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French Pages 228 Year 2014
Pauline Ledent
L’art dentaire en Égypte antique
Préface du Docteur Xavier Riaud
L’art dentaire en Égypte antique
Médecine à travers les siècles Collection dirigée par le Docteur Xavier Riaud L’objectif de cette collection est de constituer « une histoire grand public » de la médecine ainsi que de ses acteurs plus ou moins connus, de l’Antiquité à nos jours. Si elle se veut un hommage à ceux qui ont contribué au progrès de l’humanité, elle ne néglige pas pour autant les zones d’ombre ou les dérives de la science médicale. C’est en ce sens que – conformément à ce que devrait être l’enseignement de l’histoire –, elle ambitionne une « vision globale » et non partielle ou partiale comme cela est trop souvent le cas. Dernières parutions Frédéric DUBRANA, L’expérience chirurgicale. De la vivisection... à l’expérimentation, 2013. Henri LAMENDIN, Les de Jussieu, une famille de botanistes aux XVIIIe et XIXe siècles, 2013. Jean-Jacques TOMASSO, La vie et les écrits de Bernard Nicolas Lorinet (1749-1814). Un médecin des lumières dans lé Révolution, 2013. Jean-Pierre MARTIN, L’instrumentation médico-chirurgicale en caoutchouc en France (XVIIIe-XIXe), 2013. Michel A. GERMAIN, Alexis Carrel, un chirurgien entre ombre et lumière, 2013. Henri LAMENDIN, Antoni van Leeuwenhoek (1632-1723), le microscope médical et les spermatozoïdes, 2013. Christian WAROLIN, Molière et le monde médical au XVIIe siècle, 2013. Jean-Louis HEIM, La longue marche du genre humain : de la bipédie à la parole, 2013. Mathieu BERTRAND, Horace Wells (1815-1848) et Villiam T.G. Morton (1819-1868). La rencontre improbable de deux précurseurs de l’anesthésie, 2013. Xavier RIAUD, Des dentistes qui ont fait l’Histoire..., 2013. Mathilde FRADIN, Entretiens avec le Docteur Lévy-Leroy, médecin résistant, 2013. Xavier RIAUD, Histoire indépendentaire, 2013. Jean-Pierre MARTIN, Instrumentation chirurgicale et coutellerie en France. Des origines au XIXe siècle, 2013.
Pauline Ledent
L’art dentaire en Égypte antique Préface du Docteur Xavier Riaud
© L’Harmattan, 2014 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.harmattan.fr [email protected] ISBN : 978-2-343-02686-2 EAN : 9782343026862
À mon père, à mon grand-père, les instigateurs confraternels de ce travail…
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consacre sa thèse de doctorat soutenue1 récemment dans une publication à caractère plus littéraire qui, j’en suis sûr, par sa diversité, par sa richesse et son érudition, ne manquera pas d’intéresser le plus grand nombre. Qu’elle en soit chaleureusement remerciée et félicitée ! Docteur Xavier Riaud Docteur en chirurgie dentaire Docteur en épistémologie, histoire des sciences et des techniques Lauréat et membre associé national de l’Académie nationale de chirurgie dentaire Membre libre de l’Académie nationale de chirurgie
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Cf. Ledent Pauline, L’art dentaire dans l’Egypte antique, Thèse Doct. Chir. Dent., Bordeaux, n° 40, 2012.
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Avant-propos L’Egypte ancienne intrigue et fascine. L’attrait qu’exerce l’Egypte sur la France n’est pas récent et remonte bien avant la découverte des hiéroglyphes par l’égyptologue français JeanFrançois Champollion en 1822. Il faut cependant reconnaître les apports incontestables de l’expédition scientifique que Napoléon Bonaparte a associé à sa campagne d’Egypte, entre 1798 et 1801. Fort d’une grande popularité à la suite de la campagne d’Italie et soucieux de ne pas dilapider ce capital, le général, futur empereur, a préféré marcher sur les traces d’Alexandre le Grand, plutôt que d’envahir l’Angleterre, démarche jugée militairement très risquée. Et c’est sur les bases de ce choix stratégique que des liens particuliers se sont tissés entre la France et l’Egypte. C’est ainsi que nous avons hérité de l’obélisque de Louxor, dressé place de la Concorde à Paris, don du vice-roi d’Egypte Méhémet Ali en 1830, lequel a fait suite à la girafe offerte à Charles X en 1826, aujourd’hui naturalisée et exposée au Muséum d'histoire naturelle de La Rochelle, et d’une passion pour les mystères de cette civilisation, qualifiée par certains d’Egyptomanie. C’est ainsi que j’ai été amenée à m’intéresser de plus près à la médecine égyptienne. Les médecins égyptiens peuvent être considérés comme les précurseurs de la médecine occidentale, bien avant Hippocrate. Ils ont su s’émanciper progressivement de la magie, sans totalement l’abandonner, et dégager précocement une vision rationnelle de la médecine. Leur sens de l’observation apparaît très aigu et leur soif d’expliquer, et de comprendre s’avère remarquable pour leur époque. Je vais essayer au cours du présent opus de chercher à appréhender les différentes facettes de l’art dentaire en Egypte antique, de la manière la plus objective possible.
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Dans un premier temps, une brève présentation générale de l’Egypte permettra de situer géographiquement et historiquement ce pays, de mieux cerner le mode de vie des anciens Egyptiens, et de comprendre d’où nous viennent les connaissances actuelles sur cette civilisation. Il est difficile de comprendre la médecine antique égyptienne si l’on ne s’est pas d’abord intéressé à ses conceptions magicoreligieuses. C’est pourquoi je m’attacherai ensuite à détailler les principes de cette médecine. De même, afin de replacer le dentiste égyptien dans son contexte, il est nécessaire d’appréhender les professions médicales antiques en général et plus spécifiquement la formation des médecins, l’organisation de la profession médicale et la dentisterie en particulier. Bien évidemment, les pathologies bucco-dentaires rencontrées à l’époque, ainsi que les moyens à la disposition des Egyptiens pour les traiter ne seront pas oublier, ainsi que certaines découvertes archéologiques récentes qu’il m’a semblé indispensable de mentionner.
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Quid de l’Egypte antique ? L’Egypte est un pays au climat semi-désertique dont seules les bandes fertiles dues au débordement du Nil, de part et d’autre du fleuve, le delta et quelques oasis, la plus importante étant celle du Fayoum, sont propres à l’implantation humaine. 90% de la population est concentrée au niveau des terres fertiles. Le reste de l’Egypte est recouvert par des déserts: le désert Libyque à l’ouest, le désert arabique à l’est et le désert du Sinaï au nordest. Les frontières traditionnelles de l’Egypte antique sont assez semblables aux frontières de l’Egypte moderne. Ainsi, durant l’Ancien Empire, le pays est délimité au nord par la mer Méditerranée, au sud par la première cataracte du Nil, à l’ouest par le désert Libyque et à l’est par la mer Rouge, le Sinaï et la région de Gaza. L'Égypte se définit essentiellement par rapport au Nil. Elle est « un don du fleuve », comme l’écrivait le grec Hérodote (II, 10). La Basse-Egypte est donc « basse » par référence au sens de l'écoulement du fleuve (du sud, plus haut, vers le nord, en aval) et donc à son altitude. Basse-Egypte: c’est la partie la plus au nord, depuis la Méditerranée, avec le delta du Nil, jusqu'à la région du Fayoum avec Le Caire. Parmi les villes de Basse Egypte, on trouve Memphis, Héliopolis, Bubastis, Mendès, Busiris, Saïs… Au début de l'histoire du pays, la Basse Egypte forme un royaume indépendant divisé en 20 nomes, qui attire la convoitise de son voisin du sud. En effet, bien qu’elle ne mesure que 160 kilomètres de long, elle possède des terres fertiles, un climat idéal pour les cultures et des débouchés sur la Méditerranée et les contrées voisines. Haute-Egypte: c’est la région située au sud de l’actuelle Egypte, de la nécropole thébaine jusqu'au haut barrage d'Assouan et au début de la Nubie. Parmi les villes de Haute-Egypte, on retrouve Cynopolis, Abydos, Coptos, Thèbes (aujourd’hui
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Louxor), Karnak, Esna, Edfou, Kôm-Ombo, Assouan, Eléphantine, Philæ… Cette région mesure 1250 kilomètres de long et comprend 22 nomes. Elle est constituée d’une bande de terres fertiles dont la largeur ne dépasse que rarement 10 kilomètres. Le Nil est un moyen commode et efficace de transport pour les personnes, et les marchandises. Il apporte la vie en fertilisant la terre et garantit l'abondance. Il joue un rôle très important dans l'Egypte antique, d’un point de vue économique, social - c'est autour de lui que se trouvent les plus grandes villes -, agricole grâce au précieux limon noir des crues - c'est d’ailleurs de ce limon noir que vient le nom antique de l'Egypte, Kemet, qui veut dire « la terre noire » - et religieux. Fleuve nourricier d'un grand peuple, il est divinisé sous le nom d'Hâpy, personnification divine du Nil dans la mythologie égyptienne. Fin juin, début juillet, la crue commence. Gonflé par les pluies tombées sur les plateaux d’Ethiopie, le Nil sort lentement de son lit. Le fleuve verdit en raison des débris végétaux arrachés sur son passage. Le début de la crue correspond à la date fixée pour le début du calendrier. De mi-juillet à mi-novembre, c’est la saison Akhet, quand le Nil déborde sur plusieurs kilomètres de large. A la mi-juillet, le niveau a monté brutalement, les eaux ont viré au jaune sale, en raison des limons charriés. Ces débris minéraux sont la grande bénédiction des paysans. En effet, en se déposant sur les sols, ils servent d’engrais. Prévoyant, les Egyptiens ont aménagé un réseau de petites digues en terre qui entourent les champs, pour piéger l’eau, et rendre les dépôts de limon bien homogènes. Pendant toute cette période, le paysan ne peut pas travailler dans ses champs qui sont recouverts par l'inondation. Mais, le travail ne manque pas, car il faut surveiller les digues, les réparer et faire en sorte que la crue soit bénéfique au maximum des possibilités. Pline l’Ancien a écrit qu’une bonne crue devait atteindre 16 coudées de hauteur, c’està-dire environ 7 mètres. Au-dessus, le fleuve inonde toutes les installations humaines. En-dessous, il ne fertilise qu’une petite partie des terres. De mi-novembre à mi-mars, c’est la saison Peret. Les eaux se retirent. Les champs sont labourés à l’aide de l’araire, une charrue rustique tirée par des bovidés, voire des hommes, qui ne fait qu’égratigner la terre. Ils accueillent les semences d’orge et de blé, mais aussi de fèves, lentilles, ails,
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poireaux, lins… Le papyrus, qui pousse dans les bras morts marécageux du Nil est arraché avant d’être lié en bottes. Les plus fins finissent en rouleaux pour scribes. De mi-mars à mijuillet, c’est la saison Chemou, la saison dite sèche, période pendant laquelle la moisson est faite grâce aux faucilles en bois à lames de silex. On peut ramasser jusqu’à deux récoltes par an.
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L’Egypte antique historique L’Antiquité est la première des époques de l'Histoire. Elle suit la période de la Préhistoire, ou celle de la Protohistoire. Pour une civilisation, l'Antiquité commence avec le développement ou l'adoption de l'écriture. Le passage à l'Antiquité s'est donc produit à différentes périodes pour les différents peuples. De la même manière, l'Antiquité se termine à différentes dates selon les civilisations et précède le Moyen Âge, ou l'Epoque moderne. La déposition du dernier empereur romain d'Occident en 476 est un repère conventionnel pour l'Europe occidentale, mais d'autres bornes peuvent être significatives de la fin du monde antique. La civilisation de l'Egypte antique prend forme autour de 3150 avant Jésus-Christ (J.-C.) et se développe sur plus de trois millénaires. Aucune civilisation n’a perduré aussi longtemps. On peut diviser les périodes historiques de l’Egypte, soit d’après les dynasties royales (31 dynasties, depuis le premier roi égyptien à Alexandre le Grand), soit en fonction des trois périodes principales, désignées sous le nom d’Ancien Empire, de Moyen Empire et de Nouvel Empire. Chaque Empire correspond à une période de prospérité particulière et est séparé du suivant par une période dite « intermédiaire », période de décadence politique, et culturelle. Ces périodes sont précédées par l’époque protohistorique et elles sont suivies par une dernière époque de renaissance de l’Etat pharaonique, la période « Saïte ». Le règne des pharaons prend officiellement fin en 31 avant J.-C., lorsque l'Empire romain conquiert l'Égypte pour en faire une province. Les dates attribuées aux évènements sont loin d’être sûres. En effet, plus on remonte dans le passé, plus l’incertitude est forte (jusqu’à 200 ans). -3400 à -3150 : Epoque prédynastique C’est la dernière période de la préhistoire égyptienne. On a découvert à cette époque les premières traces d’écriture. L’Egypte est encore séparée en deux royaumes gouvernés par
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deux rois. Les rois de Haute-Egypte sont à l’origine de l’unification des deux royaumes. Leur capitale est à Hiérakonpolis. Les rois de Basse-Egypte ont fait de Bouto leur capitale. Les rois de l’époque prédynastique composent la dynastie zéro : Horus Au-Serekh, Horus Ny-Hor, Horus HatHor, Horus Pe-Hor, Horus Hedj-Hor, Horus Iry-Ro, Horus Ka, Horus Crocodile, Horus Lion, Horus Scorpion 1er, Horus Scorpion II, Shesh 1ère (reine, épouse de Scorpion II). -3150 à -2730 : 1ère et 2ème dynasties : Epoque Thinite ou archaïque Le nom de cette période vient de la ville de Thinis d’où sont originaires les pharaons de la première dynastie. Thinis est également la capitale de l’Egypte à cette époque, avant d’être remplacée par Memphis. Les petits royaumes qui occupent la vallée du Nil à la fin de la préhistoire semblent s’être unifiés très lentement. Mais, d’après la tradition, c’est le pharaon Ménès (ou Narmer), originaire de Haute-Egypte, qui serait à l’origine de l’unification des Deux-Terres. Il conquiert le Delta et, comprenant qu’il aurait du mal à gouverner les deux pays du fin fond de la Haute-Egypte, il fonde une nouvelle capitale au point de jonction même des deux royaumes. Il lui donne le nom de « Mur-Blanc », Memphis. C’est à partir de ce moment-là que l’ensemble du système égyptien, notamment administratif et religieux, s’est mis en place. C’est à Memphis que les pharaons reçoivent la Double Couronne constituée de la couronne de Basse-Égypte dans laquelle s'insère celle de Haute-Égypte pour en former une nouvelle, le Pschent. Le Pschent (skhemty) est le nom grec de cette double couronne. Elle est formée de l'enchâssement de deux couronnes distinctes : - La couronne blanche ou Hedjet. Mitre blanche oblongue, couronne de l'ancien royaume du sud (Haute-Égypte), associée au dieu Seth. - La couronne rouge ou Decheret. Couronne plate à fond relevé, couronne de l'ancien royaume du nord (Basse-Égypte), associée au dieu Horus. Rois de la 1ère dynastie: Narmer ou Ménès, Aha, Djer, OuadjiDjet, Den, Adjib ou Anedjib, Semerkhet, Qaâ. Rois de la 2ème dynastie : Hotep-Sekhemoui, Nebrê ou Rêneb, Nineter, Ouneg ou Ouadjenés, Sénedj, Horus-Sekhmeb, Peribsen, Khâsekhem, Khâsekhemouy, Djajljay ou Beby.
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-2730 à -2230 : de la 3ème à la 6ème dynastie : Ancien Empire Il est très souvent considéré comme l’âge d’or de la civilisation égyptienne. C’est en effet la période de stabilité politique la plus longue que l’Egypte ancienne ait connue. Les pharaons étant presque tous originaires de Memphis, ils ont fait dresser les pyramides dans les alentours, et notamment à Gizeh et à Saqqarah. Le pharaon est de plus en plus considéré comme un dieu. Déjà « fils d’Horus », il devient « fils de Rê », dieu du soleil. Il possède un pouvoir à la fois social et cosmique. Il est garant de l’inondation, du rendement des champs, de la vie de tout le peuple, de sa fécondité et de sa santé. Monuments, statues, mobiliers précieux se multiplient, demandant des matières premières dont l’Egypte est dépourvue, comme le bois, l’or, l’ivoire, les turquoises… Résultat : les pharaons sortent l’Egypte de son isolement. Ils envoient des expéditions tantôt guerrières, tantôt pacifiques et commerciales. Elles permettent de rapporter cuivre et turquoises du Sinaï, de se procurer les précieux bois du Liban, indispensables pour la construction des bateaux et des sarcophages. A la fin de la sixième dynastie, Pépi II connaît le règne le plus long de l’histoire : 94 ans. Le pouvoir du roi diminue, mais celui des princes locaux, ou des nomarques, agents du roi, augmente. Comment la monarchie memphite s’est-elle effondrée ? Nul ne sait. Probablement sous le choc d’une invasion étrangère. Rois de la 3ème dynastie : Nebka ou Senakht, Djéser ou Djoser, Sékhemkhet, Khâba, Néferkarê, Houni. Rois de la 4ème dynastie : Snéfrou, Khoufou, Djédéf-Rê, KhâefRê, Menkaou-Rê, Shepseskaf. Rois de la 5ème dynastie : Ouserkaf, Sahou-Rê, Néférirkja-Rê, Shepseska-Rê, Néferef-Rê, Niouser-Rê, Menkaouhor, DjedkaRê, Ounas. Rois de la 6ème dynastie : Téti, Ouserka-Rê, Pépi Ier, Méren-Rê Ier, Pépi II, Méren-Rê II, Menka-Rê. -2230 à -2030 : de la 7ème au début de la 11ème dynastie : première période intermédiaire C’est une période de troubles. Les pharaons se succèdent très rapidement. Personne ne leur obéit. Dans les provinces
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d’Egypte2, les gouverneurs des nomes, ou nomarques, se battent entre eux pour leur succéder. La vieille division entre HauteEgypte (au sud de Memphis) et Basse-Egypte (au nord de Memphis) finit par réapparaître. On assiste à un véritable morcellement de l’autorité. Le nord est dominé par une famille de la ville de Hérakléopolis. Le sud est dirigé par une famille de la ville de Thèbes. Pendant plus de 100 ans, les dynasties du nord et du sud combattent, progressant ou régressant selon le jeu des alliances entre les nomarques. De plus, une longue sécheresse s’est installée dans la vallée du Nil. Or, Pharaon étant trop faible, plus personne n’entretient les canaux d’irrigation, ce qui a eu pour conséquence la famine. La réunification du pays vient du sud du pays grâce à un prince, le futur pharaon Mentouhotep. La capitale est tout d’abord située à Memphis pendant les 7ème et 8ème dynasties, puis à Hérakléopolis durant les 9ème et 10ème dynasties, et enfin à Thèbes à la 11ème dynastie. Rois de la 7ème dynastie : c’est une période de désordres. On ne connaît pas le nombre exact, ni le nom des rois ayant régné. Rois de la 8ème dynastie : on ne connaît que quelques pharaons, le plus important étant Qaka-Rê-Ibi. Rois de la 9ème dynastie : Mérib-Rê Khéty Ier, Néferka-Rê VII, Khéty II, Khéty III, Khéty IV. Rois de la 10ème dynastie : Khéty V, Khéty VI, Khéty VII, Mérika-Rê. Rois du début de la 11ème dynastie : Mentouhotep Ier, Antef Ier, Antef II, Antef III. -2030 à -1785 : fin de la 11ème et 12ème dynastie : Moyen Empire Mentouhotep II réunifie l’Egypte par la force. La capitale est d’abord établie à Thèbes, avant d’être déplacée par le pharaon Amenemhat 1er à Itch-Taouy, au sud de Memphis. En effet, Thèbes est trop méridionale et ne permet pas une surveillance facile du sud et du nord à la fois. Suite des rois de la 11ème dynastie : Mentouhotep II, Mentouhotep III, Mentouhotep IV. 2 Ou nomes : circonscriptions administratives de l’Ancienne Egypte. Chaque nome est constitué par une métropole, centre administratif et judiciaire, un ou plusieurs sanctuaires, et possède un emblème totémique : faucon, crocodile, cobra, gazelle, sycomore…
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La 12ème dynastie apporte stabilité et prospérité. Pour éviter des querelles à leur mort, les pharaons prennent soin d’associer au trône leur successeur (une sorte d’apprentissage pouvant durer dix ans). Mines, carrières, chantiers bourdonnent d’activité. De nouvelles pyramides sont construites, notamment à Licht et Dachour. Des terres agricoles sont conquises aux dépens des marais du Fayoum, la grande oasis située à 80 kilomètres de Memphis. En effet, les pharaons Amenemhat III et IV font creuser un lac dans la fertile oasis du Fayoum, afin d’emmagasiner les eaux des inondations et d’en bénéficier le plus longtemps possible en les libérant plus lentement. Le commerce reprend avec vigueur avec les pays étrangers comme la Crète et le Liban. Rois de la 12ème dynastie : Amenemhat Ier, Senousret Ier, Amenemhat II, Senousret II, Senousret III, Amenemhat III, Amenemhat IV, Sebeknefrou-Rê. -1785 à -1540 : 13ème à 17ème dynastie : deuxième période intermédiaire Nouvelle période d’instabilité. L’Egypte est envahie par un peuple mal connu, les Hyksôs. Il s’agit en fait de populations venues de l’est, qui se sont lentement infiltrées dans le delta du Nil pour y chercher de quoi manger. Ils ont évincé les Egyptiens, ont construit leur propre capitale, Avaris, ont pillé Memphis et ont fondé deux dynasties de pharaons, la 15ème et la 16ème. Puis, les Hyksôs se sont emparés de la partie nord du pays. Leur présence n’a pas été complètement négative pour ce pays, car ils ont permis une ouverture définitive au monde extérieur. Ils s’adaptent même aux coutumes égyptiennes. Ils adorent les dieux Seth, Rê… Ils apprennent aux Egyptiens l’art de la guerre : emploi massif du cheval et des chars dans la bataille, création d’une flotte de guerre fluviale… Mais, ils sont considérés comme d’infâmes envahisseurs. Une fois de plus, la rébellion vient du sud du pays, avec le roi thébain Kamosis. C’est son frère, Ahmosis, qui prend la ville d’Avaris et réunifie le pays. Capitale : Avaris pour les dynasties Hyksôs, Thèbes pour la dynastie Thébaine. Rois des 13ème et 14ème dynasties : une soixantaine de rois, mal connus ou même inconnus, dont la plupart n’ont régné que brièvement, voire simultanément.
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Rois de la 15ème dynastie : dynastie dite « des Grands Hyksôs ». Cette dynastie est parallèle à la 17ème dynastie : Salatis, Yakhoub-Har, Khyan, Apophis Ier, Khamudi, Apophis II. Rois de la 16ème dynastie : dynastie dite « des Petits Hyksôs ». Cette dynastie mineure de l’Egypte, sur laquelle nous avons peu d’informations, est parallèle aux 15ème et 17ème dynasties. Rois de la 17ème dynastie : dynastie dite « Thébaine », parallèle à la 15ème dynastie : Rahotep, Antef V, Sobekemsaf II, Djehouty, Montouhotep VII, Nébiryaou Ier, Antef VII, Sénakhten-Rê Taâ Ier, Séqénen-Rê Taâ II, Kamosis, Ahmès. -1540 à -1080 : de la 18ème à la 20ème dynastie : Nouvel Empire Il s’agit de la période la plus prospère de toute l’histoire égyptienne. C’est une ère de raffinement et d’évolution qui s’étale sur un peu plus de cinq siècles. C’est le pharaon Ahmès qui fonde la 18ème dynastie. On assiste alors à une série de triomphes militaires, aboutissant à l’apogée de la puissance et de la civilisation égyptienne. La Nubie est reconquise jusqu’à la 4ème cataracte, la Palestine soumise, la Syrie et la Phénicie rendues dociles. De plus, on observe des rapports étroits entre l’Egypte, le monde oriental méditerranéen et l’Asie. La vallée des rois, face à la capitale Thèbes, devient le grand cimetière des pharaons. Thèbes voit croître une immense cité religieuse à Karnak. Obélisques, colonnades, statues, rien n’est trop beau pour honorer le dieu Amon-Rê. Toute une série de grands pharaons règne. Cette brillante série est interrompue par un roi étrange, Amenhotep IV, qui lance une véritable révolution religieuse. Il aurait voulu se débarrasser du dieu de Thèbes, Amon-Rê, et de son clergé trop puissant. A la place, il impose l’adoration d’Aton, disque solaire, fonde une nouvelle capitale, Akhetaton. A sa mort, la réaction de ses successeurs est violente. La capitale est abandonnée et son souvenir est maudit à jamais. Rois de la 18ème dynastie : Ahmès, Amenhotep Ier, Thoutmès Ier, Thoutmès II, Hatschepsout, Thoutmès III, Amenhotep II, Thoutmès IV, Amenhotep III, Amenhotep IV qui devient Akhenaton, Néfernéférouaton, Smenkhkaré, Toutânkhaton qui devient Toutânkhamon, Aÿ, Horemheb. La 19ème dynastie, la plus célèbre de l’histoire égyptienne commence vers -1293, avec Ramsès. Ramsès II bâtit une nouvelle capitale, Pi-Ramsès, et réussit à contenir à l’est la
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poussée d’un empire menaçant, celui des Hittites. Avec Ramsès III, c’est la décadence politique. Les pharaons sont incapables de se faire respecter au Proche-Orient. L’Egypte se coupe de nouveau en deux, sur fond de famine. Rois de la 19ème dynastie : Ramsès Ier, Séthi Ier, Ramsès II, Mineptah, Amenmès, Séthi II, Siptah, Taousert, Iarsou. Rois de la 20ème dynastie : Sethnakht, Ramsès III, Ramsès IV, Ramsès V, Ramsès VI, Ramsès VII, Ramsès VIII, Ramsès IX, Ramsès X, Ramsès XI, Hérihor. -1080 à -323 : de la 21ème à la 30ème dynastie : le déclin : 3ème période intermédiaire et Basse époque Ce n’est pas une période de chaos et de violence, comme l’ont été les deux autres périodes. C’est une époque où le pouvoir pharaonique ne cesse pas de s’affaiblir et où le pays se divise, avant d’être réunifié. Au nord, une dynastie de pharaons gouverne à partir d’une nouvelle capitale, Tanis. Au sud, des militaires prennent le pouvoir et se font nommer grands prêtres du richissime temple d’Amon à Thèbes. Des guerres civiles déchirent l’Egypte. Les anciens prisonniers libyens de guerre des Ramsès, installés dans le delta, prennent le pouvoir. Leurs chefs deviennent pharaons. Ils réunifient le pays, mais très vite, l’Egypte retombe dans un grand désordre. Une vingtaine de princes se partagent alors les provinces. Le salut vient provisoirement de Nubie. Vers -720, deux rois locaux, Piânkhy et son fils Chabaka, réunifient l’Egypte par la force. En effet, des conquérants, les Assyriens, s’abattent sur le pays. En -663, leur roi, Assurbanipal, pille la ville de Thèbes et l’incendie. L’Egypte ne s’en remettra pas. Les Perses, puis les Grecs d’Alexandre, en -332, feront de ce pays, une simple province de leur gigantesque empire. 3ème période intermédiaire : La capitale se situe d’abord à Thèbes, puis à Tanis, puis à Bubastis, et enfin à Saïs. Rois de la 21ème dynastie : dynastie dite « de Tanis » : Smendès, Amenemnesout, Psousennès Ier, Amenémopé, Osorkon l’Ancien, Siamon, Psousennès II. Rois de la 22ème dynastie : dynastie dite « Bubastite » : Chéchonq Ier, Osorkon Ier, Chéchonq II, Takélot Ier, Osorkon II, Takélot II, Chéchonq III, Pimay, Chéchonq V, Osorkon IV.
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Rois de la 23ème dynastie : dynastie dite « de Tanis », dynastie parallèle à la 22ème : Pétoubastis Ier, Ioupout Ier, Chéchonq IV, Osorkon III, Takélot III, Roudamon, Ioupout II, Chéchonq VI. Rois de la 24ème dynastie : dynastie dite « de Saïs », parallèle à la 22ème dynastie : Tefnakht, Bakenranef ou Bocchoris. Basse époque : Rois de la 25ème dynastie : dynastie dite « éthiopienne » : Piânkhy, Chabaka, Chabataka, Taharqa, Tanoutamon. Rois de la 26ème dynastie : dynastie dite « Saïte » : Nékao Ier, Psammétique Ier, Nékao II, Psammétique II, Apriès, Ahmès II, Psammétique III. Rois de la 27ème dynastie : première dynastie perse : Cambyse II, Bardiya ou Smerdis, Darius Ier, Xerxès Ier, Artaxerxès Ier, Xerxès II, Darius II, Artaxerxès II. Roi de la 28ème dynastie : Amyrtée. Rois de la 29ème dynastie : Néphéritès Ier, Psammouthis, Achôris, Néphéritès II. Rois de la 30ème dynastie : Nectanébo Ier, Tachos, Nectanébo II. Rois de la 31ème dynastie : deuxième dynastie perse : Artaxerxès III, Arsès, Darius III. -323 à -31 : Dynasties macédonienne et Ptolémaïque : Epoque Ptolémaïque Après la conquête du pays par Alexandre le Grand, l’Egypte est gouvernée par les Ptolémée. Ils s’évertuent à conserver les traditions égyptiennes, tout en introduisant leurs racines grecques. Alexandrie remplace Memphis en tant que capitale. Rois de la dynastie macédonienne : Alexandre le Grand, Philippe Arrhidée, Alexandre II Aegos. Rois de la dynastie ptolémaïque : Ptolémée I Sôter, Ptolémée II Philadelphe, Ptolémée III Evergete, Ptolémée IV Philopator, Ptolémée V Epiphane, Ptolémée VI Philometor, Ptolémée VII Néos Philopator, Ptolémée VIII Evergete II, Ptolémée IX Sôter II, Ptolémée X Alexandre I, Ptolémée XI Alexandre II, Ptolémée XII Néos Dionysos, Bérénice IV, Cléopatre VII Philopator, Ptolémée XIII, Ptolémée XIV Philopator, Ptolémée XV Césarion.
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Généralités en égyptologie L’hygiène corporelle Les voyageurs grecs et romains qui ont découvert l'Egypte au seuil de l’ère chrétienne se sont émerveillés de la salubrité du pays, et du mode de vie de ses habitants. Pour ceux-ci, les Egyptiens sont les inventeurs de la médecine préventive. Ainsi, Hérodote, qui a parcouru l'Egypte au Ve siècle avant Jésus-Christ, écrit (II, 77) : « Les Egyptiens sont, après les Libyens, les hommes les plus sains du monde ». Isocrate, orateur grec, note dans In laude Busiridis : « De l'aveu de tous, les Egyptiens sont le peuple le plus sain et vivant le plus longtemps ». Plus tard, Diodore de Sicile (I, 70), au Ier siècle avant Jésus-Christ, nous rapporte que : « La manière de vivre des Egyptiens est si uniformément réglée qu’on pourrait croire qu’elle a été réglementée, non par un législateur, mais par un médecin habile, soucieux de la Santé publique ». Les Egyptiens sont de grands hygiénistes et leur hygiène privée est si bien adaptée au climat qu’ils savent parfaitement se préserver des maladies. La propreté du corps ou du vêtement est une nécessité impérieuse, en raison du climat d’abord, qui facilite la transpiration d’une peau où vient se fixer d’autant plus facilement la poussière et le sable continuellement soulevés par le vent, en raison ensuite d’impératifs religieux, car la malpropreté entraîne l’impureté, parce qu’enfin ce peuple a un goût inné pour tout ce qui est blanc, et net. Les règles de l’hygiène sont d’ailleurs inscrites dans la loi et tout le monde, y compris Pharaon, doit les respecter. Tout cela fait dire à Homère et à Plutarque que, dans tout Egyptien, il y a un médecin. Il suffit en effet d’observer les lois pour bien se porter. Les anciens Egyptiens accordent une grande importance à l’hygiène et à l’apparence. Ils se lavent, souvent dans l’eau du Nil, plusieurs fois par jour : le matin au lever, avant d’entrer
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dans une enceinte sacrée, avant de manger… Cet excès de propreté n’est sans doute pas partagé par les gens du peuple, qui se lavent cependant les mains avant chaque repas. Certaines demeures importantes possèdent leur propre salle de bains. Il s’agit tout simplement d’une salle d’eau, sans baignoire, dans laquelle on procède à des ablutions. Le Palais royal est évidemment pourvu d’une telle installation, car nous connaissons le titre de « Directeur de la salle de bains de la Grande Maison ». Chez les gens du commun, le matériel de toilette se compose simplement d’une cuvette ou d’un vase à bec. Le savon n’est pas encore connu. Les Egyptiens se nettoient avec du natron, des cendres ou de la soude ayant des propriétés basiques. Ces substances dissolvent les matières grasses comme de vrais détergents. Les hommes et les femmes rasent entièrement leur corps, puis s’oignent avec des huiles parfumées, et des onguents, qui évitent peut-être le dessèchement de la peau, et qui couvrent les mauvaises odeurs. Les odeurs corporelles doivent être une des préoccupations des Egyptiens, surtout dans des contrées où le climat est propice à la transpiration. Dans le papyrus Ebers, on trouve une recette pour lutter contre les mauvaises odeurs corporelles. Le paragraphe n° 852 préconise l’utilisation de myrrhe sèche, d’écorce de cannelle et de roseau afin de rafraîchir l’odeur des vêtements ou de la maison. L’abondance des objets de toilettes, des cuillers et des palettes à fard, des flacons de parfum retrouvés prouve l’importance que l’on attache aux soins de beauté. Les cosmétiques sont également utilisés pour atténuer les signes de la vieillesse. L’huile de fenugrec est utilisée pour prévenir l'apparition des rides, des taches de rousseur et d'atteintes diverses dues à l’âge. Pour contrer le blanchissement des cheveux, on les enduit de graisse de serpents noirs ou de sang de bœufs noirs. Les prêtres sont toujours immaculés, comme le veut leur fonction. Hérodote (II, 37), en parlant d’eux, rapporte : « Ils se rasent le corps entier tous les deux jours afin que ni poux, ni vermines ne s’attachent à leur personne pendant qu’ils servent les Dieux. Ils ne portent qu’un vêtement de lin et des chaussures de papyrus. (…) Ils se lavent deux fois par jour à l’eau froide et deux fois chaque nuit ».
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Les Egyptiens observent de même une certaine hygiène buccale. Quenouille précise que « l’eau du rince-bouche était aseptisée avec un sel appelé bed ». D'autre part, il note aussi que, sous le nom de souabou, on désigne une pâte solidifiée contenant une substance dégraissante et capable de mousser, par exemple de la cendre ou de l'argile. Il est donc permis de supposer l'existence d'une certaine forme de dentifrice. Dans le papyrus Ebers, la recette n° 853 donne une solution contre l’halitose : « Oliban sec, graines de pignon de pin, résine de térébinthe, souchet odorant, écorce de cinnamon, melon, roseau de Phénicie. A broyer fin, à réduire en une masse qui sera mise dans du miel, à cuire, à mélanger, à transformer en pastille. Les femmes feront des fumigations avec ces pastilles ; elles les prendront aussi dans la bouche pour rendre leur haleine agréable ». L’étude de l’alimentation, à cette époque, paraît essentielle, sachant qu’elle a pu avoir des répercussions importantes sur la santé bucco-dentaire. Les habitudes alimentaires des anciens Egyptiens sont connues grâce à la littérature, aux représentations picturales et aux offrandes que les Egyptiens placent dans les mastabas et qui servent de provisions aux morts au cours du « grand voyage ». L’examen du contenu intestinal des momies égyptiennes a également contribué à la connaissance des aliments consommés. On ne doit pas oublier que les habitudes alimentaires ont varié au cours des 3000 ans d’histoire, mais aussi en fonction du niveau social des individus. Ainsi, les Egyptiens aisés prennent trois repas par jour, dont un copieux le midi et consomment une nourriture recherchée. Les banquets sont fréquents. Le peuple, en revanche, prend un frugal repas et se nourrit plutôt de pain, bière, volailles, fruits et légumes. Le soir, ils mangent peu. Les Egyptiens prennent soin de leur santé. Les excès de toutes sortes sont réprimés : vin, bière, nourriture… « La vie d'un homme qui contrôle l'excès est la vie d'un homme au cœur sage. Les légumes et le natron sont les meilleures nourritures qui peuvent être trouvées. La maladie arrive à un homme lorsque que la nourriture lui nuit. Celui qui mange trop de pain souffrira de la maladie. [...] Toutes sortes de maux sont dans les membres à cause de la nourriture en
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excès. Celui qui est modéré dans sa façon de vivre, sa chair n'est pas dérangée. La maladie ne le brûle pas, lui qui sait modérer sa nourriture. [...] » (Traduction du papyrus démotique Insinger). Conscients des effets néfastes de la suralimentation sur le corps, ils emploient des laxatifs et des vomitifs pour rester en bonne santé. Cependant, les momies de personnages aisés montrent souvent un surpoids important lié à une vie d'excès. Hérodote (II, 77) rapporte : « Voici quel est leur régime; ils se purgent tous les mois pendant trois jours consécutifs, et ils ont grand soin d'entretenir et de conserver leur santé par des vomitifs et des lavements, persuadés que toutes nos maladies viennent des aliments que nous prenons ». Diodore de Sicile (I, 2ème partie, 82) ajoute : « Pour prévenir les maladies, les Egyptiens traitent le corps par des lavements, par la diète et des vomitifs ; les uns emploient ces moyens journellement; les autres n'en font usage que tous les trois ou quatre jours. Car, ils disent que l'excédent de la nourriture ingérée dans le corps ne sert qu'à engendrer des maladies, que c'est pourquoi le traitement indiqué enlève les principes du mal et maintient surtout la santé ». De plus, pour des raisons religieuses, ils observent à des moments précis de l’année des périodes de jeûne et la grande fête d’Isis est précédée d’un véritable carême. Les Egyptiens sont généralement sobres, mais les peintures des tombeaux montrent que, dans les banquets, ils ne se privent pas de boire et que l’ivresse ne les effraie pas. Dans un passage du papyrus Insinger, l’ivresse est décrite : « Ce marcheur va de taverne en taverne en sentant la bière. La bière envahit l’homme et dirige son esprit. Il devient comme un temple sans son dieu, comme une maison sans pain, et où les murs s’écroulent ». Le pain est l’aliment de base de la nourriture égyptienne. Un répertoire du Nouvel Empire énumère 40 sortes différentes de pains et de gâteaux, dont les formes sont connues : ovales, rondes, coniques, en éventail, en formes de vase, de silhouettes d'animaux, etc. Parmi toutes ces variétés, certaines sont adoucies par du miel, du lait ou des dattes. Diverses farines entrent dans leur préparation : orge, amidonnier, froment… Les plus pauvres utilisent aussi le
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sorgho pour la confection de leur pain. Ils sont cuits dans des moules préalablement chauffés sur le feu ou directement dans le brasier. Des spécimens de pain retrouvés dans les tombes ont été examinés par Marc Armand Ruffer en 1921, et se sont révélés constitués par une pâte très grossière, contenant d’importantes quantités de balles de blé ou d’orge, des fragments de paille et de grains non concassés, et même des fragments de pierre à meuler. On y a retrouvé de nombreuses particules minérales, tels que du feldspath, du mica, du quartz, du silicate… Les minéraux présents dans le pain ont des origines diverses. Ils sont, en effet, omniprésents, depuis le sol sur lequel le blé a poussé jusqu’au moment où la pâte lève au soleil, et reste en contact avec le sable. Ils sont incorporés de manière involontaire au moment de la récolte, du battage, du vannage et du stockage des céréales dans les silos. Lors du broyage des grains, des particules de pierre provenant de la meule se détachent et peuvent se mêler à la farine. De plus, on ajoute au grain de la brique pilée, de la craie ou du sable avant de le moudre. La nécessité d’une telle addition a été confirmée par des expériences de l’université de Manchester. En utilisant d’anciennes meules égyptiennes, le grain est presque intact après 10 minutes de travail. En ajoutant 1% de sable, une farine de bonne consistance est rapidement obtenue. Ce pain nécessite de toute évidence d’importants efforts masticatoires, d’autant plus que la ration quotidienne consommée atteint parfois l’équivalent de deux kilos. D’après Leek, cette forte teneur en minéraux serait responsable de l’abrasion des tables occlusales des dents examinées. Les paysans du bord du Nil cultivent de nombreuses variétés de légumes : ail, artichauts, asperges, céleris, concombres, coriandre, courges, choux, cumin, fèves, lentilles, poireaux, pois chiche, salades (notamment les laitues). Ils sont souvent consommés crus chez les gens du peuple, ce qui a contribué à l’usure des dents. L’oignon sert d’aliment de base avec le pain depuis l’Ancien Empire. Mais, il est interdit aux prêtres de consommer des légumes à forte odeur comme l’oignon, l’ail ou l’échalote. Les plus pauvres se nourrissent aussi de papyrus ou de lotus, et des rhizomes d’autres plantes aquatiques. La racine et ses tubercules sont mangés bouillis, rôtis ou crus.
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La racine est très riche en hydrates de carbone et en phytolithes, particules minérales accumulées par de nombreux végétaux dans leurs tissus. Les arbres fruitiers ne manquent pas. Des dattiers et des figuiers poussent en abondance, soit dans des vergers, soit à l’état sauvage. Les figues et les dattes sont consommées fraîches ou séchées. Elles peuvent être mélangées à la pâte à pain. Les dattes donnent du vin et même du vinaigre. Les Egyptiens consomment des fruits tels que le melon, la pastèque, le raisin, les fruits du palmier-doum, du myrobalan, de la balanite, les fruits du jujubier d’Egypte… La grenade, les pommes et les olives ont été apportées par les Hyksôs au Nouvel Empire. Ce n’est qu’à l’époque gréco-romaine que l’on a vu apparaître la tomate, l’orange, le citron, la banane, la pêche, la mangue et l’amande. Les Egyptiens consomment peu d’aliments acides. La plus grande partie des terres d’Egypte est réservée aux champs et aux vergers, l’agriculture primant de loin sur l’élevage, mais cela n'interdit pas la présence de cheptel. Les premières traces de ces élevages remontent à la 5ème dynastie, avec l'apparition du bœuf à bosse et avec l'amélioration des techniques de gavages, et de castration. Parmi les animaux domestiques et destinés à la table, on retrouve des gazelles, des antilopes, des oryx, des bubales et même des hyènes. En revanche, manger de l’ibis, du crocodile ou de l’hippopotame, dans le nome de Paprémite, est considéré comme un sacrilège, ces animaux étant la représentation de dieux. La viande, trop chère, n'est pas un aliment courant pour le simple Egyptien. Elle est plutôt réservée aux classes aisées. Les bovins constituent la principale richesse du cheptel, bœufs avec ou sans cornes. La vache est un animal sacré aux yeux des Egyptiens, ce qui induit une réglementation très sévère de la consommation de sa viande. Elles produisent du lait et assurent la reproduction. Elles sont utilisées pour quelques travaux agricoles. Le porc est considéré comme inapte à la consommation du fait de sa saleté et de son odeur nauséabonde. Il est considéré comme la personnification de Seth dans certains nomes. Il sert principalement à l’enfouissement des semailles par piétinement.
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Cependant, il aurait été consommé lors de certaines fêtes rituelles. La chèvre, d’élevage peu coûteux, est souvent consommée. De grands troupeaux de moutons sont élevés. Toutefois, il ne semble pas que leur viande ait été très consommée, la laine, le lait, le beurre et le fromage ayant la priorité. Les bords du Nil regorgent de volailles, notamment de cailles, de canards, de grues, d’oies, de perdrix, de vanneaux, et même d’autruches et de tourterelles. Les gallinacés sont introduits vers le VIIe siècle avant Jésus-Christ. L'élevage des poules et des faisans est alors intensif. Le poisson est un des aliments de base pour les personnes pauvres, de par son abondance et son coût négligeable. On trouve de nombreuses variétés de poissons dans le Nil et les marécages du Delta, dans les lacs intérieurs et côtiers, dans les canaux : mulets, carpes, anguilles, tanches, poisson-chat, grande perche d'Egypte… Le poisson, frais ou séché au soleil, peut être consommé cru, grillé, rôti, bouilli. On le conserve en le laissant mariner dans de grandes jarres. Les règles royales interdisent aux souverains et aux prêtres de consommer du poisson. De plus, certains poissons sont considérés comme sacrés. D’autres sont frappés d’interdits religieux propres à certains nomes et ne sont donc pas consommés. Hérodote (II, 72) écrit: « Le Nil produit aussi des loutres. Les Egyptiens les regardent comme sacrées. Ils ont la même opinion du poisson qu'on appelle lépidote, et de l'anguille. Ces poissons sont consacrés au Nil ». La bière constitue, avec le pain, la base de l’alimentation. Boisson populaire et bon marché, elle est élaborée avec du froment, des grains d’orge et des dattes, dont le sucre assure la fermentation du breuvage. Le vin est également très prisé. Sous l'Ancien Empire, il est réservé aux Egyptiens aisés. Sa consommation se démocratise ensuite au Nouvel Empire, grâce au développement de la culture viticole dans toute l’Egypte. Mais, il est défendu aux prêtres d’en boire. La source de l’eau potable est le Nil. Les Egyptiens la tirent des puits ou du fleuve directement, et la conservent dans des jarres enterrées dans le sol. Avant d’être consommée, l’eau est filtrée, ce qui lui permet d’être limpide, sans être toutefois
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bactériologiquement pure. Les Egyptiens imaginent donc la stérilisation de l’eau, sachant que l’on peut se préserver de certaines maladies intestinales en buvant de l’eau bouillie. Le sucre n’est pas connu dans l’Egypte pharaonique. Le seul édulcorant utilisé est le miel. L’apiculture est en effet pratiquée depuis l’Ancien Empire. On a retrouvé des bas-reliefs représentant des abeilles. Les pâtisseries sont enrichies de miel et de graines de caroube. Le miel est également trouvé dans certaines médications. Les Egyptiens utilisent aussi des jus, comme le jus de dattes, pour sucrer les aliments.
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Les sources bibliographiques médicales - Les auteurs La médecine égyptienne jouit, dans l'Antiquité, d'une incontestable renommée, tant en Egypte qu'à l'étranger. Homère, Hérodote, Strabon, Diodore de Sicile en font mention. Théophraste et Dioscoride citent des formules provenant des écoles égyptiennes. Hippocrate, Hérophile, Érasistrate et plus tard Galien étudient au temple d’Amenhotep et reconnaissent la contribution de la médecine égyptienne à la médecine grecque. Tous ces auteurs nous fournissent beaucoup d’informations, mais elles ne concernent que les dernières dynasties. De plus, il faut rester prudent devant leur enthousiasme. Leurs déclarations peuvent paraître parfois exagérées. Ils attribuent des savoirs aux Egyptiens qui seraient plutôt dus à d’autres peuples comme les Phéniciens, les Perses ou encore les Etrusques, avec lesquels les Egyptiens ont eu de nombreux contacts. Quant à la science spéciale que possèdent les prêtres, il est plus que douteux qu’ils aient consenti à en faire part à des étrangers, même des initiés. L’Ancien Testament Des rapprochements intéressants ont pu être faits entre la médecine biblique et la médecine égyptienne, chacune contribuant parfois à combler les lacunes de l’autre. Ce sont plus particulièrement les cinq livres mosaïques du Pentateuque qui, grâce à une philologie comparative, permettent d’éclairer certains termes anatomiques et médicaux. Homère (fin du VIIIe siècle avant J.-C.) Poète grec, il serait l'auteur de l'Iliade et l'Odyssée, ainsi que de nombreuses aventures épiques. Judicieusement, il remarque dans l’Odyssée : « En Egypte, les hommes sont plus qualifiés en médecine que tous les autres hommes ». Il vante la science médicale des Egyptiens, à propos d'un baume donné à Hélène
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par l'Egyptienne Polydamna, l'épouse de Thonis. Cyrus, roi de Perse né vers l'an 599 avant J.- C., a demandé au pharaon Amasis qu’il lui envoie le meilleur des oculistes qu'il ait eu en Egypte, afin qu’il le guérisse d’une affection oculaire. De même, le roi de Perse Darius Ier, qui a régné de 521 à 485 av. J.C, aime s'entourer de médecins égyptiens et en a appelé plusieurs à sa cour. Hécatée de Milet (vers 550- 475 av. J.-C.) Il rédige une Périégèse, « tour de la terre ». Il y rassemble les légendes locales et consigne ses commentaires sur la faune et la flore correspondantes, les habitants et les mœurs. Il parcourt la vallée du Nil, un siècle avant Hérodote, pour rédiger les Généalogies des divinités et héros grecs, qui est le premier essai de critique historique, et la première tentative pour émanciper l’histoire des mythes, et de la poésie. Hérodote (vers 484-420 avant J.-C.) Né à Halicarnasse en Asie Mineure, et surnommé le « Père de l'Histoire » par Cicéron, il est l’auteur de l’une des plus longues œuvres de l’Antiquité intitulée Histoires. Il visite l’Egypte vers 440 avant J.-C. Il consacre tout le deuxième livre de ses Histoires à ce périple. C’est le seul écrivain à avoir donné de ce pays une description aussi exacte. Il nous en a fait connaître la géographie, les productions, les mœurs, les usages et la religion de ses habitants. Il vit d’abord avec les prêtres établis à Memphis, puis il se rend à Héliopolis et à Thèbes, pour s'assurer par lui-même de la vérité de ce que lui ont dit les prêtres de Memphis. Il consulte les collèges des prêtres installés dans ces deux grandes villes, qui sont les dépositaires de toutes les connaissances. Les trouvant parfaitement d'accord avec les prêtres de Memphis, il se croît alors autorisé à donner les résultats de ses entretiens. Dans le domaine médical et paramédical égyptien, Hérodote fournit de précieux renseignements sur les diverses méthodes d’embaumement qui ont cours à son époque, sur l’organisation du corps médical et l’importance de la spécialisation, l’emploi des vomitifs et des lavements…
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Manéthon (IIIe siècle avant J.-C.) Historien égyptien et prêtre d’Héliopolis, il compose vers 263 avant notre ère les Aegyptiaca, histoire de l’Egypte en trente volumes écrite en grec, qui s’étend de la plus haute Antiquité à l’époque d’Alexandre le Grand. C'est à Manéthon que l'on doit la division en dynastie des souverains d'Egypte, division toujours utilisée par les égyptologues avec quelques modifications, car elle rend l'analyse de l'histoire égyptienne plus commode. Grâce à Manéthon, nous avons également de nombreux détails intéressants sur la vie des dirigeants égyptiens. Malheureusement, son travail a été en partie perdu. Hérophile d’Alexandrie (vers 331- vers 250 avant J.-C.) Né à Chalcédoine en Asie mineure, médecin grec, il est considéré comme un des fondateurs de la grande école médicale d'Alexandrie, avec Érasistrate (vers 310 - vers 250 av. J.-C.), médecin clinicien et expérimental, et grand anatomiste grec. Il est connu en tant que premier anatomiste de l'histoire et considéré comme le plus grand. Ses travaux ont été perdus, mais ont été beaucoup cités par Galien (131-201 après J.C.), médecin grec de l'Antiquité. Diodore de Sicile (90-10 avant J.-C.) Né à Agyrium en Sicile, c’est un historien grec. Il passe plusieurs années en Egypte, de 60 à 57 avant J.-C. pour composer son œuvre, Bibliothèque Historique, qui comprend à l’origine 40 livres et qui est la première œuvre à aborder une histoire universelle. Il y décrit notamment les méthodes d’embaumement, l’alimentation des Egyptiens, les thérapeutiques par diète, vomitifs et lavements, l’organisation sociale de la médecine, et l’importance des textes médicaux. Strabon (vers 57 avant J.-C.- 23 après J.-C.) Né à Amasée en Cappadoce, c’est un géographe, un historien et un philosophe grec. Il rédige une Géographie en 17 volumes, le seul ouvrage existant couvrant l'ensemble des peuples et des pays connus pour les Grecs, et les Romains pendant le règne d’Augustus, qui contient essentiellement des données d’ordre politique, social et moral. Il consacre le 17ème et dernier livre à l’Afrique (Egypte et Lybie), qu’il visite vers l’an 25 avant J.-C.
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Dans le domaine médical, il relate surtout des faits concernant la circoncision et l’excision. Pline l’Ancien (23-79 après J.-C) Naturaliste, il est l’auteur d’une Histoire naturelle, vaste compilation scientifique de 37 livres. Le livre XXX contient une grande quantité de médicaments et de recettes pour soigner toutes sortes de maux. Gaston Maspero remarque que Pline a dû nous transmettre en latin plus d'une recette qui, à travers le grec, a bien pu remonter à quelque papyrus. De plus, dans la correspondance de Pline avec Trajan, nous voyons, dans certaines lettres, que Pline se félicite d’avoir été soigné et guéri par un médecin égyptien appelé Harpocrates qui exerçait à Rome. Celui-ci l’a débarrassé d’une maladie devant laquelle les médecins romains sont restés impuissants. Clément d’Alexandrie (vers 150- vers 215 après J.-C.) Né à Athènes, il est l’un des pères de l’Eglise. Auteur des Stromates, il rapporte que, sur les 42 livres hermétiques de l’encyclopédie officielle religieuse égyptienne, les six derniers sont consacrés à la médecine. Ils portent les titres suivants : De la constitution du corps humain, Des maladies, Des organes, Des médicaments, Des maladies des yeux, Des maladies des femmes. Cette collection n'existe plus. - Les papyrus Un papyrus est une feuille faite à partir de l'écorce du papyrus, plante des bords du Nil, qui sert de support d'écriture. Les papyrus médicaux datent pour la plupart des environs du Nouvel Empire. Ce ne sont que des copies tardives, tirées d’ouvrages plus anciens ou de feuillets compilés par des scribes savants, mais ignorants de la médecine, sans aucune considération de sujet, de date ou de continuité. Ce qui frappe dans toute la littérature médicale égyptienne, c'est l'absence d'auteurs. Aucun traité médical de l'Egypte ancienne ne peut être attribué à un auteur particulier. On a recensé beaucoup de noms de médecins égyptiens, mais la documentation est essentiellement extra-médicale: inscriptions dans des tombes, sur des stèles, documentation administrative. De plus, nulle part, il est affirmé qu'une doctrine ou un remède aient été
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élaborés par un médecin particulier. Par contre, on citera le nom des bénéficiaires de tel remède, pour montrer son intérêt et sa réussite. Ceci peut s'expliquer par l'importance de la médecine du Palais. Auprès du roi d'Egypte, est rassemblé un cortège de grands médecins dont le rôle est de répandre, à travers le pays, les bienfaits attendus de l'art médical. Ils agissent au nom du roi, délégué des dieux sur terre et « seul garant de la santé de ses sujets ». Une telle conception ne permet à aucun médecin de se présenter comme un véritable auteur. En 1822, la découverte de la pierre de Rosette a finalement permis la traduction des inscriptions hiéroglyphiques et des papyrus médicaux de l’Egypte antique. Cependant, cette traduction est difficile pour deux raisons : - Le vocabulaire des papyrus médicaux est technique. Beaucoup de noms de plantes, de drogues et d’instruments sont encore mal identifiés. Donc, tous les passages ne peuvent pas être traduits avec la même certitude. - La difficulté de traduire dans nos langues occidentales modernes, des idées et des concepts émanant de la mentalité égyptienne, très différente de la nôtre. De plus, il ne reste que peu de textes par rapport à ceux disparus et les papyrus sont parfois très abîmés. Les papyrus sont appelés d’après leurs propriétaires (Edwin Smith, Carlsberg, Chester Beatty), les lieux de leur découverte (Kahoun, Ramesseum), leur éditeur (Ebers) ou les villes où ils se trouvent actuellement (Leyde, Londres, Berlin, Brooklyn). Plus spécifiquement, des papyrus ont un lien direct avec l’art dentaire. Quels sont-ils ? GRAND PAPYRUS DE BERLIN N° 3038 OU PAPYRUS DE BRUGSCH : C’est un important papyrus médical égyptien. Découvert par Giuseppe Passalacqua dans une tombe à Saqqarah, dans la région de Memphis, au début du XXe siècle, il a été acquis par Friedrich Wilhelm IV de Prusse en 1827, pour le musée de Berlin où il est encore conservé. Il est daté du règne de Ramsès II, 19ème dynastie, au XIIIe siècle avant J.-C. Le papyrus a été étudié initialement par Heinrich Karl Brugsch en 1863, mais il n’a été traduit et publié par Walter Wreszinski qu’en 1909. Ce papyrus contient vingt-quatre pages (21 recto et 3 verso) d'écriture hiératique (écriture cursive hiéroglyphique simplifiée), et 204 paragraphes numérotés de 1 à 191 au recto,
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et de 192 à 204 au verso, présentant quelques similitudes avec des textes du papyrus Ebers. Il traite de cas de médecine générale. Il contient notamment un chapitre sur les rhumatismes, un traité sur les vaisseaux avec une description des vaisseaux, qui montre que, si les médecins égyptiens ont des données très inexactes sur la circulation du sang, ils en connaissent du moins l’existence, quelques recettes contre les maux d’oreilles, les parasites intestinaux, les maladies des seins, la toux, les hématuries et les douleurs des membres inférieurs. PETIT PAPYRUS DE BERLIN N° 3027 : Rédigé vers 1450 avant J.-C ., durant la 18ème dynastie, il compte une quinzaine de pages. C’est le plus ancien traité de pédiatrie que l’on connaisse, mais sa valeur médicale proprement dite est assez réduite. En effet, il contient essentiellement des incantations pour la protection des mères et de leurs enfants, et pour le traitement des maladies infantiles. C’est donc plus un papyrus magique qu’un papyrus médical. PAPYRUS MEDICAL CHESTER BEATTY : Les papyrus Chester Beatty ont été découverts en 1928, dans une chapelle funéraire de Deir el-Medina, lors de fouilles effectuées par Bernard Bruyère. Ils ont été rachetés par le millionnaire Sir Alfred Chester Beatty, qui leur a donné son nom. Parmi eux, on retrouve un petit papyrus médical. Ce papyrus, appelé Chester Beatty n° VI, aurait été écrit vers 1300 avant J.-C, lors de la 19ème dynastie et est conservé au British Museum (papyrus BM 10686). Il est écrit en hiératique. Il a été traduit et publié en anglais en 1935, par Sir Alan Henderson Gardiner, puis en français par Frans Jonckheere en 1947. Le recto est un traité de proctologie, tandis que le verso contient des recettes concernant les seins, le cœur, la vessie, ainsi que de nombreuses incantations. PAPYRUS EBERS : Le papyrus Ebers est acquis en 1862, à Louxor, en même temps que le papyrus Edwin Smith, par un égyptologue anglais, Edwin Smith. Ces deux papyrus auraient fait partie d'une seule trouvaille clandestine vers 1860. Il est dit du papyrus Ebers qu’il a été trouvé entre les jambes d’une momie, dans la nécropole de Ramsès II à Louxor, sur la rive
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ouest du Nil. La tombe dont il provient n’a jamais été identifiée, mais on peut penser qu’il s’agit de la tombe d’un médecin et peut-être même de celle où a été retrouvé le papyrus Edwin Smith. Smith a gardé pour lui le papyrus qui porte maintenant son nom et a vendu en 1872, à l'égyptologue allemand Georg Ebers, le plus long des deux papyrus médicaux. Ce dernier est publié par Ebers en 1875, puis est traduit en allemand par Joachim en 1890, puis par Walter Wreszinski en 1913. Cyril Bryan le traduit en anglais en 1930, suivit par Bendix Ebbell en 1937. Il est également publié en 1958, dans le volume IV 1 du Grundiss, après avoir été traduit en allemand par von Deines, Grapow et Westendorf. Ce papyrus est daté de la neuvième année du règne d’Amenhotep I (18ème dynastie), vers 1534 avant J.-C., mais il est probablement la copie d’un ouvrage plus ancien remontant à l’Ancien Empire. Il est écrit en hiératique. Au moment de sa découverte, ce manuscrit forme un rouleau de 21 mètres de long sur 30 centimètres de large. C’est le plus long papyrus médical égyptien et le seul à avoir été retrouvé complet. Il est actuellement conservé à la bibliothèque universitaire de Leipzig, où il a été découpé en 29 fragments d’inégales longueurs pour pouvoir être encadré. Le papyrus contient 108 pages numérotées de 1 à 110. En effet, les pages 28 et 29 n’existent pas. Il semblerait qu’elles aient été volontairement non numérotées, le chiffre 110 étant un signe d’heureuse longévité. Le papyrus Ebers est le plus important des livres médicaux de l’Egypte ancienne retrouvés. Nulle part ailleurs, on trouve autant de renseignements révélateurs de la pensée médicale de l’époque. Son intérêt historique est par conséquent considérable. Il démontre que l’esprit d’une médecine rationnelle existe déjà bien avant l’apparition des premiers physiciens grecs. Ce papyrus est un manuel pratique plutôt qu’un ouvrage théorique, qui sert de guide à un médecin en faisant le tour des pathologies rencontrées dans son exercice quotidien. Il vient probablement de la bibliothèque d'une école de médecine. C’est un recueil de prescriptions Il présente une succession de 877 paragraphes juxtaposés, sans ordre logique, concernant chacun une pathologie, qu’elle soit physique, mentale ou surnaturelle. Il constitue principalement un traité de pharmacologie et de thérapeutiques avec de rares descriptions cliniques. Quarante-sept remèdes seulement incluent un
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diagnostic. Chaque paragraphe débute par une incantation magique. Suivent une description des symptômes de la maladie, éventuellement le diagnostic, puis la recette destinée à confectionner le médicament. Le papyrus Ebers contient des prescriptions pour les yeux, les dents, la langue, les oreilles, le nez, la gorge, la toux, la migraine, les cheveux, les brûlures, des recettes pour des affections dermatologiques classées en 3 catégories (irritatives, exfoliatives et ulcératives), pour des blessures traumatiques, pour des affections gynécologiques, des maladies gastriques, hépatiques, intestinales, rénales, articulaires, des pathologies des membres et des extrémités. D’autres maladies sont plus difficiles à traduire, car des termes spécifiques sont parfois utilisés. Il semblerait en revanche que les médecins égyptiens n’aient pas trouvé de solutions contre les tumeurs. Le dieu Xenus aurait conseillé : « Tu t’abstiendras ». Son traité de cardiologie fait partie des documents les plus importants de l’histoire de la médecine. Une dizaine de paragraphes seulement sont consacrés à la thérapeutique dentaire. Ils concernent la sédation de la douleur provenant d'une lésion carieuse, le traitement d'un abcès ou d'une gingivite, voire d'une halitose. Dans ce traité, la magie est encore très présente. Il débute en effet par trois textes écrits dans un but précis. Les deux premiers sont destinés à protéger le médecin qui pénètre dans l’ambiance dangereuse entourant le malade. Le dernier concerne les soins au médecin malade ou susceptible d’être victime d’une vengeance des démons qu’il combat. Ce papyrus est rempli d'incantations et d’imprécations destinées à chasser les démons responsables des maladies. On y trouve, par exemple, des invocations pour boire un remède « Viens, remède, viens remède qui chasse le mauvais de mon estomac… », à réciter pendant que le patient prend son médicament. PAPYRUS EDWIN SMITH : Ce papyrus aurait été trouvé dans une tombe à Thèbes, vers 1860. Il est, avec le papyrus Ebers, le plus important des papyrus médicaux. Il est acheté en 1862, par l’américain Edwin Smith, chez un brocanteur de Louxor, probablement un revendeur d’objets pillés dans des tombes historiques, nommé Mustafa Agha. Edwin Smith garde pour lui ce papyrus qui porte son nom et qui est le plus ancien document
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connu au monde traitant de la chirurgie. A sa mort en 1906, sa fille a fait don du papyrus à la New York Historical Society. De 1938 à 1948, le papyrus est conservé au Brooklyn Museum. En 1948, il est offert à la New York Academy of Medicine, où il est actuellement conservé. Il serait daté du début de la 18ème dynastie, aux environs de 1550 avant J.-C. On s’accorde généralement à le reconnaître comme étant une copie fidèle de textes médicaux plus anciens, remontant probablement à l’Ancien Empire. C’est ce que suggèrent la langue et la syntaxe. Les textes originaux sont attribués par certains à Imhotep, fondateur de la médecine égyptienne antique. Il reste méconnu jusqu’à ce que James Henry Breasted, directeur de l’Institut oriental à l’université de Chicago, The Oriental Institute of Chicago, en donne une traduction et le publie en 1930. Dans son travail, Breasted peut profiter des conseils médicaux prodigués par son collègue, le Dr Arno B. Luckhardt, professeur de physiologie à l’université de Chicago. Il est publié en allemand par von Deines, Grapow, et Westendorf en 1958, dans le volume IV 1 du Grundiss, puis par Westendorf, seul, en 1966. Une traduction en français est publiée par Ion Banu. La publication de ce papyrus a changé la compréhension de l’histoire de la médecine. Il démontre en effet que la médecine égyptienne n’est pas limitée à la magie. Il présente une approche scientifique et rationnelle de la médecine en s’appuyant sur l’observation clinique, et sur des examens médicaux. Ce papyrus mesure 4,68 mètres de long, 33 cm de large et est écrit en hiératique. Les titres sont écrits à l’encre rouge et le corps du texte est en noir. Le scribe a une belle écriture, mais ignore totalement la médecine, et confronté à des termes médicaux très spécialisés (une mandibule par exemple), il perd la main et fait un dessin maladroit. Il remarque parfois ses erreurs, plaçant un mot oublié dans la marge et une croix (les premiers astérisques du monde). Il comporte 377 lignes sur le recto, organisées en 17 pages, et 92 lignes sur 5 pages au verso. Il est presque entièrement consacré à la traumatologie des os, des tissus mous et à la chirurgie sans doute parce que la chirurgie est à un stade beaucoup plus avancé que la médecine à cette époque. En raison de sa nature pratique et du type de traumatismes examinés, on peut penser que ce papyrus sert de manuel pour les traumatismes résultant de batailles militaires.
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Ce papyrus démontre des connaissances anatomiques remarquables. Il contient les premières descriptions connues des sutures crâniennes, des méninges, de la surface externe du cerveau, du fluide cérébrospinal et des pulsations intracrâniennes. On y trouve également une description des sinus qui sont considérés par les Egyptiens comme de véritables poches intracrâniennes, dont les parois sont dites « en cuir » par référence à ce qui est la muqueuse des sinus. On rencontre aussi, dans ce papyrus, une merveilleuse description des os dans la région maxillaire : « L’os temporal et le ramus s’articulent comme les griffes d’un oiseau à deux orteils ; il (le ramus) s’enfonce dans le temporal. Les ligaments antérieurs de la fourche du ramus sont attachés à l’os temporal à l’arrière du maxillaire ». C’est l'un des rares papyrus médicaux à ne faire que rarement appel à la composante magico-religieuse. Le verso comporte huit formules magiques et cinq prescriptions. Mais, ces formules, ainsi que le cas 9, sont des exceptions à la nature médicale du texte. Quarante-huit cas différents y sont relatés et classés de manière remarquablement bien organisée et logique, selon les organes qu’ils affectent, comme dans un traité moderne d’anatomie, ce qui suggère que ce recueil a été produit dans un but d’enseignement. Il démarre, en haut de la tête, par le cerveau et le crâne (cas 1 à 10), le nez (cas 11 à 14), le visage (cas 15 à 17), l’os temporal (cas 18 à 22), les oreilles, les mâchoires et le menton (cas 23 à 27), le cou et la gorge (cas 28 à 33), les clavicules(cas 34 et 35), la partie supérieure des bras (cas 36 à 38), la poitrine et les côtes (cas 39 à 46), les épaules (cas 47) jusqu’à la colonne vertébrale (cas 48), où le texte s’arrête brusquement au milieu d’une ligne, la rédaction du papyrus ayant été laissée inachevée à l’époque de la copie. Sur les 27 cas qui intéressent la tête, trois cas de blessures concernent le maxillaire (cas 15, 16 et 17), deux cas, la mandibule (cas 24 et 25). Ces 5 derniers cas relèvent d’atteintes osseuses et articulaires. On relève aussi une blessure à la lèvre supérieure (cas 26). Mais, ces derniers cas ne concernent pas directement la pathologie dentaire. Ce papyrus ne résulte plus d’une observation individuelle d’un sujet unique, mais présente différents paragraphes qui décrivent plusieurs cas analogues d’une même pathologie, celle-ci pouvant évoluer différemment
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suivant les sujets. Chaque cas est analysé de manière systématique selon un plan très précis : - Titre qui expose la nature du traumatisme. - Examen médical, sous forme didactique, avec la description des symptômes. - Diagnostic. - Pronostic : favorable, « maladie que je traiterai », incertain, « maladie contre laquelle je me battrai » ou fatal, « maladie contre laquelle je ne peux rien ». - Traitement, sauf si le cas est considéré comme fatal. - Glossaire, expliquant les notes ou expressions trop obscures, ou désuètes depuis la première rédaction. Ces commentaires ont permis de faire d’énormes progrès dans la compréhension des textes médicaux. Il y en a 70 en tout. - Parmi les traitements proposés, on peut noter le rapprochement des berges des plaies touchant les lèvres, la gorge et les épaules par des bandelettes adhésives, ou par des sutures, des traitements préventifs ou curatifs pour lutter contre les infections notamment grâce à l’application de baumes à base de miel et de graisse, et l’arrêt des saignements avec de la viande crue. L’immobilisation est conseillée pour des blessures de la tête et de la moelle épinière, de même que pour d’autres fractures de la partie inférieure du corps. PAPYRUS HEARST : Au printemps 1901, un rouleau de papyrus est apporté au camp de l’expédition Hearst, à côté de Deir el-Ballas, par un paysan du village qui l’a découvert en 1899. Ce paysan l’a rapporté discrètement chez lui, dissimulé et bien serré sous ses vêtements ce qui explique les dommages que l’on a pu y retrouver. Ce papyrus a été nommé en l’honneur de Phoebe Hearst, mère de William Randolph Hearst, millionnaire américain, car c’est elle qui a financé cette expédition, conduite par Georges Andrew Reisner, égyptologue nord-américain. D’une longueur de 3,50 mètres, il est d’abord publié par Reisner en 1905, puis par Walter Wreszinski en 1912. Il comporte 260 paragraphes répartis sur 18 colonnes et est aujourd’hui conservé à la bibliothèque Bancroft de l’université de Californie à Berkeley. Ecrit en hiératique, il est daté du règne de Thoutmosis III (18ème dynastie), vers 1500 avant J.-C. C’est plus un recueil de recettes qu’un traité clinique. Il contient de multiples
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prescriptions concernant des désordres internes (constipation, désordres urinaires, fièvre, maladies de cœur, œdèmes, problèmes gastriques) traités par administration orale, des problèmes cutanés (prurit, morsures d’insectes et d’animaux, brûlures, coupures, ecchymoses), traités par des applications locales, des problèmes orthopédiques (fractures, blessures à la tête, maladies des articulations, problèmes aux ongles des mains et des pieds) et des problèmes cosmétiques (dents, odeurs corporelles, cheveux, peau, pellicules et poux). On y retrouve deux recettes qui concernent la sphère bucco-dentaire. Parmi toutes ces recettes, 96 sont proches, voire identiques à celles contenues dans le papyrus Ebers. La magie y occupe une place importante. PAPYRUS KAHUN : Papyrus découvert en mauvais état en 1889, par Sir Flinders Petrie, égyptologue anglais, près du village de Lahun, dans l’oasis du Fayoum. Ce papyrus daterait de la 12ème dynastie, et plus particulièrement de l’époque du règne d’Amenemhat III, vers 1825 avant J.-C. Ce papyrus, aujourd’hui conservé à l’University College London (papyrus UC 32057), a été restauré et traduit par Francis Griffith en 1898. Il comprend trois parties. La première traite de gynécologie, mais est incomplète. La deuxième partie, la plus longue, concerne l’art vétérinaire et présente 48 recettes pour soigner les affections vétérinaires. La troisième partie traite de mathématiques. Il est écrit en hiératique, à l'exception de la section vétérinaire, qui est écrite en hiéroglyphes. Concernant la première partie, il s’agit du plus ancien traité de gynécologie connu. Les maladies y sont très brièvement décrites. Il s’agit plutôt de collections de recettes. Elle est constituée de 34 paragraphes répartis sur trois pages. Les deux premières pages contiennent 17 ordonnances gynécologiques. La troisième page présente 17 prescriptions pour évaluer la stérilité et déterminer le sexe de l’enfant à naître. Quelques passages évoquent les dents et le trismus chez la femme enceinte (paragraphes 5, 8 et 33). D’autres papyrus apportent davantage de renseignements sur la médecine en général.
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PAPYRUS DE BERLIN N° 13602 : Daté de la fin du premier siècle avant J.-C., ce papyrus, rédigé en démotique, contient des prescriptions destinées à prévenir la grossesse. PAPYRUS CARLSBERG N° VIII : Issu de la collection des papyrus Carlsberg, le papyrus n° VIII est un traité médical. Il est daté d’environ 1200 avant J.-C. et est écrit en hiératique. Propriété de la fondation Carlsberg, il est conservé à l’université de Copenhague depuis 1939. Le verso a d’abord été publié par E. Iversen, puis par H. Grapow, et plus tard par Buchheim. Il traite d’obstétrique et évoque notamment la fertilité, quelques problèmes rencontrés lors de la grossesse mais aussi comment déterminer le sexe du fœtus. Le recto, en mauvais état de conservation, traite d’ophtalmologie et n’a encore jamais été publié. PAPYRUS DE BROOKLYN (Brooklyn Museum 47.218.48 et 47.218.85) : En 1989, est publié le papyrus de Brooklyn, dont on ignore la provenance. Traduit en français et édité par Serge Sauneron dans les collections de l'Institut français d'archéologie orientale, il date de la 30ème dynastie ou bien du début de l'époque ptolémaïque (vers 300 avant J.-C.). Ce papyrus révèle les grandes facultés d'observation des anciens Egyptiens. C’est un traité sur les serpents, qui comprend deux parties. La première classe 38 serpents selon des critères d'identification précis, qui montrent une connaissance approfondie des différents reptiles, du danger de leur venin et des spécificités de leurs blessures. La seconde partie est un recueil d'antidotes, proposant tout d'abord plusieurs remèdes contre les morsures venimeuses en général, puis d'autres contre les morsures de serpents particuliers. Ce papyrus, unique témoignage d'une véritable science égyptienne des serpents, résume probablement des millénaires de connaissances humaines sur le sujet. Il est actuellement conservé au Brooklyn Museum de New York. PAPYRUS COPTE DE CHASSINAT : Le papyrus copte de Chassinat, écrit au 9ème siècle après J.-C. (époque copte), est un papyrus médical. Il contient des copies de prescriptions ophtalmologiques pour des affections oculaires. Il est nommé
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d’après Emile Chassinat, égyptologue français qui l’étudie et le traduit en 1921. PAPYRUS DE LEYDE I 343 et I 345 : Ce papyrus provient de Memphis et a certainement été rédigé durant la 18ème ou la 19ème dynastie. Acquis en 1828, par le gouvernement hollandais, il est conservé au Rijksmuseum van Oudheden (musée national des antiquités), à Leyde, aux Pays-Bas. Il a été traduit par Adhémar Massart et publié en 1954. C’est un papyrus magique. Il n’est médical que parce qu’il enseigne les invocations magiques qu’il faut prononcer pour chasser les esprits mauvais qui causent les maladies. PAPYRUS MEDICAL DE LONDRES : On ne connaît pas l’origine de ce papyrus, qui est possédé par la Royal Institution of London avant d’être transféré au British Museum en 1860, où il est toujours conservé (papyrus BM 10059). Il est daté du règne de Toutânkhamon (18ème dynastie), vers 1350 avant J.-C. Il a été traduit en allemand par Walter Wreszinski en 1912. Ce papyrus en mauvais état, contient 9 colonnes au recto et 10 au verso et mesure 1,23 mètre de long. Sur 61 recettes, 25 se rapportent à la médecine, les autres sont purement magiques. Elles concernent les maladies de la peau, des yeux, les maladies féminines (avec des incantations contre les fausses couches) et les brûlures. Certains paragraphes sont des incantations qui doivent être récitées lorsqu’un remède est appliqué, tandis que d’autres ont pour but de chasser des esprits maléfiques, qui pourraient affecter le patient ou le magicien. Il est dit de ce papyrus qu’il « était tombé la nuit dans la cour d’un temple et, dans la nuit la lune brillait de chaque côté du livre ». Une telle origine mythique, comme pour le papyrus de Berlin, attribue ces documents aux Dieux, et leur donne une touche d’antiquité qui ajoute au sacré, mais cela place la médecine en dehors de l’observation humaine, et lui confère une origine surnaturelle. Ceci explique pourquoi en 3000 ans, la médecine n’a fait presque aucun progrès, puisque les papyrus médicaux proviennent des Dieux. Ils ne sont pas perfectibles, les hommes ne pouvant améliorer ce qu’ont fait les Dieux.
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PAPYRUS RAMESSEUM III, IV et V : En 1896, James Quibell et Flinders Petrie découvrent 17 papyrus assez abîmés, dans une boîte en bois, derrière le temple Ramesseum à Thèbes. Parmi ces papyrus, trois ont un contenu médical. Ils sont datés du 18ème siècle avant J.-C., de la fin du Moyen Empire ou de la période Hyksôs, et sont actuellement conservés à l’Ashmolean Museum d’Oxford. Ils ont été publiés par Alan Henderson Gardiner en 1955, puis par John W. Barns en 1956. Le Ramesseum III est un texte médico-magique qui traite d’ophtalmologie, de gynécologie, d’obstétrique et de pédiatrie. Le Ramesseum IV concerne les maladies des femmes et des enfants, la protection des nouveaux-nés, l’accouchement, les moyens de prévoir le sexe du nouveau-né et la probabilité de sa survie. Il renferme également une formule de contraception. Mais, c’est un papyrus à prédominance magique qui ne donne pas d’indication sur la pratique obstétrique. Le Ramesseum V est le mieux conservé et son écriture hiéroglyphique suggère son antériorité par rapport aux autres papyri qui sont rédigés en hiératique. C’est un texte médical qui contient de multiples prescriptions concernant la relaxation des membres, les muscles et les tendons. - Les ostraca médicaux Les ostraca (du grec ostracon : écaille d’huître) sont des éclats de calcaire, des fragments de poterie ou encore des tessons de terre cuite, sur lesquels le scribe inscrit un texte (ostracon inscrit) ou fait un dessin rapide (ostracon figuré). On peut écrire de différentes manières sur les ostraca, soit en pratiquant une gravure, soit par des incisions, soit bien plus souvent en utilisant de l'encre et un calame (roseau taillé en pointe servant à l'écriture) ou plus rarement une plume. Le succès de ce matériel est sans conteste dû au fait qu'il est facile à se procurer et est bon marché, à la différence du papyrus. Son aspect, souvent peu soigné et sa faible maniabilité - il peut difficilement être transporté en masse - en restreint le plus souvent l'emploi à des textes courts et d'intérêt mineur. Ils sont utilisés comme reçus d'impôts, pour rédiger des lettres, des listes, des rapports, des notes non officielles, des brouillons, pour voter, ou encore pour des dessins explicatifs ou satyriques. Dans certains cas, les mots qui y figurent présentent une calligraphie soignée. Ce sont
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peut-être des exercices d’écriture pour des élèves scribes. En plus des papyrus ayant un intérêt dans l’étude de la médecine de l’Egypte antique, il existe quelques ostraca mentionnant des recettes pharmaceutiques et des textes d’incantations, qu’il est important de mentionner : - Ostracon Berlin 5570 – 6 prescriptions qui ne peuvent être attribuées à aucune maladie en particulier ; - Ostracon Bodleian Greek 923 – Deux recettes de collyre : « collyre à l’encens » et « collyre rose pour maladies enfantines » ; - Ostracon Deir el-Medina 1062 – Incantations et prescriptions magiques pour chasser les démons présents dans les yeux, le corps et la tête ; - Ostracon Deir el-Medina 1091 – Recette pour le traitement du cœur et 2 prescriptions pour traiter les éruptions cutanées ; - Ostracon Deir el-Medina 1216 – Formule magique pour traiter une maladie abdominale ; - Ostracon Deir el-Medina 1242 – Prescription incomplète pour une maladie non précisée ; - Ostracon Deir el-Medina 1414 – Prescription incomplète pour une maladie non spécifiée ; - Ostracon Leyde 334 – Prescription pour une maladie non spécifiée ; - Ostracon London 297 – Prescription pour une maladie non spécifiée, qui dit simplement « Oindre le patient avec de la graisse de bœuf » ; - Ostracon Louvre E3255 – Pièce de verre sur laquelle est inscrite une prescription pour traiter une otalgie non spécifiée par fumigation ; - Ostracon Turin 57104 – Enumère les parties du corps humain ; - Ostracon Turin 57163 – Deux recettes médicales pour le traitement d’une maladie non précisée ; Il pourrait s’agir de véritables ordonnances ou d’une sorte d’aide-mémoire personnel établi par les praticiens. En effet, un certain nombre d’entre eux recopient des recettes médicales d’après les papyrus médicaux originaux. Ainsi, si les ostraca ne mentionnent que rarement des faits importants ou historiques, ils sont utiles pour nous permettre de mieux comprendre la vie quotidienne des habitants de l'Antiquité. Après usage, les ostraca sont généralement jetés dans des dépotoirs. Il ne s'agit
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pas, sauf exception, de documents destinés à être conservés durablement. C’est pourquoi, en dépit de leur solidité, il n’en reste que peu en bon état, car beaucoup ont été brisés ou sont devenus illisibles avec le temps. - Autres éléments d’informations Les représentations, les inscriptions, les bas-reliefs, les sculptures, présents dans les tombes, permettent une connaissance très précise de la vie de l’époque, car ils représentent les activités quotidiennes (agriculture, pêche, chasse, cuisine…) qui doivent servir au défunt dans sa vie éternelle. Les scènes de chirurgie ou de médecine opératoire sont rares. Deux bas-reliefs illustrent la circoncision, l'un à Saqqarah, l'autre à Karnak. Des objets de la vie quotidienne ont également été mis à jour. Des petits pots ou des mortiers servant à préparer des remèdes, des boîtes à onguents et des vases à collyres, encore riches de leur contenu, ont été découverts et ont permis l’analyse des matières utilisées comme remèdes. Des stèles (votives ou funéraires), des représentations figurées (peintures qui ornent souvent les parois de tombes, murs ou colonnes des temples), des inscriptions sur des tombes, non seulement de médecins, mais aussi de hauts fonctionnaires qui ont été traités par eux, ont été découvertes et ont permis d’identifier un grand nombre de médecins, d’en savoir plus sur leurs carrières, la composition et la structure de la profession médicale dans l’Egypte ancienne. De plus, les épigraphes trouvées dans les tombes de Saqqarah et de Deir el-Medina ont jeté une précieuse lumière sur un grand nombre de maladies et de déformations congénitales. Des stèles commémoratives (comme celle du premier médecin connu, Hesy-Rê, conservée au musée du Caire), des sarcophages (comme celui du médecin de la 12ème dynastie, Gua, recensé au British Museum) et des statues (comme celle représentant le médecin de la 26ème dynastie, Psemtek-Seneb, exposée au Vatican ou celles représentant des individus atteints d’affections pathologiques) ont fourni plus d’informations. Ainsi, l’art égyptien constitue une précieuse source de documentation pour les historiens. Il renseigne sur le mode de vie, l’hygiène corporelle, les habitudes alimentaires des Egyptiens, leurs croyances, la composition et le rôle du corps médical, ainsi que sur sa formation. Il apporte un
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certain nombre de précisions ou de confirmations sur les connaissances des médecins égyptiens, fait découvrir leur place au sein d’un monde social riche et complexe, leurs instruments et leur attitude, permet de saisir la pensée médicale de l’époque, et révèle certaines pathologies.
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Religion, dieux et médecine Dans la civilisation égyptienne, la religion joue un rôle très important. Hérodote (II, 37) dit des Egyptiens : « Ils sont très religieux et surpassent tous les hommes dans le culte qu’ils rendent aux dieux ». La croyance en l'existence des dieux et de l'au-delà est profondément ancrée dans la civilisation égyptienne antique et ce, depuis le début, dans la mesure où le Pharaon tient son pouvoir du droit divin. Dans la pensée égyptienne, les dieux façonnent la Terre et établissent un ordre harmonieux (Maât) permettant au miracle de la vie de s'accomplir jour après jour. C'est au seul Pharaon, descendant des dieux, que revient la tâche d'assurer la pérennité de cette harmonie et de combattre les forces du mal qui cherchent continuellement à la briser. L'entretien de l'harmonie divine exigeant de nombreux cultes journaliers à travers tout le pays d'Egypte, le Pharaon ne peut en assurer seul l'exécution matérielle. C'est là le rôle fondamental du prêtre : suppléer Pharaon dans l'exécution matérielle des rites quotidiens. La religion est d’abord un des moyens de la politique. Les offrandes des rois aux dieux permettent notamment de légitimer l’action politique. L’autre vocation de cette religion est de réguler la société par des règles morales transcendantes. Les actions de l’homme durant sa vie déterminent son destin au-delà de la mort. Un des traits caractéristiques de la religion égyptienne est son aspect « local ». Il y a autant de dieux principaux que de provinces ou « nomes ». Il y a donc 42 dieux principaux, accompagnés de leur « parèdre », épouse ou époux, et d’un dieu enfant, soit 126 divinités au moins pour l’ensemble des provinces, auxquelles il faut ajouter les dieux et déesses adorés dans les sanctuaires autres que celui de la capitale du nome. De plus, les dieux peuvent s’associer pour créer de nouvelles entités divines. Ce polythéisme de base est corrigé par
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le fait qu’un même dieu peut être adoré dans plusieurs nomes, mais, dans chacun, il se distingue par une appellation et parfois un aspect différent. Cependant, les prêtres ne font aucun effort pour organiser les différents mythes de la création, qui sont parfois contradictoires, au sein d'un système cohérent. Ces diverses conceptions de la divinité ne sont pas considérées comme contradictoires, mais plutôt comme les multiples facettes de la réalité. Les dieux adorés par les Egyptiens peuvent se manifester à leurs fidèles sous diverses figures. Certains ont une forme humaine. Mais, il arrive fréquemment qu'un dieu apparaisse dans le corps d'un animal spécifique, tantôt dans celui d’animaux bienfaisants et utiles auxquels on rend un culte en remerciement de leurs bienfaits, tantôt dans celui d’animaux dangereux que l’on cherche à se concilier. Le panthéon égyptien est ainsi peuplé de divinités aux pouvoirs surnaturels auxquelles il est fait appel pour obtenir aide et protection. Pour autant, toutes les divinités égyptiennes ne sont pas nécessairement bienveillantes et les Egyptiens croient donc qu'elles doivent être apaisées grâce à des offrandes, et des prières. La médecine égyptienne a une relation plus ou moins étroite avec la religion. Les dieux sont rendus responsables des maladies, mais ils entretiennent aussi la santé par le « souffle de vie » qui anime chaque être vivant. Il est donc essentiel pour les Egyptiens d’honorer ces dieux protecteurs, autant à titre préventif que curatif. Ainsi, pour eux, le temple est la demeure terrestre du dieu. Les divinités sont vénérées dans des temples administrés par des prêtres agissant pour le compte de Pharaon. Au centre du temple, se trouve le sanctuaire dans lequel est placée la statue de la divinité. Les temples ne sont pas des lieux de culte ouverts au public et, lors de jours de fête religieuse, la statue du dieu est portée à l'extérieur du temple pour permettre à la population de lui rendre hommage. En temps normal, le domaine divin est isolé du monde extérieur et uniquement accessible aux responsables du temple qui veillent au bien-être des dieux par des offrandes et des rites. Les citoyens ordinaires peuvent néanmoins vénérer des statues dans leurs maisons et offrir des amulettes de protection contre les forces du chaos. Quels sont ces principaux dieux en rapport avec la médecine ? Il y a d’abord les humains divinisés.
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AMENHOTEP : Amenhotep, fils de Hapou, naît à Athribis (Het-Taheriib) dans le delta du Nil, sous la 18ème dynastie. Il débute sa vie officielle en tant que scribe à la cour du roi, à Thèbes. Cette profession lui permet de se rapprocher du pharaon Amenhotep III. Plus tard, ce dernier fait de lui son vizir et son chef des travaux publics, chef des architectes royaux. A ce poste, il supervise la construction du temple funéraire du pharaon Amenhotep III, de plusieurs monuments à Karnak et à Thèbes. Homme d'une grande sagesse, sa renommée est importante de son vivant. Non seulement, on le consulte en personne, mais le roi l’honore en lui permettant de construire son propre temple funéraire dans la zone dédiée aux temples funéraires royaux, sur la rive occidentale de Thèbes. Son état de santé, exceptionnel pour l'époque, lui permet de vivre jusqu'à environ 80 ans. Il est divinisé au cours de la période ptolémaïque, sous Ptolémée VIII Evergete II. Il est alors honoré et adoré comme le dieu de la science, et de la guérison sous le nom d’« Amenhotep le Sage ». Une chapelle lui est consacrée dans un temple de Deir el-Bahari. Des statues de lui ont été érigées dans le domaine du temple du dieu Amon-Rê à Karnak, afin qu’il serve d'intermédiaire entre le dieu et les visiteurs du temple. Il est généralement représenté assis sur un trône, avec un rouleau de papyrus déroulé sur ses genoux. On a découvert sur une statue datant de l’époque saïte le texte suivant : « Ô noble Amenhotep, fils de Hapou, juste de voix ! Viens, ô bon médecin ! Vois, je souffre des yeux. Puisses-tu faire que je guérisse immédiatement… » IMHOTEP : Imhotep, dont le nom signifie « Celui qui vient en paix », ou bien « Qui donne satisfaction », est un personnage mi-historique, mi-légendaire, emblématique de l'Égypte antique. Il est un homme du commun élevé au rang des dieux. Il est né à Ankhtoué, faubourg de Memphis sous la 3ème dynastie, vers 2800 avant notre ère. Il est le fils de l’architecte Khanofer, et de Cheredou-ânkh. Il réside sans doute à Memphis, résidence du roi Djéser, deuxième pharaon de la troisième dynastie, et est un homme aux multiples talents. Il est vizir du pharaon, premier ministre, chancelier du roi de Basse-Egypte, haut fonctionnaire, administrateur du Palais, conseiller et ami personnel du pharaon Djéser. Grâce à son ingéniosité administrative, il aurait, selon la
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légende, sorti l’Egypte d’une famine de sept ans. Une inscription trouvée sur le socle d'une statue de Djéser à Saqqarah le décrit ainsi : « Le chancelier du roi de BasseEgypte, le premier après le roi de Haute-Egypte, administrateur du grand Palais, noble héréditaire, grand prêtre d'Héliopolis, Imhotep, le constructeur, le sculpteur ». Il est aussi Grand prêtre d’Héliopolis et possède en conséquence tous les savoirs de son époque en tant que médecin, magicien, philosophe, scribe, poète, écrivain, astronome et astrologue. Il réforme la religion égyptienne et introduit le mythe osirien. Architecte, il aurait dirigé la construction du temple d'Edfou et de la célèbre pyramide à degrés de Saqqarah, qui est le tombeau du roi Djéser. Il généralise l'utilisation de la pierre comme matériau de construction des temples et tombeaux funéraires, alors qu'ils étaient faits auparavant de bois, et de briques de terre cuite. Il est considéré comme le fondateur de la médecine égyptienne et l’un des plus grands des médecins de l'Antiquité. Sa renommée est immense et on lui a même attribué la rédaction d’ouvrages médicaux comme le papyrus Edwin Smith. A partir du Moyen Empire, il est tenu pour un sage associé à Thot, dieu de la connaissance et de l'écriture. À la Basse Époque, il est divinisé en tant que fils de Ptah et de Sekhmet, et adoré comme un dieu guérisseur. Les grecs l’assimilent à Asclépios, les Romains, à Esculape. Les Egyptiens lui dédient de nombreux temples à Memphis - à ce temple, s’est trouvée adjointe une bibliothèque, qui a été la plus célèbre de l’Ancienne Egypte -, à Thèbes, à Philae, à Saqqarah et à Deir-el-Bahari. Dans les demeures de certains riches particuliers, un autel lui est réservé. Il est généralement représenté assis, sous les traits d’un adolescent, vêtu d’une courte jupe, le crâne rasé, tenant un papyrus déroulé sur ses genoux. C’est le principal dieu de la médecine renommé pour ses connaissances et sa grande sagesse. Il est « Grand médecin des dieux et des hommes », « Dieu qui protège les humains », « Dieu qui donne la vie à tous ceux qui s’adressent à lui ». Les malades viennent dormir dans ses temples et le dieu vient en songe leur apporter la guérison. C’est aussi le dieu protecteur de l’âme des morts. C’est sans doute pour cette raison que ses prêtres sont chargés de présider à l’embaumement des cadavres, ce qui leur permet de faire de véritables autopsies et d’acquérir ainsi certaines notions
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d’anatomie, et de pathologie. Il est également considéré comme le patron des scribes, de l'écriture et des sciences. Viennent ensuite les dieux à proprement parler : - AMON : Amon est un dieu presque inconnu dans les périodes reculées de l'histoire de l'Égypte pharaonique. A l’origine dieu de Thèbes, il prend une place de plus en plus importante à mesure que les princes de Thèbes gagnent en pouvoir. C'est à partir de la 12ème dynastie au Moyen Empire, qu'il prend une dimension nationale et qu'il finit par s'imposer comme le dieu des dieux. Son culte se développe autour du temple de Karnak, situé à Thèbes, où un clergé puissant en fait un dieu universel en lui octroyant les fonctions d’autres dieux. Associé à Min, il devient « Amon-Min ». Assimilé au dieu solaire Rê, il devient « Amon-Rê ». Selon la légende, Amon se serait créé lui-même et aurait ensuite créé les autres dieux afin que le monde voit le jour. L'épouse d'Amon est Mout. Son fils est le dieu lune Khonsou. Le nom d’Amon vient de « Imen », signifiant « le Caché », ce qui traduit l’impossibilité de connaître sa vraie forme. Il est parfois représenté comme un homme coiffé d'une haute couronne portant deux plumes de faucon verticales symbolisant l'aspect solaire du dieu. De la couronne pend un ruban retombant dans le dos. Sa peau est souvent peinte en bleu (couleur du lapis-lazuli, pierre sacrée, couleur de la chair des dieux), parfois en brun ou en noir. On le retrouve également sous la forme d'une oie ou d'un bélier aux cornes recourbées en spirales, symbole de sa puissance et de son énergie fécondante, sous la forme d'un homme à tête de bélier, et parfois sous les traits d'un serpent. Dieu du soleil, dieu de la fécondité, dieu créateur, protecteur des vivants, dieu guerrier aidant pharaon dans ses combats, dieu de l'air, Amon est un dieu populaire, accessible à tous. Il rend des oracles à la population et prête une oreille attentive aux pauvres, aux malades et aux femmes enceintes. « Qu’Amon soit pour moi un médecin, qu’il chasse la douleur de mon corps, qu’il éloigne de moi la maladie » écrit un de ses patients. Il est aussi invoqué par ceux qui souffrent de maladies oculaires. Dans un papyrus de Leyde, il est appelé ainsi : « Celui qui détruit le mal, chasse la maladie, le médecin qui guérit l’œil sans user de remèdes, qui ouvre les yeux, qui débarrasse du strabisme ».
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- ANUBIS : Anubis est le nom grec d'un dieu les plus anciens de la mythologie égyptienne qui se nomme Inpou ou Anepou, ce qui signifie « Celui qui a la forme d’un chien » dans la langue hiéroglyphique. Il existe deux représentations distinctes du dieu Anubis : l'une sous forme d’un canidé noir, chacal ou chien sauvage, avec de longues oreilles pointues et une queue tombante, assis sur un petit naos (chapelle funéraire) avec un bandeau rouge autour du cou et un fouet entre les pattes postérieures ; l'autre sous la forme d'un homme de couleur rouge à tête de canidé aux longues oreilles, un bras le long du corps dont la main porte le signe de vie, la croix Ânkh, et un bras en avant portant un sceptre. Les chacals et les chiens sauvages peuplent alors les étendues désolées où se trouvent les nécropoles, et déterrent les cadavres. C'est sans doute pour se protéger de ces rôdeurs que, dès le début de l'ère pharaonique, les Égyptiens divinisent ces animaux pour s'attirer leurs bonnes grâces. Anubis est le dieu tutélaire de la ville que les Grecs nomment Cynopolis, « la cité des chiens », où l'on a retrouvé le seul temple connu à lui être entièrement dédié. En revanche, de nombreuses chapelles lui sont consacrées dans toutes les régions importantes du pays. D’après le mythe osirien, il serait le fruit des relations illégitimes entre Osiris et sa sœur Nephthys. L'embaumement d'un défunt et l'ensemble des rites funéraires se déroulent sous son égide. En effet, après que Seth ait assassiné Osiris et éparpillé ses restes, Anubis aide Isis à reconstituer son cadavre et préside à la première momification. L’embaumement des défunts a pour but de soustraire les chairs à la putréfaction et de maintenir la vie dans le royaume des morts. Il protège la dépouille de la corruption et donc de la mort définitive. Tout Egyptien espère bénéficier du même traitement à sa mort et de la même renaissance que cette première momie. Anubis est le dieu protecteur des nécropoles, le gardien des secrets, le dieu de l'embaumement et le juge des morts. Il est à la fois le gardien et le guide du défunt dans l'autre monde. Il est le guide qui conduit le défunt à travers le royaume des morts jusqu'à la salle des deux Vérités et le présente au tribunal divin présidé par le dieu juge, Osiris. L’âme du mort (le Kâ) doit alors subir la terrible épreuve de la pesée du cœur (la psychostasie), dont Anubis a la lourde tâche d’annoncer le résultat. Si le poids de l’âme est égale à celui de la plume de la
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justice alors, vide de pêchés, le défunt est admis dans le paradis d’Osiris, sinon il est condamné et livré à Ammout, « la Grande Dévorante » qui attend aux pieds de la balance. - BÈS : Bès est un dieu d’origine étrangère qui s'est implanté en Égypte sous la 12ème dynastie. Sans doute, a-t-il été vénéré dans des tabernacles locaux, car, actuellement, on ne connaît qu’un seul temple qui lui soit dédié, dans l'oasis d’Al-Bahariya. Il est habituellement représenté de face, contrairement à un grand nombre de divinités égyptiennes qui sont représentées de profil, sous la forme d'un nain robuste et trapu, vêtu d'une peau de panthère, ou de lion, dont la queue lui retombe entre les jambes. Généralement représenté genoux ployés, ses jambes sont courtes et arquées. Il est doté de longs bras et ses deux mains sont souvent posées sur les hanches. Sa tête, difforme, trop grosse pour son corps, parfois dotée de deux petites cornes, est souvent surmontée d'une coiffe décorée par des plumes d'autruche. Son visage plat, large et grimaçant est encadré par de grosses oreilles. Il est joufflu avec des pommettes saillantes et de gros yeux. Marqué par une barbe hirsute et des sourcils imposants, il ouvre la bouche et tire une grosse langue rouge. Cet aspect grotesque suscite la joie. Pourtant, en dépit de ce physique peu engageant, il acquiert une grande popularité grâce à sa jovialité. Il est présent sous forme d'amulettes dans tous les foyers. C'est un dieu bienfaisant qui doit, par son aspect, faire peur aux mauvais esprits, aux forces du mal, aux maladies et aux animaux dangereux comme les reptiles, les crocodiles, les scorpions… Le dieu Bès est le dieu du foyer, de la fertilité et du mariage. Il veille sur les humains dans leur vie quotidienne. Il assure la protection des femmes enceintes et veille à effrayer les démons qui nuiraient à l’accouchement. Il est également le protecteur des nouveau-nés et des enfants. Il préside à la toilette des femmes qui sculptent son image sur les manches de leurs miroirs, sur leurs boîtes à fard et sur des vases à parfums. On retrouve fréquemment son image sculptée au chevet des lits, où, armé d’arcs et de couteaux, il protège le sommeil du dormeur contre l’influence des mauvais génies et leurs évite même les « pannes » sexuelles. C’est aussi le dieu de la musique et de la danse. Il est assimilé à la joie, à la bonne humeur et à la fête.
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- HORUS : Horus est le nom grec du dieu égyptien Hor, dont le nom signifie probablement « Celui qui est au-dessus » ou « Celui qui est lointain ». Il est l'une des divinités les plus importantes, les plus connues et les plus anciennes de la mythologie égyptienne. Il apparaît dans une infinité de mythes souvent contradictoires révélant ainsi toute la complexité du panthéon égyptien. Tout commence avec la haine que voue Seth à son frère Osiris, premier dieu à régner sur le Double Pays. Par jalousie, Seth tue Osiris et s’empare du trône d’Egypte, dont aurait dû hériter Horus, fils légitime d’Osiris et d’Isis. Pour venger la mort de son père Osiris et reconquérir son trône usurpé par son oncle Seth, Horus l’affronte lors de violents combats, le bat et reçoit le trône d'Égypte en héritage, mais sa légitimité est sans cesse contestée par Seth, d'où son surnom de « vengeur de son père ». Au cours d’un de ces combats, Seth arrache l’œil d’Horus et le met en pièce. C’est le dieu Thot qui le rend à Horus après l’avoir reconstitué, d’où son nom « l’œil Oudjat », c’est-à-dire l’œil sain. L’œil Oudjat représente la victoire du bien sur le mal. Porté sous forme d'amulette, il rend invincible, apporte la clairvoyance, la santé physique, la fécondité, possède des vertus magiques et prophylactiques. Représenté sur les sarcophages, il protège le défunt des mauvais esprits. Les quatre fils d'Horus sont des divinités inférieures, représentées sur les vases canopes : Amset (à tête d'homme) ; Hâpi (à tête de babouin) ; Douamoutef (à tête de chacal) ; Kébehsénouf (à tête de faucon). Dieu solaire originaire du Delta, il est vénéré dans toute l’Egypte et de nombreux sites lui sont consacrés comme Edfou, Kom-Ombo, Thèbes, Hiérakonpolis… Horus est représenté par un faucon ou un homme à tête de faucon coiffé de la couronne de la Basse, et de la Haute-Egypte, auréolée d'un disque solaire. On peut le trouver sous la forme d’un enfant nu suçant son pouce ou blotti sur les genoux de sa mère Isis qui l’allaite (Harpocrate chez les Grecs), ou sous la forme d’un puissant dieu faucon. Horus joue un rôle capital de dieu guérisseur. On le voit piétiner des crocodiles, tenir en main des scorpions et insectes dangereux, montrant qu’il n’a rien à redouter de créatures qui donnent la mort. Il est invoqué dans des formules magiques, particulièrement dans les cas de morsures d’animaux. Véritable dieu médecin, il est gardien de la santé. Diodore de Sicile écrit à
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ce propos : « Horus instruit par Isis, sa mère, dans la médecine et la divination, rendit de grands services au genre humain par ses oracles et ses traitements des maladies ». Il est un dieu soleil, le dieu de l’azur, dont l’œil droit est le soleil et l’œil gauche la lune. Il incarne l’ordre. Il est l’un des garants de l’harmonie universelle. Le Pharaon est considéré comme l’incarnation et le successeur légitime sur le trône du dieu Horus qui est son protecteur. - ISIS : Isis (Aset en grec) est considérée comme la principale déesse du panthéon égyptien. Elle est la fille de Geb et de Nout, la sœur d’Osiris, de Nephtys et de Seth. Elle épouse son frère Osiris (« né d’Isis ») pour régner avec lui sur les vivants et l’aide dans son œuvre révélatrice. Les papyrus racontent comment Isis parvient, par ruse, à découvrir un jour le nom secret du dieu suprême Rê, ce qui lui confèrè sur l'univers une puissance illimitée. D’après le mythe osirien, après que Seth ait assassiné Osiris, dont le corps est démembré et les morceaux éparpillés à travers l’Egypte, Isis part à leur recherche et rassemble les restes épars de son époux. Aidée d’Anubis et de Nephtys, elle sait le reconstituer, procède ainsi à la première momification, le ramène à la vie grâce à ses pouvoirs magiques et conçoit, avec lui, leur fils Horus. Après le départ d'Osiris, né à une vie nouvelle, mais restreinte à l'au-delà, elle élève, à l'abri des marais de Chemmis, le petit enfant Horus. Son culte est probablement né dans le delta du Nil et a conquis tout le pays sous le Nouvel Empire avant de s’étendre dans tout le monde antique. Au fil du temps, son importance n’a fait que croître pour culminer aux époques ptolémaïques et romaines. De nombreux temples lui sont dédiés, le plus célèbre restant celui de Philae. Isis est vénérée de l’Egypte jusqu’aux plus éloignées des provinces romaines. Elle devient l'image de la déesse universelle. Elle est représentée sous les traits d'une femme coiffée d'un siège (son hiéroglyphe), ou par une femme à tête de vache, ou à tête surmontée de cornes de vache enserrant un globe solaire. A l'époque romaine, on la représente en « Isis lactans », portant l'enfant Horus dans ses bras et lui donnant le sein, ou accompagnée de son fils Harpocrate, ayant toujours un doigt sur la bouche, dans lequel on a voulu voir la personnification du secret médical. Ses attributs, qu'elle partage avec d'autres divinités, sont : l'ânkh, la croix ansée symbole de
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vie, le sistre et le collier menat d'Hathor, la coiffe en forme de vautour, attribut des déesses célestes, le nœud Tyt, symbole de fécondité. On voit parfois Isis tenir le signe chen, « symbole de l’éternité ». Elle peut être également représentée avec de grandes ailes de milan qui doublent ses bras. Lorsqu’elle les agite, elle insuffle la vie aux défunts et les introduit dans l’audelà. La déesse Isis est considérée comme « la Grande Magicienne » que même les dieux craignent et comme « la Grande Guérisseuse » qui connaît les remèdes les plus efficaces et guérit tous les maux. Elle protège de tous les dangers. Déesse bienfaisante, Isis dispose d’une puissance magique qui lui permet de clore la bouche de chaque serpent, d’éloigner de son enfant tout lion dans le désert, tout crocodile dans la rivière ou tout reptile dangereux. Les humeurs malignes qui perturbent le corps humains obéissent à Isis. Les vaisseaux, à ses paroles, expurgent ce qu’il y a de mauvais en eux. Quiconque est mordu, piqué, agressé, fait appel à Isis à la bouche habile, en s’identifiant à Horus qui appelle sa mère au secours : « O Isis, Grande Magicienne, délivre-moi, libère-moi de toute chose mauvaise, nuisible, rouge, du mal causé par un dieu, du mal causé par une déesse, du fait d’un mort, d’une morte, d’un ennemi, d’une ennemie qui veulent me faire obstacle, de même que tu as délivré et de même que tu as délié ton fils Horus… » (Ebers n° 1, 12-20 et 2, 2-1). Diodore de Sicile la considère comme la déesse de la médecine, inventrice d'un grand nombre de remèdes : « Selon les Egyptiens, Isis a inventé beaucoup de remèdes utiles à la santé. Elle possède une grande expérience de la science médicale et, devenue immortelle, elle se plaît à guérir les malades. Elle se manifeste à eux sous sa forme naturelle et apporte en songe des secours à ceux qui l’implorent. Enfin, elle se montre comme un être bienfaisant à ceux qui l’invoquent. À l'appui de leur opinion, ils citent non pas des fables, comme les Grecs, mais des faits réels, et assurent que presque le monde entier leur rend ce témoignage par le culte offert à cette déesse pour son intervention dans la guérison des maladies. Elle se montre surtout aux souffrants pendant le sommeil, leur apporte des soulagements et guérit, contre toute attente, ceux qui lui obéissent. Bien des malades, que les médecins ont désespéré de voir se rétablir, ont été sauvés par elle. Un grand nombre d’aveugles ou d’estropiés
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guérissent quand ils ont recours à cette déesse ». Les malades viennent, paraît-il, coucher dans les temples d’Isis, espérant la guérison de leurs maux par l’apparition de la déesse durant leur sommeil. Symbole de la féminité dans ses aspects biologiques, déesse de la fécondité, c'est par elle que s'accomplit le mystère de la vie. De par sa fidélité envers son mari Osiris et le dévouement avec lequel elle élève son enfant, Isis est naturellement considérée par les anciens Egyptiens comme un modèle de mère et d’épouse idéale. Elle est la protectrice des mères et des enfants, la gardienne de la maison, la déesse du mariage et du foyer domestique. C’est elle qui apprend aux femmes à moudre le grain, à filer le lin et à tisser la toile. En ramenant son époux Osiris à la vie, Isis ouvre la voie de la résurrection à tous les mortels. Elle est une divinité protectrice du défunt. Avec Nephtys, Neith et Serket, elle est gardienne du sarcophage qu'elle protège de ses bras déployés. - KHNOUM : Le dieu Khnoum est un dieu très ancien. Il est représenté sous la forme d'un bélier ou d'un homme à tête de bélier coiffée de cornes horizontales et torsadées, parfois surmontée d'une jarre, tenant dans sa main la croix ansée (ânkh). Il est principalement vénéré sur l'île d’Éléphantine, à Esna et à Philae, mais, populaire, on le retrouve aussi dans une dizaine d’autres villes égyptiennes. Khnoum est étroitement lié au mythe de la création. Il serait le véritable père des hommes, la source de toute vie, utilisant le limon fertile du Nil pour façonner sur son tour de potier l’enfant à naître et son double (Kâ). Khnoum est le dieu des cataractes et le maître de l'eau fraîche. Ce dieu bénéfique contrôle la crue du Nil en ouvrant, à Éléphantine, la caverne de Hâpy, d’où jaillit périodiquement l’inondation bienfaisante, et décide quelles quantités de limon seront libérées au moment de l'inondation. Il joue là un rôle majeur dans le quotidien des Égyptiens, préservant le peuple de la famine et de la sécheresse. Les prêtres de Khnoum ont donc pour devoir de satisfaire un dieu dont la colère ou le mécontentement peut provoquer la famine, la ruine, voire la mort de tout un peuple. - OSIRIS : Osiris est un dieu du panthéon égyptien et un roi mythique de l'Egypte antique. Selon la tradition hélipolitaine, Osiris est le fils aîné de Geb, le dieu de la terre, et de Nout, la déesse du ciel. Il a un frère, Seth, et deux sœurs, Isis et Nephtys.
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Isis est aussi sa femme. Il reçoit en héritage les terres fertiles d’Egypte. A contrario, son frère Seth hérite des terres stériles et désertiques. Seth, jaloux du pouvoir et de la renommée d’Osiris, alors roi d’Egypte, décide de le tuer. Il le fait noyer dans le Nil, puis découpe son cadavre en morceaux, qu’il disperse dans toute l’Egypte. Isis et Nephtys partent en quête des morceaux et les réunissent tous à l'exception du phallus dévoré par le poisson Oxyrhinque, incarnation de Seth. Avec l’aide d’Anubis, Isis pratique, pour la première fois, les rites de l’embaumement et, en véritable magicienne, redonne vie à Osiris. Il devient la première momie, Ounen-Néfer, « l'éternellement beau », car protégé de la putréfaction. Il lui donne un fils, Horus, qui venge son père et reprend le trône d'Égypte. Son culte, originaire d'Abydos se répand dans toute l'Egypte au cours de l'Ancien Empire et se répand plus tard en Méditerranée, comme en atteste la dévotion qui lui est rendue, par exemple à Rome et Pompéi. Il est représenté enveloppé d'un linceul blanc ajusté, ce qui lui donne l’apparence d’une momie. De ce linceul, émergent ses mains, croisées sur la poitrine, tenant les insignes du pouvoir pharaonique: le sceptre heka et le fouet nekhakha/ nékhekh. Osiris est considéré comme un souverain de l'Égypte entière. Ses représentations ne le font pourtant voir qu'avec la couronne Hedjet de couleur blanche, symbole de la HauteÉgypte. Toutefois, cette couronne peut s'augmenter de deux hautes plumes. On parle alors de la couronne Atef. À son cou, est suspendu le collier ousekh. Sa couleur de peau peut être verte, rappelant son action sur la végétation, ou noire l’assimilant au monde souterrain, à la mort enfin. Ses postures sont diverses, couché sur son lit funèbre, assis sur le trône ou debout tel un être ayant vaincu la mort. Devenu dieu des morts et du monde souterrain de par son martyr, « Juge suprême des âmes », Osiris préside le tribunal divin qui juge les défunts et décide des heureux élus qui entreront dans son royaume. Dieu agraire, il enseigne aux hommes comment se nourrir en cultivant la terre et en tirant partie des crues du Nil. Il est adoré comme dieu de la végétation, de la fertilité et de l’agriculture. Son règne est bienfaisant et civilisateur. - RÂ OU RÊ : Ce dieu, adoré très tôt partout en Egypte, est une des divinités majeure du panthéon des dieux égyptiens. On connaît de nombreux lieux de culte de Rê, tels qu’Abou-
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Gourab, Aboussir, Abou-Simbel, Hermonthis, Edfou et Tell-elAmarna, mais le principal est Héliopolis, « la cité du soleil » en grec. Des temples lui sont dédiés, un clergé lui est consacré. Le dieu solaire Rê voyage sur une barque pendant douze heures pour éclairer, de sa chaleur bienfaisante et de sa clarté, la terre des hommes. Puis, il navigue encore douze autres heures sous terre sur une autre barque, où il affronte les assauts répétés du serpent géant, Apophis, qui tente de la faire chavirer et d’anéantir les dieux qui s’y trouvent. Ainsi, chaque lever de soleil est une victoire remportée par Rê sur les « forces des ténèbres ». Les légendes racontent comment le dieu solaire Rê, agacé par la rébellion des dieux et des hommes, envoie sur terre « l’œil divin », la déesse Hathor, sous la forme dévastatrice et féroce de Sekhmet, pour les ramener à l’ordre. Du fait de sa nature même, le dieu solaire revêt plusieurs apparences. Tous les matins, Rê se lève à l’Orient et est Khépri, le scarabée émergeant du sol symbolisant la renaissance. Il entreprend son voyage dans la barque du jour (Mandjet) pour devenir à midi Rê-Horakhty, Horus solarisé. Il est alors représenté comme un homme à la tête de faucon que surmonte le disque solaire. Tous les soirs, il se couche à l’ouest où il se transforme en Atoum, le démiurge vieillissant créateur de l’univers, puis il part pour son voyage nocturne sur sa barque de nuit (Mesekhet). Il est alors associé au dieu Amon et devient Amon-Rê. Il revêt l’apparence d’un homme à la tête de bélier coiffé du disque solaire. Il est considéré par les Egyptiens comme le médecin suprême, à l’origine de nombreux remèdes et onguents. Le papyrus Ebers nous indique à ce sujet : « … Début du remède que Râ confectionna pour lui-même… » Suit une longue liste d’ingrédients énumérés sans ordre : coriandre, miel, cire et substances non identifiables. Le médecin se place sous sa protection directe pour ne pas être victime des puissances du mal risquant de mettre sa santé en danger. En effet, « Il compatissait aux souffrances et s’efforçait de les alléger. Il enseignait à tous les formules efficaces contre les reptiles, les paroles qu’il faut dire pour faire fuir les serpents et les animaux féroces, les charmes qu’il faut employer pour chasser les esprits méchants et les meilleures recettes contre les maladies ». Déification du soleil visible, il est considéré comme le créateur de l'univers, le dieu de l'Etat et de la justice. Pharaon,
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après sa mort, prend place sur la barque de Rê pour rejoindre le royaume des morts. - SEKHMET : Sekhmet, dont le nom signifie littéralement « la Puissante », est une déesse de la mythologie égyptienne. Fille du dieu solaire Rê, elle forme, avec son époux Ptah et son fils Néfertoum, la triade de Memphis. C’est là que se trouve son principal sanctuaire. Elle est également adorée au sein du complexe de Karnak, à Kôm el-Hisn et Abydos. Une rébellion a éclaté sur terre parmi les dieux qui voulaient prendre le trône du dieu Rê et parmi les hommes contre la toute-puissance des dieux. Rê décide d’anéantir cette rébellion et envoie sur terre « l’œil divin », la déesse Hathor, sous la forme dévastatrice et féroce de Sekhmet. La fureur de Sekhmet se déchaîne sur les hommes avec violence, et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Ce carnage déplaît à Rê, car il ne souhaite pas la disparition de l’humanité. Il s’adresse donc à Sekhmet et lui ordonne de suspendre son action, mais celle-ci refuse. En repentir et pour apaiser « la Puissante », Rê prépare une boisson composée d’herbes, de jus de grenade, à la couleur rouge, et de bière. Sekhmet, trompée par la couleur du breuvage, confond la boisson avec le sang des hommes, s’enivre et s’apaise. La sauvage Sekhmet retrouve l’apparence de la belle Hathor, mais, si l’humanité échappe de justesse à la rage de la déesse lionne, les fléaux et la mort, quant à eux, sont apparus. La déesse Sekhmet est figurée sous la forme d’une femme à la tête de lionne, couronnée du disque solaire et de l'Uraeus (cobra royal), tantôt assise, tantôt debout, tenant dans sa main la croix de vie, ânkh, ou sous la forme d’une lionne agressive. Les rapports de Sekhmet avec la médecine paraissent à première vue difficilement compréhensibles. Elle a un double aspect destructeur et bienfaisant. En furie, elle répand les maladies tandis qu'apaisée elle est capable de les retenir. C’est une divinité dangereuse, féroce, sanguinaire, la déesse de la guerre et des combats, pourvoyeuse de toutes sortes de maux. Elle peut déchaîner, sur terre, maladies, fléaux, épidémies et mort. Toutefois, elle a aussi le pouvoir de guérir, ce qui fait d’elle la déesse des magiciens et la protectrice des médecins. Sekhmet est surtout redoutée lors des cinq derniers jours de l'année, dits jours épagomènes, où elle déchaîne sa colère. Les rites d'apaisement peuvent calmer la déesse et ramener la paix.
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Les Égyptiens lui récitent louanges et litanies, et lui adressent cadeaux, et offrandes. Ses prêtres-médecins (les Ouâb) la connaissant bien et, sachant pacifier sa force destructrice, sont capables de l’apaiser et de l’inviter à écarter les maladies qu’elle jette sur l’humanité. Ils exercent en son nom au sein des temples. Déesse de la chirurgie, elle guérit les fractures et les luxations par leur intermédiaire. Elle les guide dans l’identification des pathologies et des remèdes à préparer pour y remédier. Son invocation par des rites ou des amulettes peut éloigner les maladies. « Salut à Toi, Sekhmet la Puissante, (…), la Dame de la Maison de Vie ! Accorde-moi une durée de vie parfaite, qui ne comporte pas de souffrance. Mon corps étant exempt de maux. Mon visage ouvert et mes oreilles percées. Sans que ma vie soit raccourcie. Que je sois glorifié comme un glorifié Auguste, et loué comme Justifié ! ». - SERKET : À l'origine, Serket n'a ni famille, ni parèdre. Au Moyen Empire, elle porte quelquefois le titre de Fille de Rê et, à la Basse Époque, elle est aussi désignée comme épouse du dieu Horus, notamment à Edfou. Sa tâche divine consiste à veiller sur le serpent Apophis, ennemi de Rê. Son culte est attesté dans le delta du Nil et en Haute-Égypte, à Edfou, où elle figure parmi les divinités résidentes. La déesse Serket est représentée soit sous la forme d'un scorpion, soit sous la forme d’un scorpion à tête de femme, soit par une femme à tête de scorpion ou encore comme une femme portant sur la tête un insecte aquatique, la nèpe, un scorpion d'eau inoffensif. C’est une déesse bienveillante, protectrice des vivants et des morts, qui guérit les hommes des morsures, et des piqûres d’animaux vénéneux. Divinité guérisseuse et magicienne, elle a le pouvoir de transmettre la connaissance de la médecine à ses prêtres. Ils sont ainsi de formidables guérisseurs, car ils associent leurs connaissances en médecine à sa magie. On considère également qu’elle aide les femmes en couches, car c'est elle qui donne le souffle vital, la respiration au nouveau-né. Elle est « la Dame de la Vie ». C’est l'une des 4 divinités gardiennes (avec Isis, Nephtys et Neith) des vases canopes qui contiennent les viscères du défunt, au côté du dieu Kébehsénouf. - SETH : Seth, est le second fils de Geb (dieu de la terre) et de Nout (déesse du ciel), frère d’Osiris, d’Isis et de Nephtys dont il est également l'époux. Il reçoit en héritage les terres stériles du
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désert alors que son frère Osiris gouverne les zones fertiles du delta. Seth est associé à deux grands mythes dont le mythe héliopolitain qui le met en scène avec Rê, son grand-père. Chaque nuit, lorsque Rê accomplit son voyage nocturne d'ouest en est, sa barque est attaquée par le serpent Apophis. Heureusement, Seth est là pour harponner le serpent qui menace l'équilibre du monde et le renvoyer dans les profondeurs des ténèbres. Rê lui saura éternellement gré de cet acte même. C'est l'un des rares mythes où Seth a un rôle positif. Le second mythe est le mythe osirien où il assassine son frère Osiris, pour régner à sa place, et s'oppose à Isis, et à Horus qui réclame le trône, et l'héritage de son père. Il est battu par Horus, qui venge ainsi la mort de son père Osiris. Seth est le patron de Noubt (Ombos en grec), ville de Haute-Égypte sur la rive gauche du Nil. Le culte de Seth se développe dans le Delta à l'époque Hyksôs. Il est représenté comme un animal non identifié. On a souvent considéré qu'il s'agit d'un animal imaginaire, mais il s’agirait peut-être de l'oryctérope, un animal nocturne d'Afrique subsaharienne ou du chacal. Il est figuré aussi comme un homme ayant une queue fourchue et la tête d’un animal mythique dit « séthien », aux yeux bridés, au museau allongé légèrement incurvé vers le bas et aux oreilles dressées terminées en carré. Seth est une divinité guerrière. Il incarne les forces violentes de la nature. Il est le dieu de la foudre et du tonnerre, des tempêtes et du temps nuageux, de la violence et du mal, du désert et de l'aridité, et des pays étrangers. Il est considéré dans l’ancienne Egypte comme la personnification du mal capable de détruire toute forme de vie. Il répand et combat les épidémies. Dans l'au-delà, il peut se saisir de l'âme des imprudents. C'est l'un des dieux les plus complexes et ambigus. Ambitieux, comploteur, manipulateur, il représente le chaos. Il s'oppose à toute forme d'harmonie et d'ordre. Mais, il a été aussi vu comme un dieu bénéfique représentant la force et l'énergie, prêt à défendre le monde. - THOT : Thot est le nom grec de Djehouti. Figure majeure dans le panthéon des dieux égyptiens, Thot est un dieu bienfaisant à caractère lunaire. Il est représenté sous la forme d’un ibis au plumage blanc et noir, ou d’un homme à tête d’ibis, portant sur la tête une couronne faite d'un croissant de lune. On le retrouve plus rarement sous l’aspect d’un babouin pensif. Le
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respect que Thot inspire lui vient de son savoir illimité. Toutes les sciences sont en sa possession. Il connaît tout et comprend tout. En tant que détenteur de la connaissance, il est chargé de la diffuser. C'est pourquoi il apporte l'écriture et le langage au peuple égyptien. Dieu de la Sagesse et des sciences, il est le patron de tous les savants, le dieu protecteur des scribes et des fonctionnaires lettrés. Il est également l’inventeur des mathématiques (géométrie et arithmétique), de l’astronomie, du dessin, des sons et du rythme. Il aurait créé le culte et les cérémonies sacrées, la gymnastique et la danse. Régissant les cycles de la lune, il est surnommé « le Seigneur du Temps ». Il serait l’inventeur du calendrier. A travers sa connaissance des hiéroglyphes, il contrôle également la magie et les magiciens. Il connaît les formules magiques nécessaires à la guérison des malades. Dieu des médecins, il les guide dans l'interprétation des écrits. Dans le papyrus Ebers n° 1 (1-11), on peut lire cette incantation : « Il donne l’habileté aux savants et aux médecins, ses disciples, à délivrer (de la maladie) celui que Dieu désire maintenir en vie ». Les médecins oculistes lui vouent un culte particulier, car il aurait remis en place l'œil d'Horus, arraché et déchiré en 64 morceaux lors de son combat contre son oncle Seth. Thot participe à la pesée du cœur lors du jugement des défunts. Greffier des dieux, il consigne le résultat de la pesée, le verdict d’Osiris et des dieux du jugement. Il veille à la vérité et à l’application de la justice. Hermopolis Magna (Khéménou), dans la région du delta du Nil, est le principal sanctuaire où il est honoré. On dit que, dans les cryptes secrètes de la bibliothèque d'Hermopolis, se trouvent déposés les rouleaux sacro-saints écrits de la main même du dieu. Jablonski voit en Thot la personnification d’un collège (assemblée d’homme possédant toutes les connaissances) qui aurait inspiré et composé les 42 volumes de la collection hermétique contenant toutes les notions scientifiques (théologie, astrologie et médecine). D’après les anciens Egyptiens, ces écrits auraient été volontairement abandonnés dans des temples par Thot. Mais d’autres dieux peuvent être cités, notamment : - Apis, représenté sous la forme d'un taureau, debout sur ses quatre pattes, portant, entre ses cornes, le disque solaire. Il est symbole de fertilité, de puissance sexuelle et de force physique.
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- Bastet, déesse bienfaisante représentée sous la forme d’un chat, qui protège le défunt dans l'au-delà. Symbole de féminité, elle est la déesse de la joie, de la musique, de la maternité, la protectrice des naissances et la maîtresse du foyer. Protectrice des femmes et des enfants, elle détient le pouvoir magique qui stimule l’amour et le désir charnel. - Hathor, représentée sous la forme d’une vache. Elle est la déesse de la beauté, de l’amour, du désir, de la fécondité. C’est une divinité maternelle protectrice des femmes, de l’accouchement et des nouveaux nés. - Héqet, généralement représentée sous la forme d'une grenouille. Symbole de la vie et de la fécondité, elle est surtout considérée comme une déesse qui assiste la mère pendant la grossesse et l'accouchement, puis qui protége le nouveau-né. - Méresger, souvent représentée sous la forme d'un serpent. Elle est invoquée en cas de morsures de serpents. - Min, dieu de la sexualité masculine et de la fertilité, aussi bien animal, humain que végétal. - Meskhenèt, déesse de l’accouchement personnifiant les briques de la naissance sur lesquelles s'accroupissent les femmes égyptiennes pour enfanter. Elle apparaît auprès de l’accouchée à l’heure précise où l’enfant naît et soulage les douleurs des femmes en couches. Elle assiste donc aux naissances, est la première à recevoir le nouveau-né et lui insuffle sa destinée, et une partie de son âme Kâ. - Sobek, représenté sous la forme d’un crocodile. Il est vénéré, comme la plupart des animaux dangereux, afin de s'en attirer les bonnes grâces. Il est aussi le dieu de l’eau et de l’inondation, le dieu la fertilité. - Thouéris, figurée sous la forme d’une femelle hippopotame avec une queue d'un crocodile, dressée sur des pattes de lion. Elle est considérée comme la déesse protectrice de l’accouchement et des femmes qui allaitent.
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Magie et médecine Il existe en Egypte ancienne un rapport très étroit entre magie, médecine et religion. Pour reprendre la remarque de G. Lefebvre, « la médecine est issue de la magie qui, elle, n'est qu'un aspect de la religion, et toutes trois, chez les Egyptiens, sont toujours demeurées intimement mêlées l'une à l'autre ». La magie est un système de croyances, d'idées et de rituels grâce auxquels l'homme pense pouvoir influencer l'univers environnant. Elle repose sur le principe qu’il faut maintenir le corps humain en harmonie avec le cosmos, de sorte qu’il serve de réceptacle aux forces vitales qui ont créé l’univers. La magie est véritablement considérée comme une science exacte. Elle est indispensable à la bonne marche du monde. Cette « science » rassemble « l'ensemble des forces nécessaires à la protection de la vie et à son accroissement ». La médecine égyptienne est imprégnée de magie sympathique encore appelée magie de transmission où l'officiant ne fait que déplacer des propriétés préexistantes. Selon Frazer, la pensée magique obéit à deux types de lois : - Lois de contact ou rites de contagion. « La partie vaut pour le tout ». Les ongles, les cheveux, la salive représentent la personne entière. Les choses qui ont été une fois en contact continuent d'agir l'une sur l'autre alors même que ce contact a cessé. - Lois de similitudes ou rites homéopathiques. La notion de l'analogie, base fondamentale du raisonnement des anciens Egyptiens, peut s'exprimer ainsi : « Tout semblable appelle le semblable », comme le ferait un aimant naturel. Les choses ou les actions qui ressemblent à d'autres choses, ou à d'autres actions, ont une correspondance causale. De cette loi, résultent des prescriptions magiques.
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Différents auteurs ont essayé de définir l'antériorité de l'une par rapport à l'autre, mais les opinions divergent. Lefebvre considère que la médecine est un rejeton de la magie. À l'inverse, Merei considère que l'empirisme est antérieur à la magie. Pour H. Sigerist et Grapow, le caractère magique existe dès le début, conjointement avec l'empirisme, puis il prend progressivement plus d’importance. Quels que soient les débuts de l'une ou de l'autre, pendant plusieurs siècles, magie et médecine se sont suppléées pour les Egyptiens. On en trouve le témoignage dans la préface d'un traité de médecine datant du règne de Ramsès I, cité par Riad : « Je viens de l'école de médecine d’Héliopolis, où les maîtres vénérables du grand temple ont inculqué en moi leur art de guérir. Je viens aussi de l'école gynécologique de Saïs, où les divines mères (= femmes professeurs d’accouchements) m'ont dicté leurs prescriptions. J'ai en ma possession, les incantations dictées par Osiris luimême et mon guide fut toujours le dieu Thot. Thot, l'inventeur de la parole et de l'écriture, l'auteur de tant de prescriptions infaillibles ; Thot, qui donna gloire et pouvoir aux médecins et aux magiciens qui suivent ces préceptes ; les incantations sont excellentes pour les remèdes et les remèdes excellents pour les incantations ». En Egypte antique, la science médicale est intimement liée à la religion et à la magie heka. Il s’agit d’une médecine magico-religieuse. D’après les anciens Egyptiens, le corps humain est naturellement sain et la maladie, la moindre douleur physique, ou atteinte morale résultent de l'intervention de mauvais génies, d'humains mal intentionnés ou de divinités. Il est donc nécessaire pour le médecin de neutraliser cette mauvaise influence en agissant sur sa cause divine ou démoniaque, au moyen d’incantations, de prières et de magie, avant de traiter les conséquences physiologiques de la maladie. Quand une maladie se déclare, on invite tout d’abord les prêtres et les magiciens à traiter la maladie par des incantations, de la magie. Si le patient ne guérit pas assez vite, alors on se décide à prendre l’avis d’un médecin. D’une manière générale, on pense qu’une heureuse combinaison de charmes et de médecine est le plus sûr moyen d’aboutir à une prompte guérison. Ces médecins-magiciens tiennent leur science et leur puissance de Thot, dieu bienfaisant, chargé par Rê de protéger l’ « humanité souffrante ». De plus, en raison du secret, du mystère et du
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caractère sacré de la médecine, l’enseignement est réservé aux initiés seuls. Le médecin égyptien a une très grande emprise sur le malade et exerce, sans le savoir, surtout par son action magique, une extraordinaire médecine psychosomatique. Hippocrate écrit : « Les choses sacrées ne doivent être enseignées qu'aux personnes pures ; c'est un sacrilège de les communiquer aux profanes avant de les avoir initiés aux mystères de la science ». Les textes médicaux associent donc étroitement la récitation de formules magiques rituelles à la préparation de substances, car ils comprennent tôt que les remèdes tirés de la nature et les soins matériels sont importants. Au fur et à mesure de l’évolution, la médecine n’élimine pas les anciennes méthodes. Ainsi, coexistent recettes magiques, incantations, recours à l’intervention divine et médications rationnelles. Les maladies peuvent, schématiquement, être classées en deux types : - Celles dont la cause est manifeste (traumatismes, plaies, fractures, entorse, morsures, brûlure…) qui relèvent donc d’une pathologie externe. Leur cause est connue et, la plupart du temps, surtout en ce qui concerne les traumatismes, leur traitement ne fait pas appel à la magie. - Les maladies de cause inconnue, qui constituent ce qu’on appelle la pathologie interne où l'agent causal reste invisible, sont attribuées à l'influence d'esprits malfaisants. Elles relèvent de la magie pure ou de la magie associée des prescriptions médicamenteuses. Le statut du savant de l'époque est très ambigu. Curieux mélange de médecin, magicien ou prêtre, il allie une thérapeutique magique à une thérapeutique scientifique. On est en droit de se demander pourquoi une médecine qui semble si évoluée, avec des milliers de remèdes, des plantes médicinales par myriades, des diagnostics parfois réalistes, n’a pas connu un plus grand essor et s’est parfois arrêtée à une explication mystico-religieuse. En fait, il y a plusieurs raisons à cela. En premier lieu, la constatation d’une mauvaise guérison, ou tout simplement d’aucune guérison, suite à un traitement prodigué par un médecin, qui aurait pourtant suivi les enseignements de ses maîtres, amène à douter et à se rabattre sur la solution prophylactique de l’utilisation d’amulettes, d’ex-voto, et de
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formules magiques. Ensuite, tenter de guérir avec analyse, diagnostic et soins appropriés une maladie revient à écarter la possibilité d’une intervention divine sur la vie des humains. Aussi, plus les prêtres-médecins acquièrent de connaissances médicales, plus la légitimité de leur rôle religieux s’efface. Aussi, est-il impensable pour un clergé polythéiste d’éloigner de leur raisonnement des dieux qui peuvent à la fois guérir, mais aussi détruire et nuire. De plus, on peut souligner le caractère divin des papyrus médicaux. Les médecins magiciens sont censés les détenir des dieux eux-mêmes. Une telle origine mythique place la médecine à un niveau surnaturel. Les écrits ne sont pas perfectibles. Les hommes ne peuvent améliorer ce que les dieux ont fait. Les techniques magiques employées en médecine reposent sur un trépied: les formules, les rites, les objets. Une multitude de formules magiques est retrouvée dans les papyrus médicaux. La formule magique est parfois utilisée seule, dans un but thérapeutique, mais, le plus souvent, le médecin doit la dire sur un remède dont elle est destinée à renforcer l'efficacité. Les formules doivent être prononcées dans un ordre bien déterminé et accompagner fidèlement les actes rituels au cours de leur exécution. Elles représentent la partie essentielle de l’acte magique et toute inobservance dans leur énoncé les rend caduques. Les injonctions et les prohibitions peuvent s'adresser à la maladie elle-même ou à un de ses symptômes, à un esprit que l'on suppose être la cause de la maladie, voire même à un agent extérieur connu. Elles ordonnent à l'esprit ou à la maladie de quitter le corps du malade. A la maladie elle-même : incantation contre la maladie de la peau meshpent : « Sors, toi qui es entrée, et n'emporte rien en t’en allant, quoique tu n'aies pas de mains ! Enfuis-toi de moi, je suis Horus ! Va-t'en, je suis le fils d’Osiris ! Les formules magiques de ma mère protègent mon corps, de sorte que rien de mal ne peut arriver à mes membres et le meshpent ne peut s'établir dans mon corps. Sors dehors ! » (Hearst n° 11, 3-11, 6). A un des symptômes de la maladie : dans le cas présent, le magicien ordonne au signe principal de disparaître. C'est la fameuse incantation contre le coryza : « Ecoule-toi par terre,
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pus ! Ecoule-toi par terre ! (Quatre fois) » (Ebers n° 90, 15-91, 1). A un esprit qui a causé la maladie en pénétrant dans le corps d'un homme : le livre des formules magiques pour la mère et l'enfant, contenu dans le papyrus de Berlin n°3027, est plein d’injonctions destinées à chasser un esprit qui s'est emparé du corps d'un enfant pour y engendrer une maladie : « Disparaît (démon), qui vient dans les ténèbres, qui entre sournoisement, ton nez derrière toi, et le visage tourné en arrière, mais à qui échappera ce pourquoi tu es venu ! » (Berlin n° 1, 4-9). A un agent extérieur, le plus souvent serpent, scorpion ou crocodile : « Lève-toi, toi qui es tourmenté, Horus te prend dans la vie ! (Horus) qui est sorti d'embarras, qui est sorti seul et a battu les ennemis ! Il mordit celui qui se disposait à le mordre. Tous les gens qui regardent Rê louent le fils d’Osiris. Tournetoi en arrière, serpent, prends ton poison qui est dans un membre de celui qui a été mordu. Tiens, la vertu magique d’Horus est plus forte que la tienne ! Va t’écouler, rebelle ! Retourne sur tes pas, poison ! Ordonne aux scorpions de rester tranquille ! » (Stèle de Metternich). Les invitations et les menaces : Invitations : on peut détourner un esprit ou le symptôme d'une maladie en lui faisant entrevoir des lieux accueillants où il pourrait se rendre. «Benout, frère du sang, camarade de pus, père du hnhnt, chacal de la Haute-Egypte ! Viens que tu puisses te coucher quand tu viendras là où sont les belles femmes qui se parfument de myrrhe les cheveux et d’encens frais, les épaules ! Écoule-toi, enflure, et dégonfle-toi ! » (Berlin n° 2, 10-3, 6). Menaces : « Si le poison passe les sept nœuds qu’Horus a fait dans son corps, je ne demanderai pas au soleil de se lever ». Les suggestions : La formule contraint le dieu puisque le malade tient sa guérison pour acquise. Les allusions mythologiques : Par le rappel à un dieu des souffrances qu'il a pu endurer luimême et qui sont celles dont se plaint le malade, on espère l’apitoyer. Ainsi, dans une longue formule magique destinée à guérir une maladie du sein : « Incantation pour un sein (malade) : ceci, c'est le sein dont souffrit Isis dans Chemnis,
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quand elle eut mis au monde Chou et Tefnout… » (Ebers n° 811). Les mythes artificiels : La mythologie transmise traditionnellement ne constitue pas un fond suffisant pour y puiser toutes les analogies en rapport avec les nombreuses misères humaines. C'est alors que se sont créés des mythes artificiels qui, négligés par la religion, s'imposent dans la pratique de la magie. Ainsi, pour les besoins de la cause, Horus se trouve avoir été mordu par un serpent, piqué par un scorpion, blessé à la tête, menacé par un incendie… L'identification avec les dieux : D’autres fois, c'est le sorcier lui-même qui prétend être le dieu qui chassera la maladie, comme le montre un passage de la stèle de Metternich : « Ecoule-toi, poison, va et sors à terre ! C’est Horus qui te conjure ! Il t'écoutera, il te fera jaillir… ». Les formules incompréhensibles : Certaines de ces formules sont empruntées à des langues étrangères, surtout au grec. D’autres sont inventées de toutes pièces, mais toutes étant incompréhensibles du peuple, elles impressionnent plus qu'une formule claire, renforçant le pouvoir de l'officiant. Les manières différentes de prononcer la formule, la désignation de la personne chargée de la dire, les obligations de temps et de lieu, les gestes qui accompagnent l’énoncé, représentent le rite et sont clairement indiqués dans la formule même. Le rite n'est, en général, qu'un renforcement des formules, mais il constitue parfois l'essence même du sortilège. Le récitant peut être le malade lui-même, le médecin ou un parent du malade. Parfois, il s'agit d'un personnage spécialisé, tel le « Lecteur des Livres saints ». Le lieu où doit être prononcée l'invocation est rarement indiqué. Pour l'accouchement, elle doit être récitée sur deux briques, c'est-àdire sur le siège de l'accouchement. Certaines formules ne peuvent être prononcées qu'à certaines heures. Par exemple, « Formule à réciter sur l'enfant de bonne heure… » (Berlin n° 11, 37-12, 3), ou « Formule à lire quand Rê va se coucher et repose dans le pays de la vie » (Berlin n° 13, 2-6). Un certain nombre de formules doivent être répétées plusieurs fois de suite (3, 4, 7, ou 9 fois).
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En plus des formules et des rites de toutes sortes, la magie médicale utilise des substrats matériels variés dont l’emploi peut être préventif ou curatif. Les amulettes sont très populaires et très variées. La croix ansée du « signe de vie », le scarabée, le pilier djed, le nœud d’Isis, l’œil Oudjat peuvent être cités. Toutes les divinités égyptiennes sont représentées. Des formules magiques écrites sur un petit papyrus et portées en pendentif sont également évoquées. On fait également grand usage des amulettes nouées. Tantôt il s'agit d'une cordelette ou d'une toile simplement nouée un nombre de fois déterminé, tantôt les nœuds renferment eux-mêmes une substance magique, tels que les os de souris ou des fleurs. C'est en vertu des deux lois de la magie sympathique, « tout semblable appelle le semblable » et « la partie vaut pour le tout », que le crin d’éléphant est censé prévenir la carie en raison des magnifiques défenses de l'animal. Les empreintes magiques, quant à elles, sont utilisées non pas sur les vivants, mais sur les morts. Le médecin-magicien qui n'a pu sauver son patient doit se rattraper en protégeant le défunt lors de son passage dans l'au-delà. Il élabore donc des figurines d'envoûtements destinées à conjurer les « morts dangereux ». Pour cela, il peut mutiler, hérisser de couteaux les signes hiéroglyphiques représentant des animaux nuisibles. Le but est, dans tous les cas, de rendre inoffensifs des êtres nuisibles. Les remèdes repoussants constituent un moyen magique destiné à chasser la maladie. On rencontre la thérapeutique excrémentielle dans plusieurs recettes. L'explication en est simple. Un esprit s'est emparé du corps d'un homme et provoque la maladie. Il se nourrit des aliments ingérés par le malade. Il suffit donc de lui fournir une alimentation répugnante pour l'inciter à quitter ce corps. Les excréments peuvent être prescrits en application locale, en fumigation, en instillation et en ingestion, et sont empruntés à des animaux (ânes, crocodiles, gazelles…), et mêmes aux êtres humains. On peut aussi transférer le pouvoir de la formule magique inscrite sur un papyrus délayé, dans un liquide en la dissolvant dans de l'eau, du lait, de l’huile ou de la bière. A cet effet, on trempe, dans le liquide, un morceau de papyrus, d’étoffe ou de tesson de poterie sur lequel la formule est inscrite. Puis, le breuvage obtenu est bu ou utilisé en baume : « Dire sur l'image de Atoum et du (jeune) Horus…, sur l'image féminine d’Isis et
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sur l'image de Horus. Écrire cela avec la main… et avaler. On peut l'écrire sur une pièce de toile de lin, la plus fine et l'attacher au cou. (…) On peut aussi la dissoudre dans la bière et celui que le serpent a mordu, qu’il boive ce breuvage » (papyrus magique de Turin, 133, 77). Telle la stèle d’Horus sur deux crocodiles, il suffit de répandre de l'eau sur la stèle d’Horus ou sur la statue guérisseuse pour qu'elle s'imprègne des vertus magiques de la formule. Versée sur le blessé ou absorbée, elle guérit les morsures de serpents et de crocodiles, et les piqûres de scorpions contre lesquelles la pharmacopée semble impuissante. C’est une illustration parfaite de la « loi de contact ». Comme le constate Dawson, « Le magicien avec ses formules, le médecin avec ses médicaments, le prêtre avec ses prières et son rituel, ont travaillé pendant des siècles sans nombre à protéger et à prolonger la vie, à renforcer la vitalité et à s'opposer aux puissances qui menacent l'existence ».
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Etiologies des maladies L’objectif de la médecine est de maintenir le corps en bonne santé, de le débarrasser des maladies et d’éloigner provisoirement la mort. Pour les Egyptiens, la mort est du même ordre que la vie, lui succédant nécessairement. Ils pensent que la vie et la mort sont des influences transportées par l’air qui pénètrent dans le corps : « Le souffle de la vie entrant par l’oreille droite, et le souffle de la mort entrant par l’oreille gauche » (Papyrus Ebers). Les Egyptiens ont une conception de la personne humaine fort différente de la nôtre, associant éléments physiques et spirituels : - le corps, matière inanimée, sujet à la corruption et à la destruction ; - le Bâ, entité non matérielle correspondant à l’esprit ou à l’âme ; - le Ka, qui correspond au souffle animateur, à la force vitale ; - le Nom ; - une ombre (šwt). Le cœur, plus que le cerveau, est considéré comme le siège des pensées et des émotions. Après la mort, les éléments spirituels de la personne sont libérés de l'enveloppe charnelle et peuvent alors se déplacer à volonté. Le but ultime de la personne décédée est de rejoindre son Ka et son Bâ pour devenir un « mort bienheureux ». Dans les différents textes, de nombreux passages indiquent des listes de symptômes qui sont associés chez les personnes souffrant de certaines maladies, mais les maladies elles-mêmes ne sont pas nommées. Les Egyptiens n'identifient pas les maladies. Ils cherchent la symptomatologie. Selon la conception égyptienne, le corps n'est pas malade. Il est seulement agressé. Les troubles résultent de l'action d'agents extérieurs pathogènes, contre lesquels sont alors prescrites des médications destinées à les détruire ou à les chasser.
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La thérapeutique doit donc exercer une double action : exorciser l'agent pathogène et réparer les désordres causés par lui. L'analyse des textes montre comment la question de l'origine des maladies est tributaire de la conception de l'organisation du monde de l'époque. D’après la pensée médicale égyptienne, c’est l’intervention divine directe qui règle la santé de l’individu, les éléments constitutifs du corps n’ayant pas de propriétés intrinsèques. Ils sont seulement le jouet de forces supérieures bénéfiques ou néfastes. Ainsi, selon les Egyptiens, les maladies sont dues à plusieurs facteurs : - Les forces supérieures Ces forces ont une réalité matérielle. Ce sont des souffles actifs ou des substances pathogènes animées par ces souffles, qui s'insinuent dans le corps, circulent dans les conduits du corps et dérangent l’harmonie corporelle, des souffles omniprésents qui déterminent la santé, la croissance ou la mort. Parfois aussi, durant les premiers mois du printemps, s’élève et souffle le terrible khamsin, vent meurtrier qui charrie du sable brûlant en très grande quantité. Denon écrit : « Quand il souffle du sud-est, cela devient épouvantable. Ce vent sèche et enflamme le sang, irrite les nerfs et transforme la vie en supplice. L’oppression qu’il nous cause est si forte qu’involontairement, on cherche à mieux respirer, mais cette respiration nous brûle la bouche ; si on essaie de respirer par le nez, c’est le cerveau qui se trouve affecté et quand on exhale sa respiration, il semble qu’on vomisse des flots de sang ». Prosper Alpinus signale que ce vent détermine diverses sortes d’épidémies. Plusieurs entraînent la mort, d’autres s’attaquent aux yeux et causent des ophtalmies très graves, et très tenaces. - Les excès d’alimentation et de boisson Les Egyptiens combattent leurs excès par de fréquents lavements et purgations. On purifie le corps en permanence pour éviter que les oukhedou ne se répandent dans l'organisme tout entier. - Les vers Les Egyptiens n’ont pas manqué d’observer les effets de la décomposition des corps et d’en être fortement impressionnés, d’autant plus que l’on connaît pour eux la nécessité de l’intégrité corporelle. Les vers sont donc pour eux des principes pathogènes particulièrement sinistres. Cette conception provient
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certainement de l’observation courante du fait que les phénomènes de putréfaction s’accompagnent très souvent d’une prolifération de vers. - Les causes occultes et psychiques On peut aussi rapporter l’atteinte d’un individu à une origine psychique ou morale. Cette vision du monde ne s'oppose pas à une véritable réflexion médicale. Au contraire, dans un monde où l'intervention des dieux est constante autour de l’homme et dans l’homme, ceux-ci se doivent d'observer les phénomènes pour comprendre les agissements divins. Les Egyptiens regardent la vie comme entretenue par un souffle que des conduits met transportent partout, en même temps que l'air, le sang et les liquides corporels (larmes, urine, fèces). Tout ce système de conduit va et sort de l’intérieur ib. La maladie peut donc être causée par un trouble dans la circulation des souffles ou des énergies. Dans ces conduits met, circulent 4 grands facteurs pathogènes qui sont décrits dans les différents papyrus médicaux: les âaâ, les setet, les oukhedou et le sang. Toutefois, leur nature exacte n’a pas toujours été bien définie par les auteurs. Si les setet et les oukhedou sont d’origine externe, le sang et le âaâ sont des éléments normalement présents dans le corps, ou à la surface, mais dont l’action peut devenir pathogène dans certaines conditions. Le âaâ est un liquide fertiliseur d'origine corporelle à potentiel dangereux. « Quatre conduits se divisent au niveau de la tête et se déversent dans la nuque, puis ensuite, forment un réservoir. Une source/puits de âaâ, c'est ce qu'ils forment extérieurement à la tête » (Ebers n° 854 d, 99, 10-22). On l'identifie aux fluides corporels émis par les dieux et les démons qui infestent le corps. Il faciliterait le développement d’éléments parasites variés (miasmes, vers, poux) dans l’organisme. Les oukhedou se développeraient grâce à l’action fertilisante des liquides âaâ. La famille des mots âaâ signifie semence. Il semble que les âaâ correspondent aux diverses sécrétions corporelles, notamment au sébum ou au sperme. Il possède la capacité de se développer et d’agir comme un produit vivant. Cette sécrétion corporelle semble totalement inidentifiable à la lumière des données scientifiques actuelles. D’après Ebers n° 62, à propos d’un traitement pour des parasites : « Roseaux: 1; pyrèthre: 1. (Ce) sera broyé finement, cuit dans du miel. (A) ingérer par l’homme
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qui a de la (vermine) hererou dans l’intérieur de son corps. C’est le liquide âaâ qui crée cela et elle (la vermine) ne peut mourir par aucun autre médicament ». Les Setet sont des éléments pathogènes vivants provenant de l’alimentation, ne pouvant sortir du corps. Ils se déplacent dans les conduits met corporels en provoquant des douleurs irradiantes. S’ils s’y bloquent, ils se décomposent et provoquent soit une atteinte générale du corps, soit de la vermine intestinale. Etant donné leur pouvoir destructeur local après leur mort, le remède n’est pas de les tuer, mais de les chasser en les éliminant par les selles. D’assez nombreux textes décrivent leur action. « Deux conduits mets sont dans l’homme pour son bras. S’il est atteint à son épaule et que ses doigts tremblent, alors tu devras dire concernant cela : ce sont les setet » (Ebers n° 856 f). Et aussi ce texte important : « Si tu examines un homme qui est atteint par les setet avec des douleurs dans l’intérieur du corps ; l’intérieur de son corps est dur à cause de cela ; il est atteint à l’entrée de son intérieur ib ; les setet dont il souffre se trouvent à l’intérieur de son corps, mais ils n’arrivent pas à trouver une voie de sortie, car il n’y a pas de voie de sortie pour eux dans l’homme (dont on parle). Alors, ils devront (= ne pourront plus que) se décomposer à l’intérieur de son corps (toujours) sans pouvoir sortir et cela (= les éléments décomposés) se transformera en vermine. (Il est bien évident que) cela ne devra pas (= ne pourra pas) se transformer en vermine avant que cela se soit transformé en quelque chose de mort. S’il évacue cela, il ira parfaitement bien. S’il n’évacue pas cela sous forme de vermine, alors tu devras lui appliquer un traitement pour l’évacuation et jusqu’à ce qu’il aille parfaitement bien » (Ebers n° 296). On retrouve dans le papyrus de Berlin (142-143) : « Remède pour chasser les setet dans les endroits atteints…Autre remède pour extraire (du corps) les setet en faisant ses besoins ». Les oukhedou sont des substances vivantes animées par un souffle pathogène, qui s’incorporent lorsque l'individu s’alimente et qui rongent, ou délient les tissus humains. Leur présence semble expliquer la décomposition ou la putréfaction des aliments dans le tractus digestif. Quand un trouble se produit, les oukhedou catabolisent les tissus de l’organisme et non les aliments. Ils provoquent alors des douleurs importantes.
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Au niveau des plaies, ils provoquent des inflammations, la formation de pus et la désunion des berges par dissolution des chairs, s'opposant aux processus de cicatrisation. D’un point de vue thérapeutique, on peut soit tuer les oukhedou, soit les briser à l’aide de remèdes à la fois magiques et médicinaux. « Remède pour briser les oukhedou qui sont dans le corps: viande de bovidé fraîche (litt. vivante!): 5 ro; résine de térébinthe: 1/64; mélilot: 1/8; baies de genévrier: 1/16; pain frais: 1/8; bière douce: 25 ro. À filtrer puis à ingérer quatre jours de suite » (Ebers n° 86). Le sang, liquide bénéfique, est considéré comme le principal facteur vital du corps. « Le dieu Khnoum est le maître du souffle; la vie et la mort obéissent à ses décisions. Celui qui est vide de lui [du dieu, donc du souffle], le sang manque en lui » (texte tiré des hymnes au dieu Khnoum du temple d'Esna). Le sang élabore la substance corporelle en liant les éléments dispersés provenant de l’alimentation. Il aurait donc un rôle de bâtisseur, ce qui explique la formation et le développement de l'embryon, puis la croissance de l'être humain. Lorsque le sang est animé par un souffle pathogène, il voit son action inversée et devient alors un facteur pathologique important du fait de sa présence dans tout le corps. Il joue alors le même rôle nocif que les oukhedou. Il se met à ronger le corps et peut bloquer le passage des souffles de la vie. Oukhedou et sang sont donc deux principes liés. Les ouhaou sont des amas, du pus, des tumeurs qui apparaissent à la suite de l’action rongeante des oukhedou. On devra soit les chasser, soit les extirper, soit les tuer. Ebers n° 91 et n° 92: « Autre (remède) pour chasser les ouhaou, alors qu’il existe une pesanteur vers la superficie du corps (menacé par les ouhaou) et les tuer véritablement à l’intérieur du corps… Autre remède pour extirper les ouhaou qui sont dans le corps ou bien (pour) les tuer: figues: 1/32; sel du Delta: 1/8; pain frais: 1/8; bière douce: 25 ro. (Ce) sera cuit, filtré, puis ingéré dans la journée ». Ebers n° 138 : « Autre (remède) pour chasser les âaâ qui sont dans un homme, tuer les oukhedou, chasser les dommages (ouhaou) qui adviennent contre l’homme, soigner l’anus et le rafraîchir: (plante) sam: 1/8; baies de genévrier: 1/16; miel:
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1/32; bière douce: 10 ro. Filtrer, ingérer quatre jours de suite ». Selon les Egyptiens, les maladies dentaires peuvent être dues: - Au ver de la dent : Celui-ci est mentionné dans une lettre du Papyrus Anastasi IV (écrit aux environs de 1300 avant J.-C.), qui révèle le cas d’un pauvre affligé : « Chaque muscle de son visage tressaute, la maladie s’est développée dans son œil et le ver ronge la dent… » Il constitue le seul texte qui fasse explicitement état du ver de la dent, bien que des termes tels que : « Mangeur de sang » lus dans le papyrus Ebers ou bien « Ennemi qui est dans la dent » dans le papyrus Chester Beatty aient été mentionnés. - Aux oukhedou : D'après les croyances, ils seraient le grand facteur causal des maladies dentaires, responsables de la carie et des douleurs associées, des gingivopathies et de la mauvaise haleine. Les pathologies bucco-dentaires résultent donc de l'action des oukhedou, qui remontent à travers le corps vers la bouche et dans les dents, rongeant les tissus dans toutes les directions. Ces oukhedou peuvent être considérés comme une étiologie rationnelle, mais ils peuvent apparaître avec une composante divine. En effet, ils sont animés d’une volonté maligne qui leur est propre et sont donc sensibles à la menace du magicien, ou du prêtre. Les médications anti-oukhedou utilisées, visant à les tuer ou à en limiter le nombre, sont toujours les mêmes, que ce soit pour l'endroit où leur présence est la plus fréquente (ventre), ou pour les dents. Dans ce dernier cas, on place les médications dans la carie qu'il faut débarrasser de ces facteurs pathogènes. On cherche à enrayer l'évolution du processus pathologique, à calmer la douleur, mais pas à reconstituer la dent lésée. « Autre (recette) pour repousser les oukhedou qui sont dans la bouche (…). (Ce) sera laissé au repos la nuit à la rosée, filtré et mastiqué quatre jours de suite » (Ebers n° 122). - Au sang Cité dans le papyrus Ebers, il agirait à l'intérieur des dents.
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Les professions médicales La médecine égyptienne de l'Antiquité s'avère très avancée pour l'époque. Attestée déjà aux alentours de 4000 av. J.-C., les Egyptiens sont parmi les premiers peuples à posséder des médecins. Les médecins égyptiens jouissent d’une grande renommée dans le Proche-Orient où ils sont parfois appelés en consultation. Il y a tout lieu de supposer que la médecine en Egypte puise directement ses origines dans les techniques et rites liés à l’embaumement. Le savoir médical est élaboré. Des rudiments d'anatomie et de physiologie existent. L’existence de rites funéraires égyptiens a conduit certains auteurs à y voir la source de leurs connaissances anatomiques. Cette pratique, courante au temps de l’école d’Alexandrie, est cependant inconcevable pour les médecins égyptiens de l’époque pharaonique. Profaner un corps aurait été un sacrilège. En conséquence, il semble formellement exclu que ces médecins aient pratiqué des dissections. En revanche, rien ne permet d’exclure qu’ils aient pu assister en tant que témoins aux différentes étapes de la momification. En assistant au travail des embaumeurs, il est possible qu’ils aient acquis des connaissances que ne possèdent pas les autres peuples de l’Antiquité qui ne momifient pas leurs morts. En réalité, il semble que les médecins égyptiens aient peu bénéficié de l’enseignement des embaumements. Ils tirent l’essentiel de leurs connaissances anatomiques de l’examen des blessés et surtout de l’anatomie animale. Même s'il est peu fréquent que l'Egyptien ancien meure de vieillesse - l’espérance de vie des adultes est d'environ trente-cinq ans pour les hommes et de trente ans pour les femmes, mais il est difficile d'atteindre l'âge adulte, environ un tiers de la population mourant dans l'enfance - et que bien souvent il décède des causes d’une maladie ou d'une violence quelconque, guérir et soigner s'avère essentiel
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pour conserver l'enveloppe corporelle, élément nécessaire pour espérer accéder à la vie éternelle. On rappelle que pour les anciens Egyptiens, la maladie est la manifestation de la « prise de possession » du corps du patient, œuvre d'agents surnaturels (ennemi disposant d'une puissance magique, défunt mécontent, divinité fâchée, etc.). En réalité, les problèmes médicaux des Egyptiens découlent directement de leur environnement. Vivre et travailler à proximité du Nil expose aux risques de maladies parasitaires comme le paludisme et la bilharziose, ainsi qu'aux animaux sauvages comme les crocodiles, et les hippopotames. Les travaux agricoles et de construction usent les colonnes vertébrales et les articulations. Les blessures liées aux constructions et à la guerre affectent les organismes. Le gravier et le sable, contenus dans la farine moulue sous la pierre, usent les dents, les laissant vulnérables aux abcès. Le système de soins des anciens Egyptiens est un service public gratuit, accessible à tous, disponible dans tout le pays et à tout moment. Il fait partie d'un service public plus général qui gère les canaux d'irrigation, l'éducation, la justice et les réserves de grains. Les médecins égyptiens possèdent un savoir théorique et des connaissances pratiques. Ils connaissent les remèdes à tous leurs maux quotidiens (piqûres de scorpions et d'abeilles, morsures de serpents, coups de soleil, certaines maladies des yeux, etc.) et pratiquent une petite chirurgie, non invasive. Ils savent recoudre les plaies, réduire les fractures et amputer les malades, mais, pour les blessures les plus graves, ils ne peuvent que soulager les patients jusqu'à leur mort. Ils disposent en outre d'une riche pharmacopée et se servent de formules magiques. Bien que les remèdes de l'Egypte antique soient souvent considérés dans la culture moderne comme des incantations magiques et des ingrédients douteux, les recherches en égyptologie biomédicale montrent qu'ils sont souvent efficaces, et que 67 % des formules connues respectent les règles du codex pharmaceutique britannique de 1973, en dehors des règles de stérilisation. Les textes médicaux précisent les étapes de l’examen clinique, du diagnostic, du pronostic et les traitements qui sont souvent rationnels et appropriés. Cette médecine règlementée est le fait d'un système de soins particulier, avec des médecins spécifiquement formés et aux
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pratiques contrôlées, exerçant en clientèle ou dans des lieux réservés, établissant des conclusions diagnostiques, usant de moyens thérapeutiques multiples, et toujours en relation avec le divin. La profession est ouverte aux femmes et certaines filles peuvent être admises à suivre l’enseignement médical. On ne connaît malheureusement que deux exemples pour les époques anciennes qui sont Méryt-Ptah durant la 3ème dynastie et Peseshet, qui vit durant la 6ème dynastie et qui porte le titre de « Directrice des femmes médecins ». Enfin, il convient de noter un dernier point des plus intéressants. Les médecins égyptiens ont dressé une liste non exhaustive des « maladies contre lesquelles personne ne pouvait rien ». Pour la première fois de l’histoire, apparaît donc la notion de mal incurable. Pour imaginer le contexte dans lequel se forment les médecins, il faut tout d’abord savoir que la grande majorité des Egyptiens ne bénéficie pas d'une éducation régulière et structurée. Ceux qui se destinent à l'exercice de la médecine bénéficient d'une double formation : l'instruction individuelle d'origine familiale et un enseignement collectif délivré par des écoles. Dès la première dynastie, des écoles de médecine, ou Maisons de Vie, sont créées dans un certain nombre de villes d’Egypte. On a retrouvé leurs traces dans chaque temple d’une certaine importance, notamment à Bubastis, Kôm-Ombo, Abydos, ElAmarna, Coptos, Esna, Edfou ou encore à Thèbes. Parmi les différentes écoles, trois sont particulièrement célèbres d’un point de vue médical. A Héliopolis, l’école est placée sous la protection du dieu du Soleil et de nombreux Grecs s’y rendent pour y achever leurs études scientifiques. A Memphis, il existe un temple d’Imhotep auquel est annexée une très grande bibliothèque médicale. A Saïs, est enseigné, aux jeunes filles, le métier de sage-femme et celles-ci, à leur tour, enseignent la gynécologie aux médecins. Il semble que les médecins dans l’Egypte ancienne transmettent eux-mêmes leur savoir médical à leurs fils qui les remplacent dans leurs fonctions après leur mort. Diodore de Sicile écrit à ce sujet : « Les enfants du peuple reçoivent l’éducation de leur père, ou de leur parent qui leur apprennent le métier que chacun doit exercer dans la vie », ajoutant que « c'est le seul peuple qui interdit aux gens de pratiquer un métier différent de
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celui qui leur a été transmis par leurs parents ». C'est ainsi que l'on a retrouvé la trace de véritables dynasties médicales, en particulier celle de la famille de Iouny, sous le Nouvel Empire. Si l'on en croit G. Posener, « La tradition de l'enseignement paternel était si bien ancrée dans les usages que tous les traités didactiques sont présentés par leurs auteurs comme des conseils du père au fils ». Mais, les parents ne sont pas les seuls garants de l’éducation de leurs enfants. Les futurs praticiens complètent leur bagage « scientifique » dans des Maisons de Vie (Per-Ânkh), annexées aux temples. La Maison de Vie n’est pas à proprement parler une école de médecine. Il s’agit d’un centre d’activité intellectuelle, de culture et de documentation. C’est une sorte de bibliothèque où sont conservés de nombreux papyrus fort anciens et où scribes, lettrés et savants se retrouvent, et assurent la pérennité des textes anciens religieux, et médicaux en les recopiant, en les corrigeant, en les commentant, en les préservant de l’oubli, et de la destruction. La plupart des papyrus médicaux et magiques sortent de ces ateliers. C'est également un centre de formation pour les futurs scribes, médecins et prêtres, qui apprennent l’écriture hiéroglyphique, les concepts religieux, les idées scientifiques et culturelles de l’ancienne Egypte, ce qui exige un apprentissage rigoureux. Il n’est pas certain que l’enseignement y ait été véritablement organisé. En plus d'une éducation générale, les élèves y reçoivent leurs bases professionnelles et peuvent peaufiner leurs connaissances théoriques au contact de leurs aînés, en lisant des textes, et en se basant notamment sur les livres de la collection hermétique. Ils recopient probablement, pour leur propre usage, des extraits de manuscrits qui s’y trouvent. Ensuite, ils peuvent en disposer pour leur usage personnel. Ces livres sont essentiellement des réceptaires, recueils de recettes dont beaucoup sont certainement très anciennes. Ce mode d’instruction, dans les Maisons de Vie, basé sur la répétition des écrits antérieurs, contribue peut-être à stériliser la pensée scientifique égyptienne et peut expliquer sa stagnation jusqu’à l’Ecole alexandrine. Par ailleurs, la discipline dans ces écoles, d'après certains documents, paraît avoir été assez sévère. L'enseignement s'applique selon la rude méthode du « bâton » : « L'oreille du garçon est sur son dos, il écoute quand on le bat ».
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Les études durent plus ou moins longtemps suivant l’intelligence, et sans doute aussi, suivant la ferveur des différents sujets. L’activité religieuse représente toutefois la principale occupation dans la Maison de Vie. Tous les prêtres ne sont pas médecins, mais la quasi-totalité des médecins sont prêtres. Le dentiste de l’époque a en fait un véritable statut de prêtre-médecin. L’étudiant, en entrant dans la Maison de Vie, doit d’abord devenir prêtre inférieur ou prêtre de 1er grade, avant d’être initié à la spécialité à laquelle il se destine. L’apprentissage de l’art dentaire est donc étroitement lié à la pratique religieuse. Ces Maisons de Vie jouissent de la haute protection des pharaons qui viennent parfois y étudier. Les spécialistes s’interrogent encore sur l’existence d’un apprentissage clinique auprès des malades dans ces Maisons de Vie. Certains textes laissent penser qu’elles renferment un véritable département médical où les jeunes médecins peuvent apprendre, auprès des malades, la pratique de la médecine et s’exercer à de petites opérations chirurgicales. Elles auraient également renfermé un département pharmaceutique annexe au département médical, où l’on prépare les remèdes, si l’on en croit le titre « Gardien de la myrrhe de la Maison de Vie », attesté sur le papyrus du Caire 58 027. On pense en outre que de nombreux temples, consacrés à des divinités connues pour leur puissance face à la maladie, possèdent des sanatoria. Il s’agit d’espaces sacerdotaux, contenant des cuves et des baignoires remplies d'eau sacrée. La partie malade est immergée dans un but d'espérance de guérison divine. A cette fin, les installations du temple de Dendérah nous sont parvenues en bon état et en constitue un témoignage privilégié. Une fois cette phase de sa formation terminée, le futur médecin entre en « apprentissage » chez son père ou chez un proche. La médecine dans l’Egypte antique est exercée par trois types de soignants : les sounou, les prêtres de Sekhmet et les conjurateurs de Serket. Le sounou est un médecin généraliste laïc qui exerce en dehors du temple. Médecin du peuple, il officie auprès des plus humbles, selon les préceptes du temple. Il tire ses connaissances des livres et de sa pratique empirique. Guidé par le dieu Thot, il est capable de soigner des fièvres, des traumatismes, de réduire des fractures, de pratiquer des interventions chirurgicales.
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Les sounou débutent leur pratique en étant médecins itinérants. Ils vont vers les malades. Par la suite, le sounou peut exercer à son domicile ou dans différentes structures administratives, et fondations royales (domaines des temples, domaines funéraires, camps militaires, etc.). On le retrouve à toutes les époques dans les villages d’ouvriers, participant aux expéditions militaires… Son hiéroglyphe s’écrit au moyen de deux signes : une flèche (soun) surmontant un vase arrondi (nou) suivi d’un homme assis en guise de déterminatif. Il s’agit d’une écriture phonétique, qui dérive vraisemblablement du mot Swn (soun), qui désigne la souffrance, le médecin étant celui qui s’occupe des souffrants.
Le mot sounou signifierait donc: « celui de ceux qui sont malades », « l’homme qui soulage ceux qui ont mal », « celui qui s’intéresse aux individus souffrants ». Le ouâb-Sekhmet, prêtre-médecin attaché au culte de Sekhmet, vit dans la Maison de Vie, partageant son temps entre sa formation théorique et l'exercice de la médecine. Il exerce uniquement dans le temple. Il soigne les privilégiés et Pharaon lui-même. Sa médecine est imprégnée de religion, voire de magie, car il tient des dieux le pouvoir de guérir. Ce pouvoir guérisseur repose sur ses capacités à calmer cette redoutable déesse à tête de lionne, qui, quand elle est en colère, est responsable de multiples maux et d’épidémies, et quand elle est apaisée, est capable de guérir. Rémi Picard écrit : « Le prêtre (ouâb) de Sekhmet propage les maux et les guérit. En apaisant et en neutralisant sa dangereuse maîtresse, il en devient maintenant le maître. La maladie est considérée comme une manifestation de Sekhmet, aussi le prêtre (ouâb) grâce à sa pureté va guérir la maladie. Cette intervention du prêtre de Sekhmet dans un acte de nature médicale permet donc de l'assimiler à un médecin ». Les prêtres de Sekhmet peuvent, à l'occasion, dispenser des soins vétérinaires.
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Dévoué à la déesse scorpion Serket, le saou ne possède ni la science acquise du sounou, ni l’inspiration divine du ouâbSekhmet. A la fois magicien, sorcier et rebouteux, il lutte contre les puissances invisibles à l'origine des maux inexplicables. Il connaît l'art de prévenir ou de guérir les piqûres, et morsures des nombreux animaux venimeux qui infestent l'Egypte, à l'aide de formules magiques dont il ignore le sens, mais qui lui ont été transmises par de longues séries de magiciens, d’amulettes, mais aussi de remèdes. Les conjurateurs de Serket regroupent deux types de personnages : les herep-Serket, ou « chef de Serket », et les sa-Serket, qui restent en grande partie mystérieux. On a voulu opposer le caractère laïc du sounou, exerçant son art selon les écrits, à l'exercice sacerdotal des prêtres de Sekhmet ou des conjurateurs de Serket, utilisant les ressources surnaturelles de leurs déesses respectives. Gaston Maspero écrit que les prêtres de Sekhmet agissent « d’après l’inspiration directe et toute personnelle qu’ils recevaient de la divinité ». Le travail des initiés est considéré comme bien supérieur à celui du vulgaire. Notons que tous examinent leurs patients. Mais, certains de ces prêtres ou de ces mages se réclament aussi du titre de « sounou ». Ainsi, Herychef-Nakht est « Directeur des prêtres ouâb de Sekhmet, Directeur des magiciens et Grand des médecins du roi ». (Graffiti des carrières de calcite d'Hatnoub, 12ème dynastie). En effet, l’association de la médecine avec la prêtrise vient de la conception même de la maladie chez les Egyptiens. Pour eux, la maladie est l’œuvre de démons. La meilleure façon de les combattre est donc de faire appel à un ou plusieurs dieux, ce qui explique cette double fonction de prêtre et de médecin. Le corps des praticiens est très hiérarchisé, comme toute la société de l'époque pharaonique. Les médecins sont séparés en deux groupes distincts : celui des praticiens du Palais royal et celui des praticiens « en dehors » du Palais royal. Les médecins « en dehors du Palais » sont formés dans les Maisons de Vie rattachées aux temples. Les praticiens qui en sortent officient dans les provinces comme généralistes. Etant fonctionnaire, le médecin entre dans un cadre administratif hiérarchisé. Le sounou est sous l'autorité des « Maîtres médecins », eux-mêmes
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dirigés par le « Grand des médecins », doté d'un pouvoir administratif qui s'étend probablement sur une zone géographique importante. Nommé par le roi, ce puissant personnage assure également la prise en charge médicale de son souverain. Le Grand chef est lui-même responsable devant le ministre ou vizir. On retrouve également les titres de « Directeur des médecins » et de « Doyen des médecins », ainsi que celui d’« Inspecteur des médecins » (sehedj-sounou). Ce corps hiérarchique est sensiblement modifié au Moyen Empire. Le titre de « Maître médecin » disparaît. Ne restent alors que des médecins sounou, dirigés par des « Directeurs des médecins », eux-mêmes dirigés par des « Grands des médecins ». Sous l’Ancien Empire, le Palais royal est le centre principal des activités médicales. Les médecins palatins sont considérés comme les meilleurs praticiens du royaume. Ils ont une excellente réputation et des étrangers n’hésitent pas à faire le voyage pour venir les consulter. Parfois, c’est le médecin qui se déplace, envoyé par son pharaon en consultation, auprès d’une cour étrangère. Ces médecins de cour ou du Palais s’apparentent plus à des théoriciens qu’à des praticiens. Leur rôle consiste surtout en une activité de recherche et de rédaction de livres médicaux destinés au praticien de base (le sounou), simple exécutant qui doit se soumettre aux préceptes des spécialistes. Cependant, ils sont également chargés de soigner non seulement le roi et sa famille, mais aussi les courtisans, et leur pléiade de serviteurs. Ils sont eux aussi soumis à un ordre hiérarchique strict. Les « Médecins du Palais », (per âa sounou) obéissent aux « Maîtres médecins du Palais » et au « Directeur des médecins », leurs supérieurs. En haut de l'échelle, se trouve le fameux « Grand des médecins », médecin personnel du roi, considéré de facto comme le « Grand des médecins du nord et du sud » qui a autorité sur l'ensemble des praticiens, y compris sur ceux qui vivent à l'extérieur du Palais. On connaît également les titres d’« Inspecteur des médecins royaux », de « Médecin en chef du roi » et aussi de « Doyen des médecins royaux ». Le titre médical peut être suivi de la mention per-âa (du Palais), n nesout (du Roi), n neb taouy (du Seigneur du double pays) ou encore n hemet nesout (de l’épouse du Roi). Les titres de
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l'extérieur ne trouvent pas forcément leur équivalent à la cour. Les « Maîtres médecins » qui contrôlent, en dehors du Palais, les activités des sounou, peuvent accéder au premier grade hiérarchique de la médecine du Palais et devenir « Médecin du Palais ». Mais, ils ont, par la suite, la possibilité de gravir progressivement les échelons. Une caractéristique particulière de la médecine pharaonique est sa répartition en spécialités, mais ceci ne vaut que pour des médecins de haut rang qui exercent à la cour de Pharaon. Ces spécialistes sont chargés de faire des recherches sur les maladies dites « à problème », réfractaires aux traitements classiques, comme les maladies du ventre, des yeux ou des dents, qui sont des maladies qui ne régressent pas spontanément. Cette notion de spécialistes ne peut, en aucun cas, se concevoir en dehors du contexte du Palais. Elle ne désigne absolument pas un corps de spécialistes qui exerce au côté des médecins ordinaires pour soigner le peuple. L’historien grec Hérodote rapporte, dans Histoires, l’état du système médical en Egypte : « La médecine est si sagement distribuée en Egypte, qu’un médecin ne se mêle que d’une seule espèce de maladie, et non de plusieurs. Tout y est plein de médecins. Les uns sont pour les yeux, les autres pour la tête ; ceux-ci pour les dents, ceux-là pour les maux de ventre et des parties voisines ; d’autres enfin pour les maladies de localisation incertaine ». De plus, Clément d’Alexandrie, dans Stromates (VI, ch. 35-37), donne la liste des spécialités et des ouvrages qui les concernent et déclare que, dès les temps les plus anciens, il a existé des traités spéciaux pour chaque sorte de maladie. Certains médecins du Palais possèdent des titres de spécialistes des yeux, du ventre, des dents, des préparations médicamenteuses, etc., correspondant à un savoir-faire particulier dans l’un ou l’autre de ces domaines. On retrouve donc : - des ophtalmologistes, sounou-irty, c’est-à-dire « le médecin des deux yeux » ; - des gastroentérologues, sounou-Khet, qui s’occupent certainement de toute la pathologie abdominale ; - des proctologues, nerou-pehout, traduit littéralement par « Berger de l'anus » ;
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- des « médecins des maladies cachées » qui doivent être spécialisés en médecine interne ; - des dentistes, ibhy, ce qui signifie « celui qui s'occupe des dents ». Les spécialistes ont eux aussi leurs grades. De même que l’on rencontre le titre de « Grands des médecins du Palais », il existe un « Chef des dentistes », un « Directeur des dentistes », un « Grand des dentistes du Palais », un « Grand des oculistes du Palais »... Il existe aussi des médecins de groupe, attachés à des individus qui vivent en communauté restreinte, dont ils assument les soins. On trouve ainsi des médecins de chantiers, des médecins de nécropoles dans lesquelles vivent et travaillent de nombreux artisans, des « médecins de colons », c’est-à-dire des médecins de cultivateurs attachés aux domaines d’un maître, des médecins de l’armée, des médecins du travail dans les mines, les carrières et dans les temples.
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La dentisterie dans l’Egypte antique La première preuve de l'existence d'une fonction de chirurgiendentiste remonte à la 3ème dynastie, vers 2700 avant J.-C. On ne sait pas exactement quel rôle il faut attribuer aux personnages ainsi dénommés. Ces « médecins des dents » peuvent être des médecins de formation ou de simples dentistes. On connaît, en effet, surtout sous l’Ancien Empire, quelques praticiens qui semblent avoir exercé, outre la médecine générale, l’art dentaire ou même qui se seraient spécialisés dans cette profession. Comme chez tous les médecins, il y a, chez les dentistes, une hiérarchie, les uns étant simples dentistes - le ibhy « celui qui s'occupe des dents » ou le iry-ibh, « celui qui traite les dents », la différence entre les deux n'étant pas encore très claire -, les autres étant our-ibhy, c’est-à-dire « Grand des dentistes ». Le mot « dent » en égyptien s’écrit ibh. On emploie nhdt seulement pour désigner les dents postérieures. Le signe hiéroglyphique de la défense d’éléphant représente une dent humaine. Il est employé comme déterminatif dans les mots en rapport avec les dents. Les déterminatifs n’ont pas de valeur phonétique. Ils sont là pour définir l’idée générale exprimée par un mot. Les dentistes sont donc identifiés, dans l’écriture hiéroglyphique, par une défense d’éléphant, ou par l’association des signes œil-défense, le signe de l’œil voulant dire « faire » ou, dans le contexte médical, « traiter », « s’occuper de ». Représentations hiéroglyphiques des termes se rapportant aux dentistes : Médecin
ou
Dentiste
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Le tout puissant, le chef
Chef des dentistes Chef des dentistes et des médecins Les égyptologues ont recensé 150 personnages qui portent le titre de praticiens médicaux, pour toutes les époques de l’Egypte pharaonique, parmi lesquels six dentistes qui tous, sauf un, ont vécu sous l’Ancien Empire. Ils sont connus par leurs stèles, sarcophages ou par des statues. De plus, les archéologues ont découvert, en Egypte, trois sépultures de dentistes qui remontent à la fin de la 4ème et au début de la 5ème dynastie. La découverte a été faite près de Saqqarah. Les tombes sont disposées à côté de la pyramide à degrés de Djéser. Du fait de cette proximité avec la pyramide, on peut penser qu’il s’agit de dentistes ayant exercé à la cour. La fréquence des hiéroglyphes représentant une canine et un œil atteste que ce sont bien les sépultures de dentistes qui ont été découvertes. Certains médecins sont également des dentistes. Ainsi, Hesy-Rê et Khouy sont our-ibhy, « Grand des dentistes ». Ny-AnkhSekhmet et Psemtek-Seneb sont our-ibhy-per-âa, c’est-à-dire « Grand des dentistes du Palais ». D’autres ne possèdent que le titre de « Dentiste », iry-ibhy, comme Men-Kaou-Rê-Ankh et Nefer-Irtes. Pour Ghalioungui, ces deux iry-ibhy n’auraient été que de simples auxiliaires médicaux. Ils n’auraient pas été « sounou », contrairement aux our-ibhy. Hesy-Rê Hesy-Rê est le plus ancien médecin et le premier dentiste que l’on ait pu retrouver à ce jour. Il a vécu sous la 3ème dynastie, vers 2650 avant notre ère. Médecin contemporain d’Imhotep, il est un haut fonctionnaire de la cour du roi Djéser. Hesy-Rê, porte le titre de «Grand des dentistes et des médecins». On retrouve les hiéroglyphes de l’oiseau, de la défense d’éléphant
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et de la flèche. Il est également «Chef des scribes du Roi », « Grand des dix de la Haute-Egypte », mais aussi Grand-Prêtre, architecte et administrateur de la Haute-Egypte. On le connaît grâce à son mastaba, retrouvé à Saqqarah par Auguste Mariette, qui comporte cinq panneaux en bois fixés dans les niches de la tombe, portant ses nombreuses titulatures. Ces panneaux sont aujourd’hui conservés au musée du Caire. Sur un des panneaux en bois, Hesy-Rê apparaît assis devant une table d'offrandes, son nécessaire de scribe posé sur l'épaule droite et tenant dans sa main gauche son sceptre Kherep, insigne de son pouvoir et de son autorité. Khouy Il a vécu sous la 5ème dynastie (Ancien Empire). Son nom et ses titres sont connus grâce à une « stèle fausse porte » découverte dans sa chapelle à Saqqarah. Il est « Grand des dentistes », mais aussi « Grand des médecins du Palais », « Grand des médecins du nord et du sud », « Berger de l’anus », « Interprète de l’art secret », ainsi que « Chancelier royal », « Contrôleur des deux sièges » et « Grand Prêtre du Palais d’Héliopolis ». Ni-Ankh-Sekhmet Ni-Ankh-Sekhmet a vécu au début de la 5ème dynastie. Il est « Doyen des médecins », « Grand des médecins du Palais », « Grand des dentistes du Palais ». Il est connu par un mastaba à Saqqarah, et surtout par une « stèle fausse porte » exposée maintenant au musée du Caire (CGC n° 1482). Cette stèle est un cadeau du roi Sahou-Ré au grand praticien qu’a été NiAnkh-Sekhmet. Men-Kaou-Rê-Ankh Il a vécu pendant la 5ème dynastie. Il est fait mention de lui sur la stèle de Ni-Ankh-Sekhmet. Men-Kaou-Rê-Ankh est certainement un proche parent de Ni-Ankh-Sekhmet puisqu’il est nommé à côté du frère de ce dernier, parmi ses fils et ses filles. On n’a pas la titulature complète du personnage, seulement le titre de « Dentiste ». On retrouve les hiéroglyphes de l’œil et de la défense d’éléphant.
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Nefer-Irtes Ce praticien a vécu au début de la 5ème dynastie. C’était un iryibh. Il est fait mention de ce dentiste sur un bas-relief du tombeau d'un certain Shesat-Hetep dont il est peut-être parent. En effet, les grands notables de l’Ancien Empire ont l’habitude de faire représenter, dans leur sépulture, leur famille et aussi certains de leurs serviteurs. Il est représenté parmi les quinze témoins d’un acte testamentaire debout aux pieds de ShesatHetep et on distingue parfaitement, à ses côtés, les hiéroglyphes signifiant « Dentiste », un œil surmontant une défense d'éléphant. Psemtek-Seneb Il a vécu à l’époque saïte, sous la 26ème dynastie. Ce personnage de la Basse Epoque est connu grâce à un vase canope conservé au musée de Florence (n° 2226) et par une statue naophore en basalte vert conservée au musée du Vatican. On connaît aussi sa tombe à Héliopolis. Il est « Grand des dentistes du Palais », « Grand des médecins », « Grand des médecins et des dentistes », « Doyen des médecins », mais aussi « Contrôleur des deux sièges », « Celui qui contrôle les scorpions », « Directeur du temple de Neith », « Supérieur des secrets du Ciel » et « Gouverneur du Palais royal ».
Hésy-Rê (http://www.odec.ca/projects/2007/prov7j2/Hesy-Ra.html).
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Représentation de la stèle de Ni-Ankh-Sekhmet d'après L. Borchardt. Catalogue général du musée du Caire, CGC n° 1482.
Ordre des médecins L'organisation de la médecine est règlementée depuis Imhotep, comme l'atteste une inscription sur un mur à Saqqarah, avec des règles éthiques bien définies organisant la profession : lieu d'installation des centres de soins, surveillance de ces centres, contrôle de l'activité des sounou, estimation du service rendu, action disciplinaire. Deux papyrus, susceptibles de provenir du temple d’Amon à Karnak, mentionnent l'existence d'un « bureau des médecins du Palais ». Le corps médical dépend donc d’un organisme de contrôle. Cette instance de contrôle est évoquée par d'autres écrits, qui lui attribuent une fonction de surveillance sanitaire stricte, notamment des soins donnés aux rois. Responsabilité médicale Il ne faut pas croire que les médecins sont libres de traiter le patient à leur guise. Ils doivent, au contraire, se conformer scrupuleusement aux textes médicaux d’inspiration divine, considérés comme sacrés et donc immuables, sous peine de sanctions. Le médecin peut être condamné à mort s’il y a un échec thérapeutique résultant d’un manquement aux préceptes écrits. Cette manière de fonctionner ne favorise évidemment pas l’initiative personnelle et a, sans doute, limité les progrès de la médecine pharaonique, malgré les efforts d’observations et de
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raisonnements médicaux dont ont pu faire preuve les médecins de l’époque. Diodore de Sicile (I, 82, 2ème partie) écrit que les médecins égyptiens « établissent le traitement des malades d'après des préceptes écrits, rédigés et transmis par un grand nombre d’anciens médecins célèbres. Si, en suivant les préceptes du livre sacré, le médecin ne parvient pas à sauver le malade, il est reconnu innocent et exempt de tous reproches. Si, au contraire, il s’est écarté des préceptes écrits, il peut être accusé et condamné à mort, le législateur estimant que peu de gens trouveraient une méthode curative meilleure que celle observée depuis si longtemps et établie par les meilleurs hommes de l’art ». Les Egyptiens ont donc adopté, quatre millénaires avant nous, le principe d’« obligation de moyens, mais pas de résultats », une conception de la thérapeutique particulièrement novatrice dans le domaine de la pensée médicale. Les médecins doivent, en outre, agir de façon douce et méticuleuse, ne pas délaisser un malade même dans les cas les plus désespérés, respecter le malade et surtout ne pas se moquer d’une tare médicale. « Occupe-toi de lui, ne l'abandonne pas » (Ebers n° 200). Le sage Amenemope dit par ailleurs : « Ne vous moquez pas des aveugles ; ne tournez pas les nains en dérision ; ne faites pas de mal aux boiteux ; ne riez pas de ceux qui sont dans la main de Dieu (= les déments) ». Secret médical On ne sait pas si le médecin a l’autorisation de dévoiler les maladies de ses patients à une tierce personne. En revanche, on sait que les médecins sont jaloux de leurs connaissances médicales et qu’ils s’engagent par un serment à ne rien révéler aux profanes des arcanes de la science. Leurs remèdes doivent donc rester secrets. Cette notion du secret a été évoquée à de nombreuses reprises dans « le livre du cœur » du papyrus Ebers, qui débute par « Secret du médecin » (Ebers n° 854). Un passage précise : « Un traitement tiré du [livre] secret des plantes qu’a coutume de préparer un médecin » (Ebers n° 188 bis).
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Rémunération La plupart des affirmations concernant la rémunération des médecins dans l’Egypte antique relève de la pure supposition. D’un point de vue social, le médecin sounou est un fonctionnaire, entretenu et payé par l’Etat. Il jouit de certains privilèges, comme l'exemption d'une partie des charges publiques. Diodore de Sicile (I, 82, 2ème partie) rapporte à ce propos que : « Dans les expéditions militaires et dans les voyages, tout le monde est soigné gratuitement, car les médecins sont entretenus aux frais de la société, ils ne reçoivent pas d’honoraires ». On hésite peu, en conséquence, à recourir à leurs services. Tout semble indiquer que la plupart des médecins doit appartenir à la classe moyenne, celle des prêtres, des scribes, des artisans et des ouvriers spécialisés. Les médecins attachés au Palais royal sont, sans doute, élevés jusqu'à la classe supérieure. On sait que l’Egypte ne possède pas de système monétaire avant le VIe siècle avant J.-C. Par conséquent, le corps médical ne perçoit pas d'honoraires, mais une rémunération fixe sous forme de nourriture (rations de céréales) Blé et orge, pain et bière constituent en effet le salaire minimum. Les médecins sont payés en service ou en nature. Mais, on ne sait pas s’ils sont payés en fonction de leurs compétences, de leurs titres ou de leurs résultats. Malgré la réputation flatteuse dont ils semblent jouir, ils ne sont pas toujours grassement payés. En témoigne le papyrus de Turin n° 2071, datant du Nouvel Empire, de l’an 16 du règne de Ramsès II, concernant la répartition des vivres pour les travailleurs de la nécropole royale sous Ramsès II, qui indique clairement: « 2 khar (unité de mesure) de graines pour deux scribes, 3 khar pour un portier, 1 khar pour un médecin ». En dehors de ce salaire mensuel versé par un scribe, des honoraires peuvent être perçus sous forme de cuivre et de natron. La rémunération est souvent proportionnelle à l’influence et à la réputation des patients. Les médecins du Palais, outre leur « revenu », peuvent recevoir, par faveur royale, un emplacement funéraire, un mobilier pour l’au-delà, une stèle et des titres. Mais, la récompense la plus enviée est le « don de l’or ». C’est une cérémonie solennelle au cours de laquelle le roi, devant la foule assemblée, octroie à l’élu des objets d’or, parmi lesquels de larges colliers dits « colliers de la
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reconnaissance », qui sont des présents à valeur plus symbolique que matérielle. Le pharaon Sahou-Rê (5ème dynastie) fait don d'une superbe fausse porte à Ni-AnkhSekhmet, « Grand des dentistes du Palais ». Neb-Amon, médecin du roi Aménophis II (12ème dynastie), fait représenter, dans sa tombe, l’épisode de la visite que lui rend un prince syrien accompagné de sa femme. En guise de remerciements pour les soins reçus, ce dernier lui offre des métaux, des femmes, des esclaves, du bétail, l’ensemble représentant des honoraires vraiment princiers. On sait aussi qu’il a reçu d’Ouserhat, du cuivre et du natron pour les soins donnés à sa femme. Penthou, chef des médecins royaux sous Akhenaton (18ème dynastie), fait dessiner, dans sa chambre funéraire, la scène qui le montre honoré à trois reprises par de larges « colliers de reconnaissance » en or. Certains médecins de rang élevé ont donc une situation enviable. Ils peuvent ainsi devenir très riches et acheter des terrains, ou des biens immobiliers, ou de belles tombes dans les nécropoles. Concernant les prêtresmédecins, ils donnent des soins qui sont rétribués. Tout le monde ne peut donc pas se faire soigner par eux. Tout d’abord, on les paye en nature, mais plus tard, ils sont honorés en argent, par un procédé particulier. Tout Egyptien, vivant le crâne soigneusement rasé, voit ses cheveux pousser pendant le temps de la maladie. Ils sont, après la guérison, soigneusement coupés et pesés. Leur poids détermine le montant de la note à payer, dont une partie est affectée à l’entretien du temple où le médecin a été instruit. Au fond, cette méthode est assez juste, car les cheveux poussent d’autant plus que la maladie a été longue. Le médecin se trouve donc payé proportionnellement à la longueur de la maladie. Comme de nos jours, les médecins égyptiens réalisent un examen clinique sur leurs patients, acte qui les conduit à poser un diagnostic et à établir un pronostic afin de mettre en place un traitement approprié. La consultation médicale commence par un interrogatoire rigoureux à la recherche de troubles fonctionnels, de l’existence de douleurs. Le patient expose ses doléances, ciblant ainsi les régions du corps à examiner. « Si tu le questionnes sur l'endroit atteint qui est en lui… » (Smith n° 20). Cet état des lieux permet
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également d’évaluer l’état de conscience du blessé. De plus, le médecin interroge l’entourage du malade et enquête sur les antécédents familiaux. L’examen du malade n’est pas sans une certaine solennité. Il doit être rigoureux, rationnel et ne doit pas être rapide. Au cours de cet examen, le médecin, grâce à ses pouvoirs d'observation, doit détecter le plus grand nombre de symptômes et de signes fonctionnels. « Si tu examines un homme ayant… » (papyrus Smith). Les Egyptiens s’intéressent avant tout aux symptômes, comme la toux ou la fièvre, et ce n’est qu’occasionnellement qu’ils peuvent identifier un véritable syndrome. L’observation visuelle du patient permet de décrire son apparence générale et donne une idée sur son mode de vie (alimentaire, etc.). Le praticien examine méticuleusement les plaies et les déformations de téguments à la recherche d’œdèmes, ou d’hématomes. Il relève la coloration cutanée, les tremblements, les raideurs ou les symptômes d’une paralysie, la transpiration. L’examen ne néglige aucune anomalie. Suivent l’inspection du visage, des urines, des excréments, de l’expectoration. La pâleur est évoquée dans le papyrus Ebers n° 207 : « Si tu procèdes à l'examen d’un homme atteint d'une obstruction, son intérieur ib tremble, sa face est blême … » L'œdème est connu aussi : « Remèdes pour chasser le gonflement dans les jambes : miel, vin. Panser avec cela » (Berlin n° 125). Après l’inspection, vient la palpation. Les médecins égyptiens lui accordent une grande importance. C’est l’acte le plus élaboré de cet examen. Elle permet de constater un état fébrile, mais aussi d’examiner l’abdomen, les blessures. Elle précise le caractère ferme ou fluctuant d’une tuméfaction. Le médecin palpe de façon attentive les masses musculaires à la recherche de quelque inflammation, de quelque paralysie ou d’autres signes. Sa technique ressemble un peu à celle d’un rebouteux qui cherche le point sensible, le déplacement, la zone indurée, témoins d’un réflexe du tissu musculaire et aponévrotique. Il palpe également les vaisseaux issus du cœur, aux divers endroits du corps, notamment au niveau du cou, de la nuque et des membres. Le papyrus Smith recommande l’exploration de toute plaie des parties molles à la recherche d’une lésion osseuse sous-jacente et décrit la crépitation sous les doigts,
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signe d’une fracture. La palpation des pouls complète souvent cet examen. On peut lire sur la stèle funéraire de Nefer, médecin sous la 18ème dynastie. « Je suis un médecin véritable, habile de ses doigts, examinant les maladies du corps ». Khouy, Grand des médecins du Palais sous la 5ème dynastie, s’enorgueillit du titre de « Meilleure main du Palais ». Mais, cette palpation a avant tout une importance symbolique, en scellant un contact étroit entre le médecin et le malade par l’intermédiaire des doigts. Cette forme d’apposition des mains, en dehors de son aspect rassurant, doit circonscrire le mal et même l’extirper. Le passage n° 864 du papyrus Ebers suggère de plus que les Egyptiens pratiquent la percussion : « Tu devras placer ton doigt sur elle ...puis taper sur tes doigts. Si tu analyses le son qui en est sorti... ». Le praticien n’hésite pas à se servir de son odorat, comme le suggèrent les comparaisons olfactives dans les papyrus. Les odeurs du corps, de la sueur, de l’haleine et des plaies ont été notées. L’auscultation fait probablement partie de la pratique médicale comme le mentionne un passage du papyrus Ebers : « L’oreille entend ce qui est au-dessous ». Bien que les procédés d'exploration soient réduits, les tests fonctionnels sont également importants. En cas de traumatisme cervical, une raideur du cou est remarquée: « La vertèbre de son cou est pesante ; il ne lui est pas possible de regarder son corps » (Ebers n° 295). Le médecin peut également être amené à examiner la mâchoire : « … Sa bouche reste ouverte sans possibilité qu'elle se ferme … » (Smith n°25). Le diagnostic sur la maladie ou le trouble est établi à la fin de l'examen : « Tu diras en ce qui le concerne: un malade qui souffre de… ». A noter cependant que le diagnostic d’une maladie n’est pas toujours établi au cours du premier examen. Le médecin essaie une médication ou s’abstient. Viennent souvent, par la suite, un deuxième, voire un troisième examen. Enfin, un pronostic est rendu: - affection curable : on la traite. « Une maladie que je traiterai ».
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- affection potentiellement curable, moyennant une tentative thérapeutique. Son évolution est incertaine. «Une maladie avec laquelle je me battrai ». - affection incurable ou fatale, imposant l'abstention thérapeutique. Les médecins reconnaissent leurs limites. « Une maladie pour laquelle on ne peut rien ». L’examen clinique terminé, et selon le pronostic, les médecins traitent leurs malades en utilisant la magie (prières, incantations, amulettes…) et les thérapeutiques médicales, séparément ou en association, pour assurer le maximum d’efficacité aux traitements qu’ils ordonnent, en provoquant une action sur le psychisme de leurs patients. Le médecin exécute lui-même ses prescriptions, partageant parfois cette tâche avec un assistant. Il donne également des conseils de surveillance et relatifs à l'évolution du traitement, au patient et à sa famille. En résumé, sur les papyrus, on trouve généralement: - Le titre débutant par cette phrase : « Inscription concernant… » ; - L’examen clinique, inspection et palpation : « si tu examines un homme ayant… tu dois palper… » ; - Vient alors le diagnostic : « Tu diras à ce sujet… » ; - Puis, le verdict : « A traiter », « à combattre », « on ne peut rien » ; - Enfin, s’il est possible, le traitement.
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Pathologies bucco-dentaires par les Drs Pauline Ledent & Xavier Riaud L’étude paléopathologique de nombreux crânes de momies égyptiennes a permis de connaître les affections bucco-dentaires présentées par cette population. D’après les études de Ruffer (1912) et Elliot Smith (1907-1908), les caries sont rares aux époques reculées et parmi les classes les plus modestes, tandis que l’usure, et les maladies parodontales sont plus fréquentes. Cette tendance s’inverse aux basses époques et parmi les gens les plus fortunés qui peuvent s’offrir une nourriture plus sucrée, et moins abrasive. Lors de l'étude des crânes de momies égyptiennes, on est frappé par la fréquence extrême et la sévérité de l'usure des dents. C’est l'affection dentaire la plus fréquemment rencontrée chez les anciens Egyptiens. L'usure dentaire est la détérioration des tissus durs de la dent, qui entraîne une perte de substance. Elle est due à la combinaison de l’érosion, de l’abrasion et de l’attrition. L’érosion dentaire, c’est une usure pathologique des dents causée par un processus chimique de dissolution, résultat d’attaques acides. Cependant, l’alimentation des Egyptiens est peu acide. L'abrasion dentaire, c’est un processus mécanique d'usure des dents par frottement d'une substance ou d'une structure, causé par des forces autres que celles de la mastication. La raison principale de l’abrasion a été pendant longtemps l’alimentation et les particules du bol alimentaire qui rayent la surface dentaire. L’attrition dentaire, c’est une perte de substance dentaire résultant d'actions mécaniques masticatoires ou d'une parafonction limitée aux surfaces dentaires en contact (bruxisme, malocclusion). Pour apprécier le degré d’usure des dents, il faut disposer d’une échelle quantitative. La classification de Broca (1879) distingue 4 phases dans l’évolution de l’usure occlusale.
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1er stade : usure de l’émail ; 2ème stade : usure de l’émail et mise à nu d’une partie de la dentine ; 3ème stade : début de confluence des îlots de dentine dénudée ; 4ème stade : la confluence est terminée avec disparition des reliefs des surfaces triturantes. Après l’âge de 30 ans, le stade quatre est le plus fréquent chez les anciens Egyptiens. Il faut signaler que, pour un même mode d’alimentation, à un âge identique et avec un articulé semblable, le degré d’usure n’est pas identique. Le facteur génétique intervient sur la qualité de l’organe dentaire (dureté du tissu amélo-dentinaire: minéralisation, structure de l’émail, réaction des odontoblastes à une agression ; solidité du ligament alvéolodentaire). Leek (1967), le premier, s'est livré à des recherches sur les causes de cette usure, s'orientant d'abord vers des causes physiologiques d'origine articulaire. Il distingue trois positions de base : - 1 : articulation normale ; - 2 : articulation en bout à bout ; - 3 : prognathie mandibulaire. Leek explique : « L'articulation normale ne favorise pas l’usure. Par contre, dans les cas 2 et 3, les mouvements de latéralité sont plus faciles et l'usure est d'autant plus grande. Toutefois, si certaines mâchoires correspondent aux cas 2 et 3, la plupart des échantillons étudiés présentent une articulation normale de type 1. Malgré cela, l'usure est générale ». En étudiant les profils par téléradiographies, Bolender, Frank et Meyer ont trouvé 77 % d’orthognathes, 17 % de mésognathes, et 5 % de prognathes. Il semblerait que, dans la plus grande partie des cas, les classes 3 sont dues à l'usure et non l'inverse. Les causes physiologiques ne sont donc pas très convaincantes. Cette usure sévère peut être justifiée, pour une part infime, par un phénomène de bruxisme, mais l’explication se trouve surtout dans les habitudes alimentaires des Egyptiens. En effet, on retrouve des particules minérales (sable, feldspaths, mica, grès…) dans le pain et, sans doute, dans la majorité des mets préparés. Des phytolithes sont présents dans les tissus de nombreux végétaux poussant dans les marais ou au bord du Nil. Les Egyptiens mangent peu de viande et consomment principalement des légumes crus. Or, les aliments mous
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favorisent l'usure dentaire, car les dents entrent beaucoup plus en contact lors de la mastication. De plus, du papyrus, cru ou bouilli, et plusieurs espèces de graines de cucurbitacées, notamment les graines de pastèques, sont utilisés comme masticatoires, substances que l’on mâche pour stimuler la sécrétion salivaire. L’observation de Brothwell, après examen de la dentition des momies découvertes dans les tombes royales d’Abydos, montre que, pour les Egyptiens de haut rang social, la nourriture étant plus raffinée et plus soigneusement préparée, l’abrasion de leurs dents est par conséquent plus faible. Le degré d’usure dentaire est plus important sur des sujets des périodes prédynastiques que sur les Egyptiens ayant vécu plus tard. Cette différence s’explique par le fait que les préparations culinaires sont devenues de plus en plus élaborées au fil du temps. Cela permet de conclure que l’usure diminue quand le degré de civilisation et le niveau social augmentent.
Usure dentaire sur une arcade maxillaire égyptienne. Photographie du Dr Laurent Dussarps.
L’usure atteint aussi bien les faces occlusales que les faces proximales, et les dents temporaires que les dents permanentes. Elle augmente avec l’âge et est plus marquée chez les hommes. L'usure n'est pas souvent symétrique. Elle est différente sur les dents du même secteur, en particulier entre la première et la dernière molaire, la dent de six ans étant la plus touchée. Elle est plus marquée sur les molaires que sur les incisives. D’abord horizontale, elle touche ensuite surtout la partie occluso-palatine des dents maxillaires et la partie occlusovestibulaire des dents mandibulaires.
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L’importance de l’usure des dents déciduales est beaucoup plus prononcée que de nos jours. Sur les crânes d’enfants égyptiens, on remarque que l’usure occlusale est très importante au niveau des incisives et aboutit à une occlusion de type labidodonte (bout à bout). Bolender, Frank et Meyer ont tiré, de leur étude, la conclusion suivante: « L’usure occlusale est particulièrement intense au niveau des dents permanentes et surtout localisée aux molaires et prémolaires. Il en résulte un aspect hélicoïdal de la table occlusale. (…). Au niveau des incisives, l’usure occlusale aboutit à une occlusion labidodonte ».
Usure dentaire sur une arcade mandibulaire égyptienne. Photographie du Dr Laurent Dussarps.
L’usure sévère des tissus dentaires coronaires ne peut pas, le plus souvent, être compensée par l’élaboration de dentine secondaire. On observe alors une ouverture traumatique de la pulpe, plus fréquente au maxillaire qu'à la mandibule. Il s’ensuit une mortification pulpaire et une nécrose. L’infection gagne la zone apicale, puis devient périapicale. Elle atteint le parodonte et l’os alvéolaire. En l’absence de traitement, un abcès dentaire - sur un crâne asséché, il est marqué par la présence d’une ouverture circulaire sur la paroi alvéolaire dans la région de l’apex de la dent causale -, avec ou sans fistulisation, peut se former. Il peut évoluer sur un mode chronique et aboutir à la formation d’un granulome, ou d’un kyste, plus ou moins étendu, ou sur un mode plus aigu. L’infection peut alors s’étendre à la muqueuse, sous forme de cellulite circonscrite ou diffuse, ou à l’os, sous forme d’ostéite ou d’ostéomyélite. Enfin,
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dans certains cas, une septicémie est l’aboutissement de l’infection. Le terme parodontite désigne une inflammation du parodonte. Elle entraîne l'apparition progressive de la racine de la dent, sa mobilité, puis sa chute. La parodontite évolue avec l’âge et s’accompagne d’une perte osseuse appelée alvéolyse, qui peut être horizontale et/ou angulaire. Les atteintes parodontales sont très fréquentes chez les anciens Egyptiens, comme l’attestent les pièces anatomiques examinées et les multiples remèdes proposés dans les papyrus médicaux pour « prévenir la perte des dents mobiles ». 30 % des crânes étudiés présentent une parodontite importante. Les études sur la présence du tartre au niveau de la denture des momies égyptiennes ne peuvent donner lieu à des statistiques justes. En effet, les crânes secs étudiés sont parfaitement propres et nettoyés complètement, y compris pour ce qui est du tartre. D’autres, moins nettoyés, ont leurs dents encrassées, soit de tartre, soit de sable ou d’éléments minéraux naturels présents dans le sol de la sépulture. Il est parfois difficile de les différencier, à moins de procéder à une analyse chimique au cas par cas. Il a été constaté que le tartre est présent le plus souvent au niveau des incisives du bas, généralement en quantité modérée. Cette constatation est étonnante, bien que l’on ne puisse exclure le fait que les Egyptiens observent une certaine hygiène. De plus, leur alimentation doit être suffisamment abrasive pour inhiber la rétention de plaque et de tartre sur les dents. Quelques cas présentent du tartre localisé au niveau des molaires inférieures. Le manque d’hygiène, la surcharge occlusale, résultat de changements de mastication dus à l’abrasion des cuspides, et la suppression des points de contact peuvent provoquer un élargissement du desmodonte, qui s'accompagne d'une perte d'étanchéité du sulcus, d’un remodelage de l’os alvéolaire et de l’apparition d'une pathologie parodontale. L’os alvéolaire semble cependant résister assez bien aux agressions dont il est victime (tartre, absence des points de contact, lésions périapicales). Mais, cette relative résistance n'est, en fait, que la conséquence de l'âge du décès (25 - 35 ans) des Egyptiens de cette époque, ne laissant pas le temps aux lésions de s’installer complètement et donc d’endommager davantage le parodonte.
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Un changement de morphologie des condyles de mandibules égyptiennes est observé. La tête du condyle subit une modification de toutes ses surfaces avec une diminution de ses dimensions. Sur la surface articulaire, la partie convexe est réduite en une surface plane ou crénelée. La cavité glénoïde subit elle aussi un remodelage. Les modifications étant symétriques, on peut rejeter une étiologie infectieuse. Ce changement serait dû à une surcharge de la capacité fonctionnelle de l’articulation temporo-mandibulaire. Dans une étude réalisée par Leek, portant sur une cinquantaine de crânes pour une période couvrant toute la civilisation égyptienne, on note une importante abrasion des faces occlusales des molaires (de 1 à 4 mm), ce qui entraîne une modification de l’occlusion et une diminution de la hauteur de la dimension verticale. De plus, la disparition du relief cuspidien modifiant fortement la cinématique mandibulaire masticatrice, des mouvements musculaires anormaux peuvent apparaître. Cette perte de hauteur pourrait être la raison des modifications des condyles et des troubles des articulations temporo-mandibulaires, pouvant entraîner une luxation mandibulaire et parfois même une ostéoarthrose bilatérale des condyles mandibulaires.
Condyle mandibulaire d’un crâne de momie égyptienne, présentant une déformation importante liée à l’arthrose. Photographie du Dr Laurent Dussarps.
Il est pratiquement impossible de déterminer un indice C.A.O. fiable concernant les populations de l’Egypte antique. En effet, un certain nombre de dents, essentiellement monoradiculées,
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sont manquantes. Ce sont des dents perdues pendant la vie de l’individu et dont on ne peut déterminer avec exactitude l’affection responsable de leur chute, ou des dents perdues postmortem, dans la tombe d'origine, mais également au cours des différentes manipulations des momies. En outre, les classements répétés des pièces archéologiques se sont accompagnés de pertes ou de mélanges d'étiquettes, et d'erreurs de recopies. La fréquence de la maladie carieuse augmente progressivement au fil des dynasties, de la période prédynastique jusqu’à l’ère chrétienne. Les études de Leek montrent un pourcentage de 3,19 % de sujets atteints de caries pour les premières dynasties. Celles de Brothwell, quant à elles, définissent un pourcentage de 8,7 % pour les dernières dynasties, voire 20 % au cours des périodes chrétiennes. Ces études n’ont pas le caractère définitif d’une étude clinique in vivo. Ces chiffres sont donc à nuancer. Dans l’ensemble, il apparaît que la fréquence des caries est moins élevée que de nos jours. L'étude de Quenouille en 1975, portant sur des crânes de l’Egypte antique conservés au musée de l'Homme, révèle un indice carieux de 2,09 caries par personne, donc nettement plus faible que notre indice C.A.O. actuel. Cette moyenne a été déterminée après l'examen de crânes secs, appartenant à des individus décédés dans une tranche d'âge de 30 à 40 ans. De plus, Quenouille a précisé que les formes d’atteinte carieuse sont identiques en qualité dans l’Egypte antique et dans notre monde moderne : progression avec l’âge (pourcentage maximum dans les tranches de 18 à 30 ans) ; différences entre les sexes (les femmes sont plus touchées) ; atteinte par dent (les molaires sont les plus atteintes, notamment les dents de sagesse) ; ou encore symétrie de l’atteinte. D’après Quenouille, les Egyptiens de l’Antiquité sont relativement peu touchés par la carie. Il ne semble pas qu’il s'agisse d'une question d'hérédité, mais plutôt d'alimentation. En effet, leur régime alimentaire est frugal principalement pour les classes les plus démunies, pauvre en hydrates de carbone - le sucre raffiné n’existe pas - et en substances acides, mais riche en produits cariostatiques comme les légumes, le pain entier, ou encore la bière. Dès l'Ancien Empire, les Egyptiens aisés souffrent de lésions carieuses alors que le peuple est assez épargné. Malheureusement, au Moyen Empire, et plus encore au Nouvel Empire, la pathologie se généralise et finit par
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gagner toutes les couches de la population. En effet, l’alimentation devient beaucoup plus copieuse, bien plus riche en aliments cuits et sucrés. L’indice carieux en Basse-Egypte est sensiblement plus élevé qu’en Haute-Egypte. La BasseEgypte jouit d’une agriculture privilégiée. Les terres sont régulièrement irriguées, permettant la culture sur une assez grande échelle. La Haute-Egypte, en revanche, étroit ruban vert au milieu du désert, écrasée de chaleur pendant 6 mois, balayée par les vents de sable, est d’une richesse beaucoup plus limitée. Il est probable que la nourriture y est moins abondante et variée, d’où un faible indice carieux. Les sites carieux sont plus préférentiellement des dents cuspidées. Les lésions carieuses se situent aussi bien sur les dents permanentes que sur les dents temporaires. La dent de six ans est la plus significativement atteinte. D’autre part, la fréquence de la lésion carieuse est plus élevée à la mandibule qu’au maxillaire. Pour Quenouille, la localisation de l’atteinte carieuse prédomine sur les molaires inférieures.
Atteinte carieuse proximale sur une 2ème prémolaire droite. Photographie du Dr Laurent Dussarps.
Les dents antérieures chez les Egyptiens sont très rarement le siège de lésions carieuses, du fait de l'absence d'aliments acides, de sucre et grâce à l'auto-nettoyage des dents par les lèvres. La topographie des caries est similaire à celle observée de nos jours : caries proximales, caries du sillon et caries du collet. On aurait pu croire que l'usure, en formant des surfaces planes empêchant les rétentions alimentaires, diminuerait ces atteintes carieuses. Or, il n'en est rien. 47,7 % des lésions carieuses sont
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occlusales et la suppression des points de contact provoque 38,8 % de caries proximales. Ceci s’explique par la mise à nue de la dentine avec disparition complète de l’émail du fait de l’usure. La dent n’étant plus protégée par l’émail, la susceptibilité à la carie est beaucoup plus importante. Le manque d’hygiène et la stagnation des aliments au collet des dents induisent proportionnellement peu d’atteintes carieuses. Le chiffre avancé est de 12,2%. Bolender, Franck et Meyer, en 1964, ont réalisé une étude systématique de l’histopathologie des divers stades de caries chez les momies égyptiennes. La carie des sillons débute par une invasion des parois latérales de l'émail, bordant la fissure qui est le siège de rétentions alimentaires. Ce type de carie se continue par l'infiltration des couches dentinaires. La dentine réagit à l’agression en constituant un cône de réaction dentinaire caractéristique, avec une zone de dentine transparente, sous-jacente à une couche de dentine opaque décalcifiée. La carie de l'émail des faces proximales est comparable à un cône d’infiltration carieuse de coloration brunâtre, dont le sommet est dirigé vers la dentine et dont la base correspond à la surface de l'émail. Le développement des lésions carieuses provoque de vastes destructions de la couronne dentaire et de nombreuses complications : nécroses pulpaires, lésions périapicales, lyses osseuses, granulomes, kystes et, dans les formes extrêmes, ostéites, et septicémies. Environ 20% des caries provoquent une ouverture pulpaire importante accompagnée d’une atteinte apicale.
Atteinte périapicale, conséquence d’une atteinte carieuse sur l’incisive latérale droite. Photographie du Dr Laurent Dussarps.
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Dans l’Antiquité égyptienne, les anomalies dans la position, la structure et le nombre des dents sont rares. Les dysmorphoses maxillo-dentaires, ainsi que les malpositions dentaires sont très rares chez le peuple égyptien. L’importance de l’usure interproximale provoque une réduction de la longueur des arcades par mésialisation des dents, ce qui serait à l'origine, selon Begg, du peu de malpositions dentaires observées. D’ailleurs, les dents de sagesse sont souvent présentes sur l’arcade et en bonne position, même si des examens radiologiques ont révélé la présence de dents de sagesse incluses sur certaines momies. Chez les anciens Egyptiens, les agénésies touchent principalement les dents de sagesse, puis les incisives latérales supérieures, et les deuxièmes prémolaires inférieures. Il est difficile de déterminer un pourcentage d’agénésie des dents de sagesse, car elles ont très bien pu être perdues suite à une parodontite ou une carie. Bolender, Frank et Meyer décrivent un cas d’incisive latérale supérieure surnuméraire, qui, par ailleurs, est bien rangée sur l’arcade. Les anomalies de taille et de forme sont rares et peu significatives. Le tubercule de Carabelli est fréquemment présent sur les premières molaires supérieures. On retrouve parfois la présence d’une cuspide supplémentaire vestibulaire sur ces mêmes molaires. Les racines dentaires peuvent présenter une hypercémentose, ainsi que des phénomènes de rhizalyse pathologique. En ce qui concerne les anomalies de structure, Leigh signale la rareté des hypoplasies chez les Egyptiens, localisées exclusivement sur les molaires. L'anomalie la plus répandue concerne le trou mentonnier. Sa localisation habituelle est entre les racines de la première et de la deuxième prémolaire mandibulaire. Sur les mandibules égyptiennes anciennes, on le retrouve très souvent entre la seconde prémolaire et la première molaire, et parfois même sous la racine mésiale de la première molaire. Certains crânes présentent même un trou mentonnier double, toujours situé à droite. La présence de plusieurs trous mentonniers peut s'expliquer comme la résurgence d’un dispositif plus complexe présent chez les mammifères moins évolués. Les modifications du plan d’émergence du paquet vasculo-nerveux au cours de
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l’évolution sont le reflet des changements intervenus dans la sensibilité tactile de la face d’une part et des plans musculaires peauciers d’autre part. On a également retrouvé de nombreuses traces d’infections périapicales, en communication avec les sinus maxillaires. On peut en conclure que les sinusites d’origine dentaire ne sont pas rares. En outre, un grand nombre de crânes montre une cloison nasale déviée à tel point que la respiration, devenant impossible par le nez, a dû être uniquement buccale. Pour finir avec la pathologie bucco-dentaire, Thierry Bardinet, dentiste de profession, a eu l’occasion d’étudier le papyrus du Louvre 32847. Il y rapporte des cas particuliers qui méritent d’être cités : - recto 31, 1-4 : un cancer de la mâchoire est décrit. « Descriptif pour une ulcération de type khesed à la mâchoire. Si tu cherches les signes distinctifs d’une ulcération de type khesed à la mâchoire qui laisse couler un liquide et qui ne peut être desséchée par aucune médication et que tu trouves en outre du sang à son ouverture, tu diras à ce propos : c’est un homme perdu3. » - verso 1, 3-7 : un abcès pharyngé est dépeint et traité. « [Descriptif médical pour un gonflement au niveau du cou]. Si tu cherches les signes distinctifs d’un gonflement au niveau du cou alors que tu ne peux pas distinguer cela de tes yeux ni examiner cela avec tes doigts en dehors de l’œdème qui accompagne cela tout autour et que si, quand tu palpes cela avec la main, c’est très douloureux pour le malade, alors qu’il ne peut plus ni avaler sa salive, ni faire jouer sa mandibule et si, chaque fois qu’il boit, il y en a un peu qui sort de son nez alors que tu ne peux trouver quelque chose à l’intérieur de sa bouche ni tout autour, aussi importante trouveras-tu la chaleur de son haleine, tu diras concernant cela : il s’agit du cas de l’homme atteint par des ganglions (remplis) d’oukhedou au 3
Cf. Bardinet Thierry, « Dentistes et soins dentaires à l’époque des pharaons », in Dents, dentistes et art dentaire, sous la direction de Franck Collard & Evelyne Samama, L’Harmattan (éd.), Paris, 2012, pp. 145-158.
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niveau du cou. Ils ont créé une ulcération de type khesed qui a formé du pus, une affection que je traiterai. Tu lui prépareras […] douce mélangée avec de la […] renforcée de minéral-saou. Ce sera avalé souvent, de nombreux jours, entre deux températures. C’est un moyen de détruire4 […] » Thierry Bardinet, toujours, dans le même article, mentionne une subluxation de la mandibule qui est signalée dans le papyrus Edwin Smith n°25 (9, 2-6). « Descriptif concernant un désajustement de la mandibule. Si tu procèdes à l’examen d’un homme (atteint) d’un désajustement de la mandibule, et que tu constates que sa bouche est ouverte, sa bouche étant incapable de se fermer, tu devras placer tes pouces aux extrémités des griffes de la mandibule, à l’intérieur de sa bouche, et tes autres doigts sous son menton. Tu les [les griffes] feras aller vers le bas de sorte qu’elles soient remises en place. Tu diras à ce sujet : un homme atteint d’un désajustement de la mandibule, un mal que je peux traiter. Tu devras le panser avec de l’imrou, du miel, chaque jour, jusqu’à ce qu’il aille bien5. » Les études du crâne d’Amenhotep III, pharaon de la 18ème dynastie, dont le règne se situe entre -1391/-1390 et -1353/1352 av. J.-C., mettent en évidence qu’il a souffert de gingivites chroniques et aiguës qui ont certainement compromis son état de santé général. Amenhotep III a perdu, avant sa mort, ses incisives supérieures. On a également relevé les traces d’un abcès alvéolaire au niveau des racines des incisives inférieures droites, d’un autre abcès moins étendu au-dessus de la racine de la 13 et d’un abcès au niveau d’une des racines de la 36.
4 Cf. Bardinet Thierry, « Dentistes et soins dentaires à l’époque des pharaons », in Dents, dentistes et art dentaire, op. cit., 2012, pp. 145-158. 5 Cf. Bardinet Thierry, « Dentistes et soins dentaires à l’époque des pharaons », in Dents, dentistes et art dentaire, op. cit., 2012, pp. 145-158.
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Crâne de la momie d’Amenhotep III. Disponible sur http://en.wikipedia.org/wiki/File:Amenhotep_III_mummy_head.png.
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Pharmacopée égyptienne Homère écrit à propos de l’Egypte: « Terre féconde qui produit en abondance des drogues ; les unes sont des remèdes, les autres des poisons ; pays de médecins, les plus savants du monde ». Les différents produits constituant la pharmacopée de l’Egypte ancienne sont d’origine animale, minérale et végétale. Il est souvent difficile, dans l’état de nos connaissances, de traduire certains termes de cette pharmacopée, comme par exemple « l’œil du ciel » ou encore « l’onguent coûteux ». Les médecins égyptiens utilisent principalement les ressources du monde extérieur. Remèdes et ingrédients comme alun, encens, malachite, myrrhe, natron, ocre jaune, résines d’Oliban, etc. sont ramenés des rives du lac Tchad, de la Nubie, de l’Ethiopie, d’Arabie… Apparemment, les ingrédients sont parfois choisis parce qu'ils dérivent d'une substance, d’une plante ou d’un animal qui présente des caractéristiques qui, en quelque sorte, correspondent aux symptômes du patient. C'est ce qu'on appelle le principe du « similia similibus curantur » (« traitement par les semblables ») qu’on retrouve tout au long de l'histoire de la médecine jusqu’à la pratique moderne de l'homéopathie. Ainsi, l’œuf d’autruche est-il utilisé dans le traitement de la fracture du crâne. Les historiens de la pharmacie donnent une autre explication. Selon une opinion très répandue, ces ébauches de pharmacopées se seraient constituées de façon empirique. La nécessité de se nourrir ayant poussé les hommes à goûter aux végétaux qui les entourent, ils ont pu constater que les crampes d'estomac cessent lorsqu'ils mâchent certaines plantes, qu'il y en a d'autres qui font disparaître la fatigue ou la douleur, d'autres encore qui provoquent la mort. C'est ainsi qu'auraient été sélectionnés, au fil des générations, les plantes médicinales et les poisons.
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Les préparations médicamenteuses sont souvent longues et compliquées. Fort nombreuses, elles multiplient les principes actifs et s’associent souvent à des formules magiques. Elles obéissent à des règles précises et claires, en général bien exposées dans les recettes. La prescription est composée de trois parties distinctes : l'inscription, la souscription et l'instruction. L'inscription, c'est l'énumération des différentes substances utilisées avec, soigneusement notée à côté de chacune d'elles, la dose dont il faut user et ceci en doses fractionnaires. En effet, jusqu'aux Grecs, les ingrédients sont mesurés et non pesés. La souscription, quant à elle, comporte les indications nécessaires à la fabrication de la préparation magistrale: broyer, cuire, mélanger, malaxer, laisser reposer, filtrer, etc. Pour que le remède puisse être aisément absorbé, on le mêle à un excipient qui peut être du miel, de l'eau claire, du lait, de la bière douce, de l’huile ou du vin. L'instruction renseigne sur le mode d'administration des remèdes, l'heure à laquelle le remède doit être donné, le jour ou la saison, l'âge des patients concernés, la durée du traitement… Les modes d'administration sont ingénieux: potions, gargarismes, bains de bouche, infusions, décoctions, macérations, pilules, pastilles, boulettes, cataplasmes, onguents, pommades ophtalmiques et auriculaires, emplâtres, collyres appliqués à l'aide d'une « plume de vautour », inhalations, fumigations, suppositoires, lavements, tampons et injections vaginales. La médecine égyptienne vise à soigner le plus localement possible. Chez les très jeunes enfants, le médicament est dilué dans du lait frais ou administré par l'intermédiaire du lait de leur mère, à qui il a été préalablement prescrit. On peut également enduire les seins de la nourrice du remède avant la tétée. Les médecins se chargent eux-mêmes de préparer ces recettes, mais ils peuvent être secondés par un assistant avec lequel ils partagent leurs secrets. Les substances d'origine animale et humaine entrent dans la composition de plus de la moitié des 1 740 recettes recensées. Ces produits animaux ont, pour certains, de réelles vertus. Foie : riche en vitamine A, il entre dans la composition de recettes ophtalmologiques. Graisse : la graisse est tirée d'animaux d'élevage (bœuf, porc, oie, âne) et du gibier. Purifiée à la chaleur, elle est utilisée en
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raison de son rôle adoucissant et émollient, ou pour éviter l'adhérence du pansement sur la plaie. Rarement utilisée seule, elle sert le plus souvent d’excipients pour édulcorer, cuire, ou donner une consistance grasse aux remèdes. Huile : d’origine animale ou végétale, elle semble posséder la propriété d’assouplir et de supprimer les raideurs. Les remèdes comportant de l’huile sont appliqués sous forme de pommade ou d’onction. Lait : les Egyptiens utilisent le lait animal (de vache, de chèvre, d’ânesse) et le lait des femmes. Le lait d'une femme ayant enfanté un garçon est considéré comme ayant des vertus particulières. Il est principalement utilisé pour traiter les brûlures et dans des traitements ophtalmiques. Le lait de femme « ordinaire » semble n'être qu'un excipient de qualité supérieure pour des potions, des lavements ou des remèdes locaux. Le lait de vache est employé en boisson, en lavements, en injection vaginale et en application locale. En potion, le lait est employé surtout dans les maladies de la digestion et contre la toux. En lavements et en injection vaginale, il est employé comme rafraîchissant. En lavement de bouche, il est utilisé contre les maladies de la langue et des dents. Miel : il se rencontre très fréquemment dans les cataplasmes, les onguents, les collyres, les clystères et les préparations par voie buccale. Il sert de liant, idéal pour appliquer les mixtures. Le miel est utilisé pour ses propriétés adoucissantes et antiseptiques, antibactériennes et antifongiques. Il est également légèrement laxatif. De par sa nature adoucissante, il atténue les irritations de la gorge lorsqu'on le laisse fondre lentement dans la bouche ou lorsqu’on l’utilise en gargarismes. Il est cité 12 fois dans les papyrus Ebers et de Berlin contre la toux. Il possède des propriétés hygroscopiques (tendance à absorber l'humidité) qui lui donnent un pouvoir antiseptique en modifiant le milieu dans lequel se développent les germes, ce qui protège en partie de l'infection des plaies. Il active la cicatrisation des brûlures et des blessures. Moelle osseuse : elle semble surtout considérée comme un corps gras et entre ainsi dans la composition des pommades oculaires et des pansements. Œuf : l’œuf est utilisé dans des prescriptions comme topique.
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Piquant de hérisson : le piquant de hérisson, une fois brûlé, fournit du carbonate de calcium qui est une substance antiacide et un pansement digestif. Poissons : on utilise les propriétés électriques de certains poissons du Nil, et notamment du poisson-chat électrique du Nil, pour traiter les migraines et réduire les douleurs dues à l’arthrite. Rate : seule, la rate de bovin est utilisée et seulement en application externe, surtout dans des pathologies rhumatologiques, pour assouplir. Souris : prescrites notamment lors des troubles de la dentition ou contre la salivation excessive chez l’enfant. Toiles d'araignées : utilisées comme désinfectant, car elles contiendraient naturellement une substance à action de type antibiotique faible. Urine : de par ses propriétés antiseptiques et calmantes dues à sa concentration en ammoniac, elle est employée dans des applications externes. De plus, l’urine d’origine humaine est utilisée pour pronostiquer la fertilité d'une femme. Viande : en absorption, on lui prête une action favorable sur l'estomac, sur la digestion, sur les douleurs abdominales. En application externe, la viande fraîche est utilisée sur des plaies ouvertes pour un effet calmant grâce à son caractère astringent et homéostatique. Cependant, elle est parfois appliquée sur des contusions, des fractures fermées, car la croyance égyptienne veut que la viande, prélevée sur un animal récemment abattu, reste encore imprégnée de vie et est apte à favoriser la régénération des tissus meurtris. Parmi les substances animales entrant dans la composition des recettes médicales, on trouve également la bile, la cervelle, la cire d’abeille, le cœur, le sang d'animaux divers, les tripes, etc. Les prescriptions comportent également des produits étonnants et qui relèvent davantage de la magie (pharmacopée magique, la maladie provenant d’esprits maléfiques): sang de dragon ou de lézard, chair de lézard, venin de serpent, poils de singe, queue de truie, sang de crocodile, écailles de tortue, infusion de scorpions, etc. La thérapeutique excrémentielle est également très répandue. Les excréments utilisés peuvent aussi bien être d'origine animale (âne, crocodile, gazelle, hippopotame, lézard, pélicans,
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mouche, petits bétails) que d’origine humaine. Ils sont utilisés en application locale, en instigation ou en fumigation. Une nourriture aussi répugnante que possible est administrée aux malades, afin de dégoûter l’esprit qui a envahi le corps et a provoqué la maladie, esprit qui se nourrit des aliments ingérés par le malade, et ainsi afin de l’inciter à quitter le corps. On peut également trouver d’autres « remèdes » repoussants: urines animales, organes génitaux animaux (utérus de chatte, vulve de chienne, pénis d’âne, etc.), eau souillée, viande en putréfaction, graisse malodorante… Certaines de ces substances se sont avérées inefficaces ou nocives. Les éléments minéraux utilisés sont variés. Ils peuvent être pulvérisés ou conservés à l'état solide. Parmi eux, on trouve : Albâtre calcaire: c’est une calcite. Ses composants principaux sont le carbonate de calcium et le carbonate de magnésium. L’albâtre en poudre est employé avec d'autres ingrédients dans la préparation de divers onguents, en particulier pour les soins de la peau. Alun : l’alun est du sulfate double d'aluminium et de potassium. C’est un émétique (vomitif), un antiseptique et un hémostatique. Sous forme non desséchée, il est astringent. Localement, il agit en contractant les tissus et les capillaires. Sous forme desséchée, il est à la fois astringent, légèrement caustique (corrosif) et déshydrate les tissus. On l’applique ou on l'insuffle sur les verrues, les ongles incarnés… Antimoine : il est utilisé dans des collyres. Sous la forme de stibine (sulfure naturel d'antimoine), c’est un résolutif (fait disparaître l’inflammation), un émétique, un antigoutteux, un cathartique (purgatif). Sous forme d'oxyde (rare), il est astringent et rafraîchissant. Arsenic : malgré sa toxicité, l’arsenic est utilisé, en raison de son action corrosive sur les parasites, contre la toux, les affections des cordes vocales. Boue : utilisée dans la préparation d’onguents et de baumes. Calamine : c’est un silicate hydraté naturel de zinc qui possède des propriétés astringentes. Calcium : sous forme de chaux (oxyde de calcium) ou de carbonate de calcium, utilisé comme antiacide et pour protéger les muqueuses.
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Céruse : carbonate de plomb, elle a des propriétés astringentes et rafraîchissantes comme agent externe. Pigment d'un blanc très couvrant, la céruse sert à fabriquer du fard blanc. Chrysocolle : silicate d'hydroxyde de cuivre, astringent et hémostatique, utilisé comme collyre dans des recettes ophtalmologiques. Cinabre : c’est un composé de sulfure de mercure qui est utilisé comme pigment rouge. Fer : sous forme d’oxyde de fer, il est employé contre l’hydropisie (accumulation anormale de liquide dans les tissus de l'organisme ou dans une cavité du corps). Galène : sulfure naturel de plomb, utilisée dans des recettes ophtalmologiques. Ce minerai gris foncé est également utilisé en cosmétique comme pigment noir et ingrédient de base pour la préparation du khôl. Chrysocolle et galène sont également utilisés comme médication prophylactique et curatrice contre l’érysipèle autour de la bouche (Ebers n° 91). Lapis-lazuli : silicate d’aluminium et de sodium, il est utilisé réduit en poudre. Magnésium : utilisé sous forme de magnésie (oxyde ou hydroxyde de magnésium), c’est un antiacide, un laxatif alcalin et un purgatif à haute dose. Malachite : carbonate naturel de cuivre, minerai vert utilisé en cosmétique. On se farde les yeux avec de la poudre de malachite. Minium : oxyde de plomb. Il est utilisé en cosmétique comme pigment rouge. Natron : encore appelé sel du nord. C’est un mélange de carbonate de soude ayant la propriété de dissoudre les corps gras, de bicarbonate de soude, de chlorure de sodium, de sulfate de sodium, ainsi que de sels minéraux divers. Cet élément minéral est utilisé lors de l'embaumement, mais également en thérapeutique. En solution de 2 à 6 %, il a un pouvoir détersif alcalin et décape la peau séborrhéique. Il dissout les mucosités de la bouche, du nez et de l'estomac. Il favorise le bourgeonnement des plaies. Il est utile contre la gale, décapant la peau afin de mieux atteindre le parasite. Ocre jaune : argile pure colorée par un pigment d'origine minérale (oxyde ferrique naturel). Il est utilisé dans le
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traitement de la pelade (maladie du cuir chevelu), du trachome (maladies des yeux) et sur les brûlures. Oxyde de cuivre : doté d'une action résolutive et astringente. Associé en pommade à de l'oxyde de zinc, il est employé dans le traitement des furoncles et des anthrax. Pierre de Memphis : Dioscoride nous rapporte que les Egyptiens pratiquent l'anesthésie locale grâce à une pierre magique que l'on retrouve dans les environs de Memphis, sans doute calcaire. Il suffit de la réduire en poudre et de l'appliquer sur l'endroit désiré pour obtenir la cessation de la douleur. Pline l’Ancien, de son côté, dans Histoire Naturelle, la décrit comme du marbre, que l’on réduit en poudre et que l’on délaye avec du vinaigre pour provoquer un dégagement de gaz carbonique dont on connaît les propriétés anesthésiques locales. Il pourrait aussi s'agir d’un asphalte, peut-être recouvert d'un enduit narcotique à base d'opium, qui libérerait, au contact d’une flamme, des vapeurs capables d'étourdir le sujet ou d’élever le seuil de la douleur. Salpêtre : nitrate de potassium. Sel marin : chlorure de sodium. Sulfate de plomb : utilisé pour ses propriétés désinfectantes et astringentes. Des minerais comme l’acétate de plomb, l’argile, l’asphalte, la brique pilée, les éclats de meule, la faïence, le granit, le gypse, l’ocre rouge, la potasse, le sable, le silex noir, la suie, le sulfate de cuivre, la terre de Nubie, etc. sont également utilisés. La plupart des substances rencontrées dans les recettes médicales sont d'origine végétale. Le papyrus Ebers en mentionne à lui seul plus de 500. Un grand nombre de plantes utilisées n'ont malheureusement pas été identifiées par les égyptologues. Elles conservent, dans le texte traduit, leurs noms égyptiens : plante-sâm, plante-djaret, fruit-cheny-ta, fruit-peretcheny, résine-sa-our, etc. Les plantes sont employées sous toutes leurs formes : graines, tiges, feuilles, fleurs, racines, écorces, bois, fruits, résine, suc, vin. Certaines de ces plantes sont dotées de véritables vertus thérapeutiques. La plupart croissent en Egypte à l'état sauvage, ou ont été acclimatées, certaines depuis des temps immémoriaux, d'autres plus récemment.
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Enfin, il faut noter que les Egyptiens ont remarqué que la teneur en principes actifs des végétaux peut varier dans de notables proportions, selon les conditions d'humidité, de température, mais aussi selon la qualité du sol, la saison, etc. Les thérapeutes attribuent les variations d'activité d'une même plante à une cause mystique. Acacia : c'est l'espèce des régions chaudes qui donne les produits destinés à la médecine : le tanin, le cachou, la gomme arabique. Le tanin est utilisé comme tonique et astringent. La gomme arabique est un adoucissant très employé dans les maladies inflammatoires. Les principes actifs contenus dans la feuille d'acacia lui confèrent des propriétés antiseptiques, astringentes et antihémorragiques. Ail : son bulbe contient des substances antibiotiques. Il est utilisé en emplâtre sur des plaies et en remède administré per os. Anis : il possède des propriétés antalgiques et antiseptiques. Ses graines sont séchées, puis utilisées en infusions, ou mâchées. Blé : l’amidon de blé est un tonique et un émollient, employé contre toutes les inflammations ou irritations cutanées. Le son de blé, riche en phosphates solubles, est un émollient. Bière : obtenue par fermentation de l’orge, elle est utilisée comme adjuvant dans de nombreux remèdes et possède des vertus diurétiques, toniques et adoucissantes. La levure de bière, employée dans les affections intestinales et les maladies de la peau, contient de la vitamine B et possède des vertus antibiotiques contre le staphylocoque. Bryone: utilisée pour ses propriétés purgatives et son action diurétique. Cannelle : médicament homéopathique utilisé dans le traitement des bronchites et des pneumonies. Céleri : vertus orexigènes (substance capable d’augmenter l’appétit). Chanvre : utilisé comme sédatif et antispasmodique. Charbon de bois : utilisé par voie externe sur les plaies sanieuses. Concombre amer : utilisé pour ses vertus rafraîchissantes et en lotion contre les démangeaisons. Coloquinte : puissant purgatif.
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Coriandre : connue pour ses vertus rafraîchissantes, stimulantes, antiseptiques et digestives. Elle est utilisée pour lutter contre les abcès et les maladies cardiaques. Son action apaisante permet de calmer la toux et les douleurs dues aux caries. Cumin : plante fortifiante. Le cumin possède des propriétés antiseptiques, antalgiques et anesthésiques. Dattes : les dattes sont riches en minéraux, vitamine A et carotène. Elles contiennent de la vitamine B et D. Les dattes fraîches sont utilisées en odontologie. On utilise les noyaux chez les malades souffrant de l'estomac et contre la toux, car elles ont des vertus adoucissantes. Encens ou oliban : gomme résine odorante, antiseptique et résolutive, employée pour guérir les infections buccales, l’ulcère des jambes, les brûlures abdominales. Fenouil : en lotion, il est utilisé contre l'inflammation oculaire. En décoction, contre les insomnies, cru contre les flatulences et la constipation. Fenugrec : aliment de réserve qui contient des substances nutritives en abondance. Il est utilisé contre l'amaigrissement. Genévrier : la tisane tirée de son bois ou de ses baies est tonique et diurétique. En lotion, c’est un antiseptique pour les plaies et il atténue les douleurs rhumatismales. Girofle : le clou de girofle est utilisé en médecine, mais pas en thérapeutique dentaire. Goudron de houille : utilisé sous forme d'émulsion comme désinfectant. Grenadier : la fleur en bouton de grenadier fortifie les gencives et les dents mobiles. Son écorce et sa racine sont vermifuges. Huile d’amande douce : utilisée en potion ou en lavement comme adoucissant, et laxatif. Huile de cade : vertus cicatrisantes, odontalgiques, antieczémateuses et anti-herpétiques. Jujube : utilisé comme dentifrice et pour corriger la fétidité de l'haleine. Jusquiame : utilisée comme sédatif et antispasmodique. Lin : vertus calmantes quand sa farine est utilisée en cataplasme. Par son mucilage, le grain de lin agit comme laxatif. Mandragore : utilisée comme sédatif et antispasmodique.
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Mangue : propriétés astringentes. Mélilot : propriétés antispasmodiques, antiseptiques, diurétiques et calmantes. Menthe : utilisée en cas de problèmes digestifs et gastriques. Elle possède également des vertus énergétiques. Myrrhe : gomme résine aromatique. C’est un stimulant, un tonique, un antispasmodique et un anti-inflammatoire. Astringente, elle est aussi utilisée dans le traitement des ulcères de la bouche et des gingivites. Myrte : ses feuilles, prises en infusions, ont des propriétés astringentes et digestives. Noix de galle : propriétés astringentes. On emploie cette noix sous forme de décoctions ou d’infusions, en compresses ou en lavements contre les diarrhées, et surtout en injection contre les hémorragies passives. Orge : action rafraîchissante et adoucissante. Pavot : l'opium, extrait des capsules de pavot, est pratiquement la seule arme contre la douleur. En effet, c’est un anesthésiant, un analgésique, un sédatif. Le papyrus Smith recommande l'emploi des « fleurs de pavot rouge » sur les abcès et les plaies infectées. Pin : sa résine est utilisée en dermatologie, en traitement externe. Elle est également employée en infusions ou en décoctions, et en sirop comme excitant, diurétique, et en antiscorbutique. Raisin : utilisé par voie externe, c’est un émollient et un sédatif. Ricin : en plus de ses vertus laxatives, sa racine ou ses graines broyées sont utilisées pour traiter les céphalées, les problèmes cutanés, pour l’entretien des cheveux… Saule : l’écorce de saule, dont on extrait la salicine, possède un pouvoir astringent et fébrifuge (fait baisser la fièvre). Sycomore : correspond au Ficus Aegyptia. Les fruits du sycomore (des sortes de petites figues) sont dotés de vertus laxatives, émollientes et maturatives (accélère la suppuration d’un abcès). Réduits en pâte, on les applique sur les abcès. On les emploie aussi en gargarismes dans les fluxions (gonflements inflammatoires) douloureuses de la bouche. Térébinthe : sa résine est semi-liquide. Elle est employée en traitement externe sous forme de pommades. En traitement
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interne, elle est notamment utilisée contre les affections pulmonaires, les névralgies, les céphalées et les rhumatismes. Thym : utilisé comme antiseptique buccal, c’est aussi un diurétique, un antalgique et un astringent caustique. Parmi les espèces végétales mentionnées dans les papyrus, figurent également l’absinthe, l’acanthe, l’aloès, les amandes, l'ase fétide, le bambou, la bourdaine, la camomille, la caroube, le carthame, le cèdre, la chélidoine, le colchique, la courge, le cyprès, l'ébène, l’érable, la gentiane, le jonc, les figues, le ladanum, le laurier, le lotus, le lys, la manne, le melon, la moutarde, l’oignon, l’origan, le papyrus, la pastèque, la pistache, le poireau, le pois, le potamogéton, la rose, le roseau, le safran, la sauge, la scille, le séné, le sésame, le souchet odorant, le styrax, le tamarin, la valériane…
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Traitements Les recettes médicales s’adressant aux affections buccales et dentaires sont essentiellement retrouvées dans le papyrus Ebers, mais on en rencontre également dans le papyrus Hearst, le papyrus de Berlin, le papyrus Chester-Beatty n° XV et le papyrus Kahun. Dans la plupart des cas, le titre de la maladie, les ingrédients, le mode de préparation et d’application du remède sont inscrits. L’absence d’un examen détaillé entraîne quelques difficultés pour interpréter la maladie. Pour chaque pathologie, et selon les degrés d’atteinte des tissus, les praticiens ont différentes recettes à leur disposition et les appliquent selon un rituel particulier. Les médecins égyptiens ont remarqué que les maladies dentaires progressent différemment selon les individus. Ils justifient cela par les relations personnelles que chacun entretient avec les démons, la notion de résistance individuelle n’étant pas encore intégrée. Même si la pharmacopée égyptienne est large, les produits employés dans la thérapeutique dentaire sont d'un nombre assez restreint, puisque l'on retrouve les mêmes ingrédients tout au long des recettes destinées aux traitements bucco-dentaires. Parmi les substances utilisées, on rencontre des liquides (eau, bière, lait de vache, vin), des liants (miel, graisse, résine de térébinthe), des fruits (dattes, fruit du sycomore...), des légumes (céleri, fenouil…), des poudres minérales (sable, terre de sty, malachite...) et végétales (farines de céréales, fèves...), permettant de préparer des pansements dentaires, des masticatoires et des bains de bouche. Ces recettes pharmaceutiques, par leurs composants végétaux et minéraux, tiennent lieu à la fois de matériaux d’obturation, de produits antalgiques locaux et d’antiseptiques. Même si la constitution de certains remèdes peut faire sourire, on peut dire, comme l’écrit Gaston Maspero en 1876, que « dans le peu que savaient
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les médecins égyptiens, il y avait peut-être quelque mérite à l’avoir trouvé trente siècles avant notre ère ». Dans le papyrus Ebers, il est difficile de reconnaître les affections dentaires de façon précise, la traduction des recettes médicales variant d’un auteur à l’autre, et donc de différencier les atteintes parodontales des pathologies carieuses. Il semblerait que près de la moitié des recettes du papyrus Ebers intéressant l’odontologie concernent les gencives. Mais, cela est difficile à affirmer, car elles sont soit confondues avec les dents, soit désignées par le mot « chair », au sens littéral de tissus mous. De plus, il est compliqué de définir les différents stades des maladies parodontales : gingivites, parodontites… - Ebers n° 741 (89, 4-6): « Chasser une poussée d’oukhedou qui se trouve dans les dents : fruit entaillé du sycomore : 1 ; fèves : 1 ; miel : 1 ; malachite : 1 ; terre de sty : 1. (Ce) sera broyé, réduit en poudre et appliqué à la dent ». On a certainement affaire ici à une atteinte gingivale de type inflammatoire qu’il faut « chasser », peut-être une gingivite ulcéro-nécrotique ou une atteinte parodontale profonde. La préparation obtenue doit être utilisée comme emplâtre appliqué autour de la dent, sur la gencive malade. - Ebers n° 742 (89, 6-7): « Autre (recette), pour soigner une dent rongée à la racine (littéralement : « à l'ouverture de la chair superficielle/gencive », c’est-à-dire au collet) : cumin : 1 ; résine de térébinthe : 1 ; plante-djaret : 1. (Ce) sera réduit en poudre et appliqué à la dent ». La plante-djaret serait de la coloquinte d’après Dawson et Lefebvre, ou de la caroube fraîche selon Jonckheere. Cette préparation correspond certainement à un emplâtre d’une certaine consistance, destiné à être plaqué contre la dent en cours de déchaussement et contre la muqueuse lésée. - Ebers n° 745 (89, 8-9): « Autre (recette) pour soigner les dents au moyen d’un masticatoire : partie âmââ (d’une céréale) : 1 ; bière douce : 1 ; plante-chout-nemty : 1. (Ce) sera mâché et rejeté à terre ». La partie âmââ serait de la pulpe de datte selon Lefebvre ou la tige de l’orge pour Massart. La plante-choutnemty correspond à une herbe appelée plume de Thot, connue en botanique sous le nom de Potentilla reptans. Il s’agit de la recette d’un masticatoire et non d’un bain de bouche. La préparation doit être mâchée. Les plantes sont peut-être
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incorporées comme telles, plus ou moins fragmentées dans la bière. Ce remède paraît s’adresser aux affections de la gencive et non aux dents comme l’indique le titre. Il y a là un abus de langage, car des affections gingivales avancées peuvent provoquer des douleurs dentaires. - Ebers n° 746 (89, 10-11): « Autre (recette) pour chasser les abcès-benout dans les dents et faire (re)pousser les chairs superficielles : lait de vache : 1 ; dattes fraîches : 1 ; légume sec (rhizome de souchet comestible ou caroubes séchées): 1. (Ce) sera laissé au repos la nuit à la rosée. Mâcher et cracher ». « Faire (re)pousser » signifie certainement « laisser cicatriser » les tissus détruits par les benout. La consistance du produit final doit être semi-liquide. - Ebers n° 747 (89, 11-12): « Autre (recette) : planteineset (anis ?) : 1 ; fruit entaillé de sycomore : 1 ; terre de sty : 1 ; fruit-itched : 1 ; gomme, 1 ; plante-tiâm : 1 ; plante-besbes : 1 ; huile de moringa (ou de balanite ?) : 1 ; eau : 1. (Procéder) de même ». La recette a la même indication et le même mode d’utilisation que la précédente. - Ebers n° 748 (89, 12-13): « Autre (recette), pour renforcer les dents et pour soigner les dents : persil ou céleri : 1 ; plantedouât : 1 ; bière douce : 1. (Ce) sera mâché et rejeté à terre ». Il semble que, comme dans Ebers n° 745, la préparation obtenue s’adresse, non pas aux dents, mais à la gencive que l’on doit fortifier, et traiter médicalement pour réduire la mobilité dentaire associée. - Ebers n° 749 (89, 14-15) = Hearst n° 9 (1, 7-8): « Autre recette pour soigner (le mal provoqué par) le « sang qui mange » qui se trouve dans une dent : plante-qebou : 1/32 ; plante-djaret (coloquinte ou caroube fraîche) : 1/64 ; gomme : 1/16 ; fruits entaillés du sycomore : 1/8 ; plante-ineset (anis ?) : 1/32 ; eau : 10 ro. (Ce) sera laissé au repos la nuit à la rosée, puis mastiqué pendant quatre jours de suite ». C’est la première fois qu’on rencontre des doses indiquées de façon précise, au moyen de fractions. Aucun symptôme précis n’étant décrit, il est difficile d’identifier cette affection avec certitude. Ebbell pense qu’il s’agit du scorbut, mais Lefebvre pense plutôt à une parodontite.
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- Hearst n° 8 (1, 7): « (Recette pour une dent) qui tombe à terre : farine de mimi : 1 ; plante-âamou : 1 ; gomme : 1. (Ce) sera appliqué à la dent ». Cette recette a très probablement pour objet de stabiliser une dent mobile. La plupart des préparations utilisées pour lutter contre les atteintes parodontales sont des masticatoires. Tous ces remèdes doivent avoir au moins l’avantage de rafraîchir la bouche. Quant aux pâtes, en massant la gencive, elles peuvent stimuler la circulation sanguine. Il est très difficile de reconnaître les affections auxquelles sont destinées les diverses recettes du papyrus Ebers. Il semblerait que les quatre préparations suivantes soient destinées à soigner les dents atteintes de caries, mais le manque de précision du papyrus nous empêche d’être plus affirmatifs. Il pourrait tout aussi bien s’agir d’un pansement appliqué autour d’une dent mobile et de son environnement inflammatoire. Les médecins égyptiens ont noté le passage régulier d’une forme symptomatique et douloureuse à une forme asymptomatique. Ils considèrent que les maladies dentaires ont tendance à évoluer défavorablement, comme l’expérience le leur a montré, engendrant abcès et tuméfactions, et que la carie dentaire est une affection incurable. Cependant, il semble qu’ils aient eu le souci de conserver les dents atteintes de carie, de les « raffermir ». Les médications proposées n’ont absolument pas pour but de combler les pertes de substances dentaires de manière définitive, de reconstituer la dent lésée. Elles visent à lutter directement in situ contre les substances pathogènes (oukhedou, « sang qui mange») responsables de l’atteinte dentaire, à calmer la douleur et à enrayer l'évolution du processus pathologique. Pour une même atteinte dentaire, le thérapeute a le choix entre 4 recettes. En cas d’échec d’un traitement, il peut donc en essayer un autre: - Ebers n° 739 (89, 2-3): « Commencement des recettes pour raffermir une dent : farine de mimi : 1 ; terre de sty : 1 ; miel : 1. (Ce) sera préparé en une masse homogène. Bourrer la dent avec (cela) ». La farine de mimi correspond probablement à une farine de céréale. Pour Gardiner, il s’agirait d’épeautre. Dawson, quant à lui, pense au cumin éthiopien. La terre de sty est une substance minérale. Pour Harris, ce terme désignerait l’ocre. Pour Lefebvre, Jonckheere et Devaud (in Grapow), il
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s’agirait de la terre de Nubie. Le miel semble être employé comme liant. On peut se demander quel en est le résultat thérapeutique, étant donné la présence de sucre sous forme de miel. - Ebers n° 740 (89, 3-4): « Autre (recette) : poudre de pierre à meule : 1 ; terre de sty : 1 ; miel : 1. Bourrer la dent avec (cela) ». Cette recette est une variante d’Ebers n° 739. Deux substances minérales (terre de sty et poudre de pierre à meule) sont liées par le miel. Cette association semble apporter au produit final une consistance supérieure à celle qu’a la préparation d’Ebers n° 739. Le mode de préparation n’est pas spécifié, mais doit être le même (réduire en une masse). - Ebers n° 743 (89, 7-8) : « Autre (recette) pour raffermir une dent : résine de térébinthe : 1 ; terre de sty : 1 ; malachite (ou chrysocolle ?) : 1. (Ce) sera pulvérisé et donné à la dent ». Cette recette utilise deux substances minérales (terre de sty et malachite), associées par un liant plus résistant que le miel et qui a peut-être des propriétés calmantes : la résine (ou huile ?) de térébinthe. Dans ces 3 premières recettes, on observe une progression dans la résistance et la dureté de ces préparations. Cependant, elles ne sont sans doute que provisoires, compte tenu des matériaux utilisés et de leurs faibles qualités biomécaniques. Cela laisse suggérer que leur usage est, non pas de reconstituer l'organe dentaire, mais plutôt de réaliser une temporisation médicamenteuse censée rendre la dent hermétique et supprimer les douleurs dues au chaud, et au froid. Sur les dents des momies, les égyptologues n’ont retrouvé aucune trace d’intervention humaine visant à enrayer le processus carieux. Il est amusant de noter au passage que le journal La Liberté de l’est, cité dans Le Chirurgien-Dentiste de France n° 345 (avril 1977), préconise, pour ses lecteurs, l’utilisation de sirops et d’infusions à base de bourgeons de pin. Ce sont de puissants antiseptiques, ajoute le journal, « excellent dans le traitement de la carie dentaire avec un peu de miel et d’huile de térébenthine ». - Ebers n° 744 (89, 8) : « Autre (recette) : eau, 1 ; plante-sâam : 1. (Procéder) de même ». Cette plante sâam, qui nous est inconnue, doit être utilisée sous forme de farine qui, mélangée avec de l’eau, donne une pâte. Cette pâte est utilisée dans les
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mêmes cas et de la même manière que précédemment. Cette recette semble plus frustre que les précédentes. Elle doit sûrement être plus ancienne. Dans les prescriptions qui suivent, on découvre un autre terme égyptien de pathologie : le benout. Il est défini dans le papyrus de Berlin 3038 : « Benout, frère de sang, camarade de pus, père du hnhnt ». Le hnhnt est un terme général qui se rapporte aux tuméfactions. Aux benout, semblent être associées des destructions tissulaires. On traduit généralement ce terme par « abcès » ou « collection purulente ». Dans le cadre dentaire, on peut penser aux abcès alvéolaires aigus, aux abcès parodontaux ou même aux cellulites. Le mot beunou désigne, pour les Egyptiens, le phœnix, oiseau mythique qui renaît de ses cendres. Certains dentistes parlent encore aujourd’hui d’abcès phœnix pour décrire un abcès chronique qui passe en phase aiguë. Les abcès d’origine dentaire sont fréquents, principalement causés par la forte usure des dents due à l’alimentation, qui peut entraîner une nécrose pulpaire et un abcès périapical, ou une atteinte parodontale. La thérapeutique employée par les Egyptiens pour lutter contre ces abcès-benout est soit chirurgicale, par forage à travers l’os au niveau de l’abcès afin d’obtenir un drainage, soit médicale. Le papyrus Ebers donne quelques recettes afin de lutter contre les abcèsbenout, ainsi qu’un remède contre la fistule, voie d’extériorisation de l’abcès. - Ebers n° 551 (72, 10-12) : « Commencement des recettes pour chasser les abcès-benout qui se trouvent dans la chair superficielle d'un homme, en n'importe quel endroit du corps : farine de (= laissée sur) l’aire (de battage du blé) : 1 ; sel marin : 1 ; miel : 1. Enduire avec (cela), très souvent ». - Ebers n° 552 (72, 12-13): « Autre (recette) : fruit-cheny-ta : 1/8 ; miel : 1/8 ; vin: 5 ro. (Ce) sera broyé finement et bu ». Les recettes suivantes concernent plus particulièrement les abcès d’origine dentaire. - Ebers n° 553 (72, 13-14) : « Autre (recette), pour chasser les meurtrissures (= fistules) dues aux abcès benout qui se trouvent dans les dents : plante-chepes (arbre à cannelles): 1 ; gomme : 1 ; miel : 1 ; graisse/huile : 1. Bander avec cela ».
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La préparation obtenue est mise en compresse sur la joue. On peut penser que le médecin applique à distance une médication censée guérir une atteinte plus locale ou que l’atteinte locale a des répercussions à distance, notamment au niveau de la joue (fistule). - Ebers n° 554 (72, 14-16) reprend mot pour mot le contenu et le protocole d’Ebers n° 746. « Autre (recette) pour chasser les abcès-benout dans les dents et faire (re)pousser les chairs superficielles (= gencive, dans ce cas) : plante-besbes (fenouil) : 1 ; fruit entaillé du sycomore : 1 ; plante-ineset (anis ?) : 1, miel : 1 ; résine de térébinthe : 1 ; eau : 1. (Ce) sera laissé au repos la nuit à la rosée ; mâcher (et cracher) ». - Ebers n° 555 (72, 16-18): « Autre (recette) : plante-tiâm : 1 ; plante-ineset (anis ?): 1 ; résine de térébinthe : 1 ; partie âmââ (d’une céréale) : 1 ; plante-nouan : 1 ; céleri : 1 ; racine de tichepes (racine de l’arbre à cannelle) : 1 ; conyze (ou thym ?) : 1 ; souchet comestible : 1 ; plante-djaret (coloquinte ou caroube fraîche): 1 ; eau : 1. (Procéder) de même ». Les paragraphes 556 à 591 du papyrus Ebers concernent les gonflements-chefout. D’après les Egyptiens de l’époque pharaonique, ces gonflements seraient provoqués par des « substances qui rongent », substances pathogènes vivantes (les oukhedou entre autres) capables d’une activité destructrice. On considère que le contenu de l’enflure est constitué par la dégradation du corps provoquée par ces substances. Le but des recettes suivantes est donc de chasser ce gonflement et de lutter contre la formation de pus. - Ebers n° 556 (72, 19-20): « (Recette pour) chasser le gonflement-chefout et faire taire les substances qui rongent en n’importe quel endroit du corps d’un homme : partie-nesty du blé-becha : 1 ; chenefet : 1. (Ce) sera mélangé avec du mucilage. Bander avec cela ». - Ebers n° 557 (72, 21-73, 2) = Hearst n° 140 (9, 18-10, 1) : « Autre (recette) pour enlever le pus : ipechen : 1 ; natron : 1 ; argile de potier : 1 ; plante-djaret (coloquinte ou caroube fraîche) : 1 ; résine de térébinthe : 1 ; noyaux de dattes ( ?). (Ce) sera préparé en une masse homogène. Bander avec cela ». - Ebers n° 566 (73, 18-19) = Hearst n° 127 (9, 6-7) : « Autre (recette) (pour chasser le gonflement-chefout en n’importe quel
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endroit du corps) : poudre de plante-ouâm : 1 ; raisins : 1 ; plante-chenâou : 1. (Ce) sera écrasé dans du mucilage ; planteâkh, fraîche : 1. (Ce) sera écrasé dans de l’eau à boire (venant) du fleuve. Bander avec cela ». - Ebers n° 567 (73, 19-21) = Hearst n° 128 (9, 7-8) : « Autre (recette) : sel marin : 1 ; farine de (= laissée sur) l’aire (de battage du blé) : 1 ; natron : 1 ; morceau (de gruau) : 1. Bander avec cela pour faire en sorte que l’eau en descende (= du gonflement- chefout) ». Le papyrus Ebers donne huit recettes pour traiter une maladie de la langue. Cette maladie n’étant pas détaillée, toutes les affections de la langue peuvent être imaginées. Cependant, Lefebvre estime qu’il doit s’agir d’une glossite exfoliatrice. Il y a une gradation dans la puissance des traitements, correspondant probablement à des atteintes de plus en plus sévères. - Ebers n° 697 (85, 16-17) : « Commencement des recettes pour chasser le mal qui est dans une langue: lait. (Ce) sera mâché et rejeté à terre ». Il s’agit donc d’un simple bain de bouche avec du lait. - Ebers n° 698 (85, 17-18) : « Autre (recette) pour une langue qui est malade : graisse de bœuf : 1 ; plante-ââam : 1 ; lait de vache : 1 ; pain frais : 1. (Ce) sera mâché ». - Ebers n° 699 (85, 18-19): « Autre (recette) : partie âmââ (d’une céréale) : 1 ; lait : 1 ; graisse d’oie : 1. (Ce) sera mâché ». - Ebers n° 700 (85, 19-20) : « Autre (recette) pour soigner une langue qui est malade : résine de térébinthe : 1 ; cumin : 1 ; terre de sty : 1 ; graisse d’oie : 1 ; miel : 1 ; eau : 1. (Ce) sera mâché et craché ». - Ebers n° 701 (85, 20-21) : « Autre (recette) : galène : 1 ; céleri : 1 ; terre de sty : 1 ; scories de cuivre : 1 ; miel : 1. (Ce) sera broyé et lui sera appliqué ». - Ebers n° 702 (85, 21-86, 1) : « Autre (recette) : khesou : 1 ; fruit entaillé de sycomore : 1 ; plante-djaret (coloquinte ou caroube fraîche) : 1 ; miel : 1 ; eau : 1. (Ce) sera mâché et craché ».
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- Ebers n° 703 (86, 1) : « Autre (recette) : fruit-iched : 1 ; plante-djaret (coloquinte ou caroube fraîche) : 1 ; terre de sty : 1 ; miel : 1 ; eau. (Procéder) de même ». - Ebers n° 704 (86, 2-3) : « Autre (recette) : feuille d’acacia : 1 ; partie-âmââ (d’une céréale) : 1 ; terre de sty : 1 ; semet : 1 ; fèves : 1 ; minéral-didi : 1 ; poudre d’albâtre : 1 ; miel : 1. (Procéder) de même ». On peut noter que la consistance de ces préparations augmente avec la maladie. A la fin, il s'agit plutôt d'un emplâtre. Quand la préparation est liquide, elle se prend comme un bain de bouche. Lorsqu’elle est plus solide, elle se prend comme un masticatoire. Le papyrus Ebers donne encore deux recettes destinées à « repousser les oukhedou qui sont dans la bouche ». D’après Bardinet, il s’agirait d’ulcérations buccales. Ebers n° 122 (27, 7-11) = Berlin n° 35 (3, 8-11) : « Autre (recette) pour repousser les oukhedou qui sont dans la bouche : plante-sâm : 1/8 ; plante-tiâm : 1/8 ; plante ââam : 1/16 ; graines de bryone (?) : 1/8 ; baies de genévrier : 1/16 ; fruit entaillé du sycomore : 1/8 ; fruit-iched : 1/16 ; plantedjaret (coloquinte ou caroube fraîche) : 1/8 ; résine de térébinthe : 1/64 ; terre de sty : 1/32 ; semet : 1/64 ; partieoutyt du sycomore : 1/8 ; âmou : 20 ro. (Ce) sera laissé au repos la nuit à la rosée, filtré et mastiqué pendant quatre jours de suite ». Le papyrus de Berlin propose la même recette, mais certaines des proportions sont différentes. C’est le papyrus Chester Beatty n° XV qui indique des remèdes à l’hyposialie et l’asialie. - Beatty XV (5-8) : « Remède pour chasser la soif (…) dans la bouche (…) (tiré d’un ouvrage se rapportant à) ce qui concerne les activités du prêtre lecteur : feuille d’acacia : 1 ; feuille de l’arbre-ârou : 1 ; peau de panthère : (1) ; conyze : 1 ; céleri : 1 ; épeautre-mimi: 1 ; plante-der-neken : 1 ; intérieur d’une moule (…) ; graine de (…) ; lait (…) ; lait d’ânesse : 1. (Ce) sera préparé en une masse (homogène) et bu par l’homme ». - Beatty XV (8-9) : « Autre (remède) : froment (…) ; intérieur d’une moule (…) ; lait humain : 1 ; feuille de l’arbre-ârou : 1 ; valériane : 1. (Ce) sera cuit(…) et bu quatre jours de suite ».
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Le mot « trismus » apparaît à plusieurs reprises dans les papyrus médicaux. Il est désigné par un terme dérivé d’un verbe signifiant « serrer les dents » ou « chanter la bouche fermée ». Le papyrus de Berlin (n° 75) donne une recette de fumigation que l’on pense être destinée à remédier aux trismus, qui, pour le rédacteur de ce papyrus, sont causés par les oukhedou. Mais, cette recette pourrait également s’adresser à la même affection que celle citée dans Ebers n° 741, c’est-à-dire à une atteinte parodontale profonde, voire à une gingivite ulcéro-nécrotique. Berlin n° 75 (7, 2-3) : « Fumigations au moyen de douze « roues du potier » qui sont à faire à un homme qui est sous les douleurs dues aux oukhedou : feuilles de saule ; feuilles de… (pyrèthre ?), moulues finement avec du ... (sorte de pâte dont la composition est inconnue) aspergées avec de la bière douce. L’homme est fumigé au moyen de cela et il en est oint ». Les douze « roues du potier » se rapportent au procédé de fumigation. C’est sur des pierres chaudes que sont disposées les feuilles moulues. L’ensemble est placé dans un récipient en terre cuite hermétiquement bouché à l’exception de deux trous : un pour le versement de la bière sur les pierres et les feuilles chaudes, un autre d’où sort une paille conduisant la vapeur vers la bouche du patient. Le papyrus de Berlin donne une recette (n° 76) de fumigation destinée à traiter une déformation de la face due à ce qui paraît être une cellulite dentaire ou une paralysie faciale : Berlin n° 76 (7, 4-5) : « Fumigation pour chasser la déformation d’un côté de sa face, (et du) coin de sa bouche : arbre-khet-des. Fumiger l’homme avec cela, en arrosant avec de la bière douce, jusqu’à ce qu’il sue à flots. (Puis) elle sera frottée avec ta main ». Pour supprimer les douleurs dues à la poussée des dents, les Egyptiens font ingérer à leurs enfants un remède à base de souris écorchées et cuites. On traite également la mère, car elle est jugée responsable des troubles de son rejeton. Le papyrus de Berlin 3027 (verso 82-3) donne la recette de ce remède magique : « On fait manger à l’enfant et (sa) mère une souris cuite. Les os de celle-ci sont placés à son cou, dans une étoffe de lin fin (à laquelle) on fait sept nœuds ». En 1901, Georges
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Reisner, lors de fouilles en Haute-Egypte, découvre des ossements de souris dans les intestins de certaines momies d’enfants de l’époque prédynastique. Ce traitement correspond à une croyance commune en Egypte, selon laquelle la souris naît spontanément du limon du Nil après chaque inondation. De là, la vertu de « donneuse de vie » et donc de guérisseuse est attribuée aux souris, vertu reconnue d’ailleurs au Nil lui-même. Ce remède sera plus tard adopté par les Grecs, les Romains, les Coptes et les Arabes. Dawson a retrouvé cette médication en Angleterre et au Pays de Galles, où des souris rôties (sous forme de tartes) sont données aux enfants aux XVIe et XVIIe siècles, pour traiter les accidents d’éruption. D'après Dioscoride, ce remède est également efficace contre la salivation excessive chez l'enfant. On retrouve dans le papyrus médical de Kahun, trois prescriptions ayant un rapport avec l’odontologie. Mais, il est difficile de déterminer si les préparations sont destinées à faire disparaître une « rage de dents » chez une femme enceinte ou à éviter des spasmes musculaires buccaux chez une femme qui serre les dents lors de l’accouchement. - Kahun n° 5 (1, 15-20) : « Descriptif (médical) concernant une femme atteinte à ses dents, ses crocs, et qui n’est plus capable (d’ouvrir) la bouche. (Ce) que tu devras dire à son sujet : « Ce sont les substances utérines (appelées) tiaou. » (Ce) que tu devras préparer pour cela : tu (la) fumigeras avec de la graisse/huile et de la résine de térébinthe dans un pot neuf. Il sera versé dans son (vagin) l’urine d’un âne nouveau-né, émise au deuxième jour. Si elle est atteinte depuis sa région pubienne jusqu’à la région costale et jusqu’aux fesses : cela signifie qu’il y a empoisonnement ». - Kahun n° 8 (1, 25-27) : « Descriptif (médical) concernant une femme atteinte au cou, à la région pubienne, aux oreilles, (de sorte qu’) elle est incapable d’entendre ce qui est dit. (Ce) que tu devras dire à ce sujet : « Ce sont les substances utérines (appelées) neryou. » (Ce) que tu devras préparer pour cela : le même remède que pour chasser les substances utérines (appelées) sehaou ». - Kahun n° 33 (3, 25-26) : « Pour éviter qu’une femme crispe les mâchoires (…) : fèves. (Ce) sera broyé avec (…) (et placé)
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au niveau de ses deux crocs (= canines) le jour (= au moment) où elle accouche. (C’est) un moyen de chasser les substancestiaou. Vraiment efficace, un million de fois ».
Pour l’étude des thérapeutiques chirurgicales pratiquées par les Egyptiens, deux sources sont privilégiées : - Le papyrus Smith ; - Les traces d’interventions chirurgicales découvertes sur les momies. Avant d’aborder l’étude du papyrus Smith, les traces d’interventions chirurgicales en pathologie dentaire qui ont été découvertes, in situ, sur des momies égyptiennes, sont intéressantes à énoncer. Les instruments de l’Egypte ancienne servant lors d’un acte médical sur le corps humain sont mal connus. Les papyrus médicaux attestent de leur existence, mais souvent sans nous en donner une forme précise. Une des principales sources d’informations est le bas-relief de Kôm-Ombo.
Bas-relief du temple de Kôm-Ombo représentant des instruments chirurgicaux. Disponible sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Ancient_Egyptian_medical_instr uments.jpg.
Le temple de Kôm-Ombo, consacré à deux triades divines bien distinctes, a été construit sur une colline de la ville de Kôm-
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Ombo en Egypte, sur la rive orientale du Nil, au début du IIe siècle avant notre ère. Sur la paroi d’un des murs du temple, on observe un bas-relief représentant ce que certains ont reconnu être des instruments de chirurgie. Mais, le mur étant détruit audessus de la stèle, aucun texte ne vient confirmer cette théorie. Rien ne certifie donc qu’il s’agisse effectivement d’objets médicaux et encore moins d’instruments dentaires. Ces outils pourraient tout aussi bien appartenir à des ouvriers, des menuisiers, des couturiers… On y retrouve une panoplie variée d’instruments: une balance, des couteaux, des scalpels, des ciseaux, des forceps, des éponges, divers récipients, des pinces, des scies, des tenailles, des cuillères, des spatules, des agrafes, des sondes, un rouleau de papyrus, des crochets et des ventouses… Aucun instrument dentaire n’a été identifié de façon certaine, même si certains ont comparé les cinq forceps gravés sur la stèle à des daviers. Les recherches archéologiques ont mis au jour certains instruments ici représentés comme scalpels, lancettes, couteaux divers, pinces droites ou recourbées, pointes et poinçons, aiguilles, pierres aiguisées de toutes formes, forceps, divers pots et vases pour contenir les remèdes, curettes, cuillères… De nombreux instruments de ce type sont conservés dans les réserves des musées. Ainsi, au musée du Louvre, on peut observer un couteau de pierre au manche d’ivoire et une trousse dite d’oculiste. Il convient cependant de rester prudent quant à leur analyse. En effet, aucun de ces objets n’a été retrouvé dans la tombe d’un médecin. Durant les périodes prédynastiques, la plupart des instruments tranchants sont munis d'une lame de pierre, le plus souvent du silex ou de l'obsidienne. Par la suite, ces instruments évoluent. Différents métaux sont utilisés (cuivre, bronze, argent, or…), associés à l’os, au bois, à l’ivoire et toujours à la pierre. Il est possible que les anciens Egyptiens aient su stériliser le matériel médical à l’aide d’une flamme avant toute intervention. On a retrouvé de nombreuses spatules, utilisées pour mélanger les ingrédients thérapeutiques, ainsi que des couteaux fait en silex, appelés couteaux-des. Ils auraient surtout été utilisés pour sectionner le cordon ombilical et pour pratiquer la circoncision. Des éclats de silex peuvent facilement être fabriqués et jetés après les interventions, comme ces lames abandonnées avec les linges ayant servi aux accouchements d’enfants mort-nés et
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déposées dans leurs tombes à Deir el-Medina. Des roseaux, particulièrement effilés et aiguisés, ont pu servir à sonder des tuméfactions, et à drainer une tumeur liquidienne. L’utilisation de curettes est décrite dans le papyrus Ebers. Elles servent à nettoyer les cavités crées lors de l’ablation de quelque chose de semblable, car il est écrit dans le papyrus Ebers : « Tu ne laisseras rien dedans pour que ça ne revienne pas ». Le papyrus Ebers n° 872 relate l’existence du hemen, probablement un cautère métallique ou une lancette chauffée au feu à blanc pour réaliser l’ablation des tumeurs et qui assure, en plus, une cautérisation hémostatique: « S’il saigne beaucoup, tu brûleras cela avec le feu » (papyrus Ebers). Il doit être fait en cuivre ou en bronze. Le papyrus Smith n° 39 parle d’un instrument appelé dje (ou dja). Quenouille rapporte qu’il doit s’agir d’une sorte de forêt, dont on place l’extrémité pointue dans une cavité, creusée dans un bloc de bois. En lui imposant un mouvement de rotation entre les mains ouvertes ou au moyen d’un archet, une étincelle jaillit et embrase le bout pointu du bâton. C’est avec cet outil rudimentaire que le chirurgien obtient des « pointes de feu » et peut ainsi cautériser des abcès, ou des furoncles… L’instillation des remèdes se fait dans les cavités naturelles de l’homme à l’aide de plumes de vautour ou de stylets en différentes matières comme le verre, le bois, l’ébène, l’ivoire, le cuivre ou le bronze. Leur forme est le plus souvent assez simple. Une extrémité au moins est renflée ou en forme d’olive. Des pincettes appelée tchat sont utilisées. Elles ressemblent à une pince à épiler. Les écarteurs possèdent une poignée en forme de pince, dont les éléments s’écartent à la pression. L’opérateur peut glisser les deux pointes jointes de cet instrument entre le pansement et la peau, serrer les branches pour séparer les téguments du tissu imprégné de sérosités.
Instruments de médecine. Paris, musée d’histoire de la médecine. De gauche à droite : couteau à écarter avec poignée, couteau avec manche, couteau rasoir, pincettes, curette, aiguille, bistouri, cautère. Photographie du Dr Pauline Ledent.
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Il semble que les anciens Egyptiens connaissent des instruments rotatifs. Ils utilisent une sorte de foret ou de trépan à contrepoids, surmonté d’un manche de bois. Le manche peut être tourné rapidement en sens alterné entre la paume des mains, ou actionné par la corde d’un arc à main, cette corde faisant une boucle sur le manche permettant un va-et-vient rapide. Mais, ne pouvant prétendre atteindre des vitesses de rotation très élevées, ces outils ne semblent pas avoir servi à un fraisage quelconque sur les couronnes dentaires. Au contact direct des plaies, les Egyptiens peuvent placer des compresses, de la viande crue, des charpies ou encore des pansements en fibres végétales comme des tampons de lin, qui permettent d’absorber les sécrétions comme le sang. Ces pièces de tissu peuvent, à l’occasion, être le support de préparations pharmacologiques. Des bandages de lin tissé permettent la contention des plaies béantes ou l’immobilisation des fractures. De fines bandelettes adhésives sont appliquées transversalement sur les plaies pour en rapprocher les berges et permettre une meilleure cicatrisation. Quenouille ajoute que certains bandages collants, cités dans le papyrus Smith, constituent les ancêtres du sparadrap et que le coton hydrophile est « une invention incontestable des Egyptiens ». D’autres substances, selon Lucas, auraient pu être utilisées comme adhésif ou entrer dans leur composition, comme la cire d’abeille, dont la culture remonte à l’Ancien Empire, ou encore le diapalme, la « cire » de palmier. Par ailleurs, les Egyptiens ont fabriqué une colle à partir d’extraits d’animaux (os, peau, cartilage ou tendons) broyés jusqu’à former une gélatine que l’on fait bouillir, puis sécher par évaporation. Sans compter les gommes, comme celles extraites de la myrrhe et des espèces variées d’acacia qui poussent en Egypte, ou les résines, extraites principalement de certains conifères de la région orientale du bassin méditerranéen, comme le cèdre du Liban, le sapin de Cilicie et le pin d’Alep, qui peuvent, elles aussi, servir de matière adhésive. Le papyrus Smith semble indiquer que les Egyptiens sont capables de suturer au fil une plaie ouverte. Selon Lefebvre, les fils employés à cet usage proviennent de l’intestin d’un animal
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débité en fines lanières ou de cordes de boyau. Les aiguilles sont faites en ivoire ou en os. Quant à l’anesthésie, elle aurait été réalisée grâce à la pierre de Memphis. Les Egyptiens utilisent également les propriétés analgésiques du pavot et de la mandragore, l'opium étant utilisé pour soulager la douleur. En 1917, Thoma décrit une mandibule conservée au musée Peabody de Harvard (n° 59303), découverte à Gizeh et datée de la 4ème dynastie, présentant deux trous circulaires de quelques millimètres de diamètre dans l'os vestibulaire, en regard des apex d'une 46. Il remarque : « Abrasion de la première molaire droite allant jusqu’à l’exposition pulpaire au niveau de la corne mésio-linguale. La mandibule montre deux trous, un entre les deux racines de la première molaire droite, et un entre la racine mésiale de la première molaire droite et la racine de la deuxième prémolaire droite. Les trous semblent artificiels et peuvent signifier une intervention chirurgicale pour drainer le pus ».
La mandibule du Peabody Museum d’Harvard (n° 59303). D’après Weinberger.
Weinberger cite les travaux de Hooton qui ont été effectués par la suite : « Hooton reprit, par la suite, l’étude de Thoma qu’il approfondit. La mandibule étant cassée au niveau de l’abcès, la partie infectée était nettement visible. Ceci permit à Hooton d’examiner le spécimen pour voir si les trous pouvaient résulter d’un abcès ayant naturellement creusé son chemin à travers le mur latéral du procès alvéolaire ou encore si le trou antérieur ne pouvait être qu’un trou mentonnier supplémentaire. L’explication suivante fut proposée : pour guérir l’abcès dont
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souffrait le porteur de la mandibule, on fit un premier trou pour le soulager en forant le trou antérieur entre la prémolaire et la molaire. Ce trou fut creusé vers le bas à un angle d’environ 15° du plan sagittal. Il en résulta une coupe nette, un trou rond descendant à travers le tissu sain et atteignant le bord antérosupérieur de l’abcès, mais de telle manière que le pus ne pouvait être drainé de cette façon. Cette intervention n’ayant pas eu d’efficacité, un autre trou fut creusé un peu plus loin et un peu plus haut, entre les racines de la première molaire. Le trou a pénétré au milieu de l’abcès et le pus a absorbé un peu des parois osseuses du trou ». Hooton déduit de ces observations : « Ce spécimen montre d’une manière quasiévidente, bien qu’il soit raisonnable de garder un doute, l’existence d’une connaissance rudimentaire de chirurgie orale dans l’Ancien Empire ». Weinberger cite également Breasted, qui, en 1930, dans sa remarquable étude du papyrus Smith, mentionne cette trouvaille et commente : « Au sujet des instruments médicaux, le traité mentionne seulement la « fraise à feu » employée à chaud pour la cautérisation6. Une mandibule de la 4ème dynastie (celle dont nous parlons) montre un trou de fraisage pour drainer un abcès sous une molaire et prouve d’une manière évidente que des outils spéciaux en métal, probablement en bronze, existaient déjà à l’époque où fut rédigé notre papyrus chirurgical. Mais, ils doivent être considérés comme déjà acquis par l’auteur ancien. A l’époque où j’ai publié le spécimen de Hooton, quelqu’un a exprimé un certain scepticisme, pensant que les deux trous avaient été faits par un scarabée nécrophile !! ». Ainsi, certains auteurs voient, dans ces canaux, la marque d'une action thérapeutique destinée à drainer une collection suppurée. Filce Leek a un avis différent. Pour lui, ces perforations sont des fistules naturelles résultant de l’évolution d’un processus pathologique : « Si Hooton avait pu étudier la pathologie dentaire des grandes collections de crânes secs, dans les musées européens, sa conclusion n’aurait pas été la même. Ces canaux arrivent si fréquemment, dans un si grand nombre de positions, en regard de n’importe quelle dent, qu’ils sont d’une manière évidente des fistules causées par le pus, consécutifs à 6
Il s’agit d’un foret chauffé par rotation contre une pièce de bois.
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une infection des régions apicales d’une dent après la mort de la pulpe. Cette infection est invariablement provoquée, non par la carie comme cela serait actuellement, mais par l’irritation ou exposition de la dent par abrasion ». Cependant, malgré les affirmations de Leek, les radiographies confirment que les canaux ont le même diamètre sur toute leur longueur, depuis l’origine jusqu’au trou de sortie. Ils sont rectilignes et traversent un tissu sain. Or, le développement d’un kyste se fait par une extension progressive du volume tumoral affaiblissant à la longue la paroi des procès alvéolaires. De plus, la lyse osseuse dans un tissu dur ne prend pas un aspect aussi calibré, avec un itinéraire aussi rectiligne. Dans un autre article, Leek affirme que, de toutes façons, à cette époque, il est techniquement impossible de forer un trou dans cette direction à l’aide d’une pièce à main droite. Toutefois, on peut vérifier facilement, avec une pièce à main, que, si l’ouverture de la bouche est suffisante, le patient gardant les lèvres entrouvertes, on peut écarter suffisamment la commissure labiale pour passer et trépaner l’os. Quenouille a même tenté fictivement l’expérience sur des patients et en conclut qu’il est incontestable qu’un tel forage est réalisable dans la plupart des cas. Cependant, une telle intervention aurait nécessité un diagnostic et un pronostic incompatibles avec les connaissances anatomo-physiologiques, et les croyances de l'époque. De plus, l’absence de matériel chirurgical rotatif performant rend cette hypothèse improbable, mais certains chercheurs avancent que le dje, ou tour à archet, sorte de foret à contrepoids, actionné par la corde d’un arc à main, aurait pu convenir pour perforer l’os. En outre, malgré la connaissance de certains produits anesthésiques, la sensibilité pendant le forage aurait été intense. Le laboratoire d'anthropologie du musée de l'Homme possède une mandibule (n° 3986) provenant de Saqqarah, datée du Nouvel Empire. Elle présente la même particularité que la mandibule du musée de Peabody. Deux canaux, parfaitement cylindriques sur toute leur longueur (diamètre de 2 mm, longueur de 5 mm), sont situés distalement par rapport aux apex de la racine de la 36. Ils traversent du tissu dur et débouchent légèrement au-dessus du niveau inférieur des apex. Ces trous paraissent avoir été artificiellement forés. Il s’agirait
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de canaux de drainage, destinés à évacuer le liquide purulent dû à une ostéite, bien visible sur la radio. Le drainage doit avoir réussi, l’inflammation osseuse ne s’étant pas développée et les bords des canaux étant cicatrisés. Le crâne n° 7268 du musée de l’Homme, découvert à Saqqarah et daté de la 4ème dynastie, présente également des canaux similaires. Au niveau de la 12, on observe un canal de forme cylindrique sur toute sa longueur, parfaitement cicatrisé. Au niveau de la 21, on remarque un trou presque identique, un peu moins bien cicatrisé. Les deux trous sont orientés dans le sens antéro-postérieur, selon une même angulation, qui aurait éventuellement permis un forage par l’extérieur, la pointe du foret faisant, sur la paroi palatine, un trou moins grand que l’axe. Leek a examiné lui aussi un tel cas clinique sur une mandibule du British Museum (AC 114/421), découverte à Abydos par Sir Flinders Petrie, datée de la 1ère ou 2ème dynastie. Les dents ont souffert d’une usure sévère ayant entraîné une exposition de la chambre pulpaire de la 1ère molaire inférieure gauche (36) et la formation d’un abcès. Cette mandibule présente un canal unique aux bords circulaires et bien coupés, pénétrant la corticale, et descendant vers l’apex à travers du tissu sain, en faisant un angle d’environ 10° avec la verticale. Malgré de nombreux désaccords, l’idée de la possibilité d’interventions chirurgicales destinées à drainer des lésions périapicales à cette époque est généralement acceptée. En ce qui concerne les extractions dentaires, aucun témoignage précis de l’époque pharaonique n’a été retrouvé. Certes, on a découvert des textes, gravés sur des stèles datées du IIe siècle avant J.-C. mentionnant l’acte d’« emporter (la dent) vers le dehors ». De plus, des instruments représentés sur la stèle de Kôm-Ombo ressemblent à nos daviers actuels, mais rien ne nous permet d’affirmer qu’ils ont servi à l’art dentaire. En outre, l’examen des crânes des momies conservées dans les collections des musées montre que des dents ont parfois été perdues antemortem, laissant un os alvéolaire parfaitement cicatrisé. En dehors des agénésies, deux explications à cette absence sont possibles : l’évolution des processus pathologiques et/ou une intervention chirurgicale. De nombreux égyptologues, voulant éclaircir ce point, se sont intéressés de plus près aux crânes et
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aux momies, essayant d’y découvrir un indice quelconque. Bolender, Frank et Meyer ont remarqué : « Nous avons été frappés par le fait que, dans des mâchoires pourvues de dents solidement implantées, sans trace de parodontolyse, il existe des régions édentées, sans débris radiculaires, où l’os alvéolaire est parfaitement bien cicatrisé. Il y a peu de chance que, dans de tels maxillaires, les dents soient tombées spontanément ». Ils concluent que : « A moins d'une anodontie très problématique, il paraît vraisemblable d'admettre que ces dents ont été extraites ». De même, Quenouille affirme cette pratique. Il rapporte que : « L’étude des crânes montre de façon évidente que certaines dents ont dû être extraites chez des sujets jeunes aux dents saines, certaines dents absentes laissant un os propre très bien cicatrisé. Dans certains cas, les dents voisines ont migré, montrant que la disparition des dents remonte à un très jeune âge ». James E. Harris et Kent R. Weeks affirment n'avoir « pas trouvé de preuves d'extractions dentaires, sauf pour Mineptah qui, de toute évidence, avait subi quelques avulsions ». En effet, les molaires perdues du roi Mineptah (1236-1223 avant J.-C.) et l’usure modérée des dents restantes convergent vers l’idée que les dents absentes ont été délibérément enlevées. D'autres auteurs comme Guérini ou Leca pensent, au contraire, que les extractions dentaires ne sont pas pratiquées dans l'Egypte ancienne. Leca va même plus loin puisqu’il écrit : « Mis à part les titres de quelques personnages, dentistes ou médecins-dentistes, nous n’avons aucune preuve que des soins dentaires, au sens où nous l’entendons actuellement, aient été donnés dans l’ancienne Egypte ». Il semble que les médecins coptes, successeurs des médecins égyptiens, pratiquent couramment, « par le fer », l'avulsion des dents, après avoir appliqué, au préalable, un analgésique sur la joue du malade à base d’ellébore, ou un baume fort, fait entre autres ingrédients, de malabathron, et d’une partie de cantharide, sur la racine de la dent à enlever. L’extraction se fait donc sans douleur. Le papyrus médical copte de Chassinat contient deux prescriptions intéressant notre spécialité : - Prescription CLI : « Dent à enlever par le fer : ellébore de bonne qualité et fiel ; à appliquer sur la région de la joue où se trouve la molaire que tu veux extraire, tu seras émerveillé ».
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- Prescription CLLXXXIV : « Dent ou molaire pour que le fer l’enlève : eau de malabathron, eau de feuilles d’acacia nilotica, une partie de cantharide, du lait de gitrepin, de la rue sauvage ; broie-les bien ; mets sur la racine de la molaire ou de la dent ; laisse un moment, puis prends la dent entre l’index et le pouce ; elle s’en ira rapidement ». Certains auteurs s’appuient sur ces deux passages pour envisager la présence de telles méthodes dans l’Egypte ancienne. Or, ce papyrus date du IXe siècle après J.-C. C’est une compilation de médecine traditionnelle copte, donc avec un fonds provenant de la médecine égyptienne ancienne, chargée de remèdes grecs et arabes. On ne peut pas chercher, dans ce papyrus, une preuve de l’existence de pratiques extractionnelles dans l’Egypte ancienne. S’il est tout à fait possible que les dentistes égyptiens aient extrait des dents, et notamment des dents très mobiles, à l’époque pharaonique, les extractions dentaires ne semblent pas avoir été faites systématiquement. Un traitement purement médical semble avoir été préféré. Le nombre important de délabrements osseux des maxillaires que l’on trouve sur les momies en témoigne. Les plaies et les fractures, qui semblent fréquentes dans l’Egypte ancienne, ont fait l'objet de nombreux énoncés, traités dans le papyrus chirurgical Edwin Smith. Ici, les plaies et fractures de la face seront envisagées. Le cas n°15 du papyrus Smith (6, 14-17) traite d’une perforation de la joue. «Instructions concernant une perforation dans sa joue. Si tu examines un homme ayant une perforation dans sa joue et que tu trouves une enflure protubérante, sombre et irrégulière sur sa joue, tu diras à son propos : c’est un homme qui a une perforation dans sa joue. Une maladie que je traiterai. Tu le banderas avec de l’imrou et tu le traiteras après avec de la graisse et du miel chaque jour jusqu’à ce qu’il soit guéri ». Le terme de blessure n’est pas mentionné. Il semble que ce texte fasse référence au noma, stomatite gangréneuse de la joue avec nécrose des tissus, affection que l’on retrouve encore dans certains pays africains. Le cas n° 16 du papyrus Smith (6, 17-21) concerne une fracture de la joue, donc du maxillaire. « Instructions concernant une fracture dans sa joue. Si tu examines un homme ayant une
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fracture dans sa joue, si tu trouves une enflure protubérante et rouge à l’extérieur de cette fracture, tu diras à son propos : c’est un homme qui a une fracture dans sa joue. Une maladie que je traiterai. Tu le banderas avec de la viande fraîche le premier jour. Il gardera la chambre jusqu’à ce qu’il désenfle. Tu le traiteras ensuite avec de la graisse, du miel, de la charpie, chaque jour, jusqu’à ce qu’il soit guéri ». Le cas n° 17 du papyrus Smith (7, 1-7) concerne une fracture plus importante. D’après les symptômes décrits, on peut penser à une fracture multiple du maxillaire et de l’os zygomatique à la suite d’un traumatisme violent. « Instructions concernant une fracture dans sa joue. Si tu examines un homme ayant une fracture dans sa joue, tu placeras ta main sur sa joue là où est cette fracture. Si cela crépite sous tes doigts, alors qu’il saigne par les narines et l’oreille du côté intéressé par cette blessure, et qu’en plus, il donne du sang par sa bouche et il souffre quand il ouvre la bouche, tu diras à son propos : c’est un homme qui a une fracture dans sa joue, qui saigne par ses narines, son oreille, sa bouche, et qui est incapable de parler. Une maladie que l’on ne peut traiter. Tu le banderas avec de la viande fraîche le premier jour. Il gardera la chambre jusqu’à ce qu’il désenfle. Tu le traiteras ensuite avec de la graisse, du miel, de la charpie, chaque jour, jusqu’à ce qu’il soit guéri ». Il est étonnant de trouver, ici, un traitement après un tel pronostic fatal, qui semble tout à fait juste. Le paragraphe n° 24 du papyrus Smith (8, 22-9, 2) traite d’une fracture de la mandibule compliquée d’une gangrène. Bardinet y voit la description d’une fracture pathologique provoquée par une ostéite, un kyste ou une tumeur. « Instructions concernant une fracture de sa mandibule. Si tu examines un homme ayant une fracture à sa mandibule, tu placeras la main sur elle. Si tu trouves que cette fracture crépite sous tes doigts, tu diras à son propos : c’est un homme qui a une facture à sa mandibule, avec une plaie ouverte. Si, en plus, il a de la fièvre à cause de cela, c’est une maladie que l’on ne peut traiter ». Ce paragraphe montre les limites de la médecine égyptienne et la résignation de l’époque en ce qui concerne le traitement.
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Le cas n° 25 du papyrus Smith (9, 2-6) présente la méthode de réduction des luxations mandibulaires. Cette technique de réduction est toujours d’actualité, enseignée sous le nom de « manœuvre de Nelaton ». « Instructions concernant une luxation de sa mandibule. Si tu examines un homme ayant une luxation de sa mandibule, si tu trouves que sa bouche reste ouverte, sans possibilité qu'elle se ferme, tu mettras tes pouces aux extrémités des deux branches de la mandibule, à l'intérieur de sa bouche, tandis que tes deux serres (les autres doigts réunis) seront placées sous son menton, et tu les repousseras vers l'arrière (les deux branches) pour qu’elles reviennent en place. Tu diras à son propos : c’est un homme qui a une luxation de sa mandibule. Une maladie que je traiterai. Puis, tu le banderas avec de l’imrou et du miel, chaque jour, jusqu’à ce qu’il soit guéri7 ». Le traitement ne peut s’appliquer qu’après la remise en place du maxillaire. Il a pour but de soulager les ligaments, les tissus distendus et se compose de miel, et d’un minéral inconnu (peut-être de l’alun), l’imrou, qui peut jouer le rôle de désinfectant. Le cas n° 26 du papyrus Smith (9, 6-13) traite d’une blessure de la lèvre supérieure. « Instructions concernant une blessure dans sa lèvre. Si tu examines un homme ayant une blessure dans sa lèvre qui perce jusqu’à l’intérieur de sa bouche, tu examineras sa blessure jusqu’à l’os nasal. Tu rapprocheras les deux berges de sa blessure en les cousant. Tu diras à son propos : c’est un homme ayant une blessure dans sa lèvre, qui perce jusqu’à l’intérieur de sa bouche. Une maladie que je traiterai. Après que tu l’auras cousu, tu le banderas avec de la viande fraîche le premier jour, tu le traiteras ensuite avec de la graisse, du miel, chaque jour, jusqu’à ce qu’il soit guéri ». Le cas n° 27 du papyrus Smith (9, 13-18) traite d’une blessure du menton. « Instructions concernant une coupure dans son menton. Si tu examines un homme ayant une coupure dans son menton, pénétrant jusqu’à l’os, tu palperas sa blessure. Si tu découvres un os intact n’ayant pas de fracture ou une 7
Voir chapitre « Pathologies bucco-dentaires » (traduction Thierry Bardinet, 2012).
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perforation, tu diras à son propos : c’est un homme ayant une coupure dans son menton pénétrant jusqu’à l’os. Une maladie que je traiterai. Tu appliqueras pour lui deux pansements adhésifs sur cette balafre, tu banderas cela avec de la viande fraîche le premier jour et tu le traiteras ensuite avec de la graisse, du miel et de la charpie, chaque jour, jusqu’à ce qu’il soit guéri ». Aucun texte de l’époque pharaonique ne mentionne le comblement prothétique d’un espace vide, laissé par une extraction ou une perte simple. Mais, certaines découvertes archéologiques ont mis en évidence différentes pièces ayant trait à l’art dentaire, ce qui laisse la porte ouverte aux hypothèses d’une prothèse d’origine égyptienne. Ces pièces prothétiques pourraient être considérées comme des travaux de contention, afin de prévenir la perte des dents mobiles. D'autre part, les spécimens découverts concernent des dents antérieures. Ces prothèses joueraient donc un rôle principalement esthétique. Cependant, on ne peut pas exclure une réalisation post-mortem dans certains cas, ayant pour but de remplacer certaines parties du corps détériorées, sinon absentes. En effet, l'intégrité du corps doit être préservée afin que le mort puisse avoir une vie dans l'au-delà. Le texte des pyramides précise que les défunts « ne s’en vont pas comme des morts. Ils s’en vont comme des vivants. Ils s’éveillent à une vie nouvelle en pleine possession de leurs corps et esprit. Ils possèdent leur bouche, leurs pieds, leurs bras, ils possèdent tous leurs membres ».
Le spécimen de Junker. D’après Junker, 1929.
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En 1914, l’égyptologue allemand H. Junker découvre à Gizeh, dans la tombe n° 984 d’une nécropole de l’Ancien Empire, deux molaires mandibulaires reliées entre elles au niveau du collet par un fil d’or torsadé de 0,4 mm de diamètre. Cette pièce est retrouvée seule, isolée de tout autre élément osseux ou dentaire. Il est donc impossible d’affirmer qu'elle a été portée en bouche. Elle est conservée, depuis 1928, au musée d’Hildesheim en Allemagne et daterait de la fin de la 4ème ou du début de la 5ème dynastie. Junker mentionne dans son rapport préliminaire de 1914 : « Une autre découverte curieuse plaide en faveur des tentatives à maintenir le corps aussi intact que possible. Dans un tombeau près de la réserve de la tête en boue du Nil, ont été trouvées deux dents, ingénieusement reliées entre elles par un fil d’or. Cela a probablement été réalisé dans l’intention de donner un soutien à une dent mobile grâce à une dent voisine bien implantée, ou bien l’homme portait-il (vraiment) cette fixation durant sa vie ? ». En 1929, Junker rédige son rapport définitif. Il indique que : « L’occupant de la tombe portait déjà le fil d’or de son vivant, comme le prouve l’expertise faite par des professionnels ». Il ne fait pas état ici des conditions de découverte. En 1928, Euler, chirurgien-dentiste et directeur de l’Institut dentaire de l’université de Breslau en Allemagne, analyse ce spécimen et fait les constatations suivantes : - Les deux dents appartiennent à un même individu, d'après leur couleur et leur forme anatomique. Il s’agit d’une deuxième et d'une troisième molaire inférieure gauche (37 et 38) ; - Les deux dents montrent un degré d’usure très différent, usure qui n’a pas pu être provoquée artificiellement. La couronne de la 37 est très abrasée et ses racines, partiellement résorbées. La mobilité de cette dent a été traitée en la solidarisant à sa voisine. - Le tartre sur chacune des dents et sur le fil d'or, ainsi que la forme et la position de la ligature permettent de penser que ce travail a été effectué sur une personne vivante. Il conclut donc que la ligature a été réalisée ante-mortem. « Selon toute vraisemblance, il s’agit d’un bridge de stabilisation que des considérations médicales ont conduit à poser sur 2 dents voisines ». Euler est un des seuls à avoir eu la chance de pouvoir observer le fil intact, car Leek, en 1972, l’a trouvé rompu et remplacé par un autre, neuf. Filce Leek s’est opposé à cette interprétation : « Grâce à la courtoisie du
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directeur du Roemer Pelizaeus Museum, nous avons eu la possibilité de faire un examen complet et détaillé de l'objet. Malheureusement, depuis qu'il est arrivé au Museum, la jonction des deux anneaux d'or s’est cassée. (…) La présentation actuelle facilite grandement l'étude et permet une meilleure observation que celle d’Euler. Voici quelles sont mes conclusions résumées : - Il n’y a aucune concrétion autour du fil d’or comme l’a signalé Euler. Ceci est très dommage, car il est maintenant impossible de dire si le dépôt était organique - c’est-à-dire venait de la salive - ou inorganique, formé par une association de différents sels minéraux qui étaient présents au lieu de sépulture. - L’usure prononcée de la surface occlusale de la dent avec les racines lysées a tellement déformé l’anatomie de la dent qu’il est presque impossible de l’identifier. - La couleur gris foncée de l’émail de cette dent indique que l’irritation causée par l’abrasion a créé une inflammation de la pulpe qui s’est nécrosée par la suite. Ces conditions provoquent généralement une douleur et une mobilité qui suscitent en principe un désir d’extraction. L’usure des racines est telle que la dent aurait pu être extraite par simple pression digitale. Plusieurs pliures de fil ont été faites à la jonction des deux anneaux. Mon expérience, en tant que dentiste, depuis plus de dix ans, m’empêche absolument d’accepter la théorie d’un attachement de la dent pendant la vie du patient. Le problème de l’accès à la dent aurait interdit un tel nœud. Si la pliure terminale a été faite sur le côté vestibulaire de la première dent, la supposition aurait pu être acceptée ». Il estime qu’il aurait pu tout aussi bien s'agir d'une amulette portée par le mort. Mais, l’or utilisé par les anciens Egyptiens est très malléable. Il doit être relativement facile de le tordre dans toutes les directions, même en bouche, contrairement à ce que pense Leek. C’est F. Sallou, en 1975, qui donne la meilleure description de ce spécimen. Après avoir observé minutieusement ces dents, relevé leurs dimensions et les avoir comparées avec des valeurs de références, il conclut qu’il s’agirait plutôt d’une première molaire inférieure gauche (36) et d’une troisième molaire inférieure gauche (38), qui appartiendraient à un même sujet. Les auteurs qui se sont
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exprimés sur cette question considèrent qu’il s’agit plutôt d’une 37 et 38. La 36 est dischromique. Sa table occlusale est très abrasée. Ses racines ont subi une résorption partielle d’origine pathologique. La 38, en bon état, aurait servi à stabiliser la 36. L’état des canaux pulpaires des deux dents est très différent, signe d’un écart d’âge physiologique. Les deux molaires sont séparées par un espace que l’on peut évaluer à 8 mm. La ligature est réalisée à l’aide d’un tube d’or, le nœud semblant relativement complexe. Pour lui, cette pièce est un exemple de ligature de contention. Cependant, le fil d’or paraît trop ductile pour que l’ensemble puisse servir de contention. D’autres auteurs ont exprimé leur avis afin de valider ou de refuser cette découverte comme thérapeutique dentaire : - Weinberger (1948) estime qu’il pourrait s’agir d’une ligature orthodontique destinée à faciliter la mise en place d’une dent de sagesse en normocclusion. - A. P. Leca (1971) ne pense pas qu’il s’agisse d’une prothèse. - Quenouille (1975) ne tranche pas, mais conçoit qu’il a pu être utilisé pendant la vie du patient. - J.-A. Trillou (1976) défend la thèse d’une réalisation postmortem afin de rétablir l’intégrité corporelle du défunt. - M.-J. Becker (1995) considère que cela n’a rien à voir avec un quelconque travail thérapeutique (amulette ?). Il estime que les molaires sont issues du secteur mandibulaire droit. Il évoque même la possibilité selon laquelle la petite dent serait une dent de lait (de grosse taille toutefois). - Enfin, H. Schneider (1998) ne pense pas que : « Cette réalisation ait eu un quelconque rôle curatif et donc qu’elle ait été réalisée avant la mort du porteur des dents en supposant qu’il n’y en ait un, ce que rien ne prouve ». Il est difficile de trancher entre ces différentes hypothèses, l’objet étant sorti de son contexte, les dents ayant été retrouvées seules. Il n’est même pas assuré que les deux dents proviennent d’un même individu. Le spécimen de Tura el-Asmant a été découvert in situ sur un crâne par Mohammed El Hatta, inspecteur des antiquités à Hélouan, au cours de la saison de fouilles 1952-1953, dans la tombe T.121. Il daterait de la fin de l’époque pharaonique ou de la période Ptolémaïque. Il aurait appartenu à un personnage âgé
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d’environ 50 ans. Il a été analysé par Harris et Zaki Iskander, ancien directeur du musée des antiquités du Caire, et est aujourd’hui conservé au Centre de recherches et de conservation des antiquités du Caire. Toutes les dents sont présentes. Elles ne montrent pas d’atteinte parodontale, ni de caries, et font voir une usure de degré 3 dans la classification de Broca. Le maxillaire est porteur d’un « bridge ». Il comprend trois dents reliées entre elles. Les piliers sont l’incisive centrale maxillaire gauche (21) et l’incisive latérale maxillaire droite (12), l’intermédiaire est l’incisive centrale maxillaire droite (11). La 11 présente une fracture sur les ¾ de sa couronne, probablement à la suite d’un traumatisme. De plus, sa racine est plus courte que celle de la 21. On note une perte importante d’os alvéolaire autour de sa racine, os qui possède un aspect totalement cicatriciel. On peut donc penser que cette dent a été replacée dans son alvéole déshabitée après la guérison des structures osseuses et gingivales. La 11 est percée dans le sens mésio-distal, à la moitié cervicale de la couronne. Cela implique, même si la dent est bien celle du patient, que cette préparation a été faite hors de la bouche. En effet, compte tenu de la dureté de l’émail, il aurait été impossible de perforer une couronne avec la dent en place, surtout si cette dent est mobile. Ce forage a sans doute été réalisé grâce à un trépan mu par un arc. Elle est reliée à ses voisines par un fil d’argent extrêmement dur qui contient du cuivre. Le fil part de 21, enserrant son collet. Les deux brins torsadés pénètrent ensuite dans la 11 et ressortent vers la 12, autour de laquelle ils font une nouvelle boucle. Le nœud se trouve sur la face palatine de la 21, en dehors de la partie triturante (articulé en bout à bout). D’après Quenouille, « ce travail délicat est très bien exécuté ». « Il s’agissait de consolider une dent fracturée et infectée ». Il envisage « une contention par fil ou plutôt une contention après réimplantation ». « A l’appui de cette thèse, le fait que la 11 semble traversée par le fil. Il n’est pas possible de forer un puits mésio-distalement dans une incisive sans le faire en dehors de la bouche. Nous savons que ce travail est ancien puisque l'espace entre 21 et 12 s'est rétréci de 1,5 mm environ ». D’après les archéologues, cette prothèse aurait été réalisée ante-mortem, sa conception étant compatible avec une utilisation du vivant de l’individu. Elle semble avoir été réalisée
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dans un but esthétique. Les artifices de rétention ne sont pas trop visibles sur la face vestibulaire et sont même absents de l’intermédiaire. Cependant, un doute subsiste quant à l’origine égyptienne de ce bridge. Cette technique aurait pu être importée. En effet, de nombreux échanges existent à cette époque dans le bassin méditerranéen. Le spécimen d’El-Qatta a été découvert par Shafik Farid en 1952, non sur une mâchoire, mais parmi les os entassés d’un squelette, dans la tombe 90 du site d’El-Qatta, à environ 40 km au nord-ouest du Caire.
La contention d’El-Qatta. D’après Iskander et Harris.
Il aurait été fabriqué pendant l’époque Ptolémaïque. Le mastaba dans lequel il a été trouvé est daté de l’Ancien Empire, mais il aurait été réoccupé après sa ruine jusqu’à l’Empire romain. Lors de sa découverte, personne n’a réalisé son importance et le spécimen en a souffert. Ce n’est qu’en 1974, que Farid le confie à Iskander et à Harris pour une analyse plus poussée. Aujourd’hui conservé au musée du Caire, il est constitué de trois dents en bon état, reliées par un fil d’or. Endommagée pendant les fouilles, la pièce actuelle est peut-être très différente de la pièce originale. Il semblerait qu’elle ne soit pas complète. Il manque le côté gauche maxillaire et une partie de la ligature en or. De plus, il a fallu replacer le fil d’or sur le bridge dans sa position présumée. Ce fil d’or fait le tour de la canine, de la latérale, traverse la centrale par le tunnel mésio-distal. Il est probablement attaché à l’incisive centrale supérieure gauche
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(21). Dans l’état actuel des choses, la pièce se présente donc ainsi : - La première dent est probablement une canine supérieure droite (13), autour de laquelle on a placé une double épaisseur de fil d’or replié en un nœud, avec une boucle sur sa face distale. Cette dent semble avoir été vivante à l’époque de la réalisation du travail et sert de pilier de bridge. - La deuxième dent semble être une incisive latérale droite (12). Le fil d’or est entortillé autour d’elle, une gorge vestibulaire étant creusée permettant son bon positionnement. Elle n’est cerclée que par un tour de fil. Une certaine quantité de tartre est présente sur les deux tiers coronaires de la racine. L’angle mésial de la couronne est absent. - La troisième dent serait une incisive centrale droite (11), percée dans le sens mésio-distal, à peu près à mi-hauteur de la dent, donc au travers de la racine. Une gorge, parallèle au trou, est creusée au niveau du tiers cervical de la face vestibulaire de la 11, peut-être pour bloquer la ligature. Ces dents semblent faire partie d’un bridge antérieur, à visée esthétique, de quatre éléments ou plus. Cependant, en l’absence du crâne, il est impossible d’affirmer que cette pièce a été portée en bouche. Il pourrait s’agir d’une restauration réalisée post-mortem par les embaumeurs. En 1948, Weinberger rapporte qu’un bridge a été trouvé dans une tombe du IIIe siècle avant J.-C., à Ibrahimia près d’Alexandrie. Il daterait de la même époque que le spécimen de Tura el-Asmant. On ne sait pas où il se trouve actuellement. En 1990, Thierry Bardinet n’a pas réussi à le situer au musée gréco-romain d’Alexandrie. Ce bridge serait constitué de trois dents mandibulaires (incisive centrale et incisive latérale droites, et canine droite) reliées par un fil d’or. Le fil ferait le tour des trois couronnes dentaires au niveau de leur collet. Les dents présenteraient deux types d’usure, l’une liée au frottement du fil d’or et l’autre, sur les zones de contact de la surface dentaire. On note aussi la présence de tartre jusqu’à la mihauteur radiculaire. Ce modèle possèderait donc tous les aspects d’une ligature de contention. Mais, Weinberger n’a pas vu luimême ce spécimen et personne d’autre que lui ne le décrit. En
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outre, les données ne correspondent pas d’un article à l’autre de l’auteur. Des travaux dentaires similaires et datant de la même période ont été découverts à Sidon, en Phénicie, à Tanagra, en Grèce et en nombre important dans les nécropoles étrusques. En effet, l’Egypte exerce une grande influence sur tout l’est du bassin méditerranéen et d’étroites relations commerciales existent entre ces pays, en particulier du Ve au IIIe siècle avant J.-C. Ces échanges entre Egypte, Etrurie et Phénicie ont été attestés par des fouilles archéologiques. Ils s’accompagnent toujours de la diffusion du savoir-faire et des techniques propres à chacun. Il est donc très délicat de connaître les véritables initiateurs de la prothèse dentaire. Les Egyptiens savent réaliser de semblables pièces dentaires, même sous une forme encore rudimentaire, que les Etrusques et les Phéniciens auraient perfectionné par la suite. Mais, ils auraient pu tout aussi bien importer cette technique. Il n’est donc pas possible de savoir si les prothèses découvertes en Phénicie ont été réalisées en Egypte ou en Phénicie, et, si c’est le cas en Phénicie, si elles ont été faites par des Egyptiens ou par des Phéniciens. Guérini estime que : « S’il y a à Sidon des dentistes capables de mettre en place des fausses dents, il paraît raisonnable d’admettre que les dentistes des grandes métropoles égyptiennes de Thèbes et de Memphis sont capables d’en faire autant et même plus ». En 1862, au cours d’une mission archéologique en Phénicie dirigée par Ernest Renan, on découvre, dans la tombe 11 de la nécropole de Saïda (Sidon), une pièce de prothèse de type bridge. Datée d’environ 400 ans avant J.-C., elle est actuellement conservée au musée du Louvre à Paris. Cette pièce a été décrite par Gaillardot, en 1864. Elle est constituée de six dents antérieures inférieures (43, 42, 41, 31, 32, 33) réunies par un fil d’or. Les incisives 41 et 42 semblent avoir appartenu à un (ou plusieurs) autre individu et avoir été ajustées pour remplacer les dents manquantes. Il s’agit en fait des deux intermédiaires du bridge. Ces deux dents sont percées de deux trous chacune, dans le sens vestibulo-lingual, afin de leur
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assurer une meilleure rétention. La mâchoire d’origine de ces dents n’a pas été retrouvée.
Vue vestibulaire du spécimen de Saïda. D’après Loynel J., Contrepoint sur deux prothèses conjointes de l’Antiquité, Thèse Doct. Chir. Dent., Paris VII, 1977.
Dans la tombe où elle a été découverte, on a également retrouvé de nombreux objets, notamment un scarabée et douze petites statuettes représentant des divinités égyptiennes, ce qui a pu faire penser à une paternité égyptienne. Le spécimen de Ford a été découvert en 1901, par Ford et l’Ecole américaine de recherche orientale de Jérusalem, au sud-est de la nécropole de Saïda. Il est actuellement conservé au musée archéologique de l’université américaine de Beyrouth. Daté d’environ 500 ans avant J.-C., il a été étudié par Don Clawson en 1934. Il est constitué d’un fil d’or enroulé autour de 6 dents antérieures inférieures, les maintenant solidement en place. Les dents sont toujours fixées sur une mandibule, par ailleurs intacte. Ce bridge, encore très bien conservé, a dû être réalisé dans un but fonctionnel. Il doit maintenir en place des dents mobiles et non pas remplacer des dents absentes. La ligature est recouverte de tartre, ce qui laisse penser qu’elle a été réalisée du vivant du patient. On a retrouvé dans cette tombe de nombreux objets et notamment des petites statuettes représentant des divinités égyptiennes.
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Spécimen de Ford. Vue latérale de la mandibule. D’après Clawson M. D., « Appareil de prothèse dentaire du Ve siècle avant J.-C. », in La Semaine dentaire, 1934 ; n° 8 : 157-171.
W. Weinberger rappelle que, depuis le début des années 1800, on trouve des affirmations répétées dans la littérature dentaire, établissant que les anciens Egyptiens recouvrent leurs dents d’or ou utilisent différents types de prothèses. Johann Friedrich Blumenbach, professeur de médecine et d’anatomie à l’université de Göttingen, affirme, sans pouvoir citer sa source d’information, que : « Des dents artificielles ont été découvertes dans les bouches de momies égyptiennes ». L’explorateur Giovanni Baptista Belzoni aurait découvert des pièces prothétiques dentaires de fabrication rudimentaire (bois et cuivre), dans des sarcophages égyptiens de la 4ème dynastie. Sir Gardner Wilkinson aurait vu trois dents obturées avec de l’or dans la bouche d’une momie de la collection Salt, vendue aux enchères chez Sotheby en 1863. Aucune trace de cette momie n’a été retrouvée par la suite. L’archéologue R.- J. Forbes prétend lui aussi avoir vu des momies ayant des dents obturées avec de l’or. Georges Henry Perine décrit des dents artificielles en bois de sycomore maintenues par des crochets en or dans la bouche de certaines momies. Purland rapporte avoir trouvé une dent « à pivot » fixée sur une dent naturelle, sur une « tête de momie de la collection d’un ami regretté ». On ne sait ni la date de la découverte, ni son origine, ni de quel type de dent il s’agit. Cependant, d’autres archéologues contestent
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l’existence de toutes ces « preuves ». Les spécimens de dents sur pivot, par exemple, n’ont pas de fondement bibliographique précis et il n’existe pas, à ma connaissance, de tels exemples dans les musées. On doit donc les évoquer avec toutes les précautions d’usage. De plus, ces tentatives de prothèses peuvent difficilement être fonctionnelles. On a parfois trouvé des traces d’or sur les dents antérieures des momies, qui ont pu faire songer à une forme de restauration prothétique antemortem. Mais, cette hypothèse est peu probable, car, malgré la couleur de ce métal, considérée comme esthétique, de tels artifices auraient été gênants dans la vie quotidienne. Aux époques les plus tardives, la totalité de la face est parfois recouverte par les embaumeurs, après dessiccation, d’une fine couche d'or colloïdal. Il est très probable que les traces d’or sur la denture antérieure soient liées à un tel traitement postmortem. Le cadavre se présentant bouche entrouverte, les parties dentaires sont recouvertes avec le reste du visage. Cet effet serait recherché pour améliorer le sourire du mort qui, selon la religion égyptienne, « s’entretient avec les dieux», afin de lui assurer une meilleure considération dans l’au-delà. Ainsi, pour les riches défunts, les embaumeurs les plus soigneux utilisent des morceaux de bois taillés pour redonner son intégrité à une arcade incomplète. J.-J. Quenouille rapporte, dans sa thèse, l’existence de trois crânes du musée de l’Homme de Paris et d’un au musée de Lyon porteurs de traces d’or sur les dents : - Le crâne n° 4029 du musée de l’Homme, période grecque. Crâne d’un enfant de douze ans dont les incisives portent des traces d’or jusqu’au bord incisif ; - Le crâne n° 4047 du musée de l’Homme, période grecque. Crâne d’un homme de quarante ans avec des traces d’or sur les incisives maxillaires latérale et centrale droites (11 et 12) ; - Le crâne n° 2338 du musée de l’Homme, 19ème dynastie. Incisives inférieures partiellement recouvertes d’or ; - Le crâne C18 du musée d’Histoire naturelle de Lyon, 18ème dynastie. Pour ces quatre exemples, l’auteur conclut plutôt à des artifices d’embaumement. Le Dr Jonckheere pense lui aussi qu’il s’agit d’« un simple arrangement cosmétique d'un cadavre ».
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Conclusion Les fouilles archéologiques menées en Egypte ont permis de faire remonter à la surface des objets ayant un lien avec l’art dentaire, notamment des papyrus mentionnant des traitements antalgiques explicites, ainsi que des pièces prothétiques ou des traces d’intervention humaine sur la denture de quelques momies. Ces vestiges permettent d’avancer des hypothèses, mais sont insuffisants pour valider les théories scientifiques élaborées au fil du temps, et pour affirmer avec certitude ce qui a conduit les anciens Egyptiens à mettre en place de telles pratiques médicales. Cependant, l’émergence d’un corps de métier spécialisé, capable de soulager les maladies dentaires, s’impose comme une évidence. Pour autant, les Egyptiens n’ont pas révolutionné les sciences médicales et leurs apports, sur un plan théorique, pratique et pharmaceutique, sont limités du fait de leur représentation du monde. En revanche, il faut reconnaître que la prise en charge clinique de leurs patients est admirable. Elle se fait de manière objective et rigoureuse. En s’affranchissant de la magie, elle peut aboutir à un pronostic, la plupart du temps, plein de bon sens. C’est sans doute à l’apparition d’un personnel spécifique dédié aux soins que l’on doit la hiérarchisation du corps médical et sa découpe en spécialités. Le médecin n’est plus un simple artisan, mais un praticien qui soigne ses patients de manière cohérente, selon une conception de l’origine des maladies différente de la nôtre et à l’aide de remèdes rudimentaires qui se révèlent parfois, mais parfois seulement, efficaces. Certes, les pathologies dentaires retrouvées dans cette civilisation ont perduré, mais leur intensité et la manière de les traiter ont évolué. Etudier la médecine des civilisations antiques permet de mieux comprendre la médecine moderne et de relativiser les progrès de la science. Nos connaissances actuelles
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sont le fruit des nombreuses expérimentations et erreurs qui ont été commises pendant des siècles. Elles sont toujours perfectibles. A nous tous d’y travailler…
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Annexes -
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Annexe 1 : Squelettes, momies et paléopathologie. Annexe 2 : Archéologie, odontologie médico-légale et structure minérale de l’organe dentaire : quelques cas historiques. Annexe 3 : Archéologie, odontologie médico-légale et ADN pulpaire : quelques cas historiques. Annexe 4 : La première radiographie dentaire. Annexe 5 : Identification bucco-dentaire de la reine Hatshepsout. Annexe 6: Reconstruction crânio-faciale de Toutânkhamon (1345 -1327 av. J.-C.). Annexe 7 : Datation de l’âge sur la momie de Ramsès II (1314 - 1213 av. J.-C.).
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Annexe 1 : Squelettes, momies et paléopathologie. Ce mot, créé en 1892 par le naturaliste R. W. Shufeldt, désigne la « science des maladies dont on peut démontrer l’existence sur les restes humains et animaux des temps anciens ». L’étude des squelettes et des momies repose sur des examens macroscopiques, histologiques, bactériologiques et radiographiques. Les progrès de la technologie médicale moderne ont largement contribué à la compréhension de la médecine égyptienne antique. Les paléopathologistes ont été en mesure d'utiliser les rayons X dès 1896 et, plus tard, le scanner pour visualiser les os, et les organes des momies. La radiographie a eu un intérêt majeur en paléopathologie, permettant d’avoir d’excellentes images du squelette sans avoir recours au déroulement des bandelettes et surtout en étant sûr de ne causer aucune détérioration. La microscopie électronique, la spectrométrie de masse et diverses techniques médico-légales ont permis d’avoir un aperçu unique de l'état de santé en Égypte au temps des pharaons. Les parties molles elles-mêmes ont pu ainsi être largement observées. La paléodontologie est la paléopathologie appliquée à l’odontologie. Elle repose aujourd’hui essentiellement sur l’étude des crânes au moment de leur découverte. C’est en effet le seul moyen d’obtenir des dentures complètes définissant la classe sociale, les cadres historiques et économiques entourant un personnage. Ainsi, anthropologues, médecins et chirurgiensdentistes accompagnent fréquemment les équipes d’archéologues lors des fouilles. Pour réaliser cette étude, on utilise surtout des radiographies conventionnelles à distance, de face et de profil, voire des scanners, mais les examens macroscopiques sont complétés par la réalisation de radiographies intra-buccales rétroalvéolaires ainsi que par des coupes histologiques. Grâce aux procédés de momification utilisés, l’état de conservation de ces crânes est excellent puisque les téguments, et même les pulpes dentaires, sont préservés. Il faut souligner que les tissus dentaires des momies égyptiennes ont une structure identique à celle des dents contemporaines. Les crânes des momies constituent donc un matériel très intéressant pour connaître les habitudes
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alimentaires, les affections maxillo-dentaires présentées par cette population ou les tentatives de traitement de l’époque.
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Annexe 2 : Archéologie, odontologie médico-légale et structure minérale de l’organe dentaire : quelques cas historiques par le Dr Xavier Riaud. Si l’ADN est une source d’informations essentielles dans l’étude archéologique et la compréhension de l’histoire, d’autres éléments de l’organe dentaire appartenant à sa structure minérale, et en particulier les isotopes, apportent des renseignements considérables. Quels sont-ils ? Température corporelle Le California Institute of Technology, plus communément appelé Caltech, est parvenu, à partir d’isotopes en provenance de dents de dinosaures, à déterminer leur température corporelle aussi précisément que si elle avait été recueillie avec un thermomètre rectal. Ainsi, le brachiosaure aurait eu une température de 38,2 ºC et le camarasaure, de 35,7 ºC. Origine géographique Le H.L. Hunley est un sous-marin confédéré coulé en 1864, au cours du blocus de Charleston, pendant la Guerre de Sécession. Le premier à avoir détruit un navire adverse lors de son unique sortie. Il était piloté par 8 servants tous morts pendant le naufrage. Ce vaisseau a été renfloué en 2000. Après l’étude des vestiges, est venue l’investigation médico-légale et, plus spécifiquement, l’identification de ses hommes d’équipage. L’analyse isotopique des dents a eu pour objectif de définir la provenance de chacun de ces marins. Comme le précise Rozenn Hénaff-Madec (2009), « la dent se forme selon une chronologie connue. L’émail en formation fixe des éléments comme le carbone, l’oxygène, l’azote et le strontium sous formes isotopiques différentes. Ce sont l’eau et les aliments qui apportent ces constituants. Ainsi, selon l’origine géographique et le régime alimentaire, les isotopes sont présents à des concentrations différentes. Ce sont les travaux de Hall (1967) sur la concentration en 13C (isotope lourd, mais stable du carbone 12C) dans le maïs, puis ceux de Smith et Epstein (1971) sur les différents types de photosynthèse C3 et C4, et enfin, ceux majeurs, de De Niro & Epstein (1978-1981) qui ont
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démontré que les rapports isotopiques du carbone 13C/12C et de l’azote 15N/14N sont intimement liés au régime alimentaire. Ces études ont marqué le début de l’utilisation des isotopes stables en archéologie et en paléoanthropologie. » Le même auteur (2009) ajoute : « Le collagène ne constitue pas le seul support des analyses isotopiques. La fraction minérale des os et des dents (carbonate et phosphate) est aussi le siège d’analyses. En effet, cette fraction minérale reflète l’alimentation dans sa totalité, au contraire du collagène qui ne signe que la présence des protéines. La fraction minérale contient également des isotopes d’oxygène 18O et de strontium 87Sr, éléments liés au contexte géographique. La phase minérale forme 70% de l’os et de la dentine, et 97% de l’émail qui est essentiellement constitué d’hydroxyapatite carbonatée (bioapatite). La composante organique est composée à 90% de collagène en majorité de type I. La dentine est elle-même constituée de collagène de type I. » Rozenn Hénaff-Madec (2009) précise que : « Lors de la croissance ou du renouvellement des cellules osseuses, il y a une action du couple ostéoblastes/ostéoclastes, qui est soumise à de nombreux facteurs hormonaux et locaux. Mais, alors que l'os est en perpétuel renouvellement, la dentine et l'émail une fois mâtures ne subissent plus aucune modification de leur composition chimique. Le collagène dentaire contient donc des signaux contemporains du moment de sa formation. Il semble que le collagène osseux puisse refléter les dix dernières années de la vie de l'individu. De plus, les signaux isotopiques sont variables d'un échantillon osseux à un autre, car soumis aux variations de son renouvellement. » En conclusion de son étude, la jeune femme (2009) affirme que : « Dans le cas des échantillons prélevés au niveau des molaires des hommes du Hunley, il est apparu que, pour quatre d'entre eux, les résultats des analyses ont montré un régime à base de blé, de seigle et d'orge, et cela, dès la petite enfance. Ces hommes seraient donc nés en Europe. Parmi ces quatre personnes, deux d’entre eux ont vécu aux Etats-Unis relativement longtemps, car les analyses isotopiques réalisées au niveau de leurs fémurs ont montré des résultats très proches de ceux qui sont nés et qui vivaient alors en Amérique du Nord.
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Dans les quatre autres cas, les marins ont grandi en ayant une alimentation à base de maïs et d’autres plantes du même groupe. Ce type de régime étant celui de base des Américains de cette époque, ils seraient donc nés dans le nouveau monde. » En 2011, une fosse a été exhumée dans le Dorset où étaient enterrés de nombreux corps de Vikings (54 corps et 51 crânes). Ils avaient été tués par les Britanniques locaux. Après examen, les incisives centrales de ces hommes ont été limées. Les chercheurs supposent que ces mutilations tribales avaient pour but d’effrayer leurs ennemis. Toujours est-il qu’après examens isotopiques de ces fameuses dents, leur origine a été confirmée. Il a même été constaté que l’un de ces cadavres provenait du nord du cercle arctique. Déterminisme de l’âge Il existe plusieurs formules pour déterminer l’âge d’un corps à partir des dents. Il y a celle de Gustafson (1947) qui utilise six critères de modifications physiologiques des dents observés en fonction du vieillissement, mais qui impose de procéder à des inclusions et à la réalisation de lames minces, par sections polies, ce qui n’est pas à la portée de tous. Il y a aussi celle de Lamendin (1988) qui propose, dans un premier temps, une formule de Gustafson simplifiée qui ne repose que sur trois critères et que le Français juge très vite peu fiable. Puis, ce dernier définit une méthode ne s’appuyant que sur deux critères et prenant en compte les rapports entre la hauteur de translucidité, et la hauteur de parodontose (hors pathologie évidente) avec la hauteur de la racine. C’est la formule de Lamendin (1990). En 1989, Drusini s’intéresse à la translucidité de la dentine radiculaire sur dents entières. Hélène Martin (1996) a, quant à elle, cherché une méthode de détermination de l’âge à partir du cément dentaire. Il y a enfin le nuancier radiculaire de Guy Collet (1999). Ce dernier a étudié la couleur des racines des dents à différents âges et sur différents échantillons de populations. A partir des résultats, il a créé un nuancier qui fait référence aujourd’hui. A la fin de l’année 1976 et au début de 1977, à des fins de réhabilitation de la momie de Ramsès II (1314-1213 av. J.-C.),
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pharaon égyptien, celle-ci a séjourné huit mois au musée de l’Homme à Paris. Là, elle a subi tous les examens médicolégaux possibles. Les dents n’ont évidemment pas été oubliées. La détermination de l'âge par la méthode de Lamendin a donné un âge de décès à 80 ans, plus ou moins cinq ans. En novembre et en décembre 1995, lors de la translation du corps de sainte Roseline (v. 1270-1329), des examens médicolégaux ont été réalisés. C’est le Dr Franck Domart, chirurgiendentiste, qui s’est occupé de la partie odontologique. Il a renoncé rapidement à utiliser la formule de Lamendin, car il lui aurait fallu extraire des dents. Il a décidé d’utiliser, pour déterminer l’âge de la relique, la méthode de Drusini. Avec celle-ci, il a estimé l’âge de sainte Roseline au moment de sa mort, à 41,5 ans avec une marge d’erreur de plus ou moins 10 ans. Puis, il a employé la méthode de Gustafson simplifiée. Avec cette dernière, Franck Domart a situé l’âge du corps dans une fourchette comprise entre 50 et 60 ans, avec une marge d’erreur de plus ou moins 10 %. Régime alimentaire L’Australopithecus afarensis (4 100 000 ans à 3 000 000 années) présente une mandibule en forme de V rétréci vers l’avant. Les dents ont des particularités communes aux dents actuelles. Malgré tout, elles en diffèrent par certains caractères de spécialisation. L’exemple le plus connu, popularisé sous le nom de Lucy, vient de l’Afar, au nord de l’Ethiopie. Ses molaires et ses prémolaires sont de grande taille. Les incisives sont développées et les canines, saillantes. Le palais est peu profond. Les mandibules sont extrêmement robustes. Les mâchoires sont projetées vers l’avant. L’usure des dents raconte ce que mangeait l’Australopithecus afarensis. La robustesse des os des mandibules et des dents suggère que son alimentation comportait une part importante de nourritures végétales coriaces. L’étude des traces d’usure apporte plus de précisions sur la nature de ce régime alimentaire. La consommation de feuilles a laissé des traces de polissage sur les incisives. Les nourritures provenant du sous-sol et contenant des éléments abrasifs, comme des grains de poussière ou de roche, ont provoqué la formation de petits cratères dans l’émail des
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molaires. À étudier ses dents, on sait donc que les Australopithèques de l’Afar consommaient abondamment les parties souterraines des plantes (racines, bulbes, tubercules, rhizomes, oignons), comme d’autres aliments coriaces tels que les légumes et les fruits des arbustes des savanes. Toutes ces nourritures sont plus dures que celles qui sont trouvées dans les milieux forestiers humides, ce qui explique la face robuste de Lucy et des siens. L’Homo neanderthalensis, quant à lui, évolue entre 100 000 ans et 30 000 ans, en Europe et au Moyen Orient. La face des Néandertaliens ramenée vers l’avant forme le « museau néandertalien ». Celui-ci se présente sous la forme d’un plan oblique et régulier, qui s’étend du bord du nez à l’arcade zygomatique. Les pommettes ont complètement disparu. L’avancée des arcades dentaires est telle que, vu de profil, un espace, dénommé espace rétromolaire, sépare la dernière molaire de la branche montante de la mandibule. Ce sont sans équivoque possible des carnivores. Profession Une étude macroscopique et une étude en microscopie électronique à balayage de deux prémolaires inférieures humaines chez un individu du Néolithique moyen ont permis de mettre en évidence une usure particulière, non physiologique, due à l'utilisation de ses dents comme outil. A l'aide des exemples préhistoriques déjà connus et des exemples ethnoarchéologiques, une hypothèse a pu être avancée quant à l'activité artisanale de cet individu. Il était « crocheur ». En mars 2008, la momie d'une femme d'époque copte, conservée dans les collections du musée des Beaux-Arts de Grenoble, a subi une étude tomodensitométrique dans la clinique universitaire de radiologie de l’hôpital A. Michallon. Selon Francis, Janot (2010), « (…) Les surfaces coronaires du groupe incisif supérieur (11, 12, 21, 22) de cette femme sont porteuses d'une rainure, de direction mésio-distale, qui est une perte de substance parfaitement indépendante de toute mastication. Elle débute de l’incisive latérale supérieure gauche (22) pour se terminer au point de contact distal de l’incisive latérale supérieure droite. En vue palatine, les surfaces de contact d’aspect polymorphe sont très marquées
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selon la dent. La dentine, qui est mise largement à nu, porte un schéma de mastication consécutif à des frottements répétitifs sur une substance dure introduite transversalement dans la bouche. De fait, l’objet inséré n’a épargné qu’un modeste pan d’émail vestibulaire et palatin de la couronne de l’incisive supérieure gauche. De plus, des stries parallèles, de direction horizontale, les unes au-dessus des autres, sont identifiées sur la face vestibulaire de la canine gauche. Manifestement, elles sont dues aux insertions répétées du même objet. Les indices d'anatomie dentaire relevés restituent un mouvement d’interposition d’un objet entre les dents qui commence du côté gauche de la denture (à partir de la 22). La face vestibulaire de la canine (23) fait alors fonction de guide. Ainsi, il est possible d’affirmer que cette femme était à prédominance gauchère. » Le même auteur (2010, pp. 89-97) affirme que : « Effectué des milliers de fois, le mouvement fonctionnel est donc sans aucun doute en relation directe avec la profession exercée par la défunte. Il est donc possible de proposer une reconstitution de la gestuelle accomplie. Ainsi, les usures polymorphes identifiées sur le groupe incisif supérieur sont provoquées par un mouvement fonctionnel mandibulaire d’avant en arrière qui fait pendant au mouvement manuel oscillatoire de la main gauche qui travaille également à un mouvement de tirage de dedans en dehors pour obtenir une dilacération des fibres de la racine. La face vestibulaire de la 23 fait alors office de calage, tandis que la couronne de la 22 sert de guide de positionnement. De plus, l’usure maximale des surfaces occlusales du groupe incisif droit (11,12) est consécutive à l’activité musculaire massétérine due aux multiples forces exercées lors de la dilacération des fibres. Cette activité des faisceaux musculaires a modelé la face externe de la branche montante droite de la mandibule et entraîné une contrainte maximale sur la zone osseuse de l’insertion inférieure du muscle au niveau de l’angle mandibulaire. L'exostose (ou enthèse) observée sur l’angle goniaque droit en est la conséquence directe. Elle est la réponse osseuse à cette contrainte répétée tout au long de l’activité professionnelle de la défunte de Grenoble. Naturellement, l’ensemble du mouvement réalisé induit une salivation abondante. »
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Francis Janot (2010) est convaincu que : « Il s’agit maintenant de retrouver l’objet qui a laissé une telle abrasion. Plusieurs hypothèses sont envisageables : une activité musicale, un travail de vannerie et de cordes, un travail de tissage, de cuir ainsi que les troubles de bruxomanie. Malheureusement, aucune des marques induites sur la denture par ces différentes activités ne correspond à celles relevées sur la défunte de Grenoble. Pourtant, cette marque odonto-légale possède un parallèle dans la statuaire africaine. En effet, le mouvement d’interposition d’une racine est reconnu sur des statuettes en bois de chefs et de devins des ethnies kôngo/vili et kôngo/yombé de la république démocratique du Congo. Par un mouvement de dilacération des fibres de la racine munkwisa, le jus extrait a des vertus hallucinogènes qui exacerbent les pouvoirs de clairvoyance et de vision. Les études pharmacologiques montrent que l'écorce de cet arbuste contient un puissant alcaloïde : l'ibogaïne qui stimule le système nerveux central. Selon la dose ingérée, il entraîne des hallucinations, des tremblements, voire des convulsions. Une activité de voyance ? Les indices anatomiques mis en lumière invitent à entrer plus avant dans le bien maigre dossier concernant les membres du personnel religieux occupés plus spécialement aux questions oraculaires, orales et écrites, à partir du Nouvel Empire en Égypte. (…) Dès lors, l'Égyptienne ancienne du muséum de Grenoble pourrait être porteuse, sur son organe dentaire, d’une marque révélatrice d'une activité de clairvoyance. »
La tête de la défunte (© Fr. Janot).
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La marque révélatrice (© Fr. Janot).
Références bibliographiques : Gilbert J-M., « Archéologie et odontologie : la dent-outil, troisième main de l'Homme. Le « crocheur » de la nécropole de Benon », in Groupe vendéen d’études préhistoriques, 1990, n° 23, pp. 31-59. Grévin Gilles, Boyer Raymond et al., Une sainte provençale du XIVème siècle, Roseline de Villeneuve, De Boccard (éd.), Collection De l’archéologie à l’histoire, Paris, 2006. Heim Jean-Louis & Granat Jean, « Les dents humaines : origine, morphologie, évolution », in La Paléo-odontologie, analyses et méthodes d’étude, œuvre collective, Artcom (éd.), Paris, 2001. Hénaff-Madec Rozenn, Enquête médico-légale sur le naufrage du H. L. Hunley, L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2009. Kennedy Maev, « Incisor raiding : Viking marauders had pattern filled into their teeth », in The Guardian, 04/07/2011. Lamendin Henri, Petites histoires de l’art dentaire d’hier et d’aujourd’hui, L’Harmattan (éd.), Collection Ethique médicale, Paris, 2006. Lewino Frédéric, « Le Point de la semaine – Sciences », in Le Point, 2024, 30/06/2011, p. 30. Monier Thibault, « Retour sur l’étude paléopathologique de la momie de Ramsès II au muséum d’Histoire naturelle (Paris) :
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1976-1977 », in Actes du 1er Colloque Internationale de Pathographie 2005, De Boccard (éd.), Paris, 2006, pp. 151-157. Picq Pascal, Les origines de l’Homme ; l’odyssée de l’espèce, Tallandier (éd.), Paris, 1999. Riaud Xavier, Quand la dent mène l’enquête…, L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2008. Riaud Xavier & Janot Francis, Odontologie médico-légale : entre histoire et archéologie, L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2010 (passage tiré du chapitre écrit par le Pr. Francis Janot intitulé « La marque révélatrice d'une profession portée par l'organe dentaire de la momie de Grenoble », pp. 89-97).
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Annexe 3 : Archéologie, odontologie médico-légale et ADN pulpaire : quelques cas historiques par le Dr Xavier Riaud. Aujourd’hui, l’ADN de la pulpe d’une dent, à l’abri de toute pathologie dentaire, constitue un moyen d’investigation remarquable en odontologie médico-légale, mais aussi en archéologie. En effet, de nombreuses recherches historiques emploient ce procédé scientifique afin de préciser différents éléments comme l’origine d’un corps, son identification, les causes de sa mort et son éventuelle filiation, voire même son positionnement dans la longue chaîne de l’évolution humaine. Voici quelques exemples historiques où l’analyse de l’ADN pulpaire a donné des résultats extraordinaires. Origine En Andorre, à Segudet, des restes humains provenant d’une tombe préhistorique découverte ont été découverts dans la paroisse d’Ordino, à une altitude de 1324 m. Ce corps appartient à la période du néolithique ancien (période épicardiale située entre 4300 et 4050 av. J.-C.). Ces restes ont été déposés pour étude au laboratoire de Paléoanthropologie de la Unitat d'Antropologia, Dept. Biologia Animal, Vegetal i Ecologia, Universitat Autònoma de Barcelona et ont été identifiés sous le sigle S-2001. Le squelette appartiendrait à un individu adulte, de sexe féminin, dont l’âge du décès a été évalué entre 30 et 35 ans. Après étude de l’ADN mitochondrial d’une canine supérieure droite (13), il a été déterminé que l’individu appartenait à l’haplogroupe européen K, caractérisé par un âge compris entre 12 900 et 18 300 ans. Ainsi, cet haplogroupe est présent dans les populations néolithiques du Pays Basque et est majoritairement rencontré dans les populations autochtones d’Andorre. Ötzi est le nom donné à un corps congelé et déshydraté, retrouvé dans les Alpes de l’Ötztal, à la frontière entre l’Italie et l’Autriche, découvert le 19 septembre 1991. Agé d’environ 46 ans, il aurait vécu entre 3 350 et 3 100 av. J.-C. L’étude de son ADN dentaire a permis de déterminer qu’il appartenait à la subdivision K1 de l’haplogroupe européen K, très fréquemment rencontré au sud des Alpes et dans la région de l’Ötztal.
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Identification médico-légale Le 15 avril 1912, à 2h20, le Titanic coule après avoir heurté un iceberg. 1 496 passagers meurent sur les 2 208 à bord. Quelques corps sont repêchés. Parmi eux, un enfant inconnu est découvert le 21 avril et est inhumé au cimetière de Fairview Lawn de Halifax, au Canada. A la fin de l’été 1998, sur l’injonction de familles qui souhaitent identifier des corps susceptibles d’avoir un lien de parenté avec eux, le corps de cet enfant est exhumé. C’est une famille suédoise qui a démarché pour cet enfant, les Pålsson. Ils pensaient que le petit pouvait être Gösta Leonard Pålsson, âgé de 2 ans et trois mois, et demi au moment de la catastrophe. A l’exhumation, 3 dents (55, 73, 84) seulement de l’enfant ont pu être retrouvées. Après analyse et comparaison des ADN mitochondriaux de la famille et des restes, il a été établi qu’il n’y avait aucun lien de filiation. Après étude, il a été reconnu que ces 3 dents étaient des dents temporaires. Une analyse anatomique dentaire appropriée a démontré que ces dents étaient celles d’un bébé dont l’âge se situait dans une fourchette de 9 à 15 mois, pas davantage. Par la suite, une étude microscopique et histologique a retrouvé de la dentine dans la dent lactéale n° 84, mais pas dans les deux autres. Au laboratoire des ADN anciens de l’université Brigham Young de l’Utah, dans le Colorado, de l’ADN mitochondrial a été isolé à partir de cette dentine. Cet ADN mitochondrial provenant de nos mères, des généalogistes sont parvenus à retrouver des descendants des lignées maternelles de tous les enfants de moins de 3 ans décédés dans le naufrage et à en obtenir des échantillons d’ADN. Deux garçons correspondaient au profil génétique prédéterminé : l’un avait 19 mois et le second, 13 mois. Comparés à leurs ancêtres maternels, les résultats ont été les mêmes pour les deux « suspects ». Mais, c’est le second qui correspondait aux critères d’âge estimés (9 à 15 mois). Il s’appelait Eino Viljam Panula. Ses restes ont été de nouveau inhumés. Il avait 13 mois. Copernic (1473-1543), célèbre astronome, a démontré notamment que l'ensemble des planètes tourne comme le fait la Terre autour du Soleil, l'axe de la terre oscillant comme ferait une toupie. Il a été enterré dans l'imposante cathédrale de Frombork, aux bords de la Vistule, mais personne ne savait
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exactement où. En 2005, les recherches archéologiques effectuées sur de nouvelles bases explorent cette fois, l'autel Sainte-Croix, un des seize autels adossés aux piliers de la cathédrale. Sous le pavement de marbre, les restes de 13 corps ont été retrouvés, dont le crâne et les dents d'un homme septuagénaire. Une équipe de spécialistes venus de l'Institut médico-légal de Cracovie et de l'université suédoise d’Uppsala ont pu identifier les derniers restes comme étant ceux de Copernic. L'enquête avait été menée selon les procédés les plus modernes de la police judiciaire. Les tests génétiques notamment ont été pratiqués sur le matériel dentaire, mais la preuve qu'il s'agissait bien de l'ADN de Copernic faisait défaut. Le matériel précieux, en l’occurrence un cheveu, a finalement été trouvé en Suède, dans un livre daté de 1518, intitulé Calendarium Romanum Magnum de Johannes Stoeffler, un manuel que Copernic avait utilisé pendant sa vie et qui avait été emporté par les Suédois au cours des guerres polono-suédoises du XVIIème siècle. La comparaison de l’ADN dentaire et de celui du cheveu a abouti à l’identification certaine des restes du célèbre astronome. Le 22 mai 2010, le corps de Nicolas Copernic a enfin pu être enterré solennellement à la cathédrale de Frombork, 467 ans après sa mort. Empoisonnement Le cas de Diane de Poitiers (v. 1499/1500-1566), maîtresse d’Henri II, fils de François Ier et roi de France, est bien évidemment incontournable. La duchesse d’Etampes (v. 1508ap. 1575), maîtresse en titre de François Ier, devenue rivale de Diane de Poitiers, « a fait versifier par un poète à sa dévotion un portrait caricatural de son ennemie. Dans celui-ci, rien n’avait été omis : ni les rides, ni les cheveux teints, ni les fausses dents,… » La duchesse d’Etampes affublait sa rivale du triste sobriquet : « vieille édentée », en rapport avec ses fausses dents. Effectivement, elle a chargé un poète satirique, Jean Voûté, de railler Diane, alors âgée de 38 ans. Auteur d’une publication calomnieuse, dans ses hendécasyllabes, imprimées à Paris, en 1537, il lui reproche ses dents artificielles. Ambroise Paré décrit d’ailleurs un appareil prothétique similaire à celui de Diane de Poitiers, dans son livre Dix livres de chirurgie, avec le Magasin des instrumens nécessaires à icelle paru chez Jean Le
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Royer, en 1564, à Paris. En 2008, au pied de l’église d’Anet, les restes de Diane de Poitiers ont été exhumés. Ainsi, une mandibule édentée intacte, un hémi-maxillaire gauche et une dent ont été recueillis. Les ossements ont été superposés avec le dernier portrait peint de la favorite d’Henri II par Clouet en 1562, conservé au musée de Chantilly. Le résultat est conforme aux traits du visage. La dent, quant à elle, a fait l’objet de prélèvements ADN qui ont révélé un taux d’or considérablement plus important que la norme. L’or potable sous forme de solution buvable aurait été utilisé comme élixir de longue vie et de beauté par Diane. Cet or l’aurait lentement intoxiqué et tué. De plus, pour information, « la mandibule présentait des logettes alvéolaires pour les dents n° 31, 32 et 42 qui étaient absentes. Toutes les autres dents sont tombées en ante mortem depuis assez de temps pour que l’os ait parfaitement cicatrisé et que les branches horizontales soient amincies au point de donner un aspect sénile à la mandibule. L’hémi-maxillaire gauche portait encore la dent n° 24 qui affichait une usure occlusale marquée et une parodontopathie prononcée. » Bactériémie suite à une épidémie En décembre 1812, la Grande Armée fait retraite sur Vilnius. En automne 2001, une fosse commune contenant des ossements de soldats français par centaine y est exhumée. Les recherches sont confiées au CNRS. Cette équipe a commencé par les fouilles du site, l’étude anthropologique et l’analyse des uniformes. Les prélèvements de terre, de tissus et de dents ont été remis à l’Unité des Rickettsies et pathogènes émergents du CNRS. Les scientifiques considérés sont parvenus à séparer les poux des prélèvements par une technique de leur invention. 5 catégories de poux ont pu être ainsi repérés. Dans 3 d’entre elles, la bactérie Bartonella quintana, vecteur de la maladie du typhus, a été isolée. A suivi l’étude des dents de 35 soldats à partir de la pulpe dentaire. Cette pulpe présente sous forme de poudre, après étude ADN, a permis de déterminer l’existence de bactéries ayant contaminé leur hôte : Bartonella quintana dans 7 corps et Rickettsia prowazekii dans 3 autres. Autrement dit, après examens, 30% des soldats enterrés à Vilnius souffraient des maladies causées par les poux et en seraient morts. Ces
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insectes, vecteurs de la maladie du typhus, ont donc joué un rôle prépondérant dans la retraite de Russie. Cette pathologie a été la première cause de mortalité durant cette campagne. Elle a été responsable de 80 % des morts par maladies. D’après Oleg Sokolov, 300 000 hommes seraient morts lors de la campagne de Russie. Cinq hommes sont morts suite à une maladie pour un au cours des combats. La fouille du cimetière protestant de Saint-Maurice du XVIIème siècle en 2005, menée sous la direction de l’INRAP et en collaboration avec le laboratoire départemental d’Archéologie du Val-de-Marne, a mis en évidence plus de 165 inhumations ainsi que les vestiges du premier temple. Les premières analyses paléopathologiques montrent les symptômes d’un rachitisme vitamino-résistant sur une grande partie de la population inhumée ainsi que la présence de la peste chez trois individus. L’identification du bacille pesteux a été faite sur deux individus de sexe masculin et féminin provenant de la nécropole. Le troisième a été reconnu sur une inhumation momifiée, retrouvé en 1986, dans un sarcophage en plomb. L’inhumé concerne un noble anglais, Thomas Craven, protestant et membre de l’église réformée parisienne, mort en 1636, à l’âge de 18 ans. Les analyses biomoléculaires ont été réalisées par le laboratoire des Rickettsies de la faculté de Médecine de Marseille. Les prélèvements dentaires ont concerné sept sépultures, incluant la momie du noble anglais Thomas Craven et six sépultures prises au hasard. Deux gènes, dont la séquence est spécifique de la bactérie responsable de la peste, Yersinia pestis, ont été amplifiés par la technique PCR en présence de témoins négatifs. Au total, 3 individus ont reçu un diagnostic de certitude de peste, et un autre, un diagnostic probable. La momie de Thomas Craven a été ainsi le premier individu pestiféré identifié. Filiation Fils du prince héritier Frédéric III et de son épouse Victoria, princesse royale du Royaume-Uni, Guillaume II (1859-1941) revendique malgré tout son ascendance prussienne et conteste la suprématie maritime du Royaume-Uni. Il devient empereur en 1888. Son règne est marqué par un militarisme exacerbé. Il renvoie le chancelier Bismarck en 1890 et ne renouvelle pas le pacte germano-russe d’assistance mutuelle. Sa politique
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étrangère agressive le met en confrontation directe avec le Royaume-Uni et l’isole sur un plan diplomatique. Il n’a pas provoqué la Première Guerre mondiale à lui seul, mais n’a rien fait pour l’empêcher. Pendant la guerre, il est commandant en chef des armées, mais bientôt, il perd toute autorité, ce qui le discrédite. Chassé du pouvoir, son abdication est prononcée le 9 novembre 1918. Il s’exile au Pays-Bas. Il meurt à Doorn, dans sa propriété, pendant l’occupation allemande des Pays-Bas et est enterré dans cette ville. Aujourd’hui, le château de Doorn est ouvert aux visites. Lorsque le guide arrive à la chambre où l’empereur est décédé, il prend dans la table de nuit, un petit écrin contenant une dent. En la montrant au public, il explique que c’est grâce à celle-ci que l’existence d’une fille illégitime de Guillaume II a pu être écartée. En effet, une artiste peintre, dont les toiles étaient exposées dans une galerie d’art, arguait de sa soi-disant ascendance impériale. En 1996, un prélèvement ADN est effectué sur les restes de la dame en question. Il est comparé à celui du monarque allemand, obtenu à partir de la dent présentée par le guide. La conclusion est sans équivoque. Il n’y aucun lien de filiation. La supercherie est terminée. Chronobiologie En août 2008, Richard Green de l'Institut Max-Planck d'anthropologie évolutive de Leipzig a réussi le premier séquençage de la totalité de l’ADN mitochondrial d’une dent d’un Homo neanderthalensis, vieux de 38 000 ans. Les résultats confirment que le dernier ancêtre commun des hommes de Neandertal et des Homo sapiens aurait vécu, il y a 660 000 ans (à 140 000 ans près). Svante Pääbo, également de l’Institut Max Planck, a, quant à lui, commencé en 1997, son œuvre de déchiffrage avec la première analyse de l’ADN mitochondrial de Néandertalien. L’équipe internationale de chercheurs dirigée par Svante Pääbo a déchiffré une séquence d'environ un million de nucléotides de l’homme de Neandertal, grâce une nouvelle technique appelée le pyrosequencing, qui permet d’analyser les séquences d’ADN sans les amplifier. L’équipe d’Edward Rubin, qui a travaillé avec le même matériel en partenariat avec Pääbo, a utilisé une autre méthode et a identifié 65 000 paires de bases. Les deux analyses parviennent à des conclusions très proches relatives à la chronobiologie.
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Pour l’équipe de Pääbo, les Homo sapiens et les Homo neanderthalensis ont divergé, il y a environ 500 000 ans, tandis que l’équipe de Rubin conclut que les deux espèces auraient partagé un ancêtre commun, il y a environ 700 000 ans, et qu’elles se seraient par la suite séparées, il y a environ 370 000 ans. La différence entre les deux génomes serait inférieure à 0,5%. Rubin et ses collègues n’ont pas trouvé de traces d’un croisement entre l’homme moderne et l’homme de Neandertal. Les résultats, publiés par l’équipe de Pääbo en 2010, portant sur l'analyse de 4 milliards de paires de bases d'ADN nucléaire issus d'ossements fossiles de trois Néandertaliens, montrent que ceux-ci partagent plus de caractéristiques génétiques avec les Homo sapiens modernes eurasiatiques qu'avec ceux d'Afrique sub-saharienne. Actuellement, les chercheurs envisagent l'hypothèse selon laquelle les Néandertaliens auraient contribué au génome des populations d'humains modernes non africaines. Conclusion Aujourd’hui, l’emploi de l’ADN en tant que moyen utilisé dans une recherche scientifique consécutive à une enquête historique ou archéologique est devenu un procédé incontournable. A l’exception de l’estimation de l’âge où les résultats ne semblent pas probants et où de nombreuses questions restent posées, ses champs d’investigations sont quasi illimités, pourvu que l’ADN soit intact et exploitable au vu des vestiges anciens retrouvés sur les sites. Pourtant, s’il est remarquable, ce procédé n’en demeure pas moins un recours extrêmement onéreux. L’ADN peut être aussi trouvé dans la salive. Ainsi, sur une scène de crime, peut-on recueillir des mégots de cigarette, des traces sur un verre par exemple qui permettent de relever un ADN qui devient coupable après une comparaison avec des fichiers préalablement établis. « Chaque bouche possède une signature microbienne aussi spécifique que les empreintes digitales. Une étude menée aux Etats-Unis a identifié 400 espèces de bactéries buccales dont seulement 2% sont communes à tous. Chacun des quatre groupes ethniques, Blancs, Chinois, Latinos et Noirs non hispaniques, possède également une signature différente. »
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Annexe 4 : La première radiographie dentaire par le Dr Xavier Riaud. En 1838, le chimiste et physicien britannique Faraday (17911867) s’intéresse aux décharges électriques dans les gaz raréfiés. Il met en place une anode et une cathode en vis-à-vis dans un tube en verre. La cathode est mise sous tension et si celle-ci est assez élevée, cela déclenche une étincelle entre les deux électrodes. Si on diminue la pression du gaz dans l’ampoule, on constate que l’apparence de l’étincelle se change en une émanation violette. Faraday pense alors avoir découvert un quatrième état de la matière qu’il nomme « matière radiante ». Cette expérience est refaite tout le XIXe siècle. En 1869, Hittorf (1824-1914) prouve que cette lueur est due à l’arrivée, sur le verre, de rayons qui se propagent en ligne droite depuis la cathode. Il montre aussi que c’est rayons peuvent être déviés par un obstacle. L’arrivée des rayons cathodiques sur la paroi du tube provoque la fluorescence du verre et l’obstacle contre lesquels ces rayons buttent génère une ombre sur la paroi du tube8. En 1895, le physicien allemand Wilhelm Conrad Röntgen (1845-1923), alors âgé de 50 ans, étudie le rayonnement cathodique avec des tubes de Crookes. Il s’intéresse plus précisément à la pénétration des rayons dans le verre. Il a déjà été constaté à l’époque que les rayons cathodiques peuvent franchir la paroi du tube et pénétrer de quelques centimètres dans l’air. Dans la soirée du 8 novembre, au cours de ses travaux préliminaires, il décide de recouvrir le tube d’un cache en carton noir. Il constate alors qu’un écran recouvert d’une couche de platinocyanure de baryum placé fortuitement en face du tube devient fluorescent lors de la décharge. Or, il sait qu’à cette distance, la fluorescence ne peut pas être due aux rayons cathodiques. Il éloigne encore l’écran et constate que la fluorescence persiste malgré l’augmentation de la couche d’air à traverser. Puis, il intercale des objets entre l’ampoule et l’écran : une feuille de papier, une feuille d’aluminium, du bois, du verre et même un livre de mille pages. À chaque fois la fluorescence 8
Cf. Demirdjian H., « La radiographie (I) – Histoire de la radiographie et de ses applications médicales », in CultureSciencesChimie, 2007.
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persiste : il en conclut qu’il vient de découvrir un rayonnement distinct de celui émis par la cathode, très pénétrant puisqu’il est capable de traverser la matière. Ces rayons étant inconnus jusqu’alors, il les nomme « X » du nom de l’inconnue en mathématiques. Il consacre les dernières semaines de 1895 à manipuler en solitaire et parvient à attribuer les caractéristiques suivantes aux rayons X : - Ils sont faiblement absorbés par la matière. Mais, cette absorption augmente avec la masse atomique des atomes absorbants : une fine couche de plomb suffit à stopper le rayonnement produit avec ses sources de rayons X. - Ils sont diffusés par la matière. C'est l’origine du rayonnement de fluorescence. - Ils impressionnent une plaque photographique. - Ils déchargent les corps chargés électriquement9. Il montre également que les rayons ont pour origine la paroi du tube de verre à l’endroit où arrive le rayonnement cathodique. Dans sa première communication faite à la Société physicomédicale de Würzburg, intitulée « Sur un nouveau type de rayon », il remarque que « si l’on met la main entre l’appareil à décharges et l’écran, on voit l’ombre plus sombre des os de la main dans la silhouette un peu moins sombre de celle-ci. » Röntgen décrit la première image radiographique. Il réalise également le premier cliché radiographique, le 22 décembre 1895, en intercalant la main de son épouse entre le tube de Crookes et une plaque photographique. Les parties les plus denses et épaisses sont les plus sombres sur la plaque. On distingue une bague sur le majeur. Röntgen se voit attribuer le premier Prix Nobel de physique en 1901 en récompense « des services extraordinaires rendus possibles par sa découverte des rayons remarquables qui portent son nom ». Les rayons X suscitent immédiatement un vif intérêt au sein du public. Les premières radiographies font le tour du monde par voie de presse et il ne faut pas longtemps pour que la radioscopie (observation sans prise de cliché) et la radiographie deviennent des attractions de foire. De son côté, le corps 9
Cf. Demirdjian H., « La radiographie (I) – Histoire de la radiographie et de ses applications médicales », in CultureSciencesChimie, 2007.
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médical saisit très vite l’intérêt offert par cette technique d’imagerie10.
Wilhelm Conrad Roentgen et la première radiographie de la main de sa femme (1895).
Otto Walkhoff est né le 23 avril 1860, à Braunschweig, en Allemagne. Il décède le 8 juin 1934, à Berlin. Dentiste de profession, il publie un premier livre en 1928, intitulé le Système des traitements médicaux des pathologies pulpaires et périodontales. En 1931, un deuxième ouvrage paraît qui porte le titre Le problème des infections dentaires et les moyens employés en dentisterie conservatrice pour les traiter. Aujourd’hui, Walkhoff est encore considéré comme un des pères fondateurs de l’endodontie. Il a notamment banalisé l’usage du chlorophénol camphré pour stériliser les canaux et en 1896, accompagné de Fritz Giesel, est l’auteur de la première radio dentaire de l’histoire11. Quatorze jours après la première publication de Roentgen en date du 28 décembre 1895, Walkhoff réalise la première radio dentaire de ses propres dents. Pour cela, il demande au professeur de physique Fritz Giesel également de Braunschweig de l’assister. Il le prie de prendre une radio de ses molaires. Des petits morceaux son découpés dans les plaques du commerce d’origine et ensuite enveloppés pour en conserver un témoignage. Walkhoff a reçu les premiers rayons intrabuccaux après une exposition d’une durée de 25 minutes. Dans son 10
Cf. Demirdjian H., « La radiographie (I) – Histoire de la radiographie et de ses applications médicales », in CultureSciencesChimie, 2007. 11 Cf. Forrai Judith, « History of X-Ray in Dentistry », in Rev. Clín. Pesq. Odontol., 2007 set/dez. ; 3(3) : 205-211.
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compte rendu, il rapporte : « Cela a été une vraie torture, mais j’ai ressenti une grande joie en étant confronté aux résultats. C’est là que j’ai mesuré l’importance de la découverte de Roentgen pour la dentisterie du futur. » Mais, cette application n’a pas été sans heurt et sans effet secondaire, puisqu’elle a induit la perte des cheveux de son généreux « cobaye » 12.
Dr Otto Walkhoff, dentiste allemand, et sa première radiographie dentaire (1896).
L’usage des rayons X pour réaliser des images médicales se répand dans le monde entier dès 1896. La première installation radioscopique voit le jour en France, en 1897. En effet, le Dr Béclère installe, cette année-là, dans son service de médecine générale à l’hôpital Tenon, une installation radioscopique destinée à faire des radio du thorax et des poumons à des fins de détection de la tuberculose.
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Cf. Forrai Judith, « History of X-Ray in Dentistry », in Rev. Clín. Pesq. Odontol., 2007 set/dez. ; 3(3) : 205-211.
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Annexe 5 : Identification bucco-dentaire de la reine Hatshepsout par le Dr Xavier Riaud. En 1479 av. J.-C., Thoutmosis II meurt après un règne très court13. Son successeur, Thoutmosis III, n’est pas le fils de la grande épouse royale, Hatshepsout14, demi-sœur du défunt, mais celui d’une épouse secondaire. La reine décide de se proclamer « roi » à part entière. Ainsi, s’installe une corégence avec le jeune roi. En tant que co-régente, elle se présente en tant que grande épouse royale et épouse du dieu Amon. Ses décisions sont prises au nom du roi régnant, Thoutmosis III. En l’an 7 du règne du jeune monarque, la reine coiffe les couronnes royales et adopte les attributs de la royauté : titulature composée de cinq titres et de cinq noms, sceptres, barbe postiche, pagne court et queue de taureau, qui sont autant de symboles de puissance. Très vite, elle proclame qu’elle est la fille d’AmonRê, le chef du panthéon égyptien, qui l’aurait choisie pour lui succéder15. Elle affirme aussi que son père l’aurait aussi confirmée dans sa succession devant les grands du royaume réunis. Hatshepsout s’assied sur le trône aux côtés de Thoutmosis III, mais n’entend pas le remplacer. En effet, si deux rois existent, une seule fonction royale demeure. La reine forme le jeune roi à assumer sa charge future. Ce dernier devient d’ailleurs un remarquable chef de guerre. Grande bâtisseuse, les dernières attestations de cette reine remontent à l’an 20. A sa mort, Thoutmosis III organise ses funérailles. Rien ne change dans la gouvernance en place. Toutefois, en l’an 4243, le roi ordonne l’effacement de toutes les images la représentant dans les temples. Son nom disparaît aussi. Le prêtre Manéthon (IIIème siècle av. J.-C.) rapporte qu’elle a régné
13
Cf. Maruéjol Florence, « Thoutmosis III et Hatshepsout : un trône pour deux », in Historia, n° 729, septembre 2007, pp. 24-29. 14 Hatshepsout, reine-pharaon, est la cinquième à régner dans la XVIIIème dynastie de l’Egypte antique (Cf. http://fr.wikipedia.org, Hatshepsout, 2008, pp. 1-6). 15 Cf. Maruéjol Florence, « Thoutmosis III et Hatshepsout : un trône pour deux », in Historia, n° 729, septembre 2007, pp. 24-29.
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pendant vingt-deux ans. Elle s’est distinguée par son intelligence subtile et sa volonté de fer16. Une reine qui n’avait pas toutes ses dents… Son tombeau, situé dans la Vallée des Rois, près de Thèbes, est exploré par Howard Carter en 1903 et est baptisé KV20. Il est retrouvé vide17. Jusqu’à aujourd’hui, le corps demeurait introuvable. Zahi Hawass, directeur du Conseil supérieur des antiquités égyptiennes, mène une enquête scientifico-policière à travers tout le pays pour retrouver la momie de la souveraine. Il part à la recherche des momies exhumées, mais la tâche est ardue. Cachées et déplacées par les grands prêtres afin que les pilleurs ne mettent pas la main dessus, les dépouilles royales sont très nombreuses en Egypte. C’est pourquoi Hawass a fondé l’Egyptian Mummy Project qui consiste à étudier les momies au CT-Scan18. Accompagné d’une équipe de chercheurs, il entame son investigation en visitant une petite tombe située en face de la KV20. Elle s’appelle la KV60. Cette sépulture découverte par Carter en 1903, contenait deux momies de la XVIIIème dynastie : une petite, identifiée comme étant celle de la nourrice royale, Sitre-In, et une obèse reposant à même le sol. Après avoir dégagé l’entrée, Zahi se retrouve face à une caisse en bois rudimentaire qui ne renferme que la dépouille de la femme obèse. En constatant son port altier, son bras gauche replié sur la poitrine à la manière d’une momie royale, il est convaincu de l’ascendance monarchique de ce corps. Il décide aussitôt de la déplacer jusqu’au musée du Caire pour l’étudier en détail. Quant à la momie de la nourrice, elle est déjà au musée de la capitale égyptienne. Hawass considère qu’elle pourrait être une candidate intéressante19. Une fois saisis ces deux cadavres, l’équipe se remémore l’existence de deux autres momies royales non identifiées, retrouvées dans une cache du temple de Deir el-Bahari (DB320). L’endroit, fouillé au XIXème siècle par le département 16
Cf. Maruéjol Florence, « Thoutmosis III et Hatshepsout : un trône pour deux », in Historia, n° 729, septembre 2007, pp. 24-29. 17 Cf. Battaggion Victor, « La momie qui n’avait pas toutes ses dents », in Historia, n° 729, septembre 2007, pp. 30-31. 18 Technique d’imagerie qui recompose un corps scanné en 3D. 19 Cf. Battaggion Victor, « La momie qui n’avait pas toutes ses dents », in Historia, n° 729, septembre 2007, pp. 30-31.
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d’Antiquités égyptiennes, cachait plus d’une douzaine de momies de pharaons issues de plusieurs dynasties dont Ahmôsis I, Thoutmosis II et III, et Ramsès II. Parmi celles-ci, les deux dépouilles baptisées Unknown woman A et Unknown woman B20 étaient accompagnées d’un vase scellé et frappé du nom d’Hatshepsout. Après avoir été entreposés dans le musée du Caire lors de leur exhumation, les deux corps avaient été oubliés et délaissés dans les sombres et poussiéreux couloirs. De nombreuses heures s’écoulent avant que les deux femmes ne soient finalement retrouvées. La confrontation entre les quatre momies devient possible. Une reconstitution en 3D de chaque momie est réalisée par le docteur Ashraf Selim, radiologue, et le docteur Hany Abdel Rahman Amer. Chaque portrait scanné est comparé au portrait recomposé selon les données récupérées sur les dépouilles de Thoutmosis I, II et III. Une conclusion s’impose aussitôt. Les corps du site DB320 sont écartés. Pour confirmer les liens de parenté entre les deux autres momies et la lignée des Thoutmosis, les experts effectuent des analyses ADN. Des échantillons sont prélevés sur la hanche et le fémur des momies, et sont comparés à ceux de la grand-mère d’Hatshepsout, Ahmès Néfertari21. Les résultats mettent des mois à leur parvenir. L’enquête n’avance plus. Laquelle de la femme obèse ou de la nourrice pourrait être la défunte reine ? C’est alors que Zahi Hawass se rappelle du vase funéraire portant le cachet de la reine. L’urne est passée au scanner. Parmi les organes embaumés, rien d’extraordinaire n’est relevé, si ce n’est le fragment d’une molaire. Après examen, l’un des deux corps présente une très mauvaise dentition. Le professeur Galal el-Beheri, professeur d’orthodontie à la Faculté dentaire du Caire, est aussitôt sollicité. Le dentiste procède à l’étude des scanners du visage, compare les dents et le fragment, et finalement arrive à la certitude que le morceau trouvé dans le vase de la cache DB320 appartient bien à une molaire de la 20
Femme inconnue A et Femme inconnue B. Cf. Battaggion Victor, « La momie qui n’avait pas toutes ses dents », in Historia, n° 729, septembre 2007, pp. 30-31. Le rapport citerait un morceau de dent large de 1,6 cm pour un espace de 1,7 cm. 21
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mâchoire de la dame obèse du tombeau KV60. Hatshepsout est identifiée. Elle serait morte alors qu’elle avait environ 50 ans. Cette découverte est officiellement annoncée le 27 juin 2007. Les chercheurs ont découvert qu’elle souffrait de diabète et d’un cancer des os métastasé. Un abcès dentaire mal soigné aurait contribué dans une large part à son décès.
Scanner de la femme obèse du tombeau KV60 identifiée comme étant la reine Hatshepsout qui révèle l’absence d’une molaire, mais la persistance de sa racine (© The Supreme Council of Antiquities)22.
Une molaire sans racine a été trouvée dans le coffre contenant le foie d’Hatschepsout qui est passé au scanner (© The Supreme Council of Antiquities)23.
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Cf. The Supreme Council of Antiquities, Egyptian Mummy Project, Dr Zahi Hawass, director, Cairo, Egypt, 2008, © The SCA. 23 Cf. The Supreme Council of Antiquities, Egyptian Mummy Project, Dr Zahi Hawass, director, Cairo, Egypt, 2008, © The SCA.
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Annexe 6: Reconstruction crânio-faciale de Toutânkhamon (1345 -1327 av. J.-C.) par le Dr Xavier Riaud. Il est le onzième pharaon de la XVIIIème dynastie (Nouvel Empire). Il est peut-être le fils d'Akhénaton et de sa seconde épouse, Kiya. Sa date de début de règne est l'objet de controverses parmi les égyptologues. Il est situé aux alentours de -1336 / -1335 à - 1327. En l'an - 1338, Akhénaton meurt d'une éprouvante maladie. Lui succède une reine du nom de Änkh-Khéperourê, reconnue aujourd'hui comme la sœur ainée de Toutânkhamon, Mérytaton24. Elle disparaît rapidement pour des raisons inconnues. Toutânkhaton monte alors sur le trône de la Haute et de la Basse Égypte, bien qu'il ne soit encore qu'un enfant de neuf ans. Il est légitimé en épousant Ânkhésenpaaton, née à la fin de l’an VII d'Akhénaton, la troisième fille de Néfertiti et d'Amenhotep, qui devient ainsi son épouse royale sous le nom de Ânkhésenpaamon. Trop jeune pour régner, c'est le divin père Aÿ et le général Horemheb qui détiennent le véritable pouvoir administratif et militaire. La contre-réforme est puissamment amorcée. Sous l'influence des prêtres et thuriféraires de l'ancienne religion, qui le manipulent, l'enfant-pharaon renoue avec les traditions et prend le nom de Toutânkhamon, signe d'Amon, le dieu excommunié rétabli, tandis que son épouse devient Ânkhésenpaamon. Le culte amonien est restauré. Le jeune roi quitte Akhetaton pour retourner à Thèbes, puis à Memphis, qui redevient la capitale de l'empire. Toutânkhamon établit la restauration des temples endommagés sous l'épisode amarnien et se fait ériger un nouveau temple à l'ouest de Thèbes. Il n'a pas le temps de se faire construire sa demeure d'éternité, puisqu’il disparaît brusquement en - 1327, à l’âge de dix-huit ans. Sans héritier, la lignée Ahmosis disparaît avec lui. Il est enseveli à la hâte dans une petite tombe qui n'avait pas été construite pour lui. La tombe initialement prévue pour lui allait devenir celle de son successeur Aÿ25. 24
Cf. http://fr.wikipedia.org, Toutânkhamon, 2008, pp. 1-7. Cf. http://fr.wikipedia.org, Toutânkhamon, 2008, pp. 1-7. La tombe se trouve dans la Vallée des Rois et porte le nom KV62. 25
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Lorsque, le 4 novembre 1922, l'archéologue britannique Howard Carter découvre la sépulture de Toutânkhamon et ses incroyables richesses, il offre à un jeune souverain, au règne bien effacé, l'occasion unique d'entrer dans l'histoire. Le 5 janvier 2005, la momie de Toutânkhamon est déplacée de sa tombe située dans la Vallée des Rois, pour la première fois en 80 ans26. Avec beaucoup de précautions, le corps est passé au CT-Scan27. En quinze minutes, ce dernier produit 1 700 images28. Celles-ci sont étudiées pendant près de deux mois par une équipe égyptienne de scientifiques, puis par une autre composée d’experts originaires de Suisse et d’Italie. Le 8 mars 2005, Farouk Hosni, ministre de la Culture, annonce que l’équipe égyptienne a terminé ses examens scanners de la momie du jeune pharaon29. Le Dr Zahi Hawass, responsable de l’équipe scientifique égyptienne, atteste que rien ne prouve que Toutânkhamon ait été tué30. Ce jeune roi serait mort à l’âge de 19 ans. Les scientifiques sont absolument incapables d’expliquer la forme allongée du crâne qui est de type dolichocéphale. Les sutures crâniales sont fermées correctement. Aucune anomalie n’est décelable. Sa dentition est bonne et ne présente pas de problème particulier. Ses dents de sagesse ne sont pas complètement sorties. L’une d’entre elles est incluse. Les dents du bas ne sont pas alignées et leur recouvrement par celles du haut est important (= overbite). Les incisives centrales supérieures sont larges, ce qui constitue avec le recouvrement important des 26
Cf. http://guardians.net/hawass/, Press release Tutankhamun CT Scan, 8 mars 2005, pp. 1-5. 27 Le CT-Scan est une technique non invasive, rapide, qui peut différencier les tissus superficiels et les os dans les trois dimensions de l’espace. 28 Les consultants étrangers étaient composés d’un pathologiste légiste travaillant à l’Archeological Museum du Tyrol du sud, d’un radiologiste provenant du General Hospital de Bolzano, en Italie et d’un paléopathologiste-anatomiste évoluant à l’Université de Zurich. 29 Cf. http://guardians.net/hawass/, Press release Tutankhamun CT Scan, 8 mars 2005, pp. 1-5. 30 Cette équipe égyptienne placée sous la haute autorité du Dr Zahi Hawass, était composée d’un professeur en médecine légale, d’un autre en anatomie et de trois autres en radiologie. Le CT-Scan avait été offert au préalable par l’entreprise allemande Siemens et la National Geographic Society au Supreme Council of Antiquities basé au Caire en Egypte, dont Hawass est l’administrateur.
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dents inférieures, un signe caractéristique retrouvé chez les autres rois de la même famille31. Enfin, les chercheurs ont découvert dans la bouche du défunt pharaon, une légère fente palatine.
Scanner de la denture de Toutânkhamon (© The Supreme Council of Antiquities)32.
Le 10 mai 2005, le Dr Zahi Hawass33 présente au public les résultats de trois équipes internationales qui ont tenté chacune, une reconstruction faciale du visage de Toutânkhamon. Deux de ces formations étaient sponsorisées par la National Geographic Society et la troisième par le Supreme Council of Antiquities. Les Français et les Egyptiens savaient qu’ils travaillaient sur la face du jeune pharaon, mais les Américains l’ignoraient. Les Américains et les Français ont produit à Paris, un modèle en plastique du crâne. Pendant ce temps, les Egyptiens agissaient de même en fabriquant leur propre modèle à partir des clichés scanners et grâce à un logiciel adapté à cet effet. Très vite, les Français et les Américains ont conclu que le crâne était de type caucasien. Les Américains qui travaillaient en aveugle, ont 31
Cf. http://guardians.net/hawass/, Press release Tutankhamun CT Scan, 8 mars 2005, pp. 1-5. 32 Cf. The Supreme Council of Antiquities, Egyptian Mummy Project, Dr Zahi Hawass, director, Cairo, Egypt, 2008. 33 Cf. http://guardians.net/hawass/, Press Release, Tutankhamun Facial Reconstruction, 10 mai 2005, pp. 1-3.
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compris rapidement que le sujet était originaire d’Afrique du nord34. Se concentrant sur la typologie raciale, les équipes n’ont pas hésité à ajouter l’argile nécessaire sur les modèles plastiques qu’ils ont utilisés par la suite comme guide pour reconstituer les traits du jeune roi. Une fois ceci accompli, le sculpteur français a réalisé un moulage en silicone sur lequel il a ajouté les yeux, les cheveux et la couleur à la peau, et aux lèvres. Le résultat final des trois équipes est très proche sur de nombreux détails du visage de Toutânkhamon. Le seul point où les trois reconstructions divergent est la forme du nez. Le dimanche 4 novembre 2007, ce roi vieux de 3 300 ans a offert son visage en exposition au public de Louxor pour la première fois, parfaitement protégé par une vitre en plexiglas35. Moustafa Wazary, directeur de la Vallée des Rois, déclare : « Ce que vous allez voir est un très beau visage (…) C’est un beau garçon avec un joli sourire et des dents proéminentes36. »
Reconstruction crânio-faciale de Toutânkhamon effectuée par l’équipe égyptienne (© The Supreme Council of Antiquities) 37.
34
Cf. http://guardians.net/hawass/, Press Release, Tutankhamun Facial Reconstruction, 10 mai 2005, pp. 1-3. 35 Cf. eternelle-egypte.over-blog.com, Toutânkhamon : son « vrai » visage dévoilé au public, 2007, pp. 1-3. 36 Cf. www.lefigaro.fr, Toutânkhamon dévoile son visage 3 300 ans après sa mort, 07/11/2007, p. 1. 37 Cf. The Supreme Council of Antiquities, Egyptian Mummy Project, Dr Zahi Hawass, director, Cairo, Egypt, 2008.
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Annexe 7 : Datation de l’âge sur la momie de Ramsès II (1314 - 1213 av. J.-C.) par le Dr Xavier Riaud. « Troisième pharaon de la XIXème dynastie, fils de Séthi I, Ramsès II est le pharaon le plus connu de l'antiquité égyptienne. Ce grand bâtisseur qui a fait construire de nombreux temples et palais dont les inscriptions murales ont vanté ses louanges et ses glorieux faits d'armes, a régné près de 67 ans sur le Royaume des Deux Terres. Né vers 1314 av. J.-C., Ramsès II a grandi aux côtés de Séthi I avant de lui succéder vers 1279 av. J.-C.. Le règne de ce grand pharaon est remarquable tant par sa durée que par la personnalité du roi et par la richesse de l'Egypte à cette époque. Entouré de conseillers compétents, Ramsès II laisse le souvenir d'un guerrier invincible et d'un amant comblé par la beauté de son épouse la plus connue: Néfertari. Les 67 années de son règne ont été agrémentées d'une période de paix et de prospérité que l'Egypte n’a plus jamais retrouvé38. » (…) « Le 19ème jour du premier mois de la saison akhet de l'année 1213 avant J.-C., Ramsès II s'est éteint probablement dans sa capitale de l'est du delta: Pi-Ramsès. Son corps momifié sur place a été ensuite transporté jusqu'à Thèbes par le Nil et il a été déposé dans son magnifique tombeau creusé dans la falaise de Deir-el-Bahari, (repéré aujourd'hui comme le n° 7 de la Vallée des Rois), après les rituels funéraires d’usage. Deux cents ans plus tard, alors que la dynastie des Ramsès disparaissait, une période de troubles a commencé. Tandis qu'une nouvelle dynastie émergeait dans le delta à Tanis, à Thèbes, les Grands Prêtres d'Amon prenaient le pouvoir et devaient faire face aux révoltes, aux invasions libyennes et aux pillages des tombeaux de la Vallée des Rois. La tombe de Ramsès II a été violée et sa momie, profanée par des pilleurs à la recherche des bijoux en or. Constatant cela, le Grand Prêtre Herihor a décidé de restaurer les bandelettes de nombreuses
38
Cf. Monier Thibault, « Retour sur l’étude paléopathologique de la momie de Ramsès II au Muséum d’Histoire Naturelle (Paris) : 1976-1977 », in Actes du 1er Colloque Internationale de Pathographie 2005, De Boccard (éd.), Paris, 2006, pp. 151-157 (également cf. Lalouette Claire, Dieux et pharaons de l’Egypte ancienne, Librio (éd.), Paris, 2004, pp. 68-70).
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momies royales et les a regroupé dans les tombes de Sethi I et d’Aménophis II39. » « Ramsès II a été déposé dans la tombe de son père, mais peu après de nouveaux pillages ont dégradé la momie davantage. En l’an X, le Grand Prêtre Pinedjem I a réparé les dégâts occasionnés sur la momie. La sépulture étant jugée trop exposée, les prêtres d'Amon ont décidé de transférer les momies royales dans la tombe de la reine Inhâpi lors des obsèques en ce lieu du Grand Prêtre Pinedjem, le 17ème jour du règne de Siamon, en - 979 av. J.-C. Ramsès II allait enfin pouvoir reposer en paix pendant 2830 années40. » La momie de Ramsès II a été découverte en 1881, dans une cachette royale à Deir-el-Bahari. Elle était dans un sarcophage en bois en forme de statue osirienne41. « En 1974, le Docteur Maurice Bucaille alerte les autorités égyptiennes sur l'état pitoyable de la momie de Ramsès II. Les liens diplomatiques entre les gouvernements égyptiens et français aboutissent alors à la décision de confier la momie à la France afin de la faire traiter et examiner. Le 26 septembre 1976, la momie de Ramsès II arrive au Bourget où elle est réceptionnée avec les honneurs dignes d'un chef d'Etat. Puis, elle gagne le musée de l'Homme où elle demeure 8 mois. Une cinquantaine de spécialistes de toutes les disciplines se penchent sur la momie, ses tissus et son sarcophage qui sont minutieusement étudiés. L'ensemble est radiostérilisé aux rayons gamma à la centrale nucléaire de Saclay. Le 10 mai 1977, Ramsès II rejoint sa terre natale42... » (…) « L'état dentaire (du pharaon) est très mauvais. Une abrasion des tables occlusales, la réduction de certaines dents à l'état de racines (n° 16, 26 et 37) et la présence de lésions périapicales 39
Cf. Monier Thibault & Rombauts Agnès, « La momie de Ramsès II : étude paléopathologique d’un pharaon de la XXème dynastie », in Actes de la Société française d’histoire de l’art dentaire, Paris, 2002, pp. 1-6. 40 Cf. Monier Thibault & Rombauts Agnès, Pathologie et thérapeutique dentaires dans l’Egypte pharaonique, paléopathologie de momies égyptiennes, Thèse Doct. Chir. Dent., Paris, 1982, pp. 102-123. 41 Cf. Monier Thibault & Rombauts Agnès, Paris, 1982, pp. 102-123. 42 Cf. Monier Thibault & Agnès Rombauts, « La momie de Ramsès II : étude paléopathologique d’un pharaon de la XXème dynastie », in Actes de la SFHAD, Paris, 2002, pp. 1-6.
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sur 46 sont perceptibles. L'absence des incisives et canines maxillaires sauf la 11 et la 13, l'absence des molaires et prémolaires (36, 47, 18, 28, 25, 24 et 15) sont également visibles. Une alvéolyse (= perte de substance osseuse) généralisée touche l'ensemble de la denture. Aucune trace de traitement dentaire ou de restauration prothétique n’est relevée. La détermination de l'âge par la méthode Gustafson donne un âge de décès à 80 ans plus ou moins cinq ans43. » (…) D’après Monier & Rombauts (1982), des études similaires ont été réalisées sur d’autres momies royales : - Thoutmosis II règne de -1493 à -1490. Il serait mort à l’âge de 25 ou 30 ans : proalvéolie des incisives supérieures (signe caractéristique rencontré sur les clichés de son père, Thoutmosis I et de ses descendants, notamment Amenophis II et Thoutmosis IV) ; toutes les dents sur arcades, y compris les dents de sagesse ; absence d’usure occlusale44. - Amenophis IV Akhenaton (-1364 à -1347) avait plus de 20 ans à sa mort, mais moins de 25 selon la méthode de Gustafson. Si son alimentation est observée, compte tenu des surfaces masticatrices peu érodées, son âge oscillerait entre 18 et 20 ans : pas de carie, pas d’infection, deux chevauchements entre les incisives centrales supérieures et la deuxième incisive latérale inférieure gauche, et la canine juste à côté45. - Sethi Ier (-1304 à -1290) devait approximer les 40 ans au moment de son décès : abrasion occlusale modérée ; canine gauche supérieure incluse ; une seconde prémolaire supérieure perdue en ante-mortem46. - Mineptah (-1224 à -1204), le pharaon de Moïse semblet-il, devait avoir plus de 60 ans (70 à 75 en fait) lorsqu’il meurt : alvéolyse verticale généralisée ; granulome radiculaire à l’apex de la dent n° 24 qui est à 43
Cf. Monier Thibault, « Retour sur l’étude paléopathologique de la momie de Ramsès II au Muséum d’Histoire Naturelle (Paris) : 1976-1977 », in Actes du 1er Colloque Internationale de Pathographie 2005, De Boccard (éd.), Paris, 2006, pp. 151-157. 44 Cf. Monier Thibault & Rombauts Agnès, Paris, 1982, pp. 70-78. 45 Cf. Monier Thibault & Rombauts Agnès, Paris, 1982, pp. 78-91. 46 Cf. Monier Thibault & Rombauts Agnès, Paris, 1982, pp. 92-102.
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l’état de racine ; caries en mésial de la 11 et en distal de la 21 ; absence de nombreuses prémolaires supérieures perdues en ante-mortem ; absence des dents antérieures inférieures en post-mortem et abrasion des surfaces masticatrices des dents47.
Radiographie de profil du crâne de Ramsès II (© Pr. Clément Faure )48.
Agrandissement de la radiographie de profil de Ramsès II (© Pr. Clément Faure )49.
47
Cf. Monier Thibault & Rombauts Agnès, Paris, 1982, pp. 124-137. Cf. Faure Clément, collection privée, communication personnelle, Paris, 2007. 49 Cf. Faure Clément, collection privée, communication personnelle, Paris, 2007. 48
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Il existe plusieurs formules pour déterminer l’âge d’un corps à partir des dents. Il y a celle de Gustafson (1947) qui utilise six critères de modifications physiologiques des dents observés en fonction du vieillissement, mais qui impose de procéder à des inclusions et à la réalisation de lames minces, par sections polies, ce qui n’est pas à la portée de tous. Il y a aussi celle de Lamendin (1988) qui propose, dans un premier temps, une formule de Gustafson simplifiée qui ne repose que sur trois critères et que le Français juge peu fiable. Puis, ce dernier définit une méthode ne s’appuyant que sur deux critères et prenant en compte les rapports entre la hauteur de translucidité, et la hauteur de parodontose (hors pathologie évidente) avec la hauteur de la racine. C’est la formule de Lamendin (1990). En 1989, Drusini s’intéresse à la translucidité de la dentine radiculaire sur dents entières. Hélène Martin (1996) a, quant à elle, cherché une méthode de détermination de l’âge à partir du cément dentaire. Il y a le nuancier radiculaire de Guy Collet (1999). Ce dernier a étudié la couleur des racines des dents à différents âges et sur différents échantillons de population. A partir des résultats, il a créé un nuancier qui fait référence aujourd’hui50.
50
Cf. Lamendin Henri, Petites histoires de l’art dentaire d’hier et d’aujourd’hui, L’Harmattan (éd.), Collection Ethique médicale, Paris, 2006, pp. 130-131 & cf. Riaud Xavier, Quand la dent mène l’enquête…, L’Harmattan (éd.), Collection Médecine à travers les siècles, Paris, 2008, p. 76.
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Remerciements Je tiens à exprimer tout mon amour pour ma famille et pour mon ami. Je tiens à exprimer toute ma gratitude aux membres du jury de ma thèse soutenue en 2012, à la Faculté dentaire de Bordeaux. Ce livre, c’est aussi une manière de vous remercier pour la formation que vous m’avez donnée. Cela a été un honneur pour moi de vous connaître. Merci aussi au Dr Xavier Riaud qui a cru en ce projet et l’a rendu possible. Il a accompli un travail considérable pour cela. Merci enfin à tous mes amis pour votre soutien permanent et toute votre affection.
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Table des matières Préface ........................................................................................7 Avant-propos ..............................................................................9 Quid de l’Egypte antique ? .......................................................11 L’Egypte antique historique .....................................................15 Généralités en égyptologie .......................................................23 Les sources bibliographiques médicales...................................31 Religion, dieux et médecine .....................................................49 Magie et médecine....................................................................67 Etiologies des maladies ............................................................75 Les professions médicales ........................................................81 La dentisterie dans l’Egypte antique.........................................91 Pathologies bucco-dentaires ...................................................103 Pharmacopée égyptienne ........................................................117 Traitements .............................................................................129 Conclusion..............................................................................163 Annexes ..................................................................................165 Annexe 1 : Squelettes, momies et paléopathologie............167 Annexe 2 : Archéologie, odontologie médico-légale et structure minérale de l’organe dentaire : quelques cas historiques ..........................................................................169 Annexe 3 : Archéologie, odontologie médico-légale et ADN pulpaire : quelques cas historiques.....................................179 Annexe 4 : La première radiographie dentaire...................189 Annexe 5 : Identification bucco-dentaire de la reine Hatshepsout ........................................................................193 Annexe 6: Reconstruction crânio-faciale de Toutânkhamon (1345 -1327 av. J.-C.) ........................................................197 Annexe 7 : Datation de l’âge sur la momie de Ramsès II (1314 - 1213 av. J.-C.). ......................................................201 Remerciements .......................................................................207 Bibliographie ..........................................................................209
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Santé et Médecine aux éditions L’Harmattan Dernières parutions rôle (Le) des soins palliatifs – Nouvelle édition
Geschwind Herbert
A la préoccupation de traiter la maladie, la médecine se soucie aujourd’hui d’apporter des soins aux mourants, à partir d’unités spécialisées en Soins Palliatifs. L’intérêt scientifique pour les moyens de guérir s’est déplacé vers la recherche des voies les moins traumatisantes du mourir. Parmi elle, l’euthanasie et l’assistance au suicide se sont révélées les plus sujettes à réflexions et débats. Ainsi se posent les questions de la «méthodologie» du mourir et celle de l’organisme ou de la personne chargée d’exécuter cette décision. (Coll. Questions contemporaines, 26.00 euros, 262 p.) ISBN : 978-2-343-00170-8, ISBN EBOOK : 978-2-296-53107-9 risque (Le) biologique – Une approche transdisciplinaire
Panoff Jean-Michel - Préface de Jean-Louis Le Moigne
Faut-il être biologiste ou biotechnologue pour avoir le privilège d’étudier le risque biologique ? Juristes, sociologues, théologiens, paysans, historiens, psychologues nous avertissent : la biologie, avant tout science des «yeux», glisse insidieusement vers une science des «mains», de l’étude de la vie vers la manipulation du vivant. Voici une construction d’une pensée complexe autour de la question du risque biologique, question qui nécessite urgemment d’être collectivement posée. (Coll. Sociologies et Environnement, 38.50 euros, 388 p.) ISBN : 978-2-296-99846-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-53233-5 gynécologie (La) obstétrique pour le grand public 100 questions de femme
Badji Cheick Atab - Préface de Awa Niang Fall
Cet ouvrage apporte cent réponses à cent questions que les femmes se posent le plus souvent et qu’elles aimeraient poser à leur gynécologue sans en avoir toujours l’occasion ou le courage. Également destiné aux hommes, il leur permet de ne plus être exclus de l’intimité des femmes et de jouer pleinement leur partition dans cette grande aventure qu’est le couple... (Coll. Harmattan Sénégal, 17.00 euros, 178 p.) ISBN : 978-2-296-54900-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-53228-1 greffes (Les) d’organes : une nouvelle fabrique du corps
Kreis Henri - Préface du Pr Jean-Michel Dubernard
L’histoire de la fabrique du corps n’a été entreprise que dans le but de guérir ce qui ne pouvait l’être par la médecine alors disponible. L’idée était simple mais n’a
pu s’accomplir, jusqu’à ce jour, que par une transgression des mécanismes vitaux de l’être humain et qu’en ravivant ses angoisses eschatologiques. Sa réalisation a mis en question l’altruisme, le rôle du politique et de l’administration, les luttes de pouvoir, la collusion avec l’industrie pharmaceutique, l’éthique médicale… (Coll. L’Éthique en mouvement, 25.50 euros, 260 p.) ISBN : 978-2-343-00027-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-53102-4 imagerie (L’) médicale La fabrique d’un nouveau malade imaginaire
Briois Vilmont Laurence
La découverte des rayons X par le physicien Roentgen (1895) génère un bouleversement dans le monde médical : sans effraction cutanée, les intérieurs du corps humain vivant sont rendus visibles. Les techniques d’exploration prennent un essor considérable, devenant un outil diagnostique indispensable mais d’un usage dont la banalisation risque d’en négliger la réflexion. Le corps devenu mathématisable à la culture numérique appliquée aux images ne doit pas nous faire oublier la dimension humaine. (Coll. Sciences et Société, 17.00 euros, 172 p.) ISBN : 978-2-336-29284-7, ISBN EBOOK : 978-2-296-53222-9 à toi qui va naître
Ladjointe Xavier
Ils vivent ensemble et filent le parfait amour. Elle tombe enceinte. Il est tellement heureux qu’il commence à filmer leur vie pour leur futur enfant. Et puis il tombe sur ce concours de films. C’est alors qu’une autre grossesse inattendue d’un tout autre genre se déclare... Une grossesse cinématographique filmée ! Ce film est le premier docu-ciné prénatal de l’histoire du cinéma ! (20.00 euros) ISBN : 978-2-336-00807-3 Curriculum mortis
Monier Lionel
Le temps d’un soin dit « de conservation ». Nous suivons les gestes d’un thanatopracteur au cours de son travail. À chaque étape, une question. Autant de chapitres au cours desquels nous partons à la rencontre d’interlocuteurs qui tentent d’y répondre. Un voyage au pays de la mort, afin de cerner la place que notre société accorde à ses morts, mesurer l’évolution des rapports que les vivants entretiennent avec eux, éclairer les liens fondamentaux qui unissent le vivre au mourir. (20.00 euros) ISBN : 978-2-336-00781-6 question (La) de l’euthanasie La loi Léonetti et ses perspectives
Hacpille Lucie - Préface de Jacques Ricot
L’émergence de la question de l’euthanasie est née dans le contexte de la bioéthique et des droits des patients. Dans cet ouvrage l’auteur choisit une approche herméneutique à partir des témoignages de personnes faisant l’expérience de
situations existentielles extrêmes que sont la maladie grave, les handicaps lourds, mais aussi les expériences d’otages ou de rescapés des camps de concentration. (21.00 euros, 214 p.) ISBN : 978-2-336-29082-9, ISBN EBOOK : 978-2-296-51545-1 assistance (L’) médicalisée pour mourir Les soignants face à l’humanisation de la mort
Nkulu Kabamba Olivier
Depuis quelques années, les médecins sont confrontés à une demande croissante des patients en fin de vie réclamant que leur mort soit hâtée. Chaque sollicitation de l’aide médicale pour mourir place les soignants devant la problématique de l’humanisation de la mort qui, elle, engage de leur part la question fondamentale du «comment faire pour bien faire ?». (Coll. Sciences et Société, 28.00 euros, 278 p.) ISBN : 978-2-343-00065-7, ISBN EBOOK : 978-2-296-52986-1 Une éthique pour le malade Pour dépasser les concepts d’autonomie et de vulnérabilité
Benezech Jean-Pierre
L’éthique traditionnelle se fonde sur l’»autonomie» du sujet. Notre époque, elle, plébiscite la dimension de «vulnérabilité». Les soignants articulent souvent leur discours éthique sur ces thèmes. Mais pour une personne malade, ces deux concepts ne peuvent convenir pour construire une vie qui fait sens. Aussi, l’auteur propose le concept de la «personne étayée». Cette éthique originale constitue un nouveau paradigme, à rebours des valeurs antérieures, pour que chacun tente de tracer une vie « la moins mauvaise possible». (Coll. Sciences et Société, 17.50 euros, 182 p.) ISBN : 978-2-336-00857-8, ISBN EBOOK : 978-2-296-51645-8 Lazzaro Spallanzani (1729-1799) Le père de la biologie médicale expérimentale
Lamendin Henri - Préface de Jean-Guy Ferrand. Préface du Docteur Robert Sire
Henri Lamendin retrace le parcours de Lazzaro Spallanzani, peu connu de la médecine contemporaine, pourtant considéré comme l’un des pères de la biologie expérimentale. En effet, il fut l’un des premiers à avoir démontré ses dires après les avoir éprouvés dans une série d’expériences. Voici dressé un portrait juste et équitable d’un chercheur hors normes, qui a légué à la médecine une oeuvre dont la valeur n’a d’égale que la rigueur. (Coll. Médecine à travers les siècles, 14.00 euros, 140 p.) ISBN : 978-2-343-00129-6, ISBN EBOOK : 978-2-296-51591-8 Eclair carmin
Batteault Rémy
«J’ai connu Isabelle à la maternelle. Atteinte d’une maladie rare, elle devient peu à peu aveugle. En effet, un stress trop grand ou un effort physique trop intense provoque une hémorragie oculaire, qui se traduit visuellement par un éclair carmin qui brouille sa vision. À chaque nouvelle attaque, sa vue baisse de manière
irrémédiable. (...) Comment vivre la «malvoyance» lorsqu’on a 36 ans, comment le parcours de vie est-il modifié ? Quel est le regard du monde extérieur ?» (Rémy Batteault). (20.00 euros) ISBN : 978-2-336-00776-2 Handicap et citoyenneté Quand le handicap interroge le politique
Bruchon Yves
«Et si le handicap nous aidait à réinventer le lien social ?» La question du handicap est celle de la démocratie ; la question du handicap est, centralement, politique comme en témoigne le fonctionnement de la dialectique droits de l’homme – droits du citoyen dans la problématique du handicap. Sans faire une histoire du handicap et sans prétendre donner des indications pour une politique du handicap, cet ouvrage donne quelques outils pour comprendre. (18.00 euros, 172 p.) ISBN : 978-2-296-99831-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-51533-8 recherche (La) sur les cellules souches Quels enjeux pour l’Europe ?
Altavilla Annagrazia - Préface de Jean-François Mattei ; postface de Adriana Ceci Les enjeux liés à l’utilisation des cellules souches sur un plan scientifique, éthique, juridique, économique et de société sont nombreux. Ce livre présente l’état le plus actuel des connaissances et des débats éthiques à ce sujet et nous livre l’étendue des évolutions scientifiques et des changements juridiques déterminés par les espoirs placés dans la médecine régénératrice. (Coll. Ethique et pratique médicale, 57.00 euros, 682 p.) ISBN : 978-2-336-29022-5, ISBN EBOOK : 978-2-296-51469-0 clou (Le) de girofle en médecine bucco-dentaire
Gros Gilles - Préface du Docteur Xavier Riaud
Partant du clou de girofle et de ses dérivés, Gilles Gros nous propose un parcours original au sein de l’histoire de l’art dentaire. Par ses réflexions philosophiques, il parvient avec brio à montrer comment les chirurgiens-dentistes se sont de plus en plus éloignés de la magie, de l’empirisme et de la contingence pour s’ancrer définitivement, au XXe siècle, dans l’univers de la rationalité. (Coll. Médecine à travers les siècles, 13.00 euros, 116 p.) ISBN : 978-2-343-00068-8, ISBN EBOOK : 978-2-296-51499-7
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L’art dentaire en Égypte antique L’Égypte… Terre aride entre oasis et désert, entre cités pleines de vie et cités de pierre, vestiges d’un passé et d’une culture foisonnante dont les richesses archéologiques ne cessent d’émerveiller encore de nos jours les chercheurs de toutes nationalités… L’expédition d’Égypte de 1798 à 1801 organisée par Bonaparte, Jean-François Champollion en 1822, Gaston Maspero en 1903, Howard Carter en 1922, autant de chercheurs, de scientifiques, pour ne citer que ceux-là, qui ont marqué d’une pierre blanche l’égyptologie et contribué à la connaissance des pharaons. Les médecins égyptiens sont considérés comme les précurseurs de la médecine occidentale, bien avant Hippocrate. Ils ont su s’émanciper progressivement de la magie, sans totalement l’abandonner, et dégager une vision rationnelle de la médecine. Leur sens de l’observation très aigu, leur soif d’expliquer et de comprendre s’avèrent remarquables pour leur époque. Et les dentistes, comme le démontre fort justement Pauline Ledent, ne sont pas en reste. En effet, à partir de papyri égyptiens d’origine, d’études archéologiques très poussées, l’auteur nous emmène dans un voyage initiatique à la rencontre de cette Égypte antique, de sa médecine tout d’abord, puis de sa dentisterie ensuite. À partir d’archives uniques en provenance des plus grands musées, Pauline Ledent parvient à démonter tous les rouages d’une profession médicale parfaitement organisée et structurée. Xavier Riaud
Pauline Ledent, 25 ans, est une jeune chirurgien-dentiste qui a soutenu brillamment sa thèse de doctorat en 2012, à la Faculté dentaire de Bordeaux. Passionnée d’égyptologie et d’histoire de l’art dentaire, elle a obtenu, pour celle-ci, le prix Georges Villain d’histoire de l’art dentaire 2013. En couverture : Instruments de médecine. Paris, musée d’Histoire de la médecine. De gauche à droite : couteau à écarter avec poignée, couteau avec manche, couteau rasoir, pincettes, curette, aiguille, bistouri, cautère. © Dr Pauline Ledent, 2012.
ISBN : 978-2-343-02686-2
22 €