, comme le serpent au printemps, sa vieille enveloppe, Rivée à la seule foi, comme à des ailes légeres,"? Nue, au-delà de la lune et du soleil, au-delà des astres, elle sera emportée

La spatule, un oiseau nommé pélican par la Gréce, Dévore, dit-on, des coquillages marins,

5

Jusqu'à ce qu'elle s'immobilise devant la face de Dieu et gráce à Lui,

Comme dans un miroir, elle contemplera partout sans peine l'ensemble des mers."

10

15

20 799 « Ad Achillem Bocchium equitem Bononiensem et praestantem poetam, de fide Christiana » dans Michaelis Hospitali Galliarum Cancellarii

epistolarum seu sermonum libri sex, Lyon, Mamert Patisson/Robert Etienne, 1585, P- 46-49. 2070 Voir la lettre de Bocchi à Romolo Amaseo conservé à la Bibliothéque ambrosienne de Milan (ms D. 145 inf,, £° 44v^). Sur le séjour bolonais dM de L'Hospital, voir L. Petris, La plume et la tribune : Michel de L'Hospital et ses discours (1559-1562), Genéve, 2002, p. 8-10.

Comparer par exemple L'Hospital (Epist. 1, 11), v. 34-35: Quas animi tenebras, ut sol lucidus olim/ Discutit alma fides et Bocchi (Symb. 130)

V. 76-77 : Lux oritur, tenebras omneis quae noctis opacae/ Discutit. Comparer également L'Hospital (v. 86) : Penitus nostra fuerit concepta medullis et Bocchi (v. 74) : Totis illum peramare medullis. Voir aussi les expressions communes fer purum (L'Hospital, v. 45 ; Bocchi, v. 16) et cognoscere causas (L'Hospital, v. $1 ; Bocchi, v. 77). Michel de L'Hospital se justifie d'ailleurs de ces imitations aux vers 26-27 : Dicam igitur recinamque prius cantata, uelutque/ Magno discipulus referam dictata magistro : « Je dirai donc et répéterai des hymnes que d'autres ont chantés avant moi et, comme un éléve, je rapporterai mes propos à mon maitre éminent ». ?7* Ét non « le serpent aux ailes légéres » comme le propose D. Crouzet, La sagesse et le malheur : Michel de L'Hospital, chancelier de France, Seyssel, 1998, p. 68. 2073 Ergo non illa i humanis; rationibus iani i Orbes stellarum penetrabit et intima caeli,/ Non arcana ullis/ Dei, non credita myslica paucis,/ Per se uique sua polwit cagnascere fantum :/ Verum terrenam sibi molem et uincula demet/ Corporis, ac posita, uelut anguis uere, senecta,/ Sola nixa fide, tanquam

pernicibus alis,/ Nuda super lunam et solem super astra feretur,/ Ante Dei faciem donec se sistat, et illo/ Freta uelut speculo facile omnia cernat ubique.

688

Qu'une fois digérés, elle vomit pour les ouvrir Aisément, en tirer la chair et s'en repaitre. L'inepte folie humaine, le sage, avec patience, La dévore aussi, puis la digére en son ventre ; Alors, régurgitant, il extrait le vrai, s'en empare, Et, comme nectar et ambroisie, s'en délecte. Telles sont, de l'auguste Otto, la Bonté et Prudence,

Les plus grandes vertus et les sceurs de Justice,

Sans oublier Piété constante et Amour incapable De s'épargner, ce que traduit l'oiseau mystique. Pour ses petits — ó prodige!-, que le cruel serpent D'ordinaire ne manque pas de décimer, Il se perce le flanc, fait couler son sang dans le nid,

Et, d'aprés ce qu'on dit, les raméne à la vie. Sachez désormais, mortels, qu'on cite le noble exemple Du pélican au sujet d'auguste piété. Qui désire la savourer doit chérir en son coeur

Celui pour qui suffit l'amour, unique et vrai. La trés brillante Lucifer étincelle pour nous, Le souffle du divin Zéphyr réjouit les preux.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques. Norts

- ded. carm.:

CARD«INALI»

OTHONI

EPISCOPO

AUGVSTEN«SI»]

Issu de la noblesse souabe, Otto

Truchsess von Waldburg (1514-1573) fit ses études à Tübingen, oü il apprend le latin et le grec, puis à Dole, 74 Voir B. Duhr, « Die Quellen zu einer Biographie des Kardinals Otto Truchsess von Waldburg », Historiches Jahrbuch, 7, 1886, p. 177-209 et

* Reformbestrebung des Kardinals Otto Truchsess von Waldburg », ibid., p. 369-391 ; F. Borgmeyer, Kardinal Otto Truchsess von Waldburg,

Fürstbischof von Augsburg. Sein Leben und Wirken bis zur Wahl als Fürstbischof von Augburg (1514-1543 ), Hildesheim, 1923 ; F. Siebert, Zwichen

Kaiser und Papst : Kardinal Truchsess von Waldburg und dit Anfánge der Gegenreformation in Deutschland, Berlin, 1943 ; F. Zoepfel, « Kardinal

689

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

oü il rencontre le futur cardinal Antoine de Granvelle, puis à Padoue, Bologne et Pavie. En 1531, à Padoue, il fréquente le futur cardinal Cristoforo Madruzzo et entend les lecons de Viglius Van Zwichem. Il obtient à Bologne le titre de docteur en théologie en 1534. En 1535, il apparait parmi les membres de la natio Germanica

de l'Université de Bologne, aux cótés de Hans Jacob Fugger. On le trouve alors dans l'entourage du futur cardinal Alexandre Farnése et il se lie avec Hugo Buocompagnoni (futur pape Grégoire XIII). E. See Watson suggére la possibilité qu'il fréquente l'Academia Bocchiana à cette époque (Achille Bocchi, p. 153). Sous

l'influence de Petrus Canisius, il fonde en 1548 le Collegium Litterarum à Dillingen, que le Pape Jules III élévera au rang d'université en 1553. Nommé chanoine du chapitre des cathédrales d'Augsbourg, Trente et Speyer, il devient conseiller impérial en 1541 et Camerarius secretus du pape. Il assiste aux diétes de Worms, Hagenau,

Regensburg, Speyer et Nuremberg entre 1540 et 1541. Nommé nonce apostolique de Paul III, il effectue diverses missions diplomatiques, en particulier en Pologne auprés du roi Sigismond en 1542. Il accéde au rang

de prince-évéque d'Augsbourg en 1543 (l'évéché avait été transféré à Dilligen), avec l'appui de Charles Quint et

de Paul III, puis est nommé cardinal-prétre en 1544 avec le titre de Santa Balbina ( qu'il changera pour celui de

Santa Maria in Trastevere en 1561). Il participe à divers conclaves pour élire les papes (celui de 1549-1550 pour

élire Jules III, puis ceux de 1555 pour Marcel II puis Paul IV, celui de 1559 pour Pie IV, celui de 1565-1566 pour Pie V et enfin celui de 1572 pour - Grégoire XIII). Trés hostile au protestantisme, il se fait le farouche défenseur

du catholicisme dans son diocése et appuie les opérations militaires de Charles Quint contre les princes

protestants de la Ligue de Smalkalde. En 1552, il fonde le Collegium Germanicum à Rome. Entre 1553 et 1554, il devient camerlingue du Sacré-Collége des cardinaux. Il proteste contre la Paix d'Augbourg en 1555. Otto Truchsess obtient en 1562 le titre de cardinal-évéque d' Albano, en 1570 celui de cardinal-évéque de Sabina puis de Palestrina. Il participe aux sessions du Concile de Trente en 1563. En 1565, Pie V le nomme membre de

l'Inquisition. À partir de 1568, il ne quittera plus Rome jusqu'à sa mort en 1573. Il fut l'éléve d'Alciat à Pavie et le dédicataire des Parerga, dont les trois premiers livres paraissent à Bále en 1538, avant d'étre complétés par sept autres dans l'édition de 1544 à Lyon (les deux derniers livres seront publiés de maniére posthume). Il est fort probable que Bocchi a connu Otto Truchsess au moment oü ce dernier est venu faire ses études à

Bologne, dans les années 1530-1534, alors qu'il fréquentait peut-étre l'académie bocchien, et on peut supposer que l'embléme, trés lié au dédicataire, à son blason et à sa devise, date de 1543, au moment oü il devient prince-

évéque d'Augsbourg et porte-parole de la Contre-Réforme. -tit. carm. : AVGVSTA] Le terme augusta joue dans les deux cas sur un double sens : « auguste » mais aussi « d'Augsbourg ». - V. 1 : platalea... re\éxavov] Le terme platalea désigne la « spatule », échassier qui doit son nom à la forme de son bec et dont parle Cicéron qui lui préte la coutume de régurgiter des coquillages pour mieux les débarrasser de leur enveloppe (Nat. deor., 2, 124 : voir apparat des sources). Pline (Nat., 10, 115) la nomme platea et lui préte la méme caractéristique. Or Aristote (HA, 9, 11 ; 614b 27-29) et Élien (NA, 5, 20) décrivent un comportement semblable à propos du pélican, permettant ainsi l'identification entre les deux oiseaux que propose le texte emblématique.

- V. 9-11 : Sic... Quin] Le sic se rattache aux vertus de Prudentia et Bonitas, filles de Justice, et renvoie à ce qui précéde, c'est-à-dire aux capacités intellectuelles et morales du prélat-sapiens qui interpréte et éclaire les

Écritures pour ses fideles. Le quin vient ajouter deux vertus d'une autre nature, Pietas et Amor, dont le texte va

déployer les ressources en relation avec le sacrifice du pélican : ce sont les pouvoirs « affectifs » de la gráce qui

pousse au renoncement à soi.

ANALYSE

Le poéme emblématique propose de mettre en valeur le pélican (ou spatule, voir note au v. 1), oiseau qu'Otto

Truchsess a pris comme devise personnelle avec le motto sic his qui diligunt « ainsi fait-il pour ceux qui l'aiment », et qui sert de cimier à ses armes, comme on le voit sur la gravure. La premiére partie du poéme (v. 78) se fonde sur Aristote, Élien, Pline et Cicéron (voir apparat des sources et notes au v. 1) pour rappeler une pratique étrange du pélican: il dévore les coquillages puis les régurgite lorsqu'ils ont été ramollis, afin de récupérer leur contenu et de s'en nourrir. Pour Bocchi, le pélican est une figure du sapiens et le coquillage, un symbole de la vérité qui se cache sous l'enveloppe dure de la stultitia. Le doublet antinomique sagesse/folie renvoie aux Écritures, et on notera que le

v. $, encadré à l'ouverture et à la fermeture par des termes désignant la folie (stultitias...

ineptas), place en son

centre et comme dissimulé le mot sapiens, souligné par la double coupe pent- et hephthémiméres, mimant ainsi son propos par sa forme méme. L'opposition sagesse/folie est appliquée au fonctionnement méme de l'allégorie et à l'une de ses métaphores courantes, celle de la chair cachée sous l'écorce : ainsi, les textes bibliques, avec

leurs paraboles et leurs images humbles, peuvent déconcerter par leur apparence simple mais stimulent par là méme le lecteur à la quéte d'un plus haut sens. La nécessité de l'effort donne du sel à l'entreprise en suscitant le

plaisir de la découverte". La conquéte de cette vérité est comparée, de maniere toute paienne, à l'accés au

banquet divin oü l'on sert le nectar et l'ambroisie (v. 8). Le terme frui, opposé à uti, désigne la jouissance des biens spirituels (sur cette opposition augustinienne, voir notre analyse du Symb. 76). Cette quéte s'effectue à

l'aide de deux vertus, l'une intellectuelle, l'autre éthique, sceurs de Justice (voir notes) : Prudentia et Bonitas

(v. 9-10), qui apparaissent dans la gravure sous la forme d'allégories féminines servant de tenants au blason. La Justice s'entend ici dans un sens paulinien, celle qui engendre des justes : elle est le résultat de la gráce qui justifie, c'est-à-dire qui lave du péché originel par le sacrifice christique. Cette justice permet à la fois une clarté rationnelle d'analyse (prudentia) et une pureté d'intention, dirigée vers le bien (bonitas). L'adjonction de deux autres vertus au v. 11, Pietas et Amor, donne au ministére religieux une tout autre dimension, puisqu'elle propose une véritable imitatio Christi à travers la figure sacrificielle du pélican (sibi nescius ipsi/ Parcere). Pierio Valeriano (Hieroglyphica, 20, De Pelecano, p. 145 e-f, « Pietas et amor in filios », voir apparat des sources) rattache ces deux vertus à la caritas, la plus importante des vertus théologales. L'histoire du pélican

qui frappe ses petits dans le nid et qui, pris de remords aprés trois jours, s'ouvre les flancs (le Physiologos précise

qu'il s'agit de la mére, qui se perce une cóte ; voir Physiol. Graec., p. 69 Zucker ; Physiologus latinus B, 6, 4) pour

les abreuver de son sang et les ramener à la vie est un topos largement repris par les Péres de l'Église (voir par exemple IsID., Orig., 12, 7, 26 et notre apparat des sources). Ce motif est généralement interprété comme un

symbole de la passion christique, de l'effusion eucharistique, de l'abandon du Christ au Mont des Oliviers (voir

le psaume 101 de la Vulgate) ou encore de la troisiéme vertu théologale, la charité, la plus importante selon saint

Paul?"$, Tl connaitra pendant tout le Moyen Áge européen une postérité considérable, en particulier iconographique, puisqu'on retrouve l'oiseau sur les décors d'églises, par exemple sur un chapiteau de la

cathédrale Saint-Étienne de Metz et de la Basilique de Vézelay, sur un vitrail de la cathédrale du Mans ou le

vitrail de la Résurrection de la cathédrale de Chartres". Dante lui-méme parlera du Christ comme « Il nostro

Pellicano?"* 5. Le paralléle entre l'oiseau et le destin du Christ rédempteur qui monte sur la croix, verse son sang pour racheter l'humanité écrasée par le poids mortel du péché originel et lui promettre la résurrection, est ?"5 Sur tous ces points, voirJ. Pépin, La tradition de l'allégorie, de Philon d'Alexandrie à Dante, Paris, 1987. "7 Émile Male (L'art religieux de la fin du Moyen Áge en France, Paris, 1922", p. 311-312) cite l'exemple d'un manuscrit de compilation

historique destiné au Duc de Nemours et enluminé vers 1470, oü la Charité apparait couronnée d'un pélican qui se sacrifie pour ses petits. Sur l'iconographie de la charité et le pélican, voir R. Frayhan, « The Evolution of the Caritas Figure in the Thirteenth and Fourteenth Centuries »,

Otto Truchsess von Waldburg », in G. Freiherr von Poelnitz (dir.), Lebensbilder aus dem Bayerischen Schwaben, Münich, 1955, t. 4, p. 204-248 ; N. M. Overbeeke, « Cardinal Otto Truchsess von Waldburg And His Role as Art Dealer For Albrecht V of Bavaria (1568-1573), Journal of the History of Collections, 6 2, 1994, P.

JWCI, 11, 1948, p. 68-86.

Waldburg » in J. Oswald (dir.), Petrus Canisius : Reformer der Kirche, 1996, p. 41-77 ; W. Wüst, « Otto Truchsefi von Waldburg», in Neue Deutsche Biographie 19, 1998, p. 667-669 ; M. G. Aurigemma, « Sacra in a Tower. The Cardinal of Augburg's Paintings and Reliquaries in 1566

L. Charbonneau-Lassay, Le bestiaire du Christ, Paris, 2006 (1941'), p. 558-568. bs DANTE, Paradis, 25, 112 auquel renvoie G. de Tervarent, Attributs et symboles dans | 'art profane. Dictionnaire d'un langage perdu (1450-1600),

173-180;

P. Rummel,

« Truchsess

von

Waldburg,

Otto »

in E. Gatz

(dir.), Die

Bischófe des Heiligen Rómischen Reiches, 1448 bis 1648 : ein biographisches Lexikon, Berlin, 1996, p. 707-710; Id., « Petrus Canisius und Otto Kardinal Truchsess von

» in G. Feigenbaum, S. Ebert-Schiffer (dir.), Sacred Possessio ns. Collecting Italian Religious Art,

1500-1900, Los Angeles, 2011, p. 84-103.

?? Noir V. E. Graham, « 'The Pelican as Image and Symbol », Revue de littérature comparée, 36, 1962, p. 235-243 ; L Malaxochevvería, « Notes

sur le pélican au Moyen Age », Neophilologus: An International Journal of Modern and Mediaeval Language and Literature, 63/4, 1979, 491-497 ;

Genéve, 1997, p. 354-355.

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Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi ( 1555) - tome2

explicitement souligné dans les textes antiques, par exemple chez saint Augustin commentant le Psaume 101 où

apparait le pélican (in Psalm., 101, 1, 7-8), dans le Physiologos (Physiol. Graec., p. 69 Zucker ; Physiol. lat. B, 6, 2-9,

« Ainsi agit-il... », « Ainsi se sacrifie-t-il ». Comme des tenants héraldiques, deux petits putti prennent place sur les corniches supérieures d'oü s'élance la voüte, et tiennent une immense banderole, qui va d'un montant à

p. 17 Carmody) ou encore dans les commentaires de Grégoire le Grand aux psaumes pénitentiels (in Psalm. poenit., 5, 11 ; pour toutes ces références, voir notre apparat des sources).

l'autre et porte la seconde partie du motto : His qui diligunt, « Pour ceux qui [le] chérissent ».

(Ambrosianus Graecus A 45 sup, voir apparat des sources/??), que corroborent des remarques de saint Jéróme

Sustris intitulé Le baptéme du Christ (huile sur toile,

On notera que l'association de ce motto avec la scene au pélican n'est pas une innovation et on la retrouve par

Le paralléle avec la figure christique luttant contre le Mal prend d'autant plus de relief qu'une antipathie célébre opposait le pélican au serpent, symbole de Satan. Une version du Physiologos grec empruntée au manuscrit M

exemple dans la devise de l'imprimeur Franz Behem, réalisée par un graveur de Mayence de la premiere moitié du xvr? siécle (Fig. 3). Le sacrifice du pélican apparait également (en bas à droite) dans un tableau de Lambert

(Trad. in Psalm., 101) et de Paulin de Nole (40, 7 ; voir notre apparat des sources), proposait d'ailleurs un autre

Caen. Ce tableau avait été commandé par Otto Truchsess à ce peintre néerlandais, appelé aussi Lambert

récit de la passion du pélican. C'est parce que le serpent est venu tuer ses petits dans le nid méme, que le pélican les a$perge ensuite de son sang pour les ramener à la vie : Seconde nature du pélican | ... ] Le pélican, dont il s'agit, est un oiseau. Le serpent a une haine farouche pour ses

petits. Quelle est alors l'astuce du pélican ? Il construit son nid en hauteur, en le barricadant de tous cótés à cause du serpent. Comment réagit alors cet animal à l'astuce vicieuse qu'est le serpent ? Il observe attentivement d'oà

vient le vent et, soufflant dans le sens du vent, il insuffle aux oisillons son venin, et ces derniers meurent. Arrive

alors le pélican, qui constate que ses petits sont morts ; il guette un nuage, puis il s'envole dans les hauteurs, se

frappe le flanc avec ses ailes, et il en sort du sang, qui coule à travers le nuage sur ses petits, et ils se réveillent. [ ... ] Le pélican correspond au Seigneur, ses enfants sont Adam, Eve et notre nature, le nid est le paradis et le serpent le

diable apostat^*?,

Cette version avait, entre autres, l'avantage de ne pas attribuer la responsabilité pélican mais de la conférer tout entiére au serpent. Bocchi, au v. 14, se rallie à proposée par le manuscrit M du Physiologos. Appliqué au cas d'Otto Truchsess, n'est autre qu'une des figures de l'hérésie, que le prélat-pélican va tenter d'extirper pastorale et surtout diplomatique.

de la mort des oisillons au cette variante de la légende on comprend que le serpent en Allemagne par son action

Dans les vers de conclusion 17-10, Bocchi répéte le motif de la pietas et de l'amor et précise que cet amor, uerus et

unus (v. 20) est celui que l'on porte au Christ et qui nous inspire la pietas. Le mot diligat (v. 19) précise la nature

de l'amour que le fidéle doit éprouver pour le Christ et prépare à la lecture de l'image et de son énigmatique his qui diligunt, de méme que l'évocation de Lucifer (v. 21-22), la planéte Vénus qui annonce le lever du jour (ici, la promesse de la résurrection pour les pios), invite à porter les yeux sur la gravure dont la partie sommitale est occupée par une étoile. La gravure est inspirée par un dessin préparatoire exécuté par Niccoló dell'Abate (11,2 x 8,4 cm, Fig. 1)""', qui reprend à son tour la composition d'ensemble d'une gravure sur bois de Heinrich Vogtherr der Junge réalisée vers 1543, et qui représente les armes du cardinal (Fig. 2). Dans la gravure de Bonasone comme dans celle de Vogtherr, l'image est agencée en deux parties superposées, qui combinent de

maniére harmonieuse la devise (partie supérieure) et les armes (partie inférieure) du dédicataire. Ces deux parties s'insérent dans le cadre architectural que dessine une sorte d'entrée voütée monumentale dont l'arche

supérieure vient s'appuyer sur deux murs ou piliers latéraux, limités par les bords de la gravure, à droite et à

gauche. Dans la partie supérieure, à l'intérieur d'une guirlande végétale, vient prendre place la devise d'Otto

Truchsess et son motto : un pélican aux ailes éployées qui nourrit de son sang ses petits dans son nid. Ses ailes dissimulent en partie à l'arriére un bandeau qui se déploie, surmonté d'une étoile, et qui porte la mention Sic: l'adverbe déictique renvoie bien sár à la scéne de sacrifice et à l'action du pélican. Il faut sous-entendre un facit. : 77? Voir la présentation d' A. Zucker (éd.) : Physiologos, le bestiaire des bestiaires, Grenoble, 2004, p.14. 79? A, Zucker (éd.) : Physiologos, premiere collection, n° 4, p.70.

”1 Le dessin faisait partie d'un album de 84 folios vendus par Sotheby's à Londres le 13 juillet 1972, lot 23 (catalogue, fig. n° 67 p. 50). Sur

l'attribution à Nicoló dell'Abate, voir E. Llewellyn, C. Romalli (dir.), Drawing in Bologna. 1500-1600. Exhibition, University of London, Courtauld Institute Galleries, 18 June-31 August 1992, Londres, 1992, n. 31 ; S. Béguin, « A proposito di due disegni di Nicoló dell'Abate », in M. Scolaro, F. P. Di Teodoro (dir.), L'intelligenza della passione. Scritti per Andrea Emiliani, Bologna, 2001, p. 73-84. Voir également I. Bianchi, in S. Béguin, F. Piccinini (dir.), Nicolo dell' Abate. Storie dipinte nella pittura del Cinquecento tra Modena e Fontainebleau, Catalogue de l'exposition (Modéne,

20 mars-19 juin 2005) Florence, 2005, P- 347, fig. et notice 131 : « Prudentia e Benignitas reggono le armi di Otto Truchsess von Waldburg »,

p- 347-348.

692

129,4 x 236,1 cm) et conservé au Musée des Beaux-Arts de

d'Amsterdam (1515/1520-1568)"* et qui avait été formé à Utrecht dans l'entourage de Ian Van Scorel, avant

de partir trés tót en Italie.

La formule elliptique du motto

complément

: his qui diligunt, est empruntée

d'objet de diligunt aduentum

à saint Paul (VvrG.,

eius, est clairement exprimé:

2 Tim., 4, 8), oü le

« pour ceux qui attendent avec

impatience Son avénement », et compléte le síc supérieur tout en en précisant les destinataires. C'est une

allusion directe au Christ et à la justification par la foi : comme le pélican, le Christ se sacrifie pour racheter le péché originel et accorder la gráce à tous ceux qui croient en lui et en la gráce. Cette gráce prend la forme d'une couronne de justice dans la lettre de Paul à Timothée, et on peut imaginer que le chapeau de cardinal dans le blason qui occupe la partie inférieure de la gravure constitue la corona iustitiae qui récompense Truchsess pour s'étre fait, à l'instar de l'apótre, un miles Christi, un champion de la Contre-Réforme en terre allemande,

marquée par le protestantisme. C'est d'ailleurs le sens de la lettre paulinienne dont est extrait le his qui diligunt. Un peu plus haut, Paul exhorte longuement Timothée (2 Tim., 4, 5) :

Pour toi, sois prudent en tout, supporte l'épreuve, fais ceuvre de prédication de l'Évangile, acquitte-toi à la perfection de ton ministére.

La formule s'adaptait d'autant mieux à Otto Truchsess qu'il avait été élu prince-évéque d'Augsbourg en 1543 et cardinal-prétre en 1544.

Dans les deux gravures, la banderole épouse la forme de la guirlande végétale qui enferme la scéne au pélican et l'isole de la partie inférieure de la gravure. La partie inférieure de l'image composée par Bonasone, qui occupe environ les deux tiers restants de l'espace, est trés symétriquement composée. Deux allégories féminines flanquent le blason cardinalice d'Otto Truchsess, oü l'écu est accompagné dans sa partie sommitale d'une croix de procession d'or (car il y a eu consécration épiscopale), et surmonté « d'un chapeau de gueules accompagné d'une cordeliére à houppes du méme » (une partie seulement des houppes est visible sur l'image). La cordelette épouse les épaules des deux allégories qui exhibent d'une main le chapeau. À gauche, comme l'indique le nom gravé sous la double corniche, une Prudentia augusta nous fait face, visage tourné vers la droite et porte le

traditionnel miroir et le serpent dans la main droite. À droite, une Benignitas augusta de profil, la téte inclinée et

couverte d'un pan de son manteau, n'a pas d'attribut et pose la main gauche sur l'écu, celle qui n'exhibe pas le pour chapeau. Ces deux allégories permettent de retrouver la double orientation de la lettre paulinienne caractériser le ministére apostolique de Truchsess, véritable bonus pastor, comme le rappelle le titulus du poéme : réactions à la fois l'attitude ferme et éclairée par la Prudence de celui qui connait son ennemi et sait anticiper ses force. hostiles ; de l'autre, la douceur inspirée par la Bonté de celui qui veut convertir sans faire usage de la correspondant ne Vogtherr, de Les armes inscrites sur l'écu dans les deux gravures, celles de Bonasone et celle Truchsess, par exemple pas exactement aux représentations figurées que l'on a par ailleurs des armes d'Otto

Sustris e Ian Van Scorel », Arte Veneta, "*' Voir N. Dacos, Roma quanta fuit ou l'invention du paysage de ruines, 2004, p. 33-41 ; Ead., « Lambert 56, 2002,

p.

98 Voir yc

8-51.

ei t

Christi armatus ab apostolo en ce sens que Paulin de Nole (Epist., 1, 9) fournit de l'épitre paulinienne : Hu uero miles

galea salutis et lorica iustitiae et scuto fidei et gladio ueritatis sapientiae et flumine aquae in te uiuentis extingue. depositum fe ipsum ad pietatem quae ad omnia utilis est, sobrius esto, adprehensus es ; de cetero reponetur tibi corona iustitiae, quam

et uirtute spiritus sancti, sta in armis caelestibus sinis et tela inimici SEINE oniS custodi, fidem serua, iustitiam sectare, caritatem Christi tene, patientiam etg exerce in quo in omnibus labora, certamen bonum certare; RSS consumd, ut adprehendas eius. aduentum diligunt qui his reddet dominus in illa die iustus iudex

693

i

Traduction, annotation, commentaire — Livre

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Symb. 132

dans le portrait que Lambert Sustris réalise du cardinal en 1553 et conservé au cháteau de Zeil: le blason

apparait à droite du portrait (Planche V, Fig.9). Il est constitué de deux écus réunis. La partie inférieure consiste en un écu écartelé, « d'or à trois léopards passants de sable en 1 et 4, et trois pommes de pin versées du méme posées 2 et 1 en 2 et 3 ». La partie supérieure propose un écu coupé mi-parti en chef, qui intégre en 1 les armes de l'évéché d'Augsbourg (Fig. 4), « parti, de gueules et d'argent, aux deux rinceaux d'acanthe », en 2,

« d'argent à la mitre de gueules » et en 5, « d'argent au soleil d'or ». On remarquera que, dans le blason peint sur le portrait par Lambert Sustris, le pélican aux ailes éployées vient s'enrouler au pied de la croix épiscopale qui surmonte l'écu. Dans les gravures de Vogtherr et de Bonasone, le

Gravure :

À ROMOLO AMASEO VOICI LA LAMPE SUSPENDUE DES FARNÈSE

« d'or à trois léopards passants de sable, armés, lampassés et oreillés de gueules » ). Il s'agit donc de célébrer l'avénement de ce nouveau prélat et les valeurs autour desquelles il va fonder sa prédication et son ministére. PI T^

iVi

d

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;

A

L'ÀME ILLUMINE LE MONDE, LA SAGESSE RETIENT L'ÁME

Sur l'image : La lumiere brille dans la nuit

blason, écartelé, integre à la fois en 1 et 4 les armes de l'évéché d'Augsbourg (Fig.4: « parti, de gueules et d'argent aux deux rinceaux d'acanthe ») et en 2 et 3 une partie des armes des Waldburg (Planche V, Fig. 10 :

S

V

À faire un portrait de l’àme, le plus divin des biens,

(Nul ne le nierait, sauf un fou), eh bien, je me prépare À présent, Romolo, puisque tu m'en fais la requéte. Admire quelle est la force de notre amour pour toi,

) S

D

Qui m'oblige à vouloir méme les táches trés ardues

Et me défend d'étre impuissant quand je suis impuissant !

Ó Calliope aide-moi, avec un tel ami pour guide :

Tu avoues justement devoir beaucoup à sa bonté. Puisse le héros Farnése favoriser toujours

10

Ainsi tes voeux et, à ton chant, offrir matiére et fruits,

Ce qu'il entreprit de faire pour ne jamais cesser, Tant est grande la constance de son áme divine.

La Fortune dorée, ici, (on l'appelle royale), L'alme Abondance, là, en appui sur sa riche corne, 15

Du monde étreignent le globe qui se voit retenu Par l'admirable chaine d'or du poéte Méonien, Immortelle à jamais, lancée par une main céleste. Allumée au cceur de la sphére, une lampe carrée

Est suspendue et, par son poids, se tient en équilibre,

20

Entourée de trois cercles. Gráce à six axes bien placés,

En tous sens, aisément, elle ne cesse de tourner Et le globe autour d'elle, qui s'agite souvent, a beau L'ébranler violemment, sans verser, elle reste stable, 25

Emplissant, dedans et dehors, le monde de clarté, Car elle le contient, plutót qu'il ne la contiendrait,

Cherchant, par ses feux rutilants, à atteindre l'éther

Comme pour incendier la main d'oü pend la chaine d'or Qui signifie, des causes, l'impérissable enchainement ;

L'àme, qui de soi se souvient, reconnait, gráce à elle, 30

Son principe et sa fin, d'un amour étonnant s'embrase

Et regagne, d'un vol léger, les astres élevés,

Car sa force est de feu et son origine céleste.

Entre-temps cependant, sur un unique point central, Elle n'est pas moins attachée, cernée par les trois cercles :

Fig. 1 > P. FONTANA, Dessin préparatoire pour le Symb. 131, 11,2 x 8,4 cm OSotheby's.

Fig. 2 > H. VOGTHERR DER JUNGE, Wappen des Kardinals Otto Truchsess von Waldburg, ca. 1543, gravure sur bois 55,5 X 38 cm, Kunstsammlungen der Veste Coburg.

Fig. 3 > Marque de l'imprimeur Franz Behem (Mayence, première moitié du XVT° siècle). Fig. 4 > J. SIEBMACHER, Wappenbuch, Nüremberg, 1610, p. 10 (rééd. H. Appuhn, Dortmund 1988) : Blason des évéques d'Augsbourg.

694.

i

35

Raison, plus au-dedans, délibére ; puis Volonté Détient les sceptres du pouvoir ; enfin, plus au-dehors,

Mémoire, bonne gardienne, veille à pouvoir puiser

695

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Bientót dans les trésors variés qu'Expérience a enfouis. 40

Elles dirigent moins l'àme que l'àme ne le fait. Pure lumiére en sort, brillant dans la nuit, et entraine

Tous ses biens avec soi. Elle tourne sur ses six póles Sans pouvoir jamais s'effondrer : en tirant vers le bas, La pesanteur permet sans mal que, par sa vertu propre,

45

Dans les airs supérieurs l'àme enhardie prenne la fuite.

À quoi bon rappeler la force admirable attachée,

Dit-on, au nombre six ? N'est-ce point lui qui accomplit

La création du monde et fit croitre la tendre Terre ?

50

$5

Ne renferme-t-il pas la Monade qui parachéve Le mariage mystique de cette Hebdomade sacrée ? Le Samien fils de Panthoüs n'avait-il point loué Ce nombre car, de ses parties juxtaposées, il nait Lui-méme et rend la création au créateur semblable ? Ne fait-il point que l'àme jamais d'elle-méme ne sort,

Que, s'appuyant sur soi, elle illumine, si radieuse, D'un flambeau inépuisable, terres, plaines liquides,

Cieux aériens et du monde les murailles ultimes ? En notre siécle désormais des lys céruléens S'épanouissent, et, sous le souffle bienfaisant du zéphyr

60

65

Divin, s'épanouissent aussi Sagesse, Vertu, Paix, Astrée, Foi et Abondance dont la corne déborde. Si tu veux donc bien m’écouter, avec moi tu diras

Qu'il ne faut point chercher ailleurs de plus nombreux symboles De l’àme, mais que seul convient celui qu'auparavant Tu réclamais au nom du grand Alexandre Farnése

Et qu'à mon ouie purifiée souffla le fils de Latone.

Quelle forme plus nette de l'àme pourrait-on créer Que ne sauraient saisir ni les oreilles ni les yeux Ni enfin aucun sens ? C'est un fait prodigieux que seule 70

75

80

Une àme pure puisse se saisir d'une áme pure.

En voudrais-tu un signe ? Quoi de plus significatif Que le vivant portrait qu'on fit d' Alexandre l'Ainé ? Maintenons placée sous nos yeux l'image de cet homme,

Peinte soit de la main de Titien ou Buonarotti, Soit (et c'est mieux !), par ta plume, car nul assaut de l'áge

Ne la peut détruire ou chasser hors de l'esprit. De là, On pourra voir un jour combien valent chez lui sérieux, Constance, sainte intégrité, courage inébranlable

Sous un chaste cceur, et vertu, qui, calme dans l'orage, Brille dans les ténébres, qui, sous les chocs, reste à sa place Et conserve une vraie piété pour le très-haut Tonnant ;

Son éclat n'est jamais d'emprunt, jamais sous les souillures D'autrui elle ne s'avilit. Qui le niera peut nier Aussi que le soleil brille le jour en haut du ciel.

MÉTRIQUE Hexamétres dactyliques. Ce métre héroique se préte à la fois à l'éloge épique du « héros Farnése », c'est-à-dire le pape Paul III, mais aussi aux descriptions trés techniques du symbole complexe qui lui est attaché, la lucerna pensilis, véritable corps de devise, dont les v. 78-79 (Virtus... in tenebris lucet) et la gravure (Tó og èv 1j] oxotia eaívet) offrent de possibles motti.

NoTES - ded. carm. : ROMVLO AMASAEO] Romolo Amaseo (1489-15 52)"** originaire d'Udine, fils d'une moniale et de Giorgio Amaseo, ne fut légitimé qu'en 1506 par l'évéque de Bologne Achille Grassi. Enfant, il suit son pere à Padoue, Venise et Bergame, et apprend de lui et de son oncle Girolamo les rudiments du latin. Il est à Rome en 1508 et, sur le conseil de Gilles de Viterbe, général de l'ordre des Augu&tins, il part à Padoue pour perfectionner

sa connaissance du grec et du latin, mais également s'initier à l'hébreu et aux langues orientales. Les troubles liés à la ligue de Cambrai l'obligent à partir pour Bologne oü il se trouve en 1509. Il est accueilli par la famille Campeggi, qui le met en relation avec Giovanni Battista Pio et Achille Bocchi. Il vit en donnant des cours privés.

En 1512, il épouse Violante Guastavillani dont il aura douze enfants. L'ainé, Pompilio, nait en 1513. Durant l'année scolaire 1512-1513, il e&t nommé lecteur ad rhetoricam et poesim"55 et conservera ce poste jusqu'en 1521. En 1519, il méne diverses tractations pour obtenir un poste à l'Université de Padoue, mieux rémunéré. On

lui offre une chaire de grec, avec une possibilité d'enseigner la littérature latine, mais il doit faire face aux pressions du Studio bolonais qui s'oppose à sa décision et il se résigne alors à rester à Bologne. Finalement, il part en janvier 1521 à Padoue oü il verra son salaire considérablement augmenté (100 florins en 1523) mais ses tergiversations lui ont aliéné beaucoup de sympathies du milieu vénitien et padouan, et il faut l'intervention de Pietro Bembo pour rétablir la sérénité des relations. Giovanni Battista Pio lui succéde à Bologne sur la chaire ad rhetoricam et poesim in uesperis. En 1524, son ami Giberti, avec l'accord du pape Clément VII, qui désire redonner du lustre au Studio bolonais, négocie auprés des Vénitiens son retour à Bologne mais Amaseo se heurte sur place à l'hostilité du clan organisé autour de Pio, peu désireux de lui céder sa chaire. Suite au décret du Sénat

bolonais de septembre 1524 qui ne lui accorde un salaire que de 325

lires, alors qu'il en avait demandé 400, il

repart à Padoue. Giberti intervient de nouveau pour qu'il puisse rentrer triomphalement à Bologne en octobre. Il récupére jusqu'en 1538 la chaire ad rhetoricam et poesim in uesperis. Sa réputation ne cesse de croitre et Ercole Gonzaga l'invite pour quelques mois à Mantoue en 1525. Bembo tente de le faire revenir à Padoue en 1526,

Wolsey l'invite en Angleterre, et Egnazio à Venise lui offre la chaire d'Antonio Tilesio en 1530. Lors de la

cérémonie de couronnement de Charles Quint par Clément VII à Bologne, il prononce devant les deux

souverains un discours De Pace’°* qui fut trés applaudi et récompensé par 300 ducats. En discours d'ouverture

de l'année académique 1530, il prononce également deux discours sur le De Latinae linguae usu retinendo, oü, comme Lazzare Bonamico, Celio Calcagnini ou Bartolomeo Ricci, il soutient l'idée que le latin doit étre la langue unificatrice de la civilisation et du Saint-Empire romain germanique, reléguant la langue vulgaire à n'étre

parlée que par les incultes. En 1531, Amaseo est élu secrétaire du Sénat, bien qu'il ne soit pas membre d'une famille bolonaise et il obtient la citoyenneté bolonaise en 1533. La méme année, il publie à Bologne chez

Ioannes Baptista Phaellus sa traduction de l'Anabasis de Xénophon. En 1534, il fait partie de la délégation

bolonaise qui félicite Paul III de son élection. Le pape le retient à Rome et lui confie en 1535 la poursuite de 99 Sur Amaseo, voir F. Scarselli, Vita Romuli Amaseo, Bologne

1769 ; V. Cian, « Per la storia dello Studio bolognese nel Rinascimento. Pro e

contro l'Amaseo » in Miscellanea di studi critici edita in onore di A. Graf, Bergame, 1903, p. 201-222 ; R. Avesani, « Amaseo, Romolo Quirino »

in DBI, t. Il, 1960 P- 661-666. E. Billanovitch, G. Frasso, « Amaseiana », Italia Medioevale e Umanistica, 22, 1979, p. 531-545. Voir agilement A. M. Anselmi, L. Avellini, E. Raimondi, « Il Rinascimento padano » in A. Asor Rosa (dir.), Letteratura Italiana, Storia e Geografia, ll, 1 : L'Età

moderna, Turin, 1988, P. 560-561 ; E. Malato (dir.), Storia della letteratura italiana, Rome, 1996, t. Iv, P. 468-469 ; L. Chines (dir.), I lettori di retorica e humanae litterae allo studio di Bologna nei secoli XV-XVI, art. n° 4, s. v. « Amasaeus Romulus foroiuliensis (Romulus Amaseus, Romolo Amaseo) » Bologne, 1990, p. 4-5. ?55 L, Chines (dir.), I lettori, p. 4. Pour R. Avesani,

« Amaseo, Romolo Quirino », il s'agit d'une chaire de lecteur en grec et en latin.

20%6 Romuli Amasei orationum uolumen, Bologne, lohannes Rubrius, 1567, p. 74-100.

“ Ibid, p. 101-146.1l appelle ces deux discours Schola I et II. 696

697

mM

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre

l'éducation des cardinaux Alexandre Farnése et Guido Ascanio Sforza, déjà entamée à Bologne les années précédentes. En 1538, il obtient à Bologne, en plus de la chaire ad rhetoricam et poesim in uesperis, la chaire ad

humanitatis studia horis pomeridianis. Épuisé par cette double charge et mal rémunéré, il tente dés 1539 puis en 1542 de partir pour Rome mais ses tractations n'aboutiront qu'en 1543. Visiblement insatisfait de son sort ou

sous la pression du Studio bolonais, il repart pour un an enseigner à Bologne, avant de s'établir à Rome en 1544 oü il assure à la fois l'éducation d'Alexandre Farnése et un enseignement public à la Sapienza. Dans le cercle

d'Alexandre Farnése, il fréquente Annibale Caro, Claudio Tolomei, Paolo Giovio. En 1546, il accompagne en Allemagne le cardinal Farnése nommé légat, au cours de la guerre contre la ligue de Smalkalde. En 1547, il

la main, tandis qu'une il convient d'évoquer Ottavio et Alessandro de la poésie élégiaque des ceuvres plastiques

en général, soumises à l'usure du temps et à l'oubli. Ainsi, Properce, dans l'élégie 3, 2, 19-22, oppose son

publie à Rome sa traduction de Pausanias, gráce à l'aide de son fils Pompilio, de Gabriele Paleotti et de Francesco Bolognetti, et il la dédie au cardinal Farnése. En 1550, il est appelé par Jules III à la secrétairie des

modeste

La correspondance d'Achille Bocchi et de Romolo Amaseo conservée à la bibliothéque ambrosienne de Milan (cote D. 145 inf) montre assez les liens complexes mais étroits qui unissaient les deux humanistes. Les Symbola

réduiront à néant (ruent). L'ceuvre poétique ou littéraire au contraire résiste à l'oubli en conférant à son auteur une gloire immortelle (v. 25-26) : At non ingenio quaesitum nomen ab aeuo/ Excidet : ingenio stat sine morte decus. « Mais la gloire procurée par l'intelligence ne sombrera pas dans l'oubli : pour le génie il existe un prestige

lettres latines où il restera jusqu'en 1552, date de sa mort.

133 et 136 lui sont également dédiés. — v. 38 : thesauros] Voir l'Achillis Bocchii apologia in Plautum (Bologne,

1508), 3, 113 (f Kiiir?-v^), qui, pour

évoquer les deux sens de thesaurus, à la fois le trésor et le lieu oà l'on entrepose le trésor (Vbi per thesaurus repositoria thesaurorum intelligere necesse est), propose plusieurs citations éclairantes sur l'idée de la mémoire comme lieu oü s'entreposent des trésors : Paulo post dicit Aristoteles in tertio de anima quod intellectus possibilis est locus specierum, quod nihil aliud est dicere quam ipsum esse thesaurum intelligibilium specierum, ut uerbis [£ k iiiv°] Auicenae utamur. Augustinus in quadam ad Hieronymum epistola : animas creare uel ex fonte aliquo siue thesauro quodam quem tunc fecit eas mittere. Praeterea Cicero libro primo De Oratore ait: quid dicam de thesauro omnium rerum, memoria ? Quae nisi custos inuentis

cogitatisque rebus adhibeatur, etc. Praeterea ad Herennium libro tertio : nunc ad thesaurum inuentorum atque omnium

partium Rhetoricae custodem memoriam transeamus.

— v. 50 : Panthoides Samius] C'est-à-dire Pythagore. - V. 57-60: Bocchi dresse ici un tableau rapide de l'Àge d'or au temps des Farnése, comme

l'indiquent la

présence du zéphyr et celle des lys céruléens, fleurs qui ornent leur blason. Le cortége d'allégories est significatif du retour à ce temps originel marqué par la prospérité : on assiste ainsi au retour attendu d'Astrée, c'est-à-dire la

constellation de la Vierge, de la Paix et de l'Abondance (sur tous ces points, voir notre analyse des Symb. 85 et 125, et notre introduction). La mention de Sagesse, Vertu et Foi oriente le discours dans un sens beaucoup plus

religieux. - v. 65 : Latonius] C'est-à-dire Apollon, fils de Latone.

libellum à des prestigieuses réalisations architecturales (pyramides, temple de Zeus à Olympie,

tombeau de Mausole à Halicarnasse), en soulignant que le feu, la pluie ou l'àge (annorum aut ictu, v. 24) les

immortel ». Une

idée semblable est énoncée par Horace dans une ode célébre (5, 30, 1-3) où il évoque

également les pyramides et les menaces de ruine (méme terme que Properce : diruere) que représentent la pluie, le vent et la fuite du temps : Exegi monumentum aere perennius/ Regalique situ pyramidum altius/ Quod non imber edax, non Aquilo inpotens/ Possit diruere aut innumerabilis/ Annorum series et fuga temporum. « J'ai édifié un monument plus durable que le bronze, plus haut que le royal ensemble des pyramides, que ni la pluie qui ronge, ni l'Aquilon puissant ne sauraient détruire, pas plus que l'enchainement des années ni la fuite des temps ». On retrouve également le topos chez Martial 7, 84, mais légérement modifié. Martial fait envoyer son portrait à un certain Caecinus Secundus mais précise que ses vers donneront de lui une image plus juste (v. 6 : Certior in

nostra carmine uoltus erit). Et il conclut précisément que ni les hasards de la vie ni le passage des années ne pourront l'altérer ; le portrait de papier est plus durable encore que l'ceuvre d'Apelle : Casibus hic nullis, nullis delebilis annis/ Viuet, Apelleum cum morietur opus. À la Renaissance, Politien, dans le méme esprit, évoque les sept merveilles du monde à la fin de sa Silve Manto et énumere les attaques qui les font périr : celles du vent, de la

foudre, et de la « dent silencieuse du temps qui s'étire », facitis lenti... dentibus aeui, v. 337). Il leur oppose l'eeuvre éternelle du poéte (v. 339-340) : At manet aeternum et seros excurrit in annos/ Vatis opus. Un autre

exemple est fourni par Battista Spagnoli qui, dans ses monuments célébres de l'Antiquité (pyramides, temple Sémiramis, Palatin romain) pour montrer que leur durée solidum contriuit et aera,/ Tempus enim dura singula fauce

Epigrammata ad Falconem, 61, 9-12, énumére les de Jupiter Ammon et de Diane d'Éphése, palais de est inférieure à celle de la vertu : Longa dies marmor terit./ Maius opus uirtus quam nec dissoluere possunt/

Tempora, nec rauco fulmine pulsa sono, « La durée des jours use la dureté du marbre et de l'airain, car le temps

-v.73-74:

-Siué manu expictam Bonarottae seu Titiani...] Bocchi invite ici le lecteur à imaginer un portrait de Paul III (effigiem) sous trois formes différentes dont deux plastiques et une littéraire, chacune incarnée par un illustre représentant : la sculpture, représentée par Michel-Ange Buonarotti ; la peinture, représentée par Titien, et la poésie, représentée par Amaseo lui-méme (calamo, v. 74). Si on ne connait pas de sculpture de Paul III réalisée par Michel-Ange ni de piéces poétiques rédigées par Amaseo (il prononcera toutefois l'éloge funébre du pape),

broie une à une les choses dans sa gorge impitoyable. La vertu est ouvrage plus résistant, elle que ne peuvent dissoudre les années et que n'a point réussi à abattre la foudre au grondement sourd ». ANALYSE

1. Présentation

Cette pièce, dédiée

' à Romulo Amaseo et écrite à la gloire des Farnése, a été commandée par le cardinal

il existe en revanche plusieurs portraits bien réels du pape Paul III par Titien**, En 1543, au moment oü le

Alexandre Farnése par l'entremise d'Amaseo, comme le rappelle explicitement le texte (v. 63-64) : [symbolum]

l'Arétin?? Puis Titien exécute, vers 1 545-1546, d'aprés le premier, un second portrait à l'intention de Guido

(Farnesius heros v. 9), mais en particulier l'illustre ancétre, le pape Paul III (cf. v. 71 : Alexandri maioris), L'emblématiste imagine un ambitieux objet encomiastique apte à représenter l'àme héroique (mens) des illustres protecteurs de l'académie bocchienne, sous la forme symbolique d'une « lampe suspendue » (lucerna

souverain pontife se rend à Bologne, Ferrare et Busseto pour y rencontrer Charles Quint, Titien peint le pape téte nue? (Planche VI, Fig. 11), avant de venir à Rome en 1 $45 : le portrait est loué par Vasari et par

Ascanio Sforza, cardinal de Santa Fiore et neveu du pape (il est le fils ainé de Costanza, la fille de Paul III). 2088 Voir M, Hochmann, Venise et Rome 1500-1600, Paris, 2004, P- 319-330:

mostra, Museo Capodimonte, 25 marzo-4 giunio 2006, Naples, 2006, p. 138-130, n? 17.

?? Voir A. Cloulas, « Le portrait de Paul III conservé à Toléde : original ou copie ? », Mélanges de la Casa Velásquez, 2/2, 1966, p. 97-102.

698

sns—À

quod et ante rogabas/ Inclyti Alexandri Farnesi nomine. Il s'agit, bien sár, de célébrer une lignée de héros

« Titien à Rome ».

?"* Le tableau est conservé au Museo Capodimonte de Naples (n* d'inventaire Q1 30). Voir Tiziano e il ritratto di corte da Raffaello ai Carracci, Catalogo della



Charles Hope propose d'identifier le tableau avec l'exemplaire de Naples n? Q1135?!. Ce second portrait, assez

proche du premier, représente un pape plus ágé, portant la barette, un rouleau de papier à fenétre s'ouvre sur un paysage à la droite du tableau. Enfin, toujours à Naples (n? Q129), ici également le tableau de 1546 représentant le pape Paul III entouré de ses deux neveux, Farnése"*" (Planche VI, Fig. 12). - ... Siue tuo potius calamo quam nulla uetustas deleat] Bocchi réactive un motif bien connu qui oppose l'éternité de l'oeuvre de poésie à la fragilité des monuments architecturaux et

??! Tiziano e i] ritratto, p. 148-149, n? 22.

02 Ibid,, P. 150-151, n? 23.

7?! Voir les éléments biographiques dans notre étude du Symb. 4.

699

V

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

ou lychnuchus pensilis?*), comme l'annonce le titulus du texte. On rappellera que, dans le Songe de Polifile de

* V. 26-32 : la flamme se propage le long de la chaine d'or, symbole de l'enchainement des causes : c'est une image de l'Àme ignée qui veut retourner à son origine céleste ;

Francesco Colonna, le temple de Venus Genitrix s'orne de plusieurs objets complexes, en partie symboliques, « su$pendus » à des chaines: i| s'agit d'une lampe et d'un mobile sonore comportant en particulier des

* * * *

clochettes tintant contre une sphére métallique au gré du vent?*,

Dans l'image de l'embléme, la configuration générale (la lampe est placée au centre d'un globe lui-méme relié à une chaine) et ses différents constituants (des axes et des cercles intérieurs) font ressembler cet objet, par bien des cótés, à une sphere armillaire d'un genre un peu particulier. Rappelons que, si les spheres astronomiques de la Renaissance dépendent encore largement du Tractatus de sphaera de Sacrobosco (voir en particulier le livre les conceptions de Ptolémée : ainsi Gemma Frisius (1508-1555), le maitre de Gerard Mercator, perfectionne ces instruments dans l'école qu'il fonde à Louvain et publie en 1534 son traité De usu annuli astronomici sur l'anneau

* V. 13-17 : les soutiens du globe extérieur (Fortune et Abondance) ; la chaine d'or d'Homere ; * V. 18-25 : la lucerna carrée, les trois cercles, les six axes ; sa Stabilité à l'intérieur du globe sans cesse en

mouvement ;

2094 C£ CIC. ad Quint., 5, s, 9. Sur les lychni ou lustres qui pendent du plafond, cf. MACR., Sat., 6, 4, 18 ; VERG., Aen., 1, 726 ; STAT, Theb., 1, 521. %5 E. COLONNA, Hypnerotomachia Polifili, Milan, 1998, t. 1, p. 208-211 Ariani-Gabr iele. "95 Voir L. Thorndike, The Sphere of Sacrobosco and its Commentators, Chicago, 1949 ; Ph. Dutarte, Les instruments de l'astronomie ancienne de l'Antiquité à la Renaissance, Paris, 2006, P. 7-46 : « La sphére de Sacrobosco , best-seller de l'astronomie ancienne ». "9" Voir F. Hallyn, Gemma Frisius, arpenteur de la terre et du ciel, Paris, 2008. Sur le contexte cosmographique à la Renaissance, voir F. Bertola,

Imago mundi : la représentation de l'univers à travers les siécles, Bruxelles, 1996 pour la trad. franc. ; I. Pantin, La poésie du ciel en France dans la

seconde moitié du seiziéme siécle, Geneve, 199 5; J.-M. Besse, Les grandeurs de la Terre. Aspects du savoir géographique à la Renaissance, Paris, 2003, P- 47-49. Sur les conceptions astronomiques de la Renaissance et leurs mutations, voir W. G. L. Randles, De la terre plate au globe terrestre, une mutation épistémologique rapide, 1480-1520, Paris, 1980;J. Bennett, D. Bertoloni Meli (dir.), Sphaera mundi: Astronomy Books in the Whipple Museum, 1478-1600, catalogue de l'exposition présentée au Whipple Museum of the History of Science de Cambridge, Cambridge, 1994; I. Pantin, « L'illustration des livres d'astronomie à la Renaissance : l'évolution d'une discipline à travers ses images », in F. Meroi, C. Pogliano (dir.), Immagini per conoscere : dal Rinascimento alla rivoluzione scientifica, Florence, 2001, P- 3-41 ; I. Pantin, « L'astronomie et les astronomes à la Renaissance : les facteurs d'une mutation », Nouvelle Revue du XVI. s., 20/1, 2002, P. 65-78 ; S. K. Heninger, The Cosmographical Glass. Renaissance Diagrams of the Universe, San Marino (Cali£), 2004 (1977*) ; M. P. Lerner, Le monde des sphéres, t. IL : La fin. du cosmos classique, Paris, 2008* ; Les méditations cosmographiques à la Renaissance. Contributions issues de la 26° Journée d'études du Centre V. L. Saulnier, Université

Paris-Sorbonne, Paris, 2009.

298 Sur Copernic, voir H. Hugonnard-Roche, E. Rosen, J.-P. Verdet (éd.) : Introduction à l'astronomie de Copernic : le Commentariolus de Copernic, la Narratio prima de Rheticus, Paris, 1975 ; A. Koestler, Les somnabules : essai sur l'histoire des conceptions de l'univers, Paris, 1090 pour la trad. franc ; E. Rosen, Copernicus and his Successors, Londres/Rio Grande (Ohio), 1995 3J-J. Szezeciniarz, Copernic et le mouvement de la terre, Paris, 1998 ; M. Carrier, Nikolaus Kopernikus, Münich, 2001 ; O. Gingerich, Le livre que nul n'avait lu : à la poursuite du De reuolutionibus de Copernic, Paris, 2008 pour la trad. franc. ; M. Blay,J. Seidengart, R. Giroldini (éd.) : Niccoló Copernico, La struttura del cosmo, Florence, 2009 ; A. De Pace (éd.) : Niccolà Copernico e la fondazione del cosmo eliocentrico. Con testo, traduzione e commentario del libro I de Le rivoluzioni Celesti, Milan, 2009 ; R. S. Westman, The Copernican Question : Prognostication, Skepticism and celestial Order, Berkeley, 2011 ; D. Sobel, A More Perfect Heaven : How

Copernicus revolutionizes the Cosmos, Londres/Berlin/New York, 2001.

700

33-41 41-52 53-56 57-60

: : : :

les trois cercles symbolisent la triade raison-volonté-mémoire j les six cercles : vertus pythagoriciennes du chiffre 6 ; lalampe illumine le monde entier... ... et ramene, avec les lys Farnése, les vertus de l'Àge d'or;

- v. 61-65 : Bocchi annonce qu'il a parfaitement rempli sa táche d'inventeur et ne pouvait pas mieux trouver. - v. 66-69 : le symbole offre un portrait purement spirituel des vertus du destinataire, gráce aux pouvoirs du langage allégorique qui dépasse la représentation sensible ;

2), rédigée à Paris au xiti* s.5, le xvi* siécle manifeste un regain d'intérét pour de ces instruments inspirés par

astronomique^""", On rappellera que c'est en 1530 que Copernic achéve son traité De Reuolutionibus orbium coelestium, oü il expose ses théories héliocentriques : le traité circule de maniére manuscrite et ne sera publié qu'en 1542/*. Le poéme emblématique, qui repose sur un abondant intertexte antique, présente donc un objet symbolique qui manifeste un goüt pour la science et la technique. Ce point le rapproche du corps de certaines devises à peu prés contemporaines d'autant plus que, sur la gravure, sa représentation recoit une citation biblique en forme de motto. On rapprochera ce globe illuminé de la boule étincelante qui entre dans la devise de Clément VII, à laquelle est consacré le Symb. 111. Résumons briévement les étapes du texte : - V. 1-12 : préambule en deux parties : * V. 1-7 : Bocchi s'adresse à Romolo Amaseo pour lui signifier combien lourde a été pour lui la tàche de proposer un portrait de l'àme humaine ; * V. 8-12 : demande d'aide à Calliope qui trouve en Alexandre Farnése l'ancien un héros inspirant. - V. 13-60 : description et interprétation de la lucerna et de ses parties :

V. V. V. V.

- V. 70-83 : comparaison avec les portraits peints (Michel Ange, Titien) et littéraires (Romolo Amaseo), qui eux

aussi, révèlent les vertus du destinataire. Énumération de ces vertus ; leur éclat.

2. Genése La piéce a connu une genése lente et complexe qu'il est possible de reconstituer pas à pas gráce à cing lettres autographes de Bocchi à Romulo Amaseo, qui consacrent des passages plus ou moins longs à l'élaboration de l'embléme. Ces lettres passionnantes nous révélent les motivations et les étapes de la composition de l'embléme. Mais elles soulévent également le voile sur les réactions que ses différentes composantes (gravure et poéme, congus successivement) ont suscitées de la part du cardinal Farnése et du pape, ou encore du cercle d'humanistes autour d'Amaseo (en particulier Marcantonio Flaminio) et on y apprend de maniére trés précise quelles corrections y ont été apportées par Bocchi lui-méme suite aux suggestions qui lui ont été faites de la part des humanistes dont il sollicitait l'opinion. C'est un témoignage essentiel sur les conditions culturelles qui entourent certaines piéces du recueil emblématique, sur les exigences littéraires qu'il s'impose et sur les contraintes socio-économiques qui entourent sa rédaction. Les lettres couvrent une période s'étalant du 17 septembre 1548 (annexe 1) au 28 janvier 1549 (annexe 2), en passant par le 25 septembre 1548 (annexe 4), le 23 octobre 1548 (annexe 3) et le 5 décembre 1548 (annexe 5). L'embléme s'est constitué à partir de ces lettres,

en particulier celle que nous reproduisons dans l'annexe 1 et qui en propose une exégése en prose. Le poéme

s'avére, à bien des égards, n'étre que la version poétique de certains passages clés de la missive en prose. L'épitre versifiée tente de restituer à la fois le ton libre des conversations au sein de l'académie et l'atmosphére effervescente qui entoure l'activité créatrice. De plus, l'épitre s'insére dans une pratique contemporaine trés

prisée,

qui

consiste,

pour

l'artiste

(et/ou

le

conseiller-concepteur

s'ils

sont

distinds),

à adresser

au

commanditaire d'une invenzione allégorique complexe (pour le décor d'une piéce ou d'un palais par exemple) une lettre explicative qui attire son attention sur le sens général de la composition, ainsi que sur les motivations

de ses détails symboliques. Ainsi, Giorgio Vasari qui réalise en

1543 pour Alexandre Farnese une Allégorie de la

Justice, destinée au Palais de la Chancellerie à Rome, adresse à son protecteur un dessin et une lettre explicative,

complétés par un mot de l'historien Paolo Giovio^?9",

Nous proposons ici un rapide survol du contenu des lettres préparatoires de Bocchi, présentées de maniere

chronologique, et renvoyons le lecteur à l'édition du texte latin dans sa continuité au sein des annexes, oü nous avons respecté l'ordre d'apparition des lettres dans le manuscrit. * Annexe 1 - La lettre, datée du 17 septembre 1548, nous apprend que Bocchi a fait bien des essais pour inventer un symbole (symbolum) pouvant représenter l'àme et qu'il est parvenu finalement à une version satisfaisante, dont

il envoie une représentation (expictum) à son destinataire?', On peut supposer que cette version finale n'est pas

% Voir A. Fenech-Kroke, Giorgio Vasari, la fabrique de l'allégorie. Culture et fonction et fonction de la personnification au Cinquento, Florence, 2011, p. 173. 3

qe 3r? : De Mentis effigie conatus sum

symbolum.

multa, ex quibus unum

ad te mitto expictum

iam, sed nondum

carmine satis ex animo

meo expressum

701

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

éloignée du dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou de Prospero Fontana?" que l'on connait pour la gravure de l'embléme. La fin de la lettre (voir infra) nous apprend que l'image existe déjà sous forme gravée et que Bocchi envoie à la famille papale non seulement un tirage (cuius formulam [...] deinde cylindraceo praelo excussam in tabellulam mitto), mais aussi la plaque gravée qui a servi à son la réalisation de la gravure (primó in aes incisam). Bocchi regrette, par manque de moyen, de ne pas pouvoir fournir une image en or ou en argent, c'est-à-dire probablement une médaille. La gravure emblématique finale, nous livre donc assez fidélement cette composition longuement mürie et abondamment remaniée. - Suit alors une description de l'objet, trés proche de l'ordre d'apparition des éléments et des formulations du texte emblématique : d'abord la mention de la Fortuna aurea et de la Copia, ainsi que de la main céleste tenant

catena aurea Homeri" ; puis le globe et la lucerna au centre, les trois cercles qui l'entourent et les six axes qui lui

permettent d'étre mobile mais sans jamais se renverser. La lucerna comprend les autres éléments plus qu'ils ne la

comprennent?'??,

— Bocchi évoque ensuite la nature ignée de l’àme cherche à enflammer la main divine par l'intermédiaire de la

chaine d'or, enchainement des causes. L’àme peut ainsi retourner à son origine et sa fin célestes?!^*.

— Le sens symbolique des trois cercles est dévoilé et leur ordre: Mémoire à l'intérieur, Volonté au centre,

Intelligence à l'extérieur*, On remarquera que l'Vsus et ses trésors ne sont pas mentionnés (cf. v. 38), et la

Volonté n'est pas encore dotée de ses sceptra imperiosa (cf. v. 35-36).

— Mention est faite de la citation de la Genése qui servira d'áme à la devise sur la gravure?!**. - L'áme transporte tout avec elle, s'éléve vers l'éther et est maintenue par six axes?!'7, - Vient ensuite l'éloge du sénaire, de l'unité (le mot monade n'est pas prononcé) et du septénaire. Les expressions Mosaica sapientia et Pythagoras Gamon seront supprimées dans la rédaction finale de l'embléme?!**.

— Prend place alors un petit interméde (qui disparaitra de l'embléme) oà Bocchi exprime sa crainte de dire des évidences et de pointer des sources que tout le monde connait: il redoute des critiques de la part de ses

détracteurs s'il se montre trop explicite?!9?.

- La description se termine sur l'évocation de la perfection du sénaire qui permet à l'àme de ne jamais sortir d'elle-méme et sur celle du septénaire qui illumine tout autour de lui. Mention est faite du blason Farnése

contenant les six lys, symbole

Zéphyr^

10.

de caritas, qui assureront la mémoire

de ses porteurs, tandis que souffle lu

- Bocchi rappelle que l'objet est une commande du cardinal Alexandre Farnése et qu'il avait, sous l'inspiration d'Apollon, publié une épigramme célébrant les lys Farnése et le fait que la descendan ce de Paul III ne

s'éteindrait pas avec lui*!!!, II ne cite que le début de l'épigramme, mais elle figure en entier à la fin de la lettre.

- S'amorce une réflexion sur la possibilité d'un portrait abstrait des vertus papales, et la lettre propose une comparaison entre le portrait conceptuel que propose le symbole et le portrait au vif du pape Paul IIP!?, Aucune mention n'est faite de Michel-Ange ou Titien, ni de la place du portrait littéraire, comme ce sera le cas dans l'embléme (v. 73-75). - Bocchi invite à imaginer ce portrait figuratif, tout en évoquant implicitement son symbole à travers l'image de la vertu stable qui ne bouge pas lorsque le monde extérieur s'agite ou chavire. La sagesse et la vertu de Paul III

ont la méme évidence que la clarté du soleil dans le ciel? ; la rhétorique de l'enargeia fait une place à la

représentation mentale suggérée par le symbole. - La lettre retourne aux conditions d'élaboration de l'objet : Amaseo l'a demandé au nom du cardinal Farnése, mais il a suggéré à l'emblématiste quelques idées directrices pour son invention. Bocchi explique que si le résultat n'est pas à la hauteur des espérances du destinataire, il y a toutefois placé beaucoup d'énergie et que, de toute facon, il ne pouvait pas avouer son incapacité devant une telle requéte^!'*, La digression sera en partie

reprise au début du texte emblématique (v. 4-6).

- Bocchi rappelle que son dédicataire avait requis explicitement de ne pas voir sur la composition de figures humaines (comme le recommande Paolo Giovio dans les corps de devises, bien qu'il y ait de nombreuses exceptions). Bocchi répond à Amaseo qu'il peut trés bien retirer les images de la Fortuna et de la Copia et qu'il lui envoie d'ailleurs la plaque de cuivre incisée de la gravure, ainsi qu'un tirage (tabellulam), imprimé sur le

« pressoir à cylindre » (cylindraceo praelo), c'est-à-dire une presse à vis?!'5.

- Bocchi regrette, à cause de la modestie de ses moyens, de l'indigence des artistes et du manque de temps, de n'avoir pas pu fournir une image gravée en argent, voire en or (on pense à une médaille), mais il ne doute pas

que le cardinal Farnése aura le pouvoir de faire transposer la composition sur un support plus prestigieux?!'. - Îl revient à nouveau sur sa situation financiére difficile^!",

“110 F° sv? : Nunc redeo illuc undé sum digressus. Senarii uirtute perficitur ut nunquam ex potestate sua mens exeat neque discedat à suo centro, quod

??! Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23 » P- 19, n° 60 (2 CXXX).

7? F° 3^ : Fortuna aurea quam nonnulli Regiam uocant, leua gubernaculum tenens, simul à regione Copia cum suo diuite cornu globum mundi diuina manu demissum caelo per auream illam Homeri catenam complectantur = Symb. 132, v. 13-17.

“ F° 3r-v^ : In. medio circa globi centrum accensa lucerna, quadrata, pensilis, tribus circulis contenta, et suo ipso pondere librata, sex axibus circulorum dispositis, apté liberéque circunquaque uolubilis, tamen unquam non erecta, licet ab agitato exterius globo huc illuc etiam atque etiam uehementer et assidue quatefacta, sibi constans, lucet semper, et intus et extra ipsa sese lumine suo complectens et prodens mundum comprehendit magis quam comprenh

endatur à [P 3v^] mundo = Symb. 132, v. 18-25. 2104 F° 3v° : Superiora semper flammulis scintillantibus petens, quasi incensura manum illam e nubibus emicantem, quae catenam sustinet. Haec uerò mens est quae principium finemque suum natura suapte recognoscens, per illam seriem causarum auream et immortalem inenarabili celeritate ascendit.

Nempe igneus est olli uigor et celestis origo = Symb. 132, v. 26-33.

?'5 F° sv? : nihilo tamen secius centrum ueritatis constantissimé tenet tribus facultatib us contenta, Rationis, Voluntatis et Memoriae. Ratio interius consulit, Memoria cuslos exterius uigilat, in medio Voluntas imperat, quae quidem facultates non tam regunt mentem quae reguntur ab ipsa = Symb. 132, v. 32-39. 2106 Eo 3v? : Circa globum mystica hac diuini uatis apposita uerba TO OX EN THI XKOTIAI QAINEI (Tàó oàg &v 1j oxotia Qaívet) E

Symb. 132, in pictura.

2107 F° 3v? : Omnia sua secum portat ipsa, sex polis innixa ; sic uertitur ut nunquam possit inuerti. Facit id ponderis grauitas quae dum ima petit, natura suapte ad perpendiculum mentem dirigit in aethera = Symb. 132, v. 40-44. 2108 F° 3v? : Caeterum de senario numero aliás, quo mundi genesim absolutam fuisse ex Mosaica sapientia didicimus cui unitas inclusa sacrum efficit septenarium, quem Pythagora

V. 4$-52.

s Gamon appellauit, quoniam eius partes iuxtà positae ipsum gignant similémque reddant genitum genitori

2 Symb. 132,

7? F° av^ : Nam quid tibi notissima repetam ? Satis mihi fuerit digitos ad fontes intendisse, ut caussam meam animosius tuearis, aduersus obtractatores quosdam loquitantes (ut accepi) de me summussim, quasi temerè multa moliar et ineptà.

702

absoluit septenarium in medio radians et illuminans omnia circunquaque. Indé sena lilia diuinitus unico orbe contenta perpetuó florent et, aura diuini Zephyri aspirante, florebunt memoria ad posteros sempiterna = Symb. 132, v. 53-59. n ge avo : Igitur si me satis audias, hoc ipsum symbolum Mentis mecum statues quod tam studiose Minoris Alexandri rogatu quaerebas quódque Cynthius aurem uellens et admonens nuperrimé edictauit ad hunc modum : « Cerula dum laeto, etc ». 2112 Fo 3v?- Ar? : At ueró si quam forté mauis expressiorem figuram et quae magis proxime accedat ad optimam illam quam neque oculis neque auribus neque ullo sensu percipere possumus, cogitatione tantum et ipsa mente complectimur, ecquid aliud significantius symbolum perfectae mentis esse potest quam ipsa Maioris Ale|xandri [f 41"] expressa ad uiuum imago ? = Symb. 132, v. 66-71. 23 Re 4r° : Huius ergo nobis formam et figuram proponamus ante oculos, ut in memoria semper habeamus diuinam Pont optimi maximique sapientiam, non ignari quid grauitas, quid integritas quid magnitudo animi, quid denique uirtus quae in tempestate quieta esl, quae lucet in tenebris et pulsa loco manet tamen atque haeret in uero Dei cultu ac pietate. Splendet per sese semper neque alienis unquam sordibus obsolecit. Haec qui negat, neget etiam per me licet solem meridie non lucere = Symb. 132, v. 75-83. 2 E? 41? : Habes. iam quod petebas, meum illud aliquid repertum pro tempore, et si minus fortassé bellé quam uoluisses, certé haud quaquam negligenter excogitatum. Quod si iudicio tuo non displicuerit, gratiam hanc habebo tibi, qui materiam mihi dederis olim ut possem aliquid facere, quod Hero nostro probaretur, cui aperte placuisse laudem summam esse duco. Sin minus, causa nulla erit cur studium meum accuses obsequendi tibi, cui dum negare non audeo quod non possum, sentio me nomen impudentiae uitare non potuisse.

"5 Fe 4r° © [lud non omittam quod ad extremam pertinet epistolae tuae partem, malle te quiduis aliud in symbolo Mentis quam humanam effigiem. Ego uero cur in Heroicis libentius hominis figura utar quam ulla re alia, satis olim (ni fallor) exposui. Caeterum si noster hic aliud mauult (ut ais) quam hominem, erit in tua manu in symbolo mentis inducere prorsus ac remouere Copiam cum Fortuna Regia solámque retinere lucernam pensilem,

quadratam, in globo suo catenae illi aureae appenso, manu diuina sustinente, collocatam, cuius formulam primó in aes incisam, deinde cylindraceo praelo excussam in tabellulam mitto. MB? ago; Ecquidem nisi res, tempus et artificum diligentia me defecissent, misissem huius ipsius symboli eminentem solidámque aliquam ex argento,

uel auro potius expressam quam adumbratam istam primisque tantummodo lineis quibusdam informatam imaginem. Nam sic ipsa illa Mese » constantia inconcussa melius extaret. Sed praestabit id Heros hic nosler et auream protinus ex aerea facere arbitratu suo poterit qui potest omnia. Quid 3! paucos post dies argenteam misero ?

703

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

- Il évoque alors un point peu clair et semble dire qu'Amaseo lui a sauvé la mise pour une literarum scriptio, c'est-à-dire une petite composition littéraire. S'agit-il d'une ébauche du poéme qui n'est pas encore rédigé et qui doit accompagner l'embléme ? Rien ne permet de l'affirmer. Bocchi déclare simplement qu'il est d'accord avec

Amaseo et que, lorsqu'il reste totalement muet et silencieux (c'est-à-dire sans inspiration), Amaseo réussit à lui

faire comprendre qu'il doit remettre ce travail (id) à ses commanditaires plutót que de passer son temps à reconnaitre tout ce que la composition en question doit à l'affection d'Amaseo, plutót qu'à son jugement. Bocchi avoue apprécier tout ce qui a été proposé, quelle que soit la qualité de ce qui a été écrit, et que c'est là un

immense soulagement?''*,

- Salutations à Bernardino Maffei, Marcantonio Flaminio, Antonio Bernardi et à un certain Aelio. + Annexes 4 et 3

Les deux lettres datent respectivement du 25 septembre 1548 et du 23 octobre 1548. Dans la premiere, Bocchi

rappelle qu'il a envoyé le symbole demandé par le cardinal Alexandre Farnése et s'inquiéte visiblement de ne pas avoir recu de nouvelle d' Amaseo à propos de sa lucerna pensilis. Dans la seconde, Bocchi rappelle une nouvelle fois que c'est bien le cardinal Alexandre qui a fait la demande à Bocchi, par l'intermédiaire Amaseo, d'une image de sa constance d'áme (animi sibi constantis imagine). Bocchi

envoie désormais un modeste commentaire versifié (uersiculis expressum. commentum nescioquod) dont il souligne les imperfections qui subsistent (non quidem illud exquisitum), malgré ses efforts (haud oscitanter quaesitum). Il espére que la composition plaira, auquel cas ses espoirs ne seront pas vains. Dans le cas contraire, à la maniére de l'Hercule qu'il promeut dans ses emblémes, il espére amender et vaincre son esprit à force de

constance dans son travail d'émendation du commentaire, attitude qui, souhaite-t-il, sera plus fructeuse que de se fier aux hasards et circonstances, comme le fait Amaseo.

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Studio. Bocchi pousse Amaseo à trouver plusieurs intercesseurs, comme les cardinaux Morone et Cervini, qui

sont chargés de plaider sa cause. - La fin de la lettre présente un changement de main. L'épitre a probablement été reprise juste avant d'étre

envoyée et Bocchi précise qu'il fera parvenir à son destinataire une nouvelle représentation (formam)

lucerna, corrigée suivant les remarques d' Amaseo. + Annexe 2

La lettre est datée du 28 janvier 1549. C’est la plus récente de la série. Bocchi, par l’intermédiaire du fils d’Amaseo, Pompilio Amaseo, puis d’une lettre d’Amaseo lui-méme, a des nouvelles de la manière dont son emblème a été recu à Rome. Il remercie son destinataire de l'avoir préparé à la critique papale et d'avoir souligné

l'intérét de son travail ainsi que sa conformité avec les exigences requises?!?^.

Le texte poétique de l'embléme, désormais rédigé et soumis au pape et au cardinal Farnése, a été envoyé par

Bocchi à ses amis pour examen

(voir lettre précédente). Flaminio et Amaseo

auxquelles Bocchi répond trés précisément (nous traduisons) :

- La lettre est datée du 5 décembre 1348. Bocchi a envoyé une lettre à Amaseo par l'intermédiaire du fils de ce

dernier, Pompilio, mais n'a pas encore recu de réponse. Il souhaite vivement savoir que le pape a pensé de son

Aóxvoc uexéopoc, la fameuse lucerna pensilis?!'?,

ont suggéré des corrections

Je remercie Flaminio pour les erreurs que, dis-tu, il t'a signalées avec beaucoup d'amitié sur telle et telle syllabe ; je

le remercie méme vivement d'avoir pensé qu'il devait corriger ma négligence par sa bonté et son acribie. J'avoue en toute honnéteté ignorer par quel moyen ce mot « absoluta » s'est glissé subrepticement dans notre vers? et je ne nie pas que, sous l'effet soudain d'une sorte d'échauffement de l'áme, j'ai été arraché loin de la terre, pensant sans doute davantage aux idées qu'aux mots et aux syllabes. Remplace le mot par « est confecta » ou tout autre solution que tu jugeras plus adaptée. Mais pour le « Nisi » au second vers, sache qu'il apparait écrit ainsi dans mon exemple : « Nemo neget, nisi uecors ». À la troisiéme syllabe du mot « Bonarottae », tu pourras redoubler la syllabe suivante en usant de l'épenthése, comme pour « littera », « relligio », et d'autres termes du méme genre :

cette addition naturelle rendra ainsi service?"

+ Annexe 5

de la

J'avais tout d'abord utilisé le prénom « Michaelis », qui m'a paru

ensuite ne pas sonner assez bien aux oreilles ; je l'ai biffé et l'ai remplacé par le nom de famille. Mais j'abandonne une meilleure appréciation, la correction ou la défense de ces points à ton attention et à ta fidélité, ainsi qu'à celles

de Flaminio. Désormais, je vois bien quel est ton sentiment sur les affaires que tu a si souvent traitées, menées et

ce point mais ajoute qu'il a tenté une interprétation en vers??? et i] supplie ses amis, dont Amaseo, de bien

rassemblées à présent en un tout. Et tout d'abord j'approuve avec énergie que, par tous les moyens et à toute heure, en te servant de n'importe quelle occasion, y compris celle que l'on suscite, et non pas seulement celle qui s'offre, tu rappelles au Trés Grand Vieillard""* que le bátiment de l'Académie farnésine?'" ne voudrait pas rester inachevé à cause de mon indigence.

- Bocchi évoque sans transition dans la suite de la lettre la question du financement de son académie, montrant clairement la visée encomiastique de son embléme en préparation, qui fonctionne comme un appel à l'évergétisme du prince??? I] mentionne avec joie que son nom, sa piété envers le pape et les activités de son académie ont été mentionnés au cours d'un diner auquel assistait Paul III Il et que le pape s'est engagé à s'en souvenir. Bocchi évoque également la question de son entrée au sénat et de sa mise en congé pour les cours au

Il est particuliérement significatif que la question de cet embléme suscite mécaniquement dans la suite de la lettre, comme pour la précédente, une supplique fervente à Amaseo pour qu'il intercéde en faveur du financement de l'académie bocchienne. La suite de l'épitre rappelle d'ailleurs à Amaseo qu'il a déjà recu de la part de Bocchi plusieurs symboles encomiastiques qui célébrent la libéralité des Farnese (cf. Symb. 85, 4, et 125) et devraient l'aider à plaider la cause du financement de la fameuse académie.

- On sait, d'aprés la lettre précédente, qu'un commentaire de l'objet circule au sein des lettres. Bocchi confirme

vouloir y porter toutes les corrections qu'ils jugeront nécessaires?!?!,

777 F° 4r° : Sed cogitationes meas haud facil sinit emergere res angusta domi. 2118 F?

Mais il est désormais temps de passer à l'interprétation de l'embléme et du curieux objet qu'il nous propose.

41^-4V^ : De scriptione literarum uide quantum assentiar, nam me caeteroqui n infantissimum cum agnoscam, facis

ut intelligam id praestare oportere magis quam fateri aut agnoscere quod à nimio quodam amoris affectu, potius quam iudicio [£P 4v^] tuo proficiscitur. Tua uerò mihi sane ulla dubitatione sic placent omnia quocunque modo scripta, ut nullum praesentiu s curarum angorámque meorum leuamen habeam. 19 F° 46r^ : Post eas literas quas recentissimas ad te Pompilio filio tuo dedi, nullas habeo tuas. Aueo tamen incredibiliter audire aliquid de Mentis effigie, quantum scilicet Heroi nostro placuerit ille Xóxvoc uexéopoz ... 2120 F° ; Do T TOS 46r" : ... quem explicare sum conatus ine interioribus ipsis literis meis,f plus nimio fortassis ista de causa loquacibus. Sed uide quanta mea sit ergà tehr confidentia, eaufide qui non contentus illa superiore interpretatione prosa et soluta ausus sum tentare pedestrem hanc, Musámque rogaui quae sane mihi nec inuita Minerua praesens adesse non erubuit causa tua. 77?! F° 46r" : Itaque siquid cogitatum dictmque non inepté prorsus animaduertes, id nomini tuo acceptum referto ; sin paràm commod quicquid fuerit, totum id tu Flaminiusque nosler, pro summa uestra in me beneuolenti a obsecro uos et obtestor, elimetis maléque tornata reddatis incudi ; ea plané charitate qua uestra soletis, omnia corrigatis, interpoletisque arbitratu uestro, ut aliquo saltem lenocinio gratiosus fiat istud mancipiolum meum, quod ceteroquin haud scio quid habeat per se, quod satis placere possit tantis his ce criticis, à quibus ego, me herclé, nimis malé mihi timerem, nisi essem praesidio uestro munitus. Hoc igitur etiam atque etiam peto et imploro.

77? F° 46r" : Tu uero, mi frater, fac obsecro, ut aliquandó sentiam te nihil frustrà mihi fuisse pollicitum de liberalitate minoris Alexandr i.

704.

23 po 6t . Et à Pompilio nostro superioribus diebus acceperam, et nunc tandem satis ex literis tuis pridie Nonas lanuarias datis intellexi de Mente quid

herus aestrimarit, quod me sane minus pupugit haud imparatum

isthaec humaniter ferenda, praesertim cum belló omnia quadrare iudicio dicas tuo,

quod sané tanti facio, ut iam mihimet in Mente illa nostra sine dubitatione placeam, tantum abest ut ea in re laborem frustrà susceptum fuisse conquerar. 2124 1] s'agit du v. 47 qui commence par Est confecta (absoluta comporte une syllabe supplémentaire qui ne peut pas 'éli s élider).

25 En allongeant mécaniquement la voyelle qui précéde la consonne redoublée. 7 C'est.à-dire le pape Paul III. 7 C'est-à-dire l'academia Bocchiana.

708

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire - Livre V

3. Essai d'interprétation : une étrange devise, entre sphére armillaire et cosmographie pythagoricienne

* Le cadre Avant méme de décrire l'objet symbolique, un globe cosmique (globum mundi, v. 15), le poéme plante le décor dans lequel il prend place. Le globe est en effet porté par deux allégories féminines qui le flanquent de part et d'autre (hinc... illinc, v. 13), la Fortuna et la Copia. La gravure en effet propose un paysage nu, accidenté par un rocher au fond et quelques touffes d'herbe, sur lequel apparaissent les deux allégories, légérement de profil, une jambe en avant, qui soutiennent de leur main droite le globe suspendu. Leur regard est comme fasciné par le spectacle qui s'offre à leurs yeux. À gauche, la Copia, vétue, est munie d'une immense corne d'abondance qui épouse la forme de son épaule pour montrer fleurs, fruits et deux palmes de victoire. De l'autre, Fortuna est nue,

les cheveux attachés, avec deux grandes ailes qui semblent battre. Dans la main gauche, elle tient un fragment de

gouvernail. Entre elles deux, on apercoit le fameux globe armillaire, autour duquel s'enroule en grec la citation dela Genése, « la lumiere brille dans les ténébres ».

Pourtant, dans la théorie de la devise telle que la formule Paolo Giovio par exemple, la figure humaine ne doit pas apparaitre. D'ailleurs, dans la lettre que nous citons en annexe 1, Bocchi précise à Amaseo que ces deux allégories sont, en quelque sorte, amovibles. En réalité, ces personnifications permettent de « situer » l'objet dans un contexte sociologique et historique : la Fortuna aurea ou regia, déjà évoquée à propos d'Henri II dans le Symb. 23 place l'objet dans la sphére du prince, tandis que Copia nous rappelle que l'Áge d'or, fait de paix et de prospérité, est de retour sous l'égide des Farnése. La présence de l'Abondance annonce le tableau idyllique des V. 57-60 oü les lys du blason Farnése, sur lesquels souflle le zéphyr, servent de métaphore à la floraison spontanée d'une nature fertile et pacifiée, peuplée d'allégories positives, sur laquelle se léve une nouvelle aurore (sur cette mise en scéne conjuguée de la pluie de fleurs et du lever du jour, voir les Symbola 85, 103 et 104). Outre les deux allégories féminines, le texte précise que le globe est suspendu par la chaine d'or d'Homére (catena aurea

Maeonii, v. 16-17) à une main céleste.

+ L'élément central : monade pythagoricienne ou feu stoicien ?

Le globe du monde se présente comme une sphére armillaire?"* qui comporterait en son centre, non le globe

terrestre, mais un foyer, la lucerna proprement dite (accensa... lucerna, v. 18), qui représen te l’àme sous la forme d'un luminaire. De quelle àme s'agit-il? Ame humaine, àme du héros ou áme du monde ? L'ambiguité est

savamment maintenue.

À la différence de la sphére armillaire de Ptolémée oà la terre est circulaire et immobile, le foyer central est ici

quadrangulaire (quadrata, v. 18) et mobile dans toutes les directions (uolubilis undique, v. 21), gráce à la

présence de six axes (dispositis sex axibus, v. 20; Sex innixa polis, v. 41). Or ce foyer quadrangulaire évoque

indubitablement la cosmologie pythagor

icienne de Philolaos, qui déclare qu'He&tia, c'est-à-dire la monade?'?, véritable cube ou autel de feu, occupe le centre absolu du monde^"", et qu'autour de lui viennent prendre place la terre et

l'anti-terre, ainsi que le reste du systéme des astres et des planétes. Mais la monade que présente le poéme emblématique est, de surcroit, mobile dans toutes les directions. Les six axes qui lui permettent de se déplacer annoncent le petit traité d'arithmologie autour du sénaire qui va suivre dans la suite du poéme (voir infra). Ils rappellent surtout le propos de Philon d' Alexandrie qui explique que les corps organisés peuvent se déplacer dans six directions différentes : en avant et en arriére, en haut et en bas, à

v. 23) et se fait symbole de l'àme vertueuse du sage stoicien qui ne se laisse déstabiliser par aucune passion (cf. v. 79 : [uirtus] tum pulsa loco tamen haeret )?'*?. Sur la gravure, on distingue parfaitement le centre quadrangulaire du globe (le foyer incandescent de la lucerna à proprement parler), les trois cercles qui l'entourent puis, comme pour toute sphere armillaire , six cercles qui ceignent le globe extérieur (les deux póles, l'équateur céleste et les tropiques, sans oublier l'écliptiq ue qui prend ici la forme de la ceinture du zodiaque, où apparaissent les signes astrologiques). Ces six cercles ne sont pas mentionnés dans le texte, de la méme maniere que les six axes qui Stabilisent le foyer central et qu'évoque le poéme ne sont pas visibles. I s'agit ici d'une simple permutation, qui substitue à un élément difficilem ent visible dans la configuration d'ensemble (six axes) un autre élément beaucoup plus manifeste et représent able (six cercles extérieurs), avec lequel il entretient une correspondance, ici autour du nombre 6. La nature ignée de la monade pythagoricienne permet au poéte emblématique de comparer, parfois en termes lucrétiens, le foyer-Mens situé au centre du globe à un soleil qui éclaire tout autour de lui (iacentes terras ; camposqu e

liquentes ; uolucres auras ; ultima moenia mundi, v. 54-56) et qui dissipe les ténébres (lustrat radiosa ; Lampade inexhausto, v. 54-55) : juste avant la mention de l’Age d'or, le texte peint ainsi le tableau d'une aurore universelle

qui prépare l'avénement du nouveau cycle temporel. Le poéme se referme en outre sur l'image du soleil brillant au zénith (lucere die solem aethere in alto). Le propos est cohérent : les pythagoriciens identifiaient la monade avec Apollon-Hélios???, L'àme comme luminaire peut à la fois saisir la nature parfaitement rationnelle et divine du monde, le comprendre et l'embrasser, mais aussi en révéler la beauté. Le message politique frappe par son efficace simplicité : l'àme vertueuse du pape est comme un fanal ou un astre au sein de l'orbis terrarum et elle en dissipe les ténébres, c'est-à-dire l'ignorance et les vices, en révélant le dessein divin. Le mouvement du globe rattaché à la chaine représente le mouvement imprévisible et désordonnée de la Fortune. Car cette áme-monade entretient avec la divinité supréme une relation complexe que la présence de la chaine d'or d'Homére et les propriétés de l'élément feu permettent de traduire de maniére imagée. * La chaíne et le feu, d'Homére à Virgile

Le globe est relié à une main qui sort des nuages par l'intermédiaire des maillons d'une chaine d'or (Caelesti

demissa manu miranda elle peut imprimer des la chaine dans le Symb. posé sur les épaules de dans l'image du Symb.

catena, v. 16). La main divine est donc toujours en relation indirecte avec le globe, auquel mouvements. Nous avions déjà rencontré ce curieux objet poétique et allégorique qu'est 49, dédié à Orsina Grassi della Volta, où il sert à relier la main divine et le joug christique la dédicataire (voir les sens symboliques dans notre analyse). Nous l'avions vu également 28, oà il permet à Nothé Dianoia d'enlacer la taille d'Hylé et de matérialiser ainsi les

maillons de ce raisonnement bátard qui, entre sensible et intelligible, permet de comprendre la matiére. Dans le

Symb. 49 comme dans le Symb. 132, cette chaine devient la série immortelle des causes (immortalem caussarum

seriem, v. 28), c'est-à-dire une sorte de symbole de la destinée, l'eipuapuévnv. Nous avions trouvé cette image

chez Lucréce (2, 1153-1154) et chez Sénéque (Tranq., 3, 10 ; voir notre apparat des sources au Symb. 49), mais

aussi chez Aetius à propos de la pensée stoicienne?'* et dans l'Asclepios?5, sans qu'elle soit nécessairement

rattachée à la chaine d'or d'Homére. Cette chaine traduit ainsi le lien subtil entre l’àme et son créateur, et la dynamique des forces qui circule entre les deux : lien de dépendance, échelle ontologique qui relie les étres entre

droite et à gauche??!, Autre détail important: ce cube qui se déplace ne se renverse toutefois jamais (nec non erecta, v. 21-22

tamen...

; Subuerti ut nequeat, v. 42), méme

si le globe extérieur est agité de secousses

(agitato... globo, v. 23-24). Le cube conserve la stabilité légendai re attachée à sa forme (manet et sibi constat,

?"5 Voir Ph. Dutarte, Les instruments de l 'astronomie ancienne de l'Antiquité à la Renaissance, Paris, 2006, 2129 p. 47-76 d ? IAMBL., Theolog. arithm., "

2130 ° Voiri AST

p. 6 de Falco : Pdpevor civ uovaSikiyv góoty "Ecxíac vpónov èv u£oo ièpvodai. 5 wf

à

4 c 2, 7, 7 : QóAao zbp £v péow n£pl 1ó xévtpov, ónep totiav xob zavtóc kaAei kal Atóc olkov xai urcépa Oeov- Boyuóv ce xal avvoy?]v

kai uérpov oboeu ; PLVT., Num., 11. Voir A. Delatte, Études, p.278.

*?! Cf. PHIL, Leg, 1, 4 (voir apparat des sources).

22 sur le cube, voir la Tabula

Cebetis (7, 15 18, 3) ; PLVT., Defect. Orac, 34; HERACLIT., Alleg., 72, 7 ; ALCIAT, Emblemata,

adiuuans », et notre analyse de la gravure du Symb. 127. ARE LYD., Mens, 11,6; ps. IAMBL., Theolog. arithm., p. 6 de Falco.

4

S5

« Ars naturam

i

**! Plac. 1, 48, 4, voir apparat des sources: « Les stoiciens nomment destin la chaine des causes, c'est-à-dire leur disposition et leur lien

immuables »., p. Lévéque, dans Aurea catena Homeri : une étude sur l'allégorie grecque, Paris, 1959, p. 28 souligne que eippóc et aetpá renvoient tous les deux à l'idée de chaine. Les pythagoriciens ont également cru à l'eippapyévr. Voir par ex. AET., 1, 25, 2 ; ps-GAL., Hist. phil., 10, LYD., Mens., 2, 101, IAMBL.,, V. P,, 219. 2135 Asclep., a 39, voir apparat des sources.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

eux (comme par exemple dans le néoplatonisme?'5) ou concaténation de causes, cette chaine place l'àÀme dans

la main du démiurge chrétien qui exerce sur elle son autorité sous la forme d'un influx qui descend.

Mais inversement, cette chaine agit comme une véritable méche qui propage la flamme de maniére anagogique,

et sert à matérialiser l'idée stoicienne d'áme ignée, parcelle (apospasma) arrachée au feu créateur universel et qui tend à y retourner pour s'y fondre. La citation quasi textuelle du discours d'Anchise chez Virgile au v. 32 (Igneus est olli uigor et caelestis origo ; cf. VERG., Aen., 6, 731) est tirée dans ce sens?'", Or ce mouvement ascensionnel propre à l'élément feu qui cherche à gagner l'éther rappelle aussi explicitement la trajectoire de l'àme platonicienne poussée par l'himeros, ce désir inextinguible qui accompagne la quatriéme forme de délire décrite dans le Phédre 249d (voir apparat des sources), celle qui pousse l’àme à vouloir retrouver sa patrie originelle, le monde des paradigmes, qu'elle a contemplé avant son incarnation (cf v. 29-30: principium ... / Finémque agnoscens miro inflammatur amore), c'est-à-dire à rejoindre la patrie céleste d'oü elle est

originaire (cf. v. 31 : Astra super celeri lapsu uolat ardua)^'*. Il s'agit véritablement d'un envol, métaphore que

l'on retrouve à la fois chez Platon (zxepoxaí ve xai àvazrepobuevoc zpoOvuobyusvoc &vazxéoOa, Phdr., 249d, voir

apparat des sources) et chez Cicéron (euolauerunt, Rep., 6, 14 , voir apparat des sources). Dans la gravure, pour montrer la nature ignée du foyer, ainsi que la propagation de la flamme qui monte ou qui descend, un influx a été dessiné de part et d'autre de la chaine qui relie la lucerna à la main divine qui sort des nuages. On notera que la pointe de l'aile droite de la Fortuna fusionne avec le haut de la chaine au niveau de la main divine, si bien qu'il n'y a pas de doute sur la nature positive de cette allégorie, clairement envoyée par la puissance de Dieu qui semble la déléguer sur terre. On remarquera également que le blason Farnése apparait comme une sorte de point d'émanation de la main divine, avec laquelle il se confond en quelque sorte, sous le signe de la libéralité de l'Age d'or. Le titulus de la gravure, qui joue des polyptotes du mot mens (tour à tour sujet et complément d'objet), clarifie la nature exacte des liens qui unissent les forces en présence en épousant la

division spatiale de l'image en deux. La premiére partie du titulus (Mens orbem illustrat), qui correspond à la

partie inférieure de la gravure, reprend de maniére synthétique les évocations de la mens comme

source

lumineuse proposées par les v. 24 (Immensa replens mundum luce intus et extra) et les v. 54-55 (lustret radiosa ;

lampade inexhausta). Elle permet de clarifier ce que l'image ne peut pas bien montrer, c'est-à-dire le caractere

2136 Cf. MACR,, Scip., 1, 14, 15, t. L, p. 80 Armisen-Marchetti (notre traduction) : « on con&tatera, si l'on y regarde de plus prés, depuis le dieu supréme jusqu'à la lie ultime du monde, un enchainement continu, fermé sur lui-méme par des liens réciproques et qui ne s'interrompt nulle

part : c'est la chaine d'or d'Homére que le dieu, rappelle-t-il, a ordonné de faire pendre depuis le ciel jusque sur la terre ». Voir P. Lévéque, Aurea catena Homeri et A. Setaioli, « L'esegesi omerica nel commento di Macrobio al ‘ Somnium Scipionis ’ », Studi Italiani di Filología Classica, 38, 1966, p. 154-198, en particulierp. 180-181.

7? Sur les doctrines mélées que recéle le propos d'Anchise, et qui signalent en particulier l'influence d'Antiochus d'Ascalon (et de sa tentative de réconciliation du platonisme et du stoicisme), par l'intermédiaire de Varron, voir P. Boyancé, La religion de Virgile, Paris, 1963 ; sur l'aspect

posidonien, cf. E. Norden, Aeneis, Buch VI, Leipzig, 19167, p. 20-48 ; sur l'influence de Philon, voir P. Boyancé, « Sur le discours d'Anchise (Én., 6, 724 sq.) », Latomus, 45, P. 60-76 ; pour l'ensemble des commentaires sur le passage voir P. Courcelle, Lecteurs paiens, lecteurs chrétiens de l'Énéide, t. 1 : les témoignages littéraires, Paris, 1984, P: 472-493. Sur l'aspect &toicien, nous avons également consulté (par ordre chronologique) F. Norwood, « The Tripartite Eschatology of Aeneid 6 », Classical Philology, 49, 1954, p. 15-26; B. Otis, Virgil. A Study in Civilized Poetry, Oxford, 1963, p. 300-301 ; M. R. Arundel, « Principio caelum (Aen., 6, 724-751) », Proceedings of the Virgil Society, 3, 1963-1964, p. 27-34 ; R. Lamacchia, « Ciceros Somnium Scipionis und das sechste Buch der Aeneis », Reinisches Museum, n. s., 107, 1964, p. 261-278 ; R. Seymour Conway, « The Philosophy of Vergil », in Id., Harvard Lectures on the Vergilian Age, New York, 1967 ( 1928"), p. 94-110 sq. ; F. Solmsen, « Greek Ideas of the Herafter in Virgil's Roman Epic », Proceedings of the American Philosophical Society, 112, 1968, p. 8-14 ; C. Bailey, Religion

in Virgil, New York,

1969', p. 241-281 ; A. Thornton,

The Living Universe:

Gods

and Men

lumineux et enflammé du foyer central : l'àme (et papale en particulier) réchauffe et éclaire le monde dont elle est comme le foyer ou le noyau. Dans la seconde partie du titulus (retinet sapientia mens), qui permet le passage à la partie supérieure de l'image, l'àme n'est plus sujet mais objet : elle est dans la main de Dieu d’où elle tire sa force et son équilibre (cette main divine lui permet de ne pas tomber ni rouler sans pouvoir s'arréter) mais aussi ses limites (la main divine met l'àme à l'épreuve, puisque c'est elle qui agite le globe). On notera que la

perfection des éléments décrits est relayée visuellement par la multiplication d'éléments circulaires : le globe et

les anneaux, le blason, les nuages, les tétes des allégories, la forme courbe de leur bras, le sommet arrondi du

rocher et les formes du paysage, le gouvernail incurvé. Le Symb. 141 nous rappellera, d'aprés Cicéron, que le mouvement parfait qui sied à l'àÀme est le mouvement circulaire car il n'a ni début ni fin Sil'on revient au texte de l'embléme, aprés l'évocation de la chaine d'or, Bocchi évoque la puissance de l'àme qui repose sur trois facultés particuliéres gráce auxquelles elle peut s'emparer du monde (c£ v.25: Et magé comprehendit quam comprehendatur ab illo). * Les trois orbiculi et les triades de saint Augustin Le foyer central est en effet entouré de trois petits anneaux imbriqués les uns dans les autres (cyclis saepta tribus, v. 19-20 ; orbiculis circundata ternis, v. 34). On les apergoit clairement sur la gravure. Si le modéle iconographique de cette lucerna demeure la sphére armillaire, certaines ambiguités subsistent à propos de ces trois anneaux. S'agit-il des « grands » cercles de la sphére de Ptolémée, qui divisent le globe en parties égales (l'horizon local, le méridien local, l'équateur céleste, l'écliptique ou les deux « colures » joignant les points solsticiaux et équinoxiaux, marquant ainsi les saisons) ? S'agit-il au contraire, comme le terme d'orbiculis le laisse supposer dans le texte, des « petits » cercles qui divisent la sphére en parties inégales (les deux tropiques ou cercles solsticiaux, ou les deux cercles polaires) ? Rien ne permet de l'affirmer. Le texte emblématique souhaite, par ce détail, renvoyer de maniére trés générale à la sphére armillaire, qui constitue la figure matérielle qui supporte le discours symbolique. L'essentiel est ici le lien allégorique tissé par le texte entre ces trois cercles, imbriqués les uns dans les autres, et trois facultés essentielles de l’àme : le cercle le plus intérieur symbolise la memoria ou mémoire, qui emmagasine les trésors accumulés par l'expérience (Vsus), celui du milieu la uoluntas ou volonté, et le plus extérieur l'intelligence ou ratio. (v. 25-38). Cette triade, dont on reconnait l'origine augustinienne, est une sorte de vestige

de la Trinité au sein méme de l'Àme humaine, puisque l'homme a été créé à la resemblance de Dieu?!?.

L'énigme de ces trois puissances réside dans le fait que chacune se contient elle-méme et contient toutes les

autres à la fois, d'oü l'imbrication des cercles qui les représentent. La mémoire, sens le plus intime, non seulement engrange le souvenir des expériences vécues et des émotions, mais porte également avec elle les

connaissances acquises. Elle est aussi le lieu de la présence latente de l'àme à elle-méme"'". L'intelligence,

qu Augustin appelle tantót intelligentia, intellectus^'^', cogitatio? ou simplement ratio"'*, agence et ordonne les

données de Bocchi, elle Or, comme méme de la

la mémoire?'^, La volonté, au milieu, sert à mettre en relation les deux premiéres facultés^'**, Chez a le róle d'une autorité royale munie du sceptre de l'autorité. le rappelle Augustin (Trin., 10, 11, 18), loin d'étre trois facultés distinctes, elles constituent l'unité substance : « ces trois, mémoire, intelligence, volonté, ne sont pas trois vies, mais une vie ; ni trois

esprits mais un esprit; et par conséquent, elles ne sont pas trois substances mais une substance ». Cette

in Vergil's Aeneid, Leyde,

1976, p. 35-69: « The Structure of the Cosmos in the Aeneid. The Cosmos as described by Anchises » ; P. Grimal, « Virgile en face de la philosophie », Vita Latina,

87, 1982, p. 2-10; M. L. Colish, The Stoic Tradition from Antiquity to the early Middle Ages, Leyde, 1985, p. 224-227 ; D. C. Feeney,

« History and revelation in Vergil's underworld », Proceedings of the Cambridge Philological Society, n. ., 32, 1986, p. 1-24; A. Setaioli, La vicenda dell'anima nel commento di Servio a Virgilio, Frankfurt-am-Main, 1995, P. 6-62 : « La vicenda dell'anima umana nella nota ad Aen., 6, 724 dei Servio » ; S. Morton Braund, « Virgil and the Cosmos : Religious and Philosophical Ideas » in Ch. Martindale (dir.), The Cambridge Companion to Virgil, Cambridge, 1997, p. 204-221 ; L. Fladerer, « Vergil, ein materialistischer Stoiker. Die Anchisesrede in Aen. 6, 724-751 in semiotischphilosophiehistorischer Perspektive », Latomus, $7, 1998, p. 336-361. ?** Sur ce sens anagogique et époptique, voir notre analyse du Symb. 49. La mise en parallele entre l'origine astrale et divine de l'àme humaine et sa nature ignée est effectuée par Cicéron, Rep. 6, 17 : hisque animus datus est ex illis sempiternis ignibius, quae sidera et stellas uocatis. Sur ce passage, voir les explications contournées de Macrobe, Scip., 1, 14, 16-19, qui, pour montrer que les ámes ne sont pas constituées d'un élément

matériel, tente de distinguer entre le corps des étoiles et les intelligences qui les meuvent.

708

s Augustin distingue aussi mens, notitia et amor et memoria Dei, intelligentia et amor. Voir E. Gilson, Introduction à l'étude de saint Augustin, Paris, p. 289-299 : M. Piclin, Les philosophes de la Triade ou l'histoire de la structure ternaire, Paris, 1980, p. 69-92: « La Trinité selon saint Augustin » ; E. Bermont, Le cogito dans la pensée de saint Augustin, Paris, 2001, p. 395-401 : D. Doucet, Augustin, Paris, 2004, p. 151-152. ?? Voir D. Boquet, L.'ordre de l'affect au Moyen Age : autour de l'anthropologie affective d'Aelred de Rievaulx, Caen, 2005, p. 177-179. 2141 Trin., 14, NM

“ Trin, 14, 3, S.

7 Trin, 15, 13, 17. Utd. Boquet, L'ordre de l'affect, p. 179. b Ibid., p. 179-180.

709

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

insistance sur l'unité n'est pas incohérente avec la mention de la monade pythagoricienne (cf. MACR., Scip., 1, 6,

7 : monas id est unitas).

+ Présence des nombres Bocchi prend prétexte des six axes qui permettent à la lucerna d'étre mobile pour constituer un petit traité sur les nombres (v. 45-52), en particulier sur les relations qui unissent le 1 ou monade, le 6, et le 7 ou hebdomade, avec

semblables aux parents mais surtout il nait du produit entre le premier nombre pair (2), qui est féminin, et le

premier nombre impair (3), qui est masculin. Chez Clément (Strom., 6, 15, 14, 3), 6 est associé au Christ. Chez Bocchi, la formule énigmatique des v. 47-48, qui déclarent que la monade est incluse dans le nombre 6 et

parachéve les noces mystiques de l'hebdomade sacrée (huic est inclusa Monas quae mystica sacrae/ Perficit

Hebdomadis connubia), joue sur les possibilités d'association entre les nombres. La question de l'inclusion s éclaire si l'on se rappelle que le nombre 6 comprend le 1 car il résulte de l'addition 1--5. Le 1 est monade, c'est-

de multiples références à la pensée pythagoricienne?'*, On rappellera que les lecteurs de la Renaissance étaient

à-dire unité: il est mále et femelle, pair et impair, éternel et inengendré, il s'identifie à l'intelle& du Dieu

particulier gràce aux développements de Macrobe dans le Songe de Scipion (1, 5-6) et de Varron cité par AuluGelle (3, 10), qui développent en particulier la symbolique du nombre 7. Mais on pourrait citer également

qui existe (quod solus omnia quaeque sunt... complexus est)?" », Quant à la monade, si elle « accomplit les noces

familiers des interprétations arithmologiques, qui mettaient en rapport des nombres et des entités divines, en

Théon de Smyrne, Lydus, le résumé de Nicomaque

de Gérasa chez Photius (codex

187, p. 143-145) et la

traduction de son Arithmetikés eisagogé par Boéce, le pseudo-Jamblique et ses Theologoumena arithmetikis, Anatole de Laodicée et son traité Sur les dix premiers nombres, Calcidius, Martianus Capella, Porphyre et Jamblique auteurs de deux Vies de Pythagore ou encore les néoplatoniciens Syrianus et Proclus. Enfin, l'intérét des humanistes pour l'interprétation des nombres devait beaucoup également à Philon d'Alexandrie et aux Péres de l'Église (par exemple Augustin, Clément d'Alexandrie ou Jéróme) qui commentaient la création du monde en six jours et le repos du septiéme en recourant en particulier à la théorie des nombres de Pythagore et aux développements numérologiques de Platon dans le Timée ou la République.

Bocchi, pour louer et expliquer le nombre 6?'*, lié à la génération, au mariage et à la création du monde,

paraphrase le texte de Caelius Rhodiginus (Lectiones antiquae, 22, 11, voir apparat des sources), qui puise à diverses sources, parmi lesquelles le Commentaire au Timée, 12, de Marsile Ficin. Ce dernier s' inspire lui-méme

de la lecture d'Augustin, qui, comme Philon d'Alexandrie avant lui, explique que, si Dieu a créé le monde en six

jours (hexaemeron), ce n'est pas parce qu'il a eu besoin effectivement de cette durée réelle mais parce que ce nombre signale symboliquement la perfection de l'oeuvre achevée, sens qu'a précisément le terme « cosmos ». Augustin (et Philon) rattache cette perfection de la création à celle du sénaire chez les Pythagoriciens, en expliquant qu'elle tient au fait que le nombre 6 est perfectus (ou teleios en grec) parce qu'il résulte de la somme de ses diviseurs, c'est-à-dire du sixiéme, du tiers et de la moitié de sa valeur (14243)?'. De plus, selon Théon de

5myrne, Plutarque ou Philon?'*, 6 est le nombre du mariage (gamon?'5^) car non seulement il rend les enfants

7 Sur la symbolique des nombres à la Renaissance, on consultera M. J. B. Allen, Nuptial Arithmetic: Marsilio Fícino's Commentary on the Fatal Number

in Book VIII of Plato's Republic, Berkeley,

1994, p.69. Sur Pythagore et les nombres,

voir A. Delatte,

Étude sur la littérature

Bythagoricienne, Paris, 1915 ; F. E. Robbins, « The Tradition of Greek Arithmology », Classical Philology, 16, 1921, p. 97-1235 ; P.-H. Michel, De Pythagore à Euclide. Contribution à l'histoire des mathématiques pré-euclidiennes, Paris, 1950 ; F. Buffiére, Les mythes d'Homére et la pensée grecque,

Paris, 1973, ch. 12, p. 559-590 : « Dieux d'Homére et nombres pythagoriciens » ; M. Caveing, La constitution du type mathématique de l'idéalité dans la pensée grecque, t. Il : La figure et le nombre. Recherches sur les premieres mathématique s des Grecs, Villeneuve-d'Ascq, 1997, p. 159-379: « Le nombre et la nature des choses dans l'ancien pythagorisme ». Sur Philon d'Alexandrie et les nombres, voir A. Y. Collins, « Numerical Symbolism in Jewish and Early Christian Apocalyptic Literature », in Aufstieg und Niedergang der Rómischen Welt, II. 21, 1, Berlin, 1984, p. 12211387 ; M. Hadas-Lebel, Philon d'Alexandrie. Un penseur en diaspora, Paris, 2003, P- 265-271:

bp

bs

gems



E

perm "

« Tout est nombre » ; Ch. L. Joost-Gaugier,

cim Tuought and Art in Antiquity and the Middle Ages, Ithaca/New York, 2007, p. 102-103.

il eis tudes sur la littérature gythagoricienne, P- 231-245 : « Un fragment d'arithmologie dans Clément d'Alexandrie ». Av, Cin, 11, 30 : Haec autem propter senarii numeri perfectionem eodem die sexiens repetito sex diebus perfecta narrantur, non quia deo fuerit

necessaria mora temporum, quasi qui non potuerit creare omnia simul, quae deinceps congruis motibus peragerent tempora; sed quia per senarium

numerum est perse significata perfectio. Numerus quippe senarius primus completur suis partibus, id est sexta sui parte et tertia et dimidia, quae sunt unum et duo et tria, quae

in summam ducta sex fiunt ; ID., Gen. ad litt., 4, 154,7 j 4 16;4, 22. Voir PHIL, Leg., 1, 3 ; Opif, 13 :"E£ $è ijuépats cde £nzil] zpoceBeixo xpóvov uijkovc è xotav- ápa yàp závra Spàv elkàc Oeóv, o npocrárrovra uóvov ANNà oae iran qua cv ict - Burvoadpevoe = m UEIS'l Tois yrvopévor Ede: vátsuc. Táfer $è dpidpòs olxsioy, &piQuav $è qiosws vóuoi; yevmriKwtTatog ò EE. T@v ve yàp

ish penes ae

TÉAóc fotw icobuevog zoic éavro? uépem xai evuxinpotuevoc & aav, Jjgicovc pèv zpiáSoc, tpitov S& SváBoc, xcov

supréme (mens ex summo ennata deo) et engendre toutes les espéces?'?!, Le s, lui, « embrasse l'ensemble de ce

mystiques de l'hebdomade », c'est parce que le 1 peut se marier au 6 pour constituer le 7. Comme le rappelle Philon d'Alexandrie, lecteur de la Genése, 2, 2?5?, l'hebdomade s'apparente sur bien des points à la monade et à Athéna, déesse vierge née tout armée de la téte de son pére : en particulier, l'hebdomade n'engendre ni n'est engendrée. Une fois que Dieu a achevé la création du monde et celle des genres mortels, sous l'égide du nombre 6, productif et fécond, l'hebdomade constitue un véritable moment d'examen et de récapitulation (cf. le mot perficit chez Bocchi), mais indépendamment de toute création : c'est le moment des noces mystiques, oà Dieu

s'unit par la pensée et l'intellect (et donc le 1) à sa création (le 6), pour constituer le 7.

* Du “ pourtraict le plus parfaict ” La derniére partie du poéme (v. 60-83), qui reprend le contenu d'une lettre de Bocchi à Amaseo (voir annexe 1),

propose une longue conclusion en forme d'auto-célébration oü le poéte symbole aussi réussi. Le mérite de ce portrait, explique Bocchi, réside en accepte d'aller au-delà des signes et de l'apparence de l'objet, accessible l'ouie (cf. v. 67 : oculis, auribus), on découvre les vertus abstraites du

énonce sa satisfaction d'avoir créé un sa teneur allégorique : pour peu qu'on aux sens, qu'il s'agisse des yeux ou de dédicataire qui y sont implicitement

célébrées. Comme le rappelle le vers 69 (Mente licet pura puram comprehendere mentem), l’àme du lecteur, qui

décode la construction symbolique pour en extraire le message conceptuel, rencontre donc l'àme de l'emblématiste qui a encodé le message sous une forme accessible à la représentation. Bocchi avait déjà présenté la méme idée dans le Symb. 2, qu'il réserve à son propre portrait, réalisé par Prospero Fontana. Nous avons montré dans notre analyse de cet embléme que le portrait présenté par la gravure, en prenant place dans le livre d'emblémes, alors que la tendance ordinaire est de représenter l'ouvrage-maitre de l'humaniste sur le portrait peint, soulignait un dessein commun. Il s'agit de lire le sens caché derriere les signes mais annoncé par eux, qu'il s'agisse des traits du visage, qui laissent présager les sentiments ou bien les vertus et les vices (d'aprés un passage fameux de Xénophon, Mem. 2, 10, 3), ou bien de l'eeuvre symbolique elle-méme qui ne dévoile les intentions et les pensées de son créateur qu'au terme d'un travail herméneutique de la part du lecteur. En ce sens, Bocchi déclare effectuer une táche paralléle à l'activité des plus grands artistes : Michel Ange pour la sculpture, Titien pour la peinture ou Romolo Amaseo pour l'éloge poétique. 4. Retour à l'envoyeur : une vision méta-poétique du calor rhetoricus ?

La présence de la chaine d'or homérique et l'insistance naissance invitent à se demander si l'objet symbolique de l’àme ne recouvre pas, de maniere subtile et cachée, qu'elle peut s'exercer dans l'embléme. Les maillons

per.

i

du poéme sur la présence de divinités qui président à sa demandé par les Farnése et réalisé comme une allégorie une réflexion sur la nature de l'inspiration poétique, telle de la chaine d'or qui relie le globe à la main divine

rappellent, d'une maniere transposée, l'image de Platon (Ion 533d-536b), relayée par Lucréce puis par Politien

$è uováBoc, xai g Éxoc sixeiv dippry xe ai Oros elvat mépvxe xáx crc &xaxépov Bvváueux fipuoocat. Voir aussi MACR., rn : : i Somn., 1, 6, 13 : Habet enim

üppeva 8 tòv mepirxóv évóyitov. Voir également PHIL., Leg., 1, 3-4 et Opif., 13 : Appev pèv yàp £v roic obot 1 zeptrxóv, 1ó 8 ápriov Bo néptrtàv pèv obv ápiOuv py) zpiác, Bvà 8' ápiov, f 8 áugoiv Bóvapic ác. ema

“ THEON, Expositio, 2, 4, p. 102 Hiller- 'O $è S° tÉletoc, Exil ; u£peatv Eat (aoc, Qc Sé8e - &ió xai ròv éxáXovv, exl Tégov épyov óuoux zoui xà Écyova TOlc Yovetot ; PLVT., Quaest. i] TOî éavrob s : "H xaBarepFioi ITvQayopikoi OAN Rom., 102, 188c petitis ro? ápi&uo? ) Tv u£v &priov OfjWov

75! MACR,, Somn, 1,6, 7-8. 7? MACR,, Somn, 1, 6, 19.

et et tertiam partem et sextam partem, et est medietas tria, tertia pars duo, sexta pars unum, quae omnia simul sex faciunt ; PLVT., An. procr, 13 ; LYD., Mens., 2, 11 ; MARTIAN,, 7, 736, etc.

710

2150 A. Delatte rappelle que le nombre 6 se rattachait à Aphrodite, dont l'une des épithétes était précisément yayurAa.

d

Pur,

Leg., 1, 16.

711

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Quintilien pour l'interprétation de cette notion^?. Cet échauffement subit de l'àme, qui vient remplacer

discrétement les phénoménes d'enthousiasme et de mania ou furor divin, hérités de l'antiquité, pour décrire l'inspiration, désigne désormais cette facilité à l'improvisation qui nait d'un esprit aux heureuses dispositions certes, mais surtout bien entrainé et aguerri par le labor intellectuel. Cet entrainement améne sans difficulté dans l'imagination du poéte la production d'images frappantes dont il peut se servir pour atteindre et enflammer l'áme de ses lecteurs, suscitant un incendie qui se répand de proche en proche. Nous avions d'ailleurs constaté que le programmatique Symb. 3 manifeste clairement que l'embléme est une forme de silve, à la maniere de Stace ou de Politien : il revendique lui aussi la diversité des sujets abordés, célébre l'improvisation qui admet comme constitutive l'imperfection, et met en scéne explicitement les contraintes sociales (ici une commande papale) ou implicitement le cadre culturel (présence d'un cercle humaniste, l'academia Bocchiana). L'importance accordée aux conditions «historiques » de production de notre embléme (c'est-à-dire extérieures à la volonté méme du poete) est si forte que ces sollicitations extérieures sont directement évoquées dans le poéme, qui porte en outre la trace des échanges en prose qu'il a générés, et méme celle de ses remaniements.

Que le calor subitus se soit manifesté au cours de la conception de la piéce, et en particulier de la rédaction d'un de ses éléments essentiels, le poéme, est attesté par Bocchi lui-méme. Dans l'une des lettres de Bocchi à Amaseo qui éclaire la genése du texte (voir annexe 2, f" 6r? et traduction supra), l'emblématiste déclare, pour excuser une erreur de versification, que sous l'effet d'un échauffement subit, son esprit s'est arraché loin de la terre : nec inficior me repenté quasi aestu quodam mentis ipsius abreptum procul à terra fuisse. Or la figure symbolique fonctionne elle-méme comme une mise en scéne allégorique de cette nouvelle forme

d'inspiration : l'àme embrasée (celle du poéte), au centre d'un monde dont elle percoit l'instabilité sans se

laisser gagner par elle, éclaire les ténébres de l'intérieur. Elle joue le róle de l'orateur cicéronien qui enflamme

l'áàme de ses auditeurs (De Orat., 2, 189). Cette àme quadrangulaire est vertueuse car, nous l'avons vu dans le

Symb. 3, l'emblématiste

endosse,

comme

Horace,

la persona

philosophique

et esthétique

d'un

Socrate

transformé en peintre. Les trois cercles extérieurs qui gravitent autour de la mens et matérialisent les facultés

unifiées qui lui donnent sa puissance et sa fonctionnalité (mémoire, intelligence, volonté) s'insérent parfaitement dans le schéma théorique de l'inspiration mis en place par les humanistes sur des schémas antiques.

La memoria joue un róle considérable dans l'improvisation, fournissant le matériau indispensable, fruit de

longues lectures parfaitement assimilées et de la pratique (l'usus), qui vient s'offrir à la conscience. La ratio ou intelligence, ainsi que la uoluntas peuvent étre mises en relation avec le doublet horatien ingenium (compétences

naturelles innées) et ars (faculté de travail et de remaniement, qui fait donc appel à la volonté), afin de montrer

le mariage heureux entre les forces naturelles et les capacités de la technique. Mais, plus important encore, l'àme du poéte semble tirer sa substance ignée d'une origine toute divine, dont la chaine d'Homére matérialise l'influx. En haut de la chaine, la présence de la main divine assure en quelque sorte

la pérennité et le prestige de la source d'inspiration sacrée. On retrouve ici apparemment la théorie de

l'inflammatio platonicienne et ficinienne, à cette nuance prés que, dans la gravure, la présence du blason Farnese

qui semble prolonger le bras divin laisse planer l'ambiguité sur la croyance méme à la réalité de la possession par “1° Voir P. Hallyn-Galand, Le reflet des

fleurs. Description et méta-langage poétique d' Homére à la Renaissa LR nce, Genéve, 2004, p. 500-501. 2155 [bid p. 261-264 ; 498-502 et P. Hallyn-Galand, « Quelques coincidences (paradoxales ?) entre l'Épitre aux Pisons d' Horace et la poétique dela Silve (au début du xvr' siecle en France), Bibliotheque d' Humanisme et Renaissance, 60/3, 1993, p. 609-639.

212

*

ANNEXE 1

Lettre de Bocchi à Romolo Amaseo, 17 septembre 1548 (Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 Inf., f? 3r^-v^) De Mentis effigie conatus sum multa, ex quibus unum ad te mitto expictum iam, sed nondum carmine satis ex

animo meo expressum symbolum. Fortuna aurea quam nonnulli Regiam uocant, leua gubernaculum tenens, simul è regione Copia cum suo diuite cornu globum mundi diuina manu demissum caelo per auream illam Homeri catenam complectantur. In medio circa globi centrum accensa lucerna, quadrata, pensilis, tribus circulis contenta, et suo ipso pondere librata, sex axibus Tper tretrantesf circulorum dispositis, apte liberéque circunquaque uolubilis, tamen unquam non erecta, licet ab agitato exterius globo huc illuc etiam atque etiam uehementer et assidue quatefacta, sibi constans, lucet semper, et intus et extra ipsa sese lumine suo complectens et prodens mundum comprehendit magis quam comprenhendatur à [f 3v°] mundo. Superiora semper flammulis scintillantibus petens, quasi incensura manum illam e nubibus emicantem, quae catenam sustinet. Haec ueró mens est quae principium finemque suum natura suapte recognoscens, per illam seriem causarum auream et immortalem inenarabili celeritate ascendit. Nempé igneus est olli uigor et celestis origo, nihilo tamen

secius centrum ueritatis constantissime tenet tribus facultatibus contenta, Rationis, Voluntatis et Memoriae.

Ratio interius consulit, Memoria custos exterius uigilat, in medio Voluntas imperat, quae quidem facultates non tam regunt mentem quae reguntur ab ipsa. Circa globum mystica hac diuini uatis apposita uerba TO OX EN

THI EKOTIAI OG AINEI (Tò oàg èv «jj oxotia qaívet). Omnia sua secum portat ipsa, sex polis innixa ; sic

uertitur

ut

nunquam

possit

inuerti.

Facit

id ponderis

grauitas

quae

dum

ima

petit,

natura

suapte

ad

perpendiculum mentem dirigit in aethera. Caeterum de senario numero aliàs, quo mundi genesim absolutam fuisse ex Mosaica sapientia didicimus cui unitas inclusa sacrum efficit septenarium, quem Pythagoras Gamon appellauit, quoniam eius partes iuxtà positae ipsum gignant similerhque reddant genitum genitori. Nam quid tibi

notissima repetam ? Satis mihi fuerit digitos ad fontes intendisse, ut caussam meam animosius tuearis, aduersus

obtractatores quosdam loquitantes (ut accepi) de me summussim, quasi temeré multa moliar et inepte. Tu ueró testis es amplissimus quantopere ab isto uitii genere semper abhorruerim. Nunc redeo illuc undé sum digressus. Senarii uirtute perficitur ut nunquam ex potestate sua mens exeat neque discedat à suo centro, quod absoluit septenarium in medio radians et illuminans omnia circunquaque. Indé sena lilia diuinitus unico orbe contenta

perpetuó florent et, aura diuini Zephyri aspirante, florebunt memoria ad posteros sempiterna. Igitur si me satis audias, hoc ipsum symbolum Mentis mecum statues quod tam studiose Minoris Alexandri rogatu quaerebas

quódque Cynthius aurem uellens et admonens nuperrime edictauit ad hunc modum : « Cerula dum laeto, etc ». At ueró si quam forté mauis expressiorem figuram et quae magis proximé accedat ad optimam illam quam neque oculis neque auribus neque ullo sensu percipere possumus, cogitatione tantum et ipsa mente

complectimur, ecquid aliud significantius symbolum perfectae mentis esse potest quam ipsa Maioris Ale|xandri [f 41^] expressa ad uium imago ? Huius ergo nobis formam et figuram proponamus ante oculos, ut in memoria

semper habeamus diuinam Pont«ificis» optimi maximíque sapientiam, non ignari quid grauitas, quid integritas

quid magnitudo animi, quid denique uirtus quae in tempestate quieta est, quae lucet in tenebris et pulsa loco manet tamen atque haeret in uero Dei cultu ac pietate. Splendet per sese semper neque alienis unquam sordibus Obsolecit. Haec qui negat, neget etiam per me licet solem meridie non lucere. Habes iam quod petebas, meum illud aliquid repertum pro tempore, et si minus fortasse bellé quam uoluisses, certé haud quaquam negligenter excogitatum. Quod si iudicio tuo non displicuerit, gratiam hanc habebo tibi, qui materiam mihi dederis olim ut possem aliquid facere, quod Hero nostro probaretur, cui aperte placuisse laudem summam esse duco. Sin minus, causa nulla erit cur 4tudium meum accuses obsequendi tibi, cui dum negare non audeo quod non possum, sentio 713

aa

particulier Politien, ont beaucoup médité sur une définition de la forme d'improvisation qui présidait à la composition des « petits » genres poétiques de prédilection, en particulier la silve. Perrine Galand a montré l'importance du calor rhetoricus ou subitus à la Renaissance et la source essentielle que constituent Stace et

-"-—

Calliope, au v. 7, est soulignée au vers 65 par la mention de l'inspiration apollinienne (personuit Latonius). Il s'agit là, bien entendu, d'une « posture » littéraire assez conventionnelle en apparence. Or, les humanistes, en

les dieux. Car ce qui sert à alimenter les transports de l'inspiration poétique, c'est le vieux schéma religieux romain do ut des: les lys Farnése vont pleuvoir sur le monde et l'àme du poéte, en échange, produira en hommage la piéce versifiée qui immortalisera la libéralité du prince. Les maillons de la chaine serviront surtout à magnifier par le biais de la légende et du mythe ce qui est surtout contrainte évergétique et dépendan ce sociale.



(v. 182-193)"*, qui compare la fascination exercée par l'aéde inspiré des dieux sur ses auditeurs à la puissance aimantée de la pierre de Magnésie attirant à elle des anneaux métalliques. De plus, l'invocation à la muse épique,

a

-



-

-

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2



e



__

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

me nomen impudentiae uitare non potuisse. Illud non omittam quod ad extremam pertinet epistolae tuae partem, malle te quiduis aliud in symbolo Mentis quam humanam effigiem. Ego uero cur in Heroicis libentius hominis figura utar quam ulla re alia, satis olim (ni fallor) exposui. Caeterum si noster hic aliud mauult (ut ais) quam hominem, erit in tua manu in symbolo mentis inducere prorsus ac remouere Copiam cum Fortuna Regia solámque retinere lucernam pensilem, quadratam, in globo suo catenae illi aureae appenso, manu diuina sustinente, collocatam, cuius formulam primó in aes incisam, deinde cylindraceo praelo excussam in tabellulam

mitto. Quicquid est boni consulas, obsecro. Ecquidem nisi res, tempus et artificum diligentia me defecissent, misissem huius ipsius symboli eminentem solidámque aliquam ex argento, uel auro potius expressam quam adumbratam istam primisque tantummodo lineis quibusdam informatam imaginem. Nam sic ipsa illa Mens ex constantia inconcussa melius extaret. Sed praestabit id Heros hic noster et auream protinus ex aerea facere arbitratu suo poterit qui potest omnia. Quid si paucos post dies argenteam misero ? Sed cogitationes meas haud facilé sinit emergere res angusta domi. De scriptione literarum uide quantum assentiar, nam me caeteroquin

infantissimum cum agnoscam, facis ut intelligam id praestare oportere magis quam fateri aut agnoscere quod à nimio quodam amoris affectu, potius quam iudicio [f" 4v^] tuo proficiscitur. Tua ueró mihi sane ulla dubitatione sic placent omnia quocunque modo scripta, ut nullum praesentius curarum angorámque meorum leuamen habeam. Quare si me amas, scribe saepius et tibi persuade te tui$que mihi nihil esse posse iucundius. Vale mihi frater ut optas et Maphaeo, Marco Ant«onio» Flaminio, Mirandulae, Aelio diligentissimé salutem a me dicito.

Bononiae XV Cal. Octobres MDXLVIII.

INSIGNIA GENTILITA PAVLI III PONT. MAX.

ANNEXE 3

Lettre de Bocchi à Romolo Amaseo, 23 octobre 1548 (Milan, Bibl. Ambros., ms D 145 inf., f^ 22v^) Dedi ad te literas proximo superiore mense, cum symbolis quibusdam in eam rationem quam tu mihi nomine Minoris Alexandri iusseras et eram nescioquid aliud missurus de lucerna pensilis, nisi expectando dum mihi rescriberes.

ANNEXE 4 Lettre de Bocchi à Romolo Amaseo, 25 septembre 1548 (Milan, Bibl. Ambros., ms D 145 inf., f^ 32r?)

Quod Minoris Alexandri (ut ais) rogatu me rogasti de animi sibi constant is imagine, ecce tibi uersiculis expressum commentum nescioquod, utcunque nunc licuit haud oscitanter quaesitu m, non quidem illud

exquisitum, sicut ipse uideris expectare, qui mihi pro tuo in me amore plus tribuis, quam praestare ualeam.

Qualecunque fuerit, apud me bene est. Nam si placuero, spes meae non erunt inanes omninó. Sin minus, posthac Alcide ipsius nostri symbolici memor animum contudero et uicero fortassé, si modo commento meo constare maluero quam tuae illi scenae ac tempori.

Cerula dum lato florebunt lilia mundo,

Florebit pietas semper et alma fides. Bocchie, quid dubitas ? Vivit Farnesi proles Ne desponde animum : spes tua uiuit adhuc. *

ANNEXE 2 Lettre de Bocchi à Romolo Amaseo, 28 janvier 1549 (Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 Inf., f° 6r°-7v°) Et à Pompilio nostro superioribus diebus acceperam, et nunc tandem satis ex literis tuis pridie Nonas Ianuarias

datis intellexi de Mente quid herus aestimarit, quod me sané minus pupugit haud imparatum isthaec humaniter

ferenda, praesertim cum bellé omnia quadrare iudicio dicas tuo, quod sané tanti facio, ut iam mihimet in Mente illa nostra sine dubitatione placeam, tantum abest ut ea in re laborem frustrà susceptum fuisse conquerar. Quod

ais de una et altera syllaba Flaminium tibi amantissime dixisse, gratiam illi habeo, et quidem maximam, qui neglegentiam meam bonitate et diligentia corrigendam putarit sua. Fateor ingenué nescire me quónam pacto irrepserit in uersu nostro uerbum illud « absoluta », nec inficior me repenté quasi aestu quodam mentis ipsius abreptum procul à terra fuisse, de rebus scilicet magis quam de uerbis syllabisue cogitantem. Tu ueró sic reponito, « est confecta » aut siquid aliud aptius quadrare statueris. Caeterum de « Nisi » in secundo uersu, scito in exemplari meo

ità scriptum

esse:

« Nemo

neget, nisi uecors ». In tertia « Bonarottae » syllaba

sequentem geminare poteris per usitatam epenthesin, ut in « littera » et « relligio », et aliis eius modi : sic enim natura additione iuuabitur. Prius quidem Michaelis praenomine usus eram, quod deinde parüm aures implere uidebatur, induxi et ipsius gentilitium nomen apposui. Verumtamen isthaec et tuae et Flaminii animaduersioni

ANNEXE 5

Lettre de Bocchi à Romolo Amaseo, 5 décembre 1548 (Milan, Bibl. Ambr., ms D 145 Inf., f° 46r^-47r^) Post eas literas quas recentissimas ad te Pompilio filio tuo dedi, nullas habeo tuas. Aueo tamen incredibiliter audire aliquid de Mentis effigie, quantum scilicet Heroi nostro placuerit ille Xóyvoc uexéopoc, quem explicare sum conatus in interioribus ipsis literis meis, plus nimio fortassis ista de causa loquacibus. Sed uide quanta mea sit ergà te confidentia, qui non contentus illa superiore interpretationé prosa et soluta, ausus sum tentare pedestrem hanc, Musámque rogaui quae sané mihi nec inuita Minerua praesens adesse non erubuit causa tua. Itaque

siquid

cogitatum

dictümque

non

inepté prorsus

animaduertes,

id nomini

tuo acceptum

referto ; sin

parüm commodé quicquid fuerit, totum id tu Flaminiusque noster, pro summa uestra in me beneuolentia obsecro uos et obtestor, elimetis maléque tornata reddatis incudi ; ea plané charitate qua uestra soletis, omnia corrigatis, interpoletisque arbitratu uestro, ut aliquo saltem lenocinio gratiosus fiat istud mancipiolum meum, quod ceteroquin haud scio quid habeat per se, quod satis placere possit tantis hisce criticis, à quibus ego, me

herclé, nimis malé mihi timerem, nisi essem praesidio uestro munitus. Hoc igitur etiam atque etiam peto et

imploro. Tu uero, mi frater, fac obsecro, ut aliquandó sentiam te nihil frustrà mihi fuisse pollicitum de

liberalitate minoris Alexandri. [...] [P 46v°] [changement d'écriture] Solidam Symboli formam, quam nup«er» pollicitus eram, non ita multos post dies, tibi mittam. Ea fuerit expressior et suauior illius nostrae mentis effigies, opinor, qua sic mentem meam &timulis incitasti tuis, ut stare loco uix possit, uix intelligere quid sit satis ; adeo simul obsequendi studium, simul ipsa tractatio et quaestio gignit aliquid ex se cotidie quod cum delectatione uel

laboriosa, non modo desidiosa (ut ille ait) uestigem?'56,

fideíque aestimanda melius, uel corrigenda, uel defendenda committo. Iam de rebus toties tractatis atque agitatis

et nunc abs te coactis in summam, uideo quid sentias. Ac primum illud probo uehementer ut modis et horis

omnibus per quamcunque uel captatam, non modó oblatam occasionem Seni Maximo redigas in memoriam ne

Farnesinae domus Academicae monimentum uelit imperfectum per inopiam meam remanere.

714

?5* La suite de la lettre se poursuit par l'évocation du Symb. 64 (voir l'annexe à notre analyse de cet embléme).

718

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Symb. 133 Gravure :

J'avoue donc encore et encore et j'avouerai toujours Qu'à servir le Dieu unique je me suis décidé. Hélas, combien de temps, pour moi, s'est en vain écoulé, Fuyant à tire-d'aile ? Et puisque c'est irréparable, Que pourrais-je donc faire ? Mieux vaut tard que jamais, dit-on, Pour devenir un sage. Si, pour les fautes perpétrées,

h

IL N'A POINT MAL VECU CELUI DONT LA NAISSANCE ET LA MORT SONT SURVENUES A L'INSU DE TOUS

40

Sur l'image : — Consacré au divin Hercule

Tu blàmes tes défauts et si, ensuite, en t'en gardant,

— Veianus, aprés avoir suspendu ses armes à la porte d' Hercule, vit caché à la campagne pour ne plus implorer le peuple si souvent

Tu as ferme intention de toujours bien agir, alors

au bord de l'aréne *

À ROMOLO AMASEO

45

VIS CACHÉ

10

J'ai pris, depuis longtemps, Romulus, une décision Que force ne saurait fléchir : me chercher un refuge ; J'ai choisi un antre isolé, content de vivre pauvre Et de suivre ce genre d'existence agréable et sùr, Plutót qu'avec tant de peines et de si grands dangers, Tenir le sceptre du pouvoir, füt-ce du monde entier. Car j'estime trop peu, voire point du tout, les honneurs Fugaces que le peuple admire et désire acquérir, Car ils semblent partout remplis du fléau de l'envie, De soucis et de maux qui nous portent profonde angoisse. Plutus, pére de tous les maux, ne me contraindra pas À convoiter ses richesses ni son royaume d'ombres,

15

Plutus que, sagement, l'oracle toujours véridique Compare aux pointes d'épine, car, des nantis, il pique Les entrailles en les troublant de soucis par milliers ; Non content de piquer, il ronge leur cceur de souffrances Refusant qu'aliments, nourriture ou boisson les aident, Que le flux du sommeil coule en leurs membres fatigués.

Juste à point, accorde aux derniers mémes dons qu'aux premiers. Je veux donc d'abord L'honorer et L'aimer avec force De toute mon àme et mon intellect, du plus profond De mon cceur ; et quand, consciemment, j'aurai fait mes adieux

Aux nombreux biens que j'admirais jadis comme suprémes,

50

Pour me livrer à Lui, je les chasserai : c'est mon vceu.

Voici le terme sür que je me suis fixé (6 Christ, Fais qu'à la fin de ma course, je puisse enfin l'atteindre) : Enrichi par les dons d'Espoir, de Piété et d'Amour Profond, aimer également amis et ennemis, SS

Imiter ton exemple en leur rendant toujours service,

Vivre en paix avec les hommes de bien et de vertu,

D'une àme forte endurer tout ce qu'a envoyé Dieu, Attendre enfin la couronne faite d'un or céleste ;

60

65

Vie bréve enseigne à retrancher tous les espoirs frivoles, 20

La gráce du grand Dieu t'aura seule suffi, Lui qui,

Vouloir en ceindre L'a promis et d'un Le Plutus véritable est le Auteur de la clarté

70

C'est la ville éternelle, oui, que nous devons chercher,

25

Et que n'atteint jamais qui se sera laissé saisir Une fois dans les rets des fourbes plaisirs de ce monde.

Servir le Dieu unique et vrai, à l'exclusion d'un autre,

Telle est ma décision. Car le vrai Dieu est Dieu unique.

Tous les autres au contraire sont vraiment de faux dieux,

30

Des serpents sur le sol que, promis au délit fatal,

Notre pauvre pére engendra, tout au commencement ;

Qu'il soit grand ou petit, je ne fais aucune exception. On doit penser que, par trois fois et plus, il faut maudire

(Sauf si nous ne croyons en rien aux saintes Écritures)

35

716

Le fou qui recherche de tout son cceur les biens mortels Et qui place tous ses espoirs uniquement dans l'homme.

Éternels, les vraies richesses et la vie bienheureuse, Et non point le tyran stygien qui va semant les crimes, Exhibe fausses richesses, exhibe faux honneurs

En réservant aux insensés mort et nuit ténébreuse. Au fond, les biens qu'à tort les aveugles pensent vitaux,

Et tout qui vainc mes forces pour appeler sur moi

Mille dangers à toute heure. Mais puisqu'ici bas nul Ne détient de cité qui doit durer l'éternité,

les fronts pieux, la puissance éternelle vain espoir n'abuse pas qui l'aime. trés bon, trés grand, l'unique sans fin qui répand les honneurs

(Car la vie humaine en profite), or, gloire et ornement, Que la plupart des hommes prisent tant d'ordinaire, tous, Oui, tous, dis-je, sans nul rapport à la vie supérieure,

Ne sont rien d'autre que poussiére et ombre sans valeur, Chagrin atroce, vraies sornettes et triste trépas.

MÉTRIQUE

Hexamétres dactyliques. Nortes

— in pict. : VEIANIVS... HARENA] Selon Porphyrion, qui commente ce vers d' Horace (Epist., 1, 1, 4), Veianus

était un gladiateur célebre qui, aprés de nombreuses victoires, s'était retiré et avait dédié ses armes à Hercules Fundan(i)us. Ce dernier avait un temple qui lui était consacré à Fundi, mais que l'on ne connait que par une

inscription sur une tablette votive de bronze (CIL, 6, 311) et par une évocation dans l'Histoire Auguste (H. A, 27 : Tacitus, 17, 2), mais on ignore sa localisation précise. Il existait un Lacus Fundanus à Rome, c'est-à-dire une

717

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

fontaine, sur le Quirinal, prés de la Porta Salutaris. En revanche, on ne connait pas de culte important d' Hercule à Fundi?!7, - v. 12 : Plutus opes... inania regna] Bocchi joue ici de la confusion fréquente depuis l'Antiquité entre Plutus (ITAo?roc),

personnification

des richesses,

fiis de Déméter

et d'lason

(Hrs.,

Theog.

969-974)

et Pluton

(IDho$rov), autre nom d'Hadés (Ai8nc), le dieu des enfers. Le latin favorisait lui aussi cette confusion en identifiant Dis (ou Dispater, le « pére des richesses ») à Pluton. Le dieu des enfers Hadés, époux de Proserpine et lié étroitement au culte éleusinien de Déméter et Core?'*, régnait en effet sur toutes les richesses souterraines, enfouies au plus profond de la terre, qu'il s'agisse des graines en germination ou des filons métallurgiques?'?, qui le mettaient de fait en téte d'une richesse extraordinaire. L'aspect géorgique de sa prospérité le rapprochait de Plutus, qui, lié lui aussi à Déméter et Coré?!, incarnait la force du renouvellem ent de la végétation sous l'effet de l'agriculture?'?. La Renaissance était familiére avec cette identification?'?, Quant

à la critique morale attachée au dieu Plutus/ Ploutos, aveugle?'** et qui ne marche pas droit, car, comme Tyché, il

distribue ses biens au hasard et sans y penser, elle est déjà à l'aeuvre dans le Ploutos d' Aristophane ou dans les

Fables d'Ésope (135 Chambry : « 'HpaxAfjc xai ITAo9xog »), et de Phédre (4, 12). Plutus apparait également

chez Dante (Inferno, 7, 2). - V. 29-30 : noxae/ Fatali pater infelix] Il s'agit d'Adam, frappé par le péché originel que le Christ vient racheter pour toute l'humanité. — v. 72 : laetum] Pour letum, i, n. : la mort.

1. Otium et secessus, entre retraite morale et paysage religieu x : les modéles antiques

Dans les v. 1-4, Bocchi expose la décision radicale à laquelle il est parvenu et qu'il a soigneusement máürie (iampri dem) : se retirer loin du monde, dans un lieu à l'écart (latebras...

antra/ auia, v. 2-3), probablement loin

des villes. L'exemple du gladiateur Véianus (voir note supra), qui prend sa retraite auprés d'Hercule et se retire à la campagne (cf. in pict. : latet abditus agro) pour suivre le précepte épicuri en de « cacher sa vie » (cf. tit. carm., Aá0e Biocac), est emprunté à la premiere épitre d'Horace et sert d'exemp le imagé au poéte latin pour signifier à Mécene, qui le rappelle à la poésie lyrique, qu'il n'est plus le méme, qu'il a vieilli, et qu'il s'occupe désormais de poésie éthique^'^, La gravure emblématique, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana (Fig. 1)?'^6 est entiérement ciblée sur le personnage de Véianus qui incarne par excellence cette mutation sociale et intérieure suscitée par l'áge. Le passage de l'avant à l'aprés est suggéré visuellement par le partage de l'image en deux plans distincts. À droite, la vie antérieure du héros se dessine sous la forme d'une immense tholos de brique, qui laisse apparaitre un pilastre corinthien sur son flanc et s'ouvre par une porte monumentale à fronton triangulaire, rappelant les fastes urbains dans lesquels se déroulait la vie du gladiateur. Les armes de Véianus se dressent contre le montant gauche du portail, constituant une sorte de silhouette militaire fantomatique, souvenir de ce qu'il fut jadis : jambiéres croisées, cuirasse romaine derriere laquelle on apercoit des épées, puis casque à panache pendu à l'angle gauche du fronton. L'identification du temple comme celui d'Hercule est permise par l'inscription sur un

bandeau au sommet (Diuino Herculi sacratum) et la présence du héros sur le fronton, sous la forme d'une statue barbue, munie de la léonté et de la massue. Sa forme ronde renvoie sans doute à l'aedes Herculis uictoris (ou inuicti) du Forum Boarium, détruit sous Sixte IV (voir notre analyse du Symb. 55). On lit la formule horatienne

ANALYSE

Dans le Symb. 112, Bocchi vantait la supériorité de l'action sur la contemplation en distinguant Hercule d'Atlas (voir notre analyse et la bibliographie). Dans cette épitre versifiée dédiée à Amaseo (auquel il dédie également les Symb. 132 et 136), il semble prendre une voie toute différente, liée à son destin personnel. Il joue en effet de multiples références antiques (en particulier Horace) et renaissantes, pour expliquer qu'il va prendre une

retraite bien méritée, à l'écart des honneurs et des richesses, sources de tourments, pour goüter dans la solitude

la joie d'une conversion religieuse à Dieu. On s'interrogera sur la nature de cette retraite. Dans le Symb. 136, il

adoptera une sorte de voie médiane, mélant otium et scientia, en s'inspira nt de la réflexion cicéronienne. Trois grandes thématiques dominent le texte de l'embléme 1 33, mais elles sont trés intriquées et se conditionnent largement les unes les autres : la retraite solitaire à la campagne (v. 1-4) ; la condamnation des passions

suscitées par la société urbaine (v. 5-10; 63-72), et en particuli er le goüt des richesses (v. 11-21) ; la conversion religieuse, tardive, mais compléte, avec un renonce ment absolu au monde et à ses biens (22-62).

dans un cartouche qui surmonte le temple. À gauche, en braies et tunique épaisse, barbu comme un philosophe, le regard sévére et méditatif, Véianus, qui ressemble à Bocchi, est assis sur des blocs de pierre, à l'entrée de ce qui semble étre une immense grange couverte de chaume, dont on apercoit une partie du toit et les étais de bois : il s'agit du héros en retraite qui a abandonné les gloires du monde pour se tapir dans un repaire modeste et

solitaire à la campagne. Comme

nous le suggére Pierre Martin, le regard de Véianus se tourne ostensiblement

vers la gauche, du cóté opposé à l'architecture urbaine, symbole d'un passé désormais délaissé. On notera en outre que l'espace laissé vacant entre les deux monuments ouvre sur un paysage de campagne, interro mpu d'abord par une ferme et une tour de guet en forme de meule, puis par un village dont on distingue les muraille s scandées par de hauts donjons. Si l'on revient au texte de l'embléme, l'emblématiste Bocchi veut visiblement suivre l'exemple de Véianus et rappelle que, pour lui aussi, le temps a passé (v. 38-39: Hei mihi quàm multum effluxit praetefque uolauit/ Temporis incassum). Loin du tapage de la gloire, il souhaite s'appliquer à lui-méme la recommandation

épicurienne du late uiuens, dont Érasme explique (Adages, 2, 10, so voir apparat des sources) qu'elle désigne le

bonheur des gens modestes qui vivent à l'écart des affaires publiques et dont personne ne réalise pas qu'ils ont vécu sur la terre. Le titre qui surmonte l'image souligne l'idée du late uiuens, mais, par l'intertexte horatien auquel il renvoie (Epist., 1, 17, 10), prépare le développement sur la critique des richesses : l'épitre d'Horace en

question met aux prises Aristippe et Diogene (cf. D. L., 2, 58), et voit s'affronter d'un cóté la conception d'une

2157 Voir L, Richardson, A New Topographical Dictionary of Ancient Rome, Baltimore/ Londres, p. 186. "55 Sur dis

comme autre forme de diues, cf. QVINT., Insl., 1, 6, 34. Voir VERG., Aen., 6, 127 ; SEN., Herc. f» 609-612 ; 832-833 ; AVG., Ciu., 7, 28 ;

SERV., Aen., 1, 139.

2159 Voir B, Prehn, « Hades » in RE, suppl. III, 1918, col. 867-878 ; E. Wüst, « Pluton » in RE, t. XXI-1, 1951, col., 990-1026 ; G. Mylonas, and the Eleusinian Mysterie

Eleusis

S. C. Dahlinger,

s,

« Hades » in LIMC,

Pater », in LIMC, t. III-1, 1986, p. 644.

Princeton,

t. IV-1,

1961 ; G. Sfameni

1988, p. 367-370;

Gasparro,

R. Lindner,

2160 Voir ]es fragments de Posidonius dans FGrH 87 F 47-48 et LVC,, Tim., 21. ?'*! Voir Hymn. Hom. in Cer., 488-489.

Misteri

e culti

mistici

« Pluto », in LIMC,

di

Demetra,

Rome,

1986,

p.91-99;

t. IV-1, p. 399-406 ; G. G. Belloni,

« Dis

7? Voir Schol, uet, in Theog., 969 di Gregorio : Anurijtnp yáp totiy 9 yf, 'Taoíov $è 6 Yeopyóc, óxt avvijAOev £v tQ dyp@ xal veup Evì rpixóMo Éyévvroe xóv IHAobcov. 2163 Voir par ex. L. G. GYRALDI, De Deis gentium libri... XVII, Syntag. 6 (Lyon, 156s, p. 68), qui se référe à FVLG., Myth., 1, s, « Fabula de Plutone » : Quartum etiam Plutonem dicunt terrarum praesul em — plutos enim Grece diuitiae dicuntur. solis terris credente s diuitias deputari. 7/5 Cf. MACAR,, 8, 60 ; THEOCR,, 10, 19.

vie luxueuse auprés des rois, soutenue par l'hédoniste Aristippe, et de l'autre celle d'une existence misérable et isolée, prónée par le cynique Diogéne. Ce déplacement géographique accompagne une véritable rupture spirituelle, suscitée par un paradoxe : le pouvoir supréme, la gloire et les richesses approuvés par le peuple dissimulent en réalité des bien trompeurs et dangereux qui suscitent l'angoisse et nuisent à la tranquillité de

l'áme (v. 5-10). Il faut donc les fuir et se convertir à une vie austére et de dénuement à la campagne. On retrouve

là, de maniére lointaine, une idée romaine ancienne et topique qui veut que la rusticitas constitue la véritable

essence de l’àme romaine et joue le róle de iustitiae magistra?!^, en opposition à la luxuria grecque, oisive et "5 Sur l'influence de cette épitre sur l'ensemble du recueil, voir introduction générale.

2166 Voir ]e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 19, n? 7o (2 CXXXI) et illustration P. 53.

2167 Noir VERG., Georg., 2, 473-474 ; CIC., S. Rosc., 17, 75, cité par J.-M. André, L'otium dans la vie morale et intellectuelle romaine, des origines à

l'époque augustéenne, Paris,

1966, p.37.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre V

voluptueuse, liée à l'urbs. Dénigrant les séductions et les méfaits de la ville, Horace et Virgile louent la valeur du labor improbus géorgique et la spiritualité religieuse et littéraire de la vie campagnarde"'* et cette dichotomie répparait à la Renaissance'?, qui y a intégré en outre le modéle ascétique de la retraite monacale chantée par les Péres de l'Église sous le terme de rusticatio. CV

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la fois scientifique et civique, profondément conforme à la nature humaine, puisque le monde constitue pour

chacun sa grande patrie, dans laquelle est comprise la petite patrie, lieu géographique de naissance et de vie.

La formule du v. 3 de l'embléme (contentus uiuere paruo) est empruntée à Tibulle (1, 1, 25), mais c'est en réalité

tout le poéme antique qui fait sens comme intertexte de l'embléme : Tibulle annonce en effet dans ce poéme d'ouverture son refus des diuitias (premier mot du texte) et de la cupidité, qui suscitent un labor adsiduus et de la terreur (terreat, 1, 1, 3-4). Il préfére au contraire un état de dénuement (paupertas, 1, 1, 5) qui permette une vie tranquille (uita inerti, 1, 1, 5), occupée à de menus travaux des champs et à la religiosité bucolico-géorgique qui célebre Cérés, Palés et Priape. Il souhaite goüter en été les joies du locus amoenus ombragé et bercé par le bruit des sources (1, 1, 27-28) ou, en hiver, le confort d'une demeure modeste oü brille un feu qui permet de savourer plus encore le fracas des vents (1, 1, 45-48). Tibulle refuse le tumulte des guerres et les voyages, généralement

suscités par la cupidité, et il veut savourer dans les bras de son amie le privilége du désengagement làche et oisif (quaeso segnis inersque uocer, 1, 1, 58), pendant qu'il en est encore temps et que la vieillesse lui laisse un peu de répit. Sa militia amoris se fera au service de Vénus, dont il est le dux et le miles (1, 1, 75), et dans le mépris le plus

total du devoir politique et militaire (dites despiciam despiciamque famem, 1, 1, 78). Si le motif amoureux est laissé de cóté par Bocchi, en revanche, la critique que Tibulle profére à l'encontre des richesses, au profit des joies simples, à la fois littéraires et économiques (la célébration du locus amoenus et des plaisirs amoureux est métapoétique et renvoie à l'activité méme de rédaction textuelle permise par la géographie), sera relayée un peu plus loin dans l'embléme avec l'apparition de Plutus. La dévotion tibullienne aux souches des champs et aux pierres des carrefours ainsi que les prémices des récoltes offerts aux dieux campagnards annoncent également le mouvement spirituel de conversion religieuse décrit par l'embléme. 2. Le silence des passions et la condamnation de l'auaritia, de Sénéque à Érasme

Fig. 1 > G. BONASONE ou P. FONTANA,

Dessin préparatoire pour le Symb. 133 © Sotheby's.

Les latebras et les antra auia évoqués par l'embléme, dont la formulation rappelle l’Etna de l’Appendix Vergiliana (v. 140-141, voir apparat des sources), désignent un paysage non urbain et suggérent à la fois les anfractuosités des grottes et les repaires sauvages difficiles d'acces (auia) oü l'on peut se cacher (latebras/ lateo) et trouver une

protection naturelle. À propos de Fontaine-de-Vaucluse, oü il se réfugie pour quitter Avignon, véritable

Le choix de l'isolement géographique s'accompagne donc de la décision indispensable de renoncer aux biens extérieurs qui suscitent les passions: sinon, c'est la tranquillité méme de la retraite qui risque d'étre compromise. Car la paix de l'otium se modéle sur la paix de l'àme qui y goüte. Sénéque, dans une lettre célebre, souligne l'importance du silence intérieur de l'àme que n'assaillent pas les passions et qui la rendent indifférente

à tous les tumultes extérieurs?'"'. Il avait précisé dans la missive précédente que le transfert géographique est

impuissant face à une àme qui n'a pas fait la paix avec elle-méme?'?. De méme pour Pétrarque, la retraite dans un lieu isolé à la campagne, loin du regard d'autrui, n'est pas une condition suffisante au retour de l'àme sur elleméme, méme si elle en facilite le mouvement :

Babylone, Pétrarque (De uita solitaria, 2, 14, 13) insiste sur les bienfaits de ces lieux isolés et dérobés au regard :

Mais à quoi me sert d'entrer en ces lieux solitaires, que m'apportent les riviéres dont j'ai suivi le cours, quelle aide les foréts si souvent visitées, quel profit les montagnes oü j'ai séjourné, si mon áme, oü que se soient portés mes 442173 E 2 ^ 4s ’ pas, m'a suivi dans les foréts telle qu'elle était dans les cités".

abandonne.le dogme de l'alternance entre retraite et loisir (cf. Tranq., 17, 2-4), justifie la retraite compléte du sage en l'appuyant sur une téléologie naturelle fondée en particulier sur la notion de paysage : le monde est

Pétrarque montre ensuite la différence entre solitude et vie solitaire en expliquant que, dans la premiére, l’àme s'est « retirée de la foule » (eque hominis turba educta) alors que, dans la seconde, elle s'est « libérée des

il cite Sénéque (EpisL, 41, 3) pour rappeler que bois profonds, grottes dissimulées et sources sombres manifestent la présence de la divinité et saisissent l'Àme du sentiment d'un mystére religieux". La beauté du site, qui suscite l'émotion littéraire, se double de l'intuition du sacré. Sénéque d'ailleurs, dans le De Otio, où il

constitué pour s'oftrir délibérément à la scientia et à la curiositas de l'homme et permettre ainsi que le spectacle

passions » (passionibus expedita)"^".

nature et au dévoilement de ses secrets à la communauté de ses semblables, le sage accomplit bien une action à

171 SEN, Epist., 56, 5 : Animum enim cogo sibi intentum esse nec auocari ad externa : omnia licet foris resonent, dum intus nihil tumultus sit, dum inter se non rixentur cupiditas et timor, dum auaritia luxuriaque non dissideant nec altera alteram uexet. Nam quid prodest totius regionis silentium, si

de sa perfection en révéle la nature profondément divine (Ot., s, 4). Par conséquent, en se livrant à l'étude de la

extérieures : tout peut bien adfectus fremunt ? « Je contrains mon àme à se concentrer sur elle seule, sans se laisser distraire par les sollicitations

SÉ Voir les nombreux exemples et les nuances apportées à l'opposition negotia urbana et otia ruris par J.-M. André, L'otium, p. 455-523.

Voir par exemple PÉTRARQUE, Fam., 12, 8, 1, t. III, p. 29 Rossi : More meo nuper in Elicona Transalpinum urbis inuise strepitum fugiens secessi, « Selon mon habitude, je suis allé récemment me mettre à l'écart dans mon Hélicon transalpin, fuyant le tapage de la ville honnie ». Le De uita solitaria donne de nombreux exemples de l'opposition entre la corruption des villes et la vertu des foréts et des campagnes : 2, 10, 6 (qui oppose le doublet luxus et modestia, en le greffant sur la paire urbs et silua) ; 2, 10, 8 (sur David fuyant Jérusalem pour se réfugier dans une grotte) ; 2; 10, 11. 2170 s I ; Dans le De uita solitaria, 2, 10, 2, p. 290-291 Carraud, Pétrarque décrit la grotte oà se cache Marie-Madeleine comme un locus sacer,

quoddam horrore uenerabilis, « lieu sacré, plein d'une religieuse horreur ».

720

faire du bruit au dehors, pourvu qu'il n'y ait pas de tumulte à l'intérieur, pourvu que le désir et la crainte ne se disputent pas, pourvu que l'avarice et le goüt du luxe ne se tiraillent pas et ne se blessent pas l'un l'autre. Car à quoi bon le silence de tout le quartier si les passions grondent ? » et amoena 27? SEN, Epist, 55, 8 : Sed non multum ad tranquillitatem locus confert : animus est, qui sibi commendet omnia. Vidi ego in uilla hilari es, « Mais non Campania in quod te, esse conpositum bene parum ideo existimes quod est non maestos, uidi in media solitudine occupatis similes. Quare personnellement vu J'ai chose. toute à prix du donner de capable est qui l'esprit c'est : intérieure paix la à beaucoup pas contribue ne l'endroit

des gens tristes dans une villa riante et agréable, j'ai vu en pleine solitude des hommes affairés. Tu n'as donc aucune raison de croire que ton équilibre intérieur n'est pas bien stable parce que tu n'es pas en Campanie ». ?5 PÉTRARQUE, De uita solitaria, 1, 5, 3; p. 98-99 Carraud.

721

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Les passions évoquées par Bocchi se limitent d'abord au goüt pour les honores fugaceis (v. 7-8), que l'expression du v. 6 (terrarum orbis totius sceptra tenere) permet de définir comme l'ambitio, puis elles se précisent à la fin du texte sous la forme d'une liste plus ample : aurum, gloria, mundus (v. 68). Mais l'une d'entre elles, l'auaritia, est

particulierement mise en valeur, sous la forme d'une personnification mythologique qui viendrait l'inspirer (v. 11-18) : Plutus, le dieu de la richesse, confondu avec Pluton, le dieu des enfers (voir note supra). Ce dieu ambigu, véritable démon tentateur, qui séduit les mortels par de faux biens, se transforme soudain en divinité

infernale (cf. v. 12 : inania regna, expression qui renvoie aux enfers chez Virgile, Aer., 6, 269) pour torturer victimes auxquelles elle inspire la passion de l'argent, leur piquant les entrailles, leur rongeant le foie ou privant de sommeil. L'évocation n'est pas sans rappeler la description donnée par Lucréce (3, 968-1023) chátiments infernaux, dans lesquels Lucréce ne voit rien d'autres que des images des tourments de l'áme

les les des en

proie à ses propres passions.

La critique de l'auaritia est topique dans l'Antiquité paienne, cible préférée des satires d'Horace et de Juvénal ou des fables d'Ésope, tandis que de nombreux textes bibliques mettent l'homme en garde contre ce vice. Mais la critique de la cupiditas/auaritia à travers le portrait à charge que l'embléme donne de Plutus, le dieu de la richesse, voit son intérét renouvelé si on le rapproche des propos d'Érasme dans l' Enchiridion et de la place que l'humaniste hollandais consacre à combattre les attaques de la cupidité dans la partie qu'il réserve aux « regles contre certains vices » (cf. 9, 3 : « Aduersum irritamenta auaritiae » ; 9, 4: « Epilogus remediorum

contra uitium

auaritiae », p. 126-130 Holborn ; 205-209 Festugiére). Érasme traite d'autres passions (la libido, l'ambitio, le tumor animi, l'ira et la uindicta) mais l'auaritia retient toute son attention : ferment d'idolátrie selon saint Paul, « il n'en est absolument aucun autre avec lequel s'accorde moins le Christ » (Enchir., p. 207 Festugiére ; p. 128

Holborn : neque cum ullo prorsus alio minus conuenit Christus). Conformément à la conception stoicienne des passions selon laquelle ces derniéres naissent d'une impulsion de la raison qui, par un mouvement excessif (hormé), adhére à un jugement captieux (krisis)?'5, Érasme s'attache à montrer minutieusement que tous les raisonnements qui visent à trouver une justification à la cupidité en accordant aux richesses une valeur véritable ou un plaisir immédiat sont erronés : conformément à ce que dit Épictéte, l'argent reste un indifférent, méme

s'il fait partie des « préférables ». L'argent, poursuit Érasme, ne

corrige ni les défauts physiques ni les défauts moraux ; les plaisirs apportés par l'argent sont mortiferes, en particulier l'admiration et la gloire, car elles nous font louer ou apprécier pour des qualités empruntées et extérieures ; l'acquisition et la conservation

de ces richesses nous demandent

des efforts considérables et

suscitent en nous des tourments sans fin. S'inspirant de la thérapeutique stoicienne, Érasme tente d'obtenir un renversement de la conviction en montrant qu'on peut opposer à tous ces jugements faux les principes de la

doctrine christique""*. En plus des dogmes, Érasme n'hésite pas à recourir pragmatiquement aux praecepta et

invite à la ruminatio des formules bibliques imagées, paraboles ou sentences, véritables exercices spirituels,

auxquels leur puissance rhétorique et leur capacité à stimuler la représentation garantissent une forme

d'efficacité^'",

2H TOt, 3:525.

75 GAL., PHP, s, p. 376-378 K (à propos de Zénon), cité par S. Husson, « Les passions, le convenable, le sage et la cité » dans J.-B. Gourinat,

J. Barnes (dir.), Lire les stoiciens, Paris, 2009, P- 115-131, ici p. 121 note 2. Sur les passions stoiciennes, voir aussi R. Muller, Les Stoiciens, Paris, 2006, p. 229-240.

2176 Voir par exemple Enchir., 9, 3 (p. 127 Holborn, 206 Festugiére) : Sed honorem conciliat. At quem tandem ? Nempe quem falsum tribuunt ii, qui

non nisi stulta mirantur et quibus placuisse, pene uituperari est. Verus honos est laudari a laudatis, summus honos est placuisse Christo ; uerus honor non

Or le discours emblématique use des mémes méthodes philosophiques. Il met en lumiére la lutte de la raison contre la passion sous la forme d'une lutte contre le démon tentateur, où l'élocution poétique joue un róle quasi apotropaique (cf. v. 11 : nec me coget... pater...). Il met en valeur l'importance de l'instruction jouée par le temps (cf. v. 19 : Vita breuis docet) tandis que le renversement nécessaire des valeurs pour obtenir la guérison se fait explicitement, comme chez Érasme, à l'aide de la doctrine christique et nous verrons infra que le texte emblématique, en forme d'épitre, se transforme en profession de foi. Les images utilisées pour vilipender les souffrances que suscite la richesse sont identiques à celles d'Érasme : les piqüres d'épines et la référence à la parabole de Matthieu (v. 13-16) se trouvent chez Érasme (Enchir., 9, 3, p. 127-128 Holborn ; 207 Festugiére :

quibus de causis et spinas appellat Christus, quod omnem tranquillitatem animi... mille curis dilaniant, « C'est pour cela méme que le Christ les nomme des épines, parce qu'elles déchirent de mille soucis toute tranquillité de

l'àme »). De méme, l'incapacité à étancher sa soif au v. 17 (Nec prodesse sinit potus) rappelle l' Enchir. 9, 3 (ibid. :

neque unquam sitim sui sedant, uerum magis ac magis irritant « Jamais en effet elles [les richesses ] n'apaisent la soif qu'on a d'elles, bien plutót elles l'excitent). Les comparaisons avec la poussiére et l'ombre du v. 71 (puluis inanis et umbra) peuvent étre rapprochées de l' Enchir., 9, 3 (ibid. : Quicquid igitur commoditatis uidentur adduere, id uere fucatum, umbraticum, praestigiosumque est, « Ainsi donc, tout ce que les richesses semblent apporter d'agrément, tout cela est fardé, plus vain qu'une ombre, pure illusion » ), tandis que l'image de la cité d'ici-bas sous les traits d'une femme qui piége sa victime dans les ruses de ses rets (v. 24-25 : dolosis... illecebris... irretiri) peut trouver son correspondant dans le terme fucatum, « fardé », du méme passage érasmien. Enfin les exclamatives qui soulignent l'intensité des maux (v. 5 : cum tot tantisque laboribus atque periclis) sont présentes aussi chez Érasme (Enchir., 9, 3, ibid. : Quam

miseris laboribus parantur, quantis periculis, quanta sollicitudine

seruantur, quanto dolore amittuntur). Mais pourquoi ce soudain détachement des richesses et cet abandon de l'auaritia ou de la cupiditas ? 3. L'urgence du temps et la sagesse des Phrygiens

La conversion religieuse qui doit accompagner la retraite est présentée dans le texte de l'embléme comme indissociable de la conscience de la fuite du temps qui suscite cette mutation spirituelle. Les vers 19-25 constituent le prélude de cette conversion : l'avancée en áge améne le sujet à méditer sur ses erreurs et surtout, à prendre en compte les biens véritables et non plus les spes inanes (v. 19). Cette prise de conscience se marque par la distinction augustinienne fameuse (cf. Ciu., 14, 28, 1) entre la cité céleste et éternelle (cf. mansuram, v. 22 ; perennis, v. 23) et la cité terrestre, comparée à une femme qui charme et tend des piéges (v. 24-25).

Un peu plus loin (v. 38-45), un second intermede sur le passage du temps teint de doute les acquis de cette prise de

conscience

(quàm

multum

effluxit praetefque

uolauit/

Temporis

incassum,

v.38-39.

L'interjection

déploration que l'on y entend (Hei mihi, v. 38) ou le subjonctif de délibération qui marque l'incertitude et la

perplexité (Quid faciam ?, v. 40) constituent certainement le signe d'une poésie affective, où la plume tente de

saisir les émois et les angoisses du sujet qui doute que ses fautes puissent étre rachetées (Sed id irreparabile cum

sit, v. 39). Mais au-delà de cette tendance subjective, on pourra souligner la valeur doctrinale de ces moments d'inquiétude, offerts au lecteur comme autant d'épisodes d'incertitude et de perplexité qu'il faut dépasser : ils sont là pour montrer la puissance de la gráce divine (v. 43-44 : gratia magni dei) qui peut intervenir à partir du

moment oi l'individu se repent (Si doleas uitia, v. 42), veut agir vertueusement (Firmum habeas posthac animum, V. 43) et cesse de croire en ses propres forces. C'est toute la volonté qui se convertit et collabore avec la gràce divine. La référence des v. 40-41 à l'adage d' Érasme, 1, 1, 28, « Sero sapiunt Phryges » (voir apparat des sources)

manifeste le regret de cette sagesse qui vient tard et qui aurait pu éviter bien des souffrances mais dont l'essentiel

opum sed uirtutis et praemium, « Il procure, dis-tu, de l'honneur ; mais quel honneur, enfin ? Seulement l'honneur que vous dispensent ceux qui n'admirent que des sottises et auxquels c'est presque une perversion que d'avoir plu. Le vrai honneur est d'étre loué par ceux qu'on loue, l'honneur supréme, d'avoir plu au Christ. Le vrai honneur est la récompense, non de la richesse, mais de la vertu ».

est qu'elle se manifeste enfin. Il est à présent temps de se pencher sur la profession de foi qui motive l'otium et occupe l'essentiel du texte.

nombre d'exemples de ce " pragmatisme " : pour éviter de se laisser aller à la colére, à l'amertume, à la crainte de la mort, l'empereur se répéte

4. Deificari in otio ou les métamorphoses de Pluton

“17 Voir R. Muller, Les Stoiciens, p. 240 : « Les écrits de Marc Auréle, comme on peut s'y attendre en raison de leur destination, contiennent

fréquemment de breves formules ou de courts raisonnements à titre de remédes immédiats ; ces énoncés sont faciles à rattacher au systeme, mais dans l'instant c'est leur efficacité qui importe, au risque parfois de paraítre exprimer un doute quant à la doctrine ou de manquer de rigueur ».

qao

de

-

Plus qu'une retraite lettrée, c'est un otium religiosum auquel l'emblématiste promet de s'adonner et on peut méme se demander s'il n'exprime pas là une sorte de vocation cléricale voire monastique. Augustin avait expliqué la véritable nature de cette retraite dans sa lettre 10, à l'aide de la formule deificari in otio : se rendre 723

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

semblable à Dieu pendant le repos. Outre le fait qu'elle s'inspire sans doute de la retraite ascétique et

fonctions publiques. Pourrait-il s'agir d'une allusion à l'autorisation accordée à Bocchi par les Riformatori et

contemplative prónée par le philosophe Porphyre pour parvenir à l'óuotctc t@ 026, l'assimilation à Dieu?"*, la

l'Assunteria (voir Symb. 136) de ne plus délivrer de cours au Studio, tout en conservant salaire de la chaire

formule énonce un idéal proprement religieux et chrétien qu'Augustin met en ceuvre dans sa retraite à Thagaste,

différent mais complémentaire de l'attitude philosophique adoptée à Cassiciacum"'^. De plus, l'otium terrestre

préfigure pour Augustin l'otiosum negotiosum qui attend chacun auprés de Dieu dans la vie future, et prend son

sens par rapport à lui*!®°, Laure Hermand-Schebat a montré combien la pensée de Pétrarque devait à ce modéle augustinien dans les définitions de quies et requies" '?'. C'est le programme que se fixe l'emblématiste.

Le credo commence par l'affirmation de la volonté explicite de ne servir qu'un seul dieu : uni ouvre le v. 26, unus le clót, et l'expression est reprise une nouvelle fois au v. 37, comme s'il s'agissait de marteler cette affirmation pour croire ou faire croire à son authenticité. On notera l'importance de la parole répétée qui met au jour les convictions du cceur (v. 36 : fateor semperque fatebor). Faut-il voir dans l'affirmation de l'unicité divine la trace d'une forme d'anti-trinitarisme ? La suite du texte permet d'affirmer qu'il n'en est rien. Il s'agit plutót de la récusation des faux dieux, véritables serpents engendrés par la faute adamique (v. 28-31), et cette récusation s'accompagne de l'abandon (ou plutót de l'exécration, cf. v. 32 : Ter uero execrandus et amplius) des biens mortels qui constituent, eux aussi, autant de faux dieux à leur tour. Érasme, dans l'Enchiridion, terminait sa diatribe sur la cupidité (Enchir., 9, 3, p. 128 Holborn ; 207 Festugiére) par l'affirmation que, de méme qu'on ne

peut pas servir deux maitres, de méme « on ne peut pas servir à la fois Dieu et Mammon?'? », avec une référence à Matt. 6, 24.

Aprés l'interméde sur le temps et la gráce des vers 38-45 (voir supra), l'emblématiste réaffirme l'engagement de tout l'étre que constitue cette conversion évangélique. Les vers 47-48 précisent l'intensité du verbe amare du v. 46, qui s'applique à la divinité, en multipliant les termes désignant l'intériorité (Tota ex mente uolo, ex anima,

occupée (ad humanitatis studia matutina) ? Rien ne s'y oppose. Cette dispense, pour laquelle une demande fut déposée en 1535, lui avait été délivrée en 1536, aprés la participation de Bocchi à la secrétairie du cardinal Guido

Ascanio Sforza pendant sa légation bolonaise, mission qui fut visiblement couronnée par des succes diplomatiques?'?. Une lettre du 28 janvier 1549 montre qu'une dispense, renouvelée par Paul III, a toujours cours à cette date^'*^, Mais il est possible également que l'embléme soit postérieur à 1536 et manifeste, sous la

forme d'une décision radicale, la volonté de se dégager des conditions qui avaient été posées pour la dispense et qui font visiblement sentir leur poids : rédiger une Historia Bononiensis (dont il n'a sans doute pas pu tirer tous les bénéfices qu'il souhaitait) et continuer d'assurer un enseignement privé. C'est sans doute à ces táches que Bocchi pense lorsqu'il évoque à plusieurs reprises son pistrinum dans certaines de ses Lettres à Amaseo!**, Une autre lettre à Amaseo datée du 21 novembre

Facessant occupationes et curae quamuis grauissimae paulisper, cum memetipsum mihi restituo, et concordissimum fratrem meum per literas adloquor. Salue igitur, mi frater optime, quid agis obsecro ? Quid musarum deliciae Palleotus ? Quid Mirandula ? Quid amor urbis orbisque Maphaeus ? Quid porro seculi huiusce decus heros ille, noster Alexander, nomine quidem minor, re uero maximus ? Si ualetis, ut cupimus, apud nos est, ut uolumus. Ceterum quid memorem causam diuturno silentio nostro dedisse pistrinum, quod uersare die noctiique magna cum animi mei molestia cogor ? Etsi iamdudum omnem fere spem meam in tua opera et diligentia collocarim, ut non dubitem quin ego quoque tandem aliquando rude donatus, illud arbitratu meo sequi possim, quod olim ad te scripseram sic exorsus : Consilium, quod nulla queat res frangere iniui Romule iampridem, latebras mihi quaerere et antra

ex penetralibus imi/ Cordis). Tout un ensemble d'engagements suivent (v. 53-57) : aimer ses amis et ses ennemis, favoriser la paix, vivre en compagnie des honnétes gens, endurer l'adversité. Ces officia s'effectueront avec l'aide divine (v. 51-52) et permettront de gagner la couronne d'or céleste (58-60). On notera que ces devoirs chrétiens supposent que l'otium et le secessus évoqués au début du texte ne s'effectueront pas complétement

loin

de

toute

société

humaine

théologiques : c'est le principe méme de la charité.

mais

accorderont

une

place

à autrui

pour

des

Auia constitui contentus uiuere paruo.

et qua reliqua fuere.

raisons

Vtcunque, nunc temporis aliquid praeripiam, quo facere possim te de rebus nostris certiorem.

Le texte s'achéve sur un duel entre le Plutus céleste, c'est-à-dire le Christ, maitre des vraies richesses, et le Plutus paien, maitre des enfers, variante du Malin tentateur (v. 61-66), renversement typiquement érasmien (voir par

Puissent mes préoccupations et mes inquiétudes me quitter un peu, malgré leur extréme intensité, maintenant que

je reprends mes esprits et m'adresse par lettre à mon frére de cceur. Salut donc, excellent frére ! Que fais-tu ? Dis-le

exemple le colloque « L'Épicurien », oü le véritable Épicure est assimilié au Chri&). Une derniére fois, le nouveau converti revient sur les biens mortels qu'il abandonne (aurum, gloria, mundus, v. 68) et le commun des mortels dont il se sépare. On retrouve le róle philosophique des « exercices spirituels » stoiciens, confiés ici à la poésie. Il revient à cette derniére, par le pouvoir frappant d'images ou d'évocations, de dissoudre et de réduire à néant la masse gigantesque de ces tentations qui ruinent l'àme humaine (cf. omnia, répété deux fois, v. 69-70). Les termes choisis (v. 71-72) sont précisément des évocations du néant, du risible et de l'infiniment petit :

moi, je t'en prie. Et Palleoti, délice des Muses?'* ? Et Bernardi de la Mirandole?'" ? Et Maffei qu'aiment Rome et

le monde?!? ? Et enfin l'ornement de ce siécle, cet illustre héros, notre Alexandre, qui porte le nom de « second"? » mais qui est réalité est le premier ? Si vous allez bien de votre cóté — c'est notre désir -, chez nous,

cela va comme nous voulons. Par ailleurs, à quoi bon rappeler que la raison de notre silence vient de notre

« moulin » que je suis contraint de faire tourner jour et nuit, ce qui me suscite une grande fatigue intellectuelle ? J'ai pourtant placé il y a longtemps presque toutes mes espérances dans ton aide et ton efficacité, si bien que je ne

poussiére, ombre, sanglot, plaisanterie, larmes et mort. 5. Le contexte biographique : une vocation manquée ?

La référence à Véianus à qui l'on remet son báton de retraite (rude) invite à voir dans le secessus évoqué par Bocchi non pas un simple retrait temporaire ou un isolement géographique destiné à soutenir et à accompagner une conversion spirituelle, mais bien aussi son congé préalable et sa « mise à la retraite » de certaines de ses js Voir G. Folliet, « Deificari in otio. Augustin, Epistula, 2, 2 », Recherches augustinien nes, 2, 1962, p. 225-236. ia R. J. Teske, « Augustine's Epistula X: Another Look at deificari in otio », Augustinia num, 2, 1992, p. 289-299. Pour la mise en relation entre la lettre X et les Ennarationes in Psalmos, voir J. Oroz-Reta, « L'otium chez saint Augustin », J.-M. André, J. Dangel, P. Demont (dir.), Les loisirs et l "héritage de la culture classique, Actes du XIII congrés de l'association Guillaume Budé (Dijon, 27-30 aoüt

1993), Bruxelles, 1996, p. 434-440.

2188 G. Raveira-Aira, « Achille Bocchi e la sua Historia Bononiensis », Studi e memorie per la storia dell'Università di Bologna, 15, 1942, p. 59-112, ici p. 67, qui cite l'Arch. di St. di Bologna, Partitorum, Decreto 27-10-1536.

?** Voir l'extrait que nous donnons dans notre analyse du Symb. 136. em 2185 Milan, Bibl. Ambr., D. 145 inf,, f 6° ; 391°, 487^ (voir le texte latin dans notre analyse du Symb. 136). Rappelons que Bocchi avait livré le

premier volume de cette histoire devant le Sénat bolonais. Un décret tiré des archives bolonaises cité par G. Raveira-Aira (Arch. di St. di Bologna, Partitorum, 1514-1520, Decreto del 23-12-1517) rappelle que Bocchi aurait promis prosequi dictos Annales siue Chronicas onodai: usque in praesentem diem et usque dum uixerit et per totum tempus uitae suae, « de poursuivre la rédaction desdites Anales ou Chroniques

bolonaises jusqu'à nos jours tant qu'il vivrait et pendant toute la durée de son existence ». Voir G. Raveira-Aira, Historia Bononiensis », p. 65-66.

287 Sur c

a

’° Personnification démoniaque de l'argent.

?? Ou « le Jeune ».

c

vivre pour la cité, de l'Antiquité à la Renaissance, Paris, 2006, p. 123-137

724

"e

TT

api »srkcursiana du Symb. 96. Avec Antonio Bernardi et Romolo Amaseo, il est le précepteur privé du cardinal Alexandre

2I Vds

"

« Achille Bocchi e la sua

xe gs ?55 Sans doute Gabriele Paleotti (1522-1597), le futur cardinal, qui, en 1546, a acquis le titre de docteur en droit civil et canon, disipline qu'il enseigne à Bologne.

É L. Hermand-Schebat, « Pétrarque et Cicéron autour de la conception de l'otium » dans P. Galand-Hallyn, C. Lévy (dir.), Vivre pour soi, 8

1547 (D. 145 inf, f 39r?) évoque l'embléme et présente le

projet d'otium religiosum comme un échec ou du moins, comme une décision qui a été reportée :

Farnése à Rome.

725

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Peu importe la face où elle se pose : sans mal, Elle reste en équilibre, sans jamais s'effondrer. Qui traduit mieux l'éternité que, de la pyramide

saurais douter que moi aussi, un jour enfin, muni du báton de retraite, je pourrai enfin suivre à ma guise ce que je t'avais écrit jadis sous cette forme :

cette décision Que force ne saurait fléchir : me chercher un refuge ; J'ai choisi un antre isolé, content de vivre pauvre etc.

25

Quoi qu'il en soit, je vais arracher quelques instants pour pouvoir te mettre au courant de nos affaires.

On peut supposer que l'opera et diligentia à laquelle Bocchi fait allusion désigne non seulement l'aide financiére pour l'édification de l'Académie qu'Amaseo peut solliciter auprés d'Alexandre Farnése (dont il est alors le précepteur privé) et du pape Paul III, mais plus probablement, une tentative pour faire annuler par décision papale l'obligation de poursuivre la rédaction de l'Historia Bononiensis à laquelle il avait promis au Sénat de consacrer sa vie (et qui est devenu un pistrinum, une corvée), ainsi que celle d'enseigner de maniere privée. Le désir d'otium est toujours présent, mais la retraite monacale ne semble plus qu'un vieux souvenir (olim). Une nouvelle

forme

d'otium,

d'esprit plus

parfaitement adapté au réve de l'académie.

cicéronien

que

chrétien,

nous

sera

présentée

dans

30

35

le Symb. 136,

La forme à trois cótés, assimilée au feu gagnant Le ciel, qui, d'une force accrue, détruit et brise tout Autour, et, dans son vol, brüle et ravit tout dans les airs ?

La verticale est indiquée par la pointe bien droite, Ligne qui divise en parts égales le globe au centre Et parcourt sa surface, à intervalles réguliers. En somme, ce schéma n'a rien qui ne soit point égal. Hors du globe central de notre figure, tu vois Quatre serpents pointer la téte : il s'agit de Sagesse, La parfaite mesure de toutes les choses ; la téte De Jupiter la fit naitre. Mais point d'autre partie De leur corps répugnant. Leur gueule bée pour que Sagesse Sorte gráce au Discours, à nul ne nuise, à tous profite.

Ils servent bien souvent d'armes à Pallas Tritonienne. Le petit instrument de fer à quatre angles, planté 40 Symb. 134

QUELLE QUE SOIT LA DIRECTION OU SE TOURNE LE SAGE, IL RESTE STABLE

À GIOVANNI BATTISTA CAMOZZI

- La figure remarquable de notre Camozzi,

Ó déesse, décris-la moi ; je ne sais s'il faut dire

5

10

15

20

726

Qu'elle a trois ou quatre pointes. — Elle roule en effet Sur ses quatre éléments, si bien que trois pointes en bas Toujours piquent le sol et que la pointe en l'air, à part Des autres, vise l'Olympe, trois et quatre fois sainte. Quelles forces puissantes détient la Triade unitaire, La Monade omnipotente nous le montre, jadis Connue des Pythagoriciens qui, persuadés que quatre Nombres fondaient tout l'univers, jugent qu'avant le Tout Vient l'Étre premier, qui est un, et que l'Un peut ainsi Regarder vers le Tout, sans autre raison ni moyen. De plus, il est un beau rapport de Monade à Triade : Ne vois-tu point que l'homme regarde vers le ciel et vers Son origine, ce que, dressée, fait la pyramide ?

Mais un nouveau rapport déjà surgit entre les quatre Sommets : voici qu'ils dessinent pour toi autant de bases. Quelle plus belle relation se pourrait énoncer ? Comme, sur trois pics à la fois, tombe l'alme figure,

Chaque pointe des trois cótés reste, de méme, en vue. Elle est toujours identique, comme la vraie sagesse :

Lui qu'on nomme en latin murex, et en grec tribolos.

L'usage était de le cacher au milieu d'ennemis À stopper : ruse ou vertu, qu'importe, si c'est contre eux ?

Gravure :

*

Sur des pointes dangereuses, est stable, où qu'il retombe,

MÉTRIQUE

Hexameétres dactyliques. C'est le métre de la poésie didactique, qui convient bien ici à la description d'un objet technique, qui requiert des notions mathématiques. La référence au mythe hésiodique de la naissance d'Athéna (HES., Theog., 886-926) ajoute des accents épiques.

NOTES - ded. carm. : IOANNI BAPTISTAE CAMOTEO ] Voir la notice consacrée au personnage à propos de la pièce dédicatoire qu'il adresse à Bocchi dans les poémes liminaires. Le Symb. 137 sur la Chimére lui est également dédié. - V. 13, 16 : proportio] Le terme désigne moins une relation mathématique de proportion qu'une analogie de nature métaphorique ou comparative.

- v. 17 : «fundamina» earum] Ce féminin ne peut pas renvoyer grammaticalement à acuminibus, qui est neutre, mais pour le sens, à cuspis. - v. 20 : Vna ita quaeque trium laterum patet inclyta cuspis] Nous interprétons una ... quaeque comme une tmése

pour unaquaeque. - v. 38 : Tritonia] Voir analyse infra.

ANALYSE Sous la forme d'un dialogue, Bocchi s'interroge sur la signification symbolique du tribolos ou du mure et demande à la Muse de lui en proposer l'exégése. Cet objet technique est l'ancétre de la chausse-trape : il s'agit d'une sorte de petite machine de guerre composée d'un globe central hérissé quatre ponités de fer (Ferrea

machinula infestis quadrangula fingens cuspidibus, v. 39-40). À moitié enterrés, les triboloi constituent un barrage

invisible qui s'oppose à la progression de l'ennemi (Occulte arcendos hanc spargere in hostes/ Mos fuerat, v. 4243), blessant les pattes des chevaux ou brisant les roues des chars (cf. VEG., Mil., 3, 24, 3 et l'apparat des sources pointes ( (la posée sur troisis pointes au v. 40). La gravure propose en son centre, sur un sol herbu, une chausse-trape EN * E i i i nt, comme dernière n'apparait que partiellement entre les deux autres), avec une pointe qui se dresse verticalement, c

727

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

le montre le fil à plomb attaché à une chaine. La configuration du murex ressemble fortement à l'illustration des Devises héroiques de Parradin dans l'édition lyonnaise de 1551 (voir Fig. 1). C'est au prix d'une infidélité au

livre des Tusculanes (40-41) ou le discours d'Anchise chez Virgile (voir notre analyse du Symb. 132). L'explication « physique » sera différée un peu plus loin, au moment où Bocchi rappelle l'étymologie bien

pointes.

APVL., Plat., 1, 7 ; AMM,,

par exemple le trigona aut tetragona forma de Budé transformé en tricuspis an quadricuspis aux v. 3-4, ou encore la ferrea machinula, qu'on retrouve au v. 39 de l'embléme).

défunts qui y reposaient, et selon le dogme répandu par le mysticisme astral gréco-romain, rappelaient par leur forme pointue la trajectoire ascensionnelle vers les espaces célestes que les ámes des morts avaient suivie pour y étre transformées à tout jamais en étoiles.

texte qui, beaucoup plus fidele à la réalité antique, décrit la présence d'un globe central où sont piquées les L'idée semble lui en avoir été inspirée par les détails précis offerts dans un court passage des Annotationes in quatuor & viginti Pandectarum libros de Guillaume Budé, auquel Bocchi emprunte certaines formulations (voir

Le paradoxe du tribolos est qu'il s'inscrit dans un volume pyramidal (v. 24-25 : pyramidata/ Illa trium et laterum forma), c'est-à-dire un tétraédre, dont les bases sont constituées des triangles équilatéraux. C'est le seul des cinq polydédres réguliers ou « solides de Platon » à posséder quatre faces. Tout le texte emblématique et sa numérologie complexe, inspirée en partie par des motifs passant pour « pythagoriciens », jouents de

connue de « pyramide », associée au feu et à la flamme par sa forme qui se dresse en l'air (cf. PL., Tim., sób ; 22, 29 ; RHODIGINVS, Lectiones Antiquae, 23, 6, p. 885 ; voir apparat des sources aux

v. 24-26). Il fait également de ce solide un symbole d'éternité (v. 24: quid magis aeternum), par analogie probablement avec les pyramides égyptiennes?'*, Ces tombeaux devaient perpétuer pour l'éternité la gloire des

l'ambiguité entre le nombre 3, lié au triangle, et le nombre 4, lié au tétraédre, qui sont tous deux au cceur de la

figure géométrique (voir par ex. v. 2-3 : incertus sum an sit dicenda tricuspis/ An quadricuspis ; v. 6: Tefque

quaterque beata).

Dans cette perspective, Bocchi commence par noter une premiére propriété de l'objet : les pointes peuvent, trois

par trois, se ficher dans le sol, laissant libre la quatriéme pointe, qui se dresse alors vers le haut (tres imae ut semper earum/ Defingantur humi, à reliquis eiunctior una/ Tefque quatefque beata petat sublimis Olympum, v. 4-6). L'emblématiste lit cette répartition inégale à l'aide des nombres platonico-pythagoriciens : les trois pointes qui servent de socle constituent une image de la Triade pythagoricienne ( Trias, v. 7), tandis que la pointe isolée sert à désigner l'unicité de la Monade^'? (omnipotens Monas, v. 8), force créatrice qui émane de la puissance divine. La somme de 3*1 donne 4, que les Pythagoriciens nomment Tétrade (ou Tétractys, selon un contre-sens courant dés l'Antiquité??'), et qu'ils identifient à l'Univers, c'est-à-dire au Tout (pan), comme le rappelle

Philon d'Alexandrie??'. L'emblématiste interpréte l'isolement de la Monade comme la prééminence et

l'antériorité chronologique de l'unité (unum) de l'Étre (Ens) sur le Tout, c'est-à-dire l'univers, sous le signe de la multiplicité de la dyade (cf. v. 10 : statuunt ante omnia primum/ Ens unum fieri), tandis que le terme respicere (v. 11-12 : sic omnia respicere Vnum/ posse) traduit une relation bien expliquée par Macrobe : la Monade est à

l'origine des nombres mais n'est pas elle-méme un nombre??? : elle désigne l'unité qui traverse les trois

hypostases plotiniennes, l'Un, l'Intellect et l'Àme?!?*. Bocchi passe alors à l'évocation du solide dans lequel s'inscrit le tribolos : il s'agit de la pyramide (v. 24-25 :

pyramidata... forma), dont la pointe tend vers le haut, de la méme maniere que l'homme regarde lui aussi vers le

ciel (v. 14-15: caelum...

suum principium), la patrie originelle dont son àme est issue, selon la tradition

platonico-stoicienne que l'on retrouve dans le songe de Scipion de la République de Cicéron (6, 15), le premier ?*? Chez les pythagoriciens, la monade estle principe du nombre. Voir ARIST., Top., I, 18, 108 b 29-30 ; VI, 4, 141b 7-9.

“I Voir A. Delatte, « La tétractys pythagoricienne », dans Id., Études sur la littérature pythagoricienne, Paris, 1915 (réimpr. Geneve, 1999), P- 249-268, ici p. 250, note 1 : « En général, la tetractys, souvent confondue avec la tétrade ou quaternaire, est définie comme un ensemble de quatre choses. Pour certains auteurs, la tetractys est multiple et variée : chaque série de quatre étres qu'on peut découvrir dans la nature peut recevoir ce nom. Théon (exp. re. math., p. 93 sq.) distingue jusqu'à onze séries de ce genre : les quatre saisons, les quatre áges de la vie, les quatre éléments, les quatre parties de l'áme, etc. [...] Plus fréquemment, la tétractys désigne un ensemble de quatre nombres. Beaucoup de conceptions se raménent à cette définition trés générale: un nombre parfait composé de quatre nombres qui se suivent dans un ordre

déterminé. Tel est à peu prés le sens d'une note de Sextus Empiricus (7, 94) et de Simplicius (in Arist. phys. lib. 7, p.

1102) qui donnent comme

exemple le nombre 10, formé de la somme des quatre premiers nombres ». 72 Phrr,, De plant. Noé, 123 Wendland : KoAeizat 5° J| tetpàc xal « nüc » óri roüc &xpt SexáBoc xai abci]v SexáBa epiéxer Bvvápet, « la tétrade

Fig. 1 > C. PARADIN, Devises héroiques, Lyon, Jean de Tournes, Guillaume Gazeau, 1551, p. 97

© Glasgow University Library.

Entre-temps, Bocchi note une autre propriété de la figure (v. 16-17) : sila triade est liée au triangle, la pyramide, dans laquelle le tribolos à quatre pointes s'inscrit, est elle aussi liée au triangle (c'est la forme de ses cótés), mais également au nombre 4, puisqu'elle est un tétraédre : elle présente non pas trois mais bien quatre faces (une base et trois cótés : en totidem tibi stant fundamina earum, v. 17). De plus, les trois pointes sur lesquelles l'objet tombe demeurent toujours visibles (Vna ita quaeque trium laterum patet inclyta cuspis, v. 20). Tandis que le terme

cadit (v. 19) désigne la possibilité pour l'objet de rouler sur lui-méme, la visibilité permanente des trois pointes

fichées au sol lui assure au contraire la stabilité de son apparence, comme l'avait noté Claude Paradin dans ses Devises héroiques parues à Lyon en 1551 (chez Jean de Tournes et Guillaume Gazeau), et qu'il compléte en 1557 (Fig. 1). Le tribolos s'accompagne du motto : quocunque ferar, « oà que je tomberai », elliptique, et qu'il faut compléter par une formule comme « je reste dangereux » ou «je reste le méme », ou « je reste stable », comme le suggére le commentaire de Paradin??5 ou l'embléme lui-méme (v.40: quam se cunque in partem dederit, stat). Enfin, en se fondant sur l'idée que l'objet peut rouler, l'emblématiste explique que la position au sommet n'est pas occupée systématiquement par la méme pointe, mais qu'au prix d'un déplacement de l'engin, chacune peut, tour à tour, occuper ce poste privilégié, à la verticale, tout en restant à égale distance des autres (Est illi perpendiculum rectissima cuspis / Et medium ex aequo quae linea diuidit orbem/ Quem paribus distans circummeat interuallis, v. 28-30). De cette permanente stabilité de la figure, de ses symétries et de ses équipollences, Bocchi fait un symbole de la Sapientia, toujours identique à elle-méme, équilibrée et harmonieuse, quelles que soient les conditions extérieures qui tentent de la renverser ou la font basculer (v. 21 : Haec eadem est semper, talis Sapientia uera ), comme il l'indiquait déjà dans le Symb. 11 avec la formule Semper

eadem. Il faut rapprocher cette stabilité de celle du cube qui constitue la lucerna. pensilis du Symb. 132 et

symbolise la vertu héroique : malgré l'agitation du cercle à la périphérie, la Virtus demeure toujours stable.

est nommée également Tout car elle contient en

puissance les nombres dont la somme s'éléve à la décade, et la décade également » (il faut comprendre que 124344 — 10) ; 125 : Aekág 8e xal TETpüG « zc » £v ápiBuoic slvat Aéyezat, GINà Seküc uiv ázocsAéouact, Terpàs SE Guváyet, « la décade et la tétrade sont, parmi les nombres,

nommées

Tout, mais la décade par réalisation effective, et la tétrade en puissance ». Ces

textes sont cités et expliqués par A. Delatte, « La tétractys pytbagoricienne », p. 254.

195 Voir HOR,, Carm., 3, 30, 1-2 : Exegi monumentum aere perennius/ Regalique situ pyramidum altius... Voir D. Korzeniewski, « de aes intusen

« ce n'est pas un nombre, c'est la source et l'origine des nombres ». 2194 T3 .: « Tu : i Ibid. voisi comment cette monade, issue de

2196 P. 152 : « La chaussetrape, de sa forme, est tousjours dangereuse et preste à nuire, en quelque lieu qu'elle tombe, pour avoir une pointe

2!193 MACROBE, Le songe de Scipion, 1, 6, 8-9, éd./trad. M. Armisen-Marchetti, Paris, 2001, t. 1, P- 26 : Ipse non numerus sed fons et origo numerum,

” : la cause premiére du réel, conserve jusqu'à l'Àme, en restant partout entiére et toujours indivisée, la continuité de sa puissance (continuitatem potestatis obtineat) ».

728

regali situ pyramidum altius (zu Hor. C. II.30) », Mnemosyne, 21, p. 29-34; Id., « Exegi monumentum. Hor. Carm. III.3o und die Topik der Grabgedichte », Gymnasium, 79, p. 380-388.

'

,

y

I

P

aigue et droite dessus ».

729

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

L'évocation de la Sapientia anticipe sur l'apparition de Pallas au v. 38, puisqu'en effet, Athéna/Minerve incarne en général la sagesse?'"". La présence de la déesse est pertinente sous plusieurs rapports. D'abord, il n'est pas surprenant de voir cet objet de guerre qu'est le tribolos mis en relation avec la déesse qui préside aux combats (cf. v. 38 : Vtitur his Pallas Tritonia saepius armis). De plus, au v. 38, Pallas apparait pourvue de l'adjectif épithéte Tritonia?^*, dont Bocchi rappelle l'étymologie v. 34-35, bien connue à la Renaissance, de « née de la téte de

Zeus »^, et sur laquelle nous reviendrons dans quelques instants. Mais lorsqu'il fait du tribolos un symbole de Sapientia (v. 21), l'emblématiste insiste particuliérement sur l'idée du triangle (cf. v. 20 et 25 : trium laterum), base de la pyramide. Or il existe une tradition qui remonte au De Iside et Osiride de Plutarque, et qui rapporte aux Pythagoriciens l'idée d'associer la déesse Pallas Tritogeneia et le triangle équilatéral (avec un jeu de mots sur tritogeneia et trigonos)""". Cette tradition est relayée à la Renaissance?"?!, La formulation du v. 29 (Et medium ex aequo quae linea diuidit orbem) rappelle ces spéculations autour des nombres et des formes géométriques, et les

V. 29-30 insistent en particulier sur les symétries (ex aequo) et les équivalences ( paribus interuallis).

Pour compléter la figure, Bocchi évoque ensuite (v. 32-38) la présence de la téte (caput) de quatre serpents qui

surgissent du globe central du fribolos (accompagnent-ils chacune des pointes ? Rien n'en est dit), et qui expriment le mythe de la naissance d'Athéna née tout armée de la téte (caput) de son pere (cf. HES., Theog., 924-

926). Ce mythe a connu une postérité allégorique considérable dés l'Antiquité. Pallas désigne en particulier dans les interprétations philosophiques la pensée primitive (prótén ennoian) qui réside dans l'esprit du démiurge au

moment oà il crée le monde, selon une lecture de Justin, qui la rattache explicitement aux Stoiciens???, Pour

Cornutus (Abrégé de Théologie grecque, 20), le mythe rappelle que l'hégémonique est situé dans la téte, que la téte est au sommet du corps, comme l'éther l’est pour l'univers et que l'intelligence supréme, réflexive (metiétés, 2197 Voir HERACL,, All., 52-53, qui oppose la déraison d'Arés à la raison d'Athéna d'aprés HOM., Od., 13, 298-299.

75! Comme Trifogeneia, le sens de ce terme est multiple, signifiant tantót que la déesse est « née de la mer » (tritón) ou « née prés du lac

Tritónis », en Lybie (cf. HDT, 4, 180 ; PAVS., 1, 14,6; LVC., Phars.,

350-357) ou « née de la téte de Zeus » (tritó signifiant « téte », voir infra),

ou encore, comme pour Démocrite, que la raison (phronésis) est composée de trois opérations, la réflexion, la parole et l'action. Voir D. L., 9, 46 et EVST. ad IL, 8, 39 et 696, t. Il, p. 186 Weigel, auxquels renvoie J. Pépin, Mythe et allégorie. Les origines grecques et les contestations judéochrétiennes, Paris, 1958, p. 102. Pour Chrysippe et Diogéne de Babylone (auteur d'un Peri Athénés), l'épithéte renvoie au fait que la pensée se décompose en trois démarches possibles, logique, physique ou éthique. Voir PHILOD., Piet., 15-16 (= SVF IL 910, 1 ; III, II, 33), citée par J. Pépin, ibid. Pour Cornutus, Theol., 20, Athéna engendre (eggenósa) la peur (trein) et le tremblement (tremein). Sur le sens Tritogeneia, on se

référera également à E. Valgiglio, Divinità e religione in Plutarco, Génes, 1988, P. 199-200 ; J. Taillardat, « Homerica », Revue de philologie, de littérature et d'histoire anciennes, 69, 1995, p. 283-288 ; W. Pàtscher, « Tritogeneia und das Gebet der Athener », Acta antiqua Academiae Scientiarum Hungaricae, 41, 2001, P- 3-8 ; M. Peters, « E prouerbiis lux : Athene Tritogeneia » in H. Heftner, K. Tomaschitz (dir.), Ad Fontes ! Festschrift für Gerhard Dobesch zum 6. Geburtstag am 15. Septembre 2004, dargebracht von Kollegen, Schülern und Freunden, Vienne, 2004, p. 89-

avec un jeu de mots sur Métis, que Zeus a engloutie avant d'engendrer Athéna), ne peut recevoir de conseil que d'elle-méme. Proclus, citant les Orphiques, voit dans Athéna l'essence divine qui jaillit de la téte de Zeus tout en

demeurant en lui, c'est-à-dire la pensée démiurgique séparée et immatérielle (puisque le démiurge est

transcendant au réel), qui organise l'univers avec le créateur et range l'ensemble des choses en ordre de bataille (puisqu'elle sort tout armée)??*. Athéna, selon Proclus, est à la fois sophia (sagesse) et noésis (intelle&ion) qui communique la puissance de sa vertu aux dieux hégémoniques""*, Ficin et Pic reprennent cette conception pour

harmoniser les doctrines entre elles et souligner les points de concordance de cet aspect essentiel de la

conception orphique avec le christianisme^"*, Sur la gravure, la déesse Athéna, casquée, cuirassée, égide et lance

dans la main droite, surgit de la gauche, de trois-quarts profil, et semble s'étre juste arrétée, une jambe en arriére. Son bras gauche se léve, comme pour toucher ou montrer la chaine du fil à plomb qui atteste que la pointe supérieure du tribolos est bien à la verticale. La déesse semble suivre du regard cette chaine, avec l'emphase d'une admonitrice d'histoire qui détaillerait les éléments qui composent l'ensemble. Une flamme enlace le haut de la chaine, à l'endroit oà elle se perd dans les nuages d'oü partent des rayons solaires, montrant la nature ignée et divine du solide que nous avons sous les yeux. À l'arriére-plan, sous un ciel serein, s'ouvre un paysage de ruine: un aqueduc s'incurve à gauche de l'image; on apercoit un bátiment partiellement détruit, avec un fragment d'arche brisée, ainsi qu'un fragment de temple avec deux colonnes encastrées le long du mur, le tout envahi par la végétation. Sur la droite, une pyramide surmontée d'un globe relaie la forme du tribolos et explique la flamme de feu le long de la chaine, à cause de la relation étymologique entre pyramide et pyr en grec, le feu (voir apparat des sources). La pyramide, forme de tombeau antique, est également parfaitement adaptée dans le paysage ruiniforme à l'antique. Mais cette richesse de l'allégorése sur la naissance d'Athéna ne permet pas pour l'instant de comprendre la suite de l'embléme. Bocchi insiste sur plusieurs éléments spécifiques. Rappelant l'association topique entre Athéna et

le serpent^"* il met en relief le fait qu'ils ouvrent la bouche (v. 36 : Ore hiscunt), pour permettre à la Sagesse de

s'exprimer gráce à l'éloquence (v. 36-37 : inde ut Sapientia sese/ Efferat Eloquio) et de pouvoir avoir ainsi une utilité pédagogique collective (noceat nulli, omnibus adsit). Sur la gravure, les tétes de serpents à la gueule ouverte, dardant leur langue, deviennent d'étranges créatures, entre le loup et le dragon. Cette évocation picturale du serpent ouvrant la gueule pour permettre à la Sagesse de sortir est probablement inspirée par l'exégése symbolique de la naissance d'Athéna proposée par Chrysippe (Sur l'áme) et Diogéne de Babylone (Athéna), rapportée par Philodéme dans son De Pietate (15-16 = SVF II, 910, 1 ; III, II, 3 3), qui n'était pas connu à la Renaissance, et par Galien dans ses Placita Hippocratis et Platonis (3, 8, 3-20 De Lacy = SVF II, 908-909), qui

99. Voir aussi notre analyse du Symb. 64.

2199 Voir VALERIANO, Hieroglyphica, 39, p. 292c, « De Trino », « Minerua » : Quanquam non desunt qui Tritogeniam ea de causa dictam asserant,

quod e louis capite orta praedicetur : Tritó enim Boeotiorum lingua caput appellatur. Voir aussi L. G. GYRALDI, De deis gentium... syntagmata, 11, Lyon, 1565 (Bále, 1545"), p. 292-293.

P? PLVT,, Is. et Os., 75, 381e: Oi 8 IToOayópetot xai ápi&uobc xai oyrjuara Oeov £xócurcav zpocnyopiatc. Tò uv yàp icózAevpov tpiywvoy £xáXovy AÉnvàv xopvoayevi] kal zpitoyévetav, óri Tptal xaBétolg ázxà àv rpiàv YoviGv &yoy£vaug $taipettai, « Les Pythagoriciens ont paré de termes désignant les dieux et les nombres et les figures géométriques. Ainsi, ils ont appelé le triangle équilatéral Athéna Coryphagené ou Tritogeneia, car il se laisse diviser en parties égales «au niveau des bases» si l'on abaisse trois perpendicula ires depuis les trois angles ». Le terme koryphé vaut ici pour kefalé, la téte. 2? Voir VALERIANO, Hieroglyphica, 39, p. 292c, « De Trino », « Iustitia » : Sane Pythagorici non numeros tantum, uerum etiam figuras deorum nominibus

dedicarunt : quippe

qui

triangulum

aequilaterum

Mineruam

appellabant ;

perpendicularibus lineis ab angulis tribus dissecetur ; L. G. GYRALDI, De deis gentium...

Verticigenam | et

Tritogeniam

propterea

quod

tribus

syntagmata, 11, Lyon, 1565 (Bále, 1545"), p.293, 35-40:

Plutarch. tamen in Iside et Osiride, Pythagoricos scribit numeros et figura honorare solitos nominibus deorum. Triangulum enim aequilaterum, Mineruam appellarunt Coryphagenem et Tritogenean, quod tpioì xaBétoig àzó xàv TplOv Yoviàv &yoyévatc Siaipetvay hoc est, Tribus lineis ad perpendiculum ductis, a tribus angulis diuiditur.

?? IvST., Apol., 1, 64 (= SVF II, 1096 ; cf. I. Ramelli, Allegoristi dell'età classica Opere e frammenti, Milan, 2007, n° 125 P- 40-41). On retrouve dans l'Athéna de Diogene de Babylone l'idée chrysipéenne que Athéna symbolise l'hégémonique qui se situe dans l'éther et représente l'intelligence ; sur ce point, voir I. Ramelli, G. Lucchetta, Allegoria, vol. 1 : L'età classica, Milan, 2004, p. 140-141.Voir également AVG., Ciu., 7, 28 qui rapporte les propos du livre 15 des Antiquités divines de Varron, selon lesquels, dans la triade capitoline, Athéna représente les modeéles

archétypes que Platon appelle idées : exemplum secundum quod fiat. La littérature pseudo-clémentine, en particulier Appion (Hom., 4, 8), explique que « Zeus engendre Pallas

; entendez que le feu engendre une intelligence auxiliaire du démiurge, et qui palpite sans cesse (dia to pallesthai) », avec un jeu Pallas/ pallein. C£. PL., Crat., 407b. Sur tous ces exemples, voirJ. Pépin, Mythe et allégorie, p. 348-349, 397 et 423.

730

?5 PROCL in Plat. Tim. 24 c7- d 3 (21, 2, p. 220-221 Festugiére — I, 165-166 Diehl = Orphicorum fragmenta, n° 174 Kern). ?! PROCL, in Plat. Tim., 24 d 3-6 (71, 2, p. 224-225 Festugiére = I, 170, Diehl = Orphicorum fragmenta, n° 175 Kern), nous traduisons : Ev yàp

té 8nytovpyó uévovoa cogía kal vóroíc éxtv árpexoc, xai £v voic 1) yeuovixoic Osoic £oatvei civ vi]c dperig Sévaptv, « Demeurant à l'intérieur du démiurge, la sagesse et l'intellecion sont immuables et produisent dans les dieux hégémoniques la puissance de leur vertu ». | 205 M FICIN, Liber de Christiana religione, 13 (Opera omnia, Bále, 1576, p. 18) : Quamobrem diuina uita, quia eminentissima est et foecundissima omnium, multo magis prolem sui simillimam quam reliqua generat, ac eam in se generat, priusquam pariat, extra generat, inquam, intelligendo, prout perfecte Deus intelligendo seipsum et in seipso omnia, perfectam totius sui et omnium notionem concipit in se ipse, quae quidem aequalis, plenaque Dei imago est et exemplar mundi superplenum. Hanc Palladem appellauit Orpheus, solo Iouis capite natam. « C'est pourquoi la vie divine, parce qu'elle est la plus excellente et la plus féconde de toutes, concoit, bien plus que toute autre, une filiation exactement semblable à elle-méme ; elle la concoit

en elle, avant

de l'engendrer;

elle là produit

au jour, dis-je, par l'acte de l'intellection, dans la mesure

oà Dieu,

se comprenant

parfaitement lui-méme, et, en lui-méme, tout l'univers, concoit en lui-méme la parfaite notion de son étre tout entier et de tout l'univers qui est l'image exacte et compléte de Dieu, et le modéle accompli du monde. Orphée nomma cette notion Pallas, parce que née de la seule téte de Jupiter. » Voir également Pic de la Mirandole qui identifie l'Hochma des Cabalistes avec toute une série de principes philosophiques créateurs dans les Conclusiones DCCCC, « Conclusiones Cabalisticae numero. LXXII, secundum opinionem propriam, ex ipsis Hebraeorum sapientum

fundamentis Christianam Religionem maxime confirmantes », n° 10. ?* Comme P- 396-398, rapidement Laocoon et

;

le rappelle G. de Tervarent, Attributs et symboles dans l'art profane. Dictionnaire d'un langage perdu (1400-1600), 'Getiàve, 1997", le serpent e&t un attribut traditionnel de la Prudence (d'aprés Matth., 10, 16), et les mythographes comme Gyraldi ou Carn ont assimilé Sagesse et Prudence. Virgile (Aen., 2, 22 5-227) fait se réfugier dans la citadelle de Mihense les deux serpents venus étouffer ses fils, et Servius, à propos du passage, évoque la présence du serpent sur une statue de Minerve visible à Rome Voir notre analyse

de la gravure du Symb. 11.

731

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

étaient en revanche bien connus à la Renaissance""", Chrysippe, constatant que le mythe de la naissance d'Athéna venait contredire sa position selon laquelle l'hégémonique, la partie directrice de l'àme, était située dans la poitrine et non dans la téte, comme le croyaient certains autres philosophes, platoniciens ou stoiciens,

SIGNIFICATION DU LION AILÉ EXHIBANT UN LIVRE : C'EST LÀ EN EFFET LE SYMBOLE DE VENISE

avait proposé une explication allégorique spécifique?"*. Selon lui, Métis engloutie par Zeus et qui, dans le récit

hésiodique, lui fait connaitre le bien et le mal, signifie qu'il faut que la prudence et l'art se rapportant à la vie soient avalés et assimilés (i| Mijtig Aéyexat ócavel vt @pévnoig kal xepl vàv xax vóv fiov v£yvr] jj xàc TéXvagc 8ei

Symb. 135

Gravure :

Sur l'image : La paix soit avec toi, Marc, mon évangéliste

xaxazíveoOat kal £vanocíOecOau), comme les autres sciences, afin de produire dans le sujet qui les a digérés « un

enfant trés semblable à sa mére » (petà tadta tijv xavaxo0ricav rotxbtrv céyvrv Ttiktewy eÜAoyov èv abcoic zapazAnoíav tijc ttKrobonc urrpóc). Mais la difficulté, ajoute Chrysippe, vient de ce qu'il faut mettre au jour ce savoir, ce qui est précisément le róle du langage rationnel, qui passe par un appareil phonatoire situé effectivement dans la téte :

À SAINT MARC ET À LA RÉPUBLIQUE DE VENISE LA PAIX EST TOUJOURS ASSURÉE SOUS LA PROTECTION DE LA JUSTICE Noble est l'emportement du lion, généreuse est son ire ;

Ióc 8° àv &zopsóotro xai 81à tivog ud)uora, nápectt oxoneiv. Davepóv yàp óni Aóyo £koéperai $1à vo? oxóparoc Katà xi|v kegaArjv. Comment cet enfant engendré par la science pourrait-il sortir, et surtout par quel moyen, c'est ce qu'il nous reste

à examiner. Il est en effet évident qu'il est exprimé par le langage rationnel à travers la bouche, située du cóté de la

téte.

Comment interpréter l'ensemble de l'embléme ? Comme la lucerna pensilis du Symb. 132, cet objet technique et parfaitement paien qu'est le tribolos, relié aux spéculations numériques antiques et au mythe d'Athéna, invite peut-étre le lecteur à une transposition chrétienne. À travers les quatre pointes du murex, symbole de la Sagesse, l'articulation entre monade, triade et quaternaire/tétractys établit en termes pythagoriciens les relations délicates entre les trois entités divines: à la fois trois et une, et donc peut-étre aussi quatre, mais illusion d'ailleurs, puisque seules trois pointes sont toujours visibles. Les quatre tétes de serpents, symboles du Logos qui porte la Sagesse au dehors, relayant numériquement les pointes, en transmettent le mystére de maniére quasi figurative. S'agirait-il des quatre évangélistes? On notera que, d'une maniere paradoxale, alors que le texte

insiste sur le caractere pacifique de la Sapientia qui s'exprime (v. 37 : noceat nulli, omnibus adsit), tout le dispositif est cependant présenté comme une arme de guerre offensive et efficace. Il est donc possible de mettre en

Sa téte est gigantesque, ses yeux lancent des flammes ;

5

10

15

relation le tribolos avec la bombarde du Symb. 94, ou encore l'équipage de Pégase et Bellérophon au Symb. 157,

images

des puissances

inouies de la rhétorique

qui terrasse l'adversaire.

Ces

éléments

donnent

au texte

emblématique une dimension auto-réflexive, qui passe par le biais de l'allégorie: en inventant un embléme

autour du murex, Bocchi

transforme

sa piéce en machine

de guerre

chargée

de transmettre

complexité de la Sapientia Christiana, et de s opposer ainsi aux adversaires qui la combattent.

visuellement la

20

Son corps est harmonieux, sa criniére est d'or, à Phébus Identique en tous points : ce que crut Harpocrate De Pharos, l'Égypte aussi, mére du monde, habituée

À toujours peindre un lion sous l'apollinien tróne. Ces signes mystérieux, de l'empire vénitien disent L'admirable prestige et le lustre parfait. Car qui t'a permis d'exhiber, ó Marc, le livre ouvert De douce Paix, sinon le Soleil de Justice ? Il t'a permis de poser pied sur la terre et la mer, T'ordonna d'étre chef puissant des hommes pieux, D 'étre roi, d'assigner à la paix de tranquille lois, De nuire aux méchants, d'épargner les suppliants, Devoler gráce à tes ailes bien au-delà des astres, De veiller d'un ceil de feu sur l'Adriatique, Là oü de forts verrous ferment la puissante Ausonie, Oü la religion tient ses sceptres bienheureux. Ton corps élégant prend de là sa force et sa beauté, L'astre aux cheveux de feu prend de là son éclat. Sous l'ceil de la Justice, ta Paix, ó lion trés puissant,

Nous octroie une süre et permanente paix.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. ANALYSE

Comme

de nombreux emblémes du recueil, ce Symbolum consacré à Venise, à son patron, saint Marc, et au

?'7 Rappelons que l'editio princeps des ceuvres complétes de Galien parait en 1525, suivie par tout un ensemble de traductions latines, en

symbole qui le lie, le lion ailé, montre la relation délicate entre texte et image: de nombreux éléments qui figurent dans l'une disparaissent dans l'autre, et vice-versa. Fidéle à la méthode de l'anabase présentée dans notre introduction générale, nous commencerons par l'examen du poéme et de son paratexte.

% Pour l'exégése de ce mythe, voir T. Tieleman, Galen and Chrysippus on the Soul : Argument and Refutation in the De Placitis, Books IL-III,

Le double titulus qui surmonte le texte emblématique propose d'emblée plusieurs rapprochements : il associe l'évangéliste Marc, son saint protecteur, à la ville de Venise (DIVO MARCO ET REIPVB«LICAE» VENETAE) ;

particulier par le médecin parisien Ian Günther Van Andernach, le maitre d'André Vésale, ouvrage intitulé Claudii Galeni, ... de Hippocratis et Platonis placitis opus eruditum et philosophis desideratur) comprehensum, nunc primum latinitate donatum, Joanne Guinterio, Andernaco Census of Renaissance Editions and Translations of Galien »,JWCI, 24, 1961, p. 230-305, ici

qui publie en 1534, chez Simon de Colines, son et medicis utilissimum, nouem libris ( quorum primus interprete. Voir R. J. Durling, « A Chronological p. 2835.

Leiyde, 1996 ; A. Long, « Stoics Readings of Homer » in Id., Stoic Studies, Cambridge , 1996, P. 58-84, ici p. 75-76 ; J. B. Gourinat, « Explicatio

fabularum : la place de l'allégorie dans l'interprétation stoicienne de la mythologie », dans R. Goulet/G. Dahan (dir.), Allégorie des poétes, allégorie des philosophes. Études sur la poétique et l'herméneutique de l'allégorie de l'Antiquité à la Réforme, Paris, 2005, p. 9-34, en part. p. 16-18.

732

1. Préambule : Marc, Venise et le lion, entre histoire et légende

il relie Marc et Venise à l'idée de paix et de justice (PAX TVTA EST SEMPER AVSPICE IVSTITIA), et nous

tenterons de démontrer qu'une longue tradition hagiographique et iconographique corrobore cette relation.

733

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Mais qui est Marc ? D'origine palestinienne, Marc"? est présenté par l'évéque Papias de Hiérapolis en Phrygie

sont postérieurs à 1050 et que les mosaiques de la basilique narrant l'épisode datent du début du xir* 2215,

l'un des proches de l'apótre Pierre (voir 1 Petr., 5, 13 ; Act, 12, 12), et son évangile consisterait dans la mise par

valeur la flotte vénitienne et la placent dire&ement sous la protection du saint???. À cette protection vient

(milieu du 11° s. apr. J.-C.), selon le témoignage de l'Histoire ecclésiastique d'Eusébe de Césarée (340), comme

écrit des souvenirs de Pierre relatifs à la vie du Christ et à sa passion?"^, Saint Paul (Coloss., 4, 10) le présente comme le cousin de l'apótre Barnabé. Sous le nom de Jean, Marc accompagne saint Paul et Barnabé depuis Jérusalem pour rejoindre Antioche, Séleucie, Chypre, Salamine, Paphos et Pergé en Pamphylie, oà Paul

accomplit sa mission de conversion (cf. Act, 12, 24-25 ; 13, 4-5). Marc repart ensuite seul à Jérusalem (Adt., 13,

13). Paul refuse à son retour de reprendre sa mission avec lui (Ad.., 15, 3 5-38) et Barnabé, solidaire de son

cousin, l'accompagne à Chypre (Adt., 15, 36-40). Une tradition connue dés le 111° s., et reprise par Eusébe (Eccl.

hist., 2, 16), atteste qu'il fut envoyé par Pierre en Égypte pour y effectuer des missions de prédication et fonder

l'église d' Alexandrie (en 45 selon Eusébe, Chronic., PG 19, col. 579-3 80). Épiphane de Salamine (Haer., 20, 4) le

compte au nombre des soixante-douze apótres délégués par le Christ pour des táches de pré-évangélisation.

Saint Jéróme, qui lui consacre une notice de son De uiris illustribus (8), composé en 393, précise qu'il meurt et est enterré à Alexandrie en 62, sous Néron, et qu'Aniane lui succéde, mais sans faire mention d'un martyre?!!, Méme s'il n'y a pas de témoignage direct, c'est probablement à partir de 555, au moment de la dispute des Trois

Chapitres au Concile de Constantinople, qu'Aquilée en Vénétie, qui revendique le statut de patriarcat, décide de s'attribuer Marc comme patron fondateur?" Les premiers martyrologues médiévaux, comme Béde le

Vénérable (1735) ou, plus tard, Raban Maur (18 56), mettent en place les éléments narratifs essentiels d'une

« passion », qu'on retrouvera par exemple encore dans la Légende dorée de Jacques de Voragine (1228-1298???) ou dans le Chronicon du doge Andrea Dandolo (f1354): supplice le jour de Páques (2s avril),

emprisonnement, apparition de l'ange, puis du Messie qui donne sa paix à l'apótre, Marc remettant son esprit

entre les mains du Christ. Dans une perspective plus ecclésiologique, Paul Diacre, en 783-791, dans son De

Ordine episcoporum Mettensium""^, attribue à l'apótre Pierre la décision d'envoyer Marc à Aquilée pour la fondation d'une église occidentale, à la téte de laquelle Marc place son compagnon Hermagoras.

On date de 828/829 le transfert des reliques du saint depuis Alexandrie à Venise?!'5, oü l'on édifie la basilique de

San Marco pour les recevoir, sur le modéle de l'Apostoleion de Constantinople du vt^ s?"6, Venise troquait ainsi un premier patron grec, Théodore, contre un saint latin, adoubé par Pierre, l'apótre de Rome, ce qui lui permettait d'asseoir son indépendance face à Byzance, mais aussi face à Aquilée et à la Terre Ferme. Elle garde trace de ce double patronage sous la forme des deux colonnes qui ornent la Piazetta, érigées en 1172, et qui

supportent l'une le lion-chimére de saint Marc, et l'autre Théodore abattant le dragon du Mal. Que cette

translatio soit légende?" ou réalité historique, elle s'ancre solidement en Italie du Nord à partir du Ix° s. On

constatera toutefois que les témoignages manuscrits les plus anciens concernant le transfert des reliques de Marc

7? Sur ce personnage et la constitution de sa légende, voir G. Pavanello, « San Marco nella leggenda e nella storia », Rivista della città di Venezia, 7, 1928, p. 293-324 ; F. Fasoli, « Nascità di un mito », dans Studi storici in onore di G. Volpe, Florence, 1958, t. 1, p. 455-479 ; A. Niero, « Questioni agiografiche su San Marco », Studi veneziani, 12, 1970, p. 3-27 ; S. Tramontin, « Realtà e leggende nei raconti marciani veneti »,

Studi Veneziani, 12, 1970, P. 35-38 ; W. Marxsen, L'evangelista Marco. Studi sulla storia della redazione del Vangelo, Casale Monferrato, 1994 ; Id, « Origini e

E. Crouzet-Pavan montre comment les épisodes du transfert et les miracles au cours de la traversée mettent en

s'ajouter l'appui de saint Nicolas, lui aussi gardien des marins, et dont les Vénitiens avaient disputé les reliques aux habitants de Bari. Vers le xir* s., le mythe religieux s'affirme résolument dans toute sa dimension politique :

comme le fait remarquer P. Fortini-Brown, le saint n'est plus seulement « un protecteur et un patron [ ... ] mais

devient une figure essentielle dans la chaine de commandement qui le relie à son délégué terrestre et son représentant courant, le doge?" ». Au Xilf* s., apparaissent deux compléments importants de la légende hagiographique, qui se signalent simultanément dans les Estoires de Venise de Martino da Canal, rédigées entre 1267 et 1275, et dans les décors de la basilique San Marco??! : le motif de la praedestinatio et celui de

l'inuentio"^. Le premier met en scéne un ange qui apparait à Marc pendant son ministére d'évangélisation en

Vénétie pour lui annoncer qu'il trouvera son ultime repos à l'endroit méme oü la basilique en son honneur serait édifiée (hic requiescet corpus tuum) ; le second évoque la redécouverte miraculeuse en 1094 des reliques de saint Marc, dont on avait oublié l'emplacement lors de la reconstru&ion de la basilique : aprés trois jours de priéres et de procession, une pierre se détache d'un pilier dans l'église et révéle la présence des restes du saint. La popularité de la légende de saint Marc ne s'affaiblira pas avec le temps. Peinture et décors vénitiens à la Renaissance le montrent avec une particuliére acuité, par exemple les bas-reliefs dus à l'atelier de Pietro Lombardo qui ornent la facade de la Scuola Grande di San Marco (Saint Marc guérissant Anianus et Le Baptéme

d'Anianus) ; les bas-reliefs de bronze réalisés entre 1537 et 1544 par Jacopo Sansovino pour la tribune des Doges

située dans le cheeur de San Marco et représentant des scenes de la vie de saint Marc ou encore le cycle de toiles de Jacopo Tintoretto pour la salle du Chapitre de la méme Scuola Grande di San Marco, commencé en 1548 (Miracle de saint Marc sauvant l'esclave de Provence), poursuivi en 1566 (Le sauvetage du corps de saint Marc par les chrétiens d'Alexandrie et Saint Marc sauvant un Sarrasin en pleine mer ou encore les fameux Miracles et découverte du corps de saint Marc), et complété à partir de 1586 essentiellement par le fils du peintre, Domenico Tintoretto (par exemple Le transport et La réception des reliques de saint Marc, L'apparition miraculeuse des

reliques ou Le réve de saint Marc)??? La légende du saint envahit Venise, de la méme maniére que Venise envahit

l'iconographie dévolue à la biographie de Marc, créant une forme de praedestinatio, pour reprendre l'expression de D. Rosand"?* : on prendra comme exemple l'illustre tableau de Gentile Bellini pour la Sala dell'albergo de la

Scuola Grande di San Marco, intitulé Saint Marc préchant à Alexandrie, commencé en 1504, terminé par son

frére Giovanni en 1507, et conservé aujourd'hui à la Pinacothéque de Brera à Milan : la place alexandrine oü se joue la scéne ainsi que le bàtiment censé représenter le temple de Sérapis qui ferme la place, rappellent trés

mi pes mosaiques de la chapelle San Pietro racontent la vie de saint Marc, celle de la chapelle San Clemente narrent la translatio proprement

dite des reliques du saint. Voir P. Fortini-Brown, Venitian Narrative Painting in the Age of Carpaccio, New-Haven/Londres, 1988, p. 33-42 : * The Genesis of the Venetian istoria » ; P. Fortini-Brown, Venice and Antiquity. The Venitian Sense of Past, New-Haven/Londres, 1996, p. 1129 : « Implied Origins ». Voir également E. Crouzet-Pavan, Venise triomphante, p. 84 ; O. Demus, The Church of San Marco in Venice : History,

sviluppi della leggenda marciana » in F. Tonon (dir.), Le origini della Chiesa di Venezia, Venise, 1987, p. 167-186 ; R. Grégoire, « Riflessioni sull'agiografia Marciana », in A. Niero (dir.), San Marco : aspetti storici

Architecture, Sculpture, Washington,

2210 EVSEB., Eccl. hist, 2, 15, 1 5 3, 39, 14-15 ; 6, 14, 6-7. ?!! Voir aussi ISID., Ort. et obit., 83. ?"? Voir JACQUES DE VORAGINE, La légende dorée, ch. 57, éd. A. Boureau

A. J.-M. Loechel,

26-29 aprile 1994, Venise, 1996, P. 411-427.

sull'agiografia Marciana », p. 411-427. 7? Voirla bibliographie au Symb. 39.

e agiografici, atti del convegno internazionale di studi, Venezia,

(dir.), San Marco : aspetti storici e agiografici, atti del convegno « L'immagine

53-104. Voir R. Grégoire, « Riflessioni sull'agiografia Marciana », in A. Niero

internazionale di studi,

dell'evangelista », ibid, p. 474-493 ; W. Marxsen,

Venezia,

L'evangelista

26-29 aprile 1994, Venise, Marco.

1996, p. 411-427;

Studi sulla storia della

redazione

del

Vangelo, Casale Monferrato, 1994 ; S. Tramontin, « Origini e sviluppi della leggenda marciana » in F. Tonon (dir.), Le origini della Chiesa di

et alii Paris, 2004, p. 1211-1212

Venezia, Venise, 1987, p. 167-186 ; A. Niero, « Questioni agiofrafiche su San Marco », Studi veneziani, 12, 1970, p. 3-27 ; G. Pavanello, « San

et R. Grégoire,

« Riflessioni

214 Éd. G. H. Pertz, MGH, Scriptores, t. IT, 1829, P- 261, cité par R. Grégoire, « Riflessioni sull'agiografia Marciana », P. 425, note 26. ?5 E, Crouzet-Pavan, Venise triomphante. Les horizons d'un mythe, Paris, 1999, P.83-89: « Le saint, la cité et la mer ». Voir également P. J. Geary, Furta sacra. Thefls of Relics in the Central Middle Ages, Princeton, 1978, P- 107-112 ; N. Mc Cleary, « Note storiche ed archeologiche

sul testo della Translatio sancti Marci » » Memorie storiche forogiuliesi, 10-12, 1931-1933, t. 27-29, p. 223-264.

?21° Elle sera reconstruite plusieurs fois, en particulier autour du 1063 par le doge Domenico Contarini.

2217 Le récit en est assuré dans deux textes du X° 5. les testaments du doge Giustiniano Partecipazio et de l'évéque d'Olivolo, Orso Partecipazio.

734

1960 ; T. E.A. Dale, « Inventing a Sacred Past: Pictorial Narratives of St. Mark the Evangelist in Aquileia

and Venice, ca. 1000-1030 », Dumberton Oaks Paper, 48, 1994, p.

Marco nella leggenda e nella storia », Rivista della città di Venezia, 7, 1928, p. 293-324. SB Crouzet-Pavan, Venise triomphante, p. 85-86.

7? P. Fortini-Brown, Venice and Antiquity, p. 12. ?? fbid, p. 34.

?2 Voir O. Demus, The Church of San Marco in Venice, p. 15 et 218-219; T. E. A. Dale, « Inventing a Sacred Past », p. 85-101 ; P. FortiniBrown, La Renaissance à Venise, Paris, 1997 pour la trad. francaise, p. 81 ; P. Fortini-Brown, Venice and Antiquity, p. 24 ; D. Rosand, Myths of

Venice. The Figuration of a State, Chapell Hill/Londres, 2001.

7 Pour tous ces exemples, voir D. Rosand, Myths of Venice, p. 47-95 : « The Peace of Saint Mark ». 2M py. Rosand, Myths of Venice, p. 76-77.

735

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

fortement la basilique et la place San Marco, malgré les minarets, l'obélisque, les palmiers, les chameaux et les

costumes orientaux^?. L'association entre Marc et Venise se scelle dans l'usage d'un symbole commun, le lion ail&?"5, que le début du

texte emblématique met en relief. L'origine de l'association des quatre évangélistes avec quatre étres, dont trois

animaux censés les représenter symboliquement (le « tétramorphe »?) remonte à la vision d'Ezéchiel (Ezech., 1, 10-11): le prophéte évoque quatre créatures de forme humaine, dotées chacune de quatre faces, une

d'homme,

une de lion à droite, une de boeuf à gauche

et une d'aigle). Cette vision a été rapprochée

de

l'évocation des quatre vivants ailés et constellés d'yeux qui entourent le tróne dans l'Apocalypse de Jean (4, qu. le premier « est comme un lion », le deuxieme « est comme un jeune taureau », le troisiéme « a comme un visage d'homme », le dernier « est comme un aigle en plein vol ». Dans sa belle étude sur le tétramorphe, Pier Franco Beatrice montre que c'est saint Jéróme"? qui, dans sa préface au Commentaire sur l 'évangile de Matthieu, composé en 398, établit la distribution canonique entre les autres évangélistes des quatre visages de la vision d'Ézéchiel : la face d'homme est attribuée à Matthieu (qui quasi de homine exorsus est scribere), celle de lion à Marc (in quo uox leonis in heremo rugientis auditur), celle du boeuf à Luc (quae euangelistam Lucam a Zacharia sacerdote sumpsisse initium praefigurat), celle de l'aigle à Jean (qui adsumptis pinnis aquilae et ad altiora festinans de uerbo dei disputat). L'association hiéronymienne du lion à Marc devient définitive entre le Vir* et le vtt s. dans la région d'Aquilée, sous la pression de l'église romaine. Il était donc logique que Venise, réclamant les reliques du saint, s'emparát également de son symbole zoomorphe (voir infra pour les représentations). Les ailes du lion, qui lui conférent une dimension héraldique, s'expliquent également par la volonté de ne pas le confondre avec le lion de saint Jéróme. Dans la partie supérieure de la gravure de l'embléme, séparée de la partie inférieure par une couche de nuages,

trois apótres tenant leur évangile respectif, avec les figures correspondantes du tétramorphe, entourent le Christ Pantocrator : Jean à gauche, avec l'aigle, Luc à droite, avec le boeuf, Matthieu et l'homme/ ange derriére et au-

dessus de Luc. On doit comprendre que le quatriéme évangéliste, Marc, apparait dans la partie inférieure sub

forma leonis, comme le confirme le terme euangelista dans l'inscription qui orne le livre. Seul Marc et le lion sont 225 Voir P, Fortini Brown, Venitian Narrative Painting, p. 203-209.

775 Sur cette question, voir, parmi l'abondante bibliographie, A. Martignoni, « Des lions dans la ville : triomphe et décadence de l'image de saint Marc dans la Terre Ferme (XV-XVF siécles) », Memini [En ligne], 13| 2009, mis en ligne le o1 février 2012, URL: «http://memini.revues.org/218» ; A. Rizzi, I leoni di San Marco : il simbolo della Repubblica Veneta nella scultura e nella pittura, Venise, 2001,

vol. 1, Forme, significati, vicende ; vol. 2 : Catalogo Venezia e il Dogado ; A. Rizzi, « Il leone di San Marco e la lega di Cambrai », Ateneo Veneto, 34, 1996, p. 297-314 ; Id., « Il San Marco a San Marco. L'emblema lapideo della Repubblica veneta nel suo cuore politico », Ateneo Veneto, 28, 1990, p. 7-46 ; W. H. Rudt de Collenberg, « L'emblema del Leone marciano », in A. Niero (dir.), San Marco : aspetti storici e agiografici, atti del convegno internazionale di studi, Venezia, 26-29 aprile 1994, Venise, 1996, p. 284-292 ; Id., « Il San Marco a San Marco. L'emblema lapideo della Reppublica Veneta nel suo cuore politico », Ateneo Veneto, 28, 1990, p. 7-46 ; Id., « Vrbem tibi dicatam conserua (1 leoni marciani lapidei di Treviso e della Marca) », Ateneo Veneto, 27, 1989, p. 25-55 ; W. H. Rudt de Collenberg , « Il leone di San Marco. Aspetti storici e formali dell'emblema statale della Serenissima », Ateneo Veneto, 176, 1989, p. 57-84 ; Id., « I leoni di Zara » , Ateneo Veneto, 26, 1988, p. 7-36. ??7 Voir P, F. Beatrice, « Perla storia dell'esegesi patristica del tetramorfo evangelico », in A. Niero (dir.), San Marco : aspetti storici e agiografici, atti del convegno internazionale di studi, Venezia, 26-29 aprile 1994, Venise, 1996, P. 268-285 ; D. Kinney, « The Apocalypse in Early Christian Monumental Decoration », in R. K. Emerson, B. McGinn (dir.), The Apocalypse in the Middle Ages, Ithaca/Londres, 1992, p. 200-216;

P. Testini, « On the Origin of Zoanthropomorphic Evangelist Symbols: the Early Medieval and Later Coptic, Nubian, Ethiopian and Latin Evidence », Studies

in Iconography, 13, 1989-1990, P. 1-47 ; P. Testini, « Il simbolismo degli animali nell'arte figurativa paleocristiana » in L'Uomo di fronte al mondo animale nell'Alto Medioevo, Spoléte, 1985, P: 1107-1143 ; M. Werner, « On the Origin of Zoanthropomorphic Evangelist Symbols : the Early Christian Background », Studies in Iconography , 10, 1984-1986, p. 1-35 ; M. De Grooth, P. Van Moorsel, « The Lion, the Calf, the Man and the Eagle in Early Christian and Coptic Art», Bulletin Antiecke Beschaving, 52-53, 1977-1978, p.233-245 ; U.Nilgen, « Evangelistensymbole » in Reallexikon zur deutschen Kunstgeschi chte, Munich, t. VI, 1973, col. 517- 572; P. Bourguet, « Les symboles des quatre évangélistes », Revue réformée, 10, 1959, p. 2-25. 25 M. Fromaget, Le symbolisme des Quatre Vivants : Ezéchiel, saint Jean et la tradition, Paris, 1992 ; Ph. Péneaud, Les Quatre Vivants, Paris, 2007.

?? P, F, Beatrice, « Per la storia dell'esegesi patristica ». L'auteur explique de plus l'étape importante qu'a représentée le développe

ment augustinien dans le De consensu euangelistarum (1, 6, 9) qui réfute les positions jusqu'alors admises (par exemple chez Irénée de Lyon, Victorin de Pettau, Juvencus, Chromace d'Aquilée ou Ambroise de Milan) qui veulent que l'homme désigne Matthieu, l'aigle Marc, le lion Jean et le

beeuf Luc. Pour Augustin, il ne suffit pas de s'appuyer sur l'ouverture des quatres évangiles : il faut également prendre en considération leur

contenu. Selon lui, il faut désormais attribuer le lion à Matthieu, l'homme à Marc, le bceuf à Luc et l'aigle à Jean. Cette interprétation se retrouvera encore chez Béde le Vénérable, au vir s.

736

mMERMM—

mentionnés dans le texte emblématique qui passe sous silence les autres évangélistes et leurs symboles. On notera toutefois que l'évocation d'une seule partie du tétramorphe renvoie implicitement à la totalité de la

figure, ne serait-ce que par métonymie. Il n'y a donc aucune surprise à les voir apparaitre sur l'image.

Mais il est temps d'aborder le texte emblématique.

2. Entre Horapollon, Salomon et Venise: le lion d'Astrée et du Soleil de Justice

Le poéme

de l'embléme s'ouvre sur l'évocation d'un « hiéroglyphe » emprunté à Horapollon

(1, 17, voir

apparat des sources), intitulé « comment ils signifient le courage » et consacré au lion. Horapollon explique

qu'avec sa téte imposante (cf. v. 2 : caput est ingens), ses pupilles de feu (cf. v. 2 : lumina flammifera), sa face

ronde et auréolée d'une criniére (cf. v. 3 : iuba fuluua), à l'imitation des rayons (cf. v. 2 : simillima Phoebo/ omnia), le lion est un symbole du soleil et que c'est pour cette raison que les Égyptiens (cf. v. 5 : Aegyptusque parens rerum) placaient des lions sous le tróne d'Horus (cf. v. 5-6 : consueta leonem/ Semper Apollineo pingere sub

solio)". Horus, poursuit Horapollon, est d'ailleurs l'équivalent d'Hélios puisqu'il préside aux Heures (avec un

jeu de mots Horos/ Horai). La référence à Horapollon n'est pas totalement incongrue, si on veut bien se souvenir que Marc précha à Alexandrie et fut donc proche des Égyptiens. On constatera que la gravure de l'embléme ne fait aucune référence à un quelconque tróne de justice qui serait flanqué d'un lion, comme l'évoque le texte emblématique, en référence à Apollon.

Le texte d'Horapollon a connu plusieurs traductions, dont celle de Philippe Béroalde l'Ancien en 1504, celle de Bernardino Trebazio en 1515 et de Filippo Fasanini en 1517 (voir apparat des sources pour les textes latins et le

détail des éditions)"??'. Bocchi semble avoir emprunté divers éléments aux différentes traductions : ainsi, dans le V. 1, l'expression magnanimus furor semble venir de Fasanini (Furorem autem siue magnanimitatem), tandis que le terme ira rappelle Trebazio (Animum, iram aut furorem), qui est le seul des trois traducteurs à l'employer. Le terme generosa est une invention de Bocchi, tout comme la substitution de l'expression Pharius Harpocrates (v. 4) pour désigner Horus (Harpocrate, fils d'Isis et d'Osiris représente normalement Horus enfant)??. On notera que, comme Trebazio qui, par ailleurs, ne fait aucune mention d'Horus, Bocchi évoque la présence d'un

seul lion (leonem, v. 5) sous le tróne d'Horus, là oà Horapollon, Béroalde et Fasanini emploient le pluriel

(Movzac ; leones). Nous verrons plus loin que cette imprécision philologique permet de fusionner des traditions iconographiques différentes. Or la mention du tróne et des deux lions permet d'établir le lien non seulement entre Marc et Venise, sous le

signe de cet animal, mais de faire explicitement intervenir une autre allégorie à l'iconographie complexe, AstraeaIustitia, autre personnification de Venise. En effet, Bocchi précise que le tróne au lion est un symbole de Venise (v.7: Perfectam Venetum haec insignia mystica signant). Dans l'iconographie, Venise a été réguliérement représentée sous les traits d'une Iustitia, avec la balance et l'épée dans la main, assise sur le tróne flanqué de deux

lions, qui rappelle celui de Salomon??*?. On prendra pour exemple la sculpture attribuée à Giovanni Calendario

(vers 1360), placée sur la fagade est du Palais des Doges (Fig. 1) avec le nom Venecia : elle représente une jeune femme couronnée et assise sur un tróne flanqué de deux lions, tenant dans la main droite un glaive brandi, et

dans la main gauche un rouleau oü se déploie l'inscription Fortis | iusta | trono | furias | mare | sub pede | pono, « Courageuse et juste sur mon tróne, je repousse les furies dans la mer et les maintiens sous mon pied ». Des

flots stylisés apparaissent effectivement sous le tróne et deux petits personnages tentent vainement de se dégager de la pression qu'exercent sur elles les pieds de l'allégorie. On évoquera également, parmi d'autres, la médaille de bronze du doge Andrea Gritti (1523-1528) réalisée par un artiste vénitien (Fig. 2). Au revers Venetia apparait

à la maniére des monnaies antiques représentant Iustitia : une allégorie féminine, couronnée, est assise sur un

2230 Sur ce point, voir W. Deonna, « La grenouille et le lion », Bulletin de correspondance hellénique, 1974, 1950, p. 1-9. ??! Pour l'histoire des traductions latines, voir l'introduction de M. A. Rigoni et E. Zanco (éd.) : ORAPOLLO, I Geroglifici, Milan, 1996, p. 51-62.

?*! Sur ce dieu, voir Symb. 64.

a fin. Ce tróne possédai 1 Reg., 10, 18-20 : « Le roi fit fabriquer un imposant tróne d'ivoire et y fit appliquer de l'or Tem t six marches, un dossier au sommet arrondi, et des bras de chaque cóté de l'assise ; deux lions se tenaient debout prés des bras et douze lions se tenaient de part è : et d'autre des six marches ». 23 Cf Vv.

737

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1553) - tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

siége flanqué de deux lions, tenant devant elle une balance dans la main droite et enserrant une immense corne

d'abondance dans son bras gauche replié. Derriere elle s'empilent une cuirasse, un casque et des traits posés par terre, montrant que, si les armes sont bien le fondement de sa puissance, la guerre est cependant suspendue pour permettre à la justice et à la prospérité économique de fleurir, cette derniere étant représentée par les galéres qui flottent au loin en arriére-plan^**. Avec ou sans balance, ces types sont à rapprocher des représentations de Iustitia, par exemple le panneau central du triptyque peint par Jacobello del Fiore en 1421, oà l'allégorie apparait entourée de l'archange Michel et de l'ange Gabriel (Planche VII, destinée à orner en 1526 le Bucentaure??5,

voire l'absence de téte^??, Qu'elle soit Diké, fille de Zeus et de Thémis, ou Astrée, fille d'Astraeos et de l'Aurore, ou Érigone, la fille d'Icare, ou encore Parthénos, fille d'Apollon et de Chrysothémis, cette divinité secondaire est identifiée par Aratos?" avec la constellation de la Vierge (ou Parthénos), située entre la constellat ion du Lion et cellela Balance’*“!, dont elle emprunte les signes.

Fig. 13), ou encore une statue de bois

Fig. 3 » Astrea Duce, médaillon, Scala dei Giganti, Venise, Palais des Doges. C n. Fig. 1 > G. CALENDARIO,

E

——

Fig.2» ANONYME, Médaille du doge Andrea Gritti (revers) : allégorie de Venise, ca 1538, 6, 8cm (HILL, Corpus, n?456).

Venecia, ca 1360,

Venise, Palais des Doges, facade est.

Fig. 4> A. LEOPARDI, Cortége marin

d'Astrée, piédestal de bronze, 1505, Venise, Piazza San Marco.

La relation avec le lion est d'abord astrologique dans la mesure oü Astrée s'identifie partiellement avec les déesse-méres Atargatis en Syrie ou Cybéle en Phrygie : la premiere est représentée montée sur un lion, et la

seconde, sur un tróne flanqué de deux lions ou sur un char tiré par un couple léonin?"?, Astrée, de plus, incarne

Dans la mythologie, Dik?-Iustitia s'identifie avec Astraea, présente elle aussi dans l'iconogr aphie urbaine de Venise : on l'apercoit flanquant un médaillon de la Scala dei Giganti au Palais des Doges (Fig. 3) sous les traits d'une gracieuse jeune femme ailée, en pleine course, les pieds touchant à peine le sol, son voile gonflé au-dessus de la téte, comme la Fortune, et tenant un cartel sur lequel on déchiffre : Astrea duce. Elle figure aussi sur l'un des trois piédestaux de bronze pour des porte-oriflammes qui ornent la place San Marco, réalisés en 1505 par Alessandro Leopardi : elle y apparait sur un char porté par un éléphant marin sur les flots de la lagune, avec l'épée dans la main droite et la téte coupée d'un traitre dans la gauche (Fig.4), comme l'explique Pietro

la Iustitia chez les Latins et, à l'idée de justice, Manilius ajoute celle de piété (4, 544-545) : il précise en effet que

celui qui naît sous le signe de la Vierge sera législateur ou jurisconsulte (rectorem... legum iurisque sacrati) et honorera les saints temples dans le respect dà aux dieux (Sancta pudicitia diuorum templa colentem). Dernière déesse à quitter la terre au moment des excés de l'Áge de fer^" elle est la uirgo qui revient avec Apollon sur terre

au début de la quatriéme bucolique de Virgile. Elle annonce le retour de la Grande Année?" et l'arrivée de l'Àge

d'or, àge de la paix (Eiréné, dont elle est d'ailleurs la sceur) et de la prospérité, puisque cet áge ignore les guerres et l'usage du fer, et voit se réconcilier les hommes et les dieux. Aratos souligne qu'elle porte dans la main un épi

Contarini, un ami de Politien, dans son Argoa uoluptas publiée à Venise en 1541 et traduite en italien l'année

suivante sous le titre Argo volgar??**, Nous avons insisté dans les Symb. 63 et 103 sur l'identité complexe de cette

figure d'Érigone-Astrée-Diké, qui s'assimile, par sa fécondité?", avec l'Isis égyptienne??*, avec l'Atargatis

^? Sur la relation avec toutes ces divinités féminines, voir PS. ERATOSTH., Catast., 1, 9 Olivieri [Mythographi Graeci, 3.1, Leipzig, 1897] et Scholia uetera in Aratum, 96-97 Martin. Sur les légendes et les généalogies, voir F. Cumont, s. v. « zodiaque » dans Ch. Daremberg et E. Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, t. V.1, p. 1046-1062, ici p. 1061. Il est toujours utile de se référer à A. Bouché-Leclercq,

syrienne, avec Aphrodite, et, comme divinité ailée, avec Iris, Niké et Tyché, auxquelle s elle emprunte tour à tour

le voile flottant et le caducée, la couronne et la palme, ou encore la corne d'abondance, le bandeau sur les yeux

L'Astrologie grecque, Paris,

1899, p. 139-142

et à H. W. Stoll, s. v. « Astraia » dans W. H. Roscher, Ausführliches Lexikon

der griechischen

und

Rómischen Mythologie, t. I, col. 660. Voir également A. Le Bceuflle, Le Ciel des Romains, Paris, 1989, p. 101-102 : « Une vierge polyvalente » ; J. Fabre, Mythe et poésie dans les Métamorphoses d'Ovide : fonction et signification de la mythologie dans la Rome augustéenne, Paris, 1995, p. 344, D. 12. Pour l'évocation du mythe à la Renaissance, l'ouvrage de F. A. Yates, Astrée. Le symbolisme impérial au XVr' s, Paris, 1989 pour la trad. francaise, en part. p. 58-66 demeure toujour indispensable.

2240 ARAT., Phain., 96-136 ; cf. aussi HYG., Astr., 2, 25. Sur Cicéron, Germanicus et Aviénus traducteurs d'Aratos, voir P. J. Dehon, « Aratos et ses

234 Voir P. Fortini-Brown, Venice and Antiquity, p. 278. Pour la médaille, voir G. F. Hill, Corpus of the Italian Medals of the Renaissance before

traducteurs latins : de la simple transposition à l'adaptation inventive », Revue belge de philologie et d'histoire,

Cellini, Londres, 1930, n? 456.

?55 J. Resnik, D. Curtis, Representing Justice. Invention, Controvers y and Rights in City-States and Democratic Courtrooms, 2011, p. 79-82. Voir la transcription du passage dans W. Wolters, Storia e politica nei dipinti di Palazzo Ducale. Aspetti dell'autocelebrazione della Reppublica di Venezia nel Cinquenceto, Venise, 1987 pour la trad. italienne, p. 233-234. Voir aussi les extraits cités dans D. Rosand, Myths of Venice, p. 126-127 :

2236

.

.

.

"

.

1]

_

P. Fortini-Brown, Venice and Antiquity, p. 265-268. 2237 Maisie MANIL. 4 n x 2, 234 la déclare stérile et en 4, 202 affirme que l'homme éloquent né sous son signe ne sera pas fécond.

2238 Cf MART. CAP., Nupt., 2, 74.

738

81, 2003, p. 93-115.

?!! Cf. AVIEN, 373-276. Ce catastérisme est décrit par Ovide (Met. 1, 149-150), Juvénal (Sat., 6, 199) et Nigidius Figulus, un Pythagoricien ami

i

de Cicéron, dont on a le témoignage dans une scolie à la traduction d'Aratos par Germanicus, témoignage trés connu à la Renaissance (ap. Schol. German., P- 65 Breysig = fr. 94 p. 115 Swoboda). VoirJ. Carcopino, Virgile et le mystére de la IV* Eglogue, Paris, 1930, p. 153-154 42 Voir p. Cumont, « Syria Dea » dans E. Daremberg, Ch. Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, Paris, 1892-1896, t. II-1, P- 1590-1596. ER CE. HES., Op., 197-200. IW OE SERV., ad Buc., 4, 6.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

de blé már (Spica, en réalité l'étoile la plus brillante, mais dont le nom signifie « épi »^55), ce qui la rapproche

des déesses de la fécondité, en particulier de Déméter, et s'accorde avec les thématiques de renaissance et

d'abondance véhiculées par l'Age d'or. Suite à la lecture que les Péres de l'Église ont proposée de la bucolique

virgilienne (en particulier Lactance et Augustin, repris par Dante à la Renaissance), Astrée se fait l'annonciatrice dela venue du Christ et de l'ére du salut, et comme uirgo, elle s'identifie aussi avec la Vierge Marie^^^*,

Ainsi, la pax incarnée par Astrée est donc aussi celle que le Christ de la Légende dorée offre à Marc pendant son supplice, selon une formule destinée à rester à jamais gravée sur l'évangile de l'apótre (pax tibi Marce euangelista meus) et que l'image de l'embléme nous restitue, en adoptant un type iconographique bien connu, oàü le lion n'est plus seulement le symbole de l'évangéliste mais l'évangéliste lui-méme, sub signo leonis : sous la forme héraldique du « lion passant », doté d'ailes et parfois d'une auréole, il pose la patte levée sur le livre où se lit l'inscription. Ce type visuel célébrissime se voit partout à Venise : par exemple au-dessus de la Porta della Carta, dans la copie réalisée au XIX* s. d'aprés l'original de Bartolomeo Bon détruit au XVIIF', avec le doge Francesco Foscari qui s'agenouille devant l'animal ; sur l'architrave de la galerie qui domine visuellement le haut de la Scala

ans^^, qui mettait fin à un conflit où les troupes allemandes avaient attaqué des bourgs relevant de la juridiction du patriarche d'Aquilée, officiellement protégé par Venise. Ces accords avaient été renouvelés le 29 juillet 1523. On rappellera que le doge Andrea Gritti, élu en 1523 à la place d'Antonio Grimani, avait montré par de multiples signes qu'il n'était pas désireux de choisir entre Charles Quint et Francois I^. Dans le texte de l'embléme cependant, la Iustitia-Astrée paienne qui s'identifie à Venise laisse au v. 10 la place à une allégorie chrétienne plus masculine dont Dürer a assuré la postérité en la représentant sur une gravure sur cuivre en

1498-1499:

le Sol Iustitiae, le Soleil de Justice. La gravure

d'Albrecht

Dürer

(Fig. 5) montre

un

homme aux yeux qui dardent des éclairs, la téte auréolée de rayons et monté sur un lion. Jambes croisées et face au Spectateur, le personnage brandit une épée de la main droite et retient une balance de la gauche.

dei Giganti au palais des Doges (réalisée entre 1486 et 1496 par Antonio Rizzo), flanqué de la statue de Mars à

gauche et de celle de Neptune à droite (réalisées au milieu du xvi s. par Jacopo Sansovino) qu'il domine ; sur la partie supérieure de la facade de la Scuola Grande di San Marco, Campo San Giovanni e Paolo, réalisée par Pietro Lombardo

entre 1487 et 1490, et complétée

en 1495 par Mauro

Codussi, l'archite&e de la Torre

dell'Orologio qui domine la Piazza San Marco ; ou encore sur la nouvelle entrée de l'arsenal édifiée en 1460. Comme dans le tableau Le lion de saint Marc de Carpaccio, peint en 1516 au palais des Doges (Sala delle Volte dans les appartements du Doge, Planche VII, Fig. 14), l'embléme nous rappelle v. 11 que le lion régne sur la terre et la mer ferme (Ille pedem dedit in terris te ponere et alto), pour montrer le pouvoir de la religio et garder la Vénétie, puisqu'il est un symbole de custodia et de uigilantia (puisqu'il dort les yeux ouverts) en particulier à

l'entrée des temples?*, Dans la partie inférieure de la gravure de l'embléme, le lion ailé de saint Marc, passant,

auréolé, patte sur le livre oü s'inscrit la formule pax tibi... regarde le spectateur. Comme dans la peinture de Carpaccio, ses pattes arriere sont dans l'eau de la lagune, ses pattes avant sur la terre ferme pour signifier les deux ambitions vénitiennes. On notera cependant qu'à la différence du tableau de Carpaccio, et bien que le titulus de la gravure pose explicitement le lion comme symbole de Venise, le paysage à l'arriére-plan n'a rien de vénitien : on y apercoit, entre autres, une pyramide, une tour en partie effondrée dans sa partie supérieure. Comme

celui

du texte, le propos de l'image dépasse sans doute la simple référence à Venise pour faire du lion la monture « évangélique » du Christ du jugement dernier.

Cette exaltation de Venise comme Virgo Christiana, qui ramene la paix, la justice et la fécondité, dans un retour

de l'Áge d'or, sous la protection du lion-évangéliste ailé et auréolé, et servant de monture au Christ Pantocrator du jugement dernier pouvait se lire à la lumiére d'événements historiques, par exemple la ligue de Cambrai de 1508?" [''3]lusion que fait l'embléme aux v. 16- 17 à l'Adriatique et aux verrous de l'Ausonie (terme qui désigne

ici l'Italie tout entiére), ainsi que la quasi-personnification de la Religion sous la forme d'une reine tenant des sceptres (v. 18 : sceptra beata), signale sans doute la volonté de faire de Venise et de son lion-évangéliste la

gardienne de la paix chrétienne, qui se défend contre les attaques du Nord et de l'Est (les Turcs). On pense à la tréve signée le 13 juillet 1518 (accords de Worms) entre les Vénitiens et Maximilien de Habsbourg pour cinq

245 Voir A, Le Bceuflle, 2246 Voir LACT., Insf., s, Dei unici pia et religiosa 6 et 11, 15 ; Purgatoire, XXVIII-XXIX)

Les noms latins d'astres et de constellations, Paris, 1 977, p. 211. 7 : Rediit ergo species illius aurei temporis, et reddita quidem terrae, sed paucis assignata iustitia est ; quae nihil aliud esl, quam cultura ; AVG., Ciu., 10, 27, auxquels renvoie F. A. Yates, Astrée, p. 62-64. Voir DANTE, De Monarchia, 1, 11, 1 ; Epistole, 7, 22, 67-72, références signalées par F. A. Yates, Astrée, P. 64 et par F. La Brasca, « La derniére tentation de Dante (Purg.,

», Chroniques italiennes, 28, 1991, p. 23-46.

?' Voir le Symb. 123.

48 En décembre 1508, le pape Jules II, l'empereur d'Agnadello 14 mai 1509. Voir A. Rizzi, « Il leone Palma le Jeune peignit un tableau intitulé Allégorie (1501-1522) invite Venise personnifiée et menée

personnification de la Paix et de l'Abondance.

740

Maximilien I° et le roi de France Louis XII s'allient contre Venise, qui sera battue à la bataille di San Marco e la lega di Cambrai », Ateneo Veneto, 34, 1996, p. 297-314. Entre 1590 et 1595, de la ligue de Cambrai pour la salle du Sénat au Palais des Doges. Le doge Leonardo Loredan par un lion à s'attaquer au taureau sur lequel monte Europe. Sur la gauche, on apercoit des

Fig. s > A. DURER, Sol iustitiae, gravure sur cuivre, 1498-1499, Washington,

National Gallery of Art, Rosenwald

Collection (1943.3.3484).

On notera que, dans le poéme de l'embléme, Bocchi a souligné la présence d'un seul lion prés du tróne d'Horus, et non de deux, comme dans la source horapollinienne, ce qui permet un glissement plus facile d'Astrée au Sol Iustitiae. De plus, les représentations hellénistiques d'Astrée, en relation avec Atargatis et Cybele, attestent que le

visage de la déesse était représenté ceint par des rayons lumineux". E. Panofsky a proposé de brillantes analyses

de

la gravure

de

Dürer??!',

et certains

résultats

de

son

enquéte

peuvent

nous

éclairer

pour

l'interprétation de l'embléme. Panofsky rappelle que les yeux dardant des flammes du personnage rappelle la gravure de Dürer intitulée La vision des sept chandeliers, et il rapproche également la présence de l'auréole radiée d'un passage de l' Apocalypse de Jean (1, 16) : « son visage était comme le soleil lorsqu'il brille dans sa force ». Mais

Panofsky

commence

par montrer

tout

ce que

la gravure

doit à l'astrologie.

Selon

lui, le personnage

masculin est une allégorie du Soleil. En effet, la « maison » zodiacale du Soleil était le Lion, qu'il traverse en juillet, aa moment oü il est à l'apogée de sa puissance. Le Lion comme monture du Soleil signale la relation forte entre les deux planétes et on trouve pareil équipage sur un chapiteau du Palais des Doges. Or, nous ajouterons que l'Antiquité associait déjà Astrée-Justice au Lion et à la Balance"? et que Sénéque évoque le Lion qui donne à la Vierge son envol : le personnage christique du Sol iustitiae qui emprunte les symboles d'Astrée, en 7*9 Voir F. GUICCIARDINI, Histoire d'Italie, t. 1 : 1492-1534, 15, 3; t. 11: 1513-1534, éd.J. -L. Fournel, J.-C. Zancarini, Paris, 1996, p. 247, n. 14-15

(voir aussi . 10, ch. 13) ?* Voir F. Cumont, « Syria Dea », p. 1593. Voir MACR.,, Sat., 1, 23, 18, qui propose une évocation de la déesse ; Atargatisi dans le sanctuaire i d'Héliopolis. 25! Voir E. Panofksy, « Dürer Stellung zur Antike », Wiener Jahrbuch für Kunstgeschichte, 1, 1921/1922, p. 43-92, republiéié dans E. Panafsky, Deutschsprachige Aufsütze, t. II, Studien auf dem Warburg-Haus, Berlin, 1998, p. 247-311

Paris, 1987 pour la trad. francaise, p.

; et surtout E. Panofsky, La vie et l'art d'Albrecht Dürer,

124-125.

i "5 MANIL, Adr. 1, 258-259: Quos sequitur cancer, cancrum leo, uirgo leonem./ Aequato tum libra die: cum tempore noctis.; 2253 SEN, Herc, Oet., 69, cité par F. A. Yates, Astrée, p. 58.

741

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre

particulier la balance, pouvait donc également s'attribuer le lion. Valeriano signale sa découverte d'une monnaie antique représentant une femme montée sur le dos d'un lion comme une figure de Iustitia?**, Le Sol Iustitiae de Dürer est masculin, à la différence d'Astrée. On répondra que la question du caractére féminin des signes est sujet à discussion : ainsi, Libra est parfois représentée sous des traits masculins, à cause du mot grec masculin Goyóc. Les traits farouches de la Virgo/Parthenos pouvaient s'accommoder d'une forme de virilité. Que le soleil puisse emprunter les attributs de la justice s'explique, poursuit Panofsky, par une référence de

Malachie (4, 2) : « Mais sur vous qui craignez mon nom se lévera le soleil de justice ». Ce Sol iustitiae, exalté par

Symb. 136

Gravure :

AU PUBLIC ET AU MOMENT,

DIT-ON, IL FAUT OBÉIR

Sur l'image : — Il faut se plier au sort et ne pas soufller au rebours des vents

- Phocylide

les Péres de l'Église comme le Christ du Jugement dernier?55, venait se substituer naturellement au Sol inuictus

qui manifestait la gloire de l'empereur romain? et il devait réactiver dans l'esprit de chacun la peur de l'apocalypse, comme le rappelle un passage du Dictionarium siue repertorium morale de Pierre Bersuire (s. v. Sol),

À ROMOLO AMASEO, LE MEILLEUR DES AMIS

publié à Nüremberg en 1489 puis en 1499 :

Tu crois, Romulus, qu'au public et au moment Tu dois maintenant obéir,

Insuper dico de isto sole [iustitiae], quod iste erit inflammatus, exercendo mundi praelaturam, sc. in iudicio, ubi ipse erit

Ce que j'approuve et loue fort haut ; nulle raison Pour toi de craindre le reproche

rigidus et seuerus [... ] Sol enim, quando est in medio orbis sc. in puncto meridiei, solet esse feruentissimus, sic Christus,

quando

in medio coeli et terrae, sc. in iudicio apparebit [...], tunc dico, per rigorem

condemnando peccatores sanguineus et seuerus?*",

iustitiae erit feruidus et

5

La gravure de l'embléme montre le Christ au centre, la téte radiée et ceinte de trois fleurs de lys (une au sommet,

les deux autres au niveau des oreilles). Il tend une couronne de la main droite, couronne de salut et d'élection à

la royauté spirituelle, qu'il semble prét à la déposer sur le cráne du lion. Juste en dessous de lui, brille un soleil à face anthropomorphe et cette proximité vise à identifier les deux figures à travers la métaphore du Sol iustitiae.

Bien que le caractére cruel et sauvage du lion, ajouté à la brülure du soleil, confére au Christ le statut d'un dieuvengeur et colérique, Bocchi célébre ici sans doute davantage l'idée de justice au sens où l'entendait saint Paul : le Christ apparait pour « justifier », c'est-à-dire non pas pour juger de maniére impitoyable mais pour racheter toute l'humanité et conférer la foi qui sauve. Il n'est pas anodin, dans ce cas, qu'il surmonte le lion, symbole d'un des évangélistes, et donc d'un des évangiles, partie du Nouveau Testament, le livre qui abolit l'Ancien et la loi de

Moise.

10

D'inconstance, si, sur ton ancienne opinion,

Tu es süár de ne plus pouvoir Rester, dis-tu, vu que tout a beaucoup changé. C'est là sagesse, par Hercule : Tu as su suivre le marché. Chez les grands hommes Servant l'État, on n'a jamais Célébré un esprit qui ne sait pas plier, Nile fait de se maintenir Dans un unique avis qui ne varie jamais.

Pour le navigateur, savoir

15

Céder aux pires tempétes tient bien souvent De l'art - méme si, ce faisant, Il pourrait ne point rentrer au port ; toutefois,

Lorsque son attention lui montre Qu'en changeant de voilure, il pourrait parvenir 20

À ce but, c'est une folie

De maintenir à ses périls la direction Assignée d'abord à sa course,

25

Plutót que d'en changer pour se rendre bientót Là oü il veut, à point nommé ; De méme, pour nous qui gérons la république, Puisque nous devons désormais

Nous oftrir un loisir qui se conforme au Bien, Il nous faut donc, non point toujours

?5* Hieroglyphica, 1, p. 15 I.

29 Voirs par ek AMBR., Hexam., 4, 2 : Deus ergo Pater dicit : fiat sol ; et Filius fecit solem. Dignum enima erat, ut solem mundi faceret Sol iustitiae ; AVG., Enarr. : ’ in! Ps. XXV, 2, 3 : Noster sol iustit iae, ueritas, Christus, non iste sol qui adoratur a paganis et manichaeis, et uidetur

Tenir méme langage, mais tous viser toujours

2255

a peccatoribus, sed ille alius cuius ueritate natura humana illsutratur, ad quem gaudent Angeli, hominum autem infirmatae acies cordis etsi trepidant sub radiis eius, ad eum tandem

contemplandum per mandata purgantur », passages cités dans G. H, Halsberghe , The Cult of Sol Invictus, Leyde,

De Genesi contra manich., 1, 3, 6.

1972, p. 18-19. Voir aussi

Avec zèle au méme objectif,

Qu'à bon droit nous nous fixàmes, puisqu'aux affaires

Nous ne pouvons pas nous méler Sans péril. Selon moi, tu as donc trés bien fait De changer à la fois d'avis

i

‘ ?56 Voir A, Alfóldi, The Conversion of Constantine and Pagan Rome, Oxford, 1948 ; E. H. Kantorowicz, « Dante's “ Two suns ” » in Id., Selected Studies, New York, 1965, P- 325-338 ; G. H. Halsberghe, The Cult of Sol Invictus. 2257 Cité par E, Panofsky, « Dürer Stellung zur Antike », P. 273-274 (notre traduction) : « J'ajoute, au sujet de ce Soleil de Justice, qu'il apparaitra flamboyant quand Il exercera son commandement sur le monde, c'est-à-dire lors du jugement dernier, oà Il se montrera intraitable et rigoureux. [... ] En effet le soleil, lorsqu'il est au milieu du ciel, c'est-à-dire à midi, est d'ordinaire le plus brülant ; de méme le Christ, lorsqu'Il apparaitra au milieu du ciel et de la terre, c'est-à-dire lors du jugement dernier, [ ... ], alors, je l'affirme, Il se montrera brülant du fait de la rigueur de sa justice, impitoyable et rigoureux dans sa condamn ation des pécheurs ».

742

30

35

Et d’intention. Et d’ailleurs, le divin Platon,

Qu'entre tous j'honore et je suis

Comme un maítre, recommandait, en politique,

De limiter ses prétentions

743

V

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

À ce que nos concitoyens vont approuver, 40

présentée plusieurs fois sous forme de sollicitations pécuniaires, et il semble que sa réputation considérable, à la

Et, en un crime sacrilége,

fois de poéte latin et de défenseur de la langue savante?*! l'ait amené à céder parfois aux objurgations de la

D'une main impie, de ne point faire violence Aux parents ni à la patrie.

MÉTRIQUE

Métre épodique : trimétre et dimétre iambiques. C'est en particulier le métre de la premiere épode d'Horace, oü le poéte latin explique à Mécéne qu'il le suivra dans la campagne militaire d'Actium dans le seul but de lui plaire et de lui étre fidéle (Epod., 1, 24 : in tuae spem gratiae). Or la lettre de Cicéron à Lentulus Spinther (Fam., 1, 9, voir infra) qui sert d'intertexte au texte emblématique se montre dans certains passages une véritable déclaration d'amitié et de fidélité?**. Bocchi à son tour se propose, dans cette missive versifiée, de suivre et de soutenir, par amitié, les revirements opportunistes de son ami. NorES

in pict. : DOKYAAIAHX] Ce poéte milésien du Vr siécle est l'auteur de sentences (Gnomai) qui ont connu beaucoup de succés dans l'Antiquité, au Moyen Áge et à la Renaissance. Il fut publié pour la premiere fois en

1495 à Venise. En réalité, le texte qui nous est parvenu a été rédigé par un juif hellénisé d' Alexandrie au début de notre ére. Voir l'introduction de P. W. Van der Hor&t, The sentences of Pseudo-Phocylides, Turnhout, 1978, p. 384.

ANALYSE

1. Le contexte biographique : les revirements professionnels de Romolo Amaseo

Dans cette missive versifiée, qui fait grand usage de formules parémiographiques et de certaines lettres de

Cicéron, Bocchi entend justifier, par le recours aux citations érudites et aux arguments

cicéroniens, les

atermoiements professionnels d'Amaseo, dédicataire de la piéce. Bocchi, en effet, par des expressions comme crimen inconstantiae (v. 3-4), ou permanere pristina im sententia... te nolle (v. 5-6), fait allusion à un réel

revirement d'Amaseo. Mais il n'en fait pas grief au dédicataire (nec est quod inconsta ntiae/ crimen timendum sit

tibi, v. 4-5) et va jusqu'à louer (laudo et probo, v. 3) cette attitude prudente et habile (prudens est, Hercle, qui

optime scisti foro uti??, v. 8-9), en évoquant un changement radical de circonst ances (mutato omnium rerum statu, v. 7) auquel il semble judicieux de se plier (Quod tempori et scenae putes/ Nunc seruiendum, v. 1-2) L'indulgence que l'emblématiste manifeste envers cet ami, auquel il adresse une correspondance restée manuscrite dans le manuscrit milanais de la Bibliothéque Ambrosienne (D 145 in£), tient sans doute au fait que sa propre existence connait alors de profondes mutations, en particulier la retraite anticipée qui fait l'objet du Symb. 133 (voir notre analyse et les documents inédits que nous y proposons). On sait que les rapports entre Bocchi et Amaseo, qui ont occupé tous les deux des chaires au Studio de Bologne, n'ont pas toujours été aussi amicaux, et que des rivalités successives les ont mis fréquemment aux prises l'un

avec l'autre. La carriére universitaire d'Amaseo s'entreméle d'ailleurs étroitement avec celle de Bocchi, qui, de 1512 à 1524, puis de 1527 à 1539, occupe lui aussi une chaire de rhétorique et de poésie, avant d'enseigner les studia

humanitatis de 1524 à 1327, puis de 1535° à 1665. L’occasion (tempus/Katpé), pour Amaseo, s'est

2258

et

n E . CIC., Fam., 1, 9, 22 : « De manière + T assuree, Je serai, pour toutes tes actions, fel E tes positions, tes décision s, bref pour toute ta politiqu e, un alliéi un compagnon et, pendant toute

ma vie, je n'aurai aucun but aussi assuré que de faire en sorte que chaque jour davantage tu te réjouisses de

m avoir rendu les plus précieux services ».

7 Sur l'expression scisti uti foro voir infra.

260 E, See Watson, Achille Bocchi, p. 6, propose comme date 1 539, considéra nt que les charges universitaires s'enchainent sans se superposer. G. Raveira-A

ira, « Achille Bocchi e la sua Historia Bononiensis

”1 p. 67, en se référant à l'ouvrage de U. Dallari, I Rotuli dei lettori legisti ed artisti dello Studio Bolognese, Bologne, 1885, t. II, p. 53, montre au contraire que les deux charges sont pleinement compatibles et que Bocchi accéde au lectorat des studia humanitatis en 1535, alors méme qu'il occupe déjà la charge de lecteur en rhétorique et poésie : « Fio alla morte poi, lo

744

scaena, « la scene publique ». Le parcours professionnel d'Amaseo (voir notre notice biographique dans nos notes au Symb.132), particuliérement mouvementé, a été marqué par de nombreux déplacements d'une université à l'autre pour des

raisons financiéres ou de prestige. Parti en 1521 à Padoue, Amaseo revient à Bologne en 1524, sur la pression de

Clément VII, qui souhaite redonner du lustre au Studio de Bologne. Amaseo se heurte alors à l'hosilité d'un clan d'enseignants organisés autour de Giovanni Battista Pio, le maitre de Bocchi"*, qui occupait depuis trois la chaire ad rhetoricam et poesim in uesperis d' Amaseo laissée vacante. Devant cette hostilité et le salaire à ses yeux

insuffisant que lui octroie le sénat en septembre 1524, Amaseo repart pour un mois à Padoue, avant que son ami Giovanni Matteo Giberti, datario de Clément VII, ne réussisse à le faire rentrer triomph alement en octobre 1524 à Bologne, où il retrouve sa chaire. En 1538, il obtient à Bologne une seconde chaire, celle ad humanitatis studia horis

pomeridianis, qui l'épuise et oi il se juge mal rémunéré. Il tente, dés 1539, puis en 1542, de se faire appeler par le pape à

Rome mais ne réussira qu'en 1543. Visiblement insatisfait de son sort à Rome ou sous la pression du Studio bolonais, il

repart pour un an enseigner à Bologne, avant de retourner s'établir définitivement à Rome en 1544 oà il assure à la fois l'éducation d' Alexandre Farnése et un enseignement public à la Sapienza. L'installation d'Amaseo à Rome semble marquer le début d'une réconciliation avec Bocchi. Celle-ci n'est sans doute pas dénuée d'intent ions Stratégiques, comme le montre la correspondance de Bocchi à Amaseo conservée à l'Ambrosienne de Milan et qui s'étale de 1546 à 1549 : Bocchi a tout intérét à avoir l'oreille d'un proche du pape, dont il espére des subsides

pour édifier le palazzo bolonais qui doit accueillir son Académie, entamé en 1346. Cette réconciliation n'avait sans doute rien d'anodin, puisque P.-O. Kristeller (Iter Italicum, t. 1, Leyde, 1963, p. 50) répertor ie à la Biblioteca Governatina de Crémone, dans le Fondo Civico (Aa 4. 60), une lettre non datée d'un certain

Iosephus Niger Cremonensis intitulée précisément De reconcilatione facia inter Romulum Amaseum et Achillem Bocchium sese arbitro. Deux mentions de l'embléme dans les lettres autographes de Bocchi à Amaseo permettent de constater que le

Symbolum a été rédigé avant 1548. Sa présence dans l'exemplaire des Lusuum libri duo de la Biblioteca Angelica de Rome (f 51v^-52v^), dédié en 1547 à Claude de la Guiche, nommé évéque de Mirepoix cette année-là ,

fournit méme, de maniere plus précise, un terminus ante quem. L'embléme est probablement antérieur à 1547 et il pourrait évoquer la décision d'Amaseo de repartir une nouvelle fois pour Rome en 1544, aprés sa premiere tentative décevante de 1543. La premiere lettre date du 25 septembre 1548 (Milan, Bibl. Ambros., ms D 145 inf,

P 31r?):

Nam quod ais de rebus nostris deque formula descriptionis aedium nostrarum tecum Pont. Max. nullum hactenus sermonem inferre potuisse, neque miror. Causa mihi sicut tibi quoque minimé ignota : neque adeó dolendum est cuique nostrum, perindé quasi culpa malignitatis alienae teneamur. Equidem pro mea parte symboli illius tui memor, tempori et

scenae seruiendum statui semper, et nunc inprimis. Itaque occasionem uigilantissimé captare, captatam tenere oportet.

Car à propos du point que tu mentionnes, à savoir que le pape n'a pas réussi jusqu'à présent à avoir une conversation avec toi au sujet de nos affaires et du contrat concernant le plan de notre bátiment, je ne m'en

troviamo sempre inscritto nei “ Rotuli ” comme lettore perla cattedra ad humanitatis studia matutina. A questa lettura, che era vacante, il Bocchi era Stato preposto dal Senato fino dal 1535 e per tale insegnamento gli fu concesso un aumento di £. 250. » 35, Voir V. Cian, « Per la storia dello Studio bolognese nel Rinascimento. Pro e contro l'Amaseo » in Miscell. di studi critici edita in onore di A. Graf, Bergame, 1903, p- 201-219. Sur les deux oraisons De linguae latinae usu retinendo, voir encore V. Cian, Un decennio della vita di M. Pietro Bembo, Turin, 1885, P- 148-150, ainsi que la bibliographie que nous proposons dans les notes au Symb. 132. ?& Voir G. Raveira-Aira, « Achille Bocchi e la sua Historia Bononiensis » Studi e memorie per la storia dell'Università di Bologna, 15, 1942, P. $9112, ici p. 70-71, et en particulier la citation de la lettre d'Amaseo à son fils Gregorio du 8 mars 1525, empruntée à F. Scarselli, Vita Romuli Amaseo, Bologne 1769, p. 213, qu'on ne peut comprendre que dans le cadre de la lutte contre le retour d'Amaseo au Studio de Bologne i E]

le invidia degli altri è consueta e massimamente del Pio e Bocchio, li quali mi ànno cercato di rovinare della vita propria. Ma io non vi posso

scrivere particolarmente il tutto ».

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

:

Traduction, annotation, commentaire — Livre V m

s

ira

2263

?

étonne guére. La raison, pour moi comme pour toi également, en est parfaitement claire^^ et qu'aucun de nous deux n'aille s'en plaindre, comme si nous étions victimes des intentions malignes d'autrui. Pour ma part, je garde

en mémoire ce fameux symbole qui t'était adressé et j'estime qu'il faut se plier et aux circonstances et à la scene, surtout en ce moment, C'est pourquoi montre-toi trés attentif à saisir l'occasion et à la garder une fois saisie.

L'hypothése d'une rédaction en 1544 pourrait étre soutenue par la mention que Bocchi fait de ce Symbolum dans une lettre du 28 janvier 1549 (f 6v^), où la piéce est qualifiée de uetus : Praeterea Lycio nostro ità nauabimus

operam

ut quieti nostrae simul et patriae amicorümque

commodis

liber?

consulamus. Quar ueteris tui symboli memores, scaenae, quod aiunt, et tempori seruiamus, nec illud uulgare consilium contemnamus ex toto.

En outre, dans l'intérét de notre « Lycée », nous mettons toute notre ardeur à veiller librement sur notre tranquillité en méme temps qu'aux intéréts de notre patrie et de nos amis. C'est pourquoi souviens-toi du vieux

symbole qui t'était dédié: plions-nous au public et aux circonstances comme on dit, et ne méprisons pas totalement ce conseil populaire.

Enfin, une troisiéme lettre, datée du 28 juin 1548, évoque le proverbe mais sans mentionner directement l'embléme (f? 331?) : Dum enim laetus haec scriberem, superuenit nuncius quidam sané tristis, Moronum prouincia decedere iussum, simul ei

successorem datum esse Cardinalem Montium. Quid hoc esse dicam ? Nisi quod dii nos homines ut pilas habent ; ego ueró tecum scenae (ut aiunt) et tempori seruiendum ducam.

Pendant que, tout content, je rédigeais ces lignes, une nouvelle bien triste m'a été annoncée : Morone quitte la région et on lui a donné pour successeur le cardinal del Monte. Que dire pour commenter, sinon que les dieux s'amusent de nous les hommes comme avec des balles ? Mais, avec toi, je penserai, comme on dit, qu'il faut obéir au public et à l'époque.

Mais que signifie exactement cette formule gnomique qui court à travers toute la piéce ? 2. La concaténation parémiographique et la correspondance texte-image

C'est un adage d'Érasme (1, 1, 91, « Scaenae seruire ») qui permet de faire le lien entre le fitulus de la gravure

(SCENAE, QVOD AIVNT, SERVIENDVM ET TEMPORI,), repris aux vers 1 et 2, et la citation de Phocylide qui

est insérée sur l'image, à l'intérieur d'un phylactére (KaipQ Aatpeóetv ufi &vrixvéetw ávépoictv). Érasme explique que l'adage s'applique aux acteurs qui font tout pour plaire et étre applaudis et il renvoie à un passage

d'une lettre de Cicéron à Brutus (1, 9, 2) oü celui-ci vient de perdre son épouse Porcia, qui s'est suicidée.

rappelle que la métaphore s'applique à la navigation et à ceux qui, ballottés par les flots et les vents, ne peuvent échapper au naufrage qu'en se soumettant aux éléments. Bocchi fait écho à cet univers maritime en utilisant un peu plus loin une grande métaphore cicéronienne (Fam., 1, 9, 21) qui compare le pilotage du navire à la gestion de l'État (voir infra). Nous retrouverons le motif du navire et de la traversée maritime comme métaphore de l'existence dans le Symb. 139. Comme le rappelle S. Luciani, le motif du temporibus adsentiendum que Cicéron utilise dans le méme passage rappelle «la force des impératifs extérieurs », des res, et constitue un motif

éminemment stoicien de « consentement au destin »?5, Chez Cicéron, la référence aux tempora se conjugue

avec la troisiéme des personae dont Cicéron élabore la théorie dans le De Officiis, 1,

115 (tertia adiungitur quam

casus aliqui aut tempus imponit), rappelant que la premiére persona se rattache à la nature rationnelle de l'homme, la seconde aux traits individuels et la quatriéme aux choix volontaires?25. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana ", ne traduit presque rien des méandres complexes de la réflexion cicéronienne qui se déploie à travers la paraphrase poétique, hormis son tifulus qui récupère la formule du Brut., 1, 9, 2 (scenae... seruiendum) et annonce par le terme fempori la citation de Phocylide dans l'image. La gravure tente ici de récupérer et d'associer entre eux les

contenus iconiques proposés par les intertextes. La métaphore cicéronienne de la navigation est présente sous la

forme du paysage maritime en arriére-plan et de l'énorme caréne de navire qui entre par la gauche dans le champ visuel, avec sa voile gonflée et ses haubans. Mais l'élément marin est d'autant plus pertinent que, indépendamment de Cicéron, il est réguliérement l'une des figures privilégiées des dangereux et imprévisibles retournements du Kairos et de la Fortuna. Au centre de l'image, sur la terre ferme, Phocylide nous fait face (son nom apparait sous ses pieds), sous les traits du sapiens barbu et en toge. Il a saisi l'ancre du navire dans la main droite, et on peut supposer qu'il va larguer les amarres, laissant le bátiment prendre la direction suggérée par les

flots ou le vent auxquels il va se soumettre ( latreuein). Dans la main gauche, il tient un sablier, symbole du kairos

auquel le navire doit aussi se plier. Un petit amour joufflu, qui matérialise le vent qui souffle (anemos), laisse descendre les volutes d'un phylactére oü s'inscrit la sentence de Phocylide jusqu'à la bouche du moraliste, sentence qui permet de comprendre le double geste des mains. C'est sans doute la lecture de l'adage d'Érasme suivant (1, 1, 92, « Vti foro ») qui a inspiré à Bocchi la formule

des v. 8-9 : optime/ Scisti foro uti. Citée par Térence, Phormion, 79 et expliquée par Donat?, la sentence « se

servir du forum », c'est-à-dire « suivre le marché » d'oü « bien s'en sortir », appartient au domaine mercantile. Elle décrit l'attitude des marchands qui ne fixent pas a priori le prix de leurs denrées mais attendent d'étre sur le

lieu de vente pour l'afficher et s'adapter ainsi aux fluctuations du marché. De maniére plus générale, elle rejoint

l'esprit de l'adage précédent qui invite à se plier aux circonstances présentes et à en faire le meilleur usage possible : praesentem rerum statum boni consulere, et utcumque sese obtulerit fortuna, ita animum applicare, « se satisfaire de la situation présente et, quel que soit le visage que la fortune nous aura présenté, y trouver de l'intérét

».

Cicéron met en parallele le deuil de Brutus avec celui qui l'a frappé lui-méme, au moment de la mort de sa fille Tullia, et il se sert du proverbe (sous la forme populo et scaenae seruiendum esl) pour inviter Brutus à ne pas montrer son chagrin aux yeux du monde et à faire bonne figure?"*, Érasme précise de plus que le proverbe peut

s'appliquer à ceux qui ont mis en ceuvre de grandes entreprises et qui, suscitant par là méme une forte attente,

connaitront ou bien une trés grande gloire ou bien l'infamie la plus compléte, ce qui s'applique parfaitement au cas d'Amaseo, suscitant tantót la haine tantót l'admiration de ses collégues, au gré de ses départs et de ses retours au sein des universités. Érasme utilise ensuite la citation de Phocylide pour substituer tempori à populo et

265 Voir S, Luciani, Temps et éternité dans l'euvre philosophique de Cicéron, Paris, 2010, p. 116, qui renvoie également à CIC., Fam., 4, 8 ; 4, 9 et

7^! II s'agit probablement de la maladie de Paul III, à laquelle fait écho le Symb. 141.

suggére un rapprochement avec EPICT., Diss., 1, 1,2 ; 2, 10, 6. i | ; | 6 S. Luciani, Temps et éternité, p. 118. Sur cette question des personae, où la dernière doit permettre d’individualiser la première, voir C. Lévy,

omnium ciuium ac paene gentium coniecti oculi sint, minime decet, propter quem fortiores ceteri sumus, eum ipsum animo debilitatum uideri. « Je ne

soi, vivre pour la cité, de l'Antiquité à la Renaissance, Paris, 2006, p. 45-68, en part. p. 54-55. Sur l'origine panétienne de cette notion, voir C. Gill,

scaena in secreta remorant.

7 Voir ]e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 18, n° s1 (2 CXXXIIII). ‘ ) ?* Donat en donne l'explication suivante : et est uulgare prouerbium. Sensus hic est : Scisti, inquit, quid facere te oportet. « C'est un vieux dicton

75^ Ac mihi tum, Brute, officio solum erat et naturae, tibi nunc populo et scaenae, ut dicitur, seruiendu m est ; nam cum in te non solum exercitus tui sed

devais alors qu'obéir au devoir et à la nature, Brutus, tandis que toi aujourd'hui, tu dois te plier au peuple et à la scéne publique, comme on dit. Vers toi ne convergent pas seulement les regards de l'armée mais ceux de tous les citoyens et de presque toutes les nations. Aussi ne faut-il pas que celui qui nous a rendus plus forts donne l'image d'un homme abattu. » Pour la formule, voir aussi HOR., Sat., 2, 1, 71 : Vbi se a uolgo et

746

« Y-a-t-il quelqu'un derriere le masque ? À propos de la théorie des personae chez Cicéron » dans P. Hallyn-Galand, C. Lévy (dir.), Vivre pour

* Personhood and Personality : the Four-Personae Theory in Panaetius », in Oxford Studies in Ancient Philosophy, t. Vl, p. 169-199.

populaire qui signifie que tu sais ce que tu dois faire ». Voir A. Otto, Die Schprichwórter der Rómer, Hildesheim/New York, 1971, p. 146.

747

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

3. L'apologie des revirements : le modéle rhétorique et argumentatif de la lettre de Cicéron à Spinther (Fam., 1, 9)

Pour défendre son ami Amaseo, Bocchi s'inspire de trés prés d'une lettre de Cicéron à Publius Cornélius Lentulus Spinther^^ datée de décembre 54 av.J.-C, véritable morceau de rhétorique et de bravoure que Cicéron compose en vue d'une apologie de son comportement politique récent?" : i] évoque sa réconciliation avec César (dont il a appuyé au Sénat la prolongation du commandement en Gaule en 56) et Appius Claudius, sous la pression amicale de Pompée, position visiblement acceptée par Spinther. Cicéron mentionne ensuite sa défense de Vatinius devant les tribunaux (le personnage fut l'attaquant de P. Sestius, défendu par Cicéron dans le dialogue éponyme), ainsi que son appui à Crassus devant le Sénat, à la demande conjuguée de Pompée et de César (Crassus avait formé avec eux le premier triumvirat en 60), deux points qui laissent visiblement Spinther perplexe. Cicéron se justifie alors sur ces ralliements qui semblent contredire ses positions antérieures (cf. Fam., 1, 9, 17 : quasi desciscere me a pristina causa).

Bocchi fournit à Amaseo une défense toute préte contre le crimen inconstantiae, avec les arguments mémes de

Cicéron, mais réorganisés différemment. Le premier argument de Cicéron pour justifier son changement d'opinion et de comportement politique (Fam., 1, 9, 17-18) est de montrer qu'il s'agit là d'une attitude quasi

inévitable"", pour qui a un peu de sagesse, devant les mutations radicales du parti des optimates, dont l'idéal s'est beaucoup dégradé?", Ses mots ont inspiré les vers 33-35 du poéme de l'embléme. Cicéron se réfere ensuite (ibid.) au passage du Criton (s1c) de Platon, repris à la fin du texte emblématique (v. 35-42), qui

recommande une forme de réalisme politique en ne contraignant pas par la force un peuple qu'on n'a pas réussi à persuader. Enfin, Cicéron (Fam., 1, 9, 21) utilise la métaphore de la navigation et du changement de cap, que

Bocchi récupére pour constituer le corps du texte de l'embléme (v. 10-30) pour sa forte puissance imageante. Les tableaux suivants montrent la proximité de la paraphrase du poéme emblématique avec les arguments que présente la lettre rédigée par Cicéron pour s'expliquer sur ses changements de cap : —

10

t

INS

1

um

In re gubernanda uiris Praestantibus laudata flecti nescia Mens perpetuáue immobili

Vna modó in sententia permansio. At 15

In nauigando ut obsequi

| Saeuissimis plerunque tempestatibus Est artis, etiam si interim

Portum occupare non queas, ueruntamen

Cum forté cautus senseris

20

Te posse uelificatione protinus

Mutata id assequi, nimis Stultum est eum tenere cum periculo, Quem coeperis cursum semel,

Potius quàm eo mutato in ipso tempore

25

30

Mox peruenire quó uelis, | Sic cum administranda iam in hac republica Proponere in praesentia Nobis honestum debeamus otium, Haud quaquàm idem semper loqui, At semper omnes seduló spectare idem Debemus.

Numquam enim in praestantibus

in re publica gubernanda uiris laudata est

in una sententia perpetua permansio

sed, ut in nauigando tempestati obsequi artis est, etiam si

portum tenere non queas,

cum uero

id posse mutata uelificatione adsequi, | Stultum est eum tenere cum periculo

cursum quem coeperis

potius quam eo commutato

quo uelis tamen peruenire,

sic cum omnibus nobis in administranda re publica

propositum esse debeat id quod a me saepissime dictum est, cum dignitate otium non idem semper dicere sed idem semper spectare debemus.

7? Consul en 57 et proconsul en Cilicie en 56. Spinther faisait partie de ceux qui avaient activement travaillé au retour d'exil de Cicéron et la

lettre de Cicéron le remercie pour cette aide.

?? Voir A. Lintott, Cicero as Evidence : an Historian's Companion, Oxford, 2008, p.223-225. 77 Fam, 1, 9, 18 : et sententia et uoluntas mutata esse debent.

77* Fam., 1, 9, 17 : totus [7 bonorum sensus] est nunc ab iis a quibus tuendus fuerat derelictus.

748

á RE

| [... ] Enimuero iubet id Plato

| Diuinus ille, quem sequor | Auctorem et in primis colo, tantummodó

| Contendere in republica | Quantum tuis probare possis ciuibus,

i40

|

|

|

Vim per scelus nefarium

! Manu impia nunquam parentibus néque

|

Ipsi afferendam patriae.

Id enim iubet eidem ille Plato

quo uehementer auctore moueor tantum | contendere in republica quantum probare tuis ciuibus possis

uim

neque parenti nec patrize

affere oportere.

4. Un anachronisme volontaire : la substitution de l’otium honestum à l’otium cum dignitate

Au vers 27, l’emblématiste a substitué à la formule originale cicéronienne otium cum dignitate une autre formule

cicéronienne, otium honestum, qui apparaît beaucoup plus tard sous la plume de l’Arpinate, à partir de l’année

46, c'est-à-dire presque dix ans aprés la lettre à Lentulus??^?, Les deux formules (et la premiere surtout) ont suscité une pléthore d'études? qui montrent que le passage

d'une formule à l'autre ne peut se comprendre qu'en relation d'une part avec les aléas de la vie politique qui ont affecté la carriére de Cicéron, le contraignant à un retrait de plus en plus marqué de la scéne publique, et d'autre part avec l'ambiguité de ses aspirations profondes, qui l'a conduit à une hésitation prolongée entre vie politique et études philosophiques". Si, avant l'année 6o, Cicéron voit dans la composition de ses discours ou dans la consignation par écrits de ses actes politiques un otium intellectuel au service du negotium politique (voir par

exemple le Pro Archia ou le Pro Plancio), l'année 59 marque en revanche le début de la tentation théorétique :

submergé par la « démagogie agraire », pour reprendre la formule de Jean-Marie André, Cicéron pense à une

réconciliation avec ses ennemis, et avec César en particulier, et il évoque l'idée d'un ofium senectutis?

Em

[...] Non enim unquàm est publica

| 35

| |

Dépassant l'opposition, au sein de l'école aristotélicienne, entre Théophraste et Dicéarque, il accepte la possibilité d'une alternance temporelle entre action politique et retraite studieuse au service de la doctrina, entre bios praktikos et bios theórétikos : Cicéron prend conscience que « la tradition et l'expérience ne suffisent plus en

politique, qu'il faut enrichir le mos maiorum par la doctrina?" ». Mais, en réalité, l'activité scientifique ne vient

qu'interrompre momentanément (intermissio) une carriére vouée au service de l'action (voir notre analyse du

77 J.-M. André, L'otium dans la vie morale et intellectuelle romaine des origines à l'époque augustéenne, 1966, p. 316-320. ?75 Voir E, Rémy, « Dignitas cum otio », Musée Belge, 32, 1928, p. 113-127 ; M. Kretschmar, Otium, studia litterarum. Philosophie und Bios theórétikos im. Leben und Denken Ciceros, Würzburg/Aumühle, 1938 ; E. de Saint-Denis, « La théorie cicéronienne de la participation aux affaires publiques», Revue de Philologie, 12, 1938, p. 193-215 ; A. Grilli, « Otium cum dignitate », Acme, 4, 1951, p. 227-240; A. Grilli, Il problema della vita contemplativa nel mondo greco-romano, Milan, Rome, 1953; Ch.Wirszubski, « Cicero's cum dignitate otium: a Reconsideration », Journal of Roman Studies, 1954, 4, p. 1-13; R.Joly, Le théme philosophique des genres de vie dans l'Antiquité classique, Bruxelles, 1956 ; J. P. V. D. Balsdon, « Auctoritas, Dignitas, Otium », The Classical Quarterly, N. S., 10/1, 1960, p. 43-50 ; M. Fuhrmann, « Cum dignitate otium : Politisches Programm und Staatstheorie bei Cicero », Gymnasium, 67, 1960, p. 483-499; A. Michel, Les rapports de la rhétorique et de la philosophie dans l'aeuvre de Cicéron, Paris, 1960, p. 556-560: « Cum dignitate otium, une recherche de l'équilibre » ; J.M. André, Recherches sur l'otium romain, Besancon, 1962; ld., L'otium, en particulier p. 279-334: « Cicéron et le drame de la retraite impossible. Histoire de ses tentations contemplatives » ; W. A. Laidlaw, « Otium », Grece and Rome, 15, 1, 1966, p. 42-52 ; J. P. V. D. Balsdon, Life and Leisure in Ancient Rom, Londres, 1969 ; P. Boyancé, « Cicéron et la vie contemplative » et « Cum dignitate otium » dans Id., Études sur l'humanisme cicéronien, Bruxelles, 1970, p. 89-134 (articles publiés respectivement pour la premiére dans la Revue des Études Anciennes, 43, 1941,

P. 172-191 et Latomus, 27, 1967, p. 3-26) ; A.-J. Festugiére, « Le probléme de la vie contemplative dans le monde gréco-romain », Études de philosophie grecque, Paris, 1971, p. 245-252 (1954'), qui rend compte de l'ouvrage d'A. Grilli, I] problema della vita contemplativa ML Colish, The Stoic Tradition from Antiquity to the Middle Ages, t. 1 : Stoicism in Classical Latin Literature, Leyde, 1985, p. 77 et la copieuse note 47 qui résume les positions des uns et des autres ; J. Christes, « Cum dignitate otium (Cic. Sest. 98), eine Nachbereitung », Gymnasium, 95, 1988, P« 303-315 ; J. P. Toner, Leisure and Ancient Rom, Cambridge, 1995 ; J. Dangel, « L'otium chez les Latins de l'époque républicaine », dans J.M. André, J. Dangel, P. Demont (dir.), Les loisirs et l'héritage de la culture classique, Bruxelles, 1996, p. 23 3-236 ; S. Culpepper Stroup, Catullus, | Cicero and a Society of Patrons : the Generation of the Text, Cambridge, 2010, p. 48-53 ; S. Luciani, Temps et éternité, p. 67-96.

775 Voir W. Górler, « Cicero zwischen Politik und Philosophie », in Ch. Catrein (dir.), Kleine Schriften zur hellenistisch-rómischen Philosophie, Leyde/Boston, 2004, p. 158-171.

Cs Voir Att, 2, 10 ; 2, 16, 3.

aURT André, L'otium, p. 293.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Symb. 112). En 56, avec le Pro Sestio (98), et en 55, avec le proemium du De Oratore (1, 1), Cicéron envisage cependant sérieusement de mélanger plus profondément les deux genres de vie à travers la formule otium cum

dignitate. L'expression toutefois désigne moins la retraite studieuse elle-méme que l'esprit dans lequel elle

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

l'échec de la uita composita et l'otium lettré devient une sorte de contre-feu acceptable aux infortunes politiques. Cicéron

se montre

soucieux

d'écarter le soupcon

de desidia

et de

uoluptas,

ainsi que

les connotations

tranquillité éclairée par l'étude (otium), qui n'interdit pas la satisfaction d'une ambition politique légitime

épicuriennes péjoratives du portum otii^*^ : il prend modéle sur l'érudit Varron pour se justifier et trouver en 45, dans la rédaction d'ouvrages moraux et philosophiques, tournée vers la pédagogie", une sorte de sub&stitut à l'action politique qui lui permet toutefois de continuer à servir Rome à sa maniére"*5, Ce projet patriotique, qui

des révolutions démagogiques (res nouae), celle d'un Clodius à la téte des Populares par exemple". La gloire de

littérature philosophique",

s'effectue. Il s'agit du réve idéal, nourri par un membre du parti des Optimates, de trouver une forme de garantissant le renom (dignitas), en accord avec une respublica en paix et en concorde, préservée de l'agitation

ses actions passées permette alors à l'homme politique goütant le loisir de conserver son auctoritas et son

influence politique au sein méme de sa retraite provisoire". Le Pro Sestio 99-100 utilise en outre la métaphore

de la navigation, et en particulier celle de l'otii illum portum et dignitatis, « ce fameux port de la tranquillité et de l'honneur », vision de félicité promise aux bons citoyens, et qui sera reprise, mais trés nuancée, dans la lettre à Lentulus Spinther (Fam.,

1, 9, 21). Dans le De Republica, rédigé en 55-54, Cicéron redéfinit l'idéal d'une

synthése équilibrée entre otium et negotium à travers la personnalité de Scipion?*??. Le bon roi, initié

réguliérement à la science cosmique qui lui montre la présence de la divinité dans le monde et le modele sur lequel il peut fonder sa gestion étatique, obéit à un impératif efficace d'action dans et au service de la communauté politique (uirtus in usu sui tota posita). Cette réconciliation qui définit le bios synthetos, la vie mixte (qu'incarne par ailleurs pour Cicéron la figure de Varron ou celle de Démétrios de Phalére), prend ses racines non seulement chez Platon et Aristote, mais également chez Panétius de Rhodes puis Antiochus d'Ascalon, qui enrichit la conception du Portique en considérant que la pensée théorétique peut constituer une forme d'action?*', Les causes profondes qui sont à l'origine de cette nouvelle facon qu'a Cicéron de concevoir les modes de vie sont expliquées dans les deux lettres à Lentulus Spinther, écrites en 55 et 54 (Fam., 1, 8 ; 1, 9). Ces

deux lettres montrent de maniére trés nette la conjoncture suscitant une forme de désenchantement politique, lorsque Cicéron découvre que les conditions ne lui permettent plus d'exercer son auctoritas d'homme d'État éclairé?* : i] n'a plus comme choix que d'appliquer les volontés de Pompée. Obligé de renoncer à la dignitas dans une société déchirée qui a perdu son otium elle aussi, il manifeste le désir de la retraite studieuse, non comme « capitulation, mais comme retraite stratégique"? » : la politique active libere soudain du temps pour prendre au sérieux la poursuite d'une ceuvre littéraire qui apaise l'orgueil blessé et l'amertume de l'échec. Cicéron cependant garde alors toujours fermement ancrée en lui l'idée que la culture et la science doivent se tenir au service d'un projet politique. Ce n'est qu'à partir de 46 que l'expression otium honestum apparait explicitement sous la plume de Cicéron"* comme véritable profession de repli lettré fondée sur un apolitisme total,et renforcée par la transition spatiale et l'isolement géographique dans la ville de Tusculum oà Cicéron a aménagé son Académie, sous le signe de l'Hermathéna. L'occurrence de Fam., s, 21, 1, adressée à Lucius Mescinius, constitue une exception", dans la mesure oü, véritable équivalent du cum dignitate otium, la formule est présentée comme une véritable attitude politique, de retrait, certes, mais dont l'efficacité est considérable. Dans les autres occurrences, Cicéron constate

77 J. P. V. D. Balsdon, « Auctoritas, dignitas, otium », p. 49 : « Freedom from disturbance (otium), and respect for the government and its

members, who themselves deserve respect. [... ] A peaceful and contented populace, a responsible, effective, and respected governement - that

was 7??? ?3? ?*'

otiosa dignitas, cum dignitate otium ». P, Boyancé, « Cicéron et la vie contemplative », p.133. Voir E, Andreoni Fontecedro, Il dibattito su vita et cultura nel De Republica di Cicerone, Rome, 1981, p. 88-91. R. Müller, « BIOS THEORETIKOS bei Antiochos con Askalon und Cicero », Helikon, t. 8, 1968, p. 223-237. Voir les nuances apportées à

cette thése, ainsi que l'exposé trés clair et la bibliographie de S. Luciani, Temps et éternité, p. 79-87.

75: CIC,, Fam., 1, 8, 3 : Quae enim proposita fuerat nobis, cum et honoribus amplissimis et laboribus maximis perfuncti essemus, dignitas in sententiis

dicendis, libertas in re publica capessenda, ea sublata totast, nec mihi magis quam omnibus. ?3 J.-M. André, L'otium, p. 306. Voir la conclusion trés éclairante de S. Luciani, Temps et éternité, p. 94: « La théorie de la uita composita,

congue sous la forme d'une succession ou d'une alternance dans le temps, apporte en outre une réponse provisoirement satisfaisante au

probléme de la retraite forcée en nuancant l'opposition entre temps individuel et temps collectif. Dés lors, l'otium ne correspond plus seulement au temps que le priuatus dérobe à la cité : c'est le temps que le priuatus choisi de mettre sous une autre forme, au service de la cité ». 7! Voir Fam., 4, 4,4; 7, 33,2; 46, 1,11; 0ff, 2,453, 3%5 Voir Ch. Wirzubski, « Cicero's cum dignitate otium », p. 8.

750

sert aussi de consolation

personnelle,

consiste précisément

à doter la « cité fangeuse

de Romulus » d'une

Qu'indique la substitution de l'otium honestum au cum dignitate otium dans le texte emblématique ? Elle permet tout d'abord de «fusionner» des intertextes qui n'appartiennent pas au méme cadre chronologique et intellectuel, et d'anticiper sur le devenir de la pensée cicéronienne à l'aide méme de Cicéron: le texte de l'embléme rassemble ainsi la métaphore de la navigation et du port (trés utile visuellement comme support allégorique), qui appartient à une lettre de l'année 54 et ne se congoit que dans le cadre d'une prééminence du politique, avec une formule qui ne sera utilisée dans la correspondance qu'à partir de 46, afin de désigner un renoncement à l'action politique comme telle au profit de l'activité littéraire et pédagogique concue comme moyen spécifique du rayonnement social. Or ce basculement épouse parfaitement les ruptures qu'on peut déceler dans les biographies de Bocchi et d'Amaseo (l'embléme respecte la présence d'un nos englobant, comme dans l'original cicéronien).

Les deux hommes ont en effet tous deux été occupés par des fonctions politiques : Bocchi a été membre des Anziani en

1526 et 1530, et Amaseo

secrétaire du Sénat en 1531. Mais en 1544, moment

probable de la

rédaction de l'embléme, les deux personnages semblent se retirer nettement de la vie publique bolonaise. Amaseo délaisse Bologne pour Rome oü il va poursuivre son paideutikos bios, en s'occupant de l'éducation d'Alexandre Farnése et de ses cours à la Sapienza. Bocchi prépare la rénovation de son ancienne demeure via Goito 16 (qui ne débutera cependant qu'en 1546), siege de la future Académie et met à profit sa dispense de

cours universitaires pour rédiger son Historia Bononiensis (qui doit couvrir l'histoire bolonaise jusqu'à l'époque contemporaine de Bocchi) et poursuivre la composition de son recueil d'emblémes. La dispense de cours qu'il réclamait en 1535 au Sénat lui avait apparemment été accordée en 1536, mais seulement pour un an, gràce à

l'intervention de Guido Ascanio Sforza, le neveu de Paul III, qui est alors légat pontifical à Bologne, et dont

Bocchi se fait le secrétaire???. Or la lettre autographe à Romolo Amaseo du 28 janvier 1549, dont nous avons cité un extrait supra, semble affirmer qu'en 1549, Bocchi a enfin obtenu la dispense tant attendue, et qu'il demande

visiblement depuis 15477?!. Mais une astreinte à poursuivre un enseignement privé avait été posée à Bocchi

comme condition à la dispense de cours publics par les Riformatori dello Studio et l'Assunteria^^. Il y avait là un

"5! Voir le proemium du Brutus qui date de 47: [... ] tanquam in portum confugere deberat non inertiae neque desidiae, sed oti moderati atque honesti [ ... ].

?5' Voir par ex. Fam. 9, 3, 2.5 9, 16, 7 ; 9, 18, 1. Sur l'importance de l'enseignement qui permet de dépasser l'opposition contemplatio et actio, voir Off., 1,153; 156-157 et les analyses de S. Luciani, Temps et éternité, p. 91-94. 335 Voir Fam., 9, 2, 5 : [...] at in litteris et libris, ut doctissimi ueteres fecerunt, gnauare rem publicam et de moribus ac legibus quaerere. ?9 Voir Cic. Nat. deor., 1, 7-8 ; Diu., 2, 1-4. Sur la formule philosophiam pro reipublicae procuratione, voir M. Ledentu, Studium

Recherches sur les statuts de l'écrivain et de l'écriture Temps

et

éternité,

p.91

attire

l'attention.

Voir

scribendi.

à Rome à la fin de la République, Louvain/Paris, 2004, p. 302, étude sur laquelle S. Luciani,

également

P. Boyancé,

« Les

méthodes

de

l'histoire

littéraire.

Cicéron

et

son

caeuvre

Off. 2, 4; Tusc., 1, 15 2, 15 Nat. philosophique », Revue des Études Latines, 14, 1936, p. 288-309. Surle rapprochement des déclarations de Cic.,

1992, p. 122. deor., 1, 4, 7 ; Diu, 1, 11, voir C. Lévy, Cicero Academicus, Recherches sur les Académiques et sur la philosophie cicéronienne, Rome,

99) Voir G. Raveira-Aira, « Achille Bocchi e la sua Historia Bononiensis », p. 67, qui cite l'Archivio di Stato di Bologna, Partitorum, Decreto 2710-1536.

controuersia frui pro meo iure 7? D 145 inf, f 6v^ : ea spe confirmatus tantisper dum uacationis mihi iamdudum facta gratia, iubente Maximo, sine

liceat. L'adverbe iamdudum est ici trés ambigu : il signifie « depuis longtemps », mais aussi « sans délai », « immédiatement ». Sur cette uacatio, évoqué aux f. 8v, 22v et 31v, voir notre introduction.

??! Voir A. Rotondó « Bocchi, Achille » in DBI, t. XI, 1969, qui indique de maniére erronée la date de 1526 pour la légation bolonaise de Guido Ascanio Sforza. Les Riformatori dello Studio, émanation des Anziami Consoli del Commune depuis 13576, sont un corps de trois à neufs

d un magistrats nommés pour servir d'intermédiaire administratif entre les instances de gouvernement et l'Université. Serintpourvas chaires des suppression la de ou création la de décident doctorat, ils siégent dans les hautes instances politiques, oü ils représentent l'Université,

Professorales, discutent de la nomination des candidats sur ces chaires ou du salaire à accorder. À Bologne toutefois, à partir de 1520, cette

a

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

véritable enjeu patriotique qui permettait effectivement, tout en se retirant des affaires et de l'enseignement public, de conserver un otium cum dignitate (méme si ce travail historique et l'obligation de dispenser des cours

Bocchi nous apprend dans cette seconde l'édification de son académie, subsides qui promet, méme en cas de succés, de ne probablement la rédaction de l'Histoire de

privés apparaissent à Bochi comme une corvée, un pistrinum, voir infra). Quant au projet de l'Académie, soutenu

par la rédaction conjointe du recueil emblématique qui en nourrit les discussions, c'est clairement un otium honestum ou litteratum mis au service des amis. Toutefois, la mesure oü cette Académie, financée par le pape et le cardinal Farnése, s'illustrera de la présence de cardinaux, de prélats de moindre rang et d'humanistes souvent éminents, elle assurera une forme de rayonnement intellectuel et politique à la cité-patrie. L'otium permet donc toujours de conserver une forme d'auctoritas et de dignitas. On voit bien l'ambiguité et la difficulté de distinguer véritablement les deux formules. La suite de la lettre autographe de Bocchi à Amaseo, citée un peu plus haut dans notre développement (28

partie qu'il est toujours en quéte auprés du pape de subsides pour constitueraient la juste rétribution de son labeur (minerual). Mais il pas abandonner son pistrinum, sa tàche au moulin, qui désigne Bologne ou l'obligation de donner des cours privés. Cette activité est

justement ce qui va lui servir à édifier la route (uiam munire) vers l'otium cum dignitate, en vieux soldat des lettres et de l'enseignement qu'il est, avec Amaseo (militares) : c'est le moyen de s'"attirer la reconnaissance de sa patrie et de son protecteur papal. Comme pour Cicéron, ce retrait des affaires politiques n'est pas totalement volontaire, mais résulte d'une mise à l'écart (cf. CIC., Off. 3, 3 : necessitas, non uoluntas). Il avoue en effet, aussitót

aprés, que sa candidature au Sénat, visiblement appuyée par Amaseo et par le gouvern eur de Bologne, a échoué suite aux manceuvres de ses rivaux et qu'il ne tentera plus rien : l'échec se traduit par la métaphore de la navigation et de l'esquif heurtant un récif. L'otium cum dignitate est ici, comme l'otium honestum, à la fois une retraite forcée et un repli stratégique face à une carriére politique qui ne suit pas son cours normal, mais surtout une autre maniére de se lancer dans l'action, d'accomplir un devoir social et une táche utile pour autrui par

janvier 1549, f° 6v?-7r^) va nous permettre de conforter les résultats de cette enquéte lexicale, bien qu'elle soit

bien postérieure à notre embléme. Dans l'extrait évoqué supra, on remarquera que les termes Lycio nostro servent à désigner l'académie bocchienne en termes aristotéliciens, variante de la formule platonicocicéronienne. Mais on note également que, comme chez Cicéron, la question de l'otium (quieti nostrae), c'est-à-

l'entremise de la rédaction d'ouvrages littéraires, en particulier historiques.

dire la dispense de cours, conjointe au retrait dans les murs de l'Académie et à la rédaction d'ouvrages littéraires, n'est pas incompatible, loin s'en faut, avec les intéréts de la patrie et ceux des amis (patriae amicorámque

commodis), qu'elle sert explicitement. Le terme nauare rappelle d'ailleurs la formule de Cicéron (Fam., 9, 2, 5 : in

litteris et libris... gnauare rem publicam). Or la suite immédiate de la lettre apporte quelques précisions sur l'otium cum dignitate :

Gravure :

L'ART DES ORATEURS A TROIS POUVOIRS 3 IL ÉMEUT, SÉDUIT, INSTRUIT, MAIS TOUTE-PUISSANTE EST LA VÉRITÉ INSPIRÉE PAR DIEU

O ciues, ciues, quaerenda pecunia primum est, hac praesertim tempesrate qua haud facilé emergunt inopes à bonis Fortunae, quanuis boni sint ipsi. Si minerual aliquod honestum consequar opera tua, laborem pistrini minimé defugiam, ea spe confirmatus tantisper dum uacationis mihi iamdudum facta gratia, iubente Maximo, sine controuersia frui pro meo iure liceat. Sed prius illud curandum est, sine quo uiam militares ad otium cum dignitate munire non possumus. Nam de latoclauo spes nuper abs te proposito fauore principali redintegrata, nunc uerà propter competi|torum [£^ 71^]

C'EST AINSI QUE LA PRUDENCE DOMPTE LES MONSTRES QUE SONT LES VICES

turbam extenuata, uel potius praecisa, nihil habeo dicere, ne incertum petens, in aliquem repulsae scopulum malé cautus impingam. Sentio plus satis in quo iam cursu sint omnia.

À GIOVANNI BATTISTA CAMOZZI

Ah, mes chers concitoyens, il faut commencer par chercher des subsides, surtout à notre époque oii ceux qui sont

Tu me pries d'éclaircir le symbole de la Chimére, Età bon droit ; car la Muse du plus grand des poétes

privés des biens de la Fortune ont du mal à sortir la téte hors de l'eau, tout hommes de bien qu'ils soient euxmémes. Si j'obtenais, gráce à ton aide, quelque honnéte récompense de mon travail"? je n'abandonnerais pas ma

táche au moulin??', conforté par cet espoir aussi longtemps qu'il me sera donné de bénéficier de plein droit et sans contestation de la dispense gracieuse qui m'a été accordée depuis longtemps, sur l'ordre du pape. Mais il nous faut d'abord nous occuper de ce sans quoi, nous les soldats, nous ne pouvons pas construire la route qui nous conduit au « repos pourvu d'honneur ». Car l'espoir du laticlave??* dont tu avais fait la proposition s'était trouvé appuyé par l'accord du gouverneur : mais maintenant qu'il est anéanti par la foule de mes rivaux, ou plutót qu'on me l'a coupé sous le nez, je n'ai rien à dire, de peur qu'en cherchant à atteindre un but incertain, je n aille

me heurter, pris par surprise, contre l'écueil de l'échec.Je sens bien davantage quel cours suit toute l'affaire.

magistrature est complétée voire distancée par l'Assunteria, un corps désigné de quatre membres du Sénat, qui décident des recrutements et des

salaires. Voir P. F. Grendler, The Universities of the Italian Renaissance, Baltimore/ Londres, 2005, p. 20 et 157 et G. P. Brizzi, « Lo Studio di Bologna fra orbis academicus e mondo cittadino » in A. Prosperi (dir.), Bologna nell'età moderna (secoli xvi-xva), (Storia di Bologna, t. 11/2) : Cultura, istituzioni culturali, chiesa e vita religiosa), Bologne, 2008, P. 5-115, ici p. 44-45. 293 Minerual, alis, n] cf. VAR., R., 3, 2, 18 : cadeau offert par les étudiants à leur maitre en remerciement pour l'instruction donnée. A204 3T s'agit de la rédaction de l' Historia Bononiensis, comme le montre cet extrait de la lettre de Bocchi à Amaseo datée du 3

mai 1547 (Milan, Bibl. ambr., ms D 145 inf, @° 48r") : Mihi alioqui longissima texenda fuisset historia, quae me ineptum pro accurato potuisset arguere. [ ... ] Plura non scribo, quia uocor ad pistrinum, in quod dura necessitas à prima iuuentute me dedidit usque ad necem. Di meliora. Voir également la lettre du 21 novembre 1547 (f 39r") : Si ualetis, ut cupimus, apud nos est, ut uolumus. Ceterum quid memorem causam diuturno silentio nostro dedisse pistrinum, quod uersare die noctíque magna cum animi mei molestia cogor. % C'est-à-dire d'un poste de sénateur, qui, à Rome, portait la tunique à larges bandes pourpres.

752

——Mue—

Symb. 137

N'a jamais concu d'ineptie. Mais peut-étre serai-je

$

Le porc inepte qui, dit-on, en remontre à Minerve ; Sicela m'est permis, je t'obéirai toutefois.

Certains pensent que là nous sont montrées les trois parties

Sur lesquelles s'appuie tout l'art précieux des orateurs, Soit qu'ils plaident sur le forum et dans les tribunaux, Soit qu'ils s'entraínent à la tribune ou à la curie. 10 Lelion au poil dressé vaut pour le genre judiciaire, Car il terrifie l'ennemi, lui arrachant la langue. La chévre (ou « Chimére » proprement dite) se fait signe Del'éloge qu'on applaudit : avec plus d'enjouement, L'orateur s'amuse en parlant et l'auditeur s'amuse

15

Enécoutant. Le genre du débat ressemble en tous points

Au serpent bigarré qui s'enroule en souples anneaux. Les poétes chantent qu'Echidna, la mre du monstre, « Incarnait l'esprit bigarré et ses aspects multiples » ; Elle représentait la puissance de l'àme vive, 20 Trés variée et multiforme : rien n'est plus puissant qu'elle.

C'est de là que provient, dit-on, l'audace artificieuse

753

M

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Des mortels se ruant vers le sacrilége interdit,

25

Vomissant des éclairs par la bouche et reproduisant Tout à la fois le tonnerre du trés grand Jupiter Etles plaisirs de l'habile créatrice du monde.

Bocchi n'est pas l'inventeur de ce rapprochement, qu'il a déjà lu dans les Lectiones antiquae (13, 9) de Caelius

Rhodiginus^"' et dont il paraphrase de trés prés l'exposé (voir le texte latin dans l'apparat des sources) :

Nous nous référons aux commentateurs récents de la Théogonie d'Hésiode. [... ] La plupart des éléments se sont révélés étre, à nos yeux, dignes d'étre portés à la connaissance. Voici ce que nous avons noté. Dans un sens

allégorique, la Chimére signifie les trois genres de la rhétorique, le genre judiciaire, le genre du panégyriqu e ou démonstratif, le genre symbouleutique ou délibératif. Il est établi que le lion incarne le genre judiciaire parce qu'il terrifie et arrache la langue en quelque sorte à ceux qui plaident la cause adverse. Quant à la chimére, c'est-à-dire la chévre, elle veille sur le genre du panégyrique car elle délecte avec plus d'intensité à la fois celui qui parle et celui qui écoute. Le genre délibératif revient au serpent [ou dragon], dit-on, parce qu'il est varié entre tous et plein de surprises, c'est-à-dire de multiples métamorphoses, et utilise, pour persuader, un développement du discours plus

MÉTRIQUE Trimétres iambiques. NorEs

- ded. carm. : IOANNI BAPTISTAE CAMOTEO]

Sur ce personnage, voir la notice p. 22 et le Symb. 134. La

dédicace, par Bocchi, d'un embléme sur la rhétorique à Camozzi pourrait se situer entre 1549 et 1550, date à

conséquent. Hésiode déclare que la mére du monstre est Echidna, dont la signification n'est autre que la puissance

laquelle Camozzi est encore à Bologne et exerce précisément le róle de maitre de rhétorique"?*.

-v.1: enucleari] Le terme signifie libérer l'amande d'un fruit de l'écorce qui l'entoure. C'est une image traditionnelle de l'exégése allégorique. - v. 17 : Matrem...

monstri Echidnam ] Echidna, fille de Callirhoé, mi-femme, mi-serpent, vivait sous la terre dans

une grotte et se repaissait de chair humaine. Elle s'était unie à Typhon et ils avaient engendré, outre la Chimére,

toute une série de monstres, tels Orthos (le chien de Géryon), l'Hydre de Lerne ou Cerbere ; cf. HES., Theog., 306-308, 319 ; HYG,, Fab., 151, 1: Ex Tiphone Gigante et Echidna [ ...] Chimaera in Lycia quae priorem partem

leonis figuram, posteriorem draconis habebat, media ipsa Chimaera.

ANALYSE

1. Chimére et rhétorique : les vertus du nombre 3

L'embléme se propose de faire l'exégése allégorique (enucleari) de la figure monstrueuse de la Chimeére, fille d'Echidna et de Typhon, qui crachait du feu et fut tuée par Bellérophon, monté sur Pégase?*", Dés le titulus de la gravure, l'embléme s'ouvre par le nombre trois : la rhétorique est dite triplex, ses fonctions sont au nombre de

trois, mouere, iuuare, docere. Ce schéma se répéte dans l'épigramme avec la description de la Chimére comme un

bigarrée et multiforme de l'esprit, plus ample et sinueuse, c'est-à-dire un art qui s'enroule selon de multiples replis, semblable à la chimére qui vomit des globes de feu.

Le titulus de la gravure accole l'épithéte triplex à la rhétorique, en rappelant ses trois objectifs sous la forme de

trois verbes : mouere, iuuare, docere. Bocchi invite tout naturellement à effectuer des correspondances terme à terme entre les genres et leurs objectifs. Le genre judiciaire, décidant du vrai et du faux, porte son effort sur

l'instruction des faits et reléve davantage du docere. Le genre épidictique se fonde sur les critéres moraux du beau et du bien et son effet principal sera de susciter la sympathie par l'art du iuuare. Le genre délibératif veut emporter l'adhésion et s'appuiera sur le mouere. Or il semblerait nécessaire de surimposer à la distinction des genres et des objectif une troisiéme donnée, celle des styles : le genus subtile se met au service du docere et triomphe dans le genre judiciaire; le genus medium sert le iuuare, caractéristique du genre laudatif; le genus

grande vise au mouere, en particulier dans le genre délibératif^???, S'affranchissant de la source rhodiginienne, l'emblématiste illustre cette théorie des styles en la mettant en ceuvre directement dans l'écriture méme du poéme, à l'aide d'images et de formules appropriées. 2. De la théorie à la pratique : les trois styles, leurs images et leur mise en mots

monstre à trois composantes, lion ou lionne, chévre et serpent^??*. Les trois animaux sont associés aux trois genres de discours, le judiciaire (Forense enim horridus leo notat genus, v. 10), l'épidictique (Sed capra, id est chimera ipsa, obtinet typum/ Plausibilis laudationis, v. 11-12) et le délibératif (At quod consulit, draconis est, v. 15)???9, ainsi qu'aux trois types d'assemblées, judiciaires, civiles, politiques, qui peuvent donner lieu à une prise de parole en public (Siue in foro ac subsellis causas agant/ Siue meditentur rostra, siue curiam, v. 8-9, d'aprés CIC., De Orat. 1, 32 )?.

Ainsi, le genre judiciaire est incarné par le lion qui lui donne ses caractéristiques et se place sous le signe de la

?*5 Voir U. Dallari (éd.), I rotuli dei lettori legisti e artisti dello studio bolognese, Bologne, 1889, t. II, p. 120. ?*' Sur ce monstre, voir E. Bethe, « Chimaira » dans RE, t. IIl-2, 1899, col. 2281-2281 ; A. Roes, « The Representation of the Chimaera, Journal of Hellenistic Studies, $4, 1934, 21-25 et « The Origin of the Chimaera », Studies presented to David M. Robinson, t. II, St Louis, Mo., 1953, P. 1155-1163 ; P. Amandry, « Pyrpnoos Chimaira », Revue archéologique, 1948, p. 1-11 ; F. J. Tritsch, « The Myth of the Chimaera », dans Actes du premier congrés international d'études classiques, Paris, 1951, p. 279-280 ; M. L. Schmitt, « Bellerophon and the Chimaera in Archaic Greek Art », American Journal of Archeology, 70, 1966, P. 341-347 ; A. Jacquemin, « Chimaira », LIMC, t. III-1, 1986, p. 249-259. ?5* Homére insistait sur la partition en trois du monstre, à l'avant lion, au milieu chévre, à l'arriére serpent, et Hésiode, sur ses trois tétes, l'une de lion, la seconde de chévre, la troisieme de serpent (voir apparat des sources). Euripide dans l'Ion, 201 emploie l'adjectif tpiowpatog et

ou un personnage en s'appuyant sur les critéres du beau et du laid, du bien et du mal pour construire un éloge ou un blàme dont la valeur tend à étre intemporelle, 201 Voir aussi l'interprétation trés proche de VALERIANO, Hieroglyphica, I, Leo, p. 16b, Tres oratoriae partes (voir apparat des sources pour le

comprendre l'esprit bigarré et multiforme car l'intelligence est exercée dans des disciplines multiples et variées ». Nous n'avons pas retrouvé ce rapprochement dans les scholies d'Hésiode ni chez Grégoire de Nazianze.

souligne aussi les deux aspects, à la fois triparition (cf. LVCR., s, 904-905 : triplici cum corpore / prima leo, postrema draco, media ipsa, Chimaera ; HOR., Carm, 1, 27-22-25 : uix illigatum te triformi/ Pegasus expediet Chimaera) mais aussi monstre tricéphale (cf. HvG., Fab., 57 : tripartito ore ;

flectat. Probare necessitatis est, delectare suauitatis, flectere uictorig. Sed quot officia oratoris, tot sunt genera dicendi, subtile in probando, modicum in delectando, uehemens in flectendo, in quo uno uis omnis oratio est, « Donc sera éloquent l'homme qui, au Forum et dans les causes civiles, parlera

Apollodore, 2, 5, 1, explique que la Chimére a en elle la puissance de trois animaux (uía yàp qóctc vpióv 6npícv elxe 8óvapuv). La tradition latine 151, voir apparat des sources). Sur les problémes de représentation, voir infra.

?*? Sur |a division de la rhétorique en trois genres, voir AR., Rhet., 3, 3-4 ; QVINT., Inst. or., 3, 6 et 12-14 ; Her., 1,2. ?3 Voir M. Patillon, Élements de rhétorique classique, Paris, 1990, p. 10. La classification en genres se fait en fonction du temps envisagé dans le discours (présent, passé, futur ou intemporel), du lieu oà il est prononcé, des critéres qu'il se propose de prendre en compte : dans les tribunaux

ou assemblées érigées en tribunaux, on juge d'événements passés et le but est de faire la part entre le juste et l'injuste, le vrai et le faux pour défendre ou accuser un prévenu. Dans les assemblées politiques, on délibére sur les événements futurs de la vie de la Cité en distinguant l'opportun de l'inopportun, l'utile de l'inutile pour accepter ou refuser une proposition. Dans les assemblées civiles, on célébre un événement

754

lutte : il inspire la terreur (horridus, exterret) et il domine son adversaire (aduersarius) en lui arrachant la langue

(elinguat). Valeriano rappelle que le lion, dominator, est associé au terror, au furor et à la ferocitas??, Or horridus est aussi un adjectif fréquemment employé, en rhétorique, pour désigner un style ápre et plein d'aspérités, qui n'a pas connu la lime?*, de méme que elinguat peut s'entendre au sens de réduire au silence, couper la parole.

texte latin) : « Grégoire de Nazianze ainsi qu'un commentateur d'Hésiode, entendent par l'intermédiaire de la Chimére les trois genres de la rhétorique : le judiciaire, signifié par le lion, du fait de la terreur qu'il suscite ; le démonstratif, signifié par la chévre, parce que, dans ce genre, le discours a tendance la plupart du temps à délecter ; et enfin le délibératif, signifié par le serpent, à cause de la variété des arguments, les détours et méandres plus amples dont on a besoin pour persuader. La mére du monstre, Échidna, est évoquée par Hésiode. Par elle, on tend à

59? Cette répartition est déjà signalée par CIC., Orat., 69 : Erit igitur eloquens [ ... ] is qui in foro causisque ciuilibus ita dicet ut probet, ut delectet, ut

de maniére à prouver, à charmer, à fléchir. Prouver reléve de la nécessité, charmer, du plaisir, fléchir, de la victoire. [ ... ] Mis autant de devoirs de l'orateur, autant de genres de style : précis pour prouver, modéré pour charmer, véhément quand on veut fléchir, car c'est seulement dans ce

domaine que réside tout le pouvoir de l'orateur. »

e VALERIANO, Hieroglyphica, 1, p. 4d : terrificus ; p. 4£: dominator; p. sc: homo qui uel suam uel alienam ferocitatem edomuit ; p. 6£ : furor indomitus.

iaa i (o Orat., 20 : le groupe aspera, tristi, horrida oratione neque perfecta atque conclusa « en une phrase rude, sévére, hirsute » est opposé au groupe leui et structa et terminata « en une phrase lisse, construite, terminée ».

755

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Le trait essentiel du genus

subtile ou mediocre

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

est, précisément,

une

économie

d'ornements

au profit d'une

efficacité sans faille, piquante et rapide. Ce style est dépouillé et clair, comme la vérité des arguments que le discours se propose de démontrer et qui réduit les opposants au silence^*. Le vocabulaire bocchien insiste sur cette primauté de l'efficacité et de la breuitas, au moyen d'une phrase courte, construite autour de deux

propositions coordonnées par nam", avec deux verbes d'action dans le second noyau. Le genus subtile est attentif à la précision?* et on peut noter chez Bocchi la subtile opposition entre les deux préfixes ex-, l'un ayant la valeur d'un intensif (exterret), l'autre, d'un privatif (elinguat). Le genre laudatif est symbolisé par la chévre et placé sous le signe de la delectatio : laetius, lasciuit???. Cette

notion de plaisir est caractéristique du genus medium, qui se signale par l'abondance de ses images et de ses métaphores,

car le plaisir nait, en effet, de la vision du gracieux. C'est un style spectaculaire

(plausibilis),

généreux en effets « visuels » : son objectif est de donner à voir, ante oculos ponere, par l'intermédiaire d'une figure importante, l'hypotypose, dont le critére essentiel est l'enargeia, c'est-à-dire le pouvoir de donner à une

description, ou une évocation, l'éclat de la réalité, mais aussi l'illusion de la vie et de l'animation. Ce style fait

appel aux pouvoirs de la phantasia, l'imagination, qui permet à l'orateur de communiquer les visions qu'il se figure mentalement*?!°. Le texte de Bocchi insiste sur l'aspect quasi organique des sens, avec des termes comme ore ou auribus. Ce qui unit le principe actif de la parole (ore) au principe passif de l'écoute (auribus), c'est implicitement le principe de plaisir (lasciuit) engendré par l'image et l'imagination, comme faculté de représentation. La sympathie, c'est-à-dire l'identité des émotions qui unit l'orateur à son auditoire, est essentielle?'', car elle est garante du pouvoir d'illusion : pour marquer cette parenté entre auditeur et orateur, Bocchi met le verbe lasciuit en facteur commun et exprime la comparaison entre orator et auditor par ut aux vers 14-15. Le texte bocchien lui-méme est soucieux de l'harmonie phonétique et repose aussi sur un phénoméne d'échos, entre or-at-or et or-e, d'une part, au-ribus et au-dit-or d'autre part. De plus Bocchi fait ici usage d'un

trope que Cicéron souligne comme caractéristique du genus medium, la mutatio", ore pour dicendo/dictu et auribus pour audiendo/auditu. Le but recherché est de faire sensitif à la place de la sensation, plus abstraite. La description méme de la Chimére de l'hypotypose et les figures d'animaux nous donnent à voir ou à entendre de discours.

c'est-à-dire la métonymie : image et d'évoquer l'organe par Bocchi joue amplement facon imagée les effets du

Le genre délibératif se place sous l'égide du serpent. Il s'appuie sur le genus grande, car son but est d'emporter

l'adhésion en bouleversant les esprits?" Par un paradoxe tout à fait volontaire, Bocchi s'amuse ici à associer au style « sublime » de la rhétorique paienne, lié à l'idée d'élévation et de hauteur, le serpent qui rampe, animal chtonien par excellence. Pour Cicéron, le grand style marque le régne de l'ornatus et de la copia ou ubertas. Bocchi rappelle que la période y est essentielle en comparant, implicitement, les membres de la phrase aux replis souples du serpent (flexuosi, anfractibus). La uarietas (uarii, uariam) ne va pas sans quelque ruse ni duplicité et, par l'image monstrueuse du serpent qui change de couleur et de forme (Iowiov, xoAvetSi/multiform em), Bocchi rend compte du pouvoir invincible (qua nihil potentius) de cette éloquence, qui sait autant user de la force que d'une démarche insidieuse?'*. Le genus grande fait appel à la faculté supérieure de l'áme, le voc grec, rendu en latin par Mers, qui, chez Bocchi, s'oppose à Ratio, comme la contemplation à l'action (voir le

Symb. 151). Or cette faculté ne reléve pas du domaine de l'humain, mais se fait sous l'emprise d'une divinité, qui

est libre d'envoyer ou non des inspirations ou des songes. Les derniers vers du texte procédent, explicitement, à une dénonciation des dangers qui guettent l'orateur maladroit et trop ambitieux dans le grand style. La tentation qui menace l'homme, dans le style sublime, est de pécher par hybris, par audacia, dit Bocchi. Cette faute grave, qui offense la religion (uetitum nefas), consiste à se prendre pour la divinité elle-méme. L'image employée par Bocchi (Vomentium ore fulgura et tonitrua/ Imitantium Iouis supremi) fait directement référence à une métaphore célébre appliquée à Périclés et à son emploi du grand style, image qui fait l'objet du Symb. 94. Mais la Chimére vomissant le feu est tout entiére une incarnation du grand style, comme le rappelle Horace qui loue en Pindare celui qui pourrait éteindre les flammes de la Chimére (Carm., 4, 2, 15-16). Cicéron dénonce les conséquences

néfastes qu'il y a à abuser de ce style, ou à l'employer inconsidérément??5,

Cette critique explicite nous permet de saisir, au terme de l'embléme, que Bocchi ne se contente pas de dresser ici un tableau des caractéristiques rhétoriques attachées à chaque style. En fait, chaque partie de la Chimére est connotée négativement et l'emblématiste dénonce les excés condamnables dans lesquels peuvent sombrer les trois styles : le style simple peut pécher par aridité, manque de poli (horridus) et de civilité (elinguat). Le style

moyen peut s'égarer dans l'indolence, la licence (lasciuia) et le mauvais goüt, en voulant cultiver excessivement le plaisir. Le style sublime s'égare parfois dans l'emphase, la démesure et dans une ampleur qui, loin de l'éléver,

ne fait que l'alourdir et l'empétrer dans ses replis multiples.

3. La rhétorique de la gráce : du texte à la gravure Pour prévenir ces égarements, seule une rhétorique illuminée par la gráce et la vérité divine peut prétendre à l'efficacité. En renvoyant au Symb. 94 où Périclés lance les flammes et les éclairs de son éloquence, Bocchi nous

% CIC, Orat., 79-80 : Dilucide planeque dicetur [ ... ] unum aberit, quod quartum numerat Theophrastus in orationis laudibus, ornatum illud suaue et affluens [ ... ]. Acutae crebraeque sententiae ponetur [ ... ]. Verecundus erit usus oratoria quasi suppellectis, « L'expression sera claire et nette [ ... ] Il ne manquera qu'une chose, la quatriéme de l'énumération faite par Théophraste dans les mérites du style, l'ornementation suave et abondante. On multipliera les traits piquants [...] et on fera un usage prudent de ce que l'on nomme les accessoires du style. » Cette efficacité du style simple est rapprochée par Cicéron de la vigueur d'un organisme sain en pleine possession de ses forces (Orat., 76 : integra ualetudine). ?"* [bid., 89 : tantummodo aduersarios figet: « [dans le Style simple] l'orateur se contentera de transpercer ses adversaires ». 7?" Cicéron insiste sur la briéveté des phrases (Orat., 78 : contracta et minuta : « des phrases resserrées et hachées ») et rappelle que la liaison des mots et des propositions (conglutínatio) doit donner l'illusion de la négligence et de la liberté dans un esprit de negligentia diligens (Orat., 77-

rappelle également le précepte augustinien qui en portait l'argumentation. Il y fait référence à travers le titulus de la gravure : ars rhetorum triplex [... ] sed praepotens et ueritas diuinitus. Dans le De doctrina Christiana, en effet, Augustin cite un propos de Cicéron pour montrer que, si l'orateur chrétien a le droit de se servir des armes paiennes pour combattre les ennemis de la religion, il ne doit pas oublier que les exigences formelles et Passionnelles de la rhétorique doivent étre mises au service de la révélation et de la gráce et donc parler davantage au cceur qu'à l'esprit?! Bocchi nous semble ici reprendre à son compte le mot d'Augustin pour son

78: Solutum quiddam sit nec uagum tamen, ut ingredi libere, non ut licenter uideatur errare : « Qu''il y ait un certain reláchement, qui ne soit pas

pourtant du laisser-aller, de facon à sembler avancer librement mais non se perdre capricieusement, » ), car, de méme que pour les femmes, il

faut éviter les parures trop voyantes ». ?* Ibid., 76 : Nam orationis subtilitas imitabilis illa quidem uidetur esse existimanti, sed nihil est experienti minus : « Car la précision de ce style parait imitable si l'on en juge, mais rien n'est moins vrai si l'on s'y essaie ».

2309 VALERIANO, Hieroglyphica, X, p. 72c, rappelle que la chévre est un animal in libidinem et procacitatem [... ] immodicum, « sans retenue dans le plaisir et la luxure ». Sur la connotation négative du terme lasciuire ou laetus en parlant du style, voir CiC., De Orat, 1, 81, pour qui ce style fleuri,

qui n'a pas connu l'épreuve du forum, sent l'école et le conventionnel. Chez QVINT., Insl., 10, 1, 88 et 93, le terme de lasciuus est appliqué à

Ovide et désigne un style efféminé, sans vigueur, faussement brillant, propre à servir une inspiration poétique moralement douteuse (voir aussi

9, 4,142 5 11, 1, 56; 12, 10, 73).

2? Voir OVINT., Inst., 6, 2, 28-30. H!! Pour Cicéron, on ne peut inspirer de passions par le discours qu'à la condition de les éprouver soi-méme. Voir CIC., De Orat., 2, 45 : ... sic

nulla mens est tam ad comprehendendam uim oratoris parata, quae possit incendi, nisi ipse inflammatu s ad eam et ardens accesserit. ?? CiC, ., Orat Orat., 92.

756

B5. Cic, Orat., 97 : Huius eloquentiae est tractare animos, huius omni modo permouere. « Il appartient à cette éloquence de remuer les cceurs, il lui appartient de les émouvoir de toutes les facons ».

“4 Ibid. : Haec modo perfringit, modo inrepit in sensus. « Cette éloquence se fraie un passage en nous tantót par la force, tantót en s'insinuant. »

Le terme méme employé par Cicéron, irrepo, évoque la reptation du serpent. Le personnage d'Ulysse incarne cette alliance entre la fraus et

l'éloquence toute-puissante. ?5 Ibid, 99 : Si is [7 orator] non praeparatis auribus inflammare rem coepit, furere apud sanos et quasi inter sobrios bacchari uinulentus uidetur, * L'orateur qui se met, sans avoir préparé son auditoire, à jeter feu et flamme, a l'air d'un fou devant des gens sains d'esprit et ressemble à l'homme ivre déchainé au milieu des personnes qui n'ont pas bu. »

?'* Av. Docir. Christ, 4, 12, 28 (trad. J. Martin, Corpus christianorum, series latina, 1962, vol. XXXII p. 135) : Dixit enim quidam eloquens, et uerum dixit, ita dicere debere eloquentem, ut doceat, ut delectet, ut flectat. Deinde addidit : docere necessitatis est, delectare suauitatis, flectere uictoriae, * Un homme plein d'éloquence a dit un jour - et a dit vrai - que l'homme plein d'éloquence doit s'exprimer de maniére à instruire, charmer,

subjuguer. Et il a ajouté que le fait d'instruire relevait de la nécessité, celui de charmer, de la douceur, celui de subjuguer, de la victoire ».

Tasme paraphrase abondamment ce passage d'Augustin au livre II de l' Ecclesiastes siue de contionandi ratione libri IV, Anvers, 1535. Pour une

787

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2



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Traduction, annotation, commentaire — Livre V

propre embléme : se nourrir, certes, des agréments de l'art antique et paien, s'en servir comme d'une enveloppe

part, son arme est l'épée. Cet instrument est moins celui de Bellérophon — habituellement armé d'une lance —

Méme si plusieurs sources de la Renaissance mentionnent une référence à Grégoire de Nazianze et au scholiaste d'Hésiode (cf. RHODIGINVS, Lectiones antiquae, 13, 9, et VALERIANO, Hier., 1, c. 16B), nous n'avons pu rattacher

Chimére, ce qui contribue à la confusion des deux héros et de leurs attributs. De plus, le caractére épée/lance joue aussi dans un registre chrétien : saint Georges est le plus souvent à cheval et porte tandis que l'archange Michel est généralement armé d'une épée. Enfin, le contexte, trés nettement défini par le poéme nous invite à considérer l'épée également dans son association au Verbe divin,

chamarrée, mais lui donner le lustre et l'éclat d'une vitalité intérieure inspirée de Dieu.

la séquence rapportée en grec par les humanistes à propos d'Echidna (IIotAov elvat voov te xoÀveióf, te) ni à Grégoire

ni au scholiaste. Toutefois, l'Apologetica de Grégoire

citation trés proche, pour chrétien pour s'adapter à visiblement à elle lorsqu'il composite et disparate, de

de Nazianze

(Orat.,

2, 44-45)

comporte

une

désigner la nature non de l'esprit, mais de la science nécessaire à l'évéque-orateur la disparité de ses ouailles. Or, sans prononcer le mot de Chimére, Grégoire pense reprend la métaphore de Platon afin de désigner l'Église sous les traits « d'un animal mille mceurs et de mille langages différents ». Grégoire se demande ce que doit faire

le rhéteur (xai ti àv &8et zoteiv xóv xotobvov Orpóc émotdtnY ;) qui veut dompter ou approvoiser (&yetv... xai

TiÜacorósv) cette « béte composée de plusieurs, aux multiples aspects et aux multiples formes (8npiov èx zov Onpicov cvyxeiuevov zoÀveibég kai xoAóuopoov) ». Et il propose justement au dompteur d'avoir une science aux multiples aspects et bigarrée (xi 8' do ye rj zoXveibr] xe elvat kal motx(Vov zi]v èmotijuny ;), qui lui permette d'étre un « tuteur qui soit simple dans sa rectitude générale et, en méme temps, aussi multiforme et changeant que possible (xai órt uáuora mavro8azóv xal zotk(iov), quand il s'agit de gagner chaque personne ainsi que d'approprier et d'adapter le langage qu'il tient à tout le monde?" ». Érasme ne dira pas autrement

que celui de Persée^^, dont l'arme traditionnelle est une courte épée, mais qui, lui aussi, se bat parfois contre la discrimant une lance, rhétorique, métaphore

paulinienne de la puissance et de l'efficacité de la parole divine (cf. VvLG., Hebr. 4, 12-13), ainsi que le rappelle

Valeriano :

Aliter

apud

Paulum,

penetrabilioremque^??,

cum

ait,

uiuum

esse

Dei

sermonem

et

efficacem

et

omni

gladio

ancipiti

acutiorem

L'épée, comme incarnation du verbe divin, devient ainsi l'instrument, par excellence, qui peut avoir raison de la

rhétorique paienne.

lorsqu'il invitera l'orateur chrétien, sur le modéle de saint Paul, à se transformer en poulpe, en caméléon, en

Protée ou en Vertumne (sic polypum ac chamaeleontem, sic Proteum ac Vertumnum quemdam^?'*) pour s'adapter à

son adversaire ou à son public. Il ne s'agit plus ici d'exterminer un monstre, mais de le dompter et de l'apprivoiser, en adaptant les armes à chacune des parties qu'il faut vaincre. On constatera toutefois que, si l'orateur chrétien n'est mentionné à aucun moment dans l'épigramme de l'embléme, il apparait toutefois clairement dans la gravure, sous les traits de Bellérophon, le héros qui, à l'aide de Pégase, a réduit à néant la Chimére.

La configuration générale de l'image emblématique s'inspire Renaissance (Fig. 1-27??), oà Bellérophon, armé d'une lance et combat à la lance contre la Chimére sur le sol, en dessous de lui??? Le héros de la gravure présente des éléments propres à orienter son ailes de Pégase enserrent son cavalier au point qu'il parait lui-méme

d'un type monétaire antique connu à la monté sur Pégase, livre depuis les airs un interprétation dans un sens chrétien???!, Les en étre muni, tel l'archange Michel. D'autre

analyse précise de ces emprunts, voir Ch. Béné, Érasme et saint Augustin, Genéve, 1969, p. 372-426 et M. Fumaroli, L'áge de l'Éloquence. Rhétorique et “ res litteraria ” de la Renaissance au seuil de l "époque classique, Genéve, 1994, p. 106-109. ?"' Grégoire de NAZIANZE, Discours 1-3, éd.J. Bernardi, Paris, 1978, p. 146-149 (trad. modifiée).

55 ÉRASME, Epistolae (LB, 7, col. 855-6) : Praesuli D. Erardo de Marca (s février 1519). Voir aussi Id., Adagia, 1, 1, 93, « Polypi mentem obtine » : Qui nos admonet, uti nos ad omnem uitae rationem accommodemus ac Proteum quendam agentes, prout res postulabit, in quamlibet formam transfiguremus [...] Rursum est honesta quaedam ratio, qua boni uiri nonnunquam alienis moribus obsecundant, ne uel odiosi sint uel prodesse non possint, aut ut e magnis periculis semet aut suos eximant. Quemadmodum fecit Vlysses apud Polyphemum multa simulans, apud procos mendicum agens. Item Brutus adsimulata stoliditate, Dauid etiam simulata insania. Quin et diuus Paulus apostolus sancta quadam jactantia gloriatur hac pia uafricie sese usum esse, atque omnia factum omnibus, ut omnes Christo lucrifaceret. ?? Fig. 1 : Lycie, Patara. Gordien III. 238-244 aprés J.-C. A 29 mm (21, 89 grammes). A/AVT KAI

M ANT GORDIANOC

CEB, buste lauré

et drapé tourné à droite R/PATA R E w H, Bellérophon à gauche sur Pégase, tenant une lance dans sa main gauche en direction de la Chimére

située dessous. Références : SNG Copenhagen 115 ; Fig. 2 : Corinthe. Emission pseudo-autonome. 34-31 avant J.-C. JE As (10, 49 grammes).

A/Q. Caecilius Niger et C. Heius Pam, duoviri. CORINT téte d'Aphrodite tournée à droite. R/L « CAECIL « NIGR/C + HEIO P AM, II VIR en exergue, Bellérophon sur Pégase volant à droite, tenant une lance dans la main droite et s'apprétant à frapper la Chimére située au-dessous.

Références : RPC I 1128; Amandry VIc (Ds/R16); BCD Corinth 329. On connait également des sesterces de Corinthe frappés pour Lucius Verus et Septime-Sévére (voir BMC Corinth, 79, 618 ; 84, 645, pl.20, 18 ; 21, 19 et C. Lochin, « Pegasos », in LIMC, t. IV-1, 1994, p. 225, fig. 179). Il existe enfin des trihémidrachmes de Corinthe (431-400 av. J.-C.) oà l'on voit Bellérophon sur Pégase au droit, et la Chimére au revers. Sur ces monnaies de Corinthe voir BMC

Corinth

11, 116, pl. 2, 22, et l'étude de J. Warren,

« The Trihemidrachms

of Corinth », ir

C M. Kraay, G. K. Jenkins (dir.), Essays in Greek Coinage presented to Stanley Robinson, Oxford, 1968, P. 125-144. La présence des monnaies

antiques derriere la composition des gravures de l'embléme alciatique est signalée par O. Le Bihan, « “À chacun le sien ": images et interprétations de la chimére de l'Antiquité à la fin du xvitr » dans L. Pearl (dir.), Corps, art et société : chiméres et utopies, Paris, p. 31-56. 7? Sur les représentations antiques, voir C. Lochin, « Pegasos », LIMC, t. VII-1, 1994, p. 214-230, en part. p. 230 et fig. 145-235.

758

Fig. 2 > Monnaie de Corinthe, I° s. av. J.-C.

4. Bellérophon face à la Chimére sur l'image : un tueur de vices Or ce combat du héros contre le monstre n'est pas seulement celui de la divine inspiration contre la rhétorique

paienne. Comme le rappelle le titulus (sic monstra uitiorum domat prudentia), la lutte à laquelle Bellérophon se livre avec la Chimére est aussi celui de la Prudence contre les Vices. La Chimére qui incarne la diversité mélée des epithymiai est une image empruntée à Platon (Rsp., 8, 588c-589a). Eustathe insiste, lui, sur l'imbrication des

vices que traduit la réunion des animaux en un seul monstre?^*. Toutefois, chez Alciat, puis Bocchi lui-méme, la 921 Sur ce point, voir H. Brandenburg, « Bellerophon Christianus », Rómische Quartalschriflen, 63, 1968, p. 49-86 ; M. Simon, « Bellérophon chrétien » dans Id., Le Christianisme antique et son contexte religieux. Scripta Varia, t. I, Tübingen, 1981, p. 297-310. "?? Hyg. Fab. 57 et SERV. ad ZEn. 6, 288 signalent cette version du combat de Persée contre la Chimére. 53 VALERIANO, Hieroglyphica, XLII, De Gladio, p. 315 A, Verba : « On trouve une autre explication chez Paul, lorsqu'il dit que la parole de Dieu est vivante, plus pointue et plus coupante qu'une épée à deux tranchants ». Mae 7" Voir M, Van der Valk (éd.) : EVSTATR,, Il, Z, 181, Leyde, 1976, t. II, p. 282 : Aci èè eiSévat óri cr]v dganpet ol gv &Xwyopoboww ijéwac elc Kakóv ct vroyikóv x oAoosvOecov, olov eig Auyvelav, eic &mBvpiav áxparr), elc àvaíBzuay, eig vedi &yzrbpiov, xai £c TOtabrá pA H yàp ràv xpiàv Bnpiwv sig èv ovvaywyî) exuoxi]v tolabtny oxeugaivet KaKWv, « Il faut savoir que certains font de la Chimère une allégorie morale pour

759

M

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Chimére incarne un vice en particulier, la superbia ou l'hybris, par quoi l'homme aspire à des desseins trop

ambitieux qui le font rivaliser avec les dieux^?^5,

Bellérophon, symbole de prudence chez Homére?"5, porte, inscrit dans son nom méme, la haine du vice et l'exaltation de la prudence. Eustathe, en effet, fait venir Bellérophon non de Belleros-phoneüs, le meurtrier de Belléros, mais de Ellera-phoneüs, celui qui tue les vices, avec un mot dialectal :

Si quelqu'un interpréte la Chimére dans un sens allégorique moral, comme un vice complexe, de la méme maniére, on entend Bellérophon dans un sens moral : l'homme plein d'énergie qui tue ladite Chimére, l'assassin des passions pour ainsi dire, Ellerophon dirait-on aussi, c'est-à-dire le meurtrier du Mal. En effet, dans un dialecte

grec, les maux se disent ellera??"",

Fulgence fait de l'attelage Pégase/Bellérophon une interprétation « hiéroglyphique » avant l'heure, qui annonce les tentatives de syntaxe iconographique de Francesco Colonna. À ses yeux, le cheval ailé portant le

héros sur son dos est une image de la sagesse, « source éternelle du bon conseil »??? : le chevauchement sert

implicitement à traduire le génitif signifiant l'origine ou la dépendance, comme si c'était Pégase (source éternelle) qui donnait naissance à Bellérophon (symbole selon Fulgence du bon conseil, image du bona cogitantem et du sapientissimum consili«ari»um). La référence à la sagesse se poursuit avec le motif des ailes attachées à Pégase. Le mythographe interpréte en effet, suivant une longue lignée qui remonte à Platon et aux Pythagoriciens, l'ime comme une entité ailée, le vol servant à traduire la rapidité de la pensée qui peut

embrasser tout l'univers en un seul instant^??,

Fig. 3 > G. BONASONE ou

Les choix iconographiques de la gravure emblématique pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio

P. FONTANA, dessin préparatoire pour le Symb. 137 € Sotheby's.

Bonasone ou Prospero Fontana (Fig. 3)??? ne sont pas, en ce sens, anodins. Il est curieux qu'E. See Watson??!

évoque à propos de la gravure de Bocchi la découverte de la Chimére d'Arezzo et sa restauration par Benvenuto Cellini, sans juger bon de préciser que la chimére de la gravure bonasonienne est justement trés différente des

modeles antiques?" ou des choix effectués à la Renaissance, par exemple par les graveurs pour les différentes

éditions alciatiques. La chimére d'Arezzo a un corps et une téte de lion, avec une téte de chévre qui se dresse au milieu du dos, et une queue en forme de serpent, comme l'évoquait Apollodore (2, 3, 3)?**. désigner un vice charnel de nature composite, comme par exemple la gourmandise, pour désigner une convoitise irrépressible, une absence de sens

moral, un désir brülant et autres maux semblables. La réunion des trois monstres en un seul marque cet entrelacement des vices ». Voir aussi OV., Tr., 2, 397 et TIB., 3, 4, 86, qui voient dans la Chimére un symbole de malitiam multiformem.

55 ALCIAT, Emblemata, « Consilio et uirtute chimaeram superari, hoc est fortiores et deceptores », en particulier la fin du vers 4 : animi monstra superba domas, « Tu domptes les monstres orgueilleux de ton áme » ; cf. BoCCHI, Symb. 66 (voir notre analyse) : Alexandre donne sa téte à la caeca fortunae qui lui remet en échange une téte de chimére tricéphale, à la fois lion, chévre et dragon. Le Macédonien devient ainsi bellua, comme le promettent les deux tituli : bellua fit caecae qui credere sorti / Quam stulta sit surperbia.

A HOM, Il., 6, 162 : Aya0á opovéovra Saígpova Beepogóvzn. « Bellérophon aux sages et prudents pensers ». “7 EVSTATH,, ad Il, Z, 183, p.283: Ei $è xarà j8ucv dUqyopíav eig kakóv mi zxouiAov &Aáfnral mig civ. Xiuaipav, yyvikadta vosital BeMepogéovtns r8uGc ó onovbaioc ávijp 6 Tijv rotaótry Xipatpav krelvov kaí, dc elxeiv, xaBokróvoc, xal Gc &v vic pei, 'EXiepogóvrn, rjxot Qovebo xakíac. —EM epa yáp, qací, xarà Sid\extov tà kaxá ; RHODIGINVS,

Ledliones antiquae,

13, 9, rappelle cette étymologie. Pour lui

cependant, le mot dialectal est bellera et non ellera, ce qui rend la démonstration plus probante encore : Caeterum, pro ingeniorum tamen caput,

sunt qui uarie admodum

Chimaerae figmentum ad ueritatem reuocent. Nam ut missa faciamus alia, est qui £8w&c

esse chimeram putet uitiorum quandam uarietatem ac multiformem perinde ac Chimaera est, uim. Quam perimit Bellerophon, id est uir bonus prudens. Quae qui Bellerophon

On ne retrouve cette configuration que dans les éditions tardives des Emblémes d'Alciat, corrigée par Pignorius qui a vu les monnaies de Corinthe (voir par exemple l'édition padouane de 1621 [Fig. 4]). Dans les éditions

d'Alciat précédentes, qui éliminent la chévre, on trouve un lion à queue de serpent, dont l'attitude rappelle celle des lions rampants héraldiques, dressés sur leurs pattes de derriere, pattes supérieures en avant (cf. les éditions de 1534 [Fig. s], 1536, 1539, 1542, 1550 et 1551). On trouve encore une sorte de griffon, au corps de lion et à la téte d'aigle, parfois doté d'ailes (cf. l'édition de 1567 [Fig. 6]), dont le bec ouvert darde la langue (cf. les

éditions de 1556 [Fig. 7], 1584, 1591). Il est vrai que les descriptions homérique et hésiodique de la Chimére

ont donné lieu à diverses conjectures sur les possibles représentations du monstre???

La gravure de Bonasone privilégie la troisiéme version de la chimére décrite par Eustathe (Il., Z, 183, p.283):

une téte de lion, l'avant d'un corps de chévre (qui se limite ici aux deux pattes de devant), la partie postérieure

d'un serpent, mais le graveur interprete le dernier élément non pas comme une simple queue qui vient s'adapter

à l'arriére-train léonin, mais comme les anneaux d'un gigantesque serpent qui se substitue à la partie postérieure et à ses pattes. L'animal est rivé sur le sol et incapable de s'élancer. Cet effet extraordinaire d'inertie est renforcé

encore par le fait que l'animal est déjà sur le dos, en partie vaincu, et offre son ventre au fer meurtrier, battant inutilement des pattes de devant et crachant, comme Cacus au fond de sa caverne au chant 8 de l'Énéide,

d'inutiles incendies.

nuncupatur, uelut malorum occisor, nam ex dialecto, bellera uocantur mala id est xà BéMepa. « Au demeurant, certains raménent de maniére trés

diverse l'image de la Chimére à la vérité, Car, pour ne rien dire des autres versions, il y un auteur qui pense que la Chimére, dans un sens éthique, signifie en quelque

sorte la variété des vices et sa puissance multiforme, comme l'est la Chimére. C'est elle que tue Bellérophon, c'est-àdire le héros plein de prudence. Il est appelé Bellérophon, c'est-à-dire l'assassin des vices car, en dialecte, les vices recoivent le nom de bellera ».

?35 EvrG,, Myth., 3, 1: At uero Bellerofons, id est bona consultatio, qualem equum sedet nisi Pegasum, quasi pegaseon, id est fontem aeternum.

Sapientia enim bonae consultationis aeternus fons est. 7? bid. : Ideo pinnatus, quia uniuersam mundi naturam celeri cogitationu m teoria conlustrat.

i Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 18, n° 56 (2 CXXXV) et illustration p.52. Achille Bocchi, p. 145. 25? Voir les possibilités recensées par A. Jacquemin, « Chimaira », LIMC, t. III-1, 1986, p- 249-259.

% Dans l'image de l'édition rovillienne de 1551, la chimére apparait sous la forme d'un corps et d'une téte de lion, d'une queue

constituée de l'extrémité d'un serpent; la chévre n'est évoquée que par les pattes de devant. La chimére, dans ces différentes représentat ions, apparait

Systématiquement sous l'aspect d'un quadrupéde en mouvement, qui bondit contre Bellérophon, indiquant ainsi son caractére agressif et

mobile. Le parti-pris de Bonasone est différent : le cóté dangeureux du monstre semble résider moins dans sa mobilité (réduite, puisqu'il n'a

que deux pattes, à l'avant) que dans son aspect métamorphique et dans le volume important concédé au serpent. “4 Homere insistait sur la partition en trois du monstre, à l'avant lion, au milieu chévre, à l'arriére serpent, et Hésiode, sur ses trois tétes, l'une de lion, la seconde de chévre, la troisiéme de serpent. La postérité a mélé les différentes indications. Une scholie à Homére, Z, 181, en fait une chévre dont la téte est un lion et la queue un serpent. EVR. (Ion, 201 emploie l'adjectif trisómatos et APOLLOD., 2, 3, 1 déclare qu'elle rassemble

*n une seule nature la force de trois animaux. EVSTATH., Il., Z, 183, p. 283 rappelle ces hésitations iconographiques : « Certains s'imaginent la

chimére avec trois tétes, en suivant ce que dit Hésiode. D'autres inventent qu'elle a deux tétes, une de lion, une de serpent. D 'autres se limitent

à une téte unique de lion, prétendant que la chimére a une face de lion, une queue de serpent et un corps de chévre. Tous prennent Homére

Pour point de départ, car le poéte ne s'est pas exprimé trés clairement à ce sujet. Les adeptes de cette troisiéme solution sont majoritaires, méme

si les peintres sont partisans de la solution la plus imaginative. »

760 761



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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Le graveur se rallie par ailleurs à la solution qui fait sortir les flammes de la gueule du lion^^*. Mais il est surtout important de remarquer qu'il a mis l'accent sur l'unité de l'animal et a soigné particuliérement les transitions

Gravure :

;

d’un animal à l’autre, pour donner l’illusion, non pas d’un assemblage composite entre trois créatures, mais au

IL TIENT L'UNIVERS SUPREÉME, CELUI QUI SAIT QU'IL NE SAIT RIEN

contraire d'un monstre unique à l'aspect protéiforme. Cette unité du monstre soulignée par la gravure permet

d'éclairer la nature du combat de Bellérophon. C'est la rhétorique paienne en bloc qu'il s'agit de soumettre à la

prudence chrétienne. Mais, en méme temps, c'est la totalité des vices qu'il faut dompter, au lieu de s'attaquer à une partie de l'animal plus qu'à une autre. Les représentations antiques montraient généralement la téte de chévre transpercée par une lance. Le monstre chez Bonasone est au contraire déjà sur le dos et il est fout entier déséquilibré et livré au coup de gráce que Bellérophon, héros vertueux et orateur chrétien, s'appréte à lui porter avec une efficacité dont l’issue ne fait pas de dowte. La daa ree pugnéinienne est ici parfaitement ssim : s'emparer d'un mythe paien mais pour lui inier ! esprit po du shriftisBisme. On constatera ] pus de ce réemploi qui n'est pas sans rappeler le HGHE de l'aigle percé des flbches faites Re ses propres pages :£ est ici le

Sur l'image :

'

amm.

Cini vise les biens suprémes doit tenir l'univers

^

À JEAN DE HANGEST



ÉVÉQUE DE NOYON

Ta médaille, à bon droit, est réclamée par nos symboles, Hangest, mon protecteur et ma gloire si douce ! Ce sont nos origines que tu nous désignes du doigt.

mythe paien lui-méme et son objet (un héros tueur de monstres) qui servent à dire leur propre défaite et leur

propre fin.

Symb. 138

Sur le sol; bras ouverts, tu tictis les Diels MOEA

S

Qui vise les biens suprémes doit tenir l'univers ; Qui sait qu'il ne sait rien tient l'univers supréme. Ainsi, l'hóte du paisible Molorchus remplaca Atlas, las de porter les astres élevés. Ainsi l'a dit jadis l'enfant de l'Hymette athénien, 10 Proclamé sage par l'oracle d'Apollon. Allons : tu croirais follement tout savoir si, par terre, Tu n'apprenais pas qu'à ton tour tu ne sais rien.

MÉTRIQUE Distiques élégiaques. Norts - ded. carm. : IOANNI

Fig. 4 > ALCIAT, Emblemata, « Consilio et uirtute Chimaeram superari » (Embl.

13), Padoue, Tozzi, 1621,p. 81 € Glasgow University Library. Fig. 5 > ALCIAT, Emblematum Libellus, « Consilio et uirtute Chimaeram superari », Paris, Wechel, 1534, p. 108 € Glasgow University Library.

Sed Meroe TM: * EXPERS

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EPISCOPO

NOVIODVNENSI]

Né en 1504, mort en 1577, seigneur de

le titre d'évéque de Noyon le 1° aoüt 1525, mais sans exercer?" I] succéde à Charles de Hangest, son oncle, luiméme neveu de l'archevéque de Rouen, Georges d'Amboise, et premier protecteur de Jean Calvin. Charles de

Fig. 6» ALCIAT, Liber emblematum/Kunstbuch, « Consilio et uirtute Chimaeram

Dant Vacheigull TORQUE MM

HANGESTO

Genlis, Lataule, Gournay, Abbécourt, Bichancourt et Arblincourt, Jean III de Hangest est le fils d'Adrien de Hangest échan angest, grand d échanson du u Mans. Il devient P pair de France par par dispense roya ] et de e Francoise Franc papale, etet p prend disp papale,

Hangest demeure vicaire général et mourra en juin 1528. En trés mauvais termes avec le chapitre, soupconné

d'étre trop indulgent avec les idées réformées (son frére Claude était l'ami de Calvin qui lui avait dédié son

commentaire sur le De Clementia de Sénéque, paru en 1532), Jean de Hangest part pour Rome vers 1547, probablement avec l'espoir d'y devenir cardinal. Le 13 juin 1548, un acte de vente provisoire de manuscrits grecs

esi

signé d'Antoine Éparque atteste que Jean de Hangest se trouve alors à Bologne??"", et ce point est attesté dans une lettre de Bocchi à Amaseo datée de janvier 15487?*. La lettre en question signale que Jean de Hangest faisait

bien partie de la délégation envoyée par Henri II entre octobre 1547 et septembre

1548 au Concile de Trente

déplacé à Bologne depuis mars 1547. Cette délégation, qui comprenait également Michel de L' Hospital, Claude

d'Espence, Claude d'Urfé et Claude de la Guiche, s'était réunie à l'Academia Bocchiana et suivait avec grand

intérét l'édification d'un theatrum dont nous avons suggéré, dans le Symb. 88, la possibilité qu'il füt celui de 55 La Chimere souflle le feu, comme le rappellent PIND., Ol,, 13, 90, et EVR,, Ion, 201. Les flammes sont vomies par la téte de lion, ainsi que le

précise EVSTATH, IL, Z, 183, p. 283 : « La Chimére, d'aprés ce qu'en dit Homère, était " lion à l'avant, serpent à l'arriére et chévre au milieu, et exhalait puissamment un souffle de feu brálant ", c'est-à-dire non pas un feu siégeant comme principe vital dans le cceur, foyer naturel du feu,

mais au contraire, un feu expulsé concrétement, comme il convient au monstre de la fable, qui,

à ce qu'on dit dans une autre version, s'est

— We aerem en antilope. De là, on peut tirer des preuves selon lesquelles Homére dit “ lion ” pour “ téte de lion ”. En effet, il serait tout à fait juste de comprendre que la téte est ce qui souffle le feu. » Mais les flammes peuvent également provenir de la téte de chévre, par exemple chez Ov., Met., 9, 647 et SEN., Med., 828

762 -————————————————

7 Il ne fut toutefois sacré qu'en 1532, date de ses vingt-sept ans, selon E. Lefévre-Pontalis, « Histoire de la cathédrale de Noyon (suite) »,

Bibliothéque de l'école des chartes, 61/61, 1900, p. 125-172, ici p. 147, qui raconte en outre que, s'étant laissé pousser la barbe, il se serait vu refuser l'entrée de la cathédrale de Noyon par le doyen du chapitre en 1533. Voir aussi L. P. Colliette, Mémoires pour servir à l'histoire

ecclésiastique, civile et militaire de la province de Vermandois, t. III, livre 18, Cambrai, 1772, p. 161-162. 5*' Voir T, Dorez, « Antoine Éparque. Recherches sur le commerce des manuscrits grecs en Italie au XVI* siécle », Mélanges d'archéologie et d'histoire, 13, 189 3, p. 281-364, ici p. 287-288. Voir également M. Ceresa, s. v. « Eparco, Antonio », in DBI, t. XLIII, 1993; p. 13-17. 75* Voir la lettre, sa traduction et la bibliographie dans notre étude du Symb. 88.

763

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Giulio Camillo Delminio, pour lequel Francois I* aurait versé de l'argent comptant. Toujours en 1551, Jules III nomme Jean de Hangest référendaire (ou préfet) des deux signatures (c'est-à-dire de Justice et de Gráce, les

deux tribunaux pontificaux), prélat domestique et assistant du tróne pontifical??. En 1553, il s'enfuit de Rome

sans payer ses dettes'?*?, On supposera que la composition du poéme date des années bolonaises de Jean de Hangest, c'est-à-dire 1547-1548.

— v. 6 : Scire nihil qui scit se, omnia summa tenet] M. B. Illuminati p. 229, qui a traduit à juste titre le summa tenes du v. 4 par « sostieni l'universo » traduit de maniére incompréhensible omnia summa tenet par « conosce tutto quanto è possibile conoscere ». — v. 7-8 : le placidi conuiua Molorchi est Héraclés/Hercule. Molorchus était un berger qui offrit l'hospitalité au héros aprés qu'il eut tué le lion de Némée, responsable de la mort de sa fille (cf. Myth. Vat. II, 160 ; SERV., Georg., 3, 19). Hercule accepta de soutenir le ciel à la place d'Atlas pendant que celui-ci allait lui chercher les trois pommes d'or dans le jardin des Hespérides. Sur cet épisode et ses sources, voir Symb. 112. - v. 8: fulsit] M. B. Illuminati p. 229 fait venir ce verbe de fulgeo, « briller » ( « [...] quando Atlante, stanco, fece rifulgere le lontane stelle »), alors qu'il vient de fulcio, « soutenir », employé ici pour désigner le fait qu'Atlas a porté le ciel, et donc les astres. Le sens de supposuit « venir se placer dessous » (Hercule vient remplacer Atlas sous le globe du ciel) n'est pas non plus compris: « Cosí si presentó l'ospite del mite Molorco ».

- v. 9: Adtaeo nutritus Hymetto] Il s'agit de Socrate, citoyen d' Athénes (Actaeus), proche du mont Hymette. — v. 11 : libi attribuas scire] « toi qui t'attribuerais comme táche de savoir... ».

à un autre niveau de réalité, plus intuitif, auquel ses convictions intellectuelles, qui l'aveuglent, ne lui permet-

ANALYSE

Nous n'avons pas retrouvé trace de la médaille de Jean de Hangest dont Bocchi déclare qu'il restitue ici la composition générale. Nous n'avons donc à notre disposition que la restitution que nous propose la gravure et nous nous y référerons réguliérement pour tenter d'éclairer le sens général du texte, parce que Bocchi nous indique explicitement que la médaille est son point de départ. L'épigramme, aprés une courte introduction (v. 1-2, qui rappelle la fin du poéme épigrammatique sur la médaille

de Paolo Giovio, cf. Symb. 86), évoque l'aspect général de la composition figurée de la médaille aux vers 3-4 : Hangest est au centre de la composition et il pointe du doigt (digitum... intendis) les « sources », ou les

« origines » (fontes) de l'homme et du monde, c'est-à-dire le Dieu qui apparait sur la gravure allongé dans les airs, la téte ceinte par le triangle isocéle, symbole de la Trinité. Le texte, fidéle à la médaille, rappelle que

dédicataire est étendu ou plutót agenouillé sur le sol (stratus humi), les bras écartés (pandens bracchia), et il soutient l'univers (summa tenet), que la gravure représente sous la forme d'un globe. Le motto qui apparait sur la

gravure figurait peut-étre déjà sur la médaille sous forme de légende (Ad summa tendenti tenenda omnia). Ce motto réapparait dans le v. 5, mais formulé sous une forme légérement différente

(Omnia sunt etenim tendenti ad

summa tenenda). La formule joue sur la paronymie entre tendere (« tendre vers », «a$pirer à ») et tenere (« tenir», « porter»

d'une immensité écrasante, comme le saint Christophe de la Légende dorée dans le Symb. 39, qui porte le Christ

et en sent de plus en plus le poids. Ce dont Christophe fait l'expérience, c'est à la fois du poids du péché adamique originel mais aussi du poids mystérieux et incommensurable de la rédemption. La formule du v. 6 (Scire nihil qui scit se) jette la lumiere sur un autre élément iconique important et sa relation à la configuration générale de la médaille et de la gravure : l'attitude humble et soumise du personnag e, à genoux par terre, bras ouverts et la nuque courbée sous le poids du globe (Stratus humi, pandens brachia), traduit l'écrasement suscité par cette ignorance, qui contraste avec le doigt pointant vers le ciel pour traduire l'espoir d'une condition supérieure à laquelle prélude l'anéantissement. La science humaine est donc absolue ignorance face aux réalités célestes et à la sagesse divine, à cette nuance prés qu'elle a conscience de cette ignorance , ce qui la libére d'un scepticisme radical et lui permet de conserver la certitude de la présence divine dans la réalité du monde. On remarquera d'ailleurs que la formulation contournée des v. 5 et 6 cache de fait un véritable syllogisme : si pour viser les plus hautes réalités, il faut tenir le monde, et que pour tenir le monde, il faut savoir ne rien savoir, alors pour viser les plus hautes réalités, il faut savoir ne rien savoir. Mais ce que ne dit pas le syllogisme, c'est que savoir ne rien savoir est déjà le début d'une certitude, un processus de rémission et l'assurance qu'un autre mode de conviction se met en place. Le doute sceptique n'est pas seulement ici la remise en cause des certitudes rationnelles et des prétentions dogmatiques de l'humanité : c'est l'expérience concréte de la faute et l'abaissement de l'orgueil humain, si important à une époque oü l'on discute beaucoup du serf et du librearbitre. Mais, comme chez Augustin, le doute provisoire fonctionne, non pas comme zététique infinie qui aboutirait au désespoir, mais comme « préparation évangélique ». Celle-ci permet à l'esprit humain de s'ouvrir

mais aussi « comprendre »), chaque mot recevant un complément

d'objet différent

(tendendi ad summa ; omnia... tenere). Ce motto nous éclaire sur une premiere relation entre les deux gestes effectués par le personnage : le doigt tendu qui pointe vers le ciel et la présence du globe sur les épaules qui le

taient pas d'avoir accés. Le doigt levé, qui atteste la certitude des fontes, c'est-à-dire de Dieu, est la conséquence du globe qui écrase les épaules et tous deux s'associent dans un doublet sémantique dont il faut saisir la nature logique et diale&ique, puisque le second conditionne le premier. Cette ignorance préalable qui anéantit le savoir humain en renvoyant transitoirement les doctrines dos à dos, au nom de leur vanité, pour préparer l'avénement de la connaissance divine et de la foi, est une des tendances « méthodologiques » du scepticisme à la Renaissance, illustrée en Italie en particulier par Jean-Francois Pic de la Mirandole (voir son De Studio diuinae et humanae philosophiae de 1496, ainsi que son Examen uanitatis doctrinae gentium et ueritatis Christianae disciplinae de

1520^*!). Le motif de la docta ignorantia est à rapprocher de la condamnation de l'impia curiositas vilipendée

dans les Symb. 39 et 98, consacrés respectivement à saint Christophe et à la Transfguration. Les deux distiques suivants (v. 7-10) rappellent sous des périphrases énigmatiques introduites par sic les illustres représentants des attitudes mentionnées précédemment. Le premier exemple est mythologique: il s'agit

d Hercule acceptant de se substituer à Atlas pour porter la sphére céleste. Nous avons déjà rencontré cet épisode

dans le Symb. 112, oü il est interprété comme une initiation du héros à l'astronomie/ astrologie, qui prépare sa uirtus à mener une vie active au service de l'humanité dans les meilleures conditions : c'es une célébration de la science et de la connaissance comme moyens de pratiquer au mieux la vie politique sociale. Ici, le ton est bien différent. Hercule est celui qui vient se substituer volontairement à un Atlas épuisé par sa táche (fesso) : à son tour, il ressortira fatigué et changé de cette nouvelle épreuve, mais cet épuisement, lié à une expérimentation

supportent se conditionnent mutuellement, comme le montre l’adjectif verbal d'obligation tenenda. En effet, il

faut porter le poids du monde (tenenda omnia) si l'on aspire à retrouver Dieu et les plus hautes réalités (ad

summa tendenti). Le v. 6 compléte le précédent en associant désormais summa et omnia comme compléments d'objet de tenet. De plus, il précise, d'une maniere paradoxale, ce que signifie omnia tenere/ omnia summa tenere : tenir (ou comprendre) l'univers (ou l'univers supréme), c'est savoir qu'on n'en sait rien, avoir conscience (scit se) qu'on n'y comprend rien du tout (nihil scire). Il s'agit d'accepter le mystére comme expérience concréte 77" A. de la Fons, Recherches historiques sur Noyon et le Noyonnais, Noyon, 1839, p. 64. Depuis Jules III, ces prélats de rang épiscopal sont chargés d'assister le pape au cours des cérémonies solennelles. Ils jouissent du titre de comtes palatins. ?9? R. Ancel, Nonciatures de Paul IV (avec la derniére année de Julles III et Marcel II), t. l/1ére partie, Paris, 1909, p. 178 note 2, corrigé par

L. Romier, Bibliothéque de l'École des Chartes, 72, 1911, p. 353-356.

764

4! Voir C. B. Schmitt, Gianfrancesco della Mirandola (1469-1533) and his Critique of Aristotle, La Haye, 1967. Sur ce courant à la Renaissance, voir Th. Greenwood, « L'éclosion du scepticisme pendant la Renaissance et le premiers apologistes », Revue de l'Université d'Ottawa, 17, 1947, P- 69-99;

D. C. Allen,

Doubt's

Boundless

Sea:

Skepticism

and

Faith

im the Renaissance,

Baltimore,

1964;

V. Kahn,

Rhetoric,

Prudence.

and

Skepticism in the Renaissance, Ithaca/Londres, 1985 ; T. Cave, « Imagining Skepticism in the Sixteenth Century », Journal of the Institute of Romance Studies, 1, 1992, p. 193-205

; M. Granada, « Apologétique platonicienne et apologétique sceptique : Ficin,

Savonarole, Jean-Francois

Pic de la Mirandole » dans P.-F. Moreau, Le scepticisme au XVT et XVII siécle. Le retour des philosophies à l'áge classique (1I), Paris, 2001, p. 11-47 ;

E. Spolsky, Satisfying Skepticism : Embodied Knowledge ín the Early Modern World, Ashgate, 2001 ; L. Floridi, The Transmission and Recovery of Pyrrhonism, Oxford, 2002 ; R. Popkin, The History of Scepticism from Savonarola to Bayle, Oxford, 2003 (nouvelle édition augmentée), p. 17-43 ; E. Naya, « Sextus à Genéve: la Réforme du doute », Libertinage et philosophie, 8, 2004, p.7-30; ld., « L'examen du Grand Code: Gianfrancesco Pico et les vaines subtilités de la signification », Réforme, Humanisme, Renaissance, 64, 2007, p. 73-91 ; Id., « Le * coup de talon " sur l'impiété : scepticisme et vérité chrétienne au XVI* siecle », Les Études Philosophiques, 85/2, 2008, p. 141-160; F. Gabriel, « Positions du Scepticisme chrétien », ibid., p. 137-140.

765

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

« dans la chair » du doute et d'un désespoir provisoires, valent formation et entrainement. Le second exemple est historique et concerne Socrate, proclamé paradoxalement le plus sage par l'oracle de Delphes, alors méme qu'il faisait preuve de scepticisme, en affirmant qu'il ne savait rien (voir apparat des sources). Le texte s'achéve sur une apostrophe au dédicataire, qui est aussi le personnage au centre de la médaille. Ce dernier se fait à la fois Hercule et Socrate : dans ses actions (Hercule) comme dans ses paroles (Socrate), il fait

l'expérience épuisante de la folie (stulte) que constitue la certitude humaine de posséder un savoir absolu (scire tibi attribuas... omnia). Cette expérience, liée à celle de la faute originelle, est condition absolue de la foi et permet d'arriver à la certitude de Dieu : quelle plus belle préparation pouvait-on imaginer pour un prélat qui venait à Bologne en plein Concile de Trente pour discuter les dogmes de la foi chrétienne ? L'observation de la gravure permet de conforter cette analyse. Au premier plan, un personnage barbu 2342 ) agenouillé dans un sol herbu au bord d'un fleuve ou d'un lac aux eaux étales, porte un globe sur ses épaules, tout en l’enserrant de ses deux bras pour l’empécher de rouler d’un còté ou de l’autre. Son visage se lève vers le ciel et l’index de sa main droite pointe aussi vers le haut, comme pour désigner la face divine qui surgit à travers une nuée dans la partie supérieure de l’image, encadrée par un triangle, forme symbolique de la Trinité. Pris deux par deux, ces détails signifiants illustrent le paradoxe de la devise qui s'inscrit sur le phylactére flottant entre la nuée céleste et le globe du monde. Agenouillé et écrasé sous le globe, le personnage, à l'instar du Christ, doit endurer le poids du monde et la condition post-lapsaire d'une humanité corrompue par le péché (tenenda omnia). Mais la face levée et l'index pointé indiquent qu'au plus profond de l'humiliation et de l'abaissement, les aspirations

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

LE MEPRIS

contraire sur le caractére lisse et opaque de la boule démesurée, qui pése de tout son poids sur les épaules du héros. Toutefois, la division de la surface de la sphére en trois constitue un discret rappel du triangle qui apparait derriére la téte de Dieu le pere, vestige stylisé de la Trinité, associée en une forme unie et parfaite. Pierre Martin nous suggere également l'idée que les divisions du globe dessinent un Tau inversé, forme de la croix christique. Augustin, dans le De Doctrina Christiana, lisait partout dans le monde la présence ternaire cachée de la Trinité. Sur la gravure comme chez Augustin, les mystéres insondables du monde qui appuient sur les épaules de l'ignorante humanité donnent en méme temps l'intuition de Dieu, comme l'indiquent le regard levé du personnage et son doigt tendu en l'air, tous deux symboles d'espérance (voir Symb. 51) : l'anéantissement n'est que passager, car les signes du divin, bien qu'occultés, sont partout dans le monde. Mais c'est le texte qui interpréte les intentions de cette composition figurée.

LE CUR

DE LA CRAINTE

- Théraméne

À FRANCESCO CAMPANA DI COLLE Voudrais-tu avoir, Campana, de mes nouvelles,

Ma réponse serait qu'en ce temps si pénible Oü j'ai perdu mon trés cher pere, Où, de ma patrie, de mes bons amis,

5

Detoiseul surtout, que j'aime avant mes amis,

Une peste cruelle m'a contraint trop longtemps De me passer, je ménerais

Une pauvre vie dans d'améres larmes,

personnage, on distingue un obélisque surmonté d'une sphére, assez semblable à celle que l'on trouve dans

nettement mises en valeur dans l'Atlas Farnése, ont, sur la gravure, désormais disparu. L'artiste insiste au

DÉLIVRE

— Je bois cette coupe à la santé du beau Critias

les agents du rachat de l'homme et de son héroisation. D'ailleurs, parmi les bátiments situés à droite du la sphére à sa pointe évoque les cendres de Jules César (voir Symb. 97), et donc le tombeau glorieux d'un héros. Elle accompagne la dynamique ascensionnelle du doigt et du visage levés vers le ciel. Par ailleurs, la sphére, relais de la forme circulaire de la médaille, peut évoquer celle que porte le trés célébre Atlas Farnése (copie romaine d'un original hellénistique du 1I° s. apr. J.-C., ajoutée par Paul III à sa collection entre 1546 et 1547), et qui présente un décor complexe de constellations, véritable somme du savoir humain sur le ciel. Mais la position du personnage de la gravure de Bonasone est différente, en particulier les deux jambes posées sur le sol, là oà Atlas n'a qu'un genou en terre. Alors que l'Atlas Farnese donnait, par son attitude, l'image d'un effort parfaitement maitrisé et d'une stabilité réelle, le personnage de la gravure semble succomber sous la táche. De plus, on remarquera que, presque lisse, la sphere de la gravure ne présente que trois divisions géométriques, représentation traditionnelle des trois continents, qui remonte probablement à Anaximandre : l'Europe, l'Asie, la Lybie ou Afrique. ll y a une volonté délibérée de signaler ici l'ignorance en occultant les points de repére constitués par la science humaine : les constellations et la possibilité de les identifier, trés

DE LA MORT

Sur l'image :

supérieures de l'àme et son mouvement naturel vers le divin (ad summa tendenti) constituent paradoxalement

l'embléme aux Pepoli (Symb. 48) : la pyramide, liée au feu (pyr), s'élance vers le ciel pour retourner à l'éther, et

Symb. 139

Gravure :

10

Si je n'avais point prés de moi, pour m'assister

Deson sage conseil, mon divin Arpinate,

Et s'il ne me distrayait point

De mon mal éperdu par ces discours :

15

MARCUS : « — Sila race mortelle avait quelque sagesse, Elle commencerait à souhaiter la mort,

Ou cesserait d'en avoir peur,

Comme nous le recommande Socrate.

20

Car que pourrait-on nous offrir de plus souhaitable, S'il est vrai que le jour dernier à nos esprits Apporte un changement de lieu, Et non la mort, ou la disparition,

Qui tout anéantit ? S'il nous tue au contraire Sur le champ et nous détruit en entier, crois-tu Qu'il y ait pour nous sort plus doux Que de s'endormir au cceur des épreuves

25

Liéesácette triste et éphémére vie,

Et de laisser bientót nos yeux clos s'assoupir

Sous l'effet d'un sommeil sans fin Qui définit le terme de tous nos maux ?

+4? Sur cette barbe qui a valu à Hangest bien des déconvenues avec les chanoines de son chapitre, voir E. Lefévre-Pontalis, « Histoire de la cathédrale de Noyon (suite) », p. 147. Sur cette mode lancée par Clément VII, voir nos analyses du Symb. 111.

766

767

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

30

ACHILLE. - Et donc, pauvre de moi, je ne vais point pleurer Le décés de mon pere que j'aimais d'un amour Sans égal ? M. - Tu dois t'abstenir

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

70

Des larmes et, dela peine mordante,

Y parvenir ! Mais si des vents contraires

Te protéger complétement. Car les destins, 35

Par une loi irrévocable, ont décidé Que tous les étres nés grandissent,

Vieillissent, puis s'éteignent plus ou moins vite.

Doivent nous repousser de là, sous peu, pourtant 75

A. — Sur ce, je me souviens que mon pere lui-méme, Témoignant sur sa fin trés vive gratitude, Par ses traits sereins, affichait 40

De la joie, tout en se félicitant

Qu'on nous a préparés pour prix de nos mérites : Si nous pouvions déjà, toutes voiles dehors, En voguant vite et sans encombre,

La divine nécessité veut que nous tous, Nous regagnions ce méme lieu.

Ni hommes ni dieux n'y sont opposés ;

Mais ce qui est pour tous nécessité, de gráce, Pourrait-elle étre, pour un seul, si grand malheur ? » Par ce discours rassérénant,

Il me réconfortait, il y a peu.

80

Que désormais approchát le bienheureux jour

Lorsqu'entre-temps, Melpomeéne, qui m'est si chére,

Oü il voyait que, de sa pesante prison, Il sortait libre, et que, des fers

Exhibant son plectre et sa lyre de Lesbos, M'ordonna de le retranscrire

Corporels, on le délivrait soudain.

45

Ó propos à jamais gravés en mon esprit ! M. - Comme il faut, pensons donc, nous aussi, que ce jour

Et accompagna mon

85

Ultime nous est favorable,

Aussitót, pour la mort, je me mis à nourrir Un souverain mépris qui n'a pas son pareil

Pour chasser la crainte hors du cceur Et soutenir un esprit défaillant.

Lui qui parait horrible, en général,

50

À la foule ignorante. De plus, n'allons jamais Mettre au nombre des maux ce que le Dieu Trés-Bon A décidé, car si en vain Ce supréme artisan n'a rien concu,

SS

Pas plus que la Nature, mére de toutes choses, Qui pourrait penser qu'au hasard, à l'aventure Nous fümes semés et créés ? Personne, à moins d'avoir perdu l'esprit. Mais, crois-moi, il est sár qu'une puissante force Est apparue au tout premier commencement,

60

Pour veiller encore et encore Sur le genre humain avec tout son zéle ;

Elle n'engendrerait pas, ni ne nourrirait Ce genre-là pour qu'aprés avoir enduré Maints labeurs et injustes sorts, Et tant de passions angoissant l'esprit, 65

Il ne sombre à la fin dans le mal éternel De la mort, comme il arrive, c'est assez clair, Aux animaux. Pensons plutót

Que c'est un port et refuge éternels

768

chant sans rougir,

90

Car qui redoute ce qu'il ne peut éviter Ne peut jamais avoir le repos de l'esprit. Mais qui ne craint pas de mourir

- Non seulement parce qu'un jour, cela ESt stricte nécessité, mais également 95

Parce que la mort n'a rien pour nous terrifier —, Celui-là, pour la vie heureuse, Se prépare un trés solide rempart.

MÉTRIQUE

Strophe alcaique (deux hendécasyllabes, un ennéasyllabe et un décasyllabe) que nous avons adaptée par l'alternance suivante: 1241248410. Le métre est ici adapté au sérieux de la consolation et du propos philosophique??*», NOTES - tit. carm : FRANCISCO CAMPANO COLLENSI] Francesco Campana di Colle?* nait en 1491 a Colle di Val d'Elsa. Son pére est médecin et sa mere appartient à une famille d'ancienne noblesse, mais pauvre. Aprés avoir quitté Colle, il gagne Florence oü il entre au service des Médicis, en 1516, en devenant le secrétaire et conseiller politique de Laurent de Médicis, duc d'Urbin. On le retrouve ensuite au cóté du cardinal Jules de Médicis, le 2943‘3 Voiryr, a partieEve MÉTRIQUE dans nos analyses du Symb. 20. 5*5 Voir M. G. Cruciani Troncarelli,

« Campana, Francesco », in DBI, t. XVII, 1974, p. 341-345.

769

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

futur Pape

Clément VII, précisément

au moment

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

de son élection en

1523.

C'est

devant

lui que

Francesco

Campana prononce une ode panégyrique pour la mort d'Hadrien VI (Ad Adrianum Sextum pontificem maximum

1. Préambule : le Symb. 139, élément d'un triptyque cicéronien ? Mais cet embléme ouvre une séquence plus vaste. Les symbola 139, 140 et 141 forment en effet un ensemble au

officieusement, en qualité d'ambassadeur auprés d'Henri VIII, pour négocier la délicate question du divorce du roi d'Angleterre et de Catherine d'Aragon. Dans un premier temps, Clément VII accorde le divorce au roi par

paraphrasent une source commune, des extraits des Tusculanes, et reprennent, chacun à leur tour, des points-clés de l'argumentation cicéronienne. Tous trois s'apparentent au genre consolatoire dont ils développent

oratio panegyrica per Franciscum Campanam Collensem, Papiae, 1523). En 1528, le méme Clément VII le délégue,

une bulle papale, car il joue de l'alliance avec Henri VIII contre Charles Quint. Mais il lui refuse ce divorce dans

un second temps, avec ordre à Campana de brüler la précédente bulle, aprés le siege de Naples au cours duquel le pape s'allie à Charles Quint contre les Francais. Le pape place ensuite Campana à Florence, aux cótés d'Alexandre de Médicis, au moment oü, par un privilége impérial (1531), celui-ci accéde au pouvoir aprés un

interméde républicain. Il restera son confident et secrétaire jusqu'à l'assassinat du duc, en 1537. Par ailleurs, Campana s'était montré hostile au Pape Paul III dés l'élection de ce dernier en 1534. Aprés l'assassinat du duc et

malgré quelques réticences dans un premier temps, Campana se rallie aux nobles qui poussent Cóme I*, fils de Giovanni delle Bande Nere, à la succession d' Alexandre et qui expriment clairement leur refus de la tutelle

espagnole de Charles Quint sur Florence. En 1538-15 39, Campana travaille à éliminer de la scéne politique le

Cardinal Cibo qui pousse en avant Giulio, fils illégitime d'Alexandre et rival de Cóme I*. En 1540, il prend position dans la controverse sur la perception extraordinaire par le pape d'un dixiéme des bénéfices ecclésiastiques italiens, en faisant geler tout versement florentin avant la conclusion d'un accord avec le pape. Cependant, du fait de l'hostilité d'Éléonore de Toléde, épouse de Cóme I*, Campana se voit peu à peu écarté de la scéne politique, surtout depuis qu'il s'est fermement opposé au versement par Florence de la redevance impériale de 200 ooo écus. C'est toutefois lui qui regoit le serment des troupes qui gardent les forteresses de

sein du

cinquiéme

livre d'emblémes,

rassemblé

par une unité thématique

et d'inspiration:

tous trois

successivement les arguments topiques : le Symb. 139 traite du mépris de la mort, le Symb. 140 de l'immortalité de l'áme, le Symb. 141 de la lutte contre la douleur physique et, plus allusivement, contre les passions et la fortune. Dans ce triptyque, le Symb. 140 se distingue cependant sous plusieurs aspects. Avec ses 25 vers, il

présente des proportions plus modestes que le Symb. 139 (96 vers) et le Symb. 141 (145 vers). De plus, il adopte

le trimétre iambique, qui se préte particuliérement à l'exposé philosophique, alors que l'adoption d'une métrique horatienne rapproche le Symb.139, composé de strophes alcaiques, du Symb. 141, en métres alcmaniens, et leur donne une tonalité lyrique appuyée, propice au discours parénétique. Enfin, il ne se présente pas sous la forme d'un dialogue, alors que le Symb. 139 relate un entretien imaginaire entre le poéte et Cicéron, etle Symb. 141 entre le poéte et sa muse inspiratrice, Melpoméne. Ces trois emblémes subsument de fait la disparité des dédicataires sous une unité d'inspiration. Par leur situation dans le dernier livre du recueil, ils permettent également de comprendre l'articulation et la motivation d'autres séries, présentes dans le reste du recueil et inspirées elles aussi des Tusculanes, par exemple les Symb. 14

à 19 et 41-42.

Par ailleurs, d'autres symbola,

tout en ne dérivant pas d'une source cicéronienne

directe,

Pétrarque, « Amor que nel pensier mio vince et regna ». Il est en contact avec beaucoup de personnalités

présentent pourtant avec ces trois emblémes du dernier livre une parenté thématique indiscutable. Il sera particuliérement important ici de définir à chaque fois le statut de l'image et la fonction qu'elle remplit en regard du texte. Toutefois, le traitement épigrammatique des séries des deux premiers livres differe fondamentalement du ton plus méditatif, de l'écriture plus ample et lyrique, de la « mise en scene » littéraire et autobiographique des trois emblémes du dernier livre. Ceux-ci, oà Bocchi se montre soucieux d'étre fidéle à la lettre et à l'esprit de l'argumentaire cicéronien, s'en détachent pourtant quelquefois et laissent transparaitre, à travers d'infimes variations, les préoccupations d'un esprit qui, quoiqu'épris de philosophie romaine antique, demeure attentif à répondre à quelques-unes des questions spirituelles de son temps. Dans cette perspective, on insistera sur le fait

Giacchini lui dédie celle du De Praecognitione de Galien, et Benedetto Varchi, sa Dichiarazione sur la seconde

que l'embléme 140 et sa gravure, tout en s'inscrivant dans une séquence consolatrice qui articule autour d'eux les Symb. 139 et 141, occupent une place à part, en répondant à leur maniére au vaste débat sur l'immortalité de

Livourne et Pise, définitivement restituées par Charles Quint au duc en 1543. Campana meurt en 1546. Son seul

ouvrage littéraire est une Quaestio Virgiliana, publiée à Bologne en 1526 et dédiée à Hercule de Gonzague. Il

était par ailleurs entré comme

lecteur au Studio de Florence en 1 538. En

1543-44, il met tout son zéle à

réorganiser le Studio de Pise sur le modele de celui de Pavie et de Parme, en recrutant des enseignants prestigieux. Il est membre de l'Académie de Florence et propose en 1546 une lecon publique sur un sonnet de littéraires de son temps : Guglielmo Pazzi lui dédie sa traduction latine de la Poétique d'Aristote ; Leonardo

partie du Chant XVI du Purgatoire. Il se lie d'amitié avec Pietro Vettori, avec lequel il entretient une importante correspondance, et avec Cavalcanti. Pour un essai de datation de l'embléme permis par la biographie de Campana, voir infra l' Analyse. Le texte de l'embléme 139, rédigé dans un métre horatie n propice à la réflexion philosophique, se présente comme

une épitre adressée par Bocchi à son dédicataire, Francesco Campana (voir supra), dans laquelle il semble répondre à la requéte de ce dernier, et lui donne de ses nouvelles (cf. v. 1 : Campane, me nunc, si quid agam, roges). Celles-ci ne sont pas bonnes : Bocchi vient de perdre son pere (v. 3) et il e contraint, suite à une épidémie, de demeurer à l'écart de ses amis (v. 4-7). Il ne supporte cette situation difficile que gráce à ses lectures, celle de Cicéron en particulier, dont Bocchi imagine que, comme surgi des pages lues, il prend soudain vie et vient lui apporter, sous la forme d'une prosopopée, réconfort et consolation (v. 7-12). La scéne se (v. 13-78), Cicéron le maítre, qui avance

ses arguments pour ne pas redouter la mort et dépasser le chagrin, et Bocchi dans le róle de l'éléve-disciple qui pose des questions, raisonne ou avoue sa faiblesse devant le chagrin, n'hésitant pas à évoquer le souvenir et les propos de son pére défunt. Cicéron s'efface pour laisser place à une scéne autoréf érentielle oü le poéte se peint au moment

méme de restranscrire l'entretien sur l'inspiration de sa Muse, Melpoméne (v. 79-84). L'acte de l'écriture, qui permet

la ruminatio d'arguments logiques et vise, par la répétition et le ressassement rhétorique, à la conviction, semble jouer son róle thérapeutique puisque la douleur et la crainte s'évanouissent (v. 85-88) et que c'est le poéte lui-méme qui prend la place de Cicéron pour nous livrer en forme de maxime un épilogue (v. 89-96), oü il montre que la peur de la mort s'est pour lui définitivement dissipée et qu'il e prét pour la uita beata. 770

comprise entre trois villes « universitaires », Venise, Bologne et Padoue. L'étude de ce triptyque et la mise en lumiére de la dette de Bocchi envers les adaptations du stoicisme que

Cicéron effectue permettront de montrer comme la référence à l'Antiquité s'inscrit dans une perspective qui

ANALYSE

transforme alors en dialogue entre les deux hommes

l'Àme qui a occupé la fin du xv siécle et toute la premiére moitié du Xv* siécle, dans une zone géographique

demeure résolument chrétienne. 2. Les Tusculanes, entre autobiographie et argumentation rationnelle

Le texte emblématique du Symb. 139 paraphrase de trés prés les Tusculanes (voir apparat des sources et infra), véritable modéle littéraire et réservoir d'arguments pour le genre consolatoire à la Renaissance, peatétre plus

encore que les Consolations à Marcia, à Helvia et à Polybe de Sénéque ou la Consolation à osetS

Plutarque, et à l'égal sans doute des Soliloquia d'Augustin ou de la

; Consolation

de

; . Philosophie

de

de

+ 2345 Boece^**.

555 Sur ]e genre de la consolation dans l'Antiquité, voir R. Kassel, Untersuchungen zur griechischen und rómisthen Konolationslitératur; Münich, 1958 ; H. Th. Johann, Trauer unt Trost, Münich, 1968. Sur Cicéron imitateur de Crantor et sur la condclitin qu , s tss d en vem 45 et dont il ne subsiste

que

des fragments

dans les Tusculanes,

chez Lactance

et d

Augu£tin, voir

K Kumaniecki,

«

t

e :

Consolation perdue de Cicéron », Annales de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines d' Aix-en-Provence, 46, 1969, p. 369-402 ; * L'Apothéose de Tullia », dans Id., Essais sur l'humanisme cicéronien, Bruxelles, 1970, p.

335-341 ; bs G. Lepage, « Cicéron devant

Rc a mort

I de

Tullia d'aprés sa correspondance », Les Études Classiques, 44, 1976, p. 245-258 ; G. Garbarino, Temi e forme della ca cH geeeiccete eds latina, Turin, 1982 ; H. Zehnacker, « Officium consolantis. Le devoir de consolation dans la cordpondanas de Cicéron de at e de PI e à la mort de Tullia », Revue des Études Latines, 63, 1985, p. 69-86; A. Michel, « Sagesse et humanité », dans E. Huisman-Perrin (dir.), La consolation. Mots pour maux, Paris, 1997, p. 124-137 ; A. Setaioli, « La vicenda dell'anima nella Consolatio di Cicerone s; eps

Cen

P- 146-174 ; M. Testard, « Observations sur la pensée de Cicéron, orateur et philosophe. Consonances avec la tradition judéo-chrétienne.

771

IV.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Les Tusculanes suscitent un véritable engouement à la Renaissance (editio princeps : Rome, 1469)?3*6, Pétrarque par exemple en est un fervent lecteur, annote ses exemplaires du texte et se livre à diverses citations et imitations

dans ses propres oeuvres?" Cristoforo Landino?* en 1458 puis Politien en 1492-1493 les mettent au

programme de leurs cours au Studio de Florence. En 13543, Étienne Dolet publie à Lyon une traduction francaise

du texte, précédée d'une épitre liminaire à Francois I??? Les réflexions de Pétrarque sur la Spiritualité religieuse de Cicéron^?, les remarques placées dans la bouche d'Eusebius dans le Conuiuium religiosum

d'Érasme?*! ou la préface que ce dernier consacre au traité, dans son édition báloise de 152329, expliquent les

raisons qui peuvent justifier le succés de l'ouvrage à la Renaissance : Cicéron a mené une vie sainte, digne du

christianisme et il a eu l'intuition d'un dieu unique, qui récompense les bontés et venge les maux?'?. Mais ce

n'est sans doute pas là l'unique raison.

En effet, les Tusculanae disputationes, qualifiées par leur auteur aussi de senilis declamationes, d'exercitatio ou de

scholae, qui occupent une place à part dans l'aeuvre de Cicéron?^, sont présentées par l'Arpinate lui-méme comme une thérapeutique à des maux personnels et une véritable consolation de philosophie?**, Rédigés en

aoüt 45, ces entretiens s'inscrivent dans une période difficile de la vie de Cicéron : le décés de sa fille Tullia en

février 45 et la dérive monarchique de la dictature césarienne qui compromet définitivement la restauration des institutions républicaines espérées par Cicéron (cf. Tusc., 1, 1); éloigné de Rome, ce dernier entend consacrer

toutes ses forces à un otium philosophicum, en espérant trouver un reméde aux souffrances présentes dans les joies de la vie contemplative. Cependant, loin d'adopter un point de vue dogmatique, les cinq livres d'entretiens,

qui hésitent entre la disputatio rhétorique, le dialogue philosophique et la discussion in utramque partem^6,

prennent parfois une tournure trés personnelle et révélent également les doutes et les espoirs que le narrateur partage avec son disciple-interlocuteur. Constatant que cet interlocteur « semble n'étre qu'une figure bien évanescente de disciple », C. Lévy suggére la possibilité d'« une fonction philosophique et littéraire précise » de ce personnage inconsistant : la conversation pédagogique à deux constituerait la mise en scene d'un exercice spirituel, d'un dialogue intérieur pratiqué par le sujet pensant et écrivant, au cours duquel, à force d'arguments, l'Àme rationnelle tente de persuader la partie irrationnelle, livrée aux passions?*', Dans la tradition consolatoire, la réalité méme d'un interlocuteur distinct du sujet est présentée comme douteuse, par exemple dans les

Soliloques d' Augustin, qui se demande si l'intervention de Ratio est une voix intérieure ou extérieure (1,

1, 1),

tandis que la matérialisation allégorique de Philosophie au début de la Consolation de philosoph ie de Boéce, rédigée vers 524, semble proche de l'hallucination produite par un esprit accablé qui cherche désespér ement à recouvrer son équilibre en faisant appel à sa propre raison. On constatera que Bocchi va jusqu'à respecter formellement les contraintes de présentation du dialogue telles qu'elles sont adoptées à la Renaissance. Les éditions humanistes en effet, en se fondant sur la lecon de certains manuscrits récents, font précéder les réparties des personnages des lettres M et A, qui ont été diverseme nt

interprétées^** : M pour Marcus ou pour Magister, A pour Aulus, Atticus, Auditor ou Adulescens, voire comme une mauvaise lecture du grec A, pour Ai&áoxaAozc, « l'éléve »29. Le rapprochement avec Atticus, peu satisfaisa nt^?9,

est la solution que proposent certains éditeurs de la Renaissance, par exemple Philippe Béroalde l'Ancien?*?',

L'interlocuteur de Cicéron est effectivement un jeune homme

(adulescens : cf. Tusc., 2, 12, 28 ), qui a suivi un

enseignement philosophique en Gréce et a été initié aux Mystéres d'Eleusis (Tusc., 1, 12, 29 ; cf. Leg., 2, 36). La

La consolatio » Revue des Études Latines, 80, 2002, P. 95-114 ; F. Guillaumont, « Aprés la mort de Tullia : parole et silence » dans P. Laurence, F. Guillaumont (dir.), Les écritures de la douleur dans l'épistolaire, de l'Antiquité à nos jours, Tours, 2010, p. 275-290. Pour le Moyen Áge et la Renaissance, on consultera P. Von Moos, Consolatio. Studien zur mittellateinischen Trostliteratur über den Tod und zum Problem der chrictlischen Trauer, Münich, 1971, t. I et IT; G. McClure, Sorrow and Consolation in Italian Humanism, Princeton, 1991 ; A. Tarréte, « Remarques sur le genre du dialogue de consolation à la Renaissance », Bulletin de l'Association d'Études sur l'Humanisme, la Réforme et la Renaissance, 57, 2003, P- 133-152 ; L. Hermand-Schebat, « Stoicisme et christianisme dans les lettres de consolation de Pétrarque », dans F. Lestringant, A. Tarréte (dir.), Stoicisme et christianisme à la Renaissance, Paris, 2006, p. 17-33. 7*6 Voir J.-C, Margolin, « Les Tusculanes, guide spirituel de la Renaissance », dans R. Chevallier (dir.), Présence de Cicéron. Hommage au R. P. M. Testard, Paris, 1984 (Caesarodonum, 19 bis), p. 129-155.

#7 Voir par exemple Familiaris, 18, 14 et les analyses de L. Hermand-Schebat, « Pétrarque, lecteur des Tusculanes », [mis en ligne le 5 février 2009], URL : «http:/ /hal.archives-ouvertes.fr/hal-00359139» (1 1p.).

2348 Éditée dans R. Cardini, « Alle origini della filosofia landiniana : la Praefatio in Tusculanis », Rinascimento,

C. LANDINO, Scritti critici e teorici, éd. R. Cardini, Florence, 1974, t. I.

10, 1970, p. 119-149 ; voir aussi

5? V.-É. Telle, « L'épitre liminaire de Dolet à son édition des Tusculanes (1543), Bibliothéque d'Humanisme et Renaissance, 41/1, 1979, p. 99107. 535 Voir De Otio religioso, 5,6, 7 ; Familiaris, 21, 10, 12-13, Citées par L. Hermand-Schebat, « Pétrarque, lecteur des Tusculanes », p. 9. 55! Éd. Halkin in ASD, I-3, p.251. 352 1] s'agit de la lettre à Jean Vlatten d'octobre 1525, éd. Allen, t. V, p. 337-341. 25! Voir G. Vallese, « Érasme et Cicéron : les lettres-préfaces au "De Officiis" et aux "Tusculanes" », dans Colloquia Erasmiana Turonensia, Paris, 1972, t. I, p. 241-246 ; et Ch. Béné, « Érasme et Cicéron », ibid., t. II, p. 571-578. 2354 Le second prologue du De Diuinatione (2, 2), en accord avec les témoignages épistolaires (cf. Att. 15, 7,2;13,32, 25 13, 38, 15 13, 44, 1), montre qu'il faut isoler la rédaction

des Tusculanes de celles des Académiques, du De Finibus et du De Natura deorum. Voir S.

Luciani, Temps et éternité dans l'aeuvre philosophique de Cicéron, Paris, 2010, p. 111-112. De plus, les Tusculanes nourrissent clairement l'ambition (voir le prologue des livres 2 et 4) de créer une philosophie romaine capable de rivaliser avec la tradition grecque. Voir C. Santini, « Dal contesto al testo : l'esordio delle Tusculanae disputationes » in B. Amata (dir.), Cultura e lingue classiche III, Rome, 1993, P. 579-587 ; M. Citroni, « I proemi delle Tusculanae et la costruzione di un'immagine delle tradizione letteraria romana, in M. Citroni (dir.), Memoria e identità. La cultura romana costruisce la sua immagine, Florence, 2003, P- 149-184. Enfin, le texte cicéronien constitue la manifestation d'une émergence du sujet, complémentaire du De Officiis oà s'énonce la théorie panétienne des quatres personae. Voir C. Lévy, « L'áme et le moi dans les Tusculanes », Revue des Études Latines, 80, 2002, p. 78-84; S. Luciani, Temps et éternité, P. 97-132 : « Temps et subjectivité dans les Tusculanes ».

P55 Voir CIC, Tusc, 5, 121: « Dans quelles proportions la rédaction de mes traités philosophiques aura une utilité pour les autres,

je ne saurais le dire. Par contre, les souffrances poignantes ainsi que les tourments divers qui m'ont assailli de tous cótés n'auraient pu trouver ailleurs meilleur exutoire. » La puissance apaisante et médicale de la rhétorique, comme émanation de la Ratio, sur les passions et la douleur est célébrée par Pétrarque dans le De Remediis utriusque fortune et par Salutati dans son De Verecundia, deux traités qui empruntent beaucoup aux Tusculanes de Cicéron. Voir G. W. MacLure, « Healing eloquence: Petrarch, Salutati and the Physicians », Journal of Medieval and Renaissance

Studies, 15 /2, 1985, p. 317-346.

772

présence de ces lettres convenait d'autant mieux au propos de l'embléme que, si le M renvoie bien entendu à Cicéron (Marcus), le A peut se lire aussi comme l'abréviation d' Achilles...

Cette double dimension offerte par le dialogue, personnelle et pédagogique, explique largement le succés du texte cicéronien à la Renaissance, qui peut de fait devenir le support d'une réécriture méditative et curative oü le

moi souffrant se réapproprie des arguments extérieurs?*?,

3. La datation de l'embléme Or le contexte biographique des Tusculanes, loin d'étre anodin, permet de comprendre pourquoi Bocchi

accompagne la référence à Cicéron de la mention de deux événements de sa propre existence, qui rappellent

eux-mémes singuliérement ceux que nous avons signalés à propos de l'Arpinate. Bocchi fait, en effet, allusion à la

perte d'un étre cher et proche (v. 3 : carrissimum amisi parentem ; v. 30 : interitum mei parentis) qui se révèle étre

son pére (v.37: patrem). ll précise aussi qu'il est lui-méme exilé géographiquement de sa patrie, (v. 4-6 : patria... carerem) à cause d'une pestilitas (v. 6) : l'épilogue du Symb. 141 laisse entendre qu'il séjourne dans sa BS VoirA, E. Douglas, « Form and Content in the Tusculan Disputations », in ]. G. F. Powell (dir.), Cicero the Philosopher, Oxford, 1995, p. 197218 ; W. Górler, « Zum litterarische Charakter und zur Struktur der Tusculane Disputationes » in C. Catrein (éd.) : W. Górler, Kleine Schriflen zur hellenistisch-rómischen Philosophie, Leyde/Boston, 2004, p. 212-239, en particulier p. 239 ; S. Luciani, Temps et éternité, p. 120-121. C. Lévy, «* L'áme et le moi dans les Tusculanes », p. 85, rappelle que, dans le choix d'une opinion sur la nature de l'áme, Cicéron dépasse la position

sceptique d'Antiochus d'Ascalon présentée dans le De Finibus pour se poser la conviction que l'éthique ne se fonde pas seulement sur la théorie, mais, comme pour Socrate ou Sénéque, sur une prise de risque, un espoir, une opinion qui peut charmer, bref, un véritable pari : Cicéron pose

l'immortalité platonicienne de l'àme comme une conviction vraisemblable. x Lévy, « L'àme et le moi », p. 89-90 et S. Luciani, Temps et éternité, p. 122-123. ss Voir M. Pohlenz, « Die Personenbezeichnungen in Ciceros Tusculanen », Hermes, 46, 1911, p. 625-629, qui se fonde sur l'examen des Éditions vénitiennes de 1472, 1482, 1496 et 1498, sur l'édition báloise de 1534, sur les éditions parisiennes de 1565 et 1573 359 M Pohlenz, ibid., p. 629 fait remonter cette pratique d'ajouter des lettres pour distinguer les questions des éléves et lestépaaes du maitre à une tradition exégétique byzantine rapportée par Junilius Africanus et probablement introduite en Occident par Primase d'Adruméte au VI s. 59$ voir les arguments proposés par C. Lévy, « L’àme et le moi dans les Tusculanes », p. 89-90. aa j 99! Commentarii questionum Tusculanarum editi a Philippo Beoraldo, Parisiis, per Jehan Petit, 1509, f° VIIv^ : Propositio discipuli per dialogum quae in Pomponium Atticum esse uolunt et ideo per litteram A nomen Attici signant : qui interrogat, querit ex Mar. Tullio perinde ac ex magistro, et ille resbondet. Vnde merito questiones a querendo dicte ; Graeci zetemata et problemata appellant. Ex hac disserendi formula maxime ueritas uel quod uerissimillimum sit inueniri potest. 39 Voir A. Tarréte, « Remarques sur le genre du dialogue de consolation à la Renaissance », p. 148-151.

773

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

propriété au bord du Savio, le Vado Bocchiano (voir cet embléme), alors faubourg de Bologne. Or Giulio Bocchi meurt en 1537, ce qui fournit un terminus post quem"?9?, Nous proposons en appendice l'édition et la traduction d'une ode écrite par Bocchi à son pére Giulio, qui figure dans le Lusuum liber ad Leonem X Pontificem Maximum et dans laquelle Bocchi tente de soulager son pére, visiblement tombé en pauvreté et sur le point de mourir.

Académie, autour d'Arcésilas et de Carnéade?* et dont Cicéron, au début des Tusculanes, rappelle l'origine

Toutefois, la date de 1537 pose probléme dans la mesure où le texte du poéme figure dans l'exemplaire des Lusuum libri duo conservé à l'Angelica de Rome (f. 56r-6or). Or, dans le manuscrit, le poéme est adressé à Paolo

personnel. La logique dogmatique est ici sacrifiée à l'efficacité, ce qui est le sens méme de l'attitude de Cicéron

s'ensuivirent pour toute l'Italie. Comment expliquer cette inexactitude de dix ans ? Le texte, écrit en 1527,à probablement été remanié aprés 1537, en relation avec la situation de deuil de Bocchi. Mais la date de 1527 a été conservée dans le manuscrit des Lusuum libri duo, dans la mesure oü elle continue à fournir, bien apres les

Aprés le prologue (v. 1-12) dont nous avons rappelé les enjeux, s'ouvre la prosopopée de Cicéron. Pour l'essentiel, Bocchi y paraphrase le propos du premier livre des Tusculanes, qui s'achéve sur un éloge de la mort et résume la question philosophique motivant le livre tout entier : la mort est-elle un mal ? Pour répondre à cette question, Cicéron avait jugé nécessaire de définir ce qu'est la mort et, en particulier, si elle est la simple disparition du corps, ou si elle entraine également la disparition de l'àme. De là, l'examen méthodique des opinions d'un grand nombre de philosophes sur la nature de l’àme et de ses liens avec le corps?*. Cela revient à savoir si l’àme est immortelle ou non. Soit elle est immortelle — et Cicéron pense que c'est là l'opinion la plus plausible et la plus acceptable, car fondée sur le sens commun"? et l'examen de ses facultés pour le moins divines 777 -, et dans ce cas, la mort signifie, pour l'Àme, la migration hors du corps vers un autre lieu et elle n'est

Pino (dédicataire du Symb. 101), et surtout, il porte la mention de sa date de composition, 1527 : il s'agit probablement de consoler le dédicataire des malheurs du sac de Rome, et des conséquences délétéres qui

événements du sac, un cadre politique et affectif propice à la déploration. On ne peut comprendre les motivations de la dédicace à Campana que si on suppose que Bocchi, en s'adressant à Campana afin de lui exposer les moyens qu'il a trouvés pour se consoler personnellement, lui propose en méme temps une méthode dont il pourrait user à son tour. Quelles raisons Bocchi aurait-il eues de rédiger à Campana une épitre consolatrice, sinon pour le distraire de la mort d'un étre cher et/ou d'une situation personnelle critique ? Nous avons dit qu'en 1537 le pére de Bocchi mourait, ce qui permet de fixer une date probable au remaniement du poéme. Or, un examen attentif de la biographie de Campana permet de constater qu'en 1537 précisément, celui-ci connait visiblement à nouveau des tourments et perd un étre fort proche de lui, le duc Alexandre de Médicis. Ce dernier, autorisé par un décret impérial de 1531 à exercer le pouvoir à Florence, est assassiné en 1537. Le pape Clément VII, un Médicis, avait chargé Campana d'exercer les fonctions de secrétaire auprés d'Alexandre et l'humaniste n'avait pas tardé à devenir le confident de son protecteur. La fin tragique du duc n'a pu qu'ébranler fortement le dédicataire du poéme bocchien et explique qu'une consolation

au second degré lui soit adressée, d'autant plus que la situation politique méme de Campana, qui s'était jusquelà consacré au service exclusif des Médicis, ne semble pas assurée avec l'arrivée sur le tróne papal en 1534 de

socratique**7, En interrompant à plusieurs reprises le dialogue fictif qu'il entretient avec Cicéron pour évoquer sa douleur et ses souffrances privées, Bocchi est attentif à évacuer le risque de la théorisation et de l'impuissance

dont

on

pourrait

accuser

la philosophie,

en ramenant

l'argumentaire

cicéronien

sur le terrain

humain

et

dans son traité**°. Mais il est temps de se pencher à présent sur la prosopopée de Cicéron.

5. Contre la metus mortis : la recomposition bocchienne du discours cicéronien

donc pas un mal. Soit elle est mortelle?"^ et, dans ce cas, mourir signifie tout simplement s'endormir pour

toujours et perdre définitivement la sensation. Il s'ensuit que la mort n'est donc pas douloureuse, qu'elle n'est pas un mal, voire qu'elle peut étre le terme des souffrances de la vie et qu'elle devient donc un bien. Gráce à cet exposé sur l'alternative entre une áme mortelle ou immortelle, soulignée par l'articulation syntaxique si/sin, Cicéron unifie les divergences des écoles philosophiques, en les faisant parvenir à une conclusion similaire : il ne faut pas craindre la mort. Bocchi reprend les termes du débat, jusqu'à leur articulation, comme permet de le constater le tableau comparatif suivant :

Paul III, un Farnése, auquel il s'est montré franchement ho&ile dés avant son élection.

4. Entre scepticisme et pragmatisme : le critére de l'efficacité et la référence à l'individu

De la méme maniére que Cicéron rappelle fréquemment, dans son traité, l'écriture de sa Consolation et donc la mort de sa fille, Bocchi revient à plusieurs reprises sur la perte de son pére et il n'hésite pas à faire état de ses

sentiments à l'égard du défunt (v. 30-31: parentis quo mihi carior/ Nemo fuit), de l'exercice douloureux de

mémoire

(v. 37: memini patrem ; v. 29-30 : Ergo miser... flebo), voire d'une émotion certaine (v. 45 : O uerba

semper fixa animo meo). Cette référence permanente à une situation personnelle montre par là méme qu'il a

parfaitement compris l'originalité de la position intellectuelle de Cicéron. Ce dernier, en effet, déclare que son

?'* Voir C. Lévy, Cicero academicus : recherches sur les Académiques et sur la philosophie cicéronienne, Rome, 1992, p. 320 sq. #7 CIC, Tusc, 1, 4, 7: «[...] Ces conférences sont les déclamations de ma vieillesse. [...] Voici comment nous procédions : celui qui

et de la douleur, mais, au contraire, de définir une méthode

souhaitait m'entendre donnait son opinion, puis je traitais le th&me contraire. C'est là, tu le sais, la vieille méthode socratique, qui consiste à

objectif n'est pas de s'en tenir à une vérité dogmatique, ferme et définitive, en ce qui concerne la peur de la mort empirique,

efficace et adaptée, à la fois aux

circonstances et à la diversité des situations rencontrées dans la réalité, Cette méthode, fondée sur l'histoire individuelle et sur l'expérience empirique, sensible à la bigarrure du réel, s'aidera de tous les aspects les plus

satisfaisants et les plus probables de chaque doctrine, qui, par ailleurs, auront toutes été soumises à discussion ,

voire à contestation". On reconnait là la technique aporétique du contra omnia dicere inspirée de la Nouvelle

iz. ve; - Raveira-Aira, « Achille Bocchi et la sua Historia Bononiens i », Studi et memorie per la storia dell'Università di Bologna, 15, 1942, p. es » Tusc. 3, 32, 79 : « Ainsi, de méme que dans les procés, nous n'utilisons pas toujours la méme méthode de défense — c'est ainsi que l'on

appelle les genres de controverses -, mais que nous l'adaptons aux circonstances, à la nature des controverses, à la personne, de méme, pour apaiser la douleur, il faut voir quel type de traitement chacun peut supporter ».

2365 CIC, Tusc.,

3, 31,76 : « Certains philosophes combinent l'ensemble de ces méthodes de consolation [Cicéron vient de mentionner celle de

Cléanthe, des Péripatéticiens, d'Épicure, des Cyrénaiques, de Chrysipp e], car chacun n'est pas sensible au méme argument qu'un autre ; nous avons fait pour ainsi dire de méme dans notre Consolation en rassembl ant tous les systemes pour consoler une seule personne [= Cicéron luiméme]. »

774

réfuter l'opinion d'un interlocuteur. Car Socrate estimait que c'était la meilleure méthode pour trouver ce qui se rapproche le plus du Vrai ». “ Voir A. Michel, « Rhétorique et philosophie dans les Tusculanes », Revue des Études Latines, 39, 1961, p. 158-171. Voir aussi C. Lévy, Cicero academicus, p. 482-483 : « Pour Cicéron au contraire, ce qui est vrai dans l'idéal, c'est-à-dire pour un étre qui ne serait que raison, ne peut concerner immédiatement l'humanité souffrante. Si l'indifférence à la douleur et à l'absence de passion doit demeurer l'objectif de celui qui aspire à la sagesse, il ne faut pas craindre, pour soulager la souffrance du commun des mortels, les tá&tonnements et méme les contradictions d'une démarche qui a pour fin non pas d'appliquer une thérapeutique conceptuellement irréprochable, mais en quelque sorte de parer au plus pressé. [... ] Cette attention aux épreuves de ceux qui ne sont pas des sages, ce souci d'efficacité qui s'accompagne du sentiment de lh distance existant entre la théorie rationnellement parfaite et l'expérience vécue, semblent conduire Cicéron à un euidsne en cenicedtilion avec la rigueur absolue qui est la sienne lorsqu'il parle de la sagesse. [...] Pour Cicéron, homme meurti par tant d épreuves et qui a dà souvent réver d'une impossible paix intérieure, l'impératif absolu n'est pas d'intégrer les concepts de douleur et de passion dans un sjitime eb la physique,

l'éthique et la logique seraient étroitement dépendantes l'une de l'autre, mais de lutter continüment sanie la maladie del áme, depuis la consolation adaptée à une personnalité particuliére jusqu'à la méditation sur la parfaite sérénité du sage ». Voir aussi C. Lévy, « L'áme et le moi dans les Tusculanes », p. 93-94. 9? Cic, Tusc., 1, 10, 19-1, 11, 25. un ote; Tusc., 1, 12, 26-1, 16, 37.

à CiC.,, Tusc., 1, 22, 50-1, 34, 81.

CIC., Tusc., 1, 24, 82-1, 46, 11.

775

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

cette donnée est donc le meilleur moyen d'atténuer ses souffrances et, à l'encontre d'Arcésilas?"5, il estime que,

GI

Lm

Dogmate Socratico ut monemur.

cohérence doctrinale?7,

|

La seconde interruption que fait Bocchi au vers 77 pour rappeler l'attitude sereine de son pére sur le point de mourir est intéressante à plusieurs égards. Tout d'abord, Bocchi tente de montrer que son pére a assimilé les

propos mémes de Cicéron, dont l'efficacité est de fait à nouveau prouvée :

|

Nam quid potest optabilius dari No&tris supremus si ille animis dies Mutationem affert loci, non Interitum omniaué auferentem

|; Nam si supremus ille dies non — extinctionem, | sed commutationem adfert loci, quid optabilius ? ha |

Exstinctionem ? Sin perimit Statim

Sin autem perimit

Ac delet omnino, an melius putas

Quicquam esse nobis quam repente

Somnóque conniuentia lumina Mox consoporari perenni Vndè mala omnia finiantur ?

i

Quae cum ita sint, magna tamen eloquentia est| utendum atque ita uelut superiore e loco|

contionandum ut homines mortem uel optare incipiant uel certe timere desistant.

| M. - Mortale quicquam si saperet genus ! Mortem uel optare inciperet uel hanc Desisteret saltem timere

In mediis miserae et caducae Vitae huius obdormire laboribus

— Tusc. 149,117

vu son efficacité, ce doit étre là le premier argument à mettre dans une consolati on, indépendamment de la

ne^

in mediis _ uitae

His maximas ipsum memini patrem

Extremo agentem tempore gratias

Vultu sereno praetulisse

ac delet omnino quid melius

quam

DUC

"C

laboribus obdormiscere et ita conniuentem somno consopiri sempiterno ?

|

| | |

La première intervention de Bocchi (v. 29-31) oppose à Cicéron l'argument suivant: méme si l'on peut se convaincre rationnellement que la mort n'a rien de redoutable, la douleur née de la perte d'un étre cher n'en est pas moins réelle. On a beau penser que la mort n'est pas un mal, comment se consoler de la disparition de celui qu'on aime et qui nous est proche ? La question de Bocchi rejoint en fait le propos du livre 3 des Tusculanes dont la question générale est : le sage est-il accessible au chagrin ? La réponse que l'Arpinate fait à Bocchi (v. 31-36: fata enim/ Sic lege sanxere irreuocabili/ Aucta ut senescant occidantque/ Serius ocius orta quaeque), dans une formulation qui ne va pas sans rappeler Horace^"?, s'inspire des méthodes de consolation rappelées au livre 3. Cicéron y reconnait que la forme le plus douloureuse du chagrin est dans le deuil. Mais il avoue, selon la classification des passions qu'il emprunte aux Stoiciens, que le chagrin (aegritudo) reléve de l'opinio mali praesentis, la crainte (metus) de l'opinio mali impendentis : tous deux sont une forme d'imagination trompeuse qui nous fait voir, de maniére disproportionnée, l'étendue du mal qui nous arrive ou doit nous arriver?"*. La

fausseté de l'opinion se guérit par la puissance du raisonnement, et Cicéron recourt pour cela à l'argument de la lex naturae, qui rattache le genre humain au reste des créatures vivantes et l'astreint à se plier aux regles de la Necessitas. La nécessité intrinséque de notre nature et de notre condition est de naitre, grandir et périr, ce qui est

la régle de toute vie". Le terme méme d'orta quaeque du texte de Bocchi fond la diversité générique dans

Laetitam ac sibi gratulantem Quippe ille felix iam appeteret dies Quo liberum se cerneret e graui | Custodia emitti atque uinclis i Corporeis subito leuari.

wa

y

Nos uero, si quid tale acciderit ut a deo denuntiatum uideatur ut exeamus e uita laeti et agentes gratias pareamus

emittique nos e custodia et leuari uinclis arbitremur ut aut in aeternam et plane in nostram domum remigremus aut omni sensu molestiaque careamus.

De plus, l’intervention de Bocchi est une forme de réponse à la lex naturae que mesure où elle confirme que l'issue de cette fatalité (occidantque) n'est pas un emprunte à Cicéron pour évoquer le comportement de son pére, plein de comporte les termes de grauis custodia ou de uincula corporis pour désigner le

nous venons de rappeler, dans la mal. En effet, l'image que Bocchi constantia (v. 41: uultu sereno), carcan du corps et de liberum et

leuari pour décrire l'état de celui qui en est débarrassé. Or c'est là une image typiquement platonicienne?"^,

d'autant que l'expression liberum se cerneret e graui custodia identifie clairement le sujet avec l'élément qui reste, une fois éliminée la prison du corps, c'est-à-dire l'àme. Référence est faite ici à l'anthropologie du Premier

Alcibiade, qui identifie l'homme à son áme??? et ne voit dans le corps qu'entrave et pesanteur, qui l'empéchent d'accéder à la sagesse. L'intervention de Bocchi pose sans ambiguité le postulat platonicien du dualisme psychologique, auquel Cicéron adhére comme argument probable dans les Tusculanes”®°. À la fin du passage,

que Bocchi omet, il est clair que, tout en paraissant maintenir la double hypothése sur l'àme, mortelle ou

immortelle, Cicéron se rallie en réalité à une position platonicienne, avec le théme de l'àme regagnant sa

demeure (in nostram domum remigremus), ou de l'àme libérée des affects liés au corps (sensu, molestia).

Enfin, l'intervention de Bocchi lui permet de recourir au deuxiéme procédé de consolation que recommande Cicéron et que suscite la référence à l'inéluctabilité de la condition humaine. Il s'agit, en recourant aux exemples, de lutter contre l'opinio mali praesentis, en nous rappelant que d'autres ont enduré le chagrin que nous vivons, et

l'ensemble indistinct des étres, qui relévent de la genesis, de la naissance. Pour Cicéron, connaitre et accepter

55 C£ HOR,, Carm., 2, 3, 25-28 : Omnes eodem cogimur, omnium/ Versatur urna serius ocius/ Sors exitura et nos in aeternum/ Exilium impositura cumbae. « Nous somme tous poussés vers le méme point, pour tous, le sort est agité dans l'urne ; il en sortira plus ou moins tót et nous placera dans la barque vers l'éternel exil ». On retrouve chez Bocchi le doublet serius ocius et l'idée horatienne du sors et de l'urne trouve des échos dans les terme de fata et de lex irreuocabilis. L'image poétique de la cumba et de l'aeternum exilium n'existe pas chez Bocchi, mais trouve un équivalent prosaique dans occidant. ?9* Cic, Tusc., 3, 11, 25 : « Car la crainte consiste dans l'opinion qu'un mal nous menace ; le chagrin, lui, consiste dans l'opinion qu'un grand mal nous arrive, dans l'opinion bien ancrée [pour la justification de la traduction du mot angi, voir 3, 31, 75] que ce mal est si grand qu'il semble

juste de se tourmenter, c'est-à-dire que celui qui souffre estime qu'il doit souffrir ». “$ CIC, Tusc,, 3, 25, 59 : « Cette loi qui veut que, par notre nature, nous ne soyons jamais assurés définitivement contre la douleur. » Voir aussi

1, 38, 93 : « Mais la nature nous a accordé la vie en prét, comme de l'argent sans fixer l'échéance de remboursement. Quelle raison a-t-on de se

plaindre si elle réclame son bien quand elle veut ? »

776

?* CIC, Tusc., 3, 25, 60 : « Je ne partage absolument pas l'avis de Carnéade. Car la nécessité de supporter notre humaine condition nous évite de nous battre, pour ainsi dire, avec Dieu, en rappelant que nous sommes des hommes, et cette pensée lutte efficacement contre le chagrin. » E GIC. Tusc., 3, 25, 61 : « Tous les moyens sont bons pour soutenir ceux qui s'affaissent et se décomposent sous la violence du chagrin ». 7* Voir PL, Phaedo, 62b ; Crat., 6oc. Pour le sens et la postérité de ces références, voir P. Courcelle, « Tradition platonicienne et traditions chrétiennes du corps-prison », Revue des études latines, 43, 1965, p. 406-443. Cf. PL, Alc, 1306: « Puisque l'homme n'est ni son corps, ni le composé de l’àme et du corps, il reste que l'homme se trouve n'étre rien d'autre que son àme. » Voir la pénétrante analyse de J. Pépin, Idées grecques sur l'homme et sur Dieu, Paris, 1971, p. 71-73. Se CIC, Tusc., 4, s, 10 : [... ] « Je suivrais l'ancienne conception de Pythagore, suivi par Platon, qui divisent l'àme en deux parties, l'une qui reléve de la raison, l'autre qui n'y participe pas. » Voir aussi 1, 30, 74 : « Ainsi, que faisons-nous d'autre, lorsque nous appelons notre àme loin

du plaisir, c'est-à-dire loin du corps, loin des biens familiaux, qui sont les ministres et les serviteurs du corps, loin de la république et de toute activité, que faisons-nous, dis-je, sinon faire revenir l'àme à elle-méme, l'obliger à étre seule avec elle-méme, bien loin du corps ? Or séparer

l'áàme du corps n'est rien d'autre qu'apprendre à mourir. Persuadons-nous en, crois-moi, et dégageons-nous du corps, c'est-à-dire apprenons à

mourir. Ainsi, alors méme que nous serons encore sur la terre, nous connaitrons la vie céleste et lorsque, libérés des chaines d'ici-bas, nous serons emportés vers l'au-delà, l'envol de nos ámes en sera plus rapide. [ ... ] Lorsque nous serons arrivés, nous goüterons alors à la vraie vie ».

777

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V & ©

2 : 4 2381 le prétendre qu'il n'est donc pas aussi intolérable que nous voulons bien . Ce recours aux exemples reléve presque d'un impératif méthodologique chez Cicéron et chez Bocchi : chez le premier, il permet une sorte d'expérimentation par l'imagination et la mémoire, qui contrecarre les méfaits de l'opinion fausse gráce au souvenir, répété et appuyé dans le texte, de la grandeur des héros historiques. Quant à Bocchi, il a recours aux exemples, parce qu'il peut y déployer l'idée d'« illustration », au double sens d'image frappante et d'image qui économise du texte. En ce sens, l'exemple de son pére accueillant la mort avec sérénité est mis en paralléle avec l'attitude des deux héros antiques, que cite Cicéron et que nous apercevons sur la gravure, Théraméne et So-

| Sed uis profecto, crede mihi, potens | Quaedam ultimo inde a principio fuit | Quae sedulo humano usque et usque Consuleret generinecipsum

| ld gigneret sempernealeretquidem

dernier

argument

que

Bocchi

met

dans

la bouche

de

l'Arpinate

(v. 44-78)

se fonde

sur l'idée

d'une

providence, divine (a diis immortalibus) ou naturelle (a natura parente), logique avec elle-méme, qui ne pourrait

pas avoir créé un étre pour le vouer au malheur perpétuel. Les ajouts que pratique Bocchi par rapport au texte-

source sont loin d'étre anodins. Par exemple, la référence aux bestiis (v. 66) montre dans quel sens il interpréte cette providence : on ne peut supposer la création d'un étre aussi spécifique que l'homme, doté d'une àme, pour que la mort le réduise à néant telle une béte, méme si sa constitution physique lui confére des similitudes avec le monde animal. La présence de l'àme dans le corps exige qu'un destin spécifique lui soit réservé. Pour ne pas se prononcer catégoriquement sur la nature de ce destin, Cicéron avait employé une double image pour la mort :

celle du port, dans le cas où l'àme est immortelle, c'est-à-dire la mort comme lieu oü l’Ame arrive, mais aussi d'oü elle peut repartir ; celle du refuge, si l’àme périt avec le corps, c'est-à-dire un lieu d'oü elle ne repart pas,

mais qui marque aussi le terme de ses souffrances. Or Bocchi semble se rallier à une attitude platonicienne. Le promeritis (v. 69), qu'il ajoute, loin de laisser ouverte la possiblité d'une mort de l'àme, va au contraire totalement dans le sens de l'eschatologie chrétienne, mais aussi de celle du Gorgias ou du Phédon, où les àmes

portent les stigmates de ce qu'elles ont accompli de mal dans la vie avec le corps et doivent en rendre compte, comme le rappelle d'ailleurs Cicéron lui-méme dans les Tusculanes?*?, On remarquera tout ce que cette croyance en une force providentielle et divine peut éveiller d'échos proprement chrétiens, d'autant que Bocchi change, de maniére significative, le terme diis immortalibus de Cicéron en Deo ab optimo ou en opifex supremus, qui renvoient à la fois au démiurge du Timée et au Yahvé de la Genése :

am

med

en aptitutéu

Uu Rh Verum

M. - Ergo ultimum illum nos etiam, ut decet,

Nobis diem faustum putemus Qui solet horribilis uideri | Vulgo imperitis. Quin nihil in malis Ducamus unquam quod Deo ab optimo

Sit constitutum namque frustra Si nihil ille opifex supremus

Siue omnium natura parens facit,

| Quis fortuito, quis temere satos

Nos et creatos arbitretur ?

Nemo quidem nisi mentis expers.

um

E DES AS TIERS.

es

" s

ut horribilem illum diem aliis, nobis faustum putemus nihilque in malis ducamus, quod sit uel a diis immortalibus

| uel a natura parente omnium constitutum.

Non enim temere nec fortuito sati

__

Perfugium potius putemus

| Nobis paratum promeritis bene | Quo peruehi passis utinam omnibus

Velis, cito cursu et secundo Iam liceat. Sed enim inde uentis | Multo tamen post diua necessitas

|

| quae generi consuleret animo nec | id gigneret aut aleret | quod cum exanclauisset omnes labores

Omnes eodem uult referri.

Non homines neque dei repugnant.

| Sed quod necesse est omnibus, obsecro, | Vnine tantum esse id miserum potest ?

| tum incideret in mortis malum sempiternum.

i

; Portum potius

| paratum nobis et perfugium putemus.

| Quo utinam uelis passis peruehi | | | liceat !

| Sin reflantibus uentis reiiciemur,

| tamen | : | eodem paulo tardius referamur necesse est. | | Quod autem omnibus necesse est, | | idne miserum esse uni potest ?

6. Le sens de l'épilogue : Cicéron, entre Horace et Boéce

La fin de l'entretien avec Cicéron est clairement indiquée par une transition aux vers 79-80 : Hac nuper ille oratione/ Flexanima mihi consulebat. La voix qui s'exprime derriere les pronoms de premiére personne est donc celle du personnage Bocchi. Un troisiéme personnage, la muse du don poétique, Melpoméne, survient alors, mentionnée explicitement pour la premiére fois dans le poéme et cette référence confirme l'hommage à

Horace^"", lisible déjà dans l'utilisation de la strophe alcaique ou dans la mention faite par Bocchi de la Lesbiam

Cytharam (v. 82), qui renvoient aux sources grecques de la poésie horatienne?*5, Alcée, Sappho, Alcman. La Muse prend dans l'embléme le relais de la figure cicéronienne qui apparait au sujet attristé et avec laquelle il s'entretient pour récapituler les arguments rationnels qui lui permettront de dominer sa peine : la remémoration du discours philosophique antique, facilitée par la prosopopée et l'apparition de l'Arpinate qui joue le róle de magister, trouve son accomplissement dans la rédaction poétique de la lettre-embléme destinée à la consolation d'autrui. Parfaitement assimilé, le propos cicéronien devient la chair méme de l'inspiration lyrique et, au sein du poéme-prosopopée, la Muse se transforme en allégorie du texte cicéronien. Bocchi, apaisé, entend à son tour assumer le róle consolatoire que lui assigne son amicitia pour Campana et sa voix se confond avec celle de son maitre, montrant que la méthode a été efficace et la guérison totale. On remarquera l'utilisation systématique

Sin autem nihil denuntiabitur, eo tamen simus animo,

et creati sumus

^.

_

Quod cum labores innumerabilis Casus iniquos et tot aestus Anxiferos animi tulisset, Tum demum in aeternum incideret malum | Mortis uelut contingere bestiis Sat constat. Ast portum et perenne

crate : il assure, pour ainsi dire, une filiation avec eux, dans une sorte de chaine ininterrompue de l'héroisme?*, Le

__

| sed profecto fuit quaedam uis.

| |

|

qui y est faite du présent intemporel du syllogisme et, dans les vers 85-86, du parfait à valeur résultative (effecta

mortis maxima protinus/ Contemptio est), renforcée par l'adverbe protinus, qui traduit à la fois l'idée d'un résultat immédiat et d'un processus qui va, sans détours, vers sa réalisation :

P! Cf. CIC, Tusc, 3, 23, 57 : « À ce

deuxiéme genre [- celui des exemples] se rattache la méthode de consolation qui montre que ce qui est arrive est propre à la condition humaine. Non seulement ce procédé permet de connaitre la nature du genre humain, mais encore de prouver que sont tolérables les souffrances que d'autres ont endurées et endurent encore ».

39? L''exemple du pére de Bocchi est également en continuité avec tous les exemples moraux du premier livre, qui visaient à montrer que la mort n'a rien de redoutable : cf. Symb. 15 ; 18 ; 19. 29 Voir le discours de Socrate dans Tusc., 1, 30, 72, qui distingue les àmes souillées par leur vie dans le corps et bannies du monde des dieux et

celles qui ont gardé leur pureté et sont récompensées en conséquence.

778

59 Horace nourrit, en effet, une certaine prédilection pour cette Muse : voir Carm., 1, 24, 3

95 Cf Hon, Carm. 1, 1,34: Lesboum [ ...] barbiton ; 1, 26, 11 : Lesbio [ ... ] plectro.

2, 1, 9-10

3, 3, 165 4, 3, 1.

779

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 "Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Bocchi

’. 88-96

Tum effecta mortis maxima protinus Contemptio est, quae non minimüm ualet

Ad liberandum cor timore Atque labantem animum erigendum.. Qui nanque quod uitare nequit, timet,

Esse is quieto nunquàm animo potest. Qui autem mori non extimescit, - Non modó propterea quod olim Plané id necesse est, uerum etiam quia

Nil mors quod horrendum sit habet —, sibi Certissimum omninó ad beatam

Praesidium parat ille uitam.

Cicéron

|

Tusc, 2, 1,2

|

[...] magna uidebatur mortis effecta

|

contemptio, quae non minimum ualet

le sage connaitra le bonheur) que Cicéron rapporte l'histoire d'Antipater de Cyrénaique??", épisode repris

ad animum metu liberandum.

textuellement par Bocchi dans le Symb. 17.

! Nam qui id quod uitari non potest metuit

| is uiuere animo quieto nullo modo potest. | Sed qui |

7. La gravure : enargeia picturale et articulation avec les emblémes du premier livre

| non modo quia necesse esf mori, uerum etiam quia

| nihil habet mors quod sit horrendum, | mortem non timet, magnum is sibi

| praesidium ad beatam uitam comparat.

La substitution de la Muse à la figure de la Ratio incarnée sous les traits de Cicéron est un hommage direct à la Consolation de Philosophie de Boéce, qui adopte un dispositif dramaturgique paralléle, méme si le motif de la substitution est tout différent : chez Boéce, la figure de Ratio chasse sans aménité les Caménes élégiaques, traités

de scenicas meretriculas, de « petites prostituées de théátre » (Cons., 1, pr. 1, 8) pour leur substituer la « Muse de Platon » (Musa Platonis, Cons., 3, m. 11, 1 5), non pas simple métonymie des doctrines platoniciennes utilisées dans le texte, mais véritable magistra de l'initiation « musicale » du personnage de Boéce (et du lecteur) aux

secrets du monde et à l'harmonie des sphéres, qui justifie pleinement l'insertion de poémes entre les parties dialoguées^?**, Dans l'embléme en revanche, il y a continuité et non pas rupture entre l'intervention de Cicéron et celle dela Muse. Que Bocchi décide de versifier Cicéron peut donc s'expliquer tout d'abord par le critére de l'efficacité

démonstrative : on se souvient du propos de Sénéque sur la puissance mnémotechnique du rythme dans l'acquisition des principes philosophiques?" ou encore de Lucr&ce recommandant la douceur miellée du chant pour faire absorber au malade le reméde philosophique épicurien?**, Pourquoi faire le choix de Melpoméne, la

muse horatienne? Sans doute, là encore, en hommage

indirect à Boéce qui s'inspire lui-méme largement

d'Horace, et qui en fait à la fois un modéle éthique, pourvoyeur en particulier de sentences gnomiques, et un

modéle lyrique, sous le signe de la uarietas?*. De plus, l'éclectisme philosophique d'Horace?*?, qui emprunte

tantót à l'épicurisme, tantót au stoicisme, tout en brouillant les cartes par une

tout à étre efficace dans le soulagement des maux. Cette attitude pousse l'Arpinate à accepter ponctuell ement certaines conclusions dont la formulation lui semble juste, y compris de la part d'Épicure, méme s'il ne cache pas par ailleurs son profond désaccord avec l'article fondamental de la doctrine épicurienne, qui veut que le plaisir soit le bien supréme. C'est d'ailleurs dans le cadre d'une concession à Épicure (méme infirme, aveugle ou sourd,

forme

de dérision et de

distanciation ironique??', s'accorde bien avec l'anti-dogmatisme de Cicéron dans les Tusculanes, qui vise avant

L'originalité de la gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana", nous parait résider dans le fait que les deux exemples qu'elle propose, Théraméne buvant à la santé de Critias et Socrate entouré de ses disciples au moment de sa mort, ne sont jamais évoqués dans le long poéme, mais quils en illustrent toutefois parfaitement le propos : ce sont en effet les deux exemples mémes que Cicéron choisit pour appuyer son développement sur le mépris de la mort??^ II est remarquable, par ailleurs, que ces deux exemples se suivent chez Cicéron lui-méme. De plus, cette source littéraire permet des similitudes graphiques : le motif de la coupe de poison et celui de la prison. Enfin, la description de l'univers carcéral dans la gravure est en écho harmonieux avec l'image platonicienne de l'àme libérée de sa prison et de ses fers qu'emploie Bocchi aux vers 42-44. La gravure et le texte de l'embléme ne dépendent donc pas l'un de l'autre, mais tous les deux d'une source commune, dont ils entendent restituer le propos chacun à sa maniére, tout en se complétant. La gravure est donc ici une illustration, une « mise en lumiere », une image graphique qui équivaut à un trope, l'hypotypose, qui sculpte sous les yeux l'exemple historique, jouant comme une actualisation permanente du discours rhétorique et de l'argumentation logique dont elle renforce l'efficacité immédiate. L'image du Symb. 139 est un véritable emblema, une tesselle ornementale qui assure la cohésion du discours Ages, t. 1: Stoicism in Classical Latin Litterature, 1990", p. 160-194 ; voir également par ordre chronologique les études trés utiles et éclairantes de J. P. Kohler, Epikur und Stoa bei Horaz, Greiswald, 1911 ; W. Kroll, « Horaz Oden und die Philosophie », Wiener Studien, 37, 1915, p. 223-238 ; A. Rabe, « Das Verhiltnis des Horaz zur Philosophie », Archiv für Geschichte der Philosophie und Soziologie, 39, 1930, p. 77-91 ; N. N. DeWitt,

« Epicurean Doctrine in Horace », Classical Philology, 34, 1939, p. 127-134 ; Ph. Merlan, « Epicureanism and Horace », Journal of the History of Ideas, 10, 1949, p. 445-451 ; V. Póschl, « Poetry and Philosophy in Horace », in D. C. Allen, H. T. Rowell (dir.), The Poetic Tradition: Essays on Greek, Latin, and English Poetry, Baltimore, 1968, p. 47-61 ; W. Rehmann, Die Beziehungen zwischen Lukrez und Horaz, Freiburg in Breisgau, 1969 ; C. W. Macleod, « The Poetry of Ethics : Horace Epistles 1 », Journal of Roman Studies, 69, 1979, p. 16-27 ; W. D. Lebek, « Horaz und die Philosophie : Die Oden » in Aufstieg und Niedergang der rümischen Welt, ll, 31.5, Berlin/New York, 1981, p. 2031-2092 ; R. Mayer, « Horace's Epistles 1 and Philosophy », The American Journal of Philology, 107/1, 1986, p. 55-73 ; C. J. Castner, Prosopography of Roman Epicureans, from the Second Century B. C. to the Second Century A. D., Francfort-sur-le-Main/Berne/New York/Paris, 1988, p. 91-95 ; P. Grimal, « Recherche sur l'épicurisme d'Horace », Revue des Études Latines, 71, 1993, P. 154-160 ; W. Turpin, « The Epicurean Parasite : Horace, Satires 1.1-3 » Ramus,

27/2,1998, p. 127-140 ; R. Mayer, « Sleeping with the Enemy: Philosophy and Satire », in K. Freudenburg (dir.), The Cambridge Companion to

Roman Satire. Cambridge, 2005, p. 146-159 ; J. Moles, « Philosophy and Ethics » in S. Harrisson (dir.), The Cambridge Companion to Horace,

2356 VoirJ. B. Guillaumin, « Des Caménes élégiaques à la Muse de Platon : la musica dans la Consolation de Philosophie », conférence prononcé lors du congrés de l'Association Guillaume Budé à Clermont-Ferrand le 31 mai 2011, et consultable à l'adresse suivante:

«www.normalesup.org/-jguillau/Muses-3 1051 1.pdf», 1 4p.

37 SEN, Episf., 15, 94, 27« D'autre part, les préceptes en eux-mémes ont une autorité considérable, en particulier s'ils sont mis en vers ou si la prose les densifie en sentences bien rythmées, comme les adages de Caton ». 2388 LVCR,| 1, 936-942

P? Voir A. Stoehr-Monjou, « Les réminiscences d'Horace dans la Consolation de Philosophie de Boéce, clé de lecture d'une somme poétique et

philosophique », Camenae, 12, juin 2012, consultable en ligne à l'adresse suivante : «http:/ /www.paris-sorbonne.fr/IMG/pdf/7A- StoehrMonjou.pdf», 18 p. A. Stoehr-Monjou souligne l'importance d'Horace dans la poésie latine tardive, en particulier Sidoine Apollinaire et Prudence, et renvoie à A.V. Nazzaro, s. v. « Sidonio Apollinare », Enciclopedia oraziana, Rome, 1998, t. III, p. 72-74; à G. Flammini, « La

presenza di Orazio negli scritti di Caio Sollio Sidonio Apollinare : la cultura di un auctor cristiano nella Gallia del secolo V » , Giornale italiano di filologia, 61, 2009, p. 221-256 ; à J. Fontaine, « Le mélange des genres dans la poésie de Prudence », Forma Futuri, Studi in onore di M. Pellegrino, Turin, 1975, p. 755-777 ; età A. V. Nazzaro, s. v. « Prudenzio », in Enciclopedia oraziana, t. III, p. 59-61.

?*' Voir par exemple HOR., Ep., 1, 1, 13-15 : Ac ne forte roges quo me duce, quo Lare tuter/ Nullius addictus iurare in uerba magistri/ Quo me cumque rapit tempestas deferor

hospes, cités par Bocchi dans le Symb. 3, v. 29-31. 7?! Sur la question du róle respectif de l'épicurisme et du stoicisme dans la pensée d'Horace, sur l'usage éclectique qu'il fait de la philosophie et

qui évolue tout au long de sa biographie et de sa carriére poétique, la bibliographi e est immense. Nous ne pouvons renvoyer ici qu'à quelques études, en particulier l'essai de synthése par M. L. Colish (avec d'abondantes références), The Stoic Tradition From Antiquity to the Early Middle

780

Cambridge, 2007, p. 165-180; D. Fowler, « Lectures on Horace's Epistles », Proceedings of the Cambridge Philological Society, s4, 2008, p. 80114; J. Kemp,

« Irony

and Aequabilitas:

Horace,

Satires

1.3 », Dictynna

«http://dictynna.revues.org/286». Voir aussi notre introduction générale.

[En

ligne], 6 | 2009,

mis

en ligne le 26 novembre

2010,

URL :

2 Cic., Tuscs 5, 28, 112. % Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 18, n° 57 (7 CXXXVII). 29 CIC. Tusc. 1, 40, 96-1, 41, 99 (voir apparat des sources pourle texte latin) : « Que Théraméne m'enchante ! Quelle grandeur d'àme ! Méme 5i la lecture de ses exploits nous arrache des larmes, la mort de ce grand homme n'a rien de pitoyable. Mené en prison sur l'ordre des Trente, il butle poison comme s'il était assoiffé, jeta le reste de la coupe pour que cela fit du bruit, et, la résonance s'étant fait entendre, il sourit en disant : "Je bois cette coupe à ta santé, beau Critias !" Cet étre admirable s'amusa au moment ultime, alors que la mort déjà le gagnait et la prédiction qu'il avait faite en buvant le poison se réalisa pour son ennemi, qui périt peu de temps aprés. Qui pourrait louer cette sérénité qu'un caractére hors du commun affiche au seuil méme de la mort, s'il pense que la mort est un mal ? C'est dans la méme prison et vers la méme coupe, quelques années plus tard, que Socrate se dirige, condamné par ses juges à la méme peine que celle que les tyrans infligérent à Théraméne. Quel

e$ donc le discours que Platon lui a prété devant ses juges, alors qu'il est déjà condamné à mort ? "Je nourris le grand espoir, ò juges, quema condamnation à mort soit pour moi un événement heureux. Il est nécessaire que l'une ou l'autre des hypothéses se vérifie : soit la mort anéantit

totalement toute forme de sensation, soit elle signifie la migration de ce monde vers un autre, indéterminé. C'est pourquoi, si la sensation

disparait et que la mort ressemble à ce sommeil qui, méme sans réves, nous apporte un repos des plus délicieux, par les dieux, la bonne affaire

que de moarir ! [...] Si au contraire ce qu'on raconte est vrai, à savoir que la mort est la migration vers des dontules peuplées par ceux qui ont

quitté la vie, c'est un bonheur bie plus intense encore.[ ... ] Ainsi donc, nul mal ne saurait arriver à l'homme de bien, dans la vie ou dans la mort :

jamais les dieux ne négligeront ses intéréts, et ce qui m'arrive à moi-méme n'est pas le fruit du hasard". »

781

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

d'ensemble, et sa pertinence ne laisse pas de doute sur l'intervention programmatique de Bocchi dans l'inuentio iconique et dans la conception méme du discours des gravures, la réalisation artistique demeurant le fait de

Solus tamen fortis superat, premit, Irridet illam et negligit unice Securus humano$sque ridens

Bonasone.

Despicit à supera arce casus.

Ce recours à l'exemplum historique nous permet de comprendre le róle identique de certains emblémes du premier livre, dont le caractére anecdotique, joint à la briéveté de l'épigramme, occulte quelque peu l'importance : outre le Symb. 17, évoqué plus haut, il s'agit des Symbola

25

15 (sur Théombrote d'Ambracie), 16

(sur le général qui sait davantage endurer la souffrance que le soldat), 18 (sur le Spartiate sans peur mené à

l'échafaud), 19 (sur les Lacédémoniens préts à mourir plutót que de céder devant Philippe). Unis par une

source commune,

les Tusculanes, ces emblémes,

Seul l'homme au tempérament trempé la vainc, l'écrase,

Se rit d'elle et la méprise, parfaitement À l'abri : il se moque des vicissitudes

Humaines, qu'il observe du haut de sa citadelle.

Viue ergo constans, laetus et omnibus Horis repellas tristitiam procul Cunctosque uentis ferre tradas In mare Carparthium?? timores.

Ainsi, vis dans la constance et la félicité et, à chaque

Heure, chasse loin de toi la tristesse Et confie aux vents le soin d'emporter Tes angoisses vers la mer de Carpathos.

qui forment une véritable série, constituent une forme de

préparation à l'argumentaire du Symb. 139, qui leur donne un arriére-plan théorique et auxquels ils conférent une illustration historique. Ils assument proprement le &tatut d'exempla, c'est-à-dire de dits, de faits ou de personnages héroiques et remarquables??5, proposés comme modeles et dont l'imitation est concue comme une véritable initiation philosophique et permet de résister à la crainte de la mort. Enchainés en séquence que l'on reparcourt, comme Théombrote relisant le Phédon, ils finiront bien par emporter la conviction de l'àme malade. *

Symb. 140

Gravure :

L'ÀME EST UNE ENTÉLÉCHIE Sur l'image : Et l'esprit de Dieu flottait sur les eaux

ANNEXE

À CESARE CATTANEO

Achillis Philerotis Bocchi Bononiensis lusuum libellus : « Ad Iulium Bochium genitorem ode », (= P, f? 4 r°-y°23%)

Nul ne pourrait trouver l'origine des ámes

(Strophe alcaique)

$

Omni memento tempore languidas Sedare mentis sollicitudines Expers metus, cure et dolorum O semel interiture Iuli.

Souviens-toi à chaque instant d'apaiser Les épuisants tourments de ton esprit,

Nullisque succumbas animo?" malis

Ne te laisse pas abattre par les malheurs, Soit que la Fortune perfide t'oblige à supporter un joug Perpétuel, soit qu'inflexible Elle te menace de grande pauvreté,

Seu ferre cogat perfida te iugum Fortuna semper, seu malignam

Pauperiem minitetur atrox.

10

Nam ut secundis sedulo temperat [n rebus simul se sapiens neque Effertur exsultans inani Laetitia neque gestit unquam

15

Sic inquietae hunc exagitant nihil Curae metusue aut rabidus dolor.

Sors ipsa uersat cuncta taetre

Impauidos animos uirorum.

Hanc Dacus asper duráque Thraciae

20

Gens, hanc et urbes et populi timent Hanc bellicosus Cimber et trux Pannonius Nasamorique"** saeuus.

Sur notre Terre, car, dans les ámes, rien n'est

Mélangé ni solide, rien ne parait semé Ni de terre formé, rien non plus qui reléve

Pour étre sans crainte, sans souci, sans douleurs, Ó Giulio, tout prés de mourir !

Del'eau ou bien de l'air ou encore du feu. Car il n'est rien du tout, dans tous ces éléments, Qui ait, de la mémoire et de la réflexion,

Instruments dédaliens, la puissance admirable ; Qui, gardant le passé, prévoyant l'avenir,

10

Car, de méme que, dans la félicité, Le sage met tout son zéle à se maitriser lui-méme, sans jamais Se laisser aller à exulter,

Sans sacrilége d'oü elles peuvent venir À l'homme si ce n'est de Dieu. L'esprit a donc

Dans les transports d'une vaine joie,

De méme ni les soucis qui troublent ne l'affectent,

15

Niles craintes, ni la douleur rageuse. La Fortune en personne déverse, inflexible, Tous ses maux sur les esprits impavides des hommes.

Qui, tout au fond de nous, sent, sait, veut et prend force, Il est divin, céleste et éternel aussi.

Le Dace farouche, la population endurante

20

Tout comme la redoutent le Cimbre belliqueux, le violent Pannonien et le cruel Nasamon.

aM—

En somme, il est perfection pure, il est un dieu, Que, d'une àme sincére, il faut toujours aimer. Car il existe une áme dégagée, libérée,

Éloignée tout entiére des agrégats mortels, Qui percoit l'univers et le fait se mouvoir,

ronde organisée

91/1, 1980, p. 7international et 2001, Besangon,

?*5 Le texte figure également dans les deux exemplaires des Lusuum libri duo (V, £f 7v^-8r? et R, P 7v?-8v^), sous le titre : « Ad Iulium Bocchium patrem. Reb«us» arduis non esse tritandum, nec desperandum, perinde ac in bonis non temere gestiendum. Ode tricolos tetrastro phos ». Il a été édité dans les Carmina illustrium poetarum Italiorum, Florence, 1719, t. II, p. 346. 27 Succumbas animo : CIC., Tusc. 2,23; $6.

782

Un élément secret et une essence unique, Bien séparés de tous les autres éléments

Connus et familiers. Quel que soit le principe

De Thrace, les cités et les peuples la redoutent,

795 Sur ce genre, voir Rhétorique et histoire. L'exemplum et le modéle de comportement dans le discours anti que et médiéval. Table par l'École francaise de Rome le 18 mai 1979, extrait des Méla nges de l'École francaise de Rome, Moyen Age - Temps moderne, 179; M.Borrego-Pérez (dir.), L'exemplum narratif dans le discours argumentatif. (xvr-xx' siécles). Actes du colloque interdisciplinaire organisé par le Laboratoire Littérature et Hi& oire des pays de langues européennes à Besancon, 10-12 mai 2002.

Puisse embrasser le présent. Ces facultés seules Sont divines et l'on ne pourrait découvrir

Qui se meut à son tour d'un mouvement sans fin.

25

L'áme humaine en provient, mais non humainement.

?9! Nasamones : peuplade d'Afrique. % Mare Carpathium : VERG., Aen. s, s95. (Carpathos est une ile de la mer Egée.)

783

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

MÉTRIQUE Trimétres iambiques.

| Quod praeterita tenens, futura prouidens,

| quod et praeterita teneat et futura prouideat et complecti possit praesentia quae sola | diuina sunt nec inuenietur unquam unde ad hominem uenire possint, nisi a Deo.

Complectier praesentia queat, quae sola sunt Diuina nec fas inuenire ullatenus | Vnquam fuerit unde ad hominem, nisi a Deo,

NOTES

! Venire possint. Ergo natura abdita est

- ded. carm : CAESARI CATANEO] Voir ANALYSE.

- v. 6: natura] Ici, comme dans les autres occurrences de l'épigramme, le terme a le sens d'« élément » et correspond au grec oot ou oboía.

! Acsingularis quaepiam animi uis procul

! Ab usitatis atque notis caeteris

Seiuncta naturis. Ita illud quidquis est Quod sentit in nobis, sapit, uult ac uiget

ANALYSE

1. Préambule : les enjeux de la paraphrase

Le symb. 140 constitue le second volet du triptyque emblématique inspiré par les Tusculanes de Cicéron?"? et sa place est effectivement centrale à bien des égards. Comme nous l'avons vu précédemment, le Symb. 139 tente de désamorcer les troubles engendrés par la crainte de la mort et par le chagrin. Comme nous le constaterons, le Symb. 141 s'attaquera à la question de la douleur physique. Bocchi propose ici un argumentaire en faveur de l'immortalité de l'áme, la solution platonicienne qui a la préférence de Cicéron dans les Tusculanes, doxa à laquelle il confére un caractére « probable ». Mais l'enjeu du texte emblématique dépasse le simple hommage à Cicéron pour constituer un témoignage important sur la lecture d'Aristote à la Renaissance et sur son utilisation dans une des plus célébres polémiques philologiques à vocation théologique qui ait traversé le xvr siécle, celle sur l'immortalité de l'àme. En effet, le passage cicéronien paraphrasé par Bocchi (voir ci-dessous) avoue ouvertement reproduire l'opinion d'Aristote, d'aprés un texte aujourd'hui perdu du Stagirite sur la quinta essentia ou « cinquiéme élément ». Dans ce texte,

Aristote aurait exprimé ses conceptions sur l'áme, sa nature, son lien avec le corps, son rapport avec Dieu :

autant de points cruciaux qui renvoient à un vaste débat religieux à la Renaissance, oü Aristote, saint Thomas et l'Église catholique occupent le devant de la scéne. On se demandera en outre quel lien entretient avec le texte la gravure de l'embléme, qui s'inspire d'une création du monde dans le Liber de Nichilo (Fig. 1) de Charles de

Bovelles (1510)"*'. On s'interrogera également sur la fonction de l'inscription en hébreu et sur le róle de la dédicace.

2. Texte et contexte : entre imitation et réécriture

L'épigramme de Bocchi apparait comme une paraphrase en vers (trimétres iambiques) d'un passage de la Consolation que Cicéron rédigea, en 45 av. J.-C., aprés la mort de sa fille et dont il cite un large extrait dans les Tusculanes, 1, 66-677? .

é

Nulla inueniri animorum origo prorsus in

= _ #-

Mies

im rai ia

Animorum nulla in terris origo i nueniri potest.

Terris potest namque in animis mixtum nihil

Nihil est in animis mixtum

Est atque concretum aut quod ex terra satum

atque concretum aut quod ex terra natum

Esse uideatur atque fictum, ad haec, nihil

atque fictum esse uideatur, nihil

Ne aut humidum aut spirale quidem aut igneum Nam in hisce naturis inest nil uiuidam Quod uim memoriae mentis atque daedalae Cogitationis habeat admirabilem

ne aut humidum quidem aut flabile aut igneum. His enim in naturis nihil inest quod uim memoriae, mentis, cogitationis habeat, ^

Singularis est igitur quaedam natura atque uis

| animi seiuncta ab his usitatis notisque naturis. Ita quicquid est illud | quod sentit, quod sapit, quod uiuit, quod uiget

Caeleste, diuinum et ob id aeternum quoque est. Quid quaeris ? Haec perfectio summa, hic Deus Semper colendus mente sincerissima. Est nempe mens soluta quaedam et libera

| ; | | |

Concretione, sentiens cuncta et mouens

| ipsaque praedita motu sempiterno.

Mortali ab omni segregata protinus

| Atque ipsa motu sempiterno praedita.

: Hinc orta mens humana non humanitus.

caeleste et diuinum ob eamque rem aeternum sit necesse est. Nec uero deus ipse qui intelligetur a nobis, alio modo intelligi potest nisi mens soluta quaedam et libera segregata ab omni concretione mortali,

| omnia sentiens et mouens

| Hoce genere atque eadem e natura est

| humana mens^**,.

Ce passage prend place dans le développement que Cicéron méne sur la premiere alternative eschatologique, à savoir que l'áme est incorruptible et subsiste aprés la mort du corps. Au sein méme de ce développement, il figure dans la troisiéme série de preuves qui concluent à l'immortalité de l'àme, aprés l'examen de ses facultés. La premiere série de preuves se fondait sur l'analyse du sens commun, qui pressent intuitivement cette donnée de l'immortalité, la seconde, sur la possibilité d'une nature matérielle de l’àme. Le Cicéron sceptique des Tusculanes, qui pratique la méthode néoacadémicienne de la réfutation systématique des hypothéses dogmatiques, adhére à l'immortalité de l’àme non comme affirmation incontestable et véridique, mais comme thése probable, au vu de la spécificité de l'homme

assurée par la ratio.

Que

Bocchi entende rappeler

l'immortalité de l'àme semble logique, dans le cadre d'un triptyque à vocation consolatrice : si son àme est

immortelle et divine, l'homme doit encore moins redouter la mort, puisque, dans ce cas, seule la partie la moins

précieuse de son étre disparait, l'áàme. La fidélité au texte cicéronien n'empéche pas Bocchi de prendre quelques libertés significatives dans la réécriture. Les rares fois oü le lexique bocchien s'écarte de celui de Cicéron ou l'enrichit, c'est avec le souci constant de susciter des images. Ainsi, au v. 3, la substitution à natum du terme satum, « semé », au v. 6, l'ajout

de uiuidam pour caractériser la uim memoriae, au v. 7 l'adjectif épithéte homérique Daedalae, au v. 8, admirabilem composent un lexique oü les fonctions vitales sont célébrées comme des prouesses techniques. Si l'on souligne

la présence de morphémes et de termes archaiques (v. 10, la désinence -ier pour l'infinitif passif en -i , l'emploi

de queat ou lieu de possit ; au v. 14, l'emploi de quaepiam au lieu de quaedam), il s'avére que Bocchi imite volontairement Lucréce, le poéte didactique par excellence à Rome, celui qui, à travers l'étude des atomes, s'est aussi intéressé au probléme des éléments (naturae). En méme temps, l'emploi du trimétre iambique à la place de

l'hexamétre dactylique lucrétien rend hommage aux passages non choraux des tragédies de Sénéque, célébré ici

HP. CI; Tusc., 1, 66-67 : « Nul ne pourrait trouver sur terre l'origine des ámes, car elles n'ont rien de mélé ou de minétiel, rien qu paraisse engendré et faconné à partir de la terre, rien qui reléve de l'élément eau, air ou feu. Dans ces éléments, en effet, il ny a rien qui possbde la puissance de la mémoire, de l'esprit et de la réflexion, rien qui puisse, tout en conservant le passé et en prévoyant 1 venit, embrasser le présent. Ces facultés sont seules divines et nul n'a pu découvrir d'oü elles pouvaient bien venir à l'homme, sinon de Dieu. Ainsi, l'élément qui compose l'áme est my&térieux et son essence, extraordinaire, sans rapport avec les autres éléments que nous connaissons et dont mons faisons usage. Ainsi, quelle que soit la nature de cet étre qui possede la sensation, l'intelligence, la volonté et la force vitale, He& cHleBte, divin et donc éternel

4% Nous avons présenté les premiers résultats de cette enquéte dans notre article « Aristote, Cicéron et la Genése : une lecture emblématique

aussi. Et lorsque nous nous représentons Dieu, nous ne pouvons le concevoir sinon comme une sorte j áme -- qui, sans tnireees et —- à distance de toute matiére périssable, percoit tout, meut tout et est elle-méme dotée d'un mouvement éternel. L'áàme humaine est de la méme

de la bibliographie plus récente et nous avons repris et nuancé certains développements. 4! [I revient à E. See Watson, Achille Bocchi, P. 168, d'avoir repéré cette source iconograph ique. Néanmoins, elle voit dans le texte de Bocchi une paraphrase du texte de Bovelles, ce qui n'est pas du tout le cas. ?* Sur le genre de la consolation, voir notre bibliographie dans l'analyse du Symb. 139.

une anthropologie platonicienne du dualisme psychologique qui pose une partie de l'àme comme divine, voir C. Lévy, Cicero Acarenicus, Essai sur les Académiques de Cicéron et sur la philosophie cicéronienne, Rome, 1992, p. 454-456 et 488-489, et nos ?ndysgs dos. 141. Surl'áme humaine qui ne peut échapper à l'anéantissement, d'aprés la théorie moniste des Stoiciens, en particulier Panétius, voir CIC., Tusc. 1, 78.

de la quinta natura au 16° siécle », Littérature (numéro thématique : Aristote au bras long), 122, 2001, P. 55-74. La présente étude tient compte

784

essence et reléve du méme élément ». À XE 5 Sur cette transition, chez Cicéron, d'une anthropologie de la continuité biologique entre les facultés vitales et la séieon, de type Soicien, à

785

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

moins comme le maitre de la physique stoicienne des Quaestiones naturales que comme l'auteur des récitatifs des

s'impose à Bocchi comme une référence incontournable du genre parénétique. De plus, ce texte d'Aristote

De plus, Bocchi ajoute trois notions liées entre elles à la Renaissance. Le nec fas inuenire (v. 11), qui marque

comme un daímón, un véritable dieu qui régne sur notre faculté noétique, explique son succes considérable à l'époque chrétienne, notamment pour soutenir le dogme de l'immortalité de l'àme?**, Mais, au vu du titre qui

tragédies.

l'interdiction divine de la science du sacré, la nature abdita du v. 15 et la question quid quaeris, « pourquoi poser des questions ? » (v. 19) réactivent l'opprobre que lance Érasme contre l'impia curiositas, celle du theologus qui

tente de percer par la raison les mystéres chrétiens. D'oü la célébration de la force de volonté de l'áme (uult,

v. 17), que Cicéron passe sous silence, mais qui, chez Bocchi, s'accompagne d'expressions telles que colendus, ou

mente sincerissima (v. 20) et montre par là que, dans le débat entre intelligence et volonté^*5, l'emblématiste se

place du cóté de la volonté et donc de la supériorité de la foi sur la science. Ce culte de la mens comme entité divine rappelle la célébration du nous platonicien comme daimón (cf. Tím., soc). Enfin, on notera que les deux derniers vers de Bocchi insistent sur l'idée d'une naissance ex tempore de l'àme et donc de sa création (hinc orta est mens humana), là oü Cicéron n'indiquait qu'une participation d'essence à l'aide de catégories aristotéliciennes (hoc e genere atque eadem natura est humana mens). Néanmoins, l'essentiel de l'argumentation cicéronienne subsiste chez Bocchi et se résume en quelques articles fondamentaux : - On ne peut rendre compte de l'origine des facultés de l'Àme humaine (perception, mémoire, intelligence, volonté, prouidentia) en faisant appel aux quatre éléments traditionnels : eau (humidum), air (spirabile), feu (igneum), terre (terris). - La uis animi exige la présence d'un autre élément (natura) dont la qualité n'a aucun trait commun avec les éléments déjà connus ([natura] ab usitatis atque notis caeteris/ Seiuncta naturis). - Cet élément est à la fois d'origine divine (a Deo) et de nature divine (caeleste, diuinum, hic deus), ce qui lui confere l'immortalité (ob id aeternum).

— L'áme humaine (animus, v. 1 ; mens humana, v. 25) est de méme nature qu'une autre àme, l'áàme du monde (mens) ou l'áàme universelle, subsistant en dehors de toute incarnation, de tout lien avec la matière (mens soluta

quaedam et libera,/ Mortali ab omni segregata protinus/ Concretione... ), qui meut l'univers (cuncta mouens) et connait elle-méme un mouvement éternel et automoteur (motu sempiterno praedita). L'àme humaine procéde de l'áme du monde.

fortement teinté de platonisme, puisqu'il pose l'àÀme comme

dotée d'un mouvement circulaire et la congoit

surmonte la gravure, 'EvreAéyeia. yvy, référence au De anima d'Aristote?*!^, nous suggérons l'hypothése, qui

n'est pas incompatible, que Bocchi veut arriver à l'affirmation de l'immortalité de l'àme explicitement sous le patronage d'Aristote, et non sous celui de Platon, Cicéron servant en quelque sorte de garantie doxographique. Avant de tenter de pénétrer les intentions de l'emblématiste, il faut avouer que l'extrait de la Consolation que Cicéron propose comme la doctrine d'Aristote et que Bocchi regoit comme telle, ne manque pas de susciter une certaine perplexité. D'une part, Cicéron nous présente ici un Aristote convaincu que l'àme est divine, immortelle, motrice et mue éternellement. Cette opinion est d'autant plus étonnante que, lorsqu'on ouvre par exemple le De anima du méme Aristote, le philosophe non seulement critique cette position platonicienne, mais professe exactement une doctrine opposée : l’àme, dans sa liaison substantielle avec le corps, ne peut rien percevoir sans lui, périt avec lui et ignore le mouvement, tandis que le Premier Moteur est lui-méme toujours immobile?*!!, D'autre part, constatant qu'Aristote a laissé anonyme le cinquiéme élément (quintum genus adhibet uacans

nomine), Cicéron, dans un passage qui précéde notre extrait, déclare qu'Aristote appelle l'àme £v6gAéxeia, et,

pour qu'il n'y ait pas d'ambiguité ni de confusion sur ce terme, il en donne une glose latine : quasi quandam continuatam motionem

et perennem, « pour ainsi dire, une sorte de mouvement continu et éternel? >. Jean

Pépin, qui exclut l'hypothése d'une erreur de transcription avec le terme évreMyeia, note que les termes

&v8gAexric et &v8seAexó servent, dans le De Generatione et corruptione d' Aristote (2, 10, 336a 17 et 336b-337a), à

traduire la continuité de la génération, qui sont comme « l'effet et l'image » de la rotation du ciel : Aristote avait

donc toutes les raisons pour nommer év8eMxeia cette révolution permanente et auto-motrice du ciel?*!3,

On notera toutefois combien le terme £v8eléyeta comme mouvement continu et éternel semble contraire aux affirmations sur l'immobilité de l’èvrehéyeta du De Anima, terme par ailleurs retenu par Bocchi dans le titulus de l'image. Comment comprendre cette apparente inconséquence chez l'emblématiste, qui, de l'épigramme au

3. Un choix significatif : Aristote de préférence à Platon

Un fait remarquable est à noter, aux conséquences importantes. En effet, le texte des Tusculanes qui encadre la

citation de la Consolation n'est pas avare de citations ni d'images empruntées à Platon, en particulier au Phédre

ou au Phédon^*, Or, pour introduire l'extrait de sa Consolation, Cicéron déclare qu'il fait appel à la notion de cinquiéme nature, ou cinquiéme élément, matiére des dieux et des ámes. Précisant que le Stagirite en est l'inventeur, il en profite pour souligner explicitement qu'il sera fidéle à l'argumentation d'Aristote : Sin autem est quinta quaedam natura, ab Aristotele inducta primum, haec et deorum et animorum. Hanc nos sententiam secuti his ipsis uerbis in Consolatione expressimus!*", Le passage cicéronien concerné constitue d'ailleurs le témoignage d'un texte perdu d'Aristote, le De Philosophia (fg. 27d Ross). Pourquoi Bocchi a-t-il choisi précisément cet extrait sous le patronage aristotélicien, alors que Cicéron proposait, quelques paragraphes auparavant, sa propre réécriture d'un passage du Phèdre (245c-e ; cf. Leg., 10, 895a et 896a-b) où l'immortalité de l'àme est prouvée à partir de son mouvement

perpétuel, circulaire et

autonome""*, et que c'est précisément le dernier argument du passage cité dans cet embléme (motu sempiterno

praedita) ? On peut invoquer le fait que l'extrait est signalé explicitement par Cicéron comme une consolat ion et

48 Pour les citations de la Consolation de Cicéron chez Lactance et Augustin, voir M. Testard, « Observations sur la pensée de Cicéron, orateur et philosophe. Consonances avec la tradition judéo-chrétienne. IV. La consolatio » Revue des Études Latines, 80, 2002, p. 95-114.

410 Voir De Anima, 2, 1, 412b (trad. J. Tricot, Paris, 2010, p. 90-91) : « C'est pourquoi l'áme est, en définitive, une entéléchie premiere d'un

Corps naturel ayant la vie en puissance, c'est-à-dire un corps organisé ». La tradition doxographique attribue à Aristote la définition suivante de

l'àme : Apiwrtot&ng évceMéxeiav mparmiv owpatog Quotkob, ópyavikob, Bvváuet Cwv £xovra, « Aristote pense qu'elle est l'entéléchie premiere d'un corps naturel, organisé, qui posséde la vie en puissance ». Voir PLVT., Mor., 12, 4, 2. B. Bakhouche a montré que cette citation est un véritable collage qui rassemble divers passages du De Anima, en part. 2, 1, 412a 27-28 ; 412b 6; 402a 26. Voir B. Bakhouche, « La définition aristotélicienne de l'àme dans quelques textes latins : endelecheia ou entelecheia », Interférences Ars Scribendi [en ligne] 4 | 2006, mis en ligne le 6 décembre 2006 (17 pages), consultable à l'adresse suivante : «http:/ /ars-scribendi.ens-Ish.fr/article.phps?id article-45&var affichage-vf >.

!! De Anima 1, 5, 405 b 31-406a 2.

ia (t38 Tusc., 1, 10, 22 : « Aristote, philosophe qui surpasse de loin les autres, Platon toujours excepté, par son intelligence et sa maitrise, aprés àvoir fait le tour des quatre éléments fondamentaux connus, d'oü naissent toutes choses, pense qu'il existe une sorte de cinquiéme élément, qui constitue l'àme. Car, à son avis, penser, prévoir, apprendre, enseigner, découvrir, retenir une foule de choses, aimer, hair, désirer, craindre, redouter, étre heureux et autres sentiments, ne peuvent s'exercer dans aucun des quatre éléments. Il en ajoute un cinquiéme, sans nom et nomme l'áme elle-méme du nom d'év8&Myeia, qui désigne, pour ainsi dire, une sorte de mouvement continu et éternel ». Sur la question de

l'entéléchie/endéléchie, outre l'article de B. Bakhouche cité plus haut, nous avons consulté : R. Hirzel, « Ueber Entelechie und Endelechie »,

Rheinisches Museum, 39, 1884, p. 169-208 ; W. E. Ritter, « Why Aristotle invented the word Entelecheia », Quarterly Review of Biology, 7, 1932, P- 169-208 ; S. Mariotti, « Nuove testimonianze ed echi dell' Aristotele giovanile », Atene e Roma, 3/8, N. S. 18, 1940, p. 48-60 ; Id., « La quinta

4%5 Ce débat opposent les Dominicains thomistes et les Franciscains scotistes, influencés par l'augustinisme. On en trouve un exemple dans la querrelle qui naît, dans les Quaestiones Camaldulenses de Cristoforo Landino, entre Alberti, partisan de la supériorité de l'intellect, contre l'évéque de Toléde, De Vargas, partisan de celle de la volonté,

40 Voir CIC., Tusc., 1, 53 pour le Phédre et 1, 72-74 pour le Phédon ; pour le Ménon, voir 1 157 i pour le Timée, voir Tusc., 1,63. CIC., Tusc.

1,65 : « Nous avons suivi cette opinion [7 d Aristote] et nous l'avons traduite en ces termes dans notre Consolati on ».

$95 CIC, Tusc, 1, $3 reprenant sa République, 6 27.

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———

essentia nell'Aristotele perduto et nell'Academia », Rivista di filologia e d'istruzione classica, 68, 1948, p. 179-189 ; P. Moraux, s. v. « Quinta essentia» in RE, t. XLVII, 1963, col. 1172-1266; H.J.Easterling, « Quinta Natura », Museum Helveticum, 21, 1964, fasc. 2., p. 73-85; G. A. Blair, « The Meaning of évapyeía and &vreVMyeia in Aristotle », International Philosophical Quarterly, 7, 1967, P. 161 17; D. N. i pig

* The Etymology of éveeMyeia », American Journal of Philology, 110, 1989, p. 73-80 ; A. Setaioli, « La vicenda am anima sell COND

di

Cicerone », Paideia, 54, 1999, p. 146-174, en part. p. 163-167. Toutes nos références aux textes antiques ont été empruntées à ces études

fondamentales. A VoirJ. Pépin, Théologie cosmique et théologie chrétienne (Ambroise, Exam., 1, 1, 1-4), Paris, 1964, p. 215.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

titulus de la gravure, passe à deux définitions opposées de la conception de l'àme chez Aristote? I] e& nécessaire pour cela de se pencher sur la notion de quinta natura et sur les interprétations qu'ont pu recevoir les témoignages de Cicéron. 4. L'« Aristote perdu » et la quinta natura, de l'Antiquité à la Renaissance

Le probléme de la cohérence de la doctrine aristotélicienne a amené certains chercheurs contemporains, depuis

l'Aristoteles de W. Jaeger, paru en 19237, à penser que, loin d'avoir été immuable, la pensée du Stagirite aurait

connu plusieurs phases de développement et aurait été notamment marquée par l'enseignement de Platon, dont Aristote avait été le disciple à l'Académie, avant d'en contester les principes, en particulier la théorie des idées. Certains dialogues que nous ne possédons plus, sinon sous forme de fragments cités par d'autres, porteraient ainsi la marque de ce « premier Aristote », peut-étre encore partiellement sous la dépendance platonicienne. Notre propos n'est pas ici d'évoquer les phases de ce débat passionnant, mais de préciser que la citation des Tusculanes évoquant la quinta natura comme substance de l'àme dotée d'un mouvement circulaire serait

Traduction, annotation, commentaire — Livre

incorporel » divinisé, il dépasse la dualité entre sensible et Spirituel, et constitue la substance commune

des

astres et des àmes**, Au-delà des divergences liées à l'évolution de la pensée d'Aristote et aux difficultés de la transmission doxographique du corpus aristotélicien, une évidence se dégage à la lecture du passage

aristotélicien des Tusculanes paraphrasé par Bocchi : c'est son ancrage platonicien, qu'il s'agisse du motif de

l'origine céleste de l'àme, de sa liberté totale ou de son mouvement autonome???"

Ce témoignage cicéronien qui semble réconcilier Platon et Aristote n'a pas échappé à l'intérét des humanistes de la Renaissance?*^, qui tentent à leur tour de comprendre l'articulation entre le terme endéléchie chez Cicéron, renvoyant à l'àme dotée d'un mouvement perpétuel, et le terme entéléchie employé dans le De Anima?*?. Le Byzantin Argyropoulos y voit une preuve que Cicéron méconnait la pensée philosophique de l'Antiquité et d'Aristote en particulier; Urceo Codro?*? et Ermolao Barbaro, réduisant la querelle à un probléme philologique, reprennent l'hypothése de Lucien qui veut que, chez les Attiques, le fau ait fini par remplacer le delta. Politien, en revanche, dans un chapitre de la premiere centurie de Miscellanées, considére qu'on ne peut soupconner Cicéron d'ignorance et suggére méme l'hypothése que Cicéron aurait eu accés, à son époque, à des ouvrages de la jeunesse d'Aristote, perdus depuis, mais présentant une indéniable parenté avec la pensée

empruntée au De Philosophia ou peut-étre à l'Eudéme d'Aristote, aujourd'hui perdus?"^, et que plusieurs témoignages en attribuent l'invention à Aristote lui-méme"*", Dans l'Eudéme, consolation trés influencée par le Phédon, la conception qu'Aristote se fait de l'áàme est celle d'un siGóg x5, c'est-à-dire d'une substance

platonicienne ^?' : les témoignages

compose la nature, mais il ne recoit pas d'autre nom"*? et ne serait pas d'origine matérielle^*?, En revanche,

Pour Rhodiginus, humaniste que Bocchi utilise trés souvent dans les Symbolicae Quaestiones, Cicéron, dans son

incorporelle, position qu'il maintiendra dans le De Anima (cf. 2, 405a 6 et 27). Le cinquiéme élément en dans le De Philosophia (auquel Cicéron a emprunté de nombreuses citations) puis, dans une moindre mesure, dans le De Caelo (1, 2-3), ouvrages postérieurs à l'Eudéme, Aristote affirme qu'il existe un zxeyzróv cópa, corps matériel et subtil, trés différent toutefois des autres éléments??', qui constitue à la fois la matiére du ciel et des

astres^"^ mais dont sont également issues les àmes, qu'il s'agisse de l'àme du monde ou de l'àme humaine/*?,

Ce cinquiéme élément est animé d'un mouvement circulaire??* et s'identifie à l'éther^**. Véritable « corps

414 Sur cette question, voir H. Granger, Aristotle's Idea of the Soul , Boston, 1996 ; G. Romeyer-Dherbey, C. Viano (dir.), Aristote. Corps et áme. Études sur le De Anima, Paris, 1996 ; M. C. Nussbaum, A. Oksenberg-Rorty (dir.), Essays on Aristotles's Anima, Oxford, 1995.

"5 Voir la trés commode synthése proposée par E. Berti, La filosofia del primo Aristotele, Padoue, 1962. Voir aussi A. Jannone et alii, L'Aristote perdu, Rome/Athénes, 1995. L'ouvrage de référence reste E. Bignone, L'Aristotele perduto et la formazione filosofica di Epicureo, Florence, 1936. 416 Les fragments sont édités par W. D. Ross, Aristotelis fragmenta selecta, Oxford, 1955, p. 16-22 pour l'Eudéme et 73-95 pour le De philosophia.

Sur ce dialogue, voir M. Untersteiner, « Il zepi qihocogía di Aristotele », Rivista di filologia e di istruzione classica, 38, 1960, p. 337-363 ; Id.

invoqués par Politien sont d'ailleurs, pour l'essentiel, des auteurs

néoplatoniciens, dont on sait que la convergence de la pensée de Platon avec celle d'Aristote était l'une des grandes préoccupations.

emploi du terme « endéléchie », est à l'origine d'un contresens commis par des ignorants qui ont déduit du fait que l'áme soit origine du mouvement l'idée qu'elle était elle-méme en mouvement. Selon Rhodiginus, le sens du terme « entéléchie » n'a rien à voir avec le mouvement mais plutót avec la forme et l'acte, qui assurent à tout corps une finalité (telos), c'est-à-dire l'unité parfaite et la vie, ce qui ne constitue pas pour autant un gage d'immortalité pour l’àme. Si l'on veut trouver chez Aristote des propriétés de l'àme vouées à l'éternité, Rhodiginus renvoie à l'intellect agent (cf. De Anima, 3, 5), qu'Aristote définit comme séparé, impassible, sans

mélange et acte par essence??? Cet intellect agent aurait recu également, dans la tradition aristotélicienne, le % J. Pépin, Théologie cosmique, théologie chrétienne, p. 247. 9? fhiq, % Une étape importante est la traduction de Calcidius, comme l'a noté Béatrice Bakhouche.

(éd.) : ARISTOTELE, Della Philosophia, Rome, 1963 ; J. Pépin, Théologie cosmique et théologie chrétienne ; A.-H. Chroust, « The Doctrine of the

2429 Voir l'étude fondamentale d'E. Garin,

d'Aristote d'aprés quelques travaux récents », Revue des Études Grecques, 77, 1964, p. 445-488 ; B. Dumoulin, Recherches sur le premier Aristote : Eudéme, De la Philosophie, Protreptique, Paris, 1981, en partic. p. 41-81. 417 Voir CIC. Tusc., 1, 65 ; ps.-GAL., Hist. philos., 18 (p.610, 17-18 Diels) ; NEMES., Nat. Hom., s. 2418 SIMPLICIVS, fr. 8. 419 Les expressions cicéroniennes uacans nomine (Tusc, 1, 22) et non nominata (Tusc., 1, 41) sont confirmées par le témoignage des

0 Voir Sermones, 1, in Antonii Cordri Vrcei in florentioribus Italiae gymnasiis olim... professoris... opera quae extant omnia, Basilae, per Henricum Petrum, 1540, p. 6o : Aristoteles autem, quem nostri philosophi summum habent autorem, congnoscens animam non esse corpus nec accidens, sed

Soul in Aristotle's Lost Dialogue On Philosophy », The New Scolasticism, 42/3, 1968, P- 364-373 ; J. Pépin, « L'interprétation du De philosophia

Recognitiones 8, 15 du pseudo-Clément : « àxarovóyacxov, id est inconpellabile » dont nous reparlerons ultérieurement. 4 H. J. Easterling, « Quinta natura », p. 76-77, souligne toutefois qu'à la différence de corpus ou d'elementum, les termes latins employés par Cicéron (Tusc., 1, 66) de natura ou de genus, qui traduisent ovoia et yévoc peuvent renvoyer aussi bien à une réalité matérielle qu'à une notion immatérielle.

21 Voir CIC, Ac., 1, 26 (fr. 27a Ross) ; Tusc, 1, 41 ( fr.72c Ross). 2 Voir CIC., Nat. deor., 2, 42 (fr. 21a Ross), et 16, 43 ; Ac, 1,26; PHIL. Somn., 1, 4, 21 ; PSELL., Omnif. doctr., 131 (97), 2-7.

23 Cf. CIC,, Ac, 1, 26 : quintum genus e quo essent astra mentesque... Aristoteles esse rebatur, passage confirmé par PHIL., Quis rer. diu. heres sit, 283, 57 et HIPPOL, Philos., 20, 4. Sur le texte de Philon, voir P. Moraux, « Une nouvelle trace de l'Aristote perdu », Les Études Classiques, 16,

1948, p. 89-91 et L. Alfonsi, « La dottrina dell'ákarovóuaorov del giovane Aristotele ed un testo di Psello » in Miscellanea Galbiati, t. L, Milan,

1951 p. 71-78 ; Id., « Une nuovo frammento del nepi ehocogíac aristotelico », Hermes, 81, 195 3, P- 45-49. Dans cet article, Alfonsi rapproche le terme apospasma du texte philonien (l'àme comme particule de l'éther) de l'expression spasantes du texte de Sextus Empiricus, Adu. phys., 1, 8687. J. Pépin (Théologie cosmique, théologie chrétienne, p. 239) ajoute aussi le témoignage d'Alexandre Polyhistor citant les Commentaires

pythagoriciens (D. L., 8, 1, 28) et il précise qu'il faut bien distinguer cette formulation de celle, stoicienne et posidonienne en particulier, de l’àme comme parcelle de la divinité. Voir également H. J. Easterling, « Quinta natura », p. 81. "^ Cic. Nat. deor., 2, 44 (fr. 31b Ross) ; S. E., P.; 3 30-35 ; ps-GAL,, Hist. philos., 18 ; PHILON, Quis rer. diu. heres, 57, 283 (auxquels renvoie S. Mariotti, « La quinta essentia nel Aristotele perduto »). Sur le terme xvkAogoprrikóv « animé d'un mouvement circulaire », caractéristique des doxographies liées au De Philosophia, voir S. Mariotti, « Nuove testimonanze », p. 56. 4% Pour une récapitulation, voir NEMES., Nat. Hom, 131 (97).

788

« ENAEAEXEIA

e ENTEAEXEIA

nelle discussioni umanistiche », Atene e Roma, série III, année s,

15, 1937, p. 177-187.

substantiam aquandam ab illis quatuor elementias, ex quibus omnia orirentur differentem, quintum genus adhibet uacans nomine, hoc est quintam quandam naturam e qua sit mens, et animam ita definit, ut sit év8eMéyeia vob owpatog ovatkob Ópyavikoo Svváyet Cwîjv Éyovcoc, id est, perfectionem uel actum

corporis naturalis organici potentia

uitam

habentis. Et hic quoque oritur inter neotericos grammaticos

alia dissenssio : quonam

modo

tv8&\éxeia hic legenda sit. Et aliqui Ciceronem, ut philosophastrum et literarum Graecarum ignarum carpunt qui legerit -8-, &v8eMéxetav, cum per -clegere debuisset, et exposuerit quasi quadam continuatam motionem et perennem. Alii defendunt quod siue per -8- siue -x- legatur &vreAéxeia. idem est cum Attici saepe -8- pro -x- ponant ; et ideo non omnino ab animae definitione censeri debet aliena. Verum si animan non solum ex se non mouetur, sed ne mouetur quidem, ut sentit Aristoteles. Quomodo recle interpretatus fuerit Cicero, alias uidebimus. Sur ce passage, voir E. Raimondi, Codro e

l'Umanesimo a Bologna, Bologne, 1987, p. 150-151.

'

“° POLITIEN, Miscellanea, ch. 1 (nous traduisons d'aprés le texte latin d'Alde Manuce, Venise, 1492, sans pagination) : « Rien n empéche que

Cicéron ait pu voir également de ses yeux la premiére version (matricem) d'ouvrages d'Aristote, publiés à son époque, nan qui, » ile n'était

pas en parfait état, a pu au moins, comme nous l'avons dit, étre à l'état de brouillon. Alors, je croirais volontiers que ce qu'a fait united cet homme trés savant, c'est, dans la liberté de son for intérieur, de concilier avec ce nouveau terme d Aristote l'interprétation qui s'accorde avec la

phrase du Phédre de Platon à propos du mouvement permanent et, comme dirait Varron, divin de l’àme, et que Cicéron lui-méme évoque dans les Tusculanes et au sixiéme livre de la République. La raison en est que Philopon, dans la Vie d'Aristote, Simplicius, dans ses Commentaires au De

Anima, et Boéce à la fin de son commentaire sur le Peri Hermeneias affirment que les opinions des deux philosophes sont sceurs et s équivalent,

€t on rapporte que Porphyre aurait composé sept ouvrages pour avancer surtout la preuve que la doctrine de Platon est exactement la méme j que celle d'Aristote, sujet dont mon ami le grand Pic de la Mirandole a traité dans la préface d'un de ses ouvrages ».

w RHODIGINVS, Ledtiones antiquae, 22, 2 (nous traduisons à partir de l'édition Froben de Bále, 1556, p.60) : « Comme Aristote déclare que

l'áme est immobile mais qu'elle est le principe de tout mouvement, les plus érudits se doutent cependant que cette interprétation concernant la faculté éternelle de mouvement

[7 celle de Cicéron] est apocryphe et qu'elle n'a pas été diffusée par 1 éco,le du plus grand penseur ; au

contraire, elle s'est répandue par l'intermédiaire de demi-savants et d'autres individus sans instruction, et c est de cette maniére que bon

789

V

o

RN

NUNUZMUUSZEUBUUBISHSSUÁSUUISUJI IUPE MITT

EEPPEPITITPTEEEE

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

nom d'entéléchie^*?, Les arguments de Rhodiginus sont empruntés à un illustre prédécesseur, lui aussi bien connu de Bocchi, Guillaume Budé, dans son De Asse et partibus eius (1514). Pour Budé, qui semble s'inspirer du chapitre 222 de la traduction latine du Timée de Platon par Calcidius (1v* s.), qui comporte diverses citations du

De Anima", l'entéléchie est le passage de la puissance à l'acte qui permet à un corps de venir à l'étre ou à la vie (perfectio est et forma, cum corpus naturale a potestate id est a materia nuda in actum prodiit et animal esse caepit uel uiuum esse). Elle n'est pas mouvement permanent mais unité d'un corps accompli et cohésion de la perfection

(estque entelechia non continua motio sed perfecti corporis comprehensio, id est o9 èvte\obc cvvoxri) ^5. Aux yeux

de Budé, le passage des Tusculanes de Cicéron ne peut pas se référer à l'áme-entéléchie, immanente au corps,

mais seulement à l'intellect, qui est immortel et transcendant^**$. Si l'entéléchie est intellect agent, alors elle est

distincte du corps, sans rapport avec son processus de dégradation, et elle se rapproche de la définition

cicéronienne et platonicienne de l'àme?*"

Dans quel sens Bocchi entend-il le terme entéléchie lorsqu'il le place comme dans le texte emblématique, il se réfère plutót à la notion d'endéléchie comme méme de passer à l'analyse de l'image, il est possible, en se limitant au texte essentiels qui permettent d'articuler la notion implicite d'endéléchie et

titulus au-dessus de l'image, si, mouvement permanent ? Avant bocchien, de saisir deux points celle, explicitement formulée,

d'entéléchie ou, du moins, de gommer leur différence : l'idée de vie et celle de perfection, au sens d'achévement

complet, sont intimement liées. Comme l'indiquent Rhodiginus et Budé, l'entéléchie aristotélicienne veut dire « cohésion de la perfection », c'est-à-dire le passage de la puissance à l'acte chez un étre naturel organisé, actualisation qui lui permet de jouir de ses facultés vitales (végétatives, nutritives, motrices, reproductives, imaginatives et intellectives). Or, le texte emblématique, nous l'avons dit, insiste justement sur les propriétés vitales du cinquiéme élément (voir supra). De plus, au vers 19, Bocchi ajoute au cóté du terme deus, qui qualifie nombre d'écrits sont portés à notre connaissance, en grec ou en latin. Ils veulent que de plus l'entéléchie soit présente aussi dans les bétes et méme dans les plantes. Ils interprétent l'entéléchie comme l'unité ou la cohésion d'un corps achevé. Certains pensent que l'entéléchie est double : soit l'áme est irrationnelle, voire physique et ne peut en aucun cas étre séparée du corps ; soit elle est rationnelle et peut alors étre distinguée du corps » E. Garin n'évoque pas cet auteur.

? Voir E. Garin, « ENAEAEXEIA e ENTEAEXEIA », p.185. 434 Voir l'édition de J. H. Waszink de 1975 : Timaeus a Calcidio translatus commentarioque instructus, et les commentaires de B. Bakhouche, « La définition aristotélicienne

l'Àme, le terme de perfectio summa, qui n'existe pas dans le texte de Cicéron. Ce sont donc les termes signifiant à la fois la vie et la perfection qui permettent de comprendre pourquoi Bocchi a pu adjoindre au-dessus de la gravure le titulus grec 'EvceMéyeta Voy, : l'àme apporte au corps la forme, c'est-à-dire la vie méme, qui en assure le développement complet et l'achévement supréme (en-telos). Au fond, comme puissance vivifiante de la forme qui accomplit et réalise le felos de l'étre, l'entéléchie, bien qu'immobile, retrouve le caractere parfait et la dynamique vitale du mouvement circulaire qui définit l'endéléchie. Enfin, on notera que les termes silua et segregata du texte cicéronien cité par Bocchi, appliqués à la mens cosmique, pouvaient faire Mn

àl intellect

poiétique ou agent de l'Aristote plus tardif du De Anima, qui est dit « séparé » (le nous chóristos, c'est-à-dire du corps et de la matiére), divin, et dont Budé (voir supra) rappelle qu'à la différence de l'àme comme forme ds corps, qui est périssable, il est au contraire éternel et incorruptible. Le mot mens peut d'ailleurs traduire aussi bien psyché que nous. Ce qui est valable au niveau de l'étre humain est valable aussi au niveau de l'univers, et Cicéron, dans le passage de la Consolation paraphrasé par Bocchi, pose implicitement une analogie entre les propriétés vitales de l'àme humaine

(memoriae,

cogitationis, prouideat, sentit, sapit, uiuit, uiget) et celle du dieu cosmique (Tusc., 1, 66:

sentiens, mouens). On retrouve cette analogie explicitement formulée dans le Songe de Scipion, à cette isenct prés que le passage porte cette fois la marque, non d'Aristote, mais de Platon et de l'Académie, et qu'il n'y est pas question du cinquiéme élément : Sache que tu es un étre divin, s'il est vrai qu'est divin le principe qui vit, qui sent, qui se souvient, qui prévoit, qui dirige, gouverne et meut le corps auquel il a été préposé de la méme maniére que le premier dieu le fait pour le monde qui nous entoure ; et de méme que le dieu éternel meut notre monde en partie périssable, de méme c'est un esprit immortel qui meut le corps plein de fragilité^**. De

fait, c'est bien

cette

analogie

entre

macrocosme

et microcosme

qui permet

la transition

emblématique à la gravure, et le passage de l'àme individuelle et cosmique au dieu créateur de la Genése. 5. Le discours de l'image : Aristoteles Platonicus et Christianus

e

du

:

texte

|

E. Watson See a montré que la gravure de Bonasone provenait pour l’essentiel d’une illustration du Liber De

de l'àme », p. 6-11. Calcidius adapte en effet ainsi en latin la définition aristotélic ienne de l’àme : Af uero Aristoteles animam definit hactenus : “ Anima esl prima perfectio corporis naturalis organici possibilitate uitam habentis ^j perfectionem nunc appellans specialem essentiam quae est

Nichilo (1510) de Charles de Bovelles (Fig. 1)"*9, qui remanie avec génie une idée empruntée au Supplementum

appelant maintenant " achévement parfait " la substance formelle

Venise en 1486 (Fig. 2). La gravure de Bonasone, pour laquelle il existe un dessin frépsrstoie de Giulio

in effigie, que B. Bakhouche, ibid., p. 16 traduit ainsi : « Quant à Aristote, voici sa définition de l'àme : “ L'àme est le premier achévement parfait du corps naturel organique possédant la vie en puissance",

qui est dans l'apparence réalisée ».

?95 BUDÉ De Asse (Nous traduisons à partir de l'édition de Lyon, chez Sébastien Gryphe, 1542, p. 39) : « L'entéléchie chez Aristote est la perfection et la forme, lorsqu'un corps naturel passe de la puissance, c'est-à-dire de la pure matiére, à l'acte et commence à exister comme créature et comme étre vivant. Aussi, il existe également une entéléchie des animaux, des plantes et méme des corps susceptible s d'acquérir la vie ; l'entéléchie n'est pas un mouvement continuel mais l'unité d'un corps accompli, c'est-à-dire “la cohésion de la perfection" , C'est ce que signifie l'étymologie de ce terme ». Pour l'entéléchie prise au sens de l'intellect agent ou séparé, voir De Asse, éd. citée P. 43 : « Nous ajoutons encore un dernier argument, avant tout pour qu'il soit clair que les propriétés que Cicéron attribue à l'entéléchie, Aristote ne les a pas atribuées à l'áàme, qui pour lui est forme c'est-à-dire principe de la substance, mais à l'intellect qu'il nomme agent, qui différe de l'intelle& en puissance comme l'art

de la matiére et qui est impassible et immortel, tandis que l’àme est mortelle. » Sur la différence entre l'intellect agent, séparé et immortel, qui joue le róle d'agent, et l' intellect passif, périssable, qui joue le róle de matiére, voir ARISTOTE, De Anima, 3, 82, 430a. 4% Cf. G. Budé, De Asse, éd. citée P- 39

: Haec ut praeclare dicta sunt a Cicerone de immortalitate animae, ita referri nequeunt ad ea quae Aristoteles de anima dixit, quam entelechiam appellat sed ad ea potius quae de intellectu uel mente Aristoteles mirifice disserit in III de Anima, quae mens ab eo non entelechia sed vob dicitur. Entelechiam enim suam, id esl, animam Aristoteles interituram esse credidit. [... ] Aristoteles autem entelechiam ipsam nominans non immortalem sed mortalem ipsam esse uult. Rursus ille [ Platon] numquam non mobilem eam esse tradit, Aristoteles etiam immobilem : licet ad omnem motum praeeuntem. Voir aussi p. 42 : Hoc ultimum dictum ideo addidimus, primum ut planum fieret, id quod Cicero entelechiae tributi, Aristotelem non animae, quam formam, id est substantiae rationem esse uult, sed intellectui tribuisse, duntaxat agenti, qui ab intellectu potentiae differt, ut ars a materia et hunc impatibilem esse immortalemque, animam autem mortalem, siue Aristoteles intellectum et mentem, parem esse anima

diuinam prastantissimamque intellexerit, siue aliud ab anima formalem rationem obtinente, quam entelechiam uocat. 7 Voir E. Garin, « ENAEAEXEIA

e ENTEAEXEIA probablement par le relais des Ennéades de Plotin, 4, 7, dégager des affections et sensations apportées par le corps l'intellect, qu'ils font immortelle. Il faut donc que l'áme

Pour Plotin, l'áàme est substance (ousia).

790

», p. 183-184, en Part. p.183, où 8° Bréhier. Dans ce passage, Plotin (sinon elle ne pourrait pas penser) ; raisonnable soit entéléchie en autre

Garin montre que cette interprétation passe explique la nécessité pour l'àme de pouvoir se les Péripatéticiens « introduisent une autre àme, sens, si l'on doit se servir de cette expression ».

chronicarum orbis ab initio mundi du moine augustinien Jacopo Filippo Foresti da Bergamo (143431 520), paruà

reu ég e

Bonasone ou Prospero Fontana? représente à son tour la création du monde par le dieu E et chrétien. Le triangle isocéle qui lui sert d'aura peut renvoyer, par ses Boe cótés et us trois sommets

importance, au mystére de la Trinité. Ce démiurge chrétien, à travers un instrument is . apparente autant à v. canne d'artisan vitrier qu'à une trompette (c'est déjà le cas chez Bovelles), Ed 9n train d'informer par son souflle

ferrestre eng

le globe terrestre qui semble s'en échapper comme une bulle de verre". Le onde Bonasone, oü se dessinent les continents et les mers?

Cic. » Re P " 6, 24: : Deum Cor pus

cui praeposi t us

te igitu r scito

est quam

esse si quidem est deus

hun C mundum

ps n P rince, ille [

est bien différent de celui de Bovelles, ceinturé

ini qui uige t, " qui Si entit,i " q qui i meminit,

mundum deus sel t ut ille 1

ex quadam

" q ur 1 tam i q ut i p rouidet, P arte

mor tale m

d'un

regit gi et moderati ur r e et .mauet

p deus ipse

id

7 sic fragi le corpus rp ter aeternus,

animus sempiternus mouet.

% E. See Watson, Achille Bocchi, p. 124. rbv g 4° Voir le catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p.18, n*sai(s aepo ;s G. 136. p. ibid, Watson, See. E. Voir 13. Cues, de Nicolas de mente de l'Idiota 41 Cette image est présente dans

figurativo », in Id., L'enigma dell' ebraico nel Rinascimento, Torino, 2007, p. 187-196, ici p. 193 Pope

De Genesi, et repere la présence de la méme comparaison chez un exégète :

du " sy EM

"* Le continent américain n'apparait pas clairement sur cette mappemonde, centre, suivant

u

dna ei art,icuher À

autres références, en p

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ET

rU

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E

enel E

]

| la par l'imprimerie, sous du monde y réalisée qun " ésentant la carte planche murale représen i l'Asie. Une diposition semblable se trouve sur la premiére vues forme de douzî planches xylographiées, l' Universalis cosmographia secundum Phtolomaei traditionem js Aie Kei a eed Martin Waldseemüller qui en supervisa la réalisation, ede ü », du nom à du cartographe isphé de Waldseemüller parue en 1507. Appelée aussi i « planisphére

le planisphére bis

ce toutefois dans sa partie gauche les deux parties de l'Amérique et accompagnait un ouvrage de géographie intitu

791

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

disque noir (le nihil) tenu par la divinité (le monde se crée au sein du néant), et montrant à la fois le ciel, avec les

étoiles, le soleil et la lune, et une terre parcourue par un cours d'eau, le long duquel viennent prendre place les diverses créatures. Le globe de la gravure bocchienne est composé des quatre éléments traditionnels, symbolisés par quatre putti répartis autour du globe qu'ils touchent, et dotés d'attributs distin&ifs : la torche pour le feu, le paon de Junon pour l'air, la baleine pour l'eau, la charrue pour la terre. Conformément à la physique antique, l'air et le feu, qui ont une force motrice, sont placés au-dessus de l'eau et la terre, éléments plus passifs. G. Busi a souligné tout ce que cette image devait au Timée de Platon, créant le monde à partir des quatre éléments, probablement à travers la lecture qui en est faite dans la Cité de Dieu d'Augustin (8, 11)"**. J'ajouterai que la forme méme de l'instrument divin, à la fois ustensile ouvrier d'un « Dieu artiste », mais aussi objet musical, renforce l'idée que les nombres et l'harmonie mathématique, si importants dans le Timée, fagonnent le cosmos par son intermédiaire.

de la Genése, 1, 2, « le souffle de Dieu flottait sur les eaux^^* », met en paralléle le cinquiéme élément avec le

pouvoir créateur du Ruach ha-qodesh, le souffle créateur de Dieu, traduit par la Septante sous la forme de pneuma to hagion : il sert à édifier le monde, à animer le corps de terre d'Adam ou à inspirer le délire prophétique et

visionnaire. Philon d'Alexandrie insiste beaucoup sur cette faculté vivifiant e du souflle de Dieu (cf. Opif., 3o : GwrikoTarov 1ó xvebpa, Coric 5€ Beds aítioc). C'est ce souffle-àme (psyché) qui fait venir le monde à l'étre et lui

assure sa cohésion, lui permettant ainsi de devenir une entéléchie, un corps parfait qui peut jouir de toutes ses facultés. Chez Philon, le pneuma divin fagonne à son image la partie supérieure et spirituel le de l'àme humaine (appelée nous, logismos ou dianoia) : il est immatériel, indivisible, incorruptible, immortel.

Un probléme important surgit cependant au spectacle de cette gravure et aprés la lecture du texte emblématique : alors que Platon, dans les Lois et dans l'Epinomis, attribue effe&ivement une fonction créatrice à l'Àme cosmique, qui vient se substituer au démiurge du Timée, en revanche, l'extrait du De Philosop hia d' Aristote cité par Cicéron dans sa Consolation et reproduit par Bocchi, n'évoque à aucun moment une faculté créatrice du cinquiéme élément, et Bocchi précise simplement qu'il est sentiens cuncta et mouens (v. 23). De surcroit, les Tusculanes sont claires sur un point : dans un passage qui succéde immédiatement à la Consolation (Tusc., 1, 69), Cicéron précise qu'Aristote, méme s'il envisage la nécessité d'une force providentielle assurant la cohésion et la régulation du monde, n'a jamais suggéré, tant s'en faut, la possibilité que le monde fàt créé ex tempore, et Cicéron souligne là une différence radicale avec Platon : si haec nata sunt, ut Platoni uidetur, uel si semper fuerunt, ut Aristoteli placet. Jean Pépin a montré que l'éternité du monde ne s'opposait pas à une création ab aeterno ni à un créateur (il cite à l'appui MACR,, Scip., 2, 10, 9) et il souligne l'idée que le jeune Aristote pouvait trés bien concilier l'idée d'un monde sans commencement avec celui d'un dessein créateur éternel. Mais surtout, Jean Pépin montre que le cinquiéme élément pouvait avoir une fonction créatrice, en récupérant la puissance génératrice soit de l'àÀme du monde, soit de l'éther, dont Cicéron rappelle qu'il est ad gignenda animantia aptissima (Nat. deor., 2, 42), tandis qu'un passage du De Generatione et corruptione d' Aristote, cité plus haut, donne pour cause à la perpétuité de la génération la translation circulaire de l'éther (2, 10, 336b-337a). Mais la question de la création comme entrée

dans la temporalité n'est toujours pas résolue. Or il existe un texte chrétien, inspiré par De Philosphia d'Aristote, qui assimile la faculté cosmogonique du cinquiéme élément avec le dieu créateur et provident de l'Ancien Testament. Il s'agit d'un passage des

Recognitiones pseudo-clémentines?^5, dans la version latine de Rufin, que S. Mariotti a tiré de l’oubli?*, Ce texte Fig. 1 > CH. DE BOVELLES, Liber de nihilo (1 510) in Que hoc uolumine Caroli Bovilli continentur : Liber de intellectu ; Liber de sensu : Liber de Nichilo, Amiens, 1510, P 63r°.

Fig. 2 > J. FORESTI DA BERGAMO, Supplementum

chronicarum, Venise, 1486, f° si : La création d'Éve.

Mais l'évocation du Timée et de Platon n'e& pas suffisante au regard du texte emblématique que nous avons étudié. Par le róle central et axial de la trompette-canne, qui s'oppose à tous les attributs des putti placés à la

périphérie,

et par son

titulus, EvreMéyeia. Wvyr,

dont

nous

avons

abondamment

parlé,

la

gravure prend résolument le parti d'un Aristote christianisé pour traduire visuellement l'idée proposée par le texte d'un

est bien connu à la Renaissance : l'édition princeps du texte, due à Jacques Lefévre d'Étaples, parait à Paris en 1504. Ce passage est capital dans notre perspective, vu qu'il est un témoignage explicite de la possibilité

d'assimiler le cinquiéme élément à la force démiurgique, transcendante, prévoyante et unificatrice de la divinité vétéro-testamentaire : Aristote donner monde. monde,

introduit également un cinquiéme élément qu'il appelle àxacovópaorov, c'est-à-dire « auquel on ne peut de nom », désignant sans aucun doute celui qui, unissant les quatre éléments en un seul, aurait créé le Si donc il existe deux, trois, ou méme plus, voire encore d'innombrables éléments qui composent le dans tous les cas, cela montre l'existence d'un dieu qui aurait rassemblé tous les éléments en un seul et,

cinquiéme élément de nature divine, con&titutif de la mens universel le (et humaine) et libéré de la matiére. Le

souffle divin de Dieu, que désigne métonymiquement l'instrument, traduit le pouvoir organisateur de ce cinquiéme élément, pénétrant dans le monde et lui donnant vie, forme et harmonie, véritable « cause synectique » qui rassemble en un tout cohérent des fragments épars. La citation en hébreu sur la gravure, tirée Cosmographiae introductio cum quibusdam geometriae ac astronomiae principiis ad eam rem necessariis paru à Saint-Dié (Vosges). Voir E. Harris, « The Waldseemüller World Map: A Typographical Appraisal », Imago Mundi, 37, 1985, P- 30-53 ; J. W. Hessler, « Warping Waldseemüler: A Phenomonological and Computational Study of the 1507 World Map », Cartographica, 44, 206, p. 101-113 ; J. Fischer, F. von Wieser, The Cosmographiae Introductio

of Martin Waldseemüller in Facsimile. Followed by the Four Voyages of Amerigo Vespucci, New York, 1907.

443 Voir G. Busi, « Achille Bocchi, ebraista figurativo ».

792

44 Je remercie M. Joseph Lévy, professeur à l'Université de l'Université de Jérusalem, pour l'identification et la traduction et l'identification de

la formule hébraique en 1998. VoirA. Rolet [1998], t. I. : ^ v "5 Ce texte, qui date des II° et III° s., est un roman chrétien traduit en latin par Rufin d'Aquilée (340-5 10), d'aprés un original grec perdu, et qui i

contient, glissée dans des homélies de l'apótre Pierre, l'autobiographie de pseudo-clémentines » dans J.-C. Polet (dir.), Patrimoine littéraire européen. l'Atlantique. Littérature d'Europe Orientale, Bruxelles, 1993, p. 34-35. Sur Reallexikon für Antike und Christentum, 18, Stuttgart, 1958, col. 197-206. "5: Mariotti, « Nuove testimonianze », p. 50-51. Voir aussi L. Alfonsi, «

Clément, successeur de Pierre. Voir A. Wouters, « Les homélies Anthologie en langue francaise, t. 4a : Le Moyen Age de l'Oural à le pseudo Clément, voir B. Rhem, s. v. « Clemens Romanus II », i i La dottrina dell' &xarovóuacxov del giovane Aristotele », p. 76 et

J. Pépin, Théologie cosmique, théologie chrétienne, p. 486 n. 3.

793

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire - Livre V

une fois ceux-ci réunis, les aurait à nouveau composés en catégories diverses, et cela prouve que la machine du

7. 'embléme 140 : une piéce à verser au dossier du débat humaniste sur sur l'immortalité de l'àme ?

monde n’aurait pu exister sans quelqu'un pour la créer et la gouverner^**". ’

.

.

&

2447

Il reste une derniére question dont nous avons délibérément retardé la réponse : pourquoi est-il si important pour Bocchi que l'immortalité de l’àme humaine, son mouvement, sa parenté avec Dieu gráce à une nature

commune appelée cinquiéme élément, aux facultés créatrices, soient démontrés à partir d' Aristote, alors que la

démonstation est plus aisée à partir de Platon ?

6. Datation et dédicataire La premiére réponse est peut-étre à trouver dans la dédicace de l'embléme à Cesare Cattaneo. Ce Cattaneo n'est pas clairement identifié, mais E. See Watson?"* suggere d'en faire le fils d'Andrea Cattaneo da Imola, qui enseigna la philosophie et la médecine à Bologne entre 1507 et 1527 et qui rédigea un commentaire sur le traité

De l'áme d'Aristote, intitulé Opus de intellectu et de causis mirabilium effectuum

(Florence,

1505). Comme

le

rappelle Eugenio Garin, l'objectif d'Andrea Cattaneo est de démontrer la parfaite concordance entre la doctrine d'Avicenne et le christianisme"*?, Dans la préface de son traité, Vrbis Florentinae Perpetuus Vexilliferus, qu'il dédie à Pier Soderini, A. Cattaneo entend réfuter la doctrine d'Averroés et prouver l'incorruptibilitas et la creatio

des ámes, deux points indissolublement liés, puisque la création des ámes,

sous-entendu

« par une force

divine », implique qu'elles échappent à la génération, liée à la matiére et donc aussi à la corruption, versant inexorable de la génération. Il est aisé de déduire que la référence à Avicenne n'est qu'un détour pour appuyer la

conformité des faits qui seront énoncés avec la prétendue doctrine d'Aristote^**",

Bocchi veut visiblement rendre hommage au pere de C. Cattaneo et célébrer un commentateur du De anima d Aristote, qui, par l'intermédiaire d'Avicenne, entendait bien prouver l'immortalité de l'àme en s'appuyant sur le Stagirite. De fait, C. Cattaneo devait sans doute s' intéresser de prés à ces questions. La seconde solution n'est pas exclusive de la premiére mais pourrait venir la compléter : le Symb. 140 ne serait-il l'une des nombreuses manifestations de l'importance de la querelle sur l'immortalité de l'àme qui a agité les humanistes entre Venise,

Bologne et Padoue?**! ?

47 Rvr,, Clementis Recognitiones, 8, 15 (traduction latine de Rufin) in PG 1, 1378 b- 1379 a : Aristoteles etiam quintum introducti elementum, quod,

id est incompellabile nominauit, sine dubio illum indicans, qui in unum quatuor elementa coniungens, mundum fecerit. Siue igitur duo siue tria siue quatuor aut etiam plura sint, uel innumera ex quibus mundus constat, omni ex parte qui plura in unum collegerit et rursus collecta in diuersas species duxerit, ostenditur Deus, et probatur per haec non potuisse machinam mundi sine opifice et prouisore constare. ^ E. See Watson, Achille Bocchi, p. 187, n. 144. On ajoutera qu'il existe un Cesare Cattani di Ferrara qui succéda à Ludovico Ariosto, le fameux poete, comme commissaire à la téte de la province de Garfagnana, au nord-ouest de la Toscane, entre juillet 1525 et juin 1528, avant de se voir remplacer par Agostino Bellencino^. I] tenta d'éradiquer le banditisme dans cette province avec un certain succés avant de se voir chassé pour

s'étre enrichi illégalement. Voir V. Carli Dell'Istorie della Garfagnana, Castelnuovo, 1970, P. 220 ; G. Casagrande, « Ludovico Ariosto e un libro di conti Garfagnino (UW-Madison Libraries- Special Collections, Jack Fry Italian Collection, MS. E40 1995) », consultable en ligne à l'adresse suivante

: «http:/ /www.gicas.net/fry(it).html». 49 E. Garin, « Il problema dell'anima e dell'immortalità nella cultura del Quattrocento in Toscana », in Id., La cultura filosofica del rinascimento

italiano, Florence, 1961, p. 114-119 et 124-126. 450 Ibid. p. 125 pour le texte latin, que nous traduisons : « Dans notre traité, nous enseignerons, en accord avec Avicenne, la multiplicité de nos ámes, que

certains autres philosophes réfutent avec impiété ; mais nous devrons discuter de ce point dans un autre ouvrage ; de méme, nous évoquerons leur incorruptibilité et leur création ».

75! Sur cette question, la bibliographie est immense. Nous avons consulté E. Garin, « Il problema dell'anima e dell'immortalità nella cultura del Quattrocento in Toscana », in Id., La cultura filosofica, p. 93-124 ; Id., « L'aristotélisme et le probl&me de l'àme » in Id., L'humanisme italien, Paris, 2005 pour la traduction francaise (1947), p- 199-216 ; Id., « Polemiche Pomponazziane », Rivista critica di storia della filosofia, 27, 1972, P. 223-228 ; G. Di Napoli, L'immortalità dell'anima nel Rinascimento, Turin, 1963 ; F. E. Cranz, « The Renaissance Reading of the De Anima », dans J.-C. Margolin, M. de Gandillac (dir.), Platon et Aristote à la Renaissance, Paris, 1976, P. 359-376 : É. Gilson, « Autour de Pomponazzi, problématique de l'immortalité de l'àme en Italie au début du xvr siécle » et « L'affaire de l'immortalité de l'àme à Venise au début du XVi* siécle », dans Id., Humanisme et Renaissance, Paris, 1983 (19617), P. 133-250 et 251-282 ; E. Weil, La philosophie de Pietro Pomponazzi, Paris,

1985 pour la traduction francaise (1932'); P.Zambelli, « Aristotelismo ecettico o polemiche clandestine ? Immortalità dell'anima e vicissitudini della storia

universale in Pomponazzi, Nifo e Tiberio Russiliano », in O. Pluta (dir.), Die Philosophie im 14. und 15. Jahrhundert, Amsterdam, 1988, p. 535-572 ; Ead., « Pietro Pompanazzi's De Immortalitate and his clandestine De Incantationibus : Aristotelianism, Eclectism or Libertinism ? », in B. Mojsisch, O. Pluta, R. Rehn (dir.), Bochumer Philosophiches Jahrbuch für Antike und Mittelalter, Amsterdam, 2001, p. 87115 ; J. Kraye, « The Immortality of the Soul in the Renaissance: Between Natural Philosophy and Theology », Signatures, 2000, p. 51-68 ;

794

La scolastique médiévale, dés le xit siécle, identifiait la philosophie avec Aristote et s'était montrée trés attentive à ne pas dissocier philosophie et théologie, c'est-à-dire à tenter de faire toujours concorder vérité rationnelle, fondée sur Aristote, et vérité de foi, conforme aux dogmes chrétiens. Par Aristote, on entend non seulement les écrits du philosophe, mais également l'ensemble des commentaires que son ceuvre, en particulier le De Anima, a suscités à travers les siécles?", Les discussions naissent essentiellement de l'ambiguité fondamentale de certains propos du De Anima d'Aristote et surtout du fait que le philosop he ne se prononce pas explicitement sur la mortalité ou l'immortalité de l'àme humaine. Selon Aristote, en tant que forme naturelle, l’àme humaine est l'actualisation d'un corps qui possede la vie en puissance, avec lequel elle forme substance (De Anima,

2, 1, 412 a). Pour en étre séparable, et donc ne pas périr avec lui, il faudrait que l'on puisse

reconnaitre à l'àme une autonomie radicale, une faculté indépendante du corps, c'est-à-dire qu'elle puisse penser sans le recours de l'imagination, qui, on le sait, est le produit des sens. Or, Aristote précise justemen t que

l'intellect humain ne peut penser les formes sans partir des images (aneu phantasmatos, An., 3, 7, 431 a-b et NOT 432 a). Mais il ajoute, d'autre part, l'existence du nous chóristos, intellect séparé (430a). Cet intellect, au sens de

« loin de la matiére et de ses variations », est purement intelligible mais ne peut, seul, permettre de compren dre l'action de penser chez l'homme. Les commentateurs ont beaucoup glosé sur cet intellect séparé, dit aussi « agent ». Cet intellect est-il un élément de l'àme humaine qui échapperait ainsi à la nécessaire médiatio n du

sensitif pour la connaissance, ou, au contraire, une réalité extérieure, située au-delà du monde visible, et qui

entrerait toutefois en contact avec l'àÀme humaine dans le processus de la connaissance ?

Pour Alexandre d'Aphrodise, l'intellect agent et séparé s'identifie au Premier Moteur, tandis que, forme du

corps, l'áme humaine est tirée de la puissance de la matiére, soumise à la génération et donc corruptible et mortelle. Pour Avicenne, qui suit la Théologie d'Aristote (en réalité des extraits de sept traités appartenant aux trois derniéres Ennéades de Plotin, donc fortement teintés de néoplatonisme^9), l'àÀme humaine est séparable du corps et donc immortelle. Pour Averroés, l'intelle& agent et l'intellect possible (la faculté humaine de compréhension) sont uniques pour toute l'humanité, et travaillent à extraire les intelligibles à partir des représentations imagées trés diverses de chacun, ce qui garantit une sorte d'immortalité colle&ive au genre humain. Le probléme est qu'Averroés ne pose pas l'immortalité de l'àme au niveau de l'individu, ce que réclame au contraire le dogme chrétien. D’où l'attaque virulente de saint Thomas contre la thése averroiste de l'unité de l'intellect et contre les chrétiens qui la soutiennent et prétendent échapper à l'accusation d'impiété, en séparant

vérité de foi et vérité rationnelle^*5*,

Pour saint Thomas, il est indispensable que la démonstration philosophique et rationnelle, donc aristotélicienne,

concorde avec la Révélation et la conforte. Dans son commentaire au De Anima d' Aristote, il met donc au point

une solution, dont il trouve le support essentiel chez Philopon?55, à savoir que l'intellect agent séparé, qui est en

nous, n'est pas une faculté organique, méme s'il a besoin du corps pour lui fournir les matériaux de la réflexion. Il est donc la partie immortelle de notre àme. Saint Thomas définit ainsi pour l'àme humaine une qualité tout à fait

à part. Aristote posait l'existence de deux types seulement de substances, d'une part les substances séparées,

extrinséques, ou pures Intelligences, distantes de toute matiére et immortelles, et, d'autre part, les formes naturelles, intrinséques, qui ne subsistent que parce qu'elles sont les formes qui actualisent la matiére d'un corps

et constituent substance avec lui, ainsi les àÀmes de plantes, des animaux mais aussi des hommes. Saint Thomas

pose, lui, l'idée que l'àme humaine serait, certes, la forme d'un corps, mais qu'elle aurait la faculté réservée aux E. Garin, History of Italian Philosophy, New York, 2008 (pour la traduction anglaise), t. I, p. 336-349 ; T. Suarez-Nani, « Pomponazzi et Duns Scott critiques de Thomas d'Aquin » dansJ. Biard, Th. Gontier (dir.), Pietro Pomponazzi, entre traditions et innovations, Amsterdam, 2009, p. 2946.

452 Voir E. Gilson, « Autour de Pomponazzi, » et « L'affaire de l'immortalité de l’àme », qui restent de trés précieuses synthèses. "55 Voir E. Bréhier, Histoire de la Philosophie, Paris, 1981*, p. $46-547rt 454 Sur le róle d'Averroés dans la querelle, voir J.-B. Brenet, « Corps-sujet, corps-objet. Sur Averroés et "Bromas d Aquin dans le De immortalitate animae de Pomponazzi » et L. Boulégue, « À propos de la thése d'Averroés. Pietro Pomponazzi versus Agostino Nifo » dans

J. Biard, Th. Gontier (dir.), Pietro Pomponazzi, p. 11-28 et 83-98. 55 Voir E. Gilson, « Autour de Pomponazzi », p. 170 n. 5.

795

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Intelligences séparées de pouvoir s'abstraire et subsister hors de la matiére et d'étre ainsi immortelle^556, Or i] prétend que c'est là la pensée d'Aristote?**". Le débat sur l'immortalité de l’àme va naítre de cette affirmation, en reprenant une argumentation déjà mise au point par Duns Scot^***. En 1513,le cinquiéme Concile de Latran entame sa huitiéme session, au terme de laquelle Léon X recommande, par décret, aux maitres de philosophie d'appuyer de raisons la doctrine de l'immortalité de l'àme, afin de combattre la thése averroiste de l'unicité de l'intelled. L'affrontement des humanistes ne porte pas sur la question de savoir si l'immortalité de l’àme est vraie : elle l'est, de toute facon, puisque la doctrine chrétienne

l'enseigne et personne ne s'aviserait de la contester. Le point de désaccord porte sur le fait que l'on en trouve ou

non les preuves chez Aristote. Saint Thomas, et Albert le Grand dans une moindre mesure, fournissent un réservoir considérable de preuves, prétendues aristotéliciennes, de l'immmortalité de l'àme et cela explique pourquoi l'Aquinate est au centre des débats. L'enjeu est considérable pour l'Église : comment maintenir, à travers saint Thomas, l'annexion d'Aristote, le pére de la philosophie, au dogme catholique ? La premiére faille dans la concordance des textes sacrés et d'Aristote nait du commentaire au De anima de Thomas de Vio dit Cajétan, Ministre Général de l'Ordre des Fréres Précheurs, composé à Rome en 1509 et publié à Florence en 1510. Tout en affirmant la nécessité théologique de l'immortalité de l'àme, il affirme qu'on

ne peut en assurer la démonstration à partir des propos d'Aristote?'?. I] se base sur la démon&tration

d'Alexandre d'Aphrodise pour poser l'hypothése que l'intellect agent s'identifie avec Dieu. L'équilibre entre raison philosophique et foi chrétienne se trouve de fait dangereusement compromis. Cajétan a beau déclarer que l'affirmation de la mortalité de l'Àme n'est que le fait d'Aristote, c'est-à-dire qu'elle est l'erreur d'un paien et qu'elle ne remet pas en cause la vérité du dogme posé par la religion, il brise, de fait, le support philosophique prétendument emprunté à Aristote et élaboré avec tant d'assiduité par saint Thomas lui-méme, pour soutenir rationnellement le mystére chrétien de l’àme immortelle.

Mais c'est incontestablement l'ouvrage de Pomponazzi^*, le Tractatus de Immortalitate animae, publié à Bologne en 1516 et dédié à Marco Antonio Flavio Contarini, qui suscite les plus virulentes hostilités. Rappelons

que Pomponazzi enseigne à Bologne entre 1515 et 1519. Comme

l'a montré E. Garin^**', e début du De

Immortalite de Pomponazzi, rompant avec la tradition de Ficin et de Pic, pose l'idée que l'homme appartient à la scala naturae dont il est le produit : l'ime humaine est donc simpliciter mortalis, dans la mesure oü elle participe à la nature, méme si elle peut étre aussi secundum quid immortalis, dans la mesure oà elle a l'intuition et la volonté

du divin: elle percoit à travers le contact avec les intelligibles ce « parfum d'immortalité » (aliquid

immortalitatis odorat). Si Pomponazzi approuve saint Thomas dans sa condamnation de l'averroisme, car ce n'est pas là ce qu'a dit Aristote, en revanche, Pomponazzi réfute absolument le fait que l'on puisse trouver chez Aristote, comme Saint Thomas prétend le faire, l’existence d'une áme qui, quoique forme du corps, serait également une substance à elle seule, qui pourrait donc échapper entiérement à la matiére. Pour Pomponazzi, qui rejoint en fait Alexandre d'Aphrodise sur ce point, l'àme humaine est, sans doute, la plus accomplie des formes naturelles et peut parvenir à la connaissance intelligible, si elle est aidée de l'extérieur par l'intellect agent, mais elle demeure inexorablement une forme matérielle engendrée, qui ne peut penser sans les images fournies par les sens (non est intelligere absque phantasmata), et donc destinée à périr avec le corps qu'elle actualise.

Pomponazzi ne remet jamais en cause le fait que l'immortalité de l'àme est incontestable comme vérité de foi et

il y adhére comme tout chrétien doit le faire. D'ailleurs, il n'a jamais subi d'accusation d'hérésie. Mais il rejette

radicalement la possibilité qu'on puisse en trouver la démonstration logique et rationnelle chez Aristote, qui a

précisément soutenu le contraire ^*?', I] brise à son tour l'identification scolastique entre thomisme et

aristotélisme, qui visait à fournir à la foi le support de la raison. Les critiques contre Pomponazzi se déchainent

alors, émanant de personnalités aussi diverses que Bartolomeo Spina, Ambrogio Fiandino, Gaspare Contarini,

Agostino Nifo ou Chrysostome de Casale, dit Javelli**63.

L'affaire semble trouver un apaisement en 1536, avec le Tractatus de animae humanae indeficienti a de Javelli,

publié à Venise, onze ans aprés la mort de Pomponazzi. Pomponazzi avait proposé que Javelli écrivit lui-méme les réfutations qu'il voulait lui voir rédiger, les Solutiones rationum quae continentur in tractatu de Immortalitate

animae, qui ont été imprimées à la suite de l'édition de 1519 du De immortalitate animae de Pomponazzi. C'est à

cette condition que les Censeurs bolonais de l'Inquisition autorisent la publication du traité. E. Gilson fait remarquer que Pomponazzi ne perd rien à cette manceuvre : les arguments de Javelli, pour concordants qu ils soient avec le dogme chrétien et avec saint Thomas, n'entament cependant en rien ses positions?*6*, Le témoignage des Tusculanes que Bocchi versifie et place sous le patronage explicite d'Aristote est donc important : il fait entendre directement la voix du Stagirite et non plus seulement celle de ses commentateurs, encore moins celle de saint Thomas. En dédiant l'embléme à Cesare Cattaneo, Bocchi montre qu'il reprend le travail du pére du dédicataire, grand lecteur d'Aristote, et apporte des arguments convaincants dans la querelle sur l'immortalité de l'àme pour tenter de réfuter Pomponazzi. L'extrait aristotélicien de l'embléme met en valeur la parenté du Stagirite avec le platonisme, en particulier sur la question de l'immatérialité de l'àme et celle de son mouvement éternel. Or ces deux aspects figurent parmi ceux dont se sert Agostino Nifo pour réfuter les arguments de Pomponazzi dans son De immortalitate animae libellus aduersus Petrum Pomponatium de 1518 : au

chapitre 45, Nifo insiste sur le caractére immatériel de l'àÀme qui ne pourrait pas saisir l'intelligible sans participer

elle-méme de l'intelligible, à cause de l'identification posée par Platon entre sujet pensant et objet pensé ; il en tire la certitude que, comme dans le Phédre de Platon ou la premiere Tusculane de Cicéron, l'àme est un principe auto-moteur qui confére à son tour un mouvement éternel et autonome, et permet donc une vie immortelle?*55, Notre embléme est probablement en relation avec cette querelle. Les dates rendent possible cette hypothése : le traité de Javelli date de 1536 ; le Symb. 140 est entouré par deux emblémes dont la rédaction, ou plutót la reprise

et la réécriture doivent étre situées, respectivement en 1537 et en 1546. L'embléme pourrait avoir été rédigé

entre ces deux dates, peut-étre au lendemain de la parution du De animorum immortalitate d' Aonio Paleario en 1536 à Lyon chez Gryphe. L'ouvrage est dédié à Jacques Sadolet et certains de ses développements semblent directement tirés du passage cicéronien (1, p. 45, v. 19-25-p. 46, v. 1) : [uis animae] Non aliquid mixtum, non concretum ex elementis,

Sed purum, aeternum, quodque omni est tabe solutum.

Nam sí corpus erit, terramue, ignemue necesse est

Aut ex his quicquam, quod non rationibus ullis

Ou parcelle de ces éléments : ce qui, on le sait, d'aucune maniere

Nam qui corpoream dicunt cum corpore obire Et nasci, qua est insani uia nulla feruntur. Esse, uel humorem, teneri siue aeris auram,

T Voir E. Gilson, « L'anthropologie chrétienne », dans Id., L'esprit de la philosophie médiévale, Paris, 1948, p. 175-193. Voir SaINT THOMAS, De Anima, 3, 7, art. 699, cité par E. Gilson, « Autour de Pomponazzi », p. 172 n. 9.

4% C£ T. Suarez-Nani, « Pomponazzi et Duns Scott critiques de Thomas d'Aquin ».

459 CAIÉTAN, De anima, 3, 2, f. 40 v, cité et traduit par E. Gilson, « Autour de Pomponazzi », p. 180. Sur la proximité entre les arguments de Cajétan et ceux de Duns Scot, voir E. Gilson, « Cajétan et l'aumanisme théolog ique », Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Àge,

La puissance de l’àme n'est pas un objet mélangé ni formé à partir des éléments

Mais une réalité pure, éternelle et étrangére à toute corruption. Car ceux qui prétendent que, corporelle, avec le corps l'àme naît Et disparait, sont entrainés, fous qu'ils sont, sur une voie sans issue. Car si l'àme est un corps, nécessairement elle est terre, ou feu,

Confieri constat, quando cognoscere caecos Euentus rerum, quae gesta prioribus annis Sic bene lustrare et constanti mente tenere, Non opus hoc terrae, non aeris, aut leuis ignis.

Ou eau, ou souffle d'air ténu,

Ne se peut produire puisque connaitre l'issue imprévue Des situations, et, pour les événements accomplis les années précédentes, Avoir d'eux une vision claire et les garder constamment à l'esprit, Ce n'est point là une faculté qui vient de la terre, de l'air ou du feu léger.

36, 1961,p. 163-279.

40 Sur Pomponazzi, né à Mantoue, qui fit ses études à Padoue, y obtint une chaire de philosophie naturelle avant d'émigrer vers Bologne, voir B. Nardi, Studi su Pietro Pomponazzi, Florence, 1965 ; A. Poppi, Saggi sul pensiero inedito di Pietro Pomponazzi, Padoue, 1970 ; P.-O. Kristeller,

« Pomponazzi », Huit philosophes de la Renaissance italiene, Geneve, 1975 pour la traduct ion francaise, p. 73-89 ; P.-O. Kristeller, Aristotelismo e sincretismo nel pensiero

di Pomponazzi, Padoue, 1983 ; M. L. Pine, Pietro Pompona zzi: Radical Philosopher of the Renaissance, Padoue, 1986 ; J. Biard, Th. Gontier (dir.), Pietro Pomponazzi.

1 History of Italian Philosophy, p. 343.

796

Miss POMPONAZZI, Tractatus de Immortalitate animae, éd. Morra, P. 234, traduit par E. Gilson, « Autour de Pomponazzi », p. 194. 2463 Sur l'exposé des arguments avancés par chacun et qu'il est impossible de résumer ici, voir E. Gilson, « Autour de Pomponazzi » et E. Garin,

History of Italian Philosophers, p. 347-351.

:

sini ia Gilson, « Autour de Pomponazzi », p. 261. Pour un exposé des autres arguments de Nifo pour réfuter Pomponazzi, i voirvoi L. Boulégue « Àà Propos de la thése d'Averroés ».

"55 Voir E, Garin, History of Italian Philosophy, p. 356-360.

797

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

:

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

8. Conclusion

L'embléme permet de comprendre la place essentielle jouée par Cicéron dans la réception d'Aristote à la Renaissance. La doxographie que propose l'extrait des Tusculanes versifié par Bocchi nous montre un Aristote proche de Platon dans sa conception de l'immortalité de l'áme, gráce à l'hypothése d'un cinquiéme élément. L'inspiration platonicienne de ce témoignage d' Aristote, déjà notée par Politien et Pic dela Mirandole, présente l'immense avantage, à cette époque, d'annexer le Stagirite aux démonstrations « scientifiques » que l'Église entend produire sur l'incorruptibilité de l'áàme et la création du monde. En méme temps qu'il contribue à la résolution théologique de la querelle vénitienne autour de Pomponazzi, Bocchi participe à la volonté syncrétique d'unir les savoirs à travers le temps et, pour reprendre une métaphore de Marsile Ficin, de tresser la grande chaine d'or homérique qui relie l'Antiquité aux temps modernes, le paganisme au christianisme : texte et image s'entendent pour prouver qu'entre Platon, Aristote et la Genése régne l'unanimité, tandis que le latin, le grec et l'hébreu qui circulent d'une page à l'autre, réalisent l'harmonie des langues tant révée par Érasme. Loin de n'étre que le iocus ou le ludus annoncé par le titre du recueil", divertissement léger du poéme et gráce de la figure, l'embléme révéle ici ses pouvoirs redoutables de dissimulation et ses ambitions théologiques : instrument idéologique, il séduit pour mieux convaincre.

|

Pour prévoir l'avenir, ne s'apprécie que s'il approuve Ce qui est droit ; bon juge aussi

|

De soi, répugnant à se fier au jugement inepte Du peuple, il vient à bout de tout,

25

|

Ne craint pas les revers, supporte les douleurs sans rompre, Et méprise la mort en brave.

|

Il est riche, car, dira-t-on

|

Il est seul à connaitre la vraie joie et le vrai bonheur. Fort bien, tout appartient à qui seul sait user de tout. 30

De loin, il l'emporte en beauté,

S'il est vrai, du moins, que l'esprit par la beauté l'emporte. Il reste vraiment invaincu Puisqu'un millier de chaines ont beau entraver tout son corps, Aucun lien pourtant ne saurait

33

Contraindre son esprit. N'ayant aucun désir pour maitre, Il est libre, il est roi des rois, Car seul, avant tout autre, il sait étre roi de lui-méme.

Ce miracle, l'auguste sagesse

Symb. 141 Gravure :

AU PAPE PAUL III

LA RAISON, SI ELLE EST PRUDENTE ET FERME, LA PRÉPARATION ET L'EXPÉRIENCE SONT TOUTES-PUISSANTES POUR APPRENDRE À SUPPORTER TOUTES LES ÉPREUVES

Etla vertu, le plus divin des biens, le réalisent. 40

Un reméde salutaire, chassent tous les soucis, Délivre du désir aveugle,

Expulse les inquiétudes, méprise les douleurs. Si tu lui offres ta personne 45

Dis-moi donc, Melpomene, l'excellent reméde aux douleurs

Qu'enseignait ton cher Arpinate Naguére ; il te plait de puiser, à sa source éternelle,

S

10

Des breuvages doux comme miel

50

1$

SS

En s'appuyant sur le passé

4%_ Achillis Bocchii Symbolicarum Quaestionum libri quinque quas serio ludebat.

798

Avec force, plus par choix ferme Que par désir violent d'une célébrité bien vaine. Plus louables sont les actions Qui ne s'exhibent pas mais se font sans avoir le peuple — Car chaque bienfait exige d'étre mis en lumiére -,

|

Mais quand elle est du Bien consciente,

60

|

L’àme est le plus grand théàtre quait l’illustre vertu, Qui pense qu'il n'est point de mal

|

Sinon l’opprobre qu’elle fuit, craint, hait plus que la mort, Et que le seul bien est l'honnéte ;

C'est le seul but qu'à toute force elle suit, veut et cherche.

Au grand cceur, qui juge inférieurs à lui tous biens humains, 20

Sans chercher la faveur du peuple,

Pour témoin, non qu'il soit à fuir,

Et d'étre homme noble et vertueux,

Qui, sans quitter la vraie raison, En sachant se montrer confiant dans sa vie écoulée,

Tu riras comme elle en voyant D'en haut l'agitation des hommes, et jugeras que rien N'égale la constante patience

Elle ne se plait qu'avec soi, montre alors son audace

Louer ton chant, puissent tes sceurs

Se lever, puissent les premiers honneurs t'étre rendus. MELPOMENE : « D'abord, tu dois avoir pour but Denerien chérir plus que le désir de la sagesse,

De tout ton cceur, à l'abri de sa haute citadelle,

Dans toutes les fortunes, car sans besoin qu'autrui la loue,

Et, bien plus, de les transformer en fleuves d'Aonie.

Puisse t'honorer la pieuse Troupe des poétes ; puisse toujours le savant Paul, Ultime espoir de notre siecle, Apprécier tes vers, lui qu'à bon droit tu estimes tant Que tu ne veux plaire à nul autre Autant qu à lui ; puisse le gracieux Apollon toujours

Elles procurent aux esprits

Dans ces actions, nulle abjection,

65

Pusillanimité, mollesse ou bien servilité. Elle ne geint pas comme femme, Ne pousse point de cris rentrés, sauf quand elle s'exhorte

|

À la vigueur, pour mieux tenir

Contre la douleur, telle une ennemie. Aussi fort crient 799

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

70

Le coureur qui s’essouffle au stade, Le gladiateur, le bon athlète au milieu de l’arène,

75

Le pugiliste plein d’audace En projetant ses cestes. Blessé, il ne gémit jamais, Tant l'homme courageux déteste L'opprobre et pense qu'il est un plus grand mal que la douleur. Puissant usage et labeur acharné, à qui tout céde,

8o

Lui apprennent comment s'y prendre. En témoignent, prés de l'autel, Les enfants battus de Sparte, la vierge laconienne Qui jadis chérit davantage Eurotas, soleil, poussiére, guerre et sueur que le luxe Amollissant et la barbare Abondance, tant prévalent réflexion et coutume.

Heureux et à suivre à tout prix ceux qui, avec courage,

120

S'il relàche les bras, en vain

125

130

Mais devant la raison constante,

85

Quoi de plus fort, ou quoi de mieux ? Pour les mortels malades,

Quel reméde serait plus sür ? Puisque mére Nature en fit pour toi un maitre et guide

135

De vie, il est trés important

90

Quelle ait l'hégémonie, afin que la partie plus faible De l'esprit ne commande pas, N'óte point toutes les forces, t'obligeant à céder. En voyant, à Lacédémone,

95

Il supporte, toi, dis-je, oui toi, né pour la vraie vertu

140

145

Et l'honneur, geindras-tu en femme ?

L'ensemble des douleurs violentes

Qui te perceront ? Tu diras, je sais : Nature est contre

Et ne le souffre pas. Erreur !

Non contente de le souffrir, elle l'exige méme,

105

Car a-t-elle un plus noble objet, Un vceu plus cher que la louange issue de la vertu ?

À ses yeux, quoi d'aussi abject,

Et d'aussi méprisable, quoi de plus indigne de soi Et de honteux ? Ce n'est point elle Qui fit de la douleur le plus grand mal, mais l'opinion Qui ment, qui répand les ténébres

800

Tu dois méditer ces propos Jour et nuit car bientót la raison les distillera Plus largement et t'offrira Alors un soutien bien plus grand que tu ne l'imagines (Ce guide bride le désir Sans frein, et contraint la folle fureur de la colére),

Puisque, si vers l'éclat du Bien Tu portes toujours tes regards et fuis l'ignominie, Autant les aiguillons que les foudres de la Fortune ». Ces mots, je m'en souviens, naguére Ma Muse les chanta, de la voix pure que le Pére Supréme lui offrit, avec Cythare et plectre d'ivoire. Sur ses doux accents, Faunes Et bétes s'ébattent en rythme, Là où courent les nymphes qui vont répétant ton nom, Paul, Si bien qu'alentours bois et champs

150

Sortant de son cours peu profond, Etle petit Calamosco, cheveux mouillés, de sable Couvert, appellent Paul en chceur.

MÉTRIQUE Métre alcmanien : hexamétre et tétramétre dactyliques (cf. HOR., Carm., 1, 7 ; 1, 28). NOTES —-V.$: Aonios... amnes] L'Aonie est une région de Béotie où s'élevait l'Hélicon, la montagne réservée aux Muses conduites par Apollon, lieu mythique oà Hésiode aurait été inité à la poésie épique et étiologique (Theog., 7 ; VERG., Buc., 6, 69-70). Le Permesse y prenait sa source. Voir VERG., Buc., 6, 64-66 (à propos du chant de Siléne) : Tum canit errantem Permessi ad flumina Gallum/ Aeonas in montis ut duxerit una sororum/ Vtque uiro

Et fit sortir du droit chemin, trop souvent, bien des hommes.

Phoebi chorus adsurrexerit omnis.

Que raison devint reine, elle ne saura céder à dure

- V. 79 : Lacena] Pour Lacaena.

Car si c'est par ta volonté

115

Mais l'écrasent s'il se reláche, Ainsi, les esprits tendus font face et, reláchés, cédent.

Renvoient tous le nom de Paul. Le dieu de la Savena,

Ne sauras-tu point endurer, avec calme et constance, 100

Déploie son énergie et se voit, dans le cours rapide, Précipité par son esquif ; Comme les lourds fardeaux sont plus légers au corps bandé,

Tu pourras mépriser sans risque

Qui furent jadis les enfants, les vierges nubiles, Les jeunes gens dans la poussiére Olympique, en voyant les plaies graves que, dans l'aréne, Recoit le barbare et que, muet,

Ont plus souffert. Mais il faudra D'abord grande tension d'esprit, seule et süre gardienne De l'observance du devoir : Comme le rameur menant sa barque à contre-courant,

Douleur, mais viendra te parler T'équipera, t'armera, te montrera les vertueux Exemples des héros célébres. Tu bráleras alors d'un si fort amour de vraie gloire Que tu jugeras à bon droit

- V. 61 : laeto] Pour leto (lecon de R).

ANALYSE Ce vaste poéme de cent cinquante vers, organisé en dipodies horatiennes (métre alcmanien), renoue avec l'apostrophe à la Muse inspiratrice du rythme poétique, chére à Horace, Melpoméne, et qui était évoquée dans le Symb. 139. Bocchi évoque cette épitre métrique dans la correspondance avec Amaseo (Milan, Bibl., Ambros., 801

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

ms D 145 inf, f 161^), le 10 avril 1548, ce qui nous fournit un terminus ante quem, du moins pour la dédicace du

poème :

doublent de souffrances proprement physiques, occasionnées par une longue et grave maladie qui causera la

mort du pape en 1549. C'est sans doute le traitement de la douleur physique, qui focalise l'attention du texte

Ego uerò cum animaduerterem conatus nostros ipsi Morono ualde placere, statui legendam illi tradere recens natam epistolam ad Paulum hunc ter maximum meam Horatiano more modoque conscriptam, quam cum non semel, sed

etiam, atque etiam legisset, ita probauit, ut inde rebus nostris ualdé profici posse praedixerit, modo illa reddatur in

tempore, cuius ipsius occasionem captandam tibi iam relinquo, mi frater. Exemplum igitur eius ad te mitto, ut pellegas, et siquid ad palatum tuum sapit, ostendas**’,

Dans le prologue (v. 1-13), le poéte prie Melpoméne de puiser son inspiration chez Cicéron et l'assure qu elle obtiendra ainsi l'admiration des poétes, d'Apollon et des Muses ses sceurs, mais aussi de Paul III, le dédicataire de l'embléme. La Muse s'exécute et entame une longue démonstration (v. 14-139) : l'unique bien que l'homme

bocchien,

car

l'essentiel

de

l'argumentation

est

empruntée

au

second

livre

des

Tusculanes,

consacré

exclusivement au dolor corporis, et distinct donc des aegritudines, auxquelles Cicéron consacre le troisiéme livre du méme traité.

En guise d'épilogue au poéme, Bocchi se livre à l'évocation d'un petit tableau bucolique : à la Muse d'Horace

(v. 140-143 : Haec memini musam cecinisse/ Nuper uoce mihi liquida quam summus eburno/ Cum plectro genitor

dedit olli/ Et cithara?**) viennent se joindre bétes et Faunes virgiliens (v. 143-144 : Ad cuius modulamina dulcia ludunt/ In numerum Faunique feraeque*). Bocchi imagine qu'en compagnie des nymphes, tous viennent célébrer la gloire de Paul III (v. 144-146 : Hic ubi conueniunt nymphae te Paule uocantes/ Vt Paulum silua undique

et arua/ Cuncta sonent). Or deux personnages font leur apparition dans les derniers vers : le dieu de la riviére

doit rechercher est la sagesse, fondée sur la raison, qui fait mépriser les biens humains, le jugement du peuple,

Sapina (Pater Sapina), riviére que l'on peut d'ailleurs passer à gué (amne uadoso), et un certain Calamuscus aux

véritable liberté et transforme le sage en roi qui sait se dominer (v. 27-37). Sagesse et vertu soignent les passions et placent leur sectateur à l'abri dans une citadelle toute lucrétienne d’où il se rira des vicissitudes du monde (v. 38-47). Aidé par la patience, le sage ne cherchera pas la vaine gloire mais n'aura en vue que la vertu, suffisante

mais les personnifications de deux cours d'eau, la Savena et son affluent, le Calamosco, qui bordaient la propriété de campagne de Bocchi, à San Giovanni in Calamosco, le Vadus Bocchianus, aujourd'hui disparu, mais

l'adversité, les douleurs et la mort (v. 14-26). La sagesse apporte seule la vraie richesse, la vraie beauté, la

récompense

(v. 48-63). Portrait de la vertu, toute de tension,

d'effort et de résistance contre

douleur et

souffrance : exemples grecs (v. 64-101). Objection de l'interlocuteur : la douleur est contre nature (v. 108-109). La Muse répond que c'est là l'opinion erronée du peuple (v. 109-111). Éloge de la raison, reine qui arme ses défenseurs contre les passions et leur inspire l'amour des héros (v. 112-120). Éloge du tonos, instrument mis à la disposition par la raison pour lutter contre l'adversité (v. 121-1 39). Le poéme se clót sur un épilogue qui imagine que la propriété rurale de Bocchi se transforme en paysage bucolique et littéraire, oà faunes, nymphes et dieux fluviaux chantent la gloire de Paul III.

1. Datation de l'embléme et de sa dédicace Le texte de l'embléme figure dans l'exemplaire des Lusuum libri duo conservé à l'Angelic a de Rome (f 56r^6or^), où il est adressé à Paulo Pino (dédicataire du Symb. 101), avec la mention de sa date de composition, 1527 : il s'agit probablement de consoler le dédicataire des malheurs du sac de Rome

et des conséquences

délétéres qui s'ensuivirent pour toute l'Italie. L'embléme a une nouvelle fois été dédié par la suite au pape à Paul III. À quelle occasion survient cette nouvelle offrande du texte, dont nous savons qu'il a été lu au pape en avril 1548 (voir supra la lettre à Amaseo) ? Le texte,

comme le Symb. 139, a le caractére d'une consolation. Le titulus qui précéde le texte est lui aussi assez explicite :

il nous laisse entendre que Paul III doit dura pati, « endurer de pénibles souffranc es » et que le texte lui fournit en quelque sorte un bréviaire pédagogique (edocet), oà prennent place trois types de solutions pour résister aux assauts de la douleur. On y trouve, en effet, l'utilisation d'arguments rationnel s (ratio) inspirés par la prudence (prudens) et le courage (fortis), le recours au ressassement (meditatio) et à une forme d'aguerrissement, né de l'habitude (usus omnipotens). Le terme omnia accolé au terme dura, ainsi que l'étude des exemples proposés au

cours du texte et dans la gravure, permettent de conclure que les souffrances auxquelles est confront é Paul III

sont autant d'ordre physique que de nature affedtive. Or on sait qu'un événement particul iérement douloureux affecte Paul III, à la fin de sa vie : l'assassinat de son fils Pier-Luigi Farnése en 1546 à Parme. Cet événement,

outre la perte d'un étre cher, signifie également pour Paul III une constestation explicite de sa politique générale de népotisme et, en particulier, de son autorité sur le duché de Parme et de Plaisance, revendiqué entre autres

par Charles Quint et son lieutenant Ferdinand de Gonzague. Ajoutons que ces inquiétudes politiques se ”. ^ « Comme je: remarquais: que nos efforts plaisaient beaucoup à Morone en personne, j'ai décidé de lui donner à lire l'épitre récemment composée pour notre trés grand Paul III et rédigée à la maniére et dans le Style d'Horace ; lorsqu'il l'eut parcourue, non pas une fois mais encore et encore, il l'approuva au point prédire qu'elle pourrait ensuite grandement favoriser nos affaires, pourvu qu'elle füt lue au moment adéquat ; et je t'abandonne désormais le soin d'en saisir l'occasion , mon cher frére.Je t'en envoie donc un exemplaire pour que tu le lises et que tu soulignes tout ce que ton palais trouve piquant ».

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cheveux pleins de sable (concretus multa crines Calamuscus harena). Ces deux figures ne sont pas mythologiques,

évoqué dans les Lusuum libri duo (Vat. Lat. $793, f. 56r-57v.) par un poéme intitulé Vado Bocchiano?*". Par ces

précisions, nous apprenons

que Bocchi se trouve dans sa demeure

de campagne

et que, de là, il souhaite

confirmer son soutien à Paul III en ces temps d'épreuves. C'est là une maniére élégante pour le poéte, en retraite rurale momentanée, de réconforter son mécène en proie à la douleur, de lui rappeler son appui indéfectible et de le remercier indirectement d'appuyer, par des subsides, la construction toute récente de l'Académie, qui va donner à Bocchi un bátiment officiel et fixe pour tenir ses réunions littéraires. Alors méme que les Symb. 139 et

141 sont composés (ou du moins dédicacés) à plusieurs années d'intervalle, la mention par Bocchi d'un exil suite à une épidémie dans le premier, et l'évocation d'une retraite rurale dans le second, tissent une forme de

continuité géographique et laissent supposer que, dans le second embléme de la trilogie également, Bocchi est à Calamosco.

2. Le portrait du sage en héros stoicien et chrétien Siles Symb. 139 et 140 s'attachaient à écarter la crainte de la mort, le Symb. 141, qui forme un véritable triptyque

avec les deux précédents, comme nous l'avons souligné, se propose en apparence de suivre le propos du second livre des Tusculanes et de fournir un reméde à la douleur, en particulier physique, tandis que les termes de medicina (v. 1 et 40) et de medicamen (v. 86) apparaissent, à plusieurs reprises, pour caractériser les effets de la Virtus ou de la Ratio?*"', Mais le propos du poéme embrasse une matiére beaucoup plus vaste et on y retrouve les principaux axes de la philosophie cicéronienne : comment définir les passions en général et comment lutter contre elles ? Quel est l'objectif supréme de l'éthique au regard de la nature humaine ? Qu'est-ce qu'un sage

véritable? La consolation, dédiée à Paul III, s'amplifie ainsi aux dimensions d'une véritable quaestio, d'une

disputatio sur l'honestum particuliérement attentif de servir une esthétique sur l'idée de continuité

et la uita beata réservée au sage, question posée dans la cinquiéme Tusculane. On sera à la mosaique citationnelle dont est constitué le poéme emblématique : loin toutefois du discontinu, cette technique de l'incrustation, de l'emblema, joue ici magistralement des doctrines et de cohérence des textes antiques, en particulier cicéroniens, qui se

renvoient les uns aux autres.

“ Voir HOR,, Carm, 1, 24, 3-4 : [Melpomene] cui liquidam pater/ Vocem cum cithara dedit...

2469 VERG. Buc., 6, 27-28 : Tum uero in numerum Faunosque

ferasque uideres/ Ludere | ... ].

470 Sur le Vadus Bocchianus, voir G. Raveira Aira, Achille Bocchi e la sua Historia Bononiensis, p. 67, n. 3 et E. See Watson, Achille Bocchi, p. 63. ^" Pour le terme animi medicina appliquée à la philosophie, comme domaine propre de la raison bin Cicéron, voir Tusc., 3, 1, 4 et6 id 58 Sur

la vaste thématique de l'àme malade, voirJ. Pigeaud, La maladie de l'áme, Étude sur la relation de 1 áme et du corps dans la tradition médicophilosophique antique, Paris, 1981. Voir aussiJ. Dross, Voir la philosophie. Les représentations de la philosophie à Rome, Paris, 2010, p. 268-277. Pour la question de la douleur dans la philosophie hellénistique, voir F. Prost, Les Théories hellénistiques de la douleur, Louvain, 2004.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

et n'obéit pas à la concupiscence, c'est à bon droit qu'on le dira invaincu, lui dont le corps peut étre emprisonné,

Le discours de la Muse, invoquée par Bocchi dans l'exorde (v. 1-13), s'engage d'emblée dans la description des

traits caractéristiques qui font le sage idéal que Bocchi propose à Paul III, à la fois comme modéle et comme égal (v. 14-37). La suite du poéme bocchien visera à développer, à expliciter les données essentielles de ce portrait et leurs implications. Le choix des arguments effectué par Bocchi montre à quel point ce dernier a été attentif à restituer la pensée cicéronienne dans sa complexité, mais aussi dans ses ambiguités, en particulier la délicate articulation entre monisme stoicien et dualisme platonicien. Dans ce portrait idéal du sage, Bocchi ne se sert pas exclusivement des Tusculanes, mais a également recours à deux passages du troisiéme livre du De Finibus. Ce choix semble logique, puisque ce troisiéme livre est précisément consacré à l'énoncé de la doctrine stoicienne par Caton. La réécriture bocchienne associe si étroitement les deux traités qu'au sein d'un méme vers peuvent parfois s'enchevétrer des formulations empruntées à l'un et à l'autre, preuve que Bocchi a parfaitement saisi l'unité doctrinale qui préside aux deux ouvrages cicéroniens :

V. 14-37 M. : Principio proponere debes

Hoc, tibi nil potius studio sapientiae et alti Magnanimíque uiri generoso

Pectore qui umana infra se putat omnia semper,

Qui uera numquàm a ratione Desciscens numquàm ipse suae confidere uitae Nescius anteacfae atque futura

Prospiciens ex praeteritis, sibi recta probanti Ipse placet ; iudex bonus idem Ipse sui, indocilis nequicquam credere uani Iudicio uulgi, omnia uincit,

Non aduersa timet, non fracta mente dolores

Atque iste uir altus et excellens magno animo, uere fortis

infra se omnia humana ducens [ ... ] certe et confidere sibi debet ac suae uitae et actae et consequenti

et bene de se iudicare. [Tusc., 2, 26, 63] [ ... ] fama et multitudinis [...]

tibi si recta probanti placebis tum

nonmodo tete uiceris [ ... ] sed omnis et omnia.

Fert, contemnit letum animosus.

Solus hic est ueré felix, ueréque beatus

Hic diues quippé omnia recté Eius dicentur solus scit qui omnibus uti. Hic multó pulcherrimus exstat

Ipse animus siquidem rerum pulcherrimus exstat.

Hic recté inuictus, quoniam et si

Corporeis artus constringant mille catenae

Nulla tamen possunt cohibere Vincla animum. Hic recte liber cui nulla cupido Imperat, hic rex denique regum

Nam sese regere ante alios solus bene nouit.

L'élimination par Bocchi des références historiques du texte cicéronien peut s'expliquer logiquement : comparer implicitement le pape, méme pour lui assurer la supériorité, à des figures de la tyrannie implacable, comme

Tarquin ou Sylla, ou de la concupiscence chátiée tragiquement, comme

exstat ; v. 34 : [nulla possunt cohibere uincla] animum) ou encore du terme ratio (v. 18-19 : numquam a ratione/

autonomie, une parfaite indépendance au sage, circularité autarcique que Bocchi traduit grammaticalement par

l'usage répété du pronom réfléchi se, ou suus comme complément, et du pronom d'insistance ipse, comme sujet (v. 19 : ipse suae confidere uitae ; v. 21-22 : sibi recta probanti/ Ipse placet ; v. 22-23 : iudex bonus idem/ Ipse sui). Cette indépendance se marque de différentes manières : elle est indifférence profonde aux assauts d'une fortune funeste (v. 25 : Non aduersa timet), car la prouidentia ou prudentia ne laisse pas le sage étre surpris par un événement inopiné (v. 20-21 : futura/ Prospiciens ex praeteritis), y compris par la mort, pour laquelle le sage n'a que mépris (v. 26 : contemnit laetum animosus) ; elle est ignorance du jugement du vulgaire (v. 23-24 : indocilis necquiquam credere uani/ Iudicio uulgi), car seul le sage sait juger et apprécier ce qui véritablement est juste, rectus (v. 21-23 : sibi recta probanti/ Ipse placet, iudex bonus idem/ Ipse sui), alors que la foule, livrée à l'opinion, ne juge que sur les apparences ; elle est contróle absolu des affects passionnels (v. 36 : sese regere) qui jamais ne doivent perturber la bonne marche de la raison, car le sage fait montre des vertus de patientia dans la douleur (v. 25-26 :

[Fin., 5, 22, 75] [sapiens] semper sit necesse est beatus [ ... ]

non fracta mente dolores/ Fert) et de uoluntas pour s'opposer à la tyrannie du désir (v. 36-37 : cui nulla cupido

Rectius enim appellabitur [ ... ] diues [ ... ] recte

imperat). Cette autonomie

eius omnia dicentur, qui scit uti solus omnibus

putat omnia semper ; v. 35 : rex irs] regum ; v. 37 : ante alios), qui signale le sage comme un étre solitaire (v. 27,

[... ] recte etiam pulcher appellabitur,

animi enim liniamenta sunt pulchriora quam corporis

[... ] recte inui&us,

cuius etiam si corpus constrigatur

animo tamen uincula inici nulla possit. [... ] recte solus liber [... ] nec oboediens cupiditati [...] [Rectius enim appellabitur] rex [quam Tarquinius]

qui nec se nec suos regere potuit.

Revenons un instant au troisiéme passage cicéronien utilisé, traduit ici dans sa continuité (Fin., 3, 75) : Quelle gravité, quelle magnificence, quelle constance parachévent la figure du sage ! Celui-ci, une fois que la

raison lui a appris que la beauté morale est le seul bien, doit nécessairement étre toujours heureux et c'est à bon

droit que lui reviennent les titres d'honneur dont se gaussent d'ordinaire les imbéciles. Il méritera davantage le titre de roi que Tarquin, qui ne sut régner ni sur les siens ni sur sa propre personne, davantage le titre de maitre du peuple, c'est-à-dire de dictateur, que Sylla, qui fut le maitre de trois vices catastrophiques, luxure, avarice et cruauté, davantage le titre d'homme riche que Crassus, qui, s'il n'avait manqué de rien, n'aurait pas désiré traverser l'Euphrate sans qu'il y eüt motif de guerre ; c'est à bon droit qu'on lui attribue la propriété de toutes choses, lui qui seul sait user de toutes, c'est à bon droit qu'on le dira beau, puisque les attraits de l’àme sont plus beaux que ceux du corps, c'est à bon droit qu'on le dira libre, lui qui ne s'est mis sous le joug d'aucune domination

fonde une supériorité essentielle (v. 15-16 : alti [...] uiri ; v. 17 : humana

infra se

29, 37 : solus) et d'exception (v. 31 : pulcherrimus)^*?. C'est toutefois dans cette solitude et cette ascése morale

que le sage trouve le bonheur (v. 27 : Solus hic est uere felix uereque beatus). Ce portrait

« philosophique », oü, comme

nous

allons le voir, se combinent

des traits stoiciens et des

caractéristiques platoniciennes, est également en parfaite adéquation avec des formules évangéliques, dont on

sait qu'elles empruntent beaucoup à la philosophie hellénistique. Ainsi, dans le texte bocchien, les vers 33-36, qui opposent la liberté de l'esprit aux entraves du corps (et si/ Corporeos artus constringant mille catenae/ Nulla famen possunt cohibere/ Vincla animum), rappellent étrangement les admonestations apostoliques: « Ne craignez rien de ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent tuer l'àÀme?** >. Mais il nous faut à présent situer ce

portrait dans la problématique philosophique générale du texte et voir comment les différents aspects qu'il souligne se retrouvent amplifiés, complétés et explicités. 7 Quam grauis uero, quam magnifica, quam constans conficitur persona sapientis ! qui, cum ratio docuerit, quod honestum est, id bene solum borum; semper sit necesse est beatus uereque omnia ista nomina possideat, quae irrideri ab imperitis solent. Rectius enim appellabitur Pdl quami Targuinius qui nec se nec suos regere potuit, rectius magister populi, is enim est dictator, quam Sulla, qui trium pestiferorum uitiorum lueuriae, mntpies crudelitatis

magister fuit, rectius diues quam Crassus, qui nisi eguisset, numquam Euphraten nulla belli causa transire uoluisset ; reste eius cios dicentur, qui scit uti solus omnibus, recte etiam pulcher appelabitur, animi enim liniamenta sunt pulchriora quam corporis, recte sáliis liber nec dominationi cuiusquam parens nec obediens cupiditati recte inuictus, cuius etiamsi corpus constringatur, animo tamen uincula inici nulla possint. 473 Sur l'idée Stoicienne du sage, comme modele idéal, vers lequel on doit tendre, mais qui n'est que rarement réalisé, vidie CIC; sip 2:22, 5 1: * Celui en qui sera réalisée la parfaite sagesse, nous ne l'avons encore jamais vu, mais les livres de philosophie nous décrivent quel il sera, si du

moins il doit exister un jour [ ... ]. »

ia VVLG., Matth., 10, 28 ; voir aussi VVLG., Luc., 12, 4.

804

Crassus, aurait été pour le

moins indélicat. Plusieurs points essentiels se dégagent de ce portrait du sage d'apres Cicéron. Il est tout d'abord trés frappant que l'intérét et la préoccupation essentiels du sage aillent exclusivement aux choses de l'esprit et à l'exercice de la raison, ainsi que le soulignent trés clairement les occurrences du terme Sapientia (v. 15 : studio Sapientiae), du terme animus et de ses dérivés (v. 16 : magnanimique uiri ; v. 26 : animosus ; v. 30 : ipse animum [ ... ] pulcherrimus

Desciscens). Toute la beauté du sage est en fait intérieure et constituée uniquement par celle de l'esprit (v. 29-30 : hic multo pulcherrimus exstat/ Ipse animus siquidem rerum pulcherrimus exstat), ce qui repose sur une conception anthropologique particuliére, qu'il nous appartiendra de définir. Ce primat de la raison assure une parfaite

De Finibus, 3, 8, 28

iudicio mouentur

sans qu'aucun lien pourtant ne puisse contraindre l'àme?*?,

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

3. Primat de la raison et redéfinition dans un sens platonicien de l'oikeiósis

On aura remarqué la fréquence des termes Sapientia (v. 15, 38), Virtus (v. 39, 59, 97, 105) ou Ratio (v. 18, 52, 84, 113, 132) dans le texte de Bocchi, qui reprend des termes définis précisément par Cicéron^*^, Parallélement, le terme Natura et ses dérivés font également plusieurs apparitions : au vers 87, la natura est mise en liaison avec la ratio, qu'elle offre à l'homme (Quam tibi cum mater dederit Natura) ; au vers 107, le terme natus apparait

également aux cótés du terme uirtus (uirtutem natus ad ipsam) ; au vers 101, la natura est à nouveau mentionnée,

mais c'est au vers 105 qu'on la retrouve liée, derechef, au terme uirtus ([quid habet quod] expetat magis laude a uirtute profectat). Ce sont là des concepts clés, imbriqués, qui permettent de comprendre la synthése subtile effectuée par Cicéron entre platonisme et stoicisme, et reprise ici par Bocchi. Dans le portrait du sage, nous avons souligné le vers 31, qui fait consister toute la beauté du sage dans son

animus (ipse animus siquidem rerum pulcherrimus extat). Or cette conception du vobc ou de l'animus comme

partie précieuse et définissant exclusivement l'humanité en l'homme est fondée sur l'anthropologie de l'Alcibiade de Platon. Nous avons longuement développé dans le Symb. 64 (voir notre analyse) l'importance dans le recueil emblématique de ce dualisme radical, largement relayé par Érasme et la pensée évangélique, entre

la faculté supérieure de l'áàme, d'essence noétique, et les facultés inférieures, de colére, d'énergie guerriére liée au

thymos, et de concupiscence liée aux epithymiai, en liaison avec la matiére corporelle^*5, Plusieurs fois dans les Tusculanes, Cicéron opte explicitement pour cette bipartition de l'àme à laquelle il assigne une origine

platonicienne^" et le passage du texte poétique de Bocchi (v. 87-91) va dans ce sens lorsqu'il évoque une pars

mollior de l'àme qui anéantit les forces (Eneruet uires). Ce vocabulaire, ainsi que des termes aussi significatifs magistram, ducem, dominari (v. 112) appliqués à la raison, permettent de rapprocher les vers bocchiens du $ 47 du second livre des Tusculanes, oà Cicéron précise qu'il existe deux parties de l'àme (duae partes animi), dont

l'une participe à la raison (altera rationis est partices) et l'autre non (altera expers). Le róle de la raison, dotée

d'un pouvoir royal, est de maitriser la partie impulsive (hoc praecipitur ut ratio coerceat temeritatem). Voici comment Cicéron décrit la temeritas : Il y a dans presque toutes les àmes humaines un élément faible (molle), reláché, bas, en quelque sort privé de nerf (eneruatum) et amollissant. S'il n'existait que cette faculté, l'homme serait la créature la plus hideuse qui soit (nihil esset homine deformius). Mais, au contraire, la gouvernante de toutes choses, la reine qu'est la raison se tient préte,

elle qui, si elle se tend de toutes ses forces et progresse suffisamment loin, devient la vertu par excellence?**.

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

se évoque aussitót l'idée du xóvoc, de l'intentio, notion que Bocchi privilégie particuliérement dans son texte, comme nous le verrons, et qui désigne cette tension du pneuma sur lui-méme dans l'attention, dans l'effort, qui détermine les variations psychiques et permet à l'àme de n'étre pas sujette au reláchement qui la livre aux passions. D'autre part, la formule longius progressa fit perfecta uirtus renvoie à une conception stoicienne, que Cicéron ne développe pas dans les Tusculanes, mais qu'il critique, à cause de son exigence, dans le De Finibus : à savoir que la seule vertu est la vertu accomplie et que tout progrés, tout effort, qui ne parvient pas à la réalisation

effective de la vertu, est vain et sans valeur. Le terme longius, en écho au longe du De Finibus, nous semble devoir

étre rendu non par « bien loin » mais par « suffisamment loin », sorte d'euphémisme pour « jusqu'au bout »,

qui désigne le point où se réalise la perfecta uirtus, en decà de laquelle il n'existe pas de uirtus'**?. On a souligné

l'importance de cette conception de la progressio in uirtute, par laquelle Cicéron, suivant en cela Panétius et Posidonius, propose une valorisation graduelle vers la vertu, et non pas l'exigence d'un passage brusque et définitif du vice à la vertu, sans tenir compte d'un processus évolutif de guérison^**. Le uir bonus qui n'a pas encore atteint la sagesse mais place tout son effort dans la réalisation de ce but n'est pas assimilable au pire criminel comme l'avaient déclaré Chrysippe ou Cléanthe. Bocchi a été sensible à cette intégration du $toicisme au platonisme réalisée par Cicéron. En liant systématiquement, dans ce Symbolum 141, l'idée de uirtus et de ratio à celle de natura, il se fait l'écho de la

conception trés particuliére de l'oixeiecic?*** que Cicéron fournit dans les Tusculanes. Ce concept stoicien désigne au départ la tendance naturelle de chaque étre à se sauvegarder lui-méme, à persévérer dans son étre et à réaliser le plein développement que lui impose la spécificité de son espéce^*55. Cette lex naturae, toute puissante, part d'un ancrage biologique et l'homme n'y échappe pas. Cependant, méme si l'homme, au début de sa vie, participe de la vie végétale et animale, dont il conserve les acquis, en revanche, au terme de sa croissance individuelle, la Nature exige qu'il parvienne à l'état rationnel, qui fait la spécificité de son genus'**^. Que le plein accomplissement de l'homme réside dans la raison, à l'exclusion de toute faculté « corporelle », et l'apparente à la divinité, est une conception que Bocchi fait sienne (v. 39 : perficit hoc uirtus, quae nihil diuinius una). Chez Cicéron, la raison, concue comme part spécifique de la nature humaine, implique que ce soit en elle seule et dans la réalisation de son objectif, dicté par la nature elle-méme, l' honestum, que réside le bonheur, selon un

syllogisme bien connu

des Stoiciens"*". Dans le De Finibus, antérieur aux Tusculanes, Cicéron, tentant de

Siles termes de commandement, comme regina ou domina, renvoient bien à une métaphore stoicienne courante

de l'hégémonique. Le refus du dogmatisme, caractéristique de la Nouvelle Académie, d'Arcésilas et de Cumeads, lui peemet de zoontrer ainsi

de l'àme était prétendument empruntée au stoicien Panétius dans le De Officiis**®°, l'idée fondamentale que la part inférieure de l'homme ne participe en rien à la beauté, à la forma (deformius), reléve en réalité

nature et par l'instruction, ont progressé loin dans la vertu, s'ils ne l'ont pas absolument atteinte, sont tout ^ fait sbisécables » Voir ausi Fin., 4,

pour traduire la relation de connexion qui unit l'hégémonique aux sept autres parties de l’àme?”, et si la division bipartite

de la dichotomie platonicienne et de l'anthropologie de la Républiq ue et de l' Alcibiade. Cicéron surimpose d'autres concepts

stoiciens à ce dualisme psychologique d'origine platonicienne?*?!, Ainsi l'expres sion conixa per

7*5 Chez Cicéron, la uirtus consiste dans la raison débarrassée de toutes ses erreurs, c'est-àdire des faux jugements (voir infra) qui conduisent aux passions (perfecta mens id est absoluta ratio, quod est idem uirtus, Tusc., 5, 39). m. Voir nos analyses et J. Pépin, Idées grecques sur l'homme et sur Dieu, Paris, 1971, p. 71-73. ^"

CIC, Tusc., s, 4, 10: « Dans l'analyse des passions, je m'appu ierai sur l'explication ancienne que Pythagore donna le premier, suivi par Platon, eux qui distinguent deux parties dans l'áme, l'une participant à la raison, l'autre non. Dans celle qui reléve de la raison, ils placent le repos, c'est-à dire

la constance, calme et paisible, dans l'autre, les mouve ments désordonnés, tantót de la colére, tantót du désir, mouvements qui perturbent la raison et lui sont contraires ». Voir aussi Tusculanes, 1, 33, 80 :

que le stoicisme, pour reprendre les termes de C. Lévy, n'est « qu'une province du platonisme » et qu'il y puise l essentiel de son inpiration. um. Cu

Fin., 4, 22 : « Viennent ensuite les conceptions que tu a développées avec une trés grande science, [

] à savoir que Ve qui, per leur

64 : « Avancer et progresser dans la vertu n'est d'aucun secours pour éviter l'extréme misére, tant que l'on n'a pas atteint la vertu ».

453 Voir A. Michel, « Rhétorique et philosophie dans les Tusculanes », Revue des Études Latines, 39, 196 b Po sis 71, en part. p.179; A. Novara, Les Idées romaines sur le progrés d'aprés les écrivains de la République, Paris, 1982, t. 1, p. 500-519, qui renvoie à CIC., Fin., 4, 64-67 ;

S. Luciani, Temps et ternité dans l'auvre philosophique de Cicéron, Paris, 2010, p. 338-342.

aM.

% Sur ce terme philosophique et sa définition, voir R. Bett, « Stoic Ethics », in M. L. Gill, P. Pellegrin (dir.), A Companion to Ancient Philosophy,

Chichester/Oxford/Malden

(Mass.),

2009,

p. 530-548,

en part. p. 537-539;

R. Radice,

eris:

Ricerche

sul fondamento

del

pensiero stoico e sulla sua genesi, Milan, 2000 ; G. Striker, Essays on Hellenistic Epistemology and Esiics, Gendutdge, a 996, en part, ch. 1» p.281i297 : « The Role of oikeiosis Stoic Ethics » ; C. Lévy, Cicero academicus, p. 378-387 ; G. Magnaldi, L'oixeíweic peiphtix in Ario Didimo e nel De Finibus di Cicerone, Florence, 1991 ; T. Engberg-Pedersen, The Stoic Theory of Oikeiosis: Moral development and Social Interaction in — Stoic Philosophy, Aarhus, 1990 ; M. Armisen-Marchetti, Sapientiae facies : étude sur les images de Sénéque, Paris, 1989, p. 212-214 ; C. O. Brink, « olkeiórnc and oikeiocic: Theophrastus and Zeno on Nature in Moral Theory », Phronesis, 1, 1956, p. 124-145. i C107 Tusc, s, 13,37: « Quel meilleur point de départ pourrions nous trouver à l'agencement "s notre discours que la Nature, —

« Or Platon [... ] estime que ces parties de l'áme [- celles oü m. les désirs, la colére ou le chagrin] sont situées loin de la raison (semotas a mente) et sans commune mesure avec elle (et disclusas) ». usc., 2, 21, 47. 47 Les cinq sens, la voix et l'organe sexuel.

commune à tout ? Pour tout étre qu'elle engendre, non seulement les animaux mais aussi tout ce qui nait de la pui en — ses techno e veut qu'il accomplisse le plein épanouissement de son espéce. C'est pourquoi [...] dans toutes les créatures, si aucun obstacle ne s'y oppose,

! Voir C. Cicéron a platonicien Panétius ni

dont elle ne s'écarte pas, elle a gratifié l'homme en particulier d'une chose bien supérieure. Quaíqu on ne puisse juger supérieures que

4 CIC, Off, 1, 101. La référence de Cicéron dans les Tusculanes est la uetus descriptio de l' sme, celle qui est défendue par Pythagore et Platon. Lévy, Cicero Academicus : Recherche sur les Académ iques et sur la philosophie cicéronienne, Rome, 1992, p. 472-480, qui explique que parfaitement conscience

806

d'associer des doctrines a priori incompatibles e ntre elles. Parmi ces doctrines, figurent le dualisme de l’àme et le monisme psychologique próné par Chrysi ppe, dogme fondamental auquel, malgré les apparences, ne renoncent ni Posidonius, et qui pose entre záBoc et Xóyoc une méme appart enance ontologique, le xá8oc étant une simple variation contre nature

tout est men

ion, en

M CH, as

proportion de leurs capacités respectives. »

: QUEMAR Et e - général, la S

|

-

a doté chaque espéce de bétes d'en attribut dpscique; qui lui appartient en —

et

:

choses qui présentent au moins un point de comparaison, l'esprit humain, né de la pensée divine, ne peut toutefois étre comparé qu'avec un seul

i

i

i-

"il

n*

rilége de tenir ces

propos ».

^ meti Vid etin étre à qui - samet. qui a réalisé intégralement le développement voulu par son espéce, S teta et si c'est là le propre de la vertu, alors il est sár que tous ceux qui possédent la vertu sont heureux ».

807

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

poursuivre

le raisonnement

stoicien imposé

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

par l’oicxeiwolg, remarquait

que

l'acquisition

de la raison

ne

supposait pas la négation des autres facultés naturelles, mais leur hiérarchisation et leur subordination à la faculté supérieure. L'objectif de l'éthique, c'est-à-dire la vie heureuse, se devait, selon lui, de satisfaire à la Spécificité de l'eSpéce humaine, composée d'une áme et d'un corps, et de procéder au plein épanouissement de

ces deux réalités conjuguées?**. À l'instar de la critique anti-stoicienne de Carnéade, Cicéron reprochait

justement aux Stoiciens de ne pas mener jusqu'au bout cette conception moniste de la nature, et, dans leur

programme

moral

du

naturam

sequi, de ne concevoir

cependant

le Tté\og ’“ éthique

que

comme

l'épanouissement désincarné et exclusif de l'àme. Alors méme que, selon leurs propres termes, la rationalité est le terme et l'achévement du processus naturel de croissance chez l'homme, la fin éthique ne doit pas

logiquement exclure les prima naturae". Or, dans les Tusculanes, Cicéron reprend cette idée stoicienne de

l'oixe(eetc. Cependant, gráce au recours explicite révéle son humanité que dans l'exercice de la sagesse proprement biologique, pour proposer comme xoc c'est-à-dire la part la meilleure. Par l'introduction de

à l'anthropologie platonicienne?*', pour qui l'homme ne et donc du voc, il la détourne radicalement de son ancrage à l'éthique l'épanouissement de la seule faculté rationnelle, l'exigence de l'idéal platonicien, combiné à une redéfinition

de l'idée de nature, Cicéron tente de remédier à la contradiction stoicienne fondamentale entre le recours à

l'ancrage biologique et son abandon, dans un modele de sagesse indifférent aux fluctuations naturelles??. La détermination des biens, les bona, qui fondent la vie heureuse, s'effectue donc selon le seul critére de la raison,

qui résume, à elle seule, la « nature » humaine. Ce caractére exclusif de la Virtus, comme té\oc d'une vie éthique

associant, à la fois, sagesse et bonheur, utilité et bien moral, s'exprime à travers une formule cicéroniennne

canonique, qui sera chére à Sénéque également^*? ; [ex quo efficitur ut] quod sit honestum, id sit solum bonum?*?,

« de là résulte que l'Honnéte est l'unique Bien ». Cette formule est reprise presque textuellement chez Bocchi (Nec putat esse bonum nisi honestum, v. 62 ; si lumen honesti/ Aspicies semper, v. 136-137). Et c'est à cette seule condition que la Virtus peut effectivement étre une salutarem medicinam (v. 40), ou un certum medicamen (v. 86) :

US |

Nempè salutarem medicinam

| Illa animis adhibet curas et detrahit omnes,

|

Protinus illa cupidine caeca

| Liberat, illa metus pellit temnítque dolores.

WR ONES

| Tusc., 2, 4, 11 | Nam efficit hoc philosophia, medetur | animis, inanes sollicitudines detrahit,

| cupiditatibus

PENDCN T

rapproche de l'animal ou du végétal, pour se consacrer uniquement à la sauvegarde et à l'intégrité de la faculté supérieure. 4. La lutte contre la douleur et la réintroduction d'éléments proprement stoiciens

Cet impératif de la beauté morale, intrinséque à la nature méme de l'homme (uirtutem natus ad ipsam, v. 97), est

le premier reméde proposé pour lutter contre la douleur, affection qui retient ici toute l'attention de Bocchi, comme elle avait retenu celle de Cicéron, au second livre des Tusculanes??5. La douleur ne saurait étre le summum malum, puisque le plaisir n'est pas non plus, comme le voudrait Épicure, le sumumm bonum^** (Numquam

illa [2 natura] dolorem/ Esse malum statuit summum, v. 108-109), mais il n'en demeure pas moins

qu'elle est un mal contre lequel il faut combattre, car y céder revient à déchoir de sa condition^*". Là oi, pour caractériser l'attitude de résistance à la douleur^**, Cicéron invoque le nom spécifique de la vertu cardinale de

fortitudo, qui se décline également en magnanimitas et patientia, Bocchi préfére citer, à plusieurs reprises, le terme résultatif de constantia'*? (constanter, v 99), quitte à lui adjoindre le terme de patientia (constanti patientia, v. 48) et de ratio (constanti ratione, v. 84) dans une sorte de concaténation indénouable des vertus, qui est

caractéristique du stoicisme. Cependant, la fortitudo apparait aussi chez Bocchi, avec des termes tels que fortiter (v. 51) ou fortis (v. 74 et 85) : elle est par excellence la vertu (uirtus) du uir??, de celui qui fait montre de ses

uires, « de ses forces », imbrication étymologique respectée par l'emblématiste (Virtus, v. 39 ; uiribus, v. 63 ; uir, v. 74). Le uir constans ou fortis s'oppose en tout point à la mulier, la « femmelette » (muliebriter eiulat, v. 66 ; ut

muliercula flebis, v. 98), ou au seruus, « l'esclave » (seruiliter, v. 65), versions dégradées de l'humanité. Bocchi suit de prés le texte de Cicéron, reprend ses exemples en martelant une thématique immuable : 1) la raison fuit par nature ce qui lui est contraire, comme de céder à la douleur, pour s'attacher à la vertu et à l'honestum, à quoi

elle tend ; 2) la résistance à la douleur (fortitudo), comme preuve de la uirilitas, impose qu'on s'abstienne de toute extériorisation efféminée de sa souffrance. La source cicéronienne est toute proche :

v. 60-74

Nec putat esse malum nisi turpe Flagitium id leto peius refugit, timet, odit Nec putat esse bonum nisi honestum, Viribus id totis unum sequitur, cupit, ambit. Quare nil facit illa abiecté,

|

|

|

| liberat, pellit timores.

Nil timide, nihil ignaue aut seruiliter unquàm.

Non muliebriter eiulat immó Nec tacitos edit gemitus nisi forté dolori

Ayant conscience que la raison est l'élément spécifique de l'homme et qu'elle doit étre sauvegardée à tout prix, l'homme est poussé, par nature, à mépriser et à combattre les passions pouvant affecter la part en lui qui se ^ Pour l'intégration de cet aspect de la réflexion cicéronienne chez Bocchi, voir notre étude des Symb. 10 et 45. ?** Sur la définition de ce terme comme « la fin ultime, selon tous les philosophes, [qui] doit étre telle qu'il convienne que tout s'y rapporte,

mais elle, à rien », voir CIC,, Fin, 1, 29.

% Voir C. Lévy, Cicero academicus, p. 441-442. : « Aux yeux de Cicéron, le stoicisme est un échec ou un plagiat en tant que naturalisme, mais une construction admirable en tant qu'expression de l'exigence morale la plus absolue. Il le considére comme un idéalisme fourvoyé dans le

monde de l'instinct et de la sensation, comme une antilogie inconsciente que le dialecticien se doit de mettre en lumiére, à l'instar sans doute de

Socrate révélant à ses interlocuteurs qu'ils se contredisaient. Il faut que les stoiciens choisissent entre l'instin& et une perfection spécifiquement humaine, il faut qu'ils comprennent que l'autarcie de la vertu n'est pas inscrite dans la loi de la vie. Le De Finibus s'achéve donc sur un dilemme : d'un cóté, le sens commun, une sagesse ne présumant pas de l'homme, et la volonté de privilégier l'àme sans négliger le corps ; de

hit.

PENAL

IL 1

o

01 5

|

TJs5,1, 23, 55-2, 24, 57

Sed hoc idem in dolore maxume est prouidendum, ne quid abiecte, ne quid timide, ne quid

seruiliter, muliebriterue faciamus [... ] Ingemescere non numquam uiro concessum est, idque raro, eiulatus ne mulieri quidem.

“S CIC, Tusc., 2, 12, 28: « Tu m'as accordé suffisamment en déclarant que le déshonneur te paraissait un mal pire que la douleur. Et si tu te fondes sur ce principe, tu comprendras à quel point il faut lutter contre la douleur. Et ce qu'il faut faire consiste moins à se demander si la douleur est un mal, que de fortifier l’Ame pour qu'elle puisse lui résister ».

246 Ibid.

“7 CIC, Tusc, 2, 7, 18: « À condition que l'on se montre courageux en endurant ses souffrances, le devoir se voit satisfait. Qu'on aille jusqu'à se réjouir, je ne le demande pas. La douleur est sans doute aucun une réalité triste, éprouvante, amére, hostile à la nature, difficile à endurer et à Supporter ».

“ CIC, Tusc., 2, 22, 53 : « Et le fait méme de se demander quelle e&t l'attitude la plus digne de la patience, de l'endurance ou de la grandeur

l'autre, une cohérence supérieure mais formelle. [...] L'Académicien Cicéron ira lui-méme, lorsqu'il écrira les Tusculanes, chercher chez Platon

' d'áme, non seulement apaise l'Àme, mais, par je ne sais quel moyen, atténue méme la douleur ». "* Le terme de constantia ou de tranquillitas est, chez Cicéron (Tusc., 3, 4; 9), une traduction quelque peu modifiée du terme stoicien ataraxia.

découlera de ce principe de Platon, pour ainsi dire comme d'une source sacrée et vénérable ».

domine les hormai, les impulsions naturelles qui deviennent les passions (path?) si elles ne sont pas soumises à l'hégémonique, qui bit d'elles des eupatheiai. Ces dernieres sont au nombre de trois, chara, eulabeia et boulésis. Voir D. L., 7, 115. Pour la traduction cicéronienne, voir Tusc, 4,

trouve sa réponse que dans les Tusculanes, oà la contradiction Stoicienne est levée à l'aide de Platon.

59? Bocchi suit ici CiC., Tusc., 2, 18, 43 : Appellata est enim ex uiro uirtus. « Le terme de vertu est dérivé du. mot sid. » Pour Cicéron, le terme vertu désigne toutes les rectae animi adfectiones, « toutes les dispositions droites de l'àme ». Mais il souligoe la précellence de la fortitudo (uiri

HM CIO; TIS) SESS. D phrase vient en conclusion de toute une série de syllogismes.

(mortis dolorisque contemptio).

une réponse qu'il n'avait pu trouver dans les philosophies hellénistiques ». "9! CIC, Tusc,, s, 5, 12, : Ex hoc igitur Platonis quasi quodam sancto augustoque fonte nostra omnis manabit oratio. « Donc tout notre discours

2 C. Lévy, Cicero academicus, p. 393, n. $5, montre que si Cicéron se pose déjà, dans le De Finibus, le probléme de savoir si l'honestum est la seule matiére du té\og, ou s'il faut y inclure les premiéres inclinations naturelles et le développement biologique, cette question pourtant ne

4%3 Voir SEN., Epist. , 85, 17.

808

Il désigne l'état d'équilibre et de santé de l’àme nécessaire à l'exercice de la sagesse, où la raison, s'exercant potis pure des vertus ciudinales, 12-13.

autem propria maxime est fortitudo) qui pour lui se manifeste par deux attitudes complémentaires : le mépris de la mort, le mépris de la douleur

809

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Quo magis obsistat uelut hosti Intendat sese ad robur. Sic cursor anhelus In stadio exclamat uehementer Sic athleta bonus media et gladiator arena Sic in iactandis pugil audax Cestibus. Ast idem contusus non gemit unquàm. Vsque adeo uir fortis abhorret...

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

| [Tusc., 2, 22, 51 : ut tamquam hosti sic obsistat dolori.]

| [...] Nec uero unquam ne ingemescit quidem uir fortis ac | sapiens, nisi forte ut se intendat ad firmitatem, | ut in stadio cursores exclamant quam maxime possunt. Faciunt idem cum exercerentur athletae,

pugiles uero, etiam cum feriunt aduersarium, in iactandis caestibus ingemescunt, non quod doleant animoue succumbant, sed quia profundenda uoce omne corpus intenditur uenitque plaga uehementior ?

v. 75

Tusc., 2,12, 28

Dedecus ídque malum maius putat esse dolore

Quare satis mihi dedisti, cum respondisti maius tibi uideri malum dedecus quam dolorem.

v. 78-83

Tusc. 2, 14, 34-2, 15, 36

Hoc caesi testantur ad aram

Verberibus Spartae pueri, tum uirgo Lacena

Cui magis Eurotas sol, puluis,

Militia et sudor quàm cultus mollis et ulla Barbara fertilitas fuit olim In studio, tantum meditatio praeualet et mos. v. 92-108

An tu quum Lacedaemone cernas Quales exstiterint pueri innuptaéue puellae Atque adolescentes in Olympico Olim puluere, quar&ue graues plagas in arena Barbarus excipiat tacitusque Perferat, an tu, inquam, uirtutem natus ad ipsam Ac decus ut muliercula flebis ? Non constanter, non sedat ferre ualebis. Si quis te peruellerit acris Forté dolor ? Scio quid dicas : natura repugnat, Non patitur. Quin prorsus aberras.

Non etenim patitur modà, uerim et postulat ultro, Nam quid habet praestantius aut quod

Expetat ille magis laude a uirtute profecta ? Quid porró usque adeo fore taetrum

Spartae uero pueri ad aram sic

uerberibus accipiuntur, [... ] Et mos ualet, ratio [...] Illi [2 Spartiatae] esse « apud Lacaenas

Eurota, sol, puluis*?,

ut multus e uisceribus sanguis exeat non ualebit ? autem uoluerunt nihil horum simile uirgines/ Quibus magis palaestra,

| labor / Militia | in studio quam fertilitas barbara ». Tusc., 2, 20, 46

« Tunc, cum pueros Lacedaemone,

i | adulescentis Olympiae, | barbaros in harena uideris excipientis grauissimas plagas et ferentis silentio, si te forte dolor aliquis peruellerit, exclamabis ut mulier non constanter et sedate feres ? »

— « Fieri non potest, natura

non patitur ».

traduisant le róle de la raison, qui instruet, « équipe » et armabit, « arme » (v. 115), doublet que Bocchi

emprunte encore directement à Cicéron??, Les fréquentes références à la tension du COrps, qui se raidit de

toutes ses forces, au silence implacable ou aux gémissements, liés à l'effort physique, sont autant d'images utilisées pour suggérer la tension plus secréte de l’àme, mais procédant du méme principe, la contentio, en grec

s£btovía, concept éminemment

du zveüya,

Bocchi au vers 120, oü il est qualifié de officii sola custos, de « gardien unique du devoir », mais il était annoncé,

dés le vers 69, avec la formule se intendat ad robur, qui reprend également l'idée de tension. Le xóvoc joue un róle essentiel dans l'acquisition de la science, selon les stoiciens: c'est en effet la tension du zvebüua qui fait la

différence entre les « compréhensions » du sage, et les transforme en scientia, et celles de l'homme ordinaire,

qui reléve de l'ignorance et de la doxa. La compréhension consiste dans l'assentiment de la raison à une représentation « compréhensive » (phantasia kataléptiké), c'est-à-dire le fait d'accepter comme valide une perception sensorielle nette et claire, ou une réflexion qui a le caractére absolu de l'évidence ; si, de plus, cette adhésion ne peut étre renversée par aucun raisonnement, elle transforme la compréhension en science. Sinon,

elle demeure ignorance^?5, Chez le sage, l'assentiment se caractérise par son eutonia, chez l'homme ordinaire par son atonia. Les jugements du sage, conformes à la raison droite, s'expliquent par une bonne tension de l'àÀme. En revanche, chez l'homme ordinaire, l'hégémonique présente une tension relàchée : « Quand bien méme

il a, tout comme

le sage, des compréhensions, la tension de son [7 du phaulos, l'homme ordinaire]

hégémonique n'est pas suffisamment forte pour permettre à ses croyances vraies de parvenir à la force et à la stabilité, si bien que celles-ci peuvent étre renversées par un raisonnement, car le phaulos est toujours suceptible de céder à une représentation fausse ou qui manque d'évidence »2595. Un fait remarquable se produit alors dans le texte bocchien. Alors que Cicéron a été jusqu'alors la source explicite majeure, la plus abondamment réécrite, on assi&te à une sorte d'interpolation, au moment oü l'emblématiste éprouve le besoin d'expliciter le concept de contentio à l'aide d'une image. Curieusement, il fausse compagnie à Cicéron, l'espace de quelques vers, pour utiliser une comparaison virgilienne, qui s harmonise parfaitement avec le contexte théorique dans lequel elle vient s'insérer :

- «[...] Illa uero non modo patitur, [...] uerum etiam postulat. Nihil enim habet praestantius, nihil quod magis exspectat quam honestatem, quam laudem, quam dignitatem, quam decus.

GNE

cock

V. 120-122

[ ... ] Sed contentio magna In primis adhibenda animi nam fida tuendi Officii sola est ea custos.

[...] Atque ut haec de honesto, sic de turpi contraria, nihil

Vsque adeo aspernandum, quid se indignius atque Turpe putat ?

stoicien, qui désigne la tension (róvog) positive et harmonieuse

substance à la fois ignée et aérienne composant l'àme et animant le corps/"*, Le terme contentio apparait chez

E:

tam taetrum,

nihil tam aspernandum, nihil homine indignius.

V. 123-126

n

50

DON

d'autres moyens de lutter contre la douleur. La meditatio, « l'entrainem ent », « l'exercice » (v. 83), l'usus,

In praeceps prono rapit amni.

« l'habitude » (v. 76), le labor, « l'effort » (v. 77) et le mos, « la coutume » (v. 83), permettent de s'endurcir

o oo

i Tusc., 2, 23, 55

| [Etsi uerum quaerimus, in omnibus officiis persequendis ] animi est adhibenda contentio ;

ea sola est officii tumquam custodia.

an

Ac uelut aduerso subigit qui flumine lembum Remigiis, si forté remittat Brachia, nequicquam conatur et aluueus illum

On aura remarqué, dans le passage qui vient d'étre cité, que Bocchi place, aux cótés de la raison proprement dite,

o

i Non aliter quam qui aduerso uix flumine lembum | Remigiis subigit. Si bracchia forte remisit | Atque illum in praeceps prono rapit alueus amni.

j

par l'acquisition de l'habitude et de la résistance physique, puisque et ipse labor quasi callum quoddam obducit

dolori, « l'effort lui-méme oppose à la douleur une sorte de cal » , dit Cicéron?*?,

Mais les exemples choisis par Bocchi pour illustrer le propos n'ont pas pour seul avantage de se ranger dans la

liste d'activités à caractére explicitement viril, guerrier ou combatif, et d'anticiper sur la métaphore militaire

7?! Nous restituons dans sa continuité le texte de Cicéron, qui cite un fragment du Méléagre d'Accius : Spartae uero pueri ad aram sic uerberibus

accipiuntur, ut multus e uisceribus sanguis exeat, non numquam etiam, ut cum ibi essem, audiebam ad necem. Quorum non modo nemo exclamauit umquam, sed ne ingemuit quidem. Quid ergo ? Hoc pueri possunt, uiri non poterunt ? Et mos ualet, ratio non ualebit ? « À Sparte, en particulier, on accueille les enfants prés de l'autel avec des coups si violents que "Le sang coule à flots des chairs ”. Parfois méme, à ce que j'ai entendu dire

lorsque j'étais là-bas, on les bat jusqu'à la mort. Pas une seule fois l'un d'eux n'a crié, ni méme soupiré ». 502 Cic, Tusc., 2, 15, 36 : « Et l'effort lui-méme oppose à la douleur une sorte de cal ».

810

XI T 2, 22, 51 : « il se redressera de plein gré, il se stimulera, il s'équipera, il s'armera pour résister à la douleur comme à un ennemi ». ° Voir A. A. Long, «Stoic Psychology » in K.Algra, J. Barnes, J. Mansfield, M. Schofield (dir.), The Cambridge History of Helleniitic Philosophy, Cambridge, 1999, p. 560-584, en part. p. 566 ; J. Annas, Hellenistic Philosophy of Mind, Berkeley, 1992, p. 46 j M. Vegetti, L'etica degli

antiqui, Rome/Bari, 1989, p. 273-274 ; L. Couloubaritsis, « La psychologie chez Chrysippe », dans H. Flashar, O. Gigon (dir.), Aspecis de la philosophie hellénistique, Vandceuvres/Genéve, 1986, p. 99-146, en particulier p. 138-141; G.B.Kerferd, « The Origin of Evil in Stoic Thought », Bulletin of the John Rylands Library, 60/2, 1978, p. 482-494. C -—X— ^55 Sur ces notions voir M.-O. Goulet-Cazé, « À propos de l'assentiment stoicien » dans Ead. (dir.), Études sur la théorie stoicienne de l'action, Paris, 2011, p. 73-236, en particulier p. 199-203.

55 Ibid, p. 391,

LN

pipe

méme

pour qui fait remonter sa barque à contre-courant, par la force des rames. Si par hasard il reláche l'effort de ses bras, sa i i i

barque le Précipite la téte la premiere dans le fleuve au cours rapide ».

811

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

"EE

| V. 127-129

n

Elm

e Deer

| Contenturáque onera ut leuius fert uasta, remissum

Opprimitur corpus facile, sic

Intenti obsistunt animi urgentufque remissi.

ede

cuoi ro CiO

c'est-à-dire cet élément divin, ce don de Zeus qu'est le vobs, qui veut quitter le corps et revenir vivre parmi les

| Tusc., 2, 23, 54 | Vtonera contentis corporibus facilius feruntur, remissis | | opprimunt, simillime | animus intentione sua depellit pressum omnem

dieux^?!*.

ponderum,

| remissione autem sic urgetur, ut se nequeat extollere.

|

5. La célébration de la uera gloria et de l'honos dans le Symb. 141 et ses variations dans le recueil

|

Dans le Symb. 141, Bocchi, à la suite de Cicéron, se livre également à une réflexion sur la gloire et ses rapports avec la vertu. L'attrait de la gloire supérieure, c'est-à-dire l'éclat intrinséque que recéle en elle une àme qui se conforme à la raison et à la uirtus, tàche que lui impose la nature, s'oppose en tout point à l'ambitio, véritable passion qui guette les princes. Ce goüt de l'honos contribue d'ailleurs à stimuler la contentio de l'áàme. Ce qui relégue la gloire populaire au rang des indifférents, adiaphora, ces choses qui ne concernent pas la réalisation du souverain bien, mais que l'on peut préférer (praeposita), si elles sont agréables au vu des tendances naturelles de

L'interruption virgilienne non seulement permet de visualiser le jeu des forces vectorielles opposées en présence par une petite scene figurative, celle du rameur à contre-courant, mais cette saynéte méme prépare le tableau bucolico-géorgique de la fin du poéme. Quant aux deux passages cicéroniens qui encadrent la citation virgilienne

et lui fournissent une sorte de contexte

théorique,

comme

le rappelle

C. Lévy,

ils jouent ici

subtilement de la confusion entre stoicisme et platonisme qui permet à Cicéron de se rallier au probabilisme antidogmatique : « la notion de tonos a donc été détachée de son contexte moniste et ingénieusement utilisée pour illustrer le triomphe de la raison sur l'irrationnel »?*5 Bocchi fait également sienne cette confusion doctrinale et les deux philosophies sont pensées alors sur le mode de la continuité. On en retrouve un exemple dans la conclusion proposée par Bocchi à cette longue prosopopée de la Muse : m

V. 130-139

ag

:

TNR

ardmU

dre

Tusc., 2, 27, 66

iae... s

comm

Quae tecum mediteris opportet Noctes atque dies, quippe isthaec latius olim Manabit ratio, tum aliquantò Maiorem praestabit opem quàm rere

Quae meditare, quaeso, dies et noctes. Latius enim manabit haec ratio et aliquanto maiorem locum quam de uno dolore occupabit.

Aspicies semper, fugies si turpe, doloris

Nam si omnia fugiendae honestatis causa faciemus,

Tutus non stimulos modó uerum et

Fulmina fortunae contemnas cuncta licebit.

turpitudinis

ape

adipiscendaeque

non modo stimulos doloris, sed etiam

Dans ce passage, qui conclut un développement faisant intervenir implicitement l'idée physique stoicienne du tonos, Bocchi est infidéle au passage de Cicéron, et préfére à honestatis causa l'expression lumen honesti (v. 136). Or c'est là encore une image empruntée à Cicéron ( Tusc., 2, 59):

Nous somme par nature enclins et poussés au plus haut point vers le bien ; si nous le contemplons comme une lumiere (lumen) il n'est rien que nous ne supporterions ou que nous n'endurerions pas pour nous en emparer. Cette course et cet élan des àmes vers la vraie gloire et le bien les poussent à affronter les périls guerriers.

En employant cette expression imagée, Bocchi peut, à l'instar de Cicéron, surimposer à l'idée de l'àme humaine,

comme souffle igné aspirant et tendant, par nature?59, à retourner au feu générateur dont elle émane, l'image de la lumiére du Bien platonicien qui appelle à elle l'àÀme du sage^?^. Chére à la pensée d'un Plotin, cette comparaison visuelle revient maintes fois sous la plume de Ficin pour traduire le véritable rapt, auquel se soumet

le diuinus amator, dans un triple processus d'émanation, d'infusion et de retour à la source. Bocchi suit ici

Cicéron, qui coupe de cette maniére le stoicisme de son ancrage biologique, pour ne prendre le concept de nature qu'au sens platonicien. La nature proprement humaine de l'homme, c'est le démon qui habite en lui,

?5* C. Lévy, Cicero academicus, p.474. 5? Cursu et impetu, dit Cicéron qui traduit ainsi l'hormé, cette sorte d'appetitus naturalis résidant dans l'hégémonique. L'hormé désigne la forme que prend l'oikeiósis chez l'étre humain rationnel, c'est-à-dire la tendance naturelle de l'àme à conserver intacte sa partie la plus précieuse, la raison. Cette nouvelle tendance remplace la premiére hormé, purement biologique, qui poussait l'étre humain à fuir ce qui nuisait à son

organisme, à rechercher ce qui lui convenait. 75 Un ouvrage comme le De Legibus de Cicéron montre l'hésitation entre l'interprétation, d'inspiration platonicienne, des semences ignées Stoiciennes

comme Idées-paradigmes et leur conception comme raisons séminales et germes des étres concrets, présents dans le feu créateur et

812

pw

Teuh i. à

| V-49-59 | [...] Externae quae [-Virtus] haud indiga laudis | i

Nec plausum captans popularem

|

Sit, certa potius ratione

7. ul

fulmina fortunae contemnamus licebit.

rendant compte de leur nature, de leur genése et de la trame de leur existence.

l'homme, ou que l'on peut rejeter, si elles sont désagréables selon les mémes critéres^?? -

es ETIN Sm

| Ipsa modó oblectet sese tum fortiter audax

| { ; i | i |

Quam studio quodam uehemente et gloria inani. Quin etiam laudanda magis sunt Quae nihil ostentant sese at sine teste popello Fiunt, non quò sit fugiendus, Quaeque etenim se in luce uolunt benefacta locari, Mente tamen sibi conscia honesti Nullum maius habet uirtus praeclara theatrum.

Tusc., 2, 36,64 | Hoc igitur tibi propone, [amplitudinem animi] [...] unam | esse omnium rem pulcherrimam, eoque pulchriorem, si

| uacet populo | neque plausum captans

| se tamen ipsa delectet.

| i Quin etiam mihi quidem laudabiliora uidentur omnia ; qua sine uenditatione et sine populo teste ! fiunt, non quo fugiendus sit, | omnia enim bene facta in luce se conlocari uolunt, ; | sed tamen nullum theatrum uirtuti conscientia maius est.

Cet éclat inévitable et idosyncrasique de la Virtus, auquel on peut donner le nom de gloria ou d'honos, qui se

signale de lui-méme, sans qu'on cherche à l'acquérir5*?, ni à le fuir*'*, donne lieu à une série de variations en

dehors du Symb. 141, dont certaines sont empruntées aux Tusculanes” : le Symb. 42 qui rappelle que la gloire

est l'ombre de la vertu, et oppose l'image du fou bruyant et populaire, précédant la vertu, à la gloire discréte qui

la suit (cf. Tusc., 1, 109 ; 3, 3) ; le Symb. 33 surle temple de Virtus comme vestibule de celui d' Honos ; le Symb. 99

sur le crocodile, embléme de la vraie gloire, qui fuit ceux qui le cherchent et poursuit ceux qui le fuient. Il faut cependant préciser que, méme s'il est préférable de ne pas chercher l'honos pour lui-méme, au risque de paraitre superbus ou de faire preuve d'ambitio, celui-ci peut toutefois entretenir une fascination contagieuse propre à Stimuler les àmes et à les éveiller à la vertu. Cicéron, comme Bocchi dans le S. 141 auquel nous retournons à

présent, semble se rallier trés momentanément à la notion de producta, de « préférables ».

Dans la táche de lutte contre la douleur qu'elle s'est fixée, la raison peut trouver un dernier recours dans

l'exemple et dans la force stímulatrice et instructive de l'imitation (species proponet honestas?*/ Clarorumque

exempla uirorum. Tum ueri decoris tanto incenderis amore/ Iure bono statuas felices atque imitandos/ Summa ope, V. 115-120). On comprend alors toutes les motivations pédagogiques qui ont amené Cicéron, et donc Bocchi, à procurer, à l'appui de chacun de leurs arguments, des exemples et illustrations significatifs. Celles-ci sont propres

29! Voir Pr, Tim,, 90a.

7 Voirl'exposé de Caton dans CIC,, Fin., 3, 53. 7? On ne doit rechercher que le summum bonum, c'est-à-dire l'honestum. 7^ On doit fuir le summum malum, c'est-à-dire l'indignitas.

“15 Nous renvoyons le lecteur à nos analyses à ces symboles. 56 Comparer ayec CiC., Tusc., 2, 22, 52-53

: « Qu'on ait à l'esprit Zénon d'Élée, qu'on médite sur Anaxarque le Démocritée té n. Pourquoi i donc ont-ils eu une postérité ? C'est le pouvoir de l'exemple ».

B13

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

à faire sentir ou à mettre devant les yeux (proponet)?" des modéles qui emportent l'adhésion, par la force de

l'évocation, de la répétition et d'une forme d'empathie naturelle qui fait que la raison se reconnait dans la raison^?"*. Le sentiment d'une dignité virile, attachée à une fonction et portant naturellement aux grandes actions et à la fortitudo, fait oublier instantanément les inconvénients de la douleur. Cette idée de la gloire allégeant la souffrance et donnant à l'homme plein de fortitudo le sentiment qu'il remplit là le devoir exigé par sa condition, est illustrée également par le Symb. 16, déjà cité, qui rappelle, à travers un exemple emprunté aux Tusculanes (2, 62), que le général a plus d'endurance pour supporter la douleur que le soldat parce qu'il pense à la gloire. 6. La lutte contre les passions et les attaques du sort

Dans le Symb. 141, Bocchi maintient que l'efficacité de cette méthode est cependant reconnue sur un domaine

plus vaste, celui des passions? — parmi lesquelles il ne retient que l'ira (v. 135) et la libido (v. 133) — ainsi que

les fulmina fortunae. Le choix de deux passions emblématiques, la colére et le plaisir, peut s'expliquer à nouveau par l'insertion d'un

autre passage de Cicéron dans le développement bocchien que nous avons déjà cité^*?, Bocchi n'a pas pour

autant sacrifié l'image lucrétienne et stoicienne de la citadelle comme symbole du triomphe de la constantia, cet état d'équilibre qui caractérise le sage libéré radicalement des passions, image qu'il trouve dans ce nouveau

passage de Cicéron. Il l'a replacée plus haut (celsa securus ab arce/ Tu quoque despiciens hominum orsa??"' / Ridebis cum illa, v. 45-47), en lui ajoutant le motif démocritéen du rire??? afin de décrire les effets de la salutarem

medicinam (v. 40) qu'est la vertu contre des affections comme cura (v. 41), cupido (v. 42), metus (v. 43) et, bien sár, dolor (v. 43) et fortuna (v. 49).

Lorsqu'aux vers 133 et 13s, Bocchi évoque l'ira et la libido, les termes qu'il emploie font référence à une métaphore caractéristique du stoicisme, qui voit dans les passions, les pathé, des animaux qu il faut dompter. La

raison est ainsi comparée à un maitre (hac duce) qui réprime (cohibetur, compescitur) la sauvagerie d'animaux

déchainés (infrenis, uesanus). On remarquera que l'image, si elle a une postérité stoicienne incontestable???, par

7" Le procédé de l'enargeia, de l'illusion représentative qui, par le biais de l'hypotypose, donne au lecteur l'impression de la réalité dans le poéme, n'est pas ici exploité par Bocchi. Ce fait ne doit pas surprendre puisque, outre le fait que le texte se présente comme un développement didactique et se préte mal au ciselage poétique d'intermédes ecphrastiques, les potentialités visuelles des exemples sont précisément exploitées dans l'image, comme nous le verrons tout à l'heure. 7" Voir BOCCHI, Symb. 2, 3 : Pura tamen mens ipsa potest compren dere mentem. 7? Remarquons que dans le Symb. 99, consacré à Caton, la vraie gloire, attachée à la vertu, permet d'arracher multa animi uitia, et Bocchi évoque l'inuidia, le fait d'étre la cible des convoitises (surle terme, voir CiC., Tusc., 3, 9, 20). L'idée que la vertu et, en particulier, la tempérance,

nommée par Cicéron temperantia, modestia ou frugalitas (Tusc., 3, 8, 17), apportent la confiance en soi, qui permet justement d'éviter de ressentir de la jalousie ( inuidentia), est également reprise dans le Symb. 56, oà Bocchi évoque la modestia de Scipion (le premier Africain), avec une référence à LIV., 26, 20, 6 (voir nos analyses à l'embléme).

?9? CicC., Tusc., 2, 24, $8 : « Mais le précepte que nous avons donné en ce qui concerne la douleur a une extension plus vaste. En effet, c'est à toutes choses et non point seulement à la douleur qu'il faut résister par une semblab le tension de l'àme. La colére s'enflamme, le plaisir s'excite : nous devons nous réfugier dans la méme forteresse et nous doter des mémes armes ».

??! Pour les formulations, on peut rapprocher les termes bocchiens de STAT., Silu., 2, 2, 131 : celsa tu mentis ab arce despicentis errantis, « toi qui, du haut de la citadelle élevée de ton áàme, regardes ceux qui errent » et bien entendu LVCR,, 2, 7-13 : Sed nihil dulcius est bene quam munita tenere/ Edita doctrina

sapientum templa serena/ Despicere

unde queas alios passimque uidere/ errare. « Mais rien n'est plus doux que d'occuper pent les forteresses protégées par la doctrine des sages, temples tranquilles d'oü l'on peut regarder de haut les autres errer gà et là ». 2522 Voir SEN,, Tranqu., 15, 2-3 (trad. René Waltz dans SÉNEQUE, Entretiens, Lettres à Lucilius, Paris, 1993Dp. 367) : « Aussi faut-il nous appliquer à

exemple à travers le personnage d'Hercule domptant les monstres, reprend pourtant formellement la version

tératologique que Platon donne des facultés inférieures de l’àme”24 ou encore l'allégorie du cheval noir et rétif qui, dans l'attelage ailé, perturbe la course de l'àme?5^5, Cette oscillation que l'on constate chez Bocchi entre platonisme et stoicisme s'inspire de l'ambiguité méme de

la position cicéronienne sur les passions, qui, bien que d'inspiration stoicienn e et moniste, vient se greffer sur une conception dualiste de la psychologie humaine qui lui est au départ inconcili able, la uetus descriptio de l'àme

selon Platon et Pythagore^*. Dans la conception stoicienne, logos et pathos ne sont pas en opposition de nature,

à la différence de la doctrine platonicienne, qui fait s'affronter des forces antithéti ques à l'intérieur de l’àme, la raison d'une part, la faculté « irascible » (epithumétikon) et « concupiscible (thumoei dés) d'autre part. La

passion, pour

les stoiciens, n'est pas la sédition de l'irrationnel contre le Logos,

mais une variation

et une

désorganisation de l'hégémonique, la partie directrice de l'àme, qui se rebelle contre lui-méme ?*", et produit des jugements erronés. En effet, lorsque l'hégémonique, qui est la partie centrale de l'àme, recoit une sensation, aisthésis, de la part d'un organe, une image appelée phantasia se crée en lui, comme une empreint e sur un cachet de cire", Cette représentation est soumise à l'examen instantané de l'hégémonique, qui lui donne ou non son

assentiment (sunkatathesis), selon qu'il la juge suffisamment évidente ou non pour étre recevable (katalépt iké),

terme que Cicéron traduit par comprehendibilis'*?. Cette évidence est le signe que la nature fournit une

information vraie, fondement de la connaissance?*. L'hégémonique suscite alors en l'individ u une hormé, un élan naturel d'attraction ou de répulsion, vers ou contre cet objet, afin d'assurer la conserva tion de son étre

dictée par l'oikeiósis. Or, selon la qualité de sa tension??!, l'hégémonique peut donner parfois son assentiment à

une représentation qui ne correspond pas aux critéres exigés de vérité. Cet assentiment faible et trompeur devient alors une doxa, une opinion, qui conduit à une appréhension erronée de l'objet et suscite en l'individu une hormè intempestive ou inadéquate, au regard de l'objet en faveur ou en défaveur duquel elle se manifeste. Cette hormé excessive (pleonasmos), qui n'est plus guidée par une raison saine, fournissant des jugements justes

donc vrais, est précisément appelée pathos, une maladie, terme que Cicéron traduit par perturbatio^^?, Elle n'en

citation que Bocchi a à la mémoire dans le Symb. 117, lorsqu'il compare l'action du mors, du piquet et du dresseur sur les chevaux furieux à l'influence bénéfique de la Prudentia, qui corrige et régule (correptrix, moderatrix ) le plaisir et l'ambition (libido, ambitio). “A Pr, R, 9, 588 engage à considérer les trois facultés de l’àme comme la superposition « d'un monstre composite à plusieurs tétes », d'un lion et d'un homme. Les ézi&óytat sont comparées aux monstres mythiques polymorphes, tels que la Chimére, Scylla ou Cerbére. Bocchi se sert de cette image dans le Symb. 66 sur la Fortune d' Alexandre (voir nos analyses à cet embléme). 795 Voir PL, Phdr., 253d-e. 55:5 Voir C. Lévy, Cicero academicus, p. 474-5, qui reléve l'importance fondamentale du tamen dans le passage Tusc. 4, 11 pour signifier la

parfaite conscience que Cicéron a de faire coincider deux doctrines apparemment séparées.

757 Voir par ex. PLVT., De uirtute morali, 3, 441c : « Ils [- les disciples de Chrysippe] ne pensent pas que la partie passionnelle (pathétikon) et irrationnelle ( alogon) de l'àme se distingue de l'élément rationnel (logikon) par une différence de nature, mais que la partie rationnelle de l'áàme, qu'ils appellent “ intelligence ” (dianoia) et “ hégémonique ” (hégemonikon), du fait qu'elle est totalement bouleversée et désorganisée dans les

passions et les mutations engendrées par le tempérament et la maniére d'étre habituelle, devient vice ou vertu, sans qu'il y ait rien d'irrationnel en elle. » SASI

M., 7, 236. Voir aussi D. L., 7, 46. Chrysippe, s'opposant à l'image inerte de la cire lui aurait substitué celle du poulpe (voir S. E. , M., 7,

229). 55? CIC, Ac. post, 1, 41-42. Voir J.-P. Dumont, Éléments d'histoire de la philosophie antique, Paris 1993, p. 575-583 ; C. Lévy, Cicero acadamicus,

P. 207-230 et Id., Les philosophies hellénistiques, Paris, 1997, p. 126-136 ; F. Pro&t, Les théories hellénistiques de la douleur, p. 243-275 ; S. Husson, * Le convenable, les passions, le sage et la cité » dans J. -B. Gourinat,J. Barnes (dir.), Lire les stoiciens, Paris, 2009, p. 115-131 ; R. Müller, Les Stoiciens, Paris, 201 2, p. 229-240. ' :

"5? Les représentations recues par les sens sont emmagasinées dans la mémoire et constituent des concepts naturels ou prénotons. D'autres

représentations sont possibles gráce à l'étude et à l'enseignement (ennoiai). Toutes ces représentations cataleptiques, organisées dete elles, Permettent de passer de la particularité de la représentation à la généralité de la notion et de définir un savoir. Le savoir ne "t fait science que

753 Voir par exemple Cic., Off., 1, 90, qui place dans la bouche de Panétius une citation de Scipion l'Africain : « De la méme

ì

maniére qu'on

j que les épreuves répétées des combats ont rendus bouillan ts et féroces, pour les rendre plus doux, de méme il faut conduire les hommes, déchainés par la prospérité et trop confiants en eux-mémes, au manége, pour ainsi dire, de la raison et de l'éducation, pour leur faire voir la fragilité de la condition humaine et la versatilité de la fortune. » Rappelons que c'est sans doute cette

814

chez le sage, qui seul sait quel savoir est utile et nécessaire à la vraie fin de l'homme. Sur l'image intéressante d'Aétius qui compare l'hégémonique de l'enfant à une feuille blanche oà viendront s'inscrire les concepts, voir C. Lévy, Les philosophies hellénistiques, p. 1 3s. ^! Rappelons qu'il est un souffle composé d'air et de feu, qui se diffuse dans le corps à partir du cceur. Il est susceptible de distatión ont de

rétraction. Voir A. J. Vcelke, L'idée de volonté dans le stoicisme, Paris, 1973, p. 81-91. La tension correcte ou eutonia est source d'une impulsion Proportionnée, le manque de tension (atonia) entraine une réaction excessive. 75? Sur Je choix de ce terme, de préférence à morbus ou à insania, voir CIC., Tusc., 3, 4, 9-3, 6, 12.

815

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

demeure

pas moins

un état de l'hégémonique ??,

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

devenu

malade,

enflé et boursouflé

certes, mais

reconnaissable??*. En cédant à l'hormé, sans contróle préalable de la raison, l'homme s'abandonne à un état

animal antérieur au développement qu'il a suivi et qui n'est plus celui que lui impose sa nature, qui, elle, exige de lui, au contraire, que la raison gouverne l'appétit. Les passions procédent donc du jugement et de l'opinion et Cicéron rappelle que les stoiciens les classent en deux grandes catégories : d'une part celles qui relévent de

l'opinio mali, qui se divise elle-méme entre le chagrin (aegritudo), l'illusion qu'un mal présent nous arrive (opinio

recens mali praesentis) et la crainte (metus), l'illusion qu'un mal va nous arriver (opinio impendentis mali) ; et, d'autre part, celles qui relévent de l'opinio boni, comportant la joie (laetitia), liée à l'illusion que nous sommes en

possession actuellement d'un bien (opinio recens boni praesentis) et le désir (libido), fondé sur l'illusion d'un bien à venir (opinio uenturi boni). C'est tout ce contexte philosophique auquel Bocchi renvoie, lorsqu'il déclare que ce n'es point pour la nature que la douleur est un summum

malum, mais pour l'opinio mendax/ Quae

tenebras praetendit opacas/ Et plerosque omnes transuersos saepius egit (v. 109-111). Il oppose à cette errance la royauté de la raison (regina ratio) et de la volonté (te uolente). Dire que la douleur est le summum malum revient

à partager l'opinion fausse que le bien-étre du corps est le telos de la vie morale et qu'il est un summum bonum, ce qui contrevient à la nature de l'homme qui le porte, au terme de sa croissance, à étre exclusivement un étre de raison ??^. L'image bocchienne des tenebrae opacae évoque incontestablement le motif platonicien de l'aveuglement lié à l'ignorance. En revanche, la métaphore du chemin droit coupé de voies obliques évoquée à travers le terme transuersos (v. 111), « ceux qui font fausse route », se rapproche davantage de l'idée stoicienne que la passion est égarement de l'hégémonique, mais non sa négation, ce qui suppose que l'homme a la liberté de se rebeller contre cette dégradation. En évoquant la volonté et en citant la raison comme faculté royale de

commandement, Bocchi donne à son tour la solution que propose Cicéron/*" : abolir les passions et obtenir la

tranquillitas et possible dans la volonté, qui, chez le sage, est une hormé qui coincide pleinement avec la

raison^***, L'áme tout entiére est préte alors pour se consacrer à l'honestum comme summum bonum.

Les considérations faites par Bocchi dans le Symb. 141 sur la fortune et ses foudres (fulmina, v. 139) engagent les

mémes griefs que l'analyse des passions : miser sur la fortune revient à détróner la raison de son pouvoir, en reconnaissant que des facteurs extérieurs à elle peuvent intervenir dans l'élaboration d'un état heureux pour

2533

Le Stoicisme définit trois dunameis, « facultés » dans l'hégémonique : phantastikon, lié à la représentation, hormétikon, lié à l'impulsion

naturelle, sunkatathétikon, lié à l'assentiment. Voir le propos d'Arcésilas rapporté par PLVT., Adu. Col., 26.

l'homme?" Or, par un syllogisme cohérent, ne peut étre appelé bonum que ce dont on peut garantir la possession inaliénable^**. La fortune au sens large — c'est-à-dire les biens du corps comme la santé ou la beauté, les biens extérieurs, comme la richesse, le pouvoir ou la gloire ne peut donc y participer?**, Or cette

stigmatisation des méfaits que suscite une confiance aveugle en la fortune est un motif récurrent dans le

recueil?* et, si le Symb. 141 propose une argumentation théorique, c'est à nouveau dans les livres antérieurs que

l'on va trouver l'illustration correspondant à ce développement philosophique par des exemples empruntés aux

Tusculanes, par exemple dans les Symb. 14 (le marchand et ses navires, cf. Tusc., 5, 40), 41 (sur la balance des maux et des biens, cf. PL., Rs, 55oe, et CIC., Tusc. ), $1. On peut également citer les Symb. 31-31 (Caius Fabricius et Marcus Curius Dentatus résistant à l'or des Samnites) ou le Symb. 113 (sur Marius), bien que leur

source ne soit pas directement cicéronienne. Ces différents symbola constituent ainsi une sorte de préliminaire, ludique et illustré, aux propos plus abstraits du Symb. 141. Ils contribuent, en fait, à familiariser le lecteur, au fur et à mesure qu'il avance dans le parcours de l'ceuvre, avec des motifs symboliques, comme la balance ou le navire, qui illustrent tous le méme concept stoicien : au regard de la vertu et du bonheur parfait qu'elle implique, biens corporels et richesses matérielles ne comptent pour rien. Or ce programme éthique du Symb. 141 se trouve relayé didactiquement par une gravure qui vise à condenser les différents développements et à en souligner les exemples les plus percutants. 7. La synthése visuelle et le róle de l'imaginaire

La gravure du Symb. 141 a donné lieu à des délires interprétatifs, qui mettent en évidence les dangers d'une approche de l'embléme sous l'angle exclusif de l'image et contre lesquels l'observation du texte et le repérage de

sources constituent l'indispensable garde-fou méthodologique^?*.

Il est clair que le point de départ de la gravure consiste dans la représentation des exemples les plus marquants du texte cicéronien cité par Bocchi. Leur caractére saillant autorise à reconstituer le parcours argumentatif élaboré dans le texte, en particulier la notion de tonos et de contentio comme moyen de lutter contre la douleur

physique : la visualisation immédiate de ces exempla doit permettre au lecteur de l'embléme (et au dédicataire souffrant), par désir d'émulation, de se reprendre au cas oü il se laisserait aller à céder à la douleur et aux

passions. Les vertus des paiens jouent ici comme propédeutique à la vertu chrétienne d'endurance, imitation du courage christique. Cicéron lui-méme, dans un esprit typiquement romain, a montré que « la perfection éthique

des maiores, qu'expriment d'innombrables exempla, leur a permis de réaliser concrétement cette vie conforme à la vertu que les Grecs n'ont su construire que dans le domaine de la théorie ».

^5" Voirl'image du membre malade dans CIC., Tusc., 3, 9, 19 : « La main est-elle dans un état normal lorsqu'elle est enflée, ou bien existe-t-il un membre particulier qui, quoiqu'enflé et boursouflé, ne soit pas dans un état anormal ? »

Les pueri Lacedaemones, évoqués dans le texte au vers 92, sont, sur la gravure, soumis au fouet par deux hommes. L'ampleur de leurs gestes et leur physionomie aux sourcils froncés permettent de mesurer la violence des coups.

Ainsi, à l'aegritudo font cortége inuidentia (jalousie), aemulatio (rivalité), obtrectatio (compétition), misericordia (pitié), angor (angoisse), luctus (chagrin), maeror (affliction), aerumna (abattement), dolor (douleur), lamentatio (désolation), sollicitudo (inquiétude), molestia (souffrance), adflicatio (prostration), desperatio (désespoir), etc. La colére reléve de la libido (elle est libido poeniendi.). Ces passions ont toutes des manifestations physiques caractéristiques, car elles sont des maladies du pneuma et s'ancrent donc dans les veines et la chair (voir Tusc., 4, 24: permanat in uenas et inhaeret in uisceribus illud malum).

2» GIG Tusc., 3, 17, 37 : « Car sila Vertu se trouvait dépendre d'un lien qui lui soit extérieur, au lieu de trouver en elle-méme son origine et sa

% Voir CIC., Tusc., 4, 6, 115; 3, 6, 12 et 3, 7, 1 5. Chacune des quatre catégories se subdivise à son tour en un chapelet de passions apparentées.

7555 Les stoiciens, en introduisant la notion de propatheiai, les « affections préliminaires », constatent que le corps sage lui-méme peut connaitre des réactions physiques à la douleur, qui sont inévitables, et auxquelles il faut se résigner. Mais ces affections, ne participant pas à l'assentiment et ne constituant pas un contenu propositionnel, n'impliquent pas l'adhésion morale du sujet. Voir F. Pro&, Les théories hellénistiques de la douleur, p. 228-232.

757 Parfaitement conscient que la cohérence doctrinale a bien peu d'effet, par exemple, sur un chagrin violent ou contre un vice solidement

ancré, comme l'avarice, Cicéron, Tusc., 4, 28, 61, reconnait que la tentative stoicienne d'éradiquer l'opinion fausse n'a que peu d'efficacité,

hormis pour le sage. Or ce dernier n'a pas besoin d'étre guéri, et donc de lire l'ouvrage. Cicéron s'adresse à ceux qui ne sont pas des sages et pour lesquels il s'agit de trouver des solutions efficaces : « Aucun homme qui est atteint par le chagrin, la crainte, le désir ou le trouble, ne peut

étre semblable au sage. Ce sont là les maux de ceux qui pensent que les vicissitudes humaines sont plus fortes que leurs àmes. » 2538 Cic. Tusc., 4, 6, 12 : uoluntas

est quae quid cum ratione desiderat. « La volonté est la faculté qui désire quelque chose en plein accord avec la

raison. » L'hégémonique est alors en plein accord avec lui-méme, puisque ses dunameis tendent vers un méme but. Rappelons que le terme grec eupatheia est

rendu tantót par tranquillitas, tantót par constantia. En Tusc., 4, 6, 12-13, Cicéron rappelle que la constantia prend en fait trois

formes (tres constantiae) : la volonté (uoluntas), forme rationnelle de la cupiditas et de la libido issues de l'illusion d'un bien à venir, la joie (gaudium), version rationnelle de la laetitia gestiens qui nait de l'illusion d'un bien présent, et la précaution (cautia), version rationnelle du metus engendré par l'opinion d'un mal présent.

816

Comme nous le suggère Pierre Martin, le bourreau de droite s'est mis à genoux pour achever plus rapidement un enfant prét à perdre connaissance, tandis qu'une autre victime git comme morte à sa droite. On comprend

fin et d'embrasser des éléments qui lui appartiennent en propre, sans recourir à rien d'étranger, je ne comprends pas pourquoi elle doit, de toute évidence, étre célébrée si chaudement dans nos discours et recherchée avec tant de force dans nos actes. »

"9 CIC, Tusc. 5,13, 40: « Que manque-t-il en effet pour vivre heureux à celui qui peut compter totalement sur ses biens ? Inversement, s'il ne peut compter sur eux, comment peut-il étre heureux. [ ... ] Qui pourrait d'ailleurs compter sur la santé du corps ou la stabilité de son sort ? Or, en l'absence d'un bien stable, fixe et permanent, il n'existe pas de bonheur possible. » “1 Cicéron, réfatant la distinction d'Antiochus, s'inscrit radicalement contre la conception aristotélicienne telle qu'il la présente en Tusc., 5, 16,

47, qui veut faire intervenir dans la définition de la félicité la considération des biens corporels et extérieurs : la présence ou l'absence de ces

biens détermine la différence entre vie heureuse et vie parfaitement heureuse. D'autre part, la position stoicienne est, pour Cicéron, arguties de

langage et la théorie des praecipua ou producta, les « préférables », est un moyen déguisé d'accorder une place aux choses extérieures dans la définition du bonheur et de dissimuler que leur théorie n'est au fond que la pále reprise de la pensée des Antiqui. Voir également la critique terminologique du De Finibus, s, 90.

* Nous écartons pour l'instant les emblémes qui font intervenir le motif de la Fortune du prince. Voir notre introduction.

'

58 Voir par ex. K. Pinkus, Picturing silence. Emblem, Counter-Reformation, Materiality, Ann Arbor, 1996, p. 2, qui prétend que cette image est un

des témoignages de la présence du « sadisme » à la Renaissance ! E

Lévy, « L'áme et le moi dans les Tusculanes », p.92.

817

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

qu'il ne prend pas la peine de se relever pour infliger le méme sort aux prochains enfants dans la file. Les enfants sont vus de dos sauf deux d'entre eux qui font face au spectateur, afin que l'on puisse voir leurs lévres serrées, d'oü ne s'échappe aucun cri. À l'arriére-plan, on discerne les pugilistes du vers 72, les poings bardés de plomb, et, sur la gauche, en haut de l'image, un soleil rayonnant qui se léve pour annoncer l'éclat de la vertu.

Les enfants lacédémoniens sont, conformément au texte, au pied d'un autel (ad aram). Or, ingénieusement,

l'autel représenté sur la gravure est celui d'Hercule : on passe donc imperceptiblement de la dynamique de lutte contre le dolor, à celle que l'on doit livrer avec la méme énergie contre les perturbationes. Hercule en effet, héros Stoicien puis chrétien par excellence, apparait sur l'image en position de triomphe, la main sur la hanche, appuyé sur sa massue^*, Aux pieds d'Hercule, le taureau au souflle de feu, mort, est chargé d'évoquer les monstres intérieurs que sont les vices, mais que le héros impavide a su dompter par sa fortitudo et sa constantia. Remarquons que si chez Alciat le taureau stigmatise précisément la luxure et la sensualité débridée?*^5, il a au contraire chez Valeriano une signification plus générale et devient le symbole générique de tous les monstres soumis par le héros et donc de tous les vices domptés par la raison. Par ailleurs, la dédicace à Paul III qui surmonte la gravure instaure un parallele implicite entre le pape et le héros^**, selon la tradition encomiastique qui assimile le personnage célébré au dieu dont il incarne les vertus principales. L'ambiguité du panégyrique permet au courtisan de louer l'acquisition effective par le destinataire des qualités vantées ou de l'encourager dans cette voie, si elles ne sont pas encore réalisées. Comme nous le verrons, Hercule est la fois l'allégorie du sage philosophe, mais aussi une figure privilégiée de l'évocation du devoir politique du prince, indissociable de l'acquisition de la sagesse. Son emploi dans un embléme dédié au pape, qui appartient de surcroit à l'une des plus puissantes familles romaines, est donc parfaitement cohérent. 8. Conclusion

Dans cette étude du Symb. 141, qui clót un triptyque, nous avons tenté de montrer à quel point Bocchi épouse

les conceptions cicéroniennes et adopte les inflexions notables — essentiellement, le retour à Platon - que

l'Arpinate fait subir au stoicisme. Le texte s'apparente à une rhapsodie oü des morceaux de choix, versifiés, viennent s'agencer les uns aux autres pour reproduire, en miniature, l'échine argumentative des Tusculanes et sa réflexion sur la douleur, les passions, la fortune et l'état spécifique du sage, s'il peut étre un jour atteint. Notons que cette conception proprement « emblématique », oü l'on insére des fragments significatifs comme autant de joyaux, ne permet pas à l'exégéte de se prononcer sur les fondements d'une philosophie globale de Bocchi, qui proposerait sous forme d'argumentation exhaustive et ordonnée les principes stoiciens de la physique, de la morale, etc.: pour demeurer fidéle à l'esprit fragmentaire de l'embléme, il faut se résoudre à une sorte de reconstitution empirique à partir des choix et sélections effectués par l'emblématiste dans le corpus cicéronien. Parallélement, le Symb. 141 fait résonner en harmoniques toute une série d'emblémes, présents dans les livres antérieurs, et permet de les concevoir comme de véritables suites, qui trouvent leur principe logique dans les développements théoriques de ce tres long symbolum du cinquiéme livre. Ne négligeant jamais les impératifs de la séduction, Bocchi a toutefois pris garde de ponctuer le Symb. 141 d'exemples imagés et distrayants, empruntés à Cicéron, afin qu'ils fournissent, par leur caractere frappant, d'ailleurs exploité par la gravure, autant de points de repére pour la mémoire et l'attention. Nous avons pu également constater un phénoméne littéraire frappant, qui peut étre versé au dossier du probléme du «cicéronianisme » de Bocchi. En effet, outre l'adoption d'une métrique horatienne,

l'emblématiste n'a pas hésité à intercaler, au sein de développements dont les termes viennent de Cicéron

méme, des vers empruntés à Virgile ou des expressions évoquant certaines formulations de Lucréce. Il est clair

que la fidélité idéologique au philosophe antique n'est pas, pour Bocchi, dans le respect scrupuleux d'une terminologie exclusivement cicéronienne, à supposer que ce type d'astreinte, déjà problémati que en prose, puisse avoir un sens dans la pratique du genre poétique. Bocchi vise au contraire à expliciter ou à faire entendre, avec toute la circonspection et la prudence requises, des concepts philosophiques précis. L'attention portée au détail des formulations atteste elle aussi le primat d'un souci didactique. Trahir la pensée de Cicéron en respectant ses mots serait un non-sens voire un sacrilége, comme de couper en deux l'Hermath éna et de disjoindre rhétorique et philosophie. Bocchi use de toutes les ressources que sa culture lui fournit pour dresser des images significatives ou établir des expressions percutantes : le passage par Virgile ou Lucréce se fait alors naturellement, pour des raisons argumentatives et symboliques plus qu'esthétiques. D'autre part, le souci de l'efficacité pédagogique est ici dominant, puisqu'il s'agit de réconforter un vieillard malade et souffrant qui vient de perdre son fils. Bocchi trouve visiblement chez Cicéron une forme de réalisme empirique qui, au-delà de la cohérence doctrinale, vise à procurer de vrais remédes aux souffrances humaines, physiques et morales. On ne s'étonnera donc pas qu'au secours du christianisme — aucune formule du texte ne le trahit explicitement, quoiqu'il soit à l'horizon de tous les développements — Bocchi offre le prélude et l'assistance de certains aspects d'une anthropologie platonicienne et d'une morale Stoicienne, qui ne le contredisent pas. Montrer la cohérence des doctrines entre elles permet de renforcer le poids du christianisme comme pensée fédératrice de la pluralité et de la diversité antiques. À la différence de la visée organisatrice et dogmatique trés nette des écrits « néostoiciens » de Juste Lipse ou de Guillaume du Vair, l'embléme saccommode au contraire trés bien de certaines imprécisions doctrinales, pour prix de l'efficacité thérapeutique : le platonisme, et surtout, le toicisme constituent dans ce cas de véritables enchiridia militis christiani.

LA MORT EST LA MEILLEURE ÉQUERRE DE LA VIE

À FILIPPO GHISLIERI La lampe à droite est allumée, à gauche, elle est éteinte ;

5

" VALERIANO, Hieroglyphica, 3, p. 23d : cuiusmodi taurum ab Hercule compress um domitumque mystico fabulamento

Gracia confixit, perinde ac reliqua etiam monstra superata cesisse uirtufi uitium hieroglyphice significant. « Quant au taureau étouffé et soumis par Hercule, la Gréce lui a attribué un sens religieux, de méme que les autres monstres vaincus signifient selon le langage hiéroglyphique que le vice a battu en retraite devant la vertu. »

# ALCIAT, Emblemata, « Duodecim certamina Herculis » : Illicitos odit coitus abigitque nocentes. Les commentateurs de l'édition padouanne de 1621 (p. 597) rappellent que les illicitos coitus sont la version moralisée de l'épisode du taureau, car, précisent-t-ils: Taurus et Lastaurus in Hieroglyphicis, obscaenum uerbum. Voir aussi l'embléme « anechou kai apéchou ». 7 Ce parallele est renforcé par le fait que la posture de l'Hercule de Bonasone est inspirée de celle de l'Hercule dit Farnése, parce que le modéle le plus célébre de ce type antique appartenait à cette famille, dont il était une sorte d'embléme.

818

Symb. 142

Gravure :

La dioptrie toutes deux les tient en équilibre. Le fils d'Amphytrion, que signalent massue noueuse Et peau de lion, par sa constance l'équilibre. Àquoibon rappeler que c'est l'équerre qui soupése Vie et mort ? Elle est raison, elle est tempérance ; Si l'homme fort et sage en fait preuve par sa vertu, Il ne peut éprouver crainte, douleur, désir.

Voici donc pour ta vie, jeune homme, une notion trés süre, 10

Balance exacte : vivre heureux, c'est bien mourir ;

Un jour juge toujours du précédent ; mais le dernier Juge à lui seul, sans doute aucun, de tous les autres.

MérTRIQUE

Distiques élégiaques. 819

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

NOTES

ded. carm. : PHILIPPO CAROLO GHISILIERIO] Membre de l'illustre famille des Ghislieri (qui donnera le futur pape Pie V), installée à Bologne, Filippo Carlo fut, aux cótés de Francesco Bolognetti et Camille Paleotti, un membre de la Societas typographiae Bononiensis, fondée en 1572 par Carlo Sigonio responsable en particulier de la seconde édition du recueil emblématique en 1574, qui fut son premier ouvrage. Scipione Dolfi ( Cronologia della famiglie nobili di Bologna, Bologne, 1670, p. 363-364), précise que Filippo Carlo était le fils de Francesco

Ghislieri (membre du collége des Anziani, avec le gonfalonier de justice Antonio Maria Campeggi) et de Panina

Felicini. Il fut nommé sénateur le 9 avril 1550 (l'embléme a peut-étre été rédigé pour célébrer cette élection),

puis « controlatore della Camera di Bologna ». Il fut légat pontifical et, en 1586, épousa Pantasilea Crescenzi. ANALYSE

Cette épigramme nous présente un étrange objet tenu par Hercule (Amphitryonades, v. 4), armé de la massue et

de la léonté (Nodosa insignis claua spolioque leonis, v. 3), avant d'en procéder à l'interprétation symbolique.

Les deux premiers vers de l'épigramme décrivent les constituants de l'objet : il s'agit d'une dioptrie (dioptra,

v. 2) dont les deux bras sont munis d'une lampe, allumée à droite (Accensum dextra lychnum, v. 1), éteinte à gauche (extinctum sinistra, v. 1). Les deux lampes (hinc, inde, v. 2) sont parfaitement en équilibre, comme le

suggere la présence d'un fil à plomb marquant la verticale (Ad perpendiculum hic inde dioptra tenet, v. 2). On y apprend aussi un détail supplémentaire sur la forme de la dioptrie au v. 5 : qu'elle a la forme d'une équerre (normam), le terme latin norma renvoyant à la fois à l'instrument concret et au sens abstrait de régle et de norme

(nous avions déjà rencontré le double sens de norma à propos du chevron d'or présent dans les armes de Bocchi au Symb. s. L'idée d'équilibre évoquée par la formule ad perpendiculum es également suggérée par le terme trutinat (v. 4), qui superpose à la vision de l'équerre ou de la régle qui aligne le niveau l'image de la balance dont les deux plateaux sont équilibrés, en formant une ligne horizontale, image qui sera confirmée au vers 5 et 10 par les termes libranda et librae. Le terme constans, appliqué à Hercule au v. 4, renvoie aussi à l'idée d'équilibre, mais

cette fois-ci intérieur (celui qui ne se laisse pas aller d'un cóté ou de l'autre, tiraillé par les passions), et, comme le

terme norma, l'adjectif constans fait basculer la simple description vers l'exégése allégorique, avant d'étre relayé par les termes ratio et temperies animi, v. 6. On découvre à partir du v. 5 que la lampe allumée est le symbole

(v. s : notari) de la vie, et la lampe éteinte, celle de la mort : les deux termes uitae mortisque se distribuent de part

et d'autre de la coupe hephthémimére du v. 5. Hercule devient ici une incarnation du sage stoicien. Il est à la

croisée des chemins, mais montre que s'engager dans une voie ne suppose pas que l'autre est abandonnée : elles

sont moralement équivalentes. Arrétons-nous un instant sur cet étrange objet: la dioptrie (dioptra) est un instrument d'optique et d'astronomie bien réel connu depuis l'Antiquité. Il permet ici à Hercule de redevenir l' Hercules astrologus du Symb. 112, initié à la vision du ciel par Atlas. On notera que cet objet, à l'instar du tribolos ou de la lucerna pensilis

des Symbola

134 et 133, participe du goüt manifesté dans l'invention de certaines devises pour les objets

techniques complexes (voir par exemple la devise candor illaesus du Clément VII évoquée dans le Symb. 111).

Mais comment se présente donc la dioptrie antique?5*5 ? Cet instrument grec, ancétre de l'astrolabe, eut d'abord

pour finalité les observations astronomiques. Elle fut inventée par Hipparque (11° s. av. J.-C) pour mesurer la distance entre les astres, ou le diamétre apparent du soleil et de la lune. Elle est décrite dans l'Almageste de

Ptolémée (s, 14), mais surtout dans le Commentaire de l'Almageste (3-7 Rome) de Pappus au IV' s. apr. J.-C etles

Hypotyposis Astronomicarum Positionum (4, 72-73, 87-99 Manitius) de Proclus au V* s. apr. J.-C. Avec le traité De

Dioptra d'Héron

d'Alexandrie

MNMMMT—E—LD——-——

(1* s. apr. J.-C.), elle se transforme

en instrument d'arpentage, ancétre du

/

théodolite, pour servir à la mesure d'angles, de hauteurs ou de distances??^^, au nivellement et au tracé de plans.

Les Romains s'en servaient pour édifier des ponts, des routes et creuser des tunnels rectilignes, ou pour calculer la déclivité des acqueducs nécessaire au bon écoulement de l'eau, mais la remplacérent dans ces fonctions par des instruments tels que la groma, la libra (et donc la libella) et le chorobates5*. Dans sa forme la plus simple, la dioptrie comporte un disque gradué parcouru par un alidade fixé en son centre et qui tient lieu d'outil de visée^^*!, Un point semble acquis : l'objet évoqué dans l'Antiquité sous le nom de dioptrie ne semble pas avoir grand rapport avec l'objet décrit dans le texte emblématique (double branche en forme de norma, présence du fil à plomb) ou représenté sur la gravure (voir infra), méme si l'on fait abstraction des deux lampes. L'outil présenté par Bocchi s'apparente en réalité à la libella, qui désigne une sorte de niveau pour les macons et charpentiers^* : il s'agit d'un triangle rectangle isocéle en bois, en forme de A majuscule : les deux jambes sont reliées par une barre centrale portant une marque en son milieu, tandis qu'un fil à plomb pend depuis le sommet du triangle : lorsque le fil à plomb rencontre à la verticale (ad perpendiculum) le repere de la barre centrale, les deux branches sont au méme niveau et la ligne qui les joint est horizontale (ad libellam). Comment expliquer cette apparente confusion entre les deux types d'instruments ? Le poéme emblématique insiste, nous l'avons montré plus haut, sur deux forces perpendiculaires : l'équilibre vertical du fil à plomb et la mise à niveau horizontale entre les deux lampes. Or, dioptrie et libella, nous l'avons dit, voient leur fonction se recouper dans le domaine du nivellement : « dioptrie » constitue le terme générique, libella, le terme spécifique. Il n'est donc pas incongru pour l'emblématiste de parler de dioptrie pour évoquer le niveau en forme de A. Un

autre élément permettrait d'éclairer la confusion possible entre les objets. En effet, Caelius Rhodiginus, souvent

cité par Bocchi, rédige quelques lignes sur la dioptrie et permet de faire l'inventaire des quelques sources antiques familiéres sur le sujet (Lectiones Antiquae, 12, 9). Outre le paralléle avec l'astrolabe de Ptolémée, on y retrouve le passage de la Souda et celui de Vitruve que nous avons cités un peu plus haut. Mais Rhodiginus cite un autre texte important en relation avec l'astronomie. Il s'agit d'un passage de Pline l'Ancien qui explique que la dioptrie permet de vérifier qu'au moment des équinoxes, le point où le soleil se léve et celui oà il se couche sont placés sur une méme ligne : Mediam [- terram] esse mundi toties haud dubiis constat argumentis sed clarissimo aequinocti paribus horis. Nam nisi in medio esset aequales dies noctesque haberi non possent ; deprehendere et dioptrae quae uel maxime confirmant, cum aequinoctiali tempore ex eadem linia ortus occasusque cernatur 55.

Le passage plinien, qui ne donne aucun élément de description de la dioptrie, permet peut-étre d'expliquer les motivations qui ont donné à l'emblématiste ou au graveur/concepteur de l'image l'idée de suspendre deux lampes aux deux jambes de la libella : chez Pline, lever et coucher du soleil sont sur une méme ligne indiquée par la dioptrie asttonomique au moment de l'équinoxe, de la méme maniere que la lampe allumée et la lampe éteinte le sont au bout de la dioptrie-libella signalée par le poéme emblématique. La dioptrie évoquée par Pline sert d'instrument de nivellement, accentuant la possibilité d'identification avec la libella, tandis que l'opposition lever/coucher du soleil se laisse assez bien transposer dans l'opposition lumiere allumée/lumiére éteinte du dispositif dans l'embléme. On notera de plus que le terme Jyvía, « lampe » désigne la tige verticale ou kapát sur laquelle on peut fixer la dioptrie dans les Cesti de Julianus Africanus (1, 15 : Kpépatai Biózrpa àzó xápaxoc, Ò

8i Xoyvía xaAeixat, zyvvu£vr xpóc ópBàc xarà xà T). Dans ce dernier exemple, la lampe est ici à entendre dans

559 Un passage de la Souda indique que la dioptrie permettait de mesurer à distance la hauteur d'une tour: cf. SVD., A, 1192, « Aiózrpa » : unxavtxóv tEXvobpynua, 8U 0$ oi yewuérpat &zrjkpipovv ri]v xov £náMgov & diaotijuatog &vagérpnatv.

755? VITR, 8, 5,1 : libratur autem [aqua] dioptris, libris aquariis aut chorobate. ! Voir Jes Propositions de reconstruction dans M. J. Taunton-Lewis, Surveying Instruments. 2548 Veit en particulier C. J. Tuplin, T. E. Rihll, L. Wolpert, Science and Mathematics in Ancient Greek Culture, Oxford University Press, 2002, en

particulier le chapitre « The dioptra of Hero of Alexandria » ; M. J. Taunton-Lewis, Surveying Instruments of Greece and Rome, Cambridge University Press, 2001, en particulier p. 51-108 pour la dioptrie ; J. Evans, The History and Practice of Ancient Astronomy, Oxford University Press, 1998, p. 34-35 ; Ph. Dutarte, Les instruments de l'astronomi e ancienne, de l'Antiquité à la Renaissance, Paris, 2006.

820

57 Voir VITR, 7, 1,3; 7,4, 5; COLVM, 3, 13, 1258 17, 3: LVCR, 4, $15 ; PLIN., Nat, 7, 198, 36, 172.

59 Pri, Nat., 2,

176 : « Que la terre se situe au centre de l'univers tout entier est établi, non pas sur des preuves didtebses mais, de maniere

trés évidente, sur le nombre égal d'heures au moment de l'équinoxe. Car si la terre n'était pas au centre, les jours eden nte ne pourraient pas

étre égaux. Les dioptries le signalent elles aussi et le confirment complétement, lorsqu'on s'apercoit, au moment de l'équinoxe, que le lever et le coucher de soleil ont lieu sur une méme ligne ».

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire

un sens métaphorique : une tige qui ressemble à un « pied de lampe » : rattachée au terme « dioptrie », elle préte à confusion et pourrait laisser croire à la présence d'une véritable lampe, qu'on allume ou qu'on éteint.

— Livre V

Bocchi, sur le modele de l'obeliscus Caesaris, en fait le monument funéraire de celui qui a dompté les passions et que sa fortitudo a érigé en héros?**, Mais il est temps de s'interroger à présent sur le sens que confere l'emblématiste à l'ensemble de la figure et à son porteur, Hercule. Hercule et son instrument illustrent dans cette épigramme les impératifs de contróle des

passions et des désirs, entre Stoicisme et épicurisme, mais aussi l'idéal de la mediocritas selon Aristote et Horace. Dans le Symb. 55, nous avions évoqué le sens que Pierio Valeriano donne à la léonté et à la massue, en relation

avec les trois pommes tenues par l'Hercule Capitolin, et qui sont autant de victoires sur trois passions. Mais ici l'équilibre rationnel (la temperies animi du v. 6), matérialisée à travers l'image de la norma/libra, s'effectue par l'établissement d'une stricte et paradoxale équivalence qu'exprime l'alignement des deux lampes autour du fil à plomb : bien vivre, c'est bien mourir (bene est uita beata mori, v. 10), qui annonce le précepte de Montaigne (Essais 1, 19), « Que philosopher c'est apprendre à mourir ». La formule choisie par l'emblématiste renvoie à

tout un ensemble d'échos chez Sénéque (voir apparat des sources ^**).

Le sage stoicien, loin de redouter la mort, s'y prépare avec sérénité toute sa vie : sans révolte ni angoisse, il se résout à l'accomplissement du travail de la nature, qui implique la fin du corps, et se plie aux arréts du destin, à la pensée que, pour l'homme, seule importe la vie en conformité avec ce qu'il a de plus précieux et de plus digne, c'est-à-dire la raison : tout le reste (richesse, beauté, santé), doit étre laissé de cóté comme « préférables » ou « indifférents ». La raison humaine, par les jugements qu'elle porte sur les choses, doit étre capable, au-delà de l'impression de hasard et de désordre, de lire la marque de la Raison universelle, l'enchainement rationnel des causes et la cohérence implacable du Fatum, auquel elle participe. Elle trouve alors la liberté « en voulant ce qui arrive »5**, en collaborant en synergie avec l'ordre universel : c'est l'état de bonheur et de vertu parfaite auquel parvient le sage. La disparition du corps se transforme alors en adiaphoron, en « indifférent ». D’où l'afürmation du vers 8 : Nil est quod timeat, quod doleat, cupiat.

Fig. 1 > G. BONASONE ou P. FONTANA,

Dessin préparatoire pour le Symb. 142 © Sotheby's.

Fig.2 » Vanité ou Memento mori, Mosaique de Pompéi,

Y" s. apr. J.-C., Musée archéologique de Naples.

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana (Fig. 1)5*

nous propose un Hercule à la léonté, la téte de profil regardant vers la gauche, le bras droit levé, s'appuyant fortement sur le manche d'une gigantesque massue dont le bout arrondi repose sur le sol, derriere les pieds du personnage. L'effet de contraposto suscité par le déhanché est trés puissant entre le haut du corps (relayé en

parallele par la ligne de force de la massue) et les jambes/55, Le héros est parfaitement campé sur le sol et sa

massue, symbole du robur animi, l'aide à conserver l'équilibre. Dans la main droite, le héros porte la libella, le niveau en forme de A, avec le fil à plomb qui en marque l'équilibre et les deux lampes : la disposition entre celle qui est éteinte (à droite) et celle qui est allumée (à gauche) est évidemment inversée par rapport à l'épigramme,

suite au procédé d'impression de la gravure. L'utilisation métaphorique de la libella comme instrument technique pour désigner la pesée des destins ou des choix de vie n'était pas inconnue des Anciens, au contraire. Une mosaique fameuse de Pompéi du 1° siécle apr. J.-C., inconnue à la Renaissance, mais qui prouve une acclimatation populaire du motif dés l'Antiquité, montre par exemple le niveau de charpentier transformé en balance au-dessus d'un cráne oscillant sur une roue de la fortune. Chaque bras de l'instrument présente une panoplie trés différente qui vient orner chacun de ses bras : le diadéme et la pourpre royale à gauche, le manteau,

la besace et le báton du philosophe de l'autre (Fig. 2).

Dans la perspective funéraire implicitement suggérée par l'épigramme, on pourra remarquer la présence sur la gravure d'une pyramide surmontée d'une boule, qui prend place dans le paysage urbain, derriere Hercule :

En choisissant la figure d'Hercule pour évoquer la constance face à la mort, Bocchi fait implicitement référence à l'épisode ultime de la vie du héros. Ce dernier brüle, impavide sur son bücher, et trouve dans cette mort héroique la consécration de l'ensemble de ses exploits et l'expiation de l'indignité dont il s'est rendu coupable en gémissant sous la tunique de Nessos?*. Bocchi reprend un motif bien connu des Anciens et familier à la Renaissance, en particulier gráce à l'anecdote rapportée par Hérodote de Solon refusant d'appeler Crésus heureux^* - le dernier jour, c'est-à-dire celui de la mort, juge de tous les autres (Iudicat ipse dies [= supremus] de omnibus haud dubie, v.12). L'idée est que, face aux changements brutaux de la fortune et à la mutabilité :

55* Voir notre étude des Symb. 48 et 97.

755' VALERIANO, Hieroglyphica, 54, p. 396 B-C : « Trois vertus d'Hercule. [...] La dépouille du lion montre sans aucun doute la noble fermeté

de l'àme et l'excellence de sa partie supérieure (Mens). Le sens de la massue, nous l'avons développé ailleurs, lorsque nous avons soutenu

qu'elle incarnait la raison et les disciplines philosophiques : elles ont d'autant plus de force chez le héros qu'elles trouvent en lui une assise plus

ferme et plus stable. En effet, on préte à Hercule une massue taillée dans le bois incorruptible du chéne. Plus haut, nous avons indiqué que le

chéne signale la résistance et les forces. La massue est représentée avec des noeuds, à cause des hésitations et des difficultés qui, pour ceux qui

recherchent la vertu qui nous guide et nous permet de connaitre la véritable vertu, ne manquent pas de s'interposer face à la cohorte immense et

serrée des erreurs et leur font face en tous lieux ». Sur les nuances 55 C£ PL, Phaed., 81, 1 : u£ÀA£ri Gavázov ; cf. CIC., Tusc., 1, 30, 74 : Tota [ ... ] philosophorum uita [ ...] commentatio mortis est. controverses de Les ? vivre de maniére ou théorie philosophie, La qui séparent les synonymes commentatio, cogitatio, meditatio, voirJ. Dománsky, l'Antiquité à la Renaissance, Fribourg,

1996, p. 8-10. Voir également SEN., Dial, 9 (Tranq.),

11, 4: « ll vivra mal celai qui -

saura pas bien

dus la mourir » ; Epist, 30, 10 : « Qui refuse de mourir n'a point accepté de vivre » ; 60, 2 : « Avant la vieillesse, je me souciais de bien vn; la précéder doit mort la à préparation vieillesse, de bien mourir: car bien mourir, c'e& mourir de plein gré ». On ajoutera aussi 61, 4: « La se c'est moarir, bien Ox, mourir. mal ou bien de est l'affaire ; tard préparation à la vie » ; 70, 6 : « L'affaire n'est pas de mourir plus tót ou plus

Voilà pourquoi le sage vivra soustraire au danger de vivre mal » ; 70, 4: « [...] ce qui est un bien, ce n'es pas de vivre, mais de vivre bien.

autant qu'il le doit, non pas autant qu'il le peut. » | i 254 P. Hadot, Qu'est-ce que la philosophie antique ?, Paris, 1995, p. 207- Voir SEN., Vit., 15, 6-7. afin que ne puisse pas survivre le "5? Voir SEN., Herc. Oet., 1479-1482 : « Je ne gémis pas plus avant : cette fin qui m'est donnée me convient,

2554 Voir ]e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 19, n° 63 (= CXL) et illustration p.52 2555

t On est cependant assez loinÙ du marbre colossal de l'Hercule Pd Farnése (début 1° s.), signé par Glykon d'Athénes d'aprés un original en

bronze de Lysippe, décrit par Libanios (Ekphraseis, 15, P. 148-149 Politt), retrouvé dans les thermes de Caracalla en 1546 et conservé à présent

au Musée de Naples (inv. 6001).

822

tout à fait digne de moi. Je ferai de ce jour un jour vainqueur d'Hercule. Qu'à présent me soit associée une mort illustre, mémorable, glorieuse, ou bien révélera Hercule ou le condamner à tout pére, mon 6 jour, Ce passé. s'est qui ce importe Peu « : exceptionnel ». Voir aussi 1714-1715 jamais ». 559 Voir MONTAIGNE, autres ».

jour, c'est le jour juge de tous les Essais, 18, 2, « Qu'il ne faut juger notre heur qu'apres la mort » : « C'e& le maistre

1 ILLÉE e e EEEÉE Vi eL EEÉÉI LLLSBLLLLLLL ÉEOIÍ LLLLLITOÉEÓÉ IITÍI LLTTT ÉEEÍIBEÉXZEEEIIeAÀEL . INÁo— __— Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

humaine, il faut attendre le dernier jour pour dire si un homme a été heureux ou malheureux, bon ou méchant : car sa chance peut basculer d'un instant à l'autre et il peut commettre au dernier moment un adte

d'héroisme ou de lácheté qui renverse la direction générale de son action59,

On s'interrogera sur les motivations qui ont présidé à la dédicace de cet embléme : s'agit-il d'inviter Ghislieri à embrasser sans tarder la voie de la sagesse car la vie est courte et la mort a tót fait d'arriver? Il est possible également que la signification funéraire ne soit pas à exclure : l'objectif e&t alors de le consoler de la mort d'un proche en lui montrant que celle-ci est l'aboutissement et la consécration d'un destin vertueux.

Elisabeth See Watson (Achille Bocchi, p. 136) signale la reprise de cet embléme par Giulio Cesare Capaccio sous

l'appellation « trutina di Ercole » (Delle imprese, trattato, Naples, 1592, c. 47v) :

Come dopó la morte d'un cavaliero, che oltre a i gesti heroichi di guerra appresso di Cesare, havea avvuto molti governi, essendomi dimandata un'impresa che significasse questo solamente, che dalla sua honorata morte, postea

farsi giudicio dell'honorate opere sue, feci la Trutina di Hercole, con le due lucerne, l'una accesa simbolo di vita, e l'atra estinta, simbolo di morte, nel cui cartoccio era un motto tolto da Propertio FRVCTVM NE DESERE VITAE? che se ben morto si vedea, dell'opere che fé mentre era in vita, dovea farsi consideratio ne.

Symb. 143

Gravure :

IL SOUFFRE EN SILENCE, VIT ET VAINC, L'AMANT DIVIN

À PEREGRINO ZAMBECCARI

Je souffre, muet, mais vis victorieux dans l'ardent feu : Je mourrai dans ce divin feu sans hésiter.

Tu vois comme vers l'Olympe, sa patrie, il s'éléve !

Notre àme, là d'oà elle est née retourne en háte.

s Feubienheureux, nourri au souffle du zéphyr supréme, Viens consumer en nous toute la part mortelle.

Dela couronne trois, quatre fois bienheureuse, enfin Rends-nous dignes ; parfais-nous selon ta justice. MÉTRIQUE Distiques élégiaques.

NoTES ded. carm. : PEREGRINO

d'heureuse ; on ne parle d’“ existence ” que pour celle qui est achevée et

accomplie et personne ne peut étre heureux sur certains points et malheureux sur d'autres ; en effet, si l'on envisage la possibilité d'étre malheureux, on ne sera pas heureux. Car, lorsque l'on a touché une fois la vie heureuse, elle perdure aussi longtemps que la sagesse elle-mém e qui l'engendre et n'attend pas la fin de la vie, comme Socrate le recommande à Crésus, nous dit Hérodote ». ?55 PROD, 5, 15, 49.

La mére de Bocchi, Constanza, faisait partie de l'illustre famille

p. 727, identifie un Peregrino Zambeccari, fils de Paolo ou Polo Zambeccari (légat pontifical en 1512 et sénateur en 1513). Membre du collége des Anziani, avec Ovidio Bargellini, il aurait épousé Antonia Chiari en 1536. ANALYSE

Dans l'épigramme de l'embléme, qui associe diverses tonalités, de lAnthologie grecque à l' Hercule sur l'Oeta, de

la poésie amoureuse aux exclamations tragiques en passant par des accents mystiques et extatiques dignes du mouvement de l'Oratoire de l'Amour divin, un amant prend la parole pour exprimer sa paradoxale situation, marquée au vers 1 par une asyndéte : consumé en silence (tacitus) par un feu (ardenti... igne, encadrant le vers) qui le fait souffrir (fero), il connait néanmoins la vie et la victoire, reliées par la paronomase (uiuo uictor), tel un

étrange phénix. Ce feu intérieur mystérieux semble s'identifier à l'àme, ou du moins en suivre le mouvement ascensionnel (ad patrium sublimis fertur Olypum, v. 3, à quoi répond nostra undé orta est mens approperat au vers suivant). Ce feu s'avére en réalité divin (diuinus) au vers 2, €'est-à-dire envoyé par Dieu ou ayant Dieu pour objet, et sa particularité est d'anéantir la crainte de la mort physique (non... mori dubitem). Ce feu participe de

l'esthétique topique antique de l'amour cuisinier/magicien (Méléagre parle de mageiros/55) qui carbonise

(excoque, v. 6) l’àme et les organes, inflige une souffrance à la fois physique et spirituelle, et confere ensemble la vie et la mort. Mais, malgré ce contexte paganisant (cf. Olympum, v. 3), ce feu induit aussi les effets paradoxaux propres au martyre antique : du chátiment qui punit le corps et menace de l'anéantir pour réduire la victime au silence, on fait un objet de vie (uiuo... in igne, v. 1), qui « témoigne » de la force des convictions Spirituelles du supplicié : le supplice se transforme alors en victoire (uictor, v. 1), en gloire (d’où la couronne du v. 7), et donc en objet paradoxal de désir^?**, Il est difficile par ailleurs de pas relier cet incendie intérieur à des flammes bien réelles, à une époque où l'on brüle encore beaucoup d'hétérodoxes sur les büchers de l'Inquisition : on aboutit à l'image paradoxale du feu du bücher tentant d'éteindre par ses flammes matérielles le feu de l'amour divin, parfaitement spirituel. D'origine divine, émanation du souffle de Dieu (Zephyri aura incense supremi, v. s), le feu vise à retourner à sa source, nommée ici Olympe (Cernis ut ad patrium sublimis fertur Olympum, v. 3). De l'observation scientifique que la flamme

monte

vers le haut au v.3, l'emblématiste

tisse au v. 4 un parallele avec le mouvement

ascensionnel de l'àme qui retourne vers le ciel, sa patrie originelle (Huc nostra undé orta est mens simul

approperat), liant àme et feu, et laissant entendre que l'áme serait d'origine ignée et parente des astres”7 : i] faut

faire comprendre que l'àme, en exil sur la terre, monte s'unir à son créateur. On notera que le prénom du dédicataire de l'embléme, Peregrinus, désigne précisément l'étranger, tandis que, chez Dante, l'expression spirito

peregrino (Vita nuova, 41, 8) désigne l'esprit vagabond ou migrateur qui se détache du corps pour s'élever vers les hauteurs supérieures oü il connait une vision extatique, celle de Béatrice sous la forme d'un soleil. Chez

55 CE. A

2562 C£ VAL MAX, 7, 2 : Age, quam prudenter Solo neminem dum adhuc uiueret, beatum dici debere arbitrabatur, quod ad ultimum usque fati diem ancipiti fortunae subiecti sumus, « Allons, avec quelle prudenc e Solon jugeait que personne, tant qu'il était encore en vie, ne devait étre dit heureux, car jusqu'au jour ultime de notre destin, nous sommes soumis à l'incertitude de la fortune ». "59 La sagesse du jugement de Solon, qui refuse de juger Crésus heureux avant qu'il ne soit mort, est remise en cause par Cicéron dans le De finibus, 2, 87 et 3, 76 qui pense que la vie véritablement heureus e du sage, une fois qu'elle est atteinte, ne peut étre remise en question , pas méme par la mort: « D'habitude, en effet, ce n'est pas sur une portion, mais sur la totalité de son déroulement qu'une vie peut étre qualifiée

ZAMBECCARIO]

bolonaise des Zambeccari. Pompeo Scipione Dolfi, Cronologia delle famiglie nobili di Bologna, Bologne, 1670,

2592

(de Méléagre), 7-8 (à propos des yeux qui ne cessent de verser des larmes pour l'aimé) : « Brülez-vous à la beauté, grillez à

petit feu maintenant, consumez-vous : Amour n'est-il pas le supréme rótisseur (mageiros) de l'àme ? » (trad. R. Aubreton, Paris, 1994). À la Renaissance, voir par exemple Janus SECVNDVS, Basia, s, 14-15. ^ Voir M.-F. Baslez, Les persécutions dans l'Antiquité. Victimes, héros, martyrs, Paris, 2007. |

59 Ce mouvement ascensionnel lié au feu est illustré par la forme pointue de la pyramide de la vertu dans le tombeau d'Ugo Pepoli dans le Symb. 48. C'est Aristote qui pose l'idée d'une substance commune et divine entre le pneuma vital et les astres (cf. 6A, 2) 3)7 36b), mais Aaace réfute que ce soit du feu. L'idée topique de la parenté de l'áme et du ciel apparait déjà chez les Présocratiques et Héndite en particulier qui voit dans l’àme une parcelle arrachée à la matiére stellaire. Leitmotiv chez Platon, qui insiste sur la similitude ontologique entrel deme et " dieux qui animent les sphéres célestes (qui sont incorporels et immatériels), l'origine divine de l'àme est aussi une conception des Stoiciens, qui voient en elle un composé matériel d'éther et de feu tiré de la substance astrale ; cf. SEN., Ot., 5, 5 : partem ac ueluti scintillas quasdam actrorum in terram desiluisse ; Cic., Rep., 6, 15 : isque animus datus est ex illis sempiternis ignibus quae sidera et stellas uocatis. Pour la feotaive de ditum de la matérialité de l'áàme impliquée par la citation de Cicéron, voir MACR., Somr., 1, 14, 17-18. Sur toutes ces Dope voir nap Peiugies, e

révélation d'Hermés Trismégiste, t. 3 : Les doctrines de l'àme, Paris, 1953. Voir également J. Flamant, Macrobe et le néoplatonisme à la fin du D siécle, Leyde, 1977, P. 525-540 : « L'origine céleste de l'àme » et A. Setaioli, La vicenda dell'anima nel commento di Servio a Virgilio, Frankfurt am

Main/Berlin/ Paris, 1995 .

824 825

i







EE E

ii

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

La gravure trés gracieuse, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana^**, réserve bien des surprises puisqu'on y voit apparaitre un personnage mythologique qui n'est pas évoqué dans l'épigramme : un Mercure silencieux, figure paradoxale du poéte, revétu du manteau des martyrs et tenant la palme de victoire avec son caducée dans la main gauche. Il a les pieds dévorés par des flammes transparentes et léve le visage vers le ciel. Depuis l'angle supérieur gauche de l'image, occupé par un nuage, un rayon solaire se dirige vers le visage de Mercure, comme un signe d'élection, accompagné par le vol d'une

Symb. 144

Gravure : UN

MEDECIN

ÉQUIVAUT À BEAUCOUP

colombe. Ce Mercure muet, comme dans le Symb. 64, se fait ici le messager de la spiritualité évangélique.

colombe de Vénus, déesse de l'Amour. Dans un contexte ficinien, il s'agit bien sár de la déesse de l'Amour

spirituel, de celui qui « vient au-devant de celui qui le recherche »?5"!

— Démocrite

- Non pas un parmi d'autres, mais une exception par rapport aux autres

- Antimaque

- Platon

À GIANO VITALE, TRÉS ILLUSTRE POETE

débats dans la réforme luthérienne, en particulier, en liaison avec la question du libre-arbitre57?, Selon saint

558 c£. MACR,, Somn., 1, 9, 10 : « En effet, baignée par le matériau pur et léger des vertus, elle n'est plus souillée ni alourdie par le flot bourbeux

Comme Caton, pour Cicéron, valait seul cent mille hommes, Et Platon les valait, pour Antimaque, tous, « J écris pour toi, non pour beaucoup, l'ami, dit Épicure,

$

10

1$

de la matiére, et elle semble n'avoir jamais quitté le ciel, resté sien par la nostalgie et l'imaginatio n » (trad. M. Armisen Marchetti, Paris, 2003)

55? Voirle catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 18, n? s4 (7 CXLI). 70 VytG., Matth., 3, 11. Voir aussi Luc., 3, 16-17 (Nous soulignons) : « Pour moi, je vous baptise dans de l'eau en vue du repentir ; mais celui Ee vient derriére moi est plus fort que moi, lui dont je ne suis pas digne d'enlever les sandales. Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et dans le eu.» 2571 M. FICIN, Commentaire sur le Banquet de Platon (De Amore), 7, 17. ?5? Le Traité du libre arbitre qu'Érasme publia à Anvers en 1 524, àla demande du Roi d'Angleterre Henri VIII pour réfuter Luther, suscita une

réponse immédiate de celui-ci sous le titre Traité du serf-arbitre (1525). Érasme se défendit dans la réfutation point par point (85 alinéas) que àla demande de "Ihomas More.

75? Voir par exemple VVLG., Rom., 3, 23-31 : « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu et ils sont justifiés par la vertu de sa gráce en vertu de la rédemption accomplie dans le Christ Jésus : Dieu l'a exposé, instrument de propitiation par son propre sang moyennant la foi ; il voulait montrer sa justice, du fait qu'il avait passé condamnation sur les péchés commis jadis au temps de la patience de Dieu ; il voulait montrer sa justice au temps présent, afin d'étre juste et de justifier celui qui se réclame de la foi en Jésus. Oü est donc le droit de se glorifier ? Il est exclu. Par quel genre de loi ? Celle des ceuvres ? Non, par une loi de foi. car nous estimons que l'homme est justifié par la foi sans la pratique de la

ORDINAIRES

Sur l'image : - Tout est un

La dimension religieuse est soulignée et confirmée par l'emploi du terme iustitia au dernier vers de l'épigramme. Cette formule réveille des échos pauliniens, constamment rappelés par la doctrine évangélique et au cceur des

Paul, l'infusion de l'Esprit dans le baptéme correspond à l'acquisition de la gráce. Dieu accorde cette gráce librement, indépendamment des ceuvres et elle se manifeste par la Foi^*?, Or la Foi justifie celui qui la ressent dans la mesure où elle le rend digne du rachat opéré par le Christ danssa passion et lui assure le salut éternel. Les « ceuvres de chair », c'est-à-dire les contraintes ritualistes qu'avait imposées Moise et que l'on peut retrouver dans certains aspects du catholicisme pharisaique décrié par Érasme, deviennent caduques. Les images de passion douloureuse (fero) dont Bocchi jalonne le texte préfigurent le rachat du diuinus amator, car elles attestent de l'anéantissement de la chair et de l'avénement de l'esprit. Sur la gravure, le signe d'Harpocrate qu'effectue paradoxalement le dieu de la parole, le doigt sur la bouche, nous renvoie à la gravure du Symb. 64. Dans l'analyse de cet embléme, nous avons montré que la fermeture des lévres signifiait la fin des ceuvres rituelles et permettait l'exaltation du tabernacle intérieur — le cceur — oü brillent les sept dons de l'esprit, c'est-à-dire le candélabre à sept lucernes. Dans le Symb. 142, l'infusion du baptéme et de la gráce rendent caduques les lois mosaiques. Le geste du silence décrit également l'intensité extraordinaire de l'extase à laquelle le lecteur/spectateur assiste : comme chez Ficin (cf. Commentaire au Banquet, 4, 6), et comme

D'HOMMES

TOUT EST UN

Comme la gravure nous invite à le faire, le feu spirituel divin dont parle l'épigramme peut étre également rapproché de la langue de feu caractéristique du baptéme christique, accompagné du souffle de l'Esprit (aura Zephyri supremi, v. 5) : ce baptéme annule celui par l'eau qui n'en est qu'une figure, comme le signale JeanBaptiste", I] vient ici ravir l'Àme et l'emporter dans les «phéres célestes. On remarquera que, sur la gravure, la colombe de l'Esprit qui vient à la rencontre de l'Hermés-martyr, portée par un rayon lumineux, rappelle la

826

———

dans les deux emblémes sur Ganyméde (Symb. 78 & 79), cette vision n'a plus rien à voir avec le Logos, verbe et intelligence, car, située au-delà de la connaissance (cognitio, chez Ficin), elle acquiert toutes les caractéristiques de la transe amoureuse.

corps pour pouvoir regagner son milieu d'origine,

Loi ».

g

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Bocchi, la combustion organique suscitée par ce feu divin prend une fonction purificatrice et rejoint à la fois la vision sénéquienne d' Hercule sur l'Oeta, se réjouissant que toute sa partie mortelle ne soit que cendres, et les croyances platoniciennes et néoplatoniciennes selon lesquelles qu'il faut que l'áme se purifie des souillures du

constitue l'Hyperaspistes, dont le livre I parut en 1526 et le livre II en 1527,

a_

Car nous sommes l'un pour l'autre un théátre immense ». Lephilosophe d'Abdére dit jadis qu'à ses yeux, Un seul vaudrait le peuple, et le peuple, un seul homme. À mon tour de me contenter de lecteurs peu nombreux, D'un seul, voire d'aucun, pour ne rien te cacher, Si tu veux bien, savant Giano, me tenir compagnie : Tu es, théátre immense, et Caton, et Platon.

Sile peuple vaut un seul homme, aux yeux de Démocrite, À mes yeux tu vaudras toi seul le peuple entier ; Car on voit bien que tu as vu, beaucoup mieux que les autres, Embrassant par l'esprit tous les sujets cruciaux, Quetout est un, tenu par la force unique et l'accord

Admirable de la Nature ingénieuse.

Oi qu'aille la Sagesse, les mémes ornements, les mémes

Instruments, qui sont siens, l'accompagnent toujours.

20

Son portrait peint s'adresse à tous ; s'il est écrit, à peu;

L'un repait les yeux, l'autre, plus suave, l'esprit.

MéTRIQUE

Distiques élégiaques. Norts - ded. carm. : IANO VITALI POETAE CLARISS«IMO?» ] Voir la notice consacrée au personnage à propos de la piéce dédicatoire qu'il adresse à Bocchi dans les poémes liminaires.

827

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

ANALYSE Gravure et poéme se lient pour rendre ici un hommage vibrant à Giano Vitale que Bocchi admire visiblement beaucoup. L'emblématiste développe un jeu d'équivalences pour attester le caractére irremplacable de l'ami de

concentusque reperitur ^^), mais surtout de trouver un argument qui confirme le postulat cicéronien fondament al

selon lequel l'éloquence et la sagesse ne font qu'une : Cicéron veut par là s'insurger contre les demi-savants

(leuiter eruditorum"), qui séparent la pensée de l'expression et le fond de la forme. Au contraire, précise-t-il, « on chercherait sans succés le brillant des mots avant d'avoir trouvé et dégagé les idées, mais toute pensée demeure fade sans l'éclat de l'expression^**', Homme cultivé, Vitale rencontre donc les deux póles essentiels de

grande envergure intellectuelle ou littéraire qui, à lui seul, vaut tous les autres et remplace un grand auditoire.

Les exemples empruntés (voir apparat des sources) vont tous dans le méme sens, par exemple ceux empruntés à

Cicéron en début d'épigramme à propos de l'amitié unissant l'Arpinate et Caton (v. 1)"** et de celle unissant Antimaque à Platon (v. 2). L'emblématiste a trouvé chez Sénéque des formules équivalentes rapportées à

la conception rhétorique de Cicéron, mis en lumiére par Bocchi dans le Symb. 102, consacré à l'Hermathéna : l'éloquence et la sagesse réunies indéfectiblement.

Épicure (v. 3-4) et à Démocrite (v. 5-8)?55. Bocchi veut ainsi signifier que, méme si Vitale était le seul à lire son ouvrage et constituait son seul public, il en serait trés honoré : la qualité de son jugement et de sa lecture, qui le met au rang des plus grandes personnalités antiques (mihi ipse Cato, ipse Plato es, v.10), dispensera l'emblématiste de tout le vain tapage de la faveur populaire. Cet éloge du lecteur irremplacable est renforcé encore par la formule homérique de la gravure, que l'on retrouve chez Platon (Symp., 514b) et chez Érasme

Le poéme s'achéve (v. 19-20) sur le topos de la différence entre portrait peint et portrait littéraire : ce dernier est

supérieur au premier car il échappe à l'usure du temps et restitue non pas les traits physiques mais offre une vision de l’àme et de l'intelligence (voir notre analyse du Symb. 2, consacré au portrait de Bocchi par Fontana). Le portrait peint a pour róle de pascere oculos, « repaitre les yeux », et cette Sapientia picta s'adresse au public le plus large (omnibus), alors que le portrait écrit se consacre à pascere animum, « repaitre l'esprit », ce qui est

(Adag., 3, 8, 53 ; voir apparat des sources). Celle-ci rappelle que le médecin vaut, lui aussi, beaucoup d'hommes

l'effet de la Sapientia scripta sur un petit cercle d'érudits (paucis)^5?. Il s'agit du face-à-face traditionnel entre la

à lui seul, par l'habileté de ses mains et l'étendue de son savoir ^^". Vitale est, bien sár, ici comparé à un médecin

des àmes, qui soigne par sa vertu et son talent littéraire. Mais la célébration du talent de Vitale ne s'arréte pas là. En effet, les vers 13 à 18 de l'épigramme bocchienne

sont librement adaptés de deux passages du De Oratore de Cicéron, 3, s, 20 et 3, 6, 23. Dans le premier passage,

Crassus, désireux de montrer l'unité de l'éloquence, prend pour modéle l'intelligence des physiciens présocratiques qui ont donné de la nature une vision unifiée et harmonieuse. Il pense sans doute à Xénophane, à Parménide et à l'école éléate, voire à l'Héraclite l'Obscur à qui l'on préte la méme idée paradoxale que « l'Un

est le Tout », c'est-à-dire que l'univers est une seule et méme entité”°7%, Cette allusion cicéronienne explique la

référence, dans la gravure de l'embléme, à l'énigmatique formule : "Ev &zavza (voir apparat des sources et notre analyse infra de la gravure), mais détournée malicieusement de son sens puisqu'il s'agit de faire comprendre qu'un seul le&eur vaut pour tous ceux que l'on n'aura pas. Dans le second passage cicéronien choisi par l'emblématiste, qui exploite l'idée précédente, Crassus illustre son propos en montrant que, quelles que soient les conditions dans lesquelles se pratique le discours (oratio), ou quels que soient les buts qu'il poursuit, il présente toujours le méme bagage et la méme parure et ressemble en cela à un fleuve dont la source unique se diviserait en nombreux bras. Bocchi transpose à la sagesse les qualités que Cicéron préte au discours ou à l'éloquence. Quelle est l'idée maitresse de ces deux passages cicéroniens ? Le détour par les physisiciens antiques, outre le fait qu'il salue Vitale comme un sage, permet de puiser dans la doctrine de l'harmonie du Tout un premier argument en faveur du consensus général entre les sciences (mirus quidam omnium quasi consensus doctrinarum 15^ CIC, Att, 2, 5, 1 et 11, 9, 3.

® CiC,, Brut, 191, $1 (nous soulignons) : « On ne pourrait préter à Démosthéne le méme propos qu'eut, dit-on, Antimaque. Devant un auditoire rassemblé, ce dernier lisait ce gros ouvrage que tu connais [c'est-à-dire la Thébaide, aeuvre tragique, sans doute plus volumineuse que son recueil d'élégies, Lyda] mais pendant sa lecture, tout le monde, hormis Platon, s'était éclipsé. " Cela ne fait rien, dit-il. Platon pour moi vaut autant que cent mille auditeurs, ” Il avait raison. Un poéme, interdit au profane, n'a besoin de plaire qu'à peu de monde, tandis que la harangue populaire doit entrainer l'approbation de la masse ». 2576 SEN, Luc,

1, 7, 10-11

(nous

soulignons) : « Cependant,

pour ne pas garder pour moi

seul ce que j'ai appris aujourd'hui, je te

communiquerai trois belles formules que j'ai relevées et qui se rapportent à peu prés à une méme signification. Avec la premiere, je paie mon tribu journalier. Recois les deux autres à titre d'avance. Démocrite dit : " L'individu m'est autant que tout un peuple, le peuple autant qu'un individu ". Plein d'esprit est également le propos d'un auteur — quel qu'il soit, puisqu'on hésite sur l'attribution du mot — à qui l'on demandait quel but il visait en déployant tant d'ardeur dans une ceuvre destinée à n'atteindre qu'un public trés restreint : “ Ce m'est, répliqua-t-il, assez de peu, assez d'un, assez de personne ”. La derniére sentence est d'Épicure. Il écrivait à un de ses compagons d'études : “ Ceci n'est pas pour la foule, mais pour toi. Nous constituons l'un pour l'autre un suffisant auditoire ”. »

7 HoM,, IL, 11, 510-514. Idoménée conseille à Nestor d'emmener Machaon, le fils d'Asclépios, blessé par une fléche de Páris, loin du combat pour qu'il se fasse soigner (nous soulignons) : « Nestor, fils de Nélée, honneur des Achéens, fais-vite, monte sur ton char, avec Machaon à tes cótés et conduis trés vite tes chevaux aux lourds sabots vers les navires. Car le médecin vaut beaucoup d'autres hommes pour extraire les fléches et

répandre sur la blessure des onguents apaisants ». 75* Voir notre apparat critique et S. Charles, « Du Parménide à Parménide », Les études philosophiques, 59/4, 2001, p. 535-552, en particulier

P. 546-550.

828

séduction sensitive, domaine du uulgus, et l'attrait de l'intellect, domaine des sapientes. Mais qu'elle soit picta ou

scripta, Bocchi précise, comme Cicéron l'a fait pour l'oratio, que la Sagesse est toujours une, toujours la méme,

semper eadem”°®3,

La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero Fontana^**, est envahie par les citations. L'identification des personnages n'y est pas trés facile. L'image se divise en deux parties, astucieusement réunies par la fiction d'une architecture unique, dont la colonne ionique à gauche assure la continuité. Au premier plan et en bas de l'image, Antimaque et Platon, vétus à l'antique et identifiés par un cartouche, se font face. Antimaque a un livre ouvert sur un pupitre devant lui et on comprend que Platon, les jambes croisées, est son auditeur. Au second plan s'ouvre une estrade supportant une véritable salle de cours, telle qu'on peut se l'imaginer au xvI° siécle : assis sur des bancs qui s'alignent les uns derriere les autres en partant de la droite de l'image, une masse dense d'étudiants est sagement assise, attentive à suivre le discours du professeur sur la droite de l'image (identifié à Démocrite par un cartouche sous le pupitre), assis à sa chaire, la téte surmontée par un dais. Une petite fenétre à deux arches s'ouvre dans la haute muraille, montrant que la scene se déroule à l'intérieur. Les deux scénes sont reliées par plusieurs indices qui invitent à les comparer. Ainsi, on passe visuellement de la

scene du bas à celle du haut par plusieurs marches, au centre de l'image, oü vient s'inscrire la formule: NON

VNVS E | MVLTIS POTIVS | INTER MVLTOS SINGULARIS. La phrase permet d'articuler en chiasme les

protagonistes de deux épisodes : Antimaque en bas à gauche répond à Démocrite en haut à droite ; Platon en bas

à droite répond et s'oppose, par sa solitude (singularis) et son identité illustre proclamée (Plato), à la masse d'étudiants en haut à gauche (inter multos). Le bras gauche tendu vers le haut d'Antimaque et celui de

Démocrite désignent tous deux une étrange figure circulaire vue de dessus qui semble flotter au-dessus de la

foule d'étudiants. Cette figure, constituée de deux anneaux concentriques (un grand et un petit), est partagée en

quatre par des diagonales et ceinte de quatre Amours qui se donnent la main à sa périphérie. Elle confirme

l'hypothése de l'emprunt à Parménide de la formule "Ev ázavza, inscrite à la surface. Pour Parménide, « l'étre

est un, gonflé à l'instar d'une balle bien ronde »/55. Les quatre parts qui divisent le cercle représentent les quatre

559 Cc. DeOr. 3/6; 31i i. Ibid., 5, 6, 23.

5581 qbig. 3, 6, 24. 752 La formule et topique elle aussi. Voir TER., Phorm., 85 ; LVCR., 2, 419 ; 3, 1003 ; SEN.,. Nat., 3, 17, 3 ; VERG., Georg. 2, 285. "55 C'est sous cette expression que l'embléme 144 qui nous occupe se présente dans l'index qui ouvre le recueil : sapientia una semper eadem. La formule n'est pas anodine, car on la retrouve dans le symbolum 11, mais cette fois sur la gravure, oà elle apparait sur le socle rectangulaire qui supporte le poids d'une Prudence nue, munie de ses attributs traditionnels, le miroir et le serpent. Il serait tentant de lire dans le doublet expicta un renvoi explicite de Bocchi à l'une des gravures. 555 Voir ]e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 20, n° 82 (» CXLII). 5

PARMEN. in SIMPLIC., in Phys., 146, 29, cité parJ. P. Dumont, Les Écoles présocratiques, Paris, 1991, p. 330.

829

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

éléments, comme le suggérent les putti^***. Outre le cercle, l'unité est indiquée par le fait que chaque Amour se

trouve à la jointure de deux quartiers du cercle et semble les maintenir unis à la force de ses bras. De méme, c'est

en s'unissant les unes aux autres en suivant la circonférence du cercle que les deux lettres contenues dans chaque quartier finissent par constituer la phrase laconique : "Ev ázavra. La figure circulaire constitue une sorte de condensé de sagesse présocratique. Relayée par le proverbe inscrit sur les marches, elle permet d'assembler les deux groupes en posant leur équivalence numérique paradoxale oü l'un équivaut à tous. À travers l'éloge de Vitale, Bocchi se met implicitement en scéne. Participant aux Coryciana, Vitalis met en ceuvre une poésie érudite et ésotérique (Sapientia scripta), mais qui célébre en méme temps une ceuvre figurée (Sapientia picta). Or, le concept du symbolum chez Bocchi veut qu'apparaissent de concert l'écrit et le figuré, la Sapientia scripta et la Sapientia picta : Bocchi précise ainsi qu'il se fait en quelque sorte l'émule de Vitalis qui, par son amitié, contribue à l'inspirer et à le $timuler. Mais ce n'est pas là se dévaluer, car si Vitalis est pour Bocchi un Caton et un Platon, Bocchi n'est rien de moins... qu'un Cicéron et un Antimaque !

PHILOLOGIE SYMBOLIQUE GRANDE

RECONNAISSANCE

EST REQUISE

POUR

SYMBOLE D'ALBERIGO LONGO ORIGINAIRE DE SALENTO POUR LES SYMBOLES

5

10

Les briser et, sans crainte, courir en ces lieux sombres. Il délivra les symboles, ainsi que leur déesse,

Enfouis jadis dans les brouillards et le sommeil. Vois-tu comme la déesse goüte le jour, longtemps Espéré, et s'attache aux pas de son champion ? Vois comme elle néglige le voile noir quittant sa téte,

Comme sa chevelure, toute d'or, brille, nue, Comme elle marche, heureuse, avec ses volumes ouverts,

Cachés auparavant, désormais révélés ?

Vois-tu comment la jolie femme, avec double couronne,

15

Orne les tempes savantes de son poete ? — Lacouronne dorée d'abord, qu'on accorde àu triomphe, Puis celle de laurier, qu'aime Phébus poéte. La femme offrant la couronne, c'est Bologne la Grasse, Qui fait dresser de beaux trophées pour son poete.

MÉTRIQUE

Distiques élégiaques. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

v. 21 : labyrinthaeis : pour labyrintheis.

NorEs ded. carm. : ALBERICI LONGI SALENTINI] Voir la notice qui nous lui consacrons dans nos notes à la piéce liminaire qu'il a rédigée pour le recueil d'emblémes (p. 18).

restaurateur des humanités aprés les ténébres médiévales/^"",

*

Nuées, et de l'acier barricadait ces portes.

Du labyrinthe, la patrie t'offre ces dons ».

ne sera pas de reconquérir Troie mais de délivrer de l'oubli et de la nuit des temps la Déesse du Symbole, et les symboles antiques sur lesquels elle veille (ceux que contient le recueil des Symbolicae Quaestiones, bien entendu). La rhétorique du primus inuentor qui fait sortir la culture antique enfouie dans le passé à la lumiere du présent prend ici des accents topiques : on retrouve ce motif par exemple dans l'éloge que fit Bruni de Pétrarque,

Sur l'image :

Guidé par Mercure et Phébus, un autre Achille vint

« Bocchi, qui portes aux nations la vie, hors des méandres

Bocchi à un second Achille grec, aidé de Mercure, dieu de l'éloquence et de Phébus, dieu de la poésie. Sa táche

CES TRAVAUX

— « Bocchi, qui portes aux nations la vie, hors des méandres/ du labyrinthe, la patrie t'offre ces dons » — Liberté

Ce labyrinthe était couvert de ténébres et noires

Vois-tu qu'on a inscrit des mots sur les trophées illustres ? Lis à présent, pour découvrir le sens des mots :

ANALYSE Dans ce petit poéme aux ambitions clairement épiques et encomiastiques, qui s'ouvre et se ferme sur le motif du labyrinthe, le poéte Alberigo Longo, qui a déjà composé l'une des piéces liminaires du recueil, compare Achille

Symb. 145

Gravure :

20

DE BOCCHI

Pour effectuer le récit de ces exploits, plusieurs sources anciennes fameuses se mélent ici intimement : la plongée du héros dans le passé s'apparente à la fois au parcours de Thésée pénétrant dans les ténébres du labyrinthe dédalien pour y affronter le Minotaure, et à la catabase de Junon décrite par Ovide, au moment oü la reine des

dieux arrive sur le seuil infernal bardé de fer, gardé par les Furies (Met., 4, 553) : partout régnent la nuit, les

ténébres et l'obscurité

(tenebris;

atris nubibus;

loca caeca;

nebulis). La remontée

à la lumiére évoque

explicitement la sortie triomphale de Thésée décrite par Catulle (54, 114-115 : voir apparat des sources) et

renvoie aussi au mouvement ascensionnel d'Eurydice s'attachant aux pas d'Orphée et sur le point de sortir des Enfers chez Virgile (cf. Georg., 4, 484-486). On remarquera que le motif du labyrinthe est particuliérement bien

adapté pour Bocchi qui place le symbolum symbolorum et le recueil d'emblémes tout entier sous le signe du labor : labor de l'invention, labor de l'herméneute. Or un jeu de mots fameux du Moyen Áge donne pour fausse

étymologie du terme labyrinthe l'expression labor intus, « ayant un travail à l'intérieur »?59*.

L'arrivée à l'air libre de la dea symbolica, captive du labyrinthe comme d'un univers infernal, s'accompagne d'une métamorphose : son voile sombre de deuil tombe, et sa chevelure dorée brille à la lumiere (v. 9-10), tandis

que les rouleaux fermés qu'elle apporte se déploient aux yeux de tous pour révéler leur contenu, comme satio de formules magiques rapportées de l'au-delà (v. 11-12). La déesse est une nouvelle Ariane : ses chevetix à or

rappellent le portrait de l'héroine par Catulle, « plus pále qu'un reflet d'or? », tandis que les uolumina qu'elle 57 L. BRUN] ARETINO, Vite di Dante e del Petrarca, 40, p. 903 Pradelle : « E ebbe tanta gratia d'intelletto che fu il peo che gea sublimi &odi,

lungo tempo caduti et ignorati, rivocó a luce di cognizione » ; cf. aussi 44, p. 905 : « Francesco Petrarca fu il primo ch'ebbe tanta gratia

d'ingegno che riconobbe et rivocó in luce l'antica leggiadria dello stile perduto e spento ».

pa

59: Voir p. Reed Doob, The Idea of the Labyrinth from Classical Antiquity through the Middle Ages, Ithaca/ Londres; 1990, p. 95 qui cite un commentateur de Boéce, Nicholas Trevet (1258-1328); voir également S.Chiari-Lasserre, « La translation des sources antiques : les labyrinthes de la Renaissance selon Holland et Chapman, Bulletin de la société d'études anglo-américaines des XVII et XVIIl's., 60, 2005, p. 43-61, ici

P- 55, qui renvoie au Laborinthus d'Eberhard le Germain ; Ead., L'image du labyrinthe à la Renaissance. Détours et arabesques au temps de

75 Voir la gravure du Symbolum 140.

830

Shakespeare, Paris, 2010, p. 97.

559 CATVLL, 64, 101: Quanto saepe magis fulgore expalluit auri.

831

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

déploie évoquent l'écheveau déroulé par Thésée pour ne pas se perdre dans les détours du labyrinthe : elle est donc à la fois celle que l'on délivre romanesquement d'un long sommeil, mais également celle qui guide le parcours du héros-poéte à travers l'architecture dédalienne des symboles (la « forét de symboles », syluam

juste de sortir du sommeil et qui attend les ordres de son uindex. À droite du héros, sous les traits traditionnels

d'une Minerve casquée, Bologne de profil, bras en l'air, avec l'étendard caractéristique oü on lit le mot Libertas, s'appréte à poser la double couronne sur la téte de son champion : il s'agit d'une couronne traditionnelle de

symbolicam selon Guillaume Budé^*?), Le fi] tendu devient la trame du texte qui peu à peu tisse l'ceuvre et en

métal, surmontée d'une couronne végétale de laurier.

articule le grand dessein.

Le héros se tient comme encadré devant un portail, flanqué de deux colonnes ioniques et surmonté d'un fronton triangulaire. On apercoit le battant entrouvert de la porte dans la pénombre. À gauche du portail, une foule

indistincte se presse pour assister au triomphe (il n'en est pas fait mention dire&ement dans l'épigramme, mais on peut considérer que c'est implicite dans toute cérémonie de triomphe). À droite, s'ouvre une arche, encadrée

elle aussi de colonnes, et donnant sur un escalier. Sur les colonnes qui soutiennent l'arche, deux personnages se

tiennent assis, que leurs attributs respectifs désignent comme des divinités : Mercure à gauche, avec le caducée ;

Apollon à droite avec la lyre. Entre les deux vient s'intercaler une plaquette oü on lit en acronyme le mot de félicitation rédigé en entier dans les deux derniers vers : E.T.D.B.V.Q.G.A.E.L.F.H.P. (En Tibi Dat Bocchi Vitam Qui Gentibus Affers/ E Labyrintheis Flexibus Patria), qui n'apparait pas dans le dessin préparatoire. Ce n'est donc pas l'allégorie de Bologne qui porte l'étendard, à la différence de ce que mentionne le texte. À l'arriére, et comme percé par le fronton triangulaire pointu qui, en perspective, en brise l'harmonie circulaire, on apercoit le labyrinthe, constitué de cercles concentriques interrompus par des doubles segments qui représentent les murs intérieurs entravant la circulation à l'intérieur de l'édifice. À sa périphérie, le labyrinthe est ceinturé par une rangée d'arbres. Un arbre se dresse, isolé, au centre du labyrinthe. Pierre Martin nous fait remarquer trés justement que cette configuration du labyrinthe autour d'un élément central est également celle adoptée pour la devise d'Alphonse Piccolomini, le neveu de Pie II (avec la devise: Non vego unde esca), où le labyrinthe, comme

s'organise autour d'un arbre. Pour Typotius, le Minotaure représente Satan et le labyrinthe les passions qui enferment les hommes dans un piége inextricable, dont ils ne peuvent sortir que gráce au fil d'Ariane que sont les lois divines???, Dans une autre devise, celle d'Ottavio Farnése, duc de Parme et de Plaisance, c'est la massue d'Hercule qui occupe le centre d'un curieux labyrinthe dessiné par un fil qui s'enroule autour de lui-méme, avec trois globes en périphérie et la devise His artibus. Typotius explique que les trois instruments font partie de la panoplie de Thésée pour vaincre le Minautore : le fil pour marquer sa route dans le labyrinthe, les boules de poix

Fig. 1 > P. FONTANA, Dessin préparatoire pourle Symb. 145 (= CXLIII, 11,2 x 8,3 cm), plume et lavis brun, traces de fusain, Londres, British Museum.

La petite mise en scéne révéle la présence d'une seconde allégorie féminine (v.12-22). Il s'agit de Bologne/Felsina (v. 17) déjà rencontrée dans le Symb. 115, qui apporte trois insignes au poete (uati, v. 18) : couronne

d'or pour le triomphe

(v. 15) ; couronne

de laurier apollinien pour célébrer le chantre inspiré

(v. 16)" ; le trophée d'armes (pulchra tropaea, v. 18) qui s'avére étre en réalité un étendard où figurent sous la forme d'un acronyme les mots de remerciements de la patrie à son héros victorieux. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Prospero Fontana, conservé au British Museum de

Londres^** (Fig. 1) adopte la configuration du texte, à plusieurs exceptions prés. Au premier plan, on apergoit Bocchi le héros, avec le bonnet, la chaine d'or au cou et le manteau brodé d'hermine de l'universitaire. L'index

de la main droite est pointé en l'air et la paume de la main gauche s'ouvre largement. Il tourne la téte et semble s'entretenir avec la jeune femme presque dénudée, cheveux défaits que l'on apercoit à gauche de l'image, tenant un grand volume ouvert vers le poéte : c'est la Dea symbolica du texte, sous les traits d'une jeune femme qui vient

^59? De Philologia, 1, p. 63 de La Garanderie. ^?! La couronne de laurier et la couronne d'or (en forme de laurier et tenue au-dessus de la téte par un esclave qui lui rappelait « souviens-toi que tu es mortel ») figuraient parmi les attributs qui ornaient le général victorieux au cours de son triomphe. Voir A. Bruhi, « Les influences hellénistiques dans le triomphe romain », Mélanges d'archéologie et d'histoire, 45 ; 1928, p. 77-95. Bocchi sépare les deux, attribuant à la premiere une connotation militaire et récupérant, avec la seconde, l'image traditionnelle du poéte couronné du laurier apollinien. Voir F. Joukovsky, La Gloire dans la poésie francaise et néolatine du XVI siécle (des rhétoriqueurs à Agrippa d'Aubigné), Geneve, 1969, « Appendice 1 : les couronnes de feuillages », p. 597-599, qui rappelle le róle de Pétrarque comme poeta laureatus. Les deux usages, militaire et poétique, sont rappelés par Georg PicTORIVS, Theologia mythologica, Anvers, 1552, P 14v? et par Natale CONTI, Mythologia, 4, 10. 79? Vente Sotheby's de Londres, 13 juillet 1972, lot 23, Catalogue Sotheby's, p. 20, n° 78, acquis en 1980 par le British Museum. VoirJ. A. Gere, Ph. Pouncey, Italian Drawings in the British Museum. Artisls Working in Rome, Londres, 1983, n° 11 1, p. 78 (plate 100).

832

chez Bocchi,

pour jeter dans la gueule du monstre et éviter les morsures, la massue pour l'abattre à la fin. Le symbole, inventé

par Ottavio Farnése pendant la guerre des Flandres contre Charles Quint, nouveau Minautore, signifie qu'un

héros militaire remporte la victoire non seulement gráce à la force (uis, symbolisée par la massue), mais aussi par

la prudence (prudentia, symbolisée par le fil) et par l'ingéniosité (sagacitas aut ingenium, symbolisée par les

boules de poix)?*?*.

On remarquera sur la gravure de Bonasone que, coupant verticalement l'image en deux parties égales, une ligne droite relie le personnage central, le sommet du fronton et l'arbre au centre du labyrinthe, créant une parenté

visuelle entre les trois éléments qu'elle relie et surtout, malgré la présence du portail, annulant la distance entre

intérieur et extérieur. Il s'agit peut-étre d'un laurier apollinien, ou bien du laurier infernal sur lequel Enée doit cueillir un rameau d'or pour l'offrir à Proserpine en don propitiatoire. Il n'y a aucune trace ici de la présence du terrifiant Minotaure.

Il s'agit plutót ici de décrire les circonvolutions

du travail intellectuel

(déjà fortement

organisés) et les cheminements détournés de l'entreprise symbolique, à moins qu'il ne s'agisse de désigner les

replis du temps « gothique », qu'il faut parcourir par la mémoire pour gagner l'arbre vif de la culture antique.

2593 Voir J. TYPOTIVS, Symbola diuina et humana pontificum, regum et imperatorum, Prague, 1601-1603, t. III : Symbola uaria diuersorum principum

cum facili isagoge, 1603, p. 144-146.

2

A

(7 “_]. TYPOTIVS, Symbola diuina et humana pontificum, t. III, p. 82. Voir^ aussi d G. B. PITTONI, L. DOLCE, S Imprese,p Veni Venise, 1568, 68,

n°n° 77, p. . 9. .

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Symb. 146 Gravure :

À CARLO RUINI, FILS D'ANTONIO, ET À SA MERE, ISABELLA FELICINI-RUINI

infermità del cavallo. Il fut membre du collége des Anziani, gonfalonier de justice en 1576, et sénateur en 1584, à

la place d'Ercole Felicini. Il fit édifier à Bologne en 1582, sur des plans attribués à Andrea Palladio, le Palazzo Ruini (aujourd'hui palais de justice) qui passa ensuite aux mains des comtes Ranuzzi au XVII* s, puis à celles du

prince Baciocchi au XIX* s., le veuf d'Élise Bonaparte.

*

ANALYSE

QUI A LA FOI, A L'ESPOIR, QUI A L'ESPERANCE, AVANCE SANS HÉSITATION : IL FUIT L'ORGUEIL, LA PARESSE ET LA MOLLESSE

« — Quelle est cette tour que je vois ? — La maison des Ruini, Qu'on a fort bien chantée, mais qu'il faut chanter plus.

S

- Mais elle va choir, dirait-on ! — Préte à choir elle semble, Pour tromper les envieux, mais ne choit pourtant point. -Étonnant ! Mais, dis-moi (que les dieux t'aident dans ces voeux!),

Quelle est donc la force qui empéche sa perte ?

- Vertu, Fortune, Famille, sur leur dos, la supportent : Ces vertus par trois monts se voient symbolisées.

10

15

20

- Ó solides assises ! Joints aux monts, quels sont ces insignes Que je vois ? - Ceux qu'obtint la maison des Fougére. — Cette fougére me trouble, pour parler franchement ; On ne la tient pas pour plante fort bénéfique. — Nel'est-elle donc pas, celle sur qui la digne main D'Antonio Ruini put cueillir semblable fleur ? — Unefleur, sur la fougére ? Qu'est-ce donc ? - D'Isabelle Pudeur, fidélité et honneur conjugal. Propices te soient les dieux ! Que les fléaux, gréle et pluie, N altérent point tes fruits dorés, chaste fougére ! La téte ailée est le pouvoir de l'àme, qui dissout Tous les instants en espace infime de temps. Puisse enfin la rendre heureuse ce dieu à triple téte,

Qui sait ce qui fut, ce qui est, ce qui sera. Cherche, poursuis, insiste avec espoir, scrupule et zéle

Sans faille : tout ce que tu veux, tu l'obtiendras. »

MÉTRIQUE

et de la mére du dédicataire (cf. v. 9-10 : Sed quaenam insignia cerno/ luncta his ?). Le texte (v. 1-10) commence par évoquer le blason des Ruini: « d'argent à la tour de gueules donjonnée à la gibeline, ouverte, ajourée et

maconnée de sable, accompagnée en pointe d'une montagne à trois coupeaux de sinople » (Planche VIII, Fig. 15). Le blason pratique les armes parlantes puisque le nom de famille, Ruini, est mis en scéne sous la forme

d'une tour (Quam turrim uideo, v. 1) qui menace ruine (casura uidetur, v. 3), en équilibre sur un socle de trois monticules (montibus... tribus, v.8): la gravure accentue le caractére de rébus en présentant une tour

véritablement penchée. Bocchi montre toutefois que ce risque de chute n'est qu'une apparence pour tromper l'ennemi et l'envie (Fallat ut inuidiam v. 4). La menace d'écroulement est contredite par la présence des trois coupeaux, les trois cimes de la montagne en pointe de l'écu: ces assises solides (O firmas. bases ! v. 9) empécheront la chute. La gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone ou Prospero

Fontana (Fig. 1)", exploite également cet aspect puisque les trois coupeaux sont à peine dessinés au sein d'une

assise rocheuse parfaitement quadrangulaire et stable. L'emblématiste en fait un symbole de trois valeurs, Virtus,

Fortuna et Genus : le courage, la fortune, la famille. La couleur sinople des coupeaux proposée par le blason réel n'est pas mentionnée dans l'épigramme. Mais on peut suggérer qu'elle apparait discrétement avec l'évocation de l'espoir dans le titulus de l'épigramme (Qui fidit sperat, qui sperat...) : on sait que la couleur de l'espoir est le

vert???8.

Le poéme s'attache ensuite à la deuxiéme partition de l'écu, qui porte l'embléme des Felicini. Il est constitué lui aussi d'armes parlantes puisqu'il s'agit d'un écu « d'or à la fougére de sinople » (Planche VIII, Fig. 16), avec un rapprochement entre le patronyme Felicini et le terme latin filix, icis ou italien felce. Le lien avec la partie précédente se fait donc autour du vert (vert des coupeaux ; vert de la plante). Comme pour la tour en ruine des Ruini, Bocchi insiste d'abord sur les aspects négatifs de la fougére (Non habita est etenim planta beata nimis, v.

12), dont on pensait, depuis l'Antiquité, qu'elle n'avait ni fleur ni fruits???, comme le remarque l'interlocuteur

anonyme (Floremne è filice ? v. 15), surpris de voir la plante sur l'écu. Mais le narrateur le détrompe, en insistant au contraire sur le fait qu'elle porte à la fois une fleur (florem), celle de la virginité, cueillie par l'époux (v. 13-14),

et des fruits dorés (aurea germina), dont le narrateur espére qu'ils échapperont aux intempéries (v. 17-18).

Comment interpréter ce paradoxe ? Bocchi joue en fait sur la paronymie entre filix, -icis, la fougére, et felix, -icis,

Distiques élégiaques.

qui signifie avant tout « fécond, fertile » d’où « heureux ». La double signification du patronyme permet de

conjurer les aspects négatifs du substantif par les propriétés positives de l'adjectif : Isabelle est présentée ici sous

NoTES

Carlo Ruini le Jeune (1530-1598) est le petit-fils du grand juriste Carlo Ruini^95 (Reggio nell'Emilia 1446Bologne

1530) qui enseigna à Pise, Ferrare, Pavie, Padoue et Bologne, où il fut le&eur de droit civil en 15111512 puis de 1515 à 1525, et qui fut le maitre d'André Alciat et Francois Guichardin. Carlo Ruini le Jeune est le fils d'Antonio Ruini et d'Isabella Felicini, membre d'une illustre famille bolonaise. Il fut également l'époux de Vittoria Pepoli. Eléve de l'aristotélicien Claudio Betti, il suivit les cours de grec et d'humanités au Studio de

Bologne. Passionné de chevaux, il publia en 1 598 un traité de médecine vétérinaire intitulé Del anatomia e delle ?95 Voir G. Fantuzzi, Notizie degli scrittori Bolognesi, t. VII, P: 237 et 240 e nel fine i cimieri, Bologna, 1670, p. 628.

834

ann- " —————

L'épigramme se présente, sous une forme dialogique de questions/ réponses, comme la description du blason de Carlo Ruini le Jeune (voir notes) et du cimier anthropomorphe qui le surmonte, dont la gravure restitue les meubles, mais non les émaux???6, Comme l'indique le texte lui-méme, l'écu est parti et constitué de l'association de deux autres écus, celui du pére

P. S. Dolfi, Cronologia delle famiglie nobili di Bologna con le loro insegne,

les traits d'une matrona, caractérisée d'un cóté par son pudor, sa fidélité (fidei) et sa castitas, qui font d'elle une

épouse exemplaire, et de l'autre, par sa fécondité qui l'instaure en mére prolifique, signe de la santé de la famille.

55 On consultera la version couleur des deux blasons dans F. Canetoli, Il Blasone bolognese, cioè Arme gentilizie di famiglie bolognesi, nobili cittadinesche e aggregate, Bologna, 1791-1795, t. III, 1°° partie : Arme Gentilizie delle Famiglie Bolognesi Cittadinesche, p. 39 (blason des Ruini) et

ibid, t. I, 1** partie : Arme Gentilizie delle Famiglie Nobili Bolognesi Paesane, p. 26 (blason des Felicini), tous les deux accessibles en ligne aux adresses suivantes ; «http://badigit.comune.bologna.it/canetoli/canetoli.aspx?Cod-a3922»

« http:// badigit.comune.bologna.it/canetoli/canetoli.aspx? Cod-a449»

l

I

7 Voir [e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 23, p. 16, n° 1 (2 CXLIIII) et illustration p. 49. PN (OE ALCIAT, Emblemata, « In colores », v. s-6 : Spes dicitur esse/ In viridi... "UOCE PLIN, Nat., 27, 76 : Felicis duo genera nec florem habent nec semen [...] ; est autem singularis atque non fruticosa.

835

——n

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

"Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Pline (Nat., 27, 76) rappelle qu'il existe une fougére mále et une fougere femelle, qui prend la forme d'une aile, d'oü son nom grec pteris. Cette évocation implicite de l'aile ménage à nouveau une habile transition. Quittant l'écu proprement dit pour observer le cimier, le narrateur apercoit alors un motif décoratif de transition, constitué d'une téte ailée (v. 19-20) : il en fait un symbole de la rapidité de la mens, de l'intelle& qui embrasse par la contemplation l'univers en un instant (quaeque/ Vel puncto absoluit temporis exiguo), avant de passer au cimier lui-méme.

gravure, les mascarons végétalisés qui flanquent le cadre ornemental où s'inscrit l'écu constituent une variante

plus traditionnelle de l'allégorie de la Prudence, avec deux visages, l'un tourné vers le passé, l'autre vers l'avenir : pour le présent, ce sont les armes des Felicini-Ruini et les valeurs qu'elles symbolisent qui nous font face. Cet embléme a visiblement influencé le jardin allégorique réalisé par Jacopo Barozzi Da Vignola pour Pier Francesco Orsini à Bomarzo, qui souhaitait rendre hommage à son épouse défunte?^9?,

Symb. 147 Gravure :

À SON FILS PIRRO BOCCHI, EN HIÉROGLYPHES ÉGYPTIENS

HONORE TON BON GÉNIE AVEC JUSTICE ET INNOCENCE Toi qui veux réussir dans tes occupations, En l'honorant comme il se doit, pousse ton dieu,

Ton génie personnel à se rendre amical,

À conserver intacts tous tes biens sans arrét.

$

Ce fidèle gardien, unique et excellent, Te guide, toi l'aveugle, lui le clairvoyant, Toi le sot et le faible, lui sage et vaillant,

Lui qui connait la voie, et toi, non. Il demeure Sentinelle intérieure, arbitre individuel,

10 Témoin inséparable : fort grave, il réprouve

Fig. 1 » P. FONTANA, Dessin préparatoire pour le Symb. 146 (7 CXLIIII), 11,4 X 8,3 cm © Sotheby's.

Tous les actes mauvais et approuve les bons. Si l'àme, comme il faut, se détourne vers lui,

Le cimier n'est visiblement pas un casque surmonté d'un motif zoomorphe mais un tricipitium (deus triceps, v. 21), qui embrasse les trois dimensions du temps (v. 22). Le texte n'en dit pas plus sur la nature des trois figures : sont-elles animales ? Sont-elles humaines ? La gravure en revanche répond explicitement à l'ambiguité et nous montre une téte de jeune homme de profil à gauche ; une téte d'homme már de face ; une téte de vieillard de profil à droite, comme dans le fameux portrait de Titien conservé à Londres et dont E. Panofsky fit le sujet d'une brillante enquéte iconologique?9". Dans l'image de notre embléme, la place du jeune homme et celle du vieillard sont inversées par rapport à la disposition chez Titien, suite à l'impression de la gravure. Comme dans le tableau de Titien oü les trois visages dessinent une allégorie de la Prudence qui embrasse toutes les dimensions du temps par la mémoire, l'intelligence et la prévoyance/9!, conformément à ce qu indique le motto (Ex praeterito/ Praesens prudenter agit/ Ne futura actione deturpet, « Gráce au passé, le présent agit avec prudence, pour ne pas avoir honte de l'action future »), Bocchi fait de ces trois tétes le contróle du passé (téte de vieillard qui regarde en arriere), du présent (téte d'homme mür qui regarde de face), et du futur (téte de

jene homme

qui regarde devant lui) : Quae fuerunt, quae sunt, quaeque futura patent (v. 22). Dans le poéme,

l'emblématiste associe en outre ces trois figures à trois modalités de la quéte ( Quaere, pete, insta, v. 23) et à trois

formes de la ténacité (spe, officio studióque fideli, ibid.), qui garantissent un succés en trois étapes dans tous les domaines : désirer, trouver, obtenir (Quae cupis inuenies omnia

2800

12 L d

15

Avecune absolue justice et innocence -, Dans l'incertitude, il voit loin, nous avertit Dans le doute, nous précéde avec diligence Dans le danger, puissant secours dans toutes les Détresses, puisqu'il peut, tantót gráce à des songes

20 Etdes signes, tantót méme, quand c'est utile,

En personne, te rendre heureux, chasser les maux,

Redresser ce qui est au plus bas, étayer Ce qui vacille, éclairer ce qui est obscur,

25

Contrer les astres hostiles. Est-il propos Qui soit plus sain que ce dogme du grand Platon ?

MÉTRIQUE

Trimétres iambiques.

et accipies, v. 24). On remarquera que, dans la

j y : d'art et ses significatio ns. Essais sur les « arts visuels », Paris, 1969 pour la trad. frangaise, p.257-277 :

Prudence ”. Un symbole religieux de l'Égypte hellénistique dans un tableau de Titien ». aa : Rm ; : ! Sur les antécéden t médiévaux de cette représenta tion, voir ibid. p. 260-262 et fig. 96, 97, 98.

836

Le connait avec zèle et pieusement l'honore - Ce qu'on dit que jadis fit l'Athénien Socrate

« L'" Allégorie de la

15? Voir M. J. Darnall, M. S. Weil, « Il Sacro Bosco di Bomarzo: Its Sixteenth-Century Literary and Antiquarian Context », Journal of Garden

History », 4, 1984, p. 1-94 837

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

ANALYSE

étre"?", Cette nature connait pourtant une hiérarchie, dont le sommet est occupé par la classe des démons personnels, attachés à un individu et fusionnant complétement avec lui?^*, Le plus célébre d'entre eux est

1. La référence à Apulée et l'univers démonique antique

Le symbolum 147 fournit un exemple capital et unique dans le recueil. Sa gravure en effet s'organise autour d'une célébre phrase hiéroglyphique empruntée à l'Hypnerotomachia Poliphili de Francesco Colonna (Fig. 1), ouvrage publié pour la premiere fois à Venise chez Alde en 1499 et qui connut une grande popularité. Nous avions déjà rencontré les éléments d'autres suites hiéroglyphiques colonnesques (Voir le Symbolum symbolorum ; voir aussi Symb. 5 ; Symb. 149). Cette suite du recueil bocchien, déjà repérée par Elisabeth See Watson, et à laquelle nous

avions consacré un article en 19987, n'a cependant pas bénéficié de toute l'attention que mérite l'originalité de son utilisation. En effet, la suite colonnesque est ici retravaillée et s'inscrit dans un contexte qui n'est pas neutre : elle n'es pas le seul objet de la gravure : elle prend place sur une banderole, elle-méme tenue par une sorte d'ange/bon démon : nous avons d'ailleurs rencontré le bon démon de Socrate au Symb. 3. La gravure est elle-

méme surmontée d'une dédicace de Bocchi à son propre fils, Pirro, suivie directement d'un titre (EX MYSTICIS

AEGYPTIORVM

LIITERIS),

tandis

qu'en

face

de

la

gravure

prennent

place

un

titre.

(IVSTE

INNOCENTERQVE GENIVM COLAS TVVM) et un texte, trop souvent passés sous silence, alors máme que la source latine du texte est un ouvrage trés lu à la Renaissance, le De Deo Socratis d'Apulée. Or, pour tenter d'éclaircir le sens de ce symbolum complexe, il nous semble fondamental de considérer tous les éléments qu'il propose et de mettre en évidence les rapports subtils qu'ils tissent les uns avec les autres : pourquoi, sur la gravure, la suite hiéroglyphique est-elle inscrite sur un support tenu par un ange/bon démon ? Pourquoi n'estelle pas évoquée par le texte, qui semble ne s'intéresser qu'au démon, alors méme que celui-ci est en retrait dans la gravure ? Pourquoi dédier le tout à son propre fils ? Ce n'est qu'au terme d'une observation d'ensemble qu il sera possible de constater le détournement discret que Bocchi fait subir à la suite hiéroglyphique de Colonna et de préciser les véritables intentions de l'emblématiste, qui sont pour l'essentiel religieuses

L'épigramme bocchienne se présente comme une paraphrase trés fidéle (voir apparat des sources) du De Deo

indubitablement le daimón socratique (v. 13-14 : ut Attico/ Ab Socrate olim cultus esse dicitur), que nous avons déjà amplement présenté dans notre étude du Symb. 3 (voir notre analyse et la bibliographie que nous y proposons). Ce démon est, chez Platon, une sorte de signal divin qui ne constitue pas une puissance active qui

pousserait Socrate à agir dans telle ou telle direction, mais plutót une force qui le détourne d'une mauvaise

solution"?. En revanche, chez Xénophon, suivi par Apulée, le démon signale des pratiques divinatoires, tel le pélerinage de Socrate auprés de l'oracle de Delphes'^", Pour les modes d'apparition du démon, Bocchi suit de

prés Apulée en rappelant trois possibilités : le songe, le signe, la voix (coram). Pour Apulée, le signe divin de

Socrate désigne une apparition, à la maniere de celle des dieux auprés des héros homériques?6"!.

Ce passage d'Apulée énonce l'action positive du démon à l'aide de termes que le philosophe reprendra plus loin dans le traité, en particulier dans le passage choisi par Bocchi, oü précisément le démon exerce les fonctions de gardien (v. s : custos), d'observateur (v. 9 : speculator), de juge (v. 9: arbiter) et de témoin (v. 10: testis), et s'apparente à la bonne conscience en blàámant le vice (v. 11 : mala improbat) et en célébrant la vertu (v. 11 : bona

probat). Par son influence bénéfique, le démon tutélaire s'oppose à au mauvais démon, dont il s'efforce d'annihiler le pouvoir maléfique au sein méme de l'àme humaine, croyance antique puis chrétienne??? dont Bocchi se fait l'écho dans le Symb. 72. Intermédiaire entre les hommes et les dieux, le démon est une créature

ambivalente. Comme l'homme, il vit sous le régne de la passion, peut éprouver des sentiments, comme l'ira ou 7 Voir par exemple PL., Symp., 202e : « [... ] de fait , tout ce qui est démonique est intermédiaire entre ce qui est mortel et ce qui est immortel. Avec quelle fonction ?, demandai-je. Celle de faire connaitre et de transmettre aux dieux ce qui vient des hommes, et aux hommes, ce qui vient des dieux. [ ...] Le dieu, quant à lui, ne se méle pas à l'homme ; mais cependant, gráce à cette nature moyenne, c'est d'une facon compléte que

se réalise pour les dieux la possibilité d'entrer en relation avec les hommes et de converser avec eux, soit pendant la veille, soit pendant le sommeil. » Ce passage est repris par APVL,, Socr., 6 : « Or il existe des puissances divines intermédiaires (diuinae mediae potestates), qui habitent

Socratis d'Apulée (ch. 16). La référence à Apulée n'e& pas anodine. À la Renaissance, cet auteur jouit d'un prestige tout particulier: en effet, on pense alors qu'il est le traducteur en latin des passages de l'Asclépios

cet espace aérien, entre les hauteurs de l'éther et les bas-fonds terrestres, et qui communiquent aux dieux nos souhaits et nos mérites. Ces étres ont recu des Grecs le nom de démons ; entre les habitants de la terre et ceux du ciel, ils jouent le róle de messagers pour les priéres d'ici-bas et les dons de là-haut ; ils font la navette, chargés des requétes dans un sens, de secours dans l'autre, assurant auprés des uns et des autres l'office

description de certaines pratiques magiques et de croyances inspirées par l'Égypte antique. Enfin, le De mundo

755 APVL, Socr, 16 : « C'est cette classe supérieure de démons qui, aux dires de Platon, fournit à chaque homme des témoins (testes) et des gardiens (custodes) de sa vie quotidienne (cf. PL., Crat., 397e), invisibles à tous, continuellement présents comme juges (arbitri) de [aes nos

rapportés et critiqués par Augustin?9*, De plus, L'Áne d'or est une référence précieuse pour qui s'intéresse à la

joue le róle de manuel synthétique qui condense la réflexion de Platon et résume ses positions sur des points clés

comme l'àme, ses rapports avec le corps, la politique, la vertu, etc., fournissant ainsi une sorte d'anthologie. Le De deo Socratis et son pendant grec, le traité plutarquien De genio Socratis'*5, constituent deux sommes médioplatoniciennes commodes, proches par leurs sources philosophiques, oà sont énumérés les traits essentiels de la

démonologie antique?6°,

Le texte d'Apulée, versifié par Bocchi, propose une réflexion sur la nature du démon personnel et son corollaire latin, le genius. La nature des démons, par exemple Éros ou Hypnos, reléve toujours du metaxu, c'est-à-dire d'une essence intermédiaire qui assure la continuité ontologique entre deux mondes radicalement séparés, celui des dieux et celui des hommes, et qui leur permet de communiquer sans contrevenir aux impératifs de leur % Voir A. Rolet, « De l'usage détourné d'une suite hiéroglyphique empruntée à l'Hypnerotomachia Poliphili de F. Colonna : philosop hie et conversion religieuse dans le Symbolon n° 147 des Symbolice quaestiones d' Achille Bocchi (1555) », dans D. Moncond'huy, F. Noudelman (dir.) « Suite, Série, Séquence », La Licorne, 47, 1998, p. 221-255. Les analyses qui vont suivre reprennent en

grande partie les développements de cet article, avec une réactualisation de la bibliographie. Voir égaleme nt M. Kiefer, « Ex myslicis Aegyptiorum literis. Überlegungen zum Verháltnis von Emblematik und Hieroglyphenkunst », ín A. et J. Assmann (dir.), Hieroglyphen. Stationen einer anderen abendlàndischen

Grammatologie, Münich, 2003, P- 192-219, qui ne cite pas mes travaux. ?9* AVG., Ciu., 8, 12-23. Voir F. A. Yates, Giorda no Bruno et la tradition hermétique, Paris 1996 pour la traduction frangaise, p. 28-29. ?85 Voir ÉRASME, Adagia, 1, 1, 72, « Genius malus » : Testatur et Plato et Plutarchus Socrati peculiarem quemdam fuisse

:

genium, de quo scripsit Apuleum. % N. Fick, « La démonologie impériale ou les délires de l'imaginaire au 11° siècle de notre ère », dansJ. Thomas (dir.), L'imaginaire religieux gréco-romain, Perpignan, 1994, p. 235-272. Voir égalem ent les mises au po int historiques de J. Baujeu dans APULÉE, Opuscules Paris, 1973, p. 183-201 et de A. Corlu dans son introduction à Plutarque, Le démon de Socrate, Paris, 1970.

838

philosophiques,

d'interprétes ou de sauveurs ».

actes et méme de toutes nos pensées. [...] Ainsi donc, vous tous qui écoutez, par mon truchement, cette divine théorie de Platon, sachez bien, en vous disposant à chacune de vos actions et de vos réflexions, qu'avec de tels gardiens, l'homme ne peut avoir aucun secret, ni dans son cceur ni au dehors : le démon s'immisce dans tout avec curiosité, inspecte tout, se rend compte de tout, descend au plus profond de nous, comme la conscience (uice conscientiae) ».

“? PL, Ap. 31d : « C'est une voix qui se fait entendre à moi et qui, chaque fois que cela arrive, me détourne de 6E queje suis e train je Nie, mais ne me pousse jamais à l'action » ; Phdr., 242 b-c : « Or le signal divin ne fait jamais que m'arréter, quand il arrive que je me dispose à

agir ». Voir aussi Rs. 496c, Euthd., 272e, Euthphr., 3b. "5? XEN, Mem, 1, 1, 2-45 4, 8, 15 Symp., 8, 5; Ap. 4; 12 et APVL, Socr., 18 : « Il se réservait d'ailleurs pour les cas oü, la dageise cessant son

office, Socrate avait besoin non d'un conseil mais d'un présage et voulait s'appuyer sur la divination quand l'hésitation le faisait trébucher. Nombreux sont les cas oà méme les sages courent les devins et les oracles ». : | | 79! « Je crois, pour ma part, qu'il ne percevait pas les signes de son démon seulement par les oreilles, mais aussi par les feux. Car log gp au lieu d'une voix (cf. PL., Ap., 31d), c'est un signe divin (signum diuinum ; cf. PL., Phdr., 242 b-c) qui, selon ses déclarations, se —

€ E

Il est possible que ce signe ait consisté dans une apparition du démon lui-méme, visible pour Socrate seul, comme Minerve pour l'Achille d'Homére ». "* M. Détienne, La notion de daimón dans le pythagorisme ancien, Paris, 1963. Sur l'existence non pas d'un mais de deux démons personnels, l'un poussant au mal, l'autre au bien, voir P. Boyancé, « Les deux démons personnels dans l'Antiquité grecque e£ latite », Revue de Philologie, 9, 1938, p. 189-202. Cette conception dyadiste, héritée de Philon d'Alexandrie et des néopythagoriciens, en puttcullee Lydus et deem. A adoptée par Bocchi dans le Symbolum 72 où deux petits génies se disputent le « vase » del Mo Les bres doner sont assi E $a R à la par encore ou l'humain, posséder viennent qui morts des ámes des croyances pythagoriciennes, à des puissances vindicatives nées irréductible de bien ou de mal dans la nature de l'áme allouée à chaque humain, comme le rappelle Aristoxéne, dans les Pythagorikai apophaseis citées par Stobée, Ecl., 1, 6, 18 : « En ce qui concerne le destin, voilà ce qu'ils soutenaient : une part du déstin est de nabute cem car certains parmi les hommes regoivent de la part de leur démon une tendance à faire le bien ou le mal, ce qui fait bien kso ghe eh

sont favorisés par le destin, les autre, défavorisés ». Chez les philosophes, en particulier Piutirque, Dieu étant parfait, le diens la matière, au devenir, à la génération et à la corruption, ne peut ètre engendré que par lé démon, scii * la passion. Voir



s: ^

Osiride, 45 : « Il faut qu'il y ait dans la nature, comme il existe pour le bien, un principe particulier qui donne naissance au mal. réservent le nom de Dieu au principe meilleur et appellent démon le plus mauvais ».

, s: t S

Certai

839

;

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

la misericordia'^* et, pour qu'il ne s'emporte pas et se montre familiaris (v. 3), « amical », Bocchi rappelle qu'il vaut mieux le célébrer par « le culte qui lui est dà », honore sibi debito (v. 2-3). Mais là où l'homme

dans un corps soumis au désir et à la passion, et de mettre l'homm e en contact avec le monde idéel, dans les moments privilégiés où le corps repose, comme le sommeil, l'agoni e ou l'extase prophétique. L'ajout par Bocchi

demeure

caecutientem, stultum, imbecillem, ignarum, le démon est au contraire uidens, sapiens, fortis, gnauus (v. 7-8), à la

de mens dans l'expression idiomatique mens aduertitur (v. 12) « se tourner vers » c'est-à-dire « tourner son esprit vers », là oà Apulée se contente d'employer la tournure ellipti que mais plus usuelle animaduertitur, signale

ressemblance de la divinité. Ainsi, il est bien plus que la simple force dissuasive qui retient Socrate. Il est réellement un numen dont le pouvoir va jusqu'à corriger le cours des événements, comme l'indiquent les

discrétement que le démon a partie liée avec cette faculté, voire s'identifie à elle. Les admonestations répétées au culte du dieu personnel, décliné es et modulées par Bocchi en diverses

expressions du texte bocchien: bona prosperare, auertere mala, excitare humillima, titubantia fulcire, clarare tenebrosa, sidera aduersa corrigere (v. 21-23). La derniere expression ouvre des perspectives astrologiques,

formulations telles iuste innocenterque genium colas tuum dans le titulus, ou si rite mens aduertitur, si sedulo/

permises par la localisation ancienne des génies dans l'univers stellaire. Le bon génie se mue ici en bonne étoile et peut s'opposer ou s'allier à la tendance astrale qui préside à l'existence de l'individu et que les prévisions généthliaques peuvent déterminer voire aider à modifier. Le recours à la bonne étoile peut aller en effet jusqu'à corriger les défauts de la nature et donner à l'homme les forces qui lui manquent, comme le rappelle Marsile

Cognoscitur pie et colitur [ ... ]/ Iustitia et innocentia integer rima dans les vers 12 à 1 5 rappellent qu'en se tournant

vers son démon, l'homme accepte de se convertir aux impératifs de la faculté supérieure en lui, et, par conséquent, de négliger l'attrait des biens qui ne concourent pas à sa pleine réalisa tion. Le démon est une fiction

allégorique pour signifier l'exercice individuel de la sagesse, de la vertu rationnelle, ou de la philosophie, qui

Ficin :

apporte salut (salubrius, v. 25) et bonheur. D'origine platonicienne, cette idée est reprise par le cynisme/9* et le Stoicisme, quoique dans des perspectives anthropologiques radicalement différentes?5? .

Si tu t'interroges sur la nature du démon de Socrate, on te répondra qu'il était igné, car il poussait Socrate vers le

haut, vers la contemplation, que, de méme, il était lié à Saturne car tous les jours, de maniére prodigieuse, il incitait

Il vit avec les dieux celui qui leur montre une àme satisfaite du sort qui lui échoit et qui agit conformément à la volonté du démon attribué à chacun par Zeus comme chef et comme guide et qui est une parcelle de lui-méme.

l’àme à vouloir sortir du corps. Il était inné et non pas acquis, En effet, Socrate prétend que dés l'enfance, son démon l'attirait. Il ne le poussait jamais à l'action, n'étant pas lié à Saturne, mais le détournait de certains actes, puisque lié à Saturne. De méme, il ne s'attachait pas aux pas d'un homme enclin par nature au bien mais lui mettait un frein lorsque, dans le choix de la voie à suivre, cet homme

par une supposition trompeuse*!*,

risquait visiblement d'étre induit en erreur

D'autre part, l'on peut remarquer que, dans le texte d'Apulée cité par Bocchi, le terme genius est accompagné de toute une série d'adjectifs qui marquent l'indissociation du dieu tutélaire d'avec son protégé : proprium (v. 2), familiarem. (v. 3), singularis (v. 5), domesticus (v. 8), indiuiduus (v.9), inseparabilis (v. 10). L'attachement indéfectible du daimón à la personne dont il a la garde se signale dans le terme latin genius lui-méme (de gigno, « naitre »), qui connait justement une acception oü il désigne moins une divinité extérieure à proprement

parler que la personnalité méme du sujet/?'5, Le genius est précisément ce qui détermine l'homme ingeniosus,

« ingenieux » dit Guy Le Févre de la Boderie??6, « homme de génie » dirions-nous aujourd'hui, c'est-à-dire celui que son tempérament mélancolique, sous le signe de Saturne, voue aux travaux de contemplation et de

haute inspiration, à l'instar de Socrate. Dans la tradition platonicienne, le démon fait partie intégrante du sujet qu'il protége puisqu'il constitue la part noétique la plus pure de l'individu (vo? ou mens), don émanant de Dieu,

à l'abri du devenir et des fluctuations de la matiére^*", Cette partie contempl ative et divine, supérieure encore

aux facultés rationnelles de la vx ou de la ratio, est chargée de réguler les troubles liés à l'incarnation de l'àme,

“13 APVL,, Socr., 12: « C'est pourquoi les démons ressentent de la compassion, de la colere, de l'angoisse et de la joie et toutes les émotions de

l'áme humaine ». Voir aussi ibid., 13 : « Car ils sont soumis aux mémes agitations de l'àme que nous ». 614 FICIN,

Commentaire à l'Apologie de Socrate (nous avons consulté le texte dans l'édition Froben de Bále,

1590, p. 797) : Si quaeras qualis Socratis demon fuerit, respondibitur igneus, quoniam ad contemplationem sublimium erigebat. Item Saturnius, quoniam intentionem mentis quotidie mirum in modum abstrahebat a corpore, Attributus quoque ab initio, non acquisitus. Nam sibi a puero dicit aspirauisse. Non prouocabat unquam, qui non Martius, sed saepe ab actionibus reuocabat, qui Saturnius. Item non adhibebat calcaria uiro per se ad honesta propenso sed cohibebat freno, ubi in eligendis ad finem uiis ob coniecturam fallaciam posse decipi uideretur.

15 C£ PLAVT., Pers, 263 : genio suo multa bona facere, « se faire plaisir », Aul., 724 et TER, Phorm., 44. Voir aussi BOCCHI , Symb. 70; v. 20 : quod 75^ Voir sa traduction Les trois livres de la vie, Paris, 1581, ch. s : « Pourquoi les mélancoliques sont ingenieux », renvoyant à Marsile Ficin, De uita triplici, 1, 6: Cur melancholici ingeniosi sint. Cf. CIC., Tusc. 1, 80 : omnes ingeniosos melancholicos esse. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, ingeniosus ne vient pas d'ingenium mais bien de genius et l'italien a d'ailleurs conservé « genio » aux cótés d'« ingenio ». Voir R. Klibansky, E. Panofsky, F. Saxl, Saturne et la mélancolie, Paris, 1989 pour la traduction francaise, en particulier l'Appendice V : « Genius », p. 680-684 et Paul Zumthor, « À Propos du mot “ génie " », Zeitschrift für romanische Philologie, 66, 1950, p. 170-201. Voir également l'excellente synthése

genio libeat proteruo , et Symb. 82, v. 8 : celeri genio.

de J. Lecointe, L'Idéal et la différence. La perception de la personnalité littéraire à la Renaissance, Geneve, 1993. 75" PL, Tim. 90a ; Voir aussi Crat., 398a ; PLVT.,De Genio Socratis, 22, d-e

: « La partie de l'étre immergée dans le corps qui l'entraine s'appelle àme (Vvy1]) ; la partie inaccessible à la corruption est appelée esprit (vovc) par le commun des mortels qui croient que cet élément se trouve à l'intérieur d'eux-mémes, comme on croit que sont emprisonnés dans les miroirs les objets qui s'y refléten t ; mais les gens qui pensent juste sentent qu'il est extérieur et l'appellent démon

».

Ce démon, c'est l'intelligence et la raison que recéle chacun de nous?€?,

Ces propos topiques sur le démon sembleraient bien convenus si la gravure et ses éléments périphériq ues — la dédicace de Bocchi à son fils et le titulus annongant une « citation tirée des lettres sacrées des Égyptiens » -ne venaient pas en bouleverser quelque peu les horizons paiens. 2. L'ambiguité d'une apparition : ange ou démon ?

L'évocation du genius ou daimón dans l'épigramme pose le probléme de l'identification du personn age représenté sur la gravure. Avec ses ailes et sa physionomie androgyne, il ressemble beaucoup au daimón eudaimón représenté aux cótés de Socrate dans le Symb. 3. Mais cette indétermination sexuelle méme, doublée de la présence d'un diadéme en forme de langue de feu et d'une auréole, fait basculer le personnage du cóté de l'ange biblique, et en particulier de l'ange-gardien. Le détail iconographique de l'index de la main droite dressé vers le haut, pour désigner une réalité supérieure dont le personnage n'est que l'émissaire subalterne, ne permet Pas davantage de trancher l'ambiguité, dans la mesure oi, comme le démon, lange est une créature intermédiaire entre Dieu et les hommes. L'examen des facultés respectives du démon personnel et de l'ange-gardien laisse apparaitre des similitudes constitutives qui les rapprochent de facon troublante. Tous deux sont attachés à un individu dont ils assument la destinée ; ils sont des intermédiaires entre l'homme et Dieu ; ils ont un róle de guide, d'assistance et d'éducation

de l'étre qui leur est confi?! D'une certaine maniére, la pensée chrétienne a consacré une spécification des

fonctions démoniques antiques dont elle est l'héritiére, en attribuant aux démons un róle négatif de tentation???

18 Voir par exemple ce que dit Diogene à Alexandre dans DION CHRYSOSTOME, IV* Discours : Sur la Royauté, 75 dans L. Paquet, Les Cyniques grecs : fragments et témoignages, Paris, 1992, p. 264 : « Sache bien que tu ne seras jamais un roi avant que tu ne te sois concilié ten bon génie, que tu en aies pris soin comme il faut et que tu l'aies rendu maítre, libre et royal — et non pas, comme tu l'as à présent, esclave, sewile et pervers. ” 15 En effet, chez Platon, la contemplation, activité propre au vobc, n'est possible que dans le contexte d'une dichotomie psychologique radicale, qui ne pose pas comme véritablement humaines les facultés inférieures. Le stoicisme pose au contraire l'exercice de la raison dans une

continuité naturelle permise par un monisme psychologique et, si le sage renonce aux biens attachés à la partie animale de sa nature, c'est que la

raison, qui atteint sa perfection dans la Vertu, est plus conforme encore à cette nature humaine que les. facultés biologiques et définit sa spécificité par rapport aux autres étres vivants en l'apparentant aux dieux. Voir C. Lévy, Les Philosophies hellénistiques, Paris, 1997, p. 101-181.

"22 M, ANT, Medit., 5, 27. 2621 ORIG., Hom. in Num.,

20, 29 : « Chacun de nous, méme les plus humbles au sein de l'Église de Dieu, a un bon ange à ses cótés, un ange de

Dieu, pour le diriger, l'avertir, le gouverner [... ] ». Voir aussi HIER., In Matth. 17, 10 : « La grande dignité de l áme réside dans le fait que chacune, depuis le jour de la naissance, posséde pour sa garde un ange qui lui a été délégué. » Pour d'autres exemples voir R. Schilling, « Genius et Ange », dans Id., Rites, cultes et dieux de Rome, Paris, 1979, p. 415-441.

S

1

,

a tradition chrétienne des évangiles concoit le démon comme le « prince de ce monde », dispensateur des téntations et de la folie, comme

le rappelle la formule évangélique Satióvtov &yeic pour « tu délires ». Pour ces questions, voir B. Teyssédre, Naissance du diable : de Babylone

840

an-————

841



Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

et aux anges une fonction positive d'intercession et d'intermédiaire entre les hommes et Dieu. Chargés de la louange divine, les anges ont aussi à assurer la garde invisible des hommes car « ils sont envoyés en service pour ceux qui doivent hériter du salut »75?, L'attribution biblique d'anges aux nations se double de la conception d'un ange personnel qui éduque le fidéle auquel il est préposé, assurant son élévation spirituelle vers Dieu. À la Renaissance, bon démon et ange-gardien sont assimilés, surtout dans le cas de Socrate que l'on considere comme le préfigurateur de la vie christique’**, Chez Ficin, les deux termes recouvrent une notion unique?95, Cette identification partielle entre ange et démon, trés sensible dans la gravure, invite à considérer dans un sens chrétien l'épigramme inspirée d'Apulée, point sur lequel nous reviendrons. Mais cette ambiguité fondamentale qui évoque implicitement le démon à travers l'ange permet en méme temps de comprendre la présence de la suite hiéroglyphique sur la gravure.

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

l'abri des désordres de la matiére. La matiére en effet, ou dyade, est par excellence le principe d'altérité et d'altération. Plus l'àme de Socrate s'en éloigne, plus elle retrouve sa nature premiere, divine et stable et se montre donc réceptive aux influx divins. La substance du message démonique se communique directement à l’Ame : Chez Socrate au contraire, l’esprit, pur et exempt de passions, n’ayant guère commerce avec le corps que pour les

besoins indispensables, avait assez de sensibilité et de finesse pour réagir immédiatement à l’objet qui venait le frapper. Et cet objet n'était vraisemblablement pas un langage articulé, mais la pensée d'un démon qui, sans le truchement d'une voix, entrait en contact avec l'intelligence du philosophe par le seul contenu de son message. En effet, le son de la voix ressemble à un coup qui, par l'organe de l'ouie, fait passer jusqu'à l'áàme les paroles que nous prononcons dans la conversation, la contraignant à les recevoir ; au contraire, l'intelligence de l'étre supérieur conduit une àme bien douée simplement en l'effleurant par la pensée qu'il a congue, car l'àme n'a pas besoin d'un coup qui la frappe?*"*,

3. La congruence du visible : la suite hiéroglyphique comme message démonique ou Colonna au rebours de Colonna

L'ange ou démon de la gravure n'occupe en effet que le tiers supérieur de l'image. Ses bras déployés exhibent une sorte d'immense uolumen oü la suite hiéroglyphique de Colonna, originellement constituée sur trois lignes, vient s'inscrire sur quatre, sans doute pour des contraintes d'équilibre visuel et de répartition harmonieuse des signes, qui doivent ici évoquer moins un bas-relief qu'un manuscrit. Or ce geste de déploiement, doublé de l'index levé vers le ciel, exclut que le personnage n'ait pas d'autre róle que celui de porteur décoratif du message et nous semble traduire au contraire un rapport syntaxique de possession : les caractéres hiéroglyphiques sont chargés de traduire la nature extraordinaire et mystérieuse du discours de l'ange lui-méme. La nature prétendument hiéro-glyphique de la suite, qui l'assimile à une « écriture sacrée » est rappelée sans ambiguité dans le titre, ex mysticis Aegyptiorum litteris, et cette association de l'ange ou démon avec le signe hiéroglyphique, loin d'étre un parti-pris arbitraire ou fantaisiste, s'appuie au contraire sur une parfaite connaissance des conceptions que l'on se fait de l'un et de l'autre à la Renaissance et qui portent inévitablement à les rapprocher. On se souvient que, dans le texte d'Apulée versifié par Bocchi, trois modes de manifestation démonique sont

Le langage humain est concu comme une image ou une représentation amoindrie de la nature de la pensée. L'expression sonore, parce qu'elle passe par l'intermédiaire d'un organe sensitif, entache d'obscurité l'activité noétique qui est pure lumiére, selon une métaphore de Plutarque. Seul l'homme sage et vertueux a le privilége

d'entrer en contact avec la divinité sans l'intermédiaire du langage'9?. L'explication technique de ce phénoméne

repose sur l'hypothése que l'alliance du corps et de l'àme est assurée par l'existence d'un élément subtil d'origine astrale et éthérée, le spiritus ou pneuma qui fait office de véhicule de l'àme, lui permettant de descendre pour s'incarner ou de remonter vers les espaces supra-lunaires aprés la mort physique (voir l'analyse du Symb. 3

et la bibliographie)". Hermias d'Alexandrie (V* s. apr. J.-C.), qui s'appuie essentiellement sur Plotin et

Jamblique, explique que c'est par l'intermédiaire du véhicule, et gráce à sa subtilité, que l'àÀme humaine peut entrer en contact avec l'áàme démonique sans l'intermédiaire de sons articulés :

définis aux vers 20-21 : somnium, signum, coram. Nous avons rappelé que coram signifiait dans ce contexte « de

Mais en fait ce n'est point par ces oreilles organiques que nous écoutons, ni par cette vue, ni par ces yeux organiques que nous voyons les apparitions divines ou démoniques. Au contraire, puisque dans le pneuma les sensations sont plus essentielles, plus exemplaires et plus pures que toutes ces sensations fournies par les organes, il est bien évident qu'en ce qui les concerne, c'est l'àme qui entend et qui voit les signaux divins. [ ... ] Le véhicule de l’àme démonique s'unit à celui de l’àme humaine ; ce véhicule démonique ne se sert pas de la langue ou des autres organes de la parole mais de la volonté méme de l'àme du démon pour produire quelque impulsion ou son harmonieux et chargé de sens, que l'àme de l'homme percoit gráce à la faculté sensible située dans la partie la plus essentielle du véhicule",

vive voix ». Or cette voix du démon tutélaire, évoquée par Platon et dont Apulée souligne le cóté étrange et indéfinissable??^, est une notion trés difficile à définir et semble n'étre en réalité qu'une commodité d'expression pour décrire le mode de communication trés particulier qui s'exerce entre le démon et son protégé

et qui, selon une tradition bien attestée chez les néoplatoniciens, ne s'effectue pas par l'intermédiaire d'un

langage articulé ni d'organes phonatoires, mais par une sorte d'intuition contemplatrice, indépendante de la matiere et de la perception, qui s'accomplit au sommet de l'àme, dans cette « pointe » sacrée de l'esprit (apex mentis") oà l'humanité peut s'ouvrir au divin. C'est Plutarque qui avance l'hypothése selon laquelle Socrate communique avec son démon sans l'intermédiaire d'un langage articulé ou sonore car son áme est tout entiére à aux grottes de la Mer Morte, Paris, 1985 ; Le diable et l'enfer au temps de Jésus, Paris, 1984. Voir aussi F. Faure, « L'homme accompagné. Origines

et développement du théme de l'ange gardien en Occident », Les Cahiers de Saint-Michel de Cuixà, 28, 1997, p. 199-212 et les articles de B. Decharneux, « Anges, démons et logos dans l'eeuvre de Philon d'Alexandrie » dans Anges et Démons, Actes du Colloque de Louvain-La-Neuve

25-26 novembre 1987, Louvain, 1989, p. 147-175, de J. Klener, « Démonologie talmuldique et ashkénase », ibid., p. 177-201, de J. Giblet, « La

puissance satanique dans l'Évangile de Jean », ibid., P- 291-300 et J. Ponthot, « L'angélologie dans l'Apocalypse Johannique », ibid., p. 301-312. Voir aussi J. Daniélou, « Démon, démonologie chrétienne primitive » dans le Dictionnaire de Spiritualité, t. III, Paris, 1957, col. 182-189 et

H. Schlier, Principautés et dominations dans le Nouveau Testament, Paris/Bruges, « Quaestiones disputatz », 1968. 23 VvrG., Hebr. 1, 14, cité par L. Leloir, « Anges et démons chez les Péres du désert », dans Anges et démons, p. 315.

79^ FICIN, Epitome in Phaedonem : [Socrates] uitae Christianae imago quaedam aut saltem umbra. (cité par G. Saitta, Marsilio Ficino e la filosofia

dell'umanesimo, Bologne, 1954, P. 52. 75 FICIN, Commentaire aux Lois, (édition de Lyon, 1590, p. 839, 2bc) : Atque ubi familiarem daemonem inquit multis saepe malis obsistere, si daemonis horres nomen uel concedente Platone angelum nominato « Et lorsqu'il dit que son démon familier faisait obstacle souvent à de nombreux

maux, si le terme de démon te choque, adopte le nom * ange " et méme Platon te le pardonnera ».

795 APVL., Socr. 20, 166: « Mais du moment qu'on dit avoir entendu " une sorte de voix " (cuiuspiam uox), ou bien on ignore d'oü elle provenait, ou bien on a un doute sur sa réalité, ou bien on indique par là qu'elle avait quelque chose d'insolite et de mystérieux (quiddam

insolitum et arcanum), telle cette voix dont parlait Socrate et qui, disait-il, lui venait des dieux (diuinitus editam) en temps opportun ». 7?" Sur ce terme fondamental repris par Augustin et hérité du platonisme et du stoicisme, voir E. von Ivànka, Plato christianus, la réception

critique du platonisme chez les Péres de l "Église, Paris, 1990 (pourla traduction francaise), p. 291-336.

842

s

PLvr., De Genio Socratis, $88 d-e. Nous soulignons.

7? Ibid., 589 a-c: « Car, en réalité, la maniére dont nous communiquons nos pensées par l'intermédiaire du langage parlé ressemble à un

tátonnement dans les ténébres ; tandis que les pensées des démons, qui sont lumineuses, brillent dans l'àme des hommes démoniques ; elles n'ont pas besoin des paroles et des mots que les hommes emploient comme signes pour communiquer entre eux, ce qui fait qu'ils n'ont que des figures et des images de leurs pensée, dont ils ignorent la réalité méme, hormis les hommes, qui, comme je l'ai dit, regoivent une lumiére Spéciale qui leur vient des démons. » 269 Sur l'origine stoicienne de cette notion de souffle matériel qui sert d'intermédiaire entre l’àme et le corps, voir G. Verbeke, L'évolution de la doctrine du « pneuma » du sloicisme à saint Augustin, Paris/Louvain, 1945 ; J. Pépin, « Saint Augustin et le symbolisme ntopitonidieh de la véture », dans Id., La tradition de l 'allégorie, p. 137-165 ; S. Toulouse, « Influences néoplatoniciennes sur l'énalyse augu£tinienne des uisiones », Archives de philosophie, 2009, 72/2, p. 225-247. Voir également les définitions qu'en donnent ARISTOTE, De spiritu, 1, 481 et AVICENNE, De

Anima, 2, 2, 42-43. Pour une étude de cet élément de l'Antiquité à la Renaissance, voir R. Klein, La forme et l'intelligible, Gallimard, 1970 (pour

la traduction francaise), ch. 1 : Spirito peregrino. Pour la nature du spiritus chez Ficin, voir les citations données par P.O Kristeller, Il pensiero filosofico di Marsiglio Ficino, Florence, 1953 (pour la traduction italienne), p. 404 : « Mais revenons à la perte du corps qui est la plus proche de

l’àme. Les Mages l'appellent véhicule de l'àme; c'est précisément un corps éthéré, regu de l'éther. € est le vétement éternel de Pániej

naturellement de forme ronde, conformément à la région de l'éther, mais qui prend forme humaine lorsqu'il entre dans un corps humain, et qui

reprend sa forme initiale lorsqu'il s'échappe. »

»

i

^?! HERMIAS D'ALEXANDRIE, In Platonis Phaedrum scholia, 95, 7-18, éd. P. Couvreur, Paris, 1901, p. 68-69. Ficin reprend ces élésbents pour

décrire la nature de la communication entre Socrate et son démon dans son Commentaire à l'Apologie, p. 798 : Aspirabat menti, ostenta oculis

uoces auribus suggerebat. Sed quibus oculis atque auribus ? Visui uidelicet atque audiuit qui per omne eduntur corpus ethereum sub manifesto hoc

corpore latens. Poterat autem Socrates per aetheros sentire sensus, ab elementaribus sensibus se facile reuocans. Ostensa cernebat per eosdem sensus et

843

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

D'autre part, cette conception d'une langue contemplative qui met en contact direct l'homme et la divinité, sans la médiation dépravante de la parole, n'est pas étrangére au christianisme et un texte trés éclairant de Valeriano signale précisément que lorsque les textes bibliques évoquent la voix de Dieu, celle-ci n'a rien d'organique mais est inspiration ou illumination du cor humain, équivalent dans ce contexte à la Mens, la partie démonique : Mais Dieu n'a pas de bouche ou de langue pour parler. Il faut en fait comprendre que Dieu semble parler lorsqu'il répand son souffle (inspirat) dans le cceur (corda) des saints et des prophétes ou méme lorsque, par sa divine inspiration (suo afflatu) il fait parvenir jusqu'à leurs oreilles le son d'une voix (uocis sonum). Car si ce qu'on appelle la voix humaine consiste à frapper de l'air (aer ictus), on peut aussi dire que la voix de Dieu consiste à frapper de l'air, par la force (ui) ou par la divine volonté (uoluntate diuina). Ainsi, l'àme illuminée par le souffle

divin (illuminata mens per Dei spiritum) prend la forme de paroles (formatur in uerba). De là vient que l'on dit que

Dieu parle à l'homme, car la débilité de l'esprit humain ne saurait entendre parler de Dieu autrement^5".,

Or, à la Renaissance, le contresens majeur que l'on fait sur les vrais hiéroglyphes égyptiens, et que l'on reporte sur les pseudo-hiéroglyphes inventés à l'époque, consiste précisément à les concevoir, non comme des signes linguistiques constituant un langage, mais au contraire comme des images noétiques directement faconnées sur

les réalités intelligibles et permettant à l'homme d'entrer en contact avec la divinit£?, La compréhension soidisant instantanée des res significatae, les concepts, n'a donc que faire du truchement sensible des res significantes, c'est-à-dire les vocables. Le symbole hiéroglyphique, en permettant une intuition concue comme purement

intellective, constituerait une sorte de clé ouvrant au coeur méme de l'essence des choses et du divin. Il retrouve

son sens étymologique sym-bolos, « le báton de reconnaissance », qui fait unité avec la part qui lui manque. Le hiéroglyphe serait le versant visible, consubstantiel à la part invisible d'une seule et méme réalité, l'Idée, au sens platonicien??*, Plotin rappelle cette union et cette coexistence fondamentales entre l'idée (exemplar) et sa

représentation (subiectum illud spectaculum) que le symbole hiéroglyphique donne à voir simultanément (una collectum )^*. La sacralité de cette langue réside dans l'idée abondamment répandue qu'on ne pourrait y accéder

qu'au terme d'une ascése bien connue du platonisme, qui est la libération progressive de l’àme hors de la chair. Si la notion d'intermédiaire est nécessaire pour relier entre elles deux entités de nature différente, en revanche, si cette nature est identique, l'impératif d'une copule disparait. Entre l'àme subtile de Socrate et son démon s'opére une analogie d'essence et l'obligation d'un intermédiaire corporel comme les organes de la parole ou de

l'ouie disparait. Autour de la langue des Égyptiens s'élabore donc à la Renaissance le mythe à la fois paien et somnians pariter et uigilans. Similiter Auicenna probat prophetas angelorum et species cernere et uoces audire. « Le démon s'adressait à son àme, donnait des signes pour les yeux et des messages pour les oreilles. Mais à quels yeux et à quelles oreilles s'adressait-il ? Assurément, aux organes

de la vue et de l'audition qui affleurent dans tout le corps éthéré qui se dissimule sous cette enveloppe charnelle que nous voyons. Socrate ainsi

pouvait faire appel aux sens éthérés en s'abstrayant facilement des sens élémentaire s. Gráce à ces mémes sens éthérés, il pouvait percevoir les

signes, autant en état de veille qu'en dormant. C'est d'une maniére identique qu'Avicenne a prouvé que les prophétes pouvaient apercevoir la silhouette des anges et entendre leurs propos. »

75? VALERIANO, Hieroglyphica, XXIX : De Crocodilo, p. 206d-e : Deus.

753 K. Gielhow, « Die Hieroglyphenkunde des Humanismus in der Allegorie der Renaissance », Jahrbuch des Kunsthistorischen Sammlungen des allerhóchsten Kaiserhauses, Band XXXII, Heft 1, Vienne et Leipzig, 1915, p. 1-232. Voir également C. Balavoine, Le modéle hiéroglyphique à la Renaissance, dans Le modéle à la Renaissance, Paris, 1986, P- 209-225 ; Ead., « De la perversion du signe égyptien dans le langage iconique de la

Renaissance » dans C. Grell (dir.), L'Égypte imaginaire de la Renaissa nce à Champollion, Paris, 2001, p.27-49; et H. Gombrich, « Icones

symbolicae, l'image visuelle dans la pensée néoplato nicienne », dans Symboles de la Renaissance, Paris, 19807, p. 17-30. e. Voir

par ex. IAMBL., Myst., 2.50, traduction de Ficin (Bále, 1576 P- 1991, cité par K. Gielhow, « Die Hieroglyphenkunde », p. 23 note 2). PLOT., En., s, 8, 6 (nous traduisons d aprés la version latine de Ficin dans l'édition de Bále de 1559, p. 461, citée par K. Gielhow, « Die Hieroglyphenkunde », p. 23 note 3) : « Il me semble que les sages d'Égypte , [s] lorsqu'ils ont voulu traduire pour nous les mystéres de la sagesse, n'ont pas dessiné des lettres, propres à exprimer les développements du discours, [ ... ] mais préférant représenter chaque chose par une image précise et les gravant dans leurs temples, ils laissaient directem ent la chose parler d'elle-méme. Car, assurément, c'est à la fois par la science et la sagesse qu'une image ou plutót l'idée et la forme qui lui est soumise est saisie, et non par une réflexion ou une délibération. Mais ensuite, à partir de la forme méme de cette idée ou sagesse, instanta nément tout le dessin s'imbrique à présent dans un autre, propose une sorte eben ge

et dévoile pourquoi les choses ont été ainsi concues, pendant que l'ordre d'ensemble, du fait de sa cohérence, suscite 'admiration ».

844

chrétien d'une pensée immédiate qui circulerait instantanément gráce au pneuma, sans l'embarras d'un intermédiaire linguistique et par conséquent organique, et qui mettrait l'homme en contact direct avec les réalités divines, en particulier avec le démon personnel. Pour peu qu'il veuille bien se plier à ses volontés, l'homme partagerait avec sa divinité tutélaire le privilége d'une vision pure et subtile que l'écran du corps et de la matiére ne saurait permettre et dont la suite hiéroglyphique se veut, en quelque sorte, la transcription fidéle et la figuration. Si les hiéroglyphes de la gravure bocchienne figurent bien le discours de l'ange ou démon, ils attestent aussi que la nature du message délivré n'est pas vocale mais pure inspiration. Or le paradoxe de cette position, c'est que Colonna, en « traduisant » les hiéroglyphes, en les pliant à une syntaxe et en utilisant un lexique de symboles essentiellement empruntés à l'Antiquité, insiste sur la littéralité et abolit la possibilité méme qu'une séquence hiéroglyphique puisse étre un message directement inspiré par la divinité. Bocchi ici se sert donc de Colonna au rebours de Colonna, en maintenant cóte à cóte deux positions qui normalement s'excluent mutuellement : le hiéroglyphe comme message envoyé par Dieu ; le hiéroglyphe comme langue cryptée relevant d'une création et d'une culture humaines. Bocchi réussit-il à dominer la contradiction ? De fait, le paradoxe $'atténue gràce à la notion de « message divin », qui veut dire à la fois message envoyé par Dieu et message qui traite de Dieu. Reste à savoir quel est le contenu et la portée de ce message et comment il s'insére dans l'économie générale de l'embléme. 4. Une invitation à la conversion évangélique ?

La séquence hiéroglyphique de la gravure, empruntée, comme nous l'avons dit, à Colonna (Fig. 1), a déjà une signification précise, établie dans le Songe de Poliphile lui-méme : Ex labore deo naturae sacrifica liberaliter, paulatim reduces animum deo subiectum. Firmam custodiam uitae tuae misericorditer gubernando tenebit, incolumem quae seruabit^9*5, De ton labeur, fais un sacrifice généreux au Dieu de Nature et tu raméneras peu à peu ton áme dans la soumission à Dieu. En te guidant avec miséricorde, Il mettra ta vie sous bonne garde et la conservera saine et sauve.

G. Pozzi montre que la suite peut se décomposer en mots-notions/*" : bucrne = travail, ceil = Dieu, vautour =

nature, autel = sacrifice, bassin = libéralité, aiguiére d'oü s'écoule l'eau = peu à peu, fuseau = réduction, vase = l'áme, ceil sur la sandale = soumission à Dieu, ancre et oie = ferme protection, lampe tenue par une main = ta vie,

timon = action de gouverner, hamecons = action de retenir, dauphin = salut, coffre = conservation. Les rapports

syntaxiques sont eux aussi traduits visuellement, par exemple l'inscription plastique de lil et du vautour sur

l'autel pour traduire le destinataire du sacrifice, Deo nature, l'ancre attachée par un ruban à l'oie pour traduire

l'épithéte « ferme » accolée au substantif « protection », ou la main serrant la lampe pour renvoyer à un

possesseur et traduisant donc un adjectif possessif, ici « ta », efc.

Or la forme de réciprocité religieuse célébrée par la suite colonnesque, où le labor improbus aux racines virgiliennes et chrétiennes permet le rachat et l'expiation de la Faute, la conversion vers Dieu et l'espoir du salut, rappelle étrangement le propos de l'épigramme, qui appelle au culte du génie et célébre la sécurité qui s'ensuit. De fait, le détour par la traduction latine des hiéroglyphes que donne Colonna lui-méme permet de constater les similitudes tissées entre la suite et l'épigramme et qui se répondent en écho. La malléabilité réelle du sens des signes hiéroglyphiques évite en fait la stricte univocité et permet qu'en face de la suite de Colonna, qui se veut la Version énigmatique, sacrée et libérée du langage d'un certain message, on puisse lire, en guise de traduction développée, Apulée versifié par Bocchi : A36 qu COLONNA, Hypnerotomachia Polifili, p. 33 Pozzi-Ciapponi. Le texte se présente ainsi: 1?) Poliphile décrit les hiéroglyphes ; 2?) Une

Phrase de transition, « Erano questi hieraglyphi optima scalptura in questi graphiamenti » introduit le cadre ps aao les hiéroglyphes 23 )

Sous le cadre prend place une autre phrase de transition « Le quale vetustissime et sacre scripture pensiculante, cusi io le interpretai » qui annonce la transcription latine des pseudo-caractéres égyptiens. 1 s ' 52 Pozzi, « Les hiéroglyphes de l' Hypnerotomachia Poliphili », dans Y. Giraud (dir.), L'Embléme à la Renaissance, Paris, 1982, p. 15-27.

845

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traductum, annotation, commertaire — Livre V

- les termes rebus tuis, bene profici (v. 1) évoquant l'idée d'activité, peuvent correspondre à ex labore et donc au

démon protecteur avait partie liée avec l'intériorité Psychologique ou morale d'un individu, au point de la

bucrane ;

signifier parfois allégoriquement et de traduire comme entité séparée la pointe divine de l'àme, que l'homme fol

des pratiques religieuses et peuvent avoir pour correpondant sacrifice c'est-à-dire l'autel ; -à iustitia et innocentia integerrima (v. 15) correspondrait liberaliter, illustré par le bassin (Le terme liberaliter signifie « généreusement, avec munificence », mais il peut aussi prendre le sens de « dignement,

premiere ligne, ne saurait étre neutre dans un recueil oà nous avons vu à quel point Bocchi se préoccupe de la réforme de certaines pratiques et de certaines conceptions religieuses. La matiére philosophique et la forme colonnesque jouent le róle de masque qui permet d'occulter la teneur véritable du message délivré L'app à lael piété envers l'ange gardien ne saurait heurter l'orthodoxie des conceptions catholiques mais elle aussi l'avantage, en passant par les dogmes philosophiques ayant trait au génie, d'évoquer de maniere détournée et cryptée un culte religieux secret, intérieur et absolument personnel qui serait le seul moyen pour l'homme d'accéder au salut et de voir pardonnée sa condition dépravée. Ce culte de la Mens, suggéré par le culte de lange, suppose que l'intériorité individuelle puisse devenir un temple oà se célébre la vraie révérence à Dieu, celle qui, méprisant les simagrées insincéres et les priéres « proférées sans y penser», se moque des cérémonie:

- les termes honore sibi debito (v. 3) ainsi que rite, sedulo cognoscitur, pie et colitur, cultus esse (v. 12-14) indiquent

noblement ») ;

— ducit te (v. 6) et mens aduertitur (v. 12) seraient à mettre en parallele avec paulatim reduces animum , exprimé

par le fuseau, l'aiguiére versant son contenu et le vase, dans l'idée commune d'une direction morale ;

- les antithéses caecutiem uidens, stultum sapiens, imbecillem fortis, gnarus ignarus (v. 6-8) ont pour fonction d'établir un rapport hiérarchique entre l'individu et le démon, infériorité que l'on peut retrouver dans [animum]

deo subiectum et l’eeil sur la sandale ; -les expressions custos fidelis (v. s), speculator, arbiter, testis, mala

improbat, bona probat (v. 9-10) laissent

entrevoir l'idée de vigilance sans faille qu'implique aussi la formule firmam custodiam, traduite par la main tenant

l'oie ;

- les termes de prospectat, praemonitor, uiator, opitulator potens (v. 16-18) ainsi que prosperare, auertere, excitare, fulcire, clarare, corrigere (v.21-25) indiquent une action délibérée, efficace et protectrice, comme dans gubernando, figuré par le gouvernail, action qui suppose à son tour une forme d'omniscience qui permet d'anticiper (pro-spectat, prae-monitor) et de changer l'ordre naturel des choses (a-uertere, ex-citare) ; - enfin, seruet illaesa omnia (v 4) recouvre l'idée contenue dans incolumem quam seruabit traduits par le dauphin

joint au coffre.

se refuse à écouter. Or

cette idée du culte à rendre à la divinité personnelle, que texte et gravure mettent en

extérieures et de leurs officiants. Cette idée fondamentale, qu'Érasme puise chez les évangéli&tes et chez saint

Paul, repose sur l'abandon total des modalités matérielles d'expression de la piété et de la foi di&ées par la Premiére Alliance, l'Alliance mosaique, au profit de l'adoption de la ébiritualité de la Seconde Alliance,

christique^*** -

Et désormais Dieu, plus pleinement connu par le Fils et le Saint-Esprit, devait recevoir un culte Jadée, mais sur toute la terre, et ceci dans des temples plus sacrés que me l'était celui de Jérusalem, &mes pures des hommes que Dieu lui-méme s'éait consacrées par som Esprit". [ ...] ll e& temps fausse religion des paiens céde la place, que le culte charnel le céde au spirituel et les ombres de

non seulement en entendons dans les maintenant que la la Loi à la lumiere

évangélique. « Car, dit-il, le temps est proche, ou plutót il est déja là, oi les vrais adorateurs adoreront le Pére, non

point dans des temples, non point par des tétes de bétail, non point par des choses corporelles, mais en esprit ; non point par des ombres, mais en vérité *^ »

L'ange tutélaire devient de la sorte une figure cryptée de la partie pure de l'áme, oà peut s'exercer la vraie piété.

En ce sens, la présence de la dédicace au-dessus de la gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de

Giulio Bonasone ou Proépero Fontana ^5", joue un róle fondamental Pirro Bocchi e en effet le fls de

lemblémati&e Or la biographie du personnage laisse entendre qu'il n'aurait pas toujours donné entière satisfaction à son pére. Dans l'embléme 59 déjà, Bocchi ne cache pas que le cas de ce fils le préoccupe. Sur la gravure, Socrate apparait tenant le miroir de Chilon de Sparte, symbole du gnótki sauton et Bocchi, dans le texte,

vilipende la volonté dépravée de son fils, soumise à la tentation des sens. E. See Watson suggere de voir dans ces

vers une allusion aux relations homosexuelles que le fils de Bocchi aurait pu avoir avec l'hérétique Camillo Renato, établi à Bologne, précepteur des fils des familles nobles comme les Lambertini, les Manzuoli ou les Bolognett, et dont Bocchi se serait porté garant lors d'un premier procés à Bologne pour lu éviter une

Fig. 1 > F. COLONNA, Hypnerotomachia Poliphili, suite hiéroglyphique (Pozzi-Ciapponi, p. 33).

Si la gravure souligne davantage le contenu chrétien du message hiéroglyphique, le texte d'Apulée retravaillé par Bocchi n'en permet pas moins une lecture, elle aussi chrétienne, quoique dénuée de toute originalité : les rebus fuis seraient les intéréts, mais dans un sens spirituel et théolo gique; le terme d'illaesa annongant celui d'integerrima, s'applique à innocentia et iustitia, vertus chrétiennes, pour évoquer l'intégrité spirituelle de celui qui se tient loin des concupiscences ; le référent de mala, développé par humillima, titubantia, tenebrosa, serait la condition faible et l'état débile des mortels mais que l'inter cession de l'ange tutélaire s'appliquerait à corriger (prosperare, auertere , excitare, fulcire, clarare etc ... ).

Le trait original et particulierement significatif consiste, chez Bocchi, dans l'insistance à rappeler la présence, le róle et les pouvoirs de l'intercesseur démonique car gravure et texte se redoublent en partie pour mettre, chacun à leur maniére, le méme

élément en valeur : la médiation incontournable de l'ange-gardi en ou du démon

tutélaire dans l'accomplissement du processus de salut. Nous avons rappelé à quel point l'ange-gardien ou le 846 =

accusation d'hérésie**, Aprés 1555, date de publication du recueil, d'autres démélés avec Pirro suivront, qui

semblent en quelque sorte confirmer les inquiétudes quí affleurent sous la plume de l'emblématiste dans le

Symb. 59 et, surtout, dans le Symb. 147 qui nous occupe. En 1556, Pirro est accusé de complicité dans le meurtre

' Sur l2 propagation en Italie de le lecture « réformióte » menée par Érasme sur le Nouveau Testament, voir S. Seiáel-Menchi, Erasme

hérétique : Réforme et Inquisition dans l'Italie du XyT süde, Patis, 1996 pour la traduction francaise. Voir aussi A. Renaudet, Érasme et Tul

Geneve, 1954 et l'article « Erasme » dans H. J. Hillerbrand (dir.), The Oxford Encydopedia vf fhe Reformation, New York./Oxford, 1996.

€—voir >du temple, à acie magnifücence à l'Évangie de Jean (1523), 4, 21-23 (nous soulignons ). Sur la condamnation | UM - ÉnASME, Paraphrase Paraphrase à l'Évangile de Luc (1525), 21-5: « Mais maintenant le temps était venu oí devait cesser la zeligiom d ce € plus victimes € 0l était préparé pour Dieu le temple de l'áme, consacré au Saint-Eiprit, dans lequel chaque jour serzwent immolées

quel homme, méme Agrésblement recues : non point des tétes de bétail mais des vacu et des actions de gráces. Car l'àme pure de x'importe

Mapa

Diobusiinpiéelnai Ment

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Voirle catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 25, p. 19, n° 69 (—

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A

“E…S«W‘…Aduîk&:cdu,p.:yuaw.WC.….WA…,«P«hMMma…mÌmbm». (2, 1962, p. 107-136.

47

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

du patricien Achille Volteius, perpétré par le fils du sénateur Gaspare Bargellini et doit fuir Bologne. Précisons que ces faits sont consignés dans une lettre, postérieure au recueil d'emblémes, que Bocchi adresse le 31 aoüt

1556 à Tamàs Nadasdy/5? (voir, en annexe, l'édition et la traduction de ce document), dans laquelle il recommande au gentilhomme hongrois de veiller sur son fils qui, aprés les déboires de l'affaire Bargellini, semble abandonné de son bon génie et de ses conseils avisés (suadente genio, dit la lettre). L'embléme, en prónant la révérence de l'ange-gardien, appelle le fils de Bocchi, sinon à se convertir à une religion épurée, du moins à faire preuve d'un peu de sagesse, incitation topique qui évite de possibles soupcons d'hérésie. Mais l'embléme recommande sans doute, de maniére plus vaste, à tout lecteur-spectateur potentiel d'abandonner le culte de ce qui est extérieur et de se convertir à une spiritualité toute personnelle et secréte, seul espoir de salut possible dans le désarroi que génére l'abandon à un siécle « charnel », au sens pascalien. Désarroi, puis conversion à une religion salvatrice : le processus a des antécédents multiples, mais il nous semble que les moyens utilisés par la gravure pour signifier la nécessité salutaire d'une révolution mystique intérieure se fondent, pour l'essentiel, sur la postérité iconographique d'un texte antique trés célebre sur le sujet.

(Fig. 3), l'ange porte un livre ouvert tandis que la toile de 1512 de B. van Orley (Fig. 4 et 4 bis) le montrent

avec une banderole où s'inscrivent en toutes lettres les paroles tolle, lege, émanant du porteur lui-méme'5"

Cette apparition surnaturelle de l'ange, présentant au sujet rempli d'affliction un message de conversion à Dieu qui doit le guérir de son désarroi et lui montrer une süre voie de rémission, nous semble en partie reprise dans la gravure de Bonasone, à cette différence prés que la suite hiéroglyphique veut traduire iconographiquement la nature immatérielle et inspirée des paroles angéliques et ne renvoie pas à la lecture d'un passage biblique pour

suggérer de revenir à Dieu, dans la mesure où elle se prétend figuration instantanée de la parole divine méme. À son fils affligé, Bocchi souhaite un événement rédempteur similaire à celui qui est advenu à Augustin : la conversion à une religion spirituelle.

5. Un antécédent visuel : le « Tolle, lege » des Confessions d'Augustin et sa tradition iconographique

Au livre 8 des Confessions, saint Augustin décrit la crise spirituelle qui le déchire entre deux volontés opposées : incapable de résister aux tentations de son existence passée, il aspire pourtant à se purifier de ses erreurs pour accéder à la sérénité d'une vie en Dieu. Cette crise atteint son paroxysme dans le jardin de Milan et Augustin, en proie aux larmes, s'éloigne de son ami Alypius. Un fait surnaturel se produit alors, qui va instantanément le délivrer et lui apporter la révélation qu'il attendait : Je parlais ainsi et je pleurais, le coeur rempli d'amertume et de chagrin. Et tout à coup, j'entends une voix venue de la divine demeure?" qui répéte en chantant, à plusieurs reprises : « Prends et lis ! Prends et lis ! », sans que je sache s'il s'agit d'un garcon ou d'une jeune fille. Et aussitót, le visage bouleversé, je cherchai de toutes mes forces à me rappeler si c'était là une comptine que les enfants aiment à répéter dans certains de leurs jeux mais aucun souvenir de ce genre ne me revint. Ravalant les larmes qui m'assaillaient, je me levai, comprenant que c'était une

injonction divine qui ne m'ordonnait rien d'autre que d'ouvrir le livre de l'Apótre et de lire le premier chapitre que je trouverais?55,

Et le passage de saint Paul sur lequel tombe Augustin évoque précisément la conversion spirituelle imposée par la vie évangélique : Ne vivez pas dans les banquets, dans l'ébriété, dans la luxure ni l'impudicité, dans la querelle ni l'envie. Revétez-

vous de Jésus-Christ et ne vous occupez pas de régaler la chair dans les concupiscences?***.

Augustin, avant de comprendre qu'il est confronté à une voix divine, hésite, et son hésitation porte sur l'identité

générique du propriétaire de cette voix. Le messager, venu de la diuina domo, n'est d'emblée ni homme ni femme et il e$ remarquable que certaines représentations figurées du passage en question aient pris le parti de traduire cette indétermination sous les traits d'un ange, créature asexuée par excellence. Sur une fresque de Guariento à Padoue, datant de 1338 (Fig. 2), et sur le tombeau de saint Augustin à Pavie (autour de 1380)

"^ Le personnage recoit un trés long poéme dans l'exemplaire des Lusuum libri duo conservé à Rome, à la Biblioteca Angelica de Rome (- R),

f 39 r"-41v?. "^ Sur le probléme de la lecon diuina du manuscrit Knóll, aux cótés de uicina, voir P. Courcelle, « "Maison divine" ou *maison voisine" ? », dans Id., Les Confessions de Saint Augustin dans la tradition littéraire : antécédents et postérité, Paris, 1963, p. 165-168. ?55 AvG., Conf., 8, 12, 29. Sur l'interprétation de ce passage, voir P. Courcelle, « Le Tolle, lege : fiction littéraire et réalité », dans Id., Recherches

sur les Confessions de saint Augustin, Paris,

2646 VyLG,, Rom., 13, 13, cité par AVG., ibid.

848

1968 (1950'), p. 188-202 et aussi Les Confessions de saint Augustin, p.

132-197.

Fig. 2 > GUARIENTO, La scéne du jardin de Milan, fresque, Padoue, Église des Eremitani, 1338.

Fig. 3 > Visite à Simplicien et scéne du « Tolle, Lege », tombeau de saint Augustin, Pavie, vers 1380.

On pourrait nous objecter que la gravure du symbolum ne figure pas le personnage à qui l'ange est censé apparaitre, à la différence des représentations que nous avons évoquées. C'est oublier que cet embléme est un

dispositif qui vise non seulement un dédicataire précis (le fils de Bocchi), mais aussi la pluralité infinie des lecteurs potentiels qui, en portant leurs regards sur l'image, deviendront les destinataires obligés et actualisés du message divin. L'ange de la gravure nous regarde droit dans les yeux et c'est face à nous qu'il déploie son discours. Derriére cette apparition se dissimule sans doute la tentative pathétique d'un pére de multiplier et de varier les appels auprés de son fils, dans l'espoir de le ramener au culte du bien. Mais on peut y voir aussi l'habileté d'un courtisan/citoyen qui veut montrer à ses éventuels lecteurs, hauts dignitaires ecclésiastiques ou

du Sénat de Bologne, qu'il veille à corriger ce fils au comportement suspect, qui risque de ternir sa réputation. Enfin, il y a sans doute également la volonté de s'adresser de maniére cryptée aux lecteurs avertis, qui

membres

sauront reconnaitre dans la célébration épigrammatique des mérites et des pouvoirs du démon tutélaire et dans

?5 Dans l'historique qu'il dresse du « Tolle, lege ! » P. Courcelle signale et commente ces ceuvres figurées : voir Les Confessions de Saint des Confessions goputmentus », Augustin, p. 169-177 et planches 3, 5, 19, 21 bis. Voir égalementJ. et P. Courcelle, « Nouvelles illustrations Revue des Études augustiniennes, 10, 1964, p. 343-364. Sur la polémique soulevée par ces études, voir R. Joly, « La scine du jardin de Milan », La Nouvelle Clio, 7-8-9, 1955-1957, p. 443-464 ; H.-I. Marrou, « La querelle autour du tolle, lege », Revue d'Histoire Ecclésiastique, $3 195 8, p. 47-56. Pour une position « fictionnaliste », voir les articles de L. C. Ferrari : « Paul at the Conversion of St. Augustine », Augustinian Studies, 11, 1980,

Reading (Conf. P- 5-20 ; « Saint Augustine on the Road to Damascus », ibid., 13, 1982, p. 151-170; « An Analysis of Augustine's Conversional 22, 1989, Patristica, Studia », ? Debate Modern a of End The 8.12, 29) », ibid., 18, 1987, p. 30-51 ; « Saint Augustine's Conversion Scene:

New York, 1990, p.9-19; « Beyond Angustme s P.235-250; « Truth and Augustine's Conversion Scene », Collectanea Augustiniana, Ontario, 1992, P- 97-107. Noireape la précieuse Waterloo, Theologian, to Rhetor From Augustine: (dir.), McWilliam J. Conversion Scene » in ? », Cahiers d'études du religieux. synthése de B. Bakhouche, « La conversion de saint Augustin : modele paradigmatique ou exemple atypique

Recherches interdisciplinaires [En ligne], 6 | 2009, mis en ligne le 17 septembre 2009, URL : «http:/ /cerri.revues.org/5207.

849

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction,

l'appel hiéroglyphique de l'ange-gardien à se soumettre à Dieu, une invitation faite par l'emblématiste, à l'instar

d'Érasme, à se détourner des manifestations trop extérieures de la piété, cérémonies perverties oü se cache en réalité l'attrait des concupiscences, pour embrasser, dans le secret de leur àme, les exigences de la foi christique et les modalités du vrai culte à rendre à Dieu.

annotation

commentaire — Livre

hominum conuentu audiendum, maximo omnium plausu et congratulatione, nec sine consolatione ingenti mea et meorum, acceptus. Postea, sedente lulio II] Pont«ifci» max«imo», uocatus ab Innocentio Cardinali Montano, eo mature profectus est, occasionem ratus oblatam fore sat commodam nonnihil indolis ipsius suae

Specimen edendi, apud nepotem Pontificis profici sibi nonnihil posse sperarat. Caeterum multo secus atque putarat euenit. Nam de puero illo Cardinali, numquam suopte studio inclinato ad praeclara negotia, desperare ceteri familiares omnes illius coeperant, et Pyrrhus fere in annis quinque uel sex nihil aliud interim sibi profectum senserat, ex obsequio suo anteacto, nisi quod notitia eum apud antistites uiros Curiae liberaliter dexterque obeundo officia in familiaris amicitiae adduxerat iura. Porro autem cum statuisset animum reuocare ad praeclara Studia, profectus Lutetiam, annos ibi plus minus duos commoratus est usque ad interregnum

ponti&icis Ro. Inde a Nuncio Sedis Apost«oli»ce assentiente Henrico Rege Gallorcum», missus in Britanniam

ad Reginaldum Polum cardinalem et ad Philippum Regem, talis fuit in eius legationis functione ut omnibus (id quod ego nominatim perlibenter audiui) satis utrimque fecerit. Postremo domum iussu meo reuersus, ut

Historiae Patriae conscribendae munus ei per manus una cum stipendio traderem. Prius autem Romae trium circiter mensium

$patio moratus, ut Principes uiros Curiae ueteres patronos suos reuiseret. Deinde triduo post

eius aduentum Bononiam forte accidit ut ciuis quidam patritius nobilis Achilles Volteius interüceretur ab Horatio Gasparis Bargellini senatoris filio, cuius familia, quia Romae fuerat antea saepius a Pyrrho defensa, haud paruam sane malignioribus ansam suspicionis iniecit, eum fuisse parricidii huiusce conscium. Quam quidem ob rem multi quoque uiri nobiles in carcerem conieci sunt, ubi summo iure atque extra ordinem, per aequa, iniqua

omnia ex uinculis causam dicere coguntur ^**, examinaturque acerbissime uita illorum, iam inde ab ultimo Natali die cuiusque. Pyrrhus ergo dicta die cum sistere se decreuisset omnino, fretus scilicet innocentia sua, tandem dissuasus ab amicis ac necessariis suis, ne temere primo impetu sese tantae huic iudiciorum impotentiae tantisque communium temporum periculis quibus parum admodum, uel nihil prorsus, una tuta innocentia est,

sed refrigeratis hisce primis feruoribus, res postea facile componentur. Quid quaeris ? Ille quia uadimonium deseruit, proscriptus interdictusque aqua et igni bonis omnibus fisco addictis. Quae cum ita magno meo dolore

se habeant, meque uideam fortunis adeo labefactatum esse, propter grauissimos sumptus quos facere cogor in alios filios, Laelium scilicet et Constantiam in primis filiam iam nubilem. Nam quid referam exaedificationem

Fig. 4 bis > Détail de l'arriére-plan : la scéne du Tolle, Lege.

*

à Tamás Nadasdy, 31 aot 1556 (Bologne, Bibl. dell'Archiginnasio, Gozzadini 33, ms B4go f.) : INCLYTO THOMAE NADASDINO MAGNO TOTIVS HUNGARIAE PALATINO PATRONO MEO B«ENE» M«ERENTI ACHILLE BOCCHIVS BONONIENSIS CLIENS S«ALVTEM» P«LVRIMAM» D

statu filii mei facere, simul causam explicare, cur eum tam subito amandandum esse putarim. Pyrrhus meus, uel potius noster, cum magna diligentia in bonarum artium Studia usque ad secundum et XX aetatis annum

850

Genio,

suscipere ac profiteri, se publice magno

ingratus

sim

nisi

Deo

opt«imo»

max«imo»

acceptam

necessitatem

hance

referam,

nempe

firmissimum tutissimumque fundamentum nostrae familiae uniuersae. Obsecro te etiam, atque etiam obtestor,

adiuro per sincerissimum illum amorem nostrum, qui tam diu, tanta pietate et constantia inter nos fuit, sicut scripta pleraque nostra, praesertim primus Epistolarum mearum tomus, amplissime testatur. Quarum bona pars

complectaris,

forte secessisset in Insubres aliquot dies ibi commoratus, praeter opinionem ipsius ac meam, rogatus a ciue quodam Veronensi nobilissimo, tantisper exspectaret, donec ipse socius quoque esse potest itineris huiusce, quo tutius ambo pariter ac iucundius Viennam usqueperuenirent. Igitur uolui mature paulo plenius te certiorem de

coepisset, suadente

uero

darisscimum» Thomae Nadasdini nomen sibi praescripsere. Ad haec per benignitatem summam atque ineffabilem illam munificentiam tibi ingenitam, singulari uirtute aucta atque confirmatam tua, filium meum ut

Cum Pyrrhus filius iussu meo Bononia properanter digressus, ut quoque primo tempore se conferret istuc ad te, Princeps illustrissime, quippe qui unus es mortalium, praeterea nemo, in quo iamdudu m spes omneis meae subleuandae domus habeo collocatas, proxime dederam illi duobus tantum uersiculis pro fidei pignore litteras, quod filius esset meus et cetera, quaecumque coram uerbis ipse retulisset meis. Cum uero (sicut accepi) idem

incubuisset iamque

Nadasdinum patronum dominumque meum, post hominum memoriam beneficentissimus, eique tantum pecuniolae iussi numerari quibus posset isto in itinere sustentari securus interim (quod semper ipse mihimet, te iubente, sum pollicitus) patrem te, patronumque uerissimum illi, mihi atque uninersae domui nostrae futurum. Ego

ANNEXE

Lettre

domus Academicae quam a fundamentis instru&am a nobis fuisse anno ab hinc XI satis constat ? At ne tecum agam pluribus, $atui Pyrrhum ipsum filium meum, uel potius nostrum, quam primum istuc transmittere ad

in studiosorum

promptum

adiutes,

conserues,

ipso utaris et abutaris arbitratu tuo. Inuenies

eum,

spero, ingeniosum

inter uiros principes uersatum et in rebus Italiae instructum abunde. In summa talem qualem Genio

gratum iucundumque tuo futurum presentio atque intelligo etiam praeclare. Accipias in filium hunce tibi quem iampridem deditum, dictum, addictum, consilio, auxilio, ope quacumque poteris adiutes ut afflictae domus

no$trae fortunae te duce et auspice fortunatiss. semel excitentur. O felicissimam necessitatem

cuius beneficio

reliquis ab omnibus aliis necessitatibus aliquando liberabimur. Precabor interea Deum, uenerabor, implorabo, ut uitam tibi diutissime proroget, fortunet, incolumemque filium nostrum manus perducat ad tuas. Nam

superest, me neminem mortalium beatoriem fore confido. Cura ut ualeas et Bocchium tuum redimes. Bononia ex Academica domo nostra pridie KL Sept. MDLVI. liba

quod

"

Ex uinclis causam dicere : CAES., Gall., 1, 4, 1.

1 Gn -

Fig. 4 > B. VAN ORLEY, La prédication d'Ambroise, toile, Munich, 1512.

V

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

GÉNÉREUX

PATRON,

DE LA

Sur mon ordre, mon fils Pirro a quitté précipitamment Bologne pour se rendre tout d'abord auprés de toi, illustre prince, homme unique au monde, en qui j'ai désormais placé tous mes espoirs d'aider ma famille ; je lui avais remis tout récemment une lettre de deux petits vers seulement pour garantir le fait qu'il était bien mon fils ainsi que toutes les nouvelles qu'il relaterait personnellement selon mes termes. Mais, ainsi que je l'ai appris, comme il avait fait par hasard un détour au pays des Insubres?^?, il a été retenu là quelques jours, contre ses prévisions et les miennes, car un certain citoyen de Vérone, de haute naissance, lui a demandé d'attendre pour pouvoir l'accompagner pendant le voyage, afin de faire ensemble le chemin en direction de Vienne, de maniére

plus süre et plus agréable. Aussi ai-je voulu t'informer sans attendre et de maniere plus circonstanciée de la situation de mon fils et t'expliquer en méme temps pourquoi j'ai estimé qu'il devait s'éloigner aussi rapidement. Mon Pirro, ou plutót notre Pirro — qui s'était voué avec beaucoup d'application à l'étude des belles-lettres jusqu'à vingt-et-un ans, et avait déjà entrepris, sur les conseils de son bon génie, à admettre et reconnaitre ouvertement qu'il devait étre entendu publiquement au cours d'assemblées réunissant un grand nombre de lettrés — a été accueilli, à mon grand soulagement et à celui de ma famille, par des applaudissements et des

le fils du sénateur Gaspare Bargellini, Horace. Sous prétexte que Pirro avait trés souvent pris à Rome la défense de cette famille, les esprits les plus mal intentionnés ont saisi là l'occasion révée de le soupconner d'avoir été complice de cet assassinat. Dans cette affaire, nombre de gentilshommes sont jetés en prison oi un tribunal sévére et exceptionnel, par tous les moyens légaux et illégaux, les force à plaider leur cause enchainés et passe au crible leur existence, depuis le jour de leur naissance. Bien que Pirro eüt décidé sans hésiter de comparaitre le

jour dit, confiant dans son innocence, il fut finalement dissuadé par des amis et des proches de se livrer impétueusement et sans réfléchir à la tyrannie si flagrante des jugements et aux périls si grands de l'époque contemporaine, qui n'épargnent que peu ou prou l'innocence alors que, les premiers tumultes calmés, les choses rentreront facilement dans l'ordre. Pour tout dire, pour n'avoir pas honoré son engagement à comparaitre, il a été proscrit, interdit d'eau et de feu et tous ses biens ont été confisqués par le Trésor public, alors méme que ces circonstances tombent au plus mal pour moi et que je me vois complétement ruiné, aprés les lourdes dépenses que j'ai dà faire pour mes autres enfants, c'est-à-dire Laelius et surtout Constantia, jeune fille en àge de se marier. Car à quoi bon rappeler la construction de mon Académie, dont on sait bien que nous avons entamé l'édification il y a maintenant dix ans ? Mais pour ne pas t'entretenir trop longtemps, j'ai décidé d'envoyer Pirro mon fils, ou plutót notre fils,

à mon protecteur et mon maitre, Nadasdy, le plus généreux de mémoire d'homme,

Monte? ; i| s'est rendu rapidement auprés de lui, comprenant que l'occasion qui se présentait serait bien utile pour donner un échantillon de ses capacités. Il avait espéré qu'il pourrait obtenir quelque avantage auprés du neveu du pape. Mais les choses se passerent bien différemment de ce qu'il avait prévu. Car de ce cardinal encore enfant, par tempérament trés peu enclin aux nobles actions, l'ensemble de ses proches commengaient à

et j'ai ordonné que füt remise à Pirro une somme d'argent suffisante pour qu'il puisse subvenir à ses besoins pendant le voyage, assuré pendant ce temps (ce que je me suis toujours promis à moi-méme sur ton conseil) que tu serais un véritable pére et protecteur pour lui, pour moi et toute notre famille. Mais je serais un ingrat si je ne reconnaissais pas que je suis redevable à Dieu Trés-Bon, Trés-Grand de ce lien d'amitié, car il est l'appui le plus solide et le plus ferme de toute notre maison. Je te supplie, je t'implore et je t'adjure, encore et encore, au nom de cette affection si sincére qui nous unit depuis si longtemps avec tant de respect et de constance, ainsi qu'en

docilité dont il avait fait preuve : la notoriété qu'il s'était acquise en accomplissant généreusement et habilement diverses táches pour les hauts dignitaires de la Curie lui avait valu de devenir leur ami. Mais plus tard, décidant de revenir vers les nobles études, il partit pour Lyon, oü il es resté environ deux ans, jusqu'à l'interrégne

elles portent en téte le nom illustre de Tamas Nadasdy.Je l'ai porté sur celle-ci aussi, au nom de ta grande bonté, de ton ineffable et naturelle générosité, accrue et confirmée par une vertu exceptionnelle, pour que tu accueilles mon fils à bras ouverts, que tu l'aides et le protéges, mais aussi que tu le mettes à contribution à ta guise. Tu le

félicitations unanimes. Ensuite, sous le régne du Pape Jules III99, i] a été appelé par le Cardinal Innocenzo del

désespérer et Pirro s'était rendu compte que, en cinq ou six ans, il avait obtenu un seul avantage pour fruit de la

attestent la plupart de nos écrits et en particulier mon premier volume de Lettres'^^. Une bonne partie d'entre

papal^*. Puis, avec l'assentiment d'Henri roi de France, le Nonce du Siege Apostolique l'a délégué en Angleterre, auprés du Cardinal Réginald Pole'59 et du roi Philippe?5*. II s'est si bien acquitté de son ambassade

trouveras, j'espere, intelligent, rapide, à l'aise parmi les hommes de bonne naissance et assez instruit de l'histoire

méme temps qu'une rémunération, la táche de travailler avec moi à l'Histoire de Bologne^555. Auparavant, il a

redressés, sous ta conduite et ta protection si bénéfiques. Ò bienheureux lien dont le bienfait nous libérera un

italienne, en somme propre à étre agréable et attrayant pour ton bon Génie, comme je le devine et le pressens

(je l'ai personnellement et avec beaucoup de plaisir entendu dire), qu'il a donné sur tous les points satisfaction aux deux partis. Il est ensuite revenu à la maison sur mon ordre, pour que je lui confie en mains propres, en

trés clairement. Regois en ce fils celui qui t'est déjà dévoué, attaché, consacré et, par le conseil, l'appui et l'aide que tu pourras lui octroyer, soutiens-le, pour que notre famille affligée et nos biens soient une bonne fois

passé à Rome environ trois mois pour revoir ses anciens patrons, membres éminents de la Curie. Puis, trois jours aprés son retour à Bologne, voilà qu'un citoyen patricien de haute naissance, Achilles Volteius est assassiné par

jour de tous les autres liens?55 ! À présent, je prie, je supplie et j implore Dieu pour qu'il te donne une vie tres

?5? Milan et le Milanais. bis Giovan Maria Ciocchi del Monte, pape de 1550 à 1555 sousle nom de Jules III. Bocchi lui dédie le symbolon 148 (voir notre analyse).

longue et heureuse et qu'il conduise sans encombre notre fils entre tes mains. Car pour le reste, j'avoue que je serai le plus heureux des hommes. Prends soin de toi et tàche de délivrer ton Bocchi. Bologne, de notre Académie, le 31 aoüt 1556.

Frére de Jules III, orphelin, il est adopté par le pape. Jules III l'éléve au cardinalat dés quinze ans et le comble de faveurs, en le mettant

notamment à la téte de la Secrétairie d'État. Bocchi célebre dans le Symb. 149 son innocentia (cf. Innocenzo) qui doit le conduire sur la montage

de Yahvé (cf. Del Monte) : ces propos courtisans cadrent bien mal avec la réalité puisque Innocenzo, réputé pour sa vie de débauches, se rend coupable de plusieurs meurtres et achéve sa vie en prison (voir notre analyse à cet embléme).

2652 Le pape Jules III meurt le 23 février 1 555. ll est remplacé par Marcel II (Marcello Cervini) qui régnera moins d'un mois, du 10 avril au 1er

bal (voir le Symb, 6o que Bocchi lui dédie alors qu'il n'est encore que cardinal), avant l'élection de Paul IV (Gian Petro Carafa), le 23 mai. Bocchi lui dédie le Symb. 79, qui rend hommage, à travers la statue de Léocharés représentant Ganyméde enlevé par l'aigle, à la

réconciliation du corps et de l'áme et aux étres pieux qui connaissent la pax domi et fori, allusion sans doute aux compétences diplomatiques du

cardinal qui mene dans et hors de sa patrie anglaise une politique de réconciliatio n européenne. "5 II s'agit de Philippe II, fils de Charles Quint et époux de Marie Tudor. "55 Le Sénat de Bologne avait en effet chargé Bocchi de rédiger une histoire de sa patrie. Dix-sept livres, dédiés à divers grands personnages comme Guichardin (livre XVI) ou Guido Ascanio Sforza (livre XIII), furent publiés jusqu'en 1551 et couvraient une période allant du Déluge à l'année 1262. Cette méme année 1551, Bocchi sollicite du Sénat d'accorder à son fils Pirro le privilége de rédiger la suite de cette monumentale

ceuvre politique au cas oü il mourrait sans l'avoir achevée. Apprenant la mort de son pére en 1562, Pirro, chez Nadasdy en Hongrie, se met au travail et envoie son manuscrit au Sénat en 1564. Le Sénat exige sa présence à Bologne s'il veut étre rémunéré mais, devant le refus de Pirro, il

confie l'entreprise à l'humaniste Carlo Sigonio. Voir G. Raveira-Aira, « Achille Bocchi et la sua Historia Bononiensis », Studi e memorie per la

storia dell'Università di Bologna, vol. XV, Bologne, 1942-XX, P- 57-112 et E. See Watson, Achille Bocchi, p. 51-53.

852

ZZ

LA HONGRIE,

comme it souvent Nou i lettres, visiblement prét pour la publication, dans lequel Nadasdy apparaissa ; xi ics manuscrit dca rg Il oc dédicataire. ne reste plus que le volume des Lettres autograp hes à Romolo Amaseo conservé à la bibliothéque ambrosienne de Milan 2656

(D 145 inf). té. : C ' T. 2657 °? Bocchi joue sur le double sens de necessitas, le lien amical ou l'entrave, la dure nécessité

EE

À L'ILLUSTRE TAMAS NADASDY, GRAND COMTE PALATIN DE TOUTE PART D'ACHILLE BOCCHI DE BOLOGNE, SON CLIENT, SALUT.

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

———



Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Symb. 148

Gravure :

AU SOUVERAIN

Les statues sans vie, l'or, l'argent, tous les objets

PONTIFE JULES III

20

Sur l'image : — « Tules améneras et tu les établiras sur la montagne de ton héritage » - Paix divine

- Paix humaine

Que faconna la main de l'homme

En dieux sont honorés. L'artisan leur donna Certes, la forme d'une bouche,

25

Mais privée de la voix, qu'il ne put ajouter. Illeur donna des yeux, mais qui Ne voient rien. Ils ont des oreilles, sans pouvoir Entendre un seul bruit, des narines

Sans odorat, des mains ne pouvant rien toucher, Des pieds inaptes à la marche,

Hourra ! De l'héritage voici le triple mont

Une gorge qui ne sait pas émettre un son.

Trés saint, où le supréme roi des dieux célestes, Au nom de sa bonté, nous conduira et nous Placera, oü sa fiére demeure il mettra, Etle siége glorieux de son éternité,

30

À ces statues sans vie, les hommes pleins de vide !

Mais toi, àme chérie à qui L'on permit de voir Dieu, bien qu'il fàt invisible, Place donc toute ta confiance

Oi, pour les heureux mortels, il érigera Le temple d'or tant désiré du souverain Le plus grand, le plus beau et le plus juste aussi,

10

35

D'oü sa Bonté sans limite, sa Charité, Sa Perfection nous créent, nous attirent à elles, Et nous rendent heureux, car dignes de la double Couronne laurée : l'une, divine Paix, l'autre,

Humaine Paix, à nos àmes furent offertes Comme prix de vivante Vertu, de Prudence,

15

40

De Foi, de Modestie, d'Équité et de Gráce.

De là naít, dedans et dehors, trois fois trés grande,

La Félicité. Louons donc, trois fois et plus,

Jules Trois, pour que mers et monts partout résonnent

45

Du nom de Jules, Jules le Trois-Fois-Trés-Grand.

PARAPHRASE SUR LE PSAUME

Nous te demandons victoire, ó Roi tout-puissant

Des dieux, non point pour notre gloire, Nous te demandons victoire, non point, disais-je, Pour notre gloire, méme si Nos mérites sont à ce prix, mais afin que Les nations impies ne rient point

10

De la divine majesté de ton saint nom. C'est pourquoi sauve-nous, au nom De ta bonté ineffable et de la promesse Faite jadis que tu serais Pour toujours notre Dieu, le Trés-Grand, le Trés-Bon. Je t'en prie, peux-tu plus longtemps

Voir et souffrir comment certains nous font du mal,

15

854

Tandis qu'ils injurient ton nom En disant : « Où donc est le dieu de ces gens-là ?» Mais notre Dieu est dans les cieux Et il accomplit tout selon sa volonté. Mais chez les nations dépravées,

Ils peuvent bien accorder foi

En ton Seigneur. Par sa présence, il sait aider Ceux qui savent se réfugier En lui et, de tous les dangers, il les délivre. Ò lignée bienheureuse du Mont Doré, maison vaillante d' Aaron, ayez-foi Dans le Seigneur. Il aidera Qui s'en remet à lui, servant de bouclier. Vous qui, avec les égards dus, Honorez le Seigneur, placez votre confiance En lui sans hésiter. Pour vous, Il sera un appui et un vengeur trés sür. Jamais le Seigneur ne vous a

Oubliés. Encore aujourd'hui, il comblera Les hommes pieux à son égard,

115 so

Il comblera aussi la famille olympienne Du Mont vaillant trois fois Trés-Grand. Aux cadets, s'ils le révérent, il offrira Le méme présent qu'aux ainés,

Et sa bonté, au fil des jours, de plus en plus Augmentera à votre endroit,

5S

Augmentera, disais-je, pour vous et tous vos fils : Il vous aime plus que les autres, Le créateur de tout le ciel et de la terre. Ce vaste ciel, disais-je, ce ciel Lointain, le Seigneur l'a réservé pour lui-méme,

60

Sans étre aidé des hommes. Pourtant, Pour y vivre, il confia les terres d'ici-bas Aux mortels laborieux, afin

D'en étre honoré pour toujours, dans le respect, Par des hymnes et cultes sacrés.

65 Si tu permets, Seigneur, que les impies détruisent Ton peuple, qui entonnera

Tes louanges, qui, pieusement et saintement,

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traducticn, annotation, commentaire — Livre V

Comme il faut, te vénérera ?

70

Tes ennemis sans foi, qui, contre ton saint nom,

Proférent de terribles blasphémes ?

Les morts ? Mais comment pourraient-ils, sur cette terre Louer ta gloire toute neuve ?

C'est pourquoi, tu dois ordonner, Seigneur, que nous Et nos fils soyons sains et saufs. 75

Quece soit non pour notre nom, mais pour le tien,

Afin que toujours il subsiste

Une nation pour offrir, à ton saint pouvoir, Priéres, cultes et honneurs.

MÉTRIQUE

- carm. 1 : trimétres iambiques.

- carm. 2 : métre épodique (trimétres et dimétres iambiques).

On soulignera la volonté d'unir (mais non d'unifier, puisque le métre connait une variation strophique) par la métrique les deux piéces, qui le sont déjà par leur source biblique et leur dédicataire. NOTES

- ded. pict. : IVLIO III. PONT«IFICI» MAX«IMO?.] Voir la notice biographique dans la piéce liminaire qui est consacrée au personnage.

- V. 38-39 : aurei genus/ Montis beatum] M. Bianchelli Illuminati P- 234 confond visiblement genus et genius et

traduit par : « beato Genio dell' aureo monte ». - v. 49 : Olympiacae] « Digne de l'Olympe » ou « qui occupe l'Olympe » terrestre, c'est-à-dire la papauté. Le pape est comparé dans tout le poéme à Jupiter, dont il emprunte les épicléses laudatives (ter maximus, Optimus

Maximus), avec un jeu entre fer maximus, « trois fois trés grand », oü le chiffre est rituel, et tertius, Jules III. - V. 49-50 : M. Bianchelli Illuminati p. 234 fait de familiae Olympiacae un génitif complément de montis, alors

que c'est un complément au datif de benefaciet (« il étendra ses bienfaits à la puissante [olympienne] famille Du Mont [Del Monte] ») ; elle sépare en outre fortis et maximi, alors qu'il s'agit de deux adjectifs au génitif complétant montis (Du Mont vaillant et trois fois trés grand ») : « et li beneficherà anche Colui che è il forte Signore del triplice grandioso monte della celeste famiglia ».

ANALYSE La premiere épigramme propose une lecture symbolique du blason du pape Jules III et de ses armes, qui furent à l'origine d'une fresque et de dessins célébres de Nicolo dell'Abate et qui ont influencé en partie la gravure de l'embléme. De cet écu, qui a pour description héraldique « d'azur à la bande de gueules, bordée d'or, chargée de

trois monts à trois cimes du méme et flanquée de deux guirlandes du méme, une en chef et l'autre en pointe », Bocchi retient plusieurs éléments saillants :

- les trois monts d'or (cf. aureum v. 7) à trois cimes (cf. trigeminus... mons, v. 1) ;

- les deux guirlandes de laurier nouées en couronnes de part et d'autre de la bande centrale (corona duplici/

et apotropaique dans monts et leurs cimes Mont », relayé en fin célébré, comme chez

l'Antiquité, et qui vient renforcer ici des superlatifs (maxima, maximum ). Mais les trois sont surtout mis en relation avec le nom patronymique du dédicataire : Del Monte, « du de poéme, au v. 18, par l'évocation des montagnes qui résonnent du nom du personn age Virgile à propos du chant de louange en l'honneur d'Hercule au livre 8 de l'Énéide, v. 305.

Enfin, les montagnes et leurs cimes aménent les références, dans la gravure (en hébreu?^*) et dans le premier

poéme lui-méme, au cantique de victoire (Exod., 15, 1-18) que Moise entonne avec les Hébreux, aprés que Yahvé leur a permis de passer la Mer Rouge à pied sec et ait englouti l'armée de Pharaon. Le cantique chante Dieu qui, au verset 17, « aménera les Hébreux et les plantera sur la montagne de son héritage », où il a édibé de

ses mains son sanctuaire. Ce sanctuaire est qualifié de templum aureum (v. 7) par Bocchi, en relation avec la cou-

leur qu'ont les trois monts dans l'écu, et qui désigne bien entendu la perfection. Pour Bocchi, la bonté, la charité et la perfection de Dieu qui régnent dans ce sanctuaire d'or feront renaitre et croitre l'homm e et lui procureront la félicité (v. 9-10). L'évocation de la charité, en relation avec la montagne de l'héritage de Yahvé, doit étre rapprochée du Psaume 14 (15), qui fait l'objet de l'embléme suivant (voir notre analyse au Symb. 1429), et oà il est question de la montagne sainte de Yahvé et de son tabernacle, auxquels ne peut prétendre que l'homm e

juste. Pour saint Augustin, en effet, la montagne représente « la charité suréminente du Christ dans la vie éternelle » (cf. im Psalm., 14, 1: hic fortasse iam ipsam aeternam habitationem significat, ut montem intelleg amus

supereminentiam caritatis Christi in uita aeterna), c'est-à-dire la Gráce universelle, tandis que le sanctuai re-taber-

nacle construit des mains mémes de Yahvé désigne maxime fidem temporalis dispensationis, quae pro nobis acia e temporaliter per incarnationem domini, « avant tout la foi dans le plan de Dieu pour le monde, qui a été réalisé dans le monde par l'incarnation du Seigneur », c'est-à-dire la croyance au salut par cette Gráce. Cette félicité dans l'au-delà se matérialise par la remise aux élus d'une double couronne de vidire, qui leur confére deux biens précieux : paix humaine et paix divine. Les deux ne sont pas mises sur le méme plan, de la méme maniére que, sur l'écu, elles se répartissent de part et d'autre du bandeau, l'une en chef et donc supérieure (la paix divine), et l'autre en pointe, et donc inférieure (la paix humaine). La paix divine, on le comprend bien,

l'homme élu ne la goütera vraiment qu'une fois arrivé sur la montagne de Dieu, c'est-à-dire aprés la mort. En

revanche, l'emblématiste insiste sur l'idée que le cheminement vers la Gráce permet aussi de préserver une paix humaine sur la terre, en évitant les guerres, puisque la charité, c'e& l'art d'aimer son prochain : on assure ainsi la felicitas chez soi et chez les autres (domi et foris, v. 16). La double paix, terrestre et céleste, prépare la paraphrase du Psaume 115 (113B) proposée dans le second poéme (voir infra), oà il e& dit que Yahvé se réserve le ciel, mais fait proliférer la race d'Adam sur la terre. L'emblématiste montre que le pape Jules III, par ses armes, apporte ce message en méme temps qu'il monte sur le tróne : le nouveau pape promet quasi visuellement d'en réaliser le dessein ambitieux, en particulier celui de la double paix, comme le manifeste la mise en scene finale du poéme oü l'ensemble du monde, ses montagnes et ses mers, renvoient (sonent, v. 18) l'écho du nom papal.

La composition iconographique de la gravure, pour laquelle il existe un dessin préparatoire de Giulio Bonasone

ou Prospero Fontana (Fig. 1)75*, es pour l'essentiel empruntée à un dessin à la plume, à l'encre brune et à l'aquarelle de Nicoló dell' Abate, réalisé en 1550, et conservé aujourd'hui à New York, à la Pierpont Morgan Library (inv. 1. 5o. B, 214 x 373 cm ; Fig. 2)'59. E. Fadda, suivant l'hypothése de S. Béguin, invite à mettre le

dessin en relation avec une fresque peinte par Nicoló dell'Abate à Bologne dans le portique de la Chiesa dei Servi, et qui représentait les armes de Jules III, avant d'étre reconfigurée pour convenir à l'éledion de Grégoire

Laurea, v. 11-12).

L'emblématiste ne dit rien du cimier qui surmonte le blason dans la gravure, et qui comporte une tiare pontificale à fanons et des clés croisées en dessous : c'est inutile, puisque le poéme s'adresse à un pape et que ces éléments sont des invariants héraldiques. Bocchi ne souffle pas non plus mot des deux tenants féminins qui soutiennent l'écu sur l'image. Mais là encore, leur présence ne fait que visualiser sous la forme d'allégories le sens spécifique que l'emblématiste accorde aux deux couronnes.

La lecture des meubles et des métaux du blason est, comme dans le reste du recueil, symbolique. Les trois monts à trois cimes d'or de l'écu sont associés au nom de régne du dédicataire, qui comporte le chiffre trois (Iulius tertius), tandis que le texte propose trois fois de suite l'adverbe ter (v. 16, 17, 18), dont on connait la valeur rituelle

856

"7 Nous avons présenté cette identification dés 1998, dans notre thése de doctorat (t. IV, p- 1258), avec l'aide du peofesomr Joseph Livy 3e l'Université de Jérusalem. Cette identification a depuis été confirmée par G. Busi, « Achille Bocchi, ebraista figurativo », im ld, 1.'enigma

dell'ebraico nel Rinascimento, Torino, 2007, p. 187-196, qui ne renvoie pas à nos travaux.

|

'

“ Voir]e catalogue de la vente Sotheby's de Londres en juillet 1972, lot 25, p. 20, n° 83 (- CXLVI) et illustration p. 49.

e VoirJ. Bean, F. Stampfle,

Drawings from New York Collections. The Italian Renaissance, New York, 1965, p. 65, cat. 108 ; S. Béguin, Mostra di

Nicolà dell'Abate. Catalogo critico (mostra di Bologna, palazzo dell'Archiginnasio, 1° settembre-20 otisbre 1969), Bologne, 1969, P. 143, cat.41 ;

S. Béguin, « A proposito di due disegni di Nicoló dell'Abate », in M. Scolaro, F. P. Di Teodoro (dir), Inzeligenza della passione, Sn per

Andrea Emiliani, Bologne,

2001, p. 73-84. Voir également M. Faietti, D. Cordellier, Un siücle de dessm à Bologne

1480-1580, meli

d'exposision, Paris, Musée du Louvre; 2001, p. 130-132, n^ 37 ; E. Fadda, « Stemma di Giulio III », m S. Béguin, F. Piccinini (dir.), Nicoló dell Abate. Storie dipinte nella pittura del cinquecento tra Modena e Fontainebleau, Milan /Modéne, 2005 notice 123 p. 345.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi

(1555) — tome 2 Traduction, annotation, commentaire — Livre V

XIII. Ce dessin reprend lui-méme plusieurs éléments (tiare pontificale et fanons, clés de part et d'autre de la tiare, soutenues par des allégories) d'une devise « hiéroglyphique » complexe, peinte sous forme de fresque, et qui ornait la facade du Palazzo Carbonesi, à Bologne (Fig. 3).

l'hébreu prend ici plusieurs valeurs : l'hébreu est la langue originell e de Yahvé, et par conséquent, la langue

mystérieuse du peuple élu, avec qui Dieu s'entretient de maniere cryptée ; célébrant la montagne, à laquelle n'accéderont que les justes, au terme d'une vie de justice (marquée par la foi et par la gráce), l'hébreu est aussi une célébration de l'effort et de la mise à l'épreuve, au sens théologique et sans doute aussi au sens

herméneutique, et doit étre, dans ce cas, mis en relation avec le langage symbolique, inaccessible aux profanes, à

moins du labor, mis en valeur dans le premier Symbolum.

Fig. 1 > G. BONASONE ou P. FONTANA,

d'apres N. Dell' Abate, dessin préparatoire pour le Symb. 148 € Sotheby's.

Fig. 2 > NICOLÒ DELL' ABATE, Armes de Jules 111, dessin, plume et encre

brune, rehauts de blanc, lavis brun (21,4 x 37,3 cm), New York,

The Pierpont Morgan Library (inv. 1. 5o. B).

Détruite en 1775 (mais connue par un dessin préparatoire de Nicolo dell'Abate, conservé au Musée du Louvre à Paris, Département des Arts graphiques, inv. 5845), elle avait été réalisée pour célébrer l'accés à la papauté du

légat pontifical Giovanni Ciocchi del Monte le 7 février 1 550/69 Le dessin de Nicoló dell'Abate à l'origine de la

gravure de Bonasone (Pierpont Library) présente, dans la méme disposition que la gravure de l'embléme, un cimier complexe : la tiare pontificale et ses deux fanons, surmontant les deux clés croisées. En dessous, prend place l'écu lui-méme, mais représenté sans métaux dans le dessin et la gravure. De part et d'autre de l'écu, sur le dessin, deux allégories féminines lévent un bras pour supporter symboliquement les clés pontificales croisées en dessous de la tiare-cimier (dans la gravure, elles tiennent l'écu des deux mains) : à gauche, on reconnait l'Église,

à laquelle un putto présente une coupe; à droite, une Charité entourée de putti. Dans la gravure, les deux allégories de Nicoló dell'Abate sont remplacées par deux autres figures : à gauche la Pax diuina, yeux levés vers le ciel et téte nimbée vient remplacer l'Église ; à droite, la Pax humana, des rameaux de laurier en main, la téte sans halo, regarde le spectateur. On remarquera que ces deux allégories, identifiées par des cartouches, ne sont pas évoquées par le texte de l'épigramme et qu'elles ne sont présentes dans l'image que pour relayer de maniére plus visible le double sens de pax que Bocchi donne dans le texte aux deux couronnes du blason, en fonction de leur disposition au sein de l'écu (en chef et en pointe).

On aura remarqué la présence de la citation en hébreu du cantique de Moise (Exod., 15, 17). À la différence du Symb. 130, où sa signification sur la gravure est négative comme langue de la lettre et des rites, en opposition au

latin ou au grec, langue de l'esprit (voir aussi le programme de citations sur le Palazzo Bocchi^**), l'utilisation de

“1 Voir E. Fadda, « Impresa di Giulio III », in S. Béguin, F. Piccinini (dir.), Nicolà dell'Abate, notice 122, P. 342. Sur la signification de la devise, voir S. Béguin, « A Lost Fresco of Niccoló dell'Abate at Bologna in Honor of Julius III », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 18, 1955, p. 114-122.

2 Voir nos analyses au Symb. 102.

858

Fig. 3 > NICOLO DELL ABATE, Devise de Jules III, dessin plume et encre brune, lavis brun, (38,1 x 29,2 cm), Paris, Musée du Louvre,

Département des Arts graphiques. (inv. 5845).

Le second poéme, beaucoup plus développé, propose une paraphrase du psaume 115 (113B). On remarquera en outre que, pour inscrire le second poéme dans la continuité du premier, dédié à Jules III, Bocchi glisse dans les généalogies du Psaume (maison d'Israél, maison d'Aaron) la mention du patronyme de son dédicataire,

fortis, aurei genus/ Montis beatum

(v. 38-39).

On connait l'importance de la paraphrase des psaumes dans les pratiques littéraires et spirituelles des catholiques ou des réformées du XVf s, et leurs implications spirituelles et esthétiques multiples?69, La

paraphrase — poétique ou non-, à la différence du commentarius, de l'enarratio, de l'interpretatio, ou. de l'explanatio, se présente comme une traduction (de l'hébreu, du grec ou du latin), qui interpréte de surcroit le

sens d'un texte original, assurant à la fois la correspondance des langues et celle du sens. De fait, elle vise non

seulement l'interprétation et l'élucidation de la source biblique (ce qu'exige le commentaire, dont le modele est, pour Érasme, celui de Thémistius à Aristote), mais surtout l'émulation poétique avec le texte originel et une "*! Pour la définition du terme, voir V. Ferrer, A. Mantero (dir.), Les paraphrases bibliques aux XVf* et XVf* s., Genéve, 2006, et en particulier

l'article trés éclairant de J.-F. Cottier, « La théorie du genre de la paraphrase selon Érasme », p. 45-58. Voir aussiJ. -F. Cottier, « La paraphrase

latine, de Quintilien à Érasme », Revue des études latines, 80, 2002, p. 227-252 ; J.-F. Cottier, « Les paraphrases sur les Évangiles d'Érasme : le latin, instrument de vulgarisation des Écritures » dans E. Bury (dir.), Tous vos gens à latin : le latin langue savante, langue mondaine (xiv-xvirss.), Genéve, 2005, P. 331-345 ; H. M. Pabel, M. Vessey (dir.), Holy Sripture Speaks: The Production and Reception of Erasmus' Paraphrases on the New Testament, Toronto-Buffalo, Londres, 2002 ; S. Dresden, « “ Paraphrase ” et * commentaire ” d'aprés Érasme et Alberto Pio », in Società, politica e cultura a Carpi ai tempi di Alberto III Pio, Padoue, 1981, t. 1, p. 207-224. Pour la paraphrase des psaumes, voir J.-C. Margolin, « Grammaire, principes exégétiques et humanisme chrétien dans le commentaire d'Érasme au psaume I, « Buehii uir», dans V. Ferrer, A. Mantero (dir.), Les paraphrases bibliques aux XVI et XVI s., p. 93-114 ; voir aussi J. Nassichuck, « Du commentaite à la paraphrase poétique chez Marcantonio Flaminio », LHT, 5, 2008 [En ligne], URL : http://www.fabula.org/Iht/5 /index.php?id-8o. Sur les paraphrases poétiques des psaumes en langue latine, voir A. Vaganay, Les traductions du psautier en vers latins au XVI s,, Fribourg, 1898 ; J. A. Gaertner, « Latine Verse Translations of the Palms 1500-1620 », Harvard Theological Review, 49, 1956, p. 271-305.

859

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2 TIzarinitum, ammrroartusr, cmmmeertzam

forme de réappropriation linguistique"^** : on ajoute au docere les impératifs du placere et du mouere, pour reprendre l'heureuse expression de Jean-Francois Cottier. Ainsi, dans son édition commentée des Psaumes^665,

Marcantonio Flaminio, que Bocchi connait bien (ils entretiennent une correspondance et Marcantonio Flaminio se voit dédier le Symb. 124), procéde pour les piéces concernées de la maniere suivante : il commence par proposer un court argumentaire, puis ajoute une version latine du psaume, suivie d'une explanatio, sorte d'annotation verset aprés verset expliquant les difficultés de tous ordres, avant de clóturer sur une paraphrasis en prose, qui reformule et dilate le texte-source. La paraphrase poétique, plus encore que celle en prose, se déploie ainsi en une sorte de ressassement hymnodique qui nourrit et structure la méditation intérieure, propose une

véritable offrande lyrique pouvant s'inscrire dans une liturgie personnelle mais vise aussi à diffuser, au-delà de la Sphére individuelle, une interprétation spécifique du contenu biblique. Elle peut donc devenir l'occasion d'un exercice engagé voire polémique. Dans le cas de notre embléme, la volonté exégétique s'allie trés harmonieusement aux stratégies de réécriture pour proposer une piéce sensiblement augmentée par rapport au texte-source, ce qui est traditionnellement le cas des paraphrases?666, On constatera par exemple que le raisonnement et l'armature logique du psaume initial sont respectés dans le texte de l'embléme"* : Yahvé doit donner la gloire à son peuple pour que celui-ci puisse chanter la puissance de son dieu invisible (v. 1-17) et l'opposer à la matérialité inefficace des idoles paiennes (v. 18-37). La force de Yahvé, maitre du ciel, se manifeste dans le secours qu'il apporte son peuple sur la terre et dans la fécondité qu'il lui octroie (v. 38-64) : il est ainsi assuré d'avoir toujours des vivants pour proférer ses louanges et le prestige de son nom (v. 65-78). En revanche, l'emblématiste n'hésite pas à clarifier certains points ou à insister sur certaines articulations rhétoriques. Ainsi, là oü le texte biblique évoque les paiens qui demandent oü est le dieu des Juifs (nequando dicant gentes ubi est Deus eorum), l'emblématiste renforce le caractere intolérable de cette demande en insistant sur l'idée du nom divin objet de moquerie (v. 6-7 : ne gentibus ludibrio/ Sit nominis diuina maiestas tui), soumis aux quolibets (v. 14-15 : tui cum nominis/ Iniuria dicant), en méme temps que les fidéles sont persécutés (v. 13-14 : potes uidere et perpeti, ut qui nos mal£/ Vexant). Il met davantage en valeur le caractere fabriqué des

dieux des paiens, en évoquant l'artisan (artifex, v. 21), et en relayant le terme biblique désignant les statues

matérielles mais privées de vie (simulcra inania, v. 19) par celui de statuis inanibus, v. 31, qu'il rapproche de leurs adorateurs remplis de vide eux aussi (homines uanissimi, ibid.). De méme, aprés la longue énumération des incapacités des dieux paiens, l'emblématiste éprouve la nécessité de revenir sur l'idée du v. 16, contenue dans le Psaume originel, selon laquelle Dieu est invisible parce qu'il est dans les cieux (At noster in caelo est Deus). Mais il le fait sous la forme d'une apostrophe à l'Àme (Tu, mens amata v. 32) qui a la possibilité de regarder Dieu non avec des yeux matériels mais avec la vue spirituelle (Licet uidere, quanquam inaspectabilem, v. 33). Enfin, toute la partie

finale

du

psaume

est

amplifiée

et,

sous

forme

de

vastes

interrogations

rhétoriques,

retrouve

l'argumentation du début : si son peuple est détruit, qui chantera Yahvé ? Ne se contentant pas d'évoquer les

morts (Demortui, v. 71), comme le fait le Psaume, Bocchi évoque à nouveau les ennemis qui bafouent le nom divin (nefari&/ Qui nomen execrantur, v. 69-70) et, devant le caractere insupportable de cette perspective, reprend la suite du raisonnement (itaque, v. 73), qui veut que Dieu protége son peuple pour sa propre gloire (Non

"55 Par exemple, pourA. PIO, dans ses Tres et uiginti libri in locos lucubrationum uariarium D. Erasmi Roterdami ... , Paris, 1531, f° LXI v^, adnot. c, les commentateurs sont les authorum ministri, terme qui marque une relation de subordination, tandis que les paraphrast es sont leurs consortes et college, leurs égaux. Dans une lettre de 1517 (n^ 1274, 1. 34-39 Allen), Érasme rappelle que In metaphrasi sensus bona fide redditur, in

paraphrasi licet etiam de tuo addere quod autoris sensum explanet, « Dans le commentaire, le sens est rendu avec fidélité ; dans la paraphrase cependant il t'est permis de faire des ajouts de ton cru pour éclairer le sens de l'auteur ». Voir les analyses de S. Dresden, « “ Paraphrase ” et

“ commentaire ” d'aprés Érasme et Alberto Pio ». "55 Le titre complet est : In librum Psalmorum breuis explanatio. Adiectae sunt eiusdem authoris in Psalmos aliquot paraphrases, item in triginta Psalmos paraphrases, carmine ab eodem conscriptae, Lyon, Guillaume Rouille, 1569 (1546', Paris, Jean Ruelle). Une premiére édition, moins

copieuse, avait vu le jour en 1545. "55 Sur cette idée de fusius et explanatius dicere, voirJ. F. Cottier, « La théorie du genre dela paraphrase », "57 Voir l'areumentum de Marcantonio Flaminio, In librum Psalmorum breuis explanatio éd. citée, p. 621 gentis suae, quam impiae nationes inuaserant, ut appareat ipsum esse uerum Deum, caeterorum autem deos esse implore Dieu de défendre les offenses faites à son peuple qu'avaient attaqué les nations impies, afin qu'il

que les dieux des paiens sont fabriqués et trompeurs ».

860

p. 53. : Precatur Deum, ut défendat iniurias fictos et commentitios, « [le psalmiste] soit clair que Yahvé est le vrai dieu et

— dioere T

nomin nostr Md quadem ozxsa, at fui, v. 75) et pour recevoir le culte qui lini est di (qune zur sumiSssmp aufisibozt preces, Preces, cultus, musmini,v. 77-78).

À la lecture du texte, on acquiert la conviction que la mise en relief de certrimes théanatisues din pszunne asigna

essortit à un projet plus vaste de propagande religieuse. Ce qui anime à se poser ame quesitum sediée pendunt indépenda demme sa relatio nt n avec le nom du dédicatame, poergece Snc chosser-d| de dinzmer ame para aussi ph longue ra de se ce Psaume 115 (1138)? C'e& sans doeze que le poézne bible tcume, dans l'actualité rebigieuse contemporaine troubl de singulié ée,res rTeésOCaoces em pustucrhes sur dery muwrrés fumilers aux partisans de l'évangélisme érasmien : la question des persécutions de la matum qui se camsalise dime. ls quesion du culte immatériel à rendre à un Dieu invisible. Angusiin a fut du psaume ume parzghrase dint li

posténté se

largement emparée. À ses yeux, adorer des Satoes antbropocnorphes me peunz

xe jnsüfer

Spirituellement, et il considérait ce culte comme le signe d'un attacheznent à la chusr om à la seligiam des diémams Mais vonci qu sntervient je ne sais quel esprit fort qui se premat pour um sape ex dit - < Pur znmm ce m est gus ame

puezre que pe wénére, ni cette Statue dépourvae de sentiment. cir si votre pmopiéte 2 pu szweur quee die geiles représentztons omf des yeux mais ne vosent pas, coenenemt me szmzais-je pus, sno, que cef uitae est mariés que ses yeux ne vosent pas et que ses oreilles n'entendent pas ? Ce 2 est donc pas elle que je céwive - amas se emdks

un culte 2 l'objet que je vois et je me soumets an dieu que je ne vois pas. » Quel est ce Diez ? « C'est ame ceetume pussance ámine, invisible, dit-il. présente en cette 42tue. » En rendant zansi raisom à leurs siatmes, dis ue greameat pour d habdes gens. parce que, refasant le culte des idoles, dis s'adonnent 3 celui dex déenoms a

Les adeptes catholiques du culte extérieur, qui prónent li dévotion et amtres marques de révésemce superstiGeuses devant les représentations figurées de la divinité pour imprimer aux foules igmerzmtes lie sems die li hiérarchie et du respect du pouvoir temporeP *, pourraient bien étre, dans le texte de l'eczbline, les mcumeaux

paiens, émules des idolátres vilipendés dans le psaume” . Face à eux, la nation élue des réformés componit que

Dieu n'exi&e que dans le ciel (at noder in coelo e& Deus, v. 16), que c'est lui seul qu'il faut wénérer me zt sumi, a£ decet, (v. 67), smuiolatz, et hymnis et sacris/ Honoribus perenmiter (v.63-64), Ces-à-due par zm cube qpünitmel

Cette nation (genus ou domus) demande raison des injustices et des persécutions qui somt perpétrées onmtze ellie et, à travers elle, cont Dieu lui-méme re

(ne... ludibr Sz io/ mowumis d

muziras tz

©_. $7- Pure under &

perpeti ut qui nos male/ Vexant, tui cum nominis/ Iniuria dicant, v. 13-14 ; Quad si Damme, dileri ai amnis Sum,

“ AVG. Enerato in Pile CAVI 11 (nous tradmisons). Pour Anposzm, cete wostihczom dex Tunems Tnamapnr (e cubes qund ce mde i travers les Stztues gui en soot le signe visible, zur entités naturelles gui régissent le nome, et gui les Gui tomiber scu Îa comdimmmanienr de lÉpitre aux Romains de Paad - - Ils osent répondre que ce n'est pas les corps eux-enécnes: qui is iammrentt, znaiis les guissamces: diuimes: qni lies

répssent Aus une seule sentence de | Apótre prononce-t-elle leur chátzment et leur comderematione quamd i dr - ^k amt chumge is vei die Dieu ex mensonge, ds ont honoré et servi la créature pletót que le créztezr, qui est béei dams les scies. " (pm, s. zs 7 War ams massae à De Doctrina deriffiana, 3,67,11 : À supposer méme que l'on rapporte ces sigmes à ce qui ilis siprifienti f qne l'am Gasse è l'est trés éclairznt un devoir d'honorer le sipnifié, on ne sera pas pour autant libéré da poüds de la serwitmáe et ám wwe de lk char - Fuur i comáummunum qu'Angushn £x. i travers ces propos, de la théurpe et de la réhabübeztion ám cube des durues acfircpumersihes, zrommr Tur Vumihhune. Murfhe ar 3m. Pars, Porphyre, | Asclépcus oc lExmpereur Jalsen et qui puise ses racimes dans les Antugasté drmmes de Varro, vci ] Pégum,

p. 351-357 1956,

UP Voir la trés comvaincante synthése eur le sujet de G. Scavizzi, « La teologia catobica e le magii durante di vit secalis », Sümic iil Aeg. > Voer &gzleznezt ld Tx Canttawersy am Brngges: fpavr Caii 1974, p. 171-215, en pertculier $4, « L'esteriorita del culto », p. 182-185.

v Suramus,,

Berne, 195: ; S. Michalsis, The Reformation and fhe Visual Arts. The Proteilgez Image Quesium. om Weser am Easier. Eurape. Lamives New York, 1995.

" Ce parallele extre culte des idoles antique et culte des images dans le rituel catholique est déjà utilisé peur comdammser le secun è l'instar dit

premier dans L: querelle imaginasre sar les images qu' Alberto Pio s'imvente contre Érzszne ( Tres et adipis liri am nzns lucibvartumum: warcur-um. Desiderii Erasmi Roterdami, Venise, 1531). Pio reprend les propos du mescio quad dxiputstse de | Exurvatur ax Psalmum. CU]

£ nensi

- « Sar

m objectzis qu'zvec cet argument [= le culte antique des idoles comme intuition naturelle de lz dnte ) [cm pwurcut ane hew iüemire i coutume paienne du cidte des idoles, en disant que les paiens n'adorzient pas les siulacres zuzis la dinünpé que ces simuliucees semesertznenr pour euz, et, de fait, plusieurs d'entre eux plaidérent leur cause en déclzrant, comme le rzppellie Aungusim dns lle enm sur lc Pszumz CNNT «^ Je n'adore pas cette pierre, ni un simulacre sans sentiment et sans àene, mais | adove ce que je vous pour sevwür ce que je me weis gas, c est-i-

dire la divinité invisible qui commande cr simulacre ^, si donc tu m'objeckais cela, la sépoese serait qu d s agit li dame azut autze questum aun dums [Tue du TW suni, difiérente de celle dont nous nous occupons », cité par S. Seidel-Menchi, Érasme hérétique - Riforme rt Pngunsium Paris, 1996 pour la traduction francaise, p. 147, L 68.

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Gentem sinis, v. 65-66). C'est elle, en effet, qui manifeste parmi les hommes la puissance divine (Vt semper aliqua

Gravure :

LA SÉCURITÉ VÉRITABLE, C'EST L'INNOCENCE

natio/ Sit quae tuo sanctissimo adhibeat preces/ Cultus, honores, numini, v. 72-74). Il est donc impératif qu'elle

demeure saine et sauve (Itaque Domine nos atque nostros posteros/ Saluuos et integros iube, v 69-70), c'est-à-dire

qu'elle ne soit pas persécutée ni détruite physiquement, afin de pouvoir continuer son róle d'annonciation et de manifestation de la véritable piété. Mais, sous couvert d'une priére à Dieu, c'est la protection de Jules III — et de sa famille — qui est ici sollicitée. Du fait qu'il est sans hostilité vraiment marquée contre les idées réformées et qu'il a démontré ses compétences lors du Concile de Trente, il est clair que son accession à la papauté fait naitre bien des espoirs. À travers tout l'appareil du panégyrique, qui fait de la famille del Monte l'élue de Dieu (Proinde et nunc benefaciet uiris/ Ipsum uidentibus pie,/ Benefaciet quoque fortis ac ter maximi/ Montis familie Olympicae./ Faciet idem uerentibus

Sur l'image : Salut à toi, innocente Sécurité

AU CARDINAL INNOCENZO DEL MONTE APHORISME TIRÉ DU PSAUME

minoribus/ Natu atque grandioribus/ Magis magisque benefacientiam in dies/ Augebit erga uos suam, v. 47-54), c'est bien au pape que Bocchi demande d'étre le scutum (v. 41), l'adiutor et le uindex certissimus (v. 45) des réformés

et de fuir ainsi le camp des idolátres, adeptes des cultes charnels. On comprend alors les arriére-pensées de Bocchi lorsqu'il célébre, dans le premier poéme, la pax domi ac foris, comme il l'avait fait pour Reginald Pole" . en protégeant les réformés, ou du moins, en ne les persécutant pas, Jules III contribue à faire revenir la paix politique autour de lui (foris), la pax humana, et à abolir la guerre civile ; en méme temps, il entre dans le projet de Dieu en se mettant du cóté de la nation élue, celle qui refuse de s'adonner à ce qui n'est pas spirituel, et se met

15 DE DAVID

Pére du ciel, Trés-Grand, Trés-Bon, qui logera sans crainte

En tes temples bienheureux ? Qui se reposera en l'olympienne citadelle De ton mont sacré ? Innocent,

5

Bien sùr !à la vie sans défaut, exempt de toute tache

Et qui chérit la vérité.

donc en paix avec lui-méme, en son for intérieur (domi).

C'est là cet ineffable goüt pour le verbe éternel,

C'est là forte foi en un juste Dessein. Le portrait net de solide Piété surgit Symb. 149

(Pas de gravure)

À INNOCENT DU SAINT MONT, CARDINAL

INNOCENTE SÉCURITÉ Qui, Tout-Puissant, imprimera les marques de ses pas Dans ton temple resplendissant ?

Si, sur ton serein mont, l'on vient reposer, ce sera S

Celui qu'Innocent Rome appelle.

Carilestsans défaut, berger aux paroles sincéres,

Trés épris de la vérité.

C'est là le goüt divin pour le Verbe qui dit le Vrai,

10

C'est là le désir affermi De bonne volonté. Un parfum de sainteté monte De la noble sécurité.

10

De la noble Sécurité.

MéTRIQUE Métre épodique : hexamétre dactylique et dimétre iambique. REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET LES MANUSCRITS

- L'épigramme grecque apparait avant la gravure (absente de S) et l'épigramme latine, et donc sur la page de droite, probablement pour des raisons de gain de place. - tit. carm. 1: OPEI] Nous proposons cette correction là où le manuscrit et les éditions proposent OPOI, de la méme maniére que nous proposons la lecon ópoc au v. 3, au lieu de ópov. Il y a visiblement une confusion entre ò ópoc, ov, « la borne, la limite », et tò ópoc (ópeoc), ovc, « la montagne ». Le nom du dédicataire (Del Monte,

c'est-à-dire De la Montagne ou Du Mont), la référence au psaume 15 oü il est question de èv t@ ópe v9 &yío cov

ainsi que la paraphrase latine de ce psaume (seconde épigramme) où Bocchi propose la traduction par sancti montis (v. 3-4) plaident en faveur de cette restitution. NOTES

-ded. carm. 1-2: INNOKENTIOI TOI IEPOI OPEI, BOYAEYOHI l'IITAYMAIOI/ INNOCENTIO CARD«INALI» MONTANO] Innocenzo Del Monte (1532-1577)^7, nait prés de Parme (dans l'acuelle Fidanza), dans une famille de trés modeste condition, mais rencontre la chance lorsque son pére se place au service du cardinal Giovanni Maria Ciocchi Del Monte, le futur pape Jules III, alors légat pontifical de Parme et Plaisance (entre 1537 et 1544). Le cardinal s'éprend visiblement de ce trés beau jeune homme. Il le fait adopter en 1546 par son frére Baldovino sous le nom d'Innocenzo del Monte et lui donne pour précepteur incite Fascitello. Aprés son élection à la papauté le 8 février 1550, Giovanni del Monte fait nommer casn

e

protégé, au consistoire du 30 mai. Innocenzo regoit l'investiture le 10 juin et le titre de San Onofrio le 1 septembre, avec une confortable rente. Cette élection suscite de nombreuses oppositions, en particulier celle de Reginald Pole et Gianpetro Carafa, et séme le scandale à Rome. Outre dans les pasquinades, on en trouve trace 71 Voir notre étude du Symb. 79.

862

7? Voir P. Messina, « Del Monte, Innocenzo », in DBI, t. XXXVIII, 1990, p. 138-141.

863

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

dans la correspondance de l'ambassadeur vénitien Matteo Dandolo ou chez Onofrio Panvinio, qui vilipende la lasciuia et la luxuria du pape. Malgré tout, le pape continue de couvrir le jeune homme de bénéfices et de rentes (par exemple l'abbaye de Saint-Michel en Normandie, celle de San Zeno prés de Vérone, l'évéché de Mirepoix ou l'abbaye de Grottaferrata). Nommé secrétaire d'État en 1551, Innocenzo devient légat de Bologne entre juin 1552 et aoüt 1555. Aprés la mort de Jules III, Innoncenzo se signale par divers scandales et une vie dissolue : meurtres et participation à des rixes, ce qui lui vaut un an d'emprisonnement au Cháteau Saint-Ange entre 1560

et 1561. Il prend le titre de San Callisto en 1562, celui de Santa Maria in Portico en 1564 et celui de Santa Maria in via Lata en 1568. Ayant commis deux viols à Sienne, il est sauvé in extremis de la prison par Cóme I* en 1568

mais finira par étre incarcéré en 1569 sur l'ordre de Pie V. La commission de cardinaux qui le juge le condamne pour fornication à étre enfermé au monastére de Montecassino avant d'étre transféré à Bergame. Il est réhabilité par Grégoire XIII et meurt en 1577.

La rédaction de l'embléme date selon toute probabilité de la période oà Innoncenzo del Monte, cardinal depuis 1550, est légat pontifical à Bologne, entre juin 1552 et aoüt 1555. — carm. 2, v. 2-3 : incolet... requiescet] Le terme incolet (au sens de habitabit) et requiescet montre que Bocchi

s'inspire de la version de la Vulgate traduite par saint Jéróme à partir de la Septante et non de la version traduite à partir de l'original hébreu (qui comporte respectivement peregrinabitur et habitabit, voir apparat des sources). ANALYSE Nous avons donné, dans la piéce précédente, un aperqu du succés extraordinaire des Psaumes à la Renaissance. C'est à un exercice quelque peu différent que se livre l'emblématiste dans ces deux piéces, méme si la référence à la montagne de l'héritage de Yahvé (en liaison avec le patronyme Del Monte) et au tabernacle assure la transition avec l'embléme précédent. Bocchi choisit ici le Psaume 14 (15), où David demande à l'Éternel qui

pourra habiter dans sa tente, et se reposer sur sa montagne sacrée. Yahvé répond en déclinant toutes les qualités de l'homme juste, qui dit le vrai, qui n'aime pas la ruse, qui ne pratique pas l'usure, etc. Comme dans le Symb.

148, cette source est choisie en relation avec le nom de son dédicataire : Del Monte, qui signifie la montagne en

italien. Giano Vitale avait déjà réalisé ce jeu de mots dans l'un de ses Elogia de 1553, dédié précisément à

Innocentius A monte Cardinalis Sancti Honofrii Bononiae legatus (v. 1-2 : Hunc Montem quem Roma uides trans nubila opaca/ Ire cacuminibus tribus, et summa astra tenere... ). À partir des trois premiers versets de ce Psaume 14 (15), l'emblématiste propose deux piéces, l'une en grec, l'autre en latin, réunies par leur source biblique, leur

dédicace et un métre identique (le métre épodique emprunté à Horace), mais qui présentent un certain nombre de uariationes non seulement par rapport aux originaux grecs et hébraiques, mais aussi entre elles. Nous sommes effectivement dans l'esprit anthologique du recueil d'épigrammes, qui fait se succéder des piéces dont la

thématique est commune mais qui aiguisent l'intérét du le&eur par tout un ensemble de différences plus ou moins conséquentes, en particulier par rapport à un paradigme. On remarquera que, dans la version grecque comme dans la version latine de l'épigramme, Bocchi s'éloigne considérablement des formulations du texte grec de la Septante, ainsi que de celles des deux traductions latines

de Jéróme à partir du texte de la Septante et de la version en hébreu (voir note au vers 1). Dans les deux piéces (v. 1-8), l'emblématiste conserve cependant quatre idées essentielles au texte biblique : venir habiter dans le temple divin ; venir se reposer sur sa montagne ; étre exempt de faute morale ; dire le vrai. Les deux derniers vers (v. 9-10) constituent, dans les deux épigrammes, une libre interprétation.

1. La version grecque : le róle des images

Le texte grec de la premiére épigramme se signale par tout un ensemble d'emprunts à la langue biblique de la

Septante (voir par ex. otepewoesl de otepeóo, « renforcer », au v. 1 ; vóptoc, « le pasteur », v. 5 ; £b6oxíac, v. 8). De nombreuses images sont introduites, qui ne figurent pas forcément dans l'original grec, et l'évocation des

lieux se transforme en paysage idéal :

— dans le v. 1,le poéte insiste sur la solidité de la marche (otepewoel), aux pas profonds et bien dessinés ("Iyvea....

eráciya), qui vient établir l'élu sur les sommets divins, là oà l'original de la Septante proposait zapotk1]o£t « habiter aux cótés de ». 864

- au v. 2, l'idée de la tente-tabernacle dans l'original grec est remplacée par celle, voisine, de temple (Neà), qualifié de brillant ou harmonieux (&yXaà) ; l'image est celle du temple en nobles matériaux, isolé en haut de la

montagne, et que viennent frapper les rayons d'un soleil éternel (voir l'expression templum aureum dans la premiére épigramme de l'embléme précédent, v. 7). Comment comprendre la situation et la nature de ce que Bocchi traduit par « temple » de Yahvé (Ne èv àyAaó octà qui correspond à l'original grec oxnvwyati) ? Les commentateurs antiques et renaissants nous éclairent sur ce point. Pour saint Augustin (Ennarationes in psalmos,

14, 1), la tente désigne normalement l'abri de guerre qui permet au soldat de se reposer : les chrétiens sur terre sont en guerre contre le démon et ont besoin d'un endroit oü reprendre des forces. Augustin précise que la tente désigne maxime fidem temporalis dispensationis, quae pro nobis acta est temporaliter per incarnationem domini, « avant tout la foi dans le plan de Dieu pour le monde, qui a été réalisé dans le monde par l'incarnation du Seigneur » : c'est la croyance du chrétien dans le salut par la gráce divine. Pour Hilaire de Poitiers (Tractatus super psalmos, 14, 2), le tabernacle et la montagne représentent les excelsis et caelestibus, les hauteurs célestes, oü

l'homme juste pourra cohabiter avec Dieu et se reposer. Dans l'argumentum réservé à ce psaume "^^, Marcantonio Flaminio, un ami trés proche de Bocchi, explique que le temple et la montagne sont à la fois la Terre Promise aux Hébreux et à Moise aprés bien des années d'errance, mais aussi, de maniere plus abstraite et dans un sens platonicien, la récompense du royaume céleste qui attend aprés la mort les humains qui ont erré dans les douleurs du corps. Il suit en partie l'interprétation proposée par Érasme au Psaume 14 dans son De amabili concordia Ecclesiae, fidéle à l'opposition origénienne et paulinienne entre homme intérieur et homme extérieur. Érasme interpréte la montagne comme le Mont Sion à Jérusalem et explique comment en faire l'ascension : par le mépris des choses terrestres et le désir de la vie céleste », avant de préciser : « Entrons sans trace d'hérésie et, progressant dans la foi qui opére par la charité, accomplissons la justice de l'Évangile, et non

celle du judaisme, en attribuant à Dieu tout ce que nous paraissons faire de bien^^"* ».

— au v. 3, en qualifiant la montagne de Nrjveuov, Bocchi renonce à l'idée de sainteté de l'original grec (&v t@ ópe 19 àyiw cov) pour lui préférer celle d'une éminence idéale, à l'abri des tourments climatiques et en particulier des vents. Comme nous l'avons rappelé dans l'embléme précédent, pour saint Augustin, la montagne représente «]la charité suréminente du Chris dans la vie éternelle » (in Psalm., 14, 1: hic fortasse iam ipsam aeternam habitationem significat, ut montem intellegamus supereminentiam caritatis Christi in uita aeterna) ; — les vers s et 6 développent trois qualités, librement adaptées de l'original biblique : l'absence de faute morale (KqAi8og éxróg óÀng correspondant à la formule biblique zopevóuevog ápogoc, « qui s'avance en étant irréprochable ») ; le statut de berger qui prononce des paroles sincéres (vóutoc vnuéptea QdoKwWY, à rapprocher de l'original grec c oo £8óAootv èv yhwoon aoo? ; l'amour de la vérité ('Epóv dhndeiav ooó8pa qui interpréte

AaXàv àArj8etav èv xapó(q aoro).

— le vers 7 (ainsi que le font les suivants) s'écarte définitivement de la lettre du psaume : il reprend l'idée du vers

5 et insiste sur le goàt remarquable (0cozéctov oxo$8acua) pour la parole véridique (Nmtpek£oc ... Aóyoto), deux termes qui encadre le vers à son ouverture et à sa fermeture ;

item in triginta 755 Voir M. A. FLAMINIO, In librum Psalmorum breuis explanatio. Adiectae sunt eiusdem authoris in Psalmos aliquot paraphrases, longum et exilium post tandem quo 114-115: p. Psalmos paraphrases, carmine ab eodem conscriptae, Lyon, Guillaume Rouille, 1569 (1546")

omnium bonorum grauissimos labores in terris exanhelatos in monte illo caelesti et domicilio Dei sempiterno quiescamus uitamque placidissimam et

tanquam e carcere euolauerunt. Nostra plenissimam traducamus ; tunc enim boni incipiunt uiuere, ut quidam sapienter ait, cum ex corporum uinculis Dei " montem sanie appellat, eum domicilium carminis principio in sanctus uir cum oportet, scire autem Illud est. mors uita dicitur quae uero haec

long exil et de terribles terram Iudaeam intelligere, quod uel uno testimoni Mosis confirmare possumus, « pour qu'enfin, épuisés aprés un e mener me vite Pin de ciens séjour le et céleste souffrances endurées sur la terre, nous puissions nous reposer sur la montagne dit quelqu un aver l'a xpguetie uis, à commencent ne bien de parfaitement paisible et regorgeant de tous les biens ; alors en effet, les hommes existence qui Cette prison. Wine d pone corps du chaines des hors beaucoup de sagesse (cf. CIC., Rep., 6), qu'au moment oü ils se sont envolés du ome parle début au saint l'homme lorsque que savoir de toutefois convient Il mort. une réalité en est vie est nótre et que nous nommons

confirmer sur le seul témoignage de du séjour de Dieu et de sa montagne sacrée, il comprend par là la terre de Judée, ce que nous pouvons | rs x [ cf. Ex. 15, 17] ». Moise

; colloques ; réflexions sur l'art, l'éducation, la 75* Voir C. Blum, A. Godin, J.-C. Margolin, D. Ménager (éd.) : ÉRASME, Éloge de la folie ; Adages religion, la guerre, la philosophie ; correspondance, Paris, 1992, p. 808.

865

-T— Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

-le vers 8 insiste sur la thématique morale en évoquant le désir renforcé (£uxs8oc/ "Iuepoc) de bien faire

(Tusc., 3, 2, 3). L'Arpinate fait allusion aux objets qui, sur un tableau, sont mis en lumiere et dont on percoit trés

récapitulatif qui condense toute la suite du Psaume original et qui saisit sans entrer dans le détail tous les aspects

Securitas et Pietas : lorsque la premiere existe, elle s'accompagne inévitablement de la seconde.

(sóSokíac). On notera le rejet en début de vers 9 du terme platonicien trés fort "Iuepoc. Ce vers est une sorte de

distin&ement les contours. Le méme lien d'interdépendance qu'entre Gloria et Virtus e tissé par Bocchi entre

de la bonne conduite :

3. Le paradoxe encomiastique

Qui ne lése en rien son frere, ne jette pas d'insulte à son prochain, méprise du regard le réprouvé,

La lecture de la biographie mouvementée d'Innocenzo del Monte laisse peu de doute sur l'authenticité des qualités qui lui sont attribuées dans l'embléme, et il est clair que l'emblématiste joue ici avec les conventions de l'éloquence épidictique en célébrant comme acquises des vertus que le destinataire n'a pas encore faites (et ne

mais honore les craignants de Yahvé ;

fera sans doute j amais) siennes.

duse dee ipei edt d didt, dd pat épais Soi ergent à intéstt

s bia dnoxastique sur le patrotyme n'a toutefois pas qu'une simapls yaleur ludique : en plus de susciter la réminiscence intertextuelle (allusion au Psaume 14), il prouve au destinataire le caractére contraignant des

n'accepte rien qui puisse nuire à l'innocent.

vertus morales inscrites dans le nom que l'on porte, et dont l'accomplissement devient un véritable impératif

Qui fait ainsi jamais ne chancellera?5^^,

catégorique : le destin

quelque

sorte

déjà

inscrit.

On

sait que,

pour pouvoir

élire Innocenzo

au

-les vers 9-10 se clóturent sur une image ambigué: celle du parfum de sacrifice, qui rassemble à la fois l'imaginaire archaique grec et la thématique chrétienne de l'odeur de sainteté. C'est ici l'á8eia, le fait d'étre en sécurité, qui fait s'épanouir (£gAóo8n) une odeur (bogavtikòs... / Ocyóc) de piété (EbosBeing), dont elle est, en quelque sorte, à l'origine (£vOev... zó0tv). Le poème se referme sur lui-méme: la tente/tabernacle et la montagne de Yahvé protégent l'homme de justice, qui, en retour, manifeste sa piété et sa foi, qui lui valent 2. La version latine : onomastique et sources classiques La version latine, trés proche de la version grecque pour les vers 5-7 dont elle est un décalque, s'en distingue

dans l'au-delà. Mais l'emblématiste fait peut-étre également miroiter aux yeux de l'homme dissolu la paix d'une vie terrestre rangée, sans risquer les punitions temporelles qui ne manqueront pas d'atteindre le coupable. La gravure joue un róle important dans le dispositif de persuasion. Elle se présente comme une image pieuse et

d'entrer dans la demeure divine, dans la circularité sans cesse renouvelée qui constitue la gráce.

conscience tranquille, en régle avec son Dieu, et qui ne s'occupe donc plus des tourments qui lui seront réservés

cependant plus largement ailleurs. Par exemple, elle étend le jeu de mots sur le nom du dédicataire. Outre le motif de la montagne, contenu dans le psaume, et qui est plus transparent en latin qu'en grec (monte/Del Monte), l'épigramme latine s'appuie sur le prénom du dédicataire, Innocent (innocens en latin), pour célébrer

|

celui qui est in-nocens, « incapable de nuire », ce qui n'était phonétiquement pas possible pour le grec. Le titulus

de l'épigramme SECVRITAS

VERISSIMA INNOCENTIA

la mise en figure d'un «Je vous salue » adressé à l'Innocentia et à la Securitas (Salue innocens Securitas), l'Innocentia étant la véritable patronne du destinataire, Innocenzo. Au centre de la gravure bonasonienne, cette innocens Securitas apparaît sous les traits d’une allégorie féminine en marche s’apprétant à s’engager

énergiquement sur un petit sentier qui va la conduire en haut de la colline. Derriére elle, on apergoit un clocher

(«la sécurité est la véritable innocence » ou «la

d'église surmonté d'une croix. La jeune femme porte une longue coiffe dont le voile se déploie gracieusement en

véritable sécurité, c'est l'innocence »), relayée par une apostrophe dans l'image elle-méme (Salue, innocens

volutes dans son dos. Elle léve l'index de sa main droite vers le ciel pour bien marquer le sens de son mouvement

naturellement et donc symbole de sécurité, securitas) et le prénom (Innocenzo, lié de maniére transparente au

Symb. 51, que ce geste de l'index pointé, ici relayé par celui du pouce, signalait la Fides. L'agneau auréolé qu'elle

Securitas) associe de maniére symbolique le nom du dédicataire (Del Monte, « Du Mont », lieu fortifié

et indiquer au spectateur dans quelle direction il doit mener ses pensées. Nous avions vu, dans nos analyses du

substantif innocentia) dans une sorte de tautologie en miroir, oü securitas et innocentia se reflétent l'une l'autre de

porte sur son bras gauche replié et la croix-étendard qu'elle arbore montrent bien qu'elle est l'Innocentia

part et d'autre de uerissima qui en traduit l'authenticité. On remarque en outre l'abondance des références intertextuelles à l'antiquité paienne, qui sont souvent chez Bocchi le signe d'un cryptage religieux et la marque

d'une correspondance

évoquée par le titulus de la gravure et le motto sur l'image, et dont le modéle est bien entendu l'agneau christique : soutenue par la foi qui lui donne la securitas ici bas, cette Innocentia s'appréte à aller goüter la

avec des idéaux évangéliques

récompense ultime, la securitas éternelle dans le giron divin.

contemporains. Yahvé devient ici Jupiter optimus maximus (v. 1), le souverain (pater) des habitants du ciel (coelicolum). La montagne sacrée se transforme en citadelle de l'Olympe (Olympiaca...

La partie gauche de l'image est tout entiére occupée par une haute colline de rocs, surmontée d'un autel où

arce). Le portrait de

brillent des flammes

l'homme de confiance, qui se tient à un juste dessein dans les vers 8-9 (Iusti tenax fiducia/ Propositi), n'est pas emprunté à l'univers vétérotestamentaire mais bien à la figure idéale qu'Horace brosse du sage stoicien dans l'Ode 5, 3, 1: indifférent aux agitations du monde, il demeure imperturbable comme Pollux, Hercule ou Bacchus. Quant à l'image finale (Expressa hinc solidae Pietatis imago, v. 9-10), elle n'est pas empruntée à l'univers

|

olfactif et ne propose pas le parfum de sacrifice ou l'odeur de sainteté comme dans la version grecque. Elle

|

s'appuie sur une comparaison tirée de la peinture et utilisée par Cicéron à propos de la gloire (Tusc., 3, 2, 3); avant d'étre reprise par Sénéque (et exploitée par Bocchi lui-méme dans le Symb. 42). Aprés avoir dit que la

| |

gloire était pour la vertu comme une ombre qui suit le corps (Tusc., 1, 45, 109), Cicéron se reprend pour dire

|

qu'au contraire elle est « une réalité qui a de la consistance et du relief, et non une ombre à peine esquissée »

755 "Trad. La Bible de Jérusalem, Paris, 2003, p. 881.

|

866 |

y est en

cardinalat, Jules III l'avait fait adopter par son frére pour qu'il puisse prendre le nom de la famille. Bocchi rappelle sans doute au jeune homme à la vie dissolue que, si le nom d'adoption qu'il porte comme sien désormais lui a valu tout un ensemble de priviléges et de gráces, il comporte également des contraintes et des obligations éthiques auxquelles il s'agit désormais de ne plus se dérober. À l'arriére-plan, Bocchi insiste sur le principe mystérieux et infini de la gráce divine qui ne demande qu'à se révéler. L'allusion à la Securitas, qui clót le texte, peut s'entendre comme une invitation faite au destinataire de goüter enfin l'apaisement que procure une

--—————

et qu'un ceil orne sur la facade principale qu'il montre au spectateur. Deux surgeons

poussent à droite de l'autel. Comme l'a montré E. See Watson (Achille Bocchi, p. 54 et passim), cet autel est un * hiéroglyphe » emprunté à une suite de l'Hypnerotomachia Poliphili de Francesco Colonna (et que nous avons vue au Symb. 147) : il s'agit tout simplement de signifier Dieu ou, plus précisément, puisque l'autel est posé sur la colline, de signifier la montagne de Dieu, comme le suggére d'ailleurs Sylvie Béguin, qui ne fait toutefois pas le rapprochement avec Colonna/^. Le motif de l'autel sur la montagne est emprunté au dessin préparatoire de

N. dell'Abate conservé au Louvre pour la fresque de Jules III au Palazzo Carbonesi (voir Symb. 148). Pierre Martin nous suggère un très pertinent rapprochement avec le vingt-sixième traité des In Euangelium

loannis Tractatus centum uiginti quatuor d' Augustin (sur Io. 6, 41-59 : Panis quem ego dabo, caro mea est pro mundi

8, Béguin, « A Lost Fresco of Niccolò dell'Abate at Bologna in Honor of Julius III », Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 18, 1958, p. 114-122, ici p. 119.

867 i





—————————

lr

=

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

uita). Au paragraphe 11 (Ego sum, inquit, panis uitae), Augustin insiste sur la nécessité d'interpréter le sacrifice de l'eucharistie comme une manducation spirituelle et il appuie son propos par une sorte d'adage : Videte ergo,

MÉTRIQUE Distiques élégiaques.

spirituellement le pain céleste, portez l'innocence auprés de l'autel ». Or c'est précisément ce que s'appréte à faire l'allégorie de l'innocens Securitas sur l'image : prendre le chemin de la montagne pour porter l'agneau innocent prés de l'autel divin, mais dans un sens spirituel. Cette innocence intérieure est procurée par le pardon

NoTES - ded. carm. : IO

fratres, panem coelestem spiritaliter manducate, innocentiam ad altare apportate, « Voyez donc, mes fréres, màchez

sincére, qui apporte, selon le mot méme d'Augustin, la securitas : Dimittis, dimittetur tibi : securus accede, panis est, non uenenum, « Pardonne et tu seras pardonné : approche en toute sécurité, c'est du pain, pas du poison ». Le

rapprochement de ce texte augustinien avec la gravure et surtout, la situation du dédicataire, parait d'autant moins fortuit qu' Augustin précise que Peccata etsi sunt quotidiana, uel non sint mortifera, « méme si les péchés sont quotidiens, ils pourraient pourtant n'étre pas mortiféres » : le pécheur invétéré Innocenzo, par l'intercession de l'agneau, pourrait lui aussi connaitre enfin l'état d'innocence que promet son nom, à la condition qu'il accepte de se conformer spirituellement aux préceptes divins, et non plsu formellemen t, par le rituel.

Gravure :

Symb. 150 SI DIEU EST DE MON CÓTÉ, QUI SERA CONTRE MOI ? *

À GIOVANBATTISTA PIGNA, PHILOSOPHE FERRARAIS JOLIE FABLE DU PIN TIRÉE DE PAUSANIAS

Jadis, deux dieux rivaux, Pan aux pieds de chévre et Borée,

S

Se consumaient d'amour pour la belle Pitys. Chacun, pris d'un feu semblable, la pressait de s'unir À lui par un mariage et de se dire sienne. Sielle peut choisir, elle préfére le seul Pan, Et relégue Borée le Thrace au second plan.

Refusant ce dédain — c'est souvent le cas des amants , Borée frémit bientót d'une haine furieuse,

10

De Pitys, errant seule au milieu d'une vaste plaine, Il s'empare et la brise sur un dur rocher. Recue au sein de la terre, par la sainte piété

Des dieux, elle se change en l'arbre au méme nom. Puis, des dons perpétuels de son feuillage, l'Arcad ien

1$

20

Se ceignit la téte, en gage de son amour. Tu peux désormais voir que Pitys, lorsque Borée souflle, En souvenir de sa douleur, pleure toujours. Pourquoi pleurer, jolie Pitys ? Si Pan est ton allié, Quelle force a Borée capable de te nuire ?

Pan, c'est la Vertu, Borée le Vice, et Pitys, c'est l’àme, Que seule rend heureuse la Piété divine.

BAPTISTAE PIGNAE PHILOSOPHO

FERRARIENSI] Voir la notice consacrée au

personnage à propos de la piéce dédicatoire qu'il adresse à Bocchi dans les poémes liminaires. - v. 12 : sancta pro pietate deum] cf. PIGNA, Satyra, « Pitys » (voir annexe), v. 110 : Superum haec pietate fit Pinus. Pour pietas au sens de justice divine, voir VERG., Aen.,

2, 536. L'expression

latine sancta pro pietate

ANALYSE

L'essentiel de l'épigramme (v. 1-18) est consacré au récit de la légende des amours de mythe n'apparait pas dans la Périégése de Pausanias, contrairement à ce que laisse semble suivre de trés prés la version qu'en donne un chapitre des Geoponika (11, 10), grec compilé au X° siécle à Constantinople sous Constantin VII Porphyrogéneéte, et qui

Borée, Pan et Pitys/4". Le entendre le titulus, mais un traité d'agriculture en inclut pour une large part

les Eclogae de Cassianus Bassus, un auteur du Vf siécle. Le traité est traduit en latin par Janus Cornarius en 1538

dans les Constantini Caesaris selectarum praeceptionum de agricultura libri uiginti (voir apparat des sources pour le texte grec et latin) : Histoire du pin : Pitys fut d'abord une jeune fille ; elle se métamorphosa par suite du double amour qu'elle suscita.

Pan en effet en était épris mais Borée rivalisait aussi d'amour pour elle. Alors que chacun tentait de s Burr les faveurs de la jeune fille, l'enfant accordait sa préférence à Pan. Borée en conqut de la jalousie : il précipita la p

fille contre un rocher et la fit périr. La terre prend ce supplice en pitié et fait éclore un arbre qui porte le méme nom que l'enfant, à laquelle elle a aussi rendu la vie. Son attitude face aux personnages reste la méme que jadis : elle couronne Pan de branches et arrache des pleurs à l'arbre chaque fois que Borée soufle.

Les humanistes ont largement imité le passage des Géoponiques, parfois avant méme la tadaeton latine de Cornarius, qu'il s'agisse de Giovan Battista Egnazio dans ses Racemationes"^* et de hne dans i: Lectiones antiquae, 25, 275? (voir apparat des sources). Egnatius attribue également le récit de la füble à Pausanias, et il est probable que c'est chez Egnatius que Bocchi est allé la relire. Le dédicataire de l'embléme, Pigna lui-méme, en donnera à son tour une longue version poétique (voir notre annexe).

75" Sur les amours de Pan et de Pitys, voir aussi THEOCR.,, Syr., 4-5 ; LVC., Dial. Deor., 22, 4. Voir R. Hanslik, « Pitys (2) » in RE, t. XX-2, 1950, col. ; 2678 * ie RU

; E. Si CE

itys » in LIMC, t. VII-1, 1994, p. 413-414. veria tous iiit Pee i d'impatience pour la trés belle vierge Pitys et la powtnvec impatiemment a» leurs ardeurs. Le dieu à corps de bouc la pressait de se donner à lui, le dieu thrace Botée de iuge La jeune fille; si » lui bos eri : choisir, préfére Pan à Borée. Mais alors que, déjà, elle s'était liée à Pan, Borée, furieux d étre évincé, se saisit d elle; a e : : eu emp E i plaine et la précipita pour son malheur sur un rocher. La Terre regut la mourante en son sein et donna son nom à un ar re. pe n: : a dieu d'Arcadie se ceindre immuablement les tempes de ses rameaux. On peut d'ailleurs nin quer que, lorsque Borée so ; e, le - e auss verse des larmes ; on jurerait qu'il se souvient parfaitement de son accident. Nous avons tiré ne fable des propos autein m " ' : :

7? « Les Grecs racontent que Pitys était une vierge. Elle fut précipitée contre un rocher par Borée car elle se ain

AS

La Terre la prit en pitié et la métamorphosa en un arbre qui porte son nom. De là vient que Pan porte une couronne | de pin souffle le vent, l'arbre verse des larmes ».

868

deum,

ambigué à dessein (valeur subjective du génitif deum), pourrait aussi signifier: « pour prix de sa sainte piété envers les dieux », si l'on prend deum pour un génitif objectif. M. Bianchelli Illuminati, p. 234, fait de sancta (ablatif) un nominatif apposé à arbor, alors qu'il compléte pietate : « diventa l'albero omonimo, sacro al culto degli Dei ». De méme, au vers 20, dans l'expression diuina pietas, l'adjectif a probablement une valeur subjective et renvoie au rite de Pan se couronnant de pin, offrant à sa défunte bien-aimée le culte funéraire qu'elle mérite. Mais l'expression pourrait aussi désigner la piété que Pitys accorde au dieu Pan (valeur objetive de l'adjectif). Là encore, le latin fait entendre les deux significations et l'ambiguité vient renforcer la réciprocité des sentiments qui unissent les deux amants. Pour la signification religieuse de cette réciprocité, voir notre analyse infra.

].

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9

869

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Traduction, annotation, commentaire - Livre V

Ces versions différentes d'une méme fable intégrent visiblement des éléments étiologiques concernant certains

attributs liés au culte de Pan, notamment les branches de pin^^?. Mais l'embléme a d'abord la vocation de

célébrer son dédicataire, et d'une double maniere, poétique et iconographique. La légende de Pitys transformée en pin fait clairement allusion au nom du dédicataire, Pigna, le pin en italien. Mais par sa piéce bréve et concise, Bocchi semble également répondre à la longue Satyra composée par Pigna sur le méme sujet. La chute de l'épigramme (v. 19-20), nous montre que le petit apologue sur les amours de Pan et de Borée pour Pitys constitue une lecture allégorique d'Anima désirant la Vertu mais déchirée par le Vice, avant d'étre sauvée par la justice et la piété des dieux (ou la piété qu'elle leur voue, voir supra) au prix d'une métamorphose végétale : le vocabulaire est celui d'une véritable psychomachie, avec des termes marquant la rivalité (riuales), l'hostilité (Aduersum me ; obesse) ou l'alliance (a me), et l'assaut (instabant). Borée, vent glacial soufflant du Nord, devient une image du Vice ou du Mal, et déchiquéte l'áme, dans des termes qui rappellent l'image des vices sous les traits d'animaux furieux mettant en piéce leur maítre, fréquente chez les stoiciens, par exemple chez Sénéque"*"'. En revanche, deux autres éléments sont plus suprenants. Tout d'abord, on remarquera que la Virtus

est ici incarnée

par

Pan,

que

nous

avons

déjà

rencontré

au

Symb. 45

comme

dieu

de

— la justification se fait par la foi et non par les ceuvres. Cette justification induit la notion de prédestination?*" ;

— la gráce de Dieu est élective et insondable?5* ; - l'homme connait une lutte intérieure entre la Loi de la Chair et la Loi de l'Esprit. Le péché est la loi de la chair. Il est la mort. La vie selon l'Esprit est l'assurance de la résurrection. Ces éléments permettent une tout autre lecture de la fable proposée par l'embléme. Pitys serait l'àme travaillée de l'intérieur et partagée entre le pouvoir du péché (Borée) et l'appel de Dieu (Pan) : « En effet, nous savons

que la Loi est spirituelle ; mais moi je suis un étre de chair, vendu au pouvoir du péché/^? ».. Méme si elle choisit

le Bien, en préférant Pan ou le Tout [- Dieu] comme époux mystique, l'àme a toutes les peines du monde à lutter contre le pouvoir de Borée, le péché qui sévit dans le corps. Paul distingue bien le déchirement que suscite la double loi au sein de l'homme. Cette loi le coupe en deux, entre homme intérieur et homme de chair : Je trouve donc une loi s'imposant à moi, quand je veux faire le bien : le mal seul se présente à moi. Car je me complais dans la loi de Dieu du point de vue de l'homme intérieur; mais j'apergois une autre loi dans mes membres qui lutte contre la loi de ma raison et qui m'enchaine à la loi du péché qui est dans mes membres.[ ... ] C'est donc bien moi qui par la raison sers une loi de Dieu et par la chair une loi de péché?*?

l'harmonie

universelle, ou dans le Symb. 65 oü il et le perdant du combat contre Éros. À cause de son nom (« Tout »), Pan, le dieu ithyphallique, chorége des satyres, se fait, encore une fois dans les emblémes, le représentant d'une

Nature où sexualité et plaisir ont leur place parmi les grandes forces de l'univers. Il est une figure importante, au cóté de Vénus, de l'épicurisme cosmique décrit par Eugenio Garin'*" et que l'on retrouve par exemple dans le Songe de Poliphile. La vertu ici n'est pas seulement l'exercice de l'intelle& mais bien la lex naturae dans la dimension hédoniste que lui donne Lucréce. L'histoire érotique qui relie le dieu à Pitys souligne cet aspect. Le second aspect intrigant est constitué par l'apparition suprenante du terme pietas (« seule la piété peut rendre

l'Àme heureuse), là oà l'on attendrait l'idée topique que seule la Vertu (i. e. Pan) peut rendre l’àme heureuse (i. e. Pitys)"99, ce qui n'est pas tout à fait pareil. La formule se trouve dans le colloque « l'Épicurien » d'Érasme,

où Hédonius explique à Spudaeus que le vrai plaisir ne peut pas étre fugace ni résider dans un objet éphémére : il doit prendre sa source en Dieu méme?**, Une dimension religieuse apparait donc clairement, impliquée d'ailleurs par la relation cultuelle entre Pan et le pin (Pan se couronne de pin et ses autels sont situés sous un

Pan choisit Pitys, c'est-à-dire lui fait bénéficier de sa gráce en lui donnant la Foi. Nous avons rappelé plus haut (voir notes) que l'expression pietas diuina désignait, dans une ambiguité programmatique qui insiste sur la réciprocité, autant la piété à l'égard de la divinité (c'est-à-dire la foi en elle), que la bienveillance émanée de

Dieu, c'est-à-dire la l'avantage sur celui d'exclusion : « seule Le corps de Pitys est a imposé à la chair

Car si c'est un méme

est affranchi du péché^?

?5? Sur l'association de Pan et du pin, voir par exempleA. G., 6, 253, 3 ; LVCR., 4, 584 ; Ov., Met., 1, 699 ; 14, 638 ; PROP, 1, 18, 20.

79! SEN, Vit., 24, 1-2: « Au contraire ceux qui ont livré la premiere ligne à la volupté n'ont ni l'une ni l'autre, car ils perdent la vertu mais ils n'ont pas la volupté, c'est la volupté qui les a; son absence les torture et ses excés les étouffent, malheureux si elle les abandonne, plus de les

garder, car souvent elles déchirent leurs maitres. De méme, ceux qui connaissent de grandes voluptés tombent dans un grand mal car, une fois

Prisonniéres, elles se saisissent d'eux ; plus elles sont grandes et nombreuses, plus leur esclave est petit et a de nombreuses maitresses. Et le

vulgaire le dit heureux ». "*' E. Garin, « Ricerche sull'epicureismo del Quattrocento » , in Id., La cultura filosofica del Rinascimento, Florence, 1961, p. 72-92. “3 Voir par exemple SEN., Epist, 85-19-20: « Épicure vient de déclarer que la vertu n'existe pas sans le plaisir. Eh bien, si elle lui est indissolublement unie, méme toute seule elle suffira pour le bonheur, puisqu'elle a le plaisir avec elle, puisqu'elle ne va pas sans lui, quand elle est toute seule ». Sur l'opposition d'origine aristotélicienne entre la uita beata, qui repose sur la vertu uniquement, et la uifa

beatissima qui suppose de surcroit la présence des biens matériels et de la fortune, voir par exemple CIC., Fin. s, 16, 81. Sur le caractére topique

de la formule, voir par exemple MACR., Somn. Scip, 1, 10 : « Il n'y a de bonheur que dans la vertu ; et celui-là seul mérite le nom d'heureux, qui

ne s'écarte point de la voie qu'elle lui trace. Voilà pourquoi ceux qui sont persuadés que la vertu n'appartient qu'aux sages soutiennent que le sage seul est heureux ».

“4 Voir apparat des sources pour le texte latin : « Personne en effet ne vit agréablement sinon celui qui vit pieusement, c'est-à-dire celui qui

jouit des vrais biens ; seule la piété rend l'homme heureux, elle qui lui concilie Dieu, source du supréme bien ». ?55 Voir supra, %% Sur la propagation en Italie de la le&ure « réformiste » menée par Érasme sur le Nouveau Testament, voir Silvana Seidel-Menchi , Érasme

hérétique. Réforme et Inquisition dans l'Italie du xvr siécle, Paris, 1996 pour la traduction francaise. La Paraphrase de la Lettre aux Romains qu'Érasme dédie au Cardinal Grimani connait une premiére édition en 1517. Elle est reprise chez Froben dés janvier 1518 et connaitra de nombreuses rééditions. Dans son commentaire, Érasme fait constamment référence à deux autres paraphrases célébres, celle d'Origéne et celle de saint Thomas d'Aquin. L'importance de la Lettre aux Romains et de la Lettre aux Galates, qui définit la notion de «justification», est trés bien

870

étre avec le Christ que nous sommes devenus par une mort semblable à la sienne, nous le

serons aussi par une résurrection semblable. Comprenons-le, notre vieil homme a été crucifié avec lui, pour que füt réduit à l'impuissance ce corps de péché, afin que nous cessions d'étre asservis au péché. Car celui qui est mort

plusieurs concepts théologiques dont l'actualité ne pouvait avoir échappé à Bocchi?*ó -

méme

le Christ Dieu, le

beneficium Christi dont Érasme rappelle l'acception paulinienne, quod confertur gratuito??. Cette mort charnelle

Tout comme la citation d'Érasme, la référence à Paul n'est pas anodine, car la Lettre aux Romains traite de

une fois prises, il n'est pas commode

en outre sa force

est impérative pour la résurrection et la vie selon l'Esprit. Pitys renaít sous une autre forme qui la purifie :

pin^^*), confirmée par le motto de la gravure, qui reprend un extrait de [ "Épitre aux Romains (8, 31) de saint Paul.

malheureux si elle les écrase. [...] La chasse des bétes féroces est pénible et dangereuse : méme

gráce, sans que l'on puisse dire laquelle initie le processus. Le vocable de pietas a de gratia d'étre plus ambigu donc plus neutre. Le terme de una conserve toute la gráce » ... soumis au supplice du péché, il est voué à la mort et il subit par là le chátiment que par sa crucifixion et qui est la condition de la justification de tout homme par

Le désir unit la nymphe à Pan, au-delà de la mort physique, et la soustrait au pouvoir de Borée. Cette lecture religieuse se confirme d'ailleurs par un élément exogéne. En effet, un détail s'avére frappant dans le poéme de Pigna que nous donnons en annexe et auquel nous renvoyons le lecteur. À la fin du poéme, Pigna prie montrée

par l'article

« Justification

» de A. E. McGrath,

in H. J. Hillerbrand

(dir.), The

Oxford

Encyclopedia

of the otii

New

Een Miis

ae eü

York/Oxford, 1996, vol. 3, p. 361-368. Voir aussi Ead., Iustitia Dei: A History of the Christian Doctrine of Justification, Cambridge, 2005. " Rom., 3, 23-27 : « Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu — et ils sont justifiés par la faveur de sa grüee en vertu de b Rédemptibh accomplie dans le Christ Jésus. Dieu l'a exposé, instrument de propitiation par son propre sang moyennant h foi ( ...). ü em montrer sa justice au temps présent, afin d'étre juste et de justifier celui qui se réclame de la foi en Jésus. Oü est done le droit de » glorifier : Il est exclu. Par quel genre de loi ? Celle des ceuvres ? Non, par une loi de foi ». Voir aussi 8, 28 : « Et nous savons qu in ceux qui I pow

tout pour leur bien, avec ceux qu'il a appelés selon son dessein. Car ceux que d'avance il a duces i les a aussi puitiedtina à — l'image de son Fils, afin qu'il soit l'ainé d'une multitude de freres. Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés ; ceux - a appelés, il les a

aussi justifiés ; ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés ». Voir le Sermon 157 d'Augustin (sur Rom., 8, 30-31) dans PL 38, col. 862.

755 Ibid,

11, 33-36

insondables et ses voies : « Ò abime de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu! Que ses décrets sont

incompréhensibles ! [ ... ] qui l'a prévenu de ses dons pour devoir en étre payé de retour ? Car tout est de lui et par lui et pour lui. ».

189 Ibid,, 7j 14.

"9 Ibid, 7, 21.35.

m

ESPERE

genesi dell'espressione “ “ Opera omnia, LB, 6, 558 C. Voir l'éclairant article de S. Caponetto, « Erasmo e la Annali della Scuola Normale Superiore di Pisa, ser. II, 37, 1968, p. 271-274.

Beneficio

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“2 Rog, 6, 5-6.

871

MMM————————————————— PG à à AG————— B6 —— ————— oos — Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (155 5) - tome 2

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pour que Borée Gelide, niuose, rapacissime, saxifrage, ferox/ Rabie potens, potens grandine, fulgure, tonitru (v. 112113) épargne non seulement son pin (Procul a mea pinu sit furor iste tuus, v. 1 16), mais aussi sa forét (Procul a mea sylua sit furor iste tuus, v. 118). Pigna joue habilement du champ lexical arbre/forét pour signifier les deux objets sur lesquels porte sa supplique : le pin est l'embléme de la famille Nicolucci, qui en tire un nouveau patronyme ; la silua signifie certes la forét, mais elle peut avoir le sens métaphorique d'anthologie, c'est-à-dire de recueil de poémes. Le poéte supplie donc Borée ignifer d'épargner sa famille ainsi que lui-méme, et ses poémes. Ce vent terrifiant qui déchaine la tempéte pourrait bien étre une métaphore poétique pour renvoyer aux mouvements de persécutions religieuses et de lutte contre les courants évangéliques dont Ferrare est le théátre. Il n'est pas indifférent que l'ouvrage de Pigna soit publié à l'Officine érasmienne de Vincent Vaugris (Vincenzo Valgrisi) à Venise?9? et rassemble aussi des piéces de Coelio Calcagnini qui fréquentait la cour de Renée de

Le szget de la znetarnocphose de Pitws 2 inspüré um tableza à Dosso Dossi c Battista Dass ** 12 onmpositinn de Bonzsone s'insbure d'une représentation pseado-2ntgae zr set sedie qz mm peut ls own sum une mosdigue polychroene onginellement datée du IM° s. apr. L-C., conservés an Manséz zrchenünmigne ür Naries ame 210$ Planche VIIL, Fig. 17) puis jugée inauthentique et ditée Bm XWI" sxecje pur Miner dim We5" Le emewune 2 partielleznent inspiré Andrea^** Cambio ou Carni, dit anssi Boenburdz^7" lere die som sur à Ferre è l cz

soulagement qu'il ressent à étre officiellement introduit à la cour de Ferrare^?", elle ne dissimule pourtant pas les

Nous proposons iile texte de la Satyra de Pigna sur Pitws dams D editum wenitierme de 2533 die mex (umm

Ferrare aux sympathies calvinistes affichées. Si la préface de l'auteur à l'édition de 1553 marque, certes, le

signes d'une certaine inquiétude qui n'est visiblement pas totalement dissipée^^?.

La gravure célébre elle aussi le dédicataire et nous montre Pitys en cours de métamorphose, partagée entre Pan, à gauche de l'image, prét à se saisir de la jeune fille, et Borée, dans le coin supérieur droit, dont on n'apercoit que

la téte, entourée d'une nuée. Le désir amoureux des deux dieux se traduit par une sorte de flux, s'échappant des cornes de Pan et de la bouche de Borée, et se rencontrant selon une diagonale presque parfaite dans le feuillage qui couronne la téte de Pitys, maniére habile de faire entendre que la métamorphose a protégé la nymphe des ardeurs de ses soupirants. La transformation végétale des jambes, qui s'enroulent pour former un tronc en forme de colonne torse, et des bras, qui, levés au-dessus de la téte, vont se fondre dans le feuillage qui la surmonte, n'est

Fig. 1 > A. CAMBI, revers de la médaille de Giovanni Battista Nicolucci (aprés 1559) représentant Pan et Pitys, Londres, British Museum.

I] d'Este,

à partir de 1559, pour condectionner

portrait de Nücohsoc (Fag.1)"" Sar la médaile towteíous,

ume mé&uilie puesenuent

iz revers

allongée, en appus contre un arbre est différente.

our

è [mem

Pam e& remplacé par zm esser, et sz positino I

ANNDE

(chez V. certaines par D. A. surle site « http: / La piece

Vangris, p. 166-170), suivi de notre traductàon. Nous zwons corrigé les ongailies m texe axripinzil. dom sont déja signalées dans ume tabulz errztorum de | &dituwn dm IT s. ct gmdugme les wariammes proposes. Campbellen 1960, qui semble n'avoir pas pris en cormpte la zzbulz erratum (22x22 diipomiblie em lume Portiditalia à l adresse suivante : /zmmagdq cab unipd it/mqdgq/ poetiditalia/ contesto 3dp?ordinztz—pi2 74391» ) est em gallambes catullhens: d s'agit d'ume tétrapodue catzlecigar en axxmgues zmumeurs à lnguslke

Catulle (c£. Carm, 63),

donne laforme sumante-

-

|-—|]

-

|

ea

-

Pitys per montes Boream fugiens superuenionte node ei somno 2 cuguámc vusso somizz ab armuaim gun cx 4nn

cus

intellexzt concubitum mterimitur deorumque putatefat Psmus.

Un

pas sans rappeler le traitement iconographique d'une fable plus célebre, inspirée d'Ovide, l'histoire d'Apollon et Daphné.

d'Alphonse

Per acuta montium saxa, per auia nemora, Trepadante sola uirgo Pitys et pede celeri Boream dolo relictum íngit. Illtus etenim Gelidus licet decorum hauserat igne repositum Et amore percitus fallere percupidus eam Varia reuoluerat sed neque fraude neque minis Animo furente conuersus in iram ita loquitur :

10

« Tibi ne esse^" sic potest haec mulercula dominz, Tibiconcitare cui uis sonum et aequora pelagi,

Tibi procaci^" ab altis fluuios trahere iugis,

Tibi quo^^ caua antra quo et acuta cacumina reboant ?

d'Érasme. Il posséde des filiales à Bologne, Macerata, Recanati et Francfort. Il publie notamment les deux seules éditions italiennes des

Colloques d'Érasme. Son officine devient, entre 1540 et 1545, un lieu oü l'on discute de sujets religieux controversés et on y rencontre des personnages ouvertement ralliés au mouvement réformé, comme Pietro Lauro, traducteur des ceuvres d'Érasme. Quoique surveillées par le

Saint-Office, les activités de Valgrisi ne font l'objet d'enquétes et de représailles réelles qu'en 1559, date à laquelle il doit changer d'enseigne, faire l'inventaire des livres interdits et mis à l'index pour les remettre au tribunal. Sur Valgrisi, voir S. Seidel-Menchi, Érasme hérétique : Réforme

et Inquisition dans l'Italie du XVr' siécle, Paris, 1996 (pour la traduction francaise), p. 376-378 et J. F. Vilmont, La Réforme et le livre : l'Europe de l'imprimé (1517-v. 1570), Paris, 1990, p. 336-337.

?95 G. B. PIGNA, Carmina, Venise, 1553. Préface du 6 Janvier 1553 : Magna quidem fuit, Alphonse Prin., tua erga me benignitas, cum me superiori

anno, qui luce clauditur hodierna, honorifice admodum in regalem aulam tuam inter tuos intimos familiares suscepistis. « Ò Prince Alphonse, grande a été ta générosité envers moi lorsque l'année derniére, qui a pris fin hier, tu m'as fait l'honneur de m'accueillir dans ta cour princiére parmi tes amis intimes ».

?5 Ibid. : Sic enim in tuae spem gratiae id a me susceptum munus aliqua ex parte meam sedare potest animi commotionem. « Ainsi, ce présent [-le

recueil de poémes] que j'ai entrepris de rédiger dans l'espoir d'obtenir ta reconnaissance pourrait en quelque maniére apaiser le grand tourment de mon esprit ».

872

755 Voar J. Dasidson Reád, The Oxford Guide to Classical Mytavingy ie fhr Ars, 2 302-25mus, Ouimmü :n25,2 E < Lrwesar Pun

“ M.De

Vos, « La ricezione della pittura antica fino alla scoperta di Escolano = Pompei» am $ Sex

italiama, t Il. - Genri £ i temi ritrsnati, Milan, 1985, p. 353-378 # Os Giovan Battista. “ Voir G. Pollard, « Cambio (Cambi)» im DBI, t XVIL Renaissance, Londres,

1994, p. 159-191.

1974, p. 125-224;

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F Hil, «Notes on Italian Medals-JUXI », The Burbugton Mapazmefor Connnuseurs, 25, zi" 238, May 22m, g- st 7" Vor (Plate D), qui ignorastla source grecque des Geoponika.

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DW necesse 1553: esse Campbell D orocaci nos : pus- 1553 peras- Campbell 5? quo... quo 21553 - qua ... qua Campbell

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%3 Vincent Vaugris ou Vincenzo Valgrisi est un Frangais installé à Venise en 1531 oü il ouvre une librairie et adopte comme enseigne le portrait

Làcet haec superba quod Pana sequi uideat eam Tamen arrogantiorem hanc rigidos prope lapides 1$ — Rape percute ange uexa rape percute crucia.

4

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Moribundam in urna condant. » Super his magis etiam

Tegaeus igneus, maximus a Ioue genitor Genitor sit, igneus sit, tremebundus is etiam

Lachrymatur. Atque mox uerbera uerbaque pariter

Geminant. Foelices horae quibus est ratio breuis.

Glacie tua ipse contra genita omnia resecas.

Roseas tamen genas candidioraque niue uis"? 20

Lacerare membra ? Quis te furor incitat animae ?

At at illa fugit supplicio sine merito ? Placidus in hanc eris?" saeuus in omnia, Boreas ? »

60

Superatur haec tandem. Antra ingrediuntur in eadem.

Tamen ipsa fingit metuens neque amans. Amor itaque

Animo ferens id aegro repetensque memoria

Dum ait haec amore nec non rabie simul agitur. Veluti secuta tygris sua pignora fremitans 25

Quod eam relinquerent, ira paternaque pietas

Dubium inferunt, graue anne impetat anne remaneat.

65

Vbi Phoebus inferos quadrupedantibus adiit

35

40

45

So

Et ubi deinc uidet lassula quae loca petiit, Nimio soluta cursu tremefactaque nimium

Faciem sinumque gemens flentibus" irrigat oculis Et in""* aurea coma complicitis"?? quoque manibus

Trahit haec ab intimo pectore uerba miseriter : « Vt ab omnibus procul gentibus aspera iaceo Prope saxa, ut haec citum in lustra pedem fera tetuli, Vbi et a quibus licet praesidium petere mihi ? Aliquamne opem mihi bellua monticola feret ? Patriam in meam redibo ipsa ubi sim inscia penitus ? Vbi dulcis o mea domus lachrymanda uiduaque Vbi dulcis o mea mater, Dryades ubi sociae Vbi iam estis ? Obserabit mea lumina digitis Piane mulier ? Erone mortua condita tumulo ? At erunt mihi ferarum ferta corpora tumulus. Sed ut hinc et haec monstra simul truculentia fugiam Boream sequar trucem saeuo credita domino ?

Ego Ego Ego Ego

per agros, ego per splendidulum solita lacum uitreae decus aquai, ego graminibus honor, flos puellularum placida et tenera satis Deliae comes, eius choreas agere sciens

Rigidum sequar deum per Rhodopes iuga niuibus Redimita ? Caucasum sidera qui tenet"? humeris

?* ?70 276 277 799 7? 7"? zu

874

uis 1553 p. c: jus 1553 d. C. Campbell. eris 1553p. c. Campbell : eri 1553 a. c. $blendido 1553 p. c. : fulgi- 1553 a. c. Campbell. flentibus 1553 p. c. Campbell : flensi- 1553 a. c. in 1553 p. c. : ni 1553 a.C. complicitis Campbell : -pliticis 1553. tenet 1553 p. c. Campbell : sen- 1553 a. c.

rapiant 1553 p. c. Campbell : -piat 1553 a. c.

Nemorosae et inde pergens freta"? Carpathia sinit

Melius soporem adiit ad quem is ita ora resoluit. « Placidissime somne qui cuncta tenes ueluti et ego

Humilibus et altis idem, o domitor deum et hominum

Age namque tu potes caelicolum afficere patrem, Mare nauigante nato et phrygia ad latera Asiae, Pete Pana languidum qui iuga ad Arcadia iacet. Caput illius preme sic ut sua numina minime Boream a puella iniqua mihi pellere ualeant. Ego reddidi semper Pasitheam tibi facilem. Etiam ista iam attuli (unguentaque odorifera dedit)

78

80

Genitricis eleganti mihi composita manu.

Age nunc abi citus sic te perpetua quies Tenebraeque sempiternaeque atque silentia foueant. » Capit ille iussu magni Veneris pueri et adest Subito super dei tempora. Concutit in ea Liquidum papauer et nympha cadit pariter ubi Sibi proximum laeti consocium accipere uidet. Iterata post basia lumina eis sopor operit Et ab alpium recessu in freta se intulit Aquilo. Etenim ex eo quod arsit, gelidum mare petiit. Penetrauit illud ut flatibus impeteque suo Face liber esset. At incendia suxit ita fera,

85

90

Misera, ah misera, gemo, nec mihi consilii aliquid.

Quid agam ? Quid in his umbris ? O quo me rapiat"! et hinc

Volat e Cypro sua aduersaque litora Lyciae

Patriam Thoantis Lemnum ingreditur saxaque superat. Vigilem esse eum atque uittatum etiam iuuat etenim

70

Rigidum uel insularum potius stabula colam Quibus Aeoli instrepunt caeco carcere famuli ?

SS

Inimicam ei fuisse hanc nimium, ferus animo

Metuenda nauitis, hinc Gnidos oppidaque Iouis Celebrata centum, istinc Lydia dextera fugiunt, Et ab alto transuolans Aegaei aequora tumidi

Feriuntque splendido?" sydera lumine tenebras

30

Nam ubi Pan uidet querentem hanc, subito affuit, hilari Facie, micante cornu et radiantibus oculis.

Ita lambit igneam nympham, ita spiritum adhibuit

95

Vt aperiat licet guttura, spiret et abeat Sub aqua algida, nihil denique proficere queat. Amor improbe, quae deorum quoque pectora penetras ? Ferus hic adire censet tumidam Pityn iterum.

100

Sed Apeliotes illum excitat atque aperit ubi 12713

2712 2713

Iterum precari eam supplice uoce miseriter.

freta nos : -tens 1553. ubi nos : uti 1555.

875

———

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

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Pitys antra propter Arcas nemorumque Deus erant.

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Fremitat Boreas noua ob haec nuncia talia referens. Vt agiter haud opus quod mihi tympana retonent

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Tualiber arma, nam sum pater Ogygius ego,

110

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Ego Moenas, ego furor ipse, at quo haec mora trahitur ? Age, dissipa atque nec mox sequitur rabidus ita est Igitur citus Pityn saxa per aspera lacerat.

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Tibi sat sit^"? alterum eius ramum impetere diu.

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et elle s’endort.

elle est métamorphosée en pin.

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Franchissant les roches abruptes des montagnes et les foréts impénétrables, Dans une course tremblante et rapide, la vierge Pitys, esseulée, Fuit Borée qu'elle a semé par ruse. Car de la beauté de cette jeune fille,

45

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Rehaussée par la flamme qu'il lui portait, le dieu, tout glacé qu'il fát, avait repu sa vue ; Éperdu d'amour, désirant qu'elle lui cédát, Il avait tramé des stratagémes variés, mais ni par la ruse, ni par les menaces,

Toiquiasle pouvoir de déchainer le mugissement et les flots de la mer, Toi le vent furieux qui as le pouvoir de faire déferler les fleuves du haut des montagnes, Toi qui fais gémir les cavernes profondes et la cime pointue des arbres ? Aussi fiere qu'elle soit de se voir poursuivie par Pan, Cette fille trop arrogante, contre les durs rochers,

$5

— Saisis-la, frappe-la, broie-la, lacére-la, saisis-la, frappe-la, supplicie-la.

Quant au Tégéen""", plein d'ardeur, le plus grand procréateur né de Jupiter

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Cancase qué porte le cel sur ses Souls i | | zvempie = ecu zurzc de mos, qui peus et qui me trpave amcume sesme TA : pussentÎs m =mpor= lius ec emsuite Me desc SEMI M unc urne ' » Surces mots, de plus — zin o ; eco vm Doss-:

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77^ nemoriuage 1553 a. c. Campbell : -riiugo 1553 p. c. i 75 sit 1553 p. c. : sic 1553 a. c. Campbell.

876

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Il a beau étre procréateur, il a beau étre ardent et méme tremblant,

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777 C'est-à-dire Pan, auquel on vouait un culte à Tégée, en Arcadie.

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« Ainsi donc, cette misérable créature ne peut étre ta maîtresse,

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Ni par les flatteries, il ne put fléchir la jeune fille ; Plein de fureur, il passe de l’amour à la colère et s’exclame :

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L'Apéliote…(’ révèle à son amant qu'elle s'est donnée à un autre. Borée la tue mais par la bienveillance divine

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Procul a mea sylua sit furor iste tuus, abi.

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Pitys fuit Borée à travers les montagnes. La nuit venue, Amour

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Gu niuose, cipadissime, saxifrage, Bee Rabie potens, poteas grandine, falgure; tonitru,

120

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Superum haec pietate fit Pinus et ingemit hodie Aquilone flante quantum horridus ille memor adhuc. Denis o Riphaee; pi asit. Hyperberee, Scytha

115



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Ego sum impetu deorum Berecynthia genitrix,

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Strepitantia et querula cornua, cornua querula

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Traduction, annotation, commentaire — Livre

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

65

La jeune fille est finalement vaincue. Ils pénétrent dans la méme caverne. La jeune fille du moins fait semblant car elle a peur et n'est pas amoureuse. C'est pourquoi Amour S'en irrite et se souvient Qu'elle lui a déjà été par trop hostile. Furieux, Il s'envole de Chypre, son ile, située en face des rivages de la Lycie Boisée ; poursuivant sa route, il gagne la mer de Carpathos?"?, Redoutable pour les marins ; puis s'éloignent d'un cóté Cnide et les cent villes de Jupiter

105

110

Aborde Lemnos, patrie de Thoas"?, et franchit les falaises. Il se réjouit d'étre éveillé et méme de porter un bandeau car il a Plus facilement approché le Sommeil auprés duquel il s'exprime en ces termes :

Qui apportes la neige, qui arraches tout, qui brises les rochers, plein de férocité, Toi dont la puissance se marque par la rage, la gréle, les éclairs et le fracas, 115.

VÍ;

8o

J'ai fait en sorte que Pasithée?"* céde toujours facilement à tes avances. Je t'ai méme apporté ceci (il lui tend des huiles parfumées) : Ma mére les a distillées pour moi de sa main délicate. Va, à présent, pars rapidement, et puissent le repos éternel,

85

90

95

Les ténébres sans fin et le silence te seconder ! » Le Sommeil prend les parfums sur l'ordre du fils puissant de Vénus et le voilà Aussitót sur les tempes du dieu. Il répand sur elles Une décocion de pavot ; la nymphe s'effondre de méme, Lorsqu'elle voit le dieu tout proche d'elle subir l'associé de la Mort. Aprés des baisers répétés, le Sommeil leur ferme les yeux. Mais quittant son refuge alpin, l'Aquilon s'est précipité dans les vagues. En effet, parce qu'il brülait, il a gagné une mer glacée. Il s'y est jeté pour qu'à la faveur des tourbillons et de l'élan de sa course Il soit libéré de sa flamme. Mais il a aspiré des feux si puissants, Il a tant effleuré la nymphe ardente et lui a consacré tant de pensées Qu'il a beau ouvrir la bouche, soufller et disparaitre Sous l'eau glacée, il n'arrive finalement à rien. Injuste Amour, que mets-tu encore dans le cceur des dieux ?

100

L'Aquilon furieux projette d'aborder une seconde fois l'orgueilleuse Pitys, Et dela supplier une seconde fois d'une voix implorante. Mais l'Apéliote le ranime et lui révéle la grotte

120

WVa sévir contre d'autres arbres, va agiter un autre bois !

Symb. 151 Gravure :

L'ÁME CONTEMPLE TOUT, ET AGIT AVEC PRUDENCE ET HABILETÉ Sur l'image : Il est encore ouvert

À FRANCESCO BAIARDI DE PARME

La Nature ingénieuse, qui engendra les hommes et les choses Nous offrit pour équipement deux outils vraiment trés précieux,

Dont l'aide nous permet d'user tout d'abord d'outils extérieurs : $

Car, dans le corps, la main s'insere et, dans l'esprit, c'est l'intelled. C'est pourquoi l'intelle& doit étre mis au rang des plus précieux Présents de la Nature. Le Pére Trés-Haut, dans l’àme elle-méme,

L'alluma, ainsi qu'une lumiére dans un feu éclatant.

10

On pense, en vérité, qu'il est en notre àme deux facultés : En bas, la Raison active ; plus divin, l'Intellect luizméme Qui s'éléve au-dessus d'elle, laissant une bonne distance. Elle régle le monde humain, mais lui, élevant ses regards,

Contemple le divin, commande au ciel et aux astres célestes. D'oà tes deux fronts, Janus, toi qui clos ce qui est ouvert et ouvres

Oü se trouvent, cóte à cóte, Pitys et le dieu arcadien des bois.

À ces nouvelles, Borée gronde et s'exprime ainsi : « Pour m 'agiter, je n'ai point besoin d'entendre résonner les tambourins sonores Niles trompettes claironnantes, les trompettes claironnantes

Ò dieu qui domines l'air insaisissable et les flots mugissants, Ó Aquilon, fils de l'Ourse, toi qui portes le feu, qui erres dans les bois,

Puisse ta fureur épargner mon pin ! Va-t'en ! Satisfais-toi de t'acharner longtemps contre les branches de Pitys ! Puisse ta fureur épargner ma silve, va-t'en !

« Ó sommeil trés doux, toi qui, comme moi, gouvernes le monde entier,

Identique pour les humbles et pour les grands, ó dompteur des dieux et des hommes, Fais quelque chose ! Car toi, tu peux affaiblir le pére des habitants du ciel. Pendant qu'un de ses fils parcourt la mer en direction des cótes phrygiennes de l'Asie, Rejoins Pan qui est mollement couché dans les montagnes d'Arcadie. Étreins sa téte, de facon à ce qu'il n'ait plus du tout le pouvoir De tenir Borée éloigné de la jeune fille qui me fait du tort.

Je suis une Ménade, je suis la fureur en personne. Mais à quoi bon tarder ? Va, tue-la. » Et bientót, il ne se laisse pas faire, tant il est enragé. Rapidement, il déchire donc Pitys contre les rochers. Parla gráce des dieux, elle est métamorphosée en pin, et, aujourd'hui, elle gémit Lorsque souflle l'Aquilon, autant qu'il se souvient encore, en la faisant frissonner.

Ò dieu des monts Riphées""", du marais Méotide"5, toi l'hyperboréen, le Scythe glacé

Oi afflue la foule, de l'autre, à droite, la Lydie. Volant haut dans les airs, il traverse la mer de l'orgueilleux Égée,

70

Quisonttes armes, Bacchus, car je suis le pére ogygien??5, Je suis, sous l'impulsion divine, la mére bérécynthienne??5,

Ce qui est clos, par ton pouvoir ; bien que le méme, dans la bouche

15

Du sacrificateur, tes noms sont soit « Qui ferme », soit « Qui ouvre »,

Quand on croit que, soleil levant, tu entames le jour fécond,

775 C'edt-à-dire Ogyges, le fondateur de Thébes.



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vn

7? Mer entre Rhodes et la Créte.

HM Ee Bérécynthe est un mont de Phrygie consacré à Cybele, déesse à qui les Galles vouaient des cérémonies orgiastiques.

?7* Une des trois Gráces.

7* Marais de Scythie joint au Pont-Euxin par le Bosphore Cimmérien. Aujourd'hui, mer d'Azov.

7? Fils de Dionysos et d'Ariane, il est le pére d'Hypsipile.

878

7 En Scythie,

879

V

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi

(1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Et que, couchant, tu le fermes, muni des clés du vaste monde,

Portier immense pour les dieux d'en haut et les mánes d'en bas.

20

Donne-nous le pouvoir, ó Pére Tout-Puissant, en temps voulu, Declóturer tes seuils de fer, méme s'ils sont encore ouverts.

Le héros Baiardi nourrit ce vceu pour sa patrie chérie : Puissent donc revenir les siécles heureux de la paix d'Octave !

FIN DU LIVRE 5 DES QUESTIONS SYMBOLIQUES

MÉTRIQUE Hexamétres dactyliques.

PATET qui figure en inscription sur l'architrave du temple a été

répété une seconde fois de part et d'autre de la statue qui tient lieu d'acrotére à la pointe du fronton. - Une piéce de papier portant le titulus de la gravure et le numéro du symbolum (Symb. CLI) a été collée sur l'ancien numéro, qu'on apercoit à peine (CLIX ?), ainsi que sur un précédent titulus, désormais inaccessible. — tit. carm. : quoik] Il subsiste pour cette piéce, dans le manuscrit S, une trace de la classification adoptée pour chaque embléme, et remplacée par une table dans l'édition de 1555 (voir le tableau dans notre volume 1, Annexe 3). La présence du terme uezag«voíka» avant correction montre le caractére trés fluctuant de cette

classification. - carm. : Le texte de l'épigramme, son titulus et son numéro ont été visiblement rédigés d'une autre main, identique à celle qui a inséré le cahier plus récent qui comprend les f? 491-52v? (voir notre remarque sur l'édition au Symb. 51 et notre introduction générale). NorES

- tit. carm. : FRANCISCO BAIARDO PARMENSI] Voir analyse.

- v. 8: quid quaeris] M. Bianchelli-Illuminati p. 235 ne rend pas compte du sens idiomatique de l'expression (« pour tout dire, pour dire la vérité » ) et traduit par : « Che cosa vuoi sapere ? » - V. 12 : M. Bianchelli-Illuminati p. 235 fait porter alte sur contemplans et diuina sur suscipit : « la seconda guarda ai misteri divini, contemplandoli nel profondo ». Nous pensons qu'il faut construire: alte suscipit, diuina contemplans, « élevant ses regards, pendant qu'elle contemple les réalités divines » ANALYSE Piéce finale du recueil, cet embléme particuliérement travaillé noue sur un métre épique les réflexions allégoriques, religieuses, politiques et philosophiques apparues ailleurs de maniere éparse : structure de l'àme,

prééminence de l'intellect, supériorité de l'homme intérieur, modéles de vie, gráce divine, naissance de l’Age

d'or et exaltation de la paix. De plus, à travers sa res significans, le dieu Janus, dieu des commencements mais aussi des fins, et le motif de son temple aux portes qui se ferment sur la gravure, cet embléme propose aussi un essai de mise en scéne métatextuel de la clóture du recueil et de son éternel recommencement. 1. Petit traité de psychologie et genres de vie

Le texte se divise trés nettement en deux parties (v. 1-12 ; v. 1 3-22), mises en valeur par la typographie. Comme

le montre notre apparat critique, la source directe du poéme (et du titulus de la gravure) est à chercher dans le petit chapitre-traité que Caelius Rhodiginus consacre à la description de la hiérarchie des facultés de l'àme dans

880

.

antiquae

2729

(3;:23772);

passage

qui

:

:

est lui-méme

une

5

mosaique



de références

.

235

a

aristotéliciennes,

entrecoupées d'allusions à la pensée platonicienne, le tout baigné dans une spiritualité chrétienne. Cet éclectisme, y compris dans l'évocation des textes aristotéliciens, explique l'apparence parfois peu cohérente des concepts évoqués, dans une volonté de syncrétisme tout à fait claire. Le traité en miniature de la structure de

l’àme que propose Bocchi dans la premiére partie de l'embléme est d'autant plus adapté à un embléme dédié à Francesco Baiardi que le pére de ce dernier, Andrea Baiardi, avait publié un ouvrage sur ce sujet qui portait le

titre significatif Della Mente".

Considérons à présent la premiére partie, et reprenons l'exposé dans l'ordre. Trois grands aspects se dégagent : - v. 1-6 : l'intellect humain (mers) est un outil et un des dons les plus précieux de la Nature, inséré dans l'anima. Le paralléle entre la main et l'Intellect, considérés tous deux comme des organa offerts à l'homme par la Nature ou par la divinité"?!, est tiré des Problemata d' Aristote, (30, 5,

REMARQUES SUR L'ÉDITION DU TEXTE ET SUR LES MANUSCRITS

- pic. : - Dans la gravure de S (f 173v^), le ADHVC

.

ses Lectiones

955b), que nous proposons ici dans l'édition des

Aristotelis Stagiritae opera, Lyon, J. Frellon, 1549: « Aristotelis problematum sectiones duae de quadraginta, Theodoro Gazae interprete », section XXX, ch. 13, pb n^4, t. II, col. 572 : Cur seniores amplius mente ualeamus, iuniores ocyus discimus ? Quia Natura parens et author omnium instrumenta nobis duo (6pyava... 860) inseruit, quorum opera instrumentis extraneis (xoig &xcó ópyávoic) uti ualeremus. Manum,

inquam, corpori dedit, animo mentem (Vvoyjj $è vov). Est enim mens quoque rebus a Natura nobis imperitis annumeranda, uicem sane gerens instrumenti ('Eaxt yàp è voüc tv quoei &v ijiv Gonep ópyavov bzápyov). Caeterae omnes scientiae artesque nostra opera sunt. Mentem ipsam opus esse Naturae fatendum est.

Pourquoi devenons-nous plus raisonnables en vieillissant et apprenons-nous plus rapidement dans notre jeunesse ? Est-ce parce que la divinité nous a fait don de deux instruments qui font partie de nous-mémes et qui nous

permettent

de faire usage

des

outils extérieurs : la main

donnée

au corps, l'Intelle&

donné

à l'àme?

L'Intellect est un principe de la Nature et il est en nous, pour ainsi dire, comme un outil. Le reste des sciences et des arts sont notre invention, mais l'Intellect reléve de la Nature.

- v. 6-8 : l'intelle& (mens) est aussi un second lumen, allumé par la divinité dans le premier lumen qu'est l’àme

(anima). Cette image vient de la Rhétorique d’Aristote 3, 10, 7, 141 1b (voir Aristotelis Artis Rhetoricae libri tres

Georgio Trapezuntio

interprete, in Aristotelis Stagiritae opera, Venise, Junta, 1560, t. II, p. 25v) : Et quod Deus in

anima lumen intellectus accendit, utraque enim significanter dicta sunt (xov vobv è cóc qas vijVev £v vi] Voi);

« Et par exemple, dans l'expression : la divinité a allumé l'Intelle&t dans l'àme comme une lumiere, les deux termes

livre sixiéme 7? En voici la traduction à partir de l'édition báloise de Froben en 1556 (la premiere édition date de 151 6), p. 62-63 :« Dans son de l’Éthique, Aristote, de méme, affirme que la partie rationnelle de l'àme humaine assume deux fonctions, à NX cannaltre et gouverner les choses humaines gráce à l'art et à la prudence d'une part, et de l'autre, contempler la nature et les principes dives gráce à la sagesse, qui est contenue dans l'intelligence et dans la science. Au sixiéme livre des Problemata, il déclare que la nature, mére et cniatrice de tantes Vosa à dotés de deux instruments, pour que nous puissions sans restriction faire appel à leur concours comme à des outils extérieurs. Si : Enn e insérée dans le corps, la Mens l'est dans l'Animus, et cette derniére, dit-il, doit étre mise au nombre -- bienfaits que nous a octroyés a As une lumiére. [...] Mais pour que la différence " [...] Au troisi&me livre de la Rhétorique, il dit que Dieu allume la Mens dans l'Anima comme termes n'embrouille personne, il est possible de savoir que chez les Platoniciens, la Mens elt congue cpmme une dubie faculté 1 - gin a seconde — inférieure, qu'ils nomment Ratio et une partie supérieure qu'ils appellent Intellectus. La premiere régle et tégitles activités » visages. eux à dujJanus image 1 comprendre de permet divisée éléve ses regards et contemple les réalités divines. Et précisément, l'Àme ainsi t. V, DBI, in » Andrea Baiardi, « v. s. Cesarini, R. et 1183-1184, p. VII, t. 1824, Milano, italiana, letteratura 9? Voir G. Tiraboschi, Storia della P. 281-285. ; la formule pater altus qui, malgré ses 7! On notera que, dans le vers 6, la natura creatrix, qui dote l'homme de l'intellect, se voit remplacée par

théorique quia opposé d pe -— —— accents paiens (renvoi à Jupiter), joue sur des connotations chrétiennes. On connait le débat ^ — créattice et btganisa n comme Nature nt la considéraie qui — Capella Martianus et d'Ovide à Hermés Trismégiste, Claudien " si m ues us e d faisaient qui Moyen-Age, jusqu'au et Prudence à Lactance de chrétiens, les part d'autre et dieux, des et étres des trei e } P - cel nourriciére des formes et des étres engendrés par Dieu (voir E. R. Curtius, La littérature européenne et le Main e ; at i i àce emprunte Ficin, de celle 140 : « La déesse Nature » ). La pensée néoplatonicienne à la Renaissance, notamment M -: Ee son fonceit Ini qui oilefte l'univers de l'impulsion sous uniquement mais matière, sublunaire, celui de la Nature, informe la : d“’;‘manîio Flo‘*"‘?;:t a ien Béoplatonic modéle ontologique (voir E. Panofsky, Essais d'iconologie, Paris, 1967, p. 203-254 : < Le feuvned: mo un sur principe, le régit en divinité la que mais (creatrix) formes Nord »). Bocchi reprend l’idée que la Nature enfante les solaire (accendit).

881

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

font image ». Cette image de la lumiére comme métaphore de la connaissance et de la contemplation est

Tradn&ion,

anmotation, commmentame

— Livre V

révéle les intelligibles en puissance dans l'intellect passif, comme la lumiere révele les couleurs"?*. On notera

fonctionne en opposition sémantique, en recouvrant le couple grec vj et voic. Tl s agit donc là de parties ou de facultés spécifiques au sein méme de l'àme. Dans notre analyse du Symb.21 consac à l'exégése rée de l'aigle impérial e bicéphale de Charles Quint, nous avions rappelé que cette binarité psychologique doit étre en réalité restitaée an sein d'une tripartibion qui tente

qui font image pour décrire la nature ou l'activité de l'intellect (lumen ; accendit) : que cette lumiére s'allume

partie inférieure, le corpus. Cette tripartition, inspirée par le Pythagorisme, est présente chez Platon sous

familiére à Aristote (comme au platonisme et au néoplatonisme en général"?"). On se souvient par exemple que, dans le De Anima, 3, 5, 430 a, Aristote explique que l'intellect agent (qui est séparé, impassible et sans mélange)

que, par rapport à Rhodiginus et à Aristote, Bocchi ajoute une idée supplémentaire par rapport aux deux termes

dans une autre lumiére, ou plutót un autre feu (in igne corusco). Il s'agit probablement d'une allusion à la théorie des deux illuminations de l'áàme humaine qu'expose Marsile Ficin dans son Commentarium in conuiuium

Platonis, 4, 1 et surtout 4, 4-5, passage imité à son tour par Cristoforo Landino dans ses Disputationes Camaldulenses, 4 (p. 213-214 Lohe). Comme l'explique Ficin, l'àme, à sa naissance, se tourne naturellement vers

Dieu et regoit de lui un rayon lumineux qui s'adapte à sa nature, lui devient naturel et gráce auquel elle peut se percevoir elle-méme et les objets qui lui sont inférieurs. Mais ensuite, elle recoit une autre lumiere qui lui permet

de contempler les réalités supérieures (voir apparat des sources) :

Pourtant cette premiere étincelle (prima scintilla) l'ayant rapprochée de Dieu, elle recoit de nouveau une lumiere plus claire que la premiere, qui lui fait connaitre aussi les choses célestes. Elle a donc une double lumiére (lumen geminum), l'une naturelle ou innée, l'autre divine et infuse, et ces deux lumiéres réunies lui permettent, comme

avec deux ailes, de voler à travers les spheres les plus élevées".

Chez Ficin, cette double illumination prépare et confirme la conception qu'il se fait de l'àme humaine comme « tierce essence » (voir infra). De maniere énigmatique et figurative, ce point annonce de maniere parfaitement

fluide le passage suivant, sur la bi-polarité de l'àme.

de rendre compte de la totalité de la nature humaine (cua, Wvyr,, voxc) - l'embléme 151 ne souffle mot de la

différentes terminologies" et permet de distinguer entre plusieurs « sortes d'àmes » hiérarchisées qui se

distribuent à différents endroits du corps, à l'image de l'univers ou de la cité. Platon insiste sur la suprématie du voc, véritable démon placé dans la citadelle de la téte, en contact awec les puissances divines et lieu de

l'assimilation au divin ou de l'époptie contemplative"*'. Plutarque précise qu'il existe entre le vosc et la Wy le

méme écart de qualité et de caractére divin qu entre la vvyrj et le cua, et que le vob dépend du soleil, la vj,

de la lune et le zàua de la terre?7. Nous avons souligné, à propos d'autres emblémes de Bocchi, l'importance

religie que use prend à la Renaissancele courant antique et médiéval qui célébre l'apex, la flos ou loculus mentis, point supérieur de l'intelle& auquel s'identifie l'homme intérieur — seul véritable — célébré par saint Paul et par

Origene, et qui relaie l'organe du ccur oà s'effectue la gràce divine voire s'identi&ie à li^. On retrouve

également cette tripartition cóua, Vvyr,, vobc chez Aristote mais sur des bases complétement différentes puisque, chez le Stagirite, l'hylémorphisme ne permet plus de séparer l'àme du corps dont elle constitue l'a&te et la forme. Mais, tout en martelant que l’àme es le principe nutritif, sensitif et sensible indissociable du corps, Aristote souligne, à l'instarde Platon, la suprématie d'un troisieme composant qui appartient en propre à la vie humaine, C'e&-à-dire l'intelled. Cet intelle&, qualifié par Aristote de Gciov (cf. diuimiorv. 9 dans le poéme de l'embieme)

ou de 8niórazov ^*^, es le fondement des opérations intellectuelles, de la saisie des premiers principes et de la

— v. 8-12 : au sein de l'anima humaine, il faut donc distinguer une duplex uis, qui sépare d'un cóté la ratio, qui a trait aux activités humaines (humana), et de l'autre, l'intelle& proprement dit ou Mens, destinée aux activités

contemplation. Il e supérieur par rapport à l'àme et au corps puisqu'il « vient du dehors dans le vivant déjà

astris). Si Bocchi emploie à propos des prérogatives de la ratio des termes liés à l'action (agit dans le titulus de la

anima rationalis ou tertia essentia qui se compose de trois parties : une pointe intelledive (intellecuale caput ou mens), un milieu rationnel (rationale medium ou ratio), un socle nutritifet vital (infarum uiificum, corpus ou

contemplatives et participant par là méme à l'essence céleste et divine du monde supra-lunaire (caelo, caelestibus

gravure ; regit, v. 11), en revanche, en ce qui concerne les activités de la Mens, il multiplie les verbes ayant trait à

la vue et au pouvoir : contemplari, suspicere, contemplare, imperare. Entre les deux facultés, placées dans une relation hiérarchique (inferior ; diuinior ; sublimior), se situe un abime d'étre, dont on ne peut rendre l'idée que par des termes marquant l'espace : longo sublimior interuallo (v. 10). Tout d'abord, une précision terminologique s'impose. Le texte bocchien multiplie les terminologies ambigués

pour désigner l'Àme humaine, ses facultés ou ses parties. Les termes animus (v. 4), anima (v. 6) et mens (motto de la gravure et v. 8) sont génériques et désignent l'àÀme humaine en général^5, pour l'opposer au corps. Ils sont à

peu prés équivalents du terme grec englobant yvyrj. En revanche, le doublet ratio (v. 9)/mens (v.4 et 10)

7? Pour une étude comparée de la métaphore du Soleil et de la lumiére chez Platon et Plotin, voir par exemple J. M. Charrue, Plotin lecteur de

Platon, Paris, 1978, p. 232-244.

?73 Voir par exemple les précisions que donne RHODIGINUS, Lect. ant., 5, 1: « De là vient que lorsque nous déclarons que l'intellect possible est informé par l'intellect agent, nous n'entendons pas, comme il plait aux grands savants, qu'il en recoit les formes, mais qu'en sa présence, il peut utiliser avec plus d'efficacité et de précision les formes qu'il posséde déjà. Voici un exemple qui peut éclairer mon propos. Certaines personnes tacent les caractéres d'une missive au moyen de jus d'oignon. Ceux-ci n'apparaissent que si on approche la lettre d'une source de chaleur. C'est sur ce modéle que ce qu'on appelle l'intellect possible posséde les formes des choses. Ces dernieres deviennent visibles gráce à la divine présence du feu, de méme que les couleurs n'apparaissent que gráce à la lumiere du soleil ». 7?! M. FICIN, Commentarium in Conuiuium Platonis, 4, 4, p. 172 Marcel. Voir aussi la lettre de Ficin à Paolo Orlandini qui accompagne les commentaires de Platon (Opera Omnia, Bále, 1561, P. 1425-1426) : Itaque respondebo summatim duplicem esse mentis nostrae processum, alterum

quidem naturalem, alterum uero supra naturam quem proprie nominamus excelsum. In illo quidem prorsus intellectus luce quadam naturaliter insita uoluntatem ducit quasi comitem ac denique recte ductam implet ideoque praefertur. In hoc autem excessu noua lux uirtusque infusa diuinitus non prius intellectum diuino splendore complet quam amore mirifico accenderit uoluntatem. 75 À titre de comparaison, on remarquera que Cicéron, pour opposer l'esprit au corps (corpus), emploie tantót le terme animus (cf. par

exemple Fin., 4, 7, 16 ; 4, 10-25-26 ; 5, 16, 44, etc.), tantót le terme mens (c£. Fin., 4, 12,28 ; s, 14, 40). Il emploie également avec ce sens général les termes ingenium ou ratio (Fin., 4, 13, 35). Anima demeure traditionnellement réservée pour désigner le souffle vital, et non pour la faculté

pensante.

882

animé » et qu'il « subsiste, universel et séparé » (du moins pour le vos

xouauóc )*.

À la Renaissance, Ficin, qui relit Platon et Aristote à la lumiére de Plotin, dé&nit l’ame humaine comme une

idolum),qui comprend les facultés de naissance et croissance, les sens et l'imagination". La partie médiane, la

ratio, caractérise l'étre humain car, pour Ficin, elle tient le milieu entre l'intelle& et le sensible, et qu'elle 2 1a les forces vitales versaiss faculté de s'élever vers la puissance contemplative, ou, au contraire, de s'ab er 9. Nous verrons l'importance de cette conception infra. On constatera d'ailleurs à quel point la position de Ficin semble prochede celie d'un Plutarque ou d'un Philon d'Alexandrie, pour qui l'àme e& un mélange, un intermédiaire 7* Par exemple sous la forme vobc, 86uoc, £mBbya: bunai en R., 435d-236c et en Phdr., 253c-d ; siia, Wo, vosc en Tim. 69c-e et 9oa-c-

77 Voir notre étude du Symb. 64 et l'étude fondamentale de J. Pépin, Idées grecques sur l'homwne et sur Dieu, Paris, 1971. 79! C£ Prvr., De facie in orbe lunae, 28,9452 :

7 Voir nos analyses au Symb. 64 et l'ouvrage de E. von lvánka, Plato christianus, la réception critique du platonisme chez les Péres de | Église, Paris, 1990. Sur la thématique du carur, voir les Symb. 60 et 122 et notre introduction générale.

P* C£ An, 1, 4, 408b ; Gen. an., 2, 3, 737b ; EN, 10, 7, 11772.

P C£ A. ] Festugiére « La division corps-áme-esprit de I Thess. s, 23 et la philosophie grecque » dans ld , L'idéal religieux des Grecs et !'Évangile, Paris, 1932, Excursus B, p- 197-220, ici p. 202-203, avec une référence à De Gen. an., 2, 5, 736a-737a et De am., 1, 1, 408b.

P Voir P... Kristeller, Il pensiero füosofico di Marsile Ficino, Florence, 1953, p. 407. Voir par exemple FICIN, De asta triplici, 5, 22 : « les

conceptions et les mouvements régiés de l'imagination (imaginatio), les discours cohérents de la raison (ratio), les sereines intuitions de la ée

contemplative (mens) », et 2, 16 : « Posons à présent l'existence dans l'àme (anima) de l'imaginatio, de la ratio et de la mess.

P9 Théologie platonicienne de l'immortalité des ámes, 13, 4 (éd. R. Marcel, Paris, 1964, t. IL p. 231)- «La partie supénenre, c'est-à-dire

l'intelligence (mens), et si éminente qu'elle n'a jamais de goát pour rien de corporel, qu'elle es avide des seules réalités divines, qu elle es naturellement &abie et que son intellection est immédiate. La partie moyenne, la puissance de raisonnement (ratiocinand: facultas | s éleve, elle

aussi, plus haut que la partie inférieure et tantót, nous l'avons dit ailleurs, s'éléve jusqu'à l'intelligence, lorsqu ayant recu de l'imelhgence les

principes de démonstration, elle recherche, avec preuve à l'appui, les raisons universelles des choses naturelles ; tantát au contraire, elle penche

vers la puissance vitale ( usuificam potentiam), quand elle se fe à l'imagination (phantasia), écoute les sens (sensibus) et fiatte le corps (zorpori).

Mais elle s éléve jusqu'a l'intelligence par amour de comprendre les réalités supérieures, elle descend vers la puissance inférieure par amour de Bouverner les réalités inférieures. I] est juste, puisqu'elle est intermédiaire, qu'elle aime les umes et les autres et qu étant plus élevée que la parie inférieure, elle mene et gouverne plusieurs corps, tandis que la partie inférieure n'en régit qu'un seul. »

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

entre le corps et le vobc, exactement comme la lune tient le milieu entre la terre et le soleil"** : logée dans le corps, abritant à son tour le voüc, l’àme peut se tourner vers lui et se laisser irradier par la lumiere qu'il envoie lorsqu'il contemple le divin, ou, au contraire, se laisser absorber par l'obscurité de la matiére corporelle. Rhodiginus, dans le passage de ses Lectiones antiquae" qui précéde juste celui que Bocchi paraphrase dans son poéme, restitue plus ou moins fidélement un propos d' Aristote tirée de l'Éthique à Nicomaque qui va également dans le sens d'une tripartition : Aristote, aprés avoir y avoir souligné l'opposition entre partie rationnelle et partie irrationnelle de l'àme, divise à son tour la partie rationnelle en deux parties distinctes, dont l'une appréhende les étres éternels, et la seconde les réalités contingentes". Rhodiginus emprunte aussi à Aristote les cinq vertus respectives qui caractérisent les deux parties de l'àme rationnelle (xéyvr, &morijun, epóvnotc, cogía, voc, c'est-à-dire art, science, prudence, sagesse, raison intuitive, qui deviennent chez lui ars, scientia, prudentia, sapientia, intelligentia). Mais on constate que Rhodiginus simplifie et fausse quelque peu le propos du philosophe grec pour parvenir, à travers le doublet ratio/mens, à une sorte de séparation claire entre action et contemplation, raison pratique et raison théorique, entre réalités humaines contingentes et principes divins immuables, suivant

en cela la lecture de Plutarque"'*". Ainsi, là où le Stagirite explique que l'art (ou technè) s'occupe des réalités

contingentes (EN, 6, 4, 1140a 24), et la prudence, de la sphère morale de l'individu et des biens humains (EN, 6, 5, 1140b 20), Rhodiginus en fait reSpectivement des vertus d'action et de connaissance dans le domaine des

réalités humaines et donc contingentes (cognoscere scilicet et humana gubernare per prudentiam et artem) ; de méme, en se servant du passage oü Aristote définit la sagesse comme l'association de la science et de la raison

intuitive des réalités les plus hautes

(EN,

6, 7, 1141b 4), Rhodiginus

explique que la sagesse permet

de

contempler les principes naturels et divins, et qu'elle est elle-méme constituée d'intelligence et de sagesse

(Naturalia uero diuinaque per sapientiam contemplari, quae intelligentia et scientia continetur). Tout ce passage est

repris partiellement par Bocchi sous la forme du titulus laconique (omnia mens speculatur, agit prudentia et arte). La formule attribue ainsi deux facultés à l’àme : la contemplation universelle (mais les vertus d'intelligence, science et sagesse mentionnées par Aristote et Rhodiginus ne sont pas évoquées), et l'action, gráce à la vertu de prudence et à celle de l'art ou technique (mais Bocchi ne précise pas qu'il s'agit alors de la sphére humaine). Le titulus prépare ainsi la division ratio/mens évoquée par le texte. Résumons-nous. Dans l'embléme, la mens et la ratio, parties supérieures de l'àme, distinctes des parties vitales dont il n'est pas question ici, ont chacune une vocation, en relation avec des vertus spécifiques : la contemplation des réalités divines pour la mens ; l'action dans le cadre de la sphére humaine pour la ratio, gráce à la prudence et à l'art/habileté/technique. Dans le titulus de la gravure de l'embléme, la proximité de contemplatur et de agit,

soulignée par l'asyndéte, montre que, dans l'idéal, les deux activités de l'àÀme sont complémentaires et doivent

étre exercées de maniére équilibrée et en quelque sorte simultanée, pour satisfaire ce statut d'aurea mediocritas qu occupe la tierce essence définie par Ficin. Or, cette simultanéité est exactement celle d'Hercule à la croisée des chemins qui, loin de choisir la voie de la volupté ou la voie de la vertu, demeure en quelque sorte immobilisé

dans une position de non-choix, qui lui permet de goüter aux deux à la fois. Sinon, l'habitude de suivre telle ou telle partie plutót que telle autre déterminera un mode de vie individuel : contemplatif pour ceux qui ne suivent

7 C£ PLvT., De facie, 30, 944e-945d et PHIL., De Somn., 1, 5-6. Voir A.-]. Festugiére, « La division corps-áme-espri t », p. 205-206 ; J. Pépin, Idées grecques sur l'homme et sur dieu, Paris, 1971, p. 94-95. VS 2, 23 : In sexto Moralium Aristoteles item, rationem esse asserit humanae animae partem duoque agere : cognoscere scilicet et humana gubernare per prudentiam et artem. Naturalia uero diuinaque per sapientiam contemplari, quae intelligentia et scientia continetur. Voir traduction supra. 2746 ARIST., EN, 6, 2, 1139, S; trad.J. Tricot (Paris, 20077) P. 295 : « Antérieurement, nous avons indiqué qu'il y avait deux parties de l'àme, à savoir la partie rationnelle et la partie irrationnelle. Il nous faut maintenant établir, pour la partie rationnelle elle-méme, une division de méme nature. Prenons pour base de discussion que les parties rationnelles sont au nombre de deux, l'une par laquelle nous contemplons ces sortes d'étres dont les principes ne peuvent étre autrement qu'ils ne sont, et l'autre par laquelle nous connaissons les choses contingentes ». Georges

de Trébizonde rend l'opposition par les termes facultas sciendi/, facultas ratiocinandi. 7 PLvT., De uirtute morali, 443 F : « Existent absolument la terre, le ciel, les étoiles, la mer. Existent relativement à nous ce qui est bon ou

mauvais, ce qu'il faut rechercher ou éviter, ce qui est agréable ou pénible. La raison ayant pour objet de sa contemplation ces deux catégories, quand elle s'attache à ce qui est absolument, elle est scientifique et contemplative ; quand elle s'attache à ce qui existe relativement à nous, elle est délibérative et pratique. [ ... ] Voilà pourquoi la prudence requiert une contingence, tandis que la science n'en a aucun besoin, pas plus que de la délibération, pour atteindre sa propre fin, car elle s'exerce sur des objets qui sont toujours les mémes et ne changent pas. »

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que la mens ; actif (c'est-à-dire politique) pour ceux qui suivent la ratio ; et volupteux pour ceux qui suivent le corpus. À moins qu'à l'instar de l'Énée des deux derniers livres des Disputationes Camaldulenses de Landino, le héros s'adonne successivement aux trois genres de vie au fur et à mesure que l'áge avance et selon ses pérégrinations : voluptueux en Asie Mineure à Troie, civil en Afrique à Carthage, contemplatif en Italie, en abordant aux rives de Rome. La vision augustinienne d'un double visage de l’àme, celui masculin d'Adam et celui féminin d'Éve, ne nous éloigne guére de la suite du texte emblématique qui, de maniere énigmatique, nous fait rencontrer le dieu Janus. 2. Janus et les deux faces de l'áme : quel idéal pour la nature humaine ?

La seconde partie du texte, qui débute au vers 13, est bien mise en relief dans la disposition typographique des

éditions. Elle s'ouvre sur l'adverve hinc, essentiel dans le processus herméneutique puisque c'est lui qui permet le passage de la res significata à la res significans, du sens du symbole à son évocation plastique (cette organisation qui va du figuré au figuratif n'est pas la plus courante dans le processus emblématique^**) ; des deux luminaires (la raison et l'intelle&) évoqués dans la premiere partie du texte, on est conduit allégoriquement au double visage du dieu Janus, par l'intermédiaire implicite d'une métaphore plotinienne puis franciscaine qui préte à l'áme deux faces accolées qui regardent dans des dire&tions opposées : Rhodiginus y renvoie explicitement (cf. Lect. ant., 2, 23 : Quae sane mens ita distributa bifrontis Iani rationem complectitur). La caractéristique essentielle de Janus"? est en effet son double visage, dont l'un est tourné à gauche et l'autre à

droite, ce qui lui vaut toute une série d'épithétes chez les écrivains latins: biceps", biformis"5!, anceps? bifrons"?, geminus"**. Cette aptitude à voir dans deux directions différentes permet à Janus de se faire le

symbole à la fois du soleil qui se léve à l’esì et se couche à l'ouest, de l'année ancienne qui s'achéve pour laisser place à la nouvelle, de la prudentia et de la sollertia d'une àme royale capable d'associer à la fois mémoire du

passé et prévision du futur"? Cette interprétation aura d'ailleurs une belle fortune à la Renaissance chez

Érasme?”56, Alciat"*" et Valeriano". L'image de Janus comme représentation des deux visages de l’àme a son origine dans une métaphore qui évoque

les deux faces ou cótés de l'àme chez Plotin (En., 4, 8, 8, 11-13, trad. É. Bréhier, Paris, 1964?) : « Toute àÀme a un

cóté tourné vers le corps et un cóté supérieur tourné vers l'intelligence ». Cette complémentarité avait déjà été

soulignée par Augustin qui, dans son De Trinitate (12, 3, voir apparat des sources), remplace le doublet ratio/mens par celui d'animus et d'anima, àme supérieure et áme inférieure, et qui en donne pour image le

couple originel et inséparable, réunis en une seule chair, que sont Adam et Eve. L'image du double visage est

755 Voir par exemple ALCIAT, Emblemata, « Duodecim certamina Herculis ». 7? Sur cette divinité antique, voir W. H. Roscher, « Ianus », in Id., Ausführliches Lexikon der griechischen und rómischen Mythologie, t. II-1, 18901894, col. 15-55 ; W. F. Otto, « Janus » in RE suppl. 3 (1918), col. 1175-1191 ; P. Grimal, Le dieu Janus et les origines de Rome, Paris, 1999 (19547), P. 39-73 ; Id., « Le Janus de l'Argiléte », Mélanges de l'École Frangaise de Rome, 64, 1952, p. 38-58 ; L. Ross-Taylor, L. A. Holland, « Janus and the Fasti », Classical Philology, 47, 3, 1952, p. 137-142 ; A. Holland, Janus and the Bridge, Rome, 1961; G. Capdeville, « Les épithétes cultuelles de Janus », Mélanges de | "École frangaise de Rome et d'Athénes, 85, 1973, p. 395-436; H. Bauer, « Kaiserfora und Ianustempel », Rhieinisches Museum, 84, 1977, p. 301-329 ; R. Schilling, « Janus. Le dieu introducteur. Le dieu des passages », dans Id., Rites, cultes, dieux à Rome, Paris, 1979, p. 220-262 ; R. Turcan, « Janus à l'époque impériale », in ANRW, II.17.1, 1981, p. 374-402 ; M. Guarducci, « Ianus geminus », in Ead., Scritti scelti sulla religione graeca e romana et sul cristianesimo, 1983, p. 165-179 ; G. Freyburger, « Giano » in Enciclopedia

Virgiliana, t. V, 1985, 723-724 ; E. Simon,

« lanus » in LIMC, t. V, 1990, p. 618-623 ; F. Graf, « Ianus », in Der Neue Pauly, t. V,

1998, col. 858-861.

79 Ov. Fast. 1, 65. ‘1 Oy. F. 1, 89.

7$ Ov, F. 1, os

1753 VERG, Aen. 7, 180.

7! PUIN,, Nat. 34, 33. 755 MACR, Sar. 1, 9.

UY ÉRASME, Adagia, 3, 1, 53 : A fronte et a tergo. Voir aussi 3, 8, 79.

EU ALCIAT, Emblemata, « Prudentes ». Alciat renouvelle quelque peu le topos de la prudentia traditionnellement attachée à Janus, en jouant sur le sens étymologique de circumspectus. Gráce à ce terme, il peut associer le symbole du double visage de Janus, qui voit eifectivement tout autour

de lui (circum-spicio) gráce à ses deux visages et ses deux paires d'yeux, avec le sens abstrait de « circonspect », c'est-à-dire« prudent ». 79 VALERIANO, Hieroglyphica, 32, Bicipitium : prudentia, Bále, 1551, p. 227.

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—v Traduction, annotation, commentaire — Livre V

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

reprise par Avicenne et Algazel, puis transmise au Moyen Áge gráce à la traduction latine du Liber de Anima d'Avicenne effectuée par Dominicus Gondissalinus et par le traité De immortalite animae de ce dernier, oü l'on

retrouve à la fois l'idée des deux faces et la théorie des deux illuminations que nous avons lue chez Ficin"?, On la retrouve chez Guillaume d'Auvergne, dans la théorie noétique de saint Bonaventure ou encore chez Duns Scott : pour ces philosophes, toujours fidéles sous certains aspects à l'hylémorphisme aristotélicien, le passage par le sensible, qui s'effectue dans l'àme inférieure, permet seul l'ouverture de l'àme supérieure au divin. Ce mouvement mime le processus méme du Verbe divin qui s'incarne dans le Christ". Lorsque Ficin, dans son Commentaire

au banquet de Platon (voir supra) évoque la double lumiere qui éclaire l'àme humaine, l'une,

naturelle et innée, qui lui permet de contempler les corps qui lui sont inférieurs, l'autre, insufflée par Dieu, qui lui permet d'accéder aux réalités divines, on constatera avec surprise que ce n'est pas au dieu antique Janus qu'il pense, ni au couple Adam et Eve, mais à une autre créature des premiers àges, masculine et féminine tout à la fois : l'androgyne primitif décrit par Platon et coupé en deux pour le punir de son orgueil. L'association entre les deux « faces » de l’àme et le double visage de Janus est cependant attestée clairement dans la Platonica theologia

16, 5 de Marsile Ficin"? ainsi que dans l'une de ses lettres, dédiée au fils de Poggio Bracciolini"?", comme

l'indiquait P.-O Kristeller"*. Ainsi, le visage de Janus ne regarde pas simplement en avant et en arriere, à gauche et à droite à la fois, mais également en haut et en bas, unissant en quelque sorte l'éternité organisée du monde supra-lunaire à la corruptibilité désordonnée du monde sublunaire : il est le portier du ciel comme celui des enfers"'^*, Ficin se sert des deux faces du dieu pour décrire la double nature de l'élément central qui compose la

psyché humaine, c'est-à-dire la ratio: c'est elle qui a véritablement un double visage. Comme

nous l'avons

évoqué plus haut, l'àme rationnelle (ratiocinandi facultas) ou tierce essence a, en effet, la capacité simultanée de descendre vers la faculté corporelle ou vitale (uiuifica potentia) liée au corps, aux sens et à l'imagination, et de

s élever vers l'intelle& (mens) qui contemple le beau intelligible et le divin, sans abandonner l'une ou l'autre?5, Cette association entre l’àme et Janus est également présente dans le Commento sopra una canzona de amore composta da Giralomo Benivieni de Jean Pic de la Mirandole, qui toutefois réserve cette allégorie pour les àmes célestes, en assurant que les àÀmes humaines ne relévent pas de cet ordre. Reprenant le mythe de l'androgyne, Pic explique qu'en entrant dans le corps, les áÀmes humaines, pourvues à l'origine d'un double visage, capable de voir

simultanément le sensible et l'intelligible, sont condamnées à n'avoir plus qu'une seule face, et donc, à ne plus

pouvoir contempler qu'une seule réalité à la fois"56. Pour Ficin au contraire, l'idéal est que la ratio se maintienne

7* D. GONDISSALINVS, De immortalitate animae in G. Bulow (éd.) : Des D. Gundissalinus Schrift von der Unsterblichkeit der Seele, Beitráge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, 2.3, Münster, 1897, P. 19 (notre traduction) : Manifestum est uirtutem (intellectiuam) istam nobilem

aut esse duarum facierum quarum altera illuminabilis est desuper, a rebus scilicet inferiori, uidelicet corporalium et sensibilium ; aut eadem est uirtus et eadem facies, siue pingi siue inscribi a quibus uoluerit, « il est évident que cette noble faculté lumiéré d'en haut, c'est-à-dire des réalités dépouillées de la matiére et de ses

spoliatis a materia et ab appenditiis eius, alter illuminabilis a parte sed liberum habens uertere se in quam partem uoluerit, et illuminari intellective soit possede deux visages, dont l'un peut recevoir sa corollaires, et l'autre peut recevoir sa lumiere du cóté inférieur,

c'est-à-dire celui des corps et des sens ; soit il s'agit de la méme faculté et du méme visage mais qui est libre de se tourner du cóté qu'il souhaite

et de se laisser illuminer, peindre ou graver par les objets qu'il souhaite » (cité par J. Rohmer, « Sur la doctrine franciscaine des deux faces de

l'àme », Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Áge, 2, 1927, p: 73-77, ici p. 74-75 ). "o y oir Ds me Smet, « La doctrine avicennienne des deux faces de l'áme et ses racines ismaéliennes », Studia Islamica, 93, 2001, p. 77-89, ici

p. 89 ; É. Gilson, « Les sources gréco-arabes de l'augustinisme avicennisant », Archives d'hisloire doctrínale et littéraire du Moyen Áge, 4, 1929,

P- 4-151, en particulier p. 92-105 ; J. Rohmer, Bonaventure, Paris, 1924, p- 363-364.

« Sur la doctrine franciscaine des deux faces de l'áme » ; E. Gilson, :

La philosophie de saint

i

7"! Ac licet animus per naturam essentiae tertiae Iani bifrontis instar ut. ici ili i 7* FiCIN, Opera Omnia, t. IL, p.658 : Quapropter eem Iani ROMS Bion Je geminum e pe habere 3 uidetur, aureum^ scilicet seen : 1 et argenteum. Illo Seien hic Iouialia respicit. Kristeller (Il pensiero filosofico, P. 428) explique que Saturne renvoie à l'éternité et Jupiter au temporel. 7%3 C£ Il pensiero filosofico, p. 211 et 428.

75: Cf. MACR,, Sat., 1, 9. C'était traditionnel puisque Janus, dieu des ouvertures, permettait aux priéres de passer du monde terrestre au monde céleste.

2768 è A FFClN. Opera enda,è t. L, , p. 119 : Quapropter naturali " quodam instinctu ascendit ad supera, descendit ad infera. Et dum ascendit, inferiora non deserit, et dum ascendit, sublimia non relinquit.

2766 Voir PIC DE LA MIRANDOLE,

Commento,

2, 25, que

nous

latine d'Antonio RICCIARDI BRIXIANI, Commentaria Symbolica, s. v. Ianus, Venise, 1591 (Apud Franciscum de Francischis Senensem), p. 295 : lanus apud poetas antiquos significat animas illas caelestes quae, ut aiunt Platonici, possunt et contemplari pulchritudinem intellectualem et simul etiam regere corpora sibi commissa. Quae ut Ianus uidet

886

citons dans la traduction

au milieu, en équilibre entre les deux parties, en prenant les avantages de l'une et de l'autre et sans se jeter à corps perdu dans l'une ou dans l'autre, avec le risque d'ignorer la seconde". La référence à ce mythe de Janus est sans doute un moyen pour Bocchi de rendre hommage à son dédicataire, Francesco Baiardi, qui remplit parfaitement les impératifs de l'àme rationnelle tierce essence en se montrant à la fois homme politique important, plongé dans la vie mouvementée de sa cité (voir infra), mais aussi homme de culture et d'art, ne reniant sans doute pas les joies de la contemplation. Mais Janus n'est-il ici qu'une allégorie de l’àme? La position de l'embléme en fin d'ouvrage et l'allusion à l’Age d'or à la fin du texte permettent d'en douter. 3. Janus : pour commencer ou pour finir?

Comme

nous l'avons rappelé plus haut, Janus est le dieu des commencements. Ovide dans ses Fastes lui

consacre la premiere position", En effet, Janus, depuis le régne de Numa, entame le calendrier romain et donc

l'année, selon la tradition rapportée par Ovide"*. Pourquoi Bocchi a-t-il placé ce dieu au terme de l'ouvrage ? Ce paradoxe n'est qu'apparent. En effet, cette fonction d'ouverture se double inévitablement aussi d'une fonction de fermeture, car le róle essentiel de Janus comme portier muni d'une clé - le clauiger ianitor (v. 17-

18) - implique ces deux attributions. Dans les vers 14 et 15, Bocchi suit de prés le texte d'Ovide""? (voir apparat

des sources) et met en valeur ce double róle. Janus est, en effet, le dieu qui veille aux portes des demeures privées

ou publiques et son nom est à mettre en parallele avec le terme de ianua", qui ouvre et qui ferme l'accés de la demeure. Comme portier céleste, Janus est assisté des Heures". Il veille à l'ouverture et à la fermeture des

portes du ciel et se confond par là méme avec le soleil77? (d'oü l'expression exoriens sol et occiduus, v. 17-18 dans le texte de Bocchi). Conformément à la version d'Ovide?"*, et en liaison avec cet aspect solaire de Janus, Procope, dans la description qu'il donne de la statue du dieu, à l'intérieur du temple de Janus construit devant la

Curie""5, précise qu'elle regardait à la fois, gráce à ses deux faces, à l'est et à l'ouest.

4. Janus et son temple, symboles politiques : de la Rome antique à l’Age d'or au temps des Farnese

Car le nom de Janus reste indissolublement lié au temple qui lui fut consacré par Numa, selon Tite-Live

2776

, et

qui se situait au pied de l'Argiléte, « à la jonction de deux forums » d'aprés Ovide"7, c'est-à-dire entre le forum républicain et le forum de César". Procope""? précise que le temple construit devant la Curie?7®°, aprés le non ualeant anteriora et posteriora, ita ipsae possunt uidere res intelligibiles et prouidere sensibilibus, cum animae reliquae rationales, ut sunt nostrae,

qui, aux dires des Platoniciens, simul intendere utrique actioni et contemplationi , « Janus, chez les poétes antiques, signifie les àmes célestes, leur incombent. De méme que qui matérielles affaires des s'occuper simultanément, et, peuvent à la fois contempler la beauté de l'Intelligible intelligibles et $ Scenper réalités les voir elles-mémes peuvent ámes ces méme de lui, derriére est Janus peut voir ce qui est devant lui et ce qui

à la fois vers l'action et des sensibles, alors que le reste des àmes rationnelles, auxquelles appartiennent les nótres, sont incapables de se tourner , | vers la contemplation. ». Voir également E. Wind, Mystéres paiens de la Renaissance, Paris, 1992, p. 215. áme, en i bétes, des vie la et divine vie la entre intermédiaire est 2767 FICIN, Theol. plat., 16, s, t. III, p. 123 Marcel: « Puisque la vie humaine l'existence peu atteint elle ], [... extrémes des l'un vers portant se en Mais extrémes. vies deux aux menant la vie intermédiaire, touche aussi

intermédiaire et pas du tout l'autre extréme ».

2768 Ov. Fast. 1,64 : Inque meo primum carmine Ianus adest. antiquis preposuit duos. [ ... ] Ecce tibi faustum, Germanice, 79 Ov. Fast, 1,43-44 ; 65 : At Numa nec lanum nec auitas praterit umbras/ Mensibus

nuntiat annum/ [... ] Iane biceps, anni tacite labentis origo.

(Patulcius), tantót Celui-qui-ferme (Clusius), 777? Ov. Fast, 1, 129-130 : « Car quoique tu restes le méme, tu es appelé tantót Celui-qui-ouvre dans la bouche du sacrificateur ». ?7! Voir CIC., Nat. deor., 2, 27, 67 et MACR,, Sat., 1, 9, 9.

77 Ov, Fast, 1, 125 ianuz celestis potentem, qui exoriens aperiat diem, 775 MACR,, Sat., 1, 9, 9 : Janum quidam solem demonstrari uolunt et ideo geminum quasi utriusque occidens claudat. 775 Oy, Fast, 1, 140. É

y

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275 PRocor., Bell. Goth. 1, 25. le, appelé Janus Geminus, avec le temple de Janus construit sur le Forum 775 Liv., 3, 19, 2 : ad infimum Argiletum. Il ne faut pas confondre ce temp J.C. Selon le témoignage de Tacite, Ann., 2, 49, ce temple aurait été av. 260 en Myles de navale victoire la holitorium par C. Duilius aprés restauré par Néron. 77 Ov, Fast, 1, 258 : Hic ubi iuncta foris templa duobus habes.

J. Kardos, Lexique de topographie romaine. Topographie de 775 Sur ce temple, voir l'article de E. Tortorci in LTUR, t. 3, 1996, p. 92-93 et M. Rome, 1I, Paris, 2002, p. 193-195, S. V. « lanus (Geminus) ».

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

transfert par Domitien de l'ancien temple de Janus sur le Forum Transitorium 7781 était un quadrilatére, tout entier de bronze, et suffisamment grand pour accueillir la statue elle aussi de bronze du dieu qui mesurait cinq coudées. La caractéristique essentielle de ce temple de Janus était précisément d'avoir les portes fermées en temps de paix (pour y tenir Bellone, la déesse de la guerre, enchainée et prisonniére à l'intérieur) et ouvertes en temps de guerre, puisque Numa en avait congu l'édification comme índex pacis bellique"?. Macrobe"*? et Ovide""* font remonter l'origine de cette coutume à Tarpeia, qui aurait ouvert aux Sabins et à Titus Tatius les portes du temple de Janus, situé sur le Capitole, alors siege de la royauté. Pour protéger l'entrée du temple, du soufre mélé d'eau aurait jailli et ébouillanté les ennemis, donnant la victoire aux Romains. Le temple ne fut fermé que quelques fois dans toute l'histoire romaine, comme le rappelle Plutarque, en particulier trois fois sous Auguste", Or, dans notre embléme, l'évocation de la Pax Octaui (v. 22) fait sans doute référence à la Pax Augusta, celle qu'Auguste instaura aprés les guerres civiles et sa victoire contre Marc Antoine à Actium, et qui fut percue comme le retour à l’Age d'or, que Virgile avait déjà chanté au début de la quatriéme Bucolique, à propos de la Paix de Brindes de 4o. Virgile célébre en effet le retour des Saturnia regna (Buc., 4, 6). L'expression est importante, car elle nous permet de remonter au lien fondamental qui unit Janus et l'ÀAge d'or. En effet, aux origines de Rome, l'àáge de Saturne était aussi celui de Janus. Saturne, aprés son

expulsion du royaume céleste par Jupiter, trouve refuge dans le Latium auprés de Janus qui l'accueille, selon une tradition qui fait de Janus et de Camése les premiers rois de Rome. Ils se partagent le pouvoir sur les hommes, Saturne enseignant les gestes fondamentaux de l'agriculture, Janus, ceux de la religion^"*6,

La gravure de l'embléme rend hommage au contexte antique. Elle nous propose en effet la vision d'un temple dont les portes entament un processus de clóture, comme le suggere l'inscription adhuc patet sur l'architrave, en dessous du fronton : « il est encore ouvert » (sous-entendu : mais il va bientót étre fermé, comme le livre). Sur

le fronton, entouré de rinceaux et en imago clipeata, apparait un portrait de Janus à deux faces, sous les traits d'un vieillard barbu : il s'agit donc bien du temple de Janus. On ne peut qu'insister sur l'inexactitude archéologique du temple représenté sur la gravure, si on le compare aux représentations proposées par les monnaies romaines,

par exemple sur un sesterce de Néron"*' (Fig. 1). Tout plaide en faveur d'une reconstitution libre de ce monument sous l'aspect traditionnel d'un templum tétrastyle

avec

pronaos,

fronton

et acrotéres

qui

prennent

la forme

de

trois

statues,

et pour

faciliter

l'identification, l'ajout sur le fronton du médaillon représentant Janus bicéphale, tel qu'on le trouve sur l'as libral

romain, avec, au revers, la proue de navire"** (Fig. 2). La présence du titulus au-dessus de la gravure (omnia

mens speculatur, agit prudentia et arte) dirige le lecteur vers la signification symbolique du visage du dieu : action et contemplation.

Fig. 1 > Sesterce de Néron (ca 66 av. J.-C), avecau R./ : PACE P R TERRA MARIQ PARTA IANVM CLVSIT SC ; temple de Janus

avec portes fermées à droite et décoré avec des guirlandes.

Fig. 2 As anonyme républicain (Sicile, 209-208 av. J.-C.), D./ : téte laurée de Janus bifrons ; R./ : proue de navire à dr., branche au-dessus ; ROMA à l'exergue.

Mais pourquoi le temple, plutót qu'une simple représentation du dieu? D'abord, pour la signification métatextuelle du monument architectural comme métaphore de l'ceuvre, que nous avons déjà évoquée supra : la fermeture du temple est paralléle à la clóture de l'ouvrage, selon une métaphore bien connue des Anciens qui associe l'oeuvre littéraire à un monument de pierre ou d'airain, comme le rappelle le mot fameux d'Horace (Carm., 5, 30), exegi monumentum aere perennius"*. Ensuite, parce que si Janus est le spatiosi clauiger orbis, « le portier de l'immensité du monde », comme dit le texte (v. 17), cela signifie que le temple proposé sur l'image n'est plus seulement le sanctuaire matériel où l'on honorait le dieu à Rome, mais une métaphore de l'univers tout entier et que cet univers-temple dissimule sous la forme de symboles des traces de la divinité pour qui sait les interpréter, comme le rappelle Cicéron dans le passage de la République consacré au songe de Scipion (6, 8 : « le dieu, dont tout ce que tu vois est le temple »). Le passage est interprété en ce sens par Macrobe (Somn.

Scip. 1, 14) :

C'est donc pour nous faire entendre que la toute-puissance divine ne peut étre que difficilement comprise, et ne tombe jamais sous nos sens, que Cicéron désigne tout ce que nous voyons comme le temple de celui que seule la

Mens peut saisir. Il le fait aussi pour que celui qui vénére les choses ici-bas rende cependant au créateur le culte le plus important et que tout habitant de ce temple y vive comme son digne prétre.

Les portes du temple de la gravure, entr'ouvertes, nous invitent à pénétrer métaphoriquement dans le sanctuaire

de Dieu, c'est-à-dire sa Création. Que

Bocchi considére Janus comme

le dieu gardien du monde, semble

confirmé par la formule ianitor orbis Ianus de son index thématique et qui renvoie à la page de cet embléme. Mais le médaillon du dieu Janus placé sur le fronton prend un peu la valeur d'une devise apotropaique, à la maniére de celle de l'Académie : « Que nul n'entre ici, s'il n'est géométre ». Nul ne peut étre initié aux mystéres de l'univers, s'il ne se souvient pas de sa double nature, ou s'il ignore que seule la Mens conduit à la contemplation de la divinité, comme le rappelle encore une fois Macrobe (ibid.) :

77? 7? 7781 7*

PROCOP., Bell. Goth., I, 25, 18-23. Sur la date de cette construction qui ne serait pas postérieure à 193 apr. J.-C., voir D. C., 74, 14. SERV., Ad Aen. 7, 607. Ly, 1, 19, 2 et PLIN., Nat., 24, 33, et surtout Ov,, Fast., 1, 122-123: Sanguine letifero totus miscebitur orbis/ Ni teneant rigidae condita bella

serae. « Mais la terre entiére serait bouleversée par de sanglants massacres, si je ne tenais les guerres enfermées sous de solides verrous. » Cf. MACR., Sat. 1, 9 : Patulcium et Clusium [uocant] qui bello aulae eius patent, pace clauduntur. Cette version de la Guerre maintenue sous les verrous se retrouve chez Virgile, Aen. 7, 609-610, alors qu' Horace, Ep, 2, 1, 255, imagine la Paix retenue dans le temple sous la garde de Janus. Valeriano

rappelle ce rituel de la fermeture des portes et la symbolique de paix politique qui en découle en Hier. XLIX, Ara, p. 365 A.

78 MACR, Saf., 1,9. 7^ Ov,, Fasl., 1, 260-276 et Met., 771-804.

NS CÉ PLVT., Num., 20. Voir aussi SVET., Aug, 21. Auguste le rappelle dans ses Res gestae. Voir J. Le Gall et M. Le Glay, Le Haut-Empire de la

bataille d'Actium à la mort de Sévére-Alexandre, Paris, 1987, p. 26-28. a8 eger C£. MACR,, Sat., 1, 6 et 9. Surl Veg étiologie d'une monnaieicu qui de inclut ] eh épisode de l'arrivée de Saturne, ibid. 1, 7. Voir aussi Ov., Fast., 1, 229-230.

VALERIANO (XXXII, Bicipitum, p. 228b) précise cette tradition et évoque les Saturni beneficia.

7. RIC ss 755 Crawford, 76/2 ; BMC, Italy, 113.

888

Cicéron part de là pour déclarer hautement qu'il y a en l'homme une parcelle de divinité qui annoblit l'humanité tout entiére d'une parenté avec l'Animus des astres. Remarquons que, dans ce passage, Cicéron emploie le mot Animus, et dans son vrai sens, et dans un sens abusif. À proprement parler, l'Animus est la Mens, bien supérieure

sans contredit à l'Anima [ ... ] qui est rivée au corps.

Janus devient donc aussi le gardien de la fonction allégorique qui a présidé à la composition de l'ensemble de

l'ouvrage. Ainsi, il est encore une signification supplémentaire qu'il faut trouver à Janus comme dieu emblématique du recueil : les deux faces de ce visage divin sont les deux aptitudes que doit présenter l'àme du lecteur face aux objets symboliques qui lui sont présentés: une face charnelle, tournée vers l'enveloppe

" Voir C. Trimpi, « The meaning of Horace's Vf pictura poesis », JWCI, 36, 1973, p. 1-34 ; Ph. Hardie, « Vt pictura poesis ? Horace and the Visual Art » in N. Rudd (dir.), Horace 2000. A Celebration. Essays for the Bimillenium, Ann Arbor, 1993, p. 120-139 ; C. G. Simpson, « Exegi

monumentum: Building Imagery and Metaphor in Horace, Odes, 1-3 », Latomus, 61/1, janvier-mars 2004, p. 57-66.

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Livre V

matérielle du symbole ; une face spirituelle tournée vers le sens caché et contemplatif qu'il dissimule. Le portrait de Janus correspond au portrait de l'emblématiste présenté au Symb. 2, véritable Siléne d'Alcibiade : un peu grotesque, il ne laisse quasiment rien soupconner par l'apparence des trésors spirituels invisibles qu'il recele.

honneurs et priviléges aux Farnése. Toutefois la paix définitive, dite Paix de Gand, appuyée par le pape Paul IV,

Quant au temple, il marque la clóture du processus herméneutique, au moment oü le lecteur, quittant le parvis

date de la tréve qui nourrit beaucoup d'espoirs, que l'embléme a été composé. L'évocation d'une fermeture prochaine du temple de Janus, malgré le constat de l'ouverture actuelle des portes, s'allie bien avec l'idée d'une tréve préparant la paix, et faisant taire, au moins dans l'immédiat, le fracas des armes. Un point cependant demeure obscur : à Parme, la famille de Baiardi, plutót favorable aux Médicis, entretient avec les Farnése des relations difficiles depuis 1539. Il est temps pour nous de présenter enfin le personnage de

des apparences, a enfin pénétré dans le sanctuaire des significations. Le texte de l'embléme se clót sur deux souhaits, et le terme ambigu hoc du vers 21 (qui désigne ce que souhaite

Baiardi), peut renvoyer indifféremment à ce qui précéde (v. 19-20) ou à ce qui suit (v. 22) : dans le premier cas,

le narrateur implore Janus d'accepter la fermeture des limina ferrea de son temple ; dans le second cas, il souhaite le retour des siécles bienheureux de la paix d'Octave. Les deux actions sont conditionnées l'une à l'autre, au moins symboliquement, pour ne pas dire chronologiquement (les portes fermées du temple de Janus symbolisent le retour de la paix, autant qu'elles l'instaurent sous la forme d'un rituel religieux). L'expression ferrea limina est riche de significations. Elle évoque, d'emblée, les portes bardées de verrous du temple de Janus, telles qu'on les voit représentées sur les monnaies antiques. Mais l'adjectif ferrea, qui évoque l’Age de fer, c'est-àdire des guerres et de la discorde, est bien-sür à opposer au saeculum aureum : il faut clore l'Àge de fer pour que revienne l’Age d'or. De plus si limina peut désigner la porte, il signifie d'abord le seuil, et, dans un sens géographique, évoque alors l'idée de frontiéres. Si Baiardi prie Janus de clore enfin les frontiéres, sans doute suggére-t-il celles de sa patrie, le duché de Parme, dans sa totalité, tel qu'il a été créé par Paul III, c'est-à-dire avec Plaisance : il ne faut pas laisser cette derniere aux mains des Espagnols (voir infra). Toutefois, nous constatons que Bocchi n'a pas employé le terme d' Augusta pour qualifier la paix souhaitée par Baiardi, mais celui d'Octaui, la paix d'Octave. Outre les raisons métriques, ce choix est lourd de conséquences. Aprés l'assassinat de César, son pére adoptif, aux Ides de Mars 44, Auguste n'est encore

qu' Octave

et il va

s'employer à conquérir le pouvoir, donc à poursuivre les guerres civiles"??. Ce n'est qu'aprés Actium et la mort d'Antoine en -31, qu'il peut instaurer l'áge de la paix et les fondements juridiques de l'empire. Or ces conditions difficiles, cette longue lutte pour la conquéte du pouvoir ne sont pas sans évoquer celles qu'un autre Octave, Ottavio Farnése (1524-1586), petit-fils d'Alexandre Farnese (le pape Paul III), rencontre à partir de 1547. Le paralléle est d'autant plus frappant que le pére d'Ottavio Farnése, Pier-Luigi, qui régne sur le duché de Parme et de Plaisance depuis sa création par Paul III en 1545, meurt assassiné lors d'une conjuration fomentée par les

grands aristocrates parmesans, tel César tombant sous les coups des sénateurs. Ottavio Farnése, bien qu officiellement proclamé successeur de son pére par la population de Parme en 1547 aura toutes les peines du monde à prendre possession de ce territoire et à asseoir son pouvoir. En effet, aprés l'assassinat de Pier-Luigi, le duché de Parme et de Plaisance est revendiqué par Don Ferrante de Gonzague pour le duc de Milan, et occupé par Charles Quint, tandis que le pape Paul III, déléguant les troupes pontificales sous l'égide du gouverneur général de l'Église, Camillo Orsini, enjoint à son petit-fils de rentrer à Rome et de renoncer au pouvoir. Le terme d'Augusta (pax) était d'autant plus à éviter que le principal opposant d'Octave pour le contróle du duché de

Parme était son beau-pére Charles-Quint^?' ; le terme d'Augustus"? qualifie, par excellence, l'empereur romain

élu en 1555,

ne sera signée qu'en 1556 entre Ottavio Farnése et Philippe II d'Espagne, fils de Charles Quint, et

assurera la réunification du duché. On peut légitimement penser que c'est probablement aprés le 29 avril 1552,

Francesco Baiardi, dédicataire de l'embléme.

5. Les Baiardi

On rappellera que, pendant toute la premiére partie du XVI* s., Parme est divisée entre la faction guelfe de la

famille Rossi, et celle, gibeline, dite des Tre parti autour de Laura Pallavicino Sanvitale, qui se livrent toutes les

deux une lutte impitoyable, n'hésitant pas à recourir à la violence physique ni aux armes"? La puissante famille

des Baiardi fait partie de la faction guelfe autour de Pier Maria Rossi di San Secondo (marié à Camilla Gonzaga). Cette faction connait un plein épanouissement avec l'avénement des papes Médicis (Léon X et Clément VII), tandis que la faction gibeline retrouvera sa puissance avec l'arrivée sur le tróne des Farnése (Girolama Farnése, niéce du pape, épouse en 1539 Alfonso Sanvitale, le fils de Laura Pallavicino Sanvitale). Le chevalier Francesco

Baiardi de Parme, fils du poéte Andrea Baiardi, est l'un des rares commanditaires dont on connaisse le nom pour les derniéres années de la vie du peintre Francesco Mazzola dit le Parmesan??*. Vasari le dit un ami proche du peintre : en 1535, de concert avec l'architecte Damiano De Pleta, Baiardi commande au Parmesan les fresques de l'église de la Steccata, ainsi qu'un tableau intitulé Cupidon fabriquant un arc et conservé à Vienne ; au total,

C'est vingt-deux tableaux et quatre cent quatre-vint-quinze dessins de l'artiste que l'on retrouvera en 1561 dans l'inventaire de la collection de Baiardi^*. En 1539, Baiardi est à la téte de la Confraternità della Steccata, oü il a été élu à l'unanimité. Mais dés 1538, le parti guelfe connait un long déclin, suite aux relations difficiles avec la

papauté et les Farnése en particulier, et ne retrouvera véritablement de son lustre qu'à partir de 1568. Le souhait que formule Baiardi de voir revenir la paix d'Octave, à la fin du poéme emblématique, suit la convention de l'éloquence épidictique: les vertus sont déjà présentées comme acquises. En montrant son dédicataire en paix avec la famille des Farnése, Bocchi tente sans doute d'éveiller chez lui une forme de

patriotisme face à l'envahisseur espagnol : c'est bien gráce à l'effort d'Octave que la guerre qui ruine Parme connait une tréve.

6. Conclusion On comprend mieux la position essentielle que Bocchi donne au dieu Janus, en fermeture de son recueil : Janus, dieu de la fin du livre, aide à clore les pages, tout en invitant, comme dieu des débuts, à reprendre le volume ou à

et s'applique donc parfaitement à l'héritier du Saint Empire Romain Germanique. Il serait malvenu d'évoquer par cette épithéte la victoire de l'ennemi des Farnése. Mais de quelle paix est-il ici question ? Aprés la mort de Paul III et sous l'influence du Cardinal Alexandre Farnése, le nouveau pape, Jules III, reconnait

en reparcourir les moments essentiels, dans un perpétuel recommencement. Symbole de l'áme équilibrée et polyvalente, ou plutót de la tierce essence ficinienne qui se partage entre l'action et la contemplation, entre le

pour libérer son duché des prétentions impériales. S'ensuit une guerre qui dure jusqu'en 1552 et cause de grands dégáts, sans résultat ni d'un cóté ni de l'autre. La tréve eì signée le 29 avril 1552, pour deux ans, rendant

de fermeture de ses portes pour signifier la fin des guerres dans l'empire romain, il se fait aussi le symbole

la régence d'Octave. Ce dernier, en 155 1, fait appel aux subsides militaires et financiers du roi de France Henri II

divin et le mortel, entre Dieu et la cité, Janus signifie aussi la paix intérieure de l'homme accompli, véritable

héros comme le sont Baiardi ou Ottavio Farnése. Mais, en référence à son temple archaique à Rome et au rituel

di Lombardia, Ricerche sull'aristocrazia padana nel Rinascimento, Milan, 2003, en particulier p. 365-419: cittadina nello Stato di Milano (fine xv-inizio XVI secolo) » ; M. Gentile, Terra e poteri. Parma e il Parmense Quattrocento, Milan, 2001, p. 38-47 ; L. Arcangeli, « Sul linguaggio della politica nell Talia del primo Parma », in L. Antonelli, C. Capra, M. Infelise (dir.), Per Marino Bernengo. Studi degli allievi, Milan, 2000,

: E 7!790 En luttant successivement contre les tyrannicides (mort de Brutus et Cassius à Philippes en 42), contre le parti pompéien sous l'égide de Sextus Pompée puis contre les triumvirs, Antoine et Lépide, auxquels il s'était d'abord allié (lors du triumvirat de 42 renouvelé lors des accords

733 Voir L, Arcangeli, Gentiluomini « Aggregazioni fazionarie e identità nel ducato visconteo all'inizio del Cinquecento : le fonti della città di

7?! Octave était le gendre de Charles Quint, dont il avait épousé la fille Marguerit e en 1538.

| | P. 76-113; F. da Mareto, Bibliografia generale delle antiche provincie parmensi, Parme, t. Il, 1974, 7 I:TÀ. | 79! Voir G. Bertini, « Parmigianino e i conti Rossi fra San Secondo e Casalmaggiore » in Parmigianino e la Scuola di Parma, Casalmaggiore,

de Brindes en 40).

7? Voir par exemple BOCCHI, Symb. 21, 1: Imperio Augustus pietate augustior alma es. Bocchi appelle d'ailleurs Charles Quint Casar Augustus

rds le titulus. Pour ces questions, voir F. A. Yates, Astrée, Paris, 1989 (pour la traduction frangaise), p. 17-51: empire ».

890

« Charles Quint et l'idée

2004, p. 115-121. Parmensi, s, m d. Rapetti, « Un inventario di opere del Parmigianino », Archivio Storico della Deputazione di Storia Patria per le antiche Province 26-29. p. 1967, Londres, Art, Baroque and Renaissance in Studies Id., dans », Inventory Baiardo The « 1940, p. 39-53 ; A. E. Popham,

891

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

contemporain de la paix retrouvée dans la cité, et du renouveau de l'Áge d'or qui accompagne l'arrét des combats à Parme. Une ambiguité heureuse subsiste, que l'on retrouve dans la gravure, qui prend bien soin de

^

dire à propos du temple, adhuc patet, « il est encore ouvert », pour nous montrer un processus en cours. Cette

Bl B LI 0 G RAP

ambiguité veut que, si l'on s'en tient à une partie de la tradition antique sur la symbolique de la fermeture des portes du temple (voir supra), on peut imaginer que, derriere ces portes, c'est la guerre qui a été remisée et que la paix va pouvoir se répandre dans la cité. Mais si l'on se référe à l'autre tradition, c'est la paix qui est enclose, pour qu'on ne puisse plus la laisser s'échapper. Cette version correspondrait mieux au paralléle avec le livre : le temple se referme doucement, en méme temps que le recueil, qui a si souvent chanté la pax et la quies, véritable havre et refuge intellectuel d'un siécle troublé par les guerres religieuses et politiques. Quand le livre s'ouvre, à l'instar du temple, la paix vient se répandre dans ses pages; quand il se ferme, elle regagne sa cachette silencieuse, laissant au lecteur le soin de se préparer à retrouver la dure réalité. Si de nombreuses images du recueil nous transportent dans un paysage où l'aube se leve, il n'est pas inconcevable d'imaginer ici que Janus,

I

Bibliographie

sur

Achille

H | E

^

EF N E RALE

Bocchi

iteq2796 1.1. Sources manuscrites

dieu solaire, se fait aussi le symbole du crépuscule qui s'installe et du soleil qui se couche.

Archig. : Biblioteca dell'Archiginnasio, Bologne

ASV : Archivio Segreto Vaticano, Rome BAV : Biblioteca Apostolica Vaticana, Rome BUB : Biblioteca Universitaria, Bologne

1.1.1. PoÉsiES DE JEUNESSE - Achillis Philerotis Bochii Bononiensis Lusuum libri duo : * BAV, Vat. Lat. $793, f° 11"-63v*. * Rome, Biblioteca Angelica, ms 1471, P 3r°-62v°.

- A. Philerotis Bochii Bononiensis Lusuum Libellus ad diuum Leonem X Pontificem Optimum Maximum : * Florence, Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 33, codex 42, P 11?-29r*. Biblioteca Nazionale Centrale Vittorio Emanuele II, ms. S69

- Rome,

Laurentienne).

(copie

du

xvm

s. de

l'exemplaire

de

la

1.1.2. RECUEIL D'EMBLÉMES

- Achillis Bocchii Symbolicae Quaestiones : Londres, British Library, ms Sloane 3158 (autographe avec gravures mais incomplet", avant 1555).

-Ad

Andream

Casalium

Bonon«iensem»

equitem

Ambrosiana, A 179 inf, f° 1 r°-v° ; 199 r°-v°.

Hierosolymitanum

(= Symb.130,

sans

illustration) : Milan,

Biblioteca

1.1.3. CORRESPONDANCE — Achillis Bocchii epistolae autographae ad Romulum Amaseum : Milan, Biblioteca Ambrosiana, D 145 Inf.

- Lettres à Giovanni Antonio Flaminio (sans date) : * BAV, Barb. Lat. 2163 [XXXI, 48], f 108v? (Non sine lachrymis... ) ; 110v? (Esse quid hoc dicam...) ; 1111? (Oden quam nuperrime... ). * Barb. Lat. 2029 [XXX, 102], f 442v?-446r? (Non sine lachrymis... ) ; f 4561?-460r? (Esse quid hoc dicam ... ) ; 460v^-4611 (Oden quam nuperrimà... ). * ASV, Armadio II, n?16, Epistolae quaedam illius Achillis Bocchii Bononiensis ad amicos, f° 559r^-v^ (Non sine lachrymis... ).

— Lettre à Bartolomeo Raimundo et Mario Siderotomo (Saluete amici ..., octobre 1513) : * BAV, Barb. Lat. 2163 [XXXI, 48], f 109r°-110r°. * Barb. Lat. 2029 [XXX, 102], f 446r°-452r°. * ASV, Armadio II, n^16, Epistolae quaedam illius Achillis Bocchii Bononiensis ad amicos, f° s60r°-s61v°. - Lettre à Sebastianus Magius Panonius (Redidit suauissimas mihi literas ..., aoüt 1513) :

775 Sauf mention contraire, les manuscrits datent du XVI" siécle.

7 Voir la description plus compléte dans notre introduction. 892

| |

|

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

JBibüioeranhie eenérai-

. BAV, Barb. Lat. 2163 [XXXI, 48], P 110r". * Barb. Lat. 2029 [XXX, 102], f 452 v?-455 v^.

7.715. "HtsroRE me Binznowe

* ASV, Armadio II, n^16, Epistolae quaedam illius Achillis Bocchii Bononiensis ad amicos, f° 5621"-563v^. — Lettre à Frangois Guichardin : Archig., ms B. 3146, f° 2v°.

—AchilissBuzthi: Bonontensss Eiittorüu patrc aibrrhe-conüitt libri I 75. . ATT

— Lettre à Filippo Pepoli (13 décembre 1526) : Archig., ms B. 3146, f° 1r-v°.

Wc

ars

^ Archigin. Gzzadiini 34:0. = BASC Barb. Latt. 2x CORONEL, ag] Pange rnm" BY iub. t. 2x66 | CSORCRTERL, ta] f.

— Lettre à Tamas Nadasdy (aoót 1526) : Archig., Gozzadini 33, ms B. 470, P 3611"-363r". 1.1.4. SERMONES, LECTIONES, PRAELECTIONES, ORATIONES

Wenssz

— Achillis Bocchi... Sermo cui titulus est Democritus, id est uanitas : sermo habitus in praelectione librorum M. T. Ciceronis De Oratore et Artis Poeticae Q. Horatii Flacii : * BAV, Barb. Lat. 2163 [XXXI, 48], f 94r°-103v°.

* ASV, Miscellanea, Politica Varia, Armadio II, n°16, P 4311?-460v". — Achillis Bocchii Praelectiones in libros de Legibus M. T. Ciceronis habitae Bononiae in Academia Bocchiana, 1556 (avec épitre dédicatoire à Tomaso Contubero, évéque de Penni, datée de 1557) : * BUB, ms 304.

iblurece Wuzinmdie Wiarctama, mss u0 (5:778).

Güveanm: Antonio,Jrssvmihadum decimum: XAchiiliss niti; zommentariiüu: -

^ Jette,

Pic

nsi.

15.

-uzertextte ass tismmais reser edite "ratiuit amne dian A Rotet:- Emblematune. vhilosophtc:ei wolitüsuc-à Bologne au UIT sézile auttnur d Azhilie azdhi gt die! "&catiemie Wazchiane (à parattre aux Presses Universitaires Francoss-Rábelass)

ivvanmi Wattssta, Tarttye di iuh: UDtedisevatum:amint: ....mowenibre 33:12. :

- ERAS Batb.Latt. 2:365 | DIONIT, a8)

* BUB ris 4326 (copie du XVII. s.).

*BAV, Barb. Lat. 2163 [XXXI, 48], f° 42r-s2v°. * Rome, Biblioteca Casanatense, ms 1526 [A IV 38], f° 63r°-68v°.

iL 2. Spumoes irmprimées

- Oratio pro dictatore reipublicae oratoriae deligendo habita Bononiae, 1522 (avec épitre dédicatoire à Altobello Averoldo datée de 1523) : Rome, Biblioteca Casanatense, ms 1526, [A IV 38], P 11-v^ ; sr°-30v°. in exordiis lectionum publicarum, BUB,

ms

Para"

- iab ILut. axxo | WGOK, uaa T] P" aptari

— Oratio pro Lege Manilia (pro Cnaeo Pompeio) M. T. Ciceronis :

— A. Bocchii

2778)

Tn E. Deis [gis

* Barb. Lat . 2030 [XXX,103], f 539 r°- 569r".

cenrrraitt- -zammiees i23

59s, K. 10, f 321-23v^;

f 26r°-28v°

disputationis, daté de mars 1547) ; P 29r°-v° (post disputationem) ; £ 3 11°-v° ( Achillis Bocchii).

(Achillis Bochii

in. prohemio

1.1.5. TRAITÉS DIVERS

Bimncner, &ihilie — L'Ahilis: Tinzéh: Siprminsis | Synihuilizurum (Quaettionum dc universo generc uas serio luüinit libri quine, Rolugne

Ín-acdtbu:

nnuar zadienuar Tinzihiamaz, 23:35:37 —Bunüilzavum: Quaesttionum dr amiwesso grneve quas serio (lhadiéhat libr: quique, Bülugnz, Aputi ‘Sucittitem Typographia: Birnmiensss, 2874

— Byniinizarum: (Quaestionum: die amiverso gener qnam seroo uüéhat rri quinquc, Bologne, Apul! Sutttitem Typographi Hipwonitensss, 05715, facsimile, ed. $. Chegrei], Seren, Lantirss, 9773.

BoccHi, Achille — Argumenta in orationes inuectiuas M. T. Ciceronis : * BAV, Barb. Lat. 2163 [XXXI, 48], f $31?-66r^. * BAV, Barb. Lat. 2029 [XXX, 102], f 5581?-610v*.

— Bynüinilzavum: Questtionum de umtwersp gemewe qpuas serio uiia

ibi

quiu, Botogre, fapu Suctttdtem

Binwniensss, 2572, dans Guilo Sonasonz, catálogue de $. Wlasari, ome.

pagesm 3 mpas-ete meipatttée |, aueec (le ceratiuctumm ittlierme die INI IBianchelli Tlluminati. — AAmilugusm Piautum. Vita Cigevimis, aufer Phuttarvóho muper inurtio ac: iiudiesübrrata Botogre

- Ad Franciscum Piccolomineum Cardinalem senensem... De Scribendi ratione mittendisque epistolis :

— &üitimm martislle de certáms enitilémes (Symíh.&;: 7;; u3;; 15; u5:; x6; 17:

* BAV, Barb. Lat. 2163 [XXXI, 48], f 691"-8ov^.

"Typographi

su£5, t. facsimile (la difiosition initiale de:

09: 22;

2445: 295;

_A Platoniies, 1-508. MD: 391:; 44a G7R

593: 586 ;

$7570 5 758; 8;;Bu ; pis op; 1D i; 113125 1a ; n ; 1258); 584) didas less Delitaee (CIC. Eadlorrum: gmaetarrum huis: sumeriorisquee auus iliusivium ccassemitiées prar [anus Genuter (-amurttus Crieerus ) IFranctort Tons Russa, 1608 7p. 4:£34£52.

* BAV, Barb. Lat. 2029 [XXX, 102], f? 4641"-456v^.

* BAV, Vat. Lat. 4585, f 11"-88v^. — Quaestiones et inuestigationes : De philosophia ; De uirtute ; De lege ; De sanctitate ; De lucro ; De sapientia ; De oratione : * BAV, Barb. Lat. 2163 [XXXI, 48], f 1331"-141v^.

— ttum pyartislie tc certaims enitilemes et pieces die peunesse (Symib.6;:7 |8tsorpremiere version dansP fs D9 ; 225; 204; 255 5 407 4l ;; 444.7 4107

47 5 3587; 83.5 805 875 75;

Ro; Eu; qi;

r9]: a; 610m;

qxo;; IEDHES HUE; ; TED; ; CEED; ; 1039); 5 1324 ) camsders

(Carmima ilicizium gruettarum: ktdlorum, Flosence, droammess (Cagetanus TartiisscetBan£tes ranchiüss, 17 19 tT.

* BAV, Barb. Lat. 2029 [XXX, 102], f 3671°-442r°.

p.332 2345.

— ttim «tiv Petit (Gommerttare au Symibulum zv dir Siuzóhi par Givwanni *mtonio Tislfmio, diu Pislenuzeus et idu T'ensscritus de

- Rhetoricae compendium, Barb. Lat. 3029 [XXX, 102], f^5481"-557r^.

Bocdhi «dans A TRlet, mililématigur, pihilosopghie «t quilitgue 3: dulgene iiu AUT. ssécéle:: auitour i1 Athille Bacthki et dde

Îl Acatiemia Binodiiiana, (2 practer aux Peesses (Umersttaies TrranznisRaisélass).

1.1.6. PTOLEMAEVS (DIALOGUE)

Soswamaticic, (Gawimie, (Gavin; Samibiguzci; Savi Sussarensis] (n Tiermutfirenum: Hixcthum: interpretatio, Bólugne, Antonio NMianuzio, 1556.

— Achillis Bocchi... Ptolemaeus siue de officio principis in obtrectatores : * BAV, Barb. Lat. 2030 [XXX,103], f 4911"-538r". + ASV, Armadio II, n°16, f° 4631"- s 101" (seconde numérotation : f° 4681"-514r1^). * ASV, Armadio II, n°33, f° 35317-3891" (seconde numérotation : f° 3611"-3971?). * Madrid, Biblioteca Nacional, ms 1037, f° 421?-6sv^.

* Archig,, manuscrit non catalogué, sans pagination dans Miscellanea prowvisoria, n. 4775,

* ce texte est désormais présenté, édité, traduit, annoté dans A. Rolet : Emblématique, philosoph ie et politique à Bologne au

XVI siècle : autour d' Achille Bocchi et de l'Academia Bocchiana (à paraitre aux Presses Universit aires Frangois-Rabelais).

—- Weir lies tesatiprtioms ties esemilaiees [bsiiemais dans . IRavetiza-Ata, « Achille Bucrhicelia:sua Fisstorá: (onontensis ». ,Studi-c menerrie pe7 dc

2798

Je remercie Maria Grazia Bollini (Biblioteca communale dell Archiginnasio, sezione dei manoscritti e dei rari) pour cette information.

894

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Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

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2. Sources 2.1. Sources antiques Sauf mention contraire, les éditions citées dans le corps de notre travail sont, pour tous les textes latins antiques,

celles de la base en ligne Brepolis Latine Complete" ; pour tous les textes grecs antiques, celles de la base en ligne du Thesaurus Linguae Graecae??? Le lecteur ne trouvera donc pas ci-dessous la mention de tous les auteurs que nous avons utilisés et qui figurent dans ces deux bases de données. Par souci d'économie de place, nous

n'avons pas non plus fait figurer la liste des éditions/traductions grecques et latines de la Colle&ion des Universités de France aux éditions Les Belles Lettres dont nous nous sommes servie et que nous mentionnons dans le corps de notre travail. Nous ne faisons apparaitre ici que les autres éditions/traductions utilisées. ARISTOTE, De l'áme, éd. A. Jannone, E. Barbotin, Paris, 1969. —, De l'áme, éd. G. Rodier, Paris, 1900 [2 vol.].

—,Éthique à Nicomaque, trad.J. Tricot, Paris, 1990.

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in : Habentur

hoc

uolumine

haec,

uidelicet:

Vita

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Abradatas, 33 Abstemius, Paulus

Alcide (Pál

Bornemisza),

223

Academia

Bocchiana,

16,

18, 64,

108,

285, 286, 300, 333, 334, 337, 345, 373, 395, 455, 465, 468, 474, 523, 524, 533, 558, 588, 593, 641, 690, 763

Accademia degli Accesi, 611

Accademia degli Affumati, 374 Accademia degli Occulti, 255 Accademia della Virtù, 489, 647 Accolti, Benedetto, 483-485 Giovanni

Filoteo,

Hercule,

Héraklés,

573,578, 589,715

Alcman, 779 Aldegrever, Heinrich, 135 Aldrovandi, Ulisse, 47, $36, 674 Alessandro d'Alessandri, 612, 613 Alexandre de Macédoine (voir aussi Alexandre le Grand), 375, 438, 604. Alexandre II Farnése (cardinal), 51, 100,

725

448,

593,

607, 661

Alexandre le Grand (voir aussi Alexandre de Macédoine), 156, 294,

295, 352, 353, 357, 376, 609

Anatole de Laodicée, 710 Anaxagore

de

Clazoménes,

Anne de Bretagne, 25, 329, 479 Antéros, 140-142, 269, 430-432, 522

Anticyre, 26 Antimaque, 383, 827- 830

Antioche, 734 Antipater,

80,

132,

133, 466,

Antipater de Tarse, 80, 466, 581 Antipatros de Cyréne, 130-133 Antisthéne, 207-210, 303 Antonin le Pieux, 31, 243, 444

Adraste, 382, 383, 386, 390 Adrastia Némésis, 355 Adrien VI, 566, 567, 571, 624 Aedes Aemiliana Herculis, 302

Alexandre Zambeccari, 306

Anubis, 616-618

Alexandrie, 36, 37, 59, 70, 74; 75, 98,

Aonie, 18, 798, 801

Aeglé, 101, 301

Aelius Aristide, $27, 642 Aelius Lampridius, 462

Algazel, 886 Altdorfer, Albrecht, 135, 146, 551

Aetius, 707

Agathias, 123, 124, 125, 126 Aglauros, 559 Agoracrite de Paros, 383 Agrippa de Nettesheim, 73, 226

230, 236, 241, 255, 258, 259, 264, 310,

325,

328,

329,

337, 353, 359, 362, 385, 396, 407, 410,

420,

424,

426,

427,

431,

436-

438, 457, 480, 481, $02, 503, $13, $19,

$20,

524-526,

$29,

551,

554

556, 560, 564, 567, 569, 570, 596, 604,

607,

618,

629,

636,

654,

665,

667, 668, 670, 690, 707, 759, 760, 761,818, 834, 835, 885

Alcibiade, 48, so, 60, 66, 67, 69, 77, 230, 255, 299, 326, 359, 361, 595, 676, 777, 806, 890

283,

284,

288,

318,

319,

336,

337,

342,

344,

359,

370,

371,

506, 513, 522, 524, 535, 537, 538, 559, 563, 572, 573, 583, 592, 601,

95, 139-141, 153, 158, 168, 203, 229, 303,

269,

623,

624,

674,

688,

634,

695,

(voir aussi Vénus),

99,

176,

180-182, 380, 384, 391, 393, 394, 405, 430-432, 564, 711, 738, 758

4858,

237,

611,

Aphrodite

18, 19, 21, 44, 52, 65, 94, 124,

252,

253,

277,

284,

296-301,

336, 340, 361, 363, 426, 431, 449,

408, 433, 454, 459, 465, 468, 470,

Alain de Lille, 349, 573 Alamani, Luigi, 567 Albert le Grand, 796 Alberti, Leandro, 554, $93, 624, 656 Alberti, Leon Battista, 273, 575

Aphrodisias, 380

208,

Amaseo, Pompilio, 433, 583, 705 Amaseo, Romolo, 16, 19, 62, 157, 235,

Ajax, 545-549

Apharée, 26

Apollon,

Alypius, 848 Amalthée, 94, 353, 570

Agamemnon, 49, 551

300,

215, 251, 368, 421, 433, 574, 642, 691, 706, 710, 734, 735; 737, 744, 793, 842, 843, 883

Alexis, 454

Aesépos, 383

270,

187, 540, 728, 839,

581, 604,

605, 781

Alexandre VI, 270, 674

147, 456, 711, 820,

491,

Anaxarque le Démocritéen, 813 Anchise, 97, 454; 639, 708, 729 Andreoni Fontecedro, E., 576, 750 Androuet du Cerceau, Jacques, 144, 330

Alexandre Sévére, 294, 462, 463, 591

793, 857, 885

489,

649, 650

Adam, 165, 477, 639, 655, 657,692, 718,

Alcée, 95, 138, 436, 779 Alciat, André, 28, 37-39, 43, 65, 83, 85,

958

aussi

337, 357, 461, 465, 558, 561, 583, 632, 635, 670, 690, 699, 703, 704,

Achate, 496-499

Achillini,

(voir

Ogmios), 93, 95, 238, 301, 436, 572,

662,

697-706,

725, 726, 743, 744-746, 753, 763, 801, 802, 853

670,

671,

711-718,

748,

751-

506,

508,

650,

677,

683,

687,

698, 703, 737, 739, 763, 798, 801, 802, 833, 872

Appius Claudius, 164, 748

Apulée, 69, 70, 76, 172, 239, 283, 303, 314, 398, 635, 661, 838-840, 842, 845, 846

Aquilée, 734, 736, 741, 793 Ara Maxima, 202, 302 Ara Pacis, 46, 273

Aratos (de Soles), 251, 355, 539, 636, 739

Ambracie, 121-126, 134, 782

Arcadie, 253, 406, 407, 457, 666, 869,

Ambrosius, Theseus, 418 Ammien Marcellin, 189, 270, 355, 385,

Arcésilas, 107, 111, 775, 777, 807, 816

479, 501

Ammirato, Scipione, 567, 574 Ammonius,

126

84,

89,

Amour (voir aussi Éros, Cupidon), 13, 86-

116-118,

138-141,

161,

876,878 Archelaüs, 650

Archiloque, 63, 408 Archiméde, 201, 203, 227, 270 Archinto, Filippo, 269, 507, 521, 522 Argonautes (les), 26, 541

229, 244, 263, 320, 329, 375, 381,

Argos, 383, 549

474, 509, 521, 526, 528, 529, 533;

Ariane, 125, 372, 405, 831, 833, 877, 878

405, 406, 407, 414, 418, 432, 473,

624, 632, 633, 638, 643, 689, 717, 825, 826, 830, 876, 878

Amphytrion, 479, 819

Argyropoulos, Jean, 789 Aristée, 323, 325-329, 332, 333, 334, 335-337, 340, 341, 522, 526

Aristeidés, 49

Inc

ue

ue

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Aristippe de Cyrene, 123

Aulu-Gelle, 29, 173, 190, 192, 193, 197,

Aristophane, 32, 33, 187, 442, 443, 489, 491, 495, $26, 544, 545, 718 59, 61, 69, 72, 73, 103-106, 159,

178-180,

229,

230,

242,

108-111,

211,

212,

214,

249-251,

256,

261,

354,

432,

$13,

691,

750,

770,

784-

Arnigio, Bartolomeo, 255 Arpinate, l' (voir aussi Cicéron), 236,

292,

530,

576,

749,

767,

818, 828, 867 Arrhéphores (les), 372 Artémidore, 155, 636 Ascagne, 542 Asclépios, 295, 297, 300, 828, 838

Astrée (voir aussi Fortune, Tyché, Occasion, Sors, Némésis, Astrée), 22, 145, 155, 156, 284, 354, 385, 390, 460, 537-539, 541, 542, 556, 557, S61, $79, 609, 634, 635, 637-640, 696, 698, 737, 739-741, 890 Atargatis, 738, 739, 741

Athéna (voir aussi Pallas, Minerve), 22, 37, 71, 94, 239, 247, 372-374, 528-533, 588,

638,

95, 97, 153, 161, 263, 284, 285, 390, 443, 444, 535, 536, 555, 666,

675,

711,

221, 298, 524, SS9,

236, 359, 526, 563,

727,

730,

731,732

Athéna Tritogenia, $55, 638 Athénée, 167, 529, 532, 603 384,

390, 426,

542-545,

559,

642,

764, 788, 822, 885

Atlas, 96, 203, 225, 227, 301, 390, $21, 572-575, 578, 579, 718, 763-766, 820 Atrée, 54.

Atticus, 81, 191, 258, 263, 300, 395, 465,

489, 528, 662, 773

Attique, 296, 372, 373, 383, 443

145, 152, 155, 224, 243, 273, 355,

380, 384, 397, 432, 439, 462, 464, 533,

$35, 541, 544, S565, 578, 639, 640, 689, 717, 888, 890

591,

Augustin (saint), 59, 76, 81, 149, 163, 164,

171,

203,

208,

226,

265,

228,

315,

243,

336,

361,

366,

367,

410,

423, 489, 492, 593, 692, 709, 724, 758, 771, 843, 848, 849, 857, 865

212,

253,

458, 491, 530, 531,

406,

414,

724, 728, 780, 790, 832

Pirro,

273,

590, 643, 669,

Buonamico, Lazzaro, $23

Buonarotti

(voir

aussi

Michel-Ange),

647,

837,

Boéce, 95, 250, 252, 291, 550, 551, 626,

Caius Marius, 579, 580, 581

Bacillus, 224

Boisot, Charles, 7, 14, 15 Boissard, Jean-Jacques, 626

Bade, Josse, 30, 188, 241, 274, 434, 531

Bonamici, Lodovico,

138, 405, 578, 866, 879

Cassianus Bassus, 869

826, 857, 865, 871, 886

Cassiodore, 187

489, 593, 624 Castor, 26, $18, $19, 520 Catherine de Génes, 509

190, 191

Caius Valerius Triarius, 280 Caius, John, 190, 232, 270, 273, 280, 579-581,817 Cajétan (Thomas de Vio), 34, $11, 796 Calamosco, 434, 606, 801, 803

815

Catilina, 492, $14, $91 Caton, 80, 96, 125, 192, 193, 235, 303, 446,

512-515,

780,

804,

813,

814,

Chypre, 33, 380, 381, 734, 878 Cicéron, 34-36, 45, 49, 55, 58, 62-64, 66,

Cattaneo, Andrea, 794

120,

123-125,

Cattaneo, Cesare, 794, 797

139,

148,

831,873,877

Cecilia Metella, 46

190,

191,

196,

201,

217,

226,

231,

232,

Cécrops, 296

250,

251,

77, 87, 88, 90, 92, 99, 102, 114, 118,

Calchondylas, Démétrios, 461

274,

280,

Calderini, Domizio, 270

Celse, 70, 446-449, 453

135,

173,

176,

189,

Bandes Noires, Jean des, 112

224,

230,

232,

233,

236,

Barbaro, Ermolao, 575, 789

266,

271,

278,

281,

285,

Bargellini, Ovidio, 825

293, 295, 299, 304, 30$, 308, 310, 313, 317, 352, 355, 357, 358, 375, 379, 386, 387, 393, 394, 396, 400,

Barozzi da Vignola, Jacopo, 561, 647 Basile de Césarée, 187 Béatrizet, Nicolas, 424, 426, 429

137,

141,

148-150,

Cennini, Cennino,

243,

246,

Calepinus, 205

Céphisodote, 426

290,

291,

Caligula, 273

Cerbére,

402, 404, 412, 416, 419, 423, 424,

426, 460, 490, 538, 574,

428, 464, 495, 541, 579,

429, 444, 445, 452, 459, 472, 477, 478, 483, 486, 498, 511, 516, 517, 535, $44, S51, S61, 566, 571, S81, 584, 588, 597, 599,

605,

609,

610,

614,

Bellérophon, 373, 732, 758-760

629,

644,

665,

675,

687,

692-694,

762,

766,

Belléros, 760 Bellini, Gentile, 735 Bembo,

Pietro,

16, 24, 319,

344, 413,

433, 465, 468, 484, 489, 513, 523, 592, $93, 611, 697, 745 Bentivoglio (les), 131, 290, 586, 587, 588, 600, 624, 661, 674

Berchorius,

417,742

Petrus

(Bersuire,

Pierre),

128, 507, 522, 661, 663, 66s, Bernardino

Francesco,

Antonio,

69,

269,

232,

343-345,

347, 371, 465, 522, 616, 704, 725, 758 Bernin, Le, 421

Béroalde, Philippe (le Jeune), 624 Béze, Théodore de, 513 Bianchini, Bartolomeo, 94 Bias de Priéne, 66, 261, 262, 361 Bie, Jacques de, 480

686,

719,

747,

760-

818,

822,

826,

Botticelli, 176, 178, 381 121,

156, 352,

353; 355-357

Bourbon, Nicolas, 267, 505, $50 Bovelles, Charles de, 115, 421, 784, 791 Bovio, Vincenzo,

131

104, 260, 530, 575;

626, 627, 886

Bramante, Donato, 307 Brant, Sebastian, 264 Bruni,

Leonardo,

105,

192,

281,

530

$75,831 Brutus, 64, 282, 440, 580, 611, 612, 662, 746, 751, 758, 890 Bryaxis, 426

Budé, Guillaume, 30-34, 36, 40, 42; 43: 67, 149, 155, 160, 187, 188, 239, 241243,

286,

303,

359-361,

370,

43^

93,

95,

159

97,

326,

361,

378,

422,

643, 671,754, 815

Calliope, 238, 242, 649, 695, 700, 712

Cérés, 721

Calvin, Jean, 134, 329, 412, 763, 861

Cervini, Marcello

(Marcel

II),

16,

18,

318, 319, 322, 413, 465, 466, 489,

Calvo, Francesco, 38, 39

Camatherus, 433, 434, 435

496, 612, 647, 705, 852

Cambio, Andrea (Bombarda), 873 Cambyse, 294, 312, 313, 462, 463

256-258,

292,

293,

502,

$13,

523,

528,

599,

607,

611,

636,

643,

648,

664,

677,

690,

691,

739,

744,

746-753,

781,

784-791,

Camerino, 80, 235, 474

Charles IX, 330, 480

819,

824,

Cameése, 888

Charles Quint,

889

$57,613,

Camozzi,

690

Giovanni

Battista,

23, 726, 753,754

Campana,

555,

Francesco

(di

7,

19,

Colle),

22,

767,

769, 770

Campeggi, Alessandro, 615-617, 620 Campeggi, Giovanni, 616- 619 Campeggi, Giovanni Battista, 18, 344

128,

131,

12, 14-16, 24, 81, 83, 94, 143-152,

235,

267,

269,

319, 330, 333, 390, 411, 417, 426, 454, 461, 468, 481, 483, 505, 507, 521, 555, 571, 572, 579, 600, 601,

728, 770-

797,

798,

802-

827-830,

866,

882,

793,

825,

Cimbres (les), 580 Ciocchi del Monte, Giovan Maria (voir aussi Jules III), 12, 454, 852, 858 Ciotti, Giovanni Battista, 445

640,

674,

690,

697,

698,

Circé, 378, 528, 665-667, 669

802,

833,

852,

883,

890,

Circus Flaminius, 544 Circus Gai, 273

891

Cháteau Saint-Ange (voir aussi Castel

Capitole, le, 302, 304, 305, 359, 502, 888

Sant'Angelo),

Caracalla, 203, 305, 822

505, 515, 540, 864

131,

330,

484,

504,

Carafa, Gianpetro (voir aussi Paul IV), Carnéade, 26, 80, 775, 777, 807, 808

Chilon de Sparte, 172, 296, 847 Chimére, 22, 326, 361, 378, 379, 381, 422, 531, 643, 727, 753-762, 815

Carnesecchi, Pietro, 625

Chloris, 467

Christ (le, voir aussi Jésus), 59, 64, 76,

488, 554, 698 Carpaccio, Vittore, 579, 735, 740

81, 114,

Carracci, Agostino, 30, 141

226-228,

Cartari, Vincenzo, 528, 731

298, 299, 303, 320, 321, 364, 365, 369, 370, 411, 414, 417, 418, 492,

171,

186,

131,

188, 246,

Cléanthe, 360, 653, 666, 774, 807 Clément IV, 587

Chigi, Agostino, 303

115,

Clastidium, 201 Claude (empereur), 96, 541 Claudien, 881 Cléarque, 128, 130

Caracciolo, Galeazzo, 330

Casa Crivelli, 411 Casali, Andrea, 672, 674 Casoni di Cento, Iacopo, 605

724, 757,

770,

Charybde, 289, 332, 685

Carthage, 261, 497, 498, 499, 577, 885

709, 756,

625,

Canetoli, Floriano, 83, 618, 835

18, 202-204, 465, 474,

708,

741,

Charon, 240

Caro, Annibale,

654,

618,

Campeggi, Lorenzo, 616-618

13, 80, 129, 334, 624, 625, 852, 863

535,

662,

681,

513,

530-532,

613,

Chappuys, Claude, 158 Charites, 356, 430

115,

336, 338367, 374, 410, 420, 455, 456, 489-493,

659,

Chalcidius, 177, 179

Joachim,

270,

308,

307,

539, 555, 558, 567, 569, 570, 574577, S80-582, 591-593, 596, 598, 649-652,

Camerarius,

260-263,

296,

317, 328, 332, 333, 335, 342, 344-349, 361, 363, 384, 385, 388, 400-404, 422, 433-435, 438, 440, 458, 466, 468, 470, 478,

Cesano, Gabriele, 474, 488, 489

Canisius, Petrus, 690

Bourbon, Charles de, 505

Bracciolini, Poggio,

553-588, 557

Bernardi,

791,

681-683,

609

697, 745, 864.

Bergonzi,

781,

628,

829, 833, 835, 847, 849, 857, 858, 873 Borée, 300, 634, 868-872, 876, 877, 878 Bosch, Jéróme, 265, 659 Boupalos,

Bentivoglio, Giovanni Antonio, 624

702,

620,

Callimaque, 122-126

235, 236, 239, 241, 242, 245, 246,

145

Calendario, Giovanni, 737

Bebel, Heinrich (Bebelius, Henricus), 38, 145, 476 Beccadelli, Lodovico, 200, 413, 426, 482 Béchot, Marc, 161 Béde le Vénérable, 370, 734, 736 Behem, Franz, 693

619,

Celtis, Conrad,

222-

171,

179,

Calcagnini, Tommaso,

169,

164,

214,

Calchas, 132

132,

136,

163,

174,

Bonamico, Lazzare, 200, 616, 697

165,

160,

134,

213,

Bonasone, Giulio, 30, 47, 48, 57, 64, 73, 126,

158,

111,

132,

173,

Baglioni, Orazio, 128, 267, 268

161,

129,

203,

Baiardi, Andrea, 554, 881, 891 Baiardi, Francesco, 881, 887, 891 Balance (La, constellation), 156,

538,

18

Chrysothémis, 739

72, 74, 80, 81, 84, 96, 103-107,

827-830

Catulle, 86, 116, 139, 171, 372, 422, 625,

Calcagnini, Celio, 432, 433, 697

18

724,

Chronos, 93, 119, 177 Chrysippe, 26, 37, 354, 501, 609, 653, 665, 730, 731, 774, 806, 807, 811,

Babrius, 293

Bogud, 82

722-

Chromis, 97, 98, 101, 102, 105-111

Caius Fabricius Luscinus,

(voir aussi Dionysos), 98, 99,

718,

Castiglione, Baldassare, 24, 89, 161, 290,

Bodin, Jean, 187

831

717,

Castelvetro, Lodovico, 18

Avienus, 539, 636, 739

841

711,

734, 736, 740, 742, 787, 765, 766,

Buoninsegni, Domenico, 568, 569 Buti, Francesco da, 416, 420

771, 773, 779, 780, 789,

691-693,

Castalie, 455, 469

Cain, 419

634, 710,

405

Buondelmonti, Zanobi, 567

696, 698

315-317,

Cassagietto di Bacco e Ariana (Ostie),

— Index

Christophe (saint), 225-228, 298, 765 Chromatius, 607

Cacus, 202, 469, 761

Bergame,

Auguste (Octave Auguste), 14, 113, 143,

72, 360,

Bocchus I**, 82, 83

Béotie, 18, 801

Attale, 550

359,

Bocchus II, 82

843, 844, 886

Bellone, 888

Athénes, 79, 187, 296, 360, 373, 374,

55,

280,

838,847,852

539, 654, 739, 741

Astraeus, 539

263,

Bocchi,

Avicenne, 449, 451, 555, 613, 794, 795,

Bacchus

772, 773, 776, 778, 779, 781, 798,

Giovanni,

254,

Bocchi, Giulio, 774

Averoldo, Altobello, 418, 437

731,

28,

Boccace,

Boccardo, Bartolomeo, 661

607,637

Babylone, 261, 345, 629, 630, 720, 730,

Aristoxene, 398, 839

123,

602,

Ausone, 29, 176, 187, 291, 456, 550, 606,

669,

690,

592,

418, 458, 482, 593, 628, 675 Boccadiferro, Lodovico, 22, 344

Averroés, 794, 795, 797

670,

535,

Aurore, 112, 632, 636, 637, 639, 739

263, 272, 273, 276, 310, 344-347, 360, 385, 398, 428, 434, 440, 441, 449, 485, 489, 502, 527, 531, 543; 555, 575, 577, 580, 602, 613, 625, 798, 823, 825, 843, 859, 881-884

960

310,

603, 609, 663, 664, 710

Aristote, 22, 35, 36, 43, 49, 52, $3, 56, 58, 134,

Traduction, annotation, commentaire

144,

196, 275,

149,

202, 277,

150,

165,

204-206, 287,

3288,

506,

508,

510,

511,

$25,

532,

534,

588,

614,

619,

620,

628,

635,

639,

640,

655-659,

683,

684,

686,

680,

Clément

VII

(voir

aussi

Jules

de

Médicis), 79, 83, 94, 144, 150, 158, 319, 417, 418, 461, 463, 483, 489,

504, SOS, $11, $49, 554, 566-571, 616,

618,

624,

626,

662,

674,

697,

700, 745, 766, 770, 774, 820, 891 Cléombrote (ou Théombrote) d'Ambracie, 121-127, 134

Cléon, 549, 550, 551 Cléopátre, 139, 392

Clio, 634, 635, 654, 849 Clodius, 750

Clouet, Francois, 162

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

Clouet, Jean, 157, 162 Clyméné, 573

Cnaeus Cornelius Scipion, 307

Crotone, 213, 661, 662

Dibutades, 66, 68

Cujas, 558

Diké,

Cupidon (voir aussi Amour, Éros), 86, 88, 90, 98, 118, 138, 141, 316, 407,

Codussi, Mauro, 740

430, 474, 475, 891

Colines, Simon de, 119, 732

Colisée, 544 Colocci, Angelo, 24, 319, Colonna, Francesco, 44, 216, 259, 271, 272, 367, 426, 448, 458,

Curione, Celio, 330 465, 45, 278, 461,

624 74, 76, 85, 329, 363, 463, 501,

$27, $67, 611, 612, 625, 636, 639, 700, 760, 838, 842, 845, 867

Colonna, Vittoria, 329, 426, 461,625 Columelle, 389

Commagene, 480

Compagnia del divino Amore, 523 Concile de Trente, 12, 16, 81, 154, 319, 413, 426, 454, 462, 468, 474, 500, 50$, 507, 510, $21, $83, 600, 616, 617,

625,

640,

656,

684,

690,

763,

766, 862

Confraternità della Steccata, 891

Constantin, 185, 355, 384, s68, s69, 571, 869 Constantin VII Porphyrogénéte, 869 Contarini,

Gasparo,

13, 80, 200, 319,

322, 413, 426, 513, 616, 625, 656,

734, 738, 796

Cornarius, Janus, 38, 124, 869 Cornélius Népos, 191

Cornutus, 35, 730

Coronis, 559 Corrado, Sebastiano, 508, 519, 555, 611614

607, 648,

Cratés de Thébes, 119, 303 Cratyle, 70, 398 Crésus, 33, 823, 824 Créte, 18, 95, 278, 661, 662, 878

Créüse, 33 Crinito, Pietro, 29, 223, 291, 382 Critias, 767, 781 Critolaüs, 231 Cronos, 93, 181

748,

352,

638, 739 Diodore de Sicile, 433, 574

354,

539;

591,

Diogéne de Babylone, 261, 345, 730,

Diogéne de Sinope, 119, 208, 517 Laérce,

36, 56,

104,

119, 132,

Cyclope, 5o

Diogénien, 442

Cypris (voir aussi Vénus), 140, 405

Dioméde, 93, 95, 648 Dion Chrysostome, 239, 355, 480, 841 Dioné, 181, 182, 431

Cyréné, 325, 327, 331, 334-336, 340, 341,342

Cyriaque d'Ancóne, 178, 240 Cyrus, 129, 312 da Argile, Gaspare, 442, 444

Dolet, Étienne, 139, 772

Carpi, Ugo, 516, 517 Cavino, Giovanni, $26 Diacceto, Jacopo, 567 Gambara, Camillo, $54 Leyva, Antonio, 224

Dolfi,

500,

473,

618,

674,

820,

59,

61,

192,

290,

416,

Daphné, 88, 458, 872 David (roi), 418, 533, 720 David, Gérard, 313 de Alopa, Lorenzo, 122, 394 De Pleta, Damiano, 891 Dédale, 389 del Fiore, Jacobello, 738 Del Monte, Innocenzo, 852, 863, 867 del Piombo, Sebastiano, 303, 51 1,571 Delfinio, Giovanni Antonio, 108-11 d

Della Casa, Giovanni, 413 Della Palla, Battista, 567 della Rovere, Francesco Maria, 624 Della Volta, Antonio, 94, 274 Delminio, Giulio Camillo, 467, 470, 523, 647, 764 Delphes, 52, 58, 106, 208, 251, 336, 361,

363, 367, 430, 431, 536, 650, 677, 766,839 Déméter, 35, 355, 539,638, 718, 740

Démétrios de Byzance, 167 Démétrios de Phalére, 750 Démocrite, 217, 251, 398, 555, 588, 6235, 730, 814, 827-829

Démosthéne, 33, 543, 662, 828 Diane (voir aussi Artémis, Lune), 283,

434, 699, 877

284,

288-290,

Dürer, Albrecht, 217,

374,

266,

386,

551,

741;

208,

209,

212,

241-243,

287-289,

299,

310,

255,

502,

Égine, 123

330-333,

397,

438-440,

628,

642-644,

Battista,

235,

$08,

$12, 513, 611, 612, 697, 869

270, 362,

757,

758,

772;

828,

838,

847,

367, 368, 376, 528,

540, 661, 662, 733, 734, 836, 838, 844

Eiréné, 739

Eleusis, 39, 718, 773 Élias, 642

Élie, 368, 506, 508, 510, $11, $46

Élien, 208, 690, 691 Élis, 564 Émathie, 296, 375

59,

60,

61,

Endymion, 229

293, 496-498,

519, 525;

542, 877, 639, 640, 665, 666, 683, 833, 885

Ennius, 27, 156, 242, 401, 402, 438, 466 Énoch, 418 Éphore, 440, 441 195,

196, 198, 208,

209, 309, 310, 378, 652, 722

Épicure, 103-105, 171, 172, 197, 260, 281, 300, 301, 360, 398, 428, 591;

16,

129,

200,

235,

Fasanini, Filippo, 737

178, 181, 246,

622, 624, 627, 654, 655, 695, 700,

Ferrare, 7, 18, 24, 25, 129, 275, 324, 329, 330, 332, 333, 448, 468, 479, 481,

Frangois I", 16, 29, 47, 81, 149, 152, 154,

Francesco da Carrara, 191 Francesco da Fiano, 191

482, 484, 554, 619, 620, 663, 698, 834, 872, 873 Ferrer, Bonifacio, 616, 859 Ferri, Girolamo, $15, 516 Festus Pompée, 574

298,

299,

161,

196, 320,

187,

223,

Espence, Claude d', 154, 763 Es-Sanamen, 380

Este, Hercule II d', duc de Ferrare, 25, 129, 275, 316, 329, 462, 468, 479, 481, 482, 554

177,

178,

276,

367,

407,

421,

Gaia, 301

422, 502, 509, 532, 577, 636, 678,

Gaius Fannius Strabo, 261

826, 840, 842-844, 881-884, 886, 887

Galatin, Pierre, 418

679, 710, 731, 765, 796, 798, 812, Filarete, 270 Filelfo, Francesco, 104, 139, 407 Flaminio, Marcantonio, 200, 344, 426, 663,

701,

704,

859,

860,

Flavius Josèphe, 368

Florimonte, Galeazzo, 624 Foix, Odet de (vicomte de Lautrec), 128, 267

Galien, 65, 155, 355, 448-451, 453, 555; $56, 613, 731, 732, 770 Gallien (empereur), 373 Gambara, Veronica, 553, 554. Gambello, Vittore, 236 Gand, Henri de, 73 Ganim Heden, 418 Ganymeéde, 92, 258, 316, 407, 416-426,

428, 429, 460, 509, 827, 852

Gasparino da Barziza, 594

Fontana, Domenico, 273

Gaurico, Luca, 122, 124, 216,217

Fontana, Prospero, 46-48, 64, 77, 88, 90,

Gaurico, Pomponio, 122, 124

295, 299, 304, 305, 308, 310, 313, 321, 358, 374, 380, 386, 387, 390, 393, 396, 400, 402, 404, 412, 444,

Eusébe de Césarée, 734 Eusébe de Nicomédie, 185 Eustathe, 167, 168, 274, 383, 602, 667,

Gaius Laelius Sapiens, 261

Gaule, 18, 240, 241, 389, 457, 748

Folengo, Tiziano, 190

161,

169,

173,

189,

207,

209,

211,

223, 224, 230, 232, 236, 243, 246, 266,

271,

273,

278,

281,

282,

293,

Géants, 384, 573, 583, 584 Geminus, 135, 887

Geminus Maecius, 135 Gentile da Fabriano, 191

Georges (saint), 759

Georges de Trébizonde, 884 Germanicus, 539, 636, 739

452, 460, 464, 478, 495, 498, 520, 551, 566, 581, 584, 588, 591, 597,

Géryon, 481,

644, 665, 702, 711, 719, 747, 760,

Ghislieri, Michele, 656 Giacchini, Leonardo, 770 Giberti, Gianmatteo, $23, 624, 656 Giorgione, 165, 419

599,

781,

601,

791,

605, 822,

607,

826,

610,

829,

614,

832,

619,

835,

847,857 Fontanini da Mantova, Benedetto, 484,

Géta, 529

519,754

Ghislieri, Filippo,

819

Giotto, 214, 653

625

Fortune (voir aussi Tychà, Occasion, Sors, Némésis, Astrée), 12, 15, 27, 44, 65, 115, 121, 153, 154-157, 158, 165,

271,

764, 771

263,

363,

267,

Frisius, Gemma, 700

167,

Eudoxe de Cnide, 33 Euripide, 98, 754

Eurymnos (Eurymnus), 518, $19, 520 Eurysthée, 95, 301, 550

241,

230,

92, 114, 118, 126, 132, 137, 141, 148,

240, 244, 263, 267, 276, 388, 394, 412, 469, 480, 491, 524, 557, 579, 583, 594, 595, 602, 629, 664, 683, 684, 740, 766, 791, 793, 861, 872 Eurotas (l'), 800, 810 Euryclée, 53, 168

211,

166,

Estienne, Henri, 34, 188, 274, 495, 593 Étéocle, 383 Étienne de Byzance, 612, 613

Eubule, $43, 544

160-162,

213,

Ficin, Marsile, 37, 60, 67, 69, 71-76, 84, 159,

158,

319, 390, 462, 468, 480, 674, 741,

Fulgence, 253, 661, 760 Furius Camillus, 192 Gabia, Giovanni Battista, 546 Gabriel (ange), 738 Gaétan, saint, 509 Gafurius, Franchinus, 250

865

265, 284, 293, 563, 564, 718, 722

669, 670, 759-761

556,

609,

Foscarari, Tiresia, 7, 19, 46, 296

434, 468, 473, 489, 523, 611, 622,

77,

539,

608,

Foscari, Francesco, 740

623-625, 74,

529,

581,

Favorinos d'Arles, 241 Felicini, Isabella, 820, 834, 835 Ferobanti, Paolo, 76

180-183,

Europe, 38, 81, 103, 108, 135, 158, 166,

Énée, 61, 87, 93, 96, 97, 145, 243 285,

Pier-Luigi,

353, 489, 802

148,

247, 253, 263, 336, 393, 394, 405,

52,

Farnése,

103, 107, 119, 132, 140, 142, 147,

Éros (voir aussi Amour, Cupidon), 70,

Ésope,

Giovanni

522,

580,

Forum Boarium, 302, 719

563, 602,

90, 117, 119, 140-142,

833, 890, 891

513,

Farnésine (la, Rome), 303

533-536, 550, S55, 559, S60, 564, 570, 583, 591, 593-597,

826,

568-571,

Farnése, Ranuccio, 200-202, 204, 235

529,

806,

$05,

566,

297,

525-527,

798,

503,

Farnése, Ottavio, 12, 129, 234-237, 554,

263-

423,

747,

377, 379-381, 386, 390, 392, 394, 396, 402, 410, 412, 443, 444, $00,

294,

421,

746,

Fabrius, Ioannes Franciscus, 292 Falconetto, Giovanni Maria, 100, 109 Farnése, Girolama, 891

258,

329,

626,

288, 375-

707, 738, 752, 782, 801, 815, 817, 834 Fortune d'Antium, 392

409-411,

623,

283-286, 353-356,

236,

386-389,

613,

275, 352,

228,

383,

S18-520,

273, 310,

206,

382,

$13,

271,

289-293,

166-

293,

324,

270,

Eve, 629, 639,677, 692, 885

158,

226,

291,

Évanthe de Milet, 33

205,

Erymaque, 221 Érythie, 301 Eschyle, 187, 293 Esculape, 296-299, 577

Ecquicola, Mario, 593

171-174,

223,

319,

361-369,

94,

196-198,

246-248,

26s,

407,

75, 76,

406, 432, 524-533, 535, 536, 641, 643, 645, 838, 870

Edouard VI, 12, 426 Ééa, 667

Épictéte, 112,

48, 50, 73, 146, 178,

Écho, 469

288,

73,

188,

Erechteion, 373 Erichtonios, 559 Érigone (voir aussi Astrée), 739

Échidna, 301, 753, 754, 755, 758

286,

64,

173,

850, 859-861, 865, 870-872, 885

742

Égypte,

63,

169,

786,

240-242,

Egnazio,

60,

721-724,

Duns Scott, 678, 795, 796, 886 149,

Épiméthée, 388, 573, 622, 628 Épiphane de Salamine, 734 Equicola, Mario, 432, 661 Érasme, Didier, 26, 36, 48, 50, 54, 57-

657, 659, 679, 680, 683-686, 719,

du Choul, Guillaume, 241 du Vair, Guillaume, 819 Dumoulin, B., 788

Dandolo, Andrea, 734 Dandolo, Matteo, 864

828,870

607,

Dossi, Dosso, 873

Danaé, 244

229,

431,

83, 94, 267,

Doria, Andrea, 267 Dorp, Martin, 188 Dossi, Battista, 873

Damascius, 40, 642

161,

Pompeo,

825,834

Damiette, 480

37,

Scipione

268,

603, 651, 724, 774, 781, 809, 827,

443, 444, 462, 463, 468-470, 476, 477, 481, 484, 485, 494, 495, 501,

Diotime, 259, 407

da Caraglio, Jacopo, $16 da da da da da

Dionysos (voir aussi Bacchus), 35, 98, 99, 878

617,619, 692, 856-858, 867

Cousin, Jean, 379, 629 Coustau, Pierre, 665, 667, 668 Cranach, Lucas, 50, 135, 411, 55 1,629 Cranmer, Thomas, 426

156,

167, 208, 229, 230, 314, 517, 662

Dell'Abate, Nicolo, 161, 282, 581, 614,

Corydon, 19, 454

962

Cybéle, 355, 739, 741, 879

298

Corrozet, Gilles, 232, 394 Corsola, 489 Cortese, Gregorio, 483, $23, 625 Cortesi, Paolo, 593

155,

Diogéne

683, 691, 718, 740, 742, 825, 831

761

603, 605, 804, 805, 828

194, 817

420, 458, 481, 573, 593, 665, 666,

Corinthe, 26, 380, 549, 613, 758, 759,

486,

Curius Dentatus, Manius, 190, 191, 193,

Dante,

Coré, 718

22,

731

Danesi, Ottavio, 316

Contarini, Pietro, 738 Conti, Natale, 420, 832 Contile, Luca, 489 Contuberio, Tomaso, 333 Copernic, Nicolas, 700

Crassus,

Traduction, annotation, commentaire — Index

Giovanni II Bentivoglio, 586, 587, 600

Giovio, Paolo, 24, 146, 191, 224, 268, 275, 176, 344, 449, 461, 463, 465,

174, 203, 232, 233, 266, 269,

963

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

524, $26, 554, 568-570, 701, 703, 706, 764

591,

698,

Henri ll, 7, 12, 13,

Giustiniani, Paolo, 624

161,

826

Gonzaga, Ercole, 656, 697 Ferrante,

129, 235,

267, 462,

481

Ferrante

(Ferdinand

I" de

Gonzague), 129, 235, 267, 418, 462, 481, 484, 625, 656, 697, 891

Gonzaga, Giulia, 484, 625 Gonzague, Hercule de, 448, 484, 770

Goujon, Jean, 241 Gráces (les), 18, 20, 253, 284, 321, 430432, 602, 616, 622, 878

Grandes Dionysies, 543 Grandes Panathénées, 372 Granvelle, Antoine de, 690 Grapaldo, Francesco Mario, 554 Grassi della Volta, Orsina, 707 Grassi, Achille, 274, 473, 697

Grassi, Taddea, 274, 473

Grimani, Antonio, 741

Gritti, Andrea, 737, 741 Grolier, Jean, 442

Guarino da Verona, 594 Guastavillani, Violante, 433, 697 Guichardin, Francois, 268, 834, 852 Gygès, 66 Gyraldi (ou Giraldi), Lelio Gregorio, 18, 24, 25, 35, 36, 38, 41, 145, 166, 253, 254, 367, 384, 406, 432, 481, 718, 730, 731

Hadés (voir aussi Pluton), 9s, 122, 123, 125, 126, 374, 638,675, 718

150, 189, 198, 270, 356, 380,

504, 770

358,

361, 362, 363, 367, 368, 604, 733, 737, 826

Harpocration, $43

Hasdrubal Barca, 307 Hécatonchires, 384 Hector, 91

Heemskerck, Martin van, 273, 505 Hélene, 33, 109, 111, 229, 388

366,

221,

239,

327,

334,

637,

651,

661,

66s,

700,

706,

707,

708,

637,638

Héraklés, 302, 305 Héraklés (voir aussi Hercule, Alcide, Ogmios), 95, 240, 301, 302-305, 529, $50

(voir aussi Héraklés, Alcide,

Ogmios), 25, 95-97, 103, 129, 140, 146,

148-150,

201-204,

238-243,

275, 278, 291-294, 301-305, 309, 316, 329, 340, 436, 448, 466, 468, 479-482, 484, 532, 552, 554, $64, 573-579, 624, 664, 704, 716, 718, 719, 743,

307, 462, 549639, 764,

765,

822,

766,

770,

815,

818,

820,

Ogmios,

238,

240,

241,

243,

Hermagoras, 215, 734 525,

560-563,

819, 829 Hermés

$26,

624,

269, 528,

641,

285, 531,

642,

(voir aussi Mercure,

336,

521-

533-537,

649,

750,

Ogmios),

Hermés Trismégiste, 358, 359, 362, 363, 366, 367, 458, 825, 881

Hermippe, 34

Hermocharés, 612-614 Hermocratés, 611-613 Hermogéne, 54, 398

Hermogéne de Tarse, 54, 398 Hérodien, 31 Hérodore d'Héraclée, 304

Hérodote,

186, 296, 312, 399, 480, 823, 19, 22, 23, 103, 181, 186, 243,

379, 466, 478, 559, $60, 592, 628,

637, 638, 644, 754, 755, 758, 761,

801

Hesperaréthousa, 301 Hestia, 706 Hipparque, 820 Hippocrate, 390, 446-449, 452

Hippocréne, 373, 458, 469 Hipponax, 408

Laurion, 443

Jésus (voir aussi Christ, le), 79, 112, 115, 365,

368,

454,

508-510,

534,

826,

842, 871

Joinville, 480

Le Parmesan (Francesco Mazzola voir aussi Parmigianino), 891

dit,

M. Acilius Glabrio, 544 M. Cornelius Cethegus, 544 Macarius, 186

Léa, 577

Machaon, 828 Machiavel, Niccoló, 25, 130, 567 Macrobe, 38, $4, 55, 63, 72, 141, 148,

Léda, 244, 427 Lefèvre d'Étaples, Jacques, 188, 793

Jovinien, 209

Lemaire de Belges, Jean, 389, 626, 627

149,

Juba, 82

Lemnos, 93, 94, 878

636, 708, 710, 728, 825, 888, 889

248,

272,

276,

328,

Maestro Campionese, 619

Léocharés, 258, 425, 426, 428, 429, 852

Maffei, Bernardino,

647,

654,

662,

664,

699,

712,

717-720,

13, 22, 24,

128, 235,

268-270, 319, 453-455, 4$9, 460, 465, 466, 474, 482, 507, 521, 540, 609,

612,

616,

690,

271, 275, 417, 418, 461, 567, 571, 586, 624, 625, 796, 891

319, 344, 371, 464,

465, 496, 499, 523, 647, 704, 725 Maffei, Mario, 260

Maggi, Roberto, 416-418

722,

744,

757,

698, 740, 764, 852, 854, 856, 857,

Léonard de Vinci, 66, 217

Magio, Sebastiano, 417

859, 862, 863, 867, 890

Leopardi, Alessandro, 738

Maison des Épigrammes (Pompéi), 405 Maison des Vetii (Pompéi), 405

Jules III (voir aussi Ciocchi del Monte, Giovanni Maria), 7, 3, 12, 13, 22, 24,

Horus, 362, 737, 741

460, 465, 466, 474, 482, 507, 521;

Hutten, Ulrich von, 24, 145, 626 Hyacinthe, 316

540,

764, 852, 854, 856, 857, 859, 862,

Hygin, 190, 373, 628

863, 867, 890

Idoménée, 828

129,

Jupiter

Jacques de Voragine, 226, 227, 734 Jamet, Léon, 329

Janus, 7, 23, 24, 44, 147, 148, 149, 494

525, 556, 825, 828, 864, 869, 879-

881, 885-891

Japet, 573

Japetos, 240

Jason, 541, 570

Javelli (Chrysostome de Casale), 797

Jean (saint), 370, 417, 736

Jean Damascéne, 18 Jean de Meung, 626 Jean de Montreuil, 626

Jean de Roquetaille, 626 Jean de Salisbury, 158, 209, 626 Jean Philopon, 22, 642, 789, 795

612,

(voir aussi

453-455,

616,

690,

459,

698,

Zeus),

33,

754

Majoragius, Marcantonio, 433

Malachie, 742

Lesbie, 162, 470, 471 Léthé, 525 Leucade, 123

Mammon,

724

Manilius, 739

Ligorio, Pirro, 273, 647

Mantegna, Andrea, 103, 458

Lipse, Juste, 819

Manzuoli,

Lippomani, Aloysius, 507

Manuce, Paul, 484, 523, 555, 612, 613

Locride, 26

Alessandro,

200,

316,

442,

593, 645- 648, 847

Lollius, 603, 607, 665

Map, Gautier, 265, 792

Lombard, Pierre, 265

Marathon, 383, 480 Marc (saint), 733-736, 740

92,

143,

Lombardo, A., 574, 735, 740

145,

149,

156,

182,

183,

187,

224,

286,

307,

316,

353,

360,

Lombardo, Pietro, 735, 740 Longueil, Christophe de, 433, 523, 593

Marc Antoine, 888

254,

Marcel II (voir aussi Cervini, Marcello,

Marc Auréle, 153, 243, 357, 444, 722

425,

428,

Lonicer, Jean, 546

454, 491,

455, $02,

457, 506,

460, 473-475, 562-564, 566,

490, 572,

Lorandi, M., 600, 665

13, 16, 764,852

573,

589,

616,

618,

699,

Lorenzetti, Ambrogio, 191, 192, 653 Lotichius, Petrus Secundus, 471, 472,

419,

420,

422,

639,

651,

727, 731, 754, 856, 866, 876, 878, 881, 886, 888 ; — Ammon,

122, 376,

699

Justin l'Apologiste, 187 Kardia, 612, 613, 614

Guiche,

Claude

de,

120,

122,

131, 134, 136, 745, 763 la Perriére, Guillaume de, 480 Lacédémone (voir aussi Sparte),

129,

772, 786, 882, 885

Torquatus,

80,

87,

105,

160, 161, 329

103,

156,

161,

250,

273,

470,

661,

Marsyas, 252 Marthe, 577

Lucius Marcius Septimus, 306-308

Martial,

Lucius Mescinius, 750

699 Martianus Capella, 288, 347, 349, 525,

Lucréce, 59, 92, 103, 104, 106, 139, 172,

785,819, 870 147,

95, 98,

491, 503, 578,654, 740, 890 103-105,

Lune (voir aussi Diane, Artémis),

416, 419, 420, 525, 574, 577, 666, Laocoon, 379, 424, 731

Manlius

Mars,

176, 177, 259, 277, 280, 330, 360, 407, 414-416, 470, 479, 559, 601, 603, 637, 662, 707, 711, 722, 780,

551, 740, 771, 787, 881 Lacus Fundanus (Rome), 717 Lafréry, Antoine, 109 Lambertini, Cornelio, 316, 647, 847 Landi, Costanzo, 554 Cristoforo,

Lucius

Mariotti, S., 787, 788, 793 Marliano, Luigi, 146 Marot, Clément,

Lucques, 309, 330, 662, 663, 665

661, 662, 800

Lactance, 125, 297, 299, 322, 326, 513,

Landino,

Marianos le Scholastique, 140, 431 Marinus, 642

135, 280, 281

292,

200-203,

Lucien, 53, 238-243, 277, 309, $91, 602, 692

Kronos, 384

Marcellus,

Louis XII, 329, 479, 480, 740

Lucilius, 180, 303, $80, 607, 814 Lucius Afranius, 663, 664.

Kore, 638

Claudius

544

Lucifer (étoile), 112, 115, 538, 637, 689,

Kairos, 74, 353, 355, 396, 397, 747

18, 319, 413, 465, 601, 690,

Marcus Argentarius, 529 Marcus

476 Louis IX, 587

603, 626, 789

Juvénal, 308, 513, 539, 626, 722, 739

La

Lerne (hydre de), 95, 95, 479, 480, 482,

250,

372-376,

Isaie, 206, 369, 525, 681

Iulii (les), 84, 271

609,

319,

360, 497, 498, 499, 638, 792, 831

Iphigénie, 49

Isocrate, 186, 214, 440, 441, 480, 491

$49,

269,

Julius Constance, 185 Junon (voir aussi Héra), 61, 213, 303,

Ion, 33, 53, 650, 659, 711, 754, 761, 762

485 Isis, 182, 362, 489, 539, 737, 738

235,

Julien (l'Apostat), 184-189

Illyricus, Flacius, 477 Iolaos, 479, 482

Jean-Baptiste, 826

128, 243, 270,

$49,

Horapollon, 74, 252, $20, 618, 737 Horologium Augusti, 273

Jean Tzetzés, 527, 643

Madruzzo, Cristoforo, 690

684,

864, 866, 888, 889

586,

602,

677,

776, 779, 780, 801-803, 823, 853,

$71,

Léon X, 19, 24, 94, 113,

502,

666,

Isidore de Séville, 34, 245, 246, 270, 457,

665-667,

866 Jessé, 370

Jules II, 7, 3, 12,

457,

563, 654,

Lysippe, 203, 353, 396, 822

378, 385, 392, 398, 454, 456, 467, 481, 513, $14, 525, 533, S35, 536, 577, S80, 603, 607, 626, 634, 643,

536,

556,

Lysias, 33, 186

Latone, 283, 284, 288, 290, 696, 698

Lentus, 166, 168, 169

535,

669, 825, 881

Latium, 18, 635, 888

680, 720, 734, 793, 847, 857, 865,

Lentulus Spinther, 744, 748, 750

370,

528-533,

Lyncée, 25-27, 535

Jules César, 80, 82, 84, 513, 514, 766

139, 172, 173, 189,

Iseum Campense, 503

524-526,

Lydus, 70, 362, 710, 839

Latinus, 252, 338, 519, 546

Jugurtha, 82, 580

76, 85, 104, 138,

19, 178, 186, 239, 240, 247, 249, 263, 277, 388, 359, 362, 363, 366-368, 488,

114, 206, 319, 365, 605, 674,

Lascaris, Jean, 122, 546

217, 218, 239, 242, 270, 291, 337,

Hypnos, 838 Icarios (bas-relief d'), 98, 99 Idas, 26

Héré, 559 247,

710, 712, 754, 760, 761, 762, 839 Horace, 25-27, 29, 53, 54, S6, 61-63, 73,

Hymette (Mont), 295, 296, 763, 764

Hercules triumphalis, 302

Hésiode,

Hangest, Jean de, 763

218, 325,

683,

824

Hangest, Charles de, 763

211, 300,

636,

$23,

Grégoire de Nazianze, 49, 59, 185, 187, 188, 309, 433, 755, 758 Grégoire de Nysse, 277, 370

196, 285,

601,

Hermathéna,

Gratien, 134

186, 276,

669,

277

707

168, 274,

592,

823, 825, 826, 833, 857, 866, 884

Grassi, Carlo, 274, 473, 474, 597, 598

132, 167,

666,

Hercule

Grassi, Orsina, 94, 131, 274, 275, 278,

Jérusalem,

23, 37, 51-54, 63, 92,

Héra (voir aussi Junon), 9s, 276, 301,

Hephestion, 604, 605

Hercule

Goritz, Ioannes (Hans Goritz), 24, 624

Holbein, Hans, 5o Homére,

(saint), 205, 206, 209, 419, 492,

607,692, 736, 864

388, 399, 421, 438, 455, 497, 528,

Gonzague, Marguerite de, 2.5 665

Jéróme

340, 341, 360, 372-374, 379, 385,

Herculanum, $529

Gorgone, 93-95, 99, 161, 444, 526, 588,

Hogenberg, Nicolas, 144, 150, $71 Hohenstaufen, Frédéric II de, 587

Héphaistos, 94

Gonzague, Isabelle de, 661

964

157,

Henri VIII, 289, 332, 423, 674, 685, 770,

Gonzaga, Eleonora, 418

Harpocrate,

156,

489, 706, 763, 890

Glaucia, 580

Hadrien,

154,

241, 330, 354, 426, 454, 468, 482,

Glanum, 84

Gonzaga,

Héliades, 102, 239 Hélicon, 21, 296, 373, 720, 801

Girolama Orsini, 200

Gonzaga,

Traduction, annotation, commentaire — Index

112,

250, 284, 637

Luther, Martin, 50, 76, 289, 294, 332, 423, 477, 628, 629, 685, 826

Lycurgue, 133, 134

163,

166,

270,

291,

563, 710, 881 Martin, Jean, 156, 241

Marulle,

Michel,

29, 87-89,

139,

291,

407

Matinus (mont), 51, 63 Maurétanie, 82 Mausole, 699

Maxime de Tyr, 59, 69, 70, 666

Maximilien de Habsbourg

(voir aussi

Maximilien I), 740

965

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) — tome 2

Traduction, annotation, commentaire — Index

Maximilien I**, 145, 146, 513, 740 Mayne, Jason de, 570

Molza, Francesco Maria, 489, 624

Mécéne, 27, 533, 535, 719, 744

Momus,

móly, 528, 663-670

obeliscus Vaticanus, 272, 273

Monluc, Blaise de, 268

Médicis, Alexandre de, 113, 770, 774 Médicis, Cóme I* de, 112, 113, 462, 617, 770, 864

Mont C*ta, 26, 202, 550

Médicis, Giovanni Angelo de (pape Pie IV), 14 Médicis, Hippolyte de, 462, 484, 489

Médicis, Julien II de, duc de Nemours, 236

Médicis, Laurent de (le Magnifique), 119, 368, 449, 577, 769 Médicis, Marie de, 112

Méduse, 94, 97, 435, 444 Mélanchton, Philippe, 48, 50, 477, 546

Méléagre, 810, 825

Melpoméne, 769, 770, 771, 779, 780, 798, 801, 802

Ménandre,

209,

238, 241,

242, 250, 270, 285, 286, 358, 359,

362, 366-368, 370, 371, 410, 457,

458,

524-526,

564,

643, 654,

665-669, 681, 826,830, 831, 833

660,

Messie (le, voir aussi Jésus ; Christ, le), 331, 370, 588,685, 734 Meta Remi (pyramide de Cestius), 270,

273, 501 Meta Romuli, 270, 504 Métaponte, 662 Métis, 731, 732

Michel (archange), 738, 758

Michel, Albert, 511

Michel-Ange, 73, 413, 423, 425, 426,

428, 429, $11,698, 703 Mignault, Claude, 32, 141, 168, 420, Minerbetti, Bernardetto, 275 Minerve (voir aussi Pallas, Athéna), 107, 161, 236, 360, 372-374, 443, 444, 559, 643, 730, 731,

833, 839

438 1 03, 442, 753,

Minotaure, 831, 833 Mnasyle, 97, 98, 101, 102, 105-109, 111 Moccia, Giovanni, 626, 627

Modéne, 117, 275, 330, 448, 479, 484, 507, 614, 617, 619, 620, 692, 857

Moires (Les), 353

Moise, 115, 127, 170, 171, 245,320, 365,

368-370, 456, 506, 508, 510, s11, 534, 680, 682, 683, 742, 826, 857,

Molorchus, 93, 95, 763, 764

966

Thomas,

38, 48,

289,

Morone,

Giovanni,

332,

423,

13,

80,

131,

330,

802

629,

632,

638,

646,

673,

686,

726, 824, 825, 856, 866

Olympias, 604

642

Oporino, Giovanni, 451 106,

186,

296, 297, 455, 602, 638, 654, 725, 801, 802

Musurus, Marcus, 124

Orcus, 521, 524, $25

Oreste, 34

316,

848,

850,

852,

Origene, 59, 75, 187, 287, 326, 364, 369, 418, 657,679, 870, 883

Navagero, Andrea, 407, 471, 624

Navarre, Marguerite de, 161, 329 Nebridja, Antonio de, 594 Néére, 87, 454

Orphée, 19, 35, 53, 87, 241, 252, 303, 325,731, 831

Némée, 95, 149, 150, 302, 532, 549-551, 588, 764

aussi

Fortune,

Occasion, Sors, Astrée), 22, 139, 141, 155, 156, 233, 247, 284, 352-357, 382-386, 390, 431, 440, 490, 539, 556, 591, 592, 596, 609

(voir aussi Poséidon),

374, 443, 498, 589, 740 Nerlio, Reginaldo, 482, 532, 553 Nessos, 823

372-

Nestor, 238, 242, 828

Nicolas (saint), 735

Nicolas de Clamanges, 626, 629 Nicolas de Cues, 226, 228, 791 Nicolas de Lyre, $10 Nicolas V, 273, $04, 586 NicoStrate, 126

Nifo, Agostino, 230, 432, 575, 626, 794, 795, 797

Nigidius Figulus, 539, 739 Niki, 393, 738 Nil, 503, $12, 513,679, 780, 809, 823 Nizolio, Mario, 433, 435 Noellet, Guillaume de, 587

Noyon, 107, 468, 763, 764, 766

Numa, 409, 410, 887 Numa Pompilius, 409, 433 Numidie, 82 obeliscus Caesaris, 82 3

248,

251,

253-255,

259, 261,

Pandore,

92,

388,

622,

623,

626,

628-

630,639 Pandrosos, 559 Panétius de Rhodes, 261, 575, 598, 750, 785, 806, 814

Pantocrator (Christ), 736, 740 Panvinio, Onofrio, 319, 864 Papias de Hiérapolis, 734 Pappus, 820

Pétrarque,

370, 433, 460, 489, 5409, $53, 554,

571, 770, 802, 833, 863, 879, 890,

155

Paul (saint), 54, 64, 147, 149, 168, 169, 225,

228,

270,

287,

288,

331,

P. Cornelius Scipio, $44

883

Paul III (Alexandre I Farnése), 12-14,

524, S525, 533, 534, 536, 561, 685,

319, 330, 344, 353, 357, 411, 413;

858

Palazzo Carbonesi (Bologne), 858, 867 Palazzo dei Diamanti, 275

Palazzo Pubblico (Sienne), 191, 192

Palazzo Torfanini (Bologne), 282

Palazzo Trinci (Foligno), 191 Palazzo Vecchio (Florence), 192, 572 Paleario, Aonio, 309, 465, $523, 612, 797 Paleotti, Camillo, 583 Paleotti, Gabriele, $82, 698, 725, 820 Palingéne, 190, 407 Palladio, Andrea, 835 Pallas (voir aussi Athéna, Minerve), 19, 22, 94-106, 111, 141, 153, 158, 159,

161, 203, 211, 233, 234, 236, 240

258,

269,

283-293,

296,

359,

372

374, 396, 433-435, 442, 458, 478

479, $21, 522, 523, 525, 526, $28, 530, 532, 558, 559, 570, $71, 590

633, 639, 651, 660, 665, 666, 673,

16, 23, 78, 79, 94, 99, 100, 129, 131, 156, 200, 203, 204, 235, 237, 269,

426, 454, 455, 459-461, 465, 466, 484, 485, 489, 506, 507, 521-523, 533, 538, 540, 549, 554, 558, s61, 563, 564, 567, 573, 578-600, 609, 637, 640, 670, 671, 690, 697-699,

703-705, 725, 726, 746, 751, 766, 779, 774, 798, 802-804, 818, 890 Paul IV (voir aussi Carafa, Gianpetro), 7, 13, 22, 29, 129, 333, 334, 426, 521, 540, $49, 583, 601, 624, 690, 764, 852, 891

Paulin de Nole, 456, 692, 693 Pausanias,

208, 225, 236, 243, 263, 297, 315, 413, 458, 468, 480, 481, 544, 574,

575, 592, 626, 627, 629, 664, 66s,

56,

121,

140, 352, 355- 357»

372, 380, 383, 532, 698, 868, 869 Pavanello, G., 734, 735

Pazzi, Guglielmo, 770

Pégase, 373, 458, 732, 754, 758, 760 Pélée, 23, 91 Pencz, Georg, 135 Pénélope, 221, 222, 388 Penni, Giovan Francesco, 511

Pitys, 253, 868, 869-873, 876, 877, 878, 879

Plaisance,

12,

80,

103,

105-110,

141,

1$6,

196,

197, 276,

212,

214-216,

254-259, 277,

434,

$24,

526,

Philon d'Alexandrie, 36, 37, $9, 70, 147, 215, 304, 368, 420, 421, 456, 691, 708,

710,

711,

728,

788,

793,

839, 842, 883

Philostrate, 72, 159, 213, 389, 573 Phocide, 26

Phocylide, 743, 746, 747 Lucifer Phosphoros/ Vénus), 112, 115

aussi

(voir

287,

296-299,

440,

$01,

529,

502,

$15,

531-533,

$35,

681,

708,

710,

711,

728,

730, 743, 748, 750, 758-760, 777, 780, 781, 786-794, 797, 798, 806, 808,

815,

818,

825-830,

837-839,

841, 842, 882, 883, 886 Plaute, 31-33, 116, 432, 583, 625, 661

360, 361, 363, 420, 527, 532, 642, 790, 795, 812, 843, 844, 882, 883, 885

Ploutos, 638, 675, 718

Plutarque, 35, 36, 52, 53, 69-71, 74, 125,

134, 147, 155, 167, 182, 250-253, 288, 293, 295, 353, 362, 363, 376, 398, 409, 410, 446, 447, 489-491, 518, 519, 543, 560, 564, 574, 580582,

602-605,

730,

771,

838,

626, 839,

642,

652,

710,

842,

843,

883,

Pluton (voir aussi Hadés, Plutus), 632,

Phryné, 454

638, 675, 676, 718, 722, 723

Phyllis, 454

Piazza San Marco (Venise), 740

Pic dela Mirandole, Jean, 107, 167, 178, 182,

231, 265,

884, 888

Photius, 710

180,

286,

230, 263,

Pline le Jeune, 160, 512, 514 Plotin, 72, 74, 159, 181-183, 213, 277,

Philochorus, 543 Philolaos, 706 Philoméle, 102, 467, 469-472, 476

706,

261,

140,

177-184,

545, $56, 588, 598, 602, 603, 611, 642, 643, 644, 650-652, 654, 662, 676-679,

601, 604, 617, 852, 891

174,

316, 326, 328, 335, 343, 345, 346, 348, 349, 359-361, 363-365, 378, 379, 384, 385, 399, 407, 420-423, 431,

129, 281, 600,

121-127,

167,

517,

II d'Espagne,

115,

161,

429,

Philippe

235,

29, 32, 36, 37; 40, 49, 52, 53, 55,

299, 318, 408, 449, $54, 632, 634,

136, 137, 163,

200,

57, S9, 60, 66, 67, 69, 73, 84, 85, 92,

Phalaris, 584, 590, 591, 592, 596, 597 Phébé (la lune), 112 Phébus (le soleil), 18, $1, 112, 122, 295,

480

131,

890 Platon,

270,

Phérécyde, 518 Phidias, 383, 564 Philinos, $43 Philippe de Macédoine,

129,

353, 460, 474, 554, 802, 833, 863,

248-252,

Philippe le Beau, 145

Paul Diacre, 734

Palais des Doges (Venise), 737-740, 741 Palais Médicis (Florence), 552

Palazzo Bocchi, 27, 263, 269, 282, 468,

191,

733, 830, 831

Pacuvius, 155, 302,355, 377

Palais de la Chancellerie, 80, $13, 701

190,

720, 721, 724, 770, 772, 831, 832

Parthenos / Virgo (voir aussi Astrée),

8723, 881,

107,

Petrus Damianus, 227 Peutinger, Conrad, 39 Phaéton, 239

Parménide, 828, 829 Parmigianino (1l), 516, 891

198,

87,

Pino, Paolo, 518, 774, 802 Pio da Carpi, Alberto, 625, 859, 860, 861 Pio, Giovanni Battista, 31, 104, 176, 394, Pistoia, 96

Peruzzi, Baldassare, 273, 302, 303, 545 Francois,

870, 872, 873, 877 Pindare, 63, 296, 353-355, 373, 497, 757

528, 593, 660-663, 670, 697, 745

151, 270, 325

Paradin, Claude, 729

332, 364, 366, 421, 423, 492, 533, 619, 656, 657, 679, 691, 693, 722, 734, 742, 758, 826, 847, 848, 870,

831,

Périllus, 584, 590-592, 595-597

Páris, 229, 233, 577, 828

Passeri, Marcantonio, 526, $32, 624

756,

584,669,757

Persée, 95-97, 759

Ovide, 66, 87, 88, 124, 125, 139, 212,

739,

Périclés, 390, 488-492, 530, 543, 545,

662

Pasiphaé, 102, 389

677,

Pigna, Giovanni Battista, 7, 24, 25, 868-

Pepoli, Vittoria, 834

Permesse, 801 Perotti, Niccoló, 42,

Pierre (saint), 270, 273, 307, 619 Pierre Abélard, 209 Pighino, Sebastiano, 465, 506, 507, $10

Pepoli, Guido, 269, 431, 522 Pepoli, Taddeo, 587

Perse, 33, 312, 494, 495, 580, 583, 593,

Ouranos, 176, 181, 183

662,

674

Pérou, 146

Parthénon, 372

483, 513, 539, 559, 577, 591, 617,

Pepoli, Filippo, 131, 268, 269, 271, 431,

Pepoli, Ugo, 267, 268, 271, 501, 825

Parthenay, Anne de, 330

887 Tyché,

119,

405-407, 868-878

Parrasio, Giano, 461, 546

372, 373, 417, 428, 432, 469, 470,

Nélée, 828

Pan,

891, 892

Orsini, Camillo, 128-130, 235, 890 Orthos, 481, 754 Ory, Mathieu, 330 Orythie, 300 Otanés, 312, 313

Narcisse, 66, 216, 467, 469

Pallavicino Sanvitale, Laura, 891

Parme, 12, 14, 16, 80, 129, 200, 235, 353,

Orlandi, Pellegrino Antonio, 94

Muzio, Girolamo, 469

442, $59, 730

Panthée, 33

Olympiodore, 22, 69, 124, 251, 276, 420,

Mühlberg, 151, 152

Mundino dei Liuzzi, 449 Muses (les), 18-23, 37, 73,

(voir

161, 276, 384, 405, 421, 473, 553,

Olympie, 541,699

Morosini, Silvestro, 481, 612 Mucius Scaevola, 192, 648

Némésis

Olympe (Mont), 19, 20, 91, 95, 112, 556,

413, 465, 600, 616, 656, 705, 746,

Tamàs,

Octave Auguste, 82, 243, 392, 439, 519, 565, 880, 890, 891

685, 700, 720, 826

Neptune

Metsys, Quentin, 48

858, 865

187, 208, 441,

Naiades (les), 467-471 Narbonne, 511

Mercure (voir aussi Hermés, Ogmios), 161, 203,

Michel de,

823

853

Méphitis, 632, 638 Mercator, Gerard, 700 153,

Ochino, Bernardo, 329, 426

Montefeltre, Frédéric de, 491

Nadasdy,

99, 322,377, 389, 475

Ménélas, 33, 341, 545, 546, 548

56, 65,

Montaigne,

More,

Médicis Jules de (voir aussi Clément VII), 139, 461, 506, 511, 566, 567, 571, 662, 769

Némésis, Astrée), 74, 271, 355, 395; 396, 464

151, 152

Médée, 54

677, 727, 730, 731; — Tritonia, 359,

Occasio (voir aussi Tyché, Fortune, Sors,

183,

226,

286,

297-299,

Plutus (ou Ploutos, voir aussi Hadés, Pluton), 716-718, 721, 722, 724. Poggi, Giovanni, 171, 600- 603, 665

368, 419, 509, 593, 679, 731, 765, 789, 798, 886

Pole, Reginald, 200, 319, 413, 425, 426, 428-430, 454, 465, 483, 496, 5235,

226, 297, 298, 509, 593, 765

Polia, 636 Politien, Ange, 29, 32, 53, 54, 62, 63, 73,

Pic de la Mirandole, Jean-Frangois, 107, Piccolomini, Alessandro, 626, 833 Piccolomini, Enea Silvio, 626, 833 Piérides (les), 18, 295, 296

624, 625, 643, 656, 852, 862, 863

87, 162, 176, 217, 218, 223, 239, 348,

362, 385, 386, 419, 469, 470, 490,

967

Les Questions symboliques d' Achille Bocchi (1555) - tome 2

593, 624, 699, 711, 738, 772, 789,

798 Pollaiuolo, Antonio, 288, 347, 349, 553

Pollux, 26, 28, 34, 518-520, 577, 578, 866

Traduction, annotation, coemmentzire — Index

492, 594, 596, 597, 637, 650, 712, 859

Quintus Aemilius Papus, 190 Quintus Fabius Maximus Verrucosus,

Saint-Pierre de Rome, 270 Sala delle Volte (Venise), 740

Salomon,

Pomone, 244

Pompée, 80, 81, 139, 155, 292, 355, 380,

Rabelais, 253, 288, 441, 527, 642, 664

Salutati,

Rachel, 370, 577 Raimondi, Cosma, 105, 259

419, 575, Salviati, Salviati,

574, 748, 750, 890

Pomponazzi, Pietro, 344, 461, 607, 624,

625, 794-798 Pontano, Giovanni, 283, 435, 594

Raimondi, Marcantonio,

63, 96,

139,

162,

Porphyre, 37, 59, 69, 71, 180, 213, 253, 276, 277, 363, 367, 432, 666, 710, 724, 789, 861 Porta Capena, 201

Porta Salutaris (Rome), 718 Poséidon (voir aussi Neptune), 95, 372,

105, 132,

114,

115,

4$6, 508, 737

133,

176, 259, 498, 499, 535, 593, 654,

95,

192,

281,

644,

651,

710,

731,

820

Prométhée, 388, 573, 673, 675, 677, 679 Properce, 229, 230, 432, 471, 583, $91, 699 Proserpine, 718, 833

Protée, 43, 54, 64, 102, 300, 301, 323337, 340, 341, 479, 522, 758 Prudence,

29,

143,

291,

349,

392,

397,

400, 410, 442, 444, 4S6, 524, 553, 555, 556, 638, 689, 695, 731, 759,

765, 780, 829, 836, 854, 881

Psellos, Michel, 22, 205, 277 pseudo-Donat, 224 pseudo-Héraclite, 367, 667-669 pseudo-Manéthon, 308 Publilius Syrus, 274

Publius Cornélius l'Africain), 307

Scipion

(pere

de

pyramide de Caius Cestius (voir aussi Meta Remi), 270 Pyrrhus, 190, 192, 193, 850

Pythagore, 28, 36, 37, 40, 43, 52, 9-61, 74, 77, 166-168,

170, 208, 249, 251-

254, 297, 361, 362, 367, 390, 398, 408-410, 412, 577, 649, 652, 660, 662, 664, 670, 698, 710, 777, 806, 815

Quinte-Curce, 375, 376, 379 Quintilien, 28, 35, 36, 43, 59, 62, 63, 73, 214, 217, 399, 400, 446, 447, 455,

$44, 545,647 Servius, 95,

105,

106, 253, 254, 353, 372,

712 Stella, Bartolomeo, 624 Stobée, 398, 839 Strabon, 383, $93

374, 406, 436, 455, 4S6, 485, 498, 513, 5850, 565, 573, 574, 731 Servius Tullius, 353

Strepsiade, 495

Sextus Empiricus, 122, 124, 728, 788

Suse, 480

Sforza, Francesco Il, 462

703, 711, 836

Titus

654,

675,

681-685,

686,687

San

Ravisius Textor, Jean, 274, 626

d'Ams&erdam),

Giovanni

in Calamosco,

434,

Camillo

(Lysia Philaenus ou

685,847

Renato,

Camillo

Fileno),

48,

(Paolo 85,

315,

Ricci, 316,

606,

Sylla, 82, 355, 380, 580, 581, 804, 805

Shekinah, 417, 418

Symmaque, 201, 203

Siléne,

332,

18,

97,

98,

101-103,

105-111,

255, 801, 890

268

Pietro

(cathédrale

Simonide,

19,

de Bologne),

131, 619, 735 San Stefano del Caco (église de Rome), $503

Lisia

Sannazaro,

628,

Sanseverino, Ferrante, 124

Jacopo,

53,

370,

371

Simplicius, 211, 212, 728, 789

Trajan, 160, 245, 480

Tartare, 384, 638, 672, 676

Trisino, Gian Giorgio (Le Trissin),

Tasso, Bernardo, 5835, 624 Tatien, 187

Socrate, 37, 47, 49-52, $4, 56-77, 85, 98,

116, 117

Tournes, Jean de, 729 Trebazio, Bernardino, 737

Tarquin le Superbe, 502

357, 384, 609, 710

Tottus de Modéne,

Taddeo di Bartolo, 191, 192 Tarpeia, 888

Sixte IV, 32, 302, 347, 349, 719

Sansovino, Andrea, 24, 735, 740

Tolomei Claudio, 474. 488, 489, 5935. 624, 647, 698 Tomeo, Niccoló Leonico, 124

Toscane, 112, $42, 617, 794

887

Sirénes (les), 53, 240 Sisamnés, 312, 313 Sisyphe, 661 Smalkalde, ligue de, 15, 152, 690, 698 Smyrne, 121, 156, 238, 250, 251, 352-

624

Tityre, 18, 565

Tortellius, 594 Tory, Geoffroy, 341

Tacite, 47, 160, 187, 214, 461, 544, 601,

115, 214, 362, 366,

Trevet, Nicholas, 831

489, 647 Troie, 23, 61, 97, 388, 497, 498, 577, 638, 831, 885

Télémaque, 168, 221

temple de Jupiter Capitolin,

187, 307,

359

Teodosio, Giambattista, 554

Trós, 419

Truchsess von Waldburg,

Renée de France, 25, 129, 300, 327- 330,

Sansovino, Jacopo, 735, 740

332, 333, 479, 481, 482, 484, 872 Reuchlin, Johannes, 299, 368 Rhamnonte, 382-384, 386 Rhinton, 291-293

Santa Fiora, 540-542

106,

107,

109-111,

123,

124,

126,

Térence, 28, 31, 32, 747

Tudor, Marie, 12, 454, 852

Santa Maria sopra Minerva (église de

134,

167,

185,

186,

196,

208,

209,

Terpandre, 249

Tullia, 746, 771, 772

211,

214,

216,

218,

226,

230,

235,

296-300,

324,

343,

Teucer, 545, $48 Teutons (les), 580 Thapsus, 82 "Thaumastus, 433-435

Tunis, 462

255,

Ludovicus

Caelius

(Lodovico Ricchieri), 75, 147, 167,

241, 270, 297, 299, 362, 384, 501, 543, 678, 710, 755, 789, 790, 821, 869, 880, 882, 884, 885

Riario, Raffaele, 151, 661 Ricci, Bartolomeo, 465, 612, 697 Ridolfi, Nicoló, 80, 647 Ripensus, Johannes Franciscus, 477 Ripoll, Bartolomeo, 578 Robortello, Francesco, 612 Romano, Giulio, 243, $11, $69, 571

Romulus, 145, 154, 270, 300, 409, 503,

697, 716, 743, 751 Ronsard, Pierre de, 241, 472 Rossi di San Secondo, Pier Maria, 891 Rucellai, Cosimo, 567 Rucellai, Giovanni, 121, 567 Rucelli, Girolamo, 268, 275, 489

Rufin, 679, 793, 794

Ruggieri, Angelo, 484

Ruini, Carlo, 229, $54, 834, 835

Ruini, Carlo (le Jeune), 834, 835

Sabellico, Marcantonio, $13, 515 Sadolet, Jacques, 13, 8o, 104, 12$, 259,

260, 319, 322, 344, 412, 428, 465, 483, 484, 490, 531, 532, 573, 624,

Rome), 503

Sappho, 123, 779 Saturne, 71, 73, 91-93, 119, 183, 250,

346, 348, 361, 378, 393, 398, 434, 478, 479, 495, S02, 530, 536, 580, 645-647, 649, 650, 652-654, 677, 712, 764, 766, 767, 773, 775, 778,

394, 840, 886, 888

Saturninus, 512, 580

Sauli, Girolamo, 523, 527, 641, 644 Sauli, Stefano, 468, 521-523, 526, 527, 624, 641

Savena, 801, 803 Savonarole, Jéróme,

66,

107,

298,

509,

765 Saxe, Jean-Frédéric de, 152

Scala dei Giganti

781, 808, 824, 837-844, 847

Soderini, Francesco, 567 Soliman, 462 Solon, 361, 823, 824 (voir Occasion,

théátre de Marcellus, 544

Thébes, 56, 119, 303, 383, 879

Ugone, Mattia, 554

Théon, 250, 251, 710, 728 Théon de Smyrne, 251, 710

Théophylacte d'Ochrida, 205 Théopompe, 440

Scipion Nasica, 611, 613

Soter, Ioannes, 124, 167

Théraméne, 134, 767, 778, 781

Soubise, Madame de, 329

Thésée, 125, 831-833, 877

Scuola Grande di San Marco (Venise),

Souda (la), 187, 293, 303, 304, 443, 494,

Scylla, 76, 102, 289, 326, 332, 361, 378,

Spagnoli, Giovanni Battista (dit le Mantouan), 18, 113, 139, 190, 274,

Scipion Émilien, 261, 262, 302, 580

Scopas, 426

735,740

422, 685,815

699

Scyphios, 373

Sparte

Sémélé, 244

133,

Sémiramis, 699

Sénéque, 29, 46, 63, 80, 96, 104, 136, 139, 147, 159, 172, 180, 189, 196, 203,

213,

821

236,

256,

263,

277,

291,

303, 314, 315, 376, 378, 516, 517, 519, 531, S41, 550, 551, 577, 588,

651, 677, 707, 720, 721, 741, 763;

(voir

aussi

134,

137,

Thessalie, 26, 384 Thomas (saint), 61, 134, 228, 513, 784, 795-797, 870

Thucydide, 186, 592

TIhyrsis, 454, 455

Lacédémone),

129,

Tibaldi, Pellegrino, 600, 601, 665

172,

296,

Tibére, 273, $41, 544

221,

292,

800, 810, 847

Sperchios, 26

Spica ( constellation de l'Épi), 489, 539, 740

Spica, Tommaso, 489 Spina, Bartolomeo, 123, 124, 797

Tusculum, 528, 750 Tyché (voir aussi Fortune, Sors, Némésis, Astrée), 186, 232, 3353, 355-357. $56, 609,654, 718, 738

Théodore, 380, 734

355, 377, 379, 380, 776, 782 Sosus, 82

Venise), 738, 740

Turnus, 85, 379

Typhon, 301, 754

Théodoret, 18, 186, 187

aussi Tychè, Fortune, Némésis, Astrée), 284,

Tiberius Fonteius, 307 Tibre, 500, 503, 504, 633, 639 Tibulle, 637, 721 Timanthe, 49 Tintoretto, Domenico, 735

Otto, 6:5,

689-693

Thémis, 20, 431, 539, 739 Thémistius, 37, 431, 432, 859 Thémistocle, 530

Sophocle, 65, 545, 546, 547, 548 Sors

(Palais des Doges,

314-317,

Torquatus,

Toléde, Éléonore de, 112, 390, 770

693, 694

Sforza, Sforzino, 554

803

imperiosus

Titus Tatius, 888

(dit

Syrianus, 642, 710 Tabula Iliaca, 499

571,

Manlus

135

Sigonio, Carlo, 316, 612, 820, 852

535,

190, 201, 214, 282, 307,

Titien, 152, 491, 322, 324, 696, 698, 701,

Styx, 93, 638 Lambert

164,

315, 360,433, 461, 887 Tithon, 112, 632, 636

Strozzi, Ercole, 406

Sustris,

Sforza, Francesco, 324

Tiphys, 540, 541

Titans, 94, 382, 384, 385 Tite-Live,

Samson, 550, 551

$11,

797

968

470,

Synésios de Cyrene, 227, 328, 636

Rhodiginus,

Protagoras, 211

44, 451, 468,

Syracuse, 201, 292

685,847

Proclus le Diadoque, 560 Procope, 887

Stace, 62, 63, 73, 139, 217, 218, 239, 583,

Siculo, Giorgio, 129, 536

Paulus Riccus), 48, 85, 316, 332, 628,

678,

Sebastiano,

Spirituali, 80, 426, 656

Sidoine Apollinaire, 457, 661, 780

Renato,

652,

814,

Samosate, 239, 240, 480

San

642,

808,

Samos, 51, 632, 638, 662

Raphaél, 151, 159, 243, 498, 499, 509,

Rémus, 270, 501, 503

Proclus, 36, 37, 40, 42, 69, 72, 398, 560,

807,

Ranuzzi, Francesco, 131, 835

Sambucus, Iohannes, 90, 503

Poussin, Nicolas, 421 Priam, 91, 112, 498

785,

Sambiguccio, Gavinio, 108

Posidippe, 353, 396 Posidonius, 580, 718, 806, 807

Priuli, Alvise, 413, 625

780,

675, 681-683, 686, 687,697, 789 Ranuzzi, Angelo, 131, 835

San Marco (basilique, Venise), 735 San Petronio (église de Bologne),

Préneste, 353

303,

480, 481, 530, 549, S51, 574, 626, 664, 772 Francesco, 112, 380 Marie, 112

Recalcati, Ambrogio, 131 Regio, Raffaele, 513, 515 Regoli, Sebastiano, 44

373, 374, 390

Serlio,

169, 362, 370, 389,

Coluccio,

773,

sepulcrum Scipionis, 270

Salle de Constantin (Vatican), $69

Quintus Lutatius Catulus, 292 Quintus Mucius Scaeuola, 261

771,

823, 828, 866, 870

Salluste, 52, 190, 214, 514

201, 438

Polynice, 383

saint Ambroise, 246, 288, 414, $09, 635

Occasion, 121, 1:55, 380, 539,

Ugoleto, Taddeo, 554

Ulysse, 51-53, 57, 71, 168, 285, 388, 295, 303, 341, 374, 378, 388, 538, 548, 549, 575, 601, 603, 660, 662, 664667, 669, 670, 757

Uranie, 574, 654

Urceo Codro, Antonio, 309, 441, 442,

589,789

Urfé, Claude d', 154, 468, 763 Vado Bocchiano, 434, 606, 774, 803 Valdés, Juan de, 329, 332, 426, 484, 503, 526, 625, 628

Valére Maxime, 130, 312 Valeriano, Pierio, 24, 45, 74, 85, 148, 174, 252, 253, 270, 275, 276, 196, 197,

199,

304,

362,

367,

368,

375,

384, 410, 420, 434, 444, 445, 457,

465, 485, 490, 501, 502, 5135, 520, 526,

529,

550,

556,

558,

559,

571,

579,

612,

618,

620,

626,

691,

730,

Tintoretto, Jacopo, 735

969

Vésale,

André,

oc

Vettc

Valerius Probus, 550 Valla, Giorgio, $55, $94,

Pietro,

$94

13 Heemskerck, Mar

732

273,

Viglius, 468, 690

708,

350,

134, 710,

730,

293, 750,

Giorgio,

16,

462,

$

552,

413,

465,

593,

347, 88,

Antonio, 437 (la,

22,

156,

voir

316, 848

(Tg,

411,

828

129,

469,

49,

57,

130,

421,

569,

635,

Turinius, 462,

639,

654,

591

Vergerio, Pier Paolo, $13 Verino, Ugolino,

165, 205

Vertumne, 64, 244, 332, 333,

970

58,

67, 69,

478,

S01,

73, 103, 664,

697,

Vé,

369,

370,

778,

852,

857,

859,

860,

Zambeccari, 159, 21

$29,

653,

722

Peregrino, 8

Zambeccario, Pompeio,

5

602

/

520

2

Zénon,

ini,

Cristoforo,

Zénobius,

383,

26,

494,

384, 442

258,

260,

347,

5613

721, 826, 870, 878 Verconius

629

864-866

Zerbi,

Gabriele,

Zeus

(voir aussi

448, 449 Jupiter),

15

568,

476,

354, 539, 553, 639,

Vatinius, 748

538,

Bartolc

Geoffrey, 503

Xénophane, aussi

861

275,

Volta ),

Achille,

Xénophon,

constellation;

Vinci, Léonard de, 66, 73, 158,

360,

751, 789,

66,

della

Volteius, Wit

533

698, 739-741 Vigne, André de la, 160 Vincent de Beauvais, 209

849

Varchi, Benedetto, 217, 624, 770 Varron,

319,

(Bologne),

AStré

lan, 693

Van Zwichem,

18,

(ou

94

Goito ( Bologne), 47, 269, 751

Vierge

50$

Barent (ou

Scorel,

Vasari,

via

Vicentino,

Van Andernach, Ian Günther, Van Orley,

Volta

Withney, iroli

Van

732

613

407

Van

451, 453, 526,

»spasien (empereur), 439, 504

44, 885, 888

758

181,

565,

5586,

606,

617,

304,

353,

360,

626,

636,

639,

640,

661,

665,

677,

421,

427,

428,

460,

489,

491,

506,

682,

683,

687,

707,

708,

720,

722,

$39,

583,

584,

628,

638,

677,

699,

729,

73

739,

811,

819,

831,

857,

730-732,

739 ^

513,

353 ^

Vitale, Giano, 7, 23-30, 828, 864

Ziegler, Zona

Viterbe, 16, 426, 429, 474, 616,624, 625

Zoticus,

Viterbe, Gilles de, 417, 418, 697

Zwingli, Ulrich, 412, 484.

e, 44,

280, 414, 468, 489, 821

Vives, Juan-Luis, 274, 469, 476, 512-514

as,

Jakob, 666 1856,

384,

276,

550,

;] thv. Eleuthérios,

367,

244,

539,

Vitali, Pietro, $54

Vitr

20, 22, 23, 33

176,

513,

888

666,

94,

593

462

$41;

419



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