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French Pages [512] Year 2014
Conception de la couverture par Sati Penda Armah Caractères par Natalia Kanem
L’AFRIQUE, BERCEAU DE L’ECRITURE Et ses manuscrits en péril
DAKAR AIDE TRANSPARENCE et RESEAU AFRICAIN D’ECHANGES D’INFORMATION ET ÉDUCATION POUR LA PRÉSERVATION DU LIVRE MANUSCRIT en collaboration avec les associations de bibliothécaires, les bibliothèques publiques et privées et les chercheurs africains 2014
Ce livre a été publié pour la première fois en trois volumes, en langues française (volumes 1 et 2) et anglaise (volume 3). Les contenus des volumes 1 et 2 ont été réalisés grâce au généreux soutien financier de la Fondation Ford. Aide Transparence lui exprime sa profonde gratitude à cet égard. Publié par L’Harmattan et Aide Transparence (15 Cité SAGEF, ZAC Mbao, Dakar, Sénégal) - BP 5409, Dakar-Fann, Sénégal www.africanmanuscripts.org
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Distribué par L’Harmattan
Aide Transparence
Association pour la sauvegarde et la valorisation des manuscrits et la défense de la culture islamique
L’AFRIQUE, BERCEAU DE L’ECRITURE Et ses manuscrits en péril Sous la direction de
Jacques Habib Sy Volume 2 Contenus et défis de la conservation
(Cameroun, Maghreb, Mauritanie, Tombouctou)
© L’HARMATTAN, 2014 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN :978-2-296-99885-8 EAN : 9782296998858
Sommaire VOLUME II Presentation de l’ouvrage Jacques Habib Sy
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Troisième Partie
Mauritanie, Maroc : carrefours et creusets littéraires
Chapitre 11
Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest Abdel Wedoud Ould Cheikh
44
Résumé Les contours d’un patrimoine manuscrit saharo-sahélien Le Muhtasar de Halīl et ses commentateurs
Chapitre 12
Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti Marco Sassetti Résumé Bibliothèques en exil dans le désert Conserver l’objet, préserver le texte
93
Le texte : nature, composition formelle et ordre généalogique Circulation et typologies du papier La reliure : typologie de constructions, matériaux et décor Contexte géographique Chinguetti Le contexte de la conservation Contenu et conditions actuelles des manuscrits de Chinguetti Propriété et détention privée des fonds Manuscrits de Mauritanie : perspectives actuelles Les données des missions 1995 -1998 Valeur des bibliothèques pour les lignées de Chinguetti Situation environnementale et examen des dommages Méthodologie de la conservation Définitions Le projet préliminaire Le projet définitif Le projet exécutif Projets comparés Conservation Valorisation Historique du projet italien de sauvegarde des manuscrits en Mauritanie Interventions et actions déjà menées en faveur des manuscrits de Chinguetti Le patrimoine culturel manuscrit : objectifs spécifiques Standards de construction Quelques exemples d’architecture traditionnelle compatible Quelques exemples d’architecture compatible Standards d’ameublement interne Equipement Provenance des manuscrits de la salle des expositions Interventions spécifiques sur les manuscrits Recensement et fiche de diagnostic Moyens d’exécution Conservation Mobilier, équipement et instrumentation du laboratoire de restauration Personnel et organigramme du laboratoire Objectifs de la formation Bénéficiaires
Chapitre 13
Manuscrits anciens maghrébins et soudano-sahariens Ahmed Chaouqui Benebine
165
Resumé Kairouan, pionnière scripturaire du Maghreb L’Algérie : un patrimoine ravagé par l’histoire La Lybie : à la recherche de ses manuscrits ? Le Maroc, site majeur de manuscrits anciens Auteurs ouest-africains dans les bibliothèques marocaines La conservation des manuscrits africains : un agenda, en gestation Elements de codicologie ouest-africaine
Quatrième Partie
Tombouctou et ses siècles de lumière
Chapitre 14
Influences interculturelles entre le Maroc, Tombouctou et l’université de Sankoré Ali Ould Sidi
189
Résumé Influences culturelles entre le Maroc et Tombouctou L’arabe, ciment culturel Le patrimoine musical L’université de Sankoré et son rayonnement intellectuel
Chapitre 15
Quelques ouvrages manuscrits sur l’histoire de Tombouctou Mahmoud Mohamed Dédéou
210
Résumé Durar al Ihsâne Tarikh el Fattach Tarikh al Sudan par Cheikh Abdourrahmane Ben Abdallah Ben
‘Imrâne Ben’Âmir Al Sa’di.
Tadzkirat al Nisyân Tafh al Shakûr fî Ma’rifat A’yân ‘Ulamâ’i al Takrûr Minah al rabb al Ghafûr fî Dhikr Mâ Ahmala Sâhib Fath al sahakûr Izalat Al Rayb Wa al Shak wa al Tafrît Fî Dhikri al Mou’allifîna Min Ahl al Takrûr Wa al sahrâ Wa Ahl Shinghît al Sa’âdat al abadiyya fî al Ta’rîf Bi ‘Ulamâ’i Tinbuktu al Bahiyya Les Ijâzats Les Rihlats Nayl Al Ibtihâdj bi tatriz aldibây Kifâyat al Muhtaj Fî Dhikr Man Laysa Fî al Dibâdj Alwathâ’iqs (les nawâzils, les fatwas, les correspondances, etc.) Les archives
Chapitre 16
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou Jacques Habib Sy, Demba Tewe et Maïmouna Kane
219
Résumé Bibliothèque de l’IHERIAB Bibliothèque commémorative Mamma Haidara Bibliothèque Al imam Ben Essayouti Bibliothèque Al Wangari Manuscrits de la Bibliothèque Sīdī Zayyān Bibliothèque Moustapha Konaté
Chapitre 17
Tombouctou et ses gisements archivistiques Jacques Habib Sy
264
Résumé Bilan provisoire de l’action de la SAVAMA-DCI (2007-2011) Traduction/Translitération Classification des textes anciens/thématisations Catalogage Conservation/restauration Strategie de communication sociale de la SAVAMA Sensibilisation médiatique Protection des manuscrits anciens et reforme scolaire et universitaire Les droits de propriété intellectuelle sur les manuscrits de Tombouctou Un renforcement de capacités institutionnelles à quelles fins ?
Financements externes et rationalisation de l’action Numérisation Vers la mise en œuvre d’un plan compréhensif de sauvegarde et de protection de l’héritage culturel tombouctien
Chapitre 18
Méthodologie d’analyse graphématique Marcel Diki Kidiri
318
Résumé Les unités minimales de l’écriture Les formes de l’écrit Conclusion
Chapitre 19
Composition du livre manuscrit arabo-islamique Demba Tewe
337
Résumé Caractères intrinsèques Abréviations Caractères extrinsèques Ijāzāzāt ou licences Conclusion
Chapitre 20
L’alphabet A Ka U Ku Idrissou Njoya
366
Résumé Naissance et évolution de l’écriture bamum Evolution de l’écriture bamum Echantillon de manuscrits bamum conservés au musée royal de Foumban Conclusion
Cinquième Partie
Codicologie africaine : nouvelles frontières
Chapitre 21
Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens Da-Mboa Obenga
389
Résumé Le concept de numérisation Interaction entre TI et processus de conservation L’exploitation scientifique et la valorisation des manuscrits Optimisation des procédés de numérisation des manuscrits anciens Les TI dans la recherche liée aux manuscrits Conclusion
Chapitre 22
Manuscrits et musées Papa Toumané Ndiaye
422
Résumé Etat de conservation et de protection des manuscrits en Afrique subsaharienne Manuscrits et patrimoine culturel africain Rôle des musées dans la conservation des manuscrits Numérisation des manuscrits dans les musées Conclusion
Chapitre 23
Bibliothèques africaines et écueils du XXIe siècle Nafissatou Bakhoum
443
Résumé Les formats ouverts et la gestion de système d’information documentaire Les consortiums, une force de coopération pour les bibliothèques scientifiques africaines Conclusion
Annexes
468 Auteurs ayant contribué à cet ouvrage Acronymes Addis Abeba Declaration on The African Manuscript Book Charters International Conference on the Preservation of Ancient Manuscripts in Africa Final resolution on the preservation of heritage archives in Africa Final report
Index 504
Ce livre est dédié aux peuples africains qui ont inventé l’écriture et inscrit des pages immortelles de la pensée et de l’invention au registre du patrimoine manuscrit de l’humanité
xiv
Remerciements Jacques Habib Sy
Cet ouvrage collectif est une trace, un jalon parmi d’autres, dans la redécouverte du passé africain et de sa réécriture. Il était, en effet, devenu impératif de rétablir les faits historiques dans leur simplicité et leur vérité éclatantes. L’objectif central de cette entreprise, qui suit celle de l’Unesco dans son Histoire générale de l’Afrique en plusieurs volumes, est plus précisément de déconstruire la fable d’une Afrique « sans écriture » et, par conséquent, d’Africains « sans histoire », plongés dans la préhistoire depuis les origines les plus lointaines de l’humanité. Les vestiges du rôle non seulement pionnier, mais encore d’impulsion des Africains dans l’élévation spirituelle et matérielle de l’humanité, à travers l’invention de l’écriture et sa matérialisation, dans une constellation de contenus et de supports médiatiques et cognitifs, sont exposés dans cet ouvrage sous leurs aspects les plus divers. Plusieurs auteurs, tous guidés par la volonté de contribuer au mouvement de réinvention de la « nouvelle histoire » africaine et de préservation des manuscrits anciens, témoins directs de l’aventure scripturaire, intellectuelle et scientifique du foyer ancestral de l’humanité, ont proposé une nouvelle chronologie de l’histoire de l’écriture, décrit l’état désastreux des collections existantes de manuscrits anciens et exposé l’importance capitale des contenus extraordinaires de vitalité que recèlent les gisements archivistiques pluri-centenaires abandonnés à l’activité destructrice du temps, des rongeurs, des hommes et des circonstances souvent extrêmes de conservation. Cet ouvrage témoigne, par ailleurs, de l’état de détresse extrême dans lequel sont conservés les manuscrits africains.
xv
Au Sénégal, au moment de notre passage en 2010, les fonds manuscrits collectés au XIXe siècle par les colons français et leurs chercheurs de service, alors en fonction à l’Institut français d’Afrique noire, sont conservés de façon inadéquate. La photothèque, avec des pièces d’une très grande valeur, est dans un état de dénuement préoccupant, cependant que la section des « notes et études documentaires » est laissée à l’abandon dans un sous-sol des plus insalubres. Certaines pièces archéologiques avec des signes graphiques qui datent du néolithique sont jetées pêle-mêle dans un ancien hangar en décrépitude. La collection de manuscrits ajami rassemblée entre les XIXe et XXe siècles a été pillée au fil du temps, en raison du laxisme avec lequel elle a été gérée. Au Kenya, et notamment dans la région de Mombassa, les collections de manuscrits anciens en ajami, sont, pour la plupart, entre des mains inexpertes, dans des malles en bois ou en fer, sans protection particulière. A Lamu, en particulier, en fin 2009, les pièces les plus intéressantes avaient disparu des étagères de la bibliothèque du musée principal ou des abris provisoires où elles avaient été entassées. Il n’y reste plus que quelques exemplaires d’un Coran du XIXe siècle et des pièces manuscrites éparses, malheureusement attaquées par l’humidité et les infections microbiennes. Dans l’arrière-pays proche de la côte de l’Océan Indien, des archives anciennes écrites par des Africains depuis le XVIIe siècle sont restées aux mains des descendants d’anciens cadis, d’imams et d’enseignants. Ces vieux ouvrages subissent l’outrage du temps et de facteurs humains et environnementaux quand ils ne sont pas simplement achetés pour des miettes par des collectionneurs publics et privés d’Oman et du Moyen-Orient, à la recherche de livres rares d’origine arabe dont la trace a été perdue depuis fort longtemps. Au sous-sol des Archives nationales de Nairobi, l’état de délabrement des documents anciens des XVIIIe et XIXe siècles, au moment de notre passage en 2010, était tout simplement hallucinant : les manuscrits étaient dans une température ambiante contraire aux normes reconnues et débordaient d’étagères vieillottes, ou étaient abandonnés à même le sol et donc inaptes à leur utilisation par les chercheurs et les étudiants, sans compter le grand public. Les pièces d’archives les plus importantes ont été emportées par les colons anglais et transférées dans les musées et bibliothèques de l’ancienne puissance coloniale.
xvi
Les archives anciennes du Nord Nigéria bien que mieux traitées, notamment à l’université d’Ibadan, à Arewa House (Kaduna) et dans une moindre mesure à Jos (où sont conservés des traités d’astronomie écrits par des Africains, il y a plusieurs siècles), nécessitent encore des efforts considérables de conservation, au-delà des budgets inadéquats alloués aux universités locales. Il est vrai que le musée de Lagos a récemment entrepris, sans succès, de réhabiliter les pièces d’art et quelques manuscrits dont l’existence avait été malmenée par des décennies de laisser-aller gouvernemental. La négligence coupable des gouvernements successifs du Nigéria, concernant la gestion archivistique de ce pays, pourtant doté de richesses considérables et de ressources humaines de très grande qualité, donne à penser que les élites africaines sont encore prisonnières d’une aliénation culturelle d’une telle intensité, qu’elle les condamne à l’auto-flagellation et à la destruction matérielle des derniers vestiges d’un passé pourtant glorieux. En Mauritanie, l’Institut mauritanien pour la recherche scientifique (IMRS) garde à grand peine des manuscrits des XVIIIe et XIXe siècles encore mal catalogués et conservés, malgré les efforts méritoires d’experts étrangers et nationaux pour les protéger de la dépréciation et d’une mauvaise gestion ainsi que du pillage caractérisé. Des dizaines de manuscrits sont ainsi soustraits de leur fonds d’origine et peut-être perdus à jamais. La récente expérience de coopération croisée entre l’Italie et les villes historiques où sont conservés les plus importants gisements de trésors manuscrits, est prometteuse en ce sens qu’elle démocratise le savoir-faire de conservation exogène, et le met à la disposition de l’IMRS et de mini-bibliothèques artisanales perdues dans les océans sablonneux des anciennes pistes du savoir et du commerce transsaharien. A Tombouctou, épicentre du gisement écrit ancien le plus considérable d’Afrique, et témoin de la place éminente occupée par ce foyer intellectuel central de la zone soudano-saharienne, les défis de la conservation des livres manuscrits anciens ont été récemment aggravés par l’occupation militaire de hordes intégristes et pseudo-nationalistes qui n’ont pas hésité à profaner des tombes de saints personnages appartenant à une lignée d’illustres penseurs et d’hommes de foi, et même, paraîtrait-il, à voler d’anciens manuscrits pour se procurer l’argent liquide nécessaire à l’achat d’armes légères et au paiement
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de bandes de mercenaires sans foi ni loi. Les manuscrits conservés à l’Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba (IHERIAB) et dans plusieurs dizaines de bibliothèques anciennes réhabilitées grâce à l’action philanthropique bilatérale et multilatérale, et aux efforts gouvernementaux n’ont jamais encouru d’aussi graves dangers depuis l’occupation marocaine de cette ville à la fin du XVIe siècle. Avant cette séquence malheureuse de son histoire, Tombouctou a été prise d’assaut, au cours des décennies passées, par une foultitude d’organisations et d’intérêts privés, à travers une ruée fulgurante vers l’« or brun », chacun voulant sa part de copies ou d’originaux de trésors manuscrits dont certains sont restés, pendant des siècles, introuvables et inaccessibles aux collectionneurs occasionnels et aux chasseurs de pièces rares. La législation et les mécanismes de traçage des manuscrits et œuvres culturelles volés restent encore dérisoires et inefficaces face aux moyens financiers considérables mis en jeu par les contrebandiers ou le pillage culturel couvert d’un manteau de respectabilité étatique qui ne s’embarrasse d’aucune morale. C’est ainsi que sont gardés dans les musées et les bibliothèques des anciennes puissances colonisatrices, des ouvrages et des objets culturels, des monuments, des sculptures, des vestiges écrits antiques volés à l’Afrique et aux Africains. Les Africains doivent impérativement se mobiliser pour le rapatriement de ce patrimoine dans leur terre d’enfantement1 . Après les révélations 1. A titre d’illustration on peut citer les nombreux cas de vols des biens culturels africains par des colons européens qui ont commis les pires atrocités, assimilées aujourd’hui à des crimes contre l’humanité mais restés impunis et non suivis d’effets pratiques opérationnels et visibles dans les musées et bibliothèques européens. Et surtout, aucun acte de repentance ou de demande d’absolution sincère face à ces crimes d’une cruauté inimaginable, n’a encore été enregistré. Hassan Musa, recense ici quelques-uns des cas les plus épiques qui aient été documentés : Michel Leiris, dans L’Afrique fantôme, raconte comment, avec Marcel Griaule, ils se sont introduits, contre la volonté des villageois, dans la case rituelle du Kono (un masque sacrificiel) et comment ils ont volé des objets du culte sous le regard des villageois ébahis : « Griaule et moi demandons que les hommes aillent chercher le Kono. Tout le monde refusant, nous y allons nous-mêmes, emballons l’objet saint dans la bâche et sortons comme des voleurs, cependant que le chef affolé s’enfuit.[...] Nous traversons le village, devenu complètement désert et, dans un silence de mort, nous arrivons aux véhicules.[...] Les 10 francs sont donnés au chef et nous partons en hâte, au milieu de l’ébahissement général et parés d’une auréole de démons ou de salauds particulièrement puissants et osés. »
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fort troublantes de l’intellectuel et artiste soudanais Hassan Musa, montrant le célèbre Marcel Griaule, dont toute la réputation a été bâtie sur le dos des Dogons, volant les reliques sacrées de ses grâcieux hôtes dogons qui l’ont pourtant initié à leurs rites sacrés et leur philosophie. De même, n’eut été la pugnacité du gouvernement de Nelson Mandela, les Sud-Africains n’auraient jamais pu faire rapatrier, avec les honneurs dus à son rang, les restes d’une de leurs princesses, empalée pendant des siècles et exposée derrière une vitrine muséale, après avoir subi les pires outrages de son vivant. En Ethiopie, l’Empereur Hailé Sélassié, en raison de l’attention qu’il prêtait à l’importance des parchemins anciens dont certains datent du IVe siècle, avait réussi à protéger une grande partie des collections anciennes dans une bibliothèque nationale et à l’Institut d’études éthiopiennes. Mais cela n’a pas empêché le vol de pièces rares manuscrites et de biens culturels par des institutions et des aventuriers occidentaux, à telle enseigne qu’aujourd’hui, le patrimoine écrit éthiopien est dispersé dans les musées et bibliothèques européens (français, italiens et allemands, principalement) et nord-américains. Il n’est pas jusqu’aux graffitis très anciens de l’Abyssinie qui n’aient été subtilisés frauduleusement, soit par le clergé européen ou les missions diplomatiques et certaines des congrégations religieuses étrangères. Il est heureux que le nouveau Chef de l’Etat éthiopien, le Premier ministre Dessalegn ait décidé de poursuivre l’œuvre de récupération du patrimoine culturel soustrait à cette nation africaine, la seule qui n’ait jamais connu la colonisation sur une longue période, et dont les plus anciens vestiges écrits en gé’éz, connus de la communauté scientifique, datent du IVe siècle de notre ère, c’est-à-dire, onze siècles avant la découverte de la machine à imprimer de Gutenberg et la généralisation de l’écriture en Europe.
Hassan Musa évoque également les circonstances dans lesquelles, en septembre 1931, Leiris et les membres de la Mission Dakar Djibouti tels Eric Lutten et Maracel Griaule se sont livrés à des actes de pillage et de vol inqualifiables. Musa rappelle également l’horreur des hommes et des femmes africains empaillés et exposés jusque récemment dans les musées européens, et ce, pendant des siècles, sans que l’opinion publique ne s’en soit émue.
Cf. Musa Hassan, « Les fantômes d’Afrique dans les musées d’Europe », Africultures, n°70, 6 novembre 2008, < http://www.indigenes-republique.fr/article.php3?id_article=204 >.
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L’ancienne Egypte est généralement perçue comme un pays extraafricain, tant est éclatante la portée de sa contribution à la culture universelle, aux arts, aux sciences, à la pensée et à l’invention des premiers fondements de l’innovation dans tous les domaines. Les papyrus anciens en sa possession restent encore cloisonnés par rapport au reste de l’Afrique noire qui est pourtant la terre nourricière de sa culture et de ses traditions scripturaires, étincelantes de génie. Les batailles épiques menées par Cheikh Anta Diop, Théophile Obenga, et, avant eux, par une longue lignée d’intellectuels et de savants d’origine africaine, ont permis de faire basculer le mur épais qui séparait les Africains, des siècles durant, de leur passé littéraire, scripturaire et artistique. Le plus dur reste peut-être à faire : intégrer complètement les faits historiques africains – scripturaires et littéraires, en particulier – dans la conscience historique de la majorité des Africains, dans les programmes universitaires et scolaires, et dans le vécu quotidien des populations. En dehors de l’Egypte pharaonique classique, les plus anciennes pièces littéraires rares d’Afrique sont ainsi menacées par le double péril du délitement géographique et de la conspiration internationale qui continuent de perpétuer l’idée que l’Afrique n’aurait pas inventé l’écriture et qu’elle serait exclusivement la terre d’élection de l’oralité. Le drame dans cet enchevêtrement de circonstances, c’est que la très grande majorité des Africains, et, encore plus tragiquement des intellectuels, sont maintenus dans l’ignorance totale des faits majeurs ainsi décrits. Les gouvernements africains sont en très grande partie responsables de cette situation alarmante et sont même coupables, dans certains cas, d’avoir contribué au pillage des trésors manuscrits du continent. L’ancien Président de la République du Sénégal, Abdoulaye Wade, n’a pas hésité à théoriser l’indigence des Africains face aux défis de la conservation des archives anciennes, son argument étant que les manuscrits pourraient être mieux conservés pendant des siècles encore par les Occidentaux. Il ne s’est évidemment guère préoccupé du fait que, ce faisant, les Africains seraient sevrés pour des siècles encore de la nourriture culturelle et de la sève nourricière de leur passé, passé sans lequel leur avenir est condamné à être confiné dans les marges de l’histoire et du mouvement universel de renouveau et de progrès de la pensée et de l’innovation scientifique et culturelle.
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L’organisation non gouvernementale (ONG) Aide Transparence, en coopération avec la SAVAMA-DCI et les bibliothèques privées d’autres parties du continent africain, les chercheurs et une large palette d’experts et de preneurs de décision venus d’horizons divers, tient à remercier très sincèrement la Fondation Ford pour son appui financier, appui sans lequel, il aurait été difficile de tenir, dans des conditions de confort opérationnel et de liberté intellectuelle totale, la conférence internationale sur la Préservation des manuscrits anciens, à Addis Abéba, du 17 au 19 décembre 2010, avec la participation de 15 pays d’Afrique et de la diaspora négro-africaine. Nos remerciements vont, en particulier, à Luis Ubeñas, président de la Fondation Ford qui s’est investi sans compter pour faire de la réhabilitation des manuscrits anciens de Tombouctou, en particulier, une réalité palpable que de tragiques évènements décrits dans l’introduction générale de cet ouvrage viennent perturber, temporairement, il faut l’espérer. Adhiambo Odaga, ancienne représentante de la Fondation Ford en Afrique de l’Ouest, et, surtout, avant elle, Nathalia Kanem, ancienne vice-présidente de la Fondation Ford ont posé les jalons administratifs et opérationnels qui ont rendu possible le transfert de fonds importants au profit des bibliothèques privées et des familles qui conservaient, dans des conditions lamentables, jusque récemment, les trésors écrits légués par leurs ancêtres depuis des siècles. Il convient de signaler qu’à part la Fondation Ford, plusieurs institutions bilatérales et multilatérales de financement du développement culturel, plus particulièrement l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), ont également prêté main forte aux Maliens et aux Africains pour s’acquitter au mieux de la responsabilité historique d’allonger de plusieurs siècles la préservation de leur patrimoine écrit, patrimoine le plus ancien de l’humanité dont les vestiges sont gravement menacés par la négligence et le mal-développement, à l’exception, peut-être, de l’Egypte et de l’Afrique du Sud. Les encouragements du regretté professeur Sékéné Mody Cissokho ne m’ont jamais fait défaut chaque fois que je me suis rendu dans l’arrièrepays malien en passant par Bamako où il avait construit une vaste école d’enseignement secondaire baptisée Cheikh Anta Diop, son mentor du temps où il enseignait à l’université de Dakar. A travers ses écrits et ses cours que j’ai suivis au tout début des années 1970, il a été une source vivifiante d’informations de première main sur Tombouctou et
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les civilisations de la boucle du Niger. Les professeurs Bakari Kamian, Ali Mazrui et Djibril Tamsir Niane n’ont pas hésité à m’encourager, et, pour certains, à me prodiguer leurs conseils avisés, contribuant par làmême, au fourmillement historique et idéel qui parcourt cet ouvrage. Mes remerciements vont également aux nombreux contributeurs au succès de la conférence d’Addis Abéba parmi lesquels le professeur Ayele Bekerie de l’université de Mekelle en Ethiopie qui a grandement contribué à l’implication des plus hautes autorités éthiopiennes dans la tenue de la conférence en Ethiopie, l’ambassadeur Mohamed Saïd Ould Hamody de la Mauritanie, président du panel de la conférence citée sur les enjeux stratégiques de la préservation et de l’utilisation des manuscrits anciens africains, pour son entregens et son immense érudition, Papa Toumané NDiaye, spécialiste de programmes, direction de la Culture et de la communication, Islamic, Educational, Scientific and Cultural Organization (ISESCO), rapporteur général de la conférence et dont l’appui besogneux a été d’un grand concours, professeur Boubacar Barry qui a dirigé avec brio le panel de la conférence d’Addis Abéba sur l’analyse de contenu et la portée historique des manuscrits anciens africains, professeur Aboubacry Moussa Lam du département d’Histoire de l’université Cheikh Anta Diop pour sa participation et ses encouragements en matière d’édition, professeur Mahmoud Hamman, ancien directeur d’Arewa House, Kaduna, dont les encouragements ne nous ont jamais fait défaut, Dr Kabiru Chafe, directeur d’Arewa House, qui a presidé le panel sur la radioscopie des collections de manuscrits anciens africains, Mamitu, directrice du Musée national d’Addis Abéba qui a joué un rôle clé dans l’organisation de l’exposition régionale sur les manuscrits anciens africains, Demeka Berhane, anciennement paléographe à l’Institut d’études éthiopiennes, Atakilt Assafe, ancien directeur des Archives et de la bibliothèque nationale d’Ethiopie auquel a succédé Ahmed Aden qui s’est, lui aussi, dépensé sans compter. Mes remerciements vont également à Rita et Richard Pankhurst dont le travail immense en matière d’études éthiopiennes et de bibliographies anciennes a joué un rôle significatif dans le développement des études éthiopiennes et du fonds de la bibliothèque de l’université d’Addis Abéba.
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Au Mali, je tiens à remercier l’ONG SAVAMA-DCI dont le président, Abdel Kader Haïdara, nous a permis d’accéder à une partie des fonds manuscrits de la SAVAMA-DCI et de Mamma Haïdara qu’il dirige avec esprit de suite, et, à diverses personnes-ressources, au cours de mes prestations de terrain en tant que conseiller technique de la SAVAMADCI. Une mention particulière est due à mon vieil ami de barricades estudiantines soixante-huidardes, Cheikh Cissokho, ancien ministre de la Culture, durant mes pérégrinations fréquentes à Tombouctou, au Dr Mohamed Gallah Dicko, ancien directeur de l’Institut Ahmed Baba de Tombouctou qui a toujours encouragé la coopération inclusive entre les parties prenantes publiques et privées de la conservation du patrimoine archivistique du Mali, et à tous les experts du ministère de l’Enseignement supérieur du Mali, en particulier, à M. Diakité et Mme Siby Ginette Bellegarde, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique qui m’ont vivement encouragé, sans la langue de bois caractéristique des preneurs de décision, dans notre quête incessante de solutions pratiques pour développer la conservation des archives anciennes africaines. Une mention spéciale doit être faite de la discussion importante que mes collègues Mohamed Saïd Ould Hamody, Papa Toumani Ndiaye et moi-même avons eue avec le professeur Mahmoud Zouber, premier directeur du Centre Ahmed Baba de Tombouctou et chercheur émérite, qui a grandement contribué à l’expansion du portefeuille d’acquisitions livresques et documentaires de ce pivot régional des archives anciennes africaines. Je remercie également l’hospitalité et les marques d’attention d’Abdel Kader Haïdara, directeur de la bibliothèque commémorative Mamma Haïdara de Tombouctou, d’Es Sayouti, imam de la Grande mosquée de Jinguiraber de Tombouctou, léguée à la postérité par le grand Kankan Moussa, d’Ismaël Diadié Haïdara, directeur de la bibliothèque Fondo Kati de Tombouctou, de Sidi Mokhtar, directeur de la bibliothèque Al Wangari de Tombouctou, de l’imam Sidi Yahya de la mosquée historique Sidi Yahya de Tombouctou, de Hadj ould Salem, érudit de Tombouctou, de Mohamed Dédéou dit Hammou, érudit émérite de Tombouctou, de l’équipe dévouée de chercheurs et de techniciens de grand mérite qui ont tenu fermement avec le Dr Mohamed Gallah Dicko le gouvernail de l’IHERIAB, et d’une longue liste d’amis et d’informateurs qu’il serait fastidieux de tous énumérer ici, et qui poursuivent un travail admirable de conservation, dans l’un des avant-postes les plus considérables du complexe archivistique ouest-africain.
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Les encouragements et les informations circonstanciées à caratère stratégique de notre doyen Amadou Makhtar Mbow, ancien directeur général de l’Unesco, nous ont été d’un grand concours et une source renouvelée d’optimisme, venant d’un artisan inlassable de la communication égalitaire entre peuples et civilisations du monde et la promotion de l’histoire africaine. C’est sous sa responsabilité que le Centre d’études et de documentation (CEDRAB) du Mali, le Celtho de Niamey, la réhabilitation des archives africaines et le projet d’Histoire générale de l’Afrique ont pu être opérationnalisés dans des conditions optimales de succès. Qu’il en soit remercié, car sans son œuvre pionnière et politiquement courageuse, les auteurs de cet ouvrage n’auraient pu avantageusement tirer parti de la moisson intellectuelle et sociohistorique qui a servi de terreau à cette entreprise. Je voudrais associer à cet hommage Cheikh Anta Diop et le professeur Théophile Obenga qui ont été une source constante d’inspiration pour nous. Le professeur Obenga a accepté, malgré un calendrier congestionné par des urgences stratégiques et scientifiques de tous ordres, de prononcer le discours inaugural de la conférence d’Addis Abéba et de participer au panel sur les défis stratégiques auxquels sont confrontés les Africains dans la gestion de leur patrimoine archivistique. Bien que regrettablement absent des assises d’Addis Abéba, Cheikh Anta Diop a instruit ses débats puisqu’il a été l’un des pionniers émérites de la restauration de la conscience historique africaine, notamment à travers ses travaux sur la linguistique, l’histoire et l’apparition de l’écriture en Afrique noire, en une période où la plupart des Africains peinaient encore à croire que l’ancienne civilisation pharaonique classique est partie intégrante de la culture et de la civilisation africaines. Durant mes années de collaboration étroite avec ce savant d’une humilité qui force le respect, j’ai beaucoup appris à ses côtés, grâce à une fréquentation assidue de ses innombrables réunions scientifiques ou politiques, et, de discussions passionnantes en tête-à-tête. Cheikh Anta Diop a inspiré de bout en bout ce projet d’ouvrage sur les manuscrits anciens africains et l’invention de l’écriture par les Africains. Nous tenons, à titre posthume, à lui rendre hommage et à le remercier pour le travail prométhéen qu’il a accompli, dans des conditions d’adversité intellectuelle et politique extrêmes.
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Je tiens particulièrement à remercier les correcteurs de cet ouvrage qu’ont été mon vieil ami, le Professeur Dialo B. Diop du Centre hospitalier universitaire de Fann, et le Professeur Falilou Ndiaye de l’Université Cheikh Anta Diop, ainsi que Sati Penda Armah, virtuose de la mise en page, qui ont laissé leur empreinte sur chacune des pages de ce livre. Je dois une dette de reconnaissance à Son Excellence, Monsieur Gilma Wolde Giorgis, Président de la république démocratique fédérale d’Ethiopie, qui nous a fait l’insigne honneur de présider la cérémonie de clôture de la conférence, malgré les efforts physiques impressionnants qu’il a dû consentir à cet égard, Son Excellence, Hailemariam Dessalegn, alors Premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la république démocratique fédérale d’Ethiopie, Son Excellence, M. Amin Abdelkader, ministre de la Culture et du tourisme d’Ethiopie et l’ambassadeur Abdelkader, chef de la mission diplomatique éthiopienne au Sénégal, qui ont tous généreusement contribué au succès de la conférence et de l’exposition sur « L’Afrique, berceau de l’écriture », au Centre international de conférences des Nations unies d’Addis Abéba. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma déférence et de ma gratitude renouvelée. A ma compagne de toujours, Yassine Fall, j’exprime toute ma gratitude pour ses encouragements, son intrépidité intellectuelle et sa générosité, et à mes enfants, Nafissatou, Biram Sobel, Sandjiri Ndjan Gana, Samori Sombel et Sophie Nzinga je leur suis redevable de leur soutien affectueux et de leur patience devant mes voyages répétés et mes pérégrinations solitaires à travers la galaxie cognitive des manuscrits de nos ancêtres.
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Carte des principaux sites de manuscrits anciens dans des bibliothèques, familles et institutions religieuses en Afrique, selon les estimations disponibles (détaillés ci-après)1
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1. Afrique du Sud : Cape Town University et communautés musulmanes
du Cap.
2. Algérie : Musée, Alger ; Rodoussi Qadour bin Mourad Tourki ; Fondation Ghardaia - Médersas : Tlemcen ; Alger - Zawiyyas, Temacine ; Wargla ; Adjadja ; al Hamel - Grande mosquée : Alger - Imprimerie Tha Alibi – Annexes, Bibliothèque nationale : Frantz Fanon ; Bejaia (Ibn Khaldoun) ; Tiaret (Jacques Berque) ; Adrar ; Annaba ; Constantine ; Tlemcen ; Lmuhub Ulahbib ; Bejaia. 3. Burkina Faso : manuscrits de Dori, Djibo, Bobo-Dioulasso. 4. Cameroun : Bibliothèque royale de Foumban ; Bibliothèque nationale, Yaoundé. Manuscrits Bagam, London School of Oriental Studies.
5. Côte d’Ivoire : manuscrits anciens du Nord de la Côte d’Ivoire ;
manuscrits de Bruly Bouabré (IFAN, université Cheikh Anta Diop, Dakar).
6. Egypte : Daar al Kutub ; Nag Hammady ; Bibliothèque nationale ; bibliothèque d’Alexandrie ; Deir Al-Moharraq, près d’Assiout ; musée copte du Caire et couvent Père Fidoul ; Zeidane, Caire ; Center for Documentation of Cultural and Natural Heritage ; American University. 7. Erythrée : très peu d’informations et d’études de terrain récentes sont
disponibles ; voir Bibliothèque nationale de Paris, Aix-en-Provence, Oxford et Rome.
8. Ethiopie : National Archives and Library of Ethiopia ; Institute of
Ethiopian Studies ; Ethiopian Orthodox Tewahdo Church Patriarchate Library ; Authority for Research and Conservation of Culture Heritage ; Musée national ; liste des inventaires de manuscrits (); pour la facilitation d’accès aux manuscrits en arabe ou ajami contacter Islamic Supreme Council, Addis Ababa). La récente découverte de la collection de manuscrits appartenant à l’Ethiopian Orthodox Tewahedo Church et gardée au monastère d’Abba Gärima près d’Adwa a complètement bouleversé les données historiques concernant l’apparition de l’écriture en Afrique. En effet, la technique de datation au Carbone 14 appliquée à ces manuscrits les fait remonter au IVe siècle de notre ère, ce qui semble suggérer que l’écriture gé’éz remonte à une période encore plus ancienne dite « préhistorique ». Une révision en profondeur des livres de l’histoire universelle s’impose à cet égard. De petites collections de manuscrits en Amharic, Tigrinya, Tigre et d’autres langues des familles sémitiques, couchitiques et nilotiques sont signalées ainsi que des manuscrits datant de l’Etat chrétien de Nubie (VIe-XIIe siècle).
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9. Gabon : des manuscrits ont probablement été laissés par les résistants
à la guerre coloniale qui ont été exilés au Gabon comme Almamy Samori Touré, empereur du Wassoulou et Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la Confrérie mouride.
10. Gambie : plusieurs collections de manuscrits de qualité datant des XVIIIe et XIXe siècles ont été signalés dans ce pays qui faisait partie du royaume du Gabou et des principautés du Bour Sine.
11. Ghana : Institut d’études africaines de l’université d’Accra ; Tamala ; Kumasi ; Boigutantigo. 12. Guinée : d’anciennes fouilles ont été opérées en pays Toma qui a fourni une écriture authentiquement africaine et au Fouta Djallon, centre d’impulsion d’un vaste mouvement religieux et politique qui s’est étendu à travers tout le Sahel africain. Manuscrits de Kankan. 13. Guinée-Bissau : des manuscrits anciens (XIXe siècle) ont été signalés
à Bafata et ailleurs. Les manuscrits restants en papier filigrané semblent peu nombreux et mériteraient un traitement urgent.
14. Kenya : Bibliothèque nationale de Nairobi ; île de Lamu ; manuscrits signalés dans tout le Zanzibar et les villages et villes secondaires limitrophes de Mombassa. 15. Lesotho : alphabet authentiquement africain signalé par des missionnaires européens. 16. Libéria : Bibliothèque nationale et certaines familles. La guerre civile
qui a déchiré ce pays pendant une longue période a favorisé la disparition ou la destruction d’anciens manuscrits Vaï. Ce patrimoine est à reconstruire.
17. Libye : Bibliothèque nationale de Tripoli et Syrthe. A la faveur d’une guerre récente, ce pays a été dévasté avec ses fonds bibliothécaires. Une nouvelle évaluation est en cours. 18. Madagascar : d’anciens manuscrits royaux existent dans ce pays mais sont mal connus. Certains manuscrits ont été conservés en France. 19. Mali : Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmad Baba,
Tombouctou ; Mouhamad bin Oumar Al Murji, Mourdja, cercle de Nara ; Ahmad Al Qari, Bamako ; Mouhamad Al Iraqui, Bamako ; Ahmad Baba Bin Abil Abbas Al Husni, Tombouctou ; mosquée Sankoré, Tombouctou ; Mouhamad Mahmoud bin Cheikh Arouni, Tombouctou ; Binta Gongo ; Gandame ; Touka Bango ; Imboua ; Kounta ; Sidy Aali ; Koul Ozza ; Koul Souk, Gao ; Zeynia, Boujbeha ; imam Ben Es-Sayouti ; Al Gadi Mouhamad
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Bin Cheikh al Aouni ; Ahmad Bin Arafa Atoukni le Tombouctien ; Qadi Ahmad Baba bin Abil Abbas Al Husni ; Fondo Kati (Mohamad Ka-ati) ; Djingarey Ber, Tombouctou ; Zeinia, village des Abu Jubeiha ; Mahamad Mahmoud, village de Ber, Mama Haidara, Tombouctou (voir la carte détaillée des manuscrits de Tombouctou et environs dans cet ouvrage). Une grande partie des manuscrits en ajami ou en arabe sont dispersés en France (bibliothèques nationale, d’Aix-en-Provence, de Richelieu etc.), au Niger, au Sénégal, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Bénin, au Togo, au Ghana, en Sierra Leone, en Côte d’Ivoire, en République centrafricaine, au Tchad, à l’île Maurice, à Madagascar, à Lamu, Kenya, en Tanzanie, au Cameroun, en Afrique du Sud, au Soudan, en Somalie, aux Seychelles (pour plus de détails, voir les différents chapitres de cet ouvrage, volumes 1 à 3).
20. Maroc : Voir les bibliothèques privées suivantes : Mohamed Ben Jaafar El Kettani ; Abdel Hay El Kettani ; Thami El Glaoui ; Ibrahim El Glaoui ; Mohamed Hassan El Hajoui ; Mohamed El Mokri. Cf. aussi la bibliothèque des archives nationales et la bibliothèque Hassanya de Rabat. Plus loin, Benebine passe en revue de façon détaillée l’évolution des bibliothèques et des manuscrits au Maroc et au Maghreb plus largement 21. Mauritanie : manuscrits des villes historiques de Walata; Tichitt;
Wadane ; Chinguetti ; Nouackchott ; collections de manuscrits anciens signalés dans les campements, regroupements familiaux, mosques, médersas suivants : Ideille, Hay Al Beitara, Hay Al Breij, Al Soukh, Al Safha, Ehl Babé, Ehl Moulaye Abdallah, tous dans la région du Hodh Echargui ; des collections sont également signalées dans les bibliothèques traditionnelles de Néma, Djiguenni, Timbedra, Tamchekket, Oum Lemhar, Sed Al Talhayet, Aghweinit, Al Marveg, Al Mebrouk, Kiffa, , Al Jedidé, Saguattar, Boulenouar, Assaba Kankossa, Assaba Guérou, Kaédi, Brakna, Trarza,, Boutilimit, Mederdra, Atar, Tagant Tidjika, Tiris Zemmour (Zoueiratt; Akjoujt) ; manuscrits des XVIIIe et XIXe siècles de Garag (Rosso).
22. Niger : Institut de recherche en sciences humaines, Département des
manuscrits arabes et ajami, Niamey ; Institut de recherche et d’histoire des textes ; manuscrits des villes d’Agadez, Difta, Zinder, Maradi, Abalak, Tahoua, Dosso, Téra.
23. Nigéria : Abdu Samad, Sokoto ; Mouhamad bin Mahjoub Al Murakuchi,
Sokoto ; université Ibadan ; Zaria ; Arewa House, Kaduna ; Jos ; Nasiru Kabara Library, Kano ; voir aussi la collection détenue par la Melville J. Herskovits Library of African Studies, Northwestern University, Etats-Unis, qui comprend entre autres la Umar Falke Collection et la John Paden Collection rattachée à Kano ; collections de manuscrits de Waziri Junaidu History and Culture Bureau, Sokoto, des Archives nationales de Kaduna, de l’History Bureau,
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Kano, de la collection privée de Waziri junaidu, Sokoto, du Center for TransSaharan Studies, Maiduguri et du Centre for Islamic Studies, Sokoto.
24. République arabe sahraouie démocratique : dans ce pays en guerre, la plupart des manuscrits anciens sont dispersés dans les zawyas et les enclos privés de certains imams. Pour des sources récentes, voir les travaux d’Ahmed Baba Miské. 25. Sénégal : Laboratoire d’islamologie de l’IFAN, université Cheikh Anta Diop ; Daaray Kamil, Touba ; famille Cheikh Moussa Kamara, Ganguel (Matam) ; famille Sy, Tivaouane ; Pire ; famille Niassènes ; famille Limamoulaye, Yoff/Cambérène ; des manuscrits sont dispersés à Saint-Louis, Rufisque, Thiès, Diourbel ; Madina, Kolda, Sédhiou, Matam, Podor, Ndioum, Galoya, Cas-Cas, Mbouba, Bakel, Rosso, Linguère, Tambacounda et dans plusieurs zawyas à travers le Sénégal, la Mauritanie, la Guinée Bissau et la Gambie. 26. Sierra Leone : ce pays regorge de manuscrits mais ils ont été dispersés ou détruits à la faveur d’une longue et brutale guerre civile. Des fouilles en profondeur paraissent maintenant nécessaires pour sauver les fonds restants de manuscrits en péril. 27. Somalie : manuscrits de Kismayu. On ne sait pas grand chose des
manuscrits conservés dans ce pays resté longtemps sans Etat et en guerre.
28. Soudan : Bibliothèque nationale de Khartoum ; manuscrits détenus dans des familles à travers le pays.
29. Tanzanie : Archives nationales de Zanzibar (WNA), Zanzibar Stone Town. Vaste fonds de manuscrits repertoriés en partie dans cet ouvrage. Voir aussi les bibliothèques du Sultanat d’Oman qui avait conquis le Zanzibar entre les XVIIIe et XIXe siècles. Swahili Manuscripts Database de la School of Oriental and African Studies, université de Londres. 30. Tchad : manuscrits d’Abéché (sud-est). En raison d’une longue guerre
civile les manuscrits anciens de ce pays ont été dévastés. Un travail de conservation et de catalogage doit y être envisagé de toute urgence.
31. Tunisie : Al Manar ; Bibliothèque Atique Al Assali ; Nouri bin Mouhamad
Nouri ; Chazeli As Zawq ; Bibliothèque nationale, Tunis
J. H. S.
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______________ 1. Les sources utilisées pour la compilation des informations contenues dans cette carte proviennent principalement des résultats de recherche présentés par les éminents auteurs de cet ouvrage et complétés par des recherches sur la toile mondiale. Le lecteur voudra bien noter que les bibliothèques et familles détentrices de manuscrits anciens africains (de 3500 avant notre ère au XXe siècle) ou de statues et de bas-reliefs avec des signes graphiques localisés en Europe (France, Grande Bretagne, Espagne, Portugal, Pays-Bas, Italie, Vatican, Finlande), en Russie, en Chine, en Amérique du Sud, au Canada, aux Etats-Unis, dans les pays arabes (Oman, Arabie Saoudite, Emirats Arabes Unis, Quatar), etc. n’ont pas été prises en compte ici. Une telle entreprise, se situant hors de notre propos, aurait, en effet, nécessité des compilations et des recherches menées à partir de sources primaires et secondaires et s’étalant sur plusieurs siècles. Des efforts substantiels ont été accomplis en ce domaine par des institutions plurilatérales comme l’Unesco ainsi que des bibliothèques et institutions universitaires africaines et non africaines.
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Presentation de l’ouvrage Volume II Les deux premiers volumes en français de cet ouvrage ainsi que le troisième volume en langue originale anglaise sont le résultat de la conférence internationale sur la Préservation des manuscrits anciens en Afrique tenue à Addis Abéba du 17 au 19 décembre 2010, sous l’égide de l’ONG Aide Transparence, de la SAVAMA-DCI de Tombouctou et des ministères des Affaires étrangères et de la Culture d’Ethiopie, avec la participation de bibliothécaires, d’historiens, d’administrateurs de musée, de spécialistes du livre, d’institutions religieuses, de membres actifs de la société civile et des représentants consulaires et d’organisations régionales et internationales d’Afrique et d’autres parties du monde. Une vingtaine de pays africains et de communautés de la diaspora africaine ont débattu des problématiques liées : 1/ à la radioscopie des principales collections africaines de manuscrits anciens datant pour l’essentiel du XIIe au XIXe siècle ; 2/ à l’analyse du contenu de ces manuscrits et aux conditions historiques et sociales dans lesquelles ils ont été produits ; et, 3/ aux enjeux stratégiques, culturels et éducationnels relatifs à leur utilisation par les systèmes scolaires et universitaires, les industries culturelles et les artisans du livre, dans un continent en prise avec le délitement de ses cadres sociaux, étatiques et de gouvernance. Le volume 2 de « L’Afrique, berceau de l’écriture » couvre la zone saharo-sahélienne englobant Tombouctou, ville lumière de la civilisation négro-africaine, le Maghreb et la zone tampon mauritanienne que jouxte le Maroc. Des manuscrits du Cameroun y sont décrits. Cette zone immense par son étendue territoriale représente un creuset d’excellence littéraire et artistique mais surtout un formidable réservoir scripturaire qui témoigne de la vitalité des activités intellectuelles1 et du 1. Cf. l’ouvrage repère cité par Ould Cheikh : Ulrich Rebstock et Ahmad W.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
corpus juridique inscrit dans les constructions étatiques islamiques du terroir ouest-africain. Le chapitre 11 est consacré à la bibliothèque ancienne mauritanienne si riche et pourtant largement méconnue du public spécialisé. Abdel Wedoud Ould Cheikh trace méticuleusement l’évolution du patrimoine manuscrit mauritanien importé et autochtone du XIIe au XIXe siècle, en relevant au passage la tendance répétitive de cette production. L’auteur observe minutieusement la production manuscrite confrérique et les dynamiques socioreligieuses qui en instruisent l’évolution « entre les deux rives du Sahara ». Décrivant la longue période d’incubation graphique durant laquelle très peu de livres sont produits, l’auteur déplore la pénurie de papier (comme dans toute la zone sahélo-saharienne) et le caractère artisanal des instruments qui rendent possible l’écriture (l’encre, le calame, l’ardoise en bois et les conditions matérielles, surtout nomadiques, de la division du travail entre producteurs de savoirs, copieurs, calligraphes et éducateurs), avant de passer en revue les traditions savantes à Šhingiti (siège le plus ancien des manuscrits autochtones) et Wadân, en commençant par le plus ancien manuscrit qui date du 18 novembre 1605 et qui est écrit par Sidi b. A.mad b. .Umar alTinbukti (Fat. al-.amad al-fard fi ma.na mahabat Allah ta.ala li-l-.abd : « L’inspiration de l’Eternel, l’Unique, relativement à la signification du respect accordé par Allah à son esclave humain »). Malgré la proximité de la Mauritanie avec le Maghreb et la communauté des liens culturels qui les unissent, Abdel Wedoud rappelle, sur la base du catalogue établi par Rebstock et Wuld Mu.ammad Ya.ya2, que les documents les plus anciens se trouvent à Šhingiti et que l’essentiel de la littérature manuscrite date essentiellement du XIXe siècle et « plus rarement du XVIIIe siècle, mais guère au-delà ». Ce panorama de la littérature manuscrite mauritanienne montre la permanence des liens entre ce pays et le Moyen-Orient, et, d’autre part, son rôle de trait d’union entre les deux rives du Sahara. Les mouvements réformistes et intellectuels d’obédience islamique dans le reste de la zone soudano-sahélienne ont très souvent été nourris par les ferments de la bibliothèque mauritanienne Muhammad Yahya, Handlist of Manuscripts in Shinqît and Wadân, al-Furqân Islamic Heritage Foundation, London, 1997. 2. Alessandro Giacomello, Alessandro Pesaro, avec la contribution de Carlo Federici, Marcella Pellicano,... [et al.] Sauvegarde des bibliothèques du désert : matériaux didactiques, LithoStampa, Udine (Italie) 2009, p. 13. Présentation de l’ouvrage
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cependant que les mouvements confrériques mauritaniens ont pu être influencés par la vitalité intellectuelle et théocratique des « soudanais », de Tombouctou, notamment, et, du Sénégal. Le chapitre 12 nourrit abondamment les ferments codicologiques que renferme la recherche bien documentée d’Abdel Wedoud Ould Cheikh sur les archives mauritaniennes anciennes. Son auteur, Marco Sassetti, déroule un tapis méthodologique tissé selon les règles de l’art : prenant comme spécificité originelle le caractère nomadique et familial de la production littéraire manuscrite, il passe en revue les caractéristiques essentielles des « bibliothèques du désert » (micro-entités familiales ; procès de production du livre manuscrit ; revêtement et manipulations artisanaux auxquels ils se prêtent ; rapport des livres aux mosquées, aux institutions confrériques et bibliothécaires et aux apprenants ; division du travail entre auteurs, copieurs, docteurs de la foi, jurisconsultes et détenteurs des pouvoirs centraux et locaux ; rapports entre l’offre et la demande internes et externes de livres manuscrits du XIIe au XIXe siècle ; ateliers de copie et de fabrication; arts calligraphiques). Sassetti observe ensuite la matière première littéraire elle-même (couverture et étuis ; encre ; papier ; traditions littéraires avec leurs archétypes et le style de narration et de composition écrite propre aux traditions islamiques avec leurs inévitables variantes locales et culturelles). Sassetti complète ces succédanés de la production livresque, en proposant, à grands traits, des pistes de lecture concernant la production du papier durant le Moyen Âge italien et européen et les conditions de son exploitation commerciale. La piste typologique présentée par l’auteur pour retracer l’histoire, maintenant obscurcie, de la route du papier durant l’antiquité paraît féconde. Elle pourrait être utilement complétée par la proposition d’Alessandro Giacomello qui note la présence, dans un manuscrit de Wâlata, du papier filigrané italien de la papeterie « Al Masso » de Pescia (Toscane) fondée en 1783 et dont l’activité est significative au XIXe siècle. Une autre source vénitienne de papier, daté du XVIIIe siècle, a été trouvée dans les manuscrits de l’Institut mauritanien de recherche scientifique de Nouakchott3. En tout état de cause, l’étude des sources, de la qualité et des trajectoires du papier d’exportation européen en direction de l’Afrique, et, plus particulièrement, en provenance d’Italie et de l’Andalousie, reste une énigme qui demande à être élucidée par des fouilles détaillées, dans les livres commerciaux des fabricants 3. Ibid.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
européens et des grossistes et détaillants moyen-orientaux, juifs d’Andalousie, arabes d’Egypte et du sud-marocain. Le chapitre d’Henri Sène, traitant en partie du commerce du papier dans la zone soudanosaharienne, montre, par défaut, que de telles recherches devraient être menées de pair avec les mouvements sociaux et politiques qui ont occasionné les premières purges anti-juives d’Andalousie et leur fuite à travers le Sahara jusqu’aux confins de Gao, Tombouctou et Djenné. Sassetti dresse aussi un état des lieux relatif à la conservation des livres manuscrits à travers l’histoire mouvementée de ce finistère ouestafricain et propose des perspectives d’avenir largement basées sur la conservation préventive. Pour clore cette partie dédiée à la production littéraire mauritanienne et avant d’aborder celle en provenance de Tombouctou, « ville des Lumières et des 333 Saints », selon une mythologie persistante, le lecteur voudra bien se reporter au le chapitre 13 d’Ahmed Chaouqui Benebine, directeur de la bibliothèque royale Hassanya de Rabat, et, l’un des rares codicologues émérites du Maghreb, qui donne une coupe transversale de l’histoire du livre et des mosquées-universités du Maghreb et du Moyen-Orient, en prenant soin de montrer l’antiquité des littératures et des façonnements du livre « arabe » produit de la Tunisie à l’Iraq et à la Turquie, sans que cette construction socio-historique ne vienne remettre en cause la vision diachronique, archéo-linguistique et chronologique suggérée au chapitre 2 par le professeur T. Obenga, en ce qui concerne l’antériorité des systèmes d’écriture négro-africains. Le chapitre 14 d’Ali Ould Sidi qui ouvre la quatrième partie de cet ouvrage, est un rapide survol de l’ancienneté des influences littéraires réciproques entre le Maroc et Tombouctou, capitale intellectuelle et carrefour du commerce à longue distance entre le Soudan sahélo-saharien, le Maghreb et le Moyen-Orient. La conquête sa’adienne du Songhaï en 1591 ouvre la voie de la longue occupation marocaine de Tombouctou, occupation précédée, comme l’indique le savant Ahmed Bàbà, dans son Kifàyat al-muhtàj, par une tradition pluri-centenaire d’excellence dans les sciences et la littérature, depuis la fondation de l’empire soninké de Ghana auquel succède l’empire du Mali, sous les règnes successifs des Mandingues (XIIIe-XIVe siècle) et l’empire Songhoï (à partir de la fin du XIVe siècle jusqu’à l’invasion puis l’occupation marocaines
Présentation de l’ouvrage
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sous l’Askia Ishàq II). L’ouvrage autobiographique d’Ahmed Bàbà4 et la revue de littérature arabo-africaine de Cuoq5, puis Hunwick donnent la mesure, quoi qu’incomplètement, de l’épanouissement culturel et scientifique de Tombouctou, ville-carrefour et pôle d’influence littéraire et islamique dont les ondes de choc se sont fait sentir à travers les principaux foyers littéraires et scientifiques de la période médiévale au XVIIe siècle. L’afflux massif de commerçants et de lettrés « Andalousiens», de Juifs rejetés par l’Espagne se relevant de plusieurs siècles d’occupations successives arabes et qui traversent les routes sahariennes pour se protéger d’une persécution impitoyable, comme le décrit le philosophe Tombouctois Ismaël Diadié Haïdara6, indique le rôle important joué par cette intelligentsia surtout composée de théologiens et de jurisconsultes. Ce brassage de sites d’influences idéologiques, religieuses et de préoccupations politiques et commerciales finit par « métisser » considérablement la production littéraire d’inspiration islamique arabo-africaine, éclatée par la suite en plusieurs branches connues des sciences sociales et naturelles de l’époque7. Ce mélange de 4. Zouber, op.cit. 5. Cuoq, op.cit. 6. Ismaël Diadié Haïdara, L’Espagne musulmane et l’Afrique subsaharienne, Bamako, Donniya, 1997. Cet auteur apporte une contribution significative à une meilleure compréhension du rôle joué par les lettrés andalous « dans la fécondation de l’université de Tombouctou ». Cf. notamment les pages 9 à 88. 7. Ibid., voir notamment la liste des lettrés andalous biographiés dans le Nayl d’Ahmed Bàbà (pp. 72-86). A partir des relevés biographiques de Bàbà, Ismaël Haïdara conclut que les universitaires andalousiens en représentent 73,4 % du nombre total de savants listés entre les Ve et IXe siècles et originaires notamment de Grenade (27,4 %), Cordoue (6,3 %), Malaga (7,9 %) et Séville (3,7 %). Haïdara note, en outre, que Tombouctou naît du reflux des Almoravides sur l’Ifriqiya et le Sahara méridional et grandit de l’essor du commerce transaharien et de la mort de Walata, tué par les Mosi en 1480. Tous les savants, tous les commerçants nordafricains ou d’ailleurs qui connurent la prospérité dans la ville mauritanienne se replièrent là et vinrent grossir le foyer intellectuel qui prenait racine à Sankoré avec les familles Akit et Anda (op.cit., p. 57). L’étude d’Ismël Haïdara soulève une problématique essentielle qui n’a pas encore été élucidée par l’historiographie africaine : comment se sont comportés les détenteurs des savoirs endogènes face à la montée inexorable de l’islam dans leurs sociétés respectives ? En attendant que des fouilles approfondies dans les bibliothèques de fortune de la zone soudanosahélienne analysent le contenu des manuscrits anciens de la région africaine, ne serait-il pas plus indiqué que la littérature orale (ou « orature ») soit davantage investie en tant que champ paradigmatique constitutif de l’évolution de la pensée négro-africaine et du discours philosophique qui le soutend et le nourrit depuis l’Egypte pharaonique (voir à cet égard, l’ouvrage monumental de T. Obenga, La
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
cultures trouve à Tombouctou une solide tradition d’érudition scientifique et scholastique profondément ancrée dans la pensée des praticiens du droit, de la logique, de la pharmacopée, de la médecine, de l’astronomie, des sciences botaniques, de l’architecture, etc., généralement enveloppés dans une démarche méthodologique transdisciplinaire et des paradigmes de la connaissance et de la logique qui ne séparent pas artificiellement les sciences sociales des sciences naturelles et de considérations spirituelles, préoccupation dominante du mouvement de pensée cartésien occidental8. T. Obenga et Cheikh Anta Diop, d’éminents historiens de la pensée et des sciences, suggèrent de façon précise et détaillée, les traditions paradigmatiques négro-africaines9, malheureusement ossifiées par les procédés mystico-religieux et élitistes des prêtres et scribes négro-africains. On peut estimer cependant avec Cheikh Anta Diop que jusqu’avant la traite esclavagiste transatlantique de masse, et, le déclin progressif des empires ouest-africains, l’Afrique occidentale était à égalité avec l’Occident10 dans le mouvement général des idées et des connaissances qui guidaient la marche du monde et de ses principaux centres d’excellence11. Comme le note Constant Hamès12, on ne pourra prendre la pleine mesure de la contribution exceptionnelle de la littérature ouest-africaine en langue ou graphie arabe, que lorsque la battue pour découvrir et identifier exactement les gisements archivistiques manuscrits aura été menée à terme, et, le travail minutieux de traitement codicologique et sociohistorique abordé avec sérieux et professionnalisme par l’intelligentsia africaine, décomplexée et libérée des travers de l’aliénation culturelle philosophie africaine de la période pharaonique 2780-330 avant notre ère, op. cit.) en passant par ses lointaines marraines nubiennes, éthiopiennes et de la zone des Grands Lacs. La piste de la « théosophie », par opposition à la philosophie, poursuivie par Haïdara, est indicative d’une sorte d’impasse intellectuelle dans laquelle se sont aventurés tous ceux, philosophes professionnels ou de circonstance, qui se sont engouffrés dans le débat stérile de l’existence ou non d’une philosophie spécifiquement « africaine ». Sur la dichotomie artificielle entre sciences sociales et sciences naturelles, voir l’ouvrage de Charles Finch III, The Star of Deep Beginnings: The Genesis of African Science and Technology, Khenti, Decatur, GA, 1998. 8. Finch, op.cit., p. XV à XX 9. Cf. les auteurs cités plus haut. 10. Diop, Civilisation ou barbarie, op.cit. 11. Op.cit. 12. Cf. Hamès, op.cit. Présentation de l’ouvrage
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et idéologique, et, plus généralement, tous ceux qu’intéresse l’évolution africaine. Ce faisant, on continuera de prêter la plus grande attention à l’archéologie du savoir et des systèmes d’écriture produits par les Négro-Africains au fil d’un temps qui s’étire des origines de l’humanité pour plonger ses racines au cœur de l’histoire. Le chapitre 15 de Mahmoud Mohamed Dédéou ouvre une fenêtre sur la production laissée à la postérité par l’intelligentsia de Tombouctou au fil des siècles. Cette élite intellectuelle islamisée, faudrait-il le rappeler, est multiculturelle, trans-ethnique, surtout masculine, avec une présence exceptionnelle de femmes friandes de belles-lettres, de poésie et de théologie, et comprend essentiellement des jurisconsultes, des imams, des théologiens, des grammairiens et philologistes, des bibliophiles, des commis consulaires, des enseignants de différents niveaux, des écrivains, des étudiants de différents cycles de l’enseignement secondaire et universitaire, des pharmacologues, des médecins, des chirurgiens et des spécialistes de diverses matières telles l’astronomie, les sciences naturelles, la numérologie, le mysticisme, la métapsychologie, la psychothérapie, l’histoire, la biographie, la géographie, etc. Au sommet de la pyramide, trônent les jurisconsultes en raison de la protection et des immunités de divers ordres que leur prodiguent généreusement les Askyas, plus particulièrement entre les XVe et XVIIIe siècles, compte tenu de leur importance dans le système de gouvernance des biens et des personnes et la levée des données statistiques indispensables à une gestion équilibrée des greniers de l’Empereur ou de ses vassaux. Les jurisconsultes ont souvent tenu la correspondance diplomatique et consulaire, la gestion des impôts et ont été des fondés de pouvoir très actifs dans la levée des impôts, les traitements judiciaires et le règlement des conflits familiaux et conjugaux ainsi que le traitement des héritages et ceux relatifs à l’esclavage domestique. Fidèle aux traditions confrériques ou théologico-politiques d’interprétation du message coranique, l’intelligentsia africaine, utilisant l’arabe ou l’ajami comme principal moyen de l’expression écrite, a invariablement pris des positions parfois tranchées et tantôt subtiles dans les débats qui agitent la société et la parcourent suivant les tendances centrifuges et centripètes qui marquent la communauté islamique. Il est évident, dans ces conditions, qu’ils ont dû être victimes des mêmes affres de l’aliénation et de l’ambivalence culturelles que subissent, à l’époque contemporaine, les intellectuels africains occidentalisés ou islamisés, et, parfois prompts, dans des positions de pouvoir, à épouser la
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culture et les paradigmes assimilationnistes de la « francophonie », de l’ « arabophonie », de l’ « anglophonie » ou de la « portugophonie », disons de l’ « europhonie » si l’utilisation d’un tel euphémisme est permis, par opposition à l’ « africophonie », la somme de toutes les langues africaines. Sy, Tëwë, et Kane tentent, au chapitre 16, de donner une idée, certes très limitée, mais significative de la valeur historique des manuscrits, encore à l’état brut dans lequel ils ont survécu des siècles durant. Les bibliothèques qui ont abrité les fouilles transversales des auteurs sont les lointaines héritières de celles qu’utilisaient les auteurs dont les folios gribouillés d’encre noire et rouge parfois demandent à être analysés et leur portée socio-historique restituée dans sa plénitude. Elles sont décrites succintement, en attendant que de nouvelles équipées codicologiques en traduisent la quintessence, dans des langues accessibles aux non arabophones. Les auteurs soudanais, maliens pour la plupart, dont les œuvres sont synthétisées, et, qui se sont exprimés à partir des croyances et des préoccupations de leur temps, sont tous dignes d’intérêt, et montrent que la partie immergée de l’historiographie africaine reste encore inaccessible, compte tenu des conditions d’extrême fragilité auxquelles ils sont soumis, depuis des siècles. La liste la plus complète des bibliothèques et collections de manuscrits anciens établie à ce jour, par les soins de la SAVAMA-DCI, permettra sans doute de préparer des missions ciblées, pour tirer de l’oubli l’or brun qui dort dans des gisements archivistiques d’une densité considérable au nord du Mali, mais malheureusement encore cachés, inexplorés et non analysés. Il faut espérer que la tragédie sécessionniste qui a fracturé en deux le pays, à travers un coup d’Etat suivi de l’invasion de hordes belligérantes venues de l’Algérie, de la Libye et des communautés pastorales dispersées à travers le Sahara, dans une vie sans lendemain, s’estompera bientôt au profit d’une paix soutenable et durable. Les richesses immenses, en pétrole et gaz notamment, enfouies dans le soussol malien et le gigantisme territorial de ce pays dont les frontières ont été artificiellement et scandaleusement tracées par les colons Européens à Berlin, n’ont jamais milité en faveur du retour à des équilibres sociohistoriques, ethniques et culturels brutalement rompus par l’aventure coloniale, une décentralisation unijambiste et l’un des niveaux les plus injustes de partage des richesses, dans un contexte de pauvreté des plus extrêmes au monde. Or, depuis la nuit des temps, ces équilibres Présentation de l’ouvrage
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fondamentaux ont été, et restent encore, les garants les plus sûrs de l’essor des civilisations de la boucle du Niger. Sur la base de fréquentes visites de terrain à Tombouctou et Bamako, Jacques Habib Sy observe au chapitre 17 l’évolution du livre manuscrit et des principaux acteurs passés et contemporains qui en assurent la vitalité. Il attire l’attention sur les méthodes et les moyens de gestion de la SAVAMA-DCI, ce consortium de bibliothèques anciennes et plus récentes dotées de l’un des fonds manuscrits les plus riches du continent africain, avec l’un des niveaux de densité de livres manuscrits au kilomètre carré probablement les plus élevés d’Afrique et du monde. Le chapitre 18 de Marcel Diki Kidiri participe d’une méthodologie graphématique appliquée à « l’analyse systématique des éléments formels constitutifs de l’écriture des langues basée sur l’observation de nombreux systèmes d’écriture ». La méthode suggérée ici permet surtout de mettre en évidence les spécificités propres aux supports électroniques et traditionnels tout en facilitant le traitement numérisé des textes. Appliquée aux manuscrits anciens cette méthode ouvre un passage fécond des méthodes traditionnelles de numérisation (caméras à basse intensité de lumière ; scanners spécialisés dans la reproduction des manuscrits) vers un traitement plus approprié des unités de manuscrits anciens à encoder. La composition du livre manuscrit arabo-islamique de Demba Tëwë (chapitre 19) vient combler une lacune dont se sont souvent plaints les étudiants en codicologie spécialisés dans les manuscrits arabo-africains. L’auteur y examine les manuscrits du point de vue de leur contenu (l’auteur, le titre, le copiste, le lieu et la date de production, l’incipit, l’explicit et le sujet) et de leurs caractéristiques externes (supports utilisés pour la transcription du texte, types d’écriture, couleurs des encres, dorures, ornementations, réglures, reliures, marques de possession, certificats d’audition et de lecture, licences d’enseignement et colophons). L’entreprise intellectuelle hors du commun du Sultan Njoya, au XIXe siècle, au centre de la tourmente génocidaire instrumentalisée par les colons européens au Cameroun, est décrite, au chapitre 20, par un éminent membre de la cour royale du Palais de Foumban où sont gardés quelques-uns des vestiges de ce visionnaire hors-pair. Idrissou
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Njoya montre d’un point de vue calligraphique et graphématique le cheminement intellectuel qui amène Njoya à inventer un nouveau système d’écriture a ka u ku destiné à alphabétiser son peuple et à le libérer des chaînes de l’esclavage colonial. Da-Mboa Obenga convoque, au chapitre 21, l’utilisation des technologies les plus récentes de l’information, pour apporter des réponses durables tant au plan stratégique que du point de vue de la recherche d’opérationnalités adaptées au champ de la conservation des manuscrits anciens, des stades « de la collecte à l’accessibilité en passant par la numérisation, le catalogage et le stockage informatiques ». L’auteur, en ingénieur averti des enjeux stratégiques liés à la préservation des manuscrits anciens en Afrique, élargit le spectre de connaissances et d’innovations relatives à leur translittération et l’analyse de leurs contenus. Ces domaines sont, à n’en pas douter, l’un des plus grands chantiers qui attendent les intellectuels Africains conscients de la prégnance de telles missions sur l’avenir du foyer civilisationnel qui a inventé l’écriture et se voit sommé, par l’histoire immédiate, de redéfinir de nouveaux paradigmes du futur planétaire et de la cohabitation équilibrée des civilisations. Papa Toumani NDiaye, en spécialiste chevronné de la gestion culturelle, aborde l’étude des processus nécessaires de coopération entre manuscrits et musées (chapitre 22), décrit l’état désastreux des collections existantes de manuscrits en Afrique et propose des scenarii de sortie de crise allant des instruments juridiques nécessaires à la protection des manuscrits contre le trafic illicite et les facteurs humains et naturels adverses, en passant par les inventaires numérisés circulant avec toute la fluidité requise, à l’implication des musées dans l’éducation du grand public au sujet de manuscrits anciens encore malheureusement méconnus de larges couches des populations concernées dont leurs propres élites les ont pourtant produites des siècles auparavant, mais en ont perdu la mémoire, à présent. Le chapitre 23 de Nafissatou Bakhoum complète le tableau stratégique proposé dans les deux chapitres précédents, en se projetant dans les méandres de la gestion intégrée, concertée et participative, liée à la conservation des manuscrits anciens africains et aux défis d’un archivage dynamique, ouvert aux pulsions cognitives de jeunesses avides de nouveaux savoirs, certes intégrés à leur passé et à un avenir Présentation de l’ouvrage
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enraciné dans l’immense héritage scientifique et culturel légué par leurs ancêtres.
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Troisième Partie Mauritanie, Maroc : carrefours et creusets littéraires
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CHAPITRE 11 Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest Abdel Wedoud Ould Cheikh
Résumé L’espace mauritanien recèle une quantité significative de manuscrits (une quarantaine de milliers dispersés entre les bibliothèques familiales et les awqâf des anciens relais caravaniers transsahariens, les tribus lettrées (zwâyä) et l’Institut mauritanien de recherche scientifique (IMRS). Elles datent pour la plupart du XVIIIe - XIXe siècle. Ce chapitre donne un aperçu du patrimoine manuscrit mauritanien à partir de la documentation disponible. Cette production très largement répétitive rend compte d’une « rumination » textuelle et témoigne de la capacité de reproduction des spécialistes du livre manuscrit. L’étude examine, par ailleurs, les mouvements confrériques ainsi qu’une œuvre canonique (le Mukhtasar de Khalîl b. Ishâq et ses commentateurs) et les réseaux d’influences intellectuelles entre les deux rives du Sahara, de même que les apports originaux que véhicule la littérature manuscrite de l’espace ouest-saharien.
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ans l’exorde du quatrième volume du General Catalogue of Arabic Manuscripts at the IMRS1 , qu’il a réalisé avec Sīd Aḥmad Wuld Aḥmad Sālim et Aḥmad Wuld Muḥammad Yaḥya, Charles Stewart écrit : « One of the better kept secrets in the world of Islamic scolarship and in the history of Muslim intellectual life in North and West Africa is the tradition of study and writing in Mauritania during the past three centuries. ». Il ajoute que cette forclusion pourrait bien être une sorte de dommage collatéral de l’opinion ḫaldūnienne selon laquelle, il n’y aurait pas, intellectuellement parlant, grand chose à attendre des nomades parcourant les immensités vides du Sahara et qu’Ibn Ḫaldūn situait, on le sait, du côté de la « sauvagerie » (al-waḥšiyya). Le généreux crédit graphique accordé par l’auteur de Islam and Social Order in Mauritania à cette culture de l’errance fait du reste écho à l’autocélébration dont ne se sont pas privées, à l’occasion, certaines grandes figures intellectuelles de l’espace ici envisagé2. A regarder pourtant les choses de près, il semble que le patrimoine écrit mauritanien, qui, à ce jour, n’a fait l’objet que d’investigations partielles, soit, malgré son intérêt, fortement prisonnier d’une « rumination » étroitement associée à l’horreur théologique de « l’innovation » (bidˁa) dans une société coupée de son arrière-monde arabo-islamique et soumise, par ailleurs, durant des siècles, à un rythme d’évolution des plus atones antérieurement à la toute récente colonisation française (1902-1960). Le savoir était ici l’apanage de l’« ordre » quasi-clérical des äz-zwāyä. Et parmi eux, seules les personnalités d’envergure disposaient en réalité des moyens de s’offrir un patrimoine manuscrit de quelque importance. Nombre d’enseignants et de détenteurs d’une documentation écrite étaient certes des nomades3, mais le gros des bibliothèques était tout de même 1. Nouakchott et Champaign-Urbana, 1992., IV, p. 1. 2. Témoins, ces célèbres vers d’al-Muḫtār w. Būna (m. 1220/1804-5), la référence en matière d’études grammaticales et d’enseignement de la logique du pays maure : Naḥnu rakbun min al-ašrāfi muntaẓimun Ağallu ḏa-l-ˁaṣri qadran dūna adnānā Qad ittaḫaḏnā ẓuhūra al-ˁīsi madrasatan Bihā nubīnu dīna Allāhi tibyānā « Nous sommes certes un noble cortège de chameliers en ordre de marche Et le plus majestueux de ce temps peine à égaler le plus modeste d’entre nous Nous avons converti les échines de nos claires montures en établissements Dévolus à la défense et à l’illustration de la religion d’Allāh. » Cités in Ibn Aḥmad Zaydān : Šarḥ. p. 6. 3. Plutôt petits que grands nomades, comme les lettrés de la Giblä. Les groupes Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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concentré dans les anciens relais caravaniers (Wadān, Šingīṭi, Tišīt et Walāta) du commerce transsaharien et dans quelques autres bourgades à la renommée moins affirmée. Ce sont du reste les établissements sédentaires, leurs enseignants et leurs bibliothèques qui vont susciter les premiers recueils de données bibliographiques sahariennes4. Les tentatives de recensement et d’évaluation de la documentation rurale éparpillée à travers la Mauritanie ne remontent guère au-delà des efforts engagés par l’Institut mauritanien de recherche scientifique (IMRS), à partir de sa création en 19755. Nous nous proposons ici de donner un aperçu du patrimoine manuscrit mauritanien sur la base à la fois de l’expérience directe que nous en avons6 et des travaux qui l’ont pris pour objet. Les dimensions assignées à cette contribution ainsi que les limites de la documentation disponible rendent compte de l’ambition elle même limitée des indications qui suivent. En même temps qu’un panorama succinct des productions manuscrites mauritaniennes telles qu’elles se dessinent à travers certains des principaux recensements réalisés à ce jour et dont nous nous contenterons de traiter quelques exemples significatifs, nous nous arrêterons sur la postérité d’un texte majeur — le célèbre Muḫtaṣar de Ḫalīl b. Isḥāq (m.776/1374) — témoin essentiel s’il en est de la « rumination » dont il a été question plus haut.
pratiquant des déplacements de grande amplitude comme ceux de la région du Tīrəs (Ahl Bārikalla/Idayqəb, Ahl Muḥammad Sālim, etc.) n’étaient, à notre connaissance, que très modestement représentés parmi les détenteurs de bibliothèques significatives. 4. Cf. Fatḥ al-Šakūr. Y compris la bibliothèque d’al-Šayḫ Sidiyya à Boutilimit, la première à notre connaissance à avoir été décrite par un observateur étranger (Massignon, 1909). Bien qu’encore en partie nomades à l’époque, ses détenteurs, qui se qualifiaient eux-mêmes d’Ah l-aḥwāš (littéralement : « ceux des enclos permanents ») étaient en voie de sédentarisation. Du reste, son fondateur, al-Šayḫ Sidiyya al-Kabīr (m. 1286/1868), avait bâti la première « maison » de la future bourgade de Boutilimit dans les années 1830, principalement, semble-t-il, pour entreposer ses livres, alors qu’il continuait à nomadiser. 5. Grâce avant tout aux efforts de son premier directeur, ˁAbd Allāh w. Babakkar, qui a réussi à le soustraire à sa quasi exclusive vocation archéologique initiale. 6. L’auteur de ces lignes a été chercheur à l’IMRS (1978-1986), puis directeur (1986-1989) de cet établissement détenteur du plus important fonds de manuscrits mauritaniens, auxquels il a fait appel pour divers travaux, notamment pour sa thèse. Cf. bibliographie…
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Figure 1 : Carte administrative de la Mauritanie
Les contours d’un patrimoine manuscrit saharo-sahélien Où sont les manuscrits et qui les possède ? Au début des années 1960, le grand érudit mauritanien, al-Muḫtār wuld Ḥāmidun (m. 1993), avait entrepris, en collaboration avec, l’orientaliste suédois Adam Heymowski, de recenser les auteurs de l’espace mauritanien et leurs œuvres. Le fruit de cette enquête7 fit ressortir un total de 2 054 œuvres dues à 394 auteurs. Ce travail n’indiquait malheureusement pas l’emplacement des manuscrits, ni même s’ils existent effectivement quelque part8. Tout ce que l’on peut dire, c’est 7. Heymowski et Ould Hamidoun : Catalogue… Partiellement repris dans alNaḥwī : Bilād Šinqīṭ, p. 535-624. 8. Par ailleurs, et comme l’observe al-Naḥwī (ibidem, p. 535), le Catalogue…, qui a omis certains auteurs de l’espace envisagé, a mentionné quelques ouvrages imprimés. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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Photographie : IFAN Figure 2 : Une vue de la « médersa » d’Atar construite en 1937.
que les manuscrits mauritaniens, encore observables en Mauritanie même, qu’ils soient du reste locaux ou étrangers, se trouvent, pour l’essentiel, aux mains de propriétaires privés, dans des bibliothèques familiales, parfois transformées en waqf9 (bien de mainmorte). Depuis l’indépendance et la création d’établissements spécialisés et/ou intéressés, quelques institutions publiques ont entrepris des collectes au bénéfice des documentations qu’elles ont mises en place. A notre connaissance, aucun recensement exhaustif de ce patrimoine n’est disponible. Il est du reste sujet aux variations engendrées par toutes sortes d’aléas : intempéries, conditions de conservation, changement des modes de vie, mais aussi renouveau et transformations des formes de reproduction, etc. L’éclairage que nous proposons ici concerne évidemment les seules bibliothèques répertoriées où il puise ses exemples. Il s’intéressera d’abord aux bibliothèques privées avant d’en venir aux établissements publics. Les bibliothèques privées Les principales bibliothèques privées mauritaniennes connues sont celles des vieilles cités caravanières. Les anciens relais du commerce 9. Une partie des productions manuscrites de l’espace mauritanien est présente dans divers établissements à l’extérieur de la Mauritanie : au Maroc, au Niger, au Mali, en France…
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transsaharien10 que sont Wadān, Šingīṭi (arabisé dans les sources écrites arabes en Šinqīṭ11), Tišīt et Walāta, apparues entre le XIe et le XIVe siècle, doivent sinon leur naissance, du moins leur image historique et culturelle à des tribus zwāya parmi les plus réputées pour leur contribution aux productions intellectuelles du Sahara occidental12. De nombreuses familles, dans ces agglomérations, possédaient des bibliothèques de quelque importance. Alimentées à la fois par les acquisitions effectuées par le biais des échanges transsahariens, par l’apport des pèlerins partis visiter les lieux saints de l’islam, et par l’activité des copistes locaux, ces bibliothèques familiales n’ont évidemment pas échappé au processus de déclin des relais caravaniers dont la prospérité avait naguère accompagné leur expansion. En dépossédant l’éducation traditionnelle — dont Wadān, Šingīṭi, Tišīt et Walāta constituaient des foyers majeurs — de sa légitimité et de son autorité, la colonisation française a, en même temps, précipité la marginalisation politique et administrative de ces bourgades, détrônées par les capitales régionales instituées par les nouvelles autorités. Et c’est dans de minuscules oasis, aux trois quarts en ruine, que l’on peut encore aujourd’hui tenter, à partir de ce qui en reste, de se faire une idée des ressources manuscrites naguère entreposées dans certaines de leurs demeures. Nous nous arrêterons ici, à titre d’exemples, sur les bibliothèques de Wadān et Šingīṭi, pour le villes anciennes, et sur celle de Bu-tilimīt (Boutilimit) pour les fonds familiaux plus périphériques. Wadān et Šingīti Parmi les bibliothèques de manuscrits des vieilles cités oasiennes, celles de Wadān et Šingīṭi, ont fait l’objet des travaux descriptifs les plus précis13. Elles reflètent jusqu’à un certain point le cheminement culturel aussi bien que l’état présent de ces agglomérations, fait d’isolement et de 10. Cf. Ibn al-Amīn : al-Wasīṭ., Norris : History, Osswald : Handelsstädte., Lydon : Trails. 11. L’un des plus anciens textes connus sur Šingīṭi, Ṣaḥīḥat al-naql (1205/1790) de Sīdi ˁAbd Allāh b. al-Ḥāğğ Brāhīm (m. 1233/1817), indique que ce nom signifie, dans un idiome qu’il ne précise pas, mais qui est selon toute vraisemblance le soninké (si-n-gédé), « Les sources des chevaux » (ˁuyūn al-ḫayl), Norris : The History, p. 399 de la trad. angl. et pl. III pour l’original arabe. 12. Idäwälḥāğ, Kənta, Aġlāl et Idäwaˁli, Šərvä, Äwlād Dāwūd, Mḥāğīb, Bārittayl, etc. 13. Rebstock, Handlist., et son Arabischer Handschriften. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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dégradation continue de leur environnement économique et écologique, avec les conséquences que l’on sait. Wadān, qui a davantage souffert que Šingīṭi au cours des deux siècles derniers et qui fut abandonnée par nombre de ses habitants, ne possède plus qu’une quantité très réduite de manuscrits, malgré son antériorité dans ce domaine par rapport aux autres villes anciennes. Une grave crise interne, centrée sur le contrôle de la mosquée de la ville14, a contribué, au tournant du XIXe siècle, à l’amorce d’un déclin intellectuel définitif de l’agglomération et à son abandon par bon nombre de ses habitants. On trouve, par exemple, des bibliothèques entières et de nombreuses œuvres wadāniennes dans les bibliothèques de Tišīt, qui a accueilli nombre de réfugiés issus de Wadān. Les deux copies recensées à ce jour de Mawhūb al-ğalīl bi-šarḥ Ḫalīl, premier texte important (commentaire en deux volumes du Muḫtaṣar de Ḫalīl dont il sera question plus loin) rédigé par un auteur de l’espace mauritanien après les Almoravides, en l’occurrence un wadānien qui vivait au XVIe siècle15, se trouvent à Tišīt. La plus complète dans la bibliothèque des Ahl Būya aš-Šrīv, l’autre, beaucoup plus brève, dans la bibliothèque des awqâf. On sait, par ailleurs, qu’il existe, dans la bibliothèque royale de Rabat, une copie en deux volumes de cet ouvrage. On trouve également à Tišīt la bibliothèque des Ahl Nāğim des Idawalhāğ de Wadān, très riche en archives familiales particulièrement précieuses pour la connaissance de l’organisation sociale et économique des wadāniens (actes de vente, de cession, de succession, contrats de toute nature…) et qui renferme aussi des œuvres des auteurs de Wadān tels que : aṭ-Ṭālib Aḥmad b.Ṭwayr ağ-Ğanna (m. 1265/1849), Aḥmad Sâlim b. al-Imām (m.1239/1823), son frère as-Sālik (m. 1245/1829), Muḥammad al-Amīn b. Ḥamma Ḫattār et son frère Bānəmmu, aš-Šayḫ al-Amīn b. aṭ-Ṭālib b. Ḫṭūr16, etc. Wadān conserve encore cependant une partie des anciennes bibliothèques de manuscrits qui s’y trouvaient jadis. Si les rapports 14. Ould Cheikh : Ouadane et Chinguetti. 15. al-Faqīh Sīdī Abū ˁAbd Allāh Muḥammad b. Aḥmad b. Abī Bakr al-Wadānī alḤāğğī, vivant en 933/1526-27. Cf. Fatḥ al-šakūr, p. 112-3 ; Rebstock : Maurische Literaturgeschichte (MLG) I, p. 21. 16. Cf. O. Cheikh : Ouadane et Chinguetti, 121-132.
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officiels font état d’une dizaine de centres documentaires familiaux, les diverses missions scientifiques n’en citent que 6 à 7. Ce flottement quant au nombre de bibliothèques, que l’on observe également dans la documentation relative à Šingīṭi, est sans doute en partie dû à l’acception incertaine de la notion de « bibliothèque » elle-même, appliquée à des fonds dont le nombre de documents peut varier de quelques unités à plusieurs dizaines, voire centaines d’ouvrages. Par ailleurs, les détenteurs de manuscrits, ou présumés tels, ne se montrent pas toujours très empressés pour faire connaître l’état exact de leur patrimoine, cultivant ainsi autour de son ampleur un mystère ambigu, lié aux luttes de classement locales, ainsi qu’au prestige et aux éventuels bénéfices attachés à la possession d’ouvrages anciens depuis l’inscription (1996) des vieilles cités caravanières mauritaniennes au patrimoine mondial de l’Unesco.
Bibliothèques
Ahl Muḥammad b. al-Ḥāğğ Ahl Kattāb Ahl Dāhi Ahl ˁAyddi Ahl Yāya Būya Ahl Aḥmad Šarīf Total
Nombre de volumes
37 37 32 17 11 9 143
Figure 3 : Bibliothèques familiales de Wadān (in Rebstock, 1997)
Quoi qu’il en soit, les plus significatives de ces bibliothèques wadāniennes ne totalisaient pas, en 1997 plus 143 ouvrages manuscrits17. En ce qui concerne Šingīṭi, le début de son rayonnement intellectuel se situe au XVIIe siècle. A la différence de Wadān, la petite ville a réussi à préserver une partie de ce rayonnement jusqu’à la fin du XIXe siècle. Et l’importance relative de son patrimoine manuscrit, par rapport à sa voisine septentrionale est à mettre en relation avec la vigueur de 17. Cf. Rebstock : Handlist et O. Cheikh : Ouadane, op. cit., 121-132. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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l’activité pédagogique dont elle était demeurée le siège tout au long de cette période. Si la première génération de grands lettrés šingiṭiens, celle d’al-Qāḍī ˁAbd Allāh (m. 1103/1691) et d’Aḥmad Agd al-Ḥāğ (m. 1086/1675), a reçu sa formation à Wadān, on peut dire qu’à partir d’aṭ-Ṭālib Muḥammad wuld al-Muḫtār wuld Billaˁmaš (m. 1103/1691), Šingīṭi paraît, à en juger par la grande densité des chaînes de filiation intellectuelles qui renvoient à ce personnage dans l’ensemble du Sahara occidental18, en mesure d’assurer son autosuffisance en enseignants de haut niveau. Le XVIIIe siècle voit en effet l’émergence des éminentes figures que sont : al-Ḫalīfa wuld Aḥmad Agd al-Ḥāğ et son fils Aḥmad (m. 1188/1775), Aḥmad wuld al-Muḫtār wuld aṭ-Ṭālib Muḥammad wuld al-Muḫtār wuld Billaˁmaš (m. 1155/1742), Aḥmad wuld al-Ḥāğ Ḥamāh Allāh (m.1193/1779) et son fils ˁAbd Allāh (m. 1209/1794)19. Au XIXe siècle, Šingīṭi était encore en mesure de produire de prestigieux continuateurs des générations précédentes, des savants dont la réputation dépassait largement les limites étroites de leur propre ville ou région, comme Sīdi Muḥammad wuld Ḥabat (m. 1288/1871) et aš-Šayḫ wuld Ḥāmmanni (m. 1318/1900), le premier étant du reste le fondateur de la principale bibliothèque familiale de la ville. A côté de la famille des Ahl Ḥabat, on dénombre cinq autres lignées familiales20 encore détentrices d’un héritage manuscrit significatif à Šingīṭi. Par l’étendue de son fond, la bibliothèque des Ahl Ḥabat est cependant sans commune mesure avec les autres. On y dénombre 631 titres, tandis que les six autres se partagent 189 ouvrages sur le total de 963 items recensés à Šingīṭi par Rebstock et W. M. Yaḥya21. La principale bibliothèque de Šingīṭi a été fondée par Sīdi Muḥammad wuld Ḥabat, qui l’étendit et la développa sur le modèle des bibliothèques qu’il visita au Maroc, en Egypte et au Ḥiğāz durant son pèlerinage en 1845. Elle aurait compté de son vivant quelques 1 400 ouvrages. A l’époque de son fils aš-Šayḫ (m. 1299/1882), ce chiffre aurait atteint 3 000. Les deux hommes avaient réussi, à travers le vaste réseau de 18. Osswald : Handelsstädte p. 480. 19. Cf. Fatḥ al-šakūr; Ibn Ḥāmidun : al-Thaqāfa; Osswald : Handelsstädte. 20. Ahl Aḥmad Šarīf, Ahl Ḥāmmanni, Ahl ˁAbd al-Ḥamîd, Ahl Ludāˁa, Ahl asSabtī, Ahl al-Ḫaršī. Cf. O. Cheikh : Ouadane et Chinguetti, 121-132 et 140-147. 21. Handlist. op.cité.
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relations qu’ils avaient tissé de par le monde saharien et musulman, s’aidant aussi naturellement des ressources générées par leurs activités commerciales, à acheter ou faire copier une aussi importante quantité d’ouvrages.
Bibliothèques
Ahl Ḥabat Ahl Aḥmad Šarīf Ahl Ḥāmmanni Ahl ˁAbd al-Ḥamīd Ahl Ludāˁa Ahl as-Sabtī Total
Nombre d’ouvrages
631 93 87 69 68 15 963
Figure 4 : Bibliothèques familiales de Šingīṭi (in Rebstock, 1997)
La bibliothèque des Ahl aš-Šayh Sidiyya En dehors des vieilles cités caravanières, la bibliothèque des Ahl aš-Šayḫ Sidiyya à Boutilimit fournit un exemple relativement bien documenté d’un patrimoine manuscrit familial, de l’espace rural mauritanien du XIXe siècle. Elle été constituée par aš-Šayḫ Sidiyya w. al-Muḫtār w. al-Hayba (m. 1286/1868)22, à partir du début des années 1830. Personnalité influente du réseau de la confrérie qādiriyya au XIXe siècle, aš-Šayḫ Sidiyya a copié lui-même et s’est fait copier nombre d’ouvrages du temps (quelques treize ans) de son séjour auprès de ses maîtres Kunta23 dans l’Azawād aujourd’hui malien. Il a entrepris, par la suite, après son retour dans la région qui l’a vu naître (le Trarza, dans le sud ouest de l’actuelle Mauritanie), un voyage au Maroc, vraisemblablement dans le cadre d’un projet de pèlerinage qui ne 22. Sur ce personnage voir Hārūn : Aḫbār; Stewart : Islam. 23. Comme disciple, ami et parfois secrétaire d’aš-Šayḫ Sīdi Muḥammad (m.1242/1826). Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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dépassera pas le royaume chérifien. Il profita en tout cas de ce séjour marocain pour étendre la documentation manuscrite qu’il possédait déjà. Il ramènera ainsi quelques deux cents titres (dont certains en plusieurs volumes) qui constitueront une pièce maîtresse de la bibliothèque qu’il laissera à ses descendants. Nous disposons de deux aperçus assez précis de cette bibliothèque, dont Charles Stewart avait entrepris, en 1987 d’établir un catalogue exhaustif24, dans l’état où elle se trouvait alors. Le premier est fourni en 1909 par le (pas encore) célèbre orientaliste français Louis Massignon25 et embrasse l’ensemble, manuscrits et imprimés, de la bibliothèque. Le second date de 1970 et s’attèle uniquement à la liste des ouvrages rapportés par aš-Šayḫ Sidiyya de son voyage marocain. On le doit à Ch. Stewart, reprenant l’inventaire établi par l’acquéreur lui-même au fur et à mesure de ses acquisitions sur les marchés de Marrakech et d’ailleurs26. Selon le relevé de Massignon, la bibliothèque de aš-Šayḫ Sidiyya, à l’époque aux mains de son petit-fils du même nom27, aurait compté en tout 1 195 ouvrages dont 512 manuscrits et 683 imprimés28. C. Stewart, pour sa part, s’attèle à restituer la liste des ouvrages ramenés par le šayḫ qādirī de son périple marocain. Il en dénombre 170, alors que aš-Šayḫ Sidiyya, auteur de la liste qu’il traduit et commente, avait annoncé le chiffre de 200 volumes d’acquis. Il est vrai, relève Stewart, que si l’on tenait compte des écrits en plusieurs tomes, on arriverait à un total de 220 volumes29. Nous aurons l’occasion de reparler de cette bibliothèque, assez représentative d’un certain type d’entreprenariat culturel et religieux du Sahara occidental au milieu du XIXe siècle, lorsque nous en viendrons notamment à un examen plus précis des matières abordées par les ouvrages recensés. Si cette bibliothèque n’a pas contribué à alimenter les fonds publics réunis par les institutions mauritaniennes spécialisées Catalogue of the Haroun. Une bibliothèque. A new source. aš-Šayḫ Sidiyya, dit « Bāba » (m. 1342/1924), wuld aš-Šayḫ Sīdi Muḥammad wuld aš-Šayḫ Sidiyya al-Kabīr. 28. Massignon, p. 410. 29. Stewart : A new source., p. 213-14. 24. 25. 26. 27.
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créées après l’indépendance de la Mauritanie, il n’en va pas de même pour nombre d’autres fonds familiaux dispersés dont s’est nourri le travail de collecte de ces institutions, et que nous aimerions à présent évoquer. Les bibliothèques publiques de manuscrits Il n’existe, à notre connaissance, que deux fonds publics de manuscrits de quelque importance en Mauritanie : celui de l’IMRS et celui de l’Institut supérieur d’études et de recherches islamiques (ISERI). Ce second fond, bien moins important que celui de l’IMRS, n’a pas donné lieu, à ce jour, à une évaluation accessible. La documentation de l’IMRS, mise en place à partir de 1975, a fait, en revanche, l’objet d’un catalogage exhaustif, même s’il reste, pour l’heure, sous forme simplement reprographiée30. Elle a, par ailleurs, alimenté les divers travaux de U. Rebstock mentionnés dans la bibliographie. Et 200 des titres qu’elle accueille, envoyés en Espagne pour restauration en 1990, ont fait l’objet d’une note de l’arabisante espagnole, Maribel Fierro (voir la bibliographie). A l’époque (1988-1989) où C. Stewart, w. Aḥmad Sālim et w. Muḥammad Yaḥya avaient entrepris d’en établir le catalogue, la bibliothèque des manuscrits de l’IMRS comptait 3 134 manuscrits répertoriés, 440 dossiers de poètes mauritaniens dont les dawāwīn étaient en cours de collecte, 200 dossiers de nawāzil et environ 1 500 documents d’archives (contrats, correspondances, actes notariés, etc.) en provenance de 72 bibliothèques familiales ou d’individus, originaires dans leur majorité de la région du Trarza (où se situe la capitale de la Mauritanie et l’IMRS). L’enquête la plus étendue et la plus méthodique menée à ce jour sur les manuscrits mauritaniens, et dont les résultats ont été publiés, est cependant celle que l’on doit à Ulrich Rebstock, dont la Maurische Literaturgeschichte31. Elle recense, en trois volumes, 4 847 auteurs, mauritaniens et non mauritaniens, d’œuvres manuscrites préservées en Mauritanie, dans 303 bibliothèques aussi bien privées que publiques, parmi lesquelles, du reste, celles de l’IMRS et des vieilles cités 30. Stewart et alii : General Catalogue. 31. Cf. bibliographie. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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caravanières précédemment mentionnées fournissent la masse de documents la plus significative. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce travail dont les étapes préparatoires32 autant que le résultat final ont largement nourri cette contribution. Les matières et les formes L’apparition et le développement de productions manuscrites dans l’actuel espace mauritanien est inséparable de la pénétration, puis de l’hégémonie progressivement acquise par l’islam dans cette région. Après une lente infiltration portée par des missionnaires isolés, dans le sillage des échanges commerciaux transsahariens, l’islam conquit des positions décisives dans l’actuelle Mauritanie avec la prédication armée des Almoravides (XIe siècle). Les mouvements confrériques (šāḏiliyya, qādiriyya, tiğāniyya), eux-mêmes étroitement associés aux réseaux commerciaux tribaux de l’Ouest saharien, viendront, à partir des débuts du XVIIIe siècle, lui conférer l’enracinement populaire et les formes d’encadrement « de proximité » qui pouvaient encore lui faire défaut. La diffusion du manuscrit arabe dans l’espace ouest saharien et ses confins sahéliens s’est sans doute faite, dans un premier temps, sous forme d’ouvrages importés parmi lesquels on peut supposer que le Coran occupait une place de choix33. Et ce n’est que petit à petit que les copistes locaux se sont autonomisés par rapport à ces produits d’importation. Si l’on met de côté al-Murādī al-Ḥaḍramī (m. 489/10956), auteur à la « nationalité » incertaine, dont on a retrouvé une copie non datée du Kitāb al-išāra ilā adab al-imāra dans une bibliothèque tišitienne34, on ne connaît au reste aucun nom d’auteur pour la région antérieurement au XVIe siècle35. Cette très longue période « d’incubation graphique » de plus de quatre siècles doit sans doute quelque chose, comme le suggère J. Bloom36, à la rareté du papier, jamais produit sur place37, dans une culture qui ne 32. 33. 34. 35. 36. 37.
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Rebstock et alii : Katalog.; Rebstock : Sammlung. Bloom : Paper. ; Blair : Arabic Calligraphy. Rebstock : Sammlung, microfilm n° 310, p. 28, Ould Cheikh : Vie(s) et mort(s). Il s’agit de Muḥammad b. Aḥmad b. Abī Bakr al-Wadānī al-Ḥāğğī, Cf. note 15 Op. cit. al-Šayḫ Sīdi Muḥammad wuld al-Šayḫ Sidiyya (m. 1869), s’y serait, dit-on, essayé, sans résultat significatif. Wuld Aḥmaddu : al-Ḫaṭṭ, n.1, p. 61 L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Photographie : Bruno Lamarche Figure 5 : Encrier et calame (Šingīṭi)
semble guère non plus avoir connu un usage significatif du parchemin38. Le mode de vie nomade devrait avoir favorisé, par ailleurs, la frugalité documentaire et ce côté essentiellement « lavable » que conférait à la culture savante nomade son support privilégié, la planchette de bois (lawḥ), seul « cartable » de l’étudiant dans cet univers mobile. L’apprentissage de l’écriture reposait, en effet, dans l’espace mauritanien, sur un équipement sommaire, qui en a largement déterminé les caractéristiques formelles. Il s’agit principalement du calame (qalam ou qläm en dialectal ḥassāniyyä) et du lawḥ, à l’instant mentionné. Le qläm était fabriqué à partir de palmes de palmiers, ou de tiges de différentes variétés de graminées (əṣ-ṣbaṭ/Aristida pungens; um-rəkbä/Panicum turgidum). Il s’agissait d’un outil d’une quinzaine de centimètres, à la pointe taillée et fendue, travaillé différemment selon sa destination (écriture sur la planchette de bois ou sur papier, etc.)39. La planchette, se présentant sous la forme d’un rectangle arrondi 38. Le fond IMRS ne détient qu’un seul parchemin, une copie de Murūğ al-ḏahab d’al-Masˁūdī (m. 346/957), à la superbe graphie tricolore maghrébine, originaire, selon toute vraisemblance de l’Espagne musulmane ou du Maghreb. 39. Wuld Aḥmaddu : al-Ḫaṭṭ, p. 58. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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dans sa partie supérieure, de 30 à 50 cm sur 15 à 20 cm, était taillée dans des bois durs comme l’essence locale appelée aygnīn (Capparis decidua). Diverses espèces d’encres étaient fabriquées en fonction des supports et des matières. Pour les manuscrits, on avait recours à trois coloris principaux : le noir, le rouge et le vert. L’encre rouge était utilisée en général pour les titres et les derniers mots du manuscrit, pour les noms propres, et surtout pour les commentaires40. La verte, d’un usage beaucoup plus rare, était également employée pour les commentaires. Pour l’encre noire de qualité supérieure destinée aux manuscrits, le coloris était obtenu à partir de la laine de mouton trempée de même teinte41. La couleur rouge était extraite de « la pierre sanguine » (ḥəmmäyrä)42. Quant à la teinte verte apparaissant dans certains documents, elle était obtenue à partir des feuilles de la plante locale appelée al-šaryä43. Depuis les débuts de la période coloniale, toutes ces teintes locales, où apparaissait aussi parfois le jaune44, ont été remplacées par des encres chimiques importées d’Europe. Curieusement, et alors que les circuits d’échanges transsahariens sont très actifs depuis au moins le IXe siècle, le papier, dont la fabrication s’était répandue au Maghreb et en Espagne musulmane au plus tard au XIe siècle45, ne semble guère, à la différence des copies d’ouvrages manuscrits, avoir fait partie des denrées importées du Nord en direction des marchés sahariens et sub-sahariens occidentaux. Au Maghreb même, où l’usage du parchemin perdurait encore assez largement au XIe siècle, la production domestique de papier paraît avoir été progressivement détrônée par les ateliers concurrents de l’Europe du Sud, notamment 40. Au point que le terme iḥmirār, comme celui d’Ibn Būna sur la alfiyya d’Ibn Mālik est devenu synonyme de « commentaire ». Parfois, le commentaire est en vert. Comme celui d’al-Ḥaḍramī sur la Lāmiyyat al-afˁāl d’Ibn Mālik, appelé, du coup, iḫḍirār. Qui a fait l’objet d’un iḥmirār par al-Ḥasan b. Zayn. Wuld Aḥmaddu, al-Ḫaṭṭ, p. 59-60. 41. Appelée ūdaḥ. Wuld Aḥmaddu : idem ; Naḥwī : Bilād Šinqīṭ, p. 149. 42. Hématite rouge ou ocre, également utilisée pour le maquillage et le soin des yeux. 43. Wuld Aḥmaddu : al-Ḫaṭṭ, p. 60 ; Naḥwī : Bilād Šinqīṭ, p. 149. 44. La teinture jaune s’obtenait à partir des feuilles de végétaux comme täläwlākət (Khaya senegalensis), tikəffīt (Combretum glutinosum) ou du safran (əz-zaˁfrān, en ḥass.), qui a donné son nom — al-Zaˁfarāniyya — à la mise en vers par alŠayḫ Muḥamd al-Māmī (m. 1867) du célèbre texte d’al-Māwardī, al-Aḥkām alsulṭāniyya. Wuld Aḥmaddu : al-Ḫaṭṭ, p. 60. 45. Bloom : Paper p. 46 et sq.
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italiens46. Il fallut en tout cas attendre l’installation des circuits de commerce atlantiques, à partir du XVIIe siècle, circuits qui auront été en définitive les principaux pourvoyeurs de papier de l’espace mauritanien, pour que ce dernier connaisse une certaine prospérité (calli)graphique.
Photographie : Bruno Lamarche Figure 6 : Manuscrits dans la poussière d’une niche murale (Šingīṭi)
Le papier apparaît dans les listes des produits figurant parmi les « coutumes » versées à partir du début du XVIIIe siècle par les traitants européens aux notables locaux afin qu’ils assurent leur concours au bon déroulement des échanges commerciaux des « escales » fluviales le long du Sénégal47. Le papier obtenu à travers ces échanges n’était d’ailleurs souvent qu’un produit semi-fini qui nécessitait encore un important travail de préparation avant de pouvoir servir de support adéquat, comme en témoigne, par exemple, l’un des auteurs les plus féconds du XVIIIe siècle maure, Muhammad al-Yadālī al-Daymānī (m. 1753)48. 46. Bloom et Blair, op. cit., insistent en particulier sur l’entreprise d’Andrea Galvani, au filigrane (tre lune, « les trois lunes ») repérable dans nombre de documents nord et ouest africains. 47. Ould Cheikh : Nomadisme, II, p. 545-596 48. Il a entrepris un voyage vers l’île d’Arguin (avant 1728, date de destruction Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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Le format en était extrêmement variable, allant parfois jusqu’à de toutes petites tailles. La préférence des copistes allait au papier fin, prêt à l’usage. Et ils s’efforçaient naturellement de tirer le parti le plus économique de cette denrée si rare, pratiquant l’écriture la plus précise et la plus serrée possible, pour ne laisser, la plupart du temps, aucun espace disponible. Pour dessiner des lignes, on utilisait une planche métallique ou en bois sur laquelle on attachait des lanières de cuir correspondant à l’écartement que l’on voulait obtenir entre les lignes. On appliquait ensuite le papier sur cet échafaudage en exerçant une pression suffisante pour qu’il reçoive l’impression des alignements préparés. Parfois, comme cela se faisait avec la planchette de bois des écoliers, le copiste se contentait d’utiliser la base de son calame appuyée sur le papier, en un ou plusieurs passages, pour tracer les lignes destinées à recevoir l’écriture49. Les liens commerciaux et culturels de l’espace mauritanien avec le Maghreb occidental sont sans nul doute à l’origine de la parenté que l’on observe entre les formes graphiques que l’on y rencontre avec l’écriture dite « maghrébine ». Ibn Ḫaldūn, qui semble être l’initiateur de cette labellisation50, voyait dans cette variante de l’écriture arabe un lointain prolongement (géo)graphique des pratiques graphiques répandues par des migrants andalous en Ifrīqiyya (grosso modo, l’actuelle Tunisie) d’abord, dans l’ensemble du Maghreb ensuite, puis dans les régions sahariennes et subsahariennes. S’il n’est pas aisé de retracer le cheminement qui a conduit à la singularisation de l’écriture « maghrébine »51 dans le concert des variétés graphiques de l’arabe, les définitive de l’établissement commercial qui s’y trouvait), qui lui a permis de ramener une importante quantité d’al-kāġid al-šāṭibī (« papier de Jativa »). Au début de son fameux commentaire coranique, al-Ḏahab al-ibrīz, on relève cette adresse à Dieu, qui témoigne des efforts à déployer, une fois la matière première papier acquise : Wa-ˀaˁinnī yā ḏa-l-ğalāli ˁalayhi wa-ˀaˁin man yuˁīnanī yā muˁīnu Bi-midādin aw mizbarin aw bi-dalkin li-l-qarāṭīsi iḏ bi-ḏāka talīnu. « Accorde-moi Ton assistance, O ! Majestueux, pour réaliser cette œuvre Et accorde, O ! Secourable, Ton assistance à celui qui m’assiste Par de l’encre, un marteau ou un massage Du papier, car ce sont là des moyens de l’assouplir. » Wuld Aḥmaddu : al-Ḫaṭṭ, p. 61. 49. Wuld Aḥmaddu : al-Ḫaṭṭ, p. 61 50. Muqaddima, p. 528 51. Houdas (« Essai sur l’écriture maghrébine », dans Nouveaux mélanges orientaux, Paris, E. Leroux, 1886, p. 85-112, cité par Déroche p. 75) y voyait un dérivé du
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Photographie : Bibliothèque de Wadān Figure 7 : Plan du « haram » el Mekki au XVIIe siècle conservé à la bibliothèque de Wadān en Mauritanie
Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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spécialistes s’accordent à reconnaître une certaine unité, peut-être pas étrangère à l’empire quasi-exclusif du mālikisme dans cet espace, de l’ensemble constitué par l’Espagne musulmane, le Maghreb occidental et l’Afrique de l’Ouest musulmane52. La graphie dominante en Mauritanie, jusqu’aux premières années de l’indépendance, qui ont vu s’étendre progressivement des influences venues du Moyen-Orient, se rattache en tout cas à la variante maghrébine de l’écriture arabe et à son prolongement, baptisé par Houdas sudānī53, en usage dans toute l’Afrique sahélienne musulmane, de l’Atlantique au Tchad. Ce type sudānī marque tout particulièrement l’apprentissage de l’écriture passant par le lawḥ, même si on le retrouve aussi dans bon nombre d’œuvres manuscrites. La richesse et la diversité de ses formes d’expression, célébrées par un jeune calligraphe mauritanien54, permettent-elles, comme il le suggère, de parler d’un ḫaṭṭ šinqīṭī « reconnaissable entre mille » ? Tenté de répondre par l’affirmative, malgré le flou qui entoure les caractéristiques propres au style maġribī lui-même, dont il est issu, cet auteur tire en tout cas argument de l’existence (historique) d’écoles calligraphiques, et de diverses réalisations considérées comme purement locales, pour affirmer l’originalité du ḫaṭṭ šinqīṭī55. Sans dater précisément leur apparition, il distingue quatre types de graphies « šinqīṭiennes » : 1°) « La graphie ləgraydä ». Le terme, qui signifie littéralement « la petite frisée » en ḥassāniyya, renvoie à la racine GRD et à l’adjectif agrad, connotant l’idée de concision, de précision, d’absence de fioriture, de quelque chose « qui boucle » (comme les cheveux). Plus
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coufique, tandis que Déroche (Le livre, p. 75) suggère l’hypothèse suivante : « Le maghribî dériverait d’une écriture documentaire, utilisée par exemple par les chancelleries ou pour des actes juridiques, issue elle-même de l’écriture des papyrus du premier siècle de l’hégire. » Wuld Aḥmaddu : al-Ḫaṭṭ; Blair : Arabic Calligraphy. Houdas : Essai. in Déroche : Le livre, p. 75 et Blair : Arabic Calligraphy, p. 60. Wuld Aḥmaddu : al-Ḫaṭṭ, p. 54-55. Une des faiblesses méthodologiques de ce travail, par ailleurs plein de renseignements utiles, est qu’il tend, dans un souci de « profondeur historique », à confondre l’ancienneté des œuvres et l’ancienneté des manuscrits qui en sont des copies. Voir notamment son analyse des copies (non datées) d’al-Išāra fī tadbīr al-imāra d’al-Murādī al-Ḥaḍramī et de Mawhūb al-ğalīl d’al-Wadānī (pp. 113-117). L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
largement, l’adjectif agrad désigne ce qui est ferme et de qualité. Wuld Aḥmaddu rapproche l’appellation ləgraydä affectée à une variété d’écriture d’une espèce de thé vert, aux toutes petites feuilles arrondies, portant le même nom56. C’est, dit-il, la forme sous laquelle la graphie muğawhar andalouse s’est fixée dans le Sahara maure. Elle se distingue par la petitesse de ses lettres, l’harmonie de leur taille, leur allure arrondie. Cette forme d’écriture serait, de l’avis de l’auteur cité, « la plus répandue dans Bilād Šinqīṭ (c.-à-d. La Mauritanie) »57, aussi bien pour les correspondances que pour la copie d’ouvrages. 2°) « La graphie des corans » (ḫaṭṭ al-maṣāḥif), désignée au Maghreb sous le nom al-mabsūṭ. Employée particulièrement pour transcrire le Coran, cette écriture se rencontre également dans les introductions des manuscrits et dans les titres de chapitres et sous-chapitres. Elle est parfois utilisée aussi pour d’autres ouvrages, notamment les textes juridiques. Elle se signale par la rectitude de ses lettres et par l’aisance de son déchiffrement, facilité du reste par la vocalisation, généralement d’usage pour le texte sacré. 3°) « La graphie orientale » (al-ḫaṭṭ al-mašriqī). Catégorisation suggérée par Wuld Aḥmaddu, bien qu’elle n’appartienne pas, dit-il, à la taxinomie locale. Cette forme d’écriture se distingue de celle connue au Maghreb sous le nom « d’orientale maghrébianisée » (al-mašriqī al-mutamaġrib). « Ecriture sobre, éloignée de toute préoccupation ornementale, elle est utilisée pour transcrire les titres des manuscrits, comme on s’en sert d’ordinaire pour transcrire leurs introductions. » Ses lettres ressemblent à celles du ṯulṯ oriental. « Elle s’écrit avec un calame légèrement plus épais (aġlaẓ) que celui que l’on utilise pour ləgraydä et al-mabsūṭ. Parfois, les lettres sont écrites en silhouettes (wa-qad yuktab muğawwaf) et leurs vides sont remplis à l’encre jaune ou rouge, ou bien elles sont laissées telles quelles »58. Cette forme d’écriture n’est pas d’un usage courant, note Wuld Aḥmaddu, car il faut une réelle compétence pour s’en servir.
56. Wuld Aḥmaddu : al-Ḫaṭṭ, p. 55-56. Si ce rapprochement est fondé, il ramène l’invention de ləgraydä au plus tôt au milieu du 19e s., époque à laquelle le the vert a commencé à avoir une début d’extension significatif dans le Sahara maure. 57. Wuld Aḥmaddu : al-Ḫaṭṭ, p. 55. 58. Ibidem, p. 56 Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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4°) « La graphie sudānienne » (al-ḫaṭṭ al-sudānī), donnée ici comme étant spécifiquement en usage parmi les communautés noires de Mauritanie (haalpulaaren, soninké, wolof), en raison probablement de son nom (sudānī = « noir »), alors qu’elle est de fait utilisée autant par les biẓān (Maures) 59. Ses lettres ont une tendance vers l’épaisseur, en raison du type de calame utilisé, relève Wuld Aḥmaddu. Mais il s’en trouve, ajoute notre auteur, des variétés plus souples et plus raffinées, employées pour les manuscrits et les échanges épistolaires. « Il y en a même une variété si proche du coufique qu’on la dirait coufique »60. Par ailleurs, « l’écriture šinqīṭienne » présente, de l’avis de ce calligraphe, des formes qui témoignent d’une nette recherche d’originalité où le génie personnel des scribes joue, naturellement, un rôle important. Il cite parmi ces marqueurs : • at-Tbaydīˁ. Terme du dialectal ḥassāniyya dont la racine arabe (BDʕ) renvoie précisément au champ sémantique de la création, de l’invention ex nihilo. Il s’agit de l’effort déployé par le calligraphe pour enjoliver, sophistiquer, hyperboliser, les formes ordinaires des lettres ou des mots. Effort qui s’exprime en particulier dans le traitement des lettres ṭ, ẓ et h61. • at-Tšarqi. La racine arabe (ŠRQ) de ce terme du dialectal connotant « l’Orient », on pourrait penser qu’il s’agit d’une pratique graphique tendant à « orientaliser » l’écriture locale. Il n’en va pas exactement ainsi, les calligraphes traditionnels n’ayant du reste qu’une idée assez floue de ce que peut être une écriture « orientale ». at-Tšarqi,
59. Les marques des scansions des parties du Livre Saint (aḥzāb, arbāˁ, aṯmān, ḫatma) puisent aux mêmes sources et au même style de décor que celles que l’on trouve dans toute l’Afrique sahélienne musulmane, si l’on en juge par l’étude de Sh. Blair (op. cit.) des Corans de cette région. Contrairement à A. D. H. Bivar (« A dated Kuran from Bornu », Nigeria Magazine 65, juin 1960, p. 199-205, cité p. 66) qui endosse l’idée ḫaldūnienne de diffusion d’une graphie de type ifrīqī à partir de l’examen du plus ancien manuscrit coranique trouvé dans la région (achevé en 1669), Blair milite pour un rattachement maġribī du ḫaṭṭ sudānī. Selon elle, les premiers Coran dans ce type de graphie pourraient remonter au 16e s. 60. Idem, p. 56 61. Idem, p. 57 où il donne des exemples de mots (qif, sūra, lahā …) où s’exprime le tbaydīˁ.
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comme son cousin at-tišyār62, renvoie plutôt au traitement esthétique de certaines lettres terminales comme le « d », le « r », le « h ». Notons enfin, avec ce praticien de la chose écrite arabe en Mauritanie, la discrétion des efforts pour enjoliver les pages des manuscrits par des moyens autres que le jeu sur la disposition de l’écrit lui-même, notamment dans les rapports entre textes originaux (mutun) et commentaires (ṭurar, ḥawāši). Mis à part la variation dans la disposition géométrique des gloses par rapport au texte commenté et leur(s) couleur(s) en référence à ce dernier et quelques rares exercices formels tendant à donner une allure géométrique particulière à des compostions littéraires63, les soucis proprement esthétiques n’ont que rarement mobilisé l’attention des auteurs de manuscrits mauritaniens, généralement restés fidèles au dépouillement saharien. Des tribus entières (Ikumlaylən, Idaġmādik…) sont néanmoins connues pour la qualité de leurs œuvres manuscrites et les traditions régionales ont retenu les noms de personnalités qui se sont illustrées par leurs talents calligraphiques en diverses époques et divers horizons de l’espace mauritanien64. La recherche de la sobriété caractéristique des productions locales n’a toutefois pas empêché les acquéreurs mauritaniens de manuscrits d’entrer en possession de documents d’une qualité esthétique parfois remarquable. Et si l’ancienneté en tant que telle, ou « l’esprit de collection » paraissent avoir été de peu d’influence dans leurs choix, on n’en observe pas moins la présence dans certaines bibliothèques d’ouvrages d’un âge respectable. Le temps et les ressources mises au service de l’acquisition des livres ou au service de leur reproduction 62. Nom d’action du verbe šayyar en ḥassāniyya, signifiant notamment, « éloigner », « étendre », « allonger », « jeter au loin ». Tišyār est employé pour désigner l’allongement du jambage de certaines lettres terminales (l, n, y, q …) à des fins esthétiques. 63. Nous songeons ici en particulier au poème disposé en étoile à huit branches d’alŠayḫ Sīdi Muḥammad w. al-Šayḫ Sidiyya (m. 1869), donné dans la pl. 23 de Wuld Aḥmaddu : al-Ḫaṭṭ. 64. L’un des plus illustres d’entre eux est Asnad b. Muḥammad Nāğim al-Ğakanī (m. 1361/1942), disciple du grammairien réputé de son temps, Yiḥẓīh wuld ˁAbd al-Wadūd al-Ğakanī (m. 1361/1942) pour lequel il transcrivait notamment les iğāzāt octroyées à ses élèves. Wuld Aḥmaddu, op. cit., p. 81-107 évoque un certain nombre de ces figures de calligraphes à la réputation plus ou moins étendue, depuis Muḥammad b. al-Faqīh Andaġ-Muḥammad al-Tāzzuḫtī écrivant en 1083/1673-4, jusqu’à … lui-même (né en 1972). Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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manuscrite témoignent également du grand intérêt que les lettrés locaux attachaient à ce type de patrimoine. Manuscrits importés, manuscrits locaux Nous l’avons dit, l’actuel espace mauritanien n’a pas gardé souvenir d’un auteur local antérieur à al-Wadānī, plus haut mentionné, que Fatḥ al-šakūr situe dans la première moitié du XVIe siècle. Tous les textes antérieurs à cette date, que l’on trouve dans les bibliothèques mauritaniennes et qu’il est possible de dater, auraient donc nécessairement été importés65. Les traditions savantes mauritaniennes, plus ou moins récentes66, rattachent certes les débuts d’un enseignement « supérieur » à ˁAbd Allāh b. Yāsīn (m. 451/1056), le prédicateur exalté des Almoravides — qui n’a laissé, à notre connaissance, aucune trace écrite — quand elles n’en attribuent pas la paternité à une figure légendaire — al-Šābb al-Šāṭir (litt. : « Le jeune homme véloce ») — qui aurait opéré une sorte d’injection initiale et sans antécédent d’un savoir livresque aux premiers lettrés connus de Šingīṭi. al-Šābb al-Šāṭir aurait surtout « amené avec lui à Šingīṭi des ouvrages andalous qui n’étaient pas connus dans la région »67. Le caractère à la fois chtonien et aquatique de ce personnage68, associant la terre et l’eau, en font une « plante culturelle », une sorte de rhizome, rattachant, par-delà l’océan, le Sahara maure à une prestigieuse
65. Nous avons évoqué plus haut (Cf. note 34) la copie du Kitāb al-išāra d’alMurādī al-Ḥaḍramī (m. 489/1096) trouvée à Tišīt, copie sans colophon, dont rien n’indique qu’elle soit locale, ni qu’elle ne soit très tardive par rapport à la date de décès de son auteur. 66. Ibn Ḥāmidun : al-Ṯaqāfa, p. 5 ; al-Naḥwī : Bilād Šinqīṭ, p. 74. 67. al-Naḥwī : Bilād Šinqīṭ, p. 73-4, citant Muḥammad b. Aḥmad b. al-Bašīr. 68. « Découvert » au fond d’un puits dans la palmeraie de Šingīṭī grâce à la lumière qui en émanait, il se révèle, une fois vaincue son obstination à garder le silence, être « un océan (de connaissance) sans rivage » (baḥran lā sāḥila lahu). Et, quand il décide de quitter définitivement la petite oasis, on le conduit au bord de l’océan sur lequel il s’éloigne à bord d’un tapis de prière… al-Wasīṭ, p. 578-79. al-Naḥwī (p. 73), l’assimilant ( ?) au « al-Šarīf al-Šābb » mentionné par Fatḥ al-šakūr (p. 213) (mais pas spécialement rattaché par lui à Šingīṭi),voudrait y voir un personnage historique, auteur notamment de fatāwā contre le tabac, ledit personnage étant, d’après le Fatḥ (p. 214), qui lui attribue cette orientation, en vie en 1045/1635-1636.
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terre-mère andalouse dont les lettrés sahariens aiment à dire qu’ils ont tiré l’essentiel de leur savoir et de leurs pratiques graphiques. C’est en tout cas à Šingīṭi, précisément dans la bibliothèque des Ahl Ḥaḅat que l’on trouve le manuscrit daté le plus ancien actuellement recensé en Mauritanie. Il s’agit de Kitāb taṣhīḥ al-wuğūh wa-l-naẓāˀir min kitāb Allāh al-ˁazīz (« Le livre de l’authentification des vues et des points de vue relatifs au Livre d’Allāh Le Tout Puissant ») d’Abū Hilāl alˁAskarī, auteur originaire des confins irano-irakiens actuels (Ḫuzistān), mort vers 400/1009. La copie conservée de ce commentaire coranique a été achevée en 480/1087, et pourrait avoir été commencée par l’auteur lui-même et menée à son terme bien plus tard par le copiste. Une copie d’une exceptionnelle qualité calligraphique, de facture « maghrébine », des fameuses Muqaddimāt d’Ibn Rušd (m. 520/1126-1127), réalisée à Grenade en 736/1335-1336, montre aussi la présence de modèles graphiques andalous relativement anciens et particulièrement réussis. Toujours dans cette bibliothèque des Ahl Ḥaḅat, on relève également parmi les ouvrages anciens, le Talḫīṣ (« Abrégé ») d’Abū Saˁīd Ḫalaf b. Abū-l-Qāsim al-Barāḏiˁī al-Azdī, texte de fiqh dont la copie a été commencée à Grenade en 854/1454 et achevée à Balch en 861/1456. On y relève également une copie réalisée en 1048/1638 d’al-Maḏhab al-fāˀiq wa-l-maˁnā al-lāˀiq bi-ādāb al-muwwaṯṯiq wa-aḥkām alwaṯāˀiq (« La démarche élevée et la signification adéquate ou le guide de l’archiviste et les règles de l’archivage ») d’Aḥmad b. Yaḥyā alWanšarīsī, célèbre auteur du Miˁyār. Elle est de la main d’Aḥmad b. Muḥammad al-Bağrī al-Andalūsī al-Miknāsī. Pour rester autour des deux cités caravanières sur lesquelles nous nous appuyons pour illustrer notre propos, notons que dans les documents manuscrits encore recensés à Wadān, on ne trouve rien qui soit antérieur au début du XVIIe siècle. Le plus ancien texte manuscrit daté recensé ici est une copie de l’ouvrage de Sīdi b. Aḥmad b. ˁUmar alTīnbuktī, Fatḥ al-ṣamad al-fard fī maˁnā mahābat Allāh taˁālā li-l-ˁabd (« L’inspiration de l’Eternel, l’Unique, relativement à la signification du respect accordé par Allāh à son esclave humain ») dont la copie date du 18 novembre 1605. Dans l’ensemble, et par rapport au paramètre de l’âge, le catalogue établi par Rebstock et Wuld Muḥammad Yaḥya69 69. Handlist, op. cit.. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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montre que l’essentiel des documents les plus anciens se trouve à Šingīṭi, et plus particulièrement dans la principale bibliothèque de manuscrits de cette agglomération, celle des Ahl Ḥabat. Toutefois, le gros de la littérature manuscrite que l’on trouve ici aussi bien que dans le reste de la Mauritanie, remonte plutôt au XIXe siècle, plus rarement au XVIIIe siècle, mais guère au-delà. Malgré la présence, comme nous l’avons noté, de quelques pièces significatives de facture, sinon d’origine, maghrébo-andalouse, la majeure partie des textes produits ailleurs qu’au Sahara que l’on trouve à Šingīṭi et Wadān, se rattache plutôt à un style d’écriture « oriental ». Ce qui signale l’étendue du rayon de la collecte effectuée par les lettrés de l’espace mauritanien, où le fruit des achats opérés durant le ḥağğ occupe sans doute une place notable70. Les (re)productions locales de manuscrits contribuent aussi, évidemment, pour une large part aux fonds documentaires recensés en Mauritanie. Le travail des copistes, qui pouvaient jadis s’attaquer à des œuvres monumentales exigeant un labeur de plusieurs années s’est poursuivi sans interruption jusqu’à nos jours, même s’il ne constitue plus actuellement qu’une activité résiduelle. On trouve ainsi, dans la bibliothèque des Ahl Ḥabat précitée, une copie du grand corpus lexicographique de Muḥammad b. Yaˁqūb al-Firūzābādī (m. 817/14141415), al-Qāmūs al-muḥīṭ, en quatre volumes, les deux premiers copiés en 1251/1835-6, les volumes 3 et 4 n’ayant été achevés qu’une dizaine d’années plus tard, en 1260/1844. Elle y côtoie une reproduction manuscrite du diwān du fameux poète d’époque ˁabbāside, Abū alṬayyib al-Mutanabbī (m. 354/965) réalisée à Šingīṭi en 1365/19451946 par Muḥammad al-Amīn b. Muḥammad ˁAbd Allāh b. al-Ġulām. Même s’ils ne contribuent que dans une proportion limitée à alimenter les bibliothèques des deux villes anciennes que nous mettons ici en avant pour illustrer notre propos, les auteurs locaux et leurs œuvres n’en constituent pas moins un pan essentiel du patrimoine manuscrit mauritanien. Nous avons noté au tout début de ce propos que Ould 70. On en trouve parfois une trace précise. Ainsi, en première page d’un ouvrage de taṣawwuf, Sīdi Muḥammad b. Ḥabat écrit : « J’ai acheté al-Manāhil al-ṣūfiyya fī šarḥ fī šarḥ al-maˁānī al-ṣāfiyya (« Les sources mystiques ou l’interprétation des significations pures ») à la Porte de la Paix (bāb al-salām) à la Mecque honorée ».
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Hamidoun et Heymowski en recensaient 394 crédités de 2 054 œuvres connues. Sans entrer dans les débats qui ont fait les beaux jours de la critique littéraire à l’ère du structuralisme triomphant autour des questions « qu’est-ce qu’un auteur ? »71, « qu’est-ce qu’une œuvre ? », on ne peut entrevoir les flottements et les difficultés que soulève un tel recensement. L’échelle de notoriété et de reconnaissance de telle ou telle personnalité ou œuvre est évidemment extrêmement variable. Les « classiques » à peu près universellement célébrés dans trois des domaines majeurs du savoir traditionnel (grammaire et logique, taṣawwuf, fiqh) comme al-Muḫtār Wuld Būna al-Ğakanī (m. 1220/1805), al-Šayḫ Sīd al-Muḫtār al-Kuntī (m. 1226/1811) et Sīdi ˁAbd Allāh Wuld al-Ḥāğğ Brāhīm al-ˁAlawī (m. 1233/1817) côtoient ici les modestes rédacteurs d’opuscules connus uniquement dans une partie de leur entourage tribal. Précisons à nouveau que cette littérature saharienne n’émerge véritablement, de toute façon, qu’à partir du XVIIe siècle, et que son réel épanouissement ne date, lui, que du XIXe siècle et des débuts du XXe siècle. La chronologie des productions manuscrites locales est évidemment à mettre en rapport avec cette évolution. Quoi qu’il en soit, et pour nous en tenir aux exemples documentés avec quelque précision que sont Wadān et Šingīṭi, le catalogue de Rebstock et Wuld Muḥammad Yaḥyā72 permet de dégager les précisions suivantes. Dans les bibliothèques šingīṭiennes, on relève la présence de 9 ouvrages de Sīdi ˁAbd Allāh Wuld al-Ḥāğğ Brāhīm ; al-Šayḫ Sīd al-Muḫtār y figure pour 8 items et al-Muḫtār Wuld Būna pour 6. Dans les bibliothèques wadāniennes, les auteurs originaires de la ville ne sont pas totatlement absents. On trouve ainsi une copie du récit de pèlerinage (Riḥlat al-munā wa-l-minna) de l’une des gloires locales, aṭ-Ṭālib Aḥmad wuld Ṭwayr ağ-Ğanna, plus haut mentionné, dans la bibliothèque d’al-Muṣṭafā wuld Kattāb. Il pourrait bien s’agir, au reste, de la copie originale de l’auteur ou d’une copie réalisée sous sa supervision étant donnée la date à laquelle elle a été réalisée (12 rabīˁ al-awwal 1253/16 juin 1837). Du même auteur, dans la même bibliothèque, on trouve également une copie, datée du 18 rabīˁ al71. M. Foucault, « Qu’est-ce qu’un auteur ? ». Dans les cultures « ruminantes », où le gros de l’activité de production intellectuelle consiste en commentaires, la notion d’auteur est encore plus incertaine que dans les univers où la bidˁa est magnifiée. 72. Handlist, op. cit.. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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awwal 1248/1832, de ses al-Ağwiba al-mufhima al-kāfiyya li-man taˁnīh kullu maˁnā šāfiyya (« Les réponses intelligibles et suffisantes de nature à guérir toute personne concernée par le sens des questions qu’elles évoquent »). Trois autres textes d’auteurs wadāniens sont aussi à signaler dans les bibliothèques locales : • une pièce rimée (urğuza) traitant de tawḥīd de Wuld Ḥamma Ḫattār ; • al-Faḥwā al-miskiyya fī šarḥ al-naẓm wa-ḏikr al-sāda al-arbˁīn alṣūfiyya (« La brise parfumée au musc ou le commentaire du poème relatif aux vertus des quarante maîtres du mysticisme ») d’al-Imām alŠarīf b. Sīdi al-Muttaqī ; • une épître relative à la tiğāniyya d’Ibn Ḫṭūr al-Ḥāğī ; Après cet aperçu succinct des aspects physiques des manuscrits mauritaniens, de leurs origines présumées et des éléments de chronologie dans lesquels on peut les inscrire, voyons à présent les sujets dont ils traitent. Thèmes étroitement liés, on va le voir, à la reproduction des groupes sociaux qui servent cette « rumination » écrite, servant, en retour, de fondement à la perpétuation de leur propre statut. (Re)produire les textes et les groupes sociaux John Hunwick, auquel on doit la contribution que l’on sait à la connaissance de la littérature manuscrite arabo-islamique d’Afrique de l’Ouest, résume ainsi les préoccupations qui la traversent : « In a very broad sense, Arabic writings of western Sudanic Africa may be classified under four headings : historical; pedagogical; devotional and polemical. »73 Ces quatre rubriques, qui balisent aussi bien, à quelques ajustements près74, le patrimoine manuscrit mauritanien, sont, dans le contexte de ce dernier, largement ordonnées autour de la seconde d’entre elles, la préoccupation pédagogique. C’est avant tout à des fins d’apprentissage, en tout premier lieu d’éducation religieuse, que les lettrés maures ont déployé l’effort d’accumulation documentaire qu’ils
73. Hunwick : Arabic Literature, p. 314. 74. La médecine, l’astronomie, les mathématiques, ne sont pas absentes, nous le verrons, des préoccupations de cette littérature.
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ont entrepris, et dont les résultats font ressortir la prévalence massive des considérations de langue et de religion. Partons une fois de plus des bibliothèques de Wadān et Šingīṭi, et du catalogue qu’en ont établi Rebstock et Wuld Muḥammad Yaḥya. Il fait apparaître la répartition par matière détaillée dans la figure 8. La préoccupation centrale des ouvrages recensés dans les bibliothèques familiales de Šingīṭi et Wadān tourne donc, comme le montre clairement ce tableau, autour de soucis religieux et législatifs. Ce que nous avons, par commodité, regroupé sous le titre de « théologie », et qui rassemble les fondements du dogme (uṣūl, qawāˁid), la jurisprudence, les fatāwā fournies par des fuqahāˀ et des quḍḍāt, etc., représente à lui seul près de 40% du corpus examiné. Si l’on y ajoute Le Coran (32 copies de la vulgate) et les « sciences coraniques » (exégèse, énonciation normative, etc.), les dits du Prophète et les récits hagiographiques qui le prennent pour objet, les ouvrages relatifs à la mystique — où l’on relève notamment plusieurs documents polémiques relatifs à la tiğāniyya75 — ce serait près de 70% du total des ouvrages de nos bibliothèques adraroises qui auraient trait, directement ou indirectement, au dogme musulman. Le second groupe de sujets le plus abondamment traité par les ouvrages des bibliothèques de Šingīṭi et Wadān, ce sont les matières linguistiques : grammaire (naḥw), morphologie (ṣarf), lexicographie (luġa), littérature (adab). Ce sont 23,77% des documents recensés par le catalogue précédemment cité qui leur sont consacrés. Il convient de noter aussi l’intérêt pour les mathématiques et la logique dont traitent respectivement 20 (1,70%) et 28 (2,78%) ouvrages. L’histoire, l’astronomie et la médecine sont bien plus faiblement représentées. Enfin, 23 ouvrages ont été classés sous la rubrique varia en raison de la diversité des thèmes dont ils traitent : biographies (siyyar), philosophie (falsafa), morale (aḫlāq), magie (sirr al-ḥarf), etc.
75. C’est en particulier à l’antagonisme entre tiğāniyya et qādiriyya que Hunwick pense en évoquant la rubrique « polémique » parmi les matières des manuscrits ouest africains. Hunwick : Arabic Literature, p. 316. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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Matière
Médecine (ṭibb) Astronomie (falak, ḥisāb zamanī) Histoire (tārīḫ) Mathématiques (ḥisāb, handasa) Varia Logique (manṭiq) Mystique (taṣawwuf) Ḥadīṯ (+ exégèse et histoire prophétique) Coran (vulgate + sciences coraniques) Langue (naḥw, lūġa, adab, etc.) Théologie (fiqh, uṣūl, nawāzil…) Total
Nombre de titres
%
4 6 10 20 23 28 72 117
0,34 0,51 0,85 1,70 1,95 2,78 6,11 9,93
151
12,82
280 466 1 178
23,77 39,56 100
NB. Le total des documents est supérieur au chiffre de 1 106 indiqué plus haut pour l’ensemble du catalogue, car certains documents sont cités plus d’une fois en raison de la diversité de leur contenu. Figure 8 : Répartition des manuscrits de Wadān et Šingīṭi par matière calculée à partir de la Handlist de Rebstock et Wuld Muḥammad Yaḥya (op. cit.)
Un signe de dégradation, ou à tout le moins de l’usage devenu beaucoup moins assidu des textes recensés dans ces bibliothèques, est donné par la proportion significative de documents qu’il devient impossible d’attribuer à un auteur, en raison bien souvent du fait que le début et/ou la fin du livre manquent et qu’il n’y a plus guère d’archivistes dans les familles susceptibles de renseigner sur les rédacteurs de ces ouvrages désormais voués à l’anonymat. On compte 279 ouvrages (25,22% du total) dans ce cas. Au sortir de l’anonymat, les trois auteurs les plus présents dans les bibliothèques šingiṭiennes et wadāniennes sont, à égalité, avec 14 volumes chacun : le maître algérien de la logique et de la science des fondements du fiqh (uṣūl), Muḥammad b. Yūsuf b. ˁUmar al-Sanūsī (m. 895/1489-90), l’infatigable polygraphe égyptien, Ğalāl alDīn ˁAbd al-Raḥmān b. Abū Bakr al-Suyūṭī (m. 911/1505-06) et le grand commentateur du bréviaire du fiqh mālikite — le Muḫtaṣar de Ḫalīl b.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Isḥāqh— ˁAbd al-Bāqī b. Yūsuf al-Zurqānī (m. 1099/1687-8). Dans le hit-parade des auteurs, on trouve immédiatement après les vedettes qui viennent d’être mentionnées, Ḫalīl b. Isḥāq dont le Muḫtaṣar, présent en 12 exemplaires, est, avec 60 ouvrages de commentaires (al-Ḫiršī, al-Bannānī, al-Māwwāq, al-Tatāˀī, al-Zurqānī, al-Rahūnī, al-Ḥaṭṭāb), le texte le plus glosé de toutes les bibliothèques de Šingīṭi et Wadān. Nous y reviendrons dans la dernière partie de cette contribution. Le dictionnaire d’al-Firuzābādī, précédemment mentionné, al-Qāmūs almuḥīṭ, est représenté par 11 volumes. Viennent ensuite les classiques de la culture savante maghrébine et ouest africaine: la Risāla d’Ibn Abī Zayd al-Qayrawānī (m. 386/966-67) ; Ibn Hišām (m. 761/135960), le commentateur bien connu de la non moins connue Alfiyya d’Ibn Mālik (m. 672/1283-84), résumé en mille vers de la grammaire arabe ; la fameuse compilation de fatāwā andalouses et maghrébines d’al-Wanšarīsī (m. 914/1508-9), al-Miˁyār; les traditions prophétiques d’al-Buḫārī (m. 256/869-70) ; les ouvrages de fiqh de Mayāra (m. 1072/1661-2), autre commentateur du Muḫtaṣar. Comme nous l’avons indiqué plus haut, les auteurs « mauritaniens » — si l’on peut s’autoriser cet anachronisme — qui ont exercé le plus d’influence ne sont pas absents de ces bibliothèques familiales régionales : al-Muḫtār wuld Būna, al-Šayḫ Sīd al-Muḫtār al-Kuntī, Sīdi ˁAbd Allāh wuld al-Ḥāğ Brāhīm, notamment y figurent en bonne place. Ces bibliothèques, et plus particulièrement celle des Ahl Ḥabat de Šingīṭi, recèlent, par ailleurs, une importante matière première pour les chercheurs constituée par les nombreux documents familiaux (contrats, actes de vente, reconnaissance de dette, actes de la vie civile, correspondances, etc.), éparpillés ou réunis dans des kanānīš, documents qui ont du reste nourri des travaux de recherche de qualité76. La documentation disponible permet d’étendre ces remarques relatives aux thèmes abordés par les manuscrits mauritaniens dans deux cités historiques particulièrement réputées pour leur contribution aux traditions savantes mauritaniennes à d’autres ensembles documentaires 76. La thèse déjà ancienne de Ch. Stewart (Islam and Social Order…), exploitant la correspondance d’al-Šayḫ Sidiyya ; celles plus récentes d’Osswald (Die Handelsstädte der Westsahara) utilisant les ressources documentaires des quatre vieilles cités caravanières (Wadān, Šingīṭi, Tišīt et Walāta) et de G. Lydon (On Trans-Saharan Trails) s’appuyant plus particulièrement sur une documentation tišītienne. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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où l’on observe du reste la récurrence des mêmes types de préoccupation. Charles Stewart, qui a travaillé à la fois sur la bibliothèque des Ahl alŠayḫ Sidiyya de Boutilimit plus haut évoquée et sur le fonds manuscrit de l’IMRS esquisse, dans l’introduction au volume IV du General Catalogue of Arabic Manuscripts at the Institut Mauritanien de Recherche Scientifique77, une comparaison entre ces deux bibliothèques et un fonds de manuscrits privé appartenant à un éminent lettré de la région de Mederdra, al-Šayḫ Aḥmadu wuld Slaymān (fin XIXe – début XXe siècle), dont le contenu a naguère été décrit par Paul Marty78. Il tire de ce rapprochement les enseignements suivants, après les précautions d’usage relatives à la fois aux incertitudes entourant les catégories de classement mises en œuvre et au caractère limité des données disponibles : (…)some general observations can be made on the ratios of subject matter in these libraries which permits their contents to be compared to the IMRS collection. One third of the IMRS collection, for instance, and similarly the largest body of Works in the other libraries, has been classified as jurisprudence (20% of the Boutilimit Library in 1909 and 24% of the Mederdra Library in 1916); 38% of the Works purchased by Sidiyya alKabîr in Morocco also fall in this category. The next largest category of Works at IMRS is that of mysticism (11%), by comparison to 13% of Boutilimit collection and 7% of the Mederdra Library; followed by Arabic (10% at the IMRS ; 11% of Boutilimit and Mederdra libraries). Studies on the Qur’an figure in 8% of both the IMRS and Boutilimit collections and 11% of the Mederdra Library. Literature accounts for 7% of both IMRS and Boutilimit libraries and 11% of the Mederdra collection. Works on the Prophet Muhammad comprise 6% of IMRS collection and 11% of the Mederdra Library — the category was not used by Massignon in describing the Boutilimit Library, presumably in favor of grouping these works under “Hadith”. If the volumes on the Prophet and those classified as Hadith are combined in all collections, they come to 9% of the IMRS collection, 16% in Boutilimit and 15% in Mederdra. Theology accounts for 6% of the IMRS collection, 12% of the Boutilimit and 9% of the Mederdra libraries. In each of these listings, roughly 85% of their contents fall in the above catégories with, as is évident, remarkably similar ratios of subject matter. Other subjects represented in the IMRS collection, noted here with the actual number of manuscripts in each category, include : invocation (92), 77. Op. cit., p. 24. 78. Marty : L’islam dans le pays maure qui donne la liste des 162 manuscrits de cette bibliothèque. p. 93-102.
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history (81), logic (44), ethics (35), biography (36), sciences — mathematics and astronomy and astrology (30), médecine (19), esoteric sciences (19), encyclopédias (17), education (9), and geography (5); these subjects are also represented in the historic listings noted above.
Il ressort de ces observations à la fois une remarquable convergence quant aux thèmes traités par les manuscrits des trois bibliothèques évoquées et un recoupement significatif des sujets qu’on y relève avec ceux rapportés plus haut pour les bibliothèques de Wadān et Šingīṭi. Les soucis linguistiques et religieux se détachent en tête des préoccupations recensées ici comme dans les bibliothèques des deux oasis du nord mauritanien. Dans le détail, et si l’on entreprenait de faire le tour des auteurs les plus massivement présents, on retomberait également, pour l’essentiel, sur les écrivains listées pour Wadān et Šingīṭi. Il s’agit en vérité d’un corpus relativement restreint79 de références établies par une tradition pédagogique étroitement associée, dans l’univers saharien et plus largement ouest africain, à l’empire exclusif du mālikisme maghrébo-andalou, associé à l’ašˁarisme et à l’emprise, à partir du XVIIIe siècle, des mouvements confrériques (al-ṭuruq al-ṣūfiyya), s’instituant progressivement principaux vecteurs de l’éducation dans l’espace mauritanien. Cet enseignement était avant tout l’affaire d’une couche spécifique de la société maure, les zwāya. Nous ne pourrons pas développer ici le système hiérarchique des « ordres » de la société maure, que l’on a parfois rapproché du dispositif indien des castes80. Qu’il nous suffise de dire que les zwāya (ce terme est couramment traduit en français par « marabouts ») en constituaient l’une des deux couches dominantes avec les ḥassān (« guerriers »). Les zwāya, qui ont été historiquement — souvent par le biais de leurs dépendants — les principaux responsables du développement des activités économiques (élevage, agriculture) et commerciales au sein de la société maure, définissaient leur vocation principale, celle qui fonde et légitime leur statut, par l’enseignement, plus particulièrement l’enseignement religieux, et l’exercice de toutes les prérogatives qui lui sont liées : direction des activités du culte musulman, administration de la justice islamique, au titre de consultations épisodiques (fatāwā) 79. Ibn Ḥāmidun : al-Ṯaqāfa, pp.5-84 ; Ould Cheikh : Nomadisme, II, p. 380-396. 80. Sur la stratification sociale maure « traditionnelle », on peut voir : Ould Cheikh : Nomadisme, II, p. 366-421. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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ou en tant que quḍḍāt permanents d’une tribu ou d’un émir, contrôle et propagation des mouvements confrériques, etc. En ses phases initiales, l’enseignement pouvait, en théorie, concerner toutes les strates de la société, les hommes comme les femmes. Une fois franchies les étapes élémentaires, il devenait progressivement l’affaire quasi-exclusive de la jeunesse masculine zwāya. Conformément au profil des bibliothèques de manuscrit que nous venons de voir, l’enseignement du fiqh et de ses « fondements » (uṣūl) en constituaient une pièce maîtresse. Les niveaux supérieurs d’éducation pouvaient également porter sur les matières indépendantes du classement des manuscrits esquissé plus haut où dominent la transmission du savoir religieux et de son indispensable auxiliaire, la maîtrise de la langue arabe : exégèse coranique, phonétique normative (maḫāriğ al-ḥurūf), ˁaqāˀid (dogme musulman), ḥadīṯ, sīra (histoire prophétique), mystique musulmane (taṣawwuf), langue et grammaire arabe, rhétorique et métrique, logique. L’arithmétique et l’astronomie étaient également enseignées. L’enseignement de toutes ces matières s’appuyait sur des textes d’auteurs maghrébins, andalous, ou (plus rarement) moyen-orientaux, consacrés par la tradition et auxquels les commentateurs et exégètes locaux se rattachaient parfois par des chaînes de filiation, constituant de véritables généalogies doctrinales81. On retrouve naturellement ces auteurs et leurs commentateurs en tête de liste des relevés des bibliothèques de manuscrits de la Mauritanie. Le mode de vie nomade, dominant dans la société maure jusqu’au milieu des années 1970, joint à la rareté du papier notée précédemment, ont profondément marqué les méthodes pédagogiques de l’enseignement saharien. Il n’y avait point de manuels et la mémoire du maître (mrābəṭ) et sa bibliothèque personnelle constituaient l’unique recours documentaire des étudiants. La pédagogie reposait avant tout sur la mémorisation, sur la récitation. D’où la tentation constante de développer tous les procédés qui peuvent faciliter l’apprentissage par cœur : abréviation, mise en vers, devinettes reposant sur toutes sortes de jeux de langage (assonances, allitérations, homonymie, etc.). 81. Osswald (Handelsstädte : p. 480) a établi un tableau synthétique des plus importantes de ces généalogies, en partant en tout premier lieu des données fournies par Fatḥ al-Šakūr.
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L’orchestration mémorielle ainsi engendrée a conduit à ce qu’il faut bien appeler un « cryptage » des références essentielles de la culture savante maure, vouée depuis près de quatre siècles à la « rumination» de quelques ouvrages majeurs, continuellement repris, commentés, abrégés, mis en vers ; leurs commentaires, contractions ou formes versifiées faisant à leur tour l’objet d’additions, de scolies, de gloses marginales, de nouvelles mises en vers, etc., dans un processus essentiellement répétitif qui ne bénéficiait peut-être pas autant au corpus étudié — il n’y gagnait pas toujours en clarté— qu’à la corporation de ceux qui l’étudient, reproduite et légitimée au moyen, entre autres, de ces exercices. Nous nous contenterons ici d’examiner un unique exemple de ce rabâchage corporatif, puisant sa nécessité dans l’obscurité même qu’il produit, celui du fameux Muḫtaṣar de Ḫalīl.
Le Muḫtaṣar de Ḫalīl et ses commentateurs Aucun texte, dans le domaine du fiqh, n’a joui d’un pouvoir et d’un prestige comparable au Muḫtaṣar de Ḫalīl b. Isḥāq parmi les lettrés sahariens. D’une concision confinant à l’hermétisme82, il a exercé une fascination et un défi ininterrompus depuis l’aube de la culture écrite de l’Ouest saharien. La présence particulièrement dense de ce texte et de ses commentateurs dans les bibliothèques de manuscrits témoigne de la place privilégiée qu’il occupe dans le cursus honorum des producteurs locaux de savoir ainsi que de son pouvoir d’attraction sur les bibliophiles. Après avoir brièvement fait connaissance avec cet auteur et son œuvre, nous nous arrêterons plus longuement sur sa postérité saharienne.
82. Voici la complainte de G.-H. Bousquet, qui s’est essayé à la traduction de ce « Comprimé », comme il préfère l’appeler, plutôt qu’ « abrégé » : « On ne peut rien imaginer de plus rébarbatif et de plus absolument incompréhensible, — fûtce pour le plus grand des arabisants — que ce texte, si l’on ne dispose pas d’un commentaire. Il s’agit, en effet, d’une suite de mots, formant parfois à peine des phrases, et parfois même pas : “style télégraphique”, me disait à juste titre un musulman, — d’une concision effroyable : un seul terme, souvent, indique tout un développement de pensée dont il n’est pas autrement question. Bref, un horrible grimoire dont celui qui ne l’a pas étudié ne peut se faire aucune idée. » Abrégé, p. 9. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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Halīl et son œuvre Les données dont nous disposons sur le personnage sont plutôt maigres. Elles semblent provenir, pour l’essentiel, d’une très brève notice d’Ibn Farḥūn (m. 799/1397), qui affirme l’avoir rencontré au Caire et même avoir assisté à certains de ses cours83. Ahmad Bāba al-Tīnbuktī (m. 1636/1627) lui consacre une présentation un peu plus développée84. Ibn Ḥağar al-ˁAsqalānī (m. 852/1449), dans ses al-Durar al-kāmina, l’évoque également85. Son nom complet serait : Ḫalīl b. Isḥāq b. Mūsā b. Šuˁayb, connu sous le nom d’al-Ğundī. On le surnomme Ḍiyyāˀ alDīn Abū-l-Mawadda86. D’après ces diverses sources, il apparaît qu’il naquit en Egypte, sans autre précision chronologique, y reçut sa formation et y mourut, à une date controversée, mais pour laquelle Aḥmab Bāba, suivi par Ben Cheneb préfère retenir le mois de rabīˁ (I ou II) 776/ juillet/août 137487. Il aurait également effectué le pèlerinage aux lieux saint de l’islam et séjourné un moment à Médine. Il est né dans une famille ḥanafite, mais, sous l’influence de l’un des ses compagnons d’études, il se convertit au mālikisme. On lui connaît un maître principal : Abū Muḥammad ˁAbd Allāh al-Manūfī. Ibn Farḥūn affirme qu’il a appartenu à la milice (ğund, d’où son surnom d’alĞundī) qui a repris Alexandrie aux chrétiens dans les années 770/136970. Il est présenté comme un ascète et une figure morale rigoureuse, portée à « commander le bien et à mettre en garde contre le mal ». Il aurait enseigné à la madrasa Šayḫūniyya, l’une des plus prestigieuses institutions scolaires égyptiennes de son temps. On lui connait diverses œuvres parmi lesquelles un abrégé inachevé de la Mudawwana de Saḥnūn. « Il rédigea, écrit Ibn Farḥūn, une exégèse de Ğāmiˁ al-ˀummahāt d’Ibn al-Ḥāğib, qu’il appela al-Tawḍīh. Il écrivit un 83. Ibn Farḥūn : al-Dibāğ, p. 116 84. al-Tīnbuktī : Nayl al-ibtihāğ, p. 112-115. L’article « Ḫalīl » de Ben Cheneb, dans la seconde édition de l’Encyclopédie de l’islam, puise essentiellement à ces deux sources. 85. Cité par Aḥmad Naṣr in Ibn Isḥāq : Muḫtaṣar, p. 4 86. Aḥmad Naṣr : idem. 87. Aḥmad Bāba avance plutôt la date du 13 rabīˁ I 776, alors que Ben Cheneb évoque celle du 11 rabīˁ II 776/22 août 1374. A noter que Brockelman (Geschichte, II, p. 103), le fait mourir en rabīˁ I 767 /nov. 1365.
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abrégé (muḫtaṣar) de la doctrine (maḏhab, i. e, celle du mālikisme), où il s’attacha à faire ressortir les opinions majoritairement reçues (qaṣada fīh ilā bayān al-mašhūr), ignorant les avis controversés (muğarrad ˁan al-ḫilāf). Il y réunit des matières fort variées (wa-ğamaˁa fīh furūˁ kaṯīra ğiddan), d’une éloquente concision (maˁa al-īğāz al-balīġ). Les étudiants s’emparèrent avec appétit de son œuvre (wa-aqbala ˁalayh al-ṭalaba wa-darasūh). Ses formulations étaient d’une remarquable élégance (wa-kānat maqāṣiduh ğamīla) ». Son enseignement était donc déjà très apprécié de son vivant, et l’originalité stylistique de son Muḫtaṣar reconnue. Aḥmad Bāba, se référant à Ibn Ġāzī (m. 919/1513) , affirme que son Muḫtaṣar et son Tawḍīḥ sont très rapidement devenus des références universelles au Maghreb, transformé en terre d’un ḫalīlisme quasiexclusif comme l’indique le propos attribué à Nāṣir al-Dīn al-Laqqānī (m. 958/1551) — « šayḫ šuyūḫinā, dit Aḥmad Bāba88» — : « Nous sommes gens ḫalīliens (naḥnu unās ḫalīliyyūn). Si Ḫalīl suit une voie de perdition, nous nous égarons avec lui (in ḍalla ḍalalnā) ». Evoquant son propre commentaire (inachevé), fondé sur une dizaine d’exégèses antérieures du Muḫtaṣar, Aḥmad Bāba relève que l’Abrégé de Ḫalīl a déjà fait l’objet, au moment où il écrit le sien, c’est-à-dire à la fin du XVIe siècle, de plus de 60 commentaires. J’ai longuement étudié son Muḫtaṣar (…), écrit Aḥmad Bāba, auprès du maître de son temps, notre maître al-Faqīh Muḥammad b. Maḥmūd Baġayuġu. J’obtins une licence (iğāza) pour sa transmission de mon père. Notre maître précité (i. e. Muḥammad b. Maḥmūd Baġayuġu) l’avait étudié auprès de son père ainsi qu’auprès de Sīdī Aḥmad b. Saˁīd et de son père. Sīdī Aḥmad et mon père, qu’Allāh leur accorde sa miséricorde, l’étudièrent auprès de la bénédiction de leur temps, Sīdī Maḥmūd b. ˁUmar, l’oncle paternel (ˁamm) de mon père, lequel l’avait reçu de al-Šayḫ ˁUṯmān alMaġribī, lequel l’étudia auprès de « al-Nūr » al-Sanhūrī, celui-ci auprès de « al-Šams » al-Bisāṭī, lequel avait étudié auprès des disciples de Ḫalīl, qui avaient reçu de lui son Muḫtaṣar89.
Aḥmad Bāba et d’autres membres de l’illustre famille tīnbuktienne des Aqīt, constitueront, du reste, un maillon décisif dans la transmission du
88. Nayl, p. 114. et Aḥmad Naṣr in Ibn Isḥāq : Muḫtaṣar, p. 6. 89. Nayl, p. 115. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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Muḫtaṣar à ses commentateurs de l’espace mauritanien, via notamment Wadān et Walāta. Avant d’en venir aux commentateurs, voyons comment se présente ce Muḫtaṣar et de quoi il traite. Nous partirons, pour en donner une idée, de la version éditée par Dār al-Fikr en 1981 (références dans la bibliographie). Le texte proprement dit y occupe un volume de 305 pages. Il est subdivisé en une introduction (une page et demie) et 62 bāb (chapitres), répartis (pour certains) en 64 sous-chapitres (faṣl). D’un point de vue purement « architectural », si l’on peut dire, le chef d’œuvre du fiqh mālikite n’a pas vraiment la perfection qu’on lui prête. La longueur des chapitres varie d’une demi page90 à 35 pages91. Le chapitre le plus long (chap. 2) compte 19 sous-chapitres, alors que la majorité n’en compte aucun92, et que quelques-uns93 n’ont qu’une seule subdivision. Du reste, ce qui est appelé bāb ou faṣl ne constitue souvent qu’une simple scansion dans un développement continu, et aucune de ces subdivisions ne porte à proprement parler de titre, même si certaines commencent par des définitions des notions examinées dans le bāb ou le faṣl, qui prennent du coup l’allure de « titres ». L’ouvrage est en réalité une somme extrêmement ramassée d’injonctions et de prescriptions, un catalogue de ce qui est interdit, toléré ou permis, selon la vision de l’islam développée par un faqīh pas vraiment tourmenté par le doute, un canevas juridique global délivré dans une avalanche de mots ou de syntagmes à la coordination syntaxique particulièrement ténue. Ce qui en rend l’accès toujours incertain et justifie la médiation nécessaire des exégètes. On peut distinguer dans le Muḫtaṣar cinq « blocs » d’inégale longueur. Un premier ensemble (chap. 1-11) est dominé par les prescriptions 90. Chap 27, p. 209 : šarṭu al-ḥawālati riḍā al-muḥīli wa-l-muḥāli faqaṭ/ « La condition unique du transfert de dette est l’assentiment de l’ancien et du nouveau débiteur ». 91. Chap 2, p. 23-56 : « al-waqtu al-muḫtāru li-ẓ-ẓuhri…» (L’heure la meilleure pour la prière du ẓuhr). 92. Il s’agit des chapitres suivants : 3, 12, 13, 16 à 18, 24 à 31, 33, 34, 36 à 40, 42 à 59, 61, 62. 93. Il s’agit des chapitres suivants : 9, 11, 21, 30, 32, 35, 60.
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rituelles de base (prière, aumône légale, jeûne, pèlerinage, abattage rituel et interdits alimentaires, ğihād). Il s’ouvre, classiquement, sur des développement consacrés à la pureté rituelle (ṭahāra). Ce premier ensemble s’achève, de manière plus surprenante, par des considérations sur les courses de compétition (chap. 12), tolérées sous certaines conditions, parce que, dit Maḥand Bāba94, elles constituent un entraînement au ğihād. La seconde partie (chap. 13-21), introduite par un chapitre relatif aux prérogatives propres au Prophète, particulièrement importantes dans le champ des relations matrimoniales95, est dévolu au mariage, à ses empêchements et à ses conséquences (divorce, délai de viduité/ˁidda, statut des conjoints, parenté de lait, pensions, etc.). La troisième partie, la plus longue (chap. 22-46), a trait au vaste champ des muˁāmalāt, des échanges, et plus largement du traitement de la propriété et du salariat (transactions commerciales, crédit, faillite, association, mise en valeur agricole, locations et salariat, etc.). La quatrième partie (chap. 47-56) traite de l’exercice de la justice, plus particulièrement en ses dimensions pénales (charges judiciaires, crimes et délits, révolte contre l’autorité, apostasie, fornication, etc.). Les quatre chapitres (57-60) de la dernière partie tournent autour du statut servile et de ses implications (les diverses formes de manumission, le patronage légal, relation de genre entre personne libre et esclave, etc.). L’ouvrage se termine par deux chapitres dévolus l’un au thème du legs, l’autre aux dispositions qui peuvent découler d’un décès. Il nous semblait utile de donner cet aperçu, évidemment très schématique, du contenu de ce redoutable monument d’obscurité théologico-juridique de l’islam mālikite avant d’en aborder la postérité.
La postérité du Muhtasar dans les manuscrits mauritaniens Nous avions, un moment, envisagé une comparaison de quelque précision entre le texte dont nous venons de dérouler la table des matières et un ou deux de ses commentateurs sahariens pour lesquels notre choix s’était porté sur le Muyassar de Maḥanḍ Bāba (m. 1277/1860) et sur 94. Muyassar, II, p. 98 95. Muyassar, II, p. 100 Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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l’exégèse plus tardive d’Ibn Aḥmad Zaydān al-Ğakanī (m. 1325/1907)96. Cet exercice s’avérant à l’examen devoir prendre des dimensions hors de proportion avec l’ampleur prévue pour la présente contribution, nous nous satisferons d’une remarque relative au commentaire de Maḥand Bāba, avant d’en venir à l’évocation des manuscrits ayant pour objet le Muḫtaṣar et sa descendance. Comme ses prédécesseurs97, dont il ne fait que proposer une savante synthèse, Maḥanḍ Bāba s’est donné deux tâches fondamentales, effectivement extrêmement utiles pour entrer dans le maquis touffu de la prose ḫalilienne. D’une part, un travail de lexicographie. Il s’est attelé à définir avec le plus de précision possible les termes utilisés par Ḫalīl et à analyser leurs fonctions grammaticales, tirant des sources canoniques, avant tout Coran et ḥadīṯ, mais aussi tradition poétique arabe, la justification de ses choix analytiques. L’auteur du Muyassar s’est, par ailleurs, attaché à donner à la table des matières du Muḫtaṣar une allure plus synthétique et plus parlante que les entames de proposition alambiquées formant les entrées des abwāb et des fuṣūl de l’objet de son exégèse98. Il s’est efforcé en quelque sorte « d’aérer »99 le texte de Ḫalīl, en multipliant, entre les intitulés de ce dernier (bāb, faṣl), des subdivisions dénommées farˁ (« section ») et tanbīh (« remarque », « nota bene »). Opérant comme ses prédécesseurs, il a « mixé » ses éclairages avec l’original, objet de son commentaire, rendant à celui-ci un tour syntaxiquement infiniment plus intelligible que celui que lui conférait son baroque style télégraphique100. Cette observation faite, venons-en à présent aux commentateurs.
96. Op. cit. 97. Par ex. al-Ḫiršī et son glosateur, al-ˁAdawī. Op. cit. Maḥanḍ Bāba (I, p. 31) donne 21 références majeures pour son commentaire, pas tous des commentateurs euxmêmes du Muḫtaṣar, même s’ils sont fortement représentés. 98. Par ex., le premier bāb du Muḫtaṣar se présente comme suit : yurfaˁ al-ḥadaṯ …/ « On supprime une impureté /… » (op. cit., p. 9). Il devient dans le Muyassar : bāb al-ṭahāra / « Chapitre de la pureté rituelle » (op. cit., p. 34). 99. Dans un sens métaphorique évidemment, car même la version éditée en 2003 du Muyassar (op. cit.), continue, dans ses 1 439 pages de texte serré, à s’inspirer de l’hyperdensité paginale des manuscrits et de leur absence de ponctuation. 100. Inspiré par ce type de démarche, G.-H. Bousquet (op. cit.), a procédé, dans sa traduction française, de la même manière que les exégètes arabo-musulmans, en donnant des constructions syntaxiquement intelligibles qui associent, dans deux typographies différentes, l’original et le commentaire.
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A la fin des années 1930, Carl Brockelmann, dans le travail de référence que l’on sait, relevait, hors de l’espace saharien, une trentaine de noms de commentateurs connus du Muḫtaṣar de Ḫalīl101. Visiblement, et comme pour confirmer le jugement émis par Stewart rapporté au tout début de ce propos, pas un nom d’exégète saharien n’était parvenu à l’oreille du grand arabisant allemand. Tout récemment, un autre chercheur allemand, dans une remarquable synthèse bibliographique, tout à fait digne, par son érudition et son étendue, de son illustre prédécesseur, a fourni les moyens de (commencer à) réparer cet oubli. Dans sa Maurische Literaturgeschichte (abr : Mlg), U. Rebstock, donne une liste de 91 références de manuscrits conservés dans les bibliothèques mauritaniennes et traitant, partiellement ou en totalité, en vers ou en prose, du contenu du Muḫtaṣar. Il est tout à fait frappant que n’apparaisse dans cette liste aucun matn, aucun original de la rédaction de Ḫalīl lui-même102. Comme si se confirmait par là que ce monument devait disparaître derrière ses glosateurs, réalisant ainsi le parfait destin d’une matière « à ruminer » : nourrir par son évanescence même le corps du « ruminant »103. Telle qu’elle ressort du patient travail de Rebstock, la liste de ceux qui se sont intéressés, sous une forme ou sous une autre, au Muḫtaṣar, permet de dégager quelques observations relatives au milieu et aux époques où ces travaux ont été effectués. Sans surprise, on découvre que les gros des travaux référencés dont les dates des auteurs peuvent être situées avec quelque précision, appartiennent aux XIIIe - XIVe siècle de l’hégire/fin XVIIIe - XXe siècle de l’ère chrétienne. Aucun écrit antérieur au Xe siècle / XVIe siècle n’a été relevé. Nous l’avons du reste noté précédemment, la plus ancienne œuvre connue d’un auteur de l’espace mauritanien est précisément un commentaire du Muḫtaṣar, dont l’auteur était en vie en 933/1526-1527.
101. De Tāğ al-Dīn Bahrām b. ˁAlī al-Damīrī (m. 815/1412) au souverain ˁalawite du Maroc, Mawlāy ˁAbd al-Ḥāfiẓ (m. 1908/1912), contemporain de Brockelmann. Geschichte, II, p. 101-103 et Supplementband, II, p. 97-99. 102. Même si les bibliothèques de Wadān et Šingīṭi en font apparaître, comme nous l’avons vu, quelques exemplaires. 103. Il n’est pas sans rappeler à cet égard, certains « originaux » textuels de récits borgésiens jamais perçus ou présentés autrement qu’à travers leurs « traduction ». Cf. Louis, « La traduction » Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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Epoque
Xe / XVIe siècle XIe / XVIIe siècle XIIe / XVIIIe siècle XIIIe / XIXe siècle XIVe / XXe siècle XVe / XXIe siècle Indéterminé Total
Nombre
Pourcentage
2 2 5 22 38 11 11 91
2,19 2,19 5,49 24,17 41,75 12,08 12,08 100
NB. En nous basant sur les dates de décès, nous avons annexé au « siècle » des personnes dont le décès remonte parfois aux toutes premières années dudit siècle, et donc minoré d’autant les contributions du siècle précédent. Ceci est vrai surtout pour les rapports entre XIXe et XVIIIe siècles, et entre XXe et XIXe siècles. Figure 9 : Répartition chronologique des commentateurs du Muḫtaṣar recensés dans le catalogage de U. Rebstock
La corrélation entre groupe tribal (qabīla) et nombre de contributeurs, fil conducteur des classements opérés par les « classiques » de l’histoire culturelle de l’espace maure, Ibn al-Amīn104 et Ibn Ḥāmidun105, donne, là aussi sans surprise, les Tağakānət en tête : une formule très répandue parmi les lettres ne dit-elle pas : al-ˁilmu ğakaniyyun (« Le savoir est ğakanī ») ? Ce classement, s’il corrobore un poids culturel plus ou moins établi des différents groupes concernés n’en est pas moins sujet à quelques incertitudes du fait, entre autre, du flottement des contours de la qabīla. Ainsi, Awlād Dayṃān et Idawdāy, séparés dans le tableau qui précède, peuvent parfois être assimilée à une même tribu106. Il en va de même des Idābləḥsan et des Idāšəqra, ici également séparés, etc. En fait, l’immense majorité des exégètes de Ḫalīl figurant dans le répertoire des 104. al-Wasīṭ, op. cit. 105. al-Ṯaqāfa, op.cité. 106. Ainsi, Muḥammad b. al-Muḫtār b. Muḥammad Saˁīd (m. 1166/1752-3), auteur d’un Šarḥ bāb al-ridda min Muḫtaṣar Ḫalīl (MLG, I, n° 33435, p. 97-102), est appelé couramment « al-Yadālī », nisba qui le rattache aux Idawdāy, mais aussi « alDaymānī », signant son appartenance aux Awlād Dayṃān.
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manuscrits mauritaniens du Mlg est constituée d’individus éparpillés dans 21 groupes tribaux107, qui, sans être les seuls, ont tous contribué, à quelque degré, aux productions savantes de l’espace saharosahéllien occidental : Ahl Bārikaḷḷa (3), Ahl al-Mubārak (1), Awlād Abyayri (2), Awlād Dāwūd (2), Awlād Yūnus (1), Awlād Zayd (1), Bārəttayl (1), Idägağṃallä (1), Idāšəqrä (3), Idayllḅä (1), Idyaydḅä (1), Idawdənyəqb (2), Ifəllān (1), Igallād (1), Lamtūnä (3), Massūmä (1), Ləmḥāğīb (2), Mədləš (2), Tāggāṭ (1), Tāgnīt (1), Tägunānət (4). Sans oublier quelques commentateurs tribalement non identifiés.
Tribu (qabīla)
Tağakānət Idayqub Idawaˁli Idawdāy Awlād Dayṃān Idābləḥsan Idawalḥāğ Tandġa
Nombre de commentateurs 9 8 6 6 5 5 5 5
Figure 10 : Répartition selon la tribu (ayant cinq contributions et plus) des commentateurs du Muḫtaṣar dans le recensement tiré de l’ouvrage de Rebstock
Mises à part quelques figures connues qui se rattachent aux vieilles cités caravanières précédemment évoquées, la répartition géographique des commentateurs du Muḫtaṣar que l’on relève dans les manuscrits répertoriés par le Mlg, n’a qu’une signification limitée dans cet univers qui était essentiellement nomade, même si l’ouvrage de U. Rebstock identifie précisément les lieux où se trouvent les manuscrits listés. Le poids de la bibliothèque de l’IMRS dans l’ensemble recensé et 107. Les noms de ces groupes sont transcrits ici dans leur réalisation dialectale, généralement assez éloignée des appellations que l’on rencontre dans les nisba « classicisées » : « al-Yadālī » pour appartenant aux Idawdāy, « al-Ḥasanī » pour l’appartenance aux Idābləsan, « al-ˁAlawī » pour Idawaˁli, etc. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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la proximité géographique sont sans doute les facteurs principaux qui confèrent à la capitale mauritanienne, siège de l’IMRS, et à sa région (Trarza) une écrasante hégémonie dans les fonds répertoriés. Hégémonie qui se reflète, évidemment, dans la liste des exégètes de Ḫalīl dans l’échantillon présenté par l’auteur du Mlg. Avant lui, Ibn Ḥāmidun avait donné108 un aperçu des commentateurs maures du Muḫtaṣar, considéré comme une pièce maîtresse de la culture savante religieuse de l’espace mauritanien. Il en avait listé 43, sans prétendre être exhaustif, entre Muḥammad b. Abī Bakr al-Ḥāğī alWadānī, au XVIe siècle, et Buddāh wuld al-Buṣayrī, longtemps imām de la grande mosquée de Nouakchott, décédé en 2009. Il livre, par ailleurs, une liste de 10 auteurs qui ont mis en vers tout ou partie du Muḫtaṣar. Une énumération qui recoupe très largement les données du MLG109. Sans mettre précisément en avant le côté essentiellement répétitif du travail des exégètes, Ibn Ḥāmidun ne s’est pas privé de souligner le nombre limité des tentatives originales qui se sont attaquées à l’opuscule mallarméen du savant égyptien. Dans sa liste des exégètes du Muḫtaṣar, il relève un seul travail qui se veut explicitement critique, celui d’alQāḍī Simbayru al-Arawānī (m. 1180/1766-7). Son commentaire fut mis en vers par al-Qāḍī Muḥammad Sidīna b. Birru al-Samsadī. Le commentaire critique de Simbayru suscita à son tour un commentaire critique de Muḥammad ˁAbd Allāh b. aṭ-Ṭālib Muḥammad b. Anḍawḍa al-Maḥğubī al-Walātī (m. 1220/1805). Les filiations esquissées par Ibn Ḥāmidun entre commentateurs et commentateurs de commentateurs110, tout comme les réseaux d’allégeance pédagogique dessinés par le travail érudit de Rainer
108. al-Ṯaqāfa, p. 8-12. 109. Elle intéresse moins directement ici notre propos que celle donnée par Rebstock, n’étant pas une liste de manuscrits effectivement répertoriés quelque part, mais un simple recensement d’œuvres, sur le mode du travail qu’il a effectué avec Heymowski. 110. Le propre arrière grand-père d’Ibn Ḥāmidun, Maḥanḍ Bāba, se commentant en quelque sorte lui-même dans la version étendue (4 vol.) de son Muyassar où il développe une version plus succincte (2 vol.) et le commentaire du Muyassar par son fils Maḥmūd b. Maḥanḍ Bāba (m. 1316/1899-9) ; la mise en (10 à000 !) vers du Muḫtaṣar par al-Šayḫ Muḥamd al-Ṃāṃī et le commentaire de cette versification par son contribule al-Šayḫ Muḥamd al-Ḫaḍir (m. 1346/1927-8), etc. Ṯaqāfa, p. 9-10 et 11.
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Osswald111, fournissent des renseignements des plus utiles pour analyser les formes de circulation et de transmission du savoir, les liens entre ces dernières et les relations de parenté proprement dites, l’intensité régionale et locale de la « rumination » textuellement transmissible dont les « scripteurs »/exégètes se sont faits les vecteurs à travers les manuscrits de l’espace qui nous intéresse. Mais entrer dans le détail enchevêtré de ces réseaux nécessiterait un autre travail…
111. Handelsstädte, op. cit. Manuscrits de Mauritanie et échanges intellectuels en Afrique du Nord-Ouest
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CHAPITRE 12 Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti1 Marco Sassetti Résumé Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une approche longitudinale et horizontale sur l’évolution des manuscrits anciens de Chinguetti, les circonstances historiques de leur production et les termes passés, présents et futurs de leur conservation, en tenant compte des normes et protocoles qui s’adaptent le mieux aux circonstances géographiques, écologiques et phytosanitaires de la Mauritanie actuelle. Une analyse codicologique est proposée au lecteur, cependant que les fondations d’une codicologie transversale et holistique, menée selon les règles de l’art, sont posées. La mise en place de laboratoires expérimentaux de préservation, adoptant une stratégie préventive, est décrite dans le détail. Un cheminement alternatif pratique de conservation est également suggéré, comme piste d’action, pour l’avenir immédiat et lointain.
1. Cette étude est le fruit d’observations de terrain et de rapports administratifs et didactiques générés à travers un projet italien de conservation et de sauvegarde des manuscrits de Chinguetti et des villes historiques de la Mauritanie. Elle a été rédigée pour la première fois par l’auteur en 1998, puis révisée et mise à jour successivement en 2001, 2007, 2009 et finalement en 2012. Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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L
a sauvegarde des bibliothèques et des manuscrits du Sahara était l’un des plus importants projets d’Attilio Gaudio, ethnologue, explorateur, journaliste et écrivain, mort en 2002.2 L’idée naquit en octobre 1995, à l’occasion du 6e Entretien eurafricain du CIRSS (Centre international de recherches sahariennes et sahéliennes), dirigé par A. Gaudio, qui s’est tenu à Chinguetti – cité classée par l’Unesco, en 1996, sur la Liste du patrimoine mondial – avec pour but de sensibiliser les institutions internationales sur les anciens et précieux textes arabes présents dans les bibliothèques du Sahara et du Sahel. Sur invitation des autorités mauritaniennes, des spécialistes africains et européens y participèrent. Les actes du congrès ont été publiés par l’Institut international d’anthropologie de Paris. Après la disparition prématurée d’A. Gaudio, les contacts ont été maintenus avec les autorités locales qui, avec les familles propriétaires des bibliothèques, ont sollicité une intervention pour la solution du problème des manuscrits. La nécessité de sauver ces manuscrits de valeur inestimable, l’opportunité de produire de nouvelles sources de revenus pour la population et la décision de l’Union européenne de ne pas financer la réalisation du volet manuscrits du projet dévolu à Agriconsulting SpA (2001/2003), après une étude de faisabilité d’Africa ‘70 (1998), a favorisé la préparation de plusieurs projets. Ceci dans le but de créer et de développer un ou plusieurs laboratoires, pour faire, ainsi, revivre des formes d’artisanat traditionnel (travail de reliures en peau et calligraphie), en les appliquant à la fabrication d’étuis et de boites pour la protection des manuscrits de Chinguetti. Ce travail, qui a pu être étendu dans le reste du pays, donne une idée de l’ampleur de la diffusion des manuscrits dans l’ensemble mauritanien. Le flux commercial de la fabrication du papier importé et exporté par les zones de production du bassin de la Méditerranée, entre l’Europe, le Moyen-Orient et Afrique du Nord, a produit une circulation considérable de rames de papier occidental vers les ateliers du livre du monde arabe et de la zone du Sahara et du Sahel. Ainsi, sur toute la bande comprise entre la Mauritanie, le Mali et l’Egypte, l’art du manuscrit a 2. Attilio Gaudio, soixante-dix ans, fut victime d’un accident de voiture sur les routes d’Italie du Nord, le 12 juillet 2002. Journaliste et écrivain à la personnalité passionnante, il avait été grand reporter à l’agence de presse nationale italienne ANSA. Il était spécialisé, de longue date, dans les questions culturelles, économiques et scientifiques des pays du tiers-monde, de l’Asie et de l’Afrique.
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survécu jusqu’au milieu du XXe siècle, avec les mêmes méthodologies constructives médiévales. Des milliers de manuscrits inédits ou inconnus en Occident sont conservés encore, tant bien que mal, dans leur lieu d’origine. La plupart d’entre eux ont été écrits sur papier de fabrication européenne, surtout italienne et transportés du Maghreb, par des trafiquants et marchands arabes et européens, à travers les routes caravanières se dirigeant vers Tombouctou. L’importance des routes du commerce, pour la diffusion du matériel en papier durant tout le Moyen Age et l’époque moderne, réside en ce qu’elle a maintenu vivante la tradition du manuscrit de la culture du bassin de la Méditerranée, en favorisant les échanges et l’intégration culturels entre l’Occident chrétien et le monde araboislamique, deux des civilisations du livre. L’initiative proposée de sauvegarder les manuscrits de la Mauritanie, considérés comme objets matériels porteurs de texte, illustre l’unité et la diversité culturelles que l’édition, l’usage, le commerce et la collection du livre manuscrit ont générées à travers les civilisations du bassin méditerranéen jusqu’au XVIe siècle. Ces dernières ont essaimé dans l’espace soudano-sahélien, en se diversifiant en raison de la méthode même de production et de diffusion du mode de l’écrit, et avec l’avènement de l’imprimerie de Gutemberg, créatrice de l’opinion individuelle, comme le souligne Marshall Mc Luhan dans sa Galaxie Gutemberg3.
Bibliothèques en exil dans le désert La protection, la conservation et la restauration du patrimoine des manuscrits anciens des « bibliothèques du désert », que l’on est en train de mettre à jour en Mauritanie, au Mali et au Niger, constituent des moments extrêmement intéressants pour mieux évaluer la culture du désert mauritanien ainsi que la culture islamique. Ils offrent également une occasion unique pour entreprendre une étude de codicologie et de bibliologie, basée sur l’analyse de données fournies par cette véritable mine d’informations non contaminées, sur la fabrication matérielle du 3. Mc Luhan, Marshal, Gli strumenti del comunicare Milano, Il Saggiatore, 1999, et Galassia Gutemberg, Armando, Milano, 1976. Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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Photographie : M. Sassetti Figure 1 : Bibliothèque en exil dans la « périphérie » de Chinguetti, au niveau de la zone sablée, en 1998
manuscrit pris comme objet archéologique.Les conditions particulières d’isolement dans lesquelles, au cours des siècles, s’est maintenue cette collection de livres, en font aujourd’hui une véritable île codicologique conservée, du point de vue de la fabrication du livre, dans une situation semblable à celle du Moyen Age du livre pour ce qui est des procédés de création, c’est-à-dire jusqu’à l’introduction de l’imprimé. L’analyse de l’aspect archéologique du manuscrit, en même temps que l’étude paléographique et philologique des textes, est une occasion unique pour l’étude comparée de la formation et de la diffusion du code islamique ancien. On doit remarquer qu’au Moyen Age, le courant des échanges culturels, marchands et technologiques, était largement ouvert, y compris pour ce qui est de la fabrication artisanale du livre. C’est pourquoi, les contacts entre l’Occident et les régions musulmane et byzantine ont introduit d’importantes hybridations et acquisitions techniques de matériaux et de procédés provenant de cultures différentes. Comme on le sait, le papier et sa production ont été introduits par les pays arabes qui tenaient eux-mêmes de la Chine sa technique de fabrication ; les cuirs pour les reliures ont souvent été importés en Europe de la région maghrébine.
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La technique de la dorure du cuir au niveau des reliures des livres a été diffusée à travers les contacts commerciaux des vénitiens avec les arabes. Les reliures typiques en forme d’enveloppe des codes arabes ont été utilisées en Occident pour les grands volumes d’archives, alors que de nombreux types de couture des livres arabes se mêlent aux méthodes byzantines, coptes, arméniennes ainsi qu’à celles de la zone chrétienne limitrophe des pays musulmans.
Conserver l’objet, préserver le texte Au cours des procédures normales de conservation et de restauration, à savoir celles que l’on peut appliquer à des manuscrits présents depuis longtemps dans des institutions, collections ou bibliothèques, on a tendance à éliminer, de façon pondérée, toutes les sédimentations matérielles (surtout celles qui sont le fruit du hasard), pour ramener le manuscrit-objet à l’état le plus proche de son état original. Cette possibilité s’offre mieux encore, lorsque le livre-manuscrit est contemporain de la rédaction du texte, et, bien entendu, quand les conditions de conservation de l’objet le permettent. C’est que l’on suppose que les interventions occasionnelles effectuées au cours du temps sur les reliures ou le papier, par exemple, ne revêtent pas une importance particulière pour l’étude du manuscrit, puisqu’il existe un potentiel artisanal spécifique bien établi et actif dans la zone d’origine ou de séjour de ce dernier. Or, en raison de la nature itinérante des bibliothèques du désert et de l’absence évidente de la possibilité toujours assurée d’une intervention artisanale professionnelle sur le revêtement du livre (couverture et étuis), il est important de classer et de conserver toutes les interventions réalisées au cours du temps. La présence diffuse dans la zone du Sahara mauritanien, comme dans la région voisine du Sahel, d’énormes quantités de manuscrits araboislamiques, parfois recueillis récemment, dans des institutions, comme l’Institut mauritanien de recherches scientifiques (IMRS) de Nouakchott, l’Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba (IHERIAB) de Tombouctou, ou dans des institutions séculaires comme les mosquées ou les bibliothèques de familles anciennes et puissantes (Fondation Ehel Habott de Chinguetti, bibliothèque Cheikh Sidiyya à Boutilimit, bibliothèque Mamma Haïdara à Tombouctou) ou dans des gisements inconnus de manuscrits ensevelis dans des malles de cuir Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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et de bois au sein de tribus encore nomades ou semi-nomades, pose un ensemble de problèmes supposant la nécessité d’entamer une étude systématique et comparée – à des fins de conservation – qui souligne davantage les rapports entre les commanditaires et les centres de production et de commerce des manuscrits islamiques du XIIe au XIXe siècle. En effet, l’existence de bibliothèques solidement établies depuis un millénaire ou presque, implique, en résumé : • La présence de classes sociales de commanditaires, d’acheteurs et d’auteurs qui, parce qu’ils veulent étudier les œuvres d’autrui, produire leurs propres œuvres, jouir d’un prestige social ou religieux, ont accumulé des livres dans une situation sociale, culturelle et économique qui les rendaient nécessaires ; • La présence de centres bien implantés de production de livres, d’ateliers de copie et de fabrication de manuscrits où les commanditaires pouvaient s’approvisionner directement en livres, en passant commande à un auteur, mais aussi d’une enveloppe particulière du livre, ou encore, en faisant réaliser une copie professionnelle de leurs propres travaux ou de leurs propres exemplaires. Des études crédibles montrent que ces ateliers pouvaient, pour la plupart, être assez éloignés de la zone actuelle où se trouvent les manuscrits, du moins en ce qui concerne la fabrication des volumes des XVe, XVIe et XVIIe siècles. Il est sûr, en revanche, que de nombreuses copies de manuscrits plus anciens (encore existants ou dispersés) furent réalisées aux XVIIIe et XIXe siècles, y compris sur du papier d’importation égyptien ou italien, pour étudier et conserver le texte dans divers centres mauritaniens et maliens. Parallèlement à des livres d’importation provenant de zones traditionnelles de copie et de reliure du monde islamique oriental et occidental, il devait y avoir aussi, à l’évidence, des ateliers locaux, sans doute liés aux centres d’études les plus productifs et les plus fréquentés. Ce point ne sera définitivement éclairci, en ce qui concerne les aspects quantitatifs et qualitatifs, qu’avec une analyse comparée des caractéristiques intrinsèques (auteurs, textes, époque du texte et de la copie, éléments paléographiques), extrinsèques, bibliographiques et
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archéologiques des aspects matériels encore présents de nos jours sur le territoire. A cet effet, il est très important qu’une action énergique de sauvegarde et de recensement de l’état de conservation de tous les manuscrits du désert soit enclenchée, avec les instruments méthodologiques adéquats, de sorte que l’on puisse préserver le Nid (Niveau d’informations déductibles d’un objet manufacturé)4 concernant chaque manuscrit texte-objet. La raison en est que chaque composante matérielle d’un manuscrit peut aider, de manière déterminante, à reconstruire l’existence et la durée d’un texte particulier au cours d’une période historique donnée, ou bien son séjour géographique dans la mesure où l’histoire des technologies, comme celle des matières employées pour sa fabrication, permettent de mieux cerner la naissance et la vie d’un livre au sein d’ un système complexe de rapports entre de multiples savoirs d’ordre artisanal, commercial et culturel. En effet, pensons aux ressources et aux compétences nécessaires pour créer un manuscrit à l’époque médiévale (et, plus généralement, dans tout l’ancien monde classique, c’est-à-dire, l’Europe continentale, le Bassin méditerranéen, le Proche-Orient byzantin et Copte, et toute la zone sous influence musulmane par la suite). Pour produire des textes, il fallait, à chaque fois, un auteur d’une œuvre originale, d’un manuscrit archétype ou bien la copie d’un autre manuscrit à reproduire, ce qui supposait évidemment la collecte et le commerce de livres. Il fallait qu’existent aussi (pour le commerce et pour la production) des supports pour écrire, comme le parchemin et le papier, le tanneur de cuirs pour les reliures, le relieur qui devait savoir coudre les fascicules et qui, souvent, préparait lui-même ses instruments (aiguilles et fils de lin), le gaufreur de cuir pour la couverture. Celui-ci, à son tour, utilisait des poinçons de bronze, eux-mêmes fabriqués par des graveurs ou des fondeurs, apposés à chaud sur le cuir, avec ou sans dorures, ou bien remplissait le fond des dessins de mosaïques de cuirs polychromes, d’émaux ou d’or pur. Le copiste ou le calligraphe joignaient à la maîtrise et à la netteté de leur ductus (ou tracé) les connaissances techniques nécessaires pour 4.
Cf. C. Federici, L. Rossi, Manuale di conservazione e restauro del libro, Carocci, Roma, 1993. Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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se fabriquer, par des savoirs alchimiques, les encres dont le mélange influençait aussi l’aspect esthétique de l’écriture ainsi que des calames et des plumes taillées, à chaque fois, pour obtenir un style graphique particulier. Les enlumineurs devaient savoir fabriquer les couleurs à base de terre ou de sucs d’herbe, d’or en coquille ou en feuille, les liants et les fixatifs pour les pigments. Si on considère chaque étape, les compétences nécessaires à la fabrication de chaque livre, supposaient l’existence de technologies parallèles et accessoires, tour à tour propres à sa production ou empruntées à d’autres arts et métiers. Tout cela faisait du livre un objet technologique par excellence transmis de la culture qui le produisait à la civilisation évoluée qui l’utilisait. La manière dont sont fabriquées les matières premières, les techniques avec lesquelles on les emploie ainsi que les styles artisanaux et artistiques qui informent sur les phases de la construction du manuscrit, laissent nécessairement une trace dont l’intelligibilité au cours du temps dépend, bien sûr, du vieillissement et, donc de la détérioration subie par le produit manufacturé. Cela va de son Nid le plus élevé – qui coïncide avec le moment de sa fabrication – jusqu’à son point extrême le plus négatif, qui correspond au moment de sa destruction totale et irréversible. La courbe moyenne des informations déductibles que l’on peut décrire, à un moment particulier de l’histoire du document, sera stabilisée et corrigée par une intervention de conservation et de restauration. Celleci sera d’autant plus optimale qu’elle interviendra moins sur le Nid restant, et qu’elle sera à même de transmettre le document dans des conditions de dégradation intrinsèque naturelle (entropie) la plus proche possible de la situation constatée au moment de l’intervention même. On ne peut, tendanciellement, obtenir un tel résultat qu’en supposant, au moment de la restauration et de la mise en fiches destinées à la conservation préparant l’intervention, que l’on puisse tirer et connaître toutes les informations de type textuel, bibliologique et archéologique que le livre-objet est encore en état de fournir au moment où il entre en interaction avec l’acte de conservation. Il devient, donc, prioritaire de mettre au point un protocole d’intervention homogène, préalable à l’étude des textes, ainsi qu’à la conservation et à la restauration des
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manuscrits comme produits manufacturés. Ce protocole doit permettre à toute personne qui entreprend de recenser les connaissances sur l’objet d’établir un relevé du Nid n’omettant aucune description utile et, en même temps, de procéder facilement à une comparaison statistique des techniques et des matériaux utilisés pour la construction du livre. Un tel travail de mise en fiches devrait, en résumé et pour simplifier les choses, respecter le critère de codification réversible : les données relevées suivant le protocole devraient, une fois entrées, permettre à un opérateur étranger au relevé de reconstruire virtuellement le manuscrit en tant qu’objet et laisser le moins de place possible à l’interprétation personnelle. Plus cette reconstitution ressemblera à l’original, plus le protocole de description aura atteint son but. La situation socio-économique et géopolitique particulière des pays qui ont récemment découvert et valorisé cet immense et précieux patrimoine de livres manuscrits ne permettra pas, à court terme, le transfert sur place des solides méthodes de conservation et de restauration de l’ancien patrimoine sur papier que l’Europe, et particulièrement l’Italie, ont mises au point ces cent dernières années. Il y a encore trop à faire pour l’économie, la subsistance, les infrastructures pour qu’une telle éventualité fasse partie des préoccupations des sociétés de la région saharienne, sans parler des coûts nets de l’intervention qui restent un mirage pour nos propres économies. Par ailleurs, il faut organiser au plus vite une intervention qui permette à la partie la plus importante et la plus ancienne de ce patrimoine de survivre, en entamant un processus de connaissance capable de s’auto-alimenter au sein des classes cultivées et responsables de ces pays, avant que les facteurs de détérioration biochimique et physique ne compromettent définitivement la transmission des « bibliothèques du désert ». Pour intérioriser ce problème, il faudrait commencer par prendre conscience de la nature mortelle des manuscrits. Ils sont, en effet, totalement fabriqués avec des matériaux organiques végétaux et animaux, sucres, amidons, protéines qui, lors de la phase de préparation, sont entrés en contact avec des substances chimiques naturelles (ellesmêmes d’origine minérale) — pensons aux teneurs en minéraux des eaux utilisées pour les feuilles de papier, aux substances employées pour fabriquer le parchemin, au tannage des cuirs, à l’acide tannique, gallique, au sulfate de fer des encres, etc. Tous ces matériaux et substances sont, en fonction de leur pureté d’origine, destinés à Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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se dégrader plus ou moins soudainement, en fonction de facteurs environnementaux biophysiques favorables ou hostiles. Ces principes d’ordre général doivent donc être appliqués aux conditions spécifiques de chaque gisement de manuscrits sahariens et croisés avec les données relevables sur les mêmes types de matériaux conservés au cours des siècles dans des institutions, des bibliothèques européennes ou des bibliothèques solidement établies dans la zone d’Afrique du Nord (du Maroc à l’Egypte, jusqu’au Moyen-Orient persan). Il est, en outre, nécessaire de comparer la nature et la construction des matières premières des livres, de leur fabrication artisanale et artistique avec les informations que possèdent déjà les disciplines bibliographiques, codicologiques et paléographiques sur la fabrication et le commerce des manuscrits arabes à l’époque médiévale. Ces derniers, à partir du XVIe siècle, dans le sillage de l’humanisme, commencèrent à faire systématiquement partie des grandes bibliothèques publiques comme l’Ambrosienne de Milan, la Vaticane de Rome, la bibliothèque palatine de Parme, la Bibliothèque nationale de Paris, le British Museum, les bibliothèques d’Etat de Berlin et de Saint-Pétersbourg, la bibliothèque nationale de Vienne ; de leur côté, Tunis, Fez et le Caire abritent en Afrique une grande partie de ce qui a survécu des codes islamiques contenus dans les énormes bibliothèques médiévales arabes. Les points essentiels pour ces comparaisons peuvent être le texte, le papier et la reliure.
Le texte : nature, composition formelle et ordre généalogique Les manuscrits peuvent appartenir à une première génération (exemplaires et archétypes) d’où peuvent descendre, par copie exécutée dans des ateliers spécialisés, d’innombrables exemplaires identiques par leur contenu, mais différents par leur style de composition, suivant les exigences des commanditaires et celles du marché. On reconnaît, en général, ce type de manuscrit à l’excellence de sa facture : ductus recherché et canonique du point de vue calligraphique, organisation de la page, espaces entre les lignes, cadrage soigné du texte, présence d’ornements et d’enluminures polychromes, voire avec de l’or pur.
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Il peut aussi y avoir des copies personnelles pour avoir utilisé le texte, au sens culturel du terme : on économise le support écrit en utilisant intensivement la surface pour l’écriture qui s’étend jusqu’aux marges, le tracé est plus délié et plus personnel. Ces livres scolaires, sans valeur d’apparat, peuvent être des copies de manuscrits plus anciens, ou bien des textes originaux, autographes, des souches potentielles de futures copies d’atelier destinées à la diffusion et au commerce.
Circulation et typologies du papier C’est, pense-t-on, un ministre chinois, Ts’ai Lun, qui, en 123 av. J.-C., utilisa le premier des fibres végétales, encore en usage aujourd’hui en Extrême-Orient, pour former des feuilles de papier employées aussitôt pour écrire des idéogrammes. Cet art est resté secret jusqu’en 610, quand des envoyés du roi de Corée se rendirent expressément en Chine pour y apprendre les techniques du papier qui furent immédiatement introduites au Japon. Cet art passa, ensuite, en Occident et s’établit dans tous les pays d’Asie jusqu’à ce qu’en 751, à Samarkand, des prisonniers chinois des Abbassides commencèrent à fabriquer du papier en remplaçant les fibres végétales avec la fibre de chiffons de lin laissés à macérer. Ce fut le début du commerce du papier et de l’installation de papeteries qui, bien vite, passèrent au Moyen-Orient (Bagdad, 795) ainsi que dans la région de l’Afrique septentrionale. Le plus ancien manuscrit sur papier connu dans le monde islamique a été réalisé à Bagdad en 870. Jusqu’à la fin du XIIe siècle, entre l’Egypte et le Maroc, cette technique fut l’apanage des Arabes musulmans qui en affinèrent et en diversifièrent la fabrication. Ils l’introduisirent également en Espagne durant la Conquista. Une fois les Arabes repoussés, la migration des centres papetiers se poursuivit vers l’Italie que touchaient déjà les flux commerciaux du papier arabe (le plus ancien document sur papier en Europe, datant de 1109, se trouve à Palerme et est rédigé en grec et en arabe). Au cours du XIIIe siècle, la technologie novatrice inventée par les papetiers italiens se diffusa rapidement et domina le marché par sa qualité et sa quantité, pour pénétrer, au siècle suivant, dans toute l’Europe continentale. Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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Photographie : M. Sassetti Figure 2 : Manuscrit en papier style mauritanien, copie personnelle, avec une curieuse couture avec fil de laine bleue, méthode typique pour réparer le parchemin, enveloppé dans une bande de cuir brut.
A partir du XIVe siècle, les papeteries, italiennes principalement, commencèrent à exporter du papier de meilleure qualité vers l’Irak et l’Egypte et, plus généralement vers l’Empire ottoman. Les musulmans avaient des problèmes pour utiliser le papier produit en Occident, surtout quand, en filigrane, figuraient des symboles chrétiens, parfois la croix elle-même ou encore des figures humaines. Nombreuses furent les objections sur cette opportunité à tel point que le jurisconsulte, Abu Abdallah ibn Marzuq, érudit algérien, émit en 1149, une fatwa sur « l’opportunité d’écrire sur du papier chrétien ». Il résolut la question en établissant que la noble écriture arabe rendait invisibles ces signes infidèles, et que la parole sacrée d’Allah avait le pouvoir de transmuer la fausseté chrétienne en vérité. Pour identifier et dater le papier le plus ancien jusqu’au XIIe siècle, compte tenu de l’absence presque totale de sources, il convient de procéder à une analyse statistique effectuée sur des exemplaires, des procédés de fabrication, des matières premières et des instruments utilisés pour le produire. On pourra, ainsi définir, par comparaison et classement, le lieu et la technique de fabrication, la datation ainsi que
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les transformations et les influences typologiques advenues au cours du temps. C’est possible, synthétiquement, si l’on reconstitue la typologie des cadres pour former la feuille, les procédés d’utilisation, la matière première de la pâte à papier et la nature chimique de la colle employée pour que les faces de la feuille soient à même de recevoir l’encre de l’écriture. Schématiquement, il y a trois types de cadres à papier appelés formes : 1. La forme flottée avec tamis en tissu ; elle sert à fabriquer un papier à pâte homogène, dit vélin, portant les traces de la trame du tissu de la forme à peine visibles en transparence sur la seule face de contact du papier séché ; la feuille finie des papeteries arabes du Moyen-Orient était obtenue en collant les deux faces tramées de deux feuilles plus minces ; 2. La forme plongée à tamis souple composée de deux châssis superposables, dont l’un était limité par deux baguettes de bois mobiles avec un réseau constitué de petites tiges de bois et un autre composé d’une trame plus fine en fibre végétale (bambou) ; elle était en usage en Asie et en Extrême-Orient ; 3. La forme rigide, utilisée d’abord par les Arabes d’Occident (Maghreb), qui est ensuite passée en Espagne musulmane et a été perfectionnée en Italie ; elle comporte un châssis formé de deux ordres de fils disposés en réseau. On appelle pontuseaux les plus gros et moins nombreux, et vergeures les plus fins et les plus serrés. La pâte de cellulose à base de chiffons laisse, en séchant, des traces nettes de son contact avec le réseau métallique, traces visibles et mesurables. En 1280, en Italie, à Fabriano, outre la régularité de la trame, on introduit, pour la première fois, le filigrane, véritable marque de fabrique, constitué par un dessin formé dans la trame par un fil très fin. Ce type de papier occidental s’imposera sur les autres comme matière pour les livres en Europe. Elle pénétrera à nouveau l’islam à travers le commerce caravanier à partir du XVe siècle5. Le dernier changement servant à identifier le papier est le collage ; il est effectué avec de l’amidon de riz en Extrême-Orient et de l’amidon de blé 5. Bloom, Jonathan, Paper before Print, The History and Impact of Paper in the Islamic World, Yale, University Press, 2000. Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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Photographie : Sassetti Figure 3 : Manuscrit du XVe siècle écrit sur papier « Bombagina » et parchemin, endommagé par l’eau et dont l’encre est diluée
chez les Arabes et dans les pays islamisés occidentaux. En revanche, en Italie, vers le milieu du XIIIe siècle, on commence à utiliser la gélatine animale. Le papier arabo-occidental et mozarabe avec un tamis en fil se distingue du papier italien occidental par l’irrégularité de la trame et par la présence en islam espagnol d’un signe en zigzag parallèle aux pontuseaux.
La reliure : typologie de constructions, matériaux et décor Pour ce qui est des techniques de création des couvertures des livres, l’Occident doit également beaucoup à l’art et à la technique qui se sont développés dans les pays arabes musulmans. Ceux-ci réalisèrent des produits de grand prix dont les influences pénétrèrent en Europe par l’Espagne et l’Italie, surtout, durant la seconde moitié du XVe siècle. Ce n’est pas un hasard si cet art a fleuri et s’est diffusé, parallèlement à la migration des papeteries qui favorisèrent grandement la naissance d’ateliers, de livres, de bibliothèques ainsi que le commerce des livres.
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Photographie : Sassetti Figure 4 : Reliure en cuir avec le plat supérieur endommagé par les radiations solaires, le dos réparé en cuir rouge, tranchefile original, plat inférieur avec médaillon (plaquette réchauffée imprimée) et rabat avec titre manuscrit.
En tant que revêtement des cahiers manuscrits assemblés, la reliure devait avoir la double fonction de protection matérielle et de marque de préciosité de l’ouvrage. Les Arabes étaient passés maîtres dans la pratique du tannage des cuirs précieux qui, repoussés, gravés, estampés, teints et dorés avec art, tapissaient et recouvraient sacs et malles. La technique de la reliure, particulièrement florissante à Samarkand, migra et pénétra en Afrique du Nord et en Espagne musulmane, entre la fin du XIIIe siècle et le XVIe siècle. Dans chacune de ces zones, se développa un style de décor typique et différent. Au Moyen-Orient, il se mêlait à des modèles byzantins et, plus à l’ouest, à des techniques coptes et éthiopiennes. Les mêmes matériaux pour la couverture, la peau souple de chèvre rouge du Maroc, dite maroquin, et l’épaisse peau de bouc utilisée à Cordoue, passèrent, par la suite, sous ces noms en Occident pour désigner un style particulier de reliure. Outre la prépondérance de la couture sans support exécutée sur de simples chaînettes comme pour les modèles byzantins, les Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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caractéristiques de la fabrication des reliures islamiques sont les plats obtenus par la superposition d’innombrables feuilles de papier collées qui donnent un aspect souple, flexible et enveloppant au corps du livre. Un rabat fermant le volume sur le plat antérieur constituait une protection supplémentaire. Les reliures arabes sont intéressantes et innovantes, en raison des méthodes de décor adoptées, qui seront exportées vers l’Occident. Ainsi, les rehauts à la laque des creux sont obtenus par impression à froid, le gauffrage, l’utilisation d’or en poudre appliqué avec des liants et des fixatifs. Outre les plats extérieurs, les décorations se répètent souvent aussi sur les contreplats, à l’intérieur. Dans les plus anciens ateliers égyptiens et syriens, on avait l’habitude de réaliser un décor simple avec des poinçons appliqués à froid par une presse formant des lignes et des points dorés ou bien d’orner les reliures d’une rosace centrale encadrée aux coins de décorations dorées et entaillées. En revanche, les décors yéménites présentent de simples ordres de cadres inscrits, contrairement aux très riches reliures persanes chargées d’or et d’entailles, avec ornementation en tapis comportant une mandorle au centre et un fond orné de racèmes en arabesque. Durant tout le XVe siècle, les artisans arabes ont été les pionniers de l’art de la reliure dont les techniques d’ornementation passèrent ensuite en Italie pour s’y perfectionner (dorure à la feuille d’or à chaud), et se développer jusqu’à assurer la domination des produits italiens durant la Renaissance.
Contexte géographique La Mauritanie La république islamique de Mauritanie, située entre le 15e et le 27e degré de latitude nord et le 5e et le 17e degré de longitude ouest, occupe un territoire de 1 030 700 km² en Afrique de l’Ouest. Elle est limitrophe de la république du Sénégal au sud-ouest, du Mali au sud-est et à l’est, de l’Algérie au nord-est et du Sahara occidental au nord-ouest. A l’ouest, la Mauritanie est limitée par l’océan Atlantique et ses côtes s’étendent sur près de 600 km. Elle compte à peu près 2 500 000 habitants.
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Trait d’union entre l’Afrique noire et l’Afrique blanche, la Mauritanie est un lieu privilégié et contrasté de cohabitation entre Arabes et Noirs africains. Elle a joué un rôle important dans les échanges commerciaux transsahariens, avec la construction des cités caravanières. Quelques siècles avant l’hégire, des populations berbères se sont installées dans les régions de l’Ouest saharien et ont assuré les échanges entre l’Afrique du Nord et les principautés sahariennes d’Awdaghost, du Tekrour et du Ghana, leurs déplacements étant rendus possibles grâce au chameau. Histoire Au Xe siècle, les Almoravides rassemblent certaines tribus de l’Adrar et, au XIe siècle, créent au nord un empire maghrébin, occupent l’ouest du Maghreb et établissent au sud une domination berbère musulmane de courte durée. Dès le XIIe siècle, la Mauritanie méridionale devint une province extérieure des deux grands empires soudanais, le Mali et le Songoï. Les itinéraires entre le Niger et le Maghreb favorisèrent au XIVe siècle l’exploitation des salines de Teghaza et l’essor de la petite ville de Walata. D’autres villes, Chinguetti, Ouadane, se développèrent également. A partir du XVe siècle, l’histoire de la Mauritanie est marquée par deux faits d’une extrême importance : les progrès de la pénétration des tribus arabes Hassâni dont l’infiltration dans le pays a commencé vers 1400 et l’arrivée des Européens avec les premières tentatives de colonisation de la côte. Les tensions entre les tribus Bani Hassan et Lemtouna furent longues et vives et finirent par la victoire des premières. Un nouvel Etat mauritanien fut édifié, les Arabes Hassâni en furent les guerriers, tandis que les berbères Zouaya furent réduits aux activités pacifiques de la religion et du commerce. Une organisation régionale des tribus voit alors, progressivement, le jour et quatre grands émirats naquirent : Trarza, Brakna, Tagant et Adrar. Aux frontières méridionales, s’établirent des dominations musulmanes, comme l’Etat peul du Futaa Toro et, dans une moindre mesure, le royaume du Walo. En 1855, Faidherbe annexa les Oïl. Les tribus du Trarza et du Brakna étant rendues responsables de l’insécurité des relations sur le haut cours du fleuve Sénégal, la France en profita pour occuper la frontière avec la Mauritanie. Commença alors la période du protectorat français, imposé d’abord aux émirats du Trarza et du Brakna. Le Tagant, l’Adrar et le Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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Hodh furent occupés respectivement en 1903, 1908 et 1911. La liaison avec le Sahara algérien fut réalisée en 1920. La Mauritanie devint, cette année-là, une des colonies de l’Afrique occidentale française (AOF). La pénétration coloniale française fut farouchement combattue dès 1899 jusqu’en 1932. Le 28 novembre 1958, la république islamique de Mauritanie est proclamée. Le 22 mars 1959, la Mauritanie adopte sa première constitution avant d’acquérir, le 28 novembre 1960, son indépendance nationale. Aujourd’hui, la Mauritanie est divisée, au plan administratif, en 13 wilayas (régions), 53 moughataa (départements) et 216 communes. Les langues nationales sont l’arabe hassanya, le pulaar, le soninké, le wolof. La région des Oasis L’Adrar est un massif de près de 300 kilomètres de long dont on peut apercevoir les falaises depuis Atar. Le haut plateau est un chaos de pierres entrecoupé d’oueds ponctués d’oasis, comme El Abiod Timinit. Cette région du nord joue un rôle central dans l’histoire de la Mauritanie. Des villes, comme Chinguetti, Tichit et Wadane, ont été les principaux axes pour les échanges de marchandises aux XIIe et XIIIe siècles, lorsque toutes les cultures musulmanes et africaines se retrouvaient sur les pistes du Sahara (voir figure 5). Ces villes, bâties dans les déserts de Majabat El Koubra et d’Awker, étaient reliées par les grands xesa traversant l’erg Ouarane et l’Adrar, qui formaient des routes d’échange avec les pays acheteurs du Maghreb, d’Arabie et d’Afrique noire, le Nigéria, la Côte d’Ivoire, la Guinée… Ces villes n’étaient pas seulement des marchés pour l’or, les épices, les laines, les peaux, l’ivoire, les esclaves, les chameaux, les céréales, mais aussi pour les livres manuscrits, le papier et l’encre. Elles étaient, en effet, de véritables centres culturels et, avec leurs nombreuses mosquées et leurs bibliothèques remplies de manuscrits, elles constituaient un grand trésor culturel, des lieux de savoirs qui intéressaient et attiraient de nombreux étudiants, savants, intellectuels et théologiens musulmans du continent africain. Aujourd’hui, ces endroits ne sont que l’ombre de cette prospérité, en raison des récents changements climatiques. Le déclin des oasis
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et des nappes phréatiques ainsi que l’avancée du désert ont limité les ressources en eau pour l’agriculture, ressources qui faisaient la richesse de la région. L’Adrar est à présent plus désertique qu’il y a vingt ans. Les pistes des oasis traversant les territoires maures de Wadane et Walata ont constitué la seule et véritable épine dorsale du pays jusqu’au XIXe siècle : dans les nombreuses villes oasiennes semées le long de ces pistes, se déroulaient les activités économiques sédentaires, l’héliciculture et l’agriculture des palmeraies. Ces villes servaient de base matérielle aux tribus nomades et aux caravanes marchandes transsahariennes ainsi qu’aux fonctions religieuses, culturelles et administratives de la société locale. Ce système était très florissant pour les villes oasiennes ; elles pouvaient, en effet, compter sur un enrichissement de l’extérieur qu’elles complétaient par l’apport de richesses dérivées de la production locale fondée sur le métayage, l’esclavage ainsi que les redevances (horma) payées aux tribus arabes par les tributaires. Quant à la composante externe du revenu qui constituait l’économie de base proprement dite, elle provenait des droits de passage ou de protection (ghafr) imposés aux caravanes et aux tribus nomades qui traversaient les territoires, de la vente des biens et des services aux voyageurs ainsi que de l’activité marchande exercée pour le compte des hommes d’affaires du lieu, de pillages et des razzias exercés aux dépens des populations voisines.
Chinguetti Dans ce cadre, Chinguetti jouait avec Wadane le rôle typique de ville relais mais, à la différence de Wadane, grâce à ses importantes mahadras, Chinguetti faisait aussi fonction de capitale religieuse et culturelle de toute la région. L’ancienne ville de Chinguetti, fondée et construite en pierres sèches locales à la fin du XIIIe siècle et située à la limite des grands ergs sahariens, était considérée comme la septième ville sainte de l’islam, après la Mecque, Médine, Bagdad, Jérusalem, le Caire et Kairouan. Les pélerins de l’époque s’y regroupaient avant de prendre la route pour la Mecque.
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Photographie : Sassetti Figure 5 : Route de Chinguetti : érosion géologique
A partir du XIIIe siècle, Chinguetti s’affirme comme un important centre de commerce caravanier transsaharien et comme point de réunion et de départ du pèlerinage qui, chaque année, va du Sahel occidental à la Mecque. Sa primauté était si forte qu’elle a donné son nom à toute la région : l’ensemble des pays maures allant de Saguia el Hamra jusqu’à Tombouctou et jusqu’à la vallée du Sénégal sont connus à l’étranger et, en particulier au Moyen-Orient, comme les Bilâd Chinqît, le « Pays de Chinguetti ». Selon la tradition, la fondation de Chinguetti remonte à l’époque des Almoravides ; selon d’autres sources, elle daterait de quelques siècles après. L’opinion la plus répandue retient, cependant, la date de 660/1262. A partir du XVe siècle, les tribus arabes des Bani Hassâni se sont progressivement installées dans la région, entraînant ainsi le remplacement des langues berbères et azer par la langue hassâniya. Les classes ayant dominé jusqu’à nos jours, sont nées du croisement de ces tribus avec les populations berbères. La tradition attribue aux tribus maraboutiques des Idawa’li et Aghlâl le rôle de fondatrices de Chinguetti. La période florissante de Chinguetti va du XIIIe au XVIIIe siècle, lorsque la ville comptait grand nombre d’écoles et d’universités, avec des milliers de livres achetés ou rapportés lors des pèlerinages à la Mecque. La décadence de la ville commence au début du XIXe siècle, à la suite de la disparition du royaume du Ghana, du tarissement des
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produits à la base des trafics transsahariens (sel, esclaves, armes), des changements dans les techniques de transport, de la colonisation et des usages de la douane. Depuis lors, les éléments formant l’économie de base ont été si bouleversés qu’ils ont failli remettre en cause la survie même des villes oasiennes. La composante extérieure du revenu a pratiquement disparu : la substitution du commerce interafricain par le commerce extra-africain a provoqué la disparition de presque tout trafic transsaharien d’envergure, tandis que la fermeture des frontières à la suite de la formation des Etats indépendants et les conflits interrégionaux qui ont suivi, ont, à leur tour, provoqué une notable réduction de la transhumance.
Photographie : Sassetti Figure 6 : La Mosquée de Chinguetti
Chinguetti est aujourd’hui menacée par l’avancée des dunes de sable de l’erg Warane. Cette petite oasis est mondialement connue pour ses anciennes bibliothèques de manuscrits, sa mosquée et son minaret en pierre sèche du XIIIe siècle, déclarés patrimoine de l’humanité par l’Unesco. Engloutie une première fois, sous la dune au XIIe siècle, cette ancienne ville a pu compter au XIIIe siècle, jusqu’à 20 000 habitants. De nos jours, 1 500 Mauritaniens seulement habitent encore la ville. Actuellement, le paysage est celui d’une ville fantôme, avec de nombreux vestiges de mosquées, de bibliothèques de manuscrits, symbolisant l’heure Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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de gloire de la Mauritanie. Toutefois, ces sites sont magnifiques et incontournables, tant pour leurs paysages inimitables de massifs et de désert, que pour l’intérêt culturel qu’ils présentent. Vers 1920, les habitants ont, encore une fois, construit une nouvelle cité, vers l’ouest, de l’autre côté de l’oued Batha. La ville actuelle survit difficilement, grâce aux caravanes, au tourisme et aux puits profonds qui garantissent la pérennité de l’agriculture locale. Conditions climatiques Le climat de la Mauritanie est influencé par l’alizé maritime, l’alizé continental et par la mousson. Les influences océaniques partagent le pays en deux grandes régions : le Sahara et le Sahel, elles-mêmes subdivisées en deux zones, littorale et continentale. Le Sahara littoral, au nord de Nouakchott, est caractérisé par une humidité constante, de basses températures, des écarts diurnes et annuels faibles et des précipitations minimes qui atteignent leur maximum en automne. Le Sahara continental est caractérisé par des territoires desséchés et réchauffés par l’alizé maritime et par l’alizé continental. Il connaît des écarts considérables de températures, diurnes et annuelles, une sécheresse extrême de l’air et des pluies très faibles voire insignifiantes, en raison des températures élevées et des taux d’évaporation qui s’ensuivent. C’est donc la région de Mauritanie au climat le plus aride. Le Sahel littoral doit, lui aussi, à l’alizé maritime ses principales caractéristiques climatiques : humidité constante, fraîcheur et faibles écarts de température et, l’été, les précipitations de la mousson. Le climat du Sahel continental est plus contrasté et s’y alternent une saison sèche et une saison des pluies. Les températures sont élevées avec de forts écarts, surtout dans la dépression du Hodh. Elles baissent un peu au milieu de la saison des pluies. Seule la partie méridionale, à cause de la présence prolongée de la mousson, bénéficie de précipitations importantes et d’une période n’excédant pas quatre mois qui, ici, peut être considérée comme humide. Les problèmes de l’évolution du climat et, en particulier, la diminution des précipitations, ainsi que le réchauffement continu de la planète constaté ces dernières années relient directement les changements
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climatiques à la pauvreté, qui, à son tour provoque l’exode rural et ouvre la voie aux migrations intérieure et extérieure. La sécheresse qui a touché le Sahel ces dernières décennies a bouleversé le produit intérieur du pays : on estime la perte du bétail à 75% pour les bovins, 20% pour les chameaux et 30% pour les chèvres et les brebis, ce qui a provoqué la sédentarisation presque totale de la population nomade ainsi que les déplacements des circuits de transhumance dans les pays du Sud. Le résultat le plus spectaculaire de tous ces bouleversements est la marginalisation la plus complète des villes oasiennes. Durant ces dernières années, un processus de transformation de la société et de l’économie mauritaniennes est en cours et les anciens centres de l’activité économique, religieuse et politique du pays de l’intérieur, situés le long des pistes oasiennes reliant Chinguetti au Soudan (Mali), se sont désormais déplacés vers les côtes. En particulier, depuis sa fondation, Nouakchott, la capitale, qui est sur le point d’exploser, est passée de 5 000 habitants en 1960, date de son indépendance, à un nombre d’habitants oscillant entre 800 000 et 1 000 000 de nos jours. Climat de Chinguetti Le climat de l’Adrar est de type saharien aride, ce qui signifie par rapport au climat que nous connaissons sous nos latitudes un ensoleillement et une luminosité considérables ; une pluviosité très faible et très irrégulière ; des températures diurnes douces à très chaudes ; un vent régulier. De novembre à février, la température atteint 20° à 35 °C dans la journée, mais les nuits sont fraîches (5° à 10°C), sinon froides (0°C). Entre octobre et mars, il fait un peu plus chaud, mais le climat sec rend les températures supportables. Les nuits sont, cependant, encore fraîches (10° à 15°C). Le mois d’avril est le plus chaud. Dans le désert, les températures atteignent 43° à 45°C. Les précipitations moyennes de janvier à juin vont de 0 ml en avril à 1 à 2 ml les autres mois. De juillet à octobre, c’est la saison des pluies avec des averses de 4 à 8 ml, avec des pointes de 16 à 17 ml entre août et septembre. En décembre, les pluies reviennent à des minima de 2 ml.
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Le contexte de la conservation C’est dans un tel contexte que se place le problème de la conservation de l’héritage culturel écrit de la Mauritanie. En effet, le flux commercial de la fabrication du papier, importé et exporté depuis les zones de production dans le bassin méditerranéen, entre Europe, Moyen-Orient et Afrique, a entraîné une importante circulation de rames de papier occidental vers les ateliers de livres arabes et de la région du Sahara et du Sahel. C’est ce qui a permis à l’art du manuscrit de survivre jusqu’à l’aube du XXe siècle, selon des méthodes de construction médiévales dans toute la bande située entre la Mauritanie, le Mali et l’Egypte. Des milliers de manuscrits inédits ou inconnus en Occident dorment encore dans leur région d’origine. Grand nombre d’entre eux ont été écrits sur du papier fabriqué en Europe, particulièrement en Italie, après avoir été apporté au Maghreb sur les chemins caravaniers menant à Tombouctou par les trafiquants et les marchands arabes et européens. L’importance des trafics commerciaux, pour la diffusion du papier durant tout le Moyen Age et à l’époque moderne, a maintenu la tradition des manuscrits propres à la culture du Bassin méditerranéen et favorisé les échanges et l’intégration culturelle entre l’Occident chrétien et le monde arabe et musulman, l’une et l’autre civilisations du livre. L’initiative que nous proposons pour la sauvegarde des manuscrits de Mauritanie, manuscrits vus comme objets porteurs de textes, montrerait la grande unité culturelle créée par l’édition, l’usage, le commerce, la collection du livre manuscrit dans les civilisations du bassin méditerranéen jusqu’à la fin du XVe siècle. Elle s’est diversifiée, ensuite, en raison de la méthode dont l’écrit à été produit et diffusé, c’est-à-dire l’avènement de l’imprimerie de Gutenberg qui a créé et renforcé le point de vue individuel comme l’a montré Mc Luhan dans La galaxie Gutenberg. Ces manuscrits ou, plutôt, ces livres-objets, exception faite des vestiges datant du paléolithique et du néolithique, sont les plus anciens produits manufacturés de l’oasis de Chinguetti et ce, grâce aux plus anciennes familles qui, au cours du dernier millénaire, les ont acquis, collectionnés, étudiés, copiés et fabriqués. Elles les ont achetés dans les ateliers de livres de toutes les régions sous influence arabe, de l’Egypte
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à l’Espagne, ou bien les ont édités en style mauritanien, au sein de leurs propres universités du sable, très souvent sur papier de fabrication italienne. En préambule à cette analyse, il est bon de rappeler que la notion moderne de bien culturel a acquis une dimension plus large, déplaçant, ainsi, l’attention portée à un nombre limité de monuments-objets (les fameux trésors de l’art) vers une série de documents-objets, beaucoup plus vaste et riche de signification. C’est cette notion qui fait d’un bien culturel, aussi lié soit-il à son contexte d’origine, une réelle propriété commune de l’humanité. Cadre juridique et institutionnel Dans les années 80, l’Unesco a déclaré patrimoine de l’humanité les quatre cités de pierre du Sahara mauritanien avec leur patrimoine architectural et culturel : Chinguetti, Wadane, Tichit et Walata. L’attribution d’un statut juridique au bien culturel aux niveaux international et national permet de convertir ces concepts en actions de sauvegarde. Et ce, grâce à l’existence en Mauritanie, de lois de tutelle pour les biens culturels, en vigueur depuis des décennies, en particulier, la loi 72/160 sur les manuscrits et l’arrêté 00589/95 pour l’ensemble des quatre cités de pierre. Aux côtés de l’Unesco, l’ALESCO, agence spécialisée dans la culture arabe, a lancé de nombreux appels pour la protection de ce patrimoine. Initiatives locales Outre la promulgation de ces lois et l’existence d’un ministère de la Culture, en 1974, le gouvernement de la Mauritanie a expressément créé l’IMRS ainsi que l’agence FNSVA (Fondation nationale pour la sauvegarde des cités anciennes). Mais, bien qu’il souhaite et défende ardemment toutes les initiatives internationales dans ce domaine, il ne possède pas les fonds nécessaires pour entreprendre une énergique campagne de sauvegarde du patrimoine des manuscrits, même s’il a déjà rassemblé 10 000 manuscrits de production mauritanienne, à Nouakchott.
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Il est important de signaler, au passage, les sérieuses erreurs méthodologiques qui ont conduit l’IMRS, à faire restaurer une dizaine de manuscrits de valeur par le truchement de l’assistance technique espagnole qui, à notre avis, a conduit à la destruction du Nid de ces manuscrits, en raison de l’application de la technique de lamination des pages, suivant le principe « page plastifiée = texte sauvé ». L’utilisation des techniques du manuscrit comme unique méthode d’édition a perduré en Mauritanie jusque dans les années 1920-1930 pour, à la fois, transmettre la tradition manufacturière d’origine médiévale et enregistrer la pensée, orale et écrite. Car le livre manuscrit est un objet technologique, par excellence, et la culture, qui le produit et l’utilise, est l’expression d’une civilisation avancée. Quant aux actions de sauvegarde menées sur initiative privée, il faut signaler la présence à Chinguetti de la Fondation Ehel Ould Habott. Il s’agit d’une bibliothèque créée à la fin du XVIIIe siècle, et « ouverte à tous ceux qui recherchent le savoir ». Elle contient 1 400 manuscrits environ et conserve des exemplaires uniques. C’est la plus importante et la plus riche bibliothèque privée de Mauritanie, sous convention pour 99 ans avec la FNSVA. Son propriétaire actuel, Sid’Ahamed Ould Habott, est également le président de l’association Nahda (Renaissance) qui réunit les propriétaires de manuscrits.
Contenu et conditions actuelles des manuscrits de Chinguetti Le Niger, le Sénégal, le Mali et la Mauritanie détiennent 90% des manuscrits de l’Afrique francophone occidentale. Les caractéristiques et le contenu spécifique des manuscrits mauritaniens varient beaucoup, allant d’œuvres volumineuses en plusieurs tomes au simple fascicule in 4°, style pièce d’archive. La majorité des manuscrits subsahariens est écrite en langue arabe ou bien rédigée en alphabet arabe dans les langues soudanaises : bamana, jula, soninké, sonhray, wolof, pular et hausa. Dans ces pays musulmans, des générations d’érudits ont transmis ce patrimoine de livres manuscrits en les achetant ou en les produisant eux-mêmes, vu que les tribus nomades de Mauritanie ne comptant pas seulement de riches commerçants, mais aussi des hommes de lettres.
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Actuellement, il y a au moins 300 bibliothèques appartenant aux familles, aux clans ou aux tribus. La quasi totalité de ces manuscrits appartient à la population pulaar, mais les Soninkés et les Wolofs en possèdent également. A l’IMRS, 10 000 manuscrits au moins ont été regroupés, alors que l’Institut scientifique d’études et de recherches sur l’islam (ISERI) en a acheté 400, au moins. Quelques 80 000 manuscrits sont, semble-til, encore dans les bibliothèques privées mauritaniennes. La moitié des auteurs de ces derniers manuscrits sont mauritaniens. Il s’agit d’anthologies en arabe classique ou en arabe mauritanien vulgaire, c’est-à-dire hassâniya, nawazel, fatawa, de chroniques, de traités scientifiques et de techniques traditionnelles locales, de monographies tribales, de biographies, rihal, de correspondances, de jugements de cadis, de testaments, etc. Il existe aussi des milliers de manuscrits d’archives, concernant des transactions commerciales et bancaires, des reconnaissances de prêts, des actes de vente, des contrats. Parmi les manuscrits les plus importants en Mauritanie, le plus ancien est le Siyasse ew el Ichara fi Tedbiri el Imara écrit par l’imam al Hadrami, conseiller du calife almoravide mort à Azougui en l’an 489 de l’hégire, portant sur la méthode politique exposée par Al Bakri ibn Al Hassan Al Mouradi Al Hadrami, traité de machiavélisme avant Machiavel, et publié en arabe au Maroc, en 1981. Autre auteur, le cheik Mohamed al Yedaly 1096 H/1685-1166 H/1753 qui a écrit trois traités sur l’histoire de l’Emirat de Trarza, à la frontière du Sénégal. Ces manuscrits ont été publiés en français, en 1911 et en 1990, sous le titre Chroniques de la Mauritanie sénégalaise. Les documents concernant l’histoire de la Mauritanie sont plus facilement conservés dans les chroniques des mosquées. On connaît bien celles de Néma de Walata, annotées et traduites par Paul Marty, ainsi que celle de Tichitt avec notes et traduction de Vincent Monteil. Toutes trois ont été publiées dans la Revue des études islamiques. Le recueil de biographies le plus remarquable est Fath Choukour fi tarjameti Oudebaa Tekrour de Mohamed ibn el Benani el Bertely de Walata, mort en 1805, où l’auteur présente plus de 200 personnes ayant vécu entre 1650 et 1800. Il y a également d’innombrables récits Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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de voyage à la Mecque. Le plus célèbre a été rédigé par Taleb Ahmed ould Toueir al Jenna de Wadane (mort en 1265H, 1849), et publié en anglais en 1977 par Norris qui a utilisé le manuscrit 2722 de l’IMRS. La chronique a été éditée au Maroc en 1995 dans sa version originale. Le public a toujours beaucoup collectionné et demandé les manuscrits d’anthologies poétiques. Il s’agit des louanges du prophète, le Medh, d’odes d’amour courtois ou de la complainte de l’exilé, mais aussi de compositions sur la grammaire, le droit islamique ou la médecine traditionnelle. Sidi Abdoullah ibn Maham el Alawi (Chinguetti, 1060-1144 H), est le plus ancien poète dont on ait conservé les œuvres manuscrites, dont le recueil le Diwan publié en 1886, les traités de médecine traditionnelle de Aoufa Ould Abou Bekrin Ould Etfagha Massar, 1780-1850, composés en 1 182 vers, traduits et publiés en 1943 dans le Bulletin de l’Institut français d’Afrique noire sont également célèbres. Une grande partie des manuscrits mauritaniens écrits ou commentés sur place traitent de sujets strictement religieux : sciences du Coran, copies de livres saints, exégèses des écritures, etc., traditions du prophète (hadith, proprement dits), biographies du prophète, figh, particulièrement nawazel, fatwa sur la jurisprudence mauritanienne et traités de malékisme, etc.
Propriété et détention privée des fonds Avant la création de l’IMRS, puis de l’ISERI, les collections publiques se limitaient aux awghaf des mosquées et aux petites bibliothèques des localités coloniales. Les collections typiques sont celles du type patrimoine familial qui sont une marque de noblesse, un blason pour la famille, le clan ou la tribu. L’accès en est réservé, excluant, notamment, les inconnus. En Mauritanie, la masse des manuscrits dépasse en quantité et en importance celle des autres pays du Sahel et un travail d’identification et de sauvegarde a été entrepris par des chercheurs et des spécialistes mauritaniens et étrangers.
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L’IMRS est chargé, depuis 1974, du catalogage des manuscrits, de leur micro-filmage et de leur valorisation. Entre 1978 et 2000, l’IMRS a pu acquérir 8 000 manuscrits et en a catalogué 250 entre 1990 et 1994, grâce à un financement espagnol. Avec l’aide de la république fédérale d’Allemagne, il a réalisé le micro-filmage de 2 500 manuscrits et le micro-fichage de 150 autres. Grâce aux financements français, publics et privés, l’IMRS a inventorié 1 200 manuscrits au Tagant et 2 000 en Assaba. Depuis 2002, en Adrar, le catalogage de 4 000 autres manuscrits de Chinguetti et de Wadane est en cours. L’IMRS a, également, bénéficié d’aides ponctuelles de l’Unesco et d’une fondation islamique de Londres, Al Furqan Islamic Heritage, pour différentes actions. Les propriétaires des bibliothèques sont de plus en plus actifs, conscients de l’importance de leurs manuscrits. Depuis 1980, d’importantes bibliothèques traditionnelles ont été réhabilitées (la Fondation Cheik Mohamed el Mamy à Nouakchott, la bibliothèque Eh Habott à Chinguetti, la Zaouiya de Sidi Abdoullah Ould Hadj Brahim à Tid jikja, la bibliothèque Ehl Taleb Mohamed à Tidjikdja, la bibliothèque de Ehl Abd El Moumen à Tichit et la bibliothèque de Haroun Ould Sceicco Sidiya à Boutilimit. En 2000, une association nationale, Nahda, chargée de traiter avec le gouvernement et les autres partenaires, a été créée. En 1994, le spécialiste allemand, Ulrick Rebstock, en collaboration avec Ahmed Ould Mohamed Yahya, responsable du département des manuscrits à l’IMRS, a publié pour la Fondation Al Furqan un catalogue intitulé Islamic manuscripts of Shinqit and Wadan comportant la description de 1 406 manuscrits établis selon les règles internationales. Dans le Volume IV of World Survey of Islamic manuscripts, Al Furqan a, également, répertorié 2239 manuscrits de 96 bibliothèques, provenant de 13 localités.
Manuscrits de Mauritanie : perspectives actuelles Les perspectives de sauvegarde ne pourront se développer sans une politique claire, programmée et réaliste de conservation et de valorisation des manuscrits.
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Il faut, par conséquent, faire un bilan des différentes actions menées, établir un plan programmé de ce qui reste à faire, créer un cadre juridique et une législation interne pour mettre en place des conventions avec les porteurs d’initiatives scientifiques et commencer à former du personnel, en fournissant une formation théorique et pratique pour la gestion des bibliothèques. Le ministère de la Culture et des affaires islamiques a défini une stratégie quinquennale d’action culturelle (1997-2001)6 en matière de manuscrits de la manière suivante : conservation des manuscrits dans leurs lieux d’origine ou près de leurs propriétaires ; publication de textes dont l’originalité est reconnue ; soutien aux bibliothèques privées ; création de centres de regroupement de manuscrits dans les villes et les villages de l’intérieur ; mise à disposition des manuscrits pour les scientifiques ; création de laboratoires de restauration. La ville de Chinguetti a été au centre d’un mouvement qui a créé des dizaines d’universités nomades, mahadrah ou écoles supérieures, donnant une formation à travers l’étude des manuscrits. Des générations de savants de toutes les ethnies du Sahel et du Sahara, Mori, Halpulaar, Soninkés, Wolofs, Sonrai, s’y sont rendus. On retrouve cette formation de type encyclopédique dans les livres manuscrits, établis par des auteurs mauritaniens, ou copiés sur des œuvres d’autres savants musulmans, arabes, berbères, noirs, persans, turcs ou encore chrétiens arabophones (coptes et maronites) et juifs du Liban et d’Espagne. Une grande partie de ces manuscrits est calligraphiée en style maghrébin et mauritanien, souvent avec des annotations en couleur dans les marges. Couvrant tous les genres, sacrés et profanes, ils sont écrits à la main avec un calame en roseau épais, à l’encre noire (mélange de charbon et de gomme arabique) qui peut aussi être de type occidental (à base d’acide ferrogallique). Ils comportent des corrections ou des annotations en marge à l’encre rouge pour les exégèses.
6. Source de ces informations : S.E Mohamed-Saïd Ould Hamody, ancien ambassadeur de la république islamique de Mauritanie.
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Les données des missions 1995 -1998 Pendant la mission effectuée à Chinguetti, du 9 au 19 juin 19987, 15 bibliothèques de manuscrits ont été visitées. Elles se trouvent dans la vieille ville8. Il y a, en outre, les bibliothèques non répertoriées dans le rapport de l’Unesco de 1996, Ahl Benani et Ould Weanan. La mission a eu lieu à la suite des réunions avec les responsables des bibliothèques qui se sont constitués en association. L’expertise a permis d’effectuer une première analyse des caractéristiques matérielles des manuscrits : âge, filigrane, couvertures, reliures, état, problèmes de conservation du papier et des encres, caractéristiques calligraphiques, avec un relevé photographique de chaque fonds et un diagnostic statistique de la typologie des ouvrages. Des contacts avec les détenteurs des fonds ont été établis afin d’envisager une collaboration active, compte tenu de l’existence d’un patrimoine si vaste ayant une valeur inestimable pour l’humanité, que les soins des propriétaires et les conditions climatiques favorables ont conservé intact jusqu’à nos jours. En effet, la mission d’étude est parvenue à la conclusion que les propriétaires des bibliothèques considèrent le patrimoine des manuscrits comme un bien, à la fois, privé et public, dépositaire de l’identité de la communauté. A cet égard, ils se considèrent comme chargés de la sauvegarde de ces biens, à la fois, objets et gardiens du patrimoine culturel traditionnel. Dans les 15 bibliothèques dénombrées, le nombre de manuscrits enregistrés varie de 1 400 à quelques dizaines d’exemplaires.
7. Les données et les réflexions qui suivent sont le résultat des missions effectuées en 1995 et en 1998 par l’auteur, confrontées aux données relevées par le CIRSS ainsi que par la mission de l’Unesco de 1996 (Cf. chapitre projets). 8. Ce sont les bibliothèques : Ahl Habott ; Ahl Hamoni, descendants de Cheik Ould Hamoní ; bibliothèque installée depuis 1990 dans une vieille demeure qui abrite également un musée ethnographique ; Ahl Ahmed Cherif, la collection a été séparée de la collection Ahl Hamoni en 1996 ; Ahl Tolba, collection familiale déposée dans les zawiyas Cheik Mohamed Avere-Hafiz ; Ahl Sebti, Ahmed Sebti, héritier de la bibliothèque de son oncle ; Ahl Ahmed Mahmoud ; Ould Didi ; Ahl Oudaa, bibliothèque familiale constituée en 214 de l’hégire et restée depuis lors dans la famille ; Abd el Hamidi ; Self El Islam ; Ould Mohamed Saleh el-Hanichi ; Ahl Karchi ; Ould Dahane ; Ahl Ahmed Kalife. Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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Photographie : Sassetti Figure 7 : Devant la Fondation Sidi Mohamed Ould Habot, Chinguetti, durant le VIIe colloque eurafricain du CIRSS en 1995
En 1998, quatre nouveaux propriétaires inconnus de l’Unesco ont été découverts. On peut évaluer le nombre global des manuscrits à trois ou quatre mille environ. Plus particulièrement, les manuscrits de la bibliothèque Habott sont conservés à la Fondation Ehel Habott de Chinguetti, considérés comme un héritage de la mémoire collective, témoignages écrits de la culture de la région saharienne. Dans certains locaux, autour de la mosquée, on a installé une salle-bibliothèque pour conserver les anciens manuscrits, propriété depuis des siècles de la famille maure des Hamed Habott qui ont joué un rôle essentiel dans la diffusion de la pensée islamique au Sahara et au Sahel, à l’époque médiévale. Le mérite d’avoir rassemblé et catalogué ce patrimoine inestimable revient à Sidi Mohamed Ould Habott Al-Kebi né en 1748 de l’ère chrétienne. Formé par son père, le jeune Sidi Mohamed a appris bien vite tous les secrets des manuscrits dans toutes les disciplines connues. Il est ainsi devenu un grand érudit, et, l’une des figures intellectuelles dominantes de l’Adrar mauritanien. A sa mort, en 1869, il a laissé 1 400 manuscrits et disposé que la bibliothèque ne quitte jamais Chinguetti et reste ouverte à tous ceux qui « sont à la recherche du savoir ».
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En 1813, Ahmed Ould Sidi Mohamed qui assurait l’ouverture de la bibliothèque, porta le nombre des manuscrits de 1 400 à 3 000. Malheureusement, vers la fin du XIXe siècle, la famille Habott s’effondra et une partie des textes fut dispersée. En 1986, par la volonté des descendants du grand Sidi Al-Kebir, a été créée la fondation portant son nom, afin de conserver le patrimoine qu’il avait laissé. Aujourd’hui, la bibbliothèque compte 1 500 ouvrages environ. De nombreux volumes de la bibliothèque de Ahel Habott portent la mention : acheté à la Mecque, au Caire, etc., le jour ou le mois X par Sidi Mohammet Ould Habott ou par son fils Ahmed. 240 de ces ouvrages originaux sont dus à des érudits maures de Wadane, Walata, Tichitt, Atar, du Trarza et du Tagant. A Chinguetti et dans d’autres villes du Bilad Chinguetti, comme Wadane, Walata, Tichit, Tindouf, Tombouctou, Touat, etc., des milliers de livres ont été écrits. On trouve aussi des livres ramenés de pèlerinages à Fez, au Caire, à Kairouan, à la Mecque, à Constantinople, Damas, Bagdad, Jérusalem, Ispahan. De nos jours, rien qu’à Chinguetti, se trouvent 3 500 ouvrages dont 1 150 appartiennent à la famille Ehel Habott. Pour un spécialiste de Chinguetti, les textes les plus significatifs et les plus vénérés sont deux Corans : le Coran enluminé de Muhamed B. Abu-L-Qayyim Al-Qawwal Al-Tabrizi, actuellement, en Azerbaïdjan iranien, connu sous le nom de Bu-Ayn Safara (Livre du cercle jaune), en raison du cercle d’or pur ornant la première page, et sur lequel le vieux cadi (juge) de Chinguetti faisait prêter serment aux témoins. Le second Coran est remarquable en raison de sa reliure formée par une double couverture en cuir. La tradition veut que Al-Sayh Ould Habott y ait caché des morceaux d’or par peur des brigands durant les deux ou trois ans de son pèlerinage à la Mecque. La reliure porte encore l’empreinte de ces morceaux de métal gravés dans le cuir. Un inventaire des bibliothèques privées de Chinguetti a été publié par Mokhtar Ould Hamidoun, qui les a visitées en 1949. Comme le remarquait cet érudit mauritanien, ces bibliothèques sont, en général, mal surveillées par les particuliers, et de nombreux ouvrages sont déchirés ou rongés par les termites mais, comme dans toute bibliothèque du désert, on y conserve des manuscrit rares. Le plus ancien est un texte de théologie composé par Ebi Hilal el-Askeri et écrit de sa main en 480 de l’hégire. Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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Du point de vue de l’écriture, on peut distinguer un genre maure, un genre égyptien (les textes faisant partie de ce dernier ont, pour la plupart, été écrits en Egypte, en Syrie et, peut-être, en Turquie) et un genre propre au Maghreb : Maroc, Algérie et Tunisie. Sultans et zawiyas marocains enrichissaient les bibliothèques maures de livres qu’ils offraient à leurs hôtes. Le célèbre poète-cadi Ould Razga, conseiller de l’émir Ali Chandorah qu’il accompagna à Mekhnès, apporta avec lui 400 ouvrages, cadeau du sultan Moulay Ismail. Les livres de la période allant du XVe au XVIIIe siècle ont souvent été écrits sur du papier d’origine occidentale et même avec des filigranes italiens comportant une iconographie souvent inspirée de la croix et de symboles chrétiens. On connaît l’emplacement de ces bibliothèques sur le plan de l’ancienne ville, ainsi que le nom de leurs propriétaires.9
Valeur des bibliothèques pour les lignées de Chinguetti Son antique prestige culturel et religieux fait la célébrité de Chinguetti dans le monde musulman. Les bibliothèques et les manuscrits rescapés sont le témoignage de l’antiquité et de la vitalité de Chinguetti, étape sur la route des caravanes passant par Tombouctou vers le Mali. Les propriétaires, membres importants des familles déployées sur tout le territoire, sont fortement convaincus de l’importance de la sauvegarde de leur patrimoine de livres. Ils se considèrent comme des dépositaires à l’égard de leurs aïeux et comme les gardiens de la tradition envers leurs descendants. En effet, les cas de vente de livres sont rares, malgré les conditions économiques généralement défavorables. En fin de compte, l’attention qu’ils leur portent a rendu possible l’existence actuelle de 4 000 manuscrits pour une population d’un millier d’habitants, avec 18 bibliothèques et une fondation publique ! L’état actuel de dégradation totale du tissu économique traditionnel, conséquence de l’arrêt des courants commerciaux traditionnels et du fléau de la sécheresse, a porté la vie de Chinguetti et celle de son patrimoine jusqu’à un dangereux point de rupture. La plupart des propriétaires ne pourront plus longtemps conserver, comme il se doit, 9. Données relatives à l’année 2000.
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les manuscrits par manque de ressources économiques, de capacités techniques et de compétences.
Situation environnementale et examen des dommages La sécheresse des conditions climatiques du desert du Sahara, où les manuscrits ont été trouvés, a paradoxalement contribué à leur survie. Le climat désertique a permis que les manuscrits rescapés se conservent ; ce qui aurait été impensable dans un climat tempéré et plus humide, surtout pour les œuvres les plus anciennes calligraphiées sur du papier dit de bombagina en fibre de coton et de lin. L’absence de variations notables de l’humidité relative a réduit la dégradation chimique et biologique du papier. La manipulation continue et l’étude des textes a prévenu l’attaque des insectes. Les dommages les plus graves, dus, entre autres, aux encres, sont la conséquence d’événements exceptionnels, comme les inondations soudaines provoquées par le régime des pluies en milieu désertique et nomade. Ces accidents ont été limités par le retour subit à la situation
Photographie : Sassetti Figure 8 : Manuscrit de géométrie et algèbre, encre acide, taches d’humidité avec encre diluée par l’action de l’eau Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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Photographie : Sassetti Figure 9 : Manuscrit avec encre acide, « cursus » rongé par l’acide, marge avec glose coupé
normale de sécheresse caractérisant le climat local. De façon générale, cela signifie que la création de climats artificiels, selon les standards européens (climat tempéré), non seulement, n’est pas nécessaire, mais pourrait nuire à la bonne conservation des manuscrits. La matière organique qui les compose s’est, en effet, désormais adaptée au cours des siècles aux conditions climatiques. L’action de conservation à effectuer devra tendre à contrôler et à maintenir un équilibre d’inertie thermique assurée par les bâtiments (bibliothèque-laboratoire). Les dégâts majeurs constatés sur les manuscrits sont de nature mécanique suite à la manipulation qui a réduit le format des fascicules et du papier, arrondi les coins, fragmenté les marges, provoqué déchirures et lacunes. En revanche, il existe un grand danger d’ordre chimique dû au papier vélin de fabrication arabe ainsi qu’au papier de la fin des XVe et XIXe siècles fabriqué à partir de pâte de bois fortement acide. Les exemplaires endommagés par les inondations présentent des encres et des pigments délavés ainsi qu’une hydrolyse de la cellulose avec des canaux étendus. Les reliures d’atelier et les étuis de cuir en style mauritanien ont surtout souffert de la sécheresse du climat et du soleil. Leur aspect est fortement desséché, déshydraté et déformé.
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C’est la raison pour laquelle, précisément, durant la mission de 1998, il leur a été suggéré de constituer une association pour mieux coordonner les actions internationales en leur faveur. Ils ont accepté sans difficulté, car ils considèrent leur patrimoine de manuscrits comme un bien, à la fois, privé et collectif, dépositaire de l’identité de la communauté.
Méthodologie de la conservation Cette partie de l’étude est instruite par des concepts de base, que nous avons mis au point, pendant plus de dix ans, en tant que directeur technique d’un laboratoire de restauration qualifié, conforme aux normes de la législation italienne, pour réaliser des travaux de restauration. Expérience à laquelle s’ajoutent une formation universitaire en sciences du livre, l’enseignement à l’université des procédés de restauration et la charge de représentant de l’Associazione Restauratori Archivi e Biblioteche (ARAB). L’ARAB a participé à l’avènement et à la rédaction des lois italiennes sur la restauration et la formation du restaurateur aujourd’hui en vigueur. Les standards sont définis conformément à ce que recommandent, actuellement, les meilleurs manuels en usage et par les définitions données par la loi en Italie dans le domaine de la conservation. Ces dix dernières années, en effet, a eu lieu un vif débat qui a mené à la définition juridique des activités à mener dans le domaine de la conservation des biens culturels, entre spécialistes italiens, conservateurs, restaurateurs, et, représentants du gouvernement et du ministre des Biens culturels. Dans le cas de la Mauritanie, ces principes ont été adaptés à la situation spécifique que l’on peut résumer en l’absence de structures, de ressources économiques, de biens matériels, de produits et de compétences spécifiques en matière de conservation. S’y ajoute, le statut de bien privé des manuscrits, même, s’ils sont, en principe, placés sous la loi de protection mauritanienne et le statut international générique de patrimoine de l’humanité, attribué à l’ensemble environnemental où ils sont conservés actuellement. Enfin, il faut souligner que la localité de Chinguetti est encore dépourvue d’énergie électrique continue (elle n’est distribuée que quelques heures par jour), même si, par ailleurs, nous sommes convaincu que c’est ce qui a maintenu ce patrimoine
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dans les mains des héritiers légitimes de la tradition de la tribu du livre, conformément aux théories bien connues de Mc Luhan10.
Définitions Les activités de conservation sont destinées à valoriser et à favoriser davantage la jouissance d’un bien. Elles ne s’en dérouleront que mieux, si elles s’inscrivent dans le cadre d’un projet d’investissement pour la mise aux normes des bibliothèques dont la qualification et la quantification exactes font l’objet et/ou de l’étude de faisabilité ou du projet préliminaire, définitif et exécutif que l’on doit confier à un professionnel et à une entreprise qualifiée. En principe, la conservation de ce patrimoine culturel doit être assurée grâce à un travail d’étude, de prévention, de manutention et de restauration cohérente, coordonnée et programmée. Nous entendons par prévention, l’ensemble des activités aptes à limiter les situations de risque liées au bien culturel, placé dans son contexte. La manutention s’entend comme l’ensemble des activités et des interventions destinées à contrôler l’état du bien culturel, et, à maintenir l’intégrité, l’efficacité fonctionnelle et l’identité du bien, et, de ses parties. La restauration implique l’intervention directe, sur le bien, à travers un ensemble d’opérations visant l’intégrité matérielle et la récupération du bien lui-même, ainsi que la protection et la transmission des valeurs culturelles.
10. Cf. Mc Luhan. Cet auteur écrit : « L’antithèse alphabet-électricité, lors du passage de l’âge de la domination du discours oral, de la page écrite, à celle de la domination des média électroniques, de la culture de l’alphabet à celle de l’électricité, crée une crise d’identité, un vide du « moi », source d’aliénation. Des cultures différentes qui fonctionnent à des vitesses différentes sont menées à s’affronter si elles sont unies par l’électricité qui entraîne, avec elle, la radio et la télévision, crée l’indépendance, la coexistence mais aussi des tensions et des ruptures dans les équilibres. L’électricité fait imploser l’espace, raccourcit les distances en uniformisant les schémas sociaux, en imposant des modèles provenant du monde des affaires, des modes et des visions du monde. » Imaginons tout cela au centre du Sahara, à Chinguetti, où on lit encore des manuscrits !!!
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Toutes ces activités doivent se dérouler conformément aux normes en matière de projet et d’exécution de travaux sur des biens culturels (des ouvrages manuscrits, dans le cas qui nous intéresse). Par ailleurs, les interventions de manutention et de restauration sur ces biens culturels meubles doivent être exclusivement réalisées par de véritables restaurateurs de biens culturels, conformément aux normes établies. En particulier, la manutention consiste en une série d’opérations techniques spécialisées, à répéter régulièrement et destinées à préserver le bien culturel, ses caractères textuels, historico-artistiques ainsi que la matérialité et la fonctionnalité du produit livre-objet en en garantissant la conservation. Relèvent de la conservation, toutes les opérations de manipulation et de conditionnement des documents, entendus comme objets, propres à les conserver en tant que biens culturels. La restauration consiste en une série organique d’opérations techniques spécifiques visant la protection et la valorisation des caractères textuels, historico-artistiques des livres-objets ainsi que la conservation de leur consistance et de leur originalité matérielle. Pour passer à la phase opérationnelle, après l’étude de faisabilité, il faut programmer les phases d’élaboration du projet. Cette phase comprend trois niveaux successifs d’approfondissements techniques : projet préliminaire, projet définitif et projet exécutif, selon les modalités que prévoient les standards et les protocoles.
Le projet préliminaire Il consiste en un exposé programmatique du cadre des connaissances organisé selon les secteurs de l’enquête ainsi que des méthodes d’intervention. Il faut également y ajouter les documents graphiques nécessaires.
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Les documents du projet préliminaire sont : a. L’exposé illustratif ; b. L’exposé technique ; c. Les enquêtes et recherches préliminaires ; d. Le calcul approximatif des dépenses ; e. Le cadre économique du projet. Le projet préliminaire comprend des enquêtes et des recherches destinées à acquérir les éléments appropriés et nécessaires au choix des types et des méthodes d’intervention, que l’on devra approfondir dans le projet définitif, ainsi qu’à l’estimation du coût de l’intervention même et son évaluation interne et externe. Le cadre des connaissances est une lecture de l’état des choses existant. Il indique également les types d’enquête jugés nécessaires pour connaître l’objet manufacturé ainsi que son contexte historique et environnemental. Enquêtes et recherches ont trait aux étapes suivantes : a) l’analyse historico-critique ; b) les matériaux constitutifs et les techniques d’exécution ; c) le relevé et la documentation photographique des objets manufacturés ; d) le diagnostic ; e) l’identification de la structure de l’objet manufacturé et l’analyse de son état de conservation, de sa détérioration et de ses besoins ; f) l’identification des éventuels apports d’autres disciplines afférentes. Il faut prévoir la rédaction de fiches techniques pour chaque livreobjet ; elles doivent constituer la base pour la mise en place du projet préliminaire. Elles décrivent exactement les caractéristiques, les techniques d’exécution et l’état de conservation des objets manufacturés sur lesquels on intervient. Y seront aussi signalées, d’éventuelles présences de caractéristiques et de matériaux dus à des interventions précédentes. On obtiendra, de la sorte, un tableau complet, détaillé et exhaustif des caractéristiques du bien en question. Elles fourniront, en outre, des indications normatives pour les interventions prévues et les méthodes à appliquer.
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Le projet définitif Le projet définitif étudie le bien culturel en fonction de tout l’ensemble et du contexte environnemental où il prend place. Il approfondit les apports disciplinaires nécessaires, et, définit les liens interdisciplinaires. Il définit très complètement les techniques, les technologies à adopter pour l’intervention, les matériaux à utiliser pour chaque partie de l’objet. Il prescrit, en outre, les modalités d’exécution des opérations techniques. Il fixe les orientations culturelles et les compatibilités possibles entre le projet et la fonction attribuée au bien, moyennant une connaissance totale de la situation existante. Il formule un jugement d’ensemble, afin d’indiquer quelles sont les priorités, les types et les méthodes d’intervention, en veillant particulièrement à l’exigence de la protection du bien et aux facteurs de dégradation.
Le projet exécutif Le projet exécutif indique de façon complète, dans le détail et sur la base des enquêtes réalisées, les techniques, les technologies d’intervention, les matériaux de chaque partie du produit manufacturé. Il prescrit les modalités d’exécution des opérations techniques, il indique les contrôles à effectuer en laboratoire au cours des travaux. Durant le déroulement du projet exécutif, il peut s’avérer que la nature et les caractéristiques du bien, à savoir son état de conservation, sont tels qu’on ne peut effectuer des analyses, ni des relevés exhaustifs préliminaires. Il est donc prévu que l’ensemble du projet exécutif soit rédigé en cours de travail, morceau par morceau, sur la base de l’expérience acquise dans les précédentes phases de travail. Les parties du projet exécutif sont : l’exposé général ; les exposés techniques et spécialisés ; les relevés et la documentation photographiques ; les graphiques ; la liste des prix à l’unité et les analyses éventuelles y afférant ; le calcul métrique estimatif et le cadre économique ; le chronoprogramme ; le schéma des cahiers de charges ; et, le plan de manutention de l’ouvrage et de ses parties. A la fin du travail, un bilan scientifique, établi par le directeur des travaux, est rédigé. Il représente la dernière phase du processus de Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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connaissance et de restauration et sert de préalable pour le futur programme d’intervention sur le bien. Il comprend la mise à jour du plan de manutention, un rapport technico-scientifique détaillé des résultats culturels et scientifiques atteints, la documentation photographique de l’état de l’objet avant, durant et après l’intervention, les résultats de toutes les recherches et analyses effectuées ainsi que les problèmes en suspens pour les interventions à venir. Le texte du rapport est déposé là où sont conservés les objets et mis en ligne.
Projets comparés La méthodologie que nous avons adoptée, peut être comparée à celle d’autres projets et études de faisabilité élaborés, pour différentes raisons, au cours du temps, pour la sauvegarde des bibliothèques et des biens culturels sur papier, dans des régions tropicales et désertiques au climat extrême, typiques des zones du Sahara et du Sahel. 1. Pour l’organisation générale de l’intervention, nous avons retenu l’étude : Organisation, équipement et personnel d’un service de conservation-restauration d’archives, une étude du Records and Archives Management Programme (RAMP) accompagnée de principes directeurs, établie par Michael Roper pour le Programme général d’information et l’Unisist, Paris, Unesco, 1989. Très bien faite, cette étude s’adresse, cependant, à des structures gouvernementales engagées dans la constitution d’archives et de bibliothèques centralisées, essentiellement selon les modalités occidentales. Nous ne connaissions pas cette étude avant de rédiger la nôtre et lorsque nous l’avons découverte sur l’internet, nous avons été heureux de constater la communauté d’idées et de principes. En résumé, le but de l’étude du RAMP est : « de fournir aux archivistes qui sont chargés de créer, d’organiser et de diriger un service de conservation et de sauvegarde matérielle des documents, une récapitulation des techniques et des procédés existants, accompagnée d’un énoncé de principes directeurs et de normes leur permettant de choisir et d’utiliser les méthodes les mieux adaptées dans leur cas. En rédigeant cette étude, on a plus particulièrement songé aux problèmes spécifiques des pays en développement, en particulier tropicaux, et à la
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situation que les archivistes risquent de rencontrer plus spécialement, mais pas exclusivement, dans ces pays. » 2. Autre projet assimilable et très proche du Projet Chinguetti, mais sur un lieu de conservation davantage structuré comme Tombouctou : Sauvegarde des manuscrits de Tombouctou publié par Alida Jay Boye avec la contribution de Abdelaziz Abid (Unesco), Stéphanie Diakité, Mohamed Galla Dicko (IHERIAB/CEDRAB), John Hunwick (Northwestern University), Mamadou Donné egli Iam (CNRST, Bamako), Rex Sean O’ Fahey (Università di Bergen), Knut S., Vikør (Università di Bergen), et Sidi Mohamed Ould Youbba (IHERIAB/CEDRAB, Tombouctou), en 2001/2002/2003.11 Ce projet décrit une situation tout à fait semblable à celle de Chinguetti : les plus gros manuscrits sont enveloppés dans du cuir, les autres sont placés dans des chemises de carton, non résistantes à l’acide et nouées en paquets. De tels manuscrits sont souvent endommagés et parfois mal classés. Beaucoup de ces manuscrits sont dans un état d’extrême vulnérabilité et ont un besoin urgent d’être restaurés et préservés afin de pouvoir être manipulés sans risques de détérioration. Alors que certains manuscrits sont dans un état étonnamment bon, naturellement préservés par les climats du désert, d’autres sont tachés, déchirés, effrités ou rongés par les insectes. Dans de nombreux cas, les papiers sont dans un état d’extrême fragilité et les reliures en cuir ont besoin de restauration. Ces documents sont en péril. Les solutions envisagées semblent plutôt d’ordre général, car les méthodes de restauration proposées présentent les mêmes risques de destruction de précieuses informations ayant trait à l’aspect de la construction matérielle des manuscrits ; à quoi s’ajoute l’absence de mise en fiches des travaux de conservation. L’affirmation selon laquelle la désacidification serait inutile, en raison des caractéristiques climatiques de la région, n’a pas de fondement scientifique, pour ce qui est de la mesure du niveau d’acidité (pH) intrinsèque du papier12 et des encres, puisqu’elle dépend de leur 11. On le trouve sur internet à l’adresse : www.timbuktulibrariesproject.org. 12. pH : terme de chimie suivi d’un chiffre indiquant le caractère acide ou alcalin d’un produit, selon son affinité à l’hydrogène. pH7 étant la neutralité, l’acidité se situe en dessous de pH7 et l’alcalinité au dessus de pH7. Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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fabrication et d’événements précédents. Fabriquer du papier sur place, procéder au colmatage et au comblement des lacunes ne correspondent à aucune des règles de la restauration. Nous-même, jugeons cette mesure inappropriée. Les points communs avec notre projet de 1998 sont l’enseignement de la calligraphie traditionnelle, la transmission encore médiévale des « savoirs artisanaux d’ateliers du livre et de reliure », l’élaboration d’un manuel à diffuser auprès du personnel préposé ainsi que la mise en place d’une banque de données des travaux à utiliser à des fins de conservation. En résumé, on peut noter : a) La restauration de 750 feuillets volants et 250 manuscrits et reliures comptant plusieurs feuillets ; b) La réparation d’une partie de l’équipement de reliure actuel ; c) L’organisation de plusieurs ateliers de formation préliminaire en techniques de reliure et de restauration du papier ; d) Les équipements de désacidification des manuscrits, de fabrication de papier. En raison des conditions climatiques régnant dans la région, la désacidification est en pratique inutile, la qualité des matériaux bruts disponibles pour la fabrication du papier est inadaptée à l’époque de production des manuscrits des bibliothèques en question. Un objectif majeur consistera à former un certain nombre d’artisans afin de les rendre capables d’effectuer des tâches de conservation, d’élaborer un manuel de conservation et éventuellement de former d’autres artisans à l’art de la conservation. L’équipe rédigera des manuels d’entretien technique et de fabrication d’outils qui seront publiés en français, durant la seconde année, et elle appuiera une présentation sur place des activités et une formation de portée élargie comprenant un inventaire des bibliothèques privées. La restauration sera documentée grâce aux images pré-numériques et post-numériques, et, chaque manuscrit des bibliothèques sera accompagné de l’histoire des opérations de conservation dont il aura été l’objet, histoire saisie dans une banque de données permettant sa consultation lors de futures opérations de restauration effectuées
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durant cette période (voir la section sur l’archivage électronique). Des inventaires supplémentaires devront être effectués afin de déterminer quantitativement et qualitativement le travail à fournir et pour identifier les manuscrits nécessitant, une valeur textuelle ou esthétique spéciale, des opérations de restauration et/ou des mesures de conservation spécialisées. A titre comparatif, on peut retenir l’étude de faisabilité précédant la nôtre, promue par l’Unesco et la Fondation Rhône-Poulenc et rédigée par Jean-Marie Arnoult, inspecteur général des bibliothèques en France en1996. On rappellera les principales constatations faites sur ces collections : présence de poussière et de sable, environnement climatique inadapté, attaques d’insectes, moisissures, livres déreliés, sans couverture, entourés de ficelle, absence de toute précaution lors des manipulations. Ces travaux exigent un investissement en matériel, accompagné d’une action de formation du personnel pour mener à bien ces tâches. A s’en tenir à la stricte application des principes occidentaux de conservation des documents patrimoniaux, rares et précieux, 90% de ces livres sont justiciables d’une restauration traditionnelle lourde. C’est une hypothèse qui ne doit pas être écartée. Ces trois paramètres contribuent à donner une impression, souvent justifiée, d’abandon. Jean-Marie Arnoult rappelle, ainsi, les données essentielles de restauration et de remise en état des collections. Quatrevingt dix pour cent des documents sont en mauvais état. A Chinguetti, il y a 2 629 volumes dont 2 300 à traiter. Répartition des documents à traiter : • niveau 1 : documents de haute valeur nationale patrimoniale nécessitant une restauration complète, papier et reliure (50 heures de travail) ; • niveau 2 : documents de valeur patrimoniale ne nécessitant qu’un renforcement du corps de l’ouvrage et une restauration de la reliure (20 heures de travail)
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• niveau 3 : documents de valeur patrimoniale ne nécessitant qu’une remise en état de conservation, réparations diverses (10 heures de travail) • niveau 4 : documents importants ne nécessitant qu’un conditionnement de protection, boîtes ou pochettes en papier. Dans le projet Africa ‘70, cette manière intrusive de procéder en recourant massivement à la restauration a été jugée nuisible au maintien des caractéristiques survivantes des manuscrits considérés comme des objets archéologiques, surtout en l’absence d’un recensement des caractéristiques matérielles de ces derniers. 3. Pour notre Etude de faisabilité d’un projet de développement communal à Chinguetti (Mauritanie) par l’ONG Africa ‘70 en 1998, voir le chapitre suivant, « Le patrimoine culturel manuscrit : objectifs spécifiques ». Dans ce projet de conservation, les avantages relatifs à un climat désertique, surtout le manque d’humidité qui aide à conserver les plus vieux manuscrits écrits sur du papier fait de fibres de coton sont signalés ainsi que les risques d’une transition soudaine aux conditions climatiques artificiellement contrôlées. Le projet recommande que les manuscrits restent avec leurs propriétaires, comme faisant partie de la communauté locale et comme identité culturelle. Une importance semblable est donnée au statut juridique des manuscrits, comme défini par la loi mauritanienne qui les rend éligibles pour les mesures protectrices et conservatrices. Le rapport de faisabilité préparé par l’ONG Africa ‘70 inclut un plan d’action résumé comme suit : la protection physique des manuscrits avec un édifice approprié, la protection à l’intérieur de l’édifice, au moyen d’équipements et de matériaux hygroscopiques, d’un système de modification des conditions environnementales (HR, Humidité Relative) par des méthodes de faisabilité et d’entretien acceptables, compte tenu de l’environnement extérieur, le standard de recensement – fiche de diagnostic, le standard des opérations de manipulation nécessaires à la sauvegarde de tous les aspects matériels des manuscrits, le conditionnement préventif, le nettoyage, la reproduction, les objectifs de la formation. Le projet propose donc la création d’un Centre d’archéologie, codicologie et herméneutique des manuscrits arabes mauritaniens ou CACHMAM, avec une pièce d’exposition, une pièce pour la lecture et un laboratoire
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de conservation où les manuscrits puissent être analysés, catalogués, conservés, restaurés au minimum et reproduits. L’organisation du centre reflèterait le choix de la conservation profonde plutôt que les caractéristiques du manuscrit-objet, considérée comme une préparation essentielle à une conservation efficace. 4. En 2002, l’Agriconsulting SPA, société spécialisée dans la recherche et le développement du secteur agricole et environnemental, a remporté le concours européen pour l’étude de faisabilité de 1998. Ce travail a servi à insérer l’oasis dans un circuit touristique international, afin de créer un développement économique pour les tribus locales. Les sections qui suivent comprennent quatre parties. La première partie énonce les principes de la conservation et de la sauvegarde des archives, résume les différentes possibilités de traitement qui existent et donne des indications sur le choix du traitement à appliquer dans chaque cas. La deuxième partie a trait à l’organisation, à l’équipement et à l’effectif d’un service de conservation-restauration d’archives, y compris les besoins en ateliers et les aspects financiers. La troisième partie met en évidence les besoins à chacun des trois stades d’un programme de création d’un service de conservation-restauration d’archives, et, la quatrième partie résume, sous forme de principes directeurs, les principaux éléments exposés dans les deux premières parties.
Conservation13 • Campagne d’information et de consultation ; • Organisation du travail ; • Identification préalable des maisons de l’ancienne ville à réhabiliter ; • en tant que bibliothèque collective / laboratoires / centres d’étude ; • Définition des conditions nécessaires pour la conservation des manuscrits (salles, vitrines, rayons, identifications des rayons séparés selon les propriétaires, matériaux à utiliser …) ; 13. Cette partie est un condensé de la section « Conservation des Bibliothèques », parue dans l’étude d’Africa ’70 que nous avons nous-mêmes rédigée et mise en œuvre dans le projet Agriconsulting. Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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• • • •
Définition des critères appropriés pour la construction du bâtiment ; Projet de l’édifice ; Définition de l’état de santé des manuscrits (fiche diagnostique) ; Définition du plan de classement, catalogage, conservation, restauration des manuscrits ; • Définition du plan de reproduction des textes ; • Achat des équipements et matériaux nécessaires ; • Réalisation des travaux et suivi technique.
Valorisation • Campagne d’information et de consultation ; • Organisation du travail ; • Publication et diffusion du catalogue des manuscrits en arabe, français, anglais ; • Organisation d’un circuit culturel / touristique ; • Organisation de journées internationales dédiées au sujet en question ; • Accompagnement et consultations continues avec les bénéficiaires dont les représentants doivent accompagner de près la planification et le suivi des travaux.
Historique du projet italien de sauvegarde des manuscrits en Mauritanie Le 12 juin 2007, le projet du Centre régional de catalogage et de restauration de la région autonome Friuli-Vénézia Giulia pour la Sauvegarde des bibliothèques du désert en Mauritanie a été approuvé. La direction générale pour la Coopération au développement du ministère des Affaires étrangères a communiqué son approbation de ce projet. Celui-ci vise à renforcer la capacité des institutions locales à protéger le patrimoine de livres et de documents du pays, en créant directement sur place les compétences nécessaires, en particulier les compétences méthodologiques et opérationnelles. Cette réalisation a eu lieu, moyennant la formation de douze spécialistes locaux qui,
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de manière stable, devront veiller au patrimoine mauritanien. Cette action a encouragé également la participation active des populations des centres concernés, de manière à ce qu’il y ait des retombées de bénéfices concrets en termes de développement. La réalisation du projet a duré 24 mois, durant lesquels ont été prévus : - la création à l’IMRS d’un laboratoire pour la conservation des manuscrits et d’un laboratoire pour la documentation ; - la création dans chacune des quatre villes anciennes d’un laboratoire décentré qui servira de base d’opération à deux spécialistes formés ; - la mise en place d’une formation spécialisée subdivisée en quatre parties pour des étudiants mauritaniens. La première s’est tenue à Nouakchott pour la formation de base ; elle a été suivie d’un cours intensif en Italie, à l’Ecole de restauration de la Villa Manin de Passar iano. Ont suivies, ensuite, une phase théorico-pratique au laboratoire central de Nouakchott et une phase finale durant laquelle les participants ont commencé à travailler graduellement, de manière autonome.
Interventions et actions déjà menées en faveur des manuscrits de Chinguetti Il est opportun de signaler que de multiples actions, visant à la sauvegarde des manuscrits, ont été menées au cours des vingt dernières années. Elles ont été essentiellement de trois types : - sensibilisation internationale de la part des institutions par des appels génériques : Unesco et ISESCO ; - collecte de données et leur étude à travers des congrès périodiques organisés par le CIRSS ; - études de faisabilité exécutées à travers des missions de l’Unesco, l’Union européenne, le Fonds européen de développement qui n’ont abouti jusqu’en 2008 à aucune action concrète. En ce qui concerne l’Italie, le thème des manuscrits a été abordé, d’une manière spécifique, par rapport aux problématiques de conservation et de restauration avec le concours du CIRSS, d’Attilio Gaudio, Laura Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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Alunno de l’ONG Africa ’70, le chef du projet de faisabilité, Andrea Rolla14 et Marco Sassetti. Les études italiennes ont affronté globalement le problème, d’un point de vue juridique et logistique, prenant en considération la formation et l’utilisation des ressources humaines. L’action de sensibilisation sur place a eu comme conséquences : la reconstitution de 208 manuscrits en pages éparses, grâce à un groupe de savants des mahadrah du pays, pressenti par la Fondation Habott ; la récupération d’un fonds de manuscrits rapporté dans la capitale par des familles résidant à l’étranger ; la réalisation d’étuis en cuir, décorés en style mauritanien traditionnel, commandés par un vieux savant à un artisan local. En outre, les familles les plus connues et les plus aisées ont rénové des espaces de leur propriété de manière à y installer leurs bibliothèques et même, dans certains cas, un petit musée ethnographique. Tous les propriétaires se sont, en tout cas, efforcés – sous l’influence, parfois, non négligeable de conseils en provenance de l’Occident – de rassembler leurs manuscrits dans des boîtiers porte-documents, des enveloppes, des classeurs, des caisses ou des sacs provisoires afin d’éviter la dispersion des pages les plus abîmées. En 1995 et en 1998, à l’occasion des visites italiennes, des boîtiers en carton à pH neutre ont été distribués à cet effet, après un nettoyage approprié, et dûment enregistrés. La coopération japonaise a restauré, selon les critères de l’architecture traditionnelle, un édifice historique de la cité antique jusqu’ici inutilisé, destiné à devenir une bibliothèque collective. A l’heure actuelle, ses fondations et ses pavages se trouvent à deux mètres en dessous du niveau extérieur qui s’est élevé à la suite de l’ensablement continu, provoqué par un phénomène éolien, et qui le rend inutilisable à cause des facteurs pluviaux.
14. Gian Andrea Rolla, délégué de l’ONG « Terres des Hommes » au Burkina Faso et en Mauritanie où il réside actuellement, et écrivain, a publié des livres sur ses aventures africaines, parmi lesquelles « le Livre du désert », sur les bibliothèques de la Mauritanie, l’environnement, les problématiques biologiques, chimiques et physiques du livre-objet, la reprographie et la sauvegarde du texte, le catalogage et le recensement.
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L’université de Tübingen a transféré sur microfilms quelques manuscrits de la collection Habott et en a déposé une copie à l’IMRS comme capital ainsi qu’une ébauche de catalogue incomplète et fragmentaire. Il convient de signaler l’initiative personnelle d’Elise Lucet (France), dans le cadre du Prix Rolex, doté de 300 000 francs français, grâce à l’appui de la Commission nationale française (lettres du 22/02/95 et 21/03/1995). Objectif : construction d’une bibliothèque à Chinguetti, adaptée aux conditions climatiques. La société privée Rhône-Poulenc a financé, en 1996, une mission de l’Unesco qui a réalisé un reportage. Cette société est en train de tenter de lancer un projet de sauvegarde pour les manuscrits de Chinguetti. En février 2007, l’université de Siena, avec la Fondation Ahel Habott de Chinguetti, a publié, un Catalogue des manuscrits de la bibliothèque Habott en français et en arabe.
Le patrimoine culturel manuscrit : objectifs spécifiques L’évaluation des besoins de conservation et de mise en valeur des bibliothèques de famille, par rapport à un circuit culturel et touristique donné, participe d’un impératif transcendant. L’action menée en faveur du patrimoine culturel ne doit pas avoir comme seule finalité la simple conservation, mais plutôt une valorisation à plusieurs niveaux de communication et d’utilisation ; et ce, dans l’optique d’un développement réaliste et pour le maintien des résultats obtenus grâce à cette même action. Celle-ci doit aspirer à la création de savoirs et de compétences dans l’association Nahda de Chinguetti, lui permettant d’atteindre une autogestion compatible avec les problématiques du développement de la ville et sa promotion aux niveaux national et international et avec l’appui médiatique souhaité. La construction et la mise en œuvre de ce centre auront pour but d’attirer d’autres initiatives et de faire naître de nouvelles occasions de revalorisation de la communauté de Chinguetti et de ses habitants. Cette revalorisation de la conscience historique et de l’identité culturelle du site se fera en misant sur la contradiction apparente, entre le contexte extrême, et, la densité des bibliothèques existantes, surgies du Moyen Age comme clef de voûte de la vitalité spirituelle de tout un peuple. Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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Les bibliothèques et le centre, situés au cœur du parcours culturel qui passera par les constructions et les monuments de l’antique cité de pierre, les sites paléo et néolithiques et les sites naturels des environs immédiats, devront devenir un circuit d’initiatives et de ressources économiques. Ce patrimoine culturel est estimé et connu au niveau international. Chinguetti sort de l’isolement et offre des motifs d’intérêt aux visiteurs, comme aux chercheurs. Les manuscrits sont recensés, répertoriés, conservés et restaurés suivant des procédures d’enregistrement et des standards en vigueur, au sein d’un édifice spécifiquement construit et conçu par rapport aux besoins exprimés de conservation préventive. Un programme de reproduction, d’édition et de divulgation du matériel récupéré par cette action (les textes et les activités) est amorcé. Les manuscrits entrent dans le circuit médiatique. La formation du personnel local est assurée en vue des activités de conservation et de restauration : les capacités des artisans locaux et des ouvriers-maçons travaillant la pierre traditionnelle sont utilisées et valorisées au mieux. Tout cela renforce l’économie locale et contribue au maintien de la population. De nouvelles capacités professionnelles déjà formées peuvent se diffuser dans le pays. Le secteur touristique et les hôtels bénéficient de ce nouvel état de choses et de l’intérêt éveillé par cette action à l’égard de Chinguetti. Un édifice répondant aux exigences du centre de conservation et de restauration des manuscrits est construit suivant des critères compatibles avec les possibilités de son entretien, le respect de l’environnement et les exigences scientifiques du secteur. Le projet standardisé peut être exporté. L’association Nahda est mise en état de gérer le centre et le potentiel économique et culturel issus des manuscrits et de ses activités, parfois, en synergie avec d’autres partenaires et collaborateurs (direction scientifique, stages ponctuels, etc.). L’association devient responsable du centre.
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Principes de la conservation matérielle du bien culturel entendu comme l’avenir du passé La conservation d’un simple manuscrit ne peut être isolée du contexte où celui-ci est conservé, que ce soit un classeur, une armoire ou un édifice, parce qu’un lieu de conservation matérielle est un milieu où les objets-biens culturels baignent dans un microclimat artificiel où l’instabilité chimique propre aux matériaux organiques, l’oxydation et l’acidité, la température, l’humidité, les radiations ultraviolettes, l’activité biologique – champignons (moisissures), micro-organismes et insectes –, les poussières et impuretés, les perturbations, jointes à l’activité de l’homme et à ses dégâts involontaires, comme des manipulations inadéquates ou négligentes, une consultation fréquente, forment un système écologique complexe produisant un enchaînement de forces influant sur la nature organique des objets. Comprendre et contrôler ces forces est l’aspect fondamental de la conservation. Le papier, le parchemin et le cuir constitutifs des manuscrits, reliures et étuis sont des matériaux organiques hygroscopiques : ils peuvent céder à l’humidité environnante ou l’absorber. Ils tentent continuellement de maintenir un équilibre avec les conditions extérieures. En Occident, les manuscrits anciens sont conservés dans les bibliothèques dans des conditions de climatisation artificielle (température entre 15° et 22°C et taux d’humidité relative entre 35% et 65%, de préférence moins de 55%) qui peuvent bloquer toute menace d’activité biologique, retarder toute activité chimique et permettre de contrôler toutes les variations des paramètres de l’humidité relative, proches des conditions climatiques naturelles optimales rencontrées par les objets au cours du temps. On ne peut concevoir, au cœur du désert du Sahara, l’édification d’un milieu avec un climat artificiel et moins encore de l’édifier, suivant les paramètres de températures typiques des standards européens. La ville de Chinguetti ne dispose pas d’une source d’énergie permanente. Par conséquent, un milieu climatisé serait trop cher à réaliser et son entretien impossible : une simple panne de quelques jours, suffirait à créer de brusques variations climatiques, au détriment Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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des manuscrits, avec la possibilité de graves répercussions sur leur état chimique et biologique, sans parler de la durée prolongée nécessaire à leur éventuelle acclimatation aux conditions artificielles. N’oublions pas que, pendant des siècles, ils sont restés à des températures allant de 30° à 40° C, avec une faible humidité relative. Les conditions de niveau idéal de température que l’on a en Occident (18°-20°) devront être adaptées au milieu désertique, en stabilisant, par des moyens physiques, la température entre 28° et 32°, avec une humidité relativement stable en mesure de maintenir, à un niveau inférieur à 10%, la quantité de H2O absorbée par la cellulose. Un édifice construit de manière à offrir une inertie thermique optimale, doté de rayonnages, d’installations et d’équipements appropriés, d’un système de maintien de l’humidité relative enclenché au moyen de senseurs, est en mesure de garantir les conditions de stabilité nécessaires sans que l’on ait à recourir à des techniques artificielles complexes. En résumé : si un objet a été conservé dans de bonnes conditions, avec des niveaux d’humidité relative et de température différents de ceux généralement conseillés, pour éviter des dégâts, il faut le conserver en respectant des niveaux proches des niveaux d’origine. Le niveau de la température – dans le respect des limites – n’est important qu’en partie seulement pour la conservation des objets organiques : le contrôle de l’humidité représente, en revanche, un facteur fondamental. Il est donc important de prévoir : la protection physique des manuscrits par un édifice approprié ; la protection à l’intérieur de l’édifice au moyen d’équipements et de matériel hygroscopiques ; un système de modification des conditions environnementales (HR, Humidité Relative) par des méthodes de faisabilité et d’entretien acceptables compte tenu de l’environnement extérieur.
Standards de construction En l’état actuel des choses, il convient de prévoir deux types de construction pour la réalisation d’un édifice destiné à devenir le centre de conservation, de restauration et de recherche, consacré aux manuscrits de Chinguetti :
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1) Un édifice entièrement neuf d’environ deux cent cinquante à trois cent mètres carrés, bâti sur une zone constructible, après repérage de lieux situés dans une position stratégique par rapport à un circuit touristique et culturel ; 2) La restauration d’un ou de plusieurs édifices déjà présents dans la cité antique communicant ou pouvant communiquer, de manière à répondre aux exigences logistiques du futur centre. Les normes de ces édifices devront être homologuées selon les caractéristiques physiques de l’inertie thermique obtenue par du matériel isolant et des techniques de construction, avec chambre à air en libre circulation, répondant, ainsi, aux exigences du microclimat interne, dans la mesure du possible, stabilisé et conforme aux caractéristiques du climat désertique : • Cloisons internes avec revêtement mural lissé pour réduire au minimum l’accumulation de poussière (sable apporté par le vent) ; • Sols carrelés – si possible – en dalles de pierre locale à possible dilatation ; • Isolement thermique du vide-sanitaire et du toit ; • Imperméabilisation du toit et du carrelage ; • Portes et fenêtres munies de joints anti-sable et d’ouverture indirecte ; • Carrelage des murs en zone laboratoire pour exécutions en milieu humide ; • Eclairage indirect plein-jour, avec orientation cardinale selon les heures d’utilisation. Doubles sanitaires complets à usage interne et externe ; • Installation hydraulique avec panneau solaire ; • Système énergétique avec accumulateurs solaires et générateur à mazout. En ce qui concerne l’extérieur, il faudra respecter les matériaux et les styles traditionnels et, en ce domaine, les associations d’artisans-maçons de la zone sont les plus qualifiées. Dans le cas d’un édifice neuf, il serait souhaitable de recourir, de manière avisée, à la technologie moderne pour la structure portante et à la tradition pour le revêtement. L’idéal serait de réaliser le projet d’un édifice ayant une valeur architecturale.
Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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Quelques exemples compatible
d’architecture
traditionnelle
Il convient de déterminer une méthode originale pour résoudre les problèmes techniques de la conservation, en utilisant les méthodes traditionnelles du lieu, qui sont à faible technologie électrique et à bas coût de manufacture et d’entretien. Il faut déterminer les archétypes de l’architecture de la terre aride qui se retrouvent dans beaucoup de pays désertiques, de l’Iran à l’Afrique du Nord, jusqu’au bassin de la Méditerranée et aux régions méridionales italiennes. Dans ces architectures, les conditions de nécessité – la défense contre les excès du climat, la pénurie de ressources – deviennent les principes générateurs d’un procès d’affinement des types du bâtiment et les raisons du développement des solutions techniques toujours plus complexes et efficaces : des fermetures grillées qui réduisent la radiation solaire et accélèrent les flux d’air qui les traversent jusqu’aux couvertures qui, parfois, augmentent la circulation de l’air dans les locaux, et aux tours de vent pour le refroidissement naturel, les systèmes d’hydratation et de réduction des rayons solaires.
Quelques exemples d’architecture compatible La cour présente des avantages climatiques, puisqu’elle recrée les conditions de la cheminée, qui aspire de l’air chaud de l’intérieur des chambres et, avec ses murs en partie exposés au soleil, et, en partie à l’ombre, elle produit un mouvement d’air bénéfique parmi les ouvertures des plans supérieurs, et, permet, en outre, de relâcher de l’air frais dans les couches inférieures. Par conséquent, des sections modulaires sur les périmètres créent un tissé compact, densément construit et fortement protecteur, avec des cours à l’intérieur, avec l’emploi de matériels de construction à haute valeur d’isolation thermique, comme les briques d’adobe, c’est-àdire, de boue simplement desséchée au soleil — en français BTC (brique de terre comprimée) — ou au plus stabilisée avec de la paille ou d’autre matériel d’allègement, la réalisation de couvertures à coupole ou à voûte, pour optimiser le climat interne, en mesure d’assurer des prestations considérablement supérieures par rapport aux plus utilisés, toits plans,
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les fenêtres de dimensions réduites, protégées par des grillages, afin d’accélérer le mouvement d’air qui les traverse. La coupole offre les avantages suivants : Les flux d’air sont obligés de réduire la section de passage, avec une accélération conséquente et un effet réfrigérateur de la superficie. La superficie extérieure garde une partie éclairée, et, une dans l’ombre, à différentes températures qui déterminent un mouvement d’air à l’intérieur. La partie supérieure de la coupole recueille les mouvements convergents d’air chaud, en laissant les couches inférieures plus fraîches. Dans la coupole, les rayons solaires, parallèles, insistent sur une superficie majeure par rapport au toit plan, en produisant un effet thermique minoré dans l’environnement, au-dessous. La nuit, au contraire, la superficie majeure de la coupole détermine une plus grande soustraction de chaleur de l’intérieur vers l’extérieur. Une autre méthode est celle de l’emploi d’une grande masse pour la construction des murs extérieurs, comme les briques en terre crue, réalisées sur place avec de la boue desséchée au soleil, appelées adobe. Elles constituent un matériel à haut isolement thermique, qui se prête à de faciles techniques d’auto-construction. Au moyen de moules métalliques, ils sont réalisés à la main en des dimensions d’environ de 40 x 20 x 10 cm, qui absorbent de jour la chaleur, et, le rendent de nuit, et, sont en mesure de régler thermiquement un microclimat interne à l’édifice, en réduisant de beaucoup de degrés la température interne, par rapport à l’extérieur. Ce système peut être complété avec des tours de ventilation ou Baud Geers, comme en Iran, qui fonctionne comme une cheminée divisée en sections de murs verticaux réalisés en briques. La nuit, la tour de ventilation se refroidit lentement et pendant le jour, l’air, en contact avec le mur en briques, se refroidit en devenant à son tour plus dense, et, en conséquence, descend vers le bas et entre dans l’édifice. La présence du vent accélère, évidemment, ce procès de circulation et de refroidissement de l’environnement intérieur. L’air entre dans la tour du côté exposé au vent, il descend en bas et entre dans l’édifice à travers quelques portes qui s’ouvrent sur la salle centrale et sur le caveau. La pression de cet air frais pousse dehors l’air chaud présent à l’intérieur de l’édifice à travers les portes et les fenêtres. Pendant le jour, la tour se Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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réchauffe lentement et cette chaleur laisse la place à l’air frais pendant la nuit, en créant un courant ascendant.
Standards d’ameublement interne L’espace interne est formé de trois blocs principaux et d’un quatrième en option. 1) Laboratoire-atelier de 80 à 100 m² ayant une capacité de 4 opérateurs. Il contient l’équipement nécessaire au déroulement des opérations de nettoyage, de petites interventions de restauration et de conditionnement sous conteneurs des manuscrits en voie d’exécution, à sec et en milieu humide, ainsi que la réalisation des étuis/reliures en cuir et en coton. Le laboratoire doit également abriter les activités de l’atelier d’artisanat qui peut produire des fac-similés de manuscrits destinés à la vente, posséder la maîtrise de l’art du cuir (reliures, étuis, sacoches pour chameau en style mauritanien) déjà présente, potentiellement, à Chinguetti et participer au renouveau de l’art de la calligraphie, métier apprécié et parvenu à son apogée dans le pays il y a quelques dizaines d’années. Les produits provenant de cette section devront être insérés dans le circuit touristique et économique de la ville. Le laboratoire proprement dit doit répondre aux exigences de conservation et de restauration de tous les manuscrits, par l’étude, l’analyse et le recensement réunis de l’objet-manuscrit. Il doit, pour ce faire, être ouvert aux opérateurs étrangers (universités de conservation des biens culturels, écoles de restauration, etc), attirés par cette circulation médiatique qui les encourage à participer à ces camps de travail et d’étude dans le secteur des manuscrits en milieu extrême jusqu’ici inexistants dans ce domaine de la culture. Il est créateur de formation. 2) Salle d’étude et salle de reproduction, recensement et fichiers : 2 pièces communicantes pour une surface totale de 80 à 100 m². Ces locaux seront équipés, en vue des activités traditionnelles de bureau interne de coordination des opérations de toutes les autres sections,
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et pourvus de matériel comme machines à photocopier, ordinateurs, machines à écrire (y compris mécaniques), section photographie et microfilms (facultative). La salle d’études devrait bénéficier d’un support bibliographique sectoriel adéquat (paléographie arabe, répertoires de manuscrits, manuels de restauration (en langues française et espagnole), etc., qui sera structuré avec le soutien scientifique de l’IMRS. Ces salles devront être en mesure de satisfaire les exigences de mise en répertoire : salle de conservation et bibliothèque collective, salle d’exposition (pièce de 80 à 100 m²). Cette salle – ouverte au public – se présente comme un point de convergence par rapport aux autres bibliothèques-musées déjà existantes et au circuit culturel de la cité antique. Les décisions de collaboration suscitées par ce projet au sein de l’association Nahda, futur organisme gestionnaire de toute la structure, contribueront à utiliser le mieux possible et à optimiser le matériel qu’elle contient et expose.
Equipement La salle doit être équipée de rayonnages ad-hoc et de vitrinesprésentoirs qui devraient accueillir, conserver et exposer (en roulement) les manuscrits une fois qu’ils seront passés par les différentes étapes relevant de la compétence des autres sections. La reprographie se chargera le plus possible de leur utilisation en tant que textes. Cette salle doit, en outre, accueillir une section boutique proposant les produits de l’artisanat local, avec une attention toute particulière aux fac-similés de manuscrits, aux étuis, reliures, etc. Voici quelques considérations sur le choix du modèle des rayonnages : Etagères métalliques Elles sont efficaces contre les agents biologiques et les insectes, mais présentent des risques de condensation et d’humidité qui se transmettent facilement aux manuscrits. Il faut les importer, leur impact esthétique n’est pas compatible avec les lieux, leur aspect se détériore à l’usure, elles ne résistent pas à l’effet abrasif du milieu (sable). Déconseillées.
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Etagères en bois Le bois est un stabilisateur d’humidité, ce qui est un avantage pour les manuscrits qu’il contient. Par contre, il est particulièrement sujet aux attaques des termites, des vers du bois et des insectes du papier, et peut se transformer en un véritable réceptacle de colonies de parasites nuisibles aux manuscrits. Les étagères en bois présentent un risque d’incendie. En outre, le bois est une matière première peu présente dans le pays, même sous forme de produit manufacturé. Déconseillées.
Photographie : Sassetti Figure 12: Etagères traditionnelles en pierre avec plusieurs manuscrits
Etagères traditionnelles en pierre Nous proposons des étagères en pierre enduite utilisées traditionnellement par l’architecture d’intérieur mauritanienne (commerces et magasins). Elles s’intègrent parfaitement à l’édifice et à l’architecture locale. Ce sont des stabilisateurs d’humidité, sans risque d’incendies ni d’insectes, chimiquement inertes. De plus, elles peuvent être facilement réalisées sur place, agrandies ou réduites suivant la nécessité, elles sont économiques et faciles à entretenir. Leur impact esthétique s’harmonise totalement avec l’objet-livre et les attentes du visiteur. Leur fonctionnalité pourra être renforcée au moyen de grilles en fer forgé, avec des pare-poussière en coton amovibles.
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On pourra envisager le même type de réalisation pour les comptoirs d’appui et les vitrines-présentoirs des manuscrits ou de la boutique. Conseillées.
Provenance des manuscrits de la salle des expositions Les manuscrits soumis à des opérations de nettoyage, de restauration, de reproduction, de recensement et de recherche peuvent être tour à tour réunis dans la salle de bibliothèque. Il en sera de même pour les fonds que les propriétaires accepteront de mettre à la disposition de l’espace collectif géré par l’association Nahda, selon des accords internes (y compris de nature économique – distribution de droits vendus aux touristes et aux visiteurs). N’oublions pas, en effet, que les manuscrits de Chinguetti sont de propriété privée et bien que soumis en termes généraux à la loi de tutelle, ils ne pourront jouir pleinement de leurs droits et de leurs devoirs, tant qu’ils ne seront pas identifiés comme objets à part entière, répertoriés, recensés et catalogués sur des listes déposées auprès des administrations publiques compétentes.
Interventions spécifiques sur les manuscrits Instruments préliminaires : classification-inventaire (à charge de spécialistes locaux). L’inventaire des manuscrits doit être une opération intégrée et multifonctionnelle, destinée à un usage public (divulgation et information sur le catalogue des textes), un usage interne (comme instrument de travail du centre pour les données qualitatives et quantitatives) et un usage juridique (avec les fiches de recensement, qui représentent la carte d’identité nécessaire aux exigences de la loi de tutelle 72/160. Cette action doit être menée en collaboration avec l’association Nahda et l’IMRS.
Recensement et fiche de diagnostic Ce terme ne désigne pas simplement le fait de dresser l’inventaire des manuscrits, mais plutôt leur localisation et leur identification en tant qu’objets-livres ; l’objectif étant d’enregistrer l’état de conservation défini à travers l’observation analytique des supports matériels et Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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de leurs techniques de réalisation et d’assemblage. Cette opération devra se dérouler en coordination avec la précédente et comportera, parallèlement, la préparation d’une fiche de diagnostic qui décrira tous les besoins et toutes les interventions dans le cadre d’une planification de la conservation et de la restauration des volumes regroupés par types d’intervention, gravité, priorité, etc. Elle sera, par ailleurs, pourvue d’une documentation photographique pour le relevé de l’état de chaque pièce15.
Moyens d’exécution Conditions préliminaires : la fiche de diagnostic indique, sur la base des données relevées sur l’objet manuscrit, les opérations de manipulation nécessaires à la sauvegarde de tous les aspects (même les plus petites traces de fil, de couture, etc.), indispensables à la lecture des savoirs de nature constructive qui nous ont été légués et qui sont encore présents aujourd’hui.
Conservation Les problèmes de la conservation sont à mettre en relation, comme nous l’avons vu, avec les conditions environnementales, les altérations biologiques, chimiques et physiques subies par les matériaux qui composent le manuscrit. Une fois que les facteurs de dégradation identifiés auront été réduits et freinés, des mesures préventives seront prises pour procéder au conditionnement dans les étuis et sur les rayonnages. La conservation est une intervention alternative et/ou préliminaire à la restauration. Dès que les opérations de nettoyage auront été enregistrées, selon les cas, on appliquera aux manuscrits une chemise de protection réalisée en laboratoire, en cuir et/ou en tissu de coton (très facile à trouver en Mauritanie), ou bien les manuscrits seront déposés dans un boîtier de conservation à pH neutre. La reprographie fait partie de ces opérations de conservation préventive. 15. En ce qui concerne les contenus et les protocoles des fiches, Cf. Sassetti et Alunno, 1996.
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Restauration Toutes les interventions devront être de type exclusivement curatif. Elles seront réservées aux cas vraiment graves pour lesquels le risque de dégradation totale et de disparition aura été mis en évidence par les analyses chimiques opportunes (mesure du pH, contrôle périodique), ainsi que par l’état de l’encre et des supports. Malheureusement, l’encre arabe typique utilisée pour les manuscrits, de par son extrême solubilité, ne facilitera en aucun cas les opérations de désacidification et de renforcement mécanique des supports de papier les plus courantes et les plus efficaces. Il faudra donc agir avec précaution, en ayant soin de choisir les interventions assurant un risque nul et visant, surtout, à préserver l’objet-manuscrit et à le conserver le plus longtemps possible tel qu’il nous est parvenu. Conditionnement Le conditionnement préventif est conseillé avec l’utilisation de cartons et de chemises non acides pour les papiers non reliés et de boîtes pour les volumes reliés. Ces conditionnements offrent un bon niveau de protection contre la lumière, les moisissures, la pollution et les petites variations atmosphériques dans les armoires. Dans le cas de la Mauritanie, la fabrication d’étuis en cuir avec doublure de coton cousue à l’intérieur est recommandée. Cuir et coton sont des matériaux que l’on trouve en grande quantité sur place ; s’y ajoute la capacité des artisans locaux à les travailler. Le papier à pH neutre est fabriqué avec du pur coton, il est très coûteux, donc même le coton tissé de couleur blanche ou écrue est fondamentalement à pH neutre, mais par contre est à bon marché, facile à acheter et travailler sur la place. Nettoyage Les dépoussiérages et les nettoyages des documents et de leurs conditionnements, au moment de leur mise en boîte, ainsi qu’un nettoyage annuel régulier doivent être exclusivement du ressort du personnel technique qualifié. Reproduction Les manuscrits mauritaniens de Chinguetti
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On peut imaginer plusieurs niveaux technologiques d’intervention, selon l’usage envisagé (intérieur, IMRS, édition, mass-média etc.) : photocopies, microfilms 35 mm en bobine non perforée, scanner et cédérom.
Mobilier, équipement et instrumentation du laboratoire de restauration Dans le respect des standards de construction proposés, le mobilier du laboratoire pourra également être réalisé, dans la mesure du possible, en maçonnerie, en particulier pour les espaces de rangement communs, le dépôt de matériel, ainsi que les bases des comptoirs de travail. Il faudra, toutefois, outiller le laboratoire d’une base d’équipement standard dont la typologie et la quantité seront mieux définies en cours de projet. Au départ, quatre postes opérateurs sont prévus. Le dépôt du matériel d’usage courant et des menus accessoires devrait prévoir des stocks, compte tenu des évidentes difficultés de fourniture.
Personnel et organigramme du laboratoire Personnel expatrié : un expert en conservation et restauration de manuscrits anciens et en gestion de bibliothèque. Personnel local : sur les indications de l’association Nahda, et selon les capacités personnelles, le projet prévoit la sélection de l’équipe locale à former. Elle sera composée comme suit : 1) Un directeur de tous les laboratoires (conservation, restauration, facsimilés, reprographie) qui aura la charge de conservateur-restaurateur et assurera la coordination du personnel. Formation universitaire requise (langues arabe et français), une excellente connaissance de la culture traditionnelle et du patrimoine culturel sur manuscrit, une bonne aptitude manuelle, des notions en informatique, un bon esprit d’observation et d’initiative, seront les compétences nécessaires pour accéder à ce poste. 2) Trois techniciens de laboratoire avec un bon niveau scolaire, une excellente aptitude manuelle, avec une attention particulière pour le travail artisanal.
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Objectifs de la formation Le directeur technique, conservateur-restaurateur de formation, devra être capable d’intervenir et de diriger toutes les opérations techniques et manuelles, avoir la maîtrise des connaissances utiles aux évaluations méthodologiques inhérentes au projet de conservation et de restauration de tous les manuscrits, éventuellement en collaboration avec d’autres experts externes de spécialités différentes (paléographes et chercheurs de l’IMRS ou de l’université). Il devra également être en mesure de diriger et d’orienter les activités du laboratoire de facsimilés et de calligraphie. Les techniciens restaurateurs devront, à travers les cours de formation, les stages et l’expérience pratique, acquérir la maîtrise des technologies, des méthodes et des protocoles d’application des matériaux, de l’utilisation des instruments servant à l’exécution du projet de conservation et de restauration adopté. Il serait utile de prévoir une présélection d’aptitude pour ces deux profils, afin d’évaluer la disposition et l’habileté manuelle indispensables en tout lieu pour ce type de travail. La formation comprendra une phase théorique et une phase pratique qui se déroulera toujours en présence du matériel original. Elle comportera : l’assimilation du concept d’intervention de restauration conservatrice ; la connaissance du rapport entre les objets culturels et l’environnement ; la connaissance de la nature matérielle des composantes du livre ; la connaissance des causes de dégradation et d’endommagement, ainsi que les causes de l’altération des supports matériels des manuscrits ; la connaissance des techniques de construction et de restauration des objets ; l’application des instruments, des techniques et des matériaux à utiliser ; la capacité de faire des prévisions à propos de l’intervention à mettre en chantier et d’évaluer les difficultés, les risques et les solutions alternatives ; des rudiments de chimie, biologie, physique et technologie informatique ; des connaissances en technique d’utilisation et d’entretien des instruments et des machines ; la formation et l’exécution du projet, l’utilisation des subventions.
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Bénéficiaires Bénéficiaires directs La république islamique de Mauritanie Elle se rend acquéreuse d’un centre de conservation et de restauration qu’il faut qualifier de pilote pour tout le territoire concerné par les manuscrits du désert. Les savoirs qu’il contient et dispense sont directement utilisables dans le pays, aussi bien auprès de la section manuscrits de l’IMRS de Nouakchott (15 000 volumes dont certains ont déjà été restaurés par la coopération espagnole), qu’au sein d’autres structures signalées par le CIRSS. En outre, ce centre constitue une plaque tournante vers le Mali et le Niger, à travers les échanges bilatéraux interafricains. La Commune de Chinguetti Au point de vue de l’urbanisme, la valeur ajoutée au profit de la communauté de Chinguetti est évidente, en particulier si le projet du centre se développe de manière à rendre l’édifice en soi particulièrement attrayant. En outre, elle obtiendra, à long ou moyen terme, un retour en ce qui concerne le tourisme et l’accueil dans un circuit économique favorable à l’hôtellerie et aux activités d’artisanat tournées vers l’extérieur. Dans l’immédiat ou à court terme, cet investissement créera des bénéfices économiques en faveur des coopératives artisanales impliquées dans la construction du centre. Au cas où serait également mise sur pied la section réservée à l’enfance, tous les bénéfices seraient immédiatement dévolus aux activités didactiques, éducatives et récréatives pour les jeunes : l’édifice pourrait également servir de base à de futures actions menées par des ONG avec des projets et des financements propres. L’association Nahda et la Fondation Habott Les propriétaires des manuscrits, outre le bénéfice évident de la simple sauvegarde de leurs biens, pourront bénéficier de retombées économiques qu’ils pourront gérer eux-mêmes grâce à la boutique des fac-similés artisanaux en vente aux visiteurs dans la salle d’expositionbibliothèque. Ils pourront également acquérir des droits éventuels
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de concession sur l’usage des extras hors des accords pris avec l’organisation qui finance le projet. Bénéficiaires indirects 1. L’Unesco et la FNSVA qui, bien que promoteurs et parrains d’initiatives et d’appels en faveur des manuscrits depuis de nombreuses années, n’ont pu, faute de fonds propres, mettre en œuvre une seule initiative. Leur engagement ainsi que la demande de parrainage, d’expertise, de supervision et d’autres activités encore mal définies dont ils sont porteurs, confèrent des lettres de noblesse à leur action et par la même occasion favorisent les intérêts de l’équipe ; 2. Le CIRSS, pour qui, outre les motivations exposées ci-dessus, le Centre une fois construit et en fonction, pourrait constituer une excellente base de référence logistique et opérationnelle. Il pourrait mieux y développer ses objectifs d’organisation de congrès, de divulgation et de recherche. La revue du CIRSS pourrait, ainsi, constituer une opportunité supplémentaire pour connaître les résultats obtenus ; 3. Les instituts universitaires et de recherche africains, européens et internationaux habituellement concernés, comme les universités, les fondations ou les bibliothèques spécialisées. On pourra identifier des partenaires spécifiques, comme, par exemple ; 4. l’EROMM (European Register of Microform Masters) une agence de l’Union européenne auprès de l’université de Göttingen qui recueille le matériel de reprographie des documents culturels ; 5. La bibliothèque Alexandrine d’Alexandrie en Egypte qui prépare son programme d’acquisitions : une copie des manuscrits de Chinguetti pourrait compléter un certain nombre de secteurs excellents de ses fonds ; 6. Le projet Mémoires du monde de l’Unesco, vecteur particulièrement approprié pour mettre en valeur le patrimoine écrit de Mauritanie.
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CHAPITRE 13 Manuscrits anciens maghrébins et soudano-sahariens Ahmed Chaouqui Benebine Resumé La recherche dans le domaine de l’histoire des manuscrits en Afrique est intimement liée à celle qui embrasse un domaine plus vaste ayant trait, d’une part, à l’histoire des bibliothèques qui ont abrité ce patrimoine, et, d’autre part, à l’histoire de la culture dans cette région du monde. Ce papier traite, d’abord, la question des manuscrits arabes en Afrique du Nord, en l’occurrence les manuscrits de Tunisie et du Maroc et, étudie ensuite, l’état des manuscrits arabes en Afrique subsaharienne.
L
’étude de l’aspect paléographique et codicologique des fonds manuscrits arabo-africains exige un contact direct avec les documents. Cela est possible pour des collections conservées au Maroc mais plus difficilement pour les fonds de livres manuscrits anciens d’Afrique de l’Ouest, étant donné l’éloignement des endroits qui les abritent. Mais, on a pu se faire une idée sur l’aspect matériel de ces manuscrits en étudiant les rares documents sahéliens conservés au Maroc, les articles de revues qui leur ont été consacrés et les catalogues établis par des organismes nationaux et internationaux, en vue de localiser et de décrire les fonds d’un certain nombre de bibliothèques de cette partie de l’Afrique sahélo-saharienne.
Manuscrits anciens maghrébins et soudano-sahariens
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Kairouan, pionnière scripturaire du Maghreb Kairouan, en Tunisie, est la première cité maghrébine ayant reçu, dès le premier siècle de l’hégire, des orientaux militaires, théologiens et hommes de lettres qui ont ramené, avec eux, des livres manuscrits, surtout des Corans en caractères « koufi » dont des fragments sont, actuellement, conservés dans les différentes bibliothèques de cette ville savante. Grâce à ces migrations, un contact intime et permanent s’est établi entre la civilisation arabo-musulmane et celle des berbères africains installés en Tunisie. Une vie intellectuelle active voit le jour, grâce aux manuscrits ramenés du Moyen-Orient et à la production du livre qui se manifeste, essentiellement, dans les domaines de la composition et de la transcription1. Kairouan regorge de pièces et de documents d’archives qui remontent aux premiers siècles de l’hégire. Ils reflètent l’activité culturelle animée par les hommes de sciences et surtout par les théologiens émigrés qui traitent des questions religieuses qui se posaient aux musulmans nouvellement convertis à l’islam. Des traités de droit juridique (fiqh) voient le jour, afin de résoudre les problèmes d’ordre religieux et de trouver des solutions à un certain nombre de cas d’espèces que le Coran et les traditions prophétiques (Hadith) ne pouvaient résoudre. Dans cette région du monde, l’école malikite prédomine et ce sont les disciples de l’imam Malik qui composent les livres selon les principes et les règles de cette école. Il faut mentionner, ici, le docte Asad Ibn al Furat qui, après avoir suivi les cours de Malik et d’une foule d’autres maîtres orientaux, avait confié à son « Assadiyya » une synthèse personnelle des divers enseignements reçus et avait formé de nombreux disciples qui ont perpétué sa tradition. Sa tentative aurait pu déboucher sur une école spécifiquement Kairouanaise de fiqh si son prestige n’avait été éclipsé par celui du docte Sahnun (240 H), qui est, incontestablement le grand maître de l’époque. Sa monumentale mudawwana nous transmet l’enseignement de l’imam Malik, selon la version d’Ibn Al-Kasim qui devint le bréviaire des Kairouanais. Les disciples, y compris ceux d’Espagne musulmane, affluèrent de partout 1.
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Cf. Deroches François et Richard Francis (dir.), Scribes et manuscrits du MoyenOrient, Bibliothèque de France, 1997. L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
pour suivre ses cours. La mudawwana de Sahnun mit fin à la Assadiyya d’Ibn al-Furàt dont quelques fragments sur parchemin sont toujours conservés à Kairouan. L’activité intellectuelle qu’avait connue cette ville africaine avait permis l’établissement d’un certain nombre de bibliothèques et la conservation de manuscrits dont la plupart n’existent, aujourd’hui, qu’en partie. Beaucoup de manuscrits ont été déplacés à la Bibliothèque nationale de Tunis et sont mis à la disposition des chercheurs, des archéologues, des philologues et des spécialistes de la codicologie (étude des manuscrits en tant qu’objet matériel2). La majorité est exécutée dans une écriture orientale dite Kufi. C’est l’écriture Higazi améliorée et perfectionnée dans la ville irakienne de Kufa. Quant aux matériaux de l’écriture, c’est le parchemin qui prédominait, en dépit de l’apparition du papier (Kagid) découvert et fabriqué à Bagdad dès la fin du second siècle de l’hégire. Mais, à partir du troisième siècle, aussi bien au MoyenOrient qu’au Maghreb, surtout à Kairouan, la majorité des manuscrits islamiques ont été écrits sur papier, même si le parchemin est resté en usage pour des besoins spéciaux, comme les copies du Coran ou des lettres et documents particuliers. L’étude codicologique des fragments de manuscrits dont une partie existe encore aujourd’hui, nous permet de parler de manuscrits hybrides, c’est-à-dire des manuscrits où se mélangent papier et parchemin. En général, le texte est exécuté sur papier et les pages de garde extérieures et intérieures sont en parchemin. Cette composition mixte suggère l’introduction progressive du papier en tant que matériau, par excellence, de la confection des manuscrits.
L’Algérie : un patrimoine ravagé par l’histoire L’Algérie qui a toujours fait partie de l’Empire du Maroc dont la domination s’étendait aux frontières de l’Egypte jusqu’au XIVe siècle a été, pendant quatre siècles, sous domination ottomane avant de devenir une colonie française jusqu’en 1962.
2. Cf. Humbert G., La tradition manuscrite en écriture arabe, Aix en-Provence, Paris, 2002. Manuscrits anciens maghrébins et soudano-sahariens
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Exception faite de quelques « Zawiya » qui ont pu conserver un certain nombre de manuscrits, surtout d’ordre religieux, l’Algérie ne peut être égalée à la Tunisie ou au Maroc, en ce qui concerne la production et la conservation des manuscrits. Une grande partie de ce qui a survécu de ce patrimoine a été brûlée à la fin de la colonisation française. On dit même que la Bibliothèque nationale d’Alger a été mise à sac par les racistes et les ignorants parmi les colonisateurs français, en 1962. C’est pour ces raisons qu’on ne peut parler, aujourd’hui, d’un patrimoine manuscrit arabe qui pourra faire l’objet de catalogage et d’étude. A part les travaux d’un certain nombre d’orientalistes à propos de l’établissement des catalogues, à savoir Fagnan qui a établi le catalogue des manuscrits de la bibliothèque d’Alger ou ceux établis par Basset3, Alfred Bel4 et autres5, concernant les manuscrits des « medersa » de Tlemcen et d’autres villes algériennes, la recherche, dans le domaine des manuscrits arabes, dans ce pays, est presque inexistante6.
La Lybie : à la recherche de ses manuscrits ? A l’exception d’un certain nombre de manuscrits relatifs essentiellement à la littérature juridique et mystique, les bibliothèques libyennes ne recèlent pas de grandes collections aussi riches que celles détenues par les institutions des autres contrées de l’Afrique du Nord. A ma connaissance, une seule thèse dont le sujet traite de la question des manuscrits dans ce pays a été présentée à l’université d’Alexandrie en
3.
Fagnan Edmond, « Catalogue général des manuscrits de la Bibliothèque nationale d’Algérie », Bibliographies et Catalogues, Bibliothèque nationale d’Algérie, vol. 10, n° 1, Alger, 1995. 4. Bel Alfred, La religion musulmane en Berbère : esquisse d’histoire et de sociologie religieuses, P. Gauthner, Paris, 1938. 5. Bel Alfred, « Bibliographie. Le sûfisme en Occident musulman au XIIème et XIIIème siècle de J.C. », Annales de l’Institution des Hautes Etudes Orientales, Alger, 1934. 6. Les essais publiés par un certain nombre de jeunes chercheurs dans ce domaine laissent beaucoup à désirer. Après plusieurs contacts avec ces jeunes, il semble qu’une formation codicologique est nécessaire et que des stages dans des bibliothèques étrangères organisées s’avèrent indispensables.
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Egypte, en 2007, par un chercheur libyen7. Ce travail est, globalement, un aperçu historique des fonds moins riches conservés dans différentes bibliothèques libyennes. D’après les catalogues et les rares articles consacrés aux manuscrits, rares sont les livres exécutés sur parchemin qui remontent aux premiers siècles de l’hégire comme c’est le cas dans les autres contrées maghrébines. Le papier reste le matériau principal de l’écriture de la majorité des documents.
Le Maroc, site majeur de manuscrits anciens A l’exception de l’Egypte, détentrice de la plus grande collection de papyrus et palimpsestes arabes, le Maroc passe pour être le premier pays arabo-africain à avoir conservé des manuscrits rares et précieux dont quelques pièces, très importantes, remontent aux siècles classiques de l’islam. Si les premiers ouvrages composés au Maroc se rapportaient essentiellement, aux sciences coraniques, aux traditions prophétiques, à la lexicographie et à la grammaire, ce furent, à partir du douzième siècle de l’ère chrétienne, des livres de philosophie, de commentaires d’ouvrages grecs, de mystique, de médecine qui sont composés sur incitation des souverains almohades qui sont devenus très savants et moins intransigeants que leurs prédécesseurs almoravides très attachés aux ouvrages des sciences d’application juridique. A partir du XIIIe siècle, presque toutes les sciences connues de l’époque furent cultivées et étudiées d’une manière intense8. Dans les anciennes universités marocaines, à côté des sciences religieuses, était assuré un enseignement en mathématiques, arithmétique, astronomie, ou d’autres branches scientifiques. Bon nombre d’ouvrages relatifs à ces matières enseignées sont achetés ou transcrits. Tous les admirables trésors conservés, actuellement, dans les différentes bibliothèques marocaines, à savoir la bibliothèque royale, la bibliothèque nationale, les bibliothèques des anciennes universités, celles des medersa et des zawiya, se sont constitués, dès le Moyen Age, quand l’enseignement des sciences avait exercé une influence certaine sur la formation et la 7. Abdelhamid Arab, Manuscrits et Bibliothèques musulmanes en Algérie, Kitab Tabulue, Alger, 2007. 8. Cf. Deroches. Manuscrits anciens maghrébins et soudano-sahariens
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constitution des fonds des bibliothèques de ces époques-là9. Aujourd’hui, un certain nombre de bibliothèques ont été inventoriées ou cataloguées. Mais, les inventaires et les catalogues établis, aussi complets qu’ils puissent paraître, ne sont pas exhaustifs. Ces institutions renferment des raretés qui échappent encore à la connaissance des intellectuels, des chercheurs et des bibliothécaires. Des collections privées dispersées à travers le pays, conservées jalousement par leurs propriétaires qui les ont héritées de grands parents, sont interdites d’accès ; non seulement, aux spécialistes, mais aussi aux organismes nationaux et internationaux ayant proposé des projets de restauration et de conservation de ce patrimoine10. De tous ces trésors cachés (manuscrits rares disparus ou encore conservés au Maroc et qui témoignent de l’importance de la civilisation islamique dans ce pays), je me contente de dire un mot. D’abord, les Corans dits « Mushaf », appellation abyssine empruntée par les premiers musulmans pour désigner la première récession du livre sacré, l’un des cinq exemplaires que le calife Utmàn avait envoyés aux différents centres islamiques, probablement celui de Kufa en Irak, a fini à Cordoue, en Espagne. Quand cette ville andalouse fut rattachée au Maroc sous les Almohades, au XIIesiècle, le Coran d’Utmàn se retrouva au palais de Marrakech. Nous devons l’histoire des pérégrinations de ce Coran à l’historien Ibn Khaldoun dans son livre monumental, al’Ibar11. Cet exemplaire a disparu au XIVe siècle. Il se peut qu’il ait péri lors du naufrage du bateau ramenant le souverain mérénide, Abu Hassan, de Tunis vers le Maroc. Un deuxième Coran copié sur celui de Utmàn, en l’an 47 de l’hégire, aurait pu rester conservé au Maroc si le Sultan Alaouite Moulay Abdallah ibn Ismail ne l’avait envoyé dans une collection de livres précieux à Médine pour y être déposé en biens de mainmorte. En dépit de la perte de ces deux Mushaf, le Maroc continue de conserver des 9. Cf. Pederson Johannes, The Arabic Book, Princeton University Press, Princeton, New Jersey, 1984. 10. Cf. Hamès Constant, « Les manuscrits arabo-africains : des particularités?» Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n° 99-100, nov. 2002, p. 169-182. 11. Ibn Khaldoun, Kitab al’Ibar (1375-1379), La Muqqadimi représente une introduction à cette œuvre monumentale.
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Corans exécutés sur parchemin en caractères koufi qui remontent aux premiers siècles de l’islam. La bibliothèque royale s’enorgueillit de son Coran sur peau de gazelle, en format oblong, datable de la fin du premier siècle ou du début du second siècle de l’hégire. Des fragments de Corans exécutés de la main de plusieurs sultans continuent de faire le prestige d’un certain nombre de bibliothèques. Ce qui témoigne aussi de l’attachement du Maroc à la culture orientale, ce sont ces manuscrits uniques dit « unicom » attribués aux grands doctes orientaux, à savoir al-Jahiz, ibn Ishaq, al-Ma arri et autres. La première biographie officielle du prophète de l’islam, attribuée à Ibn Ishaq (151 H)12 qui a disparu depuis des siècles et ne circulait que dans l’abrégé que lui avait consacré Ibn Hisam, a été découverte à la bibliothèque Karawiyyin de Fès, en 1936. Cet unicom a été édité par le docte Hamido Allah en 1976. Le Umyan et bursan de Jahiz fut découvert dans une zawiya au sud du Maroc. C’est l’unicom qui a servi à l’édition de l’ouvrage. Les bibliothèques marocaines conservent, de nos jours, des manuscrits rarissimes qui ne se retrouvent nulle part ailleurs. A côté des livres arabes, les bibliothèques marocaines conservent des manuscrits grecs et latins, traduits en langue arabe. Si ces traductions sont dites perdues, aujourd’hui, des chercheurs et historiens du XIXe siècle, tels Beaumier13, L. Goctart, G. Peignot14, ont signalé leur existence au Maroc. Plusieurs missions européennes sont venues les chercher au Maroc, mais en vain. Cette recherche ne prit pas fin au XIXe siècle. Malgré le résultat négatif de leurs prédécesseurs, les savants européens du XXe siècle continuent de s’interroger sur les ouvrages des écrivains grecs et latins que l’on disait être conservés au Maroc. L’orientaliste français, L. Provençal15, ne cessa, dès son arrivée au Maroc, de rechercher ces fameux 12. Ibn Ishaq ou Abû Abd Allah Muhammad ben Ishâq ben Yasâr ben Khyâr (704767), Biographie de l’envoyé d’Allah. Cette biographie de Mahomet (PSC) nous est parvenue sous le nom de « Biographie du Messager de Dieu, Muhammed ben Abd Allah ». 13. Beaumier, Auguste, « Itinéraires de Tanger à Mogadic », Bulletin de la Société de géographie, 6e série, t. 11, Mars 1876. 14. Peignot L. Gabriel, Dictionnaire historique et bibliographique, abrégé des personnages illustres, célèbres ou fameux (...) : vol. 3, Haut-Cœur et Gayet, Paris, 1822. 15. Evariste Lévi-Provençal, Histoire de l’Espagne musulmane, Maisonneuve et Manuscrits anciens maghrébins et soudano-sahariens
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manuscrits aussi bien dans les bibliothèques publiques marocaines que dans celle de l’Escurial qui était la bibliothèque royale des rois Sadides et fut prise par les pirates espagnols au large de l’Atlantique, en 1612. Après de longues recherches, L. Provençal déclara être en mesure de mettre fin à cette affirmation relative à la traduction des Décades de l’historien latin, Tite Live. Malgré cela, il croit, cependant, à l’existence de cette traduction et pense que l’historien et sociologue Ibn Khaldùn l’avait consultée pour écrire son histoire des Berbères. Son récit, historiquement exact de la bataille de Cannes qui avait opposé les Romains commandés par Varon et les Carthaginois commandés par Hannibal en l’an 216 av. J.-C., confirme le fait qu’Ibn Khaldùn a disposé, pour se renseigner, d’une traduction arabe d’œuvres d’historiens latins. Ces manuscrits seraient certainement conservés, aujourd’hui, dans l’un des endroits privés, jalousement gardés par leurs propriétaires et qui sont encore hors d’atteinte des chercheurs.
Auteurs ouest-africains dans les bibliothèques marocaines Le Maroc conserve aussi une quantité d’ouvrages dus à la plume d’auteurs d’Afrique occidentale. Une trentaine de traités du grand savant malien, Ahmed Baba de Tombouctou, sont conservés, chacun, en plusieurs exemplaires, dans différentes bibliothèques marocaines. Je me contente de mentionner, ici, deux titres, comme exemple, à savoir Kifayat-al-Muhtaj qui existe en plusieurs copies et qui est un abrégé (mukhtasar) de « Dibag » d’ibn Farhun, il s’achève par l’autobiographie de l’auteur et la liste de ses œuvres. Et le « Mi rag al-su ud » qui n’est qu’un petit volume tout rempli d’informations précieuses sur les tribus du Soudan et leurs rapports avec l’islam. Le chercheur malien M. Zouber a écrit un livre bio-bibliographique sur Ahmed Baba, publié dans les années 197016. Le Maroc conserve aussi, à côté des œuvres d’Ahmed Baba, une trentaine d’ouvrages du cheikh al-Mùhtar al-Kunti al-Timboucti, mort et enterré à Azwad en 1811. Des ouvrages attribués à son fils et à son petit-fils sont conservés dans différentes bibliothèques. Larose, Paris, 1950. 16. Cf. Mahmoud Zouber, Ahmed Bâbâ de Tombouctou (1556-1627) : sa vie et son œuvre, 1977.
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Photographie : J. Habib Sy Figure 1 : Une vue rapprochée du minaret de la célèbre mosquéeuniversité de Sankoré à Tombouctou (Mali)
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Ce patrimoine manuscrit de l’Afrique occidentale nous montre souvent l’orientation particulière de la pensée musulmane dans ces contrées. C’est ainsi que Mùhtar al-Kunti s’en prend, dans son « Jadwat al-Anwàr », à deux savants de Mauritanie dont l’un, Ibn Bùnà, taxait d’hérésie tous ceux qui prennent pour critères les paroles des saints, et l’autre, Ibn Hibb Allah, accusé par al-Muhtar al-Kunti d’avoir attaqué l’imam Malik Ibn Anas en prétendant que ce dernier n’émet que des opinions qui ne valent guère mieux que celles émises par tous les docteurs qui se livrent à la conjecture. Et c’est ce point de vue que rejette al-Kùnti. Le Maroc conserve aussi, à côté des œuvres d’Ahmed Baba, une trentaine d’ouvrages du cheikh al-Mùhtar al-Kunti al-Timboucti, mort et enterré à Azwad en 1811. Des ouvrages attribués à son fils et à son petit-fils sont conservés dans différentes bibliothèques. Ce patrimoine manuscrit de l’Afrique occidentale nous montre souvent l’orientation particulière de la pensée musulmane dans ces contrées. C’est ainsi que Mùhtar al-Kunti s’en prend, dans son « Jadwat al-Anwàr », à deux savants de Mauritanie dont l’un, Ibn Bùnà, taxait d’hérésie tous ceux qui prenaient pour critères les paroles des saints, et l’autre, Ibn Hibb Allah, accusé par al-Muhtar al-Kunti d’avoir attaqué l’imam Malik Ibn Anas en prétendant que ce dernier n’émet que des opinions qui ne valent guère mieux que celles émises par tous les docteurs qui se livrent à la conjecture. Et c’est ce point de vue que rejette al-Kùnti. Les ouvrages de ces auteurs « soudanais » traitent tous les sujets traditionnels, à savoir l’exégèse coranique, les traditions prophétiques, la grammaire, la lexicographie, la mystique, l’histoire, les biographies et autres. Il y a aussi les ouvrages didactiques traitant des différents arts, les commentaires et les « gloses ». On y trouve d’intéressants renseignements relatifs aux domaines des idées, de la connaissance, de la société, des mœurs à l’époque concernée ainsi que des relations de l’Occident africain, tant avec le Maghreb qu’avec l’Orient. Les bibliothèques marocaines ne conservent pas seulement les écrits des auteurs soudanais, mais, également, les ouvrages qui ont été transcrits ou recopiés par des copistes d’Afrique occidentale. C’est ainsi que nous trouvons la Risala d’Ibn aby Zayd al Kayrawani, le Sahih de Bùhàri,
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Photographie : J. Habib Sy Figure 2 : Quelques œuvres manuscrites du savant tombouctien Ahmed Baba exposées à l’occasion d’une visite de terrain à l’Institut des hautes études islamiques Ahmed Baba (IHERIAB) de Tombouctou en 2011
le Sahih de Muslim et le shifa de Cadi Ayyàd copiés pour les Emirs du Soudan marocain. Un manuscrit du « Muhkam fil-lùga » en linguistique arabe du savant andalou Ibn Sida, copié à Tombouctou au Xe siècle et conservé au Maroc, nous donne une idée du haut niveau de la culture arabe des Négro-Africains. C’est un ouvrage dont l’étude implique une formation linguistique et littéraire très poussée. Ce manuscrit est exécuté par trois copistes dont l’un y a placé toutes les voyelles. C’est la Pecia en Europe, c’est-à-dire une méthode qui consiste à copier collectivement et simultanément un manuscrit. Elle permet d’exécuter des exemplaires corrects avec le moins d’erreurs et d’altérations possible. Celà montre le fait que les savants africains tenaient à avoir un texte net et exempt de toute erreur. Au terme de cette énumération, nous pouvons dire, avec conviction, que les bibliothèques marocaines conservent encore une grande quantité de manuscrits soudanais dont nous n’avons pu prendre connaissance. La remarque concerne plus particulièrement les régions sahariennes, aux confins de l’Afrique occidentale, où se trouvaient des centres de culture très actifs, comme la Mauritanie, le Touat, les Qnadsa qui, pendant plusieurs siècles, et jusqu’au début du XXe siècle, furent en contact avec le Maroc.
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Figure 3 : Du temps de sa splendeur, entre les XIVe et XVIe siècles, l’Empire du Mali figurait sur les cartes géographiques européennes de l’époque. Ici, l’empereur Kankan Moussa est représenté en tant que souverain d’une nation prospère
Parmi les raisons qui ont fait que ces œuvres sont répandues au Maroc, il faut mentionner l’annexion du Mali au Maroc par le Roi Sàdide Ahmed al-Dahabi et l’acte d’allégeance du Sultan de Barnù AbulalàIdris envers ce sultan marocain. Beaucoup de savants africains furent emmenés prisonniers à la cour de Marrakech, à savoir, en premier lieu, le grand savant et érudit Ahmed Baba de Tombouctou qui a joui d’un grand prestige auprès des Marocains. L’autre raison fut le lieu établi par les confréries religieuses. La confrérie Qadiriya de Muhtar alKunti al-Timboucti a étendu ses ramifications au Maroc, sous le nom de Muhtaria-al-Kuntiya, où elle gagna des adeptes parmi les docteurs, les vizirs et même les monarques17. Elle eut des Zawiya dans plusieurs 17. Cf. Chemins du Savoir, Les Manuscrits arabes dans la région soudano-
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villes du Maroc. Certaines de ces zawiyas formèrent des bibliothèques qui ont contribué à faire connaître et à diffuser les ouvrages du Suyuh de cette Zawiya. Avec la confrérie Tijania, c’est l’inverse de ce même phénomène : fondée à Fès par le Sayh Ahmed Tijanni mort en 1815, cette zawiya étendit largement ses ramifications vers les régions africaines où les savants prirent la plume pour la défendre ou pour la combattre. Notons, enfin, que certains manuscrits africains nous sont parvenus au Maroc, non du « soudan marocain », mais de l’Orient arabe où avaient émigré leurs auteurs et où ils furent composés. Sur le plan de la paléographie, l’écriture adoptée au Maroc et conservée sur les manuscrits qui nous sont parvenus du Moyen Age est d’origine kùfi. Elle a pris le nom d’écriture andalouse en Espagne musulmane, d’écriture magrébine au Maroc, d’écriture africaine ou soudanaise ou souqi en Afrique occidentale. Mais, toutes ces écritures dérivent, essentiellement, d’un type commun, le « kùfi ». Elles doivent à cette communauté d’origine les ressemblances qu’elles présentent entre elles. Sur le plan de la codicologie, le parchemin dit « raqq » et le papier, d’abord arabe, puis européen, étaient les matériaux principaux de l’écriture. En dépit de l’apparition du papier comme concurrent principal du « raqq » depuis les premiers siècles de l’hégire, les Marocains continuèrent d’utiliser le parchemin comme matériau d’écriture jusqu’au IXe siècle de l’hégire surtout, dans la transcription des Corans. Le maroquin fut la matière principale qui a servi à relier les manuscrits. Il était différent du parchemin oriental et fut, pendant longtemps, sollicité par les occidentaux. L’ornementation des reliures et l’enluminure des livres, surtout des textes sacrés, présentent un aspect original tout à fait différent de celui du Moyen-Orient. Comment se présente, maintenant, le manuscrit africain écrit en langue arabe ou exécuté dans l’une des langues « soudanaises » en caractères arabes ?
sahélienne, Rabat, Institut d’Etudes Africaines, 2006. Manuscrits anciens maghrébins et soudano-sahariens
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Comme le confirme Constant Hamés18, la littérature manuscrite arabo-africaine longtemps marginalisée par l’orientalisme classique et les sciences historiques et ethnologiques commence, à peine, à être découverte. Les questions d’ordre codicologique, à savoir les supports, la constitution, la fabrication, la conservation, de même que celles des inventaires et catalogues, malgré des percées récentes, commencent à se poser. Cependant, malgré une perte considérable de documents due au pillage, au vol, aux incendies, les bibliothèques des pays de la région recèlent encore d’importantes collections de manuscrits que les différents gouvernements s’efforcent, à travers l’action des instituts scientifiques créés en ce sens et les efforts d’organismes privés, de sauver de la destruction. Ces ressources manuscrites, longtemps négligées, sont restées inexplorées, pour la plupart, jusqu’à nos jours. Ce que l’on découvre, de plus en plus, au fil des inventaires et catalogues récents, c’est la quantité et la variété des documents rédigés en langue ou en caractères arabes. Les fonds inventoriés ou catalogués sont constitués de copies d’ouvrages provenant de l’Orient ou de l’Afrique du Nord ainsi que d’œuvres autochtones. Si nous prenons le cas de Gao (dans le Mali actuel) où on trouve les premières traces de l’écriture arabe, non pas sur papier ou sur parchemin, mais sur des épitaphes ou des stèles funéraires consacrées à des personnages royaux, les chercheurs ont pu collecter jusqu’à présent, près de 60 000 manuscrits sur un total évalué à plus de 500 000. Certains de ces documents sont originaux et présentent un intérêt tout particulier pour la connaissance de l’histoire politique et sociale de la région soudano-sahélienne. Ce patrimoine écrit en arabe ou ajami prit naissance avec l’introduction de la culture islamique au Soudan sahélien, culture qui s’est répandue rapidement dans les principales villes comme Walata, Gao, Tombouctou et Djenné. Mais, à partir du XVIe siècle, sous la dynastie Songhay des Askia, les premiers documents écrits par les Soudanais négro-africains et berbères commencèrent à voir le jour. Ce sont surtout des chroniques historiques et des traités de sciences islamiques. L’ « Histoire de Fattach » (Tarik al-Fattach) de Mahmùd Kati et le Tarikh al-Sùdan (« Histoire du Soudan ») de Abderrahman al-Sàdi, terminés vers le milieu du XVIIe siècle dans la région de
18. Cf. Constant Hamés.
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Tombouctou (Mali) relatent l’histoire des souverains musulmans de l’Empire Songhay aux XVe et XVIe siècles19. En ce qui concerne les sciences islamiques et les biographies des docteurs de l’école de l’imam Malik, le plus célèbre ouvrage fut, sans aucun doute, le dictionnaire biographique de Ahmed Baba de Tombouctou (Nayl al-Ibtihàj bi tatriz al-Dibag). Composé vers la fin du XVIe siècle, cet ouvrage renferme des informations tout à fait originales sur l’histoire culturelle du Soudan occidental et met en lumière le rôle de la littérature arabe dans cette partie de l’Afrique. Cet érudit Malien a laissé une œuvre considérable de plus de cinquante ouvrages où dominent les travaux de droit d’inspiration malékite et les travaux consacrés aux biographies comme c’est le cas de son ouvrage cité précédemment. Cette œuvre permet aussi, de suivre le mouvement intellectuel au Soudan sahélien aux XVe et XVIe siècles. Son « Nayl al-Ibtihag » traite de la question des écoles fréquentées par un grand nombre d’étudiants, des professeurs soudanais expliquant, en arabe, les livres adaptés pour l’enseignement dans les mosquéesuniversités du Maghreb et de l’Orient. Il parle, également, des livres, des bibliothèques princières, des caravanes de pèlerins passant chaque année de Tombouctou à la Mecque. Une œuvre anonyme, composée au XVIème siècle « Tadkia alNisyan », vient s’ajouter aux travaux de Sa’àdi, Kati et Ahmed Baba. Elle est très importante, non seulement, par son étendue, mais surtout par l’intérêt des informations qu’elle donne sur la présence marocaine au Soudan. A partir du XVIIe siècle, une grande activité intellectuelle voit le jour dans presque tout le Soudan sahélien et donne lieu à une abondante production littéraire. Des tribus maraboutiques nomades y ont pris une part très active. De grands noms, tels que les savants issus de la tribu Kounta, produisent plus de 500 écrits. Ils traitent surtout des genres littéraires : épistolaire, religieux, historique, poétique et juridique. Cette œuvre est rédigée en arabe et dans les langues autochtones. Les lettrés Fulbé ont laissé à la postérité une œuvre littéraire considérable aussi bien en arabe qu’en langue peule. 19. Cf. Mahmûd Kati ibn al Hàdj al-Mohawakkil Kâti, Tarikh el-Fettach ou Chronique du chercheur, documents arabes relatifs à l’histoire du Soudan (traduction française de O. Hondas et M. Delafosse), Leroux, Paris, 1913. Abderrahman ben Abdallah ben Imran ben ‘Amir Es-Sa’di, Tarikh es-Sudan (traduit de l’arabe par O. Hondas), Maisonneuve, Paris, 1901. Manuscrits anciens maghrébins et soudano-sahariens
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Cette tradition manuscrite considérable n’a pu être éditée qu’à l’époque coloniale. Deux éminents orientalistes français, l’ethnologue linguiste Maurice Delafosse (1926) et l’arabisant érudit Octave Houdas (1916), ont beaucoup fait pour qu’un certain nombre de manuscrits de cette littérature arabo-africaine soient publiés et répandus à travers le monde. Qu’en est-il des questions matérielles concernant les supports de l’écriture, la restauration, la conservation et, avant tout cela, le rassemblement de ce patrimoine ? Il convient de reconnaître qu’il n’y a pas eu, durant la période coloniale, de politique systématique de collecte, de rassemblement et de conservation des manuscrits arabes en Afrique. La colonisation a même porté un coup dur à ce patrimoine. Des fonds ont été brûlés, pillés ou emportés. Les sécheresses successives ont amené beaucoup de détenteurs de manuscrits à se débarrasser de leurs patrimoines en les enterrant sous le sable ou en les confiant aux voisins avant de partir en exode. Ils y attachaient une grande valeur spirituelle et morale. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, au Mali et surtout à Tombouctou, beaucoup de familles cachent encore jalousement leurs bibliothèques, refusent leur accès aux prospecteurs, craignant la répétition des réquisitions et pillages de l’époque coloniale. Les missions de prospection dans ces régions ont pour première tâche de sensibiliser les détenteurs sur l’importance des manuscrits, de les localiser, de les inventorier et de les cataloguer dans le but de les conserver selon les normes modernes de conservation.
La conservation des manuscrits africains : un agenda en gestation Les initiatives relatives à la collecte des fonds sont récentes et sont le fait des acteurs nationaux africains soucieux d’inventorier et de mettre à l’abri cette partie précieuse de leur patrimoine culturel. Ils sont, aussi, le fait d’organismes internationaux. C’est en ce sens que l’Unesco a organisé, à Tombouctou, une réunion d’experts sur l’utilisation des sources écrites de l’histoire africaine et a suggéré la création d’un centre régional de documentation et de recherches historiques dans la vallée du Niger qui englobe la zone soudano-sahélienne comprenant le Mali, le Niger, le Burkina Faso. C’est conformément à ces suggestions que le
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Mali a créé le Centre de documentation et de recherches Ahmed Baba à Tombouctou. Les missions de ce centre se limitent à la collecte et au microfilmage des documents en langue arabe et en langues africaines, à classer ces documents, à assurer la conservation des manuscrits selon les normes scientifiques modernes, à mettre en valeur les données fournies par les documents collectés, à faire connaître, à travers une documentation authentique, la culture africaine dans son expression arabe, à œuvrer pour le développement de la culture arabo-islamique dont Tombouctou fut l’un des plus grands centres, au point de devenir une plaque tournante, un centre d’échange d’informations, un centre d’accueil ouvert à tous les chercheurs, un nœud de relations culturelles entre le Mali et le monde arabe et tous les autres pays qui s’intéressent aux civilisations et cultures africaines. En ce qui concerne les supports de l’écriture, l’étude codicologique d’une partie de ce qui a été collecté des fonds dispersés à travers l’Afrique occidentale nous permet de confirmer que le papier était le matériau principal pour l’écriture. Mais, la question qui se pose est celle de savoir quand et comment ce matériau de l’écriture a fait son apparition dans cette région du continent africain ?
Elements de codicologie ouest-africaine Les documents, de nature à nous permettre d’avoir une idée de l’introduction ou la fabrication du papier dans cette région du monde, sont très rares20. Les sources arabes ou africaines n’apportent que très rarement des témoignages sur ce sujet. D’après Constant Hamès21, Léon l’Africain est le seul à parler du commerce des manuscrits à Tombouctou au XVIe siècle, mais il ne nous dit rien sur le marché de la matière première, à savoir le papier. Exception faite de l’information de Beaujard à propos de la fabrication du papier à Madagascar, ni Sa’àdi, ni le Fattàch n’ont dit mot sur la fabrication de ce matériau de l’écriture qui aurait été introduit en Afrique sahélienne, par le biais du Maghreb, et, depuis le XVIe siècle, à partir des échanges avec les Européens. De 20. Cf. dans cet ouvrage, le chapitre 4 d’Henri Sène sur la question. 21. Cf. Constant Hamès. Manuscrits anciens maghrébins et soudano-sahariens
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cette époque, on ne peut parler que du papier européen avec filigrane, car les Arabes qui ne fabriquaient plus de kàgid commencèrent à importer du papier d’Europe, en l’occurrence, celui fabriqué en Italie. Si le papier était le support ordinaire de nos scribes africains, on trouve, de temps à autre, quelques pièces rares sur peau tannée qui remontent au Moyen Age, la majorité des plus anciens manuscrits pouvant remonter au IVe siècle (cas de l’Ethiopie) et dans les cas de la Mauritanie et du Mali, respectivement aux XVIIe et XIIe siècles. Pour ce qui est de la reliure, les fonds arabo-africains que nous avons pu observer nous incitent à remarquer que la majorité de ces manuscrits sont brochés. Quant à ceux qui sont reliés, la reliure est, dans la majorité des cas, un carton qui couvre le manuscrit pour le protéger de la moisissure. On constate que les chercheurs ne se sont pas beaucoup intéressés à la paléographie, en dépit de son importance pour le patrimoine écrit. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu une réponse définitive à la question relative à l’origine de la calligraphie des manuscrits arabo-africains en Afrique occidentale. Ibn Khaldun, dans ses Prolégomènes, affirme l’origine andalouse de cette écriture, parce que les livres saints sont écrits en Andalousie, d’où son caractère sacré et sa pérennité. Pour d’autres, avec le mouvement almoravide, elle vient d’ailleurs. Mais, l’observation d’un certain nombre de manuscrits arabo-africains nous incline à distinguer plusieurs types d’écriture. Exception faite des manuscrits en provenance du Moyen Orient ou du Maghreb, exécutés dans des écritures nash, kufi et maghrébine, les manuscrits écrits en arabe ou en caractères arabes adoptaient différentes écritures qui dérivent presque toutes du kufi oriental. On distingue la forme soudanaise utilisée par les Peuls, les Haoussas dont les lettres sont pleines et le wolof dont les lettres sont grosses. Le swahili tend à abandonner les caractères arabes au profit des caractères latins, comme ce fut le cas de plusieurs écritures parmi les 129 langues qui ont adopté le caractère arabe et l’écriture « sùqi ». Quant aux outils utilisés pour l’écriture, le plus employé est le calame, mot d’origine grecque emprunté au phénicien, comme ce fut le cas du mot grec daftar qui signifie peau et qui est une tige végétale creuse. Il pouvait être fait de plume d’oiseau pour écrire avec de l’encre. Pour
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ce qui concerne la couleur de l’encre, en dehors du noir, le rouge est le plus utilisé. Cette couleur assez usitée, surtout dans les gloses et les commentaires des textes didactiques, relatifs, essentiellement, au droit juridique (fiqh) et à la grammaire, a donné naissance à un terme technique issu de la couleur même « ihmiràr », pourpre de l’encre. Ce terme a pris sa place dans le dictionnaire des termes techniques du manuscrit arabe qui paraîtra dans sa quatrième édition sous le titre « Vocabulaire codicologique du manuscrit arabe ». En tout cas, affirme C. Hamès22, dans l’approche de cette question de l’écriture arabo-africaine, pratiquement tout le travail d’analyse reste à accomplir et il serait certainement souhaitable, à cette occasion, qu’on repose le problème général des styles d’écriture « arabe » pour aboutir à des typologies qui tiennent compte des originalités ou des « évolutions » africaines et autres. Nous avons pris le Mali et le centre Ahmed Baba, comme exemples, pour montrer les efforts fournis, récemment, par les états africains et les organismes internationaux, en vue de sauvegarder et de conserver le patrimoine écrit. D’autres pays limitrophes ont fait de même. On peut citer le travail de l’Institut mauritanien de la recherche scientifique (IMRS)23 qui, depuis 1975, s’est fixé comme objectif la détection et la centralisation des manuscrits disséminés à travers le pays. On peut citer, aussi, les efforts de l’Institut fondamental d’Afrique noire qui gère, en même temps, un fonds de manuscrits arabo-africains assez riche et important. En guise de conclusion, nous disons que, si les fonds arabes manuscrits d’Afrique du Nord ont attiré l’attention des chercheurs maghrébins et européens et ont fait l’objet de collectes, d’inventaires, de répertoires, de catalogues et d’éditions critiques, tel n’est, malheureusement, pas encore le cas des multiples fonds disséminés en Afrique occidentale. Si une partie a été collectée, une autre infime partie a fait l’objet de catalogage. Cette région d’Afrique continue à recéler de fonds riches inexploités. Leur exploitation promet des découvertes inattendues de documents qui semblent perdus depuis des siècles. Il y a quelques 22. Cf. Constant Hamès. 23. Rebstock Ulrich, « La littérature mauritanienne, portrait d’un héritage négligé », in L’Ouest saharien, n° 2, 1999, p. 179-84. Manuscrits anciens maghrébins et soudano-sahariens
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années, on a découvert dans un fonds privé de Mauritanie un ouvrage de grammaire longtemps cherché par les experts. Il est attribué au philosophe musulman Avicenne. Cet ouvrage a fait l’objet d’une édition critique et été mis à la disposition des chercheurs. C. Hamès affirme que les catalogues établis à propos de l’Afrique islamisée resteront encore incomplets tant que la prospection auprès des groupes de lettrés, village après village, tribu après tribu, n’aura pas atteint une couverture jugée suffisante. Je dirai, de mon côté, que les catalogues établis, jusqu’à présent, ne nous permettent pas de tirer des conclusions définitives sur la vie culturelle dans cette région, pendant les trois derniers siècles. Même une étude codicologique qui pourrait réserver des plaisirs dans l’avenir n’est pas envisageable, tant que la quasi totalité des fonds arabo-africains n’auront pas été découverts et explorés.
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Quatrième Partie Tombouctou et ses siècles de lumière
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CHAPITRE 14 Influences interculturelles entre le Maroc, Tombouctou et l’université de Sankoré Ali Ould Sidi Résumé La présente étude est une esquisse de la contribution des oulémas de Tombouctou à la civilisation universelle. La première partie présente les échanges patrimoniaux entre le Maghreb et Tombouctou cependant que la deuxième partie concerne le tout premier établissement universitaire de Tombouctou ayant éminemment contribué au rayonnement et à l’érudition de l’Afrique subsaharienne et des autres cités universitaires de la sous-région ayant de fortes relations académiques et scientifiques avec Tombouctou. S’inspirant des itinéraires transsahariens anciens, l’étude passe en revue les facteurs économiques, religieux, sociaux, culturels, intellectuels et scientifiques qui ont forgé les destinées des populations des deux rives du Sahara du VIIIe siècle de l’ère chrétienne, période d’islamisation de Tombouctou à la période contemporaine. Cette étude met particulièrement l’accent sur les prestigieuses cités qui ont pleinement participé au processus de renforcement des relations entre le Maroc, surtout Goulimine, Fès, Marrakech, et Tombouctou.
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ontrée lointaine, jadis cité universitaire nichée sur les flancs du fleuve Niger et porte d’entrée des azalais chargés de sel et de
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manuscrits, Tombouctou est située par seize degrés de latitude Nord et cinq degrés de longitude Ouest. Son nom mythique a embelli les rêves d’oulémas, de poètes et de chercheurs et a provoqué d’ardentes vocations. Ville touristique par excellence, son pouvoir attractif a suscité au fil des siècles l’engouement d’illustres voyageurs et explorateurs. En 1353, déjà, Ibn Batouta, le globe trotter arabe qui visite la capitale du Mali, en rentrant au Maroc passe par Tombouctou. Il est l’un des premiers écrivains à mentionner le nom de la ville : Nous voyageâmes après, écrit-il, vers la ville de Tunbuctu. Entre elle et le Nil, il y a quatre milles. La majorité de ses habitants est des Massufa, porteurs de litham. Il y a, dans cette localité, les tombeaux du poète illustre, Abu Ishak al-Sahili, et celui de Siraj al Din al Kuwayk, un des grands commerçants d’Alexandrie.
Es Saadi, l’auteur du Soudan cité par Delafosse rapporte que, dès le XIVe siècle, un savant arabe du nom d’El Temini arrive à Tombouctou avec Kankou Moussa dans l’intention de professer à l’université de Sankoré. Ce savant s’aperçoit alors qu’il est en retard d’une vingtaine d’années sur les jurisconsultes de la cité soudanaise et décide de retourner se perfectionner à Fès. Au XVIe siècle, Kati1 mentionne la mission culturelle qu’effectue le premier chérif saoudien auprès d’Elhaj Askia Mohamed en ces termes : « Plus tard, Moulaye El Abbas enjoignit à Moulaye Esseqli d’aller s’établir auprès du prince. Moulaye Es Seqli s’y rendit en l’an 1519 et sa venue parmi nous coïncida avec le moment où nous venons de commencer cet ouvrage ». La fonction stratégique et touristique de Tombouctou se renforça au XIXe siècle avec l’arrivée massive de missionnaires et explorateurs européens : Gordon Laing en 1826, René Caillé en 1828, Heinrich Barth en 1853, Oscar Lenz en 1880. Parmi eux, seul l’Allemand Heinrich Barth se livra à une véritable exploration scientifique moderne attestée par la fécondité de ses œuvres, l’étendue de ses découvertes et la durée de son séjour d’environ sept mois à Tombouctou.
1. Kati Mahmoud, Tarikh El-Fettach, Adrien Maisonneuve, Paris, 1981, p. 27.
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De nos jours, Tombouctou, cité bénie d’Es Saadi, d’Ahmed Baba, de Réné Caillé et de tant d’autres chercheurs, continue d’exercer un pouvoir magique sur ses visiteurs par les vestiges de son université, son patrimoine architectural, ses hauts lieux historiques et culturels et son artisanat original.
Influences culturelles entre le Maroc et Tombouctou Tombouctou développe très tôt des relations privilégiées avec des cités marocaines dont Sidjilmassa, Fès et Marrakech, localisées en bordure de la limite septentrionale du Sahara. Ce Sahara, un des grands déserts du monde, loin de constituer un élément de déterminisme géographique se révèle, avant tout, comme un trait d’union entre les cités maghrébines et soudanaises. En effet, nombreuses sont les sources historiques montrant que le Sahara, notre patrimoine commun, constitue le ciment de l’interculturalité, comme l’attestent les traces et vestiges des itinéraires et anciennes routes : routes des chars, routes du sel, routes de l’or, chemins de l’encre, etc. Témoignages éloquents de la suprématie et de l’intensité des échanges entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne, ces itinéraires historiques continuent de renforcer l’ancrage de la dynamique culturelle entre paysages culturels et sites naturels Sud-Sud.
Figure 1 : Vue aérienne de Tombouctou. Les cercles identifient les trois mosquées de Tombouctou, jadis composantes de l’université de Tombouctou et inscrites au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1988 Influences interculturelles entre le Maroc, Tombouctou et l’université de Sankoré
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Source : Figure 2 : Tombouctou, carrefour du commerce transsaharien
Patrimoine architectural L’influence de l’architecture marocaine sur Tombouctou est visible dans différents domaines. L’architecture de palais Le Ma-dugu ou palais des rois mandingues est une œuvre architecturale construite peu après celle de la mosquée de Djingareyber. Es Saadi2 l’attribue à El Hajj Kankou Moussa : « ensuite, Kankou Moussa prit la route de Tombouctou. Il s’empara de cette ville et fut le premier souverain qui s’en rendit maître. Il installa un représentant de son autorité et fit construire le palais royal appelé Ma-dugu, mot qui signifie dans leur langue, palais du roi ». Léon l’Africain3 parle d’un somptueux palais au sein duquel loge le roi : « au milieu de la ville se trouve un
2. Es Saadi Abderrahmane, Tarikh ES-Sudan, Paris, Adrien Maisonneuve, Rue St Supplice, 1981, p. 14. 3. Leon L’Africain Jean, Description de l’Afrique occidentale, Adrien Maisonneuve, Paris, 1981, p. 47.
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temple construit en pierres maçonnées avec un mortier de chaux par un architecte de la Bétique (Abû Ishaq Es Saheli al-Touwaidjin) ». Ibn Batouta qui visite Tombouctou en 1353 décrit les composantes du Madugu : « il ressemblait au palais de la capitale et était composé d’une coupole élevée dont la porte se trouvait à l’intérieur. C’était dans cette coupole que s’asseyait le gouverneur. Elle comportait des fenêtres en bois ayant des rideaux en laine, une salle d’audience avec estrade pourvue de gradins ». Ce palais, dont il ne reste aucun vestige aujourd’hui, serait, selon Es Saadi, tombé en ruine au cours de la première moitié du XVIIe siècle. A l’instar du professeur Sékené Modi Sissokho, il est permis de penser que le grand El Hajj Kankou Moussa, sous le coup du mirage oriental, ait voulu élever au bord du Niger une résidence pouvant soutenir la comparaison avec les résidences des rois de l’Orient. Mais, faute de matériaux indispensables à l’entretien, telle que la chaux, on la laissa tomber en ruine. L’architecture militaire Sous la période des Armas (1591-1780), Kati fait mention de la casbah marocaine édifiée par Djouder en 1591 : « le pacha expropria les propriétaires du quartier qu’il choisit au milieu de la ville. C’était là que s’élevaient les maisons des grands commerçants, des notables, de la Mosquée de Khalid. Les Marocains joignirent les maisons les unes aux autres et démolirent une partie des bâtiments. » Ce ne fut donc pas un véritable fort à angle droit comme ceux du Maroc à la même époque, mais, sans nul doute, une construction irrégulière tenant compte au maximum du terrain et des maisons préexistantes. Es Saadi rappelle que la casbah était entourée d’une enceinte ou borj avec deux entrées : la porte de Kabara et la porte du marché. Cette casbah qui figure en bonne partie dans le Tedzikirat en Nissan subsista jusqu’au XVIIIe siècle et même au-delà. Jackson, qui effectua le voyage de Tombouctou vers 1787, précise que « la ville de Tombouctou était entourée d’une muraille de terre en toub comme en Afrique du Nord, de douze pieds de haut environ, assez forte. Elle a trois portes : Bab Sahara au Nord, Bab Nil au Sud et Bab El-Kibbla à l’Est. Ces portes sont sur de larges gonds et fermées la nuit : elles sont cloutées à l’extérieur ». Barth4, l’explorateur 4. Barth Heinrich, Voyages et Découvertes de l’Afrique septentrionale et centrale, A. Bohné, A. Lacroix et F. Van Meenen, Paris, Bruxelles, 1861, p. 36. Influences interculturelles entre le Maroc, Tombouctou et l’université de Sankoré
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Allemand qui visite Tombouctou en 1853, ajoute que la casbah sera définitivement détruite au début du XIXe siècle : « les murailles furent détruites en 1826 lorsque les Peuls s’emparèrent de la ville ; elles ne consistaient qu’en un simple rempart de terre ». Lenz5 confirme également cette démolition : « comme je l’ai dit, Tombouctou est une ville ouverte, car les Foulanis ont détruit les murs qui l’environnent au moment de leur entrée en 1826. Une ceinture de huttes rondes existe sur une partie de sa circonférence. » L’architecture religieuse La mosquée de Djingareyber est située à l’extrême ouest de l’ancienne ville, classée patrimoine national du Mali suivant le décret 92-245 du 18 décembre 1992. Elle est bâtie par le sultan du Mali, El Hajj Kankou Moussa, de retour de son pèlerinage à la Mecque en 1325. Barth6 parle d’une inscription encore visible de son temps, mais presque illisible, au dessus de la porte principale indiquant la date de 1327 et le nom Mansa Moussa. Elle fut construite par l’architecte Andalou Abu al-Touwaidjin auquel l’empereur du Mali offrit quarante mille mitqals d’or. Le sanctuaire fut reconstruit par El Hajj Al-Aqib, Cadi de Tombouctou
Photographie : R. Mauny, IFAN Figure 3a : Grande Mosquée de Djingareyber, côté Est
Photographie : R. Mauny, IFAN Figure 3b : Portique d’entrée des fidèles (1953)
5. Lenz Oskar, Tombouctou, Librairie Hachette et Cie, Paris, 1887, p.141. 6. Barth, p. 37.
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qui ajouta la partie Sud, en 1978. A l’exception d’une infime partie de la façade Nord en calcaire, la mosquée est construite entièrement en banco. C’est une structure typiquement soudanaise caractérisée par des piliers massifs et un minaret principal de forme pyramidale. Elle compte trois cours intérieures et comprend vingt cinq rangées dans le sens estouest. C’est une mosquée à valeur architecturale exceptionnelle qui a été inscrite, depuis 1989, sur la liste du patrimoine mondial en péril (voir les deux vues de la figure 3).
Le rôle des oulémas L’influence culturelle et intellectuelle entre les cités marocaines et Tombouctou est précisée par les Tarikhs et recueils biographiques des marocains et tombouctiens des XIVe et XVe siècles : Ibn Battouta, en 1353, signale déjà à Tombouctou la présence d’une intelligentsia marocaine dont Addakaly, Mohamed Al Filali, Mohamed ben Al Jaqih Aljarouli et son gendre, Abdoul Wahib, le spécialiste du Coran.
Photographie : J. Habib Sy Figure 4 : Façade centrale de la bibliothèque al Wangari de Tombouctou Influences interculturelles entre le Maroc, Tombouctou et l’université de Sankoré
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Les recueils et Tarikhs renferment également des détails précieux sur les rapports intellectuels des érudits des deux rives du Sahara. Ainsi Ahmed Baba al-Tinbukti dans son Nayl al Ibtihaj fait mention d’une série d’oulémas marocains parmi lesquels on peut citer Muhammad b. Al-Qasim b. Muhammad Al Qawi, mufti de Fès décédé en 1467, Sid Ahmad Zarruq, élève de al-Qawri et qualifié par Ahmad Baba de « dernier des imams sufis qui joindraient les connaissances mystiques aux connaissances de la Loi », Ibn Ghazi Khatib de Meknès et de la mosquée des Qarawiyyin à Fès et Abd Allâh B. Ahmad al-Zammuri, jurisconsulte, historien et commentateur du Kitab al-Shifa du Cadi Iyad. Al-Zammuri a été le maître de al-Mukhtar, fils du Cadi de Tombouctou, Anda Ag Muhammad, professeur émérite à l’université de Sankoré. Par ailleurs, au cours de ses seize années d’activité intellectuelle intense à Marrakech, Ahmed Baba al-Tinbukti précise les noms et fonctions des érudits ayant bénéficié de son enseignement et de son expérience. Il cite, entre autres, Abu Qasim b. Abi Na âym al-Ghassani, Cadi de Fès, Abul Abbas Ahmad b. Al-qadi, Cadi de Meknès, Abd al Wâhid b. Ahmad al Ragrâgi, mufti de Marrakech, Ahmed al Maqqari, théologien et célèbre historien de Tlemcen.
Photographie : IHERIAB Figure 5 : Manuscrit de l’Institut Ahmed Baba traitant de Chiffa da Cadi IYaad
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L’arabe, ciment culturel La langue arabe, qui est devenue aux XVe et XVIe siècles l’une des principales langues écrites en Afrique occidentale a joué un rôle considérable dans l’éclosion de la littérature dans les langues africaines. On a signalé l’existence de pierres tombales trouvées sur les tombeaux de souverains Songhoï près de Gao. Farias signale l’existence de stèles funéraires dans cette zone et relève que les messages qu’on peut y lire permettent une nouvelle approche des rapports souvent heurtés entre catégories sociales autochtones et entre les envahisseurs arabo-berbères et ces dernières (Farias, 2008). A son apogée, Tombouctou a connu une véritable industrie artisanale du livre, avec ses nombreux ateliers de sélection des manuscrits, de scribes et de calligraphes, de correcteurs, de relieurs et de chercheurs. En 1512, Léon l’Africain7 rapporte qu’« on vend aussi beaucoup de livres qui viennent de Berberie, on tire plus de bénéfice de cette vente que de tout le reste des marchandises ». A la fin du XVIe siècle, Ahmed Baba al-Sudani mentionnait l’existence de plusieurs bibliothèques de manuscrits : « J’étais le moins pourvu des détenteurs de manuscrits et ma bibliothèque comptait près de 1 600 ouvrages ». De nos jours, une répartition spatiale des détenteurs de manuscrits obéit aux premiers foyers de peuplement culturel de Tombouctou ; les bibliothèques au nombre d’une cinquantaine au moins se localisent autour des grands centres universitaires de Sankoré, Badjindé et Djingareyber (voir le chapitre 14 de cet ouvrage qui donne une liste complète du patrimoine bibliothécaire de Tombouctou et du Nord du Mali). Le développement de l’instruction à Tombouctou et ses environs a permis à beaucoup de lettrés de se cultiver davantage et de rédiger des manuscrits sur des sujets variés. Parmi ces manuscrits, nous proposons ici un échantillon traitant aussi bien des sciences sociales, politiques, que de la gouvernance, du règlement des conflits, de la diplomatie et de la santé8.
7. Op. cit. 8. Communication présentée lors de l’atelier sur l’Exploitation scientifique des manuscrits anciens de Tombouctou (CNRST, Bamako, 2006). Influences interculturelles entre le Maroc, Tombouctou et l’université de Sankoré
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Zouber9 qualifie Ahmed Baba Al-Sudani (1556-1627) de réservoir d’érudition et nous rappelle qu’au cours de son séjour au Maroc il tenait deux sortes de majlis, à savoir des cercles publics, où il dispensait son enseignement à un large auditoire et des cercles réduits organisés par une petite élite constituée d’amis et de disciples favoris. A Tombouctou même, la tradition orale tient qu’au cours d’un de ces majlis, Ahmed Baba fut interpellé sur un point délicat de juridiction. Il donna une réponse satisfaisante à l’assistance, puis cita comme référence un document resté dans sa bibliothèque de Tombouctou. Ses interlocuteurs non convaincus de sa source bibliographique exigèrent le document de référence. Embarrassé, acculé, Ahmed Baba demanda séance tenante à sa fille Nana Fatouma installée à Tombouctou de le lui faire parvenir. Le mythe s’est emparé de cette séquence de la vie de cet érudit horspair. On raconte à présent que devant l’insistance de son auditoire pour connaître la référence mentionnée plus haut, l’assistance vit soudain entre les mains du cheikh un vieux manuscrit dont la couverture portait les empreintes des doigts de Nana Fatouma, occupée à cuire du vermicelle, au moment de tendre le livre à son père. « Quel miracle ! », s’exclama l’assistance. De tels mythes ne sont jamais absents de la relation orale de génération en génération, relation qui finit par se cristalliser en une sorte de point d’ancrage de la mémoire historique. Mais ceci n’enlève rien à la réputation bien fondée de savant émérite d’Ahmed Baba dont le parcours a été décrit par plusieurs auteurs dans le présent ouvrage.
Le patrimoine musical L’influence marocaine a marqué la civilisation de la région soudanaise dans plusieurs domaines dont celui de la musique. Il existe une musique de cour avec des musiciens professionnels comme les mabé. Par exemple, la cour de l’Askia, à Gao, était animée par les chants et la musique des luths jouant la tamala, qui évoquait les hauts faits des grandes figures du Songhaï. A Tombouctou, la cour du Pacha était animée par les violons jouant le tandina qui continue d’être exécuté de nos jours.
9. Zouber Mahmoud, Ahmed Bâbâ de Tombouctou (1556-1627) : sa vie et son œuvre, 1977, p. 28
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Photographie : J. Habib Sy Figure 6 : Jeunes danseuses à l’occasion de la cérémonie d’inauguration de la nouvelle bibliothèque de l’Institut des hautes études et de recherches Ahmed Baba, au milieu de la place de Sankoré, en face de l’ancienne université du même nom
Les oulémas de Tombouctou avaient aussi pris goût à la musique et la poésie, et se délectaient des chants de louanges et de prières à l’endroit du Prophète Mohamed (Paix et Salut sur Lui) par leurs disciples ou taalibés, ou par des troubadours spécialisés dans les biographies du Prophète (PSL). Pendant les fêtes religieuses (Maouloud, Ramadan, Tabaski, Hégire…) et les grandes cérémonies (mariages, naissances, circoncisions et prise du turban ou cérémonie de remise du diplôme aux étudiants du cycle supérieur), les griots et les troupes musicales traditionnelles se manifestent de jour comme de nuit. Les panégyriques sont exécutés par les marabouts et les poèmes par les forgerons maures ou haddad. Les relations séculaires entre Tombouctou et le Maroc, entamées depuis le premier siècle avant notre ère, via la route des Chars reliant le sud marocain à la boucle du Niger vont s’intensifier aux VIIIe, XIVe et XVIe siècles avec respectivement l’islamisation de la région, l’implantation de l’université de Sankoré, et du Pachalik marocain (1591-1780). Les vestiges de ce passé restent encore tangibles et vivants à travers les villes du Mali et les traces immuables de caravanes, de l’architecture Influences interculturelles entre le Maroc, Tombouctou et l’université de Sankoré
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soudano-sahélienne, des villes avec un passé de grandeur mais recroquevillées sur elles-mêmes, de gravures rupestres, de manuscrits, et de sites culturels d’une valeur exceptionnelle, aujourd’hui inscrits au registre du patrimoine mondial de l’Unesco.
Photographie : Bibliothèque Es-Sayouti Figure 7 : L’une des compositions calligraphiques les plus fameuses, conservée dans la collection de la bibliothèque de l’imam de la Grande Mosquée de Djingareyber, Abdramane Ben Es-Sayouti
L’université de Sankoré et son rayonnement intellectuel Au XIVe siècle, un grand nombre de lettrés arabes Lemtouna-Sanahaja anciens réfugiés fuyant Sonni Ali Ber, se transportèrent à Tombouctou après la ruine de Birou, et allaient faire de cette cité, avec des lettrés autochtones de renom tel Bakayoko qui fut le maître d’Ahmed Baba, le plus grand centre religieux et intellectuel du Soudan. Les Sanahaja, venus de Oualata, s’installèrent au nord du quartier de Badjindé et fondèrent le quartier des Sane ou Sankoré qui est une contraction du mot composé sonrhaï « sane » (maître) et « korèye » (Blanc). Plusieurs générations d’oulémas se sont ainsi distingués au cours de l’histoire par leur piété, leur dévotion aux affaires de la cité et leur grande érudition. Ils bâtirent en 1433 une mosquée à Sankoré, aux frais d’une grande dame anonyme de la tribu des Laglal, très riche et désireuse de faire bonne œuvre, voulant acheter sa part de paradis par ce geste honorable. Au cours des âges, Tombouctou a reçu des vagues d’immigrants, de
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Photographie : R. Mauny, IFAN
Photographie : J. Habib Sy
Figure 8 : Cette photo date du 18 janvier 1952. Elle montre le minaret en mauvais état de la mosquée de Sankoré vue de la cour intérieure. Noter l’exhaussement du sol (porte basse).
Figure 9 : imam de la Mosquée de Sankoré Santa’u ibn’l-Haadi‘Wadaani
lettrés, de commerçants, de traitants de toutes sortes, de gens d’armes, de savants et de poètes maures d’Espagne venus se réfugier à Tombouctou, apportant les moissons de Grenade et de Cordoue, et, fuyant la chasse impitoyable à l’homme dont ils furent l’objet lorsque l’Espagne est reconquise par les rois catholiques. Les familles pieuses et lettrées des Aqît, vivant autour de la mosquée de Sankoré, se dévouèrent, les uns, uniquement au culte, au service de Dieu et de la mosquée, les autres, à la justice et fournissaient des magistrats ou cadis. Un grand nombre se consacrait à l’enseignement. Les uns et les autres cultivaient les lettres, écrivaient des livres, faisant de Tombouctou un vaste souk spécialisé dans le commerce lucratif des manuscrits. Tous ces docteurs devenaient des bibliophiles, de véritables « amis » de livres, recherchant avec passion les œuvres qui leur manquaient. La langue arabe devenait la langue de culture et de communication écrite. Dès lors, Tombouctou devint un foyer de Influences interculturelles entre le Maroc, Tombouctou et l’université de Sankoré
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culture islamique animé aussi bien par des Noirs soudanais que par des Arabo-berbères. Elle ne cessait d’attirer lettrés, étudiants et tous les hommes en quête de savoir. Elle devint finalement un foyer de création et d’inspiration, le cadre rayonnant d’une intense vie religieuse, de nombreuses activités scientifiques et l’héritière d’une longue tradition culturelle islamique. Elle fut remplie d’étudiants soudanais, gens de l’Ouest, pleins d’ardeur pour la science et pour la vertu. Les scribes, les calligraphes, les copieurs, les correcteurs rivalisaient de talent pour imprimer à la matière manuscrite toute sa noblesse et son panache.
Photographie : J. Habib Sy Figure 10 : Récente vue (2011) de la façade rénovée et du minaret de l’université-mosquée de Sankoré
La ville de Tombouctou offrait ainsi un cadre idéal pour l’éclosion d’une université. Elle groupait dans ses principaux quartiers, plus de 180 écoles coraniques totalisant plus de vingt cinq mille (25 000) étudiants. Dès le début du XIVe siècle, des oulémas, jurisconsultes, professeurs, conseillers politiques, écrivains, historiens, géographes,
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et grammairiens, enseignaient tour à tour dans les trois principales mosquées de Djingareyber, Sidi Yahia et Sankoré. L’ensemble de ces écoles, les élèves et étudiants, les professeurs, les mosquées, dont la plus célèbre est celle de Sankoré et l’ensemble des centres d’études et d’enseignement constituent l’université de Tombouctou. A toute les heures du jour et de la nuit, Sankoré était grouillante de monde qui se rassemblait aux heures de la prière en rangs serrés, ou se pressait aux cours de tel ou tel maître réputé. La mosquée de Sankoré10, site du patrimoine mondial depuis 1988, qui a été naguère le bâtiment principal de l’université de Tombouctou, est une bâtisse entièrement construite en banco et est située au nord-est de la ville, dans le quartier du même nom. Elle a été construite à l’époque mandingue (1325-1433). Le sanctuaire a été reconstruisit entre 15781582 par l’imam Elhadj Al Aqib qui lui a donné les mêmes dimensions que la Kaaba de la Mecque, dimensions prises à la suite de son pèlerinage aux lieux saints en 1581. Son style architectural est semblable à celui de la grande mosquée de Djingareiber. L’intérieur est composé de trois colonnes délimitant les rangées pour la prière d’hiver et d’une cour pour les prières d’été. Au centre se dresse un minaret d’environ quinze mètres construit sur le même style que celui de Djingareiber. La partie nord de la mosquée servait de salles de classe à l’université de Sankoré qui, selon l’auteur du Tarikh el-Fettach comptait vingt cinq mille étudiants. L’ensablement a toujours constitué un danger permanent pour ce joyau architectural. Ainsi en 1952, le sable avait atteint une hauteur considérable autour de la mosquée (voir figure 6 ci-dessous) cependant que la toiture fut défaite et les murs relevés à l’intérieur. C’est à cette époque, nous confie l’actuel imam de la mosquée, que la façade-Est fut revêtue de pierre calcaire ou alhor. Selon la tradition orale, les degrés d’enseignement primaire, secondaire et supérieur sont calqués sur le système éducatif en vigueur à l’université Al-Azhar et dans les écoles célèbres du Caire probablement visitées par les pèlerins soudanais durant leur hajj.
10. Ould Sidi Ali, Le patrimoine culturel de Tombouctou, enjeux et perspectives, Impr. color, Bamako, 2008, p. 18. Influences interculturelles entre le Maroc, Tombouctou et l’université de Sankoré
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Photographie : Ali ould Sidi Figure 7 : Scène récente (sans date) de délivrance d’idjaza au cours d’une cérémonie officielle de fin de cycle d’enseignement pré-universitaire à Tombouctou
Au premier degré, la méthode d’enseignement était globale, syllabique, lente et consistait à mémoriser ce qu’on apprenait et à développer graduellement l’esprit de l’enfant. L’enseignement du Coran y était devenu obligatoire, et les jeunes rivalisaient de zêle en l’apprenant par cœur. Ils étudiaient également les préceptes moraux. Les cours étaient dispensés le matin de bonne heure et les après-midi. Le jeudi et vendredi étaient jours fériés. Dès l’âge de sept ans, tous les enfants de la ville étaient scolarisés. Une stricte discipline régissait l’école. Cet enseignement traditionnel préparait à la vie d’homme et initiait à la lecture et à l’écriture de l’arabe. La fin des études était sanctionnée par une séance de récitation et de lecture du Coran devant un jury. Le deuxième cycle était celui de la grammaire, de la traduction et du commentaire. Il s’adressait aux citadins et à des élèves venus des provinces occidentales plus islamisées de Gao, des villes haoussa et du sahel soudanais, intégrés dans les familles par piété islamique. Tous les voyageurs étaient considérés comme des hôtes. Ils recevaient des cadeaux et des aumônes et exécutaient souvent de petits travaux pour subvenir à leurs menues dépenses. Ils avaient une haute conscience de
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leurs études, un grand respect pour leurs maîtres et pour la tradition. Ils étaient très passionnés de savoir et aimaient beaucoup les livres. Leur objectif fondamental était d’acquérir les connaissances relatives à la religion, à la conduite de l’homme et au développement de leurs valeurs spirituelles et morales. Au moment de leurs leçons, ils lisaient, et les professeurs expliquaient, commentaient les textes, suscitaient des questions. Ils donnaient des devoirs sous forme de directives de recherches. Ils délivraient, pour chaque matière enseignée, des diplômes ou idjaza aux étudiants qui avaient terminé leurs études. Ce qui leur permettait l’accès aux niveaux supérieurs et leur ouvrait la possibilité de fréquenter les cours et conférences des grands maîtres de la mosquée de Sankoré où chaque professeur organisait librement ses enseignements. C’est là que se faisait la formation des cadres. Le Tarikh El-Fattach nous enseigne qu’il y avait à Tombouctou, au XVIe siècle, entre 150 à 180 écoles coraniques, indépendamment de trois centres d’études supérieures que sont la grande mosquée de Djingarey Ber, la mosquée de Sankoré et la mosquée Sidi Yahia, domaine des Wangara (voir figure 4). Après l’école coranique, les jeunes apprenants obtenaient un diplôme leur permettant de poursuivre des études supérieures. Le cycle de cette seconde étape pouvait durer jusqu’à dix ans et dépendait de la situation économique de l’étudiant. Seuls, les enfants de familles aisées pouvaient mener à bien la formation universitaire, ou bénéficier d’une bourse royale, être aux services d’un grand de la cour, ou être soutenu par un privilégié. Au troisième cycle, ou à l’institut supérieur de la mosquée où enseignaient imams, cadis et grands juristes, l’étudiant se concentrait, en partie, sur les fondements philologiques, syntaxiques et lexicaux de la langue arabe, qu’on lui apprend à écrire et parler avec élégance. Les programmes de l’enseignement supérieur tiraient des traditions en cours dans les universités maghrébines, la matière de leurs sujets. Ces programmes étaient centrés sur la connaissance approfondie du Coran, l’interprétation des propos du Prophète et les actes de sa vie et, enfin, la jurisprudence. Les programmes de cet enseignement supérieur faisaient plus rarement place aux sciences exactes pourtant enseignées à la même époque dans les universités orientales et maghrébines. Cela n’a pas empêché Influences interculturelles entre le Maroc, Tombouctou et l’université de Sankoré
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l’éclosion d’une abondante littérature écrite par des Soudanais en ajami sur des sujets aussi divers et ardus que la botanique, la pharmacopée, la médecine, la logique, les mathématiques, l’astronomie, etc. En tout état de cause, les matières alors enseignées n’avaient aucune relation avec les cultures des terroirs négro-africains. Faute d’avoir réussi à cette mission d’intégration dans un milieu à majorité négroafricaine, ces universités n’ont point survécu à la disparition progressive de périodes antérieures d’abondance et de prospérité qui avaient conditionné leur existence. Mahmoud Kaati, l’un des auteurs du Tarikh el fettach, rappelle qu’au XVIe siècle existait déjà une longue tradition universitaire à Tombouctou où n’enseignaient à la mosquée universitaire de Sankoré que les titulaires d’un diplôme ou d’une licence d’enseignement délivrée par des maîtres réputés et connus du Maghreb ou d’ailleurs. L’enseignement était très spécialisé. Chaque professeur délivrait un diplôme sur la matière qu’il enseignait. Le maître mentionnait la méthode et les sources bibliographiques qu’il avait utilisées. L’enseignement se déroulait dans la cour de la mosquée. Les grands maîtres avaient des salles réservées dans les annexes de la mosquée ou des places réservées sous ses arcades. A tout moment du jour et de la nuit, Sankoré était grouillante de monde, soit pour prier, soit pour assister au cours de tel ou tel professeur. Sankoré était le plus grand établissement universitaire de la ville. Ses parties nord et ouest étaient toujours réservées aux cours et hadiths de grands théologiens et leurs étudiants. Les études faites ici ne différaient pas de celles des autres universités du monde musulman. Les maîtres se livraient à l’enseignement du Coran et aux débats théologiques, aux lectures publiques et aux prêches religieuses et morales. Les mêmes livres et les mêmes objets d’études, enseignés dans les grandes mosquées du Maghreb, furent en vigueur à Sankoré. Les relations entre les différents campus universitaires de Tombouctou et des villes de rayonnement islamique comme Fès, Kairouan, Tunis, Cordoue et le Caire se manifestaient sous plusieurs aspects : les voyages d’études des docteurs de la foi se faisaient nombreux, cependant que la prédominance du rite malikite se manifestait et que les manuels de jurisprudence en provenance de ces hauts-lieux du savoir islamique, le Moukhtassar de Khalil, en particulier, et d’autres livres de prédication y circulaient en abondance. Les maîtres commentaient les textes et
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les étudiants discutaient avec eux ou entre eux de tous les problèmes : théologie, droit, rhétorique, dialectique, histoire, logique, etc. Les études coraniques étaient complétées par la grammaire, la logique, le droit musulman, à travers des ouvrages comme la « Mouwatta » d’Ibu Malik, la « Moudawana » d’Ibu Qâsim, le « Moulchtasar » de Khalil, la « Risâlat » d’El Kaïraouain, la « Moukhtasar » de Khalil, la « Risâlat » d’El-Kaïraouin, la « Touhfat-El-Houkham », la « Soughra » d’Es-sanoussi, les « Sahih » d’El-Boukhari et de Mouslim, Ech-chifaBi-Taarif-HoukoukEl-Moustapha du cadi Iyâd, « l’Alfiya », des livres d’histoire, de géographie, d’astrologie, etc. Le quartier Sankoré de Tombouctou fut un grand foyer de production littéraire et de sciences parfois occultes. Les étudiants, futurs jurisconsultes, fréquentant des hommes pieux, recevaient à la fin de leurs études un diplôme symbolisé par un turban à l’image de celui de leurs maîtres. Le port de ce turban était le plus grand moment de la vie de l’étudiant. Il témoignait de son accession à un degré élevé du savoir. L’étudiant pénétrait la communauté des sages et devenait un homme respectable comme ses maîtres. Il pouvait ouvrir une école, commencer à enseigner et devenir cadi ou imam de mosquée. Sankoré permit que le rôle de Tombouctou fut déterminant dans le rayonnement de la culture et l’épanouissement de l’islam. Cette religion, grâce à laquelle la vie intellectuelle et morale des gens de Tombouctou est bien assise, a contribué à donner à la cité la plénitude de son rôle de centre d’impulsion culturelle et religieuse. Les conceptions religieuses sont considérablement relevées par l’amour et le sentiment de l’adoration divine et le respect des traditions islamiques. Toutes les activités de la société étaient régies par la loi du Coran. L’état Songhaï adopta durant de longues périodes un caractère islamique dans sa méthode administrative. La floraison religieuse a entrainé au fil du temps une solidité des institutions, doublée d’un niveau de civilité des mœurs et coutumes, de clémence et de compassion envers les étrangers et les pauvres, de courtoisie à l’égard de tout étudiant et de sécurité des personnes et des biens, toutes qualités qui sont devenues proverbiales par la suite. Elles ont fait de cette ville antique de Tombouctou, labellisée par la suite, « ville des 333 Saints », un incubateur unique et un carrefour central Influences interculturelles entre le Maroc, Tombouctou et l’université de Sankoré
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d’humanités, de civilisations, de traditions littéraires, artistiques et de ce goût exquis pour la mesure, la tempérance et le recueillement qui sont la marque des grandes civilisations. En s’implantant durablement au cœur du terreau culturel soudanais, l’islam a été assimilé et assumé par les populations à travers les ressorts propres aux valeurs morales et spirituelles authentiquement africaines.
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REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Actes de l’atelier sur l’exploitation scientifique des manuscrits anciens de Tombouctou, Bamako, CNRST, 2006.
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Ould Sidi Ali, Le patrimoine culturel de Tombouctou, enjeux et perspectives, Impr. color, Bamako, 2008.
Zouber Mahmoud, Ahmed Bâbâ de Tombouctou (1556-1627) : sa vie et son œuvre, 1977. Manuscrit al-Dibaaj al-mudhahhab fi ma’rifat a’yan ‘ulamaaal-madh’hab, publié au Caire en 1351/ 1932-3.
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CHAPITRE 15 Quelques ouvrages manuscrits sur l’histoire de Tombouctou Mahmoud Mohamed Dédéou Résumé Cette contribution décrit quelques-uns des textes fondateurs connus comme le « Tarikh El Fettach », le « Tarikh El Sudan » et d’autres manuscrits récemment exhumés des fouilles qui montrent la grande richesse des archives anciennes de Tombouctou et, au-delà, de toute la Boucle du Niger. Le document de Lamine Gano, signalé ici, construit, avant la lettre, les arguments et les observations du « Fettach » et mérite une lecture pluridisciplinaire et une révision de traductions et de translittérations opérées parfois de façon hasardeuse sur des documents manuscrits centraux de l’espace soudano-sahélien. L’auteur, un notable natif de Tombouctou, très familier avec les gisements manuscrits du Nord du Mali, offre ici une perception endogène, contemporaine et localisée dans les terroirs de base, rarement prise en charge dans les ouvrages sur Tombouctou et la boucle du Niger.
Durar al Ihsâne Il a été écrit en arabe par Baba Guro Ben Al hadj Muhammad Ben Al Hadj Lamine Ghano à une date antérieure à la publication du Fettach Cet ouvrage manuscrit pourrait être à l’origine de toutes les sources historiques écrites de Tombouctou. L’auteur du Fettach lui-même cite ce document qui, malheureusement, à ce jour, n’a pas encore été retrouvé.
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Nous espérons qu’avec les multiples fouilles et diverses prospections bien ciblées, il y ait des chances pour qu’il soit retrouvé. Il n’est pas impossible que plusieurs de ses fragments identifiés au cours de diverses prospections en des endroits différents puissent lui appartenir si l’on en juge par le style de la narration, les thématiques abordées et leur profondeur historique. Des études supplémentaires seront sans doute nécessaires pour élucider l’énigme qui entoure jusqu’ici la réalité de ce manuscrit capital.
Tarikh el Fattach Son titre complet est Tarikh el Fattach Fî Akhbâr Al Buldâne wa-ldjuyûch wa akâbir al Nâs. Son auteur est le cadi Alpha Mahmud Ben Al Hadj Al Muitawakkil Kaati Al Karmâni Al Tinbuktî Al Wa’Karî. Dans ce document, l’auteur se félicite du règne d’Askia Al Hadj Muhammad Ben Abî Bakrin en soulignant que son existence est un grand soulagement pour la société, une aubaine. La vie est devenue agréable par l’entremise de ce dernier et c’est pour cette raison que lui, Kaati, a nourri le vœu de répertorier ses belles œuvres en mettant un peu l’accent sur Sonni Ali. Ainsi dans ce document il parle des événements du Tékrour, des hauts faits, de la dispersion des ethnies, de la vie des captifs. Cette période d’instabilité l’amènera à évoquer l’avènement d’Al Hadj Mohamed Askia à sa prise de pouvoir et les redressements qu’il a eu à faire par rapport à certaines dérives socio-politiques. Il met aussi un accent particulier sur le respect que ce monarque a pour les oulémas et les chérifs. Il parle de plusieurs oulémas et insiste sur leur spiritualité, le voyage d’Askia à la Mecque et les multiples contacts qu’il a eu à prendre. Il faut aussi noter l’histoire d’Ahmad Es Saqli, celle de Kankou Moussa et de son importante et impressionnante caravane lors de son pèlerinage à la Mecque. Nous avons droit aussi aux actions menées par Kankou Moussa, à la mésentente entre Askia et Baro qui occasionna une confrontation des plus mémorables. Il mentionne vingtquatre ethnies captives présentes dans l’empire de Chi Baro. Il cite le nom de chaque tribu, l’histoire de Abou Abdoullah Askia, sa sagesse et sa bonté et le changement qu’il a apporté pour renforcer la religion et repousser les innovations. Il évoque aussi le fait que c’est lui qui Quelques ouvrages manuscrits sur l’histoire de Tombouctou
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institua un cadi à Tombouctou et à Djenné et dans tous les endroits où la présence d’un cadi est nécessaire. Il mentionne l’année de la création de Tindirma, le nombre de puits qui y existent, la manière dont ils ont été creusés, la signification du mot Tindirma. Il parle aussi de certains événements, de multiples plaintes auprès d’Askia, raconte plusieurs histoires concernant les Songhaï, l’histoire du cadi Ousmane de Tindirma, les lieux où les bénédictions ont le plus de chance d’être exhaucées. C’est lui qui nous renseigne sur l’histoire d’Askia Daoud, le premier à créer une bibliothèque au sein de laquelle il y avait même des copistes, de même que sur l’histoire du cadi Al Akib Ben Mahmoud qui, lors de son pèlerinage à la Mecque, prit les dimensions de la Kaaba pour en donner les proportions à la mosquée de Sankoré. Il évoque les dépenses journalières de ce cadi pour la réfection des mosquées, sa grande compétence. Il relate l’histoire de Kabara Farma Alou, du Pacha Jawder Mahmoud Ben Ali Ben Zargoun, l’histoire des Armas et les troubles et désordres qui en découlent, les sinistres et exactions dépassant l’entendement, l’arrivée du Caïd Mansour de Marrakech, la baisse vertigineuse du prix des marchandises, l’année de la sortie du tabac, la mort du Pacha Mahmoud Ben Ali Ben Zargoun Jawder à Tombouctou. L’auteur de cet important ouvrage a probablement utilisé les sources de Baba Gouro Ahmed Baba et plusieurs personnes ressources pour écrire son livre. Il est aussi à retenir que le livre n’est pas divisé en chapitres, mais avec un peu d’attention on peut y voir cette distribution. Il est aussi nécessaire de faire une confrontation avec les copies existantes au niveau des autres bibliothèques afin de revoir, corriger, redresser, localiser certains vocabulaires et lieux. Il est important de pouvoir organiser un forum autour de ce livre, en évitant de se fier à ses premières traductions approximatives ou carrément biaisées.
Tarikh al Sudan par Cheikh Abdourrahmane Ben Abdallah Ben ‘Imrâne Ben’Âmir Al Sa’di. Dans l’introduction de cet ouvrage, l’auteur évoque les motivations l’ayant conduit à écrire ce livre. Son objectif est de sauver les traces de l’histoire et d’édifier les générations montantes. Il parle aussi de l’importance de la connaissance de l’origine de son pays, ses ancêtres, les grands moments de leur histoire, les dates de décès, les rois Songhaï,
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leur histoire, leurs activités. Il nous donne aussi des renseignements sur l’histoire de Tombouctou, sa création, ses chefs et ses oulémas, ses hommes vertueux et autres jusqu’à la fin du règne hachémite Abbasside sous le Sultan de Marrakech. Cet ouvrage capital pour la compréhension de l’histoire de la Boucle du Niger doit être lu en tenant compte des analyses qu’il a occasionné récemment chez des auteurs aussi divers que Hunwick, Farias, Madina Ly Tall, etc. Il est en tous cas souhaitable de procéder à une comparaison de cette publication avec d’autres éditions afin de revoir et rectifier certaines orthographes et même le sens de certains mots.
Photographie J. Habib Sy Figure 1 : Mahmoud Mohammed Dédéou, érudit et membre de la SAVAMA-DCI
Tadzkirat al Nisyân L’auteur de ce document demeure encore anonyme. Le document parle surtout des Pachas de Tombouctou cités par ordre alphabétique, selon les lettres de l’alphabet arabe. Toutefois il faut signaler qu’il commence par la lettre jim, ceci à cause de Jawder qui est le plus illustre, celuilà qui a conquis la ville de Tombouctou. Ainsi on trouve la lettre b en sixième position suivie de la lettre alif. En somme nous avons onze lettres qui correspondent à l’ordre de classement alphabétique des Quelques ouvrages manuscrits sur l’histoire de Tombouctou
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Pachas. Il y est aussi question de Moulaye Ahmed Al Mansour Al Zahabî. De même, nous y trouvons les premiers imams de la grande mosquée (Djingareyber) jusqu’à l’imam Saïd Ben Guidado, les premiers Askias à Tombouctou, les autorités qui ont dirigé Tombouctou, les dignitaires de Kabara. L’auteur consacre un chapitre entier à Mohamed Bello et la famille Fodio en évoquant leurs guerres, leur autorité, tout ce qui a trait à leur vie. Ce manuscrit mériterait de faire l’objet de recherches poussées à travers l’analyse de son contenu et la confrontation de copies signalées en plusieurs endroits pour authentifier son contenu et en saisir la profondeur historique.
Tafh al Shakûr fî Ma’rifat A’yân ‘Ulamâ’i al Takrûr Nom de l’auteur : Mohamed Ben Abî bakrîn al Siddiq Ben Abdallah Ben Muhammad Ben Attaleb al Burtûlî al Walâtî Dans son introduction, l’auteur parle de l’importance de l’histoire des oulémas et de leur baraka. Il souligne n’avoir évoqué que les plus populaires dans la mesure où parler de tous présenterait de grandes difficultés, beaucoup étant d’une époque très lointaine de la sienne. Il procéde à leur classement par ordre alphabétique, principalement ceux du Tekrour. Il décrit ensuite le Tekrour et sa situation géographique. Le livre commence par la lettre Alif et s’arrête à la lettre Ya. Il y mentionne tous les savants de la sous-région avec leurs œuvres, évoque leur sainteté et souvent les ijazas (diplômes) délivrés par ces derniers. On peut compter plus de deux cent noms. On trouve des copies de ce livre dans plusieurs bibliothèques et même chez des particuliers. On peut y lire aussi le résumé de certaines parties de ce document par des savants. La revue critique de ce document serait nécessaire pour procéder aux corrections de noms, de titres d’ouvrages, de noms de lieux et d’ethnies.
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Minah al rabb al Ghafûr fî Dhikr Mâ Ahmala Sâhib Fath al sahakûr Ce document est un complément du Fath Al Shakûr d’Al Burtûlî. Son auteur, Abû Bakr Ben Ahmad Mustaphâ al Mahjûbî, a innové en guise de complément, en parlant d’événements survenus il y a plus d’un siècle. On y trouve mentionnées, en plus des biographies et bibliographies, les catastrophes survenues, la date de décès de certains dignitaires, des épidémies. Il se livre à une véritable investigation relative aux informations livrées, à tel point qu’on peut penser qu’il ne néglige aucun détail dans la biographie des auteurs qu’il présente. Il nous parle aussi de soufisme, de saints, etc. Certains savants sont également mentionnés dans le Fath al shakûr sur lesquels il revient avec des informations nouvelles, des détails enrichissants. Il convient de signaler que ce document est unique et que la seule copie disponible se trouve à l’Institut Ahmed Baba. Elle provient du Fonds Delafosse de France et a sûrement été retrouvée après le dépouillement des manuscrits de ce fonds. Il est donc urgent d’y porter une attention particulière avant que des feuilles ne se perdent suite aux nombreuses manipulations ou que le document lui-même ne s’égare. C’est un document très important et unique.
Izalat Al Rayb Wa al Shak wa al Tafrît Fî Dhikri al Mou’allifîna Min Ahl al Takrûr Wa al sahrâ Wa Ahl Shinghît Ce document est l’œuvre de Ahmed Ben Abi al A’raf, le Marocain, le Tombouctien. L’auteur a divisé son livre en trois parties mais sans ordre apparent. L’introduction est à part, de même que les biographies de savants éminents présentées sous la forme d’un brouillon incomplet. Dans une troisième partie, il a voulu enrichir son œuvre et en rehausser le niveau avec d’autres informations, mais cette tentative est malheureusement restée incomplète. Ainsi, c’est à l’élève de son fils Muhammad Abdoullah, Hamou Mohamed Dédéou, que nous devons une copie du document qui a été réalisée en faisant suivre les fragments de biographies épars, en Quelques ouvrages manuscrits sur l’histoire de Tombouctou
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désordre et sur des feuilles volantes. Il a ajouté à cela une vingtaine de pages sur la biographie et la bibliographie de l’auteur qui a été exploitée par plusieurs chercheurs qui n’ont pas eu l’honnêteté intellectuelle de signaler la source. Ce travail a été effectué du vivant du fils de l’auteur. Dans ce document la biographie de plusieurs écrivains est mentionnée par ordre alphabétique et couvre la Boucle du Niger. Ce document est incontournable pour tout chercheur qui travaille sur les auteurs de la sous région.
al Sa’âdat al abadiyya fî al Ta’rîf Bi ‘Ulamâ’i Tinbuktu al Bahiyya Ce manuscrit est l’œuvre de Moulaye Ahmed Baber al Arwâni. Il a été achevé le jeudi jumâda II 1382 puis repris par un certain Al hadi Mabrouk Addali. Il mérite cependant révision et correction. Après l’introduction l’auteur souligne l’importance du Tarikh dans l’islam, l’importance de l’histoire, de celle des hommes pieux. Il enchaîne ensuite avec l’histoire de Tombouctou, sa description, sa situation géographique, son climat, ses habitants. Il évoque les qualités de Tombouctou et la place de l’islam dans la cité. Les matières traitées sont les suivantes : les premiers habitants de Tombouctou ; connaissance des Touaregs ; connaissance du Mali ; qui est Sonni Ali ? ; la vie d’El Hadj Mohamed Askia ; les Français ; historique de la construction des mosquées de Tombouctou ; Djingareïber ; Sidi Yahia ; Sankoré ; Jamî’Al Hanâ ; Al Koujour Djingarey ; la mosquée des Toutiens ; la mosquée du Suq ; le secret de la sauvegarde de Tombouctou ; les lieux bénis de Tombouctou ; les Tombouctiens, leurs activités et leurs métiers ; les oulémas de Tombouctou ; la biographie des oulémas contemporains et celle de ceux que nous connaissons à travers les témoignages de leurs contemporains ; chronologie des cadis de Tombouctou ; chronologie des imams de la grande mosquée ; chronologie des imams de la mosquée de Sidi yahia ; chronologie des imams de la mosquée de Sankoré ; les oulémas d’Araouane habitant à Tombouctou ; les oulémas des villages environnants de Tombouctou ; les oulémas de la tribu des Kounta ; les Saints qui ceinturent la ville, leur nombre et leur situation géographique ; l’importance de la ziyara des Saints ; le bénéfice de celui qui
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fait la ziyara ; comment faire le tawassul avec les Saints ; qu’est ce qu’un Saint ?
Les Ijâzats Ce sont des certificats ou diplômes que l’on retrouve en très grand nombre dans les bibliothèques privées et même publiques. Ils peuvent contribuer à la connaissance de certaines dates et à l’établissement du parcours de certains oulémas.
Les Rihlats Ce sont les rapports de voyages de plusieurs savants ou érudits. A travers ces rihlats on trouve des informations fiables, des biographies, l’histoire et d’autres événements.
Nayl Al Ibtihâdj bi tatriz aldibây Cet ouvrage rédigé par Ahmed Baba traite de la biographie et la bibliographie des savants malékites et surtout des savants du Tékrour. Il comporte plusieurs titres. Il a été établi par le docteur Abdoul Hamid Al Harramash de Libye et a été édité au moins deux fois.
Kifâyat al Muhtaj Fî Dhikr Man Laysa Fî al Dibâdj C’est un complément du premier. Ecrit par par Ahmed Baba, il a été corrigé et édité par le ministère de la Culture du Maroc. D’autres éditions ont été faites.
Alwathâ’iqs (les nawâzils, les fatwas, les correspondances, etc.) Les archives Nous trouvons dans plusieurs bibliothèques des fragments qui nous éclairent sur l’histoire ou la biographie des savants. Nous avons à notre niveau plusieurs titres dont on ne dispose que de fragments. On trouve aussi d’autres biographies sur feuilles volantes. Quelques ouvrages manuscrits sur l’histoire de Tombouctou
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CHAPITRE 16 Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou Jacques Habib Sy, Demba Tewe et Maïmouna Kane Résumé Ce chapitre a été écrit entre 2009 et 2010, bien avant le pillage présumé des fonds manuscrits de l’IHERIAB intervenu récemment à Tombouctou lorsque ce centre prestigieux était occupé par les narco- « jihadistes ». Les documents originaux passés en revue appartiennent aux principales bibliothèques de Tombouctou listées dans le texte. Ils posent crûment la problématique de la traduction et la translittération des sources primaires de l’histoire africaine.
L
es livres manuscrits de Tombouctou et de l’ensemble de la Boucle du Niger représentent le legs de plusieurs siècles de transactions intellectuelles, commerciales et de flux transfrontières entre le MoyenOrient, le Maghreb, l’Andalousie et l’espace soudano-saharien comprenant les formations sociales dispersées dans les frontières actuelles des Etats du Sahara occidental, de la Mauritanie, du Mali, du Sénégal, du Niger, du Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire, du Nigéria, du Tchad, du Cameroun et du Nord-Est africain. Incontestablement, Tombouctou s’est illustrée, de la plus haute antiquité à la traite esclavagiste atlantique, en tant que l’épicentre du Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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commerce transsaharien en général et livresque en particulier. Une classe de lettrés nourris à la culture islamique s’est très tôt imposée comme un passage obligé de l’administration de vastes empires, de la communication politique et diplomatique, de la gestion législative et réglementaire des biens, des terres, des greniers royaux et des rapports sociaux, politiques, culturels et religieux. En atteste, le nombre sans précédent de livres manuscrits encore en circulation ou dans des stocks de fortune éparpillés à travers ce vaste ensemble ouest-africain qui égale en superficie les Etats-Unis d’Amérique. Comme le souligne très justement Ahmed Chaouqui Benebine1, les premières universités médiévales d’inspiration islamique – tout comme celles inscrites dans la tradition judéo-chrétienne d’Europe – sont le prolongement des institutions religieuses, et, dans ce cas-ci, des mosquées, des médersas et des cycles d’enseignement supérieur pris en charge par des intellectuels et des théologiens dans divers domaines scientifiques, juridiques et socioreligieux qui correspondent aux préoccupations des classes et des structures culturelles hégémoniques. Tombouctou a acquis au fil des siècles une notoriété qu’elle doit à la qualité de ses enseignements, comme l’indiquent les premiers témoignages de Léon L’Africain et Es-Saadi ainsi que les Tarikhs. Elle le doit aussi aux traditions intellectuelles portées par une élite de lettrés, de scribes et de prêcheurs qui tirent eux-mêmes leur légitimité de leur proximité avec le Saint Coran qui est le viatique suprême de soumission à la parole divine, transcrite en langue arabe. La maîtrise de l’écriture en tant que véhicule de la volonté divine et de son principal Messager (PSL) reste le socle prédominant sur lequel se sont adossés cadis, clercs et imams pour produire des pensées, des spéculations théoriques et des pratiques cultuelles parfois mélangées à des traditions du terroir inscrites dans des cosmogonies ouest-africaines qui peuvent faire office de sphères de légitimation d’hégémonismes sociaux, politiques, religieux voire claniques ou lignagers. Henri Sène décrit plus haut2 la nécessité, pour toute analyse de l’histoire du livre manuscrit africain, de prendre en compte les lames de fonds commerciales, de construction des hégémonismes internes et externes, du prosélytisme religieux et des enjeux géostratégiques inscrits 1. Cf. chap. 13 2. Cf. chap. 4
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
© Carte de la direction de l’Action culturelle de Tombouctou Carte 1 : Localisation des principales bibliothèques de Tombouctou
dans la domestication de l’écriture donc des moyens dominants de communication (les médias eux-mêmes, les canaux de communication), les messages (les écrits, les graphèmes, les signes graphiques), les processus de communication entre messagers et récepteurs ainsi que les moyens de stockage des écrits et les supports à travers lesquels s’effectue l’acte d’archivage de la mémoire historique. Dans le contexte de la boucle du Niger et de Tombouctou, les archives sont à base de papier filigrané (importé d’Italie, le plus souvent) dans un mouvement de mondialisation avant la lettre du commerce international tel que décrit par Fernand Braudel. On a même découvert des vestiges d’écrits sur la botanique couchés sur peau de poisson en caractères arabes et en ajami selon le témoignage d’Abdel Kader Haidara, conservateur Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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de la bibliothèque commémorative Mamma Haidara de Tombouctou. D’autres supports médiatiques, moins opérants, ont également été découverts et abondamment illustrés à travers les gravures rupestres de la haute antiquité, les inscriptions stellaires mortuaires de Gao et Sanné, les omoplates lissées de chameau et les peaux de gazelle. Le support médiatique le plus évanescent de tous a sans doute été le sable qui se prête à merveille à une démonstration écrite ou des jeux d’intelligence au sein de groupes restreints ou à travers une communication interpersonnelle dans l’environnement sahélo-saharien en butte à l’invasion permanente du sable porté par les vents en provenance du grand océan désertique qu’est le Sahara. Cette tradition du recours au sable pour écrire des signes graphiques, des textes importants, des prières, dresser une carte du ciel comme le font les Lébous du Sénégal ou poursuivre un projet d’élaboration de véritables alphabets comme l’indiquent les scripts Bagam ou d’autres parties de la Zambie, heureusement reconstitués, avec le concours de patriarches du terroir par des missionnaires européens3. La tradition orale reste, bien entendu, un compagnon indispensable à l’historien qui veut comprendre de l’intérieur les dynamiques qui ont instruit l’invention et l’utilisation de l’écriture en Afrique, comme l’a très justement souligné le regretté Joseph Ki-Zerbo dans un extrait de sa remarquable Histoire de l’Afrique noire paru dans la première édition de la revue Ethiopiques (janvier 1975) de Léopold Sédar Senghor. KiZerbo campe, en ces termes, le débat sur l’existence d’une abondante littérature écrite par les Africains des siècles antérieurs, mais mal explorés et méconnus des spécialistes africains eux-mêmes : Partout en Afrique actuellement, des équipes de savants se sont lancées à la quête de documents écrits dont certains relatent parfois des événements vieux de six cents ans et plus. L’Institut d’Etudes Africaines du Ghana en a découvert des centaines, par exemple, un document Haoussa relatant les origines des royaumes Mossi. De même, les universités d’Ibadan et Kaduna ont constitué un corpus encore plus important de ces documents. Les pièces en Swahili sont recherchées aussi avec intérêt, et dans les bibliothèques du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient, il est probable que les publications des centres universitaires médiévaux du Soudan Occidental, maintenant disparues, existent du moins sous forme de reproductions, de traductions, en turc, en persan, etc. 3. Cf. introduction générale au volume 1
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Que dire alors des sources européennes depuis le Moyen Age, depuis que l’Empereur du Mali (Rex Melli) a été figuré en majesté sur le portulan d’Abraham Cresques ? C’est une mine inépuisable qui est pour ainsi dire complémentaire des sources arabes parce qu’elle donne, sur la partie la moins touchée par les Arabes, une foule de renseignements de toutes sortes, dont le professeur Mauny a pu tirer un bon parti pour reconstituer le « Tableau géographique de l’Ouest Africain au Moyen Age ». Mais, que de fonds privés restent encore intacts dans les familles des ports négriers, dans les maisons mères des Sociétés missionnaires, dans les Archives du Vatican et chez les héritiers des premiers voyageurs. Les sources portugaises ne font que commencer à se révéler ; et il faudrait tenir compte aussi de toute la littérature d’Amérique Latine (Brésil, Haïti, Cuba, etc.) exploitable à cet égard. Il faut citer aussi les documents d’origine proprement africaine comme les récits historiques du Sultan Njoya, en écriture Bamoum. Dire de l’Afrique noire sans aucune nuance qu’elle a été un pays sans écriture serait une erreur grossière. N’a-t-on pas rappelé qu’au Moyen Age européen aussi, et en tout cas jusqu’au XIIIe siècle, seule une infime minorité de l’aristocratie savait lire et écrire ? Bien des barons et des comtes étaient des analphabètes. En Afrique, seule la classe des moines scribes, comme les Oulémas du Tombouctou médiéval, transmettait le flambeau du savoir et de l’Histoire.
La description synthétique ouverte ci-dessous sur quelques-unes des principales bibliothèques de Tombouctou décrites par leurs conservateurs organisés à travers l’Association pour la sauvegarde et la valorisation des manuscrits et la défense de la culture islamique (SAVAMA-DCI) montre toute l’importance des sources primaires que recèlent les bibliothèques privées et les malles en fer ou en bois religieusement conservées dans des conditions extrêmement précaires dans le triangle Tombouctou (capitale culturelle), Djenné (capitale commerciale) et Gao (capitale politique), triangle qui a marqué d’une empreinte indélébile les empires de l’Ouest africain, et, peut-être, audelà. Les fouilles de Tombouctou ont été effectuées du 21 au 30 janvier 2009 grâce à la généreuse participation d’Abdel Kader Haidara et de ses collègues de la SAVAMA-DCI, notamment Mahmoud Mohammed Dédéou, ancien inspecteur de l’enseignement à la retraite. La translittération et la description des manuscrits ont été faites en confrontant les traductions et translittérations obtenues grâce à l’aide d’éminents érudits de la SAVAMA-DCI et de l’IHERIAB, sous la Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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supervision de Demba Tëwë de l’Institut islamique de Dakar et Jacques Habib Sy, professeur en communications et sémiologue. Les résultats ainsi obtenus ont par la suite été complétés par une revue des sources primaires manuscrites digitalisées et disponibles à travers la toile mondiale (cas des manuscrits sur l’esclavage appartenant à une collection de la bibliothèque commémorative Mamma Haïdara de Tombouctou et analysés par Habib Sy d’après la traduction de Maïmouna Kane). Le recueil des textes choisis par la SAVAMA-DCI proposé ci-dessous est présenté comme suit : chaque fois que les données de la tradition orale étaient disponibles, nous avons procédé à une description historique des bibliothèques où ont été sélectionnés les manuscrits ; ensuite, les manuscrits sont décrits et synthétisés, selon les normes en cours de l’Unesco, après avoir été traduits et interprétés en tenant compte du chevauchement ou de la succession de styles d’écriture et de traditions lexicales et syntaxiques anciennes inscrites dans la chronologie.
Bibliothèque de l’IHERIAB Cette bibliothèque a été la première, à l’époque contemporaine, qui a réussi à collectionner 25 000 manuscrits achetés, pour la plupart, auprès des familles tombouctiennes, et au cours de fouilles effectuées dans la boucle du Niger. Grâce aux Tarikh, nous savons que le savant Ahmed Baba a écrit plusieurs dizaines d’ouvrages dont certains avaient une notoriété internationale, particulièrement au sein de la communauté islamique. Sous la houlette d’un chercheur associé, Abdouraouf Amadou Maiga, l’Institut était en voie de publier, au moment de notre passage et donc avant l’invasion des terroristes venus de Lybie et d’Algérie, un recueil commenté des manuscrits d’Ahmed Baba détenus par l’IHERIAB (20 manuscrits dont deux très importants qui traitent des rapports entre les rois et leurs sujets, bien avant les écrits de Machiavel qui traite du même sujet). Dans ce manuscrit, Baba conseille aux gens de ne fréquenter les rois qu’en cas d’impérieuse nécessité et exhorte les souverains à se comporter honorablement avec leurs sujets. A cet égard, des exemples précis viennent étayer cette argumentation montrant des souverains châtiant injustement des sujets qui leur disaient la vérité
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
et des opportunistes essayant de se rapprocher des souverains pour s’assurer leurs faveurs. Les lignes qui suivent sont un aperçu de ce projet en friche dont A. Maiga, avec la permission de l’ancien directeur de l’IHERIAB, Dr. Mohamed Gallah Dicko, a bien voulu partager la teneur. Qu’ils trouvent ici l’expression renouvelée de notre gratitude et nos sincères remerciements.
Photographie : J. Habib Sy Figure 2 : Dr. Mohamed Gallah Dicko, directeur et conservateur en chef de l’IHERIAB Photographie : J. Habib Sy Figure 1 : Vue partielle de la façade avant de l’Institut des hautes études et des recherches islamiques Ahmed Baba de Tombouctou
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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Manuscrits sélectionnés de l’IHERIAB 1.
Titre du manuscrit :
« Méthodologie claire de comprhension du Hadith qui parle des Aimés de Dieu »
al-Manhaj al-mubīn fi šarḥ ḥadiṯ awliya’ Allah al-muhibbīn
Date de la copie : 1702/1114 H Numéro d’ordre : 4890 Nombre de folios : 16 Nombre de lignes par page : 16 Référence du manuscrit commenté : 779 Description sommaire : ce manuscrit traite de l’essence de l’être humain à travers l’éxégèse du Hadith du Prophète Mohammed (PSL) sur la défense par Allah le Tout-Puissant de ses bien-aimés, lorsqu’ils sont menacés. Ahmed Baba organise ici, de façon rationnelle, tous les arguments présentés dans les Hadiths du Prophète (PSL) et du Saint Coran relatifs à l’être humain. L’auteur a également présenté les arguments des autres savants avant de formuler ses propres vues. Il recommande les voies de la piété et la soumission à la charte des devoirs et des obligations dont tout bon musulman doit s’acquitter. A ce jour, ce texte central garde toute son actualité puisqu’il permet de savoir comment le Hadith sur la protection de tous ceux qui suivent les enseignements d’Allah Le Tout-Puissant a été écrit et rapporté après la mort du Prophète (PSL). Ce texte montre, en outre, comment distinguer les textes authentiques des rajouts et autres fabrications opérées au cours des âges et qui ont pu, à un moment ou un autre, dénaturer les propos du Prophète (PSL). Dans le même temps, Ahmed Baba dissèque la vie des auteurs (individuels ou travaillant en groupe) des hadiths étudiés, analyse leurs méthodologies respectives et procède à une radioscopie linguistique des textes sans perdre de vue la signification étymologique des mots clés utilisés. 2.
Titre du manuscrit :
al-Maṭlab wa al- ma’rab fī acẓam asmā’ ar-rabb
grand nom de Dieu »
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« La recherche du plus
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Numéro d’ordre : 3853 Nombre de folios : 9 Date de la copie : XIXe siècle Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire et rouge Description sommaire : manuscrit non disponible dans les étagères au moment de notre passage. 3.
Titre du manuscrit :
Micrāj aṣ-ṣucūd ilā nayl ḥukm majlab as-sūd aw al-Kašf wa al-bayān li aṣnāf majlūb as-sūdān « Eclaircissements au sujet des Noirs musulmans ou
non pris comme captifs »
Date de la copie : cette question, à cheval entre la jurisprudence et l’histoire, a été soumise au savant à partir de 1614 (1023 H). Il a commencé à rédiger son texte en novembre 1615. Numéros d’ordre : 25 ; 314 ; 3393 ; 6409 (4 copies différentes) Nombre de folios : 1e copie ( # 25) : 9 folios ; 2e copie (# 314) : 9 folios ; 3e copie (#3393) : 6 folios ; 4e copie (# 6409) : 8 folios. Description sommaire : Ahmed Baba répond à la question de savoir si la loi islamique permet qu’un musulman vende un autre musulman. Baba est totalement hostile à cette possibilité et présente ses arguments à des compatriotes de plus en plus nombreux qui l’interpellaient alors sur cette question. Ce manuscrit a fait l’objet, en 1972, d’une thèse de doctorat d’Etat soutenue par Rachid Ben Aïssa, à l’université d’Alger. 4.
Titre du manuscrit :
Tuḥfa al-fuḍalā’ bi bacd faḍā’il al-culamā’
savants généreux »
« Les nobles cadeaux de certains
Date de la copie : composée en juillet 1603 (1012 H). La copie de l’IHERIAB date de 1702 et a été traitée et éditée au Maroc.
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
227
5.
Titre du manuscrit :
Nayl al-ibtihāj bi taṭrīz ad-dībāj
islamiques »
« Contribution des Africains aux sciences
Date de la copie : achevée en 1598. Cet ouvrage à succès en 2 volumes a été édité en 1889 à Fez au Maroc, en 1911 au Caire et en 1989 à Tripoli, en Lybie. Description sommaire : cet ouvrage le plus lu de Baba se trouve au Maroc. L’IHERIAB n’en détient malheureusement aucune copie. Le premier volume est une compilation biographique de 300 auteurs natifs de Tombouctou. Le second volume intitulé Kifayatu al multaji nima a rifadi man leissa fi aldibaji résume succintement le premier volume et procède à la compilation de 200 nouvelles biographies d’auteurs de Tombouctou y compris le maître de Baba, Bakayoko et la sienne propre.
Bibliothèque commémorative Mamma Haidara L’actuel conservateur de la bibliothèque Mamma Haidara situe la date de la création de l’institution au XVIe siècle dans le village de Bamba [1] à 194 kilomètres de Tombouctou [2]. La présente bibliothèque se trouve au quartier Hamma Bangou de Tombouctou, à l’entrée de la ville. Elle a une superficie totale de 783,75 m2 (28,50 m x 27,50 m) et a été entièrement construite en dur et en pierre taillée locale selon le style typique de l’architecture marocaine des siècles antérieurs. Cette bibliothèque qui compte environ 9 000 manuscrits et ouvrages anciens peut être considérée, en nombre tout au moins, comme la plus importante bibliothèque privée de Tombouctou. Jusqu’en fin 2009, elle comprend 9 pièces réparties en salles de manuscrits, d’exposition, de lecture, d’informatique, de secrétariat, de réception, de catalogage, d’imprimés et un bureau du directeur. Grâce à l’appui de partenaires internationaux, dont principalement la Fondation Ford, la Fondation Al Furqan et plus récemment le Qatar, le Centre Majid de Dubaï et le Luxembourg, la bibliothèque dispose dorénavant d’une nouvelle salle de conservation des manuscrits, d’un laboratoire de restauration entièrement équipé avec des équipements de base, une salle de réunion et un bureau réaménagé du directeur.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Les locaux ainsi rénovés présentent de meilleures conditions d’accès aux chercheurs, hommes de cultures, universitaires et de travail pour les différentes activités dans le sens de la préservation, la digitalisation, la conservation et la sauvegarde des manuscrits. La salle des manuscrits offre de meilleures conditions de sécurité et la salle d’exposition est suffisamment spacieuse pour accueillir de petits groupes de visiteurs. La salle de lecture est spacieuse et bien aérée. Pour l’instant, la bibliothèque évolue dans une phase largement expérimentale et ne pourra probablement devenir pleinement opérationnelle pour la recherche que lorsque le fonds archivistique qu’elle détient aura été entièrement catalogué et le contenu traité de sorte à dissocier les manuscrits rares de sa collection des autres acquisitions anciennes et récentes. Pour l’instant cependant, au moment de notre mission, 1 000 manuscrits ont été catalogués à partir d’une fiche type qui représente une compilation de plusieurs types de protocoles. La bibliothèque dispose également d’une salle de numérisation équipée d’appareils digitaux de type Sony dotés de flashs à faible intensité pour ne pas endommager les manuscrits. Les travaux de numérisation ont déjà commencé depuis longtemps et permettent, aujourd’hui, à cette institution de montrer fièrement les centaines de manuscrits restaurés et conservés dans des boîtes appropriées, fabriquées sur place et des centaines de nouvelles acquisitions plus récentes obtenues grâce à une politique dynamique d’achats et de dons de livres contemporains obtenus par l’intermédiaire de partenaires internationaux et régionaux. Le contenu des manuscrits dont dispose la bibliothèque concerne les domaines suivants : l’astronomie, l’astrologie, le droit islamique, le droit des femmes, la bonne gouvernance, la résolution de conflits, la médecine, la physique, les actes juridiques, l’histoire, les voyages, la géographie, la biologie, la philosophie, la musique, la littérature, les actes de commerce. Le fonds dont dispose la bibliothèque concerne également les manuscrits légués par des auteurs africains sur des sujets aussi divers que l’agriculture, l’élevage, la pêche, la théologie, le soufisme, la mystique, les actes de mariage, l’excision, les orphelins et les écrits biographiques. Les manuscrits anciens détenus par la bibliothèque comprennent, en outre, selon le directeur de la bibliothèque, des manuscrits très rares copiés avant le XIIe siècle ou des manuscrits qui ont rarement fait l’objet de copies mais que nous n’avons malheureusement pas pu examiner. La bibliothèque compte également Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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des manuscrits en langues africaines utilisant les caractères arabes ainsi que des notes manuscrites en ajami portés sur des milliers de pages par les lecteurs et les scribes africains des siècles précédents qui ont travaillé sur ces manuscrits. Ces marginalia sont les témoins vivants de la nature des débats et des perceptions qui agitaient l’intelligentsia négro-africaine évoluant dans cette partie de la sphère d’influence sahélo saharienne. La bibliothèque dispose d’une salle d’exposition permanente pour les manuscrits rares et ornés.
Photographie : J. Habib Sy Figure 3 : Abdel Kader Haïdara, conservateur de la Bibliothèque commémorative Mamma Haïdara et président de la SAVAMA-DCI de Tombouctou
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Manuscrits de l’IHERIAB 1.
Titre du manuscrit :
Uṣūl al-cadl li wulāt al-umūr
aux gouvernants »
« Les fondements de la justice : traité destiné
Nom de l’auteur : Ousmane Dan Fodio (1754-1817) Nom du copiste : cUmar ibn Muḥammad ibn Abū Bakr al-Fācilī as-Sallawī al-Fullānī Numéro d’ordre : 3433 Nombre de feuillets : 6 Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire et rouge Nombre de lignes par page : 22 Dimensions de la couverture : 17,3 cm x 11,5 cm Dimensions du texte : 15,6 cm x 9,3 cm Description sommaire : cet opuscule traite de différents points relatifs à la bonne gouvernance (fondements de la justice, fonctionnement et organisation d’un gouvernement ; dangers du pouvoir ; l’autorité face aux besoins des gouvernés ; l’intérêt général ; la sécurité). 2.
Titre du manuscrit :
Farḥa al-aḥibā’ fī ar-rijāl wa an-nisā’
« Joie des amoureux »
Nom de l’auteur : Šaykh Aḥmad ibn Barām ibn Nūḥ ibn Bābā alFullānī Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 8 Nombre de lignes par page : 16 Description sommaire : traité de médecine écrit par un Soudanais en 1211H/1796 3.
Titre du manuscrit :
Kitāb bahja al-maḥādiṯ fī aḥkām jumla al-ḥawādiṯ
« Traité d’astronomie »
Nom de l’auteur : Muḥammad ibn cAlī ibn Muḥammad ibn cAlī aš Šabrāmalasī (mort en 1612) Numéro d’ordre : 3820 Type d’écriture : oriental Couleurs des encres : noire et rouge Nombre de feuillets : 32 Nombre de lignes par page : 19 Dimensions de la couverture : 18,8 cm x 14 cm Dimensions du texte : 15,2 cm x 8,5 cm Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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Description sommaire : traité d’astronomie ; l’auteur y aborde, entre autres, les systèmes de datation chez les arabes, les coptes et les romains, l’interprétation des signes, les éclipses lunaire et solaire, l’arc en ciel, les vents, les eaux douces, etc. 4.
Titre du manuscrit :
maktūb fī aṣ-ṣibāġa wa aṣ-ṣināca wa al-kīmiyā’
l’artisanat et la chimie »
« Ecrits sur la teinture,
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : 2304 Type d’écriture : sahraoui Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 22 Nombre de lignes par page : 21 Dimensions de la couverture : 20,1 cm x 14,9 cm Dimensions du texte : 17,9 cm x 10,3 cm Description sommaire : commentaire d’un poème évoquant la teinture, les différentes qualités de l’or, la façon de mélanger des couleurs, les zones adéquates pour pratiquer le jardinage, la chimie et l’agriculture. 5.
Titre du manuscrit :
Maktūb fī ḏikr tārīḫ al-faqīh Muḥammad Bagayogho « Ecrits sur l’histoire du
jurisconsulte Muhammad Bagayogho »
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : 3823 Type d’écriture : sahraoui Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 12 Nombre de lignes par page : 18 Dimensions de la couverture : 20,8 cm x 14,7 cm Dimensions du texte : 15,8 cm x 10,7 cm Description sommaire : manuscrit consacré à la biographie du grand jurisconsulte malékite de Tombouctou, Muhammad Bagayogho (15231594), et à quelques-uns de ses avis juridiques sur l’usure, la vente de nourriture, le commerce du sel et la livraison de certaines marchandises.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
6.
Titre du manuscrit :
Majmūc ar-rasā’il bayn al-Amīr Aḥmad ibn Aḥmad wa Sīdī al-Muḫtār al-Kuntī
« Collection de correspondances entre l’Emir Ahmad ibn Ahmad et Sidi Mukhtār Al-kuntī ibn Sidi Muḥammad (1765-1826) » Nom de l’auteur : compilé par Muḥammad ibn Muḥammad ibn cUthmān connu sous le nom de Sane Chirfi (mort en 1863) Date de la copie : 1257H/1841 Numéro d’ordre : 3826 Dimensions du texte : 19,2 cm x 12,7 cm. Description sommaire : ensemble de lettres échangées entre Mukhtâr Al-kuntî ibn Sidi Muhammad et l’Emir Cheikhou Amadou (1775-1844) sur différents sujets (conflit entre les Touaregs et les Peulhs, aspects juridiques liés à l’utilisation du tabac, conflit entre les Peulhs et le jurisconsulte Muhammad Sankoré, respect dû aux savants ; problème des guerriers touaregs et respect des engagements pris). 7.
Titre du manuscrit :
Naṣīḥa aḍ-ḍucafā’ wa iršād al-aġwiyā’
les égarés »
« Conseil aux faibles et guide pour
Nom de l’auteur : Muḥammad al-Amīn ibn Aḥmad Zaydān al-Jakanī al-Malikī (mort en 1821) Nom du copiste : Muḥammad al-Amīn ibn al-Wāfī Numéro d’ordre : 3 Type d’écriture : sahraoui Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 178 Nombre de lignes par page : 27 Dimensions de la couverture : 23,3 cm x 18 cm Dimensions du texte : 19,2 cm x12,7 cm Description sommaire : commentaire sur l’abrégé de Shaykh Khalīl dont le livre était l’ouvrage de base pour l’enseignement du droit islamique au cycle supérieur de l’enseignement selon le rite malikite.
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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8.
Titre du manuscrit :
« Réponses de plusieurs savants de Tombouctou dont Ahmad Baba ibn Ahmad ibn Ahmad ibn cUmar ibn Muhammad Aqît » Ajwiba li cidda min culamā’ Tinbuktu min hum Aḥmad Bābā
Nom de l’auteur : ibn Aḥmad ibn Aḥmad ibn cUmar ibn Muḥammad Aqît (mort en 1036H/1627) Numéro d’ordre : 375 Type d’écriture : maghrébin Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 6 Nombre de lignes par page : 32 Dimensions de la couverture : 21,7 cm x 15,6 cm Dimensions du texte : 18,2 cm x 12,3 cm Description sommaire : les réponses ont porté sur différents sujets : le mariage ; la retraite de continence ; la jurisprudence au sujet d’un conflit entre l’acheteur présumé d’un captif Bambara mécréant conduit à Tombouctou et une autre partie qui prétend être le propriétaire du captif en question ; le sort d’un homme qui commet l’adultère avec une femme célibataire puis la marie sans que cette dernière observe une retraite de continence ; la condition juridique d’un homme qui voyage avec sa femme de Téghaza à Araouane et qui veut ensuite continuer avec elle jusqu’à Tombouctou et se voit opposer un refus par cette dernière ; la condition juridique d’un homme qui constate que sa femme porte une grossesse dont il n’est pas l’auteur, mais ne la renie pas ; le sort d’un homme qui vend sa femme sous le prétexte qu’il avait faim ; le sort de quelqu’un qui ouvre une cage où était gardé l’oiseau d’autrui; le sort d’un gardien de prison qui laisse s’évader un individu condamné pour défaut de paiement d’une dette. 9.
Titre du manuscrit :
Ajwiba alā ḥukm al-amwāl al-ma’ḫūḏa min aydī al-muḥāribīn
juridiques sur les biens récupérés des mains de brigands »
« Vues
Nom de l’auteur : al-Mukhtār ibn Aḥmad ibn Abī Bakr al-Kuntī (1729-1811) Nom du copiste : Sīdī Muḥammad ibn cAlī al-Ghayth Numéro d’ordre : 3594 Type d’écriture : sahraoui Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 18 Nombre de lignes
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
par page : 22 Dimensions de la couverture : 15,5 cm x 10,5 cm Dimensions du texte : 13,4 cm x 9,1 cm Description sommaire : jurisprudence malékite au sujet des biens récupérés auprès de brigands. 10.
Titre du manuscrit :
Makūb fī ḏikr man yastaḥiq az-zakāt min al-muslimīn, wa al-masākīn wa alc ulamā « Personnes qui ont droit à la zakat parmi les musulmans, les
pauvres et les savants »
Nom de l’auteur : Muḥammad cAbd Allah ibn Aḥmad al-Kalasūk alJubayhī Nom du copiste : autographe Numéro d’ordre : non catalogué Date de la copie : 1247H/1831 Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 8 Nombre de lignes par page : 28 Dimensions de la couverture : 21,8 cm x 16 cm Dimensions du texte : 20 cm x 15,5 cm Description sommaire : l’auteur s’insurge contre de soi-disant jurisconsultes qui donnent des avis juridiques sur l’aumône légale (zakat) sans avoir les compétences requises, privant ainsi, par leur ignorance de la question, des ayants droit de leur part. 11.
Titre du manuscrit :
Maktūb fī al-falak
« Ecrits sur l’astronomie »
Nom de l’auteur : anonyme Nom du copiste : Šaykh Mawḥīd ibn Šaykh Aḥmad Numéro d’ordre : 3353 Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 4 Nombre de lignes par page : 42 Dimensions de la couverture : 22 cm x 15,7 cm Dimensions du texte : 20,6 cm x 14,5 cm Description sommaire : bref traité d’astronomie.
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
235
12.
Titre du manuscrit :
Ḍiyā’ as-siyāsa «
Recueil de fatâwa »
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : non catalogué Description sommaire : résumé de deux ouvrages d’Ousmane Dan Fodio (1754-1817). L’auteur aborde dans la première partie, entre autres sujets : la politique, une politique empreinte de justice et de bonne gouvernance et une autre qui relève de l’injustice, condamnée par la loi islamique ; la société : les hommes vertueux, les malhonnêtes et ceux qui ne sont ni parmi les premiers ni parmi les seconds (majhûl al-ḥāl), chacune de ces trois catégories de personnes devant être jugée différemment. Dans la deuxième partie, il traite de nombreux cas qui ont fait l’objet de discussions à son époque : la circoncision, l’imamat, la propreté, le pèlerinage à la Mecque et les funérailles. 13.
Titre du manuscrit :
Jaḏwa al-fayḍ fī muhimma al-ḥayḍ « Flot de lumière sur la menstruation »
Nom de l’auteur : Muḥammad ibn al-Mukhtār ibn Aḥmad ibn Abī Bakr al-Kuntī (1765-1826) Numéro d’ordre : 3905 Type d’écriture : sahraoui Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 16 Nombre de lignes par page : 12 Dimensions de la couverture : 14,2 cm x 9,9 cm Dimensions du texte : 12,4 cm x 7,5 cm Description sommaire : traité versifié consacré aux périodes menstruelles des femmes, débutantes, habituées et femmes enceintes. 14.
Titre du manuscrit :
« La voie suprême dans l’éclaircissement du muṯallaṯ de al-Ghazālī » ad-Daraj al-cālī fī bayān muṯallaṯ al-Ġazālī
Nom de l’auteur : Sulaymān ibn Muḥammad a ṭ-Ṭāhir ibn Nūḥ alFullānī Numéro d’ordre : 2382 Type d’écriture : sahraoui Couleur des encres : noire Nombre de feuillets : 4 Nombre de lignes par page : 13 Dimensions de la couverture : 9 cm x 8,9 cm Dimensions du texte : 8,3 cm x 6,3 cm
236
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Description sommaire : commentaire destiné à faciliter l’utilisation du tableau ésotérique de l’imam al-Ghazâlî, connu sous le nom de « muthallath al-ghazâlî ». 15.
Titre du manuscrit :
Sullam al-Aṭfāl fī buyūc al-ājāl
terme »
« Echelle des enfants dans les ventes à
Nom de l’auteur : Ahmad ibn al-Fullānī Numéro d’ordre : Non catalogué Type d’écriture : maghrébin Couleurs des encres : jaune et noire Nombre de feuillets : 4 Dimensions de la couverture : 21,5 cm x 16,5 cm Dimensions du texte : 18 cm x 10,5 cm Description sommaire : poème sur le commerce (vente à terme ; nullité de la vente ; prohibition de la vente de certains produits ; usure ; achat d’un produit avec une monnaie autre que celle qui est en cours dans le territoire et tarification). 16.
Titre du manuscrit :
Maktūb fī faḍā’il al-ḥirṯ «
Ecrits sur les mérites de l’agriculture »
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 3 Nombre de lignes par page : 17 Description sommaire : traite de l’importance de l’agriculture et des mérites du cultivateur. 17.
Titre du manuscrit :
Tuḥfa al-fuḍalā’ bi bacḍ faḍā’il al-ulamā’ « Gratification des hommes de bien
sur quelques mérites des savants »
Nom de l’auteur : Ahmad Bābā ibn Aḥmad (1556-1627) Numéro d’ordre : Non catalogué Type d’écriture : maghrébin Couleurs des encres : jaune et noire Nombre de feuillets : 32 Nombre de lignes par page : 40 Dimensions de la couverture : 18 cm x 13 cm Dimensions du texte : 10 cm x 9 cm Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
237
Description sommaire : traité sur les vertus de la science. Dans le premier chapitre l’auteur parle des mérites des savants en appuyant son texte sur des arguments tirés du Saint Coran et des hadiths du prophète. Il aborde ensuite la prééminence de la science sur toutes les autres pratiques cultuelles, en compilant plusieurs hadiths sur la question pour soutenir sa thèse. Le dernier chapitre du manuscrit traite de la supériorité des savants sur les saints, comme soutenu par les nombreux devanciers (ṣalaf) de l’auteur qui conclut son travail par une hiérarchisation des savants. 18.
Titre du manuscrit :
Jaḏwa al-anwār fī ḏabb an manāṣib awliyā’ allāh al-aḫyār « Lumière ardente
destinée à ceux qui dénient les mérites de Saints bien choisis »
Nom de l’auteur : Sīdī al-Mukhtār al-Kuntī (1729-1881) Numéro d’ordre : 3111 Description sommaire : l’auteur répond au savant mauritanien Ibn Būna qui avait dénoncé certains mérites des saints. Il explique les réalités des saints, leurs catégories en s’appuyant sur des versets coraniques, des hadiths et des maximes. 19.
Titre du manuscrit :
Maktūb fī aṭ-ṭibb «
Ecrits sur la médecine »
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleur des encres : noire Nombre de feuillets : 4 Nombre de lignes par page : 13 Description sommaire : traité de pharmacopée en langues arabe et bambara transcrit en caractères arabes sur l’utilité de certains versets coraniques pour traiter les malades à l’aide de plantes.
238
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
20.
Titre du manuscrit :
Maktūb fī al-fiqh bi al-lugha al-fūllāniyya « Traité de jurisprudence en langue
peulh transcrit en caractères arabes »
Nom de l’auteur : cAbd Allah ibn Muḥammad cAl al-Fullānī Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleur des encres : noire Nombre de feuillets : 6 Nombre de lignes par page : 6 21.
Titre du manuscrit :
Maktūb fī aṭ-ṭibb «
Ecrits sur la médecine »
Nom de l’auteur : Anonyme Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleur des encres : noire Nombre de feuillets : 4 Description sommaire : traité de pharmacopée sur l’utilité des plantes et des animaux. 22.
Titre du manuscrit :
: « Commentaire du livre intitulé Mucāwana al-ikhwān fī mucāshara an-niswān »
Šarh mucāwana al-iḫwān fī mucāšara an-niswān
Nom de l’auteur : écrit par un Haoussa, aš-Šaykh Muḥammad ibn Muḥammad Taqqī alFullānī al-Ḥawsī Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : maghrébin Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 16 Nombre de lignes par page : 16 Description sommaire : traité sur la sexualité et le bien-être familial. 23.
Titre du manuscrit :
Miraqqā aḍ-ḍucafā’ ilā macrifa bacḍ al-asmā’ al-wāqica fī durra al- hinā’
« Elévateur des faibles pour connaître certains noms contenus dans le livre intitulé Ḍurra al- hinā’ »
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
239
Nom de l’auteur : Ousmane Dan Fodio (1754-1817) Numéro d’ordre : 3349 Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 12 Nombre de lignes par page : 13 Dimensions de la couverture : 22,9 cm x 18 cm Dimensions du texte : 15,6 cm x 13,5 cm Description sommaire : glossaire des termes techniques contenus dans le livre intitulé Ḍurra al-hinâ’. 24.
Titre du manuscrit :
Šifā’ al-asqām al-cāriḍa fī aẓ-ẓāhir wa al-bāṭin
externes et internes »
« Remède des maladies
Nom de l’auteur : Sīdī Aḥmad Arqādī al-Kuntī Date : XIXe siècle Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais. Couleurs des encres : jaune, rouge et noire Nombre de feuillets : 116 Nombre de lignes par page : 28 Dimensions de la couverture : 22,8 cm x 18,9 cm Dimensions du texte : 18,9 cm x 12,6 cm. Description sommaire : le manuscrit comporte quatre chapitres traitant respectivement : 1/ des vertus qui s’attachent aux noms de Dieu, aux versets coraniques et aux invocations, 2/ des animaux et des insectes, classés par catégories (animaux sauvages, domestiques, aquatiques et insectes) avec la description des vertus de chaque espèce, 3/ de l’utilité des plantes, et, 4/ des vertus des minerais. L’auteur parle de l’importance du diagnostic avant tout traitement. Il exhorte les pratiquants à y recourir chaque fois. Enfin il consacre des pages entières aux maladies diarrhéiques, à la sexualité et aux maladies sexuellement transmissibles. Il termine son étude par les membres, leur importance et les maladies qui leur sont spécifiques. 25.
Titre du manuscrit :
Risāla min jamāca Walātah ilā amīr al-mu’minīn Aḥmad ibn Muḥammad alMāsanī « lettre de la communauté de Walata au Prince des croyants
Ahmad ibn Muhammad » de Macina
240
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Numéro d’ordre : non catalogué Description sommaire : lettre de la communauté de Walata au Prince des croyants Ahmad ibn Muhammad (1775-1844) l’informant que ses hommes ont envahi leur territoire et pillé leurs biens. Ils viennent solliciter, en sa qualité de représentant de Dieu sur terre, son secours afin qu’ils puissent rentrer en possession des biens que ces derniers ont emportés. Ils terminent leur lettre par des prières à l’endroit de l’émir et lui demande de chasser de son empire de pareils hommes. 26.
Titre du manuscrit :
Risāla min al-malik al-Ḥasan al-awwal ilā aš-Šaykh Diġna wa cAbd Allah ibn al-cAbd « Lettre du Roi du Maroc Hasan 1er adressée au Cheikh Dighna
et à cAbd Allah ibn alcAbd »
Numéro d’ordre : non catalogué Description sommaire : lettre du roi du Maroc Hasan 1er adressée au Cheikh Dighna et à cAbd Allah ibn al-cAbd les informant que des habitants de Tombouctou sont venus le voir et lui ont demandé d’intervenir auprès d’eux pour qu’ils facilitent leur retour à leur pays. La lettre date de 1211H/1796. 27.
Titre du manuscrit :
Risāla ilā al Amīr Aḥmad ibn Muḥammad « Lettre adressée à l’Emir Ahmad
ibn Muhammad » Date : non daté
Description sommaire : lettre des arabes de Djenné à l’émir Ahmad ibn Muhammad relative à une décision qu’il a prise d’annuler les dettes sur le tabac contractées par la population. Ils lui demandent de revenir sur cette décision qui, si elle était maintenue, allait leur causer un grand préjudice, vu l’importance des sommes qui pourraient être perdues, et, parce qu’ils avaient contracté des dettes auprès de leurs fournisseurs.
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
241
28.
Titre du manuscrit :
Ajwiba Aḥmad ibn Abī Bakr ibn Muḥammad al-Arawānī « Réponses de Aḥmad
ibn Abū Bakr ibn Muḥammad al-Arawānī »
Nom de l’auteur : Aḥmad ibn Abū Bakr ibn Muḥammad al-Arawānī (mort en 1260H/1844) Date de la copie : XIIIe siècle de l’hégire Numéro d’ordre : 3359 Type d’écriture : sahraoui Couleurs des encres : noire Nombre de lignes par page : 27 Dimensions de la couverture : 18,4 cm x 11,5 cm Dimensions du texte : 15,4 cm x 10,2 cm Description sommaire : réponses de Aḥmad ibn Abū Bakr ibn Muḥammad al-Arawānī à une correspondance du cadi Sidi cAlī relative à un contrat entre Muhammad al-Khayr à Baba Beer. Selon les clauses du contrat, le premier devait financer le second pour extraire le sel et lui verser en contrepartie la moitié du quart sur la totalité du sel extrait qu’il devait en même temps transporter jusqu’à Arouane. Muhammad al-Khayr saisit le cadi pour se renseigner sur la légalité de la transaction. Ce dernier soutient la licité de l’opération. Mais après relecture des termes du contrat et après avoir consulté des ouvrages sur la question, il revient sur sa décision. 29.
Titre du manuscrit :
Maktūb fī faḍā’il aṭ-ṭanbūl « Traité
sur les vertus de la cola »
Nom de l’auteur : anonyme Date : non daté, mais probablement du XIXe siècle Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 1 Nombre de lignes par page : 22 Description sommaire : ce manuscrit vante les vertus de la cola, ses fonctions sociale et médicale ainsi que le rôle qu’elle a joué en tant que monnaie d’échange. 30.
Titre du manuscrit :
Maktūb fī wafayāt acyān Tinbuktu
Tombouctou »
242
« Ecrits sur les décès des notables de
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Nom de l’auteur : Alpha Hamay cUmar Date : sans date Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 9 Nombre de lignes par page : 9 Dimensions de la couverture : 19 cm x 12 cm Dimensions du texte : 16 cm x 10 cm Description sommaire : ce manuscrit renferme des actes de décès et de mariage de quelques notabilités de Tombouctou. 31.
Titre du manuscrit :
Dalīl al-ḥukkām fīmā lahum wa calayhim min al-aḥkām
gouvernants »
« Lumière des
Nom de l’auteur : Ousman Dan Fodio (1754-1817) Numéro d’ordre : non catalogué Date du manuscrit : composé en 1219H/1804 Description sommaire : traité de politique et de bonne gouvernance avec une introduction, cinq chapitres et une conclusion. Chaque chapitre est divisé en sections. Entre autres thèmes abordés : la politique religieuse ; les raisons de son exil en 1804 ; l’investiture de l’autorité : droits et devoirs ; la place des ministres et des subordonnés ; la mission des différents ministères ; le pèlerinage à la Mecque et la visite du mausolée du prophète. 32.
Titre du manuscrit :
al-Futūḥ al-qudsāniyya «
Ouvertures spirituelles »
Nom de l’auteur : Muḥammad ibn al-Mukhtār ibn Aḥmad ibn Abī Bakr al-Kuntī al-Farašī al-Umawī (1241H/1829) Nom du copiste : Muḥammad al-Hāšim ibn Aḥmad ibn al-Mukhtār ibn al-Šaykh ibn Aḥmad ibn Ayyūba ibn Ghadanka ibn Yald al-Fullānī Numéro d’ordre : 250 Date de la copie : 1258H/1842 Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 8 Nombre de lignes par page : 27 Dimensions de la couverture : 21,5 cm x 15,6 cm Dimensions du texte : 17,4 cm x 12,6 cm Description sommaire : manuscrit incomplet qui traite, entre autres thèmes, de l’appel du muezzin ; la position de l’islam sur les mécréants Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
243
qui envahissent d’autres mécréants pour les capturer ; la lecture du Saint Coran en groupe dans un but bien déterminé ; la diffusion du mariage par la voix légale. 33.
Titre du manuscrit :
Ajwiba al-Maġīlī calā as’ila Askia Muḥammad
questions de Askia Muhammad »
« Réponses de al-Maghīlī aux
Nom de l’auteur : Muḥammad ibn cAbd al-Karīm ibn Muḥammad alMaghīlī al-Tilimsānī (mort en 909H/1503) Nom du copiste : Muḥammad Tāhar ibn Aḥmad ibn ibn Mālik Numéro d’ordre : 3562 Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire et rouge Nombre de feuillets : 12 Nombre de lignes par page : 20 Dimensions de la couverture: 19 ,9 cm x 14,5 cm Dimensions du texte : 17 cm x 12 cm. Description sommaire : comme l’indique le titre, il s’agit des réponses de Muhammad cAbd al-Karīm al-Maghīlī sur des questions concernant des problèmes religieux, administratifs et économiques que lui avaient posées Askia Muhammad, premier fondateur de la dynastie musulmane des Askia en 1493 (conduite à tenir vis-à-vis de la population non convertie à l’islam, les apostats, les captifs, l’héritage, la condition juridique des biens réunis par son prédécesseur Sonni Ali Ber, mort en 1492). 34.
Titre du manuscrit :
Šarḥ calā minaḥ al-Wahhāb fī radd al-fikr ilā ṣawwāb « Commentaire du livre
minaḥ al-Wahhāb fī radd al-fikr ilā sawwāb »
Nom de l’auteur : Muḥammad ibn cAbd al-Karīm Abū cAbd Allāh alMaghīlī al-Tilimsānī (mort en 909H/1503) Nom du copiste : cUmar ibn cAbd Allah ibn cUmar Ṣāliḥ ibn al-cAbbās ibn aṭ-Ṭālib al- Ḥājj atTawātī Numéro d’ordre : 302 Type d’écriture : maghrébin Couleurs des encres : noire, rouge et jaune Nombre de feuillets : 15 Nombre de lignes par page : 23 Dimensions de la couverture : 23,1 cm x 16,6 cm Dimensions du texte : 15 cm x 10,2 cm
244
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Description sommaire : abrégé du livre de l’auteur intitulé Minaḥ alWahhâb sur les fondements de la logique. 35.
Titre du manuscrit :
Kitāb fī ṭalab al-cilm
« Livre sur la recherche du savoir »
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : 3394 Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 25 Nombre de lignes par page : 15 Dimensions de la couverture : 20 cm x 15 cm. Dimensions du texte : 16,5 cm x 12,4 cm Description sommaire : opuscule consacré à la recherche du savoir (mérites des savants et avantage de s’asseoir avec eux, comportements de l’étudiant, recherche du savoir auprès d’un saint, humilité, respect du professeur, mort d’un savant). 36.
Titre du manuscrit :
Waṣiya šayḫ li bacḍ talāmiḏatihi yurīd as-safar ilā as-Sūdān « Recommandations
de Sidi al-Mukhtar à certains de ses disciples qui voulaient se rendre au pays des Noirs »
Nom de l’auteur : al-Mukhtār ibn Muḥammad ibn Abī Bakr al-Kuntī (1709-1847) Numéro d’ordre : 14 Type d’écriture : sūqī Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 21 Nombre de lignes par page : 27 Dimensions de la couverture : 21 cm x 14,3 cm Dimensions du texte : 18 cm x 10 cm Description sommaire : conseils de Sidi al-Mukhtar à certains de ses disciples qui voulaient se rendre au pays des Noirs (Bilād as-Sudān). Il leur explique les dispositions qu’un voyageur doit prendre : procéder à la divination avant le départ, choisir ses compagnons de route, ne pas rentrer dans une ville la nuit, éviter de se faire remarquer en public, ne pas dévoiler à n’importe qui ses problèmes, ne jamais désespérer, accepter les aléas du voyage, laisser les animaux paître dans les zones herbeuses, ne pas perdre du temps dans les zones désertiques pour ne pas faire tort aux animaux, veiller sur les lois islamiques, être tolérant, Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
245
être en bonne santé, avoir de la pudeur, ne pas oublier les présents (Hadāyā), retourner dès la fin de la mission). L’auteur s’appuie sur des versets coraniques et des hadiths pour argumenter ses propos. 37.
Titre du manuscrit :
Maktūb fī aṭ-ṭibb
animaux »
« Traité de pharmacopée sur l’utilité des plantes et des
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais. Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 4 Nombre de lignes par page : 17 Description sommaire : traité de pharmacopée sur l’utilité des plantes et animaux. 38.
Titre du manuscrit :
Ajwiba calā cidda masā’il fiqhiyya wa iqtiṣādiyya
questions juridiques et économiques »
« Réponses à plusieurs
Nom de l’auteur : al-Fāfī ibn Talibn ibn Muḥammad ibn Aḥmad ibn Āda Description sommaire : jurisprudence sur le partenariat en matière de commerce (cas d’un partenaire qui voyage sans avertir l’autre) ; l’aumône légale, le sort d’un suspect accusé de meurtre. 39.
Titre du manuscrit :
al-Baraka fī faḍl as-sacy wa al-ḥaraka
marche et de la gymnastique »
« Bénédiction sur les mérites de la
Nom de l’auteur : Muhammad ibn cAbd Allah ibn cUmar ibn Muḥammad al-Yamānī al-Ḥabašī Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : sahraoui Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 32 Dimensions de la couverture : 22 cm x 16,3 cm Dimensions du texte : 18,5 cm x 12,5 cm.
246
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Description sommaire : c’est un manuscrit qui aborde différents sujets : les vertus des métiers, le meilleur métier pour la femme ; l’agriculture, la morale, le droit des enfants, les vertus du savoir, l’hygiène, la santé, les avantages et inconvénients de la consommation de la viande et des fruits, les actions qui provoquent l’oubli, comment éviter la pauvreté, les vertus de certains versets coraniques, le soufisme. 40.
Titre du manuscrit :
al-Ajwiba an-nāṣiriyya fī bacḍ masā’il ahl al-bādiyya « Réponses de ibn Nâsir
à certaines questions relatives aux campagnards »
Nom de l’auteur : Sīdī Muḥammad ibn Nāṣir al-Darcī (mort en 1085H/1674) Nom du copiste : Muḥammad ibn Muḥammad ibn alMaḥjūb alArawānī Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 16 Nombre de lignes par page : 26 Dimensions de la couverture : 22,6 cm x 16 cm. Dimensions du texte : 17,6 cm x 12 cm. Description sommaire : ensemble de réponses données par Ibn Nâsir sur des cas litigieux qui ont pour cadre la campagne selon le rite malékite. Le texte a été compilé par Muḥammad ibn Abī al-Qāsim asSanhājī. 41.
Titre du manuscrit :
Tārīkh mulūk dawla ġānā
« Histoire des rois du Ghana »
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 5 Nombre de lignes par page : 13 Dimensions de la couverture : 22,3 cm x 12,6 cm Dimensions du texte : 16,5 cm x 10,9 cm Description sommaire : histoire d’une branche des Mandés ; comment elle s’est scindée en plusieurs petits groupes répartis dans différentes zones jusqu’à l’époque de l’Empire du Macina.
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
247
42.
Titre du manuscrit :
Maktūb fī ḏikr acyān Jīnī
Djenné »
« Ecrits sur la chronologie des dignitaires de
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 2 Nombre de lignes par page : 18 43.
Titre du manuscrit :
Waṯīqa bayc dār « Acte
de vente d’une maison »
Nom de l’auteur : Cadi Muḥammad Fadiga ibn Oumar ibn Moussa at-Tawātī Date du manuscrit : Tombouctou, 1234H/1818 Description sommaire : acte de vente d’une maison achetée par Nana Traoré, l’épouse de l’imam Mahaman ibn Alpha Moy Nafokho d’une valeur de 60 muṯqāl d’or. 44.
Titre du manuscrit :
Manẓūma fī at-taṣawwuf wa al-kīmiyā’ wa al-handasa wa bacḍ al-adwiya « Ecrits
sur l’ésotérisme, la chimie, la géométrie et certains médicaments »
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : 3891 Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : rouge, jaune et noire Nombre de feuillets : 12 Nombre de lignes par page : 22 Dimensions de la couverture : 15,4 cm x 10,7 cm Dimensions du texte : 14 cm x 10 cm 45.
Titre du manuscrit :
Waṯīqa fī kayfiya kitāba an-nuṣūṣ
rédaction des textes »
« Document sur la méthodologie de
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : 3888 Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 12 Nombre de lignes par page : 20 Dimensions de la couverture : 19,5 cm x 14,5 cm Dimensions du texte : 17,2 cm x 11,1 cm
248
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Description sommaire : document sur la méthodologie de la rédaction des textes administratifs, juridiques et littéraires. 46.
Titre du manuscrit :
« Poème traitant divers domaines de la science : histoire, géographie et culture générale » Manẓūma fī culūm šatā
Nom de l’auteur : anonyme Numéro d’ordre : 3889 Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 14 Nombre de lignes par page : 21 47.
Titre du manuscrit :
Risāla min cAlī al-Walīd ilā Aḥmad ibn cAlī Qannāb « Lettre de cAli ibn Walīd
à Aḥmad ibn cAlī Qanāb »
Date du manuscrit : 1247 H / 1831 Nom de l’auteur : cAlī ibn Walīd Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 1 Nombre de lignes par page : 17 Description sommaire : lettre de Ali ibn Walid résident de Ghadames (Libye) à Ahmad ibn cAli Qanāb habitant à Tombouctou relative à des transactions commerciales. 48.
Titre du manuscrit :
Ṣaḥīḥ muslim «
L’Authentique de Muslim »
Nom de l’auteur : Muslim ibn al-Ḥajjâj (mort en 875) Numéro d’ordre : 3825 Type d’écriture : sahraoui Couleurs des encres : rouge et noire Nombre de feuillets : 274 Nombre de lignes par page : 24 Dimensions de la couverture : 24,4 cmx19 cm. Dimensions du texte : 16,4 cm x 11 cm Description sommaire : copie du Ṣaḥīḥ de Muslim. Ce texte est très important d’un point de vue codicologique et philologique, en raison Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
249
des annotations de grands savants (Muhammad Baghayogho (15231593), Ahmad Baba (1556-1627) et son père Ahmad ibn Ahmad ibn cUmar ibn Muhammad Aqît (1552-1583) qu’il renferme. Le document a été restauré au XVe siècle. 49.
Titre du manuscrit :
Risāla min aš-Šayḫ al-Muḫtār ilā amīr Timbuktu al-Qā’id Abī Bakr wa al-Qādī c Abd ar-Raḥmān wa aš-Šarīf Sīdī Zayyān « Lettre de Sidi al-Mukhtār al-
Kuntī à trois dignitaires de Tombouctou »
Nom de l’auteur : Sīdī al-Mukhtār al-Kuntī Numéro d’ordre : 3050 Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire Description sommaire : dans sa correspondance, Sīdī al-Mukhtār al Kuntī exhorte les trois dignitaires (le gouverneur de Tombouctou le caïd Abū Bakr, fils du Pacha Aḥmad, le cadi Sidi cAbd ar-Raḥmān et le chérif Sīdī Zayyān) au respect des fondements de l’islam en leur rappelant les obligations et les limites de la Sharīca ainsi que les sanctions encourues en cas de désobéissance. Dans la même lettre, il invite les imams qui doivent être des modèles pour la société, à éviter de s’attacher aux avantages de ce bas monde dont la jouissance est éphémère. Il termine la partie consacrée à l’imamat en attirant l’attention de quelques familles à Tombouctou sur le fait que la fonction d’imam n’est pas héréditaire parce que si tel était le cas beaucoup de personnes qui, aujourd’hui assurent cette fonction, n’y auraient jamais accédé. Enfin, il fustige le comportement de certains savants qui, à la recherche d’une situation sociale plus relevée, sont devenus de simples courtisans.
Bibliothèque Al imam Ben Essayouti La bibliothèque est située en face de la Grande Mosquée de Djinguiraber. Les manuscrits étaient conservés au départ dans des boîtes en métal et en bois dans une petite chambre de la résidence privée de l’imam. Grâce à l’appui de la Fondation Ford et antérieurement de l’ambassade des Etats-Unis à Bamako, la bibliothèque dispose dorénavant d’une petite salle de lecture sommairement équipée, d’une
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Photographie : J. Habib Sy Figure 4 : L’imam Ben Essayouti de la Grande Mosquée de Jinguiraber
salle de conservation des manuscrits et d’une petite salle d’exposition permanente pour les visiteurs. Le catalogage des acquisitions de la bibliothèque est encore embryonnaire. Jusqu’en fin 2009, 1 500 manuscrits avaient été catalogués. Au cours d’une visite récente (2011), l’imam nous a appris que les nouveaux réaménagements architecturaux se sont malheureusement effondrés, obligeant ainsi la bibliothèque à ralentir ses activités et le flux de ses visiteurs.
Manuscrits de la bibliothèque Essayouti 1.
Titre du manuscrit :
Risāla min al-Muḫtār ibn Muḥammad ibn al-Mukhtār al-Kuntī ilā al-amīr Aḥmad ibn Muḥammad ibn Abī Bakr ibn Sacīd « Lettre de al-Mukhtar ibn
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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Muḥammad ibn al-Mukhtār al-Kuntī à l’émir Aḥmad ibn Muḥammad ibn Abī Bakr ibn Sacīd » Nom de l’auteur : al-Mukhtār ibn Muḥammad ibn al-Mukhtār al-Kuntī (1790-1847) Nom du copiste : Aḥmad ibn Mūdī Numéro d’ordre : non catalogué Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 32 Nombre de lignes par page : 21 Description sommaire : la lettre fait état de la situation qui prévaut entre les Touaregs et les habitants de Tombouctou.
Photographie : J. Habib Sy Figure 5 : Entrée principale de la bibliothèque de l’imam Ben Essayouti
2.
Titre du manuscrit :
Manẓūma li Šayḫ cAbd Allah ibn al-Ḥājj Ibrāhim al-cAlawī
Allah ibn al-Ḥājj Ibrāhim al- Alawī »
c
c
« Poème de Šaykh
Nom de l’auteur : Šaykh cAllah ibn al-Hājj Ibrāhim al-cAlawī Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : sūqī Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 2 Nombre de lignes par page : 21 Description sommaire : traité en vers consacré à l’expiation des péchés.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
3.
Titre du manuscrit :
Manẓūma li Aḥmad ibn Sīdī cUṯmān al-Walātī
Uthmān al-Walātī »
c
« Poème de Aḥmad ibn Sīdī
Nom de l’auteur : Aḥmad ibn Sīdī cUthmān al-Walātī Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : sūqī Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 2 Nombre de lignes par page : 21 Description sommaire : traité en vers où l’auteur aborde la vie de Cheikh Hamallah, sa sainteté et ses mérites. Il donne des conseils à ceux qui se dressent contre lui.
Bibliothèque Al Wangari Cette bibliothèque représente le testament posthume de Mohamed Bakayoko, un éminent intellectuel du XVIe siècle. Beaucoup de manuscrits qu’il a légués à ses descendants se sont dispersés au fil du temps. En 2004, ses descendants créent une bibliothèque dans l’enceinte familiale originelle.
Photographie : J. Habib Sy Figure 6 : Façade principale de la bibliothèque Al Wangari de Tombouctou avec son conservateur, à droite, Sidi Makhtar Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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Manuscrits d’Al Wangari 1.
Titre du manuscrit :
al-Jawāb al-muskit
« La réponse qui réduit au silence »
Nom de l’auteur : Abū cAbd Allah aš-Šaykh Sīdī Muḥammad ibn Sīdī Aḥmad al-Kansūsī (1796-1877) Nom du copiste : al-Ḥabīb ibn al-cAbd ibn Muḥammad al-Haratānī al-Masc ūdī al-Jakanī Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : sahraoui Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 21 Nombre de lignes par page : 20 Description sommaire : cet opuscule est une réplique de l’auteur, un des grands dignitaires de la confrérie des tijânes, à Ahmad al-Bakkāy (1803-1865) qui avait critiqué la tijāniyya. 2.
Titre du manuscrit :
Risāla min Aḥmad al-Bakkāy ilā al-amīr aš-Šayḫ Ahmadou Ahmadou al-Māsanī
« Lettre de Aḥmad al-Bakkāy à l’Emir Shaykh Ahmadou Ahmadou du Macina » Nom de l’auteur : Aḥmad al-Bakkāy (1803-1865) Nom du copiste : Bābā ibn ar-Rašīd ibn Muḥammad al-Mustafā Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : maghrébin Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 13 Nombre de lignes par page : 32 Description sommaire : dans l’introduction, l’auteur rappelle à l’Emir Cheikhou Amadou (1775-1844) les relations fraternelles qui ont toujours lié leurs deux familles. Il attire son attention sur la différence entre la guerre sainte et le désordre et lui demande d’œuvrer pour le maintien de la confiance mutuelle entre eux. Toujours dans cette même lettre, il lui fait savoir l’incompétence des cadis qu’il a nommés et lui demande de s’abstenir de s’ingérer dans les affaires des Kalantasar, comme ses ancêtres l’ont toujours fait.
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Manuscrits de la Bibliothèque Sīdī Zayyān Nous ne disposions d’aucune description relative à l’évolution historique de cette bibliothèque dont la collection de manuscrits jouit d’une renommée et d’une importance reconnues par la SAVAMA-DCI. 1.
Titre du manuscrit :
Jalb an-nicma wa dafc an-niqma bi mujānaba al-wulāt aẓ-ẓalama « Recherche
des bienfaits par la fréquentation des gouverneurs oppresseurs »
Nom de l’auteur : Ahmad Bābā al-Tinbuktī (1556-1627) Numéro d’ordre: non catalogué Type d’écriture : maghrébin Couleurs des encres : rouge, jaune et noire Nombre de feuillets : 15 Nombre de lignes par page : 23 Dimensions de la couverture : 2 3,1 cm x 16,6 cm Dimensions du texte : 15 cm x 10,2 cm Description sommaire : ce manuscrit, composé en l’an 1588, comporte quatre chapitres. L’auteur avertit ses compatriotes, surtout les hommes de science, des dangers de la fréquentation des gouverneurs oppresseurs. Il argumente son propos en se fondant sur les thèses défendues par des devanciers, des sages et des hommes expérimentés. Il donne l’exemple de grands savants qui avaient des relations avec des rois et des princes, et qui, à la fin, sont tombés en disgrâce, tués par ces derniers ou mis en prison le restant de leur vie. Il rapporte aussi des récits où de grands hommes de science ont préféré vivre dans la pauvreté que de répondre aux sollicitations des princes. 2.
Titre du manuscrit :
Majmūc al-manāfic fī cilm aṭ-ṭibb an-nāfic
la médecine »
« Ensemble d’avantages relatifs à
Nom de l’auteur : identification difficile Numéro d’ordre : non catalogué Type d’écriture : soudanais Couleurs des encres : noire Nombre de feuillets : 17 Nombre de lignes par page : 25
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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Description sommaire : traité de médecine traditionnelle qui traite des maladies corporelles connues dans le Soudan. L’auteur utilise beaucoup de mots en langue locale avec transcription en caractères arabes.
Bibliothèque Moustapha Konaté Nous disposons de très peu de données sur l’évolution histoirique de cette bibliothèque pourtant décrite par la SAVAMA-DCI comme l’une des plus importantes de Tombouctou. Elle a été récemment réhabilitée et sa collection cataloguée et restaurée en partie.
L’esclavage à travers quelques manuscrits de Tombouctou Le travail de compilation de cette section a été traduit de l’arabe au français par Maïmouna Kane, doctorante en sciences bibliothécaires à l’EBAD de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, à partir d’un site internet sur l’esclavage à travers les manuscrits de Tombouctou4. Cette collection de manuscrits appartient à la bibliothèque Mamma Haidara. Les manuscrits datent pour la plupart du XIXe siècle pour ceux qui sont datés. Les manuscrits non datés semblent appartenir à la même période. Le résumé synthétique de leur contenu est rendu ici pour la première fois pour attirer l’attention des chercheurs sur l’esclavage, un sujet encore controversé de nos jours, et attacher des valeurs précises aux esclaves domestiques selon l’interprétation de la loi islamique telle qu’elle transparaît dans ces fatwas et autres documents juridiques. Il convient de noter que la plupart des bibliothèques privées de Tombouctou préfèrent généralement ne pas laisser le grand public accéder aux manuscrits ayant trait à l’esclavage, pour éviter de froisser ou d’humilier les descendants, encore vivants, aujourd’hui, de familles dont les ancêtres avaient été réduits en esclavage, ou importés d’autres contrées en tant que butin de guerre, « légués » par des héritages familiaux, ou parfois achetés auprès de tierces parties.
4. Slavery and manumission manuscripts of Timbuktu e-collections at the Center for Research Libraries < http://ecollections.crl.edu/cdm4/item_viewer. php?CISOROOT=/ timbuktu&CISOPTR >
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Les archives manuscrites anciennes locales regorgent pourtant de pièces importantes relatives à la pratique domestique de l’esclavage en Mauritanie, sujet ultra sensible et presque tabou dans certains milieux, compte tenu de la survivance très aigüe de la pratique esclavagiste dans cette république islamique d’Afrique de l’Ouest. Les manuscrits examinés ci-dessous représentent une manne archivistique de 206 manuscrits sur l’esclavage à Tombouctou au XIXe siècle puisés de la bibliothèque commémorative Mamma Haidara du temps où le regretté John Hunwick y poursuivait ses recherches dans le cadre du programme d’études africaines de Northwestern University. Un petit nombre de manuscrits en a été extrait à l’intention des lecteurs francophones non arabisants de sorte qu’ils puissent les replacer dans le contexte historique du Niger décrit avec minutie par le professeur Diouldé Laya (voir chapitre 10). Cette étude permet de comparer les jugements rendus par les cadis et imams de Tombouctou et ceux statuant sur des sujets similaires dans le Niger voisin. Ces documents juridiques produits sur la base de la charia rendent compte de ce que les manuscrits anciens restent des dépositaires fiables de l’évolution de la pratique esclavagiste domestique à Tombouctou et dans toute la boucle du Niger. Les travaux de Diouldé Laya montrent bien que les sociétés ouest-africaines opérant à partir de leurs substrats religieux (islamique et religieux traditionnel) et culturels ont pratiqué l’esclavage dans une mesure et à une échelle qu’il est possible d’évaluer au plan marchand et en tant qu’étalon monétaire et réserve d’échange, à travers les manuscrits anciens ouest- africains.
Manuscrits traités de la bibliothèque M. Konaté 1. Nom de l’auteur : inconnu Nom du copiste : Ousmane Ibn Khalil Numéro d’ordre : MHT 98 Date : 1901 Type d’écriture : maghrébin Nombre de lignes par page : 24 Dimension du manuscrit : 18,2 cm x 11,9 cm Langue : arabe Description sommaire : célébration de trois mariages entre 1313 et 1319. La mariée reçoit, en présence de témoins, une dot en espèces Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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et / ou des esclaves. Pour le premier mariage entre Yamou Bint Pathé Almoudo et Baba Ibn Muhamed célébré en 1313, la dot s’élève à quinze mille riyals, les meubles et les frais de mariage à quinze mille riyals, le tout revient à trente mille riyals. Le second mariage entre Muhamed Beyré Wami et Would Nouh Salih Bekké a lieu dans la même nuit, la mariée ayant reçu en dot une esclave. Le troisième mariage entre Alfa, fils du jurisconsulte Muhamed al Souyouti et Naramo, fille du Cadi Ahmed Ibn Baba Ibn Sayyid, est célébré par l’imam Muhamed Baghayoko Ibn Imam, Naghamo et Alfa Said Ibn Alfa. Le montant de la dot est de 20.000 riyals et une esclave (1319 H). Commentaire : cet acte juridique montre que la vente des esclaves est consubstantielle à l’esclavage domestique puisque les esclaves attachés à la case du maître avaient une valeur marchande fixée par rapport au sexe, à l’âge probablement (qui n’est pas mentionné ici) et à d’autres considérations plus subjectives telle l’ardeur au travail des parents directs de l’esclave vendu ou cédé en héritage. Il convient de noter que cette pratique prend place bien après l’abolition de l’esclavage à l’intérieur d’une colonie surveillée de très près par une administration coloniale locale. Le montant de la dot du second mariage n’étant pas précisé, on peut estimer que le montant total des frais du premier mariage fixé à 30 000 riyals dans le cas du premier mariage serait équivalent au prix estimé d’un esclave (mâle ou femelle). 2. Nom de l’auteur : inconnu Nom du copiste : Ibn Muhamed, Ahmed Numéro d’ordre : MHT 97 Date : inconnue Type d’écriture : maghrébin Nombre de lignes par page : 11 Dimension du manuscrit : 10,4 cm x 16 cm Langue : arabe Description sommaire : plainte auprès d’un juge sur la propriété d’une esclave. Pour donner raison à l’un des deux plaignants, le juge demande à chacune des personnes concernées de jurer sur le Saint Coran pour confirmer ses dires avant de vider le contentieux. Commentaire : les sociétés islamisées africaines toléraient encore au XIXe siècle la pratique de l’esclavage contre laquelle s’est élevé publiquement le célèbre juge et savant Ahmed Baba à travers ses écrits et ses fatwas dont une encore conservée à l’IHERIAB de Tombouctou.
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Bien qu’ils soient reconnus comme musulmans et donc non susceptibles d’être maintenus en esclavage par leurs maîtres musulmans, les esclaves continuaient d’être vendus ou cédés en héritage et donc considérés comme de la marchandise en plus d’être taillables et corvéables à merci. 3. Nom de l’auteur : inconnu Nom du copiste : inconnu Numéro d’ordre : Document n° MHT 201 Date : inconnue Type d’écriture : maghrébin Nombre de lignes par page : 19 Dimension du manuscrit : 15,5 cm x 10,2 cm Langue : arabe Description sommaire : partage de deux tiers de l’héritage essentiellement composé de bestiaux entre membres d’une famille. Il faut noter que la valeur de chaque bête est évaluée en riyals. Après que Muhamed Ibn Alfa Ayoub ait choisi le tiers de l’héritage qui doit être enlevé, les deux tiers restants de l’héritage à partager se présentent comme suit : « 1/ deux vaches de trois ans chacune ; 2/ une autre avec son petit, à vingt riyals l’une, ce qui fait un total de soixante riyals ; 3/ trois autres vaches de quatre ans à quatre riyals l’une, ce qui revient à douze riyals ; 5/ une ânesse de trois ans à six riyals, puis une autre de deux ans à cinq riyals ; 6/ une jument avec son petit à vingt riyals ; 7/ une vache de deux ans à vingt riyals. A Ibrahim et Omar nous donnâmes deux vaches de vingt riyals chacune en plus de cinq riyals et le prix d’un âne à Abou Bakr, puis deux vaches de deux ans de Moussa que nous avons donné à ses deux filles Khadija et Unzurfa et trois vaches de deux ans à quatre riyals et une vache de trois ans à trois riyals. Nous donnâmes à la femme de Malik Bintou Loubbou fille de Muhamed le reste c’est-à-dire quarante quatre riyals. Elle possédait en tout une vache de vingt riyals, puis un esclave du nom de Faradja à vingt riyals et un âne à quatre riyals. » Commentaire : comme le montre ce manuscrit juridique, les esclaves étaient partie intégrante du bas de l’échelle sociale et étaient traités comme tels avec une valeur marchande fixée en fonction des dispositions de la loi islamique. Cette interprétation a fait l’objet de vives polémiques au sein de sociétés ouest-africaines fortement islamisées. Le récent ouvrage de Malek Chebel (L’esclavage en terre d’Islam, Paris, Fayard, 2007) ouvre de nouvelles pistes sur l’esclavage en ce qu’il montre les zones d’ombre laissées à l’interprétation des juriconsultes et donc aux abus non seulement d’interprétation du Saint Coran mais aussi à Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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la manipulation en fonction des hégémonismes qui s’expriment sur le terrain social et culturel concret, souvent avec la bénédiction des Etats. 4. Nom de l’auteur : imam Kabir Babati Nom du copiste : Abu Bakr, Abd al-Qadir Numéro d’ordre : Document n°MHT 21 Date : inconnue Type d’écriture : maghrébin Nombre de lignes par page : 17 Dimension du manuscrit : 11,8 cm x 6,9 cm Langue : arabe Description sommaire : ce document relate la valeur des esclaves des membres d’une famille, la valeur totale étant de cent soixante mille riyals. La servante Yama, fille de Fondé Ghamé, le fils de sa servante Babakan sont estimés à cinquante mille riyals. Son fils Santaghama est évalué à cent mille riyals. Tout ce qu’a laissé le défunt revient à cent soixante mille riyals : l’imam en soutire seize mille riyals. Il en reste alors cent quarante quatre mille riyals qu’il répartit comme suit : trente six mille pour sa femme, vingt quatre mille pour sa mère, quarante deux mille pour chacun de ses deux fils, Sayyid et Ahmed. Témoins : AbdulQadir Abu bakr Bassama et Ismaël Bayaré. 5. Nom de l’auteur : inconnu Nom du copiste : inconnu Numéro d’ordre : Document n° MHT 206 Date : inconnue Type d’écriture : maghrébin Nombre de lignes par page : 21, 9 Dimensions du manuscrit : 17,3 cm x 11,3 cm Langue : arabe Description sommaire : partage de l’héritage (esclaves, maisons, argent) d’un défunt qui a laissé huit enfants, dont sept garçons (Sayyid Muhamed, Ahmed, Baba, Ousmane, Aliou, Abdu-l-Qadir, Omar) et une fille (Amina Aicha). Le partage se fait selon la charia (loi islamique), c’est-à-dire au fils, la part de deux filles. Les garçons ont chacun cent quarante sept (147) riyals et [?] francs et soixante treize riyals (73) et trois francs (3 francs) pour la fille : Sayyid Muhamed reçoit une résidence à soixante riyals, deux esclaves, l’un du nom d’Al Khayri à cinquante riyals et l’autre Bilal Kini à trente riyals, un boubou vert à huit riyals, la femme de l’esclave al Khayr à trente riyals. En plus de sa part, il a vingt et un riyals, le prix d’un fusil à cinq riyals, un document sur le commentaire coranique à cinq riyals, un livre sur la guérison à un riyal et demi. Les autres garçons auront la même chose ou l’équivalent :
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Ahmed reçoit une maison à quarante riyals, al Hamdou reçoit vingt riyals, Aicha Kini a trente riyals, un boubou rouge à huit riyals, un instrument à deux riyals, un ouvrage à deux riyals, Bilal reçoit vingt riyals, l’épouse de Barkata a trente riyals et cinq riyals en plus. La part de Baba est composée d’une fabrique artisanale à cinquante riyals, Arham Kini a trente riyals, Tajana a quinze riyals, une caisse à soixante riyals, un caftan à cinq riyals, un kabous à deux riyals, Kigamé (esclave) à trente riyals et quatre francs en plus de tous ces éléments. Omar hérite d’une esclave nommée Hawa à trente riyals, puis une autre esclave nommée Araba à vingt riyals, une maison près de celle de Yamyou Wabakkala à quarante riyals. Kissabat Kiribaji a deux riyals. Commentaire : il convient de noter l’évolution du prix des esclaves (comparer avec le manuscrit 2). Une esclave pouvait coûter d’après ce document non daté du XIXe siècle presque autant sinon plus qu’une maison. 6. Nom de l’auteur : inconnu Nom du copiste : Ousmane Ibn Khalil Numéro d’ordre : document n°MHT 208 Date : 1322 H Type d’écriture : maghrébin Nombre de lignes par page : 48, 4 Dimension du manuscrit : 31,3 cm x 10,3 cm Langue : arabe Description sommaire : différend au sujet du partage de l’héritage de Hamma Abou Bakr, après son décès à Ghindama. Ainsi, Sayyid Aliou Ibn Sayyid Ahmed fit appel au grand cadi de Tombouctou, Ahmed Baba, fils du défunt père, Sayyid Abi-l-Abbass al Husni, pour résoudre le problème. 1/ Liste des esclaves qui composent l’héritage : Zida avec ses deux enfants (un garçon et une fille) vaut trente riyals ; la petite servante, Aljuma ‘Way, fille de Zida vaut vingt cinq riyals ; Aicha Balla vaut vingt cinq riyals ; Zida vaut vingt cinq riyals ; un esclave nommé Kouyghouma et une autre nommée Soutra [partie illisible ne permet pas de déchiffrer la valeur de ces deux esclaves], Faradja Yalla vaut vingt riyals, Ousmane Hamma vaut vingt riyals, enfin, la servante Kighouma vaut trente riyals.
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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2/ Pour le bétail nous avons deux ânesses, l’une à deux riyals, l’autre à quatre riyals, une d’un an à deux riyals, une autre à cinq riyals, deux de deux ans l’une à cinq riyals et l’autre à six riyals, deux ânesses à six riyals chacune, l’une est noire et l’autre de grande taille. Dix vaches (chacune d’elle avec son petit à vingt riyals) et neuf bœufs, ce qui fait un total de quatre cents vingt riyals et neuf boeufs. Puis neuf autres vaches dont cinq d’entre elles ont des petits. Al Kab et Arhama ont eu, en tout, trois vaches de trois ans à soixante riyals, soit vingt riyals l’une. Elles ont eu chacune une vache et demie et un demi riyal de plus. Commentaire : Ce jugement est intéressant à plus d’un titre. Il indique la valeur exacte des esclaves selon le sexe et l’âge et permet d’établir des équivalences entre les esclaves et les animaux domestiques. Ainsi, on a les équivalences suivantes : 1 vache de 3 ans = 20 riyals = 1 esclave (prix estimé des esclaves mâles nommés Faradjah Yalla et Ousmane Hamma). Noter que le nom de l’esclave Yalla signifie Dieu ou Allah dans sa connotation islamique et arabe. 7. Nom de l’auteur : Hamoud Ibn Makki Nom du copiste : Ab Ibn Muhamed Ibn Ab Numéro d’ordre : document n°MHT 11 Date : 1931 ou 1932 Type d’écriture : maghrébin Nombre de lignes par page : 23 Dimension du manuscrit : 11,7 cm x 14,7 cm Langue : arabe Description sommaire : l’auteur Hamoud Ibn Makki donna ordre au copiste de noter comment il a distribué ses biens, esclaves et richesses à ses enfants. La moitié des servantes revient à Fatima, le quart à Um Koulthoum, tandis que l’autre quart divisé en quatre parties : les trois quarts reviennent à son fils al Bout et le reste à Muhamed al Bachir. En témoignage de Cheikh Ibn al Ban Ibn Ibrahim, Ab Ibn Muhamed Ibn Ab en est le copiste, en l’an 1350 H. Commentaire : Il convient de noter ici que les esclaves domestiques font partie de la propriété privée familiale et donc transférables comme partie de l’héritage familial. Apparemment, la charia reste l’instrument juridique par excellence sur la base duquel est fixé le commerce et la propriété des esclaves et leur statut dans la société.
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8. Nom de l’auteur : inconnu Nom du copiste : Ahmed Ibn Muhamed Numéro d’ordre : document n°MHT 111 Date : inconnue Type d’écriture : maghrébin Nombre de lignes par page : 12, 2 Dimension du manuscrit : 11,9 cm x 8,3 cm Langue : arabe 9. Description sommaire : lettre d’Amirou-l-Mouminin Ahmed Ibn Ahmed adressé à ses deux fils pour leur signifier qu’ils ont été dépossédés de leur esclave, Foundou Ghomé et ses enfants, pour compenser ses nombreuses dettes envers les musulmans. Commentaire : Les héritiers pouvaient être dépossédés de leur « héritage » humain pour payer les dettes de leur père défunt.
Discours écrits et hégémonismes sociaux à Tombouctou
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CHAPITRE 17 Tombouctou et archivistiques
ses
gisements
Jacques Habib Sy Résumé Cette étude passe en revue l’évolution des gisements archivistiques manuscrits de Tombouctou et des centres de savoir disséminés à travers cette région semi-désertique. L’auteur évalue l’avenir de ces fonds fragilisés par le temps et les circonstances de leur conservation et tire des leçons à la fois opérationnelles et géostratégiques de la gestion des livres manuscrits anciens concentrés en si grand nombre dans ce finistère sahélo-saharien.1
C
’est à partir des années 2000 que la première génération de conservateurs maliens spécialisés dans le traitement des manuscrits anciens hérités de l’histoire médiévale tombouctienne a bénéficié d’une attention accrue de la communauté internationale. En amont, entre les 1. Cette étude a été rédigée dans le cadre des activités de l’auteur financées par la Fondation Ford pour assurer une assistance technique à la SAVAMA-DCI à l’occasion de la réhabilitation des bibliothèques privées de Tombouctou. Les points de vue proposés ici ne reflètent pas ceux de la Fondation Ford ou de la SAVAMA-DCI. L’auteur devrait être tenu pour seul responsable des erreurs souvent inévitables décelables dans toute enquête de terrain, et, si elles existaient, s’en excuse auprès des sources citées. L’auteur tient à remercier très chaleureusement tous ceux qui lui ont donné des renseignements précieux sur l’évolution de leurs activités notamment, entre les années 2005 et 2011
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années 1960 et 1980, l’Unesco s’est particulièrement impliquée dans le soutien à la préservation des archives anciennes en Afrique et à la création du Centre de documentation et de recherches Ahmed Baba (CEDRAB) à Tombouctou, du Centre d’études linguistiques et des traditions orales (CELTHO) de Niamey et de la collection de livres manuscrits du département de Manuscrits arabes et ajamis (MARA) de l’Institut de recherches et de sciences humaines (IRSH) de l’université Abdou Moumouni de Niamey. De ces années-repère, date la mise en place du premier parc informatique qui a rendu possible les efforts pionniers de catalogage des livres manuscrits détenus par le CEDRAB devenu, par la suite, l’Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba (IHERIAB), pris en charge par le gouvernement de la république du Mali. Le second déclencheur de la sauvegarde des livres manuscrits anciens à Tombouctou doit être recherché dans les résultats obtenus au terme de plusieurs années d’efforts soutenus pour former les ressources humaines dont avait besoin l’Institut pour se maintenir à un niveau acceptable de compétitivité et d’utilité pour la communauté d’utilisateurs locaux et externes. Dès les années 2005, l’IHERIAB bénéficie d’une assistance technique forte du gouvernement de Tabo Mbeki, président d’Afrique du Sud, qui, dans le cadre du programme de la Renaissance africaine du NEPAD (New Partnership for Africa’s Development) de la Commission de l’Union africaine, permet à une bonne partie du personnel technique de l’IHERIAB, de renforcer ses capacités dans les bibliothèques et universités sud-africaines, dans les domaines de la restauration, du catalogage, de la digitalisation et plus généralement du traitement des manuscrits rares. C’est grâce à ce transfert de savoir-faire technologique et en conservation que l’IHERIAB, sous le leadership des présidents Alpha Oumar Konaré, puis Amadou Toumani Touré, a pu prendre soin de la prestigieuse collection de 25 000 manuscrits anciens qu’il détient. Ce fonds a pu être constitué grâce à une politique dynamique d’achats de pièces rares auprès des familles traditionnellement détentrices des trésors écrits de ce vaste pays. Ce chiffre, pour impressionnant qu’il soit, ne représente probablement qu’une goutte d’eau, en comparaison des dizaines sinon des centaines de milliers de manuscrits portant sur l’histoire de l’Afrique et dispersés dans des collections privées, à travers le pays et, selon toute vraisemblance, à travers l’Afrique de l’Ouest et Tombouctou et ses gisements archivistiques
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Figure 1 : Une vue de Tombouctou en lithographie rendue par René Caillié au XVIIIe siècle. On peut noter les huttes semi-cylindriques dans lesquelles habitent les esclaves ; les mêmes habitations de fortune sont encore visibles dans les quartiers périphériques de l’ancienne ville.
les bibliothèques marocaines, turques, iraniennes, saoudites, yéménites, d’Europe de l’Est et d’Asie. Les premiers repérages effectués sur ces manuscrits indiquent qu’ils recèlent assez de matière et de données nouvelles qui pourraient permettre de réécrire des pages significatives de l’histoire africaine, comme le montrent les différents chapitres de ce livre faisant découvrir aux lecteurs un échantillon réduit de manuscrits anciens en provenance, non seulement de Tombouctou, mais de différentes parties d’Afrique (Mauritanie, Sénégal, Niger, Nigéria, Burkina Faso, Ghana, Libéria, Sierra Léone, Cameroun, Tchad, Tanzanie, Kenya, Ethiopie, Afrique du Sud). Cette liste n’épuise pas, loin s’en faut, la totalité des manuscrits générés par l’activité fébrile des Africains pour tracer, sur différents matériaux, des sillons durables de la pensée et de la spéculation sur la personne humaine, les règnes animal et végétal, les croyances religieuses et cosmogoniques, la médecine, l’architecture, l’astronomie, etc. Ces fonds privés familiaux et ancestraux étant souvent dans un piteux état lié à la fois à l’environnement physique où ils sont conservés et
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aux difficultés de leur repérage en raison de l’absence de financements nécessaires, de leur catalogage, il a fallu porter attention, en premier lieu, sur la restauration, puis le catalogage de ces archives anciennes. On peut dire que les premiers projets mis en place par l’université de Harvard, suivi par la Fondation Ford des Etats-Unis, ont stimulé le reste de la communauté scientifique et financière internationale, à partir des années 2005. Cette communauté internationale aux intérêts divers sinon divergents parfois, a certes investi avec plus d’allant, mais dans une perspective mal coordonnée, non systémique, et ne répondant pas, le plus souvent, aux exigences de la planification intégrée dans les efforts nationaux et sous-régionaux de protection et de valorisation de l’héritage culturel ancien. L’action internationale a également ignoré les exigences de la planification par objectifs répondant aux besoins précis que se fixent les acteurs étatiques et non étatiques, universitaires, muséographiques, touristiques, sociaux et ceux relevant de la société traditionnelle avec ses autorités coutumières (les notabilités et les oulémas, les médersas et les autorités des stations nomadiques dispersées à travers l’espace fragmenté et contrasté de la civilisation soudano-saharienne), juridiques (les cadis) et sociales (les nombreux étudiants et les détenteurs privés de manuscrits hérités, depuis des temps immémoriaux, des générations précédentes). Il faut, sans doute, éviter de circonscrire l’histoire intellectuelle et culturelle de la civilisation soudano-sahélienne à la rencontre de Walata et de Tombouctou ainsi que du prosélytisme islamique qui a prévalu, à partir du VIIIe siècle, dans des contrées et des civilisations qui, avant l’incursion coloniale, avaient réussi à développer leurs propres systèmes d’écriture, mais les ont perdu en raison de l’ésotérisme propre aux sociétés africaines et à l’imbrication trop étroite de la sphère du sacré dans la diffusion des connaissances, notamment à travers l’écriture décloisonnée du pouvoir ombrageux des gardiens de l’orthodoxie religieuse traditionnelle. Il serait pour le moins hasardeux, en effet, de circonscrire l’histoire intellectuelle et des communications de ce peuplement humain ancien et varié, en l’emprisonnant dans cinq siècles, en lieu et place de la longue durée qui s’étale sur une période d’au moins 1 000 à 1 500 siècles, avec l’apparition attestée des premiers signes graphiques organisés dans un discours pictographique, déchiffrable par une élite initiée à la lecture de ces signes, d’essence métaphysique dès le départ. (Voir notre Introduction générale à cet ouvrage). Tombouctou et ses gisements archivistiques
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Cette longue série de péripéties décalées, chronologiques, participe, en effet, de la périodisation de l’histoire des communications2 qui répond aux pulsions de l’histoire et aux progrès de civilisations anciennes qui ont cohabité, se sont combattues férocement parfois, puis se sont réintégrées les unes aux autres, tout en gardant, contre vents et marées, leurs singularités respectives avant de se fragmenter, de nouveau, en de nouvelles entités métissées, mais toujours rattachées à leur foyer d’origine. Il est probable que des systèmes anciens d’écriture appartenant aux civilisations autochtones3 aient pu cohabiter pendant une période encore difficile à délimiter. Les travaux de Lhotte ont montré, que dès la haute antiquité, l’Afrique noire, évoluant dans l’espace saharien alors non encore inféodé à la tyrannie de l’écologie désertique saharienne qui a tout détruit sur son passage, a inscrit dans les grottes du Tassili et du Niger les premiers signes connus qui préfigurent l’écriture pictographique et l’abstraction par l’image, c’est-à-dire la première rupture, à l’échelle humaine, entre le réceptacle et l’émissaire d’un message donné4. En amont, il convient de prendre en compte le fait singulier que la parole a d’abord pris naissance en terre africaine, si l’on convient de ce que l’Afrique est la terre d’enfantement de l’homo sapiens sapiens. Berceau de la communication interpersonnelle, l’Afrique est, par conséquent, l’espace d’éclosion des langues et des premières tentatives humaines de donner un sens à la parole à travers des conventions orales d’abord puis graphiques et graphématiques. La jonction entre la pensée et la culture africaine et pharaonique a été établie sans l’ombre d’un doute par les travaux pionniers de Firmin puis de Cheikh Anta Diop5, ce qui, d’un point de vue historique, implique de 2. Cf. Jacques Habib Sy, Histoire des télécommunications en Afrique : Alternative Communications, Nairobi, 1995, 210 pages. 3. Cf. les travaux du professeur Théophile Obenga et plus particulièrement l’Afrique dans l’antiquité, Présence Africaine Paris, 1973. 4. Cf. les travaux de Lhotte sur les pictogrammes du Tassili 5. Cf. notamment : Cheikh Anta Diop, Nations nègres et culture, Présence Africaine, Paris, 1953 ; Antiquité africaine par l’image, Présence Africaine, Paris ; Civilisation ou Barbarie, Présence Africaine, Paris, 1992. Le lecteur voudra bien porter également son attention sur le nombre impressionnant d’ouvrages et de contributions scientifiques de haut niveau
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Photographie : J. Habib Sy Figure 2 : L’imam Baba Mahmoud de la lignée de Muhammad Baghayoko alWangari et imam de la Mosquée Sidi Yahya de Tombouctou posant devant la cantine en bois et ornements d’époque qui contient les trésors écrits hérités de ses ancêtres
déchiffrer le passé de l’Afrique, non à travers une vision passéiste tirant gloriole d’une prétendue prééminence de l’Afrique noire sur le reste des civilisations anciennes, mais à travers la dialectique d’une histoire universelle reconnaissant le balancier des hégémonismes humains dans leurs socles socioculturels et géographiques d’origine à différents stades et en différentes périodes chronologiques. Ces périodes chronologiques ont vu l’évolution de systèmes de communication historique qui ont eux-mêmes suivi le tracé des conquêtes et de la compétition sur les terres et les ressources à des échelles territoriales variables. produits par l’intelligentsia africaine-américaine (Rogers, Dubois, Hilliard, Williams, etc.) et africaine (Théophile Obenga, Aboubacry Moussa Lam, Cheikh MBacké Diop, Alain Anselin, etc.). Consulter notamment la bibliographie la plus complète à ce jour relative aux travaux par et sur Cheikh Anta Diop écrite par le fils du savant disparu, Cheikh MBacké Diop, dans la revue Ankh-Khepera. Tombouctou et ses gisements archivistiques
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Rescapée du péché originel du primitivisme raciste, du diffusionnisme puis de l’entreprise sociologique d’essence structuraliste et de toutes les autres petites chapelles idéologiques de l’anthropologie dominante, l’historiographie africaine est à présent en mesure de séparer le bon grain de l’ivraie, d’accommoder les études longitudinales et encyclopédiques aux incursions pointues dans des microcosmes thématiques de plus en plus étroits mais très féconds au plan de la compréhension des ressorts internes qui conditionnent les sociétés humaines et leurs projets économiques et politiques respectifs. De ce point de vue, l’histoire de Tombouctou montre qu’elle est entièrement soumise aux dynamiques à la fois sociales, géographiques, géopolitiques et militaires qui ont marqué l’évolution en cette partie du vieux continent africain. L’interprétation de l’origine du nom de la ville de Tombouctou est l’objet d’une controverse, tant au niveau de la tradition orale que des sources écrites. Tombouctou aurait été fondée entre la fin du XIe et le début du XIIe siècles par une bergère du nom de Bouctou installée à proximité d’un puits où venaient se désaltérer bêtes et hommes, en particulier, les Touaregs Imagcharen, nomadisant entre les dunes d’Araouane au Nord et le fleuve Niger au Sud6. Cette thèse est corroborée en amont par les sources anciennes notamment Es Sa’adi qui fixe, dans son Tarikh es-Sudan, l’apparition de Tombouctou vers la fin du Ve siècle de l’hégire (1080 après J.C.)7. Cette porte du désert prit progressivement de l’importance, au point de devenir un carrefour commercial et culturel qui a fondé sa renommée à travers l’histoire. Quoi qu’il en soit, Tombouctou a été créée sur les flancs de l’une des branches du fleuve Niger qui traversait la ville et permettait le transport des marchandises, particulièrement en période de crues pluviales, des confins du désert aux avant-postes de l’hinterland soudanais. Les populations séparées par le désert saharien n’ont jamais été arrêtées par l’assèchement brutal et prolongé du Sahara. 6. Salem ould Elhadj, Tombouctou la mystérieuse : fondation, doc. sans date ; - Tombouctou, manuscrit non publié, p. 2. L’auteur attribue à ces Touaregs la fondation de la ville dans son site actuel. 7. Es Saadi Abderrahman, Tarikh Es-Sudan, Adrien Maisonneuve, Paris, 1981.
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Au contraire, elles y ont cohabité, commercé et instruit des stratégies opposées de domination et de résistance, tout en initiant un mouvement de circulation des biens et des personnes à travers des caravanes évoluant parfaitement à l’aise, munies des repères et du savoir-faire conférés par une expérience multiséculaire qui remonte à la nuit des temps. Les progrès de l’astronomie accumulés depuis la plus haute antiquité, à la fois à travers les sciences autochtones dogon8, bambara ou sonrhaï ont également permis aux voyageurs de cette période lointaine de maitriser la connaissance des points cardinaux et d’assurer leur mobilité, dans un environnement, certes hostile, mais recélant nourriture, eau, fraicheur et toutes sortes de commodités et de confort personnel pour ceux qui savent tirer parti d’une connaissance intime des ressources animales, végétales, hydriques, des plantes médicinales et de la chasse dans l’immensité désertique du Sahara. Les villes créées à la lisière septentrionale du désert attestent d’une activité commerciale et de traditions culturelles qui ont culminé dans des capitales telles Kumbi Saleh, centre politique et commercial de l’empire du Ghana (Ganaar disent les Wolofs du Sénégal), dominé par les Soninkés, et dont l’apogée se situe entre les XIe et XIIe siècles selon l’explorateur arabe Al Bakhri qui estime qu’elle a compté jusqu’à 30 000 habitants9. Le commerce caravanier a également permis l’émergence de Walata (dans la Mauritanie actuelle) cependant qu’au Mali, l’ascension de l’empire du Mali favorise la création de Niani dans le haut Niger aux XIIIe et XIVe siècles, avant de péricliter durant la période de résistance aux invasions almoravides, berbères puis européennes, notamment françaises10. 8. Cf. les travaux de Marcel Griaule, notamment Dieu d’eau qui établissent, sans l’ombre d’un doute, la compétitivité de l’observation, l’expérimentation et l’analyse astronomiques dogon, par rapport au reste du monde, depuis la haute antiquité. Des travaux postérieurs ont également montré la parenté entre les observatoires astronomiques dogons et la tradition de recherche astronomique initiée par l’Ancienne Egypte pharaonique (in Théophile Obenga, La tradition astronomique africaine). Voir aussi Jacques Habib Sy, African Astronomy, monographie en voie de publication par le Human Science Research Council d’Afrique du Sud. 9. J. Poinsot, A. Sinou et J. Sternadel, Les villes d’Afrique noire entre 1650 et 1960, La Documentation Française, Paris, 1989, p. 19-20. 10. Se référer à la tradition orale wolof, notamment la chanson de geste avec xalam (guitare traditionnelle héritée de l’Egypte ancienne d’après la thèse doctorale Tombouctou et ses gisements archivistiques
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Après la chute de l’empire du Mali, s’affirme l’empire Songhaï, adossé à la ville de Gao, qui a pu compter jusqu’à 50 000 habitants au XVIe siècle11. A la même époque, Tombouctou et Djénné, plantées dans le bassin du Niger, connaissent une apogée intellectuelle et commerciale et un ascendant démographique sans précédent. Tombouctou serait, d’après certains historiens12, le produit du commerce de sel, et de sa position privilégiée de carrefour central du désert et de la savane. Les cités hausas, beaucoup plus peuplées développent des « cités-Etats » dont la plus importante reste incontestablement Kano, cependant que des villes de plusieurs dizaines de milliers d’habitants florissent, entre les XIIe et XVIe siècles, en terre yorouba (Ile Ife, la capitale, Oyo, Benin, Ketou, Abomey, etc.)13 , comme le soulignent très justement Sinou et al. les organisations urbaines ouest-africaines et la gestion des espaces commerciaux correspondent à des logiques endogènes instruites par les formats institutionnels horizontaux et communautaires qui n’ont rien à voir avec le despotisme étroit expérimenté dans plusieurs autres parties du monde14. Dès le XIVe siècle, il y avait déjà une effervescence
11. 12.
13. 14.
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d’Ousmane Sow Huchard) dénommée Niani bañ na = la résistance, le refus de Niani. Ibid., p. 19. Une discussion de haut niveau a mis aux prises plusieurs historiens maliens et d’origines diverses sur l’origine de la splendeur de Tombouctou. Pour certains, Tombouctou est le produit du commerce du sel qui trouvait dans cette ville un passage obligé et un conduit naturel entre les mines de sel du Nord et l’arrièrepays qui se situe vers le Sud, au-delà de la boucle du Niger et sur les flancs de ce fleuve, source de vie, qualifié de Nil de l’Afrique occidentale. Pour d’autres historiens reprenant les observations écrites des anciens, le commerce du livre faisait la notoriété et la richesse de cette ville dont les traditions écrites et orales attestent de l’existence d’une très nombreuse population estudiantine (le chiffre de 25 000 étudiants a été avancé par des auteurs anciens) et de scribes spécialisés dans la copie des manuscrits et des ouvrages en provenance de l’Orient. Voir les communications présentées à l’occasion de la clôture de l’initiative « Tombouctou, capitale de la culture islamique de la région Afrique », notamment au cours de la conférence sur « Les particularités socio-culturelles de Tombouctou », Tombouctou, 14-18 novembre 2006. Ibid., p. 20. Les auteurs cités suggèrent que : Tous ces sites, places commerciales ou centres politiques et intellectuels, ne sont pas organisés selon des rationalités occidentales. Les communautés ethniques et lignagères s’y regroupent généralement dans des quartiers spécifiques contrôlés par leurs chefs. La puissance des autorités politiques et religieuses se manifeste dans des palais et des mosquées tandis que le pouvoir des agents économiques se lit dans les marchés et parfois dans les habitations des commerçants (Djenné) (…). Ces villes sont, pour la plupart,
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Photographie : J. Habib Sy Figure 3 : Manuscrit du début du XIXe siècle mal conservé avec des traces de restauration artisanales (couture à l’aide de fils en coton colorié et colle végétale.
culturelle et intellectuelle à Tombouctou et d’autres villes du Mali. Située à la lisière du désert, Tombouctou était un centre commercial très prisé. On pouvait y noter aussi un commerce de livres des plus florissants soutenu par les intellectuels dans ses célèbres universités (Cf. Ali ould Sidi, chap. 14, volume 2) qui attiraient des intellectuels venant aussi bien de la boucle du Niger que de lieux très éloignés. Les fouilles, effectuées récemment dans la région de Tombouctou, ont montré qu’un nombre considérable d’ouvrages, produits à Tombouctou, ou copiés à partir d’originaux venant du Moyen Orient, étaient rédigés dans un beau style calligraphique en arabe ou dans les langues locales (le songhai, le fulbé, le haussa ou le tamachek), avant d’être transcrits sur du papier ou du parchemin artisanal et écrits aussi bien en arabe, qu’en hébreu parfois. Pour les riches collectionneurs, ils étaient parfois enrobés de fines décorations d’or raffiné, et contenaient des illustrations, arabesques colorées de divers tons tirés des matières végétales, de la gomme arabique mélangée au carbone de bois, le tout protégé avec excentrées par rapport aux réseaux économiques mis en place par l’économie de traite ; les Européens n’utiliseront pas cette infrastructure qui ne répond pas à leurs besoins.
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du cuir gaufré véritable. Hormis les intellectuels tombouctiens, le commerce de livre était soutenu par les scribes, les artisans et les collectionneurs de livres.
Photographie : J. Habib Sy Figure 4 : Collection de livres manuscrits d’Ahmed Baba appartenant à l’Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba de Tombouctou
Tombouctou faisait également partie d’un réseau de connaissances qui s’est développé à partir de l’Espagne andalousienne pour s’étendre vers le monde musulman de l’Afrique occidentale, à travers le finistère saharien, et les bretelles du sud marocain ou algérien pour faire la jonction avec le Moyen Orient, le Soudan actuel et l’Ethiopie15. Par conséquent, des manuscrits similaires à ceux de Tombouctou ont été découverts tout au long de l’itinéraire emprunté par les arabisants africains aussi loin que la partie sud de Zanzibar ou les provinces du nord du Nigéria, particulièrement à Sokoto et Kano. De la même façon, on a pu trouver récemment des manuscrits rares des Dan Fodio à Niamey, Tombouctou et Walata ou Nouackchott. La sagesse populaire retient que seul un nombre limité de ces anciens documents est encore disponible dont certains sont localisables dans des collections situées hors du continent africain. Ce n’est que récemment, que l’on s’est rendu 15. Cf. à cet égard la thèse controversée sur l’importance de l’héritage d’Andalousie en Afrique noire et Tombouctou de Ismael Diadié Haïdara dans son ouvrage L’Espagne musulmane et l’Afrique subsaharienne, Bamako, Donniya, 1997.
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compte, que quelques dizaines de milliers de ces manuscrits avaient été cachés et préservés pendant des siècles, durant les périodes de colonisation étrangère, par des familles des intellectuels, des scribes et de simples citoyens qui ont eu au tout début à les écrire, commanditer, rassembler ou collectionner. Ils représentent une grande partie du travail fait par les Africains sur l’Afrique, et par les autres aussi, et représentent donc une réalité cachée de l’histoire du monde. Ces vieux manuscrits peuvent apporter un nouvel éclairage sur plusieurs aspects du développement socioéconomique et l’histoire de l’islam dans cette zone soudano-sahélienne dominée par la triade citadine Gao (capitale politique), Djenné (carrefour commercial) et Tombouctou (centre de rayonnement intellectuel)16. Malheureusement, la majeure partie de ces documents irremplaçables sont menacés de détérioration en raison du fait qu’ils sont conservés dans des endroits où les conditions adverses à la préservation des manuscrits sont considérables (termites ; incendies ; mauvais traitement infligé aux manuscrits par des mains inexpertes ou le pillage de fonds importants emportés par des chasseurs de trésors livresques anciens revendus à prix d’or dans des marchés parallèles, en Occident). Malgré les efforts consentis par le gouvernement malien et les bibliothèques privées pour acheter et sécuriser une partie de ces manuscrits et les traiter par la suite, il convient de se rendre à l’évidence : seule une petite fraction des manuscrits — environ quelque dizaines de milliers — a pu être temporairement sauvée d’une destruction certaine et de l’oubli. Les chiffres relatifs aux volumes des manuscrits en circulation varient grandement (9 000 manuscrits pour la bibliothèque Mamma Haïdara ; environ 25 000 non encore entièrement traités et catalogués à l’IHERIAB ; 800 pour la collection de l’imam Soyouti ; 500 manuscrits à la bibliothèque de la Grande Mosquée de Djinguireyber ; 3 000 manuscrits pour le fonds Al-Wangari ; un peu plus de 7 000 pour Fondo Kati). Décrivant la distribution géographique des bibliothèques de Tombouctou, Haïdara et Traoré suggèrent que 8 bibliothèques, soit 38% du nombre total sont concentrées dans le quartier de Sankoré où 16. Document administratif sans date de la SAVAMA-DCI, « Proposition de projet de SAVAMA a la Fondation Ford ». Tombouctou et ses gisements archivistiques
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se situe également l’ancien campus universitaire de Sankoré. Sankoré est suivi par Badjindé (28,57%), Sareykeyna (19,04%) et Djingareyber (9,52%)17. A côté de ces chiffres, on note l’estimation de l’Unesco qui fixe à plus d’un million le nombre de manuscrits décelables dans les différentes régions du Mali. La plus grande partie de ces manuscrits sont conservées par des familles maliennes, particulièrement à Tombouctou et dans ses environs, à Djéné, Gao, Boujhbea, et tant d’autres sites en voie d’émergence qui se signalent à l’attention du monde, au fur et à mesure que les détenteurs privés de manuscrits acceptent de dévoiler l’existence des trésors qu’ils détiennent ombrageusement par devers eux, par souci de préserver un héritage précieux (devenu une sorte d’amulette de protection pour les plus nombreux) qu’ils ne veulent ni vendre ni même prêter à des sources externes à leur environnement socio-culturel immédiat. Il est devenu manifeste que la plupart des familles rechignent à vendre l’héritage manuscrit de leur famille ou à le faire conserver par les soins de l’IHERIAB ou de la SAVAMA-DCI. Il convient de reconnaître que le marché des manuscrits est devenu très lucratif, et permet aux détenteurs privés qui arrivent à tirer leur épingle du jeu, d’en faire une source notable de revenus ; soit par la vente directe ou clandestine, ou à travers des prêts de manuscrits dont la valeur historique est attestée, à de grandes bibliothèques des pays 17. Données recueillies par Ismaël Diadié Haïdara et Haoua Traoré, « Les bibliothèques privées de Tombouctou : problématique de leur conservation » in S. Jeppie et S. B. Diagne, Tombouctou : pour une histoire de l’érudition en Afrique de l’Ouest, Dakar, Codesria, 2011, p. 299-301. En prenant en compte la liste des suites de manuscrits proposée par Abdel Kader Haïdara et la SAVAMADCI au chapitre 14, volume 2 de cet ouvrage, on obtient des ratios sensiblement différents. Il serait instructif d’évaluer la nature des fonds privés identifiés par Haïdara pour connaître avec certitude l’origine géographique, les auteurs, l’âge et la qualité de ces manuscrits qui tendent parfois à être répétitifs comme le note Cheikh Abdel Wedoud (chapitre 11 de cet ouvrage) pour ce qui concerne la Mauritanie ou qui se chevauchent en raison de ce que beaucoup de ces manuscrits représentaient des manuels scolaires et universitaires à l’intention d’apprenants qui se passaient les manuscrits après en avoir recopié entièrement, ou en partie les originaux. Il convient également de noter que plusieurs de ces fonds comprennent des ouvrages ou des manuscrits importés du Moyen Orient ou d’autres pays.
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industrialisés (Etats-Unis, France, Grande Bretagne, Norvège, etc.) ou à des pays du Moyen Orient comme le Quatar, l’Arabie Saoudite, le Maroc, l’Egypte, etc. Cette tendance, bien qu’elle permette à des propriétaires privés de manuscrits de bénéficier de ballons d’oxygène financier, n’en représente pas moins un abîme dangereux dans la mesure où elle fragilise la valeur intrinsèque des collections atteintes et soustrait du foyer ancestral des vestiges d’un passé fait de livres manuscrits que les Africains ont à peine commencé à lire, encore moins à analyser d’un point de vue codicologique, paléographique et historique. Pour prendre la mesure de l’importance des manuscrits de Tombouctou et de toutes les autres parties du continent africain (la Corne de l’Afrique, l’Afrique de l’Est, l’Afrique australe, le Maghreb, l’Afrique de l’Ouest et du Centre), il convient de se référer au travail pionnier de Raymond Mauny sur l’Atlas de l’Ouest africain, la production volumineuse de John Hunckwick ou les plus récentes investigations de Paulo F. de Moraes Farias. A partir de l’analyse sémiotique des épitaphes de Gao et ses environs, de Moraes Farias a entrepris une lecture critique des tarikhs (Tarikh al-Sudan de al-Sa’di, Tarikh al-Fettash de Ibn alMukhtar et la Notice historique anonyme inachevée) en tant que genre littéraire et construction idéologique d’auteurs mettant leur talent au service des Askiya, ces derniers ayant perdu toute légitimité devant l’invasion et l’occupation marocaine, désastreuse à tous points de vue aux yeux des peuples du « Soudan » ou du Moyen Niger. Farias suggère que l’objectif poursuivi par les « chroniques » historiques serait : la formulation implicite du futur qui accepte les réalités politiques de l’après-invasion, et s’efforce de promouvoir une réconciliation durable avec les Arma… En outre, les chroniqueurs considéraient normale l’assignation au plus bas de l’échelle sociale des esclaves et autres groupes subordonnés ; ce n’était pas la raison pour laquelle ils ont écrit. Leur objectif spécifique était de promouvoir une nouvelle alliance des élites18.
Pour attrayante qu’elle puisse paraître, cette hypothèse mérite d’être discutée car elle renvoie à une série de questions toutes aussi fondamentales les unes que les autres. 18. Moraes Farias (de), Paulo F., « L’innovation et la réinvention intellectuelles dans le Sahel : les chroniques du XVe siècle de Tombouctou », in Shamil Jeppie, Souleymane Bachir Diagne (dir.), Tombouctou : pour une histoire de l’érudition en Afrique de l’ouest, Codesria, HSRC Press, Dakar, Cape Town, 201, p. 115. Tombouctou et ses gisements archivistiques
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On pourrait, en premier lieu, se demander comment expliquer le caractère « exceptionnel » de ces chroniques qui apparaissent, aux yeux des historiens, sans antécédent traçable, comme par un coup de maguette magique, dans la longue tradition intellectuelle du Mali en tant qu’espace scripturaire, littéraire, politique et culturel. Il est raisonnable de penser, malgré les réserves formulées ici et là, qu’il y a certainement eu d’autres « chroniques historiques », si l’on en juge par leur nombre et leur dispersion à travers de vastes entités politiques et culturelles comme le Niger, le Burkina Faso, le Nigéria, le Sénégal, le Cameroun, le Tchad, la Mauritanie où s’est exprimée la conscience historique des peuples ouest-africains, en des périodes cruciales de leur évolution. On devrait cependant se garder de soumettre les historiens ouest-africains qui ont écrit il y a huit à cinq siècles, au jugement de valeur de l’anthropologie et de l’histoire contemporaines décrivant la production livresque locale des siècles passés, à travers les notions telles que l’esclavage, la guerre, la citoyenneté, les valeurs démocratiques, l’aspiration égalitaire des femmes, etc. On ne devrait pas perdre de vue que partout, la chronologie longue nous instruit que l’histoire a été produite par les hégémonismes politiques et des Etats soucieux de se justifier aux yeux de la postérité et des opinions de leur temps. Les trésors publics ont toujours été mis à contribution pour trouver des plumitifs à la solde des puissants du jour. La conscience universelle du XIIe au XVIIe siècle percevait différemment les questions de gouvernance évoquées plus haut. Ces notions se sont élargies au fur et à mesure que les luttes sociales se sont approfondies et généralisées, à un rythme et une intensité variables suivant les foyers civilisationnels qui les ont produites. Sa’adi et Mahmoud Kaati, sont d’éminents historiens, des observateurs et témoins perspicaces des séquences temporelles qu’ils ont décrites et analysées, probablement dans des conditions de censure lourdes de conséquences pour les auteurs iconoclastes adoptant une posture peu ou prou critique vis-à-vis des chefferies d’Etat. Il y a encore du pain à l’ouvrage pour élargir l’horizon historique, en « découvrant » de nouveaux tarikhs enfouis dans des livres manuscrits écrits en si grande quantité dans tout l’Ouest africain. Il convient, par ailleurs, de revisiter de façon comparative les biographies établies par des penseurs comme Ahmed Baba et d’autres. La proposition récemment faite, en effet, que la « bibliothèque » ouestafricaine ne serait qu’un prolongement des tendances intellectuelles notées au Maghreb et au Moyen Orient au cours des siècles passés
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n’est pas crédible. Car, elle reviendrait à gommer toute la production livresque ouest-africaine déjà décrite par d’éminents historiens tels Hunwick, Sékéné Mody Cissokho, etc. C’est comme si, constatant la présence islamique en Afrique de l’Ouest aujourd’hui, on en tirait la conclusion que les auteurs Africains écrivent sous l’emprise de l’islam et de ses idéologues arabo-berbères, ou que les auteurs africains les plus connus de la période que nous vivons sont des copistes ou, au mieux, de brillants esprits emprisonnés dans le paradigme dominant de la « solidarité arabo-africaine », idéologie omni-présente durant la décennie des indépendances africaines, pour des raisons liées en réalité à la communauté de destin forgée par le colonialisme en Afrique et au Moyen Orient !
Photographie : J. Habib Sy Figure 6 : Les imams des deux Grandes Mosquées (Sankoré, à gauche et Sidi Yahya, à droite) de Tombouctou. L’un et l’autre conservent des collections très précieuses de manuscrits anciens encore en attente d’un traitement urgent.
Ces données factuelles montrent bien que Tombouctou a été pendant des siècles un espace prédominant et intense de l’activité intellectuelle africaine et mondiale. Il convient, par conséquent, de poursuivre les fouilles visant à identifier les propriétaires des bilbliothèques identifiées et à cataloguer les livres manuscrits qu’ils détiennent (Cf. les nouvelles pistes ouvertes par Abdel Kader Haïdara au chapitre 14). En empruntant Tombouctou et ses gisements archivistiques
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les voies de la polydisciplinarité, on pourrait aboutir à l’émergence de la codicologie et de la paléographie africaines, comme en soulignent l’urgente nécessité tous les auteurs qui se sont exprimés sur cette question dans les trois volumes de cet ouvrage. Face au sort désastreux des livres manuscrits africains, témoins vivants du passé, on note, heureusement, des moyens alternatifs de préservation et de partage de ce capital de travail menacé que sont ces vestiges écrits. Les détenteurs privés de manuscrits anciens se sont organisés en certains endroits et ont décidé de mettre en valeur et de préserver l’héritage écrit dont ils ont la garde. C’est dans ce cadre que l’association tombouctienne de Sauvegarde et de valorisation des manuscrits et pour la défense de la culture islamique (SAVAMA-DCI) a été créée en 2006.
Photographie : J. Habib Sy Figure 7 : Frontispice du siège de l’ONG SAVAMA-DCI de Tombouctou
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Bilan provisoire de l’action de la SAVAMA-DCI (20072011) Description des activités Quatre missions exploratoires ont été menées par l’auteur à Tombouctou et ses environs immédiats et dans d’autres parties du pays, de 2007 à 2011. Les domaines explorés par cette section ont trait aux activités de sensibilisation, de prospection, de traduction, de classification des textes, de catalogage, de numérisation, de formation, de réfection des installations et de développement infrastructurel. Sensibilisation La SAVAMA a mené des actions de sensibilisation dans les mosquées, les médersas ou à l’occasion de cérémonies sociales ou religieuses importantes, à travers les radios locales et des missions de terrain en dehors de Tombouctou, pour amener les détenteurs de manuscrits à se pénétrer de l’importance des trésors qu’ils détiennent. La SAVAMA les initie également aux rudiments de la conservation et de la valorisation des manuscrits précieux qu’ils détiennent. Stratégiquement, l’action de sensibilisation a ciblé les imams, notables et cadis (juges) regroupés au cours de séminaires animés par une commission dite de sensibilisation comprenant des membres de la SAVAMA formés par d’autres membres ayant atteint un niveau de séniorité tant par l’âge que par le niveau de connaissances accumulées en matière de préservation des manuscrits anciens. Les sessions de formation mettent l’accent sur les difficultés qu’ils rencontrent sur le terrain et comment s’acquitter avec tact du travail d’explication et de sensibilisation auprès de leurs interlocuteurs, généralement peu ouverts, à priori, à l’idée de partager leurs manuscrits, de permettre qu’ils soient catalogués ou de les confier pour qu’ils soient placés dans de meilleures conditions de stockage. Il arrive fréquemment que les familles détentrices de manuscrits anciens rejettent toute idée de collaboration avec les membres de la commission. Dans ces cas de rejet, une mission composée de sages Tombouctou et ses gisements archivistiques
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est aussitôt dépêchée auprès de la famille récalcitrante ou rebelle. Généralement, cette méthode donne des résultats probants. Cette action multiforme de sensibilisation n’a pas encore débouché sur la possibilité donnée aux membres de la commission sensibilisation, par les familles détentrices de manuscrits, de pouvoir copier leurs manuscrits. Ces dernières acceptent cependant de faire répertorier in situ leurs manuscrits. Cette opération qui ne concerne pour l’instant que la ville de Tombouctou est très utile puisqu’elle permet de savoir dans quelles localités, et par qui, sont gardés les manuscrits anciens qui sont eux-mêmes sommairement répertoriés à travers une liste des titres disponibles. Les missions entreprises par la commission sensibilisation à travers le pays sont encore sporadiques compte tenu des besoins logistiques considérables qu’elles nécessitent (matériel de camping, véhicules tous terrains, carburant, etc.) et de la vétusté avancée de certains axes routiers. Prospection Les missions de prospection consistent à identifier les « bibliothèques » privées dans la ville de Tombouctou et à travers le Mali. Généralement, l’objectif recherché est de répertorier les manuscrits anciens en espérant ultérieurement pouvoir en présenter voire en analyser le contenu par des historiens et des translittérateurs à la compétence avérée. Cet objectif central est toujours doublé d’un but subsidiaire mais non moins important : sensibiliser les familles détentrices de manuscrits à la nécessité d’en prendre soin selon les règles de l’art ou à tout le moins en appliquant les principes de base de la conservation qui leur sont inculqués in situ par les missionnaires de la SAVAMA. Les missions de prospection font l’objet de rapports écrits en arabe mais qui ne sont malheureusement pas encore disponibles, certains étant à l’état de notes non traitées, d’autres devant être publiés dans la revue périodique que fait paraître irrégulièrement la SAVAMA. L’objectif annoncé est de faire connaître l’historique des manuscrits prospectés et d’identifier les manuscrits rares. Le rapport Bibliothèques du Désert représente l’un des volets des résultats de recherche de la bibliothèque et des prospections entreprises sous son égide de 1996 à 1998. Les prospections prévues pour la période
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2006-2008 ont déjà fait l’objet d’un rapport dont la finition, prévue en 2008, devait permettre sa publication sous forme de livre. Cette publication est un véritable état des lieux, comprenant le nom et l’adresse des détenteurs de manuscrits, le gardien légal des manuscrits, le nombre de manuscrits et l’état de la bibliothèque ou de l’environnement dans lequel sont conservés les manuscrits. Pour l’instant, certaines parties des rapports de prospection attendent d’être complétées par des recherches d’identification et de comparaison avec d’autres sources bibliophiles et de références bibliographiques devant être menées par des sages, des oulémas et des notables19. Ce travail d’édition pourrait certainement être accompagné à travers d’autres partenariats internationaux jusqu’au stade de la publication et de la distribution à l’échelle globale. Les résultats acquis au cours des missions d’exploration relevant du projet de la Fondation Ford peuvent être résumés comme suit en 2010 : Essouk : rien n’y a encore été entrepris parce que d’autres gisements ont capté l’attention de la SAVAMA par suite de nouvelles annonçant la découverte ou le signalement de l’existence de manuscrits très importants. Gao : l’une des bibliothèques de cette ville devait faire partie du lot de bibliothèques sélectionnées dans le cadre de ce projet. Sur la base d’informations incomplètes, Gao a par la suite été injustement écartée du projet malgré le travail remarquable qui s’y accomplit et la grande valeur des documents anciens qui y sont conservés20. 19. Le président de la SAVAMA, Abdel Kader Haidara, rappelle les conditions dans lesquelles la mission de Bandiagara a été menée en 2009 et a conduit à la découverte d’un gisement capital comprenant un volume impressionnant de correspondances d’El Hadj Omar Saydou Tall, d’Ahmadou et de plusieurs autres chefs historiques de la résistance à la pénétration coloniale française en Afrique occidentale. 20. Le président de SAVAMA nous a relaté un incident malheureux au sujet de la bibliothèque privée de Gao qui a eu une amère expérience avec une partie étrangère qui voulait digitaliser les manuscrits de la bibliothèque. Toute la moisson obtenue à l’issue de l’opération de scanérisation devait être entièrement rapatriée à Rabat. Le directeur de cette bibliothèque privée de Gao s’y est opposé et a perdu les prétendus 8 000 dollars EU qui avaient été signalés par le Centre afro-arabe de Bamako comme étant disponibles. Cet exemple parmi tant d’autres montre que les manuscrits anciens du Mali sont l’objet d’une convoitise réelle aggravée par le mythe qui s’est fermement établi autour des trésors écrits cachés à Tombouctou depuis des temps immémoriaux. Tombouctou et ses gisements archivistiques
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Tombouctou : du fait que la bibliothèque Fondo Kati disposait déjà d’un financement important de l’Union européenne et que la bibliothèque Boul Araf était supposée disposer de financements qui se sont malheureusement avèrés évanescents par la suite, les bibliothèques Mamma Haidara, Al Wangari et Al imam Ben Essayouti ont été sélectionnées par la Fondation Ford. Dans un avenir proche, il faudra aider les petites bibliothèques qui ont été répertoriées. La bibliothèque Al Moustapha Konaté, par exemple, inaugurée en 2010 avec l’assistance technique de la SAVAMA, a un fonds de 1 000 titres manuscrits des siècles antérieurs. Les travaux d’aménagement de cette bibliothèque ont été financés par la SAVAMA sur fonds propres. La SAVAMA a également financé la mise en place d’une commission chargée de veiller au classement des manuscrits et à l’élaboration d’une liste préliminaire des manuscrits de la bibliothèque. Des critères ont été déterminés par la SAVAMA pour identifier et sélectionner les petites bibliothèques au nombre de 15 pour l’instant à aider : avoir un nombre important de manuscrits ; disposer d’une maison qui puisse servir de bibliothèque ; au cas où le mobilier de classement viendrait à manquer, procéder à leur achat ; intégrer les membres de la famille dans l’équipe chargée de faire le catalogage. Boujbéa (250 km au nord de Tombouctou à travers des dunes sablonneuses) : depuis 2003, Abdel Kader Haidara a procédé personnellement au catalogage du fonds disponible. Ont été traités 1 000 manuscrits mais il en restait beaucoup non traités. Un financement libyen a permis de construire une bibliothèque de 4 pièces comprenant une salle de lecture, une salle de manuscrits, un bureau du responsable et une chambre de passage avec 2 toilettes dont une publique. La construction de cette bibliothèque a duré plus d’un an. L’Association mondiale pour l’Appel islamique contrôlé par la Lybie a été le maître d’œuvre de cette initiative. Des difficultés non encore résolues persistent encore dans les domaines de la conservation, de la maintenance et du suivi des manuscrits, l’acquisition d’équipements supplémentaires et surtout l’accès au courant électrique ou à défaut à une infrastructure d’approvisionnement d’énergie solaire. Pour l’instant, la bibliothèque est fréquentée par un petit nombre de chercheurs et de touristes qui s’y rendent. Les thèmes abordés par les manuscrits de la bibliothèque semblent être les mêmes que ceux trouvés dans la plupart
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des bibliothèques de Tombouctou. Un manuscrit jugé très important sur la biologie y a été découvert par Abdel Kader Haidara. Djenné (550 km de Bamako) : de 2003 à 2005 beaucoup d’actions de sensibilisation y ont été menées par la SAVAMA. Finalement, 18 familles ont accepté de regrouper leurs manuscrits en un seul endroit de la ville. Le ministère de la Culture a promis d’inscrire le financement de la bibliothèque dans le budget national. En attendant, il y a eu une série d’appuis financés par le Fonds européen de développement dans le processus de construction de la bibliothèque de Djenné qui est déjà achevée. La SAVAMA-DCI a indexé 500 manuscrits sur un nombre total de 10 000 qui ont été identifiés pour l’instant, nombre qui risque, en toute probabilité, d’être dépassé de très loin, selon les estimations courantes. La nouvelle donne sur ces manuscrits, c’est qu’un nombre significatif a été écrit sur des parchemins et sur des peaux de poisson de forme arondie. Des manuscrits sur le commerce de l’or, des esclaves, etc., ont également pu être découverts dont quelques-uns très anciens et non encore datés. Mais les plus grands défis pour cette bibliothèque restent le répertoriage, le catalogage et la conservation des manuscrits de cette ville qui a été l’épicentre de la vie politique et commerciale bien avant l’avènement des anciens empires du Mali. Ségou (250 km de Bamako) : il y a beaucoup de détenteurs privés de manuscrits dans cette ville historique. La SAVAMA a commencé à y faire de la prospection. La bibliothèque de la famille Sosso est l’une des plus notables avec 4 500 manuscrits classés mais non encore répertoriés. Par suite de l’absence de financements, la bibliothèque n’a pas encore été construite à partir du bâtiment en dur dont dispose le patriarche de la famille. La famille dispose de 8 000 à 10 000 livres imprimés qui demandent à être traités et catalogués dès que possible.
Traduction/Translitération Les prévisions de la SAVAMA en ce qui concerne le rythme de traduction et translittération des documents anciens détenus par les bibliothèques ciblées par la Fondation Ford se sont révélées peu fiables dès qu’elles ont été confrontées aux complexités de missions de cette nature. Elles requièrent un haut niveau de technicité et d’expérience de la part de translittérateurs chevronnés et un travail multidisciplinaire Tombouctou et ses gisements archivistiques
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qui dépasse pour l’instant de très loin sans doute les capacités à la fois humaines et infrastructurelles des bibliothèques concernées telles qu’elles existent actuellement.
Photographie : J. Habib Sy Figure 8 : Stagiaires dans les ateliers de restauration de la SAVAMA-DCI
Néanmoins, deux commissions composées de professeurs des universités arabophones et francophones ont été formées sous l’égide de la SAVAMA. Plusieurs thématiques ont été choisies notamment en matière de résolution des conflits et de bonne gouvernance. Les premières réunions ont eu lieu à l’université de Bamako. La première commission a aussitôt buté sur la complexité du travail : nécessité de produire des études historiques critiques capables de restituer l’environnement socio-historique et géopolitique de l’époque considérée. En l’occurrence, un manuscrit d’El Hadj Omar Saydou Tall sur la résolution des conflits a été trouvé parmi les manuscrits de la bibliothèque Mamma Haidara. Des fragments du même manuscrit ont été retrouvés également à l’Institut Ahmed Baba. Les translittérations ayant requis au moins trois copies de ce manuscrit cherché dans les ouvrages de références bibliographiques détenus par d’autres pays, notamment au Niger, à l’université de Niamey, il a fallu voyager dans ce pays voisin pour obtenir une copie additionnelle afin de comparer les
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trois copies manuscrites ainsi obtenues et d’en authentifier le contenu21. Depuis lors, le travail aurait commencé mais n’était pas encore achevé. La deuxième commission (« bonne gouvernance ») a pu trouver une copie jugée « intéressante » à la bibliothèque Mamma Haidara. Mais elle est encore à la recherche de deux autres copies du même texte, ce qui a induit un retard considérable dans l’exécution des activités du projet de la Fondation Ford. Le travail de translittération se fait en trois étapes toutes aussi complexes les unes que les autres : restitution de l’environnement socio-historique en langue arabe, traduction du document en français par les membres de la commission et transmission du travail ainsi réalisé à un historien bilingue chargé de finaliser le texte original et sa restitution socio-historique. Les prévisions initiales de la SAVAMA sur ce plan ont dû être révisées en fonction des difficultés opérationnelles. En l’état actuel de raréfaction des cadres de haut niveau capables de s’adonner à temps plein ou partiel à ce travail harassant de translittération, la plupart ayant été affectés dans les ambassades du Mali à l’étranger, il est fort probable que le rythme d’exécution du travail de translittération des documents anciens accusera toujours des retards qui pourraient porter préjudice à la cohérence d’ensemble du projet. Apparemment, les traducteurs ont généralement le niveau de la licence, de la maîtrise ou du doctorat dans le meilleur des cas. Les départements d’études islamiques ne disposent pas toujours dans le contexte ouestafricain francophone et malien de passerelles suffisamment fluides avec les autres départements universitaires pour assurer la prise en charge de tels besoins à des centaines de kilomètres de Bamako, la capitale. L’absence de ressources financières adéquates et de ressources humaines supérieures d’encadrement des étudiants en font généralement les parents pauvres du système universitaire en place. C’est pourquoi, la sauvegarde, le catalogage, la translittération et l’analyse du contenu des manuscrits anciens de Tombouctou, et au-delà, de toute la région africaine, nécessiteront une réforme en profondeur des enseignements et de la formation scolaire et universitaire. Car le traitement de ces manuscrits et leur valorisation passe nécessairement par un ensemble de réformes allant de l’intégration de la problématique 21. Ce travail encore en cours au moment de notre enquête en 2009, n’était pas encore achevé. Tombouctou et ses gisements archivistiques
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et du contenu des manuscrits anciens dans les programmes scolaires (premier et second cycles de l’enseignement primaire et secondaire) et universitaires, à l’élaboration de manuels ou de nouvelles sections inscrites dans celles qui existent déjà, notamment en matière d’histoire des civilisations, d’histoire africaine, d’histoire du Mali, d’études islamiques en Afrique du Nord et au Sud du Sahara (partage géographique commode mais si peu éloigné de la réalité vécue à travers l’histoire par les communautés soudano-sahariennes).
Classification des textes anciens/thématisations La classification des textes anciens par thèmes dominants pose dans toute son acuité la problématique de la translittération qui vient en amont de cette action préliminaire pourtant nécessaire à tout travail de catalogage. Il serait indiqué que le travail de translittération auquel la SAVAMADCI a procédé soit par la suite soumis aux rigueurs de l’évaluation, une évaluation scientifique menée par des équipes de spécialistes universitaires dirigés par des professeurs de rang magistral autant que possible.
Catalogage Le catalogage représente sans conteste l’une des activités les plus importantes, une surpriorité, pour accéder au contenu des manuscrits. L’objectif du projet en cours de la Fondation Ford est de procéder au catalogage et à la conservation de 1 500 manuscrits au total, à raison de 500 par bibliothèque. Il s’agit, en second lieu, de former 50 jeunes des deux sexes aux techniques du catalogage. La formation des catalogueurs a été faite en deux étapes. Dans un premier temps, 50 personnes ont été formées, au cours de séminairesateliers qui ont été facilités par une équipe restreinte de spécialistes arabophones et francophones et bilingues. Par la suite, une unité de catalogage ciblant les trois bibliothèques a été créée au siège de la
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SAVAMA. Cette unité comprend 10 membres22, hommes et femmes, qui ont été sélectionnés parmi le groupe de catalogueurs initialement formés. Ce petit groupe est dirigé par un bibliothecaire confirmé du niveau de la licence en littérature arabe et informaticien de son état. Le leader du groupe a également eu une expérience préalable en matière de catalogage des manuscrits anciens. Les manuscrits devant être traités sont selectionnés par une commission scientifique composée de 4 personnes (3 externes et le responsable de la bibliotheque). La composition de cette commission scientifique peut varier dans le temps suivant les termes de référence qui lui sont fixés par la SAVAMA mais suivant la même méthode de travail mise en place depuis le début. Le travail de cette commission est crucial puisqu’il lui revient de sélectionner les manuscrits devant être catalogués et de procéder à leur classification/thématisation. Cette méthode permet à la commission d’avoir une idee préliminaire aussi fiable que possible sur la nature des manuscrits et les thèmes qu’ils abordent. Les manuscrits sont ensuite catalogués suivant le cannevas visible dans les fiches techniques établies pour chaque manuscrit. 22. Selon Abdel Kader Haidara, voici les contraintes ambiantes liées à cette activité particulière : « Avec 10 personnes, 30 manuscrits par jour peuvent être traités et envoyés à la commission de contrôle et de vérification les jours suivants. Coût unitaire 60 dollars EU y compris les petites dépenses nécessaires pour les préparatifs, les différentes commissions, etc. Il y a parfois l’identification des types d’écriture, ce qui nécessite un autre spécialiste qui puisse déterminer le type d’écriture ancienne avant de pouvoir traduire le document. Parfois des difficultés surgissent pour connaître l’auteur du manuscrit traité. Dans ce cas, il faut trouver un spécialiste pour chercher l’auteur de ce manuscrit et porter son nom sur les fiches bibliographiques. Il arrive d’autres fois que le nom de l’auteur soit retrouvé mais que le manuscrit soit sans titre. Il faut donc trouver des références pour savoir ce que cet auteur a écrit et porter ces nouvelles indications sur les fiches techniques. Dans le cas des manuscrits incomplets, il faut trouver les pages ou la partie des feuillets détruite et ensuite compléter les titres par le recours aux spécialistes qui peuvent avoir des méthodes appropriées pour identifier les manuscrits par la comparaison avec les sources, les ouvrages de référence et la reconnaissance des styles d’écriture. Il y a également des cas de figure où il est presque impossible de lire les manuscrits. Il faut alors d’autres personnes-ressources pour aider au déchiffrage. Parfois il est difficile de classer les manuscrits dans un thème donné. Parfois il y a des manuscrits qui sont des recueils mis ensemble. Cela prend une autre méthode de catalogage car il faut traiter séparément chaque partie du recueil. Toutes ces complications rendent ardu le travail de catalogage ». Tombouctou et ses gisements archivistiques
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Dès que ce travail de catalogage est achevé, une autre commission scientifique prend le relais de la première. Cette dernière commission scientifique est généralement composée de gestionnaires de manuscrits anciens officiant au Mali et d’historiens membres du corps professoral des universités du Mali. La mission de cette commission est de compléter les renseignements qui manquent sur les fiches établies pour chaque manuscrit. Il s’agit, plus particulièrement, de procéder à un travail de vérification des informations portées sur les manuscrits (source ; auteur ; lieu d’origine ; lieux de conservation ; etc.) tout en les confrontant à d’autres sources de références bibliographiques anciennes qui permettent de comparer les acquisitions des sources externes au Mali (Maroc, Tunisie, Arabie Saoudite, etc.). Cette dernière opération est difficile à mener et exige de longues périodes de travail en matière
Photographie : J. Habib Sy Figure 9 : Manuscrits anciens en péril de Tombouctou
de translittération des documents anciens traités et de périodes d’attente pour obtenir les informations demandées auprès des bibliothèques extérieures. En outre, des recherches biographiques et bibliographiques complémentaires sont toujours nécessaires pour mieux décrire les auteurs des manuscrits et avoir une vue aussi complète que possible de leurs activités scientifiques et sociales passées. Abdel Kader Haidara estime de ce point de vue qu’il est important d’avoir des catalogueurs
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très expérimentés qui ont une excellente connaissance des manuels de référence existants dans les zones soudano-saharienne et moyenorientale et des catalogues d’écrits anciens pour espérer pouvoir avancer à un rythme raisonnable dans le traitement des manuscrits. Mais du fait que la SAVAMA manque d’ouvrages de référence ou de sources électroniques de références, l’un des membres de la commission scientifique ou le Président de la SAVAMA est souvent obligé de voyager dans les pays concernés pour accéder aux sources bibliographiques et bibliothécaires détenues par d’autres établissements. Pour l’instant, seule cette procédure de recherche permet de suppléer les éléments manquants dans le profilage des auteurs de manuscrits anciens ou des parties indéchiffrables des manuscrits voire détruites au fil du temps et que l’on peut retrouver auprès d’autres bibliothèques ayant les mêmes acquisitions dans leur fonds livresque ancien. Les résultats des commissions scientifiques mises en place sont toujours supervisés par un chercheur avec un niveau de séniorité et une expérience incontestables dans les domaines de la recherche et de la publication de résultats de recherche, ce qui permet de procéder à la publication d’un travail méticuleux de confrontation des sources écrites mené pendant des mois voire des années. Avant la fin du projet, la SAVAMA pourrait être en mesure de diffuser les résultats de ses recherches sous forme de livres de références et de catalogues concernant les bibliothèques ciblées. D’après les prévisions, à la fin de 2007, la SAVAMA devait être en mesure de publier les résultats préliminaires de ses recherches bibliographiques et biographiques, en allant au-delà des 1 500 manuscrits qui doivent normalement être traités pour les trois bibliothèques ciblées par le projet de la Fondation Ford. La SAVAMA estimait, en fin 2007, qu’au moins 3 000 manuscrits devaient être catalogués. Les fonds disponibles permettent une traduction de l’arabe au français. La possibilité de procéder à des traductions de ces ouvrages en langue anglaise reste encore incertaine et soumise aux aléas des financements consentis par la communauté internationale de bailleurs de fonds. Cela dit, un partenariat librement établi entre l’université de Cape Town et la SAVAMA pourrait permettre à des doctorants sud-africains de venir travailler sur le contenu des manuscrits. Mais les progrès accomplis en ce domaine restent lents et n’ont pu avoir lieu que grâce Tombouctou et ses gisements archivistiques
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à un autre financement de la Fondation Ford consenti à l’université du Cap en Afrique du Sud23. Une autre entreprise partenariale a été établie avec Al Furqan et s’est soldée par la co-publication de 3 volumes de références bibliographiques. Il y a également un travail de catalogage en voie avec la bibliothèque des Bouches-du-Rhône portant sur 1 000 manuscrits dont un très rare traité ancien de biologie. Le travail de catalogage mené par la bibliothèque Mamma Haïdara est sans conteste le plus avancé des trois cibles du projet, comme on le verra dans les parties relatives aux bibliothèques Al imam Ben Essayouti et Al Wangari. Il faut cependant se rendre à l’évidence, le catalogage des manuscrits anciens de la seule ville de Tombouctou devra être mené de pair avec l’action de dépistage et d’exploration dans les villes voisines de Gao et Djenné ainsi que dans l’hinterland soudanais pour faire œuvre utile et embrasser un ensemble de problématiques qui correspondent davantage aux dynamiques socio-culturelles anciennes. Il faudra éviter le piège consistant à soumettre le projet de sauvegarde des manuscrits anciens aux desidératas idéologiques voire politiques, soit des centres d’impulsion universitaires étrangers, soit des bailleurs de fonds agissant pour le compte de forces bilatérales désireuses de capter la rente considérable que recèlent les manuscrits de Tombouctou aux yeux du monde, manuscrits, rappelons-le, qui viennent seulement d’être redécouverts après les tentatives des premiers explorateurs arabes puis européens des siècles passés. Il convient enfin de signaler que le catalogage des manuscrits anciens de Tombouctou pose dans toute son acuité la finalité et les missions de l’enseignement supérieur et secondaire au Mali et en Afrique. Car, il va falloir former une nouvelle génération de spécialistes du terroir, qu’ils soient de Tombouctou ou d’autres villes du Mali, ou de la région Afrique. Ce besoin est de la plus haute urgence et va conditionner, dans une très large mesure, l’avenir et la viabilité du projet de sauvegarde des manuscrits anciens en Afrique.
23. Cf. le produit de ce financement à travers l’ouvrage récemment paru en français de Shamil Jeppie et Souleymane Bachir Diagne, 2011.
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Photographie : J. Habib Sy Figure 10 : Vue de la face arrière de la maison d’hôtes de l’IHERIAB à Sankoré, Tombouctou. Cet immeuble ainsi que la bibliothèque de l’Institut Ahmed Baba ont été contrôlés durant l’invasion armée récente du Mali, selon des témoignages dignes de foi, par les intégristes armés qui campent sur les lieux.
Ceux de Tombouctou sont sans conteste, en dehors des parchemins et des bas-reliefs de l’Egypte pharaonique négro-africaine, et les parchemins anciens d’Ethiopie, les documents écrits les plus importants de l’historiographie africaine. Ils détiennent en un sens la clé du futur pour toute l’Afrique, car une bonne partie du destin africain s’est jouée dans cette zone du vieux continent avant que, l’expérience aidant, et, instruites par les échecs et les triomphes du commerce triangulaire transsaharien et des guerres inévitables de conquêtes territoriales qui ont accompagné celui-ci, des stratégies similaires de pénétration et de colonisation de nouvelles terres n’aient été entreprises dans d’autres parties du continent africain. Mais les manuscrits de Tombouctou recèlent une valeur supérieure du point de vue du déchiffrement du passé africain parce qu’ils montrent précisément que dès la plus haute antiquité jusqu’au Moyen Age et au-delà, l’Afrique utilisait l’écriture à des fins de développement scientifique et culturel et a apporté au reste du monde des traités de philosophie, de théologie islamique, de droit, Tombouctou et ses gisements archivistiques
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d’astronomie, de mathématiques, de biologie, de pharmacopée et de médecine qui n’ont rien à envier à ceux découverts dans d’autres foyers civilisationels postérieurs à cet Age d’or de la recherche scientifique en Afrique. En se basant sur les témoignages des anciens (ceux des Tarikhs, de Léon l’Africain, d’Es-Sa’adi, d’Ibn Batouta et de tant d’autres) qui établissent que l’université de Sankoré comptait au Haut Moyen Age jusqu’à 25 000 étudiants de tous âges, on peut dire que les performances actuelles des universités africaines sont un recul historique très net comparé à cette période antérieure. Les manuscrits de Tombouctou représentent donc plus qu’un devoir de mémoire, ils détiennent la clé du succès pour affronter l’avenir. Cet avenir devra être abordé par la volonté coalisée de toute l’Afrique. C’est ce qu’a compris le président Tabo Mbeki qui, au terme d’une visite officielle au Mali a décidé, en coopération avec les présidents Alpha Oumar Konaré puis Amadou Toumani Touré, de financer à hauteur de plusieurs millions de dollars EU la construction d’une bibliothèque moderne à Tombouctou même, en face de l’ancienne bâtisse universitaire de Sankoré.
Conservation/restauration La conservation des manuscrits anciens consiste à les placer dans des conditions optimales qui les préserve de l’altération, du vieillissement des supports en types de papier différents et de qualité incertaine, des réactions chimiques provoquées par la cohabitation de l’encre gallique, en particulier, avec le papier, le cuir généralement couvrant les manuscrits, et d’autres éléments, telles les enluminures dorées, plus rares. Les autres « ennemis » des manuscrits sont surtout les conditions climatiques adverses, les termites, les petits rongeurs telles les souris et les manipulations humaines maladroites ou relevant de l’activité criminelle. L’activité de sécurisation des documents rares et anciens participe de plus en plus d’un domaine de spécialisation des plus complexes et onéreux. Pourtant, les manuscrits de Tombouctou sont largement menacés par les déprédateurs humains, les trafiquants en tous genres qui les achètent à des détenteurs qui sont généralement dans le manque absolu et ont besoin d’argent frais pour faire face à des nécessités
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immédiates de survie et d’entretien de leurs familles placées par le sousdéveloppement ambiant dans une situation de stress permanent. C’est pourquoi la question de la sécurisation des documents dépasse celle de leur simple conservation pour intégrer le respect de l’intégrité physique et patrimoniale des trésors du passé dans un cadre socio-économique apaisé et conforme aux exigences du développement durable. Les accords passés récemment avec Interpol permettent aux pays africains concernés de participer activement à la traçabilité des livres manuscrits anciens, grâce notamment, à l’harmonisation des métadonnées et d’autres éléments de traçabilité (actes notariés ; préservations de certains droits intellectuels et aux droits liés au copyright ou à la reproduction du contenu des manuscrits ; etc.). Déjà, la bibliothèque Mamma Haïdara a aménagé de nouvelles salles dans le bâtiment qu’elle occupe. L’espace ainsi créé abrite les équipements de conservation dont la maintenance est assurée pendant une durée de temps courte au regard de l’évolution fulgurante des technologies de l’information et de la communication. Le directeur de la bibliothèque Mamma Haïdara assure que d’autres bailleurs de fonds ont été contactés pour assurer la maintenance des équipements du laboratoire de restauration et de conservation. Le laboratoire de restauration est à la fois manuel et automatique. Cette distinction est importante en ce qu’elle permet à la bibliothèque d’éviter d’avoir systématiquement recours à la méthode ancienne du collage des documents endommagés. Elle fragilise en effet les documents traités en gonflant le papier ancien qui devient cassant par la suite et est voué à une destruction encore plus prononcée.
Strategie de communication sociale de la SAVAMA Description des capacités de la production radiophonique locale Radio Laya (« La Paix », radio privée). Créée en 1993. Champ de couverture : toute la commune de Tombouctou. Les programmes de la radio sont également retransmis très fréquemment par d’autres radios. Nombre de journalistes en 2007 : 5 journalistes formés « sur le tas » par les ONG, avec les techniciens de l’Office de radiodiffusion et télévision du Mali. Heures de diffusion : de 6 heures à 22 heures et les Tombouctou et ses gisements archivistiques
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dimanches jusqu’à 23 heures, sans interruption. Programmation : cette radio avait été créée au départ pour promouvoir la paix à l’occasion de la guerre dans le nord du Mali. C’était la toute première radio. Après la cessation des hostilités, les nouvelles thématiques ciblées par cette radio sont les femmes et le développement, l’écho du monde rural, la santé de la reproduction, l’éducation, des débats de l’émission « une heure pour convaincre » avec des chefs de service ou des ONG et une revue de presse hebdomadaire de 21 heures 30 à 23 heures. Radio Al Farda, (radio communautaire), Radio Boucot, (radio communautaire municipale), Radio Al Farouk, (radio privée), Radio Diamanta, (radio privée). Au moment de notre enquête de terrain, il y avait encore peu d’informations disponibles sur ces radios dont la puissance de rayonnement reste généralement limitée à la ville de Tombouctou et ses environs. D’après les statistiques fournies par le responsable de Radio Laya, il y avait, fin 2007, 25 radios communautaires dans la région administrative de Tombouctou.
La communication radiophonique de la SAVAMA-DCI
Des contrats de production (terminés en décembre 2006) ont été passés avec chacune de ces radios pour la sensibilisation, à travers des émissions de durée variable couvrant une période de trois à six mois par an pour faire connaître les bibliothèques, parler du contenu des manuscrits, de leurs origines, de la nécessité de les préserver et les présenter aux jeunes générations. Des émissions en langues locales (sonrhaï et tamashek) et étrangères (arabe, français) ciblent également les médersas, pour leur faire savoir l’importance et le contenu des manuscrits anciens détenus par les bibliothèques de Tombouctou, et les préserver comme un précieux héritage du passé. Les émissions tendent, en outre, à augmenter la visibilité de la SAVAMA, de ses objectifs ainsi que de ses activités. Chaque fois que la SAVAMA a des activités (séminaires, expositions, formations, ateliers internationaux, inauguration des bâtiments des nouvelles bibliothèques, etc.), elle invite les cinq principales radios à couvrir l’évènement. Graduellement les contrats avec les radios locales passent de 2 semaines à 3 mois puis 6 mois. En décembre 2006, l’impact de ces
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émissions devait être évalué pour en mesurer l’influence sur les perceptions et attitudes des audiences locales. Pour l’instant, la SAVAMA note un regain d’appels téléphoniques, par suite des émissions diffusées. Généralement, les audiences ciblées veulent avoir davantage d’informations sur les activités de l’association et la meilleure façon de s’impliquer dans ses programmes. En cas de difficultés conceptuelles ou autres, cette dernière fait généralement appel à des consultants externes. La SAVAMA travaille également avec la revue culturelle Jamna, une coopérative de journaux, qui publie certains articles sur une base trimestrielle. Basés à Bamako, les journaux membres de Jamna couvrent souvent certaines activités de la SAVAMA. C’est le cas, notamment, des Echos et de Nouvel Horizon, par ailleurs diffusés sur la toile mondiale.
Sensibilisation médiatique L’action de sensibilisation radiophonique prend place aux heures de grande écoute : dans la semaine de 14 heures à 16 heures et de 6 à 7 heures le matin, les fins de semaine de 10 heures à 12 heures 30 et de 16 heures à 17 heures. Le coût des émissions radiophoniques était de 1 500 francs CFA par minute cependant que les spots publicitaires de 3 minutes coûtaient 3 000 francs CFA en 2006-2007. Généralement les émissions sont accompagnées de musique traditionnelle authentique et une approche graduée des problèmes est adoptée pour éviter que les audiences ne se raidissent face aux messages qui leur sont proposés. Certaines radios privées de Bamako relaient souvent les reportages de Radio Laya, ainsi que les journaux sur Tombouctou et ses manuscrits anciens. Localement, le Nouvel Horizon (adresse internet : www.afriborne. net.ml) trône parmi les journaux accessibles à la population de Tombouctou. Il aligne près de 3 000 exemplaires vendus à 250 francs CFA, ce qui parait être un record comparé aux tirages alignés par la presse tabloïde journalière dans des pays comme le Sénégal (en 2007, environ 8 000 exemplaires vendus à 100 francs CFA pour la « presse people » à une population de 12 millions d’habitants dont 70 % ne sont pas alphabétisés en français). A Bamako, la presse tabloïde journalière se vend généralement à 150 francs CFA avec des tirages moins Tombouctou et ses gisements archivistiques
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importants que ceux du Sénégal. Le Nouvel Horizon paraît cependant sérieusement handicapé par le fait qu’il ne dispose pas d’une imprimerie à Tombouctou même. Sur le plan télévisuel, les rapports avec l’Office de radio télévision du Mali (ORTM) sont au beau fixe. L’ORTM a largement contribué, à
Photographie : IFAN Figure 11 : Vue de la tombe des Askya (XVe siècle) prise dans les années 1950 par Cocheteux
travers d’importants reportages et émissions spéciales, à faire connaître les manuscrits de Tombouctou et les enjeux qu’ils recèlent pour l’avenir du pays et de l’Afrique. Le ministère de la Culture a également monté des reportages de grande qualité qui ont par la suite été diffusés par l’ORTM. La presse internationale n’a pas été en reste et a gratifié de temps à autre la communauté tombouctienne et mondiale d’émissions et de reportages spéciaux (le Washington Post, le New York Times, la revue de la Fondation Ford, la télévision australienne, TV5, CNN, MBC, NBC, Al Jazzera, Al Arabia et la BBC n’ont pas été en reste).
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La SAVAMA a gardé des copies de ces émissions télévisées et pourrait les utiliser sur le site internet qu’il a construit pour faire face aux besoins croissants d’information du public interne et externe. Avec l’assistance technique d’autres partenaires nationaux, régionaux ou internationaux, la SAVAMA pourrait développer une nouvelle série d’émissions en partenariat avec Africable, la BBC et CNN, des chaînes globales qui pourraient aider à donner un coup de fouet au trafic touristique en direction de Tombouctou24. 24. Pour ce faire, l’achat de magnétophones d’enregistrement digitaux portables (à 100 000 CFA à Bamako), de caméras digitales versatiles, d’une table de montage, la mise en place d’un studio de montage et programmation et le recrutement d’un journaliste à temps plein ou d’un animateur radio avec formation accélérée soit à Bamako soit dans la capitale sous-régionale dotée d’écoles de formation avec des infrastructures adéquates pourraient être envisagés. La programmation participative des émissions des radios locales pourrait également être envisagée par la SAVAMA, en coopération avec les détenteurs de manuscrits au cours d’ateliers de formation de très courte durée (3 jours). A cet effet, des protocoles de préparation d’émissions hautement interactives, des débats contradictoires et des reportages de terrain pourraient être préparées à l’avance. A titre indicatif, les étapes ci-dessous pourraient être envisagées par la SAVAMA, en partenariat avec des groupes intéressés : Audio : 1 preneur de son ; 1 réalisateur/journaliste ; Repérages de terrain pour les effets sonores, bruitages, recueil de musique traditionnelle. Interviews d’oulémas, de cadis, de notabilités, de membres des différentes commissions de SAVAMA, des membres de la mission culturelle de Tombouctou, des femmes et hommes artisans, des décorateurs de bâtiments, des architectes, des directeurs de bibliothèques existantes, des imams de mosquées, des élèves, étudiants, enseignants du secteur primaire, secondaire arabe et français, des professeurs de bibliothéconomie, des spécialistes de catalogage, des spécialistes de la restauration, des spécialistes de la conservation, des historiens, des anthropologues, des islamologues, etc. Vidéo : 1 cameraman et preneur de son ; montage et post-production en studio à Bamako ou à l’extérieur ; discuter avec l’ORTM des possibilités de co-production d’une émission TV en 3 séries de 45 minutes avec spots publicitaires pour soutenir l’émission. Prévoir reportages à Gao, Djenne, Tombouctou, Boujhbea, en Mauritanie, à Sokoto, Kano, au Ghana, au Benin, au Kenya (Zanzibar et Mombassa), en Ethiopie, au Soudan, au Caire, en pays Dogon, au Sénégal (Futa Toro ; Touba ; Tuvaouane) et dans les petits hameaux villageois ou les campements détenteurs de manuscrits (bibliothèques du désert). Réunion de préparation avec possibilités de co-production interafricaine et internationale (South Africain Broadcasting Company, Afrique du Sud ; Office de Radiodiffusion et Télévision du Mali ; Radiotélévision du Sénégal et 1 chaine de TV du Nord Nigeria (Zaria ou ailleurs) ; Al Jazzera ; CNN ; BBC ; Deutsche Tombouctou et ses gisements archivistiques
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Protection des manuscrits anciens et réforme scolaire et universitaire La préservation de l’héritage culturel malien, notamment les manuscrits de Tombouctou, est largement tributaire du niveau d’efficacité de la réforme des programmes d’enseignement scolaire et universitaire, particulièrement dans le Nord du pays qui souffre d’un éloignement considérable des centres d’impulsion économique et politique du vaste territoire de ce pays. Les éléments de cette réforme doivent impérativement prendre en compte une présence plus marquée de l’héritage culturel et social de Tombouctou dans les manuels d’histoire, de géographie et de sciences sociales. La plupart des élèves de terminale et du second cycle de l’enseignement secondaire sont généralement ignorants des manuscrits de Tombouctou et de leur valeur intrinsèque pour leur propre pays et pour l’Afrique. Or cette population scolaire représente un vivier inestimable et tout à fait indispensable pour recruter les futurs bibliothécaires, archivistes culturels, sociologues, historiens, ingénieurs du tourisme, les juristes spécialisés dans la propriété intellectuelle, etc., dont la ville de Tombouctou, et, au-delà, la république du Mali auront besoin d’ici une décennie au plus et, certainement dans les toutes prochaines années. La réforme de l’enseignement devrait d’ailleurs couvrir tous les cycles de l’enseignement et prendre en charge l’éducation culturelle des enfants dès la maternelle. Les matériaux pédagogiques de toute cette chaîne d’enseignement, de la maternelle au troisième cycle, devront être élaborés sur la base des travaux déjà existants par des spécialistes de l’éducation, des historiens, des géographes, des philosophes et des sociologues de talent capables d’intégrer les résultats de recherche dans la diffusion des moyens d’apprentissage relatifs aux contes et proverbes, à la philosophie,
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Welle ; TV5. Identifier 2 historiens de renom, 1 francophone et 1 anglophone pour introduire la production télévisée et conduire les téléspectateurs dans le monde fascinant des manuscrits anciens africains. Proposer des noms et initier les contacts. - Préparer des fils conducteurs et des protocoles de réalisation des émissions - Planification pour la diffusion des émissions dans les radios nationales des pays de la région Afrique. L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
au droit, à la gouvernance, à l’histoire, etc, tels que reflétés dans les manuscrits anciens de Tombouctou, du Mali et d’Afrique en général. Cette question a été prise en charge par un panel spécial au cours de la conférence internationale sur la Préservation des manuscrits anciens qui a eu lieu à Addis Abéba du 17 au 19 décembre 2010. Parmi les questions débattues figurent celles relatives à la formation dans le domaine de la propriété intellectuelle et la prise en charge des aspects légaux, commerciaux, géopolitiques et internationaux liés à la gestion des manuscrits anciens africains. Il s’agira, plus particulièrement par la suite, de veiller à un équilibre satisfaisant entre les impératifs de survie voire d’épanouissement social et économique durable des familles et des communautés détentrices de manuscrits anciens et la mission stratégique de préservation et de protection des droits intellectuels et de l’héritage culturel liés à la gestion de ces manuscrits. Il suffirait d’un faux pas pour que le fragile équilibre ainsi recherché soit durablement et peut-être irréversiblement mis en péril par les effets combinés de l’ignorance des familles détentrices de leurs droits intellectuels inaliénables et des impératifs commerciaux et de contrôle de la connaissance dans le contexte de la société de l’information, à travers les mécanismes mondialisés du travail, du capital et de la technologie. A cet égard, il appartient au gouvernement du Mali, à l’Union africaine, à la CEDEAO (Communauté économique et douanière des Etats d’Afrique de l’Ouest) et aux gouvernements africains de prendre en charge ce combat titanesque qui dépasse les capacités opérationnelles, institutionnelles, financières et en savoir-faire des Etats et nécessaires à la gestion de ce dossier extrêmement sensible et capital, tant pour les générations présentes que futures d’Afrique et de sa diaspora négroafricaine. Cette diaspora extrêmement vibrante par endroits (Etats-Unis, Brésil – la plus grande concentration d’Africains, en dehors du Nigéria, les îles Caraïbes, Haïti, la Guadeloupe, la Martinique, Panama, Bahamas, Sainte Lucie, l’Amérique du Sud, etc.) devra jouer un rôle central dans la redéfinition du rôle attendu de la redécouverte des manuscrits anciens de Tombouctou et des autres parties du continent qui montrent que, depuis la plus haute antiquité, l’Afrique a lègué au reste de l’humanité Tombouctou et ses gisements archivistiques
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des documents écrits de la plus haute importance dans le registre de l’histoire des civilisations anciennes.
Les droits de propriété intellectuelle sur les manuscrits de Tombouctou Jusqu’en fin 2006, la loi malienne sur la protection de l’héritage culturel malien ne prenait pas encore en compte les droits relatifs à la propriété intellectuelle et à la protection des manuscrits anciens du Mali. Une loi avait été élaborée, essentiellement, pour permettre au Mali de récupérer ses trésors anciens (statuaire et œuvres d’art) spoliés par l’ancienne puissance colonisatrice, la France, et par les trafiquants privés. De nouvelles dispositions juridiques sont attendues de la part des départements concernés. Ce vide juridique a longtemps fragilisé les dispositifs laborieusement mis en place par la SAVAMA et les autorités maliennes pour freiner le trafic clandestin grandissant dont les manuscrits de Tombouctou sont l’objet. L’évolution récente des rapports entretenus par les détenteurs privés de manuscrits anciens à Tombouctou et les forces transnationales montre l’urgence dans laquelle se trouvent les autorités maliennes (les ministères de la Culture et de l’Enseignement supérieur et la présidence de la République) d’apporter une réponse immédiate, sous la forme d’un code de la propriété intellectuelle, et les mécanismes de contrôle et de protection des manuscrits et des œuvres d’art et de l’esprit, en général, en république du Mali. Cette question a déjà été évoquée au cours de la réunion tenue en mai 2006, à Tombouctou, au cours de la Journée du Patrimoine national dédiée aux manuscrits anciens. Jusqu’en 2011, la loi n’était pas encore votée. Les mécanismes de mise en œuvre n’étaient pas, non plus, en place. Le législateur malien est conscient des complexités liées à la promulgation d’une telle loi. Celle-ci doit définir ce que recouvriraient, dans le contexte malien et ouest-africain, les notions d’ « œuvres de l’esprit » et de « droits de propriété incorporelle exclusif et opposables à tous » que l’on appliquerait à des livres manuscrits déjà vieux de plus de soixante dix ans (délai de la prescription exclusive ramené à cinquante ans dans certains pays et pour certaines catégories d’œuvres) et, au surplus, écrits collectivement souvent ou/et individuellement, ensuite
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Photographie : J. Habib Sy Figure 12 : Prototypes d’étagères en bois avec des grillages de protections adoptées par la SAVAMA-DCI pour assister les bibliothèques privées de Tombouctou dans le rangement et le catalogage de leurs collections de manuscrits anciens
copiés ou recopiés sur la base de copies ou d’originaux, et appelés, au départ, à remplir des fonctions éminemment religieuses, idéologiques, scientifiques ou juridiques. En l’absence d’une industrie du papier, et après l’invention de la presse à papier, de l’accès à l’imprimerie commerciale (qui n’est possible dans le contexte du Mali que dans les pays maghrébins ou moyen-orientaux, et ce, jusque dans les années 1950-1960), la plupart des manuscrits antérieurs à l’invasion marocaine de 1591, représentent des papiers jurisprudentiels produits par des cadis (ou juges) officiellement reconnus par les Etats de la boucle du Niger, plus rarement des « chroniques », ou des œuvres scientifiques originales (astronomie ; botanique ; pharmacopée), et plus largement des écrits islamiques destinés à être reproduits en masse, mémorisés par les apprenants et repris de génération en génération par les fidèles, les talibés et les docteurs de la foi. Les jugements relatifs à l’héritage qui concernent, autant les biens en nature que les esclaves, appartiennent généralement aux familles qui peuvent soit les vendre soit décider de ne pas s’en départir pour protéger le statut ou la réputation de leur Tombouctou et ses gisements archivistiques
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ascendance. Pourtant, ces papiers sont tout aussi importants pour les descendants d’esclaves ou de castes « inférieures » qui s’assument comme tels et voudraient redécouvrir leur histoire souvent niée et manquant de preuves matérielles et juridiques pouvant participer à la manifestation de la vérité, la reconnaissance universelle des droits de la personne et donc au réagencement de l’ordre social en cours dans tous les pays de la sous-région. Comment la loi va-t-elle délimiter une ligne de partage équitable, entre les « propriétaires » actuels des manuscrits dits anciens, et les exigences de l’accès public à l’information et à la reformulation d’une histoire très souvent écrite par les vaiqueurs (les colons et les propriétaires d’esclaves ainsi que les plumitifs au service des souverains et des princes) ? En dehors de ce défi, les attributs d’ordre patrimonial et de propriété, les notions mêmes d’auteur, de propriété, de libraire doivent être définies et précisées, de même que les délais de prescription de la protection intellectuelle participent de complexités que la loi devra élucider en ne portant préjudice à aucune des parties dont les intérêts sont en jeu.
Un renforcement de capacités institutionnelles à quelles fins ? En mi-2006, la SAVAMA comptait au total une vingtaine de membres, un comité consultatif de 8 membres, un président d’honneur et un bureau exécutif de 10 membres. Elle employait 17 travailleurs à temps plein ou partiel. Adhérents ou partisans étaient au nombre de 20. L’action de sensibilisation en cours visait à accroitre le nombre de membres permanents et de sympathisants. Depuis lors, ces chiffres ont été décuplés grâce au travail inlassable de son principal animateur, Abdel Kader Haïdara. La SAVAMA a un besoin transcendant de formation de son personnel en matière de gestion financière et programmatique de ses projets, en étroite coopération avec ses partenaires locaux et internationaux. La SAVAMA est encore obligée de rétribuer les services de consultants chaque fois qu’elle doit élaborer de nouveaux projets et écrire ses rapports financiers et programmatiques. Elle voudrait rompre cette tendance en disposant de capacités intrinsèques, de ce point de vue.
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Photographie : J. Habib Sy Figure 13 : Principale salle de lecture de la bibliothèque Fondo Kati de Tombouctou (2009)
A cet égard, elle aura besoin d’élaborer un manuel de procédures avec un spécialiste des ressources humaines. En dehors de ce manuel de procédures, il faudra également élaborer un kit de catalogage avec des protocoles établissant clairement la marche à suivre pour procéder au catalogage des manuscrits et des ouvrages ainsi que la conservation des manuscrits anciens et des livres rares. L’acquisition d’ouvrages de référence sur les catalogues et les fichiers disponibles dans les différentes bibliothèques sénégalaises, nigérianes, tunisiennes, marocaines, algériennes, libyennes, moyen-orientales, égyptiennes, syriennes, andalou siennes, kenyanes (Mombassa), allemandes, espagnoles, etc., s’avère comme une action indispensable à prendre immédiatement en compte pour accélérer le travail de catalogage entrepris par la SAVAMA à l’échelle des bibliothèques ciblées de Tombouctou. Heureusement, ces acquisitions étaient prévues par la SAVAMA en 2007 notamment celle de l’ouvrage de référence en 5 tomes de Breukelman qui a systématiquement procédé au référencement de milliers de manuscrits, documents et ouvrages Tombouctou et ses gisements archivistiques
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anciens sur une période très large (coût de 2006 : 1 500 à 2 000 dollars EU). En matière de renforcement des capacités institutionnelles, la SAVAMA a surtout besoin de formation dans les domaines du catalogage et de la conservation des manuscrits anciens. A cet effet, elle a organisé plusieurs séminaires et ateliers dans les domaines de la gestion administrative et comptable à l’intention de son personnel, de la préservation des manuscrits anciens par leurs détenteurs, du catalogage et de la restauration avec des formateurs nationaux et internationaux qui ont participé à la formation de jeunes hommes et femmes. Des sessions ont été organisées, au fil du temps, dans les domaines du catalogage, de la gestion de bases de données et de la bibliothéconomie (en coopération avec plusieurs partenaires internationaux, notamment, le Qatar, le Luxembourg et l’appui des ministères de l’Enseignement supérieur et de la Culture). Dans un avenir immédiat, la SAVAMA devra faire face à des besoins croissants de formation en matière d’identification des manuscrits, de prospection, de classement, de répertoriage, de catalogage, de conservation, de restauration, de numérisation, de traduction, de méthodologies de la recherche en sciences sociales et historiques et de collecte de matériaux culturels et scientifiques anciens pour promouvoir le tourisme culturel25. 25. A titre indicatif une liste non exhaustive de ces matériaux est établie ci-dessous ainsi que les institutions ressources : Zones culturelles ciblées : Les zones de Djenné, Essouk, Ségou, Boujemla et Tombouctou seront ciblées ainsi que les régions et royaumes anciennement en contact avec la ville ancienne de Tombouctou. Héritage culturel des principaux groupes ethniques de la région de Tombouctou (mosquées, monuments anciens, sites des hauts faits de guerre, art culinaire, arts plastiques, calligraphie islamique, calligraphie ancienne, manuscrits, sculpture, vannerie, bijouterie, coiffures, ustensiles, tannerie, orfèvrerie en cuir, orpaillage, instruments de musique, art vestimentaire, pharmacopée traditionnelle, médecine traditionnelle, pierres tombales, faune, flore, rivières et points d’eau, commerce). Coopération inter-institutionnelle : avec la Mission culturelle de Tombouctou, le ministère de la Culture, le département d’Histoire et d’archéologie de l’université de Bamako et le Musée d’histoire et d’archéologie de Bamako. Les centres d’études africaines tels l’IFAN et le département d’Histoire de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, le Centre de datation radiocarbone de l’IFANCheikh Anta Diop. Les chercheurs de haut niveau et les étudiants de maîtrise et troisième cycle
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Financements externes et rationalisation de l’action Financements extérieurs L’aide publique au développement en provenance des pays industrialisés a rarement eu pour vocation d’investir dans le domaine de la réhabilitation culturelle et de la protection du patrimoine et des arts africains. Les investissements dans cette catégorie particulière ont davantage répondu aux impératifs du maintien de la sphère d’influence culturelle et linguistique des anciennes puissances colonisatrices (projets de la francophonie pour la promotion de la langue française et de la coopération franco-africaine et promotion de la langue et des intérêts économiques britanniques ; l’Espagne et le Portugal poursuivent également des desseins d’influence culturelle et de maintien de leurs avantages économiques à travers le continent africain). Dans le contexte tombouctien, les Etats-Unis, le Luxembourg, le Quatar, la France, l’Espagne, la Grande Bretagne, la Norvège, l’Afrique du Sud, la Lybie, la Fondation Aga Khan, les Emirats Arabes Unis, l’ISESCO, l’ILESCO, l’Unesco, Al Furqan, Northwestern University des Etats-Unis, l’université d’Olof, Harvard University, la Fondation Mellon, la Fondation Ford, sont les principaux acteurs de l’investissement en direction de la préservation des manuscrits anciens, de leur catalogage et de leur duplication par voie de numérisation. L’investissement symbolique le plus considérable est parti de l’initiative de la Fondation Mellon qui a misé sur la sauvegarde des manuscrits anciens de la bibliothèque privée Mamma Haidara. Elle a été suivie par Al Furqan qui a procédé au catalogage de ses fonds manuscrits, puis par la Fondation Ford qui a d’abord soutenu l’IHERIAB en le dotant des moyens infrastructurels et humains nécessaires à ses premières tentatives de catalogage, de restoration et de conservation. Cet intermède a été précédé du soutien apporté par l’Afrique du Sud à l’IHERIAB, dans le domaine de la restoration et de la conservation, en appuyant la formation des ressources humaines.
spécialisés en histoire, linguistique, musicologie, anthropologie, paléographie, anthropologie, histoire médiévale et ancienne, etc, seront également répertoriés et leurs talents et leur production mis à contribution pour élaborer les matériaux d’exposition permanente et itinérante des différentes bibliothèques. Tombouctou et ses gisements archivistiques
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De toutes les nombreuses bibliothèques publiques et fonds privés très nombreux disséminés à travers le vaste territoire malien, l’Institut Ahmed Baba et les bibliothèques Mamma Haidara et Fondo Kati dominent très nettement le paysage culturel de Tombouctou. Une compétition larvée entre les sphères d’influence géoculturelles citées plus haut a créé une sorte d’Age d’or de l’assistance externe apportée à la communauté des bibliothécaires publics et privés de la vieille cité. La bibliothèque Fondo Kati représente, sans doute, l’exemple le plus achevé d’une bibliothèque privée dans la gestion d’un fonds archivistique familial à travers l’angle de l’influence andalouse à Tombouctou au cours des siècles antérieurs. Par voie de conséquence, elle a opté pour la coopération bilatérale avec l’Espagne qui a entrepris des travaux majeurs de rénovation et de réorganisation de Fondo Kati. Dans le même temps, le directeur de la bibliothèque, un philosophe de formation entré « par effraction » dans la gestion bibliothécaire comme il se définit lui-même, a contribué, par la publication de plusieurs ouvrages, au rayonnement intellectuel de Tombouctou à l’époque contemporaine. La bibliothèque Mamma Haidara semble être « tiraillée » à cette étape de son évolution entre le dynamisme américain (Harvard University, un musée de la Louisiane, Aluka, la bibliothèque du Congrès qui a organisé une exposition de plusieurs des manuscrits les plus importants de la bibliothèque), luxembourgeois (Lux Développement) et l’entreprenariat arabe (le Qatar, El Majid Center de Dubaï, Al Furqan, ISESCO). Elle reste cependant l’architecte incontestable de la revitalisation des bibliothèques privées de Tombouctou. Elle fait montre d’un esprit de coopération, d’ouverture sur le monde extérieur et de défense des valeurs culturelles du terroir tout à fait remarquable et digne d’intérêt. La présence marquée de l’Afrique du Sud à travers la décision du président Tabo Mbeki de construire en face de la mosquée de Sankoré l’une des plus grandes bibliothèques du continent africain, celle de la France à travers l’Association Rhône-Alpes-Poulenc, des EtatsUnis par le canal du soutien apporté à la bibliothèque de l’imam Es Sayouti, de la Lybie qui a pris, sous Khadafi, une longueur d’avance sur ses concurrents à travers le curage du fleuve Niger, ce qui a permis au fleuve de couler de nouveau jusque sur les berges de la ville de
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Source : collection photos Habib Sy Figure 14 : Une mission de l’Institut africain de codicologie conduite par sa coordination au ministère de l’Enseignement supérieur du Mali à Bamako en avril 2011 ; de gauche à droite : Papa Toumané Ndiaye, ISESCO, Jacques Habib Sy, coordonateur et directeur d’Aide Transparence, Mme Siby Ginette Bellegarde, ministre de l’Enseignement supérieur et l’ambassadeur Mohamed-Saïd Hamody, spécialiste des sciences bibliothécaires de la Mauritanie.
Tombouctou et de la ressusciter culturellement et économiquement, sans compter les efforts de pays arabes tels le Quatar, toutes ces initiatives ne manqueront certainement pas à terme d’avoir un impact sur l’évolution de Tombouctou et de ses bibliothèques. Il convient de noter la construction clés en main d’un centre polyvalent de restauration des manuscrits anciens financé par le défunt guide lybien, Khadafi. Plus récemment, les accords en vue entre les organisations de la société civile africaines et les opérateurs africains spécialisés dans la préservation des manuscrits anciens et, particulièrement, entre l’IHERIAB et une nouvelle fondation, l’Institut africain de codicologie, sont encore en gestation.
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Numérisation Dans le domaine de la numérisation, les bibliothèques privées tout comme l’IHERIAB ont déjà commencé à numériser leurs manuscrits anciens. La numérisation des manuscrits anciens de Tombouctou est l’une des entreprises les plus risquées, mais certainement nécessaire à l’expansion des études historiographiques et socio-anthropologiques africaines. Les plans audacieux de numérisation ainsi entrepris par les bibliothèques publiques et privées risquent d’ouvrir une brèche très importante dans les équilibres encore fragiles qui caractérisent les rapports entre celles-ci et leurs partenaires étrangers. En effet, la contrepartie de la numérisation dans laquelle vont peut-être s’engager certaines bibliothèques va amener ces dernières, ainsi que l’Etat malien, à veiller sérieusement à la protection des droits intellectuels et de reproduction liés à l’entreprise de numérisation. En outre, l’action va concerner une importante partie du patrimoine culturel malien et africain et, à ce titre, doit être protégée par des dispositions légales particulières aux plans national, régional et international. Ce point hautement contentieux dépasse certainement les capacités de gestion des bibliothèques de Tombouctou. Il doit être pris en charge par les hautes autorités maliennes et amplifié tant au niveau de la CEDEAO, de l’UEMOA, l’Unesco que de l’Organisation mondiale du commerce et l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle dont les clauses sur la propriété intellectuelle font encore l’objet de vives dissensions.
Vers la mise en œuvre d’un plan compréhensif de sauvegarde et de protection de l’héritage culturel tombouctien Ces interventions multiformes ne manquent pas de soulever des contradictions souvent surmontées avec élégance par les principaux récipiendaires de l’assistance au développement. Il paraît donc important, pour qu’une politique cohérente d’assistance au développement des bibliothèques puisse voir le jour, que des réformes hardies soient entreprises par l’Etat malien en premier lieu, l’IHERIAB, la SAVAMA et les bibliothèques privées dans les domaines suivants :
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• Créer un guichet unique par lequel devrait transiter l’aide au développement et plus particulièrement celle apportée en direction des bibliothèques. Cette mesure évitera d’alourdir les procédures administratives et mettra surtout l’accent sur les fonctions de planification, d’harmonisation et de rationalisation du développement des industries culturelles et touristiques dans les régions administratives de Tombouctou, Gao et Djenné. Cette mesure devra être accompagnée d’un plan de formation des ressources humaines nécessaires à la prise en charge de ce guichet. • Tombouctou et les axes Gao et Djenné devraient devenir l’épicentre de la politique touristique du Mali. A elle seule, Tombouctou pourrait vendre la destination touristique malienne à condition d’être désenclavée (les vols aériens n’étant pas suffisants) et de bénéficier d’une infrastructure routière moderne capable de la relier aux villes avoisinantes et aux axes transsahariens. • L’enseignement en langue arabe ou même les tentatives de promouvoir l’enseignement franco-arabe à travers les medersas26 devrait déboucher sur la formation dans les domaines de l’audio-visuel, du cinéma, de l’artisanat, de la traduction littéraire et historique, de la vannerie, des arts et métiers du livre, de la poterie, de la céramique (en construisant un four moderne), de la calligraphie, de guides touristiques compétents et de la promotion de l’artisanat et de l’éducation professionnelle féminins.
26. Il n’existe qu’un seul lycée en langue française à Tombouctou et aucune école franco-arabe. Les médersas sont dans l’oubli cependant que quelques deux cents élèves accèdent au baccalauréat en langue française chaque année. Les arabisants de leur côté, formés pour la plupart dans les universités arabes et maghrébines, sont habités par le sentiment d’exclusion et de non accès à l’emploi rémunéré à Tombouctou. L’université de Bamako ne recevrait chaque année que cinquante bacheliers arabisants en provenance de Tombouctou, sur un millier au total. Des universitaires bamakois ont regretté ce dysfonctionnement et ont suggéré la création d’une université arabisante à Sankoré même, ce qui contribuerait à la revitalisation culturelle de Tombouctou. Apparemment, les jeunes étudiants semblent de plus en plus se détourner de la culture arabe et des diplômes offerts par les universités arabes. Cette désaffection semble être liée au caractère ésotérique de l’apprentissage du Coran qui perpétue une tradition d’apprentissage qui demande à être modernisée et ouverte aux aspirations des jeunes pour un travail décent. Tombouctou et ses gisements archivistiques
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• Une université devrait être construite à Tombouctou de sorte que la bibliothèque de l’IHERIAB puisse être utilisée par une masse critique de chercheurs, d’enseignants et d’étudiants qui pourront à leur tour s’atteler à l’analyse du contenu fabuleux que recèlent les manuscrits anciens de Tombouctou. Une telle université ouverte sur l’Afrique et le monde pourra permettre à Tombouctou d’arpenter les marches du siècle qui s’ouvre avec un plus grand niveau de sérénité. L’avenir et la vitalité de l’IHERIAB et de la SAVAMA dépendent dans une très large mesure de la construction d’une telle université ainsi que celle des jeunes Tombouctiens qui, une fois le cycle d’enseignement secondaire terminé, n’ont d’autre alternative que de quitter leurs familles pour aller à Bamako ou s’expatrier. Les avantages comparatifs de cette université devraient être déterminés par une Commission présidentielle chargée de préparer tous les aspects liés à l’opérationnalisation de ce projet central. • Créer un centre de formation bibliothécaire universitaire et du moyen cycle au sein de l’IHERIAB, en étroite coopération avec la SAVAMA, et qui, sans reprendre les mêmes programmes que ses devanciers des pays environnants, pourrait focaliser la formation des Tombouctiens et des ouest-africains sur le catalogage, la restauration, la conservation, la codicologie, la reproduction, la gestion et le stockage des manuscrits anciens. Ce centre pourrait fonctionner à travers la coopération multilatérale et bilatérale et bénéficier de l’assistance technique africaine et internationale en évitant les erreurs du passé notées à travers l’Afrique, dans des entreprises similaires. Ce centre de formation pourra certainement prendre en charge les besoins en services de toutes sortes qui seront exprimés par les bibliothèques privées, la SAVAMA et l’IHERIAB. Concomitamment, la gestion de la bibliothèque de l’IHERIAB devrait faire l’objet en amont d’un appel d’offres international et panafricain pour qu’elle soit gérée par les meilleures compétences possibles, en dehors du processus de politisation des directions d’instituts qui devient, dans toute la région africaine, l’une des Sept plaies d’Egypte. • Créer un démembrement de l’Ecole des architectes et paysagistes à laquelle pourrait s’intégrer un département des arts plastiques. Cette unité polyvalente, prise en charge par un Institut africain de codicologie, aurait pour objectif additionnel de promouvoir l’architecture et les arts soudano-sahéliens, ce qui aura l’avantage de favoriser la construction
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traditionnelle et ancienne, mais selon les procédés les plus modernes (Cf. l’exemple intéressant de la reconstruction de la grande mosquée de Djinguéreyber par la Fondation Aga Khan, en étroite coopération avec les artisans façonniers locaux et des architectes mondialement connus). • Inscrire les bibliothèques dans les circuits touristiques africains, des tours opérateurs des pays industrialisés et de Bamako et Tombouctou, de sorte que les touristes puissent participer à l’œuvre de subvention indirecte des bibliothèques, comme cela se fait partout dans le monde, particulièrement dans les grandes destinations touristiques culturelles. • Poursuivre les efforts visant à faire de Tombouctou l’une des merveilles du monde en élargissant le comité formé à cet effet et en le dotant de moyens opérationnels et financiers à la mesure des enjeux liés à cette initiative importante. • Préparer une série de livres à grand tirage et de luxe et de dépliants à l’usage des touristes et des chercheurs qui visitent Tombouctou, « capitale du livre ancien », et qui ne trouvent paradoxalement aucun livre ou document écrit pouvant les guider dans leur quête d’une meilleure connaissance de l’histoire et de la culture locales. Ces livres pourraient être subventionnés soit par l’Etat et le secteur privé soit par l’Etat et les sources internationales de financement et vendus à un prix minutieusement étudié par les bibliothèques publiques et privées ainsi que par les mosquées inscrites dans la liste des patrimoines de l’humanité protégés par l’Unesco. La compétition qui s’est installée à Tombouctou dans la mobilisation des ressources financières et de l’aide au développement risque à terme de déboucher sur des conflits importants. L’Etat malien devrait intervenir urgemment de sorte à créer un mécanisme de coordination entre toutes ces bibliothèques pour que le travail de réseautage, de bibliothéconomie, de numérisation, de restauration et de sensibilisation entrepris par ces différentes entités puisse déboucher sur l’élaboration d’un outil de gestion concertée des protocoles de catalogage, de restauration et de traduction27 en cours ici et là, et du flux touristique 27. Heureusement ; sous l’impulsion de l’Etat malien l’harmonisation du relevé des métadonnées relative aux manuscrits anciens est maintenant achevée. Ce fait éminemment positif est à saluer. Tombouctou et ses gisements archivistiques
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et universitaire que ne manqueront pas de générer les bibliothèques de Tombouctou et du Nord Mali à l’avenir. Une autre initiative qui a rencontré l’assentiment du ministère de la Culture réside dans la création d’un village culturel dont la mission serait de promouvoir l’art architectural, livresque, artisanal, musical et de la culture, au sens large, dans un espace contrôlé et géré par les Tombouctiens et les représentants d’autres communautés culturelles maliennes. Cette initiative pourrait être élargie et comprendre la construction d’un village culturel avec un style architectural qui tienne compte de l’héritage de Tombouctou, Djenné et Gao, une plateforme artisanale, de la musique et des arts plastiques et une maison de promotion du livre ancien commercialisant des reproductions d’ouvrages islamiques anciens, en étroite coopération avec les bibliothèques privées28. Ce complexe culturel pourrait, à lui seul, s’il est réalisé, vendre la destination touristique malienne et tombouctienne en particulier. Quoi qu’il en soit, il y a deux ordres d’urgence sur lesquels il convient d’agir. Premièrement, accélérer le catalogage et la restauration des anciens manuscrits tout en livrant leur contenu aux centres de recherche maliens et africains. Deuxièmement, privilégier les processus et les infrastructures générateurs de revenus et d’emplois (village culturel ; fabrique de livres anciens calligraphiés et copie manuscrite de documents importants à une échelle contrôlée et restreinte ; ouvrages de luxe sur Tombouctou et les livres et manuscrits anciens ; facilitation de la recherche et l’accueil des chercheurs et groupes de recherche dans des hôtels d’hôte – comme c’est déja le cas pour l’IHERIAB qui dispose d’aménagements hôteliers modernes intégrés à la nouvelle bibliothèque ; confection de souvenirs et autres objets précieux promotionnels ; etc.).
28. Cf. le projet du ministère de la Culture élaboré et coordonné par un éminent spécialiste de la promotion culturelle de Tombouctou, Eli Ould Ali. Le projet du ministère de la Culture se contente, pour l’instant, de construire un centre culturel de type classique avec des fonctionnalités marquées, comme l’installation d’un parc cyber informatique, des bureaux administratifs et, sur le moyen terme, la construction d’ouvrages culturels de plus grande importance.
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Photographie : J. Habib Sy
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CHAPITRE 18 Méthodologie d’analyse graphématique Marcel Diki Kidiri Résumé La littérature, même spécialisée, utilise de nombreux termes relatifs à l’écrit sans prendre la peine d’en définir les concepts dans une approche systématique. Ceci favorise une certaine confusion aboutissant parfois à des interprétations erronées. La graphématique propose une méthode d’analyse systématique des éléments formels constitutifs de l’écriture des langues, basée sur l’observation de nombreux systèmes d’écriture à travers le monde depuis l’antiquité. Les concepts fondamentaux de cette méthode seront présentés ici comme base de discussion. Ils constituent le premier niveau d’une analyse formelle d’un document écrit, surtout quand il s’agit de décrypter une écriture peu connue ou un texte très ancien quelque peu détérioré. En définissant avec précision des concepts tels que glyphe, caractère, graphème, la graphématique éclaire la différence qu’impose le support électronique par rapport aux supports traditionnels non électroniques (papier, pierre, argile, bois, peaux, etc.) et permet une meilleure compréhension des unités encodées qui entrent en jeu dans la numérisation et le traitement informatique des textes.
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L
a méthodologie d’analyse graphématique que nous exposons ici reprend l’essentiel des notions fondamentales que j’ai développées, en 2006, dans La graphématique africaine pour en affiner la définition des concepts et aller plus loin dans la réflexion sur l’écriture. La littérature, même spécialisée, utilise de nombreux termes relatifs à l’écrit, tels que glyphe, caractère, graphème, sans prendre la peine d’en définir les concepts dans une approche structurelle et systématique. Ceci favorise une certaine confusion aboutissant parfois à des interprétations contradictoires, voire erronées, comme le fait remarquer C. Touratier (2009) : Il semble bien que la pratique des linguistes qui ont cherché à faire une description graphématique du français ne se conforme jamais à leurs déclarations théoriques, même quand ils recourent à des méthodes ou à des concepts qui rappellent manifestement la phonologie, comme c’est le cas avec les notions de valeur de base et de valeur de position. Un tel écart vient peut-être de ce qu’ils n’ont guère pratiqué la description phonologique d’une langue. La graphématique comme je la conçois propose une
méthode d’analyse systématique des éléments formels constitutifs de l’écriture des langues, basée sur l’observation de nombreux systèmes d’écriture à travers le monde depuis l’antiquité. C’est donc cette méthode que je présenterai dans cet article à travers l’exposé de la définition de ses concepts fondamentaux.
Les unités minimales de l’écriture Tracé Lorsqu’on écrit, on réalise nécessairement une sorte de forme (dessin, symbole, image) sur un support. Le plus petit élément qui peut constituer cette forme est un point, autrement dit un pixel. Toutefois, tandis que le pixel peut avoir une taille microscopique, le point de l’écriture doit pouvoir être visible, donc avoir une taille suffisante pour qu’il soit vu à l’œil nu. C’est à partir du point que se tracent tous les autres éléments de forme de l’écrit, tels qu’un trait, une courbe, un cercle, un demicercle, un crochet, une griffe, une boucle, etc. Ces éléments de forme, je les appelle des tracés. Le point est le plus petit des tracés. C’est donc une figure relativement simple destinée à entrer dans la formation de figures plus élaborées, les glyphes. Cependant, le tracé a déjà trois Méthodologie d’analyse graphématique
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Figure 1 : Exemple de tracés, les éléments constitutifs des majuscules latines selon Christian Touratier.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Figure 2 : Utilisation des éléments (tracés) dans la formation des majuscules latines, d’après Christian Touratier
caractéristiques : sa forme, sa taille, et son orientation. Par sa forme, un tracé peut être droit ou courbé. Et s’il est courbé, il peut former un cercle, un demi-cercle, une boucle, une ligature, une crosse, un crochet, une épine, etc. Il n’y a pas de limite au type de forme que peut avoir un tracé. Quelle que soit sa forme, un tracé peut être de taille variable : petit, moyen, grand. Enfin, un tracé peut avoir une orientation spatiale verticale, horizontale, oblique à gauche, oblique à droite, etc. Comme on peut le voir dans l’exemple de la figure 1, les tracés ne sont rien d’autre que des éléments de forme, des éléments trop basiques pour être caractéristiques d’un système d’écriture en particulier. Des points, des traits et des formes courbes se retrouvent dans de nombreux systèmes d’écriture. Le rôle essentiel de ces éléments de forme est de servir à construire des glyphes qui sont des formes plus complexes immédiatement reconnaissables, susceptibles d’être rapportés à un système d’écriture, comme le montre l’exemple (figure 2). Toutes ces considérations m’amènent à définir le tracé comme suit : un tracé est une forme élémentaire non discontinue qui participe à la Méthodologie d’analyse graphématique
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morphologie d’un glyphe. Tous les tracés peuvent se distinguer par leur taille, leur orientation, leur forme (point, courbe, droite). Il s’agit là de propriétés essentielles qui distinguent les tracés entre eux. Glyphe Le glyphe est une forme remarquable constituée d’au moins un tracé et qui représente la face visible d’au moins un caractère dans un système d’écriture donné. Le glyphe peut être formé d’un seul tracé (figure 3) ou de plusieurs tracés. Ceux-ci peuvent être joints, comme illustrés dans la figure 2 plus haut, ou disjoints, comme le montre la figure 4. Glyphes
Description
. / | ‘ _ ° (
point barre oblique barre droite apostrophe tiret soulignement degré parenthèses
Figure 3 : Exemples de glyphe constitués d’un seul tracé
Lorsqu’un glyphe est constitué d’un seul tracé, la différence entre les deux semble s’effacer. C’est pourquoi il est important de souligner que, contrairement au glyphe, un tracé n’est pas directement rapporté à un système d’écriture, mais uniquement à la formation d’un glyphe. Le glyphe, quant à lui, s’inscrit dans un système d’écriture en tant que face visible d’une unité sémiotique abstraite (caractère ou diacritique). Lorsqu’un glyphe est constitué de plusieurs tracés disjoints, on doit considérer qu’il n’y a qu’un seul glyphe si, et seulement si, aucun des tracés le constituant n’est utilisé par ailleurs comme glyphe dans le même système d’écriture. Si cette condition n’est pas remplie, autrement dit, si au moins l’un des tracés est utilisé par ailleurs comme
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
un glyphe, alors on a affaire à une unité complexe appartenant à un niveau supérieur, celui du polyglyphe.
)|( ][
glyphe nsibidi du caractère idéographique signifiant « haine, discorde » glyphe tifinagh représentant le caractère F
Figure 4 : Exemple de glyphe constitué de tracés disjoints
iîìíǐï Polyglyphes latins
ب ت ث ج
bāʾ tāʾ ṯāʾ ǧīm
Polyglyphes arabes
Polygraphe égyptien correspondant à Y
b t θ ʤ
Polyglyphe n’ko
Figure 5 : Exemple de polyglyphes, ou unités de forme constituées de plusieurs glyphes.
Méthodologie d’analyse graphématique
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Le glyphe est caractérisé par une forme cardinale qui permet de l’identifier immédiatement d’un coup d’œil. C’est cette forme cardinale qui fait du glyphe une figure remarquable et qui permet de ne pas tenir compte des différences de style observables dans une série de glyphes représentant un même caractère, comme le montre les figures (6a) et (6b). isolée
initiale
ء ا ب ت ث ج
médiane
finale
nom
son
ﺎ ﺐ ﺖ ﺚ ﺞ
hamza ʾalif bāʾ tāʾ ṯāʾ ǧīm
ʔ aː b t θ ʤ
ئ, ؤ, إ, أ — ﺑ ﺗ ﺛ ﺟ
ﺒ ﺘ ﺜ ﺠ
Figure 6a : Séries de glyphes arabes représentant, chacune, un même caractère
Imprimerie
Manuscrit
Majuscule
Minuscule
Majuscule
Minuscule
A
a
B
b
C
c
D
d
E
e
A B C D E
a b c d e
Figure 6b : Séries de glyphes arabes et latins représentant, chacune, un même caractère
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Si la forme d’un glyphe n’est pas assez proche de son modèle de référence, il ne sera pas aisément reconnu. Cette propriété est souvent utilisée à dessein en informatique pour forcer une reconnaissance humaine comme mesure de sécurité lors de l’accès à une zone réservée (fig. 7).
Figure 7 : Glyphes déformés pour une reconnaissance humaine forcée
En outre, la taille, le positionnement, et l’orientation du glyphe peuvent être des facteurs pertinents pour son identité. Selon les systèmes d’écriture, un même glyphe peut avoir un statut différent si sa taille est réduite par rapport à celle des autres glyphes de la ligne d’écriture. Ainsi, dans l’écriture latine, les glyphes qui indiquent une abréviation sont plus petits et placés en exposant. Exemples : « Me » pour Maître, « N° » pour Numéro, « m² » pour mètre carré, etc. De même, les glyphes des diacritiques sont plus petits et se positionnent par rapport au glyphe d’un autre caractère avec lequel ils forment un graphème polyglyphe. L’orientation des glyphes recouvre trois types de mouvements : l’inclinaison, la rotation, le renversement. En général l’inclinaison d’un glyphe permet d’en générer une variante italique sans conséquence sur l’identité du glyphe. La rotation consiste à retourner un glyphe à 180° dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Le renversement consiste à pivoter un glyphe sur un axe vertical ou horizontal. Dans le système d’écriture latine, la rotation et le renversement servent à générer des glyphes différents.
b p
d q
Figure 8 : Rotation (b > q , d > p) et renversement (horizontal et vertical) de glyphes latins
Méthodologie d’analyse graphématique
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Le système d’écriture mondombe utilise de façon structurelle et systématique la rotation et le renversement des glyphes autant pour générer des glyphes différents que pour gérer la concaténation des glyphes dans la ligne d’écriture.
consonne
famille 4 famille 3 rotation réfléxion et réflexion
famille 1
famille 2 rotation
1er groupe
na
va
sa
ta
2e groupe
be
de
fe
ge
3e groupe
ko
mo
lo
po
4e groupe
wi
ri
zi
yi
shu
dju
tshu
ju
Mazita ma zindinga
Figure 9 : Rotation et renversement de glyphes en mondombe
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Caractère Le caractère est une unité minimale d’écriture représentant une valeur langagière. C’est une unité abstraite qui s’inscrit dans une liste finie appelée jeu de caractères et rapportée à un système d’écriture. En général, chaque caractère est associé à au moins un glyphe pour être visible. Toutefois, dans un texte numérisé, on utilise des caractères qui ne sont associés à aucun glyphe : l’espace est un caractère que seule l’absence de tout glyphe dans la ligne d’écriture rend visible ; les liants, les anti-liants et les codes de contrôle n’ont d’existence que par leurs codes numériques. Ces caractères sans glyphe sont aussi les seuls à être indépendants de tout système d’écriture. Tout caractère peut se voir attribuer un code numérique dans un système de codage informatique, et un glyphe dans un système d’écriture, comme l’illustre la figure 10.
A B C D… U+0041 0x41 65
A A A A
« Lettre majuscule latine A » (caractère = notion abstraite) Codes numérique pour « A » en Unicode (UTF-8), en hexadécimal et en décimal Divers glyphes représentent le même caractère « A »
Figure 10 : Caractère, code numérique et police de glyphes
Le caractère n’est pas réductible à la valeur langagière qu’il porte, ni au code numérique qui lui est attribué, ni au glyphe qui lui est associé, mais c’est à travers eux qu’il est appréhendé et référencé. Le glyphe A représente le caractère majuscule latine A qui a pour valeur langagière la voyelle A dans le système d’écriture latin
. Méthodologie d’analyse graphématique
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Caractères et glyphes Les glyphes et les caractères appartiennent à deux ensembles différents, les premiers étant des unités de forme qui représentent les seconds, lesquels sont des unités associées à des valeurs langagières, par conséquent, chargées de significations. Mais les liens entre les éléments de ces deux ensembles ne sont pas toujours biunivoques. En effet, on a tout intérêt à considérer que le « trait d’union » et le signe « moins » sont deux caractères différents bien qu’ils utilisent un même glyphe, à savoir, un petit trait horizontal en position médiane. Cette option facilite certaines opérations de traitement de texte comme la recherche de mot, le tri, la correction orthographique. Inversement un seul caractère peut être représenté par plusieurs glyphes différents pris individuellement. Bien entendu, le plus souvent un glyphe ne correspond qu’à un caractère et vice-versa. Catégorisation des caractères Selon leur utilisation dans la ligne d’écriture, les caractères sont classés en cinq catégories : caractères de base, caractères modificateurs, caractères de liaison, caractères diacritiques, caractères d’encadrement, et caractères de contrôle. Les caractères de base sont répartis en trois catégories : les phonogrammes, les syllabogrammes, et les logogrammes également appelés idéogrammes. Le phonogramme a comme valeur langagière un son ou un phonème, ou encore une association de plusieurs sons, selon les langues. Le syllabogramme a comme valeur langagière une syllabe. Le logogramme a comme valeur langagière une notion. Les caractères modificateurs sont essentiellement utilisés pour modifier la valeur langagière d’un ou plusieurs caractères situés dans leur voisinage immédiat. Selon les systèmes d’écriture, leur taille peut être égale ou plus petite que celle des caractères de base. Les caractères de liaison permettent de relier deux caractères de base. En mondombe ces caractères jouent exactement leur rôle de liants entre caractères. Dans un texte numérisé, ces caractères n’ont pas de glyphes, mais permettent d’assurer ou d’empêcher la formation d’une ligature avec deux caractères contigus : exemples O et E dans œil et coercition.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Les caractères diacritiques sont des caractères dépendants utilisés conjointement avec des caractères de base dont ils modifient la valeur langagière. Leurs glyphes sont généralement plus petits et situés à proximité étroite des caractères de base auxquels ils sont associés. La position des diacritiques par rapport au caractère de base est pertinente : un point souscrit n’est pas le même diacritique qu’un point suscrit. Les caractères d’encadrement sont des caractères utilisés pour créer des cadres dans lesquels on peut écrire un caractère, un mot ou tout un texte. Quelques exemples de caractères d’encadrement : parenthèses, accolades, crochets, bouton à cocher, bouton radio de sélection, capsule, cartouche, cadre de texte, d’illustration ou de page. Les caractères de contrôle sont surtout utilisés en informatique pour déclencher des opérations de traitement de texte, ou piloter des périphériques. Graphème Comme le caractère, le graphème est une unité minimale d’écriture à laquelle est attribuée une valeur langagière, mais à la différence du caractère qui se définit par rapport à un système d’écriture, le graphème est défini dans le cadre d’un système orthographique propre à une langue. Catégorisation des graphèmes Dans un système orthographique, on peut distinguer deux types de graphèmes selon la façon dont ils sont matérialisés : le graphème monoglyphe et le graphème polyglyphe. Le graphème monoglyphe est matérialisé par un seul glyphe. Il correspond à un seul caractère auquel le système orthographique donne une ou plusieurs valeurs langagières. Dans la plupart des langues africaines, le son [ʧ] est noté avec le graphème « c », tandis qu’il est noté « tj » en basaá (Cameroun) et « ty » en sängö (Centrafrique) donc avec des graphèmes polyglyphes. Le graphème polyglyphe est matérialisé par plusieurs glyphes qui fonctionnent ensemble comme une seule unité. On distingue le polyglyphe amalgamé qui résulte d’un amalgame entre au moins deux Méthodologie d’analyse graphématique
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glyphes (fig. 11) et le polyglyphe aggloméré qui résulte d’une simple juxtaposition obligatoire de glyphes distincts pour former une seule unité, comme en français « au », « eau » pour noter le son [o], ou encore, dans de nombreuses langues africaines, « gb » et « kp » pour noter des phonèmes uniques.
Hiéroglyphes
N’ko
Tifinagh
Figure 11 : Exemple de graphèmes polyglyphes amalgamés
Allographes Dans certains systèmes orthographiques, certains graphèmes peuvent être matérialisés de plusieurs glyphes distincts considérés comme équivalents. Je les appelle des allographes. Trois cas de figure d’allographes sont répertoriés: a) le cas où un seul glyphe est l’équivalent de deux ou trois autres glyphes pour matérialiser un même graphème. Par exemple, « x » est l’équivalent de « cs » dans les abréviations « pics » de picture et « facs » de fac simile qui sont réécrits respectivement « pix » dans pixel (de picture element) et « fax » ; b) le cas où deux ou trois glyphes sont amalgamés en un seul polyglyphe utilisé comme leur équivalent, comme dans la figure 11 ; c) le cas où plusieurs glyphes sont utilisés totalement ou partiellement en distribution complémentaire comme des équivalents. Cela fait qu’ils matérialisent partiellement ou totalement le même
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
graphème. Ils sont donc des allographes conditionnels en raison des restrictions sur leur distribution. Par exemple, en français, les graphèmes « c , k, q, qu, cqu, ck » sont des allographes parce qu’ils sont tous associés au même son [k], sous réserve de souligner les particularités de chacun : « c » est aussi associé au son [s] devant E et I ; « q » n’est utilisé qu’en finale absolue, laissant la place à « qu » partout ailleurs, etc. En nsibidi, les notions d’amour et d’unité qui appartiennent au même champ sémantique d’accord et d’harmonie peuvent être écrites avec l’un des quatre graphèmes de gauche (figure 12), tandis que les notions de haine et de divorce rapporté au champ sémantique de la discorde peuvent être écrites avec l’un des trois graphèmes à droite. Il s’agit donc de deux groupes d’allographes.
Figure 12 : Exemples d’allographes nsibidi.
Valeurs langagières L’écriture comme l’oralité sont deux modes de codification de la langue. De ce fait, leurs unités respectives sont largement corrélées en dépit de leur indépendance relative. Pour ce qui est de l’écrit, le caractère est la première unité à se voir attribuer une valeur langagière liée au système d’écriture. Le caractère auquel est attribué le son [t], quelle que soit la langue, est différent d’un système d’écriture à l’autre. Par contre, dans un système orthographique, le même caractère qui, fonctionne à ce niveau en tant que graphème, peut se voir attribuer plus d’un son. Ainsi, dans l’orthographe française, le graphème T a la valeur du son |t], celle du son [s] dans certains contextes, et une valeur muette quand il fonctionne comme élément morphologique en fin de mot. Au niveau du système d’écriture, les caractères peuvent avoir comme valeurs langagières, des sons, des syllabes, ou des notions, et sont en conséquence appelés respectivement phonogrammes, syllabogrammes, et logogrammes ou idéogrammes. Méthodologie d’analyse graphématique
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Au niveau des systèmes orthographiques, les graphèmes peuvent avoir un éventail de valeurs langagières bien plus large en raison des règles orthographiques propres à chaque langue en considération. Ils peuvent avoir une valeur de base phonique, syllabique ou idéographique, une valeur contextuelle qui peut être morphologique ou allographique.
Les formes de l’écrit Pictogramme, pictographe et hiéroglyphe. J’appelle « pictographe » tout dessin, stylisé ou non, représentant ou symbolisant un objet ou un personnage. Les armoiries des rois d’Abomey sont des pictographes. Chacun d’eux représente la devise du roi auquel il appartient et peut être décodé comme un proverbe. Il en est de même pour les pictogrammes qui ornent les jetons du jeu abbia au Cameroun. L’art africain est riche en motifs décoratifs de tout genre qui auraient pu donner naissance à des jeux de caractères dans plusieurs systèmes d’écriture. Mais force est de constater que ces motifs qui peuvent être des pictographes ne sont pas des graphèmes et que les magnifiques pagnes qui en sont décorés ne sont pas des pages de textes. Il existe, bien sûr, des systèmes d’écriture qui utilisent des pictogrammes pour représenter des sons, des mots, des idées, des liens grammaticaux, etc., et qui les combinent de diverses façons pour exprimer des messages dans des textes. Je réserve le terme de « pictogramme » pour désigner ces pictographes qui constituent un système d’écriture. Le terme de « hiéroglyphe » désigne traditionnellement les pictogrammes de l’ancienne Egypte. Je réserve donc l’usage de ce terme à cette seule aire de civilisation. Evolution et variation des formes de graphèmes La limite entre la représentation réaliste d’une image et le tracé stylé d’une lettre n’est pas aussi radicale que l’on pourrait le croire. Dans le système d’écriture égyptien, l’image la plus réaliste peut recevoir un statut de caractère dès lors qu’elle est associée à une valeur langagière phonétique comme la chouette pour [m], conceptuelle comme le charognard pour « mère » ou syllabique comme l’oie pour « geb ». De l’image réaliste à l’image stylisée qui donnera la forme finale d’un
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caractère cursif en démotique, il n’y a pas de changement de statut, mais une évolution dans la forme du caractère. Cette variation dans les formes va déterminer l’émergence de différents styles dans le même système d’écriture, à la fois en fonction des différents supports de l’écrit et des effets esthétiques désirés. Les systèmes orthographiques
d’écriture
et
systèmes
Un système d’écriture est un ensemble de signes visuels caractéristiques qui permet de coder le langage humain. Un même système d’écriture peut servir à écrire un nombre illimité de langues. Inversement, une même langue peut être écrite dans plusieurs systèmes d’écriture. Les unités minimales utilisées dans un système d’écriture sont des caractères. Selon que la majorité de ceux-ci sont des idéogrammes, des syllabogrammes ou des phonogrammes, on qualifie le système d’écriture d’idéographique, de syllabique ou d’alphabétique. La plupart des écritures sont de fait une combinatoire des trois systèmes avec une dominante. Lorsqu’on utilise un système d’écriture pour écrire une langue particulière, les éléments structurels de la langue font qu’un ensemble de règles propres sont établies pour rendre possible l’écriture de cette langue avec ce système d’écriture. Cet ensemble de règles constitue un système orthographique qui, en principe, n’est valable que pour cette langue. Dans un système orthographique, l’unité minimale d’écriture est le graphème. Il peut être constitué d’un caractère ou d’une combinaison de plusieurs caractères. Les valeurs langagières d’un graphème peuvent varier d’une langue à l’autre.
Conclusion Une écriture n’est vivante que lorsqu’elle est massivement utilisée par tout un peuple et dans tous les domaines d’activités, notamment, politiques, religieuses, économiques, juridiques, éducationnelles, communicationnelles et culturelles. Ce fut le cas dans l’Afrique antique qui vit naître les hiéroglyphes et les systèmes d’écriture qui les ont suivis, parmi lesquels figurent en bonne place l’éthiopique, le copte et le tifinagh. Mais seuls l’éthiopique et, depuis 2007, le tifinagh au Maroc Méthodologie d’analyse graphématique
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bénéficient au moins d’une politique linguistique d’état. L’Afrique contemporaine assiste à un regain d’intérêt pour la création de nouvelles écritures autochtones qu’Estelle Girard décrit en ces termes : La plus ancienne de ces écritures est la graphie vai, qui apparaît aux confins du Liberia et du Sierra Leone en 1833. Ses 212 caractères sont révélés en songe par un « homme blanc » et transmis sous la forme d’un « livre » à son inventeur, Momolu Duwalu Bukele, qui lisait l’alphabet latin. L’inventeur de l’écriture mende, Kisimi Kamara, un tailleur musulman d’origine mandinka, connaît l’alphabet arabe et le vai.
Girard montre, par ailleurs, les coïncidences métaphysiques qui enveloppent dans des rêves prémonitoires ou des songes l’invention de 195 caractères de mendé en 1921, celle de 35 signes bassa inspirés du syllabique vai par le Dr. Thomas Flo Lewis, suivi, en 1930, par Wido avec sur 185 signes de l’alphabet loma. La même année, Gbili, chef traditionnel hanoye, révèle au monde 88 signes kpelle après une longue maladie suivie de sa reprise du pouvoir. Au Cameroun, le roi Njoya vit au contact des Haoussa et des Peuls lettrés en arabe. A partir de 1903, il invente un alphabet de 80 signes. La pratique graphique lui est inspirée par un songe prémonitoire. L’îlot dialectal bagam (tsogap) appartenant à l’ensemble bamiléké s’inspire de cet alphabet pour établir, autour de 1915, un alphabet qui lui est propre. Apparu en 1930, l’ « Oberi Okaime », utilisée pour transcrire la « langue secrète » de la société du même nom, est une écriture qui comporte 32 signes. Elle apparaît en songe à Akpan Udofia, membre du Mouvement chrétien spirituel local, qui l’utilise pour des écrits religieux. Il faut ajouter à cette liste le n’ko créé en 1949 par Souleyman Kanté, en Guinée, pour écrire les langues mandingues, et le mondombe, inventé en 1978 par Wabeladio Payi, à Mbanza Ngungu, dans la province du Bas-Congo (république démocratique du Congo). Ces deux écritures sont utilisées essentiellement par des communautés religieuses, respectivement, islamiques et kibanguistes, qui déploient beaucoup d’efforts pour leur assurer une large diffusion par un enseignement ouvert à tout le monde. Ces deux écritures se détachent ainsi nettement de la confidentialité dans laquelle étaient confinés leurs prédécesseurs, pour rejoindre les rangs prometteurs de l’éthiopique et du tifinagh.
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Encore faut-il qu’ils investissent la puissance d’un Etat et qu’ils soient pleinement codifiés dans Unicode.
Méthodologie d’analyse graphématique
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CHAPITRE 19 Composition du livre manuscrit arabo-islamique Demba Tewe Résumé Les manuscrits arabo-africains représentent de véritables objets archéologiques, des témoins d’un passé dont les aspects aussi bien intrinsèques qu’extrinsèques peuvent apporter la clé aux énigmes de l’histoire. La première partie de cette étude est consacrée à l’historique et l’évolution de l’écriture arabe, à partir de l’analyse de récits d’anciens chroniqueurs, d’études basées sur la comparaison des écritures sémitiques à partir des inscriptions (nuquš) retrouvées le long des chemins des caravaniers et à travers les différentes réformes par lesquelles elle est passée depuis son introduction dans le _ijaz jusqu’à sa stabilisation. Le lecteur trouvera une chronologie des différentes variantes de cette écriture qui ont servi à la transcription des manuscrits. La deuxième partie est consacrée aux caractéristiques du livre manuscrit arabe musulman dans ses particularités, ses abréviations les plus récurrentes et l’empreinte des copistes et des correcteurs sur la matière et les matériaux qu’il recèle.
A
vant de passer en revue la description du livre manuscrit arabe, c’est-à-dire sa composition qui est l’objet même de cette étude, il nous semble utile d’examiner les principales caractéristiques du maẖṭūṭ ou manuscrit. Ce terme est nouveau dans la langue arabe, du moins si l’on s’en tient aux opinions exprimées par les philologues et les Composition du livre manuscrit arabo-islamique
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codicologues. Il est apparu dans cette acception, avec l’installation des premières imprimeries en terre musulmane, vers la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Dans le passé, les arabes ont donné au livre écrit à la main plusieurs appellations, et cela, suivant les époques. Pendant le premier siècle de l’hégire ils utilisent les termes « ar-raqīm », « az-zabūr », « almaṣḥaf1 », « as-safar », pour nommer le livre manuscrit. Plus tard, avec la progression de la renaissance scientifique et le développement de la production littéraire, ils utilisèrent pour ces mêmes livres les termes suivants : « mudawwana », « al-kutub al-ummuhāt » et « kutub aluṣūl »2. Ḥalūjī élargit le champ d’application de la définition du manuscrit lorsqu’il estime que « le maẖṭūṭ al-carabī est le livre écrit à la main avec des caractères arabes, qu’il soit sous forme de rouleau ou sous forme de feuilles assemblées les unes les autres en cahiers »3. Quant à Mašūẖī, il suggère que « le maẖṭūṭa est toute œuvre scientifique ou littéraire écrite à la main à l’aide de caractères arabes, qu’elle soit une épître ou un livre sur papier ou tout autre support semblable au papier avant l’apparition de l’imprimerie arabe, en tenant compte des systèmes d’impression d’un pays à l’autre »4. Comme nous venons de le voir, le « maẖṭūṭ » est un livre mais il s’en distingue cependant, du moins tel que nous le connaissons aujourd’hui. En effet, selon Gilbert, « il présente des caractères bien particuliers, et auxquels les principes habituels de la bibliographie et de la bibliothéconomie ne sauraient s’appliquer sans de sérieux aménagements »5. Quelle que soit sa valeur ou sa rareté, le livre imprimé, peut être remplacé par un autre d’une même édition, avec les mêmes caractéristiques. Tel n’est pas le cas pour le livre manuscrit dont chaque copie d’une même œuvre a sa propre histoire, sa propre archéologie et ses propres caractéristiques qui le distinguent des autres 1. Ne pas confondre avec Mus,haf qui désigne le texte entier du Saint Coran. 2. Cf. Binbin Aḥmad Šawqī, Dirᾱsᾱt fῑ cilm al-Maẖṭūṭᾱt wa al-baḥṯ al-bῑbiliyῡġarᾱf ῑ, 2ème éd., Marrakech, al-Maṭbaca wa al-wirrᾱqa al-waṭaniyya, 2004, p.13 et sq 3. Cf. Ḥalūjī, cAbd as-Sattār al-, al-Maẖṭūṭ al-carabī, Le Caire, ad-Dār al-miṣriyya al-lubnāniyya, p. 15. 4. Cf. Mašūẖī, cAbīd Sulaymān al-, Fahrasa al-maẖṭūṭāt al-carabiyya, az-Zarqā’, Maktaba al-manār, 1989, p. 20. 5. Cf. Ouy Gilbert, « Les Bibliothèques », in Charles Samaran (dir.) L’histoire et ses méthodes, Gallimard (Encyclopédie de la Pléiade), Paris, 1973.
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et le rendent unique. Ces caractéristiques sont de deux ordres : interne et externe. Les caractéristiques internes concernent tout ce qui a trait au document en tant que production intellectuelle : l’auteur, le titre, le copiste, le lieu et la date de production, l’incipit, l’explicit et le sujet. Les caractéristiques externes concernent la matérialité du document : le support utilisé pour la transcription du texte (parchemin, papyrus, papier), le type d’écriture, les couleurs des encres, la dorure, l’ornementation, la réglure, la reliure ainsi que les marques de possession, les certificats d’audition et de lecture, les licences d’enseignement et le colophon. Le manuscrit peut être un brouillon (muswwada) ou une copie nette et destinée à être publiée (mubayyaḍa). La copie (nusẖa) peut être un autographe c’est à dire un manuscrit original (aṣlī) qui est transcrit, dans sa forme définitive (mubayyaḍa), par l’auteur lui-même ou copié par un autre, sous sa supervision ou un apographe. Le manuscrit apographe est transcrit par un copiste à partir d’un original ou d’une autre copie reproduite de l’original ou d’un exemplaire recopié à partir d’un apographe d’apographe. Exemple d’une notice d’un autographe du VIe siècle de l’hégire :
Traduction : « Le volume I du livre intitulé Jāmic al-uṣūl fī aḥādiṯ ar-rasūl est achevé… Il a été transcrit par son auteur al-Mubārak ibn Muḥammad ibn cAbd al-Karīm,6 à Mossoul, en l’an 585 de l’hégire/1189 ».
6. Majd ad-Dīn Abū as-Sacādāt al-Mubārak Muḥammad ibn Muḥammad ibn Muḥammad ibn cAbd al-Karīm aš-Šaybānī plus connu sous le nom d’Ibn alAṯīr (1150-1210), traditionniste, homme de lettres et spécialiste en méthodologie juridique. Il naquit et grandit à Jazīra Ibn cUmar, séjourna à Mossoul où il fut atteint de rhumatisme articulaire, maladie dont il souffrira jusqu’à la fin de sa vie. Auteur de nombreux ouvrages produits durant sa maladie. Composition du livre manuscrit arabo-islamique
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Caractères intrinsèques Page de titre Les anciens manuscrits qui nous sont parvenus montrent que la page de titre est inconnue des premiers scribes musulmans. Le titre est alors transcrit dans l’incipit, plus précisément, au niveau de la séquence introduction (dibāj ou ẖuṭba al-kitāb), dans l’explicit, et repris, par certains copistes, dans le colophon, avec la même taille d’écriture et la même couleur d’encre que le corps du texte. Un peu plus tard, les copistes ont recours à la technique du rubricage7, ou à l’emploi de style d’écriture plus gras au niveau des titres, pour les mettre en relief. Il faut cependant noter que le recto de la première page est souvent laissé vierge, donnant ainsi la possibilité d’y recueillir plus tard des notes de lecture, marques de possession, certificats d’audition et de lecture, etc.8 L’incipit ou début du manuscrit L’incipit des manuscrits arabes se divise en plusieurs séquences appelées al-fawātiḥ (introductions) : la basmala ou l’abrégé de : « Au Nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux » qui est une tradition de longue date, et constitue la principale caractéristique des manuscrits arabo-islamiques. Aṣ-Ṣūlī9 rapporte, à cet égard, avoir interrogé Abū Ḫalīfa ibn Ḥabbāb al-Jumahī10 sur l’utilisation de la basmala au début des textes. Il répondit qu’ Ibn c Ā’iša cUbayd Allah ibn Muḥammad ibn Ḥafṣ11 avait posé la même question, avant d’ajouter : mon père m’a rapporté que les Qurayshites transcrivaient au début de leurs écrits « bi ismika allahumma (en Ton nom, O ! Mon Dieu)», le Prophète, paix et salut sur lui, faisait la même chose. Ensuite, lorsque la sourate 7. Mise en valeur d’un titre par l’utilisation d’une encre autre que celle du texte. 8. Pour de plus amples informations Cf. Ḥalūjī, cAbd as-Sattār al-, al-Maẖṭūṭ alc arabī, p. 157. 9. Abū Bakr Muḥammad ibn Yaḥyā ibn cAbd Allah aṣ-Ṣūlī (…-946) : Eminent homme de lettres. Auteur de : al-Awrāq ; Waqca al-jamal et Aẖbār al- Ḥallāj. 10. Abū al-Ḫalīfa al-Faḍl ibn al-Ḥabbāb ibn Muḥammad ibn Šucayb ibn Ṣaẖr alJuḥmī (305H) : aveugle, originaire de Bassora où il s’occupa de la judicature. 11. Abū cAbd ar-Raḥmān cUbayd Allah ibn Muḥammad ibn Ḥafṣ ibn Mucammar atTaymī (843) : traditionniste et homme de lettre originaire de Bassora. Il est plus connu sous le nom de Ibn cĀ’iša, par référence à sa mère cĀ’iša bint Ṭalḥa ibn c Abd Allah at-Taymī.
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Hūd comprenant le verset «Wa qāla irkabūhā bismi Allah majrāhā wa mursāhā …»12 fut révélée, il ordonna qu’on place à la tête de tous ses écrits : « bismi Allah». Lorsque fut révélé le verset « Qul udcū Allah aw udcū ar-Raḥmān … » on écrivit « bismi Allah ar-Raḥmān »13. Ensuite fut révélé « Innahū min Sulaymān wa innahū bi ism Allah ar-Raḥmān arRaḥīm »14 on mit en exergue la basmala au début de tous les écrits et cela jusqu’à aujourd’hui.15
La basmala est suivie d’une introduction de l’auteur qui commence par la ḥamdala16 par référence au hadith rapporté par Ibn Mājah17: « Toute chose importante qu’on ne commence pas avec la louange (al-ḥamd) est mutilée » ; elle est suivie par la taṣliyya18. Vient ensuite la formule elliptique de transition des expressions de politesse à l’objet de l’écrit appelée bacdiyya introduite par le terme « ammā bacd » ou « wa bacd » ou leur équivalent ; après quoi l’auteur donne son nom complet, sa lignée, le titre du manuscrit, son destinataire ou commanditaire, les buts poursuivis qui pouvaient être un sujet n’ayant jamais été traité, ou l’ayant été à moitié et qu’il fallait compléter; une erreur à corriger ; un sujet obscur à éclaircir par un commentaire ou trop long à résumer, ses sources et enfin le plan de son travail. L’incipit, comme nous pouvons le constater dans ce qui précède, jouait plusieurs rôles. Il est destiné à recevoir le titre de l’ouvrage, le nom de l’auteur, la table des matières, les professeurs et les maîtres spirituels de l’auteur, l’entrée en matière, l’objet de la composition de l’œuvre, la liste des ouvrages auxquels l’auteur s’est référé. Quelques rares ouvrages font exception à cette règle et se limitent seulement à quelques unes des séquences précitées, ou font abstraction de l’introduction et passent directement au sujet, après la basmala. L’incipit constitue la principale source référentielle pour le rédacteur de catalogues et le philologue.
12. Sourate Hūd, verset 41. 13. Sourate Le voyage nocturne, verset 110. 14. Sourate Les fourmis, verset 30. 15. Cf. Ṣūlī, Abū Bakr ibn Yaḥyā aṣ-. _ Adab al-Kuttāb, vol. I, p. 3, < http:// www. alwarraq.com > 16. Abrégé de : « Louanges à Dieu, Seigneur des mondes ». 17. Abū cAbd Allah Muḥammad ibn Yazīd ar-Rabcī al-Qazwīnī plus connu sous le nom de Ibn Mājah (824-887), traditionniste, auteur de Sunan Ibn Mājah et Tārīẖ Qazwīn. 18. Abrégé de : « Paix et Salut sur le Prophète Muhammad ». Composition du livre manuscrit arabo-islamique
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L’explicit ou fin du manuscrit Il se trouve à la fin du texte. Les termes les plus récurrents qui introduisent les explicits sont : « intahā », « tamma » « kāna al-farāġ min ta’līf » ou leurs équivalents. Dans l’explicit, l’auteur, après des prières, donne la date de composition de son œuvre, date qu’il ne faut pas confondre avec la date d’exécution de la copie. Le titre du manuscrit est souvent repris dans l’explicit. Exemple :
Traduction : « La composition du livre est achevée, par la Force et la Puissance de Dieu, en l’an mille trois cent trente neuf de l’hégire, O Dieu! Répands Tes grâces et Ta paix sur notre Seigneur Muḥammad, celui qui ouvre ce qui était fermé, qui clôt ce qui a précédé, qui fait triompher la vérité par la vérité et qui guide vers le chemin de la rectitude et [répands tes grâces] sur sa famille, selon la mesure qui lui est due, mesure immense. »19
Abréviations Pour gagner du temps et de l’espace, les copistes avaient pris l’habitude d’abréger les noms des personnages célèbres et les termes qui se répétaient souvent dans les textes de biographie, de hadith, de fiqh ou d’histoire à l’aide d’abréviations (iẖtiṣārāt). Celles-ci correspondent au « désir, plutôt (au) besoin de réduire l’écriture, soit pour lui faire occuper moins d’espace, soit pour en rendre l’exécution plus rapide, soit encore, comme l’ont pensé quelques-uns, pour dérober au vulgaire la connaissance de certain texte ? (Cela) fit imaginer chez les peuples les plus anciens divers systèmes d’abréviations.» Les différents modes d’abréviations employés sont : 19. Cf. Mbaye, Rawane, Le Grand savant El hadji Malick Sy : pensée et action, Albouraq, Beyrouth, 2003, vol. II, p. 446.
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Les sigles : c’est un genre d’abréviation où les mots sont représentés par leur seule initiale. Ils sont de deux sortes : l’initialisme où chaque mot est représenté par son initiale (exemple تpour ) et l’anachronisme où chaque mot peut être représenté par plusieurs lettres ( ل سpour ): L’abréviation par contraction : elle consiste à retrancher quelques lettres médianes entre l’initiale et la finale ( pour ). Il serait fastidieux de dresser une liste exhaustive des nombreuses abréviations contenues dans les manuscrits. Nous donnons dans le tableau qui suit les formes20 les plus usitées que l’on retrouve dans les manuscrits arabes avec leur développement suivi de la traduction. 21
Traduction
Développement
Abréviations
20. Pour plus de détails, Cf. Mašūẖī, cĀbid Sulaymān al-, Fahrasa al-maẖṭūṭāt alc arabiyya, p. 44 et sq. 21. Abū cAbd Allah Muḥammad ibn cAlī ibn al- Ḥasan ibn Bišr (…-932) : Spécialiste en hadiths et en méthodologie juridique. Composition du livre manuscrit arabo-islamique
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22. Abū Ḥanīfa an-Nucman ibn Ṯābit at-Taymī par clientélisme al-Kūfī (699-767) : Fondateur du Hanafisme. Naquit et grandit à Koufa. Mourut à Bagdad. Auteur de : al-Musnad ; al-Maẖarij. 23. Burhān ad-Dīn Ibrāhīm ibn Muḥammad al-Ḥalabī (…-956) : Jurisconsulte hanafite. Né à Alep où il commença ses premières humanités. Se rendit en Egypte à la recherche du savoir. Auteur de nombreux ouvrages dont le plus célèbre est le Multaqā al-abḥur sur la méthodologie juridique. 24. Abū Ḥātim Muḥammad ibn Ḥibbān ibn Aḥmad al-Bustī (…-965) : historien, géographe, homme de lettres et traditionniste. Naquit à Busta dans le Sijistān. Voyagea beaucoup. Auteur de nombreux ouvrages sur les sciences du hadith dont son Musnad aṣ-ṣaḥīḥ. Mourut à Nisabour en 965. 25. Šihāb ad-Dīn Šayẖ al-Islām Abū al-cAbbās Aḥmad ibn Muḥammad ibn cAli ibn Ḥajar al-Haytamī (1504-1567) : jurisconsulte et chercheur. Né à Maḥala Abī alHaytam dans la Région occidentale de l’Egypte. Etudia à al-Azhar. Auteur de nombreux ouvrages dont : Riḥla ila al-Madīna ; Šarḥ miskat al-maṣābīḥ li atTibrīzī. 26. Šams ad-Dīn Muḥammad ibn Sālim ibn Aḥmad al-Ḥifnī (1699-1767) : jurisconsulte šāficite. Etudia et enseigna à al-Azhar. Parmi ses ouvrages : aṯṮamra al-bahiyya fī asmā’ aṣ-Ṣaḥāba et Ḥāšiya calā jāmic aṣ-ṣaġīr li as-Suyūṭī. 27. Recueil de hadiths où l’auteur classe les traditions sous le nom du premier garant qui les a rapportées. 28. Abū cAbd Allah Aḥmad ibn Ḥanbal (780-855) : fondateur du Hanbalisme. Né à Bagdad. Parmi ses ouvrages 29. Abū cAbd Allah Muḥammad ibn Ismācīl ibn Ibrāhīm ibn al Muġīra al-Buẖārī (810-880) : il naquit à Buẖārā et grandit orphelin. Il entama un long périple qui le mena tour à tour au Khourassan, en Irak, en Egypte et en Syrie. Il suivit les cercles d’études de plusieurs šayẖ et rassembla environ cent mille hadiths. Il revint à Buẖārā où un groupe d’autochtones s’acharne sur lui, l’obligeant à quitter sa ville natale pour Ḫaratank, un village de Samarkand où il meurt en 880. Son livre sur les hadiths est le plus digne de foi en la matière.
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30. Abū Dāwūd Sulaymān ibn al-Ašcaṯ as-Sijistānī (817-889) : traditionniste. Auteur des Sunan un des six livres les plus authentiques, en matière de hadiths. Il y a regroupé 4 800 hadiths. 31. Nūr ad-Dīn cAlī ibn Yaḥyā az-Zayyādī (1615) : jurisconsulte šāficite. Originaire de Zayyād, l’un des villages de Buḥayra en Egypte. Auteur de Ḥāšiya calā šarḥ al-manhaj li Zakariyā’ al-Anṣārī . 32. Abū Bašar cAmr ibn cUṯmān ibn Qunbar al-Ḥāriṯī par clientélisme 33. Sulṭān ibn Aḥmad ibn Sallāma ibn Ismācīl al-Mazzāḥī ( ) : spécialiste en lecture du Coran. Naît, étudie et s’éteint au Caire. Auteur de Ḥāšiya calā šarḥ al-manhaj li al-Qādī Zakariyā’ » (fiqh) et « al-Qirā’āt al-arbac az-zā’ida calā al-caša r. 34. Šihāb ad-Dīn Aḥmad ibn Qāsim aṣ-Ṣabbāġ al-cAvbbādī aš-Šāficī (…-992) : jurisconsulte égyptien. Auteur d’une glose sur le commentaire du Jamc aljawāmic intitulée : al- Āyāt al-bayināt. 35. Šams ad- Dīn Muḥammad ibn Aḥmad aš-Šāficī (…-) : auteur, entre autres, de Ḥāšiya calā al-arbacīn an-nawawiyya. 36. Abū al-Qāsim Sulaymān ibn Aḥmad ibn Ayūb aṭ-Ṭabarānī (873-971) : grand traditionniste. Né à Backā. Voyagea beaucoup à la recherche des hadiths. Mourut à Isfahan. Auteur de trois Macājim (un grand, un moyen et un petit). Composition du livre manuscrit arabo-islamique
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37. Il s’agit de al-cAbbāb al-muḥīt bi mucẓam nuṣūṣ aš-Šāficī wa al-Aṣḥāb du Cadi Abū Surūr Aḥmad ibn cUmar ibn Muḥammad al-Muḏḥajī (…-930). 38. Muḥammad ibn cAlī ibn Muḥammad aš-Šabrāmullasī (…-1612) : Mathématicien et homme de lettres. Il est l’auteur entre autres de : Ḥāšiya calā al-mawāhib alladuniyya 39. Šams ad-Din Muḥammad ibn Dawūd ibn Sulayman al-cAnani (…-1687) : Mystique égyptien. Auteur d’une glose sur le commentaire de Jamc al-jawāmic en méthodologie juridique intitulé al-Āyāt al-bayinat et Šarh al-waraqāt li imam al-Ḥaramayn. 40. Abū al-Ḥasan cAli ibn cUmar ibn Aḥmad ad-Dāraquṭnī (919-995) : un des savants les plus émérites en matière de hadiths de son époque. Naquit à Dāraquṭn mourut à Bagdad. Auteur de : Kitab as-sunan ; al-Muẖtalif wa al-mu’talaf. 41. Šihāb ad-Dīn Abū al-cAbbās Aḥmad ibn Aḥmad ibn Sallāma al-Qalyūbī (…1659) : jurisconsulte et homme de lettres originaire de Qalyūb en Egypte. Auteur de : al-Hidāya min aḍ-ḍalala f ī macrifa al-waqt wa al-qibla min ġayr āla ; Fā’il Makka wa al-Madīna wa Bayt al-maqdis wa šay’ min tārīẖihā. 42. Abū cAbd Allah ibn Muḥammad ibn cAbd Allah an-Nīsābūrī plus connu sous le nom de al- Ḥākim (933-1014) : spécialiste de renom en sciences du hadith. Naquit et mourut à Nīsābūr. Voyagea beaucoup à la recherche du savoir. Auteur de nombreux ouvrages dont Tasmiya man aẖrajahum al-Buẖārī wa Muslim.
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Bien qu’on les rencontre dans certains manuscrits les jurisconsultes détestent ces abréviations-ci :
Il y avait d’autres lettres, mots et symboles qui pouvaient apparaître dans les textes (muṭῡn) ou dans les marges des manuscrits : Ces abréviations sont difficiles à déchiffrer. On se rend compte, de plus en plus, que leur méconnaissance a conduit à de graves erreurs 43. Ḥasan ibn cAlī ibn Aḥmad al-Muṭāwī plus connu sous le nom de al-Madābiġī (…-1756) : Homme de vertu originaire d’Egypte. Auteur de : Itḥāf fuḍalā’ alumma al-muḥammadiyya ; Bayān jamc al-qur’ān as-sabc min ṭarīq at-Taysīr wa Šāṭibiyya. 44. Šams ad-Dīn Muḥammad ibn Aḥmad ar-Ramlī (1513-1596) : jurisconsulte šāficite. Naquit et mourut au Caire. Auteur de : Umda ar-rābiḥ ; ihāya al-muḥtāj ilā šarḥ al-minhāj. 45. Abū cAbd ar-Raḥman Aḥmad ibn cAli ibn Šucayb an-Nasa’ī (830-916) : Cadi originaire du Ḫurasān. Mourut en Palestine. Auteur des Sunan. 46. Sur ce personnage Cf. p. 15 et n. 24. 47. Abū Bakr Aḥmad ibn al-Ḥusayn ibn cAli al-Bayhaqī (994-1066) : traditionniste. Naquit à Ḫusarujad un des villages de Bayhaq situé à Nīsābūr. Auteur de asSunan al-Kubrā ; as-Sunan as-suġra ; al-Asma’ wa aṣ-ṣifāt. Composition du livre manuscrit arabo-islamique
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d’interprétation dans beaucoup de textes établis. Un même symbole, pouvait représenter plusieurs termes à la fois. Prenons par exemple le sigle ḥa « » ح: il symbolise le mot « taḥwīl» ou changement de chaîne de transmission dans les recueils de hadiths. Dans les ouvrages hanafites, il renvoie à Abū Ḥanīfa ; chez les šāficites, il désigne « al-Ḥalabī » ; mais lequel des « al-Ḥalabī» ? Il s’agirait, en toute vraissemblance, de nombreux savants originaires d’Alep dont ils portent la marque ethnique. Dans d’autres ouvrages, cette abréviation renvoie à ḥīna’iḏin. Pour cette raison, nous rencontrons dans l’introduction de quelques manuscrits, les explications que l’auteur donne pour permettre au lecteur de les saisir. Des ouvrages entiers, tels que al-Fatḥ al-mubīn fī ḥall rumūz wa muṣṭalaḥāt al-fuqahā’ wa al-uṣūliyyīn de Muḥammad Ibrāhīm al-Ḥafnāwī48, ont été élaborés par les savants musulmans pour permettre à leurs étudiants de résoudre les problèmes que posent les abréviations et les symboles. Mais dans les deux cas, le constat est qu’il reste beaucoup à faire sur ce plan. Collation et corrections La première tâche qui s’impose à un copiste, aussitôt qu’il a fini de transcrire son texte, est de le comparer lui-même avec le texte à partir duquel il a travaillé ou de le faire contrôler par un autre pour la correction des fautes, la suppression des répétitions et le rajout des omissions. Les savants musulmans tenaient tellement à la collation appelée en arabe « muqābala » ou « mucārada» qu’ils considéraient toute œuvre non collationnée sans valeur et méritant la poubelle. On a rapporté de Hišām49 que son père cUrwa ibn Zubayr50 lui avait demandé un jour : « As-tu écrit ? » Il répondit par l’affirmative. Il lui dit : « As-tu collationné le texte ? » Il répondit non. Il lui rétorqua : « Tu n’as donc pas écrit. »
48. Cf. Ḥafnāwī, Muḥammad Ibrāhīm al-, al-Fatḥ al-mubīn fī ḥall rumūz wa muṣṭalaḥāt al-fuqahā’ wa al-uṣūliyyīn, s.l, s.d, 221 p., (Silsila kuliyya uṣūl alfiqh ; 3). 49. Abū al-Munḏir Hišām ibn cUrwa ibn az-Zubayr ibn al-cAwwām al-Qurašī al-Asdī (680-763). Naquit et grandit à Médine. Il visita Koufa et Bagdad où il mourut. Rapporta environ 400 hadiths. 50. cUrwa ibn az-Zubayr ibn al-cAwwām al-Qurašī al-Asdī (643-712) : Un des sept jurisconsultes de Médine. Homme de vertu, il ne s’est jamais mêlé aux séditions. Il meurt à Médine en 712.
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La collation consiste, dans les premières époques de l’islam, à comparer minutieusement une copie avec une autre du même livre, dans le but d’avoir un exemplaire correct et sans altération. Les copistes collationnent eux-mêmes leurs copies ou les font collationner par un autre copiste à partir de la copie qu’ils ont utilisée ou d’un autographe ou d’une copie quelconque. Plusieurs termes sont employés dans les notes de collation pour montrer que le manuscrit a fait l’objet de collation. Exemple d’une marque de collation :
Traduction : « Louange à Dieu. La collation de ce volume ainsi que les trois premiers qui constituent le commentaire du livre du Šayẖ Kamāl ad-Dīn ad-Damīrī51 intitulé an-Najm al-wahhāj fī aṯar al-manāhij est achevée après plusieurs séances dont la dernière s’est tenue le lundi 14 Ṣafar de l’an 814 de l’hégire52, écrit de la main de l’humble serviteur cIsā al-Balqāwī. » Les marques de collation reprennent le titre de l’ouvrage, le nom de l’auteur, le nombre de volumes, de séances et la personne qui a effectué l’opération. Le signe indique les pauses au moment de la collation. Les copistes et les collationneurs avaient plusieurs manières de corriger les textes : Le surlignement ou ḍarb qui est la méthode préférée. Elle consiste à barrer un mot et à écrire le mot juste au-dessus. Le grattage ou ḥakk est une manière de corriger que les traditionnistes détestaient, bien que l’on retrouve le procédé dans quelques manuscrits. 51. Kamāl ad-Dīn Abū al-Baqā’ Muḥammad ibn Musā ad-Damīrī (1341-1405) : homme de lettres et jurisconsulte. Naquit, grandit et mourut au Caire. Il était couturier avant de devenir un grand savant. Il avait un cercle privé à l’université d’al-Azhar. Auteur de Ḥayāt al-ḥayawān et ad-Dībāj un commentaire des sunan de Ibn Mājah. 52. Cette date correspondrait au lundi 8 juin 1411. Composition du livre manuscrit arabo-islamique
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L’effaçage ou maḥw est le mode que le copiste utilise s’il se rend compte de la faute avant que l’encre ne sèche53. Systèmes de datation des manuscrits arabes Les dates de composition et d’exécution des copies, dans les explicits et les colophons des manuscrits sont indiquées selon le calendrier hégirien en chiffres hindous, en lettres, ou sous une forme codifiée à partir des lettres de l’alphabet. Ce dernier qui consiste à utiliser les lettres de l’alphabet comme des chiffres est utilisé par les auteurs pour donner la date d’achèvement de leur œuvre ou le nombre de vers d’un poème. Il est aussi employé par les copistes pour signaler les dates de composition et d’exécution de leur copie. On note l’existence de deux méthodes : celle dite orientale (šarqī) et la maghrébine. Elles se distinguent du point de vue de la succession et de la valeur de certaines lettres de l’alphabet. La manière de dater les manuscrits diffère d’une copie à l’autre : certains copistes indiquent seulement l’année, d’autres donnent le jour, le mois et l’année, d’autres encore, plus précis, vont jusqu’à indiquer l’heure à laquelle la copie a été réalisée et la date de début de l’exécution de la copie. Exemple:
Traduction : « La copie de cet exemplaire est achevée en milieu d’après midi du lundi 5 du mois de ḏul ḥijja 116254 des mains du plus humble des serviteurs Muḥammad ibn Aḥmad ibn Ibrāhim ibn alAkram aš- Šāmī ».
53. Pour de plus amples informations sur la manière de corriger les fautes dans les manuscrits arabes, Cf. Mašūẖī, cAbīd Sulaymān al-, Anmāt at-tawṯīq fī alal- maẖṭūṭ alcarabī fī al-qarn at-tasic al-hijrī, Riyad, Maktaba Malik Fahd alwaṭaniyya, 1994. 54. Cette date correspondrait au lundi 15 décembre 1749.
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Caractères extrinsèques Le colophon Le colophon est une note rédigée par le copiste. Il se trouve généralement à la fin du manuscrit, après l’explicit. Entre autres mentions que peut porter un colophon nous pouvons citer : le nom du copiste, la date d’exécution de la copie, le texte à partir duquel la copie a été reproduite, celui pour qui la copie a été exécutée et des prières à l’endroit de l’auteur du manuscrit. Pour éviter tout mélange avec le matn (texte), ces éléments sont généralement transcrits à l’intérieur d’une figure ayant la forme d’une pyramide renversée ou avec un type d’écriture autre que celui du texte. Le contenu des colophons diffère d’une copie à une autre dans une même œuvre55. Le colophon, dans les manuscrits arabes, fournit des indications que nous ne trouvons nulle part ailleurs : le nom de l’auteur ; le titre de l’ouvrage ; le lieu d’exécution de la copie ; le nom du copiste ; la manière avec laquelle la copie a été réalisée (si elle est l’œuvre de l’auteur, d’un copiste individuel ou si elle est exécutée à la peciae c’està-dire par plusieurs personnes simultanément ; ce dernier mode était très répandu dans les zaouïas, les mosquées universités et les cercles d’enseignement) ; l’exemplaire qui a servi à la transcription de la copie. Exemple :
Traduction : « le livre intitulé Aẖbār an-naḥwiyīn al-buṣriyīn de Abū Sacid as-Sayrāfī est achevé… Il a été transcrit par cAlī Sādān au mois de jumādā al-ūlā de l’an 976. Louange à Dieu, paix et salut sur notre maître Muhammad et sur sa famille »56.
55. Pour de plus amples informations Cf. Ḥalūjī, cAbd as-Sattār al-, al-Maẖṭūṭ alc arabī, p. 173. 56. Cf. Sayyid, Ayman Fu’ād, al-Kitāb al-carabī al-maẖṭūṭ wa cilm al-maẖṭūṭāt, Le Caire, ad-Dār al-miṣriyya al-lubnāniyya, 1997, vol. II, p. 408. Composition du livre manuscrit arabo-islamique
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Samāc (certificat d’audition) Le samāc est un terme technique du vocabulaire des traditionnistes. Il consiste à dresser la liste de toutes les personnes présentes lors de la lecture d’un livre par son auteur ou par un de ses disciples en sa présence. C’est un moyen d’acquisition du savoir qui permet aussi d’attester que le livre a été transcrit comme l’auteur l’avait élaboré sans altération. On trouve ce genre de certificat au début ou à la fin du manuscrit57. Le texte du certificat d’audition comprend entre autres indications : le nom du conférencier qui peut être l’auteur du livre (dans le cas contraire, il doit donner sa chaîne de transmission) ; les noms des auditeurs ; la partie que chaque auditeur a suivie ; le nom du lecteur ; le nombre de séances ; le lieu et la date ; la formule d’authentification ; le nom du secrétaire. Exemple d’un certificat d’audition :
Traduction : « aš-Šhayẖ Šihāb ad-Dīn cAbd ar-Raḥmān ibn Ismācīl ibn Ibrāhīm aš-Šāficī58 et son fils muḥyy ad-Dīn Abū al-Hādī Aḥmad, Šihāb ad-Dīn Abū al-cAbbās Aḥmad ibn Faraḥ al-Išbīlī59, Zayn adDīn cAlī ibn Aḥmad ibn Yūsuf al-Qurtubī et Šams ad-Dīn Ismācīl ibn Muḥammad ont écouté la lecture de tout ce livre (mujalad) de son auteur …Et cela est authentifié par la lecture de Yūsuf ibn Aḥmad ibn
57. Cf. cIrāqī, Zayn ad-Dīn cAbd ar-Raḥīm ibn al-Ḥusayn al-, at-Taqyīd wa al-īḍāḥ : šarḥ muaqddima Ibn aṣ-Ṣalāḥ; texte établ. par cAbd ar-Raḥāmān Muḥammad c Uṯmān. Médine, al-Maktaba as-salafiyya, 1969, p. 163-167. 58. Šihāb ad-Dīn Abū al-Qāsim cAbd ar-Raḥmān ibn Ismācīl ibn Ibrāhīm al-Maqdisī ad-Dimašqī (1202-1267) : historien et traditionniste originaire de Jérusalem. Il est plus connu sous le nom de Abū Šāma. Naquit, grandit et mourut à Damas. Devint Šayẖ Dār al-ḥadīṯ al-ašrafiyya. Auteur entre autres de : Muẖtaṣar tārīẖ Ibn cAsākir. 59. Abū al-cAbbās Aḥmad ibn Farḥ al-Isbīlī (620-699) : jurisconsulte šāficite auteur de al-Qaṣīda al-ġarāmiyya.
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cAbd Allah aš-Šāficī en plusieurs séances dont la dernière a eu lieu le 8 muharram de l’an 66460. Ecrit par le lecteur Yūsuf ibn Aḥmad61 ». Malgré leur importance, leur valeur scientifique et les opportunités qu’ils offrent à la recherche, les certificats d’audition, à part quelques rares essais, n’ont pas fait l’objet d’études adéquates. Au moment de l’édition d’un manuscrit ils sont supprimés tout bonnement par ignorance des indications multiformes qu’ils renferment sur le plan scientifique. Qirā’āt ou certificat de lecture C’est la lecture qu’un étudiant effectue sous la direction d’un maître garant d’un manuscrit qui peut être son œuvre ou un autre ouvrage qu’il a reçu, suivant une chaîne de transmission remontant au premier transmetteur62. « Le mécanisme de la lecture comporte trois éléments matériels : l’exécution d’un exemplaire à partir de celui du maître, la comparaison avec l’original et la lecture non fautive63. Exemple d’un certificat de lecture retrouvé à la dernière page d’une copie du manuscrit du Kitāb al- Īḍāḥ de Abū cAlī al-Fārisī64 : Traduction : « L’honorable chambellan Abū Šujac sacīd, fils du chambellan Ṣāfī ibn cAbd Allah al-Jamalī65 , a procédé sous ma direction à la lecture non fautive de ce livre, du début à la fin. Il a copié sur mon original et a comparé avec lui. Pour ma part, j’avais lu ce livre avec le Šayẖ Abū Zakriyyā’ Yaḥyā ibn cAlī at-Tibrīzī66 qui, lui, l’avait lu en 60. Cette date correspondrait au 19 octobre 1265. 61. Cf. Sayyid, Ayman Fu’ād. _ al-Kitāb al-carabī al-maẖṭūṭ wa cilm al-maẖṭūṭāt, Le Caire, ad-Dār al-miṣriyya al-lubnāniyya, 1997, vol. II, p. 491. 62. Cf. cIrāqī, Zayn ad-Dīn cAbd ar-Raḥīm ibn al-Ḥusayn al-, at-Taqyīd wa al-īḍāḥ : šarḥ muaqddima Ibn aṣ-Ṣalāḥ, op. cit., p. 168-170. 63. Cf. Bougamra, Mohamed Hichem, L’enseignement de la langue et de la littérature arabes à la Nizamiyya de Bagdad, Tunis, université de Tunis, 1983, p. 442. 64. Abū cAlī al- Ḥasan ibn Aḥmad ibn cAbd al-Ġaffār al-Fārisī (843-987) : grammairien. Naquit à Fasā. Voyagea beaucoup à la recherche du savoir. Parmi ses ouvrages : Jawāhir an-naḥw ; al-Maqṣūr wa al-mamdūd. 65. Abū Šujac Sacīd ibn cAbd Allah (1108-1174) : lexicologue. Naquit et s’éteignit à Bagdad. 66. Abū Zakariyā’ Yaḥyā ibn cAlī at-Tibrīzī (1030-1109) : homme de lettres originaire Composition du livre manuscrit arabo-islamique
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totalité, avec Ibn Burhan67 et Qasabānī68. Ecrit par Mawhūb ibn Aḥmad ibn Muḥammad ibn al-Ḫidr69 en 532 de l’hégire70.» 71 L’analyse de cette attestation nous permet de rétablir la généalogie de l’exemplaire d’Abū Šujac, de déterminer sa valeur d’après sa place et de représenter les liens de filiation entre les diverses copies du Kitāb al- Īḍāḥ. Abū cAlī al-Fārisī
Ibn Burhan
al- Qasabānī
at-Tibrīzī
al-Jawāliqī
Abū Šujac
67.
68. 69. 70. 71.
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Figure 1 : Généalogie du modèle d’Abū Šujac
de Tibrīz. Grandit à Bagdad puis se déplaça en Syrie pour ses études. Auteur de Tahḏīb iṣlāḥ al-manṭiq li ibn aš- Šikīt. Abū al-Qāsim cAbd al-Wāḥid ibn cAli ibn Burhān al-Asadī al-cUkbarī (…-1063) : homme de lettres. Originaire de Bagdad. Fut d’abord astrologue avant de devenir un grand grammairien. Hanbalite puis Hanafite. Parmi ses ouvrages : al-Iẖtiyār en droit islamique et al-Lumac en grammaire. al-Faḍl ibn Muḥammad ibn cAlī al-Qaṣabānī (…-1052) : homme de lettres originaire de Basora. Auteur de nombreuses gloses et d’un livre sur la grammaire. Abū Manṣūr Mawhūb ibn Aḥmad ibn Muḥammad ibn al-Ḫuḍar al-Jawāliqī () : homme de lettres. Naquit et mourut à Bagdad. Parmi ses ouvrages : al-Mucarrab ; Asmā’ ẖayl al-carab wa furasānihā. Cette date correspondrait au 28 mai 1194. Cf. Bougamra, op. cit, p. 442. L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Ijāzāzāt ou licences L’ijāza est, comme le samāc, un terme technique du vocabulaire des traditionnistes qui désigne un certificat ou autorisation que le maître décerne à un étudiant, l’autorisant à transmettre, suivant une chaîne de transmetteurs remontant à l’auteur, son livre ou un autre livre reçu72. Exemple d’une note de licence : « Moi, l’humble serviteur, Aḥmad ibn Muḥammad ibn Sacīd al-Ġaznuwī73 certifie que le Šayẖ Muḥammad ibn cAlī ibn cUṯmān a procédé sous ma direction à la lecture exacte de tous les hadiths du Šihhāb74, je l’ai autorisé à transmettre ce livre d’après moi et à présider à sa lecture et à son audition. Ecrit de ma propre main le 6 jumādā II de l’an 59075 »76. Actes de constitution de biens de mainmorte Tout au début de la naissance des bibliothèques islamiques, le waqf ou biens de mainmorte constituait une source non négligeable d’accroissement des collections. Il est matérialisé par un acte appelé waqfiyya que l’on retrouve au début ou à la fin des manuscrits, mais aussi dans des cas rares à l’intérieur. Le waqfiyya renferme des informations utiles pour l’histoire du livre dans les pays islamiques. Il comprend : la formule du waqf ; le donateur ; l’institution bénéficiaire ; les clauses ou recommandations ; les témoins ; la date ; le rédacteur. Exemple d’un waqf :
72. Cf. cIrāqī, Zayn ad-Dīn cAbd ar-Raḥīm ibn al-Ḥusayn al-, at-Taqyīd wa al-īḍāḥ : šarḥ muaqddima Ibn aṣ-Ṣalāḥ, op. cit., p. 180-184. 73. Aḥmad ibn Muḥammad ibn Sacid al-Ġaznuwī (...-593) : Spécialiste en méthodologie juridique. Mourut à Alep. Auteur de : ar-Rawḍa fī Iẖtilāf alc ulamā’. 74. Le titre complet de cet ouvrage est : aš-Šihhāb fī al ḥikam wa al-Ādāb de alQudācī. Il y a regroupé environ 1 000 hadiths. 75. Cette date correspondrait au 28 mai 1194. 76. Cf. Bougamra, op., cit, p. 448 Composition du livre manuscrit arabo-islamique
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Traduction : « Le juge des juges waliyy ad-Dīn Abū Zayd cAbd ar-Raḥmān ibn aš-Šayẖ cAbd Allah ibn Ḫaldūn, auteur de ce livre composé en sept volumes dont celui-ci, l’a érigé en waqf, constitué en habous, consacré, affecté à jamais, rendu sacré, donné en aumône aux étudiants de Fez… Ils y tireront profit par la lecture et la transcription. Il l’a domicilié à la bibliothèque de la Mosquée al- Qarawiyīn de Fez (le bien gardé) d’où il ne sortira qu’au profit d’une autorité sincère avec un gage mémorial pour sa sauvegarde. Il ne doit pas rester plus de deux mois chez l’emprunteur, durée qui permet de transcrire ou de lire un livre emprunté, ensuite on le retourne à sa place. Il est placé sous la responsabilité de celui qui a en garde la dite bibliothèque… Certifié le 21 Ṣafar de l’an 79977… »78 Une étude scientifique des waqfiyyāt pourrait être d’un apport capital pour la codicologie arabe ou cilm al-maẖṭūṭāt qui n’en est qu’à ses débuts et pour l’histoire des bibliothèques musulmanes, nombre d’entre elles ne nous étant connues que par les actes de constitution des waqf. Marques de possession Les livres circulaient entre les mains des hommes par plusieurs moyens : achat, don, échange. Les savants musulmans avaient pris l’habitude de mentionner dans les couvertures l’origine des ouvrages dont ils disposaient. Les marques de possession ou tamallukāt renferment des indications qui peuvent intéresser le chercheur qui veut suivre la circulation du livre dans le monde islamique. Elles peuvent aider à déterminer la date du manuscrit s’il n’en dispose pas, soit par négligence du copiste, ou s’il est mutilé à la fin, par suite de ce que les possesseurs notaient
77. Cette date correspondrait au 23 novembre 1396. 78. Cf. Binbin Aḥmad Šawqī, Dirāsāt fī al-Maẖṭūṭāt wa al-baḥṯ al-bibiliyugarāfī, Casablanca, Matbaca an-najāḥ, 1993, p. 41.
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la date à laquelle ils avaient le manuscrit ou qu’ils y inscrivaient des événements survenus dans le temps. Exemple d’une marque de possession transcrite sur la couverture d’un exemplaire du Coran conservé à la bibliothèque privée d’Abdou Aziz Sy Al Amine à Tivaouane :
Traduction : « Ce Musḥaf appartient à Ababacar Sy. C’est un cadeau du généreux et bien aimé frère, Muhammad Gadiaga, fils du regreté Sâkoki Gadiaga. Fait à Dakar, le 25 du mois de Ramadan de l’an 1355 de l’hégire [correspondant au 10 décembre 1936] devant des témoins dignes de foi. Parmi eux : Ahmed Diop, Moussa Niang, Abdoulaye Ndiaye et Tafsīr Diop. » Cette notice indique que le document en question a appartenu successivement à trois personnes avant de devenir la possession de son actuel détenteur. Cet exemplaire a dû logiquement quitter Fass Touré, lieu de résidence de Muḥammad al-Hādī Touré, le premier propriétaire pour transiter à Dakar, avant d’être conservé à Tivaouane. Ces marques de possession ont une importance particulière dans la description du livre manuscrit arabe. Elles aident à donner une date, même si elle est approximative, pour les manuscrits non datés. Elles permettent aussi de saisir la valeur du manuscrit et le degré d’importance que les gens lui ont accordé à son époque mais aussi après. La ponctuation Nous ne pouvons pas parler de ponctuation dans le sens où nous l’entendons aujourd’hui, mais plutôt de séparateurs. Les scribes employaient de petits cercles sans points à l’intérieur ou avec un point, trois points sous forme de triangle pour séparer les paragraphes, les
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versets coraniques et les hadiths79. Les copistes utilisaient aussi certains termes pour déterminer les citations. Exemple : Ceci est le propos d’un tel (
)
Ceci est ce qu’a dit un tel ( Achevé (
)
)
Voici les propos d’un tel ( Fin de citation (
)
)
La réglure Le nombre de lignes à la page variait suivant le format du papier, la taille de l’écriture et l’intervalle entre les lignes. Dans une étude consacrée à la question al-Ḥalūjī note : « Les pages des manuscrits de petit format comportaient entre 12 et 15 lignes, le format moyen entre 20 et 25 et le grand format entre 25 et 30 »80. Al-Mašūẖī quant à lui signale, à partir d’un corpus de plus de mille manuscrits, que le nombre de lignes à la page était de 13, 15, 17, 19, 21, 23, 25, 27, 29, et 31.81 L’ordre des feuillets Les manuscrits des premiers siècles qui nous sont parvenus ne renferment aucun système permettant la disposition en ordre des feuilles du livre manuscrit. Cette situation posait des problèmes aux étudiants et aux différents intervenants dans la confection du manuscrit. Au début du IIIe siècle de l’hégire, comme le prouvent les nombreux manuscrits retrouvés qui datent de cette époque82, les copistes utilisèrent, pour mettre en ordre les feuillets et les cahiers, un système de pagination appelé tacqībā ou réclame. Aḥmad Šawqī Binbīn note à ce propos : 79. 80. 81. 82.
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Cf. Ḥalūjī, cAbd as-Sattār al-, al-Maẖṭūṭ al-carabī, p. 166. Cf. Ḥalūjī, cAbd as-Sattār al-, al-Maẖṭūṭ al-carabī, p. 165. Cf. Mašūẖī, cᾹbid Sulaymān al-, Fahrasa al-maẖṭūṭāt al-carabiyya, p. 42. Pour de plus amples informations sur la question, Cf. Sayyid, Ayman Fu’ād. _ al-Kitāb al-carabī al-maẖṭūṭ wa cilm al-maẖṭūṭāt, Le Caire, ad-Dār al-miṣriyya al-lubnāniyya, 1997, vol. II, p. 408. L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
« Les manuscrits exécutés au Maroc au fil des siècles n’étaient dotés ni de foliotation ni de pagination. A l’instar de leurs collègues orientaux, les copistes marocains ne numérotaient pas les pages des manuscrits, ce qui rend les recherches longues et fatigantes. Ils placent seulement la « tacqība » ou réclame au bas du verso de chaque feuillet le premier mot du feuillet suivant83. » On entend par tacqība (réclame) : un mot placé au bas d’une page ou d’un feuillet et qui est le premier mot de la page suivante. C’est un procédé utilisé par les anciens pour la mise en ordre des feuilles de leurs documents. Plus tard, les copistes eurent recours à une pagination mixte qui consistait à combiner les réclames avec un système de numérotation recourant aux lettres de l’alphabet classique arabe ou aux chiffres. Les marges La marge est la surface non écrite qui entoure les quatre côtés de chacune des pages du livre. Les marges étaient employées pour transcrire des notes, augmenter des rajouts, faire des commentaires et des corrections. Ces commentaires devenaient si importants qu’ils constituaient une œuvre complète appelée ḥāšya. Les marges pouvaient aussi comporter une œuvre traitant du même sujet ou d’un autre sujet. Ce phénomène apparaît dans des manuscrits récents qui datent du treizième siècle de l’hégire.84 Types d’écriture On distingue deux formes principales de l’écriture arabe, le koufique et le nasẖī que Marcel Cohen décrit ainsi : La plus ancienne est dite koufique, d’après le nom de la ville de Koufa, centre savant, en Mésopotamie. C’est celle des premières inscriptions arabes et aussi, en général, stylisées de diverses manières, celle des inscriptions monumentales postérieures…L’autre forme, plus arrondie et plus libre, est appelée nasẖī. C’est celle qui est généralement adoptée pour les impressions, tant indigène qu’européenne.85 83. Ibid, p. 184. 84. Cf. Mašūẖī, cĀbid Sulaymān, Fahrasa al-maẖṭūṭāt al-carabiyya, op. cit. , p. 40. 85. Cf. Cohen Marcel, La grande invention de l’écriture et son évolution : texte, Imprimerie Nationale, Paris, 1958, p. 328. Composition du livre manuscrit arabo-islamique
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Cette dernière forme qui était utilisée uniquement pour consigner les documents ordinaires est la plus usitée aujourd’hui. Le style nasẖī, souple et arrondi, sans angle brusque, utilisé pour la copie (nasẖ) des manuscrits, puis adapté à l’imprimerie, à la machine à écrire et à l’ordinateur, est aujourd’hui le style le plus employé dans les livres et les journaux. L’évolution de ces deux formes motivée par le besoin d’écrire plus vite et en plus grand nombre, avec la plus grande clarté et la plus grande lisibilité, durant les siècles, a donné naissance à différents styles ou types d’écriture dont les plus importants sont : • aṯ-ṯuluṯī : style difficile à réaliser, les courbes devant représenter le ṯuluṯ (tiers) de la ligne écrite ; il est utilisé, de nos jours, pour les titres des chapitres et des livres, ainsi que pour les inscriptions monumentales. • ar-Ruqᾱcῑ : style d’écriture dense, très rapide à réaliser. Il fut créé par les Turcs ottomans en l’an 850 de l’hégire86 dans le but d’uniformiser le modèle d’écriture dans les correspondances administratives. C’est une écriture qui se caractérise par ses courtes lettres et la rapidité par laquelle elle se réalise ; • ad-Dīwānī : inventé par les ottomans vers 75887 de l’hégire, comme son nom l’indique le dīwānī était employé dans toutes les écritures officielles; • at-Taclīq : style d’écriture suspendue favorisant les courbes, les ligatures et les boucles. Il fut créé en l’an 758 de l’hégire par les perses, à partir d’une écriture appelée al-qayrāmūz dont les règles de base découlent du ruqac et du ṯuluṯ qu’ils utilisèrent pour transcrire le Coran ; • ar-Rayḥānī : style aux formes architecturales. Il n’est plus usité aujourd’hui ;
86. Cette date correspondrait à l’an 1446. 87. Cette date correspondrait à l’an 1357.
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• al-Maġribī : c’est le type d’écriture utilisé dans les pays du Maghreb et en Afrique occidentale. Il se différencie de l’écriture dite orientale à cinq niveaux : - la succession des lettres de l’alphabet ; - la manière de pointer certaines lettres (le fā pointé en bas, le qāf avec un seul point en haut) ; - l’absence de point sur les nūn, fā, qāf et ya en position finale ; - la valeur numérique attribuée à certaines lettres ; - le šadda ou renforcement qui est matérialisé dans les ouvrages classiques confectionnés au Maghreb par le chiffre cinq romain. L’écriture maghrébine se subdivise à son tour en cinq types : • Le coufique maghrébin : c’est une écriture qui se caractérise par des lettres droites et angles pointus à partir desquels se sont développées les autres variantes de l’écriture maghrébine. On retrouve les modèles de cette écriture dans les anciens exemplaires de Coran, sur les murs des anciennes mosquées et écoles et sur les tombeaux des rois et des saints. • Le mabsūṭ (allongé) : ce style est utilisé pour la transcription du Coran et des livres de prières. Les plus importants muṣḥaf au Maroc ont été lithographiés à partir de ce style à cause de sa clarté et la facilité que le lecteur a pour le déchiffrer. • Le mujawhar : il est le style le plus utilisé au Maghreb, dans la vie quotidienne, et, plus particulièrement, dans la transcription des livres manuscrits, dans les correspondances et certains documents importants. Il s’est développé vers la fin du VIe siècle de l’hégire à partir du mabsūt, et se caractérise par la petitesse de ses lettres. • Le musnad : appelé aussi az-zamāmī il est surtout employé pour la transcription des documents juridiques.
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Vers le XIIIe siècle apparaît dans la ville de Tombouctou un style typiquement africain appelé sūdānī ou tumbuktῑ utilisé dans toute l’Afrique occidentale. C’est à partir de ces variantes ou types d’écriture que les manuscrits qui nous sont parvenus ont étés fixés. Si leur connaissance est non seulement nécessaire pour le philologue et le codicologue, elle est obligatoire pour le catalogueur et le paléographe.
Conclusion Nous avons essayé, dans cette étude, de passer en revue les différents éléments qui composent le livre manuscrit arabe. L’étude de ces éléments nous a permis de constater que tout rédacteur de catalogue, tout philologue, tout codicologue, pour mener à bien sa tâche, doit les connaître et les comprendre pour pouvoir déceler les précieuses informations codicologiques, philologiques et paléographiques qu’ils revêtent. Ces informations leur permettent d’appréhender en profondeur aussi bien les aspects matériels qui rentrent dans la confection du livre manuscrit, les considérations techniques mais également tous les autres facteurs qui contribuent à la compréhension de la civilisation qui a vu naître l’œuvre. Les commentaires, annotations, certificats de lecture et d’audition, actes de constitution de waqf, marques de possession, titres et noms généralement énoncés en marges (appelés aussi marginalia), fin ou bas de page regroupent souvent des informations importantes aussi bien sur l’auteur que sur les réalités de l’époque. Une étude adéquate et adaptée de ces informations rendra de grands services à la recherche et permettra de faire des études partielles sur les manuscrits conservés dans tel ou tel dépôt, reconstituer des générations de savants jusque là inconnus, élaborer des biographies de copistes à l’image des travaux effectués dans le domaine latin par J. W. Bradley, (1887), et dans le domaine grec, par Vogel (1909), connaître la cadence et la régularité des copies dans une zone donnée et enfin de connaître les voies de transmission de nombre de livres.
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Les caractéristiques tant internes qu’externes participent d’éléments qui restituent aussi bien l’état d’évolution sociale et économique, que le degré de promotion intellectuelle de la société en question.
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CHAPITRE 20 L’alphabet A Ka U Ku Idrissou Njoya Résumé Vers 1896, le sultan Njoya roi des Bamum met sur pied un système d’écriture dynamique et fonctionnelle, dite A Ka U Ku. Par son caractère universel et sa portée scientifique indéniable, ce système syllabique de 80 signes peut servir de support à la transcription des langues africaines et même d’ailleurs. Cette invention inédite porte l’estampille de nos ancêtres et témoigne de l’ingéniosité du négro-africain, longtemps considéré comme cadet de l’humanité. Aujourd’hui exhumés, plusieurs manuscrits, longtemps abandonnés dans les oubliettes de l’histoire sont répertoriés. Leur traduction permettra de mieux appréhender la quintessence du message ancestral.
F
ondé il y a plus de six siècles par Nshare Yèn, prince Tikar venu de Rifum, le royaume bamum est une structure fortement hiérarchisée. Ce petit peuple conquérant a connu l’une des civilisations les plus exaltantes de l’Afrique subsaharienne, par son art, ses traditions, ses us et coutumes, son organisation politique et sociale et, par-dessus tout, son écriture créant sa pérennité à travers le temps. L’écriture bamum a été créée par le sultan Njoya, pour répondre aux aspirations du peuple Bamum. Elle témoigne de l’une des inventions les plus significatives du continent africain au plan scripturaire. L’écriture bamum comporte six étapes de transformation, allant des représentations figuratives aux signes, en passant par les pictogrammes/
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idéogrammes. Notre préoccupation se regroupera autour des axes suivants : donner les circonstances dans lesquelles l’écriture a vu le jour, énumérer les motivations qui ont poussé le sultan des Bamum à entreprendre un projet aussi complexe, démontrer comment transcrire nos langues respectives à partir des hiéroglyphes bamum1 et présenter l’état actuel des manuscrits recueillis à travers le royaume.
Naissance et évolution de l’écriture bamum L’histoire de l’écriture bamum se mêle à un mythe créateur transmis de génération en génération à travers le royaume bamum et au-delà. Au cours d’une nuit de 1896, le souverain bamum aurait eu un songe dans lequel un homme aux allures d’un ange se présenta à lui, et lui parla en ces termes : Roi, prends une planchette, dessine une main d’homme, lave ce que tu auras dessiné et bois. Le roi prit la planchette, dessina une main d’homme comme cela lui a été indiqué. Ensuite, il passa la planchette à cet homme qui écrivit et la rendit au roi. Il y avait là assis, beaucoup de gens ; c’étaient tous des élèves ayant en main des planchettes sur lesquelles ils écrivaient et qu’ils donnaient ensuite à leurs frères.
C’est le caractère sacré du rêve, la puissance fécondante de la parole, le pouvoir du verbe qui nous interpellent ici. Le verbe est d’essence divine ; il transforme, met en action les énergies cosmiques et les pouvoirs des humains2. A l’étape de l’incréé, la parole qui naît d’une idée est source de vie. Elle est au commencement de tout. Rien de ce qui existe n’a pu exister sans elle. Elle est la vie même et la lumière des hommes3. Le songe marque la présence de la nuit qui a engendré 1. Hiéroglyphe : vient du Grec hiéro-glyphica, c’est-à-dire « signes sacrés ». 2. Faïk-Nzuji, M. C., La puissance du Sacré, la nature, l’homme et l’art en Afrique, La Renaissance du Livre, Paris, 2003, p. 25. 3. Jean 1 : 3-‘4, La Sainte Bible, traduite sur les textes originaux en hébreu et grec par Louis Second, Docteur en Théologie, Nouvelles éditions, Genève, 1974, p. 1183. Ensuite, l’importance du songe dans la vie d’un artiste est réelle. Véhiculé par le sommeil, le songe est perçu comme ce moment de lucidité au cours duquel, tout le monde devient philosophe, du plus intelligent au plus bête. Il unit l’artiste L’alphabet A Ka U Ku
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Photographie : Idrissou Njoya. Auteur : Idrissou Njoya. Acrylique sur toile, collages. Dimensions : 150 cm x 110 cm - Année : 2007 Figure 1 : Le sultan Njoya et ses plus proches collaborateurs rédigeant des documents à l’aide de son alphabet
le sommeil et le songe. La nuit représente le commencement de la journée. Elle symbolise le temps des gestations, des germinations, des conspirations qui vont éclater au grand jour en manifestations de la vie. Elle est riche de toutes les virtualités de l’existence. La nuit est l’image de l’inconscient et, dans le sommeil de la nuit, l’inconscient se libère. Elle présente un double aspect, celui des ténèbres où fermente le devenir et celui de la préparation du jour d’où jaillira la lumière de la vie.4 A travers le songe de Njoya se profilent les éléments d’une symbolique instruite par l’eau, une main et une planchette. La signification de l’eau se ramène à trois dimensions : elle est à la fois source de vie, un moyen de purification et un centre de régénérescence. La main apparaît en deux endroits différents à travers le songe de Njoya : « Prends une planchette, dessine une main d’homme ». Il y a ainsi la main qui dessine à la créativité. Le songe est très riche pour celui qui sait l’exploiter. Certains guérisseurs ne sont-ils pas devenus célèbres après avoir fait un songe ? 4. Chevalier, J, et Gheerbrant, A., Dictionnaire des symboles, Robert Laffont / Jupiter, Paris, 1982, p. 682.
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et la main qui est dessinée. La main qui dessine sert de véhicule entre le support et la pensée. La main qui est dessinée représente la première lettre de l’alphabet et le point de départ de l’écriture. La main est donc le symbole de l’action, du changement. Quant à la planchette, elle représente le support sur lequel est mentionné le contenu de la pensée. Elle sert d’archives et permet de conserver et de pérenniser le savoir pour les générations à venir. A l’origine, cette écriture n’était qu’un ensemble de représentations figuratives. Elles ont subi des transformations allant des dessins aux signes simplifiés, en passant par les idéogrammes et les pictogrammes. Les signes ont fini par véhiculer des sons, principaux éléments de la communication verbale. Par la suite, les Bamum n’ayant pas la possibilité de se procurer chacun une planchette, ils entreprennent d’écrire sur les feuilles de bananier. Ils utilisent de petits bâtonnets au bout pointu et écrivent sur les feuilles de bananier qui leur servent dès lors de support archivistique. Une fois « blessée » par ce bout de bois, la sève produite sur la feuille épouse les contours du signe gravé sur la feuille, finit par noircir et devient de plus en plus visible au fur et à mesure que sèche la feuille.
Evolution de l’écriture bamum Du stade de l’objectivation à celui du signe, Njoya et ses disciples ont proposé et modifié des représentations figuratives pour obtenir des symboles stylisés qui ont donné naissance aux signes représentant des sons. Lumpet définit le pictogramme comme « un signe représentant un objet ou une action ». Il s’agit généralement d’une icône, c’est-à-dire d’une forme qui entretient un rapport direct, motivé par une ressemblance quelconque avec le sens évoqué ; par exemple, la silhouette humaine peut signifier « homme » ou le ta’, l’escargot (en langue bamum). Dans un premier temps, ce dernier signe a été représenté dans tous ses aspects. Après les différentes étapes de sa transformation, il est devenu un signe chargé du son Ta, représentant une syllabe de l’alphabet a ka u ku (Cf. Figure 2). Les idéogrammes sont des signes évoquant un concept ou une idée abstraite. Ici, la relation est dite arbitraire ou conventionnelle, institutionnalisée au sein d’une culture, et incompréhensible hors du
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Figure 2 : Etapes de transformation des pictogrammes : des représentations figuratives aux signes.
groupe. Le signe est à proprement parler un symbole5. Par exemple, le son kwx (la force, en bamum). Dans la Figure 2, le kwx est matérialisé par deux lances croisées. En effet, en Afrique et chez les Bamum en particulier, la lance est le symbole de la puissance militaire. Dans leur démarche créatrice, nos artistes ont obtenu le son kwx, qui représente un signe de leur alphabet. 5. A. G. Lumpet, « Les premières versions de l’écriture bamoun : approche sémiologique de Léwa et de Mbima » Le Journal Magazine GJPB, Nguon, 1996, p. 22.
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Les différents alphabets : évolution des signes (1896-1918) Au départ, l’alphabet bamum comptait 510 symboles. Il était difficile de les mémoriser tous. Njoya et ses disciples se sont alors appliqués à éliminer des signes qu’ils jugeaient encombrants et inutiles, comme le soulignent Dugast et Jeffreys : Njoya sans influence d’aucun européen était arrivé à la découverte primordiale de la notion de syllabe anonyme, et que de là découlait l’idée de la supplication qu’il commença de réaliser avant Göhring (pasteur allemand). Il est sûrement plus équitable de laisser à Njoya et à ses collaborateurs, le mérite de l’évolution.
Par ailleurs, en simplifiant l’alphabet, Njoya voulait libérer la tonalité du mot. Il introduisit d’abord des mots ayant les mêmes sons phonétiques, mais avec une tonalité différente. Il comprit par la suite qu’il faisait double emploi. Aussi, procèda-t-il à une nouvelle vague d’éliminations des mots représentés par des signes différents dont la transcription se faisait à l’aide de phonèmes semblables. A titre d’illustration, les cas suivants peuvent être notés : nyi[.]= entre (entrer) et nyi [.]= marche ; fom[.]= tambour et fom [.]= la ruine ; pue [.] = la main, pue [.]= le respect et pue [:]= nous. Comme le montre la figure 3, le sultan Njoya s’est investi corps et âme, de 1896 à 1918, date de son élimination, dans l’élaboration et la généralisation de l’écriture bamoum en tant qu’antidote de l’acculturation culturelle et de lutte résolue contre la domination coloniale française par le vecteur de l’éducation de masse. A travers l’examen des manuscrits conservés au Musée royal de Foumban, on peut observer l’évolution de l’alphabet bamoum et le véritable laboratoire de méthodologie scripturaire qu’a été le siège royal de Foumban sous la conduite de l’infatigable sultan Njoya. Avant de passer en revue les péripéties à travers lesquelles s’est forgée l’écriture bamum, écriture, rappelons-le, qui a été le porte-étendard de toute une nation face à l’absolutisme colonial, il convient de revisiter brièvement la période qui coïncide avec la grande crise économique des années 1920-1930 et l’opérationnalisation du dépeçage territorial et du pillage des ressources africaines. L’alphabet A Ka U Ku
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Figure 3 : Transformations successives de l’alphabet bamum
Vers 1924, le sultan Njoya commence à recevoir des menaces de la part du colon français, par suite de son entêtement à doter son peuple de l’écriture et donc de l’accès aux connaissances indispensables aux yeux de Njoya à l’émancipation et la libération des forces productives de son peuple. Dès qu’il entreprend hardiment le moulage des caractères de son écriture pour en faciliter l’usage et la diffusion semi-mécanique sur papier, il fait l’objet de harcèlements continus, au point où il est contraint de détruire les moulages de son alphabet et de les jeter dans la rivière Nshi. Les caractères moulés par la technique de la cire perdue, devaient permettre d’avoir une certaine régularité dans la rédaction et de produire des documents. Malgré toutes les menaces proférées, Njoya n’a pas cédé au découragement. Le souverain bamum ne va donc pas se plier aux injonctions du colonisateur. La majorité des Bamum continuaient de fréquenter ses écoles pour bénéficier de ses enseignements. Plusieurs écoles étaient ouvertes dans son royaume, et même au-delà de son territoire de commandement, à l’instar de Bagham, Bafoussam, Bayangam, avec une inspection à Bana. Dès lors, Njoya est considéré comme un obstacle permanent et majeur à la colonisation française6. Les colons français passent à l’attaque frontale, en le plaçant sous résidence surveillée à Dschang, le mardi 12 mars 1931, et plus tard à Nsiméyong à Yaoundé, où il s’éteint le 30 mai 1933, alors qu’une grande partie de son œuvre est détruite7. 6. La langue est la première arme de la colonisation. 7. Les colons français venaient de poser là un acte criminel qui, aujourd’hui, mérite réparation et les manuscrits confisqués ou volés restitués au Musée royal de
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Ses principaux collaborateurs craignant de subir le même sort que leur souverain cessent leurs activités de mobilisation sociale et d’instruction civique. Njimoluh, son successeur, ne relancera le système scolaire et le programme d’éducation de son prédécesseur que dans les années 1980. Entre temps, plusieurs manuscrits disparaissent ou sont fragilisés par des conditions de conservation extrêmement vétustes. D’autres manuscrits, découverts dans des domiciles privés, sont dans un état de délabrement avancé. Une vaste campagne est menée pour rassembler et traduire tous les documents ayant survécu à l’arrogance occidentale. Actuellement, ils sont répertoriés et conservés dans les archives du palais royal de Foumban. Les différents textes traduits devront être édités et publiés, pour permettre à la postérité de découvrir le message d’endurance et de construction sociale indépendante de toute pression extérieure, légué à la postérité par ce peuple courageux. Njoya, de son vivant, avait réussi à préserver une bonne partie de ses manuscrits et de ses enseignements écrits dans de petits sacs en cuir (voir la figure 12). A sa disparition, Njoya a laissé une série d’ouvrages rédigés à l’aide de l’écriture a ka u ku. Plus de 3 000 pages de ces manuscrits ont été répertoriés. Quelques uns sont écrits en shümom8, mais dans leur grande majorité ils sont écrits en bamum. On peut surtout citer les principaux livres manuscrits suivants : Histoire et coutumes des Bamum, Livre de la pharmacopée Bamum, La rate et ses ratons (une bande dessinée), Le Livre d’amour, Le Registre des actes de naissance, Le Registre des jugements du tribunal coutumier, Nwet-Nkwete (un ouvrage de doctrine religieuse), une traduction de passages de la Bible, Le calendrier agraire bamum, L’histoire du roi Wajambaziar (un conte), et cette liste est loin d’être exhaustive. Les figures qui suivent illustrent l’évolution graphique et méthodologique de l’écriture Bamoum. Foumban. 8. Le Shümom est une langue créée en 1912 par le sultan des Bamum, seize ans après l’invention de son écriture. Shü=langue et Mom= autre dénomination du peuple bamum. En effet, Njoya voulait créer cette langue pour réparer un accident historique survenu lors de la fondation du royaume au XIVe siècle. Après avoir soumis les Mbèm, populations autochtones, Nshare Yèn le fondateur qui parlait le Shü Ndwebe, demandera à son peuple de parler la langue du la tribu soumise. Au XXe siècle, Njoya trouvera qu’il était inconcevable de soumettre un peuple et de se soumettre à son parler. Le Shümom fut donc une langue créée de toutes pièces. Il y avait des mots empruntés de l’Allemand, du Français, de l’Anglais, de l’Arabe, de l’Haoussa… Malheureusement, après la disparition du sultan des Bamum en 1933, le Shümom est devenu une langue morte. L’alphabet A Ka U Ku
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La figure 4 est la reproduction d’un manuscrit écrit, en 1896, en léwa par le sultan Njoya. L’encre locale utilisée est le tahuda couché sur papier en une vingtaine de lignes. Le lewa est la première version de l’alphabet bamum, créée vers 1896 et comportant 51 symboles (pictogrammes et idéogrammes). On note sur le côté droit dix signes en verticale représentant les chiffres 1 à 10. En langue bamum, le léwa désigne un homme qui parle à tort et à travers sans s’inquiéter de ses opinions. Un livre serait aussi ce qu’il peut tout exprimer sans intimité aucune, d’après cette dénomination.
Source : « L’Ecriture des Bamum », 1950, p. 6 Figure 4 : Le premier alphabet bamoum, le lewa (1896). Exemplaire original manuscrit conservé au Musée royal de Foumban
Le deuxième alphabet dit mbima (1899-1902) est conservé sur un support en papier au Musée royal de Foumban et comprend 437 symboles en langue bamum. Il est reproduit ci-dessous à partir d’un ouvrage intitulé L’écriture des bamumés (1950, p. 10) lui aussi conservé au Musée royal de Foumban. Le texte qui nous est parvenu sous la
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Source : « L’Ecriture des Bamum », 1950, p. 6 Figure 5 : Ecriture mbima (1899-1902)
Source : « L’Ecriture des Bamum », 1950, p. 14 Figure 6 : Ecriture nyi nyi nsha mfw (1906)
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forme d’un feuillet unique comprend 23 lignes et aurait été écrit entre 1899 et 1902 avec l’encre traditionnelle dite téhuda très prisée par le sultan Ibrahima Njoya et ses sujets. Le mbima est une forme mélangée du léwa (d’où son nom synonyme de « mélangé » en langue bamum), les signes ne paraissant plus dans le même ordre à travers les textes. Il convient de noter que les dix symboles représentant les chiffres de 1 à 10 sont portés à la fin du texte et dans le sens horizontal. Les Bamum n’ont pas beaucoup utilisé cet alphabet, qui semblait encore plus compliqué. Une petite minorité de scribes l’aurait utilisé à titre sténographique pour noter de courts messages. Le troisième alphabet, le nyi nyi nsha nfw, disponible au Musée royal de Foumban, a été inventé par le sultan Ibrahima Njoya en 1906. Il a été utilisé ci-dessous, dans un texte manuscrit d’une vingtaine de lignes. Sa dénomination tient à ses quatre premières syllabes. Le quatrième alphabet, le rii nyi nsha mfw’ (1907) comprend 286 symboles. Son déchiffrement semble avoir été hors de portée des apprenants bamum qui ne s’exerçaient le plus souvent qu’à écrire
Source : « L’Ecriture des Bamum », 1950, p. 22 Figure 7 : Ecriture rii nyi nsha mfw’ (1907)
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Source : « L’Ecriture des Bamum », 1950, p. 22 Figure 8 : Ecriture a ka u ku (1910)
quelques mots de la langue bamum et, pour les commerçants, à essayer tant bien que mal de s’acquitter de leurs obligations comptables. Le cinquième alphabet (rii nyi mfw’ men ; 1908) de Njoya compte également 286 symboles. Sa dénomination est dérivée de ses quatre premières syllabes. Cette version semble plus simplifiée que la précédente. Le sixième alphabet, l’a ka u ku (1910), comprend 70 signes et 10 chiffres. Dans le manuscrit du Musée royal de Foumban ci-dessous, on ôte l’utilisation du lérewa-niét exclusivement réservée aux lettres d’amour, caractérisées par l’utilisation d’enjolivures arrondies. Le septième alphabet, le mfemfe/ a ka u ku mfémfé (1918) comprend, dans sa version initiale, 80 signes au total dont 10 chiffres (cf. figure 9 cidessous). Cette planche divisée en deux parties montre une partie haute écrite normalement cependant que celle du bas rend compte de signes codés basés sur les signes normaux mais volontairement déformés. Cette méthode indique une rupture dans la pratique scripturaire de Njoya, confronté à la nécessité de crypter ses messages pour qu’ils ne puissent être lus que par les plénipotentiaires de son administration. Cet alphabet L’alphabet A Ka U Ku
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Source : « L’Ecriture des Bamum », 1950, p. 23 Figure 9 : Ecriture a ka u ku manuscrite de Njoya avec sa version cryptée dans la partie inférieure du document
Figure 10 : L’alphabet a ka u ku calligraphié par Idrissou Njoya (2006)
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crypté a été dénommé mi’ntwente. La tradition orale retient qu’il est arrivé que Njoya envoie un émissaire, porteur d’un message codé où était écrit sa sentence (mise à mort, bastonnade, emprisonnement ou pendaison) sans que ce dernier ne le sache, surtout dans les cas de haute trahison.
Photographie : T. Konrad, Foumban, 2003 Figure 11 : Etat préoccupant de conservation des manuscrits chez Nji Mapon, Foumban.
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Echantillon de manuscrits bamum conservés au musée royal de Foumban 1. Titre du manuscrit : « Idéogrammes et pictogrammes de l’alphabet bamum sur feuille de bananier » Nom de l’auteur : Manshüt Tupanka Njinsangu Mandù Nom du copiste : Manshüt Tupanka Njinsangu Mandù Date : inconnue Nombre de feuillets : 1 Type d’écriture : a ka u ku Couleurs des encres : sève végétale noircie Nombre de lignes par page : 9 Dimension du manuscrit : 21 x 8,5 x 6 cm Dimension du texte : 19 x 7,5 x 4,5 cm Langue : Bamum Description sommaire : ce document représente l’écriture bamum sur une feuille de bananier sur laquelle étaient gravés les signes et symboles de l’alphabet a ka u ku. Les bamum utilisaient d’abord les feuilles de bananier par manque de papier. Malheureusement, ce support a une forme quelconque et se dégrade considérablement avec l’usure du temps.
Photographie : Idrissou Njoya, Foumban, 2010 Figure 12 : Belles lettres manuscrites conservées dans un sac en cuir au musée du Palais royal de Foumban.
2. Titre du manuscrit : « Le livre de la pharmacopée bamum zufu li-bok njoya » Nom de l’auteur : sultan Njoya Ibrahima Nom du copiste : sultan Njoya Ibrahima Date : non déterminée Nombre de feuillets : plusieurs en voie de traitement Type d’écriture : a ka u ku Couleurs des encres : encre tahuda Support : papier Nombre de lignes par page : 19/ 20/ 23 Langue : Bamum
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Description sommaire : répertoire de plusieurs plantes médicinales encore disponibles en pays bamum. Le document décrit les vertus thérapeutique des plantes ainsi que le traitement le plus appropriée pour guérir la maladie. Le sultan Njoya a sollicité de son vivant le savoir-faire de tous les guérisseurs de son royaume. Les maladies sont également recensées dans ce document qui fait également parler chaque spécialiste de sa posologie et de ses observations qui sont soigneusement consignées. De nos jours encore, ce traité révèle toute son efficacité et est utilisé par les tradipraticiens bamum et de lointaines contrées.
Figure 13 : Page intérieure du « Livre de la pharmacopée bamum zufu li-bok njoya » compilé sous la direction du sultan Njoya
3. Titre du manuscrit : « Livre d’histoire et des coutumes des bamum : Libonar Oska » Nom de l’auteur : sultan Njoya Ibrahima Nom du copiste : Ibrahim Njoya Numéro d’ordre/localisation : Musée royal de Foumban Date : indéterminée Nombre de feuillets : non disponible Style d’écriture : a ka u ku Couleurs des encres : encre tahuda Support : papier Nombre de lignes par page : 19/ 20/ 23 Dimension du manuscrit : 28 cm x 8 cm Dimension du texte : 26 cm x 4,5 cm Langue : bamum.
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Photographie : I Njoya Figure 14 : Manuscrit couché sur feuille de bananier au Musée royal de Foumban
Description sommaire : manuscrit de Njoya sur l’histoire des bamum (origine et évolution du royaume bamum), la vie des rois qui se sont succédés au trône entre les XIVème et XXème siècles. Ce document traite également des coutumes bamum et de leur cosmogonie. 4. Titre du manuscrit : « Le livre d’histoire et coutumes des Bamum : Libonar Oska » Nom de l’auteur : Nji Moussa Nom du copiste : Nji Moussa Date : indéterminée Nombre de feuillets : indéterminé Type d’écriture : a ka u ku Couleurs des encres : encre tahuda Support : papier Nombre de lignes par page : 25 Dimension du manuscrit : 28 cm x 8 cm Dimension du texte : 26 cm x 4,5 cm Langue : Bamum Description sommaire : il s’agit de manuscrits d’un document qui parle des origines des Bamum, de l’évolution de leur royaume bamum, de la vie des différents rois qui ont gouverné le pays bamum. Certaines pages de ce livre sont bien décorées. Ces frises décoratives interviennent généralement à la fin de chaque séquence de l’histoire. Les encres utilisées sont : le bleu, le rouge et le noir. Les sous-titres sont également soulignés pour permettre aux lecteurs de se retrouver facilement.
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Figure 15 : Page intérieure en a ka u ku du « Livre d’histoire et des coutumes des Bamum : Libonar Oska » par Njoya
5. Titre du manuscrit : « Le calendrier agraire bamum » Nom de l’auteur : Ibrahima Njoya Nom du copiste : Ibrahima Njoya Numéro d’ordre/localisation : Musée royal de Foumban Date : non disponible Nombre de feuillets : 1 Type d’écriture : a ka u ku Couleurs des encres : encre noire tahuda Support : papier Dimension du manuscrit : 30 cm x 25cm Dimension du texte : 26cm x 23cm Langue : bamum Description sommaire : ce calendrier agraire bamum comporte les douze mois de l’année symbolisés par douze spirales rouges de taille réduite. La dénomination de chaque mois est fonction de l’activité agraire principale qui se déroule au cours de cette période de l’année. Chez les Bamum, le mois était lunaire. Ici, l’année représente un cycle. La grande spirale est subdivisée en plusieurs petits traits. La conservation de ce manuscrit ne s’est pas faite dans de bonnes conditions. Au surplus cette page a été pliée en quatre.
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Photographie : I Njoya Figure 16 : Le calendrier agraire bamum
Conclusion Le système d’écriture a ka u ku témoigne d’une fonctionnalité remarquable. Il participe surtout d’un volontarisme nationaliste instruit par un résistant à la colonisation française et un visionnaire hors pair. A l’époque où le sultan Ibrahima Njoya formulait son projet d’indépendance économique et culturelle, très peu d’Africains se préoccupaient d’instruire leur peuple dans leurs propres langues. Les partisans de Njoya et les citoyens Camerounais et Africains qui se reconnaissent dans le système d’écriture mis en place par le peuple bamum, peuvent légitimement revendiquer le patrimoine original et innovant que représente le système scripturaire bamum, inventé par Njoya dans l’autonomie, et une conscience aigue de ce que représente pour un peuple l’utilisation de ses langues et de leurs supports écrits pour se gouverner et se développer. Le peuple bamum doit certainement sa survie, en tant que conscience historique et collective, à l’action résolue de Njoya et sa vision prospective. L’écriture bamum a participé, dans une mesure significative, au maintien de la cohésion et de l’unité de ce vaillant peuple.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Figure 17 : Page du livre manuscrit d’histoire des Bamum par Nji Moussa ; document écrit en a ka u ku
Il y a sans doute encore place pour l’innovation permanente et l’amélioration de cette écriture authentiquement africaine, comme s’y est antérieurement essayé Ibrahima Njoya, sans se laisser aller au découragement ou se courber face à l’hégémonisme français et la violence de son entreprise coloniale. Les Africains doivent prendre exemple sur le pragmatisme de la petite communauté bamum et éviter les subterfuges et les errances de l’involution suicidaire dans la langue du colonisateur français et de tout colonisateur, quelle que soit l’épithète trompeusement et sournoisement utilisée, pour imposer la « francophonie », l’ « anglophonie », l’« ibérophonie » et toutes les autres langues coloniales européennes. En continuant d’utiliser les langues à travers lesquelles ils ont été colonisés, les peuples africains ne travaillent qu’à la perte de leur autonomie intellectuelle, culturelle et stratégique. Les héritiers de Njoya continuent de promouvoir, vulgariser et sauvegarder l’écriture bamum. Ils appellent d’autres Africains à se joindre à eux dans cette tâche exaltante. Des bourses de formation L’alphabet A Ka U Ku
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des formateurs pourraient être octroyées, des séminaires et colloques organisés en vue de l’harmonisation du programme d’enseignement de l’écriture et de la langue bamum. Une académie des arts et de la culture bamum mériterait d’être créée pour pérenniser l’œuvre de Njoya, mais surtout pour en faire un outil vivant, une rampe de lancement et un laboratoire d’innovations liant les langues africaines au processus universel de progrès scientifique et technologique. Il est également urgent que les véritables éléments d’une codicologie africaine soient mis en place pour permettre l’étude sous toutes ses facettes du livre manuscrit bamum et africain. La valorisation de l’écriture et la langue shümom (langue morte, rappelons-le) participe davantage d’un enjeu culturel que d’une urgence opérationnelle, ce qui ne devrait pas signifier que cette langue devrait être rangée dans les oubliettes d’un musée. Car dès qu’un peuple perd un seul élément de sa culture, c’est l’âme de l’humanité qui s’envole. Nous sommes de fervents disciples de l’égyptologue Cheikh Anta Diop qui pense que l’alphabet bamum est tout à fait original, et n’a rien à voir avec les hiéroglyphes égyptiens, sinon une parenté lointaine non encore attestée, encore moins avec l’écriture arabe. C’est pour cette raison, que lors de son passage à Foumban, au Cameroun, en 1986, Cheikh Anta Diop a honoré cette invention spectaculaire, en lui décernant un certificat d’originalité9. Ce geste symbolique devrait revêtir, pour tout ressortissant de l’Afrique, une signification très importante puisqu’il interpelle chacun, chacune à s’investir concrètement dans l’utilisation de sa langue maternelle et la codification de systèmes d’écriture aptes à contribuer au renforcement de l’unité culturelle africaine et l’avènement de l’intégration régionale et sous régionale d’un continent qui doit parachever son indépendance politique, économique et culturelle.
9. R. Njoya, 1997, « L’écriture Shümom : origine, évolution et situation actuelle», in Les Dessins Bamum, Skira, Marseille, p. 41.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
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Notue J.P., Symbolique des Arts Bamiléké (Ouest Cameroun),
approches historique et anthropologique, thèse de Doctorat 3ème Cycle d’Histoire de l’Art, université de Paris, I, Panthéon-Sorbonne, 1988.
L’alphabet A Ka U Ku
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Cinquième Partie Codicologie africaine : nouvelles frontières
CHAPITRE 21 Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens Da-Mboa Obenga Résumé Le processus de conservation de grandes collections de bibliothèques et de manuscrits anciens relève, de par sa complexité, d’une grande responsabilité. Les technologies de l’information (TI) interviennent dans chacune des étapes du processus de conservation des manuscrits anciens, de la collecte à l’accessibilité en passant par la numérisation, le catalogage et le stockage informatiques. Un bref aperçu des techniques de conservation les plus répandues est abordé à travers la revue des procédés de numérisation, de catalogage, de stockage et d’accessibilité. L’optimisation de ces différents processus est suggérée cependant qu’est abordée la nécessité d’accéder au stade de la numérisation de masse progressive des manuscrits anciens. Les perspectives ouvertes par l’évolution des TI sont abordées sous l’angle de la recherche liée à la translittération des manuscrits anciens et à l’analyse de leurs contenus.
A
ce jour, on peut encore dénombrer une importante quantité de manuscrits africains anciens qui attendent d’être sauvegardés et conservés dans de meilleures conditions qu’ils ne le sont aujourd’hui. Des efforts considérables ont été consentis par les Etats et les organisations Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
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philanthropiques, souvent à l’initiative de particuliers ou d’institutions non étatiques à qui un hommage particulier doit être rendu. Les Etats africains devront pourtant davantage se préoccuper de la sauvegarde et de la conservation de l’inestimable quantité de manuscrits anciens non encore répertoriés, mais surtout d’intervenir activement voire d’accélérer le processus de conservation de ceux qui ont déjà été identifiés ou recensés. Ces derniers, en partie détériorés, sont, d’une part, à la merci des rigueurs du climat (vent, humidité, chaleur, sable, etc.), et, de l’autre, à la portée d’insectes, de rongeurs ainsi que de trafiquants qui opèrent souvent en toute impunité. A titre d’exemple, pour se faire une idée de l’ampleur des efforts nécessaires à la sauvegarde et la valorisation des manuscrits africains, les tableaux 1 à 4 ci-après, présentent le nombre approximatif de manuscrits recensés dans trois pays, au sein desquels la quantité de manuscrits est statistiquement significative. Une attention particulière y est accordée au « taux de catalogage » (ratio du nombre de manuscrits catalogués par rapport au nombre de manuscrits recensés ou collectés) et au « taux de numérisation » (ratio du nombre de manuscrits numérisés par rapport au nombre de manuscrits recensés ou collectés), lorsque les données à notre disposition permettent de les évaluer. L’analyse succincte des tableaux 1 à 4 rend compte des tendances suivantes : • Concernant la région de Tombouctou, d’une superficie de 408 977 km², exceptée la bibliothèque commémorative Mamma Haïdara qui affiche un « taux de catalogage » de sa collection de manuscrits proche de 80%, le reste des institutions publiques ou des bibliothèques privées présentent des taux de catalogage relativement faibles, voire inexistants dans la majorité des cas. A cette performance de la plus importante bibliothèque privée de la ville de Tombouctou, s’ajoute l’impressionnant travail réalisé par l’IHERIAB qui a catalogué près de 9 000 manuscrits de son importante collection qui est à ce jour, par le nombre et la qualité de ses collections de manuscrits, l’une des plus importantes du continent africain (tableau 1) ; • Suite aux importants chantiers de catalogage et de numérisation des manuscrits mauritaniens réalisés récemment sous l’égide de
390
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
l’IMRS, la Mauritanie affiche un « taux de catalogage » proche de 35% comme l’indiquent les tableaux 2 et 3 ; • En Ethiopie, l’ensemble des « manuscrits collectés » sont quasiment tous catalogués. La majorité d’entre eux est très bien conservée dans les bibliothèques des institutions religieuses d’Ethiopie (monastères principalement, églises et mosquées). Ces manuscrits, religieux pour la plupart, sont d’une très grande valeur codicologique et du point de vue de leur contenu, mais ils sont difficilement accessibles aux chercheurs (tableau 4) ; • Ces faits témoignent du mouvement d’accélération des opérations de conservation, de sauvegarde et de valorisation des manuscrits dans des pays phares comme le Mali, la Mauritanie et l’Ethiopie. Même si le catalogage des manuscrits anciens enregistre des pourcentages impressionnants de réalisation dans ces pays compte tenu de leurs revenus très modestes, il convient de souligner que ces performances restent encore timides voire dérisoires par rapport à l’ensemble des sites où se trouvent concentrés la plus grande partie des manuscrits rares africains, dans un éparpillement géographique et climatique qui représente à lui seul un défi de très grande ampleur. L’immense travail de préservation et de conservation du patrimoine culturel africain est, plus que jamais, une nécessité que les Africains doivent urgemment prendre en charge.
Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
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Tableau 1 : Synthèse de l’inventaire et du catalogage des manuscrits de la région Tombouctou au Mali (état des lieux)
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril 1 1004
Tombouctou
Village de Boujbeiha
Village de Ber
Ahmad Bin Arafa Atoukni
Zeiniyah
Mouhamad Mahmoud
Ensemble des Région de Bibliothèques Tombouctou privées
6 000?4
Tombouctou
Djingarey Ber
~300 0008
2 5004
3 5004
–
–
–7
–
–
–
3 0004
Tombouctou
Fondo Kati
–
–
–
–
–
–
~80%
22,5%
9 0003 ~4 0005
Taux de catalogage des manuscrits
Nombre de manuscrits catalogués
5 0004
Tombouctou
Mamma Haïdara
40 0002
Nombre de manuscrits inventoriés
Tombouctou
Région ou localité
IHERI-AB
Institution ou Bibliothèque
Bibliothèques privées de Tombouctou et du nord du Mali (60 à 80)
392 –
–
–
–
–
–
–6
–
Taux de numérisation des manuscrits1
Institution ou Bibliothèque IMRS – ISERI –Bibliothèques privées Bibliothèques privées10
Région ou localité Région de Nouakchott (Boutilimit, Nouakchott,…) Chinguetti & Wadān Tichitt Walata Autres localités
Nombre de manuscrits inventoriés & catalogués
Répartition du taux de manuscrits inventoriés & catalogués9
13 200
44%
5 400
18%
6 000 2 100 >3 000
20% 7% 11%
Tableau 2 : Répartition des manuscrits inventoriés et catalogués en Mauritanie 123456789
1. Plusieurs projets de numérisation de manuscrits anciens sont en cours dans la région de Tombouctou, sans cependant de disponibilité de leur taux de numérisation exact. 2. Selon le professeur Mohamed Galla Dicko, directeur général de l’IHERIAB, dans son interview accordée au Quotidien de Bamako. Cf. bibliographie. 3. La Fondation de l’héritage islamique Al-Furqan (Londres) a publié le Répertoire mondial des manuscrits islamiques à travers de nombreux catalogues. Manuscrits issus de plusieurs bibliothèques, dont la majorité provient de celle de l’IHERIAB (Handlist of Manuscripts in the Centre de Documentation et de Recherches Historiques Ahmad Baba, Timbuktu-Mali, Vols. I to V). 4. Selon Abdel Kader Haïdara, directeur de la bibliothèque commémorative Mamma Haïdara, dans sa communication lors du colloque international de Dakar sur les Bibliothèques nationales en Afrique francophone subsaharienne au XXIe siècle. Cf. bibliographie. 5. Les manuscrits de la bibliothèque commémorative Mamma Haïdara ont été catalogués en 4 volumes, par La Fondation de l’héritage islamique Al-Furqan (Catalogue of Manuscripts in Mamma Haidara Library-Mali, Volumes I to IV). 6. Le site de la bibliothèque du Congrès américain (Library of Congress) présente une exposition virtuelle relative aux manuscrits de Tombouctou, numérisés essentiellement depuis la bibliothèque commémorative Mamma Haïdara. 7. Certains manuscrits de la bibliothèque Zeiniyah ont été catalogués par la Fondation Al-Furqan. Cf. bibliographie. 8. Estimation du professeur John O. Hunwick (Northwestern University). Cf. bibliographie. 9. Précisions d’Irene Zanella dans sa communication à la conférence internationale sur la Conservation des manuscrits anciens en Afrique à propos des plus de 30 Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
393
Comme Constant Hamès, en résume la situation, en évoquant les écueils relatifs à la conservation des manuscrits ouest africains, « longtemps marginalisée, tant par l’orientalisme classique que par les sciences historiques et ethnologiques, la littérature manuscrite arabo-africaine, extrêmement prolifique, commence à peine à être découverte. »10. Cette intense production intellectuelle est aujourd’hui incontestable. Il en va de même pour les manuscrits éthiopiens, sur la base de la description du contenu de leurs catalogues. Des exemplaires de manuscrits éthiopiens microfilmés ont d’ailleurs été mis en ligne en HMML. Au risque de perdre la majeure partie de ce patrimoine qui représente une contribution très importante à l’histoire de l’Humanité, l’Afrique doit procéder dans l’urgence la plus absolue à l’accélération du processus de sauvegarde et de conservation des manuscrits africains anciens en se dotant des technologies les plus avancées en la matière, en formant les différents intervenants (locaux et régionaux), en normalisant et en uniformisant les procédés de préservation et de conservation. 11 12
Total des manuscrits inventoriés & catalogués
>30 00011
Total de Taux de Taux de manuscrits catalogage des numérisation estimés manuscrits des manuscrits
80 000 à 90 00012
< 35%
–
Tableau 3 : estimation du taux de catalogage des manuscrits de Mauritanie
000 manuscrits inventoriés et catalogués en Mauritanie. Cf. bibliographie. 10. Hamès Constant, « Les manuscrits arabo-africains : des particularités?» Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, n° 99-100, nov. 2002, p. 169-182. 11. Sous l’égide du professeur Charles C. Stewart, la West African Arabic Manuscript Database a catalogué certains manuscrits provenant de l’IMRS et des bibliothèques privées de quelques-unes des villes mentionnées dans ce tableau. Cf. bibliographie. 12. Plusieurs projets de numérisation des manuscrits éthiopiens sont réalisés à travers les collections occidentales essentiellement, sans disponibilité de leur taux de numérisation exact.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
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Tableau 4 : « Répartition des manuscrits collectés en Ethiopie »
13. Selon Demeke Berhane, chef du département des Archives et des manuscrits de l’Institut des études éthiopiennes à l’université d’Addis Ababa ; dans sa communication à la conférence internationale sur la Conservation des manuscrits anciens en Afrique. Cf. bibliographie. 14. En complément de la note 14 qui s’applique aussi à ce chiffre, la réalisation des microfilms à partir des manuscrits recensés a été conjointement effectuée entre le Patriarcat de l’Eglise éthiopienne orthodoxe Tewahedo (Ethiopian Orthodox Tewahedo Church), la bibliothèque des microfilms éthiopiens (Ethiopian Manuscript Microfilm Library [EMML]) et la Hill Museum & Manuscript Library (HMML) de la Saint John’s University. Cf. bibliographie. 15. Selon l’Eglise éthiopienne orthodoxe Tewahedo (Ethiopian Orthodox Tewahedo Church), sur les 35 000 églises paroissiales d’Ethiopie, un millier d’entre elles sont des monastères. Cf. bibliographie. 16. Site de la Bibliothèque nationale de France (BnF). Cf. bibliographie. 17. Numérisation de 334 manuscrits au sein de la base de données des manuscrits enluminés de la BnF. Cf. bibliographie. 18. Site de la British Library. Cf. bibliographie. Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
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Le concept de numérisation L’inestimable héritage que constitue l’importante quantité de manuscrits africains anciens qui nous sont parvenus doit être effectivement sauvegardé dans l’urgence, non seulement à travers l’usage des processus actuels de conservation, mais aussi par l’intervention des TI, précisément, à travers l’activité de numérisation. Le concept de « numérisation » se résume en quelques étapes qui sont l’acquisition, la conversion, le stockage et la mise à disposition d’« informations » dans un format normalisé, accessible à la demande, depuis un équipement informatique. Autrement dit, la numérisation se définit comme le fait de convertir une source matérielle nonnumérique en une information numérique. Cette technique, aujourd’hui très répandue, est à la portée de tous. L’information numérique ainsi obtenue est une « image » ou une « photographie » en haute résolution stockée sur un fichier. C’est à partir d’un fichier, la copie numérique d’une page d’un manuscrit, par exemple, que sont effectués tous les traitements informatiques subséquents abordés dans cet article. L’intervention des TI dans des projets de sauvegarde ou de conservation de manuscrits anciens est généralement motivée par les raisons suivantes : • f aciliter l’accès aux manuscrits dans le cadre de la recherche ; • mettre en œuvre de nouveaux moyens techniques pour permettre l’accès aux manuscrits ne pouvant plus être consultés in situ à cause de leur état de dégradation ; • sauvegarder tout manuscrit de l’épreuve du «temps» en reproduisant la copie « numérique » exacte de son original, stockée sur un support numérique qui traversera le temps19. Pour en arriver là, les décideurs des Etats africains ou ceux des institutions internationales ne devraient plus lésiner sur les moyens 19. La durée de vie d’un « support numérique » est, aussi bien, relative aux technologies existantes à l’époque de sa conception, qu’à ses caractéristiques techniques (plastique dur, verre, métal, alliages divers, etc.). Par « support numérique qui traversera le temps », il faut entendre un même « contenu numérique » dont le stockage sera effectué, en fonction de l’époque, sur des « supports numériques » des générations actuelles ou futures.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
à mettre en œuvre pour sauvegarder ce patrimoine de l’humanité, en dotant les projets de conservation et de valorisation des manuscrits anciens des meilleures TI disponibles. La numérisation devrait être considérée comme une partie intégrale de tout projet de conservation de manuscrits, sans être une activité isolée de celui-ci. Une fois bien formés, les intervenants dans l’activité de numérisation peuvent, au fur et à mesure, améliorer les protocoles relatifs à leur activité et y apporter diverses recommandations en ce qui concerne les différentes étapes de la manipulation des manuscrits, par exemple. Par ailleurs, le choix des manuscrits à numériser « en priorité » doit obéir à des critères de sélection relativement rigoureux20: • l e contenu d’un manuscrit est l’un des critères majeurs pris en compte pour le numériser en priorité ou non ; • les besoins exprimés par les chercheurs pour l’accès à des manuscrits particuliers sont aussi déterminants dans cette sélection ; • l’état dans lequel se trouvent les manuscrits avant d’être numérisés requiert que l’on y accorde une attention particulière lors de leur sélection. Les manuscrits dans un état de dégradation avancée doivent obligatoirement passer par l’activité de restauration et être manipulés avec précaution avant leur numérisation, au risque de les détruire à jamais. L’apport des TI dans le processus de conservation et de valorisation des manuscrits va être présenté sous deux angles : nous décrirons, d’une part, la contribution des TI dans un processus de conservation dit « standard », le cas le plus répandu, et, de l’autre, leur contribution dans un tel processus amélioré, autrement dit « optimisé ».
Interaction entre TI et processus de conservation L’un des processus de conservation et de valorisation des manuscrits anciens le plus répandu au sein des projets de préservation de manuscrits est celui illustré sur la figure 1. Il est constitué de sept principales activités ou phases. Sur l’ensemble des activités de ce processus, 20. Critères de sélection préconisés par l’Unesco, issus de leur longue expérience dans le soutien de projets de sauvegarde des manuscrits à l’échelle planétaire. Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
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Figure 1 : Processus « standardisé » de conservation et de valorisation des manuscrits
nous nous focaliserons exclusivement sur les phases dans lesquelles les Technologies de l’Information sont sollicitées. Les phases de ce processus « standard » se résument ainsi : 1. Le recensement et la collecte des manuscrits anciens à travers les fouilles de terrain (rencontres et négociations avec les familles ou les congrégations possédant un patrimoine d’anciens manuscrits). 2. Le référencement initial ou le classement des manuscrits collectés. 3. La restauration des manuscrits. 4. La conservation des manuscrits comprenant les phases de catalogage et de stockage physique. 5. La numérisation des manuscrits. En amont de toute numérisation, certaines précautions sont recommandées lors de la manipulation des manuscrits. Précautions et recommandations parmi lesquelles on peut noter les suivantes : - les manuscrits à numériser doivent avoir été restaurés à travers la phase de restauration, lorsque cela est nécessaire ;
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
- les techniques de conservation de manuscrits les plus adaptées, et de surcroît standardisées, sont à utiliser pour accroître leur lisibilité ; - les recommandations des chercheurs vis-à-vis de la manipulation des manuscrits sont à suivre méticuleusement ; - les manuscrits disposant de reliures fragilisées, malgré leur restauration, sont à placer sur des équipements de numérisation adaptés. Equipements permettant de scanner des ouvrages fragiles avec un angle d’ouverture d’à peine 90°. Ce type d’équipement, adapté à la numérisation de grandes collections de bibliothèques, existe aujourd’hui sur le marché (Cf. figure 2). Ces équipements fonctionnement grâce à la récente technologie de numérisation 3D, illustrée en figure 3. Cette technologie présente les principales spécificités suivantes : • détection automatique de l’emplacement du livre et correction de courbures ; • calibration par référence de blanc automatique pour garantir une fidélité constante des couleurs originales ; • pas de rayonnement UV ou IR21, permettant de mieux préserver le manuscrit lors de sa numérisation ; • faible charge lumineuse : l’éclairage est uniquement actif pendant la prise de vue ; • procédure automatique de contrôle de la qualité des images numérisées. Cette spécificité est particulièrement intéressante parce qu’elle affranchit les opérateurs chargés de la numérisation d’effectuer un contrôle visuel peu fiable ; • respect des normes internationales exigées pour les scanners 3D MTF : – Fonction de transfert par modulation22 et OECF ; – Fonction de conversion opto-électronique23 ;
21. UV pour signifier ultraviolet et IR pour infrarouge. 22. Norme relative à la mesure de la résolution spatiale des scanners électroniques pour des images photographiques [norme ISO 16067]. 23. Norme relative à la photographie, aux appareils de prises de vue électroniques – Méthodes de mesure des fonctions de conversion opto-électroniques [norme ISO 14524]. Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
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- les opérateurs chargés de manipuler les manuscrits durant leur numérisation doivent être équipés de gants spéciaux afin d’éviter de les endommager. 6. La « résolution » ou la « qualité » de l’image résultant de la numérisation de chaque manuscrit doit répondre à des normes relatives à la gestion des couleurs de type ICC24, qu’intègrent dans leurs équipements, la plupart des industriels opérant dans le domaine de la numérisation (scanners, appareils photo numériques haute résolution 25, etc.). Le contrôle de la qualité des images numérisées peut s’opérer soit de façon visuelle (méthode peu productive et souvent source d’erreurs), soit de manière automatique (méthode plus pertinente). Cela dépend en fait du niveau de performance de l’équipement de numérisation choisi par l’institution conduisant un projet de numérisation de ses collections. Le Catalogage, le stockage et la sécurisation informatiques des manuscrits : durant le déroulement de ce processus, l’étape de « catalogage informatisé » consiste à enregistrer les informations présentées à titre d’exemple dans les tableaux ci-dessous ; au sein d’une base de données d’un logiciel de gestion de collections (bibliothèques, archives nationales, etc). L’étape de « stockage informatique » de ce processus, quant à elle, se résume à entreposer les images numérisées des manuscrits dans une base de données, afin d’en faciliter à terme l’accès à travers un logiciel de gestion des catalogues d’une ou de plusieurs collections d’une institution (bibliothèque, archives nationales, etc.). Une fois ces manuscrits « numérisés » et « stockés» sur des équipements informatiques (ordinateurs centralisés, armoires de disques de stockage…), leur accès est contrôlé via l’étape de « sécurisation informatique » avec une définition de plusieurs niveaux d’accès en fonction du statut des personnes ou entités devant y accéder (bibliothécaires, chercheurs, experts, étudiants, grand public, etc.). 24
24. Les métadonnées techniques sont celles qui décrivent les caractéristiques du fichier numérique. Les métadonnées techniques sont automatiquement générées et assignées au fichier d’image au moment de sa création.
400
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Métadonnées techniques24
Nom du fichier Date de création Mise à jour Format de l’image Largeur Hauteur Mode couleur Résolution Taille du fichier Le profil de couleur Réalisé avec Résolution X Résolution Y Unités de résolution Logiciel
Commentaire
Après la numérisation
En pixels En pixels RVB, CMJN ou Greyscale25 En pixels par pouce ICC Logiciel du scanner Résolution de l’axe des X Résolution de l’axe des Y Logiciel d’imagerie
Tableau 5 : Métadonnées techniques utilisées lors du catalogage des images numérisées de manuscrits. 25
25. RVB ou Rouge - Vert - Bleu, dont l’équivalent anglais est RGB (Red - Green - Blue), est un format de codage des couleurs. Selon Wikipédia : « Ce sont des couleurs primaires en synthèse additive. Elles correspondent en fait à peu près aux trois longueurs d’ondes auxquelles répondent les trois types de cônes de l’œil humain (trichromie) ». Toujours selon Wikipédia : « La trichromie est en fait la théorie colorimétrique qui utilise les propriétés biologiques de l’homme, et sa façon de voir les couleurs. L’homme est une espèce trichromate, car son œil possède trois sortes de cônes, chaque type de cône ayant une sensibilité différente aux différentes longueurs d’onde qui composent le spectre de la lumière visible. Procédé inventé simultanément par Charles Cros et Louis Ducos du Hauron ». L’autre format de codage des couleurs utilise la quadrichromie ; le CMJN ou Cyan – Magenta – Jaune – Noir, en anglais CMYK (Cyan – Magenta – Yellow – Key) est selon Wikipédia : « Un procédé d’imprimerie permettant de reproduire un large spectre colorimétrique à partir des trois teintes de base (le cyan, le magenta et le jaune) auxquelles on ajoute le noir […] En pratique, on ne peut pas obtenir toutes les couleurs possibles en quadrichromie. Il faut donc faire attention pour les images de synthèse destinées à l’impression ». Enfin, le format GreyScale est un format de couleur permettant de générer des images familièrement qualifiées de « noir et blanc », mais elles sont en réalité composées de différents « niveaux de gris ». Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
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Métadonnées de manuscrit
N° du manuscrit Titre Sous-titre Auteur Institution Commentaire Commentateur Scribe (copieur) Langue Script Complet / incomplet Sujet Nombre de volumes Nombre de folio Pages Matériau Parties manquantes Illustrations Etat Collection Remarques Date du manuscrit Longueur du manuscrit Largeur du manuscrit Tableau 6 : Métadonnées de manuscrit utilisées lors de leur « catalogage numérique».
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
L’exploitation manuscrits
scientifique
et
la
valorisation
des
A l’issue de la consolidation des « manuscrits numérisés » secourus d’une institution au cœur de son système d’information26, disposant de capacités de stockage suffisantes, d’un système de gestion de ses collections accessibles aux chercheurs, aux experts, à des universités ainsi qu’à des bibliothèques partenaires, ces derniers peuvent à partir de là être facilement exploités scientifiquement et valorisés à travers un portail Internet, des publications ou encore via la production de contenus multimédias sur des supports de type CD, DVD, tablettes PC ou Pads, téléphones mobiles, etc. L’exploitation touristique de ces manuscrits ne doit pas être en reste. Elle peut être effectuée par la valorisation des manuscrits à travers la production locale ou régionale de produits dérivés (objets d’art ; recueils des valeurs culturelles, religieuses, philosophiques, juridiques, scientifiques et bien d’autres véhiculées par ces manuscrits ; bandes dessinées ; ouvrages destinés au grand public ; jeux de société ludoéducatifs ; etc.). Cette exploitation à l’avantage d’être vertueuse, grâce à la valeur ajoutée qu’elle génèrera dans le bien-être des populations locales, d’une part, et, dans l’épanouissement culturel des touristes et des populations vivant autour des sites touristiques, de l’autre. De manière générale, ce processus « standard » à l’avantage d’être adapté aux projets de numérisation menés au sein de bibliothèques ou d’institutions garantes des archives d’un Etat, lorsqu’elles entreprennent un processus de numérisation de leurs collections préalablement cataloguées. Ce processus peut aussi aisément être adapté à des projets de numérisation, même lorsque des bibliothèques ou d’autres institutions ne disposent pas de catalogues de leurs collections de manuscrits. Dans ce cas, l’opération de « catalogage informatisé » décrite précédemment reste obligatoire. 26. Un système d’information est constitué d’une infrastructure (ordinateurs centralisés, équipements d’interconnexion d’ordinateurs en réseau, équipements de stockage des données) physiquement hébergée dans un centre de calcul (data center) ; d’applications ou de programmes installés sur les ordinateurs centralisés ; ainsi que d’ordinateurs destinés aux utilisateurs du système pour l’utilisation des programmes et des applications bureautiques de ce dernier (traitement de texte, messagerie, internet, …). Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
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Figure 2 : Scanner à angle d’ouverture réduit pour manuscrits anciens fragilisés
Par ailleurs, le fait que les phases de « numérisation » et de « catalogage informatisé » de ce processus « standard » soient, d’une part, disjointes (réalisation de la seconde phase à l’issue de la première), et, de l’autre, interviennent tardivement dans la chaîne de préservation des manuscrits, tel qu’illustré sur la figure 1, entraîne quelques inconvénients. Les principaux inconvénients relatifs à ce processus « standard » sont, d’un côté, les délais relativement longs induits par les deux phases distinctes (« numérisation » et « catalogage informatisé »), lors des traitements de masse à travers la numérisation d’importantes quantités de documents, et, de l’autre, le risque de répétition de l’opération de catalogage (« le double catalogage »). Ce risque de « double catalogage » est très probable lorsque les institutions dans lesquelles sont menés ces projets ne disposent pas d’un enregistrement informatique de leurs catalogues respectifs avant l’étape de numérisation. Les voies et moyens pour contourner ces difficultés font l’objet des points abordés dans la section suivante relative à un processus amélioré, dit « optimisé ».
Optimisation des manuscrits anciens
procédés
de
numérisation
des
Afin de pallier les inconvénients relatifs au processus « standard » de conservation et de valorisation des manuscrits anciens, nous présenterons deux processus dits optimisés à travers deux scénarios.
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Figure 3 : Illustration du fonctionnement d’un scanner 3D
Scénario d’optimisation n°1 Le risque de double catalogage évoqué précédemment est limité lorsque les bibliothèques ou les archives nationales d’un Etat disposent des enregistrements informatiques des catalogues de leurs diverses collections. Dans ce cas, lors de la phase de « numérisation », ces enregistrements informatiques seront directement insérés dans l’outil de « catalogage informatisé », à une condition sine qua non : l’outil ou le logiciel de « catalogage informatisé » devra pouvoir communiquer avec le logiciel de « numérisation ». Dans le cas contraire, les opérations de « numérisation » et de « catalogage informatisé » demeureront disjointes avec les contraintes qu’elles imposent (« lenteurs lors du traitement de volumes importants de manuscrits » et « double catalogage »). Dans le cadre de projets de numérisation de collections commandités par des bibliothèques remplissant certaines conditions (collections cataloguées et disposant chacune d’un enregistrement informatique), les phases ci-après, dites « optimisées » et relatives à l’étape 5, se Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
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Figure 4 : Processus « standard » de conservation et de valorisation des manuscrits anciens – Scénario 1.
déroulent parallèlement, sans la moindre discontinuité ou interruption, tel qu’illustré sur la figure 4. Numérisation automatisée • • • •
I Numérisation ; II Catalogage informatisé ; II Stockage et sécurisation informatiques des manuscrits numérisés ; IV Réplication des manuscrits numérisés vers un site de secours sécurisé.
Ces phases sont identiques à celles précédemment décrites, à la seule exception majeure près qu’elles se réalisent de manière semiautomatique, en une seule étape appelée « numérisation automatisée ». L’unique phase semi-automatique de cette étape est la phase I – « numérisation » – qui nécessite l’intervention humaine d’un opérateur qualifié, affecté à la numérisation des manuscrits. Le reste s’enchaîne de manière automatique, c’est-à-dire de façon transparente pour les acteurs concernés par la numérisation.
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Concernant la phase IV, relative à la mise en sécurité des manuscrits numérisés, elle prend en compte la probabilité que se produisent d’éventuels désastres (catastrophes naturelles ou celles provoquées par l’irresponsabilité des hommes) survenant sur le site hébergeant le cœur du système d’information. Pour pallier à ces éventuels désastres au cas où ils surviendraient, une réplique de secours du système d’information principal est créée dans un ou plusieurs sites de secours distants, à l’échelle locale, régionale ou continentale. Tel que spécifié précédemment, le premier scénario de ce processus « optimisé » requiert que les bibliothèques ou les institutions, voulant entreprendre des projets de numérisation de leurs manuscrits, remplissent la condition selon laquelle les catalogues de leurs collections doivent disposer d’enregistrements informatiques. Ce scénario peut exclusivement être mis en œuvre à l’issue de la phase de « catalogage » des collections d’une institution ou d’un projet de préservation de manuscrits. Scénario d’optimisation n°2 Tout en préservant les avantages du premier scénario, soit spécifiquement la « numérisation semi-automatisée », ce scénario optimisé du processus de conservation des manuscrits anciens permet d’être mis en œuvre dans n’importe quelle phase d’un projet de préservation, tel qu’illustré sur la figure 5 et décrit ci-dessous. Cas n°1 : Phase 1 — recensement et collecte des manuscrits Lors d’un éventuel échec des négociations menées avec les familles ou les congrégations refusant de léguer aux institutions de l’Etat, leur héritage constitué de rares collections de manuscrits, la phase de « numérisation automatisée » (phase 3) peut être effectuée in situ, par des équipes mobiles disposant d’équipements portatifs appropriés, selon le planning convenu avec les propriétaires de ces collections. A titre d’illustration, un équipement mobile de numérisation, parmi tant d’autres, est présenté (voir figure 6). A l’issue de l’intervention des équipes mobiles, les copies « numériques » des manuscrits appartenant à ces collections seront Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
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Figure 5 : Processus « optimisé » de conservation et de valorisation des manuscrits anciens – Scénario 2.
alors préservées à jamais. Ensuite suivront les phases de « catalogage informatisé », de « stockage et de sécurisation informatiques », « d’exploitation scientifique » et enfin de « valorisation » des manuscrits. Cas n°2 : Phase 2 — référencement ou classement des manuscrits collectés La phase de « numérisation automatisée » (phase 3) peut être réalisée très tôt dans le déroulement des étapes d’un projet de préservation de manuscrits, et, ce, aussi bien dès la collecte des manuscrits (phase 1), que pendant le référencement ou le classement des manuscrits collectés, au moment précisément de leur catalogage anticipé ; lorsque l’état des manuscrits le permet. Dans le cas contraire, les manuscrits transitent via l’activité de restauration avant leur « numérisation » et leur « conservation ».
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Cas n°3 : à l’issue de la phase de conservation et de stockage physique (Phase 4) Ce cas rejoint celui déjà évoqué dans le scénario optimisé n°1, à savoir la mise en œuvre de la numérisation automatisée à l’issue de la phase de « catalogage » des collections d’une institution. La flexibilité de ce second scénario « optimisé » n’impose presqu’aucune contrainte dans les phases de « numérisation » réalisées au sein des projets de préservation de manuscrits anciens. Il est en effet adapté à quasiment toutes les situations rencontrées dans ce type de projet, situations telles que : • l e refus des familles ou de congrégations de léguer aux institutions de l’Etat, leur héritage constitué de rares collections de manuscrits ; • la difficulté de démarrer la phase de « catalogage informatisé » très tôt dans un projet de préservation de manuscrits ; • le risque d’effectuer un « double catalogage » causé par le manque de communication, ou plus exactement d’intégration, entre les logiciels de gestion de catalogues, lorsqu’ils existent, et les logiciels de numérisation.
Figure 6 : Illustration d’un scanner mobile. Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
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En résumé, bien qu’il a souvent été rappelé dans la présentation de ces scénarios « idéaux », que l’une des conditions sine qua non devant être remplie par une bibliothèque ou une institution souhaitant mener un projet de numérisation de ses collections, est qu’elle doit disposer d’une collection cataloguée, de surcroît avec des enregistrements informatiques, cela n’empêche absolument pas d’adapter ces scénarios lorsqu’aucune de ses collections n’est cataloguée. En effet, sur la base des chiffres relatifs aux taux de catalogage (relativement faibles, voire inexistants) des bibliothèques africaines disposant de manuscrits anciens, présentés au début du document, le scénario optimisé n°2, le plus flexible des trois, est parfaitement adaptable à cette situation qui sera, de loin, la plus fréquemment rencontrée sur le terrain. Dans le cas de l’Afrique, les TI doivent intervenir très tôt et dans presque toutes les phases d’un projet de conservation de manuscrits, dans le but de faciliter les diverses activités des bibliothécaires, des archivistes, des collecteurs, des conservateurs, des restaurateurs, des chercheurs, des experts, etc.
Les TI dans la recherche liée aux manuscrits La contribution des TI dans la recherche liée aux manuscrits sera abordée sous deux angles : l’apport des TI dans le domaine de la translittération et dans celui de la transcription des manuscrits anciens. Afin de mieux comprendre comment sont prises en compte les notions de « translittération » et de « transcription » par les TI, précisons avant tout en quoi elles consistent. Tel que le résume l’encyclopédie en ligne Wikipédia : La translittération est l’opération qui consiste à substituer à chaque graphème27 d’un système d’écriture un graphème ou un groupe de 27. « Le graphème est l’unité fondamentale d’une écriture donnée. Selon le type d’écriture, le graphème se réalise visuellement et phonétiquement de diverses manières. Modèle théorique : alphabets : un graphème = une lettre (ou un digramme, un trigramme) = un phonème ; syllabaires : un graphème = une syllabe ; alphasyllabaire : un graphème = une consonne et une voyelle ou un phonème seul ; abjad : un graphème = une lettre = une consonne ; écriture
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Figure 7 : Processus d’aide à la translittération et à la transcription de manuscrits anciens
graphèmes d’un autre système, indépendamment de la prononciation. Elle dépend donc du système d’écriture cible, mais pas de la langue. La transcription est l’opération qui consiste à substituer à chaque phonème (on parle alors de transcription phonologique) ou à chaque son (transcription phonétique) d’une langue un graphème ou un groupe de graphèmes d’un système d’écriture. Elle dépend donc de la langue cible, un unique phonème pouvant correspondre à différents graphèmes suivant la langue considérée. Par exemple, la lettre russe ч se translitère č (ce qui n’éclaire pas forcément sur sa prononciation), mais se transcrit tch en français et ch en anglais (ce qui correspond bien au même son, malgré deux écritures différentes).
De ces deux notions, la « translittération », indépendante de la langue cible, est en général facilement prise en compte par les TI. En effet, la translittération automatique est réalisée lorsqu’une table de correspondance existe entre les graphèmes de différentes langues (la langue d’origine et la langue cible). Des techniques élaborées logographique : un graphème = un caractère = une idée, un mot, un morphème, un composé idéo-phonétique, etc. » (Wikipédia 2010). Technologies de l’information, conservation et valorisation des manuscrits anciens
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permettent aujourd’hui d’effectuer des translittérations de manière presque automatique ; en se basant sur les règles et les conventions de la translittération. Cela, bien entendu, avec la contribution des experts en linguistique. La translittération automatique est cependant réalisable, à condition que le système d’écriture de la langue source ne soit pas logographique28, comme, par exemple, l’égyptien pharaonique avec les hiéroglyphes où un même signe (graphème) renvoie à un caractère, une idée, un mot, un son, etc. Dans ce cas, une translittération automatique de la langue d’origine est bien plus complexe à réaliser, d’autant plus qu’interviennent, dès cette étape, les domaines de la linguistique tels que la syntaxe, la sémantique, la morphologie, la grammaire, la polysémie des mots (signes hiéroglyphiques, par exemple), etc. Ces notions doivent être obligatoirement prises en compte lors de la translittération de langues ayant un système d’écriture logographique. Ces contraintes demandent tout autant d’attention et de rigueur lors de la « transcription » de ces mêmes langues. Les recherches liées à la translittération et à la « transcription » automatiques des manuscrits anciens ne sont pas concluantes au point de les rendre totalement disponibles auprès des universités ou des bibliothèques. Ces recherches, principalement menées au sein de l’IEEE (institut regroupant des ingénieurs électriciens, informaticiens et ceux des télécommunications) couvrent plusieurs spécialités des TI, en allant de la reconnaissance automatique de caractères à la suggestion de contenus translittérés et transcrits, avec l’appui d’experts dans les sciences du langage et de l’écriture ; au sein d’un modèle conceptuel informatique, communément appelé « système expert ». Le modèle conceptuel ou système expert présenté plus bas (figure 8) comprend les cinq étapes suivantes :
28. « C’est la plus petite unité significative du langage comme signe unique écrit qui représente un mot complet, indépendamment de la langue. Un logogramme notant un élément abstrait de la réalité (comme une notion, un mot, …) est un idéogramme. Celui qui représente directement, en le dessinant, un élément concret de la réalité est un pictogramme. » (Wikipédia 2010).
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1. Sollicitation du système expert d’aide à la translittération de manuscrits C’est le cœur du système expert à l’entrée duquel arrive une copie numérisée d’un folio de manuscrit (fichiers d’images en haute résolution). Cette image transite par un système complexe d’analyse et de conversion automatiques. A la sortie du système expert, une proposition du texte translittéré relatif au manuscrit est faite. Ce complexe système d’analyse et de conversion automatiques fonctionne ainsi qu’il suit. La première étape consiste à reconnaître automatiquement les caractères ou signes typographiques du système d’écriture du manuscrit (hiéroglyphique, hiératique, ge’ez, amharique, arabe, etc.) à travers la technologie OCR (Optical Character Recognition) ou « reconnaissance optique de caractères », et, de les transcoder dans un système compréhensible par les ordinateurs, système qui rendra ainsi exploitables ces signes par les chercheurs, via l’indexation de contenu. Cette technologie de reconnaissance de caractères, beaucoup plus adaptée aux textes dactylographiés ou imprimés, trouve ses limites dans la reconnaissance des caractères issus de textes manuscrits anciens. La technologie ICR (Intelligent Character Recognition) ou « reconnaissance intelligente des caractères », est une évolution de la première technologie. Sa principale caractéristique est l’autoapprentissage. Lors de la reconnaissance de caractères manuscrits, le système alimente automatiquement une base de données des « formes » des caractères reconnus, lesquels sont instantanément identifiés lorsqu’ils sont à nouveau rencontrés dans le même ou dans n’importe quel autre manuscrit rédigé avec le même script. La technologie ICR améliore ainsi la précision et le niveau de reconnaissance des caractères à travers cet auto-apprentissage, basé sur des algorithmes ou des méthodologies utilisant les « réseaux neuronaux » artificiels. Autrement dit, ces méthodologies visent à reproduire le fonctionnement d’une partie du système neuronal humain, à partir de techniques issues de l’intelligence artificielle couplées à celles de la reconnaissance des « formes ». La prochaine étape dans l’évolution de ces technologies de reconnaissance de caractères est la technologie IWR (Intelligent Word Recognition) visant non seulement à reconnaître des mots dans un texte manuscrit, mais aussi des phrases entières.
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2. Translittération automatique Les caractères du texte manuscrit ainsi reconnus à l’étape précédente sont automatiquement translittérés sur la base des règles et des conventions de la translittération présentes dans le cœur du système expert, ainsi que des préconisations des experts en linguistique. Ils sont ensuite transmis, sous forme d’enregistrement informatique aux experts pour analyse. Analyse et décision des experts Les experts, spécialistes des langues et des systèmes d’écriture, analysent les suggestions provenant du « système expert » automatique et prononcent leur verdict : « approbation » ou « rejet » de la « translittération automatique ». Adaptation du système expert En cas de rejet de la « translittération automatique » par les spécialistes des langues et des systèmes d’écriture, leurs remarques, commentaires et axes d’amélioration sont transmis auprès des équipes informatiques (techniciens et ingénieurs) afin qu’ils puissent, en conséquence, adapter le « système expert » en vue de l’améliorer. A l’issue de cette adaptation, le système d’aide à la translittération de manuscrits est à nouveau sollicité avec les mêmes échantillons de manuscrits numérisés. A cet instant, le système expert doit pouvoir prendre en compte ces améliorations sans pour autant être altéré par des erreurs ayant déjà été corrigées tout au long de son processus d’apprentissage. Validation du bon fonctionnement du système En cas d’approbation, les experts –spécialistes des langues et des systèmes d’écriture– valident conjointement avec les équipes informatiques le bon fonctionnement du « système expert » d’aide à la translittération de manuscrits anciens. Face à un tel système expert qui semble, de prime abord, complexe, plusieurs interrogations viennent à l’esprit quant aux questions relatives aux langues et aux systèmes d’écriture africains. On pourrait, par exemple, se poser la question de savoir comment est-il possible
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d’automatiser la translittération et la transcription des manuscrits anciens sans pour autant reprendre la méthodologie décrite ci-dessus. Des éléments de réponse peuvent être apportées à cette question en trois points, en se référant, à titre d’exemple, aux manuscrits de Tombouctou. Premièrement, concernant la reconnaissance des formes ou des caractères d’une écriture (script), sa mise en œuvre doit être effectuée par étapes successives et doit être particulière, c’est-à-dire relative à l’analyse du script des textes d’un érudit particulier (Ahmed Baba, par exemple). Etant donné que chaque érudit a une manière d’écrire qui lui est propre, l’apprentissage des caractères ou des signes de l’auteur d’un manuscrit par le « système expert » sera d’autant plus accéléré que les caractères se ressembleront lors de l’analyse du manuscrit par ce dernier. L’apport des spécialistes des sciences de l’écriture lors de la validation des caractères reconnus est capital à cette étape. Deuxièmement, durant les étapes de translittération et de transcription « automatiques », l’intervention des chercheurs, spécialisés de la langue « ancienne » dans laquelle est rédigé le manuscrit, est primordiale. Lors des diverses analyses du manuscrit étudié, ces linguistes couvriront les aspects relatifs à la phonétique, la phonologie, la morphologie, la lexicologie, la syntaxe, la sémantique, la stylistique, etc. A l’issue de leurs analyses, les équipes informatiques prennent le relais en formalisant et en intégrant dans le système expert, le résultat des recherches des linguistes concernant le texte de l’érudit étudié. A ce stade, l’expression et le style de cet érudit peuvent dorénavant être reconnus automatiquement par le système expert. Troisièmement, une vérification est faite sur la fiabilité du système expert en lui demandant de translittérer et de transcrire automatiquement d’autres manuscrits du même érudit.
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Conclusion Afin de préserver cet inestimable héritage qui nous est parvenu et que nous avons l’obligation de léguer aux générations futures, l’apport des TI dans la conservation et la valorisation des manuscrits anciens devient certes incontournable, mais un travail en synergie avec toutes les autres disciplines œuvrant dans les projets de préservation de manuscrits (recensement et collecte, archivage, conservation, restauration, recherche, etc...) est le passage obligé pour accélérer la sauvegarde de ce patrimoine africain mis au service de toute l’humanité. Pour conclure, on pourrait lancer un pressant appel aux Etats africains, particulièrement dans les domaines de la lutte contre les fléaux aussi bien naturels (termites, sable, vent, humidité, etc.) qu’humains (trafic illicite) qui tendent à détruire ou à fragiliser les manuscrits anciens africains, pour qu’ils se mobilisent sous l’égide de l’Union africaine afin que soit octroyée aux Etats concernés une dotation budgétaire permanente et suffisamment conséquente au titre de la « sauvegarde du savoir ancestral ». Un tel parapluie budgétaire consenti aux propriétaires des bibliothèques privées dans lesquelles ces manuscrits anciens ont traversé le temps permettrait de transcender l’état de crise permanente dans laquelle évoluent les manuscrits anciens depuis des siècles. En effet, au même titre qu’une autorité ayant servi son Etat et qui n’occupe plus ses fonctions, mais qui bénéficie selon les constitutions en cours des traitements liés aux rangs et prérogatives qui lui étaient alors associés, les propriétaires de bibliothèques privées devraient se voir octroyer cette dotation mensuelle à vie. Et ce, même lorsque ces manuscrits sont récupérés, moyennant financement, par les institutions d’un Etat (centres de recherche, instituts étatiques, bibliothèques nationales...). Tout cela, en guise de reconnaissance pour ce qu’ils ont, tant bien que mal, sauvegardé et dont nous pouvons tous apprécier l’importance aujourd’hui. Cette contribution de leur part, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle régionale, continentale ou planétaire n’a pas de prix !
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CHAPITRE 22 Manuscrits et musées Papa Toumané Ndiaye Résumé En Afrique subsaharienne, les livres manuscrits anciens sont généralement absents des collections muséographiques, constituées pour la plupart à l’époque coloniale. Or, cette partie de l’Afrique a été, à partir du XIe siècle, une zone scripturaire privilégiée, d’où les nombreux gisements de ces ouvrages. Au-delà du rôle purement technique que peuvent jouer les musées dans leur conservation, cet article se penche aussi sur l’utilité pour ces institutions de collecter les livres manuscrits anciens en tant qu’objets archéologiques et en tant qu’éléments de l’archéologie des domaines du savoir.
L
a réception, la conservation et l’exposition des manuscrits araboislamiques dans les musées ne sont pas récentes, au regard de l’histoire de ces institutions. En Amérique, en Afrique du Nord, en Asie et en Europe, plusieurs grands musées ont des sections dédiées aux manuscrits. Seuls les musées d’Afrique subsaharienne n’ont pas pratiqué la réception des manuscrits comme biens culturels. Ailleurs, ils n’ont jamais été dissociés de l’art islamique dont ils sont de remarquables représentations graphiques, par leurs enluminures et leur calligraphie. Longtemps, la civilisation islamique, en dehors de la Perse, n’a eu comme exutoire au plan de l’art plastique que la calligraphie, à cause de
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la prohibition, souvent mal interprétée, de la sculpture et de la gravure1. Cependant, l’intérêt des institutions muséographiques qui sont aussi des centres de documentation pour les manuscrits dépasse l’aspect artistique. Leur contenu scientifique, historique ou sociologique peut éclairer l’histoire et la géographie de la pensée des peuples. Les civilisations, comme l’écrit F. Braudel2, sont des « continuités » et se « définissent par rapport aux sciences de l’homme ». Dans cet ordre d’idée, on peut se demander pourquoi en Afrique subsaharienne, les manuscrits, en tant que biens culturels qui témoignent de la culture matérielle et intellectuelle, sont généralement absents des musées ? Au-delà de l’aspect purement technique du rôle que peuvent avoir les musées dans la conservation des manuscrits en Afrique subsaharienne, il serait utile, en partant du postulat selon lequel les sciences de l’homme définissent un rapport à la civilisation, de susciter une réflexion critique sur le constat largement partagé d’une exclusion des manuscrits des collections de l’espace muséal. L’exclusion du patrimoine culturel islamique, notamment des manuscrits, date de la colonisation, époque où se sont constituées les collections essentielles des musées, sur la base d’une théorie ethnographique résolument orientée vers le rejet de la culture des populations musulmanes. L’ethnographie coloniale, en concordance avec la doctrine du « diviser pour régner » de l’administration de l’époque, s’est efforcée de dresser des barrières mentales et des frontières imaginaires entre Africains musulmans et Africains nonmusulmans. La typologie des collections muséographiques, marquée par l’intérêt exclusif porté aux cultures non musulmanes, indique que celles-ci étaient considérées comme les véritables représentants de la civilisation africaine. Cette démarcation, aussi factice que les frontières qui séparent les peuples et les cultures africaines depuis le partage colonial, voulait amputer la civilisation africaine d’éléments non négligeables pour comprendre la continuité de ses sciences humaines et exactes. Dans les non-dits de cette disparition programmée, transparaît
1. Kadi Omar, Sculpture et gravure d’un point de vue islamique, ISESCO, Rabat, 1996. 2. Braudel Fernand, Grammaire des civilisations, Flammarion, (Champs histoire), Paris, 1993, p. 49 à 83. Manuscrits et musées
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une reconnaissance implicite du rôle de l’islam dans la résistance à l’occupation. Il faut rappeler que pour empêcher la circulation d’ouvrages pouvant propager des idées subversives contre l’occupation coloniale, comme c’était le cas en Orient en en Afrique du Nord, l’administration coloniale interdisait l’importation et la vente des illustrations et des livres édités en arabe3. Ces mesures incitèrent les Africains à faire des copies des rares ouvrages arabo-islamiques disponibles, afin de les faire circuler. Ces manuscrits constituent encore de nos jours le principal fonds de plusieurs bibliothèques familiales en Afrique subsaharienne. Dans le domaine de l’iconographie, les artistes de Dakar ont inventé le sousverre, qui fait la réputation de la peinture dite naïve de cette ville, en contournant la censure par la reproduction des illustrations des grandes heures de l’histoire de l’islam. Ainsi, les collections muséographiques rassemblées par les occupants procédaient d’une mémoire brouillée volontairement qui, à travers le choix des objets réunis et présentés, occultait une part de la réalité historique. Pourtant, apparu en Afrique de l’Ouest dès le VIIIe siècle, l’islam s’est largement répandu dans cette zone géographique, au moment de l’expansion coloniale. Le prétexte souvent avancé, pour expliquer l’exclusion de la mémoire africaine de l’espace muséal, tenait à la qualité et à la richesse de la production artistique des non musulmans, notamment de la sculpture. En réalité, des thèmes qui obsédaient les discours ethnographiques et africanistes sur la réception de la culture africaine, se sont mêlées à ces premiers prétextes exclusionistes. Ces constructions idéologiques voulaient nier le développement d’une civilisation de l’écriture, favorisée par l’islam. Des siècles après la production de manuscrits en alphabet arabe, on continue de qualifier l’Afrique, dans sa totalité, de civilisation de l’oralité. Autant que l’Ethiopie, les pays de l’espace sahélien, du Sénégal au Tchad, en passant par les parties septentrionales de la Côte d’Ivoire, du Togo, du Bénin, du Nigéria et du Cameroun, ont
3. Ndiaye Papa Toumané, Dynamismes politiques au Sénégal de 1914 à 1929, Mémoire de maîtrise de l’auteur, faculté des Lettres et sciences humaines, université Cheikh Anta Diop, Dakar, 1979.
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été, à partir du début de l’islamisation au VIIIème siècle, une aire de production de l’écriture. L’exclusion des manuscrits dans les collections muséographiques n’était pas innocente, parce que ceux-ci témoignent d’une culture intellectuelle qu’il fallait nier, afin de rendre les Africains redevables à la colonisation de l’écriture, et de les avoir propulsés dans le courant de l’histoire. Pour cette raison, tous les supports des écritures africaines et arabe étaient systématiquement absents des musées. Pour autant, les manuscrits n’étaient pas délaissés par les centres de recherches, comme l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN) qui les étudiaient dans la perspective de l’ethnographie coloniale, tout en participant à leur enfouissement, en les collectant pour en transférer la plupart en Europe, comme ce fut le cas de la bibliothèque d’El Hadj Omar quand les Français ont occupé Ségou, dans le Mali actuel4. Ainsi, ils ont évité leur exploitation par l’élite africaine naissante et soucieuse de rétablir la continuité historique des fondements de la culture intellectuelle de leur continent et des traditions qu’ils véhiculent. Le roi des Bamun, dans le Foumban, à l’Ouest du Cameroun, Ibrahim Njoya, dix-septième de la dynastie, ne s’y est pas trompé. Il a inventé l’alphabet shumom5 – tenu secret durant toute la période coloniale et une grammaire qui portent son nom, pour transcrire l’histoire du royaume dont la fondation remonte au XIVe siècle. Cette écriture lui a servi également à cristalliser dans les mémoires le protocole du mystère du Nguon, un rite de régénération de la puissance du royaume des Bamun et de ses traditions6. Les manuscrits du roi Ibrahim Njoya font partie des premières collections du musée privé que le souverain a créé dans son palais, le premier du genre en Afrique.
Youbba Sidi Mohamed ould, « Trafic illicite et protection des manuscrits anciens au Mali », in Ibrahima Thioub (éd.), Patrimoine et sources historiques en Afrique, université Cheikh Anta Diop - Union académique internationale, Dakar, Bruxelles, 2007, p. 161. 5. Entretien de l’auteur avec le directeur des Affaires culturelles du palais des Rois Bamun, Foumban, 2007 6. Njoya Queen Jennifer J. M., The Mystery of Nguon, [fascicule sans date édité par la direction des Affaires culturelles du Palais des rois Bamun]
4.
Manuscrits et musées
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Il est regrettable que la rupture tarde à s’effectuer, d’où l’action de certaines organisations comme l’Organisation islamique pour l’éducation, les sciences et la culture (ISESCO) et l’Association mondiale de l’appel islamique (AMAI), qui encouragent une réflexion et une démarche dans le sens d’une remise en question de l’héritage colonial, par l’introduction du patrimoine islamique et donc des manuscrits dans les musées. Cette initiative permet aussi de mettre en exergue le rôle du musée dans la sauvegarde et la restauration des manuscrits, souvent en péril dans les bibliothèques privées, et soumis, par ailleurs, à un trafic illicite intense. A cet égard, l’intérêt croissant des musées d’Amérique du Nord et d’Europe pour les manuscrits de l’Afrique subsaharienne et les moyens financiers dont ils disposent, dans un contexte de précarité économique du continent, est une source d’inquiétude pour la conservation des livres manuscrits anciens in situ. Il serait judicieux qu’il y ait un protocole international pour leur protection afin de préserver l’héritage cognitif de l’Afrique. Comme palliatif au trafic, cette mesure pourrait favoriser les échanges de manuscrits, en développant la numérisation et en réhabilitant le métier de copiste de manuscrit, un métier tombé depuis longtemps en désuétude. En attendant qu’une réglementation internationale et des législations soient adoptées, les musées africains devraient inscrire dans leur mission la sauvegarde des manuscrits en caractères arabe et ajami. Cette mesure conservatoire est aussi rendue nécessaire par l’état inquiétant des manuscrits, partout en Afrique subsaharienne, en dehors de l’Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba, des archives nationales et des églises éthiopiennes, ainsi que de quelques rares bibliothèques privées et familiales de Tombouctou.
Etat de conservation et de protection des manuscrits en Afrique subsaharienne La plupart des manuscrits détenus par les grandes familles religieuses sont dans un état de conservation contraire aux normes, du fait de l’humidité élevée, de la virulence bacillaire et parasitaire, de la poussière, etc., qui fragilisent leurs supports. Plusieurs professionnels déplorent l’absence d’équipements adéquats pour la conservation et la restauration des manuscrits. D’une manière générale, les manuscrits dans les bibliothèques privées ne sont ni inventoriés, ni catalogués, ce
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qui accroît le manque de sécurité et favorise le trafic illicite. En effet, l’inventaire et le catalogage, constituant la mémoire documentaire d’une bibliothèque, leur absence incite au vol et au recel de manuscrits. Dans d’autres cas, les dégradations concernent l’arrachage de pages de manuscrits écrits par des cheikhs, pour servir de talismans7 (voir sous ce rapport les réflexions des auteurs de cet ouvrage sur l’état des collections en Afrique de l’Ouest ainsi que les études codicologiques qui en décrivent l’archéologie). Les menaces qui entravent la bonne conservation des manuscrits se résument, généralement, en trois catégories : a/ les dégradations physiques, mécaniques, et chimiques s’attaquant aux intrants avec lesquels les manuscrits sont composés et assemblés : papier, parchemin, peaux, encres, fils ; b/ le trafic illicite ; c/ l’absence d’inventaires réguliers et de catalogues. Les dégradations physiques, mécaniques et chimiques Elles concernent les effets de l’homme et de la nature, et peuvent être sériées ainsi : Effets de l’homme • Les mains souillées pouvant propager des microbes qui s’attaquent aux composantes comme le papier et l’encre, surtout dans des conditions hygrométriques défavorables (humidité relative dépassant les normes requises) ou y laisser des tâches ou des marques qui peuvent masquer l’écriture ou gêner la lecture ; • La sueur pouvant perler sur le texte et l’effacer ; • Les miettes de nourriture qui attirent les parasites ; • L’incendie et les dégâts des eaux ; • Les guerres qui engendrent le pillage et la destruction des manuscrits.
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Entretien de l’auteur avec le responsable de la bibliothèque de l’Institut islamique de Dakar, 2007. Manuscrits et musées
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Effets de la nature • Les microbes, acariens et insectes, particulièrement le poisson d’argent, qui se nourrissent du papier ou du parchemin, et s’attaquent aussi à l’encre et aux enluminures ; • L’humidité qui détruit le papier et le parchemin, efface l’encre et les enluminures et favorise la virulence bacillaire ; • La poussière qui transporte des microbes et des acariens. Les dégradations provoquées par celle-ci méritent d’être décrites, parce que la poussière est souvent présente dans les bibliothèques et considérée comme inoffensive car elle est constituée de particules microscopiques qui se déplacent librement dans l’air sous l’effet du vent. Dans un milieu fermé, elles s’accumulent et causent des dégradations mécaniques, chimiques et biologiques, notamment dans les conditions environnementales non contrôlées8 ; • Les inondations et autres catastrophes naturelles ; • Le trafic illicite des manuscrits. En plus des dégradations causées par l’homme et la nature, il y a la cupidité et les manquements à la déontologie qui facilitent le trafic illicite des manuscrits. En Afrique subsaharienne, de véritables rabatteurs, commis par des bibliothèques, des musées et des collectionneurs, se sont spécialisés dans l’achat de manuscrits9. La situation économique favorise ce trafic, car écrit S. M. O. Youbba « les familles qui en sont détentrices n’ont pas toujours les ressources culturelles et surtout matérielles pour résister aux offres d’achat des trafiquants de plus en plus agressifs10». L’Afrique subsaharienne n’est pas la seule concernée par les cas de vol et de recel de manuscrits. Le projet Euromed Heritage, financé par l’Union européenne a publié un rapport diagnostiquant la situation des manuscrits dans le pourtour de la Méditerranée. L’argumentaire du projet souligne : « C’est pourquoi toute tentative de s’attaquer à un 8. Giacomello Alessandro, Pesaro Alessandro, Sauvegarde des bibliothèques du désert : matériaux didactiques, ouvrage collectif, Udine, Llithostampa, 2009, p. 171-172. 9. Rapports des Etats membres de l’ISESCO, lors de la Réunion d’experts sur le rôle des institutions chargées de la conservation des manuscrits, organisée à Dakar, du 26 au 28 avril 2007. 10. Cf. Sidi Mohamed ould Youbba, p. 157.
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peuple, dans son cœur et son essence, commence par la destruction de son patrimoine culturel dans ses différentes dimensions »11. La traçabilité du trafic illicite est inexistante, car elle porte davantage sur les manuscrits des bibliothèques privées. C’est pourquoi, il est difficile de citer des données chiffrées, parce qu’il n’est pas possible d’avoir une liste des manuscrits volés ou vendus par les détenteurs. Les rares cas d’alerte d’Interpol concernent les centres de documentation et les musées nationaux. Récemment, on a signalé le vol et le recel d’un feuillet du Coran bleu, un manuscrit très rare du Xe siècle, qui a été découvert à Kairouan, capitale spirituelle de la Tunisie, et exposé au musée de la Raqqada. La plupart de ces feuillets, dont certains ont été pillés par des soldats de l’Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale, sont dans des collections et des musées privés de par le monde. Ce trafic risque d’appauvrir de manière irréversible le patrimoine culturel africain, c’est pourquoi il est urgent que des législations nationales et interafricaines soient adoptées, avec une définition du statut juridique du manuscrit en tant que bien culturel, et l’interdiction du commerce des originaux. En effet, la législation internationale n’a pas encore les effets souhaités, en dépit du fait que la plupart des Etats d’Afrique subsaharienne victimes du trafic illicite de manuscrits aient ratifié la Convention internationale pour la protection du patrimoine culturel mondial, adoptée à Paris par la conférence générale de l’Unesco en 1972. La Convention stipule que pour « assurer une protection et une conservation du patrimoine culturel, les Etats signataires s’efforceront d’assigner une fonction au patrimoine dans la vie culturelle et intégrer la protection de ce dernier dans les programmes de planification générale; d’instituer un ou plusieurs services de protection ; de développer les études et recherches de protection, de présentation et de mise en valeur du patrimoine ainsi que de prendre les mesures juridiques, scientifiques, administratives et financières pour la protection de son patrimoine ». Par ailleurs, l’article 27 mentionne que « les Etats signataires s’efforceront par tous les moyens appropriés, notamment par des 11. Cf. < www.euromed-news.org. > Manuscrits et musées
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programmes d’éducation et d’information, de renforcer le respect et l’attachement de leurs peuples au patrimoine et s’engagent à informer largement le public sur ce patrimoine ». L’absence catalogues
d’inventaires
réguliers
et
de
L’absence d’inventaires Le danger que constitue l’absence d’inventaire d’un fonds de manuscrits est assimilable au danger de tout bien culturel ayant une importance pour le patrimoine national qui ne serait pas identifiable. Un manuscrit qui n’est pas inventorié n’a pas d’identité juridique. De ce risque découle l’importance du processus d’inventaire, que nous résumons ci-après. L’inventaire est une opération de numération et de description d’un bien culturel. C’est aussi un acte juridique dans la mesure où le registre d’inventaire établit la liste des possessions certifiée conforme par le propriétaire des biens concernés, qui peut être l’Etat ou un privé. C’est pourquoi, les bibliothèques et les centres de manuscrits doivent faire régulièrement — au moins une fois par an — l’inventaire de leur fonds, pour dresser le bilan de l’état physique du stock. L’inventaire est établi sur un document unique, infalsifiable, titré, daté et paraphé par le responsable du fonds. Ce document répertorie tous les manuscrits par ordre d’entrée ou d’acquisition dans le fonds, et doit être conservé par le responsable de l’institution publique ou par le propriétaire de la bibliothèque privée. Les institutions privées peuvent déposer une copie auprès de la bibliothèque nationale, le cas échéant, ou auprès du service central des archives compétent pour la documentation nationale. Un numéro d’inventaire unique est attribué à chaque manuscrit, et il est identifiable sur le manuscrit, mais de façon discrète sans altérer sa qualité ou sa lisibilité. Ce numéro est utilisé pour toute opération touchant le manuscrit inventorié, il ne peut être attribué à un autre manuscrit pour quelque motif que ce soit. S’il s’agit d’un musée, les manuscrits sont répertoriés sur un registre distinct.
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Par ailleurs, l’inventaire mentionne l’acte d’acquisition, la date et le sens de l’avis de l’instance scientifique préalablement consultée. Pour cette raison, les bibliothèques privées de manuscrits doivent avoir des relations suivies avec les institutions scientifiques et universitaires, lorsqu’elles n’ont pas les ressources humaines nécessaires pour donner un avis autorisé sur les manuscrits. L’inventaire mentionne, le cas échéant, le prix d’achat. La personne morale ou physique propriétaire d’un fonds de manuscrits fait procéder en permanence par les professionnels chargés de sa gestion aux opérations de recollement des manuscrits dont elle est propriétaire ou dépositaire, et à la mise à jour de l’inventaire. Pour éviter les vols, la radiation d’un manuscrit figurant sur un inventaire ne peut intervenir que dans des cas bien précis, comme : - la destruction totale du manuscrit ; - l’inscription indue sur l’inventaire ; - le transfert de propriété, quand il y a plusieurs exemplaires d’un même manuscrit. Par ailleurs, l’inventaire va permettre d’identifier les manuscrits manquants et d’en établir la liste ; d’identifier ceux sortis pour une exposition ; de contrôler leur état et de procéder aux restaurations nécessaires. La liste des manuscrits disparus est portée à l’attention du responsable moral ou physique, qui alerte les services de police nationaux ou internationaux, notamment Interpol. Comme on peut le constater, les opérations d’inventaire des manuscrits ne différent pas de celles des biens de musée et ont la même finalité : la sécurité et la conservation du fonds et des collections. En tout état de cause, pour les manuscrits comme pour les autres biens culturels, le personnel responsable doit recevoir une formation adéquate. Malheureusement, les bibliothèques privées ne disposent pas toujours des ressources humaines nécessaires, ce qui aggrave la situation des manuscrits. En outre, les professionnels concernés, comme ceux des musées, doivent être formés à la déontologie de leur métier, car les tentations sont toujours grandes quand on garde des « trésors » du Manuscrits et musées
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patrimoine culturel, notamment dans le contexte africain, marqué par un niveau de précarité assez élevé. L’absence de catalogue L’absence de catalogue de manuscrit rend muette une bibliothèque de manuscrits. Pour continuer la comparaison avec les collections muséographiques, en l’absence de catalogue, une bibliothèque ressemble à une réserve de musée dont les objets déposés en vrac ne sont pas documentés : on ne saurait les utiliser. Dans une bibliothèque sans catalogue, il faudrait consulter les manuscrits un à un pour pouvoir les classer ou les exploiter, ce qui non seulement découragerait toute opération de classement ou de recherche, mais aussi participerait à la réduction de la durée de vie du manuscrit par des manipulations sans intérêt de ces objets si fragiles. Ainsi, l’absence de catalogue constitue une cause directe de risque physique pour les manuscrits, parce qu’elle favorise la répétition des manipulations lors des recherches, manipulations qui sont toujours cause de dégradation. Le catalogage a donc une réelle importance dans la qualité de la conservation des manuscrits et le service offert par la bibliothèque. En l’absence d’un catalogue, celle-ci est simplement un dépôt d’objets non exploitables scientifiquement. Ainsi, de la nécessité du catalogue découle son importance. C’est pourquoi, nous estimons utile de proposer une définition sommaire du catalogage. Il consiste à analyser scientifiquement le document en tant que support. C’est le processus des opérations créant le catalogue, qui est destiné à identifier la forme et le contenu des manuscrits, et ce, à travers des notices contenant des indications les plus précises possibles, afin d’en faciliter la recherche et la localisation. La fonction du catalogage est de mettre à la disposition des chercheurs une fiche signalétique ou une notice catalographique, qui est la carte d’identité du manuscrit dont elle doit reproduire toutes les informations qui l’authentifient, le rendent unique, le fixent dans le temps et dans l’espace, et qui permettent au chercheur d’avoir une idée générale sur le manuscrit qu’il veut étudier avant même de le consulter. Cette fiche indique : le titre, l’auteur, la date de transcription du manuscrit, le nom du copiste, le lieu d’exécution de la copie, la langue et le style de calligraphie. Elle indique également la qualité du papier ou du parchemin, et comprend un résumé, ainsi
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que les sources bibliographiques et la description de l’état physique du manuscrit. Comme on peut le constater, c’est un travail de « bénédictin » par sa précision et sa répétition ; un travail qui réclame des compétences spécifiques qu’on ne trouve pas souvent dans les bibliothèques privées, gérées par un personnel motivé par l’attachement aux manuscrits ou à la personnalité du fondateur de la bibliothèque, en général un cheikh ou un alim (savant) de grande réputation. Pour cette raison, la formation est nécessaire, parce qu’il s’agit d’une œuvre de professionnel nécessitant la connaissance de la composition des manuscrits, leur histoire et leur trajectoire, la maîtrise de l’arabe et des langues africaines transcrites en ajami, ainsi que les différents styles de calligraphie. En d’autres termes, le catalogage détermine la valeur intrinsèque de chaque manuscrit, son rôle et sa place dans le patrimoine culturel national et africain. Or, cette valeur peut sublimer l’appât du gain, surtout quand le détenteur d’un manuscrit unique ou très rare est conscient de la perte irréversible que sa vente pourrait entraîner dans le patrimoine national. Il y a donc une réelle urgence au catalogage des manuscrits dans les bibliothèques privées en Afrique subsaharienne pour diminuer les risques du trafic illicite, car l’enjeu n’est rien d’autre que la revalorisation du passé de l’Afrique, par la reconstitution d’un corpus des sciences et le rétablissement de la continuité historique des cultures en Afrique subsaharienne.
Manuscrits et patrimoine culturel africain En Afrique subsaharienne, les manuscrits ont cristallisé les traditions orales multiséculaires, indispensables à la connaissance du passé. Ces traditions constituent l’expression la plus remarquable du patrimoine immatériel et, par conséquent, de l’identité culturelle africaine. Ainsi, les manuscrits sont le réceptacle de tous les savoirs théoriques et pratiques qui ont permis aux peuples africains de s’identifier, de communiquer, de s’administrer, d’éduquer, de s’exprimer sur le plan culturel et artistique, de transmettre les savoirs liés à la production de biens indispensables à leur vie. De ce constat, découle la nécessité, pour les pays d’Afrique subsaharienne, de sauvegarder et de mettre en valeur, Manuscrits et musées
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par la recherche et la communication, les manuscrits, afin de préserver l’essence de leur dimension intellectuelle et de leur identité culturelle. Les manuscrits en Afrique subsaharienne remontent, pour certains, au XIe siècle (Mali) et pour d’autres aux IVe-VIe siècles (Ethiopie, Aba Gerima) (voir le volume 3 de cet ouvrage). Ils concernent tous les domaines des connaissances et de la culture universelle auxquels les savants et les lettrés africains ont contribué, par la production d’ouvrages et de traités, sans oublier la correspondance et autres actes administratifs. De l’algèbre à la zoologie, en passant par l’astrologie, la doctrine, le droit, la grammaire, l’histoire, la littérature et, bien entendu, la physique, la chimie, la médecine et la pharmacopée, ils ont transcrits dans les manuscrits leurs connaissances et leurs théories. Au fil des siècles, le patrimoine intellectuel africain est entretenu et enrichi par des milliers de manuscrits, et les Etats, dès leur accession à l’indépendance, ont créé des départements dans les institutions de recherches scientifiques pour les conserver. Certaines familles ont fait de même dans leurs bibliothèques, même s’il faut déplorer l’état de leur conservation. Les manuscrits sont les premiers supports d’une transmission massifiée des connaissances et du savoir en Afrique subsaharienne. Car, s’il a toujours existé un corpus de savoir endogène dans cette zone, il se transmettait par initiation, en d’autres termes, de façon ésotérique, ce qui excluait la massification des connaissances. Avec l’arrivée de l’islam et de l’alphabet arabe qui véhicule ses textes scripturaires, les Africains ont donné toute la mesure de leur capacité intellectuelle par la production d’ouvrages et de traités dans tous les domaines cognitifs de leur époque. C’est pourquoi, l’importance des manuscrits procède d’abord de leur valeur en tant que source de l’histoire africaine. Comme nous le savons, la négation d’un processus historique en Afrique est une affirmation toujours ressassée dans le but de dévaloriser l’Afrique et les Africains12.
12. Cf. l’infamie que représente le discours du président de la république française, Nicolas Sarkozy, le 26 juillet 2007 à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.
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Il s’agit d’une affirmation sans fondement, mais le statut des négationnistes de son existence, de Hegel13 au président français Nicolas Sarkozy, en passant par C.-A. Julien14, et la vérité historique fondent l’obligation de la réfuter, par l’étude, la traduction et la publication des contenus des manuscrits écrits par des Africains. Notre propos n’est pas d’ajouter aux réfutations que les voix autorisées15 ont produites, en amont dans cet ouvrage, et ailleurs.
Rôle des musées dans la conservation des manuscrits Comme nous l’avons évoqué en introduction, l’exclusion des manuscrits dans les collections muséographiques d’Afrique subsaharienne n’était pas innocente. Pourtant, le rôle des musées dans la conservation des manuscrits est évident à plus d’un titre, car les manuscrits sont des biens culturels qui ont leur place dans les collections des musées. Ce sont des documents d’intérêt historique, scientifique et ethnologique indispensables aux bibliothèques des musées. En outre, ils peuvent, grâce aux musées, être mieux conservés et restaurés. Les manuscrits peuvent servir de supports éducatifs et d’animation culturelle dans les musées, ce qui permet leur appropriation en tant qu’éléments du patrimoine culturel, par le public, les scolaires notamment ; ils peuvent bénéficier du rôle de médiation culturelle des musées. Relevons enfin que la numérisation des manuscrits peut être effectuée dans l’unité informatique des musées pour leur diffusion.
13. G. W. Friedrich Hegel : Leçons sur la philosophie de l’histoire. C’est une œuvre posthume, publiée à partir de ses propres manuscrits et de notes de cours prises par ses élèves. Il s’agit de leçons données sur une période s’étalant de 1822 à 1830. 14. Julien Charles-André, Histoire de l’Afrique du Nord, Payot & Rivages, (Petite bibliothèque Payot), Paris, 1994. 15. Cf. parmi tant d’autres, les ouvrages de Cheikh Anta Diop : Civilisation ou barbarie, Présence africaine, Paris, 1996, 124 p. & Nations nègres et cultures, Présence africaine, Paris, 1954 - Joseph Ki-Zerbo, Histoire de l’Afrique noire, éd. Hatier International, Collection : Afrique noire, Histoire et Civilisations, 1994, 768 p., 1ère éd, Hatier, Paris. 1972. Manuscrits et musées
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Les manuscrits : des biens culturels Le manuscrit est un patrimoine écrit. Outre ses caractéristiques d’objets anciens ou relevant d’un passé plus récent, sa conservation dans les musées est devenue une nécessité, car avec l’avènement des procédés numériques, l’écriture manuelle diminue. Ainsi, même les manuscrits contemporains deviennent rares. C’est pourquoi, de nouveaux musées de manuscrits voient le jour, comme le musée des Lettres et manuscrits à Paris, créé par un privé16. En Afrique subsaharienne, il n’est pas nécessaire, compte tenu de la précarité des moyens consacrés à la culture, d’ouvrir des musées dédiés uniquement aux manuscrits. Les musées généralistes ou historiques peuvent créer des « sections manuscrits ». En tout état de cause, la nouvelle orientation de la muséographie en Afrique invite à l’optimisme, quant à l’introduction des manuscrits. En effet, celle-ci obéit à des critères scientifiques qui ne veulent laisser de côté aucun apport historique, aucun aspect de la culture antérieure et actuelle des populations. Dans cette optique, les manuscrits apportent dans les musées, en même temps que les autres témoins de la culture matérielle et immatérielle, le témoignage de l’ancienneté et de l’ancrage de l’écriture et d’un savoir fécond dans tous les domaines cognitifs en Afrique subsaharienne. Les manuscrits, des documents scientifiques Nous avons déjà donné un aperçu de la valeur normative des manuscrits dans la connaissance et l’étude du passé africain. Cette valeur, les musées qui sont aussi des centres de documentation et de recherches, particulièrement dans le contexte africain où les institutions de ce genre sont rares, et souvent annexées à l’université de la capitale, en sont tributaires. Par ailleurs, les musées en Afrique souhaitent, de plus en plus, accompagner les chercheurs, notamment en province. Pour cette raison, ils recherchent tous les documents pouvant renforcer cet appui. Ainsi, ils tentent de constituer, progressivement, une bibliothèque, même modeste, disposant d’ouvrages et de manuscrits.
16. Musée des Lettres et manuscrits, 222 bd Saint-Germain, Paris 7e. Site : www. museedeslettres.fr
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Conservation et restauration des manuscrits dans les musées Dans les méthodes de conservation, le manuscrit ne diffère pas des autres objets des collections muséographiques car c’est un objet composite (papier, parchemin, cuir, coffre en bois ou en fer). Toutefois, le papier et le parchemin constituent des matières fragiles, dont la restauration est très difficile. Donc, les préalables, pour tout musée destiné à recevoir des manuscrits, sont les mêmes que pour les autres collections. Nous les indiquons à titre d’information : conformité de la configuration et des installations électriques aux normes anti-incendie et étanchéité du réseau d’alimentation en eau et de dégagement des eaux usées ; équipement de lutte contre l’incendie ; appareils hygrométriques pour pouvoir contrôler et équilibrer l’humidité ; étanchéité des systèmes d’aération et des fondations pour éviter l’entrée et la percée des rongeurs (souris et rats qui se nourrissent de tout) ; éloignement des collections des pièces où l’on consomme ou garde de la nourriture et des boissons qui favorisent l’entrée des parasites ; désinfection régulière, etc. Il faut noter que le rôle du musée, en tant qu’institution de conservation et de restauration des biens culturels, excède ses propres collections. Ainsi, les bibliothèques et les centres de documentation qui ne disposent pas encore d’atelier de restauration, peuvent recourir aux services d’un musée, quand il s’agit des supports des manuscrits, comme les coffres par exemple, ou pour une expertise en matière de sécurité. Toutefois, l’atelier de restauration de manuscrits est un laboratoire spécial que certains musées conservant des manuscrits peuvent avoir — c’est le cas du musée de la Raqqada, en Tunisie. En tout état de cause, le budget des musées publics est souvent mieux fourni que celui des bibliothèques. Pour cette raison, les musées, en collectant les manuscrits, pourraient en disposer et suppléer, dans ce domaine, les bibliothèques et les centres de documentation. Manuscrits des animation culturelle
musées
:
éducation
et
Dans leur mission de service public, les musées sont de plus en plus sollicités par les institutions éducatives, à des fins ludiques ou pédagogiques. En effet, ils accueillent, plus que par le passé, des groupes scolaires et universitaires, dans le cadre de la découverte et de Manuscrits et musées
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l’appropriation du patrimoine culturel national, d’ateliers de créativité artistique ou de recherches et de documentation dans les domaines de l’histoire, de l’archéologie, de la sociologie et de l’ethnologie. A cet égard, l’introduction du manuscrit dans les collections muséographiques doit être sans cesse envisagée sous une optique nouvelle, car le manuscrit donne des indices sur le contexte historique, le milieu social et le terreau culturel de son époque, ainsi que sur les influences qui ont déterminé sa calligraphie, sans oublier les chaînes de transmission du savoir jusqu’à son auteur. Tous ces éléments sont constitutifs de connaissances qui doivent être transposés, avec pédagogie, dans le système scolaire et universitaire. En effet, le manuscrit, comme support, est un catalyseur pouvant permettre au musée de réaliser une animation culturelle autour des traditions orales qu’il véhicule, et de répondre au besoin, particulièrement urgent de notre époque, d’accompagner les enseignements de l’histoire, de la géographie, des sciences sociales et artistiques. Manuscrits et médiation culturelle des musées Au moment où la diversité culturelle est reconnue comme « patrimoine commun de l’humanité », l’affirmation de l’identité culturelle africaine acquiert un nouveau sens. C’est pourquoi, les musées sont devenus des médiateurs entre le passé, le présent et le futur des communautés et de leur environnement rapproché et lointain. Or, les manuscrits peuvent aussi apporter le témoignage d’un patrimoine culturel intellectuel, garant d’une continuité historique et des valeurs identitaires. Dans le processus de cette médiation des manuscrits entre le passé et le présent de l’Afrique, pour éclairer l’avenir, les musées peuvent leur offrir un espace de communication qui ne serait plus réservé, contrairement aux bibliothèques et aux centres de documentation, à un public d’un certain niveau de connaissances et de culture. A cette fin, les animateurs de musée sont formés pour rendre accessibles un savoir pouvant paraître hermétique au grand public, notamment les enfants et les jeunes. Donc, les musées doivent savoir s’adresser à toutes les catégories socioculturelles d’une manière didactique. Ainsi, dans leur nouvelle mission de liaison entre le passé, le présent et le futur, ils offrent un nouvel avenir aux manuscrits.
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Numérisation des manuscrits dans les musées Le laboratoire de photographie et l’unité informatique sont essentiels pour la sauvegarde et la protection du patrimoine culturel. C’est pourquoi, les musées en sont généralement équipés pour la reproduction et la représentation photographique et graphique des objets, ainsi que pour la gestion de leur documentation. Si les manuscrits font partie de ces collections, ils seront numérisés à des fins de conservation car les copies évitent la manipulation des originaux souvent fragiles, et permettent leur communication et leur circulation à grande échelle. Ce procédé est aussi un élément dans la lutte contre le trafic illicite, parce qu’il écarte les originaux de la tentation du vol. Par ailleurs, le laboratoire de photographie facilite l’établissement des fiches d’inventaire des manuscrits, documents qui donnent à ces objets de collections une existence légale. Comme pour la conservation et la restauration, les services du laboratoire de photographie et de l’unité informatique excèdent le cadre du musée, et peuvent assister les bibliothèques et les centres de documentation.
Conclusion L’introduction des manuscrits dans les collections muséographiques, au-delà de leur conservation, est de contribuer à leur insertion dans la conscience collective et dans les sensibilités des populations, afin de favoriser l’émergence des conditions d’équilibre qui doivent caractériser la civilisation africaine. Dans l’ignorance de ce que pourra être la civilisation de demain, mais dans la certitude que le patrimoine culturel doit être, pour les générations à venir un facteur d’équilibre et d’identité, et non de nostalgie, la sauvegarde des manuscrits participe d’une nécessité impérieuse. Compte tenu du contexte africain, cette nécessité prend un caractère d’autant plus urgent.
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CHAPITRE 23 Bibliothèques africaines et écueils du XXIe siècle Nafissatou Bakhoum Résumé Les nouveaux défis qui s’imposent aux bibliothèques africaines sont liés à leur capacité de développer un capital humain et des infrastructures technologiques et communicationnelles aptes à relever les défis du XXIe siècle. Le souci d’une gestion efficiente de l’information face à la surabondance et aux principes de partage, tout en prêtant une attention particulière aux missions de conservation et de sauvegarde de la mémoire collective, impose aux bibliothèques scientifiques africaines une réflexion autour d’outils essentiels, tels que les systèmes automatisés de gestion à standards ouverts pour assurer l’interopérabilité et la pérennité des données, la coopération sociale par le biais des consortiums, le libre accès aux ressources de l’information et de la communication, en tant que nouvelle donne de la société de l’information, le devoir de sauvegarde, par l’auto-archivage, de la production scientifique, historique et culturelle en tant que support à la pédagogie et à la recherche.
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articiper activement à la société de l’information est un enjeu de taille pour l’Afrique et réside non seulement dans sa capacité de développer son capital cognitif et de s’approprier les infrastructures
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techniques et technologiques de pointe, mais surtout de sauvegarder et de valoriser un ensemble d’acquis fondé sur le savoir local. Les services d’information, principaux acteurs dans la préservation, la sauvegarde et la diffusion de patrimoines documentaires sont les parents pauvres des systèmes éducatifs en général et africains en particulier. D’où la nécessité de créer de nouveaux mécanismes fondés sur les principes de partage et d’échange pour s’adapter à l’environnement du XXIe siècle dans un contexte aux mutations sans cesse grandissantes. En effet, pour faire face à une situation générale de réduction drastique de leurs budgets d’acquisition et la précarité des moyens techniques et technologiques de gestion de l’information, il leur faut nécessairement opérer des ruptures. Tendant vers des modèles organisationnels et informatiques économiquement viables, les mécanismes voulus sont fondés sur les principes de partage et d’échange mais également sur la non appropriation privée de l’innovation technologique. Ainsi, ils ont vu émerger depuis quelques années des concepts entraînant des mutations profondes. Cette recomposition du système scientifique universel nous impose une réflexion sur les multiples avantages que les bibliothèques scientifiques africaines peuvent tirer des nouvelles dynamiques en cours, telles que les formats ouverts de gestion de systèmes d’information documentaire instantanée, les consortiums, une force de coopération pour les bibliothèques, le mouvement du libre accès et la création de dépôts institutionnels.
Les formats ouverts et la gestion de système d’information documentaire Pour promouvoir le progrès scientifique et technique, le besoin s’est fait sentir de libérer les connaissances de contraintes techniques et financières pour garantir l’égalité de chance à tous. Cet idéal, selon lequel le savoir doit être préservé et entretenu pour rester vivant et évolutif met l’accent sur la communication et le partage. C’est ainsi que la levée de barrières techniques grâce à l’ouverture des codes sources des logiciels a donné naissance à des bouleversements sans précédent.
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Le développement des logiciels libres, un phénomène social Conformément aux multiples déclarations de l’International Association of Library Associations and Institutions (IFLA) lançant un plaidoyer en faveur d’un engagement collectif pour un accès démocratique à l’information, indépendamment des moyens et des frontières, le mouvement Open Source à la base les logiciels libres1 poursuit le même objectif. En effet, ces outils permettent aujourd’hui aux bibliothèques de réadapter leur mission originelle de service public aux avancées technologiques fulgurantes. Cette poursuite d’un idéal commun, dans un élan volontariste de développer l’accessibilité et le partage de ressources, nous amène à visiter le concept de logiciels libres et à nous interroger sur leur impact dans la gestion des bibliothèques. La notion de liberté associée à un logiciel ne signifie donc pas forcément gratuité mais fait plutôt référence aux droits et pouvoirs de l’utilisateur. Pour lever l’ambigüité entre liberté et gratuité qui signifient tous deux free en anglais, le terme Open source est utilisé, c’est-à-dire code source ouvert. Un logiciel libre est donc fondé sur un code source ouvert au format ouvert, le format de données2 étant perçu en informatique comme une convention utilisée pour représenter et stocker des données : texte, image, son, fichier exécutable, etc. Par opposition, un logiciel propriétaire, comme ceux produits par Microsoft, fonctionne avec le principe d’une restriction exclusive de l’accès au code source, de telle
« Un logiciel libre est un logiciel garantissant un certain nombre de libertés à ses utilisateurs. La liberté de l’utiliser et de l’exécuter pour quelque usage que ce soit, la liberté d’étudier son fonctionnement et de l’adapter à ses besoins, la liberté d’en redistribuer des copies, et enfin la liberté de l’améliorer et de rendre publiques les améliorations, de telle sorte que la ommunauté toute entière en bénéficie ». Cf. Organisations et logiciels libres : manuel pratique du logiciel libre, p. 82. < www.april.org/articles/divers/livreblanclogicielslibres.pdf > 2. « Un format de données est dit ouvert si son mode de fonctionnement a été rendu public par son auteur et qu’aucune entrave légale ne s’oppose à sa libre utilisation (brevet, copyright etc.) ». In Organisations et logiciels libres : manuel pratique du logiciel libre.- p.82. < www.april.org/articles/divers/livreblanclogicielslibres. pdf > 1.
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sorte que l’utilisateur n’a pas le droit de le redistribuer, de le revendre ou de l’utiliser à des fins autres que celles déjà prédéfinies. Contexte historique Pour maîtriser les coûts de développement, les grandes firmes ont eu, par le passé, à donner accès à leurs programmes à des communautés d’utilisateurs professionnels pour améliorer leurs logiciels. Cette libéralisation timide de code source a abouti progressivement à une indépendance totale entre logiciel et machine. Le phénomène connut un tournant historique en 1984, quand Richard Stallman, un chercheur en informatique du MIT, (Massachusetts Institute of Technology) créa un système d’exploitation libre et ouvert baptisé GNU. Considéré comme le père spirituel du logiciel libre, il mit en place la FSF (Free Software Foundation), une fondation pour le logiciel libre en 1985. A travers ce cadre formel, il développe une base théorique et juridique sur le logiciel libre et se déploie par des projets coopératifs pour imposer son idéologie. Sa bataille consiste alors à trouver une alternative à l’opacité et aux barrières à la créativité sur les systèmes informatiques, entretenus par des acteurs commerciaux qui détenaient le monopole. Ce mouvement en faveur du logiciel libre connut un succès international quand Linus Torvalds créa à partir du système GNU, un autre système d’exploitation dénommé GNU/Linux, très opérationnel et utilisé partout. Ainsi s’ouvrait le déploiement massif des logiciels libres dont le succès est reconnu au plan international : le script PHP et la base de données MySQL en 1995 ; l’environnement graphique GNOME en 1997 ; le logiciel de traitement d‘images The Gimp et le navigateur Mozilla en 1998 ; OpenOffice, une suite bureautique complète en 2000 ; etc. Base légale Le fait que le logiciel ait été vendu pendant longtemps comme élément indissociable du matériel informatique a créé un vide juridique vis-àvis de la protection intellectuelle, notamment les droits moraux et patrimoniaux. Au Sénégal, il a fallu attendre la loi du 3 janvier 1985, pour voir entériner la décision de le soumettre au régime général du Droit d’auteur.
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Afin de mieux protéger les libertés et lever toute ambiguïté liée à l’utilisation des logiciels libres, des licences ont été conçues par la Fsf qui en est le précurseur, mais également par Open Source Initiative (OSI) et Berkeley Software Distribution (BSD), etc. En tant que puissant vecteur de l’innovation technologique, Internet a joué un rôle moteur dans la dissémination des logiciels libres. Mais sa configuration transversale a contraint la communauté des acteurs du libre : initiateurs, sociétés, développeurs, promoteurs, utilisateurs etc., à réglementer les licences qui sont portées par des figures emblématiques ou des organisations. C’est ainsi que Richard Stallman de la FSF fonde le General Public License (GNU-GPL), dont 70% des logiciels libres fonctionnent sous son label3. D’autres licences se multiplient pour développer la créativité autour de standards ouverts : les licences BSD, Apache License, Mozilla Public License, Netscape Public License, PHP license,W3C software License, etc. Pour mieux définir la relation à travers laquelle le titulaire transfère ses droits à l’utilisateur ou développeur, la FSF dresse quatre libertés pour cerner les contours de la « liberté » d’un logiciel dit libre : liberté d’exécuter le programme quel que soit l’usage ; liberté de modifier le logiciel pour l’adapter à vos besoins (dans la pratique cela nécessite l’accès au code source) ; liberté de redistribuer des copies, soit gratuitement, soit contre rémunération ; liberté de redistribuer des versions modifiées afin que la communauté du logiciel libre puisse profiter de ces modifications. En tant qu’ardent défenseur du principe de « liberté » fondant le logiciel libre, et devant permettre à chacun de jouir des mêmes libertés que l’auteur sans restriction, la FSF invente le Copyleft « copie laissée » ou « gauche d’auteur ». Son principal objectif est d’abolir les privilèges que le droit d’auteur accorde à un individu au détriment de tous, que Richard Stallman juge « nuisible à la société »4. La portée immédiate 3. Samb Djibril, « L’université, la recherche et la renaissance africaine: les défis des bibliothèques au XXIème siècle », in Les consortia de bibliothèques : actes de la conférence de SCAULWA 2005, Dakar, Sénégal, 7-11 novembre 2005, p. 5 - 18. 4. Libre-tic : logiciels libres et systèmes d’information documentaire. Bibliothèques africaines et écueils du XXIe siècle
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est d’encourager les développeurs à contribuer et à redistribuer les progrès dans une base de connaissances accessible à toute l’humanité. Les enjeux liés aux modes de fonctionnement et à l’impact des logiciels libres sont tellement immenses, que certains Etats ont codifié les définitions des formats ouverts dans des lois. C’est le cas de la France, à l’Article 4 de la loi n° 2004 – 575 du 21 juin 2004, qui le définit ainsi : « On entend par standard ouvert, tout protocole de communication, d’interconnexion ou d’échange, et tout format de données interopérable et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès, ni de mise en œuvre »5. Approche philosophique du logiciel libre Au-delà de la bataille idéologique menée contre le logiciel commercial et industriel, dont certains acteurs détiennent l’essentiel du marché, le logiciel libre est une alternative affichée, porteuse de valeurs. Des valeurs liées au culte de l’excellence, la passion pour les défis majeurs et l’audace font travailler des milliers de jeunes informaticiens. Leur leitmotiv n’est pas toujours lié à une rémunération financière mais plutôt à la notoriété et la reconnaissance par leurs pairs. Travaillant généralement dans des réseaux coopératifs, cet engouement a donné naissance à un mouvement social sans précédent, encouragé par le soutien politique de grandes sociétés qui acceptent de mettre à disposition libre des codes sources de logiciels propriétaires. Netscape en a été le précurseur avec le téléchargement gratuit et sans restriction de son navigateur web Mosaic en 1994. Mais l’exemple le plus frappant est l’aventure de Mozilla dont le code source a été libéré en 1998 et dont il a fallu attendre jusqu’en novembre 2004, pour aboutir au succès mondial de Mozilla Firefox, principal alternative libre de Internet Explorer. Les chantiers du logiciel libre se sont ainsi ouverts inexorablement avec des investissements massifs en moyens humains et financiers de grandes sociétés informatiques comme Ibm, pour mettre en place des environnements de développement professionnel. Même si le mouvement connaît des détracteurs, l’évidence la mieux partagée aujourd’hui est que l’utilisation de logiciels libres répond à 5. Loi pour la Confiance dans l’économie numérique. Loi n° 2004 – 575 du 21 juin 2004 – Titre 1er – Chapitre 1er – Article 4. . (Consulté le 16 / 05 / 2007).
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des problèmes d’éthique, d’interopérabilité, de pérennité, de fiabilité, de sécurité et est porteur de croissance pour l’humanité. En somme, la valorisation de la plus-value sociale au détriment de la rentabilité économique. Quels avantages pour les bibliothèques scientifiques africaines ? Les avantages sont multiples, et sont pour l’essentiel d’ordre technique, socio-économique, culturel et linguistique. Caractéristiques des bibliothèques scientifiques africaines
Sous l’appellation générique de bibliothèque scientifique africaine, nous faisons référence aux bibliothèques d’institutions de recherche implantées sur le continent qui, de par leur ancienneté, ont été témoins de la production intellectuelle de périodes charnières dans l’histoire de l’Afrique, comme la colonisation et bien au-delà. Cette particularité a fait qu’elles ont accumulé des sources à forte valeur historique, scientifique, culturelle, parfois religieuse. Cette documentation, généralement sur différents supports, (audiovisuel, iconographique, sonore et textuel) mérite bien son statut de patrimoine. Ces sources ont également la particularité d’être en plusieurs langues et se complètent de part et d’autre du continent et au niveau international. Ces types de bibliothèques existent un peu partout en Afrique, quelques-unes ont été identifiées, notamment, en Afrique de l’Ouest, pour servir de base à des projets communs6. Même si des efforts considérables ont été faits par ces institutions, un état des lieux a pu déceler de réels problèmes communs à leurs bibliothèques et liés à la conservation, à la sauvegarde et à l’accès à leurs riches collections :
6. Il s’agit d’Arewa House (Kaduna, Nigéria), de Northern History Research Scheme (université Ahmed Bello, Zaria, Nigéria), du Centre d’études islamiques (université Dan Fodio, Sokoto, Nigeria), du Centre de recherche et de documentation historique Ahmed Baba devenu l’IHERIAB, (Tombouctou, Mali) et de l’Institut fondamental d’Afrique noire - Cheikh Anta Diop, (Dakar, Sénégal). Cf. Samb Djibril. Bibliothèques africaines et écueils du XXIe siècle
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- inexistence d’indicateurs fiables sur les collections, faute d’inventaire ; - décomposition physique et chimique des supports, faute de conditions appropriées : taux d’humidité trop élevé, moisissures, poussière, rongeurs, etc. ; - méthodes et matériels de stockage inadéquats : équipements métalliques exposés à la rouille ou en bois favorables aux rongeurs ; - obsolescence rapide du matériel de lecture de documents audiovisuels, dont la conséquence directe est la restriction de l’accès à certains contenus : bandes magnétiques, disques anciens, microfilms, films ethnographiques, etc. ; - personnel très réduit et équipements et accessoires informatiques limités par rapport à la charge de travail ; -
absence de formation spécialisée pour le personnel surtout en restauration, sauvegarde et valorisation de collections à caractère patrimonial ;
- vétusté des bâtiments souvent exposés à des catastrophes : incendies, inondations, etc. ; - problèmes de renouvellement des collections à cause de la réduction drastique des budgets d’acquisition, qui sont même parfois inexistants et de l’irrégularité des missions de collecte ; - cloisonnement des bibliothèques par rapport aux laboratoires, musées et autres services d’une même institution, avec comme conséquence directe un manque d’harmonisation des méthodes de traitement et de diffusion de l’information. Ces incidences néfastes constituent un frein à l’exploitation correcte des documents. Ainsi, les documents imprimés très anciens sont en grande majorité difficilement exploitables : pages décolorées, cassées, dont la reliure à colle de poisson, utilisée autrefois, est attaquée par les rongeurs. Le problème majeur le mieux partagé par les bibliothèques scientifiques africaines demeure la visibilité. Celle-ci ne peut être réalisée sans les fonctions essentielles que sont le traitement, la sauvegarde et la diffusion. Cependant, des efforts considérables ont été faits un peu partout en Afrique pour rompre avec une longue phase d’accumulation
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de matériaux scientifiques longtemps restés inaccessibles, car jalousement gardés comme des trésors. Cette rupture a été marquée par un foisonnement d’initiatives très innovantes afin de valoriser cette riche documentation à des fins éducatives, scientifiques et culturelles. C’est le cas de l’IFAN avec la mise en place du dépôt institutionnel « Biens culturels africains » dont la plateforme est entièrement conçue et administrée localement : < http://bca.ucad.sn/jspui >. Enjeux techniques
Le mode de fonctionnement des logiciels étant régi par le partage et l’échange de connaissances à travers une coopération solidaire, dans l’objectif de servir l’humanité entière sans discrimination, il se fonde de plus en plus sur des standards ouverts universellement reconnus : MARC, XML, Apache, MySQL, PHP, etc.. Il y a encore une réticence, surtout en Afrique de l’Ouest, à en faire un usage courant dans la majorité des bibliothèques. Cela est certes dû à l’ignorance ou à un temps d’adaptation et d’appropriation souvent long. Il faut également souligner l’absence de veille informatique et technologique qui fait très souvent défaut chez les professionnels africains au Sud du Sahara. Même si la culture d’une utilisation massive est encore timide, les avantages multifonctionnels reconnus des systèmes intégrés de gestion de bibliothèques libres, SIGB libres7 doivent ouvrir une nouvelle ère après la longue période d’utilisation de programmes libres tel que WINISIS. Bien que des interfaces web aient été développées, surtout avec WINISIS, les Sigb libres comme Koha, Greenstone, Open Biblio et surtout PMB présentent une utilité fonctionnelle et multi-tâches indiscutable, liée à leurs caractéristiques générales : disponibilité d’une licence ; fonctionnement sous Windows, même s’ils ont été conçus sous Unix ou Linux ; site web de référence, pour le téléchargement, la mise à jour de la documentation, les pointeurs vers des sites correspondants, les FAQs, les forums de discussions, etc ; crédibilité de l’équipe de développement, généralement dirigée par une société fonctionnant sous l’autorité d’une institution à caractère scientifique ou ONG ; disponibilité d’une interface web pour la publication de l’OPAC et d’une interface langue (français, anglais, espagnol, etc.) ; garantie concernant la maintenance, à travers les listes de courrier électronique et les requêtes par formulaires adressées à l’équipe de développeurs ; 7. Cf. LIBRE-TIC. Bibliothèques africaines et écueils du XXIe siècle
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adaptation à des besoins spécifiques d’une bibliothèque et paramétrage de tous les éléments des grandes fonctions bibliothéconomiques, de l’acquisition au prêt ; fonctionnalités à forte valeur ajoutée, qui n’ont pas été couramment exploitées par les logiciels libres de bases de données précédents : droit d’accès de l’utilisateur à l’OPAC (login et mot de passe) ; réservation de l’utilisateur à partir de l’OPAC ; suivi de la fiche de chaque lecteur (génération automatique de lettre de rappel) ; interopérabilité (import / export et migration vers d’autres supports ou formats) ; personnalisation du logiciel à sa guise. Les systèmes de gestion de contenu pour l’édition sur le web de contenus variés (cours en ligne, portails, bibliothèques numériques, site web d’institutions etc.) offrent d’énormes possibilités aux bibliothèques, en leur permettant de rendre visible leurs collections et de mettre des contenus en libre accès. Ils sont en train de se développer à une vitesse vertigineuse : SPIP, Nuke, Nvu, Joomla, etc. L’objectif de rentabilité à long terme et l’efficience dans la gestion quotidienne des bibliothèques ne doit plus poser l’adoption du logiciel libre, surtout en Afrique, en termes de choix, mais désormais en solutions efficaces, pour répondre à des besoins spécifiques. Enjeux socioéconomiques
Le logiciel libre s’impose de plus en plus comme une solution économiquement viable, surtout pour les bibliothèques des pays du Sud pour lesquels il présente des avantages : une alternative moins coûteuse pour les bibliothèques qui ont peu de moyens pour développer leurs collections, a fortiori acheter des logiciels propriétaires aux coûts exorbitants ; une remise en cause de la relation client/fournisseur : ce dernier pouvant être changé à tout moment, en cas d’insatisfaction, sur les services additionnels de formation, de maintenance, contrairement aux logiciels propriétaires où le fournisseur monopoliste dicte sa loi ; une économie du logiciel libre, dont le développement dépend d’initiatives organisées autour d’acteurs, comme les professionnels de l’information, les informaticiens, les infographistes, etc. Tous ces avantages s’inscrivent dans des perspectives d’un développement durable, avec l’éclosion de potentialités favorables à la création d’un marché local et le développement de nouveaux métiers à partir d’une main-d’œuvre présente sur le marché national.
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Enjeux scientifiques, culturels et linguistiques
Ces enjeux ont de vastes implications telles que : a) le développement d’une informatique destinée au grand public, avec l’ouverture de codes sources des logiciels constitue un pas décisif dans la lutte contre la fracture numérique. Ainsi, chacun peut télécharger, se former et se faire former aux logiciels libres ; b) le développement, l’organisation et la valorisation de contenus locaux de manière professionnelle et à moindre coût, par les bibliothécairesdocumentalistes ; le fait que les logiciels libres soient maintenant disponibles dans plusieurs langues officielles est un atout de taille pour les développeurs qui peuvent travailler avec les linguistes pour traduire les programmes dans des langues locales africaines. Le développement d’un environnement virtuel multilingue en Afrique grâce aux logiciels libres ouvre de très grandes perspectives dans l’appropriation des TIC (technologies de l’information et de la communication) par les couches sociales analphabètes en anglais ou en français, mais alphabétisées en langues locales. à cet effet, le peulh, qui est une langue transnationale, parlée un peu partout en Afrique peut être facteur d’intégration régionale. En ouvrant leur offre d’information et de service à ce public encore marginalisé, alors que leurs collections renferment des documents de vulgarisation scientifique en langues locales, comme c’est le cas de l’IFAN, les bibliothèques scientifiques africaines contribueront efficacement au développement humain durable.
Les consortiums, une force de coopération pour les bibliothèques scientifiques africaines Il a toujours existé une longue tradition de coopération dans les bibliothèques. Dans les pays du Nord, la tendance est depuis quelques années à la création de consortiums, qui fédère les activités de plusieurs consortiums, qui ne sont pas forcément sur un même site géographique. L’exemple le plus frappant est l’International Coalition of Library
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Consortia (ICLC)8 fondée en 1997 et regroupant 131 consortiums du Gouvernement fédéral canadien. La logique économique des éditeurs, les enjeux techniques et scientifiques liés à la restructuration des connaissances via les réseaux interconnectés, les principes de partage, de décloisonnement et de déterritorialisation de la recherche, ont imposé ce redéploiement stratégique aux bibliothèques. La création de consortium Alors qu’elles devaient être financées au même titre que les laboratoires de recherche, de par leur apport vital dans la construction du destin professionnel et scientifique des citoyens, mais également d’une nation toute entière, en termes de bénéfice social et économique, les bibliothèques sont plus que jamais marginalisées dans les arbitrages budgétaires. La nécessité de formaliser la coopération entre bibliothèques par le biais de consortium remonte au XIXe siècle. Cette coopération s’est longtemps focalisée sur l’automatisation des fonctions bibliothéconomiques pour développer les échanges, fusionner les différents catalogues, favoriser le prêt inter-bibliothèques, etc. Cependant, leur mode de fonctionnement actuel dicté par l’achat de ressources électroniques date du début des années 1990. Cette période correspond au phénomène du « serial crisis » ou crise des périodiques. Dans certains domaines, notamment en sciences, techniques et médecine, où l’information devient très vite caduque, et portée par des revues de référence, l’accès à l’information est discriminatoire. La situation a empiré de telle sorte que de grandes maisons d’édition monopolisent le marché, à travers un espace virtuel privé auquel elles donnent un accès temporaire moyennant une licence. Cette surenchère a mis les bibliothèques les plus nanties dans l’incapacité de financer l’acquisition de ressources électroniques avec leur propre budget. La création de consortium est donc une solution à la mutualisation de ressources financières, et une force dans la négociation de licences auprès des éditeurs de revues scientifiques. Bien au-delà de cette préoccupation récurrente, dictée par l’acquisition de revues scientifiques, les raisons 8. International Coalition of Library Consortia (ICLC). (Consulté le 18 / 05 / 2007).
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en faveur de la création de consortiums sont aussi d’ordre structurel, technique et scientifique. Avec les mutations en cours, les enjeux pour les bibliothèques sont moins liés à un stockage de collections, aussi riches soient elles, mais davantage à l’accès à une information pertinente en temps réel. Outils méthodologiques Même s’ils visent généralement le même objectif de partage de ressources financières, la mutualisation des ressources matérielles, techniques et humaines dans le cadre d’une politique commune, les consortiums fonctionnent de façon différente selon les contextes. Cependant, des outils méthodologiques permettent de dégager des objectifs opérationnels à adapter aux besoins de son environnement documentaire : - base légale ; - entité légale dotée d’une autonomie administrative et financière ; - référentiel juridique : statuts, textes législatifs, règlements, etc ; - structure organisationnelle ; - modalités de fonctionnement définies : instances de prise de décision, conditions d’intervention des différents acteurs ; - financements ; cotisations obligatoires des membres (pouvant varier selon la taille et les ressources de la bibliothèque) ; - subvention nationale : l’Etat, le mécénat, etc. ; - coopération internationale : organismes de financement etc ; - partenariat ; - personnel ; - politique de développement de carrière des principaux acteurs : personnel des bibliothèques membres du Consortium ; - personnel d’appui : recrutement éventuel de personnel extérieur pour la gestion quotidienne, les relations publiques, le marketing et les relations avec les fournisseurs ; infrastructure technique et technologique ;
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- mutualisation, maintenance et mise à jour d’équipements et de logiciels ; fonctionnalités (à décliner en activités) : circulation efficace de l’information ; - mise en œuvre de politiques communes sur le développement des collections, la conservation/ préservation, la standardisation des services aux utilisateurs, etc. ; - gestion technique des ressources informationnelles par les grandes fonctions bibliothéconomiques, etc. Quels avantages pour les scientifiques africaines ?
bibliothèques
Les consortiums de bibliothèques n’ont pas encore connu une très grande maturité dans la plupart des pays africains et sont en état de gestation en Afrique de l’Ouest. Une forte tradition de coopération a toujours existé entre les bibliothèques du milieu universitaire et de la recherche, mais avec comme principale activité le prêt interbibliothèques. Des activités de formation et d’animation ont aussi existé mais ne sont jamais allées au-delà des préoccupations des centres d’intérêts de ces bibliothèques, comme les réseaux de bibliothèques agricoles un peu partout en Afrique. En Afrique de l’Ouest, une percée est en cours avec le Consortium of Academic and Research Libraries in Ghana (CARLIGH) en 2004, la National University Library Consortium (NULIC) au Nigeria en 2004 et le Consortium des Bibliothèques de l’Enseignement Supérieur du Sénégal (COBESS) en 20059. Ce terrain peu fertile, en termes de réalisations, rend les enjeux d’autant plus considérables. L’organisation de ces bibliothèques en consortiums présente de multiples avantages : a) élargir le consortium sous la forme d’une alliance, regroupant les bibliothèques de tous les continents disposant de riches collections sur l’Afrique, afin de promouvoir la documentation sur l’histoire et la culture des peuples africains ; 9. Diop Mariétou Diongue, Sene Henri, Zidouemba Dominique, Les consortia de Bibliothèques : actes de la conférence de SCAULWA 2005, Dakar, Sénégal, 7-11 novembre 2005, Dakar, 2006.
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
b) disposer d’une influence au plus haut niveau politique, pour une levée de fonds en faveur de la création de capacités de recherche sur le développement durable du continent et rendre ainsi le patrimoine évolutif ; c) standardiser toutes les tâches techniques par des programmes de formation en gestion de patrimoines documentaires : informatisation, conservation/ préservation, numérisation, etc., ce qui contribuera considérablement à la réduction de la fracture numérique ; d) créer un portail pour rendre visibles les institutions et les bibliothèques membres du consortium, ainsi qu’une bibliothèque virtuelle pour valoriser les patrimoines ; e) renforcer la coopération par un partenariat Nord-Sud qui met l’accent sur la mise à niveau en termes d’infrastructures technologiques et de renforcement de capacités des professionnels de l’information, etc. Le mouvement du libre accès et la création de dépôts institutionnels Le mouvement du libre accès à l’information ou Open Access est parti d’initiatives isolées et a progressivement pris de l’ampleur, à travers la mobilisation de chercheurs, de bibliothécaires, d’institutions de recherche et de prise de position au niveau national et international. Contexte historique
Le mouvement Open Access a réellement démarré quand Paul Ginsparg, physicien à Los Alamos National Laboratory, créa en 1990 la première archive ouverte en Physique. Cette archive devenue aujourd’hui < ArXiv.org >, est l’un des plus grands serveurs de distribution électronique en libre accès de prépublications en Physique, Mathématiques, Informatique et Biologie. A partir de 2001, le mouvement commence à se massifier, et à s’institutionnaliser grâce au militantisme de chercheurs, d’éditeurs, de bibliothécaires, d’organisations internationales, de mécènes et de politiques. Ce militantisme actif a été sanctionné par une série de
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déclarations officielles de principes, de plans d’actions stratégiques et de soutien financier. Les points saillants sont les suivants : a) la Lettre ouverte de la Public Library of Science (PLOS) de janvier 2001 pour pousser les éditeurs à autoriser la mise à disposition, en libre accès, dans des bibliothèques publiques en ligne, de documents issus de la recherche qui sont déjà publiés dans leurs revues, dans un délai de six mois à compter de la date de publication. Elle fait ainsi la promotion de PubMed Central, un dépôt institutionnel spécialisée dans la mise en ligne en libre accès immédiat des résultats de la recherche biomédicale ; b) le Budapest Open Access Initiative (BOAI) en décembre 2001. L’objectif de la rencontre initiée par l’Open Society Institute (OSI) est d’amplifier le mouvement et de consolider les efforts en faveur du libre accès ; c)
la déclaration de Glasgow sur les bibliothèques, les services d’information et la liberté intellectuelle en août 2002 lancée à toutes les bibliothèques et les services d’information et leur personnel, à soutenir, à promouvoir les principes de la liberté intellectuelle et à offrir un accès sans restriction à l’information ;
d) la déclaration de Bethesda d’avril 2003 (< openaccess.inist.fr/ article.php3?id_article58 >). Une définition sur le fondement d’un document mis en libre accès a été donnée comme suit : Le/les auteurs ainsi que les titulaires du droit d’auteur accordent à tous les utilisateurs un droit d’accès, gratuit, mondial et perpétuel et leur concèdent une licence leur permettant de copier, utiliser, distribuer, transmettre et visualiser publiquement l’œuvre et d’utiliser cette œuvre pour la réalisation et la distribution d’œuvres dérivées, sous quelque format électronique que ce soit et dans un but raisonnable, et à condition d’en indiquer correctement l’auteur ; ils accordent également aux utilisateurs le droit de faire un petit nombre de copies papier pour un usage personnel.
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Le document suggère de réaliser une copie électronique dans un format donné et de le déposer dès sa première publication dans un réservoir en ligne contrôlé par une institution spécialisée dans la gestion des *** et reconnu dans la communauté du libre accès.
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e) la Déclaration de Berlin sur le libre accès à la connaissance en sciences exactes, sciences de la Vie, sciences humaines et sociales. Cette déclaration invite à un engagement à un projet collectif, où tout un chacun peut contribuer en tant que producteur de connaissances et détenteur d’un patrimoine culturel, pour garantir des contenus et des outils logiciels librement accessibles ; f) la Déclaration du Conseil d’administration de l’IFLA en décembre 2003 sur l’accès libre à la littérature scientifique et à la documentation de recherche. Elle insiste sur sept principes fondamentaux pour effacer les inégalités dans la communication scientifique ; g) le Sommet mondial sur la société de l’information à Genève (Phase I) en décembre 2003. Conformément à la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Déclaration universelle de l’Unesco sur la diversité culturelle, les principes défendus à cette rencontre militent en faveur d’une société de l’information à dimension humaine, inclusive et privilégiant le développement. Le point d’achoppement est de trouver les moyens pour réduire la fracture au niveau des connaissances ; h) la Déclaration de Valparaiso (Chili) en 2003, pour une meilleure communication scientifique sur support électronique ; i) la Déclaration de l’OCDE sur l’accès aux données de la recherche financée par des fonds publics en janvier 2004. Elle définit des lignes directrices pour rendre optimale la disponibilité des données de la recherche financée sur fonds publics, en particulier pour les pays en développement. Ces lignes directrices se fondent sur 6 principes : principe d’ouverture, de transparence, de légalité, de responsabilité formelle, de professionnalisme, de protection de la propriété intellectuelle, d’interopérabilité, de qualité et sécurité et d’efficience ; j) la Déclaration de Washington sur le libre accès à la science en mars 2004. Cette déclaration signée par une soixantaine d’éditeurs à but non lucratif est un engagement en faveur de pratiques innovantes. Notamment des solutions pour lever les barrières discriminatoires liées aux coûts de l’édition scientifique et le développement d’outils électroniques en ligne en coopération avec les différents acteurs ; k) le Berlin 3 Open Access : Progress in Implementing the Berlin Declaration on Open Access to Knowledge in the Sciences and Bibliothèques africaines et écueils du XXIe siècle
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Humanities, Southampton (Royaume-Uni) du 28 février au 1er mars 2005. Cette rencontre a fait le suivi de la Déclaration de Berlin de 2003, et s’est inscrite dans la perspective de publier une recommandation concertée sur la mise en œuvre du libre accès ; l) la signature en juillet 2006 d’un Protocole d’accord interétablissements, pour la mise en place d’une plateforme commune de dépôt et de diffusion d’articles scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant de l’ensemble des universités françaises, des grandes écoles et d’organismes de recherche : CEMAGREF, CIRAD, CNRS, INRA, INRIA, INSERM,l’Institut Pasteur et l’IRD. Cet accord a sanctionné le déploiement de l’archive ouverte pluridisciplinaire Hal ; m) le Digital Repository Infrastructure Vision for European Research (Driver) lancé en septembre 2006 et subventionné par la Commission européenne, dont l’objectif est de mettre en place une infrastructure fédérant en réseau les archives institutionnelles de grandes institutions de recherche réunies en consortium de 10 partenaires européens de 8 pays : Grèce, Allemagne, PaysBas, Italie, Royaume-Uni, France, Pologne et Belgique. Le principe, fondé sur l’Open access, consiste à assurer à tout utilisateur disposant d’une liaison internet, l’accès en temps réel et gratuitement, à des contenus scientifiques pluridisciplinaires standardisés. Ces documents de nature variée, peuvent être des articles, des rapports, des données expérimentales, du multimédia, etc. Quels avantages pour scientifiques africaines ?
les
bibliothèques
Les bibliothèques se sont senties affaiblies face à l’idéologie capitaliste des grandes maisons d’édition dont la politique, exclusivement fondée sur le profit, font qu’elles monopolisent les revues à grand impact et imposent leur production massive de revues électroniques. Ces revues vendues en séries, dont la licence se négocie généralement par le biais de consortiums font que les bibliothèques se sentent amputées de leur rôle de médiateur dans le processus de production et de diffusion du savoir.
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Ce principe des revues commerciales exclut les chercheurs à revenus modestes, surtout ceux des pays du Sud, car il subordonne l’élitisme scientifique et l’élitisme financier. C’est pour aller à l’encontre de cette logique discriminatoire et dangereuse pour l’avenir de l’humanité que s’est développé le libre accès à l’information avec une vision humaniste qui met l’homme et ses capacités au centre du système. Le salut des bibliothèques scientifiques africaines réside dans cette conscience que les défis se situent au niveau du développement de capacités, car à défaut de pouvoir acquérir de la documentation dont l’essentiel est au-dessus de leurs moyens, elles gagneraient à valoriser des contenus locaux pour le bénéfice de toute l’humanité. L’auto-archivage et les dépôts institutionnels Eléments de définition
Etant basé au début sur un système de pré-prints diffusés auprès de collègues pairs, notamment en physique, les dépôts institutionnels ont connu un essor fulgurant en embrassant des champs pluridisciplinaires. Ils se définissent comme un réservoir d’informations géré par une communauté, contenant des documents sur différents formats, aux contenus variés, accessibles en temps réel et généralement gratuitement. Les documents peuvent être constitués d’articles, d’actes de conférence, de thèses et mémoires, de notes de cours, de documents iconographiques et sonores, etc. Sur le plan organisationnel, une communauté est à la base de la création d’un dépôt institutionnel, généralement une société savante, un centre de recherche, une université. Une communauté peut être divisée en sous communautés correspondant à une entité homogène, par exemple une faculté ou un département. Le responsable de la communauté définit les diverses politiques entourant la gestion des documents : validation des contenus, champs d’intérêt de la communauté, liste des collections par champs d’intérêt, politique de propriété intellectuelle, ex : licence apposée sur les documents, comme le Creative Commons, etc.. En effet, l’infrastructure technologique et logicielle pour concrétiser l’auto-archivage et les dépôts institutionnels sont tellement courants et accessibles qu’on s’étonne Bibliothèques africaines et écueils du XXIe siècle
461
encore devant l’état de dégradation parfois très avancée de patrimoines documentaires d’une richesse inestimable. Une grande maturité, fondée sur une base de connaissances, de compétences techniques et d’expériences existe déjà, avec les réalisations de dépôts institutionnels de renommée internationale comme ArXiv, PubMed Central, et plus récemment Hal, Driver, Papyrus, etc. Fondés sur l’idéologie du libre, les outils techniques et les logiciels utilisés sont également libres, c’est le cas de la plateforme Dspace et du logiciel E-prints. Les dépôts institutionnels ne sauraient exister sans l’auto-archivage. Même s’il existe des outils de reformatage d’un document électronique avant publication sur le web, la numérisation est une fonctionnalité essentielle sur une plateforme de gestion d’un dépôt institutionnel. Impact sur africaines
les
bibliothèques
scientifiques
Ces chantiers ouverts pour la sauvegarde et la valorisation à des fins éducatives, scientifiques et culturelles, mais surtout à des fins stratégiques de positionnement de l’Afrique sur le web, font entretenir d’énormes espoirs. Comme le disait l’illustre philosophe français10, « il n’y a qu’une méthode pour bien penser, qui est de continuer quelque pensée ancienne et éprouvée ». Cette assertion peut s’appliquer aux bibliothèques scientifiques africaines qui sont les principales garantes de la mémoire collective et dont l’appropriation des outils présentés cidessus peut booster l’essor. Les multiples avantages concernent le travail technique et professionnel des bibliothèques, et à une plus grande échelle des questions de positionnement stratégique, par des contributions originales et pertinentes grâce à des contenus. Quelques axes stratégiques peuvent être proposés à la réflexion : • La mise en place d’un dispositif de pérennisation de fonds patrimoniaux C’est une nécessité urgente par rapport aux menaces qui pèsent sur les patrimoines documentaires africains : l’usure du temps, les conditions
10. Alain, Propos sur l’éducation, PUF, Paris, 2005.
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climatiques et l’obsolescence des matériels qui ont été utilisés dans leur production, surtout les collections audiovisuelles. La numérisation est donc incontournable, non seulement pour sauver de riches collections mais parce que le document électronique publié sur le web fait fi des contraintes d’espace, de temps et de volume. En outre, les données peuvent être interopérables grâce aux métadonnées normalisées du Dublin Core et les formats ouverts qui programment leur migration vers d’autres générations de systèmes informatiques. •
La visibilité à travers l’accès en temps réel et la valorisation
Les bibliothèques scientifiques africaines doivent être l’épine dorsale de toute politique de sauvegarde et de mise en ligne de collections patrimoniales en libre accès à des fins de vulgarisation scientifique. Mais la valorisation économique n’est pas exclue si les barrières du droit d’auteur sont levées, surtout pour les documents stratégiques, c’est à dire uniques, pertinents et originaux. • La fourniture massive et le marketing de contenus produits localement par les Africains eux-mêmes Ces contenus doivent porter sur des questions cruciales liées à l’environnement, à la santé publique, à la démocratie, et à un ensemble de connaissances traditionnelles fondées sur le savoir, le savoir-faire et les techniques locales. Cette documentation composée d’articles, d’actes de conférence, de données expérimentales, de rapports sur les politiques et le management de ressources locales dans différents secteurs au niveau national et/ou régional, est la seule susceptible d’être attractive sur le web, de par son originalité. La promotion de tels contenus qui respectent la diversité culturelle et linguistique des populations africaines, peut développer les capacités de recherche dans la communauté universitaire. Le monde de l’entreprise est également concerné, car la mise en ligne de contenus locaux favorise les échanges et la visibilité des auteurs, ce qui peut être vecteur de développement économique et social. Un autre avantage lié à cette stratégie de positionnement via des contenus est que la matière existe déjà et les bibliothécaires n’auront qu’à s’approprier les outils Bibliothèques africaines et écueils du XXIe siècle
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techniques de gestion et de valorisation de l’information devenus libres et accessibles à l’humanité toute entière.
Conclusion Les différentes alternatives au système figé et généralement discriminatoire du monde de la publication scientifique, comme le développement des logiciels libres et des dépôts institutionnels ont quand même réussi à fonder la Société de l’Information sur des principes d’égalité. En s’imposant par des innovations difficilement maîtrisables, aussi performantes les une que les autres, ces modèles de communication soutenus par les formats ouverts n’ont pas fini de convaincre de la nécessité d’investir ce créneau, surtout par les pays en développement. Les technologies de l’information et de la communication n’étant pas une fin, mais uniquement un moyen, on parle désormais de fracture au niveau des connaissances et de moins en moins de fracture numérique. En effet, l’enjeu se situe sur des investissements à long terme à l’endroit de systèmes éducatifs performants pour faire de l’utilisation de l’informatique un usage social courant et les outils techniques et logiciels libres, des instruments de travail au service de la performance et de la créativité.
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Bibliothèques africaines et écueils du XXIe siècle
467
Annexes
AUTEURS AYANT CONTRIBUE A CET OUVRAGE
Bakhoum Nafissatou, conservateur des Bibliothèques, IFANCheikh Anta Diop, Dakar, Sénégal
Benebine Ahmed Chaouqui, conservateur de la bibliothèque Hassanya du Roi du Maroc, Rabat, Maroc
Cheikh Abdel Wedoud Ould, professeur de Sociologie et d’Anthropologie à l’université Paul Verlaine, Metz, France
Dédéou Mahmoud Hammou, conseiller pédagogique, chercheur, calligraphe et spécialiste de manuscrits, SAVAMA-DCI, Tombouctou, Mali
Diki Kidiri Marcel, socio-linguiste, Chargé de recherches, LLACAN, CNRS, France
Haidara Abdel Kader, président exécutif de l’ONG SAVAMADCI, Timbuktu, Mali
Kane Maïmouna, bibliothécaire, Dakar, Sénégal Ndiaye Papa Toumané, spécialiste de programmes, direction de la Culture et de la Communication, ISESCO, Rabat, Maroc
Njoya Idrissou, professeur d’arts plastiques, université de Yaoundé II, Yaoundé, Cameroun
Obenga Da-Mboa, ingénieur, spécialiste des technologies de l’information et de la communication, Congo-Brazzaville
Ould Sidi Ali, attaché culturel, Mission culturelle de Tombouctou (SAVAMA-DCI), Timbuktu, Mali
Sassetti Marco, conservateur, spécialiste du papier, université Docente de Genève, Italie
Annexes
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Sy Jacques Habib, Professeur en communications, Directeur, Aide Transparence, Dakar, Sénégal
Tewe Demba, spécialiste des sciences bibliothécaires et des manuscrits arabo-africains, Institut islamique, Dakar, Sénégal
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ACRONYMES ENALA :
Ethiopian National Archives and Library Agency (AddisAbaba, Ethiopie)
EMML :
Ethiopian Manuscripts Microfilm Library (AddisAbaba, Ethiopie)
HMML :
Hill Museum & Manuscript Library (Collegeville, USA) ICC : International Color Consortium
IEEE :
Institute of Electrical and Electronics Engineers (NewYork, USA)
IHERI-AB : Institut des hautes études et de recherche islamique Ahmed Baba (Tombouctou, Mali) IMRS :
Institut mauritanien de (Nouakchott, Mauritanie)
ISERI :
Institut supérieur d’études et de recherches islamiques (Nouakchott, Mauritanie)
ISO :
International Organization for Standardization (Organisation internationale de normalisation) – Genève (Suisse)
MTF :
Modulation Transfer Function (Fonction de Transfert par Modulation)
OECF :
Opto-Electronic Conversion Function (Fonction de Conversion Opto-électronique)
SI :
Système d’information
TI :
Technologies de l’information
UA :
Union africaine
Unesco :
United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization – Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, Paris (France)
recherche
scientifique
Annexes
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Addis Abeba Declaration on The African Manuscript Book Charters Preambule The Participants in the Conference and in the Regional Exhibition on Preserving Ancient Manuscripts in Africa that were held at the United Nations International Center in Addis Ababa from the 17th to the 19th of December 2010, ü Recalling that the decisions taken by the African States to ensure the protection of the whole of the African heritage and to enhance it for the benefit of present and future generations; ü Recalling the numerous national, sub-regional, regional and international meetings that were held during the past decades that engaged the responsibility of the States, the universities, the resource and research centers, the libraries and the holders of ancient manuscript books from Africa; ü Aware of the key importance of ancient African manuscript books to promote African cultures and of implementing strategies that are capable of ensuring their safeguard and their passing on to future generations, while acting as markers for peoples who are concerned with preserving their culture, together with the identity related thereto, and with making quality reference documents out of them for the development of their culture industries;
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
ü Concerned with inventorying the management of the manuscript books and, more generally, of the wide variety of mediums for the transmission, the processing and the storage of thought and knowledge; ü Engaged with the African Network for the Exchange of Information and for Training regarding the Preservation of Ancient Manuscripts in Africa (AFRILIN) in fighting for a balanced and sustainable management of manuscript books by public and private libraries as well as by African museums who generally do not have any kind of expertise in preserving, inventorying, cataloguing and restoring ancient manuscript books that are more often than not in an alarming state of conservation, which contributes to the destruction of entire chapters of African historiography; ü Dismayed by the growing illicit trafficking the ancient manuscripts books are subjected to, as well as by the attitude of the former colonial powers who refuse to return the cultural goods of all kinds, notably those that testifies to the material and immaterial African cultural heritage that was plundered during the colonial occupation; ü Considering the formal commitment made by the African States in the framework of the different national, regional and international instruments aiming at ensuring the protection of manuscripts and material and immaterial cultural goods of the African people;
ü Reasserting their attachment to the promotion of African cultures and, in particular, of manuscripts as the source of African historiography and as vehicles of the rebirth of knowledge and of the development of cultural industries; Agree on the following:
Annexes
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PART ONE: THE RIGHTS RELATING TO THE PROTECTION OF THE MANUSCRIPTS
Article 1 The participants in the Conference on Preserving Ancient Manuscript Books in Africa and the members of the AFRILIN network representing the experts, public and private libraries, the cultural managers and the African museums recognize the crucial importance of manuscripts as defined in this Charter and commit to encouraging, in non-prohibitive timelines, the States and institutions to take legislative and regulatory measures to protect these ancient manuscript books, to disseminate their quintessence in order to contribute to the development of African historiography, of cultural tourism and of the learnings and knowledge made available to student and scientific communities on the African continent and worldwide.
Article 2 The manuscript is what is written by hand on any medium. The present Charter defines as an ancient manuscript book any text, work, original folio or written copy or copy that is handwritten by the author himself or by professional copyists and which is a unique object in its very nature, one that is not multiplied through mechanical processes. It is defined by its medium (parchment, papyrus and paper), by the number of lines per page and of words per page, by the type of writing and by the color of the inks.
Article 3 In the present Charter, a “public document” means all the original documents, archives, parchments, manuscript books, handwritten letters, dossiers, books, brochures, journals, periodicals, maps, plans, photographs, letters, copies of letters, papers of any sort or other documents, irrespective of their form or medium, that are in the possession of a country’s ministries or governmental bodies or any municipal administration or other public office of African States; the
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L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
present definition also covers those documents that used to be part of the dossiers of these ministries, bodies or offices. Moreover, a “manuscript” book is defined as any work or set of loose pages but belonging to the same intellectual construction, written by hand.
Article 4 Any person holding manuscript books of a historical nature or that come under the cultural and scientific heritage of the community he comes from is entitled to the enjoyment of the full intellectual and other rights relating to these manuscripts or to their digitized copies, this in compliance with the legal, constitutional and supranational provisions relating to the protection of cultural heritage and goods that come under the category of public goods and heritage that are protected in the name of collective national and international interests which the State where the holder is a resident has the right to requisition in case of a sale.
Article 5 Any private individual that holds ancient manuscript books is entitled to assistance from the State he is a citizen of or from any other State or not-for-profit organization, provided this assistance contributes to the physical integrityof the manuscripts and to their protection as constituents of the national cultural heritage.
Article 6 Assistance from the States to the private holders of manuscripts must be provided on a non-discriminatory basis.
Article 7 The participants commit to reminding the African States of their obligations to protect the ancient manuscript books that are held in resource and research centers, public libraries and museums, notably to Annexes
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require that these institutions have the necessary layout and systems to ensure the security and the physical integrity of the ancient manuscript books. The States are also responsible for the reinforcement of the institutional framework, through the creation of libraries and of centers that are in charge of conserving the ancient manuscript books and of disseminating their content. In this regard, the digitization of the ancient manuscript books must be made systematic to avoid the deterioration of the original and their theft.
Article 8 The States are also responsible for the reinforcement of the legal framework for the protection of manuscript books as cultural goods and to thwart their illicit trafficking, in order to subscribe to the international conventions on the protection of cultural goods. To this end, the States must set out precise legal definitions for the notions of heritage, cultural goods and property, including a legal definition for ancient manuscript books, and to bring these definitions in line with the international conventions.
Article 9 The States must be encouraged to engage in effectively and relentlessly fighting the illegal trafficking of manuscripts books and cultural goods, notably through the training of the police force, of the gendarmerie and of customs agents at the borders and within the States, and through dealing with offenders to the full extent of the law.
Article 10 African States should engage without delay in carrying out all the necessary steps with the former colonial powers to guarantee the restitution and the return to Africa of ancient manuscript books, as well as of the other cultural goods of a graphics, plastic and audio-visual nature that were looted and kept in public institutions or by private individuals thus depriving the peoples of Africa of their enjoyment.
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Article 11 Anyone has the right of access to the ancient manuscript books or to their digitized copies made public in compliance with the regulations in force in each country and resource institution or library as well as to the manuscripts held by privately- or family-owned libraries in compliance with the security requirements defined by the latter.
Article 12 The sale of ancient manuscript books of public interest that fall within the historical heritage and held by eligible parties is prohibited with the exception of the cases provided for by law and regulations. The manuscripts cannot be the object of lawful or unlawful sales or of transactions of a legal nature or of any other kind that aim at their migration outside of their national homes of origin. The Signatories of the present Charter encourage the States to create a “National Solidarity Fund” for the repurchase of cultural goods, notably of the ancient manuscript books, to avoid their purchase by non-national institutions or private individuals.
PART TWO: MANUSCRIPTS
THE
PRESERVING
OF
THE
Article 13 The States are encouraged to ensure that sub-regional buying groups are put in place for the inputs and tools needed for the preserving, conserving, restoring, filing and the digitization of the ancient manuscript books in order to obtain competitive purchase and sale prices and to benefit the concerned institutions as much as possible.
Annexes
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Article 14 To fight the deterioration of the manuscripts, sustainable ecological and environmental solutions as well as some proven traditional methods should be preferred to the abusive and indiscriminate use of pesticides and other chemical or industrial agents that are hazardous, costly and harmful to those who handle them and to the environment.
Article 15 Sustained awareness raising actions in the fields of protection, conservation and restoration should systematically be carried out with the private holders of manuscripts and the public and extended nationwide in each country.
Article 16 The participants commit to promoting the training of curators and librarians in private and public institutions with the State and the private sector, in cooperation with national and international partners, as well as the reform of the teaching of librarian science in the course of higher education by integrating subjects as essential as paleography, codicology, papyrology, the study of paper, the study of pests that are harmful to the manuscripts, the study of the chemical inputs that compose the ancient manuscripts, in other words the conventional techniques and traditional conservation and restoration methods of ancient manuscript books, the organization of a stock exchange for cultural goods and manuscripts in particular, all subjects that are not taught yet in most African university and schools for librarians.
Article 17 The conservation activities must not be decentralized to the detriment of the access to the ancient manuscript books or their digitized copies by the researchers.
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Article 18 Wherever the ancient manuscript books are in danger, their urgent safeguard and treatment is particularly recommended both to the public authorities and to the private owners. In this perspective, the use of conventional techniques and traditional preventive conservation methods are recommended, notably fumigation and the quarterly treatment of the library rooms and of the ancient manuscript books as well as physical conservation through systematic dusting, the use of cardboard conservation boxes, etc.
Article 19 The method consisting in microfilming ancient manuscript books is preferred with the concomitant utilization of means that are nonetheless indispensable to reproduce the manuscripts on electronic aids that tend to be high-spending since they constantly need to be updated according to the latest technologies.
Article 20 The manuscripts must be the objects of systematic descriptions as recorded in appropriate cataloguing protocols.
THE DIGITIZATION OF THE MANUSCRIPTS Article 21 The States are encouraged to set up agreed decision-making mechanisms regarding the digitization of ancient manuscript books and their photocopying according to national, sub-regional and regional schemes, and, according to the formal recommendations of the National Plans for Telecommunication Infrastructures and Information Systems. Furthermore, they are encouraged to ensure that the libraries that hold ancient manuscript books have access to a sufficiently powerful
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broadband that can meet the legitimate service needs of the providers when it comes to using the worldwide web and its resources.
Article 22 The private owners of ancient manuscript books commit to cooperating fully with the States, the universities, researchers and public libraries to find concrete solutions to make operational their respective development plans. The private holders of ancient manuscript books commit to recognizing that the public scientific or cultural institutions in charge of preserving the ancient manuscript book have the right to inspect their collections, and to communicating their inventory lists as well as their catalogues to them. In return, these institutions commit to systematizing the relations of technical and scientific assistance to the private holders and to contributing to theiragents’ in-house training.
DUTIES Article 23 The curators commit to taking any measure that aims at ensuring the traceability of their collections of ancient manuscript books in a sufficiently transparent and operational manner for them to be controlled and treated as efficiently as possible.
Article 24 The curators commit to inventorying, cataloguing and digitizing the manuscripts at their disposal.
Article 25 The librarians and the families that hold ancient manuscript books commit to applying conservation and treatment measures to the
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documents specified in this Charter, as far as their resources permit, and if need be, by resorting to private, national and/or philanthropic aid.
Article 26 The researchers, curators, holders of manuscripts and the universities commit to respecting this Charter and to make sure it is respected.
Article 25 All the concerned parties commit to promoting the involvement of women’s communities in preserving ancient manuscript books, their copies, calligraphy and the creation of artisanal objects related to the different bookrelated professions, or are encouraged to do so, in order to ensure an income generation that is crucial to sustainably manage the collections of ancient manuscript books.
Article 26 The Signatories of this Charter and the Representatives of the States encourage a reflection on and an agreed action with regard to the involvement of the national or international private sector to build efficient and secure bridges between museums, manuscript collections and mass and tailor-made cultural tourism which is the only way of ensuring the sustainable generation of an income that is urgently needed by all the parties concerned.
Article 27 The Signatories of this Charter commit to promoting inter-state and inter-institution cooperation with a view to sharing the information relating to the preserving, restoring, inventorying and cataloguing of the manuscripts, to their treatment, and the availability for researchers and students of the digitized copies of some manuscripts on individualized and joint Websites that are suited for scientific research.
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Article 28 The Signatories of this Charter commit to setting-up AFRILIN and to making it operational without any delay and to concomitantly create a Secretariat in charge of publishing an electronic information and analysis bulletin, to provide assistance to the member parties and the States requesting it regarding the elaboration of projects and the mobilization of funds managed transparently by the beneficiaries. Charter adopted in Addis Ababa, on the 19th of December 2010, by the stakeholders to the Conference on Preserving Ancient Manuscripts in Africa.
Stakeholders: Botswana (Prof. Mohammed Haron, Religious Studies Dept., Univ. du Botswana), Cameroon (Dr. Hamadu Adama, University of Ngaoundere; Mr. Idrissou Njoya, Fine Arts School, Yaounde), Central-African Republic (Prof. Diki-Kidiri, Researcher, LLACAN (CNRS, France), Republic of Congo (Prof. Theophile Obenga, Professor of History, Egyptology and Linguistics; Dr. DaMboa Obenga, Head of the Projects on Information Management), Côte d’Ivoire (Prof. Ndri Th. Assié Lumumba, Fellow World Academy of Art & Science; Professor, Cornell Univ., Africana Studies & Res. Centre, Ithaca, New York), Egypt (Prof. Yusef Ziedan, Director of the Manuscripts Division, Bibliotheca Alexandrina; Dr. Mohamed Yousry, Deputy Director, Bibliotheca Alexandrina; Dr. Mohamed Soliman, Deputy Director, Bibliotheca Alexandrina; Dr. Salem Abla Salam, Director, Department of Egyptian Antiquities, Ministry of Culture, Cairo; Mr. Othman Moamen, Curator, Cairo Museum), Ethiopia (Dr. Ayele Bekerie, Mekele Univ; Mr. Atkilt Assafa, Director of the Archives and of the National Libray of Ethiopia; Mr. Hailemariam , Ethiopian Cultural Institute; Mme Mamit Yilma , Director of the National Museum, Addis Ababa, Prof. Richard Pankhurst, founder of the Institute for Ethiopian Studies; Mme Rita Pankhurst, Librarian formerly at the University of Addis Ababa; Prof. Getachew Haile, Curator, Ethiopian Study Center, Regents Professor of Medieval Studies, Cataloguer of Easter Studies of Manuscripts, Professor Emeritus and MacArthur Fellow; Mr. Haile Gezae, Curator, Univ. of Mekele; Mr. Yosef Demissie, Enala; Mr. Hassen Mohamed, Linguistics Dept, Adis
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Ababa University; Mr. Demeka Berhane, Paleographer; Mr. Daniel Seifemicahel, Curator and Professor, Orthodox Church; Mr. Ahmed Adem, Enala, Addis Ababa), Kenya (Dr. Tom Olali, Department of Linguistics and Languages, Univ. of Nairobi), Mali (Mr. Abdel Kader Haidara, President Savama-dci; Prof. Hamidou Magassa, socio-linguist and consultant), Morocco (Prof. Ahmed Chaouqui Benbine, Director of the Rabat Royal Library; Mr. Mkadem Abdelhamid Boujdad, Librarian, Rabat); Mauritania (Prof. Abdel Wedoud Ould Cheikh, Univ. Paul Verlaine, Metz, France; Amb. Mohamed-Said Ould Hamody, Former Ambassador of Mauritania to the United Nations, Curator and President of the National Human Rights Organization; Mr. Jiyid Ould Abdi, Director of the IMRS; Dr. Mohamedou Mohameden Meyine, Dept. of History, University of Nouakchott; Mr. Sidi Mohamed Abidine Sidi, Curator, Library of Ouadane), Niger (Prof. Seyni Moumouni, Head of the Department of Arab Manuscripts and Ajami, IRSH, University Abdoul Moumouni, Niamey; Prof. Dioulde Laya, Historian, former Director of the Celtho, Niamey); Nigeria (Prof. G. Oluwabunmi Alegbeleye, Dean of the School for Librarians of Ibadan; Dr Kabir Chafe, Director, Arewa House, Kaduna; Dr Mahmoud Hamman, Immediate Past Director, Arewa House, Kaduna; Dr. Sule Muhammad, Director, Northern History Research Scheme of Ahmadu Bello University; Mr. Salisu Bala, Program Coordinator, Nigeria Arabic Manuscript Project; Mr. Musa S. Muhammad, Arewa House Archivist; Prof. Amidu Sanni, Lagos State University; Dr. Mukhtar Bunza, Kaduna; Dr. Adamu Abdalla Uba, Dept of Mass Communications, Bayero University, Kano), Senegal (Prof. Boubacar Barry, Coordinator of the Book Project in several volumes on regional integration in Africa ; Prof. Aboubacry Moussa Lam, History Dept., Ch. A. Diop University, Dr. Mamadou Cisse, Linguistics Professor, Cheikh Anta Diop Univ.; Ms. Nafissatou Bakhoum, Director African Cultural Goods Project, IFAN, Cheikh Anta Diop Univ.; Mr. Souleymane Gaye, Curator, Manuscripts Section, IFAN, Cheikh Anta Diop Univ.; Mr. Demba Tewe, Librarian, Islamic Institute, Dakar; Mme Yassine Fall, President, African Women Millennium Initiative; Prof. J. Habib Sy, Executive Director and Founder of Aide Transparence, Professor of Communications and Information Technologies), Tanzania (Dr. Hamdun Ibrahim Suleyman, Muslim University of Morogoro), United States (Dr. Charles Finch, MD, former Professor at Morehouse Univ., Atlanta ; Prof. Ghislaine Lydon, UCLA History Department; Mrs. Ira Revels, Librarian, Cornell University, Ithaca). Annexes
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International Conference on the Preservation of Ancient Manuscripts in Africa AFRICA (ADDIS ABABA December 17-19, 2010)
FINAL RESOLUTION ON THE PRESERVATION OF HERITAGE ARCHIVES IN AFRICA For nearly half a century, Africa has been aimlessly seeking to preserve its centuries old archives from destruction and oblivion. Internal and external investments were unfortunately unavailable to face the quadruple challenges of conservation, restoration, inventory and cataloging of Africa’s ancient manuscripts dating from 12th to 19th centuries, which represents an invaluable cultural and civilization heritage both for Africa and the world. For this reason, and undoubtedly because Africa is the continent whose needs in the codicology area still remain well below standards observed elsewhere, time has come to remove this major hurdle endangering Africa’s cultural and cognitive heritage. The International Conference on the Preservation of Ancient Manuscripts in Africa, held in Addis Ababa from 17th to 19th December 2010, is particularly important because it is taking place during Africa’s fiftieth independence anniversary and the first decade of a century marked by globalization threats and still evasive promises. Massive funding in knowledge industries dominated by transnational corporations has added to the complexity of already considerable difficulties. And everywhere one hears the same cry from Algiers to Cape Town and from Dakar to Djibouti: bread before the mind game, infrastructure before info-structure. And relegated to the status of the fifth wheel of the development coach, culture is increasingly perceived as a poor link
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to growth and prosperity. Yet, it is at the heart of an hegemonic service economy in Northern industrialized nations and at the center of global capitalist and financial activity, which represents over 53% of GDP amongst G8 countries. This means that culture is selling very well, but in Africa it is shelved away despite a recent warning from Nobel Prize economist Amartya Sen who has established with the precision of an astronomer the dialectical relationship between cultural development and economic and social development. Way before him, African voices preached in the desert and were buried in the rubble of dying but still quite destructive (under)development models. It is to mitigate the effects of impoverishment and cultural underdevelopment that this document is presented for critical review of all those still interested in preserving Africa’s ancient manuscripts and creating innovative and relevant cultural/knowledge industries based on the continent’s brilliant scientific and cultural achievements through the ages.
CREATION OF A GLOBAL FUNDING MECHANISM FOR THE PRESERVATION OF CULTURAL HERITAGE The purpose of this initiative is twofold: • To make available to existing higher education librarian sciences institutions the necessary human resources and materials for their development through training and scientific research; • To lay the foundation for a genuine division of labor and the setting up of areas of specializations to revitalize dying libraries both in the private and public sectors, as well as craftsmanship, cultural trade and tourism.
TRAINING PRIORITIES The first priority in the field of academic training in manuscripts conservation will be to safely keep for generations to come Africa’s Annexes
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ancient manuscripts through exploration, cataloguing and restoration. It may go beyond traditional thematic areas such as image processing (art history, multimedia), archival archeology, contemporary history and paleography and to broaden future African trainees’ career goals in the areas of content analysis, paleography, rare books technical care and historical analysis, calligraphy, etc. This goal may be achieved thanks to a large number of adults and young people open to utilizing digital technology applied to cultural heritage and historical research through masters degree courses, internships and short training courses tailored to small libraries’ specific needs. The trainers themselves need to rely on a body of high-level specialists, but also on Codicology Ph.D students and research assistants increasingly rare in universities in crisis. Access to training courses may be managed on a competitive basis so as to allow an optimal level of highly skilled students. In order to be sustainable over time, these training centers may use existing facilities, rely on internal expertise wherever possible and be coordinated by a light coordinating mechanism based in an institution with solid expertise and high concentration of rare manuscripts. Sustainability may also be maintained through a reasonable number of competitive scholarship grants and other government and private sector sponsored grants. During their tenure, students will be able to assist existing libraries through paid internships once they will have completed their assignments. Museum, architectural and archaeological heritage trainees may as well fill vacant teaching positions in universities, schools of Fine Arts, Architecture and Librarian Sciences or other research institutions. It is from this point of view and the necessity to producing highly trained and skilled workforce mostly available outside but not inside of Africa that the creation of these centers may be seen as a sine qua non for Africa to face its huge responsibilities in this particular knowledge area. In addition, it may bring an end to the pitfalls of outward oriented and inadequate training often seen in most of Africa’s libraries and museums. The recruitment of foreign students wishing to specialize in Africa may open fresh avenues and may be encouraged in view of the devastating effects of seclusion and cultural autarchy. This may be enhanced by
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inter-university agreements through which several courses especially in paleography and archival cultural heritage may be open to international and African graduate students pursuing Master of Arts degrees in History.
REGIONAL CONCENTRATION
AND
SUB-REGIONAL
The training program described will have a twofold focus: regional and subregional. • Regional Focus. An institution of higher education with a regional focus may serve as a link for the validation of educational programs (M.A; Ph.D) and acceptance of diplomas awarded according to recognized regional and international standards. • Sub-regional Focus. Given Africa’s large territorial size and its linguistic diversity, it may be preferable and less complicated, to create 3 academic training centers covering co-hosted by libraries with a high concentration of rare manuscripts collections and universities with Library Sciences Departments: 1/ Francophone Northern, Western and Central Africa; 2/ Anglophone Western and North Eastern Africa and; 3/ Anglophone Horn of Africa, Eastern and Southern Africa. The identification of specific criteria and objectives will undoubtedly help to make a judicious choice between these institutions, and to choose the most suitable to house these long-term training programs based on national and sub-regional consultations. The sub-regional outreach of institutions listed above will enable African and international students access to in-depth interdisciplinary and comparative studies especially in their areas of focus. It is hoped that CAMES will validate the programs and approve courses taught through competitions and competitive processes that will allow professors to advance in grade similarly to their colleagues in other disciplines.
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International instructors may be authorized and assisted to spend short sabbatical periods and to discuss their research results through publications and conferences in different cities or universities. Continuing education may be designed according to private libraries’ needs, libraries that are mostly in charge of ancient manuscript collections. Special sessions will allow people in need of furthering their analytical skills in history whether as beginners or senior students to study subjects such as paleography or learning how to explore and analyze heritage objects such as handwritten books and ancient photos. These seminars will be held in evenings or on Saturdays. Several of the Master degree courses included in the paleography classes will be assessed by independent assessors as part of a continuing education package supported by the employer. Specifically designed training courses may also be organized to meet the particular training needs of public and private sectors.
The following disciplines may be covered: Sources of ancient history and period of great Empires in Africa: Berber, Ethiopian, Egyptian and other African cultural zones’ paleography; archival science and diplomatic relations; ancient African languages and writing systems; history of civil and canonical law; archeology; art history from great empires period to the XIXth century; etc. Sources of modern and contemporary history: African paleography; archival studies and diplomacy; history of institutions; history and companies’ archival records; oral surveys; media history; history of technology; history of art. • Manuscripts and literature of great empires era: paleography; codicology; illuminated manuscripts and medieval iconography; literary texts from early periods; African philology.
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• Printed books and the media: history of the printed book in modern times; history of contemporary publishing; modern and contemporary photography; audio-visual sources. • History of art and archeology: arts from great empires era to contemporary period; history of printmaking; archeology; illuminated manuscripts and medieval iconography. • Digital technology in archives, libraries and museums: cataloging; structuring data; electronic publications; digital documents and scanning procedures; design and production of electronic teaching tools. • Digital technology and research: statistical research; mapping and geographic information systems; digital processing; and electronic metrology.
SCIENTIFIC PRIORITIES • Principles of restoration of rare manuscripts • Practice of and schools of thoughts on cataloguing Transdisciplinary, polydisciplinary and comparative studies • Critical analysis, operation and interpretation of historical sources (written, graphic, audio, animation, archaeological, artistic or monumental sources) with an emphasis on methodology, production of reference instruments and the critical editing of sources, from the great empires era to modern times. • Views on the constitution, conservation and transmission of heritage culture, which led to the production of hand made and handwritten books and archival documents or monuments not only as objects of professional practice, but as memorial sites.
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RESEARCH AND PUBLICATIONS Publication of theses or conference proceedings and journals. Publication of methodology in auxiliary sciences, bibliographies, collections of documents or editing source documents. • Webliography and maintenance of state-of-the-art website using multimedia and satellite technologies. • Instructors and students’ research results such as theses and dissertations will be published in the Institute’s website and kept in databases and catalogs.
TRAINING CENTRES’ LIBRARIES One of the most important criteria for selecting sub-regional training centers will be their capacity to host an already existing functional library well endowed with rich old and modern archival and modern books, documents and ancient manuscripts. During the first 5 years, the libraries acquisitions may be strengthened so that they will be closely related to training centers’ research and teaching activities as well as promoting income generating activities and fund raising campaigns carried out by retired professionals and librarians. The classification of these libraries may accurately reflect subjects taught: bibliography, palaeography and codicology, sources of African history, philology of African languages, Latin and Romance languages, history of law and archeology. The classification will be mainly focused on the ancient and medieval periods as well as on sources related to the history of Africa’s main cultural cradles. In addition, without pretending to compete with other highly specialized libraries, these training centers’ libraries may provide to their students and instructors and authorized readers the main tools and materials commonly used in modern librarianship.
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The future training centers to be created may be public institutions with a scientific, cultural and professional status and may be entrusted in the medium to long terms with the same status than larger institutions. Managed by a Director but overseen by a Board of Directors and a Scientific Council, these training centers may be conceived as institutions with optimal operationality fully capable of integrating risks factors in their workload and avoid errors that have crippled most African institutions in a recent past.
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Addis Ababa, 19 December 2010
Final Report International Conference on the Preservation of Ancient Manuscripts in Africa (United Nations Conference Center, Addis Ababa, 17-19 December 2010) The International Conference on the Preservation of Ancient Manuscripts in Africa took place in Addis Ababa from December 17th to 19th 2010 at the United Nations International Conference Center. The meeting was coordinated by Aid Transparency and organized in co-operation with Africa’s main Librarian Associations and Experts, the Government of the Federal Democratic Republic of Ethiopia, thanks to a generous financial support of The Ford Foundation, and with the technical support of the Office of the Minister of Culture and Tourism of Ethiopia, the Ethiopian Agency of National Archives and Library (Enala), the United Nations Economic Commission for Africa and the United Nations Conference Center in Addis Ababa. The Conference brought together the delegations of the following countries: Botswana, Cameroun, Congo, Egypt, Ethiopia, France, Great Britain, Kenya, Mali, Mauritania, Morocco, Niger, Nigeria, Senegal, South Africa, Tanzania, Uganda and the United States of America.
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I. Keynote Speakers
Keynote speakers were as follows: Mr. Abdel Kader Haidara, President, Savama-Dci, Mali; Ambassador Mohamed Said Ould Hamody, Professor Emeritus Theophile Obenga; Prof. Andreas Eshete, President, Addis Ababa University; H.E., Mr. Amin Abdoulkadir, Minister of Culture and Tourism H.E., Professor Hailemariam Desalegn, Deputy Prime Minister and Minister of Foreign Affairs. Speeches dealt mostly with the historical role played by ancient book manuscripts in furthering Africa’s cognitive heritage, their transmission to present and future generations and threats facing them. Prof. Theophile Obenga delivered his keynote speech on the history of writing, the anteriority of Africa’s writing systems, African writing systems’ influence on various civilizations and their unparalleled and lasting impact on world civilizations. Following the opening ceremony, the Deputy Prime Minister and Minister of Foreign Affairs of Ethiopia, the Minister of Culture and Tourism of Ethiopia and several personalities and members of the diplomatic community in Addis Ababa and Conference participants inaugurated an Exhibition on Africa’s Writing Systems and Graphic Signs From Antiquity to the XIXth Century in the exhibition area of the United Nations International Conference Center. A sample of original ancient manuscript books (14th to 19th century) from Egypt, Ethiopia, Mali, Mauritania, Nigeria, Senegal and specimens of ancient manuscripts and an iconography of South Africa, Egypt, Ethiopia, Libya, Mali, Mauritania, Nigeria and Senegal were presented. The Conference closing ceremony was chaired by H.E., Mr. Girma Wolde Giorgis, President of the Federal Democratic Republic of Annexes
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Ethiopia, in presence of the Minister of Culture and Tourism, Mr. Amin Abdulkadir, the diplomatic corps representatives and international organizations, the Librarian Associations and research institutions Representatives, the staff of Aid Transparency and participants.
Speakers were: Dr. J. Habib Sy, Director of Aid Transparency Senegal H.E., Mr. Amin Abdoulkadir, Minister of Culture and Tourism H.E., Mr. Girma Wolde Georgis, President of the Republic. The speeches related to the assessment of the Conference and the prospects for the preservation and development of ancient manuscripts in Africa. The delivery of honorary diplomas to personalities and institutions, as a testimony of satisfaction of Africa for their efforts in the safeguarding of ancient manuscripts, put an end to this ceremony. II . Proceedings After the opening session, three panels were organized on December 17th, 2010. They related to: 1. Radioscopy of ancient manuscripts: challenges of collection and preservation 2. Research in history and written systems through African ancient manuscripts 3. Strategies for preserving ancient manuscripts of Africa. The papers of the keynote speakers and the various discussions were th debated at the two plenary sessions of December 17th and 18 , 2010. During these sessions, which proceeded in the form of a roundtable, the papers and discussions converged, in a recurring fashion, towards six main axes of reflection relating to the following points: 1 The role of the State as a legislator in the safeguard of ancient manuscripts;
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2 Training of professionals and centers concerned; 3 Collection and on-line dissemination of the contents of ancient manuscripts as information sources for research and teaching; 4 The contribution of ancient manuscripts in the rehabilitation of African languages and the cultures which they convey, as well as knowledge related to them, so as to promote the development of the African continent; 5 Co-operation of the institutions in charge of preserving ancient manuscripts and the relevant networks of professionals; 6 The need for highlighting the historical contribution of African women in authoring key texts and literature in Africa’s ancient manuscripts. With regard to the first item, it reiterates and summarizes the concerns of professionals and researchers as to the institutional limits in the safeguard of ancient manuscripts. In this respect, while the need for legislation and regulation were highlighted, it was underscored that they would be without effect in the absence of a political will to implement them. Three projects representing a cross-section of views that were presented in different papers deal with Africa’s outstanding training issues in the areas of manuscripts conservation, analysis and restauration. Projects on the creation of sub-regional manuscripts restauration and preservation training centers were presented by Savama-Dci (Timbuktu, Mali) for a coverage of West African francophone needs while the President of Addis Ababa University presented the case for a training centre covering restauration and preservation needs in East Africa. Arewa House (Kaduna, Nigeria) proposed the setting up of a training center covering anglophone West Africa in the areas of codicology, preservation, restoration and documentation of rare African manuscripts. These three projects whose objectives are complementary, especially given the scarcity of the training centers in Sub-Saharan Africa, were thoroughly discussed. Strong recommendations were made stressing the complementarity of these projects and calling for research and librarian institutions to fully cooperate for the achievement of their respective strategic goals and action plans. The geographical and linguistic distribution of these projects covering African countries using English, French and Amharic as official languages made all these projects even Annexes
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more appealing and complementary. The Alexandrina Library (Egypt) suggested to host short yearly training sessions targeting small groups of African trainees depending on the availability of financial resources. Participants in Panel # 3 stressed the importance of content analyzing Africa’s old manuscripts in view of revisiting old paradigms and bringing new evidence on historical, social and political trends between the earliest stages in antiquity and the XIXth century. Emphasis was also placed on the utilization of communication and information technologies. It was also recognized that electronic and digital information capturing and dissemination were essential in ensuring that adequate metadata, manuscripts digitalization and the like can allow researchers and decision takers to have speedy and optimal access to Africa’s written treasures not only to the benefit of African researchers but indeed on regional and international scales. Participants also recognized the vital necessity to train Africans in the linguistic areas covered by ancient manuscripts and using Africa’s major lingua franca such as Hausa, Yoruba, Fulfulde, Soninke, Hassanya, Berber, Wolof, Swahili, Arabic, etc. Panel # 2 placed emphasis on the normative value of ancient manuscripts in the rehabilitation of African languages and the cultures, which they convey, as well as the knowledge related to them so as to promote development. Key papers presented new evidence on African writing systems, literature and scientific achievements in a movement that predated all the other writing systems including Mesopotamia. Professor Theophile Obenga strongly suggested in his main keynote address and in panel discussions that Africa is the cradle of humankind and the cradle of writing. Several historians, linguists and sociologists supported this paradigm shift and brought new evidence in several parts of Africa. These views were completed by a holistic approach positing that Africa should emphasize the study of its languages and writing systems and use such a knowledge in present development processes and in view of boosting Africa’s scientific and technological sectors. Discussions related to inter-institutional cooperation between libraries holding important collections of ancient manuscripts in Africa and between relevant professional networks dealt with Africa’s high expectations on the successful launching of AFRILIN, the African
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Network for Learning and Information Exchange in the area of Manuscript Preservation in Africa at this conference. AFRILIN is about training and knowledge sharing between private and public libraries and museums dealing with old manuscripts in Africa. It was suggested that these institutions do not often have the expertise to preserve, restore, inventory and catalog ancient manuscripts. In that perspective, AFRILIN was seen by several participants as a major mechanism and tool for social mobilization amongst private manuscripts owners as well as a forum for keeping track of endangered manuscripts and seeking ways to preserve them in a sustainable manner as full components of Africa’s cultural and intellectual heritage. It was also suggested to maintain connections between training centers, museums and research institutions on ancient manuscripts and between high schools, universities and student populations. A strong gender dimension on the study of ancient manuscripts was accepted by a sizable number of participants as an area of research worthy of being further investigated upon. It was indeed recognized that African women played a vital role in writing, calligraphy, literature, religion and scientific discourse. Participants stressed the need to recognize the outstanding contribution of African women in Africa’s heritage literature including in shaping Africa’s cognitive heritage as well as the mastery of political and sacerdotal power. Cultural property rights were also discussed. It was felt that African audiences were not well informed on the immense treasures they have at hand with ancient manuscripts of great value to humankind. Participants underlined the pressing need for creating restoration laboratories and to undertake more vigorously codicological studies of these ancient manuscripts. Finally, several contributions held that this International Conference on the Preservation of Ancient Manuscripts in Africa was a major step forward in rasing regional and global awareness on the importance of ancient manuscripts as a corpus of knowledge in all fields of thoughts and the urgent necessity to preserve them from being destroyed or mishandled with fatal consequences. In his closing remarks, Prof. Théophile Obenga stated that the Addis Ababa Conference was the starting point for a robust promotion of ancient manuscripts in Africa Annexes
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along with similar efforts that were made in the areas of arts, literature and oral tradition. In a final plenary session, participants endorsed the following recommandations and road map:
Recommendations: During the Conference, it seemed essential to the participants, affiliated to university institutions and research centers, as well as various associations of librarians, to define broadly a strategic framework that would take account of all ancient manuscripts preservation, analysis, promotion and restoration issues. Specific recommendations were brought to the attention of States, intergovernmental and nongovernmental organizations, public and private institutions, as well as Librarians. Five fundamental points were stressed as follows: 1. Providing opportunities for institutional strengthening and growth through the creation and equipment of libraries and manuscripts restoration centers and the launching of an African Institute of Codicology; 2. Reinforcing existing national and supra-national legal frameworks for protecting cultural properties in general and ancient manuscripts in particular and resolutely fighting ancient manuscripts and cultural treasures illicit and illegal trafficking; 3. Joining international conventions on the protection of cultural property; 4. Disseminating the content of ancient manuscripts and exhibiting them in order to ascertain Africa’s outstanding contribution to universal civilization and more specifically to writing, arts, science and literature; 5. Accelerating the training of professionals for preserving ancient manuscripts, furthering the aims of codicological methodology and science as well as key ethical values attached to librarianship.
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On the basis of these points and Ø Considering the importance of ancient manuscripts as elements of African cultural and intellectual heritage; Ø Aware of their fundamental role in knowing Africa’s past and the depth of its knowledge in all fields; Ø Convinced of the massive threats weighing on African ancient manuscripts, particularly the risks associated with their rapid deterioration due to entropic, environmental and illicit trafficking factors; Ø Knowing that any ancient manuscript is unique; Ø Considering that any theft or disappearance of an ancient manuscript constitutes an irreversible loss for Africa and universal cultural and intellectual heritage; Participants recommended:
I/ To African States: 1. To create libraries and resource centers in charge of preserving ancient manuscripts and disseminating their content; 2. To associate curators of ancient manuscripts to the architectural design of these libraries and resource centers; 3. To give more significance to ancient manuscripts in training, educational, scientific, cultural and documentary research programs; 4. To promote awareness raising of populations, especially ancient manuscripts owners on their importance as cultural property and reference documents on the past and knowledge of Africa; 5. To introduce studies of ancient manuscripts in higher education, librarian training and museum professional programs; 6. To conduct national inventories of ancient manuscripts and use them as official legal documents for tracing cultural archives;
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7. To encourage the private and family-owned libraries possessing manuscripts to follow suit and to send the lists of their inventory to national libraries and research centres; 8. To adopt and enforce adequate legislation and regulations for the protection of ancient manuscripts; 9. To establish precise legal definitions of the notions of heritage, cultural goods and property, including a legal definition of ancient manuscripts, and to harmonize such definitions with international conventions; 10. To harmonize the methods for fighting against illicit trafficking of cultural property, ancient manuscripts in particular, at international, regional and subregional levels; 11. To sign and ratify the international conventions for the protection of cultural property and the fight against the trafficking of such property; 12. To establish and disseminate red lists of threatened and coveted ancient manuscripts; 13. To create a “National Solidarity Fund” for the purchasing of cultural property, notably ancient manuscripts, to avoid their massive evasion outside of Africa by more powerful institutions and individuals; 14. To collaborate more closely with the international organizations that contribute to the protection of cultural property, such as UNESCO, ISESCO, International Council of Museums (ICOM), INTERPOL, World Customs Organization (WCO), etc.; 15. To develop relations of cooperation and exchange between their various research institutions; 16. To organize ancient manuscripts exhibitions at national, sub-regional, regional and international levels, in order to illustrate the historical contribution of Africa, notably its sub-Saharan part, to universal intellectual heritage; 17. To ensure the systematic establishment, in public and private institutions holding ancient manuscript collections of safety standards and protocols relative to cataloguing, preservation, restoration, humidity, theft, pests, fire and water damages;
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18. To promote the preservation and the exhibition of ancient manuscripts in museums as cultural properties representative of the African cultural and intellectual heritage.
II/ To intergovernmental organizations:
and
nongovernmental
1. To organize an international conference in order to standardize the terminology of ancient manuscript sciences and to publish its proceedings; 2. To promote training programs for librarians and preservation professionals; 3. To strengthen financial, scientific and technical support to African public and private institutions preserving manuscripts and disseminating their content; 4. To organize regional meetings on the protection of ancient manuscripts and the fight against their illicit trafficking; 5. To elaborate and disseminate a manual to help the States fight efficiently against the illicit trafficking of cultural property; 6. To elaborate and disseminate a manual to help public and private institutions in charge of preserving ancient manuscripts systematically establish and enforce the safety and protocol standards related to humidity, theft, pests, fire and water damages.
III/ To the public institutions in charge of preserving ancient manuscripts: 1. To systematically digitize their ancient manuscript collections and disseminate these documents through electronic media for their use by teachers, researchers and students, as well as to deter illicit trafficking; 2. To include theses and dissertations in public and private libraries’ catalogues in cooperation with universities; 3. To institutionalize technical and scientific support to public and private libraries holding ancient manuscripts; 4. To contribute to in-house training of Librarians;
Annexes
501
5. To create and ensure the enforcement of codes of ethics by Librarians and staff responsible for managing ancient manuscripts collections; 6. To systematically notify Interpol in the event an ancient manuscript or its sheets have disappeared; 7. To systematically establish in their institutions safety standards relating to humidity, theft, pests, fire and water damages;
IV/ To private and family institutions holding ancient manuscripts: 1. To recognize that the public scientific or cultural institutions in charge of preserving ancient manuscripts have the right to inspect private collections, and have private owners communicate their inventory lists as well as their catalogues to such institutions; 2. To develop relations of cooperation, training and technical and scientific support with these institutions, particularly for inventory and cataloguing purposes; 3. To digitize their collections of ancient manuscripts and disseminate these documents through electronic media for their best use by teachers, researchers and students, and to deter illicit trafficking; 4. To offer thesis and dissertation topics from their catalogue of ancient manuscripts, in collaboration with universities; To promote ancient manuscripts exhibitions at national, sub-regional, regional and international levels; 5. To create and ensure the enforcement of ethical rules by the agents in charge of their preservation; 6. To systematically notify Interpol in case an ancient manuscript or its sheets have disappeared; 7. To systematically establish in their institutions safety standards relative to humidity, the fight against theft, pests, fire and water damages; 8. To ensure the enforcement of safety standards relating to humidity, theft, pests, fire and water damages.
502
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
V/ To professional librarians preserving ancient manuscripts: 1. To adopt and disseminate a “code of ethics for the profession of ancient manuscript curators”; 2. To ensure the systematic enforcement of the rules of ethics in their work; 3. To ensure the systematic enforcement of the safety instructions relative to humidity, theft, pests, fire and water damages.
Addis Ababa, 19 December 2010.
Annexes
503
Index A acquisition 65, 284, 305, 352, 396, 430, 431, 444, 450, 452, 454, 465
226, 227, 258, 259, 261, 264, 265, 274, 278, 286, 293, 308, 415, 426, 449, 471
activité commerciale 271 voir commerce
ajami xvi, xxvii, xxix, 38, 178, 206, 221, 230, 426, 433
administration 75, 220, 258, 377, 423, 424, 459, 474
alphabet xxviii, 118, 130, 213, 334, 336, 350, 359, 361, 366, 368, 369, 370, 371, 372, 374, 376, 377, 378, 379, 380, 386, 424, 425, 434
administration coloniale 258, 424 Ahmed Baba xviii, xxiii, xxx, 97, 172, 174, 175, 176, 179, 183, 191, 196, 197, 198, 199, 200, 212, 215, 217, 224, 225,
archivage 41, 67, 137, 221, 416, 443, 461, 462
B Bamoum 223, 373, 374, 387 du désert 125 familiale 52, 123 Fondo Kati xxiii, 284, 305, 308 Habott 124, 143 Bibliothèque nationale xxvii, xxviii, xxx, 88, 102, biographie 38, 171, 186, 216, 217, 218,
bibliothèque voir aussi collection Mamma Haïdara 97, 275, 292, 295 privée 118, 228, 283, 284, 307, 357, 390, 430 royale 35, 50, 169, 171, 172 167, 168, 186, 395, 417 232, 342
C calligraphie 94, 136, 150, 157, 182, 306, 311, 422, 432, 433, 438 captif 234 Carte xxvi, 47, 221 catalogage xxx, 41, 55, 84, 121, 140, 142, 168, 183, 228, 251, 284, 285, 287, 288, 289, 290, 292, 299, 300, 303, 305,
504
306, 307, 308, 312, 313, 314, 315, 389, 390, 391, 392, 394, 398, 400, 401, 402, 403, 404, 405, 407, 408, 409, 410, 427, 432, 433 catalogue 33, 54, 55, 67, 68, 69, 71, 72, 80, 121, 140, 143, 153, 168, 362, 432, 502 Centre de documentation et de re-
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
cherche Ahmed Baba (CEDRAB) xxiv, 135, 265 collecte 41, 55, 68, 99, 141, 180, 181, 306, 389, 398, 407, 408, 416, 450 privée xxx colon xvi, xviii, 39, 40, 304, 372, 373
collection xvi, xxvii, xxix, xxx, 65, 74, 169, 170, 224, 229, 255, 256 voir aussi musée
345, 346, 349
colonie 167, 258
commentateur 72, 73, 196
colonisateur 384, 385
commerce xvii, 35, 36, 46, 48, 59, 95, 98, 99, 102, 103, 105, 106, 109, 112, 113, 116, 181, 192, 201, 220, 221, 229, 232, 237, 246, 262, 272, 273, 274, 285, 293, 294, 306, 307, 310, 311, 429 Voir aussi Echanges commerciaux ou transsahariens 274, 285, 293, 294, 306, 307, 310, 311, 429 transsaharien xvii, 35, 36, 46, 48, 59, 95, 98, 99, 102, 103, 105, 106, 109, 112, 113, 116, 181, 192, 201, 220, 221, 229, 232, 237, 246, 262, 272, 273, 274, 285, 293, 294, 306, 307, 310, 311, 429 Voir aussi Sel, Or, Routes commerciales transsahariennes
colonisation xix, 45, 49, 109, 113, 168, 180, 293, 294, 372, 384, 423, 425, 449 voir aussi administration coloniale commentaire 50, 58, 60, 67, 70, 77, 79, 82, 83, 86, 204, 232, 233, 237, 260, 341, caravanier xvii, 35, 36, 46, 48, 59, 95, 98, 99, 102, 103, 105, 106, 109, 112, 113, 116, 181, 192, 201, 220, 221, 229, 232, 237, 246, 262, 272, 273, 274, 285, 293, 294, 306, 307, 310, 311, 429 du livre xvii, 35, 36, 46, 48, 59, 95, 98, 99, 102, 103, 105, 106, 109, 112, 113, 116, 181, 192, 201, 220, 221, 229, 232, 237, 246, 262, 272, 273, confrérie 53, 176, 177, 254 copiste 40, 60, 67, 99, 231, 233, 234, 235, 243, 244, 247, 252, 254, 257, 258, 259, 260, 261, 262, 263, 339, 348, 349, 350, 351, 356, 380, 381, 382, 383, 426, 432
Coran xvi, 56, 63, 64, 71, 72, 82, 120, 125, 166, 167, 170, 171, 195, 204, 205, 206, 207, 226, 238, 244, 258, 259, 260, 311, 338, 345, 357, 360, 361, 429 correspondance 38, 73, 242, 250, 411, 434
D démotique 333
dogon 271
Djenné 35, 178, 212, 223, 241, 248, 272, 275, 285, 292, 306, 307, 311, 314 islamique 120, 229, 233, 354 Voir aussi Fiqh
droit musulman 207 Voir aussi Fiqh
Droit d’auteur 446
Index
505
E échanges commerciaux 56, 59, 109
transsahariens 49, 58
école coranique 205 écoles coraniques 202, 205 empire du Ghana 271 du Mali 35, 271, 272 encre 33, 34, 39, 58, 60, 63, 105, 106, 110, 122, 127, 128, 155, 182, 183, 191, 294, 340, 350, 374, 376, 380, 381, 382, 383, 427, 428 enluminure 177 enseignement xxi, 38, 40, 45, 66, 75, 76, 79, 129, 136, 166, 169, 179, 196, 198, 201, 203, 204, 205, 206, 220, 223, 233, 288, 292, 293, 300, 301, 311, 312, 334, 351, 353, 363, 364, 386, 440, 466
Songhaï 272 Voir aussi Ecole esclavage 38, 41, 111, 224, 256, 257, 258, 259, 278 Consulter particulièrement le chapitre 10 de Dioulde Laya esclavagiste 37, 219, 257 esclave 33, 67, 81, 258, 259, 260, 261, 262, 263 Es-Sa’adi Abderhamane 294
F fatwa 104, 120 fiqh 67, 69, 72, 73, 76, 77, 80, 166, 183,
239, 342, 345, 348 Voir aussi Droit musulman
G gé’éz xix, xxvii graphie arabe 37
Voir aussi Systèmes Graphiques, Signes graphiques
H Habott 118, 121, 123, 124, 125, 142, 143, 158, 159
hiéroglyphe 332
I IHERIAB (Institut des hautes études et de recherches islamiques Ahmed Baba) xviii, xxiii, 97, 135, 175, 196, 223, 224,
506
225, 226, 227, 228, 231, 258, 259, 265, 275, 276, 293, 307, 309, 310, 312, 313, 314, 315, 390, 393, 449
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
Voir aussi Centre de documentation et de recherche Ahmed Baba (CEDRAB) immigration Voir aussi Migration imprimé 96, 338, 466 imprimerie 95, 116, 303, 304, 360, 363, 364, 401 IMRS (Institut mauritanien pour la
recherche scientifique) xvii, 44, 45, 46, 55, 56, 57, 74, 85, 86, 90, 92, 97, 117, 118, 120, 121, 141, 143, 151, 153, 154, 156, 157, 158, 183, 391, 393, 394, 471, 483 Institut français d’Afrique noire (IFAN) xvi, 120 islamisation 189, 199, 425
J jurisprudence 71, 74, 120, 205, 206,
227, 234, 235, 239, 246
K Kankou Moussa 190, 192, 193, 194, 211
L lettré 74
Voir aussi Ouléma
M marginalia 230, 362
migration 103, 106, 452, 463, 477
medersa 168, 169 Voir aussi école coranique
Musée xxii, xxvii, 306, 371, 372, 373, 374, 376, 381, 382, 383
N néolithique xvi, 116 Niger xxii, xxix, 40, 48, 95, 109, 118, 158, 180, 181, 189, 193, 199, 210, 213, 216, 219, 221, 224, 257, 271, 272, 273, 277, 278, 286, 287, 303, 304, 308, 310, 440, 441, 483, 492
numérisation 40, 41, 229, 306, 307, 308, 310, 313, 314, 318, 389, 390, 392, 393, 394, 396, 397, 398, 399, 400, 401, 403, 404, 405, 406, 407, 408, 409, 410, 426, 435, 457, 462, 463 Consulter particulièrement le chapitre 22
O l’or 39, 102, 110, 191, 232, 285
oralité xx, 331, 424
P paléographie 151, 177, 182, 280, 281
papier xxviii, 33, 34, 35, 56, 57, 58, 59, Index
507
60, 76, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 108, 110, 116, 117, 123, 126, 127, 128, 134, 135, 136, 137, 138, 145, 152, 155, 165, 167, 169, 177, 178, 181, 182, 221, 294, 295, 303, 304, filigrané xxviii, 34, 221 papyrus xx, 62, 169, 339, 474 parchemin 57, 58, 99, 101, 104, 106, 145, 167, 169, 171, 177, 178, 273, 339,
318, 338, 339, 358, 372, 374, 376, 380, 382, 383, 427, 428, 432, 437, 458, 465, 469 consulter particulièrement les chapitres 4 et 12 427, 428, 432, 437 poésie 38, 199
R reliure 98, 102, 106, 107, 108, 125, 136, 137, 182, 339, 450 restauration xxiv, 55, 97, 100, 101, 122, 129, 130, 131, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 144, 146, 147, 150,
151, 153, 154, 155, 156, 157, 158, 163, 164, 170, 180, 228, 273, 295, 299, 300, 306, 309, 310, 312, 313, 314, 315, 397, 398, 399, 408, 416, 426, 437, 439, 450, 495
S Sankoré xxviii, 36, 173, 189, 190, 196, 197, 199, 200, 201, 202, 203, 205, 206, 207, 212, 216, 233, 275, 279, 293, 294, 308, 309, 311, 312, 421 sauvegarde v, 117, 118, 120, 121, 123, 126, 134, 138, 139, 140, 141, 142, 143, 154, 158, 159, 161, 162, 163, 164, 216, 223, 229, 287, 292, 293, 307, 310, 311, 356, 390, 391, 394, 396, 397, 416, 426, 439, 443, 444, 449, 450, 462, 463 SAVAMA-DCI xxi, xxiii, 32, 39, 40, Njoya 40, 223 Sultan Njoya 40, 223
213, 223, 224, 230, 255, 256, 264, 275, 276, 280, 281, 285, 286, 288, 296, 303, 469 script 336, 413, 415, 446 scripturaire xv, xx, 166, 278, 366, 377, 379, 384 sel 113, 189, 191, 232, 242, 272 stockage 41, 221, 281, 312, 389, 396, 398, 400, 403, 409, 450, 455 Sultan consulter particulièrement le chapitre 21
T Tarikh el-Fettach 179, 186, 203 tradition orale 198, 203, 222, 224, 270, 271, 379 la traite 37, 219
508
traité 71, 119, 229, 231, 232, 235, 236, 238, 239, 243, 246, 252, 253, 256, 289, 292, 341, 381
L’Afrique, berceau de l’écriture et ses manuscrits en péril
U uléma Voir aussi Lettré de Sankoré 173, 189, 190, 196, 199, 200, 203, 294, 421
université Voir chapitre 5
Index
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Achevé d’imprimer par Corlet Numérique - 14110 Condé-sur-Noireau N° d’Imprimeur : 111963 - Dépôt légal : octobre 2014 - Imprimé en France
Cel i v r ec ol l ec t i f ét a bl i ts a nsc ompl a i s a nc el ac ont r i but i ondel ’ Af r i queda nsl ’ i nv ent i ondel ’ éc r i t ur eets a domes t i c a t i ons url al onguedur ée , a ubénéc edupr ogr èss c i ent iqueett ec hnol ogi que . L at r a j ec t oi r e a f r i c a i neda nsc edoma i nees ta bor déed’ unqua dr upl epoi ntdev ue: 1/Àt r a v er sl al onguec ha î ned’ i nnov a t i onsetd’ i nv ent i onsquiontj a l onnél apr éhi s t oi r eetl ’ hi s t oi r e , quel l ees tl ac i v i l i s a t i onqui , l apr emi èr e , ai nv ent él ’ éc r i t ur e? 2/L ’ Af r i que ,t er r ed’ or a l i t é ,e x c l us i v ement ,et / oud’ éc r i t ur e ,oul esdeuxàl af oi s ,et ,dur a ntquel l es pér i odes? 3/Da nsquel ét a ts et r ouv entl esc ol l ec t i onsdema nus c r i t sa nc i ensduc ont i nenta f r i c a i n, et , c omment l espr és er v erdel adégr a da t i one x t r êmequil esdét r ui ti ne x or a bl ement ,f a i s a nta i ns ic our i r ,a ux génér a t i onsf ut ur es , l er i s quedeper dr el eurhér i t a ges c r i pt ur a i r eetl i t t ér a i r e? 4/Quel ss ontl esenj euxgéos t r a t égi quesetc ul t ur el sl i ésàl ' e x pl oi t a t i ondesma nus c r i t sa nc i ens a f r i c a i nsda nsl esdoma i nesdel ' éduc a t i on,del ar ec her c hehi s t or i ogr a phi que ,a nt hr opol ogi que , pa l éogr a phi queetc odi c ol ogi queet , pl usgénér a l ement , despr ogr èss c i ent iquesett ec hnol ogi ques a ubénéc edespeupl esa f r i c a i ns? F a c ea uxa s s a ut sr épét ésdel ’ hi s t or i ogr a phi edomi na nt e , c etouv r a ger ét a bl i tl ’ Af r i queda nss esdr oi t s , etmont r e , s url aba s edef a i t shi s t or i quesets c i ent iquesa t t es t és , qu’ el l ees tl eber c ea udel ’ éc r i t ur e , et quel ’ a bonda nt el i t t ér a t ur eetl esnombr euxs y s t èmesd’ éc r i t ur el éguéspa rs ess a v a nt sda nst ousl es doma i nes( a s t r onomi e ,hi s t oi r e ,a r c hi t ec t ur e ,dr oi t ,pha r ma c opée ,médec i ne ,c hi r ur gi e ,i r r i ga t i on, ma t héma t i ques , géomét r i e , t r i gonomét r i e , a r t s , l i t t ér a t ur e , poés i e , a r t sdéc or a t i f s ,s c ul pt ur e , et c )àl a pos t ér i t és ontunpr éc i euxhér i t a gepourt ous . Cel i v r e ,endeuxv ol umes ,es tunc r id’ a l a r medel ’ Af r i quepourév ei l l ers esdi r i gea nt s ,l emondeet l ’ huma ni t ét out eent i èr e , àl anéc es s i t édes a uv erl esma nus c r i t senpér i l del ’ Af r i que , etdel est i r erde l ’ oubl ietdel ’ a ba ndon.Unv i br a ntpl a i doy erdesc her c heur s ,desbi bl i ot héc a i r esetdespr eneur sde déc i s i onAf r i c a i nsr éuni sàAddi sAbéba( 1719Déc embr e2010)pr opos edess ol ut i onsc onc r èt eset r éa l i s t esdec ons er v a t i ondest r és or sma nus c r i t sa f r i c a i nsqui s ontpa r t i ei nt égr a nt eetl ’ undesma i l l ons es s ent i el sdupa t r i moi nec ul t ur el del ’ huma ni t é . L epr emi erv ol umeat r a i tàl ’ év ol ut i onhi s t or i quedel ’ Af r i quedupoi ntdev ues c r i pt ur a i r e , etàl ’ e x a men desc ol l ec t i onse x i s t a nt esdema nus c r i t sa nc i ens , pl uspa r t i c ul i èr ementenAf r i quedel ’ oues t , duc ent r e etdunor d,pr i nc i pa uxba s t i onsdel ’ a r ts c r i pt ur a i r eetdel ac odi c ol ogi epor t a nts url ’ a s t r onomi e ,l e dr oi t , l amédec i ne , l ’ a r c hi t ec t ur e , l aphi l os ophi e , l agr a mma i r e , et c . L ev ol ume2r epr és ent eune x a mendesc ont enusetdespr i nc i pa uxenj euxdel ac ons er v a t i onàt r a v er s di ffér ent spa y sd' Af r i ques ubs a ha r i enne . L esenj euxgéos t r a t égi quess ontpa s s ésenr ev ueàl al umi èr e despr omes s esdesnouv el l est ec hnol ogi esdel ' i nf or ma t i onetdel ac ommuni c a t i on.
J a c quesHa bi bS y of es s eurens c i enc esdel ’ i nf or ma t i onetdel a ,pr c ommuni c a t i on,aens ei gnéda nspl us i eur suni v er s i t ésa f r i c a i neset a mér i c a i nes et a publ i é des ouv r a ges s ur l a gouv er na nc e démoc r a t i queetl ’ i mpa c ts oc i opol i t i queetc ul t ur eldest ec hnol ogi es a v a nc éesdel ac ommuni c a t i on. L ’ a ut eures tl ef onda t eurdut hi nkt a nk r égi ona la f r i c a i n Ai d T r a ns pa r enc y et ,v i entde c r éer ,a v ecdes s péc i a l i s t esdeha utni v ea u, unI ns t i t uta f r i c a i ndec odi c ol ogi e( s c i enc e desma nus c r i t s ) , enc or eenges t a t i on. I S BN: 9782296998858
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