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French Pages 220 Year 1974
LA SCOLARISATION EN FRANCE DEPUIS UN SIÈCLE
PUBLICATIONS DE L'UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES DE GRENOBLE Collection du Centre de Recherche d'Histoire économique, sociale et institutionnelle
SÉRIE HISTOIRE
INSTITUTIONNELLE
VOLUME N° 5 Les volumes de la série « Histoire Institutionnelle » sont publiés par le Centre de Recherche d'Histoire économique, sociale et institutionnelle créé en 1962 au sein de la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble. Ces volumes présentent des ouvrages de membres du corps professoral, des travaux de colloques et des thèses de doctorat préparés dans le cadre de la section « Histoire institutionnelle » de ce Centre.
Paris . MOUTON . La Haye
PUBLICATIONS DE L'UNIVERSITÉ DES SCIENCES SOCIALES DE GRENOBLE
LA SCOLARISATION EN FRANCE DEPUIS U N SIÈCLE Colloque tenu à Grenoble en mai 1968 sous la direction de PIERRE CHEVALLIER
Paris . MOUTON . La Haye
© 1974, Mouton & Cie Library of Congress Catalog Card Number: 72-80010 ISBN: 2 - 7193 - 0921 - 4 Imprimé aux Pays-Bas
PRESENTATION
DE
L'OUVRAGE
Le Centre de Recherche d'Histoire Economique, Sociale et Institutionnelle de Grenoble a organisé, les 3 et 4 mai 1968, un colloque dont le présent volume présente l'essentiel avec un retard dû à diverses causes, et notamment aux suites des événements qui se sont déclenchés aussitôt après la tenue du colloque. Celui-ci a porté sur la scolarisation en France dans les divers ordres d'enseignement depuis un siècle, étant observé cependant qu'en fait l'analyse remontait, chaque fois qu'il était possible, jusqu'au début du 19e siècle. En suscitant une telle rencontre, les organisateurs du colloque s'étaient proposés principalement deux buts. D'une part, ils ont considéré que l'histoire scolaire et universitaire, en plein développement depuis une quinzaine d'années notamment, a suscité l'intérêt d'un nombre maintenant important de spécialistes, et qu'il serait intéressant du point de vue scientifique de c r é e r pour eux une occasion de se rencontrer, de se connaître lorsqu'ils n'avaient pas encore eu de contacts entre eux, et de travailler ensemble sur un sujet correspondant a une préoccupation commune. Ces spécialistes étaient les uns des historiens, d'autres des économistes ou des juristes, d'autres enfin des responsables d'organismes publics; ils avaient l'habitude d'aborder les problèmes d'histoire scolaire à p a r t i r de points de vue différents, et des formations souvent diverses. Il ne faisait pas de doute, et le colloque l'a confirmé, que des échanges d'information et de réflexion entre eux enrichiraient les uns et les autres et permettraient d'atteindre â des conclusions plus précises sur un certain nombre de points, de soulever aussi et de discuter des problèmes prêtant spécialement â la controverse. D'une manière générale, le colloque a d'ailleurs fait apparaître, a travers les différences de points de vue, un accord assez général sur la manière de poser les questions essentielles et
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sur les réponses générales qu'il convenait de leur apporter, ce qui a d'ailleurs facilité la présentation définitive des travaux du colloque dans le présent volume. Il est cependant significatif que cet accord ait été moins net et que les discussions aient été plus vives en ce qui concerne l'enseignement supérieur et l'enseignement technique: si pour ce dernier les problèmes venaient en partie de la complexité de son évolution historique et de ses relations avec l'enseignement secondaire et les établissements post-élémentaires, par contre dans les deux cas la discussion a dû principalement son intensité aux problèmes particuliers que soulève la nature des formations données par ces enseignements et a ceux que pose la liaison entre ces formations et les débouchés. C'est dire que, très directement, la question de la finalité même de ces ordres d'enseignement était au centre des débats; les événements eux-mêmes allaient se charger, dans les semaines suivantes, de porter ce problème au premier rang de ceux qui furent alors discutés avec tant de passion. L'autre raison d'un tel colloque était évidemment de permettre d'étudier un aspect particulier de l'histoire scolaire et universitaire française, en essayant d'en dessiner la perspective d'ensemble sur une période d'un siècle â un siècle et demi. Le groupe de travail scientifique qui a préparé le colloque s'est arrêté finalement au problème de la scolarisation parce que celui-ci lui a semblé être sinon le problème premier, du moins l'un de ceux qui commandent les autres par ses exigences (locaux, corps enseignants, crédits, etc.) et par ses conséquences (élévation du niveau de qualification et de culture dans la nation, formation des hommes et des femmes nécessaires â la vie de la société et de l'économie, etc. ). C'est également l'un de ceux qui permettent de replacer les problèmes de l'évolution de l'enseignement dans leur véritable contexte sociologique en éclairant la psychologie et le comportement des familles et des groupes sociaux, dans la mesure où la scolarisation traduit la réaction de ceux-ci au besoin d'éducation et de culture et leur sensibilité à ce besoin. Cette question a été également choisie parce qu'elle est insuffisamment connue du point de vue historique. S'il est vrai que des études de plus en plus nombreuses et précises sont faites depuis la seconde guerre mondiale sur la scolarisation, et si l'on s'efforce de réunir de plus en plus de données et d'informations sur ce point pour la période actuelle, l'évolution pour le 19e siècle et la première moitié du 20e siècle n'a guère fait l'objet d'études d'ensemble. Or 11 est
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important de déterminer au moins les grandes lignes de cette évolution si l'on veut connaître les antécédents de l'histoire récente et apprécier les changements de comportements que celle-ci révèle par rapport a l'histoire antérieure, mais aussi parce que l'on ne peut bien pénétrer, sans connaître le phénomène de scolarisation, certains aspects de problèmes tels que la pression qui s ' e s t exercée (ou non), selon les périodes, sur les institutions scolaires et universitaires, les moyens humains que celles-ci ont fournis, aux différentes époques, au développement économique de la France, et inversement, les besoins que celui-ci faisait peser sur le système scolaire et universitaire, l'attitude de la société française et de la population a l'égard des problèmes de formation et de culture, et bien d'autres encore. Sur tous ces points, l'étude de l'évolution de la scolarisation ouvre des perspectives intéressantes et fournit parfois des révélations assez étonnantes et pas toujours conformes aux idées reçues. Il s'agit en fait d'une question préalable et dont l'étude doit nécessairement précéder celle de bien d'autres problèmes, si l'on veut replacer ceux-ci dans leur véritable éclairage et fournir des éléments essentiels à leur compréhension. Chargés de présenter ce thème, les rapporteurs se sont trouvés aux prises avec les difficultés provenant de la documentation disponible, trop limitée et insuffisamment diversifiée, et des choix â opérer en ce qui concerne la méthode d'approche d'un phénomène dont l'étude peut être abordée sous plusieurs angles différents. Ils ont opté en définitive pour orienter leur travail autour des trois axes suivants. L'étude, plutôt que de se restreindre à l'un ou l'autre o r d r e d'enseignement, s ' e s t étendue â tous, depuis l'école maternelle, et en accordant leur place a part aux écoles p r i m a i r e s supérieures et aux cours complémentaires qui ont si longtemps joué un rôle p a r t i culier et apporté â l'organisation scolaire une diversité plus grande qu'on ne l'admet souvent. Il a semblé en effet que non seulement un tel traitement pouvait seul donner une vue d'ensemble du phénomène de la scolarisation, mais également que seul il permettait de s a i s i r la réalité des faits et le sens précis de l'évolution: les différents o r d r e s d'enseignement, s ' i l s ont chacun leur organisation particulière, ne sont pas distincts puisque ce sont les mêmes enfants qui passent, plus ou moins complètement, de l'un dans l'autre, et puisqu'un ordre d'enseignement reçoit nécessairement ses élèves ou étudiants du précédent. Il en résultait aussi la possibilité d'une étude de l'évolution de chaque ordre d'enseignement en lui-même,
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notamment sous l'angle de la démocratisation, c ' e s t - à - d i r e de l'extension de la scolarisation: constater l ' é c a r t chronologique t r è s important qui sépare la généralisation de l'enseignement primaire dans les deux dernières décennies du 19e siècle de l'élargissement de l'enseignement secondaire au cours des années 1930, puis de l'enseignement technique et de l'enseignement supérieur après un délai nettement plus court, ne permet pas seulement d'établir une chronologie précise mais ouvre aussi des perspectives et soulève bien des questions sur le comportement de la société française depuis un siècle. A ce titre, il était important que les rapporteurs, au lieu de concentrer leurs efforts sur l'étude t r è s fouillée d'un ordre d'enseignement qui se serait ainsi trouvé isolé, les r é p a r t i s sent au contraire sur l'ensemble du champ observable. C'est ce qu' ils ont fait en présentant des analyses concernant les écoles m a t e r nelles, l'enseignement primaire, les cours complémentaires, l'enseignement secondaire, l'enseignement technique, l'enseignement supérieur, dépassant ainsi la notion trop étroite d'ordre d'enseignement pour s'attacher aux réalités même de la scolarisation en étudiant à part écoles maternelles et cours complémentaires, dont l'évolution a une signification particulière. Sans doute, cette présentation analytique appelait-elle normalement, en conclusion, une étude synthétique qui, s'appuyant s u r les conclusions de chacun des rapports particuliers, pût établir les liaisons historiques entre l'évolution de chacun de ces systèmes d'enseignement et dressât le panorama d'ensemble. Il a cependant paru difficule aux organisateurs du colloque de t i r e r un tableau synthétique des rapports particuliers, avant que le colloque lui-même n'ait discuté ceux-ci. Ils ont donc p r é f é r é soit laisser à celui-ci le soin de dégager les conclusions d'ensemble, ce que le temps disponible n'a pas permis de r é a l i s e r , soit se r é s e r v e r d'y pourvoir p a r la suite sur la base des travaux du colloque, ce qui reste souhaitable pour un avenir proche. Mais, dès maintenant, il semble que chaque lecteur puisse lui-même opérer des rapprochements entre les div e r s e s analyses qui lui sont présentées ici, et en dégager un certain nombre d'idées globales. Le second choix, celui des bases documentaires de l'étude, s ' e s t trouvé largement déterminé par des impératifs qui s'imposaient en quelque sorte d'eux-mêmes. Il a semblé que l'analyse devait d'abord être statistique, non point parce qu'une étude quantitative serait en soi supérieure à des analyses de type institutionnel ou sociologique, qui permettent au contraire une compréhension beaucoup plus profonde
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de l'évolution, mais parce que celles-ci ont elles-mêmes besoin de s'appuyer sur des données quantitatives précises. L'examen de la scolarisation sur une base statistique a en outre l'avantage de fournir un point de départ solide à l'observation de la croissance de l'enseignement, et celui également de se prêter directement à une étude liée du phénomène de scolarisation et de l'évolution démographique qui constitue un autre impératif préalable à toute analyse plus poussée de la scolarisation. On trouvera donc ici essentiellement des analyses consacrées à l'évolution des effectifs de chaque système d'établissement scolaires et universitaires. Ce choix en entraînait aussitôt un autre: fallait-il chercher à regrouper un matériel statistique très élaboré et diversifié, ou s'en tenir aux chiffres des effectifs globaux au plan national? Il ne fait pas de doute que la première méthode fournissait le moyen d'une étude beaucoup plus précise et approfondie et que, a partir de statistiques locales et régionales, on pouvait soulever des questions d'un intérêt évident, telles par exemple celle des disparités entre zones différentes du pays. Il ne fait pas de doute non plus que l'on ne dispose plus, aussitôt que l'on remonte quelque peu dans le temps, de séries statistiques continues et homogènes susceptibles de permettre â l'heure, actuelle un tel travail; s'il est vrai que l'on peut retrouver, â travers la masse des documents disponibles et jusqu'ici peu explorés, un grand nombre de chiffres intéressants, la seule recherche de données statistiques détaillées eût requis un travail préliminaire très long. En outre, leur examen n'eût de toute façon été pleinement significatif que replacé dans une analyse de l'évolution globale au plan national, qui apparaissait donc comme un préalable scientifique. Au reste, l'étude de cette évolution globale soulève, comme on le verra, beaucoup de problêmes sujets à discussion; s'il avait fallu y ajouter ceux qu'amène â soulever l'étude des évolutions régionales ou locales, le colloque eût dû, pour les aborder tous, prendre des dimensions que les organisateurs ne pouvaient lui donner. Ils ont donc été conduits a établir une hiérarchie des travaux a envisager, et a donner priorité a ceux qui s'imposent d' abord au stade actuel, même s'il a fallu par la renoncer en partie a la richesse des développements, dont le thème choisi était susceptible. Le lecteur trouvera donc ici essentiellement une étude de l'évolution globale conduite à partir des données fournies par les recueils statistiques nationaux et les grandes enquêtes publiques (1). Il en résulte bien entendu qu'il rencontrera de longues listes de chiffres
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dans ce volume; mais, outre que les chercheurs trouveront ainsi a leur disposition directe des éléments jusqu'ici dispersés dans de nombreux documents, il faut bien admettre que l'évolution des effectifs scolarisés dans les différents ordres d'enseignement ne peut s'étudier qu'à travers des séries de chiffres longues et parfois rebutantes, mais riches de précision. Les choix ainsi opérés, en même temps qu'ils restreignaient le champ d'étude a la dimension utilement observable, avaient en contrepartie l'inconvénient de limiter et d'appauvrir quelque peu les conclusions que l'on pouvait formuler. Aussi appelaient-ils, à titre de complément ou de correctif nécessaire, un minimum d'élargissement au-delà de la recherche purement statistique. Les rapporteurs y ont pourvu en abordant les problêmes d'analyse proprement historique le plus directement liés à l'étude statistique. Ainsi ont-ils évoqué l'effet qu'ont pu avoir sur l'évolution des effectifs les lois scolaires importantes, les guerres, les transformations de l'économie, l'influence des grands événements historiques tels que la crise de 1929. Même s'ils ont dû se limiter, sur ces points, à soulever des problèmes ou a formuler quelques hypothèses sur les relations historiques entre ces éléments et la scolarisation, cette étude marque une orientation intéressante par-delà l'approche purement quantitative, et trace la voie aux analyses "qualitatives" qui pourront utilement être entreprises dans un second temps. Car là est sans doute le mérite principal et l'intérêt des travaux que l'on trouvera dans ce volume: étape insuffisante par elle-même dans l'étude du phénomène de la scolarisation envisagé sur un siècle ou un siècle et demi, ils en constituent aussi une étape nécessaire. En se limitant à analyser la croissance quantitative des effectifs scolarisés, ils appellent des travaux plus directement historiques, a qui ils fournissent en même temps une solide base de départ et les données de fait sans lesquelles les interprétations théoriques de l'évolution risquent de s'écarter de la réalité. Il est agréable au directeur du Centre de Recherche Historique, éditeur du présent ouvrage, de constater que, par ailleurs, un ouvrage déjà publié par le Centre (2) fournit une autre des bases nécessaires à de tels travaux approfondis sur la scolarisation: la base d'histoire institutionnelle. Il convient donc, en même temps, de remercier vivement les rapporteurs et les participants au colloque grâce aux efforts conjugués desquels les textes et documents contenus dans ce volume peuvent être présentés avec toute la précision qui les caractérisent, d'espérer que les historiens du Centre de Recherche grenoblois contribueront, pour
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leur part et â côté de tous ceux qui travaillent dans ce domaine, à poursuivre l'étude d'un problème que nous avons intérêt à plusieurs égards à mieux connaître. NOTES 1. Il va de soi que les rapporteurs n'ont pas disposé des données statistiques publiées depuis le colloque, notamment par A. Prost dans son ouvrage "L'Enseignement en France, 1800-1967", Paris, A. Colin, coll. "U", 1968. 2. P. Chevallier, B. Grosperrin et J. Maillet, "L'Enseignement français de la Révolution a nos jours", 1968.
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N O T E SUR LA P R E S E N T A T I O N DES T R A V A U X DU COLLOQUE
Le présent ouvrage contient essentiellement les six rapports qui ont été présentés au colloque de 1968 et les données statistiques qui les accompagnaient. S'agissant du texte des discussions et interventions qui ont eu lieu lors du colloque, les participants à celui-ci, plutôt que d'en envisager la reproduction directe dans ce volume, ont suggéré que les rapporteurs intègrent dans leur texte définitif les principaux éléments apportés par la discussion. On trouvera donc ici les rapports non point tels qu'ils ont été présentés lors du colloque, mais tels qu'ils ont été finalement mis au point compte tenu des apports de celui-ci. A titre indicatif, les principaux points qui ont fait l'objet d'intervention lors du colloque ont été les suivants: - Sur les écoles maternelles: le matériel statistique disponible, les fonctions de ces écoles dans la période de leur croissance initiale, notamment â la fin du 19e siècle, les raisons de la stagnation persistante de leurs effectifs entre 1921 et 1945. Enfin le voeu a été particulièrement exprimé que des études a caractère régional puissent être faites pour préciser l'évolution de ce type d'école. - Sur les écoles primaires: l'inégalité de la scolarisation entre filles et garçons et les disparités entre régions jusqu'aux lois de Jules Ferry, et le problème de la fréquentation scolaire et de l'assiduité des écoliers au 19e siècle. - Sur les cours complémentaires et les écoles primaires supérieures: les rythmes de croissance de ces deux types d'établissement, les catégories sociales auxquelles a profité cet enseignement, la situation générale des écoles primaires par rapport aux enseignements secondaires et technique (notamment le cloisonnement lié a des causes sociales et géographiques, entre le "primaire prolongé" et l'enseignement des lycées), et le problème des rapports entre l'enseignement "spécial" et d'autre part les cours complémentaires et écoles primaires supérieures.
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- Sur l'enseignement secondaire: les causes du démarrage de ce secteur dans les années 1930 (notamment l'effet de l'introduction de la gratuité scolaire et de l'évolution des mentalités), les problèmes du malthusianisme de l'enseignement secondaire jusqu'à la seconde guerre mondiale, la façon dont la prolongation de la scolarité au-delà de l'école primaire s'est réalisée d'abord dans le "primaire prolongé" puis, ultérieurement seulement, dans le second degré, la comparaison entre les évolutions du secteur public et du secteur privé, compte tenu notamment de la différence des services rendus par l'un et l'autre (possibilité d'internat, etc.). - Sur l'enseignement technique: le problème de la signification économique et sociale, c'est-à-dire des finalités de cet enseignement au cours de son évolution, la liaison entre l'enseignement technique et la formation, le comportement de la société â l'égard de ce type d'enseignement. - Sur l'enseignement supérieur: l'évolution des effectifs du point de vue de la périodisation, les finalités de formation (professionnelle et générale) de ce type d'enseignement et de ses différentes branches, l'évolution récente de l'enseignement supérieur.
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LISTE DES P A R T I C I P A N T S
AU
COLLOQUE
M. Afchain, directeur du C. R.D. P. de Besançon M. Arsac, maftre assistant à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble (Centre Historique) M. Baconnier, directeur du C . R . D . P. de Grenoble M. Boivin, maftre assistant à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Rouen M. Bolle, martre assistant à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble M. Chevailler, professeur à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Lyon M. Chevallier, professeur â la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble (Centre Historique), rapporteur M. Chianea, chargé de cours â la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble (Centre Historique) M. Christin, chargé de cours de sciences économiques à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble, rapporteur Mademoiselle Clement, directrice du lycée Stendhal de Grenoble M. Clerc, représentant l'Institut National d'Etudes Démographiques M. Coeurdevey, professeur au C. P. A. G. et professeur de psychopédagogie à l'Ecole Normale d'instituteurs de Dijon M. Colbeau, proviseur du lycée Champollion de Grenoble Madame Couailhac, collaborateur technique â la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble (Centre Historique) M. Dejean, représentant le Bureau Universitaire de Statistique M. Dubouis, professeur à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble M. Dupuis, directeur de la documentation à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble Madame Freyssinet, maître assistant à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble M. Gadille, maître de conférences â la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Lyon
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M. Ganghoffer, professeur à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Strasbourg M. Grosperrin, agrégé de l'Université, professeur au lycée Champollion et au C . P . A . G . de Grenoble, rapporteur Mademoiselle Hezard, collaborateur technique a la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble (Centre Historique) M. Ibarrola, martre assistant à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble (Centre Historique), rapporteur Madame Jacquemier, directrice de l'Ecole Normale d'institutrices de Grenoble M. Jeanblanc, directeur du C . R . D . P . de Lyon M. Jobert, professeur a la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Grenoble M. Laporte, martre assistant à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Clermont-Ferrand M. Le Doyen Latreille, professeur a la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Lyon Madame Maillard, représentant l'Institut Pédagogique National M. Le Doyen Maillet, professeur à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble (Centre Historique), rapporteur M. Le Directeur Minot, directeur de l'Institut National d'Administration Scolaire Mademoiselle Mouton, agrégée de l'Université, assistante a la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Grenoble, rapporteur M. Page, professeur à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble M. Peiser, professeur à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble, directeur du C . P . A . G . de Grenoble M. Pennec, maître assistant a la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble (Centre Historique) M. Prost, maître assistant a la Faculté des Lettres et Sciences Humaines d'Orléans-Tours M. l'Inspecteur Saury, inspecteur d'académie de l'Isère M. Solé, maître assistant à l'Institut d'Etudes Politiques de Grenoble M. Tran Qui, assistant de sciences économiques à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble M. Vieulés, assistant à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Grenoble M. Vincent, représentant Monsieur le Recteur de l'académie de Grenoble.
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J.
Ibarrola
L ' E V O L U T I O N DES E F F E C T I F S DES M A T E R N E L L E S DE 1 8 7 6 A 1 9 6 3
ECOLES
En 1876, les écoles maternelles publiques et privées (ou plus exactement, ce qui en tenait lieu, c'est-à-dire, les salles d'asile) recevaient 503 000 élèves dans 4 040 écoles. Le taux de scolarisation (1) s'élevait à 24,6 %. En 1963, on comptait, d'après le numéro 68 d' "Informations statistiques" (2) 1 040 000 élèves dans les écoles maternelles. Les effectifs ont donc été multipliés par deux entre les deux dates. Le taux de scolarisation connaît une progression de même type puisqu'il s'élève à cette date à 42,6 %. A s'en tenir a cette constatation globale, la croissance lente, mais réelle, des effectifs des écoles maternelles serait indiscutable. Il y aurait donc un parallélisme entre l'évolution du secteur maternel et celui des autres secteurs de l'enseignement. Ce parallélisme apparent masque en fait une profonde divergence. L'évolution des effectifs des écoles maternelles a connu d'importantes fluctuations. Pendant toute une période (celle qui est comprise entre 1901 et 1946), on note un déclin et une stagnation particulièrement accusés (le niveau est constamment inférieur à celui constaté a la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle). Pendant toute cette période, non seulement la valeur absolue des effectifs était peu élevée, mais aussi le taux de scolarisation avait subi une régression, une décroissance. L'évolution des effectifs maternels se traduit donc graphiquement par deux phases d'essor, coupées d'une phase de crise particulièrement longue. La croissance des écoles maternelles est de ce fait très originale, car elle tranche assez fortement sur celles des autres secteurs à la fois par l'allure générale et par les amplitudes. Il est indispensable dans un premier temps, de préciser les principales caractéristiques de cette évolution, de délimiter les étapes, ce qui permettra, peut être, de proposer quelques explications plausibles (3). Si l'analyse globale s'impose, elle n'est pas suffisante. Les structures des effectifs des écoles maternelles ont subi de profonds changements provoqués soit par des causes juridiques ou politiques, 1
soit par la conjoncture économique. D'une manière générale, les écoles maternelles publiques se sont développées très rapidement et ont relégué à un rang secondaire les écoles maternelles de caractère privé; ici on retrouve la même tendance générale que dans les autres ordres d'enseignement. Pendant toute la période, on note également la tendance à l'égalisation entre les effectifs de sexe féminin et ceux du sexe masculin. Comme il existe des relations étroites entre l'enseignement maternel et l'enseignement primaire il est permis de dire que par comparaison avec ce qui s'est passé dans celui-ci, il y a eu: - non pas éclosion, mais essors successifs, coupés de régressions; - incidence sensiblement plus forte à court terme des événements politiques (les guerres) que des dispositions législatives; -parallélisme assez étroit entre l'évolution des effectifs de sexe masculin et ceux de sexe féminin. Le présent rapport comprendra deux parties, l'une consacrée â l'évolution globale, la seconde relative aux structures. 1. EVOLUTION GLOBALE DES EFFECTIFS DE L'ENSEIGNEMENT MATERNEL La période 1876-1963 doit être partagée en un certain nombre de phases, que l'on déterminera non a partir de l'histoire de l'enseignement maternel, au point de vue institutionnel et législatif, mais d'après les statistiques des effectifs. Dans une seconde étape, il faudra aussi tenir compte de cet aspect. Il suffit de rappeler brièvement ici que c'est en 1881-1882, que les salles d'asile deviennent des écoles maternelles véritables (4), que c'est en 1886 que paraft la grande loi de Jules Ferry sur l'organisation des maternelles; de même, c'est en 1904 que l'enseignement fut interdit aux congrégations. Statistiquement, l'évolution des effectifs traverse trois phases distinctes: - une phase d'essor qui commence en 1876 et se termine en 1901-1902; - une phase de crise et de stagnation qui dure de 1901 â 1946; - une phase d'essor rapide et soutenu qui débute en 1946 environ. La seconde de ces phases, la plus longue, comporte elle-même un certain nombre de fluctuations d'ampleur variable. Il est intéressant de signaler cette allure quasi cyclique des effectifs des écoles maternelles pendant cette période de 45 ans, car il est permis de se demander à quoi elle correspond objectivement. Il apparaît aussi que les deux conflits se situent pratiquement à la 2
césure des phases et se manifestent comme autant de périodes de transition d'un niveau a un autre niveau (5). Globalement, les effectifs des écoles maternelles ont augmenté de 537 000 élèves en 87 ans, soit un accroissement légèrement inférieur â 1 % par an. Il s'agit donc bien d'un accroissement très modéré, qui n'a entrafné qu'un faible progrès de la scolarisation. 1.1. Le premier essor des écoles maternelles: 1876-1901 De 1876 â 1901, on note une phase d'essor rapide coupée de chutes. Les effectifs des écoles maternelles connaissent en effet l'évolution suivante: 1876: 503 000 élèves 1886: 735 000 élèves 1891: 710 000 élèves 1901: 754 000 élèves Pendant la même période, le nombre des écoles passe de 4 040 (en 1876) à 5 999 (en 1901) soit une augmentation de 48 %. L'essor, assez rapide relativement de 1876 a 1886, se ralentit très sensiblement de 1886 a 1901. On note en effet que de 1876 à 1886 les effectifs augmentent de 232 000, soit une augmentation, en valeur absolue, de 23 200 par an. La croissance relative atteint 46 % environ. Pendant la même période, le taux de scolarisation passe de 24,6 a 35,8 % soit une progression de 14,4 %. L'essor des maternelles est indiscutable. Le progrès est réel. Par contre de 1886 à 1901, la croissance connaft un ralentissement marqué. On note une chute légère entre 1886 et 1891 (- 25 000) suivie d'une reprise peu marquée. L'accroissement global en quinze ans n'est que de 19 000, soit un accroissement annuel de 1 260 environ (près de 20 fois plus petit que l'accroissement annuel de la période précédente). Même tendance en ce qui concerne le taux de scolarisation. Quoi qu'il en soit, c'est aux environs de 1901, au début du 20e siècle, que les écoles maternelles françaises connaissent leur apogée au point de vue quantitatif (6). Elles reçoivent a ce moment la 754 000 élèves et rassemblent près de 37 % des groupes d'âge scolarisables. 1.2. La crise persistante: 1901-1946 L'essor se termine en 1901. C'est en effet a partir de cette date que l'évolution se renverse et que commence une longue crise qui durera, avec des fluctuations diverses, jusqu'à la fin de la deuxième guerre mondiale. Le déclin, constaté après 1901, tient probablement lieu a des causes 3
d'origine interne (bouleversement apporté par les modifications législatives). A cette première forme de c r i s e va en succéder une seconde assez différente, c a r elle peut être tenue pour externe au phénomène proprement dit: cette crise, c'est celle provoquée par le déclenchement du conflit. Après la fin des hostilités, la c r i s e va prendre une troisième forme, celle de la stagnation qui, bon an mal an, p e r s i s t e r a jusqu'en 1939, date à laquelle, le second conflit mondial rééditera, quoique de manière différente, une situation voisine de celle constatée entre 1914 et 1918. Cette crise originale, à de nombreux égards, apparaît donc comme une s é r i e de processus autonomes, qui servent en quelque sorte de relais les uns aux autres. Elle comprend donc non seulement la période qui s'étend entre 1901 et 1913, mais aussi les deux conflits mondiaux (qui se traduisent tous deux par d'importantes perturbations) et la période dite de l ' e n t r e deux-guerres. Il est donc logique de la découper chronologiquement en quatre grandes phases: 1901-1913: le déclin 1913-1920: la guerre de 1914-1918 et ses suites immédiates 1920-1939: l'entre-deux-guerres 1939-1946: la deuxième guerre mondiale 1 . 2 . 1 . Le déclin: 1901-1913 A p a r t i r de 1901, l'évolution se renverse. A l ' e s s o r de la période précédente succède un déclin qui se traduit par une décroissance sensible des effectifs. Décroissance qui s'effectue d'abord a un rythme accéléré, puis qui tend à se ralentir. De 1901 à 1906, les effectifs passent de 754 000 élèves â 661 000 soit une baisse globale en 5 ans de 93 000 et une décroissance annuelle moyenne de 18 600 élèves. Tout au contraire, de 1906 à 1911, la diminution des effectifs est beaucoup moins sensible: 40 000 élèves en 5 ans, 8 000 par an (7). Ce déclin des effectifs s'accompagne d'une baisse sensible du nombre des écoles qui passent de 5 999 (en 1901) à 3 976 (en 1913) soit une baisse annuelle moyenne de 168 écoles environ. 1 . 2 . 2 . 1914-1920: L'incidence du p r e m i e r conflit mondial Pendant cette période troublée, les statistiques n'indiquent pas, année par année, les effectifs. On peut constater simplement qu'en 1917-1918 (â la veille de l'armistice), ces effectifs s'élevaient â 322 000 soit 52 % environ de ceux d'avant-guerre. L'incidence du conflit a donc été t r è s forte.
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1.2.3. La stagnation de l'entre-deux-guerres: 1920-1939 De 1920 à 1939, les effectifs des écoles maternelles se situent constamment au-âessous du niveau de 1876. Il en va de même du taux de scolarisation, ce qui confirme ce qui avait été dit plus haut, et du nombre des écoles. Sur la base 1911-1913, le tableau suivant met en évidence cet écart persistant: années
effectifs écoles groupe d'âge groupe d'âge taux de scolarisation maternelles 0-4 ans 5-9 ans
1911 1921 1926 1931 1936 1939
100 40 65,5 60 66 64
100 69,5 106,0 104,0 95,0 -
100 86,5 . 66,0 102,0 97,1 -
100 51,5 75,0 57,5 67,0 -
La baisse des effectifs consécutive aux hostilités a été très sensible, même s'il est difficile de l'appréhender d'une manière détaillée. Si on retient la période 1926-1939, on constate qu'elle se traduit elle aussi par une légère décroissance. En 13 ans, le nombre des élèves baisse de 9 000, soit 690 par-an, ce qui fait peu. On peut même remarquer que de 1926 â 1936, on assiste â un essor si l'on peut dire (+ 5 000, soit 500 par an); la baisse ne survenant que dans les trois dernières années de la période (- 14 000, soit 4 600 par an). Pendant cette phase, la baisse sera donc de l'ordre de 2, 5 % autant dire une stabilité à peu près complète. Les taux de scolarisation subissent très certainement des fluctuations plus accusées (en raison de l'existence des classes creuses). années 1931-1926 1936-1931
effectifs - 8 % + 10 %
taux de scolarisation - 23, 5 % + 17,0 %
1.2.4. De 1939 à 1945 Les effectifs connaissent une baisse brutale: 1939: 396 000; 1945: 242 000 soit une diminution de 154 000. Diminution très forte, mais cependant moins accusée que celle correspondante de 1914-1918. La décroissance du nombre des écoles en exercice est sérieuse, mais beaucoup moins accusée: le point le plus bas est atteint en 1944 avec 3 005 ecoles contre 3 826 en 1939.
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1.3. Le nouvel essor des maternelles: 1946-1963 De 1946 à 1951, la croissance reprend. En 5 ans, les effectifs augmentent de 221 000 unités, soit un accroissement annuel de 44 200 environ. C'est le plus fort accroissement constaté. Il révèle bien un changement dans le rythme de progression et annonce le démarrage qui va suivre. En 1951, le niveau moyen de l'entre-deux-guerres est atteint et dépassé. La croissance constatée depuis 1945 ne saurait être identifiée au seul phénomène de compensation qui suit très souvent la fin des conflits: elle se poursuit et prend une allure régulière et continue. Le tableau suivant le montre bien: 1950-1951: 511 000 1953-1954: 643 000 1958-1959: 749 000 1962-1963:1 040 000 soit sensiblement un doublement des effectifs en 12 ans. L'accroissement du nombre des écoles semble s'opérer à un rythme plus lent: 1954: 4 287 écoles 1959: 5 578 écoles 1962: 6 403 écoles soit + 52 % environ entre 1954 et 1962. L'augmentation globale égale 529 000 élèves en 12 ans soit un accroissement annuel de 44 000 élèves environ. On peut distinguer trois moments dans cette croissance. 1950-1951 - 1953-1954: accroissement annuel 44 000: essor rapide 1953-1954 - 1958-1959: accroissement annuel 21 000: ralentissement 1958-1959 - 1962-1963: accroissement annuel 73 000: accélération Le tournant véritable se situerait donc ainsi aux environs de 1958. Il est remarquable de noter que c'est seulement à cette date que le maximum de l'essor précédent (1901: 754 000) est enfin atteint et bientôt dépassé. Il a fallu atteindre 57 ans pour constater un progrès à long terme réel. Si on fait le bilan des trois périodes retenues on constate qu'en fait, ce sont les guerres de 1914-1918 et celle de 1943-1945 qui constituent les véritables coupures, mais en sens inverse l'une de l'autre. La première se situe dans une phase de déclin et va être la cause d'une véritable crise; la seconde prépare, à sa manière, la reprise et le démarrage. - Avant la guerre de 1914-1918, on assiste à un essor réel mais lent, qui dure environ 25 ans, suivi d'un déclin sensible qui ne parart pas s'accentuer. 6
- Entre les deux guerres, on se trouve en présence d'une sorte de sous-scolarisation, analogue à certains égards à une sous-production. La crise des écoles maternelles, constatée après la fin du conflit, se prolonge et tend à devenir permanente. Le niveau correspond à ce que l'on pourrait appeler un sous-emploi scolaire. - Après la guerre de 1939-1945, la croissance est continue et rapide. A partir de 1958-1959, elle s'accélère et permet des progrès marqués de la scolarisation effective. De même, si on analyse l'évolution des rythmes de croissance et de décroissance, on constate les deux phénomènes suivants: 1. Barallélisme très serré entre l'évolution des taux de scolarisation et ceux d'accroissement des effectifs, sauf pendant la période 1931-1939. Il faut donc exclure comme cause immédiate, directe, la dénatalité, et même le déclin démographique. 2. Mouvement d'évolution plus ou moins regulier comportant des fluctuations d'ampleur variable (très souvent faibles, parfois plus soutenues comme l'effondrement de 1901 à 1920 et le fort recul de 1939 à 1946) en précisant cependant que l'essor relativement régulier à toujours été suivi, du moins jusqu'en 1958, de chutes beaucoup plus brusques et nettes. 1.4. Les problèmes à résoudre Deux questions paraissent donc devoir être soulevées: tout d'abord peut-on déceler une incidence des transformations institutionnelles des années 1880-1900 (dispositions législatives)? En second lieu, quelles sont les raisons d'une part de la crise persistante des maternelles de 1920 à 1939, d'autre part de la croissance rapide depuis 1945? Essayons de répondre à la première question. Comment appréhender cette incidence? 1.4.1. Incidence des dispositions institutionnelles des années 1180-1900 Il faut d'abord, selon nous, comparer la progression de quatre périodes successives. - 1876-1886 (c'est en 1886 qu'est publiée la loi sur les maternelles de Jules Ferry (8)) - 1886-1891 - 1891-1896 - 1896-1901 Le tableau suivant présent cette comparaison:
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années 1876-1886 1886-1891 1891-1896 1896-1901
accroissement annuel
accroissement global (taux)
+ 23 200 - 5 000
+ 46 % - 7% + 1% + 4%
+ +
2 000 6 800
Il est indiscutable que c'est durant la période 1876-1886 que la progression a été la plus rapide. Inversement, on note une décroissance nette entre 1886-1891 qui s'insère directement dans la période des réformes. A cet égard, l'incidence des réformes ne peut guère être mise en doute. Comment appréhender l'incidence immédiate réelle? Par l'analyse des taux de croissance année par année de 1881 à 1891 (soit 5 ans avant et après la réforme): 1881-1882: + 3 % 1886-1887: + 1,2 % 1882-1883: + 5,0 % 1887-1888:- 7,0 % 1883-1884: + 2,0 % 1888-1889: + 2,5 % 1889-1890: 1884-1885: + 3,9 % 1890-1891: + 0,4 % 1885-1886: + 2,2 % L'examen de ces taux confirme les conclusions. La croissance s'est faite à un rythme plus rapide avant la loi, qu'après elle. Son incidence peut donc être considérée au premier abord comme négative. Peut-on en faire la cause de l'arrêt relatif de l'accélération? Ou faut-il rechercher pour expliquer ce phénomène d'autres raisons difficiles à déterminer à priori (9) ? 1.4. 2. La sous-scolarisation de l'entre-deux-guerres La crise d'après la guerre de 1914-1918 pose de singuliers problèmes simplement révélés par les chiffres. Il faut se pencher avec attention sur ce phénomène si déconcertant, révélé par les statistiques, afin d'en rechercher les composantes législative, politique et sociologique. Le facteur institutionnel paraît à première vue être déterminant. C'est l'application du décret du 15 juillet 1921, qui serait la cause immédiate de la stagnation scolaire constatée. Ce décret fixe en effet l'effectif maximum par section à 50 enfants. Comme depuis 1881, l'école maternelle comprend deux sections il en découle que l'effectif total de chaque école ne peut désormais dépasser 100 élèves, alors que la limite antérieure (décret du 28 juillet 1882) était de 150 élèves: il y a donc une réduction théorique imposée de 33 % des effectifs. Comme par ailleurs, le nombre des écoles publiques est resté sensiblement le même et que celui des écoles privées a décrû de manière 8
constante, il en découle tout naturellement, semble-t-il, une baisse sensible des effectifs, de l'ordre de 30 à 50 %. Au total, 400 000 enfants environ bénéficient des maternelles, soit un sur sept contre un sur quatre, vingt ans plus tôt. (10) Fondamentalement exacte, l'analyse qui précède demeure insuffisante, car elle tend à donner une vue trop simplifiée du processus. En effet, l'examen des statistiques montre que l'on est en présence à la fois d'une stagnation des écoles maternelles publiques et d'un recul des écoles maternelles privées. Il y a donc en même temps "malthusianisme" des pouvoirs publics (comme le signale justement A. Prost), mais il y a aussi, semble-t-il, sinon une certaine désaffection, du moins une indifférence des usagers, c'est-a-dire des parents des élèves des écoles maternelles, puisque le relai qui aurait pu se faire par le biais du secteur privé ne s'effectue pas. Il faut donc noter cette concordance d'attitude entre les organismes gouvernementaux, maîtres d'oeuvre des écoles maternelles publiques, et les institutions privées, qui avant 1914 avaient un caractère confessionnel marqué. Bien plus, le déclin régulier des écoles maternelles privées entraîne un phénomène de substitution qui se juxtapose au phénomène de stagnation proprement dit. Cette réduction des effectifs s'accompagne très certainement d'une profonde évolution pédagogique: une pédagogie nouvelle implique précisément des effectifs limités. Tout naturellement, cette limite sera généralement respectée, alors qu'il n'en était pas de même pour la limite purement institutionnelle antérieure. En effet, en 1913, les 2 749 écoles publiques (laïques) accueillaient 507 000 enfants, ce qui représentait une moyenne de 185 enfants par école (alors que la limite théorique était de 150 enfants); en 1924, les 281 000 enfants scolarisés étaient répartis entre 3 030 écoles maternelles publiques soit une moyenne de 86 enfants par école (la limite étant égale à 100). Aux mêmes dates, les écoles maternelles privées comptaient une moyenne de 82 élèves (1913) et de 46 (1924). Deux constatations peuvent ainsi etre faites: 1. avant la guerre de 1914, l'école maternelle publique dont la fonction sociale était déterminante, avait des effectifs moyens non seulement supérieurs a ceux de l'école maternelle privée mais encore à la limite théorique; 2. après la guerre, les enfants non accueillis par l'école maternelle publique ne se dirigent pas, même en partie, vers les écoles maternelles privées, puisque celles-ci pourraient accueillir aisément près du double des effectifs qu'elles reçoivent (la moyenne baisse de 86 à 46). Au plan de l'histoire sociale, les décisions législatives apparaissent 9
alors derechef davantage comme un symptôme, comme un indice, que comme une rupture, car il est permis de se demander pourquoi elles ont été acceptées et non combattues, voire abrogées. A cet égard, il est intéressant de constater que l'évolution des effectifs des écoles maternelles contraste étrangement avec celle de la production industrielle: pendant que celle-ci traverse deux phases très tranchées (essor de 1920 à 1929; crise très grave, coupée d'essors passagers, de 1930 à 1939), celle-là s'accroft fortement entre 1924 et 1926 et stagne ensuite. La conjoncture économique ne parait donc pas avoir eu d'incidence immédiate, directe (ce qui n'exclut nullement une incidence dérivée). Tout en considérant que le décret de 1921 permet d'expliquer, pour l'essentiel, l'inflexion majeure constatée, il faudrait néanmoins orienter les recherches dans quelques directions principales, non limitatives: - dimension moyenne des familles (en liaison avec la dénatalité); - reflux des femmes du secteur économique au secteur familial (incidence des crises); - transformation des mentalités (l'attitude envers l'enseignement maternel); - caractère facultatif des maternelles (plus forte sensibilité aux événements de tous genres). Ces recherches donneraient certainement des éléments substantiels pour répondre à la question formulée par A. Prost, qui, après avoir dénoncé, à juste titre, le "malthusianisme aveugle", remarque: les femmes qui travaillent et doivent faire garder leurs enfants ne sont pas moins nombreuses. Comment font-elles ? (11). 2. EVOLUTION DES STRUCTURES: DE L'ECOLE PRIVEE A L'ECOLE PUBLIQUE De 1876 à 1913, les écoles maternelles se répartissaient en deux grands ensembles: le secteur laïque d'une part, le secteur congréganiste de l'autre. A leur tour, chacun des secteurs comprenait â la fois des écoles publiques et des écoles privées (12). A partir de 1913, cette distinction entre secteur lai'que et congréganiste a fait place à une autre distinction, sous-jacente à la première, qui est devenue fondamentale et reste toujours en vigueur puisqu'elle oppose le secteur public (les écoles publiques) nécessairement lai'que, et le secteur privé (les écoles privées, qui ne sont pas obligatoirement confessionnelles). En 1876, les écoles maternelles lai'ques (publiques et privées) 10
recevaient 96 000 élèves alors que les écoles congréganistes en accueillaient 407 000. Il y avait donc à cette date, une prédominance écrasante des congrégations. Il n'était pas exagéré de dire qu'elles contrôlaient 80 % des effectifs des écoles maternelles. Ces écoles congréganistes étaient principalement des écoles publiques: sur les 407 000 élèves des écoles congréganistes, 319 000 (soit environ 80 %) fréquentaient les écoles congréganistes publiques. Les écoles maternelles lai'ques privées étaient pratiquement inexistantes (258 écoles pour 15 000 élèves), et les écoles maternelles lai'ques publiques réduites à la portion congrue (564 écoles recevant 82 000 élèves). A la même date, les effectifs des écoles maternelles par sexe se répartissaient ainsi: Sexe masculin: 249 000 49,5 % Sexe féminin : 255 000 50,5 % 504 000 On constatait une légère prédominance des élèves du sexe féminin, mais, pour l'essentiel, l'égalité était respectée, ce qui exprimait des taux de scolarisation par sexe pratiquement identiques. En 1963, date à laquelle s'arrête la présente étude, la situation s'est profondément modifiée quant à la structure des effectifs par type d'établissement. Non seulement, les congrégations ont disparu depuis fort longtemps, mais en outre, la prépondérance de l'école publique lai'que est devenue la réalité essentielle: en effet, à cette date, les écoles maternelles publiques accueillaient 982 000 élèves, les écoles privées se contentant de 13 600 seulement. Par contre, la structure par sexes s'est peu modifiée puisqu'elle se présentait, en 1959, de la manière suivante: Sexe masculin: 416 000 51,3 % Sexe féminin : 396 000 48,7 % 812 000
Certes, il n'y a plus prépondérance féminine, mais les écarts restent peu marqués. Il est donc permis de dire qu'au point de vue structurel, l'histoire des écoles maternelles se caractérise par deux traits essentiels: - Elimination progressive du secteur privé qui s'est opéré en deux temps; disparition tout d'abord des écoles congréganistes, c'est-à-dire de l'emprise de l'Eglise sur l'école avec l'accord de l'Etat, puisque dans les années 1870-1880, les écoles congréganistes publiques accueillaient la majorité des enfants; déclin régulier du secteur privé, ensuite, aboutissant à une quasi-inexistence. Cette élimination a été faite au profit des écoles publiques. - Stabilité des proportions selon le sexe, avec cependant inversion de la majorité, puisque la prépondérance masculine succède à la prépondérance féminine. 11
2.1. L'élimination presque totale des écoles privées L'évolution des structures des écoles maternelles a traversé deux phases principales, présentant chacune des caractéristiques propres. - La phase d'opposition entre le secteur laïque et le secteur congréganiste, phase comprise au point de vue chronologique entre 1876 et 1913. - la phase d'élimination du secteur privé au profit du secteur public, qui s'étend sur plus d'un demi-siècle depuis la fin de la première guerre mondiale. 2 . 1 . 1 . L'élimination du secteur congréganiste (1876-1913) Comme il n'y a pas identité entre secteur laïque et écoles publiques d'une part, secteur congréganiste et écoles privées d'autre part, il faut à la fois analyser comment le secteur congréganiste, après un essor indiscutable, a été éliminé, et comment ont évolué les rapports secteur public-secteur privé. 2 . 1 . 1 . 1 . Les rapports secteurs laïques-secteur congréganiste. On peut distinguer trois phases principales dans l'évolution de ces rapports: 1876-1886; 1886-1900; 1900-1913. 1. 1876-1886: essor et apogée des écoles congréganistes qui ont une primauté incontestée. C'est en 1880, que les effectifs maxima sont constatés (460 000). A partir de 1881, on note une stabilité annonciatrice d'un déclin. Pendant la même période les écoles laïques publiques se développent à un rythme accéléré (alors que les écoles laïques privées stagnent) : 1876: 96 000 élèves dont 82 000 dans les écoles publiques 1886: 292 000 élèves dont 279 000 dans les écoles publiques Les effectifs des écoles laïques (publiques et privées) sont donc multipliés par 3, 04; ceux des seules écoles publiques par 3 , 4 . Les progrès des écoles maternelles laïques sont donc beaucoup plus rapides que ceux des écoles maternelles congréganistes tant en rythme qu'en valeur absolue: accroissement du secteur congréganiste 1876-1886: + 36 000 accroissement du secteur laïque 1876-1886: + 196 000 * a ' 2. 1886-1900: les deux évolutions divergent. Les écoles congréganistes connaissent un déclin sensible entre 1886 et 1892, puis elles voient leurs effectifs se stabiliser à un niveau inférieur à celui de l'époque précédente - ces effectifs passent de 443 000 à 367 000 (- 76 000). Tout au contraire, les écoles maternelles laïques se développend rapidement, leurs effectifs augmentent de 104 000. On note
12
que le tythme d'accroissement tend à se ralentir sensiblement par rapport à la période précédente : 1876rl886 (10 ans): + 196 000 1886-1900 (14 ans): + 104 000 Au terme de cette période, les proportions entre écoles lai'ques et écoles congréganistes, sont inversées; les écoles maternelles lai'ques (publiques et privées) accueillent davantage d'enfants en 1900 que les écoles maternelles congréganistes (396 000 contre 351 000) (13); les écoles publiques à elles seules en reçoivent 388 000. 3. 1900-1913: les écoles congréganistes sont pratiquement éliminées. Leurs effectifs tombent en 1913 (à la veille du conflit) à 11 000 élèves: elles ont donc perdu en 13 ans, 340 000 élèves. En fait, la chute brutale paraft directement commandée par les événements politiques liés â la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Il est intéressant de caractériser cette baisse dûe à des causes exogènes (14). années
effectifs
baisse absolue année par année
1902 1903 1904 1905 1906 1907 1908
335 222 128 84 70 50 31
113 94 44 14 20 19
000 000 000 000 000 000 000
000 000 000 000 000 000
En 6 ans, les effectifs diminuent de 304 000 (soit une moyenne de 50 000 par an); la substitution se fait en deux temps (1902-1905, 19071908, l'année 1906 constituant une espèce de palier) (15). En contrepartie, les effectifs des écoles maternelles lai'ques augmentent rapidement et passent de 396 000 en 1900 à 598 000 en 1913; soit un accroissement de 202 000. La substitution se fait donc pour l'essentiel, mais cependant elle ne s'opère pas complètement. Il en résulte une perte sèche au point de vue numérique qu'il est intéressant d'analyser (comparaison de l'évolution des deux types d'effectifs). Situation en 1902: écoles lai'ques : 419 000 écoles congréganistes: 335 000 754 000
13
années
diminution des effectifs des écoles congréganistes
accroissement des effectifs des écoles lai'ques
1903 1904 1905 1906 1907 1908
- 113 000 - 94 000 - 44 000 - 14 000 - 20 000 - 19 000
+ + + + + -
total
- 304 000
+181 000
65 68 35 4 11 2
000 000 000 000 000 000
perte sèche + -
48 000 26 .000 • 9 000 10 000 9 000 21 000
-123 000
La perte sèche s'élève ainsi à 123 000 élèves. Si on rapporte cette perte aux effectifs des écoles congréganistes de 1902, on constate que la substitution ne s'est faite qu'à 63 %. Le phénomène principal qu'il fallait donc mettre en évidence c'est moins la substitution, le remplacement (qui sont bien connus), que leur caractère partiel, incomplet. 2 . 1 . 1 . 2 . Les rapports secteurs public-secteur privé. Ils se caractérisent par une évolution complexe, puisque si en apparence le secteur public a toujours été prépondérant, en réalité, il y a eu substitution d'une variété de secteur public (l'école laique, neutre, non confessionnelle) à une autre variété de secteur public (l'école congréganiste publique, c'est-à-dire reconnue et subventionnée par l'Etat) (16). Cette évolution comprend trois phases principales si on se réfère à la valeur absolue des effectifs et deux seulement si l'on s'en tient aux pourcentages. Du premier point de vue, les deux premières phases se soudent pour n'en constituer qu'une seule (voir tableau II en annexe). - De 1876 à 1886, on assiste à un essor simultané des effectifs des écoles publiques et des effectifs des écoles privées. Cet essor est plus rapide pour les écoles privées puisque les rapports se modifient au profit du secteur privé passant de 80/20 en 1876 à 70,9/29,1 en 1886. Cette inégalité de rythme est provoquée par un déclin des effectifs du secteur congréganiste public (après un progrès entre 1876 et 1886, les effectifs connaissent une diminution sensible passant de 339 000 à 244 000 soit une baisse de 90 000 en 10 ans). - De 1886 à 1900, on se trouve en présence à la fois d'une stagnation à un niveau inférieur à celui atteint précédemment, des effectifs des écoles publiques et d'un essor ralenti tendant vers un palier des effectifs des écoles privées. Cette inégalité dans l'évolution des effectifs se manifeste sur les plan des structures, puisque le rapport secteur public14
secteur privé continue de se modifier en faveur du secteur privé. En 1900, il atteint son niveau le plus bas avec 61,2/38, 8: plus du tiers des enfants sont accueillis à cette date par les écoles maternelles privées. Il faut noter que la stagnation du secteur public résulte de deux mouvements en sens opposé: chute très rapide du secteur congréganiste public qui n'intéresse plus que 70 000 élèves en 1900 contre 319 000 en 1876; progrès ralenti, mais néanmoins notable du secteur laïque public qui voit ses effectifs augmenter de 109 000 en 14 ans. De 1900 à 1913, la structure se modifie de nouveau dans un sens favorable au secteur public, en raison de l'élimination du secteur congréganiste privé. En effet, pendant que le secteur public voit ses effectifs se stabiliser à un niveau supérieur à celui atteint en 1900 (en raison de progrès sensibles du secteur public lai'que), les effectifs du secteur privé s'effondrent passant de 289 000 en 1900 à 101 000 en 1913: l'hémorragie concerne donc plus de la moitié des élèves antérieurement accueillis. Rien d'étonnant dans ces conditions à ce que la structure reflète cette évolution: elle passe de 61,2/38, 8 en 1900 à 83,5/16,5 en 1913. Si les césures au plan des effectifs sont au nombre de trois, elles se réduisent à deux au niveau des pourcentages: la période 1876-1900 s'oppose à cet égard à la période 1900-1913. Dans les premiers temps, la tendance est à la baisse du poids relatif du secteur public, dans un second temps elle se renverse et accuse un mouvement ascendant. Sur cette toile de fond générale, on peut étudier tout particulièrement la manière dont s'est opérée l'élimination du secteur congréganiste: - élimination du secteur congréganiste public d'abord (de 1876 à 1900) - élimination du secteur congréganiste privé ensuite (de 1900 â 1913) Pour ce faire, il est nécessaire de comparer l'évolution des deux composantes du secteur. Cette évolution peut être appréhendée à partir des jalons suivants qui décrivent la situation à certains moments précis: en milliers années
1876 1886 1900 1913
secteur congré- „
secteur
public
privé
gañíste 319 242 70
78,5 55,2 20
% 88 200 181
10
21,5 44,8 80
100
total 407 443 351
10
diffé- secteur accroisrence lai'que sement en + privé en + ou ou + 36 -92 -341
15 13 8 91
-
2
- 5 +83
° ) Chiffre donné par l'Annuaire statistique rétrospectif 15
D'après ce tableau l'histoire du secteur congréganiste comprend deux grandes périodes: 1876-1886; 1886-1913. - De 1876 à 1886, il y a substitution du secteur congréganiste privé au secteur congréganiste public. L'élimination signalée se résout donc en une substitution. En effet, il y a à la fois déclin très sensible du secteur public et essor très soutenu du secteur privé. Le bilan final est positif: les gains du secteur privé dépassent les pertes du secteur public (+ 36 000). - De 1886 â 1913, l'atmosphère change complètement, puisque cette fois c'est le secteur congréganiste privé qui est éliminé brutalement (à la suite des dispositions législatives établissant la séparation de l'Eglise et de l'Etat), au moment même où la disparition du secteur public s'accentuait. Cette élimination s'est faite en deux temps: de 1886 à 1900, le secteur public s'effondre et le secteur privé décline (le bilan final est nettement négatif; de 1900 à 1913, alors que le secteur public disparaît totalement (de 70 000 à 0) le secteur privé connaît un sort à peine moins enviable puisqu'il baisse de 341 000 en quelques années. On peut noter d'une part, qu'il y a chevauchement entre les deux processus d'élimination au point de vue chronologique, d'autre part, que l'impact de la cause externe du second processus (élimination du secteur congréganiste privé) a été précédé par une phase de piétinement, voire de déclin. Quoi qu'il en soit, il faut souligner que les deux processus qui, statistiquement, aboutissent à des résultats similaires n'ont pas pour autant la même nature: l'un est un processus interne, relativement contrôlé par les intéressés, l'autre est un processus à forme externe, s'imposant complètement à ceux-ci. L'élimination du secteur congréganiste privé a provoqué l'essor du secteur privé laïque, qui réduit à sa plus simple expression entre 1876 et 1900 (les effectifs sont passés de 15 000 à 8 000 élèves) connart une augmentation très spectaculaire entre 1900 et 1913 (+ 83 000 élèves, soit une multiplication par 11 environ). Augmentation qui néanmoins est bien loin de couvrir les pertes du secteur congréganiste privé. 2 . 1 . 2 . L'élimination du secteur privé (1920-1959) Les structures des écoles maternelles sont désormais acquises. En dépit de la crise qui affecte le nombre d'élèves, les écoles publiques vont définitivement supplanter les écoles privées au plan des effectifs. Les proportions ne varient guère ni d'ailleurs les valeurs absolues, du moins en ce qui concerne les effectifs des écoles privées, car on note au contraire un fort accroissement du nombre des élèves des écoles publiques. 16
années
ecoles publiques
ecoles privées
1925 1939 1959
329 000 375 000 787 000
38 000 21 000 20 000
Le poids des écoles privées tend à diminuer de manière constante. 2 . 2 . La structure par sexe Les transferts écoles privées-écoles publiques n'ont que fort peu affecté la structure par sexe. Pendant toute la période elle s'est caractérisée par une tendance à l'égalité quel que soit le secteur considéré. Par exemple (17): 1886 ecoles ecoles 1906 ecoles ecoles 1939 ecoles ecoles 1959 ecoles ecoles
sexe masculin
sexe féminin
lai'ques congréganistes
154 000 211 000
138 000 233 000
laïques congréganistes
301 000 32 000
290 000 38 000
publiques privées
192 000 11 000
183 000 10 000
publiques privées
406 000 10 000
381 000 10 000
Tout au plus, peut-on noter que jusqu'en 1913, les filles étaient en majorité dans les écoles congréganistes, arlors qu'au contraire les garçons prédominaient dans les écoles laïques. Cette remarque peut avoir un intérêt certain pour étudier l'origine des effectifs des écoles congréganistes et lai'ques. Les transformations structurelles des écoles maternelles se situent donc essentiellement au palier des institutions. Dans l'enseignement maternel, comme dans les autres ordres d'enseignement, l'école lai'que s'est substituée à l'école confessionnelle publique d'abord, privé ensuite. Les mécanismes de substitution sont mal connus. Il serait important de les analyser. De même, il serait utile de voir dans quelle mesure la substitution, le remplacement étaient possibles. A priori, il semble que l'on puisse poser un signe d'égalité et considérer tous les élèves des écoles maternelles comme interchangeables. Les 17
statistiques montrent qu'il n'en est rien. Chaque type d'écoles maternelles recevait-il des effectifs spécifiques? L'origine sociale des élèves était-elle la même? Pourquoi un grand nombre de familles ontelles refusé d'envoyer leurs enfants à l'école lai'que? Mesure de défiance envers une république qui venait de dissoudre les congrégations? Craintes devant le contenu du nouvel enseignement? On se trouve ainsi d'emblée devant le problème des réactions sociales, qui se manifestent comme autant de freins à une évolution souhaitée et souhaitable. Il faut même aller plus loin et se demander si les pertes réelles ne sont pas encore plus élevées: en effet, l'augmentation des effectifs des écoles maternelles lai'ques résulte certes d'une part de la décroissance de ceux des écoles congréganistes, mais aussi d'autre part d'une tendance à la scolarisation. La substitution réelle est moins forte que la substitution apparente. L'importance de la perte des effectifs est directement conditionnée par le caractère facultatif de l'enseignement. C'est là à la fois l'originalité et la faiblesse de ce type d'enseignement. Aucune contrainte légale ici qui puisse vaincre les résistances rencontrées. La permanence des structures par sexe s'explique aisément. Les élèves des écoles maternelles sont des enfants de 2 à 5 ans. Leur caractère enfantin est prédominant. A cet âge, les problèmes qu'ils posent sont largement indépendants de leur sexe. Les familles ne semblent donc avoir aucune raison majeure d'opérer une différenciation quelconque. CONCLUSIONS GENERALES: ORIENTATIONS DE RECHERCHE Une étude statistique de l'évolution des effectifs des écoles maternelles en France de 1876 à 1963 n'est pas en elle-même suffisante, car elle ne permet que d'appréhender les aspects quantitatifs globaux du phénomène. Elle est donc surtout utile comme préliminaire, comme révélateur des problèmes sociaux et humains, et à ce titre, débouche tout naturellement sur une analyse de type sociologique. Les statistiques souffrent d'ailleurs d'un certain nombre de défauts qui risquent d'affecter leur cohérence, leur continuité et leur fidélité. Ainsi, vers la fin de la période, il est difficile de savoir sinon ce que l'on entend exactement par classes enfantines, du moins leur place réelle (18). Faut-il les rattacher à l'école primaire, font-elles normalement partie de l'enseignement maternel (19)? La réponse a cette double question peut entrafïier des conséquences assez notables. Même si le dénombrement des effectifs est souvent incertain et malaisé on peut estimer que les séries fournies par les Annuaires statistiques ont un degré de validité suffisant (20). Par contre, ce qu'il est 18
nécessaire de mettre en question, c'est la rigueur et la permanence du concept statistique à travers le temps. En d'autres termes, il est indispensable de s'interroger sur le contenu réel de l'école maternelle aux différentes périodes étudiées. Le problème à résoudre peut se poser dans les termes suivants: les caractères essentiels que l'on reconnaît à une école maternelle, et par-delà, à Renseignement maternel, se constatent-ils d'une manière permanente; tout au contraire, les différences ne l'emportent-elles pas sur l'identité? et ne désigne-t-on pas d'un même terme des réalités dissemblables? Cette question en provoque une autre: quels sont les caractères essentiels, fondamentaux de l'enseignement maternel? On peut admettre que, d'une manière très générale, la fonction des écoles maternelles est double et qu'elles permettent de ce fait de satisfaire un double besoin: - un besoin de garde: les écoles maternelles assurent la garde des enfants aux lieu et place des parents empêchés; - un besoin pédagogique: les écoles maternelles contribuent à l'éducation des enfants qui leur sont confiés. Jusqu'en 1882, la première fonction était certainement prédominante: les écoles maternelles à l'origine étaient des salles d'asile, des centres d'accueil (21). A partir de 1882, le législateur se soucie de créer un enseignement maternel, c'est-à-dire que, théoriquement il se prononce en priorité pour le besoin pédagogique. Pourtant le divorce entre la théorie et la pratique sera très accusé pendant plus d'un demisiècle. Par la force des choses, les maternelles restèrent, pour l'essentiel, des garderies (22). Les méthodes d'enseignement maternel n'étaient pas encore élaborées, elles le seront dans la période qui précéda la seconde guerre mondiale (23). Après la fin du conflit, une nouvelle phase commence pour les maternelles: le besoin pédagogique, la fonction enseignante deviennent, enfin, prédominants. Paradoxalement, on pourrait donc se demander si l'histoire réelle des écoles maternelles ne fait pas que commencer, la préhistoire, l'époque des balbutiements et des cotes mal taillées s'étendant sur de longues années. Une analyse approfondie serait indispensable pour élucider ce point. Les statistiques des effectifs ne renseignent pas davantage sur l'évolution du comportement de ce que l'on pourrait appeler les deux "protagonistes" principaux: les "usagers" d'une part (ceux qui ont le pouvoir de décision), les "dispensateurs" d'autre part, ceux qui accueillent les enfants, c'est-à-dire les responsables directs de l'enseignement maternel. Du côté des "consommateurs", on trouve d'abord les familles. Non pas des familles indifférenciées, mais tout au contraire, des familles 19
déterminées, appartenant à telle ou telle catégorie sociale, insérées dans tel ou tel contexte géographique et économique. Il faudrait pouvoir connaftre d'une manière précise, à travers le temps, l'attitude de ces familles envers l'enseignement maternel. Pour cela il serait indispensable de déterminer, à des dates échelonnées dans le siècle, l'origine sociale des élèves des maternelles (24). L'évolution de cette origine sociale est certainement influencée par le contenu de l'enseignement maternel: pendant toute la période, où l'école maternelle jouait avant tout le rôle d'une garderie, les élèves provenaient essentiellement des catégories laborieuses (classe ouvrière principalement); tout au contraire, à p a r t i r du moment où existe un véritable enseignement maternel, le recrutement se modifie sensiblement (25). (Il faudrait suivre pas à pas les étapes de cette modification.) De même en ce qui concerne la localisation des maternelles, il est logique de constater que pendant t r è s longtemps les écoles maternelles n'ont existé que dans les centres urbains (26). Le besoin de garder les enfants n'était pas ressenti directement par les familles paysannes ou, tout au moins, il pouvait être satisfait autrement. P a r contre, actuellement, les catégories rurales manifestent aussi le désir de f a i r e bénéficier leurs enfants d'un enseignement maternel de qualité: de là, le profond mécontentement devant la quasi-inexistence de ces écoles m a ternelles dans les villages (27). Il faudrait aussi étudier de p r è s l'évolution de l'opinion envers les écoles maternelles: attitude de la p r e s s e , p r i s e de position des syndicats et des partis, etc. Le climat général jusqu'en 1936 environ était peu propice à des prog r è s sensibles des maternelles. Si les "usagers" n'étaient guère convaincus de l'utilité de telles écoles, lés "producteurs" de ces écoles ne le semblaient pas davantage: thèse valable pour le clergé, mais aussi quoique à un degré moindre, pour l'Etat. Pendant t r è s longtemps, les écoles congréganistes ont eu une p r i mauté incontestée en matière d'enseignement maternel. Les lois sur les congrégations vinrent tout r e m e t t r e en cause. On peut se demander alors pourquoi le clergé catholique ne tenta pas d ' a s s u r e r le relève de ces écoles et accepta, par cette attitude, de s a c r i f i e r en quelque sorte l'enseignement maternel privé. Ce comportement semble devoir s'expliquer par deux raisons principales, la p r e m i è r e d'ordre idéologique (la plus importante peut-être), la seconde d'ordre matériel. Selon la doctrine du clergé, l'enfant devait recevoir son éducation au sein de la famille. Cette doctrine aboutissait a condamner, volontairement ou non, la fonction pédagogique de l'enseignement maternel. En outre, si, depuis longtemps, on notait une concurrence, parfois assez rude, entre les écoles du clergé, et les écoles congréganistes, il faut remarquer 20
que l e s moyens dont disposaient effectivement l e s congrégations ne furent pas fournis au c l e r g é , a p r è s la f e r m e t u r e de c e l l e s - c i (28). L a défaveur r e l a t i v e manifestée p a r l ' E t a t e n v e r s l'enseignement m a t e r n e l paraft, à p r e m i è r e vue, plus difficile à c o m p r e n d r e . Il faudrait f a i r e des r e c h e r c h e s pour dégager l e s r a i s o n s de l'attitude c o n c r è t e des différents gouvernements des I I I e et I V e Républiques. Plus que d'une volonté délibérée, ne faudrait-il p a s p a r l e r d'une u r gence relative des besoins: tous l e s efforts furent c o n c e n t r é s s u r le p r i m a i r e , sur le secondaire, et aussi, quoique à d e g r é moindre, s u r le supérieur; l e s é c o l e s m a t e r n e l l e s furent relativement négligées (en moyens m é t é r i e l s , et en enseignants de qualité) (29). M a i s là aussi, il faut i n s i s t e r sur l ' é c a r t qui a p p a r a i s s a i t e n t r e c e qu'aurait dû ê t r e une m a t e r n e l l e et c e qu'elle était effectivement. L e s r e c h e r c h e s s u r l ' h i s t o i r e s o c i a l e des m a t e r n e l l e s semblent donc inséparables de l ' h i s t o i r e de l'éducation, e l l e - m ê m e liée â l ' h i s t o i r e de la psychologie (psychologie de l'enfant et méthodes nouv e l l e s d'enseignement). NOTES 1. Le taux de scolarisation théorique pour une année déterminée est égal au rapport entre les effectifs des écoles maternelles et la population scolarisable (comprenant tous les enfants, des deux sexes, sesceptibles de fréquenter l'école maternelle). Cette population scolarisable englobe, aux termes mêmes de la loi, tous les enfants âgés de 2 à 6 ans. En fait, à partir des statistiques fournies par l'annuaire rétrospectif de 1' I.N. S. E. E . , il n'est pas possible de calculer ce taux théorique. Les groupes d'âge disponibles qui englobent les groupes d'âge recherchés, sont ceux de 0-4 ans et 5-9 ans. Le taux de scolarisation approché sera calculé de la manière suivante: effectifs des écoles maternelles
2. 3.
4. 5. 6.
3/10 (groupe d'âge 0-4 ans + groupe d'âge 5-9 ans) On n'a retenu qu'un intervalle de 3 ans, en estimant que le nombre d'enfants âgés de 2 â 3 ans, qui fréquentait les écoles maternelles, était très faible et pouvait donc être négligé. Le taux calculé est donc légèrement surévalué. P. 104 et 124. Il ne peut s'agir ici que d'une étude purement statistique, qui se propose de rassembler, et éventuellement commenter, les données existantes. Cette étude s'appuie uniquement sur des statistiques globales, ce qui exclut automatiquement toute tentative en vue de régionaliser les données. C'est dans une étape ultérieure et après l'élaboration d'autres statistiques tirées d'autres sources (telles le "Dictionnaire pédagogique" de F . Buisson), qu'il sera possible d'examiner les inégalités régionales. Décret du 2 août 1881, fixant le régime des écoles maternelles. Décret du 28 juillet 1882, limitant â 150 élèves l'effectif de chaque école maternelle. La guerre de 1914-1918 survient au moment où le déclin est amorcé mais elle contribue à l'accélérer fortement. Ce maximum ne sera atteint (et dépassé) que vers 1958 soit plus d'un demi siècle plus tard. 21
7 Il est à remarquer que le niveau des effectifs en 1911 était égal à celui constaté trente ans plus tôt en 1881, mais qu'il restait supérieur à celui de 1876. A certains égards, l'évolution de 1876 à 1913 peut être considérée comme un cycle comportant une phase d'essor (1876-1901) et une phase de dépression (1901-1913). Cette dernière phase a en quelque sorte annulé les progrès enregistrés pendant la période 1881-1901, mais non ceux relatifs à la période 1876-1881. Le bilan final de ce cycle, à la veille du conflit, serait ainsi positif. 8 Loi du 30 octobre 1886, dite loi Goblet. 9 A la réflexion, on peut se demander s'il ne faut pas retenir un ensemble de lois, au Heu d'une disposition législative isolée, aussi importante puisse-t-elle paraître, il ne faut pas oublier en effet que les textes relatifs aux maternelles ont été pris entre 1881 et 1886: décret du 2 août 1881, régime des écoles maternelles; décret de juillet 1882, limitation des effectifs des écoles maternelles. 10 A. Prost, "L'Enseignement en France", 1800-1967, Paris, 1968, p. 288. 11 Ibid. 12 D'après l'intitulé même des statistiques. On n'examinera pas ici le contenu exact des différents statuts. 13 A ce moment-là, les écoles publiques congréganistes sont au nombre de 507. 14 Peut-être faut-il aussi incriminer l'incidence de la loi de 1901 sur les associations. 15 Cette baisse s'explique par la fermeture de très nombreuses écoles; au nombre de 6 007 en 1902, elles tombent a 3 991 en 1908, soit une baisse absolue de 2 016 et une décroissance relative égale à 33 % environ. 16 On peut donc noter que la marche conquérante de l'école lai'que ne s'identifie pas en tous points au succès de l'école publique lato sensu, puisqu'elle consiste d'abord à éliminer principalement le secteur congréganiste, non lai'que (jusqu'en 1918), puis ensuite, à l'intérieur du seul ensemble lai'que, le secteur privé des années 20 aux années 60. 17 Secteur lai'que et secteur congréganiste en 1886 et en 1906. Secteur public et privé en 1939 et en 1959. 18 Depuis 1921 (décret du 15 juillet 1921), les classes enfantines sont des écoles maternelles annexées à des écoles "élémentaires". 19 Au point de vue statistique, s'entend. En effet, en 1963, la revue'Informations statistiques" (n° 68, p. 104 et 124) indique que l'on compte 1 040 000 enfants dans les classes et sections enfantines. Faut-il conclure que d'une manière générale, la statistique rétrospective isolait écoles maternelles et classes enfantines que les dispositions légales citées invitaient pourtant à réunir? 20 Il faut également tenir compte de la marge pouvant exister entre la structure juridique et la réalité. 21 Ces salles d'asile créées par l'ordonnance du 22 décembre 1837 étaient définies ainsi: "Des établissements charitables où les enfants des deux sexes peuvent, être admis jusqu'à l'âge de 6 ans accomplis pour recevoir les soins de surveillance maternelle et de première éducation que leur âge réclame". 2 2 , En dépit des effort de Pauline Kergomard, qui réussira peu â peu à faire prévaloir la conception pédagogique sur la conception "sociale". 23 D'après Mme Ida Berger ("Les Maternelles", Paris, 1959), entre les deux guerres mondiales, les Ecoles Maternelles françaises jouissaient d'une réputation internationale très flatteuse, et des pédagogues de nombreux pays venaient étudier leurs méthodes (p. 21). Et elle ajoute: C'est l'époque de 1936 qui fut, à notre avis, l'apogée des Ecoles Maternelles (p. 21). Apogée qualitative peut-être, quantitative sûrement pas. 22
24. Peu d'études ont été faites à ce sujet. Pendant très longtemps il est à peu p r è s certain que le recrutement se cantonna, pour l'essentiel, aux enfants de la classe ouvrière. A la campagne, l'absence d'écoles maternelles empêchait matériellement les enfants des cultivateurs de les fréquenter (il ne faut pas oublier que si le commune rurale a moins de 2 000 habitants, c'est elle qui doit prendre l'initiative de c r é e r une école maternelle, dont la charge financière - personnel et matériel - lui incombe, autant dire que cette création ne sera pas souvent effectuée). A la ville, l'attitude des familles appartenant aux classes moyennes n'était pas des plus favorables. 25. Comme le signale Mme Ida Berger (op. c i t . , p. 21), deux phénomènes nouveaux ont contribué à modifier assez sensiblement l'origine sociale des élèves des écoles maternelles: d'une part, un grand nombre de m è r e s de famille de classe moyenne exerçant une profession en dehors de la maison ont vu se poser devant elles le problème de la garde et de l'éducation de leurs enfants, en second lieu, les m è r e s faisant partie des couches aisées et fortunées sont favorables à la fréquentation des écoles maternelles p a r leurs enfants (changement de mentalité et d'attitude). 26. Voir Supra, note 25. 27. Cette sous-scolarisation des campagnes explique qu'en 1963, les taux de scolarisation effectifs étaient les suivants: 2 ans: 9,7 4 ans: 69,0 3 ans: 40,1 5 ans: 93,6 Ce n'est qu'à partir de 5 ans (au moment où l'enfant est sur la point d'entrer à l'école primaire) que la scolarisation atteignait les neuf dixièmes des enfants (informations statistiques", n° 74-75, p. 415). 28. On peut également penser que de nombreuses écoles maternelles privées sont devenues des jardins d'enfants. 29. Dans ce domaine, la carence de la IVe République est flagrante. Les réalisations n'ont pas correspondu aux besoins. La situation s ' e s t encore aggravée depuis 1958 en raison de la tendance à une élévation t r è s rapide de taux de scolarisation.
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE BERGER, I . , "Les Maternelles", Paris, Editions du C.N. R. S., 1959, 196 p. INSTITUT PEDAGOGIQUE NATIONAL, "Encyclopédie pratique de l'éducation nationale", article Maternelles, Paris, I . P . N . , 1960. KERGOMARD, P . , "L'Education maternelle dans l'école", Paris, Hachette, 1889. PALMERO, J . , "Histoire des institutions et des doctrines pédagogiques par les textes", P a r i s , S.U. D.E. L . , 1958. PONTEIL, F . , "Histoire de l'enseignement, 1789-1964", P a r i s , Sirey, 1966. PROST, A., "L'Enseignement en France, 1800-1967", P a r i s , A. Colin, coll. "U", 1968, 524 p.
23
PRINCIPAUX TEXTES LEGISLATIFS RELATIFS AUX MATERNELLES dates
nature
objet
1837, 22 décembre 1881, 2 août
ordonnance décret
1882, 22 juillet
décret
1886, 30 octobre
loi
1887, 18 janvier
décret + arrêté décret
organisation des salles d'asile régime des écoles maternelles: division en deux sections limitation à 150 élèves de l'effectif de chaque école maternelle loi Goblet: organisation générale de l'enseignement primaire (y compris les maternelles) textes d'application de la loi Goblet: instructions, programmes, horaires programme des écoles maternelles. Effectif maximum fixé à 50 enfants par section ou classe
1921, 15 juillet
Source: D'après A. Prost, op. cit., p. 505-511.
24
ANNEXE STATISTIQUE (Evolution des effectifs des é c o l e s maternelles) Tableau I L'Evolution du nombre d'écoles maternelles A. De 1876 à 1913 années 1876 1877 1878 1879 1880 1881 1882 1883 1884 1885 1886 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 1894 1895 1896 1897 1898 1899 1900 1901 1902 1903 1904 1905 1906 1907 1908 1909 1910 1911 1912 1913
publiques 564 581 -
1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2
741 812 000 189 442 631 759 855 857 533 645
laïques privées 258 257
(en unités) congréganlstes privées publiques
total
2 209 2 204
4 040 4 147
-
263 275 269 254 250 241 233 240 246 243 245
-
2 2 2 1 1 1 1 1 1 1 1
-
198 219 136 972 903 337 744 711 590 326 010
-
-
-
-
-
-
750 489 833 868 887 923 946 000 073 136 199 368 448 505 523 588 598 648 672 691 719 749
227 214 217 213 204 205 199 186 176 170 171 462 908 1 058 1 224 1 131 1 155 1 169 1 174 1 166 1 166 1 162
1 009 1 105
853 805 755 733 702 651 609 564 507 444 395 213 127 69 40 25 18 12 11 10 9 -
2 1 1 1 1 1 1 2 2 2 2
244 349 475 637 785 908 995 079 189 091 412 -
2 2 2 2 2 2 2 3 3 3 3 2 1
581 668 736 794 853 904 985 053 140 249 242 248 147 683 541 367 220 157 129 110 93 65
-
4 4 4 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 5 6 5 4 4 4 4 3 3 3 3 3 3
446 655 870 052 380 617 731 885 882 213 312 156 187 411 476 561 608 646 683 739 803 896 999 007 281 630 315 228 111 991 986 986 967 986 976
Source: "Annuaire statistique rétrospectif de L ' I . N . S. E . E . " , édition de 1961. Source de tableau IL . Ibid. a) Chiffres relatifs a 77 départements (les 10 départements envahis exclus). b) Dans les anciennes frontières de 1914 (87 départements). c) Dans les frontières de 1919 (90 départements). d) 86 départements.
B. De 1917 â 1965 nombre d'écoles
années 1917-1918 1918-1919 1919-1920 1920-1921 1920-1921 1921-1922 1922-1923 1922-1923 1923-1924 1924-1925 1925-1926 1926-1927 1927-1928 1928-1929 1929-1930 1930-1931 1931-1932 1932-1933 1933-1934 1934-1935 1935-1936 1936-1937 1937-1938 1938-1939 1939-1940 1940-1941 1941-1942 1942-1943 1943-1944 1944-1945 1945-1946 1946-1947 1947-1948 1948-1949 1949-1950 1955-1951 1951-1952 1952-1953 1953-1954 1954-1955 1955-1956 1956-1957 1957-1958 1958-1959 1959-1960 1960-1961 1961-1962 1962-1963
26
(en unités)
(a) (a) (a) (a) (b) (b) (b) (c) (c)
(5)
total
publiques
privées
2 2 2 2 2 2 2 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 2 2 3 2 2 3 3 3 3 3
074 078 063 058 594 622 631 031 030 048 049 065 094 115 146 170 223 269 332 362 364 381 419 430 018 962 966 052 788 922 356 414 463 653 726
887 855 786 734 822 763 738 772 716 687 635 625 583 564 545 503 476 471 476 466 453 395 406 396 322 292 309 225 217 199 200 171 185 217 188
2 2 2 2 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3 3
961 933 849 792 416 385 369 803 746 735 684 690 677 679 691 673 699 740 808 828 817 776 725 826 340 254 275 277 005 121 556 585 648 870 914
3 3 3 4 4 4 4 5 5
788 884 929 076 216 484 819 107 395
198 203 210 211 206 181 195 215 183
3 4 4 4 4 4 5 5 5
986 087 139 287 422 665 014 322 578
6 202 6 387
201 193
6 403 6 580
Tableau n Evolution des effectifs des ecoles maternelles (nombre d'élèves admis de 2 à 6 ans) A. De 1876 a 1913 (en milliers)
311,1
1876 1877 1878 1879 1880 1881 1882 1883 1884 1885 1886 1887 1888 1889 1890 1881 1S92 1893 1894 1895 1896 1897 1898 1899 1900 1901 1902 1903 1904 1905 1906 1907 1908 1909 1910 1911 1212 1913
publiques G F 44 42 -
67 83 100 117 126 140 147 155 149 161
38 38 -
61 75 89 105 113 124 132 139 132 145
lal'ques privées G F
total
8 8
7 7
-
-
-
8 7 7 6 6 5 6 6 5 6
134 146 174 204 236 253 277 292 306 293 318
9 9 8 8 8 7 7 7 6 7
96 96
462 M. < publiques ( 4 6 5 filles et garçons
173 175 179 182 184 190 106 202 204 210 216 237 253 264 263 266 264 264 263 265 265 261
154 157 160 162 164 169 176 182 184 190 196 217 237 248 249 252 248 250 247 248 250 246
7 5 5 5 5 5 5 4 4 4 4 14 30 36 38 40 42 43 43 44 44 44
6 4 4 4 4 5 5 4 4 3 3 15 32 39 42 44 46 47 48 47 47 47
339 342 348 352 357 369 381 392 396 407 419 484 552 587 591 602 600 605 601 604 605 598
publiques G F 157 164
162 175
-
-
173 161 150 141 132 126 125 116 91 81
166 153 142 135 126 121 119 110 88 78 • X
priVéeS
64 59 56 53 50 46 44 39 35 30 27 13 8 5 3 2 2 1 1 8 8 -
congréganistes privées G F
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« rapide et vigoureux (97 007 en 1945), et la rentrée 1946 se caractérise par un bond en avant (123 313), déjà mentionné. Ce palier atteint, la progression devient plus lente et son rythme évoque celui des années 30: accroissement global de 34 115 en 10 ans de 1925 à 1934; de 34 176 en 11 ans de 1946 à 1956. L'évolution des effectifs universitaires obéit donc à un rythme propre, peu modifié par les effets des conflits mondiaux, du moins par ceux que l'on peut apprécier directement et évaluer par chiffres (mobilisation, pertes humaines, ralentissement des naissances). Histoire de la législation scolaire et statistique scolaire coïncident-elles durant cette période ? Le recteur Liard a montré que la loi de 1875 établissant la liberté de l'enseignement supérieur avait eu des conséquences heureuses en obligeant l'Etat, à cause des dangers de la concurrence, de réaliser enfin les réformes attendues par certains professeurs ou administrateurs et, plus généralement, par une partie de l'opinion. La loi mettant fin au monopole aurait été le signal d'une impulsion rénovatrice qui s'est prolongée par les lois et décrets des années 1880 à 1896. Le désir de redonner aux universités une fonction de recherche sur le modèle des universités allemandes, l'intérêt nouveau suscité par l'enseignement supérieur se traduisent simultanément par la mise en place d'une réforme et l'accroissement des effectifs. Nous avons constaté que de 1890 à 1898, la progression annuelle était rapide et qu'il fallait attendre 1925 pour retrouver un rythme comparable. La féminisation de l'université, lente mais régulière à partir des années 1900, peut être considérée comme une conséquence de la législation. Les filles, longtemps restées "sur les genoux de l'Eglise" suivant l'expression de Mgr Dupanloup, peuvent faire des études dans des lycées créés pour elles à partir de 1880; en 1905 est institué un 185
baccalauréat féminin. L'organisation - tardive - de l'enseignement secondaire féminin a pour effet la pénétration des lycéennes dans les facultés. Si les jeunes filles usent peu de ce droit qui leur est reconnu, c'est parce que la mentalité de l'époque, en retard s u r la législation, joue le rôle de frein puissant: les idées de Napoléon ne sont pas encore périmées, les filles ne sont point appelées à vivre en public, le mariage est leur destination et l'on n'aime pas les femmes s a v a n t e s . . . Les lois ont donc rendu possible une évolution que les m œ u r s mettront du temps à accepter. Il faut attendre le deuxième a p r è s - g u e r r e pour que commence à être admis sans trop de contestations le rôle des femmes dans la vie publique et p r o f e s sionnelle. Cette révolution, et celle, plus facilement reconnaissable, des effectifs de l'enseignement supérieur, marquent la période 1956-1966 que nous allons étudier maintenant. 2.1. 2. L'évolution des effectifs de 1956 à 1966 Années nombre d'étudiants 1956 157 489 1957 170 023 1962 232 610 1963 326 311 1964 338 000 1965 413 000 460 000 1966 De 1956 à 1963, les effectifs doublent