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French Pages 146 [144] Year 2019
Les lettres df Afrahat le sage de la Perse
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Syriac Studies Library
104
Sériés Editors Monica Blanchard Cari Griffïn Kristian Heal George Anton Kiraz David G.K. Taylor
The Syriac Studies Library brings back to active circulation major reference works in the field of Syriac studies, including dictionaries, grammars, text editions, manuscript catalogues, and monographs. The books were reproduced from originals at The Catholic University of America, one of the largest collections of Eastern Christianity in North America. The project is a collaboration between CUA, Beth Mardutho: The Syriac Institute, and Brigham Young University.
Les lettres df Afrahat le sage de la Perse
Étudiées au point de vue de l'histoire et de la doctrine
J.-M. Chavanis
Gorgias Press LLC, 954 River Road, Piscataway, NJ, 08854, USA www.gorgiaspress.com G&C Kiraz is an imprint of Gorgias Press LLC Copyright © 2012 by Gorgias Press LLC Originally published in 1908 All rights reserved under International and Pan-American Copyright Conventions. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, scanning or otherwise without the prior written permission of Gorgias Press LLC. 2012
ISBN 978-1-61719-205-0
Reprinted from the 1908 Saint-Etienne edition.
Digitized by Brigham Young University. Printed in the United States of America.
Series Foreword
This series provides reference works in Syriac studies from original books digitized at the ICOR library of The Catholic University of America under the supervision of Monica Blanchard, ICOR's librarian. The project was carried out by Beth Mardutho: The Syriac Institute and Brigham Young University. About 675 books were digitized, most of which will appear in this series. Our aim is to present the volumes as they have been digitized, preserving images of the covers, front matter, and back matter (if any). Marks by patrons, which may shed some light on the history of the library and its users, have been retained. In some cases, even inserts have been digitized and appear here in the location where they were found. The books digitized by Brigham Young University are in color, even when the original text is not. These have been produced here in grayscale for economic reasons. The grayscale images retain original colors in the form of gray shades. The books digitized by Beth Mardutho and black on white. We are grateful to the head librarian at CUA, Adele R. Chwalek, who was kind enough to permit this project. "We are custodians, not owners of this collection," she generously said at a small gathering that celebrated the completion of the project. We are also grateful to Sidney Griffith who supported the project.
TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION SUR
LA V I E
HT LES E C R I T S
D'AFRAHAT
PREMIERE PARTIE Quelques éclaircissements apportés à l'Histoire de l'Eglise de Perse
CHAPITRE I. — Les dissentions Si. §
2.
dans le Haut-Clergé.
—
L A LETTRE
—
L ' O R G A N I S A T I O N DE L ' É G L I S E P E R S E .
xiv.
§ 3.
—
L A POLITIQUE D'UN É V Ê Q U E .
§ !\.
—
L E PARTI D'AFRAHAT.
CHAPITRE II. — La persécution
Papa bar 'Aggai.
de Sapor II.
§ 1 .
—
LA
§ 2.
—
L E S D É B U T S DE LA P E R S É C U T I O N .
§ 3.
—
L E S L E T T R E S X X I , X X I I ET
XXIII.
S i .
—
L E S J U I F S EN P E R S E .
§
—
L ' A T T I T U D E DES J U I F S A L ' É G A R D DES CHRÉTIENS.
2.
13-11
L E T T R E v . SAPOK II ET LES ROMAINS.
CHAPITRE I I I . — La polémique avec les Juits.
s 3.
i - ii
L E S L E T T R E S CONTRE LES J U I F S .
13-U-
— VI —
DEUXIÈME
PARTIE
La Théologie d'Afrahat CHAPITRE I. — Les sources : l'Ecriture
et la. Tradition.
S i .
—
L ' É C R I T U R E DANS LES L E T T R E S , LE CANON.
§ 2.
—
V A L E U R DE L ' É C R I T U R E , RÈGLES D ' I N T E R P R É T A T I O N .
§ 3.
—
LA
TRADITION.
CHAPITRE II. — La Foi. Le « Symbole
d'Airahat
§
I.
—
L A FOI : SA NATURE. LES OEUVRES DE LA FOI.
§
2.
—
LE
— Les Anges,
CHAPITRE I V . — Le Péché Originel. de la venue du Rédempteur. i.
—
L ' É T A T DU PREMIER HOMME, SA CHUTE.
§ 2.
—
L E « GRAIN DE RAISIN )).
CHAPITRE V. — Jésus-Christ
Préparation
Sauveur du monde.
§
i.
—
§
2.
—
L A VIE ET LE MINISTÈRE DE JÉSUS.
§ 3.
—
L A MORT DE JÉSUS ET SA V A L E U R
L A NAISSANCE ET LA PERSONNE DE JÉSUS.
CHAPITRE VI. — §
».
« SYMBOLE D ' A F R A H A T » .
CHAPITRE III. - Dieu, la Trinité. Monde, l'Homme.
§
33 -44
RÉDEMPTRICE.
L'Eglise.
i.
—
S U B S T I T U T I O N DES NATIONS AU P E U P L E J U I F .
§ 2.
—
L A HIÉRARCHIE DANS L ' É G L I S E .
S 3.
—
L ' É G L I S E ET LES « FILS DU P A C T E ».
le
M-Il
*5"-85
—
CHAPITRE
de
VII.
-
VIL —
FA-^EJ,
Les Sacrements et la. justification
l'homme.
S I .
—
LE
§ 2.
—
L ' E U C H A R I S T I E ET LA
§ 3.
—
L A PÉNITENCE ET LES AUTRES SACREMENTS.
S 4-
—
L A PSYCHOLOGIE n u CHRÉTIEN.
BAPTÊME. PAQUE.
CHAPITRE YTlï. — Les fins dernières. §
n-)04
Î.
—
L A DURÉE DU MONDE.
8 2.
—
L A MORT ET L'HYPJVOPSYCHIE.
§3.
—
L A RÉSURRECTION, ANALYSE DE LA LETTRE V I I I .
S 4.
—
L E JUGEMENT DERNIER.
S 5.
—
L ' E N F E R ET LE CIEL,
CONCLUSION.
A P P E N D I C E SUR LES « FILS DU PACTE BIBLIOGRAPHIE.
-tof-Hl
».
U1
INTRODUCTION La Vie et les Ecrits d'ftfrahat De la p e r s o n n e et de Ja vie d'Afrahat l'on ne sait guère de certain que ce que ses écrits peuvent en apprendre ou en laisser supposer, c'est-à-dire, peu de chose. L u i - m ê m e du reste ne tenait pas à être bien connu. N'écrivit-il pas, à la lin de sa Lettre XXII : « Si q u e l q u ' u n (s'élevant contre mon enseignement) s'écrie : « Je ne sais qui a composé ces d i s c o u r s » ; que celui-là s'applique à les étudier, sans s'inquiéter de leur auteur, car ceci, on ne le lui d e m a n d e pas du tout» (1049-1050). (l) Il naquit peut-être (2) d a n s le paganisme ; mais en tout cas sa profonde expérience de la vie chrétienne et sa science très étendue et très sûre de l'Ecriture obligent à penser qu'il ne dut pas tarder à appeler les idoles des « m e n s o n g e s » (731). Quand il écrivit ses Lettres, en 3363 3 7 , en 3 4 3 - 3 4 4 et en août 3 4 5 , il était l'une des notabilités de l'Eglise perse. Revêtu de la dignité épiscopale (3), c'est d ' u n langage très ferme q u ' e n 3 3 7 , il rappela « aux P a s t e u r s » les devoirs de leurs charges (Lettre X ) . En février 3 4 4 , le clergé de sa province, r é u n i en synode, le chargea d'écrire une sorte de lettre encyclique aux (1) Je renvoie à l'édition Parisot dans la Patrologia Syriaca de Graffin, Paris, Firmin-DidotJ. Le chiffre romain désignera le tome, et le chiffre arabe, la colonne. C^uand le chiffre romain manquera, ce sera le tome I qu'on devra lire. (2) Les textes allégués par Dom Parisot (Patrologia Syriaca, Tome I, page XIV : col. 92, 781, 801), me paraissent trop généraux et trop vagues pour qu'on puisse l'affirmer avec certitude. (3) col. 92, 460, 634, 636.
—
X
—
Eglises de Séleucie-Gtésiphon et des pays voisins (Lettre XIV). De plus, il faisait partie d'un « ordre » d'ascètes appelés « fils du pacte » bnay qiâmà,(l) et il jouissait d'une grande autorité parmi ses « frères » à qui il adressa tout spécialement des instructions. (Lettres VI et VII). La tradition syriaque l'a connu sous les deux noms, l'un persan, l'autre ôpiscopal, d'Afrahat ou Pharhad et de Jacques, mais elle l'a plus communément appelé le « Sage de la Perse » liàkimâphàrsàiâ. C'est en effet, par la dénomination de « Sages » qu'Afrahat désigne (692), et qu'on désignait alors en Orient, ceux qui étaient versés dans la science des choses divines et en liraient des considérations morales, il fut le Sage par excellence. On le qualifia de « bienheureux » (2) et l'on eut recours à son intercession, ainsi qu'en font foi les notes ajoutées par des copistes aux manuscrits A et G de ses Lettres. (3) Dans quelle partie de la Perse Afrahat vécut-il? Ce ne fut certainement pas à Nisibe, comme l'ont cru ceux qui l'ont confondu avec le célèbre évêque de cette ville, Jacques, mort en 338. Nisibe en effet releva de l'empire romain jusqu'en 363, et Afrahat fut incontestablement nn sujet du Roi des Rois, comme le prouve le seul fait qu'il date toujours ses Lettres de l'ère de Sapor II (1) Si l'on en croit une note du manuscrit G , q u i d a t e d e 1364,1e Sagede la Perse aurait été évêque de Mar Mattay (saint Mathieu), ¿quelqueskilomètres au nord-est deNinive. Cette indication ne s'oppose à aucune donnée positive; mais il est possible qu'elle provienne'd'une confusion entre les «fils (1) Voir l'Appendice à la fin de ce travail. (2) EbedjésudeNisibe(mortenl318 Catalogua omnium librorum ecclexias_ ticorum, d'après As S emani, B bU'HIteca Orientcilis, T. I I I , pars I 9 , p. 325(3) Cf. D. Parisot, Patrol. Syr., p . L X V I I I et LXXIV. (4) col. 724, 1044; II, 149.
— XI
-
du pacte » et les moines cénobites. Gomme il y eut, à Mar Mattay, du V e au X I I e siècle, en m ê m e t e m p s q u ' u n siège épiscopal, un m o n a s t è r e très célèbre, on p e u t se d e m a n d e r si ce n ' e s t p a s ce double fait q u i a d é t e r m i n é un copiste à fixer en cette ville le siège et 1' « abbaye » de notre auteur. L ' a n n é e de la mort d ' A f r a h a t nous est i n c o n n u e c o m m e celle de sa naissance. Fut-il une victime de la p e r s é cution de S a p o r ? On peut le s u p p o s e r , car le tyran el les Juifs, ses amis d'occasion,
d u r e n t juger digne de mort
celui qui était un adversaire puissant a u t a n t q u ' a c h a r n é . Un martyrologe syriaque
(1)
de 4 1 2 d o n n e les n o m s des
p r e m i e r s confesseurs de la foi d a n s cette persécution, p a r m i lesquels se trouve u n certain Afraliat. E s t - c e le Sage de la P e r s e ? On
ne le peut
verser la chronologie d o n n é e
dire
sans
boule-
par le martyrologe,
car
Afrahat ne m o u r u t pas avant 3 4 5 , donc après le « grand carnage » dont il parle ( i l , 149), et plus d ' u n an après Siméon Bar S a b b a é , qui est c e p e n d a n t n o m m é
après
« A f r a h a t : » d a n s la liste de m a r t y r s . * *
*
Le r e n o m de sa science théologique, bien plus que ses autres titres,
lui
valut
l ' h o n n e u r d'être interrogé sur
certains points de doctrine p a r un autre évêque et « fils du pacte ».
(2)
La p r e m i è r e lettre de celui-ci se lit en
tête des « r é p o n s e s » d ' A f r a h a t . D ' a p r è s la version a r m é n i e n n e , qui seule en a conservé le d é b u t , ce c o r r e s p o n (1) Martyrologium hieronymiamim ( A c t a sanc-torum, novembris, I. I l p. f L X I I I ) e t i L X I V j , par J . B. de Kossi et L. l ) a - h e s n e . (2) Col. 533, "238, 312, 4fi5.
-
XII —
dant serait saint Grégoire l'IUuminateur. Mais i'Apôtre de l'Arménie mourut vers 332 (1). On peut en inférer que cet évéque s'appelait aussi Grégoire. Faisant appel à « l'érudition » du Sage pour « apaiser sa faim » et à la « fontaine de sa doctrine »pour « étancher sa soif » (i, i) l'ami — ce sera le nom qu'Afrabat, lui donnera invariablement — fit d'abord porter ses questions sur la foi, son objet, son fondement, ses conséquences. Notre évoque s'en réjouit fort (5), car il avait un zèle tout apostolique pour la diffusion do la vérité. « Le maître de la maison, écrira-t-il plus tard, m'a montré les richesses de son trésor, et j'ai été frappé de leur abondance. Celui qui y puise pour lui doit aussi enrichir les autres et se montrer généreux envers ceux qui ont recours à lui. Môme s i p l u s i e u r s y puisent, le trésor n'est pas diminué, et s'ils donnent tout ce qu'ils ont pris, leur avoir n ' a u r a fait qu'augmenter. Ce qu'ils ont reçu gratuitement, ils doivent le donner gratuitement, mais non le vendre, car la science de Dieu est d'un prix inestimable. » (460). Aussi se montra-t-il généreux et écrivit-il à son ami plus qu'il ne demandait (464 ; II, 148;. Je donnerai à ses réponses le nom de « Lettres ». Elles en ont la forme et le ton, et l'auteur lui-môme les a appelées ainsi (2). Ce terme est plus généralement exact que « Traités » ou « Discours (3) » au sens large. « Homélies (4) » a un sens trop restreint, et « D é m o n s trations (5) », un sens trop large. Ces Lettres, — qui commencent chacune par une con(1) Cf. Bardenhewer : « Les Pères de VEglise T. III, p. 98. (2) 'égarthâ', col. -237, 272, 312, etc. (S) Cf. Bickell. Voir la Bibliographie, à la fin. (4) Cf. Wright, Sasse, Bert. (5) Cf. Dom Parisot.
» trad. franç
1905.
—
XII]
—
sonne différente de l'alphabet syriaque, et sont disposées dans le recueil selon l'ordre grammatical de ces signes — se divisent en deux séries, la dernière mise à part. La première série se compose de dix Lettres, de Yâlaf à l'iûclh, et fut écrite en l'an 648 de l'ère d'Alexandre, c'est-à-dire d'octobre 336 à octobre 337 de notre ère (1044). Afrahat y traitait successivement de la foi, de la charité, du jeûne, de la prière. Dans une cinquième Lettre, il confiait à son ami, en un langage figuré que réclamait la prudence, ses espérances sur l'issue de la guerre que Sapor II s'apprêtait à faire à l'empire romain. Puis il rappelait aux « fils du pacte » les règles de leur discipline et les vertus de leur état ; exhortait les p é cheurs à la pénitence ; défendait contre les hérétiques la résurrection des corps; démontrait la nécessité et l'efficacité de Vhumilité et de la douceur; terminait enfin par la Lettre sur les bons pasteurs et les mercenaires. Le Sage prit lui-même, semble-t-il, l'initiative d'écrire la deuxième série, — LettresXI à XXII — en 343-344, car il ne fait nulle part mention d'une nouvelle demande de son ami. Les événements l'y poussaient. Ce ne sont plus en effet de simples exhortations morales et pastorales qu'il compose, mais de véhémentes répliques adressées aux Juifs, à qui la faveur momentanée du Roi des Rois inspirait un orgueil insolent et dangereux pour les Chrétiens. Tous les rites et observances de la religion mosaïque, dont ils se glorifiaient sans retenue, la circoncision, la Pâque, le sabbat, la distinction des aliments, Afrahat en explique la signification et le but vrais dans l'Ancienne Alliance, et montre qu'ils sont devenus tout à fait inutiles par l'établissement de la Nouvelle. Entre la Lettre sur le sabbat et celle sur les aliments, au rang
— XIV —
de la consonne nùn est insérée la Lettre exhortatoirc qu'il écrivit au nom du synode de 344. Puis, commençant par le semkat el les consonnes suivantes, viennent les Lettres sur les nations qui ont été substituées au peuple juif, sur le Christ vrai Fils de Dieu, sur la virginité et la « sainteté » chrétiennes, sur Y impossibilité du rétablissement de la nation juive. Dans les trois dernières, d'un ordre un peu différent, Afrahat s'occupait de Y entretien des pauvres, de la persécution, de la mort et des fins dernières. Celle-ci, commençant par le tau devait, dans la pensée de l'auteur, clore le recueil. Il y dresse en effet la table de toutes les Lettres, ( 1 ) donne les dates de leur composition, explique au lecteur dans quel esprit il devra les étudier et réclame son indulgence et le secours de ses prières. — Mais à -cette époque l'Eglise de Perse était fortement éprouvée. La hàche du bourreau faisait de nombreux martyrs dans les rangs des fidèles et même parmi les chefs. L'ami prit peur et demanda à son Maître si Dieu n'abandonnait pas tout à fait les Chrétiens et si « le grain de raisin qui, selon Jsaïe devait conserver la grappe, n'allait pas être détruit ». (2) Afrahat écrivit pour le consoler sa longue Lettre XXIII « Sur le grain de raisin », c'est-à-dire sur la bénédiction qui, descendue sur le peuple juif par les Justes de l'Ancienne Loi, était, grâce au Christ, conservée dans le peuple chrétien pour le conserver. Malgré l'assurance que lui donnait sa foi en la réalisation des prophéties, le Sage trahit, au cours de sa Lettre, une douloureuse émotion, qui éclate toute entière dans la prière sublime qu'il adresse à Dieu pour le conjurer (1) Col. 1041-1044. (2) Pat. Syr. T. II, col. 1.
d'écarter Jes calamités dont l ' é g l i s e est assaillie. La Lettre s'achève d a n s u n e
sorte de d é c o u r a g e m e n t
:
•< N o u s
n ' a v o n s plus d ' e s p o i r en ce m o n d e ; tout y est construit sur le sable ; rien n ' e n r e s t e r a . Ceux qui
cherchent les
richesses ne pourront les conserver ; les p è r e s de famille ne jouissent pas de leurs enfants. Ceux qui ont des amis ne peuvent avoir confiance en eux, car ils t o u r n e n t comme une roue...
» ( n , 145). Afrahat écrivait ces
lignes
au
mois d'Ab de l ' a n n é e 6 5 6 d ' A l e x a n d r e , ou 3 6 deSapoj- II, c ' e s t - à - d i r e , en août 3 4 5 , « l ' a n n é e du
grand
carnage
de C h r é t i e n s » (il, 149). * *
¥
Si ces Lettres n ' é t a i e n t a d r e s s é e s q u ' à un seul p e r s o n n a g e , elles ne devaient p a s , d a n s la p e n s é e de leur a u teur d e m e u r e r p r i v é e s ; et si, d ' a u t r e part, il serait téméraire d'affirmer q u e la forme épistolaire n'était
pour
Afrahat q u ' u n procédé littéraire, il n ' e n reste pas m o i n s vrai, qu'il profita de l'occasion offerte par les d e m a n d e s de l ' a m i p o u r écrire en vue de l'instruction d ' u n public plus ou moins n o m b r e u x . Dès sa première lettre il dit à son c o r r e s p o n d a n t : « Si j'ai r a p p o r t é q u e l q u e s - u n s des n o m b r e u x e n s e i g n e m e n t s de l'Ecriture sur la foi, c'est p o u r q u e tu t ' i n s t r u i s e s et q u e tu croies, et q u ' à ton tour tu enseignes et q u ' o n te croie » (45.) Il t e r m i n e aussi sa Lettre X p a r ces paroles : « Lis et instruis-toi avec les frères « fils du pacte » et les « iils de notre foi ». (1) Il lui arrive m ê m e de s ' a d r e s s e r directement à une collectivité, particulièrement clans les Lettres VII et X
(?)
.
Les Lettres contre les Juifs devaient être « ouvertes ». Cl) Col. 465 ; cf. 237, 312, 533. (2) cf. col. 317, 456.
— XVI —
L'ami en demeure toujours le destinataire, mais il reçoit ordre de s'en servir « pour confirmer la foi de ses auditeurs et les empêcher d'être trompés par les Juifs » (888). Afrahat s'adresse même directement à ses contradicteurs et les interpelle, individuellement ou collectivement.'' 0 Enfin, dans la conclusion de la deuxième série, il manifeste le désir que ses lettres soient lues par les «fils du pacte », et d'une façon générale par tous les Chrétiens : « Je les ai écrites pour nos frères et nos amis, les fils de l'Eglise de Dieu » (1040). Et de fait, en répondant aux fâcheux commentaires dont elles étaient déjà ou pouvaient être l'objet, il fait supposer qu'elles eurent de nombreux lecteurs. Leur succès franchit les frontières de l'empire sassanide, car le surnom de
Sage de la Perse,
qui est seul mentionné dans la note du ms. B, écrit en 4 7 4 , ne put guère être donné à l'auteur que par des S y riens non sujets du Roi des Rois. Jusqu'où s'étendit-il? Et tout d'abord, aucun écrivain grec ne fait mention des Lettres, pas même Théodoret, évêque de Gyr, dans la Syrie euphratésienne, qui vécut de longues années au milieu des moines dont il écrivit une « attrayante
his-
toire ». ( î ) L'anachorète saint Afrahat, dont il raconte la vie dans son « Histoire ecclésiastique (3) », bien qu'originaire de la Perse, ne peut être identifié avec notre auteur. Parmi les Latins, seul, Gennade de Marseille, parle des écrits du Sage de la Perse
(4)
. ils sont divisés, selon
(1) col. 512, 833, 849, etc. (2) Histoire des Moines, Migne P. G., Tom. L X X X I I , col. 1283—1496. Cf. Bardenhewer, op. cit., T. II, p. '238. (3) Livre IV, eh. 23-24, P. G. ibid., col. 1185. (3£. Philotheus, ch. V I I I ; ibid., col. 1368. Voir un très bon résumé dans Tillemont : Mémoire pour servir à l'hist. ecclés. Tom. X , p. 477-479. (4) De Scriptoribus ecclesiasticis, ch. 1. Patr. Lat., tom. LV1II, col. 1060—1062.
— XVII —
lui, en vingt-six livres dont il donne les titres, parmi lesquels un bon nombre sont à peu près conçus dans les mêmes termes que les titres authentiques, et les autres rappellent plus ou moins clairement des sujets traités par Afrahat. Mais il les attribue à « Jacques, surnommé le Sage, évêque de Nisibe, un de ceux qui combattirent les Ariens au Concile de Nicée ». C'est le premier témoignage de cette confusion de personnages qui a été générale chez ceux qui n'ont pas connu le texte syriaque des Lettres. Elle se comprend assez facilement. Jacques, l'évêque de Nisibe, est resté justement célèbre par son attitude à Nicée, mais il n'a pas laissé d'écrits. Jacques Afrahat au contraire, a laissé à la postérité ses Lettres, mais aucun souvenir mémorable de sa vie. Aussi son nom episcopal a-t-il fait attribuer sa gloire littéraire à son illustre homonyme. Quant à son surnom, il a disparu dans la confusion, ou, s'il s'est maintenu, c'est encore en faveur de l'évêque de Nisibe, comme on le voit dans la notice du prêtre marseillais. Mais il est bien certain que celui-ci n'a pas eu entre les mains le texte de nos Lettres. Eût-il attribué sans hésiter, à celui qu'il savait avoir été un redoutable adversaire des Ariens des écrits qui ne faisaient pas la moindre allusion à une hérésie si puissante, humainement parlant? Il s'est donc contenté de rapporter ce qu'il avait appris de quelque moine de l'Orient, ou peut-être même des souvenirs de Gassien, qui avait passé plusieurs années à visiter les monastères d'Egypte et de Palestine. Quant à la liste de 26 livres, elle serait plutôt une sorte de table des matières, qu'une division adoptée réellement par un copiste ou un traducteur, car on ne la retrouve nulle part ailleurs. En dehors des pays de langue syriaque, les Lettres
— XVIII —
furent connues par des traductions en Arménie et en Ethiopie. De la version éthiopienne, il ne reste que la Lettre Y, attribuée à Jacques de Nisibe ( , ) . La version arménienne est beaucoup plus importante. Elle fut faite vers la fin du V e siècle, à l'époque où les savants arméniens composaient la littérature de leur nouvelle langue par des traductions de chefs-d'œuvre étrangers. Les Lettres d'Afrahat étaient donc encore hautement estimées. Cette version ne comprend pas les quatre dernières Lettres et la XIV e est renvoyée à la fin. Le titre des manuscrits conservés attribue l'œuvre à l'évêque de Nisibe et la lettre initiale, à saint Grégoire l'Illuminateur, l'Apôtre de l'Arménie. Mais ce titre n'a dû être ajouté qu'assez tard, car parmi les auteurs arméniens qui ont écrit sur Jacques de Nisibe, George de Narek, mort en 1003, est le premier qui le mette au nombre des écrivains, encore ne mentionne-t-il aucune de ses œuvres. Cette version est précieuse parce qu'elle a été faite sur un texte syriaque au moins aussi ancien que celui du manuscrit B. Aussi, parmi les nombreuses variantes qu'elle présente avec les manuscrits syriaques, si un bon nombre sont des fautes évidentes de traduction, quelques-unes du moins peuvent-elles servir à les éclairer ou à les corriger. La version arménienne fut connue en Occident grâce à Pierre Mékhitar qui en offrit à Clément XI un « exemplaire très ancien » (2) . En 1756, Nicolas Antonelli en publia le texte avec une traduction latine et y ajouta une (1) Le manuscrit, qui date du XVIII 6 siècle, est conservé à la Bibliothèque Nationale. Cf. D. Parizot, Pat. Syr., I, p. X X X I X . (2) La riche bibliothèque des Mékhitaristes de San Lazzaro, près de Venise, possède cinq autres manuscrits de la V. arménienne. Voir 1). Parizot., Pat. Syr., I, p. XXXII.
— XIX —
étude critique. Sur la question d'auteur, le savant romain s'en tenait à l'indication du titre et pensait même que Jacques de Nisibe avait écrit ses Lettres dans la langue de son correspondant arménien, ou tout au moins que l'original syriaque, envoyé en Arménie, puis traduit, devait être perdu. La découverte des manuscrits syriaques au siècle suivant vint révéler l'auteur véritable et donner la série complète de ses Lettres. Quelle avait été la destinée de ce texte original ? Le premier écrivain syriaque qui semble avoir connu les Lettres d'Afrahat est le moine Isaac d'Antiocbe originaire de Mésopotamie et mort vers 4 0 0 . S a n s citer ni l'auteur ni l'œuvre, il s'en inspire sûrement, surtout des Lettres I et III, dans certains passages de ses écrits ascétiques ( l ) . Les plus anciens manuscrits que nous avons sont un peu postérieurs à Isaac. Le manuscrit B selon la désignation de Wright, date de 474 et fut écrit à Edesse. Il ne contient que la première série des Lettres, et l'auteur n'y eët désigné que par son surnom, « le Sage de la Perse ». Une note du dernier feuillet apprend que Mar Menim, prêtre, l'acheta « pour procurer à ses amis une lecture récréative ». Au X e siècle, il fut acquis par Moïse de Nisibe, abbé du monastère de Notre-Dame Marie, Mère de Dieu, dans le désert de Nitrie, en Egypte. Dans une nouvelle note écrite sur le manuscrit, le célèbre bibliophile défendit, sous peine d'anathème, de l'enlever du monastère et même d'effacer cette défense ! il fut obéi, car
(1) Cf. Forget, De Vlta, etc... p. 139—148 ; iiickelî, Ausfiwâhlte Schriften etc... p. 52, A Isaac il faut joindre Pliiloxèue de Mabboug qui écrivit treize homélies sur des sujets déjà traités par Afrahat pour la plupart. Voir Rubans Dnval. La litt. Syriaque, p. 229—230.
c'est à la même place qu'au siècle dernier Cureton découvrit le manuscrit B en même temps que plusieurs autres. La seconde série fut copiée en 512 et forme le manuscrit B. A la fin le copiste a ajouté : « Dans ce livre se trouve le texte complet de toutes les Lettres de saint Jacques, le Sage de la Perse, qui sont au nombre de vingt-deux selon l'alphabet, plus une autre sur le « grain de raisin ». C'est le même nombre de Lettres et disposées dans le même ordre que l'on a dans le manuscrit A du VI e siècle. Le copiste y fait à plusieurs reprises l'éloge du «Sage de la Perse », «. homme parfait », « docteur divin » ; « ses paroles et sa doctrine rendent témoignage de lui; qu'il prie pour nous»(1). Les documents postérieurs n'apprennent à peu près rien de nouveau sur Afrahat. L'élude que Georges, évêque des Arabes, écrivit en 714, sur sa condition, le temps où il vécut et sur quelques points de sa doctrine, atteste qu'il n'avait sur le sujet aucune autre source d'informations que les vingt-trois lettres. ( i ) Après Georges, les lexicographes Bar Bahloul au X e siècle dans son Lexicon Syriacum,{3) et Elie de Pvisibe, au XI e siècle dans son Livre de f Interprète w ne font guère que citer « Afrahat le Sage de la Perse ». Le second déclara le suivre dans certains calculs de chronologie biblique Barhebraeus, dans sa Chronique ecclésiastique(5), donne son nom modernisé « Pharhad » et le signale (1) Voir la description de ces ms., et des fac simile dans la Pat. Syr., T. I, p. LXVII —LXXX, Cf. Forget, op. cit., p. 167-176. (2) Voir cette étude dans Forget, op. ci t., p. 1—57. (3j Edition, Kubens Duval, Paris, 1888 - 1896, col. 268. (4) Edité par Paul de Lagarde, Practermissorum libri duo, Gojttingue, 1879. Cf. Wright, op. cit., p. 38—39. (5) Gregorii Barhebraei Chronicon ecclesiast/cum, par B. Abbeloos et Th. Lamy. Louvain 1872—1877 ; T. I, p. 85; T. II, p. 33.
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comme auteur « orthodoxe», c'est-à-dire pour lui, monophysite. C'était plus que tendancieux, car Ebedjésu, qui est nestorien, fait aussi l'éloge d'Afrahat et le qualifie de « bienheureux». — Enfin un dernier manuscrit désigné par G, datant de 1364, et ne contenant que la Lettre XXIII, déclare que « le Sage Afrahat, ou Jacques, était évèque de Mai' Mattay». Ces quatre manuscrit A, B, B, G furent trouvés par Cureton, en 1855, dans la bibliothèque du monastère des Syriens en JNitrie, et transportés au British Muséum. En 1869, Wright donnala I e édition syriaque des 23 Lettres. Depuis lors une traduction allemande par Bertet une traduction latine avec texte syriaque en regard par Dom Parisot ont été publiées, ainsi que de nombreuses études ou monographies dont je donne une liste à la fin de ce travail. *
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Un tel empressement ne doit pas surprendre, caries Lettres d'Afrahat sont intéressantes et précieuses à plusieurs titres. D'abord, au point de vue général de l'histoire de l'Eglise de Perse, elles sont un document de première importance. Très exactement datées par l'auteur lui-même, intégralement conservées, très variées par le sujet, elles ont encore, sur les écrits contemporains, et surtout sur les Acta Martyrum l'avantage de dépeindre plus fidèlement l'état de choses qui existait en Perse de l'année 336 à l'année 345. Afrahat en effet, n'a pas voulu écrire une histoire de son temps, ni faire le panégyrique d'un saint martyr ; son but unique a été d'instruire son ami, ses « frères » et les fidèles, sur les vérités religieuses
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spéculatives et pratiques, et de l e s consoler au milieu des tribulations. S'adressant à des contemporains et à des compatriotes, il est donc très sobre de détails sur des événements connus de tous ; mais le peu qu'il est obligé d'en rappeler, ceux auxquels il fait allusion et que nous pouvons deviner à notre tour, tout cela constitue une documentation tout à fait précieuse. C'est ainsi que nous sommes instruits sur les causes et les débuts de la persécution de Sapor I I ; sur les sentiments des Chrétiens à ce sujet ; sur les relations des Chrétiens avec les Juifs ; sur l e s graves dissensions survenues daus l ' E g l i s e . Grâce à Afrahat nous pénétrons dans la vie intime de ces communautés chrétiennes, reléguées aux extrémités du monde civilisé, séparées p a r l a force des choses du reste de l'Eglise. Nous découvrons surtout leurs croyances et leurs pratiques religieuses, encore un peu rudimentaires, il est vrai, mais remarquablement pures de toute erreur grossière et de toute superstition. Nous y voyons enfin se tenter les premiers essais organisés de vie ascétique et se tracer les premières règles des institutions monastiques qui commenceront à briller quelques dizaines d'années plus tard. L e s Lettres d'Afrahat intéressent encore au plus haut point les savants syriologues, car elles constituent un des premiers documents originaux qui soient restés de la littérature syriaque. S i elles ont les défauts c o m m u n s aux écrits o r i e n t a u x : une ennuyeuse prolixité, des r é p é titions trop fréquentes, des digressions trop nombreuses et trop longues, elles sont par contre, selon M . R u b e n s Duval (1) « un guide sur pour l'étude de la syntaxe a r a méenne » . L a langue est pure et peu nombreux sont les il) La littér.
syriaque,
p. 228.
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mots empruntes au grec ou à d'autres idiomes étrangers. L e s pages admirables par l'éclat du style et
la
richesse
de l'expression n'y sont pas rares. Une certaine vie anime tout l ' e n s e m b l e , e t , malgré les défauts signalés, rend
la
lecture des Lettres généralement facile. Enfin ces écrits, saturés si l'on peut dire, de textes bibliques, sont précieux pour le savant qui s'occupe des versions syriaques des Livres Saints, et
lui permettent
de formuler avec plus d'assurance des conclusions
sur
l'histoire et les caractères de ces versions, sur la composition du canon au milieu du I V e siècle, etc. Ils peuvent donc, on le voit, donner lieu à une foule d'études différentes selon le point de vue envisagé. Dans ce travail j e me bornerai : I o à dégager des Lettres d'Afrahatles renseignements qu'elles contiennent sur l'histoire extérieure de l'Eglise de Perse à l'époque où elles furent écrites : ce sera l'objet de la première partie ; 2° à exposer, dans une seconde partie, l'enseignement théologique du Sage p e r s a n ; ou, d'une façon plus générale, le témoignage que ses Lettres contiennent vie intime de l'Eglise dont il était le chef.
sur
la
PREMIÈRE
PARTIE
Quelques éclaircissements apportés à l'Histoire de l'Eglise de Perse par les Lettres d'Afrahat.
Les renseignements historiques qu'Afrahat rapporter à trois groupes défaits :
fournit peuvent se
1 ) AUX DISSENSIONS QUI EXISTAIENT DANS LE H A U T C L E R G É ; 2)
A LA PERSÉCUTION DE S A P O R I I ;
3)
A L'HOSTILITÉ DES J U I F S ENVERS LES C H R É T I E N S .
CHAPITRE PREMIER
Les dissensions dans le Haut Clergé
1. — L a Lettre
XIV.
C'est principalement la Lettre XIV qui nous révèle la crise intérieure dont souffrait l'Eglise de Perse à l'heure même où Sapor II se décidait à la persécuter. Le mal était déjà ancien, car sept ans auparavant, Afrahat avait déjà dénoncé, parmi les pasteurs, l'existence de mercenaires (Lettre X). Il dut s'aggraver tellement, que le clergé de la « p r o v i n c e » dont le Sage faisait partie, se réunit en vue de prendre des moyens de répression. La Lettre XIV, intitulée Supplication, est une sorte d'encyclique que notre auteur écrivit, au n o m du synode, « a u x é v e q u e s , presbytres et diacres, et à tous les fils de l'Eglise en c o m m u n i o n avec eux, à tout le peuple de Dieu résidant à Séleucie et à Ctésrphon et dans les autres pays ».
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2
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Malheureusement pour nous, Afrahat ne fait pas le récit des événements qui ont occasionné le synode ; il les suppose connus des destinataires de la Lettre et il procède constamment par allusions. C'est d'autant plus fâcheux que nous n'avons pas d'autres sources d'informations. L'idée fondamentale de la Lettre est celle-ci : Dans notre peuple il y a de mauvais chefs qui abusent de leur autorité, sont des tyrans pour leurs concitoyens et des fauteurs de désordre. Pour vous, nous vous en conjurons, soyez des amis de la paix. Quel est ce peuple et quels sont ces chefs ? Le peuple chrétien sans nul doute et certains évêques. Voici en effet le portrait qu'Afrahat en trace : « Il s'est trouvé dans notre peuple des chefs qui ont abandonné la loi et sont devenus célèbres parleurs iniquités... l'avariceles a asservis, ils ont prêté à usure, oubliant qu'il a été écrit : Celui qui veut habiter dans la maison de Dieu ne prêtera pas à usure... ( 4 ) Ils gouvernent par la violence, corrompent la justice... ils se paissent euxmêmes et dispersent le troupeau. Avec eux la lumière s'est éteinte, le sel a perdu sa force, la doctrine s'est obscurcie, la loi est tombée en désuétude, la vigne a été dévastée et les épines ont poussé. Les hommes ont dormi et le malin a semé la zizanie... le prêtre est devenu comme le peuple » ( 2 ). Le passage suivant est encore plus significatif: «Dieu nous a découvert son trésor qui est comblé de tous les biens ; il y a la charité, la paix, l'amour; il y a tout ce qui guérit et purifie l'âme ; il y a tous les biens agréables et précieux. Or à ce trésor il a préposé des intendants, à qui il a remis aussi des chaînes et des cachots en leur concédant le pouvoir de lier et de délier. Mais ces intendants ont laissé de côté la charité, la paix, l'amour; ils ont préféré se servir des chaînes et jouer le rôle de geôliers et de recruteurs de bourreaux plutôt que de distribuer les richesses du trésor » ( :i ). Ces passages sont parmi les moins violents du réquisitoire dressé ( t ) Psaume X V , i, 5. (2i col. 577-580. (3) col. 7 0 5 ; Cf. 708: « Si quelqu'un oil'emo Dieu, mais est favorable à ces geôliers, ceux ci l'absolvent en disant : Dieu qui est miséricordieux, te remet tes péchés, viens à la prière. Mais si quelqu'autreleur a fait si peu de tort qu'on le veuille, ils lui disent : Tu es lié et condamné par le ciel et la terre, et malheur à qui t'aura parlé ». Cf. 6Ï2-673.
par Afrahat contre ces évêques perturbateurs de l'ordre et tyrans des consciences. Mais lé grief capital, la cause de tout le mal, c'était l'ambition des prélats incriminés, qui ne voulaient rien moins qu'imposer leur autorité à leurs confrères voisins. Pour bien juger de la situation, quelques explications historiques s'imposent.
2. — L'Organisation de l'Eglise de Papa bar 'Aggai.
Perse.
Au début du IV" siècle, les chrétientés persanes étaient d'une façon générale indépendantes les unes des autres, sans lien hiérarchique qui les groupât eu provinces primatiales ou métropolitaines. L'unique centre d'union était l'Eglise mère, c'est-à-dire l'Eglise d'Edesse d'où étaient venus les premiers missionnaires. Mais la trop grande distance, et surtout le changement de régime politique, rendaient les relations avec elle très difficiles. Certains groupes de Chrétiens étaient encore plus isolés : c'étaient ceux que les rois de Perse, tant les Sassanides que les Achéménides avaient emmenés de leurs incursions en Syrie, pour peupler leurs contrées désertes. Des bourgs chrétiens tout entiers, avec leurs évêques, avaient ainsi constitué en Babylonie, en Médie et jusque dans la Susiane, des diocèses nouveaux, au milieu de populations païennes. Une œuvre s'imposait : faire de ces groupements séparés u n corps vi vant, organisé, une Eglise en u n mot. C'est à quoi s'occupa, au commencement du IV'' siècle, le célèbre Papa bar'Àggai, éveque des villes royales, Séleucie et Ctésiphon. Dans sa pensée, bien entendu, son siège devait être le centre de l'Eglise de Perse, et lui et ses sucesscurs prendraient le titre de primat ou de catholicos. Mais la plupart des évêques ne l'en tendirent pas ainsi et formèrent une puissante opposition. Papa, déposé par un synode, recourut aux « Pères occidentaux)), aux évêques de la Mésopotamie et de la Syrie, qui se déclarèrent favorables à son projet et annulèrent les actes du synode. Ceci se passait vers 324 ou 3a5 ( 4 ). (1) Selon une opinion assez partagée. Voir cependant plus loin.
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4
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Ne serait-ce pas un écho de ces débats relatifs à l'organisation de l'Eglise de Perse que nous aurions dans la Lettre XIY d'Afrahat? Nous ignorons ce qui se passa à la suite de l'affaire de Papa ; mais est-il téméraire de croire que les choses ne s'en tinrent pas là et que d'autres cvêques voulurent suivre son exemple ? En effet, ce qu'Afraliat et le synode reprochent surtout à quelques-uns, c'est leur orgueil, leur esprit de domination qui entraîne l'avarice, l'envie, la haine : « Nos frères s'enorgueillisentde titres qu'ils se sont donnés pour mieux pouvoir dominer, pour mieux se faire valoir ou pour recevoir de plus grands honneurs...» (63(1). Ces titres n'étaient pas purement honorifiques, car le Sage poursuit ainsi : « O pasteur, qui ignores l'étendue de ta propre dignité ! qui es-tu pour juger le serviteur d'autrui P S'il se tient debout, ou s'il tombe, c'est l'affaire de son maître.,. Si tu veux t'élever au-dessus de moi, en me disant : Moi qui suis docteur et prince, je suis ton supérieur ; et si, parce que je ne veux pas accepter ton autorité, tu me charges de chaînes, de quel droit peux-tu me commander l'humilité ? Comment peux-tu m'enseigner la charité, toi qui es plein de haine et de colère? Comment m'imposeras-tu la chasteté, toi, le débauché? Et si je connais les hontes de ta vie, pourras-tu me dire, toi, le pécheur et l'impie : Marche selon mes paroles ? » ((¡38-639) Afrahat rejette ensuite toutes les raisons qu'alléguaient ces ambitieux. — L ' u n me dit : « Fais comme moi, associonsnous pour gouverner ». — Mais si Jéroboam abandonne son Dieu, l'imiterai-je? Diras--tu : « Je suis beau et bien fait, et Dieu m'a choisi et m'a oint pour commander aux fils de mon peuple? » — Mais Phinécs, Esaii, Saiil et d'autres sont déchus par leurs péchés du rang auquel Dieules avait élevés. — « Et si quelqu'un a été choisi dès le sein de sa mère, comme Jacob, ou a été sanctiiié avant sa naissance, comme Jérémie, ou a été prédestiné spécialement, comme Josias et Cyrus ? » — Mais tous ceux qui ont reçu des pouvoirs spéciaux, comme Aaron et Moïse, élevés encore plus haut que ccux-là, ne s'en sont prévalus que sur l'ordre de Dieu. « Regarderons nous la hauteur de la taille, ou l'éclat du regard, ou la beauté
du visage ? » Mais le Seigneur ne se complaît pas dans ces qualités, et n'aime pas les orgueilleux. Tous les hommes sont des créatures de Dieu ; et, devant lui, il n'y a ni hommes libres, ni esclaves, ni riches, ni pauvres, mais tous ceux qui le servent sont égaux devant lui 637-640.
3. — La politique d'un évêque Presque au début de sa Lettre, Afraliat décrivait la conduite d'un personnage sur la qualité duquel les critiques n'ont pas été d'accord. « Il s'est trouvé chez nous (ou: chez vous), frères, disait-il, quelqu'un qui, ayant ceint la couronne, a été mal accueilli de ses sujets. Voyant cela, il est allé chez d'autres rois lointains et leur a demandé des chaînes et des fers qu'il a distribués dans son royaume et dans sa ville. À notre avis, il aurait mieux fait, ce roi couronné du diadème, de demander aux rois ses amis des présents qu'il aurait partagés entre les princes et les citoyens de son Etat. Que le sage entende et comprenne : c'est pour ce but que nous écrivons cela » (588). De qui notre auteur a-t-iL voulu parler ici? — On a fait diverses hypothèses. Il en est qui ont pris ce récit à la lettre et l'ont entendu, soit, comme Bert (1) d'un satrape chrétien qui aurait abusé de son pouvoir pour opprimer ses sujets coreligionnaires ; soit, comme M. Rubens Duval W, de Sapor luimême qui, selon une chronologie, persécutait l'Eglise depuis 34o. D'autres ont vu dans ce roi un évêque qui, pour imposer son autorité dans sa contrée, aurait eu recours aux bons offices de quelques prélats ou même au bras séculier. Pour Assemani cet évêque serait Papa dont les prétentions ne furent pas reconnues par le synode de Séleucie ; et les « rois lointains » figureraient les « Pères occidentaux » à qui l'évêque déposé s'adressa et dont il obtint sa justification et la condamnation de ses ennemis. M. Labourt W croit de même (1) Aphrahats, des persischen WeUen, Homilien, p. 214, note 2 (2) Revue critique, 1889, p. 343, note. Opinion partagée par B. Parisot dans sa première étude sur Afrahat, cf. Pat. Syr., I. p. LXIV (1894j. (3) Bibliotheca Orientalis, Tom. 1, p. 558. D. Parisot semble se rattacher à l'opinion d'Assemani dans sa deuxième etude sur Afrahat: Dict. Ttiéol. catthol., à l'article Aphraate, col. 1457—1463. (4) Le Christianisme dans VEmpire perse, p. 25—28.
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que c'est un évêque des Villes-Royales, moi't à l'heure où le Sage écrivait ; toutefois ce serait plutôt Siméon Bar Sabbaé, successeur de Papa, que Papa lui-même. Une autre opinion assez originale est celle de M. Kmosko O : les rois éloignés représenteraient Sapor II, à qui un évoque, à la fois prince spirituel et temporel, aurait demandé de faire respecter ses droits contre l'opposition de certains collègues dans l'épiscopat. Ajoutons que, pour le racme auteur, cette ingérence de Sapor dans les affaires ecclésiastiques aurait été l'une des causes de la persécution. Des textes déjà cités, il appert qu'il n'est question, dans la Lettre XIV, que d'affaires purement ecclésiastiques, de discordes entre prélats. Nulle part ailleurs que dans le passage en discussion il n'est parlé d'autorité et de gouvernement temporels, de rois et de sujets ; nulle part encore il n'est fait allusion à une persécution proprement dite comme serait celle de Sapor. M. Rubens Duval a été amené à son opinion parla teneur du contexte immédiat W où il est dit en substance : « Aujourd'hui, dans notre peuple, il s'est trouvé des juges « sages», possédant une science remarquable, qui jugent et condamnent des hommes sans les entendre... et même les enfants dans le sein de leur mère et des myriades de pauvres et de « fils du pacte ». Nonobstant de tels procédés persécuteurs, je persiste à croire que l'auteur a en vue, non les victimes de Sapor, mais celles des évêques incriminés. L'expression «dans notre peuple», comme les expressions analogues nombreuses dans la Lettre, signifieindubitablement la partie du peuple chrétien où se commettent les excès en question. De plus, que signifierait ici le mot liakimé, sages, s'il s'agissait de juges laïques? Il est employé comme subs(1) S. Siméon Bar Sabbaé dans Pair. Sy r., Tom. II, p. 674—675. (2) le n° 7 dans l'édition Parisot. M. Rubens Duval, loc cit., traduit : « 11 s'est trouvé... frères, 'afyyan!... » et le sujet de la phrase se trouve être fyaïl : quelqu'un, couronné... » D. Parisot traduit différemment :« Il s'est trouvé un frère nôtre, 'atyûn », donc naturellement un évêque. Je préfère néanmoins la traduction de M. Duval, quoique la version arménienne soit la leçon de D. Parisot, car elle me semble plus conforme au contexte, qui est allégorique. Le terme 'aliyan, frères ! est employé dix autres fois dans la même Lettre, et, dans l'écriture syriaque peut être très facilement confondu avec 'a\uui. (Voir D. Parisot, Pat.Syr., p. xxxvin.
tantif, non c o m m e adjectif, èt il exprime u n état, non une qualité, sinon il ferait double emploi avec l'incidente qui suit. Ces juges sont des « Sages ». Dira-t-on que c'est par ironie qu'Afrahat n o m m e ainsi les juges au service de Sapor ? Mais le ton de tout le passage est rien moins qu'ironique; l'auteur est bien plutôt consterné, à la pensée que des « Sages » aient pu commettre des actes si répréhensibles. Du reste, cette interprétation s'accorde très bien avec la teneur des deux paragraphes suivants qui sont le développement de la même idée. Imagine-t-on u n roi obligé d'aller quérir chez des rois « lointains » des chaînes et des fers pour maîtriser ses sujets rebelles ? — Ce récit est allégorique ; il comprend une partie historique et u n e leçon. Le roi en question est u n évêque qui a demandé à d'autres évêques hors de la Perse, des pouvoirs de juridiction, et surtout de coercition sur u n e certaine région. La leçon est contenue dans l'appréciation d'une telle conduite par les membres du synode : « A notre avis, il aurait mieux fait... » Aussi la conclusion est-elle : « Que le sage entende et comprenne ; c'est pour cela que nous écrivons ». La suite laisse entendre qu'elles étaient les prétentions de cet évêque M : « Si u n grand roi établit u n administrateur de toutes ses possessions et de sa maison ; et si cet administrateur se comporte mal, s'élève contre ses collègues, s'emporte contre les ministres du roi, les fait arrêter, jeter dans les fers, Irapper de verges, sans j u g e m e n t ; et si enfin ceuxci, du fond de leur prison, dénoncent à leur Maître les agissements de son administrateur...; que vous en semble, frères? cet administrateur aura-t-il l'approbation du grand roi ? — Non, mais il sera rejeté et perdra son pouvoir » On reconnaît facilement sous le grand roi, Jésus-Christ et sous l'administrateur, u n évêque qui est supposé avoir acquis pleins pouvoirs sur l'Eglise. Mais celui-ci en use mal à l'égard de ses collègues, les autres évêques, qui s'insurgent contre lui et l'accusent de despotisme. Aussi sa suprématie (1) les n° 8 et 9 dans l'édition Parisot. (2) col. 589-592. (31 Cf. 597 : « Notre Sauveur le grand Roi »; 657 : « le grand Propheti
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lui sera-t-elle ôtée. Il s'agit donc évidemment de quelque primat ou métropolitain de l'Eglise de Perse. Parmi les hypothèses que 1 on a faites sur son nom ou sur son siège, en est-il une qui a quelque chance d'être vraie? Celle qui avance le nom de Mar Papa est basée sur ce que nous savons de lui : l'opposition que suscita son projet ; son appel aux Pères occidentaux ; la répression des opposants. Une seule objection peut-être faite; ces événements étaient déjà anciens de dix ans pour le moins , plus sûrement de vingt ans et même, selon Westphal de trente ans, alors qu'Afrabat semble parler de faits récents qui n'avaient pas encore dû se produire quand il écrivit sa Lettre X sur les bons et les mauvais pasteurs . Contentons-nous de remarquer que la chronologie du Concile de Séleucie-Ctésiphon est très vague. Wright le place même en 344 (5)- Quant au silence de la Lettre X, il peut s'expliquer par le fait que le Sage y traitait la question des pasteurs à un point de vue général et s'adressait à son ami pour l'instruction des « frères ». L'évêque accusé, si on le suppose de Séleucie-Ctésiphon, ne pouvait les intéresser que de très loin et rentrait simplement dans la catégorie des mercenaires. Rien ne s'oppose donc absolument à l'identification de cet évêque avec Papa. Les probabilités sont moins nombreuses en faveur de son successeur, Simeon Bar Sabbaé. — Le premier trait de ressemblance relevé par M. Labourt et concernant l'avarice de cet évêque (581) s'applique en général à tous les évêques incriminés dans la Lettre, et les Passions du saint, auxquelles se réfère le savant écrivain ne permettent pas de supposer que Siméon ait été injuste dans la répartition des (1) Selon D. Parisot, Patr. Syr., p. XXVI; cf. Assemani, loc. cit. (2) D'après Labourt, op. cit., p. 26. Cf. Dom Leclerc, Hist. des Conciles, 2* édit. française de l'ouvrage de Héfélé. Tom. I. p. 1119 et saiv.
(3) Untersuchungen PatriarchalChroniken
über die Quellen und die Glaubwürdigkeit des Mari ihn Sulaiman, Amr ibn Matai
der und
Saliba ibn Johannan, Strasburg, 1901, p. 60-62, 82-84. (4) La version arménienne porte même cette variante : « Et maintenant, il s'est trouvé... » cf. n° 7 dans l'édit. Parisot, et col. 573, byawmâthan, « de nos jours ».
(5) The homilîes...
p. 89.
î m puis exigés par Sapor.
Il
refusa
m ê m e , disent-elles, de
lever la double eapitation O. Pour le r a p p r o c h e m e n t M. L a b o u r ! fail
entre
la beauté
remarquable et
la
que haute
taille attribuées à Siméon par l e m s . 1 (->, e l l e passage de la Lettre \ I V , cité pius haut, sur le droit à la p r é é m i n e n c e que créeraient ces qualités m ê m e , s'il est f o n d é , il peut tout au plus p r o u v e r que, parmi les ambitieux, l ' o n comptait l'évêque des Villes Royales. Mais pourquoi serait-ce nécessairement un évêque de leucie-Clésiphon ? Le terme lâthl'ûn
Sé-
ne désigne pas
: chez vous
u n i q u e m e n t l'Eglise de ces deux villes M D'autre part, AJ'ra bat rapporte un fait supposé inconnu des destinataires de la Lettre : pourquoi eus?.
leur
raconter ce qui se serait passé chez
Enfin et surtout, lâthkfm
peut bien
n'être
pas la
leçon authentique : le traducteur a r m é n i e n a lu Lira Ut a H : chez de
nous la
(•'), qui s'accorde m i e u x
Lettre.
avec
teneur
L'auteur en effet, distingue
le « peuple » des destinataires, du partie : ici
la
très
passés
« quelques-uns de nous » sont
nettement
« peuple » d o n t il fait
règne la discorde : là, une paix
faits répréhensibles se sont
générale
parfaite.
Les
« dans notre peuple » ;
les coupables
contraire, il s'adresse aux destinataires de
la
Quand, au Lettre, c'est
u n i q u e m e n t pour les féliciter de leur a m o u r de la paix et les e n g a g e r à c o n t i n u e r : « En vous écrivant ceci, c'est nous qui nous exhortons, car vous n'avez pas besoin d'être enseignés par nous, mais vous êtes des c o n s e i l l e r s et des aides... » (09:5). « Nous vous écrivons ces paroles de paix... afin que nous soyons faits participai! Isde votre paix»
(~09 ; cf. 677-680;. On doit
d o n c conclure, semble-l-il, que ce « roi » était un évêque de la région i l ) Pat.
d ' A f r a b a t . Désireux, lui aussi, de transformer son Si/r.
Tom. I I , col. 742-743. Voir le chapitre suivant.
(•_») l'at. SU/i\, II, col. 747.
(ii) « N o m a v o m résolu d'écrire cette L e t t r e à tous nos frères k.ûlhtill.. de t o m les pays d-bâ'thar 'athar... à tout le peuple de Dieu qui e s t a SéleucieCtésiphon et en i o u v les pays » (573). Rien n'autorise à penser avec M. L a bourt (op. Cit., p. 26!, que la Lettre X I V aurait été adressée à « une assemblée d'évêques... réunie à Sélem-ie » . (4) Uol. 57.5 : « Nous vous faison-; connaître... »
(5) (Jf. Antonelli, Sancti
Pat ri.s- no Ht-ri Jacob i... p. 408 — M. Kmosko
adopte cette variante, Patr. Sijr., I I , p. 702, ( P a r i s 1907). (6) Cf. col. 573, 577, 581, 588, 599, etc...
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titre en celui de métropolitain, de primat ou de catholicos, il aurait recouru aux mêmes moyens qui avaient réussi à Papa et serait parvenu à son but en infligeant aux récalcitrants des peines ecclésiastiques. Telle est, à mon avis, l'hypothèse qui tient le mieux compte du texte discuté et de toute la Lettre, les seules, données que nous ayons.
4. — Le p a r t i d'Afrahat. Une dernière question se pose : Afrahat et ses partisans au synode étaient-ils en principe opposés à une « hiérarchisation i) des chrétientés persanes? — E n fait, ils combattirent les procédés avec lesquels certains entendaient l'opérer. C'étaient les ambitieux, les violents, les avares qui s'effoiçaient par tous les moyens de s'élever au-dessus des pacifiques et des humbles. Le mérite réel, l'esprit de religion ne rentraient pas en ligne de compte, mais seules l'audace et la violence, avec toutefois l'ancienneté de l'ordination (633). On pourrait cependant faire des réserves. De même qu'on a contesté avec raison le bien-fondé des accusations portées contre Papa par ses adversaires, ne devrait on pas aussi tenir compte, à propos de la Lettre XIV, du penchant, du goût même de l'exagération, pour le fond c o m m e pour l'expression, qui caractérise les Orientaux en général, et Afrahat en particulier! 1 — Il faudrait alors voir ici en jeu un problème de droit ecclésiastique beaucoup plus qu'une simple question de conduite morale cl, pastorale. Mais pourtant ce que le Sage de la Perse appelait a rechercher la paix,être ami de la paix » ne comportait-il pas le maintiendu statu quo, c'est-à-dire,l'égalité entre les évêques et leur mutuelle indépendance? On peut ledéduire du fait qu'il n'est aucunement question dans la Lettre de moyens positifs pour donner une solution à la cri se. Soupçonnant que quelques-uns pourraient ne pas se rallier à leurs vues, les Pères du synode évoquaient, c o m m e dernierargument, la pensée du châtiment divin O : « Chacun récoltera ce qu'il aura semé. Aussi, frères, (1) col. 693-696; 710.
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avons n o u s confiance q u e vous rechercherez la paix et réprouverez la discorde, et Y ambition qui en est la source. Il faut nous rappeler la manière de faire den anciens qui f u r e n t sages et parlaits » (721-724). A f r a h a t finit la lettre en la d a t a n t — mois de chbât, février 344 — et en d e m a n d a n t u n b o n s o u v e n i r p o u r celui qui s'est i m p o s é la peine de l'écrire et p o u r ceux q u i r e c h e r c h e n t la paix.
CHAPITRE II
La Persécution de Sapor II. La fin des discordes, réclamée à grands cris par le synode, devenait tout à fait urgente en face des deux ennemis du dehors : le roi Sapor II, qui décrétait la persécution contre les Chrétiens; et les Juifs qui s'efforçaient de discréditer leur foi.
1. — La L e t t r e V. S a p o r II e t l e s R o m a i n s Au commencement de l'année 33-, le Roi des Rois faisait d'importants préparatifs de guerre dans le but de reprendre aux Romains les riches provinces mésopotamiennes que son père Hormizd II (3o2-3oy) avait été contraint par la défaite de leur céder. A cette occasion, Afrahat éprouva le besoin de confier à son ami ses impi'essions et ses espérances. « Les temps sont mauvais, lui disait-il au début de la Lettre Y, apprends en secret ce que je t'écris > . (t l. « L'Ecriture nous enseigne que le bon sera récompensé et le méchant puni. Or u n h o m m e (Constantin) a d o n n é la prospérité au peuple de Dieu (les Romains) : le succès est donc assuré à cet h o m m e . Mais ces rassemblements de troupes sont un mal : l ' h o m m e impie et orgueilleux qui les a ordonnés recevra son châtiment. Ne te plains donc pas de lui... caries temps sont fixés et l'heure de leur accomplissement est arrivée « (i8/i-i85). Afrahat démontre ensuite, d'après l'Ecriture, que tous les orgueilleux ont été humiliés. Il en donne u n e quinzaine d'exemples depuis Caïn jusqu'aux fameux prédécesseurs de Sapor, Nabucliodonosor et surtout Sermachérib « qui fut tué par ses fils dans le temple, comme une victime offerte aux idoles » (192). Puis il s'engage dans d'interminables explications, très complexes et très subtiles, de plusieurs visions (1) col. 185 ; et non: « Apprends ce que je t'écris sub symbolis (IX i'arisot), mystérieusement » ( Labourt, op cit., p. 48), car b-râz affecte chma, non d-Jcathébnâ.
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de Daniel : celle du bélier et d u b o u e ; celle de la statue ; celle des q u a t r e a n i m a u x ; d ' o ù il r e s s o r t q u e les « Fils d'Esaù » ou les R o m a i n s , o n t c o n s t i t u é le d e r n i e r p u i s s a n t r o y a u m e q u i devait rester a v a n t la v e n u e de « l ' A n c i e n des J o u r s » . C'étaient eux, la q u a t r i è m e bêle, la p l u s terrible de toutes, c o n t r e laquelle le bélier, c'est-à-dire le roi de Perse, n'a pu tenir. C'étaient eux aussi, les pieds de fer et d ' a r g i l e de la statue, f r a p p é s p a r cette pierre q u i a r e m p l i toute la terre, le r o y a u m e d u C h r i s t (212). Mais d e m a n d e le Sage, q u e l s s o n t ces saints q u i o n t reçu le Royaume u n i v e r s e l , é t e r n e l , d o n t p a r l e le prophète (l) ? Sont-cc les lils de J a c o b î — ¡Non, car Dieu les a rcjelcs à c a u s e de l e u r infidélité. Ce r o y a u m e a été d o n n é aux Fils d ' F s a ù q u i o n t p o u r m i s s i o n de le c o n s e r v e r j u s q u ' à ce q u e v i e n n e « Celui à q u i il a p p a r t i e n t ». y C'est p o u r q u o i , c o n c l u t - i l , le r o y a u m e des Fils d ' F s a ù n e sera p a s livré a u x a r m é e s q u i se f o r m e n t p o u r m a r c h e r c o n t r e lui, car celui q u i le l e u r a d o n n é , le c o n s e r v e . A'en veuille pas d o u t e r . Il n e sera pas v a i n c u , car le p l u s f o r t des h o m m e s , qui se n o m m e J é s u s , est venu d a n s sa p u i s s a n c e , et ses a r m e s le s o u t i e n n e n t . C o n s i d è r e en effet q u e J é s u s a été c o m p t é d a n s le r e c e n s e m e n t des h a b i t a n t s de ce r o y a u m e , (:. et il accole m ê m e à son n o m le qualificatif de la « scribe » W ; m a i s il reste étrange qu'il ne se soit pas davantage inspiré de ses deux livres. Il est plus sûr que l ' u n e des deux inférenccs soit vraie p o u r le C a n t i q u e et l'Ecclésiaste : ces deux écrits en effet, m a n q u e n t d a n s u n canon syriaque très ancien, découvert au Sinaï. Du silence s u r le Cantique, il y a u n e autre raison plausible : ce livre n'était pas lu d a n s les assemblées c h r é t i e n n e s , (1) Cf. la Doctrine d'Addat, édit. Phillips, p. 46 ; ,T. Tixeront, Les origines de l'Eglise d'Edes.se et la Légende ; on ne peut dire si notre auteur les a connues et ce qu'il en pensait. Le livre des Actes était alors dans une situation pour ainsi dire intermédiaire. Afrahat lui donne le n o m de « Prédication » ou (i d'Actes des Douze Apôtres », mais il le considère surtout c o m m e u n récit qui ne contiendrait d'autres « paroles divines » que celles mises sur les lèvres de Jésus ou des Apôlres , le « Docteur des nations ». A l'exception de la II e Epître aux Thessaloniciens et de celle à Philémon, toutes les autres Epîtres, y compris celle aux Hébreux, sont a b o n d a m m e n t citées . En outre, il s'inspire beaucoup de la doctrine paulinienne sur une foule de questions. Au sujet de l'Evangile, une question plus complexe se pose : quelle version Afrahat a-t il suivie ? — Il y avait alors deux sortes d'Evangiles syriaques : 1' « Evangile des séparés » 'éwangéMân da-mpharcM, comprenant la Peschittâ, les versions curetonienne et ludovisienne, dans lesquelles les quatre Evangiles étaient distincts; et « l'Evangile des mêlés » ' qui était le Diatessaron cle Ta tien, récit formé .. .da-mhalté de la combinaison des quatre canoniques. On s'accorde à reconnaître que le Sagede la Perse s'en est lenu généralement à celui-ci. En eilet, il ne distingue jamais, ni ne désigne les (1)
Loisy. Histoire du Canon du N. T. (Paris l*«.ll>, p. (2) col. 903. 5-29 ; II, S. (3) Act., I, 5, col. 529; Art. XIV, 21, T. II, col. 5. _ C4) On ne peut guère compter avec L>. Parisot, mémo comme une ahuMon au livre des Actes, l'emploi du mot 'rûhâ', voie, pour désigner la religion chrétienne (col. 933; Act. IX. 2; XVIII, 25 ; X I X , 9, 23 ; X X I V , 22). (5) col. 601, 732, 921, 385 ; II, 128. _ (6) Environ 200 versets différents dont quelques-uns plusieurs fois. - 1 lusieurs critiques prétendent découvrir dans certains passages des Lettres (Lettre I, n° 19 • Lettres V I n°» 12 et 13), des ressemblances avec une correspondance apocryphe entre saint Paul et les Corinthiens, qui aurait d'abord fait partie du Canon de l'Eglise syrienne/et dont saint Ephrem a fait un commentaire. Lel 91 Cf Zahn,' Grund riss der GeschiscMe des N. T. lichen Kanons, P ?. 1901* P 48, n. 3. Connolly The Early Syriac creed, dans « Zeitschrift fur die N T. Wissenschaft » 1906, p. 204-205. Pass, The creed of Aphraates, dans « The Journal of Theological Studies » 1908. p. 278.
Evangiles par leur n o m O, et les formules par lesquelles il annonce un texte évangélique sont toujours les mêmes : u 11 est écrit ». « le Sauveur dit », etc. On remarque en outre, entre ces citations et le Dialessarou, des ressemblances d'expressions, des variantes communes, et même des séries identiques de faits et de paroles 5;. La c o n d i t i o n l'equise p o u r e n s e i g n e r , c ' e s t l ' é l u d e d e s E c r i t u r e s (1045) ; m a i s il f a u t d i s t i n g u e r e n t r e c e u x q u i les e x p l i q u e n t a v e c a u t o r i t é et n e r e l è v e n t , s e m b l e - t - i l . d ' a u c u n m a g i s t è r e s u p é r i e u r , et c e u x q u i s o n t o b l i g é s ( l ' a v o i r r e c o u r s a u x l u m i è r e s des premiers. D a n s la c o n s t r u c t i o n d e « l ' é d i f i c e d e la foi », il y a d i v e r sité d e r ô l e s : « P o u r m o i , é c r i t le S a g e d e la P e r s e à la fin d e la L e t t r e X, tel u n c a r r i e r , j ' a i p r é p a r é les p i e r r e s p o u r l'édifice; ces p i e r r e s , les s a g e s a r c h i t e c t e s les t a i l l e r o n t et l e u r d o n n e r o n t u n e p l a c e d a n s l'édifice >> (465). Quel r a n g o c c u p e n t d a n s l ' é g l i s e ces « s a g e s a r c h i t e c t e s », il n e le d i t p a s ; m a i s il d o i t p a r l e r d e c e u x d o n t r e n s e i g n e m e n t f a i t a u t o r i t é et p a r m i lesq u e l s la m o d e s t i e l ' e m p ê c h e d e se c o m p t e r ; o u p e u t - ê t r e fiat-il
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44 —
a l l u s i o n a u x a s s e m b l é e s d ' é v è q u e s q u i d é f i n i s s a i e n t la
doc-
t r i n e d a n s les q u e s t i o n s c o n t r o v e r s é e s . Knfin
la r è g l e s u p r ê m e q u i
s'impose
à Ions, quels que
soient, l e u r s c i e n c e et l e u r r a n g , c ' e s t de t r a v a i l l e r à la c o u s t r u c t i o j i du seul é d i l i c e d o n t la p i e r r e a n g u l a i r e es!
Jésus
C h r i s t . « I n t e r r o g e n o s f r è r e s q u i é t u d i e n t , dit le S a g e à s o n a m i , et, des idées q u ' i l s t ' e x p r i m e r o n t , a c c u e i l l e c e l l e s q u i p e u v e n t r e n t r e r d a n s l'édifice : m a i s s'il en est q u i a p p a r t i e n nent à un autre système,
réfute-les et d é t r u i s - l e s à f o n d ,
car
le d é s a c c o r d n e p e u t r i e n é d i f i e r » (4(55). « H y a u n e s e u l e f o i , c o m m e u n seul b a p t ê m e , c o m m e un seul Christ
»
(|[, 124).
I l m e r e s t e m a i n t e n a n t , à e x p o s e r la foi d W f r a h a l . et à s a i s i r e n e l l e « l ' e s p r i t » de l ' E g l i s e de l ' e r s e
vers l ' a n n é e 340-
CHAPITRE II
La Foi. — Le •< Symbole d'Afrahat ». [. — L a f o i ; s a n a t u r e . L e s œ u v r e s d e l a foi. Le Sage de la P e r s e consacre sa p r e m i è r e Lettre à la première des vertus t h é o l o g a l e s , c a r , a v e c son a m i . i l la c o n s i d è r e avec raison c o m m e la p r e m i è r e d i s p o s i t i o n de l a i n e nécessaire à la vie c h r é t i e n n e . La f o i est c o m p a r a b l e à un édifice construit avec d i v e r s m a t é r i a u x , ou o r n é de diverses couleurs(5). a Le f o n d e m e n t u n i q u e en est cette pierre q u i est Noire-Seig n e u r Jésus-Christ ; sur cette p i e r r e est assise la foi, et la foi l ' é d i f i c e est é l e v é j u s q u ' a u s o m m e t . . . C e l u i qui
sur vient
à la foi n'a rien à c r a i n d r e des vents et des tempêtes, car il repose sur un f o n d e m e n t i n é b r a n l a b l e » (8). V o i c i q u e l l e est la c o m p o s i t i o n
de tout l ' é d i f i c e : « D ' a b o r d l ' h o m m e
croit,
puis il a i m e , puis il espère, il est alors j u s t i f i é . Quand
l'édi-
lice est a c h e v é et c o u r o n n é , il d e v i e n t la d e m e u r e du C h r i s t selon la p a r o l e
du p r o p h è t e Jéréinie,
répétée
par le b i e n -
heureux: A p ô t r e : V o u s êtes le t e m p l e de Dieu » M . Mais il faut e n c o r e o r n e r l ' é d i f i c e de tout ce q u i est nécessaire et a g r é a b l e
à celui qui
va l'habiter
I n roi v e u t
une
habitation r o y a l e et r o y a l e m e n t o r g a n i s é e , sinon il n ' y reste pas, et fait nie l i r e à m o r t , à cause de sa n é g l i g e n c e ,
celui
qui est c h a r g é de la p r é p a r e r . l ) e m ê m e l ' h o m m e d o i t
four-
nil' au C h r i s t une d e m e u r e d i g n e de lui. Or la f o i est l ' o r n e m e n t a b s o l u m e n t n é c e s s a i r e : elle est « le p r i n c i p e de n o t r e alliance avec Dieu » (72). Puis, avec la f o i . il f a u t ' 8 ' : « l i n j e î i ne pur f o n d é sur la foi ; une prière pure que la foi seule fait exaucer;
la e h a r i l é qui a sa racine dans la
f o i ; des a u m ô -
nes faites avec f o i ; l ' h u m i l i t é e m b e l l i e par la f o i ; la v i r g i -
( 1 ) C o l . 8-9 ; .Ter., V I I . 4. I Oor., 11.1, 1«. ( 2 ) A f r a h & t écrivant, pour les « His du p a c t e » éuuuiBre i c i , non les v e r t u s q u e tout c h r é t i e n d o i t p r a t i q u e r , m a i i c e l l e s q u e d o i t » ' e f f o r c e r d ' a c q u é r i r c e l u i qui aspire à la p e r f e c t i o n .
—
4fi
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nité voulue à cause de la foi ; la c o n t i n e n c e q u i s ' o b t i e n t par la foi ; la sagesse q u i ne se trouve que dans la foi ; la dem a n d e de l'hospitalité, e x c e l l e n t e quand elle est faite avec foi ; la s i m p l i c i t é qui est unie à la foi ; la patience qui reçoit sa perfection de la foi ; la l o n g a n i m i t é q u i s'acquiert par la foi ; la tristesse qui provien t de la foi ; la chasteté qui se conserve p a r la foi. Tels sont tous les o r n e m e n t s q u e requiert la foi fondée sur le C h r i s t ; telles sont les œuvres qui c o n v i e n n e n t au Roi C h r i s t » lin fidèle disciple de saint Paul, Afrahat insiste b e a u c o u p sur les œuvres de la foi : elles sont l'or, l ' a r g e n t et les pierres précieuses q u i , à la fin du inonde, résisteront à l'épreuve du feu. Mais les œuvres faites sans la loi sont la paille et le roseau qui seront brûlés (20j. « Si q u e l q u ' u n dit qu'il croit en Dieu, et transgresse n é a n m o i n s ses c o m m a n d e m e n t s : celuilà ne c r o i t pas vraiment, qu'il y a un Dieu, c a r celui qui c r o i t en Dieu ne fait pas le m a l ("2> ». P o u r le Sage de la Perse, la foi est inséparable de la vie de la foi, et i n c o m p a t i b l e avec la m a u v a i s e c o n d u i t e , S'il avait c o n n u l ' E p î t r e de saint, J a c q u e s il n'eut pas m a n q u é d'en a p p e l e r au texte si net : La foi sans les œuvres est m o r t e ». Il ne suffit pas de lire l ' E c r i t u r e , il faut la p r a t i q u e r (053) ; et les titres ou les n o m s g l o r i e u x n e servent à rien sans les b o n n e s œuvres, mais les b o n n e s œuvres peuvent sauver sans les titres ou les n o m s glor i e u x (63t>)La foi n e b o r n e pas son action à rendre m é r i t o i r e s les œuvres de l ' h o m m e , elle obtienl aussi de Dieu des griices spéciales et, m ê m e le p o u v o i r de p r o d u i r e des faits m i r a c u l e u x . Les e x e m p l e s a b o n d e n t sous la p l u m e de notre auteur, et c o m m e t o u j o u r s , sont tirés de l ' E c r i t u r e . C'est à cause de leur foi q u e iNoéfut sauvé, q u ' A b r a h a m fut, c h o i s i , que Moïse frappa les E g y p t i e n s et divisa la m e r : « C r a n d et a d m i r a b l e prodige q u e c e l u i - l à ! Les eaux c h a n g è r e n t la c o n d i t i o n naturelle de leur e x i s t e n c e ; des créatures sans raison devinrent obéissantes » (34)- Afrahat e n u m e r e aussi tons les m i r a cles que J é s u s a accordés à la foi, les guéri son s et tes résur( 1 ) Col. 12-13. (2) I I , 128-129.
rections et rappelle la promesse faite aux Apôtres: « Si vous avez la foi, il n'est rien que vous n e p o u r r e z faire. » Aussi se c o n t e n t è r e n t - i l s de dire au Seigneur : « Augmentez notre foi O»). # *
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Puisqu'il vient d'être question des œ u v r e s de la foi en général, il me paraît o p p o r t u n d'exposer brièvement ici les idées principales des Lettres que le Sage de la Perse a consacrées à la charité, au j e û n e , à la prière, à l ' h u m i l i t é et au s o u l a g e m e n t des pauvres. L ' a m o u r de Dieu et l ' a m o u r du p r o c h a i n , tels sont les deux seuls c o m m a n d e m e n t s imposés à l ' h o m m e . La Loi et les P r o p h è t e s n ' o n t eu d'autre but que de les lui rappeler et de l'aider à les observer. Le Sauveur lui aussi est v e n u p o u r n o u s a p p r e n d r e jusqu'à quel degré d ' h é r o ï s m e n o u s d e v o n s pousser l ' a m o u r de notre p r o c h a i n . 11 ne suffit pas au chrétien d ' a i m e r ses amis, car en cela il ne se d i s t i n g u e pas des p a ï e n s ; il doit e n c o r e a i m e r ses e n n e m i s , p r i e r p o u r ceux qui lui veulent du mal et p a r d o n n e r j u s q u ' à septante fois sept fois par j o u r celui qui l'aura offensé, sinon Dieu n e lui p a r d o n n a pas non plus' 2 ). A f r a h a t cite ensuite et p a r a p h r a s e le célèbre passage de saint Paul s u r l'excellence et la nécessité de la charité : si la foi ligure les m u r s de l'édifice que le Christ doit habiter, la charité est le lien qui les retient les u n s aux autres et les e m p ê c h e de s'écrouler : toute dissension représente une fente et; c o m p r o m e t la solidité de l'édifice. ^ En lin il passe en revue les g r a n d s actes de charité des p r i n cipaux p e r s o n n a g e s de l'Ancien T e s t a m e n t et t e r m i n e p a r une é n u m é r a t i o n , longue de plus de cinq colonnes, des bienfaits de Jésus envers les h o m m e s . Le jeûne est « une a r m u r e c o n t r e le malin ; le bouclier qui reçoit les flèches de l'ennemi »(u7). Il y a plusieurs m a n i è r e s II) Col. 41-4:.'; Math., X X I , 22. (2 A f r a h a t qui, à l'occasion de tontes les questions à quelque chose do désagréable à dire a u x J u i f s , rappelle ici que Dieu leur a parJontié. p e n d a n t sept a n t e semaines d'années ( 7 0 X 7 = 4 9 0 ans — depuis le retour du Babylone) a p r è s quoi il a laissé d é t r u i r e .Jérusalem et les a livrés à leurs e n n e m i s (7(1 - 77). (3) col. 84 ; cf. 601 — 605 u n e longue é n u m é r a t i o n des effets de la charité, k la m a n i è r e de f a i n t P a u l , I Cor., X I I I .
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de j e û n e r : l'un s'abstient de pain et d'eau j u s q u ' à ce qu'il a f a i m et s o i f ; un autre j e û n e eu restant chaste, et n e m a n g e pas quand ¡1 a faim, ni ne boit quand il a s o i f ; un autre j e û n e en g a r d a n t la c o n t i n e n c e ; un autre n'use pas de la c h a i r , du vin et d'autres a l i m e n t s ; un autre, en m e t t a n t un frein à sa l a n g u e p o u r éviter de p r o f é r e r des paroles h o n teuses ; un autre, en résistant à son i n c l i n a t i o n à la colère, ou à l ' a v a r i c e : un autre, en a b a n d o n n a n t ses richesses pour n'être pas leur e s c l a v e ; un autre, en veillant p o u r faire orai son ; un autre, en se retirant des affaires de ce inonde : un autre, en faisant pénitence ; u n autre enfin peut o b s e r v e r un j e û n e c o m p o s é de toutes ces m o r t i f i c a t i o n s . R o m p r e le j e û n e n'est un p é c h é grave que p o u r celui qui y est obligé par v œ u (100). Si la pureté du c œ u r n'est pas u n i e au j e û n e , celui-ci n'csl pas agréable à D i e u : c'est pourquoi il faut d i s t i n g u e r le j e û n e p u r d' Vbel, d ' A b r a h a m , de Moïse, du j e û n e i m p i e d ' A c h a b et des hérétiques Marcionites, V a l e n t i n i e n s et Mani c h é e n s . Mais aussi la fuite du p é c h é est plus e x c e l l e n t e q u e l ' a b s t i n e n c e de pain et d'eau W. « La pureté du c œ u r est u n e prière préférable à toutes les prières faites à haute v o i x » (137). Pour bien prier, on doit, selon le précepte du S e i g n e u r , « e n t r e r dans sa c h a m b r e » , c'est-à-dire s'abstraire de tout ce qui e n t o u r e ; « prier le Père dans le s e c r e t » , ce qui signifie, dans son c œ u r , et « f e r m e r la porte » qu'est la b o u c h e , c a r si l'on e n t e n d a i t ces paroles à la lettre il ne serait plus possible de prier dans un c h a m p ou sur u n e m o n t a g n e où il n'y a ni m a i s o n , ni porte Le S a u v e u r a dit e n c o r e : « Là où deux ou trois sont a s s e m b l é s en m o n n o m , j e suis au milieu d'eux ». Mais alors n ' e s t - i l pas avec celui qui prie seul ? C e r t a i n e m e n t si, c a r l o r s q u ' u n chrétien se retire pour prier au n o m du C h r i s t , le C h r i s t h a b i t e eu lui, et Dieu, qui est dans le C h r i s t , est aussi avec lui, de sorte q u e ce c h r é t i e n est à la fois un et trois, Jiad mén thlâthâ' (161). C'est ainsi qu'il faut e n t e n d r e la parole du Sauveur. Le Sage de la Perse place d o n c la perfection dans la ^ ie é r é m i t i q u e de préférence à la vie c é n o b i t i q u e . (1) col. 113 : cf. Isaïe, LV11I, 6, 8, 10, 11. C2) col. 157 - 1 6 0 ; Math., I X , 23.
— 49 — Toutes les œuvres de charité, c o m m e la visite des malades, l'entretien des pauvres, sont des prières; et l'on offenserait Dieu si l'on négligeait de faire une bonne œuvre qui se présente, c o m m e de donner à boire à un voyageur altéré, sous prétexte que ce serait l'heure de la prière. Aussi le Seigneur mettra-t-il à sa droite« ceux qui lui auront donné à manger et à boire, qui l'auront, visité et recueilli ( l ) . Néanmoins il faut bien se garder de négliger la prière, car il a aussi re commandé de prier sans se lasser Une autre vertu que le Sage de la Perse prêche avec insistai! ce' 3 ', car elle devait être bien négligée autour de lui, c'est l'humilité. « Elle est bonne en toutes circonstances, elle délivre de toutes les tribulations ceux qui la pratiquent, et elle est la source de grands biens »(408). C'est chez l'humble que l'on trouve la bonté, la justice, la science, la sagesse, la longanimité et lachastelé ; mais l'on n'y rencontre pas l'envie, l'esprit de querelle, la méchanceté et le mensonge. Bref, Afrahat conçoit l'humilité comme la synthèse de toutes les vertus, mais surtout des vertus pacifiques. Cette Lettre IX, comme la suivante sur les pasteurs, est un premier avertissement donné aux ambitieux fauteurs de troubles, à qui, sept ans plus tard, la Lettre XIV dira franchement leur fait. La Lettre XX sur les pauvres est, avec la Lettre XXII sur la mort, la seule de la seconde série qui ne soit pas consacrée à la polémique. Dans sa sollicitude pour les indigents et les petits, le Sage de la Perse a voulu, bien que d'autres sujets fussent plus de circonstance, leur réserver une des dernières places dans sa Somme alphabétique. Cette place, il l'a remplie pour ainsi dire de textes bibliques relatifs à la question, car dans les 18 colonnes que comporte la Lettre, on compte (So citations de l'Ecriture, dont quelques-unes assez longues. — C'est d'abord le code mosaïque qui oblige d'aban donner « à l'étranger, à l'orphelin et à la veuve », la gerbe, le raisin et les autres fruits laissés après la récolte, les produits de l'année sabbatique, et ordonne de payer chaque soir i l ) col. 173: Math., X X V , 3 5 - 3 6 . i.2) Luc, X V I I I , 1 . (3i Voir surtout avec la Lettre I X les Lettres V I et X I V .
— 50 —
le salaire de L'ouvrier C ; D a v i d , lui a u s s i , a c h a n t é l ' a u m ô n e et d é c l a r é b i e n h e u r e u x c e u x q u i n o u r r i s s a i e n t les pauv res (2 '. Le S e i g n e u r J é s u s j u g e r a les h o m m e s d ' a p r è s l e u r s œ u v r e s de c h a r i t é W. A f r a l i a t c o m m e n t e l o n g u e m e n t la p a r a b o l e d u m a u v a i s r i c h e et d u p a u v r e L a / a r e , et à l ' o c c a s i o n , j e t t e u n e n o u v e l l e p i e r r e a u x ,luifs. Ils s o n t le m a u v a i s r i c h e q u i faisait b o n n e c h è r e . J é s u s é t a n t v e n u sous les traits d u p a u v r e L a z a r e , ils n e lui o n t rien d o n n é ; m a i s les c h i e n s , c'est à-dire les G e n t i l s , o n t léché ses u l c è r e s , en se f a i s a n t ses d i s c i p l e s et en p a r t i c i p a n t à l ' E u c h a r i s t i e . Les J u i f s , au c o n t r a i r e , o n t été p u n i s c o m m e le m a u v a i s r i c h e , ils o n t reçu l e u r r é c o m p e n s e . Le S e i g n e u r a dit e n c o r e q u e le r o y a u m e des eieux a p p a r t i e n t a u x p a u v r e s : m a i s faut-il e n t e n d r e p a r ce m o t tous les i n d i g e n t s ! 1 N o n , c a r il \ a p a r m i eux des v o l e u r s , tics h o m i cides, des m e n t e u r s , des f a u t e u r s d ' i n f r a c t i o n s à la loi. t o u s g e n s q u i s e r o n t c o n d a m n é s . Les p a u v r e s d o n l il s'agit s o n t ceux q u i o n t l ' e s p r i t de p a u v r e t é u n i à la c r a i n t e d e D i e u ; c e u x q u i n ' a m a s s e n t p a s des r i c h e s s e s , m a i s en usenl c o m m e d ' u n s u p e r f l u : tels A b r a h a m , Isaac, J a c o b et le r i c h i s s i m e J o b , q u i o n t été a g r é a b l e s à D i e u . Le c h r é t i e n n'est d o n c pas o b l i g é de se s é p a r e r de ses b i e n s , m a i s il d o i t a v o i r l'esprit de p a u v r e t é et s e c o u r i r ceux q u i s o n t d a n s le b e s o i n . Le c o m p l e t d é t a c h e m e n t n'est d e m a n d e « q u ' a u x fils d u pacte » (345). E n s o m m e , d a n s toutes ces q u e s t i o n s p a r é n é t i q u e s , le Sage de la P e r s e p e n s e g é n é r a l e m e n t c o m m e la t r a d i t i o n de l'Eglise et se tien t a égale d i s t a n c e de la r i g u e u r excessive c t f o r i n a l i s t e et du l i b é r a l i s m e c o n d a m n a b l e de b e a u c o u p de sectes de son é p o q u e . Il f a u t a t t r i b u e r cette j u s t e s s e de vues à sa p r é o c c u p a t i o n c o n s t a n t e de p u i s e r s o n e n s e i g n e m e n t d a n s l ' E c r i t u r e .
2. — Le « S y m b o l e d ' A f r a h a t » L' « a m i » avait cité d a n s sa lettre les articles de s o n C r e d o , a p p a r e m m e n t p o u r les s o u m e t t r e à la c r i t i q u e d ' A f r a h a t . Celui-ci, à s o n t o u r , e x p o s e q u e l l e est la « foi de l'Eglise d e D i e u » et il d o n n e u n e liste des œ u v r e s d o n t le c h r é t i e n d o i t (1) Col. 896-897; cf. Deut., X X I V , 19 22; Ex., XXIIC, 10, U ; Dent., X X I V , 15. (2) Col. 897-900: cf. Ps. XLI, 2-4 ; PN. CXII, 9. (3) Col. 901 ; Math., X X V , 32 45.
— 51 — s ' a b s t e n i r . Ces deux professions de foi n e r e s s e m b l e n t pas p a r leur c o n t e x t u r e a celles officiellement en usage dans les Eglises g r e c q u e et latine, et elles différent entre elles p a r le c o n t e n u , ce q u i a suscité divers p r o b l è m e s . Les voici en regard l ' u n e de l ' a u t r e : Profession
de
« Pour m o i , j e
l'Ami
ne c r o i s
f e r m e m e n t que ceci : i . Qu'il y a un seul Dieu, qui a fait le ciel et la terre, dès le c o m m e n c e m e n t ;
Profession
« \oici est la foi
en
d'Afrahat
effet
: l'homme
quelle doit
croire : 1. En Dieu, S e i g n e u r de toutes c h o s e s , qui a fait le ciel, la terre, la m e r , et tout ce qui est en eux ;
i . Qui a o r n é le m o n d e par ses œ u v r e s ; 3. Qui a fait l ' h o m m e à son i m a g e ;
a. Qui a fait Adam à son image ;
!\. Qui a aussi accepté le sacrifice d'/Vbel ; 5. Qui a enlevé H e n o c h parce qu'il lui a plu ; 6. Qui a c o n s e r v é INoé à cause de sa droiture ; 7. Qui a c h o i s i A b r a h a m à cause de sa foi ; 8. Qui a parlé avec Moïse à cause de son h u m i l i t é , et aussi, qui a parié par tous les prophètes ; 9. Qui de plus a e n v o y é son Messie dans le m o n d e . T o u t cela, m o n frère, j ç le c r o i s a i n s i . C'est p o u r q u o i j e te d e m a n d e , frère, de m ' e x p l i q u e r par écrit, quelles sont les œuvres nécessitées par cette foi, l a n ô t r e » .
3. Qui a d o n n é la loi à Moïse; '1. Qui a e n v o y é de son Esprit dans les p r o p h è t e s . f>. Qui de plus a e n v o y é sou Messie dans le m o n d e . G. lit que l ' h o m m e croie en la résurrection des morts; 7. Et de plus qu'il c r o i e au m y s t è r e du b a p t ê m e . T e l l e est la foi de l ' E g l i s e de Dieu.
Et q u e l ' h o m m e
— 52
s'abstienne
d'observer
les
h e u r e s , les s a b b a t s , les n é o m é n i e s , l e s l'êtes a n n u e l l e s . Q u ' i l se d é t o u r n e d e l a m a g i e e h a l d é e n n e et d e la s o r c e l l e r i e , d e la f o r n i c a t i o n , d e s c h a n t s , d e s s c i e n c e s i l l i c i t e s q u i
sont
les i n s t r u m e n t s d u m a l i n , des s é d u c t i o n s d'un
liai
langage
t c u r , l l a r n a c k .
B i i i ' k i t t ( ' ' e t c . o n t v u d a n s c e t t e p r o f e s s i o n d e foi le s y m b o l e m ê m e d e l ' E g l i s e s y r i e n n e o r i e n t a l e .
(;i
d'Afrahat Le S a g e
la
d o n n e en e f f e t c o m m e la « foi d e l ' E g l i s e d e D i e u ». E l l e se c o m p o s e de sept m e m b r e s ,
alors (pie
les s y m b o l e s g r e c s et
l a t i n s e n c o m p t e n t t r o i s s e u l e m e n t . D e p l u s , à la p a r t i e d o g m a t i q u e est a j o u t é e une partie m o r a l e , r e t r o u v e d a n s le P a s t e u r
disposition
que
l'on
d ' i l e r m a s , d a n s O r i g è n e . (*) d a n s
la lettre de s a i n t P o l y c a r p e a u x P l i i l i p p i e n s ,
. Porte. F e r l e
et
L u m i è r e ) ». cf. col. 788. 136, 801, 816. c le p r e m i e r e n g e n d r é de toutes les c r é a t u r e s » (816:. 3 . « q u i est v e n u , est le p r e m i e r né de la V i e r g e Marie de la m a i s o n de D a v i d , p a r l ' o p é r a t i o n du S a i n t - E s p r i t , a revêtu n o t r e m o r t a l i t é » (col. 136. 864, II, 64). \ « q u i a souffert, a été c r u c i f i é , est m o r t > (col. 684, 996). 5 « qui est d e s c e n d u a u x e n f e r s , a vécu de n o u v e a u et est ressuscité le t r o i s i è m e j o u r >» col 202, 524, 684, 80!»). 0 . « qui est m o u l é au ciel, où il est assis à la d r o i t e de son Fère » (col. 684, 961, 368, 981). « et il est le j u g e des m o r t s
et des v i v a n t s , et il sera
assis s u r un t r ô n e et j u g e r a les g é n é r a t i o n s » ;col. 684, 996:. (S. J e c r o i s « au S a i n t - E s p r i t »
punaim.
(). « à la r é s u r r e c t i o n des m o r l s » (44, de.). 10. c l « au
mystère
du b a p t ê m e p o u r la r é m i s s i o n
des
p é c h é s » 'col. 44, 501, 529). Celle reconstitution n'est q u ' a p p r o x i m a t i v e ,
c a r rien
ne
g a r a n t i t q u e telle f o r m u l e faisait r é e l l e m e n t parlie du C r e d o (l'Afralial, et aussi, q u e c e l u i - c i en
ail cité d a n s ses Lettres
tous les articles i n t é g r a l e m e n t . L'article î ne r e s s e m b l e e x a c tement
à
« Seigneur
aucun
toutes
d'un
choses
autre »
symbole.
L'attribut
est
remplacé
partout a i l l e u r s par celui de « T o u t p u i s s a n t »
omnipotens,
pantocrutor.
de
article
màré'hiîlL
Q u a n t à la s e c o n d e partie, elle est e x t r a i t e textuel-
l e m e n t du p s a u m e C \ l . \ I. v. 0, et ne se r e n c o n t r e q u e d a n s deux symboles
de s a i n t I r e n é e
(l).
Les
symboles
officiels
p o r t e n t : « C r é a t e u r des c h o s e s v i s i b l e s et i n v i s i b l e s ». C e p e n d a n t l'on peut a f f i r m e r avec b e a u c o u p de v r a i s e m b l a n c e q ue plusieurs articles de ce C r e d o r e c o n s t i t u é d e v a i e n t se t r o u v e r d a n s le C r e d o a u t h e n t i q u e , tel l ' a r t i c l e ->., c o m p o s é de p l u s i e u r s f o r m u l e s de la t h é o l o g i e g r e c q u e qui ne se lis e n t pas d a n s l ' E c r i t u r e . Al'rahat q u i s e m b l e tout i g n o r e r de c e l l e t h é o l o g i e , n'a g u è r e pu les c o n n a î t r e q u e p a r un s y m (1) A d v . J l a e r e s e s , 1, 10, 1 et I I I , 4,
% Gf. Halm, op. cit.
¡i 1 et 2.
bole s y r i e n i n s p i r é d ' u n s y m b o l e g r e c . o ans. ( 3 Jean baptisa
scène q u i se
e n t r e Jean Baptiste Jésus et lui i m p o s a
et les
m a i n s . Le S a u v e u r reçut d ' a b o r d l ' E s p r i t c o n f é r é p a r le bapl e m e d e Jean : puis, du c i e l . l ' E s p r i t de Dieu d e s c e n d i t sur ( 1 ) C f . col. !)i)7 : J é s u s r e n t r e « v i v a n t » dans l e r o y a u m e de la m o r t qui e n est s t u p é f i é e , car 1' « esprit a n i m a l » y p é n é t r a i t dans u n e sorte de p r o f o n d engourdissement. ( 2 ) c o l . 012. A f r a h a t r é p è t e a i l l e u r s le c a n t i q u e des A n g e s sous c e t t e f o r m e : « P a i x dans l e ciel et g l o i r e sur la torro, ot b o n n e e s p é r a n c e aux l i o m m o s » ( 420 ). ( 3 ) col. 2Si», iiirô, !)iil, 905.
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lui sans m e s u r e (289). De plus, Jésus fui o i n l par Jean p o u r être le g r a n d - p r ê t r e à la place des prêtres prévaricateurs de la Loi. Ces détails extra-évangéliques et d ' a l l u r e théologique o n t été v r a i s e m b l a b l e m e n t suggérés à l'auteur p a r la nécessité du parallélisme qu'il veut établir e n t r e J é s u s et David ; ils c o n c o r d e n t d'ailleurs p a r f a i t e m e n t avec l'idce universellem e n t admise depuis l'origine q u e la réception du b a p t ê m e de Jean fut p o u r J é s u s u n e sorte de consécration et d ' i n t r o n i sation extérieures d a n s la fonction messianique. Avant d'avoir reçu l'Esprit, Jésus, parce qu'il élait né de l'Esprit m ê m e , n'avait pas été tenté p a r Satan. Mais après le b a p t ê m e , l'Esprit l ' a b a n d o n n a p o u r d o n n e r p i i s e a u tentateur, car celui-ci c r a i n t d ' a p p r o c h e r l ' h o m m e q u i possède l'Esprit (301). Après la tentation, le Sauveur s'en alla p r ê c h e r (956). Du m i n i s t è r e de Nôtre-Seigneur, A f r a h a t relient s u r t o u t les faits, soit historiques, soit paraboliques, qui révèlent sa g r a n d e bonté ainsi q u e sa puissance, et il se p l a î t à en faire de longues ¿ n u m é r a t i o n s (l) . 11 r a p p o r t e tout au long les béatitudes (89), et puise souvent ses e x h o r t a t i o n s morales d a n s les paraboles d o n t il garde la f o r m e m é t a p h o r i q u e . En voici q u e l q u e s exemples tirés de la Lettre s u r les « fils d u pacte» : ((Faisons attention à l ' a r r i vée de l'époux glorieux, afin q u e nous e n t r i o n s avec lui d a n s la salle des noces. Garnissons nos lampes d'huile, p o u r que n o u s allions avec joie à sa r e n c o n t r e P o u r aller d a n s notre d e m e u r e céleste, p r e n o n s la voie étroite et réservée... Levons-nous et réveillons le Christ p o u r qu'il éloigne de n o u s la tempête... Soyons d'habiles ouvrier^, afin de recevoir n o t r e salaire avec les p r e m i e r s . S u p p o r t o n s loul le poids du j o u r p o u r qu'il soit plus a b o n d a n t (sic), mais n e soyons pas oisifs, car voici que Dieu n o u s a c o n d u i t s à la vigne. Soyons de b o n s s a r m e n t s greffés sur la vraie v i g n e . . . . Que celui qui veut bâtir une tour en calcule les dépenses, car il doit l'achever p o u r éviter les railleries des passants » (2) . Certaines paraboles sont expliquées plus au long, et géné(1) col. 92-96 ; 681-684; 960-980. (2) col. 240-249. Cf. M a t h . , V I I , 14 : VIIT, 25; XXV, 4, 10 ; L u c , X I V , 2 9 ; J e a n , X V I , 1.
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r a l e m e n t d a n s u n sens défav-orable a u x J u i f s , c o m m e celles d e la d r a c h m e p e r d u e et r e t r o u v é e , des m a u v a i s v i g n e r o n s , d u p a u v r e Lazare et d u m a u v a i s r i c h e .W Bref, la m i s s i o n d o c t r i n a l e de J é s u s a été d e « d é t o u r n e r n o s e s p r i t s d e s v a i n e s s u p e r s t i t i o n s et de n o u s a p p r e n d r e à s e r v i r le D i e u u n i q u e q u i est n o t r e P è r e et n o t r e C r é a t e u r » (801). Le S a u v e u r a été la « l u m i è r e des n a t i o n s » p r é d i t e p a r Isaïe, et c'est d e lui q u e p a r l a i t David e n d i s a n t : « la parole est u n f l a m b e a u d e v a n t mes pas. u n e lumière sur m o n sentier. » E n f i n J é s u s s'est n o m m é la « l u m i è r e d u m o n d e », et voici les c o n s e i l s q u ' i l d o n n a i t à ses d i s c i p l e s la veille de sa m o r t : « Marchez p e n d a n t q u e vous avez la l u m i è r e , de p e u r q u e les t é n è b r e s n e vous s u r p r e n n e n t ) ) , et e n c o r e : « Croyez e n la l u m i è r e afin q u e v o u s soyez des fiIs de l u m i è r e » (Jean, XU, 35—36).
3 — La m o r t de J é s u s et s a v a l e u r r é d e m p t r i c e . Mais c o m m e il c o n v i e n t , A f r a h a t a t t r i b u e , d a n s la vie d e J é s u s , le rôle c a p i t a l à sa p a s s i o n et à sa m o r t : c'est p o u r s o u f f r i r et m o u r i r p o u r le s a l u t des h o m m e s q u ' i l est v e n u e n ce m o n d e . Avant, d ' a b o r d e r le p o i n t de vue p r o p r e m e n t t h é o l o g i q u e de cette q u e s t i o n , s i g n a l o n s q u e l q u e s faits des d e r n i e r s j o u r s r a p p o r t é s p a r n o t r e a u t e u r d a n s des c i r c o n s t a n c e s o u a v e c d e s e x p l i c a t i o n s u n peu p a r t i c u l i è r e s . c Notre S e i g n e u r m a n g e a la P à q u e a v e c ses d i s c i p l e s d a n s la n u i t s a i n t e d u i / | ' j o u r ® , et pour ses d i s c i p l e s il a c c o m plit « en vérité » le s i g n e de la P à q u e . Après q u e J u d a s les e û t q u i t t é s , il p r i t le p a i n , le b é n i t et le d o n n a à ses disciples en d i s a n t : « Ceci est m o n c o r p s , p r e n e z et m a n g e z en t o n s H. Il b é n î t d e m ê m e le vin et l e u r d i t : « Ceci est m o n s a n g , n o u v e a u t e s t a m e n t , q u i sera \ e r s é p o u r la r é m i s s i o n des p é c h é s . Q u a n d vous vous r a s s e m b l e r e z , faites de m ô m e I I) Cl,]. ; Isaïe IL 6 ; I V CX1X, 10;"). >2,) col. 25, !MU et suiv. (H) Avec les Synoptiques, Afrahat enseigne que Jésus a mangé l a P â q u e a v e c ses disciples. Mais il est d'accord avec saint,Jean pour dire que Jésus est mort le 14 nisan, à la 9" heure, à l'heure où l'on faisait les derniers préparatifs d e l à l'âque. J é s u s et les Apôtres n'auraient donc pas mangé la Pâqne à l'heure légale, mais à la première houro du 11 nisan, c'est-à-dire le jeudi soir.
-
en m é m o i r e de m o i .
«
80
—
A partir de ce
le S a u v e u r d o i t ê t r e c o n s i d é r é
mort
a é t é m a n g é et s o n s a n g b u (-). \ u s s i , n u i t et j u g é d e s u i t e , n e r é p o n d i t - i l Certes «
moment
comme
solennel,
car son
arrêté dans
rien
à ses
la
corps môme
accusateurs.
il p o u v a i t p a r l e r e t r é p o n d r e , m a i s il n e d e v a i t p a s
l e f a i r e , c a r i l é t a i t c o m m e m o r t >>. A c e c o m p t e , J é s u s n ' a u r a i t dû p r o f é r e r a u c u n e p a r o l e d e p u i s c e l l e s d e la C o n s é c r a t i o n , et p o u r t a n t A f r a l i â t n e p o u v a i t i g n o r e r q u e les K v a n g é l i s t e s n o u s e n o n t c o n s e r v é un b o n n o m b r e , et i l l ' i g n o r a i t si p e u q u ' i l en c i t e lui-^ m ê m e q u e l q u e s - u n e s
P e u t - ê t r e v e u t il d i r e
q u e le s i l e n c e d e J é s u s n e c o n c e r n a i t
que
m a g i s t r a t s : 0 1 1 n e j u g e pas u n h o m m e ne p a r a î t
les J u i f s et
mort.
pas ê t r e son i d é e . Il n ' e s t n u l l e m e n t
s o u c i d e d é c r i r e la s u i t e
leurs
Pourtant elle g u i d é par
réelle des é v é n e m e n t s ,
mais
le
bien
p l u t ô t p a r c e l u i d e p r é p a r e r la s o l u t i o n d e la d i f f i c u l t é
sus
c i t é e p a r la p a r o l e d e J é s u s s u r les
trois
trois j o u r s
et
les
n u i t s q u ' i l d e v a i t p a s s e r d a n s le t o m b e a u (Maili. Xlf, V o i c i sa r é p o n s e q u i
ne m a n q u e pas
d'originalité
ni
de
s u b t i l i t é : » Il s'est r é e l l e m e n t é c o u l é t r o i s j o u r s e t t r o i s n u i t s à partir du
moment
où
le
Sauveur
adonné
m a n g e r et s o u s a n g à b o i r e , et f u t d è s jusqu'à
l ' h e u r e d e sa r é s u r r e c t i o n ,
lors
il y a d ' a b o r d
la P à q u e . p u i s les six p r e m i è r e s h e u r e s j u g é : d ' o ù u n e n u i t c l un j o u r . D e la t é n è b r e s c o u v r i r e n t la t e r r e d ' I s r a ë l trois
n ernieres
heures du
son corps
comme
du
6e
à
la n u i t d e
jour la
9"
: deuxième
1/1 n i s a n f o r m e n t
où
il
fut
heure
les
n u i t ; et les le
deuxième
j o u i ' . R e s t e n t la n u i t et le j o u r d u i!ï p o u r p a r f a i r e
le n o m
b r e d e m a n d é . L e S a u v e u r r e s s u s c i t a d a n s la n u i t q u i le s a b b a l , à l ' h e u r e
m ê m e où
il
avait d o n n é
à
mort,
suivit
son Corps
et
s o n S a n g a u x A p ô t r e s » (520-521) L e p r é t e n d u s i l e n c e d e -Jésus d e v a n t
ses j u g e s
avait
pour
(1) D. l'arisot pense qu'Afrahat cite ici la f o r m u l e liturgique de la consécration en usage dans son Eglise. l'at. Syr. J p. L 1 V et col 517. (2) T e x t e actuel : « Celui qui a mangé son corps et bu son sang est considéré comme mort » . Cette idée que N. S. se serait communié lui-même se trouve aussi dans saint Eplirem (Pal. Myr. I, p. L I , Rien ne la confirme dans les L e t t r e s et le conteste lui est m ê m e défavorable. L a version arménienne porte :
« Celui dont le corps... « Cf Antonelli, op. cit. p. 342. (3) Math., X X V I , 31 — col. 812; ibid., 39 - II, col 29 ; ibid., 53 -• col. 912; L u c , X X I 1 1 , 43 -
col. 628 etc.
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81
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u n i q u e raison la nécessité d'expliquer un texte difficile à des esprits pointilleux sur les questions de c h r o n o l o g i e , il était suggéré par u n passage de saint Mathieu auquel Afrahat donne une portée générale, sans s'inquiéter du contexte é v a n g é l i q u e . L'exégèse du Sage de la Perse, généralement littérale, ne connaît point de règles q u a n d une difficulté se présente : nous en retrouverons d'autres exemples. #
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Mais arrivons au problème principal : c o m m e n t Afrahat a-t-il compris la médiation que J é s u s a exercée par sa mort entre Dieu et les h o m m e s ? J e réponds de suite par deux propositions générales qui, à mon a v i s , résument sa pensée e x p r i m é e un peu partout dans les Lettres : i ) La mort de J é s u s - C h r i s t a été un véritable sacrifice offert à Dieu pour tous les h o m m e s , et qui a eu pour effet principal d'ôler la malédiction divine qui pesait sur eux tous depuis le péché d ' A d a m , par conséquent de les a r r a c h e r à l ' e m p i r e de Satan et de les réconcilier avec Dieu. a) La mort de J é s u s - C h r i s t a mis fin au règne absolu de la mort, car sa résurrection qui a suivie a marqué la première défaite de celle-ci, et constitue un gage assuré de notre propre résurrection. J e c o n f i r m e chacune de ces deux thèses par des paroles du Sage. Après avoir écrit que le testament donné à Moïse perdit son efficacité au moment où il fut signé, [ Al'rahat poursuit : « La venue de notre Vivificatcur Le mérite de son œuvre lui vient donc de sa justice, mais à son tour, cette justice, absolue et unique, est due à sa dignité transcendante. L'Incarnation a été une œuvre libre de Dieu. C'est sans y être contraint, Hâ 'aliz, qu'il a voulu notre justification. Bien que nos bonnes œuvres ne lui servent à rien, il nous a appris c o m m e n t nous pouvions lui plaire, et si nous ne voulons pas le prier, il s'irrite contre nous (il, 93). L'envoi de son Christ pour nous délivrer du démon est u n bienfait que nous ne lui demandions pas (II. 9">). « Et quel grand don, s'écrie Afrahat, fait à nous qui sommes si petits, par le Dieu souverainement bon. Et que pouvait-il nous donner de plus grand que son Fils, à nous qui pourtant étions encore plus coupables q u ' a u j o u r d ' h u i ! Et maintenant que nous sommes justifiés, que nous donnera-t-il, sinon la vie avec celui qui est venu à nous ? .
•i. — La hiérarchie d a n s l'Eglise. A son Eglise, Jésus-Christ a d o n n é p o u r chefs les douze Apôtres, p a r m i lesquels il a choisi spécialement S i m o n , à (1) Deutér., XXXII, 21; cf. Kom., X, 19. Col. 232, 469, 512, 700, 788, 853. (2) Jér., XII, 7—9; col. 512, 753, 768, 860. (3) Ool. 17, 24, 232, 237, 528, 764, 772; II, 128, etc.
— 89 — c a u s e de sa foi (501), p o u r le m e t t r e à la base d e « l'édifice ». D a n s la p e n s é e d ' Y f r a h a t , S i m o n P i e r r e f u t a u - d e s s u s d e s a u t r e s A p ô t r e s c o m m e les é v ê q u e s s o n t s u p é r i e u r s a u x u p r e s b y t r e s », c a r s e l o n lui, les é v é q u e s a u r a i e n t s u c c é d é à Pierre et les « p r e s b y t r e s » a u \ A p ô t r e s (1) . Celle t h é o r i e , q u ' o n ne p a r a î t p a s a v o i r b i e n r e m a r q u é e j u s q u ' i c i , r é s u l t e d u r a p p r o c h e m e n t d ' u n texte s u r la h i é r a r c h i e de l'Eglise p e r s a n e et d ' u n a u t r e s u r la h i é r a r c h i e créée p a r J é s u s d a n s le c o r p s a p o s t o l i q u e . G o m m e M'rahal s'est r e p r é s e n t é la sec o n d e s u r le m o d è l e de la p r e m i è r e , j e d o i s d é c r i r e d ' a b o r d la h i é r a r c h i e de l'Eglise p e r s a n e vers le m i l i e u du i V siècle. La s u s c r i p l i o n de la Lettre \ l \ en i n d i q u e e x p r e s s é m e n t les d e g r é s p r i n c i p a u x . Il y avait au s y n o d e des é v é q u e s , des « p r e s b y t r e s » et des d i a c r e s ; les a u t r e s fidèles é t a i e n t les « e n f a n t s de l'Eglise », le « p e u p l e de Dieu » : et ils écriv a i e n t aux é v é q u e s . « p r e s b y t r e s », d i a c r e s et a u x « e n f a n t s » de toutes les a u t r e s Eglises (573). A f r a h a t ne p a r l e p a s a i l l e u r s des d i a c r e s ; aussi bien n o n t - i l s r i e n à l'aire d a n s la q u e s t i o n q u i n o u s o c c u p e , c a r le Sage ne d e v a i t pas i g n o r e r l e u r inst i t u t i o n a p o s t o l i q u e . Q u a n t aux d e u x t e r m e s 'épisqftpâ' et qachicM, on n e les lit q u ' i c i . A l e u r place, Afrahat, en e m p l o i e p l u s i e u r s a u t r e s d o n t d e u x s u r t o u t s o n t à e x a m i n e r de p r è s . La Lettre \ a p o u r titre « Des P a s t e u r s ». c'est à d i r e « des c h e f s d u t r o u p e a u c h a r g é s d e lui fournil- la p â t u r e » (444). Mais t o u s les c h e f s d u t r o u p e a u n e s o n t pas des p a s t e u r s raaicâthâ' ; il \ a aussi les ,alâné' ( s u p é r i e u r s , recteurs), q u i s o n t s u b o r d o n n é s à ceux-là. A f r a h a t en effet les d i s t i n g u e e x p r e s s é m e n t , c a r il p r i e « les p a s t e u r s de ne p a s m e t t r e à la tète d u t r o u p e a u d e s « r e c t e u r s » s a n s sagesse et a v a r e s » (4r»t>; Cf. 457). Il y e u t a u s s i , d a n s le collège a p o s t o l i q u e , des e t u n p a s t e u r s u p r ê m e : « J é s u s c h o i s i t et i n s t i t u a des r e c t e u r s ' a l â w ' é m i n e n t s p o u r m e t t r e à la tète de tout le t r o u p e a u ; et il d i t à S i m o n P i e r r e : « Pais pour moi m o n t r o u p e a u , m e s a g n e a u x et m e s b r e b i s ». Et S i m o n fit p a î t r e le t r o u p e a u j u s (1) Afrahat, dit seulement de Pierre, ce qui convient a u x Douze : JésusOhrist a f a i t de lui son témoin fidèle parmi les nations (501); il Va envoyé prêcher sa doctrine parmi les nations (960). Avec Pierre, il ne nomme que J a c q u e s et J e a n (II, 36), « les colonnes très fermes » de l'édifice dont Pierre est la base.
s
— uo qu'à ce que, sa carrière achevée, il rous le confia et m o u r u t . Paissez d o n c , vous aussi, le troupeau et. conduisez-le bien » (l) (453). Ainsi Pierre lui, entre les Apôtres, le seul véritable successeur du Christ, le seul ([ni reçut le p o u v o i r de paître les b r e b i s ; et en m o u r a n t , il laissa ses pouvoirs spéciaux à la collectivité des « pasteurs ». A. Pierre seulement Jésus confia les clefs, c o m m e David t r a n s m i t son r o y a u m e à Salomon (965) ; m a i n t e n a n t ce sont encore les « p a s t e u r s » qui les détiennent. En n o u s éclairant de la suseription de la Lettre \ 1 V , n o u s p o u v o n s dire que les pasteurs sont les évêques. et les ,alâné ou recteurs, les simples « presbytrès ». Celte c o n c l u s i o n , pour être incontestable, d e m a n d e r a i t à être c o n f i r m é e par une d é t e r m i n a t i o n précise des prérogatives et des f o n c t i o n s p r o p r e s aux deux degrés. Mais Afrahat ne s'occupe que très peu des presbytrès. La Lettre \ c o m m e la Lettre XIV est consacrée aux seuls évêques q u i , semblet il, devaient être assez n o m b r e u x . (3> C'est à ceux-ci que s ' a p p l i q u e n t n a t u r e l l e m e n t , d'après le contexte, les titres de chefs, d é j u g é s , de maîtres de la maison, chargés de distrib u e r les trésors du Seigneur (577, 588), et ceux aussi, q u o i q u e peut-être m o i n s exclusivement, de docteurs ((i^-G/io) et de m é d e c i n s (3t6). Quant au titre liturgique de prêtres Mimé', il désignait à la fois les presby très et les évêques (292, 916, 1025, II, 105). lin d e h o r s des f o n c t i o n s cultuelles, le ministère pastoral consistait s u r t o u t d a n s l'instruction des fidèles. Ceux qui s'y e m p l o y a i e n t plus p a r t i c u l i è r e m e n t recevaient le n o m de « prédicateurs de l'Eglise » kârûzé'd-'idthâ' (;!î5, 080)- C'étaient des prêtres, des docteurs ou des Sages (341). Leur devoir capital est de d o n n e r a b o n d a m m e n t et g r a t u i t e m e n t ce qu'ils ont reçu g r a t u i t e m e n t et en a b o n d a n c e (457, 460, 461, 681). !l) Afrahat traduit aussi par 'althifi les tso'àriin du texte de Zaeharie (XIII. 7), et il entendclairement'par là les Apôtres, par opposition au vrai Pasteur râ'yà' (812). (2) Col. 639, G12, 679. Pierre est la base de l'éJilico de l ' E l i s e ; Jésus est la base de l'édifice de la foi (Lettre I). — Si Afrahat a de profondes sympathies pour les Komains, c'est uniquement pour des motifs politiques, et non parce qu'à Rome se trouve le successeur de saint Pierre, héritier de la prééminence du chef des Apôtres, ce qu'il semble ignorer totalement. (3) Une même ville pouvait avoir à la fois plusieurs évêques. Cf. EvoJe Assemani Acta Sanetorum Martyrum, T. I, p. 41, n. 24, d'après Labourt,
0.
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Le bon pasteur doit s'occuper u n i q u e m e n t à sou m i n i s tère; il ne p e u t ni planter des vignes, ni cultiver des j a r d i n s , ni se m ê l e r a u x négoces d u inonde (453), car « celui qui paît les brebis doit se n o u r r i r de leur lait » (456)- H con vient que les prêtres aient u n e p a r t d a n s le sacrifice et que les lévites recueillent dos d î m e s . Mais q u e celui qui veut se n o u r r i r du lait s'occupe a c t i v e m e n t du t r o u p e a u ; que les prêtres s ' a p p l i q u e n t à célébrer h o n o r a b l e m e n t le sacrifice, et que les lévites ne possèdent rien en Israël (457). Lnlin les pasteurs doivent rechercher la paix et la c o n c o r d e entre eux et n'avoir p o i n t de relations avec les m e r c e n a i r e s fauleurs de t r o u b l e s ; le j u s t e n e peut pas être d'accord avec l'impie, le bon avec l'inique, la lumière avec les ténèbres, ni l'Kglise du Saint avec les doctrines du Malin ((549;.
3. L ' E g l i s e e t l e s « f i l s d u p a c t e » . L ue question difficile est celle de savoir quelles c o n d i t i o n s de vie étaient imposées à celui qui v o u l a i t e n l r e r d a n s l'Kglise. \ f r a h a t pense avec toute la tradition q u e le b a p t ê m e seul l'ait le chrétien : mais la réception de ce s a c r e m e n t n'élail elle pas un pri\ ilège réservé à ceux qui aspiraient à i i n e h a n l e perfection ;» ha difficulté à peu près u n i q u e réside d a n s la déterm i n a t i o n exacte de ce qu'étaient ces « (ils du paele » hnay qiâma d o n t faisaient parli le Sage et son a m i . Le savant anglais B u r k i l t M a pensé (pie les « fils du pacte » étaient les seuls vrais chrétiens parce que seuls ils recevaient le baptême; par suite, q u e l'austère règlement de vie auquel ils s'astreignaient, et p a r t i c u l i è r e m e n t le célibat ou la c o n t i n e n c e d a n s le mariage déjà contracté, était r i g o u r e u s e m e n t i m p o s é à tout baptisé. A côté de ce g r o u p e des chrétiens authen tiques il y aurait eu u n corps d'adhérents, initiés à une partie de la religion de Jésus, mais restant en d e h o r s de l'Kglise el, de l'alliance. La solution de ce p r o b l è m e d é p e n d r a des réponses qui seront faites aux q u e s t i o n s suivantes : (1) Early Christtanity.... p. 50 et suiv. et Early eastem... (8; Of. iesélus et les auditeurs dans le manichéisme.
p. 125 et suiv.
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1) Les «fils du pacte » c o m p r e n a i e n t - i l s tous les chrétiens ou seulement u n e élite ? 2) A f r a h a t considère-t-il le célibat religieux c o m m e l'état n o r m a l et nécessaire du chrétien, ou c o m m e u n état facultatif de perfection idéale P 3) Le b a p t ê m e était-il c o n f é r é aux seuls « fils d u pacte », ou, au contraire, j u g é i n d i s p e n s a b l e au salut, sa collation n'était-elle s o u m i s e qu'à un m i n i m u m de c o n d i t i o n s réalisables p a r le c o m m u n des h o m m e s ? — ("est t o u j o u r s , on le voit, la m ê m e q u e s t i o n , mais considérée à différents points de vue. Pour d é s i g n e r l'alliance que Jésus a établie entre Dieu et l ' h u m a n i t é , 1e Sage de la Perse se sert plusieurs fois du terme qiâmd, qui d a n s ce cas est s y n o n y m e de diiathiqi c o m m e d a n s cette p h r a s e : « Le Sauveur nous a fait c o n t r a c t e r avec Dieu u n e alliance solide » Mais s'il est hors de doute que ce terme ait ce sens général, n e désigne-t il pas aussi u n e alliance spéciale et plus restreinte, qui existerait au sein de la p r e m i è r e ; et les bnay qiâmiî 11e formeraient-ils pas q u ' u n g r o u p e d é t e r m i n é de c h r é t i e n s ? On doit r é p o n d r e affirm a t i v e m e n t , en p r é c i s a n t que les « fils du pacte » étaient ceux qui avaient fait vœu de chasteté (817) et q u e d ' a u t r e p a r t , il n'était pas nécessaire de faire ce v œ u p o u r être c h r é t i e n . A f r a h a t en effet, d o n n e c o m m e tout à fait récente l ' a p p a r i t i o n d u célibat religieux officiel, p o u r ainsi dire, et, p o u r en exalter le mérite, il insiste sur r e n t i è r e liberté avec laquelle ont agi ceux q u i l ' o n t e m b r a s s é (356, 811). 11 déclare avoir v o u l u m o n t r e r d a n s la Lettre VI « c o m b i e n la virginité est belle et désirable pa'yâ' tca-rguigiuV » m ê m e si elle est d o n n é e par Dieu ou imposée p a r le inonde Mais, ajoute-t-il, n o u s recevrons u n e g r a n d e r é c o m p e n s e parce que nous d e m e u r o n s l i b r e m e n t d a n s le célibat, sans y être c o n t r a i n t s n i par la force, ni par u n précepte, ni par q u e l q u e loi (841) 25). Les c o m m u n i a n t s prenaient l'espèce du pain et se la mettaient sur les yeux ('ail aynayhûn),avant de la consomme!' (349. 905). Que l'Eucharistie ait pour rVfrahat un caractère sacriliciel, on ne le peut déduire avec certitude, ni de la citation du texte de Malachie (I, 11 ; col. 768) invoqué généralement par les Pères, ni même du fait qu'il appelle l'Eucharistie un sacrifice (457, 525). Il veut seulement dire qu'elle a remplacé le sacrifice de l'agneau pascal, non précisément qu'elle est elle-même un véritable sacrifice. iN'écrit il pas ailleurs : « Les offrandes et les sacrifices ont été rejetés par Dieu qui préfère la prière » ? (181).
3. — L a P é n i t e n c e et les a u t r e s S a c r e m e n t s . Le Sage de la Perse a écrit la Lettre VII sur ceux qui font pénitence, ou plutôt qui doivent faire pénitence, dans laquelle il donne à la fois des conseils à ceux qui ont été blessés dans le combat, et aux médecins chargés de les guérir. Bien qu'il l'adresse spécialement aux «fils du pacte », ce qu'il dit sur les moyens d'obtenir le pardon des péchés n'est pas seulement un chapitre d'un règlement de vie ascétique, mais représente la doctrine même de l'Eglise, car tous les hommes, dit-il, sont pécheurs et ont besoin de la pénitence(313). J ' a i déjà dit que les évêques détenaient le pouvoir des clefs, remis par Jésus à Pierre: ils en usaient pour e x c o m m u n i e r et réconcilier avec l'Eglise, et pour remettre les péchés de chacun' 2 ). Résumons les conseils donnés aux blessés et aux médecins spirituels. Ceux qui ont été blessés dans notre combat ont un remède (1) Exode, XII, 3, 45. (2) col. 329,608, 640, 705, 708.
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dans la pénitence (316) et ils ne doivent pas rougir d'y avoir recours sous prétexte qu'ils ont été vaincus. Quand ils sont guéris, ils reprennent leur place dans l'armée ; mais s'ils ne montrent pas leur blessure au médecin, la gangrène s'en saisit et tout leur corps est atteint du mal. S'ils persistent à garder leur armure, leurs ulcères sentent mauvais et tombent en pourriture jusqu'à ce que la mort survienne. Leurs frères qui découvrent la cause de cette mort se moquent d'eux ; ils ne confient pas leurs cadavres à la tombe et ils les tiennent pour insensés, déloyaux et imprudents(320, 321). Afraliat multiplie ses exhortations: Je vous en supplie de nouveau, vous qui avez été blessés ; dites : J'ai péché et montrez votre blessure. Prenez le remède qui ne coûte rien. Voyez le châtiment infligé à Adam et à Gain qui ont caché leur péché. Le Seigneur ne repousse jamais ceux qui font pénitence ; il n'est pas venu pour appeler les justes à la pénitence, mais les pécheurs (333, 352). Même les Anges du ciel se réjouissent de la conversion des pécheurs (353). Et vous, médecins, disciples de notre insigne Médecin, ne refusez pas votre secours à ceux qui en ont besoin. Quiconque vous aura découvert sa blessure, donnez-lui le remède de la pénitence. Exhortez les combattants à ne pas vous cacher leurs blessures et q u a n d ils vous les auront révélées, ne les publiez pas, de peur que ceux qui nous haïssent ne jugent pécheurs ceux qui sont innocents. Il ne faut pas faire connaître à l'ennemi les tués et les blessés. L'on retrouve sous ce langage métaphorique, les grandes iignes de la théologie et de la discipline pénitentielles, particulièrement la pratique de la confession auriculaire ¡et la loi du secret imposée au confesseur ; mais Afrahat ne d o n n e aucun détail sur la forme de l'absolution. On apprend seulement qu'une onction d'huile était faite sur le pénitent comme pour guérir ses blessures et l'introduire à nouveau dans les rangs des combattants L'Extrême-Onction et l'Ordre, sont mentionnés au même endroit : l'huile sainte oint les (1) II, 9, ; Le II" Concile général de Conatantinople (canon 7) rendit obligatoire l'onction qui était faite, dans certaines Eglises, sur les hérétiques qui se convertissaient.
— i (M — infirmes, et elle consacre aussi les prêlres de c o n c e r t avec l'imposition des m a i n s (633). En lin Afrahat considére le m a riage c o m m e u n e chose « bien b o n n e •>, p u i s q u e Dieu Fa créé et a b é n i le p r e m i e r h o m m e et la p r e m i è r e f e m m e ; mais il lui préfère de b e a u c o u p le célibat] religieux (836-837). En résumé, le Sage de la Perse se b o r n e à signaler les effets p o u r ainsi dire objectifs des sacrements pris i s o l é m e n t ; il ne c h e r c h e n u l l e m e n t à caractériser leur action c o m m u n e d a n s l ' i n t i m e de l ' h o m m e . Du reste, sa conception de « la vie de la grâce » lui rend bien difficile, sinon impossible, tout essai de synthèse de la théologie s a c r a m e n t a i r e .
i. — La p s y c h o l o g i e d u chrétien. L ' h o m m e naît avec un « esprit animal » rnhâ'nafehùnâytluV qui est i m m o r t e l , « car l ' h o m m e a été créé â m e vivante » Quand il renaît par le baptême, il reçoit de la Divinité l'Esprit Saint i m m o r t e l . L'esprit a n i m a l et l'Esprit-Saint ont, d a n s le corps qu'ils h a b i t e n t , u n e vie propre et i n d é p e n d a n t e ; mais le second a plutôt u n rôle p a s s i f ; il est la chose d u p r e m i e r qui doit le conserver d a n s la sainteté (293 296)- (Jette théorie sur le m o d e de l'existence en n o u s du divin n'est pas particulière au Sage persan : saint I renée Origène (;i> et d'autres écrivains ecclésiastiques des p r e m i e r s siècles en ont a d m i s u n e semblable. Elle se présentait tout n a t u r e l l e m e n t à des esprits plus pénétrés de la lettre de l'Ecriture que profonds psychologues. Mais elle pouvait d o n n e r lieu à des d é d u c t i o n s fantaisistes. Lisons plutôt Afraliat. L'Esprit-Saint quitte le chrétien en deux sortes de circonstances. D'abord, q u a n d l ' h o m m e d a n s lequel il habite l'a contristé, il s'en va vers Dieu et accuse le coupable (-297). Il n e revient qu'à l ' a m e n d e m e n t de celui-ci. Mais il n'est pas e m p r i s o n n é d a n s le chrétien qui le garde s a i n t e m e n t : il va et vient de Dieu à l ' h o m m e (237). Ces absences m o m e n tanées p e u v e n t être dangereuses p o u r l ' h o m m e , car elles le m e t t e n t à la merci de son e n n e m i , le d é m o n . Ainsi s'explique (1) G e n . , II, 7 ; cf. I Cor., X ^ , 4 5 ; col. 293.
(2) Adv. haeréses, V. 9.1-2. P. g. VII, col. 1144. (3) Comm. in Math. P. G. col. 1397, 1400, 1691.
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comment le chrétien qui s'efforce de ne jamais contrister l'Esprit, le fidèle bar qiâmâ, peut néanmoins commettre le péché. C'est qu'alors l'Esprit n'est pas avec lui, accidentellement. Citons pour finir, une page sur le mécanisme de la tentation. « Quand l'Esprit-Saint se sépare (momentanément) du chrétien, Satan attaque celui-ci et s'efforce de le vaincre pour que l'Esprit le quitte définitivement, car tant que l'Esprit-Saint est avec l'homme, Satan craint de l'approcher. Considère en effet que le Seigneur, né de cet Esprit, n'a pas été tenté avant de l'avoir reçu au bapteme. Mais après, l'Esprit l'abandonna pour qu'il fût tenté par le démon. Ainsi en est-il de l ' h o m m e : à l'heure où il ne se sentira plus embrasé de l'Esprit et verra son cœur se laisser aller aux pensées du monde, il connaîtra qu'il n'a plus l'Esprit. Qu'il se lève alors, qu'il prie, qu'il veille, afin que l'Esprit revienne et qu'il ne soit pas vaincu par l'ennemi. Le voleur ne dépouille pas u n e maison sans en avoir vu le maître sortir. Satan de même ne s'approche pas de la maison qu'est notre corps avant le départ de l'Esprit. Mais sache que le voleur ne peut nullement connaître si le Maître est ou non dans l'homme, à moins de prêter l'oreille et de regarder. S'il entend la voix du Maître à l'intérieur, il se dit : « Je n'ai qu'à m'en retourner ». Mais s'il a vu le Maître sortir pour affaires, il arrive alors, pénètre dans la maison et vole... Il ne prévoit pas quand l'Esprit partira, mais il fait attention, observe, s'avance ; et s'il s'aperçoit que l ' h o m m e profère des paroles honteuses, se met eu colère ou se querelle, il est assuré que le Christ n'est pas dans cet h o m m e ; il y entre alors et fait ce qu'il veut... Au contraire, si l ' h o m m e veille et prie, médite j o u r et nuit la loi de son Seigneur, Satan s'en détourne, sachant que le Christ est avec lui » (301-304).
C H A P I T R E VIII
Les Fins Dernières. i. — La d u r é e du m o n d e . S u r la d u r é e d u m o n d e , A f r a h a t eu a p p e l l e à l ' e n s e i g n e m e n t d e s « Sages ses m a î t r e s » : le m o n d e , c r é é p a r Dieu en six j o u r s , sera d é t r u i t q u a n d six m i l l e a n s se s e r o n t é c o u l é s , a p r è s q u o i il y a u r a le s a b b a t de Dieu c o r r e s p o n d a n t au s a b b a t q u i suivit la c r é a t i o n . Les p r e u v e s q u ' i l eu d o n n e s o n t e x c l u s i v e m e n t s c r i p t u r a i r e s . 11 y a u r a u n « s a b b a t de Dieu », c'est-ùd i r e u n e é p o q u e où tous les élus j o u i r o n t d u r e p o s avec D i e u . Le S a u v e u r en effet, n o u s a r e c o m m a n d é de p r i e r p o u r q u e n o u s ne s o y o n s p a s en fuite (lire : en d e h o r s du repos) le j o u r d u s a b b a t ; et l' A p ô t r e a écrit : >< Il reste e n c o r e le s a b b a t d e D i e u , e m p r e s s o n s - n o u s de r e n t r e r d a n s en r e p o s m D ' a u t r e part, selon le p s a l m i s t e , m i l l e a n s s o n t un j o u r ¡tour le Seig n e u r . S'il y a p a r a l l é l i s m e e n t r e la c r é a t i o n et, la Aie d u m o n d e — on l ' a d m e t t a i t en p r i n c i p e — celle-ci d o i t d u r e r six m i l l e a n s O. Cette c r o y a n c e à la d u r é e six fois m i l l é n a i r e d u m o n d e é t a i t u n e t r a d i t i o n j u i v e r a p p o r t é e d a n s le T a l m u d e u t . , X X X I I , 39. (;l) 1, S a m . , J l , 6 ; Is. X X V I , 19., (i>j Ps. L X X X V i l l , 11 -1.2. A f r a h a t amplifie le t e x t o h é b r e u , et, en s u p p r i m a n t l ' i n t e r r o g a t i o n , lui d o n n e un s e n s opposé à, celui q u ' a v o u l u e x p r i m e r l e psalmjsçto, qui d ' a i l l e u r s n ' e s t pas D a v i d . (G) E x o c h . , X X X V 1 1 , f-10. A f r a h a t d o n n e l ' o b j e t d'une v i s i o n du p r o p h è t e c o m m e un f a i t r é e l .
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P o u r q u o i d e u x paroles ? a s s u r é m e n t parce q u e la p u i s s a n c e de ressusciter avec u n e seule p a r o l e était réservée à J é s u s Christ. îi) Le S e i g n e u r , d a n s sa p r e m i è r e v e n u e , a r e n d u la vie à trois m o r t s : au fils de la veuve, à la fille d u chef de la s v n a g o g u e et à Lazare. ii") Lu fin il a a f f i r m é la résurrection des m o r t s d a n s sa r é p o n s e à la d e m a n d e des S a d d u c é e n s . C'est alors q u ' A f r a h a t expose s o n o p i n i o n q u e p e r s o n n e e n c o r e n'a été rétribué"; p u i s il r é f u t e u n e d e r n i è r e o b j e c t i o n tirée de la p a r o l e s u i v a n t e de.Tésus : « P e r s o n n e n ' e s t m o n t é a u ciel.' si ce n ' e s t celui q u i est d e s c e n d u du ciel, le Fils de l ' h o m m e qui était d a n s le ciel » (Jh , III, 13)- Voyez, d i s e n t les s e c t a t e u r s de la d o c t r i n e d i a b o l i q u e , a u c u n c o r p s t e r r e s t r e ne p e u t m o n t e r au ciel. C'était m é c o n n a î t r e g r o s s i è r e m e n t le sens véritable d u texte : le S e i g n e u r avait v o u l u d i r e q u e n u l h o m m e , m o n t é au ciel, n'en était d e s c e n d u , qui pût se p o r t e r g a r a n t de la vérité de son e n s e i g n e m e n t s u r les choses eélbstes ; par 3 ni te, (pie si N i c o d è m e ne croyait p a s a u x choses terrestres qu'il, lui disait, c o m m e n t c r o i r a i t - i l a u x choses d u ciel ? En t e r m i n a n t . A f r a h a t e x h o r t a i t sou a m i à ne pas soulever de d i s c u s s i o n s s u r la r é s u r r e c t i o n des m o r t s .
i. — Le j u g e m e n t d e r n i e r . La p r e m i è r e a p p l i c a t i o n de la s a n c t i o n définitive doit se l'aire à la résurrection ; cela est exige p a r la t h é o r i e de l'Esp r i t j u s l i f i e a t e û r et v i \ i f i c a l e u r , et e o n l i r m é p a r u n e p a r o l e de s a i n t Paul, telle d u m o i n s que la lisait le Sage de la P e r s e : « Yous m o u r r o n s tous, m a i s d a n s la r é s u r r e c t i o n n o u s n e sci'ons'pas tous c h a n g é s Les j u s t e s p r e n d r o n t la f o r m e de l'Adam céleste, Jésus-Chris!. : ils s e r o n t spiritualisés et e m p o r l é s vers le ciel, où ils e n t r e r o n t en possession d u liovaunie. T o u s les a u t r e s g a r d e r o n t leur c o r p s de p o u s s i è r e , d o n t le poids les retiendra s u r la t e r r e ; et ils r e t o u r n e r o n t i l ) C'est aussi la leçon de la version a r m é n i e n n e et de la V u l g a t e . Mais le p i n s - g r a n d nombre des manuscrit:«, des Pères grecs et môme syriaques, ont u n e leçon dont le sens est bien d i f f é r e n t : « Nous ne mourrons pas tous, mais tous n o m serons c h a n g é s ». Cf. F . P r a t . La théologie rie saint l'util, 1« p a r t i e , p.'493\ n o t e ' 3 .
au séjour des morts,
la-chy
/¡Il •.< O Ù
il y aura des pleurs el des
grincements de dents » (309; cf. 268, 1025, 1036). Dans cette rapide description, il n'est pas question du j u g e m e n t . D'après un autre passage inspiré de plusieurs textes scripturaires.f 1 ' il n'y aurait de j u g e m e n t ni pour les justes — à quoi b o n ? — ni pour les
impies
dont les crimes se seront
multipliés à l'excès : ils ne ressusciteraient que pour aller au supplice. Il en serait de m ê m e des nations qui n'auront pas connu leur Créateur. Resteraient pour le j u g e m e n t « ceux qui sont appelés pécheur:s ». Le Juge réprimandera ceux qui .ri'auront péché que l é g è r e m e n t ; il leur dévoilera
leurs fautes,
et, après le j u g e m e n t , il leur donnera la Vie en héritage. Mais les pécheurs dont les iniquités auront été nombreuses, entendront une sentence de condamnation et iront au supplice (1024-1028). Enfin une troisième description
des événements eschato-
logiques l'ait comparaître à la barre du Souverain .Juge tous les h o m m e s sans . e x c e p t i o n Q u a n d le Juge sera assis sur son
trône, les livres seront ouverts devant lui et on lira le
bien et le mal de chacun. Ceux qui auront bien vécu seront l'objet des bontés de Dieu ; mais les pécheurs seront gravement punis par le juste .luge, qui sera sans miséricorde, ne fera acception de personne et ne recevra point de présenls (397, 084). Ailleurs, A (Valiât cite et c o m m e n t e le discours de Notre Seigneur sur le j u g e m e n t el la proclamation des .sentences^.
Bref, sa doctrine sur le j u g e m e n t dernier était à la
merci d'une exégèse trop scrupuleusement littérale et ne sachant pas toujours distinguer le sens propre des sens
figurés:
de l a c e s divergences assez fréquentes qui empêchent de bien saisir toujours le f o n d de sa pensée.
5. — L ' e n f e r et l e ciel. Lu sentence de c o n d a m n a t i o n portée contre les méchants sera pour eux c o m m e une « seconde m o r t » (.'k>6, 356).
Les
(1) « Tu n'amèneras pas ton serviteur au jugement », l's. G X L U , 2. — « Nous jugerons les A n g e s » , I, Oor., V I , 3, — « Les impies ne ressusciteront pas pour le jugement » , l's .1, 5. {'¿) Cf. col. 2 9 : « Tout édifice sera éprouvé par le fou ». (:;) Matli., X X V , 3 2 - 4 5 ; col. '.JOl.
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t o u r m e n t s à e n d u r e r seront divers, selon le degré do la culpabilité de chacun ; et par suite, il y aura plusieurs lieux de souffrances. Ceux-ci seront « dans les ténèbres extérieures où il y aura des pleurs et des g r i n c e m e n t s de dents » Ceux-là t o m b e r o n t dans le feu où l'Écriture ne dit pas qu'il y aura des g r i n c e m e n t s de dents et des ténèbres. D'autres seront dans u n troisième lieu où « leur ver ne m o u r r a point et où le feu n e s'éteindra pas, et ils seront en h o r r e u r à toute chair » . A d'autres enfin la porte du ciel sera s i m p l e m e n t fermée et le J u g e leur dira : « J e ne vous connais pas » En toute hypothèse, le c h â t i m e n t sera p r o p o r t i o n n é à la culpabilité, comm e la récompense au mérite, et l'un et l'autre d u r e r o n t éternellement (196, 212, 232, 417, 1028). Afrahat a fait à deux reprises la description de la vie des b i e n h e u r e u x dans le ciel. Une première fois dans la Lettre VI, il s'occupe surtout de la récompense destinée aux « fils du pacte ». Il la dépeint sous la f o r m e d ' u n b a n q u e t : les anges serviront les vierges ; le Fils u n i q u e yihyidâytV réjouira tous les «solitaires» yihyidâhe . Il M'Y aura plus ni h o m m e s , ni femmes, ni esclaves, ni personnes libres, mais tous seront les fils du Très-Haut (267-268). L'autre description est universelle et plus détaillée : « Les élus oublieront ce m o n d e , ils 11e m a n q u e r o n t de rien, ils s ' a i i n e r o n f m u t u e l l e m e n t de l ' a m o u r le plus fort. Ils ne seront p l u s a l l p u r d i s par le poids de leur corps, mais ils voleront très vite « c o m m e les colombes vers leurs colombiers»W. Ils n'aur o n t plus de mauvaises pensées, et leur c œ u r ne se laissera aller à rien d ' i m p u r . Point de cupidité ni de coupables voluptés; point de colère ni d'insolence. Ils n ' a u r o n t plus besoin de construire des maisons, car ils habiteront dans la lumière, dans les demeures des saints. La lumière éternelle sera leur vêtement. Assis éternellement à la table du Maître, ils n ' a u ront plus besoin d'autre n o u r r i t u r e . Ici l'air sera doux et serein, la lumière éclatante cl agréable. Ici seront plantés les (l) (•¿, 13) 1,4:)
Matli., V I I . 12. Isaïe; LX V I , 24, Marc, I X . 41. Math., X X V , 12 ; 10I. 1032-1033. I s a ï e , L X , 8,
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p l u s beaux arbres, qui a u r o n t t o u j o u r s des feuilles et des fruits. Leur feuillage sera gai, l e u r o d e u r s u a v e ; j a m a i s per s o n n e n e p r e n d r a leurs f r u i t s en dégoût. Le lieu sera vaste et sans limites, et les élus v e r r o n t les choses les plus éloignées c o m m e les plus voisines. Ici, il n'y a u r a pas d'héritages h p a r t a g e r ; n u l n e dira à u n autre : ceci est à moi, cela est a toi. Plus d'avarices, d ' e r r e u r s de m é m o i r e . P e r s o n n e n ' a i m e ra q u e l q u ' u n plus q u e les a u t r e s et tous s ' a i m e r o n t -égalem e n t e n t r e eux »(1013-1016). \ f r a h a t cite et c o m m e n t e les textes de l'Ecriture O sur la n o n distinction des sexes et la n o n existence du m a r i a g e d a n s le ciel; puis il p o u r s u i t : « A u c u n e nécessité' ne se fera sentir, mais la perfection et la p l é n i t u d e r é g n e r o n t Les vieillards ne m o u r r o n t point, ni les j e u n e s n e viéilliront..., il n'y aura ni lin, ni m o r t , ni fatigue, ni travail, ni ténèbres, ni nuit, ni m e n s o n g e s . . . Ici on trouvera des choses « q u e l'oeil n'a pas v u e s , q u e l'oreille u'a pas e n t e n d u e s , et'qui ne sont pas m o n t é e s au co v ur de l ' h o m m e » W, des choses impossibles à dire... Il faut appeler ce lieu : la d e m e u re de Dieu, le siège de la vie, le lieu parfait, le lieu de la lumière, le lieu de la splendeur, le sabbat de Dieu, le j o u r du repos, le repos des justes, la félicité des bons, la d e m e u r e des justes et d e s saints, le lieu de notre espérance, la maison de n o t r e confiance la plus ferme, le lieu de notre t r é s o r , lé lieu d a n s lequel notre peine est ôlée, oit les tribulations ne s'arrêtent pas, et où nos soupirs s'éteignent.' I l c o n v i e n t donc, de- le désirer et de l'a-equérir » (10I7- I02O . Mais ou • sera le lien do la r é c o m p e n s e , et où sera le lieu du' c h â t i m e n t ? Des esprits « lents à 'comprendre' » ne m a n q u é ro'nt pas de soulever des discussions à ce sujet. — L'enfer, r é p o n d Afrahat, se trouve au-dessous de la terre car if est écrit au sujet de Coré et de ses partisans que la terre ou v i i t sa b o u c h e et les engloutit, et qu'ils d e s c e n d i r e n t vivants d a n s l'enfer. David aussi a écrit que les i m p i e s retourneront ddrrs le scheol Q u a n t au lieu des élus, il p o u r r a être, au gré de Dieu, clans les cieux ou sur la terre. Si, c o m m e il semble (\) Luc, XX, 35-36. Gai., III, 28. (Jor.yll,; !). i3), JSfonibr.,. X VI, 32-33. , . ,,. 1. l's.. IX. 18; col. 10.ÏG ; Cf.
319, S73.
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écrit, le firmament et la terre doivent être détruits, Dieu créera quelque chose de nouveau. Le « R o y a u m e des cieux » qui a été p r o m i s , pourra être partout, c a r i e s rois, qui n ' h a bitent qu'un seul lieu, appelle n é a n m o i n s leur r o y a u m e tout ce qui est sous leur d o m i n a t i o n . Ainsi le soleil, fixé au f i r m a m e n t , envoie ses rayons partout et tient en son pouvoir la m e r et la,.terre» (1036-1040). Ce chapitre confirme bien les c o n c l u s i o n s qui se dégagent des précédents sur la méthode théologique de notre auteur — Le premier Père Syriaque ne reçoit de la tradition de l'Eglise que fort peu d'indications doctrinales, à cause de l'isolement,où s,e trouvaient au iv" siècle les chrétientés persanes. En conséquence, il puise dans les Livres Saints, dont il y, ; iine c o n n a i s s a n c e très étendue plutôt qu'approfondie* la réponse à toutes les questions sur la foi et les m œ u r s . Mais, sou exégèse a un double défaut. G o m m e il d o n n e à l'Ecriture une i m p o r t a n c e capitale, et attribue a c h a q u e ligne inspirée une valeur absolue, il est nécessairement conduit à des contrqdictions au m o i n s apparentes, à des divergences d'opir nipns assez, accusées. Jl fait, trop e x c l u s i v e m e n t œuvre d'analyse, et ne se soucie pas suffisamment de c o m p a r e r les résultais.particuliers, pour établir un e n s e i g n e m e n t u n i q u e et c o o r d o n n é . Il pèche e n c o r e par excès de littéralifeine ensemble i g n o r e r le premier principe de la critique littéraire. Telle proposition métaphorique ou hyperbolique, qui doitêtre in terprétée d'après le contexte, est entendue par lui dans ,son sens absolu et sert de fondement à une affirmation doctrinale dé plus ou moin>> d ' i m p o r t a n c e . lin un mol, Afrahat m a n q u e du secours a b s o l u m e n t indispensable tic l'autorité directrice souveraine que.possède l'Eglise dans la tradition et d a n s l ' i n faiUibiJiLé de ses Conciles et de sou Pontife suprême. Mais i l faut reconnaître (pie ses défauts ne sont que l'exagération de, qualités nécessaires, elles aussi. C'est dans l'Ecriture qu'est c o n t e n u e la Révélation :, et la méthode d'interprétation littorale est bien plus sûre, bien plus c o n f o r m e à la nature des choses et, à la pratique de l'Eglise, que la méthode d'interprétation symbolique ou allégorique. Si Afrahat ïi'a
pas saisi toute la richesse du sens des expressions qu'il a e m p r u n t é e s aux Livres Saints, s u r t o u t d a n s les q u e s t i o n s de christologie et de solériologie — et son m a n q u e p r e s q u e absolu de p h i l o s o p h i e le lui i n t e r d i s a i t — il était d u m o i n s d a n s la b o n n e voie. Il avait, autant q u ' o n le peut désirer, u n langage juste, p u i s q u e c'est le langage de l'Ecriture inspirée.
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Appendice sur les « fils du p a c t e ». Le pacte dont il s'agit dans cette appellation consistait essentiellement dans le voeu public de chasteté (817). Etaient admises à faire ce vœu les personnes des deux sexes, qu'elles fussent célibataires ou même mariées (t>. On disait e n c o r e : ou s'engager « embrasser la vie solitaire » rhum yiMdâyiïthâ', dans le « combat » contre Satan (341-345). Les bnuy et les huât h qiumû' ne formaient pas un Ordre à proprement parler ; ils ne vivaient pas en communautés, n'étaient pas soumis à une règle de vie strictement obligatoire. Ils n'étaient pas non plus des anachorètes, absolument séparés du monde. Dire qu'ils constituaient une confrérie 2 serait, ce semble, bien près de la vérité < ). Les conditions d'admission étaient, sévères, du moins selon Afrahal qui, sans doute, poussait au rigorisme, au rnonachisme véritable Il les énumère dans les deux modèles qu'il donne de la monition que les prédicateurs de l'Eglise devaient adresser aux aspirants et aux aspirantes, avant la cérémonie de réception (341, 345). Il fallait : avoir l'intime conviction que l'on sera Adèle au v œ u , dire adieu à tous les soucis de la vie dti monde ; ne posséder ni maison, ni vigne, ni richesses. Il fallait encore subir une épreuve, c'est à-dire, une fois baptisé, vivre un certain temps de la vie à laquelle on voulait se consacrer . Si les fils et les filles du pacte n'étaient rigoureusement obligés qu'à la chasteté, ils devaient, c o m m e un moyen à peu près indispensable, éviter la cohabitation avec des personnes d'un sexe différent. Afrahat ne la condamne pas absolument, mais il la conseille autant que faire se p e u t : « cela convient ; « cela est préférable » ; « c'est un conseil i l) ....ail hânâ' qiâmâ' qadichâ' wa-bthûlûthâ' w-qadîchûthâ' d-qayminan bâ-h : ... super hoc pacto sam-.to et virginitate et sanctitate (se. coiltinentia) in quo stamus (817 ; cf. '260, 272, 356). (2; On s explique ainsi qu'Afrahat ait pu être à la tête de son Eglise. Les « fils du pacte » étant le^ plu» parfaits de la communauté chrétienne, devaient naturellement occuper les hautes fonctions, posséder les premières dignités. (3) Il est difficile de comprendre autrement cette « épreuve du baptême » dont il est question col. 345. Voir plus haut p. 94.
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jusl.o, équitable, beau » ele. (261-262)- Le mari et la femme qui se sont obligés au vœu, doivent se séparer et vivre avec des personnes d'un même sexe ; mais nul règlement ne l'impose. Dans un paragraphe de la Lettre VI, le Sage de la Perse décrit les vertus du « fils du pacte » : il convient avant tout qu'il ait une foi ferme; qu'il se livre à la mortification ël à la prière ; qu'il brûle de l'amour du Christ ; qu'il soit humble, persévérant et sage ; que sa parole soit posée et dotî'ce ; sa volonté, droite en toutes choses; point d'expressions injurieuses, de rires bruyants ; nulle recherche des beaux habits ; il ue lui convient pas davantage de nourrir el d'orner ses cheveux, ou de les oindre de parfums odoriférants. Qu'il évile les banquets et n'ait point de faiblesse téméraire pour le v in; qu'il repousse les pensées d'orgueil..., l'esprit de raillerie..., les disputes. Pas de méchantes paroles contre les absents ; pas de prêt à usure, point de cupidité ni de jalousie. Qu'il trouve une satisfaction à faire l'aumône s'il peut, et évite la compagnie des hommes pervers... (272,273,276). Bref, 'les « fils du pacte » devaient s'efforcer de pratiquer l'ascétisme intégral ; et comme c'était chose peu facile au milieu du monde, ils ne tardèrent pas à se constituer eu communautés monastiques ou à se faire anachorètes W.
(1) L'appellation même de « fils du pacte » fut réservée dans la suite aux chanoines (fils de la règle, canon), «ommeîl ressort des « Canons » de Rabbulas d'Edesse. Of. Bnrkitt, Early Eastern Christianity, p. 143. La définition suivante qu'Antonelli fait des ascètes convient assez bien, à mon avis, aux « fils du pacte » : « Ascotae plurea exstiterunt qui, seculo relicto, ac opibus, et facultatibui, rêbusqile omïiibus repudiatis, voluntariam paupertatem eligentes a mundanarum roi'uni tumultu, quoad fieri potôrat, ïunt ut, corpore in servitutem roda 'to, mente a rnnn danarum rerum amore libera, in sancta Dei contemplations quies ce rent, et in terris degentes cœlestem beatorum spirituum vitam iinitarentnr », De asaetiii.