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French Pages 360 [361] Year 2009
le concept de liberté au canada à l’époque des révolutions atlantiques (1776–1838)
études d’histoire du québec / studies on the history of quebec Magda Fahrni and Jarrett Rudy Directeurs de la collection/Series Editors 1 Habitants and Merchants in Seventeenth-Century Montreal Louise Dechêne 2 Crofters and Habitants Settler Society, Economy, and Culture in a Quebec Township, 1848–1881 J.I. Little
11 Families in Transition Industry and Population in NineteenthCentury Saint-Hyacinthe Peter Gossage 12 The Metamorphoses of Landscape and Community in Early Quebec Colin M. Coates
3 The Christie Seigneuries Estate Management and Settlement in the Upper Richelieu Valley, 1760–1859 Francoise Noel
13 Amassing Power J.B. Duke and the Saguenay River, 1897–1927 David Perera Massell
4 La Prairie en Nouvelle-France, 1647–1760 Louis Lavallée
14 Making Public Pasts The Contested Terrain of Montreal’s Public Memories, 1891–1930 Alan Gordon
5 The Politics of Codification The Lower Canadian Civil Code of 1866 Brian Young 6 Arvida au Saguenay Naissance d’une ville industrielle José E. Igartua 7 State and Society in Transition The Politics of Institutional Reform in the Eastern Townships, 1838–1852 J.I. Little 8 Vingt ans après Habitants et marchands, Lectures de l’histoire des xvii e et xviii e siècles canadiens Habitants et marchands, Twenty Years Later Reading the History of Seventeenthand Eighteenth-Century Canada Edited by Sylvie Dépatie, Catherine Desbarats, Danielle Gauvreau, Mario Lalancette, Thomas Wien 9 Les récoltes des forêts publiques au Québec et en Ontario, 1840–1900 Guy Gaudreau 10 Carabins ou activistes ? L’idéalisme et la radicalisation de la pensée étudiante à l’Université de Montréal au temps du duplessisme Nicole Neatby
15 A Meeting of the People School Boards and Protestant Communities in Quebec, 1801–1998 Roderick MacLeod and Mary Anne Poutanen 16 A History for the Future Rewriting Memory and Identity in Quebec Jocelyn Létourneau 17 C’était du spectacle ! L’histoire des artistes transsexuelles à Montréal, 1955–1985 Viviane Namaste 18 The Freedom to Smoke Tobacco Consumption and Identity Jarrett Rudy 19 Vie et mort du couple en Nouvelle-France Québec et Louisbourg au xviiie siècle Josette Brun 20 Fous, prodigues, et ivrognes Familles et déviance à Montréal au xixe siècle Thierry Nootens 21 Done with Slavery The Black Fact in Montreal, 1760–1840 Frank Mackey 22 Le concept de liberté au Canada à l’époque des Révolutions atlantiques (1776–1838) Michel Ducharme
Le concept de liberté au Canada à l’époque des Révolutions atlantiques (1776–1838) michel ducharme
McGill-Queen’s University Press Montreal & Kingston · London · Ithaca
© McGill-Queen’s University Press 2010 isbn 978–0–7735–3614–2 (relié toile) isbn 978–0–7735–3624–1 (relié papier) Dépôt légal, 1er trimestre 2010 Bibliothèque nationale du Québec Imprimé au Canada sur papier non acide, qui ne provient pas de forêts anciennes (100 % matériel post-consommation), non blanchi au chlore. Cet ouvrage a été publié grâce à une subvention de la Fédération canadienne des sciences humaines de concert avec le Programme d’aide à l’édition savante, dont les fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition. Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication. Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada Ducharme, Michel, 1975– Le concept de liberté au Canada à l'époque des Révolutions atlantiques, 1776–1838 / Michel Ducharme.. (Studies on the history of Quebec = Études d'histoire du Québec ; 22) Comprend des références bibliographiques et un index. isbn 978–0–7735–3614–2 (relié toile) isbn 978–0–7735–3624–1 (relié papier) Includes bibliographical references and index. 1. Canada – Histoire – 18e siècle. 2. Canada – Histoire – 19e siècle. 3. Canada – Conditions sociales – 18e siècle. 4. Canada – Conditions sociales – 19e siècle. 5. Canada – Vie intellectuelle – 18e siècle. 6. Canada – Vie intellectuelle – 19e siècle. 7. Canada – Politique et gouvernement – Philosophie. i. Titre. ii. Collection : Studies on the history of Quebec ; 22 gvfc95.3.d83 2010
971.03
Ce livre a été composé en Sabon 10.5/13 par Infoscan Collette, Québec
c2009–905706–9
Table des matières
Liste des tableaux vi Liste des abréviations vii Remerciements ix Introduction
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01 Liberté et Révolution dans le monde atlantique 17 02 La liberté dans la Province de Québec à l’époque des Révolutions américaine et française (1776–1805) 46 03 La naissance des mouvements réformistes dans les Canadas (1805–1828) 67 04 « Nous, le peuple » ou La liberté républicaine dans les Canadas (1828–1838) 117 05 La primauté des droits ou La liberté moderne dans les Canadas (1828–1838) 162 06 Aux armes, citoyens : les rébellions de 1837–1838 Conclusion : La liberté comme fondement de l’État au Canada 235 Notes 239 Bibliographie Index 335
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Liste des tableaux
01 Comparaison entre la liberté républicaine et la liberté moderne 44 02 Deux interprétations de la constitution britannique 95 03 Les nominations au Conseil législatif du Bas-Canada de 1828 à 1837 210 04 La composition du Conseil législatif du Bas-Canada de 1828 à 1838 210
Liste des abréviations
bpp-c-c
British Parliamentary Papers – Colonies – Canada
dbc
Dictionnaire biographique du Canada
mca
Montreal Constitutional Association
jcabc
Journaux de la Chambre d’Assemblée du Bas-Canada
jclbc
Journaux du Conseil législatif de la province du Bas-Canada
jhauc
Journals of the House of Assembly of Upper Canada
qca
Quebec Constitutional Association
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Remerciements
Cet ouvrage est issu d’une thèse de doctorat défendue à l’Université McGill. Mes premiers remerciements vont à Brian Young (directeur de thèse), Michèle Dagenais et Yvan Lamonde (membres du comité consultatif) pour leur soutien et leurs encouragements répétés. Un merci tout spécial va à Michèle qui a également accepté de relire et commenter le manuscrit. Je me dois de souligner le soutien indéfectible que j’ai reçu à l’Institut d’études canadiennes de McGill. L’Institut a été un milieu de travail extrêmement stimulant où j’ai rencontré des gens extraordinaires. Je remercie Desmond Morton de m’y avoir accueilli et Antonia Maioni de m’avoir permis d’y rester plus longtemps que prévu. Merci également à Nathalie Cooke, Marie-Louise Moreau, Suzanne Aubin, Lynne Darroch, Natalie Zenga, Johanne Bilodeau, Linda Huddy et Ian Rae qui y ont rendu mon séjour fort agréable. Ma gratitude va également à Anna de Aguayo, qui m’a inspiré le sujet de ce livre, Damien-Claude Bélanger, Jean-François Constant, Sophie Coupal et, le dernier mais non le moindre, Alexander MacLeod sans qui cet ouvrage n’aurait peut-être jamais été écrit. Plusieurs personnes ont lu et commenté différentes versions de ces chapitres. Je remercie Pierre Boulle, Sophie Coupal, Isabelle Carrier, Isabelle Ducharme, Emmanuelle Carle, Jean-François Constant, Renaud Séguin, Jean-Marie Fecteau et Ian McKay pour leurs judicieux commentaires. Il va sans dire que j’assume seul l’entière responsabilité du contenu de cet ouvrage. Des remerciements vont aussi à Jeffrey L. McNairn ainsi qu’à mes collègues de ubc, dont Daniel Vickers, Robert A.J. McDonald et Tamara Myers, qui m’ont toujours témoigné confiance et amitié. Je remercie enfin mes parents Jean-Luc
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Remerciements
et Francine, qui m’ont encouragé à faire ce que j’aimais, Marc-André, Isabelle et Janie, qui ont fait de mes douze années à Montréal des années mémorables, et Vicky, ma complice de Vancouver. Ma gratitude va également aux deux évaluateurs externes pour leurs excellentes suggestions ainsi qu’à Jonathan Crago et Joan McGilvray de McGill-Queen’s University Press pour leur travail éditorial. En terminant, je remercie le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (crsh) et le Fonds pour la Formation de Chercheurs et l’Aide à la Recherche (fcar) pour leur soutien financier lors de mes études doctorales et post-doctorales.
le concept de liberté au canada à l’époque des révolutions atlantiques (1776–1838)
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Introduction
Le 4 juillet 1776, treize des seize colonies britanniques de l’Amérique du Nord déclarent leur indépendance. La Province de Québec, à l’instar de la Nouvelle-Écosse et de St. John’s Island (renommée Prince Edward Island en 1798), ne se joint pas aux colonies rebelles. Cette décision a de profondes répercussions à la fois sur son développement ainsi que sur la manière dont celui-ci a été interprété. Puisque les révolutionnaires américains, français, européens et sud-américains de la fin du xviii e et du début du xix e siècle se réclamaient de la liberté, l’histoire de la Province de Québec, restée loyale à l’Empire, a longtemps été interprétée comme étant demeurée en marge aussi bien des idées des Lumières que des luttes ayant caractérisé le monde atlantique à la fin du xviii e et au début du xix e siècle. La province aurait été l’incarnation des valeurs contre-révolutionnaires puisque la loyauté et le respect de l’ordre, plutôt que la liberté, auraient structuré son évolution1. S’il est indéniable que ces principes l’ont effectivement influencée, ils ne peuvent cependant la résumer2. Le présent ouvrage met en lumière l’importance du concept de liberté dans le développement de l’État au Canada entre la Révolution américaine (1776) et les rébellions haut et bas-canadiennes (1837– 1838). Il réintègre cette histoire dans le cadre atlantique à la manière d’une « Cis-Atlantic History », d’une histoire locale remise dans le cadre atlantique3. Jusqu’ici, peu d’historiens du monde atlantique se sont intéressés à l’expérience canadienne4. Inversement, seuls quelques canadianistes ont tenté d’arrimer leurs travaux à ce cadre5. Au Québec, les historiens lui ont préféré la thèse de l’américanité, celle des sociétés neuves ou encore la comparaison de l’histoire québécoise à celle des petites nationalités d’Europe au xix e siècle6. Au Canada
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anglais, ils ont plutôt privilégié les perspectives continentale (américaine) ou impériale (britannique)7. Quoique ces différentes perspectives ont aidé, et aident encore, à éclairer d’importantes facettes de l’expérience canadienne, le cadre atlantique, à la croisée des histoires française, britannique et américaine, a l’avantage de les conjuguer. Il permet ainsi de revisiter l’histoire canadienne à la lumière de ces trois pôles d’influence8. La perspective retenue est d’abord et avant tout intellectuelle. Elle postule l’importance des idées, des préjugés, des principes, des valeurs, des concepts et des idéologies au sein de la vie des individus et dans le développement des sociétés. C’est grâce à la pensée que les êtres humains font des choix, justifient des décisions, privilégient des comportements, structurent et légitiment des systèmes sociopolitiques complexes, et donnent sens à leur existence. De la même manière, cette pensée participe au façonnement des sociétés humaines et oriente leur évolution. « [Les idées] dessinent, comme le disait l’historien britannique Michael Braddick, les limites de ce qui peut être fait ou ne pas être fait [...]. » Elles constituent « des limites à la sphère de l’action qui peut avec vraisemblance être justifiée en référence à certaines valeurs particulières.9 » Les concepts sont ainsi essentiels à la vie en société en ce que chacun « establishes a particular horizon for potential experience and conceivable theory10 », pour reprendre l’expression de l’historien allemand Reinhart Koselleck. Évidemment, la relation entre les idées et l’horizon des possibles au sein d’une société n’est pas unidirectionnelle. Si les idées circonscrivent cet horizon, elles n’en sont pas moins elles-mêmes en constante évolution. Elles s’adaptent et se réinventent constamment, ouvrant, transformant et refermant continuellement ces mêmes horizons. L’étude des idées et des concepts présents au sein d’une société implique donc de porter attention non seulement à leurs significations à un certain moment, mais également à leur évolution au fil du temps. De tous les concepts qui circulent dans le monde atlantique au xviii e siècle, le concept de liberté est certainement l’un des plus importants et des plus subversifs. Non seulement mine-t-il les fondements de l’Ancien Régime en Europe et remet en cause les liens coloniaux entre les empires européens et les colonies américaines, mais il permet aussi la reconceptualisation des règles de vie en société. Bien que la Province de Québec (1763–1791) puis les deux Canadas (1791–1841) appartiennent à ce monde, l’influence du concept de liberté sur leur évolution n’a pas été suffisamment éclairée11.
Introduction
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L’analyse qui suit entend mettre en lumière les significations accordées au concept de liberté, leurs implications politiques, leur transformation et leur influence sur l’histoire canadienne à la fin du xviiie et au début du xixe siècle, au moment où font rage les Révolutions atlantiques. Afin d’éviter de prédéterminer les conclusions de notre étude en imposant arbitrairement une définition contemporaine au concept de liberté, nous tenons pour acquis qu’il n’existe pas de bonne ou de mauvaise définition de ce qu’est la liberté. Celle-ci est abordée telle une perception subjective que les individus se font d’eux-mêmes et de la société dans laquelle ils vivent, une manière de concevoir leur place, leurs responsabilités et leurs droits, ainsi que ceux des autres, dans la société et face à l’État. Cette perception est influencée par l’éducation, la culture, l’appartenance à une communauté particulière (ethnicité, classe, genre et autres), les circonstances ou une réflexion personnelle. Nous partons ainsi du principe qu’un individu est libre si, et seulement si, il se croit libre, et cela eu égard au contexte, au système politique ou aux hiérarchies sociales existantes. Cet ouvrage porte donc sur la signification que les contemporains donnaient eux-mêmes au concept de liberté. En procédant de cette manière, nous évitons de célébrer ou de dénoncer une forme de liberté particulière en imposant notre propre définition au concept.
d eu x co n ce p t s d e l i be rté Partant de ces prémisses, nul ne peut nier que les révolutionnaires de la fin du xviii e siècle ont mené leurs luttes au nom de la liberté. Inspirés d’idéaux républicains, ils ont adopté le concept de liberté développé dans le monde atlantique par les auteurs radicaux et républicains anglais, américains et français, entre autres. Cette forme de liberté a trouvé sa pleine expression dans le triptyque « liberté, égalité, fraternité (communauté) ». Fondée sur l’idée de la souveraineté populaire, de la participation politique et de la toute-puissance du pouvoir législatif, elle a été articulée autour d’une éthique de la vertu citoyenne et d’un idéal agriculturiste12. Malgré son influence, cette conception républicaine n’était pas la seule à circuler dans le monde atlantique au xviii e siècle. Devant elle se dressait une autre forme de liberté individuelle : la liberté moderne. Celle-ci est apparue à la fin du xvii e siècle, fut institutionnalisée en Angleterre à la suite de la Glorieuse Révolution (1688) et s’est ensuite
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répandue en Europe au cours du siècle suivant13. Elle était l’œuvre, entre autres, des philosophes de la première génération des Lumières, des whigs anglais, de certains philosophes écossais et des fédéralistes américains. Elle était basée sur le respect de certains droits individuels, souvent réduits au triptyque « liberté, propriété, sécurité». Moins préoccupés d’égalité que d’autonomie individuelle, les tenants de la liberté moderne concevaient l’État de manière à ce qu’il ne puisse brimer l’individu, du moins théoriquement. Ils entendaient ainsi permettre la compétition des intérêts particuliers au sein des institutions politiques et encourager le commerce et l’accumulation des richesses. La mise en valeur de la différence entre ces deux conceptions concurrentes de la liberté est essentielle à une meilleure compréhension de l’histoire, aussi bien du monde atlantique que des colonies britanniques de l’Amérique du Nord. Elle remet d’abord en cause l’idée voulant que tous les penseurs du xviii e siècle aient plus ou moins partagé la même notion de liberté et qu’ils aient tous rêvé à un même type de société. Elle permet ainsi de contester la parenté qui aurait existé entre les idées des Lumières et les idées révolutionnaires. Si les historiens ont souvent eu de la difficulté à expliquer le lien qui unissait ces idées, c’est probablement parce qu’il est beaucoup plus ténu qu’on ne le suppose normalement14. Il y a un changement de nature, une rupture entre les idées développées par les philosophes entre 1700 et 1750 et celles élaborées par les républicains et les révolutionnaires après 1760. Les premiers attaquent les fondements de l’État à partir de la conception moderne de la liberté ; les seconds, à partir de la conception républicaine. Cette différence est de taille puisque ces deux conceptions de la liberté impliquent deux manières très différentes de concevoir la nature de l’État et de l’ordre social, la définition de ce qu’est un individu, de ses droits, de ses devoirs et de ses responsabilités envers lui-même et envers autrui. Par la même occasion, ce cadre d’analyse éclaire les fondements intellectuels de l’expérience canadienne. Il implique que le refus de la Province de Québec de joindre les rangs des colonies rebelles ne l’a pas nécessairement placée en marge du monde atlantique et des débats sur la liberté. Celle-ci y fut traitée lors des dernières décennies du siècle des Lumières et au début du siècle suivant. Non seulement les élites coloniales empruntaient, utilisaient et réinterprétaient allègrement les conceptions qui avaient cours dans le monde atlantique à cette époque, mais la légitimité du pouvoir politique et des relations sociales dans la Province de Québec (1776–1791) et des deux Canadas
Introduction
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(1791–1838) fut reconceptualisée, dès 1791, à partir d’une certaine conception de la liberté. Quoique différente de celle à l’œuvre au sein des mouvements révolutionnaires, cette conception n’en était pas moins directement issue des Lumières. La distinction entre les deux formes de liberté que nous préconisons permet ainsi de dépasser le manichéisme traditionnel voulant que les colons britanniques aient, en refusant la révolution, nécessairement refusé la liberté et les idées des Lumières. Il est plus juste de dire qu’en refusant la révolution, les coloniaux ont simplement rejeté une forme particulière de liberté, sans pour autant choisir la réaction ou la contre-révolution. La mise en valeur du concept ou des concepts de liberté qui existaient dans les Canadas permet également de revisiter la crise des années 1830 dans les deux Canadas. Jusqu’à maintenant, celle-ci a été expliquée par des causes économiques, sociales, politiques et coloniales. Tout cela est vrai et n’a plus besoin d’être démontré. Toutefois, les historiens n’ont pas suffisamment mis en lumière son aspect idéologique, l’opposition irréductible entre deux visions contradictoires des rapports sociaux et des relations de pouvoir dans les colonies. De fait, l’impasse politique dans laquelle se retrouve le BasCanada à partir de 1836 et les rébellions de 1837–1838 s’explique aussi par l’affrontement entre les partisans de la liberté moderne (qui défendent la constitution) et les partisans de la liberté républicaine (qui réclament une reconfiguration des relations de pouvoir dans les colonies). Sans cet affrontement, peut-être aurait-il été plus facile de trouver une solution pacifique à la crise politique. La réinterprétation de l’histoire intellectuelle des deux Canadas dans les années 1830 permet donc de réintégrer les rébellions, du moins au plan idéologique, dans le cadre des révolutions qui ont secoué le monde atlantique à la fin du xviii e siècle, comme le suggérait Allan Greer15. Selon cette perspective, les rébellions de 1837–1838 apparaissent comme le dernier chapitre des Révolutions atlantiques16. Enfin, en éclairant les principes à la base de l’État colonial qui existait avant les rébellions, cette étude participe à mettre en lumière les fondements de l’État libéral qui sera édifié après 1840. Les historiens qui ont travaillé sur la formation de l’État au Canada ont bien démontré que l’État libéral canadien moderne commence à se développer dans les années 1840. Dès lors, les lois commencent à être modernisées et de nouvelles institutions et de nouveaux outils de gouvernance sont créés. Pensons à la police, aux municipalités, aux écoles, au gouvernement responsable, à la bureaucratie professionnelle,
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aux prisons et aux statistiques17. Plus récemment, Ian McKay et Jean-Marie Fecteau sont allés plus loin en parlant de la mise en place d’un nouvel ordre libéral à cette époque18. Si le processus de la formation de l’État après 1840 est bien connu par les historiens canadiens, les fondements de l’État l’ayant précédé le sont moins. Cette étude vise donc à les mettre en lumière dans la foulée des récents travaux sur le whiggisme et le libéralisme19. Il faut noter d’emblée que si le concept moderne de liberté est effectivement à la base du libéralisme qui se développe au Canada après 1840, nous préférons appeler « constitutionnalisme » l’idéologie qui s’est structurée autour de ce concept moderne de liberté dans les colonies canadiennes avant 1840. Cette appellation nous semble préférable à celle de commercialisme, utilisée par les historiens intellectuels du monde atlantique, puisqu’elle permet de reconceptualiser l’idéologie à partir d’une base politique comparable à celle du républicanisme. Elle est aussi préférée au libéralisme puisque la plupart des penseurs de la liberté moderne au xviii e siècle peuvent difficilement être qualifiés de libéraux idéologiquement. Nombre d’entre eux défendaient un ordre social dont les fondements économiques, sociaux et hiérarchiques étaient directement issus de l’Ancien Régime, régime que les libéraux ont toujours combattu. L’utilisation du concept de libéralisme au xviii e siècle est, de plus, quelque peu anachronique. Sans compter que dans les colonies de l’Amérique du Nord britannique, le mot « libéral » est très peu utilisé avant 1840 et est alors généralement synonyme de libéralité, de générosité et non de libéralisme (entendu comme une idéologie basée sur des droits individuels). Il serait possible de parler d’une certaine forme de whiggisme20, mais cette appellation possède trop de significations différentes et contradictoires au cours des xviii e et xix e siècles pour être vraiment utile21. De plus, elle cache le fait que, pour tout ce qui sépare intellectuellement et politiquement les whigs et les tories dans le monde britannique à la fin du xviii e et au xix e siècle, ces deux groupes de politiciens partageaient plusieurs principes, dont une certaine conception de la liberté. Au plan idéologique, cette étude porte donc sur l’opposition entre le républicanisme, qui va graduellement se développer dans le monde atlantique pour laisser sa place à la démocratie (égalité politique) et au socialisme (égalité économique) au xix e siècle22, et le constitutionnalisme, qui engendrera éventuellement le libéralisme et le conservatisme, britanniques et canadiens.
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app ro ch e mé t h o d o l o g i qu e Cette étude porte sur le Haut et le Bas-Canada. En étudiant simultanément les deux colonies, nous cherchons délibérément à faire sortir les historiographies canadienne-anglaise et québécoise de leur isolement respectif. Non que le cadre national soit problématique ou illégitime. Il est néanmoins malheureux que la domination exercée par ce cadre aussi bien au Canada anglais qu’au Québec ait fait en sorte que ces historiographies se soient développées de manière presque totalement distincte et indépendante l’une de l’autre depuis le xix e siècle. Hormis les manuels scolaires et quelques ouvrages publiés au Canada anglais dans les années 1960, où ces deux histoires sont mises en parallèle23, les deux historiographies canadiennes ne se parlent guère, comme si les expériences historiques canadienneanglaise et canadienne-française (québécoise) n’étaient pas intimement liées, comme si l’expérience de chacun des deux groupes n’avait pas influencé l’autre, comme si l’expérience de l’une ne pouvait pas éclairer l’autre. Or, ces deux expériences se sont mutuellement influencées au cours des deux siècles. Cet ouvrage répond ainsi à la proposition de Jocelyn Létourneau visant une révision du cadre national et nationaliste dans lequel évolue l’historiographie québécoise depuis 1845. Selon l’historien de l’Université Laval, il est temps de dépasser le cadre national québécois et de réintégrer l’histoire du Québec dans le cadre canadien. Cette approche, qu’il nomme canadianité, ne vise pas à nier les conflits internes de la société canadienne ni la spécificité du Québec, mais plutôt à les voir comme participant à une expérience canadienne plus large24. La question de la liberté se prête bien à une telle approche étant donné la même constitution imposée aux deux Canadas, leurs institutions politiques similaires, leur cadre préindustriel commun et leur effervescence politique au cours de la décennie 1830. Il ne s’agit pas de nier les problèmes que la diversité culturelle a causés dans le développement des Canadas, ni le mépris que certains anglophones coloniaux ou métropolitains vouaient aux Canadiens français, ni le désir de ceux-ci de minimiser le pouvoir de ceux-là au Bas-Canada. Toutefois, le cadre national ou colonial ne représente pas nécessairement l’angle d’analyse le plus pertinent pour examiner la question de la liberté, de la légitimité de l’État et des relations de pouvoir à la fin du xviiie siècle et au début du xixe dans les colonies canadiennes. Ainsi, cet ouvrage ne tente pas d’étudier la légitimité
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de l’État à la lumière de la question nationale, mais plutôt d’intégrer la question de la diversité culturelle, au besoin, dans l’analyse de l’importance de la liberté comme source de la légitimité de l’État au Canada. La perspective est élitiste en ce qu’elle ne s’intéresse qu’aux leaders des différents groupes. Il ne s’agit pas de prétendre que la relation entre les élites et la population en général ait été à sens unique, soit les élites manipulant la population. Toutefois, avant de parler de la discussion qui a pu se dérouler entre ces deux groupes, il faut comprendre les principes, les idéaux et les valeurs des uns et des autres. Dans son ouvrage intitulé The Patriots and the People, Allan Greer a déjà mis en lumière le républicanisme populaire au Bas-Canada durant les années 1830 ainsi que son autonomie par rapport à celui des élites. Malheureusement, les discours de ces dernières n’ont toujours pas fait l’objet d’une analyse aussi minutieuse. Si certains groupes ont reçu beaucoup d’attention de la part des historiens – pensons par exemple aux patriotes du Bas-Canada25 – d’autres, telle l’élite anglophone du Bas-Canada, ont presque été ignorés. De plus, aucun cadre général d’interprétation n’existe pour aborder l’histoire intellectuelle de cette période. Cet ouvrage vise à proposer certaines bases qui pourraient en constituer l’esquisse. Pour retrouver les définitions données au concept de liberté dans les Canadas et déterminer leur importance et leur influence sur le développement de l’État dans les Canadas, nous procédons à une analyse interne des discours. Ceux-ci sont prononcés par des acteurs conscients des enjeux politiques et sociaux auxquels les colonies font face ainsi que des répercussions que leur façon de concevoir la liberté a sur leur développement. Cette analyse permet de reconstituer les fondements de la légitimité de l’État et des relations de pouvoir que les autorités métropolitaines ont imposés à la colonie en 1791 et la façon dont les coloniaux des xviii e et xix e siècles ont reconnu ou contesté cette même légitimité. Certes, tout discours comporte une part de propagande et de manipulation, sans compter que, parfois, les discours voilent autant qu’ils ne dévoilent. Toutefois, dans le monde atlantique, la légitimation des relations de pouvoir et des rapports sociaux passait généralement par le discours au xviii e siècle. L’ordre n’était normalement pas assuré par une forte présence militaire, mais plutôt par l’articulation d’un discours qui exposait ce qui était légitime et ce qui ne l’était pas. La force physique n’était utilisée que pour obliger les
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récalcitrants et les déviants à se conformer aux lois qui n’étaient, somme toute, que l’exposition formelle des principes généraux guidant la société. Bien que nous soyons conscient que des intérêts personnels bien précis se cachent derrière les mots et les idéologies26, le présent ouvrage porte sur la logique interne des discours politiques coloniaux et leur évolution entre 1776 et 1838, et non sur les raisons qui ont poussé les divers protagonistes à adopter certains discours. Il serait concevable de réduire les deux concepts de liberté en simples outils de domination utilisés autant par des gens désirant conserver le pouvoir (pensons aux bureaucrates et aux membres du Family Compact) que par ceux voulant l’exercer (pensons aux réformistes, aux radicaux et aux patriotes des deux Canadas). Néanmoins, bien que nous fassions quelquefois allusion aux intérêts des différents acteurs au cours de la discussion, une étude des intérêts personnels de chaque individu mentionné dépasse le cadre de cette analyse. L’approche retenue est plus intellectuelle qu’institutionnelle. Les institutions sont étudiées à la lumière de leur justification intellectuelle et non l’inverse. Cette approche permet de mieux comprendre la logique de l’organisation des colonies puisque leurs institutions politiques, comme partout ailleurs, reposent sur des a priori, souvent fictifs, qui permettent leur bon fonctionnement. Pour comprendre la nature de l’État colonial, il ne suffit pas de déterminer qui a le pouvoir de faire quoi, mais plutôt de comprendre pourquoi certaines institutions possèdent certains droits et de déterminer où ceux-ci s’arrêtent. Cette approche intellectuelle nous permet, par la même occasion, de mieux saisir la nature et l’importance des mouvements de contestation qui ont exigé des réformes au cours de la période étudiée. Un mouvement de contestation ou de réforme qui réclame des ajustements institutionnels sans remettre en cause les principes sur lesquels repose l’État est autrement moins menaçant qu’un mouvement questionnant la légitimité des institutions. Bien que les deux concepts de liberté autour desquels est organisée cette étude aient été reconstruits à partir des discours de l’époque, ils représentent deux idéaux-types, pour reprendre l’expression de Max Weber. Ils sont, d’abord et avant tout, des catégories d’analyse qui nous permettent de donner un sens à l’histoire politique canadienne au moment des Révolutions atlantiques. Pour tout ce qu’elles éclairent, ces catégories laissent certaines nuances dans l’ombre. Par exemple, elles ne rendent justice ni à la malléabilité de ces concepts
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ni à la capacité des politiciens et des intellectuels de les adapter et de les reformuler selon le contexte. Ainsi, si le cadre analytique retenu permet de faire état de l’opposition fondamentale entre les positions des partisans des deux concepts de liberté, il n’éclaire ni les tensions qui existaient au sein des rangs républicains et modernes, qu’elles aient été d’ordre régional (Montréal contre Québec, York/Toronto contre Kingston), linguistique (Canadiens français contre Canadiens anglais) ou politique (conservateurs contre réformistes), ni les positions défendues par les intellectuels et les politiciens plus modérés, ni les particularités de l’expérience de chaque colonie. De la même manière, puisque cette étude porte sur le concept de liberté comme fondement de la légitimité de l’État, elle n’aborde pas les diverses formes de libertés et les divers droits qui existaient dans les colonies, comme l’habeas corpus, la liberté de religion, la liberté de presse, la liberté d’association et le droit de vote. La question religieuse n’est pas non plus traitée. D’abord, les catholiques et les protestants de toutes confessions jouissaient des mêmes droits dans la Province de Québec à partir de 1774. La question de la liberté de croyance et de culte a fait l’objet, par conséquent, de peu de débats dans les colonies entre 1776 et 1838, sauf en ce qui a trait aux droits des Juifs. Si cette liberté particulière n’était guère discutée, la question religieuse s’est tout de même retrouvée au cœur de plusieurs conflits, tant au Haut qu’au Bas-Canada. Néanmoins, des questions d’ordre plus temporel étaient en jeu à cette époque. Par exemple, des constitutionnels bas-canadiens se plaignaient de la puissance de l’Église catholique dans les colonies, alors que les catholiques britanniques et irlandais n’étaient toujours pas émancipés, du moins avant 1829. Leur position trouvait sa source dans l’anti-catholicisme britannique qui a provoqué diverses manifestations violentes à cette époque, allant des Gordon Riots de 1780 jusqu’à la violence qui accompagna la mise sur pied d’une hiérarchie catholique en Grande-Bretagne au début des années 1850. De même manière, une lutte de pouvoir et d’influence a opposé le clergé et les députés bas-canadiens après 179127. Au Haut-Canada, c’est la question de la distribution des réserves du clergé entre les diverses Églises ainsi que le statut privilégié de l’Église d’Angleterre qui constituent les deux principaux objets litigieux entre l’élite anglicane et les autres groupes avant 184028. Malgré l’importance de ces questions sur la scène politique au cours de la première moitié du xix e siècle, elles se rapportaient non pas à la question de la liberté ou à la question de la légitimité
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de l’État, mais à celle de la relation entre les Églises et l’État, entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. Certes, il aurait été intéressant d’étudier les discours articulés par les différentes Églises au sujet de la liberté, de voir à quel concept elles adhéraient et de mieux comprendre comment ces discours, reposant sur des prémisses différentes, s’arrimaient à la politique coloniale. Il aurait aussi été enrichissant de déterminer l’influence de ces Églises sur la politique coloniale en retrouvant l’appartenance religieuse des divers intellectuels et politiciens et en faisant ressortir la relation entre leur position et celle de leur Église respective. Inversement, il aurait été intéressant d’étudier la position des différents groupements politiques par rapport aux questions de la reconnaissance officielle des Églises et des relations que devaient entretenir l’État et les Églises, d’autant qu’il s’agit de questions fondamentales lors des Révolutions atlantiques. Néanmoins, ces questions dépassent les limites de notre étude qui se concentre essentiellement sur la légitimité de l’État. Elles demeurent cependant ouvertes pour des recherches ultérieures. Puisque cet ouvrage porte sur la question de la liberté comprise comme le fondement de la légitimité de l’État et des relations de pouvoir, il repose essentiellement sur des documents publics et imprimés. Ce choix est d’autant plus à propos que la défense de l’ordre colonial, ou sa dénonciation, se faisait essentiellement sur la place publique, étant donné le système parlementaire dans lequel évoluaient les deux Canadas après 1791. En effet, la compétition entre les idées et les programmes politiques constituait l’un des éléments fondamentaux de la vie politique canadienne après l’avènement du parlementarisme. C’est pourquoi cette étude repose en grande partie sur des documents officiels issus des institutions politiques ou s’intéressant à l’organisation politique des colonies. Les documents officiels coloniaux, comme les résolutions, les pétitions, les adresses et les lois adoptées par les législatures, ont été utilisés. Les résolutions, ainsi que les pétitions et les adresses qui en découlaient, exprimaient généralement bien et de manière concise les grands principes auxquels adhéraient leurs partisans. Quant aux lois, elles reflétaient les principes partagés par les législateurs ou une partie d’entre eux. Les documents métropolitains comme les lois anglaises (dont les constitutions canadiennes), les dépêches des ministres britanniques, la correspondance entre les autorités londoniennes et les gouverneurs ainsi que les rapports d’enquêtes ont également été consultés. Il est essentiel
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de revoir ces sources pour comprendre les fondements de la légitimité de l’État, car c’est à Londres que se prenaient les décisions fondamentales concernant la nature de l’État. Si ces documents officiels mettent en lumière certains principes, il n’en demeure pas moins qu’il est souvent nécessaire, afin de mieux les comprendre, de revisiter les débats qui ont eu lieu au sein des institutions politiques à Londres comme dans les colonies. C’est généralement lors de ces débats que les hommes politiques ont explicité ce qui était implicite dans les résolutions et les lois. Les débats britanniques sont rapportés dans le Parliamentary Register et dans le Hansard. De leur côté, les débats coloniaux sont reproduits en partie dans la presse locale. Les discours des parlementaires, qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition, constituent des témoignages de première importance quant à la notion de liberté. D’autres sources extra-parlementaires viennent compléter cette vision officielle. Plusieurs brochures, tracts et livres ont été publiés dans les colonies entre 1776 et 1841, surtout après 1828. Comme ces documents sont relativement peu nombreux, nous avons pu en faire un dépouillement exhaustif. Quelques journaux ont également été dépouillés. Ces derniers sont riches en débats, en écrits polémiques ainsi qu’en nouvelles internationales, ce qui permet de mieux situer l’expérience canadienne dans le cadre du monde atlantique. Le premier chapitre discute de la relation entre liberté et révolution. Il situe l’histoire canadienne de la fin du xviiie et du début du xixe siècle dans celle du monde atlantique et expose en détail les deux conceptions de la liberté articulées à ce moment. Le deuxième aborde l’influence des révolutions américaine et française sur les colonies et la nature de la liberté à la base de l’Acte constitutionnel de 1791. Il démontre que l’État au Canada, s’il a subi les influences des mouvements révolutionnaires, s’est développé dès cette période en suivant l’idéal moderne de la liberté. Le troisième chapitre analyse les principes en vertu desquels les mouvements de contestation se sont développés dans les Canadas après 1805. Ce chapitre explique comment les réformistes coloniaux en sont venus à abandonner progressivement, au cours des années 1820, le concept moderne de la liberté pour accepter le concept républicain. Les chapitres 4 à 6 exposent la crise de la décennie 1830 sous l’angle d’une crise idéologique. Le discours des patriotes du Bas-Canada
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et des radicaux du Haut-Canada ainsi que celui des défenseurs de la constitution (les constitutionnels) sont reconstitués en tenant compte de leurs principes de base, des institutions privilégiées et des principes d’exclusion articulés par ces groupes. Cette analyse interne des discours est importante en ce qu’elle permet de comparer les deux grandes idéologies présentes dans les colonies. Elle éclaire l’aspect idéologique de la crise de la décennie 1830, alors que se sont affrontés les partisans de la liberté républicaine (les patriotes et les radicaux) et les défenseurs de la liberté moderne (les constitutionnels). Le dernier chapitre illustre jusqu’à quel point la politique bas-canadienne s’est retrouvée dans une impasse en 1837, la nature idéologique de l’opposition entre les deux groupes rendant de plus en plus difficile leur collaboration au sein des institutions politiques canadiennes. L’impasse dans laquelle la colonie s’est retrouvée a certainement orienté les deux camps vers un affrontement extra-parlementaire. En défaisant militairement les patriotes et les radicaux en 1837–1838 dans les deux Canadas, les Britanniques sont parvenus non seulement à liquider l’opposition républicaine dans les colonies, mais aussi à mettre un terme définitif au cycle des Révolutions atlantiques que leur défaite de 1783 avait déclenché.
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1 Liberté et Révolution dans le monde atlantique
À la fin du xviii e siècle, l’Europe et le monde atlantique vivent de profonds bouleversements politiques, économiques, sociaux et religieux qui couronnent cent ans d’effervescence intellectuelle. Tout au long du siècle des Lumières, les philosophes ont remis en cause l’ordre social et politique de l’Ancien Régime. Ils ont questionné tous les rapports de pouvoir qui existaient dans la société. Ils en sont venus à réclamer l’abolition des privilèges, la reconnaissance de la liberté de religion, de presse et d’association, et parfois même le droit des sujets de participer à la vie politique. La menace que ces philosophes représentaient pour l’ordre d’Ancien Régime ne provenait pas du fait qu’ils demandaient certaines réformes, mais plutôt qu’ils questionnaient la légitimité de l’ordre établi en lui refusant ses justifications traditionnelles : le droit divin, le droit dynastique et le droit de conquête. Ce qu’ils réclamaient, c’était la reconfiguration de l’ordre social et des relations de pouvoir à partir du principe de liberté. Selon eux, la liberté devait constituer le nouveau fondement de la légitimité de l’État et de l’ordre social. Elle était l’aune à laquelle devaient se mesurer les actions de l’autorité. Durant la seconde moitié du xviii e siècle, les philosophes ont été rejoints par des polémistes, des pamphlétaires et des politiciens, aussi bien en Europe que dans les Treize Colonies américaines. Le mouvement de contestation a finalement dégénéré, à la fin du siècle, en une vague révolutionnaire qui a ébranlé le monde atlantique jusque dans ses fondements. Selon Robert R. Palmer et Jacques Godechot, toutes ces révolutions, malgré leurs caractéristiques propres, auraient fait partie d’un seul et même mouvement, comme si une « Révolution atlantique » s’était produite à la fin du xviii e siècle1. S’il y a d’abord eu des troubles
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à Genève durant la décennie 1760, c’est la Révolution américaine (1776–1783) qui a réellement marqué le coup d’envoi de près d’un demi-siècle d’agitation révolutionnaire. Le succès de la Révolution américaine a non seulement fait perdre à la Grande-Bretagne ses meilleures colonies, mais il l’a forcée à concéder une certaine autonomie à l’Irlande et à réorganiser les quelques territoires qui lui restaient en Amérique septentrionale. Il a également encouragé l’agitation des radicaux dans la métropole. L’influence américaine s’est ensuite fait sentir sur toute l’Europe2. C’est alors aux Provinces-Unies à être sérieusement ébranlées par la révolte des patriotes (1783–1787), puis aux Pays-Bas autrichiens (1787–1790). Enfin, c’est la France qui a basculé dans la révolution. La Révolution de 1789 a été centrale non seulement parce qu’elle a fondamentalement transformé un des royaumes les plus importants d’Europe, mais aussi parce que la politique extérieure de la France, dès 1792, a encouragé d’autres révolutions et tentatives de révolution. Une vague révolutionnaire a enfin déferlé sur toute l’Europe au cours de la décennie 17903. Pour ambitieuse, cette première tentative d’intégration des révolutions de la fin du xviii e siècle dans un cadre interprétatif global n’en était pas moins limitée dans le temps et dans l’espace. La Révolution atlantique dont parlaient Palmer et Godechot ne concernait que les États-Unis et l’Europe entre 1776 et 1800. Ni l’un ni l’autre n’ont intégré la révolte des esclaves à Saint-Domingue qui a éventuellement mené à l’indépendance de la République d’Haïti en 1804. En fait, exception faite des États-Unis, c’est toute l’Amérique qui était initialement absente de l’histoire de la Révolution atlantique. Au cours des dernières années, l’histoire de Saint-Domingue / Haïti et des empires espagnol et portugais a progressivement été réintégrée dans le cadre atlantique, incluant les diverses révolutions qui ont frappé l’Amérique centrale et l’Amérique du Sud au xix e siècle4. Compte tenu de la diversité des expériences vécues de chaque côté de l’océan, il est désormais plus juste de parler des Révolutions plutôt que de la Révolution atlantique. Malgré ses limites initiales, le cadre de Godechot et de Palmer a mis en évidence deux choses essentielles par rapport à l’histoire de la fin du xviii e siècle. Il a d’abord permis d’aller au-delà de la thèse de l’exceptionnalisme américain ou français en rappelant que plusieurs États autour de l’Atlantique ont été secoués par des révolutions à partir de 1776. Il a parallèlement fait ressortir l’aspect idéologique de ces révolutions – la majorité des révolutionnaires ayant nourri
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des idéaux similaires – quelles qu’aient été leurs particularités et l’issue finale de leur agitation. Palmer a présenté les différentes révolutions comme «démocratiques5 ». Bien que le mot «démocratie» ait bel et bien été utilisé à la fin du xviii e siècle, il possédait à ce moment plusieurs significations, toutes assez éloignées de la définition contemporaine6. Les démocrates de l’époque révolutionnaire s’entendaient néanmoins sur l’importance de l’égalité des citoyens et sur leur rejet du principe héréditaire (monarchique ou aristocratique). Si cette définition était initialement suffisante pour donner forme à l’intégration des mouvements révolutionnaires au sein d’un cadre d’analyse, elle porte néanmoins à confusion par rapport à la définition actuelle de la démocratie. À partir des années 1960, certains historiens intellectuels, dont Bernard Bailyn, J.G.A. Pocock, Quentin Skinner et Gordon Wood, se sont penchés plus à fond sur la nature idéologique des mouvements de contestation dans le monde atlantique anglo-américain, dont ceux ayant mené à l’établissement du Commonwealth anglais au xvii e siècle et à la Révolution américaine du xviii e siècle. Réagissant au libéralisme et à l’individualisme dominant alors en Occident, ces historiens ont cherché à relativiser l’importance historique du libéralisme comme idéologie de contestation en Angleterre et aux États-Unis7. S’inspirant des travaux de Zera Fink et de Caroline Robbins, qui avaient déjà redécouvert le républicanisme dans la pensée politique anglaise des xvii e et xviii e siècles8, ils ont minimisé la place du libéralisme comme idéologie réformiste et émancipatrice au xviii e siècle en relativisant l’importance intellectuelle de John Locke dans la première moitié du siècle9. Selon ces historiens, ce n’était pas le libéralisme qui était la véritable idéologie émancipatrice au xviii e siècle, mais le républicanisme classique. Ce républicanisme aurait tiré ses racines de l’Antiquité. Redécouvert par Machiavel au xvie siècle, il aurait été importé en Angleterre par James Harrington (1611–1677)10 et repris par les Commonwealthmen anglais de la fin du xviie siècle ainsi que par les rebelles américains. Selon les partisans de cette idéologie, la société devait être organisée autour de petits propriétaires indépendants et vertueux, capables de résister à la corruption, c’est-à-dire libres de tout lien de clientélisme, et faisant passer l’intérêt général avant le leur lorsqu’ils participaient à la vie politique de la république (Commonwealth)11. Bien que les travaux de Bailyn, Pocock, Skinner et Wood aient d’abord concerné le monde atlantique anglo-américain, ils ont inspiré
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des historiens d’autres pays. Leur cadre d’analyse qui met en valeur le républicanisme a contribué à renouveler l’histoire intellectuelle aussi bien du monde atlantique et de l’Europe en général12 que de l’Angleterre et de l’Irlande13, des États-Unis14, de la France15 ainsi que des Provinces-Unies16. Plusieurs historiens reconnaissent maintenant qu’une bonne partie des révolutions de la fin du xviii e siècle en Amérique du Nord et en Europe partageaient des fondements idéologiques républicains similaires. À cet égard, les révolutions en Amérique latine du début du xix e siècle se distinguent, en ce qu’elles n’ont pas été inspirées par ce républicanisme, même si elles ont mené à la création de nouvelles républiques17. Le républicanisme a ainsi permis de changer, de manière fondamentale et durable, la façon de concevoir l’État et l’ordre social dans le monde atlantique (du moins en Amérique du Nord et en Europe) en reconceptualisant sur des bases nouvelles les notions d’autorité légitime, de pouvoir et de rapports sociaux. Au droit préexistant, la rhétorique révolutionnaire a simplement opposé le droit à la liberté et à l’égalité des citoyens. L’histoire de ces Révolutions atlantiques couvre maintenant, à divers degrés, plus ou moins l’ensemble de l’Europe et des Amériques entre 1760 et 1826. Néanmoins, le Canada n’a toujours pas été véritablement intégré dans ce cadre. Jusqu’à maintenant, seul JeanPierre Wallot a réellement tenté d’y intégrer l’histoire du Bas-Canada18. Les autres historiens travaillant sur la fin du xviii e et le début du xix e siècle se sont davantage intéressés aux effets directs ou indirects engendrés par l’une ou l’autre des Révolutions américaine et française sur le Canada, ainsi qu’à l’arrivée des loyalistes19. À en croire les historiographies atlantique et canadienne, les colonies de l’Amérique du Nord demeurées fidèles à l’Empire à la suite de l’indépendance américaine se sont retrouvées en marge des débats faisant rage dans le monde atlantique à la fin du xviii e et au début du xix e siècle. Pourtant, la population coloniale était composée d’immigrants européens et américains de plus ou moins fraîche date, à l’exception des Amérindiens. Leurs références politiques, intellectuelles et culturelles étaient les mêmes qu’ailleurs. Économiquement, les colonies faisaient partie d’un empire mercantile. Constitutionnellement, elles dépendaient de la volonté des autorités britanniques. Intellectuellement, les élites canadiennes étaient bien informées des débats qui avaient lieu en Europe et en Amérique à partir des années 1780. Il n’y a donc aucune raison pour laquelle ces colonies se seraient développées en marge du monde atlantique, ou que leurs
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habitants n’aient pas participé ou n’aient pas été influencés, d’une manière ou d’une autre, par les grands débats de l’époque.
l a vie inte l l e ct u e l l e d an s l e mon de at l antiqu e au s i è cl e d e s l umièr es Il est certes indéniable que la Province de Québec n’a ni rejoint les rangs des colonies rebelles en 1775–1776 ni basculé dans la révolution dans les années 1790. Les principes révolutionnaires républicains n’y ont donc pas triomphé. Dans ce contexte, il est effectivement difficile d’intégrer l’histoire canadienne dans le cadre des Révolutions atlantiques, si ce n’est par la négative. Ceci dit, l’histoire intellectuelle du monde atlantique au xviii e siècle ne se résume pas au républicanisme. D’une part, les révolutionnaires en Amérique latine ne s’en sont pas inspirés. D’autre part, les historiens intellectuels du monde atlantique britannique ont intégré la question du républicanisme dans un cadre d’analyse plus sophistiqué. Selon eux, l’histoire de l’Empire britannique a été marquée aux xvii e et xviii e siècles par une opposition entre les tenants du républicanisme et les défenseurs du commercialisme. Les partisans du commercialisme, inspirés des œuvres de Thomas Hobbes (1588–1679), de David Hume (1711–1776) et d’Adam Smith (1723–1790), articulaient une définition de la vie en société basée sur l’autonomie des individus et sur leurs droits. Dans la pratique, les partisans du commercialisme, souvent présentés comme des libéraux, défendaient l’inviolabilité de la propriété privée, les bienfaits de l’accumulation et de la concentration de la richesse ainsi que du patronage. Les historiens du monde atlantique britannique ont donc proposé de revoir l’histoire de l’époque moderne non pas comme ayant été marquée par une opposition entre des conservateurs favorables au statu quo et des libéraux réformateurs, mais plutôt entre les tenants du commercialisme, une idéologie conservatrice basée en partie sur la propriété privée, et les partisans du républicanisme classique, une idéologie réformiste, émancipatrice et communautariste qui défendait la participation des citoyens à la vie politique. Si l’histoire de la Province de Québec, puis des Canadas, s’analyse mal en fonction du républicanisme, elle s’arrime bien à l’opposition entre celui-ci et le commercialisme. Ce cadre d’analyse opposant ces deux idéologies a déjà inspiré quelques historiens, politologues et sociologues canadiens et québécois
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au cours des dernières années. Toutefois, hormis David Milobar qui a mis en lumière l’influence du républicanisme (aussi appelé idéologie Country) dans les discours des marchands anglais vivant dans la Province de Québec au xviii e siècle20, tous les autres historiens ont utilisé ce cadre pour étudier le xix e siècle. Gordon T. Stewart, le premier Canadien à emprunter cette grille d’analyse dans son ouvrage The Origins of Canadian Politics (1986) a présenté l’évolution politique du Canada au xix e siècle comme celle du triomphe des partisans de l’idéologie commercialiste (aussi appelée idéologie Court). Son initiative a été reprise, quelques années plus tard, par Peter J. Smith et Janet Ajzenstat dans leur recueil Canada’s Origins (1995). Selon ces deux politologues, le véritable moteur de l’histoire du Canada depuis le xixe siècle aurait été l’opposition entre le républicanisme et le libéralisme. Leur ouvrage collectif constituait alors le premier véritable effort de reconceptualisation globale de l’histoire canadienne suivant les grandes lignes de l’histoire du monde atlantique21. Louis-Georges Harvey a lui aussi emprunté ce cadre pour étudier le discours réformiste au Bas-Canada. Selon lui, si le républicanisme n’a pu s’imposer au Canada au moment où des révolutions transformaient les États-Unis et l’Europe, il a inspiré le mouvement réformiste bas-canadien de 1805 à 1837. Tentant de concilier la thèse de l’américanité et le républicanisme, Harvey a présenté les rébellions de 1837–1838 comme ayant été inspirées par le républicanisme et ainsi comme apparentées à la Révolution américaine22. Allan Greer a également présenté les rébellions comme étant inspirées par le républicanisme, et ce, même au niveau local23. De son côté, le sociologue Stéphane Kelly a choisi de jumeler, dans son ouvrage intitulé La petite loterie, le cadre atlantique à la théorie du paria développée par Hannah Arendt. Il cherchait alors à démontrer que l’histoire du Canada-Est entre 1837 et 1867 était celle de la victoire des tenants du parti Court sur ceux du parti Country grâce à la corruption des Étienne Parent, Louis-Hippolyte La Fontaine et George-Étienne Cartier24. Quoiqu’intéressant, le cadre interprétatif général des historiens intellectuels du monde atlantique opposant commercialisme et républicanisme pose certains problèmes. Premièrement, bien que cette historiographie soit basée sur une opposition entre deux idéologies, les deux courants ne sont généralement pas abordés de manière équivalente. Les historiens du monde atlantique se sont surtout intéressés
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au républicanisme. Leur volonté manifeste de mettre en valeur le républicanisme a fait en sorte que le commercialisme a été moins étudié. Au Québec également, les historiens ont abordé la question d’une manière pro-républicaine, soit en mettant en valeur le discours républicain des patriotes (Harvey), soit en présentant les tenants du courant Court d’une manière particulièrement négative (Kelly). Inversement, c’est surtout l’idéologie commercialiste, assimilée au libéralisme, qui a été étudiée avec bienveillance au Canada anglais (Ajzenstat). L’iniquité avec laquelle ces deux idéologies ont été abordées au sein du monde atlantique comme au Canada a eu pour effet de nuire à la mise en perspective de l’opposition entre commercialisme et républicanisme. Pour vraiment redonner sa force ou sa pertinence au cadre d’analyse, ces deux courants idéologiques doivent être traités de manière plus équivalente. Il est en effet difficile de bien saisir les tenants et les aboutissants d’une opposition sans étudier également les deux éléments sur lesquels elle repose. Deuxièmement, la nature de l’opposition entre républicanisme et commercialisme n’est pas très bien définie. L’analyse présentée dans les deux œuvres maîtresses de cette école, The Machiavellian Moment de Pocock et The Creation of the American Republic de Wood, minimisait grandement l’importance accordée aux droits individuels dans le discours républicain, surtout lors de l’indépendance américaine. Au début des années 1980, la nature anti-libérale du républicanisme atlantique a été relativisée. Suivant les traces de Bernard Bailyn qui n’avait jamais opposé la liberté républicaine à la liberté libérale mais, au contraire, les avait vues toutes les deux actives lors de la Révolution américaine, plusieurs historiens dont Isaac Kramnick, Joyce Appleby et Lance Banning ont soutenu que le républicanisme et le libéralisme n’étaient pas aussi antithétiques qu’on l’avait cru initialement25. Certains auteurs, dont Paul A. Rahe et Vickie B. Sullivan, ont ainsi travaillé à éclairer la nature libérale du républicanisme anglais26. D’autres ont tenté de faire voir tout ce qui éloignait le républicanisme américain de cette forme de républicanisme qui n’avait que faire des libertés individuelles. Selon Paul A. Rahe, Thomas Pangle et Jean M. Yarbrough, le républicanisme à l’œuvre lors de la Révolution américaine n’était pas classique mais moderne (donc ouvert à la liberté individuelle) puisqu’il était un mélange de républicanisme et de libéralisme27. Mark Hulliung et Lee Ward ont eux aussi présenté les États-Unis comme étant issus à la fois du républicanisme et du libéralisme28.
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Tout ce débat ne remet toutefois pas en cause la pertinence de la grille d’analyse qui présente le républicanisme et le commercialisme (libéralisme) comme deux idéologies distinctes. Il souligne simplement l’ambiguïté qui entoure leur définition en tant qu’idéologie. Si nous entendons par idéologie une hiérarchisation de principes qui permet à un individu d’aborder le monde et d’y donner un sens, de comprendre l’organisation de la société dans laquelle il vit ou veut vivre et de justifier ses actions politiques29, il est alors clair que le républicanisme et le commercialisme constituent deux idéologies différentes, deux manières distinctes de concevoir la société et l’État. Ainsi, au xviii e siècle, les gens étaient républicains ou commercialistes idéologiquement. Les premiers structuraient leur pensée autour de l’idée de la souveraineté du peuple et de la participation de citoyens vertueux à la vie politique ; les seconds, autour de l’autonomie des individus par rapport à l’État. Les républicains s’intéressaient d’abord et avant tout à la nature de l’autorité souveraine ; les libéraux, à ses limites face à l’individu. Malgré tout, ces deux idéologies partageaient certains principes. Par exemple, les républicains pouvaient reconnaître aux individus des droits civils aussi nombreux et étendus que ne le faisaient leurs adversaires. Inversement, les commercialistes (libéraux) pouvaient parfois reconnaître la souveraineté du peuple et défendre la participation des sujets ou citoyens à la vie politique si elles étaient vues comme protégeant les droits civils individuels. Dans ce contexte, ce ne sont pas seulement les droits réclamés qu’il faut étudier, mais également leur hiérarchisation dans les discours. Troisièmement, ce cadre s’applique difficilement tel quel au Canada puisqu’il a été pensé dans un contexte spatio-temporel précis. JeanMarie Fecteau a d’ailleurs émis des doutes sur la possibilité qu’un tel conflit idéologique ait pu exister au sein des colonies dans les années 1830. Selon lui, cette approche « semble poser d’énormes problèmes d’analyse, ne serait-ce parce qu’elle postule la continuité et la stabilité de cette rivalité idéologique au-delà des grandes Révolutions du tournant du xix e siècle30 ». Certes, toutes les idéologies naissent de contextes particuliers. Toutefois, rien n’a jamais empêché quiconque de les emprunter, de les retravailler ou de les adapter à de nouveaux contextes, ce qui explique que les idéologies survivent habituellement au contexte qui les a vues naître, sous une forme ou sous une autre. En revisitant les fondements des idéologies républicaine et commercialiste, il est possible de voir comment elles
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ont pu s’adapter ou être adaptées à de nouveaux contextes. Il faut les reconfigurer de manière à ce qu’elles soient moins dépendantes des contextes anglais et européen des xvii e et xviii e siècles.
l e co n ce p t d e l i be rt é au s i è cl e d e s l u mi è res À notre avis, la meilleure façon d’adapter le cadre des historiens intellectuels du monde atlantique de manière à ce qu’il ne soit plus prisonnier du contexte qui l’a vu naître – sans toutefois le trahir – est de le reconfigurer à partir du concept de liberté. La liberté constituait certainement une des valeurs les plus importantes dans le monde atlantique à la fin du xviii e et au début du xix e siècle. Elle ne faisait alors pas uniquement référence à l’exercice de certains droits, mais elle était aussi vue comme le fondement de la légitimité de l’État. Elle constitue ainsi le principe tout désigné pour reconfigurer le cadre d’analyse développé par les historiens anglo-américains et intégrer le Canada dans le cadre atlantique à l’époque des Révolutions. Jusqu’à maintenant, la liberté a toujours semblé aller de pair avec les Révolutions atlantiques, comme si l’avènement de la liberté au xviii e siècle impliquait nécessairement la révolution. Dans ce cadre, tous ceux qui se sont opposés à la révolution ont été présentés comme des ennemis de la liberté, des conservateurs, des contre-révolutionnaires, des réactionnaires. Si cette association entre liberté et révolution se justifie, en partie, pour la plupart des États européens et sud-américains, elle pose problème pour la Grande-Bretagne et l’Empire britannique. Certes, les autorités britanniques ont adopté plusieurs mesures pour écraser les mouvements de contestation et les groupes radicaux au fur et à mesure que les fondements de l’Ancien Régime étaient balayés en Europe31. Ces mesures étaient souvent de nature réactionnaire et contre-révolutionnaire. Toutefois, ce n’est pas parce que les politiques adoptées à cette époque étaient contre-révolutionnaires que la constitution britannique elle-même l’était. Il est en effet difficile de qualifier la constitution whig de la Grande-Bretagne des années 1790 de contre-révolutionnaire, malgré la répression des mouvements radicaux, dans la mesure où les principes fondamentaux sur lesquels elle reposait dataient d’avant cette Révolution32. Et c’est sans compter qu’ils étaient eux-mêmes issus d’une autre révolution, celle de 1688. Cette association entre liberté et révolution repose également sur l’idée que tous les partisans de la liberté partageaient, au xviii e siècle,
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un même idéal. Comme si tous ceux qui en appelaient à la liberté la concevaient de la même façon. Or, ce n’était pas le cas33. Si tous les partisans de la liberté voulaient qu’elle soit à la base de l’État et de l’ordre social, ils ne s’entendaient généralement que sur deux autres points. Premièrement, tous réclamaient une liberté qui était l’apanage des « individus » plutôt que de groupes sociaux particuliers. Cette liberté était donc différente de la liberté médiévale qui était synonyme de privilèges accordés volontairement à des groupes ou des personnes34. Elle était aussi différente de la liberté des nations et des classes sociales, deux catégories développées à la toute fin du xviii e, si ce n’est au xix e siècle. Rien n’empêche que, dans les faits, bien peu d’« individus » pouvaient prétendre à cette liberté. La majorité des gens étaient, de facto, exclus de la jouissance de cette liberté. Les esclaves, les femmes, les pauvres et les étrangers ont dû attendre longtemps avant de pouvoir en jouir. Même si la liberté au xviii e siècle concernait officiellement les individus, elle avait une résonance collective puisque ses défenseurs cherchaient à rendre compatible une certaine autonomie des individus et le fait que ces individus autonomes devaient habiter une même société. Cette liberté ne concernait donc pas que les droits des individus. Elle régissait aussi les relations de pouvoir et de soumission au sein de la société. Elle encadrait les droits, les devoirs et les responsabilités que les individus avaient les uns envers les autres ainsi que la nature de la relation existant entre les individus et l’État. Deuxièmement, tous les promoteurs de la liberté assimilaient la liberté à la loi. C’est ce qui incita John Phillip Reid à dire qu’il n’existait qu’une seule conception de la liberté dans le monde angloaméricain à la fin du xviii e siècle35. S’il ne fait aucun doute que tous ces penseurs partageaient une conception légaliste de la liberté, ils ne s’entendaient pas entre eux sur ce qu’était une loi légitime et encore moins sur des institutions législatives légitimes. En somme, même si tous ces promoteurs de la liberté associaient la liberté à la loi, ils ne défendaient par pour autant la même forme de liberté. Les penseurs des xvii e et du xviii e siècles, dans le monde atlantique, reconnaissaient l’existence d’au moins deux formes de liberté, encore qu’ils ne leur aient pas toujours donné les mêmes définitions. Thomas Hobbes (1588–1679) fut parmi les premiers à faire une distinction entre « [the] Libertie of Particular men » et celle du « Common-wealth » dans son traité Leviathan publié en 1651. La
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première concernait les hommes, à titre d’individus ou de sujets. La seconde, que Hobbes a retrouvée dans les écrits antiques grecs et latins, concernait le Commonwealth, le corps social que les individus avaient créé en s’associant pour assurer leur sécurité36. Cette opposition entre deux conceptions de la liberté, l’une plus individuelle, l’autre plus collective, fut ensuite reprise sous différentes formes par plusieurs auteurs, tout au long du siècle des Lumières. Jean Louis De Lolme (1740–1806) l’a reprise dans son commentaire sur la constitution anglaise. Jean-Jacques Rousseau (1712–1778) a continuellement fait appel à l’exemple des Anciens (liberté du Commonwealth). Madame de Staël (1766–1817) l’a aussi évoquée dans un essai rédigé en 1798 sur les moyens d’en finir avec les excès de la Révolution. De son côté, Charles-Louis de Secondat, baron de Montesquieu (1689– 1755), a présenté ces deux types de liberté en étudiant les formes de gouvernement qui permettaient de les institutionnaliser37. C’est néanmoins Benjamin Constant (1767–1830) qui fit la meilleure présentation de cette opposition lors d’un discours intitulé De la liberté des anciens comparée à celle des modernes, prononcé à l’Athénée royal de Paris en 181938. Si Constant était un homme passionné de liberté, il était dégoûté des excès révolutionnaires. Dans son discours de 1819, il cherchait à démontrer la contradiction fondamentale existant entre deux formes distinctes de liberté afin que la condamnation de l’une de ces formes ne se traduise pas par la condamnation de la liberté elle-même. Ainsi, il accusait la remise à l’ordre du jour de la « liberté des anciens » d’être responsable des révolutions, des crimes des jacobins et des maux qui avaient affligé l’Europe au cours des trente années précédentes (1789–1819). Selon lui, cette liberté se résumait à la participation de tous les citoyens au pouvoir politique : « le but des anciens était le partage du pouvoir social entre tous les citoyens d’une même patrie. C’était là ce qu’ils nommaient liberté39 ». En contrepartie, les citoyens « admettaient, comme compatible avec cette liberté, l’assujettissement complet de l’individu à l’autorité de l’ensemble40 ». Suivant cette conception de la liberté, l’individu ne jouissait d’aucune indépendance. Il était dominé par le corps social. Inversement, Constant prit la défense de la « liberté des modernes », une forme de liberté conçue et développée aux xvii e et xviii e siècles. Cette liberté impliquait l’autonomie des individus et se résumait à la jouissance de droits individuels. Pour un moderne, la liberté
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c’est pour chacun le droit de n’être soumis qu’aux lois, de ne pouvoir ni être arrêté, ni détenu, ni mis à mort, ni maltraité d’aucune manière, par l’effet de la volonté arbitraire d’un ou de plusieurs individus. C’est pour chacun le droit de dire son opinion, de choisir son industrie et de l’exercer ; de disposer de sa propriété, d’en abuser même ; d’aller, de venir, sans en obtenir la permission, et sans rendre compte de ses motifs ou de ses démarches. C’est, pour chacun, le droit de se réunir à d’autres individus, soit pour conférer sur ses intérêts, soit pour professer le culte que lui et ses associés préfèrent, soit simplement pour remplir ses jours et ses heures d’une manière plus conforme à ses inclinations, à ses fantaisies41. Dans ce cadre, un individu était libre s’il pouvait agir au sein de la société comme bon lui semblait, selon ses goûts et ses intérêts. Selon Constant, cette liberté correspondait davantage à l’état du monde au xix e siècle. Contrairement aux citoyens des républiques antiques, les individus dans le monde moderne ne pouvaient voir leur part d’influence dans la souveraineté étant donné la grandeur des États. En compensation, ils pouvaient jouir de droits privés : « Notre liberté, à nous, doit se composer de la jouissance paisible de l’indépendance privée.42 » Ce n’est pas que Constant désapprouvait la participation des citoyens à la vie politique. Au contraire. Il faisait même de la participation un droit des citoyens. Cependant, cette participation à la vie politique devait être subordonnée à la jouissance des droits individuels dont elle était le garant. Au cours de la seconde moitié au xix e siècle, plusieurs ont cru que l’avènement de la « démocratie libérale » avait résolu cette opposition entre la liberté des anciens et celle des modernes. À ce moment, démocratie et autonomie individuelle semblaient aller de pair. Être libre signifiait à la fois participer à la vie politique de l’État et jouir d’une certaine autonomie par rapport aux autres individus et à l’État. Bien que cette idée n’ait jamais fait l’unanimité, elle a été et est encore influente en Occident. Lors de son discours inaugural prononcé à Oxford en 1958, le philosophe Isaiah Berlin a néanmoins réactualisé l’idée selon laquelle il existait en Occident deux formes distinctes de liberté. Selon lui, il y avait bel et bien eu, et il y avait encore, une distinction à faire entre la liberté négative et la liberté positive. La première concernait l’autonomie accordée aux individus dans la société (freedom from) ;
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la seconde, la capacité des individus d’être leur propre maître (freedom to)43. Si cette opposition entre liberté négative et liberté positive, ou encore la définition attribuée à chacune de ces libertés, n’a pas fait l’unanimité, elle a néanmoins remis à la mode l’idée qu’il existait plus d’une définition de la liberté dans le monde occidental depuis le xvii e siècle44.
l ibe rt é ré p u bl i cai n e co n tr e l i be rt é mo d e rn e L’opposition présentée par Constant, entre la liberté des anciens et celle des modernes, est un bon point de départ pour repenser les idéologies existant au xviii e siècle dans la mesure où elle se superpose à l’opposition entre le républicanisme et le commercialisme, tout en la modernisant. Le recadrage de ces deux idéologies, à partir de la liberté des anciens et de la liberté des modernes, permet de créer une grille interprétative flexible de l’histoire intellectuelle du monde atlantique des xviii e et xix e siècles, libérée de son contexte d’émergence. Cette grille interprétative, basée sur le principe de liberté, permet ainsi d’expliquer, du moins en partie, plusieurs querelles de la fin du xviii e siècle qui opposaient des défenseurs de la liberté. Elle peut éclairer l’opposition entre Jean-Jacques Rousseau et Voltaire, entre les whigs et les radicaux britanniques au moment des révolutions américaine et française, entre les anglomanes et les américanistes en France durant les années 1780, ainsi qu’entre les républicains jeffersoniens et les fédéralistes hamiltoniens aux États-Unis entre 1787 et 1815, pour ne donner que quelques exemples45. Toutes ces querelles opposaient les tenants de deux concepts concurrents et souvent contradictoires de la liberté : la liberté républicaine et la liberté moderne. Parmi les adeptes de la liberté républicaine, on retrouve divers penseurs qui faisaient de la participation politique le premier élément de leur définition de la liberté. Pensons aux Commonwealthmen anglais du xvii e siècle, comme John Milton (1608–1674), James Harrington (1611–1677), Marchamont Needham (1620–1678), Henry Neville (1620–1694) et Algernon Sidney (1622–1683) ; au défenseur des idées « country » Henry Saint John, vicomte Bolingbroke (1678–1751) ; aux radicaux anglais tels Richard Price (1723–1791), Joseph Priestley (1733–1804), Thomas Paine (1737–1809), James Mackintosh (1765–1832) et Mary Wollstonecraft (1759–1797) ; aux
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girondins français comme Jacques-Pierre Brissot (1754–1793), Olympe de Gouges (1748–1793) et Antoine de Condorcet (1743– 1794) ; aux républicains américains comme Thomas Jefferson (1743– 1826). Plus radicaux dans leur conception du monde, les républicains français tels Gabriel Bonnot, l’abbé de Mably (1709–1785), JeanJacques Rousseau (1712–1778), Jean-Paul Marat (1743–1793) et Maximilien Robespierre (1743–1794) ont poussé cette conception jusqu’à son extrême. Bien que ces penseurs aient partagé la même idée de ce qu’était la liberté, ils ne s’accordaient pas toujours sur ses implications politiques et pratiques. Certains étaient ouverts aux compromis, d’autres, moins. Certains étaient modérés, d’autres, extrémistes. L’opposition entre les divers courants républicains a même parfois pris l’allure d’une lutte à finir, pensons à la confrontation durant la Révolution française entre les girondins (dirigés par Brissot) et les montagnards (incluant les jacobins dirigés par Robespierre) qui s’est terminée par la liquidation des premiers en octobre 1793. Le contexte dans lequel les discours républicains ont été articulés a aussi influé sur la mise en place des institutions et sur la vie politique. La comparaison entre la Révolution américaine et la Révolution française montre bien que l’adoption du cadre républicain par deux groupes distincts n’entraîne pas nécessairement les mêmes résultats. La forme de l’État préexistant, la culture politique ambiante, l’existence d’une menace intérieure ou extérieure, réelle ou perçue, ont généralement forcé l’adaptation de la rhétorique et de la politique républicaines. Néanmoins, tous les républicains partageaient un idéal commun : vivre dans une république. Face aux républicains, d’autres penseurs ont développé une conception moderne de la liberté. Cette conception a pris forme au xvii e siècle en Angleterre. Elle se résumait en l’existence de certains droits individuels inaliénables, présentés de différentes façons : droits naturels, droits sacrés ou droits de naissance. Ces droits étaient inaliénables parce qu’ils découlaient de la nature même de l’être humain. Parmi les théoriciens de la liberté moderne, nous retrouvons la première génération des Lumières, incluant John Locke (1632–1704)46, Voltaire (1694–1778), Montesquieu (1689–1755) et le chevalier Louis de Jaucourt (1704-1780) ; les admirateurs de la constitution britannique comme sir William Blackstone (1723–1780) et JeanLouis De Lolme (1740-1806) ; les penseurs écossais dont Adam Smith (1723–1790) ; certains physiocrates français d’avant la
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Révolution américaine comme François Quesnay (1694–1774), Jacques Turgot (1727–1781) et Mercier de la Rivière (1719-1801)47 ; les Whigs anglais, aussi bien Charles James Fox (1749–1806) qu’Edmund Burke (1729–1797) et ses disciples conservateurs ; les anglomanes français comme Jean-Joseph Mounier (1758–1806), Stanislas de Clermont-Tonnerre (1757–1792) et Trophime-Gérard de Lally-Tolendal (1751–1830) ; et enfin les fédéralistes américains tels qu’Alexander Hamilton (1755–1804) et John Adams (1735– 1826). Étant donné que la Grande-Bretagne était le seul État qui trouvait sa légitimité dans cette conception de la liberté au xviii e siècle, les tenants de la liberté moderne admiraient généralement la constitution britannique, à l’exception des physiocrates français qui lui ont longtemps préféré le despotisme légal, avant de basculer, pour certains dont Turgot, dans le camp républicain. Comme c’était le cas pour les républicains, les modernes ne s’entendaient pas toujours sur l’application pratique de cette liberté. L’opposition entre Charles James Fox et Edmund Burke durant la Révolution française ou celle entre les whigs et les tories britanniques au xix e siècle montrent que tous les tenants de la liberté moderne n’étaient pas toujours des alliés politiques. Bien qu’il ait normalement été plus facile aux intellectuels et aux politiciens de s’entendre avec ceux qui partageaient la même définition de la liberté, il est parfois arrivé que des groupes partageant deux conceptions différentes aient collaboré. Pensons à la collaboration entre les anglomanes et les américanistes français dans les premiers mois de la Révolution française ou à celle entre les whigs et les radicaux anglais dans la décennie 1830 au Royaume-Uni. Malgré tout, ces collaborations ne furent pas très fréquentes puisqu’elles s’expliquaient par la présence d’un ennemi commun. Elles apparaissaient alors comme un moindre mal. Une fois l’ennemi commun victorieux ou vaincu, elles ne duraient guère. Liberté et égalité Au plan des principes, la liberté républicaine était liée de très près à la notion d’égalité des citoyens. Cette égalité était aussi bien morale et légale que sociale et économique48. Elle affirmait d’abord l’égalité naturelle de tous les individus. Cette reconnaissance était fondamentale puisque seuls des égaux pouvaient participer au pouvoir politique et, ce faisant, être libres. L’égalité républicaine avait aussi une valeur
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légale puisque tous les individus devaient jouir des mêmes droits et être soumis aux mêmes lois pour être libres. Enfin, cette égalité était aussi économique et sociale. Elle reposait sur l’idée que la richesse d’un petit nombre d’individus menaçait les fondements de la société en minant la liberté politique. Si les défenseurs de cette forme de liberté ne rejetaient pas le droit à la propriété, ils en faisaient un droit civil (et non naturel) : « The very idea of property, or right of any kind, is founded upon a regard to the general good of the society, under whose protection it is enjoyed ; and nothing is properly a man’s own, but what general rules, which have for their object the good of the whole, give to him [...]49 ». Dans ce contexte, il était nécessaire d’encadrer la propriété suivant la volonté générale. Comme l’écrit Rousseau : ma pensée, qui n’est pas de détruire absolument la propriété particulière parce que cela est impossible mais de la renfermer dans les plus étroites bornes, de lui donner une mesure, [une] règle, un frein qui la contienne, qui la dirige, qui la subjugue et la tienne toujours subordonnée au bien public. Je veux en un mot que la propriété de l’état soit aussi grande, aussi forte et celle des citoyens aussi petite, aussi foible [sic] qu’il est possible50. Le but des républicains n’était donc pas de faire disparaître la propriété privée, mais de diminuer les écarts de fortune. De leur côté, si les modernes ne rejetaient pas l’idée d’égalité, ils ne lui donnaient qu’une définition juridique qui n’entraînait aucun nivellement social. C’est ce qu’on peut voir dans ce passage tiré de l’Encyclopédie et signé par le chevalier Louis de Jaucourt, dont la vision est représentative de la pensée des défenseurs de la liberté moderne : qu’on ne me fasse pas le tort de supposer que par un esprit de fanatisme, j’approuvasse dans un état cette chimère de l’égalité absolue, que peut à peine enfanter une république idéale ; je ne parle ici que de l’égalité naturelle des hommes ; je connais trop la nécessité des conditions différentes, des grades, des honneurs, des distinctions, des prérogatives, des subordinations, qui doivent régner dans tous les gouvernements ; et j’ajoute même que l’égalité naturelle ou morale n’y est point opposée51.
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À l’égalité républicaine qui menaçait les fondements de la société, les modernes opposaient deux droits naturels : la propriété et la sécurité52. Puisque tous les êtres étaient libres, il s’ensuivait que chacun devait pouvoir travailler librement et que le fruit de son travail devait lui appartenir en propre. La liberté des individus impliquait donc leur droit à la propriété. L’inégalité de fait entre les individus s’expliquait alors par le droit inaliénable de chaque individu de travailler et de conserver le fruit de son labeur. Comme Adam Smith l’a affirmé, « the property which every man has in his own labour, as it is the original foundation of all other property, […] is the most sacred and inviolable53 ». L’inégalité des conditions, anathème pour les républicains, était donc parfaitement acceptable pour les modernes. Sans compter que l’inégalité des fortunes était non seulement le résultat d’une liberté bien employée, mais également une condition pour la prospérité et le progrès de la société dans son ensemble. L’importance accordée à l’appropriation et à l’accumulation de biens par les tenants de la liberté moderne allait de pair avec le droit à la sécurité, aussi bien des personnes que de leurs biens54. En fait, la relation entre la liberté, la propriété et la sécurité était tellement forte et fondamentale pour les tenants de la liberté moderne qu’ils les confondaient parfois. C’est le cas de Montesquieu qui a écrit que « la liberté politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté [...]55 ». Il a plus tard ajouté que « la liberté politique consiste dans la sûreté, ou du moins dans l’opinion que l’on a de sa sûreté56 ». Dans cette optique, c’est à l’État que revenait le rôle d’assurer la sécurité des personnes et des biens. Vertu contre richesse Non seulement les deux concepts de liberté n’étaient pas fondés sur les mêmes principes, mais ils reposaient sur deux façons de concevoir l’ordre social. Les défenseurs de la liberté républicaine articulaient, à partir des notions de liberté et d’égalité, une éthique de la vertu. Ils empruntaient alors ce terme au vocabulaire des Commonwealthmen du xvii e siècle. Pour être libres, les individus ne devaient pas seulement être égaux. Ils devaient aussi être indépendants les uns des autres. La vertu à laquelle les citoyens devaient aspirer était double. D’une part, il s’agissait d’une indépendance pratique, personne ne
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devant subir l’autorité d’un autre. Afin de réaliser cet objectif, les tenants de la liberté républicaine promouvaient une société basée sur la petite propriété terrienne et l’agriculture. L’État dont ils rêvaient était ainsi formé de petits propriétaires indépendants les uns des autres. Dans le discours républicain, la propriété était généralement présentée comme un droit naturel sacré. Toutefois, ce droit faisait d’abord et avant tout référence à la petite propriété immobilière, qui permettait l’égalité entre les citoyens, et non à l’accumulation inconsidérée de richesses, responsable des inégalités sociales. Dans ce contexte, l’agriculture était présentée comme l’activité économique par excellence dans la république. L’agriculture présentait un double avantage. Elle assurait l’égalité des individus et leur indépendance tout en encourageant les cultivateurs à la frugalité et à la simplicité, deux valeurs républicaines inhérentes au concept de vertu. Le citoyen était donc indépendant s’il était propriétaire de sa terre et s’il se contentait de la vie simple que sa terre pouvait lui procurer. La vertu républicaine allait donc de pair avec un idéal agriculturiste. Comme le dit Rousseau, « il vaut mieux, croyez-moi, vivre dans l’abondance que dans l’opulence ; soyez mieux que pécunieux, soyez riches. Cultivez bien vos champs, sans vous soucier du reste, bientot [sic] vous moissonnerez de l’or [...]57 ». Parce que ce système économique permettait l’indépendance, encourageait la frugalité et maintenait l’égalité des citoyens, il était le seul qui produisait la liberté. Ce n’était pas que les républicains s’opposaient nécessairement au commerce, mais ils soumettaient généralement cette activité à l’agriculture. D’autre part, l’indépendance dont il est question était également politique. Les individus ne devaient pas être corrompus par les politiciens, se vendre au plus offrant. Ils devaient toujours préférer l’intérêt général à leurs intérêts particuliers, deux types d’intérêts que les républicains définissaient comme diamétralement opposés, tel que nous le rappelle Robespierre : « les longues convulsions qui déchirent les États ne sont que le combat des préjugés contre les principes, de l’égoïsme contre l’intérêt général [...]58 ». Dans le cas d’une opposition entre ces deux intérêts, le bien général devait triompher étant donné que « the happiness of the whole community is the ultimate end of government [...], and all claims of individuals inconsistent with the public good are absolutely null and void [...]59 ». En somme, la vertu républicaine était synonyme à la fois d’indépendance économique et d’indépendance politique. Elle avait
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comme corollaire le patriotisme, le citoyen devant toujours faire passer l’intérêt de la collectivité avant le sien. À l’inverse, les modernes ont développé une éthique de l’accumulation et de l’enrichissement personnel. L’accumulation des propriétés était le signe visible d’un usage sain de la liberté. L’exemple le plus extrême de cette éthique de l’enrichissement nous a été donné par Bernard Mandeville (1670-1733) dans The Fable of the Bees, or, Private Vices, Public Benefits (1723–1728). Dans son ouvrage, Mandeville soutenait que la société prospérait grâce au luxe déployé par les riches, même si ce luxe constituait un vice du point de vue moral. Tous n’étaient pas aussi extrêmes dans leur vision des choses. Néanmoins, contrairement aux républicains, les modernes ne voyaient pas d’opposition fondamentale entre l’intérêt général et les intérêts particuliers. Au contraire, ils soutenaient que l’intérêt général n’était que la somme des intérêts particuliers légitimes. Pour rendre tous les intérêts personnels complémentaires, les modernes limitaient, encadraient et circonscrivaient la liberté des individus, c’est-à-dire leurs droits naturels, de manière à ce que personne ne puisse nuire à personne. À la vertu républicaine, les modernes opposaient la raison, par laquelle les individus pouvaient connaître l’étendue et les limites de leur propre liberté. C’était donc en limitant la liberté des individus par la raison que les penseurs modernes rendaient tous les intérêts particuliers compatibles. La souveraineté du peuple républicain Les différences entre les principes républicains et modernes avaient d’importantes répercussions sur l’organisation de l’État. L’adhésion aux principes républicains ou modernes conditionnait la définition de la souveraineté. Cette question est fondamentale à toute discussion portant sur la liberté puisque celle-ci concerne à la fois la part d’autonomie des individus au sein de la société et la nature des relations de pouvoir auxquelles ils sont soumis au sein de l’État. Le concept de souveraineté est ambigu en ce qu’il recoupe au moins trois questions distinctes. La souveraineté peut être comprise à la fois comme synonyme d’autorité suprême dans l’État, d’indépendance politique ou encore de division des pouvoirs entre divers niveaux de gouvernement au sein d’une fédération60. Pour notre part, nous abordons la souveraineté d’abord et avant tout comme étant la source suprême de l’autorité de l’État, la qualité de la liberté des
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individus étant non seulement tributaire des droits qui leur sont reconnus, mais également de la nature du pouvoir souverain auquel ils sont soumis. Puisque les républicains structuraient la vie en société autour de l’égalité des citoyens, de leur indépendance et de leur participation au pouvoir, il en résultait que la souveraineté ne pouvait appartenir à personne en particulier, mais au peuple, ou à la nation, dans sa totalité61. Tous les tenants de la liberté républicaine défendaient donc cette forme de souveraineté populaire ou nationale. Rousseau est même allé jusqu’à soutenir que le contrat social se résumait à une seule clause, à « savoir l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté ». Suivant cette logique, il a affirmé que « chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout62 ». Si tous les défenseurs de la liberté républicaine n’étaient pas aussi catégoriques que le citoyen de Genève, il n’en demeure pas moins qu’ils considéraient tous que le peuple était la source de l’autorité légitime63. Sa volonté devait faire loi dans la république. Ainsi est-ce sur cette forme de souveraineté que la constitution des États-Unis d’Amérique (1787) et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) reposent. Il faut toutefois faire attention au concept de « peuple » dans la rhétorique de la liberté républicaine. Le peuple souverain dont il est question n’était pas la somme des individus habitant sur le territoire. Il était plutôt une construction intellectuelle, une réalité métaphysique, une fiction légale64 qui justifiait le pouvoir et qui servait à articuler et à légitimer toutes les institutions politiques au sein de la république. Comme l’a souligné Edmund S. Morgan, « the success of government [...] requires the acceptance of fictions, requires the willing suspension of disbelief, requires us to believe that the emperor is clothed even though we can see that he is not65 ». Le peuple qui justifiait les républiques était l’une de ces fictions. Cette fiction était fondamentale au discours de la liberté républicaine puisqu’elle était la clé permettant d’articuler et de comprendre l’organisation de la république. Le peuple était donc à la république ce que Dieu était aux monarchies absolues : la fiction qui légitimait le pouvoir. Dans ce contexte, et comme le rappelait Rousseau, il n’y avait pas nécessairement corrélation entre l’ensemble des électeurs et le peuple,
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entre la volonté de la majorité (somme des individus ou des intérêts) et la volonté générale (le peuple) : « il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne regarde qu’à l’intérêt commun, l’autre regarde à l’intérêt privé, et n’est que la somme des volontés particulières [...]66 ». Il pouvait même arriver, selon les républicains, qu’il y ait opposition entre la volonté du peuple et la volonté de la majorité des habitants d’un territoire. Dans ce cas, Rousseau soutenait qu’un législateur, tel Lycurge à Spartes, devait guider la volonté générale. Ainsi, Robespierre pouvait justifier la dictature jacobine et légitimer la Terreur en se réclamant du bien de la nation, en se présentant comme le législateur devant faire taire les intérêts privés et faire triompher l’intérêt général. Tous ces principes politiques devaient s’incarner dans la république, un État fondé sur la souveraineté du peuple et dont l’objectif était de satisfaire le bien commun. Les citoyens d’une république étaient libres lorsqu’ils participaient au pouvoir législatif. La liberté républicaine était donc une liberté citoyenne. Néanmoins, puisque les républiques modernes étaient trop grandes pour permettre l’expression directe des membres de la société, les républicains ont adopté un certain principe de représentation afin de permettre une participation active des citoyens à la vie politique. Pour que la représentation soit réelle, certaines règles s’appliquaient : First, the representation must be complete. No state, a part of which only is represented in the Legislature that governs it, is self-governed. [...] Secondly, the representatives of a free state must be freely chosen. [...] Thirdly, after being freely chosen they must be themselves free. [...] Fourthly, they must be chosen for short terms and, in all their acts, be accountable to their constituents. [...] With respect, in particular, to a government by representation, it is evident that it deviates more or less from liberty in proportion as the representation is more or less imperfect67. Il s’agissait alors « d’assujetir les représentans à suivre exactement leurs instructions et à rendre un compte sévère à leurs constitutans de leur conduite à la Diète68 ». En ce sens, les représentants étaient les ambassadeurs de leurs commettants69. Il est aujourd’hui de mise d’opposer république et monarchie, puisqu’une république repose théoriquement sur la souveraineté du
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peuple, alors que la monarchie repose sur celle du roi. Il est vrai que les principes républicains, tels qu’ils avaient cours au xviii e siècle, ne pouvaient s’accommoder de la souveraineté du roi telle que définie par Louis xv lors de la Séance de la flagellation au Parlement de Paris, le 3 mars 1766. À ce moment, le roi avait affirmé : « c’est en ma personne seule que réside la puissance souveraine, [...] c’est à moi seul qu’appartient le pouvoir législatif sans dépendance et sans partage [...]70 ». Néanmoins, ce n’était pas tant la monarchie qui posait problème aux républicains que l’absolutisme monarchique. Si le pouvoir du roi se limitait au pouvoir exécutif, les républicains pouvaient le tolérer, voire le défendre. Comme le disait Rousseau, une république pouvait avoir « quelque forme d’administration [...]71 ». C’était la souveraineté du peuple exprimée par la voix du pouvoir législatif qui était essentielle à la république, non la forme donnée au pouvoir exécutif. Plusieurs républicains des xvii e et xviii e siècles s’inspiraient d’ailleurs du Grec Polybe et de sa théorie du gouvernement mixte, où monarchie, aristocratie et démocratie se complétaient. C’était le cas pour James Harrington, Jean-Jacques Rousseau et les rebelles américains72. Néanmoins, dans tous ces cas, le rôle confié à l’aristocratie et à la monarchie était consultatif ou strictement lié au pouvoir exécutif. De leur côté, les républicains et les révolutionnaires français ont tenté, entre 1789 et 1792, de restructurer les institutions politiques françaises de manière à concilier leurs principes républicains, incluant la souveraineté de la nation, et l’existence de la monarchie capétienne, ce qui a créé toutes sortes de problèmes73. Ils ont finalement abandonné, à la fin du xviii e siècle, cette idée d’un gouvernement mixte républicain ou d’une monarchie républicaine. Cette idée est alors devenue l’apanage des défenseurs de la liberté moderne. La souveraineté du Parlement Les modernes concevaient leur État différemment. Étant donné que leur principal but était d’assurer aux individus la jouissance de leurs droits naturels, ils ne se sont guère attardés à la question de la souveraineté. D’abord, ils se méfiaient de l’idée de souveraineté, la craignaient même, puisqu’elle menaçait directement l’autonomie des individus. Ils ne reconnaissaient donc pas nécessairement la souveraineté du peuple. Plutôt que de confier la souveraineté à la fiction univoque du « peuple », ils la confiaient à une institution dont la constitution
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reposait sur sa division interne. Ils croyaient de cette manière éviter la tyrannie de l’État. Dans le cas anglais, il était question de la souveraineté du Parlement composé du monarque (monarchie), des Lords (aristocratie) et des Communes (démocratie). Puisque les trois composantes du Parlement tiraient leur légitimité de sources distinctes et qu’elles avaient des intérêts différents, elles ne pouvaient théoriquement s’unir dans le but de détruire la liberté individuelle. Le peuple représenté par le Parlement ne constituait donc pas la même fiction intellectuelle que le peuple républicain. Si celui-ci était un, indivisible et univoque, le peuple représenté par le Parlement était la somme de la monarchie, de l’aristocratie et de la démocratie. La voix des représentants de la population en général ne comptait donc que pour un tiers au Parlement. Autrement dit, l’État moderne était organisé autour de la conception de l’équilibre des forces et des pouvoirs au sein du pouvoir souverain, ce que les modernes appelaient le gouvernement mixte. Les républicains ayant abandonné cette idée du gouvernement mixte à la fin du xviii e siècle, nous réservons cette expression pour désigner la forme de gouvernement défendue par les partisans de la liberté moderne. Dans le cas canadien, ce sont uniquement les constitutionnels qui défendent cette forme de gouvernement. Deuxièmement, contrairement aux républicains qui structuraient l’État autour du pouvoir législatif par lequel le peuple souverain s’exprimait, les modernes ne voulaient pas assujettir le pouvoir exécutif au pouvoir législatif. Leur système de gouvernement mixte établissait plutôt un rapport de force entre ces deux pouvoirs, même si c’était le pouvoir législatif – le Parlement – qui était souverain. Dans les faits, les modernes voulaient assurer l’autonomie des individus en faisant du pouvoir exécutif le gardien de la liberté. Ils centraient leur réflexion sur le pouvoir exécutif, qui seul pouvait garantir la sécurité au sein de la société et participer à son développement. Le pouvoir législatif devait simplement contrôler le pouvoir exécutif pour l’empêcher d’outrepasser ses droits et d’envahir l’autonomie individuelle. Le pouvoir judiciaire jouait un rôle analogue. C’est ce que Montesquieu voulait dire lorsqu’il a écrit : « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir74 ». Puisque le Parlement était à la fois la source de la souveraineté et le détenteur du pouvoir législatif, il s’ensuivait que les modernes fondaient leur État non pas sur la souveraineté populaire, mais sur
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la primauté du droit. Alors qu’une loi républicaine légitimement adoptée par le Souverain représentait l’expression de la volonté univoque du peuple, la loi moderne tirait sa légitimité de son adoption par le Parlement, dont la volonté représentait celle de la somme de divers intérêts. Alors qu’il n’y avait pas de limites objectives à la loi républicaine, une loi du Parlement n’était légitime que si elle respectait la liberté des individus. Il existait, selon les modernes, trois garanties de la légitimité des lois du Parlement. Premièrement, le Parlement ne pouvait brimer les droits sacrés des individus, car l’adoption d’une loi demandait l’accord des trois ordres de la société (monarchie, aristocratie et démocratie). Or, ces trois ordres n’avaient pas les mêmes intérêts. Ils ne pouvaient donc collaborer dans une entreprise visant à brimer la liberté individuelle. Deuxièmement, puisque la liberté des individus était raisonnable, les lois étaient vues comme l’expression collective de la raison, par laquelle la liberté était possible. La loi permettait donc la liberté dans le cadre social. D’ailleurs, Locke et Blackstone ont tous deux assimilé la liberté à la loi, jugeant que « where there is no law there is no freedom [...]75 ». C’était pour garantir l’aspect raisonnable de la loi que la majorité des modernes ont fait appel à la représentation. C’est par elle que les modernes transposaient l’idéal de la liberté individuelle dans le cadre collectif. Le self-government collectif garantissait à la société que les lois allaient être basées sur la raison, et non sur les préjugés de quelques individus. Troisièmement, le pouvoir judiciaire pouvait invalider une loi qui brimait les droits fondamentaux des individus. Cette dernière limite n’existait toutefois pas en Grande-Bretagne où le Parlement était tout-puissant. Les fédéralistes américains ont cependant donné à la Cour suprême des États-Unis le rôle de garantir la constitutionnalité des lois adoptées par le pouvoir législatif76. Parce que la participation, selon les modernes, n’était pas l’élément fondamental de la liberté, ceux-ci concevaient la représentation d’une manière très différente par rapport aux républicains. Les représentants élus ne devaient pas être assujettis à leurs électeurs. Ils en étaient plutôt les fiduciaires : it ought to be the happiness and glory of a Representative, to live in the strictest union, the closest correspondence, and the most unreserved communication with his constituents. [...] But, his unbiased opinion, his mature judgement, his enlightened conscience, he ought not to sacrifice to you ; to any man,
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or any sett [sic] of men living.[...] Your Representative owes you, not his industry only, but his judgement ; and he betrays, instead of serving you, if he sacrifices it to your opinion. [...] Parliament is not a Congress of Ambassadors from different and hostile interests ; [...] but Parliament is a deliberative Assembly of one Nation, with one Interest, that of the whole ; where, not local Purposes, not local Prejudices ought to guide, but the general Good, resulting from the general Reason of the whole. You chuse [sic] a Member indeed ; but when you have chosen him, he is not Member of Bristol, but he is a Member of Parliament77. Un député n’était donc pas élu pour représenter l’opinion de ses électeurs, mais pour penser et prendre des décisions à leur place. Droits civils et droits politiques Une dernière différence fondamentale entre les promoteurs de la liberté républicaine et les défenseurs de la liberté moderne se trouvait dans le rapport existant entre droits civils et droits politiques. Il faut d’abord éviter d’assimiler simplement la liberté républicaine à la défense de la liberté politique, et la liberté moderne à celle des libertés civiles. Le rapport entre ces libertés était beaucoup plus complexe. Sur cette question, les républicains se divisaient en deux camps. Certains républicains – pensons à l’abbé de Mably ou à Jean-Jacques Rousseau – faisaient peu de cas des droits civils des individus, tandis que d’autres leur accordaient plus d’importance. La rhétorique de ces derniers auteurs était même parfois structurée de manière à ce qu’il soit presque impossible de clairement séparer liberté politique et libertés civiles. Il en était ainsi des écrits de Richard Price et de Joseph Priestley, par exemple. Généralement, la complémentarité entre la liberté politique et les libertés civiles était au cœur du discours républicain dans le monde anglo-américain. Néanmoins, tous les républicains soutenaient que les droits des individus ne pouvaient être plus importants que la volonté du peuple car, autrement, la volonté du peuple ne serait pas souveraine. Il s’ensuivait que les droits des individus étaient conventionnels parce que consentis aux citoyens par la volonté du peuple. Cela ne revenait pas à dire que les citoyens d’une république ne pouvaient jouir de droits reconnus comme « naturels ». Toutefois, la priorité était accordée à la liberté
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politique. Price a ainsi affirmé que : « a distinction should be made between the liberty of a state, and its not suffering oppression, or between a free government and a government under which freedom is enjoyed. Under the most despotic government liberty may happen to be enjoyed78 ». Paine a, de son côté, replacé la question des libertés civiles dans un cadre historique. Il a expliqué que l’homme possédait des droits dans l’état de nature. Il était donc clair que « man did not enter into society to become worse than he was before, not to have fewer rights than he had before, but to have those rights better secured79 ». L’entrée en société a toutefois modifié l’essence des droits naturels. De sacrés et inviolables, ils sont devenus conventionnels. Ses droits lui appartenaient donc non pas parce qu’il était un individu, comme dans le cas de la liberté moderne, mais parce que le corps politique les reconnaissait, car telle était la volonté du peuple souverain. Enfin, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirmait l’existence de plusieurs droits individuels : l’égalité (art.1), la liberté, la propriété, la sécurité et la résistance à l’oppression (art.2). On notera néanmoins que ces droits étaient reconnus par l’Assemblée nationale qui a adopté la Déclaration. Par la même occasion, l’Assemblée a reconnu la nation comme source de la souveraineté (art.3) et a affirmé que la loi était « l’expression de la volonté générale » (art.6). Bref, la liberté politique et les libertés civiles se complétaient généralement dans le discours de la liberté républicaine, la première reconnaissant ou octroyant les secondes. Inversement, les défenseurs de la liberté moderne accordaient la primauté aux droits individuels (libertés civiles) et non à la participation des citoyens à la vie politique (liberté politique). Certains défenseurs de la liberté moderne faisaient d’ailleurs peu de cas de la liberté politique. Voltaire s’accommodait aussi bien de la monarchie française et de l’absolutisme prussien que du régime constitutionnel anglais. De leur côté, les physiocrates, qui assimilaient le bien de la société à la liberté du commerce, ont défendu le despotisme légal jusqu’en 1776, au moment où Louis xvi a renvoyé Turgot de son poste de contrôleur général des finances. Quant à De Lolme, Diderot, D’Alembert et autres philosophes, ils admiraient les despotes éclairés comme Catherine II et Frédéric II80. Plus tard, au xixe siècle, certains penseurs français ont même adopté un discours libéral aristocratique rejetant l’importance accordée à la participation
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politique des sujets en France81. Néanmoins, la plupart des modernes des xviii e et xix e siècles voulaient jouir à la fois des libertés civiles et de la liberté politique. Comme l’a dit Benjamin Constant, « ce n’est point à la liberté politique que je veux renoncer ; c’est la liberté civile que je réclame avec d’autres formes de liberté politique. » Selon lui, il ne s’agissait pas de choisir entre les deux formes de liberté puisque la participation garantissait les droits de l’individu : « la liberté individuelle [...] voilà la véritable liberté moderne. La liberté politique en est la garantie ; la liberté politique est par conséquent indispensable ». En fait, Constant considérait que renoncer à la liberté politique « serait une démence semblable à celle d’un homme, qui, sous prétexte qu’il n’habite qu’un premier étage, prétendrait bâtir sur le sable un édifice sans fondements. » Il a ainsi conclu son discours à l’Athénée royal de Paris en 1819 en affirmant : « loin donc, Messieurs, de renoncer à aucune des deux espèces de libertés [sic] dont je vous ai parlé [sic], il faut, je l’ai démontré, apprendre à les combiner l’une avec l’autre.82 » Ainsi, les défenseurs de la liberté moderne réclamaient généralement à la fois des libertés civiles et la liberté politique, bien que leur objectif ait été de s’assurer que les libertés civiles soient bien protégées par l’État grâce à la liberté politique83. En définitive, ce qui différenciait les républicains des modernes, ce n’était pas que les premiers défendaient uniquement la liberté politique alors que les seconds ne réclamaient que des droits individuels. C’était plutôt que les républicains accordaient la primauté à la liberté politique alors que les modernes lui préféraient les droits civils, encore que les deux groupes tentaient généralement de réconcilier les libertés politique et civiles. Dans l’ensemble, la liberté républicaine et la liberté moderne se répondaient donc. Cette opposition peut aisément se résumer dans un tableau (Tableau 1). Liberté républicaine et liberté moderne dans le cadre atlantique Ces deux conceptions de la liberté, impliquant deux formes d’État, ont inspiré les philosophes et les politiciens du monde atlantique au cours des xviie et xviiie siècles. La liberté républicaine était foncièrement subversive à cette époque puisqu’elle faisait de la volonté du peuple le fondement de l’État. Elle transférait la souveraineté d’un individu (Roi) ou d’une institution (Parlement) à une fiction intellectuelle (Peuple) qui s’exprimait par la voix de ceux qui s’en réclamaient. Puisque le peuple
Tableau 1 Comparaison entre la liberté républicaine et la liberté moderne (principes et institutions) Principes fondamentaux
Liberté républicaine
Liberté moderne
Penseurs / Philosophes
– Commonwealthmen (Harrington, Milton, Sidney) – Radicaux anglais (Price, Priestley, Wollstonecraft, Paine, Mackintosh) – Républicains américains (Jefferson) – Girondins français (Condorcet) – Républicains français (Rousseau, abbé de Mably, Sieyès, Robespierre)
– Première génération des Lumières (Locke, Voltaire, Montesquieu) – Les constitutionnalistes anglais ou anglophiles (Blackstone, De Lolme) – Whigs anglais (Fox, Burke, Russell) – Penseurs écossais (Smith) – Fédéralistes américains (Hamilton, Adams) – Libéraux français (Constant)
Définition fondamentale de la liberté
Participation à la vie publique (liberté politique)
Droits individuels (liberté civile)
La relation qui existe entre liberté politique (la participation des citoyens) et liberté civile (droits individuels)
Par la liberté politique, les citoyens s’octroient des libertés civiles
La liberté politique garantit les libertés civiles
Deux valeurs associées à la liberté
Égalité et communauté (fraternité)
Propriété et sécurité
L’organisation du pouvoir politique
Le pouvoir législatif est au cœur de la vie politique puisque la liberté se résume d’abord et avant tout à la participation des citoyens à la vie publique
Le pouvoir exécutif est très puissant et relativement autonome parce qu’il est la seule instance qui peut protéger la liberté individuelle
Souveraineté
Le Peuple
Le Parlement
Les députés représentent…
Les électeurs
La Nation
La base économique de la société
Agriculture
Commerce
Une éthique basée sur
L’indépendance des citoyens
L’accumulation de la richesse
Les relations internationales
L’indépendance des peuples
Possibilité de faire partie d’un empire
Rapport à l’État préexistant
Forme subversive et révolutionnaire de la liberté
Forme non-subversive de la liberté
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devait être souverain, il pouvait modifier à volonté sa forme de gouvernement. La liberté républicaine légitimait aisément les opposants à un régime qui ne faisait pas ouvertement appel à la souveraineté populaire. C’était cette idée du peuple souverain qui a justifié le Commonwealth anglais du xviie siècle. Plus encore, ce sont la liberté républicaine et le républicanisme qui ont permis de justifier intellectuellement les grandes révolutions américaine et européennes du xviiie siècle. Toutes ces révolutions s’étant abreuvées intellectuellement à la même source, il est à propos de parler d’un mouvement révolutionnaire atlantique, même si l’application des principes a grandement varié d’un État à l’autre. Inversement, la liberté moderne ne menaçait pas directement l’ordre politique établi et justifiait difficilement les révolutions puisqu’elle situait la liberté essentiellement hors de l’arène politique84. Aussi longtemps que le pouvoir ne limitait pas indûment la liberté civile (et cette liberté ne possédait pas de définition stricte, hormis quelques droits naturels), la révolution apparaissait injustifiable. La liberté moderne ne présentait donc pas d’arguments d’opposition très efficaces. Là se trouvait sa limite fondamentale : c’était une conception qui permettait les réformes à partir du pouvoir politique lui-même. Si elle a triomphé en Grande-Bretagne au xviii e siècle, c’était parce qu’elle pouvait justifier a posteriori la Glorieuse Révolution de 1688 et l’établissement du système whig85. Elle légitimait le pouvoir en place, non les mouvements de contestation. C’est la conception moderne de la liberté qui a inspiré la première génération des Lumières en France. Toutefois, son efficacité comme idée de contestation était plus ou moins nulle. Elle n’a pas permis aux adeptes de la liberté moderne de réaliser des gains importants au cours de la première moitié du siècle. Par exemple, la tolérance religieuse, acquise en Angleterre dès 1690, ne fut acquise en France qu’en 1787. Dans les Treize Colonies américaines, la liberté moderne n’a pas non plus permis aux coloniaux, à partir de 1765, de s’opposer efficacement aux politiques métropolitaines étant donné que la souveraineté du Parlement britannique sur les colonies était à la base de leur système politique. C’est donc en partie parce que la liberté moderne n’a pu influencer réellement la politique, au cours des deux premiers tiers du siècle des Lumières, que la liberté républicaine a repris sa place comme principale idéologie de contestation dans la seconde moitié du xviii e siècle. C’est elle qui a ébranlé le monde atlantique lors des révolutions de la fin du siècle. C’est elle qui a permis, expliqué et justifié les Révolutions atlantiques.
2 La liberté dans la Province de Québec à l’époque des Révolutions américaine et française (1776–1805) L’histoire du Canada s’inscrit dans le cadre du monde atlantique depuis le début de la colonisation européenne. L’Acadie et la NouvelleFrance, qui deviennent tour à tour la Nouvelle-Écosse et la Province de Québec, dépendent d’une métropole (la France, puis la GrandeBretagne). Elles sont gérées à l’avantage de celle-ci et administrées et peuplées par des gens qui en proviennent. La relation qui s’établit entre la métropole et les colonies n’est pas seulement d’ordre politique et économique. Elle est aussi culturelle et intellectuelle. Administrateurs ou colons, tous amènent avec eux leur système de valeurs, leur façon de comprendre les relations de pouvoir et les rapports sociaux ainsi que leurs pratiques culturelles. Ces systèmes de valeurs et leurs pratiques se perpétuent en partie grâce aux administrateurs qui imposent ou voient à l’application des édits, des ordonnances, des proclamations et des lois importés d’outreAtlantique. Le clergé travaille de son côté à conserver intactes les valeurs chrétiennes européennes auprès de ses ouailles. Dans la seconde moitié du xviiie siècle, des journaux sont fondés dans les colonies. Le premier journal établi dans la vallée du Saint-Laurent, The Quebec Gazette/La Gazette de Québec, paraît pour la première fois en juin 17641. La circulation des journaux, indigènes ou étrangers, et des livres permet aux élites coloniales de demeurer intellectuellement liées à l’Europe et aux autres colonies à la veille des Révolutions atlantiques. La Province de Québec ne peut donc pas éviter d’être touchée par la Révolution qui débute en 1776. Elle n’échappe pas à l’influence de la rhétorique révolutionnaire qui ébranle les couronnes et renverse l’ordre établi au nom de la liberté. D’abord, les écrits américains et
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français circulent dans la colonie. Ses frontières sont perméables aux idées concernant la liberté, telle que définie par les révolutionnaires2. Ensuite, à titre de colonie de l’Amérique du Nord britannique, la Province voit son destin lié à celui de l’Empire britannique qui inclut, jusqu’en 1783, les Treize Colonies américaines rebelles. Et c’est sans compter que la France, l’ancienne mère-patrie, est la principale rivale de la Grande-Bretagne à la fin du xviii e siècle. Bref, l’auraitelle voulu que l’élite coloniale n’aurait pu se soustraire totalement au débat sur la liberté, la légitimité de l’État et la nature des relations de pouvoir et des rapports sociaux. La Province de Québec puis les deux Canadas après 1791 ne se joignent finalement pas au mouvement révolutionnaire. La constitution de 1791 n’est pas influencée par les principes sous-jacents aux révolutions américaine et française. Néanmoins, ce n’est pas parce que la colonie ne se développe pas en suivant l’idéal révolutionnaire républicain que son évolution se fait en fonction d’un idéal contrerévolutionnaire ennemi de la liberté. Le concept de liberté est tout aussi fondamental dans le développement de la colonie qu’il l’est dans les républiques de la fin du xviii e siècle. Tout comme la liberté justifie et légitime l’État dans les nouvelles républiques, elle le fait aussi au Canada, bien que le concept de liberté à l’œuvre au Canada soit différent de celui qui anime les Révolutions atlantiques.
la libe rt é ré p u bl i cai n e au c a n a da ( 1775– 1791) La Province de Québec est directement touchée, dès le départ, par la Révolution américaine. En fait, elle entre en contact avec les insurgés américains avant la publication du Common Sense de Thomas Paine (janvier 1776), l’ouvrage républicain qui enflamme les Treize Colonies et qui les pousse à l’indépendance, et de la Déclaration d’indépendance du 4 juillet 17763. En octobre 1774 et de nouveau en mai 1775, le Congrès continental réuni à Philadelphie invite les Canadiens à joindre son mouvement de révolte. Devant leur inaction, les rebelles américains envahissent le sud de la colonie à l’automne 1775 et demandent aux Canadiens de collaborer avec eux. Deux lettres leur sont envoyées, dont une signée par George Washington. Les forces rebelles échouent cependant, en décembre, dans leur tentative de prendre Québec. Les troupes américaines se replient ensuite devant l’arrivée des
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Britanniques. Le Congrès a toutefois eu le temps d’envoyer un nouvel appel aux Canadiens en janvier 1776. Des émissaires, dont Benjamin Franklin, visitent aussi la colonie en avril-mai 17764. Bien que l’invasion américaine se solde par un échec, les idées qui justifient et légitiment la Révolution américaine circulent bel et bien dans la colonie avant juillet 1776. Le déclenchement officiel de la guerre d’Indépendance (1776) est accompagné au Québec d’un durcissement de l’attitude des autorités britanniques, dont celle du gouverneur Frederick Haldimand (1778– 1786) qui ne prise guère la dissidence. Les idées «républicaines» cessent alors de circuler officiellement dans la colonie et ce, même si l’imprimeur français Fleury Mesplet, venu au printemps 1775 afin d’y promouvoir les principes des insurgés américains, n’est pas retourné dans les Treize Colonies lors du repli progressif des forces rebelles. Il s’est plutôt installé à Montréal définitivement où il publie divers journaux jusqu’à sa mort en 1794. Malgré ses principes républicains, Mesplet évite d’aborder la situation politique en Amérique dans son premier journal, la Gazette du commerce et littéraire de Montréal (1778–1779)5. Mesplet et son journaliste Valentin Jautard s’engagent néanmoins dans une polémique philosophique autour des questions de tolérance et d’éducation6. Ils se permettent aussi de critiquer certains juges. Leurs écrits leur valent d’être arrêtés et emprisonnés en 1779. Sans procès, ils passent alors quelques années en prison. Dès lors, la question de la liberté n’est plus discutée dans la colonie puisque le seul autre journal, la Gazette de Québec, fondé en 1764, est soumis au gouvernement. Quelques années plus tard, c’est au tour de la Révolution française de marquer les esprits. L’annonce de la Révolution est généralement bien accueillie par les élites canadiennes7. Cet accueil n’a rien de surprenant : même les Britanniques se montrent initialement satisfaits des ennuis qu’éprouve la monarchie capétienne. La Gazette de Québec et la Gazette de Montréal, les deux principaux journaux de la Province de Québec (Bas-Canada après 1791), rendent compte hebdomadairement des événements qui secouent la France. Les éditeurs de ces journaux ne se contentent pas de relater les événements. Ils publient aussi des rapports détaillés des délibérations de l’Assemblée nationale française et plusieurs documents relatifs à la réforme constitutionnelle. Ce faisant, ils disséminent les idées qui justifient les transformations politiques et sociales en France. La conception républicaine de la liberté réapparaît donc dans la colonie et circule assez librement à partir de 1789.
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La couverture donnée à la Révolution française dans les journaux est essentiellement positive. C’est particulièrement vrai pour la Gazette de Montréal, l’hebdomadaire bilingue que Fleury Mesplet a fondé en 1785, puisque son rédacteur continue d’adhérer aux principes républicains et qu’il profite de l’occasion pour en faire la promotion. Le journal a décidément un ton républicain avec ses références à la vie et aux écrits de Benjamin Franklin (figure marquante de la Révolution américaine), de Thomas Paine, de Richard Price, de Joseph Priestley (trois phares du radicalisme anglo-saxon), de l’abbé de Mably et d’Emmanuel-Joseph Sièyes (deux des intellectuels républicains français les plus importants du xviii e siècle)8. On y note aussi la publication d’un texte de Thomas Paine et de deux autres attaquant les écrits d’Edmund Burke sur la Révolution française9. Le journal contient également des références indirectes aux penseurs de la liberté républicaine. Louis xvi est affublé du titre de « Patriot King », en référence au texte de lord Bolingbroke intitulé The Idea of a Patriot King (1738)10. Le 11 février 1790, Mesplet publie un texte intitulé « Extrait d’une lettre de Paris à un Monsieur de New Haven ». L’allusion à Condorcet et à ses Quatre lettres d’un bourgeois de New Haven à un citoyen de Virginie sur l’inutilité de partager le pouvoir législatif entre plusieurs corps (1788) est difficile à ignorer. Un correspondant pour qui le droit « de participer à la législation » est « le premier et le plus essentiel de tous ces privilèges » signe son texte d’un pseudonyme : Sidney. Il s’agit d’une allusion à Algernon Sidney, le Commonwealthman anglais mort sur l’échafaud en 168511. Si le cadre intellectuel dans lequel s’inscrit Mesplet ne fait aucun doute, il faut néanmoins reconnaître que la promotion qu’il fait des principes révolutionnaires n’est pas explicite. Le journal n’a pas de section éditoriale. C’est par le choix des nouvelles qu’il rapporte, des discours qu’il cite, des documents qu’il reproduit que l’éditeur de Montréal dissémine les idéaux républicains. La Gazette de Québec accueille aussi favorablement la Révolution française et les autres mouvements révolutionnaires de l’époque, dont la « révolution » qui secoue l’Espagne (le 21 janvier 1790), la rébellion des Pays-Bas autrichiens (le 11 mars 1790), l’agitation dans les États du pape en France (le 3 juin 1790) et les transformations politiques qui affectent la Pologne (le 28 juillet 1791). La Gazette de Québec promeut ainsi un peu le républicanisme. Néanmoins, sa couverture est plus ambiguë que celle de la Gazette de Montréal. L’éditeur, Samuel Neilson, prend bien soin de ne pas seulement rendre
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compte des succès révolutionnaires. Il informe aussi les Canadiens des problèmes que rencontre la France. L’attitude moins partisane de Neilson s’explique du fait que le rédacteur du journal de Québec n’est pas lui-même républicain. S’il fait une certaine promotion du républicanisme, c’est plus ou moins involontairement. Comme la majorité de ses contemporains, Neilson ne fait pas de distinction entre la liberté républicaine et la liberté moderne. Pour lui comme pour les autres, le choix se résume entre la liberté ou le despotisme. Cette vision est renforcée par l’activité révolutionnaire elle-même : être contre la révolution, c’est être contre la liberté. Dans ce cadre, les partisans de la liberté moderne se rallient initialement au mouvement révolutionnaire. Le comportement de Neilson est caractéristique de celui de la plupart des gens à l’époque, dont les anglomanes français. Toutefois, Neilson adhère au concept moderne de liberté. Lorsque son journal définit ce qu’est la liberté et la manière de la constitutionnaliser, il ne présente que des analyses relevant de la liberté moderne. Par exemple, il publie, entre le 3 et le 24 février 1791, deux essais sur la nature et l’organisation des gouvernements. Ces textes sont tirés d’un journal royaliste, Les Actes des Apôtres, qui paraît entre novembre 1789 et octobre 1791. Ce journal, considéré comme contre-révolutionnaire, s’oppose à la révolution « démocratique » qui secoue la France en défendant les principes de la liberté moderne. Les deux textes publiés par Neilson défendent l’importance de la séparation des pouvoirs dans le cadre du gouvernement mixte constitutionnel. Le premier est une version presque intégrale de la section concernant la constitution anglaise dans De l’esprit des lois de Montesquieu. Le second texte défend les mêmes principes. La promotion volontaire ou involontaire des principes républicains dans la colonie n’est pas que l’œuvre de Canadiens. En juin 1793, le ministre de la France à Philadelphie, Edmond-Charles Genêt, lance un appel aux Canadiens intitulé Les Français libres à leurs frères les Canadiens12. Cet appel s’inspire d’un mémoire rédigé par HenriAntoine de Mézière, un ancien collaborateur de la Gazette de Montréal, qui s’est expatrié aux États-Unis en mai 1793. Ce mémoire, intitulé Observations sur l’état actuel du Canada et sur les dispositions politiques de ses habitants, explique que la province n’est pas bien défendue et qu’il ne faut pas compter sur les Canadiens pour la défendre. Selon son auteur, les Canadiens sont prêts à se débarrasser du régime anglais et à accepter la liberté que leur offre la France. Ils sont prêts à remplacer la souveraineté du roi par celle de la nation13.
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Prenant acte de l’avis de Mézière, Genêt invite les Canadiens à se joindre aux Français dans leur lutte pour la liberté. Le ministre français rappelle alors aux Canadiens que « les hommes ont le droit de se gouverner eux-mêmes, [que] les lois doivent être l’expression de la volonté manifestée par l’organe de ses représentants, [et que] nul n’a le droit de s’opposer à leur exécution ». Il explique ensuite les avantages que retireraient les Canadiens en se débarrassant du joug anglais. D’abord, ils « se choisir[aient] un gouvernement, ils nommer[aient] eux-mêmes les membres du corps législatif et du pouvoir exécutif ». Ensuite, la volonté du pouvoir législatif primerait puisque le veto du pouvoir exécutif serait aboli. Il souligne aussi que la révolution entraînerait l’indépendance de la colonie, l’égalité des citoyens (abolition des titres héréditaires et accès aux emplois pour tous), la liberté de commerce et la fin des privilèges commerciaux, l’abolition du système seigneurial, des corvées et des dîmes, la liberté de culte et la mise en place d’un système d’éducation.
l’act e co n s t i t u t i o n n el e t l e s ré vo l u t i o n s at l an tiqu es Les idées sous-jacentes aux Révolutions américaine et française circulent donc au Québec, puis au Bas-Canada, à la fin du xviii e siècle. Toutefois, bien que ces idées menacent l’État colonial, elles ne donnent aucun fruit ni ne lèguent aucun héritage républicain. Certains ont même soutenu que ce sont les principes de la contre-révolution qui ont triomphé au Canada puisque les institutions parlementaires, octroyées à la colonie en 1791, visent à détruire l’influence républicaine dans la colonie. S’il est indéniable que l’Acte constitutionnel vise à empêcher que la vague républicaine emporte la colonie, il n’est pas certain que l’adjectif « contre-révolutionnaire » soit approprié, du moins selon une perspective canadienne. Comme Jean-Pierre Wallot l’a noté, « la constitution de 1791 apparaît [plutôt] comme une révolution politique ». Elle ne vise pas à protéger une forme de despotisme. Elle est basée sur un idéal de liberté qui inclut un certain droit, pour les sujets, de participer au pouvoir politique par l’intermédiaire de l’Assemblée législative. L’adoption de l’Acte constitutionnel est révolutionnaire dans la mesure où toute la structure de l’État colonial est modifiée à partir d’une certaine conception de la liberté. Néanmoins, Wallot s’est peut-être montré un peu trop enthousiaste en affirmant que l’Acte constitutionnel « institue, au moins
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théoriquement, un mouvement de participation populaire au gouvernement qui s’inscrit clairement dans la ligne de la “révolution démocratique” de R.R. Palmer14 ». L’adoption de l’Acte constitutionnel ne peut s’inscrire dans le cadre des Révolutions atlantiques puisque celles-ci se justifient par l’idéal républicain de la liberté, du moins dans leurs versions états-uniennes et européennes, tandis que l’Acte constitutionnel de 1791 relève clairement de la liberté moderne. Il s’inscrit davantage en lien avec le règlement whig de la Glorieuse Révolution de 1688. Alors que les Révolutions atlantiques, animées par l’idéal républicain de la liberté, ébranlent l’Europe et l’Amérique, les Canadiens reçoivent une constitution qui n’a rien à voir avec la liberté républicaine, mais qui est tout de même fondée sur un principe de liberté. La définition de la politique métropolitaine à l’égard de ses colonies nord-américaines entre 1783 et 1791 ne se fait pas dans un vacuum. Le gouvernement britannique tient compte à la fois des conditions locales, telles que les revendications des coloniaux, et de la situation internationale, dont les Révolutions américaine et française. D’abord, le gouvernement doit composer avec les revendications des Britanniques, immigrés dans la colonie entre 1760 et 1776, et des loyalistes, arrivés dans la Province de Québec entre 1776 et 1784. Pour tous ces coloniaux, les institutions créées par l’Acte de Québec de 1774 sont inacceptables. Ils n’ont pas quitté leur colonie d’origine et, dans le cas des loyalistes, abandonné leurs possessions et sacrifié leur ancienne vie pour se retrouver dans une colonie où l’habeas corpus et les procès devant jury n’existent pas, où les lois civiles et commerciales françaises ont cours, où les terres sont divisées suivant la tenure seigneuriale et où les sujets ne jouissent d’aucun droit politique. Les colons britanniques et les loyalistes s’unissent rapidement pour demander l’intégration totale de la colonie dans le cadre impérial, la création d’une Chambre d’Assemblée et l’abrogation de l’Acte de Québec15. Certains loyalistes, qui désirent une Assemblée, vont se contenter de demander la division de la Province de Québec afin que les colons qui vivent à l’ouest du lac Saint-François ne soient plus soumis aux lois et aux institutions françaises16. Bien que le mouvement pour des institutions représentatives demeure essentiellement anglo-protestant17, certains Canadiens français y participent à partir de 178418. Le 24 novembre 1784, les anciens et les nouveaux sujets de Sa Majesté signent d’ailleurs une pétition
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commune demandant l’octroi d’une Assemblée19. Cette même année, Pierre Du Calvet entame des procédures judiciaires à Londres pour obtenir réparation après avoir passé près de trois années en prison sans procès, à l’instar de Mesplet et Jautard. Il publie alors un ouvrage, intitulé Appel à la justice de l’État, dans lequel il se fait l’apôtre de plusieurs réformes, notamment l’introduction dans la colonie de l’habeas corpus, la reconnaissance de la primauté des lois sur la volonté du gouverneur dans la colonie, l’envoi de députés canadiens au Parlement anglais et la liberté de la presse20. Parmi toutes ses revendications figure la demande pour la création d’une Chambre d’Assemblée. Si Du Calvet périt lors du naufrage de son navire qui faisait route vers le Grande-Bretagne en 1786, son Appel a été entendu. Cette revendication agace le gouverneur Frederick Haldimand, qui se méfie des Canadiens français. Il met en effet en doute leur loyauté. Il ne peut non plus comprendre que les loyalistes veuillent obtenir des institutions représentatives qui les ont si mal servis par le passé. Il écrit d’ailleurs au premier ministre, lord North, le 6 novembre 1783 : « these unfortunate People have Suffered too Much by Committees and Houses of Assembly, to have retained any prepossession in favour of that Mode of Government, and that they have no Reluctance to Live under the Constitution established by Law for this Country21 ». L’agacement de Haldimand est d’autant plus fort face aux «réformistes» qu’il voit, en leurs agissements, une menace républicaine22. Néanmoins, les pétitionnaires et les mémorialistes, demandant la création d’une Assemblée de 1775 à 1790, basent leur argumentation sur les principes de la liberté moderne. La participation au pouvoir législatif n’est jamais présentée comme étant la liberté, mais bien comme un moyen permettant aux individus de voir leurs droits, leurs libertés, leur sécurité et leurs propriétés garantis23. En réfléchissant à la forme que devrait prendre la nouvelle constitution coloniale durant les années 1780, les métropolitains ne peuvent s’empêcher de songer à la destruction de leur empire en 1783. Ils ne veulent pas assister à une répétition de la Révolution américaine dans la Province de Québec. Sans compter que s’ajoutent, à ces préoccupations, la Révolution française et ses répercussions en Grande-Bretagne. Dès 1789, la Grande-Bretagne est touchée par une effervescence révolutionnaire. Au plan intellectuel, Richard Price (un républicain) prononce un discours le 4 novembre 1789 intitulé A Discourse on the Love of our Country durant lequel il affirme que
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les principes révolutionnaires français sont en fait à la base de la constitution anglaise. Il réinterprète la Glorieuse Révolution à la lumière de la liberté républicaine. Selon lui, les Anglais en 1688 ont simplement assumé « the right to chuse [sic] [their] own governors, to cashier them for misconduct, and to frame a government for [themselves]24 ». Edmund Burke, un moderne qui était resté coi face à la Révolution, prend alors position contre elle en février 1790. Il réplique au discours de Price par ses célèbres Reflections on the Revolution in France où il nie que la Révolution de 1688 ait été inspirée par les « droits de l’homme » qui détruisent, selon lui, les institutions de la France. Trois radicaux (tenants de la liberté républicaine) répondent à Burke en défendant les thèses de Price : Mary Wollstonecraft publie A Vindication of the Rights of Men (1790), James Mackintosh écrit Vindiciæ Gallicæ (1791) et Thomas Paine y va de son Rights of Man (1791). Ces auteurs défendent les principes qui animent la Révolution française. Ils se font les apologistes de la liberté républicaine. Et c’est sans compter la création de clubs et de sociétés favorables à la Révolution. Bref, la question de la Révolution française et des principes qui la sous-tendent marque la politique britannique au moment où est adopté l’Acte constitutionnel. Claude Galarneau a ainsi soutenu, à juste titre, que « la Constitution de 1791 » figure « [p]armi les résultats les plus nets de l’impact révolutionnaire » puisque « Londres [l’] a accordée à sa colonie en grande partie sous la crainte de voir les Canadiens se réveiller sous l’inspiration de la Révolution triomphante25 ». Néanmoins, il faut reconnaître que s’il est vrai que l’effervescence révolutionnaire en France a peut-être confirmé, aux yeux du gouvernement britannique, la nécessité de réformer les institutions canadiennes, la constitution de 1791 est d’abord une réponse à la Révolution américaine et aux revendications des loyalistes26. En effet, les deux premiers projets de loi visant à réformer la constitution canadienne datent respectivement de 1786 et 1788. Ils précèdent donc la Révolution française. Un troisième projet de loi est finalement déposé à la Chambre des lords en février 1791. L’Acte constitutionnel divise la Province de Québec en deux sections (le Haut et le Bas-Canada) et octroie à chacune d’elles une Chambre d’Assemblée27. Si les autorités britanniques savent qu’elles doivent octroyer de telles Assemblées, elles entendent les encadrer par des institutions monarchique et aristocratique. Cette décision n’a rien de réactionnaire ou de contre-révolutionnaire. Le gouvernement
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applique simplement aux deux Canadas les règles du gouvernement mixte inhérent à la constitution britannique. À la liberté républicaine, qui avait inspiré les rebelles des Treize Colonies, le gouvernement londonien oppose les institutions britanniques qui encadrent la liberté moderne. Lors de la discussion sur le projet de loi canadien aux Communes, les principaux orateurs sont Pitt pour le gouvernement, Burke et Fox pour l’opposition. Le débat dérape le 6 mai 1791. Alors que la séance doit porter sur la question canadienne et le projet de loi proposé par le gouvernement, Burke entame une longue réflexion sur les principes constitutionnels. Il en profite pour critiquer avec véhémence la Révolution française. Un point d’ordre est soulevé concernant l’utilité de cette démonstration théorique sans rapport direct avec le sujet. Fox, collègue de Burke, appuie une motion pour le censurer. Burke s’offusque et rompt de manière éclatante avec son vieil associé. Les oppositions se clarifient au fur et à mesure que la discussion s’envenime. Cette discussion sur la Révolution française est essentielle à l’histoire canadienne puisque c’est la nature même de la liberté au cœur de la nouvelle constitution qui est en jeu. La division sur le projet de loi canadien ne se fait finalement pas entre le gouvernement et l’opposition. La bataille fondamentale se joue sur les banquettes de l’opposition même. C’est le parti whig qui éclate28. Lorsque Burke se retrouve isolé, Pitt lui tend la main en disant qu’il est prêt à collaborer avec lui « to preserve [the constitution], and deliver it down to posterity, as the best security for the prosperity, freedom, and happiness of the British people29 ». C’est à la suite de cette rupture que Burke publie An Appeal from the New to the Old Whigs (1791). La reconfiguration de la politique britannique débute donc lors du débat autour de l’Acte constitutionnel. Ce qui est intéressant, c’est que ce débat se fait uniquement dans le cadre de la liberté moderne. Burke oppose ses principes à ceux de la Révolution et accuse Fox, par la même occasion, de soutenir les républicains et leur conception des « droits de l’homme » (expression favorite des tenants de la liberté républicaine). Toutefois, malgré les efforts de Burke pour présenter le débat selon la division entre liberté moderne et liberté républicaine, les deux camps discutent à l’intérieur du cadre de la liberté moderne. Pour les défenseurs du projet (Pitt, à titre de premier ministre, et Burke), l’inspiration est clairement moderne. D’abord, selon eux, nul besoin est de consulter la population. Les autorités
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britanniques « knew of their sentiments already30 ». La souveraineté est parlementaire et non populaire. Si Pitt fait clairement référence à la liberté lors du débat en affirmant que la réforme « was intended to give a free constitution to Canada, according to British ideas of freedom31 », c’est toutefois Burke qui articule le mieux le discours de la liberté moderne à ce moment. À ses yeux, il est clair que la métropole doit donner une constitution libre au Canada, car « the people of Canada should have nothing to envy in the constitution of a country so near to their own [les États-Unis]32 ». Par la même occasion, il rejette l’idée que la Révolution ait apporté la liberté en France et refuse que les dénonciateurs de l’« anarchy and confusion that had taken place in France » soient considérés comme des « enemies to liberty.33 » Inversement, Fox ne cache pas ses sympathies pour la Révolution, qui apparaît comme « one of the most glorious events in the history of mankind34 ». Selon lui, the rights of man, which [Burke] had ridiculed as chimerical and visionary, were in fact the basis and foundation of every rational constitution, and even of the British constitution itself, as our statute proved : since, if [Fox] knew anything of the original compact between the people of England and its government, as stated in that volume, it was a recognition of the original inherent rights of the people as men, which no prescription could supersede, no accident remove or obliterate35. Fox, homme de principes et polémiste, va plus loin. Il explique qu’il était « so far a republican, that he approved all Governments where the res publica was the universal principle, and the people, as under our constitution, had considerable weight in the Government36 ». Si ces déclarations peuvent laisser penser que les accusations de Burke sont justifiées, il ne faut pas s’y fier. D’une part, contrairement à Price, qui réinterprète la Révolution de 1688 selon les principes républicains et soutient que la Glorieuse Révolution a mis en place une monarchie républicaine, Fox analyse la Révolution française selon les principes modernes et soutient qu’elle a mis en place une monarchie constitutionnelle. Ironiquement, les deux ont tort. Le règlement qui suit la Glorieuse Révolution est inspiré de la liberté moderne, alors que la Révolution française est inspirée de la liberté républicaine. Qu’à cela ne tienne, c’est l’interprétation que ces deux
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hommes donnent aux révolutions en question qui est fondamentale en 1791, et non sa véracité. D’autre part, Fox ne défend pas la souveraineté populaire durant ce débat. Il soutient ouvertement les principes du gouvernement mixte, c’est-à-dire la coexistence de trois pouvoirs indépendants les uns des autres. Lors du débat du 11 mai 1791, Fox présente as a principle never to be departed from, that every part of the British dominions ought to possess a government, in the constitution of which monarchy, aristocracy, and democracy were mutually blended and united ; nor could any government be a fit one for British subjects to live under, which did not contain its due weight of aristocracy, because that he considered to be the proper poise of the constitution, the balance that equalized and meliorated the powers of the two other extreme branches, and gave stability and firmness to the whole [...]37. S’il accepte le principe monarchique, il veut toutefois le limiter autant que possible dans les colonies. Selon lui, la Révolution américaine s’explique non par la trop grande place laissée au principe démocratique, mais plutôt par le fait que « [les rebelles] did not think themselves sufficiently free38 ». De la même manière, il accepte l’existence du principe aristocratique au sein des institutions coloniales. Toutefois, puisqu’il n’y a pas d’aristocratie dans les colonies, Fox propose l’élection des conseillers afin de leur accorder une réelle indépendance par rapport au gouverneur et à l’Assemblée. Cette suggestion ne relève pas des principes républicains puisque Fox défend l’organisation politique en vertu des principes traditionnels de l’équilibre des pouvoirs. Dans ce type de gouvernement, les Communes ne représentent qu’un tiers du pouvoir législatif. De plus, la légitimité première des conseillers leur proviendra essentiellement de leurs propriétés. L’élection ne vise qu’à choisir ceux, parmi les plus riches, qui participeront au pouvoir aristocratique dans la colonie. Fox conclut que l’aristocratie métropolitaine trouve aussi sa légitimité dans sa propriété. Ce qui est instructif pour notre propos, c’est de constater que la question canadienne n’est pas discutée dans un vacuum. Les hommes politiques britanniques, en adoptant la constitution coloniale, ne peuvent pas faire abstraction des Révolutions américaine et française, quoique cela ne signifie pas que ces révolutions aient influencé l’Acte
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comme tel. En fait, le débat livré autour de la constitution canadienne nous apprend que l’Acte de 1791 n’est que la constitutionnalisation de la liberté moderne dans les colonies canadiennes, la forme de liberté qui légitime la constitution britannique depuis un siècle. Sanctionné par George iii en juin 1791 et entré en vigueur le 26 décembre de la même année, l’Acte, basé sur le concept moderne de la liberté, octroie un gouvernement mixte aux deux Canadas. Cette forme de gouvernement repose sur l’idée d’un certain équilibre entre les institutions monarchique (gouverneur), aristocratique (Conseil législatif) et démocratique (Assemblée représentative) au sein du pouvoir législatif. Le système repose sur la coopération entre les trois institutions, et non sur leur compétition. Dans les colonies, bien que la division parfaite entre l’Assemblée et le gouvernement (qui relève uniquement du gouverneur) soit non orthodoxe par rapport à la pratique métropolitaine, la constitution respecte les grands principes du gouvernement mixte, si chers aux constitutionnalistes et aux juristes du xviii e siècle39. La constitution ne repose pas sur la souveraineté du peuple (comme aux États-Unis) ni sur celle de la nation (comme en France), mais sur la suprématie du Parlement impérial. On parle, pour les colonies, de législatures coloniales et non de parlements. La souveraineté parlementaire, même celle d’un Parlement métropolitain, est caractéristique de la liberté moderne. La participation des sujets canadiens à la vie politique est de plus limitée par deux facteurs. D’abord, la participation se résume à élire des députés qui siègent dans les Assemblées coloniales. Celles-ci sont les seules institutions qui tirent leur légitimité du principe électif dans les Canadas. Or, elles ne constituent qu’un tiers des législatures coloniales. Ensuite, il n’existe aucun mécanisme, ni écrit ni conventionnel, pour soumettre l’exécutif à la volonté de l’Assemblée législative élue, si ce n’est le refus de voter le budget. Cette situation est normale, l’Acte confiant aux institutions représentatives le pouvoir de surveiller le gouvernement et non celui de gouverner. Le pouvoir exécutif est donc le siège de la véritable autorité dans la colonie. La similarité entre la constitution anglaise et la constitution canadienne permet au lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe d’affirmer, le 15 octobre 1792, devant la première législature haut-canadienne, que « this province is singularly blessed, not with a mutilated Constitution, but with a Constitution which has stood the test of experience, and is the very image and transcript of that of Great
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Britain, by which she has long established and secured to her subjects as much freedom and happiness as it is possible to be enjoyed under the subordination necessary to civilized Society40 ». Simcoe avait préalablement, le 13 mai 1791, fait l’éloge de la constitution britannique à la Chambre des communes, lors du débat sur la constitution canadienne. Toutefois, bien que les deux constitutions soient similaires quant aux principes et aux institutions, il existe une différence importante entre elles : la constitution canadienne est une constitution coloniale. Elle est l’œuvre de politiciens métropolitains et vise le maintien du lien colonial. Si Simcoe fait fi de cette réalité, Pitt en est conscient. Selon lui, la législature coloniale doit suivre les principes de la constitution britannique « as near as circumstances would admit ». Il poursuit en disant que la constitution « should be extended to all our dependencies, as far as the local situation of the colony, and the nature and circumstances of the case would admit41 ». Burke également sait que la constitution coloniale ne peut être la réplique exacte de la constitution britannique. Selon lui, « it was evidently the intention of His Majesty’s declaration that the law adopted in Canada should be as nearly as possible similar to those of England. Indeed, it was usual in every colony to form the Government as nearly upon the model of the mother country, as consistent with the difference of local circumstances42 ». Bref, l’Acte constitutionnel est l’incarnation, dans un cadre colonial, de la liberté moderne. Dans les faits, la réalité du cadre colonial rend difficile l’importation de la constitution britannique dans les Canadas. Le chef de l’État n’est pas un monarque libre de ses actions, mais un représentant du roi devant rendre compte de son administration au Colonial Office. Bien qu’il soit assisté de conseillers exécutifs, le gouverneur n’a pas à leur demander leur avis. Les conseillers ne sont donc pas responsables des décisions du gouverneur. Quant à la législature coloniale, elle est composée de deux chambres, comme le Parlement britannique, mais elle ne peut reposer sur les mêmes bases. Le Conseil législatif, qui normalement doit assumer le rôle de la Chambre des lords, est nommé puisqu’il n’existe pas d’aristocratie coloniale. Le gouvernement londonien prévoit créer une aristocratie locale, mais ne donne jamais suite à son projet43. Le Conseil législatif possède donc une légitimité plus faible que la Chambre des lords puisqu’elle ne provient que de la constitution. À l’inverse, le principe démocratique est beaucoup plus puissant dans les colonies que dans la métropole, le droit de vote y étant plus étendu. Les Assemblées
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peuvent prendre des allures plus populaires, ce qui ne risque pas d’arriver à la Chambre des communes qui est formée des cadets des familles riches et nobles. Dans la pratique, la constitution coloniale fonctionne exactement à l’inverse de ce que le gouvernement impérial espérait. Elle favorise la compétition entre l’Assemblée et les Conseils plutôt que leur coopération.
l ’ acte co ns t i t u t i o n n e l co mme a n tidote à l a menace ré vo l u t i o n n ai re au b a s-c a n a da L’adoption de l’Acte constitutionnel est certainement influencée par les Révolutions américaine et française. Toutefois, la constitution elle-même n’est pas inspirée des idéaux révolutionnaires. Elle agit même comme un antidote au républicanisme. En effet, l’octroi d’une Chambre d’Assemblée peut satisfaire aussi bien les tenants de la liberté républicaine que les défenseurs de la liberté moderne. Les coloniaux ne font pas de distinction entre ces deux formes de liberté et, par conséquent, deux modèles très différents d’Assemblée élue. Les historiens n’ont pas non plus porté attention, dans leur analyse, à la nature de la liberté. Ceux qui se sont penchés sur les demandes réitérées, avant 1791, pour l’obtention d’une Chambre d’Assemblée dans la Province de Québec les ont généralement associées à une lutte pour la liberté, sans toutefois expliquer le rapport existant entre la liberté et cette Chambre, ni mentionner la place qu’occuperait cette institution dans l’État. Or, sans cette explication, il est bien difficile de saisir l’idéal auquel les demandeurs adhéraient, puisqu’une Assemblée élue peut aussi bien faire partie d’un État républicain que d’un État moderne (ou constitutionnel). Il s’agit là d’une information cruciale, car la définition même d’un individu, de ses droits et de ses devoirs, de sa place dans la société, ainsi que celle des relations qu’il entretient avec le pouvoir en dépendent. La situation est particulièrement ambiguë dans le cadre de la constitution britannique. Même si deux personnes disent admirer cette constitution ou se réclament du parlementarisme, il n’en résulte pas nécessairement que leur compréhension des principes qui la justifient soit la même, ou qu’elles partagent un programme politique similaire, voire même compatible. La constitution anglaise, analysée par Blackstone et De Lolme, relève de la liberté moderne puisqu’elle est fondée sur des droits sacrés, l’équilibre des pouvoirs et sur la souveraineté du Parlement. Inversement, la constitution anglaise à laquelle adhère ou
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aspire le radical anglais Price est fondée sur des principes inhérents à la liberté républicaine : pensons à la souveraineté du peuple et à l’importance du principe électif comme moyen de légitimer le pouvoir. Grâce à cette ambiguïté entourant le parlementarisme britannique, l’Acte de 1791 satisfait initialement les coloniaux, peu importe le principe de liberté auquel ils adhèrent. Les partisans du gouvernement mixte constitutionnel peuvent croire avec raison qu’ils ont obtenu une constitution semblable à celle de la Grande-Bretagne. C’est le cas pour Samuel Neilson et la Gazette de Québec. En adepte de la liberté moderne, Neilson publie deux analyses très favorables aux principes constitutionnels britanniques. La première est publiée les 23 février, 1er, 8 et 15 mars 1792. Elle présente et commente chacun des articles de l’Acte constitutionnel. Cette analyse est l’œuvre d’un commentateur qui signe du pseudonyme Solon, un célèbre législateur grec. Selon John Hare, il s’agirait de Jonathan Sewell, futur juge en chef du Bas-Canada entre 1808 et 183844. La seconde, anonyme, est publiée les 29 mars et 5 avril 1792. Malgré son titre, « Esquisse De la Structure et de l’Excellence de la Constitution Britannique, accordée à la Province du Bas-Canada par l’Acte du Parlement passé en 1791 », le texte se veut d’abord et avant tout une défense de la constitution britannique et de l’ordre social anglais. L’analyse est conforme à celle de Blackstone, quoique la présentation rappelle l’analyse de Burke. Ainsi, Neilson, partisan de la liberté moderne, offre à ses lecteurs deux analyses de l’Acte constitutionnel qu’il présente comme l’héritier de la constitution britannique, véritable garant de la liberté dans la colonie. Inversement, les partisans d’une conception républicaine de la liberté peuvent acclamer la constitution de 1791 s’ils assimilent « Assemblée représentative » et « pouvoir législatif légitime ». C’est ce que fait Mesplet. Ce dernier, en bon défenseur de la liberté républicaine, a toujours favorisé la création d’une Chambre d’Assemblée dans la Province de Québec. L’appui à cette revendication était logique, car la liberté d’un citoyen dans le cadre républicain se résume à participer au pouvoir législatif. Or, en créant une telle Chambre, le gouvernement métropolitain répond à cette exigence. L’éditeur de la Gazette de Montréal accueille donc positivement l’Acte constitutionnel en republiant, les 15 et 22 mars, l’analyse de Solon parue dans la Gazette de Québec. En fait, les républicains n’ont guère le choix d’accepter la constitution : le contraire aurait signifié le rejet du gouvernement représentatif.
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L’analyse de Solon comportait initialement trois parties : une description de l’Acte constitutionnel, une analyse par article et une présentation des droits politiques que la nouvelle constitution conférait aux Canadiens. Mesplet ne reprend que les deux dernières parties. L’analyse que Solon fait des articles de la nouvelle constitution relève clairement de la liberté moderne. D’une part, il n’est nulle part question de la souveraineté du peuple. Par ses remerciements réitérés au Parlement britannique pour avoir donné une constitution à la colonie fondée « sur les principes de la constitution Britannique », Solon reconnaît implicitement la souveraineté de cette institution sur la colonie. D’autre part, il défend la forme du gouvernement mixte. C’est dans ce cadre qu’il célèbre la mise en place d’une Assemblée élue au suffrage étendu. Dans la même veine, il défend l’existence d’un Conseil législatif nommé, dont les membres sont totalement indépendants. Il va jusqu’à appuyer la clause prévoyant la création de titres héréditaires au Canada. Selon lui, le Conseil est essentiel à la nouvelle constitution puisqu’il « sert de contrepoids entre le Gouverneur & les représentans du peuple45 ». Et pour donner plus de poids à sa défense du Conseil législatif, Solon cite trois textes, les trois seules citations de son analyse, provenant de Montesquieu, de Blackstone et de De Lolme46. L’appui à un Conseil législatif nommé et indépendant est typiquement moderne étant donné qu’aucune institution ne peut être indépendante de la volonté du peuple dans une république. Mesplet ne se rend pas compte que l’analyse qu’il publie n’est pas républicaine. L’eût-il réalisé, qu’il aurait sans doute publié, à la même époque, une autre analyse conforme à ses vues, comme cela semble avoir été sa politique éditoriale. Néanmoins, la troisième partie de l’analyse de Solon peut effectivement induire le lecteur en erreur sur la nature de la constitution. Solon annonce d’abord que, dans la dernière partie de son analyse, nous définirons les droits dont les citoyens jouiront sous cette forme de Gouvernement, & nous expliquerons les devoirs qu’ils doivent au Gouvernement Britannique ; de manière qu’en instruisant nos compatriotes sur le vrai sens de la liberté dont ils jouissent à présent, nous pouvons aussi inculquer dans leurs esprits une obéissance respectueuse & soumise due à la Magistrature instituée pour protéger cette liberté, & prévoir la licence47.
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Il explique plus tard que, par la création de cette Assemblée, les citoyens obtiennent quatre droits importants. Le premier est de pouvoir participer au pouvoir législatif. Le deuxième est de pouvoir envoyer des pétitions à l’Assemblée pour dénoncer des injustices et des abus afin que la législature les corrige. Le troisième est le pouvoir de censurer, c’est-à-dire la possibilité pour les citoyens de se plaindre des lois provinciales privément et publiquement, oralement ou par écrit. Ce droit implique aussi celui de faire pression sur son député ou, le cas échéant, de changer de député lors de l’élection. Solon conclut enfin en disant : « Tels sont les pouvoirs transcendans dont le peuple est revêtu, d’où dérivent les droits précieux et importans privilèges dont jouissent les peuples libres, du nombre de ces privilèges sont la liberté de la PRESSE & les procès par jurés, dont dépend la protection de la vie, de la liberté & des biens des sujets [...]48 ». Cette présentation des droits octroyés aux Canadiens par l’Acte constitutionnel est assez ambiguë. D’après Solon, « les droits dont les citoyens jouiront sous cette forme de Gouvernement » ont tous trait à la participation au pouvoir législatif. Une lecture rapide peut laisser croire que la liberté obtenue est de nature républicaine : la liberté octroyée par la constitution de 1791 se résume en des droits politiques, qui assurent les droits civils comme la liberté de la presse et les procès devant jurés. Cependant, à y regarder de plus près, la présentation de Solon est conforme à la liberté moderne. D’une part, aucune magistrature n’est instituée pour protéger la liberté dans une république puisque, dans un tel État, la liberté se résume d’abord à participer au pouvoir législatif. D’autre part, la dernière citation implique que c’est la sécurité, la liberté et la propriété qui sont les éléments fondamentaux que la constitution doit protéger. Les droits politiques assurent leur protection en garantissant la liberté de la presse et les procès devant jurys. La création d’une Assemblée représentative par le gouvernement métropolitain, en 1791, crée un quiproquo dans la colonie autour de la nature de la constitution et de la légitimité de l’État. Les adeptes de la liberté moderne, comme les tenants de la liberté républicaine, se montrent finalement satisfaits de cette constitution. Seul Mézière donne une vraie critique de l’Acte constitutionnel basé sur les principes de la liberté républicaine. Il écrit à ses parents, en mai 1793, que la constitution de 1791 « a été donnée [à la colonie] par un parlement étranger, parlement corrompu qui touche au moment de sa dissolution pour avoir entraîné l’Angleterre dans la ligue honteuse
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des têtes couronnées de l’Europe contre les Droits de l’homme49 ». Mézière est cependant l’exception qui confirme la règle. En conférant une constitution plus ou moins calquée sur la constitution britannique, le gouvernement anglais force les Canadiens à étudier les constitutionnalistes (Locke, Blackstone et de Lolme) pour comprendre comment jouer le jeu du parlementarisme et comment articuler leurs revendications dans le cadre constitutionnel50. Ce faisant, les élites canadiennes s’immergent dans les principes constitutionnels britanniques. Ils entrent alors dans un cercle vicieux : plus ils étudient les constitutionnalistes, plus ils acceptent les principes de la liberté moderne.
la d isp ari t i o n d e s i d é e s ré p u b lic a in es au bas - can ad a ( 1793– 179 7 ) À partir de 1792, les élites canadiennes se montrent satisfaites de leur nouvelle constitution. Et nul n’est plus empressé à la saluer que les députés eux-mêmes. Lors de la première session parlementaire bas-canadienne, les députés adoptent une adresse, en réponse au discours inaugural du lieutenant-gouverneur Alured Clarke, où ils affirment qu’ils sont « pénétrés de reconnaissance pour la sollicitude paternelle de sa très gracieuse Majesté, toujours attentive au bonheur de son Peuple, et pour la justice et bienveillance du Parlement de la Grande-Bretagne ». Ils assurent leur gratitude pour l’octroi d’une « Constitution nouvelle et libérale pour leur Gouvernement colonial ». Ils ajoutent : nous ne pouvons exprimer les émotions que nous avons éprouvées dans ce jour à jamais mémorable, où nous avons commencé à jouir d’une Constitution assimilée à une forme de Gouvernement qui a porté la Gloire de notre Mère-Patrie à un si haut degré d’élévation. C’est une satisfaction bien grande pour nous de joindre nos éloges et notre admiration pour le système du Gouvernement de la Grande-Bretagne, qui lui donne une supériorité et un avantage si décidé sur les autres Nations [...]51. Au début de 1792, l’élite bas-canadienne semble contente de son sort. De fait, plus personne au sein de cette élite ne discute de la
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légitimité de l’État après l’adoption de la constitution. La teneur des débats dans la colonie change : elle est désormais plus pratique et moins intellectuelle. Lors de la campagne électorale, la discussion porte sur la composition de l’Assemblée ou sur qui mérite d’être élu député52. Lors de la première session, les députés s’affrontent sur le choix de l’orateur et sur la question de la langue officielle. Dans ce contexte, l’Acte constitutionnel, avec son Assemblée, peut finalement être considéré comme ayant été un antidote efficace à la menace révolutionnaire et aux principes de la liberté républicaine au Bas-Canada. Cette attitude de l’élite est renforcée par la radicalisation de la Révolution française à partir de 1792 – pensons aux massacres de septembre 1792 et à la mise à mort du roi en janvier 1793. L’idéal révolutionnaire perd alors de son lustre. Vient ensuite, en février 1793, la déclaration de guerre de la France à la Grande-Bretagne. Cette déclaration change considérablement la donne et met fin à la promotion des idéaux de la Révolution dans la colonie. Dans ce contexte, la tolérance des autorités face à la presse et aux activités subversives diminue53. À partir de l’été 1793, le gouvernement prend des mesures pour réprimer les discours séditieux et empêcher les actes de trahison. Son action n’est toutefois pas uniquement défensive. En 1794, il soutient la publication d’une brochure qui défend la loi sur la milice. Dans ce texte, la « bonne » définition de la liberté est donnée : « c’est qu’après avoir obéi à la Loi et au Gouvernement de son pays, chacun fait après ce qui lui plaît, pourvu qu’il ne fasse tort à personne54 ». De toute manière, les grands défenseurs de la liberté républicaine disparaissent assez rapidement de la scène canadienne. Mézière quitte la colonie en mai 1793 et Mesplet meurt le 24 janvier 1794. Après 1794, bien qu’un mouvement potentiellement révolutionnaire existe toujours au sein des masses, il n’aboutit à rien, faute de leadership55. Au Haut-Canada, la légitimité de la constitution n’est pas non plus remise en cause à l’époque de son adoption. L’Acte de 1791 donne aux loyalistes ce qu’ils demandaient depuis leur arrivée dans la Province de Québec : une province autonome. À la première session de la législature en 1792, les sujets haut-canadiens décident de réintégrer le giron du droit civil britannique (en lieu et place du droit civil français). En faisant leur les lois civiles britanniques, les HautCanadiens importent alors non seulement un cadre légal, mais aussi
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toute une façon de concevoir l’ordre social basé sur la propriété privée, certains droits individuels et une égalité de droits entre les sujets, mais non une égalité de fait. De toute façon, même si les Haut-Canadiens avaient voulu contester la légitimité de l’État, ils ne le pouvaient pas vraiment puisqu’il n’existait aucun moyen efficace de contester la nouvelle constitution. Le premier journal de la colonie, la Upper Canada Gazette, est créé en 1793 et est au service du gouvernement. Il faut attendre 1807 pour que Joseph Willcocks fonde le premier journal d’opposition dans la colonie. En fait, les conflits qui apparaissent au sein de l’élite du Haut-Canada au cours des 15 premières années de son existence concernent premièrement le degré d’hiérarchie qu’il est souhaitable d’implanter dans la colonie. Si Simcoe veut recréer la société britannique en Amérique avec, comme élément essentiel, une Église officielle, tous ne partagent pas son enthousiasme. L’élite locale accepte une certaine influence américaine sur la vie de la colonie, ce que Simcoe considère dangereux et inacceptable56. Quoi qu’il en soit, la légitimité de l’État colonial dans les deux Canadas, basée sur les principes de la liberté moderne, n’est pas contestée avant la première décennie du xix e siècle.
3 La naissance des mouvements réformistes dans les Canadas (1805–1828)
À partir de l’adoption de l’Acte constitutionnel en 1791, les deux Canadas se développent en suivant les principes de la liberté moderne, principes que personne ne remet sérieusement en cause pendant plusieurs décennies. Entre 1793 et 1805, il n’existe aucun véritable mouvement de réforme dans les deux colonies. L’état de guerre ne s’y prête pas. La légitimité de l’État colonial et le pouvoir politique ne sont guère contestés. Les Bas-Canadiens apprennent progressivement les règles de la vie parlementaire, alors que les Haut-Canadiens tâchent de s’établir dans leur nouveau milieu. Quant aux Assemblées coloniales, elles se montrent passablement dociles face aux demandes du pouvoir exécutif. Il faut attendre le milieu de la première décennie du xix e siècle pour que les premières demandes de réforme politique soient formulées dans les deux Canadas. Si ces demandes apparaissent au moment même où les colonies de l’Amérique latine sont à leur tour touchées par une vague révolutionnaire (1808–1826), elles en demeurent distinctes. Les Canadas se tiennent encore à l’écart de ce mouvement atlantique. Les réformistes des deux Canadas n’abandonnent pas le constitutionnalisme britannique pour le républicanisme avant la fin des années 1820. Au Bas-Canada, le désir de réformer certaines institutions et de modifier certaines pratiques prend, dès 1805, la forme d’un mouvement organisé. Par la suite, les autorités britanniques doivent compter sur un groupe parlementaire réformiste qui devient immédiatement un élément incontournable de la culture politique bas-canadienne. Bien qu’il revendique certains ajustements institutionnels dans la province, ce groupe ne remet en cause ni les fondements de l’État ni
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les principes constitutionnels britanniques. Il s’organise autour des principes de la liberté moderne jusque dans la décennie 1820. Au Haut-Canada, les premières velléités réformistes apparaissent également vers 1805 avec l’agitation du juge Robert Thorpe et de ses acolytes. Le développement d’un courant de pensée promouvant des changements politiques dans cette colonie va cependant connaître une évolution différente de celle du mouvement réformiste bascanadien. D’une part, contrairement à ce qui se passe dans la province voisine, il faut attendre 1828 pour que se structure un véritable mouvement de réforme dans cette province. Hormis deux tentatives d’organiser un tel mouvement en 1806–1807 et en 1818, le discours réformiste au Haut-Canada est généralement articulé par des individus isolés. D’autre part, puisqu’il n’y a pas de mouvement au sein duquel les réformistes peuvent s’unir, travailler en collaboration et définir un consensus sur la nature des réformes exigées, chacun développe sa propre vision des modifications à apporter à la politique coloniale. Deux discours réformistes coexistent dans cette province, particulièrement entre 1817 et 1828. L’un accepte les principes de la liberté moderne. L’autre promeut les principes de la liberté républicaine. Néanmoins, contrairement à leurs collègues bas-canadiens, les réformistes haut-canadiens ont peu d’influence sur la politique coloniale avant 1828.
l e mo uveme n t ré f o rmi s t e au b a s-c a n a da ( 1805– 1828) Entre 1805 et 1828, la politique bas-canadienne est structurée autour de la division entre les partisans de la réforme et les tenants du statu quo. Trois choses sont en jeu : la division du pouvoir entre les groupes en présence, la nature de la relation entre les pouvoirs législatif et exécutif, et celle entre le Bas-Canada et l’Empire. Personne, toutefois, ne remet en cause la souveraineté du Parlement, le gouvernement mixte et les principes de la liberté moderne. Le mouvement de réforme bas-canadien apparaît en 1805 sous l’impulsion de Pierre Bédard. Il doit sa naissance à une crise politique ponctuelle entourant la question de la taxation. Afin de financer la construction de deux prisons, les députés doivent imposer une taxe. Or, personne ne veut la payer. Les marchands veulent taxer la propriété foncière, alors que les agriculteurs désirent plutôt frapper le commerce. Dans la mouvance de ce conflit, les marchands, majoritairement
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anglophones et ayant l’appui des Conseils, fondent, en 1805, le journal Quebec Mercury. Le député canadien Bédard réplique en fondant le journal Le Canadien en 1806. Ce journal devient l’organe du premier mouvement de réforme dans la colonie1. Selon LouisGeorges Harvey, ce mouvement aurait dès lors adopté un discours républicain2. Certes, certains articles publiés dans Le Canadien ont une résonance républicaine. Néanmoins, le mouvement de réforme dans son ensemble, Pierre Bédard en tête, ne remet pas en cause la légitimité de l’État basée sur la liberté moderne. Il revendique seulement un changement dans le fonctionnement des institutions parlementaires, tout en respectant la pratique britannique. Les réformistes bas-canadiens et la responsabilité ministérielle (1805–1810) Sur le plan des principes, le mouvement de Bédard s’inscrit clairement dans le cadre de la liberté moderne. Premièrement, les réformistes bas-canadiens reconnaissent la souveraineté du Parlement britannique. L’éditeur du Canadien la reconnaît en citant Locke et Blackstone le 3 juin 1809, puis en l’affirmant clairement le 11 novembre suivant. Lorsque la Chambre et le Conseil législatif s’affrontent sur la question de l’inéligibilité des juges à siéger à l’Assemblée en 1810 et que des pétitions favorables à la position du Conseil circulent dans la colonie, Bédard soutient que quand deux branches de la législature sont de différente opinion sur un point constitutionnel, est-il décent, est-il honnête à qui que ce soit, excepté au Supérieur de toutes les deux, de s’en mêler ? À qui appartient-il de juger entre deux branches de la législature de cette province, qu’au Pouvoir Souverain qui l’a créé [sic] ? Comment peut-on oser s’arroger un pouvoir qui n’appartient qu’à la puissance suprême de l’Empire Britannique ? Ce sont-là les effets de ce malheureux Yankéisme qui affaiblit toutes les idées de la Constitution Britannique, et ne laisse plus voir d’autre principe de gouvernement que l’influence de la populace3. Bédard reconnaît sans détour la souveraineté du Parlement. Il la défend même contre les principes démocratiques américains pour lesquels il ne cache pas son mépris.
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Deuxièmement, les réformistes bas-canadiens défendent les principes du gouvernement mixte. Ils acceptent que le pouvoir législatif appartienne à la législature composée de trois branches indépendantes les unes des autres, chacune représentant les trois ordres traditionnels de la société : monarchie, aristocratie et démocratie4. Le gouverneur représente le roi. Il assume les fonctions relevant de la monarchie. Le Conseil législatif est vu comme « la branche aristocratique de la Constitution5 ». L’Assemblée représente le « peuple6 ». L’éditeur du Canadien défend l’importance de l’indépendance des trois branches, chacune représentant un intérêt particulier au sein de la société : Je maintiens que par dessus toute chose ils [les députés] doivent être indépendans du Gouvernement et du Conseil Législatif, et qu’ils ne doivent avoir que les mêmes intérêts de la généralité du peuple. En effet le Roi, & pour lui le Gouvernement son Représentant en cette Province, chargé de l’exécution des loix et de faire l’emploi des deniers publics, a intérêt d’avoir autant de pouvoir et de lever autant d’impôts que possible. Le Conseil Législatif, composé des plus riches commerçans et propriétaires, veille à la conservation de ses immenses propriétés, a intérêt d’en augmenter les revenus, et de faire repartir les impôts plutôt sur les têtes que sur les propriétés et les articles du luxe. La Chambre d’Assemblée, qui représente le peuple ou la classe la moins riche, doit veiller à ce que les impôts soient payés moins sur les propriétés que sur les articles de luxe et encore moins par tête7. Il est intéressant de noter que le peuple représenté par l’Assemblée ne peut être la fiction républicaine, puisqu’il ne compte que pour un tiers du pouvoir législatif, lequel n’est pas lui-même souverain, la souveraineté appartenant au Parlement de Londres. Comme pour tous les autres tenants de la liberté moderne, les réformistes bascanadiens de cette époque considèrent que c’est au roi de gouverner, sous la surveillance de l’Assemblée : « si le Roi a des Prérogatives pour lui donner les moyens de nous gouverner, le peuple a aussi le droit de veiller à ce que les mauvais conseils de ses Ministres ne lui fassent pas perdre son Gouvernement8 ». Troisièmement, les réformistes donnent au gouvernement colonial le rôle de protéger les gens qui ont des propriétés. Selon Le Canadien,
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« plus on a de propriété et plus on a d’envieux, de personnes prêtes à vous nuire et par conséquent plus en [sic] a besoin de protection de la loi et du Gouvernement9 ». Cette importance donnée à la propriété est typique de la liberté moderne et de son éthique d’accumulation. D’ailleurs, cette vision rappelle celle d’Adam Smith pour qui « civil government, so far as it is instituted for the security of property, is in reality instituted for the defence of the rich against the poor, or of those who have some property against those who have none at all10 ». Elle annonce aussi celle de John A. Macdonald, qui soutiendra la même chose lors de la Conférence de Québec le 11 octobre 1864 : « The rights of the minority must be protected and the rich are always fewer in number than the poor11 ». Bien que les réformistes bas-canadiens veuillent des réformes politiques, ils ne souhaitent nullement renverser l’ordre politique ou social. Si Le Canadien respecte les principes constitutionnels britanniques, c’est que les réformistes bas-canadiens connaissent bien les œuvres des grands constitutionnalistes. Ils savent qu’ils doivent les utiliser s’ils veulent convaincre les autorités de leurs droits12. Ils s’y réfèrent donc abondamment pour justifier leurs revendications. L’ouvrage de Blackstone est qualifié de « catéchisme de [l]a Constitution [...]13 ». L’autorité de ce dernier, de même que celle de De Lolme et de Locke, ne fait aucun doute pour les réformistes14. Aucun auteur républicain n’est d’ailleurs mentionné dans le journal de 1806 à 1810. À peine présente-t-on la biographie de Charles James Fox, le grand leader whig dont on a pleuré la mort dès les premiers numéros du journal15. Le mouvement de contestation animé par Bédard ne remet donc en cause ni la constitution coloniale, ni la composition du pouvoir législatif, ni la prérogative royale. Il ne conteste pas non plus les principes de la liberté moderne sur lesquels l’État colonial est fondé. Les réformistes ne demandent qu’une modification du fonctionnement des institutions bas-canadiennes afin que les pouvoirs exécutif et législatif coloniaux n’adoptent pas de politiques contradictoires. Comme les réformistes bas-canadiens ne remettent pas en question les fondements de l’État, mais simplement la relation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans la colonie, et qu’ils acceptent de travailler dans le cadre de la constitution britannique, ils ne peuvent revendiquer que trois choses. La première revendication possible concerne le contrôle du revenu public. Selon le quatrième article du Bill of Rights, c’est au Parlement que revient le droit de taxer
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les sujets et de contrôler l’emploi des revenus de l’État16. Par le Declaratory Act de 1778, le Parlement britannique a transféré son pouvoir de taxer les colonies aux législatures coloniales. Les députés auraient donc pu exiger que l’Assemblée contrôle les revenus. De cette manière, ils auraient obtenu les moyens d’empêcher le pouvoir exécutif de prendre des décisions sans leur appui. Ce n’est toutefois pas cette réforme que Bédard privilégie. La seconde revendication possible concerne la mise en place d’un processus permettant la destitution des fonctionnaires coupables de malversation, comme il est d’usage dans la métropole17. Bédard ne demande pas non plus cette réforme. En fait, il est curieux de constater qu’il choisit finalement la revendication la plus difficile à articuler : il demande la création d’un ministère provincial18. Cette demande est complexe étant donné qu’aucun constitutionnaliste n’a encore clairement expliqué ce mécanisme à cette époque. L’argumentation de Bédard est d’autant plus fascinante qu’elle est totalement originale. Elle n’a pas d’équivalent, même dans la métropole. Le ministère anglais ne doit pas son existence à une longue réflexion théorique. Il est plutôt, dans la pratique, le résultat d’une lente évolution. Théoriquement, le roi (en Grande-Bretagne) est le seul et unique dépositaire du pouvoir exécutif. À ce titre, il a deux grandes responsabilités. Il voit d’abord à l’exécution des lois adoptées par le Parlement. Il gère ensuite plusieurs pouvoirs qui lui appartiennent en propre : c’est ce qui s’appelle la prérogative royale. Celle-ci concerne « those rights and capacities which the king enjoys alone, in contradistinction to others, and not to those which he enjoys in common with any of his subjects [...]19 ». Par la prérogative, le roi est responsable de gérer la politique internationale, de commander les forces armées, de dispenser la justice, d’octroyer les honneurs et de prendre soin de l’Église nationale20. Le roi n’est donc pas l’instrument du pouvoir législatif. Il jouit d’une certaine autonomie, pour ne pas dire d’une autonomie certaine. Pour justifier l’utilisation de la prérogative royale, pour assurer la grandeur de l’État dont le roi est le représentant et pour obtenir la soumission des sujets, la constitution anglaise a consacré le principe voulant que « the king can do no wrong ». Non seulement le roi ne peut mal faire, il ne peut pas se tromper : « The king, moreover, is not only incapable of doing wrong, but even of thinking wrong : he can never mean to do an improper thing : in him is no folly or weakness21 ». Par ce principe, la constitution britannique rend la
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personne du monarque inviolable et sacrée. Le roi est donc au-dessus des lois puisqu’il n’est pas justiciable, ce qui remet en cause l’équilibre des pouvoirs. Or, cet équilibre est fondamental pour la sauvegarde de la liberté. Afin d’éviter que le pouvoir exécutif ne devienne despotique, la pratique constitutionnelle anglaise a développé un mécanisme qui permet de le soumettre à un certain contrôle du Parlement, sans pour autant miner le caractère sacré du roi. Ce mécanisme, c’est la responsabilité des ministres. Il implique que chaque acte de l’exécutif doit être approuvé par un ministre (ou le Cabinet) qui en assume la responsabilité au nom du monarque. Ce mécanisme relève essentiellement de la pratique. Il est à peine mentionné par Blackstone et De Lolme. Lorsqu’il l’est, c’est toujours de manière indirecte. Ces auteurs affirment ainsi simplement que la constitution anglaise donne au Parlement le droit de châtier les conseillers du roi, communément appelés ministres : For, as the king cannot misuse his power, without the advice of evil counsellors and the assistance of wicked ministers, these men may be examined and punished. The constitution has therefore provided, by means of indictments, and parliamentary impeachments, that no man shall dare to assist the crown in contradiction to the laws of the land. But it is at the same time a maxim in those laws, that the king himself can do no wrong [...]22. Si le roi ne peut donc être tenu responsable de ses actes, ses ministres, eux, le sont. Bien que les constitutionnalistes se donnent la peine de mentionner le droit du Parlement de châtier les ministres, ils n’expliquent pas comment ceux-ci sont choisis. En théorie, le roi demeure totalement libre de choisir ses ministres (ou son premier ministre) puisque seules les politiques de l’exécutif sont soumises au contrôle du Parlement, de la Chambre des communes en particulier. Toutefois, le roi devant exercer son pouvoir de manière à satisfaire le Parlement – qui peut lui couper les vivres, poursuivre et destituer ses fonctionnaires ainsi que renvoyer ses ministres – il lui est plus avantageux de choisir ses conseillers de manière à ce que ces derniers puissent gagner la confiance de la Chambre des communes, et ainsi éviter un affrontement entre les pouvoirs législatif et exécutif. La pratique veut donc que le roi choisisse ses conseillers parmi les chefs des partis pouvant
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obtenir une majorité aux Communes. L’autonomie et le pouvoir du roi dépendent donc à la fois du rapport de force entre les partis aux Communes ainsi que des principes défendus par les députés. Lorsqu’un groupe parlementaire réussit à obtenir l’appui d’une majorité de députés, le roi doit choisir ses ministres au sein de ce groupe. Le roi George iii a d’ailleurs parfois dû confier le pouvoir aux whigs du marquis de Rockingham, qu’il détestait, lorsque ces derniers parvenaient à faire élire suffisamment de députés (1765–1766 et 1782). La liberté du roi de choisir ses ministres est donc, dans les faits, limitée par la force des partis en présence au Parlement. Quant à son influence sur les ministres, elle dépend des ministres en question. Si ces derniers veulent diminuer la prérogative, le roi doit patienter en espérant des jours meilleurs. C’est ce qui arrive en 1783, avec le gouvernement de coalition dirigé par Charles James Fox et lord North. Inversement, si les ministres veulent protéger la prérogative, le roi peut exercer plus d’influence. C’est le cas sous les gouvernements dirigés par William Pitt (1783–1801, 1804–1806). Bref, même si le roi est l’unique dépositaire du pouvoir exécutif, il doit dans les faits exercer son pouvoir par l’intermédiaire de ministres, qui sont responsables des décisions de l’exécutif et qui doivent en répondre au Parlement. Cet arrangement implique que les ministres n’ont pas un rôle uniquement consultatif puisqu’ils assument la responsabilité des actes de l’exécutif. Toutefois, ils agissent toujours au nom du roi, la seule autorité exécutive reconnue. La situation est quelque peu différente dans les colonies canadiennes. S’il est vrai que le roi est officiellement le détenteur du pouvoir exécutif comme dans la métropole, c’est le gouverneur colonial qui, en réalité, exerce les fonctions de chef du pouvoir exécutif. Or, le gouverneur n’est pas le roi. Il ne jouit d’aucune immunité. Il n’est qu’un fonctionnaire du Colonial Office, responsable de ses actes auprès du ministre chargé des colonies, du Cabinet et du Parlement. Sans oublier que le pouvoir législatif colonial n’est pas souverain. Il tire sa légitimité de la volonté du Parlement impérial qui l’a créé. Ainsi, malgré la ressemblance entre la constitution coloniale et la constitution britannique, la relation entre les pouvoirs législatif et exécutif dans les colonies ne peut être de la même nature que celle entre le roi et le Parlement. Par la constitution de 1791, le gouvernement anglais a créé un Conseil exécutif pour chacun des Canadas. Si ces Conseils occupent une position similaire à celle du Cabinet dans la constitution britannique, leurs
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attributions sont moindres. Ils sont bien chargés de quelques responsabilités particulières, mais ils ne sont pas responsables des actes de l’exécutif devant les législatures coloniales. Il n’y a en fait aucune raison constitutionnelle pour que les conseillers coloniaux soient tenus responsables de quoi que ce soit puisque le gouverneur, contrairement au roi « who can do no wrong », assume l’entière responsabilité de ses décisions. Il peut être poursuivi et puni par le gouvernement et le Parlement métropolitains. Ainsi, en théorie, la constitution coloniale est plus simple que la constitution britannique étant donné que le chef du pouvoir exécutif peut être directement tenu responsable de ses décisions par le pouvoir souverain. Il n’est donc pas nécessaire de créer artificiellement une instance (le Cabinet) qui doit assumer la responsabilité d’une autre (le roi). Ironiquement, en pratique, le fonctionnement de la constitution dans les colonies est plus complexe que celui de la constitution en Grande-Bretagne. Étant donné que les exécutifs coloniaux sont directement responsables de leurs actes devant le Cabinet et le Parlement, ils ne peuvent l’être aussi devant les Assemblées provinciales. Comme le dit l’adage, on ne peut servir deux maîtres à la fois. La constitution consacre donc la séparation complète entre les pouvoirs législatif et exécutif dans les colonies. Si cette séparation est conforme aux principes de la liberté moderne définis par Montesquieu, elle ne l’est toutefois pas face à la pratique britannique, les pouvoirs législatif et exécutif étant liés par l’intermédiaire du Cabinet en Grande-Bretagne. Les Assemblées coloniales ont, incidemment, un rôle beaucoup moins important à jouer dans la vie politique des colonies que la Chambre des communes en Grande-Bretagne. Puisque les gouverneurs sont responsables de leur administration auprès des autorités métropolitaines, les Assemblées n’ont pas le pouvoir de surveiller et de censurer l’exécutif colonial. Elles ne peuvent donc remplir une des fonctions principales des Assemblées dans le cadre du gouvernement mixte, celle de veiller à la protection de la liberté des sujets en surveillant le gouvernement. Cela ne signifie pas que la constitution coloniale soit despotique ou qu’elle menace la liberté. Seulement, c’est le Parlement impérial qui est chargé de protéger la liberté des sujets canadiens des égarements du pouvoir exécutif colonial. Au Bas-Canada, cette séparation entre les deux pouvoirs ne cause pas de problème initialement. La polarisation entre les marchands et les conseillers (anglophones) d’un côté et les députés (francophones) de l’autre lors du débat sur la taxation de 1805–1807 donne
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cependant à Bédard l’occasion de demander une réforme afin d’établir un lien entre le pouvoir exécutif et l’Assemblée du Bas-Canada. Il souhaite la création d’un ministère provincial qui donnerait aux députés la possibilité de surveiller le pouvoir exécutif bas-canadien. Sa demande est conforme à la constitution britannique, mais elle implique un changement important dans le fonctionnement de la constitution coloniale et, plus fondamentalement, dans la distribution des pouvoirs au sein de l’Empire. Bédard ouvre le débat sur la responsabilité de l’exécutif le 24 janvier 1807 en prônant la mise sur pied d’un ministère canadien. Il la réclame jusqu’à son arrestation et la fermeture de son journal en mars 1810. Sa revendication est formulée dans le cadre constitutionnel britannique et repose sur l’idée que la constitution canadienne doit être identique à celle de la métropole. Il ne tient alors pas compte du fait que le Bas-Canada est une colonie. Par sa revendication, Bédard n’entend pas remettre en question le caractère sacré du roi: «il est vrai (comme on ne saurait nier) que la personne du Représentant du Roi doive être sacrée et inviolable ici, comme l’est la personne même du Roi en Angleterre». Toutefois, «dire que c’est le Représentant du Roi qui fait tout ici, c’est ôter aux Canadiens le droit d’examiner les actes publics du Gouvernement. À quoi leur sert alors la part qu’ils ont dans la Législation, si on leur ôte le moyen de connaître les abus auxquels il y aurait à remédier par cette législature23 ». Un correspondant de Bédard, signant son texte des initiales A.B., soutient la même chose. L’idée voulant qu’il n’y ait pas de ministère dans la colonie est absurde puisque c’est le gouverneur lui-même (le représentant du roi) qui doit assumer la responsabilité de tous les actes de l’exécutif en l’absence de conseillers. Si tel était le cas, le principe monarchique serait miné et dépouillé de son caractère sacré: c’est même une maxime de notre ministère qu’il n’y a point de ministère ici et que c’est le Gouverneur qui conduit tout. Cette maxime qui tend à rendre le Représentant du Roi responsable de tous les conseils des ministres est aussi injuste qu’inconstitutionnelle, en ce qu’elle expose le Représentant du Roi à perdre la confiance du peuple par les fautes des ministres24. Le raisonnement de Bédard et de A.B. repose sur une prémisse constitutionnellement fausse, soit que le gouverneur doive jouir des avantages liés à la fonction monarchique car il en assume les devoirs.
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Selon eux, le gouverneur ne peut pas être tenu responsable de son administration, étant donné que le principe monarchique est sacré et inviolable. La responsabilité des décisions de l’exécutif doit donc incomber à des conseillers. Si tel n’est pas le cas, la constitution coloniale ne peut fonctionner correctement puisque le pouvoir législatif ne peut contrôler le pouvoir exécutif, l’Assemblée ne pouvant censurer le gouvernement. Si le gouverneur est responsable de son administration, sa position ne lui confère pas un caractère sacré et inviolable. Le principe monarchique n’existe donc pas vraiment dans la colonie. Inversement, si le gouverneur n’est pas responsable, le pouvoir exécutif colonial est totalement irresponsable. La constitution coloniale est, par conséquent, despotique. Ce dont Bédard et A.B. ne tiennent pas compte, à dessein, c’est que le gouverneur est, dans les faits, responsable de ses décisions envers les autorités métropolitaines. Le pouvoir exécutif colonial est donc responsable devant le pouvoir souverain. Même si l’Assemblée ne peut censurer le gouvernement, celui-ci n’est pas pour autant irresponsable. Néanmoins, la demande visant la mise sur pied d’un ministère provincial ne peut se justifier qu’en ignorant, en partie, la situation coloniale du Bas-Canada. Bédard et A.B. exigent un changement fondamental à la constitution coloniale afin de rendre le pouvoir exécutif responsable devant le pouvoir législatif local et non devant les autorités de l’Empire. En appui à cette revendication, A.B. souligne que le gouverneur est entouré par des gens (dont les conseillers exécutifs) qui ne jouissent pas de la confiance de la Chambre. Leur présence auprès du gouverneur tend continuellement à mettre de la mésintelligence entre le représentant du Roi et la Chambre d’Assemblée. Ce que le parti ministériel n’a pu gagner dans la Chambre par les débats sur la prérogative et les Journaux, il essaye de l’emporter auprès de représentant du Roi [...] et il en résulte des mésintelligences entre le Représentant du Roi et la Chambre d’Assemblée, pour de pures vétilles25. Autrement dit, le gouverneur étant entouré par ce parti ministériel, ses décisions en sont nécessairement influencées. Il est donc inacceptable que ces conseillers aient une influence sur le pouvoir exécutif sans qu’ils ne soient, eux aussi, responsables de leurs avis, surtout
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si le gouverneur ne peut être tenu responsable de ses décisions. Le correspondant mentionne qu’au Bas-Canada, cet état de choses encourage le clivage entre les Anglais et les Français, chaque groupe contrôlant des institutions distinctes. Dans la pratique, les réformistes réclament qu’on leur reconnaisse le pouvoir de mettre en garde le gouverneur contre de mauvais conseillers et de les châtier au besoin. Pour Bédard, la solution se trouve dans la pratique métropolitaine, où le Ministère doit nécessairement avoir la majorité dans la Chambre des Communes – Dès qu’il perd l’influence qui la lui donne, ou dès que son système ne paraît plus bon, il est relevé. Quelquefois aussi il arrive, que lorsque le Roi désire savoir lequel des deux systèmes, de celui du ministère ou de celui d’une opposition, la nation veut adopter, il dissout le Parlement. Alors la nation exerce son jugement en élisant ceux dont elle approuve le système et la conduite, et en rejettant [sic] ceux dont elle désapprouve pareillement le système et la conduite26. Si cette revendication des réformistes respecte parfaitement la constitution britannique et les principes institutionnels de la liberté moderne, elle ne tient pas compte de la situation coloniale du Bas-Canada. Malheureusement pour Bédard et ses compagnons, le gouverneur James Craig n’apprécie guère cette campagne. La publication d’un poème le 10 mars 1810 dans les pages du Canadien demandant « Quand oserez-vous donc chasser, / Peuple, cette canaille / Que le Gouvernement veut payer / À même notre taille [...]27 » va lui servir de prétexte pour tenter de détruire le mouvement réformiste. Bien que Pierre Bédard se soit dissocié du poème, dans la livraison du 14 mars, en disant regretter sa publication et en condamnant ce qui semblait être un libelle contre le gouverneur, ce dernier fait arrêter les dirigeants réformistes et fermer leur journal. Lorsque ces réformistes ressortent de prison, l’heure n’est plus aux revendications, mais à la loyauté. Lors de la guerre de 1812–1814, les Canadiens et leurs représentants se rangent derrière le gouverneur Prevost. Dans ce contexte, aucun grand débat constitutionnel n’a lieu pour un certain temps. Il faut attendre 1814 pour qu’une critique du Conseil exécutif réapparaisse dans un Mémoire au soutien de la requête des habitans du Bas-Canada, à son Altesse Royale le Prince Régent. Ce mémoire
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dénonce la composition du Conseil exécutif. Ses auteurs anonymes28 déplorent que les conseillers soient choisis au sein du parti en minorité à l’Assemblée, faisant en sorte que le pouvoir exécutif et l’Assemblée soient en perpétuelle opposition. Par cette critique, ils dénoncent à la fois les opinions politiques des sujets appelés à siéger au Conseil ainsi que leur origine ethnique : ils sont tous Anglais29. Selon eux, l’existence d’une telle institution est néfaste pour les colonies à plusieurs égards. Les conseillers, qui nourrissent une certaine animosité envers les Canadiens français, donnent des informations erronées au gouverneur et aux autorités britanniques. Par conséquent, le gouvernement se trouve toujours en opposition au peuple, le gouverneur et l’Assemblée ne s’entendant jamais sur les politiques à suivre. Sans compter que des doutes sont émis sur la loyauté des Canadiens lorsqu’ils demandent des réformes30. Néanmoins, contrairement à la requête formulée par Bédard dans Le Canadien avant 1810, les rédacteurs du Mémoire ne demandent pas la création d’un ministère qui se composerait de membres tirés plus ou moins exclusivement du parti majoritaire à l’Assemblée. Ils reconnaissent qu’« il est juste que les Gouverneurs connaissent les deux partis [...] ». Pour faire en sorte que le gouverneur puisse apprendre à connaître les Canadiens et à prendre en compte leurs demandes sans l’intermédiaire des conseillers anglais, les rédacteurs du Mémoire proposent qu’il appelle au Conseil « les principaux membres de la majorité de la Chambre d’Assemblée ». Le Conseil deviendrait alors « un lieu où les deux partis pourraient s’entendre et se concilier sur leurs plans et leurs projets, et bien des oppositions inutiles qui ne viennent que de ce que les projets ont été concertés séparément, et de ce que l’amour-propre de ceux qui les ont faits se trouve engagé à les soutenir, seraient ôtées [...]31 ». Ainsi, les auteurs du Mémoire ne demandent pas la création d’un ministère provincial, étant donné qu’ils font du Conseil exécutif une institution essentiellement consultative, à l’exemple du Conseil privé britannique32. La question de l’existence ou de la création d’un ministère bascanadien disparaît presque complètement de la scène publique bascanadienne par la suite, à quelques exceptions. D’abord, Laurent Bédard, le neveu de Pierre Bédard33, rouvre le journal Le Canadien le 14 juin 1817. Il le dirige jusqu’à la fin de l’année 1819. Il reprend le flambeau là où son oncle l’avait laissé. Comme lui, il s’intéresse à la question de la liberté de la presse. Il réédite, à l’été 1818, les textes de De Lolme portant sur ce sujet, que Pierre Bédard avait
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lui-même publiés à l’été 180834. À l’instar de son oncle, Laurent Bédard fait régulièrement appel à l’autorité de Blackstone et de De Lolme. Il en vient finalement à parler de la responsabilité ministérielle le 25 juillet 1818. Cette discussion naît d’une querelle autour de la responsabilité du secrétaire civil au regard des actes du gouvernement à l’époque de Prevost. La querelle n’est ni d’une très grande importance ni d’un très grand intérêt. Ce qui l’est par contre, c’est qu’elle amène Laurent Bédard à parler de la responsabilité des ministres. Selon lui, l’idée voulant que le gouverneur assume seul la responsabilité des actes de son administration est insensée. Pour bien démontrer le danger de cette assertion, Laurent Bédard affirme qu’il s’agit là de « la pratique, qui a toujours régné en France durant la révolution, que les Ministres n’étaient point comptables des actes du Gouvernement. [...] Toutes les fautes de l’administration tombaient sur les chefs. Delà [sic] la rapidité des révolutions. Delà [sic] l’instabilité d’un Gouvernement ou les Ministres ne sont comptables de rien ». Fondée ou non, cette affirmation est très utile pour discréditer l’idée voulant que les ministres ne soient pas et ne doivent pas être responsables des décisions du gouvernement dans la colonie. Suivant cette logique, Bédard affirme que « le secrétaire civil est très responsable des actes de l’Administration ». Il termine en se référant aux principes de la constitution britannique : « La prérogative a ses règles et ses maximes. Elle est confiée au chef de l’État, pour être employée d’après l’avis de ses Ministres à son plus grand bien ». Cette prise de position n’a toutefois pas de suite. Il faut attendre février 1819 pour que Laurent Bédard poursuive sa réflexion. Il n’apporte alors rien de neuf au débat, se contentant de reproduire deux articles déjà parus en 1807 : l’un du correspondant A.B. et l’autre de Pierre Bédard35. La question de la responsabilité ministérielle refait surface une seule fois dans la décennie 1820. Le 22 mars 1820, le nouvel éditeur du journal Le Canadien, Flavien Vallerand, publie un texte intitulé « Catéchisme à l’usage du Bas-Canada » où il est à nouveau question de cette responsabilité. Cette fois, tout est embrouillé. Vallerand reconnaît que la responsabilité des colonies appartient au ministre à Londres. Ses commentaires sur la responsabilité ministérielle coloniale se réduisent à ceci : « Le Conseil Exécutif est à peu près au Gouverneur ce que les Ministres sont au Roi : l’on devrait en conclure qu’un membre du Conseil Exécutif ne devrait pas être membre du Conseil Législatif ». La conclusion de Vallerand a de quoi laisser
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perplexe puisque le roi en Grande-Bretagne choisit ses ministres parmi les membres des deux chambres du Parlement. Il n’y a donc aucune raison pour que les conseillers exécutifs du roi ne puissent être des conseillers législatifs. Malgré tout, c’est ainsi que disparaît, pour plus d’une décennie, cette revendication du discours réformiste. Par la suite, seul Étienne Parent réfléchira réellement à la question du rapport entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif et prônera une forme de responsabilité ministérielle dans la décennie 1830. Parent rouvre le journal Le Canadien le 7 mai 1831 (le journal avait fermé ses portes en mars 1825). Bien qu’il appuie les patriotes jusqu’en 1835, il ne partage jamais leurs idéaux républicains. Comme Bédard, Parent accepte les principes constitutionnels britanniques. C’est pourquoi il en vient à considérer l’établissement d’une certaine responsabilité ministérielle locale comme une solution possible aux problèmes du Bas-Canada. Parent connaît bien la constitution britannique. Il sait que « les ministres et les conseillers du roi répondent, au prix de leurs portefeuilles, de leurs fortunes, et de leurs vies mêmes, des actes du gouvernement ». Il ne peut alors s’empêcher de constater que la situation est très différente dans la colonie : « ici les ministres et les conseillers du représentant du roi, conseillent tout, font tout, sont partout pour faire le mal, et quand il s’agit de répondre de leurs conseils, ils prennent une forme intangible, ils disparaissent, ils ne sont plus rien36 ». En critiquant les conseillers exécutifs coloniaux, Parent n’entend pas critiquer la prérogative royale comme telle : la colonie n’a jamais prétendu que ses pouvoirs dussent outrepasser le point où ils seraient incompatibles avec le maintien de la souveraineté du Roi. Les colons ont toujours été et sont encore prêts à laisser au roi toutes les prérogatives et les pouvoirs qui constituent la souveraineté royale sous la constitution Anglaise ; mais ils veulent en même temps que le peuple jouisse des droits et privilèges que lui garantit cette même constitution37. Parent demande seulement l’introduction de la responsabilité des conseillers dans la colonie comme moyen de contrôler le pouvoir exécutif dans le cadre de la constitution britannique. La revendication de Parent se distingue de celle de Bédard et de celle des rédacteurs du Mémoire de 1814 en ce qu’elle propose de
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rendre les conseillers exécutifs responsables de divers départements (ministères), ce que ni Bédard ni les auteurs du Mémoire n’avaient fait. Selon Parent, il est nécessaire au Bas-Canada d’avoir un « corps d’hommes à qui il appartiendrait, chacun dans un certain département, de présenter aux Chambres les mesures que demandent les besoins du pays [...] un Conseil ou ministère provincial composé comme c’est le cas partout, d’hommes influens dans les deux Chambres38 ». En novembre 1835, le gouverneur Gosford assure les Canadiens que Londres n’entend pas remettre en cause les « arrangements sociaux » dans la colonie, c’est-à-dire l’Acte de Québec. Parent est alors plus confiant que jamais envers la bonne volonté des autorités londoniennes. Il se demande à ce moment si la réforme du Conseil exécutif ne pourrait pas remplacer, à elle seule, toutes les autres revendications formulées par les patriotes, surtout si le Conseil exécutif pouvait nommer les conseillers législatifs39. Quoi qu’il en soit, Parent n’a jamais assez d’influence auprès des patriotes avant les rébellions pour imposer cette demande de réforme. Accusé de modérantisme parce qu’il rejette la violence en 1836–1837, Parent reste en marge du Parti patriote jusqu’au soulèvement40. La question de la responsabilité ministérielle ne redeviendra importante qu’à la suite des rébellions. Le mouvement de réforme bas-canadien (1810–1828) Dès 1810, la question de la mise en place d’un ministère colonial n’est plus centrale dans le discours réformiste. Pour conforme à la pratique constitutionnelle britannique, cette revendication est difficile à formuler puisque les réformistes doivent eux-mêmes découvrir et normaliser un mécanisme (le Cabinet) qui ne l’est pas encore tout à fait dans la métropole. L’abandon de cette revendication ne signifie toutefois pas que les réformistes cessent leurs activités. Deux autres revendications sont possibles dans le cadre de la liberté moderne et des institutions britanniques : la première concerne le contrôle des subsides par l’Assemblée ; la seconde, la procédure de destitution des fonctionnaires. Entre 1810 et 1828, les réformistes font tour à tour appel à ces deux moyens constitutionnels qui permettent aux députés de contrôler le pouvoir exécutif. Durant la décennie 1810, les réformistes tentent, à plusieurs reprises, d’obtenir la destitution de fonctionnaires. Selon eux, il est
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inconcevable que certaines personnes ne puissent être poursuivies pour les malversations dont elles sont soupçonnées. Une telle chose impliquerait que ces personnes sont au-dessus des lois. Les juges font d’abord l’objet des attaques de l’Assemblée. En 1814, des procédures sont entreprises en vue d’obtenir la destitution des juges Jonathan Sewell et James Monk. En 1817, c’est au tour de Louis Charles Foucher de subir les foudres de l’Assemblée. Même Pierre Bédard (devenu juge) n’échappe pas à la vindicte des représentants élus puisque de semblables procédures sont entreprises contre lui en 1819. Le problème auquel font alors face les députés provient du fait que la constitution coloniale ne prévoit pas de mécanisme pouvant mener à la destitution d’un juge ou d’un fonctionnaire. L’Assemblée peut bien adopter des résolutions, aucune instance n’est officiellement habilitée à rendre un jugement sur cette question. En 1818, le régent (futur George iv) annonce qu’il désire confier au Conseil législatif le soin de juger les personnes poursuivies en destitution. Cette décision ne semble pas avoir été mise en pratique, le député réformiste François Blanchet demandant encore la mise en place d’un tribunal en destitution lors d’un débat à l’Assemblée le 28 février 1819. Selon lui, l’établissement d’un tel tribunal est nécessaire parce que « les tribunaux [sont] le seul rempart contre le crime. Il ne [peut] donc être qu’extrêmement alarmant pour cette Colonie, de voir qu’il [existe] en effet une classe hors de l’atteinte de la loi41 ». Le 31 janvier 1821, les députés débattent à nouveau d’un projet pour faire du Conseil législatif le tribunal responsable des destitutions. La discussion n’a vraisemblablement mené à rien42. En 1822, l’Assemblée demande que le conseiller législatif John Richardson soit sanctionné pour des propos tenus le 25 janvier lors d’une séance du Conseil. Il avait alors comparé les agissements de l’Assemblée à ceux des rebelles à l’époque de Charles Ier et à ceux du Comité de Salut public lors de la Terreur en France. L’Assemblée demande au Conseil de punir son membre, même s’il ne peut pas être renvoyé. Elle exige aussi du gouverneur que Richardson soit « destitu[é] et renvoy[é] [...] de tous les Offices et Places d’Honneur, de Confiance et de Profit qu’il peut tenir durant bon Plaisir sous le Gouvernement de Sa Majesté en cette Province43 ». Rien n’y fait, aucune des personnes accusées, juges ou autres, n’est destituée44. Après avoir échoué dans leurs efforts visant à mettre en place une certaine responsabilité ministérielle et à créer un tribunal en destitution, le gouvernement métropolitain refusant de collaborer,
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les réformistes adoptent finalement, comme principale revendication, l’application du dernier mécanisme constitutionnel britannique permettant à l’Assemblée de limiter la prérogative de la couronne. Ils exigent que la Chambre basse de la législature contrôle le budget colonial. Le droit de la Chambre de contrôler les revenus de la province devient une question d’actualité en 1818. À ce moment, le prince régent exige que le gouverneur Sir John Coape Sherbrooke demande à la législature d’assumer elle-même l’ensemble des coûts relatifs au gouvernement civil de la province45. Cette demande n’a rien de révolutionnaire puisque l’Assemblée avait déjà proposé au Parlement impérial de prendre en charge toutes les dépenses civiles du gouvernement en 181046. Si cette proposition est restée lettre morte à la veille de la guerre de 1812, la demande du prince marque le début d’une longue querelle qui trouve sa conclusion dans la rébellion de 1837. En 1819, Laurent Bédard rappelle que le contrôle des revenus par l’Assemblée est le corollaire obligé de la prérogative dans le cadre du gouvernement mixte britannique : les craintes que les membres de la Chambre empiètent sur la prérogative de la couronne, ne nous paraissent pas mieux fondées. Le pouvoir qu’a la couronne de nommer à toutes les places et de conférer les titres de noblesse et d’honneur, met le Roi au-dessus de tous ses sujets et est ce qui constitue la monarchie Anglaise et le droit qu’a le peuple de lever et d’accorder de l’argent par ses Représentans, est ce qui forme la monarchie limitée. Car si la couronne possédait ce pouvoir, elle serait absolue et le peuple n’aurait aucune garantie de sa liberté47. Flavien Vallerand, le successeur de Bédard à la tête du Canadien en 1820, affirme de son côté que « le droit sacré, qu’a le peuple anglais de lever et d’accorder de l’argent par ses Représentans, est un droit auquel les habitans du pays ne sauraient être trop attachés48 ». Ce droit est essentiel à la liberté, car sa disparition entraînerait une forme de despotisme : « qu’on ôte aux Anglais le contrôle de leurs deniers publics, et ces fiers enfants de la liberté, si jaloux de leur Constitution, tomberont en un instant sous un gouvernement despotique49 ». Le député François Blanchet, propriétaire du journal Le Canadien que Vallerand publie, reprend le modèle parlementaire
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britannique comme principal argument pour justifier le bien-fondé des revendications de l’Assemblée : le Gouvernement de Sa Majesté, en accordant aux Habitants du Canada un Gouvernement représentatif a pris pour modèle, autant que les circonstances le permettaient, sur la Constitution d’Angleterre. Les Canadiens, en recevant les bienfaits de cette Constitution, ont reçu avec elle une expérience consacrée par des siècles de pratique. Les pouvoirs des différentes branches de la Législature se trouvaient de suite définis [...]. Depuis la révolution de 1688, c’est une loi fondamentale du Royaume, que les Communes ont seules le privilège de lever de l’argent, de l’approprier et de mettre à leur don telles conditions qu’il leur plait. En vertu de ce droit commun les Assemblées de toutes les Colonies jouissent aussi du même privilège50. Les réformistes se défendent bien de vouloir détruire la constitution. Au contraire, ils soutiennent qu’« il serait dangereux de toucher à une seule pierre d’un édifice aussi respectable que la constitution anglaise [...]51 ». Tout ce qu’ils désirent, c’est son respect intégral dans la colonie. Bien que les réformistes respectent la constitution de 1791, la relation entre l’Assemblée et le pouvoir exécutif se détériore rapidement après l’arrivée de lord Dalhousie à titre de gouverneur en 1820. D’emblée, Dalhousie demande à l’Assemblée non seulement de prendre en charge les frais du gouvernement civil (ce que l’Assemblée est prête à faire), mais en plus de voter les appropriations de manière permanente. L’Assemblée refuse en disant qu’elle votera les appropriations annuellement52. La décision de l’Assemblée était prévisible. Ne pouvant ni désavouer les décisions de l’exécutif suivant l’idée de la responsabilité ministérielle ni censurer aucun officier de la couronne ou juge, elle ne peut limiter la prérogative royale qu’en exerçant un contrôle minutieux du budget. Dalhousie revient à la charge le 11 décembre 1821 en demandant l’octroi d’une liste civile (montant d’argent qui sert à payer le fonctionnement des pouvoirs exécutif et judiciaire) pour la durée de la vie du roi. Il base sa demande sur la constitution britannique53. L’Assemblée répond directement au roi le 21 janvier 1822. Dans son adresse, elle déclare qu’elle aurait aimé acquiescer à la demande, mais qu’elle ne peut le faire. Elle justifie son refus par plusieurs arguments qui récusent l’analogie entre les
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constitutions métropolitaine et coloniale utilisée par le gouverneur pour justifier sa demande. Elle met alors en relief tout ce qui distingue la constitution canadienne de la constitution britannique. Elle défend à ce moment une politique différente de celle adoptée par la première génération de réformistes qui avait agi comme s’il n’existait pas de différences entre ces deux constitutions. L’Assemblée soutient que les revenus provinciaux sont instables et généralement à la baisse. Elle ne voit pas comment elle pourrait voter une allocation à long terme visant à défrayer les coûts du gouvernement civil alors que ses revenus diminuent continuellement. Elle ajoute que la couronne conserve le contrôle sur certaines sources de revenus. Or, l’Assemblée réclame le contrôle sur tous les revenus provinciaux. De plus, les revenus de la colonie sont affectés par les lois impériales sur lesquelles les députés n’ont aucun pouvoir. Ainsi, non seulement le vote d’une liste civile pour la vie du roi imposerait à la province des dépenses récurrentes dont l’importance relative dans le budget irait en croissant, mais il ne donnerait pas aux députés, en contrepartie, le plein contrôle sur ses revenus. L’Assemblée explique aussi que, si la liste civile occupe un très petit poste budgétaire en Grande-Bretagne, elle représenterait la presque totalité des dépenses dans la colonie. En votant une liste civile pour plusieurs années, la Chambre perdrait tout pouvoir sur les destinées de la province. L’Assemblée remarque également que le système politique colonial n’est pas identique au système métropolitain : La division des Pouvoirs Législatif, Exécutif et Judiciaire, l’Indépendance des Juges dans les Fonctions de leur État, ainsi que la responsabilité et la comptabilité des Officiers du Gouvernement, attributs essentiels de la Constitution, sont très marquées dans la Grande-Bretagne. Elles ne se trouvent pas dans cette Province, où des Pouvoirs et des Fonctions qui s’excluent mutuellement se trouvent réunies dans les mêmes Personnes. Dans ce contexte, elle soutient que l’emploi du revenu colonial «ne peut être en réalité surveillé que par la Législature Coloniale et particulièrement par l’Assemblée, comme en effet il l’est dans les autres Colonies Britanniques. Un autre moyen de contrôle serait illusoire ». L’Assemblée refuse donc de voter la liste civile en soutenant qu’un tel octroi
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entraînerait, de la part de l’Assemblée, l’abandon d’un des plus anciens Privilèges et des Droits les plus constamment exercés par les Assemblées Coloniales ; elle perdrait par là-même le poids qu’elle doit avoir dans la Législature et celui du Peuple qu’elle représente ; elle se priverait en outre, par-là, des seuls moyens praticables de surveiller l’emploi du Revenu Public ; Droits et Privilèges également nécessaires et avantageux pour le Gouvernement de Sa Majesté, comme pour la sécurité de ses Sujets dans la Province [...]54. Malgré tout, l’Assemblée réitère sa disposition à payer les dépenses du gouvernement civil sur une base annuelle. La crise atteint un point critique en 1823 alors que le Conseil législatif refuse d’adopter le budget de l’Assemblée. Puis, vers 1825, la tension diminue au moment où sir Francis Burton assume, en l’absence de lord Dalhousie, les fonctions de lieutenant-gouverneur de la colonie. Cette accalmie est passagère. La crise réapparaît avec plus de vigueur en 1827. Cette année-là, la campagne électorale du printemps porte essentiellement sur cette question. John Neilson, un des représentants des Canadiens qui témoignent devant le comité spécial de la Chambre des communes de 1828 sur les problèmes canadiens, fait d’ailleurs du contrôle des subsides par l’Assemblée la principale revendication des réformistes bas-canadiens55. D’un mouvement réformiste à un mouvement républicain (1822–1828) Jusqu’au début de la décennie 1820, les réformistes ne remettent pas en cause leur appartenance à l’Empire britannique et situent leurs revendications dans le cadre de la constitution de 1791. Pierre Bédard et Louis-Joseph Papineau, l’orateur de l’Assemblée législative, avaient même souligné, en 1809 et en 1820 respectivement, que la Conquête s’était avérée positive en ce qu’elle avait apporté des institutions libres aux Canadiens56. Dans ce contexte, les revendications bascanadiennes s’inscrivent toujours dans le cadre de la liberté moderne où la participation au pouvoir législatif apparaît comme un droit parmi d’autres57. Les réformistes ne questionnent jamais l’équilibre des pouvoirs inhérent au gouvernement mixte, ne discutent pas de la légitimité du Conseil législatif et reconnaissent une certaine autonomie au pouvoir exécutif, même s’ils souhaitent le contrôler d’une
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manière plus efficace. C’est l’appel aux principes constitutionnels britanniques qui donne généralement la cohérence aux demandes réformistes avant 1828. Néanmoins, les choses se mettent à changer après 1820. Le discours réformiste évolue de manière à permettre le passage progressif du discours constitutionnel au discours républicain. D’abord, les réformistes commencent à aborder la question de la corruption du pouvoir législatif. Le Canadien publie un texte, le 4 mars 1820, où il est clairement dit qu’un électeur ne doit pas vendre son vote au plus offrant. Si cette idée est présente chez Blackstone, l’importance accordée à l’indépendance des électeurs est plus fondamentale chez les tenants de la liberté républicaine. Le 15 mars suivant, le même journal publie un article sur Andrew Marwel, un adjoint de John Milton sous le Commonwealth anglais des années 1650. Marwel est présenté comme un « martyre du patriotisme » puisqu’il a refusé toutes les places que le roi Charles II lui a offertes après la restauration afin de conserver son indépendance par rapport au pouvoir exécutif. Enfin, le 14 juillet 1824, Le Canadien publie un texte sur la nécessité, pour les députés, de conserver leur indépendance face à l’administration. La première vraie critique de la constitution britannique paraît dans la colonie en octobre 1821 sous le titre « Origine et vices de la Constitution britannique ». L’auteur anonyme s’attaque d’emblée à la grandeur et à la supériorité de cette constitution. Selon lui, « en vain chercherait-on un Licurgue ou un Solon parmi les Anglais ; leur constitution si vantée, n’a eu d’autre source que l’intérêt même de la puissance royale. Elle n’est en réalité qu’un amalgame incohérent de différens actes successivement obtenus de leurs monarques ». Mettant l’accent sur l’importance de la représentation dans le système politique, l’auteur affirme que « si d’un côté le peuple doit obéir aux lois, [ces lois] doivent de l’autre émaner de sa propre volonté ». Il s’attaque ensuite à Montesquieu qui admirait le système de gouvernement mixte anglais : nos devanciers connaissaient si peu l’essence du mode représentatif, que l’immortel Montesquieu se prosternait, pour ainsi dire, d’admiration devant la constitution britannique [...]. Plus éclairés de nos jours sur les droits du peuple, nous louerons avec Montesquieu ce qui mérite de l’être ; mais nous rougirions de professer une admiration aveugle pour les défauts qui déshonorent la Constitution anglaise58.
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Après cette entrée en matière plutôt directe, l’auteur critique la Chambre des communes, dont les membres se vendent ou obtiennent leur siège dans les bourgs pourris, et la Chambre des lords, dont les membres ne sont pas tous dignes59. Il critique enfin la couronne, soulignant que les États-Unis ont réussi à confier le pouvoir exécutif à un représentant élu60. Il faut ajouter ici que la manière dont les Bas-Canadiens perçoivent les États-Unis se transforme progressivement. D’essentiellement négative, leur perception devient, après 1815, de plus en plus positive61. Les références des réformistes se diversifient également dans les années 1820. L’époque où seuls William Blackstone et Jean Louis De Lolme servaient à justifier leurs demandes est révolue. Certes, Le Canadien fait majoritairement appel aux défenseurs de la liberté moderne – pensons à Voltaire, Montesquieu, Blackstone, Charles James Fox, Benjamin Constant et Madame de Staël62 – mais il réfère aussi aux auteurs républicains comme Jean-Jacques Rousseau, ce qu’il ne faisait pas auparavant. Si les textes rousseauistes cités ne concernent généralement pas la politique, leur provenance nous indique que les réformistes côtoient désormais les principes républicains que Rousseau développe dans ses ouvrages. Ainsi, Le Canadien publie plusieurs extraits provenant, entre autres, d’articles publiés de L’Encyclopédie (dont le Discours sur l’économie politique qui annonce les thèses du Contrat social), du cinquième livre de L’Émile ou de l’éducation (qui contient un résumé du Contrat social) et de Julie ou la nouvelle Héloïse63. L’évolution du mouvement réformiste colonial vers la revendication du contrôle des subsides après 1818 laisse aussi entrevoir un glissement progressif vers la liberté républicaine. De Lolme, qui a reconnu l’importance et l’efficacité de cette limite à la prérogative royale, considérait toutefois que son application intégrale pouvait potentiellement être dangereuse pour l’équilibre des forces et la stabilité de l’ordre constitutionnel : « there might be the danger, that, if the parliament should ever exert their privilege to its full extent, the prince, reduced to despair, might resort to fatal extremities ; or that the constitution, which subsists only by virtue of its equilibrium, might in the end be subverted64 ». Force est de constater que l’analyse de De Lolme s’est avérée juste dans le cas bas-canadien. La querelle autour de la question des subsides entraîne l’exaspération des réformistes. À partir de la décennie 1820, ils n’ont d’autre choix que de refuser de voter les subsides pour faire entendre leurs revendications,
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laissant parfois le gouvernement et l’appareil judiciaire sans le sou. Il faut cependant reconnaître que l’utilisation de ce mécanisme par l’Assemblée pour contrôler le pouvoir exécutif constitue son seul véritable moyen de brimer la « tyrannie » de l’exécutif, car les deux autres mécanismes (responsabilité ministérielle et destitution des fonctionnaires) n’ont pas été reconnus par Londres. L’exaspération des réformistes les encourage finalement à rejeter le cadre constitutionnel et à adopter le républicanisme à la fin de la décennie 1820. Si le non-règlement de la question des subsides exaspère les réformistes bas-canadiens, le dépôt à la Chambre des communes, en juin 1822, d’un projet de loi visant à unir les deux Canadas ébranle sérieusement la confiance des Canadiens envers le gouvernement britannique. Selon Philip Buckner, les autorités métropolitaines désiraient, par l’union, consolider leur position en Amérique du Nord britannique, régler la question du partage des revenus de douane entre les deux Canadas et assimiler progressivement les Canadiens français. Selon Helen Taft Manning, l’élite anglophone du BasCanada y voyait le moyen d’échapper au pouvoir d’une Assemblée dominée par les Canadiens français65. Toujours est-il que la nouvelle concernant l’union des deux provinces arrive dans la colonie en juin 1822. Le Canadien ne peut initialement croire à une pareille nouvelle, qu’il prend pour un canular66. Les Canadiens déchantent rapidement. Lorsque le texte du projet de loi arrive dans la colonie, Le Canadien le déclare injuste puisqu’il change « la constitution politique du pays, sans fournir à ceux qui s’y trouvent intéressés, tant pour la conservation de la liberté de leurs personnes que pour la sureté de leurs biens, [l’occasion] de faire entendre leurs réclamations [...]67 ». Des pétitions circulent à l’automne de 182268. Une grande assemblée se réunit au Champ de Mars à Montréal le 7 octobre. L’Assemblée législative adopte formellement une adresse au roi au début de 1823. Le Conseil législatif fait de même. Louis-Joseph Papineau et John Neilson sont finalement envoyés au Royaume-Uni pour lutter contre le projet. Les Bas-Canadiens ne sont pas les seuls coloniaux à s’opposer à l’union. Les Haut-Canadiens n’y sont pas favorables non plus. John Beverley Robinson, le procureur général du Haut-Canada, et John Strachan, l’âme de l’élite haut-canadienne, font d’ailleurs valoir officiellement leur point de vue à Londres entre 1822 et 182469. Le projet échoue finalement durant l’été 1822. Le gouvernement ne parvient pas à le faire adopter, car il refuse que la question soit débattue. Or, le député James Mackintosh s’oppose à ce que
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l’union soit votée sans que les Canadiens ne soient consultés. Pour éviter le débat, le gouvernement ne soumet pas le projet au vote. Lors du débat sur la question de l’union dans la colonie, les réformistes évoluent toujours dans le cadre du système constitutionnel anglais. Dans une lettre de Louis-Joseph Papineau à Louis Guy à l’automne 1822, le président de l’Assemblée et leader des réformistes explique qu’il s’oppose à l’union pour deux raisons. D’abord, ce projet vise à détruire les lois et les coutumes françaises ainsi que les institutions catholiques. Papineau prône même, à ce moment-là, une collaboration avec le clergé pour mieux lutter contre une union. Autrement dit, il défend l’Acte de Québec. Ensuite, il défend l’Acte constitutionnel par lequel les institutions parlementaires ont été créées. Il présente cette constitution comme le fruit du travail des plus grands hommes d’État que l’Angleterre n’ait jamais connus. Il fait alors référence à William Pitt, lord Grenville et peut-être même à Edmund Burke, qui l’a défendue à la Chambre des communes en mai 1791. Selon Papineau, les Canadiens n’ont pas mérité d’être privés de leur constitution et de leurs droits. Au plan tactique, il a compris l’importance pour les Canadiens de ne pas paraître animés par des considérations « raciales ». Il prend bien soin de dire que tous les pouvoirs constitués de la colonie s’opposent à l’union. Et pour montrer que la lutte n’oppose pas deux groupes ethniques, Papineau propose d’envoyer comme représentant des opposants à l’union au moins un « bon Anglais » de foi calviniste. Il fait alors allusion à John Neilson. Ce choix est d’autant plus symbolique que Neilson est écossais et presbytérien70. Bref, à l’automne 1822, Papineau n’a pas encore abandonné le cadre constitutionnel britannique. Sa position ressemble à celle de l’Assemblée, qui adopte une adresse respectant les paramètres de la liberté moderne. Dans cette adresse au roi, l’Assemblée explique que les Canadiens sont « sincèrement attachés à la Forme de Gouvernement sous laquelle [ils ont] le bonheur de vivre » et qu’ils ont confiance dans la justice du gouvernement britannique. Plus encore, l’Assemblée exprime sa satisfaction envers l’Acte constitutionnel puisque cet acte, « modelé sur la Constitution de la Mère-Patrie, par quelques-uns des plus grands et des plus sages de ses Hommes d’État, établit des Pouvoirs suffisans pour réformer les Abus, réparer les Torts, apaiser les Mécontentemens, et pourvoir au Bien général de la Province ». Si cette affirmation peut sembler pour le moins surprenante provenant de la part d’une Assemblée qui a échoué dans toutes ses
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tentatives de « réformer les Abus, réparer les Torts [et] apaiser les Mécontentemens », elle confirme que les réformistes ne réclament pas encore un changement du cadre constitutionnel. L’Assemblée n’est pas seulement satisfaite de la structure de pouvoir dans la colonie, elle apprécie aussi la division entre les deux Canadas. Elle déclare, à cet effet, que la Séparation de cette Province d’avec le Haut-Canada, fu[t] de la part du Parlement Impérial un Acte de Justice autant que de Bienfaisance envers les Haditans [sic] de l’une et de l’autre Province, en donnant aux uns et aux autres les moyens de maintenir intacts les Droits et les Privilèges qui leur étaient garantis et assurés par la Foi du Gouvernement. Si les droits nationaux sont inclus dans cette phrase (avec les autres droits), le cadre qui permet leur maintien est moderne puisqu’il est imposé par le Parlement. La souveraineté du Parlement n’est pas contestée ni remise en cause. De toute manière, l’Assemblée n’a toujours pas conceptualisé le « peuple » républicain puisqu’elle affirme ensuite que la politique adoptée en 1791 a « pour toujours assuré au Gouvernement de Votre Majesté la Confiance, l’Affection et la Fidélité inébranlables de toutes les Classes des Sujets de Votre Majesté en cette Colonie ». L’utilisation de l’expression « de toutes les classes des sujets » implique que la population du Bas-Canada a des intérêts diversifiés. Elle termine en disant que non seulement les Raisons qui ont occasionné la Passation du dit Statut existent encore dans toute leur force, mais elles ont même acquis un degré de force additionnelle par l’heureuse Expérience qu’en ont faite les Habitans de cette Province, et parce qu’ils regardent avec raison comme la base permanente de leurs Lois, de leurs Institutions, et de leurs Droits les plus chers71. Si les réformistes canadiens défendent l’intégrité de leur province en 1822 en respectant le cadre de la liberté moderne, ils commencent néanmoins à questionner ce cadre ainsi que les intentions du gouvernement métropolitain. Sans compter que la visite de Papineau à Londres en 1823 a un effet inattendu. Bien qu’officiellement couronnée de succès, sa visite lui laisse un goût amer. Lui, qui admirait
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la société et la constitution britanniques, est grandement déçu par les inégalités qu’il y constate. Sa désillusion face à la constitution britannique et son repli sur le modèle américain, à la fin de la décennie 1820, trouvent peut-être là leur source72. Le passage des réformistes bas-canadiens du constitutionnalisme au républicanisme est particulièrement facile après 1822, car ces derniers affirment depuis longtemps que l’Assemblée représente le « peuple ». Or, cet argument peut devenir républicain si le peuple en question cesse de correspondre à la part démocratique du gouvernement mixte constitutionnel pour devenir la fiction républicaine. En fait, l’ambiguïté autour de la notion de peuple est essentielle à la transition entre liberté moderne et liberté républicaine chez les réformistes bas-canadiens. Cette transition est facilitée par le fait que l’orateur de l’Assemblée est également le leader de la majorité en chambre. Dans le régime parlementaire britannique, le président de la Chambre des communes joue le rôle d’arbitre entre le parti au pouvoir et les partis d’opposition. Le chef de la majorité est, quant à lui, le premier ministre. Grâce à cette division des tâches, le système britannique reconnaît la pluralité des intérêts présents en chambre, un des éléments essentiels de la démocratie dans le cadre du gouvernement mixte. Dans la colonie, les choses se passent différemment. Puisque le chef de la majorité assume les fonctions de président, il ne parle pas au nom de la majorité, mais de la Chambre en entier. Ce faisant, il peut aisément en venir à prétendre parler au nom du peuple. Cette façon d’assimiler les fonctions de président de la Chambre et de leader de la majorité permet finalement de structurer le conflit non pas entre les différents intérêts coloniaux et métropolitains, mais entre le peuple (qui s’exprime par la voix de l’Assemblée) et les autres institutions coloniales (Conseil législatif et gouverneur) qui lui nuisent. Le passage de la conception moderne de la liberté à la conception républicaine se fait progressivement. Un des premiers signes apparaît en 1826 alors que le Parti canadien devient le Parti patriote. Cette nouvelle appellation des réformistes rappelle le nom que les rebelles des Treize Colonies américaines se donnaient. Au début de 1827, alors que la colonie est en pleine campagne électorale, le journal La Minerve de Ludger Duvernay publie des articles au ton clairement républicain. Il traite alors de la corruption, de la vertu... Toutefois, il faut attendre 1828 pour que les choses changent vraiment. Le refus du gouvernement britannique, par l’intermédiaire du
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gouverneur, de concéder quoi que ce soit aux réformistes avant cette date et la lenteur des réformes entreprises après 1828 poussent certains leaders réformistes à justifier leurs revendications en ayant recours à l’idéal républicain de la liberté. Il faut reconnaître que les réformistes ne peuvent guère poursuivre la lutte en 1828 en référant au cadre moderne étant donné que l’État bas-canadien trouve déjà sa légitimité dans les principes de la liberté moderne. Puisque le pouvoir souverain refuse de satisfaire leurs demandes, les réformistes ne peuvent plus justifier la poursuite de la lutte dans le cadre constitutionnel : la volonté du pouvoir souverain est, par nature, sans appel. Voulant poursuivre la lutte, les réformistes doivent justifier leurs revendications de manière à minimiser le plus possible la légitimité des autorités britanniques et, en contrepartie, à faire de leur volonté la source de l’autorité légitime dans la colonie. Or, il existe déjà dans le monde atlantique une idéologie qui peut leur permettre de tenir un tel discours : le républicanisme. La nature des principes républicains est très subversive, comme les mouvements révolutionnaires de la fin du xviii e siècle l’ont démontré. Elle permet de contester efficacement l’ordre établi en faisant appel au peuple comme source de toute autorité légitime. Le passage de la liberté moderne à la liberté républicaine se justifie donc très bien d’un point de vue théorique. Cette transition se fait d’autant plus aisément que le discours républicain repose, comme le discours constitutionnel, sur une rhétorique qui réfère au gouvernement mixte. Même si le gouvernement mixte républicain n’a rien à voir avec le gouvernement mixte constitutionnel, la souveraineté appartenant uniquement au peuple dans le premier cas et au Parlement (composé de la monarchie, de l’aristocratie et de la démocratie) dans le second, l’existence d’une telle rhétorique permet aux réformistes bas-canadiens de glisser vers le républicanisme sans que le mouvement ne soit perceptible. Ils peuvent d’ailleurs suivre l’exemple de la plupart des radicaux anglais qui ont articulé un discours républicain très cohérent sans jamais délaisser le cadre de la constitution anglaise73. Les réformistes n’ont alors qu’à mettre la constitution britannique sur sa tête pour qu’elle prenne une allure républicaine (voir Tableau 2). Le gouvernement mixte constitutionnel, tel qu’il existe dans la colonie, implique que le pouvoir législatif appartient à la législature, qui représente la somme des intérêts de la monarchie (roi), de l’aristocratie (Chambre haute) et de la démocratie (Chambre d’Assemblée).
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Tableau 2 Deux interprétations de la constitution britannique La constitution britannique (gouvernement mixte)
La constitution britannique (réinterprétation républicaine)
Démocratie Pouvoir exécutif autonome Monarchie Aristocratie Démocratie
Pouvoir législatif souverain
Pouvoir législatif souverain
Aristocratie Monarchie
Pouvoir exécutif soumis au pouvoir souverain
Dans ce système, la Chambre d’Assemblée représente le peuple, compris comme la portion de la population qui n’appartient ni à l’aristocratie ni à la monarchie. La Chambre d’Assemblée participe au pouvoir législatif en collaboration avec la Chambre haute et le monarque. En ce sens, elle constitue le troisième tiers du pouvoir législatif. Cette forme de gouvernement fonctionne si toutes les institutions législatives collaborent. Lorsque les députés de l’Assemblée bas-canadienne revendiquent une plus grande part du pouvoir, ils peuvent le faire en faisant valoir leurs droits et leurs privilèges comme partie prenante du système législatif, en en appelant au respect de l’équilibre des pouvoirs. Dans ce cas, ils demeurent dans le cadre de la liberté moderne. C’est ce qu’ils font jusqu’en 1828. Toutefois, face au refus de Londres d’accorder des réformes, les députés doivent trouver une façon de légitimer leurs revendications. Celle-ci doit leur permettre de ne plus tenir compte de la volonté du Parlement impérial, d’une part, et des deux autres branches de la législature coloniale, d’autre part. Leur but est de faire de l’Assemblée coloniale la seule institution politique légitime. Puisque l’Assemblée est la seule institution élue par les habitants de la province, elle parle au nom de son peuple. En reconfigurant la signification du mot « peuple », non plus dans le sens moderne mais en référence à la fiction républicaine à qui appartient la souveraineté, les députés s’octroient la légitimité nécessaire pour s’opposer au Parlement britannique, au gouverneur de la colonie et au Conseil législatif
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colonial. L’ambiguïté entourant le mot peuple permet donc aux députés réformistes bas-canadiens de devenir progressivement républicains sans que rien n’y paraisse. En adoptant l’idéal républicain, les patriotes cessent d’être des réformistes, c’est-à-dire de réclamer des modifications au fonctionnement des institutions coloniales, pour devenir des révolutionnaires. Après 1828, ils ne demandent plus de réformes. Ils exigent la réinterprétation, puis la refonte totale de la constitution. Ils revendiquent ni plus ni moins la reconfiguration des rapports politiques et sociaux dans la colonie. Déjà, ils prônent la mise en place d’une république bas-canadienne, même s’ils ne rejettent le cadre impérial et monarchique qu’à la fin de la décennie 1830. L’évolution idéologique des patriotes se fait tellement progressivement, naturellement, que personne ne la remarque avant les années 1830. Ce n’est que lorsque le discours patriote est clairement devenu républicain que les réformistes, acceptant toujours les principes de la liberté moderne, réalisent la transformation fondamentale survenue au sein du mouvement. John Neilson et Étienne Parent, deux grands artisans du mouvement réformiste bas-canadien ne partageant pas les idéaux républicains des patriotes, quittent tour à tour le parti lors de la décennie 1830. Leur défection a, comme première conséquence, leur marginalisation sur la scène politique provinciale. Les républicains considèrent alors la modération de leurs anciens alliés, demeurés attachés aux principes de la liberté moderne, comme une trahison. Neilson est le premier à prendre conscience de la transformation survenue dans le discours patriote. Lui, qui a participé à toutes les batailles de la décennie 1820 aux côtés des réformistes et qui les a représentés à Londres à deux reprises (en 1823 et en 1828), le réalise au début de la décennie. Il rompt définitivement avec le parti en 1834, lors du débat sur les Quatre-vingt-douze Résolutions. Il participe dans les mois suivant à l’organisation de la Quebec Constitutional Association, dont il devient le président en 1835. Cette association défend la constitution face aux patriotes entre 1834 et 1837. Elle est l’un des piliers de la défense de la liberté moderne au Bas-Canada avant les rébellions74. Quant à Étienne Parent, il prend ses distances du mouvement patriote vers 1835– 1836. Il est intéressant de noter que ces deux importantes défections se produisent à Québec, région qui ne participe pas au soulèvement de 1837. Si les réformistes modérés sont marginalisés sur la scène provinciale, peut-être conservent-ils une certaine autorité au niveau
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local. Quoi qu’il en soit, au niveau provincial, ces modérés n’ont guère d’influence sur les patriotes à la veille des rébellions.
l es ré f o rmist e s h au t - can ad i e n s (1 8 0 5 –1 8 2 8 ) La situation au Haut-Canada pour la période 1805–1828 se compare difficilement à celle du Bas-Canada. La province est plus petite et moins développée que sa voisine. Ce sont principalement les questions d’émigration, de distribution des terres et de l’influence américaine dans la colonie qui préoccupent les Haut-Canadiens à cette époque, plutôt que celle de la division du pouvoir, comme c’est le cas au Bas-Canada. Aucun véritable mouvement d’opposition demandant des réformes majeures au système politique ne s’y forme avant 1828. S’il y a bel et bien deux épisodes où des réformistes s’activent sur la scène politique, cette agitation est d’abord l’œuvre d’individus isolés qui tentent de créer un mouvement de réforme dans la colonie. Le premier, le juge Robert Thorpe, finit par prendre la tête d’un petit groupe de mécontents entre 1805 et 1807. Le second, Robert Gourlay, organise une campagne de pétitions dans la colonie en 1818. Les deux hommes échouent dans leur tentative et quittent la colonie. Robert Thorpe et les premières velléités de réforme au Haut-Canada (1806–1807) Au Haut-Canada, les premières velléités de réforme apparaissent vers 180575. Comme dans la province voisine, les premières contestations naissent d’un conflit d’intérêts entre deux groupes. Certains Irlandais se plaignent alors de la préférence que le pouvoir exécutif semble témoigner envers quelques marchands écossais76. Cette querelle aux apparences ethniques se double de considérations personnelles. Un petit groupe de mécontents entoure alors le conseiller exécutif Peter Russell, soit par des liens de parenté (comme c’est le cas pour Joseph Willcocks, William Willcocks et William Warren Baldwin), soit par des liens d’amitié (comme c’est le cas pour Robert Thorpe)77. Russell, qui avait assumé la direction du pouvoir exécutif dans la colonie entre 1796 et 1799, espérait succéder à Peter Hunter à titre de lieutenant-gouverneur à la mort de ce dernier en 1805. Malheureusement pour lui, après un court interrègne où Alexander Grant administre la colonie (1805–1806), le gouvernement métropolitain nomme Sir Francis Gore au poste de lieutenant-gouverneur.
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Si Russell ne participe pas aux activités de ses amis réformistes, sa non-nomination a certainement encouragé ses partisans à s’activer sur la scène politique coloniale78. L’engagement de Robert Thorpe dans le groupe réformiste, dont il est un des leaders à partir de la fin de 1806, est aussi dû à une déception professionnelle. Lorsque Thorpe arrive au Haut-Canada en 1805, il espère être nommé juge en chef de la colonie, d’autant plus qu’il l’avait été à l’Île-du-Prince-Édouard entre 1801 et 1804. Dans les faits, Thorpe joue un double jeu. Si sa relation avec Russell lui fait intégrer le cercle des mécontents, il continue à entretenir une correspondance avec les autorités londoniennes dans le triple espoir de devenir une autorité incontournable en matière haut-canadienne, de s’imposer comme l’homme pouvant contrôler la province grâce à ses contacts avec les mécontents et d’apparaître comme le meilleur candidat au poste de juge en chef79. Il assure même les autorités qu’il pourra ramener la paix et la concorde dans la colonie « in twelve months or less80 » s’il est nommé à ce poste. Lorsque la nouvelle de la nomination du procureur général de la province au poste de juge en chef du Haut-Canada lui parvient en 1806, Thorpe est déconcerté81. Dès ce moment, il lie son destin à celui des réformistes, bien qu’il espère toujours être nommé conseiller (exécutif et législatif) par le gouvernement métropolitain82. Devant l’inaction de Londres et à l’instigation d’un groupe dirigé par William Willcocks, Thorpe accepte d’être candidat à une élection partielle à la fin de 1806. Il cherche à succéder à William Weekes, un député réformiste tué lors d’un duel en octobre. Il est élu en décembre et prend la tête des réformistes. Malgré ce que leurs adversaires en disent, ces réformistes ne sont pas républicains, sauf peut-être Joseph Willcocks83. Pour Thorpe, il n’est pas question de renverser l’ordre établi. Lorsque vient le temps de faire référence à un pays libre, c’est vers l’Angleterre que son regard se tourne84. Inversement, il soutient que l’Amérique est envieuse du Canada. À preuve, le Canada deviendra « the asylum to which in the first tumult thousands will fly with their property & in the first convulsion between the Northern and the Southern States, it will be the post to rally round the Royal Standard, & be the means of reuniting a great portion of America again to Gt. Britain85 ». Thorpe admire ouvertement la constitution britannique et les principes de la liberté moderne qui la justifient. D’ailleurs, son slogan lors de l’élection de 1806 se présente comme suit : « The King, the People, the Law, Thorpe & the Constitution ».
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Thorpe accorde une grande importance à la loi comme élément central de la liberté. À ce propos, il déclare en octobre 1805 : A young country particularly calls for care and attention ; the bad habits of infancy are the miseries of age ; but nurtured by your energy and zeal, we will advance to maturity, laden with the blessings of Constitution and Commerce [...] As we love liberty, we must uphold the law, for liberty consists in freedom from restraint, except such as established law imposes for the good of the Community ; therefore when the restraints of the law are overthrown, anarchy reigns, until the people in this lassitude of contention, succumb to tyranny, feeling the worst of Governments better than none86. Cette définition de la liberté par la loi rappelle celle de Montesquieu. Quant à la glorification du commerce, il s’agit d’un élément central de la liberté moderne, contraire à l’éthique de la vertu et à l’agriculturisme inhérents à la liberté républicaine. Dans les faits, ce n’est pas la constitution qui est l’objet de la colère et de la jalousie de Thorpe, mais les individus en place. Comme il l’explique à Edward Cooke, le sous-secrétaire responsable des colonies à Londres : The British Parliament gave the Colony the British Constitution yet the Executive never would suffer the public money to be accounted for before the House of Assembly and for the pitiful patronage of one thousand a year, the people were deprived of the very object they came to enjoy. The Province adopted the English Law, but the people found that power influenced the decisions of the Courts and defeated the verdict of the juries. In short, the liberality of the Crown, the wisdom of Parliament & the system agreed on by the greatest politicians England ever produced as the only mode by which the province could be retained was all despised & the converse pursued. The few were aggrandized and enriched ; the many were to be oppressed and impoverished [...]. The shadow of the British Constitution was given to the many and the substance retained for the few [...]87. Contrairement à ce qui se passe au Bas-Canada, les réformistes haut-canadiens choisissent, dès le départ, de faire du contrôle des
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subsides par l’Assemblée leur principal cheval de bataille88. Le débat se résume à peu de choses. Entre 1803 et 1805, l’exécutif s’est servi à même les coffres de la province pour payer une partie des coûts relatifs à l’administration de la justice et au gouvernement provincial, sans que les députés ne s’en formalisent89. Les choses changent le 1er mars 1806 lorsque ceux-ci exigent que l’argent dépensé soit remis dans les coffres. Selon eux, « the first and most constitutional privilege of the Commons has been violated [...]90 ». Le gouverneur proroge alors la session. Thorpe et ses collaborateurs se font les défenseurs du droit de l’Assemblée de contrôler les deniers publics91. L’adhésion de Thorpe à ce principe ainsi que sa haine envers le lieutenantgouverneur et ses acolytes sont telles que, lorsque l’Assemblée vote a posteriori les sommes utilisées par Hunter le 7 mars 1807, le jugedéputé refuse de se rallier à ses confrères avec un seul autre de ses collègues92. Bien que ce premier effort des réformistes haut-canadiens soit contemporain au mouvement bas-canadien, il ne lui est pas comparable. D’abord, le groupe réformiste est en minorité à l’Assemblée haut-canadienne. D’ailleurs, Thorpe se retrouve parfois seul lors des votes en chambre93. Ensuite, contrairement à Bédard, Thorpe n’est pas sincèrement attaché à la colonie. À partir du moment où il apprend qu’il ne sera pas nommé juge en chef, il ne cesse de demander son transfert dans une autre colonie : Cape of Good Hope ou une autre destination caractérisée par « a good climate94 ». Enfin, tandis que les réformistes bas-canadiens sont liés au pouvoir législatif (l’Assemblée), leurs confrères haut-canadiens occupent des fonctions liées au pouvoir judiciaire (c’est le cas de Thorpe) et au pouvoir exécutif. Charles Wyatt remplit les fonctions de « surveyor general », William Jarvis est le secrétaire provincial et Joseph Willcocks, le shérif du Home District. Les réformistes sont défaits d’autant plus facilement dans la province supérieure que Gore n’a qu’à les congédier, au printemps 1807, pour que l’agitation perde de son intensité. Gore fait aussi en sorte que Thorpe ne siège pas aux assises de l’automne 1807. Il le suspend de la cour du banc du roi et obtient finalement son rappel par le gouvernement britannique. À la fin de 1807, cette première agitation réformiste est brisée. Elle laisse en héritage un journal fondé par Joseph Willcocks, le Upper Canada Guardian (1807–1810), et un ouvrage de John Mills Jackson, publié à Londres et intitulé A View of the Political Situation of the Province of Upper Canada (1809), qui vise à
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dénoncer l’administration coloniale et à défendre le juge Thorpe. Si Joseph Willcocks, beaucoup plus radical que Thorpe, continue à défendre ses idéaux à l’Assemblée jusqu’en 1812 et attire quelques députés dans son sillage, il n’en reste pas moins que la première tentative d’organiser un mouvement de réforme haut-canadien produit de bien maigres résultats. Robert Gourlay et l’émergence d’une critique républicaine L’échec de Thorpe et de ses amis en 1807 marque la fin de la première tentative d’organiser une opposition dans la colonie. Comme au Bas-Canada, la guerre de 1812 fait taire les dissensions. L’heure est à la loyauté, non à la réforme. Si la guerre se termine par la victoire du statu quo, elle laisse en héritage une certaine méfiance face aux Américains, aussi bien ceux qui habitent la république voisine que ceux qui se sont installés dans la colonie avant 1812. À partir de 1814, le gouvernement britannique n’aura de cesse, jusqu’en 1826, de brimer les droits des sujets d’origine américaine (hormis les loyalistes). L’identité haut-canadienne qui se développe alors s’arrime de plus en plus au concept de loyauté, une loyauté que l’élite veut rendre synonyme de toryisme ou de conservatisme95. L’importance donnée au loyalisme et à sa coloration conservatrice complique l’émergence d’un véritable mouvement de réforme au Haut-Canada. Dans ce contexte, une seule tentative d’organiser l’opposition a lieu au cours de la décennie 1810. Elle n’a guère plus de succès que la première. Elle est l’œuvre de Robert Gourlay, un émigré écossais venu s’établir au Haut-Canada où sa femme a hérité d’une terre. Une fois arrivé dans la colonie en 1817, Gourlay souhaite devenir « agent de terres » et œuvrer à encourager l’immigration. Pour ce faire, il tente d’acquérir une grande étendue de terre. Il s’affaire aussi à la compilation de statistiques concernant la province et son agriculture. Malheureusement pour lui, sa demande pour acquérir une concession est rejetée. Amer, Gourlay se met, dès février 1818, à contester l’establishment d’York et l’interdiction qui est faite de vendre des terres aux Américains. Il propose la mise sur pied d’une commission d’enquête sur l’état de la province et lance une campagne de pétitions à l’intention du prince régent qui aboutit à une convention à York en juillet 181896. Entre temps, ses alliés, Thomas Clark et William Dickson en particulier, l’ont abandonné. En novembre, Isaac Swayze, le député de Niagara, le dénonce comme ayant
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contrevenu à une loi de 1804 intitulée An Act for the better securing of this Province against all seditious Attempts or Designs to disturb the Tranquillity thereof, pour ne pas avoir prêté serment d’allégeance après une absence de quelques mois de la colonie. Gourlay est reconnu coupable le 10 novembre. Son refus de quitter le HautCanada (il considère son expulsion illégale) pousse les autorités à l’arrêter le 4 janvier 1819. Il est expulsé le 21 août suivant97. Une fois de retour en Grande-Bretagne, Gourlay entend rétablir sa réputation. Il pétitionne le Parlement anglais. Il tente d’obtenir l’appui de Sir James Mackintosh, le député qui avait jadis répondu aux réflexions de Burke sur la Révolution française par son ouvrage radical intitulé Vindiciæ Gallicæ. Il demande également l’aide de lord Holland, l’héritier du grand leader whig Charles James Fox98. Il utilise la publication de son enquête statistique haut-canadienne, Statistical Account of Upper Canada (1822), pour rétablir sa réputation99. Il y expose non seulement ses résultats, mais raconte son aventure dans la colonie en incluant toutes sortes de pièces justificatives. Le discours de Gourlay s’inspire des principes de la liberté républicaine aussi bien lorsqu’il est en Grande-Bretagne avant 1817 qu’au Haut-Canada (1817–1819). Gourlay se définit ouvertement comme un radical : « I have been called a reformer, a radical, and a radical reformer ; and, provided my notions of reform are rightly understood, have no objection to any one of these appellations100 ». La pensée de Gourlay s’est développée durant les guerres napoléoniennes, alors que le mouvement radical anglais était dominé par le major Cartwright, William Cobbett, Henry Hunt et Sir Francis Burnett. Comme les autres radicaux anglais de son époque, Gourlay adapte son discours aux nécessités du moment. Lorsqu’il est en Grande-Bretagne dans la décennie 1810, il s’intéresse au sort des pauvres et des travailleurs. En cela, il respecte l’évolution du mouvement radical anglais en direction du monde ouvrier, ce qui le mène au chartisme dans la décennie 1830101. Gourlay appuie aussi les méthodes utilisées par les radicaux durant la décennie 1810, surtout les grands rassemblements et les campagnes de pétitions. De là sa participation au célèbre rassemblement de Spa Fields, en GrandeBretagne, le 2 décembre 1816. Cette assemblée, qui fait partie d’une campagne de pétitions demandant des réformes, dégénère en émeute. La situation inquiète tellement les autorités britanniques qu’elles réagissent en suspendant l’habeas corpus et en adoptant diverses lois répressives.
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Ce sont les idées radicales que Gourlay véhicule au Haut-Canada entre février et décembre 1818. Son analyse des problèmes coloniaux et ses pistes de solution sont alors conformes aux grands thèmes du radicalisme anglais : corruption du pouvoir politique, problèmes de taxation et mauvaise représentation, importance de la vertu comme pré-requis à la liberté, dénonciation de l’intérêt commercial, danger de l’accumulation des richesses et réforme parlementaire. Étant donné le contexte colonial préindustriel, Gourlay adopte la rhétorique radicale traditionnelle et s’adresse aux petits propriétaires de la colonie, « the Resident Land-Owners of Upper Canada ». Sa première adresse, datée d’octobre 1817, ne traite toutefois pas des problèmes politiques haut-canadiens. Ce n’est pas que Gourlay n’en constate pas, mais il affirme que ceux-ci seront corrigés incessamment. Sa demande de concession n’ayant pas encore obtenu de réponse des autorités d’York, Gourlay se fait prudent. Il affirme d’entrée de jeu que « my present Address, therefore, waves all regard to political arrangements : it has in view, simply to open a correspondence between you and your fellow-subjects at home [...]102 ». Gourlay tient promesse. Il explique qu’il veut simplement faire connaître la richesse du Haut-Canada aux métropolitains en dressant le portrait de la colonie de manière à encourager les Britanniques à y investir et à y immigrer. Il indique ne pas remettre en cause la connexion avec la Grande-Bretagne. Selon lui, « a society of a superior kind may be nursed up in Canada by an enlarged and liberal connexion with the mother country [...]. An enlarged and liberal connexion between Canada and Britain appears to me to promise the happiest results to the cause of civilization103 ». Plus encore, il défend la supériorité de la civilisation britannique sur la civilisation américaine : « Many of you, Gentlemen, have been bred up at home, and well know how superior, in many respects, are the arrangements and habits of society there, to what they are on this side of the Atlantic104 ». Gourlay soutient néanmoins que le destin du Haut-Canada ne peut s’accomplir si seuls les plus pauvres s’y établissent. L’optimisme du départ fait place à l’amertume au début de l’année 1818, alors qu’il essuie un refus concernant sa demande de concession de terres. Sa seconde adresse « to the Resident Land-Owners of Upper Canada », datée de février 1818, trahit sa déception. Ses attaques contre le pouvoir exécutif et ses partisans dans la colonie sont vives. Le ton se fait plus radical. Gourlay s’inspire alors clairement des principes de la liberté républicaine. Il en appelle à la
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mobilisation du « peuple » afin qu’il fasse pression sur les autorités pour obtenir des réformes politiques essentielles au développement de la colonie : This country, I am convinced, cannot be saved from ruin by temporizing measures, nor by the efforts and reasoning of any individual. If it is to be saved, reason and fact must speedily be urged before the throne of our Sovereign, by the united voice of a loyal and determined people : if it is to be saved, your Parliament now assembled must be held up to its duty by the strength and spirit of its constituents : a new leaf must be turned over in public conduct ; and the people of Upper Canada must assume a character, without which all Parliament naturally dwindled into contempt, and become the mere tools, if not the sport, of the executive power105. Ce peuple auquel il réfère ne s’exprime pas, de toute évidence, par la voix de la législature mixte. Il n’est pas la somme des intérêts représentés au sein des deux chambres, mais une entité propre. La référence à l’influence que les électeurs doivent avoir sur les élus relève du principe de la représentation républicaine. La crainte avouée du pouvoir exécutif comme source de la corruption du Parlement est un héritage direct des Commonwealthmen des xvii e et xviii e siècles. Enfin, l’agitation extra-parlementaire, incluant les campagnes de pétitions, est le principal outil des radicaux anglais au milieu de la décennie 1810106. Si Gourlay est inquiet de la situation haut-canadienne, il demeure confiant en la vertu des habitants de la province, ce qui lui permet d’espérer qu’un bon gouvernement sera bientôt mis en place : « It is my opinion, that in all countries the goodness of government keeps pace with the virtuous spirit of the people ; and in no country has this spirit less to contend with than here107 ». Son espoir réside dans le peuple vertueux, dont la volonté doit être souveraine : « Our constitution, which has been refining for ages, and the spirit of which is purity, has been often lauded, for its effects are irresistibly impressive, but it has been seldom understood. It is that beautiful contrivance by which the people, when perfectly virtuous, shall become all-powerful ; but which reins back their freedom in proportion to their vice and imbecility108 ».
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Gourlay affirme de plus que « the grand purpose of government is the protection of our persons and property109 ». De prime abord, cette affirmation ressemble à la définition moderne de la liberté, avec son accent sur la sécurité et la propriété. Néanmoins, la propriété dont il est question n’est pas celle basée sur l’éthique de l’accumulation, mais la petite qui assure l’indépendance des citoyens. Dès 1809, Gourlay dénonce l’accumulation de la richesse comme posant un défi à la vertu des citoyens puisque l’argent est une force corruptrice110. Il espère alors un monde où les « enlightened men would not only think of themselves as individuals, and play only at the game of getting [...]111 ». Son rejet de l’éthique de l’accumulation va de pair avec son mépris pour le commercialisme : Trust me, sophistry has stolen from the genius and industry of the people its reward [...]. It has succeeded to a wish in imposing the false doctrine of commercial strength, because great merchants could purchase boroughs – because great merchants reaped the profit, and had always plenty to spare to maintain this system of delusion. Can commerce add one acre to the island ? [...] No. But this island is not only the residence of its own merchants ; it is the rendezvous of worn-out governors, of petty tyrants, and of gorged wealth from all corners of the earth. Commerce is necessary to supply these with luxuries ; conquest and rule are necessary to supply their sons with objects of ambition and opportunities to spoil [...]112. En fait, Gourlay souhaite que « upon the ruins of the altars of Mammon » le peuple anglais établisse « a temple for virtue and a sure hold for freedom [...]113 ». Dans un texte de 1815 intitulé « To the Labouring Poor of Wily Parish », Gourlay ne dissimule pas sa crainte de la richesse : « riches will always bestow power and foster tyranny [...]114 ». Cette attitude est aussi présente dans son General Introduction to Statistical Account of Upper Canada (1822). Il y cite un extrait de l’ouvrage Vindiciæ Gallicæ de Mackintosh dénonçant la concentration de la richesse entre les mains de quelques-uns : « Property alone can stimulate labour [...]. But though it is necessary, yet, in its excess, it is the great malady of civil society. The accumulation of that power, which is confirmed by wealth in the hands of the few, is the perpetual source of oppression and neglect to the mass
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of mankind115 ». Le mépris continu de Gourlay pour la richesse, le cadre clairement républicain de ses adresses de 1818 et leurs destinataires nous indiquent que sa défense de la propriété concerne la petite propriété terrienne et non la grande. Pour Gourlay, il est essentiel de retrouver les principes fondamentaux de la constitution britannique et de les appliquer au HautCanada. Dans cette optique, il reconnaît l’aspect sacré de la personne royale, mais ne lui concède aucune autonomie. Comme tous les radicaux, Gourlay voit le roi uniquement comme le « grand Executor » de la constitution. Ainsi, il soutient que « in courtesy and fiction every thing belongs to him : in fact, little or nothing116 ». En avril 1818, Gourlay publie une troisième adresse à l’intention des propriétaires du Haut-Canada. Le contenu est toujours aussi radical (républicain). Il est clair que Gourlay n’a plus confiance dans les institutions haut-canadiennes. Selon lui, on ne peut rien attendre de bon d’une Assemblée qui se montre servile envers le gouverneur. Cette servilité s’explique par la présence à l’Assemblée d’un trop grand nombre d’officiers publics qui corrompent la représentation117. Gourlay ne remet pas en cause la qualité des hommes, mais le système politique en entier : « It is not the men, it is the system which blasts every hope of good ; and, till the system is overturned, it is vain to expect anything of value from change of Representatives or Governors118 ». Il explique que « the people of every nation may at any time put down, either domestic tyranny or abuse, – they may, at any time, lay a simple foundation for public prosperity [...]119 ». Cette affirmation dépasse la simple théorie du droit de résistance à l’oppression. Elle sous-entend la souveraineté du peuple. D’ailleurs, Gourlay rappelle avoir déjà dit que la constitution anglaise était « that beautiful contrivance by which the people, when perfectly virtuous, shall become all-powerful120 ». Comme tous les radicaux, Gourlay explique qu’il cherche simplement à retrouver les fondements du contrat social menacé par un abus de la constitution : « the constitution of this province is in danger, and all the blessings of social compact are running to waste. For three years the laws have been thwarted, and set aside by the executive power ; for three sessions have your Legislators sat in Assembly, and given sanction to the monstrous –the hideous, abuse121 ». Fidèle à son engagement en faveur d’un mouvement de contestation extra-parlementaire, Gourlay encourage les propriétaires et tous les hommes du Haut-Canada à se rallier à une campagne de pétitions.
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Il explique, dans sa troisième adresse, comment les gens peuvent s’assembler et s’organiser pour pétitionner dans les différents districts. Il propose que les citoyens des divers districts amassent des fonds et élisent des représentants qui, eux, devraient se réunir lors d’une convention provinciale. Lors de cette convention, les représentants adopteraient une pétition qu’ils enverraient au prince régent. Selon Gourlay, les Haut-Canadiens doivent garder en tête le but ultime du mouvement, soit la réforme du gouvernement : « on such an occasion, and under such circumstances as the present, every party, and every personal prejudice, should be put down, every eye should be resolutely bent on the one thing needful – a radical change of system in the Government of Upper Canada122 ». Il assure que les coloniaux « have only to put trust in the success of their own virtuous endeavours » pour que le changement se produise. Il affirme enfin que la campagne de pétitions « will shew that, though the rights of Parliament may be trifled with, those of the people of Upper Canada are not so easily to be set at defiance123 ». Ni sa campagne de pétitions ni la convention d’York en juillet 1818 n’ont eu l’influence souhaitée. L’expulsion de Gourlay met fin à cette seconde tentative d’organisation d’un mouvement de contestation politique. Modeste, l’entreprise n’aura vécu que quelques mois. Son importance dans l’histoire haut-canadienne dépasse toutefois ses réalisations concrètes. Bien que Gourlay ne menace jamais véritablement l’État, il défend clairement les idées radicales anglaises sur la scène publique haut-canadienne et en fait la base d’une certaine agitation réformiste. Ces idées, accompagnées par des activités de contestation extra-parlementaires, sont révolutionnaires. Elles impliquent une transformation fondamentale du système politique haut-canadien en place depuis 1791. Néanmoins, cette seconde tentative de création d’un véritable mouvement de réforme haut-canadien disparaît avec le départ de Gourlay. Coexistence de deux courants réformistes au Haut-Canada durant les années 1820 Au cours de la décennie 1820, les Haut-Canadiens favorables à des réformes sont de plus en plus nombreux124. Toutefois, contrairement à ce qui se passe au Bas-Canada, tous ces réformistes n’arrivent pas à s’unir au sein d’un seul groupe, d’un seul parti. Les réformistes haut-canadiens se divisent en deux. Il y a d’abord les réformistes qui
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adhèrent aux principes de la liberté moderne, comme William Warren Baldwin et son fils Robert. Il y a ensuite les réformistes de tendance républicaine, comme William Lyon Mackenzie. Le mouvement n’est pas aussi uni intellectuellement que le mouvement bas-canadien. Toutefois, comme dans la province voisine, les républicains prennent progressivement le dessus sur les réformistes modernes. Là aussi la marginalisation des réformistes partisans de la liberté moderne se fait naturellement, sans heurt ni crise majeure. Le réformiste moderne le plus en vue, dans la décennie 1820, est sans contredit William Warren Baldwin. Cet Irlandais de bonne famille émigre au Haut-Canada en 1799 avec son père. Il s’installe à York en 1802 et se lie au conseiller Peter Russell et à la famille Willcocks. Diplômé en médecine en 1797 de l’Université d’Édimbourg, il change de carrière et devient avocat en 1803. À partir de 1806, il obtient quelques emplois dans la fonction publique haut-canadienne. Ses relations lui font rencontrer Robert Thorpe et côtoyer les réformistes dans les années 1806–1807. Toutefois, il n’est pas victime des purges organisées par le lieutenant-gouverneur Gore pour se débarrasser de la faction réformiste. Baldwin fait son entrée à l’Assemblée législative en 1820. Lors de son premier mandat, il se démarque comme défenseur de l’ordre social et de la constitution britannique. Admirateur de l’œuvre de Blackstone, à la lecture de laquelle il aurait décidé de devenir avocat, Baldwin s’inspire de l’expérience irlandaise de la fin du xviii e siècle pour promouvoir une forme de souveraineté coloniale. Défait aux élections de 1824, il est réélu en 1828125. C’est en 1828 que Baldwin formule, pour la première fois, sa revendication d’un gouvernement responsable. Cet été-là, un comité réformiste qu’il dirige envoie une pétition à Londres réclamant plusieurs réformes. Les pétitionnaires demandent that a Legislative Act be made in the Provincial Parliament, to facilitate the mode in which the present constitutional responsibility of the advisers of the local Government may be carried practically into effect ; not only by the removal of these advisers from office, when they lose the confidence of the people, but also by impeachment for heavier offences chargeable against them126. Les pétitionnaires demandent alors l’introduction de deux mécanismes dans la colonie pour assurer à l’Assemblée un certain contrôle
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sur le pouvoir exécutif, soit l’introduction de la responsabilité des conseillers du gouverneur pour les actes de l’administration et la possibilité pour la Chambre de poursuivre en destitution les officiers qui commettent des délits. Cette demande à deux volets s’inspire directement de la pratique constitutionnelle britannique. Toutefois, elle est incompatible avec celle-ci dans sa formulation. Premièrement, l’idée de faire adopter une loi par la législature coloniale pour introduire le principe de la responsabilité des conseillers exécutifs va à l’encontre de deux principes constitutionnels. Si la responsabilité du Cabinet britannique est bien établie dans les faits, elle n’est régie par aucune loi et le principe n’a jamais été expliqué officiellement. Il est donc impossible de légiférer en la matière. De plus, la constitution canadienne relève du pouvoir souverain. Si une réforme de ce genre devait affecter la constitution du Haut-Canada, elle devrait être l’œuvre du Parlement impérial. Deuxièmement, les signataires demandent deux réformes très différentes sans très bien les traiter. La responsabilité des conseillers exécutifs concerne le fonctionnement du pouvoir exécutif alors que la procédure en destitution concerne la responsabilité personnelle des officiers de la couronne. Ainsi, la revendication des réformistes, telle que définie dans la pétition de 1828, est au mieux ambiguë. Dans une lettre adressée au premier ministre britannique, le duc de Wellington, le 3 janvier 1829, William Warren Baldwin clarifie sa position face à la responsabilité ministérielle. Il explique ce qu’il entend par l’idée de rendre les conseillers exécutifs responsables : the principle alluded to is this, the presence of a Provincial Ministry/if I may be allowed to use the term/responsible to the Provincial Parliament, and removable from Office by his Majesty’s representative at his pleasure and especially when they lose the confidence of the people as expressed by the voice of their representatives in the Assembly ; and that all acts of the Kings representative should have the character of local responsibility, by the signature of some member of this Ministry127. La pétition est étudiée brièvement à la Chambre des lords le 14 mai 1829. Elle reçoit une fin de non-recevoir. La pétition n’est pas déposée officiellement au Parlement parce qu’elle contient une attaque personnelle contre le député britannique Huskinson (ce qui est contraire aux règles parlementaires). Lord Goderich et le duc de Wellington
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refusent aussi d’envisager d’accorder à l’Assemblée coloniale la possibilité d’intenter des procès en destitution128. Wellington rejette le principe de la responsabilité des conseillers exécutifs dans les colonies étant donné leur position géographique. Ceci dit, Wellington rappelle que les coloniaux peuvent toujours se plaindre au gouvernement métropolitain des décisions et des agissements du lieutenantgouverneur puisque ce dernier est responsable de ses actes auprès des autorités métropolitaines. Ainsi se clôt la première tentative d’obtenir une forme de responsabilité ministérielle au Haut-Canada. William Baldwin et son fils Robert perdent ensuite leur siège de député aux élections de 1830. À partir de ce moment, William Lyon Mackenzie, un défenseur de la liberté républicaine qui échappe à l’hécatombe électorale de 1830, fait parler de lui et s’impose progressivement comme le leader des réformistes. L’heure de gloire des modérés ne viendra qu’après les rébellions. Bien qu’il n’occupe jamais de position officielle au sein du mouvement réformiste, Mackenzie en vient progressivement à être le républicain le plus en vue dans la colonie. Immigrant écossais arrivé au Haut-Canada en 1820, il fonde en mai 1824 un journal réformiste, le Colonial Advocate and Journal of Agriculture, Manufacture & Commerce. Ce journal, d’abord établi à Queenston, déménage à York en novembre 1824. Cette entreprise n’est toutefois pas une réussite financière. Malgré son tirage de quelque 800 exemplaires, le journal ne compte que 330 abonnés. Les choses vont tellement mal que le journal paraît irrégulièrement après le 18 avril 1825 et n’est pas publié entre le 16 juin et le 8 décembre 1825. En avril 1826, Mackenzie, qui aimerait bien obtenir la fonction d’imprimeur du roi, promet de ne plus parler de politique. Nonobstant cette promesse, il continue à publier des textes réformistes sur diverses questions. Il attaque régulièrement l’élite politique d’York. Le 8 juin 1826, Mackenzie rappelle la triste histoire d’un duel ayant eu lieu en 1817 entre John Ridout et Samuel Jarvis lors duquel Ridout perdit la vie. Certains jeunes tories d’York – Charles et Raymond Baby, John Lyons (secrétaire privé du gouverneur), Henry Sherwood et Samuel Jarvis – vandalisent alors les locaux du journal et détruisent les presses de Mackenzie. Ce dernier intente une poursuite qu’il gagne. Tel est pris qui croyait prendre. Cette attaque contre Mackenzie se retourne contre l’élite politique qui l’a cautionnée puisque sa victoire devant les tribunaux sauve son journal de la faillite.
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Élu pour la première fois en 1828, Mackenzie est l’un des députés réformistes les plus actifs entre 1828 et 1830. Il travaille à la mise sur pied de divers comités sur des questions aussi diverses que la Banque du Haut-Canada, l’agriculture, le commerce, les postes et le patronage129. S’il est vrai que Mackenzie ne s’impose pas comme le champion d’une seule cause, contrairement à Robert Gourlay, Barnabas et Marshall Spring Bidwell ainsi qu’Egerton Ryerson, il est faux d’affirmer, comme l’a jadis fait Aileen Dunham, que Mackenzie n’a pas eu, entre 1824 et 1837, « a decided policy130 ». Dans les faits, Mackenzie est le Haut-Canadien qui a le mieux présenté le discours de la liberté républicaine dans la province. Dès 1824, Mackenzie accepte les grands principes de la liberté républicaine. Dans son adresse au public qui forme l’essentiel de la première édition du Colonial Advocate le 18 mai 1824, Mackenzie expose ses principes. D’abord, il prend ses distances envers les radicaux anglais, dont la réputation pourrait lui nuire. Il se dissocie par la même occasion de Robert Gourlay : We have never been disloyal subjects nor radical reformers : we have neither joined Spa-fields mobs, nor benefitted by the harangues of Hunt, Cobbet and Watson. –We are not disappointed land speculators ; and as we were not in Canada when Mr. Gourlay’s Convention took place, we are, of course, no Gourlayites131. Néanmoins, Mackenzie ne réussit jamais à s’en distancer réellement. Même s’il vient de dire qu’il n’est pas « Gourlayite », il cite celui-ci à maintes reprises dans son adresse et spécifie que « we consider Mr. Gourlay to be really a very honest man, and a sincere will wisher of the country. 132 ». De toute manière, les références à l’aventure de Gourlay au Haut-Canada, à ce qui lui arrive en Grande-Bretagne et à ses activités réformistes sont omniprésentes dans le journal entre 1824 et 1828133. Mackenzie tente aussi de prendre ses distances à l’égard des Américains, bien qu’il soit incapable de ne pas les admirer : « We would never wish to see British America an appendage of the American presidency ; yet would we wish to see British America thrive and prosper full as well as does that Presidency134 ». Le Colonial Advocate ne manque d’ailleurs jamais une occasion de montrer la différence entre le progrès américain et la stagnation canadienne.
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Au plan des principes, Mackenzie affirme d’emblée que « we have made our election : it is to have only one patron, and that patron is the People ; – the people of the British Colonies135 ». Le cadre de son discours nous indique que le peuple en question réfère à la fiction républicaine, même s’il ne le définit pas plus en détail. Mackenzie croit que le peuple doit se garder de toute corruption. Il se méfie de de l’accumulation des richesses dans le cadre du commercialisme. Comme tous les républicains, Mackenzie est un ennemi du luxe et de l’ostentation. Il valorise une vie simple et frugale. Il dénonce d’ailleurs le fait que l’argent au Haut-Canada soit concentré entre les mains de quelques personnes. Inversement, il se montre favorable aux États-Unis où la distribution de la richesse est plus égale, « where it is, thanks to their free institutions and home manufactures, in every body’s hands and in plenty [...]136 ». Mackenzie est aussi le défenseur d’une économie basée sur l’agriculture. S’il sait bien que cette agriculture ne peut prospérer sans l’appui des manufactures et du commerce, il se plaint que, dans la colonie, ces deux activités soient aux mains de capitalistes britanniques qui corrompent la population par leur puissance économique : « luxury is encouraged and the simplicity of our manners lost [...]137 ». Il devient ainsi le défenseur du développement des manufactures locales et du commerce colonial. Selon Mackenzie, non seulement le système commercial et la concentration de la richesse détruisent l’indépendance économique des coloniaux, mais ils impliquent, par l’endettement qu’ils provoquent, la perte de leur indépendance morale et politique. La corruption des électeurs engendre la corruption des représentants du peuple. Ces derniers sont trop souvent liés, ou deviennent liés une fois élus, au pouvoir exécutif de la province. Or, le rôle des représentants est d’exprimer les vœux de leurs électeurs : « The House of Assembly being, as we may say, the constitutional representatives of the whole body of the people of the Province, should, at all times, speak the sentiments and act according to the wishes of that body138 ». Malheureusement, les élus corrompus ne peuvent être les ambassadeurs de leurs commettants puisqu’ils ne travaillent qu’à leurs propres intérêts. Dans ces conditions, Mackenzie enjoint ses compatriotes à se débarrasser des représentants corrompus : « Stir yourselves, like men, and strike at the roots of corruption, in the persons of our late corrupt representatives139 ». L’appel de Mackenzie aux fermiers de la colonie – ou à tout le moins à ceux qui sont encore
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indépendants – est conforme à l’esprit de la liberté républicaine : « On you alone, Farmers, does Canada rely. You are the sole depositories of civil and religious liberty140 ». Mackenzie n’est toutefois pas prêt, en 1824, à se lancer à l’assaut de la constitution britannique. Comme la plupart des radicaux anglais, il tente de situer la pensée radicale haut-canadienne à l’intérieur du cadre constitutionnel. Ainsi, il qualifie la constitution britannique de manière emphatique : « the ever memorable and never to be sufficiently praised blessings of the British constitution and government141 ». Et pour bien démontrer sa loyauté, il affirme que : « sincerely attached to freedom, we yet think it not incompatible with a limited monarchy. [...] We like American liberty well, but greatly prefer British liberty. British subjects, born in Britain, we have sworn allegiance to a constitutional monarchy and we will die before we will violate that oath142 ». Mackenzie se défend ainsi de vouloir détruire la constitution et le gouvernement. Il entend simplement dénoncer les erreurs du système implanté dans la colonie. Malgré la rhétorique, c’est la constitution coloniale, avec son exécutif égoïste, son Conseil législatif servile, ses juges dépendants de la couronne et son Église officielle que Mackenzie condamne. Ce n’est que vers la fin de la décennie, à la suite de sa visite aux ÉtatsUnis en 1829, que Mackenzie critique plus ouvertement la constitution canadienne. À partir de 1830, il devient progressivement le plus important radical du Haut-Canada.
l i b e rté mo d e rn e co n t re l i be rt é r épu b lic a in e d an s l e s co l o n i e s Les fondements de l’État colonial ne sont pas sérieusement remis en question par les réformistes des deux Canadas jusqu’en 1828 environ, soit parce que la pensée des réformistes s’inscrit dans le cadre de la liberté moderne comme au Bas-Canada, soit parce que leur influence n’est pas assez importante dans les colonies comme au Haut-Canada. Toutefois, la situation évolue rapidement après 1828. Dès lors, rien ne va plus dans les Canadas. Au Bas-Canada, l’affrontement entre l’Assemblée et le gouverneur prend l’allure d’une guerre à finir. L’élection de 1827 confirme la mainmise des réformistes sur la Chambre. Louis-Joseph Papineau est réélu orateur. Dalhousie refuse cette élection et proroge la législature. Il en profite pour purger la
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milice. La patience des réformistes est donc mise à rude épreuve. La tension est vive dans la colonie en 1828143. Au Haut-Canada, les choses ne vont guère mieux. En 1828, le lieutenant-gouverneur, Sir Peregrine Maitland, perd le contrôle de la situation autour de la question des réserves du clergé, du droit de propriété des Américains dans la province et du patronage. À ces trois grands problèmes politiques s’ajoutent des récriminations plus circonstancielles. Les réformistes sont par exemple outrés que la loyauté d’un député radical, le capitaine Matthews, soit remise en cause et que sa pension lui soit provisoirement retirée parce qu’il a proposé de chanter Yankee Doodle et Hail Columbia, deux hymnes américains, lors d’une représentation théâtrale. Ils se rangent aussi derrière William Forsyth quand ce dernier a des démêlés avec l’armée à propos de son droit de propriété sur un terrain de Niagara. Enfin, le renvoi du juge John Walpole Willis, dont le comportement rappelle celui de Thorpe en ce qu’il espère devenir juge en chef de la colonie et appuie les réformistes, met en colère les partisans de la réforme144. Si ces événements ne sont pas fondamentaux en eux-mêmes, ils font monter la tension. À tout cela s’ajoute bientôt la troisième tentative pour organiser un mouvement de réforme dans la colonie145. En 1828, les réformistes coloniaux, ceux qui partagent les principes de la liberté moderne comme ceux qui adhèrent aux principes de la liberté républicaine, s’unissent. Cette union leur permet, à l’occasion des élections de 1828, de prendre le contrôle de la Chambre. Malheureusement, l’Assemblée réformiste manque de leadership. Si plusieurs comités sont mis sur pied, bien peu de réformes voient le jour. À la décharge des réformistes, il faut reconnaître qu’ils n’ont aucune expérience, ni comme mouvement ni comme majorité à l’Assemblée. Quoi qu’il en soit, ils n’ont guère le temps de prendre le contrôle de la situation puisque des élections sont déclenchées inopinément en 1830 à la suite de la mort du roi George iv. Les réformistes, qui ont un piètre bilan à présenter aux électeurs, sont défaits. Dès ce moment, les radicaux prennent le pas sur les réformistes modérés. Le gouvernement métropolitain est conscient des problèmes auxquels font face les colonies. Il est enseveli sous les pétitions provenant des Canadas, la plus importante étant celle que lui présentent John Neilson, Denis-Benjamin Viger et Augustin Cuvillier au nom de 87 000 Bas-Canadiens. Ne sachant trop que faire, il met sur pied un comité spécial de la Chambre des communes pour étudier les griefs
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portés à son attention146. Le comité dépose son rapport le 22 juillet 1828. Ses conclusions sont essentiellement favorables aux revendications des réformistes. Selon le comité, les Assemblées coloniales devraient contrôler tous les revenus provinciaux. L’administration devrait être réformée. Les biens des Jésuites devraient servir à l’éducation. Les Conseils législatifs devraient devenir plus indépendants. Les réserves du clergé, qui nuisent au développement de la colonie, devraient disparaître et les revenus de leur vente devraient être répartis entre toutes les dénominations protestantes. Il ne s’agit là que de quelques-unes des recommandations du comité147. Néanmoins, celui-ci conclut que les problèmes sont davantage pratiques que constitutionnels et ne propose pas de modifier les structures en place. Il suggère une simple réforme administrative dans le respect des cadres établis. Le rapport du comité des Communes dénonce aussi les agissements du gouverneur Dalhousie en lutte ouverte avec l’Assemblée bascanadienne depuis plusieurs années. Le ministère britannique en profite pour le rappeler, ainsi que sir Peregrine Maitland, le lieutenantgouverneur du Haut-Canada. Ces deux hommes, ennemis avoués des réformistes, sont remplacés par James Kempt (Bas-Canada) et John Colborne (Haut-Canada). Malgré un désir de régler les problèmes coloniaux, ne serait-ce que pour ne plus en entendre parler, les gouvernements qui se succèdent au Royaume-Uni entre 1828 et 1834 ont bien peu de temps à leur consacrer. Ils sont davantage préoccupés par des problèmes internes auxquels ils doivent faire face dans le contexte de la fin du régime tory et de l’arrivée au pouvoir des whigs en 1830 – pensons à l’abrogation du « Test Act » (1828), à l’émancipation des catholiques (1829), au « Reform Bill » (1832), à l’abolition de l’esclavage (1833) et aux « Poor Laws » (1834). Bref, le gouvernement londonien est lent à agir. Son inertie est la goutte qui fait déborder le vase. Puisque le gouvernement londonien ne réforme pas assez rapidement ni significativement les institutions coloniales, les réformistes en concluent que c’est le cadre politique colonial lui-même qu’il faut changer. L’affrontement qui oppose les réformistes et les conservateurs, les Assemblées et les Conseils, l’intérêt agraire et l’intérêt commercial, la colonie et l’Empire se transforme finalement en un affrontement de principes : liberté républicaine contre liberté moderne. Les réformistes rejettent la liberté moderne et la forme de gouvernement mixte, définie par la constitution de 1791, pour adopter les principes
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de la liberté républicaine et les formes républicaines de gouvernement. La crise politique dégénère donc, à la fin de la décennie 1820, en crise idéologique. Vers le milieu de la décennie 1830, le républicanisme constitue une véritable menace pour les institutions coloniales britanniques. Toutefois, les réformistes, devenus des républicains, ne se rendent pas compte initialement que leurs revendications, exprimées suivant une logique républicaine, sont plus inacceptables que jamais pour les autorités britanniques.
4 « Nous, le peuple » ou La liberté républicaine dans les Canadas (1828–1838) L’année 1828 marque le début des dix années les plus mouvementées de l’histoire canadienne. Jamais les colonies canadiennes n’ont connu une agitation aussi intense, une contestation aussi fondamentale de l’État. À ce moment, plusieurs crises, aussi bien politiques, coloniales, économiques, sociales qu’ethniques, structurelles, conjoncturelles et ponctuelles, se conjuguent. Pourtant, la période s’était amorcée sous des auspices plutôt favorables, les autorités métropolitaines rappelant lord Dalhousie, le gouverneur du Bas-Canada, et Sir Peregrine Maitland, le lieutenant-gouverneur du Haut-Canada. Ce geste avait été apprécié par les réformistes des deux Canadas. Cependant, l’opposition entre les Assemblées réformistes et les gouverneurs, assistés de leurs Conseils, va croissant tout au long de la décennie 1830. Au Bas-Canada, l’accalmie dans les relations entre l’Assemblée, d’un côté, et le gouverneur et les Conseils, de l’autre, dure deux ans grâce à l’attitude conciliante de l’administrateur James Kempt (1828– 1830). À partir de 1831, ces relations redeviennent difficiles. Le ministre responsable des colonies, lord Goderich, fait alors adopter une loi par le Parlement britannique qui transfère le contrôle de presque tous les revenus coloniaux aux Assemblées du Haut et du Bas-Canada, sans exiger l’adoption préalable d’une liste civile permanente ou pour la vie du roi. Par cette législation, le ministre tente de satisfaire les patriotes et de mettre fin à la crise entourant les subsides qui perdure au Bas-Canada depuis 1818. Il espère que les Assemblées apprécieront cette ouverture et voteront volontairement en faveur d’une liste civile rendant les pouvoirs exécutif et judiciaire indépendants du pouvoir législatif. Si l’Assemblée du Haut-Canada vote une liste civile très rapidement, celle du Bas-Canada s’y refuse.
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Les patriotes savent qu’en approuvant une liste civile à long terme, ils minimiseront leur influence sur la politique bas-canadienne, le vote des subsides étant leur seul moyen de surveiller et de contrôler le gouvernement dans le cadre colonial. Ils persistent donc dans leur refus de voter une liste civile à long terme. Si le gouvernement britannique espérait régler le problème des subsides en faisant preuve de bonne volonté, sa nouvelle approche a l’effet contraire et complique considérablement la situation. Au courant de la décennie 1830, le refus des patriotes de voter le budget a des effets encore plus sérieux qu’auparavant sur la politique coloniale étant donné que l’exécutif ne possède plus suffisamment de revenus pour faire fonctionner le gouvernement et l’appareil judiciaire. La crise des subsides se double bientôt d’une crise institutionnelle. À partir de 1831, l’Assemblée commence à contester ouvertement l’utilité et la légitimité du Conseil législatif. Vers 1833, les patriotes en réclament l’électivité. Cette demande est d’ailleurs au cœur des Quatre-vingt-douze Résolutions adoptées par l’Assemblée en février 1834. Le gouvernement métropolitain ne sait trop comment réagir à ces revendications républicaines. Il envoie finalement une commission d’enquête au Bas-Canada en 1835. Celle-ci est dirigée par lord Gosford, qui remplace par la même occasion Matthew Aylmer à titre de gouverneur du Bas-Canada. Les instructions du nouveau gouverneur précisent que le gouvernement londonien est prêt à la conciliation, mais qu’il n’entend pas réformer les institutions coloniales en suivant les demandes patriotes. Tiraillé entre ses instructions et son désir de conciliation, Gosford joue de doigté et gagne progressivement la confiance des Canadiens. Tous ses efforts sont toutefois anéantis lorsque sir Francis Bond Head, le lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, publie en janvier 1836 les instructions de Gosford qui ne contiennent aucune promesse de réforme. La crédibilité du gouverneur est durement ébranlée. La colonie plonge dans une crise dont elle ne sortira qu’à la faveur des rébellions. Le refus des autorités britanniques de réformer les institutions coloniales dans le sens du républicanisme est définitivement confirmé par l’adoption de dix résolutions au Parlement en mars 1837, les Résolutions Russell. Les BasCanadiens apprennent cette décision quelques semaines plus tard. Non seulement le Parlement britannique rejette officiellement les revendications patriotes, mais il annonce qu’il entend permettre au gouverneur de se servir des revenus coloniaux, sans l’accord de la législature si nécessaire. Les patriotes réagissent en organisant des
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assemblées publiques entre mai et octobre 1837. La tension monte rapidement durant l’automne de 1837. Au Haut-Canada, les partisans de la réforme gagnent les élections de 1828. Pour la première fois, l’Assemblée haut-canadienne est contrôlée par des députés réformistes. Cependant, leur incapacité à adopter des mesures concrètes précipite leur échec électoral en 1830. À ce moment, les tories reprennent le contrôle de la Chambre, laissant les quelques tenants de la réforme isolés au sein de la nouvelle législature. William Lyon Mackenzie, qui a sauvé son siège, devient la figure prééminente du mouvement radical haut-canadien grâce à son travail au sein du comité de l’Assemblée enquêtant sur la question de la représentation en 1831 et à son expulsion répétée de la Chambre en 1831–1832. Mackenzie va finalement présenter ses griefs directement à Londres en 1832–1833. Lors des élections de 1834, les radicaux reprennent le contrôle de l’Assemblée. Au début de 1835, Mackenzie met sur pied un nouveau comité sur les griefs de la colonie en réaction aux déclarations de lord Stanley qui, à titre de président du comité des Communes sur les affaires canadiennes en 1834, avait affirmé que tout allait bien au Haut-Canada. L’Assemblée radicale tient à réitérer ses revendications. Le Comité dépose son Seventh Report on Grievances, la charte du radicalisme haut-canadien, en avril 1835. L’arrivée dans la colonie, au début de 1836, de sir Francis Bond Head à titre de nouveau lieutenantgouverneur calme les esprits et soulève bien des espoirs. Bond Head adopte initialement une attitude d’ouverture et de conciliation. Il réforme même son Conseil exécutif de manière à y inclure trois réformistes, dont Robert Baldwin. Toutefois, il n’entend pas révolutionner la structure du pouvoir haut-canadien. Il continue de gérer la province sans consulter son Conseil. Les conseillers exécutifs sont déçus et lui demandent de s’engager à les consulter régulièrement. Bond Head s’y refuse. Les conseillers démissionnent en mars 1836. Le député Peter Perry met sur pied un comité pour étudier la question. Dans son rapport daté du 14 avril 1836, le comité de l’Assemblée s’allie aux conseillers démissionnaires. Le lieutenant-gouverneur dissout alors la législature et en appelle aux électeurs. Les radicaux perdent le contrôle de l’Assemblée. Les réformistes adhérant à la liberté moderne sont, quant à eux, définitivement marginalisés avec le départ de Robert Baldwin pour les îles britanniques. Comme au Bas-Canada, le mouvement de réforme haut-canadien est désormais aux mains des radicaux.
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Une des raisons pour lesquelles les patriotes et les radicaux, d’un côté, et les constitutionnels canadiens et les autorités métropolitaines, de l’autre, ont de plus en plus de difficulté à s’entendre durant les années 1830 réside dans la conversion des patriotes et des radicaux au républicanisme à la fin des années 1820. Cette conversion constitue l’aboutissement logique de plus de vingt années de luttes stériles pour les réformistes, ces derniers n’ayant obtenu aucune réforme depuis 1805 même s’ils ont articulé leurs revendications dans le cadre du constitutionnalisme et n’ont jamais remis en cause la légitimité de l’État colonial, à l’exception de Robert Gourlay. Puisque le pouvoir souverain refuse de donner quelque satisfaction aux réformistes avant 1828, ces derniers cherchent à justifier leurs demandes par des arguments plus forts qui ne pourront pas être rejetés du revers de la main. Ils redécouvrent alors le républicanisme et la souveraineté du peuple. En reconceptualisant la légitimité du pouvoir autour de la souveraineté du peuple, les patriotes et les radicaux se donnent les moyens de contester celle du Parlement britannique et des Conseils législatifs coloniaux. En adoptant le républicanisme après 1828, les patriotes et les radicaux s’inscrivent dans le mouvement de contestation républicain qui a ébranlé l’Ancien Régime en Europe et en Amérique depuis la fin du xviii e siècle. Leur rhétorique ressemble particulièrement à celle utilisée par les républicains américains durant la Révolution américaine1. Plus les années passent, plus leurs revendications sont bien structurées. Elles en viennent à menacer sérieusement les fondements de l’État colonial. Elles entraînent alors les colonies dans la mouvance des Révolutions atlantiques, dont les rébellions canadiennes en constituent en quelque sorte le dernier chapitre. D’un point de vue idéologique, il ne fait aucun doute que l’adoption d’une vision républicaine permet aux patriotes et aux radicaux de mieux justifier leurs revendications. Toutefois, en reprenant cette manière de concevoir la légitimité des relations de pouvoir, ils s’en prennent à la base du pouvoir colonial. Ils contestent la souveraineté du Parlement britannique. Ils entrent en opposition avec la vision des constitutionnels locaux et des autorités métropolitaines. La confrontation politique dans les deux Canadas dans les années 1830 se présente de plus en plus comme un affrontement entre ceux qui conçoivent la légitimité des relations de pouvoir en des termes républicains et ceux qui analysent toujours la constitution coloniale dans le cadre de la liberté moderne et du constitutionnalisme britannique.
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le s p at ri o t e s bas - can ad ien s e t l e s rad i cau x h au t - can adien s Si la lutte entre les forces républicaines et les forces constitutionnelles est la même au point de vue idéologique dans les deux colonies, l’importance relative des mouvements républicains au sein des deux colonies et la force des rébellions haut et bas-canadiennes diffèrent grandement. Au Bas-Canada, les patriotes contrôlent l’Assemblée législative tout au long de la décennie 1830. Il s’agit de leur tribune la plus importante et la plus efficace pour promouvoir leurs idéaux. Ils peuvent aussi compter sur l’appui de certains journaux. La Minerve et The Vindicator sont les deux journaux patriotes les plus importants. Il faut néanmoins se souvenir que les patriotes forment un rassemblement d’hommes politiques dont l’unité varie selon les circonstances, et ce, même à l’Assemblée. Le « parti » est dirigé par Louis-Joseph Papineau. Avocat, seigneur et député, il occupe aussi les fonctions d’orateur de l’Assemblée à partir de 1815. Il est entouré d’un noyau dur de députés : Louis Bourdages, Édouard-Étienne Rodier, Louis-Hippolyte La Fontaine, Augustin-Norbert Morin (aussi fondateur du journal La Minerve en 1826), Daniel Tracey et Edmund O’Callaghan (qui tour à tour dirigent le journal patriote The Vindicator) ainsi que Robert Nelson. À ces députés s’ajoutent des patriotes de divers milieux, comme l’homme d’affaires ÉdouardRaymond Fabre, propriétaire d’une librairie servant de lieu de rencontre aux patriotes de Montréal et du Vindicator à partir de 1832, Ludger Duvernay, propriétaire et éditeur du journal patriote La Minerve à partir de 1827, le docteur Wolfred Nelson et le Suisse Amury Girod. Rappelons qu’en 1828, le mouvement patriote a ses assises principalement à Montréal. Au Haut-Canada, le mouvement radical est beaucoup moins influent et beaucoup moins bien organisé qu’au Bas-Canada. Il s’agit d’une différence majeure entre les mouvements des deux provinces. Au Haut-Canada, le principal activiste républicain est William Lyon Mackenzie. Bien qu’il ne soit jamais officiellement le chef des réformistes en chambre, il est le politicien/polémiste radical le plus important de la colonie. Député (1828–1832/ 1834–1836), il publie le principal journal radical de la province, le Colonial Advocate (1824–1834), et son successeur, The Constitution (1834–1837). Parmi les autres républicains hautcanadiens, mentionnons Marshall Spring Bidwell (orateur de la
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Chambre entre 1828 et 1830 et de 1834 à 1836), John Rolph et Charles Duncombe. Il ne s’agit pas de prétendre que tous les tenants de la liberté républicaine partagent un discours unique ou qu’ils se soient entendus sur tous les aspects de la république désirée. Des divergences de vue importantes ont toujours divisé les républicains entre eux. Dans les colonies, ces divisions s’expliquent aussi bien par des considérations institutionnelles que rhétoriques. Premièrement, il y a plusieurs manières de conceptualiser les institutions de la république. À partir des mêmes principes et des mêmes valeurs, il est possible de concevoir des institutions très différentes. Par exemple, bien qu’il soit devenu normal d’opposer monarchie et république, il est possible d’imaginer une république où le pouvoir exécutif est confié à un monarque (élu ou héréditaire). Le régime demeurera républicain dans la mesure où le monarque n’aura aucune part au pouvoir législatif. Il n’est alors que le premier fonctionnaire de l’État. Deuxièmement, les républicains des colonies tâchent de demeurer dans la légalité jusqu’en 1836 environ. Ils s’acharnent à se déclarer loyaux sujets à qui veut l’entendre et n’en appellent pas à la révolution. Néanmoins, ils n’en promeuvent pas moins une révolution, un changement des fondements de la légitimité de l’État. Les expressions de loyauté ne peuvent cacher entièrement la logique du discours. Troisièmement, si l’élite républicaine coloniale articule un discours assez cohérent, tel n’est pas le cas des élites locales. Les résolutions des assemblées publiques bas-canadiennes de 1837 démontrent des glissements importants par rapport à la rhétorique habituelle. Deux explications sont possibles. D’abord, le vocabulaire républicain est difficile à manier. Si les idées de corruption, de vertu, de faction lui sont plus ou moins propres, l’appel à la liberté ne l’est pas. Ensuite, les élites coloniales élaborent leurs discours dans le cadre de la constitution britannique2. Ce n’est pas impossible de le faire : les radicaux anglais, dont Richard Price et James Mackintosh, l’ont fait avec succès3. Cependant, les élites locales dans la colonie se montrent moins habiles que ces derniers à réinterpréter le discours républicain dans le cadre britannique. Souvent, elles empruntent des expressions propres à la rhétorique de la liberté moderne pour exprimer des concepts résolument républicains. Au Bas-Canada, les républicains ne s’entendent pas sur l’abolition du régime seigneurial. Cette question fait surface vers 1837, alors que la population rurale et les élites locales comptent profiter de la crise pour demander la réforme des cadres sociaux et économiques
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coloniaux. Elles souhaitent que la révolution bas-canadienne ne se limite pas aux cadres politiques, mais qu’elle transforme aussi les institutions sociales et économiques. Elles veulent non seulement qu’il y ait un transfert de souveraineté du Parlement britannique vers le peuple bas-canadien, comme il y a eu en France en juin 1789 alors que la souveraineté est passée du roi à la nation, mais aussi la fin des privilèges, comme l’Assemblée nationale française l’a proclamée le 4 août 17894. Leur demande respecte tout à fait l’idéal d’égalité de la liberté républicaine. Toutefois, elle ne reçoit pas l’appui de tous les patriotes. Papineau s’y oppose. Sur cette question, tout se joue autour de la définition de l’égalité. Comme tous les républicains, Papineau croit en l’égalité. Toutefois, le concept d’égalité dans le discours républicain fait d’abord appel à l’indépendance économique et politique des citoyens, non à la spoliation de la propriété privée. Selon Papineau, le système seigneurial n’est pas un obstacle à l’indépendance économique des Bas-Canadiens, car les agriculteurs de la colonie sont en quelque sorte propriétaires de leur terre. Or, la propriété implique l’indépendance. À cet égard, il affirme en 1836 que « les ministres ont voulu mettre en pleine action et vigueur le principe aristocratique dans les Canadas dont la constitution sociale est essentiellement démocratique, où tout le monde vient au monde, vit et meurt démocrate ; parce que tout le monde est propriétaire ; parce que tout le monde n’a que de petites propriétés [...]5 ». Le fait que les censitaires doivent payer divers droits seigneuriaux ne leur enlève pas leur indépendance. L’indépendance économique des propriétaires bas-canadiens implique leur indépendance politique. Les seigneurs ne peuvent les corrompre ou acheter leurs votes. Dans ces conditions, Papineau soutient que le régime seigneurial ne brime pas l’égalité des citoyens. Il n’y a donc pas lieu de l’abolir. Il existe également une distinction importante entre les républicains des deux provinces. Outre le fait que les patriotes bas-canadiens soient plus nombreux, plus influents et mieux organisés que les radicaux haut-canadiens, et que leur base électorale soit plus solide que celle de leurs collègues du Haut-Canada, le mouvement bascanadien est particulier dans la mesure où il est majoritairement composé de Canadiens français. La division politique de la province suivant la division ethnique (Canadiens français contre Britanniques) s’affirme graduellement au cours de la décennie 1830 pour devenir très réelle à la veille des rébellions. Néanmoins, avant de conclure à une différence entre les expériences haut et bas-canadiennes, il faut
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remarquer que la question ethnique n’est pas fondamentale dans le discours patriote qui tente d’être le plus inclusif et le plus accueillant possible. Quelques anglophones figurent d’ailleurs parmi les personnages les plus influents du mouvement, pensons à Daniel Tracey, à Edmund O’Callaghan et aux frères Nelson. Des patriotes publient aussi un journal en langue anglaise à Montréal : The Vindicator. Quant à la Déclaration d’indépendance bas-canadienne de février 1838, elle est l’œuvre d’un anglophone : Robert Nelson. Cette polarisation ethnique n’est donc pas désirée par les patriotes qui n’adoptent jamais une rhétorique ethnique entre 1828 et 1838. De plus, avant de donner au mouvement bas-canadien une coloration ethnique qui lui serait propre, il serait bon d’étudier la composition du mouvement haut-canadien et, plus encore, la manière dont la division s’opère au Haut-Canada entre les sujets nés sur le continent américain et les nouveaux arrivants britanniques. Comme Allan Greer l’a fait remarquer, les Haut-Canadiens d’origine haut-canadienne ou américaine ont tendance à se rallier au mouvement réformiste alors que les nouveaux arrivants d’origine britannique se rangent davantage derrière le gouvernement6. Cette division rappelle celle du BasCanada, où les Canadiens français appuient majoritairement les patriotes, alors que les Britanniques plus ou moins fraîchement arrivés se rangent derrière le gouvernement. En adoptant cette perspective, la domination que les Canadiens français exercent sur le mouvement républicain bas-canadien apparaît comme une caractéristique propre à la province, non comme une différence fondamentale opposant totalement et irrémédiablement les deux expériences coloniales. Une autre distinction à faire entre les deux colonies concerne la question de la loyauté. Certes, l’accusation de déloyauté est lancée aussi bien contre les patriotes que contre les réformistes et les radicaux tout au long de la décennie 1830. Tous ces politiciens s’en défendent jusqu’à la veille des rébellions. Néanmoins, l’accusation a beaucoup plus d’impact au Haut-Canada. Au Bas-Canada, l’accusation de déloyauté ne nuit guère au Parti patriote qui domine l’Assemblée tout au long de la décennie. Au Haut-Canada, elle a des conséquences plus sérieuses puisque l’identité haut-canadienne s’est développée, depuis 1812, autour de la notion de loyauté à l’Empire. L’accusation portée par les constitutionnels contre les réformistes et les radicaux dans la colonie supérieure mine considérablement l’appui que ces derniers reçoivent lors des élections. Le mouvement
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radical haut-canadien est toujours plus vulnérable sur la question de la loyauté que le mouvement patriote bas-canadien puisqu’il tend à perdre l’appui de ses électeurs lorsque le débat porte sur cette question. L’appel à la loyauté lancé par le lieutenant-gouverneur Bond Head à l’élection de 1836, comme celui du gouverneur Charles Metcalfe en 1843, réussit d’ailleurs à faire gagner les tories. Si les élites coloniales républicaines ne sont pas univoques, elles n’en partagent pas moins des idéaux communs. Tous les défenseurs de la liberté républicaine sont unis par un ensemble de valeurs, une même façon de comprendre la société et ses règles fondamentales. Tous ces patriotes et ces radicaux ont rêvé à l’établissement d’une république dans leur province respective, ont agi au nom du peuple, ont lutté au nom de la liberté républicaine. Les mouvements républicains haut et bas-canadiens s’abreuvent donc à la même source. En cela, leur lutte intellectuelle durant la décennie 1830 est similaire.
l e s p at ri o t e s , l e s rad i c a u x e t l e mo n d e at l an t i q u e Durant la décennie 1830, les patriotes et les radicaux rattachent leurs revendications au courant républicain atlantique. Tous les républicains coloniaux tirent leur inspiration ou font appel à l’autorité d’autres penseurs de la liberté républicaine. Ces références explicitent à la fois la généalogie intellectuelle de leurs revendications et l’aboutissement projeté. Plus fondamentalement, elles leur confèrent une respectabilité, une crédibilité, une autorité, voire une légitimité. C’est pour se rattacher à un mouvement atlantique légitime que les républicains coloniaux réfèrent à ces penseurs ou ces politiciens. Dans les années 1830, les patriotes et les radicaux font appel à l’autorité des Thomas Paine, Richard Price et Thomas Jefferson7. Il faut souligner que Charles James Fox est souvent récupéré par les républicains des deux côtés de l’Atlantique même s’il n’a jamais été lui-même républicain. Cette récupération est d’autant plus facile que le grand politicien whig, qui a passé la plus grande partie de sa carrière dans l’opposition, a parfois utilisé la rhétorique de la liberté républicaine lorsqu’il voulait marquer des points contre les gouvernements de William Pitt et de Henry Addington. Fox a ainsi défendu la Révolution française et les « droits de l’homme » en les assimilant aux principes de 1688. Il a également défendu la souveraineté du peuple. Il lui a même porté un toast en 1798. Bien que
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sa définition du peuple ait correspondu à la conception moderne et non à la fiction républicaine, son attitude et le fait qu’il n’ait jamais publié aucun écrit précisant sa pensée permettent aux adhérents autant de la liberté moderne que de la liberté républicaine dans les colonies de le récupérer8. Sa récupération par les républicains coloniaux est pratique. Fox leur apporte une certaine respectabilité. En utilisant ce nom, les républicains s’assurent que leurs protestations ne prennent pas des allures subversives. Robert Gourlay en appelle à ce politicien britannique dans son Statistical Account of Upper Canada (1992). De même, Papineau parle de Fox comme de « l’homme le plus dévoué à l’avancement du bonheur du genre humain ». Dans les Quatre-vingt-douze Résolutions votées par l’Assemblée législative du Bas-Canada en février 1834, on regrette ouvertement que les conseils de ce visionnaire n’aient pas été suivis lors de la création des Canadas9. Plus la tension monte, plus les républicains coloniaux font référence à des intellectuels réellement républicains n’ayant jamais collaboré avec le gouvernement britannique. À l’été 1837, Mackenzie va jusqu’à reproduire Common Sense, l’ouvrage que Thomas Paine avait publié, au début de 1776, pour promouvoir l’indépendance des Treize Colonies10. Parallèlement, l’appel à des républicains américains devient progressivement plus important. Benjamin Franklin, George Washington et Thomas Jefferson sont mentionnés pour bien démontrer le potentiel révolutionnaire de la crise coloniale. Mackenzie place, en exergue de ses Sketches of Canada de 1833, une phrase de Jefferson et cite plus loin Franklin11. Les patriotes évoquent également les pères de la république américaine. En 1835, alors que les députés discutent de la nomination d’un agent de la Chambre d’Assemblée en Grande-Bretagne en remplacement de Denis-Benjamin Viger, en poste entre 1831 et 1834, Papineau prévient la métropole que si le Canada est soumis au Parlement britannique comme les colonies américaines avant la guerre d’indépendance, il y aura des Jefferson et des Washington au Canada12. Lorsque les tenants de la liberté républicaine sont exaspérés, ils font appel à des exemples indéniablement révolutionnaires. Papineau évoque, lors d’un débat sur l’électivité des institutions coloniales en 1833, le glorieux règne de Cromwell, créateur du Commonwealth anglais au xvii e siècle : « On se rappelle comment la Jamaïque fut arrachée à l’Espagne sous l’administration de Cromwell qui porta la gloire de l’Angleterre au plus haut point, et qui la fit respecter par
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toute l’Europe, à un point qui n’a jamais été surpassé et rarement égalé depuis13 ». L’allusion n’est certainement pas innocente. Quant à William Lyon Mackenzie, fier de ses racines, il fait appel à la mémoire des héros de l’indépendance écossaise et des ennemis de la monarchie anglaise qu’étaient William Wallace, le marquis d’Argyle et William Russell dans un article de 183614. Les républicains légitiment non seulement leurs revendications en évoquant le nom des radicaux britanniques et des révolutionnaires américains, mais cherchent aussi l’appui des membres du Parlement britannique reconnus comme radicaux. Les Haut-Canadiens développent une relation privilégiée avec Joseph Hume, un député radical anglais qui s’est battu pour l’émancipation des catholiques, l’abrogation du Test Act et la réforme parlementaire15. Dans une lettre adressée à Mackenzie le 29 mars 1834, Hume défend les revendications coloniales en les mettant en rapport avec les victoires américaine et française, tout en se permettant de dire ce que Mackenzie ne peut pas : il prône ouvertement l’indépendance des colonies16. Il se permet, au passage, d’appuyer les patriotes du Bas-Canada. Mackenzie utilise cette lettre pour justifier sa lutte politique : As to Mr. Hume’s reference to the example of America in 1776, it does indeed furnish an excellent and salutary lesson to the statesman – and with regard to his prediction that freedom from life legislators, military domination, land-jobbing, established priesthoods and irresponsible government must be the result of the continued misconduct of the authorities here and their abettors in the Colonial Office, I do sincerely believe it is the truth17. De leur côté, les patriotes bas-canadiens s’assurent de la collaboration de John Arthur Roebuck, député de Bath, qui devient l’agent de l’Assemblée à la Chambre des communes en 183518. Dès ce moment, Roebuck expose leurs revendications en empruntant le même langage qu’eux. Il prédit que si les réformes demandées par l’Assemblée du Bas-Canada ne sont pas accordées par les autorités londoniennes, « our dominion will cease within a very few months after the people shall have become convinced that the government of this country has definitively determined not to grant them19 ». L’évolution des références et des exemples utilisés suit la dynamique politique des colonies. Elles se font d’abord dans le cadre britannique, puis dans le cadre atlantique. Si la reprise constante de ces références
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ne constitue pas explicitement une menace à l’ordre établi au départ, elle possède un potentiel révolutionnaire indéniable. Plus la situation devient tendue, plus les références prennent des allures de menaces directes et explicites, quoique toujours assez retenues pour ne pas mériter à leurs auteurs des accusations de sédition. La radicalisation des républicains se révèle aussi lorsqu’il est question de l’exemple américain. Ils commencent par exalter les succès du républicanisme américain et de ses institutions. Toutes ces affirmations font des États-Unis une république quasi mythique, le modèle à suivre. Papineau affirme sans détour, lors d’un débat sur l’électivité des institutions bas-canadiennes, que « de tous ces gouvernemens ceux dont le régime a sans comparaison produit les plus heureux fruits, a été le républicanisme pur ou très légèrement modifié des états confédérés de la Nouvelle Angleterre20 ». Les Quatre-vingtdouze Résolutions de 1834 font aussi appel à l’exemple américain (résolutions 41 à 45 et 50). À la veille des rébellions, Papineau présente la constitution américaine comme « la structure de gouvernement la plus parfaite que le génie et la vertu aient encore élevée pour le bonheur de l’homme en société21 ». La situation n’est guère différente au Haut-Canada, d’autant plus que nombre de sujets sont issus de la république voisine. Mackenzie prévient ses lecteurs que ses Sketches of Canada présentent « the success of the experiment of self-government, attempted for the last half century by a majority of its inhabitants [...]22 ». Il respecte son engagement. Il vante directement les institutions des États de l’Illinois, du Vermont et de New York23. Il prouve la supériorité de la constitution américaine sur celle du Haut-Canada en affirmant : « I have never yet met an American who would prefer another system of government to his own [...]24 ». Le rappel de la Révolution américaine se veut initialement une menace déguisée contre les institutions coloniales. Pour indirect et implicite, il n’en est pas moins, d’emblée, subversif. Les républicains comprennent bien la force de ce qu’ils évoquent et l’inévitable résultat de leur lutte politique puisqu’ils font de l’avènement de la république une chose incontournable : « Il est certain qu’avant un temps bien éloigné, toute l’Amérique doit être républicaine25 ». À l’aube de la rébellion, la menace est encore plus directe. L’inspiration des républicains coloniaux leur vient donc du monde atlantique, de la Grande-Bretagne d’abord et des États-Unis ensuite. Ce n’est toutefois pas parce qu’ils font appel à l’exemple américain plus souvent qu’aux écrits britanniques, à la fin de la période, qu’il
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faille nécessairement en conclure à leur américanité. Le choix des références fait davantage partie d’une stratégie rhétorique que d’un déterminisme géographique. Il vaut mieux se rattacher à une tradition victorieuse plutôt qu’à une tradition d’opposition dans une lutte politique. Or, la Grande-Bretagne vit à l’heure de la liberté moderne, les États-Unis, à l’heure de la liberté républicaine. Sans compter qu’en présentant leur lutte dans un cadre qui rappelle clairement la Révolution américaine, les patriotes espèrent qu’en cas de conflit ils pourront s’attirer la sympathie des Américains. Néanmoins, la liberté républicaine n’est pas l’apanage des États-Unis ou de l’Amérique. Il y a des républicains en Europe également. Parallèlement, le choix de l’exemple américain est utile parce qu’il traduit le rejet de l’impérialisme. S’ils se défendent d’être de mauvais sujets, les républicains font un choix référentiel vers 1835–1836 qui sous-entend l’absence de tout espoir de réformer le lien impérial. Si les coloniaux finissent par regarder vers les États-Unis plutôt que vers le Royaume-Uni, c’est qu’ils réalisent que la liberté républicaine ne sera pas possible au sein de l’Empire. La révolution est la voie de sortie et l’exemple américain démontre qu’elle peut être couronnée de succès en Amérique du Nord.
libe rté e t é g al i t é : l a rh é tor iqu e r ép ublicaine d e s p at ri o t e s e t des r a dic a u x Si les républicains coloniaux peuvent si facilement utiliser les noms, les discours, les institutions et la vie des tenants de la liberté républicaine pour justifier leur quête politique, c’est qu’ils adoptent la même vision de la société. À l’instar des autres défenseurs de la liberté républicaine, ils formulent un discours qui définit un homme libre comme un homme actif en politique26. Les républicains ne rejettent pas l’idée que les hommes soient dotés de droits, mais le plus essentiel de ces droits est celui de s’autogouverner collectivement. À cet égard, il est clair que les patriotes et les radicaux ne sont pas des libéraux. Leurs revendications concernent principalement la liberté politique et non les libertés civiles durant la décennie 1830. Non pas qu’ils aient nécessairement été opposés aux libertés civiles (encore qu’ils en disent peu de choses), mais ils basent leurs revendications sur la participation des citoyens au pouvoir politique et la souveraineté du peuple. Cet accent, mis sur la participation politique et la souveraineté du peuple plutôt que sur les libertés civiles, constitue la différence
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fondamentale entre le républicanisme et le libéralisme. Alors que le libéralisme est basé sur l’autonomie des individus, le républicanisme repose sur la souveraineté populaire. En ce sens, le républicanisme, comme idéologie ou structure de pensée, est plus proche du nationalisme que du libéralisme. Les patriotes et les radicaux ne sont pas des libéraux, car leur objectif n’est pas de se soustraire au pouvoir de l’État, mais plutôt de le contrôler. Durant la décennie 1830, les républicains des deux Canadas diffusent un discours où liberté et égalité vont de pair. C’est d’ailleurs là une des caractéristiques essentielles de la liberté républicaine. Ils pensent qu’un homme ne peut être libre qu’au sein d’une société égalitaire. L’égalité est le principe de base à partir duquel l’organisation de la société doit être envisagée. L’égalité en question ne se résume pas à une simple égalité devant la loi. Il s’agit aussi d’une égalité sociale. Non que les républicains prônent le nivellement de toutes les fortunes, mais ils croient que les disparités entre les plus riches et les plus pauvres ne doivent pas être trop importantes. La république ne peut vivre qu’à cette condition. Il n’est donc pas étonnant que Papineau et Mackenzie soient ébranlés par les inégalités qui existent au Royaume-Uni, lors de leur voyage respectif en 1823 et en 1832–3327. Cette différence entre la réalité sociale de l’Europe et celle de l’Amérique leur permet d’élaborer un discours qui oppose les deux continents. Cette opposition géographique se double habituellement d’une opposition entre monarchie/aristocratie et démocratie28. Cette rhétorique ne peut cependant masquer le fait que c’est d’abord et avant tout le principe d’égalité qui est en jeu. Dans la pratique, les républicains croient que la république doit reposer sur une certaine égalité des citoyens. La meilleure façon de l’assurer, dans le cadre préindustriel, est de fonder la république sur des petits producteurs indépendants. L’égalité des petits propriétaires terriens devient le fondement de la société parfaite. Comme le rappelle Amury Girod, un Suisse immigré au Bas-Canada qui s’allie tôt aux patriotes et est « général » en 1837 lors de la bataille de SaintEustache : « la propriété est une des causes premières de tout bien et de tout mal dans la société. Si elle est également distribuée, les connaissances et le pouvoir le seront aussi [...] la liberté en sera tôt ou tard le résultat immanquable29 ». De son côté, Marshall Spring Bidwell considère que « An equal division of property in a country was most favorable to its morality and happiness. [...] He was sure
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the country would be more free, more moral, more happy, if there was a pretty equal diffusion of property, than if it were principally accumulated in the hands of a few. He wished there might be none very wealthy, and none very poor30 ». Quant à Mackenzie, il cite Raynald : « People of America ! [...] Be afraid of too unequal a distribution of riches, which shows a small number of citizens in wealth, and a great number in misery, – whence arises the insolence of the one and the disgrace of the other31 ». Pour la majorité des républicains, la réalité sociale des Canadas est caractérisée par l’égalité. L’objectif des républicains coloniaux se résume donc à réformer les institutions politiques de manière à ce qu’elles respectent cette réalité sociale. Selon les défenseurs de la liberté républicaine, les lois doivent veiller à la sauvegarde de l’égalité. Au Haut-Canada, les réformistes travaillent, tout au long des années 1820–1830, à détruire le principe de primogéniture pour les gens mourant intestat32. À chaque année de 1824 à 1834, les réformistes tentent d’obtenir l’abolition de cette loi, mais le Conseil législatif s’y oppose. L’abolition de la primogéniture est une lutte typiquement républicaine dirigée contre l’accroissement des fortunes par voie d’héritage (inégalité de fait). Selon Bidwell, les conséquences du principe de primogéniture sont graves pour la société haut-canadienne : « The effect of the law of primogeniture is to create a landed aristocracy, or in other words, to throw the land of the Province into the hands of a few persons, and to leave the great body of the people, without any permanent interest in the country.33 » La lutte des républicains a de plus une résonance politique, la participation des citoyens à la vie politique reposant sur le droit de propriété. Dans leur lutte, les républicains haut-canadiens reçoivent l’appui de Hume, de Roebuck et de Papineau34. Mackenzie défend l’abolition de cette loi en prenant exemple sur les États-Unis : « the British Colonists (now the United States), in all cases where the law of primogeniture, half-blood, and entail prevailed, hastened to abolish these unnatural laws the moment they were freed from the restraints which the machinery of colonial government had imposed upon their wishes and judgement35 ». Au Bas-Canada, le problème de la primogéniture ne se pose pas dans les mêmes termes. Lors de sa comparution devant le comité de la Chambre des communes le 10 juin 1828, Viger explique que le principe de primogéniture ne s’y applique pas étant donné que l’Acte de Québec a reconnu les lois civiles françaises. Or, dans le droit
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français tel qu’appliqué au Canada, ce principe n’existe pas. Chaque héritier a droit à sa juste part, qu’il y ait testament ou non. Là où il y a confusion, c’est à propos des townships où l’application des lois civiles françaises n’est pas reconnue par tous. Pour le juge Samuel Gale, qui témoigne devant le même comité les 8 et 13 mai 1828, ce sont les lois anglaises qui doivent s’appliquer dans les townships et, avec elles, le droit de primogéniture. Neilson (24 mai) et Viger (10 juin) soutiennent, de leur côté, que les Canadiens ont toujours cru que les lois civiles françaises s’étendaient à ces régions, malgré la tenure en franc-alleu36. La question de la primogéniture n’est donc pas abordée en elle-même au Bas-Canada, mais seulement dans le cadre du débat portant sur l’application de la loi civile dans les townships. Dans les faits, les patriotes luttent implicitement contre le principe de primogéniture lorsqu’ils demandent l’abrogation des lois britanniques de 1826 (le Canada Tenures Act) et de 1833 (le Canada Trade Act) qui introduisent les lois civiles anglaises dans les terres tenues en franc-alleu37. La lutte contre les banques s’inscrit dans la même mouvance égalitaire. La concentration bancaire dans les colonies détruit le principe d’égalité et permet la corruption. Tout comme Thomas Jefferson s’était opposé à Alexander Hamilton sur cette question aux ÉtatsUnis dans la décennie 1790, les républicains coloniaux luttent contre ces quelques institutions qui minent l’égalité et menacent les fondements de la société. Au Bas-Canada, Papineau affirme que de tous les engins maintenant en opération pour nuire aux intérêts du pays, le plus puissant est la plus mauvaise direction qui a été donnée aux opérations des Banques. Le moyen le plus efficace et le plus immédiat qu’aient les Canadiens de se protéger contre la fureur de leurs ennemis, est de les attaquer dans leur plus chère affection, celle du gain ; dans leur plus fort retranchement [...]. La répartition inégale de la richesse lorsque des banques favorisent le monopole d’une coterie politique, sont une autre plaie sociale qu’elles infligent [...]38. Cette opposition mène à la création de la Banque du peuple en 183539. Sur cette question, Mackenzie se montre solidaire : « I have not room to enumerate the several monopolies under which Lower Canada suffers, but they are many and grievous, and have, doubtless, tried the temper of the Legislative Assemblies. One of them, the Bank
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of Montreal, operates very unfavourably to public liberty ; its managers are chiefly merchants, connected with houses here and in the United States [...]40 ». Cette position résulte du fait que les républicains du Haut-Canada luttent eux-mêmes contre les banques locales. Mackenzie y va d’ailleurs d’un réquisitoire contre le système bancaire qui nuit à la province et à ses habitants41. Selon tous ces républicains coloniaux, « Labour is the true source of wealth42 ». Dans le cadre préindustriel, le principal travail, c’est celui de la terre. La propriété généralisée de petits lopins de terre assure à la république une base sociale solide. Les principes d’égalité devant la loi et sur le plan social se doublent d’un principe d’égalité « morale ». Les citoyens, petits propriétaires terriens, doivent être vertueux. Caractéristique de la liberté républicaine, la rhétorique de la vertu comporte trois dimensions. D’abord, un citoyen vertueux est indépendant économiquement et socialement, ce qui le prémunit contre la corruption. Ensuite, cette indépendance implique une éthique de la simplicité et de la frugalité. Charles Duncombe affirme ainsi dans son rapport sur l’éducation au HautCanada « that frugality and economy in a money-making country like ours, are virtues that ought to be taught the youth of the land, by the examples of their preceptors as well as their precepts43 ». Plus encore, les républicains chantent les grandeurs de la vie quotidienne et de la pauvreté. Mackenzie donne ce conseil à ses concitoyens : Be diligent – persevere – neither eat, drink, nor wear anything that is not of the produce of your own farm – if you can avoid doing so – until your lands are paid for, and a freehold title recorded and in your pocket. Rather miss a good bargain than grasp at too much with the risk of getting in debt. If your clothes be plain and clean, never care although they be coarse. You will be valued by your conduct, and not by your clothes. As to food, your own mutton and beef, and pork and veal, and butter and cheese, and potatoes and corn, and poultry, &c. raised at home, will render you as independent as King William iv 44. La vie simple des citoyens est garante de leur égalité, de leur indépendance et de leur incorruptibilité. La frugalité de la vie quotidienne doit nécessairement se répercuter sur la vie publique : les républicains veulent vivre dans un État simple qui ne coûte pas cher45.
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Enfin, la vertu républicaine implique que le citoyen doit faire passer l’intérêt général avant ses intérêts particuliers. C’est ce qui s’appelle le patriotisme. Le discours colonial est imprégné de cette vertu républicaine. En 1836, Papineau ne peut qu’« applaudir à la vertu sous toutes ses formes [...]46 ». À l’assemblée de Saint-Constant en 1837, il approuve « la vertueuse majorité de notre chambre d’assemblée [...]47 ». Il rappelle aussi à ses enfants que le patriotisme est le sentiment le plus noble qui soit : « il n’y a pas de sentiment plus honnête, de devoir plus pressant, que l’amour de la patrie48 ». Au Haut-Canada, Duncombe se plaint, dans son rapport sur l’éducation de 1836, que « The lessons of the nursery, the general course of domestic training, the policy of common schools, and the rewards and honors of the colleges, all tender to beget and foster a criminal selfishness.49 » Afin d’enrayer cet égoïsme qui menace l’intérêt général, il propose de réformer le système d’éducation « to provide for the education of youth in direct reference to the wants of the world. » Cette approche est essentielle puisqu’un individu « cannot be educated wrong for any of the purposes of life, who is judiciously educated in reference to the public good.50 » Cette vertu patriotique des citoyens apparaît essentielle à tous les républicains, parce qu’elle leur donne la capacité de lutter contre une possible tyrannie. Comme le synthétise Mackenzie : « However perfect the constitution of any government may be, it will speedily resolve itself into an engine of tyranny and oppression unless there is intelligence, patriotism and manly virtue enough in the great body of the people to check the corruption engendered in man by the possession of power ». Malheureusement, au Haut-Canada, « the prevalence of individual interests, over the general welfare is the fatal defect of this government51 ». C’est ainsi le manque de patriotisme qui a perverti la constitution. Dans les colonies, comme ailleurs dans le monde atlantique, les républicains considèrent que la vertu est menacée par la corruption, laquelle prend diverses formes. D’abord, elle est synonyme de dépendance face au gouvernement. Selon les républicains, c’est parce que leurs adversaires ne sont pas indépendants qu’ils s’opposent à leur programme. Il s’agit là d’une accusation récurrente contre les conseillers législatifs : « Il était reconnu par tous qu’il n’y avait pas d’indépendance dans le conseil législatif, où l’indépendance devait être, si elle devait être quelque part52 ». Dans ce contexte, ces conseillers ne méritent pas le titre de citoyen. La corruption peut
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aussi se manifester politiquement par la présence, au sein de l’Assemblée, de représentants à l’emploi du gouvernement. Puisque ces derniers reçoivent un salaire du pouvoir exécutif, ils ne peuvent être indépendants lorsque vient l’heure de voter53. Être corrompu peut également signifier préférer l’argent et l’enrichissement à la simplicité et la frugalité. En ce sens, l’appel au boycott des produits anglais n’est pas seulement pratique, il est également symbolique : « L’or est le dieu qu’ils adorent, tuons leur dieu [...]54 » affirme Papineau. Mackenzie fait même de l’argent la grande menace contre la liberté : « Had it not been for the paper money lords the people of the Canadas would at this day have been free and independent55 ». Ainsi, d’une manière générale, la corruption signifie faire passer ses intérêts personnels avant l’intérêt général. En ce sens, elle est l’antithèse du patriotisme. Plus spécifiquement, la corruption peut être synonyme d’irrégularités électorales. Mackenzie dénonce ces irrégularités tout au long de la période56. Elle peut parfois être associée à la duperie. C’est en ce sens que l’assemblée de Saint-Marc (mai 1837) utilise le mot dans sa première résolution. Les participants accusent la commission Gosford d’avoir été envoyée pour « tromper et corrompre la représentation nationale et surprendre la bonne foi du peuple57 ». Elle peut également être synonyme de mauvaise gestion de l’État. Enfin, elle peut signifier le parasitisme institutionnel et les sinécures58. Dans l’ensemble, ce sont toutes ces formes de corruption que les républicains dénoncent au cours des années 1830.
l a fict ion ré p u bl i cai n e d u peu ple Dans les colonies canadiennes, les républicains se réclament directement de la souveraineté du peuple. Selon Mackenzie, « an enlightened people are the only safe depository of the ultimate powers of society [...]59 ». Son collègue Papineau parle également de cette forme de souveraineté60. Si les chefs coloniaux font référence à la souveraineté du peuple, les élites locales font de même. Dans une lettre à son épouse, Papineau mentionne que le Dr René-Joseph Kimber de Trois-Rivières a organisé une fête pour inaugurer sa maison. Parmi les décorations se trouvait une banderole où il était écrit : « Vive le peuple souverain, la liberté, l’égalité61 ». Au banquet de la fête de la Saint-Jean de 1835, le député Rodier célèbre « Le Peuple, source légitime de tout pouvoir politique62 ». Lorsque la tension monte, la
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souveraineté populaire est proclamée haut et fort : « Le peuple est fait pour dominer et non pas pour être maîtrisé ; sa voix doit être écoutée ; sa volonté consultée, ses lois respectées et ses ordres obéis63 ». La volonté du peuple souverain peut s’exprimer de deux manières. Elle peut être enchâssée dans une constitution écrite, comme aux États-Unis, ou alors s’exprimer par le pouvoir législatif légitime. Ce pouvoir est fondamental dans le discours républicain, car c’est par lui que le peuple exprime sa volonté. Souveraineté du peuple et pouvoir législatif Dans une république, le peuple souverain s’exprime par la voix du pouvoir législatif, que Rousseau appelle le Souverain. Les citoyens sont libres s’ils y participent. Puisque l’étendue des États empêche une participation directe des citoyens, les républicains font appel au principe de la représentation. Pour Thomas Paine, une république est ainsi un État où le législateur est élu suivant le principe de la représentation64. La liberté, pour un individu dans une république aux xviii e et xix e siècles, implique d’abord et avant tout sa participation au pouvoir législatif par l’intermédiaire de ses représentants élus. La république est ainsi basée sur la volonté générale ou la souveraineté du peuple, telle qu’exprimée lors de l’adoption des lois par les représentants élus. Si le pouvoir législatif appartient de facto aux députés, le peuple, au nom duquel ils parlent, n’est la somme ni de la volonté des habitants de la république ni de celle des députés, mais la fiction légale permettant de légitimer les relations de pouvoir. Dans les colonies, les luttes politiques s’organisent autour de la question de la légitimité et de l’importance du pouvoir législatif tout au long de la décennie 1830. Pour les patriotes et les radicaux, l’organisation politique doit se structurer autour des Assemblées élues, qui expriment la volonté du peuple. Il est clair que la conception de la liberté républicaine sert bien les intérêts des républicains coloniaux puisque ces derniers ne contrôlent et ne peuvent espérer contrôler que cette branche de la législature. En présentant l’Assemblée comme le seul représentant du peuple, ils justifient d’une manière inattaquable leurs prétentions, du moins dans le cadre républicain. Le peuple étant la source de la souveraineté et les Assemblées parlant au nom du peuple, les réformes exigées par les républicains doivent être octroyées par le gouvernement métropolitain65.
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L’assimilation entre la volonté de la Chambre et celle du peuple est très facile à réaliser au Bas-Canada durant les années 1830 puisque les patriotes y contrôlent la majorité des sièges. Ils affirment donc parler au nom du peuple qu’ils représentent. Papineau déclare que l’Assemblée « est seule compétente à représenter les sentimens [du peuple]66 » et que les députés « représent[ent] le peuple67 ». L’Assemblée du Bas-Canada elle-même s’en réclame. Elle parle « in the name of the people we represent [...] as the representative of the people [...]68 ». Enfin, la première résolution de l’assemblée de la Malbaie, tenue le 25 juin 1837, soutient que la Chambre d’Assemblée constitue « le seul organe constitutionnel des vœux et des volontés du peuple canadien [...]69 ». Les radicaux haut-canadiens doivent toutefois être plus prudents, car ils ne contrôlent pas l’Assemblée. Mettre trop d’insistance sur cette instance comme interprète de la volonté populaire aurait indirectement donné de la légitimité aux constitutionnels, qui la dominent de 1830 à 1834, et de nouveau de 1836 jusqu’à la disparition de la colonie en 1841. Il n’en demeure pas moins que Mackenzie mentionne parfois que l’Assemblée représente le peuple70. La faiblesse politique des radicaux haut-canadiens éclaire la nature du peuple souverain et son incarnation au sein du pouvoir législatif. L’expérience haut-canadienne démontre qu’il n’y a pas d’adéquation parfaite entre la volonté des électeurs et celle du peuple souverain puisque les radicaux, prétendant parler au nom du peuple et associant leurs adversaires à une faction, ne forment eux-mêmes qu’une minorité à l’Assemblée. Pour se justifier, ils affirment que s’ils n’arrivent pas à dominer l’Assemblée, c’est que quelque chose fait défaut dans les mécanismes permettant l’élection des députés. Dès 1831, Mackenzie réclame une enquête sur l’état de la représentation dans la colonie. Dans son discours à la Chambre du 22 janvier 1831, il se plaint à la fois de la corruption de certains députés, qui assument diverses fonctions exécutives, et de l’iniquité dans la répartition des sièges71. Il déplore, par la même occasion, que la Chambre n’ait pas les moyens de censurer le gouvernement lorsqu’il est mauvais. Un comité d’enquête est finalement mis sur pied pour étudier la question de la représentation. Mackenzie est chargé de le présider. Le comité dépose son rapport le 16 mars 1831. Il s’agit du First Report on Grievances au Haut-Canada, dont les conclusions sont aussi dévastatrices que prévisibles. Elles confirment toutes les
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plaintes de Mackenzie. Selon le comité, « the imperfect state of the representation in the House of Assembly is and has been the cause of much evil to the Community [...]72 ». Le comité se plaint d’abord que « an imperfect state of the representation places too great power generally in the hands of one class of the Community [...] ». Puisqu’une minorité réussit à dominer au sein de la représentation, le peuple, qui devrait imposer sa volonté, se voit réduit à devoir pétitionner pour faire entendre sa voix73. Il conclut également que la représentation est inéquitable, aussi bien suivant le principe de la représentation par la population que celui de la représentation selon la valeur des propriétés. Il dénonce enfin la corruption à la fois du Conseil législatif, formé de personnes intimement liées au pouvoir exécutif, et celle de l’Assemblée. C’est parce que les députés ne représentent pas de facto la volonté du peuple que les lois visant à établir une enquête sur le système bancaire et à abolir la loi de primogéniture n’ont pas été adoptées74. Devant tant de problèmes, le comité est d’avis que « it becomes so much the more essential on the part of the people that the representation in their House should be as perfect as possible75 ». Assurer une bonne représentation s’avère essentiel pour les républicains puisque celle-ci permettrait vraiment l’expression de la volonté du peuple. Pour garantir la bonne qualité de la représentation, il faut une Assemblée élue par les petits propriétaires indépendants et l’élection de gens ne faisant pas partie de la grande élite coloniale76. Quant aux députés, ils doivent représenter leurs électeurs77. Selon les radicaux haut-canadiens, le peuple pourra vraiment s’exprimer, par la voix de l’Assemblée, lorsque des électeurs vertueux s’exprimeront au moyen d’un système électoral juste et légitime. En d’autres mots, l’Assemblée représentera vraiment le peuple lorsqu’elle sera contrôlée par les républicains. C’est donc la volonté des républicains qui incarne, en définitive, celle du peuple, parce qu’eux seuls défendent l’intérêt général contre les intérêts particuliers. La souveraineté du peuple et le Conseil législatif Si les républicains s’accordent pour confier la souveraineté au peuple, ils ne s’entendent pas nécessairement sur les institutions grâce auxquelles l’intérêt général prime. Pendant longtemps, ils ont accepté d’encadrer la souveraineté du peuple dans un système de gouvernement mixte où les principes monarchiques et aristocratiques pouvaient
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orienter d’une manière ou d’une autre le pouvoir démocratique souverain. Au Bas-Canada, l’existence de cette rhétorique du gouvernement mixte a permis aux réformistes de passer du constitutionnalisme au républicanisme sans qu’il y ait de rupture apparente entre les réformistes des années 1820 et les patriotes des années 1830. Néanmoins, une fois la conversion au républicanisme opérée, les patriotes bas-canadiens abandonnent cette rhétorique du gouvernement mixte pour la laisser entièrement aux constitutionnels. Durant les années 1830, les patriotes et les radicaux rejettent la légitimité de tout principe aristocratique et, a fortiori, toute collaboration entre l’aristocratie et la démocratie dans les colonies. Ils demandent la disparition du principe aristocratique dans la constitution. Le discours canadien se distingue ainsi de celui des rebelles américains, qui n’ont pas abandonné la rhétorique du gouvernement mixte lors de la Révolution américaine78, pour se rapprocher de celui des républicains français. Le rejet de cette rhétorique a une grande importance dans les colonies, car le pouvoir législatif est confié conjointement au gouverneur (principe monarchique), aux Conseils législatifs (principe aristocratique) et aux Assemblées (principe démocratique). Tout au long de la décennie 1830, les républicains s’opposent à la légitimité des Conseils législatifs. Considérant que la liberté républicaine se résume en la participation des citoyens au pouvoir législatif, ils considèrent inacceptable qu’un Conseil nommé ait un droit de veto sur les lois adoptées par l’Assemblée élue. Pour s’assurer que le pouvoir législatif ne soit plus soumis à l’arbitraire des Conseils, les républicains en proposent ou bien l’abolition ou bien l’élection. Initialement, Papineau en prône l’abolition pure et simple, ne voyant pas l’utilité d’un Conseil élu : « Deux corps législatifs dans une colonie sont une complication [inutile] de rouages, s’ils représentent les mêmes intérêts79 ». Sans compter que si le Conseil était élu, il pourrait concurrencer l’Assemblée. Papineau rejoint encore une fois le républicanisme français, qui a préféré, en 1789, l’unicaméralisme au bicaméralisme à l’américaine. Toutefois, dès 1832, il se rallie à l’idée de l’élection du Conseil. Durant la décennie 1830, les républicains luttent pour obtenir l’application du principe électif aux Conseils afin que ces derniers ne soient plus contrôlés par les ennemis du peuple ou qu’ils ne soient plus, euxmêmes, les ennemis du peuple. Papineau soutient que l’application de ce principe pour choisir les conseillers législatifs transformera
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ces factieux corrompus en « apôtres des droits de l’homme [...]80 ». Cette revendication devient la principale demande des patriotes. Trente-quatre des Quatre-vingt-douze Résolutions (les résolutions 9–40, 51, 54) adoptées par l’Assemblée bas-canadienne en février 1834 portent sur le Conseil législatif, son utilité et sa composition. Les conseillers sont accusés de former une faction et de promouvoir leurs intérêts particuliers (19, 39), d’être l’ennemi du peuple (18), d’agir telle une aristocratie (21) et de n’avoir, pas plus que ceux qui les nomment, l’intérêt général de la province à cœur (10, 23, 32). Dans ces conditions, seule l’application du principe électif au Conseil pourrait venir à bout des problèmes coloniaux (11–14, 17, 27, 28, 36, 40). Pour les républicains du Haut-Canada aussi, l’élection du Conseil apparaît essentielle quoique, contrairement aux patriotes, ils ne concentrent pas tous leurs efforts sur cette demande. Dans le Seventh Report on Grievances de 1835, le comité des griefs, présidé par Mackenzie, écrit : « the legislative council neglect and despise the wishes of the country on many important matters which a council elected by the freeholders would not [...]81 ». Le comité conclut que les « elective institutions are the only safeguards to prevent the Canadas from forming disadvantageous comparisons between the condition of the colonists and the adjoining country82 ». Pour mieux défendre la demande de l’électivité du Conseil, le comité en appelle à l’autorité de politiciens britanniques favorables aux réformes : The opinions of Mr. Fox, Mr. Stanley, Earl Grey, Lord Erskine, Mr. Ellice, Mr. Hume, Sir James Mackintosh, Mr. O’Connell, Mr. Washburton, and many other eminent British Statesmen, have been expressed in favor of elective institutions as the most suitable for Canadas ; and it appears to Your Committee that Mr. Stanley correctly describes the Legislative Council as being “at the root of all the evils complained of in both Provinces”83. En 1837, Mackenzie accuse le gouvernement britannique et le Conseil législatif d’avoir nui au bien public. Il donne alors quelques exemples de projets de loi essentiels qui n’ont jamais été adoptés par le Conseil84. Sa réforme est donc urgente.
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La suprématie du pouvoir législatif sur le pouvoir exécutif Le pouvoir législatif étant au cœur du système politique républicain, les patriotes et les radicaux s’intéressent relativement peu au pouvoir exécutif. D’une manière générale, ils croient que le pouvoir exécutif, une fois privé de ses revenus et isolé grâce à la réforme du Conseil législatif, devra se soumettre à la volonté du peuple et se contenter d’appliquer les lois votées par la législature. Malgré tout, les patriotes et les radicaux abordent parfois la question de la relation entre les pouvoirs législatif et exécutif. S’ils donnent au pouvoir législatif le droit d’imposer les règles de vie en société, ils confient au pouvoir exécutif celui de les appliquer. Ils chargent parallèlement le pouvoir judiciaire d’en assurer le respect par les citoyens. Cette séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire est une norme constitutionnelle que les républicains acceptent généralement85. Toutefois, les pouvoirs exécutif et judiciaire n’ont pas d’autonomie dans le cadre républicain. Ils sont assujettis au pouvoir législatif. Si les patriotes et les radicaux canadiens rejettent rapidement le gouvernement mixte, ils acceptent la séparation des pouvoirs et la prédominance du pouvoir législatif sur les autres pouvoirs. Cette idée du pouvoir législatif comme siège du pouvoir et de la liberté explique que ni les patriotes ni les radicaux ne prônent la mise en place d’un mécanisme constitutionnel permettant d’harmoniser les relations entre les pouvoirs exécutif et législatif. Au Bas-Canada, les patriotes ont toujours fait porter leurs revendications sur le Conseil législatif. Ils ne revendiquent jamais un « gouvernement responsable », compris comme la nécessité pour le gouverneur de choisir ses conseillers exécutifs parmi des députés qui ont la confiance du peuple86. Ils ne veulent pas que l’exécutif soit représenté à l’Assemblée par l’intermédiaire des conseillers exécutifs puisque son rôle doit se limiter à exécuter la volonté du peuple. Suivant cette logique, l’Assemblée déclare le siège du député Dominique Mondelet vacant en novembre 1832, alors que ce dernier vient d’accepter une nomination au Conseil exécutif de la province. Dominique Mondelet et son frère Charles deviennent l’objet du mépris des patriotes, malgré leur collaboration passée avec le mouvement républicain. Dominique avait été élu comme député patriote en 1831. Nonobstant ses antécédents, sa nomination n’est pas perçue comme un événement positif
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grâce auquel les patriotes pourront se faire entendre au Conseil, mais comme une trahison87. En outre, la revendication d’un gouvernement responsable ne fait pas partie de Quatre-vingt-douze Résolutions de 1834. Par conséquent, la question est à peine effleurée par le comité de la Chambre des communes qui étudie la situation coloniale en 1834 à partir des recommandations du comité de 1828 et des résolutions de l’Assemblée apportées à Londres par le député bas-canadien AugustinNorbert Morin. Lors de son interrogatoire par les membres du comité, la question du pouvoir exécutif est abordée très superficiellement. À la question « would not the having two chambers springing directly from the people make the Executive in fact dependent upon the people ? », Morin répond « it would make the Executive responsible to the country, and we consider most distinctly that this must be the case88 ». C’est donc la mise en tutelle du pouvoir exécutif que les patriotes désirent. Ils ne réclament pas un pouvoir exécutif fort, jouissant d’une certaine autonomie par rapport au pouvoir législatif, quoique soumis à la surveillance de la législature, comme le font les réformistes partisans de la liberté moderne. Aucune résolution n’est adoptée à cet effet par les assemblées publiques tenues dans la province durant le printemps et l’été de 183789. Si la situation au Bas-Canada est sans équivoque, le discours patriote ayant éclipsé de la scène publique toutes les propositions de réforme n’étant pas républicaines, la situation au Haut-Canada s’avère un peu plus complexe. Cette complexité s’explique par le fait que les réformistes formulant des demandes dans le cadre de la constitution ne sont pas complètement marginalisés avant le printemps 1836. Le mouvement de réforme haut-canadien n’est donc pas univoque. Les républicains à la Mackenzie coexistent avec les réformistes modernes à la Baldwin, encore que ces derniers soient, après 1830, plus discrets et moins influents. Il est toutefois clair que les radicaux haut-canadiens ne demandent pas la responsabilité de l’exécutif colonial par l’intermédiaire des conseillers exécutifs. Ils en discutent peu jusqu’en 1836. Leurs appels à un exécutif responsable sont caractéristiques du discours de la liberté républicaine. Cette revendication ne vient jamais seule, elle en complète toujours d’autres. Elle vient après la demande visant à réformer le pouvoir législatif. En 1830, Mackenzie résume d’ailleurs ses revendications en cinq points : la nécessité pour l’Assemblée de contrôler tous les revenus de la province (sauf exception), d’assurer l’indépendance des juges,
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de réformer le Conseil législatif, d’avoir un gouvernement responsable et de protéger l’égalité des sectes religieuses90. Mackenzie répète ce même programme dans son Almanack de 183491. Dans le Seventh Report on Grievances, l’équivalent des Quatrevingt-douze Résolutions des patriotes, le comité des griefs (présidé par Mackenzie) traite de la relation entre le pouvoir exécutif et l’Assemblée législative, après avoir fait quelques observations sur le Conseil législatif de la province. Le comité mentionne que la pratique britannique, selon laquelle le roi doit agir par l’intermédiaire d’hommes responsables, n’existe pas dans la colonie. Le rapport présente ensuite les trois grandes positions articulées dans la province sur la relation souhaitée entre le pouvoir exécutif et l’Assemblée législative. Il y a d’abord celle de John Strachan et de ses acolytes qui favorisent le statu quo. Il y a ensuite celle visant la création d’un ministère provincial qui devrait s’assurer la confiance de la Chambre. Le rapport fait probablement alors référence à la demande des Baldwin. Le rapport indique que Mackenzie aurait affirmé, dans une lettre à lord Goderich, que « with some modifications it might be productive of a greater share of good government and public prosperity than is at present enjoyed by the people92 ». Enfin, certains proposent de rendre le Conseil exécutif électif puisque le maintien du contrôle exercé par le gouvernement britannique sur le patronage au Haut-Canada rendrait inefficace l’octroi d’un cabinet provincial. C’est cette troisième option qui est traitée avec le plus d’attention. Elle s’intègre à la nécessité de rendre le Conseil législatif élu. De fait, l’application du principe électif est au cœur du rapport. L’idée d’un gouvernement responsable n’est pas défendue. Lorsque la rébellion approche, la position de Mackenzie est claire. Il déclare, en août 1837 : « we, therefore, the Reformers of the City of Toronto, sympathizing with our fellow citizens here and throughout the North American Colonies, desire to obtain cheap, honest, and responsible government, the want of which has been the source of all their past grievances, as its continuance would lead them to their utter ruin and desolation [...]93 ». L’association entre un gouvernement responsable, honnête et peu dispendieux est caractéristique du discours républicain. En novembre 1837, Mackenzie ébauche une constitution où le chef de l’exécutif n’est pas responsable mais élu (article 58)94. Dans sa proclamation comme président du gouvernement provisoire du Haut-Canada, Mackenzie continue à revendiquer l’élection du gouverneur et des principaux officiers de
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l’État, dans le cadre d’une législature fondée sur les principes républicains. Il affirme qu’il désire « a Legislature, composed of a Senate and Assembly chosen by the people, an Executive, to be composed of a governor and other officers elected by the public voice95 ». Bref, les républicains haut-canadiens ne sont pas des partisans du « gouvernement responsable », entendu comme le système de cabinet. Pour les patriotes et les radicaux, l’application du principe électif ne doit pas nécessairement se limiter aux principaux officiers du pouvoir exécutif. Puisque la liberté se résume à s’autogouverner, les citoyens doivent choisir leurs serviteurs. Certains fonctionnaires de moindre envergure doivent aussi être élus. Au Bas-Canada, les républicains tentent d’appliquer le principe électif aux fabriques et à la fonction d’inspecteurs des chemins. Au Haut-Canada, les fonctions judiciaires sont dans la mire des radicaux. Puisqu’elles ont déjà été électives en Grande-Bretagne, il n’y a pas de raison qu’elles ne le soient pas en Amérique96. Dès janvier 1828, Mackenzie réclame l’élection des juges. Par la suite, les radicaux tentent de retirer aux shérifs leur prérogative de préparer les listes à partir desquelles les jurés sont choisis. Nommés par le pouvoir exécutif, les shérifs sont vus comme des employés serviles et corrompus97. En 1836, l’Assemblée adopte un projet de loi selon lequel les fonctionnaires locaux, élus annuellement pour remplir des fonctions locales, seront désormais responsables de préparer la liste des jurés potentiels parmi tous les hommes âgés entre 21 et 60 ans de leur canton. En voulant implanter le système électif au sein de plusieurs institutions, les républicains entendent faire triompher la liberté, c’est-à-dire le droit des citoyens à participer au pouvoir politique d’une manière très large.
le p e u p l e s o u ve rai n et l ’i n d é p e n d an ce co l o nia le Le peuple républicain est par nature souverain. Évidemment, affirmer la souveraineté du peuple haut ou bas-canadien dans le contexte colonial britannique représente un acte de subversion. En effet, si le peuple colonial est souverain, comme le prétendent les républicains, le Parlement britannique ne peut pas l’être. Le discours sur la souveraineté du peuple menace ainsi non seulement les fondements de l’État colonial, mais également l’intégrité de l’Empire britannique. Un peuple souverain doit nécessairement être indépendant des autres peuples. L’appartenance à un empire est impossible étant donné que
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l’idée d’empire sous-entend la soumission d’un peuple à un autre. Or, aucun peuple ne devrait, selon les républicains, se soumettre à un autre. En acceptant une telle soumission, un peuple perdrait sa souveraineté. Or, un peuple est souverain ou il n’est pas. C’est ce que disent Papineau et Mackenzie lorsqu’ils affirment que « nulle nation ne veut obéir à une autre pour la raison toute simple qu’aucune nation ne sait commander à une autre98 ». D’une manière générale, les républicains étendent leur notion d’égalité et de liberté aux États. Comme le radical anglais Richard Price le disait au moment de la Révolution américaine : « This equality or independence of men is one of their essential rights. It is the same with that equality or independence which now actually takes place among the different states or kingdoms of the world with respect to one another99 ». Le républicanisme colonial ne peut que menacer l’existence de l’Empire britannique. Si le gouvernement métropolitain doit penser le développement de son empire en tenant compte des réalités britanniques et canadiennes, les Canadiens ne se préoccupent que des intérêts des Canadas : « We of Canada are less anxious to encourage, by specious misrepresentations, a vast influx of settlers from Europe, ignorant of the situation of the country, and therefore too apt to be careless of its true interests, than we are to obtain the blessings of self-government and freedom for those who now constitute the settled population100 ». Sans compter que, selon les républicains, les responsables britanniques ne comprennent rien aux affaires coloniales. Les secrétaires au Colonial Office ignorent ce qui se passe dans les colonies puisque la plupart ne les ont jamais visitées et que leurs représentants et leurs fonctionnaires les renseignent mal101. Si l’arrivée de lord Gosford, en 1835, tend à relativiser cette critique, la publication de ses instructions en janvier 1836 conforte les patriotes dans l’idée qu’il n’y a pas d’espoir que la Grande-Bretagne comprenne la situation coloniale. Dans de telles circonstances, la bonne entente entre les métropolitains et les coloniaux est impossible. Initialement trop faibles pour réclamer ouvertement leur indépendance, les coloniaux demandent simplement de réformer l’Empire102. Pour obtenir gain de cause, encore faut-il que le gouvernement métropolitain ne se sente pas menacé. Aussi les coloniaux se déclarent-ils régulièrement loyaux sujets de Sa Majesté. Officiellement, ce n’est pas l’appartenance à l’Empire qui pose problème, mais les institutions politiques103. En privé, le discours est moins poli. Papineau écrit à sa femme : « Au reste, je ne crois pas qu’il soit possible d’être heureux
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et bien traité sous le régime colonial. Même avec le plus grand désir d’être juste, comment un gouverneur entouré de tant de canailles peut-il l’être toujours104 » ? Prenant comme axiome que l’appartenance de deux peuples à un même empire ne doit pas être basée sur la force, les républicains tentent d’obtenir la réforme de l’Empire britannique de manière à le rendre compatible avec l’idée de la souveraineté du peuple. Les coloniaux proposent de renverser les rôles et de faire en sorte que ce ne soit pas la mère-patrie qui profite des colonies, mais bien l’inverse : « Nos motifs d’attachement à la métropole se trouvent avant tout dans la protection puissante qu’elle nous offre contre les agressions du dehors. Dans le débouché avantageux qu’elle offre à nos produits par un échange réciproquement utile. C’est dans ce but qu’elle doit multiplier ses possessions coloniales [...]105 ». Toutefois, la menace n’est jamais loin : « c’est là ce que demande l’Irlande et l’Amérique Britannique ; et c’est là ce qu’avant un très petit nombre d’années, elles seraient assez fortes pour prendre, si l’on n’était pas assez juste pour le leur donner106 ». Malgré les déclarations de loyauté, il est clair que l’Empire britannique est une aberration aux yeux des républicains. Si les peuples peuvent s’unir, c’est uniquement sous la forme d’une confédération de peuples souverains. À partir du moment où un peuple naît, à partir du moment où il est pensé, l’appartenance à un empire devient impossible. À y regarder de plus près, le discours politique colonial laisse entrevoir que les républicains ne croient pas au système impérial. Il ne peut et ne doit pas survivre. Ayant en tête les exemples américains et irlandais et en en appelant à l’autorité de Macaulay, Mackenzie rappelle qu’il est impossible de placer deux législatures sous le même exécutif107. Enfin, les républicains considèrent que l’appartenance à l’Empire dépend de la volonté des Canadiens108. Évidemment, Londres a les moyens de corriger cette perception, et le fera en 1837–1838. Dès 1836, alors que la mission de lord Gosford tourne au vinaigre, la colère gronde. En 1837, les républicains considèrent que la GrandeBretagne a définitivement rompu le contrat social avec les peuples coloniaux. Selon eux, l’adoption de la huitième résolution Russell par le Parlement anglais, par laquelle le gouvernement annonce qu’il permettra prochainement au gouverneur de se servir dans les coffres de la colonie sans le consentement de l’Assemblée, constitue une déclaration de guerre au peuple bas-canadien. À partir de ce moment,
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les républicains se sentent justifiés de se révolter109. L’accession à l’indépendance devient incontournable: «Nous n’avons pas évoqué l’indépendance à l’endroit de la Couronne britannique, mais nous n’oublions pas que la destinée des colonies continentales est de se séparer de l’État métropolitain lorsque l’action inconstitutionnelle d’un pouvoir législatif résidant en pays lointain n’est plus supportable110 ». Le 15 novembre 1837, Mackenzie publie une ébauche de constitution. Il tente alors de faire du « peuple » haut-canadien la source de la légitimité. Sa constitution débute par cette expression caractéristique : « We, the people of the State of Upper Canada ». Tout le document est construit autour de cette notion du peuple souverain. Il lui donne sa légitimité dans le préambule et la limite dans le dernier article : « All powers not delegated by this Constitution remains with the people ». Cette ébauche de constitution respecte tous les idéaux républicains. Elle se fonde sur l’égalité légale et sociale des HautCanadiens (5–7, 16). Elle fait du pouvoir législatif le centre du pouvoir. La législature, qui est responsable de faire les lois, est élue. Elle contrôle tous les revenus de la province (article 55). La constitution sépare les pouvoirs législatif et exécutif (43, 47, 48), met fin aux sinécures (54) et subordonne le pouvoir militaire au pouvoir civil (10). Elle confie au gouverneur le pouvoir de pardonner les crimes condamnés par le système judiciaire, mais ne lui donne pas la permission d’intervenir en cas de destitution votée par le pouvoir législatif (61). Le pouvoir législatif domine donc les pouvoirs exécutif et judiciaire. La constitution étend le principe électif à plusieurs institutions politiques dont la milice (11), les députés et les sénateurs (22), le gouverneur (58), les juges de paix et les commissaires aux cours des requêtes (66), les shérifs, les coroners et les greffiers de toutes sortes (74). La constitution assure des droits conventionnels aux Haut-Canadiens : le droit au rassemblement (12), la liberté de la presse (13), le procès devant jury (14) et le droit de propriété (15, 20). Enfin, l’idéal agraire est implicitement défendu, car l’État ne pourra créer de compagnies commerciales ou bancaires111. Au Bas-Canada, Robert Nelson déclare l’indépendance le 28 février 1838. Il en appelle à la souveraineté du peuple et à l’établissement de la République du Bas-Canada (article 2). Le document se démarque de celui de Mackenzie puisqu’il ne s’agit pas d’une ébauche de constitution, mais d’une proclamation d’indépendance. D’ailleurs, l’article 15 prévoit la tenue d’une convention pour rédiger une constitution. Le ton rappelle la rhétorique républicaine. Le principe d’égalité est
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central : égalité des (amér)indiens (3) et abolition de la tenure seigneuriale (5–6). Des droits conventionnels sont accordés aux BasCanadiens : liberté de la presse (11) et procès devant jury (12). Toutefois, la déclaration est particulière en ce que Nelson est moins élitiste que les chefs provinciaux comme Papineau. Il élargit le droit de vote à tous les hommes de 21 ans ou plus pour l’élection des membres de la convention112. Le mouvement s’est alors démocratisé. C’est là une des évolutions possibles du républicanisme au xixe siècle.
pe u p l e e t f ac t i o n : l ’ e xcl u s i o n répu b lic a in e Selon les républicains, il faut être membre du peuple et participer au pouvoir législatif pour être libre. Si un individu est membre du peuple mais qu’il ne peut participer au pouvoir législatif, il n’est pas libre dans le sens républicain du terme, ce qui ne veut toutefois pas dire qu’il ne peut pas jouir de certains droits octroyés par le Souverain. Il se peut également qu’un individu, vivant sur le territoire de la république, ne soit ni membre du peuple ni membre du Souverain. Cet individu peut être un étranger en visite ou un natif de l’endroit qui s’est mis hors du peuple par ses actions. Il est néanmoins soumis aux lois. Ce qui est en jeu ici, ce sont les règles d’inclusion et d’exclusion du peuple. La première exclusion possible est celle du Souverain. Dans la république, certains individus, bien que membres du peuple, ne participent pas au pouvoir législatif parce qu’ils n’ont pas le droit de vote. La constitution française de 1791 les nomme « citoyens passifs ». Les hommes réputés incapables d’être libres, généralement en raison de leur pauvreté, sont exclus du pouvoir législatif. Il s’agit là d’une forme particulière d’exclusion du Souverain, caractéristique du républicanisme du xviii e siècle : l’élitisme. Il faut se rappeler que les institutions républicaines ne sont pas, à proprement parler, démocratiques au xviii e siècle puisqu’elles demeurent fermées aux masses. À cet égard, les républicains sont aussi élitistes que les modernes. Rousseau favorise un système aristocratique électif113. L’abbé de Mably circonscrit le statut d’électeur d’une manière très réductrice. Dans Entretiens avec Phocion et dans Droits et devoirs du citoyen, il soutient que les artisans et les pauvres ne doivent pas voter114. Quant à la démocratie des radicaux anglais, elle s’avère aussi sérieusement limitée. Les radicaux sont favorables au vote censitaire115.
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L’idée du suffrage universel ne viendra qu’au xix e siècle. Parallèlement, les radicaux savent que la démocratie peut être aussi tyrannique que le despotisme monarchique116. Il n’est pas inutile de remarquer que, de tous les républicains du xviiie siècle, c’est Robespierre qui apparaît comme le moins élitiste de par sa prise de position contre le vote censitaire dès le début de la Révolution française117. Dans les colonies, le droit de vote a été généreusement octroyé, en 1791, à tous les chefs de famille possédant une terre ou payant un loyer suffisant à Québec, Trois-Rivières, Montréal et dans le Bourg de William-Henry (Sorel)118. Dans les faits, puisque la société canadienne préindustrielle est d’abord basée sur le travail de la terre, et que les familles possèdent généralement la leur, le droit de vote est octroyé assez généreusement aux chefs de famille dans les Canadas119. Il est à noter que les républicains coloniaux ne songent jamais sérieusement aux citadins. Puisque, pour eux, la république parfaite est basée sur l’agriculture, leur réflexion se porte naturellement sur la vie des habitants. Lorsque les patriotes réfléchissent à la réforme des institutions électives, ils ne peuvent masquer un relent d’élitisme, caractéristique du xviii e siècle. S’ils ne touchent pas à la franchise électorale concernant l’Assemblée, les patriotes veulent faire du Conseil législatif élu une chambre plus élitiste. Dans une pétition au roi, datée du 20 mars 1833, l’Assemblée du Bas-Canada déclare, concernant la réforme du Conseil, [qu’] il ne paraît rester, qu’il plaise à Votre Très-Gracieuse Majesté, que le principe de l’Election sur lequel on puisse s’arrêter comme pouvant, dans la pratique, présenter l’analogie avec la seconde Branche de la Législature du Royaume-Uni. Nous n’entretenons aucun doute de ce résultat, si cette Election dépendait d’un corps nombreux d’Electeurs composé des meilleures existences et des meilleurs intérêts de la Colonie, et si ce choix devait se borner à des personnes d’une certaine aisance du côté de la fortune, sans toutefois élever cette qualification de manière à ce que le choix ne dût en aucun cas se porter que sur un petit nombre d’éligibles120. Deux des Quatre-vingt-douze Résolutions mentionnent aussi la franchise plus élevée pour le Conseil que pour l’Assemblée ainsi que des conditions d’éligibilité plus élevées121. Bref, les patriotes adoptent,
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comme les autres républicains, une attitude élitiste. Toutefois, dans les faits, la relative égalité des Canadiens permet de croire que les répercussions de cet élitisme sont moins fortes qu’en France, par exemple. Un deuxième groupe de la population, réputé incapable de participer au pouvoir législatif, est exclu du Souverain. Il s’agit des femmes. Il faut se rappeler qu’en adoptant l’Acte de 1791, le Parlement britannique octroie le droit de vote aux propriétaires. Si seuls les propriétaires masculins votent dans la tradition britannique, rien n’interdit aux femmes propriétaires de voter dans les Canadas : ni la loi ni la tradition. Quelques femmes se prévalent donc de leur droit après 1791122. Ce droit n’est sérieusement contesté qu’en 1834, quand les patriotes du Bas-Canada tentent de l’abolir123. Cette attitude peut surprendre au premier abord. Comment justifier les démarches entreprises pour exclure les femmes du processus électoral ? Comment des hommes, qui réclament le droit de s’autogouverner, peuvent-ils vouloir retirer ce droit à un groupe particulier, sans raison apparente ? Comment les patriotes, partisans d’une rhétorique de la liberté basée sur la participation politique, peuvent-ils défendre l’exclusion des femmes ? Il faut comprendre que l’exclusion des femmes du Souverain (du pouvoir législatif) n’est pas théoriquement obligatoire, même si le discours républicain est marqué par des considérations reliées à l’identité socio-sexuelle (gender) dès le xvi e siècle124. Quelques femmes participent à la définition et à la promotion des idéaux de la liberté républicaine au xviiie siècle. En Grande-Bretagne, Catharine Macaulay remet les principes républicains dans un cadre historique dans The History of England (1763–1783) et encourage l’émancipation des femmes dans ses Letters on Education (1790). Mary Wollstonecraft est la première à répondre à Edmund Burke avec son Vindication of the Rights of Men (1790), avant Mackintosh et Paine. En 1792, elle publie Vindication of the Rights of Woman en réponse aux propos de Jean-Jacques Rousseau sur les femmes. Elle dénonce l’éducation que reçoivent les filles et la subordination des femmes dans la société. En France, c’est d’abord un homme qui promeut l’octroi de droits politiques aux femmes. Antoine de Condorcet prend en effet la défense du droit des femmes dans trois textes : Lettres d’un bourgeois de New Heaven (1787), Essai sur la constitution et les fonctions des assemblées provinciales (1788) et Essai sur l’admission des femmes aux droits de la cité (1790). Plus tard, Olympe de
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Gouges propose sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791). De son côté, Madame Roland, une partisane des girondins, tient un salon durant la Révolution, tandis que Pauline Léon et Claire Lacombe fondent un club révolutionnaire à Paris pour les femmes au printemps de 1793. Elles réussissent alors là où Théroigne de Méricourt avait échoué quelques mois auparavant. Aux États-Unis, deux documents revendiquent le droit des femmes lors de la Révolution : The Sentiments of an American Woman (1780) et The Sentiments of a Lady in New Jersey (1780)125. Ainsi, il est parfaitement possible de concevoir une république où les femmes participent à part entière au pouvoir législatif. Si les révolutionnaires du xviiie siècle et les républicains canadiens du xix e ne le font pas, c’est qu’ils ne le veulent pas. Dans les faits, les Révolutions atlantiques ne sont guère favorables aux droits des femmes126. Aux États-Unis, elles ne leur permettent pas d’acquérir l’égalité face aux hommes. Elle encourage plutôt le développement de l’idéal de la domesticité et de la maternité127. En France, quelques lois favorables aux femmes sont adoptées lors de la Révolution : pensons à la diminution des droits du mari sur la femme et les enfants (1790) et à la légalisation du divorce (1792). Cependant, les Françaises n’obtiennent pas le droit de vote. Sans compter que les lois favorables à l’autonomie des femmes n’ont pas d’effets durables puisque Napoléon et Louis xviii les abolissent128. Avant de conclure que l’idéologie républicaine est responsable de cette exclusion, il faut remarquer que la Grande-Bretagne connaît une évolution parallèle à la même époque129. En fait, le désir d’exclure les femmes est une question qui transcende les idéologies aux xviii e et xix e siècles. Ce n’est pas le développement des idéologies particulières (républicaine ou autres) qui amène l’exclusion des femmes de la politique formelle. Ce sont plutôt les mentalités, le poids de la culture politique ambiante, le cadre juridique hérité du passé et les règles concernant les rapports sociaux qui forcent les penseurs non pas à exclure les femmes (ce qui est déjà fait en règle générale) mais à justifier leur exclusion dans des cadres idéologiques particuliers. L’exclusion des femmes de la politique formelle est donc une réalité qui transcende les divisions idéologiques, d’où le peu de débat sur la question. Comme si leur exclusion allait de soi. S’il existe une distinction entre le républicanisme et les autres idéologies, elle repose sur la justification donnée à l’exclusion et non sur l’exclusion
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elle-même130. Dans le cadre républicain, les femmes sont privées de leur liberté simplement parce que leur exclusion respecte certains préjugés et que rien, en définitive, ne peut vraiment y faire obstacle. Au Bas-Canada, comme ailleurs, le débat sur l’exclusion des femmes ne dure pas très longtemps et est peu développé. Selon Nathalie Picard, la question du droit de vote commence à intéresser davantage les députés patriotes après 1827. En 1831, ils adoptent deux lois qui excluent officiellement les femmes de la politique coloniale. La première, l’Acte pour assurer et conférer à certains habitants de cette Province les droits civils et politiques des sujets nés Anglais (i William iv c.53), confère des droits uniquement aux hommes (art. 1 et 2). La seconde, l’Acte pour incorporer la Cité de Montréal (i William iv c.54), définit l’électeur comme un homme (art. 11). Les sections sur l’exclusion des femmes ne semblent pas avoir donné lieu à de vigoureux débats131. Toutefois, étant donné que ces lois sont nouvelles, nul besoin de justifier, même minimalement, ce qui semble normal. La situation n’est pas tellement différente en mars 1834, alors que l’Assemblée adopte une loi qui bannit les femmes des élections. Le débat se résume à quelques commentaires émis lors d’un débat sur les réformes à apporter à la loi électorale en général. Les quelques échanges menant à l’adoption de cette loi se structurent de manière à ce que ce soit le droit de vote des femmes qui paraisse anormal, et non le désir des députés (patriotes ou constitutionnels) de le leur retirer. Les brefs échanges se font essentiellement entre Augustin Cuvillier (un réformiste devenu constitutionnel) et Louis-Joseph Papineau. La question ne soulève aucun débat. Personne ne défend le droit de vote des femmes. L’absence d’une véritable argumentation pour expliquer les raisons justifiant l’exclusion des femmes laisse penser qu’une longue dissertation sur la question est inutile puisque, pour les députés, cela coule de source. La question est dorénavant de comprendre pourquoi cette exclusion est si évidente au Bas-Canada en 1834. Dans le discours bas-canadien, situé à la croisée des idées françaises et britanniques, deux arguments peuvent être utilisés pour justifier l’exclusion des femmes. Les patriotes auraient pu tout d’abord fonder leur raisonnement sur les réflexions des Commonwealthmen anglais, qui faisaient de l’indépendance des électeurs un élément essentiel de la liberté. Ainsi, pour être libres, les individus doivent être égaux entre eux et vertueux, c’est-à-dire indépendants de toute influence
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indue sur leurs choix électoraux, capables de privilégier le bien général plutôt que leurs intérêts particuliers et satisfaits d’une vie simple. Or, les femmes ne peuvent être vertueuses. Elles ne sont pas indépendantes économiquement puisque la femme mariée (ce qui est la norme) ne possède pas de biens. Dans le droit britannique, tout appartient au couple, et le couple est placé sous l’autorité de l’homme132. Étant donné que la femme est soumise économiquement à l’homme, elle ne peut être son égale. Puisqu’elle n’est pas légalement et économiquement égale au sein du couple, elle ne peut être libre politiquement. Suivant cette logique, les femmes célibataires et propriétaires auraient dû pouvoir voter en Grande-Bretagne. Toutefois, elles ne le font pas. Le poids de la tradition est plus fort que les termes de la loi. Ce qui est intéressant, c’est que les Commonwealthmen, qui proposent de revoir la légitimité de l’État et promeuvent la participation du peuple, n’ont jamais vraiment réfléchi à la question des femmes133. Quant aux quelques textes radicaux promouvant l’émancipation des femmes, ils n’ont guère réussi à influencer le mouvement. Ainsi, le silence des Commonwealthmen implique que leur idéal d’égalité et de vertu ne peut vraiment servir les patriotes, car il ne permet pas de justifier le retrait du droit de vote aux femmes. Dans ces conditions, Papineau se tourne vers la rhétorique républicaine française du xviii e siècle. Rousseau est probablement le républicain le plus influent sur la question de l’exclusion des femmes du monde politique. Dans son roman La Nouvelle Éloïse (1757) et dans son manuel Émile ou de l’éducation (1759), Rousseau disserte sur l’infériorité physique et morale des femmes, sur leur soumission à la tyrannie des passions. Comme il l’écrit dans son Contrat social (1762), « l’impulsion du seul appétit est esclavage ». Non seulement les femmes sont corrompues, parce que soumises à leurs passions, mais elles menacent la liberté des hommes par leur pouvoir de corruption134. Les femmes, ne pouvant pas être vertueuses politiquement, ne peuvent participer à la vie politique. Si les républicains considèrent que les femmes ne peuvent pas être vertueuses dans le sens masculin du terme, ils cherchent toutefois à donner au terme un sens féminin. L’avenir de la république exige un tel effort d’imagination puisque les femmes sont responsables de l’éducation des enfants135, et donc, de la transmission des valeurs patriotiques. Les républicains expliquent que, grâce à une saine éducation, les femmes peuvent apprendre à contrôler leurs pulsions
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et devenir chastes et modestes. Par cette éducation, elles deviennent vertueuses dans un sens particulier. La vertu féminine permet ensuite aux femmes de remplir leur rôle de mère patriotique, leur seul vrai rôle dans la république136. Le discours républicain s’articule donc autour de deux notions de vertu : les hommes sont vertueux s’ils sont indépendants économiquement et politiquement, les femmes le sont si elles adoptent un comportement moral et social modeste. Il semble bien que cette double signification de la vertu soit passée dans les mœurs bas-canadiennes. C’est d’ailleurs autour de la notion de la modestie féminine que Papineau structure son argumentation le 27 janvier 1834. Le débat porte alors sur une réforme générale de la loi électorale visant à mettre fin à certains abus. Papineau s’en prend alors à quelques sources de corruption électorale nuisant à la liberté. Il dénonce d’abord l’intervention des conseillers législatifs dans le processus électoral. Il s’agit là, selon lui, d’un affront à la liberté du peuple. Il s’attaque ensuite au fait que le gouverneur nomme tous les officiers-rapporteurs. Papineau mentionne enfin le vote des femmes comme étant un problème à résoudre. Son argumentation est fort succincte et se résume en quelques lignes : quant à l’usage de faire voter les femmes, il est juste de le détruire. Il est ridicule, il est odieux de voir traîner aux hustings des femmes par leur mari, des filles par leur père, souvent même contre leur volonté. L’intérêt public, la décence, la modestie du sexe exigent que ces scandales ne se répètent plus. Une simple résolution de la Chambre, qui exclurait ces personnes-là du droit de voter, sauverait bien des inconvenances137. La manière dont l’argument est construit respecte les principes et les préjugés républicains. La participation des femmes est indirectement traitée comme une source de corruption puisqu’elle est abordée après la corruption des conseillers législatifs et du pouvoir exécutif sur le processus électoral. Papineau fait appel à la modestie comme caractéristique de la femme. Pour bien montrer que les femmes vertueuses ne doivent pas vouloir s’immiscer dans la politique et que les Bas-Canadiennes sont vertueuses, il déclare que celles qui sont allées voter l’ont fait contre leur gré. Ainsi, leur acte ne remet pas en cause leur vertu. Ce sont les hommes qui sont responsables de leur faute. Le commentaire de Papineau s’insère dans le cadre d’une
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conception particulière du contrat social. Le chef patriote explique qu’une simple résolution de l’Assemblée peut empêcher les femmes de voter. Or, dans la théorie républicaine, le contrat social ne peut être modifié sans l’accord unanime des parties intéressées. Ainsi, par sa dernière phrase, Papineau indique qu’il croit que le contrat a été fait uniquement entre les hommes. Le droit de vote des femmes est donc une aberration. Le débat n’est pas déjà commencé qu’il prend fin avec l’abolition du droit de vote des femmes. Si les patriotes font appel aux femmes en 1837, ils le font dans le cadre républicain où l’apport des femmes doit se faire hors de la sphère politique formelle. Papineau, qui s’adresse à elles lors de l’Assemblée de Sainte-Scholastique le 1er juin 1837, ne remet pas en cause la place de la femme dans la société bas-canadienne : j’en appelle aux femmes du Canada, je les adjure de suivre le brillant exemple donné, dans un temps comme celui-ci, par les femmes patriotes de l’Amérique, et de m’aider, de nous aider tous à détruire ce revenu dont nos oppresseurs forgent des chaînes pour nous et pour nos enfans, et à décourager, par tous les moyens en leur pouvoir, la consommation de ces articles qui paient des droits138. En définitive, pour les républicains, la participation des femmes doit se faire dans le cadre de la vie domestique139. Il aurait été intéressant que les débats sur l’exclusion des femmes aient été plus longs. Ils auraient pu nous en apprendre davantage sur la manière dont le principe d’exclusion du Souverain fonctionne dans la république. Ce n’est malheureusement pas le cas. Pour regrettable, l’exclusion du Souverain, dont certains citoyens ou certains groupes de citoyens peuvent se plaindre, entraîne des conséquences moins graves que l’exclusion du peuple comme tel. Ceux qui s’opposent à la volonté du peuple se placent en marge de celui-ci. Ils forment alors une faction. Cette notion de faction permet de comprendre le principe d’exclusion le plus menaçant dans le cadre du républicanisme. Les historiens ont jusqu’à maintenant utilisé le nationalisme pour expliquer le principe d’exclusion articulé par les patriotes bascanadiens. Le nationalisme des patriotes a été tour à tour qualifié d’ethnique, puis de civique. Dans son Histoire économique et sociale du Québec 1760–1850, Fernand Ouellet soutenait que les patriotes
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étaient des nationalistes qui cachaient une idéologie ethnique, conservatrice et rétrograde sous un discours démocratique et libéral140. Il reprenait alors les conclusions de lord Durham141. Plus récemment, les historiens ont présenté l’idéologie des patriotes comme relevant du nationalisme civique (libéral selon Yvan Lamonde et Marcel Bellavance, républicain selon Louis-Georges Harvey142). La volonté des historiens d’inscrire le discours patriote dans la mouvance nationaliste s’explique, d’abord et avant tout, par leur désir de trouver des racines au nationalisme québécois contemporain. Néanmoins, le discours patriote n’est pas, à proprement parler, nationaliste. Il est simplement républicain143. Il est structuré autour du concept de peuple souverain et de ses institutions, et non de la nation. Si la structure de pensée du républicanisme et celle du nationalisme se ressemblent, elles sont toutefois distinctes. Comme l’explique Maurizio Viroli dans son ouvrage sur le patriotisme, « The crucial distinction [between republicanism and nationalism] lies in the priority or the emphasis : for the patriots, the primary value is the republic and the free way of life that the republic permits ; for the nationalists, the primary values are the spiritual and cultural unity of the people.144 » Poursuivant sur cette lancée, Viroli explique que « Whereas the enemies of republican patriotism are tyranny, despotism, oppression, and corruption, the enemies of nationalism are cultural contamination, racial impurity, and social, political, and intellectual disunion.145 » Selon cette définition, les patriotes des années 1830 se rattachent, sans aucun doute, à la tradition républicaine. D’une manière générale, le peuple dont les républicains autour de l’Atlantique se réclament ne dépend généralement ni de la culture de ses membres ni de leur origine ethnique. Certes, Rousseau a parlé très clairement des caractéristiques culturelles nationales de la Corse et de la Pologne dans ses projets de constitution. La Révolution française s’est accompagnée pour sa part d’une campagne de francisation. Néanmoins, il ne faut pas confondre l’accessoire et l’essentiel, l’accidentel et l’inévitable. L’appel à l’ethnie ou à la culture n’est jamais fondamental pour les républicains jusqu’à l’ère des révolutions. Par exemple, Jeremy Bentham et Thomas Paine (deux Anglais) sont faits citoyens de la République française. L’appartenance au peuple au sein d’une république ne dépend donc pas de l’origine ethnique, mais de l’allégeance politique, de la soumission au corps politique146.
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Au Bas-Canada, les patriotes n’articulent jamais un discours ethnique ou raciste. Leur discours est inclusif culturellement. Il en appelle à la collaboration de tous les réformistes eu égard à l’origine ethnique. Comme le dit Papineau en mai 1837 : « quiconque vient pour partager notre sort, et comme un égal, est un ami qui sera bien venu, n’importe quel est le lieu de sa naissance [...]147 ». Les assemblées publiques au Bas-Canada, à l’été de 1837, adoptent d’ailleurs des résolutions très inclusives. La résolution la plus éclairante provient de l’assemblée de Sainte-Scholastique (tenue le 1er juin 1837). La sixième résolution affirme sans détour : nous appelons de tous nos vœux l’union entre les habitans de cette Province de toutes les croyances de toutes les langues, et origine, que pour la défense commune, pour l’honneur et le salut du Pays chacun doit faire le sacrifice de ses préjugés, et que nous devons tous nous donner la main pour obtenir un gouvernement sage et protecteur qui en faisant renaître l’harmonie fasse en même temps fleurir l’agriculture, le commerce et l’industrie nationale. Et nous assurons de notre fraternité et de notre confiance nos co-sujets d’origine britannique qui au-dessus des cajoleries comme des antipathies du pouvoir se sont joints à nous dans nos demandes. Que nous n’avons jamais entretenu et que nous avons au contraire toujours réprouvé les malheureuses distinctions nationales que nos ennemis communs ont cherché et cherchent méchamment à fomenter parmi nous, et nous devons proclamer hautement que le fait allégué dans les rapports transmis au gouvernement de Sa Majesté que la lutte était ici entre les habitans d’origine bretonne et ceux d’origine canadienne, est un avancé malicieux et démenti par le caractère bien connu des habitans canadiens ; et que quant à nous, quel que soit le sort du Pays, nous travaillerons sans peur et sans reproche comme par le passé, à assurer à tout le peuple sans aucune distinction, les mêmes droits, une justice égale et une liberté commune148. Ainsi, les patriotes sont prêts à intégrer au sein du peuple tout individu, quelque soit son origine, sa langue ou ses croyances religieuses. La Déclaration d’indépendance de Robert Nelson indique d’ailleurs que la République du Bas-Canada sera bilingue (article 18). Ce n’est pas que les patriotes ne voient pas l’animosité qui existe entre les Canadiens et les sujets d’autres origines. Toutefois, lorsqu’ils
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y font référence, ils soutiennent que la responsabilité de cette animosité incombe au Conseil législatif : « C’est le Conseil lui-même qui, après avoir été remodelé, a révélé la bassesse de ses prédilections et de ses antipathies, s’est déclaré l’organe et l’instrument passif d’une faction, s’est voué à fomenter et protéger des distinctions nationales [...]149 ». Dans les années 1830, cette approche est la seule qui soit sensée. Politiquement, nul besoin pour les patriotes d’en appeler aux caractéristiques culturelles : si le peuple en venait à contrôler la totalité du pouvoir législatif, la nationalité de la majorité ne serait plus menacée. Stratégiquement, cette approche a également l’avantage d’attirer dans leur giron les sujets britanniques favorables à leur programme réformiste. En effet, les patriotes tentent généralement de cultiver de bonnes relations avec la communauté anglophone. Ils le font par l’intermédiaire de l’Assemblée et du journal patriote The Vindicator. La cinquante-cinquième résolution des Quatrevingt-douze Résolutions de 1834 précise, à cet égard, que la majorité des anglophones « a ses vœux, ses intérêts et ses besoins uns et communs avec ceux d’origine Française et parlant la Langue Française ; que les uns aiment la terre de leur naissance, les autres celle de leur adoption ; que la plupart de ces derniers ont reconnu la tendance bienfaisante des Lois et des Institutions du Pays en général [...]150 ». Néanmoins, le résultat de cette politique d’ouverture ne produit pas les résultats escomptés. Comme le mentionne Allan Greer, la tension entre les anglophones et les francophones monte au cours de la décennie 1830. L’arrivée en grand nombre d’immigrants, qui remet en cause l’équilibre linguistique de la province, les épidémies qu’elle occasionne, la différence entre les besoins des sujets établis depuis longtemps (francophones) et ceux qui s’installent (immigrants anglophones) et le refus des immigrants britanniques de voir les liens rompus entre eux et la métropole expliquent que les tensions prennent une allure ethnique151. Le fait que les constitutionnels anglophones de la colonie articulent un principe d’exclusion contre les Canadiens encourage aussi cette division ethnique. Quoi qu’il en soit, les patriotes ne désirent pas cette division ethnique ni ne l’encouragent. De fait, les patriotes tentent de présenter les luttes politiques des deux Canadas comme une seule et même lutte. L’Assemblée patriote fait d’ailleurs remarquer que :
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il existe sur cette partie du Continent Americain plus d’un million de Sujets de Sa Majesté, composant les Colonies du Haut et du Bas-Canada, qui parlant des langues différentes, ayant une grande diversité d’origines, de lois, de cultes et de mœurs caractères particuliers qu’ils ont de part et d’autre droit de conserver comme Peuple distinct et séparé, en sont cependant venus à la conclusion que les institutions communes aux deux pays, devaient être essentiellement modifiées, et qu’il était devenu urgent de réformer les abus qui ont régné jusqu’à ce jour dans l’administration du Gouvernement. Nous nous réjouissons d’avoir dans nos justes demandes l’appui de nos frères du Haut-Canada. Cet appui servira à faire voir à Votre Honorable Chambre et à nos co-sujets de toutes les parties de l’Empire, que nous avons été sincères dans nos déclarations, qu’en effet, les circonstances et les besoins des deux provinces du Canada, réclament un Gouvernement responsable et populaire, et que nous n’avons été mus par aucune vue étroite de parti ou d’origine en demandant depuis plusieurs années un tel Gouvernement aux Autorités de la Métropole152. Inversement, cette attitude permet aux radicaux du Haut-Canada de rattacher leurs demandes à celles des patriotes. Le 27 novembre 1828, MacKenzie écrit à John Neilson, qui n’a pas encore rompu avec les autres réformistes, pour lui dire qu’une union entre les forces réformistes des deux Canadas pourrait être profitable153. En 1837, Mackenzie remercie les Canadiens pour leur contribution à la lutte pour la liberté et demande à ses concitoyens «to make common cause with their fellow citizens of Lower Canada, whose successful coercion would doubtless be in time visited upon us, and the redress of whose grievances would be the best guarantee for the redress of our own154 ». Les distinctions nationales ne disparaîtront que lorsque les institutions provinciales auront été réformées dans un sens républicain. Le peuple sera alors maître et les distinctions culturelles ne susciteront plus d’animosité. Si les patriotes ne mettent pas trop l’accent sur la question ethnique, il leur arrive d’y faire allusion. Par exemple, s’ils soutiennent, par la troisième des Quatre-vingt-douze Résolutions de 1834, que les sujets britanniques sont les bienvenus au Bas-Canada, ils les dénoncent, dans des résolutions subséquentes (51, 75–76), comme ayant accaparé la majorité des positions gouvernementales et ayant
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des intérêts différents de ceux de la majorité de la population. Il faut néanmoins reconnaître que le discours patriote est généralement plus inclusif culturellement que celui de leurs adversaires. Malgré tout, les républicains articulent bel et bien un principe d’exclusion, mais justifié par des principes politiques plutôt qu’ethniques. Selon eux, l’appartenance au peuple dépend de l’acceptation de l’idée de peuple et de la logique républicaine. Sont membres du peuple ceux qui font cause commune avec lui. En sont exclus les ennemis politiques des patriotes et des radicaux, les ennemis du peuple. Accuser un groupe d’individus de former une faction est la pire attaque qui soit. Être factieux, c’est être l’ennemi du peuple. La Révolution américaine a certainement été moins sanglante que la française. Néanmoins, l’exclusion des ennemis du peuple lors de ces deux révolutions s’est réalisée autour de ce principe. Ce qui a différencié la manière dont l’exclusion s’est faite, c’est la qualité de l’ennemi du peuple. Pour les Américains, l’ennemi était d’abord extérieur : la Grande-Bretagne. En signant la paix en 1783, l’ennemi du peuple reconnaissait sa défaite. Les loyalistes, ceux qui ne pouvaient demeurer dans la République parce qu’ils s’étaient compromis auprès de l’ennemi, ou ceux qui ne voulaient pas rester pour quelque raison, ont simplement quitté les États-Unis. Le fait que l’ennemi principal du peuple ait été étranger et que la paix ait signifié la fin de quelque velléité de reconquête expliquent que l’exclusion américaine ait été moins sanglante que la française. En France, l’ennemi était domestique : l’aristocratie. Dans son ouvrage de 1789, l’abbé Sièyes affirmait que les privilégiés ne faisaient pas partie de la nation, parce qu’ils cherchaient « à défendre non l’intérêt général, mais l’intérêt particulier [...]155 ». Hors de la nation, ces aristocrates apparaissaient en marge du Souverain, ennemi du peuple156. Puisque l’ennemi était intérieur, il fallait le détruire. Deux méthodes étaient possibles. Les révolutionnaires ont d’abord tenté de soumettre les privilégiés par la force, comme ce fut le cas avec l’adoption de la Constitution civile du clergé en 1790. En cela, les républicains français ne suivaient que la proposition de Rousseau : « quiconque refusera d’obéir à la volonté générale y sera contraint par tout le corps : ce qui ne signifie autre chose sinon qu’on le forcera d’être libre157 ». Toutefois, plus la situation a évolué, plus les révolutionnaires ont rencontré de la résistance chez les élites. L’exil aurait pu être une solution, comme il l’avait été en Amérique. Mais puisque les émigrés
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fomentaient la contre-révolution aux frontières dans l’espoir de reconquérir le pouvoir et d’écraser le peuple, il ne pouvait en assurer la sécurité. C’est alors que la guillotine est apparue comme la solution au problème des exclus. C’est parce que les aristocrates et les privilégiés constituaient une menace pour le peuple qu’il fallait les éliminer, le roi plus que tout autre. La Terreur n’a été que l’expression du principe d’exclusion républicain dans son application la plus intransigeante158. Elle est la meilleure représentation de ce que J.L. Talmon appelait la démocratie totalitaire159. Si la situation au Bas-Canada, comme au Haut-Canada, n’atteint jamais un niveau aussi dramatique que lors de la Terreur, la rhétorique de la faction y est toutefois omniprésente. Les républicains coloniaux la manient avec aisance. Ils présentent les bureaucrates et les marchands contrôlant les Conseils comme l’ennemi du peuple. Selon Papineau, le pouvoir exécutif « doit savoir aussi qu’une faction et une fraction sont la même chose, et que la cabale commerciale, qui prétend tout régir ici, n’est pas la force de ce pays. [...] les vœux de la masse de la population doivent être suivis [...]160 ». L’Assemblée du Bas-Canada envoie au roi une pétition où elle parle du Conseil législatif en des termes non équivoques : « ce corps, loin de tenir au Pays, et d’en faire partie, ne représent[e] que la faveur, le monopole et le privilège [...]161 ». Au Haut-Canada, Mackenzie reprend et publicise l’expression « Family Compact » dans ses Sketches of Upper Canada162. En démontrant les liens indus unissant les membres de la classe dirigeante (et donc leur dépendance réciproque), il s’attaque à toute l’organisation politique de la province. Tous les membres de l’élite au pouvoir sont non seulement corrompus (parce que nonindépendants), mais ils forment un corps particulier au sein du Haut-Canada qui parasite le corps politique163. Au moment des rébellions, la rhétorique de la faction est largement utilisée. Selon les rédacteurs de l’« Adresse de la Confédération des Six Comtés au peuple du Canada », les gens en poste « se sont combinés en une faction uniquement mue par l’intérêt privé à s’opposer à toutes les réformes, à défendre toutes les iniquités d’un gouvernement ennemi des droits et des libertés de cette colonie164 ». Le peuple est menacé, il doit se défendre.
5 La primauté des droits ou La liberté moderne dans les Canadas (1828–1838) Au cours des années 1830, les républicains haut et bas-canadiens se présentent comme les champions de la liberté. Ils affirment défendre le peuple contre la tyrannie de l’oligarchie coloniale. Ils exigent des réformes fondamentales à la constitution. Leurs revendications s’inscrivent clairement dans la mouvance du républicanisme atlantique. Face à ce mouvement de contestation, qui en appelle à une révolution du politique, se dressent de puissants adversaires décidés à défendre la constitution coloniale. Cette opposition a longtemps été présentée comme opposant les conservateurs aux réformistes, les défenseurs de l’ordre aux promoteurs de la liberté. Cette manière de rendre compte de cette opposition n’est pas fausse. Elle donne néanmoins l’impression que les concepts d’ordre et de liberté sont antithétiques. Or, rien n’est moins certain. Si les républicains défendent la liberté, ils ne prônent pas l’anarchie. Ils promeuvent un État tout aussi ordonné que n’importe quel autre État, monarchique ou autre. Leur république repose sur une organisation politique précise, des relations de pouvoir bien définies, une hiérarchie sociale particulière et un principe d’exclusion. Néanmoins, les républicains ne sont pas les seuls à promouvoir la liberté dans le monde atlantique. Montesquieu, Voltaire, Blackstone et De Lolme, pour ne nommer qu’eux, défendaient aussi la liberté tout en n’étant pas républicains. De la même manière, les partisans de la constitution coloniale font la promotion d’une idéologie fondée sur une certaine conception de la liberté qui s’incarne dans l’Acte constitutionnel de 1791, tout en étant opposés au républicanisme. Au même titre que la liberté républicaine, la liberté moderne a engendré dans plusieurs idéologies, aussi bien dans le monde atlantique que dans les Canadas. Dans les colonies, ses partisans se
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divisent entre des réformistes, qui veulent adapter les structures de l’État dans le cadre du parlementarisme britannique, et des constitutionnels, qui préfèrent maintenir le statu quo ou alors n’apporter que des réformes mineures à l’organisation politique ou sociale. Si quelques réformistes situent toujours leurs revendications dans le cadre constitutionnel dans les années 1830 – pensons à Étienne Parent ou aux Baldwin – la polarisation des forces politiques, aussi bien au Haut qu’au Bas-Canada, entraîne leur marginalisation progressive sur la scène provinciale entre 1828 et 1836. L’opposition fondamentale dans les colonies se fait alors entre les républicains et les constitutionnels, entre ceux qui luttent pour réformer la constitution coloniale dans le sens du républicanisme et ceux qui rejettent tout amendement sérieux à l’ordre établi par la constitution de 1791. Les constitutionnels refusent de chambarder la constitution coloniale, car ils considèrent qu’elle assure la liberté nécessaire aux coloniaux. Selon eux, ce n’est pas l’Acte constitutionnel de 1791 qui la menace, mais l’idéal républicain qu’ils assimilent à la tyrannie de la majorité. Pendant longtemps, l’historiographie a dépeint les partisans de la constitution coloniale, qui se nommaient eux-mêmes constitutionnels, comme des conservateurs. Il est vrai que la majorité d’entre eux ont une attitude conservatrice, en ce qu’ils désirent conserver le cadre constitutionnel intact. Encore que certains réformistes, comme John Neilson, se joignent à eux dans la décennie 1830. Néanmoins, les constitutionnels ne sont pas nécessairement tous idéologiquement conservateurs. Ils n’acceptent pas tous l’idée d’une société organique et hiérarchisée, une société résultant d’un pacte entre les vivants et les morts, une société qui est attachée à la tradition et au passé1. Inversement, certains réformistes, dont Denis-Benjamin Viger, sont idéologiquement conservateurs2. Par ailleurs, certains historiens présentent maintenant les constitutionnels haut et bas-canadiens comme des libéraux. S’il est indiscutable que plusieurs d’entre eux reconnaissent l’existence de droits individuels inviolables, en commençant par celui de la propriété, et que plusieurs de leurs discours appartiennent à la tradition whig britannique, il est difficile de les dépeindre comme des libéraux puisque l’individu libéral ne se trouve pas au cœur de leur argumentation. Les constitutionnels ne sentent pas le besoin d’organiser de campagne systématique visant à défendre la constitution avant 1828, car personne ne remet sérieusement en cause, avant cette date, les principes sur lesquels l’Acte constitutionnel de 1791 repose. La défense
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de l’État et de l’ordre social est alors l’œuvre d’individus qui réagissent aux circonstances et aux revendications réformistes. John Strachan, le recteur anglican de Cornwall et instituteur renommé, publie ainsi une brochure intitulée A Discourse on the Character of King George the Third en 1810 alors que la tension monte entre la Grande-Bretagne et les États-Unis. Il y présente les fondements de la constitution dans l’espoir qu’une meilleure connaissance des principes constitutionnels encourage les Canadiens à défendre la colonie face à la menace américaine. Bien que Strachan se définisse comme un ami de la liberté3, il refuse l’idée que les États-Unis et la France constituent des modèles à suivre. Au contraire, il soutient que c’est en Grande-Bretagne que la liberté est la plus solide : « it may be easily proved that the liberty of our mother country is placed on a much firmer basis than that of the American States [...]4 ». Dans ce contexte, les Canadiens peuvent se considérer chanceux, car ils jouissent d’une constitution calquée sur celle de la mère-patrie. Les Canadiens n’ont aucune raison d’être insatisfaits puisqu’ils bénéficient d’une constitution founded upon the most equitable, rational and excellent principles : a constitution of free and equal laws, secured on the one hand against the arbitrary will of the sovereign, and the licentiousness of the people on the other ; a constitution which has become the fruitful source of heroes, the nourisher [sic] of liberty, the promoter of learning, art and commerce : a constitution which protects and secures the life and liberty of every individual, and whose pure administration has been experienced for fifty years through a king who delights in being the guardian of freemen and the father of his people5. Le discours de Strachan s’inscrit clairement dans le cadre du constitutionnalisme britannique et de la liberté moderne. L’égalité sur laquelle repose la constitution est une égalité de droit, sans plus. L’État est responsable de protéger cette égalité ainsi que la liberté des individus. Cette liberté est intimement liée au droit de propriété et à la sécurité. Ces trois droits sont, en fait, plus ou moins interchangeables : Does any person doubt whether the British be the freest nation on earth, let him tell me where property and its rights are so well protected. This is the life and soul of liberty. What shall
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oppression seize when property is secure ? Even a tyrant will not be wicked for nothing ; but the motives and objects are removed, and the seed of oppression destroyed, when property is safe. By this, life and liberty are rendered sacred6. Strachan présente ensuite la liberté comme étant née de l’expérience et non des théories. Cet accent mis sur la prescription (l’expérience) rappelle les écrits d’Edmund Burke : Nothing is more absurd than to suppose a nation free, because it possesses a written constitution which is little regarded in practice. Before a people can be called free, their freedom must have been tried. It must have given permanent proofs of its health. It must have braved the most terrible storms – weathered the attacks of tyranny on the one hand, and of faction on the other. And what is more, this freedom must have become the foundation of the public manners – it must have stamped itself on the people who enjoy it. And such is the freedom of the British nation ; it has undergone all these trials, and it has been triumphant7. Dans ce contexte, Strachan minimise la valeur des innovations constitutionnelles introduites depuis la Révolution américaine en faisant appel à l’autorité de Locke, de De Lolme, de Blackstone et de Montesquieu : The framers of their constitution have been called wise, but this production does not prove it. Let any person read Locke’s treatises on government, De Lolme on the British constitution, Blackstone, Montesquieu, with a few other authors who wrote before the minds of men were agitated with successive revolutions, and compare them with the slimsy [sic] productions which have deluged the world since the American revolution, and they will be forced to confess, that in this subject, we seem to go back8. En pratique, il favorise le maintien de la hiérarchie sociale et du lien entre l’État et l’Église. Par la suite, certains constitutionnels profitent du débat portant sur l’union entre le Haut et le Bas-Canada en 1822–1823 pour présenter
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une défense de la constitution. Sur cette question, les constitutionnels ne s’entendent pas tous. Certains Bas-Canadiens, particulièrement les habitants des Cantons de l’Est et de Montréal, sont favorables à une union qui les libérerait de leur statut de minorité par rapport aux Canadiens français9. De leur côté, la majorité des conseillers législatifs du Bas-Canada s’y opposent. Ils considèrent que la constitution de 1791 « a produit éminemment la prospérité et le bonheur de cette province, assuré la paix et la tranquillité parmi toutes les Classes des Sujets de Sa Majesté, et resserré plus étroitement les liens qui les unissaient à la Mère Patrie10 ». Au Haut-Canada, les constitutionnels s’opposent aussi à l’union projetée. Strachan, devenu conseiller exécutif en 1815 et conseiller législatif en 1820, et John Beverley Robinson, procureur général du Haut-Canada, rejettent ouvertement la mesure envisagée par le gouvernement britannique. Strachan écrit à Robinson que la législature unie serait « a Babel, half roaring French, half English11 ». De son côté, Robinson explique, dans une longue lettre à lord Bathurst, que l’union serait nuisible puisqu’elle mènerait à la mise en minorité du protestantisme et des sujets anglais face à un groupe de Canadiens français catholiques qui s’uniraient pour lutter contre leur assimilation. Parallèlement, elle ne garantirait pas l’instauration du droit civil anglais à la grandeur de la nouvelle colonie. Robinson croit que la seule union envisageable devrait être celle de toute l’Amérique du Nord britannique12. Cette proposition est appuyée par Jonathan Sewell, juge en chef du Bas-Canada13. Malgré la publication de ces quelques écrits, il faut attendre la décennie 1830 pour qu’une solide défense de la constitution s’élabore dans les deux Canadas. À ce moment, la structuration d’un discours républicain dans les colonies oblige les constitutionnels à expliciter leur vision de ce qu’ils considèrent comme des relations de pouvoir et des rapports sociaux légitimes. C’est alors qu’ils présentent une vraie défense de la constitution et de leur conception de la liberté.
l e s co n s t i t u t i o n n e l s d a n s l e s d e u x can ad as Les forces constitutionnelles dans les deux colonies ne sont pas les mêmes. Au Bas-Canada, elles sont majoritairement anglophones, quoique certains Canadiens français, comme Austin Cuvillier, Pierre de Rocheblave, Dominique Mondelet et Charles Clément Sabrevois de Bleury, s’affichent comme des constitutionnels au cours de la
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période. Au plan politique, les constitutionnels dominent les Conseils législatif et exécutif. Ils ne contrôlent toutefois pas l’Assemblée législative de la colonie, dominée par les réformistes entre 1806 et 1828, et par les républicains à partir de 1828. La lutte entre républicains et constitutionnels au Bas-Canada s’institutionnalise donc, au cours de la décennie, entre l’Assemblée dirigée par Louis-Joseph Papineau d’un côté et le gouverneur et les Conseils (où siègent entre autres Jonathan Sewell, Peter McGill, George Moffatt et John Molson) de l’autre. Les forces constitutionnelles bas-canadiennes s’organisent aussi à l’extérieur du cadre parlementaire. Sous l’impulsion de John Neilson, qui abandonne définitivement les patriotes en 1834, les constitutionnels de Québec fondent la Quebec Constitutional Association en décembre 1834. Ils répondent alors à la réélection du Parti patriote autour de sa plate-forme basée sur les Quatre-vingt-douze Résolutions. Les constitutionnels de Montréal suivent leur exemple en janvier 1835 en fondant la Montreal Constitutional Association. Ces deux groupes se portent à la défense de la constitution. Ils peuvent alors compter sur l’appui de journaux comme la Quebec Gazette, la Montreal Gazette et le Montreal Herald. Les constitutionnels bascanadiens mettent aussi sur pied diverses associations et organisent des assemblées publiques entre 1834 et 183714. La défense de la constitution passe également par la publication de brochures et d’ouvrages politiques. L’auteur bas-canadien le plus intéressant est sans conteste Adam Thom. Cet immigrant écossais arrive à Montréal en 1832. De janvier à décembre 1833, il dirige la Settler, or British, Irish and Canadian Gazette. Il promeut alors l’anglicisation de la colonie. Il enseigne ensuite à la Montreal Academical Institution avant de devenir, en 1835, le rédacteur du Montreal Herald. À la fin de cette année, il publie une réponse au discours inaugural du gouverneur Gosford qu’il intitule Anti-Gallic Letters. Il s’agit d’une des meilleures défenses de la constitution canadienne publiées dans la colonie. Elle se fait dans le cadre d’une attaque en règle contre la domination des patriotes et la survie du fait français au Bas-Canada. Thom est assez important pour que lord Durham le nomme, en août 1838, commissaire adjoint au sein de la commission chargée d’enquêter sur les institutions municipales. Il quitte le Bas-Canada pour la colonie de la Rivière-Rouge en 1839, alors qu’il reçoit le mandat de codifier les lois de la colonie15.
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Au Haut-Canada, la situation est quelque peu différente, les constitutionnels y étant beaucoup plus influents que les républicains. L’élite coloniale est essentiellement d’allégeance constitutionnelle. Les partisans de la liberté moderne dominent les deux Conseils tout au long de la période ainsi que l’Assemblée de 1830 à 1834 et de 1836 à 1841. Leur participation à la vie publique passe davantage par les institutions politiques normales que par des organisations extra-parlementaires, comme c’est le cas au Bas-Canada. Les grands défenseurs de la constitution occupent généralement des fonctions officielles. John Beverley Robinson, le leader du Family Compact, est procureur général de la colonie de 1819 à 1829 et juge en chef de 1829 à 1862. John Strachan, l’archidiacre puis l’évêque anglican de Toronto, est conseiller exécutif de 1815 à 1836 et conseiller législatif de 1820 à 1841. Robert Baldwin Sullivan, après avoir appuyé son cousin réformiste Robert Baldwin, s’allie aux constitutionnels et est nommé conseiller exécutif en 1836. Il devient conseiller législatif en 183916. À ces noms, on pourrait ajouter, entre autres, ceux de Christopher Hagerman, député de Kingston et solliciteur général, et d’Allan MacNab, député d’Hamilton et président de l’Assemblée de 1837 à 1841. Comme au Bas-Canada, les constitutionnels haut-canadiens publient des brochures pour lutter contre l’influence des républicains. La plus intéressante d’entre elles a pour titre The Affairs of the Canadas in a Series of Letters (1837). Elle est l’œuvre d’Egerton Ryerson, un ministre méthodiste, aussi rédacteur du journal Christian Guardian durant la majeure partie de la décennie 1830. Ryerson a amorcé sa carrière publique en publiant, en 1826, une défense des méthodistes et de leur loyauté dans le Colonial Advocate de William Lyon Mackenzie. Il maintient ses liens avec les réformistes jusqu’en 1833. À cette date, il se rend en Grande-Bretagne pour négocier l’alliance entre les méthodistes haut-canadiens et les wesleyens britanniques. Son voyage lui permet de prendre un certain recul par rapport à la politique coloniale. Il devient alors convaincu que les réformistes coloniaux veulent détruire la constitution et mettre fin à la connexion britannique. En 1836, il publie plusieurs lettres dans le Times de Londres sous le pseudonyme de « A Canadian ». Il y dénonce les républicains coloniaux et accuse les députés britanniques radicaux Joseph Hume et Arthur Roebuck de les avoir encouragés dans la voie de la sédition. Ses lettres ressemblent aux écrits de Thom, aussi bien dans le ton que dans l’argumentation. À son retour, Ryerson abandonne ses alliés réformistes et se met à défendre la
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constitution17. Il publie alors ses lettres dans la colonie sous la forme d’une brochure. Si son discours se rapproche alors grandement de celui des constitutionnels, son opposition aux réserves du clergé demeure toutefois inchangée. Les constitutionnels des deux colonies ne sont donc pas de force équivalente : les constitutionnels haut-canadiens contrôlent mieux les institutions politiques coloniales que leurs homologues bascanadiens. Inversement, les activités extra-parlementaires constitutionnelles sont plus fébriles au Bas-Canada qu’au Haut-Canada. Il existe aussi une différence importante quant au ton des discours constitutionnels dans les deux colonies qui évolue tout au long de la période. Au Bas-Canada, les constitutionnels sont sur la défensive entre 1828 et 1834. À partir de 1834, la situation devient critique, les patriotes venant d’adopter les Quatre-vingt-douze Résolutions. La constitution est directement menacée. Affolés par la menace républicaine, les constitutionnels s’organisent. Ils défendent alors la constitution, leurs droits et leur liberté sur un mode plus agressif contre les attaques des républicains. Ils annoncent qu’ils défendront leurs droits par la force si nécessaire. Au Haut-Canada, la menace républicaine s’est amoindrie, dès 1830, avec la défaite électorale des réformistes. Jusqu’en 1834, les républicains font beaucoup de bruit, mais constituent une simple force d’opposition. Si leur victoire électorale de 1834 inquiète les autorités, leur cuisante défaite de 1836 les rassure sur la loyauté des habitants de la colonie. C’est essentiellement après la rébellion que les constitutionnels haut-canadiens articulent une véritable défense intellectuelle de la constitution. Bref, si l’opposition entre les républicains et les constitutionnels dans les deux colonies est la même au plan des idées, elle est beaucoup plus importante et mieux structurée au Bas-Canada. Mais peu importe les personnes qui se prononcent, leurs fonctions, le contexte de leurs interventions, le médium utilisé ou le registre des expressions, tous les constitutionnels défendent généralement les mêmes principes constitutionnels et la même conception de la liberté.
lib e rt é , p ro pri é t é e t s é cu ri t é : l a r hétor iqu e co nst itut i o n n e l l e d an s l e s c a n a da s Pour les modernes, la liberté se résume en la jouissance de certains droits fondamentaux. Selon Blackstone, ces droits « may be reduced to three principal or primary articles ; the right of personal security,
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the right of personal liberty, and the right of private property [...]18 ». Si ces droits ne sont pas définis explicitement dans la constitution coloniale de 1791, c’est qu’il n’y avait aucune raison de le faire : la constitution britannique repose sur eux. Les constitutionnels coloniaux connaissent bien ces droits. La Quebec Constitution Association explique ainsi que « the enjoyment of equal rights with our fellow subjects, and that permanent peace, security and freedom for our persons, opinions, property and industry [...] are the common rights of British Subjects19 ». Ils en réclament le respect tout au long de la décennie 1830. C’est la jouissance de ces droits qu’ils nomment « liberté ». Ce sont les ennemis de ces droits qu’ils combattent. Le droit à la liberté individuelle est certainement le plus ambigu puisque les coloniaux ne l’expliquent jamais. Néanmoins, tous les penseurs de la liberté moderne s’entendent pour dire que la liberté individuelle consiste à obéir à des lois raisonnables qui ne briment pas l’autonomie des individus. Dans la pratique, plusieurs implications découlent de cette définition. Cette liberté implique la tolérance religieuse. Les sujets sont libres d’adhérer à la foi de leur choix. Cette liberté est acquise en Angleterre dès 1689 grâce au Toleration Act20. Dans les colonies, la tolérance (liberté de croyance) est également un droit acquis. Comme le dit Strachan : « All parties retain the right of worshipping God as their consciences direct, and of educating their children as they please21 ». Cette tolérance n’est toutefois pas synonyme de liberté religieuse au Royaume-Uni jusqu’à la fin des années 1820. Jusqu’à ce moment, il y a un prix à payer pour ne pas se conformer aux règles de l’Église d’État. Les non-conformistes sont privés de certains droits civils et politiques jusqu’à l’abrogation du Test Act en 1828. De la même manière, les catholiques britanniques et irlandais ne sont émancipés qu’en 1829. Il existe une plus grande liberté religieuse dans les colonies que dans la métropole puisque les non-conformistes et les catholiques peuvent professer leur foi sans pénalité depuis 1774. Cette liberté religieuse coloniale, doublée de la volonté des autorités britanniques et des élites constitutionnelles locales de donner un statut particulier à l’Église anglicane, rend difficile la vie politique haut-canadienne dès la fin de la décennie 1810. Le problème réside dans la volonté des anglicans de faire de l’Église d’Angleterre l’Église officielle de la colonie et de lui donner les lots qui ont été réservés dans l’Acte constitutionnel pour l’entretien du clergé protestant. Selon les anglicans, il est clair que l’intention des autorités londoniennes
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était d’établir l’Église anglicane dans les colonies. Malheureusement pour eux, cette interprétation est de plus en plus contestée par les autres confessions protestantes et par l’Église catholique dans les années 1820 et 1830. De plus, la position des anglicans n’est pas aussi solide qu’ils l’auraient désirée. D’abord, même s’ils forment la confession religieuse la plus importante au Haut-Canada jusqu’aux années 1840, ils ne sont tout de même qu’une fraction de la population coloniale22. Leur revendication économique est quelque peu démesurée par rapport à leur poids démographique. Ensuite, l’absence de discrimination légale contre les non-conformistes permet à ces derniers de revendiquer le partage des réserves du clergé. Bien que l’idée d’établir l’Église anglicane dans les colonies n’ait guère plu à la majorité des coloniaux et ait été combattue avec force et énergie par plusieurs réformistes et radicaux, il faut voir qu’il n’y a pas nécessairement de contradiction entre l’existence d’une Église officielle et le principe de tolérance ou de liberté religieuse. Les deux principes cohabitent dans la métropole. Si on en croit Strachan, même le grand réformiste whig Charles James Fox se serait déclaré « the friend of a religious Establishment, because I am the friend of toleration without restriction23 ». S’il n’y a pas de contradiction entre tolérance et statut particulier, c’est que l’existence d’une Église officielle se justifie pour des raisons sociales et politiques plutôt que religieuses. Pour les défenseurs de la liberté moderne des xviii e et début xix e siècles, le rôle de la religion en est un d’éducation et de contrôle social24. Strachan défend d’ailleurs avec âpreté les privilèges de l’Église anglicane au Haut-Canada, dont son droit aux réserves du clergé, par des arguments essentiellement politiques. Il affirme que « by the Law of England the Church is an integral part of the State, and being well aware of the advantage, which the people at large derive from this union was solicitous to extend to the Canadas the blessings of a Constitution, assimilated as much as possible to that of the Mother Country ». Il demande le respect des privilèges de l’Église anglicane dans la colonie en disant que les Britanniques de l’Amérique du Nord doivent profiter de la même constitution que leurs frères de la Grande-Bretagne, incluant l’établissement de l’Église nationale. Il soutient aussi que l’établissement de l’Église officielle garantit l’ordre social. Il cite alors un rapport du Conseil exécutif du Haut-Canada précisant que : « It is of great importance that the Constitution in Church and State should be so interwoven with the whole social system in Upper Canada, as to engage men’s interests
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as well as their feelings in its support, and make it in popular and daily estimation, no less essential to the security of property than to the preservation of religion, and maintenance of good order25 ». La bataille menée par plusieurs constitutionnels pour confier les réserves du clergé à une Église officielle ne contredit donc pas le concept moderne de liberté. Les constitutionnels font, au xix e siècle, une distinction entre foi et institution. Se battre pour qu’une Église obtienne un statut particulier n’équivaut toutefois pas nécessairement à une tentative de brimer la liberté de conscience. Cette lutte dénote simplement une vision très inégalitaire des rapports politiques et sociaux légitimes au sein de la société. La liberté d’expression constitue une autre forme de liberté importante pour les modernes. Néanmoins, elle n’implique pas que l’on puisse dire n’importe quoi. Les sujets peuvent s’exprimer librement à la condition de respecter leurs semblables. Personne ne peut accuser un individu à tort en en appelant à la liberté d’expression. La liberté d’un individu est limitée par celle des autres. La raison est ce qui permet à chacun de connaître les limites de sa propre liberté. La liberté d’expression est donc encadrée par la nécessité d’assurer la coexistence des droits de tous les individus de la société. Comme l’explique Blackstone : the liberty of the press is indeed essential to the nature of the free state ; but this consists in laying down no previous restraints on publications, and not in freedom from censure for criminal matter when published. Every freeman has an undoubted right to lay what sentiments he pleases before the public, to forfeit this is to destroy the freedom of the press ; but if he publishes what is improper, mischievous or illegal, he must take the consequences of his own temerity26. S’il n’y a pas de contrôle officiel avant la publication des journaux et des ouvrages dans le monde britannique, il est toujours loisible à quiconque se sent victime de diffamation de poursuivre et de faire emprisonner les auteurs coupables. Il s’agit d’une forme de censure a posteriori qui encourage l’autocensure et s’avère très pratique pour les autorités coloniales voulant faire taire leurs détracteurs. De la sorte, le gouverneur Craig a fait fermer le journal Le Canadien en mars 1810 pour un poème jugé offensant. Durant les années 1820 et 1830, plusieurs journalistes sont emprisonnés pour diffamation.
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Au Bas-Canada, Ludger Duvernay, l’éditeur du journal patriote La Minerve, est emprisonné à quelques reprises (1828, 1832, 1836) tout comme son collègue Daniel Tracey, l’éditeur du journal anglophone patriote Vindicator (1832). De son côté, le journaliste Étienne Parent est emprisonné du 26 décembre 1838 au 12 avril 1839 pour un article publié dans Le Canadien. Toutefois, il est accusé de sédition et non de diffamation. Au Haut-Canada, le journaliste Francis Collins est emprisonné (1828–1829) pour avoir parlé de la « native malignancy » de John Beverley Robinson dans un article publié dans le Canadian Freeman (16 octobre 1828)27. Quant à Mackenzie, il est expulsé de l’Assemblée législative en 1831–1832 pour ses écrits dans le Colonial Advocate. Les poursuites intentées par les constitutionnels contre les réformistes durant la décennie 1830 mettent bien en relief la nature et les limites de la liberté d’expression à laquelle les constitutionnels adhèrent. Les gens sont libres de dire ce qu’ils veulent sans qu’il y ait de censure préalable. Toutefois, s’ils diffament un individu, ils peuvent être poursuivis en justice et finir en prison. À ces libertés civiles, il faut ajouter la liberté politique, c’est-à-dire le droit des sujets de participer à la vie politique en élisant des députés. Si cette participation n’est pas synonyme de liberté pour les défenseurs de la liberté moderne, elle en est, dans le cadre britannique, à la fois l’une des conditions et l’un des éléments constitutifs. Les constitutionnels défendent l’importance des institutions représentatives dans les colonies tout au long de la période, encore qu’ils les intègrent dans le cadre du gouvernement mixte. La liberté à laquelle les constitutionnels adhèrent implique aussi l’existence d’un système judiciaire impartial dont la fonction est de veiller à l’application des lois qui garantissent les libertés. Comme le déclare Adam Smith, « upon the impartial administration of justice depends the liberty of every individual [...]28 ». Dans les colonies, ce droit à un bon système judiciaire est peu discuté. Néanmoins, les principes sous-jacents au système colonial correspondent à ceux existant dans la métropole. Le système judiciaire britannique possède plusieurs mécanismes qui visent à préserver la liberté des sujets. Il y a d’abord le principe de la primauté du droit, une des caractéristiques fondamentales de la constitution britannique. Grâce à ce principe, les sujets ne sont pas soumis à la volonté arbitraire d’un juge, car ce dernier doit appliquer la loi. Ensuite, les juges sont indépendants du pouvoir politique29. Si le pouvoir exécutif nomme les juges, il n’a
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aucun droit d’ingérence dans le système judiciaire. C’est ce qui garantit l’indépendance de celui-ci. Les sujets britanniques sont de plus protégés de l’arbitraire par l’existence des procès devant jury, « the boust and the glory of british subjets all over the world », « the palladium of british liberty [...], the sacred bulwark of their liberties30 ». Grâce à ce mécanisme, les individus peuvent être jugés par leurs pairs. La conception moderne de la liberté inclut également un certain idéal d’égalité. Locke mentionne même l’égalité comme un droit naturel. Pour réelle, cette égalité moderne est beaucoup plus restreinte que l’égalité républicaine. Elle n’implique qu’une égalité de droits entre les sujets. Dans ce contexte, jamais les constitutionnels coloniaux n’en appellent à une égalité de fait. La grande élite constitutionnelle des deux Canadas nourrit généralement une vision très hiérarchisée de la société. Certains défendent l’ordre social préexistant, basé sur le rang ou le statut social, alors que d’autres font la promotion d’une méritocratie basée sur la réussite financière31. Les constitutionnels du Bas-Canada, qui se considèrent injustement traités, en appellent à la jouissance de droits égaux pour tous durant la décennie 1830. Les pétitions au roi, les résolutions et les autres documents des associations constitutionnelles de Montréal et de Québec, les discours politiques ainsi que les écrits polémiques revendiquent cette égalité de droit32. De leur côté, les constitutionnels du Haut-Canada, qui contrôlent plus ou moins le système politique, considèrent que cette égalité existe déjà dans la colonie. Enfin, la liberté moderne est associée à deux autres droits fondamentaux : la propriété33 et la sécurité. Le droit de propriété est très tôt constitué en droit distinct, ce qui témoigne de son importance pour les tenants de la liberté moderne. Il est inviolable puisqu’il est le résultat du travail de chaque individu, du moins théoriquement. C’est en partie parce qu’ils craignent pour le respect de leurs propriétés que les constitutionnels rejettent le républicanisme. Thom cite John Adams à ce sujet : Suppose a nation, rich and poor, high and low, ten millions in number, all assembled together ; not more than one or two millions will have lands, houses, or any personal property ; [...] Would Mr. Needham be responsible that, if all were to be decided by a vote of the majority, the eight or nine millions who have no property, would not think of usurping over the
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rights of the one or two millions who have ? Property is surely a right of mankind as really as liberty. Perhaps, at first, prejudice, habit, shame or fear, principle or religion, would restrain the poor from attacking the rich, and the idle from usurping on the industrious [...]. The moment the idea is admitted into society, that property is not as sacred as the laws of God, and that there is not a force of law and public justice to protect it, anarchy and tyranny commence34. Cette façon de voir n’est pas très différente de celle d’Adam Smith, pour qui la propriété est le droit le plus fondamental. Dans ce contexte, non seulement les républicains menacent les colonies d’une tyrannie politique, où les droits des individus ne seront plus inviolables, mais leurs revendications constituent une menace au droit de propriété35. La propriété est doublement importante pour les constitutionnels. Si elle est un droit inaliénable, elle est aussi souvent à la base de leur philosophie de vie. Les constitutionnels, du moins les plus riches et les plus conservateurs, opposent à l’éthique de la vertu et de la frugalité des républicains une éthique de l’accumulation. Ils considèrent l’accumulation des biens comme la source du bonheur. Or, comme chaque individu a droit au bonheur, il s’ensuit que le droit à la propriété est sacré et inviolable. Pour ces constitutionnels, les gens qui ne poursuivent pas cet idéal sont méprisables. Le mépris dont les Canadiens français sont accablés au cours des années 1830 découle, en partie, de ce qu’ils se contentent d’une vie simple : The Canadian habitants have not that “auri sacra fames,” the parent of so much good, as well as of so much evil. They are content to live in no better houses, wear no better clothes, travel over no better roads, and to be no greater men than their fathers ; and they are content likewise to raise their oats, and their potatoes, among grass and thistles [...]. They are people of few wants [...]36. Néanmoins, tous les constitutionnels ne s’entendent pas nécessairement sur le genre de société auquel ils aspirent. Les marchands bas-canadiens promeuvent une société commerciale alors que d’autres Bas-Canadiens et certains Haut-Canadiens rêvent encore de grands domaines et de propriétés foncières, pensons à Robinson et Sullivan.
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Dans les deux cas, la perspective demeure préindustrielle et fortement inégalitaire. Peu importe cependant le genre de société rêvée, l’élite constitutionnelle encourage généralement l’accumulation de biens (immobiliers ou mobiliers). Cette soif de richesse et d’accumulation a comme corollaire l’encouragement des échanges économiques et la défense du commerce. Pour les défenseurs de la liberté moderne, le commerce assure l’ordre et la liberté. Comme Adam Smith le disait : « Commerce and manufactures gradually introduced order and good government, and with them the liberty and security of individuals, among the inhabitants of the country, who had before lived almost in a continual state of war with their neighbours, and of servile dependency upon their superiors37 ». Dans les colonies, les constitutionnels sont les promoteurs des grands travaux publics, comme la construction de canaux, qui facilitent les échanges économiques. La construction d’infrastructures devient, pour certains d’entre eux, synonyme de progrès. Selon eux, le peu d’empressement des Canadiens français à investir dans les infrastructures nuit au commerce, au progrès et au bonheur de la colonie. Dans les faits, les promoteurs du commerce et des grands investissements dans les Canadas font face à un problème durant la décennie 1830, car l’Assemblée bas-canadienne refuse de développer les infrastructures de la colonie. Tous les investissements faits au Haut-Canada ne servent donc à rien. Les députés bas-canadiens sont aussi accusés par les constitutionnels de voler le bien du Haut-Canada38. Les douanes imposées aux produits importés dans les colonies sont payées au Bas-Canada. Tous ces revenus appartiennent par conséquent au gouvernement du BasCanada qui doit en verser une partie au Haut-Canada. Ce partage a toujours posé problème aux constitutionnels des deux colonies. Le gouvernement du Haut-Canada ne considère pas recevoir sa juste part et accuse celui du Bas-Canada de ralentir son développement. Les constitutionnels des deux colonies soutiennent que les produits importés sont nécessairement consommés au Haut-Canada puisque les Canadiens ont un mode de vie simple. Les Haut-Canadiens sont donc dépouillés de leurs revenus. À ces plaintes s’ajoutent celles des constitutionnels bas-canadiens qui prétendent que l’Assemblée patriote utilise leurs taxes pour les opprimer : these means, derived in great part from the petitioners, are now avowedly employed for the purpose of subjugating the persons,
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property, and freedom of the petitioners to the mere will and pleasure of a power derived from a majority of one distinct portion of the population only, proclaiming its “French origin” by solemn resolves of its Representatives, and manifestly held together by feelings and prejudices averse to other origins, and acted upon by ambitious and self-interested individuals39. Dans ce contexte, les constitutionnels bas-canadiens préfèrent appuyer les revendications des Haut-Canadiens afin de priver leurs « oppresseurs » des moyens de leur nuire. Le droit à la sécurité constitue le dernier droit fondamental des sujets britanniques. Certains penseurs de la liberté moderne l’ont même quelquefois confondu avec la liberté. Montesquieu écrivait que « la liberté politique, dans un citoyen, est cette tranquillité d’esprit qui provient de l’opinion que chacun a de sa sûreté [...]40 ». Plus spécifiquement, ce droit des sujets britanniques à la sécurité « consists in a person’s legal and uninterrupted enjoyment of his life, his limbs, his body, his health, and his reputation41 ». Au xix e siècle, le droit à la sécurité est étroitement associé à celui de la propriété et de la liberté. Il est à peu près impossible de séparer ces trois droits puisque la liberté, à laquelle a droit tout individu dans la société, « est la liberté naturelle dépouillée de cette partie qui faisait l’indépendance des particuliers, et la communauté des biens, pour vivre sous des lois qui leur procurent la sûreté et la propriété [...]42 ». Dans les colonies, les constitutionnels unissent toujours la notion de sécurité à celles de liberté et de propriété. Au Bas-Canada, ils s’opposent aux revendications et aux façons de faire des patriotes, parce qu’ils sont convaincus que si les patriotes réussissaient dans leurs efforts de faire de l’Assemblée le centre du pouvoir colonial, ils n’auraient plus aucune « security for their liberties, lives and properties [...]43 ». Au Haut-Canada, le député tory Henry Sherwood exprime une idée généralisée parmi les défenseurs de la constitution dans la colonie lorsqu’il signe le rapport du comité de l’Assemblée chargé d’enquêter sur l’état de la province en 1838. Selon lui, la constitution de 1791 est excellente puisqu’elle contient « all the elements necessary for the most perfect security and enjoyment of Civil and Religious Liberty [...]44 ». La liberté des constitutionnels se résume ainsi en la jouissance d’une autonomie individuelle par rapport aux autres individus et au pouvoir politique. Les principes constitutionnels sont donc très
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différents des principes républicains. Cette divergence de vue par rapport aux principes fondamentaux qui doivent guider la société implique que l’organisation du pouvoir au sein d’un État libre moderne n’a rien à voir avec celle de la république.
l a so u ve rai n e t é d u p arl emen t d ans le ca d re d u g o u ve rn e men t mix te Chez les constitutionnels, la liberté ne repose pas essentiellement sur la participation des citoyens à la vie politique de l’État. Elle n’implique pas l’assujettissement des citoyens au pouvoir législatif. Elle postule plutôt l’autonomie des individus les uns par rapport aux autres et par rapport à l’État. Les constitutionnels ne conçoivent donc pas l’État comme étant le lieu où se vit la liberté, mais uniquement comme ce qui la garantit. Ils rejettent ainsi la conception républicaine de la liberté, qu’ils considèrent comme synonyme de tyrannie. Les constitutionnels coloniaux réclament le respect des principes de la liberté moderne sous-jacents à la constitution britannique, « the noblest system of Government that has ever been consecrated to freedom ». Cette constitution est libre parce que « adverse at once to despotism on the one hand, and to popular licentiousness on the other [...]45 ». Ses partisans réclament parallèlement le respect de l’Acte constitutionnel de 1791, car il apparaît comme « the best system of Government that ever existed on earth, and from which they derive all the personal security, the worldly prosperity, and religious happiness which they enjoy ». Plus encore, ce système est présenté comme « the Colonial Charter of the rights and liberties of british subjects in this part of the dominions of the Empire46 ». La constitution offre maintes garanties pour protéger la liberté des sujets en Amérique. Robinson considère d’ailleurs qu’aucune oppression n’est possible ni envisageable sous son autorité : « under the British Government, and in this age to dread the civil or religious prosecution of a whole people is to fear an imaginary danger47 ». Dans ce contexte, les constitutionnels s’opposent aux principes républicains de toute leur force. Selon eux, la souveraineté du peuple, cette idée voulant que le pouvoir au sein de la société et de l’État provienne du peuple, est une aberration. Premièrement, la souveraineté républicaine appartient au peuple, une fiction caractérisée par son unicité. Ceux qui s’arrogent le droit de parler au nom du peuple peuvent légitimer tous les abus. Deuxièmement, le pouvoir appartient
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dans les faits à un seul corps politique : l’Assemblée élue. Or, selon les constitutionnels, la volonté du peuple n’est rien d’autre que la volonté de la majorité des élus48. Les minorités ne sont donc pas protégées dans le cadre républicain puisqu’elles ne peuvent s’opposer légitimement aux vœux de la majorité. Les groupes qui ne se considèrent pas totalement solidaires des décisions de la majorité sont en retour considérés comme ses ennemis plutôt que comme des minorités ayant des besoins particuliers. Troisièmement, si le peuple est souverain, sa volonté fait loi. Malheureusement, rien n’assure que cette volonté soit raisonnable. Il s’agit là d’une faille importante aux yeux des constitutionnels puisque leur conception de la liberté dépend de la raison. Ainsi, autant les républicains méprisent les principes constitutionnels, autant les constitutionnels craignent les principes républicains. Selon les défenseurs de la constitution, la victoire des républicains menacerait directement les droits fondamentaux des sujets, car ils deviendraient tributaires de la volonté d’une Assemblée représentant uniquement un groupe d’intérêt parmi d’autres. Les droits des sujets ne seraient plus inviolables, mais à la merci de la volonté de la majorité républicaine. Les constitutionnels ne peuvent donc se rallier aux républicains coloniaux. Ils sont convaincus qu’ils se retrouveraient esclaves dans la colonie si leurs adversaires gagnaient étant donné que « the uncontrolled domination of the majority would deprive the minority of any and every guarantee for property, liberty or life49 ». C’est dans ce contexte qu’ils dénoncent les concessions faites par lord Gosford aux patriotes. Selon Thom, le gouverneur a reconnu, dans son discours inaugural d’octobre 1835, le droit de la majorité de tyranniser la minorité : « Your lordship [...] has most liberally established the democratic principle, that the majority is everything and the minority nothing ; that “the great body of the people” is omnipotent and the small body of the people is powerless50 ». La façon dont les constitutionnels conçoivent la relation entre l’individu et l’État est paradoxale. D’un côté, ils craignent la puissance de l’État, la liberté étant synonyme d’autonomie individuelle. D’un autre côté, ils savent que la liberté ne peut exister sans État. Lui seul peut assurer la protection des libertés individuelles, de la propriété et la sécurité. Ils pensent donc l’État de manière à ce qu’il ne puisse menacer les droits fondamentaux des individus, du moins en théorie. Ils organisent le pouvoir autour de la notion de la souveraineté du Parlement dans le cadre du gouvernement mixte.
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Cette organisation est beaucoup plus complexe que celle défendue par les républicains coloniaux. Pour les constitutionnels, le pouvoir souverain n’appartient pas au peuple, mais au Parlement. Il s’agit là d’une distinction essentielle. Ce n’est pas une fiction immanente qui est souveraine, mais une institution représentative. Celle-ci ne représente pas un peuple indivisible et univoque, mais les divers intérêts présents dans la société. La volonté du Parlement résulte de la volonté cumulative de la monarchie, de l’aristocratie et de la démocratie, encore que la démocratie soit elle-même la somme de divers intérêts. Puisque le Parlement est le fruit de l’union des trois ordres de la société, sa souveraineté implique le respect de la différence des intérêts et leur compétition légitime au sein de la société et de l’État. Malgré ce qu’en pensent les constitutionnels, leur système politique n’en repose pas moins, lui aussi, sur une construction intellectuelle, une fiction. La division entre monarchie, aristocratie et démocratie est théorique, car aucun des trois ordres n’existe vraiment ou n’est réellement représenté au sein des institutions coloniales. D’abord, le principe monarchique n’existe que sur papier. Le chef du pouvoir exécutif (le gouverneur) n’est pas le roi. Il est un simple fonctionnaire du Colonial Office. De la même façon, la légitimité aristocratique des Conseils législatifs est fictive. Il n’y a pas d’aristocratie coloniale. Les conseillers législatifs appartiennent à des groupes sociaux qui, dans la métropole, sont représentés à la Chambre des communes. De son côté, la branche démocratique a peu à voir avec la représentation proportionnelle des individus. Elle doit représenter les intérêts présents dans la colonie et non les individus. Dans ce contexte, les constitutionnels considèrent que la majorité de la population (française et rurale) ne peut prétendre au droit de contrôler la majorité des sièges à l’Assemblée, car elle ne constitue qu’un intérêt parmi d’autres. La domination exercée par les patriotes bas-canadiens sur l’Assemblée leur apparaît donc illégitime, les autres intérêts présents dans la société, incluant l’intérêt commercial, n’ayant pas leur juste part de la représentation. La Quebec Constitutional Association dénonce cet état de fait en 1835 : In prosecution of the views of the party to which those evils are mainly ascribable, that portion of the population of the province which has been by them designated as “of British or Foreign origin,” has virtually been, and now is, deprived
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of the privilege of being heard in the Representative Branch of the Government, in support of their interests and views. The portion of the population thus proscribed, amounts to about one hundred and fifty thousand souls, or one fourth of the whole, and comprises nearly all the Merchants, the principal Members of the Learned Professions, a large body of skilful and wealthy Artizans and Mechanics, and a great number of respectable and industrious Agriculturalists, possesses extensive real estate, and holds by far the greatest portion of the capital employed in the pursuits of trade and industry, all which interests are liable to be burdened, and in fact have been injuriously affected, in consequence of the proceedings of the said party and of the majority of the same origin by whom they have been supported in the Assembly of the Province51. Pour permettre une meilleure représentation des divers intérêts présents dans la colonie, les modernes acceptent de manipuler la carte électorale. Cette manipulation leur apparaît parfaitement conforme à la constitution : The British Constitution, on the contrary, besides checking popular impulses by two hereditary branches of the legislature, prevents, by the nicest adjustment of dissimilar constituencies, the majority of the people from returning the majority of representatives. In Lower Canada, in particular, the uncontrolled domination of the majority would be fatal to the welfare of the proscribed and calumniated minority52. La séparation entre la monarchie, l’aristocratie et la démocratie est complétée dans la constitution britannique par une autre séparation, celle entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire : It is, my lord, a fundamental maxim of the British constitution, that the legislature, the executive and the judiciary should be so far independent of each other, as that not one of the three should either control the others or be controlled by them. Such, in fact, must be the fundamental maxim of the constitution of every free state. For the concentration of all the powers of the state in the hands of an individual or of a party is the very essence of despotism53.
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Dans ce contexte, le pouvoir exécutif appartient au roi ; le législatif, au Parlement ; le judiciaire, aux cours de justice. Encore une fois, cette séparation est plus théorique que pratique dans la constitution britannique, et partant, coloniale. Dans les faits, les trois ordres participent conjointement aux trois pouvoirs. Si le roi est le chef du pouvoir exécutif, il fait également partie du Parlement impérial et des législatures provinciales. Sa sanction est aussi fondamentale et légitime au processus législatif qu’un vote à la Chambre des communes (Assemblée législative) ou à la Chambre des lords (Conseil législatif). Inversement, si la fonction première des députés et des lords (conseillers législatifs) est législative, certains d’entre eux sont néanmoins appelés à conseiller le roi dans ses fonctions exécutives. Quant au pouvoir judiciaire, s’il doit être théoriquement indépendant des deux autres pouvoirs, la réalité est moins claire. C’est le roi (pouvoir exécutif) qui est « the fountain of justice54 ». À ce titre, il nomme les juges (pouvoir judiciaire). De leur côté, les juges peuvent parfois occuper des fonctions législatives. Au Bas-Canada, ils peuvent siéger à l’Assemblée législative jusqu’en 181155. Certains siègent aux Conseils exécutifs et législatifs des colonies jusqu’en 1831. Par la suite, seul le juge en chef de la colonie conserve son siège de président du Conseil législatif. Enfin, les juges peuvent être consultés à l’occasion par l’exécutif colonial, ce qui semble tout à fait normal à Robinson : As Chief Justice I am, like my brother Judges liable to be called on for reports, and opinions and advice in those cases in which recourse should be had in England to the Judges, and in no others – I have no concern in the executive affairs of the Colony, and no claim or wish to be consulted in any of them, except where they have so direct a bearing upon the general administration of justice, as to make such a reference proper [...]56. Bien que les constitutionnels défendent la séparation des ordres (monarchie, aristocratie et démocratie) et des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire), ils rejettent « the absurdly republican doctrine of a complete separation of “the principal bodies of government”57 ». Plus que la pratique, c’est la constitution britannique qui cautionne cette relation directe entre les pouvoirs58. Pour démontrer que les constitutionnels ont raison à ce sujet par rapport au discours républicain,
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Thom en appelle à l’autorité « of one of the most distinguished jurists of the [United States] » qu’il présente implicitement, sans le nommer, comme un républicain. Selon ce juriste, un admirateur de Montesquieu, la seule manière pour le pouvoir d’arrêter le pouvoir se résume en une « partial participation of each in the powers of the other ; and by introducing into every operation of the government in all its branches a system of checks and balances, on which the safety of free institutions has ever been found essentially to depend. » Thom cache volontairement la véritable identité de l’auteur de la citation. Il agit de la sorte, car ce dernier est le juge Joseph Story, un juriste dont les écrits s’inscrivent en fait dans le cadre de la liberté moderne plutôt que républicaine59. La relation entre les pouvoirs exécutif et législatif est donc beaucoup plus complexe chez les constitutionnels que chez les républicains. Dans le cadre républicain, le pouvoir exécutif émane du pouvoir législatif et lui est étroitement soumis. Dans le cadre parlementaire, le pouvoir exécutif n’émane pas du pouvoir législatif. Il ne lui est pas assujetti. Il se présente comme un pouvoir autonome doté de certaines prérogatives. Pour que le système parlementaire fonctionne, pour que les pouvoirs exécutif et législatif ne soient pas toujours en opposition, les Britanniques ont créé un mécanisme leur permettant de collaborer plutôt que de s’affronter : le Cabinet. Bien que les constitutionnels désirent calquer autant que faire se peut le modèle métropolitain dans les colonies, ils s’opposent à la création de Cabinets provinciaux. Selon eux, il est inutile de créer de tels Cabinets dans les colonies puisqu’ils ne serviraient à rien. Le Cabinet britannique sert à rendre le pouvoir exécutif responsable de ses actes vis-à-vis de la Chambre des communes dans le contexte où le roi ne peut être tenu personnellement responsable de ses décisions. Or, le pouvoir exécutif dans les colonies est responsable, même si ce n’est pas auprès des Assemblées. Le gouverneur (ou lieutenant-gouverneur) est responsable de ses décisions face au gouvernement métropolitain, lui-même responsable devant le Parlement impérial. Pour les constitutionnels, la responsabilité du gouverneur est amplement suffisante pour garantir la responsabilité du pouvoir exécutif colonial. De plus, les constitutionnels soutiennent que cette responsabilité envers le pouvoir souverain impérial, plutôt qu’envers les Assemblées coloniales, a bien servi les coloniaux. Robinson rappelle que le gouvernement métropolitain s’est montré par le passé un meilleur ami
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de la liberté que ces Assemblées. Si les conseillers exécutifs avaient été responsables, dans le passé, plusieurs bonnes lois n’auraient pas été adoptées par les législatures coloniales puisque les conseillers n’auraient pu les défendre sans perdre la confiance des législatures. Il donne comme exemple l’abolition de l’esclavage. Selon lui, elle n’aurait pas eu lieu dans plusieurs colonies où les Assemblées y étaient opposées60. Les constitutionnels refusent ainsi de faire des conseillers exécutifs des ministres, de leur reconnaître une quelconque responsabilité. Ils considèrent que la responsabilité du gouverneur suffit à assurer la liberté des coloniaux. Les constitutionnels sont cependant d’avis que certains officiers du gouvernement, des fonctionnaires plus importants, devraient siéger à l’Assemblée afin de parler au nom du gouvernement. Leur présence permettrait au gouvernement d’expliquer ses politiques aux députés et aux conseillers législatifs. Une meilleure communication entre les pouvoirs exécutif et législatif s’ensuivrait. Cette présence du gouvernement en chambre, par l’intermédiaire de fonctionnaires, encouragerait aussi le développement des colonies, car elle donnerait au gouvernement la possibilité de défendre ses investissements et de proposer des mesures concrètes aux députés. Inversement, la possibilité pour les députés d’exercer des fonctions exécutives rémunérées les encouragerait à adopter des positions modérées : The man who at a public meeting or in his place in the assembly puts forth extravagant claims for his constituents, or for the Province upon the Legislature the Government or the mother country in the full knowledge that he ought not to succeed and without the desire to do so may for the time be popular, but when he is placed in high office under the Government he is under the necessity of acting instead of talking. He has to a certain extent to be moderate prudent and just61. Les constitutionnels croient que la fonction de député deviendrait plus intéressante et attirerait des individus plus qualifiés si les élus pouvaient non seulement participer au pouvoir législatif, mais aussi remplir des fonctions exécutives. Comment, en effet, espérer que ces derniers veuillent être députés si le simple fait de l’être empêche toute possibilité d’avancement au sein des institutions de l’État62 ? Cette position des constitutionnels est aux antipodes de celle des républicains. James Mackintosh avait en effet soutenu le contraire en 1791: «the exclusion
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[des ministres du Parlement] is equivalent to that of all men of superior talent from the Cabinet : for no man of genius will accept an office which banishes him from the supreme assembly, which is the natural sphere of his power.63 » Les constitutionnels défendent donc la constitution coloniale, selon laquelle le gouverneur est responsable des décisions exécutives devant le roi et le Parlement impérial. Si les Assemblées coloniales, chargées de surveiller l’exécutif, désapprouvent les décisions du gouverneur, elles peuvent refuser d’appuyer les politiques exécutives, envoyer des pétitions au roi ou au Parlement ou encore poursuivre en destitution les officiers du gouvernement ayant commis des actes répréhensibles. Respectant le concept moderne de liberté, les constitutionnels considèrent que le pouvoir exécutif doit être autonome, le pouvoir législatif ne devant que réagir aux décisions du gouverneur. L’institutionnalisation de la liberté moderne dans les colonies est ainsi particulière par rapport à la pratique métropolitaine. Malgré tout, les constitutionnels soutiennent que la constitution coloniale respecte les grands principes du gouvernement mixte. Ils la défendent âprement, considérant qu’elle seule peut protéger la liberté, la sécurité et la propriété des sujets. Selon eux, le maintien de l’équilibre des pouvoirs exécutif et législatif dans la relation entre la monarchie, l’aristocratie et la démocratie est essentiel, car il limite la possibilité d’un abus de pouvoir de l’État, un tel abus requérant la participation des trois ordres de la société et de deux niveaux de pouvoirs. Or, une telle collaboration semble peu probable, ces trois ordres et deux pouvoirs n’ayant et ne pouvant avoir les mêmes intérêts. Les constitutionnels défendent donc la légitimité de toutes les institutions coloniales tout au long de la décennie 1830. Selon eux, cette légitimité ne dépend pas de la manière dont elles sont constituées (par nomination ou par élection), mais plutôt de leur indépendance et de leur originalité par rapport aux autres institutions. Dans ce contexte, le principe de nomination est tout aussi légitime que le principe électif, les gens nommés représentant des intérêts différents de ceux défendus par les élus. Inversement, une institution devient illégitime lorsqu’elle tente de briser l’équilibre des pouvoirs en sa faveur. Dans les années 1830, les constitutionnels des deux Canadas défendent la légitimité, les droits et les pouvoirs de l’Assemblée ainsi que le principe électif à la base de sa légitimité. Ils considèrent que le droit à la représentation, « the best legacy of our fathers64 », est essentiel au système britannique. Dans un contexte où la participation
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des sujets à la vie politique est à la fois une des libertés individuelles et la condition de la liberté en général parce qu’elle empêche la concentration du pouvoir, les constitutionnels reconnaissent à l’Acte de 1791 le mérite de la permettre de manière non pas à brimer les libertés individuelles, mais à les protéger : « We govern, and are governed by, ourselves. We have free institutions of our own, sufficient to secure to us every just right and privilege to which a british subject is entitled65 ». Et même si le principe de la représentation n’a pas toujours été à leur avantage au Bas-Canada, les constitutionnels de la province ne peuvent concevoir de vivre privés d’une Assemblée représentative : We will not, of course, submit to any other system of Government than a Constitutional one – that is a Government modelled upon that of the Mother Country, [...] we will not, you may be sure, submit to be again governed by a Governor and Legislative Council, however well appointed and enlightened they might be. It would be a system of government and legislation altogether adverse to our rights and liberties, as british subjects [...]. It is a species of oligarchical tyranny, as contrary to the principles of british freedom, as to the elective and democratical system which the Assembly is desirous of establishing amongst us [...]. We are entitled to the full and free exercise of a Constitutional Government [...]66. Ceci dit, les constitutionnels bas-canadiens nient être influencés « by idle apprehensions of a Government of the people and for the people ». Ils réclament « a Government of “the people,” truly represented, and not a French faction ; the Government of an educated and independent race, attached to the principles of civil and religious liberty, and not that of an uninformed population, striving for domination, and seeking to perpetuate in America, the institution of feudal Europe67 ». Ils refusent de laisser les Canadiens français détruire l’équilibre des pouvoirs en faveur de l’Assemblée, sous prétexte que celle-ci est élue, et ainsi imposer leur volonté aux autres groupes présents dans la colonie : « We are no enemies to the elective principle in the abstract. Under proper restrictions it is the basis of our Constitution. But we are enemies to its indiscrimated application – we are enemies to an application which must of necessity subjugate an English minority to a French majority68 ». Ici ressort clairement
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la différence entre le peuple républicain défendu par les patriotes (fiction univoque) et le peuple moderne défendu par les constitutionnels (somme de divers intérêts). Dans les colonies, les prétentions de la démocratie (le pouvoir populaire) menacent l’équilibre des pouvoirs, selon les partisans de l’ordre constitutionnel. Au Bas-Canada, cette menace est encore plus grande, l’Assemblée étant dominée par les patriotes tout au long de la période. Or, ces derniers pervertissent les institutions, abusent de leurs privilèges, menacent l’équilibre constitutionnel : « the efforts of the Assembly have been obviously directed, for several years past, to the attainment of power and influence, at the expense of the Crown, and in direct violation of the constitutional rights and privileges of the Legislative Councils69 ». Dans ce contexte, les constitutionnels bas-canadiens décrient l’illégitimité des actions et des revendications des républicains, dont celles entourant la primauté de l’Assemblée. Premièrement, les républicains affirment que l’Assemblée n’est pas une institution parmi d’autres, mais la plus importante, elle seule reposant sur le principe électif. Les constitutionnels pensent que les républicains abusent alors, purement et simplement, de la légitimité des Assemblées coloniales. Deuxièmement, les revendications républicaines sont illégitimes puisqu’elles ne tiennent pas compte de l’existence des différents intérêts présents dans la colonie. Les constitutionnels bas-canadiens accusent d’ailleurs les patriotes d’avoir divisé les circonscriptions de manière à minimiser, autant que faire se peut, la représentation des autres intérêts que l’intérêt agraire et patriote. Ainsi, « the majority in the House of Assembly is not a deliberative majority, acting for the good of the whole, and representing the great interests of the country, but a French majority, acting on national distinctions, (a line drawn by themselves,) and opposing all English interests70. » Il faut remarquer que les constitutionnels ne se plaignent pas tant de la manipulation de la carte électorale que du fait qu’elle ait servi les intérêts patriotes au détriment des leurs. Ils croient que leur part devrait être plus importante au sein de la députation puisqu’ils représentent l’intérêt progressiste, commercial et britannique de la colonie. Troisièmement, les constitutionnels accusent les Canadiens français et les patriotes de pervertir la constitution par leur comportement. Les Canadiens français sont coupables de ne pas être indépendants. Ils sont à la solde de démagogues, sous l’emprise du Parti patriote : « The
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only duty of the free and independent electors was to register the decree of the demagogues71 ». Selon Thom, ce ne sont pas les électeurs qui élisent leurs députés, c’est le parti qui les leur impose72. Ironiquement, les constitutionnels refusent généralement de reconnaître que les patriotes représentent les vues des Canadiens français avant les rébellions73. Cela leur permet de minimiser l’importance de la volonté de l’Assemblée dans le cadre de l’Acte constitutionnel. Toutefois, lorsque la rébellion éclate, les constitutionnels assimilent sans problème patriotes et Canadiens français. L’objectif est alors de discréditer l’ensemble de la population française pour pouvoir l’assujettir plus facilement. Au Haut-Canada, les conseillers législatifs accusent l’Assemblée de leur province d’être illégitime lorsqu’elle ne respecte pas les pouvoirs et les privilèges des autres institutions politiques coloniales. Dans le but de limiter le pouvoir du Conseil législatif, l’Assemblée refuse parfois d’appuyer des mesures importantes ou envoie ses propres projets de loi à la dernière minute74. Si les constitutionnels défendent la légitimité des Assemblées, tout en conspuant les revendications républicaines des patriotes et des radicaux, ils défendent aussi celle des Conseils législatifs. D’abord, les constitutionnels ne voient pas en quoi ces institutions peuvent être critiquées dans le cadre du gouvernement mixte. Les Conseils sont, d’après eux, indépendants des autres pouvoirs puisque leurs membres sont nommés à vie sans possibilité d’être renvoyés. Les Conseils ne pourraient donc être davantage indépendants par rapport à l’exécutif75. De plus, les constitutionnels nient que les mêmes personnes peuplent les deux Conseils de chaque colonie (surtout à la fin de la décennie 1830). Au Bas-Canada, Thom soutient que [the] Legislative Council of thirty-six members contains two Executive Councillors ; an Executive Council of eight members contains two Legislative Councillors. [...] Of thirty-six members, only ten hold official situations. Since 1829 have been appointed twenty-one legislative councillors, unpolluted by the name of a single officer of the government. So unvarying a course of liberal policy has [...] rendered the legislative council substantially independent [...]76. Ryerson n’en pense pas moins. Il cite à cet égard une dépêche du gouverneur Aylmer adressée à lord Stanley, datée du 5 mars 1834,
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dans laquelle Aylmer affirme que seulement sept des dix-huit conseillers législatifs nommés depuis 1828 occupent, ou ont déjà occupé, des fonctions gouvernementales, dont le juge en chef et l’évêque de Québec. Ryerson pense qu’il est difficile d’imaginer un Conseil législatif plus indépendant que celui du Bas-Canada77. Le Conseil législatif du Haut-Canada rejette aussi l’accusation d’une trop grande parenté entre les deux Conseils de la colonie : Much industry has been used to inculcate the persuasion that the Legislative Council is a body composed of persons solely connected with the Government by official station, and therefore unlikely to exercise an unbiased and independent judgement. [...] It is perfectly well known, and the public are daily witnesses of the fact, that the most important and critical measures before the Council, as well as the more ordinary business, have been for years past constantly discussed and disposed of in an assembly of gentlemen, among whom perhaps there was not one, and seldom more than two or three who held any public office of emolument, while the great majority of those usually present are in fact as independent of the Crown as they are independent from their circumstances and station in society78. Non seulement les conseillers législatifs sont indépendants, mais ils remplissent bien leur rôle. Ils agissent avec diligence et sérieux. Contrairement aux Assemblées républicaines, ils respectent la constitution et maintiennent l’équilibre des pouvoirs79. Ils assument aussi le rôle de représentation des groupes d’intérêts absents des Assemblées ou bafoués par les républicains. Au Bas-Canada, les constitutionnels pensent que le Conseil législatif s’est montré particulièrement utile face aux agitations illégitimes des patriotes. Les députés de l’opposition au Bas-Canada s’étant souvent montrés impuissants à faire valoir les intérêts minoritaires, le Conseil législatif a pris la relève et a rejeté les projets de loi proposés par une Assemblée qui abusait de ses pouvoirs. Puisque l’intérêt commercial anglophone du Bas-Canada n’est pas adéquatement représenté à l’Assemblée, le Conseil joue un rôle de représentation virtuelle : « the English inhabitants of Lower Canada are as powerless in the house of assembly, as if they were disfranchised ; and that, but for their virtual representation in the legislative council, they would be the legitimate slaves of the unbroken
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and unbending majority80 ». De son côté, le Conseil législatif du Haut-Canada assure le roi qu’il n’a rien fait de répréhensible : « Your Majesty should possess the satisfactory assurance that a Constitution, which in principle is well adapted to secure liberties and advance the prosperity of this Colony, has not in practice been abused by the Legislative Council81 ». Les conseillers législatifs garantissent donc le maintien de l’équilibre constitutionnel. Puisqu’il leur semble incontestable que les Conseils législatifs coloniaux sont indépendants82, les constitutionnels ne voient pas comment ils pourraient être plus légitimes. Aux républicains, qui prétendent que seule leur élection leur assurerait la légitimité requise, les constitutionnels répondent qu’une telle réforme, au contraire, la détruirait. Si les conseillers devaient être élus, ils représenteraient les mêmes intérêts que les députés et seraient dépendants de l’électorat. Ils n’auraient plus aucune légitimité, car ils ne seraient plus indépendants ni représentatifs d’intérêts différents par rapport à ceux représentés par les députés. La colonie deviendrait alors « a republican democracy [...]83 ». Ils rejettent donc l’application du principe électif à la Chambre haute puisqu’une telle réforme modifierait l’essence de la constitution et détruirait la liberté. Au Bas-Canada, le Conseil est ainsi présenté comme le dernier rempart protégeant les anglophones. La Montreal Gazette soutient que si le Conseil législatif était électif, les Britanniques du Bas-Canada deviendraient « the helots of democratic principles and elective institutions [...]84 ». Au Haut-Canada, les constitutionnels défendent non seulement l’indépendance du Conseil législatif, mais aussi la prérogative royale (pouvoir exécutif) qui peut servir à empêcher l’Assemblée de devenir tyrannique, c’est-à-dire de concentrer tous les pouvoirs entre ses mains lorsqu’elle est dominée par les républicains. Robinson approuve ainsi a posteriori la dissolution de l’Assemblée décrétée par Francis Bond Head en 1836. Selon lui, cette décision a été bénéfique, dans la mesure où elle a permis l’élection d’une majorité de députés loyaux, ce qui a donné au gouvernement la possibilité de réagir fermement au soulèvement de Mackenzie par la suite85. Dans ces conditions, il est normal que Robinson se soit opposé à l’idée de donner à l’Assemblée le droit de se proroger ou de se dissoudre, comme le prévoyait le projet d’union des Canadas de juin 1839. Selon lui, la délégation d’un tel pouvoir aurait porté atteinte à la prérogative de la couronne, alors que « this prerogative of the Crown
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is part of the law and constitution of Parliament, as ancient and as well defined as any other. It is no usurpation of the Sovereign ; and the people of Canada are not impatient under it86 ». En définitive, pour les constitutionnels, le gouvernement mixte (incluant un Conseil législatif nommé et indépendant) doit être sauvegardé, car sa disparition impliquerait la fin d’un équilibre entre la monarchie, l’aristocratie et la démocratie. Or, la concentration du pouvoir conduit à la tyrannie. La liberté ne peut donc s’épanouir sans la protection du gouvernement mixte. Si le Parlement britannique et son émanation (la constitution coloniale) sont la source du pouvoir suprême dans la colonie, il s’ensuit que le respect des formes institutionnelles est essentiel pour les constitutionnels. Il s’agit là du mécanisme fondamental garantissant la liberté.
la libe rté mo d e rn e e t l e s t at ut c olon ia l Si les principes de la liberté moderne sont identiques en GrandeBretagne et dans les colonies canadiennes, les implications de la souveraineté parlementaire dans le cadre du gouvernement mixte diffèrent. La métropole est soumise à la souveraineté d’un Parlement local ; les colonies, à celle d’un Parlement impérial. Cette subordination à une autorité lointaine n’est remise en cause par aucun constitutionnel durant la décennie 1830. Au Bas-Canada, le rédacteur de la Montreal Gazette l’accepte et la défend : it ought always to be borne in mind, that Colonies, whether conquered, or planted by settlers from the Mother Country, form no part of that country, but distinct and dependent dominions, subject to the control of the Imperial Government and Parliament, and incapable of assuming any law, privilege or authority, except as these may be conferred upon them by the Parent State. [...] let it be remembered that the Colonies have no right to go a single step beyond the authority conferred upon them by the parent state ; [...] that they are, and of right ought to be, subordinate to, and dependent upon, the Imperial Crown and Parliament of Great Britain87. Dans la pratique, cette subordination des colonies au Parlement impérial ne constitue pas une limite à la liberté puisque la métropole
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et les colonies sont « the same nation and people having but one interest, and knowing but one general object and design. [....] let us, by every means in our power, cultivate the most friendly intercourse with our Colonies, and foster their growth in prosperity and wealth, in connexion with the interests of the Mother Country88 ». Les constitutionnels acceptent donc le cadre impérial puisqu’ils se voient comme des membres du peuple impérial, et non comme des sujets de deuxième classe. Sans compter que cette appartenance à l’Empire ne leur est pas imposée, elle est volontaire : « there is no man who will not admit, that the question of remaining a dependency of the British Crown rests entirely with ourselves89 ». Ensuite, la participation à la vie politique est une liberté parmi d’autres. Le fait que les coloniaux appartiennent à l’Empire et soient soumis aux lois du Parlement impérial, où ils n’ont aucune voix, ne constitue pas un véritable problème. La subordination coloniale et la liberté ne sont pas considérées comme contraires, les sujets de l’Empire ayant les mêmes droits partout dans l’Empire : « it is, therefore, absolutely necessary that british subjects in the Colonies – no matter how far removed from the Mother Country – should know and feel that they belong to the same national family – that their rights, liberties, and immunities are the same – and that the prosperity of both solely depends upon the closeness and intimacy of their intercourse90 ». L’Empire et la liberté sont donc parfaitement compatibles : le premier définit le cadre de l’État, la seconde, la relation de pouvoir entre les individus et l’État. Enfin, l’appartenance à l’Empire n’est pas seulement compatible avec la liberté, elle la garantit. La Quebec Constitutional Association soutient d’ailleurs that among the advantages to be derived from this connexion, there is none which they more highly prize, than that settled Government, Constitutional freedom and security of person and property, which the experience of ages has proved pre-eminently to distinguish the British Constitution of Government, firmly supported as it has been, by the intelligence and wisdom of a public spirited and patriotic People91. De la même manière, le solliciteur général du Haut-Canada, Christopher Hagerman, soutient que le Parlement protège la liberté des sujets partout dans l’Empire :
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Every part and parcel of the British Constitution that was necessary for the practical purposes of good government in this Province had been extended to it. The British Constitution, consisting of King, Lords, and Commons, each branch possessing its peculiar rights, powers and prerogatives, and the laws and institutions of the Empire, were not confined to Great Britain and Ireland, – their influence reached throughout all the widely extended dominions of the British Empire, and shed their protecting power and blessings to the remotest portion of the realms and possessions of our Sovereign and the people of Upper Canada are as much protected by that Constitution as if they lived in an English County92 La liberté des coloniaux est d’autant plus solide que le pouvoir politique est divisé non seulement entre les pouvoirs monarchique, aristocratique et démocratique, tels que définis dans la constitution de 1791, mais également entre la législature provinciale et le Parlement impérial. Une collusion des six pouvoirs constitutifs du Parlement et de la législature dans le but d’opprimer la population canadienne est difficile à imaginer, du moins pour les constitutionnels. Sans compter que l’appartenance à l’Empire implique que le Parlement impérial peut jouer un rôle d’arbitre dans le maintien de l’équilibre des forces constitutionnelles. Il s’agit d’une tâche essentielle dans le cas du Bas-Canada, car la menace patriote représente un défi à l’équilibre des intérêts. La seconde différence importante entre la situation métropolitaine et la situation coloniale réside dans le fait que la volonté du Parlement est exprimée dans une constitution écrite dans le second cas. Une loi est légitime dans la colonie non pas parce que la législature locale l’adopte, mais parce qu’elle respecte la constitution, expression figée de la souveraineté du Parlement britannique. Dans les faits, les constitutionnels jugent sa légitimité non à la lumière de la volonté du Parlement impérial, mais du fait qu’elle respecte la constitution. C’est là la véritable source de la légitimité du pouvoir et des lois dans les colonies. Puisque le Parlement, une institution représentative assurant l’expression et la collaboration des différents intérêts dans la société, est souverain et que la liberté consiste en la jouissance de certains droits, les tenants de la liberté moderne peuvent s’accommoder, contrairement aux républicains, de leur inclusion dans un empire. Le cadre étatique n’a pas vraiment d’importance en lui-même. Ce qui importe,
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c’est que l’État (quelle que soit sa forme, sa taille ou sa puissance) s’engage à protéger la liberté, la propriété et à assurer la sécurité.
l’ e xcl u s i o n mo d e rn e La liberté moderne n’est pas plus universelle que la liberté républicaine. Elle comporte plusieurs principes d’exclusion. Puisqu’elle est basée sur la raison, les êtres reconnus comme déraisonnables (les enfants, les femmes, les incapables...) ne peuvent jouir des mêmes droits que les autres individus. Ensuite, les constitutionnels organisent leurs institutions de manière à ce qu’elles protègent la liberté, la propriété et la sécurité. Dans ce contexte, l’Assemblée représentative démocratique constitue un frein aux prétentions aristocratiques et monarchiques des autres institutions. Néanmoins, pour que l’Assemblée puisse remplir son rôle, encore faut-il que les électeurs et les députés aient intérêt à défendre la liberté, la propriété et la sécurité. Le meilleur moyen d’y parvenir est de faire en sorte que les électeurs et les députés aient à défendre leur liberté, leurs propriétés et leur sécurité. La propriété constitue donc un deuxième pré-requis pour pouvoir exercer le droit de vote ou être éligible à la fonction de député. Dans les colonies, puisque le fait d’être propriétaire est plus ou moins généralisé, ce principe d’exclusion n’est pas le plus important. Dans le cadre britannique, la culture, incluant la langue, la religion, les coutumes, les lois civiles et les institutions sociales, constitue un troisième facteur d’exclusion. C’est essentiellement ce troisième principe d’exclusion qui est articulé dans les colonies durant les années 1830. Initialement, les partisans de la liberté moderne ont développé la rhétorique des droits naturels. Locke parle de cinq droits naturels dans son Second Treatise of Civil Government de 1690. Au xviii e siècle, cette rhétorique est toutefois récupérée par les républicains. Elle en vient à être associée aux élans révolutionnaires, surtout grâce à Thomas Paine qui publie, en 1791, son ouvrage intitulé Rights of Man. Compte tenu de cette évolution et du développement du nationalisme britannique93 au xviii e siècle, la rhétorique de la liberté moderne en Grande-Bretagne change dans le troisième tiers du xviiie siècle. Blackstone ne parle pas des droits naturels en 1765, mais des « absolute rights ». De Lolme parle plutôt des « birth-rights ». Ces derniers correspondent, mot pour mot, aux droits naturels modernes :
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Private liberty, according to the division of the English lawyers, consists, first, of the right of property, that is, of the right of enjoying exclusively the gifts of fortune, and all the various fruits of one’s industry ; secondly, of the right of personal security ; thirdly, of the locomotive faculty, taking the word liberty in its more confined sense. Each of these rights, say again the English lawyers, is inherent in the person of every Englishman ; they are to him as an inheritance, and he cannot be deprived of them, but by virtue of a sentence passed according to the laws of the land. And, indeed, as this right of inheritance is expressed in English by one word (birth-right), the same as that which expresses the king’s title to the crown, it has, in times of oppression, been often opposed to him as a right, doubtless of less extent, but of a sanction equal to that of his own94. Malgré les variations de forme, les principes demeurent inchangés. Le fait que la liberté, la propriété et la sécurité soient comprises comme des droits absolus ou des droits de naissance, plutôt que naturels, ne changent pas grand chose dans l’Empire britannique, du moins pour les Britanniques. Inversement, les républicains font non seulement appel aux droits naturels, mais également parfois aux droits de naissance. C’est surtout le cas pour les rebelles américains. Pour différencier les discours moderne et républicain sur ce plan, il faut déterminer le contenu de la revendication et le cadre dans lequel elle est formulée plutôt que l’expression privilégiée. Dans les colonies, les constitutionnels ne font normalement pas appel à la théorie des droits naturels ou des droits inaliénables. Ils privilégient plutôt la rhétorique des « birth-rights95 ». Ces droits sont aussi sacrés que les droits naturels pour eux. Toutefois, l’expression « birth-rights » implique la possibilité de nier certains droits sur une base héréditaire. C’est cette possibilité qui est exploitée par les constitutionnels dans les colonies96. Pour jouir des droits inviolables reconnus par les lois anglaises, un individu doit appartenir à la nation britannique. Au Haut-Canada, les sujets d’origine américaine sont, de 1814 à 1826, victimes de l’exclusion décidée par les autorités londoniennes. À la suite de la guerre de 1812, lord Bathurst, le secrétaire au Colonial Office, indique que les sujets d’origine américaine ne doivent plus recevoir de lots dans les colonies puisqu’ils constituent
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une menace à l’intégrité de l’État. Il exige l’application de la loi prévoyant qu’un colon américain doive avoir résidé sept ans dans la colonie avant de pouvoir acheter une terre97. En les privant du droit de propriété, et parallèlement de leurs droits politiques, le ministre limite la liberté de ces individus. Si cette politique disparaît en 1827, l’animosité entre les colons britanniques et les colons américains demeure perceptible jusqu’aux rébellions. D’ailleurs, la lutte politique de la décennie 1830 est parfois interprétée par les contemporains comme un affrontement entre des colons britanniques (partisans des institutions coloniales et de la liberté moderne) et des colons américains (partisans de la liberté et des institutions républicaines) : In this country unfortunately the settlement of American citizens has been too much permitted and encouraged. And thus in the bosom of this community there exists a treacherous foe [.] The vicinity of the arena for the discussion of extreme political fantasies infects this population, many of the natural born Subjects of the Crown are carried away by the plausibility of republican doctrines, and by the gratification to self conceit, which would be the consequence of every man being not merely a speculative but a practical statesman98. Sans compter que certains leaders républicains (Marshall Spring Bidwell, Charles Duncombe et quelques autres) sont eux-mêmes des immigrants américains ou encore des descendants directs de ceux-ci. Néanmoins, la rébellion des patriotes en 1837 force les constitutionnels haut-canadiens à réinterpréter la crise politique dans une perspective plus globale. Ils méprisent autant qu’avant les institutions républicaines américaines, mais les rébellions changent la donne. L’insurrection de Mackenzie est mâtée relativement facilement par la milice et les volontaires. La menace dans la province semble contenue et la loyauté des Haut-Canadiens, démontrée de manière convaincante. La neutralité américaine, quant à elle, permet aux Haut-Canadiens de relativiser la menace extérieure. Dans ce contexte, c’est la rébellion bas-canadienne qui surprend et effraie. Les constitutionnels du Haut-Canada en concluent que ce sont les Canadiens français et leur rêve d’indépendance qui mettent véritablement en péril l’intégrité de l’Empire. Comment, en effet, le
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Haut-Canada pourrait-il demeurer dans un empire dont il serait géographiquement coupé par les républiques américaine et canadienne-française ? La menace que représentent les revendications et les agissements des Canadiens français pour l’appartenance du Haut-Canada à l’Empire fait en sorte de minimiser la différence entre les Américains et les Haut-Canadiens aux yeux des constitutionnels de cette colonie. Plus encore, ils finissent par redécouvrir leur parenté ethnique avec les Américains. Ne sont-ils pas tous issus de la même mère-patrie ? Ne sont-ils pas tous frères ? Springing for a common origin, having a common language, and actuated by the same enterprising spirit, their relations in peace are so intimately blended, that if war should ever come it must be attended with unusual calamities. I believe that at least the present generation are not likely to see the time when the government of the United States, or the people of most intelligence and property in that country, will desire to see their peace with England interrupted99. Ce ne sont plus les institutions ou les valeurs américaines qui attirent alors l’attention des Britanniques, c’est l’unité des deux peuples. Mis dans un contexte nord-américain, le conflit des années 1830 est donc réinterprété à la lumière de l’ethnicité. La lutte semble désormais opposer le peuple anglo-américain à la « nation canadienne », comme l’appelait James Craig en 1810. Cette interprétation n’a toutefois rien d’original, car les constitutionnels bas-canadiens la promeuvent depuis longtemps. L’adresse de la Montreal Constitutional Association aux habitants de l’Amérique britannique mentionne en janvier 1836 que « the same ardour for improvement [...] distinguishes their race throughout the North American continent [...]100 ». C’est donc le principe d’exclusion des constitutionnels bas-canadiens qui finit par s’imposer à tous les constitutionnels. Les constitutionnels procèdent en trois temps pour justifier l’exclusion des Canadiens français. D’abord, ils présentent le peuple de l’Amérique du Nord britannique comme en formant un seul, lui-même fraction du peuple impérial. Ce peuple britannique de l’Amérique du Nord est anglophone. Il est loyal à l’Empire. Il défend la liberté, la sécurité et la propriété, ainsi que les institutions britanniques. Origine ethnique et loyauté vont de pair. Selon Robinson,
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[Upper Canadians] are all living in the enjoyment of the English law, both civil and criminal administered in the same manner as in England. The English language is universally spoken ; and recent events have shown that there is among the people generally a sound feeling of attachment to their constitution and government, a strong sense of duty to their Sovereign, and a determination to resist any danger that seems to threaten their connection with the British Crown101. Ensuite, les constitutionnels imaginent une « race » anglo-américaine, caractérisée par son esprit d’entreprise et son industrie. Ils reconnaissent alors les succès et le développement de la république voisine, tout en mentionnant qu’ils ont été réalisés en dépit des choix politiques des Américains102. C’est l’appartenance des Américains à la race anglaise laborieuse103 et la solidarité entre les deux nations qui expliquent le développement des États-Unis. Robinson affirme même que ce sont les Britanniques qui ont financé les grands travaux aux États-Unis et les Irlandais qui les ont exécutés. À la suite des rébellions de 1837, l’ethnie remplace, en quelque sorte, les valeurs politiques comme facteur d’inclusion et d’exclusion pour les constitutionnels du Haut-Canada. Le rapprochement entre les Britanniques et les Américains sur la base de l’ethnicité (ou de la race, selon le vocabulaire de l’époque) permet de faire ressortir l’opposition qui existe entre ce peuple anglo-américain et la « nation canadienne ». Bien que la lutte au Bas-Canada en soit une opposant deux conceptions de la liberté, les constitutionnels des deux Canadas y voient essentiellement une lutte entre deux nations ethniques. Ce sont les constitutionnels du Bas-Canada qui, les premiers, associent la crise bas-canadienne et l’origine ethnique. Le problème au Bas-Canada s’explique parce que « the majority of the inhabitants are alien in their origin, habits, laws, language, and institutions from those of the nation at large ; and that no attempt has before been made to render them uniform with those of the Parent State104 ». Selon la Montreal Constitutional Association, la lutte au Bas-Canada se présente comme une lutte « between feudalism and rational liberty – domination and equal rights – French Canadian nationalite and the spirit of universal liberty105 ». Cette lutte raciale s’incarne dans les institutions : l’Assemblée contre le Conseil législatif. Selon les constitutionnels, les Canadiens français veulent imposer leur domination et accéder à l’indépendance. Sur ce point, ils ont raison. Là
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où ils se trompent, c’est lorsqu’ils soutiennent que cette indépendance serait basée « on principles of national distinctions106 ». De fait, les constitutionnels font une erreur importante en confondant les quelques discours nationalistes au Bas-Canada avec le discours républicain des patriotes. Par exemple, Thom et Ryerson croient tous deux prouver que les patriotes agissent sous l’impulsion du principe national en citant un texte publié dans La Minerve le 16 février 1832. Le texte en question soutient : Il existe ici deux partis entièrement opposés d’intérêts et de mœurs, les Canadiens et les Anglais. Ces premiers nés français en ont les habitudes et le caractère, et ont hérité de leurs pères de la haine pour les Anglais qui à leur tour voyant en eux des fils de la France, les détestent. Ces deux partis ne pourront jamais se réunir, et ne resteront pas toujours tranquilles ; c’est un mauvais amalgame d’intérêts, de mœurs, de langues et de religion, qui tôt ou tard produira une collision. On croit assez à la possibilité d’une révolution, mais on la croit éloignée, moi je pense qu’elle ne tardera pas. [...] Le plus grand malheur pour l’homme politique, dit-il, c’est d’obéir à une puissance étrangère, aucune humiliation, aucun tourment de cœur ne peut être comparé à celui-là [...]107. Thom a certainement raison d’y voir un principe d’exclusion fondé sur de l’ethnicité. Le problème, c’est que le texte ne représente pas ce que les patriotes demandent. Le rédacteur du journal se dissocie d’ailleurs le 20 février des propos tenus dans cet article. Néanmoins, cette distinction entre nationalisme ethnique et républicanisme n’existe pas pour les constitutionnels. Selon eux, tous les réformistes promeuvent les mêmes réformes, dont la base est la distinction nationale. L’erreur des constitutionnels est compréhensible. Même Maurice Séguin s’est laissé prendre au piège en considérant les éditoriaux d’Étienne Parent (un autre nationaliste) comme représentatifs du discours patriote108. La présentation de la lutte politique au Bas-Canada dans une perspective ethnique offre un double avantage aux constitutionnels. D’une part, elle leur permet de ne pas discuter des principes républicains puisque c’est le nationalisme qui est en cause109. D’autre part, elle explique que le Bas-Canada soit la seule véritable colonie déloyale. La lutte étant ethnique, les Canadiens français sont décrits comme l’antithèse des Britanniques de l’Amérique du Nord. Ils sont déloyaux.
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Ils constituent une menace à la connexion impériale. Sans compter qu’ils nuisent à l’immigration pour arriver à leurs fins. Ils privent ainsi injustement la race impériale d’un bien qui lui revient de droit puisque « every British subject inherits a title to a share of the lands therein [...]110 ». Les Canadiens sont également peu instruits, ce qui explique la facilité avec laquelle leurs leaders les dominent et les manipulent. Leur manque d’éducation explique leur déraison politique. Généralement, les constitutionnels voient les Canadiens comme « [an] ignorant, harmless, idle, and superstitious people111 ». Économiquement et socialement, les Canadiens ont des goûts simples. Ils préfèrent la petite agriculture de subsistance au commerce. Cette frugalité est détestable aux yeux des constitutionnels. Les Canadiens défendent aussi une vieille structure féodale et des lois dépassées qui nuisent au développement de la province. Le système seigneurial apparaît aux constitutionnels comme « [a] barbarous code112 ». Plus encore, le refus obstiné des Canadiens à encourager le développement des infrastructures dans la colonie leur déplaît au plus haut point113. La lutte ethnique est donc aussi économique. L’existence de cet esprit nuit non seulement au Bas-Canada, mais également au Haut-Canada : « The anti-commercial proceedings of the French faction, my lord, have driven the inhabitants of Upper Canada to contemplate a scheme, which, if successful, must be fatal to the “commercial classes” of Lower Canada. Our brethren, my lord, have been compelled to think seriously of making New York the seaport of Upper Canada114 ». L’élite coloniale refuse ainsi de se soumettre à une population opposée à l’éthique de l’accumulation, à l’immigration, aux investissements dans les infrastructures et au commerce. L’image que les constitutionnels projettent des Canadiens français n’est ni exacte ni innocente. Ils cherchent simplement à exclure leurs adversaires autant que possible de la vie politique. Ils prétendent ne pas vouloir les priver de leurs droits ou de leur liberté. Ils affirment plutôt que ce sont les Canadiens qui sont incapables d’être libres : « [French Canadians] are unfit to sustain their own just rights and interests, and are necessarily totally unqualified to be entrusted with the rights and interests of others115 ». Plus encore, les Canadiens nuisent à la liberté des autres116. Ils ont démontré qu’ils ne comprennent ni l’idée de l’équilibre des pouvoirs dans le cadre du gouvernement mixte colonial ni la nécessité de le maintenir. Ne pouvant saisir ce qu’est la liberté, ils ont détourné les institutions représentatives à des fins nationales.
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Selon les constitutionnels coloniaux, la base du problème bascanadien se situe au plan du langage : « a social union of two races of different languages […] is impossible117 ». Partant de ce principe, ils considèrent que les Canadiens français doivent être assimilés le plus rapidement possible. Le président de la Montreal Constitutional Association, Peter McGill, déclare à la suite de la rébellion de 1837 « that the period had arrived when some determinate course of action should be adopted for securing the rights of the British inhabitants of Lower Canada – that this Province should be made a British Province in fact as well as in name [...]118 ». La nation britannique est la seule qui ait le droit de se développer en Amérique119. L’assimilation des Canadiens français à la langue anglaise est nécessaire puisqu’elle leur permettra de se débarrasser de leur héritage culturel et d’adopter les manières de vivre et les valeurs anglaises. L’uniformité culturelle qui s’ensuivra ne pourra être que bénéfique : Whatever may be the nature and principle of the social institutions of a nation, they must be rendered uniform throughout, otherwise the motley superstructure will soon fall to the ground, and be crumbled into ashes. There is no other method of rendering the bond of union binding upon all parties, or of cementing those ties by which alone a whole people can be actuated by one general and absorbing sentiment120. Le processus d’assimilation linguistique devra aussi être accompagné par l’éducation des Canadiens français. En s’assimilant et en recevant une meilleure éducation, ils comprendront mieux leurs intérêts et apprécieront davantage les institutions britanniques qui assurent la liberté rationnelle. C’est à ce prix que les Canadiens deviendront vraiment loyaux : « if it was the object of great britain to perpetuate her connexion with those Provinces, she must unite them into one people and government, having the same institutions, laws and language, as well as an identity of rights and liberties with the inhabitants of the Parent State in as far as they could be extended to our Colonial possessions121 ». Leur assimilation se fera donc dans leur intérêt comme dans celui de l’Empire. Lord Durham n’aura qu’à tendre l’oreille en 1838 pour trouver la principale conclusion de son rapport.
6 Aux armes, citoyens : les rébellions de 1837–1838
Entre 1828 et 1837, la situation politique dégénère dans les Canadas. Les historiens ont longtemps interprété la crise des années 1830 comme étant le fruit d’une opposition entre des conservateurs et des libéraux, entre les tenants du statu quo et les promoteurs des réformes, entre des forces rétrogrades et progressistes (à moins que ce ne soit l’inverse : tout dépend de la perspective). À cet affrontement politique, les historiens du Bas-Canada ont ajouté une opposition entre les Britanniques et les Canadiens français1. Si la question ethnique n’a pas eu la même résonance au Haut-Canada, la présence d’Américains dans le camp rebelle n’est jamais passée inaperçue. Les historiens y sont aussi allés d’explications socio-économiques. Donald Creighton a présenté la crise des années 1830 tel un affrontement entre commercialisme et agriculturisme2. Stanley BréhautRyerson, Fernand Ouellet et d’autres y ont vu une lutte entre diverses classes sociales, divisées en fonction de l’appartenance nationale au Bas-Canada3. Gérald Bernier et Daniel Salée ont minimisé l’importance de la question nationale au Bas-Canada pour mettre en valeur la transition entre un mode de production féodal ou pré-capitaliste vers un mode capitaliste4. Au plan intellectuel, Richard Larue a présenté l’opposition entre les patriotes et les tories sous l’angle de la crise identitaire basée sur les questions d’allégeance et d’origine. David Mills a également étudié la question de la loyauté au HautCanada5. Quant à Allan Greer, il a présenté les rébellions comme une lutte entre les tenants de la démocratie parlementaire et les promoteurs de la démocratie plébéienne6. Au point de vue idéologique, une chose est certaine. Les rébellions n’ont rien de particulièrement original dans le cadre du monde
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atlantique. La nature républicaine des programmes patriote et radical les inscrit dans la mouvance des Révolutions atlantiques. Si le républicanisme a eu une influence limitée dans les Canadas, à l’époque où les autres Révolutions faisaient rage en Amérique du Nord et en Europe, elle marque l’histoire canadienne entre 1828 et 18387. Les Canadas vivent alors ce que les États-Unis, les Provinces-Unies, la France, l’Irlande et le reste de l’Europe continentale ont vécu à la fin du xviiie siècle. Ce n’est pas parce que le mouvement républicain se développe plus tardivement dans les Canadas que ses bases intellectuelles sont différentes. De même, l’idéologie constitutionnelle est fondée sur le concept de liberté développé au xviii e siècle par les philosophes des Lumières et d’abord mise en application en GrandeBretagne. L’expérience canadienne des années 1830 se rapproche donc davantage de l’affrontement entre les idéologies Country et Court, tel que décrit par Pocock pour les histoires anglaise et américaine du xviii e siècle, que des révolutions européennes et sudaméricaines, incluant la Révolution française, qui opposaient généralement les révolutionnaires à un pouvoir arbitraire. Les Canadiens eux-mêmes établissent d’ailleurs un parallèle entre la politique coloniale des années 1830 et les luttes du monde atlantique à la fin du xviiie et au début du xixe siècle. Par exemple, John Strachan présente la lutte coloniale sous les traits de l’opposition entre les tenants de la liberté moderne (whigs) et les partisans de la liberté républicaine (radicaux) en Grande-Bretagne au moment de la Révolution française : « in the Colonies there are only two classes of Politicians Whigs & Radicals.8 » Faut-il rappeler qu’Edmund Burke lui-même ne s’est jamais considéré autrement que comme un whig ? La crise des années 1830 dans les Canadas, et son aboutissement dans les rébellions, s’explique donc en partie par des considérations idéologiques. La lutte des années 1830 se fait autour de deux visions diamétralement opposées de la société idéale vers laquelle les colonies doivent tendre et des institutions politiques propices à son existence. Elle oppose les promoteurs de deux conceptions de la liberté, de deux manières de définir ce qu’est un individu, ses droits et ses responsabilités envers lui-même, la société et l’État, de deux façons de concevoir la nature et les fondements de l’État, les règles qui permettent la vie en société et légitiment le pouvoir. Bref, les deux groupes en présence dans les deux colonies, entre 1828 et 1837, ne parlent pas le même langage et ne partagent pas la même vision du monde, de la société et de l’individu.
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Le concept de liberté au Canada
Lorsque les réformistes comme Papineau, les frères Nelson, Bidwell et Mackenzie adoptent la définition républicaine de la liberté, ils transforment un problème pratique, qui porte essentiellement sur le moyen d’assurer l’harmonie entre les pouvoirs législatif et exécutif, en un problème politique fondamental concernant la légitimité de toute la constitution coloniale. Si la revendication initiale des réformistes n’avait rien d’extraordinaire puisqu’elle s’inspirait de la pratique métropolitaine et aurait pu être satisfaite par certaines concessions du gouvernement métropolitain, les revendications républicaines, qui appellent une révision des fondements de la légitimité de l’État colonial, sont en elles-mêmes révolutionnaires. En adoptant un programme républicain, les Papineau, Mackenzie et autres transforment un problème soluble en un problème insoluble. À partir du moment où ces deux conceptions se font face en 1828–1830, aucune réforme institutionnelle n’est plus vraiment possible. Ce qui est juste et légitime pour les uns devient immoral et injustifiable pour les autres. Il est difficile, dans ces conditions, d’imaginer que les deux groupes aient pu faire autre chose que de s’opposer sur toutes les questions politiques. La tension monte donc tout au cours de la décennie et le recours à la violence devient de plus en plus prévisible, d’autant plus que les réformistes acceptant le cadre moderne, comme Étienne Parent et Robert Baldwin, sont marginalisés ou écartés de la sphère politique. Ceci dit, l’opposition entre les deux conceptions de la liberté ne suffit pas à expliquer l’affrontement extra-parlementaire de 1837– 1838. Les défenseurs de la liberté républicaine et de la liberté moderne peuvent parfois collaborer lorsqu’ils ont un ennemi commun. Pensons à la collaboration entre les anglomanes et les américanistes lors des premiers mois de la Révolution française. À cela, il faut ajouter qu’un État basé sur les principes modernes, comme l’Empire britannique, peut s’accommoder d’une opposition inspirée de la rhétorique républicaine. Ni Joseph Hume ni Arthur Roebuck n’ont été persécutés en Grande-Bretagne à l’époque des rébellions canadiennes malgré leur discours radical (républicain). Ces radicaux ne sont pas inquiétés, car leur opposition ne menace pas l’État. Or, la situation est tout autre dans les colonies, surtout au Bas-Canada. La force des républicains remet alors en question les fondements de l’État colonial. C’est cet aspect menaçant qui rend la situation politique explosive.
Rébellions
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ve rs l ’ i mp as s e La situation est particulièrement difficile au Bas-Canada où les patriotes contrôlent l’Assemble législative pendant toute la décennie, tandis que les constitutionnels dominent le Conseil législatif. Or, il ne peut y avoir, au sein des structures d’un État, deux conceptions de la liberté, deux ensembles de règles distinctes guidant dans des sens diamétralement opposés les différentes institutions qui doivent collaborer. Or, c’est exactement ce qui se passe dans la colonie. La paralysie qui s’ensuit au cours de la décennie 1830 encourage finalement la marche vers la rébellion. L’institutionnalisation de l’opposition entre les deux conceptions de la liberté se fait aisément au Bas-Canada. En adoptant l’Acte constitutionnel en 1791, le gouvernement métropolitain de William Pitt voulait créer un gouvernement mixte dans les deux Canadas afin d’encourager la négociation de compromis entre les divers intérêts présents au sein des colonies. Dans la pratique, cette constitution a simplement servi à institutionnaliser les antagonismes sociaux. La politique bas-canadienne s’est progressivement organisée au cours de la première décennie du xix e siècle de manière à opposer l’Assemblée élue, défendant les intérêts d’une population agricole majoritairement française, au Conseil législatif nommé, représentant les intérêts d’une élite commerciale majoritairement anglophone. La nature même de cette opposition, à la fois économique et sociale, ainsi que son institutionnalisation au sein des institutions politiques dans la colonie n’auraient pu être plus propices à préparer l’affrontement entre les deux conceptions de la liberté. À la fin de la décennie 1820, le processus d’identification entre les institutions politiques, les groupes sociaux et les deux conceptions de la liberté est presque achevé. L’Assemblée élue est devenue une institution populaire républicaine, alors que le Conseil nommé prend l’allure d’une institution élitiste dédiée à la défense de l’ordre constitutionnel. Lorsque les commissaires lord Gosford, Charles Grey et George Gipps viennent enquêter en 1835–1836 sur la situation politique au Bas-Canada, ils ne peuvent que le constater9. En comparaison, la situation politique au Haut-Canada est moins problématique, les radicaux n’y contrôlant aucune institution. Au mieux, ils forment la majorité de l’Assemblée législative de 1834 à 1836, avant d’être désavoués par les électeurs10. Autrement dit, ils
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Le concept de liberté au Canada
font du bruit, mais ils ne menacent pas véritablement l’État ni ne le paralysent. Néanmoins, bien que les agissements des deux groupes n’aient ni la même résonance ni la même portée, ils s’abreuvent à la même source intellectuellement.
l e s e f f o rt s d e co n ci l i ation d e l a g ran d e - bre t ag n e Ironiquement, les réformistes adoptent la rhétorique républicaine au moment même où le gouvernement métropolitain s’ouvre au dialogue et à la conciliation11. Le timing aurait difficilement pu être pire. À partir de 1828, et plus encore après l’arrivée des whigs au pouvoir en Grande-Bretagne en 1830, le gouvernement métropolitain veut réellement apporter des réformes politiques substantielles pour répondre aux exigences des réformistes coloniaux. Le premier signe d’ouverture donné par Londres est la mise sur pied, en 1828, du comité spécial de la Chambre des communes chargé d’enquêter sur la question canadienne. Ce comité dépose, le 22 juillet 1828, un rapport favorable aux demandes coloniales. Le gouvernement rappelle, à la même époque, les impopulaires gouverneurs Maitland (Haut-Canada) et Dalhousie (Bas-Canada). Dès le 29 septembre suivant, Sir George Murray, le ministre responsable des colonies, avertit le nouvel administrateur du Bas-Canada, James Kempt, que l’heure est à la conciliation. Il l’enjoint à faire comprendre aux deux Conseils de la province « the necessity of cultivating a spirit of conciliation towards the House of Assembly and of terminating, if possible, those dissensions with which the province has been too long agitated12 ». Le ton est alors donné à la politique impériale en matière canadienne pour près d’une décennie. En 1834, un autre comité des Communes se réunit pour déterminer ce qui est advenu des réformes proposées en 1828. Le comité reconnaît que, si toutes les propositions n’ont pas été suivies, « a most earnest anxiety has existed on the part of the Home Government to carry into execution the suggestions of the Select Committee of 1828 [...] ; and Your Committee have observed with much satisfaction, that in several important particulars their endeavours have been completely successful13 ». Bien que le mécontentement des patriotes ne diminue pas, le gouvernement métropolitain ne désespère pas de trouver un terrain d’entente. Le gouvernement tory de Robert Peel (novembre 1834-avril 1835) prévoit envoyer une commission
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d’enquête dirigée par lord Aberdeen14. La chute du gouvernement empêche néanmoins la commission d’entamer ses travaux. Le gouvernement whig de lord Melbourne, qui succède à celui de Peel, décide de suivre une politique analogue et mandate une nouvelle commission, formée de lord Gosford, Charles Grey et George Gipps, pour enquêter sur l’état du Bas-Canada. Le rôle des commissaires est double. D’une part, lord Glenelg, le secrétaire au Colonial Office, demande aux commissaires de faire un rapport sur l’implantation des réformes proposées en 1828. Il pense toutefois que non seulement elles ont été implantées, mais que « His Majesty spontaneously advanced considerably beyond the limits recommended by [their] authors15 ». D’autre part, il leur demande de proposer des réformes supplémentaires, susceptibles de mettre fin au conflit entre le gouvernement et l’Assemblée. La conciliation est à la base même de la commission. Lord Glenelg en avertit les commissaires : « You proceed to Lower Canada on a mission of conciliation and peace [...]16 ». À Londres, tout au long des années 1828–1837, les divers gouvernements s’inspirent des conclusions du « Report from the Select Committee on the Civil Government of Canada » de 1828 pour effectuer des réformes dans l’espoir de régler, une fois pour toutes, les problèmes qui empoisonnent la politique canadienne. Les changements apportés à la politique coloniale sont de nature diverse. Nous nous limitons ici aux réformes concernant les institutions politiques puisque c’est là le nœud du problème colonial à la base des soulèvements de 1837. Comme les coloniaux se plaignent de la collusion entre les pouvoirs judiciaire et exécutif, lord Goderich, le secrétaire au Colonial Office au début de la décennie 1830, décide que le gouvernement ne nommera plus de juges au Conseil législatif. Il l’annonce dans une dépêche adressée à Matthew Aylmer, le gouverneur du Bas-Canada, le 8 février 1831. Bientôt, seule la présence du juge en chef de la colonie est tolérée au Conseil, ses avis pouvant parfois être requis. Lord Goderich ne fait alors qu’appliquer une réforme suggérée dans le rapport de 1828. Ensuite, le gouvernement s’attaque à la question du contrôle des revenus coloniaux, un des contentieux les plus anciens entre l’Assemblée et le gouverneur au Bas-Canada. Le rapport de 1828 proposait d’en confier le contrôle aux Assemblées coloniales. En 1831, le gouvernement passe finalement aux actes et demande au Parlement de légiférer à ce sujet. Le 22 septembre 1831, le Canadian Revenue Control Act (1 & 2 William iv, c.23) est adopté. Par cette loi, la
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Le concept de liberté au Canada
couronne abandonne aux Assemblées coloniales les revenus qui lui appartiennent, suivant les dispositions de la loi intitulée An Act to Establish a Fund towards further Defraying the Charges of the Administration of Justice and Support of the Civil Government within the Province of Quebec in America (14 Geo. iii, c.88). Toutefois, contrairement à ce qui avait été proposé en 1828, le gouvernement n’exige pas le vote préalable d’une liste civile permanente (ou à long terme) pour permettre aux pouvoirs exécutif et judiciaire de fonctionner indépendamment du pouvoir législatif. Le ministère compte sur la bonne volonté de l’Assemblée. Le gouvernement londonien ayant rendu les juges indépendants du pouvoir exécutif, il espère que l’Assemblée va les rendre indépendants du législatif. Enfin, le rapport de 1828 proposait de réformer la composition des Conseils législatifs de manière à rendre les conseillers plus indépendants. Si le gouvernement britannique n’entend pas révolutionner le processus de nomination des conseillers, il tente néanmoins de faire des nominations de manière à établir une distinction entre les Conseils législatifs et le pouvoir exécutif. De fait, après 1828, le nombre de conseillers législatifs occupant d’autres fonctions au sein des institutions de l’État diminue substantiellement dans les deux Canadas17. Les conseillers deviennent effectivement plus indépendants de l’exécutif, comme Robinson, Ryerson et Thom se plaisent à le dire. En 1834, le gouverneur du Bas-Canada, Matthew Aylmer, soutient que tous les conseillers nommés après 1828 sont assez prospères pour qu’aucun ne soit dépendant de l’exécutif18. Même le patriote Augustin-Norbert Morin doit reconnaître, lorsqu’il témoigne devant le comité de la Chambre des communes sur la situation canadienne le 12 mai 1834, que les conseillers nommés depuis 1828 sont indépendants de l’exécutif19. Au Haut-Canada, seulement quatre des dix-neuf conseillers nommés après 1829 occupent un autre poste de pouvoir selon l’analyse d’André Garon. Si quelques conseillers législatifs des deux provinces siègent au Conseil exécutif de leur colonie, ils forment plutôt l’exception que la règle au cours de la décennie 1830. Dans le cas bas-canadien, les autorités prennent également en compte les plaintes des Canadiens français voulant qu’ils soient victimes d’exclusion20. Le gouvernement métropolitain veut corriger les iniquités et accorder aux sujets de langue française une plus grande présence au Conseil. Ainsi, il faut remarquer que si les constitutionnels bas-canadiens adoptent un principe d’exclusion ethnique dans les années 1830, ce n’est pas le cas du gouvernement métropolitain
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après 1828. Les nominations au Conseil législatif sont particulièrement éclairantes pour mettre en lumière l’état d’esprit des autorités métropolitaines au regard de la question de l’exclusion ethnique. Si les autorités métropolitaines avaient décidé de nommer un nombre égal de conseillers anglophones et francophones en 1792, le maintien d’un certain équilibre entre les deux communautés linguistiques n’a pas toujours été respecté au cours des ans. À cet égard, le règne de Dalhousie (1820–1828) a clairement été marqué par le désir d’exclure les Canadiens français des positions de pouvoir. Ceci dit, la période qui nous préoccupe (1828–1837) est, en revanche, caractérisée par la volonté des autorités métropolitaines d’y mettre fin. Lord Goderich affirme en effet, dans une dépêche à Aylmer datée du 7 juillet 1831, que « si on peut montrer que le patronage de la couronne a été exercé d’après des principes étroits et exclusifs, on ne peut trop les désavouer et les abandonner [...]21 ». En 1835, lord Glenelg (le nouveau secrétaire du Colonial Office) enjoint même le gouverneur Gosford de faire au besoin de la « discrimination positive » afin de nommer davantage de Canadiens français à des positions gouvernementales : between persons of equal or not very dissimilar pretensions, it may be fit that the choice should be made in such a manner as in some degree to satisfy the claims which the French inhabitants may reasonably urge to be placed in the enjoyment of an equal share of the Royal favour. There are occasions also on which the increased satisfaction of the public at large with an appointment, might amply atone for some inferiority in the qualifications of the persons selected22. Cette volonté de mettre fin à l’exclusion des Canadiens français des positions officielles (dans l’espoir de mettre fin à la crise politique) n’est pas seulement théorique. Elle affecte réellement les nominations au Conseil législatif faites tout au long de la période. Cette attitude ne se dément pas, même à la veille des rébellions. En août 1837, lord Gosford procède à dix nominations au Conseil, dont sept Canadiens français (Tableau 3).23 Ces nominations permettent aux francophones d’atteindre la parité avec les anglophones au Conseil à la veille des rébellions (Tableau 4). Sans compter que, dans les faits, les conseillers de langue française forment, à la fin de 1837, la majorité délibérante du Conseil.
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Le concept de liberté au Canada
Tableau 3 Les nominations au Conseil législatif du Bas-Canada de 1828 à 1837
Période
Nombre de nominations
Anglophones
Francophones
1792 1793–1811 1812–1819 1820–1828 1828–1837
14 19 22 7 33
7 14 9 6 12
50 % 74 % 41 % 86 % 36 %
7 5 13 1 21
50 % 26 % 59 % 14 % 64 %
total
95
48
51 %
47
49 %
Tableau 4 La composition du Conseil législatif du Bas-Canada de 1828 à 1838
En date du 31 décembre 1827 31 décembre 1832 31 décembre 1836 31 décembre 1837 Conseillers actifs en octobre 18371
Nombre de conseillers
Anglophones
Francophones
23 36 34 39
18 23 21 21
78 % 64 % 62 % 54 %
5 13 13 18
31 (sur 40)
13
42 %
18
22 % 36 % 38 % 46 % 58 %
1 « Despatch from the Earl of Gosford to Lord Glenelg », le 19 octobre 1837, bpp-c-c, 9 : 72.
Non seulement le gouvernement métropolitain veut nommer plus de sujets de langue française au Conseil législatif, mais il tente aussi de nommer des réformistes. En mars 1837, lord Glenelg somme le gouverneur Gosford de désigner des conseillers réformistes. Selon ses directives, « the Legislative Council would be expanded to include a sizable number of members “holding opinions, in general, with those of the majority, but not concurring in their extreme demands”24 ». D’un autre côté, le gouverneur Aylmer avait recommandé, au début de son administration au Bas-Canada en octobre 1830, de procéder à la nomination de cinq conseillers exécutifs, dont Louis-Joseph Papineau (le chef du parti patriote), John Neilson (un réformiste jusqu’en 1834) et Dominique Mondelet (député patriote en 1831– 1832)25. Il décline, en 1834, toute responsabilité face au refus de Papineau et de Neilson d’accepter leur nomination. Le gouverneur se défend aussi, dans une dépêche adressée à lord Aberdeen le
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18 mars 1834, de l’accusation, incluse dans les Quatre-vingt-douze Résolutions, à l’effet que les Canadiens français n’aient pas leur juste part dans l’attribution des emplois gouvernementaux. Il affirme que, sur les 142 emplois rémunérés attribués depuis octobre 1830, quatre-vingt sont allés à des sujets d’origine canadiennefrançaise. Parallèlement, il soutient que 295 des 580 emplois non rémunérés qu’il a pourvus sont allés à des Canadiens. Quant aux 330 « commissaires pour la décision des petites causes » nommés, 151 l’étaient aussi26. Bref, il existe, de la part du gouvernement métropolitain, une volonté d’apporter des correctifs à l’organisation politique bas-canadienne au cours de la période. Ce que les autorités londoniennes ne comprennent cependant pas, c’est que leurs efforts sont voués à l’échec. Aucune réforme ne peut satisfaire les républicains, car les autorités impériales ne quittent jamais le cadre de la liberté moderne. Si les réformistes adoptent le discours républicain en pensant, avec raison, qu’il permet de mieux justifier leurs revendications, ils rendent néanmoins toute réforme impossible. Le gouvernement métropolitain et les Conseils coloniaux ne peuvent en aucun cas accéder aux demandes républicaines puisqu’elles impliquent la destruction de leur forme de gouvernement et, avec elle, la disparition de la liberté qu’elle soutend. Ni l’abandon des revenus de la couronne aux assemblées coloniales en 1831 ni la nomination de Canadiens français à des emplois gouvernementaux ne règlent les conflits. D’abord, le Canadian Revenue Control Act met les pouvoirs exécutif et judiciaire dans les colonies sous la dépendance des Assemblées. En adoptant cette loi, le gouvernement londonien espère que les Assemblées voteront une liste civile à long terme. Ce vote apparaît essentiel aux Britanniques pour assurer la stabilité et l’indépendance des pouvoirs exécutif et judiciaire chargés, par la constitution, de protéger la liberté dans les colonies. Au Haut-Canada, cette politique semble un succès. L’Assemblée vote une liste civile permettant aux pouvoirs judiciaire et exécutif de fonctionner indépendamment du pouvoir législatif, ce qui n’empêche toutefois pas les radicaux de se plaindre de l’indépendance financière de l’exécutif27. Au Bas-Canada, les patriotes, qui contrôlent l’Assemblée, continuent de refuser de voter une liste civile à long terme. Ils savent que le vote d’une telle liste civile rendrait les pouvoirs exécutif et judiciaire indépendants du pouvoir législatif. Ce faisant, ils auraient créé deux pouvoirs parallèles et indépendants du pouvoir souverain. Il n’est pas étonnant que la demande d’une liste civile choque
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Le concept de liberté au Canada
Papineau : « Y a-t-il jamais eu d’autres colonies anglaises où les autorités aient commis l’ineptie de demander une liste civile pour la vie du Roi [?]28 » Lorsque l’Assemblée adopte ses Quatre-vingt-douze Résolutions, douze concernent l’indépendance financière de l’exécutif et la nécessité pour l’Assemblée de contrôler tous les revenus de la province29. Ainsi, malgré l’importante concession que représente le Canadian Revenue Control Act de 1831, cette réforme est, au mieux, inutile. Dans les faits, elle nuit considérablement à la vie politique bas-canadienne puisque les patriotes, se servant de cette concession, cessent de payer les dépenses des deux pouvoirs pour exercer une pression sur leurs adversaires. Ensuite, le gouvernement métropolitain pense qu’en faisant des nominations moins partisanes au sein des diverses institutions de l’État, les réformistes seront satisfaits et la crise politique se résorbera. Malheureusement pour le gouvernement de Londres, aucune nomination n’aurait jamais pu satisfaire les républicains. Ce n’est pas le pouvoir qui est alors en jeu, mais la source de sa légitimité : le Peuple ou le Parlement. Les autorités métropolitaines ne peuvent satisfaire les républicains, car elles pensent dans le cadre de la souveraineté du Parlement métropolitain, du gouvernement mixte constitutionnel et de l’équilibre des pouvoirs30. Selon elles, la source du pouvoir légitime dans la colonie est le Parlement. L’Assemblée du Bas-Canada existe par sa volonté. Le peuple colonial n’est pas souverain et sa volonté ne doit pas faire loi. En prétendant le contraire, l’Assemblée outrepasse sa propre légitimité. Malheureusement, c’est exactement ces trois principes constitutionnels que rejettent les républicains au cours de la décennie 1830. Dans ce contexte plutôt tendu, lord Gosford avertit l’Assemblée qu’elle sera responsable de son propre malheur si le Parlement doit se mêler de la crise bas-canadienne31. Force est donc de constater l’impossibilité, pour les deux camps, de parvenir à une entente. Londres ne peut envisager son empire que dans un cadre moderne. Le contraire l’aurait contraint à accepter sa propre illégitimité. Inversement, les radicaux ne peuvent plus accepter les réformes pensées dans le cadre moderne qui donnent la primauté au pouvoir exécutif. Ils ne peuvent se contenter d’aucune réforme si elle ne détruit pas les fondements du gouvernement mixte pour élever à sa place une vraie république. Lorsque les whigs arrivent au pouvoir en 1830, il est déjà trop tard. La crise va en s’amplifiant au cours de la décennie.
Rébellions
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Non seulement le gouvernement britannique échoue-t-il dans sa tentative d’apaiser les républicains, mais il mécontente les constitutionnels coloniaux pour qui toute concession représente une menace à la liberté. Ceux-ci comprennent que les revendications républicaines sont incompatibles avec la constitution britannique et craignent que Londres sacrifie le gouvernement mixte pour acheter la paix, d’où la véhémence de leur dénonciation de la politique métropolitaine. En fin de compte, il ne fait nul doute, pour les constitutionnels, que Londres doit assumer sa part de responsabilité dans la crise coloniale : « the evils which oppress us have been aggravated by the various and temporising policy of successive administrations. [...] the tendency of their measures has been to compromise the dignity of the Home Government and to confer a sanction upon the pretensions by which our interests are assailed32 ». Adam Thom s’inspire des principes de la liberté moderne pour argumenter contre la conciliation. Toute concession de la part de Londres implique la destruction de la liberté. Associant républicanisme et origine française, il s’en prend directement aux Canadiens français. Les autorités métropolitaines ont été beaucoup trop généreuses envers ces étrangers aux dépens des sujets britanniques : les sujets francophones « were petted too, my lord, at the expense not merely of abstract principles but of the natural rights and the covenanted claims of His Majesty’s English subjects33 ». Non seulement les concessions minent la liberté, mais elles détruisent aussi la forme de gouvernement. La conciliation de Gosford est immorale, car elle implique que le gouverneur agit comme si « the “constitution,” [...] vests all power, executive, judicial and legislative, in the anti-British hands of “its natives” [...]34 ». Le résultat final de cette politique conciliatrice est la consécration de la domination des républicains (canadiens-français dans le cas bascanadien) et la subordination des constitutionnels. Bref, elle signifie la mise en place d’une tyrannie, puisqu’elle implique « that the French majority shall be everything and the English minority nothing35 ». Ce qui est en jeu selon Thom, c’est la victoire de la démocratie (c’est-àdire la victoire de la volonté de la majorité) au détriment de la liberté (les droits fondamentaux des sujets). Enfin, toute conciliation a comme résultat de nuire au développement de la colonie et au commerce. Dans ces conditions, les constitutionnels soutiennent qu’une attitude ferme est la seule réponse possible à l’agitation des républicains. Si l’affrontement extra-parlementaire devient de plus en plus probable au Bas-Canada, ce n’est donc pas parce que les autorités
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Le concept de liberté au Canada
métropolitaines se montrent particulièrement intransigeantes. Ce n’est pas non plus parce que les républicains manquent de bonne foi. C’est plutôt parce que l’affrontement entre deux visions de la société et de l’ordre public paralyse l’État colonial et rend impossible toute politique de conciliation. Dans ces conditions, Thom a raison de souligner que « the concessions, which have been made to the self-constituted Assembly, have not only aggravated the grievances of its constitutional opponents but have rendered impracticable any adequate remedy for those grievances36 ».
au x arme s , ci t o ye n s ! La gravité de la lutte force finalement les deux camps à chercher à trancher le nœud gordien. La violence devient une solution envisageable, souhaitable, probable. C’est parce que les deux camps finissent par considérer la violence comme la solution au problème colonial que la violence devient effectivement la solution recherchée. Peu à peu, les deux camps développent l’idée qu’ils sont victimes d’oppression. Ils justifient leur appel à la violence en disant qu’ils luttent contre la tyrannie. Pour les républicains, l’élite coloniale forme une oligarchie (dégénérescence du principe aristocratique) qui ne respecte pas le peuple souverain. Le peuple est donc légitimé de se révolter contre les tyrans. Pour les constitutionnels, les républicains représentent une menace à la vie, à la liberté et à la propriété puisqu’ils remettent en cause le gouvernement mixte et l’équilibre des pouvoirs. Ils se croient donc justifiés d’en appeler à la violence contre eux. À l’approche des rébellions, le droit du peuple devient l’argument ultime pour justifier les revendications républicaines. Il légitime la révolte37. À ce moment, les républicains considèrent nécessaire de s’unir pour défendre leurs droits. Puisque le gouvernement métropolitain trahit le contrat social en faisant fi de la volonté populaire, le peuple est légitimé de s’assurer par la force que sa volonté soit respectée38. Les républicains commencent, tôt dans la décennie, à brandir l’idée du recours à la violence pour rétablir le peuple dans ses prérogatives souveraines. En février 1832, un article dans La Minerve y va de menaces à peine voilées : « Le peuple tâchera d’obtenir le redressement de ses griefs, par les moyens constitutionnels dont il s’est servi, quoique avec peu de réussite jusqu’à présent ; et si ces moyens ne réussissent point il verra ensuite ce qu’il aura à faire39 ». L’année
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suivante, Mackenzie avertit les autorités métropolitaines que le défi auquel elles font face n’est pas moindre que celui auquel George iii et son premier ministre lord North ont été confrontés durant les années précédant la Révolution américaine40. L’allusion à la Révolution américaine, considérée comme « a noble era in the annals of British freedom41 », constitue une menace adressée aux autorités. Cette allusion est utilisée parce qu’elle réfère à un discours victorieux contre la Grande-Bretagne dans une époque assez récente. En outre, la Révolution américaine, contrairement à la française, a l’avantage de ne pas avoir laissé de souvenirs trop sanglants. Si les déclarations faites avant 1835 ne menacent pas directement l’ordre établi, le durcissement progressif des positions change cependant la donne. L’appel à l’exemple américain devient ouvertement subversif vers 1836–1837. Il sert à encourager la révolte. Le Parlement anglais est contre les revendications coloniales ? Qu’à cela ne tienne : « cette difficulté est grande, mais elle n’est pas nouvelle, mais elle n’est pas insurmontable. Ce parlement tout-puissant, les Américains l’ont glorieusement battu [...]42 ». Les républicains adressent leurs menaces non seulement aux autorités lointaines, mais aussi aux constitutionnels qui luttent contre le peuple. Papineau les avertit d’ailleurs « que les ennemis du peuple [o]nt plus à craindre, et à souffrir du mécontentement du peuple, qu’à gagner par les corruptions du gouvernement43 ». À partir de 1836 au Haut-Canada et de mai 1837 au Bas-Canada, l’opposition quitte la sphère parlementaire. Au Bas-Canada, là où se joue l’avenir de l’Amérique du Nord britannique, les assemblées publiques se succèdent rapidement durant le printemps, l’été et l’automne 1837. La lutte prend une tournure plus populaire. Les appels aux pressions économiques (boycott des produits importés), à la lutte contre l’oppression et à la désobéissance civile se multiplient. Lord Gosford interdit ces assemblées en juillet. Mais il est trop tard. Son autorité est anéantie. Papineau ridiculise la proclamation du gouverneur. Puisqu’elle ne relève pas de la volonté du peuple, elle ne peut avoir force de loi : « Ces proclamations sont sans force. Lorsque, avec la sanction de la chambre d’assemblée, quelque chose est défendu, c’est alors seulement que la prohibition a force de loi. Des proclamations comme celle du gouverneur ne sont que des chiffons44 ». À l’aube de la rébellion, la menace ne peut être plus directe : « Après soixante-dix-sept années de domination anglaise, nous sommes portés
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à regarder notre pays dans un état de misère comparé aux républiques florissantes qui ont eu la sagesse de secouer le joug de la monarchie45 ». Plus directe encore est l’adresse de l’Assemblée des Six-Comtés : Les sages et immortels rédacteurs de la déclaration de l’indépendance américaine consignèrent dans ce document les principes sur lesquels seuls sont basés les droits de l’homme, et revendiquèrent et établirent heureusement les institutions et la forme de gouvernement qui seules peuvent assurer permanemment la prospérité et le bonheur social des habitans de ce continent, dont l’éducation et les mœurs, liées aux circonstances de leur colonisation, demandent un système de gouvernement entièrement dépendant du peuple et qui lui soit directement responsable46. Et pour ceux qui n’auraient pas encore compris que l’heure n’est plus à la tergiversation, la première résolution de l’Assemblée des Six Comtés est une traduction de la Déclaration d’indépendance américaine rédigée par Thomas Jefferson : Qu’à suite et à l’exemple et des sages et des Héros de 1779 [sic] nous tenons pour évidentes et répétons les vérités suivantes, que tous les hommes sont créés égaux ; qu’ils ont reçu de leur créateur certains droits inaliénables ; qu’au nombre de ces droits sont la vie, la liberté, la recherche du bonheur, que c’est pour la protection et la garantie de ces droits que les gouvernements ont été institués parmi les hommes, ne recevant leur juste autorité, que du consentement des gouvernés, qu’alors qu’une forme de gouvernement devient destructive de ces fins, c’est le droit du peuple d’altérer ou de l’abolir, et d’instituer un nouveau gouvernement, d’en asseoir les bases sur les principes, d’en organiser les pouvoirs sous les formes, qui lui paraitront les plus propres à lui procurer bonheur et sûreté47. C’est au cours de cette même assemblée que Wolfred Nelson déclare que « le temps est venu : je vous conseille de mettre de côté tous vos plats et toutes vos cuillers d’étain, afin de les fondre et d’en faire des balles48 ». Le docteur Cyrille-Hector Côté renchérit : « Le temps des discours est passé, c’est du plomb qu’il faut envoyer maintenant à
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nos ennemis49 ». Il faut toutefois reconnaître que tous ne sont pas aussi pressés de se lancer dans une lutte armée. Pour Papineau, bien qu’il avoue dès mai 1837 que « les temps d’épreuves sont arrivés », l’heure de la révolte n’a pas sonné50. Il n’approuve pas la rébellion en novembre. Quoi qu’il en soit, en novembre 1837 ou plus tard en 1838, les républicains bas-canadiens savent que leurs revendications mènent à l’affrontement armé. La date du soulèvement n’est peut-être pas préméditée (pas plus que la formation de l’Assemblée nationale française en juin 1789), mais le soulèvement est de plus en plus prévisible. La situation est similaire au Haut-Canada, bien que les appels à la lutte armée proviennent essentiellement de Mackenzie. En juillet 1837, il affirme que la colonie est au bord de la révolution : Canadians ! It has been said that we are on the verge of a revolution. We are in the midst of one ; a bloodless one, I hope, but a revolution to which all those which have been will be counted mere child’s play. Calm as society may seem to a superficial spectator, I know that it is moved to its very foundations, and is in universal agitation. [...] The question today is not between one reigning family and another, between one people and another, between one form of government and another, but a question between privilege and equal rights, between law sanctioned, law fenced in privilege, age consecrated privilege, and a hitherto unheard of power, a new power just started from the darkness in which it has slumbered since creation day, the power of honest industry . [...] The contest is now between the privileged and the unprivileged, and a terrible one it is. The slave snaps his fetters, the peasant feels an unwonted strength nerve in his arm, the people rise in stern and awful majesty, and demand in strange tone their ever despised and hitherto denied rights51. En novembre, il distribue un texte intitulé « independence » dans lequel il prône la rébellion52. Pour justifier moralement et intellectuellement la révolution, les républicains utilisent la théorie du contrat social, version Rousseau. Les clauses qui régissent la vie politique coloniale se résument à peu de chose : « Se choisir des représentans, ne voir aucune partie de leurs lois [abrogée], nulle loi nouvelle donnée, nulle partie de leurs biens
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enlevée, sans le consentement exprimé par leurs délégués, tels furent les privilèges qu’acquirent nos pères, tels sont les droits de naissance, les droits inaliénables de leurs enfants ». Il faut noter que le droit de participer à la vie politique est le droit naturel des républicains. Tout le reste, incluant la propriété, relève de la volonté du peuple. Dans ce cadre, le respect de l’autorité établie repose sur celui des clauses du contrat social : « Le respect pour ces droits est la condition du pacte social, qui seul lie les sujets à l’autorité. Elle n’a le droit à l’obéissance qu’autant qu’elle ne s’écarte pas de ces principes [...] ». Inversement, le non respect des clauses soulage les citoyens de leur devoir d’obéissance. Plus encore, il « fait de la résistance à l’oppression, le devoir du sujet, le devoir des pères qui n’ont pas donné le jour à des esclaves ». Papineau explique qu’une fois le contrat social brisé, seul le recours à la force peut permettre à l’Empire de conserver ses colonies, et ce aussi longtemps que cette force sera suffisante : « si l’Angleterre nous trait[e] comme des sujets britanniques le doiventêtre, elle a un titre à notre soumission et à notre reconnaissance : si elle ne le fesait [sic] pas, elle pourrait nous commander l’obéissance : elle est forte, mais elle n’aurait droit à notre reconnaissance dans aucun tems et à notre soumission qu’aussi longtems qu’elle serait forte53 ». L’appartenance à l’Empire britannique ne peut donc se justifier pour les républicains que par la volonté du peuple d’en faire partie54. Rousseau n’aurait pas dit mieux. Le peuple étant souverain, il peut se soulever contre un pouvoir qui ne respecte pas sa volonté telle qu’exprimée par la voix du pouvoir législatif légitime. Cette idée, voulant que les colonies vivent dans un état d’oppression et que le peuple soit injustement soumis à une volonté étrangère, traverse tous les écrits de la période. Plusieurs républicains se sentent légitimés d’en appeler à la rébellion puisque le gouvernement métropolitain n’a pas respecté le contrat qui unit les colonies à l’Empire. Jamais les républicains n’endossent le blâme. Les constitutionnels sont toujours responsables de tous les problèmes. De 1834 à 1837, cette rhétorique du contrat social brisé, méprisé, anéanti est omniprésente. Les assemblées publiques de 1837 mentionnent presque toutes cette rupture et accusent le gouvernement métropolitain d’être la source de l’oppression. Par exemple, en juin 1837, l’assemblée de Sainte-Scholastique adopte une résolution qui affirme que l’adoption des Résolutions Russell par le Parlement britannique reflète « l’approbation réfléchie [par Londres] du système vicieux et oppresseur dont on nous avait faussement fait espérer la
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discontinuation ». Ces résolutions visent à « renverser graduellement et systématiquement les libertés, droits, institutions, et l’existence même du Peuple de cette Province [...]55 ». Le peuple se sent menacé, il doit agir. Malgré les menaces directes, les constitutionnels ne croient pas en la possibilité d’une révolte armée des républicains. En cela, ils sous-estiment singulièrement leurs adversaires. Au Bas-Canada, même Thom, d’habitude si alarmiste, considère en 1835 que les « Canadians […] will never rise in arms against the British government56 ». Encore à l’automne 1837, les constitutionnels ne croient pas en une vraie insurrection. Quelques désordres, tout au plus, sont à craindre : As to the general rising against the Government by the mass of the population – still I trust under the influence of their venerable and respected pastors, and holy religion which inculcates loyalty to the Sovereign, and obedience to the laws, I think there are no grounds for alarm, – but under the circumstances and from the causes I have mentioned, there being reason to apprehend partial disturbances [...]57. Au Haut-Canada également les constitutionnels doutent de la menace d’une insurrection. Malgré les menaces de Mackenzie, le lieutenantgouverneur Francis Bond Head vide la province de ses troupes britanniques pour les envoyer au Bas-Canada où la situation semble plus inquiétante. Tout comme les républicains, les partisans de la liberté moderne articulent aussi une rhétorique qui permet aux sujets de se révolter contre l’oppression. Ce droit est toutefois plus circonspect dans la rhétorique moderne que dans la républicaine puisque le pouvoir du Parlement, la source de toute autorité, est officiellement « absolute and without control58 ». Néanmoins, comme Locke l’a expliqué, le pouvoir du Parlement est limité par la fin qui l’a vu naître. Puisqu’il a été établi pour assurer la sécurité de la propriété, le bien public et le respect de la loi naturelle (dont le droit à la vie et à la liberté)59, il ne peut outrepasser sa propre légitimité. Blackstone est d’accord avec Locke en théorie, mais il croit que cette limite est, en pratique, inapplicable60. Qu’importe, d’après la théorie, le pouvoir du Parlement ne peut être par nature tyrannique étant donné qu’il est formé des divers intérêts présents dans la société et que leur collaboration pour
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priver un groupe de sa liberté est impossible, d’où la valeur des institutions britanniques comme garantie de la liberté. Dans le contexte du parlementarisme, la vraie menace à la liberté ne peut provenir que de l’exécutif, car ce pouvoir appartient à un seul individu. Blackstone explique que le pouvoir exécutif est limité par le droit des sujets de s’insurger contre un prince tyrannique61. Bien qu’il s’avère difficile de justifier ce droit à la révolte, ce n’est pas chose impossible. Deux conditions sont cependant nécessaires pour légitimer une révolte. Premièrement, l’État libre doit dégénérer en une tyrannie. Le gouvernement mixte se transforme en tyrannie lorsque le pouvoir exécutif viole la loi ou excède son pouvoir. Puisque la loi doit protéger la liberté, l’État est tyrannique s’il brime les droits individuels, détruit la propriété ou menace la sécurité. Deuxièmement, les individus ne peuvent prendre les armes légitimement que si le tyran leur fait violence. Au moment où ce dernier emploie la force contre les individus, il se met en état de guerre. Dans ce cas, le recours aux armes est permis si l’appel à l’autorité de la loi pour obtenir justice ne donne aucun résultat62. Il existe donc bel et bien une limite au pouvoir du roi, quoique la révolte soit difficilement justifiable dans la rhétorique moderne. Dans les colonies, les constitutionnels discutent du droit à la révolte autant que leurs homologues républicains. Toutefois, alors que le discours républicain dénonce l’oppression des constitutionnels, ces derniers considèrent que ce sont eux les victimes ; les républicains, les oppresseurs. Pour les constitutionnels, les républicains sont des étrangers : Canadiens français au Bas-Canada, Américains ou admirateurs des États-Unis au Haut-Canada. Les constitutionnels se défendent bien d’être racistes. C’est l’Autre qui alimente les distinctions basées sur l’origine, particulièrement au Bas-Canada : « what, in short, has been the uniform policy of the assembly for many years, but a systematic scheme for “fostering national animosities and distinctions”63 ? » L’attitude des Canadiens français est d’autant répréhensible dans la colonie qu’ils n’ont aucune raison de se plaindre. D’abord, c’est uniquement grâce à la générosité de Londres qu’ils ont pu conserver leurs usages, leurs mœurs, leur culture et leur langue : To the French Canadians the connexion of Canada and Britain is eminently advantageous. It is only by the solemn guarantee of the mother country that their privileges can be long respected
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or their institutions long preserved, for it is an undeniable fact that their cherished privileges and institutions, whether right or wrong, sound or unsound, would meet little sympathy and little indulgence from a legislature composed as the majority of any federative legislature would be, of colonists of British extraction64. Non seulement les Canadiens français ont pu conserver leur culture, mais grâce à la conquête, ils ont hérité des libertés britanniques. La Montreal Constitutional Association affirme à cet égard que les sujets de langue française sont : in the full and complete security of their persons and property, in the free and unrestricted enjoyment of their religious worship, their ancient civil laws, their native and beloved language, and of an equality of rights and privileges in the provincial representative government with their fellow-subjects of British and Irish origin, in possession, moreover, of a numerical popular majority [...]65 ? Ainsi, selon les constitutionnels, « in no part of the British Empire have the blessings of a mild and just Government been more fully enjoyed than in Lower Canada [...]66 ». Enfin, ils nient que les Canadiens français soient victimes de discrimination systématique dans leur propre province. Répondant à la 75e résolution de l’Assemblée du Bas-Canada voulant « that Britons hold a majority of provincial offices », Thom affirme que c’est tout le contraire : « the Canadians hold a majority of public appointements, political, military and judicial67 ». Il arrive à cette conclusion en soutenant que, dans les seigneuries, les Canadiens contrôlent les diverses fonctions au sein de la milice et les postes de juges de paix. Thom sait cependant que peu importe le nombre de Canadiens nommés à des fonctions exécutives ou législatives, tous les nominés seront désavoués par les patriotes68. Cette attitude est normale, car les patriotes ne dénoncent pas les personnes, mais la légitimité du système. Dans ces conditions, les constitutionnels considèrent que les Canadiens français forment « a highly favored people69 ». Ainsi, ils nient aux républicains le droit de se révolter. Inversement, puisque leur liberté est menacée par les revendications et les agissements des patriotes, les constitutionnels envisagent la possibilité de prendre eux-mêmes les armes pour se défendre. Certains
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constitutionnels bas-canadiens en appellent ainsi à la révolte au cours des années 1830. Ils se justifient alors en prétendant s’opposer à la tyrannie. Thom fait même appel à la mémoire du grand réformiste Fox pour soutenir ses envolées prônant la résistance armée des constitutionnels face aux pressions des républicains. Thom rappelle que Fox disait adhérer « [to] the general principle of resistance ; the right inherent in freemen to resist arbitrary power, whatever shape it may assume, whether it be exerted by an individual, by a senate or by a king and parliament united. This I proclaim as my opinion ; in support of this principle I will live and die70 ». Dans les faits, l’argument constitutionnel bas-canadien permet de soutenir une double résistance. D’une part, il justifie la lutte à la tyrannie des patriotes qui outrepassent leur légitimité. Comme le mentionne la Montreal Gazette : « Britons must either arouse in their majesty and put down their oppressors, or quietly submit to the yoke already prepared for them » au risque de devenir « the perpetual and irredeemable serfs of a despotic, ignorant, anti-commercial and anti-british faction71 ». Thom envisage ainsi, dès 1835, « an English insurrection, [...] an insurrection not against a British King but against a French Vice-roy72 ». D’autre part, il légitime l’opposition aux ministres britanniques qui se montrent trop conciliants au goût des constitutionnels. Thom explique ainsi que « The English inhabitants of this province wage war not with the British people but with the British cabinet, not with his Majesty but with his Majesty’s Ministers, not with the law but with its dishonest and “cheerful” violators73 ». L’idée que ce sont les ministres qui doivent être combattus et non le monarque découle directement du principe voulant que « The King can do no wrong ». Dans le contexte britannique, le roi porte la couronne ; les ministres, la responsabilité des actes de l’exécutif. La menace est assez importante pour forcer les commissaires Gosford, Grey et Gipps à la mentionner dans leur second rapport envoyé à Londres en 1836 : the English portion of the community, and especially the commercial classes, will never, without a struggle, consent to the establishment of what they consider little sort of a French republic in Canada : we believe that if the measure they regard in this light were adopted, the presence of a commanding British force might become necessary to prevent a collision between the two parties74.
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Ainsi, avant les rébellions, les constitutionnels canadiens acceptent l’existence de ce droit à la révolte et en discutent les modalités. Après les rébellions, ils en parleront pour bien faire voir que le soulèvement républicain était, quant à lui, totalement illégitime. Au Bas-Canada, l’avocat Charles Dewey Day, plus tard avocat-juge au procès des patriotes, chancelier de l’Université McGill et membre de la commission de codification bas-canadienne en 1857–186675, prétend que la révolte n’était pas légitime puisqu’il n’existait dans la colonie aucune menace aux droits des sujets, droits définis comme « personal liberty, property [and] rights of conscience of the subject76 ». En cela, même Parent, le journaliste réformiste demeuré fidèle au concept moderne de liberté tout au long de la décennie, reconnaît que « de l’ordre actuel ne découlait pas ce degré d’oppression qui peut pousser un peuple au désespoir [...]77 ». Le même discours est tenu au Haut-Canada par le juge en chef Robinson. Ce dernier rappelle l’existence du droit à la révolte lors de l’ouverture du procès des rebelles Samuel Lount et Peter Matthews, tout en expliquant que la situation au Haut-Canada ne correspondait pas aux deux conditions légitimant la révolte dans le cadre moderne. D’une part, les Haut-Canadiens ne pouvaient se plaindre de rien puisque every man who obeys the laws is secure in the protection of life, liberty, and property [...] No man could deprive you, by force or fraud, of the smallest portion of the fruit of your labour, but you could appeal to a Jury of your country for redress, with the certainty that you would have the same measure of justice dealt out to you, as if you were the highest and wealthiest persons in the Province. [...] In short, you were living in the enjoyment of as full security against injury of every kind as any people in the world78. Comme la liberté, la propriété et la sécurité n’étaient pas menacées dans les colonies, la rébellion ne pouvait être justifiée. Si tel était le cas, c’était en grande partie parce que « it is no longer in the power of a Prince or Governor to sport with the interests and lives of those over whom he rules, to such a degree as to drive them to the desperate remedy of rebellion79 ». Ainsi, les rebelles ne peuvent prétendre qu’il y ait eu tyrannie dans les colonies, puisqu’elle est devenue impossible, le pouvoir exécutif étant trop circonspect. Si l’affirmation
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peut sembler farfelue aujourd’hui, il ne faut pas oublier qu’elle pouvait très bien se défendre dans le monde préindustriel. Comme l’a souligné Allan Greer, l’État préindustriel n’avait pas les moyens « of exercising direct and constant control over “civil society” ». La société se dirigeait, en grande partie, d’elle-même. Les juges de paix et les capitaines de milice au plan formel ainsi que les charivaris au plan informel veillaient au maintien de l’ordre. L’État moderne, avec ses agents déployés plus ou moins systématiquement sur le territoire comme la police, est une création de l’ère industrielle80. D’autre part, Robinson s’empresse d’ajouter que si la tyrannie n’est plus guère possible, « it is especially so in respect to the Empire of Great Britain, where the Government is emphatically a Government of the laws, and where a well-balanced Constitution affords the means of obtaining a remedy, without violence, for every injury, public or private81 ». Ainsi, non seulement le régime en place n’était pas tyrannique, mais le recours aux armes lui-même était illégitime, les rebelles ayant pu faire valoir leurs droits devant les tribunaux ou encore quitter le pays si les termes du contrat social leur déplaisaient. Évidemment, nous voyons tout de suite que les républicains et les constitutionnels ne peuvent se comprendre à ce sujet non plus : les républicains se justifient non pas parce que leurs droits sont menacés, mais parce que la volonté du peuple n’est pas respectée. Ce qui demeure fondamental dans l’argumentation des constitutionnels, ce qui assure la constance et la cohérence de leur discours, c’est l’accent mis sur les droits absolus des sujets. Les rébellions n’auraient pu se justifier qu’au regard d’une menace directe contre eux. C’est d’ailleurs en disant vouloir protéger leurs droits que les constitutionnels justifient leurs menaces de violence. Ils déclarent simplement chercher à utiliser « the means which they can most effectually employ to maintain their rights as British subjects under the established Constitution [...]82 ».
d e l a rh é t o ri q u e à l a p ratiqu e : l’o rgan i s at i o n d e s f o rce s en v u e d e l ’ af f ro n t e me n t u l t i me Ce qui rend la situation explosive dans les Canadas, ce n’est pas seulement que les deux groupes justifient le droit à la révolte, voire qu’ils en appellent aux armes, mais aussi qu’ils s’organisent en vue d’un possible affrontement. Si le proverbe dit « si tu veux la paix,
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prépare la guerre », il faut se rappeler que celui qui prépare la guerre rêve rarement de paix. Au Bas-Canada, le Parti patriote domine la scène politique locale. Il est appuyé au sein de la société par les petites élites qui organisent les assemblées populaires de 1837 et promeuvent des moyens de pression, comme le boycott des produits importés. Il y a aussi la mise en place (officiellement, si ce n’est dans les faits) de comités de correspondance et l’appel à une convention avec l’élection de certains délégués. En octobre 1837, une organisation paramilitaire voit le jour avec la création des « Fils de la liberté ». Enfin, la rébellion de 1838 se fait sous l’égide de la confrérie des « Frères chasseurs ». Cette organisation rudimentaire est peut-être insuffisante pour permettre la réussite de la révolution projetée, mais elle démontre néanmoins que le mouvement patriote a des racines plus profondes au sein de la population que le mouvement des radicaux au Haut-Canada. De plus, l’organisation des masses au Bas-Canada est réellement dangereuse compte tenu de l’impasse intellectuelle et politique où se trouve la colonie en 1836–1837. Si les républicains s’organisent, les constitutionnels en font autant. Ils fondent la Quebec Constitutional Association en 1834 et la Montreal Constitutional Association l’année suivante. Ils mettent aussi sur pied un groupe paramilitaire en décembre 1834 : le British Rifle Corps. À cette date, les initiateurs du projet écrivent au gouverneur Gosford pour offrir leur service. Ce groupement vise à préserver « the connection which exists between Great Britain and Lower Canada, and to maintain unimpaired the rights and privileges confirmed to them by the Constitution83 ». Gosford décline l’offre le 28 décembre. Il considère qu’aucun droit n’est menacé et que, si tel était le cas, leur protection incomberait à l’État et non à des individus84. Le British Rifle Corps se dissout. Il faut ensuite attendre 1837 pour qu’un autre groupe paramilitaire se forme : le Doric Club. Si les républicains rêvent d’établir un nouvel ordre politique dans les colonies, les constitutionnels entendent défendre leur liberté. C’est en ce sens que le comité exécutif de la Quebec Constitutional Association souhaite que soient étudiés les moyens d’assurer « the security of all the rights and liberties, civil and religious, which the inhabitants of all classes and denominations in this Province now enjoy, of right are entitled to85 ». Quant aux constitutionnels qui prennent les armes, ils le font parce que l’ennemi « [is] threatening the destruction of their lives and properties [...]86 ».
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Ce n’est pas le détail des organisations républicaines et constitutionnelles qui nous intéresse, mais le fait que les deux camps s’organisent pour affronter l’adversaire. Inscrite initialement dans le cadre des institutions politiques formelles, la lutte se déplace vers un espace extra-parlementaire vers 1836–1837. Si la lutte au Bas-Canada apparaît plus ou moins sans issue, l’agitation républicaine au HautCanada demeure suffisamment limitée pour ne pas représenter une menace incontournable. L’opposition dégénère toutefois de manière irrémédiable lorsque les deux camps tente de justifier le recours à la violence. À ce moment, la lutte quitte le cadre constitutionnel. Par leur discours respectif, les républicains et les constitutionnels bascanadiens condamnent à mort l’État colonial puisqu’ils proposent de reprendre leur droit de se faire justice eux-mêmes. En 1837, tous les protagonistes savent que la conclusion de la lutte se trouve hors de l’État. Même rudimentaire, l’organisation des forces républicaines et constitutionnelles entraîne la lutte hors de l’arène parlementaire. Les républicains auraient pu éviter que la violence n’éclate en abdiquant leurs principes et en revenant dans le giron de la liberté moderne. Cette abdication était toutefois impossible. Comment accepter la souveraineté du Parlement quand on défend la souveraineté du peuple depuis dix ans? Inversement, les constitutionnels et le gouvernement métropolitain auraient pu aussi freiner le mouvement vers la rébellion s’ils avaient reconnu la légitimité des revendications républicaines et avaient réorganisé le système politique colonial autour du principe électif. Cette réforme était tout aussi inenvisageable. Les constitutionnels, surtout au Bas-Canada, s’étaient trop plus à dépeindre les Canadiens français comme des fanatiques pour ne pas être horrifiés à l’idée de voir tomber le Conseil législatif sous leur tutelle. Quant au gouvernement londonien, il ne pouvait accepter de confier l’avenir de son empire aux républicains coloniaux. Dans ces conditions, la violence devient le moyen de décider de l’issue de la lutte. Il ne reste plus alors qu’à attendre l’étincelle qui mettra le feu aux poudres, laquelle vient en mars 1837 avec l’adoption des Dix Résolutions Russell.
l e s l im i t e s d e l a co n ci l i ation : de s d ix ré so l u t i o n s ru s s e l l au x r éb ellion s En mars 1837, lord Russell dépose à la Chambre des communes dix résolutions qui répondent aux revendications des républicains coloniaux. Les principes à la base de ces résolutions, qui ne seront jamais
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intégrées dans une législation en bonne et due forme, sont conformes à la position adoptée par le comité de 1828 et le gouvernement impérial. Par la quatrième résolution, le gouvernement métropolitain refuse de rendre le Conseil législatif électif. Les autorités métropolitaines savent que l’application du principe électif dans la colonie aurait comme corollaire l’assujettissement du Conseil au Parti patriote. Une fois les deux Chambres dominées par les patriotes, le gouvernement mixte aurait été détruit. Si le gouvernement ne peut accéder à cette demande, il spécifie tout de même que « it is expedient that measures be adopted for securing to that branch of the Legislature a greater degree of public confidence87 ». En avril 1837, lord Glenelg rappelle au gouverneur que « it is our intention to advise his Majesty to make an addition to the Legislative Council, by a careful selection of men of property, character and influence in the Province, of liberal views, and entitled to the respect and confidence of the public, but not committed to the extreme opinions [...]88 ». Le refus de Londres ne peut que mécontenter les républicains qui rejettent l’idée voulant qu’un bon gouvernement doive reposer sur la collaboration entre le principe aristocratique et le principe démocratique ainsi qu’entre les pouvoirs colonial et impérial. Par la cinquième résolution, Londres rejette la demande concernant la responsabilité du Conseil exécutif. Il est toutefois difficile de connaître la nature de la responsabilité que le gouvernement refuse d’octroyer. Est-ce la responsabilité comprise comme l’établissement d’un lien entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif dans le but d’harmoniser les rapports entre eux, comme le demandent les réformistes modérés ? Est-ce plutôt l’assujettissement du pouvoir exécutif colonial à l’Assemblée, comme les républicains le souhaitent ? Dans les faits, cette résolution rejette ces deux revendications. Il n’est question ni de créer un Cabinet provincial ni d’assujettir le pouvoir exécutif à la volonté de l’Assemblée. Néanmoins, si le gouvernement refuse de soumettre le pouvoir exécutif colonial à la volonté des républicains, il reconnaît que « it is expedient to improve the composition of the Executive Council in Lower Canada89 ». Dans une dépêche datée du 14 juillet 1837, Glenelg annonce à Gosford qu’il doit renouveler son Conseil exécutif en suivant les propositions incluses dans le troisième rapport des commissaires de 1835–183690. Cette résolution est décriée par les patriotes, toutes les nominations de Londres étant considérées comme illégitimes. D’ailleurs, les patriotes dénoncent toutes celles faites par
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Gosford, en octobre 1837, dans les septième et huitième résolutions de l’assemblée des Six-Comtés91. C’est néanmoins la huitième résolution qui pose le plus grand défi aux patriotes. Elle annonce que le gouvernement entend adopter une nouvelle législation impériale permettant au gouverneur Gosford de payer les arrérages de salaire que l’Assemblée refuse de voter depuis 1834. Le but de la résolution est de faire pression sur les patriotes afin qu’ils cessent leur obstruction à l’Assemblée. Par l’adoption de cette résolution (directement inspirée du rapport des commissaires Gosford, Grey et Gipps), le Parlement ne fait qu’affirmer sa souveraineté. Malgré tout, le gouvernement espère que l’adoption d’une telle loi ne sera pas nécessaire. En effet, il laisse la possibilité aux députés bas-canadiens de voter eux-mêmes les subsides et de prévenir ainsi l’adoption de la loi. Le gouvernement espère effrayer les patriotes de manière à ce qu’ils plient. Les subsides votés, la coercition n’aurait plus eu sa raison d’être. Les autorités se disent même prêtes à négocier par la suite afin d’apporter certaines réformes à la constitution. Lord Glenelg ordonne donc à lord Gosford de convoquer l’Assemblée pour obtenir le vote volontaire des subsides. Les instructions transmises à lord Gosford ne peuvent être plus claires en ce qui concerne le désir de conciliation de Londres : You will further express to the House of Assembly the anxious hope that you may not be compelled to exercise the extreme power with which the Parliament has declared its intention of investing you, in order to discharge the arrears due for public services in the colony, for the payment of which the faith of the Crown has been repeatedly pledged. You will inform them, that the chief object with which they are called together at present is that before the Bill founded on the Resolutions shall reach Lower Canada, they may have an opportunity of rendering that part of it which rest on the 8th Resolution unnecessary and inoperative, by a grant of the supplies requisite for the purposes for which it is intended to provide. You will further express to them the earnest desire of his Majesty’s Government to co-operate with them in the removal of every obstacle to the beneficial working of the existing constitution, and in the correction of every defect which time and experience have developed in the laws and institutions of the Province, or in the administration of its government92.
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Que le gouvernement métropolitain ait été de bonne foi ou non, il n’en demeure pas moins que la huitième résolution vise à miner le pouvoir de l’Assemblée bas-canadienne. Les patriotes comprennent alors qu’ils sont sur le point de perdre leur seul vrai moyen de faire pression sur les constitutionnels. Selon la perspective républicaine, cette résolution est totalement illégitime, car elle fait fi de la volonté du peuple. Dans ce contexte, les patriotes refusent une dernière fois de voter les subsides en août 1837. Si Londres pensait pouvoir se tirer d’embarras en montrant les dents, tout en espérant ne pas devoir mordre, les patriotes ne peuvent accepter les décisions métropolitaines. Non seulement les Résolutions Russell n’atteignent pas leur objectif en ce que les députés refusent de voter le budget, mais elles créent un mouvement d’agitation qui s’exprime lors des assemblées populaires de 1837. À la fin du mois d’août 1837, une solution pacifique à cette opposition est difficilement envisageable puisque aucun compromis ne saurait satisfaire les deux camps. La violence apparaît peu à peu comme le seul moyen, pour les patriotes et les radicaux, de faire valoir leurs droits. L’affrontement armé devient le moyen de déterminer autour de quelle conception de la liberté les Canadas évolueront. À la fin novembre 1837, les patriotes prennent finalement les armes à Saint-Denis et à Saint-Charles. S’ils sortent victorieux du premier affrontement, ils perdent le second, tout comme celui qui a lieu à Saint-Eustache une semaine plus tard. Au même moment, les radicaux haut-canadiens leur emboîtent le pas. À maints égards, la rébellion au Haut-Canada n’est que l’écho de celle qui secoue le Bas-Canada. En décembre 1837, Mackenzie saisit simplement l’occasion de tenter son coup de force alors que les troupes britanniques stationnées dans la province ont été envoyées pour combattre les patriotes. Sans la rébellion bas-canadienne, les disciples de Mackenzie ne se seraient probablement jamais engagés dans la voie de la violence, ou alors leur soulèvement aurait été écrasé beaucoup plus rapidement, la province n’ayant pas été privée de ses régiments partis mâter les patriotes. Ceci dit, il existe une différence importante entre les deux insurrections. Si le soulèvement bas-canadien ressemble à une révolution93 en ce que ses leaders veulent réellement changer les fondements de la légitimité de l’État et que les masses participent au mouvement, le soulèvement du Haut-Canada ressemble davantage à une tentative de coup d’État, les radicaux ne mobilisant qu’un nombre restreint de partisans.
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Le concept de liberté au Canada
Quoi qu’il en soit, les républicains des deux colonies échouent dans leur tentative de renverser l’ordre établi en 1837. L’armée britannique, la milice haut-canadienne et des volontaires écrasent dans le sang leurs soulèvements. La Déclaration d’indépendance proclamée par Robert Nelson en février 1838, le second soulèvement bas-canadien à l’automne de la même année et les raids hautcanadiens de 1838 et 1839 n’entraînent qu’une nouvelle répression militaire et juridique94.
v icto ire d u co n ce p t mo d e rn e de lib er té Si la liquidation de la crise peut se faire dans le cadre constitutionnel au Haut-Canada, la lutte armée n’ayant que des implications extraparlementaires, les choses sont plus graves au Bas-Canada. La rébellion bas-canadienne fait deux victimes. La première est le concept même de la liberté républicaine. Les rebelles sont accusés de trahison. Leurs chefs sont mis en prison ou envoyés en exil, ce qui limite leur capacité à influencer les débats. Quant aux journaux patriotes et radicaux comme La Minerve, le Vindicator ou The Constitution, ils sont fermés. Par leurs soulèvements et leur échec, les chefs républicains ne se sont pas seulement discrédités eux-mêmes, ils ont également jeté le discrédit sur leur vision de société et leur définition de la liberté. Leur échec met ainsi fin à l’opposition entre les deux conceptions de la liberté et permet le triomphe du concept de liberté moderne dans les Canadas. Si la liberté moderne sort ainsi victorieuse des affrontements en 1837, la constitution de 1791 qui devait en garantir la pérennité ne peut, quant à elle, survivre. Elle est la seconde victime des rébellions. Puisque le tiers de la législature est dominé par des « traîtres » et qu’il n’y a pas vraiment d’espoir que la situation change, le gouvernement mixte dans la colonie doit disparaître. Le 10 février 1838, le gouvernement londonien suspend la constitution bas-canadienne, au grand plaisir des constitutionnels pour qui les rebelles ont abdiqué le pouvoir en recourant à la force : « the Assembly of Lower Canada, as established and composed under the existing laws, is altogether incompetent to the performance of the important duties assigned to it by the Constitution [...] has virtually abdicated its high office, and has thus rendered it of paramount and immediate necessity to provide a remedy for the evil95 ». Leur interprétation rappelle alors celle donnée à la Glorieuse Révolution de 1688. Quelques jours plus tard,
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lord Gosford quitte ses fonctions pour être remplacé par Sir John Colborne, le commandant des troupes britanniques en Amérique du Nord. Le pouvoir exécutif revient à l’administrateur de la colonie. Quant au pouvoir législatif, il relève d’un Conseil spécial, placé sous la présidence de l’administrateur96. Pour aussi anormale que soit la situation au Bas-Canada, la suspension de la constitution et le remplacement du gouvernement mixte par un Conseil spécial peuvent se justifier dans le cadre de la liberté moderne. D’une manière générale, les partisans de cette conception de la liberté accordent au pouvoir le droit de suspendre brièvement les règles parlementaires ou les droits et les libertés si une conjuration menace la liberté. Le but de la suspension est dans ce cas de garantir, de manière permanente, l’existence de ces mêmes droits. Locke et Montesquieu avaient mentionné cette possibilité dans leurs écrits respectifs97. Le gouvernement métropolitain se sert d’un argument analogue pour justifier sa politique. Lord Russell explique : as much as the suspension of constitutional government in Lower Canada is to be regretted, it will not be without a very considerable compensation, if, during the interval, arrangements should be maturely and wisely made for securing to the people at large the benefit of those social institutions from which, in former times, the thoughts of the local legislature were diverted, by the controversies which then agitated the provincial society [...]98. L’existence du Conseil spécial ne trahit donc pas les fondements de la liberté moderne, car il permet au gouvernement de continuer à gérer temporairement et légalement une province dont l’Assemblée a menacé la constitution. Lord Durham, politicien libéral, ami de John Russell et nouveau gouverneur de l’Amérique du Nord britannique nommé en mars 1838, considère aussi la suspension de la constitution à la fois regrettable et nécessaire99. Dans la colonie, la Montreal Gazette estime que l’état d’anarchie dans lequel la province est plongée exige une solution vigoureuse. Les responsables du journal défendent la mise en place d’un pouvoir autoritaire : « we have already expressed our opinion with respect to the necessity of the Autocracy under which we at present live in this Province, considering the anarchy and confusion in which we have been involved by the treasonable projects of the House of Assembly,
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Le concept de liberté au Canada
supported by an ignorant and prejudiced constituency [...]. We know, that anarchy is always the precursor of despotism100 ». Même le réformiste bas-canadien Étienne Parent (le seul réformiste pouvant encore s’exprimer librement en 1838 car n’étant pas un patriote et ayant plaidé contre les rébellions), rassuré en mars 1838 par la nomination d’un enquêteur reconnu comme favorable à la réforme, lord Durham, accepte la forme de gouvernement provisoire octroyée au Bas-Canada : Longtemps avant ce jour, nous avons prédit que les agitateurs conduisaient ce pays au despotisme, car le despotisme fut toujours la conséquence inévitable de l’anarchie et de la licence, mais nous n’avions pas prévu que ce despotisme se présenterait sous une forme aussi bénigne et avec des espérances aussi encourageantes [...]. Accepter de bon cœur, et dans les sentiments qu’il paraît nous être offert, l’état des choses provisoire qu’on nous présente ; c’est le meilleur moyen de le voir promptement céder la place au gouvernement libre qu’on nous promet101. La décision du gouvernement métropolitain sera même approuvée ultérieurement par John Stuart Mill. Ce dernier écrit en 1861 : I am far from condemning, in cases of extreme exigency, the assumption of absolute power in the form of a temporary dictatorship. [...] But its acceptance, even for a time strictly limited, can only be excused, if, like Solon and Pittacus, the dictator employs the whole power he assumes in removing the obstacles which debar the nation from enjoyment of freedom [...]102. En filigrane de ce commentaire semblent se dresser les leçons tirées de l’expérience canadienne. Mill est bien au fait des rébellions pour les avoir commentées, en 1838, dans le London & Westminster Review. Bien qu’initialement favorable à la cause des rebelles et opposé à la suspension de la constitution, il avait finalement défendu la politique de lord Durham, dès août 1838, pour en devenir un grand partisan à la fin de l’année. Son admiration pour le gouverneur n’allait s’estomper sa vie durant. Elle est encore vive lorsqu’il rédige son autobiographie103. Bref, en 1861, ce grand libéral ne décrie ni
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la suspension de la constitution ni l’envoi d’un « dictateur » dans les colonies, mais légitime a posteriori cette politique, car elle a permis la régénération de la politique impériale et l’introduction du principe du « internal self-government » dans les colonies. Si la suspension temporaire de la constitution et la création du Conseil spécial respectent la logique de la liberté moderne, il en est de même de la forme du Conseil spécial. Le fait que le Conseil n’implique aucune participation des sujets au pouvoir ne constitue pas un problème fondamental puisque la liberté moderne repose d’abord sur la jouissance de droits privés et non sur cette participation. Or, le rôle du Conseil est justement d’assurer le maintien de la liberté, de la propriété et de la sécurité. De plus, le Conseil n’est pas à proprement parlé despotique. L’État n’est pas fondé sur l’arbitraire, la tyrannie, la volonté d’une institution ou d’une personne, mais sur la souveraineté du Parlement, la primauté du droit et la séparation des pouvoirs. Comme l’explique Robinson : it is certainly not a representative form of constitution, though if it were to be maintained for some years, it would be easy and perhaps advisable to make the special council in part elective. But it is very far from being a despotic Government. It is a written constitution conferred by Parliament, in which the limits of executive and legislative authority are defined, and the laws are as supreme as in any other country ; and it is surely a strange description of despotism in which nothing can be done contrary to law, and in which the law, so far from depending on the will of the executive, can only be changed with the concurrence of a council of twenty members, taken from the worthiest, most respectable, and most intelligent inhabitants of the province104. Dans ce contexte, aucun abus de pouvoir n’est possible, du moins selon Robinson. Quant aux décisions du Conseil, elles respectent les principes de la liberté moderne. D’une part, le Conseil assure la sécurité des personnes et de l’État à la suite des rébellions. Pensons, entre autres, à ses ordonnances concernant la création de la police urbaine et rurale (1838–1840), l’établissement des tribunaux pour juger les rebelles de 1838, la réglementation des tavernes (1840) et l’établissement de cours de justice et de prisons dans certains districts (1841). D’autre
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part, il protège la propriété par ses ordonnances concernant les faillites (1839), la commutation des seigneuries appartenant au Séminaire de Montréal (1840), le dragage du Lac Saint-Pierre (1838), la construction du canal de Chambly (1840) et l’établissement de bureaux d’enregistrement (1841)105. Pour être légitime, l’existence du Conseil spécial doit néanmoins être temporaire. Le gouvernement métropolitain entreprend donc de repenser sa politique canadienne sans abandonner le constitutionnalisme et le cadre de la liberté moderne. À partir de 1838, il cherche à rétablir un équilibre entre les différents pouvoirs dans les colonies, élément essentiel de toute constitution basée sur la liberté moderne, sans recréer les problèmes de la décennie 1830. Ce sera à lord Durham, à John Russell et à Charles Poulett Thomson d’y réfléchir entre 1838 et 1841. Pour incertain qu’est l’avenir en Amérique du Nord britannique, une chose ne fait plus de doute : l’État, dans les colonies, reposera sur le concept moderne de liberté.
conclusion
La liberté comme fondement de l’État au Canada
1837 aurait pu être au Canada ce que 1776 et 1789 ont été aux États-Unis et à la France. À ce moment, les républicains des deux Canadas se lancent à l’assaut de l’État colonial. Ils tentent de renverser le gouvernement et de reconfigurer les relations de pouvoir et les rapports sociaux sur la base d’une nouvelle légitimité inspirée des principes républicains. Ils promeuvent un idéal de société où tous les citoyens sont égaux et où chacun possède sa terre. L’indépendance économique des petits propriétaires terriens est vue comme essentielle à leur indépendance politique. Dans cette société, les citoyens incorruptibles, vertueux et patriotes doivent faire primer l’intérêt général sur les intérêts particuliers. Au plan institutionnel, ces citoyens sont libres lorsqu’ils participent au pouvoir législatif. Celui-ci est le principal pouvoir au sein de l’État, car il exprime la volonté du peuple souverain. Les soulèvements canadiens sont certes plus tardifs que les autres révolutions, mais ils ne sont pas idéologiquement différents. S’ils avaient réussi, ils auraient été considérés comme les révolutions canadiennes. Néanmoins, contrairement aux révolutions américaine, européennes et sud-américaines qui sont parvenues à renverser l’État préexistant, les rébellions canadiennes se soldent par un échec. Le second soulèvement bas-canadien à l’automne de 1838 et les raids haut-canadiens de 1838 et 1839 n’y changent rien : les républicains ont perdu la guerre. Si le républicanisme ne disparaît pas complètement et définitivement de la scène publique, certains réformistes canadiens-français des années 1840 ainsi que les Rouges et certains Clear Grits dans les deux décennies suivantes continuant à articuler un discours basé sur le concept républicain de liberté,
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Le concept de liberté au Canada
ses partisans ne seront jamais plus suffisamment influents pour menacer les fondements de l’État. Ainsi, en 1837, les forces probritanniques réussissent là où elles avaient échoué en 1776, mettant définitivement fin au cycle des Révolutions atlantiques. La victoire des forces constitutionnelles en 1837–1838 consacre l’échec des forces républicaines et de leur conception de la liberté. Les Canadas ne se sont pas développés avant les rébellions et ne se développeront pas après en suivant les principes de la liberté républicaine. Est-ce à dire que la liberté n’a pas influencé le développement de l’État canadien au xixe siècle ? Pas exactement. Les défenseurs de la constitution canadienne, qu’ils aient été en faveur ou non de réformes, promeuvent eux aussi un ordre politique et social basé sur un certain idéal de la liberté. Pour différent de celui à l’œuvre au sein des mouvements révolutionnaires républicains qui secouent le monde atlantique à la fin du xviii e siècle, cet idéal n’en est pas moins directement issu des Lumières et se trouve à la base de l’Acte constitutionnel de 1791. Cette conception de la liberté repose sur trois principes fondamentaux. Le premier est le respect de certains droits individuels, incluant entre autres le principe de l’habeas corpus, la liberté de conscience, la liberté d’association et la liberté de la presse. Bien que l’étendue de ces droits soit limitée à la fin du xviii e et au début du xix e siècle, ils n’en sont pas moins reconnus comme sacrés pour les sujets britanniques. Le second principe, le plus important peut-être, est le droit à la propriété privée. Il se double généralement d’une éthique de l’accumulation. L’enrichissement personnel n’est pas considéré comme un vice ou une menace à l’ordre social ou à l’État, mais plutôt comme la preuve d’une utilisation constructive de la liberté. Enfin vient le droit à la sécurité tant des personnes que des biens. Au plan politique, ce concept de liberté implique la souveraineté du Parlement impérial et s’incarne dans les institutions coloniales organisées autour des principes du gouvernement mixte. L’échec des insurrections de 1837–1838 marque ainsi la victoire de la liberté constitutionnelle (ou moderne) dans les Canadas. Par la suite, la question de la liberté, comme fondement de l’État, n’est guère plus discutée. Après les rébellions, la majorité des politiciens et des intellectuels se rallient progressivement à ce concept de liberté et aux formes institutionnelles qui en découlent1. Grâce au rapport de lord Durham de 1839, les débats politiques dans les colonies se réorientent vers la question de l’union et, de manière plus fondamentale,
Conclusion
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celle de la responsabilité du pouvoir exécutif. Au début de la décennie 1840, les réformistes coloniaux reprennent donc là où Pierre Bédard avait laissé en 1810, effaçant trente ans de lutte stérile. L’évolution constitutionnelle du Canada se situe donc dans la mouvance du constitutionnalisme tel qu’envisagé par Locke, Montesquieu et Burke plutôt que dans la mouvance du républicanisme à la Rousseau2. C’est ce cadre, fondé sur le concept moderne de liberté, qui donne sa cohérence générale à l’histoire intellectuelle et politique canadienne. C’est lui qui permet l’émergence d’un ordre libéral au Canada après 1840 fondé sur les principes de liberté, d’égalité et de propriété3. C’est cet ordre qui est à la base de l’État canadien moderne.
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Notes
introduction 1 Les historiens Frank Underhill et Donald Creighton ainsi que le littéraire Northrop Frye ont soutenu que le Canada était demeuré en marge des Lumières. À ce sujet, voir Underhill, In Search of Canadian Liberalism, 12 ; Creighton, The Road to Confederation, 142–3 ; Frye, Divisions on a Ground, 48, 77. De son côté, le sociologue américain Seymour Martin Lipset a opposé l’identité révolutionnaire des Américains et l’identité contre-révolutionnaire des Canadiens dans North American Cultures, 2–10, 13–14 ; idem, Revolution and Counterrevolution, 31–63 ; idem, Continental Divide, 1–56, 59–60. 2 Pour une interprétation globale de la période qui tient compte à la fois des principes libéraux et loyalistes des colons, voir Jerry Bannister, « Canada as Counter-Revolution : The Loyalist Order Framework in Canadian History », dans Constant et Ducharme, dir., Liberalism and Hegemony, 99–146. 3 Armitage, « Three Concepts of Atlantic History », dans Armitage et Braddick, dir., British Atlantic World, 11–27. 4 Par exemple, le Canada (aussi bien sous le régime français que sous le régime britannique) n’est mentionné que quelques fois dans le dernier livre de Bernard Bailyn, Atlantic History. Il reçoit à peine plus d’attention dans l’ouvrage collectif dirigé par David Armitage et Michael Braddick, British Atlantic World, 1500–1800. Les loyalistes sont mentionnés au passage par Alison Games dans son chapitre intitulé «Migration», 48; l’acquisition de nouveaux territoires au nord des Treize Colonies et la Guerre des Sept Ans sont succinctement
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abordées par Elizabeth Mancke dans son chapitre « Empire and State », 192–194 ; Eliga Gould rappelle de son côté que l’Acte constitutionnel de 1791 a été pensé en réaction à la Révolution américaine et au républicanisme dans son chapitre intitulé « Revolution and Counter-Revolution », 211. Les loyalistes sont mieux traités dans Keith Mason, « The American Loyalist Diaspora and the Reconfiguration of the British Atlantic World », dans Gould et Onuf, dir., Empire and Nation, 239–259. Il existe néanmoins quelques exceptions. Voir, par exemple, Elizabeth Mancke, « Early Modern Imperial Governance and the Origins of Canadian Political Culture », 3–20 ; idem, The Fault Lines of Empire ; Faragher, A Great and Noble Scheme et Banks, Chasing Empire Across the Sea. 5 Wallot, « Révolution et réformisme dans le Bas-Canada (1773–1815) » ; idem, « Frontière ou fragment du système atlantique : Des idées étrangères dans l’identité bas-canadienne au début du xix e siècle » ; Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot, « Nouvelle France/ Québec/ Canada : A World of Limited Identites », dans Canny and Pagden, dir., Colonial Identity in the Atlantic World, 95–114 ; Stewart, The Origins of Canadian Politics ; Denis Delâge, « The Fur Trade of New France » et Allan Greer, « French Colonization of New France », dans Benjamin, Hall et Rutherford, dir., The Atlantic World in the Age of Empire, 139–144, 191–195 ; Ajzenstat et Smith dir., Canada’s Origins ; Kelly, La petite loterie ; Choquette, Frenchmen into Peasants ; Pritchard, In Search of Empire ; Harvey, Le Printemps de l’Amérique française ; Christie, dir. Transatlantic Subjects. 6 Ce sont d’abord les littéraires qui ont développé la thèse de l’américanité du Québec. Pour les études littéraires, voir Rousseau, L’image des ÉtatsUnis dans la littérature québécoise, 1775–1930. Yvan Lamonde a été le premier historien à s’intéresser à cette thèse : « American Cultural Influence in Québec », dans Hero, Jr. et Daneau, dir., Problems and Opportunities in US-Québec Relations, 106–126 (le texte est reproduit sous le titre « L’influence culturelle américaine au Québec », dans Lamonde, Territoires de la culture québécoise, 235–58). Lamonde a repris cette thèse dans Ni avec eux ni sans eux et dans Bouchard et Lamonde, dir., Québécois et Américains. Pour la thèse des sociétés neuves, voir Bouchard, Genèse des nations et cultures du nouveau monde. Pour le cadre des nationalités, voir Bellavance, Le Québec au siècle des nationalités (1791–1918). 7 Pour la perspective continentale, voir Smith, Canada : An American Nation ? (la version française est disponible sous le titre : Le Canada : une nation américaine ?) Pour la perspective impériale, voir Manning,
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The Revolt of French Canada, 1800–1835 ; Burroughs, The Canadian Crisis and the British Colonial Policy, 1828–1841 ; Buckner, The Transition to Responsible Government ; Lawson, The Imperial Challenge. Au sujet des influences françaises, américaines et britanniques sur l’histoire québécoise, voir Lamonde, Histoire sociale du Québec, vol. 1, 19–65 ; idem, Allégeances et dépendances. Michael Braddick, « Réflexions sur l’État en Angleterre (xvi e – xvii e siècle) », Histoire, Économie et Société, 24 (2005), 42, cité dans Dessureault, « La crise sous Dalhousie », 173. Reinhart Koselleck, « Begriffsgeschichte and Social History », dans Futures Past, 86. Les historiens qui ont étudié la nature et l’influence de certains concepts sur l’évolution du Canada se sont surtout concentrés sur les concepts de loyauté (Mills, Idea of Loyalty in Upper Canada) et d’égalité (Larue, La crainte de l’égalité). Pour une définition la liberté républicaine, voir Skinner, « The Republican Ideal of Political Liberty », dans Bock, Skinner et Viroli, dir., Machiavelli and Republicanism, 293–309. Pour une définition de la liberté moderne, voir Hexter, « The Birth of Modern Freedom», 51–54; J.H. Hexter et R.W. Davies, «Series Foreword», dans Hexter, dir., Parliament and Liberty, vi–ix. Sur la naissance de l’individu moderne au xvii e siècle, voir Taylor, Les sources du moi. Pour une discussion sur la différence entre une conception possessive de l’individualisme (moderne) et une conception plus transcendante (républicaine), voir Coleman, « The Value of Dispossession », 299–326. Sur cette question, voir Kaiser, « This Strange Offspring of ‘Philosophie’ », 549–562. Greer, The Patriots and the People, 3–19 ; idem, « 1837–38 : Rebellion Reconsidered », 7. Sur cette question, voir Ducharme, « Closing the Last Chapter of the Atlantic Revolution », 411–428. Pour une histoire générale de la mise en place des nouvelles institutions par l’État au Canada-Uni, voir Careless, The Union of the Canadas ainsi que Greer et Radforth, dir., Colonial Leviathan. Sur la répression qui suit les rébellions et qui permet la mise en place de ce nouvel ordre, voir Greenwood et Wright, dir., Canadian State Trials, vol. ii. Sur le processus de codification, voir Young, The Politics of Codification. Pour le développement du système scolaire, voir Corrigan et Curtis, « Education, Inspection and State Formation : A Preliminary Statement », 156–171 ; Curtis, True Government by Choice Men ? Pour le développement du
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système municipal, voir Michèle Dagenais, « The Municipal Territory : A Product of the Liberal Order ? », dans Constant et Ducharme, dir., Liberalism and Hegemony, 201–220. Sur le gouvernement responsable, voir Stewart, The Origins of Canadian Politics. Sur le développement de la bureaucratie, voir Piva, « Getting Hired : The Civil Service Act of 1857 », 95–127 ; idem, « Debts, Salaries and Civil service Reform in preConfederation Canada », 127–137 ; Curtis, « The Canada “Blue Books” and the Administrative Capacity of the Canadian State, 1822-67 », 535-565 ; Hodgetts, Pioneer Public Service. Sur la gestion de la pauvreté, de la maladie et de la délinquance, voir Fecteau, La liberté du pauvre. Pour les statistiques, voir Zeller, Inventing Canada ; Curtis, The Politics of Population. McKay, « The Liberal Order Framework », 617–645 ; Fecteau, La liberté du pauvre. Sur les fondements intellectuels whigs (ou libéraux) de l’État canadien avant 1840, voir Peerce, « The Anglo-Saxon Conservative Tradition », 3–32 ; idem, « The Myth of Red Tory », 3–23 ; Cook, « John Beverly Robinson and the Conservative Blueprint for the Upper Canadian Community », 79 ; Ajzenstat, « Modern Mixed Government », 119–134 ; idem, The Political Thought of Lord Durham ; idem, « Durham and Robinson », 24–38 ; McCulloch, « The Death of Whiggery », 195–213. J.C.D. Clark considère parallèlement que le libéralisme n’apparaît pas en Angleterre avant les années 1820. Il écrit à cet égard : « To attempt to write the history of liberalism before the 1820s is thus, in point of method, akin to attempting to write the history of eighteenth-century motor car. » : Revolution and Rebellion, 103. Sur le rapport entre « whiggism » et libéralisme, voir Burrow, Whigs and Liberals, 1–20. Par exemple, dans son ouvrage The Politics of Liberty, Lee Ward présente l’histoire du monde anglo-américain au xviii e siècle sous le signe d’une compétition entre trois versions très différentes de whiggisme. La première, plus conservatrice, aurait été structurée par James Tyrrell et aurait été basée sur la souveraineté du Parlement. Ward qualifie les deux autres versions de radicales. John Locke aurait articulé une version plus libérale. C’est celle-là que Thomas Jefferson aurait reprise. Enfin, Algernon Sidney aurait posé les bases d’une version plus républicaine. Cette dernière version aurait été reprise par Thomas Paine. Le mot « démocratie » est entendu ici comme l’idéologie politique contemporaine basée sur la souveraineté du peuple, le suffrage universel et la participation des masses dans le processus politique, et non dans le sens de « démocratie délibérative » au sens où Jeffrey L. McNairn
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l’entend dans son ouvrage Capacity to Judge. Sur le lien entre républicanisme et communisme, voir Talmon, The Origins of Totalitarian Democracy. En ce qui concerne le lien entre républicanisme et socialisme, voir Philippe Nemo qui intègre le républicanisme antique et le républicanisme de Jean-Jacques Rousseau et des jacobins dans son histoire de l’évolution du socialisme de la Grèce à Marx et Lénine : Histoire des idées politiques aux Temps modernes et contemporains, 779–1005. Voir aussi Bevir, « Republicanism, Socialism, and Democracy in Britain », 351–368. Clark, The Movements of Political Protest in Canada ; Kenneth D. McRae, « The Structure of Canadian History », dans Hartz, dir., New Societies, 219–274 ; Ryerson, Le Capitalisme et la Confédération. Voir Létourneau, « L’Avenir du Canada », 230–259 ; idem, Passer à l’avenir, 15–41, 115–167 ; idem, « Pour un autre récit de l’aventure historique québécoise », dans Bélanger, Coupal et Ducharme, dir., Les idées en mouvement, 53–73. Si Jocelyn Létourneau est l’historien qui a le plus travaillé à proposer un nouveau cadre d’analyse pour le Québec qui dépasse le cadre national, il n’est toutefois pas le seul à l’avoir souhaité : voir entre autres Bélanger, « Les historiens révisionnistes et le rejet de la “canadianité” du Québec », 105–112 ; Bélanger, Coupal et Ducharme, « Introduction », dans Les idées en mouvement, 10–11 ; Dagenais, « S’interroger sur la “nation” », 23–25. Voir Lamonde, Histoire sociale du Québec, vol. 1, 85–279 ; Harvey, Le printemps de l’Amérique française. À ce sujet, voir Baechler, Qu’est-ce qu’une idéologie ? 65–105. À ce sujet, voir par exemple Wallot, « Religion and French-Canadian Mores ». Sur la question des réserves du clergé, voir Wilson, The Clergy Reserves of Upper Canada.
chapitre un 1 Palmer et Godechot, «Le problème de l’Atlantique du xviii e au xx e siècle», 219–239 ; Palmer, The Age of the Democratic Revolution ; Godechot, Les Révolutions (1770–1799), 99–177 ; Godechot, « Revolutionary Contagion », 245–255. Sur l’historiographie française récente concernant les révolutions de la fin du xviii e siècle, voir Lemarchand, « À propos des révoltes et des révolutions », 145–174. Il faut noter que la proposition de Palmer et Godechot fut froidement accueillie, plusieurs historiens
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marxistes et français considérant que cette interprétation était trop orientée idéologiquement dans le contexte de la Guerre froide. Ainsi, l’historien Eric Hobsbawn a soutenu que « la Révolution française reste [...] la révolution de son époque et non pas seulement une révolution entre quelques autres [...] » : L’ère des révolutions, 76. Seule la Révolution industrielle semblait être d’une égale importance à ses yeux, les deux ayant permis à la bourgeoisie d’établir son hégémonie. Sur cette question, voir Palmer, « American Historians Remember Jacques Godechot », 883–884 ; Bailyn, Atlantic History, 24–30. 2 Sur l’influence américaine sur quelques pays d’Europe, voir entre autres : Library of Congress, Impact of the American Revolution Abroad ; Newman, dir., Europe’s American Revolution ; Schulte Nordholt, The Dutch Republic and the American Independence ; Dickinson, dir., Britain and the American Revolution ; Conway, British Isles and the War of American Independence ; Morley, Irish Opinion and the American Revolution, 1760–1783. 3 Pour une approche globale de l’histoire des révolutions anglaise, nordaméricaine et européennes, voir, entre autres, Bourdin et Chappey, dir., Révoltes et révolutions ; Jourdan, La Révolution, une exception française ; Solé, Les Révolutions de la fin du XVIII e siècle ; Malia, History’s Locomotives, part ii. Pour les liens qui unissaient les républicains américains, britanniques et français à la fin du xviii e siècle, voir Andrews, The Rediscovery of America. Pour une comparaison entre les révolutions française et américaine, voir Arendt, On Revolution ; Higonnet, Sister Republics ; Dunn, Sister Revolutions. Pour une étude des révolutions du xviii e et xix e siècle sous l’angle national, voir Morrison et Zook, dir., Revolutionary Currents. Pour le monde anglo-américain, voir Bailyn, The Ideological Origins of the American Revolution ; Wood, The Creation of the American Republic, 1776-1789 ; Pocock, The Machiavellian Moment, 333–552. Pour les troubles à Genève durant la décennie 1760, puis entre 1789 et 1794, voir Linda Kirk, «Genevan Republicanism», dans Wootton, dir., Republicanism, 290–300 et Golay, Quand le peuple devint roi. Pour la révolte des patriotes dans les Provinces-Unies, voir Geyl, La révolution batave, 1783–1798, 5–116 ; Schama, Patriots and Liberators. Ce dernier ouvrage s’inscrit dans le cadre du monde atlantique, mais aborde cette histoire dans un contexte national. Voir aussi Pocock, « The Dutch Republican Tradition », dans Jacob et Mijnhardt, dir., The Dutch Republic in the Eighteenth Century, 188–193. Pour la révolte des Pays-Bas autrichiens, voir Polasky, Revolution in Brussels, 1787–1793. Sur la France, voir Baker, Inventing the French Revolution.
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Sur la tentative de révolution irlandaise en 1798, voir Swords, The Green Cockade ; Gough et Dickson, dir., Ireland and the French Revolution ; Smyth, Revolution, Counter-Revolution, and Union ; Small, Political Thought in Ireland 1776–1798 ; Bartlett, Dickson, Keogh et Whelan, dir., 1798 : A Bicentenary Perspective. Pour la révolution à Saint-Domingue/Haïti, voir Geggus, dir., The Impact of the Haitian Revolution in the Atlantic World ; idem, Haitian Revolutionary Studies ; Gaspar, Geggus et Hine, dir., A Turbulent Time : The French Revolution and the Greater Caribbean ; Dubois, Avengers of the New World ; idem, Colony of Citizens ; Blackburn, « Haiti, Slavery, and the Age of the Democratic Revolution ». Pour l’Amérique latine, voir par exemple Uribe-Uran, dir., State and Society in Spanish America during the Age of Revolution ; Rodríguez O., dir., Mexico in the Age of Democratic Revolutions : 1750–1850 ; idem, The Independence of Spanish America ; Adelman, Sovereignty and Revolution in the Iberian Atlantic. Pour une histoire des révolutions atlantiques qui inclut les révolutions en Amérique du Sud, voir Klooster, Revolutions in the Atlantic World. Pour une perspective plus américaine qu’atlantique, voir Langley, The Americas in the Age of Revolution, 1750–1850. Pour un rejet du cadre atlantique pour comprendre les révolutions en Amérique latine, voir Lynch, Simón Bolívar and the Age of Revolution. Palmer, The Age of the Democratic Revolution, 1 : 3–24. Palmer, « Notes on the Use of the Word “Democracy” 1789–1799 », 203–226. Les États-Unis étaient alors vus comme le fruit du libéralisme. Voir entre autres Rossiter, Seedtime of the Republic ; Hartz, The Liberal Tradition in America. Fink, The Classical Republicans ; Robbins, The Eighteenth-Century Commonwealthman. John Dunn fut le premier à remettre en cause l’influence de John Locke en Grande-Bretagne dès la première moitié du xviii e siècle (The Political Thought of John Locke, 7–8). Cette analyse a été reprise par plusieurs historiens, dont John Pocock dans « The Myth of John Locke and the Obsession with Liberalism », dans Pocock et Ashcraft, John Locke, 3–24. Certains historiens ont contesté cette chronologie et ont retrouvé ce discours en Angleterre avant le milieu du xvii e siècle. À ce sujet, voir Peltonen, Classical Humanism and Republicanism in English Political Thought 1570–1640. Bailyn, Ideological Origins ; Pocock, Politics, Language and Time ; idem, The Machiavellian Moment ; idem, Virtue, Commerce and History ;
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Skinner, Liberty before Liberalism ; Wood, The Creation of the American Republic, 1776–1789. Voir aussi les recueils suivants : Wootton, dir., Republicanism and Commercial Society 1649–1776 ; Gelderen et Skinner, dir., Republicanism. Pour l’Angleterre, voir entre autres Dickinson, Liberty and Property ; Norbrook, Writing the English Republic ; Scott, Commonwealth Principles. Il a aussi été repris pour l’Irlande au xviii e siècle dans Small, Political Thought in Ireland 1776–1798. Aux États-Unis, plusieurs historiens ont emprunté le cadre de Pocock, Bailyn et Wood. Pensons à Banning, The Jeffersonian Persuasion ; McCoy, The Elusive Republic ; Ross, « The Liberal Tradition Revisited and the Republican Tradition Addressed », dans Higham et Conkin, dir., New Directions in American Intellectual History, 116–131 ; Hutson, « Country, Court and Constitution : Antifederalism and the Historians », 337–368 ; Elkins et McKitrick, The Age of Federalism. Pour une présentation de l’historiographie américaine sur le débat concernant la nature de la Révolution, libérale ou républicaine, voir Shalhope, « Toward a Republican Synthesis », 49–80 ; idem, « Republicanism and Early American Historiography », 334–356 ; Rodgers, « Republicanism », 11–38. Pour le cas de la France, le cadre de Pocock a été repris surtout par des auteurs anglophones. Voir entre autres Wright, A Classical Republican in Eighteenth-Century France ; Baker, Inventing the French Revolution, surtout les chapitres 1, 4 et 6 ; idem, « Transformations of Classical Republicanism in Eighteenth-Century France », 32–53 ; Kylmäkoski, The Virtue of the Citizen ; Jainchill, « The Constitution of the Year iii and the Persistence of Classical Republicanism », 399–435 ; Monnier, « Républicanisme et révolution française », 87–118 ; Saint-Victor, Les racines de la liberté. Bien que l’ouvrage de Carol Blum, intitulé Rousseau and the Republic of Virtue, ne se réclame pas de ce courant historiographique et qu’il analyse le concept de vertu sous divers angles, plusieurs de ses chapitres (6, 8–14) rejoignent les préoccupations des autres historiens du monde atlantique. Pour une discussion du républicanisme français en général, voir Nicolet, L’idée républicaine en France (1798–1924), 1–186. Sur l’influence de Jean-Jacques Rousseau sur la Révolution française, voir Barny, Prélude idéologique à la Révolution française ; Furet et Ozouf, dir., Le Siècle de l’avènement républicain ; Van Kley, dir., French Idea of Freedom. Ce cadre a aussi été repris pour l’histoire des Provinces-Unies aux xvii e et xviii e siècles : Gelderen, Political Thought of the Dutch Revolt 1555–1590 ; Nicolaas C.F. van Sas, « The Patriot Revolution : New
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Perspectives » et J.G.A. Pocock, « The Dutch Republican Tradition », dans Jacob et Mijnhardt, dir., Dutch Republic in the Eighteenth Century, 91–119, 188–193. Il faut noter que certains historiens ont traité le républicanisme néerlandais comme appartenant à un courant distinct par rapport au républicanisme atlantique. Voir par exemple Herbert H. Rowen, « The Dutch Republic and the Idea of Freedom », dans Wootton, dir., Republicanism and Commercial Society, 331–336 ; Albertone, « Democratic Republicanism ». Seul D.A. Brading a repris le cadre de Pocock pour étudier la révolution en Amérique du Sud : Classical Republicanism, 8–16. Voir, entre autres, Wallot, « Révolution et réformisme dans le BasCanada (1773–1815) », 344–406 ; idem, « Frontière ou fragment du système atlantique », 3–14. Voir aussi de Jean-Pierre Boyer (professeur en communication à l’UQAM), « Le Québec à l’heure des révolutions atlantiques », dans Thomas Paine, Les Droits de l’Homme, 355–424. Sur la Révolution américaine, voir Trudel, Louis xvi , le Congrès américain et le Canada, 1774–1789 ; Lanctôt, Le Canada et la Révolution américaine ; Lawson, The Imperial Challenges ; Monette, Rendez-vous manqué avec la révolution américaine. Sur l’influence de la Révolution américaine sur les rébellions, voir Harvey, Importing the Revolution. Cette thèse a été publiée sous le titre de Le Printemps de l’Amérique française. Sur les répercussions de la Révolution française sur le Canada, voir Galarneau, La France devant l’opinion canadienne (1789–1815) ; Boulle et Lebrun, dir., Le Canada et la Révolution française ; Grenon, dir., L’image de la Révolution française au Québec 1789–1989 ; Simard, dir., La Révolution française au Canada français. Pour les loyalistes, voir Condon, The Envy of the American States ; Brown et Senior, Victorious in Defeat ; Moore, The Loyalists ; Stewart, True Blue ; MacKinnon, This Unfriendly Soil ; Errington, The Lion, the Eagle, and Upper Canada. Sur la construction d’un mythe loyaliste, voir Knowles, Inventing the Loyalists. Milobar, « The Origins of British-Quebec Merchant Ideology », 364–390. Stewart, The Origins of Canadian Politics ; Ajzenstat et Smith, « LiberalRepublicanism : The Revisionist Picture of Canada’s Founding », dans Ajzenstat et Smith, dir., Canada’s Origins, 1–18. Voir aussi Ajzenstat, The Once and Future Canadian Democracy ; idem, The Canadian Founding : Locke and Parliament. Harvey, Importing the Revolution ; idem, « Le mouvement patriote comme projet de rupture (1805–1837) », dans Bouchard et Lamonde, dir., Québécois et Américains, 89–112 ; idem, « The First Distinct
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Society : French Canada, America and the Constitution of 1791 », dans Ajzenstat et Smith dir., Canada’s Origins, 79–108 ; Greer, The Patriots and the People. Kelly a aussi utilisé une grille d’analyse analogue dans Les fins du Canada selon Macdonald, Laurier, Mackenzie King et Trudeau. Néanmoins, cette fois, il a reconceptualisé la théorie de Pocock dans les termes du xix e siècle en construisant un cadre d’analyse où s’affrontent les visions d’Alexander Hamilton (héritier du courant Court) et de Thomas Jefferson (héritier du courant Country). Kelly a alors expliqué que les fondements des mœurs politiques canadiennes reposent sur une compréhension hamiltonienne de la politique, contrairement à l’approche jeffersonienne adoptée dans la république américaine au xix e siècle. Bailyn, The Ideological Origins of the American Revolution. Kramnick a critiqué la mise à l’écart de Locke par les historiens du monde atlantique dans « Republican Revisionism Revisited », 629–664. Il l’a ensuite réintégré dans l’histoire du xviii e siècle dans son ouvrage intitulé Republicanism and Bourgeois Radicalism. Appleby a critiqué l’opposition entre libéralisme lockéen et républicanisme dans Liberalism and Republicanism in the Historical Imagination. Banning a cru bon de spécifier que le républicanisme et le libéralisme ne s’opposaient pas au xviii e siècle dans « Jeffersonan Ideology Revisited », 3–19. Il a même présenté James Madison comme un libéral et un républician dans The Sacred Fire of Liberty. Gordon Wood s’est finalement dit d’accord avec Banning dans « Ideology and the Origins of Liberal America », 634. Sullivan, Machiavelli, Hobbes, and the Formation of a Liberal Republicanism in England ; Rahe, dir., Machiavelli’s Liberal Republican Legacy. Pangle, The Spirit of Modern Republicanism ; Rahe, Republics Ancients and Modern ; Yarbrough. American Virtues. Même M.N.S. Sellers a reconnu, en 1998, que le républicanisme américain, même s’il avait des racines antiques, n’en était pas moins compatible avec le libéralisme : sur les racines antiques du républicanisme américain, voir American Republicanism. Sur le fait que ce républicanisme était compatible avec le libéralisme, voir aussi Sellers, The Sacred Fire of Liberty. Hulliung Citizens and Citoyens ; Ward, The Politics of Liberty in England and Revolutionary America, 325–425. De son côté, Eric Foner n’a même pas cru nécessaire de faire, dans son ouvrage The Story of Freedom, de distinction entre libéralisme et républicanisme. Il est à noter que certains autres historiens continuent de faire du libéralisme l’idéologie à la base de l’expérience anglo-américaine. Voir par exemple Lerner,
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The Thinking Revolutionary ; Webking, The American Revolution and the Politics of Liberty. Sur cette question, voir Braud, Sociologie politique, 94–199. Fecteau, « Lendemains de défaite : les Rébellions comme histoire et mémoire », 28. Voir à ce sujet Thompson, The Making of the English Working Class. Sur la continuité de la vie politique anglaise de 1660–1832, voir Clark, English Society, 1688–1832. Par exemple, Paul Hoffmann présente différents modèles concernant différentes facettes de la liberté (concept médical, la question du librearbitre, les différents modèles politiques, la liberté morale) : Théories et modèles de la liberté au XVIII e siècle. De son côté, David Miller présente, dans Liberty, l’ouvrage collectif qu’il a dirigé, trois concepts distincts de liberté : républicain, libéral, idéaliste. Sur le concept médiéval de liberté, voir David Harris Sacks, « Parliament, Liberty, and the Commonweal », dans Hexter, dir., Parliament and Liberty, 93–94 ; Harding, « Political Liberty in the Middle Ages », 423– 443 ; Bayley, « The Idea of Liberty in the Middle Ages », 1–10 ; Carlyle, Political Liberty, 1–22. Plus généralement, voir Davis, dir., The Origins of Modern Freedom in the West. Reid, The Concept of Liberty in the Age of the American Revolution. Pour une histoire téléologique de la liberté occidentale, traitée comme ayant une définition plus ou moins unique, incluant des droits civils et politiques, voir Grayling, Toward the Light of Liberty. Hobbes, The Leviathan, ii, 21 (262–268). De Lolme, Constitution, ii, v–ix (169–191) ; Rousseau, « Considérations sur le gouvernement de la Pologne » dans Œuvres complètes, 3 : 958, 959 ; Staël, Des circonstances actuelles qui peuvent terminer la Révolution, 109–112, 243 ; Montesquieu, Esprit, ii–viii (1 : 131–261). Constant, « De la liberté des anciens comparée à celle des modernes » dans Écrits politiques, 589–619. Ibid., 603. Ibid., 594. Ibid., 593. Ibid., 602. Berlin, Two Concepts of Liberty. Sur le débat philosophique entre liberté négative et liberté positive, voir Ryan, dir., The Idea of Freedom ; Skinner, « The Idea of Negative Liberty : Philosophical and Historical Perspectives », dans Rorty, Schneewind et Skinner, dir., Philosophy in History, 193–221 ; Taylor,
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« What’s Wrong with Negative Liberty », dans Taylor, Philosophy and the Human Sciences, 2 : 213 ; Pettit, Républicanisme. 45 Pour l’opposition entre les anglomanes et les américanistes, voir Appleby, « The American Model for the French Revolutionary », dans Liberalism and Republicanism in the Historical Imagination, 232–52. Frances Acomb parle plutôt de l’opposition entre les libéraux anglophiles et les libéraux anglophobes (soit les républicains et les physiocrates) dans Anglophobia in France, 1763–1789, 30–42. Sur l’anglomanie en France, voir aussi Grieder, Anglomania in France, 1740–1789, 7–31 ; Egret, La Révolution des notables. Si Gordon Wood croit que l’opposition entre les républicains et les fédéralistes prend fin avec l’avènement de la constitution de 1787, la victoire du fédéralisme et la disparition du républicanisme classique (The Creation of the American Republic, 606– 618), d’autres auteurs considèrent que l’opposition entre les républicains (jeffersoniens) et les fédéralistes (hamiltoniens) perdure durant toute la décennie 1790 et même au-delà (voir, à ce sujet, Pocock, The Machiavellian Moment, 526–545 ; Banning, The Jeffersonian Persuasion ; idem, Conceived in Liberty ; Elkins et McKitrick, The Age of Federalism ; Buel jr., Securing the Revolution ; Cunningham, Jefferson vs. Hamilton.). 46 Le cas de Locke est particulier. Dans son Second Treatise on Civil Government, il défend à la fois les droits naturels des individus et la représentation (participation à la vie politique). Cette ambiguïté permet aux tenants de la liberté républicaine, comme à ceux de la liberté moderne, d’en appeler de son autorité dans la seconde moitié du xviii e siècle. Toutefois, Locke peut être considéré comme le fondateur de la liberté moderne, car son argumentation se fait autour des droits naturels inaliénables des individus en lieu et place de la participation populaire et de la souveraineté du peuple. D’ailleurs, l’argumentation de Locke ne contient aucune réflexion sur la question de la souveraineté. Comme le dit Jean Terrel, « Locke développe sa théorie de la loi naturelle et du contrat en faisant l’économie de la souveraineté » : Les théories du pacte social, 234. Or, la souveraineté du peuple est l’élément fondamental dans l’organisation d’une république. 47 Avant le milieu des années 1770, les physiocrates partageaient les principes de la liberté moderne, en ce qu’ils voulaient encourager le développement économique dans un cadre libre, sans que cette « liberté » n’implique nécessairement la participation des sujets à la vie politique. D’une manière générale, ils se méfiaient de la souveraineté populaire avant le milieu de la décennie. Toutefois, avec le renvoi de Turgot de son poste de contrôleur-général des finances en 1776 par Louis xvi et le
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succès de la Révolution américaine, plusieurs physiocrates dont Turgot, Dupont de Nemours et Condorcet en sont venus à adopter le concept républicain de la liberté. Voir Acomb, Anglophobia in France, 1763– 1789, 42–50, 89–123. Cette notion d’égalité est à la base de la « Conspiration des égaux » de 1796 en France. Cette conspiration visait à renverser le Directoire, à réinstaurer la constitution de 1793 et à abolir la propriété privée. Avec la Révolution industrielle, cette idée d’égalité donne naissance au socialisme. Priestley, « An Essay on the First Principles of Government », i, ii, dans Political Writings, 25. Rousseau, « Projet de Constitution pour la Corse », dans Œuvres complètes, 3 : 931. Rousseau veut aussi limiter la circulation des espèces, sans nécessairement l’éliminer complètement : Rousseau, « Considérations sur le gouvernement de Pologne » xi, dans Œuvres complètes, 3 : 1007–8. Jaucourt, « Égalité naturelle », dans L’Encyclopédie, 2 : 30. Sur la représentativité de cette définition, voir Delaporte, « Idée d’égalité, thème et mythe de l’âge d’or en France au xviii e siècle », 118. Pour une bonne réflexion sur la question, voir Chisick, « The Ambivalence of the Idea of Equality in the French Enlightenment », 215–223. Chez Locke, les droits naturels des individus se définissent comme le droit à la vie, à la liberté, à l’égalité, à la propriété et à la sécurité. Un siècle plus tard, Blackstone explique que « the first and primary end of human laws is to maintain and regulate these absolute rights of individuals ». Il ramène le nombre de droits naturels à trois. Il les résume aux droits à la sécurité, à la liberté et à la propriété : Blackstone, Commentaries, i, 1 ( 1 : 120). Dans le premier article des Federalist Papers, Alexander Hamilton écrit vouloir analyser la nouvelle constitution dans le but d’y découvrir, entre autres, « the additional security which its adoption will afford to the preservation of that species of government, to liberty, and to property » : Federalist Papers No 1, 36. Smith, Inquiry, i, x, 2 : 55. Voir aussi Locke, « Second Treatise of Government » v, 45, dans Political Writings, 283 ; Blackstone, Commentaries, i, 1 (1 : 134). Blackstone, Commentaries, i, 1 (1 : 125) ; Smith, Inquiry, V, i, 2 : 321. Montesquieu, Esprit, xi, vi (1 : 294). Phrase copiée par Jaucourt, « Liberté politique », 2 : 212 et reformulée par De Lolme, Constitution, i, xii : 123. Montesquieu, Esprit, xii, ii (1 : 328). Voir aussi Russell, An Essay on the History of the English Government, 116.
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57 Rousseau, « Considérations sur le gouvernement de Pologne », xi, dans Œuvres complètes 3 : 1005. Considérant la constitution polonaise, Rousseau convie les Polonais à « un autre bonheur que celui de la fortune [...] » : Ibid., iii, 3 : 962. 58 Robespierre, « Discours sur les subsistances » prononcé à la Convention le 2 décembre 1792, dans Œuvres, 87. 59 Priestley, « An Essay on the First Principles of Government », iii, dans Political Writings, 31. 60 Sur la question de la souveraineté en général, voir Mairet, Le principe de souveraineté ; Hoffman, Sovereignty ; Philpott, Revolutions in Sovereignty ; Cazzanigo et Zarka, dir., Penser la souveraineté. Sur la question de la souveraineté comprise comme la division des pouvoirs entre les États et le gouvernement fédéral aux États-Unis, voir Kammen, Sovereignty and Liberty. 61 Sur la souveraineté du peuple, voir David, La souveraineté du peuple. 62 Rousseau, Contrat social (1762) i, vi : 76. 63 Par exemple, Robespierre affirme que « les gouvernements, quels qu’ils soient, sont établis par le peuple et pour le peuple » : « Discours » prononcé à l’Assemblée nationale en octobre 1789, dans Œuvres, 20. Sur la souveraineté populaire et l’idée de la volonté générale, voir Thomas Paine, Rights of Man, 103, 114 ; Price, « Observation on the Nature of Civil Liberty », i, ii, dans Political Writings, 23–24, 28–29. 64 Il est difficile de définir la nature exacte du peuple républicain puisqu’il est essentiellement la réification d’une idée. C’est plus qu’une abstraction ou un concept. Ce n’est pas non plus une représentation. Il ne peut pas donner « à voir une absence » puisque le peuple ne représente rien : il est. Inversement, il ne peut pas non plus être « l’exhibition d’une présence » puisqu’il est lui-même toujours absent. Dans le monde politique, ce sont les « députés » qui représentent le peuple, qui « exhibent sa présence ». [Sur la représentation, voir Chartier, « Le monde comme représentation », dans Au bord de la falaise, 67–86 (79 pour les citations)]. Dorland et Charland parlent d’une réalité métaphysique lorsqu’ils abordent la source de la légitimité de l’État dans Law, Rhetoric and Irony in the Formation of Canadian Civil Culture, 146–147. En ce sens, nous pouvons affirmer que le peuple est le principe métaphysique qui donne sens au républicanisme. Toutefois, nous préférons utiliser le mot fiction (dans son sens juridique) plutôt que métaphysique (avec sa notion ontologique). En droit, une fiction est un « artifice de technique juridique [...] consistant à “faire comme si”, à supposer un fait contraire à la réalité
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en vue de produire un effet de droit » : Cornu, Vocabulaire juridique, 382. Le peuple est une fiction qui sert à légitimer l’État républicain. Morgan, The Rise of Popular Sovereignty in England and in America, 13. Rousseau, Contrat social, ii, iii : 95. Price, « Additional Observation on the Nature and Value of Civil Liberty, and the War with America », i, dans Political Writings, 78–9. Rousseau, « Considérations sur le gouvernement de Pologne », vii, dans Œuvres complètes, 3 : 979. Il existe une exception à ce principe de la représentation. Puisque les députés élus aux États généraux en 1789 n’avaient pas reçu le mandat de donner une nouvelle constitution à la France, ils ne pouvaient justifier la création de l’Assemblée nationale en se servant de la conception républicaine de la représentation. Ils ont plutôt fait appel au concept de représentation inhérent à la liberté moderne. Bailyn, The Ideological Origins of the American Revolution, 169–175. Le texte de la séance de la flagellation est reproduit dans Flammermont et Tourneux, dir., Remontrances du Parlement de Paris au xviii e siècle, 2 : 554–560 (557 pour la citation). Rousseau, Contrat social, ii, vi : 106. Cette définition est plus intéressante que celle de Laurence Cornu qui soutient que le républicanisme ne peut exister que dans une république sans roi : Une autre république 1791. Voir, par exemple, Harrington, « Oceana », dans The Commonwealth of Oceana and A System of Politics, 25. Sur le gouvernement mixte et les républicains anglais du xvii e siècle, voir Fink, The Classical Republicans ; Richard, The Founders and the Classics, chapitre 5. Sur le gouvernement mixte dans l’œuvre de Rousseau, voir Rousseau, Du Contrat social, iii, iv–viii : 140–150 ; Cranston, « Jean-Jacques Rousseau and the Fusion of Democratic Sovereignty with Aristocratic Government », 417–426. Sur le gouvernement mixte et les rebelles américains, voir Wood, The Creation of the American Republic, 1776-1789, 197–255. Sur cette identification du gouvernement mixte avec le républicanisme, voir aussi Smith, The Republican Option in Canada, 38. Sur le cas français, voir Ran Halévi, « La république monarchique », dans Furet et Ozouf, dir., Le siècle de l’avènement républicain, 166–196 ; Furet et Halevi, La monarchie républicaine. Montesquieu, Esprit, xi, iv (1 : 293). Locke, « Second Treatise on Civil Government », vi, 57, dans Political Writings, 289 ; cité dans Blackstone, Commentaries, i, 1 (1 : 122). Dans le cas américain, Hamilton défend le rôle de la Cour suprême comme gardienne de la constitution contre les abus possibles du pouvoir législatif : Federalist Papers No 78, 466–471.
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77 Burke, « Speech at the Conclusion of the Poll, 3 November 1774 », dans The Writings and Speeches of Edmund Burke, 3 : 68–9. Voir aussi Burke, Reflections on the Revolution in France, 297, 304 ; De Lolme, Constitution, i, iv : 53. 78 Price, « Additional Observation on the Nature and Value of Civil Liberty, and the War with America », i, dans Political Writings, 77. 79 Paine, Rights of Man, 33. 80 Pour les physiocrates, voir La Rivière, « L’ordre naturel et essentiel des sociétés politiques » dans Physiocrates, 463 ; De Lolme, Constitution, i, ix : 79 ; Gay, The Party of Humanity, 91 ; Hazard, La pensée européenne au xviii e siècle, 327–329. 81 De Djin, « Aristocratic Liberalism in Post-Revolutionary France », 661–681. 82 Constant, « De la liberté des anciens comparée à celle des modernes », dans Écrits politiques, 613, 612, 617, 618. 83 C’est la place accordée à la liberté dans le cadre du libéralisme et du conservatisme anglo-américain au xix e siècle qui différencie chacune des idéologies. Les libéraux feront de cette liberté le cœur de leur idéologie alors que les conservateurs la soumettront à la prescription et au respect de l’ordre social. 84 D’ailleurs, les parlementaires eux-mêmes n’ont jamais reconnu avoir fait une révolution en 1688. Selon la version officielle, c’est James ii qui a fui. C’est la vacance du trône qui a forcé le Parlement a appelé William et Mary à venir régner sur l’Angleterre. Voir le Bill of Rights (1689). 85 Pour une analyse de la Glorieuse Révolution et de la liberté à la base de cette révolution, voir Jones, dir., Liberty Secured ? La différence fondamentale entre le règlement des révolutions de 1688 et de 1776 au plan politique a bien été mise en lumière par John M. Murrin, « Great Inversion, or Court versus Country : A Comparison of the Revolution Settlement in England (1688–1721) and America (1776–1816) », dans Pocock, dir., Three British Revolutions, 368–453.
chapitre deux 1 Sur le développement du livre et de l’imprimé en Amérique du Nord britannique, voir Fleming, Gallichan et Lamonde, dir., Histoire du livre et de l’imprimé au Canada, vol.1 ; Hare et Wallot, « Les entreprises d’imprimerie et d’édition en Amérique du Nord britannique, 1751–1840 », 307–344.
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2 Hare, La pensée socio-politique au Québec 1784–1812, 19–28 ; Wallot, « Frontière ou fragment du système atlantique », 3–14. 3 Une bonne étude de l’influence de la Révolution américaine sur la province de Québec reste à être écrite. Pour une histoire diplomatique, voir Trudel, Louis xvi , le Congrès américain et le Canada, 1774–1789. Pour une histoire plus factuelle, voir Lanctôt, Le Canada et la Révolution américaine. 4 Voir Journals of the Continental Congress 1774–1789, 1 : 105–113 (adresse de 1774) ; 2 : 68–70 (adresse de 1775) ; 4 : 85–86 (adresse de 1776). Ces adresses sont quelque peu ambiguës en ce qui concerne la conception de la liberté qui les justifie. C’est parfaitement normal puisqu’elles précèdent la Déclaration d’indépendance. Les trois lettres sont donc écrites avant que l’idée de l’indépendance ne s’impose au Congrès comme la seule alternative. Il est clair, à leur lecture, que la transition de la conception moderne de la liberté (qui existe dans le cadre colonial) à la conception républicaine, qui va justifier l’indépendance, n’est pas totalement achevée. Ainsi, l’adresse de 1774 cite deux passages de Montesquieu. Le premier affirme que « in a free state, every man, who is supposed a free agent, ought to be concerned in his own government : Therefore, the legislative should reside in the whole body of the people, or their representatives » (110). Cette idée ressemble à la définition de la liberté républicaine, quoique Montesquieu ait été un défenseur de la liberté moderne. Le Congrès ajoute ensuite une définition typiquement moderne de la liberté : « The political liberty of the subject is a tranquillity of mind, arising from the opinion each person has of his safety » (110). Toutefois, malgré leur ambiguïté, ces adresses amènent graduellement les sujets canadiens vers la conception républicaine de la liberté puisqu’elles mettent l’accent d’abord et avant tout sur le droit des sujets de participer à la législation : « the first grand right, is that of the people having a share in their own government by their representatives chosen by themselves [...] » (107). Ensuite seulement viennent le droit d’avoir un procès devant jury, l’habeas corpus et la liberté de la presse (107–108). 5 Les éléments biographiques concernant la vie de Mesplet proviennent de Lagrave, Fleury Mesplet (1734–1794). 6 Sur la Gazette littéraire de Montréal, voir Nova Doyon, « Valentin Jautard, un critique littéraire à la Gazette littéraire de Montréal (1778– 1779) », dans Andrès et Bernier dir., Portrait des arts, des lettres et de l’éloquence au Québec (1760–1840), 101–108. 7 Sur l’appréciation des Canadiens de la Révolution entre 1789 et 1792, voir Galarneau, La France devant l’opinion canadienne, 105–139.
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Notes des pages 49−53
8 Pour Franklin, voir Gazette de Montréal, les 13 octobre 1786, 10 novembre 1786, 29 décembre 1786, 3 juin 1790 et 30 septembre 1790 ; pour Paine, voir le 8 septembre 1791 ; pour l’abbé de Mably, voir les 6 octobre 1786 et 1er septembre 1791 ; pour Price, voir le 17 novembre 1791 ; pour Priestley, voir le 13 octobre 1791 ; pour Sièyes, voir le 20 octobre 1791. 9 Pour le texte de Paine, voir les 1er et 8 décembre 1791 ; pour les textes contre Burke, voir Gazette de Montréal, les 20 janvier 1790 et 24 février 1790. 10 Gazette de Montréal, le 26 janvier 1792. 11 Voir la Gazette de Montréal, le 1er janvier 1789. Sidney signe un autre texte le 22 janvier 1789. Pour l’œuvre d’Algernon Sidney, voir Discourses Concerning Government. 12 L’appel de Genêt est reproduit dans Brunet, « La Révolution française sur les rives du St-Laurent », 158–162. 13 Wade cite le mémoire dans « Quebec and the French Revolution of 1789 », 349–351. 14 Wallot, « En guise de conclusion », 433. 15 Il faut noter que la campagne pour obtenir l’abrogation de l’Acte de Québec débute dès novembre 1774 alors que les commerçants envoient, à cette fin, des pétitions au roi et aux deux Chambres du Parlement. Selon eux, la nouvelle loi constitue une menace à la propriété, à leur sécurité et à leur commerce, d’autant plus qu’elle signifie l’abolition de l’habeas corpus et des procès devant jury. Voir Documents concernant l’histoire constitutionnelle, 1759–1791, 1 : 392–396. 16 Voir la pétition de Sir John Johnson et des loyalistes, datée du 11 avril 1785, et celle des loyalistes de l’Ouest, datée du 15 avril 1787, reproduites dans Ibid., 1 : 500–502, 619–620. 17 Le mouvement reçoit l’aval des Britanniques faisant du commerce avec le Québec dès 1774. Voir leurs mémoires de 1774, de 1786 et de 1788 dans Ibid., 1 : 337–338, 517–520, 621. 18 Pierre Tousignant a démontré que les Canadiens français n’étaient pas absents du mouvement en faveur de l’octroi des institutions représentatives, mais il n’y avait certainement pas unanimité sur la question : La genèse et l’avènement de la constitution de 1791, chapitre 6. 19 Petitions from the Old and the New Subjects. 20 Calvet, Appel à la justice de l’État, 143–321. 21 Cruikshank, « The Genesis of the Canada Act », 179. 22 Knowles, Inventing the Loyalists, 18.
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23 Outre les pétitions, requêtes et mémoires déjà mentionnés, voir la lettre des marchands de Montréal du 2 novembre 1785 et la lettre des marchands de Québec du 9 novembre 1785, reproduites dans Documents concernant l’histoire constitutionnelle, 1759–1791, 1 : 520–521, 522– 523, ainsi que le « Mémoire et Requête des Sousignés Marchands & Citoyens des villes de Québec et de Montréal, tant en leurs Noms qu’aux Noms de leurs Constituants » reproduit dans la Gazette de Montréal, le 18 décembre 1788. Si certains opposants à la création d’une Chambre d’Assemblée basent leur refus sur des arguments qui n’ont rien à voir avec la liberté, certains défendent cette position à partir de la rhétorique de la liberté moderne. C’est parfaitement normal puisque la participation au pouvoir n’est pas, pour les modernes, la liberté ellemême. Elle constitue une liberté parmi d’autres (et parfois ne représente rien). Ainsi, « A Citizen of Quebec » s’oppose à l’octroi d’une Assemblée, en disant d’abord que les sujets de la province ne vivent pas sous un régime oppressif. Ensuite, il ajoute que si une Assemblée était octroyée, elle serait à l’avantage des Anglais qui ont des liens avec la métropole. Enfin, il soutient que les Canadiens jouissent déjà de toute la liberté possible. D’une part, l’Acte de Québec leur assure « their religion, liberties and laws. » D’autre part, « the people of Canada are in fact well satisfied with the present form of government ; their personal liberty is secured to them by an Ordinance [...] which gives them the benefit of the Writ of Habeas Corpus [...] ; their property is protected by laws, usages, and customs of Canada, to which, by long experience of their fitnesss for their country, they are strongly attached. Their laws are by no means unfavorable to commerce[...] » : A Citizen of Quebec, Observations on a Pamphlet Entitled A State of the Present Form of Government of the Province of Quebec, 12, 16. 24 Price, « A Discourse on the Love of Our Country », dans Political Writings, 190. 25 Galarneau, La France devant l’opinion canadienne, 335. 26 F. Murray Greenwood considérait également que c’est le républicanisme américain qui est la menace réelle, selon les hommes d’État de la Grande-Bretagne, et non la Révolution française : Legacies of Fear, 61–62. 27 Brun, La formation des institutions parlementaires québécoises 1791– 1838, 12–14. Remarquez que les deux premiers projets sont antérieurs à la Révolution française. L’adoption de l’Acte constitutionnel ne peut donc en être tributaire.
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Notes des pages 55−65
28 En fait, le départ de Burke est le premier désistement important qui affecte l’opposition whig à la suite de la Révolution française. Il y en aura d’autres. L’importante section du parti dirigée par lord Portland se rallie au gouvernement en 1794. 29 The Parliamentary Register, 29 : 352–353. 30 Ibid., 388. 31 Ibid., 382. 32 Ibid., 319. 33 Ibid., 337. 34 Ibid., 332. 35 Ibid., 334. 36 Ibid., 392–393. En ce qui concerne les institutions politiques, « Mr. Fox declared he had no difficulty to admit that his principles were so far republican, that he wished rather to give the Crown less power and the People more, where it should be done with safety, in every government old or new » : Ibid., 403. 37 Ibid., 389. 38 Ibid., 403. 39 Sur le système politique colonial, voir Buckner, The Transition to Responsible Government, chapitre 2. 40 jhauc, 1792, 18. 41 The Parliamentary Register, 29 : 380, 393–394. 42 Ibid., 381. 43 31 Geo. iii c.31 (R.-U.) Articles vi-x. 44 Hare, Aux origines du parlementarisme québécois 1791–1793, 46, 131. 45 Solon, « Pour accompagner la nouvelle constitution », Gazette de Montréal, le 15 mars 1792 (reprise de la Gazette de Québec, le 8 mars 1792). 46 Les trois citations font partie de l’article suivant intitulé « Les droits dont jouissent les hommes », Gazette de Montréal, le 22 mars 1792 (repris de la Gazette de Québec, le 15 mars 1792.) 47 Solon, « Pour accompagner », Gazette de Montréal, le 15 mars 1792. 48 Solon, « Les droits », Gazette de Montréal, le 22 mars 1792. 49 Mézière cité dans Lagrave, Fleury Mesplet, p. 406 50 Voir Wallot, « Révolution et réformisme dans le Bas-Canada (1773– 1815) », 73. 51 jcabc, 1792, 55. 52 Un bon exemple de ce débat, sur qui mérite d’être député, se trouve dans la brochure Dialogue sur l’Intérêt du Jour, entre plusieurs Candidats et
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un Électeur libre et indépendans de la Cité de Québec. Voir la compilation de sources de cette nature faite par Hare, Aux origines, 150–192. Pour la répression au Bas-Canada à cette époque, voir Greenwood, Legacies of Fear. Baby, Un Canadien et sa femme. Sur l’attitude des élites canadiennes envers la Révolution française, voir Galarneau, La France devant l’opinion canadienne. Wallot n’est pas contre l’interprétation de Galarneau, mais il lui ajoute une perspective populaire : « Révolution et réformisme », 362–373. Sur l’influence de la Révolution française sur le Bas-Canada, voir aussi Boulle et Lebrun, dir., Le Canada et la Révolution française ; Grenon, dir., L’image de la Révolution française au Québec 1789–1989 ; Simard, dir., La Révolution française au Canada français. Sur cette question, voir l’excellent ouvrage de Errington, The Lion, the Eagle, and Upper Canada, 20–54. Il faut noter ici que les influences américaines ne sont pas nécessairement républicaines puisque les fédéralistes et les whigs partagent la conception moderne de la liberté.
chapitre trois 1 Pour le débat entourant la question de la taxation, voir Wallot, « La querelle des prisons dans le Bas-Canada (1805–1807) », dans Un Québec qui bougeait, 47–105. 2 Harvey, Le Printemps de l’Amérique française, chapitres 2–3. 3 Le Canadien, le 10 mars 1810. 4 C’est sur cette division inspirée de l’Antiquité que le système politique anglais est fondé. En France, la division entre les trois ordres de l’Ancien Régime est plutôt basée sur la conception médiévale séparant le clergé, la noblesse et le tiers-état. 5 Le Canadien, le 21 mai 1808. 6 Le Canadien, le 7 mai 1808. 7 Le Canadien, le 7 mai 1808. 8 Le Canadien, le 16 mai 1807. 9 Le Canadien, le 7 mai 1808. 10 Smith, Inquiry, v, i, 2 : 321. 11 John A. Macdonald, cité dans Documents on the Confederation of British North America, 98. 12 Pour l’influence des penseurs britanniques sur Bédard, voir aussi Smith, « Le Canadien and the British Constitution, 1806–1810 » : 93–108.
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Notes des pages 71−79
13 Le Canadien, le 7 mai 1808. 14 Pour Blackstone, voir Le Canadien, les 25 juin et 2 juillet 1808, les 3 juin, 24 juin , 29 juillet et 23 septembre 1809 ; pour De Lolme, voir les 25 juin, 2 juillet, 9 juillet, 16 juillet et 23 juillet 1808 ; pour Locke, voir le 3 juin 1809. Le journal fait aussi mention du Bill of Rights (1689) et des lettres de Junius (1769–1772) sur la liberté de la presse. 15 Pour l’annonce de la mort de Fox, voir Le Canadien, le 22 novembre 1806. Le Canadien publie aussi la biographie de Fox, les 25 avril 1807 et 30 juillet 1808. 16 De Lolme, Constitution, 1, vi : 66–67. 17 Blackstone, Commentaries, iv, 19 (4 : 257–259) ; De Lolme, Constitution, 1, viii : 77–78. 18 Sur cette question, voir aussi Ajzenstat, « Canada’s First Constitution », 43–49. 19 Blackstone, Commentaries, i, 7 (1 : 232). 20 Pour une description des pouvoirs relevant de la prérogative royale, voir Ibid., i, 7 (1 : 245–270) ; De Lolme, Constitution, i, v : 61–63. 21 Blackstone, Commentaries, i, 7 (1 : 239). 22 Ibid., 237. De Lolme et Montesquieu soutiennent la même chose : De Lolme, Constitution, i, 8 : 76 ; Montesquieu, Esprit, xi, 6 (1 : 300). 23 Pierre Bédard, Le Canadien, le 25 juin 1808. 24 A. B., Le Canadien, 31 janvier 1807. 25 A. B., Le Canadien, 31 janvier 1807. 26 Pierre Bédard, Le Canadien, le 24 janvier 1807. 27 Le Canadien, le 10 mars 1810. 28 Selon Helen Taft Manning, Fernand Ouellet et John Finlay, le Mémoire serait l’œuvre de Bédard [Manning, The Revolt of French Canada, 70 ; Ouellet, Le Bas-Canada, 135 ; Finlay, « The State of a Reputation » : 72–74]. Si tel est le cas, force est de constater que sa demande est alors beaucoup moins importante qu’elle ne l’était en 1807–1810. De son côté, Janet Ajzenstat soutient plutôt que c’est François Blanchet et J.T. Taschereau qui en seraient les auteurs : Ajzenstat, « Canada’s First Constitution », 40–41. 29 « Mémoire au soutien de la requête des habitans du Bas-Canada, à son Altesse Royale le Prince Régent » dans Documents of the Canadian Constitution 1759–1915, 282–283. 30 Ibid., 283–284. 31 Ibid., 285. 32 Notre interprétation ressemble à celle de Ajzenstat dans « Canada’s First Constitution », 49–51.
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33 Sur l’historique du journal et de ses propriétaires, ses imprimeurs et ses rédacteurs, voir Reid, « L’émergence du nationalisme canadien-français », 13–14. 34 Le Canadien, les 2, 9, 16, 23 juillet 1808, les 15 août, 5 et 12 septembre 1818. 35 Les deux textes sont initialement parus dans Le Canadien, le 31 janvier et le 16 mai 1807. Ils sont à nouveau publiés les 10 et 17 février 1819. 36. Le Canadien, le 6 août 1831. 37 Le Canadien, le 29 juillet 1835. 38 Le Canadien, le 7 novembre 1832. Sur la demande de la responsabilité, voir entre autres Le Canadien, les 25 février 1835, 12 février, 2 mai et 23 mai 1836. 39 Voir Le Canadien, les 18 et 30 novembre 1835. 40 Pour Parent, voir Jean-Charles Falardeau, « Parent, Étienne », dbc, vol. x : 633–641. 41 François Blanchet, cité dans Le Canadien, le 3 mars 1819. 42 Voir Le Canadien, le 7 février 1821. Le Conseil exécutif, qui remplit aussi la fonction de cour d’appel de la province, sera ultérieurement désigné comme l’instance responsable des destitutions. Cette décision ne satisfera jamais les réformistes. La question de la mise sur pied d’un vrai tribunal en destitution ne sera jamais vraiment réglée avant l’Union. 43 jcabc, 1821–1822, 137. 44 Durant la décennie 1830, la question de la destitution des haut-fonctionnaires refait surface. En 1831, l’Assemblée entame des procédures contre le procureur-général James Stuart. Ce dernier est destitué l’année suivante par le ministre responsable des colonies, lord Goderich. Ironiquement, c’est ce même James Stuart qui avait dirigé le Parti canadien dans ses démarches pour obtenir la destitution des juges Sewell et Monk en 1814. Quoi qu’il en soit, la question de la destitution ne constitue plus après 1818 le véritable fer de lance du mouvement de réforme bas-canadien. Dans la décennie 1830, ce sont les constitutionnels qui demandent la mise sur pied d’un tribunal en destitution, afin d’éviter d’être les « victimes » de la colère de l’Assemblée patriote, surtout après le massacre de mai 1832 où les troupes britanniques tirent sur une foule d’électeurs à Montréal. 45 jcabc, 1818, 8. 46 jcabc, 1810, 135–136 (pour l’adresse au roi). 47 Le Canadien, le 21 avril 1819. 48 Le Canadien, le 19 janvier 1820. 49 Le Canadien, le 8 octobre 1823.
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Blanchet, Appel au Parlement impérial, 2, 20. Texte d’un correspondant signé D, Le Canadien, le 8 mars 1820. jcabc, 1820–1821, 44. La demande est conforme à la pratique métropolitaine : voir De Lolme, Constitution, 1, vi : 68. jcabc, 1820- 1821, 118. Témoignage de John Neilson dans bpp-c-c, vol. 1, 74–76. Bédard, Le Canadien, 4 novembre 1809 ; Papineau, « France et Angleterre. Discours électoral, 1er juillet 1820 » reproduit dans Un demisiècle de combats, 42–45. Pour les députés, la participation au processus législatif est un droit parmi d’autres. Dans une adresse au roi, datée du 17 février 1824, l’Assemblée se déclare satisfaite des avantages que le règne de George iii a apportés aux Canadiens et mentionne que parmi eux, « aucun n’est plus hautement apprécié par les Sujets de Votre Majesté en cette Province, que la Constitution du Gouvernement qui leur a été accordée par un Acte du Parlement [...] qui leur permet d’aviser et consentir aux Lois qui pourront être jugées nécessaires pour la paix, le bien-être et le bon gouvernement de cette Province, par le moyen de Représentans librement choisis par eux » : jcabc, 1823–1824, 239. « Origine et vices de la Constitution britannique », Le Canadien, le 3 octobre 1821. « Origine », Le Canadien, le 24 octobre 1821. « Origine », Le Canadien, le 10 octobre 1821. Sur la perception de la République américaine dans la colonie, voir la thèse de Harvey, Importing the Revolution, 209–293. Pour Voltaire, voir Le Canadien, le 16 août 1820 ; pour Montesquieu et la constitution anglaise, voir le 13 septembre 1820 ; pour Blackstone, voir le 21 novembre 1821 ; pour Fox, voir le 22 septembre 1824 ; pour Constant, voir le 17 mai 1820 (sur l’exil), le 31 mai 1820 (sur la liberté politique), le 7 juin 1820 (sur le châtiment des agents de l’autorité qui aident aux crimes), le 14 juin 1820 (sur la liberté de la presse), le 26 juillet 1820 (sur la liberté personnelle) ; pour Madame de Staël et la Révolution, voir le 8 novembre 1820. Il faut noter que Le Canadien n’indique jamais la source des ouvrages cités. Il est toutefois très instructif de rechercher leur origine. Le texte de Rousseau portant sur les femmes, publié le 8 mars 1820, provient de la Lettre à d’Alembert sur les spectacles (d’abord paru comme article dans L’Encyclopédie en 1757, puis séparément en 1758). Rousseau y présente certains principes républicains : Lettre à Mr. D’Alembert sur les
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spectacles, 117 (pour la citation dans Le Canadien). Le Canadien publie aussi un texte de Rousseau concernant l’amour de la patrie le 12 mars 1823. Ce texte est tiré du Discours sur l’économie politique (d’abord publié dans L’Encyclopédie en 1755 et séparément en 1758). Il annonce le Contrat social par les principes défendus : voir « Discours sur l’économie politique » dans Œuvres complètes, 3 : 254–255 (pour la citation). Le 10 mai 1820, Le Canadien publie un extrait de Julie ou la nouvelle Héloïse (1761) sur les femmes : voir Julie ou la Nouvelle Héloise, 484– 485. Il reproduit aussi plusieurs extraits de L’Émile ou de l’éducation (1762). Il publie ainsi quatre textes portant sur les femmes, tirés du cinquième livre de L’Émile, publiés les 29 mars et 12 avril 1820 : voir L’Émile ou de l’éducation, 481 (12 avril), 482–483 (29 mars), 512 (29 mars), 535–536 (12 avril). Ce cinquième livre contient un résumé du Contrat social. Le 19 juillet 1820, il publie un extrait du troisième livre de L’Émile, concernant le lever du soleil (215–216). Le 9 août 1820, il publie un court extrait du quatrième livre de L’Émile provenant de la section intitulée « La profession de foi du vicaire savoyard » sur la méchanceté (p. 375). De Lolme, Constitution, 1, vi : 68. Buckner, The Transition to Responsible Government, 112–121 ; Manning, The Revolt of French Canada, 151–170. Voir entre autres la pétition des habitants des cantons de Dunham au Bas-Canada qui sont favorables à l’union (1823) reproduite dans « Report from the Select Committee on the Civil Government of Canada », bpp-c-c, 1 : 323–326 ; voir aussi la pétition des habitants de la cité et du comté de Montréal, datée de décembre 1822 et reproduite dans Le Canadien, le 1 janvier 1823. « Quand on vient à analyser ce nouveau plan de constitution, on s’apperçoit [sic] bien vite de l’impossibilité de la chose, et on voit que c’est un de ces contes fait pour amuser le public » : Le Canadien, le 19 juin 1822. Le Canadien, le 21 août 1822. Voir, par exemple, la pétition publiée dans Le Canadien, le 27 novembre 1822. Robinson, A Letter to the Right Hon. Earl Barthurst, K.C ; Sewell et Robinson, Plan for a Legislative Union of the British Provinces in North America ; John Strachan à Robinson, 1er septembre 1822, John Beverley Robinson Letterbook, cité dans Brode, Sir John Beverley Robinson, 85 ; Strachan, Observations on a “Bill for Uniting the Legislative Councils and Assemblies of the Provinces of Lower Canada and Upper Canada.”
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Notes des pages 91−98
70 Université de Montréal, Collection Baby, document u/9417. 71 La pétition se trouve dans jcabc, 1823, 30. 72 Yvan Lamonde soutient que la conversion finale de Papineau daterait toutefois de 1827 : Lamonde, « Introduction », dans Papineau, Lettres à Julie, 11–12. 73 Sur cette question, voir : Epstein, « The Constitutionalist Idiom », dans Radical Expression, 3–28 ; Wilson, « A Dissident Legacy : Eighteenth Century Popular Politics and the Glorius Revolution », dans Jones, dir., Liberty Secured ?, 299–334 ; Pentland, « Patriotism, Universalism and the Scottish Conventions, 1792–1794 », 340–360. 74 Voir Sonia Chassé, Rita Girard-Wallot et Jean-Pierre Wallot, « Neilson, John », dbc, vii : 698–703. 75 Sur ce premier mouvement d’opposition, voir Clark, Movements of Political Protest, 212–233. 76 Les commentaires anti-écossais des réformistes sont fréquents : voir les lettres que Thorpe adresse à Edward Cooke et à Sir George Shee dans Report on Canadian Archives 1892, 39, 57. Le groupe de « favoris » écossais est parfois mentionné sous le nom de « Storekeeper Aristocracy ». 77 Sur la composition du groupe, voir Patterson, « Whiggery, Nationality, and the Upper Canadian Reform Tradition », 29. 78 Voir Graeme Patterson, « Thorpe, Robert », dbc, vii : 864–865. 79 La correspondance de Thorpe avec les gens du Colonial Office a été publiée dans le Report on Canadian Archives 1892. On y découvre que Thorpe écrit à des gens aussi importants que le secrétaire au Colonial Office et les sous-secrétaires Edward Cooke et Sir George Shee. 80 « Judge Thorpe to Edward Cooke », le 24 janvier 1806, Report on Canadian Archives 1892, 39. 81 « Report says Mr. Scott, the Attorney General, is the Chief Justice ; from what misrepresentation of him or from what pique against me Ld. Castlereagh has done this I know not, but this you will soon know, that he is perfectly unequal to the situation, that the Governor will be dreadfully perplexed by such an appointment, that the Province will be universally dissatisfied with him, and I think you will soon find out that the Province would have been perfectly satisfied had I been appointed [...] » : « Judge Thorpe to Adam Gordon », le 14 juillet 1806, Report on Canadian Archives 1892, 49. 82 « Judge Thorpe to Adam Gordon », le 14 juillet 1806, Report on Canadian Archives 1892, 49.
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83 Selon plusieurs dépositions datant de janvier et février 1807, Joseph Willcocks aurait vanté les mérites du républicanisme lors d’une soirée à la résidence de John Mills Jackson : voir Report on Canadian Archives 1892, 76–80. La présentation que Andrew James Young fait des revendications de Willcocks semble prouver qu’elles étaient plus radicales que celles de Robert Thorpe : American-Upper Canadian’ Contributions to the Development of Early Colonial Political Opposition 1805–1828, 28–64. Sans compter qu’il se joindra aux Américains lors de la Guerre de 1812. 84 Voir, entre autres, la réponse de Thorpe au petit jury de Niagara, une requête que William Willcocks adresse à Thorpe et la réponse de ce dernier, ainsi qu’une lettre de Thorpe à Sir George Shee, dans Report on Canadian Archives 1892, 55, 56 57, p. 101. 85 « Judge Thorpe to Sir George Shee », le 1er décembre 1806, Report on Canadian Archives 1892, 58. 86 La réponse à « Address Grand Grand Jury of the Home District to Judge Thorpe », octobre 1805, Report on Canadian Archives 1892, 65. 87 « Judge Thorpe to Edward Cooke », le 18 septembre 1807, Report on Canadian Archives 1892, 111. 88 Un certain mystère plane toujours à savoir si ces réformistes ont revendiqué une forme de responsabilité ministérielle. Cette demande n’apparaît pas dans les documents publiés dans le Report on Canadian Archives 1892. Toutefois, Graeme Patterson attribue à Robert Thorpe le document intitulé Analysis of the U. Canadian Constitution, or a Brief view of the Rights of Persons in U.C., being an adaptation of the 1st. Book of Blackstone Commentaries to the circumstances of the U. Canadians, document qui fait l’objet d’une analyse en 1829 dans le Upper Canada Herald et qui demande plus ou moins la création d’un ministère provincial. Malheureusement, l’authenticité du texte reste difficile à confirmer. En ce qui nous concerne, peu importe si le texte a été écrit par Thorpe ou non puisqu’il relève clairement (modelé sur l’œuvre de Blackstone) de la liberté moderne. Voir Patterson, « Whiggery », 25–44 ; « Thorpe, Robert », dbc, vii : 865 ; McRae, « An Upper Canada Letter of 1829 », 288–296. 89 Le problème est exposé dans « Alexander Grant, president, to Lord Castlereagh », le 14 mars 1806, Report on Canadian Archives 1892, 32–33. 90 « Address of the Legislative Assembly of Upper Canada », le 1er mars 1806, Report on Canadian Archives 1892, 33.
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91 Voir dans le Report on Canadian Archives 1892 : « Judge Thorpe to Sir George Shee », le 1er décembre 1806, 57 ; « Judge Thorpe to Sir George Shee », le 12 mars 1807, 98 ; « John Mills Jackson to Lord Castlereagh », le 5 septembre, 110 ; « Judge Thorpe to Edwar Cooke », le 18 septembre 1807, 111. 92 jhaup, 1807, 174–175. 93 Craig, Upper Canada, 62. 94 Voir les lettres que Thorpe adresse à Sir George Shee, les 22 octobre 1806 et 1er décembre 1806, dans Report on Canadian Archives 1892, 50, 59. 95 Mills, The Idea of Loyalty in Upper Canada, 1784–1850. 96 Sur la campagne de pétitions de Gourlay, voir Wilton, Popular Politics, 26–27. 97 Ce résumé biographique est tiré de S. F. Wise, « Gourlay, Robert Flemming », dbc, ix : 363–370. Sur Gourlay, voir aussi Milani, Robert Gourlay, Gadfly. 98 Pour la demande d’aide à Mackintosh et Holland, voir Gourlay, General Introduction, li-lvii. 99 Pour une analyse du Statistical Account of Upper Canada de Gourlay, voir Prévost, « Espace public, action collective et savoir social ». 100 Gourlay, General Introduction, cxxxvi. 101 Pour un survol du programme radical anglais entre 1815 et 1820, voir Belchem, Popular Radicalism, 37–50. Pour le lien entre Thomas Paine et William Cobbett, voir Wilson, Paine and Cobbett. Pour le discours chartiste analysé comme l’héritier du discours radical du xviii e siècle, voir Stedman Jones, « Rethinking Chartism », dans Jones, Languages of Class, 90–178. 102 Gourlay, « To the Resident Land-Owners of Upper Canada », octobre 1817, reproduit dans General Introduction, clxxxvii. 103 Ibid., cxcii, cxciii. 104. Ibid., cxcii 105 Gourlay, « To the Resident Land-Owners of Upper Canada », février 1818, reproduit dans son Statistical Account of Upper Canada, ii : 472. 106 Nous devons reconnaître que le principe qui sous-tend la pétition relève toutefois de la liberté moderne puisqu’il implique l’autonomie du pouvoir exécutif face au pouvoir législatif. L’adoption de cette mesure par les radicaux anglais montre les limites pratiques de la réinterprétation républicaine de la constitution britannique. Elle nous permet de comprendre la situation impossible dans laquelle se trouvent les radicaux qui n’en appellent pas à la révolution au xix e siècle. 107 Gourlay, « To the Resident », février 1818, 473.
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Ibid., 480 (nous soulignons). Ibid., 477. Gourlay, A Specific Plan for Organising, 82–86. Ibid., 66. Ibid., 79. Ibid., 80. Gourlay, « To the Labouring Poor of Wily Parish » (1815), cxxiv. Gourlay, General Introduction, clxxv. Gourlay, « To the Resident », février 1818, 481. Gourlay, « To the Resident Land-Owners of Upper Canada », avril 1818, reproduit dans Statistical Account, ii : 581. Ibid., 582. Ibid., 583. Ibid. Ibid., 582. Ibid., 585. Ibid., 586–587. Bowsfield, Upper Canada ; Young, American-Upper Canadian’ Contributions, 107–132. Ce résumé biographique est tiré de : Robert Lochiel Fraser, « Baldwin, William Warren », dbc, vii : 38–48. « Petition To the King’s Most Excellent Majesty » reproduite dans jhauc, 1re session du 12e Parlement provincial (15 janvier–16 avril 1835), Appendix, vol. 1 : 51. « William Warren Baldwin to the Duke of Wellington », Documents Relating to the Constitutional History of Canada 1819–1828, 482. Voir Hansard’s Parliamentary Debates, 2e série, xxi : 1327–1328. Ce résumé biographique est tiré de Flint, William Lyon Mackenzie, 9–66. Dunham, Political Unrest, 106. Colonial Advocate, le 18 mai 1824, 4. Colonial Advocate, le 18 mai 1824, 15. Mackenzie parle, par exemple, de la convention de 1818 ainsi que des mesures prises contre ceux qui y avaient participé (Colonial Advocate, les 27 mai 1824 et 26 janvier 1826), expose quelques scènes de la vie de Gourlay (les 3 juin, 8 juillet, 5 août et 2 septembre 1824), publie ses pétitions (les 10 juin et 19 août 1824) ainsi que des lettres qu’il a adressées aux Canadiens (les 19 août 1824, 8 décembre 1825 et 26 janvier 1826), utilise ses mésaventures pour démontrer les failles du système
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de justice (le 1 juillet 1824) et enfin publie un poème à la mémoire de Gourlay (30 septembre 1824). Colonial Advocate, le 18 mai 1824, 5. Colonial Advocate, le 18 mai 1824, 4. Colonial Advocate, le 18 mai 1824, 2. Colonial Advocate, le 18 mai 1824, 12. Colonial Advocate, le 30 décembre 1824 (extrait tiré du Edinburgh Review). Colonial Advocate, le 8 juillet 1824. Colonial Advocate, le 18 mai 1824, 13. Colonial Advocate, le 18 mai 1824, 2. Colonial Advocate, le 18 mai 1824, 5. Sur l’importance de la milice, voir Dessureault, « La crise sous Dalhousie ». Pour une explication des crises de la période, voir Craig, Upper Canada, 106–123, 165–209. Pour les crises plus circonstancielles, voir Dunham, Political Unrest in Upper Canada 1815–1836, 108–116. Clark, The Movements of Political Protest in Canada, 349–351 ; Jackson, « The Organization of Upper Canadian Reformers, 1818– 1867 », 97. Sur la mise sur pied de ce comité, dans le contexte de la politique britannique, voir Burroughs, The Canadian Crisis and British Colonial Policy, 28–42. « Report from the Select Committee on the Civil Government of Canada », le 22 juillet 1828, bpp-c-c, 1 : 3–13.
chapitre quatre 1 Cette manière de présenter le discours patriote comme relevant de l’idéologie républicaine est relativement nouvelle. Louis-Georges Harvey fut le premier à adopter ce cadre d’analyse dans sa thèse de doctorat défendue à l’Université d’Ottawa en 1990 et intitulée Importing the Revolution. Cette thèse fut ensuite publiée sous le titre : Le Printemps de l’Amérique française. De son côté, Allan Greer a analysé l’aspect républicain du mouvement patriote, tant au plan du discours que de l’organisation locale, dans The Patriots and the People, 120–152, 219–257. Cette interprétation républicaine diffère de celles d’Yvan Lamonde et de Marcel Bellavance, pour qui les Patriotes articulaient un discours libéral et national (Lamonde, Histoire sociale des idées, 1 : 121–279 ;
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Bellavance, Le Québec au siècle des nationalités). Inversement, elle se rapproche des interprétations marxistes plus anciennes, qui mettaient l’accent sur l’aspect radical et/ou démocratique du discours patriote (pour deux interprétations marxistes marquantes, voir Ryerson, Le capitalisme et la Confédération, 29–133 ; Bourque, Question nationale et classes sociales). Évidemment, toutes ces interprétations, qui donnent une allure républicaine, démocratique ou libérale aux discours patriotes, se trouvent à l’opposé de celle de Fernand Ouellet, pour qui les Patriotes cachaient leur dessein d’établir une société d’Ancien Régime sur les rives du Saint-Laurent derrière un discours démocratique et libéral (Histoire économique et sociale du Québec, 433–435 ; idem, « Les insurrections de 1837–38 : un phénomène social », 72–73). Cette dernière interprétation a été contestée autant par les marxistes ci-haut-mentionnés que par les nationalistes, qui ont défendu les revendications nationales des Patriotes contre les revendications nationales des Britanniques (pour des interprétations nationalistes, voir Séguin, L’idée d’indépendance au Québec, 13– 34 ; Lefebvre, La Montreal Gazette et le nationalisme canadien). Pour un survol historiographique de la question, voir Bernard, dir., Les rébellions de 1837–1838 ; Ouellet, « La tradition révolutionnaire au Canada », 91–124 ; Fecteau, « Lendemains de défaite », 19–28. La question idéologique a été moins bien traitée pour le Haut-Canada. Pour une interprétation républicaine des revendications des radicaux, voir Gates, « The Decided Policy of William Lyon Mackenzie », 185–208 ; Rea, « William Lyon Mackenzie – Jacksonian ? », 223–235. Harvey et Olsen, « French Revolutionary Forms in French-Canadian Political Languages, 1805–1835 », 390. Sur l’utilisation de la constitution anglaise par les radicaux, voir, entre autres : James A. Epstein, « The Constitutionalist Idiom », dans Radical Expression, 3–28. L’assemblée de Saint-François, comté de Yamaska (tenue le 6 août 1837), porte uniquement sur l’abolition de la tenure seigneuriale (Le Canadien, 18 août 1837). Puisque c’est cette petite élite locale qui déclare l’indépendance en 1838, elle entend abolir les privilèges. Louis-Joseph Papineau, « La Commision Gosford (Chambre d’Assemblée, 22 février 1836) », dans Un demi-siècle de combats, 386. Greer, « 1837–1838 : Rebellion Reconsidered », 9–10. Certes, les radicaux récupèrent parfois Locke, Montesquieu et autres modernes, dont les textes se prêtent assez aisément à une réinterprétation républicaine. Ce qui est caractéristique du discours radical, ce sont ses
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références aux grands penseurs de la liberté républicaine, comme Jefferson, Price, Paine et les autres. Pour une bonne biographie de Fox, voir Mitchell, Charles James Fox. Voir Gourlay, Statistical Account ii : 650 ; Papineau, « Rejet des Résolutions Goderich (Chambre d’Assemblée, 16 janvier 1832) », dans Un demi-siècle de combats, 201 ; la neuvième des Quatre-vingt-douze Résolutions, jcabc, 1834, 311. The Constitution, les 19 et 26 juillet, 2 et 9 août 1837. Mackenzie, Sketches of Canada, 9, 27. Voir Papineau, « Nécessité de nommer un délégué de la Chambre d’Assemblée à Londres (Chambre d’Assemblée, 17 novembre 1835) », dans Un demi-siècle de combats, 367. Papineau, « Électivité des institutions gouvernementales (Chambre d’Assemblée, 10 janvier 1833) », dans Un demi-siècle de combats, 215. The Constitution, le 19 octobre 1836. William Wallace (1270–1305) est le plus grand héros écossais. Il s’opposa à Edward I d’Angleterre pour l’indépendance de l’Écosse. Il fut exécuté. Wallace ne peut être lié à la liberté républicaine, mais, dans le cadre de l’opposition à l’impérialisme anglais, son nom jouit d’une grande valeur symbolique. William Russell participe, en 1683, à une conspiration républicaine contre Charles ii. Il meurt sur l’échafaud aux côtés d’Algernon Sidney. Quant au marquis d’Argyle, il est exécuté en 1685 pour avoir fomenté une révolte écossaise contre Jacques ii. Ses objectifs concernaient les droits des presbytériens plutôt que la liberté politique comme telle. Pour les conspirations de lord Russell et du marquis d’Argyle, voir Robbins, The Eighteenth-Century Commonwealthman, 29. Pour les liens avec les Haut-Canadiens : Buckner, The Transition to Responsible Government, 28. Hume, The Celebrated Letter of Joseph Hume, 5. Colonial Advocate, le 12 juin 1834. Voir Buckner, The Transition to Responsible Government, 28. Le texte de Roebuck, d’abord intitulé The Canadas and their Grievances, date de 1835. Il est reproduit et complété dans Existing Difficulties in the Government of the Canadas, 33 (pour la citation). Papineau, « Électivité des institutions gouvernementales (Chambre d’Assemblée, 10 janvier 1833) », dans Un demi-siècle de combats, 228. Papineau, « Assemblée de Saint-Laurent (Discours public, 15 mai 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 427. Mackenzie, Sketches of Canada, xviii. Ibid., 71 (Illinois), 159–170 (Vermont), 257 (New-York).
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24 Ibid., 4. 25 Papineau, « Les 92 Résolutions : sur la 1re résolution (Chambre d’Assemblée, 18 février 1834) », dans Un demi-siècle de combats, 261. 26 Le mot « homme » est utilisé à dessein. Hormis pour quelques penseurs républicains comme Antoine de Condorcet, Catharine Macaulay, Olympe de Gouges et Mary Wollstonecraft, il n’est pas question d’émanciper la femme. La liberté est l’affaire des hommes. Voir section 6 dans ce chapitre. 27 Si Papineau n’est pas républicain en 1823, les différences sociales observées en Grande-Bretagne marquent son expérience d’une manière indélébile. Voir les lettres qu’il envoie à sa femme entre le 5 avril et 22 septembre 1823 : Papineau, Lettres à Julie, 72–91 et Colonial Advocate, le 27 juin 1833. 28 Voir Papineau, « Électivité des institutions gouvernementales (Chambre d’Assemblée, 10 janvier 1833) », dans Un demi-siècle de combats, 214 ; Mackenzie, Sketches of Canada, 15. 29 Girod, Notes diverses, 63. 30 Bidwell, Mr. Bidwell’s Speech (1831), 4. 31 Raynald cité dans Mackenzie, Sketches of Canada, 60. La référence n’est pas donnée, mais elle provient de l’ouvrage intitulé The Revolution of America by the Abbé Raynald, 161. Mackenzie déclare personnellement : « Agriculture the most innocent, happy and important of all human pursuits, is your chief employment – your farms are your own – you have obtained a competence, seek therewith to be content » : Colonial Advocate, le 9 septembre 1830. 32 Pour une excellente analyse de cette question, voir McNairn, The Capacity to Judge, chapitre 8. 33 Bidwell, Substance of Mr. Bidwell’s Speech (1832), 14. 34 Hume est cité par Mackenzie dans Sketches of Canada, p. 305 ; Roebuck, Existing Difficulties, 29; Papineau cité dans La Minerve, le 24 janvier 1833. 35 Mackenzie, Sketches of Canada, 305. 36 Pour les témoignages de Gale, de Neilson et de Viger, voir « Report from the Select Committee on the Civil Government of Canada », bpp-c-c, 1 : 22–29, 82–85, 145–157. L’expression « en franc alleu » fait référence à la propriété libre de redevance. 37 Voir les résolutions 57–62 de 1834 : jcabc, 1834, 324–326. 38 Papineau, « Aux libres et indépendants électeurs du Quartier-Ouest de Montréal (Discours électoral, 3 décembre 1834) », dans Un demi-siècle de combats, 352, 354.
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39 En 1833, quelques hommes d’affaires réformistes tentent de mettre sur pied la « Banque du Peuple de la Cité de Montréal ». Le projet échoue. Une nouvelle tentative est faite en 1835. Cette fois, le projet réussit : la Banque du Peuple naît (officiellement Viger, DeWitt & Company jusqu’à son incorporation de 1843). Les 12 fondateurs de la banque sont : Louis-Michel Viger, Jacob DeWitt, John Pickel, Louis Roy Portelance, Thomas Storrow Brown, Édouard-Raymond Fabre, Pierre Beaubien, John Donegani, Charles S. Delorme, Peter Dunn, Guillaume Vallée et François Ricard. Tous sont liés au Parti patriote. Sur la Banque du Peuple, voir Greenfield, La Banque du Peuple, 1835-1871, 1–9, 13–16. 40 Mackenzie, Sketches of Canada, 485. 41 Ibid., 455, 459–60. 42 The Constitution, le 24 mai 1837. 43 Duncombe, Report Upon the Subject of Education, 59. 44 Mackenzie, Sketches of Canada, 350. 45 Papineau affirme : « Nous avons besoin d’un gouvernement simple, tel que celui des États-Unis » : « Rejet des Résolutions Goderich (Chambre d’Assemblée, 16 janvier 1832) », dans Un demi-siècle de combats, 209. Sur le même thème, voir Mackenzie, Sketches of Canada, 47, 56 ; The Constitution, 2 août 1837. 46 Papineau, « À propos du discours de Sir John Colborne à l’ouverture du Parlement provincial du Haut-Canada (Chambre d’Assemblée, 15 février 1836) », dans Un demi-siècle de combats, 378. 47 Voir la neuvième résolution de l’assemblée de Saint-Constant, Laprairie (6 août 1837), dans La Minerve, le 14 août 1837. 48 Papineau à Julie, le 7 février 1838 (d’Albany), dans Lettre à Julie, 363. L’abbé de Mably n’avait pu dire mieux : « l’amour de la patrie [...] est l’âme de toutes les vertus du citoyen » : « Entretien de Phocion sur le rapport de la morale avec la politique » (1763), dans Sur la théorie du pouvoir politique, 104. 49 Duncombe, Report on the Subject of Education, 22. 50 Ibid., 13. 51 Colonial Advocate, le 2 juin 1831. 52 Papineau, « Rejet des Résolutions Goderich (Chambre d’Assemblée, 16 janvier 1832) », dans Un demi-siècle de combats, 200. 53 C’est là une des critiques importantes du comité chargé d’étudier l’état de la représentation au Haut-Canada en 1831. Le comité est dirigé par Mackenzie : First Report on the State of the Representation of the People of Upper Canada, 7 (avec liste d’exemples dans Appendix E). Voir aussi
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Mackenzie, To the Honorable the Commons of the United Kingdom of Great Britain and Ireland in Parliament Assembled, 3. Papineau, « Assemblée de Saint-Laurent (Discours public, 15 mai 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 435. The Constitution, le 24 mai 1837. Par exemple, voir Colonial Advocate, le 9 septembre 1830 ; « Proclamation by William Lyon Mackenzie, Chairman pro.tem. of the provincial Government of the State of Upper Canada » reproduite dans Lindsey, The Life and Time of William Lyon Mackenzie, 2 : 367 (Appendix G). Assemblée de Saint-Marc, tenue le 15 mai 1837 (La Minerve, le 22 mai 1837). Voir Mackenzie, Sketches of Canada, 445–6 ; Petition of the House of Assembly of Lower Canada to the King and the Two Houses of Parliament (1836), 4 ; « Seventh Report on Grievances » dans jhauc, 1835, Appendix, 1 : 2 ; Girod, Notes diverses, 75–78. Colonial Advocate, le 9 septembre 1830. L’autorité suprême de laquelle découle le pouvoir est « a free, contented, prosperous and happy people [...] » : Mackenzie, Sketches of Canada, 39. Voir Papineau à Julie, 9 novembre 1835, dans Lettres à Julie, 309–310. Papineau à Julie, le 23 février 1835, dans Lettres à Julie, 297. La Minerve, le 25 juin 1835. « Adresse du Comté de l’Acadie aux électeurs des comtés de Richelieu, Verchères, St.Hyacinthe, Chambly et Rouville » (octobre 1837), dans Bernard, dir., Assemblées publiques, 263. Paine, The Rights of Man, 100. Papineau, « Aux libres et indépendants électeurs du Quartier-Ouest de Montréal (Discours électoral, 3 décembre 1834) », dans Un demi-siècle de combats, 347. Papineau, « Adresse à la Chambre des Communes du Parlement de la Grande-Bretagne (Chambre d’Assemblée, 1er mars 1834) », dans Un demi-siècle de combats, 306. Papineau, « La Commision Gosford (Chambre d’Assemblée, 22 février 1836) », dans Un demi-siècle de combats, 414. Petition of the House of Assembly of Lower Canada (1836), 3. La première résolution de l’assemblée de la Malbaie, Saguenay (tenue le 25 juin 1837), reproduite dans Assemblées publiques, 105. Par exemple, Mackenzie affirme en 1832 : « People of Canada ! Your cause is not the cause of one man or of one particular class of men, but of the whole country. [...] An Act of injustice to one man or body of
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men, is an act of injustice to the community of which he or they are members » : Colonial Advocate, le 19 janvier 1832. Ou encore, il écrit : « The Legislative Assemblies of the colony possess little or no power to redress the wrongs of the people they profess to represent » : Mackenzie, To the Honorable the Commons of the United Kingdom, 2. Colonial Advocate, le 3 février 1831. First Report on the State of the Representation of the People of Upper Canada, 4. Ibid, 4 (4–6). Pour l’iniquité dans la distribution des sièges : Ibid, 6, 11, 13, 18–20 (annexes B et C). Sur la corruption des conseillers : 12. Sur la corruption des députés : 7, 21–22 (annexe E : liste des députés recevant un salaire du gouvernement). Sur les lois rejetées par l’Assemblée à cause de l’iniquité dans la représentation : 16–17 (annexe A). Ibid, 8. Mackenzie, « On the State of Representation of the People of Upper Canada » reproduit dans Colonial Advocate, le 10 janvier 1833 ; Sketches of Canada, 357. Voir la deuxième résolution de l’assemblée de Saint-Policarpe (tenue le 15 octobre 1837), La Minerve, 19 octobre 1837. À ce sujet, voir Wood, The Creation of the American Republic, 1776-1789, 197–255. Papineau, « Abolition du Conseil législatif (Chambre d’Assemblée, 11 mars 1831) », dans Un demi-siècle de combats, 165. Papineau, « Les 92 Résolutions : sur la 1re résolution (Chambre d’Assemblée, 18 février 1834) », dans Un demi-siècle de combats, 264. « Seventh Report on Grievances », jhauc, 1835, Appendix, 1 : 11. Ibid., 11. Ibid., 12. Mackenzie, « Declaration », The Constitution, le 2 août 1837. Sur la question de la séparation des pouvoirs et sur son application dans divers pays, dont la Grande-Bretagne, la France et les États-Unis, voir : Vile, Constitutionalism and the Separation of Powers. Sur cette question, voir aussi Greenwood, « Les patriotes et le gouvernement responsable », 32. Dans un texte très dur, Louis-Hippolyte La Fontaine condamne Dominique Mondelet pour avoir accepté un siège au Conseil exécutif, ce qui est l’équivalent d’une trahison : « Le mois d’Avril, mil huit cent trente-deux, est l’époque la plus marquante de votre carrière politique – c’est de là que date votre apostasie. Aux premiers jours de ce funeste
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printemps, vous étiez encore de grands Démocrates ; vous professiez encore le principe de la souveraineté du peuple ; et tout-à-coup, je ne sais par quelle étrange fatalité, l’on vous vit, dans le cours du même mois, avouer des principes diamétralement opposés » : Les deux girouettes, 5. La Fontaine est convaincu que d’occuper les fonctions d’officier du gouvernement rend indigne d’être député (11). Ce qui ressort de la position de La Fontaine, c’est que le poste de conseiller exécutif est une fonction qui est à la solde du gouverneur. Il ne sert pas de relais entre les pouvoirs exécutif et législatif. Un conseiller n’est pas un ministre, ne peut être un ministre, c’est un valet du gouverneur (19–22). Il faut dire que Dominique Mondelet deviendra un ennemi acharné des patriotes. Il prônera un meilleur contrôle de la presse, responsable de tant de débordements, et s’opposera à l’élection du Conseil législatif dans Traité sur la politique coloniale du Bas-Canada. « Report from the Committee on Lower Canada », le 3 juillet 1834, bpp-c-c, 1 : 126. Il existe une exception. L’assemblée de Saint-Marc du 15 mai 1837 adopte une résolution qui appelle à l’organisation d’une délégation pour une convention dont le programme devrait contenir « un Exécutif responsable au Peuple » : La Minerve, 22 mai 1837. Toutefois, il faut noter que l’expression « exécutif responsable » ne fait pas appel, dans le vocabulaire patriote, au « gouvernement responsable ». Colonial Advocate, le 9 septembre 1830. Mackenzie, « Almanack », 1834 cité dans The Selected Writings of William Lyon Mackenzie, 205. jhauc, 1835, Appendix, 1 : 9. Mackenzie, « Déclaration », The Constitution, le 2 août 1837. The Constitution, le 15 novembre 1837. Mackenzie, « Proclamation », dans Lindsey, The Life and Times of William Lyon Mackenzie, 2 : 364. Colonial Advocate, le 27 juin 1833. Sur la corruption des shérifs : Mackenzie, To the Honorable the Commons, 2 ; Lettre de Mackenzie à John Neilson (28 décembre 1835) cité dans The Selected Writing of William Lyon Mackenzie, 347. Les patriotes dénoncent aussi les shérifs, voir « Adresse des Fils de la liberté de Montréal aux jeunes gens des colonies de l’Amérique du Nord », 4 octobre 1837, dans Assemblées publiques, 217. Sur les jurys au BasCanada, voir Fyson, « Jurys, participation civique et représentation au Québec et au Bas-Canada », 85–120.
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98 Mackenzie, Sketches of Canada, 66 (la citation en français dans le texte). La phrase exacte de Papineau est « Une nation n’en sut jamais gouverner une autre » : « Aux libres et indépendants électeurs du Quartier-Ouest de Montréal (Discours électoral, 3 décembre 1834) », dans Un demi-siècle de combats, 349. Il est intéressant de noter que cette phrase est reprise par plusieurs politiciens de divers courants de pensée. Denis-Benjamin Viger la reprend dans ses Considérations relatives à la dernière révolution de la Belgique (54). Le 16 février 1832, elle est aussi reprise dans un article de La Minerve signé S. Cette fois, l’accent est beaucoup plus ethnique. Le rédacteur de La Minerve se dissocie toutefois de ce texte. 99 Price, « Additional Observation on the Nature and Value of Civil Liberty », II dans Political Writings, 86. 100 Mackenzie, Sketches of Canada, xx. 101 Voir Petition of the House of Assembly of Lower Canada (1836), 19 et Mackenzie, « Declaration », The Constitution, le 2 août 1837. 102 Voir, par exemple, Papineau, « L’état du pays, (Chambre d’Assemblée, 10 mars 1831) » et « Les 92 Résolutions : sur la 1re résolution (Chambre d’Assemblée, 18 février 1834) », dans Un demi-siècle de combats, 151, 268–9 ; Mackenzie, Sketches of Canada, 461–462. 103. « Notwithstanding the mal-administration of the executive, and the want of confidence felt in the courts of justice, there is yet a powerful feeling of friendship towards England beyond the Atlantic ; but the people there, as well as here, wish to be rid of a costly, corrupt, and oppressive system. Ask a Canadian, – Would you desire an established church ; the ministers to be paid by the state ? He will reply, NO, no ; let all denominations be equal. Would you desire the law of primogeniture ? – No. The election of your own justices of peace ? –Yes. The control over your wild lands and all other revenue ? – Yes, Cheap, economical government ? – Undoubtedly. The election of your own governors ? – Ay. Of your legislative councillors ? – Ay. Well then, would you not also wish to be joined to the United Sates ? – No, never » : Mackenzie, Sketches, 155. Voir aussi : « Nous ne voulons pas de séparation forcée, mais il nous est permis de discuter les raisons et les causes qui y conduiront, quoiqu’assurément elle ne soit pas désirable [...] » : Papineau, « Rejet des Résolutions Goderich (Chambre d’Assemblée, 16 janvier 1832) », dans Un demi-siècle de combats, 208. 104 Papineau à Julie, le 11 février 1829, dans Lettres à Julie, 174. 105 Papineau, « Électivité des institutions gouvernementales (Chambre d’Assemblée, 10 janvier 1833) », dans Un demi-siècle de combats, 233.
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106 Papineau, « Aux libres et indépendants électeurs du Quartier-Ouest de Montréal (Discours électoral, 3 décembre 1834) », dans Un demi-siècle de combats, 350. Voir aussi la résolution 47 des Quatre-vingt-douze Résolutions : jcabc, 1834, 321. 107 « “He required no such evidence to convince him of a fact which all history confirmed – namely, that it was morally, politically, and, he might add, physically impossible for two independent legislatures to co-exist under one executive.” Mr. Macaulay’s Reply to Mr. O’Connell. –House of Commons, Feb. 1833 » : cité dans Mackenzie, Sketches of Canada, 298. 108 Voir Mackenzie, Sketches of Canada, 463, 466 ; Papineau, « Restitution des biens des Jésuites, (Chambre d’Assemblée, 8 mars 1831) », dans Un demi-siècle de combats, 145 ; « Adresse des Fils de la liberté de Montréal aux jeunes gens des colonies de l’Amérique du Nord », 4 octobre 1837, dans Assemblées publiques, 215 ; « Grande Assemblée de la Confédération des Six Comtés. Saint-Charles. Procédés du premier jour », La Minerve, le 30 octobre 1837. 109 Mackenzie, « Independence », dans Lindsey, The Life and Times of William Lyon Mackenzie, vol. 2 (Appendix F). Cette idée revient dans plusieurs assemblées publiques au Bas-Canada. 110 Papineau, « Réponse du Comité central et permanent du comté de Montréal à l’adresse de la London Working Men’s Association (Adresse publique, septembre 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 491. 111 The Constitution, le 15 novembre 1837. 112 La Déclaration d’indépendance est reproduite dans Nelson, Déclaration d’indépendance et autres écrits, 25–30. 113 Cranston, « Jean-Jacques Rousseau and the Fusion of Democratic Sovereignty with Aristocratic Government », 417–426. 114 Mably, « De la législation » dans Sur la théorie du pouvoir, 221. Voir également Coste, Mably : pour une utopie du bon sens, 89–90 ; Guerrier, L’abbé de Mably, 184–190. 115 Paine, Rights of Man, 38. 116 Priestley, « An Essay on the First Principles of Government », iii, i dans Political Writings, 28. 117 Robespierre affirme, en octobre 1789, que « tous les citoyens, quels qu’ils soient, ont droit de prétendre à tous les degrés de représentation […]. La constitution établit que la souveraineté réside dans le peuple, dans tous les individus du peuple, chaque individu a donc droit de concourir à la loi par laquelle il est obligé, et à l’administration de la chose publique qui est la sienne. Sinon il n’est pas vrai que les hommes
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sont égaux en droits, que tout homme est citoyen [...] » : « Discours » prononcé à l’Assemblée nationale le 22 octobre 1789, dans Œuvres, 21. 31 Geo. iii c. 31 (R.-U.) Art. xx. Sur la franchise, voir John Garner, The Franchise and Politics in British North America, 73–91. Pour des études de cas plus exhaustives, voir De Brou, Mass Political Behaviour in Upper-Town Quebec, 1792–1836 ; Dessureault, « L’élection de 1830 dans le comté de Saint-Hyacinthe », 281–310. jcabc, 1833, 574. Voir les résolutions 12 et 13 des Quatre-vingt-douze Résolutions : jcabc, 1834, 312. La question du droit de vote des femmes est très mal connue. Aucune étude n’a malheureusement été menée sur cette question précise, en ce qui concerne le Haut-Canada. Pourtant, selon le témoignage de Mackenzie, des femmes votent au Haut-Canada comme au Bas-Canada à cette période : voir Sketches of Upper Canada, 20. L’analyse la plus intéressante concernant les rapports entre les hommes et les femmes au Haut-Canada à l’époque est : Morgan, Public Men and Virtuous Women. Pour le Bas-Canada, la meilleure analyse (et la seule sur la question) est celle de Picard, Les femmes et le vote au Bas-Canada. Si les patriotes ne parviennent pas à retirer le droit de vote aux femmes, c’est parce qu’ils ont inclus cette pièce de législation dans une loi plus globale. Or Londres, voulant désavouer une section de cette loi, désavoue l’ensemble en 1836. Il faut noter qu’au xix e siècle, les modernes ne sont pas plus ouverts aux droits des femmes que le sont les républicains. D’ailleurs, au Canada-Uni, une des premières lois adoptées par les réformistes en 1849 est l’abolition du droit de vote des femmes. Voir à ce sujet : Pitkin, Fortune Is a Woman. Pour madame Roland, voir Dalton, « Marie-Jeanne Roland, Woman Patriot », dans Engendering the Republic of Letters, 55–74. Les deux textes américains sont cités par Kerber, Women of the Republic, 104. Pour une étude générale de la question, voir Applewhite et Levy, dir., Women and Politics in the Age of the Democratic Revolution. Sur les femmes et la Révolution américaine, voir Gundersen, To be Useful to the World ; Kerber, Women of the Republic ; Norton, Liberty’s Daughters ; Cott, The Bonds of Womanhood. Pour une étude de la question au xix e siècle, voir Ryan, Women in Public. Sur les femmes et la Révolution française, voir McMillan, France and Women 1789–1914, chapitre 3 ; Hufton, Women and the Limits of Citizenship ; Melzer et Rabine, dir., Rebel Daughters ; Landes, Women
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and the Public Sphere ; Blum, Rousseau and the Republic of Virtue, chapitre 11. Voir en particulier Colley, Britons ; Davidoff et Hall, Family Fortunes ; Eger et al. dir., Women, Writing and the Public Sphere, 1700–1830 ; Mellor, Mothers of the Nation. Par exemple, voir Morgan, Public Men and Virtuous Women, chapitre 2. Voir Picard, Les femmes et le vote au Bas-Canada, 64–67. Voir Blackstone, Commentaries, i, 15 (1 : 430–433). Notons que rien n’oblige les républicains à accepter ce principe de droit. Ils auraient pu proposer de modifier cette réalité. Ils ne le font pas. Nous rejoignons l’analyse de Kerber, Women of the Republic, 119s. Voir Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse ; idem, Émile ou de l’éducation, v, 465–629 ; idem, Contrat social, i, 8 : 83. Cette idée n’appartient pas à Rousseau. L’abbé de Mably défend la même : voir, par exemple, la troisième lettre de Entretien avec Phocion, le troisième livre de Principes de Morale, le quatrième livre de De la législation. Ces textes sont cités dans Whitfield, Gabriel Bonnot de Mably, 59, 112, 114 et 283 Rousseau explique, dans son Discours sur l’origine des inégalités (1755), que les hommes et les femmes se sont divisé les tâches lorsqu’ils se sont unis dans l’état de nature. Les femmes se sont mises à s’occuper de la maison et des enfants, alors que les hommes allaient chasser (226). Sur le rôle de la femme dans la sphère privée et son rôle de mère patriotique, voir Rousseau, Discours sur l’origine des inégalités, 154–155. Les Jacobins ont interdit la présence des femmes dans les clubs révolutionnaires en suivant cette idée de la division des sphères privée / publique : « When in 1793, the Jacobin Chaumette closed down the women’s political clubs, he said, “the sans-culotte had a right to expect his wife to run the home while he attended public meetings : hers was the care of the family, this was the full extent of her civic duties” » : Siân Reynolds, « Marianne’s Citizens ? Women, the Republic and Universal Suffrage in France », dans Reynolds, dir., Women, State and Revolution, 113. Papineau cité dans La Minerve, le 3 février 1834. Il ajoute plus tard dans le débat « que la pudeur et la décence du sexe exigeaient qu’on ne l’entraîna pas au milieu du tumulte des élections. » Papineau, « Assemblée de Sainte-Scholastique (Discours public, 1er juin 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 453. Sur le débat entourant la participation des femmes aux rébellions, voir Greer, « The Queen is a Whore », dans The Patriots and the People, 189–218 et Beverley Boissery and Carla Paterson, « ‘Women’s Work’ : Women and Rebellion in Lower Canada, 1837–1839 », dans Greenwood
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et Wright, dir., Canadian State Trials, ii : 353–382. Greer soutient que les rébellions ont été une affaire essentiellement masculine, ce à quoi Boissery et Paterson répondent que l’absence de preuve de la présence des femmes lors des rébellions n’implique pas leur absence des rébellions. Selon elles, si les femmes ne sont pas poursuivies en justice pour leurs actes de sédition, c’est parce que les autorités de la colonie ne veulent pas reconnaître la présence des femmes dans la sphère publique. D’une manière générale, la question de l’exclusion des femmes transcende les divisions idéologiques. Elle doit donc être abordée dans un cadre intellectuel qui les dépasse. Pour une réflexion sur la question, voir Pateman, The Problem of Political Obligation, 60–80, 135–162 ; idem, The Disorder of Women, 17–32, 71–117. Ouellet, Histoire économique et sociale du Québec, chapitre 14. Durham, Report on the Affairs of British North America, 22. Lamonde, Histoire sociale des idées au Québec, 1 : 121–279 ; Bellavance, Le Québec au siècle des nationalités (1791–1918) ; Harvey, Le Printemps de l’Amérique française. Pour une interprétation similaire, voir Françoise Lejeune, « Patriotisme nord-américain ou nationalisme canadien-français ? Les rébellions canadiennes de 1837 », dans Cottret, dir., Du patriotisme aux nationalismes, 169–186. Viroli, For Love of Country, 2. Ibid., 1–2. Nous partageons les vues de Richard Larue sur cette question, quoique nous intégrions cette allégeance dans le cadre du républicanisme : « Allégeance et origine », 529-548. Papineau, « Assemblée de Saint-Laurent (Discours public, 15 mai 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 431. La Minerve, 5 juin 1837. Papineau, « Ouverture de la session parlementaire de 1837 (Chambre d’Assemblée, 19 août 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 484. Résolution 55, jcabc, 1834, 324. Voir l’excellent chapitre de Greer, « Two nations warring », dans The Patriots and the People, 156–168. jcabc, 1835–1836, 579. Roebuck fait de la lutte dans les deux provinces une seule et même lutte : Existing Difficulties, 1, 30. Cité dans The Selected Writings of William Lyon Mackenzie, 280–1. Mackenzie, « Declaration », The Constitution, le 2 août 1837. Sieyès, Qu’est-ce que le Tiers-État, 41.
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156 Le discours républicain s’incarne alors dans la personne de Robespierre. Voir dans ses Œuvres : « Discours » prononcé à l’Assemblée nationale, le 25 octobre 1790, 33 ; « Tableau des opérations de la Convention nationale », 74 ; « Discours sur la guerre » prononcé aux Jacobins en mars 1792, 68, 219 ; « Discours » à la Convention le 5 juillet 1794, 137 ; « Discours du 8 Thermidor », prononcé à la Convention le 26 juillet 1794, 142, 143, 146. 157 Rousseau, Contrat social, i, vii : 79. 158 Sur l’idée de l’ennemi intérieur, voir Furet, Penser la Révolution française, 47–60, 82–117 ; Gueniffey, La politique de la Terreur, chapitre 7 ; Tackett, « Conspiracy Obsession ». 159 Talmon, The Origins of Totalitarian Democracy. 160 Papineau « Les 92 Résolutions : sur la 1re résolution (Chambre d’Assemblée, 18 février 1834) », dans Un demi-siècle de combats, 255. 161 jcabc, 1832–1833, 573 (nous soulignons). 162 Mackenzie, Sketches of Canada, xxiii-xxiv. Voir aussi le Colonial Advocate, le 2 juin 1831. 163 Sur la lutte des radicaux contre le clientélisme au Haut-Canada, voir Noel, Patrons, Clients, Brokers, 79–111 164 Papineau, « Adresse de la Confédération des Six Comtés au peuple du Canada (Adresse publique, 24 octobre 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 497.
chapitre cinq 1 Pour le conservatisme britannique, voir Burke, Reflections on the Revolution in France (1790) ; Disraeli, « Vindication of the English Constitution » (1835), « The Letters of Runnymede » (1836) et « The Spirit of Whiggism » (1836), reproduits dans Whigs and Whiggism ; idem, Sybil or The Two Nations (1845). Pour le conservatisme en général, voir entre autres Kirk, The Conservative Mind ; Gilmour, Inside Right ; Scruton, The Meaning of Conservatism. 2 Denis-Benjamin Viger, un pilier du mouvement réformiste depuis ses débuts, a collaboré à différents journaux au cours des décennies 1790 et 1800 (la Gazette de Montréal et Le Canadien en particulier). Il devient ensuite un député réformiste important au cours des décennies 1810 et 1820 et l’un des chefs du Parti canadien. En 1828, il représente les BasCanadiens devant le comité de la Chambre des communes. En 1829, il est nommé conseiller législatif. Il ne siège pas longtemps au Conseil,
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étant envoyé à Londres en 1831 à titre d’agent de l’Assemblée auprès du gouvernement. Il revient à la fin de 1834. Tout au long de la décennie 1830, il est le bailleur de fonds du journal républicain La Minerve (voir à ce sujet Fernand Ouellet et André Lefort, « Viger, Denis-Benjamin », dbc, ix : 890–901). Paradoxalement, si Viger demeure un personnage important du mouvement patriote (bien que son influence soit en déclin dans la décennie 1830), il n’en partage jamais les idéaux républicains. En fait, Viger est un conservateur au sens burkien du terme. Il ne cache d’ailleurs pas son admiration pour Burke au début de l’ère parlementaire (Considération sur les effets, 9–10). Son appréciation de la prescription comme base de toute bonne constitution, principe conservateur par excellence, demeure constante tout au long de la période (Considération sur les effets, 7 ; Analyse de l’entretien sur la conservation des établissemens du Bas-Canada, des lois, des usages..., 40 ; Considérations relatives à la dernière révolution de la Belgique, 9). Viger va jusqu’à assimiler nationalité et propriété (Considérations relatives à la dernière révolution de la Belgique, 10). Toutefois, son discours n’est pas nationaliste puisqu’il n’est pas organisé autour de la nation comme telle, mais plutôt autour de l’ordre national. C’est parce que Viger craint que cet ordre soit menacé par le pouvoir que les Anglais détiennent au sein des institutions bas-canadiennes qu’il est un réformiste. Viger n’est pas un républicain parce que l’idée de participation n’est jamais vraiment présente dans ses écrits. En fait, il accepte la définition moderne de la liberté moderne basée sur des droits individuels (Observation de l’hon. D.B. Viger contre la proposition faite dans le conseil Législatif, 66). S’il reconnaît que les conditions sociales dans les colonies sont plutôt égalitaires, il croit tout de même en la grande propriété et la sécurité. Au plan de l’organisation, il ne défend pas la souveraineté populaire, mais une forme de gouvernement mixte constitutionnel adaptée au contexte nord-américain. Il ne remet jamais en cause ni la seconde branche de la législature ni sa légitimité. Il conteste uniquement sa composition. Bref, il défend la forme de gouvernement mixte qui garantit la liberté et l’existence d’un pouvoir exécutif indépendant du pouvoir législatif (Ibid., 60–61, 19). Malgré que Viger ne soit pas républicain, il demeure aux côtés des patriotes jusqu’à l’automne 1837. 3 Strachan affirme même que « I am as friendly to solid liberty as Mr. Jefferson [...] » : Strachan, A Discourse on the Character of King George the Third, 59 (note xi) 4 Ibid., 71 (note xiv)
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5 Ibid., 43. Il affirme que la constitution ne saurait être plus parfaite : « its different parts are so harmoniously combined and incorporated as to produce the greatest possible good ; for it not only insures the most extensive civil liberty to every individual, but preserves all the other properties of a good government, dispatch, secrecy, energy, wisdom and union » : iv. 6 Ibid., 20–21. 7 Ibid., 20. 8 Ibid. 55 (note vii). 9 Voir, entre autres, la pétition des habitants des cantons de Dunham, &c. au Bas-Canada, datée de 1823 et reproduite dans « Report from the Select Committee on the Civil Government of Canada », bpp-c-c, 1 : 323–326 ; la pétition des habitants de la cité et du comté de Montréal, datée de décembre 1822 et reproduite dans Le Canadien, le 1er janvier 1823. 10 jclbc, 1823, 24. Six conseillers inscrivent leur dissidence : John Richardson, H.W. Ryland, C.W. Grant, J. Irvine, Rodk M’Kenzie et W.B. Felton. 11 Strachan à Robinson, 1er septembre 1822, John Beverley Robinson Letterbook, cité dans Brode, Sir John Beverley Robinson, 85. Strachan écrit ses commentaires et ses suggestions d’amendements concernant le projet de loi dans une brochure intitulée Observations on a Bill for Uniting the Legislative Councils and Assemblies of the Provinces of Lower Canada and Upper Canada in one Legislature. 12 Robinson, A Letter to the Right Hon. Earl Barthurst, K.C. 13 L’idée d’unir non seulement les Canadas, mais aussi l’Amérique du Nord britannique, a d’abord été exposée par Robinson et Jonathan Sewell dans Plan for a Legislative Union of the British Provinces in North America. 14 Presque rien n’a été écrit sur les constitutionnels bas-canadiens. Il faut noter toutefois le mémoire de maîtrise de Johanne Muzzo, Les mouvements réformistes et constitutionnels à Montréal, 1834–1837. 15 Ce résumé biographique est tiré de Kathryn M. Bindon, « Thom, Adam », dbc, xi : 968–971. 16 Brode, Sir John Beverley Robinson ; Henderson, John Strachan ; Robert Lochiel Fraser, « Hagerman, Christopher Alexander », dbc, vii : 395– 403 ; Victor Loring Russell, Robert Lochiel Fraser et Michael S. Cross, « Sullivan, Robert Baldwin », dbc, viii : 940–945. 17 R.D. Gidney, « Ryerson, Egerton », dbc, xi : 868–881.
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18 Blackstone, Commentaries, i, 1, 1 : 125. 19 qca, « Declaration of the causes which led to the formation of the Constitutional Association of Quebec » (décembre 1834), dans First Annual Report of the Constitutional Association of Quebec, 14. L’éditeur de la Montreal Gazette considère que ces droits et libertés sont sacrés (le 19 juin 1838). Lorsque vient le temps de les définir, il parle de « rational liberty, with security of person and property [...] » : le 20 février 1838. 20 Si les catholiques ont dû attendre plus longtemps que les autres avant que leur foi ne soit tolérée, ce n’était pas essentiellement à cause de leur croyance en la transsubstantiation, mais pour des raisons politiques : Blackstone, Commentaries, iv, 4 (4 : 52–53). 21 Strachan, Letter to the Right Honorable Thomas Frankland Lewis, M.P., 101. 22 Fahey, In His Name, chapitre 2. 23 Charles James Fox cité dans Strachan, Letter, 100–101 (nous soulignons). 24 Smith, Inquiry, v, i, 3 : 353–366. 25 Strachan, Letter, 15, 19 (nous soulignons). 26 Blackstone, Commentaries, iv, 2 (4 : 151). Voir aussi De Lolme, Constitution of England, ii, xii-xiii : 199–213. 27 Malheureusement, peu de choses on été écrites sur la liberté d’expression au Canada. Pour un aperçu général, voir Gilles Gallichan, « La censure politique », dans Fleming, Gallichan et Lamonde, dir., Histoire du livre et de l’imprimé au Canada, 1 : 349–358 ; Rutherford, The Making of the Canadian Media, 24–28. Pour le cas haut-canadien en particulier, voir Romney, « Upper Canada in the 1820s », dans Greenwood et Wright, dir., Canadian State Trials, 1 : 505–521. 28 Smith, Inquiry, v, i, 3 : 325. 29 Blackstone, Commentaries, i, 7 (1 : 259). Adam Smith réitère cette idée quelques fois. Par exemple, il affirme que : « when the judicial is united to the executive power, it is scarce possible that justice should not frequently be sacrificed to what is vulgarly called politics » : Inquiry, v, i, 2 : 325. Selon Alexander Hamilton, l’indépendance des juges peut être considérée, « in a great measure, as the citadel of the public justice and the public security » : Federalist Papers No 78, 466 (voir également 467, 470). 30 Montreal Gazette, les 7 avril 1838 et 12 septembre 1839. 31 Sur l’ordre social d’Ancien Régime au Bas-Canada, voir Greer, Peasant, Lord, and Merchant. Sur la question de la hiérarchie sociale au HautCanada, voir Noel, Patrons, Clients, Brokers, 61–78 ; Johnson,
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Becoming Prominent ; Russell, Attitudes to Social Structure and Mobility in Upper Canada 1815–1840. Voir, par exemple : « Petition of the Undersigned Inhabitants of the City of Quebec and its Vicinity » (le 29 mars 1834), dans Christie, A History, 3 : 551 ; qca, « Declaration », dans First Annual Report of the Constitutional Association, of Quebec, 14 ; MQA, « Annual Report of the General Committee of the Montreal Constitutional Association 1835 », dans Christie, A History, 4 : 257 ; Thom, Anti-Gallic Letters, 35, 71. Sur le développement du principe de propriété, voir Macpherson, The Political Theory of Possessive Individualism. Sur la question de la propriété dans l’Empire britannique, voir John McLaren, A.R. Buck et Nancy E. Wright, dir., Despotic Dominion. John Adams cité dans Thom, Anti-Gallic Letters, p. 109–110. La référence au texte de John Adams n’est pas donnée par Thom. La bonne référence serait : Adams, Defence of the Constitution of Government of the United States, iii [voir The Political Writings of John Adams, 147–148.] Voir, entre autres, qca, « Report of the Executive Committee » (le 5 janvier 1836), dans Christie, A History, 4 : 273–274. Robinson, Canada and the Canada Bill, 54. Smith, Inquiry, iii, 4 : 181–182. Sur les bons effets du commerce, voir aussi Montesquieu, Esprit, xx, i, (2 : 9–10). Thom, Anti-Gallic Letters, 6–7 qca, « Report of the Executive Committee » (le 5 janvier 1836), dans Christie, A History, 4 : 281. Montesquieu, Esprit, xi, vi (1 : 294). Phrase copiée par de Jaucourt, « Liberté politique », dans L’Encyclopédie, 2 : 212 et reformulée par De Lolme, Constitution, i, xii : 123. Montesquieu soutient plus loin : « la liberté politique consiste dans la sûreté, ou du moins dans l’opinion que l’on a de sa sûreté » : Esprit, xii, ii (1 : 328). Blackstone, Commentaries, i, 1 (1 : 125). Jaucourt, « Liberté civile », dans L’Encyclopédie, 2 : 211. qca, « Report of the executive committee » (le 8 mars 1836), dans Christie, A History, 4 : 298. Report of a Select Committee of the House of Assembly on the Political State of the Provinces of Upper Canada and Lower Canada, 5. Montreal Gazette, le 21 octobre 1837 et le 18 octobre 1838. Montreal Gazette, le 8 août 1837 et le 21 septembre 1837. Au HautCanada, Strachan déclare que « by the 31st Geo. 3d, Cap.31, a regular
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form of Government was established for this loyal and attached population. It confers upon them all the advantages of the British Constitution – all the elements of civil liberty to as great an extent as was compatible with their enjoyment, or as had ever been possessed by any appendage of the Crown » : Letter, 10–11. Robinson, Canada and the Canada Bill, 93. Thom attaque l’idée de la souveraineté du peuple en citant un long passage de John Adams dans lequel celui-ci s’en prend à l’idée, défendue par Marchmont Needham, voulant que la souveraineté du peuple ne menace pas les droits individuels puisque le « peuple » est le meilleur gardien de ses droits : « Marchamont Needham lays it down as a fundamental principle, and undeniable rule, “That the people, that is, such as shall successively chosen to represent the people, are the best keepers of their own liberties [...]. But who are the people ? [...] If it is meant by the people, as our author explains himself, a representative assembly, “such as shall be successively chosen to represent the people,” they are not still the best keepers of the people’s liberties, or their own, if you give them all the power, legislative, executive, and judicial ; they would invade the liberties of the people, at least the majority of them would invade the liberties of the minority, sooner and oftener than an absolute monarchy, [...]. But if one party agrees to oppress another, or the majority the minority, the people still oppress themselves, for one part of them oppress another » : John Adams cité dans Thom, Anti-Gallic Letters, 107–108. La référence au texte d’Adams n’est pas donnée par Thom. Elle devrait se lire : Defence of the Constitutions, iii [voir The Political Writings of John Adams, 145–146.] Thom (Anti-Bureaucrat), Remarks, 132–133. Thom, Anti-Gallic Letters, 82. John Bull affirme, dans une lettre ouverte adressée à Gosford, que « it is the duty of a man to submit his own inclinations and opinions to the will of the majority. But my Lord the just power of the majority to determine for the minority, has its bounds [...] the rights of each must be respected, because the rights of each are equal. The majority in numbers of the one tribe, does not give it the right to tyrannize over the other » : Montreal Gazette, le 26 janvier 1836. qca, « Declaration », dans First Annual Report of the Constitutional Association, of Quebec, 9–10. Thom, Remarks, 160. Thom, Anti-Gallic Letters, 58–59. Blackstone, Commentaries, i, 7 (1 : 257).
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55 Au Bas-Canada, la question de l’éligibilité des juges à l’Assemblée domine la scène politique de 1808 à 1811. Elle prend fin par la loi qui rend les juges inéligibles à siéger (51 Geo. iii, c.4.). 56 « John Berveley Robinson to Arthur », le 16 avril 1838, dans The Arthur Papers, 1 : 78. 57 Thom, Anti-Gallic Letters, 139 (nous soulignons). 58 Voir Blackstone, Commentaries, i, 2, ii (1 : 149–150) ; Bagehot, The English Constitution, 9. 59 Citation dans Thom, Anti-Gallic Letters, p. 136. Si Thom n’attribue pas la citation à son auteur, elle provient du juge Story dans Commentaries on the Constitution of the United States, § 540 (1 : 403). 60 Robinson, Canada and the Canada Bill, 67–68. 61 « Robert Baldwin Sullivan to Arthur », le 1er juin 1838, dans The Arthur Papers, 1 : 162. 62 « The absolute separation of the three great departments of civil government must have the unfortunate effect of excluding the ablest men of the country from the most powerful and most dangerous department, the legislature » : Thom, Remarks, 33, phrase reprise dans Anti-Gallic Letters, 138. 63 James Mackintosh, « Vindiciæ Gallicæ », dans Miscellaneous Works, 445. 64 Thom, Remarks, 165. 65 Montreal Gazette, le 15 août 1837. 66 Montreal Gazette, le 19 septembre 1837. 67 mca, « Address to the Inhabitants of British America » (janvier 1836), dans Christie, A History, 4 : 268. 68 W.F. Coffin, discours lors d’une rencontre de la Quebec Constitutional Association (le 21 janvier 1836), dans la Montreal Gazette, le 28 janvier 1836. 69 « Address of the Legislative Council of Lower Canada dated 1st April 1833 to the King’s Most Excellent Majesty » dans : jclbc, 1835–1836, Appendix EE-166-167. 70 Tristam dans Montreal Gazette, le 23 janvier 1836. 71 Thom, Anti-Gallic Letters, 147. 72 « Can any man, can even any patriot of common understanding, deny that the Assembly of Lower Canada is, in the strictest sense of the expression, virtually “self-elected ?” Can any reasonable being doubt, that the liberal members, as they absurdly and dishonestly style themselves, of the assembly are nominated and appointed by the dominant majority ? Who made the obscure editor of the Vindicator a law-giver ? The electors of Yamaska ? No. The mandate of Mr. Papineau “Elect the
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bearer” ? Yes. Mr. Papineau’s desire to cover the real nature of the contest by the mask of a few English names, however worthless, induce him to force on his vassals candidates entirely unknown and thus blindly to prove that the assembly is virtually “self-elected” » : Thom, Remarks, 11. Voir la sixième résolution de l’assemblée de Rawdon, tenue le 29 juin 1837, et la dixième résolution de l’assemblée de l’Acadie, tenue le 24 juillet 1837 à Napierville, dans Assemblées publiques, 124, 151. Voir Report of a Select Committee of the Legislative Council of Upper Canada, upon the Complaints Contained in an Address to the King, from the House of Assembly, passed 15th April, 1835, 33. Selon les républicains, les conseillers sont dépendants de la couronne, car celle-ci procède aux nominations. Or, cela est un non sens selon les constitutionnels puisqu’au moment où ils sont nommés, « they are legislators for life, and can no more be deprived of the legislative character than any member of the British House of Lords » : Ryerson [A Canadian], The Affairs of the Canadas, 43. Thom, Remarks, 22. Ryerson, The Affairs of the Canadas, 45. Report of a Select Committee of the Legislative Council of Upper Canada (1836), 38–39. « It has never been imputed to them by parliament or by the Government that they have failed in giving a due support to the rights of the crown on the one hand, or to the principles of the constitution on the other [...] » : Ibid., 141. Thom, Remarks, 184. L’auteur répète la même chose plus tard : « the English members of the legislative council, who are the virtual representatives of the English population [...] » : Anti-Gallic Letters, 5. De son côté, Ryerson affirme : « Happy is it for the inhabitants of English, Scotch, Irish, and American origin, who speak the English language, that there is a Legislative Council in Lower Canada ; and it is to be hoped that that branch of the Government will be sustained with an integrity and decision, in proportion to its importance. You have wisely concentrated all your forces against the Legislative Council, because you well know that the constitution of that body forms an impregnable fortress for the defence of the Royal prerogative on the one hand, and the protection of the rights and interests of 150,000 British inhabitants on the other » : Ryerson, The Affairs of the Canadas, 44–45. « Address to the King » dans Report of a Select Committee of the Legislative Council of Upper Canada (1836), 44.
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82 Robinson écrit à ce sujet : « As the councils have hitherto been constituted, their members have from the moment of the appointment been, in their character of Legislative Councillors, independent alike of the crown and of the people. They have received no emolument, and the honourable station conferred upon them could never afterwards be taken away » : Robinson, Canada and the Canada Bill, 140. 83 Montreal Gazette, le 12 décembre 1837. Sur le même thème, voir John Bull, Montreal Gazette, le 20 février 1836 ; Ryerson, The Affairs of the Canadas, 54. 84 Montreal Gazette, le 30 septembre 1837. 85 Robinson, Canada and the Canada Bill, 155–156. 86 Ibid., 154–155. 87 Montreal Gazette, le 25 juillet 1839. 88 Montreal Gazette, le 28 juillet 1838. 89 Report of a Select Committee of the House of Assembly on the Political State of the Provinces of Upper Canada and Lower Canada (1838), 22. 90 Montreal Gazette, le 1er décembre 1840 (nous soulignons). 91 « The Petition of the Undersigned Inhabitants of Lower-Canada », dans First Annual Report, 18 (nous soulignons). 92 Christopher Hagerman, cité dans Important Debate, 41. 93 Sur le nationalisme anglais, voir Newman, The Rise of English Nationalism, chapitres 4 et 6 ; Colley, Britons, chapitre 1. 94 De Lolme, Constitution, i, ix, 80–81. 95 Les constitutionnels utilisent généralement l’expression « birth-right » : voir le discours de John Neilson reproduit dans la Montreal Gazette, le 5 août 1837 ; Robinsons, Address of the Honorable Chief Justice ; Strachan, Letter, 10. 96 Il est à noter que l’idée d’exclusion incluse dans l’expression « Englishmen’s birth-rights » est propre aux constitutionnels anglophones. Les réformistes utilisent cette expression, mais dans un tout autre sens. 97 Voir Dunham, Political Unrest in Upper Canada, 48 et Craig, Upper Canada, 87–88. 98 « Robert Baldwin Sullivan to Arthur », le 1er juin 1838, dans The Arthur Papers, 1 : 134. 99 Robinson, Canada and the Canada Bill, 48. 100 mca, « Address to the Inhabitants of British America » (janvier 1836), dans Christie, A History, 4 : 263. 101 Robinson, Canada and the Canada Bill, 31. Cette vision d’un peuple anglo-américain inclut le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse :
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« In both these colonies the English laws and language exclusively prevail ; and everything that is British is valued as it deserves to be. Their inhabitants are a loyal people, contented with their political condition, not impatient of their dependence on England, but glorying in their connection with her » : 24. « Robert Baldwin Sullivan to Arthur », le 1er juin 1838, dans The Arthur Papers, 1 : 135. Selon Robinson, « Undoubtedly, the American people have ever shown, and they daily exhibit a most laudable spirit of enterprise. It has resulted from the characteristics of their race which we share with them [...]. » Il poursuit en disant que « Nothing can justly deprive the people of the United States of the credit of being a remarkably energetic, active, and enterprising race ; each man in his sphere gives striking proofs of these qualities » : Robinson, Canada and the Canada Bill, 57, 59. Montreal Gazette, le 18 octobre 1838. Les Haut-Canadiens adoptent cette explication raciale, voir Report of a Select Committee of the House of Assembly on the Political State of the Provinces of Upper Canada and Lower Canada (1838), 7 ; « Robert Baldwin Sullivan to Arthur », le 1er juin 1838, dans The Arthur Papers, 1 : 176. mca, « Annual Report of the General Committee » (1835), dans Christie, A History, vol. 4, p. 260. Montreal Gazette, le 16 décembre 1837. Cette idée est généralisée chez les constitutionnels des deux Canadas. Par exemple, Ryerson affirme aussi que les patriotes veulent « nothing less than the establishment of their ancient nationality and ascendancy in the province » : The Affairs of the Canadas, 10. S, La Minerve, le 16 février 1832 cité par Thom, Remarks, 106 et de nouveau dans Anti-Gallic Letters, 64, ainsi que par Ryerson, The Affairs of the Canadas, 22. Séguin, L’idée d’indépendance au Québec, 17–30. « Any expression of opinion in regard to the superior adaptation to the wants and interests of society of the republican form of Government, or that of a constitutional monarchy, is not required from the Committee. Both forms of government have their advocates ; each can be sustained by powerful arguments derived from history and from reason. But the Committee believe that no educated man of unprejudiced mind, will hesitate to denounce the course pursued by the French Canadian leaders, who, under the specious guise of Reformers, ostensibly desirous of a Government more intimately connected with the will of the people, as really animated by zeal for the preservation of all those peculiarities
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which so unenviably distinguish this Province from all other inhabited portions of North America » : mca, « Annual Report of the General Committee » (1835), dans Christie, A History, 4 : 250 (nous soulignons). « Petition to the King’s Most Excellent Majesty. The Petition of the undersigned inhabitants of the city of Quebec and its vicinity » (le 29 mars 1834), dans Christie, A History, 3 : 551. Ryerson, The Affairs of the Canadas, 32. Thom, Anti-Gallic Letters, 51. « The French Canadians are not an enterprising people ; they care little about commerce, and are not zealous promoters of public improvements ; and besides this, it is said, that their laws and customs have an unfavourable tendency and that their ignorance and national prejudices forbid all hope of amendment through the agency of the Legislature » : Report from the Select Committee of the Legislative Council of Upper Canada, on the State of the Province (1838), 68–69. Ryerson affirme la même chose : The Affairs of the Canadas, 47 (note d). Ibid., 195. mca, « Annual Report of the General Committee » (décembre 1835), dans Christie, A History, 4 : 252. « When a population is unlettered and unenlightened, to entrust them with the unrestricted use of political power would be, in fact, to retard the progress of rational freedom » : mca, « Annual Report of the General Committee » (décembre 1835), dans Christie, A History, 4 : 251–252. Thom, Anti-Gallic Letters, 87. Thom poursuit : « Difference of language must produce difference of feeling. The unity of the former is the only thing that can engender the unity of the latter » : 175. Peter McGill, « Meeting of the Constitutional Association of the City of Montreal » (le 30 décembre 1837), dans Christie, A History, 5 : 66–67. « [...] on a continent where none but an Anglo-Saxon nationality can be permanent or permitted » : Montreal Gazette, le 30 décembre 1837. Montreal Gazette, le 17 juillet 1838. Montreal Gazette, le 5 novembre 1839.
chapitre six 1 Voir, par exemple, Maurice Séguin, « Le double soulèvement de 1837 », dans Bernard, dir., Les rébellions de 1837–1838, 173–189. 2 Creighton, « The Economic Background of the Rebellions », 322–334 ; idem, The Empire of the St-Lawrence, ch. 10.
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3 Ouellet, Le Bas-Canada, 175–488 ; idem, Histoire socio-économique du Québec, 325–440 ; Ryerson, Le capitalisme et la Confédération, 29–133. Voir aussi les articles suivants : W.H. Parker, « Nouveau regard sur les troubles au Bas-Canada dans les années 1830 », Catherine Vance, « 1837 : travail et tradition démocratique », ainsi que Gilles Bourque et Anne Légaré, « Résistance paysane à l’exploitation petite-bourgeoise et question nationale », dans Bernard, dir., Les patriotes de 1837–1838, 162–172, 190–204, 264–283. 4 Bernier et Salée, « Les insurrections de 1837–1838 au Québec », 13–29 ; idem, Entre l’ordre et la liberté. 5 Larue, « Allégeance et origine » ; Mills,The Idea of Loyalty in Upper Canada, 71–110 6 Greer, « Historical Roots of Canadian Democracy ». 7 Jusqu’à présent, les historiens ont cherché à déterminer l’influence directe des Révolutions américaine et française sur l’histoire canadienne. Si le résultat de leurs recherches est décevant, c’est qu’ils ont essayé de faire correspondre l’évolution politique canadienne à un cadre historique qui appartient à un autre contexte. Il peut certes être utile de rechercher la parenté entre l’histoire canadienne et une autre. Toutefois, en se servant de celle-ci comme unité de comparaison, on impose à celle-là un cadre rigide qui lui est étranger. De plus, étant donné que les auteurs ont cherché les répercussions des Révolutions sur le Canada, ils ont généralement cessé leurs recherches en 1815, au moment où « l’ère des Révolutions » se termine en Europe [Galarneau, La France devant l’opinion canadienne ; Wallot, « Révolution et réformisme dans le Bas-Canada (1773–1815) », 344–406.]. Or les principes qui légitiment ou justifient (a priori ou a posteriori) les Révolutions atlantiques ne disparaissent pas en 1815. Cette division chronologique est donc au mieux arbitraire. Les historiens s’en sont rendus compte au cours des dernières décennies. Lorsque Jean-Paul Bernard, Michel Grenon et Jean-Pierre Wallot ont étudié le rapport ayant pu exister entre la Révolution française et les rébellions de 1837–1838, ils ont conclu que la Révolution française a eu une faible influence sur les rébellions [Bernard et Grenon, « La Révolution française et les Rébellions de 1837 et 1838 dans le BasCanada », dans Simard, dir., La Révolution française au Canada français, 14–38 ; Wallot, « La Révolution française au Canada, 1789–1838 », dans Grenon, dir., L’image de la Révolution française au Québec, 61–104.]. Cette conclusion était prévisible, étant donné que les patriotes et les radicaux ont préféré utiliser des références américaines. Toutefois, avant de conclure à l’américanité du mouvement, il faut se rendre compte
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que les Révolutions atlantiques, dans leur phase américaine ou française, sont filles de la liberté républicaine. Or, le mouvement patriote bas-canadien et le mouvement radical haut-canadien en appellent bel et bien aux principes républicains. Ils justifient leurs revendications grâce à ces principes tout au long des années 1828–1837 et plus encore lors des rébellions. Strachan, « To the Attorney General (18 avril 1834) », The John Strachan Letter Book, 226. Le St.Catherines Journal, cité dans la Montreal Gazette, affirme dans la même veine : « the contest now going on is between British Reformers, on the one hand, and French revolutionary Jacobins, on the other – rational British freedom under a British Monarch, or abject submission to the domination of a French Republic » : dans la Montreal Gazette, le 19 janvier 1836. « General Report of the Commissioners for the Investigation of all Grievances Affecting His Majesty’s Subjects of Lower Canada », le 15 novembre 1836, bpp-c-c, 4 : 5–6. Si l’élection de 1836 est entachée d’irrégularités, ces dernières « ne suffisent pas toutefois à expliquer le balayage des tories qui gagnèrent deux fois plus de sièges que les réformistes » : Read, La rébellion de 1837 dans le Haut-Canada, 10. En fait, l’appel à la loyauté lancée par le lieutenantgouverneur Francis Bond Head permet de clarifier l’enjeu entre l’appartenance à l’Empire (liée à la liberté moderne) et la déloyauté (liberté républicaine). Cette section propose une analyse de l’état d’esprit du gouvernement londonien et du cadre intellectuel à l’intérieur duquel le gouvernement adopte sa politique. Pour une excellente histoire de la politique impériale à cette époque, voir Buckner, The Transition to Responsible Government. « Despatch from the Secretary Sir George Murray, to Lieutenant General Sir James Kempt », le 29 septembre 1828, bpp-c-c, 6 : 219. « Report from the Select Committee on Lower Canada », le 3 juillet 1834, bpp-c-c : 1. Sur la mission avortée de Amherst, voir Buckner, Transition to Responsible Government, 186–189. « Despatch from Lord Glenelg to the Earl of Gosford, The Right Hon. Sir C.E. Grey and Sir G. Gipps, His Majesty’s Commissioners of Inquiry in Lower Canada », le 17 juillet 1835 (no 1), bpp-c-c, 7 : 180. « Despatch from Lord Glenelg to His Majesty’s Commissioners of Inquiry in Lower Canada », le 17 juillet 1835 (no 2), bpp-c-c, 7 : 207.
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17 André Garon a établi cette indépendance des Conseils après 1828, voir « La fonction politique et sociale des chambres hautes canadiennes, 1791–1841 », 70, 77. 18 « Lord Aylmer’s Despatch on 5th March 1834, addressed to the Right Honourable Edward Stanley », bpp-c-c, 7 : 326. 19 Le témoignage que Morin livre devant le comité de la Chambre des communes en mai 1834 est reproduit dans « Report from the Committee on Lower Canada », le 3 juillet 1834, bpp-c-c, 1 : 102–106 (pour le Conseil législatif). 20 Il s’agissait d’une des plaintes incluses dans les Quatre-vingt-douze Résolutions de 1834 : voir résolutions 51, 52,75 et 77, dans jcabc, 1834, 323, 329–330. 21 « Lord Goderich à Lord Aylmer », le 7 juillet 1831, jcabc, 1831– 1832), 26. 22 « Despatch from Lord Glenelg to the Earl of Gosford », le 17 juillet 1835 (no 3), bpp-c-c, 7 : 212. 23 Nos calculs sont basés sur la liste des conseillers fournie dans Desjardins, Guide parlementaire historique de la province de Québec, 56–59. 24 Cité dans Buckner, Transition to Responsible Government, 222. Peter Burroughs la paraphrase aussi dans The Canadian Crisis and the British Colonial Policy, 87. 25 « Lord Aylmer’s Despatch on 5th March 1834, addressed to the Right Honourable Edward Stanley », bpp-c-c, 7 : 327. 26 « Lord Aylmer’s Despatch to the Right Honourable the Earl of Aberdeen », le 18 mars 1834, reproduite dans jcabc, 1834, Appendix L.L. 27 First Report on the State of the Representation of the People of Upper Canada, 8, 14 ; Mackenzie, Sketches of Canada, 361–2 ; « Declaration », The Constitution, le 2 août 1837. 28 Papineau, « Abolition du Conseil législatif (Chambre d’Assemblée, 11 mars 1831) », dans Un demi-siècle de combats, 164. 29 Voir les résolutions 64–74, 84 (8) dans jcabc, 1834, 327–329, 332. 30 Selon lord Glenelg, « the constitution of Lower Canada consists of various branches or members, to each of which Parliament has assigned such functions as were thought necessary to counterbalance the danger of abuse in the other organs of government » : « Despatch from Lord Glenelg to the Earl of Gosford, The Right Hon. Sir C.E. Grey and Sir G. Gipps, His Majesty’s Commissioners of Inquiry in Lower Canada », le 17 juillet 1835 (no 1), bpp-c-c, 7 : 178.
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31 Lord Gosford, Charles Grey et George Gipps, « Second Report », le 12 mars 1836, bpp-c-c, 4 : 89. 32 Assemblée de constitutionnels à Montréal, « Address to Men of British or Irish Descent », le 20 novembre 1834, dans Christie, A History, 4 : 40. 33 Thom (Camillus), Anti-Gallic Letters, 33 (nous soulignons). 34 Ibid., 204–205. 35 Ibid., 125. 36 Ibid., 208. 37 « La même loi qui donne au peuple des représentants, sans le consentement desquels on ne peut lui demander son argent, lui donne non seulement le droit, mais lui impose l’obligation de s’armer contre les rois, et les hommes des rois qui tenteraient de lui ravir le système représentatif » : Papineau, « Ouverture de la session parlementaire de 1837 (Chambre d’Assemblée, 19 août 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 477. La deuxième résolution de l’assemblée de Stanbridge, Missiskoui (tenue le 4 juillet 1837) affirme clairement que : « [le peuple] possède le droit inviolable d’amender, de réformer ou de changer ce gouvernement, toutes les fois que sa sûreté, son bonheur ou sa prospérité l’exigent, ou que la liberté publique est en péril, il peut reprendre ses droits et agir d’après ses propres énergies, lorsque ses efforts pour obtenir justice ailleurs sont inefficaces » : La Minerve, le 13 juillet 1837. 38 « Government is founded on the authority and is instituted for the benefit of a people ; when, therefore, any government long and systematically ceases to answer the great ends of its foundation, the people have a natural right given them by their Creator to seek after and establish such institutions as will yield the greatest quantity of happiness to the greatest number » : Mackenzie, « Declaration » ; The Constitution, le 2 août 1837. Voir aussi l’ébauche de constitution publiée par Mackenzie dans The Constitution, le 15 novembre 1837. 39 La Minerve, le 9 février 1832. 40 « I would earnestly recommend to the advisers of the crown, that they employ a leisure hour in comparing the history of the era preceding the revolution in North America, with events which are passing before the eyes on that interesting continent » : Mackenzie, Sketches of Canada, xxiv. 41 Mackenzie, Sketches of Canada, 14. 42 Papineau, « Assemblée de Saint-Laurent (Discours public, 15 mai 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 419.
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43 Papineau, « Aux libres et indépendants électeurs du Quartier-Ouest de Montréal (Discours électoral, 3 décembre 1834) », dans Un demi-siècle de combats, 350. 44 Papineau, « Assemblée des comtés de l’Assomption et de Lachenaie (Discours public, 29 juillet 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 463. 45 « Adresse des Fils de la liberté de Montréal aux jeunes gens des colonies de l’Amérique du nord », 4 octobre 1837, dans Assemblées publiques, 216. 46 Papineau, « Adresse de la Confédération des Six Comtés au peuple du Canada (Adresse publique, 24 octobre 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 496–7. 47 Première résolution de l’assemblée des Six-Comtés reproduite dans La Minerve, le 30 octobre 1837. Mackenzie en appelle sans ambages au « right [that] was conceded to the present United States at the close of a successful revolution, to form a constitution for themselves [...] » : The Constitution, le 2 août 1837. 48 Le docteur Nelson est cité par Louis-Antoine Dessaulles, Papineau et Nelson, 45. Il faut dire que la brochure est écrite pour défendre la conduite de Papineau durant les rébellions contre les accusations de Wolfred Nelson. Reste à savoir si la citation est véridique. Elle est toutefois reprise par Gérard Filteau en ces termes : « le temps est arrivé de fondre nos plats et nos cuillers d’étain pour en faire des balles » : Histoire des Patriotes, 277. 49 Côté cité par Filteau, Histoire des Patriotes, 277. Filteau affirme que « tout cela n’était que de l’intimidation à l’égard des autorités ». Quoi qu’il en soit, la rébellion est considérée comme une voie d’avenir et l’appel à la rébellion est lancé sans détour. 50 « Je dois le dire, ce n’est ni la peur, ni le scrupule, qui me porte à dire que l’heure n’a pas sonné [...] quiconque est familiarisé avec la connaissance de l’histoire de la juste et glorieuse révolution des États-Unis, voit un concert si unanime des hommes les plus éclairés et les plus vertueux de tous les pays du monde ; qui applaudissent à la résistance héroïque et morale, qu’opposèrent les Américains à l’usurpation de [sic] parlement britannique, qui voulut les dépouiller, et approprier leur revenu, comme il prétend aujourd’hui faire du nôtre, que [ce] serait pour ainsi dire s’associer aux réputations les plus grandes et les plus pures des tems modernes, que de marcher avec succès dans la voie qu’ont tracée les patriotes de 74 » : Papineau, « Assemblée de Saint-Laurent (Discours public, 15 mai 1837) », dans Un demi-siècle de combats, 432–433.
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51 The Constitution, le 26 juillet 1837. 52 Lindsey, The Life and Times of William Lyon Mackenzie, 2 : 358. Le texte « Independence » est reproduit dans Lindsey, vol. 2, appendix F et dans The Selected Writings of William Lyon Mackenzie, 222–225. C’est Fairley qui situe la distribution du texte le 2 novembre 1837. 53 Toute la section ne forme qu’un paragraphe d’un discours de Papineau : « Abolition du Conseil législatif (Chambre d’Assemblée, 11 mars 1831) », dans Un demi-siècle de combats, 156. 54 « L’autorité d’une mère-patrie sur une colonie ne peut exister qu’aussi longtemps que cela peut plaire aux colons qui l’habitent ; car ayant été établi et peuplé par ces colons, ce pays leur appartient de droit, et par conséquent peut être séparé de toute connexion étrangère toutes les fois que les inconvénients résultant d’un pouvoir exécutif situé au loin et qui cesse d’être en harmonie avec une législature locale, rendent un telle démarche nécessaire à ses habitants, pour protéger leur vie et leur liberté ou pour acquérir la postérité » : « Adresse des Fils de la liberté de Montréal, 4 octobre 1837 », dans Assemblées publiques, 215. 55 La Minerve, le 5 juin 1837. 56 Thom, Anti-Gallic Letters, 39. 57 Discours de l’Honorable Peter McGill à l’assemblée loyale sur la Place d’Armes à Montréal tenue le 23 octobre 1837 (Montreal Gazette, le 24 octobre 1837). La Montreal Gazette affirme en novembre : « It cannot be denied that those who have always been accustomed to wage political hostility against the Constitution and the supreme authority of England, are now desirous of enforcing their arguments by physical prowess [...]. But it is fortunate for the peaceable members of society that, the courage of these revolutionary despots lacks much of the zeal of their ill-advised ambition. They have the audacity to project what they have neither the power, the strength, nor the hardood [sic] to accomplish » : Montreal Gazette, le 7 novembre 1837. 58 Blackstone, Commentaries, i, 2, 3 (1 : 157). 59 Voir Locke, « Second Treatise on Civil Government », xi, 134–136 dans Political Writings, 328–331. 60 Blackstone, Commentaries, i, 2 (1 : 157). 61 Ibid., iv, 6 (4 : 82). 62 Pour la discussion sur le droit à la révolte, voir Locke, « Second Treatise on Civil Government », xviii, 199–210 dans Political Writings, 363–369. 63 Thom (Anti-Bureaucrat), Remarks, 55. La Montreal Constitutional Association affirme : « it is this exclusive French Canadian spirit alone
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which has given rise to all the discontent existing in this Province [...] no real oppression exists in the Province and no real grievance, consistent with the preservation of British supremacy, remains unredressed. The French Canadian leaders have endeavoured to excite the sympathy of the citizens of the United States, and of the professed republicans in Upper Canada [...] as if their real views were republican, and as if that form of government were favoured by the French Canadian population » : Constitutional Association of Montreal, « Address to the Inhabitants of the Sister Colonies », le 13 decembre 1837 », dans Christie, A History, 4 : 510. Thom, Letter, 6–7. mca, « Address to the Inhabitants of the Sister Colonies », le 13 décembre 1837, dans Christie, A History, 4 : 508–509. Report from the Select Committee of the Legislative Council of Upper Canada on the State of the Province (1838), 12. Thom, Remarks, 57. Ibid., 58. Report from the Select Committee of the Legislative Council of Upper Canada, on the State of the Province (1838), 17. Fox cité par Thom, Anti-Gallic Letters, 177–178. Si Thom ne donne pas la source de cette citation, nous savons que cette affirmation a été faite le 8 avril 1796 : voir The Parliamentary Register, 44 : 382. Montreal Gazette, le 14 janvier et le 9 juin 1836. Thom, Anti-Gallic Letters, 40. Ibid., 178. Lord Gosford, Charles Grey et George Gipps, « Second Report », le 12 mars 1836, bpp-c-c, 4 : 90. Le commissaire Gipps va plus loin en affirmant que Londres ne peut retirer ses forces armées du Bas-Canada puisqu’une guerre civile s’ensuivrait : « Extracts of the Minutes of Proceedings on Monday 14 March 1836 », bpp-c-c, 4 : 99. Young, The Politics of Codification, 84–95 ; Carman Miller, « Day, Charles Dewey », dbc, xi : 261–263. Lettre de Charles Dewey Day, datée du 22 décembre 1837 et publiée dans la Montreal Gazette, le 17 février 1838. Le Canadien, le 17 janvier 1838. Robinson, Address, of the Honorable Chief Justice. Sur cette question, voir aussi Jerry Bannister, « Canada as Counter-Revolution : The Loyalist Order Framework in Canadian History », dans Constant et Ducharme, dir., Liberalism and Hegemony, 112–127. Robinson, Charge of the Honorable John B. Robinson, 10.
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80 Cette réflexion sur la différence entre l’État préindustriel et l’État industriel est directement tirée de l’article suivant : Greer, « The Birth of the Police in Canada », dans Greer et Radforth, dir., Colonial Leviathan, 17–49 (18 pour la citation). Sur le charivari, voir Greer, The Patriots and the People, 69–86. 81 Robinson, Charge of the Honorable John B. Robinson, 10. Robinson poursuit sur cette lancée lorsqu’il condamne à mort Lount et Matthews. Selon lui, l’action des rebelles était inacceptable, parce que rien ne brimait la liberté, la propriété et la sécurité. Voir Address, of the Honorable Chief Justice. 82 qca, « Report of the executive committee », le 5 janvier 1836, dans Christie, A History, 4 : 280. 83 Lettre à Gosford reproduite dans Christie, A History, 4 : 143. 84 Réponse de Gosford au British Rifle Corps, reproduite dans Christie, A History, 4 : 143. 85 qca, « Report of the Executive Committee », le 5 janvier 1836, dans Christie, A History, 4 : 281. 86 « Robert Baldwin Sullivan to Arthur », le 1 juin 1838, dans The Arthur Papers, 1 : 172. 87 Quatrième résolution Russell, bpp-c-c, 9 : 15. 88 « Despatch from Lord Glenelg to the Earl of Gosford », le 29 avril 1837, bpp-c-c, 9 : 18. 89 Cinquième résolution Russell, bpp-c-c, 9 : 15. 90 « Despatch from Lord Glenelg to the Earl of Gosford », le 14 juillet 1837, bpp-c-c, 9 : 23. 91 La Minerve, le 30 octobre 1837. 92 « Despatch from Lord Glenelg to the Earl of Gosford », le 22 mai 1837, bpp-c-c, 9 : 19. 93 Nous partageons l’avis d’Allan Greer, pour qui la rébellion de 1837 a été le moment où le Canada est passé le plus près d’une révolution : voir The Patriots and the People, 3–10. 94 Sur la répression des rébellions, voir l’ouvrage dirigé par Greenwood et Wright, dir., Canadian State Trials, vol. 2. 95 Deuxième résolution adoptée par la Quebec Constitutional Association le 7 février 1838, citée dans Christie, A History, 5 : 76. L’abdication de James II est officiellement déclarée dans le Bill of Rights (1689). 96 Pour une bonne étude du Conseil spécial, voir Watt, Authoritarianism, Constitutionalism and the Special Council of Lower Canada. 97 Locke, « Second Treatise on Civil Government » xiv, 164 dans Political Writings, 346 ; Montesquieu, Esprit, xi, vi (1 : 296).
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Notes des pages 231−237
98 « Lord John Russell to the Right Hon. C. Poulett Thomson », le 7 septembre 1839, bpp-c-c, 13 : 10. 99 Lord Durham, Report on the Affairs of British North America, 2 : 260. 100 Montreal Gazette, le 31 mars 1838. 101 Le Canadien, le 21 mars 1838. 102 Mill, « Considerations on Representative Government » iii dans On Liberty and Other Essays, 243–244. 103 Voir Mill, Collected Works of John Stuart Mill, vi : 405–435, 437–443, 445–464 ; idem, Autobiography, 216–217. 104 Robinson, Canada and the Canada Bill, 138. 105 Tables relatives aux actes et ordonnances du Bas-Canada, 109–148.
conclusion 1 À ce sujet, voir Ducharme, « Penser le Canada ». 2 Sur la question de la souveraineté parlementaire canadienne, voir Ajzenstat, The Canadian Founding ; Resnick, Parliament vs People ; idem, « Montesquieu Revisited » et « Burke or Rousseau ? Parliament or People ? » dans The Masks of Protheus, ch. 4–5. Sur l’inexistence d’un peuple canadien souverain, voir Russell, Canadian Odyssey. 3 McKay, « Liberal Order Framework », 624. Sur le libéralisme défini par ces trois termes, voir Roy, Progrès, harmonie, liberté, 49–53.
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Index
A.B. (correspondant du Canadien, 1807) : sur la responsabilité ministérielle, 76–77, 80 Aberdeen, George HamiltonGordon, 4e comte de, 207, 210 Acadie, 46 accumulation de la richesse (liberté moderne), 6, 21, 33–35, 44, 71, 175–176, 200, 236 ; critique républicaine, 103, 105, 112, 131 Acte constitutionnel (1791), 7, 9, 13–14, 47, 51–67, 91 ; relation entre les pouvoirs exécutif et législatif, 74–76 ; ressemblance avec la constitution britannique, 58–61, 64, 74–76, 85–86, 91, 99 ; et les Révolutions atlantiques, 60 ; souveraineté, 58, 60, 62 Acte de Québec (1774), 52–53, 82, 91, 131. Adams, John, 31, 44, 174 Addington, Henry, 125 A Discourse on the Character of King George the Third (1810), 164–165. Voir aussi Strachan, John
agriculture (idéal républicain), 34, 44, 101, 111–112, 149, 157, 200 Ajzenstat, Janet, 22–23 américanistes (France), 29, 31, 204 américanité, 3, 22, 129 Amérique, 18, 20, 128, 129 Amérique du Nord, 20, 48, 52, 98, 120, 129–130, 155, 160, 203 Amérique du Nord britannique, 3, 6, 8, 18, 20, 47, 66, 90, 144, 146, 166, 171, 178, 197, 199, 201, 215, 231, 234 Amérique du Sud, 3, 18, 203 Ancien Régime, 4, 8, 17, 25, 120 Angleterre, 5, 19–20, 25, 30, 45, 56, 59, 63, 76, 91, 98–99, 126, 170–171, 182, 197–198, 218. Voir aussi Grande-Bretagne et Royaume-Uni anglomanes (France), 29, 31, 50, 204 Anti-Gallic Letters (1836), 167. Voir aussi Thom, Adam Appleby, Joyce, 23 Arendt, Hannah, 22 Argyle, Archibald Campbell, 9e comte de, 127
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Index
Assemblée législative bascanadienne, 61–65, 69–70, 79, 83, 121, 124, 134, 158, 167, 205 ; agent à Londres, 127 ; et le Conseil législatif, 69, 118, 140, 149, 161, 189, 198, 205 ; contrôle des subsides, 84–87, 90, 117, 146, 211, 228–229 ; demande pour sa création, 52– 53 ; dominée par les Canadiens français, 90, 180, 187–188, 205 ; et le droit de vote des femmes, 152, 155 ; expulsion de Mackenzie, 173 ; interprétation républicaine, 93, 95, 137 ; menace d’indépendance, 127 ; position des constitutionnels, 176–177, 186–188, 212 ; président (orateur), 65, 93 ; procédure en destitution, 83 ; responsabilité ministérielle, 75– 79, 82, 135, 141–142 ; suspension, 231 ; union de 1822, 90–93 Assemblée législative hautcanadienne, 168 ; contrôle des subsides, 100, 117, 211–212 ; critique de Gourlay, 106 ; position des constitutionnels, 188, 190 ; question de la représentation, 137–138 ; et les républicains, 101, 114, 119, 121–122, 205 ; responsabilité ministérielle, 108–109, 143 Assemblée législative coloniale, 67, 72, 75, 182 ; Acte constitutionnel, 51, 54, 58–61 ; affrontement entre les Assemblées réformistes et les autres institutions, 113, 115, 117 ; comité de 1828, 115 ; comparaison avec la
Chambre des communes, 59–60, 180–182 ; contrôle des subsides, 208–211 ; critique des Assemblées républicaines par les constitutionnels, 178–179, 188–189 ; gouvernement mixte, 94–95, 182, 185, 189, 194 ; représentation du peuple républicain, 136–139 ; responsabilité ministérielle, 183–185, 227 Assemblée nationale (France), 42, 48, 123, 217 assemblées publiques de 1837 : Malbaie, 137 ; Saint-Constant, 134 ; Saint-Marc, 135 ; SainteScholastique, 155, 157, 218 ; Six-Comtés, 161, 216, 228 Aylmer, Matthew, 5e baron, 118, 188–189, 207–210 Baby, Charles, 110 Baby, Raymond, 110 Bailyn, Bernard, 19, 23 Baldwin, Robert, 108, 110, 119, 142–143, 163, 168, 204 Baldwin, William Warren, 97, 108–110, 142–143, 163 Banning, Lance, 23 Banque du Peuple, 132 bataille de Saint-Charles (1837), 229 bataille de Saint-Denis (1837), 229 bataille de Saint-Eustache (1837), 130, 229 Bédard, Laurent, 79–80, 84 Bédard, Pierre-Stanislas, 68–72, 76–79, 81, 83, 87, 237 Bellavance, Marcel, 156 Bentham, Jeremy, 156
Index Berlin, Isaiah, 28 Bernier, Gérald, 202 bicaméralisme américain, 139 Bidwell, Barnabas, 111 Bidwell, Marshall Spring, 111, 121, 130–131, 196, 204 Bill of Rights (Angleterre, 1689), 71 Blackstone, William, 30, 40, 44, 60–62, 64, 69, 71, 73, 80, 88–89, 108, 162, 165, 169, 172, 194, 219–220 Blanchet, François, 83–85 Bolingbroke, Henry Saint John, vicomte, 29, 49 Bourdages, Louis, 121 boycott, 135, 215 Braddick, Michael, 4 Bréhaut-Ryerson, Stanley, 202 Brissot, Jacques-Pierre, 30 British Rifle Corps, 225 Buckner, Philip A., 90 Burke, Edmund, 31, 44, 49, 54–56, 59, 61, 91, 102, 150, 165, 203, 237 Burnett, Francis, 102 Burton, Francis, 87 Cabinet britannique, 74–75, 82, 109, 183, 185, 222. Voir aussi responsabilité ministérielle Calvet, Pierre du, 53 Canadian Freeman, 173 Canadian Revenue Control Act (1 & 2 William IV, c.23), 207– 208, 211–212 canadianité, 9 Cartier, George-Étienne, 22 Cartwright, John, 102 Catherine ii (Russie), 42
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Chambre d’Assemblée. Voir Assemblée législative Chambre des communes, 39, 55, 57, 60 ; critiquée au Bas-Canada, 88–89 ; pouvoir de taxation, 85 ; président (orateur), 93 ; responsabilité ministérielle, 73–75, 183 Chambre des lords, 54 ; critiquée au Bas-Canada, 89 ; responsabilité ministérielle, 81, 109 Charles Ier (Angleterre), 83 Charles II (Angleterre), 88 Christian Guardian, 168 Clark, Thomas, 101 Clarke, Alured, 64 Clear Grits, 235 Clermont-Tonnerre, Stanislas de, 31 Cobbett, William, 102, 111 Colborne, John, 115, 231 Collins, Francis, 173 Colonial Advocate and Journal of Agriculture, Manufacture & Commerce, 110–113, 121, 168, 173. Voir aussi Mackenzie, William Lyon Colonial Office, 59, 74, 127, 145, 180, 195, 207, 209 Comité de Salut public (France), 83 Comité spécial de la Chambre des communes concernant le gouvernement civil du Canada : comité de 1828, 87, 114–115, 131–132, 142, 206–208, 227 ; comité de 1834, 119, 142, 206, 208 commerce : attitude des républicains, 34, 51, 105, 111–112, 157 ; idéal moderne, 6, 42, 44, 99, 164, 176, 200, 213
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Index
commercialisme, 8, 21 ; opposition au républicanisme, 21–24, 29, 202 Commonwealth (Angleterre), 19, 27, 45, 88, 126 Commonwealthmen, 19, 29, 33, 44, 49, 104, 152–153 Comtat Venaissin (États du pape en France), 49 Condorcet, Antoine de, 30, 44, 49, 150 Congrès continental américain, 47 Conseil exécutif, 59–60, 167–168, 182 ; au Bas-Canada, 69–70, 74–82 ; critique républicaine, 141–143, 161 ; défense des constitutionnels, 183–184, 188– 189 ; au Haut-Canada, 97, 108– 110, 119 ; réforme de Londres, 227 ; relation avec les Assemblées coloniales, 115, 117, 167. Voir aussi responsabilité ministérielle Conseil législatif, 58–60, 115, 117, 126, 134, 167–168, 180, 182 ; au Bas-Canada, 62, 69–70, 83, 87, 90, 93, 95 ; comparaison avec la Chambre des lords 59, 149, 180–182 ; critique des républicains, 118, 120, 134, 138–141, 143, 149, 154, 158, 161 ; défendu par les constitutionnels, 166, 188–191, 226 ; proposition de Charles James Fox (1791), 57 ; au HautCanada, 113, 131 ; réforme de Londres, 207–211, 227 ; relation avec les Assemblées coloniales, 115, 117, 167, 188, 198, 205 Conseil privé, 79 Conseil spécial (Bas-Canada), 231–234
conservateurs, 12, 21, 25, 31, 115, 162–163, 202 conservatisme : et identité hautcanadienne, 101 ; et libéralisme, 8, 163, 254n83 Constant, Benjamin, 27–29, 43–44, 89 constitution américaine, 36, 56, 58, 89, 136 constitution britannique, 25, 45, 30–31, 52, 55–56, 72–75, 86 ; interprétation républicaine, 54, 60–61, 94 Constitution civile du clergé, 160 constitutionnalisme (dans le monde atlantique), 45–48 constitutionnalisme (dans les Canadas), 236 ; à la base de l’Acte constitutionnel, 51–53, 55–59, 64–66 ; défense du Conseil législatif, 188–191 ; et la dépendance coloniale, 191–194 ; différence entre les institutions coloniales et métropolitaines, 185 ; égalité, 164, 174 ; exclusion des Américains, 195–197 ; exclusion des Canadiens français, 197– 201 ; fondé sur la liberté, 164– 165 ; forces constitutionnelles, 168–169 ; glissement vers républicanisme à la fin des années 1820, 89, 93–95 ; gouvernement mixte, 180–191 ; marginalisation des réformistes constitutionnels, 96, 119 ; mépris pour Canadiens français, 176– 177 ; opposition à la souveraineté populaire, 179–180 ; promu par les constitutionnels, 96, 162 ; et les réformistes bas-canadiens,
Index 67–71, 78, 82, 87, 89, 91–92 ; et les réformistes haut-canadiens, 68, 98–99 ; rupture chez les réformistes bas-canadiens, 96 ; séparation des pouvoirs, 181– 183 ; souveraineté parlementaire, 80. Voir aussi accumulation de la richesse, libertés civiles et propriété constitutionnalisme (principe) : accumulation de la richesse, 35 ; autonomie individuelle, 75 ; égalité, 32–33 ; idéologie nonsubversive, 45 ; et libéralisme 8 ; passage au républicanisme 67, 93, 120, 139 ; pouvoir de taxation, 84 ; promoteurs, 30– 31 ; raison, 35, 40 ; séparation des pouvoirs, 75 ; souveraineté parlementaire, 38–41 contre-révolution, 25, 50, 160 ; au Canada, 3, 7, 20, 47, 51, 54 contrôle des subsides : au BasCanada, 84–87 ; au HautCanada, 99–100. Voir aussi Canadian Revenue Control Act et liste civile Cooke, Edward, 99 corruption, 22, 88 ; dans le discours républicain, 19, 93, 103–104, 112, 122, 132–135, 137–138, 153–154, 156, 215 Corse, 156 Côté, Cyrille-Hector, 216 Cour suprême des États-Unis, 40 Craig, James, 78, 172, 197 Creighton, Donald, 202 Cromwell, Oliver, 126 Cuvillier, Augustin (Austin), 114, 152, 166
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D’Alembert, Jean le Rond, 42 Dalhousie, George Ramsay, 9e comte de, 85, 87, 113, 115, 117, 206, 209 Day, Charles Dewey, 223 De la liberté des anciens comparée à celle des modernes (1819), 27–29. Voir aussi Constant, Benjamin Déclaration d’indépendance des États-Unis (1776), 47 Déclaration d’indépendance du Bas-Canada (1838), 124, 147– 148, 157, 230 Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (France, 1789), 36, 42 Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (France, 1791). Voir Gouges, Olympe de Declaratory Act (Grande-Bretagne, 1778), 72 démocratie libérale, 28 député, 12, 44, 53, 58, 64–65, 68–69, 72, 74–76, 82–84, 86, 88, 95–96, 98, 100–102, 109–111, 114, 119, 121, 126, 127, 135–138, 141–142, 147, 152, 168, 173, 176–177, 182, 184, 188–190, 194, 210, 228–29. Voir aussi Assemblée législative despotisme éclairé, 42 despotisme légal, 31, 42 destitution, procédure en (BasCanada), 82–84, 261n44 Dickson, William, 101 Diderot, Denis, 42 Doric Club, 225 droits civils. Voir libertés civiles
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Index
droits conventionnels, 32, 42, 147–148 droits de l’homme (rights of man), 54–55, 64, 125, 140, 194, 216 droits de naissance (birth-rights), 30, 194–195, 218 droits naturels, 30, 33–35, 38, 45, 194–195, 218 droits sacrés, 30, 40, 60, 84 Duncombe, Charles, 122, 133–134, 196 Dunham, Aileen, 111 Durham, John George Lambton, 1er comte de, 156, 201, 231–232, 234, 236 Duvernay, Ludger, 93, 121, 173 égalité, 8, 31 ; au Canada, 150 ; moderne, 6, 32–33, 66, 164, 174, 237 ; républicaine, 5, 19–20, 31–34, 36, 42, 44, 51, 123, 129–133, 135, 142, 145, 147–148 Empire britannique, 3, 20–21, 25, 47, 53, 68–69, 76–7, 87, 115, 124, 144–146, 159, 178, 192– 193, 195–197, 201, 204, 212, 218, 221, 224, 226 Espagne, 49, 126 État libéral au Canada, 7 État : au Canada, 3, 7, 9–11, 14, 51, 65–66, 67, 69, 71, 94, 107, 113, 117, 120, 122, 203–206, 214, 224, 226, 229, 234–237 ; et constitutionnalisme, 33, 38–39, 43, 63, 72, 130, 163–165, 178– 180, 185, 192, 194, 220, 225 ; légitimité, 12, 14, 17, 24, 47, 63 ; et liberté, 5–6, 13, 252–256, 28, 43, 60, 204–205 ; relation avec
Église, 12–13 ; et républicanisme, 20, 34–35, 37, 130, 133, 136, 144, 147, 153, 162 États-Unis, 29, 50, 89, 112–113, 128–133, 160, 164, 183, 197– 198, 220. Voir aussi Amérique du Nord et Treize Colonies Europe, 3–4, 6, 17–18, 20, 22, 25, 27, 45, 52, 64, 120, 127, 129–130, 186, 203 ; colonisation, 46 ; empires, 4 ; immigration, 20, 145 ; valeurs, 46 Fabre, Édouard-Raymond, 121 Family Compact, 11, 161, 168 Fecteau, Jean-Marie, 8, 24 fédéralistes (États-Unis), 29. Voir aussi Adams, John et Hamilton, Alexander femmes, droits des : au Bas-Canada, 152–155 ; aux États-Unis, 151 ; en France, 150–151 ; en GrandeBretagne, 150–151, 153 Fils de la liberté, 225 Fink, Zera, 19 First Report on Grievances (HautCanada, 1831), 137–138 Forsyth, William, 114 Foucher, Louis Charles, 83 Fox, Charles James, 31, 44, 55–57, 71, 74, 89, 102, 125–126, 140, 171, 222 France, 29, 43, 45–47, 65, 150, 199. Voir aussi Révolution française Franklin, Benjamin, 48–49, 126 Frédéric II (Prusse), 42 Frères chasseurs (Bas-Canada, 1838), 225
Index Galarneau, Claude, 54 Gale, Samuel, 132 Gazette de Montréal/ Montreal Gazette, 48–50, 61–63. Voir aussi Mesplet, Fleury Gazette du commerce et littéraire de Montréal, 48 Genêt, Edmond-Charles, 50–51 Genève, 18 George iii (Grande-Bretagne/ Royaume-Uni), 58, 74, 215 George iv (Royaume-Uni), 114 ; régent, 83–84, 101, 107 Gipps, George, 205, 207, 222, 228 Girod, Amury, 121, 130 girondins, 30, 44, 151. Voir aussi Brissot, Jacques-Pierre. Glenelg, Charles Grant, 1er baron, 207, 209–210, 227–228 Glorieuse Révolution (Angleterre, 1688), 5, 25, 45 ; et le Canada, 52, 54, 56, 85, 230 Godechot, Jacques, 17–18 Goderich, Frederick Robinson, vicomte de, 109, 117, 143, 207, 209 Gore, Francis, 97, 100, 108 Gosford, Archibald Acheson, 2e comte de, 82, 118, 135, 145–146, 167, 179, 205, 207, 209–210, 212–213, 215, 222, 225, 227–228, 231 Gouges, Olympe de, 30, 151 Gourlay, Robert, 97, 101–107, 111, 120, 126 Gouvernement mixte : acceptation par les républicains dans le monde atlantique, 38 ; et l’Acte constitutionnel, 55, 58, 61–62, 205 ; dans la constitution
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anglaise, 39–40, 57, 220 ; et les constitutionnels coloniaux, 38, 50, 173, 178–179, 185, 188, 191, 200, 213–214, 236 ; critique au Bas-Canada, 88 ; défendu par le gouvernement anglais, 212, 227 ; et les réformistes bascanadiens, 68, 70, 75, 84, 87 ; et les républicains coloniaux, 104, 138–139, 140 ; durant la Révolution américaine, 139 ; suspension au Bas-Canada, 230–231 ; théorie de Polybe 38 ; transition vers républicanisme au Bas-Canada, 93–95, 115, 138–139 gouverneur général au Bas-Canada : comparaison avec le roi en Grande-Bretagne, 74–76, 180 ; comparaison avec les autres institutions métropolitaines, 93 ; et le contrôle des subsides par Assemblée, 86, 118, 146, 207, 228 ; correspondance avec Londres, 13 ; dénoncé par les constitutionnels, 179, 213 ; dénoncé par les patriotes, 215 ; effort de conciliation, 118, 206, 227 ; mauvais entourage, 146 ; pouvoir de nomination 154 ; relation avec Assemblée coloniale, 83, 94–95, 113, 115, 117, 167 ; et la responsabilité ministérielle, 62, 76–82, 141, 183–185 ; rôle dans le cadre du gouvernement mixte, 58–59, 70, 139. Grande-Bretagne, 12, 18, 25, 31, 40, 45–47, 53, 64–65, 72, 75, 81, 86, 98, 102–103, 111, 113,
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Index
126, 128–129, 144–146, 150– 151, 153, 160, 164, 168, 171, 191, 193–194, 201, 203–204, 206, 215, 220, 224–225 ; et Révolutions atlantiques : 53, 203. Voir aussi Royaume-Uni Grant, Alexander, 97 Greer, Allan, 7, 10, 22, 124, 158, 202, 224 Grenville, William Wyndham, 1er baron, 91 Grey, Charles, 205, 207, 222, 228 Guy, Louis, 91 habeas corpus, 12, 52–53, 102, 236 Hagerman, Christopher, 168, 192 Haïti, 18 Haldimand, Frederick, 48, 53 Hamilton, Alexander, 31, 44, 132 Hare, John, 61 Harrington, James, 19, 29, 38, 44 Harvey, Louis-Georges, 22–23, 69, 156 Head, Francis Bond, 118–119, 125, 190, 219 Hobbes, Thomas, 21, 26–27 Holland, Henry Richard VassallFox, 3e baron, 102 Hulliung, Mark, 23 Hume, David, 21 Hume, Joseph, 127, 131, 140, 168, 204 Hunt, Henry, 102, 111 Hunter, Peter, 97, 100 idéologie Country, 22, 29, 203. Voir aussi républicanisme idéologie Court, 22–23 203. Voir aussi commercialisme
Illinois, 128 intérêt général : primauté chez les républicains, 19, 34–35, 37, 103–104, 112, 134–135, 138– 140, 153, 160–161, 235 intérêts particuliers : légitimité pour les modernes, 6, 28, 35, 39–40, 70, 92–94, 179–181, 185, 187, 189–190, 193, 201, 205, 219 Irlande, 18, 20, 146, 203 Jackson, John Mills, 100 jacobins, 27, 30, 37. Voir aussi Robespierre, Maximilien Jamaïque, 126 Jarvis, Samuel, 110 Jarvis, William, 100 Jaucourt, Louis de, 30, 32 Jautard, Valentin, 48, 53 Jefferson, Thomas, 30, 44, 125– 126, 132, 216 Kelly, Stéphane, 22–23 Kempt, James, 115, 117, 206 Kimber, René-Joseph, 135 Kingston, 12, 168 Koselleck, Reinhart, 4 Kramnick, Isaac, 23 La Fontaine, Louis-Hippolyte, 22, 121, 274n87 La Minerve, 93, 121, 173, 199, 214, 230 Lacombe, Claire, 151 Lally-Tolendal, Trophime-Gérard de, 31 Lamonde, Yvan, 156 Larue, Richard, 202 Le Canadien, 69–72, 78–82, 84, 88–90, 172–173
Index législature coloniale, 58–59, 136, 141, 146, 182, 184, 193 ; au Bas-Canada, 69–70,72, 75–76, 84–87, 94–95, 113, 118, 142, 230–231 ; au Haut-Canada, 58, 65, 104, 109, 119, 144, 147 ; pétitions, 13 ; pouvoirs, 63 ; dans le cadre d’une union des deux Canadas, 166, 221 Léon, Pauline, 151 Létourneau, Jocelyn, 9 libéralisme, 8, 19, 163 ; aristocratique (France), 42 ; et les patriotes bas-canadiens, 156 ; et le républicanisme, 22–24, 130. Voir aussi commercialisme et constitutionnalisme liberté : au Canada, 3–4, 6–7, 14, 46–47 ; des classes sociales, 26 ; définition générale, 5–6, 26 ; diversité des définitions, 26 ; comme idéal-type, 11 ; importance et limites aux xviii e et xix e siècles, 6, 25, 26 ; et les Lumières, 7 ; médiévale, 26 ; nationale, 26 ; comme outil de domination, 11 ; relation avec Chambre d’Assemblée, 60–61 ; et la religion, 13 ; et la révolution, 3–4, 6, 14, 20, 25, 46 ; comme source de la légitimité de l’État, 10, 12–13, 17 ; victoire de la liberté moderne, 233–237. liberté, égalité, fraternité (idéal républicain), 5 liberté, propriété, sécurité (idéal moderne), 6, 169 liberté des anciens, 27–29 liberté des modernes, 27–29
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liberté moderne. Voir constitutionnalisme liberté négative (freedom from). Voir Berlin, Isaiah liberté politique : pour les modernes, 43–43, 173, 185– 188 ; octroi d’une Assemblée législative aux Canadas, 61–63 ; pour les républicains, 129. Voir aussi participation politique liberté positive (freedom to). Voir Berlin, Isaiah liberté républicaine. Voir républicanisme libertés civiles : justice impartiale et procès devant jury, 173–174 ; liberté d’association, 12, 17 ; liberté d’expression ou de presse, 12, 17, 53, 79, 172–173 ; liberté de religion, 12, 17, 170–172 ; pour les modernes, 6, 28–29 ; pour les républicains, 23, 41–42, 129 lieutenant-gouverneur du HautCanada, 100, 106, 108–110, 114–115, 117, 119, 125, 143, 147, 206, 219 liste civile, 85–86, 117, 208, 211–212 Locke, John, 19, 30, 40, 44, 64, 69, 71, 165, 174, 194, 219, 231, 237 ; sur la question de la souveraineté, 250n46 Lolme, Jean-Louis De, 27, 30, 42, 44, 60, 62, 64, 71, 73, 79–80, 89, 162, 165, 194 Louis xv (France), 38 Louis xvi (France), 42, 49 Louis xviii (France), 151 Lount, Samuel, 223–224
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Index
loyalistes, 20, 52–54, 65, 101, 160 loyauté : au Canada, 3, 122, 145– 146 ; des Canadiens français 53, 78–79, 201 ; différence entre le Haut et le Bas-Canada 124–125, 197, 199 ; au Haut-Canada, 101, 104, 111, 113–114, 168–169, 190–191, 202 Lumières, 3, 6–7, 17, 21, 25, 27, 30, 44, 45, 203, 236 Lycurge, 37, 88 Lyons, John, 110 Mably, Gabriel Bonnot, l’abbé de, 30, 41, 44, 49, 148 Macaulay, Catharine, 150 Macaulay, Thomas Babington, 146 Macdonald, John A., 71 Machiavel, Nicolas, 19 Mackenzie, William Lyon, 108, 110–113, 119, 121, 126–128, 130–135, 137–138, 140, 142– 147, 159, 161, 168, 173, 190, 196, 204, 215, 217, 219, 229 Mackintosh, James, 29, 44, 54, 90, 102, 105, 122, 140, 150, 184 MacNab, Allan, 168 Maitland, Peregrine, 114–115, 117, 206 Mandeville, Bernard, 35 Manning, Helen Taft, 90 Marat, Jean-Paul, 30 Marwel, Andrew, 88 Matthews, Peter, 223–224 McGill, Peter, 167, 201 McKay, Ian, 8 Melbourne, William Lamb, 2e vicomte, 207 Mémoire au soutien de la requête des habitans du Bas-Canada,
à son Altesse Royale le Prince Régent (1814), 78–79, 81–82 Méricourt, Théroigne de, 151 Mesplet, Fleury, 48–49, 53, 61–62, 65. Voir aussi Gazette de Montréal/ Montreal Gazette Metcalfe, Charles, 125 Mézière, Henri-Antoine de, 50–51, 63–65 Mill, John Stuart, 232–233 Mills, David, 202 Milobar, David, 22 Milton, John, 29, 44, 88 ministre (Grande-Bretagne), 80, 93, 222. Voir aussi Cabinet britannique et responsabilité ministérielle Moffatt, George, 167 Molson, John, 167 monde atlantique, 3, 8, 10, 19, 20– 22 ; Canada, 3, 6, 14, 20, 22–23, 46, 125, 128, 134, 162 ; liberté, 4–6, 8, 25–26, 29, 43, 162 ; révolution, 7, 17, 19, 45, 94, 203, 236. Voir aussi Révolution atlantique et Révolutions atlantiques Mondelet, Charles, 141 Mondelet, Dominique, 141, 166, 210 Monk, James, 83 Montesquieu, Charles-Louis de Secondat, baron de, 27, 30, 33, 39, 44, 50, 62, 75, 88–89, 99, 162, 165, 177, 183, 231, 237 Montreal Constitutional Association, 167, 174, 197–198, 201, 221, 225 Montreal Gazette, 167, 190–191, 222, 231
Index Montreal Herald, 167 Morgan, Edmund S., 36 Morin, Augustin-Norbert, 121, 142, 208 Mounier, Jean-Joseph, 31 Murray, George, 206 Napoléon, 151 nationalisme : britannique, 194 ; et l’historiographie québécoise, 9 ; et libéralisme, 130 ; et les patriotes, 155–156, 198–199 ; et républicanisme (patriotisme républicain), 156 Needham, Marchamont, 29, 174 Neilson, John, 87, 90–91, 96, 114, 132, 159, 163, 167, 210 Neilson, Samuel, 49–50, 61 Nelson, Robert, 121, 124, 147, 148, 157, 204, 230 Nelson, Wolfred, 121, 124, 204, 216 Neville, Henry, 29 New York, 128, 200 North, Frederick North, 2e comte de Guilford, lord, 53, 74, 215 Nouvelle-Angleterre, 128 Nouvelle-Écosse, 3, 46 Nouvelle-France, 46 O’Callaghan, Edmund, 121, 124 Occident, 19, 28–29 opposition entre constitutionnalisme et républicanisme : au Canada, 7–8, 12, 15 ; dans monde atlantique, 23, 27, 29, 43–45, 113, 115– 116, 120, 202–230 ordre libéral au Canada, 8, 237 Ouellet, Fernand, 155, 202
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Paine, Thomas, 29, 42, 44, 47, 49, 54, 125–126, 136, 150, 156, 194 Palmer, Robert R., 17–19, 52 Pangle, Thomas, 23 Papineau, Louis-Joseph, 87, 90–92, 113, 121, 123, 126, 128, 130– 132, 134–135, 137, 139, 145, 148, 152–155, 157, 161, 167, 204, 210, 212, 215, 217–218 Parent, Étienne, 22, 76–84, 96, 163, 173, 199, 204, 223, 232 Parlement britannique, 39, 71–75, 78, 81, 92, 94, 109, 182 ; comparaison avec les législatures coloniales, 60, 183, 191 ; critique, 63. Voir aussi gouvernement mixte, pouvoir législatif, responsabilité ministérielle et souveraineté du Parlement participation politique : dans l’Acte constitutionnel, 58 ; pour les modernes, 28, 40, 42–43, 53, 63, 87, 168, 173, 178, 185, 192, 233 ; pour les républicains, 5, 21, 24, 27, 29, 36–37, 44, 52, 63, 129, 131, 136, 139, 150. Voir aussi femmes, droit des patriotes bas-canadiens, 10–11, 14–15, 23, 81–82, 93, 96–97, 117–161, 164, 167, 169, 173, 176–177, 179–180, 187–189, 192–193, 196, 199, 202–203, 205–206, 208, 210–212, 221–223, 225, 227–230, 232, 235. Voir aussi Papineau, LouisJoseph et républicanisme patriotisme, 35, 88, 134–135 ; et nationalisme 156 Pays-Bas autrichiens, 18, 49
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Index
Peel, Robert, 206–207 Perry, Peter, 119 peuple : définition moderne, 39–40, 70, 84, 92, 178–180, 187 ; définition républicaine, 36–38, 104–106, 112, 125, 135–148, 155–161, 218–219, 235, 252n64 ; différence et conflit entre les définitions républicaine et moderne, 187, 212, 214–215, 224, 226, 229 ; transition de la définition moderne à la définition républicaine dans les Canadas, 93–96, 123. Voir aussi souveraineté Philadelphie, 47, 50 physiocrates, 30–31, 42, 250n47 Picard, Nathalie, 152 Pitt, William, 55–56, 59, 74, 91, 125, 205 Pocock, J.G.A., 19, 23, 203 Pologne, 49 ; projet de constitution de Jean-Jacques Rousseau, 156 Polybe, 38 Poor Laws au Royaume-Uni (1834), 115 pouvoir exécutif : dans les colonies, 67, 97, 231 ; pour les constitutionnels, 39, 58, 173, 183, 220, 223 ; pour les réformistes, 87, 112 ; pour républicains 38, 89, 103–104, 122, 138. Voir aussi gouverneur général au Bas-Canada, lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, responsabilité ministérielle, séparation des pouvoirs et prérogative royale pouvoir judiciaire : pour les constitutionnels, 39, 40 ; et les
réformistes haut-canadiens, 100 ; pour les républicains, 141 pouvoir législatif : pour les constitutionnels, 177–178 ; exclusion républicaine 148–161 ; pour les modernes, 39 ; pour les réformistes, 70, 88, 94, 100 ; pour républicains, 5, 37, 51, 61, 95, 136–140, 147, 218 ; au sein de la monarchie absolue, 38. Voir aussi Conseil spécial et séparation des pouvoirs prérogative royale, 70–72, 74, 77, 80–81, 84–85, 89, 183, 190, 193. Voir aussi responsabilité ministérielle Prevost, George, 78, 80 Price, Richard, 29, 41–42, 44, 49, 53–54, 56, 61, 122, 125, 145 Priestley, Joseph, 29, 41, 44, 49 primauté du droit, 26, 53, primogéniture, 131–132 Prince Edward Island (St. John’s Island), 3 procès devant jury, 52, 63, 147– 148, 174 ; choix des jurés, 144 propriété : et le Conseil spécial, 233–234 ; pour les modernes, 6, 21, 28, 33, 35, 44, 53, 63, 66, 70–71, 163–164, 169, 174–177, 179, 185, 194–197, 214, 219– 220, 223, 236–237 ; problèmes au Haut-Canada, 114, 138 ; pour les républicains, 32, 34–36, 42, 105–106, 123, 130–131, 133, 147, 218 Provinces-Unies, 18, 20 Quatre-vingt-douze Résolutions (Bas-Canada, 1834), 96, 126,
Index 128, 140, 142–143, 149, 158, 159, 167, 169, 211–212, 221 Québec (ville), 12, 96, 149, 167, 174 Quebec Constitutional Association, 96, 167, 170, 174, 180, 192, 225 Quebec Mercury, 69 Quesnay, François, 31 radicaux anglais ou britanniques, 5, 18, 25, 29, 31, 44, 54, 94, 102, 104, 106, 111, 113, 122, 127, 148–149, 153, 168, 188 radicaux haut-canadiens, 11, 15, 114, 119–161, 171, 188, 203– 205, 211–212, 225, 229–230. Voir aussi Gourlay, Robert et Mackenzie, William Lyon et républicanisme Rahe, Paul A., 23 Raynald, Guillaume-Thomas, dit l’abbé, 131 Rébellions haut et bas-canadiennes (1837–38), 3, 7, 229–230, 235 Reform Bill (Royaume-Uni, 1832), 115 Reid, John Phillip, 26 relation entre droits civils et droits politiques. Voir relation entre libertés civiles et liberté politique relation entre libertés civiles et liberté politique, 24, 41–44 relation entre pouvoir législatif et pouvoir exécutif : 44, 68, 74–75 ; pour les constitutionnels, 183, 185 ; pour les modernes, 39 ; pour les réformistes, 71 ; pour les républicains, 38, 51, 88, 135, 141–144, 147, 183, 204,
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207–208, 212. Voir aussi liste civile, prérogative royale, responsabilité ministérielle et séparation des pouvoirs républicains américains, 29. Voir aussi Jefferson, Thomas républicanisme (dans le monde atlantique), 5–7 républicanisme (dans les Canadas), 236–237 ; appel aux républicains atlantiques, 125–129 ; et dépendance coloniale, 144–148 ; égalité, 129–133 ; et exclusion, 148–150 ; et exclusion des femmes, 150–156 ; et exclusion ethnique, 156–161 ; influence dans la Province de Québec et au Bas-Canada, 47–51, 65 ; influence dans les Canadas entre 1828–37, 117 ; primauté du pouvoir législatif sur pouvoir exécutif, 141–144 ; promu par Robert Gourlay, 102–107 ; promu par William Lyon Mackenzie entre 1824 et 1828, 107, 110–113 ; et régime seigneurial, 123 ; républicains coloniaux, 122 ; souveraineté, 135- 141 ; vertu et peur de la corruption, 88, 133–135. Voir aussi agriculture et vertu républicanisme (principes) : égalité, 31–33, idéologie subversive, 45 ; patriotisme, 35 ; promoteurs 29–30 ; souveraineté du peuple, 35–38 ; vertu, 33–35 République bas-canadienne, 96, 147, 157, 197. Voir aussi Déclaration d’indépendance du Bas-Canada
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Index
République américaine, 160, 197198. Voir aussi États-Unis République française, 156. Voir aussi France Républiques sud-américaines, 20. Voir aussi Amérique du Sud réserves du clergé au Haut-Canada, 12, 114–115, 169, 170–172 Résolutions Russell (1837), 118, 146, 157, 218, 226–229 responsabilité ministérielle : au Bas-Canada, 76–82 ; dans les Canadas, 141–144, 184 ; en Grande-Bretagne, 73–74, 81, 222 ; au Haut-Canada, 108–110. Voir aussi Cabinet britannique révolte dans les Pays-Bas autrichiens, 18 révolution à Saint-Domingue (Haïti), 18 Révolution américaine, 3, 18–20, 22–23, 45, 47–48, 55, 93, 126, 151, 160, 203, 215, 235 ; et le Canada, 14, 20, 22, 46–49, 51– 54, 57, 60, 120 ; et la Révolution française, 30, 160, 215 Révolution atlantique, 17–19 Révolution française, 3, 18, 20, 25, 27, 30, 31, 38, 48–50, 54, 56, 58, 80, 83, 123, 149, 151, 156, 160–161, 164, 203–204, 235 ; et le Canada, 14, 20, 47–52, 54, 57, 60, 65 ; et la Grande-Bretagne, 53–54 ; et la Révolution américaine, 30, 160, 215 Révolutions atlantiques, 5, 13, 17–18, 20, 25, 45, 52, 94, 151, 156 ; et Canada, 5, 7, 11, 14–15, 21–22, 24–25, 46–47,
51–52, 54, 120, 203, 236 ; et les Lumières, 6 révolutions en Amérique latine, 3, 18, 20–21, 25, 67, 203, 235 révolutions en Europe, 3, 45, 52, 203, 235 Richardson, John, 83 Ridout, John, 110 Rivière, Mercier de la, 31 Robbins, Caroline, 19 Robespierre, Maximilien, 30, 34, 37, 44, 149 Robinson, John Beverley, 90, 166, 168, 173, 175, 178, 182–183, 190, 197–198, 208, 223–224, 233 Rocheblave, Pierre de, 166 Rockingham, Charles WatsonWentworth, 2e marquis de, 74 Rodier, Édouard-Étienne, 121, 135 Roebuck, John Arthur, 127, 131, 168, 204 Roland, Marie-Jeanne, Madame, 151 Rolph, John, 122 Rouges, les, 235 Rousseau, Jean-Jacques, 27, 29, 32, 34, 36–38, 41, 44, 89, 136, 148, 150, 153, 156, 160, 217–218, 237 Royaume-Uni, 31, 90, 115, 129–130, 149, 170. Voir aussi Grande-Bretagne Russell, John, 44, 226, 231, 234 Russell, Peter, 97–98, 108 Russell, William, 127 Ryerson, Egerton, 111, 168–169, 188–189, 199, 208 Sabrevois de Bleury, Charles Clément, 166 Saint-Domingue, 18 Salée, Daniel, 202
Index Séance de la flagellation (Parlement de Paris, 1766), 38 sécurité, 6, 27, 33, 39, 42, 44, 53, 63, 87, 105, 161, 164, 174, 177, 179, 185, 194–195, 219–220, 223, 233, 236 Séguin, Maurice, 199 séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire : dans l’Acte constitutionnel, 75 ; au Bas-Canada, 50, 75, 86, 141 ; comparaison entre les colonies et la métropole, 75 ; dans la constitution britannique, 50, 75, 182 ; chez les constitutionnels 181, 182, 233 ; pour les républicains, 141 Seventh Report on Grievances (Haut-Canada, 1835), 119, 140, 143 Sewell, Jonathan, 83, 166–167 ; sous le pseudonyme Solon, 61–63 Sherbrooke, John Coape, 84 Sherwood, Henry, 110, 177 Sidney, Algernon, 29, 44, 49 Sièyes, Emmanuel-Joseph, 44, 49, 160 Simcoe, John Graves, 58–59, 66 Sketches of Canada (1833), 126, 128, 161. Voir aussi Mackenzie, William Lyon Skinner, Quentin, 19 Smith, Adam, 21, 30, 33, 44, 71, 173, 175–176 Smith, Peter J., 22 socialisme, 8 Solon (sage grec), 88, 232 souveraineté, 35–36 ; et indépendance coloniale, 183, 191–193 ; opposition des
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républicains à la souveraineté parlementaire, 95, 104, 120, 123–126, 146, 212, 215, 226 ; opposition entre souveraineté parlementaire et souveraineté populaire, 212, 226 ; du Parlement (moderne), 28, 38–40, 43–45, 60, 92, 123, 178–180, 191, 219, 228, 233, 236 ; du Parlement britannique sur les Canadas, 56, 58, 62, 64, 68–70, 84, 102, 109, 117–118, 146, 150, 179–180, 185, 191–193, 207, 212, 218, 228, 233, 236 ; du peuple (républicaine), 5, 24, 35–38, 41–45, 61, 94–95, 104, 106, 120, 123, 129–130, 135– 140, 144–148, 156, 160, 211, 218, 235 Spa Fields (manifestation radicale au Royaume-Uni en 1816), 102, 111 Staël, Anne Louise Germaine Necker, Madame de, 27, 89 Stanley, Edward George Geoffrey Smith, lord, 119, 140, 188 Statistical Account of Upper Canada (1822), 102, 126 ; Introduction to, 105. Voir aussi Gourlay, Robert Stewart, Gordon T., 22 Story, Joseph, 183 Strachan, John, 90, 143, 164–166, 168, 170–172, 203 Sullivan, Robert Baldwin, 168, 175 Sullivan, Vickie B., 23 Swayze, Isaac, 101 Talmon, J.L., 161 Terreur (France), 37, 83
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Index
Test Act, 115, 127, 170 The Affairs of the Canadas in a Series of Letters (1836), 168. Voir aussi Ryerson, Egerton The Constitution, 121, 230 The Quebec Gazette/ La Gazette de Québec, 46, 48–50, 61–63, 167. Voir aussi Neilson, Samuel et Neilson, John The Vindicator, 121, 124, 158, 173, 230 Thom, Adam, 167–168, 174, 179, 183, 188, 199, 208, 213–214, 219, 221–222 Thomson, Charles Poulett, 234 Thorpe, Robert, 68, 97–101, 108, 114 Toleration Act, 170 Toronto, 12, 143, 168 ; York, 12, 101, 103, 107–108, 110 toryisme, 101 ; gouvernement de Robert Peel, 206 ; politiciens tories en Grande-Bretagne, 8, 31 ; régime tory en Grande-Bretagne, 115 ; tories au Bas-Canada, 202 ; tories au Canada (1843), 125 ; tories au Haut-Canada, 110, 119. Voir aussi conservatisme et conservateurs Tracey, Daniel, 121, 124, 173 Treize Colonies, 3, 17, 45, 47–48, 55, 93, 126. Voir aussi ÉtatsUnis et Amérique du Nord Trois-Rivières, 135, 149 Turgot, Jacques, 31 unicaméralisme français, 139 union entre le Haut et le BasCanada (projet de 1822), 90–93 Upper Canada Guardian, 100
Vallerand, Flavien, 80–81, 84 Vermont, 128 vertu républicaine, 5, 19, 24, 33– 35, 93, 99, 103–105, 122, 128, 133–134, 138, 152–514, 235 ; féminine, 153–154 Viger, Denis-Benjamin, 114, 126, 131–132, 163, 281n2 Viroli, Maurizio, 156 Voltaire, 29–30, 42, 44, 89, 162 Wallace, William, 127 Wallot, Jean-Pierre, 20, 51 Ward, Lee, 23 Washington, George, 47, 126 Weber, Max, 11 Weekes, William, 98 Wellington, Arthur Wellesley, duc de, 109–110 whiggisme, 8 whigs britanniques, 6, 8, 29, 31, 44, 55, 71, 74, 102, 115, 125, 171, 203, 206–207, 212 Willcocks, Joseph, 66, 97–98, 100–101, 108 William IV (Royaume-Uni), 133 William Willcocks, 97–98, 108 Willis, John Walpole, 114 Wollstonecraft, Mary, 29, 44, 54, 150 Wood, Gordon, 19, 23 Wyatt, Charles, 100 Yarbrough, Jean M., 23 York. Voir Toronto