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French Pages 140 [138] Year 2020
Les liaisons chimiques
Original English language edition by
Mark J. Winter Original English language edition by
Traduction : Alan Rodney
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“Chemical Bonding”, 2nd Edition, was originally published in English in 2016. This translation is published by arrangement with Oxford University Press. EDP Sciences is solely responsible for this translation from the original work and Oxford University Press shall have no liability for any errors, omissions or inaccuracies or ambiguities in such translation or for any losses caused by reliance thereon. © Mark J. Winter, 2016. L’auteur a fait valoir ses droits moraux. Imprimé en France ISBN (papier) : 978-2-7598-2118-1 - ISBN (ebook) : 978-2-7598-2440-3 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. © EDP Sciences 2020
Avant-propos de la 2e édition anglaise
Ce livre présente quelques concepts qui sous-tendent les liaisons chimiques, de manière descriptive et, pour l’essentiel, sous une forme non mathématique. Nous ne prétendons pas à l’exhaustivité du sujet car la cible est avant tout les étudiants plutôt que leurs maîtres de conférence. Nous espérons que ce court texte aura sa place aux côtés d’ouvrages de référence qui offrent un traitement plus détaillé, y compris des démonstrations mathématiques. Une analyse complémentaire à la nôtre, pour le cas des liaisons de composés métalliques du bloc-d se trouve dans un autre livre de la série Oxford Chemistry Primers. Notre introduction vise notamment les étudiants en 1re année d’université et fournira des bases solides pour aborder en toute confiance des cours de chimie inorganique qu’ils auraient à suivre plus tard. Cette seconde édition apporte quelques corrections à la première, et ajoute du contenu neuf pour traiter de la construction des diagrammes de liaison de Lewis, ainsi que quelques notions de base sur les liaisons ioniques et métalliques. Je suis toujours redevable à de nombreuses personnes qui ont aidé à la préparation de la 1re édition (Duncan Bruce, Alison Cherry, Bill Clegg, Mike Morris et Barry Pickup) auxquels s’ajoutent Patrick Fowler, Anthony Meijer et Grant Hill, pour la préparation de cette 2e édition. Prof. Mark Winter Département de chimie Université de Sheffield, Angleterre Mars 2016
iii
Sommaire
Avant-propos de la 2e édition anglaise
iii
1.
1
Schémas de liaisons simples
1.1. Introduction 1 1.2. Structure de Lewis des atomes 2 1.3. Liaisons covalentes de Lewis 3 1.4. Structures ioniques 13 1.5. Structures métalliques 15 1.6. Résumé 18 1.7. Exercices et problèmes 18
2.
Structure de l’atome
19
2.1. Introduction 19 2.2. Aspects historiques de la structure atomique 19 2.3. Modèle de Bohr de l’atome 21 2.4. Orbites et orbitales 29 2.5. Principe de construction pour de nombreux atomes monoélectroniques 43 2.6. Structures électroniques et tableau périodique 48 2.7. Résumé 51 2.8. Exercices et problèmes 52
3.
Molécules diatomiques
53
3.1. Introduction 53 3.2. Chevauchement des orbitales 1s et la plus simple des molécules diatomiques : H2+ 53 3.3. Diagrammes de niveaux d’énergie de l’H2
et de certains composés diatomiques associés 59
3.4. Processus de liaison pour les molécules diatomiques homonucléaires du bloc-p 62 3.5. Liaisons des molécules diatomiques homonucléaires du bloc-p (suite) 67 3.6. Longueurs, intensités et ordres de liaison 75 3.7. Molécules diatomiques hétéronucléaires 76 3.8. Résumé 80 3.9. Exercices et problèmes 81
v
Les liaisons chimiques
4.
Géométrie moléculaire – RPECV
83
4.1. Introduction 83 4.2. Modèle RPECV 83 4.3. Molécules ne contenant que des liaisons simples 87 4.4. Molécules avec des liaisons multiples 94 4.5. Méthode RPECV avec plus de six paires d’électrons 97 4.6. Systèmes métalliques du bloc-d 98 4.7. Résumé 99 4.8. Exercices et problèmes 99
5.
Hybridation - une description orbitale des liaisons
101
5.1. Introduction 101 5.2. Hydrogène 101 5.3. Hybridation pour les systèmes linéaires 102 5.4. Hybridation des systèmes trigonaux 106 5.5. Hybridation des systèmes tétraèdres 108 5.6. Hybridation, utilisation des orbitales-d 109 5.7. Benzène 112 5.8. Résumé 113 5.9. Exercices et problèmes 113
6.
Approche orbitale moléculaire et molécules polyatomiques
115
6.1. Introduction 115 6.2. Molécules triatomiques EX2 116 6.3. Molécules EX3 triatomiques 123 6.4. Orbitales moléculaires à 5 ou à 6 centres 125 6.5. Résumé 128 6.6. Exercices et problèmes 128
vi
Lectures supplémentaires proposées
129
Glossaire
131
1
Schémas de liaisons simples
1.1. Introduction Ce premier chapitre offre une brève introduction à la description « lewisienne » d’une liaison chimique, décrite par une combinaison d’atomes selon le modèle de Lewis. Nous donnons par la même occasion les instructions nécessaires à la construction de structures moléculaires lewisiennes avec des liaisons simples, multiples et covalentes de coordination (anciennement « datives »). Une attention toute particulière est portée à la liaison covalente de Lewis, mais ce chapitre comporte également un bref résumé du remplissage compact de sphères d’un réseau ionique (les sels) et sur des métaux. Il n’est pas facile de comprendre comment les atomes s’attachent les uns aux autres. Il est clair, cependant, que la liaison est la conséquence d’interactions électrostatiques entre les noyaux atomiques avec leurs charges positives et les électrons, chargés négativement. Les deux principaux types de liaison chimiques sont, d’une part, la liaison covalente, d’autre part, la liaison ionique. Dans le cas d’un métal, tel que le fer, la liaison est de type métallique (cf. Section 1.5). Les composés diatomiques tels que l’oxygène (dioxygène, O2) et l’azote (diazote, N2) de l’air que nous respirons se tiennent en raison de liaisons d’électrons partagées, comme le sont les composés polyatomiques, tels que l’eau (H2O) et l’ammoniaque (NH3). Dans ces cas, on parle de liaisons covalentes (cf. Section 1.3). On peut voir les liaisons des composés tels que le sel (NaCl, ou chlorure de sodium) comme un réseau régulier d’ions chargés positivement (les cations) et d’ions chargés négativement (les anions) attachés les uns aux autres par les forces électrostatiques. D’un point de vue formel, un électron est transféré depuis l’atome de soude vers l’atome de chlore, créant les ions Na+ et Cl– qui forent ensemble le réseau de sel. Cela porte le nom de liaison ionique (cf. Section 1.4). Une analyse plus détaillée nous apprend que les liaisons de la plupart des composés, tout en étant désignées comme soit covalentes soit ioniques, se situent en fait quelque part entre une « covalence » pure et une « ionique » pure. Il existe des façons simples (et moins simples) pour décrire les liaisons. Toute tentative dans ce sens s’appelle un modèle, reconnaissant que même les modèles les plus compliqués et les plus sophistiqués ne sont pas parfaits. Le modèle de Lewis avec ses points et ses traits est simple
Gilbert Newton Lewis, né le 23 octobre 1875 dans le Massachusetts, mort le 23 mars 1946 à Berkeley, en Californie, physicien et chimiste américain. Les trois catégories de liaison sont covalente, ionique et métallique.
La liaison covalente est une région de densité électronique placée entre plusieurs noyaux atomiques créée par un partage d’électrons.
La liaison ionique a lieu entre atomes avec des électronégativités très différentes et consiste en une attraction électrostatique due aux charges opposées d’un cation et d’un anion.
1
Les liaisons chimiques Tableau 1.1 Structures de Lewis des atomes des 18 premiers éléments. ⋅H
Gilbert Lewis (1875–1946) a mis au point une théorie des liaisons basée sur les interactions des électrons de valence (les plus éloignés du noyau) de deux atomes.
Les forces de van der Waals. Des fluctuations transitoires de la densité électronique d’une molécule créent un dipôle. Ce dernier induit une autre fluctuation de la densité électronique (et donc un autre dipôle) d’une molécule voisine. Le résultat net est une attraction exercée entre les deux dipôles créés simultanément.
He:
⋅Li
⋅Be ⋅
⋅B ⋅
⋅C ⋅
⋅N ⋅
:O⋅
: F:
:Ne:
⋅Na
⋅Mg ⋅
⋅Al ⋅
⋅Si ⋅
⋅P ⋅
:S⋅
:Cl:
:Ar:
et à mettre au crédit de Gilbert N. Lewis, un physicien/chimiste américain qui travaillait dans ce domaine au début du xxe siècle. Sa contribution à la chimie est immense, surtout quand on observe qu’on ne savait pratiquement rien des structures atomiques à l’époque. Parfois les atomes ne s’attachent pas au moyen de liaisons classiques. Pour illustrer cela, nous pouvons citer les gaz nobles du Groupe 18 ; il s’agit de gaz dits monoatomiques. Les gaz du Groupe 18 gèlent, formant des réseaux réguliers d’atomes pendant le processus de refroidissement. Et puisque ces états solides existent, il y au moins un peu d’interactions entre les atomes de ces solides. Ces interactions sont dues à de très faibles forces d’attraction, appelées forces de van der Waals. Le modèle de liaison de Lewis (cf. Sections 1.2 et 1.3) a le mérite important de la simplicité, mais il présente certains problèmes connexes. Lorsque le modèle de Lewis se révèle défaillant, d’une manière ou d’une autre, il vous faut utiliser un modèle plus sophistiqué. Il se peut que le modèle d’hybridation suffise (cf. Chapitre 5). Si ce modèle fait défaut, peut-être qu’un autre modèle, qui implique les orbitales moléculaires (cf. Chapitre 6), sera mieux adapté.
1.2. Structure de Lewis des atomes Les électrons de cœur sont les plus proches du noyau ; leur nombre est celui des électrons du gaz rare précédent (sur le Tableau périodique). Les électrons de valence désignent tout électron qui n’est pas un électron de cœur.
2
Pour avoir une description des liaisons de Lewis covalentes et ioniques (cf. Sections 1.3 et 1.4), il faut au préalable saisir quelques notions des structures de Lewis des atomes. Fréquemment, il s’avère malcommode de prendre en compte la totalité de la structure électronique d’un atome quand on veut analyser les liaisons, puisque seuls les électrons de valence jouent un rôle dans les réactions chimiques. Dans le cas du fluor, par exemple, il y a sept électrons de valence (sept électrons au-delà du noyau d’hélium, l’hélium étant le gaz noble précédent). Les structures de Lewis font apparaître seulement le nombre d’électrons de valence et pas (du moins normalement) celui des électrons du noyau, même s’ils peuvent être inclus, le cas échéant. La structure électro dans laquelle nique du fluor est représentée par sa structure de Lewis :F: les sept points représentent les sept électrons de valence. La structure atomique de la couche fermée après le fluor est le néon. Le néon possède un électron de plus que le fluor, ce qui signifie que le composé fluo − ) , possède la même configuration que le néon. La structure rure, F − (:F: de Lewis des atomes des premiers éléments du tableau (Tableau 1.1) montre clairement pourquoi leur structure est périodique – le nombre d’électrons de valence est le même pour chaque colonne.
1. Schémas de liaisons simples
1.3. Liaisons covalentes de Lewis C’est en 1916 que G.N. Lewis suggère qu’une liaison covalente est l’interaction où deux atomes sont attachés l’un à l’autre par une paire d’électrons placée entre les deux atomes. Il s’agit d’un partage de deux électrons par les deux atomes. Pour tenir une comptabilité électronique exacte, on admet que chacun des deux atomes – pour la grande majorité des molécules – fournit un électron à la liaison. Ceci constitue la base des explications des liaisons de Lewis, un peu simpliste, certes, mais utile. Parfois, on appelle cela une représentation de la liaison de Lewis « par points », ou par « points et traits ». Depuis que Lewis a fait valoir ce concept des structures, on les appelle souvent « structures de Lewis ». Au cœur d’un traitement de Lewis des liaisons covalentes, on note que les atomes impliqués doivent atteindre la configuration électronique du prochain gaz noble en partageant des électrons avec des atomes voisins. Lewis s’était rendu compte que la plupart des composés covalents de la seconde période sont entourés de composés covalents avec huit électrons. Pour les éléments de la seconde rangée sur la droite du tableau périodique, le prochain gaz noble est le néon, qui possède huit électrons de valence. Cette seconde rangée d’éléments va acquérir ses huit électrons de valence en partageant des électrons avec les atomes voisins. C’est le chiffre « huit » qui est important dans ce contexte, car toutes les orbitales de valence sont remplies avec huit électrons ou, comme on dit, par un octet d’électrons. Pour le cas de l’hydrogène, le prochain gaz noble est l’hélium, qui n’a que deux électrons de valence. De ce fait, l’hydrogène ne s’associe pas avec huit électrons (c’est-à-dire le nombre d’électrons de valence du néon et de l’argon, par exemple), mais avec deux électrons seulement, appelé doublet ou paire d’électrons de Lewis. La molécule neutre la plus simple est celle de l’hydrogène (H2) et sa structure lewisienne est tout aussi simple. Chaque atome neutre d’hydrogène possède un électron. Dans le cas de la molécule H2, chaque atome atteint la configuration du prochain gaz noble, en l’occurrence le doublet d’électrons d’hélium en partageant son électron avec un atome d’hydrogène voisin. Cette configuration s’écrit H:H (où « : » désigne une paire d’électrons) ou plus simplement H–H. Le « – » représente les deux électrons placés entre les deux noyaux d’hydrogène et signifie que ces deux électrons constituent la liaison qui fait que les noyaux s’attachent ensemble. Il y a plusieurs interactions au niveau du H2 représentées dans la figure 1.1. L’interaction de force entre deux charges ponctuelles varie comme le carré de la distance qui les sépare. Les deux protons se repoussent car chacun porte une charge positive. De même, les deux électrons se repoussent puisque chargés négativement. Cependant, les effets de répulsion sont largement compensés par les quatre forces d’attraction proton-électron. Prises ensemble, ces six interactions représentent la force de liaison nette du système du H2.
Une structure de Lewis est une présentation imagée d’une structure moléculaire qui utilise des points placés entre deux atomes liés. Chaque paire de points représente une liaison covalente avec deux électrons. Les gaz nobles (ou rares) sont He (hélium), Ne (néon), Ar (argon), Kr (krypton), Xe (xénon) et Rn (radon). La règle de l’octet (de G.N. Lewis) est une règle qui énonce que le nombre maximum de paires d’électrons à pouvoir être logées sur la couche de valence d’un élément du premier rang [du Tableau] est de quatre, ce qui fait huit électrons en tout. Il existe de nombreuses exceptions à la règle de l’octet, notamment pour des éléments placés plus bas sur le tableau périodique.
attraction répulsion
Fig. 1.1 Les interactions entre charges ponctuelles qui représentent deux noyaux d’hydrogène et deux électrons – les points ici – de H2.
3
Les liaisons chimiques
Au fur et à mesure que le nombre d’atomes dans une molécule (ainsi que le nombre d’électrons en jeu) augmente, la situation devient de plus en plus complexe. Mais ce modèle présente des défauts ; par exemple, ni le noyau ni les électrons ne sont des charges ponctuelles. Néanmoins, le modèle s’avère instructif.
Règle de l’octet pour des molécules diatomiques
Paire libre désigne une paire d’électrons de valence non partagée avec un autre atome.
ou ou
Oxygène O2, appelé aussi dioxygène. Ordre de liaison. Le nombre de liaisons de paires d’électrons entre deux noyaux pour une structure de Lewis donnée, typiquement 1 (par exemple la liaison C–C de l’éthane), 2 (la liaison C=C de l’éthène (ou l’éthylène) ou 3 (la liaison C≡C de l’éthyne (ou acétylène)).
ou ou ou
4
Dans un sens, le cas du fluor dans une molécule telle que le difluor, F2, s’apparente au cas du H2, même si la molécule de F2 possède davantage d’électrons. L’atome de fluor possède sept électrons de valence et a besoin d’acquérir un électron de plus pour atteindre la configuration électronique du néon. Une manière d’y arriver consiste en un partage d’électron avec un autre atome de fluor. Les électrons ainsi partagés (et chargés négativement) maintiennent ensemble les noyaux chargés positivement au moyen des forces d’attraction électrostatiques. La molécule qui en résulte :F:F: illustre un autre point. Elle comprend six paires d’électrons qui ne sont pas partagées avec d’autres atomes. On appelle ces paires des paires « libres ». Les paires libres sur des atomes de fluor adjacents se repoussent. Les inter actions qui en résultent annulent, du moins partiellement, l’énergie de liaison de la paire d’électrons partagée et ainsi les deux atomes de fluor de la molécule F2 se trouvent liés de manière très faible, et représentent l’une des raisons qui fait que la molécule F2 est extrêmement réactive. Les structures conçues et dessinées par Lewis en 1916 utilisent des points pour représenter les électrons. De cette façon, les octets deviennent particulièrement nets et visibles. Cependant, dès lors que la molécule contient un peu plus qu’un petit nombre d’atomes, les points qui vont apparaître tendent à diminuer l’utilité et la visibilité de ces structures en points. Deux ajustements peuvent servir alors à en préserver la clarté. Il s’agit d’abord de représenter les liaisons par un diagramme en . Le trait (–) correspond aux deux traits, tel que F–F ou :F− F: au lieu de :F:F: électrons de liaison dans :F:F: et offre une représentation plus commode que les points. Ensuite, on se servira des points pour désigner des paires libres, mais celles-ci ne sont incluses que si elles ont un intérêt dans la démonstration. Les électrons les plus intéressants du F2 sont les électrons de liaison et assez fréquemment on omet d’inclure dans le diagramme les six paires d’électrons libres du fluor. Le diagramme final de la liaison devient F–F (ou F:F si l’auteur préfère utiliser des points). L’oxygène, avec six électrons de valence, a besoin de deux électrons pour atteindre la structure en octet du néon. Une façon d’y arriver consiste à partager deux électrons avec un atome d’oxygène voisin, ce qui crée une molécule O2 (le dioxygène), avec ses deux paires d’électrons partagés, placées entre les deux noyaux d’oxygène. Une paire d’électrons partagés placée entre deux atomes définit une liaison simple alors que deux paires d’électrons entre deux atomes constituent deux liaisons, ou liaison double. On dit alors que l’ordre de liaison du dioxygène est 2 et ou O=O. Chaque atome d’oxygène possède deux paires on écrira : O::O d’électrons libres, ce qui signifie que pour la molécule d’O2 il y a quatre
1. Schémas de liaisons simples
paires libres. On peut, le cas échéant, omettre de montrer ces paires, si on représente la structure ainsi : O::O ou O=O. L’azote possède cinq électrons de valence et, en appliquant la règle de l’octet au diazote, N2, il faut que cette molécule partage trois électrons de valence avec un atome d’azote voisin, créant ainsi trois liaisons. On écrit N≡N, pour mettre en évidence la liaison triple et l’ordre de liaison 3. Chaque atome d’azote ne possède qu’une paire d’électrons libres. Le plus souvent on écrit :N≡N: puisque la chimie du diazote, N2, fait souvent intervenir les paires libres. La construction des diagrammes de structures de Lewis pour d’autres molécules diatomiques revient à déterminer le nombre total d’électrons possédés par les deux atomes et à les disposer schématiquement de sorte que, dans l’idéal, la règle de l’octet soit satisfaite pour chaque atome concerné. Ainsi, le monoxyde de carbone possède 4 électrons de valence pour l’atome de carbone, et pour l’oxygène 6, soit un total de 10. Il s’agit du même nombre d’électrons de valence que celui possédé par la molécule N≡N (structure :N≡N:) et le monoxyde de carbone a ses dix électrons disposés de la même manière (écrit :C≡O:). On traite chaque espèce chargée (ou ion monoatomique), soit en ajoutant un point pour représenter un mono-anion, soit en retirant un point dans le cas d’un mono-cation. Ainsi, l’ion cyanure CN−, et l’ion nitrosonium (ou l’oxycation), NO+, sont tous les deux des systèmes avec 10 électrons que l’on écrit avec le symbole d’une liaison triple entre les deux atomes. Les molécules qui possèdent le même nombre d’atomes et le même nombre total d’électrons, telles que N2, CO, CN−, et NO+, sont isoélectroniques. Les composés chimiques isoélectroniques ont souvent quelques similitudes.
Azote N2, appelé aussi diazote.
Isoélectronique. On dit de diverses molécules qu’elles sont isoélectroniques si elles possèdent le même nombre d’électrons de valence et les mêmes dispositions de connexion de leurs atomes, mais diffèrent en même temps pour ce qui est d’au moins un des éléments constitutifs.
Quelques abréviations courantes (pour des atomes et groupes périphériques) On utilise souvent des abréviations en chimie pour désigner certains types d’atomes ou groupes d’atomes spécifiques (Tableau 1.2). Quelques exemples de groupes périphériques courants sont donnés dans le tableau 1.3.
Structures de Lewis pour les molécules polyatomiques Une extension du modèle de Lewis pour rendre compte des structures polyatomiques se révèle souvent sans problème. La structure de Lewis d’une molécule polyatomique est une représentation simple de ses liaisons avec des liaisons simple, double, triple et les paires libres d’électrons de sorte que la règle de l’octet (ou doublet dans le cas d’hydrogène) est satisfaite autant que possible pour tous les atomes. On voit fréquemment des affirmations que telle ou telle propriété d’un atome existe puisque la règle de l’octet est (ou n’est pas) satisfaite. La règle de l’octet nous apprend que le nombre « huit » est important, mais ceci n’explique pas tout – et exige tout de même de maîtriser quelques notions de chimie.
5
Les liaisons chimiques Tableau 1.2 Abréviations courantes pour certains atomes ou groupes d’atomes. Symbole
Définition
M
n’importe quel élément métallique
E
n’importe quel élément mais réservé le plus souvent aux éléments non métalliques des groupes principaux
R
n’importe quel groupe alkyle (parfois aussi pour les groupes aryles)
Me
méthyle, CH3
Et
éthyle, C2H5
Ar
n’importe quel groupe aryle (on notera qu’Ar, c’est aussi le gaz argon, et par conséquent le symbole complet Aryle est peut-être préférable.
Ph
phényle, C6H5
X
souvent utilisé pour désigner un halogène, mais aussi comme symbole général pour un élément ou groupe connecté à un élément d’intérêt, E, avec une liaison simple E:X (comprenant de la sorte tous les substituts R ou aryles, cf. Tableau 1.3).
X2
un élément ou groupe connecté à un élément d’intérêt, E, avec deux liaisons E:X (cf. Tableau 1.3)
X3
un élément ou groupe connecté à un élément d’intérêt, E, avec trois liaisons E:X (cf. Tableau 1.3)
L
un groupe (un ligand) connecté à un élément d’intérêt (le plus souvent un métal, M) par une liaison à 2 électrons M:L où les 2 électrons de liaison viennent d’une seule paire sur le groupe L. Il s’agit d’une liaison dative (donneuse).
Tableau 1.3 Exemples de groupes périphériques reliés par des liaisons simple, double ou triple. Nombre Classe Représentation de liaisons de la liaison
Exemples
1
X
E:X ou E–X
•H, •F, •Cl, •Br, •I •OH, •OR, •SR, •SeR, •O−, •S− •NH2, •NR2, •PR2, •AsR2 •CN, •Me, •Ph, •R, •COR, •SiR3, •GeR3, •SnR3 •Mn(CO)5, •Au(PPh3), •HgCl
2
X2
E::(X2) ou E=(X2) •O•, •S•, :CR2, :C=CR2, :NR, :N−
3
X3
E(X3) ou E≡(X3) N, CR
La construction d’une structure de Lewis d’une molécule donnée demande certaines connaissances préalables sur sa connectivité atomeatome. Pour illustrer cela, avec la formule empirique d’une molécule C2H3N, nous notons qu’il n’existe aucun moyen de savoir si sa structure est MeC≡N: (acétonitrile, ou cyanure de méthyle), MeN≡C: (isocyanure de méthyle), ou une autre configuration. Les structures de Lewis ne donnent pas la géométrie physique des molécules mais seulement la base d’un simple algorithme qui permet, néanmoins, de prévoir (cf. Chapitre 4) la géométrie de composés du bloc-p avec beaucoup de succès. Cela vaut la peine de s’exercer sur la
6
1. Schémas de liaisons simples
procédure donnée ci-après (résumée dans le tableau 1.4, avec quelques exemples dans le tableau 1.5). Nous donnons quelques exemples supplémentaires dans la figure 1.2 mais sans démonstrations. Il est à noter que la représentation de Lewis pour l’éthène (ou l’éthylène) (H2C=CH2) rend compte correctement de sa liaison double. La procédure s’applique pour chaque atome central, l’un après l’autre dans le cas de grandes molécules où se trouvent plusieurs atomes centraux. Le premier des atomes de carbone est un atome central et est connecté à deux noyaux •H et à un groupe =CH2, tandis que par symétrie on traitera le deuxième atome de carbone de la même manière. 1. Identifier l’atome central (annoté E, élément ou « atome d’intérêt »). L’atome central est, le plus souvent, l’élément le plus électropositif, autrement dit, celui qui se trouve le plus bas vers la gauche du tableau périodique. L’hydrogène ne peut pas être l’élément central, même quand il est l’atome le plus électropositif d’une molécule donnée. Si la règle de l’octet de Lewis s’applique à la plupart des éléments du bloc-p, ce n’est pas le cas pour l’hydrogène puisqu’il ne faut que deux électrons pour compléter la couche de valence qui contient deux électrons. Cela implique que l’hydrogène ne peut former qu’une seule liaison simple et sera toujours, de ce fait, « périphérique » et non central. Par conséquent, l’atome d’azote dans la molécule d’ammoniac (NH3) et celui de l’oxygène dans de l’eau (H2O) sont centraux, bien qu’ils soient plus électronégatifs que l’hydrogène.
Éléments bloc-p. Les éléments des 6 premières colonnes (13-18) du tableau périodique.
Tableau 1.4 Résumé de la procédure pour construire des structures de Lewis. Pour voir des exemples de cette procédure, cf. Tableau 1.5. Étape
Procédure
Commentaire
1
Identifiez l’atome central (ou atome d’intérêt).
D’ordinaire c’est l’atome le plus grand, c’est-à-dire le plus bas et le plus à gauche du tableau périodique.
2
Affectez les charges qu’elles soient positives ou négatives à cet atome central.
3
Disposez les atomes périphériques (ou les groupes d’atomes) autour de l’atome central et tracez des points pour représenter les électrons de valence pour l’atome neutre.
Utilisez un point pour chaque électron.
4
Connectez tous les groupes attachés à l’atome central au moyen de liaisons (simple, double ou triple).
Utilisez un électron de chaque atome pour chaque liaison. Cf. Tableau 1.3 pour les affectations des liaisons multiples.
5
Pour les cas où un groupe (ou plusieurs groupes) est connecté au travers de liaisons double ou triple, comme indiqué à l’étape 4, déplacez les charges négatives vers le(s) groupe(s) attaché(s) depuis l’atome central.
Par exemple, l’addition d’une charge négative à un atome d’oxygène terminal signifie que l’interaction OM ne s’écrit plus comme M−=O mais comme M–O−. Répartissez ces charges négatives (l’une après l’autre) de manière aussi égale que possible.
6
Remplacez les points – qui représentent des paires Si vous préférez – pour le moment – dessinez M:F d’électrons – par des traits, si vous le préférez. comme M–F et M::O comme M=O.
7
Les électrons qui restent sont des paires libres.
Les paires d’électrons libres peuvent se trouver sur l’atome central ou sur les atomes périphériques. Effacez à votre guise les paires d’électrons libres. (Fig. 1.3)
7
Les liaisons chimiques Tableau 1.5 Exemples de la procédure pour dessiner des structures de Lewis telles qu’esquissées dans le tableau 1.4. NH4+
Molécule
PF6–
SO42–
Étape 1
Identifiez l’atome central, E.
N
P
S
Étape 2
Affectez, pour l’instant, toute charge nette à cet atome central E.
N+
P−
S2−
Étape 3
Disposez les atomes et représentez tous les électrons de valence par des points.
Étape 4
Affectez tous les groupes attachés comme nominalement connectés par des liaisons simple, double ou triple, le cas échéant.
Étape 5
Ajustez les positions de toute charge négative s’il y a des liaisons multiples.
Étapes 6 et 7
Replacez les points des paires d’électrons de liaison par des lignes si vous avez une préférence.
2. Pour le moment, affectez toute charge globale de la molécule analysée à l’atome central. Les charges, qu’elles soient positives ou négatives, sont affectées à l’atome central, mais leur emplacement exact peut être ajusté s’il existe de multiples liaisons (cf. Étape 5). Par conséquent, la charge positive de NH4+ est affectée à l’atome d’azote tandis que les deux charges négatives de SO42− sont affectées à l’atome de soufre. 3. Disposez les groupes périphériques autour de l’atome central puis dessinez des points pour représenter les électrons de valence, y compris sur l’élément central E pour toute charge négative et, à l’inverse, effacez des points là où il y a des charges positives. 4. Considérez tous les groupes attachés comme connectés de façon nominale par des liaisons simples, doubles ou triples (Tableau 1.3). Représentez chaque liaison de la molécule avec un point (c’est-à-dire, un point par électron) de l’atome central et un du groupe périphérique. La plupart des groupes sont liés par des liaisons simples, mais certains comme l’O terminal possèdent deux liaisons (une liaison double) de façon à maintenir l’octet de Lewis pour l’O (O possède six électrons ce qui nécessite l’acquisition de deux électrons afin de compléter l’octet) ;
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1. Schémas de liaisons simples
ces deux électrons sont fournis par deux liaisons de partage d’électrons séparées. D’autres groupes périphériques sont liés à l’atome central par des liaisons triples, par exemple E≡N or E≡CR de manière à préserver l’octet de Lewis pour les atomes de N et de C respectivement. 5. Ajustez les emplacements des charges négatives si des liaisons multiples sont présentes. Pour les cas où une ou plusieurs liaisons multiples (telles que E=O) sont dessinées entre l’atome central et le groupe attaché, déplacez les charges négatives vers le groupe attaché. Un transfert d’une charge négative vers l’atome d’oxygène terminal signifie que l’interaction MO ne peut plus être représentée par la liaison double M−=O (deux paires d’électrons libres sur l’atome d’O) mais avec la liaison simple M–O− (trois paires libres sur l’atome d’O). La raison en est que le transfert de la charge négative vers l’atome d’oxygène augmente son nombre d’électrons, qui passe à sept ; cela signifie qu’une seule liaison est nécessaire pour compléter l’octet de l’oxygène. On justifie le fait d’affecter les charges négatives à l’atome terminal d’O de cette manière en ce sens que, puisque l’oxygène attire les électrons fortement (on dit que l’O est plus électronégatif que l’atome central), il s’ensuit que les charges négatives « appartiennent » à l’oxygène terminal. 6. Replacez les points représentant toutes les paires de liaison d’électrons par des traits pour identifier les liaisons, si on préfère disposer d’un diagramme de traits de Lewis. 7. Les électrons résiduels sont des paires libres. On peut représenter une paire quelconque d’électrons sur un atome central ou sur un groupe périphérique par des paires de points (ou pas, selon sa préférence) (Fig. 1.3).
ou
ou
ou
ou
Électronégativité décrit le pouvoir d’un atome d’attirer des électrons quand il fait partie d’une molécule et est une notion introduite par Linus Pauling. Il existe de nos jours plusieurs échelles d’électronégativité. Sur l’échelle de Pauling, par exemple, le fluor est l’élément le plus électronégatif et le césium le moins électronégatif (parmi les éléments non radioactifs).
ou
ou
ou
ou
ou
Fig. 1.2 Exemples de structures de Lewis des molécules polyatomiques. Il est assez courant d’omettre les paires libres des atomes périphériques ; dans le PF3, on écrit (:PF3) pour la paire libre du phosphore et on omet de mentionner les neuf pairs libres du fluor.
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Les liaisons chimiques
Fig. 1.3 Structures de Lewis où seules les paires libres des atomes centraux sont désignées en clair.
Liaison covalente de coordination1 Les bases de Lewis sont des donneurs d’électrons. Elles peuvent fournir une paire d’électrons par une coordination avec un acide de Lewis, produisant ainsi un adduit (cf. Glossaire) de Lewis. Acides de Lewis. Récepteurs de paires d’électrons. Adduit de Lewis. Une base de Lewis peut fournir une paire d’électrons par une coordination avec un acide Lewis, produisant ainsi un adduit de Lewis. Liaison de coordination (anciennement dative). La liaison de coordination est formée par une interaction entre espèces moléculaires, l’une étant le donneur et l’autre le récepteur d’une paire d’électrons à partager.
Parfois la structure de Lewis exige que les deux électrons d’une liaison simple viennent formellement d’un seul atome. Un excellent exemple ici est le H3N–BF3. Ce composé n’a qu’une liaison simple entre les atomes d’azote et de bore. Le bore n’a que trois électrons de valence et la structure a bien besoin des trois électrons pour connecter avec les atomes de fluor. Cependant, le NH3 possède une paire d’électrons libres et ces deux électrons servent à bâtir la liaison B–N puisque le bore n’a plus d’électrons résiduels. L’azote partage sa paire libre avec le bore dans un adduit H3N→BF3 (Fig. 1.4). Cela porte le nom de liaison covalente de coordination. Il est courant de voir cette interaction écrite comme H3N→BF3. Il faut comprendre que la flèche représente une interaction covalente avec deux électrons et ne peut être distinguée par rapport à n’importe quelle autre liaison présente dans cette molécule. Cette symbolique de la flèche, en un sens, est utile pour clarifier la comptabilité des électrons. En revanche, elle peut être gênante car la flèche semble impliquer que, d’une certaine façon, la liaison est différente d’une liaison d’une paire d’électrons partagée. Ce n’est pas le cas, et les deux liaisons, celle d’électrons partagés et la liaison covalente de coordination, ne sont que de simples liaisons à deux électrons. Dès qu’une liaison existe, il n’y a aucun moyen de distinguer une caractéristique dans cette liaison d’électrons qui diffère, selon le cas analysé. Dans l’exemple donné ici le NH3 est une base de Lewis et le BF3 un acide de Lewis. L’origine [de l’ancienne] appellation « dative » vient du latin dare, donner. On observera que la représentation H3N+−B−F3 est également valable.
Fig. 1.4 La réaction entre la base de Lewis NH3 et l’acide de Lewis BF3 créant l’adduit H3N→BF3.
Des exceptions à la règle de l’octet Il existe quelques exceptions à la règle de l’octet pour certains éléments dans la seconde période du tableau des éléments. Dans le BF3, le bore ne possède que six électrons dans la structure de Lewis du BF3 même si 1
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N.d.T. : anciennement « dative » (terme devenu obsolète).
1. Schémas de liaisons simples
tous les atomes de fluor atteignent la configuration de l’octet. En fait, la chimie du BF3 est dominée par la tendance du fluor de réagir face à une source d’électrons, pour pouvoir justement atteindre la configuration de l’octet. Autre exemple : le dioxyde d’azote neutre, NO2. Dans ce cas, les atomes ne peuvent pas tous atteindre l’octet puisque, additionnés, les électrons de valence de l’azote et les deux atomes d’oxygène représentent un nombre impair (5 + 6 + 6 = 17). On écrit cette molécule •+
•
sous la forme O=N − O − ou O=N ® O où l’azote est entouré de sept électrons plutôt que huit. La règle de l’octet est satisfaite pour beaucoup d’éléments principaux des groupes en dessous de la seconde période, mais il existe néanmoins encore des exceptions. Des molécules telles que celles du PF5 et du SF6 possèdent des atomes centraux où le compte d’électrons de valence dans les structures de Lewis augmente au-delà de huit. Parfois, ce phénomène s’explique par une participation à la liaison des orbitales mais d’autres descriptions (qui vont plus loin que ne le peut cet ouvrage) des liaisons dans le PF5 et le SF6 n’en ont pas besoin.
Structures de résonance Les règles énoncées ci-dessus offrent une structure de Lewis unique et acceptable, sans que cela ne garantisse qu’il s’agisse de la meilleure structure possible. Pour illustrer ce point, le schéma de [SO4]2− (étape 5, Tableau 1.5) est celui que l’on dessine le plus souvent, mais les calculs suggèrent qu’une structure avec des liaisons simples (étape 3, Tableau 1.5) est la plus importante. Dans certains cas, la molécule analysée est mieux décrite par plus d’une structure. L’acide acétique ou acide éthanoïque, MeCO2H, est partiellement ionisé en solution et forme de l’acétate d’éthyle, aussi appelé éthanoate d’éthyle, MeCO2− . Deux structures en points (Fig. 1.5) représentent assez bien l’éthanoate. Les deux contribuent à décrire la vraie structure et de façon égale. Les longueurs des liaisons de CO dans la vraie structure sont égales mais cela n’est pas rendu implicite ni par l’un ni par l’autre des hybrides de résonance. On qualifie alors la vraie structure d’hybride de résonance des deux structures « contributives ». Il ne s’agit pas d’un phénomène d’interconversion (qu’on appelle « oscillations » entre les deux structures). La vraie structure est simple, mais il est impossible d’aligner une structure de Lewis unique pour la représenter. Il est courant d’avoir recours à des structures de résonance et une excellente idée d’en devenir familiers.
L’hybride de résonance est une représentation de liaison de valence locale d’une molécule ; certaines molécules peuvent être représentées par plusieurs hybrides de résonance.
Fig. 1.5 Deux structures de résonance pour le MeCO2− représentées ici par des diagrammes de points et de traits (Lewis).
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Les liaisons chimiques
Les structures contributives pour l’éthanoate sont manifestement dégénérées. Dans d’autres cas, les structures de résonance ne le sont pas. L’anion cyanate, CNO−, est un bon exemple et ses deux structures les plus importantes ont les charges sur l’oxygène pour l’une d’elles et sur l’azote pour l’autre.
Liaisons polaires et molécules diatomiques asymétriques
Fig. 1.6 Deux manières de montrer qu’une liaison H–F est polaire.
Enthalpie d’ionisation. Le changement d’enthalpie lors de la réaction M → M+. Affinité électronique. Le changement d’enthalpie lors de la réaction M− → M.
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Des molécules diatomiques homonucléaires telles que N2, O2 et F2 sont symétriques, et il n’y a pas de déséquilibre de charge entre les deux atomes. Le partage des électrons dans ces composés se fait par liaison covalente. La liaison des molécules diatomiques telle que HF est également covalente mais il n’y a pas de raison, sauf par accident, qu’il n’y ait pas un déséquilibre de charge entre les deux atomes. Dans une molécule diatomique telle que H–F, c’est le fluor qui déplace la densité électronique en l’éloignant de l’hydrogène avec pour conséquence que la densité d’électrons est plus élevée à l’extrémité fluor de la molécule qu’à l’extrémité hydrogène. La liaison est polaire (Fig. 1.6). L’atome de fluor dans H–F est très électronégatif. Il existe une échelle d’électronégativité qui donne une mesure du pouvoir d’attraction exercé par les atomes pour attirer des électrons à l’intérieur des molécules. Les éléments qui réussissent ici – et nous avons cité le fluor – sont très électronégatifs. Ceux qui n’y arrivent pas sont faiblement électronégatifs, voire électropositifs. Il existe diverses échelles d’électronégativité, par exemple l’échelle de Pauling ou l’échelle de Mulliken, utilisées fréquemment. Les éléments qui se trouvent vers le haut et vers la droite du tableau périodique sont les plus électronégatifs. Ceux vers le bas et vers la gauche sont les moins électronégatifs, ou électropositifs. Le déséquilibre de charge représente ici une contribution ionique à la liaison H–F qui autrement serait covalente. La plupart des liaisons avec des atomes différents à chaque extrémité manifestent un déséquilibre de charge et peuvent être considérées comme ayant en quelque sorte une nature ionique. Examinons à présent le cas du fluorure de lithium, LiF. L’atome de lithium attire les électrons fortement et l’atome de lithium de même, mais faiblement. Une manière pour que les deux atomes satisfassent la règle de l’octet est de transférer un électron complètement depuis l’atome très électropositif du lithium vers celui du fluor très électronégatif. Le fluor atteint ainsi la configuration électronique du néon tandis que le lithium atteint celle de l’hélium. À la suite du transfert d’électron, ]− . Quand un électron est retiré la représentation de Lewis sera [Li]+ [:F: du lithium, cela correspond à une ionisation de l’atome alors que l’addition d’un électron au fluor est l’inverse d’une affinité d’électron. Les pénalités pour ce transfert d’électrons sont plus que compensées par les forces d’attraction électrostatiques entre les ions Li+ et F−. Il s’agit de ce que nous appelons la liaison ionique (cf. Section 1.4). C’est une forme de liaison privilégiée, notamment pour les cas diatomiques où l’un des atomes est électropositif et l’autre très électronégatif.
1. Schémas de liaisons simples
Dans la pratique, le transfert d’électrons n’est jamais tout à fait complet. Si un cation de lithium est placé proche d’un anion de fluor, le nuage d’électrons du fluor est déformé par la charge voisine. Le nuage d’électrons qui entoure l’anion est déformé en direction du cation. Cela représente un transfert partiel en retour de la densité électronique vers le cation le long de l’axe internucléaire. Si on place une partie de la densité de charge le long de cet axe internucléaire, cela constitue une liaison covalente partielle. Par conséquent, il est impossible d’arriver à une liaison ionique pure, puisqu’il y aura toujours un degré de distorsion du nuage de charges de l’anion. Vues sous cet angle, les structures diatomiques ioniques représentent une forme extrême de liaison polaire où la liaison est tellement polarisée que les électrons sont presque tous transférés à l’atome plus électronégatif. Dans la pratique, on peut placer n’importe quelle liaison sur un « spectre » typologique qui s’étend de la liaison covalente « pure » à la liaison ionique « pure », avec la quasi-totalité de molécules entre ces deux extrêmes. Ionique pure – très polarisée – peu polarisée – covalente pure
1.4. Structures ioniques Lewis avait observé que certains atomes vers la droite du tableau périodique formaient des anions en acquérant des électrons, de sorte que leur nombre total d’électrons de valence est égal à celui du prochain gaz rare. En revanche, les atomes des éléments se trouvant vers la gauche du tableau périodique forment des cations en cédant des électrons, de sorte que le nombre total d’électrons de valence est égal à celui du gaz rare précédent. Pour le sel (appelé familièrement « sel de table »), NaCl, le chlore prend un électron (Eq. 1.1) au sodium pour donner l’anion chlorure, Cl− (structure électronique de l’argon, règle de l’octet satisfaite) et atteint ainsi la configuration de l’octet, tandis que le sodium perd son électron de valence, devenant le cation Na+ (structure électronique du néon, règle de l’octet satisfaite).
Anion : Tout atome (ou composé) portant une (ou plusieurs) charge(s) négative(s). Cation : Tout atome (ou composé) portant une (ou plusieurs) charge(s) positive(s).
−
→ [Na]+ :Cl: [⋅Na] ⋅Cl: (1.1)
Bien qu’on écrive la formule chimique du sel : NaCl, il ne s’agit pas d’une molécule diatomique. Les composés ioniques tels que le sel sont constitués par des alignements de cations et d’anions formant des réseaux cristallins réguliers (Fig. 1.7). En un sens, les structures ioniques s’apparentent à des structures métalliques (cf. Section 1.5) puisque ces dernières existent aussi sous la forme de réseaux cristallins réguliers. Les anions sont physiquement plus grands que les cations. On peut donc visualiser le réseau cristallin d’un sel comme un alignement régulier et compact d’anions sphériques. Les cations se placent dans les intervalles, appelés « trous ». Il n’est pas facile de définir la taille d’un ion. Pour une espèce ne contenant qu’un seul élément, par exemple un métal, il peut sembler raisonnable de définir le rayon métallique comme la moitié de sa distance interatomique.
Fig. 1.7 Disposition des atomes dans un réseau cristallin de NaCl. Les ions du sodium sont plus petits que ceux du chlore.
13
Les liaisons chimiques
C’est une option qui n’est pas autorisée quand il s’agit d’un sel qui possède plus d’un élément. La distance entre les ions Cl− et Na+ est d’environ 282 pm et cette longueur définit la somme des rayons du Cl− et du Na+. On peut se poser la question : où commence le cation et où se termine l’anion quand il y a une interaction anion-cation dans un sel ? Si la taille de l’un des ions est connue (ou définie), on peut alors calculer la taille du second. La convention aujourd’hui consiste à définir la taille d’un anion (R.D. Shannon l’établit à 126 pm pour de l’O2 à coordinence 6 ; cf. Glossaire), puis d’utiliser cette valeur pour déterminer la taille de tous les autres ions (c’est-à-dire, les rayons cristallins) basée sur cette unique valeur initiale. La structure de l’halogénure NaCl du Groupe 1 est cubique (Fig. 1.7). Tous les halogénures ne présentent pas la même structure cubique. Quand la taille du cation est bien supérieure à celle du cation soude, il ne reste plus assez de place pour le cation dans les trous des alignements compacts d’anions cubiques. C’est, par exemple, le cas du cation de césium (174 pm). Le chlorure de césium (CsCl) possède une structure différente et son cation Cs se trouve entouré de huit anions de chlore et non six. Une mesure de la force d’une liaison pour un réseau cristallin est donnée par l’énergie du réseau. Il s’agit d’un changement de l’enthalpie associée au fait de réunir – dans le cas du sel de table – une mole de cations Na+(g) et une mole d’anions Cl−(g) pour former une mole de sel. Cette quantité ne peut pas être mesurée directement, et est dérivée indirectement en se servant d’autres chargements d’enthalpie qui sont à la fois connus et mesurables. D’un point de vue conceptuel, on peut aborder la question de l’énergie réticulaire (enthalpie de cristallisation) d’un cristal ionique d’un réseau – basée sur ses éléments constitutifs dans le cycle de Born-Fajans-Haber – de deux manières (Fig. 1.8). La formation du sel à partir de ses éléments composants dans leur état normal est appelée la formation d’enthalpie, ΔformationH, qui est une quantité mesurable directement. Cette enthalpie de formation est composée d’une série de processus constituants, à savoir l’atomisation du soude, l’atomisation du chlore, l’ionisation du soude, l’attachement des électrons au chlore et la formation du réseau. En appliquant la loi de Hess, la somme des changements d’enthalpie de ces processus donne l’enthalpie standard de formation. On peut alors calculer l’énergie réticulaire, à condition de connaître les enthalpies d’ionisation, d’atomisation, de la formation du réseau et de l’attachement des électrons. Dans de nombreux cas, on peut calculer les énergies réticulaires. Pour les cas où les énergies déterminées expérimentalement ne correspondent pas aux valeurs calculées – et en supposant que le composé analysé soit purement ionique – la divergence peut être due au fait qu’en fait le composé n’a pas une structure purement ionique : il y a une contribution covalente à la structure même. La nature de cette contribution est une distorsion des nuages d’électrons due aux cations voisins. Il y a une composante covalente dans les liaisons de tout cristal ionique, mais elle peut ne pas être conséquente.
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1. Schémas de liaisons simples
Δionisation
Δatomisation
Δatomisation
Fig. 1.8 Le cycle Born-Fajans-Haber pour le sel « de table », NaCl. La valeur de ΔatomisationH (Cl2) est la même que 0,5 Δdissociation de liaisonH (Cl2). Le terme ΔEAH (Cl) représente l’enthalpie d’attachement de l’électron et est le même que Δaffinité électroniqueH (Cl).
1.5. Structures métalliques Quelle que soit la nature de la liaison métal-métal, il y a des interactions entre atomes métalliques adjacents. Étant donné que les métaux ont des points de fusion très élevés, il doit y avoir des liaisons fortes et pourtant on peut changer leur forme physique facilement, ce qui suggère qu’il est possible de faire bouger les atomes les uns par rapport aux autres dans une masse métallique malléable. Il existe plusieurs manières de « visualiser » les liaisons métalliques. L’une consiste à voir le métal comme un alignement régulier de cations, chacun de ces ions étant un atome du métal en question moins ses électrons de valence. Ces électrons de valence se détachent du cation et les intervalles entre cations se remplissent d’une « mer » d’électrons détachés. Cette mer est « mouvante », ce qui explique la haute conductivité électrique des métaux. À un niveau d’analyse plus poussé, le comportement des électrons dans cette mer est décrit en invoquant le modèle des bandes d’énergie, mais cela dépasserait les objectifs du présent ouvrage. Quand on examine les structures de métaux à l’état solide, il est commode de considérer leurs noyaux comme autant de petites sphères dures rassemblées de manière compacte. Il faut visualiser la disposition des atomes (ou des sphères) dans l’espace 3D. Les atomes dans les métaux solides ne sont pas disposés de façon aléatoire : ils sont alignés selon des schémas cristallins réguliers en réseaux. Il existe un certain nombre de manières de disposer les noyaux des atomes métalliques en réseaux réguliers. L’une des plus faciles à visualiser conceptuellement
Puisque les liaisons métalliques impliquent des pertes d’électrons en direction de la « mer », ce processus est adopté par des éléments ayant de faibles énergies d’ionisation. Par exemple, sont inclus ici les éléments des blocs s-, d- et f- plus quelques-uns du bloc-p.
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Les liaisons chimiques
Fig. 1.9 Disposition cubique des atomes de l’élément polonium.
est le réseau cubique (Fig. 1.9). Cela peut sembler surprenant, mais un seul métal affiche cette forme cubique – le polonium. La quantité de liaisons maximale pour un atome métallique est atteinte quand il est entouré du maximum d’atomes métalliques possibles. Notre analyse exige alors de bien comprendre comment on peut compacter les billes (ou sphères) pour maximiser le nombre de billes qui entourent une sphère. Une approche consiste à disposer les sphères sur un plateau pour y occuper la plus petite place possible. Le résultat est visible dans la partie gauche de la figure 1.10. Nous notons la disposition hexagonale, mais aussi que chaque sphère est entourée par six autres sphères. L’étape suivante consiste à superposer une seconde couche de sphères sur la première. Dans la pratique, cette seconde couche se met en place naturellement, créant un réseau identique en apparence au premier, mais décalé (Fig. 1.10, centre). Afin de distinguer les deux couches, la première est étiquetée a et la seconde b.
Fig. 1.10 Structure compacte hexagonale ababab. Les couches a et b sont claires et sombres. La structure sur la droite montre quatre couches avec une rotation de 30°.
La troisième couche peut être placée de sorte que chaque sphère se trouve directement à la verticale d’une sphère de la première couche. Ainsi, on étiquette cette troisième couche a également et une structure avec trois couches est étiquetée aba. On peut poursuivre cette construction avec de plus en plus de couches et la structure résultante sera notée par exemple ababababababab (Fig. 1.10 à droite). Les sphères de cette structure sont empilées au maximum possible de la densité et on dit de cet empilement qu’il est compact. On dit même, étant donné le schéma hexagonal, que la structure est hexagonale compacte. Chaque sphère à l’intérieur de l’empilement est contiguë avec 12 autres sphères ; le nombre de coordination est 12. Il existe une autre possibilité : quand la troisième couche occupe une troisième position c, obtenue en plaçant les sphères au-dessus des trous que l’on voit clairement dans la structure (centre) de la figure 1.11. On en voit le résultat dans la partie droite de cette même figure. Par la suite, on place les couches de répétition pour créer la structure abcabcabcabc… que l’on appelle l’empilement cubique compact. La structure abcabc de la figure 1.11 réapparaît à la figure 1.12 après une rotation et les sphères noircies montrent clairement l’origine de l’expression empilement cubique compact.
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1. Schémas de liaisons simples
Fig. 1.11 Structure compacte cubique abcabcabc.
Connaissant les distances internucléaires pour un quelconque métal avec un empilement compact, il est possible de définir le rayon métallique pour ce métal comme la moitié de cette distance internucléaire. Puisque le nombre de coordination est 12, on se réfère au r12 pour ce métal. Les structures ababab et abcabc sont les plus efficaces en termes du pourcentage d’espace occupé par unité de volume, mais tous les métaux n’affichent pas l’une de ces deux structures sous leur forme normale. Les éléments des Groupes 1, 5 et 6, plus un ou deux autres métaux affichent une forme légèrement moins efficace d’empilement connue sous le nom de structure cubique centrée (Fig. 1.13). Avec cette forme d’empilement, au lieu d’avoir une première couche avec des atomes entourés de six autres atomes dans un réseau hexagonal, il y a des atomes entourés par quatre autres atomes dans un réseau carré. La seconde couche est déplacée de telle manière que les trous se trouvent remplis et est nécessairement aussi de forme carrée. La 3e couche se place naturellement à la verticale de la première couche, créant une structure abababab. La figure 1.13 montre une coupe de 16 atomes au travers de cette structure et illustre l’origine de l’expression « cubique centrée ». Les huit sphères en gris viennent de la couche voisine de la couche a pour former un parfait cube. Les huit autres sphères viennent de la couche b et les sphères noires du second ensemble d’atomes sont positionnées au centre précis du cube définis par les huit atomes a. On peut noter dans cette structure – sauf pour les atomes en périphérie – que chaque atome de la structure se trouve au centre d’un réseau cubique de huit atomes. Puisque le nombre de coordination est de huit pour de tels métaux, il n’est pas tout à fait correct de comparer directement un rayon r8, défini comme la moitié de la distance internucléaire dans les structures cubiques centrées, avec les valeurs r12 – il faut comparer ce qui est comparable. Au contraire, les valeurs des rayons obtenues pour les structures cubiques centrées sont converties de manière à refléter les valeurs qu’elles auraient si la coordination 12 était affichée (Fig. 1.14). À noter également que les rayons métalliques tendent à décroître au fur et à mesure que l’on s’approche du centre du bloc-d. Les premiers éléments du bloc-d sont physiquement plus petits que ceux de la deuxième et troisième série, qui ont approximativement la même taille.
Fig. 1.12 La structure abc de la Fig. 1.11 est tournée pour mettre en évidence l’origine de la terminologie cubique.
Fig. 1.13 Remplissage cubique centré. Les cylindres connectés à l’atome ne sont pas des liaisons, mais servent à mieux faire comprendre la géométrie des réseaux atomiques.
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Les liaisons chimiques Groupe
Fig. 1.14 Rayons métalliques relatifs (coordination 12) pour les éléments du bloc-d (groupes 3-12) et ceux du bloc-s (groupes 1-2).
1.6. Résumé • Les trois principales formes de liaison sont : covalente, ionique et métallique. • Une liaison covalente résulte de l’interaction de deux atomes liés par une paire d’électrons placés entre les deux atomes. • Les composés ioniques sont formés par des réseaux réguliers de cations et d’anions et la liaison ionique est le résultat d’attractions électrostatiques exercées entre les charges électriques des cations et celles des anions. • Il n’y a pas de déséquilibre de charge entre les deux atomes des molécules diatomiques homonucléaires tandis qu’il existe un déséquilibre entre deux atomes diatomiques hétéronucléaires et, dans ce cas, on dit que les liaisons sont polaires. On note une contribution ionique à la force de liaison en raison du déséquilibre des charges. • On peut considérer les métaux comme formant un réseau régulier de cations, chacun formé de l’atome métallique moins ses électrons de valence ; ces électrons de valence sont détachés de tout cation métallique isolé et les espaces entre les cations sont comblés par une « mer » d’électrons détachés.
1.7. Exercices et problèmes 1. Construisez les structures de Lewis pour H2O2, AlCl3, Al2O3, CO2, SO2, SO3, HCN, HNC, HNO3, HClO4, H2SO4, SF4, SF6, NO2−, NO2, N2O4, et NO2+. 2. Construisez les structures de Lewis pour les structures de résonance contributives de SO42−, O3, NO2, NO2−, NO3−, C6H6, et SCN−.
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2
Structure de l’atome
2.1. Introduction La chimie traite de molécules. Les molécules sont constituées d’atomes liés par des liaisons chimiques. Il est donc nécessaire de se rendre compte de la nature des atomes – qui participent au premier chef aux liaisons – et de comprendre ce que ces liaisons chimiques représentent. Il n’entre pas dans nos objectifs ici d’examiner en détail les aspects historiques de la théorie atomique, néanmoins un préambule historique se justifie.
2.2. Aspects historiques de la structure atomique Il y a plus de 2 000 ans, le philosophe grec Démocrite s’est demandé ce qui se passerait si l’on divisait la matière en deux parties, puis encore en deux parties, et encore et encore… Existe-t-il un moment où il devient impossible de la diviser ? Ou peut-on imaginer que le processus se poursuive sans fin ? Pour Démocrite, il existait bel et bien un point au-delà duquel le processus de subdivision s’avérerait impossible. Il a donné le nom d’« atome » aux morceaux « fondamentaux ». Il a bien senti que les différences entre diverses espèces de matière sont le résultat de variations de taille, de forme, d’espèce et des proportions d’atomes constitutifs. C’était en soi une déduction remarquable, mais qui n’a pas été beaucoup acceptée de son temps. Le hic avec sa théorie était que Démocrite n’avait aucun moyen de la vérifier. Lucrèce est un poète et philosophe romain du ier siècle av. J.-C. qui a écrit un long poème épique, De Rerum Natura, et où ses idées sur la Nature étaient basées sur les idées de Démocrite, telles que modifiées par Épicure. Lucrèce distinguait un univers primal contenant un nombre infini d’atomes en mouvement. Ces atomes, en se rencontrant, formaient de petites particules qui se combinaient pour donner d’autres particules, plus grandes et enfin ce sont ces particules qui se combinaient pour former les divers mondes. Il émit le postulat que des interactions, dues au hasard, ont créé les êtres vivants, dont il voyait l’âme comme un agrégat d’atomes, plus subtile que le corps. Ces idées peuvent nous sembler assez modernes, mais elles n’ont pas été acceptées à l’époque. Empédocle (philosophe, poète, ingénieur et médecin), et, plus tard Aristote, entretenaient des idées bien différentes. Pour eux les substances trouvées sur Terre étaient composées de matière et d’une essence.
Démocrite (né vers 460 av. J.-C. à Abdère en Thrace antique et mort en 370 av. J.-C.) : Philosophe de la Grèce antique connu pour ses théories sur l’atome.
Lucrèce (circa 94 av. J.-C.circa 55 av. J.-C.) : Poète romain, auteur de De Rerum Natura : La Nature des choses.
Aristote (384-322 av. J.-C.) : Philosophe grec dont les idées sur la science ont façonné les écoles de pensée jusque dans les âges médiévaux – et il a fallu des siècles pour les réfuter.
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Les liaisons chimiques Robert Boyle (1627-1691) : physicien et chimiste irlandais, considéré comme le fondateur de la philosophie naturelle moderne, devenue communément la physique. John Dalton (1766-1844) : chimiste et physicien britannique qui s’était penché aussi sur le défaut visuel qui porte son nom. Atome : du grec ancien ἄτομος [átomos], a-tome, ce qui ne peut être coupé. Joseph J. Thomson (18561940) : découvreur de l’électron (1897) et Prix Nobel de physique (1906).
Une substance ne contenait que de la matière première dont l’unique propriété était qu’elle était justement « matérielle ». Une combinaison de quatre éléments se superposait sur la matière première : la terre, l’air, le feu et l’eau. Ces éléments n’étaient pas, aux yeux des philosophes, « matériels », mais possédaient des caractéristiques telles que leur solidité, volatilité, énergie et « liquidité ». Les proportions des quatre éléments étaient censées permettre la création d’une espèce donnée de matière. Nous admettons volontiers qu’Aristote était un grand philosophe et ses réflexions sur la classification systématique en biologie sont puissantes, mais ses idées sur la chimie sont, en réalité, moins utiles. Il n’en demeure pas moins vrai que son influence sur d’autres penseurs fut immense et ses idées sur à peu près toutes les disciplines scientifiques étaient considérées, jusqu’au xviie siècle, comme la vérité. Il a fallu plus de 2 000 ans avant que le concept démocritéen des atomes ne renaisse. Robert Boyle s’était intéressé à la question de la composition de la matière dans un ouvrage intitulé The Sceptical Chymist en 1661. Dans les années 1800, John Dalton a conduit des expériences pour démontrer que la matière est constituée par des particules élémentaires, les atomes qui, en se combinant dans des proportions relatives mais fixes, formaient des molécules. Il n’empêche que la nature de ces atomes était loin d’être claire. Au début du xxe siècle, on avait bien compris que les atomes étaient composés des particules chargées, soit positives, soit négatives. Il revient au physicien anglais J.J. Thomson de proposer un modèle de la structure de l’atome, basé sur l’existence d’une masse amorphe, relativement grande, portant les charges positives et dans laquelle étaient implantés les électrons, chargés négativement (c’était le modèle dit du « plum pudding » (1904)).
Expériences de Rutherford Ernest Rutherford (18711937) : Physicien et chimiste britannique né en NouvelleZélande, le « père » de la physique nucléaire. Hans Geiger et Ernest Marsden, chercheurs supervisés par Ernest Rutherford.
Quelques-unes des conclusions raisonnables concernant la structure atomique étaient basées sur les expériences entreprises par Rutherford vers 1906 et, un peu plus tard (1909), par Geiger et Marsden. Ces expériences consistaient à diriger un faisceau de particules α (des noyaux d’hélium) sur une feuille d’or suspendue (Fig. 2.1). On a utilisé, pour créer le faisceau, du radium enfermé dans un bloc de plomb, ce qui permettait d’obtenir un faisceau parallèle de particules α.
Feuille d’or
Source de particules α
Particule α fortement déviée
Écran de détection des particules α
Fig. 2.1 Schéma de l’appareil de Rutherford pour analyser la dispersion de particules α passant au travers d’une mince feuille d’or.
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2. Structure de l’atome
En se basant sur le modèle de Thomson, on avait anticipé que le faisceau de particules α traverserait sans encombre la feuille d’or (Fig. 2.2), avec peut-être la déviation de quelques particules seulement. La raison ici est que le modèle de Thomson avance comme postulat que la matière est distribuée da manière plutôt uniforme à l’intérieur de l’atome. Les résultats, cependant, furent des plus surprenants. Certes, la majorité des particules α traversaient en effet sans obstacle la feuille d’or ; néanmoins, quelques particules étaient déviées et avec des angles assez élevés, parfois dépassant les 90°. De telles déviations n’auraient pu avoir lieu si le modèle de Thomson était un tant soit peu « raisonnable ». C’est ce qui a amené Rutherford à suggérer que l’atome comprenait un noyau, chargé positivement, relativement massif, très petit, et entouré d’un cortège d’électrons (Fig. 2.3). Les composants de l’atome restaient en place, et ce grâce aux forces électrostatiques. Presque toute la masse de l’atome se trouve dans le noyau, chargé positivement, même s’il est relativement petit comparé à la taille de l’atome entier. C’est quand une particule α s’approche du noyau de cet atome décrit par Rutherford que, de temps à autre, cela peut générer un angle de déviation conséquent. On sait aujourd’hui que le diamètre du noyau est d’environ 1/105 de celui de l’atome. Rutherford a suggéré que la raison pour laquelle la majorité des particules α traversent la feuille d’or sans aucune (ou peu de) déviation est que physiquement l’atome contient beaucoup d’espace vide et donc ne peut pas interagir avec les particules α qui y passent. Toutefois, à l’occasion, l’une des particules entre en collision (ou frôle) avec un noyau massif. Quand (et si) cela se produit, la trajectoire de la particule α est déviée considérablement (voire même reprend la direction d’où elle est venue). Ce sont des idées qui décrivent un atome très différent de celui de Thomson.
2.3. Modèle de Bohr de l’atome Le modèle le plus simple pour la structure atomique, basé sur les conclusions de Rutherford, est le modèle de Bohr, proposé par le physicien danois Niels Bohr, en 1913. Ce modèle lui a permis de rendre compte de manière satisfaisante des spectres d’émission et d’absorption de l’hydrogène atomique. Il a suggéré que les électrons (chargés négativement) tournent autour du noyau (chargé positivement) à des distances fixes suivant une série d’orbites. Son atome d’hydrogène (Fig. 2.4) comprend un petit noyau central de masse mn autour duquel tourne en orbite un électron chargé négativement, de masse me. La vitesse orbitale de cet électron est v et la distance de l’orbite du noyau est r. À tout moment, l’électron de l’atome d’hydrogène – s’il était seul – avancerait en ligne droite sur la trajectoire dictée par sa vitesse v. Cependant, l’électron en question n’est pas « seul ». Il est chargé négativement tandis que le noyau est chargé positivement. Entre le noyau et l’électron, il y a une force d’attraction électrostatique. L’effet de cette
Fig. 2.2 Résultat attendu de l’expérience de Rutherford sur la dispersion de particules α, basé sur le modèle de Thomson.
Fig. 2.3 Résultats réels de l’expérience de Rutherford sur la dispersion de par ticules α.
Niels Bohr (1885-1962) : Physicien danois qui a développé un modèle portant aujourd’hui son nom, où les niveaux d’énergie sont discrets avec des électrons se déplaçant sur des orbites stables autour du noyau.
Fig. 2.4 L’atome d’hydrogène, selon le modèle de Bohr.
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Les liaisons chimiques
Fig. 2.5 Échelle illustrant des nombres quantiques.
Quantum. Quantité fixe minimum pour une entité donnée, telle que toute autre quantité de l’entité sera exprimée en multiples entiers de cette quantité minimale. Quantisé. Le terme est utilisé quand une quantité physique (ou mathématique) est restreinte à une valeur dans un ensemble de valeurs fixes.
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force d’attraction est d’empêcher que l’électron s’écarte du noyau en suivant la ligne droite définie par v, au lieu de quoi il est contraint de se mettre en orbite circulaire autour du noyau. La magnitude de v reste constante mais sa direction change constamment, suivant la tangente de l’orbite circulaire. Mais il y a certains problèmes qui découlent du modèle Bohr de l’atome d’hydrogène. Quand un électron tourne autour d’un noyau, il génère un champ magnétique et l’interaction aurait comme résultat une perte d’énergie et de ce fait l’électron plongerait inexorablement en spirale vers le noyau. Pendant ce processus, l’électron rayonnerait de l’énergie constamment. Un second problème est que toutes les valeurs de r sont permissibles. Cela ne peut être le cas puisque le spectre atomique (Tableau 2.2) de l’hydrogène comprend des raies discrètes et n’est pas un continuum. Pour y remédier, Bohr a placé quelques contraintes sur son modèle atomique pour rendre compte de ces problèmes. Ces contraintes sont centrales à la validité de son modèle. Il a suggéré que seuls certains rayons orbitaux, r, sont permis. Ces orbites sont appelées les « orbites de Bohr ». Et, puisque seules certaines orbites sont permises, les rayons des orbites de Bohr sont quantizés. Chacune des orbites de Bohr possède une énergie particulière associée et toutes ces énergies peuvent être calculées. Et puisque les orbites sont ainsi quantizées, les énergies des diverses orbites sont également quantizées. Ce concept de quantization est présent dans notre quotidien tout comme il existe au niveau atomique. Imaginez que vous vous placez sur une échelle (Fig. 2.5). Vous ne pouvez pas vous positionner hors des rangs de l’échelle ; vous devez vous placer sur un rang. Maintenant, les rangs sont étiquetés avec des nombres 1, 2, 3… à partir du bas de l’échelle. On appelle ces nombres les nombres quantiques, désignant aussi la position sur l’échelle. Si votre nombre quantique est 3, cela signifie que vous vous tenez sur le 3e rang de l’échelle. D’habitude, l’atome d’hydrogène (selon Bohr) existe avec l’électron placé en une seule orbite, appelée orbite de Bohr avec la plus petite valeur permise de r. Quand on analyse la liaison chimique de l’hydrogène, il suffit de considérer cette orbite unique. Cependant, il existe des circonstances où l’atome d’hydrogène en question voit son électron sur une autre orbite, c’est-à-dire avec une valeur différente de r. De telles circonstances sont importantes quand on aborde des questions soulevées par la spectroscopie. Les orbites de Bohr sont étiquetées en se servant de leur nombre quantique. L’orbite la plus proche du noyau est étiquetée « 1 » ; l’orbite suivante est étiquetée « 2 », et ainsi de suite. Une simple équation (Eq. 2.1) donne des valeurs de r basées sur ces nombres quantiques, lesquels – en ce qui concerne les orbites de Bohr – reçoivent le symbole n : r = une constante multipliée par n2 = k × n2 (2.1) Pour la première orbite de Bohr, n = 1, ainsi la valeur de r est 12 multiplié par la constante k. Pour la seconde orbite, n = 2, donc a la valeur de 22 que multiplie k. À la condition de connaître la valeur de k, on peut calculer les valeurs de r sur la base des nombres quantiques n.
2. Structure de l’atome
Bien que la démonstration dépasse les objectifs de cet ouvrage, la valeur de la constante est donnée par l’équation 2.2. La quantité h est la constante de Planck, soit 6,62608 × 10−34 J s, ce qui représente la masse d’un électron stationnaire (9,10939 × 10−31 kg), e est la valeur de la charge électronique (–1,60218 × 10−19 C), ε0 est la permittivité du vide (8,85419 × 10−12 J−1 C2 m−1), et π = 3,14159. k=
ε 0h2 = 52,918 pm π mee 2
1 unité atomique = 52,918 pm = 1a0 (1 pm = 10−12 m ; 1a0 = 1 Bohr)
(2.2)
La constante k correspond à la longueur 52,918 pm et on la retrouve fréquemment dans des exposés de chimie théorique, en tant que longueur commode quand on analyse des objets à la dimension atomique. On s’en sert comme unité de taille atomique, un peu comme on se sert des kilomètres pour mesurer la distance géographique entre deux villes. La valeur possède son propre symbole, a0, et un nom le Bohr2. Le Tableau 2.1 donne les premières valeurs des rayons de Bohr r, d’après le calcul de l’équation 2.1. Les rayons des orbites de Bohr augmentent selon une loi carrée (n2), avec les valeurs 1a0, 4a0, 9a0, 16a0, et ainsi de suite (Fig. 2.6). Il nous serait utile de connaître l’énergie associée à l’électron de l’atome d’hydrogène dans son orbite de Bohr la plus basse. L’énergie totale, E, pour un électron est donnée par la somme de son énergie cinétique, KE, et de son énergie potentielle, PE. Si la charge portée par le noyau d’hydrogène est +e et si la charge sur l’unique électron est précisément –e, alors il ne faut connaître que la distance r pour calculer la valeur de E. Cela est explicité dans l’équation 2.3 (avec Z, la charge nucléaire = 1 pour l’hydrogène). On dira que l’énergie E est « fonction de r », c’est-à-dire E = f(r). E=−
ε : lettre grecque epsilon ; π : lettre grecque pi.
Tableau 2.1 Rayons des 4 premiers rayons de Bohr. 1 eV = 96,487 kJ mol−1 n
n2
1 2
r/pm
En/eV
1
52,9
−13,6
4
211,7
−3,40
3
9
476,3
−1,51
4
16
846,7
−0,85
E = KE + PE
e2Z (2.3) 8πε 0r
Étant donné que les rayons des orbites de Bohr sont quantizés, il s’ensuit que certaines énergies seulement existent pour un atome donné : donc l’énergie de l’atome est elle aussi quantizée. L’équation 2.3 montre la relation entre l’énergie E et le rayon de l’orbite. Si on y introduit la valeur de r et celle de la constante données par les équations 2.1 et 2.2, on arrive à l’équation 2.4, valable pour les atomes avec un seul électron (Z = 1 pour l’hydrogène). Cette formule peut rebuter jusqu’au moment où l’on se rend compte que tous les termes autres que n sont des constantes. On peut ainsi regrouper ces constantes en une seule, appelée k′. Dans l’équation 2.4 ci-après, on écrit l’énergie comme En, ce qui indique que cette énergie E est fonction de son nombre quantique n (c’est-à-dire déterminé seulement par ce nombre). En = −
Fig. 2.6 Tailles relatives des trois premiers rayons de Bohr.
mee 4 Z 2 k ′Z 2 = − 2 (2.4) 2 2 2 n 8ε 0 h n
2 N.d.T. :
Dans les unités SI, le CODATA de 2006 stipule que le système d’unités atomiques (u.a.) est rapporté aux électrons ; il est constitué par : longueur a0 ; le Bohr représente la distance noyau-électron la plus probable entre proton et électron dans l’atome d’hydrogène.
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Les liaisons chimiques
Énergie, E
Fig. 2.7 Système de niveaux d’énergie. Le symbole ∞ représente l’infini.
Les orbites plus proches du noyau correspondent à des valeurs de E les plus négatives. La valeur de E pour n = ∞ (E∞) est fixée à zéro, ce qui représente un point de référence. Plus n augmente, plus la valeur de E s’approche de zéro, mais avec des incrémentations plus petites (1/n2), un comportement opposé à celui des rayons des orbites de Bohr qui eux augmentent selon une loi au carré (n2). Chacune des énergies calculées pour les orbites de Bohr s’appelle son « niveau d’énergie ». Les valeurs de l’énergie associée aux niveaux d’énergie qui correspondent à chaque orbite de Bohr peuvent être tracées sur un diagramme de niveau d’énergie (Fig. 2.7). Chaque niveau d’énergie se voit affecter un nombre 1, 2, 3… Il s’agit des mêmes que les nombres quantiques vus plus haut. On appelle ces nombres quantiques particuliers les nombres quantiques principaux. En effet, ces nombres quantiques sont autant de noms donnés aux niveaux d’énergie. À la différence des rangs sur des échelles, il n’y a pas besoin de disposer d’intervalles réguliers pour les niveaux d’énergie. La figure 2.7 montre un système de niveaux d’énergie. Chaque niveau d’énergie se réfère à la quantité d’énergie d’un électron dans une orbite donnée. Il existe un nombre infini de niveaux possibles au niveau des atomes. Leurs énergies convergent, la limite étant étiquetée par un ∞ et l’énergie E∞ = 0. La plupart des niveaux d’énergie plus hauts affichent des énergies assez proches de zéro.
Propriétés spectroscopiques des atomes d’hydrogène
État fondamental : L’état de l’énergie de Gibbs la plus basse d’un système. Photon : Particule de charge nulle, masse au repos nulle, nombre quantique de spin 1, et qui transporte une force électromagnétique. Notez la distinction subtile entre v (vitesse) et ν (lettre grecque nu, fréquence).
Pour qu’un modèle de structure atomique soit jugé satisfaisant, il doit pouvoir représenter convenablement les liaisons chimiques. Il doit aussi pouvoir expliquer les propriétés spectroscopiques des atomes présents dans un élément donné. De ce point de vue, le modèle de Bohr est jugé plutôt satisfaisant. La lumière produite par une ampoule domestique classique est plus ou moins continue. Si on passe cette lumière par un prisme pour être projetée sur un écran, elle donne un spectre continu avec toutes les longueurs d’onde visibles. Toutefois, les atomes peuvent absorber une fraction de la lumière ; donc, si le faisceau de lumière passe d’abord par un gaz monoatomique, avant réfraction et projeté sur écran, le spectre observé n’est plus continu. Le spectre d’absorption montre une série de raies sombres, étroites, où certaines couleurs spécifiques sont absentes. Les schémas de raies sombres sont caractéristiques de chaque élément. On appelle la technique utilisée pour ces analyses la spectroscopie d’absorption atomique. Le spectre d’absorption atomique de l’hydrogène résulte du transfert de l’électron de son niveau d’énergie fondamental (le plus bas) vers un niveau plus haut. Ce faisant, l’atome gagne en énergie, la quantité étant la différence entre celle des 2 niveaux d’énergie due à la source de lumière. L’énergie du photon de lumière absorbée est donnée par une équation célèbre (Eq. 2.5) qui relie cette différence d’énergie, ΔE, à la fréquence du rayonnement, ν. ∆E = hν (2.5)
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2. Structure de l’atome
Dès lors que les atomes sont suffisamment chauffés, par exemple, au moyen d’une décharge électrique, ils émettent de la lumière. Les lumières sont caractéristiques – l’hydrogène affiche du rouge, le soude de l’orange, et ainsi de suite. La lumière émise ne présente pas un spectre continu, ce qui signifie, dans ce contexte, que toutes les fréquences ne sont pas émises. Le spectre est un fond sombre avec, superposée, une série de raies d’émission brillantes. On peut observer de tels spectres au moyen de la spectroscopie d’émission atomique. Dans cette technique, la source d’énergie fait monter l’électron depuis son niveau fondamental vers un niveau plus élevé. L’électron, excité, redescend ensuite à son niveau fondamental et, ce faisant, émet un quantum de lumière, appelé le photon. L’énergie du photon est égale à la différence d’énergie entre les deux niveaux d’énergie. Il est courant de voir la position d’une raie donnée dans un spectre atomique exprimé sous la forme de nombre d’ondes, ν l’inverse de la longueur d’onde de la lumière (Eq. 2.6). Évidemment, le nombre quantique de l’électron change quand celui-ci passe d’un niveau à un autre. Puisque la fréquence, ν, est liée à la longueur d’onde, λ (Fig. 2.8), par la formule λν = c (où c est la vitesse de la lumière = 2,9979 × 108 m.s−1), la substitution donne l’équation 2.7.
ν =
Nombre d’ondes : Réciproque de la longueur d’onde et dénotéν . Nombre d’ondes par unité de longueur dans le sens de propagation. L’unité SI est m–1, mais l’unité cm–1 est commune.
1 (2.6) λ
∆E = hν c
(2.7)
Cette équation illustre à quel point le nombre d’onde est utile ; puisque c et h sont des constantes, il s’ensuit que le nombre d’onde est directement proportionnel. Quand la valeur du nombre d’onde est doublée, l’énergie est aussi doublée. Le spectre d’absorption est formé d’une seule série de raies pour l’hydrogène. Elles apparaissent conséquemment à l’élévation de l’électron d’hydrogène 1s (n = 1) à un niveau supérieur (n = 2, 3, 4, etc.). La position de la première raie donne la différence d’énergie entre les niveaux n = 1 et n = 2. Il s’agit du plus petit saut qu’un électron au niveau fondamental puisse faire en absorbant de l’énergie et, par conséquent, la transition de niveau se fait à la longueur d’onde la plus longue (la fréquence la plus basse) dans la série de raies. La prochaine raie qui a une fréquence supérieure correspond à la transition 1 → 3. Étant donné que les niveaux d’énergie se rapprochent au fur et à mesure que n augmente (Fig. 2.7), la différence d’énergie entre les transitions 1 → x et 1 → (x + 1) diminue pendant que x augmente. Quand x tend vers ∞, les raies convergent vers une limite notée comme la transition 1 → ∞. Il s’agit là d’une transition intéressante dans la mesure où elle représente le minimum d’énergie nécessaire pour extraire l’électron complètement de l’atome d’hydrogène. Cette quantité d’énergie correspond à ce qu’on appelle l’énergie d’ionisation de l’hydrogène. Une façon pour déterminer l’énergie d’ionisation de l’hydrogène est donc de la calculer à partir du spectre d’absorption de l’hydrogène monoatomique.
vitesse, c
Fig. 2.8 Définition de la longueur d’onde, λ, pour la lumière.
Énergie d’ionisation. L’énergie d’ionisation est celle qu’il faut dépenser pour extraire un électron du niveau d’énergie le plus haut pour le transférer au niveau qui correspond à n = ∞.
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Les liaisons chimiques
Le spectre d’émission du dihydrogène (moléculaire) est plus complexe et comprend plusieurs séries de raies. L’électron gravit les niveaux d’énergie de l’hydrogène au fur à mesure qu’il absorbe de l’énergie à partir d’une source extérieure, par exemple, via une décharge électrique. Le processus d’excitation implique que l’électron acquiert davantage d’énergie. L’électron reste peu de temps au niveau supérieur d’énergie jusqu’au moment où il libère cette énergie en redescendant vers un niveau d’énergie plus bas, mais pas nécessairement au niveau fondamental (le plus bas). L’électron peut descendre par sauts pour finalement arriver au niveau fondamental. C’est en faisant ces sauts vers des niveaux plus bas que l’énergie en trop est libérée sous la forme d’un quantum de lumière. Des atomes autres que l’hydrogène ont le même comportement, par exemple, les atomes du sodium dans une flamme de Bunsen sont excités vers des niveaux plus hauts par l’énergie apportée par la flamme puis redescendent vers les niveaux plus bas en émettant de la lumière. La raie la plus forte du sodium se trouve dans la gamme visible orange du spectre ce qui explique la couleur jaune-orange, caractéristique de la flamme du sodium. La Figure 2.9 montre plusieurs manières pour que l’électron d’hydrogène se déplace vers des niveaux plus bas après être élevé à un niveau plus haut. Par commodité, elles sont regroupées en ensembles. Quand un électron descend, disons, au niveau fondamental, un photon – dont l’énergie est égale à la perte d’énergie subie par l’électron quand il se déplace vers le niveau fondamental depuis un niveau d’énergie plus haut – est émis.
Énergie, E
Fig. 2.9 Transitions entre niveaux d’énergie dans l’atome d’hydrogène.
L’ensemble des transitions sur la partie à gauche se termine au niveau n = 1. Une manière de représenter ces transitions est d’utiliser des flèches : 2 → 1, 3 → 1, 4 → 1, et ainsi de suite. Puisque tous les niveaux d’énergie convergent vers une limite qui correspond au niveau d’énergie n = ∞, il s’ensuit que la série de raies d’émission converge aussi vers une limite située à la transition ∞ → 1.
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2. Structure de l’atome
Cet ensemble de transitions qui s’étend jusqu’au niveau le plus bas (fondamental) correspond précisément, en termes des positions indiquées par le nombre d’onde, à l’ensemble des transitions que l’on peut voir dans le spectre d’absorption de l’hydrogène monoatomique. Un deuxième ensemble de raies (au centre) est un ensemble de transitions qui se termine au niveau n = 2 représentées ainsi : 3 → 2, 4 → 2, 5 → 2, etc. Et il y a encore un ensemble de raies qui se termine au niveau n = 3. Chacun de ces ensembles qui se terminent à un niveau inférieur donné se révèle comme une série de raies convergentes visibles dans le spectre d’émission. D’autres ensembles de raies correspondent à d’autres ensembles de transition, c’est-à-dire à différents transferts, notés n′ → n. On a donné à chaque série de raies le nom de son découvreur (par exemple série des raies de Balmer) (Tableau 2.2). Des séries existent pour n′ → 7 et plus haut, mais n’ont pas reçu de nom. Le modèle de Bohr rend bien compte du spectre de l’hydrogène monoatomique. Les ensembles de transition se créent du fait du processus de transfert entre les différentes orbites de Bohn permissibles. On peut prédire les positions des raies spectrales par le biais d’équations qui ont pour base les nombres quantiques de Bohr. La position exacte de chaque raie dans chaque ensemble est donnée par l’équation de Rydberg (Eq. 2.8). Fréquence = R
Tableau 2.2 Série d’émissions portant le nom du découvreur dans le spectre atomique de l’hydrogène. Découvreur
Transition
Lyman
n′ → 1
Balmer
n′ → 2
Paschen
n′ → 3
Brackett
n′ → 4
Pfund
n′ → 5
Humphrey
n′ → 6
( n1 − n1′ ) (2.8) 2
2
où n est le nombre quantique qui exprime le niveau d’énergie vers lequel la transition s’effectue, tandis que n′ est le niveau d’énergie d’où est partie la transition. R est la constante de Rydberg. Il est nécessaire que n′ > n. Les valeurs de n′ dans chaque série sont des nombres entiers, jusqu’à l’infini, ∞. Ainsi, pour illustrer, chaque raie de la seconde série de raies est donnée par l’équation 2.9. Pour calculer la valeur de 5 → 2, on prendra 5 comme valeur de n′ dans cette équation 2.9, qui donne l’équation 2.10. Fréquence = 109737
( 21 − n1′ ) cm
Fréquence = 109737
( 21 − 51 ) = 23045 cm
2
2
2
2
La constante de Rydberg est une constante physique fondamentale, symbole R∞ pour les atomes lourds et RH pour l’hydrogène. La valeur de R∞ est de 1,09737 × 107 m−1 souvent écrit 109,737 cm−1.
−1 (2.9)
−1 (2.10)
Quand n = 1 et n′ = ∞, la fréquence calculée de R cm–1 = 109 737 cm−1, ce qui, convertie, donne 1 312 kJ mol–1. Cela correspond à l’énergie d’ionisation de l’hydrogène, et la perte de l’électron dans la plage n = 1 à n′ = ∞. La constante de Rydberg R est liée aux constantes de l’équation 2.4 et la parfaite correspondance entre la valeur prédite pour R à la valeur déterminée expérimentalement pour R était un triomphe du modèle de Bohr pour le cas de l’hydrogène. L’idée qu’un électron puisse tourner en orbite autour du noyau est simple à saisir et, par conséquent, ce concept a été a très largement admis et accepté. Cependant, il est
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Les liaisons chimiques Peter Zeeman (1865-1943) : Physicien hollandais qui a étudié l’éclatement d’une raie spectrale en plusieurs raies par l’effet d’un champ magnétique statique. Arnold Sommerfeld (18681951) : Physicien allemand qui a proposé les nombres quantiques second (azimut) et quatrième (spin).
devenu rapidement clair que le modèle de Bohr pour l’hydrogène ne nous disait pas tout. Par exemple, le spectre atomique d’atomes soumis à un champ magnétique est différent de quand il n’y a pas de champ. Cela s’appelle l’effet Zeeman. Le modèle de Bohr simple ne peut pas expliquer cet effet. C’est dans cette perspective qu’un physicien théoricien allemand, Arnold Sommerfeld, a modifié le modèle de Bohr en suggérant qu’il existe des orbites elliptiques en plus des orbites circulaires. Il faut donc disposer d’un second nombre quantique. Mais si le modèle Bohr-Sommerfeld s’avère satisfaisant pour l’hydrogène, il est défaillant pour expliquer les spectres atomiques observés pour des éléments plus lourds. Ce modèle modifié n’explique pas non plus les propriétés périodiques des éléments exprimées dans le format du tableau périodique classique. Le modèle de Bohr finalement a cédé le pas devant un modèle plus sophistiqué, basé sur la mécanique ondulatoire.
Particule ou onde ?
Louis de Broglie (18921987) : Physicien français qui avait avancé le postulat que les électrons possèdent simultanément des propriétés ondulatoires et particulaires.
Il est souvent plus raisonnable de ne pas considérer les particules atomiques fondamentales comme des morceaux de matière durs, semblables à des billes billards. Les électrons sont des entités plutôt ténues dont on associe traditionnellement les propriétés avec à la fois les particules et les ondes. Par exemple, les faisceaux d’électrons diffractent en traversant des cristaux, d’une manière semblable à la diffraction de la lumière par un réseau de lignes espacées à intervalles réguliers, ou celle des rayons-X quand ils traversent un cristal. Il s’agit ici d’une propriété associée généralement avec les ondes plutôt qu’avec des particules. On peut même affecter une masse à un électron, la masse étant traditionnellement une propriété particulaire. De la même manière la lumière – que l’on pourrait supposer n’avoir que des propriétés ondulatoires simples – possède des propriétés associées aux particules, par exemple, un moment effectif, transmis par paquets quantizés appelés photons. D’un point de vue mathématique, la question, qu’il s’agisse d’électrons ou de lumière, à savoir s’ils doivent être considérés comme des particules ou des ondes, est clairement déterminée par le problème que nous analysons ici. Quelquefois, l’une des représentations s’avère plus utile et appropriée que l’autre. Il convient aussi de garder à l’esprit que, quel que soit le style de mathématiques, le résultat est un descriptif des propriétés des électrons ou de la lumière, mais pas la nature des électrons ou de la lumière. Cette « dualité particule-onde » était décrite par Louis de Broglie avec le postulat que toute matière possède des caractéristiques à la fois des ondes et des particules. Il a présenté une équation célèbre et de large portée (Eq. 2.11). Dans cette équation, la longueur d’onde s’exprime en fonction de la masse, m, et de la vitesse, v (ou moment, puisque celui-ci = mv).
λ=
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h (2.11) mv
2. Structure de l’atome
Ce postulat a mené à la suggestion que les particules et le phénomène d’ondes se réfèrent à des attributs différents de toute matière. Cela peut être une source de confusion. Mais notre expérience nous suggère que les choses sont soit particulaires soit ondulatoires mais pas les deux à la fois. Une bille est une particule et le son est une onde. Dans la pratique, la prétendue dualité ne devient significative que pour de très petites entités telles que des particules atomiques ou de la lumière. La difficulté, s’agissant de comprendre la nature des choses, réside dans notre difficulté à lier notre expérience quotidienne de la lumière et de la matière aux natures apparemment conflictuelles de particules aussi petites. L’explication tient à la dimension de la longueur d’onde. Pour tout objet visible, cette dimension est si petite qu’elle n’est pas perceptible. La longueur d’onde effective d’une particule n’est importante que lorsque celle-ci est minuscule. Prenons, pour illustrer ce point, une balle de cricket (ou de baseball) dont la masse est d’environ 150 g (5,5 onces) qui se déplace à une vitesse de 45 m.s–1 (100 miles/h). On obtient – par une substitution dans l’équation 2.11 – la longueur d’onde de l’onde en question, 6,63 × 10−34/(0,15 × 45) ≅ 10−34 m, ce qui est une très petite valeur. Par comparaison, le diamètre d’un atome est de l’ordre de 10−10 m. L’électron, stationnaire, dont la masse est d’environ 10−30 kg, se déplaçant à la même vitesse (45 m.s–1) a une longueur d’onde de Broglie d’environ 1,5 × 10−5 m, une longueur bien plus observable.
2.4. Orbites et orbitales Dans le modèle de Bohr, les électrons se déplacent en orbites autour du noyau. Dans le modèle prévu par la mécanique ondulatoire, cette vision d’électrons planétaires tournant autour d’un soleil nucléaire est moins utile. Deux informations importantes pour un électron dans un atome sont sa position et son moment cinétique. Il n’est, toutefois, pas possible de connaître et la position et le moment cinétique d’un électron à un instant donné. Cela découle d’un des résultats de ce qu’on appelle le principe d’incertitudes d’Heisenberg et que l’on peut illustrer comme suit : si on doit définir la position d’un électron, il est nécessaire de l’observer. Pour ce faire, étant donné sa taille minuscule, il faudrait disposer d’une sorte de super-microscope. Pour voir un objet sous microscope, il faut que la lumière incidente ait une longueur d’onde plus petite que celles de la lumière visible et en l’occurrence plus petite que les dimensions de l’atome visé (si tant est que la position de l’électron est définie comme étant au sein même de l’atome). De telles longueurs d’onde sont associées seulement avec des cas de rayonnement électromagnétique très intense (puisque E = hν). La lumière, à des longueurs d’onde si courtes, n’est pas visible à l’œil. Le rayonnement électromagnétique, c’est de la lumière, composée de photons. Ces derniers possèdent des propriétés associées aux particules, par exemple, ils ont un moment effectif.
Moment = masse × vélocité. À la fois la vitesse et la direction sont nécessaires pour définir la vélocité. Werner Heisenberg (19011976) : Physicien allemand dont le nom est associé au principe d’incertitude.
29
Les liaisons chimiques
Max Planck (1858-1947) : Théoricien et physicien allemand connu pour ses travaux sur la théorie de la mécanique quantique. La constante de Planck est une constante fondamentale, symbole h, avec la valeur 6,62607 × 10−34 J s. L’énergie E, d’un photon fréquence ν est donnée par E = hν.
Donc, si on se sert d’une lumière pour illuminer les électrons de sorte qu’ils deviennent visibles, le résultat est que les photons frappent les électrons leur transférant une partie de leur moment. Cela signifie que le moment initial d’un électron est modifié et il devient impossible alors – sans rayonnement supplémentaire – de le regarder à nouveau pour en déterminer l’étendue du changement de moment. Le fait même de regarder un objet, en l’occurrence un électron, modifie ses propriétés (son moment et sa position). Un objet qui n’est pas sous observation possède nécessairement des propriétés différentes de celles d’un objet observé. Si on désire obtenir des mesures plus précises quant à la position d’un objet, il faut utiliser les longueurs d’onde les plus courtes possible pour l’éclairer. Toutefois, cela veut dire qu’il faut appliquer une lumière plus forte avec la conséquence que la modification qui affecte l’électron sera encore plus significative. Il y a donc un prix à payer quand on veut une précision plus élevée pour déterminer la position de l’électron, car le moment cinétique de l’électron est modifié encore davantage. Une analyse rigoureuse de ce phénomène (et d’autres, apparentés) démontre que plus la position est connue avec précision, moins on connaîtra son moment cinétique et vice versa. De plus, il y a une limite absolue à la précision avec laquelle et le moment cinétique et la position peuvent être déterminés. Cela est exprimé dans l’équation 2.12 qui établit les relations entre les incertitudes de position et de moment à la valeur de la constante de Planck, h. Incertitude de la position × Incertitude du moment ≥
h (2.12) = 4π
Le fait qu’il soit impossible de connaître avec précision la position et le moment d’une particule α n’est pas désastreux en soi. Mais on utilise un autre traitement mathématique pour analyser ses propriétés. S’agissant des atomes, le plus fréquemment on parlera de la probabilité qu’un électron se trouve à tel endroit à tel instant. Et bien que la position de l’électron ne puisse être définie avec précision, la probabilité de le trouver à un endroit donné est un nombre qui peut être calculé. Si la probabilité (de trouver un électron à un certain emplacement) est élevée, on dit alors que la densité électronique est élevée à cet endroit. Ces représentations de densité électronique ou densité probabiliste pour des électrons dans les atomes, décrivent l’électron en fonction de sa position dans une région spécifique avec une densité électronique particulière pour chaque point dans l’espace. On donne à cet espace et à la description de la densité d’électrons associés le nom d’orbitale, terme clairement emprunté au modèle de Bohr. Une façon de visualiser la situation pour un atome d’hydrogène dans son état fondamental est la suivante. Imaginez que vous glissiez un fragment de pellicule photographique extraordinairement mince au travers du centre de l’atome, de telle manière que le noyau d’hydrogène se trouve dans le plan de la pellicule. Chaque fois qu’un électron traverse la pellicule, un point est inscrit et l’électron continue son chemin sans
30
2. Structure de l’atome
autre obstacle. L’étape suivante consiste à attendre un certain temps et de compter autant de points que possible. Le résultat de cette expérience pourrait ressembler un peu à l’image de la figure 2.10. Il s’agit d’une coupe de l’orbitale et le nuage de points représente la densité électronique. La densité des points sur ce plan donne une image de la densité de probabilité (ou densité électronique) dans cette région. À première vue, ce résultat peut sembler surprenant. Il est immédiatement évident que l’électron ne reste pas à une distance fixe du noyau ; en réalité, la densité des points augmente dès qu’il s’approche du noyau avec un maximum quand il arrive au niveau même de celui-ci.
Fig. 2.10 Représentation de la densité électronique dans un plan, pour l’atome d’hydrogène dans son état fondamental telle que calculée par une méthode de Monte Carlo. Le noyau de l’atome est au centre du plan.
Cette représentation par « densité de points » est utile, graphiquement parlant, mais pour être commode et précise elle doit être générée par l’emploi d’un logiciel spécifique sur ordinateur. D’autres représentations sont possibles et plus faciles pour un individu de les dessiner sur une feuille de papier. Si l’on dispose d’une formule mathématique qui exprime correctement la densité électronique, il devient alors possible de calculer une surface avec une densité d’électrons égale sur toute la surface et où il y a, disons, une probabilité de 40 % d’y trouver l’électron. Une autre surface peut correspondre à une probabilité de 80 % d’y trouver l’électron. Cette surface de densité égale a une forme spéciale et constitue la base d’une représentation de contour. Les contours (Fig. 2.11) représentent les frontières à l’intérieur desquelles existe une certaine probabilité de trouver la position de l’électron. Plus le volume est grand, plus il y a de chances de le trouver. C’est – encore une fois – une excellente façon de représenter une orbitale mais s’il faut dessiner de nombreux contours avec précision, il faudra disposer d’un logiciel et d’un ordinateur adéquats.
31
Les liaisons chimiques
Fig. 2.11 Représentation de contour (a) d’une densité électronique pour l’atome d’hydrogène dans son état fondamental (valeurs données en %) et représentation de frontière (b) de l’hydrogène, également dans son état fondamental.
Il suffit souvent de ne dessiner qu’un contour et de s’en satisfaire pour décrire la forme de l’orbitale plutôt que de tenter autrement d’indiquer la densité électronique. Des diagrammes de ce type (Fig. 2.11) s’appellent souvent des représentations de frontières. Celles-ci souvent deviennent la manière la plus commode de représenter une orbitale puisque plus rapide à dessiner, mais en fait elle ne donne pas beaucoup d’information quant à la structure de l’orbitale autre qu’une vague impression s’agissant de sa forme. Fréquemment, la ligne de contour de pourcentage de probabilités dont on se sert n’a même pas d’étiquette – il s’agit juste de la forme de l’orbitale jugée d’intérêt. Si besoin, on pourrait définir ce contour (ou frontière) unique comme la surface à l’intérieur de laquelle, disons, 90 ou 95 % de la densité électronique se trouve. Cette représentation extrêmement simple est utilisée couramment par toute la communauté des chimistes.
Quantization des orbitales et de l’énergie
Erwin Schrödinger (18871961) : Physicien, philosophe et théoricien scientifique autrichien qui a développé les équations d’onde de la théorie de physique quantique.
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L’un des prérequis du modèle Bohr-Sommerfeld est que les orbites électroniques soient quantizées, mais de manière apparemment arbitraire, pour faire en sorte que les données expérimentales soient « conformes ». Le modèle Bohr-Sommerfeld n’explique pas pourquoi il y a quantization des niveaux d’énergie. Un indice et un début d’explication se trouvent dans les propriétés ondulatoires des électrons. Erwin Schrödinger a suggéré qu’une manière d’avancer sur ces questions était de souligner davantage la nature ondulatoire des électrons. Il a établi des équations pour décrire ces propriétés ondulatoires dans les atomes, en se servant d’une méthode appelée alors mécanique ondulatoire pour décrire la nature des électrons dans leurs orbitales (niveaux d’énergie) au moyen des équations d’onde. Le comportement d’autres systèmes plus familiers peut être décrit par les équations d’onde. Une corde tendue sur un instrument à cordes produit exclusivement certaines notes de musique, les notes
2. Structure de l’atome
fondamentales et quelques harmoniques de celles-ci. Cela signifie que les vibrations d’une corde fixée aux deux extrémités sont quantizées ; c’est une conséquence parfaitement naturelle de sa disposition physique avec les deux extrémités en position fixe. Cela détermine les conditions de frontière des équations d’onde pour établir une description des notes émises et c’est pour ces raisons que les longueurs d’onde produites sont quantizées. De même, les équations d’onde utilisées pour décrire le comportement de l’électron de l’atome d’hydrogène demandent que soient imposées des conditions de frontière parfaitement naturelles. Dans la plupart des cas analysés, il n’est pas possible de résoudre des équations de Schrödinger avec précision, mais pour un atome avec un électron tel que l’hydrogène, c’est possible. Il y a d’ailleurs plus d’une solution à ces équations. Les solutions pour ces équations différentielles font intervenir la quantization assez naturellement. La raison ici réside dans les conditions de frontière imposées. Ces conditions exigent que l’équation soit finie, à valeur unique et continue. Étant donné qu’il y a une probabilité de 100 % de trouver l’électron quelque part dans son orbitale, il est évident que l’équation ne peut tendre vers l’infini pour aucun des points relevés : toutes les valeurs de l’équation doivent être finies. Il ne peut y avoir qu’une seule valeur de probabilité de trouver l’électron à un point donné ; c’est-à-dire que l’équation ne doit avoir qu’une valeur à chacun des points. Il n’est pas déraisonnable de voir que les équations introduisent des sauts soudains des valeurs en se déplaçant d’un point à un autre : c’est-à-dire que l’équation doit être continue. Chaque solution correspond à un niveau d’énergie et chaque niveau d’énergie de l’atome d’hydrogène est prédit correctement par les solutions aux équations d’onde. Souvent les solutions ici impliquent des familles d’équations dont la spécification demande un recours aux nombres quantiques. Dans le cas de l’équation de Schrödinger pour l’hydrogène, les solutions requièrent 3 nombres quantiques pour chaque spécification. Ces nombres sont représentés par n, l et ml (Tableau 2.3). Tableau 2.3 Les trois premiers nombres quantiques. Symbole
Description
N
Nombre quantique principal ou de façon plus graphique, le nombre quantique de taille orbitale. Ce nombre, entier, peut avoir une valeur de 1 à l’infini.
L
Quantique du moment angulaire ou d’azimut ou de façon plus graphique, le quantum de forme orbitale. Pour une valeur donnée de n, l peut avoir n’importe quelle valeur, en nombre entier, de 0 de (n – 1).
ml
Nombre quantique magnétique, ou de façon plus graphique, le nombre quantique d’orientation orbitale. Les valeurs permises dépendent de la valeur de l et peuvent avoir n’importe quelle valeur, en nombre entier de –l en passant par zéro et jusqu’à +l.
33
Les liaisons chimiques Tableau 2.4 Rapports des nombres quantiques aux noms des orbitales. n
1
2
2
2
2
3
3
3
3
3
3
3
3
3
l
0
0
1
1
1
0
1
1
1
2
2
2
2
2
ml
0
0
−1
0
1
0
−1
0
1
−2
−1
0
1
2
Nom
1s
2s
2p
2p
2p
3s
3p
3p
3p
3d
3d
3d
3d
3d
Par une application de ces règles, nous pouvons construire un tableau des niveaux d’énergie. Il n’y a qu’un niveau d’énergie pour n = 1, quatre pour n = 2 et neuf pour n = 3. Chaque ensemble d’orbitales qui correspond à une des valeurs de n s’appelle une couche. Il y a donc 1 orbitale pour la première couche, 4 pour la seconde et 9 pour la troisième. On appelle chaque ensemble d’orbitales à l’intérieur d’une couche ayant la même valeur de ml, une sous-couche. Ainsi, il n’y a jamais qu’une orbitale pour chaque sous-couche avec l = 0, trois orbitales pour chaque sous-couche où l = 1 et cinq pour chaque sous-couche où l = 2. Il n’y a qu’une sous-couche dans la couche n = 1, deux pour la couche n = 2, et trois pour la couche n = 3 (Tableau 2.4). En ce qui concerne l’atome d’hydrogène selon le modèle de Bohr, il est possible de calculer l’énergie associée à chacune des solutions obtenues pour cet atome par les équations d’onde. En effet, toutes les orbitales d’une couche donnée sont dégénérées, c’est-à-dire que leurs énergies sont strictement égales. Par exemple, au niveau n = 3, les neuf orbitales sont toutes dégénérées. Ceci n’est vrai que pour les systèmes à un électron, tel que l’hydrogène, et n’est plus vrai pour tout système ayant plus d’un électron.
Appellation des orbitales Tableau 2.5 Dépendance du nom orbital sur l. l
Nom Origine du nom
0
s
1
p
Principal
2
d
Diffuse
3
f
Fundamental
Sharp
Comme on peut le voir dans le Tableau 2.5, les orbitales sont nommées d’après leur nombre quantique. La première partie du nom est le nombre quantique principal ; la seconde partie est liée à ce qu’on appelle le nombre quantique de forme orbitale. L’origine des noms avec des lettres s, p, d et f est historique et liée à la nature des raies spectroscopiques. Les orbitales avec des valeurs de l (> 3) reçoivent des noms alphabétiques qui démarrent à g. À l’inverse, il doit être clair que le nom d’une orbitale en particulier définit en même temps les nombres quantiques pour cette orbitale. La solution unique où n = 3 et l = 0 s’appelle l’orbitale 3s. Les 3 solutions où n = 3 et l = 1 s’appellent toutes des orbitales 3p. Chacune de ces dernières a une valeur différente de ml. Les 5 solutions où n = 3 et l = 2 s’appellent toutes les orbitales 3d (Tableau 2.4). Comme précédemment, chacune de ces dernières a une valeur différente de ml.
Orbitale d’hydrogène 1s Rayon de Bohr. Unité de longueur atomique (52,9 pm).
34
La solution pour le niveau d’énergie le plus bas dans la fonction d’onde pour l’atome d’hydrogène porte le nom d’état fondamental et le nom donné à cette solution (orbitale) pour la fonction d’onde est 1s (puisque
2. Structure de l’atome
n = 1, l = 0 et ml = 0, qui est l’unique solution pour la première couche). L’équation d’onde pour l’orbitale, ψ1s, (prononcée « (p)si 1s ») est donnée par une fonction exponentielle, équation 2.13, où la seule variable est r, la distance qui sépare l’électron du noyau. La valeur a0 est le rayon de Bohr (52,9 pm). Le nombre e est approximativement 2,71828 un nombre aussi significatif dans son domaine que p. Il ne doit pas y avoir de méprise avec une autre unité, e, à savoir la charge électrique portée par un électron. Dans bon nombre d’applications en chimie, les équations se trouvent simplifiées par un recours au rayon de Bohr, a0, comme unité de longueur, plutôt que le picomètre (pm) ou l’angström (Å), et par conséquent l’équation 2.13 est réduite à l’équation 2.14. 3/ 2
ψ 1s =
1 1 π a0
ψ 1s =
1 −r e (2.14) π
e − r / a0 (2.13)
La valeur maximale de ψ1s est enregistrée au niveau du noyau (r = 0, cf. Fig. 2.12). La valeur de ψ1s dépend uniquement de la distance de séparation du noyau et non de son orientation. La symétrie de la fonction d’onde ψ1s est sphérique. La valeur de ψ1s est positive pour toute valeur de r et non-zéro jusqu’à r = infini.
Fig. 2.12 Représentation de la fonction d’onde ψ1s pour l’orbitale d’hydrogène 1s, plus des tracés de ψ1s2 et la fonction de distribution radiale 4πr 2ψ1s2.
Nous pouvons à présent relier la densité électronique que nous avons abordée plus haut à la fonction d’onde. Cela ne sert pas à grand-chose de relier les valeurs de la fonction d’onde à une quelconque propriété physique car il n’y a simplement pas de signification physique à trouver. Toutefois, la valeur de ψ2 a une signification physique, à savoir que ψ2 correspond à la densité électronique. La valeur de ψ2 est reliée à la notion de probabilité de trouver un électron à cet emplacement ou une mesure de la densité électronique à cet endroit. Un tracé de ψ2 pour l’orbitale 1s est superposé sur celui de ψ dans la figure 2.12.
y2 = densité de l’électron.
35
Les liaisons chimiques
Surface
Profondeur
Fig. 2.13 Volume d’une boîte.
La densité électronique est maximale pour cette orbitale 1s dans le voisinage du noyau. Ce n’est pas la même chose que de dire qu’il est plus probable de trouver l’électron au niveau du noyau. Après tout, il n’y a qu’un endroit où r = 0, tandis qu’il existe de nombreux points à la surface de la sphère, avec, par exemple, r = 100 pm. Reformulé sans trop de précision ou de rigueur, cela revient à dire que le nombre de points associés à une valeur donnée de r augmente proportionnellement à la surface de la sphère, c’est-à-dire, proportionnellement à 4πr2. Afin de disposer d’une représentation plus utile, nous avons besoin d’une fonction de distribution radiale qui décrira la quantité de densité électronique qu’on est supposé trouver pour une valeur donnée de r. Une telle fonction montre qu’il est plus vraisemblable de trouver l’électron au rayon de Bohr qu’à n’importe quel autre rayon. Bien que la densité électronique ψ2 soit plus grande au niveau du noyau, pour mieux saisir le sens de cette fonction de distribution radiale, il convient de prendre en considération plusieurs concepts apparemment non liés. Pour cela, nous imaginons une boîte remplie d’un gaz d’une certaine densité. Le poids total de gaz est donné par la formule : volume × densité (Fig. 2.13). Le volume est donné par la multiplication de la surface du couvercle par la profondeur de la boîte. Si la densité du gaz est constante dans le volume, le calcul du poids est des plus simples. La situation de la densité électronique est analogue mais plus difficile à calculer puisque cette densité n’est pas constante et la forme de l’orbitale est sphérique, du moins pour le cas de l’hydrogène dans son état fondamental. D’un point de vue mathématique, il faut procéder par une intégration de la densité électron en termes du volume de l’orbitale. Et pour mieux visualiser le processus d’intégration, nous allons avoir recours à l’image d’un oignon. Une orbitale sphérique peut être mentalement décomposée en couches tout comme un oignon (mais attention – ne pas confondre ces couches avec les couches des orbitales !). La propriété intéressante pour chaque couche est que si l’anneau est mince, la densité électronique dans cet anneau d’oignon d’orbitale est plus ou moins constante. Il s’ensuit que si le volume de la couche d’oignon orbitale est connu, le total de la densité électronique dans cette couche peut être calculé en se servant de l’équation 2.15. Le volume d’une mince couche d’oignon est aussi donné par la formule : surface × épaisseur de la couche. La surface d’une sphère est donnée par 4πr2. Puisque la densité électronique est ψ2, et la surface 4πr2, alors la densité électronique totale à un rayon r est donnée par l’équation 2.16, en supposant que des couches minces aient une épaisseur identique. total dans la couche « oignon orbital » = surface × épaisseur × e– densité
(2.15)
total = 4πr2ψ2 × épaisseur de la couche
(2.16)
Dans ce cas, la réponse est connue. Pour l’orbitale d’hydrogène 1s, avec son électron unique, la somme de la densité électronique de toutes les couches d’oignon d’orbitales est d’un électron. La quantité 4πr2ψ2 est proportionnelle au total de la densité électronique pour n’importe quelle
36
2. Structure de l’atome
valeur de r. Un tracé de la fonction est inclus dans la figure 2.12. Pour le processus d’intégration, on met en œuvre un processus analogue, mais où l’épaisseur de la couche est modifiée, au point qu’elle devient quasi invisible. Le tracé de la distribution radiale montre que la position de l’électron est identifiée pour une gamme de distances, mais qu’en toute probabilité il se trouve au rayon de Bohr, soit a0. Et puisqu’il n’est pas possible de dire avec précision où l’électron se trouve à un temps t donné, il vaut mieux parler de la probabilité de trouver l’électron à une distance donnée.
Autres orbitales s d’hydrogène L’orbitale décrite ci-dessus est la 1s, qui contient l’électron quand l’atome d’hydrogène se trouve dans son état fondamental. Et comme pour cette orbitale 1s, les autres solutions, 2s, 3s, 4s, etc., sont toutes sphériquement symétriques. Ces solutions représentent des orbitales vides dans l’état fondamental de l’atome. Il est possible qu’elles soient occupées si l’électron de l’état fondamental est élevé de l’orbitale 1s vers, disons, la 2s. Si l’électron de l’atome d’hydrogène se trouve dans une orbitale autre que la 1s, on dira qu’il est dans un état excité. Un électron de chacune des orbitales 1s, 2s et 3s est représenté par des diagrammes de points dans la figure 2.14. Dans chaque cas, l’échelle et le nombre de points sont identiques, ce qui autorise une comparaison des tailles relatives et des densités électroniques. Il en ressort un certain nombre de caractéristiques importantes, la plus évidente étant que les orbitales augmentent en taille au fur et à mesure qu’augmente leur nombre quantique principal. Cela correspond – dans le modèle de Bohr – à l’augmentation de la taille des orbites.
Fig. 2.14 Diagrammes de densité par points qui représentent les orbitales (a) 1s (hydrogène), (b) 2s (lithium), et (c) 3s (sodium). Le noyau des atomes est au centre de chaque carré qui mesure 20 a0 de large.
Ensuite nous avons les nœuds radiaux. L’orbitale 2s (Figs. 2.14 (b) et 2.15) montre un anneau autour du noyau où la densité électronique décroît jusqu’à zéro. Les représentations, en 3D, montrent qu’il s’agit d’une surface sphérique à laquelle la densité électronique descend jusqu’à exactement zéro. On appelle cette caractéristique un nœud. L’orbitale 3s possède deux nœuds radiaux. En général, le nombre de nœuds radiaux que parente une orbitale s avec un nombre quantique principal n est n – 1.
37
Les liaisons chimiques
Fig. 2.15 Tracé de ψ et 4πr 2ψ 2 pour l’orbitale d’hydrogène 2s.
Les équations mathématiques utilisées pour représenter ces orbitales ont l’air assez redoutables, mais en fait elles s’appuient sur les fonctions exponentielles liées à celle de l’orbitale 1s que nous avons vue plus haut. Les équations 2.17 et 2.18 montrent les formules associées à ces orbitales et pour être clairs, nous prenons l’unité de longueur a0, comme dans l’équation 2.14.
ψ 2s =
1 (2 − r ) e − r / 2 (2.17) 4 2π
ψ 3s =
1 (27 − 18r + 2r 2 ) e−r / 3 (2.18) 81 3π
Il s’avère toujours enrichissant de tracer les fonctions d’onde ψ2s et ψ3s et il devient rapidement évident que les nœuds radiaux représentent des surfaces sphériques où le signe de la fonction d’onde bascule, c’est-à-dire de positif à négatif (ou inversement). Par exemple, la fonction d’onde pour l’orbitale 2s (Fig. 2.15) change de négative à positive à une certaine distance du noyau. Cette distance est variable, selon l’identité de l’élément. La fonction d’onde pour l’orbitale 3s (Fig. 2.16) change de signe deux fois, de positif à négatif puis retour au positif, et c’est pour cette raison qu’il y a deux nœuds radiaux. La densité électronique n’est pas affectée par le signe de la fonction d’onde ; rappelons que l’on calcule la densité électronique à partir de la fonction d’onde par une élévation au carré, ce qui, dans le cas de nombres réels négatifs, donne toujours un résultat positif (ou parfois zéro si la fonction d’onde a justement la valeur zéro à cet emplacement). Tout cela paraît raisonnable puisque d’instinct on voit qu’il ne peut jamais y avoir de densité électronique négative ou de probabilité négative. Du positif voire un zéro, nous admettrons, certes, mais jamais du négatif. Les traces des distributions radiales pour les orbitales 1s, 2s et 3s se font conjointement dans la figure 2.17, à la même échelle, pour permettre une comparaison raisonnable. La taille effective des orbitales s augmente au fur et à mesure qu’augmente le nombre quantique principal associé. Il doit également être clair que, pour n = 2 et n = 3, bien que la densité électronique soit plus grande dans les régions proches du noyau, en raison des volumes plus grands impliqués quand on s’en éloigne, la plus grande densité électronique se trouve dans la région la plus éloignée des orbitales 2s et 3s.
38
2. Structure de l’atome
Fig. 2.16 Tracé de ψ et 4πr 2ψ 2 pour l’orbitale d’hydrogène 3s.
Fig. 2.17 Les fonctions de distribution radiales pour les orbitales 1s (H), 2s (Li), et 3s (Na) par rapport aux quadrants de la représentation de la densité électronique par points, tracées jusqu’à 10 a0. L’orbitale 3s révèle deux nœuds sphériques et radiaux, l’orbitale 2s un nœud et l’orbitale 1s aucun.
Orbitales p d’hydrogène Les orbitales p (l = 1) ont des allures très différentes. Une orbitale pour chacune des orbitales 2p et 3p de l’atome d’hydrogène est tracée figure 2.18. Quand le nombre quantique principal augmente, la taille totale de l’orbitale augmente. Toutefois, l’observation la plus frappante ici est que les orbitales ne sont pas symétriquement sphériques mais sont « directionnelles ». La forme de ces orbitales peut être générée à partir des coupes 2D en faisant tourner l’axe vertical (celui qui parcourt la page de haut en bas).
39
Les liaisons chimiques
Fig. 2.18 Diagramme de densité électronique passant par le plan qui contient le noyau pour une orbitale 2p. Le noyau se trouve au centre du carré.
Examinons d’abord l’orbitale 2p (Fig. 2.18) qui représente la solution pour laquelle ml = 0. Puisque cette orbitale voit la majorité de sa densité électronique placée le long de l’axe z, elle porte le nom d’orbitale 2pz. Les orbitales 2p possèdent un nœud. Dans chaque cas, on trouve un plan nodal qui divise les deux lobes de l’orbitale (dans le cas de l’orbitale 2pz, il s’agit du plan xy). Comme dans le cas des orbitales s, quand le nombre quantique principal augmente, la surface nodale croît également. Quand n = 2, les solutions d’orbitales aux fonctions d’onde ont les étiquettes 2p1, 2p0, et 2p−1 (où les indices 1, 0, et −1 indiquent les trois valeurs possibles pour ml). Ces trois solutions ne conviennent pas aux besoins de ce livre, puisque les équations des orbitales 2p (pour lesquelles ml = +1 et −1) contiennent le nombre imaginaire i, racine carrée de −1. Pour avancer ici, il convient de « mixer » ces deux solutions au moyen de combinaisons linéaires. Le résultat de ces combinaisons est qu’il y a deux orbitales d’apparence identique à celle de 2pz, mais orientées le long des axes x et y, de la même manière que l’orbitale pz est orientée le long de l’axe z. Ces deux nouvelles orbitales s’appellent donc 2px et 2py et on notera que leurs équations (respectivement équations 2.19 et 2.20) ne contiennent plus le nombre imaginaire i.
ψ 2px =
1 (ψ 2p1 + ψ 2p−1 ) (2.19) 2
ψ 2py =
1 (ψ 2p1 − ψ 2p−1 ) (2.20) 2
Les trois orbitales 2p (Figs. 2.19 et 2.20) sont identiques pour ce qui est de leur forme mais elles diffèrent par leurs orientations. Ce n’est pas raisonnable de tracer directement les valeurs de ml, soit 1, 0 et –1, par rapport aux coordonnées x, y et z. Pour les orbitales s, les fonctions d’onde et la densité électronique sont à leur maximum tout près du noyau. Pour l’orbitale 2p, le noyau coïncide avec les surfaces nodales et donc la densité électronique est zéro au niveau du noyau.
Fig. 2.19 Représentation de frontière des orbitales 2py, 2pz et 2px (de gauche à droite, en haut) et 3py, 3pz et 3px (de gauche à droite, en bas).
40
2. Structure de l’atome
Fig. 2.20 Représentations schématiques des orbitales 2py, 2pz et 2px (de gauche à droite).
Fonctions d’onde (nuances de gris et signes) La représentation schématique d’une orbitale p dans la figure 2.21 renferme deux éléments d’information. D’abord la forme du diagramme correspond à la densité de probabilité ψ2. Ensuite la nuance de gris appliquée indique le signe de la fonction d’onde (positif ou négatif). Les signes relatifs sont signalés par l’ajout d’un « + » ou d’un « – ». Il est à noter que ces signes n’ont aucun lien avec les charges électriques ! Ils font référence seulement au fait que la fonction d’onde est positive ou négative. Que ce signe de la fonction d’onde soit positif ou négatif a peu d’importance quand il s’agit d’analyser des atomes mais devient très important quand on examine comment les atomes se lient pour former des molécules.
Fig. 2.21 Le niveau de gris indique le signe de la fonction d’onde pour une orbitale 2p.
Orbitales d d’hydrogène Il existe cinq solutions indépendantes d’orbitales pour chaque nombre quantique principal > 2. Elles correspondent aux valeurs de ml : −2, −1, 0, 1 et 2. Quatre de ces équations pour lesquelles ml n’est pas zéro contiennent le nombre imaginaire i, racine carrée de –1 et il convient de procéder en faisant des combinaisons linéaires pour produire des fonctions liées aux coordonnées de x, y et z.
Fig. 2.22 Diagramme par points pour l’orbitale 3dxy (a). Les plans yz et xz sont des surfaces nodales. Le noyau se trouve au centre du carré. Diagramme (carré 4 a0) pour l’orbitale 3dz2 du fer orbital (b). Les sommets des deux cônes nodaux se recoupent au niveau du noyau, toujours au centre du carré.
Quatre des fonctions d’onde qui en résultent, à savoir 3dxy, 3dxz, 3dyz et 3dx2−y2, se ressemblent (Figs. 2.22 et 2.23) et ne diffèrent que par leur
41
Les liaisons chimiques
orientation. Les quatre lobes de la densité électronique dans les orbitales 3dxy, 3dxz, et 3dyz, sont orientés entre les axes des coordonnées. L’orbitale 3dx2−y2 a la même taille et forme, mais elle est orientée de sorte que ses lobes s’alignent avec les axes x et y. Une moitié de la densité électronique totale se trouve dans les deux lobes majeurs dirigée le long de l’axe z. L’autre moitié de la densité électronique se trouve dans la région annulaire (ou, familièrement, de « doughnut ») centrée sur le plan xy. L’orbitale est caractérisée par sa symétrie cylindrique, due au fait que la représentation est générée par la rotation du diagramme de points autour de l’axe z. D’un point de vue mathématique, la fonction orbitale 3dz2 correspond à une combinaison linéaire des fonctions dz2−x2 et dz2−y2 ; par conséquent, on peut substituer un nom équivalent à l’orbitale 3dz2, à savoir l’orbitale 3d2z2−z2−y2.
Fig. 2.23 Les cinq orbitales 3d.
Niveau d’occupation des orbitales Une orbitale – quelle qu’elle soit – ne peut recevoir que deux électrons. Elle peut aussi abriter un seul électron mais jamais trois ou davantage. Et bien qu’il ne soit pas toujours approprié de voir l’électron comme une petite balle dure, certaines propriétés des électrons sont abordées et analysées comme si ces derniers tournoyaient autour d’un axe. Aussi, quand il y a deux électrons dans une orbitale, l’un effectue une rotation (ou spin) dans un sens tandis que le second tourne dans l’autre sens. C’est une terminologie peu satisfaisante ici mais d’une utilisation courante. Le nombre quantique de spin sert à distinguer les deux sens de rotation, avec les valeurs +½ ou −½. Il ne faut pas confondre le nombre quantique de spin avec le concept d’électrons qui tournent en orbite autour du noyau.
42
2. Structure de l’atome
Équation d’onde pour d’autres atomes à électron unique L’hydrogène est le seul atome à électron unique (ou monoélectronique) qui soit neutre, électriquement parlant. Tous les autres atomes à électron unique possèdent une charge positive et on les appelle normalement des « ions » (ou, pour être plus précis, des « cations »). Les équations d’onde pour les ions à électron unique, comme He+ ou Li2+ sont très proches de celles pour l’hydrogène. Le facteur supplémentaire d’importance est la charge portée par le noyau. Pour l’hydrogène, le noyau à une charge +1 (portée par le proton). Dans le cas de l’hélium, le noyau porte une charge +2 et pour le lithium, la charge est de +3. L’effet de ces charges positives supplémentaires sur le noyau est d’attirer plus fortement l’électron. Cela se voit dans la fonction d’onde (Eq. 2.21) pour l’orbitale 1s pour tous les atomes à électron unique où Z représente la magnitude de la charge nucléaire.
ψ 1s =
1 3 / 2 − Zr Z e (2.21) π
Fonction de distribution radiale
La fonction d’onde 1s pour l’hydrogène est également décrite par cette équation. Ici Z = 1, pour l’hélium Z = 2, pour le lithium, Z = 3, et ainsi de suite. La figure 2.24 montre les tracés des fonctions de distribution radiale pour H, He+, et Li2+ et la contraction due à la charge nucléaire augmentée est évidente.
Fig. 2.24 Fonctions de distribution radiale pour les orbitales 1s de H, de He+ et de Li2+.
2.5. Principe de construction pour de nombreux atomes monoélectroniques On peut résoudre l’équation de Schrödinger pour d’autres atomes que l’hydrogène, mais la solution n’est pas exacte quand le système analysé comporte plus d’un électron. Cela s’explique en fait par les complications
43
Les liaisons chimiques
Énergie
Fig. 2.25 Tracé de niveau d’énergie pour l’hélium.
Le principe d’exclusion de Pauli énonce qu’aucune paire d’électrons – pour un atome donné – ne peut avoir le même ensemble de quatre nombres quantiques.
Énergie
Fig. 2.26 Une telle configuration pour l’hélium est interdite en raison du principe d’exclusion de Pauli.
Énergie
Fig. 2.27 Diagramme de niveau d’énergie pour le lithium en état fondamental (1s22s1).
44
dues aux effets de répulsion électron-électron. Les solutions de fonction d’onde pour l’hydrogène ne sont techniquement valables que pour les atomes monoélectroniques, mais heureusement elles peuvent être adaptées pour traiter les cas d’atomes polyélectroniques. La « configuration » électronique d’un élément donné comprend la liste d’occupation des diverses orbitales de l’atome en question. Le processus, où la configuration électronique suit le nombre croissant d’électrons, porte deux noms : le principe de construction ou le principe d’Aufbau3. L’hydrogène dans son état fondamental a un électron dans une orbitale où n = 1, l = 0 et ml = 0. C’est-à-dire que l’électron se trouve dans une orbitale 1s, étiquetée 1s1. La raison pour laquelle cet électron unique réside normalement dans l’orbitale 1s est que l’énergie d’un électron dans cette orbitale est à son niveau le plus bas. Les électrons qui se trouvent dans n’importe quelle autre orbitale possèdent une énergie plus élevée. Qu’en est-il pour l’hélium ? Réponse : l’orbitale 1s peut accommoder deux électrons. L’orbitale 1s reste celle au niveau d’énergie le plus bas et le second électron prend aussi sa place sur l’orbitale 1s. Il est plus avantageux de positionner le second électron sur l’orbitale 1s avec une pénalité de répulsion électron-électron plutôt que de le placer dans une orbitale à plus haut niveau d’énergie, par exemple, l’orbitale 2s. L’énergie d’un électron dans les orbitales 1s de l’hélium n’est pas la même que celle d’un électron sur l’orbitale 1s puisque la charge portée par le noyau est plus grande. Les valeurs de n, l et de ml sont identiques pour le second électron d’hélium mais le nombre quantique de spin des deux électrons diffère. L’un prend la valeur +½ tandis que le second prend la valeur −½. Les spins ont donc des orientations opposées. La configuration électronique de l’hélium s’écrit 1s2. Elle est représentée sur un diagramme de niveaux d’énergie (Fig. 2.25) au moyen de demi-flèches. Un électron ayant l’une des valeurs de spin est appelé « spin-up », tandis que l’autre s’appelle « spin-down ». Cette configuration illustre très bien le principe d’exclusion de Pauli – les deux électrons ne peuvent être en même temps « spin-up » (ou « spin down ») (Fig. 2.26), puisque cela exigerait qu’ils aient, l’un et l’autre, le même nombre quantique de spin. Considérons à présent le 3e élément, à savoir le lithium (Fig. 2.27). Étant donné que la première couche est occupée à 100 % par deux électrons, le troisième électron doit se situer sur une orbitale pour laquelle n = 2 (puisque les orbitales n = 3 ont des niveaux d’énergie plus élevés que n’importe laquelle des orbitales n = 2). À première vue, il pourrait occuper soit une orbitale 2s ou l’une des orbitales 2p car nous avons vu que ces orbitales (pour un atome semblable à l’hydrogène) sont toutes « dégénérées ». Cependant, dans le cas d’un atome polyélectronique, ces orbitales ne sont pas dégénérées et l’orbitale 2s a un niveau d’énergie plus bas que l’orbitale 2p. Cela signifie que l’orbitale 2s est occupée en premier. La raison ici résulte de l’écran orbital ou blindage. La configuration électronique du lithium s’écrit ainsi 1s22s1.
3
N.d.T. : du mot allemand pour « construction ».
2. Structure de l’atome
Blindage des orbitales Analysons le troisième électron de l’atome de lithium. Il subit l’attraction de la charge positive portée par le noyau (+3) mais est repoussé dans le même temps par les charges négatives des deux autres électrons qui se trouvent plus proches du noyau. La figure 2.28 montre les fonctions de distribution radiales pour les orbitales de 1s, 2s, et 2p du lithium. Il est évident que les électrons sur l’orbitale 1s sont bien plus proches du noyau que n’importe quel électron sur l’orbitale 2s ou 2p. Les deux électrons sur l’orbitale 1s agissent comme un écran et font que le troisième électron ne subit pas le plein effet de la charge nucléaire, Z ; on donne le nom de charge nucléaire effective à cet effet de blindage, ou Zeff (Eq. 2.22). En règle générale, pour n’importe quel atome polyélectronique, un électron donné est blindé par les autres électrons autour de cet atome. (2.22)
Fonction de distribution radiale
Zeff = Z – constante de blindage
Fig. 2.28 Fonctions de distribution radiale pour les orbitales 1s, 2s et 2p du lithium.
La figure 2.28 montre les fonctions de densité radiale des orbitales 2s et 2p superposées sur le même tracé que dans le cas de l’orbitale 1s de l’atome de lithium. Un électron sur l’orbitale 2s bénéficie du blindage du noyau mais d’une valeur différente d’un électron sur l’orbitale 2p. Regardons, pour nous en convaincre, une région proche du noyau, là où le rayon r est petit. On y aperçoit une densité électronique significative très près du noyau, associée à l’orbitale 2s qui se trouve effectivement à l’intérieur de l’orbitale 1s. En d’autres termes, l’orbitale 2s fait une intrusion : elle pénètre le volume occupé par l’orbitale 1s. Cela a peu d’effet sur l’orbitale 2p, même si on observe un peu de pénétration. Le résultat final est que les électrons 1s offrent un blindage à un électron de l’orbitale 2s, mais moins efficacement que pour un autre électron placé sur l’orbitale 2p. La charge nucléaire effective, Zeff, subie par un électron sur une orbitale 2s est plus grande que celle que subit un électron sur une orbitale 2p.
45
Les liaisons chimiques
L’énergie d’un électron sur une orbitale dépend de la charge nucléaire qu’il subit, et les calculs démontrent que l’énergie du troisième électron de l’atome de lithium est plus basse quand il se trouve sur une orbitale 2s plutôt que sur une orbitale 2p. La configuration préférentielle du lithium sera donc 1s22s1 au lieu de 1s22p1. L’élément suivant est le béryllium. Et une fois de plus, il s’avère plus avantageux de placer le dernier électron (avec son jumeau à spin opposé) sur l’orbitale 2s plutôt que sur une des orbitales 2p. La configuration électronique du béryllium est ainsi 1s22s2.
Règle de Hund pour obtenir la multiplicité de spins maximale La règle de Hund énonce que la configuration d’énergie la plus basse pour un ensemble d’orbitales dégénérées partiellement remplies a lieu quand autant d’électrons que possible sont logés dans les différentes orbitales et avec le même sens de spin.
Quand on arrive au bore, le cinquième élément du tableau périodique, l’orbitale 2s est à 100 % occupée. L’électron suivant va se loger sur une des orbitales 2p et peu importe laquelle, puisqu’elles sont toutes dégénérées. La configuration électronique du bore est donc 1s22s22p1. Mais que se passe-t-il pour le sixième élément, le carbone : 1s22s22p2. Alors, comment sont disposés les deux électrons sur les orbitales 2p ? Les trois configurations de la figure 2.29 sont toutes permises selon le principe d’exclusion de Pauli puisque les « adresses » de leur nombre quantique sont uniques. Heureusement, la règle dite de la multiplicité maximale, énoncée par Friedrich Hund, résout ce dilemme. Elle avance que la configuration du niveau d’énergie le plus bas pour un ensemble d’orbitales dégénérées (mais occupées) arrive quand un maximum d’électrons sont logés dans différentes orbitales avec leurs spins tous orientés dans le même sens (on dit que les spins sont « parallèles »). Ceci correspond à la configuration a de la figure 2.29. Elle est adoptée par les deux électrons 2p de l’atome de carbone. Dans la configuration b, il faut plus d’énergie pour apparier les deux électrons sur une même orbitale. Dans la configuration c, les spins ne sont pas parallèles. La règle de Hund peut être rationalisée moyennant quelques opérations mathématiques détaillées ; mais il s’agit plus que d’une observation empirique.
Énergie
Configuration a Configuration b Configuration c
Fig. 2.29 Trois configurations autorisées pour deux électrons occupant un ensemble d’orbitales 2p dégénérées.
Calcul de la charge nucléaire effective L’énergie d’un électron dans une orbitale donnée et la taille de celle-ci dépendent de la charge nucléaire effective, Zeff. Une analyse des liaisons en jeu ici requiert des connaissances sur la manière dont des orbitales interagissent, avec le constat que la taille et les énergies des électrons
46
2. Structure de l’atome
dans leurs orbitales atomiques sont très importantes. Une manière courante pour déduire la charge nucléaire effective consiste à appliquer une séquence de règles empiriques conçues pour dériver un nombre pour désigner l’effet de blindage des autres électrons de l’atome en question. L’ensemble le plus simple est celui des règles de Slater4, une recette numérique utile quand il s’agit de dériver le blindage effectif des électrons dans une orbitale donnée vis-à-vis des autres électrons. La première étape consiste à écrire la configuration électronique sur la base des groupes d’orbitales suivants, puis d’appliquer séquentiellement les règles, comme suit : [1s][2s2p][3s3p][3d][4s4p][4d][4f][5s5p][5d][5f]… 1. Si un électron se trouve dans un groupe d’orbitales [ns,np], alors tous les électrons dans un groupe à droite contribuent à la valeur zéro au blindage. 2. Si un électron se trouve dans un groupe d’orbitales [ns,np], alors n’importe quels autres électrons du même groupe contribuent pour une valeur de 0,35 au blindage, exception faite pour l’orbitale 1s, dont les électrons contribuent pour 0,3. 3. Tout électron dans un groupe d’orbitales immédiatement à gauche contribue pour 0,85. 4. Tout électron dans un groupe éloigné d’au moins deux groupes ou davantage à gauche contribue pour 1,0. 5. Quand on examine le cas d’électrons se trouvant dans un groupe [nd] ou [nf], les règles 1 et 2 s’appliquent mais tous les électrons dans des groupes sur la gauche du groupe [nd] ou [nf] contribuent pour 1,0. Comme avec n’importe quel ensemble de règles, la façon la plus simple pour les comprendre est d’en examiner quelques applications. Faisons donc le calcul pour l’un des deux électrons 2p de l’atome de carbone. La configuration pour le carbone s’écrit [1s]2[2s2p]4 pour les besoins du calcul. • La règle 1 s’applique, mais comme il n’y a pas de groupes à droite, il n’y a pas de contribution. • La règle 2 s’applique. Les trois autres électrons contribuent pour 3 × 0,35 = 1,05. • La règle 3 s’applique. Les deux autres électrons de 1s contribuent pour 2 × 0,85 = 1,7. • La règle 4 ne s’applique pas. Il n’y a pas de groupes éloignés de deux groupes sur la gauche du groupe [2s2p]. • La règle 5 ne s’applique pas. La contribution totale au blindage s’établit à 1,05 + 1,7 = 2,75. Puisque Z = 6 pour le carbone, Zeff = 6 – 2,75 = 3,25. Les autres entrées du tableau des charges nucléaires effectives de Slater sont établies de la même manière (Tableau 2.6). Les nombres utilisés pour ces calculs 4
N.d.T. : proposées dans les années 1930 par un physicien américain, John Clark Slater.
Tableau 2.6 Charges nucléaires effectives de Slater, Zeff . Z
1s
1 (H)
1,0
2 (He)
1,7
3 (Li)
2,7
2s
2p
1,3
4 (Be)
3,7
1,95
5 (B)
4,7
2,6
2,6
6 (C)
5,7
3,25 3,25
7 (N)
6,7
3,9
8 (O)
7,7
4,55 4,55
9 (F)
8,7
10 (Ne) 9,7
5,2
3,9 5,2
5,85 5,85
47
Les liaisons chimiques
Tableau 2.7 Ch arg es nucléaires effectives de Clementi–Raimondi, Zeff. Z
1s
2s
1 (H)
1,0
2 (He)
1,69
3 (Li)
2,69 1,28
2p
4 (Be)
3,68 1,91
5 (B)
4,68 2,58 2,42
6 (C)
5,67 3,22 3,14
7 (N)
6,66 3,85 3,83
8 (O)
7,66 4,49 4,45
9 (F)
8,65 5,13 5,10
10 (Ne) 9,64 5,76 5,76
sont fixés aux valeurs indiquées parce qu’ils « marchent » (c’est-àdire qu’ils fournissent des réponses satisfaisantes pour l’esprit quand il s’agit de calculer des valeurs d’énergie, et non pas pour quelque raison profonde, philosophique ou mathématique). Cependant, leur approximation est telle qu’on ne peut pas prédire, par exemple, que l’électron dans une orbitale 2s de l’atome de lithium se trouvera à un niveau d’énergie plus bas que s’il était dans une orbitale 2p. Il est facile de rationaliser quelques-unes de ces règles. Par exemple, il doit sauter aux yeux que tout électron se trouvant dans une orbitale, disons la 1s, va totalement blinder les électrons qui se trouveraient dans une orbitale 2p et la contribution au blindage d’un électron 3p par l’électron 1s sera donc de 1,0. Dans les cas où une orbitale extérieure fait une pénétration d’une orbitale intérieure (Fig. 2.28), le blindage des électrons de l’orbitale extérieure par les électrons de l’orbitale intérieure n’est pas total et la valeur de la contribution au blindage sera donc inférieure à 1,0. Même si l’on admet que les règles de Slater sont assez approximatives, une chose est certaine. Si nous considérons les nombres pour les orbitales 2p, nous observons que la charge nucléaire effective subie par les électrons 2p augmente subitement quand on passe des éléments dans la partie gauche à la partie droite du tableau périodique. À mesure que la charge nucléaire effective augmente, les orbitales associées se contractent et c’est pour cette raison que les atomes de fluor, par exemple, sont plus petits que ceux du bore. Il existe un ensemble de règles, celles de Clementi-Raimondi, cf. Tableau 2.7, plus élaborées et qui fournissent de meilleures valeurs pour Zeff.
2.6. Structures électroniques et tableau périodique Les quatre nombres quantiques n, l, ml et ms suffisent pour décrire les configurations électroniques de tous les éléments du tableau. Elles peuvent être rationalisées en se servant des règles ci-dessus. Les configurations des 36 premiers éléments figurent dans le tableau 2.8. Celles-ci sont des configurations en phases gazeuses d’atomes électriquement neutres ; les configurations électroniques dans d’autres environnements, tels que les composés métalliques avec des éléments du bloc-d, ne sont pas nécessairement les mêmes. Il y a quelques résultats inattendus. Pour le potassium (Z = 19), l’orbitale 4s est occupée, au lieu de celle du niveau 3d. L’énergie d’un électron dans l’orbitale 4s du potassium est plus basse que celle d’un électron dans l’orbitale 3d. La situation pour le scandium (Z = 21) est plus complexe. En effet, la configuration de cet atome neutre en son état fondamental est [Ar]4s23d1.
48
2. Structure de l’atome Tableau 2.8 Structures électroniques des éléments 1–36 (en phase gazeuse). Symbole
Configuration électronique
En abrégé
1
H
1s1
1s1
2
He
1s2
1s2
3
Li
1s22s1
[He]2s1
4
Be
1s22s2
[He]2s2
5
B
1s22s22p1
[He]2s22p1
6
C
1s22s22p2
[He]2s22p2
7
N
1s22s22p3
[He]2s22p3
8
O
1s22s22p4
[He]2s22p4
9
F
1s22s22p5
[He]2s22p5
10
Ne
1s22s22p6
[He]2s22p6
11
Na
1s22s22p63s1
[Ne]3s1
12
Mg
1s22s22p63s2
[Ne]3s2
13
Al
1s22s22p63s23d1
[Ne]3s23p1
14
Si
1s22s22p63s23p2
[Ne]3s23p2
15
P
1s22s22p63s23p3
[Ne]3s23p3
16
S
1s22s22p63s23p4
[Ne]3s23p4
17
Cl
1s22s22p63s23p5
[Ne]3s23p5
18
Ar
1s22s22p63s23p6
[Ne]3s23p6
19
K
1s22s22p63s23p64s1
[Ar]4s1
20
Ca
1s22s22p63s23p64s2
[Ar]4s2
21
Sc
1s22s22p63s23p64s23d1
[Ar]4s23d1
22
Ti
1s22s22p63s23p64s23d2
[Ar]4s23d2
23
V
1s22s22p63s23p64s23d3
[Ar]4s23d3
24
Cr
1s22s22p63s23p64s13d5
[Ar]4s13d5
25
Mn
1s22s22p63s23p64s23d5
[Ar]4s23d5
26
Fe
1s22s22p63s23p64s23d6
[Ar]4s23d6
27
Co
1s22s22p63s23p64s23d7
[Ar]4s23d7
28
Ni
1s22s22p63s23p64s23d8
[Ar]4s23d8
29
Cu
1s22s22p63s23p64s13d10
[Ar]4s13d10
30
Zn
1s22s22p63s23p64s23d10
[Ar]4s23d10
31
Ga
1s22s22p63s23p64s23d104p1
[Ar]4s23d104p1
32
Ge
1s22s22p63s23p64s23d104p2
[Ar]4s23d104p2
33
As
1s22s22p63s23p64s23d104p3
[Ar]4s23d104p3
34
Se
1s22s22p63s23p64s23d104p4
[Ar]4s23d104p4
35
Br
1s22s22p63s23p64s13d104p5
[Ar]4s23d104p5
Kr
1s22s22p63s23p64s23d104p6
[Ar]4s23d104p6
Z
36
49
Les liaisons chimiques
D’un point de vue expérimental, le niveau 4s du scandium est plus élevé que le niveau 3d et pas plus bas, ce qui peut paraître comme une contradiction du principe de constriction évoqué plus haut. Il n’y a pas d’explication simple pour ce phénomène, qui découle des effets de répulsion électron-électron et si les lecteurs s’y intéressent, ils devront consulter un ouvrage plus avancé. Notez également que la configuration du chrome atomique s’écrit [Ar]4s13d5 plutôt que [Ar]4s23d4 et celle du cuivre atomique s’écrit [Ar]4s13d10 plutôt que [Ar]4s23d9. On a adopté ces configurations parce que l’énergie totale de ces atomes y est inférieure. Le tableau périodique des éléments est un système taxonomique basé sur le fait que les propriétés des éléments sont, justement, « périodiques ». Les éléments qui ont des liens de similitude chimique sont rangés dans des colonnes appelées « groupes ». Les propriétés chimiques des composés dépendent des propriétés électroniques des éléments constitutifs du composé et elles ne sont pas les mêmes que pour les atomes neutres en phase gazeuse. Néanmoins, les structures électroniques du tableau 2.6 et celles des éléments plus lourds sont magnifiquement corrélées avec la structure du tableau périodique. Par exemple, les configurations électroniques des orbites les plus éloignées du noyau des éléments atomiques dans un groupe donné sont les mêmes (bien qu’il y ait des exceptions pour des éléments métalliques du bloc-d en particulier). Par exemple, la configuration de tous les halogènes (F-fluor, Cl-chlore, Br-brome et I-iode) est s2p5. Le tableau périodique classique n’est pas une disposition unique des éléments. D’autres sont possibles avec leurs avantages et désavantages par rapport au format classique. Un excellent moyen mnémotechnique pour se souvenir de l’ordre dans lequel se remplissent les orbitales est donné dans le tableau 2.9 qu’il convient de lire de gauche à droite et de haut en bas. Ce moyen fait la suite d’une forme modernisée du Tableau périodique de Janet (Fig. 2.30). Tableau 2.9 Cette table est un aide-mémoire pour l’ordre de remplissage pour les atomes neutres en phase gazeuse. Il faut lire depuis la rangée en haut et progresser vers la rangée en bas et de gauche à droite (1s → 2s → 2p → 3s → 3p → 4s → 3d et ainsi de suite). Le tableau est efficace pour la plupart des cas (mais pas tous). 1s 2s
50
2p
3s
3p
4s
3d
4p
5s
4d
5p
6s
4f
5d
6p
7s
5f
6d
7p
8s
2. Structure de l’atome
Fig. 2.30 Forme modernisée du tableau périodique de Janet.
On écrit, par exemple, la structure électronique du chlore [Cl] ainsi : 1s22s22p63s23p5, mais il est commode aussi de l’écrire en « raccourci » comme [Ne]3s23p5, voire même, à l’occasion, comme s2p5, qui focalise seulement sur les électrons de valence qui interviennent dans les réactions chimiques du chlore avec d’autres éléments. En l’occurrence, il y a sept électrons de valence, qui se trouvent en dehors du noyau de néon. La structure de Lewis des atomes de chlore et des quelques premiers éléments (Tableau 1.1) montrent clairement que ces structures sont périodiques.
2.7. Résumé • Le concept des atomes remonte à plus de 2 000 ans. • Les concepts modernes de la théorie atomique remontent à 250 ans. • Le modèle de Bohr pour la structure atomique comprend des électrons (à charge négative) qui tournent autour du noyau (à charge positive) à certaines distances fixes (quantizées) sur un ensemble d’orbites. • Les électrons, les photons et d’autres minuscules entités possèdent des propriétés que l’on associe tantôt aux ondes tantôt aux particules, appelée une dualité particule-onde par de Broglie avec la formule λ = h/mv. • Schrödinger a souligné la nature ondulatoire des électrons par la mécanique ondulatoire. • Les solutions d’équations d’onde pour les électrons attachés aux atomes requièrent la connaissance de nombres quantiques (nombre quantique principal), de l (le nombre quantique du moment angulaire ou azimutal) et de ml (le nombre quantique magnétique). Un quatrième nombre quantique, ms, décrit le spin des électrons. • Les valeurs de l (nombre quantique du moment angulaire) 0, 1, 2 et 3 sont associées aux orbitales s, p, d et f. • La fonction de distribution radiale décrit la proportion d’électrons se trouvant à une certaine distance du noyau. • Les règles de Salter s’avèrent utiles pour fournir des valeurs numériques pour décrire le niveau de blindage des électrons par d’autres électrons.
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Les liaisons chimiques
2.8. Exercices et problèmes 1. Calculez le rayon le plus vraisemblable pour localiser un électron dans les orbitales autour de H, He+, et Li2+ 3s. 2. Calculez les rayons où apparaîtront des nœuds radiaux pour les orbitales de H, He+ et Li2+ 3s. 3. Calculez combien d’énergie est nécessaire pour extraire un électron d’un atome d’hydrogène où l’électron occupe le niveau n = 3. 4. Calculez les fréquences des cinq premières raies d’émission atomique de Lyman, de Balmer, de Paschen, de Brackett et de Pfund pour l’hydrogène. Tracez ces raies à une échelle qui permette de simuler les raies du spectre d’hydrogène moléculaire. 5. En puisant dans des livres appropriés, déterminez quelles gammes de fréquences ci-dessus correspondent à chacune des couleurs du spectre visible. 6. L’équation d’onde pour l’orbitale 2pz d’hydrogène, le rayon r étant exprimé en unités atomiques a0, est :
ψ 2 pz =
1 (cos θ ) re − r / 2 4 2π
La ligne qui relie le pont en question au noyau fait un angle de θ 2 le avec l’axe-z. Tracez des graphiques pour cette fonction et ψ2p long de l’axe-z (θ = 0) jusqu’à ±10 unités atomiques. Que se passet-il pour ces fonctions à la valeur θ = 90° ? 7. Prolongez le tableau 2.6 (les charges nucléaires effectives) jusqu’à Z = 36. 8. Déterminez le nombre d’orbitales dans chaque sous-couche et chaque couche pour n = 1 à 6. Trouvez une formule simple qui relie le nombre d’orbitales dans une couche à la valeur de n. 9. Vous connaissez le tableau périodique des éléments standard ; nous avons présenté le tableau périodique de Janet (Fig. 2.30). Trouvez un exemple d’un autre tableau périodique de classification et analysez les similitudes et les différences des structures données par ces trois tableaux.
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3
Molécules diatomiques
3.1. Introduction Pour de nombreuses démonstrations, les structures de Lewis suffisent pour décrire les liaisons chimiques. Elles ont, cependant, leurs limites. Pour l’illustrer, nous prenons la structure de Lewis pour le dioxygène, O2, qui a deux atomes d’oxygène reliés par quatre électrons, deux pour chaque liaison. Tous ces électrons sont apparemment appariés, soit dans les liaisons, soit en tant que paires libres. La représentation de Lewis en l’occurrence n’explique pas que l’O2 puisse avoir deux électrons non appariés car, de ce fait, cela indique que la molécule est paramagnétique. Le fait qu’un modèle de liaison (ou n’importe quel modèle) soit démontré faux, n’implique pas qu’il doive nécessairement être écarté. Les représentations de Lewis sont très utiles, par exemple, quand on met en œuvre la méthode RPECV5 (cf. Chapitre 4) s’agissant de calculer les formes physiques des composés des groupes principaux. Il nous faut un modèle plus sophistiqué pour rendre compte du paramagnétisme de l’O2. Pour esquisser les contours d’un tel modèle, il nous faut d’abord décrire les liaisons de quelques molécules diatomiques simples, à commencer par la molécule la plus simple, H2+, l’ion positif de la molécule H2.
Paramagnétique. Une molécule paramagnétique possède un (ou davantage) électron non apparié. Pour les molécules diamagnétiques, tous les électrons sont appariés. Diamagnétique. Pour les molécules diamagnétiques, tous les électrons sont appariés.
3.2. Chevauchement des orbitales 1s et la plus simple des molécules diatomiques : H2+ La structure de Lewis pour l’H2 présente deux électrons qui tiennent ensemble les deux noyaux en une liaison unique (on dit que l’ordre de liaison est de 1). Si on éclaire la molécule de H2 à une fréquence appropriée, cela a pour conséquence qu’un des deux électrons sera éjecté, et nous en arrivons à la formation de l’ion H2+ stable par intermittence. Il s’agit en l’occurrence de la molécule la plus simple, formée de deux protons reliés par un seul électron. L’ordre de liaison de cette structure de Lewis du H2+ est donc ½. Il est évident que cet électron seul ne peut 5 N.d.T. :
RPECV est l’acronyme en français pour la « Répulsion des paires électroniques de la couche de valence », venant de l’anglais et l’acronyme équivalent, VSEP (Valence Shell Electron Pair).
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Les liaisons chimiques
pas « tenir » ensemble les deux protons ni les deux électrons du H2. Cependant, il y a une liaison, bien que plus faible (255 kJ mol−1) que celle du H2 (430 kJ mol−1). Elle est, de plus, plus longue : sa longueur d’équilibre mesure 106 pm comparée à celle du H2 qui est de 74 pm. D’un point de vue conceptuel, l’atome d’hydrogène est composé d’un proton et d’un électron. La molécule H2 comprend deux protons et un électron. L’électron de l’atome H se trouve dans une orbitale centrée sur le proton. L’électron de la molécule H2+ se trouve dans une orbitale centrée sur les deux protons. Au lieu d’être dans une orbitale atomique 1s, l’électron du H2 se trouve dans une orbitale moléculaire. À la différence de l’orbitale atomique d’hydrogène – qui est sphérique – celle qui correspond au niveau d’énergie le plus bas du H2+ est cylindriquement symétrique autour de l’axe H–H. Chaque point dans une orbitale moléculaire possède une densité électronique associée tout comme les orbitales atomiques. Certaines régions de l’espace contiennent plus d’électrons que d’autres. Le graphique d’une coupe de densité d’électrons (par points) (Fig. 3.1 (c)) nous apprend que la majorité (sinon la totalité) de cette densité électronique est logée dans la région entre les deux noyaux. S’agissant des orbitales atomiques, il s’avère souvent contre-indiqué de la représenter sur un diagramme et, une fois de plus, il faut passer par une convention. La convention de frontière, vue précédemment pour les atomes, conviendra ici. L’orbitale de H2+ qui retient l’électron est généralement représentée par une esquisse de frontière (Fig. 3.1 (a,b)). Le signe plus (+) sur l’orbitale montre que la fonction d’onde, ψ, contenue à l’intérieur de cette frontière est positive et ne doit pas être prise comme une indication de charge positive. Il s’agit donc de la même convention de signe que pour les atomes.
Fig. 3.1 Deux représentations de frontière (a) de l’orbitale moléculaire σs de H2+ contenant l’électron et (b) une version en 3D de la même orbitale. Une coupe du tracé de densité électronique (c) pour l’orbitale de la plus basse énergie du H2+ (la longueur de liaison est fixée à 106 pm).
Comme dans le cas des atomes, les électrons sont logés dans des orbitales. On rappelle qu’une orbitale, qu’elle soit atomique ou moléculaire, reste une orbitale même si les formes physiques changent quand elles sont associées à plus d’un noyau atomique. On appelle donc orbitales atomiques celles associées aux atomes et orbitales moléculaires celles associées aux molécules. Il existe une théorie de l’orbitale moléculaire (TOM) pour la description des molécules basées sur leurs orbitales. Les orbitales moléculaires sont étalées (délocalisées) dans de nombreux cas, sur toute la molécule.
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3. Molécules diatomiques
Interférence dans les phénomènes d’onde Les ondes sonores ou lumineuses interagissent d’une manière constructive ou destructrice. Si on connecte deux haut-parleurs en sortie d’un amplificateur, mais avec les bornes de l’un inversées par rapport à l’autre, il en résultera un son annulé (« mort ») car les deux membranes vont bouger de façon rigoureusement contraire. Dans certaines salles de concert, certaines salles de cours, les conditions acoustiques sont décevantes ; l’une des raisons en est que le son y rebondit de paroi en paroi et les ondes réfléchies interagissent de manière destructrice. Cela peut être illustré par une surface d’eau calme. Jetez un caillou dans une mare par temps calme et vous verrez générés des trains d’ondelettes caractéristiques. Maintenant, jetez-y deux cailloux et observez comment les trains d’ondelettes se recouvrent, produisant la forme idéalisée de la figure 3.2 (haut).
en phase
déphasé
Fig. 3.2 Renforcement et annulation d’ondes par interférences.
Si on prend un point quelconque sur la surface de la mare, deux ondelettes en phase vont se renforcer et créer une ondelette plus forte à ce point, mais si au contraire elles sont déphasées, les ondelettes vont s’annuler. Le calcul pour ce qui est de l’effet de renforcement est relativement facile. Si nous considérons les deux ondes en haut de la figure 3.2, on note qu’elles sont identiques en termes d’amplitude et de longueur d’onde. L’amplitude de l’ondelette renforcée est obtenue en additionnant l’amplitude de chaque onde initiale. Cela peut s’écrire : onde + onde → 2 × onde
(3.1)
Si les deux ondes sont déphasées, comme on le voit figure 3.2 (bas), le résultat est une destruction et est noté par la ligne à amplitude zéro
55
Les liaisons chimiques
sur la droite. La seconde onde (déphasée elle aussi) est reliée à la première en ce sens que pour chaque point, l’amplitude du déplacement est exactement pareille, mais avec une orientation de l’onde (ou signe) contraire. On l’obtient en multipliant la première amplitude par –1. Cette combinaison déphasée s’écrit comme dans l’équation 3.2, ce qui revient à écrire : onde – onde → 0. onde + (–1) × onde → 0
(3.2)
Interaction en phase des fonctions d’onde des orbitales 1s On peut analyser les électrons dans leurs orbitales comme étant des phénomènes ondulatoires. Les fonctions d’onde de deux orbitales qui interagissent à une distance autorisant une liaison interagissent à leur tour, soit constructivement, soit de manière destructrice. Les fonctions d’onde utilisées pour les orbitales atomiques ne sont pas des ondes sinusoïdales, mais cela n’affecte en rien le principe. L’approche la plus simple pour analyser ces interactions implique que l’on construise des combinaisons linéaires des orbitales atomiques constitutives. Cela comprend un mixage des équations des orbitales de valence atomiques des atomes en question. Dans la figure 3.3, deux atomes d’hydrogène sont positionnés précisément à la « distance de liaison ». Les fonctions d’onde 1s interagissent. Et comme pour l’illustration donnée ci-dessus pour les ondelettes d’eau, on peut calculer le renforcement des ondes à un point quelconque en additionnant l’amplitude des ondes de fonction de deux noyaux d’hydrogène qui se trouvent ensemble à ce point. Le résultat de l’addition y figure en gras ; on notera le chevauchement vers le milieu (entre les deux noyaux). Il s’agit de la combinaison « en phase » des deux orbitales 1s. Construire la fonction d’onde pour la combinaison en phase de deux orbitales 1s d’hydrogène (H) implique l’addition des deux fonctions à chaque point de l’espace (Eq. 3.3).
ψ1s (Ha) + ψ1s (Hb) → combinaison en phase
(3.3)
Fig. 3.3 Représentation schématique du phénomène de renforcement des ondes produites par deux orbitales 1s d’hydrogène sur des atomes limitrophes (combinaison en phase).
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3. Molécules diatomiques
Ici, comme précédemment, le symbole ψ représente l’équation d’onde. L’indice 1s indique le nom de l’orbitale. Les étiquettes Ha et Hb indiquent les atomes d’hydrogène a et b. La combinaison d’ondes en phase montre ici sa symétrie cylindrique. Quand une orbitale possède une symétrie cylindrique (c’est-à-dire, apparaît comme une orbitale s quand on l’observe dans l’axe de liaison, on la désigne comme une « orbitale σ »). La densité électronique est largement concentrée entre les deux noyaux d’après la combinaison en phase (Fig. 3.1 (c)). Cela a pour effet, d’une part, de blinder les noyaux positifs l’un par rapport à l’autre, d’autre part, pour les électrons chargés négativement, de tenir ensemble les noyaux. Les orbitales dans lesquelles la densité électronique est ainsi localisée (et qui lient ensemble les atomes) s’appellent les orbitales de liaison moléculaires.
σ est la lettre grecque sigma.
Constantes de normalisation Il reste un point supplémentaire à examiner pour ce qui est du mixage de deux (ou plus) orbitales. D’un point de vue mathématique, il est simple d’additionner deux fonctions d’onde, puis d’élever le résultat au carré pour disposer d’une valeur pour la densité électronique. Maintenant, imaginons que nous mélangeons deux morceaux de glaise, l’un rouge et l’autre jaune. Le résultat est un plus grand morceau de glaise, mais orangé. Il se passe quelque chose de similaire quand on mélange deux orbitales. Les orbitales qui en résultent sont plus grandes que chaque orbitale initiale et cela est inacceptable. Il faut ajuster la taille de l’orbitale après le processus de mélange pour être certain qu’elle a la taille attendue, c’est-à-dire d’assurer que quand un électron se loge sur une orbitale, la probabilité totale de le trouver est de 1. Par conséquent, la conséquence de l’addition de deux fonctions d’onde 1s d’hydrogène est que le résultat doit être corrigé (en l’occurrence par un facteur 1/N) pour que la taille de l’orbitale affiche la bonne valeur. La valeur de N dépend de plusieurs facteurs dont la séparation entre les noyaux. Dans le cas de la molécule la plus simple, H2+, la valeur de N est 0,56. N’oublions pas que le calcul des valeurs de densité électronique à partir d’une fonction d’onde implique une élévation au carré de la fonction d’onde. Puisque la fonction d’onde de la combinaison (Eq. 3.4) s’exprime en termes en ψ1s(Ha) + ψ1s(Hb), ici le carré (Eq. 3.5) représente la densité électronique de la combinaison en phase.
ψen phase =
1 [ψ (H ) + ψ 1s (Hb )] (3.4) N 1s a
(ψen phase)2 =
1 [ψ (H ) + ψ 1s (Hb )]2 (3.5) N 2 1s a
Interaction hors phase des fonctions orbitales 1s Le processus de combinaison linéaire d’orbitales génère nécessairement le même nombre d’orbitales moléculaires que celui des orbitales
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Les liaisons chimiques
atomiques constitutives. Le fait que le nombre d’orbitales moléculaires soit le même ici que celui des orbitales atomiques est un point important. Si on commence avec deux orbitales atomiques (par exemple, les deux orbitales 1s de l’hydrogène H2+), il en résultera deux orbitales moléculaires. Jusqu’ici, nous n’avons parlé que d’une des orbitales résultantes, l’orbitale σ qui maintient l’électron dans l’H2+ et il est temps d’analyser l’orbitale de combinaison hors phase de H2+. Cette combinaison hors phase des deux orbitales 1s est générée par la soustraction de la seconde fonction d’onde (ou la multiplication par –1 et l’addition de la fonction d’onde qui en résulte) de la première fonction d’onde pour chaque point dans l’espace considéré. Le résultat de cette opération est donné dans la figure 3.4 et dans l’équation 3.6. La valeur de la constante de normalisation pour une combinaison hors phase n’est pas la même que pour un cas en phase et pour H2+, cette valeur de N est de 1,10. Élever au carré n’importe quel nombre négatif donne toujours un résultat positif et, quand bien même la fonction hors phase est négative dans certaines régions, la densité électronique (Eq. 3.7) sera toujours positive, comme on pouvait s’y attendre instinctivement.
ψhors phase =
1 [ψ (H ) − ψ 1s (Hb )] (3.6) N 1s a
(ψhors phase)2 =
Nœud. Surface à laquelle la fonction d’onde a précisément la valeur zéro.
58
1 [ψ (H ) − ψ 1s (Hb )]2 (3.7) N 2 1s a
La fonction d’onde hors phase montre également une symétrie cylindrique et donc est une orbitale σ. Si un électron se trouve dans une orbitale de combinaison hors phase, la majorité de sa densité est située loin de la région entre les deux noyaux. L’électron ne filtre donc pas les deux noyaux l’un de l’autre aussi efficacement et les deux noyaux chargés positivement sont plus exposés l’un à l’autre. On peut découvrir, moyennant calcul, que l’énergie d’un électron dans une orbitale de combinaison hors phase est plus élevée que celles des orbitales atomiques 1s constitutives. On appelle cette sorte d’orbitale l’orbitale moléculaire antiliante. Afin de souligner la signification de cette nature antiliante, on ajoute à l’étiquette de l’orbitale un astérisque, plus un indice pour annoncer la nature des orbitales d’origine ; ainsi l’étiquette complète devient σs* (prononcé sigma astérisque*). Une fois de plus, si le diagramme de points (Fig.3.5 (c)) est très descriptif, il n’est pas facile de le construire de manière routinière. Le diagramme des contours représente l’écriture la plus commode pour représenter ces orbitales. Il existe deux représentations employées couramment (Fig. 3.5 (a,b)). Dans ces représentations, les sigles plus et moins désignent des régions de l’espace analysé où le signe de la fonction d’onde de l’orbitale moléculaire est positif ou négatif, respectivement. De même, le grisé des deux lobes indique que les signes des fonctions d’onde de chaque région sont opposés. Le pointillé indique le plan qui coupe le vecteur H–H en deux parties et où la fonction d’onde a la valeur zéro exactement. On donne à ce plan le nom de « nœud ».
3. Molécules diatomiques
Fig. 3.4 Représentation schématique de l’interférence destructrice des ondes produites par deux orbitales 1s d’hydrogène sur des atomes limitrophes (combinaison déphasée). Nœud
Nœud
Fig. 3.5 Deux représentations de frontières plates (a) de l’orbitale moléculaire antiliante sur H2+ et (b) la version 3D de la même. Une coupe du tracé de densité électronique (c) pour l’orbitale moléculaire antiliante de H2+ (la longueur de la liaison est fixée à 106 pm).
L’orbitale σ* de l’H2+ est inoccupée. Le fait que l’orbitale antiliante contribue à la déstabilisation de la molécule ne signifie pas qu’une telle orbitale ne puisse jamais être occupée. Une orbitale vide, c’est comme une boîte vide – c’est une fonction mathématique et pas un contenant physique.
3.3. Diagrammes de niveaux d’énergie de l’H2 et de certains composés diatomiques associés Diagramme de niveaux d’énergie de l’H2+ Sans entrer dans les détails, notons qu’il est possible de déterminer, expérimentalement et par calcul, l’énergie de l’orbitale la moins énergétique de la molécule H2+. On peut calculer l’énergie d’un électron dans
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Les liaisons chimiques
une orbitale atomique donnée pour de l’hydrogène. Elle sera inférieure à celle de l’orbitale 1s. Munis de cette information, nous pouvons tracer un diagramme schématique du niveau d’énergie. L’orbitale de liaison porte l’étiquette σ pour signaler sa symétrie cylindrique. Les deux niveaux, à gauche et à droite, de la figure 3.6 représentent le « niveau d’énergie » des orbitales 1s respectivement de l’atome H et de l’ion H+. Le niveau d’énergie le plus bas, au centre, représente le niveau d’énergie de l’orbitale moléculaire de H2+ ayant le moins d’énergie. Les flèches indiquent l’électron de l’atome H et de la molécule H2+. La quantité d’énergie ΔE perdue par l’électron quand il passe de l’hydrogène atomique au H2+ moléculaire représente l’énergie de liaison de H2+. Le niveau d’énergie calculé pour l’orbitale antiliante est plus élevé que celui des orbitales 1s constitutives. Son tracé donc se trouve au-dessus des niveaux atomiques initiaux. On notera que cette orbitale n’est pas occupée pour H2+, mais elle l’est pour d’autres molécules liées, telles que le H2 et H2–.
Énergie
Molécule H2+
Fig. 3.6 Diagramme de niveau d’énergie pour H2+.
C’est sans doute la représentation que donne la structure de Lewis qui a semé l’idée que quand deux électrons tiennent ensemble deux atomes, le résultat est forcément une liaison. Deux électrons constituent une liaison. Dans l’ion H2+ il y a un seul électron qui maintient ensemble les deux noyaux ; ainsi l’ordre de liaison pour le H2+ est de ½.
Diagramme de niveau d’énergie de l’H2 Une fois les idées relatives aux liaisons de H2+ bien comprises, la représentation des liaisons pour H2 devient assez élémentaire. Une fois de plus, seules les orbitales 1s de H sont impliquées, de sorte que les chevauchements orbitaux possibles sont identiques à ceux du cas de H2+. Le cadre des niveaux d’énergie du cas H2+ s’applique aussi ici. Le niveau antiliant est inclus pour compléter notre propos, mais il est de niveau inoccupé. Et, puisqu’il y a maintenant deux électrons dans l’orbitale de liaison σ, on dit que l’ordre de liaison de H2 est un. Les deux électrons sont logés, l’un comme l’autre, dans le niveau d’énergie inférieur (Fig. 3.7), mais possèdent des spins opposés, comme dans le principe de construction pour les arômes que nous avons vu au chapitre 2. Les diverses règles que l’on évoque pour le principe de construction des atomes (la règle de Hund, le principe d’exclusion de Pauli, etc.) s’appliquent aussi bien aux molécules qu’aux atomes.
60
3. Molécules diatomiques
Énergie
Atome A (H) Molécule H2 Atome B (H)
Fig. 3.7 Diagramme de niveau d’énergie pour H2.
Les deux molécules H2 et H2+ se comportent différemment dans un champ magnétique. La molécule H2 est repoussée par le champ – et on appelle cela le diamagnétisme. À l’opposé, la molécule H2+ est attirée par le champ et il s’agit là de paramagnétisme, dont l’origine se trouve dans l’électron non apparié de H2+. Toutes les molécules, à l’exception de H2+, manifestent un diamagnétisme inhérent, mais s’il y a des électrons non appariés, le paramagnétisme résultant dépasse largement le diamagnétisme.
Diagramme du niveau d’énergie pour
H2−
D’un point de vue conceptuel, l’ion H2− est le résultat de la combinaison d’un atome H avec un ion H−. L’ion H2− porte trois électrons, dont les deux premiers occupent l’orbitale de liaison σ. Et, puisqu’il n’y pas d’autre solution, le troisième électron occupe nécessairement l’orbitale σ*. Les deux électrons dans l’orbitale liante σ contribuent à l’ordre de liaison. Le troisième électron est considéré comme contribuant pour –½ à la liaison. Il reste donc un ordre net de 1 + (−½) = +½, le même que pour le H2+.
Le diamagnétisme s’applique aux substances dont la susceptibilité magnétique est inférieure à zéro. Elles sont repoussées par un champ magnétique et ne présentent aucun électron non apparié. Le paramagnétisme s’applique aux substances dont la susceptibilité magnétique est supérieure à zéro. Elles sont attirées par un champ magnétique et possèdent au moins un électron non apparié.
Énergie
Molécule H2–
Fig. 3.8 Diagramme du niveau d’énergie pour H2–.
Diagramme de niveaux d’énergie de l’He2 L’hélium est un gaz monoatomique, tout juste stable, classé comme espèce transitoire. Chaque atome d’hélium fait don de deux électrons au diagramme de niveaux d’énergie de He2 (Fig. 3.9). La stabilisation en énergie obtenue par l’arrivée de ces deux électrons dans l’orbitale de liaison est contrebalancée par la déstabilisation de deux électrons dans l’orbitale
61
Les liaisons chimiques
antiliante. L’ordre de liaison net qui en résulte est donc de + 1 + (−1) = 0 et les molécules avec un ordre de liaison zéro n’existent pas. La molécule diatomique He2 n’existe pas parce qu’il n’y a pas d’incitation préférentielle d’énergie pour que les deux atomes d’hélium se lient ensemble.
Énergie
Atome A (He)
Molécule He2 Atome B (He)
Fig. 3.9 Diagramme de niveau d’énergie pour He2.
3.4. Processus de liaison pour les molécules diatomiques homonucléaires du bloc-p Processus de mélange des orbitales p Quand on veut décrire le processus de liaison des molécules diatomiques comme l’O2, il faut au préalable comprendre ce qui se passe quand des orbitales p se mélangent. Dans le cas d’une molécule diatomique (par exemple O2), l’axe–z est, par convention, désigné comme l’axe inter-noyaux. Pour la molécule diatomique, les trois orbitales p ne sont plus « équivalentes ». L’orbitale pz est unique et diffère des deux autres, px et py.
Mélange des orbitale pz Quand on observe une orbitale σ quelconque le long de son axe intermoléculaire, elle ressemble à une orbite « s », en raison de sa symétrie cylindrique. Tout comme on a vu que deux orbitales sont créées par les mélanges en phase et hors phase de deux orbitales s, on voit ici aussi deux orbitales qui résultent du mélange des deux orbitales pz (Fig. 3.10). Ces orbitales sont caractérisées par leur symétrie cylindrique et peuvent donc être classées parmi les orbitales σ. La combinaison en phase s’obtient en multipliant l’orbitale p sur le second atome par –1 puis en additionnant le résultat à l’orbitale p sur le premier atome. Si ces atomes sont désignés par a et b, cette formule s’écrit comme dans l’équation 3.8. L’indice p dans l’étiquette σp sert à indiquer que l’orbitale est composée à partir de p orbitales. L’orbitale σp constitue une interaction de liaison puisque son énergie calculée est inférieure à celle des orbitales pz initiales.
σp =
62
1 [pz (atome a) + (−1) × pz (atome b)] (3.8) 2
3. Molécules diatomiques
Fig. 3.10 Mélange en phase (haut) et déphasé (en bas) des orbitales 2pz. La combinaison en phase se voit dans les représentations de frontière.
La combinaison hors phase (Eq. 3.9) est antiliante et porte l’étiquette σp* puisque son énergie calculée est supérieure à celle des orbitales pz initiales. Il est à noter – comme dans le cas de la combinaison de liaison σ des orbitales 1s de H dans le H2, que la densité électronique dans l’orbitale σp est localisée entre les deux noyaux. De même, dans l’orbitale antiliante σp*, la densité électronique est majoritairement placée en dehors de la région inter-noyaux.
σ *p =
1 [pz (atome a) + pz (atome b)] (3.9) 2
Mélange des orbitales px et py L’orbitale px du premier atome recouvre l’orbitale px du second atome, mais de façon « latéralisée » (Fig. 3.11) et de ce fait la symétrie de l’orbitale n’est clairement pas cylindrique, donc l’étiquette σ ne peut être appliquée. Notons que la rotation autour de l’axe intermoléculaire résulte de la transgression du lobe positif de la fonction d’onde sur le lobe négatif. Quand une orbitale possède cette propriété, elle est étiquetée « orbitale π ».
Fig. 3.11 La combinaison en phase de deux orbitales px et une représentation de la densité électronique au moyen d’une coupe transversale. Quand on observe une orbitale π dans le sens de l’axe intermoléculaire, elle ressemble à une orbitale « p ».
63
Les liaisons chimiques
Fig. 3.12 La combinaison déphasée de deux orbitales px et une représentation de la densité électronique par points au moyen d’une coupe transversale de l’orbitale.
Cette orbitale peut créer une liaison puisque son énergie calculée est inférieure à celle de chacune des deux orbitales atomiques d’origine. C’est une combinaison en-phase qui peut donc s’écrire comme dans l’équation 3.10. L’indice p sert à indiquer explicitement ses origines (les orbitales p) mais cela n’est pas obligatoire, car il n’y a pas de confusion possible ici. πp = px (atome a) + px (atome b) (3.10) La combinaison hors phase est donnée à la figure 3.12. Une fois de plus, l’orbitale qui en résulte possède une symétrie π, mais elle est antiliante dans la mesure où son énergie calculée est supérieure à celle de chacune des deux orbitales atomiques d’origine. On la dénote π*. Cette combinaison s’écrit comme dans l’équation 3.11. L’indice p peut servir à indiquer explicitement ses origines (les orbitales p) comme pour l’équation 3.10, mais cela n’est pas obligatoire. πp* = px (atome a) + (–1) × px (atome b) (3.11) Dans ce type de liaison, il n’y a que peu de densité électronique dans la région inter-noyaux, qu’il s’agisse d’une combinaison en phase ou d’une combinaison hors phase. L’interaction de liaison dans l’orbitale π a son origine dans les deux régions de densité électronique situées « au-dessus » et « en dessous » de l’axe entre les deux noyaux. Les deux lobes de cette interaction π, montrés ensemble, constituent une orbitale, et les quatre lobes de l’interaction π* aussi constituent ensemble une orbitale. La situation où les orbitales py se superposent est apparemment identique sauf que les π orbitales que produisent les py orbitales se trouvent orientées à 90° par rapport aux orbitales px. Si on applique le raisonnement symétrique, les énergies des orbitales π et π* créées par la superposition des orbitales py sont identiques à celles produites par le chevauchement des orbitales px. Dans le cas d’une liaison π, les noyaux sont relativement exposés l’un face à l’autre. De plus, le chevauchement « latéralisé » des orbitales est moins efficace (il y a moins de chevauchement) qu’avec l’interaction
64
3. Molécules diatomiques
bout à bout des orbitales pz. Par conséquent, la liaison π est souvent moins forte que la liaison σp mais, à l’inverse, la déstabilisation de l’orbitale π* est moins forte que celle de l’orbitale σp*. Les énergies des revirements orbitaux qui en résultent sont tracées ici dans le diagramme de niveau d’énergie (Fig. 3.13).
Énergie
Atome A Molécule diatomique AB Atome B
Fig. 3.13 Diagramme de niveaux d’énergie qui montrent les emplacements relatifs des orbitales résultant d’un chevauchement des orbitales 2s et 2p.
L’énergie de l’orbitale 2s est inférieure à celle de l’orbite 2p, d’où l’ordre indiqué ici. La raison en est que les orbitales 2p sont davantage blindées du noyau que les orbitales 2s (cf. Section 2.4). Et l’une des conséquences d’avoir une énergie 2s inférieure à celle des 2p est que l’orbitale σs* se trouve à un niveau d’énergie inférieur à celui de l’orbitale de liaison σp. Une étiquette antiliante pour une orbitale ne l’empêche pas d’avoir un niveau d’énergie bas, inférieur au niveau constaté pour les orbitales de liaison ailleurs dans la molécule. L’étiquette antiliante indique que l’énergie de cette orbitale est supérieure à celle des orbitales constitutives de cette orbitale en particulier. Si les orbitales constitutives ont des niveaux bas d’énergie alors les orbitales antiliantes qui en résultent peuvent aussi être de niveau bas, parfois même plus bas que celles d’autres orbitales qui établissent des liaisons relatives à leurs propres orbitales positionnées plus haut. L’orbitale σs* se remplit avant l’orbitale de liaison par une application du principe de construction à la molécule diatomique. Dès lors que les orbitales π et π* sont remplies, elles le font d’une manière spin-parallèle, comme l’exige la règle de multiplicité maximale de Hund. Dans la description des liaisons π qui précède, les deux orbitales π, créées par le mélange des orbitales px et py, sont considérées « dégénérées » puisque leurs énergies sont précisément égales en raison de la symétrie de la molécule. De même, les deux orbitales π* sont dégénérées.
Orbitales dégénérées. Orbitales dont les niveaux d’énergie sont égaux, en l’absence de champs extérieurs.
65
Les liaisons chimiques
Quelles orbitales peuvent se chevaucher ?
Fig. 3.14 L’interaction entre une orbitale s et une orbitale p dépend de comment elles sont positionnées dans l’espace.
Les chevauchements d’orbitales vus à la section précédente sont tous permissibles, en raison de leur symétrie. En règle générale, cependant, il n’est pas possible qu’une orbitale donnée puisse être mélangée avec n’importe quelle autre orbitale. Certains critères doivent être respectés. En particulier, la forme et la disposition dans l’espace ayant des fonctions d’onde différentes sont importantes. En effet, la symétrie d’une orbitale est importante. Dans une analyse plus formelle des liaisons chimiques, le concept de symétrie est important et si les lecteurs s’y intéressent ils peuvent consulter un ouvrage approprié sur la théorie des groupes pour en connaître les détails. Quelques-uns des concepts nécessaires deviennent plus clairs avec une approche imagée. Dans la figure 3.14, on voit deux façons de faire chevaucher une orbitale s et une orbitale p. L’image de gauche montre un chevauchement « par le bout » et l’image à droite un chevauchement « latéral ». Dans le cas de l’interaction de chevauchement « par le bout », le signe des fonctions d’onde est le même et donc il y a renforcement du signal. Il en résulte une interaction de liaison nette. En ce qui concerne le chevauchement latéral, il y a deux régions d’intérêt. D’un côté il y a la région non hachurée qui recouvre partiellement une région sans remplissage. Les signes de la fonction d’onde sont les mêmes et donc il y aura un degré de renforcement dans cette région. Toutefois, de l’autre côté, on voit une région non hachurée qui recouvre partiellement une région hachurée. Les signes des fonctions d’onde sont différents et il en résultera un degré de destruction du signal dans cette région. Si on se réfère à la symétrie du diagramme, il devient clair que le degré de renforcement d’un côté est contrebalancé par le degré de destruction de l’autre côté. Par conséquent, il n’y a pas d’effet de liaison ou d’antiliante net. Les chevauchements des orbitales pour lesquels on pouvait s’attendre à un degré de mélange (et d’autres où on ne s’y attend pas) ne sont pas représentés dans les figures 3.15 et 3.16.
Fig. 3.15 Orbitales pour lesquelles les mélanges sont permis en raison de la symétrie. Notons que pour chacune de ces combinaisons de liaison, il existe un recouvrement antiliant correspondant.
Fig. 3.16 Orbitales pour lesquelles les mélanges ne sont pas permis, en raison de la symétrie.
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3. Molécules diatomiques
3.5. Liaisons des molécules diatomiques homonucléaires du bloc-p (suite) Le diagramme de niveaux d’énergie de la figure 3.13 offre un excellent point de départ pour construire des diagrammes du niveau d’énergie des molécules diatomiques homonucléaires de la première rangée du tableau, de Li2 jusqu’à Ne2. La meilleure approche est de commencer au bord droit du tableau périodique avec l’hypothétique Ne2 puisqu’il y a quelques complications en ce qui concerne les éléments plus en amont. Quand on considère la liaison des molécules diatomiques Li2 à Ne2, à proprement parler, les contributions des chevauchements d’orbitales 1s – 1s devraient être incluses dans les diagrammes de niveau d’énergie, mais on ne le fait pas. Pourquoi ? Au fur et à mesure que la charge nucléaire augmente, les niveaux d’énergie de toutes ses orbitales décroissent. La raison en est que les orbitales se contractent sous l’influence de la charge nucléaire augmentée. Pour les molécules diatomiques de Li2 à Ne2, l’orbitale 1s se contracte suffisamment pour que sa taille devienne si petite qu’il en résulte relativement peu de chevauchement effectif du second atome par l’orbitale 1s. Ainsi les électrons des orbitales 1s jouent un rôle relativement mineur dans la liaison. En fait, il suffit d’inclure les électrons de valence orbitaux (2s et 2p) – ceux qui jouent un rôle dans le processus de liaison –, tandis que l’on peut laisser de côté toutes les orbitales 1s sans propriété de valence. C’est ici la base de la distinction entre les électrons dits « de cœur » et les électrons de valence. Il n’y a pas de mal à les inclure, mais simplement ce n’est pas nécessaire.
Diagramme du niveau d’énergie pour Ne2 Il n’existe pas de molécule stable Ne2. Le néon est un gaz monoatomique. Il s’avère intéressant de bâtir un diagramme du niveau d’énergie pour comprendre pourquoi le néon est monoatomique plutôt que diatomique. La configuration électronique du Ne est [He]2s22p6, ce qui signifie qu’il y a huit électrons de valence et 16 pour Ne2. Ces 16 électrons occupent les huit niveaux d’énergie dans la figure 3.17. L’orbitale σs permet la liaison (contribution +1). Quand on considère l’occupation de ces deux orbitales, on voit qu’elles n’offrent pas de contribution nette à la liaison. Ensuite, et pour des raisons similaires, les quatre électrons des deux orbitales π occupées (contribution +2), sont contrebalancés par ceux des deux orbitales π* occupées (contribution –2). En troisième lieu, l’effet de liaison dû à la population de l’orbitale σp (contribution +1) est contrebalancé par la population de l’orbitale σp* (contribution –1). Le calcul de l’ordre de liaisons est 1 + (−1) + 2 + (−2) + 1 + (−1) = 0. Par conséquent, les 16 électrons du Ne2 ne font pas de contribution nette à la liaison. La molécule, en substance, n’existe pas.
67
Les liaisons chimiques
Énergie
Ne (atome A) molécule Ne2 Ne (atome B)
Fig. 3.17 Diagramme de niveau d’énergie pour l’hypothétique Ne2.
Diagramme du niveau d’énergie pour F2 La configuration électronique de l’atome de fluor est [He]2s22p5, c’està-dire avec 7 électrons de valence. Il y a donc 14 électrons qui occupent le diagramme des niveaux d’énergie pour F2 (Fig. 3.18).
Énergie
F (atome A) molécule F2 F (atome B)
Fig. 3.18 Diagramme de niveau d’énergie pour F2.
Le calcul de l’ordre de liaison pour F2 s’effectue de la manière suivante. D’abord et une fois de plus, les électrons σs et σs* ne font pas de contribution nette à la liaison. Cela est vrai aussi pour les huit électrons qui occupent les orbitales π et π*. Il ne reste que les deux électrons
68
3. Molécules diatomiques
dans l’orbitale σp. Ils ne sont pas contrebalancés par des électrons dans l’orbitale σp* inoccupée. Ces deux électrons sont seuls responsables pour que les atomes de fluor tiennent ensemble. L’ordre de liaison est donc 1 + (−1) + 2 + (−2) + 1 = 1, ce qui est conforme à ce que prédit la structure de Lewis qui n’a aucun électron non apparié, ce qui signifie que F2 est diamagnétique. L’énergie de liaison de F2 est de 155 kJ.mol−1, plutôt faible avec une longueur de liaison F−F de 141,2 pm. Une autre façon de déterminer l’orde de liaison est d’appliquer l’équation 3.12 et, dans ce cas, l’offre est (8 − 6)/2 = 1. nombre d’électrons de liaison − nombre d’électrons non-liants 2 (3.12)
ordre de liaison =
Diagramme de niveau d’énergie pour O2 Rappelons que la structure de Lewis de O2 prévoit une double liaison mais ne rend pas compte de son paramagnétisme. Si les représentations des niveaux d’énergie des orbitales moléculaires sont censées réussir, alors il faut pouvoir prédire le magnétisme. La configuration électrique de l’atome d’oxygène est [He]2s22p4. Le diagramme (pour les niveaux d’énergie) donné ci-dessus est également applicable à la molécule O2, mais maintenant il y a 12 électrons à placer sur le diagramme. Et puisqu’il manque deux électrons dans la molécule O2, comparée à F2, les orbitales π* ne sont plus complètement remplies. Les dix premiers électrons occupent les cinq orbitales jusque et y compris les orbitales π (Fig. 3.19). Il reste encore deux électrons à placer et le prochain emplacement disponible est le niveau dégénéré π*. La règle de multiplicité maximale de Hund exige qu’un électron entre dans chacune des deux orbitales, de sorte que leurs spins soient parallèles. Par conséquent, il y a deux électrons non appariés dans les orbitales π*. On donne à ce niveau d’énergie le nom HOMO et pour l’orbitale σp*, le nom de LUMO. L’ordre de liaison se calcule comme suit : une fois de plus, les contributions des quatre électrons dans les orbitales σs et σs* s’annulent, de sorte qu’ils ne font pas de contribution nette à l’ordre de liaison. La contribution de l’orbitale π est de +2 venant des quatre électrons dans le niveau dégénéré. Les deux électrons dans l’orbitale π* contribuent pour 2 × −½ = −1, puisque les deux orbitales ne sont qu’à moitié remplies, l’une comme l’autre. L’orbitale σp compte pour +1 et il n’y a pas d’électrons dans l’orbitale σp* pour contrebalancer ces électrons de liaison. Le calcul de l’ordre de liaison donne 1 + (−1) + 1 + 2 + (2 × −½) = 2. Par conséquent, l’O2 possède un ordre de liaison net de +2. Ce nombre est compatible avec celui suggéré par la structure de Lewis, mais la description OM (orbitale moléculaire) de la liaison est très différente de celle donnée par le modèle de Lewis. L’ordre de liaison est finalement le même, mais le descriptif selon OM rend compte de façon satisfaisante non seulement du paramagnétisme de l’O2 mais aussi de sa réactivité, car cette molécule se comporte comme si elle était un « diradical » (avec deux électrons non appariés).
HOMO (voir Glossaire) Acronyme en anglais pour The highest occupied molecular orbital. LUMO (voir Glossaire) Acronyme en anglais pour The lowest unoccupied molecular orbital.
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Les liaisons chimiques
Énergie
O (atome A) molécule O2 O (atome B)
Fig. 3.19 Diagramme de niveau d’énergie pour O2. Les deux électrons non appariés au niveau π* sont ceux responsables pour le paramagnétisme de l’O2.
L’énergie de liaison pour l’O2, déterminée de manière expérimentale, est de 493 kJ mol−1 avec une longueur de liaison de 120,7 pm. L’énergie de liaison est plus forte et la longueur de liaison plus courte que pour la molécule F2 (pour laquelle l’énergie de liaison est de 643 kJ mol−1 pour une longueur de liaison de 111,5 pm. Quand on observe le diagramme de niveau d’énergie de plus près, on déduit que cet électron a été nécessairement retiré du niveau π*. Le calcul de l’ordre de liaison pour O2 est 1 + (−1) + 1 + 2 + (−½) = 2½. Cela est bien corrélé avec la longueur de liaison plus courte de l’O2+ comparée à O2, tandis que la perte d’un électron antiliant aide également à augmenter l’énergie de liaison d’O2+ comparée à O2.
Diagramme de niveau pour N2 Il n’y a pas d’indication des échelles d’énergie sur les diagrammes de niveau d’énergie pour Ne2, F2, et O2. On peut ignorer le fait que les électrons dans les orbitales moléculaires construites peuvent interagir. De même pour diazote N2. Il n’était pas nécessaire d’inclure de telles interactions (bien que celles-ci existent) dans les analyses de O2 et de F2 puisque ni les ordres de liaison ni les ordres de niveau d’énergie ne sont affectés. Pour N2, on doit prendre en compte les interactions de répulsion entre les électrons dans les différentes orbitales σ. Les effets de la répulsion modifient un petit peu la forme de l’orbitale, comparée à ce qu’elle serait sans interactions. On y arrive en faisant un mélange des descriptifs mathématiques pour d’autres orbitales avec la même symétrie. Considérons tout d’abord les deux orbitales σs et σp, qui ont des similitudes de symétrie (Fig. 3.20) et sont assez proches en termes d’énergie. Elles interagissent. Peu importe que les orbitales ne soient pas identiques en termes de forme ou d’énergie. Les résultats de ce mélange donnent lieu à une combinaison d’effets liants et antiliants.
70
3. Molécules diatomiques
Fig. 3.20 L’interaction (le mélange) des orbitales σs et σp.
Lorsque deux orbites d’énergies différentes peuvent interagir, deux nouvelles orbites apparaissent. La plus faible des deux nouvelles orbites est la liaison et la plus élevée est l’antiliante. La plus basse des nouvelles orbites est plus proche dans ses propriétés de la plus basse des composantes (σs). La plus élevée des nouvelles orbites est plus proche dans ses propriétés de la plus élevée des composantes (σp). En effet, l’énergie de l’orbitale σs diminue en raison de la modification due à l’interaction avec l’orbitale σp. De la même manière, l’énergie de l’orbitale σp augmente en raison de l’interaction avec l’orbitale σs. Les nouvelles orbitales (l’une comme l’autre) possèdent une symétrie cylindrique, tout comme les orbitales σ. De la même manière, les orbitales σs* et σp* possèdent la symétrie correcte et suffisamment pour interagir l’une avec l’autre (Fig. 3.21). Cette interaction modifie et diminue l’énergie de l’orbitale σs* et en même temps modifie et augmente l’énergie de l’orbitale σp*.
Fig. 3.21 L’interaction (le mélange) des orbitales σs* et σp*.
Il n’y a pas d’autres orbitales ayant la symétrie appropriée où les orbitales π se superposent. Quand on trace ces interactions (Fig. 3.22) pour N2, le résultat montre un ordre différent des niveaux d’énergies comparés à ceux pour Ne2, F2 et O2. Puisque les orbitales σ ne sont plus exactement σs, σs*, σp et σp*, on leur donne les étiquettes σ1, σ2, σ3 et σ4. La caractéristique importante de ce diagramme est que l’orbitale modifiée, σp avec l’étiquette σ3, ne se trouve plus en dessous du niveau π. Au contraire, elle se trouve audessus du niveau π. La conséquence est qu’en application du principe de construction, les orbitales π se remplissent avant l’orbitale σ3. Le calcul de l’ordre de liaison pour N2 s’effectue exactement de la même manière que pour O2 et F2. Les quatre électrons des orbitales σ1
71
Les liaisons chimiques
et σ2 correspondent aux orbitales σs et σs* et pour le calcul d’ordre de liaison continuent de s’annuler. Les six autres électrons occupent trois orbitales de liaison et ne sont pas contrebalancés par d’autres électrons dans leurs orbitales antiliantes correspondantes. Le calcul de l’ordre de liaison est donc 1 + (−1) + 2 + 1 = 3. La valeur trouvée pour cet ordre de liaison est la même que celle trouvée par la structure de Lewis pour N2.
Énergie
N (atome A) Molécule N2 N (atome B)
Fig. 3.22 Diagramme de niveau d’énergie pour N2.
Diagramme de niveau pour C2 La molécule diatomique C2 n’est pas une entité que l’on peut placer dans un bocal, mais elle peut être examinée sous certaines conditions bien spécifiques. La configuration électronique pour le carbone est [He]2s22p2, de sorte qu’il possède quatre électrons de valence. La molécule diatomique C2 possède donc huit électrons qui peuvent peupler le diagramme de niveau d’énergie. Pour cette molécule et les autres molécules diatomiques qui restent dans la première rangée, le processus de calcul de l’ordre de niveau d’énergie utilisé pour N2 est approprié (Fig. 3.23). Dans le cas de C2, les orbitales σ1 et σ2 s’annulent mutuellement dans le calcul de l’ordre de liaison, nous pouvons dire qu’elles ne font pas de contribution nette au processus de liaison. Il y a quatre électrons dans les orbitales π qui ne sont pas contrebalancés par un autre électron dans les orbitales π*. Le calcul d’ordre de liaison est donc 1 + (−1) + 2 = 2. L’ordre de liaison est de 2. Dans ce cas, la double liaison est composée de deux liaisons π non soutenues par une liaison σ. La double liaison de l’éthylène est composée d’une liaison σ et d’une liaison π. Les ordres dans C2 et dans C2H4 sont de deux mais les chevauchements orbitaux qui donnent lieu aux doubles liaisons sont différents. La molécule de C2 est diamagnétique.
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3. Molécules diatomiques
Énergie
C (atome A) molécule C2 C (atome B)
Fig. 3.23 Diagramme de niveau d’énergie pour C2.
Diagramme de niveau pour B2 La molécule diatomique B2 n’est pas un composé que l’on peut isoler, mais elle peut être détectée et étudiée. Le bore possède trois électrons de valence en raison de sa structure électronique 1s22p1. Il y a donc six électrons à placer dans le diagramme des niveaux d’énergie (Fig. 3.24).
Énergie
B (atome A) molécule B2 B (atome B)
Fig. 3.24 Diagramme de niveau d’énergie pour B2.
73
Les liaisons chimiques
Une fois de plus, les 4 électrons dans les orbitales σ1 et σ2 s’annulent, s’agissant du processus de calcul de l’ordre de liaison. Les seuls électrons de liaison sont les deux électrons non appariés dans le niveau π. L’ordre net de liaison est donc 1 + (−1) + (2 × ½) = 1. L’ordre de liaison est 1 mais maintenant la liaison est composée de deux orbitales à moitié remplies. La molécule B2 est paramagnétique.
Processus de liaison pour Be2 La molécule diatomique Be2 ne peut pas être isolée. Le béryllium a la configuration électronique [He]1s2 ; il y a donc quatre électrons à placer dans le diagramme des niveaux d’énergie (Fig. 3.25). Ces électrons peuplent les orbitales σ1 et σ2.
Énergie
Be (atome A) molécule Be2 Be (atome B)
Fig. 3.25 Diagramme de niveau d’énergie pour Be2. Les niveaux d’énergie p ne sont pas reproduits parce que, tout simplement, ils sont vides.
Pour Be2, on peut prédire la valeur zéro pour l’ordre de liaison puisque les électrons des niveaux σ1 et σ2 s’annulent mutuellement. Cependant, en raison de l’asymétrie du diagramme pour ce qui est des niveaux σ1 et σ2, on peut prévoir un très faible effet de liaison. Le dibéryllium Be2 n’a été détecté qu’à très basse température avec une interaction qui est bien trop faible pour générer une liaison chimique « normale ».
Processus de liaison pour Li2 La molécule diatomique Li2 est connue sous sa phase gazeuse. Il n’y a que deux électrons à placer dans le diagramme de niveau d’énergie (Fig. 3.26) en raison de la configuration électronique de [He]1s1. Ces électrons peuplent le niveau σ1 et l’ordre de liaison est donc 1. On prédit que cette molécule est diamagnétique et c’est bien le cas. L’énergie de liaison de la phase gazeuse de Li2 (101 kJ mol−1) est bien moindre que pour H2 (432 kJ mol−1). La longueur de la liaison de Li2 est de 267,3 pm, bien plus longue que pour H2 (74,1 pm). Cette longueur de la liaison Li–Li s’explique en partie par la répulsion entre les paires d’électrons 1s de chaque atome. La théorie de l’orbitale moléculaire (OM) telle qu’esquissée ici montre que Li2 est plus stable que deux atomes de Li isolés. En pratique, quand de nombreux atomes de lithium sont assemblés, on arrive à une forme plus stable de liaison, sous la forme du lithium métal solide.
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3. Molécules diatomiques
Énergie
Li (atome A) molécule Li2 Li (atome B)
Fig. 3.26 Diagramme de niveau d’énergie pour le lithium, Li2. Les niveaux d’énergie p ne sont pas reproduits simplement parce qu’ils sont vides.
3.6. Longueurs, intensités et ordres de liaison Les longueurs, les ordres de liaison et leur intensité, pour les molécules diatomiques de la seconde période sont donnés dans le tableau 3.1. Les données spécifiques pour He2, H2, et les ions de cette dernière sont incluses à titre de comparaison. Les ordres de liaison plus élevés tendent à être accompagnés d’intensités plus fortes. Différentes liaisons manifestent des intensités différentes, selon l’efficacité du chevauchement des orbitales et les énergies globales de liaison se composent d’un certain nombre d’éléments constitutifs (cf. la situation d’O2 à cet égard). Qui plus est, la répulsion électron-électron joue un rôle qui affaiblit les liaisons, surtout pour des molécules telles que F2.
La longueur de liaison est la distance entre les centres des deux atomes impliqués dans une liaison chimique.
Tableau 3.1 Ordre, longueurs et énergies des liaisons pour quelques molécules homo-diatomiques. Ordre de liaison
Longueur de liaison/pm
Énergie de liaison/kJ mol−1
H2+
½
105
256
H2
1
74
432
H2–
½
−
100–200
He2
0
297
− 101
Espèce
Li2
1
267
Be2
0
−
−
B2
1
159
289
C2
2
124
599
N2
3
110
942
O2
2
121
493
O2+
2½
112
643
O2– O22−
1½
135
395
1
149
−
F2
1
141
155
Ne2
0
310
−
75
Les liaisons chimiques
Énergies orbitales des couches de valence
Énergie d’orbitale en kJ mol–1
Les diagrammes de niveaux d’énergie moléculaire orbitale pour la gamme qui s’étend de Li2 à N2, montrent un ordre des niveaux d’énergie différent que pour O2, F2 et Ne2. Le niveau σ3 se situe au-dessus du niveau π pour les premiers des éléments cités. Le graphique des énergies pour les orbitales 2s et 2p pour les éléments de la seconde période (Fig. 3.27) montre que ces énergies sont très proches les unes des autres sur la partie gauche du tableau périodique mais bien plus distantes sur la partie droite. Cela est le résultat de la baisse plus rapide de l’énergie du niveau 2s que du niveau 2p (cf. Section 1.17).
Élément
Fig. 3.27 Graphique des énergies des orbitales 2s et 2p des éléments de la première rangée.
L’un des facteurs qui conditionnent le processus de mélange des niveaux d’énergie est la proximité de leurs énergies respectives. Si les orbitales ont des énergies similaires, le mélange est mieux assuré. Il est clair, en se référant à la figure 3.27, que les niveaux 2s et 2p sont plus proches les uns des autres pour les premiers éléments de la période. En réalité, elles ne se trouvent pas à une différence de plus de 1 200 kJ mol−1 pour les éléments de Li à N, mais à environ 1 600 kJ mol−1 voire plus pour O, F, et Ne. Ces différences d’énergie signifient que le processus de mélange 2s-2p est suffisamment puissant pour modifier l’ordre de niveau d’énergie (σ3 s’élevant au-dessus du niveau π) pour la liste de Li à N mais est suffisamment faible pour que cet ordre ne soit pas modifié dans les cas de O, F et Ne.
3.7. Molécules diatomiques hétéronucléaires Les principes que nous avons explorés dans les sections ci-dessus pour les molécules diatomiques homonucléaires restent valables pour les molécules diatomiques hétéronucléaires. La principale différence réside
76
3. Molécules diatomiques
dans le fait que les orbitales atomiques pour divers atomes qui se recouvrent pour établir soit des combinaisons de liaison soit d’antiliante ne possèdent pas la même énergie. C’est ce qui crée l’aspect un peu décalé des diagrammes de niveaux d’énergie. Quand les deux orbitales sont les orbitales correspondantes du même élément chimique, leurs énergies sont nécessairement identiques. Dans cette situation (Fig. 3.28 (a)), le chevauchement est au maximum ainsi que ΔEcov, la mesure de l’énergie de liaison covalente. Quand l’un des deux atomes est plus électronégatif que l’autre, le déséquilibre d’énergie qui en résulte fait que le chevauchement orbital est moins efficace que pour un cas diatomique homonucléaire. Dans ce cas, la valeur de ΔEcov est plus petite. Antiliant
Antiliant
Antiliant
Énergie
Liant
Liant Atome moins électronégatif
Liant Atome plus électronégatif
Atome bien moins électronégatif
Atome bien plus électronégatif
Fig. 3.28 Recouvrement de deux orbitales de (a) de même énergie (b, c) d’énergies différentes. Dans le cas (b) l’un des atomes est plus électronégatif que le premier, tandis que dans le cas (c) l’un des atomes est bien plus électronégatif que l’autre.
Cela ne signifie pas que la liaison entre deux noyaux dissemblables estt plus faible. Certes, la liaison covalente est moins intense, mais il faut tenir compte aussi de la contribution ionique à la liaison, et celle-ci peut être très significative. Prenons le cas où l’un des atomes est bien plus ionique que l’autre. Le diagramme correspondant sera proche de celui de la figure 3.28(c). Lors d’une situation où des orbitales dissemblables se recouvrent, la combinaison de liaison ressemble davantage en aspect et en énergie à l’orbitale qui contribue à moins d’énergie, qu’à l’orbitale qui contribue à plus d’énergie. En parallèle, on notera que la combinaison antiliante ressemble plus en aspect et en énergie à l’orbitale qui contribue à plus d’énergie. Autrement dit, l’orbitale de combinaison de liaison est celle qui contribue le moins à l’énergie, mais sous une forme un peu modifiée. Par conséquent, la combinaison antiliante représente une forme d’orbitale de plus haute énergie modifiée.
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Les liaisons chimiques
Dans la figure 3.28(c), s’agissant de deux atomes avec une différence d’électronégativité substantielle, l’orbitale de combinaison de liaison montre une orbitale atomique légèrement modifiée associée à l’atome le plus électronégatif. S’il existe un électron dans chacune des orbitales contributives avant que le processus de mélange ne commence, alors un électron sera effectivement transféré depuis l’atome plus électropositif vers l’atome plus électronégatif. La situation ressemble à la formation d’une paire d’ions où il y a une très petite contribution à la liaison dans son ensemble. La liaison globale s’exprime comme la combinaison d’une contribution covalente et d’une contribution ionique (Eq. 3.13). Énergie de liaison totale = contribution covalente + contribution ionique (3.13) Dans de nombreux cas, la contribution ionique est très élevée. Un cas d’espèce est la formation d’une paire d’ions venant du sodium et du chlore. La représentation de Lewis montre le transfert complet de l’électron depuis le sodium vers le chlore. Le diagramme OM (orbitale moléculaire) (Fig. 3.28 (c)) tend à suggérer qu’il existe au moins une petite contribution covalente à la liaison. Si l’écart des valeurs d’électronégativités des deux atomes est moins extrême, alors la contribution covalente à la liaison globale sera plus grande tandis que celle de la contribution ionique sera plus petite. Il y a tout un « spectre » de types de liaison avec toutes les interactions de liaison vraies situées quelque part entre les extrêmes, à savoir entre celles qui sont purement covalentes et celles qui sont purement ioniques.
Fluorure d’hydrogène Pour pouvoir construire un diagramme des niveaux d’énergie pour la molécule HF, il est nécessaire d’avoir quelques notions des énergies relatives des orbitales de valence, 1s pour l’hydrogène, 2s et 2p pour le fluor. Ces valeurs, approximatives, sont données à la figure 3.29. L’orbitale 1s d’hydrogène se trouve bien au-dessus de l’orbitale 2s du fluor et (à moindre degré) au-dessus aussi du niveau 2p. L’effet des très grandes différences d’énergie entre l’orbitale 1s d’hydrogène et l’orbitale 2s du fluor est qu’il n’y a quasiment aucune interaction, en dépit du fait que les orbitales de type s soient « autorisées » à se chevaucher en raison de leur symétrie. Cependant, et toujours par symétrie et en raison de la différence d’énergie moindre, l’orbitale 1s se mélange avec l’orbitale 2pz du fluor. Le résultat est double : à la fois un niveau de liaison et un niveau d’antiliante. Par symétrie, les orbitales 2px et 2py du fluor sont incapables d’une interaction avec l’orbitale 1s de l’hydrogène. Si on se réfère à nos analyses, exposées plus haut, l’orbitale σ* est à n’en pas douter une orbitale 1s de l’hydrogène atomique et, de même, l’orbitale σ est une orbitale 2pz du fluor. Il y a un transfert assez significatif
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3. Molécules diatomiques
de la densité électronique de l’atome d’hydrogène à l’atome de fluor. Le résultat est un déséquilibre au niveau de la molécule, avec l’extrémité « hydrogène » un peu positive et l’autre extrémité (le fluor) un peu négative. Les orbitales 2s, 2px, et 2py sont toutes antiliantes – les 2s en raison d’un match erroné en termes d’énergie, et les orbitales 2px et 2py parce qu’il n’y a pas d’orbitales liées à la symétrie avec lesquelles elles auraient pu interagir. Dans la figure 3.29, ces orbitales sont étiquetées « n.b » (en anglais non-bonding = qui ne créent pas de liaison = antiliantes).
Deux manières pour indiquer que l’atome de fluor porte une charge partielle négative et l’hydrogène une charge partielle positive dans le composé HF.
Énergie
molécule HF
Fig. 3.29 Diagramme de niveau d’énergie pour HF (n.b. = non-liant).
Dans notre construction de la figure 3.29, nous avons pris quelques libertés. On doit prendre en compte une petite contribution de l’orbitale 2s du fluor, peut-être dans un mélange avec l’orbitale 2pz du fluor (voir l’hybridation, Chapitre 5). On notera que l’énergie des orbitales antiliantes π (à savoir, les orbitales atomiques 2px et 2py) dans la molécule HF ne se trouvent pas précisément au même niveau π que les orbitales atomiques du fluor ; la raison en est que leur environnement est celui d’une molécule et pas celui d’un atome.
Monoxyde de carbone (CO), CN– et NO+ L’élément carbone, [He]2s22p2, possède quatre électrons de valence tandis que l’oxygène, [He]2s22p4, en possède six. Par conséquent, le diagramme de niveaux d’énergie pour le monoxyde de carbone (CO) devrait pouvoir rendre compte de la place en orbitales de ces dix électrons de valence. Les orbitales s et p ont été remplies. Il convient donc de se référer à un diagramme de niveau d’énergie évoqué plus haut pour le cas des molécules diatomiques homo(di)nucléaires (Fig. 3.22, N2). La forme est celle de la figure 3.30. Les orbitales 2s et 2p ont moins d’énergie que les orbitales 2s et 2p du carbone (Fig. 3.27). Cela s’explique par la plus grande charge nucléaire effective de l’oxygène qui fait que ses orbitales se contractent
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Les liaisons chimiques
Isoélectroniques se dit de diverses molécules si elles possèdent le même nombre d’électrons de valence et le même niveau de connectivité de leurs atomes, mais où au moins un des éléments présents dans la molécule diffère.
et emmagasinent moins d’énergie. On observe donc pour ce diagramme que sa forme est légèrement asymétrique. Le calcul de l’ordre de liaison dans ce diagramme est le même que pour la molécule N2, qui possède également un système avec dix électrons. On dit alors qu’en raison de cette correspondance des configurations électroniques le N2 et le CO sont isoélectroniques. Ces deux molécules sont isoélectroniques par rapport à d’autres molécules, notamment le CN– et le NO+. Le calcul de l’ordre de liaison s’applique à ces deux dernières molécules, l’unique différence étant pour les valeurs absolues que l’on trouve pour ces différents niveaux d’énergie.
Énergie
Molécule CO
Fig. 3.30 Diagramme de niveau d’énergie pour CO.
Une analyse plus poussée des liaisons du CO montre que le niveau σ3 correspond à celui d’une paire libre d’électrons à base de carbone. Le niveau σ2 est pareil, mais à base d’oxygène et le niveau σ1 représente la liaison carbone-oxygène σ. Les orbitales π* sont inoccupées. Du point de vue de la chimie de coordination du CO, ces orbitales remplies σ3 et vides π* sont critiques puisqu’impliquées dans des inter actions de liaison avec diverses orbitales des éléments métalliques du bloc-d.
3.8. Résumé • Les orbitales ayant une symétrie adéquate sur des atomes contigus interagissent pour former une combinaison d’une orbitale avec une orbitale antiliante. • On appelle orbitale σ, les orbitales moléculaires qui montrent une symétrie cylindrique quand on les observe le long de l’axe de liaison. • Les orbitales atomiques s sur des atomes contigus se combinent pour former des orbitales σ et σ* (où * signifie un effet antiliant).
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3. Molécules diatomiques
• Les orbitales atomiques p sur des atomes contigus se combinent par un chevauchement latéralisé pour former des orbitales π et π*. • L’ordre de liaison (un nombre) est calculé en faisant une soustraction, retirant le nombre d’électrons antiliants du nombre d’électrons de liaison, puis en divisant le résultat par 2. • Les diagrammes dits « OM » (orbitale moléculaire) des niveaux d’énergie des molécules diatomiques homonucléaires sont symétriques tandis que ceux des molécules hétéronucléaires sont asymétriques car les niveaux d’énergie de l’atome plus électronégatif sont plus bas.
3.9. Exercices et problèmes 1. Le cation He2+ a une longueur de liaison de 108 pm. Tracez un diagramme de niveau d’énergie pour cet ion et déterminez-en l’ordre de liaison. 2. Dessinez les diagrammes de niveaux d’énergie et en décrire les liaisons basées sur le modèle OM (orbitale moléculaire) pour : a. La molécule diatomique LiH b. Décrire les liaisons de OH− et OH•. c. Décrire les liaisons de O2+, O2− et O22− ; déterminez l’ordre de liaison. 3. Dans la gamme des molécules diatomiques de Li2 à Ne2 lesquelles des mono-cations et mono-anions correspondantes possèdent des ordres de liaison plus élevés que les éléments neutres correspondants ?
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4
Géométrie moléculaire – RPECV
4.1. Introduction L’une des propriétés les plus évidentes des molécules est leur forme physique. De toute évidence, il est très important de connaître la forme d’une molécule si nous souhaitons comprendre ses possibles réactions. Il est aussi souhaitable de disposer d’une méthode simple pour prédire les géométries des composés. La méthode RPECV est un outil prédictif utile pour les principaux groupes de composés et n’a pas son équivalent comme méthode. Il s’agit d’un dispositif remarquablement commode mettant en œuvre un ensemble simple de règles de « comptabilité » des électrons qui permettent de prédire la forme des composés des principaux groupes. Il permet un traitement aussi efficace pour les molécules organiques qu’inorganiques. Les suppositions et les simplifications demandées par une utilisation de cette méthode ne devraient pas empiéter de trop sur des descriptifs des liaisons : il suffit de disposer d’une méthode pour prédire la forme physique des molécules. Quand on applique la méthode RPECV on se base en fait sur les structures par points de Lewis, une vision très simple du processus des liaisons. Et, malgré la simplicité inhérente, la prédiction de la géométrie est presque toujours assurée et, quand il y a des exceptions, il s’agit plutôt de cas particuliers. Pour une analyse complète d’une molécule, il faut aussi prendre en compte des facteurs tels que les interactions noyau-noyau, noyauxélectrons et électrons-électrons. Dans la méthode RPECV que nous allons aborder ci-après, la supposition est faite que la géométrie d’une molécule donnée ne dépend que des interactions électrons-électrons.
RPECV est l’acronyme en français pour la « Répulsion des paires électroniques de la couche de valence », venant de l’anglais et l’acronyme équivalent, VSEPR (ou Valence Shell Electron Pair Repulsion).
4.2. Modèle RPECV Certains éléments d’information supplémentaires sont également nécessaires avant de pouvoir appliquer la méthode RPECV et ses règles avec succès. Nous devons connaître la connectivité des atomes présents dans la molécule à analyser ; autrement dit, quels sont ces atomes et dans quel ordre se sont établies les liaisons ? Pour illustrer cette question, on peut se demander si la formule empirique C2H6O se réfère à MeOMe ou à EtOH ? Il est également nécessaire d’écrire une structure électronique de Lewis par points pour cette molécule mais souvent une structure de Lewis simplifiée s’avère suffisante.
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Les liaisons chimiques
Les suppositions sous-jacentes faites dans la méthode RPECV sont les suivantes : Paires liantes (abrégé bp, bonding pairs).
Paires libres (abrégé lp – lone pairs).
• Les atomes dans une molécule sont liés par des paires d’électrons, que l’on désigne par paires de liaison. Un phénomène appelé liaison multiple voit plus d’un ensemble de paires d’électrons qui peuvent lier deux atomes, quels qu’ils soient. • Certains atomes dans une molécule peuvent posséder des paires d’électrons qui ne sont pas impliquées dans le processus de liaison. On les appelle des paires libres ou paires non liées. • Ces paires libres autour d’atome particulier dans une molécule adoptent des positions où leurs interactions mutuelles sont minimisées. La logique ici est simple. Les paires d’électrons sont chargées négativement et vont se tenir aussi loin les unes des autres que possible. • Les paires libres demandent plus de place que les paires d’électrons de liaison. • Les doubles liaisons prennent plus de place que les liaisons simples. La disposition la plus favorable pour un nombre donné de paires d’électrons (Tableau 4.1) autour d’un atome donné est identifiée en opérant quelques constructions géométriques simples. Dans cette perspective, on positionne d’abord le noyau de l’atome en question au centre d’une sphère puis on place les paires d’électrons sur la surface de la sphère, de sorte qu’elles soient aussi éloignées que possible. Les dispositions qui en résultent sont souvent intuitives. Tableau 4.1 Géométries RPECV. N° de paires d’électrons
Géométrie
2
linéaires
3
planaires trigonales
4
tétraèdre
5
bipyramidale trigonale
6
octaèdre
Quand il n’y a que deux paires d’électrons, la disposition est simple (Fig. 4.1) et la configuration d’énergie minimale se produit quand les paires d’électrons sont alignées avec le noyau. Dans cette configuration, l’angle entre la paire d’électrons – noyau – paire d’électrons est de 180°. On décrit la géométrie de coordination de l’atome central comme linéaire. Trois paires d’électrons se disposent autour du noyau formant une structure trigonale où les trois paires d’électrons et le noyau sont dans un plan avec des angles de liaison de 120°.
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4. Géométrie moléculaire – RPECV
Linéaire
Trigonale
Bipyramidale trigonale
Tétraèdre
Octaèdre
Fig. 4.1 Dispositions pour 2 à 6 paires d’électrons sur la surface d’une sphère. Chaque point représente une paire d’électrons.
Quand il y a quatre paires d’électrons, on pourrait s’attendre à ce que la géométrie du plan, et un carré, soit privilégiée. Mais en réalité les angles en tétraèdre des liaisons sont de 109,5°, c’est-à-dire plus grands que 90° (le carré). Si, pour les besoins de cette illustration, on suppose que les paires d’électrons sont des points, il devient clair que pour avoir des longueurs de liaisons similaires, les paires d’électrons doivent nécessairement être plus espacées dans la structure tétraèdre que si elles étaient disposées en carré. Mais comme il y a plus de répulsion au niveau de l’axe paire d’électrons - paire d’électrons dans la configuration carrée, il s’ensuit que c‘est la géométrie tétraèdre qui est privilégiée. Le cas d’une coordination 5 est plus complexe. La configuration privilégiée pour la plupart des molécules portant 5 paires d’électrons est bipyramidale - trigonale. Dans ce cas d’une structure bipyramidaletrigonale il y a deux environnements, l’un axial, l’autre équatorial, qui d’un point de vie chimique sont distincts. Une autre configuration possible est la pyramide à base carrée, qu’on appelle l’octaèdre, où l’un des groupes a été retiré et où les quatre groupes adjacents sont légèrement déplacés vers le bas pour occuper partiellement l’espace laissé vacant. Dans la pratique, cette configuration n’est que peu défavorisée, comparée à la structure bipyramidale-trigonale et la géométrie pyramidale à base carrée est très importante, s’agissant de l’interconversion des environnements axiaux et équatoriaux pour les molécules à structure bipyramidale-trigonale. La majorité des molécules des groupes principaux avec une géométrie basée sur des paires d’électrons sont, en effet, bipyramidales-trigonales. Dans le cas de systèmes à coordination 6, c’est la géométrie octaèdre qui est de loin la plus importante. L’alternative, la géométrie prismatique trigonale, est peu courante pour les composés des groupes principaux d’éléments. Tous les six sites d’un octaèdre occupent des environnements équivalents.
La géométrie bipyramidale trigonale (la lettre a désigne l’axial et e l’équatorial).
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Les liaisons chimiques
Un seul sommet de coordination peut être formé par une liaison simple (2 électrons), par une liaison double (4 électrons), ou par une liaison triple (6 électrons).
Pour les besoins des calculs RPECV, une liaison libre est toujours traitée comme une liaison σ. Les liaisons doubles sont toujours considérées comme des liaisons d’interaction σ + π et les liaisons triples comme des liaisons d’interaction σ + 2π. Simplifier les liaisons de la sorte est « permissible » en dépit des traitements OM (orbitale moléculaire) que nous verrons au chapitre 6 qui démontrent que la nature de certaines liaisons multiples est quelque peu différente. Toutefois, on notera que les liaisons doubles et triples n’occupent qu’un sommet de coordination. Chaque sommet du polyèdre de coordination est nécessairement occupé par une liaison σ (avec, possiblement, π liaisons en soutien), ou par une paire libre d’une symétrie σ, sinon le sommet n’aurait pas d’existence du tout. Il s’ensuit que la forme physique d’une molécule est dictée par le cadre des liaisons σ. La détermination fine de la géométrie d’une molécule revient à calculer le nombre d’électrons hébergés sur les orbitales σ. Les électrons dans les liaisons π doivent donc être identifiés et il conviendra surtout de ne pas les confondre avec les électrons des liaisons σ. Le nombre recherché comprend : • les électrons de valence (pour l’atome à analyser) • des contributions des atomes attachés (par les liaisons σ et π) • des contributions des charges électriques (positives ou négatives) Le protocole qui suit – mais ce n’est pas le seul – est performant : 1. Identifiez l’atome central et déterminez le nombre de ses électrons de valence.
L’atome central est celui qui occupe la position « centrale » d’une entité de coordination qui se lie à d’autres atomes (ou groupes d’atomes).
2. Écrivez une structure de Lewis simple en attribuant à tous les atomes ou groupes liés à l’atome à analyser le qualificatif, simple, double ou triple. Cela ne donne pas nécessairement la meilleure structure de Lewis mais cela marche dans tous les cas de figure. Il n’est pas nécessaire d’inclure les doublets non-liants puisque le calcul déterminera leur nombre. Désignez tous les groupes à liaison simple comme des électrons de liaisons appariés et partagés, sauf les groupes « datifs » que nous examinerons par la suite. Traitez toujours les groupes tels que =O et =S comme des liaisons doubles, attachées à l’atome central, la double liaison comprenant une liaison σ et une liaison π, les deux étant des paires d’électrons de liaison partagées. Traitez les groupes tels que ≡N et ≡P comme des liaisons triples, où la triple liaison comprend une liaison σ et deux liaisons π, le tout formant un système de paires d’électrons de liaison partagées. 3. Traitez les groupes pour lesquels la règle de l’octet est vérifiée, tels que NH3, comme des donneurs des doublets non-liants d’électrons vers l’atome, par exemple, le transfert depuis l’atome B dans H3N→BF3. Il subsiste une liaison σ, mais d’un point de vue formel les deux électrons proviennent du groupe attaché (N). Les groupes attachés tels que NH3 sont liés et datifs. À l’inverse, si on est en train d’analyser l’atome N en tant qu’atome central du transfert H3N→BF3, alors le groupe BF3 est lié par une liaison simple à l’atome
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4. Géométrie moléculaire – RPECV
central (N) mais dans ce cas, les deux électrons de cette liaison proviennent de l’atome central. 4. La géométrie de coordination est dictée par le seul cadre σ. Donc, vous pouvez ne pas tenir compte des électrons de l’atome central impliqués dans des liaisons π. Et puisque chaque liaison π est formée par une paire d’électrons partagée, vous retirez un électron pour chaque liaison π qui implique l’atome central. 5. Pour les besoins du calcul, la charge globale sur la molécule est toujours affectée à l’atome central, même si, en y réfléchissant par la suite, il serait mieux de l’affecter ailleurs. Il s’ensuit qu’une charge négative constitue un électron additionnel sur l’atome central, tandis qu’une charge positive demande qu’on retire un électron du compte de l’atome central. 6. Divisez par deux le nombre total d’électrons associés avec le cadre σ pour connaître le nombre de paires d’électrons σ. Affectez une géométrie de coordination basée sur ce nombre et peut-être effectuez une distinction entre les isomères. Tableau 4.2 Classement des types de liaison formelle à l’atome central. Simple
Double
Triple
F, Cl, Br, I OH, SH
=O, =S
NH2
=NH, =PH
≡N, ≡P
Me, Ph, SiMe3
=CH2
≡CH
H SiMe3
4.3. Molécules ne contenant que des liaisons simples Quand on énonce ainsi formellement des règles, celles-ci paraissent plus « imposantes » qu’en réalité. Il est donc approprié que nous examinions quelques calculs simples, en commençant par le méthane (Tableau 4.3) qui montre que l’atome de carbone est associé à huit électrons dans le cadre σ. Cela correspond à quatre paires d’électrons qui déterminent la forme physique de la molécule CH4. Par conséquent, la géométrie de coordination du carbone est tétraèdre. L’angle de liaison H–C–H est l’angle « idéal » des tétraèdres, soit 109,5°. Il y a quatre groupes liés et, donc, il n’y a pas de doublets non-liants. L’atome d’azote dans l’ammoniac est entouré de quatre paires d’électrons et la géométrie des sommets de l’azote est basée sur la disposition tétraèdre des paires d’électrons (Tableau 4.4). Il y a trois groupes liés ; il y a donc une seule paire libre (doublet non-liant). La forme descriptive d’une molécule est celle d’une représentation boules-et-bâtonnets qui exclut les doublets non-liants – la molécule d’ammoniac est donc pyramidale.
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Les liaisons chimiques Tableau 4.3 Calcul de RPECV pour le méthane, CH4. Méthane (CH4) Structure de Lewis :
Atome central : carbone Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
4
4 H où chacun contribue 1 électron :
4
total :
8
divisé par 2, soit nombre de paires d’électrons :
4
4 paires d’électrons : géométrie tétraèdre (cadre orbital σ) Géométrie du méthane CH4. Chaque angle de liaison H–C–H est de 109,5°.
Calcul de paires libres : 4 paires d’électrons − 4 atomes rattachés = 0 Forme descriptive : tétraèdre Tableau 4.4 Calcul de RPECV pour l’ammoniac, NH3. Ammoniac, NH3 Structure de Lewis :
Atome central : azote
Géométrie de l’ammoniac, NH3. La paire libre (non reproduite ici) est orientée vers le haut et à droite de cette image. Chaque angle de liaison H–N–H est de 106,6°.
Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
5
3 atomes de H, chacun contribuant 1 électron :
3
total :
8
divisé par 2 soit nombre de paires d’électrons :
4
4 paires d’électrons : géométrie tétraèdre (cadre orbital σ) Calcul de paires libres : 4 paires d’électrons − 3 atomes rattachés = 1 Forme descriptive : pyramidale
Considérons une paire d’électrons de liaison. Les deux électrons sont logés entre les deux noyaux et sont donc attirés par l’un comme par l’autre. Une paire libre, appelée doublet non-liant, est différente. Elle est attirée par un seul des noyaux et, par conséquent, se positionne plus près de ce noyau qu’une paire d’électrons de liaison. Cela signifie que l’angle solide occupé par un doublet non-liant est plus grand que celui occupé par une paire d’électrons de liaison. Dans le cas de l’ammoniac, parmi les conséquences, on observe que : (i) la paire libre repousse les trois paires de liaison, y compris, mais un peu seulement, les trois liaisons N–H ; (ii) les angles des liaisons H–N–H se referment un peu, finissant à 106,6° et non pas à l’angle idéal pour un tétraèdre, qui est 109,5°.
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4. Géométrie moléculaire – RPECV
La molécule de l’eau (Tableau 4.5) possède quatre paires d’électrons et la disposition géométrique des sommets de l’atome oxygène est basée sur une structure en tétraèdre des paires d’électrons. Puisqu’il n’y a que deux groupes liés, il y a donc deux doublets non-liants. La forme descriptive de la molécule d’eau est basée sur ces liaisons et est quelque peu « coudée ». Les deux doublets non-liants en fait compriment et referment l’angle de la liaison H–O–H pour arriver à une valeur de 104,5°, c’est-à-dire en dessous de l’angle idéal pour un tétraèdre (109,5°). Tableau 4.5 Calcul de RPECV pour l’eau, OH2. Eau (OH2) Structure de Lewis : H—O—H Atome central : oxygène Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
6
2 H où chacun contribue 1 électron :
2
total :
8
divisé par 2, soit nombre de paires d’électrons :
4
4 paires d’électrons : géométrie tétraèdre (cadre orbital σ) Calcul de paires libres : 4 paires d’électrons − 2 atomes rattachés = 2
Géométrie de l’eau, OH2. Les angles de liaison H–O–H sont de 104,5°.
Forme descriptive : coudée Tableau 4.6 Calcul RPECV pour le trifluorure de bore, BF3. Trifluorure de bore, BF3 Structure de Lewis :
Atome central : bore Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
3
3 F, chacun contribuant 1 électron :
3
total :
6
divisé par 2, soit nombre de paires d’électrons :
3
3 paires d’électrons : géométrie trigonale (cadre orbital σ) Calcul de paires libres : 3 paires d’électrons − 3 atomes rattachés = 0 Forme descriptive : trigonale
Géométrie de trifluorure de bore, BF3 ; les angles de liaison sont de 120°.
Le trifluorure de bore BF3 (Tableau 4.6) n’a que six électrons de valence et, de plus, est l’une des molécules covalentes relativement rares dans la seconde période du tableau qui désobéissent à la règle de l’octet. Il y a trois groupes tous liés, et par conséquent, il n’y a pas de doublet non-liant. Avec six électrons, vous avez trois paires et donc une géométrique trigonale pour les sommets du bore. La forme descriptive est également trigonale.
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Les liaisons chimiques
Pour les besoins des calculs RPECV, il faut positionner les charges, positives ou négatives, sur l’atome central.
Le donneur de paires d’électrons, disons la molécule NH3, a une base de Lewis. On écrit quelquefois la réaction entre le NH3 et le BF3 comme H3N→BF3 (Section 1.3). Il y a deux atomes d’intérêt, l’azote, N, et le bore, B. Et, comme pour toute autre molécule avec plus d’un atome « central », il est nécessaire d’effectuer un calcul spécifique pour chaque centre (Tableau 4.7). Une représentation alternative du BF3NH3 (à charge séparée) place une charge positive sur l’azote et une charge négative sur le fluor. La règle de l’octet est toujours vérifiée pour chaque atome mais aucune flèche ne distingue la liaison BN des autres liaisons simples. Mais cela est peut-être un avantage puisque cela élimine le sentiment qu’une liaison « dative » est différente des autres liaisons. Le calcul RPECV marche à la perfection avec l’une ou l’autre représentation (Tableau 4.7). Tableau 4.7 Calcul RPECV pour l’adduit ammoniac-bore-trifluorure de bore, H3N→BF3. H3N→BF3 Structure de Lewis :
Atome central : bore Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
3
3F chacun contribuant 1 électron :
3
Le NH3 transfère 2 électrons dans une liaison “donneuse”
2
total :
8
divisé par 2, soit nombre de paires d’électrons :
4
4 paires d’électrons : géométrie tétraèdre sur le bore (cadre orbital σ) Calcul de paires libres : 4 paires d’électrons − 4 atomes rattachés = 0 Atome central : azote
Représentation de H3N→BF3 avec des boules et des bâtons.
Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
5
3 atomes H chacun contribuant 1 électron :
3
Le BF3 transfère 0 électron
0
total :
8
divisé par 2, soit 4 paires d’électrons
4
4 paires d’électrons – géométrie tétraèdre (cadre orbital σ) Calcul de paires libres : 4 paires d’électrons – 4 atomes rattachés = 0
Il y a six groupes liés pour la molécule d’hexafluorophosphate [PF6]–, il n’y a donc pas de paires libres. Cet anion est très utile en travaux de synthèse car il aide souvent à la cristallisation de cations volumineux, offrant une taille raisonnable pour accommoder le cation.
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4. Géométrie moléculaire – RPECV
La charge négative (Tableau 4.8) est positionnée sur le phosphore pour les besoins du calcul mais, en réalité, la charge négative est délocalisée sur tous les sept atomes de l’ion. Tableau 4.8 Calcul RPECV pour l’hexafluorophosphate [PF6]–. Hexafluorophosphate [PF6]– Structure de Lewis :
Atome central : phosphore Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
6
6F chacun contribuant 1 électron :
6
Plus 1 pour la charge négative sur P total : divisé par 2, soit nombre de paires d’électrons :
1 12 6
6 paires d’électrons : géométrie octaèdre (cadre orbital σ)
Géométrie du l’hexafluorophosphate [PF6]–. Les angles de liaison F–P–F sont de 90°.
Calcul de paires libres : 6 paires d’électrons − 6 atomes rattachés = 0 Forme descriptive : octaèdre Tableau 4.9 Calcul de RPECV pour le tétraphénylarsonium, [AsPh4]+. Tétraphénylarsonium, [AsPh4]+ Structure de Lewis :
Atome central : arsénique Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
5
4 Ph où chacun contribue 1 électron :
2
moins 1 pour la charge positive sur l’atome As
–1
total :
8
divisé par 2 soit nombre de paires d’électrons :
4
4 paires d’électrons : géométrie tétraèdre (cadre orbital σ) Calcul de paires libres : 4 paires d’électrons − 4 atomes rattachés = 0 Forme descriptive : tétraèdre
Géométrie du cation du tétraphénylarsonium, [AsPh4]+. Seuls les atomes du phényle carbone rattachés sont dessinés ici. Les angles des liaisons C–As–C sont tous de 109,5°.
Il y a quatre groupes phényles avec liaisons σ attachés à l’arsenic dans le cation tétraphénylarsonium et le calcul (Tableau 4.9) prévoit qu’il n’y ait pas de paires libres sur l’atome central. Le cation
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Les liaisons chimiques
tétraphénylarsonium est également utile pour les travaux de synthèse, pour sa capacité à aider à la cristallisation d’anions volumineux, offrant une taille raisonnable. Il est à noter que la charge positive est positionnée formellement sur l’arsenic, même si elle est en réalité délocalisée sur toute la molécule. Le CIF3 est un cas intéressant. Le calcul (Tableau 4.10) montre que la forme de la molécule a pour base cinq paires d’électrons et la géométrie privilégiée est donc bipyramidale trigonale. Il y a trois groupes liés et donc deux paires libres. Tableau 4.10 Calcul de RPECV pour le trifluorure du chlore, ClF3. Trifluorure du chlore, ClF3 Structure de Lewis :
Atome central : chlore Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
7
3 F, chacun contribuant 1 électron :
3
total : divisé par 2 soit nombre de paires d’électrons : Géométrie de ClF3. Les deux angles les plus petits F–Cl–F sont de 87° et les plus grands sont de 175°.
10 5
5 paires d’électrons : géométrie bipyramide trigonale (cadre orbital σ) Calcul de paires libres : 5 paires d’électrons − 3 atomes rattachés = 2 Forme descriptive : en forme de T
Ce qui est intéressant ici est l’emplacement des paires libres. Il y a trois voies possibles pour le positionnement des deux paires d’électrons dans la géométrie trigonale bipyramidale (Tableau 4.11). Ces trois structures possèdent, respectivement, zéro, une et deux paires libres dans les sites axiaux. Pour que la méthode RPECV acquière de la valeur, il faut pouvoir prédire la géométrie précise. Pour aborder ce problème, il est nécessaire au préalable de connaître la relative amplitude des différents types d’interaction entre paires d’électrons et électrons. Il y a trois interactions possibles : paire libre ↔ paire libre (lp–lp) ; paire libre ↔ liaison-paire (lp–bp) ; liaison-paire ↔ liaison-paire (bp–bp). Rappelons que les paires libres occupent davantage d’espace angulaire et sont positionnées plus proches de l’atome que les paires de liaison. Ceci dit, on peut avancer l’argument que les interactions entre les deux paires d’ions, quel que soit l’angle, sont plus grandes que celles entre deux paires de liaison. L’interaction entre une paire d’électrons libres et une paire d’électrons de liaison se situe quelque part entre les deux. Une structure, quelle qu’elle soit, va adopter une configuration
92
4. Géométrie moléculaire – RPECV
où les interactions entre les paires d’électrons sont réduites au minimum. Ainsi, si on voulait comparer les trois formes géométriques plausibles pour le ClF3, il serait nécessaire de comparer les répulsions entre les paires d’électrons dans chaque cas. Une bipyramide trigonale possède six interactions à 90°, trois à 120° et 1 à 180°. Les interactions pour les isomères a, b et c sont listées dans le tableau 4.11. Tableau 4.11 Interactions des paires d’électrons dans le ClF3. Structure
90°
2 bp–bp 4 lp–bp
2 bp–bp 3 lp–bp 1 lp–lp
6 lp–bp
120°
1 lp–lp 2 lp–bp
1 bp–bp 2 lp–bp
3 bp–bp
180°
1 bp–bp
1 lp–bp
1 lp–lp
En première approximation, on peut ne pas tenir compte de toutes les interactions qui dépassent les 90°. La distance effective entre paires d’électrons aux angles 120° et 180° est suffisamment grande pour que leurs interactions mutuelles soient petites comparées aux interactions à 90°. Cela signifie qu’il n’y a que six interactions à considérer. Si vous inspectez la liste des interactions de la colonne pour 90° (Tableau 4.11), vous noterez le facteur commun des 3 interactions lp-bp pour chacune d’entre elles. Ces trois interactions peuvent être annulées, ce qui conduit à faire une comparaison des trois autres interactions seulement (Tableau 4.12). Considérez les structures a et b. Faites le lien entre les interactions deux bp–bp et un bp–lp pour a avec deux bp–bp + un lp–lp pour b. Les deux interactions bp–bp s’annulent et il ne nous reste à comparer qu’une interaction lp–bp avec une lp–lp. Celle-ci est moins stable, et on peut déduire que la structure a est plus stable que b. Tableau 4.12 Après avoir retiré les interactions > 90° et « l’annulation » de 3 lp–bp, les interactions et l’analyse du composé ClF3. Structure
a
b
c
90°
2 bp–bp 1 lp–bp
2 bp–bp 1 lp–lp
3 lp–bp
Considérons maintenant les structures a et c. On compare l’interaction lp–bp + deux interactions bp–bp avec trois interactions lp–bp. Une des interactions lp–bp est annulée dans chaque cas, ce qui ne laisse que la comparaison de deux interactions bp–bp avec deux interactions lp–bp, on en déduit que la structure a est plus favorable que la structure c.
93
Les liaisons chimiques
Puisque la structure a est plus favorable que b et c, c’est la structure a qui est la plus favorable. La forme géométrique de ClF3 est basée sur la disposition bipyramidale trigonale de cinq paires d’électrons mais la forme visible est celle de la lettre « T », et c’est bien le cas. Les deux paires d’électrons sont équatoriales. Puisque les paires d’électrons libres occupent un peu plus de l’espace disponible que les paires de liaison, les trois liaisons Cl–F se resserrent un peu pour laisser la place aux paires libres. La bipyramide tétragonale est donc un peu coudée avec l’angle de liaison Cla–F–Cle inférieur à 90° (87°) et l’angle de liaison Cla–F–Cla un peu inférieur à 180° (175°). Le trifluorure de chlore ClF3 est un exemple de composé EX3. La règle pour tout composé basé sur une géométrie contenant une (EX4), deux (EX3) ou trois (EX2) paires d’électrons libres est que les paires d’électrons libres occupent les positions équatoriales, dans tous les cas.
4.4. Molécules avec des liaisons multiples La méthode RPECV permet des prédictions par rapport à des composés avec de multiples liaisons entre un atome d’intérêt et un autre atome périphérique. Le point clef est que les liaisons doubles ou triples n’occupent qu’un sommet et il s’ensuit que les électrons de l’atome central impliqués dans les liaisons π doivent être retirés du compte global des électrons. Dans le cas d’une liaison double, cela revient à voir l’atome périphérique céder un électron de la liaison σ à l’atome central et, en même temps, l’atome central perdrait un électron qui rejoint le cadre σ, l’électron étant restitué à la liaison π. Le calcul pour le propène CH2=CH-CH2 (Tableau 4.13) prédit qu’il n’y aura pas de paires d’électrons libres au niveau de l’atome central de carbone. Dans ce cas précis, on voit le traitement RPECV d’une liaison double et il marche aussi bien pour les espèces organiques que pour les molécules inorganiques. Les électrons π de la liaison double font que ce sommet apparaît un peu plus grand qu’une simple liaison σ et que pour laisser de la place, l’angle de liaison (124,8°) Me–C=CH2 est un peu plus grand que l’angle idéal de 120°. L’atome central de SF3N est le soufre et on voit que la molécule contient un groupe terminal nitrure ≡N. L’effet net dans le calcul pour un groupe à triple liaison, tel que ≡N (Tableau 4.14) est –1, ce qui s’obtient par +1 dans la liaison σ et –2 pour les deux liaisons π. Quant à la liaison double, la liaison S≡N occupe plus de place que la liaison simple et de ce fait les angles de liaison F–S–F au niveau du F3S≡N descendent un peu en dessous de la valeur pour l’angle idéal tétraèdre. L’atome central du perchlorate, [ClO4]−, est le Cl et le calcul (Tableau 4.15) fournit la bonne réponse en supposant que chaque atome terminal d’oxygène est connecté en tant que =O avec la charge sur l’atome central Cl. La géométrie correcte est prédite même quand l’oxygène terminal est supposé se lier toujours sous la forme =O, ce qui apparemment donne un total de huit liaisons pour le Cl. Si on utilise des
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4. Géométrie moléculaire – RPECV
structures de Lewis pour le perchlorate (Fig. 4.2), on obtient aussi les valeurs géométriques correctes, mais étant donné que la charge négative est attirée vers l’atome périphérique dans chaque cas, cela n’entre pas en ligne de compte pour le calcul. Fig. 4.2 Variantes de structure de Lewis pour le perchlorate.
Tableau 4.13 Calcul de RPECV pour le propène, MeCH=CH2. Propène, MeCH=CH2 Structure de Lewis :
Atome central : carbone (MeCH=CH2) Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
4
1 groupe Me qui contribue 1 électron :
1
1 atome H qui contribue 1 électron :
1
1 groupe = CH2 qui contribue 1 électron dans une liaison σ : Moins 1 électron transféré par le C central vers la liaison π
1 –1
total :
6
divisé par 2 soit nombre de paires d’électrons :
3
3 paires d’électrons : géométrie trigonale (cadre orbital σ) Calcul de paires libres : 3 paires d’électrons − 3 atomes rattachés = 0 Forme descriptive : trigonale
Géométrie du propène, MeCH=CH2. L’angle de liaison C–C=C est d’environ 125°, ce qui indique que la double liaison exige davantage de place.
Tableau 4.14 Calcul de RPECV pour le trifluorothionitrile, F3S≡N. Trifluorothionitrile, F3S≡N Structure de Lewis :
Atome central : soufre Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
6
3 atomes de Fluor, chacun contribuant 1 électron aux 4 liaisons σ :
3
1 azote terminal contribuant 1 électron à une liaison σ : Moins deux pour les deux électrons transférés par S aux 2 liaisons π
1 –2
total :
8
divisé par 2 soit nombre de paires d’électrons :
4
4 paires d’électrons : géométrie tétraèdre (cadre orbital σ) Calcul de paires libres : 4 paires d’électrons − 4 atomes rattachés = 0 Forme descriptive : tétraèdre
Géométrie du trifluorothionitrile, F3S≡N. Les angles des liaisons sont d’environ 94°.
95
Les liaisons chimiques Tableau 4.15 Calcul de RPECV pour le perchlorate, [ClO4]−. Perchlorate, [ClO4]− Structure de Lewis :
Atome central : chlore Nombre de valence sur l’atome central :
7
4 atomes d’oxygène terminal contribuant chacun 1 électron à 4 liaisons s : 4 moins 4 pour les 4 électrons qui contribuent par Cl à 4 liaisons p (une pour chaque)
−4
plus 1 par charge négative située sur Cl :
1
total :
8
divisé par 2 soit nombre de paires d’électrons :
4
4 paires d’électrons : géométrie tétraèdre (cadre orbital σ) Calcul de paires libres : 4 paires d’électrons − 4 atomes rattachés = 0 Géométrie du perchlorate, [ClO4]−.
Forme descriptive : tétraèdre
Toute structure produite correctement en utilisant la procédure de dessin des structures de Lewis développée au chapitre 1 devrait conduire à une prédiction correcte de la géométrie par les règles RPECV expliquées dans ce chapitre. On le voit dans la prédiction en ce qui concerne le carbone central de l’éthanoate (Tableau 4.16). Tableau 4.16 Calcul de RPECV pour l’éthanoate, [MeCO2]− (acétate). Éthanoate, [MeC2]− (acétate) Structure de Lewis :
Atome central : carbone Nombre de valence sur l’atome central :
4
1 groupe Me qui contribue 1 électron
1
2 atomes O terminaux, chacun contribuant 1 électron aux deux liaisons σ :
2
moins 1 par l’électron contribuant par C à la liaison p : Géométrie de l’éthanoate, [MeCO2]−. Les angles de liaison CCO sont d’environ 118° car les liaisons multiples π du CO exigent davantage de place que les liaisons simples.
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−1
total :
6
divisé par 2 soit nombre de paires d’électrons :
3
4 paires d’électrons : géométrie trigonale (cadre orbital σ) Calcul de paires libres : 3 paires d’électrons − 3 atomes rattachés = 0 Forme descriptive : trigonale
4. Géométrie moléculaire – RPECV Tableau 4.17 Calcul de RPECV pour le dioxyde d’azote, NO2. Dioxyde d’azote, NO2 Structure de Lewis : O=N=O Atome central : azote Nombre d’électrons de valence sur l’atome central :
5
2 oxygène terminaux, chacun contribuant 1 électron aux 2 liaisons σ :
2
Moins 2 pour les 2 électrons transférés par N aux 2 liaisons π total : divisé par 2, soit un nombre de paires d’électrons :
–2 5 2½
2 ½ paires d’électrons : géométrie trigonale (3 orbitales nécessaires) Calcul de paires libres : 2½ paires d’électrons − 2 atomes rattachés = ½ Forme descriptive : coudée
Géométrie du dioxyde d’azote, NO2. L’angle des liaisons ONO est de 134°.
Les électrons non appariés, quand il y en a, présentent une complication. Nous illustrons cette éventualité par le dioxyde d’azote (NO2). Pour cette molécule, il y a un nombre entier d’électrons de valence mais aussi un nombre non entier de paires d’électrons (Tableau 4.17). Et, puisqu’une orbitale ne peut recevoir qu’un ou deux électrons (jamais trois), cela signifie que 2½ paires d’électrons doivent prendre place sur trois orbitales. Ainsi, la géométrie de cette molécule est basée sur une disposition planaire trigonale de ces quatre paires d’électrons. Étant donné que l’orbitale de la paire libre n’est qu’à moitié pleine, elle demande moins d’espace, et l’angle O–N–O s’ouvre (à 134°) par rapport à l’angle idéal 120°. L’addition d’un électron au NO2 produit l’anion nitrite NO2−. Ce dernier électron sert à compléter l’orbitale de paires libres à moitié remplie seulement. Sa géométrie est encore basée sur un atome d’azote trigonal. Ce remplissage de l’orbitale des paires libres fait que l’angle de la liaison O–N–O diminue, à 115°.
4.5. Méthode RPECV avec plus de six paires d’électrons Il n’est pas facile de distinguer parmi sept géométries de coordonnées apparemment raisonnables. Il y a plusieurs possibilités, y compris la bipyramide pentagonale et l’octaèdre coiffé (Fig. 4.3). L’heptafluorure d’iode, IF7, est un bon exemple d’une géométrie bipyramidale pentagonale. Il y a des atomes équatoriaux et deux atomes axiaux. Les angles de liaison dans les plans équatoriaux sont de 72°. La molécule XeF6, l’hexafluorure de xénon, présente un cas d’étude intéressant. Comme pour l’IF7, une application des règles de RPECV nous suggère qu’il existe sept paires d’électrons, c’est-à-dire six paires
97
Les liaisons chimiques
Fig. 4.3 Bipyramide pentagonale (à gauche) et octaèdre mono-coiffé.
Fig. 4.4 Géométrie antiprismatique de coordination sous forme de carré idéal.
d’électrons de liaison et une paire d’électrons libres. La structure n’est pas celle d’un octaèdre non distordu, probablement avec une tendance de devenir un octaèdre non coiffé et sa géométrie se modifie rapidement avec le temps (on dit que la molécule est fluxionnelle). L’effet du processus fluxionnel est d’attribuer une valeur moyenne à toutes les positions des atomes de fluor. Pour des nombres de coordination plus élevés, la situation est plus complexe encore. Par exemple, la géométrie idéalisée pour huit paires d’électrons (cf. l’anion [XeF8]2– a la forme d’un antiprisme carré (Fig. 4.4) mais l’énergie d’autres géométries de coordination peut être très semblable ou plus stable, le cas échéant.
4.6. Systèmes métalliques du bloc-d La méthode de calcul RPECV est très efficace pour les composés du bloc-p mais pas pour les composés métalliques du bloc-d. Les paires d’électrons libres dans ces derniers n’occupent pas les orbitales directionnelles de la même manière que ceux dans les composés des principaux groupes. On peut comptabiliser les électrons pour les composés métalliques du bloc-d exactement de la même manière que pour les composés du bloc-p mais le nombre d’électrons de valence, typiquement, sera plus grand que ce que l’on observe pour les principaux composés métalliques. Par exemple, le compte pour les composés octaèdres peut avoir une valeur entre 12 et 22 électrons de valence. Les douze premiers électrons servent aux liaisons avec les six ligands. Le 13e électron et les suivants, jusqu’à possiblement le 22e, ne vont pas affecter la forme physique des composés, en première approximation. Ils sont positionnés dans les orbitales d ou dans des orbitales d atomiques modifiées qui n’ont pas beaucoup de pouvoir pour déterminer les formes. Malgré le plus grand nombre d’électrons impliqués, il est plus facile de poser une prédiction de premier ordre pour la forme des composés métalliques de transition que pour les composés des principaux groupes. Compter les ligands et placer les ligands attachés aussi loin les uns des autres que possible est efficace en se servant des géométries
98
4. Géométrie moléculaire – RPECV
des figures 4.1, 4.3 et 4.4. Les six ligands adoptent donc une configuration en octaèdre, cinq ligands en bipyramide trigonale et quatre ligands en configuration de tétraèdre. Il y a cependant des exceptions. Il existe un important groupe de composés avec 16 électrons de valence où les métaux possèdent une configuration d 8 et quatre ligands attachés. Beaucoup de ces composés sont des carrés planaires. Il existe aussi un autre groupe de composés ML6 où les métaux ont une configuration d 0. Ils sont pour la plupart des prismes trigonaux plutôt que des octaèdres.
4.7. Résumé • La méthode RPECV est un simple algorithme qui permet de déterminer la forme physique et la géométrie des principaux composés des groupes, sur la base de leur structure de Lewis. • Les paires d’électrons de liaison et les paires d’électrons libres attachées à l’atome central sont distribuées dans l’espace de façon à minimiser les répulsions électron-électron entre toutes les paires d’électrons de liaison et les paires d’électrons libres. • Les liaisons doubles et triples n’occupent qu’un seul sommet. • Les paires libres et les liaisons multiples occupent plus de place que les paires d’électrons de liaison. • Les paires d’électrons libres dans les composés bipyramidaux trigonaux se trouvent toujours dans les sites équatoriaux. • Les géométries prédites pour les complexes du bloc-d sont ordinairement celles associées avec les ligands de groupes attachés, aussi loin que possible les uns des autres.
4.8. Exercices et problèmes 1. Utilisez les règles RPECV pour prévoir les formes physiques et la géométrie des atomes centraux des molécules suivantes : BeH2, NH2−, [BeF4]2−, [H3O]+, PCl3, Me−, [NH4]+, IF5, SF6, [GaBr4]−, [SnPh3]−, [SbCl6]−, [AlCl6]3−, SbPh5, CO2, SO2, SO3, SOCl2, SO2Cl2, O3, Me2SO, [IO3]−, [IO4]−, [IO6]5−, [NCS]−, MeCN, HCCH, H2CCH2, [CO3]2−, [NO3]−, [SO4]2− et [SbO4]3−. Confirmez lesquelles de vos prédictions de géométrie sont exactes en consultant des livres de référence appropriés. 2. Utilisez les règles RPECV pour prévoir les géométries de coordination de XeOF4, XeF2, [IF4]− et SF4. Écrivez les formules raisonnables d’isomères pour vos prédictions de géométrie et déterminez, dans chaque cas, quel isomère est le plus probable.
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5
Hybridation - une description orbitale des liaisons
5.1. Introduction L’utilisation des structures de Lewis et la méthode RPECV permettent de prédire la géométrie et la forme physique d’une molécule, ainsi que son nombre de paires d’électrons libres et de paires d’électrons de liaison. Ce que ces méthodes n’expliquent pas ce sont les liaisons ellesmêmes. Il existe deux principales voies pour y arriver. L’une consiste à considérer les liaisons comme des interactions locales impliquant deux électrons placés entre deux atomes (appelées liaisons à doubles centres à deux électrons) tandis que l’autre voie implique la délocalisation des électrons sur des orbitales moléculaires sur une partie ou sur toute la molécule (appelées liaisons multi-centres à deux électrons). L’approche des liaisons localisées porte le nom de liaison de valence. L’approche des liaisons délocalisées s’exécute en approche orbitale moléculaire (cf. Chapitre 6). L’approche des liaisons de valence a été développée en premier et implique le concept d’un rassemblement des atomes liés au travers de paires d’électrons. L’approche orbitale moléculaire implique que les noyaux et les électrons du cœur soient d’abord en place puis on positionne tous les électrons de valence sur les orbitales (deux ou davantage) moléculaires multi-centres. Aucune des deux approches n’est précise. L’approche orbitale moléculaire peut se révéler plus appropriée pour des analyses spectroscopiques ; en se basant sur des approches mathématiques plus sophistiquées, mieux adaptées à des descriptions de liaisons, on peut faire en sorte que l’approche de liaison de valence et l’approche orbitale moléculaire s’approchent de plus en plus de la fonction d’onde exacte, comme elle peut être mesurée avec une correspondance de l’énergie calculée par rapport à l’énergie mesurée de façon expérimentale. À la limite, les deux approches se valent et peuvent être considérées comme équivalentes.
5.2. Hydrogène Utiliser une approche par liaison localisée implique qu’une orbitale sur un arôme interagit avec une autre orbitale sur un second atome, formant ainsi une liaison. Les orbitales sur d’autres atomes ne sont pas impliquées et peuvent être analysées séparément. Pour le cas de
101
Les liaisons chimiques
Fig. 5.1 Chevauchement de deux orbitales 1s d’hydrogène.
Fig. 5.2 Chevauchement de deux orbitales 1s d’hydrogène après être mélangées avec environ 1 % d’une fonction 2pz.
l’hydrogène, la procédure est la suivante. Comme première approximation, la liaison H—H dans l’H2 a la forme d’un chevauchement entre orbitales 1s sur chaque atome (Fig. 5.1). Mais dans la pratique, ce n’est qu’une première approximation. Beaucoup de modifications peuvent être appliquées à la fonction d’onde 1s afin d’obtenir une fonction d’onde plus précise pour la molécule étudiée. Par exemple, on trouve une amélioration dès lors que l’on reconnaît que le second noyau d’hydrogène (avec sa charge positive) génère une distorsion de la densité électronique dans l’orbitale 1s du premier atome. Pour avoir une description, on passe par un mélange et une normalisation de la fonction orbitale 1s avec une petite composante (environ 1 % seulement) de la fonction orbitale 2pz de l’hydrogène (Fig. 5.2). On appelle ce processus l’hybridation. L’effet sur le descriptif « imagé » de l’orbitale 1s de l’hydrogène est qu’on a une orbitale légèrement « penchée » en direction du noyau du second atome d’hydrogène. Cela améliore le degré de chevauchement avec l’orbitale penchée correspondante sur le second atome et l’énergie de liaison calculée offre une meilleure approximation de la valeur de l’énergie de la liaison déterminée de manière expérimentale.
5.3. Hybridation pour les systèmes linéaires Linus Pauling 1901-1994. Célèbre pour ses travaux, entre autres, sur les liaisons chimiques.
L’orbitale hybride est l’orbitale atomique d’un atome produite par un mélange d’orbitales atomiques ayant différents nombres quantiques de moment angulaire.
102
L’hybridation – ou le mélange d’orbitales sur un atome – constitue un outil mathématique utile. Mais il ne s’agit pas de quelque chose que font les atomes. L’hybridation est une procédure mathématique qui décrit les liaisons en termes conceptuels avec deux centres et deux électrons. La procédure offre le moyen de décrire des orbitales atomes qui se recouvrent plus fortement avec les orbitales atomiques d’autres atomes afin de former des orbitales de liaison plus stables. Elle a été développée par Linus Pauling. Le mieux maintenant est d’analyser quelques exemples.
Hydrure de béryllium (BeH2) Les règles de RPECV appliquées à la géométrie de BeH2 prédisent que la molécule est linéaire. Par convention, l’axe d’une molécule linéaire est aligné avec l’axe-z. L’état fondamental du béryllium atomique est [He]2s2, ce qui signifie qu’il y a deux électrons de valence. La vision orbitale hybride des liaisons dans la molécule linéaire BeH2 demande qu’il y ait deux orbitales disposées à 180° l’une par rapport à l’autre le long de l’axe moléculaire, chacune dirigée vers l’un des atomes d’hydrogène connectés par la liaison. Le mélange des fonctions mathématiques des orbitales 2s et 2pz génère deux nouvelles orbitales pour décrire ces deux orbitales. Le résultat du processus d’hybridation est deux orbitales orientées dans les bonnes directions (Fig. 5.3), avec un seul électron sur chaque orbitale (Fig. 5.4).
5. Hybridation - une description orbitale des liaisons
Orbitale de Be non hybridée
Orbitale de Be hybridée sp
Fig. 5.3 Deux orbitales hybrides sp, formées à partir des orbitales 2s et 2pz du Be.
Orbitales atomiques 2px et 2py Énergie
Orbitales hybridées sp
Be atomique
Orbitales sp du Be hybridées dans une molécule linéaire
Fig. 5.4 Diagramme de niveau d’énergie qui montre le Be hybridé dans le BeH2 et le Be atomique (le dessin n’est pas à l’échelle). Les deux orbitales hybridées sp de la molécule sont formées à partir des orbitales 2s et 2pz du Be atomique.
Be non hybridé Be hybridé sp Chevauchements d’orbitales pour former le BeH2
Fig. 5.5 Hybridation sp du béryllium et présentation à deux orbitales 1s de l’hydrogène pour former le BeH2.
Les deux atomes H se lient à l’atome de Be formant une liaison à deux électrons par un chevauchement d’une orbitale hybride sp, chacun avec un électron, avec une orbitale d’hydrogène 1s, chacune avec un électron (Fig. 5.5). Ces deux orbitales sont équivalentes et chaque hybride est composé de 50 % de caractère s et de 50 % de caractère p. On les appelle des hybrides sp, parce que l’hybridation implique un mélange d’une orbitale s avec une orbitale p. D’ordinaire, on n’écrit pas les principaux nombres quantiques avec les hybrides qui en résultent. On note la position du noyau de béryllium (Fig. 5.6). Dans les représentations schématiques des orbitales hybrides, le noyau est correctement positionné dans le diagramme de droite, mais ce n’est pas le cas pour le diagramme de gauche. Le noyau prend place à l’intérieur du lobe mineur et pas sur la surface nodale. La représentation par points de la densité électronique pour une orbitale hybride sp (Fig. 5.7 (a)) révèle un lobe majeur orienté dans un sens et un lobe plus petit – où la fonction d’onde est de signe opposé – dans l’autre direction. Il y a donc une surface nodale courbée. Le noyau se trouve à l’intersection des lignes horizontales et verticales, clairement à l’intérieur du lobe mineur. Le lien entre le béryllium atomique et le béryllium hybridé dans le BeH2 est donné dans l’équation 5.1. La représentation (sp)2 fait référence aux deux hybrides sp, avec un total de deux électrons, un dans chaque.
Fig. 5.6 Dans ces deux représentations d’orbitales hybridées, le noyau est incorrectement positionné sur le diagramme de gauche.
Le processus de mélange de fonctions orbitales atomiques s’appelle l’hybridation.
hybridisation → [He] ( sp)2 (5.1) [He] 2s 2
103
Les liaisons chimiques
Fig. 5.7 Coupe des diagrammes de densité électronique représentant une orbitale hybridée sp (a), une orbitale sp2 (b), et une orbitale sp3 (c). Le noyau se trouve au centre des carrés.
Le diagramme de niveau d’énergie (Fig. 5.4) fait le lien entre la structure orbitale du béryllium atomique et celle du béryllium sp hybridisé dans le BeH2. Chacune des deux orbitales dégénérées est occupée par un seul électron. L’hybridation est un modèle mathématique et non un processus physique subi par les atomes de béryllium. L’orbitale hybride sp a une symétrie cylindrique, ce qui signifie que les liaisons où elle est impliquée s’appellent des liaisons σ. Chaque orbitale sp est calculée en prenant les combinaisons linéaires des orbitales 2s et 2pz (Eq. 5.2 et 5.3).
2H• + •Be• → H:Be:H
sp(1) =
1 (2s + 2pz ) (5.2) 2
sp(2) =
1 (2s − 2pz ) (5.3) 2
Avec l’approche orbitale de valence, le processus de liaison dans le dihydrure de béryllium est formé de deux liaisons d’électrons partagés. Et puisque chaque liaison est une entité distincte, selon l’approche orbitale d’hybridation, l’analogie avec la représentation de Lewis devient évidente.
Acétylène (C2H2) Structure de Lewis : H:C:::CH
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On appliquant la méthode RPECV, on prédit correctement que l’acétylène est linéaire. La connectivité s’écrit H−C−C−H. La structure de Lewis pour l’acétylène indique l’existence d’une triple liaison entre les deux atomes de carbone. Il s’ensuit qu’on a besoin d’une description du processus de liaison où chaque atome de carbone forme une liaison – avec une paire d’électron partagée – avec un atome d’hydrogène et trois liaisons d’électrons partagés avec le second atome de carbone. La configuration électronique du carbone s’écrit [He]2s22p2, ce qui signifie que le carbone possède quatre électrons de valence. D’une certaine manière, les exigences des atomes de carbone de l’acétylène en termes de liaison sont très semblables à celles du
5. Hybridation - une description orbitale des liaisons
béryllium dans le BeH2. Il y a deux atomes attachés avec des angles de liaison de 180° pour chaque atome. Par conséquent, dire que le carbone est « sp hybridisé » est approprié. Quant au BeH2, l’orbitale 2s est mélangée avec l’orbitale 2pz. Cela laisse les orbitales atomiques 2px et 2pz non hybrides avec un seul électron sur chacune (Eq. 5.4, Fig. 5.8). hybridisation → [He] ( sp)2 2p1x 2p1y [He] 2s 2 2p2
(5.4)
Orbitales atomiques 2px et 2 py Énergie
Orbitales hybrides sp
C atomique
C sp hybridé dans une molécule linéaire
Fig. 5.8 Diagramme de niveau d’énergie représentant le C hybridé dans de l’éthylène HC≡CH et le C atomique (le dessin n’est pas à l’échelle). Les deux orbitales hybridées sp de chaque atome de carbone dans de l’éthylène sont formées à partir des orbitales 2s et 2pz du C.
L’une des orbitales hybrides sp établit une liaison avec l’atome d’hydrogène (Fig. 5.9). La seconde recouvre – avec une orbitale hybride sp – le second atome C pour créer une liaison C−C. Une fois de plus, il s’agit de liaisons σ.
C non hybridé C hybridé sp Chevauchements d’orbitales pour former le cadre σ de l’éthylène
Fig. 5.9 Le cadre σ de l’éthylène.
Fig. 5.10 Les deux liaisons π dans de l’éthylène.
Il reste ainsi deux orbitales p, chacune ayant un seul électron. Ces orbitales, px et py, servent à construire deux autres orbitales ayant une symétrie π (Fig. 5.10). Il s’agit de deux orbitales, chacune placée à 90° par rapport à l’autre. On peut noter le lien entre ces orbitales et les
105
Les liaisons chimiques
Fig. 5.11 Tracé de la densité électronique pour deux orbitales π observées dans le sens de l’axe HC≡CH.
orbitales π de l’azote N2 (cf. Section 3.5). Il semble que l’acétylène devrait avoir quatre lobes orientés le long de axes-x et -y quand on l’observe le long de l’axe HC≡CH que l’on voit ici. En fait, les mathématiques du processus sont telles que la symétrie des deux liaisons π quand on les regarde ensemble est cylindrique (Fig. 5.11). La symétrie cylindrique des deux orbitales π orthogonales combinées est reflétée dans la rotation libre autour de la liaison CC – une caractéristique qu’on ne trouve pas pour des molécules avec une seule liaison double telle que l’acétylène quand il y a une résistance considérable à la rotation autour de la liaison CC.
5.4. Hybridation des systèmes trigonaux Les molécules présentant une géométrie trigonale sont celles pour lesquelles la méthode RPECV prédit que cette géométrie est déterminée par trois paires d’électrons. La manière la plus commode pour générer des orbitales hybrides trigonales qui soient acceptables est d’hybridiser une orbitale s avec deux orbitales p. On les appelle les hybrides sp2. Les trois orbitales qui en résultent sont équivalentes et chacune possède 33,3 % de caractère s et 66,7 % de caractère p. La figure 5.7 (b) montre une orbitale hybride sp2 de carbone.
Trihydridobore (borane) BH3
Définition de l’axe d’orientation pour le BH3.
Orbitale pz vide
La méthode RPECV prédit que la géométrie du bore dans le BH3 est trigonale. Par convention, on dit que l’axe-z est perpendiculaire au plan de la molécule. La configuration électronique du bore est [He]2s22p1, ce qui signifie que le bore possède trois électrons de valence. La vue orbitale hybride des liaisons de la molécule trigonale BH3 demande qu’il y ait trois orbitales disposées à 120° l’une par rapport à l’autre, chacune orientée vers l’un des atomes d’hydrogène connectés. Le mélange des fonctions orbitales 2s, 2px et 2pz génère trois nouvelles orbitales hybrides qui satisfont ces exigences. On les appelle les orbitales hybrides sp2 puisqu’elles viennent d’une orbitale s et de deux orbitales p. Chacune est occupée par un seul électron. L’orbitale 2p (2pz) est à la fois vide est non-liante (Fig. 5.12). La composante (sp2)3 dans cette équation signifie que les orbitales sp2 possèdent trois électrons partagés entre elles. hybridisation → [He] ( sp2 ) (5.5) [He] 2s 2 2p1 3
Dès lors, les orbitales hybrides sp2 peuvent recouvrir partiellement les trois orbitales 1s d’hydrogène (Fig. 5.13). Chaque liaison est une liaison σ. Une fois de plus, il y a une correspondance entre cette structure et celle de Lewis.
106
5. Hybridation - une description orbitale des liaisons
orbitales atomiques 2pz Énergie
hybridés sp
B atomique
orbitale sp2 de B hybridée dans une molécule trigonale
Fig. 5.12 Diagramme de niveau d’énergie représentant du B hybridé sp2 dans du BH3 (le dessin n’est pas à l’échelle). Les trois orbitales sp2 hybridées de chaque atome de bore dans du BH3 sont formées à partir des orbitales 2s, 2px et 2py de l’atome B.
Orbitale de B non hybridée Orbitale de B hybridée sp2 Chevauchement d’orbitales du BH3
Fig. 5.13 Chevauchement des orbitales sp2 du bore avec des orbitales 1s d’hydrogène pour former du BH3.
Éthylène, ou éthène6 (C2H4) La méthode RPECV prédit que la géométrie des atomes de carbone dans l’éthylène est à peu près trigonale (géométrie planaire avec des angles de liaison d’approximativement 120°). L’axe-z est défini ici le long de l’axe C—C avec l’axe-x perpendiculaire au plan de la molécule. L’hybridation des orbitales 2s, 2px et 2pz du carbone génère trois orbitales hybrides trigonales équivalentes (Eq. 5.6 et les Figs. 5.14 et 5.15). hybridation → [He] ( sp2 ) 2p1x (5.6) [He] 2s 2 2p2 3
Deux des orbitales sp2 servent à les lier aux atomes d’hydrogène. La troisième orbitale forme une liaison C—C σ en se liant à l’hybride sp2 équivalente sur le second atome de carbone (Fig. 5.14). Cela nous laisse l’orbitale 2px qui est orientée de telle manière qu’elle est prête à créer une liaison π par un chevauchement de l’orbitale correspondante sur le second atome de carbone (Fig. 5.16). Une fois de plus, il y a une correspondance entre cette description de l’orbitale de valence et celle de la structure de Lewis. 6
Selon la nomenclature de l’IUPAC.
107
Les liaisons chimiques
C non hybridé C hybridé sp2 Recouvrement orbital pour C2H4
Fig. 5.14 Cadre σ de l’éthylène.
orbitale atomique 2px Énergie
orbitales hybridées sp
C atomique
Orbitale de C hybridée sp2 dans de l’éthylène
Fig. 5.15 Diagramme de niveau d’énergie représentant le carbone hybridé sp2 dans du C2H4 (pas à l’échelle). Les 3 orbitales hybridées sp2 de chaque atome de carbone dans l’éthylène sont construites à partir des orbitales 2s, 2py et 2pz du carbone.
Fig. 5.16 La liaison π dans de l’éthylène.
5.5. Hybridation des systèmes tétraèdres Les systèmes basés sur une géométrie tétraèdre demandent que l’hybridation implique quatre orbitales puisqu’il en faut quatre, disposées en forme de tétraèdre pour générer les quatre liaisons. Le processus consiste en un mélange de l’orbitale s et des trois orbitales de valence p. On les appelle des orbitales hybrides sp3. Les quatre orbitales hybrides qui en résultent sont équivalentes, chacune avec 25 % de caractère s et 75 % de caractère p. La figure 5.7 (c) montre une orbitale hybride sp3 pour le carbone.
108
5. Hybridation - une description orbitale des liaisons
Méthane (CH4) La structure électronique fondamentale du carbone est [He]2s22p2 et le carbone possède quatre électrons de valence. L’hybridation de l’orbitale s et les trois orbitales de valence p génèrent quatre orbitales hybrides équivalentes sp3 (Eq. 5.7 et Figs. 5.17 et 5.18). Les mathématiques du processus montrent assez naturellement des angles de liaison de 109,5°. D’un point de vue hybride des liaisons du méthane il y a quatre liaisons équivalentes C–H avec des angles de liaison de 109,5° (Fig. 5.17). hybridation → [He] ( sp3 ) (5.7) [He] 2s 2 2p2 4
Orbitale de C hybridée sp3 Chevauchements d’orbitales pour le CH4
Fig. 5.17 Le cadre σ du méthane.
Énergie
C atomique
Orbitale de C hybridée sp3 dans du méthane
Fig. 5.18 Diagramme du niveau d’énergie représentant le carbone dans du CH4 (le dessin n’est pas à l’échelle). Les quatre orbitales hybridées sp3 de chaque atome de carbone dans le CH4 sont construites à partir des orbitales 2s, 2px, 2py et 2pz du carbone.
5.6. Hybridation, utilisation des orbitales-d Le recours à l’hybridation dans le contexte de la théorie des liaisons de valence est commode mais il convient d’être prudent quand on se sert des orbitales-d pour de nombreux composés des groupes. Cela donne une apparente expansion d’octet. Par exemple, le phosphore dans le PF5 possède dix électrons de valence tandis que le soufre dans le SF6 en a douze. D’autres descriptions de liaisons dans les molécules telles que
109
Les liaisons chimiques
le PF5 et le SF6 ne demandent pas de participation des orbitales-d, mais c’est un sujet qui dépasse la portée de ce livre.
Systèmes bipyramidaux trigonaux Le pentahydrure de phosphore, PH5, est une molécule hypothétique, mais il illustre bien le principe invoqué. C’est un cas plus facile à analyser que le cas réel par exemple du pentachlorure de phosphore PCl5 puisqu’il présente moins d’orbitales. La méthode RPECV prédit que la géométrie du PH5 est bipyramidale trigonale. Les trois atomes d’hydrogène équatoriaux sont orientés à 120° l’un par rapport aux autres tandis que les deux atomes d’hydrogène axiaux sont orientés à 180° l’un par rapport à l’autre et à 90° par rapport aux atomes d’hydrogène équatoriaux. Par convention, on définit l’axe z comme étant aligné avec les liaisons axiales. Les axes x et y sont dans le plan équatorial, mais un seul de ces deux axes peut s’aligner avec une liaison puisqu’il n’est pas possible de cartographier deux axes à 90° l’un par rapport à l’autre sur un ensemble de liaisons trigonales. Puisqu’il y a cinq atomes liés au phosphore, il faut qu’il y ait cinq orbitales sur l’atome de phosphore pour former la molécule PH5. Les orbitales s et p n’en totalisent que quatre. Une approche ici revient à faire intervenir une orbitale 3d dans le schéma d’hybridation pour fournir la 5e orbitale. Les orbitales 3d sont inoccupées dans l’état fondamental du phosphore atomique. Un ensemble bipyramidal trigonal formé de cinq orbitales hybrides dsp3 apparaît quand les orbitales 3s, trois des orbitales 3p et l’orbitale 3dz2 sont hybrides (Eq. 5.8) hybridation → [Ne] (dsp3 ) (5.8) [Ne] 3s 2 3p3 5
Puisque les environnements axiaux et équatoriaux dans un système bipyramidal trigonal ne sont pas équivalents, il s’ensuit que les orbitales hybrides ne le sont pas précisément non plus. Chaque orbitale dsp3 est occupée par un seul électron et chaque orbitale atomique 1s se combine avec une des orbitales hybrides pour former des liaisons à deux électrons localisées (Fig. 5.19).
dsp3 hybridée du P cadre σ d’orbitale pour le PH5
Fig. 5.19 Le cadre de liaisons σ du PH5 basé sur l’hybridation dsp3 du phosphore.
110
5. Hybridation - une description orbitale des liaisons
Comme précédemment, les atomes d’hydrogène sont maintenant présentés aux hybrides ainsi préparés pour réaliser cinq liaisons σ. Il s’avère assez facile d’adapter ces diagrammes pour une molécule telle que PCl5. L’hybridation du phosphore est la même que pour le PH5, et il ne reste qu’à décider la nature des orbitales de chlore qui vont servir à créer les liaisons des hybrides dsp3. Puisque la configuration électronique du chlore est [Ne]2s22p5, une orbitale p à moitié occupée orientée vers le phosphore suffirait. Une alternative ici consiste à hybridiser (en sp) le chlore pour donner une orbitale hybride orientée vers le phosphore et une orbitale orientée dans le sens opposé. Cette dernière contient une paire libre d’électrons et la première est donc appropriée pour établir une liaison avec le phosphore. Les atomes axiaux et équatoriaux connectés se trouvent dans des environnements différents ; on peut séparer les signaux créés par les sites axiaux et équatoriaux au moyen de la spectroscopie RMN si les conditions nécessaires sont réunies.
Hybridation de systèmes octaèdres Le persulfurane, SH6, n’est pas une vraie molécule, mais sert à illustrer le principe de l’hybridation octaèdre. Comme pour les cas du PH5 ci-dessus, le SH6 est plus simple à analyser qu’une molécule réelle telle que l’hexafluorure de soufre (SF6). La méthode RPECV prédit que la géométrie de l’hexahydrure sera octaèdre. Les six liaisons S–H sont orientées à 90° les unes par rapport aux autres et, à la différence de l’environnement bipyramidal trigonal, elles sont toutes équivalentes. Puisqu’il y a six atomes attachés à l’atome de soufre, il faut six orbitales de soufre afin de générer les orbitales hydrides nécessaires. Les orbitales 3dz2 et dx2–y 2 sont orientées le long des axes x, y et z et avec les orbitales 3s et 3p génèrent six orbitales hybrides d2sp3 octaèdres équivalentes (Eq. 5.9). Chaque nouvelle orbitale ne contient qu’un seul électron. Chaque orbitale 1s d’hydrogène se combine à présent avec une des orbitales hybridées pour former des liaisons localisées à deux électrons, et c’est cela qui crée la structure octaèdre (Fig. 5.20). hybridation → [Ne] (d 2sp3 ) (5.9) [Ne] 3s 2 3p 4 6
d 2sp3 hybridée du S cadre σ d’orbitale pour le SH6
Fig. 5.20 Le cadre de liaisons σ du SH6 basé sur l’hybridation d2sp3 du soufre.
111
Les liaisons chimiques
5.7. Benzène Le benzène, C6H6, est une des molécules les plus importantes dans le monde de la chimie. Elle est planaire et prend la forme d’un anneau hexagonal de six atomes de carbone, chacun étant lié à un atome d’hydrogène et aux deux atomes de carbone contigus. La forme géométrique de chaque atome de carbone est trigonale ; ainsi il est commode de traiter chaque atome de carbone comme une hybridation sp2. Un réseau de liaisons σ est construit à partir de six atomes de carbone sp2 hybridisés (Fig. 5.21) avec deux des hybrides sp2 de chaque atome de carbone utilisés pour se lier aux atomes voisins. La 3e orbitale se lie à un atome d’hydrogène par l’orbitale H 1s.
Fig. 5.21 Le cadre de liaisons σ formé par six atomes de carbone hybridés sp2 dans le benzène.
Fig. 5.22 La « vue » cyclohexatriène du benzène.
Cependant, ce sont les liaisons hors-plan qui sont le plus intéressantes. Les six orbitales 2pz non hybrides sont orientées de manière à ce qu’elles puissent former π chevauchements de même type que pour l’acétylène. Dans le cas d’un modèle localisé, elles forment trois liaisons π (Fig. 5.22). Une vision localisée et simple demande que cette molécule soit considérée comme cyclohexatriène. Mais cela ne suffit cependant pas. La somme des énergies des liaisons C–H, C–C et C=C du benzène, selon le modèle cyclohexatriène est inférieure à la valeur expérimentale déterminée par la chaleur dégagée dans la combustion, environ 170 kJ mol−1. La différence entre les deux valeurs s’appelle l’énergie de résonance de stabilisation. Le benzène est composé d’un certain nombre d’autres structures de liaison localisées, qui contribuent ensemble au modèle global de résonance de valence pour le benzène. Celles-ci incluent les deux structures cyclohexatriènes (Fig. 5.23, souvent appelées les structures de Kékulé) mais aussi les trois structures de Dewar du benzène qui mettent en place des liaisons plutôt longues en travers de l’anneau. Les structures de Dewar contribuent moins que les structures de Kékulé. La véritable structure est souvent décrite (en abrégé) comme un anneau, ce qui facilite la délocalisation.
Fig. 5.23 Représentation abrégée du benzène (sur la gauche) construite à partir des structures de résonance de Kékulé et Dewar.
112
5. Hybridation - une description orbitale des liaisons
Une méthode alternative pour aborder les questions de liaisons dans les molécules telles que le benzène implique une délocalisation du système π. La délocalisation est traitée de manière plus commode par des méthodes orbitales moléculaires.
5.8. Résumé • La conception d’orbitales hybrides des liaisons est une vision localisée qui fait appel à la génération de liaisons à deux centres et à deux électrons. • Les orbitales hybrides d’un atome sont des combinaisons linéaires des orbitales atomiques combinées dans des proportions telles qu’elles soient orientées vers les atomes rattachés (ou vers les groupes de l’atome en question). • Un schéma d’hybridation approprié pour un atome donné au sein d’une molécule donnée est lié à sa géométrie. • La géométrie linéaire est associée à l’hybridation des orbitales sp, la géométrie trigonale à l’hybridation sp2 et la géométrie tétraèdre à l’hybridation sp3. • Les schémas d’hybridation tels que dsp3 et d2sp3 peuvent servir pour trouver des géométries bipyramidales trigonales et octaèdre, auxquels cas les atomes d’intérêt subissent ce qu’on appelle l’expansion d’octet.
5.9. Exercices et problèmes 1. Décrivez les liaisons pour les molécules : NO3−, O3, H3O+ et CO2, en vous servant du modèle d’hybridation des liaisons. 2. Quelle serait la description appropriée de l’atome central dans un complexe planaire carré tel que [PtCl4]2− ? Quelles orbitales sont les mieux adaptées à ce schéma ?
113
6
Approche orbitale moléculaire et molécules polyatomiques
6.1. Introduction Le concept selon lequel les orbitales atomiques sont mélangées au moyen de combinaisons linéaires pour devenir des orbitales moléculaires (cf. Chapitre 3) ne se limite pas aux molécules diatomiques. Certaines combinaisons linéaires des orbitales atomiques se délocalisent recouvrant une molécule polyatomique complète. Notre intention maintenant est d’introduire quelques principes de façon imagée pour quelques molécules simples. Toutefois, les lecteurs doivent être avertis que la manière de trouver la forme physique des orbitales moléculaires dans tous les autres cas que quelques molécules simples ne se fait pas à partir d’une analyse imagée. Comme d’autres livres le démontrent – et nous l’avons vu plus haut – la symétrie joue un rôle extrêmement important dans la théorie qui sous-tend les liaisons. On peut aborder ce concept de la symétrie d’une molécule au travers d’une analyse par la théorie des groupes. Une telle analyse des liaisons d’une molécule permet de prédire quelles combinaisons des orbitales atomiques génèrent des orbitales moléculaires de liaison, d’antiliantes et de non-liaison. Il ne s’agit pas d’une présentation non imagée, et dès lors que l’analyse est complétée, les résultats permettent de visualiser les divers chevauchements orbitaux. Une analyse par la théorie des groupes ne permet pas de prédire la forme physique d’une molécule. La méthode RPECV (cf. Chapitre 4) constitue l’outil de prédiction le plus commode en ce qui concerne les formes moléculaires. Dès qu’une forme physique est attribuée, une analyse par la théorie des groupes permet de déterminer quelles combinaisons linéaires d’orbitales atomiques sont permises pour cette forme en particulier. Mais on doit noter que l’analyse des groupes ne permet pas de déterminer les énergies des orbitales moléculaires qui en résultent et que seuls sont possibles certains chevauchements. Des calculs de mécanique quantique ou des méthodes expérimentales telles que la spectroscopie photoélectronique seront nécessaires pour donner une indication quant aux valeurs d’énergie associées avec des orbitales moléculaires particulières.
Orbitale moléculaire liante désigne une orbitale moléculaire (OM) dont l’occupation par des électrons augmente la liaison totale de la molécule. Orbitale moléculaire antiliante désigne une orbitale moléculaire (OM) dont l’occupation par des électrons diminue la liaison totale de la molécule. Le niveau d’énergie d’une OM antiliante est plus élevé que la moyenne de ses orbitales de valence atomiques.
115
Les liaisons chimiques
6.2. Molécules triatomiques EX2 Parmi les exemples de molécules triatomiques EX2 se trouvent l’eau (coudée) et BeH2 (linéaire). Dans ces deux cas d’analyse, on considère les chevauchements des deux orbitales 1s d’hydrogène et des orbitales atomiques 2s et 2p sur l’atome central.
Hydrure de béryllium (BeH2) Une analyse des orbitales moléculaires du BeH2 sert à souligner quelques principes utiles à notre compréhension. La méthode RPECV prédit une structure linéaire basée sur deux paires d’électrons. Comme précédemment, l’axe moléculaire est défini comme étant l’axe-z. Le but n’est pas de déterminer quels processus ont lieu quand on réunit deux atomes d’hydrogène et 1 atome de béryllium dans un réacteur. Il est de représenter la liaison d’une molécule, une fois formée dans la réaction chimique, en ayant recours à une analyse basée sur les orbitales atomiques des atomes impliqués. La première étape consiste à examiner les deux atomes d’hydrogène périphériques et à analyser les interactions mutuelles. Peu importe que les deux atomes d’hydrogène se trouvent assez distants l’un de l’autre. Puisque les fonctions d’onde des deux orbitales 1s d’hydrogène ont la valeur même aux distances spécifiques au BeH2, il y aura au moins un peu d’interaction. L’analyse présentée au Chapitre 3 avait indiqué comment les deux orbitales 1s d’hydrogène interagissent dans la molécule d’hydrogène. La situation est similaire pour le BeH2 mais le degré d’interaction est bien moindre, en raison de la distance plus grande. Le résultat est une combinaison en-phase et hors-phase (Fig. 6.1) avec très peu de différence entre les deux phases. Chacune des combinaisons, en phase et hors phase, est représentée par une orbitale simple constituée de deux lobes et prête à interagir avec les orbitales atomiques du béryllium.
Déphasé
En phase
Fig. 6.1 Les combinaisons en phase et déphasée des deux orbitales 1s de l’hydrogène dans du BeH2 comme préparation de l’interaction avec les orbitales atomiques du béryllium.
116
6. Approche orbitale moléculaire et molécules polyatomiques Déphasé, antiliant
En-phase, liant
Fig. 6.2 L’interaction de l’orbitale 2s du béryllium avec la préparation de la combinaison en phase de l’hydrogène.
Déphasé, antiliant
En phase, liant
Fig. 6.3 L’interaction de l’orbitale 2pz du BeH2 avec la préparation de la combinaison de l’hydrogène déphasée.
L’étape suivante consiste à déterminer lesquelles des orbitales atomiques vont interagir avec les orbitales d’hydrogène en-phase et hors phase ainsi préparées. L’orbitale 2s de béryllium va interagir avec la combinaison d’orbitales en phase (Fig. 6.2). L’orbitale 2pz va interagir avec la combinaison d’orbitales hors-phase (Fig. 6.3). Dans chaque cas, ces interactions sont des combinaisons en-phase et hors-phase. Dans aucun des deux cas, les diagrammes ne sont pas à l’échelle. Pour chaque paire d’interactions, l’orbitale la plus basse est « liante », tandis que l’orbitale supérieure est non-liante. Cela nous laisse les orbitales de béryllium 2px et 2py. Quand on les examine de plus près, on constate que – quelle que soit la forme physique des combinaisons en-phase ou hors-phase d’hydrogène présentées – il y a zéro chevauchement. Ce constat est illustré ici pour l’orbitale 2px. Les orbitales 2px et 2py ne sont donc pas affectées par une interaction avec les orbitales d’hydrogène et elles gardent leur statut d’orbitales atomiques non-liantes. On notera que toutes les orbitales, au nombre de quatre, générées par l’interaction des orbitales 2s et 2pz avec les orbitales d’hydrogène possèdent une symétrie σ. Les deux combinaisons non-liantes sont étiquetées σ* comme précédemment. Les orbitales portent des indices s et p simplement pour indiquer l’orbitale atomique d’origine (du béryllium). Quand on fait des analyses à ce niveau, on peut rencontrer une gamme
117
Les liaisons chimiques
de nomenclatures variées et il convient de les aborder avec prudence si l’on veut éviter des confusions. Il ne reste à présent qu’à afficher les interactions qui en résultent sur un diagramme de niveaux d’énergie. L’analyse imagée ne fournit pas d’indice quant à l’ordre dans lequel les orbitales moléculaires devraient être inscrites. Normalement, il n’est pas possible d’écrire un tel ordre sans disposer des résultats de calcul de mécanique quantique ou de mesures spectrométriques mais l’ordre que nous faisons figurer à la figure 6.4 est correct. Dans les descriptions de Lewis et de valence hybride des liaisons, on prédit deux liaisons Be–H équivalentes et localisées. Avec l’approche orbitale moléculaire, la situation présente des différences subtiles. Il y a quatre électrons distribués sur deux orbitales de liaison, σs et σp, ce qui donne un total de deux liaisons. Cependant, ces liaisons sont des orbitales moléculaires délocalisées sur trois atomes et le niveau d’énergie de chaque orbitale moléculaire diffère.
Énergie
Be atomique Orbitales 2px et 2py
Atome Be Molécule BeH2 Atomes 2H
Fig. 6.4 Diagramme de niveau d’énergie pour le BeH2.
Eau (H2O) La première étape consiste à définir les axes de coordonnées. Par convention, et pour la commodité, on dit que l’axe-z passe au travers de l’atome d’oxygène, le long de la ligne qui sépare les deux atomes d’hydrogène. Le plan de la molécule est le plan xz et le plan perpendiculaire au plan moléculaire est désigné comme le plan yz. La forme « coudée » est prédite correctement selon la méthode RPECV. Comme dans le cas du BeH2, il est commode de commencer avec une analyse des interactions des orbitales 1s de l’hydrogène (Fig. 6.5). Les interactions qui en résultent sont assez semblables à la situation du BeH2, mais l’épine de la molécule est maintenant coudée.
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6. Approche orbitale moléculaire et molécules polyatomiques Déphasé
En phase
Fig. 6.5 Combinaison en phase et déphasée pour les deux orbitales 1s de l’hydrogène comme préparation de l’interaction avec les orbitales atomiques de l’oxygène.
Fig. 6.6 Chevauchements de liaison entre orbitales 1s de l’hydrogène et les orbitales 2s de l’oxygène (sur la gauche) et les orbitales 2p.
Quant au BeH2, le moyen de progresser est de déterminer lesquelles des orbitales atomiques d’oxygène vont interagir avec des combinaisons des deux orbitales d’hydrogène. Dans ce cas, les deux orbitales d’oxygène (les orbitales 2s et 2pz) interagissent avec la combinaison d’hydrogène en phase (Fig. 6.6). Ces trois orbitales (O 2s, O 2px, et 2H 1s en-phase) se mélangent pour former deux orbitales moléculaires. Dans tous les cas, si un nombre, disons n, d’orbitales se mélange, elles le feront de sorte que le nombre d’orbitales moléculaires qui en résulte soit également (et exactement) n. mélange d’orbitales n orbitales → n orbitales moléculaires
Dans le cas d’un mélange de trois orbitales, il est courant de voir se former une orbitale fortement liante, plus une orbitale fortement nonliante et une orbitale de nature intermédiaire (Fig. 6.7). Celle-ci peut être non-liante, faiblement liante ou faiblement non-liante relativement aux orbitales constitutives. Un calcul (ou des mesures) plus détaillé(es) pourra préciser davantage cette orbitale intermédiaire. La situation pour l’orbitale est liée à l’interaction de l’orbitale 2pz du béryllium avec la combinaison hors phase de l’hydrogène sauf que l’épine de la molécule est coudée. Les orbitales, liantes et non-liantes, qui en résultent (Fig. 6.8) sont étiquetées σx et σ*x. L’orbitale d’oxygène qui reste, 2py, est en dehors du plan moléculaire et il s’avère impossible d’écrire une quelconque combinaison d’orbitales d’hydrogène qui démontre un chevauchement net avec cette orbitale. L’orbitale 2py d’oxygène garde ainsi une orbitale atomique d’oxygène dans la molécule et est non-liante. Comme première approximation, elle apparaît au même niveau dans le diagramme d’énergie que dans l’atome.
119
Les liaisons chimiques Antiliant
Énergie
Approximativement non-liant
Liant
Fig. 6.7 L’interaction de deux orbitales sur un atome avec une autre orbitale.
Déphasé, antiliant
En phase, liant
Fig. 6.8 L’interaction de l’orbitale 2px de l’eau avec la combinaison déphasée et préparée de l’hydrogène.
Quant au BeH2, il y a deux orbitales moléculaires liantes de type σ. Encore une fois, les énergies impliquées sont différentes. Les deux paires libres d’électrons équivalentes des modèles Lewis et de valence sont remplacées par deux orbitales moléculaires, délocalisées dans un des cas sur les trois atomes (Fig. 6.9). Les calculs montrent que l’orbitale non-liante σs,z , tout en portant l’étiquette non-liante, est en fait marginalement liante et contribue de manière faible à la liaison. Le lobe principal de cette orbitale est orienté le long de l’axe-z et constitue ainsi une paire libre, tandis que le lobe mineur – orienté dans le même sens que la ligne entre les atomes d’hydrogène – recouvre la combinaison de paires en-phase d’hydrogène pour générer une faible interaction de liaison. L’orbitale 2py d’oxygène, remplie, constitue la seconde paire libre. Comme avec les modèles de Lewis et de liaison de valence, il y a deux paires libres, mais elles ont des caractéristiques assez différentes par rapport au modèle orbital moléculaire (Fig. 6.10).
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6. Approche orbitale moléculaire et molécules polyatomiques
Énergie
Atome O Molécule OH2 Atomes 2H
Fig. 6.9 Diagramme de niveau d’énergie de l’eau.
Fig. 6.10 (Sur la gauche) les deux paires libres équivalentes pour l’eau selon le modèle de liaison de valence. (Sur la droite) les deux paires libres dans le modèle orbital moléculaire.
Lien entre BeH2 et H2O Le BeH2 et l’OH2 sont des molécules de type EX2 et le BeH2 est un cas spécial d’une molécule générale EX2 dont l’angle de liaison est de 180°. Il est intéressant d’examiner l’effet sur les niveaux d’énergie des quatre orbitales moléculaires occupées d’un transfert depuis une molécule linéaire EX2 vers une molécule coudée avec un angle de liaison de θ°. Le premier point qu’il convient de remarquer est le changement de l’axe-z. Par convention, dans une molécule linéaire (θ = 180°) l’axe-z est l’axe moléculaire. De même et par convention toujours, l’axe-z dans une molécule coudée est la bissection de la liaison X–E–X. Et dès lors que θ est inférieur à 180°, l’axe-x est ré-étiqueté z et vice versa. Dans le cas d’une molécule linéaire, les orbitales 2px et 2py (qui sont étiquetées 2pz et 2py aussitôt que l’angle est inférieur à 180°) sont non-liantes et vont dégénérer. Et quelle que soit la valeur de l’angle de liaison, l’orbitale 2py est non-liante, de sorte que son énergie reste constante. Cependant, dès que l’angle de liaison passe en dessous
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Les liaisons chimiques
des 180°, l’orbitale 2pz (ou 2px quand la valeur de l’ange est de 180°) présente un chevauchement net de la paire de combinaison 1s enphase d’hydrogène. Quand l’angle de liaison est très proche des 180°, il est facile de voir que le degré de chevauchement est très faible et que l’énergie de cette orbitale liante doit nécessairement être très proche de celle de l’orbitale 2py non-liante. Le degré de chevauchement augmente au fur et à mesure que l’angle de liaison se referme et, par conséquent, son niveau d’énergie diminue. Quand l’angle de liaison est inférieur à 180°, cette orbitale porte l’étiquette σz. Pour la molécule d’eau, pour laquelle l’angle de liaison H–O–H = 104,5°, cette orbitale est marginalement liante. Ces changements d’énergie selon la valeur de l’angle de liaison pour toutes les orbitales impliquées peuvent être visualisés sur ce que l’on appelle le diagramme de Walsh (Fig. 6.11). D’autres orbitales méritent considération. Les calculs de mécanique quantique fournissent des valeurs des changements de niveaux d’énergie de l’orbitale σx (étiquetée σz avec θ = 180°) et l’orbitale σs. Il est intéressant de noter que l’orbitale σz (θ = 180°) voit augmenter son niveau d’énergie (c’est-à-dire est déstabilisée) au fur et à mesure que θ diminue (et avec l’étiquette σx). La raison en est que le chevauchement entre l’orbitale 2px (θ