La théorie analytique de la société dans l’oeuvre de Talcott Parsons [Reprint 2018 ed.] 9783111655383, 9783111271231


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French Pages 200 [208] Year 1974

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Table of contents :
Introduction
PREMIÈRE PARTIE. Présentation
Présentation
CHAPITRE PREMIER.Le modèle théorique et la nature de la méthode
CHAPITRE II.L'élaboration des concepts fondamentaux
DEUXIÈME PARTIE.Présentation
Présentation
CHAPITRE III.Les variables : leur genèse et leur signification
CHAPITRE IV.Les variables et la reconstruction du système social
TROISIÈME PARTIE.Présentation
Présentation
CHAPITRE V.L'analyse fonctionnelle : ses origines et ses principes
CHAPITRE VI.Une application de l'analyse fonctionnelle : ses ambitions et ses limites
CHAPITRE VII. Le problème du changement structurel : de l'analyse de la différenciation fonctionnelle à la doctrine de l'évolution
Conclusion
Bibliographie
Index des auteurs
Index des matières
Table des matières
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La théorie analytique de la société dans l’oeuvre de Talcott Parsons [Reprint 2018 ed.]
 9783111655383, 9783111271231

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La théorie analytique de la société dans l'œuvre de Talcott Parsons

ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES — SORBONNE SIXIÈME SECTION : SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

Société, mouvements sociaux et idéologies PREMIÈRE

PARIS



SÉRIE : ÉTUDE

M O U T O N



LA

XVI

H A Y E

FRANÇOIS

CHAZEL

La théorie analytique de la société dans l'œuvre de Talcott Parsons

PARIS



M O U T O N



LA

HAYE

Ouvrage honoré d'une subvention du Ministère de l'Éducation Nationale

ISBN 2-7132-0009-1 et 2-7193-0401-6 Library of Congress Catalog Card Number: 73-79513 © 1974 École Pratique des Hautes Études (VIe Section) and Mouton & Co. Imprimé en France

Remerciements

Je remercie vivement M. Jean Stoetzel de l'intérêt qu'il n'a cessé de témoigner à ce travail, tout au long de son développement. J'exprime ma reconnaissance à M. Raymond Boudon dont les suggestions et les critiques m'ont été précieuses. Mes remerciements s'adressent également à MM. Julien Freund et Jean-Daniel Reynaud pour l'accueil qu'ils ont bien voulu réserver à cette étude. Je remercie enfin MM. Jean-Denis Souyris et Guy Melleray de m'avoir apporté leur concour à certains moments de ce travail.

Introduction

Le présent ouvrage est consacré à l'examen d'un certain type de théorie générale en sociologie, dont Talcott Parsons a tenté tout à la fois l'élaboration et la mise en œuvre et dont le terme d'analytique paraît le plus à même de rendre compte. Certes il est toujours délicat, et peutêtre plus ou moins inexact, de désigner par un terme unique le trait essentiel d'un effort de systématisation théorique, surtout quand il s'est poursuivi pendant plusieurs décennies, comme celui de Parsons, et qu'il n'a pu de ce fait obéir à une seule et constante préoccupation. Néanmoins Parsons n'a jamais cessé, comme on espère le démontrer, d'accorder une importance primordiale à l'aspect analytique de sa théorie, et son insistance même sur ce point, tout comme l'exemple de spécialistes renommés1, incitent le critique à retenir de préférence ce qualificatif pour caractériser d'un mot sa théorie. On peut sans doute davantage s'étonner de voir, dans le cadre de cet essai, ramenée à la considération des seuls faits sociaux une théorie que Parsons a prétendu, du moins à certaines étapes de son développement, appliquer à tous les systèmes d'action et donc à la société, mais aussi à la personnalité, à la culture et même à l'organisme. La théorie proprement sociologique ne constitue pas en effet le tout d'une théorie générale de l'action dont elle n'est censée être qu'un aspect ou une version particulière : il ne saurait être ici question de pratiquer ou de justifier pareille réduction. On s'est en revanche permis de limiter cet examen à la théorie explicite et spécifique du social, dont l'ampleur et l'ambition sont déjà considérables, et ce pour une double raison : d'abord parce qu'elle reste la préoccupation fondamentale du sociologue Parsons et qu'elle constitue la pièce maîtresse de sa réflexion ; ensuite parce que son intérêt propre ne dépend pas, malgré les liens que Parsons a cherché à établir entre ces deux constructions théoriques, de l'utilité de la théorie générale de

i. Nicholas S. Timascheff range Parsons parmi les représentants de la sociologie analytique dans son ouvrage Sociological Theory : its Nature and Growth, New York, Doubleday, 1955, chap. vin. Pitirim A . Sorokin souligne également, dans Sociological Theories of Today, New York, Harper Sc. Row, 1966, l'aspect analytique de la théorie parsonienne, telle du moins qu'elle s'exprime à travers The Social System et les ouvrages postérieurs.

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l'action sur laquelle on serait tenté de partager le scepticisme de Bierstedt1, plutôt que l'optimisme parsonien. Ces précisions pourraient suffire à définir le cadre en même temps que les limites de la présente recherche, si le qualificatif d'analytique n'exigeait à son tour quelque explication. Sans doute devine-t-on aisément le mouvement de pensée qui a présidé au choix d'un pareil terme : de toute évidence, il dénote une orientation et une démarche qui privilégient la décomposition en éléments et le recours à l'abstraction ; mais cette intuition reste encore trop vague pour permettre de dégager la signification exacte que Parsons donne au mot analytique et que nous lui emprunterons tout au long de cet exposé. Cette signification est en fait double et relative d'une part à l'élaboration des concepts fondamentaux de la construction théorique, de l'autre à la nature de la sociologie en tant que science. Cependant, et il importe de le signaler d'emblée, ces deux acceptions n'ont pas dans l'œuvre de Parsons, un degré égal d'importance : en effet si sur le premier point, c'est-à-dire sur le plan de la conceptualisation, le théoricien américain a fermement maintenu sa position, sa pensée a évolué quant à l'objet propre de la sociologie et aux bornes qu'il convient de fixer à cette discipline. Dès l'élaboration de son premier programme de recherches, Parsons lie le développement de la théorie sociologique à la construction d'un certain type de concepts, qualifiés précisément d'analytiques : pour s'en tenir aux définitions ou du moins à l'esprit des définitions proposées dans La structure de l'action sociale, un concept mérite cette appellation quand il désigne une propriété générale d'un phénomène, ou une combinaison de propriétés, et non pas ce phénomène brut dans sa totalité concrète (ni même une de ses parties constitutives) ; il mérite donc bien le nom d'élément que lui donne Parsons, puisque, pour le construire, il faut, par un processus d'abstraction, remonter des totalités singulières données dans l'existence concrète vers les éléments « universels » dont elles ne représentent que des combinaisons plus ou moins complexes.2 La sociologie est ainsi vouée à devenir une science analytique par la nature même de sa conceptualisation et donc, selon Parsons, de la théorie à laquelle les concepts recommandés doivent donner naissance. Mais il est encore une autre raison de faire de la sociologie, dans la perspective ouverte par La structure de l'action sociale, une discipline analytique : c'est l'objet d'étude que Parsons lui fixe. Si en effet, la sociologie n'a pas pour vocation de considérer les systèmes d'action sociale sous tous leurs aspects, si elle doit se restreindre à l'étude d'une seule de leurs propriétés, à savoir l'intégration autour des valeurs communes3, elle ne constitue alors qu'une science sociale particulière à côté de l'économie et de la science politique. En la qualifiant d'analytique, Parsons souligne son caractère de science spéciale, limitée à l'étude d'une seule face des phénomènes sociaux. 1. Robert Bierstedt, « Nominal and Real Définitions in Sociological Theory», in : Llewellyn Gross (éd.), Symposium on Sociological Theory, Evanston, Ill./New York, Row, Peterson and Co./Harper & Row, 1959, p. 157. 2. Talcott Parsons, The Structure of Social Action, New York, McGraw-Hill, 1937, pp. $4-55. 3. Parsons, op. cit., p. 768.

Introduction

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L a sociologie, telle du moins qu'elle apparaît dans La structure de l'action sociale, serait donc doublement analytique, par sa conceptualisation d'une part, par son objet de l'autre. C'est dans le premier sens seulement que le terme peut s'appliquer aux diverses étapes de la systématisation parsonienne et aider peut-être à découvrir, par-delà les changements manifestes dans l'appareil conceptuel et les positions théoriques, une profonde unité de pensée. E n revanche il serait pour le moins hasardeux d'attribuer à la théorie édifiée autour des fonctions un caractère analytique au second sens de ce terme, c'est-à-dire d'y voir une science spéciale. Ce rappel de quelques définitions empruntées à lui structure de l'action sociale, et donc du point de départ des recherches parsoniennes, permet en tout cas d'éclairer le sens d'une entreprise dont l'originalité semble plus volontiers admise que clairement comprise. Comme toute aventure intellectuelle cependant, cette ambition de construire une sociologie analytique n'est pas sans antécédents ou du moins sans précurseurs dont il convient de souligner l'apport. Parsons lui-même, à la fin de La structure de l'action sociale, rappelle la tentative de Simmel et y voit « le premier effort sérieux » pour faire une science spéciale 1 . Certes les deux auteurs ne délimitent pas d'une manière identique le champ d'investigation de la sociologie : alors que Parsons met l'accent sur l'intégration, Simmel privilégie l'étude des relations sociales et de leurs formes spécifiques 2 . Mais tout en attribuant à la sociologie une tâche différente, Simmel et Parsons s'en font une idée assez voisine : ils formulent pour elle les mêmes exigences et définissent les mêmes conditions du succès. O n retrouve chez l'un comme chez l'autre une v i v e insistance sur le caractère abstrait de la sociologie, illustrée par des comparaisons répétées avec des disciplines dont 1. Parsons, op. cit., pp. 772-773. On peut se demander si Simmel a réellement envisagé la constitution d'une science spéciale en se référant notamment, dans Grundfragen der Soziologie, Berlin/Leipzig, Göschen, 1917, à la dernière phrase de la page 18, dans laquelle il affirme que la sociologie est, sous un certain angle, une méthode, bien plutôt qu'une science pourvue d'un objet spécifique (« Eine Methode der Wissenschaft, die gerade wegen ihrer Anwendbarkeit auf die Gesamtheit der Probleme nicht eine Wissenschaft mit eignem Inhalt ist »). Il convient cependant de replacer cette formule dans son contexte et de ne pas oublier que, quelques lignes plus haut, dans la même page 18, il reconnaît à la sociologie ce caractère de science, tout en soulignant qu'elle représente aussi une méthode (« Die Soziologie ist nicht nur eine Wissenschaft mit eigenen, gegen alle ändern Wissenschaften arbeitsteilig abgegrenzten Objekten, sondern sie ist eben auch eine Methode der historischen und der Geisteswissenschaften überhaupt geworden »). En outre, lorsque Simmel en vient à la considération de la sociologie « pure », c'est-à-dire formelle (pp. 28-30), qui nous intéresse plus particulièrement ici, il emploie l'expression de science spéciale (p. 30), justifiée à ses yeux par la spécificité du point de vue sociologique (« Eine Spezialwissenschaft ist die Soziologie hier nicht... nach ihren Gegenständen, wohl aber nach ihrer eindeutig umgrenzten Fragestellung gegenüber diese Gegenständen»). 2. Il nous a malheureusement été impossible d'avoir accès à la thèse de Donald Levine, « Simmel and Parsons : Two Approaches to the Study of Society » (Doctoral dissertation, University of Chicago, 1957). Nous avons pu, en revanche, nous reporter à l'article du même auteur, « The Structure of Simmel's Social Thought », qui fait partie du recueil publié sous le patronage de Kurt Wolff, Georg Simmel, 18)8-1918, Columbus, Ohio State University Press, 1959.

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le caractère scientifique ne saurait être mis en doute, la géométrie pour le premier et la mécanique chez le second : ils ont encore en commun le souci d'établir une distinction très nette entre la société comme pure totalité concrète et la société en tant qu'objet propre de la sociologie, qu'il s'agisse du tissu et du réseau de relations sociales, telles qu'elles sont définies par leurs formes 1 , ou plutôt du foyer de valeurs communes. Aussi n'y-a-t-il rien d'étonnant à ce que le terme d'analytique puisse non seulement s'appliquer au programme de Simmel mais encore en résumer assez exactement l'esprit : les passages fréquents où le sociologue allemand rappelle que seul un processus d'abstraction permettra au spécialiste d'isoler la forme, unie au contenu dans la réalité sociale, et de saisir ainsi le fait de l'association (Vergesellschaftung) suffisent, semble-t-il, à en apporter la preuve. Et pourtant, en une seule phrase, Parsons écarte radicalement la solution proposée par Simmel, refusant donc de se placer dans sa lignée. On peut regretter la brutalité de ce jugement sans appel. Sans doute les ambiguïtés ne manquent-elles pas dans les pages consacrées par Simmel à la nature ou au « problème de la sociologie », et il en a luimême pris conscience2; sans doute l'interprétation dominante de la célèbre distinction entre la forme et le contenu, celle d'Abel et de Sorokin, en vertu de laquelle Simmel exclurait de la sociologie toute considération des contenus culturels, aboutit-elle à un verdict encore plus impitoyablement sévère3. Peut-être cependant valait-il la peine, dans la perspective choisie par Parsons, de s'attarder quelque peu sur une distinction qui n'est claire que d'apparence et de tenter d'en bien apprécier la portée. C'est du moins ce qu'invitent à penser des exégètes plus récents de l'œuvre de Simmel. Dans le cadre d'une présentation, générale, placée en tête de l'édition anglaise qu'il a consacrée à Simmel, Kurt Wolff risque, avec beaucoup de prudence et après avoir rappelé toute l'incertitude qui s'attache aux analyses du concept de forme, une intéressante suggestion : Simmel chercherait à désigner sous ce terme l'élément relativement stable, par opposition au contenu qui représenterait l'élément variable4. Certes il s'agirait plus chez Simmel d'une intuition que d'une idée nettement et fortement dégagée mais elle traduirait néanmoins un intérêt pour la structure sociale, à laquelle précisément Parsons a accordé souvent une sorte de priorité dans ses recherches théoriques. Selon une autre lecture de Simmel, aussi séduisante qu'audacieuse, la parenté entre les deux auteurs serait encore plus fortement accusée : procédant à une analyse attentive du texte fondamental constitué par le chapitre premier, déjà cité de Sociologie, 1. Simmel opère cette distinction au premier chapitre de Soziologie : Untersuchungen über die Formen der Vergesellschaftung, Leipzig, Duncker & Humblot, 1908, p. 8 et 9. Dans le recueil mentionné plus haut, pour lequel Kurt Wolff a spécialement traduit ce premier chapitre, la même distinction se trouve aux pages 318-319. 2. Simmel, op. cit., p. 14 n. 3. Pitirim Sorokim, Contemporary Sociological Theories, New York/ Londres, Harper, 1928, p. 495, 5 1 3 ; Theodore Abel, « Systematic Sociology in Germany», Studie s in Histoty, Economies and Public L*m>, New York, Columbia University Press, 1929. 4. Kurt H. Wolff (ed.), Tbe Sociology of Georg Simmel, Glencoe, III., Free Press, 1950, p . XXXIX.

Introduction

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Tenbruck n'hésite pas en effet à conclure que Simmel propose, non pas d'abstraire les formes des phénomènes qui les contiennent, mais de faire abstraction d'une perspective privilégiant le contenu1, et que les formes d'association dont il fait l'objet propre de la sociologie ne désignent rien d'autre que les orientations réciproques des acteurs2. Le rapprochement de Parsons et de Simmel, s'impose alors, comme ne manque pas de le signaler Tenbruck 3 , et plus précisément encore celui des formes et des variables parsoniennes. Il faut cependant admettre que c'est là une hypothèse extrême, si brillante soit-elle, et, en dehors même des obscurités de Simmel, il est une autre raison qui peut avoir détourné Parsons d'une lecture plus attentive de ces textes programmatiques : on n'en retrouve guère l'esprit ni l'orientation dans les études particulières de Simmel, qui frappent davantage par la qualité de l'observation que par l'application d'une méthode bien définie. Simmel n'apporte de ce fait à Parsons aucune indication susceptible de le guider dans la construction des concepts, tâche aussi essentielle pour l'élaboration d'une sociologie analytique et peut-être plus délicate encore que la détermination exacte de son objet. On peut donc comprendre pourquoi Parsons n'accorde en définitive à Simmel qu'un rôle relativement modeste dans le développement de la sociologie en tant que science ; on sera en revanche davantage surpris de la rareté des références à l'école formelle et en particulier à von Wiese qui a eu le double mérite de renoncer au terme ambigu de forme pour le remplacer par celui de relation et d'entreprendre de mener à bien le programme esquissé par Simmel, tel du moins qu'il l'avait compris : le goût prononcé de Parsons pour la taxinomie et la prééminence qu'il accorde, du moins à l'époque des variables, au niveau de la relation sociale, n'auraient-ils pas dû le conduire à rendre hommage à l'effort de von Wiese et à reconnaître dans cette œuvre certaines de ses propres préoccupations ? Cette discrétion de Parsons sur l'école formelle s'explique sans doute en partie par le fait qu'il a cru trouver dans des perspectives intellectuelles bien différentes l'intuition de la voie féconde. La source à laquelle Parsons est allé puiser est constituée par quelques paragraphes du Traité de sociologie générale de Pareto, consacrés à la nature de la science et plus précisément à celle de la théorie économique4. Aux yeux de Parsons, en effet, Pareto aurait accompli un progrès décisif en affirmant que l'économie, bien loin d'être « une étude de l'homme dans sa conduite quotidienne de la vie »5 comme le croyait A. Marshall, ne prend en considération que certains aspects limités des phénomènes concrets, 1. F. H. Tenbruck, «Formai Sociology», in : Wolff (éd.), Georg Simmel, iSjS-ifiS, op. cit., p. 75. 2. Ibid., p. 69, 70, 71. 3. Ibid., p. 77. Tenbruck cite deux passages, empruntés respectivement aux pages 4 et 7 de Tbe Social System, Glencoe, 111., Free Press, 1951. 4. Peut-être la première note de la page 77} dans Tbe Structure of Social Action permet-elle de le deviner. 5. Al&ed Marshall, Principles of Economies, 8e éd., Londres, Macmillan, 1925, p. 1 : « Astudy of mankind in the everyday business of life. »

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et qu'elle est de ce fait même une discipline analytique1. Certes, il n'aurait pas su dans sa propre construction sociologique exploiter sa découverte, puisqu'il s'efforce, comme on aura l'occasion de le rappeler, d'élaborer une sociologie synthétique, mais du moins aurait-il tracé le chemin : il ne restait plus dès lors à Parsons qu'à édifier la sociologie sur le modèle de l'économie, c'est-à-dire à en faire une science analytique. L'objet de cette introduction étant moins d'analyser les emprunts de Parsons et la manière dont il les fait servir à l'élaboration de sa théorie que de dégager l'originalité de son propos en le situant par rapport à des auteurs pourtant proches de lui par l'inspiration, on n'insistera pas davantage ici sur Pareto. On a jugé éclairant en revanche d'aborder, dans cette optique, le problème des liens complexes et donc si intéressants à démêler entre Znaniecki et Parsons. Toujours à la même page de The Structure of Social Action, mais en note cette fois-ci2, Parsons reconnaît la profonde parenté de sa conception avec celle qu'avait présentée, trois années plus tôt, Znaniecki dans The Method of Sociology. Pourtant dans le texte même de son premier grand livre Parsons ne se réfère explicitement au sociologue polonais qu'une seule fois, encore que, et il convient de le noter, ce soit pour rendre hommage à Znaniecki sur un thème qu'il tient pour essentiel, la nécessité de définir un cadre de référence pour élaborer en sociologie, comme dans toute autre science, une véritable théorie3. En fait, Parsons ne pouvait que marquer sa déférence à un auteur qui avait proposé, en un exposé magistral, de traiter la sociologie comme une science spéciale et qui, en définissant ses objectifs ainsi que ses tâches essentielles, avait jeté les bases sur lesquelles il devenait possible, dans la perspective parsonienne, d'édifier la théorie sociologique. Pour Znaniecki en effet la sociologie n'est qu'une science particulière de la culture et doit, à l'instar de l'économie, de la linguistique, de la technologie, de l'histoire des religions, se consacrer à l'étude d'un genre bien défini de données empiriques4 : par exemple le sociologue n'analysera que les actions sociales, c'est-à-dire celles qui portent sur des personnes et non pas sur des choses matérielles, des valeurs économiques, des objets sacrés ou des symboles linguistiques6. La sociologie n'est plus, comme chez Simmel, vouée à l'examen des formes, ni la seule à jouir d'un statut particulier : ce sont là certainement, pour Parsons, deux progrès importants. De surcroît, Znaniecki insiste sur le processus de sélection des données particulières à l'investigation sociologique, par un mouvement de pensée assez proche de la démarche analytique que 1. 2. 3. 4.

Parsons, op. cit., p. 183, 264. Ibid., p. 773, n. 2. Ibid., p. 30. Florian Znaniecki, Tbe Method of Sociology, New York, Farrar & Rinehart, 1934, chap.m, Cet ouvrage étant difficilement accessible au public français, nous nous permettrons de retenir comme base de référence l'excellente anthologie de textes de Znaniecki due à Robert Bierstedt (Florian Znaniecki, On Humanistic Sociology, Chicago, 111., University of Chicago Press, 1969). 5. Bierstedt (éd.), op. cit., p. 185. On retrouve la même conception dans le chapitre 1 de Social Actions, New York, Farrar & Rinehart/Polish Sodological Institute, 1936, qui est l'ouvrage suivant de Znaniecki,

Introduction

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préconise Parsons : c'est ainsi qu'il est amené à définir quatre cadres de référence possibles pour la sociologie, qui ne doivent pas être conçus comme opposés, mais plutôt comme complémentaires, et qui sont respectivement l'action sociale, la relation sociale, prise dans l'acceptation très particulière de système à l'intérieur duquel les partenaires sont liés l'un à l'autre par des obligations morales réciproques1, la personnalité sociale, par laquelle Znaniecki désigne les positions et les rôles des différents acteurs2, et enfin, le plus essentiel de tous, le groupe. Parsons est certainement resté sensible à cette démonstration de Znaniecki que toute conceptualisation suppose et implique nécessairement une perspective, un point de vue particulier sur les phénomènes étudiés même si sa conception et surtout sa pratique de la sociologie se sont peu à peu modifiés. On notera encore que, comme on vient de le voir avec la définition de la relation sociale, Znaniecki fait une place importante à la notion de système et plus précisémment à celle de système social3 : tout autant qu'à Pareto, auquel il en attribue la paternité, Parsons aurait pu emprunter ce concept à Znaniecki, dans l'œuvre duquel il occupe une place importante. Signalons enfin, pour clore ce parallèle, que l'expression de sociologie analytique apparaît à la fin de ce chapitre 3, si essentiel, de The Method of Sociologf-et que le mode d'induction, recommandé par Znaniecki, est encore appelé analytique8. Certes, l'emploi d'un même terme par deux auteurs ne suffit pas à démontrer leur parenté6 et point n'est besoin, dans le cas particulier, d'un long examen pour souligner la divergence entre la méthode préférée de Parsons, de type hypothéticodéductif, et celle de Znaniecki, qui fait davantage confiance aux généralisations, inductives. Néanmoins, en marquant, peut-être avec excès7, la distance qui sépare l'induction analytique de l'induction énumérative, Znaniecki obéit à une précocupation qui est aussi, et au plus haut degré, celle de Parsons, à savoir le souci de formuler des propositions universelles et d'établir de véritables lois. Dans l'ensemble, on ne peut qu'être frappé par cette correspondance assez étroite entre Znaniecki et Parsons, du moins celui des premières œuvres ; mais, comme l'écrit Sorokin, à la question de savoir si les deux auteurs ont poursuivi parallèlement mais indépendamment leurs recherches ou si Parsons a subi l'influence de Znaniecki, seul Parsons serait en mesure de répondre8.

1. Ibid., pp. 190-191. 2. Ibid., p. 193. . , . j. C'est à une «définition générale des systèmes sociaux» quest consacree la conclusion du chapitre in de The Method of Sociology in : Biersdtedt (éd.), op. cit., pp. 203-207. 4. Ibid., p. 203. 5. Znaniecki, op. cit., chap. v. 6. Le terme de valeur, commun à Znaniecki et à Parsons, en fournit un excellent exemple. Che2 le premier, il désigne essentiellement l'objet valorisé, c'est-à-dire un contenu culturel, tandis que pour le second il se rapporte à un modèle, et donc plutôt à une forme. 7. Si l'on en croit du moins l'interprétation de W. S. Robinson, « The Logical Structure of Analytic Induction», American Sociological Review 16, 1951, pp. 812-818, pour lequel l'induction analytique n'est qu'un mode particulier — et imparfait — de l'induction classique. 8. Sorokin, Sociological Theories of Today, New York, Harper and Row, 1966, p. 409, n. 44.

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La théorie analytique de la société dans l'œuvre de Talcott Parsons

C'est encore à cette page 773, décidément si riche, de La structure de l'action sociale, que Parsons se déclare très proche d'un dernier auteur, Emile Durkheim, dans l'œuvre duquel on ne s'attendait guère, pourtant, à le voir chercher une caution. Parsons invoque ici à tort, semble-t-il, l'autorité du chef de l'école française, auquel le projet de fonder une sociologie analytique est demeuré complètement étranger. Dans les articles qu'il a consacrés à la nature de la sociologie 1 , Durkheim se montre en effet fidèle à la conception qui en fait un « corpus de sciences particulières »2 ou mieux encore « un système de sciences spéciales »3 : elle reste de ce fait la science fondamentale des sociétés, et du même coup, une discipline encyclopédique. L'insistance positiviste de Durkheim sur l'existence d'un règne social4, que le sociologue aurait justement pour tâche d'étudier, n'était à coup sûr guère conciliable avec toute thèse proposant d'envisager la sociologie comme une science spéciale ni plus généralement avec la démarche analytique, comme le révèle son examen de Simmel6 : il critique sévèrement cette tentative, ainsi que le type d'abstraction sur lequel elle se fonde, sans en mesurer peut-être tout l'intérêt. Ces quelques indications suffiraient sans doute à marquer toute la distance qui sépare les deux orientations ; mais nulle part peut-être la divergence entre Durkheim et Parsons n'est aussi manifeste que dans leur appréciation respective de l'économie politique. Alors que cette science analytique symbolise, aux yeux de Parsons, la voie de la fécondité scientifique et qu'elle constituera toujours pour lui un modèle, même quand il aura renoncé à construire la sociologie strictement à son image, pour Durkheim au contraire, elle s'est, à partir de postulats erronés, perdue dans de vaines abstractions et doit céder la place à la sociologie économique, plus capable d'observer le réel et donc plus rigoureuse . Il faut pourtant reconnaître que la position durkheimienne n'est pas, tant s'en faut, exempte d'ambiguïtés : Durkheim a en particulier beaucoup de mal à définir le statut de la sociologie générale, dont l'unité doit permettre de dépasser le morcellement de la discipline en branches particulières ; s'il en souligne très vigoureusement le caractère synthétique, il ne réussit pas à en délimiter avec précision l'objet, laissant ainsi échapper, pour reprendre son expression, « ces 1. Emile Durkheim, «La sociologie», in: La science française, Paris, Ministère de l'Instruction publique et des beaux-arts, 1915, vol. 1, pp. 39-49. Emile Durkheim «La sociologie et son domaine scientifique», in : Armand Cuvillier, Où va la sociologie française 1, Paris, Rivière, 1953, pp. 177-208 (Armand Cuvillier propose ici en fait la traduction d'un article publié par Durkheim en italien dans la Rivista italiana di Sociologica 4, 1900, pp. 127 sq.). Emile Durkheim, « Sociologie et sciences sociales », in : De la méthode dans les sciences, Paris, Alcan, 1909, pp. 259-28;. Les règles de la méthode sociologique sont évidemment, de ce point de vue, essentielles. 2. Durkheim, « Sociologie et sciences sociales », op. cit., p. 270. 3. Durkheim, « L a sociologie et son domaine scientifique», op. cit., p. 207. 4. Ibid., p. 202. 5. Durkheim procède à cet examen dans l'article «La sociologie et son domaine scientifique», art. cit., pp. 179-186. 6. Durkheim, « Sociologie et sciences sociales », art. cit., pp. 275-277.

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racines premières » communes aux faits sociaux1. A travers ces quelques notations, si imparfaites et si incomplètes soient-elles, sur le rôle de la sociologie générale, Durkheim a cependant le mérite de proposer une nouvelle image, vraisemblablement plus profonde, de la sociologie, qui n'en fait plus la science encyclopédique des sociétés, mais la science synthétique et générale du social. Coexisteraient donc chez Durkheim deux conceptions de la sociologie dont l'une serait directement dérivée de Spencer mais dont l'autre serait illustrée par ses études monographiques et représenterait son apport spécifique2. La sociologie serait appelée, dans cette perspective, à élaborer, selon la formule de Znaniecki, une théorie générale des contenus culturels envisagés comme phénomènes sociaux3, dans la mesure où ils sont liés aux groupes sous forme de représentations collectives et où ils font l'objet d'une sanction sociale par laquelle les groupes les imposent à leurs membres. Ce programme resterait néanmoins bien éloigné des perspectives parsoniennes, si le sociologue américain n'avait cru pouvoir démontrer que, dans sa pratique, Durkheim se rapprochait de plus en plus d'une démarche analytique et en venait peu à peu à isoler un véritable facteur social, sous l'aspect de valeurs communes constituant tout à la fois la source et le foyer d'intégration. Cette argumentation pour brillante qu'elle soit, semble forcée et, dans son désir de tirer Durkheim à lui, Parsons va probablement trop loin. Certes il y a quelque parenté entre le souci durkheimien de fonder une sociologie autonome qui se manifeste, dès Les règles, dans l'attention portée aux caractéristiques du fait social et la volonté parsonienne de dégager cette propriété originale des systèmes d'action sur laquelle doit porter en priorité l'investigation sociologique. Sans doute Durkheim, dans son étude du suicide comme dans ses analyses de la vie morale ou religieuse, se montret-il de plus en plus attentif aux conditions et aux facteurs de l'intégration ou au contraire de la désintégration, qui peut apparaître ainsi comme le thème dominant de son œuvre. Mais il n'aurait jamais accepté, comme Parsons le propose à un moment au moins de son évolution, de réduire la sociologie à l'étude de cette seule dimension, d'en faire la science de l'intégration. Et malgré son insistance sur la nécessité de définitions rigoureuses, il n'a pas davantage attribué à l'élaboration des concepts et à leurs modes de construction ce rôle central que Parsons n'a cessé de leur donner; il lie, pour sa part, la validité des propositions à la qualité de l'observation, c'est-à-dire à son indépendance de tout préjugé, là où Parsons souligne que seul le choix d'un certain type de concepts, et donc la maturité du langage, autorise la formulation de lois. Cette comparaison avec Durkheim nous amène à mesurer encore une fois l'originalité du projet parsonien, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'il ait été pur de tout emprunt. On s'étonnera peut-être à 1. Durkheim, « L a sociologie et son domaine scientifique», art. cit., p. 208. 2. C'est ce que souligne Florian Znaniecki dans son article « Organisation sociale et institutions» écrit pour l'ouvrage collectif publié sous la direction de Georges Gurvitch et Wilbert Moore, La sociologie au XXe siècle, Paris, PUF, 1947, p. 187. j. Bierstedt (éd.), op. cit., p. 181.

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La théorie analytique de la société dans l'œuvre de Talcott Parsons

ce sujet de ne trouver ici aucune référence à l'œuvre de Max Weber dont tous les critiques s'accordent à reconnaître l'influence déterminante sur Parsons. Cette omission, qui pourrait paraître étrange, tient en fait à un paradoxe : s'il est vrai, comme on aura l'occasion de le constater, que Parsons a trouvé chez Max Weber de nombreux matériaux indispensables à la construction de sa propre théorie et, en cherchant à se situer par rapport à lui, s'est continuellement inspiré de son exemple, il s'en sépare cependant par son attitude à l'égard de la science, beaucoup plus optimiste, et de ce fait par l'ambition même de son programme que Weber aurait qualifié d'utopique. Après ces quelques éclaircissements sur l'objet même de l'étude et du même coup sur le caractère de l'entreprise parsonienne il reste à préciser la manière dont l'examen sera conduit, en indiquant quelle sera la démarche suivie tout au long de cet ouvrage et quelles en seront les principales étapes. Dans le choix d'une méthode d'analyse, il fallait tenir compte de deux facteurs : la difficulté même de l'œuvre de Parsons d'une part, les fréquentes variations de sa pensée de l'autre. De manière à éviter les généralisations hâtives ou les appréciations faciles qui ne manquent pas sur cet auteur, nous avons cru devoir, par un souci d'équité, rester fidèle à la progression de la pensée. On s'efforcera dans une première partie, après avoir rappelé les grandes lignes du projet parsonien, de reconstituer le cheminement qui conduit Parsons d'une réflexion méthodologique exigeante à la mise au jour de nouveaux instruments conceptuels. On le suivra ensuite dans son évolution, dans son passage d'une théorie construite autour des pattern variables à une systématisation fondée sur les fonctions. Aux variables elles-mêmes sera consacrée une seconde partie : on y analysera leur découverte et leur dérivation, avant de se pencher sur leur application à l'étude des structures sociales, comme de phénomènes plus spécifiques. Dans une troisième partie, réservée cette fois aux fonctions, on tentera de dégager la différence, d'éclairage de perspective et de mise en œuvre avec la conceptualisation précédente. Pour soutenue qu'elle soit, cette attention portée au sociologue américain ne sera pas pour autant exclusive. En retraçant d'abord la genèse de l'entreprise, il conviendra de signaler les emprunts que Parsons, grâce à sa culture, a pu faire à tel ou tel de ses prédécesseurs, d'isoler les influences les plus décisives sur le choix de son orientation théorique. Ensuite, dans l'examen de la théorie elle-même, de son degré d'élaboration et de validité, on aura tantôt à souligner des parentés, voire des similitudes, tantôt au contraire à marquer des oppositions ; de manière à élargir le cadre de la discussion et à ne pas se laisser enfermer dans la logique du système, on fera appel, dans cette lecture de Parsons, aux commentaires que lui ont consacrés les diverses écoles sociologiques, par l'intermédiaire d'un ou de plusieurs de leurs représentants. Ainsi en refusant de devenir prisonnier de la théorie parsonienne, on préservera mieux une indispensable liberté d'appréciation. Ces précautions ne suffiront pas cependant à modifier essentiellement le caractère de l'ouvrage. Il relève incontestablement du genre

Introduction

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que Zetterberg nomme « sociological criticism » 1 : la dimension historique y est symbolisée par l'évolution intellectuelle de Parsons et les écrits sociologiques y sont avant tout représentés par les recherches théoriques du même auteur. Peut-être cet essai dépasse-t-il néanmoins les étroites limites que Zetterberg fixe au genre par le souci qui s'y manifeste d'aborder des problèmes généraux à partir d'une œuvre particulière et d'en tirer quelques lumières pour la construction théorique en sociologie. Si prudente en effet et si minutieuse que puisse être cette étude, elle sera conduite en vue d'une conclusion d'ensemble sur un projet significatif. Au-delà des méandres d'une pensée et de ses innombrables corrections, voire de ses mutations, on examinera le bien-fondé d'une certaine conception de la sociologie, qui donne la priorité à la construction analytique, sur le plan méthodologique, et ne cesse de privilégier, quoique de façon moins éclatante dans l'analyse fonctionnelle, l'intégration autour d'un système commun de valeurs. Ce n'est pas seulement pour lui-même qu'on mesurera le degré de rigueur de la pensée parsonienne ; on cherchera en même temps à savoir dans quelle mesure et jusqu'à quel point des concepts généraux peuvent être appliqués avec profit à l'étude des réalités sociales. N'y-a-t-il pas en effet une limite au-delà de laquelle la conceptualisation risque d'être vide, à force d'être générale? On sera ainsi confronté au difficile problème de la conciliation entre l'abstraction sans laquelle l'explication ne saurait être générale, et le constant souci du réel étudié, sans lequel elle ne pourrait être fécondée. On se demandera également si, en accordant, comme le fait Parsons, la priorité au système de valeurs et de fins ultimes, on ne court point le risque de dissocier, dans une vision quelque peu « déshumanisée » de la société, ces produits culturels des acteurs et des groupes qui les portent et, du même coup, de méconnaître les sources de conflit On sera ainsi amené, en dernière analyse, et par une conséquence logique, à s'interroger sur les possibilités qu'offre le modèle parsonien pour l'étude du changement social : est-elle incompatible avec une théorie préoccuppée essentiellement de l'unité et de l'équilibre du système social ? C'est donc par une réflexion sur la nature de la théorie sociologique et la portée de son explication que s'achèvera cet examen ; espérons que sa brièveté ne lui interdira pas d'être éclairante et que, malgré ses limites, on pourra en tirer quelque modeste enseignement.

i. Plus precisement c'est d'un «commentary on sociological writing, usually from an historical perspective» que parle Hans L. Zetterberg a la page 7 de son ouvrage On Theory and Verification in Sociology, j e ed. augm., Totowa, N.J., Bedminster Press, 1965.

PREMIÈRE

PARTIE

Présentation

Cette partie est consacrée à la première étape de la carrière intellectuelle de Parsons, celle où il cherche à fixer, à l'aide des travaux de ses plus illustres devanciers, les principes et les méthodes nécessaires à l'élaboration d'une théorie générale. On s'appuiera donc essentiellement sur La structure de l'action sociale qui correspond à cet e f f o r t , et sur certains articles ultérieurs, ou il évoque son cheminement intellectuel. On abordera successivement deux problèmes : dans un premier chapitre on se demandera avec Parsons sur quel modèle il convient de construire la théorie générale et Pareto apparaîtra comme l'influence dominante ; dans un second, l'enquête portera sur la forme et la nature des concepts à employer et cette fois Parsons ira puiser son inspirations outre-Rhin, che% Weber et Tônnies. D'aucuns penseront peut-être qu'il eût été utile de faire, dans cette analyse, une place à Durkheim, auquel Parsons a témoigné beaucoup d'admiration, sinon de fidélité. N'aurait-il pas été logique en e f f e t d'insister sur la présence d'éléments durkheimiens dans la définition que Parsons propose de la sociologie ? Ce reproche serait pleinement fondé si le présent travail ne s'était délibérément limité à l'examen du caractère analytique de la théorie et des concepts envisagés ; or, de ce point de vue, ce n'est pas che% Durkheim, comme on l'a souligné au cours de l'introduction, mais dans le Traité de sociologie générale de Pareto et, peut-on ajouter, dans une étude critique de certains textes wébériens, que Parsons va chercher ses arguments et ses intuitions premières. Il convient enfin de préciser qu'on se placera, tout au long de cet exposé, dans la perspective parsonienne. Il ne saurait donc s'agir ici d'une présentation approfondie de Pareto, Tônnies et Weber : on s'efforcera simplement d'éclairer la lecture que le sociologue américain en a faite et ainsi de définir la situation de Parsons par rapport à ces auteurs, qui est tout à la fois celle d'un héritier d'une tradition intellectuelle et d'un novateur qui la transcende.

CHAPITRE PREMIER

Le modèle théorique et la nature de la méthode

PREMIÈRE SECTION : LA CONCEPTION D'ENSEMBLE E T L'ÉLABORATION DU PROJET

Parsons est toujours resté d'une très grande fidélité à son projet premier, à son ambition fondamentale d'édifier une théorie générale susceptible d'éclairer les problèmes de la sociologie empirique ; mais avant même de passer à la phase d'élaboration, il s'est efforcé de définir la nature et l'objet de la théorie sociologique dans son premier et grand livre, La structure de l'action sociale. Pour donner même plus d'ampleur à son propos, il a entrepris une méditation approfondie sur la science en général et sur sa relation aux faits : il a cherché à poser des bases méthodologiques sûres à partir desquelles la science, et la sociologie en particulier, pourraient proposer des explications pertinentes. La structure de l'action sociale s'ouvre ainsi sur une réflexion consacrée aux fondements de la validité dans les sciences, où Parsons définit successivement la théorie et les types de concepts sur lesquels elle repose. La théorie scientifique est, pour lui, un système de concepts généraux unis par des relations logiques et se rapportant au réel1. Une théorie comporte donc un double aspect : une logique interne et un lien avec la réalité empirique. Mais Parsons est trop soucieux de souligner l'importance du premier point pour préciser la nature du lien avec le réel. S'il indique justement que la théorie est un système de représentation, impliquant un langage commun sur la non-contradiction, il n'insiste point assez sur la confrontation avec les phénomènes, qui doit aboutir à une explication probable, sinon nécessaire. Sans doute ne s'agit-il là que d'un défaut d'exposition et non point d'une erreur de perspective : il convenait cependant de signaler d'emblée cette insistance sur le caractère systématique de la théorie, dont on aura plus tard l'occasion de noter certains effets. Dans la mesure où la théorie doit constituer, pour Parsons, un système plus ou moins intégré, elle doit par là même prétendre ou tendre à la généralité. Mais il ne faut point voir en elle le système total et uniue d'explication dont ont rêvé les métaphysiciens ; la science et la îéorie scientifiques n'épuisent pas la signification du réel. La théorie, telle que Parsons la conçoit, n'a pas non plus un pouvoir d'explication globale : dans son application à une certaine catégorie de phénomènes

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i . Talcott Parsons, The Structure of Social Action, New York, McGraw-Hill, 1957, p. 6.

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concrets, elle ne permet pas de rendre compte de ces phénomènes dans leur totalité, mais seulement de tel ou tel de leurs aspects. Il est ainsi conduit à récuser et à critiquer vigoureusement la thèse de l'empirisme selon laquelle les propositions scientifiques et la réalité concrète observable sont dans une relation d'immédiate correspondance : la structure du modèle théorique n'est pas celle du réel. Aussi Parsons insiste-t-il très vigoureusement sur la distinction entre le phénomène et le fait, ce dernier défini comme une affirmation vérifiable sur les phénomènes dans le cadre d'un schéma conceptuel1. A ce schéma conceptuel englobant, Parsons donne le nom de cadre de référence : la pensée théorique, loin de reproduire fidèlement la réalité, commence par choisir et par ordonner, à l'intérieur d'un certain cadre bien circonscrit. Et elle ne retient, de la grande masse des observations possibles, que celles qui sont significatives dans le schéma adopté. Ainsi la mécanique classique, fondée sur les notions d'espace et de temps, ne s'intéresse à un corps que dans la mesure où il peut être situé dans ce cadre spatio-temporel par rapport à d'autres éléments. Le cadre de référence autorise une certaine description mais elle est partielle : ainsi, pour rendre compte du suicide d'un homme qui se jette du haut d'un pont, la science sociale, préoccupée des motifs de cette décision, ne suffit pas ; il est nécessaire de recourir à la physique pour expliquer la chute du corps dans l'eau2. L'analyse, sous tous ses aspects, d'un phénomène concret exige l'utilisation de plusieurs sciences et ainsi de cadres de référence différents. A ce premier niveau de conceptualisation, l'homme de science procède à une opération à la fois préliminaire et indispensable : la définition du phénomène à expliquer. C'est la constitution de l'objet scientifique, dont « l'individu historique » de Max Weber représente, en son domaine propre, un cas particulier. Telle est la signification épistémologique du cadre de référence dont le contenu change avec la nature de la science. Le plus approprié aux sciences sociales, selon Parsons, est celui de l'action ; il entraîne l'introduction de quelques concepts fondamentaux et implique l'adoption d'une perspective déterminée. Le concept, l'unité de base, est évidemment l'acte. Et tout acte a une source (l'acteur), comporte une fin, prend place dans une situation qui peut se décomposer en deux éléments distincts : les conditions indépendantes de l'acteur d'une part et les moyens dont il dispose d'autre part ; il se caractérise enfin par son orientation normative, c'est-à-dire par un certain type de lien entre les moyens et la fin. Cette relation élémentaire est fondamentale : aussi aurons-nous souvent l'occasion de ramener le cadre de référence au schéma moyen-fin. La nature même de ces concepts a deux conséquences importantes : pour pouvoir parler de fin, il est nécessaire de concevoir l'action com1. Parsons, op. ch., note sur le concept " fact p. 41. 2. C'est dans la section du dernier chapitre consacrée au cadre de référence que Parsons s'appuie sur cet exemple, cf. op. cit., pp. 734-736.

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me un processus dans le temps ; la référence temporelle est indispensable à la compréhension de l'action. De même la référence à l'acteur, aux normes qu'il a le plus souvent intériorisées, impose de considérer les phénomènes sous la forme qu'ils revêtent pour lui : les phénomènes étudiés ont un aspect subjectif que la science ne peut se permettre de négliger. Les sciences sociales s'intéressent en effet à des conduites significatives qu'il n'est pas possible de comprendre sans se reporter au point de vue de l'acteur. En choisissant l'action pour cadre de référence, en soulignant que le sociologue manquerait à sa tâche, s'il négligeait l'aspect subjectif des actions humaines, Parsons reste dans la ligne d'une sociologie compréhensive : par cette seule divergence fondamentale avec un certain empirisme positiviste, on mesure l'importance de l'héritage wébérien. Parsons se sépare pourtant nettement de Max Weber, ou du moins d'une certaine méthodologie wébérienne, en se refusant à ranger la sociologie et l'histoire dans le même groupe de sciences. Sans doute Weber reconnaît-il que la sociologie se caractérise par sa quête des régularités et non pas, comme l'histoire, par son intérêt pour les événements singuliers1 ; mais cette distinction ne brise pas pour autant l'unité des sciences de la culture, qui ont pour objet premier de dégager des significations dans toute leur originalité spécifique et non pas de construire une théorie véritable générale2. Parsons au contraire, oppose aux sciences historiques des sciences dites analytiques, qui, comme l'économie théorique ou la sociologie, se reconnaissent à la formulation — ou à l'essai de formulation — de lois universelles3. La sociologie n'est plus alors conçue comme un simple moyen de connaissance historique mais sa vocation devient de transcender l'histoire, en brisant l'individualisme et l'unicité du particulier. Et c'est par cette dimension qu'elle conquiert la généralité. S'interdisant d'être prisonnière des combinaisons éphémères et capricieuses de l'histoire, elle cherche à découvrir les aspects universels en décomposant les formes particulières : elle isole dans les types historiques l'élément premier. Elle ne procède pas pourtant véritablement à la seule quête du semblable, à travers et au-delà des différences : le sociologue à l'occasion de constater que certaines propriétés inhérentes 1 . Comme l'écrit en effet Julien Freund dans Sociologie de Max Weber, Paris, PUF, 1966, p. 78, le sociologue allemand « ne rejette à aucun moment la conception générale qu'on se fait de la sociologie, à savoir une discipline qui se propose d'élaborer des relations générales et de fournir un savoir nomologique ». Weber estime seulement que la sociologie ne doit pas, pour autant, se priver des ressources de la méthode individualisante. 2. C'est là une des affirmations cardinales de la méthodologie wébérienne, qui est développée à plusieurs reprises dans « Die Objektivität sozialwissenschaftlicher Erkenntnis », notamment à la page 180 des Gesammelte Aufsätze %wr Wissenschaftslehre, Tübingen, J.C.B. Mohr (P. Siebeck), 1922, et aux pages 165-166 de la traduction de Julien Freund, Essais sur la théorie de la science, Paris, Pion, 1965. 3. Parsons fait à deux reprises cette distinction entre sciences historique et sciences analytiques dans La structure de ¡'action sociale : une première fois dans la discussion de la méthodologie wébérienne, pp. 598-599; une seconde dans la classification des sciences de l'action, p. 760. Karl Popper oppose de la même façon aux sciences historiques les sciences théoriques dans Misère de l'historicisme, Paris, Pion, 1956, section 30, pp. 140-145.

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à un système de relations complexes ne se manifestent pas dans des relations plus élémentaires. Il note aussi que le dosage n'est pas le même pour toutes les sociétés : à l'élaboration de la singularité historique les divers éléments ne participent pas au même degré mais dans des proportions variables. L'universalité d'une relation ne garantit pas son importance dans un système social particulier ; la permanence des éléments n'exclut pas une variation de leurs valeurs. La sociologie recherche des propriétés constantes au niveau des relations comme au niveau des fondements de la société ; mais elle est aussi invitée à suivre des modifications souvent subtiles, parfois très nettes. Aussi le sociologue ne peut-il respecter l'unité apparente de la forme historique : il lui applique une méthode abstraite et analytique. C'est pour bien marquer l'importance de ce caractère analytique que Parsons a donné ce nom aux éléments universels dont le sociologue doit entreprendre la quête et à la science tout entière qui s'édifie sur ces bases. Prenant dans la réalité des valeurs variables, ils correspondent, comme on l'a vu dans l'introduction générale, tantôt à une propriété d'un système de relations, tantôt à une pluralité d'aspects d'un phénomène, plus rarement à une forme particulière simple1. La correspondance est donc loin d'être toujours univoque entre le modèle d'explication sociologique et la réalité concrète à laquelle on le confronte : le propre de l'élément analytique c'est de réduire à un même commun dénominateur une multiplicité de formes concrètes ou plus exactement de découvrir l'identique dans la pluralité sociale. La sociologie, pour acquérir cette généralité, est nécessairement vouée à la méthode comparative qui, par delà les combinaisons spécifiques, lui permet de dégager les relations véritablement premières (à un niveau de complexité donné), les éléments purs et les fonctions essentielles. Elle implique, ainsi à la fois une décomposition des totalités concrètement constituées et un inévitable recours à l'abstraction. Il est indispensable de renoncer à la singularité du réel pour édifier une théorie générale : la généralité du système est à la mesure des sacrifices consentis sur ce terrain, car c'est à ces seules conditions qu'il est possible, pour le sociologue américain, de concilier l'ambition théorique et le refus de l'empirisme. La sociologie sera donc une science analytique, dont le propos sera de développer, selon la formule même de Parsons, des systèmes logiquement cohérents de théorie analytique générale2. Mais ce caractère formel ne nous dit pas encore quel en sera l'objet propre, ce qu'en sera le contenu. C'est précisément à cette question que Parsons se propose de donner une réponse, à travers La structure de l'action sociale : ce gros ouvrage n'a pas d'autre fin. Au terme d'une longue analyse consacrée essentiellement à l'œuvre de Pareto, Durkheim et Weber, et destinée à souligner leur identité de vues sur certains points essentiels, Parsons 1. C'est dans la section du dernier chapitre consacrée au rôle des éléments analytiques (pp. ci/., pp. 748-753) que Parsons signale cette triple correspondance. 2. C'est ainsi que Parsons caractérise les sciences analytiques en général, et non pas seulement la sociologie, in : La structure de l'action sociale, p. 760.

Le modèle théorique et la nature de la méthode se juge autorisé à proposer une définition de la sociologie ; il la présente comme la science analytique des systèmes d'action sociale qui tente de les appréhender à partir de leur propriété d'intégration des valeurs1. C'est là une définition difficile qui a besoin d'être éclaircie et qui ne saurait l'être sans un rapide rappel de la démonstration destinée à l'établir. Cette conception de la sociologie se fonde en effet sur une étude des propriétés structurelles de l'action qui constitue en quelque sorte le cœur de La structure de l'action sociale. A cette étude le cadre de référence de l'action et ses implications immédiates ne sauraient suffire, car ils ne permettent de connaître que les relations élémentaires inhérentes à tout acte et la rationalité technique qui indique le moyen le plus efficace pour la réalisation de telle fin particulière. On ne saurait non plus, selon Parsons, se contenter de la considération d'actes particuliers : pour comprendre un système d'action, qui n'existe qu'à un certain niveau de complexité, il faut examiner leur interrelations. Les actions forment, de par leurs combinaisons et leurs arrangements, des chaînes longues et complexes à l'intérieur desquelles le même acte joue simultanément le rôle de moyen et de fin. Elles tissent une trame infiniment subtile, dont il n'est possible de dégager les éléments que par une abstraction analytique. Ces chaînes ne peuvent être analysées avec profit, selon Parsons, que si l'on donne toute son importance à la subjectivité de l'action et donc à son orientation vers une fin. Aussi, en dépit de tous leurs entrelacements, les chaînes d'actions ne sont-elles jamais closes, car elles comportent toujours une fin ultime. De plus les fins ultimes des diverses chaînes sont liées par des relations significatives. Se refusant à la considération d'actes isolés, Parsons part donc d'une vision résolument anti-utilitariste et, préoccupé des ensembles, il ne peut admettre que les fins ultimes soient distribuées au hasard : il tente au contraire d'en souligner les rapports. Parsons s'efforcera ainsi de montrer que les propriétés d'un système d'action dépendent d'un certain type de relations des fins entre elles et que plus l'on se rapproche des fins ultimes, plus l'on est à même de comprendre l'intégration de l'action sociale en système, c'est-àdire le fondement de la société comme tout organique. Il distingue trois niveaux, correspondant chacun à l'apparition d'une propriété fondamentale8. La première de ces propriétés est la rationalité économique ; elle se distingue de la simple rationalité technique dans la mesure où elle ne détermine pas le moyen le plus approprié à la réalisation d'une fin unique mais où elle permet de résoudre un problème 1 . Peut-être est-il utile ici de citer les termes mêmes employés par Parsons à la page 768 de Tbe Structure of Social Action : « Sociology may then be defined as the science which attempts to develop an analytical theory of social action systems in so far as these systems can be understood in terms of the property of common-value integration. » 2. Parsons introduit pour la première fois ces trois propriétés des systèmes d'action dans une longue digression qui coupe l'examen des thèses parétiennes mais qui permet de préciser le sens et l'objet de la recherche (ibid., chap, vi, pp. 228-241). Il les rappelle dans le dernier chapitre pour fonder la classification des sciences analytiques de l'action {ibid., pp. 767-768.)

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d'allocation : la répartition de moyens rares entre des fins alternatives. La seconde propriété répond aussi à un problème d'allocation mais cette fois à un niveau qui suppose dépassé le plan de l'acteur individuel et implique la présence d'une pluralité d'acteurs. Il faut que les fins disparates des divers acteurs soient ramenées à la comptabilité par l'institution d'un ordre social contraignant : à cette propriété Parsons donne le nom de rationalité de coercition. Et il marque très vigoureusement que sans un ordre de ce type il serait impossible d'envisager l'existence d'un système économique stable. Il y a donc une hiérarchie des propriétés, et la plus proche du niveau des fins ultimes commande et fonde l'autre. A ce stade, l'intégration d'un système d'action est encore très incomplète car il reste à considérer les fins ultimes des différents individus et leur conciliation à l'intérieur d'une même société. Ce délicat problème ne peut, pour Parsons, recevoir de réponse que si l'on reconnaît l'existence d'un système commun de fins ultimes, impliqué par le caractère durable de l'organisation sociétale. Il existe des fins collectives, dont seule peut rendre compte la troisième propriété à laquelle Parsons donne le nom d'intégration des valeurs. A cette dernière propriété sont subordonnées toutes les autres : car l'ordre politique et, à travers lui, toute l'organisation sociale se fondent sur la cohérence et la cohésion des fins collectives. Aussi peut-on distinguer radicalement entre ce type de fins, véritablement ultimes, et des fins immédiates, comme la recherche de l'efficacité instrumentale, de la richesse et du pouvoir. La considération des fins et de leurs interrelations a ainsi amené Parsons à distinguer trois propriétés fondamentales et à souligner leur nécessaire hiérarchie. Mais il ne suffit pas pour le sociologue américain de reconnaître l'existence de fins ultimes pour avoir épuisé l'analyse de l'aspect subjectif et normatif de l'action sociale. En effet les préférences fondamentales, c'est-à-dire les valeurs, ne s'expriment pas seulement en termes de fins collectives et empiriques ; elles ne se traduisent pas toujours non plus dans une forme claire et précise, mais souvent dans l'ambiguïté des sentiments. Parsons insiste sur le fait que l'action comportant des fins transcendantes et un rituel sert à manifester des attitudes de valeur ultimes. Dans ces conditions, la relation moyen-fin change de signification : le moyen n'est plus choisi pour ses vertus intrinsèques, c'est-à-dire parce qu'il permet la plus grande efficacité, mais pour sa charge symbolique, c'est-à-dire dans la mesure où il exprime de la manière la plus appropriée un certain nombre de significations1. Le rituel est, comme Durkheim et Pareto l'ont bien compris, la manipulation d'une expression symbolique adaptée à une certaine fin. Et tout effort pour organiser la pensée religieuse est au fond rationalisation d'un consensus sous-jacent en matière de valeurs ultimes. Si diverses que soient ses manifestations — fins collectives et foni. Parsons a l'occasion d'insister à deux reprises sur la relation symbolique du moyen à la fin, d'une part en rappelant l'analyse parétienne des prescriptions rituelles (\ibid., pp. 2082 1 1 ) , de l'autre en présentant l'interprétation durkheimienne du rituel ( i b i d p p . 429-438).

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dement de l'autorité sociale, d'une part, fins transcendantes et rituel de l'autre — ce complexe de valeurs constitue donc un tout, dont dépend l'intégration sociale, dans la mesure où elle implique une communauté de choix et d'appréciations. Les normes sociales et la symbolique expressive, qu'elle soit ou non de forme religieuse, renverraient à ces options premières comme à leur fondement. C'est à l'appui de cette affirmation que Parsons invoque pour garants Pareto, Durkheim et Weber. Par delà les différences évidentes de tempérament, de formation culturelle, d'intérêts spécifiques et de théories particulières, il croit découvrir entre eux une convergence1. Rejetant toute interprétation qui réduirait les résidus parétiens aux instincts bruts, il tente de prouver qu'ils expriment symboliquement des attitudes fondamentales de valeurs. Renversant la formulation positiviste de Durkheim selon laquelle le religieux n'est qu'une expression symbolique de la société, il fait crédit au sociologue français d'avoir montré que le social était en son fond religieux, c'est-à-dire impliquait une intégration commune de valeurs2. Il rappelle enfin, dans son analyse de Weber, que le capitalisme n'est pas le seul fruit d'une évolution technique et matérielle mais que son essor a été historiquement lié à une certaine conception de la vie caractéristique de la morale calviniste. L'autorité des trois auteurs est destinée à souligner, dans l'esprit de Parsons, le bien-fondé de sa démonstration : elle sert à justifier une position théorique, selon laquelle on ne saurait bien comprendre le système social sans se référer à un ensemble de valeurs communes qui fonde sa cohésion. Ce qui le caractérise essentiellement, c'est la propriété d'intégration commune des valeurs dont la sociologie doit appréhender et reconnaître toutes les formes. La sociologie proposée est ainsi doublement analytique par la nature de ses concepts qui résultent d'une décomposition analytique des entités concrètes et par la limitation de son champ d'investigation. Visant à la généralité, la sociologie n'est pas une science historique ; et elle n'est pas non plus encyclopédique, dans la mesure où elle se consacre à l'étude d'une seule propriété structurelle des systèmes d'action. Ainsi le statut de la sociologie consiste, selon Parsons, à renoncer à des ambitions excessives : elle n'est pas destinée à constituer la synthèse des sciences sociales, mais à devenir, parmi d'autres, une science analytique, qui découpe abstraitement son domaine dans le réel.

i. François Bourricaud a analysé avec précision l'étude de Parsons sur ce point, dans l'introduction qu'il a écrite à sa traduction de certains essais du sociologue américain (Eléments pour une sociologie de l'action, Paris, Pion, 1955). z. Parsons, op. cit., p. 434 : « Not on the basis of the definition alone, but rather on that of the whole argument of Durkheim's theory it may be maintained not only that those who have a common religion constitute a moral community, but that, conversely, every true moral community, that is, every society is characterized to a certain degree by the possession of a common religion. »

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DEUXIÈME SECTION : LE STATUT DE L'ÉCONOMIE CLASSIQUE ET LE DÉPASSEMENT DE LA MÉTHODOLOGIE PARÉTIENNE

Dans son étude générale, destinée à préciser la fonction et l'objet de la sociologie, Parsons cite parfois la mécanique comme un exemple parfait de la théorie analytique dans les sciences de la nature. Il préfère pourtant se référer à une discipline qui est, par son champ d'application, proche parente de la sociologie et qui constitue en même temps, selon Pareto, l'équivalent, dans les sciences sociales, de la mécanique rationnelle, à savoir l'économie classique1. Parsons ne se lasse pas en effet de répéter, à la suite de Pareto, que l'économie pure est une théorie analytique dans la mesure où elle considère seulement certains aspects des phénomènes concrets, à savoir les propriétés significatives pour la détermination de l'équilibre économique. L'économie n'étudie qu'une partie des actions de l'homme : sa première démarche est d'isoler et d'abstraire. Et de surcroît il ne se contente pas de considérer uniquement « les actions logiques, répétées, en grand nombre, qu'exécutent les hommes pour se procurer les choses qui satisfont leurs goûts »2, il leur impose, il leur assigne certains caractères. C'est donc d'une réalité à la fois partielle et simplifiée qu'il s'efforce de rendre compte. Parsons reconnaît en l'économie pure une théorie pleinement scientifique puisqu'elle n'étudie les phénomènes que par rapport à un cadre de référence, la loi de l'offre et de la demande, et qu'elle fait porter sa démonstration sur des éléments quantifiables : l'économiste raisonne en fait sur de véritables variables, à valeurs toujours changeantes, et sur leurs diverses combinaisons. La formulation mathématique de l'économie pure, où Pareto voyait déjà le signe de son développement représente, pour Parsons, une preuve décisive de sa nature analytique. La théorie économique constitue donc une illustration à la fois précieuse et commode pour la réflexion méthodologique, mais ce n'est pas son seul rôle : elle devient rapidement, pour un auteur qui a un peu trop tendance à croire aux vertus et à la solidité de l'analogie, un modèle à l'image duquel il faut construire la sociologie. La méditation sur le statut de l'économie acquiert ainsi une place capitale dans LM structure de l'action sociale, dans la mesure où elle est susceptible d'apporter quelques lumières sur la nature de la sociologie elle-même : c'est un examen préalable et indispensable, puisque de son résultat dépend l'orientation de toute la recherche. Si Parsons rappelle à maintes reprises que l'économie classique satisfait, par l'abstraction de sa démarche et la nature de ses concepts, aux critères retenus pour définir une théorie analytique3, c'est qu'il y voit un principe premier dont il va développer toutes les conséquences. 1. V . Pareto, Traité de sociologie générale, Lausanne/Paris, 1917-191 9, XI, 2014 : « D e même qu'on passe de la mécanique rationnelle à la mécanique appliquée par l'adjonction de considérations sur les phénomènes concrets, de même on passe de l'économie pure à l'économie appliquée. » 2. Tel est l'objet de l'économie selon le Manuel d'économie politique, Paris, Giard & Brière, 1909, p. 145. Pareto cite cette définition dans le Traité, V , 825, note. 3. Parsons, op. cit., pp. 172, 264-265, 454, 766.

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Sans doute Parsons n'ignore-t-il pas que la sociologie doit faire face à des difficultés spécifiques : elle ne saurait, par exemple, de quelque manière qu'on l'envisage, porter sur des données aussi aisément quantifiables que l'économie pure. Cela ne signifie pas, pour autant, qu'elle doive renoncer à l'emploi de concepts analytiques, mais leur construction et leur maniement en seront certainement rendus plus complexes ; la sociologie trouve ici sa limite. Rien en revanche ne paraît lui interdire a priori de s'appliquer uniquement à certains aspects des phénomènes concrets, comme l'économie. Ne pourrait-elle consister simplement à expliquer une propriété dite sociologique des systèmes d'action? De même que l'économie ne rend compte que des actions logiques, ou, pour parler le langage de Parsons, de la rationalité économique, de même la sociologie rendrait compte d'un facteur spécifiquement social, suffisamment original pour mériter une étude spéciale1. Elle renoncerait ainsi définitivement à une connaissance encyclopédique touchant à tous les phénomènes concrets. Parsons se sépare ici profondément de Pareto dont l'ambition était de construire une sociologie synthétique, destinée à rassembler et à réunir les sciences analytiques pures en une science unique : la sociologie devait permettre d'expliquer la complexité des phénomènes sociaux réels2. Mais malgré la divergence des projets, qu'atténue sans doute l'échec de Pareto dont la sociologie concerne essentiellement les éléments non logiques de l'action et devient ainsi l'antithèse de l'économie plutôt que la science globale du social3, Parsons puise dans certains passages du Traité, comme on l'a signalé au cours de l'introduction, des arguments et des thèses pour nourrir sa réflexion. En un certain sens, Ha structure de l'action sociale, constitue une méditation sur les Préliminaires et plus particulièrement sur le paragraphe 34, que nous citerons à notre tour, comme Parsons lui-même, dans son examen de la méthodologie parétienne : « Soit Q la théorie de l'économie politique : un phénomène concret n'a pas seulement une partie économique, mais aussi d'autres parties sociologiques, c, g,... C'est une erreur de vouloir englober dans l'économie politique les parties sociologiques c, g,... comme l'ont fait beaucoup de gens ; la seule conclusion exacte à tirer de ce fait est qu'il convient d'ajouter — ajouter dis-je, et non substituer — aux théories économiques qui donnent e, d'autres théories qui donnent c, g , . . . » Parsons a d'abord emprunté à ce texte l'affirmation que l'économie politique est une science analytique abstraite, dont la fonction n'est 1. Les analyses de l'aspect logique des systèmes d'action (Parsons op. cit., pp. 228-241) et de l'aspect non logique des systèmes sociaux (Jbid., pp. 230-264) sont, sur ce plan, aussi suggestives qu'essentielles. 2. Les paragraphes 2009-2024 du Traité de sociologie générale sont, sur ce point, tout à fait éclairants. On empruntera au paragraphe 2022 la proposition suivante : « C'est aux différentes branches des sciences sociales et à leur synthèse, exprimée par la sociologie, que nous pouvons demander la solution de tels problèmes.» 3. Guy Perrin souligne très vigoureusement cette opposition de l'économie et de la sociologie dans l'œuvre de Pareto in : Sociologìe de Pareto, Paris, PUF, 1966, pp. 33-43.

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ha théorie analytique de la société dans l'œuvre de Talcott Parsons

pas d'expliquer dans leur intégralité les phénomènes concrets ; mais il en a aussi tiré l'idée de fonder une théorie qui aurait un statut méthodologique semblable à celui de l'économie classique et qui serait capable de rendre compte de cette partie sociologique. C'est à l'élaboration d'une science sociale de ce type que Parsons va se consacrer. Il reprend ainsi une suggestion de Pareto, mais non point son programme ; car si Pareto a noté comme intéressante, cette possibilité de construire, à côté de l'économie, d'autres sciences sociales pures, il n'a pas voulu l'exploiter : c'est tout au contraire dans une tentative pour rejoindre le réel qu'il a cherché à passer d'une science analytique et étroite, l'économie pure, à une science synthétique et globale, à savoir la sociologie. Cette divergence des projets permet de comprendre pourquoi, par un apparent paradoxe, Parsons accorde la priorité à la première partie du Traité aux dépens de la seconde où Pareto aborde des problèmes plus directement fondamentaux. Dans la perspective parsonienne, la tâche primordiale consiste en effet à isoler les éléments indispensables pour appréhender le fonctionnement de la société, et non pas à proposer une vision synthétique des ensembles sociaux. Ce n'est donc pas essentiellement à la manière dont Pareto recompose la forme générale de la société à partir des résidus, des dérivations, des intérêts et de l'hétérogénéité sociale mais à ces facteurs eux-mêmes et plus spécialement au premier que Parsons s'intéresse. Sans doute, à la suite de Lawrence Henderson1, retiendra-t-il de l'œuvre de Pareto la notion de système social et la volonté de l'étudier2 ; mais c'est là une entreprise remise à plus tard, car son succès dépend de la définition préalable d'une méthode et de concepts appropriés. Or cette méthode ne peut être, selon Parsons, que l'analyse, et Pareto précisémment nous montrerait la voie à suivre dans la première >artie inductive du Traité3, qui, partant de la distinction de l'action ogique et de l'action non logique, conduit à la séparation des éléments constants (résidus) et des éléments variables (dérivations) dans les. théories non conformes aux critères de la science logico-expérimentale. Accordant aux résidus une attention particulière, Parsons en présente une interprétation très audacieuse : il y voit, comme on l'a déjà signalé, une expression symbolique de sentiments liés aux fins collec-

Î

1. Lawrence J. Henderson, Vanto's General Sociology : A Phystologist's Interprétation, Cambridge, Harvard University Press, 19} 5. 2. Pareto propose, par analogie avec un système de points matériels sur lequel s'exercent des forces, de considérer une collectivité soumise à l'action de certains éléments comme un système social (Préliminaires, §127-128). Il reprend cette notion de système, social au début du chapitre xn, « Forme générale de la société », § 2066, pour désigner l'ensemble constitué par les différents éléments qui déterminent les formes sociales. Parsons invoque l'exemple de Pareto dans sa préface à The Social System, Glencoe, 111., Free Press, 1951, VII, et dans la troisième partie de son article « La théorie sociologique systématique et ses perspectives », in : Georges Gurvitch et Wilbert Moore (sous la direction de), l*a sociologie au XXe siècle, Paris, PUF, 1947,1.1, pp. 57-58. 3. Peut-être vaut-il la peine de signaler que Parsons présente dans une note de la page 185 de Tbe Structure of Social Action la première partie du Traite' comme un exemple d'induction analytique, au sens que Znaniecki a donné à ce terme.

Le modèle théorique et la nature de la méthode tives et plus généralement aux valeurs inhérentes à l'action sociale1. A travers les résidus, il retrouve du même coup le facteur social, puisque de leur distribution et de leur répartition dans les différentes sociétés dépend le système de valeurs commun aux individus, et donc l'intégration sociale. La démarche de Pareto acquiert ainsi une grande portée, du fait qu'elle est capable, selon Parsons, d'aboutir à de tels résultats. Or elle progresse précisément à l'aide de l'analyse. Ne faut-il voir là qu'un heureux accident ou n'est-ce pas la preuve que la méthode la plus rigoureuse est aussi la plus féconde ? Parsons choisit évidemment la seconde hypothèse. A dire vrai, cet enthousiasme semble forcé car la décomposition analytique n'est pas en fait poussée très loin et la signification des résidus reste toujours ambiguë. Il paraît excessif d'employer le terme d'analyse pour qualifier la distinction de l'action logique et de l'action non logique : tout se passe en effet comme si Pareto se contentait de distinguer deux classes d'actions concrètes, dont il ne veut étudier que la seconde, les actions non logiques. Dans un but pratique, pour circonscrire l'objet de son étude, il aurait recouru à des outils conceptuels assez grossiers, appartenant à la catégorie des types idéaux élémentaires. Sans doute, sait-il très bien qu'une seule caractéristique ne suffit pas à rendre compte d'un acte, qui est une totalité synthétique : il éprouve donc le besoin de signaler qu'il a cherché à classer des éléments d'actions concrètes, et non pas ces actions elles-mêmes2. Mais de ces éléments et de leur nature nous ne saurons rien de plus. Il est clair en tout cas qu'ils ne sont pas analytiques au sens parsonien, puisqu'ils correspondent à une partie d'une entité concrète, qu'ils constituent une unité élémentaire, et non pas un aspect ou une propriété des phénomènes considérés. On peut en revanche parler à plus juste titre d'un effort de décomposition des touts en éléments dans l'examen des théories liées aux actions non logiques. Pareto cherche en effet à découvrir derrière la diversité des argumentations et des justifications théoriques, qui forment les dérivations, un noyau permanent et toujours présent à la base des théories, représenté par les résidus. Malheureusement sa démarche ne semble ni très claire ni très solide : Pareto se contente de proposer sa classification, sans s'expliquer nettement sur la progression qu'il a suivie. Selon Parsons, il aurait procédé à une généralisation empirique à partir des exemples très divers et très variés qu'il avait empruntés à l'histoire, et notamment à l'Antiquité gréco-latine3. C'est là l'hypothèse la plus favorable à Pareto, auxquels les critiques reprochent d'avoir 1. L'interprétation de Talcott Parsons est en fait un peu plus complexe : il existe des résidus non normatifs qui manifestent des instincts liés aux facteurs externes de l'hérédité et du milieu (Parsons, op., cit. pp. 20,215,217). Mais les plus importants des résidus sont l'expression symbolique d'un sentiment subjectif, lié d'une part aux fins ultimes nécessaires pour guider l'action logique et de l'autre à des attitudes de valeurs moins claires et moins nettement formulées : cette distinction au niveau des résidus « normatifs » est fondamentale et Parsons la rappelle dans sa conclusion théorique consacrée à Pareto (ibid., p. 706). 2. Pareto, Traité, II, 148. 3. Parsons, op. cit., p. 278, n. 1.

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La théorie analytique de la société dans l'œuvre de Talcott Parsons

confondu expérimentation et exemplification1, vérification et illustration2, ou d'avoir vu à tort dans le musée du monde antique3 un laboratoire de science appliquée, pour défendre et justifier des idées préconçues. Quoiqu'il en soit, même si Pareto avait effectué plus rigoureusement le passage du particulier au général, en retenant des éléments véritablement communs aux multiples faits examinés, cette application de la logique inductive ne saurait constituer une première approximation de la théorie analytique, au sens que Parsons a donné à ce mot : en effet, comme il le répète à maintes reprises dans les chapitres méthodologiques de La structure, la distinction est radicale entre les généralisations construites à partir des types d'entités concrètes ou de leurs parties et les lois véritables, qui portent sur les modes réguliers de relations entre les éléments analytiques4. Cette divergence des deux démarches se retrouve encore dans la nature des concepts utilisés : les résidus sont aussi éloignés des éléments analytiques que la généralisation inductive l'est de la théorie envisagée par Parsons. Car, loin de désigner un élément analytique des systèmes d'action, qui n'a pas à l'état pur d'existence concrète, mais se manifeste toujours à travers des combinaisons multiples et diverses, les résidus correspondent à des tendances générales et bien réelles de l'action : l'instinct des combinaisons pousse à l'innovation et la persistance des agrégats traduit un souci de conservation, pour ne citer que les deux classes fondamentales. Certes — et Parsons a raison de le souligner — les résidus ne sont pas des instincts à l'état pur : alors que l'instinct sexuel se traduit uniquement par le rapprochement des sexes, le résidu sexuel apparaît aussi chez ces Pères de l'Eglise, Saint-Jérôme notamment, « qui prêchent la chasteté pour avoir l'occasion d'arrêter leurs pensées aux unions sexuelles»6. Mais le résidu n'en est pas pour autant une attitude de valeur : il traduit une inclination dissimulée par la théorie, ou plus précisément masquée par la dérivation6. On n'est plus alors en droit de s'étonner du caractère hétéroclite des classes, qui rassemblent dans le désordre des éléments divers par plus d'un aspect : il est naturel en effet que la tendance simple inhérente au résidu se manifeste sous bien des formes différentes ; les genres ne font qu'indiquer la variété de ses apparitions dans le cadre des théories liées aux actions non logiques. Cette variété est à l'opposé de l'ordonnancement abstrait que Parsons se propose de 1. Maurice Halbwachs, « Le Traité de sociologie générale de M. Vilfredo Pareto», Repue d'Economie politique, 32, 1918, p. 581. 2. Raymond Aron, « La sociologie de Pareto », Zeitschrift fiir So^ialforscbung, 4 (3), 1937, p. 489. 3. Joseph A. Schumpter, « Vilfredo Pareto (1848-1923)», Tbe Quarterly Journal of Economies 6} (2), 1949» P- Mi4. La distinction est soulignée à plusieurs reprises, notamment dans l'examen critique de la méthodologie wébérienne : Parsons, op. cit., pp. 614-624. 5. Pareto, Traiti, VI, 852. 6. Guy Perrin montre très justement que le résidu est en fait un instinct, mais un instinct camouflé par un raisonnement de mauvaise foi. C'est le couple résidu-dérivation qui est ici essentiel : « Dans la dérivation, le résidu ne serait qu'instinct, et, sans le résidu, la dérivation ne saurait se concevoir » {cf. Perrin, op. cit., p. 126).

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construire et qui se veut en quelque sorte renoncement au concret pour mieux expliquer le réel. Il paraît donc tout à fait excessif, pour ne pas dire erroné, d'affirmer, comme le fait Parsons, que Pareto a formulé un système d'éléments analytiques, alors que ni les deux types d'action, ni les résidus n'ont véritablement ce caractère. La distinction de l'action logique et de l'action non logique peut être un utile point de départ mais toujours estil que Pareto, en ne considérant que les actions non logiques, ne cherche point à l'approfondir. La voie de l'analyse est susceptible d'être féconde mais le sociologue italien ne va pas assez loin pour en montrer les mérites. Et la seconde partie synthétique ne saurait simplement servir de justification, à travers la théorie de l'utilité sociale ou la distinction des deux types de sociétés abstraites, à une appréciation séduisante mais contestable des résidus1. Au Traité de sociologie générale, Parsons a donc pu emprunter quelques éléments susceptibles de l'aider dans son entreprise, mais il n'a pu véritablement y trouver une réelle ébauche de théorie analytique. Le projet a besoin d'être repris et repensé sur le plan de la démarche comme sur celui des instruments conceptuels. Parsons part effectivement des réflexions méthodologiques de Pareto sur le statut de l'économie ; mais en privilégiant la possibilité, indiquée par le sociologue italien, de construire d'autres sciences sociales pures, qui se consacreraient elles aussi à un seul aspect du réel, il s'éloigne des perspectives parétiennes. Pareto n'aurait jamais, pour sa part, souscrit à l'affirmation que la vocation de la sociologie est de devenir une science analytique, limitée à l'étude d'une propriété, même si le Traité de sociologie générale est essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, la science des résidus et des actions non logiques. Aussi Parsons a-t-il tort d'en appeler à l'autorité du Traité de sociologie générale; Pareto ne saurait en effet servir de caution à une entreprise qui n'a jamais été la sienne et à un projet qu'il a tout au plus implicitement suggéré. C'est à Parsons lui-même qu'il revint d'édifier une théorie sur ce pari méthodologique : tâche longue et difficile qui lui prendra plus de dix ans et le conduira à une construction systématique autour des célèbres variables. 1. Pareto traite du problème de l'utilité dans les paragraphes 2 1 1 1 - 2 1 3 9 du Traité de sociologie générale et passe ensuite à l'examen des deux types de sociétés abstraites (§ 2 1 4 1 - 2 1 4 3 ) . Parsons consacre dans La structure de l'action sociale d'importantes analyses aux deux sociétés abstraites (pp. 221-225) e t surtout à la théorie de l'utilité sociale (pp. 241-249). S'appuyant essentiellement sur le paragraphe 2 1 3 3 où Pareto écrit : « E n économie pure, on ne peut pas considérer une collectivité comme une personne ; en sociologie, on peut considérer une collectivité, sinon comme une personne, au moins comme une unité», et sur l'affirmation du sociologue italien qu'« une société déterminée exclusivement par la raison » ne saurait exister, dans la mesure où il faudrait « encore indiquer quel est le but que doit atteindre la société au moyen du raisonnement logico-expérimental » (§ 2 1 4 3 ) , Parsons croit pouvoir soutenir que Pareto a découvert, à sa manière, l'unité de la société et le principe de cette unité, c'est-à-dire l'intégration autour de valeurs communes. Procédant à une étude méthodique de l'interprétation parsonienne, G u y Perrin démontre avec beaucoup de netteté dans son ouvrage {op. cit., pp. 148-152) que ni par sa nature ni par sa place dans le système parétien la théorie de l'utilité sociale ne peut cor Srmer l'interprétation que Parsons donne des résidus.

CHAPITRE II

L'élaboration des concepts fondamentaux

PREMIÈRE SECTION DU CONCEPT

: LA

CLASSIFICATION

WÉBÉRIENNE

ET LA

FORME

Talcott Parsons a toujours, comme on l'a noté plus haut, cherché à se situer dans la ligne de Max Weber : il s'est même volontiers posé comme son continuateur, et, tout en ayant l'ambition de dépasser le modèle qu'il s'était fixé et qu'il a eu le mérite de présenter au public américain, il a souvent abordé les problèmes sociologiques en termes wébériens. Dans son insistance sur le rôle des valeurs il est fidèle à l'esprit de Weber : de même que l'éthique religieuse constituait, pour ce dernier, un facteur indépendant dans la genèse du capitalisme, de même, pour Parsons, les fins ultimes et les attitudes de valeurs sont un élément irréductible du social. Le sociologue américain n'a point besoin, comme dans son analyse des résidus parétiens ou de la théorie durkheimienne de la religion, de justifier par une argumentation subtile une interprétation aussi audacieuse qu'originale : son accord avec Weber sur l'influence des diverses conceptions de la vie est manifeste. Sans doute convient-il de noter qu'au déchirement du monde wébérien entre des dieux hostiles et rivaux correspond ici la stabilité d'un ordre fondé sur une communauté de valeurs : à une vision pathétique, à une conscience aiguë du conflit a succédé une méditation plus irénique sur le consensus. Dans un cas comme dans l'autre, la place accordée aux valeurs n'en est pas moins essentielle. Pareille conception conduit évidemment les deux auteurs à récuser toute sociologie qui ne serait que science positive du comportement : si Parsons ne se soucie guère de rechercher les motivations individuelles des actes humains, il voit en revanche dans l'orientation normative des conduites un facteur original de détermination et affirme que le sociologue ne saurait se désintéresser de cet élément subjectif fondamental. Aussi n'y a-t-il rien d'étonnant à ce qu'il retienne l'action, entendue au sens d'une conduite normativement orientée, et non pas le groupe ou la relation sociale, comme cadre de référence privilégié pour les sciences sociales. Certes cette volonté de rendre compte de la subjectivité de l'action ne s'inscrit pas du tout dans le cadre d'une philosophie idéaliste et sceptique : Parsons ne reprend point à son compte la distinction entre les sciences de la nature et les sciences de la culture et il ne songe guère — tout au contraire — à souligner les limites de l'objecti-

3 " 7 . I 5 I _ I 5 2 > 169-172. économie politique, 6, 17, 22, 23, 169. — induction, voir Induction. Archaïques (sociétés), voir Sociétés intermédiaires. Artisan : — vs. entrepreneur, 77-78. Attitudes (modes d'organisation des), 58-59, 60-61. Autorité — (définition de 1'), 120. — analogie avec le contrat d'emploi, 120. — comparaison avec le contrat de propriété, 120. Cadre de référence : — (définition du), 6, 7, 15, 17. — voir Action, Relation sociale, Personnalité sociale, Groupe. Changement social : — (processus de), voir Echange. — structurel : et différenciation fonctionnelle, 115, 136-141. et modèle de valeurs, 114, 137-138, 139-140, 165. — (théorie générale du), 1 1 4 - 1 1 5 , 135-136, 140-141, 146-149, 163-165. — et évolution, 146-147, 148-149. Chine classique : — et modèle particularisme-accomplissement, 82, 83. — et bureaucratie, 91. Collectivité : — comme catégorie structurelle du système social, 107 n. 1. — (intégration de la), voir Intégration. Communauté et société (concepts de) : — comme types de relations historiques, 36-37. — comme modes de sociabilité, 36-37. Communauté : — et ligue, 39-41. — (décomposition analytique de la), 35-36, 38-39. et diffusion, 38, 39. et qualité, 38, 39. et affectivité, 39, 39-40, 41-42. et particularisme, 39. — et intégration, 97. Société : — (décomposition analytique de la), 35-36, 38-39. et spécificité, 38, 39. et accomplissement, 38, 39.

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et neutralité affective, 39. et universalisme, 39. — et adaptation, 57. Communauté sociétale (comme sous-système intégratif), 106 n. 1, 131 n. 3. Conditions préalables fonctionnelles, voir Fonction(s). Conflit (sociologie du), voir Sociologie. Conservatisme : — déguisé de Parsons, 157, 168. — vs. libéralisme, 166. Contrainte, 84, 170. Contrat : — vs. statut, 37. — (types de), 119-120. Contrôle social : — (mécanismes de) et déviance, 49-50, 79-80, 93 n. 2. — (typologie du), 79. et catégories de Baies, 93 n. 2. — et différenciation fonctionnelle, 138, 141. Culture : — comme système d'action, 1, 62. — et orientation vers les valeurs, 53, 62, 66 n. 1, 80. — (types de), et combinaison de variables, 80, 81-82. — comme système de croyances, 66. — comme système de symboles expressifs, 66. Démocratie (théorie classique de la), 125, 132. Déviance, voir Contrôle social. Différenciation : — structurelle, 73-74, 100, 136 n. 6, 137. — des sous-systèmes primaires, 100, 106-108, 132, 136-137. — fonctionnelle (comme type de changement) : vs. segmentation, 136. (conditions de succès de la), 137, 138. et intégration, 137, 140-141. et valeurs dominantes, 137-138, 139-140. (étapes de la), 138. Droit (comme seuil pour passer des sociétés intermédiaires aux sociétés modernes), 143-144. Echange : — (modèle de 1'), m - 1 1 4 , 118, 121-124, 132. — double entre sous-systèmes, 113, 121-123.

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La théorie analytique de la société dans l'œuvre de Talcott Par sons

— (forme des) : entre l'économie et les autres sous-systèmes, 1 1 1 - 1 1 4 . entre le système politique et les autres sous-systèmes, 1 1 2 n. 1, 1 1 4 n. 1, 121-123. — et interdépendance, 1 2 1 , 132. Economie : — comme modèle de science, 5-6, 22, 1 1 7 - 1 1 8 , 169. — comme sous-système adaptatif, 106, 1 1 1 - 1 1 3 , 1 1 7 - 1 1 8 . Economisme (de Parsons), 1 1 8 , 132, 168-169. Elections : — (comparaison des) avec les marchés économiques, 1 1 9 , 125. — étape de la relation gouvernants-gouvernés, 125. — et théorie classique de la démocratie, 125, 132. Eléments, voir Analytique(s) (concepts). Empirisme (critique parsonienne de 1'), 15-16. Evolution : — et capacité d'adaptation, 142. — (conception linéaire de 1') : unilinéaire, 142, 145. multilinéaire, 146. — (universaux de 1'), 143, 144, 146. — (stades de 1'), 142-144, 145, 146. — (examen critique de la conception parsonienne de F), 145-147. Evolutionnisme, 145-149. Expressifs) : — complexe, 73-76. — mode, 73. — symboles, 66. Famille : — conjugale et système de parenté traditionnel, 41, 91. — rôles familiaux vs. rôles professionnels, voir Rôle(s). Fins : — (hiérarchie des), 19-20. — et valeurs communes, 20-21. Fonctions : — conditions préalables fonctionnelles, 89-91. — correspondance avec les variables, 93-98. — comme dimensions du système social, 95, 106, 133. — comme phases du système social, 95-96. — et différenciation des sous-systèmes primaires, voir Sous-système, adaptation, voir Système économique. réalisation des fins, voir Système politique, intégration, voir Système intégratif.

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maintien des modèles culturels, voir Système de maintien des modèles culturels. — (hiérarchie cybernétique des), 106-108. — passage du plan macrosociologique au plan microsociologique, 106. — (valeur opératoire des), comme concepts, 99, 102-105, 133-134, 155-156, 160, 171. comme mode d'analyse, 103, 105, 114, 116, 133-134, 139-141,159-160. Forme : — et contenu chez Simmel, 3-5. — et variables, 4-5, 53. Gouvernants (relation des) avec les gouvernés, 121, 125-126. Groupe : — comme cadre de référence, 7, 29, 170-171. — et relation sociale, 70-71, 82. — et société globale, 71, 82. Hiérarchie(s) : — dans la société globale, 70, 71. — et stratification : et répartition du pouvoir, 69, 101-103. et échelle des estimations, 47, 101, 102-103. partielles, 100-101, 103. — cybernétique de contrôle : au niveau des catégories structurelles, 107-108. au niveau des fonctions, voir Fonction(s). Induction : — généralisation empirique vs. loi analytique, 26, 31. — analytique chez Znaniecki, 7, 24 n. 3. — dans le Traité de sociologie générale de Pareto : action logique et action non logique, 24, 25, 27. résidus et dérivations, 24, 25. Institution (types d'), 66. Instrumental: — complexe, 73-76. — mode d'action, 73, 83. Intégration : — autour des valeurs communes, 2, 9, 18-19, 20-21, 24-25, 27 n. 1, 81, 108, 109, 152, 161-162, 164, 170. — de la collectivité, 69-70, 71, 80. — de la société globale, 67, 69-70, 71. — de la personnalité, 57, 62, 90. — des systèmes culturels, 91. — (sociologie de 1'), voir Sociologie. Interaction : — comme fondement de la société, 66.

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La théorie analytique de la société dans l'œuvre de Talcott Parsons

— (processus d') comme système, 65-66. — et variables, 66, 74-79, 93. — (modèles d') et fonctions, 93, 106. Ligue (concept de), 39-41. Maintien des modèles (fonction de), voir Fonction(s). Malade (rôle du), 78-79. Médecin : — (rôle du), 50, 78-79. — vs. entrepreneur, 46. — vs. ami, 50. — relation asymétrique avec le malade, 50, 78-79. — et contrôle social, voir Contrôle social. Métasociologie, 155, 156. Monde des objets : — (organisation du), 56, 58-59, 60. — (attitudes vis-à-vis du), 58-59, 60. Moral (mode), 54, 73. Morphologie structurale : — et évolutionnisme, 146-147. Moyens généralisés (Generalised media) : — argent, 1 1 9 , 127-129, 1 3 1 . — pouvoir, 1 1 9 , 1 2 7 - 1 3 1 . — influence, 126, 1 3 1 n. 3. — engagement de valeurs, 1 3 1 n. 3. Norme(s) : — comme catégorie structurelle du système social, 102, 107 n. 1. — et sous-système intégratif, 106 n. 1, 144. — d'accomplissement et de sanction, 103. Organisme (comme système d'action), 1. Orientation : •— — — —

normative, 16, 29, 45. (modes d'), 53, 54, 56. (vers les valeurs) et variables, 54-60, 61-62, 80. classification des orientations constitutives de rôles, 73-78.

Orientation vers soi- orientation vers la collectivité, voir Variables. Pensée symbolique (analyse de la) : — chez Durkheim, 20, 21. — chez Pareto, 20, 21, 25. — chez Parsons, 58-59. Personnalité : — comme système d'action, 1, 57, 59, 62.

Index des matières

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— (sociale comme cadre de référence), 7. — et combinaison de variables, 57, 59 n. 1, 62, 80. Politique (système politique comme sous-système de réalisation des fins), voir Sous-système. Pouvoir : — (hiérarchie du), 69, 101-103. — (définition parsonienne du), 128-129. — et langage : et argent, 119, 127-129, 1 3 1 . comme moyen généralisé du système politique, 119, 128-129, 1 3 1 . — et sanction, 129-130. — et influence, 126, 131 n. 3. Prestige, voir Stratification. Profession (rôles professionnels), voir Rôles. Qualité-accomplissement, voir Variables. Rationalité : — technique, 19. — économique, 19, 32, 33. — finale vs. rationalité de valeurs, 32-33. Réalisation des fins (fonction de), voir Fonction(s). Relation sociale : — comme cadre de référence, 7, 29. — et forme, 3-5. — et variables, 50-51, 58, 61, 62-63, 66, 76, 79-80, 85, 93, 105, 156, 160. 79> 86. — et rôles, 62, 66-67, 7°> Religion : — comme pensée symbolique, 21. — comme rituel, 20. Résidu (s) : — comme instinct, 26. — comme instinct camouflé, 26 n. 1. — comme expression des attitudes de valeur, 25. — normatifs et non normatifs, 25 n. 1. Responsabilité différentielle : — et autorité, 119-120. — et régulation, 119-120. Ressources (répartition des), 67, 68, 71, 102, 119. Rôle(s) : — (définition du), 66-67. — comme catégorie structurelle du système social, 107 n. 1. — (modèles de), 57, 59, 61-62, 78, 79. rôles professionnels vs. rôles familiaux, 45, 47, 48, 51, 61. rôles et variables, 50-51, 57, 61-62, 73-78, 79, 86.

194

-La théorie analytique de la société dans l'œuvre de Talcott

Parsons

— élément dynamique vs. élément statique, 70. — (exercice du), 68, 78. Situation : — (définition de la), 52-53. — et variables, 55, 56, 62. Social comme religieux vs. religieux comme social, 21. Société : — comme totalité concrète, 4, 106 n. 1. — comme objet de la sociologie, 4, 106, 160. — (conception atomiste vs. conception analytique de la), 32. — comme système d'action, 1, 62, 168 n. 3. — comme collectivité unique ou comme ensemble de collectivités, 7 1 , 82. — classification des sociétés chez Parsons, 72, 81-83. — et pluralité des sous-cultures, 84, 1 0 1 , 134, 162. Société américaine : — (structure professionnelle de la), 48-49, 51, 83. — (structures familiales de la), 41, 48-49, 51, 91, m . — (stratification de la), 103. — et modèle de valeurs universalisme-accomplissement, 82, 82-83. — et Maccarthysme, 166. — (changement de valeurs dans la), 140. Société industrielle : — et bureaucratie, 46, 91. — et famille conjugale, voir Famille et Rôle(s) (familiaux). — et système de professions, voir Rôle(s) (professionnels). — et modèles de valeurs : universalisme-accomplissement, 82, 83. universalisme-attribution, 82-83. Sociétés intermédiaires : — archaïques, 143. — avancées, 143. — (caractéristiques des), 142-143. Société primitive : — (indifférenciation de la), 142. — (structure de la parenté dans la), 142. — (distribution du pouvoir dans la), 142. Sociétés abstraites (chez Pareto), 27. Sociologie : — comme — comme — comme — comme — comme — comme

science science science théorie science science

analytique, voir Analytique. spéciale, 2, 3-4, 6-7, 8, 24, 27, 108-109, 151-15 2. fondamentale des sociétés, 8, 9, 110. générale des contenus culturels, 9. générale et synthétique, 8-9, 110, 1 5 1 - 1 5 2 , 170. synthétique (chez Pareto), 6, 23, 24.

Index des matières

195

— et histoire, 17-18, 159. — comme science de l'intégration ou comme science du conflit, 157, 162. — sociologie de la contrainte vs. sociologie de la régulation, 84, 162-163, I7 ° — comme science de l'intégration et du conflit, 162-163. Sous-systèmes : — (différenciation des), 100, 106-108, 133, 136-137. — (identité structurelle des), 118, 132, 133, 134, 160. — (échange entre) : voir Echange. L'économie (comme sous-système) : — et adaptation, 106, 106 n. 1, 1 1 2 n. 1, 113 n. 1, 1 1 7 . — et utilité, i i 8 . — et argent, 119, 127-129, 1 3 1 . — parallélisme entre l'analyse de l'économie et celle du système politique, 118-132, 134. Le — — —

système politique : et réalisation des fins, 106, 106 n. 1, 1 1 2 n. 1, 1 1 8 , 1 2 1 n. 2. et efficacité, 118. et pouvoir, 119, 1 2 7 - 1 3 1 .

Le système intégratif : — comme communauté sociétale, voir Communauté sociétale. — échanges avec le système politique, 1 2 1 , 125-126. Le système de maintien des modèles : 106 n. 1, 108, 1 1 2 , 1 1 2 n. 1. — et les modèles de légitimation culturelle, 143. Spécificité-diffusion : voir Variables. Statut : — vs. contrat, 37. — assigné vs. conquis, 47-48. — (symbole de reconnaissance du), 48. — (classification des), 80. Stratification : — (aspect valorisant de la), 47, 99-100, 102, 103. — et échelle des estimations, 47, 102, 103. — et prestige, 48, 68-69, 99, 101-102. — et fonctions, 99-105. — et hiérarchies partielles, voir Hiérarchie. — et pouvoir, voir Pouvoir. Structure sociale : — (catégories structurelles de la), voir Valeur(s), Norme(s), Collectivité(s), Rôle(s). — et ensemble de rôles, 68-70, 85. — et modèles de valeurs, 80-81, 82, 84. — et hiérarchie des collectivités, 71, 82, 134. — et sous-systèmes primaires, 107.

196

La théorie analytique de la société dans l'œuvre de Talcott Par sons

Ssytème social : — (définition du), 65-66. — et intégration, 84, 108-109, 137, 164. — et sous-systèmes primaires, 100, 107-108, 133, 137. — et maintien des modèles culturels (de valeurs), 108, 1 1 4 , 137, 139-140, 162. — et équilibre, 136. — et changement structurel, voir Changement Taxinomie : — dans l'œuvre de Parsons, 65, 80, 153-154, 155-156. — et variables, 65, 153, 155-156. — vs. théorie, voir Théorie. — (intérêt et limites de la) chez Parsons, 153-156. Théorie : — analytique, voir Analytique. — (définition d'une), 155. — (conditions de succès d'une), 155, 172. — vs. taxinomie, 85, 154-155, 156, 159-160, 172. Traditionalisme : — et communauté, 38. — vs. rationalité, 38. Types idéaux : — (définition wébérienne des), 30-31. — individualisants, 31. — généralisants, 31-32 : de normes, 31. de conduites significatives, 31. — (critique parsonienne des), 30-34. — (types idéaux de), 82. Universalisme-particularisme : voir Variables. Valeur(s) : — (orientation vers les), voir Orientation. — comme catégorie structurelle du système social, 107 n. 1. — (critère de) et variables, 54-59, 62. — (modèles de) et combinaisons de variables, 80-81. — (système de), 80-81, 82, 99-101, 104 n. 3, m - 1 1 2 . Variables : — (découverte des) : et rôles professionnels, voir Rôle(s). et rôles familiaux, voir Rôle(s). et décomposition analytique de la communauté, voir Communauté et

Index des matières

*97

Société (concepts de). et décomposition analytique de la société, voir Communauté et Société (concepts de). — (dérivation des), 52-63. — comme concepts analytiques, 76-77, 83, 86. — et types idéaux, 76, 81-82, 153. — et modes de relation sociale, voir Relation sociale. — et rôles, voir Rôle(s). — et modèles de valeurs, voir Valeurs. - (valeur opératoire des), 43-44, 50-51, 61-63, 66, 73-78, 79-80, 85-86, 105, 155-156, 158, 159, 160, 1 7 1 , 172. — et passage du plan microsociologique au plan macrosociologique, 70, 80-81, 82, 84, 85-86. — correspondance avec les fonctions, 93-98. — affectivité-neutralité affective, 49, 50, 51, 55, 57-59, 73, 74-78, 80. affectivité, 41-42, 49, 60-61, 95, 95-97neutralité affective, 49, 50, 60-61, 78, 79, 95, 95-97. — spécificité-diffusion, 38-39, 46-47, 50, 51, 56-59, 73, 74-78, 80. spécificité, 37, 46, 50, 60-61, 78, 79, 95, 95-97. diffusion, 37, 42, 60-61, 95, 95-97. — universalisme-particularisme, 46-47, 50, 51, 55, 57-59, 73, 74-78, 80. universalisme, 46, 60-61, 78, 81, 95, 95-97. particularisme, 42, 60-61, 81, 95, 95-97. — qualité (attribution)-accomplissement, 38-39, 48, 51, 56-59, 73, 78, 80. qualité (attribution), 38, 42, 60-61, 81-83, 95> 95> 97accomplissement, 38, 60-61, 78, 81-83, 95, 95-97. — orientation vers soi-orientation vers la collectivité, 46, 47, 51, 55, 59 n. 1, 60, 73, 74. orientation vers soi, 78. orientation vers la collectivité, 78, 79. — (asymétrie symétrique des), 57-58, 59-60, 79. Volonté (formes de la) chez Tônnies, 37.

Table des matières

Introduction

i Première partie

Présentation

13

Chapitre premier. Le modèle théorique et la nature de la méthode . . . .

15

Première section : La conception d'ensemble et l'élaboration du projet Deuxième section : Le statut de l'économie classique et le dépassement de la méthodologie parétienne

15 22

Chapitre II. L'élaboration des concepts fondamentaux Première section : La classification wébérienne et la forme du concept

29 29

Deuxième section : Le contenu du concept et l'influence de Tònnies

35

Deuxième partie Présentation

43

Chapitre III. Les variables : leur genèse et leur signification Première section : L'analyse de la société contemporaine et l'isolement progressif des variables

45

Deuxième section : La dérivation des variables Chapitre I V . Les variables et la reconstruction du système social Première section : L'ambition parsonienne et les grandes lignes de l'analyse structurale Deuxième section : La mise en œuvre de l'analyse et la classification des sociétés globales

45 52 65 65 72

Troisième partie Présentation

87

Chapitre V . L'analyse fonctionnelle : ses origines et ses principes Première section : La convergence des variables et des fonctions et la première mise à l'épreuve des nouveaux instruments conceptuels . Deuxième section : Les caractéristiques et orientations majeures de la seconde sociologie parconienne

89 89 105

200

LM théorie analytique de la société dans l'œuvre de Talcott Parsons

Chapitre VI. Une application de l'analyse fonctionnelle : ses ambitions et ses limites

117

Chapitre VII. Le problème du changement structurel : de l'analyse de la différenciation fonctionnelle à la doctrine de l'évolution

135

Conclusion

151

Bibliographie

173

Index des auteurs

185

Index des matières

187

ACHEVÉ SUR

LES

D'IMPRIMER PRESSES

IMPRIMERIES DE 3,

C H A M B É R Y RUE 73

EN

DES

RÉUNIES

LAMARTINE,

3

- CHAMBÉRY

JANVIER

MCMLXXIV

N° 6395