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French Pages [250] Year 1979
BIBLIOTHÈQUE
DU MOYEN ÂGE
s la direction de J. DUFOURNET
JEAN-CLAUDE
AUBAILLY
LA FARCE DE "5 MAISTRE PATHELIN et ses continuations
LE NOUVEAU PATHELIN
ET LE DE PATHELIN
GEDE DES
NO LONGER
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FALVEY MEMMÉIAL LIBRARY #7,
LA FARCE DE MAISTRE PATHELIN
Nous avons plaisir à remercier M. le Professeur Jean Dufournet qui a bien voulu accepter de relire notre manuscrit et dont les précieuses remarques nous ont permis d’apporter maintes améliorations.
La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Article 41, d'une part, que les «copies ou reproduction strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinés à une utilisation collective » et, d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans le but d'exemple et d'illustration, «toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faites sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l'Article 40) Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et suivants du Code pénal
© 1979, C.D.U. et SEDES réunis ISBN 2-7181-0118-0
La Farce de Maistre Pierre Pathelin, notre première « comédie » (1), qu’on pense avoir été écrite et représentée pour la première fois entre 1456 et 1469 (2), est sans conteste celle qui, de nos jours, reste la plus connue — sans doute grâce aux manuels scolaires qui réduisent à elle seule la présentation du théâtre médiéval comique. Dès sa création d’ailleurs, elle rencontra un vif succès, comme en témoignent les citations qu’en font de nombreuses pièces de la fin du XVe siècle — et notamment la Softie des coppieurs et des lardeurs (3), antérieure à 1488, dans laquelle un personnage la trouve vieillie —, les « continuations » qu’on lui a données — Le nouveau Pathelin et Le Testament de Pathelin —, les plagiats qu’on en a fait (4) et surtout sa diffusion par les copistes et imprimeurs qui, avant 1500, n’en avaient pas publié moins de six éditions, à notre connaissance tout au moins : Guillaume Le Roy en 1485 ou 1486, Pierre Levet en 1489, Germain Béneaut en } 1490, Pierre Le Caron, Marion Malaunoy et Jehan Treppex rel avant 1500. La popularité de la pièce, loin de décroi© tre, grandit encore au siècle suivant pendant ilequel sept + :
hu! À
(1) M. Rousse, Pathelin est notre première comédie, in Mélanges
offert à M.P. Le Gentil, SE.D.ES., & ? (2) H. Lewicka, Le Lieu d'origine cienne farce française, Klincksieck, % (3) E. Droz, Le Recueil Trepperel,
Paris, 1973, pp.753-758. de Pathelin, in Études sur l'anParis, 1974, p.100. tI : Les Sotties, Genève, 1935,
pièce VIII. } (4) Notamment la Farce du Savetier, du chauldronnier et du tavernier, Ancien Théâtre Français, édité par Viollet le Duc, t.II, pièce AJ 31.
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nouvelles éditions en caractères gothiques virent le jour (une seconde édition de Jehan Trepperel vers 1502, une de Jehan Héroulf entre 1502 et 1528, trois d'éditeurs inconnus, une de Jehan Jehannot et une de Jehan Bonfons) auxquelles il faut ajouter l’édition en lettres rondes de Galiot du Pré, vers 1532, qui fut souvent rééditée par la suite. C'était un livre qui se vendait bien, ainsi que le déclare vers 1515-1520 le vendeur de livres dans la farce du même nom (5), et que chacun connaissait par cœur. Pour Rabelais, qui ne la cite pas moins de vingt-trois fois dans son œuvre, et souvent de manière littérale, la Farce de Maistre Pierre Pathelin était un véritable livre de chevet (6). Rééditée encore au début du XVIIe siècle par Pierre Ménier, la pièce continua de connaître une postérité triomphale à laquelle le XXe siècle a su donner l'éclat qu’il convenait : reprise à la scène par la Comédie Française (1941) et par de nombreuses troupes françaises (au Théâtre du Palais-Royal en 1963, à Genevilliers en 1966) ou étrangères (Théâtre dramatique de Zagreb au Théâtre de Lutèce en 1962), la Farce de Maistre Pierre Pathelin suscite encore de nos jours, chez les lettrés comme auprès des masses provinciales, le même attrait et le même intérêt qu’en son temps (7), preuve s’il en est que sa consécration au rang des chefs-d'œuvre immortels de notre littérature n’a pas été usurpée. Les éditions les plus récentes (8) du texte, savantes ou scolaires, sont toutes fondées sur l'édition critique donnée par R.T. Holbrook dans les Classiques Français du Moyen (5) E. Philipot, Six farces normandes du recueil La Valliere, Rennes, Plihon, 1939. (6) J.C. Aubailly, Les Procédés du comique de Pathelin à Rabelais,
mémoire dactylographié, Clermont-Ferrand, 1964. (7) Les représentations données en 1974 par le Théâtre Populaire du Midi — mise en scène de B. Gautier — connurent un vif succès. (8) B.C. Bowen, Four Farces, Oxford, Blackwell, 1967 et CE. Pickford, La Farce de Maïtre Pierre Pathelin, Paris, Bordas, 1967
reproduisent en fait l'édition Levet.
Age (Champion) en 1924, lequel pour ce travail s'était appuyé sur les éditions en caractères gothiques de Le Roy et de Levet (9). Dans son Étude sur Pathelin (Elliott Monographs, Princeton University Press, 1917), qui précédait l'édition, R.T. Holbrook prétendait en effet sans preuves pertinentes que tous les manuscrits connus n'étaient que des copies des éditions gothiques : le ms. fr. 4723, de l’édion Levet, le ms. de Harvard et le ms. 15080, dit Bigot, de celle de Galiot du Pré et le ms. 25467, dit La Valliere,
d’une édition de 1553. Outre le fait qu’il est peu vraisemblable de penser qu’un amateur, même démuni, ait fait co-
pier une pièce alors largement diffusée, il s'avère que R.T. Holbrook n'avait pas regardé d’assez près les manuscrits comme le démontre fort justement M. Rousse dans un article récent (10) dont les conclusions recoupent celles d’une étude que nous avions menée voici quelques années. En effet, l'étude de l'écriture, du papier, des filigranes du
ms. 25467 — qui, entre autres pièces contient la Moralité du Grand et du Petit que Mme H. Lewicka date des environs de 1437 — tend à faire penser que ce manuscrit a pu être écrit vers 1470 — et en tout cas avant 1485, ainsi que le souligne M. Rousse (11). Il est donc antérieur aux édi-
(9) Seconde
édition revue par l’auteur en 1937
; réimpression en
1956 et 1963. (10) Arr. cité, pp.756-757. (11) Trois papiers ont été utilisés comportant trois filigranes ditférents. Le premier filigrane, qui représente une tête de bœuf avec une fleur de lys entre les cornes, ne se rencontre guère — d’après l'inventaire de C.M. Briquet, Les Filigranes, dictionnaire historique des marques de papier, Leipzig, 1923 — que dans un papier du Forez de 1466 ; le second, une main bénissant (ou position du serment) à manchette festonnée à cinq languettes, est fréquent au sud de la Loire entre 1466 et 1470 — où l’on en trouve de nombreuses variantes ; le troisième enfin, représentant une tête de
bœuf surmontée d’un trait étoilé entre les cornes, sur vergé cannelé, se retrouve sur le vergé cannelé de Stuttgart entre 1467 et 1469.
tions gothiques qui nous sont parvenues et il pourrait bien être « le plus ancien manuscrit connu de Pathelin » (12). Une étude identique appliquée aux autres manuscrits aboutirait vraisemblablement à des conclusions analogues. De ce fait, et bien que le petit nombre des manuscrits qui nous sont parvenus — et parfois à l’état de fragments — soit un handicap certain, nous avons tenté, en utilisant la méthode préconisée par Dom Jacques Froger (13), d’opérer un classement des manuscrits auxquels nous avons ajouté les trois premières éditions gothiques connues et nous sommes parvenu au stemme suivant :
O [AE a gem HE El
0°
V (ms. 25467)
de
A (ms. 4723)
B
R
(ms. 15080)
(Le Roy)
Là
G
(Levet)
(Bénéaut)
Compte tenu de ces résultats, il nous a donc de fonder la présente édition sur le manuscrit nous avons essayé de reproduire fidèlement vérité, n’est pas aussi « profondément altéré tend M. Rousse. En effet, si, comme
paru normal 25.467 que et qui, à la » que le pré-
on peut à bon droit
le penser, ce manuscrit représente un des états primitifs de la pièce, peut-on à son propos, en le comparant à des éditions gothiques qui lui sont postérieures, parler d’omissions fréquentes ? Ne serait-il pas préférable de parler,
(12) Pour reprendre l’expression de R.T. Holbrook. (13) La Critique des textes et son automatisation, Dunod, Paris,
1968.
9 pour les éditions gothiques, d’ajouts, d'interpolations d’acteurs effectuées lors des nombreuses représentations de cette pièce qui, à l’époque, devait être classique (14). En fait, le plus souvent, le manuscrit 25.467 présente une forme simple que les états suivants ne feront qu’enrichir de redondances (cf. vv.48-55, 457-459... de l'édition Holbrook) et ce surtout dans la scène des « divers langages » (pour laquelle on imagine fort bien que l’acteur était tenté de tirer parti du comique de la situation en la faisant durer) et dans la scène du tribunal, après le départ du juge (il était du plus haut effet comique, et tentant, de développer la scène finale entre Pathelin et le berger et notamment de multiplier les « bée » de ce dernier). Et les quelques petites fautes qu’a pu commettre le copiste par inadvertance ne détruisent pas la cohérence interne du texte. Les efforts déployés par les différents éditeurs et les critiques (15) pour dater la pièce avec précision en se fondant sur les équivalences monétaires qu’elle comporte et la mention d’un hiver rigoureux — qu’on a assimilé à celui de 1464 en Normandie — n’ont pas permis d’aboutir à un résultat concluant. Tout au plus, peut-on admettre avec Mme H. Lewicka (16), qu’elle ne saurait être antérieure à 1456 ni postérieure à 1469. Il convient toutefois de signaler « qu’en écrivant ses Faintes, peu après 1460, Guillaume Alecis avait bien en mémoire la farce » (17). Elle peut donc à juste titre être considérée comme
l’une des toutes
(14) Les acteurs ne pouvant se signaler que par de menues variations — bien souvent des allusions actualisantes — apportées au canevas traditionnel : le ms Bigot, par exemple comporte une interpolation de 56 vers qui s’intercalent à la fin de la première
partie, avant le mot final du drapier qui précède l'entrée en scène de Thibaut l’Agnelet. (15) L. Foulet (Romania
et E. Cazalas (Romania
XLV,
1919, pp.545-546), A. Dieudonné
LVI, p.575), M. Roques (Préface de la
seconde éd. Holbrook), H. Lewicka. (16) Op.cit., p.100, note 67. (17) /bidem, p.100.
10
premières pièces de notre théâtre comique qui connut une efflorescence aussi spontanée que grandiose dès la fin de la guerre de Cent-Ans et plus particulièrement dès le début du règne de Louis XI (18). Mais, comme la conjoncture économique, sociale et politique n’est pas sans influer sur la naissance et le développement de cet art populaire qu'est en ses débuts le théâtre comique, il n’est peut-être pas inutile, pour mieux situer notre pièce dans son contexte, de rappeler brièvement quelques dates et noms importants de la période considérée : vers 1450 : Farce de la mandelette ; La Présentation des joyaulx. 1453 : Fin de la guerre de Cent Ans. Mutations morales et matérielles ; apparition d’un esprit et d'hommes nouveaux ; transformation de la hiérarchie sociale et des men-
talités : les anciens cadres ont disparu avec la guerre qui a permis à la haute bourgeoisie d'arriver au pouvoir. Dès 1436, Jacques Cœur avait entrepris de restaurer la vitalité économique du royaume par une réorganisation qui sera poursuivie jusqu’en 1460. 1455 : Gutenberg imprime la Bible. Dialogue de Lourdaud et Tard habilé ; Farce du Nouveau Marié. 1456 : Villon, Le Lais. Le Petit Jehan de Saintré.
1460 : Meschinot, Les Lunettes des Princes. 1461 : Louis XI. Villon, Le Testament. 1464 : Ligue du Bien Public.
1465 : Mort de Charles d'Orléans. Bataille de Montlhéry. 1466 : Jean de Bueil, Le Jouvencel. Les Cent Nouvelles
nouvelles. Naissance d’Erasme. Chaire de grec à l’Université de Paris. 1467 : Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. 1468 : Molinet, Le Throne d'honneur. Monologue du franc-archer de Bagnollet. (18) LC. Aubailly, Le Théâtre médiéval profane et comique, Coll. « Thèmes et Textes », Larousse, 1975.
11 1470 : G. Fichet installe une imprimerie à la Sorbonne. Livre des faits de Jacques de Lalaing. Farce du pâté et de la tarte. Farce du fol du mari, de la femme et du curé. 1471 : Mystère de la Passion d'Autun. 1473 : Naissance de Copernic. 1474 : Le Nouveau Pathelin. 1475 : Naissance de Michel-Ange. Les miracles de Sainte-Geneviève. 1476 : Farce du pect. 1477 : Mort du Téméraire. Impression du premier livre en français : Le Plaidoyer d'entre la Simple et la Rusée de G.Coquillart. 1480 : Début de l’efflorescence du théâtre populaire : farces et sotties. 1483 : Régence d’Anne de Beaujeu.
vers 1486 : Edition de la Farce de Pathelin par Guillaume Le Roy.
Les problèmes de la paternité et du lieu de composition de la Farce de Pathelin ont donné lieu à des débats passionnés qui, de nos jours encore, sont loin d’être clos. Peut-être d’ailleurs ne le seront-ils jamais. Bornons nous à rappeler brièvement les thèses en présence. Après nombre de propositions fantaisistes, un ouvrage de Louis Cons (19) auquel se ralliait immédiatement R.T. Holbrook (20), attribuait la paternité de la pièce au moine Guillaume Alecis, poète normand, auteur des Faintes du Monde. Cette hypothèse, appuyée sur l'étude des « concordances numériques » entre les deux œuvres, fut violemment critiquée par M. Roques et ne parvint pas à s’imposer. Pourtant, comme le signale Mme H. Lewicka sans trancher, « il reste dans les Faintes plusieurs réminiscences difficiles à expliquer autrement que par une connaissance directe de la farce. » (21) (19) L'Auteur de la Farce de Pathelin, P.U.F., Paris, 1926. (20) G. Alecis et Pathelin, University of California Press, 1928. (21) Op.cit., p.100.
12 L'attribution de la pièce à G. Alecis — ainsi que l’équivalence monétaire qu’elle comporte — conduisit tout naturellement R.T. Holbrook à plaider l’origine normande de celle-ci. Mais un article du numismate E. Cazalas permit à M. Roques de réfuter cette hypothèse ; et des études de H.G. Harvey et de P. Lemercier apportèrent des arguments à Mme Rita Lejeune pour proposer, dans un article solide (22), une origine parisienne à la pièce. S'appuyant sur la valeur et l’usage des monnaies, sur les coutumes et institutions juridiques, sur l'étude des noms de saints, des noms propres et des noms de lieux mentionnés dans la pièce ainsi que sur l’examen des traits dialectaux et des jargons — et notamment de la scène des « divers langages », forme et fonction — Mme Lejeune invite à voir dans cette farce dont l’action pourrait se situer au Bourg Saint-Germaindes-Prés, une pièce d’écolier — de basochien — destinée au public estudiantin du Quartier Latin. Pourtant, dans deux études récentes et abondamment documentées (23), Mme H. Lewicka, qui utilise sa profonde connaissance du théätre comique médiéval pour reprendre l’examen minutieux « des différents arguments avancés — notamment les traits linguistiques » et les noms significatifs —, apporte des éléments nouveaux (traditions normandes ; liens possibles de l’auteur avec la confrérie théâtrale des Cornards ou Connards ; preuves que la Normandie a compté en monnaie parisis à l’époque de la pièce ; action qui se déroule dans une petite ville) en faveur de la thèse normande. Mieux méme, ses recherches la conduisent à penser qu’ «il est donc plus que vraisemblable qu’elle (la farce)
a été jouée de bonne heure à Évreux, ville proche de l’abbaye de Lyre » où officiait G. Alecis.
(22) Rita Lejeune,-Pour quel public la Farce de Maistre Pierre Pathelin a-t-elle été rédigée ? Romania LXXXII, 1961.
(23) Pour la localisation de la Farce de Pathelin, B.H.R. XXIV, 1962 ; article repris dans l’ouvrage cité p.87 : Où en est le problème du lieu d'origine de la Farce de Pathelin.
13 En fait, et bien que l'étude du manuscrit 25.467 tende à nous faire pencher en ce sens, seul l’examen du manuscrit original — que nous ne possédons pas — pourrait permettre de trancher définitivement le problème, car une pièce aussi connue que notre farce, dont le succès s’est répandu comme une trainée de poudre, a dû, dès sa création, être jouée en une multitude de lieux et dans des milieux différents en subissant chaque fois les menues adaptations nécessaires à son actualisation. Aussi les hypothèses proposées quant à son origine — ou plutôt quant à l’origine des textes que nous possédons — ne sontelles pas contradictoires : cette farce d’un auteur cultivé, clerc ou basochien, a été jouée dans toute la région parisienne et sa frange normande. BIBLIOGRAPHIE SUCCINCTE Aux ouvrages et articles déjà mentionnés dans les notes de l'introduction, il faut ajouter : I — Editions anciennes :
— Maistre Pierre Pathelin. Reproduction en fac-similé de l'édition imprimée vers 1485 par Guillaume Le Roy, E. Picot, Société des textes de français modernes, Paris, 1907.
— Maistre Pierre Pathelin. Reproduction en fac-similé de l'édition imprimée en 1489 par Pierre Levet, R.T. Holbrook, T.L.F, Droz, Genève, 1953. — Maistre Pierre Pathelin hystorié. Reproduction en fac-similé de l'édition imprimée vers 1500 par Marion Malaunoy, E. Picot, S.A.T.F., Paris, Firmin Didot, 1904. 2 — Editions modernes : — R.T. Holbrook, Maistre Pierre Pathelin, farce du XVe siècle, C.F.M.A., Paris, Champion, 1924 (2ème éd. 1937 ; réimpr. 1956, 1963).
14 — Critique de l'édition : O. Jodogne, Notes sur Pathelin, in Festschrift
W. v. Wartburg, Tübingen, 1968, pp.
431-441. 3 — Commentaires —
R.T.
:
Holbrook,
Pour
le commentaire
de Pathelin,
Romania LIV, 1928, pp.66-98.
— RT. Holbrook, Commentaires lexicologiques sur certaines locutions françaises médiévales, in Mélanges Jeanroy, Paris, Droz, 1928, pp.181-189. — E. Philipot, Remarques et conjectures sur le texte de Maistre Pierre Pathelin, Romania LVI, 1930, pp.558584. — M. Roques, Notes sur Maistre Pierre Pathelin, Romania LVII, 1931, pp.548-550.
— E. Staaff, Contributions au commentaire de Maistre Pierre Pathelin, in Studier i modern Sprakvetenskap utgivna av Nyfilologiska Sällskapet i Stockholm, XII, 1934, pp.159-172. — M. Roques, Références aux plus récents commentaires de « Maïstre Pierre Pathelin, C.D.U., Paris, 1942.
— UT. Holmes, Les noms de saints invoqués dans le Pathelin, in Mélanges G. Cohen, Paris, Nizet, 1950, pp.
125-129. — J. Frappier, La « Farce de Maistre Pierre Pathelin » et son
originalité,
1967, pp.207-217.
in
Mélanges M.
Brahmer,
Varsovie,
15 4 — Origine et auteur :
— E. Cazalas, Ou et quand se passe l'action de Maistre Pierre Pathelin ? Romania LVI, 1931, pp.573-577.
— UT. Holmes, Pathelin, 1519-1522, M.LN. LV, 1940, pp.106-108. — HG. Harvey, The Judge and the Lawyer in the Pathelin, RR. XXXI, 1940, pp.313-333. — L. Dauce, L'Avocat vu par les littérateurs français, Thèse, Rennes, 1947.
— P. Lemercier, Les Éléments juridiques de Pathelin et la localisation de l'œuvre, Romania LXXIIT, 1952, pp.200226. — Rita Lejeune, Pour quel public la farce de Pathelin at-elle été rédigée ? Romania LXXXII, 1961, pp.482-521.
— Rita Lejeune, Le vocabulaire juridique de Pathelin et la personnalité de l'auteur, in Mélanges R. Guiette, Anvers, 1961 ,pp.185-194. 5 — Imitations :
— K. Schaumburg, La Farce de Pathelin et ses imitations, Paris, Klincksieck, 1889. — J. Bolte, Veterator und Advocatus, zwei pariser Stu-
dentenkomüdien aus den Jahren 1512 und 1532, Berlin, 1901. — 8. Prato, La Scène de l'avocat et du berger dans les rédactions littéraires et populaires, R.T.P. IX, 1894, pp. 537-552.
16 — L. Jordan, Zwei Beiträge sur Geschichte und Würdigung des Schwanks vom Advokaten Pathelin, Archiv. CXXIII, 1909, pp.342-352. — TE. Oliver, Some Analogues of Maistre Pathelin, in Journal of American Folklore, XXII, 1909, pp.395-430.
— À. Hamilton, Two Spanish Imitations of Maistre Pathelin, R.R. XXX, 1939, pp.340-345. — O. Jodogne, Rabelais et Pathelin, Lettres rom. IV, 1955, pp.3-14. — R. Lebègue, Le Rôle du Comicus dans le « Veterator », inMélanges R. Guiette, Anvers, 1961, pp.195-201.
REMARQUES CONCERNANT LA LANGUE DU MANUSCRIT ET L'ÉTABLISSEMENT DU TEXTE I — Nous avons pris le parti de respecter scrupuleusement la graphie du manuscrit qui se caractérise par de nombreux traits dialectaux normands — que nous avons signalés en note — dont les plus fréquents sont la graphie de oi par oe (foeson), de ar par er (cherité) et la confusion de oy et ay (articulé é en normand : fayre pour foyre). En ce qui concerne la morphologie, la désinence de la personne 4 du présent de l'indicatif est toujours -on ;la forme du pronom personnel de première personne postposé, toujours ge (et antéposé je). On note aussi la contraction, fréquente en normand, de avez vous en av ous, et
quelques formes dialectales de subjonctif présent en -ge, ainsi que l’utilisation de la forme ille pour le sujet impersonnel. Le seul point délicat que présente le manuscrit est l'identité fréquente de graphie de qui et que et de si et se. La première peut s'expliquer par l’utilisation d’abréviations identiques, mais la seconde — présence quasi constante de si — pose un problème. Dans le doute, nous avons systématiquement rétabli la distinction de l’ancien français entre si adverbe et se conjonction. 2 — Lorsqu'il était possible de rétablir avec certitude le mètre de l’octosyllabe, nous l'avons fait en signalant les ajouts entre crochets et les suppressions entre parenthèses. Mais lorsque la rectification ou correction eût été une pure invention ou interprétation personnelle, nous avons préféré laisser la faute de rythme en la signalant en fin de vers.
18 Rappelons toutefois qu’en moyen français les règles prosodiques n'étaient pas stables et surtout au théâtre qui utilise une langue populaire parlée. L'articulation des diphtongues peut se faire en diérèse ou en synérèse : dans les formes verbales, ee (seez), ie (tordriez), oye sont monosyllabiques ou dissyllabiques. Le e « muet » en hiatus ne compte pas : leu, Jehan, deust comptent pour une syllabe, deable pour deux et hardiement pour trois. Si le e « muet » final de première personne compte le plus souvent et ne s’élide pas devant a et à (parle a tu : quatre syllabes), en revanche le e « muet » final des participes passés féminins pluriel ne compte pas (cheues : une syllabe, usées : deux syllabes).
La Farce de Maistre Pathelin
20
Cy commance la farce de Maïstre Patelin a V personnaiges: Maistre Pierre, sa femme, le drapier, le bergier, le juge. Maistre Pierre incipit Saincte Marie, Guillemete,
Pour quelque paine que je mepte A brouiller ne haraser Nous ne povons rien amasser ; Or vi ge que j’avocassoye | Guillemete Par Notre Dame, je panssoye, Dont l’on chante en advocassaige ;
Mais l’on ne vous tient pas si saige De quatre quars que l’on soulloit. Je viz que ung chascun vous voulloit
12
Avoir pour gaigner sa querelle ; Mais maintenant on vous appelle Ung droit advocat desoubz l’orme !
Maistre Pierre Encor {ne le] di ge pas pour me
16
Vanter : il n’a ou territoyre Ou nous tenons noustre auditoyre Qui mien monstrast rien que le maire.
Guillemete Aussi a il leu le gramoyre Et a esté clerc longue presse.
21
Maitre Pierre commence Par Sainte Marie, Guillemette,
Quels que soient les efforts que je déploie A trafiquer et à poursuivre mes affaires, Nous ne pouvons rien mettre de côté. J’ai pourtant connu une époque où j'étais un avocat renommé |
Guillemette Par Notre Dame que l’on invoque si bien au barreau, Je m'en faisais justement la réflexion ;
12
16
Mais l’on ne vous tient plus pour aussi parfaitement sage Que l’on avait coutume de le faire. J’ai vu un temps où tout un chacun désirait votre concours Afin de gagner son procès ; Mais maintenant on vous traite D’avocat marron et incompétent |
Maitre Pierre Pourtant encore à cette heure, et je ne le dis pas pour me vanter, Il n’y a personne dans la juridiction Qui dépend de notre tribunal Qui soit capable de m’en remontrer, excepté le maire. Guillemette Aussi est-ce normal car il a lu dans les livres
Et il a été longtemps clerc.
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Maistre Pierre A qui veez vous que ne depresse Sa cause se (je) m’y vouloye meptre ? Et si n’aprins onc mot ne lettre Qu'une pou ; mais je me puis vanter Que je soy aussi bien chanter Sur le livre que nostre prestre,
Aussi bien que s’eusse esté[a] maistre Autant que Charles en Espaigne.
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Guillemete Tout ne vous vault pas une empaingne : Nous mourons de fine famine ; Noz robbes sont plus qu’estamines
Usées et ne povons scavoir Comme nous en puissons avoir ! Mais que nous vault voustre science ? Maistre Pierre Taisez vous ! Par ma conscience Se je vueil mon sens esprouver Je saroy bien ou en trouver Des robbes et des chapperons ! Se Dieu plaist nous eschapperons Et seron revenuz en l’euhre. En petit d’euhre Dieu labeure. Quar se convient que je m’aplicque A bouter avant ma praticque, Lion ne saroit trouver mon per.
Guillemete Par Sainct Jacques, non de tromper : Vous en estes ung droit fin maistre ! Maistre Pierre Par celluy Dieu qui me fist nestre,
(+1)
25
20
24
Maitre Pierre À qui pensez vous dont je ne puisse faire triompher La cause si je veux m'y employer ? Et pourtant je n'ai jamais appris qu’un peu de latin ; Mais je peux me vanter De savoir aussi bien chanter Au lutrin que notre prêtre ; Aussi bien que si j'avais été chez un maitre Aussi longtemps que Charlemagne est resté en Espagne !
Guillemette 28
Tout cela ne vous rapporte pas un clou ! Nous n'avons rien à nous mettre sous la dent ;
Nos robes sont élimées au point que l’on voit la trame
32
Du tissu et nous ne savons même pas Comment nous pourrions nous en procurer d’autres! A quoi diable nous sert votre belle science ? Maître Pierre Taisez-vous | Par ma téte, Si ie veux faire travailler ma matière grise
36
40
44
Je saurai bien où en trouver Des robes et des chaperons ! S’il plaît à Dieu, nous nous en sortirons Et serons avant peu soulagés de nos misères. Il faut peu de temps à Dieu pour faire des miracles! Car s’il est besoin que je m’applique A mettre en œuvre mon savoir faire On ne saurait trouver mon égal.
Guillemette Par Saint Jacques, non, tout au moins pour ce qui est de tromper : Vous êtes expert en la matière ! Maître Pierre Par le Dieu qui me fit naître,
24 Mais en droicte avocasserie.
48
Guillemete
Si m'’aist Dieu, en tromperie. Au mains en avez vous le loux.
Maistre Pierre Si ont celx qui de beau veloux Sont vestuz ou de camocaz ;
52
On le dit de moult d’avocatz Mais pourtant ne le sont il mye. Lesson cecy en paix ma mye Quar je vieulx aller a la fayre.
56
A la fayre ?
Guillemete
Maistre Pierre Par Sainct Jehan, voyre,
A la fayre, gentil marchant... Vous desplaist [il] se je marchant Du drap ou quelque [autre] suffraige
60
Qui soit bon pour noustre mesnage ?
Nous n'avons robbe qui rien vaille. Guillemete Et vous n’avez denier ne maille ! Que ferez vous ?
64
Maistre Pierre Vous ne scavez Belle dame. Se vous [n’] avez Du drap pour nous deux largement Desmentés moy tout hardiement. Quel(le) coulour vous semble plus belle
2 Plutôt en bonne et honnête chicane !
48
Guillemette Dieu me préserve, en filouterie. Du moins, en avez vous la réputation. Maître Pierre C’est aussi le cas de ceux qui sont vêtus de beau velours Ou de fine étoffe de soie ;
32
On le dit de beaucoup d’avocats Et pourtant ils ne sont pas malhonnétes. Laissons cette querelle, ma mie, Car je veux aller au marché.
56
Au marché ?
Guillemette
Maître Pierre Par Saint Jean, oui, en vérité. Au marché, comme un brave chaland. Vous déplairait-il que j'achète
Du drap ou quelque autre bagatelle de première
60
nécessité Qui soit utile à notre ménage ?
Nous n’avons pas même une robe digne de ce nom. Guillemette Mais vous n'avez pas un sou | Comment ferez vous ?
64
Maître Pierre Ne vous en souciez pas Belle dame. Si je ne vous rapporte Du drap pour nous vétir largement tous les deux, Alors n’hésitez pas à me traiter de menteur. Quelle teinte préférez vous :
26
68
De gris, de vert ou de Brucelle Ou de pers ? Je le veil scavoir. Guillemete Tel comme vous pourrez avoir : Qui empoinste ne choisist mye.
12
Maistre Pierre Pour vous deux aulnes et demye Et pour moy troys, voyre bien quatre ; Ce sont. Guillemete Vous contés sans rabatre.
Qui deable les vous prestera ? 76
80
Maistre Pierre Demandés vous qui ce sera ! L'on les me prestera vroyement A randre au jour du jugement, Quar plustout ne sera ce point. Guillemete Ainsi mon amy, en ce point Qui que soit, tu seras couvert !
84
Maistre Pierre J’achateray ou gris ou vert... Et pour chapperon de Guillemete Me fault trois quartiers de brunete Ou une aulne. Guillemete M'ais[t] Dieu, voyre | Et n'oubliez pas a bien boyre Se vous trouvés Martin Garant.
(+1)
21 68
Du gris, du vert, du Bruxelles Ou une nuance perse ? Je veux le savoir.
Guillemette Je prendrai ce que vous pourrez avoir : Qui se préoccupe du nécessaire ne choisit pas.
12
Maître Pierre Pour vous. deux aunes et demie Et pour moi, trois, voire quatre ; Cela fait.
Guillemette Vous comptez largement. Qui diable vous les vendra à crédit ?
16
80
84
Maître Pierre Posez vous la question à vous même ! Mais il est vrai qu’on me les laissera avec un crédit A solder au jour du Jugement Dernier, Car plus tôt, il ne faut pas y compter. Guillemette Ainsi, mon ami, de cette manière Quoi qu'il arrive, tu seras doublement couvert !
Maître Pierre J’achèterai ou du gris ou du vert... Et pour faire un chaperon à Guillemette Il me faut prendre les trois quarts d’une aune de brunette Ou une aune entière. Guillemette Dieu m'’assiste ! Vous ne doutez de rien ! Et surtout n’oubliez pas de bien boire Si vous rencontrez un Jean la Dupe !
28
88
Maistre Pierre Gardés bien tout.
Guillemete Dieu ! Quel marchant !
_Pleust ore a Dieu que ne veist goucte |
92
Maistre Pierre N'esse pas siens, j'en fay doubte, Qu'on se mesle de draperie ? Si est, par la Vierge Marie ! Dieu y soit ! Le Drappier
Dieu vous doint joye.
96
Maistre Pierre Or ainsi m’aist Dieux que j’avoye De vous veoir grant volunté. Comment se porte la santé ? Estez vous sain et dru Guillaume ? Le Drappier Ouy, Dieu mercy. Maistre Pierre
Sa, ceste paulme ! Comment vous va ?
100
Le Drappier Bien vroyement A vostre bon commandement. Et vous ? Maistre Pierre Par Sainct Pierre l’apoustre
29
88
Maître Pierre Prenez soin du ménage.
Guillemette Dieu ! Quel client !
Plaise au Ciel que l’on ne s’aperçoive de rien !
92
Maître Pierre N'est-ce pas céans, je me le demande, Que l’on fait commerce de drap ? Et si, par la Vierge Marie ! Dieu nous aide ! Le Drapier Dieu vous comble de joie !
96
Maître Pierre Aussi vrai que c’est là mon plus cher désir, je vous assure que j'avais grande envie de vous voir. Comment va la santé ? Etes vous en pleine forme, Guillaume ? Le Drapier Oui, grâce à Dieu ! Maître Pierre
Ça, votre main ! Et comment va le reste ?
100
Le drapier Bien, en vérité Pour répondre à votre sollicitude. Et vous ?
Maître Pierre Par Saint Pierre l’apôtre,
30 Comme celluy qui est tou(s)t voustre. Ainsi vous esbatés ?
104
Le Drappier Et voyre… Quar marchans, si devez vous croire, Ne font pas tousjours a leur guise. Maistre Pierre Comme se porte marchandise ? S’en peut on ne seigner ne pestre ?
108
Le Drappier Par celluy Dieu qui me fist nestre,
Je ne scay. Tousjours « hay avant » !
112
116
Maistre Pierre Que c’est [oit] ung homme savant — Je requiers Dieu qu'il en ai(s)t l'ame — Que voustre pere ! Doulce Dame ! C’estoit ung bon marchant et saige. Vous luy resamblez du visaige Par Dieu, comme droicte paincture. Se Dieu eust onc de créature Mercy, que vroy [pardon] luy face.
Le drappier Amen ! Jésus Christ par sa grace ; Et de nous quant il luy plaira.
120
Maistre Pierre Par ma foy, il me desclera Unesfoiz bien et largement Du temps que je voys maintenant.
31 Comme quelqu'un qui vous est très attaché. Ainsi vous êtes satisfait ? Le drapier
104
Oui, enfin. Car, vous devez m'en croire, les marchands
Ne font pas toujours comme ils le voudraient. Maître Pierre Comment va le commerce ?
|
Ne peut-on en vivre largement et y gagner son pain?
108
Le drapier Par le Dieu qui me fit naître, Je ne sais pas trop. Il faut toujours être sur la brèche !
Maître Pierre 12
116
Que c'était un homme avisé — Dieu ait son âme — Que votre père ! Sainte Mère de Dieu !
C'était un bon marchand et habile. Vous lui ressemblez de visage Par Dieu, autant qu’un portrait parfaitement exécuté ! Si Dieu eut jamais pitié d’une créature, QuE lui accorde le plein pardon de ses fautes.
Le drapier Amen ! Ainsi fasse-t-il dans sa grande clémence Et aussi pour les nôtres quant Il lui plaira ! 120
Maître Pierre Par ma foi, il me prédit Une ou deux fois fort justement et de manière détaillée Ce que serait l’époque que nous vivons maintenant.
37
124
Moult de foyz men est soubvenu. Pour le temps il estoit tenu Ung des bons.
Le drappier Soiez vous beau sire. Il est trop bien temps de le dire, Mais je suys ainsi gracieulx !
128
Maistre Pierre Je suys bien. Des biens temporeulx Il avoit. Le drappier Vroyement, vous serrez ! Maistre Pierre Voluntiers. Haa ! Vous orrés Qu'il me disoit, de grans merveilles.
132
136
Ainsi m’aist Dieu que des oreilles, Du nés, des oncgles et des yeulx, Oncq enfant ne resemblast mieulx A père. Quel menton fourché Et ung petit le froncq croché ! Et qui diroit a voustre mere Que ne feussiez filz voustre pere,
140
144
Il aroit grant fain de tanser ! Par ma foy je ne puis panser Comme Nature en ses oupvraiges Forma deux si parelx visaiges Et l’ung comme l’aultre taché. Quar quoy ! Qui vous aroit craché Tous deux encontre un[e] paroy D'une maniere et d’ung aroy [Si] estez vous (et) sans differance.
33 Je me le suis rappelé bien souvent. 124
Pour lors il était considéré Comme l’un des meilleurs.
Le drapier Asseyez-vous, mon bon ami. Il est largement temps de le proposer, Mais c’est ma manière d’être aimable !
128
Maître Pierre Non merci,je ne suis pas fatigué. Pour les biens de ce monde Il avait. Le drapier Si, faites-moi le plaisir de vous asseoir.
Maître Pierre Volontiers. Ah ! vous entendrez,
132
Me disait-il, des choses qui vous surprendront.…. Mais Dieu me garde, je vous assure qu’aussi bien des oreilles,
136
140
144
Du nez, des ongles que des yeux, Jamais enfant ne ressembla mieux A son père ! Quel menton à fossette ! Et ce front un peu bombé ! Celui qui soutiendrait à votre mère Que vous n'êtes pas le fils de votre père, Aurait vraiment grande envie de chercher querelle! Je ne puis par ma foi comprendre Comment Nature en ses œuvres Réussit à former deux visages aussi semblables Et traduisant, l’un comme l’autre, les mêmes traits de caractères ;
Car quoi ! Vous êtes comme deux crachats Qu'on aurait expédiés contre un mur Du même jet et de la même façon : Sans aucune différence.
34 148
Or, sire, la belle Lorance Voustre belle ante, mourut elle ?
Le drappier Nanny dea !
152
156
Maistre Pierre Que je la vy belle Et grande et droicte et gracieuse ! Par la Mere Dieu precieuse, Vous luy resamblez du visaige Comme qui vous eüst fait de naige. En ce païs n’a ce me semble Lignaige qui mieulx se resamble. Tant plus je vous voy... par Sainct Pere,
Veez vous, veez cy voustre feu pere. Vous luy resamblez comme goucte ;
160
Vous estez sien sans nulle doubte. Ha ! Quel vaillant homme c'’estoit |
164
168
172
Le bon preudomme ! Il prestoit Ses denrrés a qui en vouloit. Dieu luy pardoint ! Il me soulloit Tousjours de si tresbon cuer ryre. Pleust a Jesuschrist que le pire De ce monde luy resamblast : On ne tolli[s] t pas né amblast Lung a l’aultre comme l’on fait ! Que ce drap yci est bien faict : Il est bien doulx, souefz et tretiz.
Le drappier Je l’ay fait fere tout fetiz Ainsi des laines de mes bestes.
Maistre Pierre Hé Dieu ! Quel mesnager vous estez ! Vous n’estez pas hors de l’orine
35
148
Au fait, sire, la belle Laurence Votre grand’tante, est-elle morte ?
Le drapier Diable non !
Maître Pierre Comme elle était belle quand je la connus, Et grande et droite et aimable !
152
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Par la Sainte Mère de Dieu, Vous vous ressemblez par les traits du visage Comme si on vous avait sculpté dans la neige. Dans ce pays, il n’y a, ce me semble, Aucune famille dont les membres soient plus
ressemblants. Plus je vous contemple... par saint Pierre, 160
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Vous voici et voici votre feu père. Vous lui ressemblez comme deux gouttes d’eau ; Vous êtes bien son fils : on ne peut en douter. Ah ! Quel étre exceptionnel c'était ! Le brave homme ! Il vendait à crédit Ses marchandises à qui en avait envie. Dieu lui pardonne ! Il avait toujours l’habitude De m'’accueillir d’un si bon cœur, le sourire aux lèvres. Plût à Dieu que le plus mauvais De ce monde lui ressemblât : On ne se volerait pas et on ne se dépouillerait pas L'un l’autre comme on le fait ! Que ce drap-ci est de belle qualité : Il est bien doux, moelleux et parfaitement tissé.
Le drapier Je l’ai fait faire spécialement ainsi Avec la laine de mes bêtes. Maître Pierre Ah ! Dieu ! Quel homme économe vous êtes ! Vous ne reniez pas votre origine
36 176
Du pere ! Voustre corps ne fine Tousjours, tousjours de besoigner !
Le drappier Que [voulez] vous, il fault songner Qui veult vivre et soubstenir payne.
180
Maistre Pierre Ce drap yci est taint en l’aynne ; Il est fort comme ung cordouan !
Le drappier C’est ung tresbon drap de Rouan, Je le vous jure, et bien drappé.
184
188
192
Maistre Pierre Or vrayement je suys atrappé Quar je n’avoye intencion D'avoir drap, par la passion De Noustre Seigneur, quant je vins ! J’avoye mis à part quatre vigns Escus pour retraire une rente, Mais vous en arez vingt ou trente,
Je le voy bien, quar la couleur Me plest [tant] que c’est grant douleur. Le drappier D’escus ! Voyre, ce peult il fere Que ceulx dont vous voulez retraire Ceste rente prinsent monnoye ? Maistre Pierre
196
200
Et ouy bien se je vouloye : Tou(s)t m'est ung, ou or ou poiement. Quel drap esse cy ? Vroyement Tant plus le voy et plus m’assote. Il m'en fault avoir une cote, Bref, et ma femme aussi de maisme.
37 176
Paternelle ! Vous ne cessez jamais De besogner à toute heure du jour ! Le drapier Que voulez vous, il faut travailler Si l’on veut vivre, et ne pas ménager sa peine. Maitre Pierre
180
Ce drap-ci est teint à la maison ; Il est solide comme un cuir de Cordoue !
Le drapier C’est un excellent drap de Rouen Et fabriqué avec soin, je vous en donne ma parole.
188
Maître Pierre Décidément il a fait naître mon désir Car je n’avais pas l’intention D’acheter du drap, par la Passion De Notre-Seigneur, quand j’entrai chez vous | J'avais mis de côté quatre vingt
192
Mais vous en aurez vingt ou trente, Je le pressens, car la teinte de ce drap Me plait tant que j'en suis malade d'envie.
184
Écus pour me libérer d’un emprunt
Le drapier Des écus d’or ! Vraiment se peut-il Que ceux dont vous voulez vous libérer
De cet emprunt acceptent de la menue monnaie ?
196
200
Maître Pierre Très certainement, si je voulais : Tout se vaut, or ou réglement d'autre sorte. Quel est ce drap, là ? Vraiment, Plus je le vois et plus il me fait perdre la tête. Bref, il m’en faut de quoi faire une robe Et pour ma femme aussi, du même.
38 Le drappier Certes, ce drap est chier comme
204
cresme.
Vous en arez se vous voulez... Quinze ou vingt francs y sont coulez
(+1)
Cy toust ! .
Maistre Pierre Fy ! Ne me chaut couste et vaille !
J’ay encor de(ux) deniers et maille Que ne vit oncq pere ne mere.
208
(+1)
. Le drappier Dieu en soit loué ! Par Sainct Pere Il ne mien desplairoit en piesse | Maistre Pierre Brief, je suys gros de ceste piesse ; Il m'en convient.
Le drappier Ce n’est que bien.
212
Il nous [fault] adviser combien
216
Il vous en fault premierement. Tout est a voustre commandement Quanqu'il en y a a la pille, Et n’eussiez vous [ne] crouez ne pille. Maistre Pierre Je le sçay bien, voustre mercy ! Le drappier Voulez vous de ce pers yci ? Maistre Pierre Ouy. Combien mien coustera
220
La premiere aulne ? Dieu sera Des premiers poié, c’est raison. Je vous pri que nous ne fasson
(+1)
39 Le drapier En vérité, ce drap-là est excessivement cher. Mais si vous le désirez, vous en aurez...
204
Quinze ou vingt francs y sont vite engloutis ! Maître Pierre Bah ! Peu m'importe la dépense | Je possède encore à cette heure un peu d'argent Dont même mes proches ignorent l’existence.
208
Le drapier Dieu en soit loué ! Par Saint Pierre, Cela ne serait pas pour me déplaire ! Maître Pierre Bref, j'ai une envie folle de cette pièce de drap ; Il m'en faut...
212
216
Le drapier Il n’y a aucun mal à cela. I nous faut d’abord déterminer Le métrage qui vous est nécessaire. Tout est à votre disposition Autant qu'il y en a dans la pièce. Et même si vous n’aviez pas un sou. Maître Pierre Je le sais bien et vous en suis reconnaissant !
Le drapier Vous décidez-vous pour ce bleu-vert qui est là ?
220
Maître Pierre Oui. Combien me coûtera La première aune ? Dieu sera Payé le premier, c’est justice. Je vous en prie, ne faisons
40 Marché se Dieu on ne nomme.
224
Le drappier Et, par Dieu, c’est dit de preudomme Et m'en avez moult resjouy. Voulez vous a ung mot ? Maistre Pierre Ouy.
Le drappier Chascune aulne vous coustera
228
Vingt et quatre solx. Maistre Pierre Non fera ! Vingt et quatre solx ! Doubce Dame !
Le drappier Il les me cousta, par ceste ame |
Tant en poierez se lès avez.
232
Maistre Pierre Certes, c’est trop !
Le drappier Vous ne sçavez Comme le drap est enchery ! Trestout le bestiail est peri Cest yver pour la grant froidure.
236
Maistre Pierre Vingt solx ? Vingt solx ? Le drappier Et je vous jure Que j'en aroy ce que je dy Ou actendez a sabmedy :
(50
41 Aucune affaire sans en prendre Dieu à témoin.
224
Le drapier Et, par Dieu, voilà une parole d’honnête homme, Et vous m'en avez grandement réjoui. Voulez vous que je vous fasse un prix d’ami ? Maître Pierre Oui.
Le drapier
228
Chaque aune vous coûtera Vingt-quatre sous. Maître Pierre Non, vous plaisantez ! Vingt-quatre sous ! Sainte Vierge ! Le drapier Ce drap me les a coûtés, je vous l’assure !
Si vous le prenez, c’est ce que vous en paierez.
232
Maître Pierre C’est vrafment trop cher ! Le drapier Vous ignorez A quel point le prix du drap a séénéntel! Tout le bétail a péri Cet hiver à cause de la rigueur du froid.
236
Maître Pierre Vingt sous ? Vingt sous ? Le drapier Je vous affirme Que j'en obtiendrai ce que j'en demande. Et attendez le marché de Samedi :
42
240
244
Vous verrés que vault [la]toeson Dont il souloit estre foeson ! Je poyray a la Magdalaine Huyt blancs, par mon serment, de laine Que je soulloye avoir pour quatre. Maistre Pierre Par mon serment, sans plus debatre, Et puisqu’ainsi va, je marchande ; Sus ! Aulnés. Le drappier Et je vous demande : Combien vous en fault il avoir ? Maistre Pierre
248
292
256
Il est bien aisé de savoir : Troys aulnes pour moy, et pour elle, Pour faire robbe bonne et belle, Pour ma femme, deulx aulnes et demye. Combien sont ce ? Ne man ge mye, Ce sont, c’est mes advis, seix aulnes. Et non sont ! Que je suys besjaunes ! Et si sont ! Ne sont pas Guillaume ? Le drappier Nenny. Il s’en fault demie aulne
Pour fere les seix justement. Maistre Pierre Je les prandray tout rondement : Aussi me fault il chapperon.
260
Le drappier Prenez la, nous les auneron Et se il sont cy, sans rabatre. Empreu, et deux et troys et quatre Et cincq et seix.
(F1)
43 Vous verrez ce que vaut la toison
240
Dont habituellement il y avait abondance !
A la Madeleine je paierai Huit blancs, je vous l’assure, de la laine Que j'avais coutume d'obtenir pour quatre.
244
Maître Pierre Et bien, par ma foi, puisqu'il en est ainsi, Sans plus discuter, j'achète ; Allez ! Mesurez.
Le drapier Mais dites-moi Combien il vous en faut.
248
232
Maître Pierre Cela est bien aisé à savoir : Trois aunes pour moi, et pour elle, Pour faire une belle et bonne robe, Pour ma femme, deux aunes et demie.
Combien cela fait-il ? Je ne me trompe pas, Cela fait, il me semble, six aunes.
Et non ! Que je suis bête ! Et pourtant si ! N'est-ce pas cela Guillaume ? Le drapier
256
Non. Il s’en faut d’une demie aune Pour faire les six exactement.
Maître Pierre Je les prendrai pour faire un compte rond. Car il me faut aussi un chaperon.
260
Le drapier Tenez-la, nous allons les mesurer Et, si elles y sont, sans lésiner. Un et deux et trois et quatre
Et cinq et six.
44 Maistre Pierre Vantre Sainct Pere | 264
Sitéaré!
Le drappier Aulneray ge arriere ?
268
(+1)
Maistre Pierre Nenny, par Sainct Jacques d’Espaigne | Il y ara partout plus gaigne En la marchandise. Combien Se monte tout ?
Le drappier Par Sainct Julien,
A vingt et quatre solx chascune, Ce sont neufz frans. Maistre Pierre
A ! C’est pour une ! Ce sont six escus ?
Le drappier
Mais ſt] Dieu, voyre. 272
276
Maistre Pierre Or ça, le [s]voulez vous croyre Jucq’a tantost quant vous viendrez.….. Non pas croyre.…. quar vous prandrez A mon hüis or ou monnoye. Le drappier Par Sainct Martin, je me teurdroye De beaucop{a] aller par la ! Maistre Pierre Ha ! Voustre bouche ne parla
(—1)
45 Maître Pierre Ventre Saint Pierre !
264
C’est un peu juste ! Le drapier Voulez-vous que je refasse la mesure dans l’autre sens ?
268
Maître Pierre Non ! Par saint Jacques ! Dans tous les cas l’avantage sera toujours du côté Du vendeur. À combien Se monte le tout ?
Le drapier Par saint Julien, A vingt-quatre sous l’une, Cela fait neuf francs. Maitre Pierre Ah ! Cela suffit ! Cela fait six écus ?
Le drapier Dieu me garde, c’est exact.
Maître Pierre 212
Bon ! Maintenant voudriez vous m'en faire crédit
Jusqu'à tantôt quand vous viendrez.….. Pas exactement faire crédit. car vous encaisserez
Chez moi de l’or ou de l’argent.
276
Le drapier Par saint Martin, je me détournerais Beaucoup de ma route à passer par là !
Maître Pierre Ah ! Vous n’avez jamais ouvert la bouche,
46 280
284
288
292
Oncq(ues) puis, par Monseigneur Saint Gille Qu'elle disoit pas euvangille ! C’est bien dit : vous vous tortrÿez ! C’est cela ! Vous ne vouldriez Jamais trouver nulle achoeson Boyre du vin de ma maison. Or y vendrez vous ceste fois !
Le drappier Et par Sainct Jacques,je ne fay Gueré aultre mestier que boyre | Mais il me fait bien mal de croyre Si sçavez vous [bien] a l’estraine. Maistre Pierre Souffit il se je vous estraine D’escuz d’or, non pas de monnoye ? Et si mangeron de mon oaye Par Dieu, que [ma] femme routist. Le drappier Vroyement cest homme m'assotit |
296
Allez vous en et je yray doncques Et le porteray. Maistre Pierre Rien quiconcques ! Il ne me coustera pas maille Soubz mon esselle. Le drappier Ne vous chaille : Il vault mieulx pour le plus honneste
300
Que je le porte. Maistre Pierre Male feste
47
280
Par Monseigneur saint Gilles, Pour dire une sottise aussi grosse ! C’est bien répondu ! Vous vous fourvoieriez ! C’est cela ! Vous voudriez surtout
Éviter la moindre occasion
284
De venir prendre un verre chez moi. Mais cette fois vous y viendrez ! Le drapier Et, par saint Jacques, je ne fais Guère autre chose que de boire !
288
Mais, vous le savez bien, cela m'ennuie
De faire crédit pour la première affaire de la journée.
292
Maître Pierre Serez vous satisfait si je vous règle ce premier achat En écus d’or et non pas en menue monnaie ? Et, par Dieu, de plus nous mangerons d’une oie Que ma femme est en train de faire rôtir.
Le drapier {en aparté) Vraiment cet homme m'’abrutit !
296
(à Pathelin) Partez et puisqu'il en est ainsi j'irai Et porterai le drap. Maître Pierre Non, pas du tout ! Cela ne me coûtera pas De le porter sous mon bras.
300
Le drapier Ne vous en souciez pas : Il est normal et plus convenable Que je le porte. Maître Pierre Que Sainte Madeleine
48
304
M'anvoit la Saincte Magdalaine Se vous en prenez ja la paine ! Ha ! C’est bien dit : soubz mon esselle Ce drap me fera une belle Boce que c’est [tres] bien de lé ! Il y ara beu et gallé Chez moy ains que vous en allez.
308
Le drappier Je vous pri que vous me baillez Mon argent sitoust que g’iray. Maistre Pierre Feré. Et, par Dieu, non feray Tant que aurez prins voustre repas
312
Tresbien. Ce ne vouldriez pas
316
Avoir sur moy de quoy poier ! Au mains vandrez vous essaier Quel vin je boy. Voustre feu pere Huchoit bien en passant : « Compere, Hau ! Que diz [tu] et que faiz tu ? » Mais vous ne prisez un festu Entre vous, riches, povres hommes !
320
Le drappier Par le sancq que Dieu fist, nous sommes [Povres] Povre homme suy. [Maistre Pierre Adieu. Rendez vous tantost au dit lieu Et nous beurons fort, je men vant. Le drappier C’est bien dit. Or allez devant
Et que j’aye or.
49
304
Me fasse passer une mauvaise fête Si jamais je vous laisse prendre cette peine ! Allez ! C’est dit : sous mon aisselle Ce drap me fera une belle Bosse car il y a suffisamment de place ! Il y aura ripaille Chez moi avant que vous n’en partiez.
308
Le drapier Je vous serais obligé de me verser Mon argent sitôt que j’arriverai.
317
316
Maître Pierre Je le ferai. Et, par Dieu, non ; je ne vous paierai pas Tant que vous n'aurez pas pris votre repas Et un repas copieux. Vous ne voudriez quand même pas Que j'aie sur moi de quoi vous payer | Au moins vous viendrez goûter Quel vin je bois. Votre feu père Disait un mot en passant : « Holà compère,
Quoi de neuf et que deviens-tu ? » Mais vous autres, les riches, vous dédaignez Les pauvres gens !
320
Le drapier Par Dieu qui nous a créés, nous sommes Pauvres. Je suis un pauvre homme.
[Maître Pierre Adieu. Rendez vous tout à l’heure à l’endroit convenu Et nous boirons bien, je m'en porte garant. Le drapier Voilà une bonne parole. Allez ! Partez devant Et que j'aie de l'or !
Maistre Pierre Or ! Et] quoy doncques ! Que Deables ! Je ne f[aill]iz oncques ; (à part)
324
Se vous l’avez, je soie pandu ! Ha ! Dea ! Il ne l’a pas vendu A mon mot : Ç’a esté au sien ;
Mais il sera poyé au mien. Il luy fault or ! On le luy fourre !
328
Pleust Dieu qu'il [ne] finast de courre Sans cesser jucqu’a fin de poie ; Il feroit, par Dieu, plus de voie Qu'il n’a d’yci en Pampelune !
332
336
Le drappier {à part) I1z ne verront soullail ne lune Les escuz qu'il me baillera Par Dieu, qui ne les m’amblera. Or n’est il si fort entendeur Qui ne treuve plus fort vandeur ! Ce trompeur la est si besjaune Que, pour vingt et quatre solz l’aune A prins drap qui n’en vault pas vingt ! Maistre Pierre
340
En ay ge ?
Guillemete De quoy ? Maistre Pierre Que devint Voustre vieille cote hardye ? Guillemete Grant besoign est c’on vous le dye ! Qu'en voulez vous faire ?
S1
324
328
332
336
Maître Pierre De l'or ! | Allons donc | Que diable ! Je n’ai jamais manqué à ma parole ! {à part) Si vous l’avez,je veux bien être pendu ! Diable ! Il n’a pas conclu l’affaire A mon gré : tout s’est passé au mieux de son intérêt Mais il sera payé selon le mien. U lui faut de l'or ! Qu'on lui en fabrique ! Puisse-t-il ne pas s’arrêter de courir Jusqu'au règlement complet de sa vente ; Par Dieu, il ferait plus de chemin Qu'il n’y en a d'ici à Pampelune ! Le drapier {à part) Us ne sortiront pas de mon coffre Les écus qu’il me donnera, Par Dieu, à moins qu’on ne me les vole. Il n’est aucun acheteur, si malin soit-il, Qui ne tombe sur un vendeur encore plus habile ! Ce finaud-là est si simplet Qu'il a pris à vingt-quatre sous l'aune Du drap qui n’en vaut pas vingt ! Maitre Pierre
340
En ai-je ? Guillemette De quoi ? Maitre Pierre Qu'est devenue
Votre vieille houppelande ? Guillemette Il est bien nécessaire de vous en parler ! Que voulez-vous en faire ?
7
344
Maistre Pierre Et rien ! En ay ge ? Le disoi ge bien ? Esse (ce)cy drap ? Guillemete Ha ! Doubce Dame !
Or, par le peril de mon ame,
348
Il vient d’auchune couverture. Mais dont nous vient ceste avanture ?
Helas ! Et qui le poiera ?
302
356
Maistre Pierre Demandés vous qui ce sera Par Sainct Jehan, mais qui l’a poié ! Le marchant est ja defroyé Belle seur, qui le m'a vendu. Par my le coul soyt il pandu S’il n’est blanc comme ung sac de plastre ! Le meschant villain chalemastre En est sainct sur le cul ! Guillemete Combien
Vous a(il) cousté ? Maistre Pierre Je n’en doy rien. Il est poié, ne vous en chaille.
360
Guillemete Vous n'aviez denier ne maille !
Il est poié en quel monnoye ? Maistre Pierre Et en bonne foy, si avoye, Dame : avoye ung pairisi !
SE
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348
592
356
Maître Pierre Rien. En ai-je ? L’avais-je pas dit ? N'est-ce pas là du drap ? Guillemette Ah ! Sainte Mère ! Puissé-je être damnée si je me trompe, C'est là le résultat de quelque manœuvre occulte | Mais d’où nous vient cette surprise ? Hélas ! Et qui le paiera ? Maître Pierre Pourquoi demander qui le paiera, Par saint Jean, plutôt que qui l’a payé ! Le marchand qui me l’a vendu, Belle amie, est déjà rentré dans ses fonds ! Puisse-t-il être pendu haut et court S’il n’est refait dans les règles de l’art. Le méchant vilain drôle Peut en faire son deuil et tirer un trait sur cette vente | Guillemette Combien Vous a-t-il coûté ?
Maître Pierre Je n’en dois rien. Il est payé ; ne vous en souciez pas.
360
Guillemette Vous n'aviez pas un sou | Avec quel argent l’avez vous payé ? Maître Pierre En toute bonne foi, dame, j'en avais : J'avais un sou parisis.
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364
Guillemete C’est tresbien fait ! Ung beau nisi Ou ung brevet y ont oupvré : Ainsi l’avez vous recouvré Et quant le terme passera
368
L'on vendra, l’on engaigeràa ;
Qenqu'’avon nous sera ousté. Maistre Pierre
Pandu soy ge s’il m'a cousté Qu'un denier quanqu'’il en y a.
372
376
Guillemette Benedicite Maria ! Qu'un denier ! Il ne se peult fere | Maistre Pierre Je vous donne cest oeyl a traire S’il en a plus ne n’en aura, Ja si bien chanter ne saura.
Guillemete Mais qui est-il ? Maistre Pierre
C’est ung Guillaume Qui a a son seurnom Jousseaulme,
Puis que vous le voulés sçavoir.
380
Guillemete Mais la manière de l’avoir
[Pour ung denier] ni a quel jeu ? Maistre Pierre Ce fust pour le denier a Dieu ;
384
Et encore, se j’eusse dit « La main sur le pot », par le dit
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364
368
Guillemette Arrêtez vos sornettes ! Une belle reconnaissance de dette Ou une lettre de change y ont contribué : C’est de cette manière que vous l'avez obtenu Et quand le terme assigné arrivera On viendra saisir nos biens ;
Tout ce que nous possédons nous sera enlevé.
Maître Pierre Je veux bien être pendu si tout ce qu’il y a là M'a coûté plus qu’un denier. S72
376
Guillemette Sainte Marie, priez pour nous ! Qu'un denier ! C’est impossible !
Maître Pierre Je veux bien que vous m'’arrachiez cet œil S’il en a eu ou s’il en obtient davantage Si bien discutailler qu'il sache. Guillemette Mais qui est-ce ? Maître Pierre C’est un certain Guillaume Qui est surnommé Jousseaume, Puisque vous voulez le savoir. Guillemette
380
Mais comment l’avez vous eu
Pour un denier ? Par quel subterfuge ?
384
Maitre Pierre Ce fut grâce au denier à Dieu ! Et encore, si j'avais dit : « Tope là, marché conclu », par ces seuls mots
56 Mon denier me fust demouré. Mais au fort, j’ay bien labeuré ! 388
392
Dieu et luy departent ensemble Ce denier la se bon leur semble Quar jamais plus il en aront Ja chanter si beau ne saront Ne pour errer ne pour breter.
Guillemete Comment l’a il voulu prester Qui est ung homme si rebelle ?
Maistre Pierre Par Saincte Marie la belle,
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400
404
J’ay son lignage blasonné Tant qu'il [le]m’a fourment donné. Je luy disoie que son feu pere Fut si vaillant. « Ah ! fai ge, frere, Qu'’estes vous d’ung bon parentaige | Vous estes, fis ge, d’ung lignaige De cy autour plus a louer. » Mais Dieu puissé ge avouer S'il n’est atraist d’un parantaille La plus rebelle villenaille Qui soit, ce croy ge, en ce royaulme !
« Ah ! fay ge, mon amy Guillaume, Que ressamblez vous bien de chiere
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Et de tout a voustre feu pere ! Comme prestoit il doulcement Ses danrrées et humblement ! Vous luy ressamblez tout craiché. » Toutesfoys on eust araché Aux deus l’estrille poulsigniere Plustout que le filz ne le pere Ung pouvre denier il prestast Voyre qu'ung beau mot [il] parlast !
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388
Mon denier serait resté dans ma bourse. Mais en définitive, j\'ai bien manœuvré ! Que Dieu et lui se partagent Ce denier là, si bon leur semble, Car ils n’obtiendront jamais davantage Si bien sachent-ils faire entendre leur voix,
Ni par des lamentations, ni par des cris. 592
Guillemette Comment a-t-il pu accepter de faire crédit Lui qui est un homme si méfiant ?
Maître Pierre Par sainte Marie,
396
400
J’ai tant fait l'éloge de sa famille Qu'il me l’a quasiment donné. Je lui glissai que son feu père Avait été un homme si brave. Et de m'écrier : « Ah ! frère, Quels bons parents vous avez eu ! » Et d'ajouter : « Vous appartenez à la famille Qui est le plus à louer des environs. » Mais je veux bien vouer ma vie entière à Dieu Si l’on me prouve qu'il n’est pas issu d’une lignée De la plus fieffée canaille Qui soit, je crois, en ce royaume ! Et de m’exclamer : « Ah ! Mon ami Guillaume,
408
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Comme vous ressemblez à votre feu père Aussi bien du visage que du reste ! Comme il faisait crédit Avec gentillesse et simplicité ! Vous lui ressemblez comme deux gouttes d’eau. » Toutefois on aurait plus facilement arraché Les ongles de la main, Au père comme au fils Plutôt que de leur faire faire crédit d’un malheureux denier,
416
Ou même prononcer une parole réconfortante !
58 Mais je l’ai tant doreloté Que le meschant si m'a presté Seix aulnes. Guillemete Voyre, a jamais randre ?
420
Maistre Pierre Ainsi le debvez vous entendre :
Len luy randra, mais le grant deable !
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Guillemete Il m'est soubvenu de la fable Du corbin qui estoit assis Sus une croys de cincq ou six Piez [de] hault, lequel tenoit Ung fromage au bec ; et venoit Ung regnart béant le fromage,
428
Et se pansa : « Comment l’arai ge ? ».
Lors se mist desobz le corbeau. [Ha ! Fist il, tant as le corps beau] Et le chant plain de melodie ! » 432
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Le corbin par sa cornardie Oiant Son chant ainsi vanter,
Si oupvrist le bec pour chanter Et son fromage chiet a terre Et Maistre Regnart si le serre A bonnes dens et l’en porte. Ainsi est il,jem'en faiz forte, Quar vous l’avez ainsi happé Par blasonner et attrappé ; Vous l’avez gruppé par tel(le) voye ! Maistre Pierre Il doit venir manger d’une ouaye.
50 Mais je l'ai tant flatté Que le méchant bougre m'a laissé Six aunes à crédit.
Guillemette Et en fait, à ne jamais rembourser ? 420
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Maître Pierre C’est ainsi que vous devez le comprendre : Par Satan, on ne les lui rendra jamais ! Guillemette Cela me rappelle la fable Du corbeau qui était assis Sur une croix de cinq ou six Pieds de haut et qui tenait En son bec un fromage ; arriva Un renard qui, louchant de convoitise vers le fromage, Se demandait : « Comment faire pour mien emparer ? » Alors il se plaça sous le corbeau. « Ah ! fitil, que ton plumage est beau, Et que ton chant est mélodieux ! » Le corbeau, bêtement En entendant ainsi vanter son chant,
Ouvrit le bec pour chanter Et son fromage tomba à terre. Et Maître Renard le saisit A belles dents et l’emporta. C’est ainsi que tout s’est passé, je le parierais, Car vous l'avez pareillement piégé et pris en défaut En chantant ses louanges ; C’est de cette manière que vous lui avez arraché le drap !
Maître Pierre Il doit venir manger de l'oie.
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444
Mais veez cy qu'il nous fauldra faire. Je suys certain qu’il vouldra boyre Pour avoir argent promptement.
J’ay songé bon appoinctement : Il conviendra que je me couche 448
Comme malade sur ma couche,
Et, quant il vandra, vous direz : « Ha | Parlez bas | » et gemyrez En faisant une chiere fade, 452
456
Et, ferez vous, « Il est malade Passé dix moys ou dix sepmaines. » Et se vous repont : « [C’est] trudaines Il vient d’avec moy tout venant ! » « Helas ! Ce n’est pas (tout) maintenant
Ferez vous, qu'il fault rigoller ! » Et le me ferez flagourner Quar il n’en ara aultre chose.
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Guillemete Par l’ame qui en moy repose, Je feroy tresbien la maniere. Mais se vous rechéez arriere, Que justice vous en repraigne,
Je me doubte qu'il ne vous praigne Pys la moytié que l’aultre fois !
Maistre Pierre Or paix ! Je sçay bien que je fay. Il fault fere ce que je dy. Guillemete
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Souvienne vous du Sabmedy
Pour Dieu, qu’on vous pilorisa ; Vous sçavez que on vous desprisa Et tout pour voustre tromperie. 472
Maistre Pierre Or lesson ceste baverie ;
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Mais voici ce qu'il nous faudra faire. Je suis certain qu'il voudra d’abord boire Pour avoir rapidement son argent. J’ai songé à une bonne farce : Il faudra que je me mette au lit Comme si j'étais malade, Et quand il viendra, vous vous écrierez : « Ah ! Parlez bas ! » et vous gémirez En vous composant un visage triste, Et vous lui direz : « Il est malade Depuis plus de dix mois ou dix semaines. » Et s’il vous répond : « C’est une plaisanterie : Il était avec moi il y a peu de temps ! » « Hélas, direz vous, ce n’est pas l’instant propice Pour débiter des balivernes ! » Et vous me l’abasourdirez de paroles Car il n’obtiendra pas autre chose. Guillemette
460
Par mon âme,
Je jouerai le jeu parfaitement.
464
Mais, si vous vous trahissez Et si la justice met à nouveau la main sur vous, Je ne serais pas étonnée que vous le payiez Deux fois plus cher que la dernière fois ! Maître Pierre Taisez vous ! Je sais parfaitement ce que je fais. Il faut agir comme je l'ai dit.
468
Guillemette Au nom de Dieu, souvenez vous du samedi
Où l’on vous mit au pilori ; Vous savez que l’on vous réputa infâme Et tout cela à cause de votre fourberie. 472
Maître Pierre Laissons ce bavardage ;
02 Comment que ce drappier demeure, Il vendra, je n’en garde l’euhre. Je mien voys coucher.
Guillemete Allez doncques. ;
476
Maistre Pierre
Mais ne riez point.
Guillemete Rien quelxconques, Mais ploureray a chaudes lermes. Maistre Pierre Il nous fault estre tous deux fermes
De paour qu'il ne s’en apercoive.
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Le drappier Je croy qu'il est temps que je boyve Pour m'en aller. Ha ! Non feray : Je doy boyre et si mangeray ‘ De De Et Je
l’oaye, par Sainct Mathelin, Maistre Pierre Patelin la je recepvray pecune. haperoy la une prune
A tout le mains sans rien despendre ! Ge y vays ;je ne puis plus actendre. Ho ! Maistre Pierre !
Guillemete Helas, sire Pour Dieu, se vous voulez rien dire, Parlez plus bas.
63 Quoique ce drapier tarde, Il viendra tôt ou tard. Je vais me coucher. Guillemette
Allez donc.
Maître Pierre
476
Mais ne riez pas.
Guillemette Pour rien au monde. Au contraire,je pleurerai à chaudes larmes. Maître Pierre Il nous faut à tous les deux jouer notre rôle avec maîtrise De peur qu'il ne s’aperçoive du subterfuge. 480
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Le drapier Je crois qu’il est temps que je boive un verre Pour me mettre en route. Ah ! Non pas : Je suis invité à boire et, de plus, Par Saint Mathelin, je mangerai de l’oie Chez Maître Pierre Pathelin ;
Et là je vais encaisser de l’argent. Et, pour le moins, je me mettrai quelque chose sous la dent Sans bourse délier ! Ty vais ;je ne peux plus attendre. Hola ! Maitre Pierre | Guillemette Hélas, sire,
Au nom de Dieu, si vous avez quelque chose à dire, Parlez plus bas.
64 Le drappier Dieu vous gard, dame. Guillemete 492
Helas ! Plus bas !
Le drappier Ou est vostre homme ? Guillemete Ha ! Sire ! Et ou doit il estre ?
Le drappier Qui...
Guillemete Ha ! Que c’est mal dit mon maistre !
496
Ou il est ? Et Dieu par sa grace Le saché ! Il garde la place. Ou est il ! Le pouvre martir Unze sepmaines, sans mantir…
Le drappier
De qui...
500
Guillemete Pardonnez moy :je n(e vous) ouse Parler hault ; je croy qu'il repouse. Il est un petit raplommé. Helas ! Il est tant assommé Le pouvre homme
!
Le drappier Qui ? Guillemete Maistre Pierre.
Le drapier Que Dieu vous garde, dame.
492
Guillemette Ah! Là,là ! Plus bas! Le drapier Où est votre homme ?
Guillemette Ah ! Sire ! Où pourrait-il être ? Le drapier
Qui
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Guillemette Ah ! Que vous manquez de tact ! Où il est ? Puisse Dieu dans sa grande bonté Le savoir ! Il est alité céans. Où il est ! Le pauvre malheureux, Voilà onze semaines, sans mentir.
Le drapier De qui...
Guillemette Pardonnez moi : je n’ose
500
Elever la voix ; je crois qu'il s’est assoupi. Il est un peu assommé. Hélas ! Il est si accablé de fatigue Le pauvre homme ! Le drapier Qui ? Guillemette Maitre Pierre.
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504
Le drappier Comment ! N'est il pas venu querre Seix aulnes de drap maintenant ? Guillemete Qui ? Luy !
508
Le drappier Il en vient tout venant N'a pas la moitié d’ung quart d’euhre ! Delivrez moy. Dea ! Je demeure. Mon argent sans plus reculler !
Guillemete Helas ! Pour Dieu, sans rigoller ! Le drappier Ça ! Mon argent ! Estes vous folle ? 512
Je vous dy en une parole Qu'il me fault neufz francs.
Guillemete Ha ! Guillaume,
516
520
Il ne fault point couvrir de chaume. Maintenant ce n’est pas mon cas ; Ne jectez yci voz brocars : Pas n’est siens que debvez jouer ! Le drappier Je puisse Dieu desavouer Dame, se je n’aroy neufz francs Du drap que j’ay baillé contens A Maistre Pierre. Guillemete Helas ! Sire,
Chascun n’a pas si fain de rire Comme vous, ne de flagourner.
67 504
Le drapier Comment | N’est-il pas venu chercher Six aunes de drap il y a peu de temps ? Guillemette
Qui ? Lui !
508
Le drapier Il en vient à l'instant Il n’y a même pas la moitié d’un quart d'heure | Payez moi. Diable ! Je perds mon temps. Mon argent sans plus attendre |
Guillemette Hélas ! Au nom de Dieu, je n’ai pas envie de rire !
512
Le drapier Ça ! Mon argent ! Etes-vous folle ? Je vous répète en un mot Qu'il me faut neuf francs.
Guillemette Ah ! Guillaume,
Il ne faut pas jouer l’imbécile. Pour l’heure, ce n’est pas mon cas ;
516
520
Cessez vos sornettes : Ce n’est pas céans que vous devez venir vous amuser ! Le drapier Dame, je veux bien renier Dieu Si je n’obtiens neuf francs Du drap que j'ai vendu comptant A Maître Pierre. Guillemette Hélas! Sire, Tout le monde n’a pas autant que vous envie de rire
Et de raconter des histoires.
68
524
Le drappier Ha ! Je vous pry, sans sejourner Par amour, faictes le venir. Ho ! Maistre Pierre !
Guillemete
Mesavenir
(+1)
Vous puissé ille cest meshuy |
528
Le drappier N'esse pas siens que je suys Ches Maistre Pierre Patelin ?
Guillemete Ouy. Le mau Saint Mathelin
532
Je prie a Dieu que brief vous tiene ! Parlez bas! Le drappier Le deable y avienne ! Et n'’oserai ge demander ? Guillemete A Dieu me puisse commander ! Bas, se ne voulez qu'il s’esveille. Le drappier
536
Quel « bas » ? Voulez vous en l’oreille
Ou dedans le puys ou la cave ? Guillemete He ! Dieu ! Que vous avez de bave !
Aufort, c’est tousjours vostre guise. 540
Le drappier Par le sancg Dieu que je m’avise Quant vous voulez que parle bas ;
Je n’ay que fere de debatz
(—1)
69
524
Le drapier Ah ! Je vous en prie, sans plus attendre, Demandez lui de venir ; faites cela pour moi. Ho ! Maître Pierre ! Guillemette Puissiez vous tomber Dans le malheur dès aujourd’hui même !
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532
Le drapier Ne suis-je pas ici Chez Maître Pierre ? Guillemette Oui. Que Dieu me fasse la grâce De vous frapper de folie ! Parlez bas ! Le drapier Par le diable, Devrais-je avoir peur de réclamer mon dû ? Guillemette Que Dieu me vienne en aide !
Plus bas, si vous ne voulez pas qu'il s'éveille.
Le drapier
536
Quel « bas » ? Faut-il vous le dire dans l’oreille, Dans le puits ou dans la cave ? Guillemette
Ah ! Dieu ! On ne peut vous faire taire ! Mais d’ailleurs c’est votre manière d’être habituelle.
540
Le drapier Par Dieu, il faut que je me maîtrise Puisque vous voulez que je parle bas. Je ne cherche pas à susciter des querelles :
10
544
Bouter :je ne l’ay point aprins. Vray est que Maistre Pierre a prins Seix aulnes de drap au jour d’huy Et puis si s’en est affouy De ches moy. Guillemete [Qu’esse cy ?] Quel prandre ?
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355
556
Ha ! Sire, que on vous puisse pandre Qui (en) ment ! Il est en tel parti Le pouvre homme, qu’il ne partit Du lit y a unze sepmaines. Me servez vous de telx trudaines Maintenant et de tel faisson ? Vous vouyderez de ma maison ; Par les angoesses Dieu, moy lasse ! Le drappier Vous dysiez que je parlasse Si bas. Saincte benoiste Dame, Vous errez !
Guillemete C’est vous, par mon ame Qui ne me parlez que de noayses !
560
Le drappier Dites, a(la)fin que je me voyse Poyez moy. Guillemete Parlez bas ! Ferez ?
Le drappier Mais vous mesme l’esveillerez : Vous parlez plus hault quatre foys
TL
544
Ce n’est pas mon genre. C’est vrai que Maître Pierre m'a pris Aujourd’hui six aunes de drap Et après quoi il s’est enfui De chez moi. Guillemette Quelle est cette histoire ? Comment
548
552
« prendre » ? Ah ! Sire, puisse-t-on pendre Celui de nous deux qui ment ! Il est dans un tel état Le pauvre homme, qu’il n’a pas quitté le lit Depuis onze semaines. Allez vous me sortir longtemps de telles absurdités Et persister dans votre comportement ? Vous allez sortir de ma maison ;
Par le calvaire du Christ, j'en ai assez |
556
Le drapier Vous me demandiez de parler Bas. Sainte Mère de Dieu, Vous perdez la tête !
Guillemette C’est vous, par mon âme Qui ne faites que me chercher querelle ! Le drapier
560
Allez ! Payez moi
Afin que je m'en aille. Guillemette Allez vous vous taire ! Oui ?
Le drapier
Mais c’est vous même qui allez le réveiller : Mordieu ! Vous parlez quatre fois plus fort
2 564
Par le sancg bieu, que je ne fayz | Je vous requier qu’on se delivre.
Guillemete Et qu'’esse (ce)cy ? Estes vous isvre Ou hors du sens ? Dieu noustre pere ! 568
Le drappier Dame, bon gré en ait Sainct Pere, Veez cy une belle demande ! Guillemete Parlez bas ! Ferez ?
Le drappier Je demande 572
Pour seix aulnes, bon gré Sainct George, De drap, Dame...
Guillemete On les vous forge ! Mais a qui les av'ous baillé ?
Le drappier A luy. Guillemete Il en est bien taillé
D'avoir drap ! Helas, il ne hobe ! 576
Il n’a nul mestier d’avoir robe : Jamais robe ne vestira Que de blanc, ne ne partira
Dont il est fors les piez devant. 580
Le drappier C’est doncq puis le soulleil levant Quar j’ay parlé o luy sans faulte.
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Queje ne le fais !
Je vous en conjure, règlons cette affaire. Guillemette Et quoi encore ! Etes vous ivre Ou hors du sens ? Seigneur Dieu ! 508
Le drapier Dame, puisse saint Pierre le prendre en bonne part, Voilà une question qui ne manque pas d’aplomb ! Guillemette Allez vous enfin vous taire ! Oui ?
372
Le drapier Par saint Georges, Pour six aunes de drap, dame, Je réclame. Guillemette Que voulez vous que cela me fasse !
Mais à qui les avez vous données ? Le drapier A lui.
576
Guillemette Il est bien en état De se soucier de drap ! Hélas, il est sans vie ! Il n’a nul besoin de robe : Jamais il ne portera de robe Autre que blanche et ne partira D'où il est autrement que les pieds devant.
580
Le drapier Cela lui est donc arrivé récemment
Car sans mentir j'ai parlé avec lui.
14 Guillemete Vous avez la voez si treshaulte ;
Parlez plus bas en cherité.
584
Le drappier Mais c’est vous, par ma verité, Vous mesme, en sanglant estraine ! Par mon serment, veez cy grant paine ! Qui me poiast, je m'en allasse.
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Par Dieu, oncques que je prestasse Je n’en trouvé guere aultre chose ! Maistre Pierre Guillemete, un peu d’eau rose ;
one
Chauffe moy, frotez moy darriere. A qui parlé ge ? Hau ! Loudiere, A boyre ! Frote moy la plante. Le drappier Je l’ay ouÿ ! Guillemete Voyre !
596
Maistre Pierre Ha ! Meschante, Mais dy moy qui t’a fait ouvrir Ces fenestres ? Vien (a) moy couvrir. Oustez ces gens | Hau ! Mamoura
[Qua]ry mari quary mara Amenez les moy ! Amenez !
600
Guillemete Comment vous vous demenez ! Estes vous hors de voustre sens ? Maistre Pierre Tu ne sens pas ce que je sens.
(-1)
75 Guillemette Vous avez la voix si aiguë : Parlez plus bas, de grâce. Le drapier 584
Mais, c’est vous, aussi vrai que je le dis, Vous même, nom d’un chien !
Par ma foi, c’est pénible ! Si on me payait, je partirais.
588
Par Dieu, toutes les fois où j'ai fait crédit Il n’en est pas résulté autre chose ! Maître Pierre Guillemette, un peu d’eau de rose ; Chauffe moi, frotte moi le dos.
592
A qui est-ce que je parle ? Ho ! Vieille garce, A boire ! Frotte moi la plante des pieds. Le drapier Je l’ai entendu ! Guillemette
Évidemment ! Maître Pierre Ah ! Méchante
Mais dis-moi qui t’a fait ouvrir
596
Ces fenêtres ? Viens me couvrir.
Chassez ces gens ! Ho ! Mamoura Carimari, carimara Amenez les moi | Amenez |
600
Guillemette Comme vous vous démenez |
Avez vous perdu la raison ? Maître Pierre Tu ne sens pas ce que je sens.
76
604
Je voy ung homme noir qui volle ! Prans le ! Baille luy une estolle ! Au chat ! Au chat ! Comment il monte ! Guillemete Et qu’esse (ce)cy | N’av’ous pas honte | Il a le serveau al(e)teré.
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612
Maistre Pierre Ces fusiciens m'ont tué De brevaiges qu’ilz m'ont fait boyre Et toutesfoys il les fault croyre : I1z en eupvrent comme de cire. Guillemete Pour Dieu, venez le voir, beau sire : Il est si tresmal pastient ! Le drappier Est il malade a essient,
(De)puis enuyt qu'il vint de la foyre ? Guillemete
616
De la foyre ? Le drappier Par Sainct Jehan, voyre : Je scay bien qu’il y a esté. De mon drap que vous ay presté Il m'en fault l'argent, Maistre Pierre.
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Maistre Pierre Ha ! Maistre Jehan, plus dur que pierre J’ay chié deux petites crotes Qui sont rondes comme pelote. Prandrai ge ung aultre clisetere ?
#7
604
Je vois un homme noir qui vole ! Attrape-le ! Donne lui une étole ! Au chat ! Au chat ! Comme il s’élève ! Guillemette Qu'est-ce que c’est que cette comédie | N'avez-vous pas honte ! Il a le cerveau atteint.
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612
Maître Pierre Ces médecins m'ont tué Avec les remèdes qu'ils m'ont fait boire Et pourtant il faut leur faire confiance : Ils agissent de manière parfaite Guillemette Au nom de Dieu, venez le voir, sire, Il est bien mal en point !
Le drapier Est-il opportunément tombé malade Depuis ce matin qu'il est revenu du marché ? Guillemette
616
Du marché ?
Le drapier Par Saint Jean, oui : Je sais bien qu’il y est venu. Il me faut l’argent du drap Que je vous ai cédé à crédit, Maître Pierre.
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Maître Pierre Ah ! Maïtre Jean, j'ai chié deux petites crottes Dures comme des pierres Et rondes comme des pelotes. Me faut-il prendre un autre clystère ?
18
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Le drappier Et que scay ge | Qu’en ay ge a fere ? [Ça ! Mes] neufz francs. ou seix escuz. Maistre Pierre Ces troys morceaulx noyrs et becuz,
— Les appellez vous pillouëres. — 628 : [1z m'ont rompu les maschouëres | Pour Dieu, ne m'en faictes plus prandre, Maistre Jehan ; ilz m'ont faict tout randre
Quar il n’est chose plus amere.
632
Le drappier Par l’ame du filz de mon pere, Mes neufz francs me seront renduz !
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640
Guillemete Par my le coul soyent panduz Teulx gens qui sont tant empeschables ! Hallez hors, de par toz les deables Quant de par Dieu ne puissé estre | Le drappier Par celluy Dieu qui me fist naistre, J’auray mon drap ains que je fine Ou mes neufz francs.
Maistre Pierre Hé ! Mon orine Vous dit elle point que je meure ? Helas, pour Dieu, quoy qui demeure, Que je ne passe point le pas.
644
Guillemete Allez vous en ! Et n’esse pas Mal fait de luy tuer la teste ?
624
Le drappier Que sais-je | Qu'en ai-je à faire ? Vite ! Mes neuf francs... ou six écus.
Maître Pierre Ces trois petites choses noires et pointues,
628
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636
640
— Comment les appelez vous déjà, des pilules — Elles m'ont abimé les mâchoires. Au nom de Dieu, ne m'en faites plus prendre, Maître Jean ;elles m'ont fait tout vomir | Car il n’y a rien de plus amer. Le drapier Je jure sur la tête du fils de mon père Que mes neuf francs me seront payés.
Guillemette Des gens pareils qui sont aussi collants Devraient être pendus haut et court ! Sortez, de par tous les diables, Puisque cela ne peut être de par Dieu !
Le drapier Par le Dieu qui me fit naître, Avant de partir, j'aurai mon drap Ou mes neuf francs. Maître Pierre Hé ! Mon urine Ne vous dit-elle pas que je meurs ? Hélas ! Pour Dieu, quoi qu'il arrive, Faites que je ne trépasse pas.
644
Guillemette Allez vous en ! N'est-ce pas une vilaine chose Que de lui casser la tête ?
80 Le drappier Damedieu en ai(s)t bonne feste | Seix aulnes de drap... maintenant
048
Dites, esse chose advenant
Par voustre foy, que je les perde ?
652
Maistre Pierre Peussiez vous esclercir ma merde Maistre Jehan, elle est si tresdure Que je ne scay comme je dure Quant elle me sort du fondement.
Le drappier Il me fault neufz francs rondement Que bon gré Sainct Pierre [de] Rome...
656
Guillemete Helas ! Lessez en paix cest homme ! Il pert bien que vous estes rude | Vous voyez vroyement qu'il cuide Que vous soyez fusicien.
660
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Par Dieu, le pouvre crestien A assez de male mescheance : Unze sepmaines sans laschance A esté illec, le pouvre homme ! Le drappier Par mon serment, je ne scay comme Cest accident est sourvenu, Quar maintenant il est venu A la fayre, comme il me semble
668
Et avon marchandé ansemble.… Ou je ne scay qui ce peut estre. Guillemete Par mon serment, mon tresdoulx maistre,
Vous n'’estes pas en bon memoyre.
(F1)
81
048
Le drapier Dieu me le pardonne ! Six aunes de drap... maintenant Dites-moi franchement : est-ce convenable Que je les perde ?
Maître Pierre Si seulement vous pouviez ramollir ma merde Maître Jean ; elle est tellement dure
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Que je ne sais comment supporter la douleur Quand elle me sort de l’anus.
Le drapier U me faut neuf francs et vite Car par saint Pierre de Rome...
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Guillemette Hélas ! Laissez cet homme en paix ! Vous montrez bien là votre esprit obtus et votre manque de cœur ! Vous voyez bien qu'il croit Que vous êtes médecin. Par Dieu, le pauvre chrétien A assez de malheur : Voilà onze semaines, sans un instant de répit, Que le pauvre homme est couché dans cet état !
Le drapier Sur ma tête, je ne comprends pas comment Cet accident a pu se produire, Car, il y a peu de temps, il est venu Au marché, je ne crois pas rêver, Et nous avons fait affaire ensemble. Ou alors je ne sais pas qui ce peut être. Guillemette Je vous affirme, mon très doux maître, Que vous n'êtes pas en possession de tous vos esprits.
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Certes, se [vous] me voulez croyre, Vous iriez ung pou repouser. Moult de gens pourroient supposer Que [vous] vendriez pour moy siens. Allez hors ! Les fusiciens Vendront yci tot en presence ; Je n’ay cure que on y panse
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En mal quar je n’en pance point.
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Le drappier Ha ! Bon gré Dieu ! Suy ge en ce point ? Par le sancg bieu,je le cuidoye… Encore : n’avez vous point d’oaye Au feu ?
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Guillemete Ha ! Quel(le) [belle] demande ! Vous scavez, ce n’est pas viande Pour mallades, mafn ]ger vos oayes ; Allez, Dieu vous doint malles joayes !
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Vous estes sot, bejaune, nise : J’ay paour que Dieu ne vous pugnisse De mener yci telle noayse.
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Le drappier Je vous pri qu’il ne vous desplaise Quar je le cuidoye fermement. Encore. Par le sacrement De Dieu, je m’y en voys scavoir : Je scay bien que je doys avoir Seix aulnes tout en une piesse Mais ceste femme me despiesse
De tous points mon entendement.… Il les a eues, par mon serment | Non a ! Il ne se pourrait joindre :
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Certes, si vous vouliez m'en croire, Vous iriez vous reposer un peu. Bien des gens pourraient penser
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Sortez ! Les médecins Vont arriver très bientôt Et je ne voudrais pas que l’on interprète votre présence En mal car moi-même n'ai aucune arrière pensée.
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Ah ! Bon Dieu ! Suis-je en cet état ?
Que vous venez ici pour moi.
Le drapier Mordieu ! Je le croyais. Un mot encore : n’avez vous pas d’oie Sur le feu ?
Guillemette Ha ! Quelle question ! 684
Vous savez, manger d’une telle volaille,
Ce n’est guère une nourriture pour malades ! Allez, et que Dieu vous donne votre part de malheur ! 688
Vous êtes un niais, un sot, un imbécile : Je crains fort que Dieu ne vous punisse
De faire ici un tel scandale. Le drapier Je vous prie de ne pas le prendre en mal Car je le pensais véritablement.
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Encore un mot... Par le Saint Sacrement,
Je vais aller vérifier pour avoir le fin mot de l’histoire : Je sais bien que je dois avoir Six aunes de drap en une seule pièce Mais cette femme m’embrouille Totalement l'esprit. Il les a eues, je pourrais le jurer | Et non ! Cela ne pourrait concorder :
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J’ay veu la mort qui le vieult prandre… Ou au mains, il le contreffaict ! Et si a ! Il les print de fait Et les mist dessoubz son esselle… Par Saincte Marie la belle Non a ! Je ne scay que je songe : Je n’ay point aprins que je donge Mes draps en dormant n’en veillant A nul, tant soit mon bien veillant !
Je ne les eusse point acreuz. Par le sancg bieu, il les à euz | Par la mort bieu, non a ! Ce tien ge ! Que deable ! Et a coy en vien ge ! Si a ! Par la sancg noustre Dame, Meschoir peult il de corps et d’ame ! Que je scoy que seroit a dire Qui a le meilleur ou le pire ! Dieu ayde moy, je n’y voy goucte ! Maistre Pierre Sen est il allé ?
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Guillemete Paix ! J’escoute. Il s’en va si fort quaquetant ; Je ne scoy quoy qu'il va disant. Il semble qu'il doyt crever ! Maistre Pierre Il n’est pas temps de me lever ? Comment est il venu a poinct !
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Guillemete Je ne scay s’il reviendra point ; Il vault mieulx ne bouger encore. Veez le cy ! Ne bousgé ore ! Mon fait seroit tout frivolé
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Jai vu la mort qui vient le chercher. Ou, au moins, il fait semblant d'étre dans cet état ! Et si, il les a ! Il les a prises réellement Et les a mises sous son aisselle… Par la Vierge Marie, Ce n’est pas possible ! Je ne pense pas rêver : Je n'ai pas coutume de donner Mon drap ni en rêve ni en réalité A quiconque, si sympathique qu’il me soit | Si seulement je ne les avais pas données à crédit. Par le sang du Christ, il les a eues ! Et mordieu, non ! J’en suis persuadé ! Que diable ! Et à quelle extrémité j’en arrive ! Mais si, il les a ! Par la Vierge Marie,
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Puisse-t-il être perdu corps et âme ! Si seulement je pouvais aboutir à une conclusion Et savoir où est le vrai et où est le faux ! Seigneur Jésus aide-moi, je n’y comprends rien | Maître Pierre
Est-il parti ?
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Guillemette Silence ! J'écoute. Il part en marmottant si fort ; Je ne sais ce qu’il raconte. Il donne l’impression de vouloir rendre l'âme | Maître Pierre N'est-il pas temps de me lever ? Comme il a été bien dupé !
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Guillemette Je ne sais s’il reviendra ; Il vaut mieux ne pas bouger encore. Le voilà ! Ne bougez pas ! Ma comédie deviendrait superflue
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Certes s’il vous trouvoyt levé ! nonnnsnnsnenenenses
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Maistre Pierre Sainct George Qu'est il venu a bonne forge, Luy qui estoit si mescroyant ! Il est en luy trop mieulx séant Qu'’ung crucifix en ung moutier | Guillemete A tel ort et [vil] putonnier Onc lart en poix ne fust si bien ! Avoy ! Dea ! Il ne faisoit rien Sur sepmaine comme aux dimanches
Maistre Pierre AS Dieu, de l’amarry(é) tranches ! N
[Et]ne ry point : s’il retournoit.… 740
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Guillemete De rire ! Et qui s’en tendroit ? Par mon serment, je ne saroye ! Le drappier Or, par le sainct soulleil qui raye, Je retourneray, qui qu’en grousse Chez tel advocat d’eaue rouse. He ! Dieu ! Quel retrayeur de rantes Que ses parens et ses parentes Luy avoient vendu ! Quel lecherre ! Il a eu mon drap, par Sainct Pere ! Je luy baillé en ceste place !
Guillemete Quant me souvient de la grimasse
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Certes, s’il vous trouvait levé ! Ne bougez pas !
Maître Pierre Par saint Georges, Il a frappé à une bonne porte, Lui qui était de si mauvaise foi ! La leçon lui convient aussi parfaitement Qu'un crucifix à une église | Guillemette A un tel infâme débauché Jamais leçon ne convint si bien !
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Sûr ! Que Diable ! Jamais il ne s’est montré
charitable Pas plus en semaine que le dimanche. Maître Pierre Au nom de Dieu, cesse de parler de ce pauvre malheureux chagriné ! Et ne ris pas : s’il revenait...
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Guillemette Rire ! Et qui pourrait s’en retenir ? Par ma foi,je ne peux pas !
Le drapier Par la lumière céleste, Quoi qu’on en dise, je retournerai Chez cet espèce d’avocat à l’eau de rose. Hé ! Dieu ! Un beau rembourseur d'emprunt
Que ses parents et parentes Lui auraient consenti ! Quel trompeur ! Il a eu mon drap, par Saint Pierre ! Je le lui ai donné ici même ! Guillemette Quand je me souviens de l’air
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Qu'il faisoit en vous regardant | Avoy ! Il estoit si ardent De demander. Maistre Pierre Or paix, riasse ! Je reny bieu ! — Que ja ne fasse — S’il advenoit qu'il vous ouÿst Il vauldroit mieulx qu’on s’en fouist. Il est si tresrebarbatif ! Le drappier Et cest advocat po(r)tatif A troys lessons et troys pseaulmes Tient yci les gens pour becsjaunes ! Il est, par Dieu, aussi pandable Comme ung petit blanc est prenable ! Il a mon drap ou j'avoue Dieu : Je luy bailloy en cest lieu. Hola ! Ou estes vous fouÿe ? Guillemete Par mon serment, il m’a ouÿe | Maistre Pierre Ne vous chault ! Allez la. Allez !
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Je feroy semblant de resver.
Le drappier Vous en ryez,maugré ma vye |
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Guillemete De quoy cuidés vous que je rye ? Il n’a si doulente en la feste : Il s’en va ! Oncques tel tempeste N'ouystes ne tel frenaysie. Il est entré en fantasye ; Il chante, il crye, il barboulle,
89 Qu'il avait en vous regardant |
UZ
Coquin de sort ! Il était si obnubilé Par son règlement.
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Maître Pierre Suffit, espèce d’écervellée | Nom de Dieu ! — Puisse cela ne jamais se produire — S’il arrivait qu’il vous entende On n'aurait plus qu’à prendre la fuite. Il est tellement peu commode ! Le drapier Cet espèce d’avocat véreux De troisième zone Prendil les gens pour des imbéciles | Par Dieu, il mérite autant la corde Que la moindre piècette mérite d’être ramassée !
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Il a mon drap ou je me fais moine : Je le lui ai donné en ce lieu. Holà. Ou êtes vous passée ? Guillemette Ma parole ! II m'a entendue |
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Maître Pierre Ne vous faites pas de souci ! Allez lui ouvrir. Allez ! Je ferai semblant de divaguer. Le drapier Vous riez de moi, coquin de sort !
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Guillemette De quoi pensez vous que je rie ? Il n’y a pas si malheureuse que moi sur cette terre : Il se meurt ! Jamais vous n'avez vu Une telle agitation ni entendu un tel chahut. Il délire ;
Il chante, il crie, il tient des propos si incohérents
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Tant de langaiges il fatroulle Qu'il ne vivra pas demye heure. Par ceste ame,je rye et pleure Tout ensemble.
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Le drappier Ne scay quel rire Ne quel plourer ! Pour bref vous dire, Il fault queje soye poyé ! Guillemete Comment ! Estes vous desvoyé ?
[Vous] recommencez vostre verve ! 784
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Le drappier Je ne ay cure que l’on me serve De tel motz en mon drap vendant. Me voulez vous faire entendant De vecies que ce sont lanternes ?
Maistre Pierre Or ça ! La royne des quinternes Tantost qu’elle me soit aprouchée ! L'on m'a dit qu’elle est acouchée De quatre petits quinterneaulx Enffans de l’abbé de Diteaux. Il me fault estre son compere |
Guillemete Helas ! Pansez en Dieu le pere Mon amy, [non pas]en quinternes |
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Le drappier Ha ! Quel bailleur de ballyvernes ! Or sus ! Venez ça que je soye Poyé en or ou en monnoye De mon drap que vous avez prins.
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Et mélange tant de langages Qu'il est clair qu’il ne vivra pas plus d’une demie heure. Sur mon âme,je ris et pleure Tout à la fois. Le drapier Je ne veux pas savoir si vous riez Ou si vous pleurez ! Pour me résumer en deux mots:
Il faut que je sois payé ! Guillemette Comment ! Etes vous fou ? Vous recommencez votre bavardage !
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Le drapier Je n’ai cure que l’on me paie De tels propos quand je vends mon drap. Voulez-vous me faire prendre Des vessies pour des lanternes ? Maître Pierre Holà ! La Mere Basoche, Vite, qu’elle vienne à mon secours | On m'a dit qu’elle avait accouché De quatre joyeuses troupes de mirelorets,
Fils de l’Abbé de Diteaux. Il me faut être son compère | Guillemette Hélas, mon ami, pensez à Dieu Et non pas à des compagnies joyeuses !
Le drapier
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Ah ! Quel inventeur de balivernes !
Passons aux choses sérieuses ! Approchez un peu et que je sois Payé en or ou en menue monnaie Pour le drap que vous m'avez pris.
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Guillemete Helas, se vous avez mesprins Une foys, ne suffist il mye ? Le drappier Savous qu'il est, ma doulce amye ? Pour Dieu, or me veillez entendre.
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Mydieu ! Ne scay quel mesprandre ! Quel tort foy ge, se je vien Ceans pour demander le mien ? Que bon {gré |Sainct Pere de Rome...
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Guillemete Helas, lessez en paix cest homme ! Par ceste pecheresse, lasse, Se j’eusse ayde, je vous lyasse : Vous estes trestout forsenné ! Le drappier Haro ! J’enraige se je n’ay Mon argent ! Guillemete Quelle nyceté ! Seignez vous, benedicité ! Faictes le signe de la croiz.
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Le drappier Or regny(e) ge Dieu se je croy De l’annee drap ! Quel malade ! Maistre Pierre Mere de Dieu, la couronade, Par ma vye,je m'en vueil alar,
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Or regnye ge beufz, oultre mar. Ventre de Dieu ! Ce dit gorgone ; Chascun crabe quabonne. As tu entendu beau cousin ?
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Guillemette Mon Dieu, si vous vous êtes trompé Une fois, cela ne suffit-il pas ? Le drapier Savez-vous ce qui en est, ma bonne dame ? Pour Dieu, maintenant écoutez-moi.
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Bon Dieu ! Je ne sais de quelle méprise il s’agit ! Quel tort vous fais-je en venant Céans réclamer mon dû ? Par saint Pierre de Rome...
Guillemette Enfin ! Laissez cet homme en paix ! Foi de malheureuse pécheresse que je suis, Si j'avais de l’aide, je vous aurais ligoté : Vous avez complètement perdu la tête ! Le drapier Juste Ciel ! Je vais devenir enragé si je n’ai pas Mon argent !
Guillemette Quel égarement ! Signez vous, bénédicite ! Faites le signe de la croix.
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Le drapier Je veux bien renier Dieu si jamais je vends à crédit De toute l’année ! Quel malade !
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Maître Pierre (Sainte Mère de Dieu couronnée entre toutes, Sur ma vie, je veux sortir De ce mauvais pas, ou je renie Dieu ! Sacrebleu ! Je rappelle en jargon ce dicton : Un bon fripon vient à bout de n’importe qui. As-tu compris, beau cousin ?)
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Guillemete Il eut ung oncle lymousin Qui fut frere de sa belle ante. C’est ce qui le fait,jem’en vente, Jergoner en lymousynois. Le drappier Il s’en vint tout en tapinays Et-mis mon drap soubz son esselle. Maistre Pierre Venez ça, doulce damoyselle. Mais que veult ceste crapaudaille ? Tapez, tapez sur sa merdaille ! Or ça ! Je veil devenir prestre… Que le grant deable y puysse estre En sa crapaude preterie ! Hen ! Faut-il que le prestre rye Quant il doit chanter sa messe ?
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Guillemete
Helas, Hélas ! L’euhre s’apreche Qu'il vieult son derrain sacrement.
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Le drappier Mais comme parler proprement Picart ? Dont vient sa coquardye ?
Guillemete Sa mere fut de Picardye : Pour ce le parle il maintenant. Elle avoit nom Ysabelot. Maistre Pierre Vy my trot, ly gentil fallot Ye bigot et brelare ! Honoston que n’arage d’irre :
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Guillemette Il eut un oncle limousin Qui était frère de sa grand tante. C’est ce qui, je crois le savoir, Le fait jargonner en patois limousin. Le drapier Il est venu sournoisement Et a mis mon drap sous son aisselle.
Maître Pierre (Approchez, douce demoiselle. Mais que veut cette canaille ? . Tapez, tapez sur ce merdeux ! Vite | Je veux devenir prêtre. Le grand diable puisse se mêler De sa saloperie de commerce ! Zut ! Faut-il que le prêtre rie Alors qu'il devrait officier |) Guillemette
Hélas, Hélas ! Le moment approche Où il voudra son dernier sacrement.
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Le drapier Mais comment peut-il parler aussi bien Picard ? Comment expliquez-vous son dérangement mental ?
Guillemette Sa mère était de Picardie : C’est la raison pour laquelle il le parle maintenant. Elle s'appelait Ysabeau. Maître Pierre (Regardez ma dupe, le gentil compagnon Que j'ai dépouillé ! Peu s’en faut qu'il n’étouffe de colère :
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Com maine de belle sepit ! Ly Sainct George fut grant despit ! Moy luy drainnac grant tas Fety venir messire Thomas Bigot, quy me confessera.
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Le drappier Et comment ! Il ne cessera Huy de parler divers langaiges ! Au mains qui me baillast mes gaiges Ou mon argent, je mien allasse. Par Dieu, oncques que je prestasse Il ne m’en print bien, c’est la somme |
Guillemete Par mon serment, je ne scay comme Vous estes si fort ostiné.
Maistre Pierre De cha ! Renouart au tiné ! Chu marme n'est-il a ia rue ? Men quien, men quat et ma quarue, Ma querete et ma grant choucque, Ung escarbot et une mousque ;
Par l’arme Dieu de quarantran En chu boc dongny d’autan. Par ce mor, je ne pas menty ; Je ung golet de porc ha y C’est une bonne guerbonnee A la bonne galunafiee ; Et du chidre ou du peré Mydieux men frere, j'en beré, Par che mor, une bonne foys | Le drappier Comment il peut porter le fays
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Comme il se démène ! Par Saint Georges ce fut un beau coup ! Je l’ai roulé dans les grandes largeurs. Faites venir Messire Thomas, Par Dieu, qui me confessera.) Le drapier Et comment ! Il ne vas pas s'arrêter Aujourd’hui de parler divers patois ! Au moins, si on me donnait mes gages Ou mon argent, je m’en irais. Par Dieu, chaque fois que j’ai vendu à crédit Il ne m’en est jamais advenu de bien : c’est la conclusion à en tirer.
Guillemette Ma parole, je ne peux comprendre Que vous soyez aussi obstiné ! Maître Pierre (Holà ! Renouart au tinel ! Ce vieux singe n’est-il pas encore dehors ?
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Mon chien, mon chat et ma charrue, Ma charrette et mes grands sabots,
Une bonne plaisanterie et un imbécile pour se laisser prendre ; Par l’âme du Dieu de Carnaval, Je lui en ai mis plein la vue. Par Saint Maur,je ne mens pas ; J'ai une hure de sanglier : C’est une bonne grillade Pour une ripaille ; Et du cidre et du poiré. Sacrebleu, mon frère, j'en boirai Une bonne lampée, par Saint Maur !) Le drapier Comment peut-il supporter
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De tant parler ! Las ! Il s’affolle !
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Guillemete Celuy qui l’aprint a l’escolle Estoit norment et se devient A la fin il luy en souvient. Il s’en va !
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Le drappier Ah ! Saincte Marie Veez cy la plus grant resverye Ou je fuz oncques mais bouté ! Jamais ne me feusse doubté Qu'il n’eust huy esté a la fayre | Guillemete Vous le cuidiez ?
Le drappier Sainct Jacques, voyre ! Mais j’aperscoys bien le contraire.
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Maistre Pierre Cheta ung gasec que jous bien ! Ja you peurs trou Maria De damez pigalo y a Enbado mei mechanse errpen Que meredol a huy enten Laquet dame ung men cadré Debiet tuet dedans la madré Maydi nemo en ho huy En rebre en fery Dy bret ean à tu mons tu bran Fut la chemin ala dynan ! Ne font il pas ung beau hopy ? Le drappier Alas ! Pour Dieu, entendez y :
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De tant parler ? Hélas ! Il perd le sens ! Guillemette Celui qui lui enseigna à l’école
Était normand : aussi arrive-t-il 880
A la fin qu’il s’en souvienne. Il meurt !
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Le drapier Ah ! Sainte Vierge, Voici le délire le plus extraordinaire Auquel il m'a jamais été donné d'assister | Jamais je ne me serais douté Qu'il ne se trouvait pas au marché aujourd’hui.
Guillemette Vous le pensiez ? Le drapier Par saint Jacques, oui ! Mais je constate le contraire.
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Maître Pierre (Voilà une réflexion qui me soulage ! Sainte Marie, j'ai eu peur Que cette bonne dupe M'envoie une convocation au tribunal Car il est aujourd’hui d’humeur noire ! Ma bonne commère Doit mourir de rire de voir sa tête ! Personne ne m'a aidé, mais il a eu aujourd’hui Son regain de mystification. Chacun devrait t'envoyer paître ! Prendz la porte ! Va à Dinan ! Ne font-ils pas un beau tapage ?)
Le drapier Hélas ! Au nom de Dieu, regardez le :
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ll s’en va ! Comme il gargoulle ! Mais que deable esse qu’il bardoulle ? Saincte Dame, comme il barbote ! Or, par mon serment, il radote Ses motz tant qu’on n’y entent rien ; Il ne parle pas crestien
Ne nul langage que affiere.
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Guillemete Ce fut la mere de son pere Qui fut atroite de Bretaigne. Il se meurt : cecy nous enseigne Qu'il fault les derrains sacremens Et fault avoir les vestemens Pour chanter « ora pro nobis ». Maistre Pierre Et bona dies sit vobis Pater reverendissime Pater metüandissime. Quomodo vobis ? Quel nova ? Parysyus non sont ova. Qui petit iste marquator ?
Dicat sibi quod trufflator, Ille qui in lecto jacet, Vult ei dare si placet De auca ad comedendum Si sic bona ad edandum Peti sibi : si est mora ! Guillemete Par mon serment, il se mourra
Tout en parlant ! Il se define ! Ne veez vous comme il latine
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Haultement la divinité ! Or s’en va son humanité. Aussi demoure povre et lasse.
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Il se meurt ! Comme il bredouille ! Mais que diable baragouine:t-il ? Sainte Mère, comme il marmotte entre ses dents !
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Vraiment, par ma foi, il mange Tant ses mots qu'on n’y comprend rien ; Il ne parle pas un langage de chrétien Ni nul patois connu. Guillemette C'était la mère de son père Qui était originaire de Bretagne. Il se meurt : ceci nous rappelle Qu'il lui faut les derniers sacrements
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Et il faut l’habiller Pour chanter « ora pro nobis ». Maître Pierre (Que ce jour vous soit propice Père très aimé,
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Père très redouté. Comment allez-vous ? Quelles sont les nouvelles ? Les parisiens ne sont pas des niais. Que demande ce marchand ? Il se dit en lui-même qu’un trompeur,
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Celui là même qui git dans ce lit Voulait lui offrir, si cela lui plaisait, De l’oie à manger !
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Et puisqu'il en a l’eau à la bouche. Expédie-le : il en est temps |) Guillemette Sur ma tête, il va mourir
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En parlant ! Il se meurt ! Ne voyez vous pas comment il s’adresse en latin A la divinité céleste ! Son dernier souffle s’épuise. Et je reste seule dans le malheur.
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Le drappier Il feust temps que je men alasse Ensieux qu'il eust passé le pas. Je doubte qu'il ne veille pas Vous dire a son trespassement Davant moy si segretement Auchuns secrets par avanture. Pardonnez moy quant je vous jure, Et le cuidoie, par ceste ame,
Qu'il eust [eu] mon drap. Adieu dame. 940
Pour Dieu, qu’il me soit pardonné.
Guillemete Le benoist jour vous soit donné ! Si est il a pouvre doulente.
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Le drappier Par Saincte Marie la gente, Je m'en voys bien esbaubely ! Le grant deable en lieu de luy A prins mon drap pour me tanter. Benedicite ! Qu'’atanter Ne puissé ille ma personne |
Et puis qu'’ainsi va, je le donne Pour Dieu, a quelxconques l’a prins. Maistre Pierre
Or ça ! Vous ay ge bien aprins ?
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Or s’en va il le beau Guillaume ? Guillemete
Et Dieu ! Qu'il a soubz son heaume De menues conclusions !
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Maistre Pierre Moult luy viendra d’avisions Par nuyt quant il sera cousché.
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Le drapier Il serait temps que je m'en aille Avant qu’il ne trépasse. Je suppose qu'il serait gêné Au moment de rendre l’âme, pour parler Intimement devant moi De quelque éventuel secret. Pardonnez-moi de vous avoir affirmé — Par mon âme, je le pensais — Qu'il avait mon drap. Adieu, dame. Au nom de Dieu, qu’on me pardonne. Guillemette Puissiez-vous aller au Paradis ! Qu il en soit ainsi P pour une P pauvre malheureuse.
Le drapier
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Par sainte Marie, Je m'en vais bien ébahi !
Le grand diable s’est substitué à lui Et a pris mon drap pour me tenter. Benedicite ! Puisse-t-il ne pas attenter A ma vie | Puisqu'’il en est ainsi, je l'abandonne Pour Dieu, à qui l’a pris.
Maître Pierre Alors ! Ne vous ai-je pas bien guidée ? N'a-t-il pas été déconfit, le beau Guillaume ? Guillemette Et, par Dieu, il emporte sous son bonnet Un rébus incompréhensible !
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Maître Pierre Il en rêvera plus d’une fois La nuit, quand il sera couché.
104 Guillemete Mais comme(nt) a il esté mousché ! Nay ge pas bien fait mon debvoyr ?
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Maistre Pierre Par le corps Dieu, a dire voir Vous y avez tresbien ouvré. AU mains avon nous recouvré Assez drap pour avoir des robes ! Le drappier Ha ! Dea ! Chascun me paist de lobes Et emporte tout mon avoir, Et prennent ce qu’ilz pouent avoir | Or suy ge le roy des meschans ! Mesme les bergers de mes champs A qui j’ay longtemps fait du bien, Me cabassent et ont le mien ! Pas ne m'ont fait cecy pour neant : I1z en vendront en jugement,
Par la benoiste Couronnée ! Le bergier Dieu vous doint tresbonne journee Et bon vespre, mon seigneur doulx |
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Le drappier Estes voz la, garson ordoux ! Quel bon varlet ! Mais a quoy bon faire ? Le bergier Mais qu'il ne vous veille desplaire, Ne scay quel vestu de royé, Mon bon seigneur, tout desvoyé, Qui tenoit ung fouet sans corde, M'a dit... mais je ne me recorde, Par Sainct Jacques, que ce peult estre… Il m’a parlé de vous, mon maistre,
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105 Guillemette Il a été mouché de belle manière ! N’ai-je pas bien tenu mon rôle ?
Maître Pierre Sacrebleu ! A dire vrai,
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Vous vous en êtes très bien sortie. Au moins nous avons récupéré Suffisamment de drap pour avoir des robes neuves ! Le drapier Ah ! Diable ! Chacun se moque de moi Et me vole tout ce que je possède ; Chacun chaparde ce qu’il peut attraper | Je suis le roi des nigauds ! Même les bergers de mon domaine,
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A qui j'ai longtemps rendu service, Me trompent et me volent ! Mais leurs agissements ne resteront pas impunis :
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Par la Sainte Mère de Dieu !
Ils seront cités au tribunal,
Le berger Que Dieu vous donne une bonne matinée
Et une bonne soirée, mon gentil maître !
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Le drapier Te voilà, espèce de canaille ! Quel bon serviteur ! Mais bon à quoi ?
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Le berger Sans vous offenser, mon bon maître, Un individu au vêtement bigarré, Tout excité Et qui avait à la main un fouet sans corde,
Ma dit... mais je ne me rappelle plus Par saint Jacques, de quoi il était question. Il m'a parlé de vous, mon maître
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De ne scay quelle ajournerie… Mais quoy, par la Vierge Marie, Je n’y cognoys ni gros ni gresle,
Quar il me broullet pelle mesle De moutons et de clavelee Et m'a fait une grant levee De vous, mon maistre, de boucler.
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Le drappier Tout ton fait je diroy au cler Tout en present davant le juge, Ou je prie Dieu que le deluge Chiesge sus moy et la tempeste ! Tu n’en tuëras jamais beste Par ma foy, qu’il ne t’en souvienne Et me randras que qu’il avienne Mon drap... je dy tout le suffrage De mes brebiz et le domage Que tu m’y as fait puis dix ans. Le bergier He ! Ne croyez pas mesdisans,
Mon cher seigneur, quar par ceste ame.
1004
Le drappier Et par la Dame que l’en clame, Tu les randras au sebmady Mes seix aulnes de drap. je dy Quenque tu as fait sur mes bestes.
1008
Le bergier Quel drap ? Ha ! Monseigneur, vous estes Ce croy ge marry d’aultre chose. Par Saincte Marie, je n’ose Rien dire quant je vous regarde !
107 984
988
992
996
1000
De je ne sais quelle assignation à comparaître. Mais quoi, par la Vierge Marie, Je n’y comprends rien Car il me parlait pêle-méle De moutons et de clavelée Et m'a fait un grand nombre de reproches De votre part, mon maître. Le drapier Je dévoilerai tes agissements au grand jour Quand nous serons devant le juge, Ou fasse le Ciel que le déluge Et la tempête me tombent sur la tête ! Tu ne tueras plus jamais de bête Sans qu'il t'en souvienne, je te le promets, Et tu me rembourseras, quoi qu’il advienne, Mon drap... Je veux dire les dégats Que tu as fait dans mon troupeau et le dommage Que tu m'as causé depuis dix ans | Le berger Ne prêtez pas l’oreille aux médisants, Mon cher maître, car, je vous en donne ma
parole.
1004
Le drapier Par la Vierge que l’on prie, Tu les rembourseras samedi Mes six aunes de drap... je veux dire Tout ce que tu as volé dans mon troupeau. Le berger Quel drap ? Ah ! Mon maître, je crois
Que quelque chose d’autre vous chagrine. Par Sainte Marie, je n’ose Vous adresser la parole quand je vous vois dans cet état !
108
1012
Le drappier Lesse moy en paix et pran garde Bien a ton fait se bon te semble. Le bergier Je vous pry, acordon ensemble Pour Dieu, et ne pledoyon point.
1016
1020
Le drappier Ta besoigne est bien a poinct ; Par Dieu, je n’en acorderay Entens tu bien, et n’en feray Qu'’ainsi que le juge en dira. Que dea ! Chascun me trompera Maisouen se [je [n'y pourvoye !
Le bergier Adieu dont, qu’il vous doint joye.
ŒL
Il fault doncques que me deffende. (pausa) A il[a]me la ? Maistre Pierre
1024
Ou l’on me pande S’il ne revient, parmy la gorge | Guillemete
Et non [fait] que bon gré Sainct George, Ce seroit bien au piz venir ! Le bergier Or ça ! Dieu y puisse advenir ! Maistre Pierre
1028
Dieu te gard, compains, que te fault ?
(1)
109
1012
Le drapier Laisse-moi en paix et occupe-toi De ce qui va t’arriver si tu le juges opportun.
Le berger Je vous en prie, arrangeons-nous à l’amiable Au nom de Dieu et ne plaidons point.
1016
1020
Le drapier Ton äffaire est en bonne voie ; Par Dieu, je n’accepterai d’arrangement Et n’agirai, entends-tu bien,
Qu'’ainsi qu’en décidera le juge. Diable ! Chacun me trompera Si je n’y porte remède dès maintenant ! Le berger Adieu donc et que le Seigneur vous donne satisfaction. Puisque c’est ainsi, il va falloir que je me défende. Y a-t-il quelqu'un ici ?
1024
Maître Pierre Je veux bien que l’on me pende sice n’est lui qui revient! Guillemette Et non ! Par saint Georges,
Ce serait bien là ce qui pourrait arriver de pire !
Le berger Dieu vous en préserve !
1028
Maître Pierre Dieu te garde, compagnon ; que veux-tu ?
110
1032
1036
Le bergier L’en me picquera en default Se je ne voys à m'ajournee Monseigneur, et de relevee. Si vous vouldroye bien prier Qu'il vous [plaise [de moy garder Ma cause, quar je n’en scay rien Et je vous poyeray tresbien Combien que je soys mal vestu. Maistre Pierre
Et vien ça ! Par ta foy, qu’es-tu Ou demandeur ou deffendeur ?
1040
Le bergier J’ay a fere à ung entendeur A qui j’ay longtemps mené pestre Entendez-vous bien, mon doulx maistre,
1044
Ses brebiz et les luy gardoye. Mais, par Sainct Jehan, je regardoye Qu'il me poyet maulvaisement. Diroy ge tout ? Maistre Pierre
Dy hardiement : À son conseil on doibt tout dire.
Le bergier Il est vrai et verité, sire
1048
1052
Que je les luy ay assommees Tant que plusieurs sont cheues pasmees Maintes foys et trestoutes mortes Tant feussent ilz saines ne fortes ; Et puys je luy faisoys entendre
— Entendez-vous ou je veil tendre — Qu'’elz mourroient de la clavelee.
111 Le berger On va me condamner par défaut Si je ne me rends à ma convocation, Mon bon Maître, et ce, dans l’après-midi.
1032
1036
Aussi je voudrais vous prier De bien vouloir défendre Ma cause car je n’y entends rien, Et je vous paierai très bien Quoique je sois mal vêtu. Maître Pierre Approche et parle franchement : qui es-tu, Plaignant ou accusé ?
Le berger J'ai à faire à un vieux grigou Dont j'ai longtemps mené paître les brebis — Comprenez vous bien la situation, mon cher Maître ? — Et j'en avais la garde entière. Mais, par Saint Jean, je me rendais compte 1044
Qu'il me payait chichement.
Dirai-je tout ? Maître Pierre Parle sans crainte : On doit tout dire à son avocat.
1048
1052
Le berger Je dois reconnaître Que je les ai malmenées et frappées Au point où plusieurs en avaient des étourdissements Et souvent sont tombées raides mortes Si saines et solides qu’elles fussent. Après quoi je lui faisais croire — Comprenez vous où je veux en venir — Quelles mourraient de la clavelée.
112 « Ah, fayt il, ne soit pas meslee
1056
Avecques les aultres, jete la. » Voluntiers, fays ge. Mais cela Se faisoit par une aultre voye, Que, par Sainct Jacques, les mangeoye,
1060
Moy qui scavoys la maladie !
Et voulez vous que je vous dye : 1064
1068
J’ay cecy tant continué, J'en ay assommé et tué, Tant qu'il s’en est bien aperceu. Quant il s’est trouvé pour deceu, Sainct Jehan, il m’a fait espier Quar il les oioit bien croyer. Je vous ay conté tout le fait : Or ay ge esté prins sur le fait,
Jamais ne [le |pourroye nier. 1072
Si vous vouldroye bien prier, — Pour du mien j’ay assez finance — Que vous luy tournisiez sa chance. Je scay bien qu'il a bonne cause Mais vous trouverez bien tel clause,
1076
Se voulez, qu'il l’ara mauvaise.
1080
Maistre Pierre Par ta fays, serays tu bien ayse ! Que donras tu se je renverse Le droit de ta partie adverse Et se l’on te renvoye assolx ? Le bergier Je ne vous poyeray pas a solx Mais en bel or ou en couronne.
1084
Maistre Pierre Ainsi sera ta cause bonne Et feust elle la moitié pire. Tant mieulx vault et plus tost l'empire
113 « Ah ! faisait-il, ne la laisse pas avec
1056
Les autres, enterre-là. »
Volontiers, répondais-je, mais cela Se faisait d’une autre manière,
1072
Car, par saint Jacques, moi qui connaissais leur maladie, Je les mangeais. Et voulez-vous que je vous dise : J'ai tant continué ce manège J'en ai tant assommées et tuées Qu'il a fini par s’en apercevoir. Quand il a compris qu’il était trompé, Par Saint Jean, il m'a fait surveiller Car il les entendait bien crier. Je vous ai conté toute l’histoire. Il est bien vrai que j'ai été pris sur le fait, Je ne pourrais le nier. Aussi je voudrais vous prier — En ce qui me concerne, j'ai de quoi payer —
1076
Je sais bien qu’il a le bon droit pour lui Mais vous trouverez bien une astuce Si vous le voulez, pour retourner la situation.
1080
Maître Pierre Si je t'en crois, tu en serais bien aise ! Que me donneras tu si je réduis à néant Les arguments de la partie adverse Et si l’on te renvoie acquitté ?
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1064
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Que vous le fassiez débouter.
Le berger Je ne vous paierai pas en menue monnaie Mais en beaux écus d’or ou en couronnes.
1084
Maître Pierre Puisqu’il en est ainsi, tu auras gain de cause Et même si tes torts étaient deux fois plus grands. Meilleure est une cause et plus vite je la démolis
114 Quant je veil mon sens applicquer. Que tu verras bien desclicquer
1088
1092
Quant il ara fait sa demande !
Or vien ça ! Et je te demande, [Quar]par le sainct sancg precieux, Tu [es|assez malicieux Pour bien entendre la cautelle : Comment esse que l’on t’apelle ? Le bergier
Monseigneur, Tiesbault Aignelet.
1096
Maistre Pierre Aignelet, maint aigneau de let Luy a cabassé a ton maistre ? Le bergier Et par Sainct Jehan, il peut bien estre Que j’en ay mangé plus de trente En trois ans.
1100
1104
Maistre Pierre Ce sont diz de rante Pour tes dez et pour ta chandelle ! Je tien que on luy baille belle. Pense tu qu’il peut bien trouver Sur piez par qui le fait prouver ? C’est le chief de la pledoerie.
Le bergier Trouver, sire ! Saincte Marie !
1108
Par tous les saincts de Paradis Pour un tesmoign, trouvera dix Qui contre moy desposeront ! Maistre Pierre
C’est [ung]cas qui bien te desront Ton fait. Veez cy que je pensoye :
115
1088
Quand je veux m’y mettre. Tu verras une belle plaidoirie Dès qu'il aura déposé sa plainte ! Approche et dis-moi, Car, sacrebleu,
Tu es assez malin 1092
Pour t’y entendre en matière de tromperie : Comment t’appelle-t-on ? Le berger Thibaud Agnelet, mon très cher Maître.
1096
Maître Pierre Agnelet, tu lui as chapardé Maints agneaux de lait à ton maître ? Le berger Par saint Jean, il peut bien se faire Que j'en aie mangé plus de trente En trois ans.
1100
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Maître Pierre Cela fait un revenu annuel de dix Pour payer tes frais de taverne ! Je pense qu’on en viendra facilement à bout. Penses-tu qu’il puisse facilement trouver Des témoins pour appuyer ses allégations ? C’est là le point capital du procès. Le berger Trouver. Maître ! Sainte Marie |
1108
Par tous les saints du Paradis, Ce n’est pas un témoin mais dix Qui déposeront contre moi ! Maître Pierre C’est là un fait qui nuit singulièrement A ta cause. Voilà comment je compte procéder :
116
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Je ne faindray point que je soye Des tiens ne que je te viz oncques. Le bergier Ne faindrez.. Dieux |
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Maistre Pierre Nanny quelxconques. Mais veez cy quille convendra : Se tu parles on te prandra Cop a coup aux posicions Et en telz cas confessions Sont si tresprejudiciables Et nuysans comme tous les deables ! Mais veez cy qu'il te convendra : Tantost quant on t’apellera Pour comparer en jugement, Tu ne respondras nullement Fors « bee » a quelque personne Pour quelque mot que l’en te sonne ; Et s’il advient qu’on te maudye, Ne te chault et ne respons mye. Et s’on dit « Ha ! Paillart puant,
(—1)
Dieu vous mepte en mal an ! Truant Vous mocquez vous de la justice ? » Dy « bee ». « Ah, feray ge, qu'il est nyce ; (+1)
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Il cuide parler o ses bestes ! » Mais se debvoyent rompre leurs testes, Qu'’aultre mot n’isse de ta bouche, Garde t'en bien !
Le bergier Le fait me touche ! Je mien garderoy(e) vroyement Et le feray bien proprement, Je le vous promeps et asseure.
117
1112
Je ne montrerai pas que je suis de ton Côté ni même que je te connais.
Le berger Vous ne montrerez pas. grand Dieu !
1116
Maître Pierre Non, pour rien au monde. Mais voici comment procéder : Si tu ouvres la bouche, A chaque coup on te prendra en défaut Et, dans de telles affaires, des aveux arrachés
1120
Sont hautement préjudiciables Et nuisent diablement ! Mais voici ce qu'il te faudra faire : Dès qu’on t’appellera Pour comparaître à la barre, Tu ne répondras rien d’autre
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1128
Que « béé » à qui que ce soit Et quelle que soit la question que l’on te posera, Et si par hasard on t’insulte Ne t’en soucie pas et ne réponds rien. Et si même quelqu'un s'écrie : « Ah ! Espèce d’ordure,
1132
Que Dieu vous punisse | Canaille Vous moquez vous de la Justice ? » Réponds « bée ». « Ah ! m’exclamerai-je, qu'il est simple d’esprit ; Il croit parler à ses bêtes ! » Même s'ils devaient en éclater de fureur, Que rien d’autre ne sorte de ta bouche, Garde-t-en bien.
1136
Le berger Je comprends mes intérêts ! Je m'en garderai bien Et agirai comme il le faut : Je vous en donne ma parole.
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1140
1144
Maistre Pierre Non quelxconques. [À|creature Ny a moy mesme nullement, Ne parle aultre mot nullement. Garde bien de dire aultre chose Pour rien qu’on dye ne propose ; Si ne me respons aultrement.
Le bergier Je vous jure par mon serment. Dictes hardiement que j’affole
1148
Se je dy huy aultre parole Fors « bee » que vous m'avez aprins.
1152
Maistre Pierre Par Sainct [Jehan] il en sera prins Ton adversaire par la moe ! Mais [aussi] faiz que je me loue Quant ce viendra a tin de poye.
Le bergier Monseigneur, se je ne vous poye A vostre mot, ne me croyez Jamais pour chouse que voyez !
1156
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Maistre Pierre Je prans que le juge est assis. Il se siet voluntiers a six Heures ou illec environ. Vien tien apres moy : nous n’iron Toy moy ensemble pas en voye.
Le bergier C’est bien dit : affin qu’on ne voye Que vous soyez mon advocat.
119
1144
Maître Pierre Pas un mot. À quiconque Pas plus qu’à moi-même, Ne réponds par un autre mot. Garde-toi bien de proférer autre chose Quoi qu’on puisse dire ou proposer ; Et ne me réponds pas autrement à moi-même.
1148
Le berger Je vous en donne ma parole. N'ayez pas peur de me traiter d’imbécile Si je prononce aujourd’hui une autre parole Que le « bée » que vous m'avez appris.
1140
Maître Pierre Par Saint Jean, de cette manière Ton adversaire sera pris au piège !
1152
Mais fais en sorte que je sois satisfait Quand viendra le moment de règler mes honoraires. Le berger Mon cher Maître, si je ne vous paie Selon vos directives, ne me faites jamais confiance Quoi qu'il puisse se passer |
1156
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Maître Pierre Je suppose que le juge a commencé ses audiences. Il commence en général à six Heures ou aux environs. Suis-moi : toi et moi Nous ne cheminerons pas ensemble. Le berger C’est une sage décision : afin qu’on ne voie pas Que vous êtes mon avocat.
120
1164
Maistre Pierre Or vien ça [et] moquin moquaz Se tu ne me poye largement ! Le bergier Ah ! Dea ! A vostre mot vroyement Monseigneur ! En faites vous doubte ? Maistre Pierre Or s’il ne pleut, il degoucte !
1168
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Au mains aroy ge une espinoche. J’aroy de luy s’il chiet en coche Ung escu ou deux pour ma paine. Sire, Dieu vous doint bonne estraine Et quanque voustre cuer desire !
Le juge Vous [soyez] tresbien venu, sire. Soyez vous yci ; prenez place.
1176
Maistre Pierre Ah ! Je suys bien. Sauf voustre grace, Je suys plus yci au delivre. Le juge S’il a auchun, qu'il se delivre Tantost afin que je me lieve !
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Le drappier Mon advocat vient qui achieve Ung [peu] de chose qui faisoit. Mon doulx seigneur, s’il vous plaisoit Nous ferions bien de l’atendre.
121
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Maître Pierre Allez viens ! Et attention Si tu ne me paies pas correctement !
Le berger Ah ! Diable ! Je suivrai vos directives à la lettre, Mon cher Maitre ! En douteriez-vous ?
1168
Maître Pierre Si ce n’est pas la fortune, ce sera toujours mieux que rien ! Au moins j'en tirerai quelque chose. S’il s’en sort, je recevrai bien de lui Un écu ou deux pour ma peine.
1472
Sire, que Dieu vous comble d'épices Et réalise tous vous souhaits | Le juge Soyez le bienvenu, sire. Asseyez-vous là ; prenez place.
1176
Maître Pierre Sauf votre respect,je ne bouge pas ; Je suis plus à l’aise ici. Le juge S’il y a ici quelque plaignant, qu'il se fasse entendre Afin que je lève la séance ! Le drapier
1180
Mon avocat arrive à l’instant ; il termine L'étude d’une affaire. Mon bon seigneur, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, Nous ferions bien de l’attendre.
122
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Le juge Avov | J’ay ailleurs [a] entendre ! Se vostre partie est presente, Delivrez vous sans plus d’atente. N'estes vous mye demandeur ? Le drappier Si suys.
1155
Le juge Ou est le defandeur ? N'est il point yci en personne ? Le drappier Ouy. Veez le la : il ne sonne Mot. Mais Dieu soit qu’il en pance |
1192
1196
1200
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Le juge Puis que vous estes en presence, Faictes tantost voustre demande. Le drappier Mon bon seigneur, je luy demande. Il est bien vray en verité, Que pour Dieu en cherité Je l’ay nourry en son enffence Et quantje vy qu'il eust puissance. Mon bon seigneur, pour abregier, Je le feis estre mon bergier Et l’envoyé garder mes bestes. Mais aussi vray comme vous estes La assis, monseigneur le juge, Il mien a fait ung tel deluge D'’aigneaulx, de brebiz (et) de moutons Que sans faulte…
(—1)
123
1184
Le juge Et quoi encore ! J’ai autre chose à faire ! Si la partie adverse est là Faites connaître vos doléances sans plus attendre. N'êtes-vous pas le plaignant ? Le drapier Je le suis.
1188
Le juge Où est l’accusé ? N'est-il pas là en personne ? Le drapier Si. Voyez-le là. Il ne dit mot Mais Dieu sait qu’il n’en pense pas moins.
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Le juge Puisque vous êtes tous les deux présents, Exposez vos doléances sur le champ. Le drapier Mon bon seigneur,je lui demande. Pour tout dire, en vérité,
1196
1200
1204
Pour l’amour de Dieu et par charité, Je l’ai nourri dès son enfance Et quand j'ai vu qu'il était assez fort. Mon bon seigneur, pour tout dire en un mot, Je le pris comme berger Et l’envoyai garder mes bêtes. Mais, aussi vrai que vous étes là Devant moi, monsieur le juge, Il m'a fait un tel carnage D’agneaux, de brebis, de moutons Que, sans mentir.
124 Le juge Or escoutons : Estoit il point voustre aloué ? Maistre Pierre
Voyre, quar s’il s’estoit joué 1208
A luy bailler sans allouer... Le drappier Je puisse Dieu desavouer Se ce n’estes la vous sans faulte !
Le juge 1212
Comme vous tenez la main haulte ! Av’ous mal aux dens, Maistre Pierre ?
Maistre Pierre Ha ouy ! I1Z me font tel guerre. Pour Dieu, faictes les proceder.
Le juge Or sus ! Achevons de plaider. 1216
Le drappier C'est luy, ou je regny Sainct Pere, Qui a mon drap ! Le juge Quel drap ?
1220
Maistre Pierre Il erre. Il cuide a son propos venir Mais il ne soit y advenir Pour ce qu’il ne l’a pas aprins.
125 Le juge Un point de détail : Ne recevait-il pas un salaire ?
1208
Maître Pierre Bonne question. Et si, par hasard, il avait essayé De lui confier la garde du troupeau sans lui payer de salaire. Le drapier Puissé-je renier Dieu Si ce n’est vous, vous même, qui êtes là en chair et en os |
1212
Le juge Pourquoi gardez-vous la main devant votre visage ? Auriez-vous mal aux dents, Maître Pierre ? Maître Pierre Hélas oui ! Elles me causent tant d’ennuis !
Pour Dieu, faites les hâter.
Le juge Allez ! Terminons ce procès. Le drapier 1216
C’est lui, ou je renie saint Pierre,
Qui a mon drap !
Le juge Quel drap ?
1220
Maître Pierre Il s'embrouille. Il pense arriver à prononcer son accusation Mais il ne sait y parvenir Parce qu'il ne l’a pas apprise par cœur.
126 Le drappier Pandu soy ge s’aultre l’a prins, Mon drap, par ma sanglante gorge !
1224
Maistre Pierre Comment ce meschant homme forge De loing pour fournir son libelle ! Il veult dire — il est bien rebelle —
Que son bergier avoit vendu
1228
La layne — je l’ay entendu — Dont fut fait le drap de ma robe, — Comment il dit — et le desrobe,
Et qu'il avoit amblé la layne De ses bestes.
1232
Le drappier Male sepmaine M’anvoyt Dieu se vous ne l'avez !
Le juge Or paix ! De par Dieu, vous bavez ! Ne sariez vous revenir A voustre propos sans tenir
1236
La Court de telle baverie ? Maistre Pierre Je sens mal et fault queje rye : Il fest} desja si empressé Qu'il ne soit ou il a lessé.
1240
Il fault que nous luy retournons ! Le juge Sus ! Revenon à ses moutons : Qu'en fut il ?
127 Le drapier Je veux bien être pendu si c’est un autre que vous Qui m'a pris mon drap, sacrebleu !
1224
Maître Pierre Comme cet hypocrite va chercher Des tours et des détours pour gonfler son argumentation |
1228
Il veut dire — est-il lourd d’esprit et de mauvaise foi ! — Que son berger avait vendu La laine — c’est ce que j'ai compris — Dont fut fait le tissu de ma robe. — Que va-t-il chercher ! — et qu'il le trompe,
Et qu'il avait dérobé la laine De ses bêtes.
1232
Le drapier Dieu me foudroie Si ce n’est vous qui l’avez !
1236
Le juge Silence ! Pour Dieu, vous sortez des inepties ! Ne sauriez-vous pas revenir A votre propos sans entretenir La Cour de telles incongruités ? Maître Pierre
J'ai mal et pourtant je ne peux m'empêcher de rire !
Il est déjà si démonté Qu'il ne sait où il en est. Il nous faut lui rafraichir la mémoire |
Le juge Allez ! Revenons à ces moutons : Qu'est-il arrivé ?
128 Le drappier Il en print seix aulnes De neufz francs.
1244
Le juge Sommes nous besjaunes Ou cornards ? Ou cuydez vous estre ?
1248
Maistre Pierre Par le sancg bieu, il nous fait pestre ! Mais visez qu'il fait faulce myne : Il convient que l'en examine Ung bien pou sa partie averse. Le juge Il ne peult qu’il ne [le] cognoisse. Vien ça ! Vien ! Le berger bee !
Le juge Veez cy angoisse ! Quel « bee » ! Parle o moy. Suys ge chievre ? Le berger 1252
Bee!
Le juge Sire, que la sanglante febvre Te doint Dieu ! Te mocques tu ? Maistre Pierre Ah ! Croyez qu'il est fol testu, Ou il cuyde estre o ses bestes.
(4) Cri
129 Le drapier Il en prit six aunes
Pour neuf francs.
1244
Le juge Nous prenez-vous pour des idiots Ou des imbéciles ? Où croyez-vous être ?
1248
Maître Pierre Sacrebleu ! Il se moque de nous ! Mais regardez comme il a l’air fourbe : Il serait nécessaire que l’on interroge Un peu la partie adverse.
Le juge Il n’est pas possible qu'il ne le connaisse pas. Viens là ! Viens | Le berger Bée !
Le juge Voilà le bouquet ! Qu'est-ce que ça veut dire : « bée » ? Répondsmoi. Suis-je une chèvre ?
Le berger
1252
Bée !
Le juge Maraud ! Que Dieu Te maudisse ! Te moques-tu de moi ? Maître Pierre
Ah ! Croyez bien que c’est un pauvre lourdaud ; Il croit être avec ses bêtes.
130
1256
1260
Le drappier Or je regny bieu se vous n’estes Celuy sans aultre qui l’avez Eu mon drap ! Ha ! Vous ne scavez Monseigneur, par quelle malice.
Le juge Et taysés vous ! Vous estes nyce !
Lesson en paix cest acessoire ; Vous n’avez pas ferme memoyre. Quel est le cas en principal ? Le drappier Voyre,
1264
1268
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Monseigneur, mais le fait me tousche. Toutesfoys, par ma foy, ma bouche Huy ung seul mot n’en sonnera. Ung aultre foys il en isra Ainsi comme il porra aller ; Il me le fauldra avaler Sans mascher.… Or ça, je disoye A mon propos comme j’avoye Baillé seix aulnes... doy ge dire Mes brebiz.… je vous pri, beau sire,
Pardonnez moy. Ce gentil maistre…
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Mon bergier, quant il debvoit estre Aux champs... il me dit que j’aroye Seix escuz d’or quant mien isroye… Je dy, depuis dix ans en ça, Mon bergier m’en couvenença Que loyaument me garderoit Mes brebiz et ne m'y feroit Ne dommaige ne villannie. Et puis. maintenant il me nye Et drap et argent plainement ! Helas, monseigneur, vrayement Ce ribaud cy a eu(es) mes laynes
(+1)
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1256
Le drapier Je veux bien renier Dieu si vous n'étes pas Celui, vous et personne d'autre, qui l'avez eu,
Mon drap ! Ah ! Vous ne pouvez imaginer, Mon bon seigneur, par quelle ruse.
Le juge
1260
Taisez-vous ! Vous êtes un idiot ! Laissons tomber ces détails ;
Vous n’avez pas l’esprit clair. Quel est l’objet principal du litige ?
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1284
Le drapier Mais je vous assure Monseigneur, que cette histoire me touche. Toutefois,je le jure, pas un seul mot N'’en sortira de ma bouche aujourd’hui. Une autre fois on verra Ce qu'il sera possible de faire ; Il me faut l’avaler Sans sourciller… Donc, j’expliquais Dans ma requête comment j'avais Donné six aunes.. je veux dire Mes brebis. je vous en prie, mon bon seigneur, Pardonnez-moi. Cet homme au-dessus de tout soupçon. Mon berger, quand son travail le tenait Aux champs... il me dit que j'aurais Six écus d’or quand je viendrais... Je veux dire, depuis bientôt dix ans Mon berger me fit la promesse Qu'il me garderait loyalement Mes brebis et qu’il ne me causerait Ni dommage ni ne me jouerait de mauvais tour Et puis... maintenant irefuse de reconnaître Qu'il a pris mon drap et qu’il me doit de l’argent ! Hélas ! Monseigneur, en vérité Ce maraud là a eu les toisons
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De mes brebiz et toutes saines Les faisoit mourir et perir Par les assommer et ferir De gros bastons par la cervelle. Quant mon drap eust soubz son esselle, Il se mist a chemin grant erre Et me dist que j’alasse querre Seix escuz d’or en sa maison. Le juge Il n’a ne rime ne saison En tout ce que vous raffardez ! Qu'’esse que vous entrelardez Le drap et brebiz ? Somme toute Par le sancg bieu, je n’y voy goucte ! Il broulle, il braille, il babille Puis d’ung, puis d’aultre, au coup la quille ! Rien qu'il dye [ne] s’entretent |
Maistre Pierre Monseigneur, je meps qu'il detient Au povre bergier le sallayre. Le drappier Par Dieu vous en peussiez bien tayre, Que avez eu mon drap, vray com(me) messe.
1308
Je scay mieulx ou le bast me blece Que vous ni aultre ne scavez ! Par la teste bieu, vous l’avez !
Le juge
Qu'’esse qu’il a ? Le drappier Rien, monseigneur. Par Dieu vous estes le greigneur
133
1288
1292
De mes brebis et toutes saines Il les faisait périr En les frappant à mort Avec de gros bâtons sur la tête. Quand il eut mon drap sous son aisselle, Il s’éloigna rapidement Et me dit de venir chercher Six écus d’or chez lui. Le juge Il n’y a aucune suite ni aucun sens
1296
Dans ce que vous rabâchez ! Pourquoi mélangez-vous des histoires De drap et de brebis ? En définitive Je n’y comprends rien, morbleu !
1300
Il bafouille, il vocifère, il bavarde De chose et d’autre, à tort et à travers ! Rien de ce qu'il dit n’a un sens !
1304
1308
Maître Pierre Monseigneur, je parie qu’il retient Son salaire au pauvre berger. Le drapier Pour Dieu, vous pourriez avoir le bon goût de vous taire Car vous avez eu mon drap, aussi vrai que je vous vois ! Je sais mieux que vous et que quiconque Où le bât me blesse ! Mordieu ! C’est vous qui l’avez !
Le juge Qu'est-ce qu'il a ? Le drapier Rien, monseigneur. Par Dieu, vous êtes le plus grand
134 1312
Trompeur.. Ola ! Je me tayré ; Se je puis,je n’en parleroy Meshuy pour chose qui m’avienne. Le juge Dea nom ! Mez qu'il vous [en] souvienne !
1316
Sus ! Concluez appertement ! Maistre Pierre Ce bergier ne peult nullement Respondre au fait qu’il propose S’il n’a du conseil, et il n’ose
1320
1324
Ou il ne scait en demander. Se vous plaisoit me commander Que je feusse o luy, ge y seroye. Le juge Avecques luy ! Je cuideroye Que ce ne seroit que froidure. C’est Pou d’Acquest | Maistre Pierre Et je vous jure Qu'’aussi n’en vieu ge rien avoir ! Pour Dieu soit ! Mais je velx scavoir
1328
1332
Au povre homme qu’il vouldra dire Et s’il m’en sara point instruyre Pour respondre au fait de partie. [Il aroit dure departie] D'yci qui ne le secouroit ! Vien ça, mon amy. Qui porroit Trouver ung moien.. enten tu ?
Le bergier Bee !
135
1312
1316
1320
1324
Filou... Holà ! Je me tairai ; Si je peux,je n’en parlerai plus Aujourd’hui, quoi qu'il arrive.
Le juge Diable,je l’espère bien ! Et tâchez de vous le rappeler ! Allez ! Concluez clairement. Maître Pierre Ce berger ne peut nullement Répondre aux accusations dont il est l’objet S’il n’a le soutien d’un avocat et il n’ose Ou ne sait le demander. S'il vous plaisait de m’ordonner De prendre sa défense,je le ferais. Le juge Le défendre ! J’ai l'impression Que ce serait là une affaire peu rentable. C’est Jean Démuni !
Maître Pierre Aussi puis-je vous assurer Que je ne prétends pas en recevoir quelque chose ! Que ce soit pour l'amour de Dieu ! Mais je veux savoir
1328
1332
Ce que ce pauvre homme a l'intention de dire, Et s’il est capable de m'en entretenir, Pour sa défense. Les choses se termineraient mal pour lui Si on ne lui prêtait secours. Approche, mon ami. Si l’on pouvait Trouver un moyen... me comprends-tu ? Le berger Bée !
136
1336
Maistre Pierre [Quel « bee » ! Dea !] Je parle a tu. Enten tu : c’est pour ton prouffit. Le bergier Bee ! Maistre Pierre
Et dy « ouy » ou « nanny » ; Parle sans dire « bee ». Feras ?
Le bergier Bee !
1340
Maistre Pierre Ah ! Dea ! Tufte] trouveras En grans despens, [or] ne t'en doubte ! Le bergier Bee !
1344
Maistre Pierre Or est il plus foul qui boute Tieulx foulx naturelz en proces ! C’est mal fait et est grant exces. Sire, envoyez le à ses bestes : Monseigneur, il est foul de nature
!
Le drappier Il est plus saige que vous n’estes, Voyre, par Sainct Sauveur d’Esture ! 1348
Le juge C’est une ydonne creature,
Il ne [fault] plus en faire enqueste. Mon amy va-t-en a tes bestes
1352
Et yci jamais ne retourne. Que maudit soit il qui adjourne
(+1)
137
1336
Maître Pierre Quoi « bée » ! Diable ! Je te parle. Comprends-moi : c’est dans ton intérêt. Le berger Bée ! Maître Pierre Réponds-moi par oui ou par non Et cesse de béler. D'accord ? Le berger
Bée ! Maître Pierre Ah ! Diable ! Tu vas te trouver
1340
Sévèrement condamné ; n’en doute pas ! Le berger Bée !
1344
Maître Pierre Décidément y a-t-il plus fou que celui qui assigne De tels fous de naissance au tribunal ! C’est vraiment un acte méchant et déplorable. Sire, renvoyez-le à ses bêtes : C’est un idiot de village ! Le drapier En vérité il est plus sage que vous, Par saint Sauveur d’Asturie !
1348
Le juge C’est un simple d’esprit Il ne faut plus se poser de questions à son sujet. Mon ami, retourne à tes bêtes
1332
Et ne reviens jamais ici. Maudit soit celui qui assigne
138 Tielx foulx et les fait adjourner | Le drappier Et l’en fera l’en retourner Avant que je puisse estre ouy ?
1356
Le juge Sainct [Jehan], puis qu'il est fou], ouy. Pourquoi ne fera ?
Le drappier
1360
Helas, sire, Et lessez moy ung petit dire Et feroy mes conclusions. Ce ne sont pas abusions Que je dy, ne hocqueleries.
Le juge Et ce ne sont que baveries Que plaidier a folx ne a folles ! 1364
1368
1575
Venez ça. À mains de parolles La Court n’en sera plus tenue. S'en aille sans point de tenue De revenir. Maistre Pierre Et quoy doncques ! Revenir ! Vous ne veistes oncques Plus foul en dit ne en responce ! L’aultre n’en vault pas mains u [ne] once. llz sont tous deux folx sans cervelle : Par saincte Marie la belle.
Eulx
1376
deux
n’en ont pas demy quarat
Le drappier Vous l’emportastes par barat Mon drap, sans poier, Maistre Pierre. Je regny bieu, moy las pecherre,
!
(F1)
139 De tels fous et les fait comparaître !
Le drapier Le laissera-t-on partir Avant que je puisse être entendu ? 1356
Le juge Par saint Jean, puisqu'il est fou, c’est évident ! Et pourquoi non ? Le drapier Hélas, sire Laissez-moi parler un peu
1360
Et je finirai ma déposition. Ce ne sont pas des choses dénuées de fondement Que j'avance, ni des plaisanteries.
1364
Le juge C’est parler en l’air Que de plaider contre des fous ou des folles ! Avancez-vous. Pour arrêter ce bavardage La séance sera levée. Qu'il parte en étant délié de toute obligation De se représenter devant nous.
1368
1572
1376
Maître Pierre Et quoi ! Comparaître à nouveau ! Vous n’avez jamais vu Plus fou en acte et en parole ! Et l’autre ne vaut guère mieux. Ils sont tous deux sans cervelle : Par la Vierge Marie, A eux deux ils n’en ont pas un décigramme ! Le drapier Vous l’avez emporté par ruse Mon drap, et sans payer, Maître Pierre. Je veux bien renier Dieu, pauvre de moi,
140 Ce ne feut onc(ques) faict de bon homme ! Maistre Pierre Je regny Sainct Pere de Rome S’il n’est fin fol ! Ou il affolle.
1380
1384
Le drappier Je vous congnois a la parolle A la robe et au visaige, Si ne suys point foul ; je suys saige Pour congnoitre qui bien me fait ! Je vous conteray tout le fait Monseigneur, par ma conscience.
1388
1392
Maistre Pierre Pour Dieu, imposez luy silence ! N’av'ous honte de tant debatre A ce bergier pour troys ou quatre Aigneaulx ou brebiz ou moutons Qui ne valent pas deux boutons Et en faire si grant brouelle ? Le drappier Quelx moutons ? C’est une vielle ! C’est a vous mesme a qui je parle Et vous le randrez mon drap, par le
Dieu qui voulist que feusse né ! 1396
1400
Maistre Pierre Prenez qu'il en aist affiné Cincq ou seix ou demye douzaine, Ou mangé, en sanglante estrayne, Vous en estes bien meshaygné ! N'a il pas bien autant gaigné Au temps que vous les a gardés ?
141
Si jamais ce fut là un comportement d’honnête homme ! Maître Pierre Je veux bien renier saint Pierre
S’il n’est pas fin fou ! Ou alors il le devient.
1380
1384
Le drapier Je vous reconnais à la voix A la robe et au visage
Et je ne suis pas fou ; je suis suffisamment lucide Pour reconnaître ceux qui me veulent du bien ! Je vais vous raconter toute l’histoire Monseigneur, je vous en donne ma parole.
Maître Pierre Pour Dieu, faites-le taire ! N'avez-vous pas honte de tant vous disputer
1388
Avec ce berger pour trois ou quatre
Agneaux, brebis ou moutons Qui ne valent pas la peine qu’on en parle Et d'en faire un si grand esclandre ?
Le drapier
1392
Quels moutons ? Voilà un beau refrain !
C’est à vous-même que je m'adresse Et, par le Dieu qui a voulu que je naisse, Vous me le rendrez, mon drap !
1396
1400
Maître Pierre Supposez qu'il en ait détourné Cinq ou six ou une demie douzaine, Ou qu'il les ait mangés : par le diable, Vous en êtes bien appauvri ! N'en a-t-il pas gagné la valeur En les gardant ?
142
1404
Le drappier Regardez, sire, regardez ! Je luy parle de draperie Et il respont de bergerie ! Seix aulnes de drap... ou sont elles. Que vous meistes soubz voz esselles ? Pensez vous point de les me randre ?
1408
Quoy ! Le voulez vous faire pandre
Maistre Pierre
1412
1416
Pour cincq ou seix bestes a layne ? Tout beau ! Reprenez voustre alayne ; Ne soiez pas si rigoureulx Au pouvre bergier douloureux Qui est testu comme ung maillet ! Le drappier C’est trop bien tourné le fe[ulillet ! Le deable me feist bien vandeur De drap a ung tel entendeur ! Dea ! Monseigneur, je demande.
Le juge 1420
Je l’assols de voustre demande Et vous deffens le proceder. C’est ung bel honnour de pleder A ung foul ! Va-t-en a tes bestes.
Le bergier Bee ! Le juge Bien monstrez ce que vous estes, Par les saincts qu’on prie a Paris | Le drappier
1424
Je le veil…
143 Le drapier
Écoutez, sire, écoutez 1404
1408
1412
1416
1420
!
Je lui parle drap Et il me répond moutons ! Les six aunes de drap... où sont-elles, Celles que vous avez emporté sous votre aisselle ? Pensez-vous ne pas me les rendre ?
Maître Pierre Quoi ! Voulez-vous le faire pendre Pour cinq ou six bêtes à laine ? Tout beau ! Reprenez vos esprits ; Ne soyez pas si dur Pour ce pauvre berger éploré Qui est bête comme une pierre ! Le drapier Voilà une belle manière de changer de sujet ! C’est à coup sûr le diable qui m'a fait vendre Du drap à un tel client ! Mordieu ! Mon bon seigneur, je lui demande...
Le juge Je l’absous de votre requête Et vous défends de poursuivre. Il y a de quoi être fier de plaider Contre un fou ! Va-t-en à tes bêtes. Le berger
Bée ! Le juge Vous montrez bien ce que vous êtes, Par tous les saints que l’on prie à Paris ! Le drapier 1424
Je veux le...
144 Maistre Pierre Ah ! Maugré ma vye, Regardez : il ne [se] peult tayre |
1428
Le drappier Et c’est a vous que j’ay affayre : Vous m'avez trompé faulcement Et emporté furtivement Mon drap par voustre beau langaige.
Maistre Pierre Je prans en justice l’oultrage : Justice de luy, Monseigneur ! 1432
Le drappier Par Dieu, vous estes le gregneur Trompeur, hola, que je ne dye.
Le juge C’est une droicte comedye Que [de] vous deux ! Ce n’est que noayse !
1436
M'aist Dieu ! Je luy dy qu'il s’en voyse. Va-t-en, mon amy ; ne retourne Jamais pour sergeant qui t’adjourne. La Court t'assoult. Enten tu bien ?
1440
Maistre Pierre Dy « grant mercy ».
Le bergier Bee !
Le juge Dont je vien ! Va-t-en, mon amy ; ne te chaille.
145 Maître Pierre Ah ! C’est trop fort ! Regardez : il ne peut se taire ! Le drapier
Mais c’est à vous que j'ai à faire : Vous m’avez méchamment trompé
1428
Et vous avez emporté mon drap comme un voleur Tout cela grâce à vos louanges hypocrites. Maître Pierre J’attaque en diffamation : Faites-moi justice de lui, monseigneur !
1432
1436
Le drapier Par Dieu, vous êtes le plus grand Trompeur.. oh ! là, là !.… plus que je ne peux le dire. Le juge C’est une véritable comédie Que vous nous jouez tous les deux ! On ne sort pas de la dispute ! Dieu m'assiste ! Je lui dis de partir. Va-t-en mon ami et ne reviens Jamais, même si un sergent te porte une assignation. La Cour t’acquitte. As-tu compris ? Maître Pierre
1440
Dis merci.
Le berger Bée !
Le juge D'où est-ce que je sors | Va-t-en mon ami, et ne te soucie de rien.
146 Le drappier Et esse raison qui s’en aille Ainsi ?
1444
Le juge Ouy, (quar) j’ay a faire ailleurs. Vous estes les plus grans railleurs ; Vous n’y me ferez plus tenir : Je m’en voys. Voulez vous venir Maistre Pierre, digner o moy ?
Maistre Pierre Grant mercy, en bonne foy Quar je suys ailleurs convié ; Je suys tout merancolié. (pausa) Pour qui c’est que vous me prenez 1452 Beau sire ? Dea ! [Or] demourez ! Esse pour ung esservellé ? Nanny : il n’est pas tant pellé Comme je suys dessus la teste !
1448
1456
1460
1464
Le drappier Me voulés vous tenir pour beste ? C’estoit vous en voustre personne, Vous de vous ; voustre voys le donne : Ne le croyez point aultrement. Maistre Pierre Moy de moy ! Non suys vroyement. Oustez en voustre fantasye. Ah ! Vous estes en resverye : C’est ung aultre d’aultre plumage.
Le drappier Je vous congnoys bien au visaige Qui est potatif et tout fade !
147 Le drapier Et vous trouvez normal qu'il parte Ainsi ?
1444
Le juge Oui, car j'ai à faire ailleurs. Vous êtes les plus grands farceurs que je connaisse ;
Vous ne me ferez plus sièger ; Je mien vais. Voulez-vous venir Dîner avec moi, Maître Pierre ? Maître Pierre
1448
Je vous remercie bien Mais je suis déjà invité ;
Je suis navré. (au drapier qui fait mine de le saisir par sa robe :) Pour qui me prenez-vous 1452 Beau sire ? Diable ! Tenez-vous tranquille ! Est-ce pour un simple d'esprit ? Non : il ne porte pas comme moi La tonsure !
1456
Le drapier Voulez-vous me faire passer pour un idiot ? C'était vous en chair et en os, Vous-même ; votre voix vous trahit :
Et ne pensez pas me donner le change !
1460
1464
Maître Pierre Moi en personne ! Non vraîment, ce n’est pas moi. Exercez ailleurs votre imagination. Ah ! Vous êtes en train de divaguer : C’est quelqu'un d'autre et d’un autre genre. Le drapier Je vous reconnais bien à votre visage Aviné et maladif.
148 Ne.vous lessei ge pas malade Au matin en voustre maison ?
1468
1472
Maistre Pierre Malade ? A quelle raison ? Malade ! De quelle maladie ? Congnoissez voustre cornardie ; Maintenant est elle bien clere !
Le drappier C’est vous ou je regny Saint Pere ! Maistre Pierre Qui ? Moy ! Je n’ay pas le lox tel. Le drappier Je vays scavoir a voustre houstel
Par le sancg bieu, se vous y estes.
1476
Nous n’en tueron meshuy nos testes
Yci ! Je vous trouveray la. Maistre Pierre Par Nostre Dame, c’est cela ! (pausa) Or avant, mon amy, vien Ça ! 1480 T’ay ge bien conseillé a point ?
Le bergier Bee ! Maistre Pierre
Dea ! L'on ne te trouvera point : Ne dy plus « bee » ; il n’y a force |
Le bergier Bee !
(+1)
149 Ne vous ai-je pas laissé malade Ce matin et au lit dans votre maison ?
1468
Maître Pierre Malade ? Et pourquoi ? Malade ! Et de quelle maladie ? Reconnaïissez votre stupidité ; Elle est maintenant clairement prouvée ! Le drapier
1472
Que je sois damné si ce n’est vous !
Maître Pierre Qui ? Moi ! Je n’ai pas une telle réputation. Le drapier Mordieu ! J’aurai le fin mot de l’histoire en allant chez vous Voir si vous y êtes.
1476
Nous ne nous en casserons plus la tête Ici ! Je vous trouverai là-bas.
Maître Pierre Par Notre Dame, c’est cela : allez-y ! (au berger) Approche, mon ami, viens près de moi ! 1480 N'’ai-je pas mené ton affaire à bon terme ?
Le berger Bée ! Maître Pierre Diable ! Personne ne t’entendra : Cesse de béler ; ce n’est plus nécessaire |
Le berger
Bée !
150
1484
Maistre Pierre Luy ay ge baillé belle estorce ? Par le corps bieu, a dire voir Tu as tresbien fait ton debvoir De-quoy tu t’es tenu de rire.
(+1)
Le bergier Bee !
Maistre Pierre
1488
Quel « bee ! ». A brief te dire Poye moy tost, si m'en isroy. Le bergier Bee !
1492
Maistre Pierre Soyes tu quoy, te diroy : Je te PTY, sans plus m’abaer, Que tu me pances de poier. Je n’ay cure de ta baerie ! Ça ! Argent !
Le bergier Bee !
1496
Maistre Pierre C’est mocquerye ! Mais a qui vans tu tes coquilles ? Je te PTY, ne me babilles Mesh uy « bee » n’en ryme ne prose ! Le bergier Bee !
Maistre Pierre N'en aroy ge aultre chose ?
(1)
151 Maitre Pierre
Ne lui ai-je pas joué un bon tour ? 1484
Mordieu ! A dire vrai
Tu as très bien joué ton rôle Et tu t’es retenu d'en rire.
Le berger Bée ! Maître Pierre Quoi « bée ! » ? En un mot
1488
Paye-moi vite et je m'en irai. Le berger Bée !
1492
Maître Pierre Serais-tu coi que je te parlerais : Je te prie de penser à me payer Sans me mystifier davantage. Je n'ai que faire de tes bélements ! Vite ! Mon argent ! Le berger Bée !
1496
Maître Pierre Tu te moques ! Mais à qui penses-tu faire avaler tes sornettes ? Je te prie de cesser aujourd’hui De me sortir des « bée » aussi bien en vers qu’en prose ! Le berger Bée !
Maître Pierre N'en aurai-je autre chose ?
152
1500
A qui te cuydes tu jouer ? [Moy] qui me debvoys tant louer De toy ! Ça, argent, et me poye ! Le bergier Bee !
1504
Maistre Pierre [Deal]! Tu me donnes de l’ouaye ! Les oaysons menent les oays pestre ! Je cuydoië estre le maistre Des mocqueurs et des gabuseurs De partout, d’yci et d’ailleurs Et ce garson cy me rigolle ! Le bergier
Bee !
1508
Maistre Pierre N'aroy ge aultre parolle ! Poye moy ; ne me fait plus atandre. Le bergier Bee !
1512
Maistre Pierre Ah ! On te puisse pandre ! Aroy ge « bee » en lieu d’argent ? Je voys querre ung bon sergeant : Je soye pandu se ne t’ajourne |
Le bergier Se me trouve, je luy pardonne ! Il convient tirer ma guestre. J’ay trompé des trompeurs le maistre
(-1)
153
1500
Mais avec qui te crois-tu ? Moi qui devait tant me louer De toi ! Vite, sors ta bourse et paie moi !
Le berger Bée !
1504
Maître Pierre Tu veux me faire manger de l’oie ! Les oisons mènent les oies paître | Je pensais être le roi De tous les plaisantins et les trompeurs De tous les alentours à la ronde Et ce rustre là se moque de moi ! Le berger Bée !
1508
Maître Pierre Ne me diras-tu rien d’autre ? Paie-moi et ne me fais plus attendre. Le berger Bée !
1512
Maitre Pierre Ah ! Puisse-t-on te pendre ! N’aurai-je que des « bée » au lieu d'argent ? Je vais chercher un bon sergent : Je veux bien être pendu si je ne te fais assigner au tribunal ! Le berger S'il me trouve, je lui pardonne | Il est temps de déguerpir. Jai trompé le maître des trompeurs
154 1516
Quar tromperie est de tel estre
Que qui trompe, trompé doibt estre. Prenez en gré la comedye ; Adieu toute la compaignie. Explicit.
[55
1516
Car tromperie est de telle nature Que qui trompe doit étre trompé. Prenez en gré cette comédie ;
Adieu à toute la compagnie.
NOTES I — La Farce de Maistre Pierre Pathelin. v.3 : La forme primitive du verbe étant broueiller, on peut admettre que brouiller était articulé en trois syllabes : le vers serait ainsi un octosyllabe régulier. Brouiller a des sens variés : barbouiller, griffonner, faire des enchantements, des tours de prestidigitateur (cf. Villon, Testament, 1702) mais aussi frauder (brouiller le vin c’est y ajouter de l’eau). Haraser est soit un dérivé de harer au sens de exciter les chiens, susciter de l'animosité, soit formé sur harace (poursuite). Rappe-
lons qu’un harecier est un marchand de mauvaise foi. Le vers pourrait donc se traduire par : À faire des faux et à susciter des querelles. v.5 : J'avocassoye : la lecture du manuscrit étant ici délica-
te, nous avons rétabli la forme proposée par l’imprimé de Le Roy. Cependant nous lirions volontiers auroessaie ou anroessaie, la première de ces deux formes pouvant être une formation argotique sur aure (réputation) avec un jeu de mots aure/or et roe (image de la Roue
de Fortune) ; la seconde rappelle le verbe enroiser (avec
une graphie anroeser) au sens de rouir le chanvre lequel pourrait présenter une acception argotique. Le sens du vers serait alors : « J’ai pourtant connu une époque où je faisais mon beurre | ». v.13 : Expression traditionnelle pour désigner un « avocaillon » de village, donc un avocat peu compétent et sans causes. v.15 : Ms : teoutoyre : vraisemblablement maladresse de graphie pour ferritoyre. v.17 : Ms : maistre. Nous avons rétabli maire pour tenir compte de la rime. Le maire est en fait le juge seigneurial. v.18
: Guillemette,
naïvement
confond
la grammaire,
discipline fondamentale de l’enseignement médiéval, et le grimoire, livre de nécromancie. v.26 : Le sens des vers 26-27 nous a conduit à rétablir la préposition a conformément à l’imprimé de Le Roy, bien que cela rende le vers faux. D’après la légende, Charlemagne serait resté sept ans en Espagne.
157 v.47 : avocasserie : c’est un terme péjoratif. Cf. H. Lewicka, La Langue et le style du théâtre comique français des XVe et XVIe siècles, La Dérivation, Varsovie, 1960, p.104. v.52 : Ms : L'on.
v.53 : Le renvoie aux vers 48-49, v.56 : C’est le juron le plus fréquent dans la bouche de Pathelin, mais ce n’est pas une raison pour y voir, avec Rita Lejeune, une allusion au saint patron des juristes parisiens. C’est un juron
fréquent dans le théâtre comique et plus particulièrement dans les pièces normandes ou picardes. v.57 : On pourrait aussi comprendre que Pathelin s’adresse à Guillemette en lui déclarant : « Oui, au marché, douce moitié de mon cœur... ». L'interprétation traditionnelle d’un début de chanson fredonné est tout aussi plausible. v.59 : Suffraige : ce terme serait à rapprocher de soufraindre (cité par Godefroy au sens de manquer, faire faute) et de sa famille /soufrage « action de faire souffrir » ; soufraite « privation
», « disette
» ; soufraiteus
« nécessiteux
»). Tobler-Lom-
matzch cite un exemple (« En biaux dons, en suffraiges, en aide » Gir. Rouss. 252) où le terme a le même sens que suffragance « aide », « secours ». Donner un secours c’est donner une chose de
première nécessité. v.67 : Quel étant en ancien français un adjectif épicène, il est probable que la graphie quelle — encore rare — ne comptait que pour une syllabe. v.68 : Il est vraisemblable de penser qu'ici Pathelin joue sur les mots — comme au vers 82 : gris et vert sont des teintes mais le petit gris et le vair étaient des fourrures d’écureuil fort recher-
chées. Il ne sait pas encore ce qu'il prendra. C’est peut-être ce vers qui est à la source du Nouveau Pathelin. De Brucelle : Pathelin fait sans doute allusion à ce qu'il appellera plus tard (v.84) la brunete qui était un drap très fin porté par les classes riches et qui tirait son nom de sa teinte voisine du noir avec une nuance violacée. La brunette était en effet fabriquée plus particulièrement dans le Nord et surtout à Douai, Amiens, Abbeville, Bruxelles et Malines. v.76 : Ms :se, v.81 : Jeu de mots de Guillemette : Pathelin sera vêtu et à l'abri des poursuites des créanciers. v.84 : Brunete : cf. note du vers 68. v.87 : Martin Garant : nom forgé de toutes pièces comme Martin Baton. L'onomastique comique est très riche au XVe
siècle.
158 v.90 :Siens : forme normande de caiens où réans v.93 : Le Dieu y soit de Pathelin est à double sens : y peut désigner aussi bien nous que vous. En fait, le drapier prend pour
lui le souhait que Pathelin s’adresse à lui-même en entrant. De là l'ironie de la formule utilisée au vers suivant. Doint : forme de sub-
jonctif présent qui, au XVe siècle, n’apparaît plus guère que dans des formules figées. v.99 : La prononciation de vroyement semble flottante : il compte tantôt pour deux syllabes (surtout à l’intérieur du vers), tantôt pour trois (à la fin du vers) sans doute par confusion avec voirement.
v.101 : L'utilisation du nom de saint Pierre — qui apparaît le plus souvent sous sa forme normanno-picarde sainct Pere caractérisée par la réduction de ye à e — est fréquente dans les jurons et prend dans la bouche de Pathelin — qui sait fort bien jouer sur les jurons pour exprimer sa pensée profonde — un sens
prophétique. v.108 : C’est là une formule figée dans laquelle l’utilisation du démonstratif celuy est de règle. v.127 : Sous-entendu : « Ne vous offusquez pas de ma distraction involontaire : elle n’est pas discourtoisie. »
v.130
: L’interjection prolongée Haa semble compter pour
deux syllabes. v.132 : Aist jadis disyllabique dans l’expression figée si m'aist Dieu est monosyllabique au XVe siècle. L'expression entiè-
re se réduira à un juron : midieu. v.L45 : Ms : ung paroy.
v.156 : Ms : ce. v.165 : Ms : cy.
v.168 : Tollist et amblast forment redondance. D'où notre traduction. v.180 : Nous préférons la lecture en l'aynne (expression juridique au sens de « en toute propriété ») que l’on peut traduire
par « en exclusivité » — idée d’un travail bien fait et d’une teinture résistante — à la lecture traditionnelle en laine qui ne se justifierait que si l’on corrigeait le vers en : « Ce drap yci est il en laine ?». v.189 : La rente est une charge pécuniaire perpétuelle qui pèse sur un immeuble, sorte de rente viagère ou, dans certains cas,
de prêt hypothécaire. La multiplication des rentes et i’augmentation des charges en résultant avaient provoqué une véritable crise
immobilière au milieu du XVe siècle, laquelle avait conduit Charles VII à promulguer
en 1441
une ordonnance permettant aux pro-
159 priétaires de racheter les rentes au denier douze afin de dégager les immeubles des charges et d’en favoriser l’entretien : c’est le retrait de rente. v.198 : Ms :est cy. v.199 : Ms : me sote. v.220-221 : Pathelin, pour endormir la méfiance du drapier, lui verse le denier à Dieu, denier offert par le client et versé par le
marchand à des œuvres de bienfaisance. Ce geste répond à l’habitude pieuse de mettre sous la protection divine le contrat de vente qui va intervenir. v.239-240 : Pour Mme H. Lewicka, la prononciation qui ressort de la graphie oe pour oi est caractéristique de l'Ouest. v.241 : La sainte Madeleine est le 22juillet. v.242 : Le blanc — ou blanchet — était une pièce de menue monnaie. v.246 ne peut être v.253 v.261 v.265
: Ms : Seix aulnes, ce qui, compte tenu de la situation, qu’une faute de graphie. : Ms : Se sont. : Ms : Et se il sont ilz. : Le juron de Pathelin est ironique car saint Jacques
était surnommé le Juste. Mais saint Jacques d’Espagne est aussi le saint qui prêchait sans convertir et qui renonça (cf. La Légende dorée).
v.266-267 : Formule volontairement ambiguë de Pathelin et que le spectateur peut comprendre : « Chacun y retrouvera son compte ! ».
v.268 : Notre manuscrit est le seul à présenter un jurement appuyé sur le nom de saint Julien qui était surtout honoré en Normandie. Juron comique dans la bouche du drapier car il s’agit sans doute de Julien l’apostat dont la Légende dorée rapporte qu'il s'enrichit en volant à une femme l'or qu'elle lui avait confié. Le juron présente donc Guillaume comme un voleur.
v.270 : Locution figée. v.270-271 : C’est l'équivalence monétaire Z écu = 24 sous et 6 écus = 9 francs qui a servi à dater la pièce d’après 1456 et à lui proposer une origine normande (cf. L. Foulet, art.cit., Romania XIV, pp.545 et s. et H. Lewicka, op.cit., p.96).
v.276 : Saint Martin est un saint connu pour ses voyages et les mésaventures auxquelles ceux-ci l’exposaient. v.279 : Saint Gilles est l’ermite du désert connu pour sa solitude et son mutisme. v.280 : Ne pas dire euvangille qui subsiste dans l’expression
160 « ce n’est pas parole d’Évangile » a le sens de « dire des choses incroyables », « dire des sottises ». v.295 : Ms : je yraoye. Erreur du copiste qui mêle deux
temps. v.300 : Pour Mme H. Lewicka, les jurements composés avec male feste sont spécifiquement normands. v.305 : On peut aussi proposer une autre ponctuation : « Boce. Que c’est tresbien de lé. ». Ms : dellé. Faut-il lire dallié (pp de dallier « jaser »), deile (+ pièce »), deleé (pp de deleer « perdre son temps ») ou de lé (version traditionnelle) : il est difficile de trancher. v.321 : Au milieu du vers s’intercalent une réplique de Pathelin et une réplique du drapier, absentes de notre manuscrit, mais que le vers 327 rend nécessaires. Nous les ajoutons
d’après le manuscrit 15080 de la B.N. v.323 : l’peut tout aussi bien renvoyer à parole qu’à or. v.334 : Ms : que. v.345 : On pourrait corriger en esf cecy ou esse Cy.
v.346
: Cette
formule
de jurement
n’a été relevée que
dans les textes normands.
v.351 : Jehan est monosyllabique au XVe siècle. v.352 : Ms : n'est pas defroyé, ce qui compte sens ne peut être qu’une erreur de copiste.
tenu
du
v.355 : Rappelons que le blanc bois désignait un arbre qui ne portait pas de fruits. Etre blanc c'est être improductif ou être démuni sans espoir de « se refaire », être « lessivé ». v.356 : Chalemastre : Godefroy signale l'adjectif chalemastit comme terme d’injure en s'appuyant sur un exemple de 1474. Le terme, d’après Mme H. Lewicka (La Langue et le style du théâtre comique, p.272), n'apparaît que dans Pathelin. Serait-il un dérivé de chalemie (désignant une flûte de berger) avec le suffixe péjoratif astre, fréquent au XVe siècle, pour désigner un joueur de flûte, un homme de rien ?
v.357 : Sainct graphie pour ceint. v.363 : Le sou parisis a été utilisé comme monnaie sur toute la frange normande de la région parisienne. Sa valeur est supérieure
de 25 % à celle du sou tournois. D’après Mme H, Lewicka, en normand ar était articulé er (air). v.377-378 : Le prénom Guillaume était déjà passé dans l’usage pour désigner un niais. D’après L. Cons, ce nom de Jousseaume, très rare, serait celui d’un moine franciscain qui fut connu par ses prédications subversives et ses propos antipapistes entre
161 1417 et 1439. Il prit parti dans la querelle qui opposa les frères
mineurs à l’Université de Paris ; fut emprisonné plusieurs fois et excommunié.
Dans le milieu des clercs et des écoliers, ce nom de
Guillaume Jousseaume avait toutes les raisons d’être passé en proverbe avec le sens de « fourbe ». Ici, ironiquement, son juron favori est par sainct Pere ! v.384 : Formule par laquelle on scellait un marché devant un verre de vin. Manière de s’obliger courante au Moyen Age : c’est l'engagement par la foi dont les deux formes sont le serment et la paumée. v.391
: Nous voyons
dans errer une formation sur le sub-
stantif erre attesté au XVe siècle au sens de propos (cf. Huguet). Son sens serait alors raisonner « discutailler », essayer de convaincre. Il a un sens voisin de celui de brester « presser de prières, d'instances » (Huguet). La construction « pour+ infinitif» a généralement une valeur concessive : « quoi qu’ils fassent, qu’ils mena-
cent ou qu'ils supplient ». Dans la traduction, nous avons préféré privilégier l'alternative. v.407-408 : La rime chiere/pere est caractéristique de la Normandie. v432 : Cornardie : folie. Les softs de Rouen s'étaient regroupés en une association joyeuse fort connue qui avait pris pour nom l'Abbaye des Cornards. v.441 : Telle : graphie de tel, adjectif épicène qui ne compte que pour une syllabe. v443-444 : La rime faire/boyre est caractéristique de la Normandie. v.449 : Vandra : graphie de vendra « viendra ». v.473 : Comment que : locution conjonctive qui introduit une concessive au même titre que combien que... (avec le subjonc-
tif). v.483 : Saint Mathelin — ou Mathurin — était tenu pour un grand guérisseur de fous. De là le comique prophétique de l’invocation du drapier.
v.486 : Haper une prune : expression populaire pour retirer un menu profit de quelque chose, profiter. v.514 : Couvrir de chaume : expression populaire qui tire son sens de l’une des caractéristiques du fou qui était de se couvrir
la tête de paille. v.527 : La forme ille est souvent utilisée pour le sujet impersonnel. v.538 : Bave : bavardage.
162 v.540
: Aviser employé à la voix pronominale a le sens de
« prendre exemple sur » donc de « se contenir, se maïtriser ».
v.543 : Ms : hontez. Vraisemblablement faute de graphie. Nous avons corrigé en bouter. v.571 : Saint Georges le soldat est souvent invoqué dans les
jurons qui traduisent la colère. v.572 : Expression figée pour se débarrasser de quelqu'un au sens de « Qu'on vous les fabrique ! ». v.573 : Av'ous est la forme normande contractée de avez
VOUS. v.578 : Guillemette fait allusion au linceul.
v.587
: C’est là une construction hypothétique classique
dans laquelle qui au sens de si on est suivi du Subjonctif imparfait, la subordonnée précédant la principale elle aussi au subjonctif imparfait. v.588 : Ce tour avec onques que est assez rare. v.596-597-608 : Ms : ses. v.611 : L'expression « comme de cire » a le sens de « parfaitement ». Cf. Farce de celuy qui se confesse a sa voysine v.293 : « L'habit gant).
t’est fait comme
de cire » (L'habit te va comme
un
v.620 : S'agit-il d’une allusion à un médecin fort connu au Quartier Latin et qui fut maître-régent de la Faculté de médecine vers 1457-1458, puis Doyen vers 1470, ainsi que le pense Mme Rita Lejeune ? En fait ce n’est guère là qu’une utilisation de l’onomastique traditionnelle : dans la farce Jehan est toujours le nom d’un niais. v.627-628 : La diérèse ouëfre) pour oifre), marquée dans la graphie est caractéristique des parlers de l’Ouest. v.637 : Il faut lire : « ne puis cé estre ». v.657-658 : La rime rude/cuide est propre à la Normandie. v.659 : Soyez : le verbe cuidier impliquant une croyance fausse, se construit avec le subjonctif.
v.662 : On pourrait aussi comprendre : « sans être allé à la selle ». v.663 :Illec ou illuec adverbe de lieu au sens de /à. v.669 : Ms : se. v.705 : La forme du Subjonctif donge appartient aux dialectes de l’Ouest. v.715-716 : Vers difficiles qui diffèrent de la version traditionnelle (« Se je soy(e) qui sauroit a dire » : « Si je savais trouver quelqu'un qui pourrait me dire ») que nous comprenons ainsi :
163 « Puissé-je trouver un indice qui m'indiquerait qui est dans la vérité ou le mensonge (qui est gagnant ou perdant) ». Si l’on corrigeait que je sçoy en que ne sçoy, on pourrait aussi comprendre : « Car je ne sais ce qu’il convient de dire (de penser) qui est dans
la vérité ou le mensonge ». v.721 : Pour rétablir le mètre du vers, il suffit de corriger doyt en doye. v.724 : Point qui est rejeté en fin de vers pour la rime, ap-
partient en fait à la proposition principale. v.729 : Compte tenu des rimes, il manque ici la première partie du vers. On pourrait proposer : « Ve bousgé ore ». v.731 : Ms : cy. v.7134 : Putonnier forme issue du croisement de pautonnier (homme de mauvaise vie) et de pute. v.7135 : Fust : on pourrait aussi admettre la lecture traditionnelle frist. v.738 : Nous voyons dans amarryé un participe passé corrompu de amarrir « remplir de chagrin ».
v.753 : Le type de noms d'agent en -asse a été productif en Normandie. v.7154 : Je renye bieu formule figée qui est un juron et qui se soudera en jarnibieu. v.763 : J'avoue Dieu : avoer à le sens de fse) vouer à. Mais
on peut aussi comprendre : j'en appelle à Dieu. v.788-791 : C’est la première des répliques de Pathelin qui vont constituer la « scène des divers langages ». Pour Mme Rita Lejeune /art.cit.), Pathelin utilise les langues des différentes « nations » estudiantines de Paris — que ne comprend pas le drapier — pour mettre Guillemette au courant de ce qu'elle doit faire, et, en même temps, faire rire le public aux dépens du drapier. De là les
différents plans de signification, notamment ici : quinterne désigne une guitare (traduction de Holbrook) mais aussi une troupe (caterne, caterve) et la « reine » des troupes c’est la basoche. Les
quatre quinterneaux sont les quatre « nations ». Pathelin explique à Guillemette ce qu'il va faire : utiliser pour la guider les quatre « dialectes » des étudiants. v.804 : Mydieu juron issu de la contraction de Si maist Dieu (Se m aist Dieu, semidieu, midieu). v.818 : Les traductions que nous proposons, sous toutes réserves, pour les passages en dialecte ne sont destinées qu’à faire mieux comprendre le jeu de Pathelin. Mais il est évident que pour
164 être scéniques, elles devraient être écrites dans le patois actuel correspondant. Ce prenue: passage en « lymousynois » présente les caractéristiques de la langue d'oc : non diphtongaison du a accentué libre (alar pour aler ; mar pour mer) ; maintien sous forme sonorisée du t intervocalique /couronade). Quabonne : forme occitane de capponem « chapon », mot d'argot pour désigner un écolier fripon. Crabe : forme occitane pour le germanique krappa (à. fr. crape) désignant un crochet, un crampon. Le vers 822 est donc un vers argotique au sens de : « l’écolier fripon trompe (vole) chacun ». v.830 s. : Ce passage, qui est le morceau « picard », est vraisemblablement altéré car dans notre manuscrit, il n’est aucu-
nement
caractéristique
Guillemette
du dialecte considéré. Pathelin souffle à
à bout d’arguments, l’idée des derniers sacrements et
l’exhorte à maintenir son sérieux. v.845 s. : Nous voyons dans ce passage un mélange de traits anglo-saxons et allemands ce qui était le propre du dialecte flamand. Trot serait à rapprocher de l’all. frügen « tromper » ;le vers 846 de l’all. Zch habe gehen verloren « j'ai fait se perdre » (que j'ai plumé) ; drainnac de l’all. dringen habe « j'ai pressé, bousculé ». Par contre my, Ivy sont au XVe siècle des déformations typiquement anglaises ainsi que bigot pour le juron by god !
v.861 s. : Passage en normand. Principales caractéristiques : la première palatalisation (K+e,i) s'arrête à l'étape ts (chidre pour cidre de cisera ; chu pour ce de ecce hoc (en anglo-normand le neutre fonctionne dès le XIIIe siècle comme adjectif) et la seconde (K+a) ne se fait pas (quien, quat, querete pour chien, chat, charrette de Cane, cattu, carru)
; réduction précoce de mien a men
;
de we à e (peré, beré, foys), ou plutôt de ei à e (et deaià e). v.861 : Raïinouart, personnage héroï-comique des chansons Cycle de Guillaume, écrasait ses ennemis avec une massue.
v.865
du
: escarbot ou escharbot désigne un scarabé mais il y a un
jeu sur le mot qui chez Villon (Testament
1612) a le sens de bou-
sier. De plus eschar est une moquerie, escharbot une belle plaisanterie. Mousque (de musca) « mouche », en argot désigne un imbécile, un benêét. v.867 : boc peut avoir le sens de « bouc » ou de « bouche », « gueule » fbucca) et autan peut être une forme de autin « bois
utilisé pour soutenir la vigne ». Nous proposons donc : « J’ai donné une volée de bois vert à ce vieux bouc » ou « Je lui en ai mis plein la vue ».
165 v.887 s. : Ce passage en pseudo breton est sans conteste le plus difficile à comprendre. Nous y voyons une simple plaisanterie
d’écolier caractérisée par une déformation parodique des mots
:
par exemple Ja you pour j'ai eu, enbado pour envoye, meredol pour merencole, maydi pour m'ayda… etc. De ce fait, la traduction proposée n’est qu’une suggestion. Ajoutons qu'au vers 887 la rime impliquerait une correction de bien en braire et ce vers pour-
rait être une déformation
du vers 912 de l'édition Holbrook
:
« Sont il ung asne que j’os braire ? » v.923
: Faut-il corriger sic en sit (version traditionnelle) et
comprendre « et qui soit bonne à manger », « et qui lui ferait venir l’eau à la bouche » ou maintenir sic « ainsi », « puisque » et comprendre le vers comme une moquerie au sens « puisqu'il en a imaginé le parfum, cela suffit » ? v.932 : Ensieux que : forme de ainçoiïs que « avant que ». v.942 : Est est vraisemblablement une graphie de ait. v.948 . Ille est en général réservé à l’expression du sujet impersonnel. Indétermination qui convient parfaitement pour rendre cette abstraction qu'est « le grant deable ». À moins qu’il ne faille voir là un latinisme (utilisation du démonstratif de troi-
sième personne). v.965 : Pouent.: forme propre à l’anglo-normand où pueent s'était réduit à puent (cf. Béroul Tristan). Fouché cite aussi une forme poeent laquelle a pu se réduire à poent. Ces deux formes ont abouti à pouent. On pourrait aussi admettre une forme povent (réfection analogique sur l’infinitif povoir refait au XIlle siècle). v.969 : Cabasser au sens de voler est surtout attesté chez les auteurs normands. 4 v.987 : Le berger joue la niaiserie : c’est d’un sergeant à
verge qu'il a reçu la visite, lequel lui a apporté une assignation à comparaître au tribunal. v.988 : La clavelée était une maladie infectieuse qui touchait les moutons. v.989 : Levee de boucler « levée de bouclier », « démonstra-
tion d’hostilité », « reproches ». v.994 : Chiesge : forme dialectale normanno-picarde de sub-
jonctif présent. v.998 : Suffrage : « ce qui manque », « perte ». v.1020 : Maisouen : composé de ouan, oan (hoc anno) au sens de « sur le champ ».
v.1049 : Cheues ne compte que pour une syllabe.
166 v.1059 : Ms : je mangeoye,
v.1067 : Ms : il les avoit bien croyer. Faut-il corriger en il les avoit bien croyées « il les avait bien repérées » ou en il les oyoit bien croyer
? Compte
tenu de la rime, la seconde hypothèse est
plus plausible: v.1077 : Par ta fays : mot à mot « par ta foi ». v.1094 ; Plutôt que Tiesbault (version traditionnelle), nous
serions enclin à lire treshault qui peut étre une erreur de copiste mais aussi une version normale (c’est en effet la seule fois où le nom du berger apparaît dans le manuscrit, en dehors du surnom) : en effet, en utilisant cet appellatif forcé à l'égard de Pathelin, le berger tendrait à se faire passer pour le niais qu'il n’est pas.
v.1099 : Ms ‘ge. v.1108 : Ms : que. v.1114 : Ce vers est identique au vers 1120. Or le manuscrit présente deux versions : ille convendra et il te convendra. Nous les avons maintenues mais nous serions enclin à corriger
la seconde sur la première, ille étant le sujet impersonnel traditionnel. Cette forme pouvant aussi s'expliquer par une mauvaise graphie de il efsJconvendra en ille convendra, bien que cela soit peu probable dans notre manuscrit. v.1154 : Jeu de mots du berger sur à : selon vos désirs et avec votre mot. Il songe déjà à tromper Pathelin. v.1171 : On pourrait comprendre : « S'il ne pleut pas, il bruine ». Mais dans la bouche de Pathelin, le vers prend allure de proverbe argotique. v.1177 : Ms : qui. v.1179 : Ms : que. v.1180 : Ms : qui. v.1248 : La rime est ici sans répondant. On pourrait ajouter un vers pris aux imprimés qui débute la réplique dujuge : « Vous dictes bien : il le converse » (Vous avez raison : il le fréquente.). v.1263 : La méme rime est répétée trois fois : notre manus-
crit comporte ici un vers de plus que les imprimés, le vers 1262. v.1206 : Ms : ayez. v.1315 : Ms :nommez. v.1325 : Pou d'Acquest : onomastique comique. C’est le nom attribué dans certaines sotties au personnage qui représente le menu peuple, v.1331 : Ce vers appelé par la rime et nécessaire au sens est emprunté au manuscrit 15080. v.1332 : Ms : que.
167 v.1345 : Compte ce vers est de trop.
tenu des rimes (et de son sens redondant)
v.1452 : Ce vers pourrait aussi s'adresser au juge que Pathelin essaie de retenir pour se protéger du drapier : « Monseigneur. diable !.. ne partez pas | ». v.1455 : Pathelin est un clerc ayant reçu les ordres mineurs. v.1489 : On peut aussi comprendre : Soyes tu quoy te diroy ? « Sais-tu ce que je veux te dire ? » v.1504 : Gabuseurs : terme d'agent formé sur gab, gabois « plaisanterie », « raillerie ». v.1518 : Cette fin qui attribue à la pièce le nom de comedye est propre à notre manuscrit.
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Il LES « CONTINUATIONS » DU PATHELIN : LE NOUVEAU PATHELIN ET LE TESTAMENT DE PATHELIN Malgré un succès certain en leur temps, les « continuations » du Pathelin ont été oubliées ou volontairement reléguées dans l’ombre par les historiens du théâtre. En dehors de l'édition du Testament par le libraire Coustelier en 1723, nous ne connaissons que deux éditions des deux pièces, la première due à Simon Gueulette en 1748 et la seconde, à Paul Lacroix {Recueil de Farces Sotties et Moralités du XVe siècle, Paris, Delahays), en 1859. C’est cette dernière édition que nous avons soigneusement revue en nous appuyant sur les deux seules éditions gothiques du XVIe siècle comprenant les deux pièces, qui nous soient restées : L'édition A, qui se trouve à la Bibliothèque de l’Arsenal sous
la cote 8
B 14489
Réserve, présente les trois
pièces en un recueil relié au XVIIIe siècle. Cette édition sans date, qui se termine par « on les vend a Paris en la rue Neufve
Nostre-Dame
à l'enseigne
Sainct Nicolas »,
aurait été imprimée, d’après M. Jacques Guignard, Conservateur en Chef de la Bibliothèque de l’Arsenal, non pas par G. Nyverd, ainsi que le supposait Paul Lacroix, mais par Jacques Héruf ou Hérouf cité par Ph. Renouard dans son Répertoire des imprimeurs parisiens. Elle daterait donc des toutes premières années du XVIe siècle. L'édition B, conservée à la Bibliothèque Nationale sous la cote Rés Ye 1291, est un petit in-8 gothique de
170 80 feuillets, sans date, mais à la fin duquel on peut lire qu’il fut « nouvellement imprimé à Paris pour Jehan Bonfons demourant en la rue neufve Nostre-Dame, a l’enseigne Sainct-Nicolas. » Cette seconde édition ne remonterait donc pas au delà du milieu du XVIe siècle et serait postérieure à la précédente qu’elle se contente de
reproduire servilement tout en en modernisant l’orthographe (par exemple : un pour ung, point pour poinct, autre pour aultre… etc.). D’après Paul Lacroix, qui appuie son argumentation sur des équivalences monétaires, Le Nouveau Pathelin serait de 1474 et par conséquent antérieur aux Repeues franches de Maistre Françoys Villon dont l’un des chapitres, La Maniere
d'avoir du poisson, présente la même
intrigue. Il est d’ailleurs probable que le récit de ce bon tour appartenait au vieux fonds narratif populaire et son attribution aux deux maîtres trompeurs du temps, Pathelin et Villon, n’a rien d'étonnant : d’ailleurs n'est-il pas symbolique que dans l'édition gothique aujourd’hui perdue sur laquelle 5. Gueulette
s'était appuyé pour faire
son édition, les trois farces de Pathelin aient été jointes aux œuvres de Villon ? La confusion en un même type de nos deux héros est encore plus nette dans Le Testament de Pathelin, sans doute postérieur de peu au Vouveau Pathelin dont il exploitait ainsi le succès. Cette pièce qui sacrifie à la vogue que connaissait alors le genre burlesque du Testament (cf. J.C. Aubailly, Le Monologue, le dialogue et la sottie, Champion, Paris, 1976, pp.94-101) présente de nombreuses réminiscences des legs comiques et satiriques du Lais et du Testament de Villon. Elle permet ainsi à Maistre Pierre et à Maistre Françoys d'entrer étroitement unis dans la légende... et Rabelais, le premier, en témoignera. Note : Les vers ou mots entre crochets, absents des deux éditions
gothiques ont été ajoutés d’après l’édition de Paul Lacroix (Paris, Delahays, 1859).
LE NOUVEAU PATHELIN a trois personnages c'est a sçavoir PATHELIN, LE PELLETIER,
LE PREBSTRE Pathelin commence Plus m’esbahys tant plus y pense Car je voy gens de conscience Qui souvent sont tous malheureux ;
Les pires sont les plus heureux Qui prennent de taille et d’estoc. Si je n’eusse joué du croc Et vescu d’autre que du mien, Par Sainct Jacques, je n’eusse rien ! Il n’est que le croc et la trompe
[Pour vivre a l’ayse et dans la pompe !] Aujourd’huy ne peulx rien acquerre. 12
16
20
Et ne suis-je pas Maistre Pierre Pathelin qui, tout en ung lieu, Pour ung tout seul denier a Dieu Eus six aulnes de bon fin pers ! Il n’est que [gens] fins et expers Pour leurs bons marchez espier. En effect, le villain drapier N'en sçeut onc(ques) avoir aultre chose. Mais il fault bien que je m’expose D’empoigner quelqu'un a la source Et d’avoir, sans deslier bourse,
24
Des fourrures pour noz cotelles. Dieu mercy, je sçay des cautelles Beaucoup : je m'en voys a la foire
172 Assayer que g’y pourray faire.
Il est aujourd’huy bonne jeune 28
32
36
40
44
Que mainte personne sarrazine Se dispose a soy confesser ; Mais pourtant si fault-il penser De son prouffit : je trouveray Quelque sot que je tromperay Par beau parler, fraulde et fallace.
Le Pelletier commence Je suis icy en bonne place Pour vendre ma pelleterie. S’il me vient de la seigneurie Pour [en] avoir quelque bon lot Je leur feray payer l’escot De mon soupper bien largement. Pathelin Voyla mon homme proprement Qui m'’attent ; voyla mon marchant. Je voys a luy tout beau marchant Faisant semblant de le congnoistre. Et Dieu vous doint joye, nostre Maistre !
Le pelletier Dieu vous doint joye ! Pathelin Comment vous va ?
Le pelletier Bien, Dieu mercy !
48
Pathelin Couvrez-vous dea ! Ce n’est pas signe de preud’homme D'’estre si gratieulx comme Vous estes ! Comme va, beau sire ?
173 Le pelletier Mais vous mesme ? Pathelin Tant de foys dire C’est trop tenu.
Le pelletier Bien, donc.
44
Pathelin Or ça, Quant venistes-vous par deça ? Le pelletier Hyer.
Pathelin Vous soyez le bien venu ! Dea ! Vous estes bien tenu De retourner en ceste ville.
56
Le pelletier Il me semble que tout aville Quant je y vien. Pathelin Vendez-vous point bien Doncques ?
Le pelletier Pas trop. Sans le moyen Je n’y fais point de grant despesche.
60
Pathelin Si n’y a il qui vous empesche. Au moins n’y congnois-je personne Qui ayt marchandise si bonne
(—1)
174
04
Comme vous en avez le bruit. J'en congnois encor sept ou huit Lesquels, quant je retourneray, Selon ce que je leur diray, Vous viendront veoir pour en avoir.
Le pelletier 68
72
76
80
Tant mieux.
Pathelin (Et) si vous faictz assavoir Qu'il y a deux ou troys bourgoyses De mesme qui seront bien ayses Quant je leur diray qui vous estes. Icy se doibvent tenir festes Et nopces dedans peu de temps... Mais je vous prometz et m’attens Leur en faire avoir bonne part. Le pelletier Si me vient quelque bon hazart De par vous, pensez que je suis Pour le recongnoistre. Pathelin Si je puys, Et je puis bien toutesfois, Je vous vauldray pour une foys Ung bon pot de vin.
Le pelletier Grans mercys !
84
Pathelin J'en sçay, parbieu, telz cinq ou six De qui cent et cinquante francs Viendront en vostre main tous frans.
(-1)
175 Le pelletier Il seroit bien a desservir !
Pathelin Là ou je vous pourray servir, . Je le feray : je y suys tenu. Dea ! J’ay bien autresfoys congneu 38 Vostre pere. Vit-il encore ?
Le pelletier Nenny, plus.
92
96
100
Pathelin Dieu luy doint sa gloire, Et a tous bons loyaulx marchans. Il n’en va gueres sur les champs Maintenant qui soyent de sa sorte. Quant telle personné est morte, C’est pour tout le quartier dommaige. Il n’avoit encor(es) que bon aaige ; Il n’estoit point fort ancien. Dieu ! Tant il a presté du sien ! Car il accroyoit a plusieurs ; Mais il est tant de cabuseurs Que marchans n’osent plus croyre.
Le pelletier
On ne sçait present comme croire Les gens, tant sont fort variables ! 104
108
Pathelin Par Dieu ! C’estoit ung des notables — Encore y suys-je — vostre pere, Ce croy-je, qui fust né de mere. Aussi tout le monde l’aymoit ; Tout le monde le reclamoit ; Chascun le louoyt en tout cas, Et encor(es) ne disoit-on pas
Gi
176
112
La moyctié du bien qui estoit En luy !
Le pelletier Voire ! Mais il prestoit Tant a chascun ? Car pour parler franc Marchant si liberal et franc A prester le sien n’est pas saige. 116
Pathelin Non, si ne le fait sur bon gaige. Mais pourtant, si vous m'en croyez, De vostre vie rien n’accroyez
120
Se vous ne sçavez bien a qui. Maint bon marchant est relinqui Et povre pour le sien prester. Le pelletier Il faut prester et emprunter Aucunesfoys…
Pathelin Il est tout vray,
124
Mais il y a si peu de foy Aujourd’huy en plusieurs gens, Que plusieurs en sont indigens Qui se confient en leur promesse.
128
Il est aussi vray que la messe ; Je mien sçay bien a quoy tenir |
Le pelletier
1432
Pathelin Pourtant vous en doibt souvenir : Il en est bien a qui l’on baille Assez sans denier ne sans maille En qui on ne pert rien pourtant. Mais j'en congnois d’aultres qu’autant
(+1)
177
136
Vauldroit le pied comme la main. Trop bien dient : « Je payray demain Seurement, je le vous prometz. » Mais ce demain ne vient jamais ! Et pour tant … ne prestez A telz gens !
(—2)
Le pelletier
140
144
Vous m’amonnestez Beau et bien, et vous en mercye.
Pathelin Dea ! Il fault bien qu’on se soucye De ses amys ! Et toutesfoys J’ay ouy dire maintesfoys A mon père dont Dieu ayt l’ame, Que entre vostre pere et sa femme
148
Avoit ne sçay quel parenté. Combien que ne soye pas renté Comme vous — mais se j’estoye homme Qui le vaulsist — je croy qu’en somme Quant tous voz parens et amys
152
Seroient contez, j'en seroys mys Du nombre, car, de verité,
Il y a grant affinité Entre nous. Le pelletier
156
En bonne heure, sire, J'en suis joyeux ; mais, au vray dire
Je ne vous congnois pas présent.
160
Pathelin C’est tout ung ! Mais, par mon serment, Il est vray. Aussi vostre pere Faisoit tousjours tout son repaire Chieulx nous et, se ailleurs il logeoit, Si ne buvoit il pas ne mangeoit Pas voulentiers en autre lieu.
(FD
178 Le pelletier
164
Possible est.
168
Pathelin Il est vray par bieu ! Pensez vous point qu’il mien souviengne ? Si faict, dea ! Et quant j’estois jenne Et petit, il m’en souvient bien, Que vostre beau pere et le mien, Quant ilz tenoien* festes ou nopces
Ou qu’ilz trestoient d’aultres negoces, Estoient l’ung chieulx l’aultre a toute heure. Le pelletier 172
Mais dictes ou est la demeure
Pour vous veoir le temps advenir ?
176
180
Pathelin Parbieu ! Mon pere fut tenir Sur fons … mais je ne suys pas seur Si ce fust vous ou vostre seur… Mais tousjours s’appelloient comperes. Les filz ne vauldront ja les peres : Aujourd’huy sont trop differens Car, sur mon ame, les parens
Ne s’entrayment plus, ce me semble Ne ne hantent point tant ensemble Comment ilz souloient.
Le pelletier Mais dictes moy,
184
188
Je vous en prie, par vostre foy Dont vient ce grant lignaige cy ?
Pathelin Le cuidez vous sçavoir ainsi Tout courant ! Par bieu ! Nous serons Les pieds soubz la table et burons Avant qu’aultre chose en sçachiez.
129 Le pelletier Trop bien !
192
Pathelin Nous feron des marchez A l’aventure ains que je parte Qui vauldront bien a boire quarte ; Et puis là en deviseron. Le pelletier S'il vous fault rien, nous en auron Fait a deux motz car seurement
196
Tout est bien au commandement,
Et n’y eust-il denier comptant ! Pathelin Rien, rien. Je vous mercye pourtant ;
200
204
Mais quant d’avec moy partyrez, Par ma foy, vous emporterez Tout ce que vous debv(e)rez avoir : Je ne hay rien tant que debvoir ! Jamais d’accroire homme ne prie. Quant est de la pelleterie,
Il m'en fault de belle et de bonne,
Non pas pour ma propre personne Mais pour. Vous le congnoissez bien Si crois-je… ung tres homme de bien, Le curé de ceste paroisse. Je vous y meneray.
Le pelletier Ou esse Qu'il est ?
212
Pathelin Qui ? Dieu ! C’est ung homme Qui a, par Dieu, plaine somme Et suys son parent, moy, indigne :
(—-1) (—1)
180 Il ne soupe point ne disne Gueres que tousjours je n’y soye.
216
Le pelletier Se c’estoit pour fins draps de soye J’ay pannes assez suffisantes. Advisez quelz pannes et quantes
Il fault. Pathelin Pannes de bon pris. Le pelletier De quoy ?
220
Pathelin De quarreaux [ou] de gris. Le pelletier J’ay de tresbon gris espuré.
224
Pathelin Or ça, pour monsieur le curé, Puisqu'’une foys en ay la charge, Pour sa robe qui est longue et large, Combien fault-il bien de manteaulx,
Par vostre serment, de quarreaulx, Pour la fourrer, de Lombardie ?
228
232
Le pelletier Il en fault bien deux et partie Du tiers, par ma foy, mon amy, Il vous en fault deux et demy Tout du long. Pathelin Et puis nous convient — C’est grant argent qui vous vient —
181 Pour sa niepce, laquelle est preste D’espouser, une panne honneste De bon gris.
236
Le pelletier J’ay du gris de Pruce : En voulez-vous ? Ou gris d’aumuce ?
Pensez que j'en ay a tout feur. Pathelin Par ma foy,je veulx du meilleur ! Le pelletier 240
Se vous voulez de tortes bannes, Par ma foy, j'en ay de bien fines.
Ou, se vous voulez de groingnettes, Prenez en. Ou des mantonnettes,
Des croupes ou des pennilleres.
244
Pathelin Ces pannes sont trop legieres.
Le pelletier J’entens vostre cas bien et beau : Je vous sortiray d’ung manteau Bel et bon. Pathelin Monstrez.
Le pelletier Voy le cy. Pathelin
248
Voire ! Mais souffira cecy Pour bien fourrer toute sa robe ?
(—1)
182 Le pelletier Ouy, si on ne luy en desrobe.
Pathelin Et fauldra il point de fourniture ? 232
(FD)
Le pelletier Il vous fauldra a l’aventure, Voire — et si vous est necessaire Et est bien honneste — pour faire Les paremens, une douzaine
De beaulx dos de gris.
256
260
Pathelin C’est grant peine | Or ça, monstrez moy ces quarreaulx. Le pelletier Voy-les cy, et s’ilz ne sont beaulx N'en payez ne denier ne maille. Se vous en trouvez qui les vaille, Je les vous quitte.
Pathelin I1z sont passables. Le pelletier I1Z sont, par bieu, bien proffitables : C’est proprement ce qu'il vous fault. Pathelin
264
Combien — mais ne parlez pas hault — Coustera toute la marée ?
Le pelletier C’est toute bonne denrée !
c+)
183
268
ile
Pathelin Encore en est-il de meilleure ! Mais vrayement, en la bonne heure, Il convient bailler, c’est raison, Le denier a Dieu. Ne faison Marché de quoy Dieu n’ayt sa part.
Le pelletier C’est raison d'y avoir regart, Et dictes comme homme de bien.
Pathelin Or ça, disons present combien Tout coustera, sans barguigner.
276
Le pelletier Je ne veulx en vous rien gaigner
Pour l’amour de la congnoissance. Pathelin Encore, j’ay bonne esperance Qu’apres cest marché s’en fera Bien d’aultres ! Le pelletier
280
Tout vous coustera…
Les manteaulx sont grans et montans… Douze beaulx escuz contans. Pathelin Vrayement, c’est bien dit ! Douze escuz !
284
Le pelletier Par bieu, tout vault encor plus !
Pathelin Sans jurer, car il me faict mal Quant il n’y a bon principal,
184 D'ouyr jurer, il souffira De neuf escuz. 288
Le pelletier Ha ! Non sera ! Par ma foy, vous vous hausserez ! Pathelin Trop bien ; mais vous vous baisserez ! Or ça, vous en aurez donc dix. Le pelletier Mais unze ! Pathelin Rien.
292
Le pelletier Et je vous ditz Que c’est marché sans decepvoir !
Pathelin Brief, je veulx bon marché avoir Et bien payer aussi.
296
300
Le pelletier Pourtant Si n'aurez vous pas tout pour tant : Sans plus, il ne se pourroit faire.
Pathelin Ung trompeur qui le vouldroit (ac kroyre En offreroit plus largement ; Mais je en offre tout justement Ce que en veulx payer, sur le pec. Le pelletier Vous mettrez deux francs avec !
185 Pathelin Combien seroit-ce ?
304
Le pelletier Ce seroit Dix-huit francs que tout cousteroit. Pathelin Ce seroit trop | Le pelletier Par mon serment, Vous les payerez tout rondement !
308
Pathelin Bien : puisque vous avez juré, Non pas moy mais monsieur le curé Les payera. Le pelletier Cela m'est tout ung !
Pathelin Et si ne reviendrez pas jung De sa maison. Le pelletier Nous ne buvons Tousjours que trop ! Pathelin Ça, achevons. Il nous fault maintenant aller A nostre beau curé parler Pour recepvoir vostre payement. Le pelletier Le fault-il ?
186 Pathelin Et ouy vrayement.
316
Ce n’est pas loing jusques a l’église, Mais il vault mieux, quant je m’advise,
(-1)
Que vous prenez, a l’aventure,
320
324
Quelque aultre sorte de fourrure Car je croy, quant il en verra D'’aultres, qu’il en acheptera. Et si y a de noz voysines Comme j’ay dit, qui font bien [mines] D’en despescher un tresbon lot : Vous y pourrez gaigner un pot De vin pour employer vostre erre. Le pelletier Vous dictes vrai.
328
Pathelin Par Sainct Pierre Ce faict mon ! Vous en pourrez vendre A de grant argent.
Le pelletier 332
Je voys prendre Du menu vair donc et de faines ; Des croupes et des toutes vaines, Et ung beau manteau de regnartz.
Pathelin Faictes en ung pacquet à part. Le pelletier Si feray-je ; laissez moy faire. 336
Pathelin Vous aurez chieuz nous bien affaire Beaucoup plus que ne pensez.
(1)
187 Le pelletier De tant mieux ne vous soussiez : Aussi, si je fais mon proffit, Rien n’y perdrez !
340
Pathelin Il me suffit Que vous vendez bien voz denrées.
Le pelletier Voicy noz pannes bien serrées Chascune a sa part. Pathelin Allons doncques ; Je le porteray.
344
Le pelletier Rien quelzconques ! Il n’y a rien qui soit pesant. Pathelin Pensez-vous que je soye laysant ?
348
Et vous porterez tout le fais ! Mauldit sois-je se je le fais ; Jamais je ne le souffriroye. Le pelletier Ne vous chaille, j'en porteroye Bien plus a une de mes mains !
352
Pathelin Et par bieu, sire, a tout le moins Je porteray ce pacquet cy. J'en seray bien grevé aussi ; Il ne fault pas tant de caquet !
188
356
Le pelletier Bien. Portez donc vostre pacquet. Mais c’est peine et honte. Pathelin Rien, rien !
Chascun emportera le sien. Pensez vous que cecy m’enhenne ?
360
Le pelletier Ne bousge tant que je reviengne, D'icy, entens tu, mon varlet ? Et prens bien garde a ton palet. Sus devant, allon, de par Dieu !
364
368
Pathelin Vous verrez tantost ung beau lieu Chiez ce curé ou je vous maine ; Et si est une maison plaine De tous biens. Mais aussi le bien Luy est bien deu : il le vault bien. Pensez qu'il vous fera grant chiere. Le pelletier Dictes vous que c’est sa maniere De festoyer ainsi les gens ?
372
Pathelin Quant vous aurez reçeu l’argent Ou de l'or, tel qu’il vous plaira, Car tout premier il vous payera
376
D'’assiette de ce qu’il vous doibt, Vous verrez de quel vin il boit ; Et si vous donray, par sainct Gille,
D'une tresbelle et grosse anguille, Et là vous diray du lignaige D'’entre nous.
189
380
384
388
Le pelletier J’ay bien grant couraige Dien sçavoir. Pathelin Nous en parlerons Sur le vin et nous trouverons, Ce croy-je, de bien pres parens. Ça, voy cy l’eglise : entrons ens A l'aventure qu’il y est. S’il y est, il sera tout prest De vous payer a la raison Avant qu’aller a sa maison, Car tousjours sur luy [il] aporte Or et argent de mainte sorte : C’est sa maniere et sa nature. Le pelletier
392
Hors mettons donc à l'aventure
Une patenostre. Pathelin Devant, Entrez.
Le pelletier Mais vous.
396
400
Pathelin Ça quant et quant ! Voila le curé qui confesse ; Regardez, il n’y a pas presse : Nous sommes entrez bien a point. Je luy voys tout de poinct en poinct Dire le marché qu’avons faict Et, s’il est appoint, qu’en effect Il vous despesche.
190 Le pelletier C’est bien dict !
404
Le prebstre Vrayement la teste m’estourdit De confesser : c’est trop grant peine.
« En quel temps fusse ? En quel semaine ? Estoit-elle point mariée ? Car s’elle estoit femme liée Il y fauldroit avoir regard. »
Pathelin Doint bon jour, monsieur. 408
Le prebstre Dieu vous gard. Qu'a il de nouveau ?
Pathelin Le cas est [Que] voicy ung [filz], s’il vous plaist, 412
Qui se veult a vous confesser Et l’ay bien voulu adresser
A vostre personne et pour tant Que je congnoys bien de vous tant 416
Et qu'a plusieurs j’ay ouy dire Que tresbien le sçaurez instruire Et interroger de tous cas. Le prebstre Par mon ame, je ne sçay pas Plus qu’ung aultre !
420
Pathelin Sauf vostre grace, Avant que d’icy il desplace, S’il vous plaist, en prendrez la peine. Vous aurez pour une douzaine
191
424
De messes, l’argent tout contant,
Et puis vous les yrez chantant Quant vous serez tout de loysir. Le prebstre Quant il vouldra, a son plaisir, J'en prendray voulentiers la charge.
428
Pathelin Pour bien vous dire tout au large Son cas et sa condition,
432
436
440
Il est d’une complection Aucunesfoys bien fantasticque Et souvent, quant le ver le picque Devient comme tout insensé Tant qu’on n’auroit jamais pensé Les follies de quoy il s’advise. Mais, quelque chose qu'il devise, Il ne faict nulles folles malles, Et si y a des intervalles,
Comme present, qu’il est bien saige.
444
Pour tant luy ay donné couraige, Tant comme il est en bon propos, De vous dire deux ou trois motz Pour le faict de sa conscience. Vous avez assez de science, Se d’aventure il se vouloit Fantasier comme il souloit, Pour le remettre a son advis.
448
Le prebstre Par ma foy,je confesse envis : C’est ung mestier trop penible !
452
Pathelin Pour ce, faictes y le possible Pour l’argent ; et quant vous l’aurez Confessé, vous [vous] en viendrez
(—1)
192 Digner avec nous, s’il vous plaist : Vous trouverez le digner prest A ceste taverne prochaine. 456
460
Le prebstre Et bien, je prendray donc la peine De le despescher, mais qu’il viengne. Mais il fault qu’ung peu là se tiengne Tant que j’aye achevé cestuy.
Pathelin | Monsieur, qu'il soit bien adverty De son cas ; je vous en requier Despeschez lay. Le prebstre Sans reli[n]jquer. J’entens bien le cas tout du long !
464
Pathelin S'il vous plaist, vous luy direz donc Que present le despescherez. Le prebstre Trop bien. Mon amy, vous serez Despesché present pour certain. Le pelletier Bien monsieur.
468
Pathelin Je mien voys soubdain Devant faire mettre la table. (Mais) venez a heure convenable Monsieur.
Le prebstre Sainct Jehan, si ferons nous :
472
Nous serons bien tost apres vous.
193
476
Pathelin (au pelletier) Or ça, vous avez bien ouy, De quoy je suys bien resjouy, Que present serez despesché. Je luy ay dict tout le marché Et la somme totallement. Le pelletier Voire, mais fera il le payement Icy ?
480
Pathelin Et ouy dea, veu le cas... Et le despescherez vous pas Ici ? Le prebstre Et ouy dea : c’est le mieux. Pathelin Voire. Et bien tost ?
484
Le prebstre Tant de foys ! Dieu ! Mais que cestuy ayt achepvé De soi confesser. Luy levé, Quelconque s’y offre ou presente, Il sera en heure presente Despesché tout en la maniere Qu'il est dit.
Pathelin 488
Pour faire la chere,
Je voys donc penser du digner Car il nous fauldra choppiner Ung peu pour mieulx s’entrecongnoistre.
(+1)
194
492
Le pelletier S’il me faisoit longuement estre le Pathelin Rien
Le pelletier … je seroye deceu ! Pathelin Apres que vous aurez receu
496
Tout vostre argent et recueilly, Vous vous en viendrez avec luy Disgner : l’entendez-vous pas bien ? Je ne vous serviroye de rien
Puisqu'’il sçait quelle somme il y à.
500
504
Dictes ung Ave Maria S’il vous ennuye en attendant.
Le pelletier J’attendray doncques cependant Qu'il paracheve cestuy la. Hen ! Emportez-vous cela ? Laissez le moy si vous voulez. Pathelin
Rien, rien.
Le pelletier Or, allez donc, allez !
508
Pathelin Cecy ? Et que me coustera il ! La voulez-vous dessus le gril Ou bouillie, ceste grosse anguille ?
(1)
195
Le pelletier Or je vous requiers qu’on n’habille Rien qui soyt pour moy davantaige. 512
Pathelin Vous soussiez vous du coustaige ? Vous n’aurez rien que l’ordinaire. Le pelletier C’est assez. Pathelin Or mien laissez faire :
Je voys faire piler les poys.
516
520
524
528
138
Le prebstre (à son pénitent) Or ça, mon amy, quantesfoys Avez-vous eu sa compaignie ? Le pelletier J’auray une belle poignie D'argent maintenant pour mes pannes, Et si ne sont que des moyennes ; Les manteaulx ne sont point des grans ! Si en auray-je dix-huit francs Pourtant. Et s’il eust barguigné Plus fort, il eust par Dieu gaigné Ung escu d’or au premier bout. Mais puisque le curé paye tout, Ne m'en chault :il fera l'avance !
Le prebstre (à son pénitent) Faictes bien vostre penitance Et entendez doresnavant A bien faire mieulx que devant Car vous avez beaucoup failly. In nomine Patris et Fili
196 Et Spiritus Sancti, Amen. (au pelletier) Ça, mon amy, venez-vous en. Le pelletier Et je suys, monsieur, tout venu. 536
Le prebstre Je vous ay ung petit tenu, Mais il falloit icy parfaire.
Le pelletier C’est raison : il le convient faire Quant on y est.
Le prebstre
Or ça, dison ! Le pelletier Dictes donc, monsieur ! Le prebstre 540
Advison. Placez-vous.
Le pelletier C’est tout advisé : Ne vous a il pas devisé La chose tout ainsy qu’el est ? 544
Le prebstre Ouy, mon amy, et je suys prest De vous despescher maintenant.
Le pelletier N'estes-vous pas bien souvenant
Du marché tel qu'’il[vous l’] a dit ?
548
Le prebstre Ouy dea! Et tout a son dit J'en feray.
(—1)
Le pelletier Ça, despeschez nous Doncques ! Le prebstre Mettez-vous a genoux S'il vous plaist.
Le pelletier Pourquoy cecy ?
552
(—1)
Le prebstre C’est la maniere d’estre ainsi Pour compter son cas humblement. Le pelletier Pour compter bien et aysement,
556
Ce lieu cy n’est pas bien sortable ; Mais allons dessus une table Ou quelque autel pour bien compter. Le prebstre Il ne fault ja si hault monter. Agenouillez-vous cy ung pou.
560
Le pelletier Par mon ame, il ne me chault ou
Mais que j’aye ce que je demande ! Le prebstre Tant plus est l’humilité grande Du pescheur, plus est eslevé.
(+1)
198
564
Le pelletier Si seroye-je pourtant grevé Si j’estoye ainsi longuement. Le prebstre Vous estes bien. Devotement Despeschez-vous sans tant prescher !
568
Le pelletier C’est vous qui devez despescher : Despeschez moy ! Le prebstre Or comptez donc Ce qui vous maine tout du long Et bien tost vous despescheray.
572
Le pelletier Baïllez donc et je compteray ! Je ne voy que compter icy. Le prebstre Dea ! Ce n’est pas a dire ainsi : Sçauriez-vous compter vostre cas ?
576
580
Le pelletier Ouy bien ! Mais ne vous l’a il pas, Cest homme qui s’en va, compté ? Le prebstre Pensez-vous qu'il m'aura compté Voz cas particulierement ? Il n’y a que vous seulement
Qui en sçeust parler au certain. Le pelletier Pour le vous dire plus a plain Doncques, il est vray qu'il y a Pour tout dix-huit francs.
199
584
Le prebstre Et dea ! Dea ! Qu'’esse a dire ? Le pelletier Il y en a autant. Il me les fault avoir comptant Pour ces deux pannes qu'il emporte.
588
CEA
Le prebstre Il vous fault parler d’aultre sorte : Qu’esse cy ? Je n’y entens rien |
Le pelletier C’est vous qui ne parlez pas bien : Vous ne faictes que barbouiller !
592
Le prebstre Ça,dictes sans plus vous brouiller Tout premier, Benedicite.
Le pelletier Et pourquoy ? Quel necessité En est-il ? Le prebstre Si esse la guise. 596
600
Le pelletier Quant je verray la table mise, Je le diray et non autrement ! Le prebstre Si esse le commencement Et le sceau de confession. Dictes le en devotion,
Et puis vostre Confitéor.
(+1)
200 Le pelletier Baillez moy ou argent ou or !
604
Vous ne faictes que ravasser. A quel propos me confesser Maintenant ? Il en est bien temps ! Le prebstre
Mon amy, veu ce que j’entens, Vostre entendement est brouillé.
608
Le pelletier Seray-je cy agenouillé Tout meshuy ?? Qu’esse cy a dire il Vous my faictes mettre pour rire
Ce croy-je en vous jouant de moy.
612
Le prebstre Non fais, mon amy, par ma foy | Ce n’est pas pour me faire honneur Mais pour l’amour du beau Seigneur
Que je represente en ce lieu. 616
620
Le pelletier Or me payez dont, de par Dieu, Puisque representez voste homme Et me baillez toute la somme Qui m'est deue pour la marchandise Qu'il emporte. Le prebstre On vient a l’eglise Pour y prier Dieu et non pas Pour y parler de telz fatras : Ce n’est pas lieu pour marchander !
624
Le pelletier Esse peché de demander Ce qui est bien loyaulment deu ?
201 Le prebstre Vous sçavez bien que je n’ay eu Rien de vous !
Le pelletier Rien !
628
Le prebstre De quel mestier
Estes-vous ? Le pelletier Je suys pelletier De par tous les dyables d’enfer !
632
Le prebstre Il ne se fault point eschauffer, Mon amy. Parlez sagement Et vous confessez gentement.
Le pelletier Je confesse que me debvez Dix huit francs et que vous avez La denrée qui mieulx vault encore...
636
640
Le prebstre Dieu vous rende vostre memoire ! D'ou vient ceste merencolie ? Il y a bien de la follie ! Je prie a Dieu qu’il vous sequeure. Vous est-il prins tout a ceste heure ? Mon amy, vous estes volage ! Le pelletier Par la mort bieu, je suys plus sage Que vous n’estes de la moitié |
202
044
648
Le prebstre Sans jurer, voicy grant pitié ! Il fault que vous vous confessez Mon amy, et que vous pensez A Dieu comme ung homme notable.
Le pelletier Mais pensez-y, de par le diable, Et me payez ! Avant la main ! Le prebstre Je ne vy jamais si soubdain Entendement d'homme troubler |
652
656
Le pelletier Me cuydez-vous ainsi embler Mes pannes sans estre payé ? Se vous m'avez delayé Payez moy sans plus m’abuser ! Le prebstre Mais pensez de vous accuser Sans rien laisser, de bout en bout.
Le pelletier Le corps bieu ! Je vous ay dit tout Et suys tout prest de recepvoir…
660
Comment
Le prebstre ! Voulez-vous donc avoir
Corpus Domini ? Il fauldroit Premier vous confesser a droit.
Le pelletier Mais quel diable d’entendement !
Quantjevous parle derecepte D'argent...
(-1)
203 Le prebstre Voicy bien grant decepte !
Le pelletier Faictes m'en la solution.
668
672
Le prebstre Faictes donc la confession Premierement. Vous absouldray-je Sans confesser ?
Le pelletier Voicy bien raige ! Je ne vous parle point d’absouldre De par le diable ! C’est de souldre : Vous n’entendez pas a demy ! Le prebstre Je ne vous dois rien mon amy, Vous estes troublé de la teste !
676
680
Le pelletier Me cuydez vous donc faire beste ? Suis-je a cabasser ainsi ? Vostre homme qui s’en va d’icy M'a dit que me payerez tant bien. Le prebstre Quel homme ? Ce n’est point le mien !
Le pelletier Et parbieu, si est ! C’est le vostre |
684
Le prebstre Et, par sainct Jacques l’apostre, Je ne le congnois nullement. Il m'a dict que presentement Vous confesse et que me payerez
(—1)
204 Tresbien et si me baillerez
Argent pour dire une douzaine
688
De messes.
Le pelletier Sa fievre quartaine ! Le prebstre (à part) Voicy ung homme desvoyé |
692
696
Le pelletier Ne l’avez-vous pas envoyé Pour vostre disgner habiller Pendant que me debvez bailler L'argent ? Il dict qu’il vous gouverne. Le prebstre Il est allé à la taverne Ou il nous attend a disgner, Ce m'a il dict.
Le pelletier C’est a deviner Ou il est ! Le diable le saiche ! Le prebstre Voycy ung homme qui me fasche Terriblement !
700
704
Le pelletier C’est bien fasché ! Que ne suys-je donc despesché ? Seray-je meshuy aux escoutes ? Je vous prie, une foys pour toutes, Quant j'en ay assez enduré, Payez moy, monsieur le curé.
(+1)
205 Le prebstre Mais vostre petit chapellain !
Le pelletier Vous estes curé.
Le prebstre Pour certain Je ne suys que simple vicaire.
108
117
116
Le pelletier Me le cuydez-vous faire acroyre ? Et si estes, bon gré sainct Pol !
Le prebstre (à part) Saincte Marie, voycy bon fol ! Quant vers Dieu se doibt retourner, Il me vient cy reprimer D'un tas de follies ou n’y a Nulle raison |
(—1)
Le pelletier (à part) C’est bien dict la ! Mais quant de payer doibt penser, Il me parle de confesser Sans faire d’argent mention ! Le prebstre (à part) Je fais en bonne intention Ce que je fais, pour abreger.
120
Le pelletier (à part) Voycy assez pour enrager | J'en suys en grant perplexité. Qu'’esse cy, Benedicité !
Le prebstre Deus sit in corde tuo... Ad vere confitendum pecca-
206 ta tua, in nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti. Amen.
Le pelletier (à part) 724
C’est a recommencer
| Bien, bien !
Que dyable esse qu’il me latine ? Il a faict de croix ung grant signe Comme s’il eust veu tous les diables !
728
Le prebstre Mon amy,je ne dis pas fables ; C’est une benediction
Que je donne a l’inception De vostre confession faire. 732
Le pelletier Et Dieu vous doint au contraire Malheur et malediction !
(à part) 736
Voycy bien grant derision ! Sang bieu ! Cessera-il jamais De me bailler des entremetz
De confession en payement ? Le prebstre (à part) 740
Il est affollé seurement Et son cas assez le conduict Comme cest homme m’avoit dict.
(au pelletier) Mon amy, puisqu'il ne vous chault De vous confesser, il vous fault
Vous en aller de ceste eglise. 744
Le pelletier Et qui payra ma marchandise ? Ne pensez pas a m'envoyer Sans mes pannes OU sans payer. Payez les ou me les rendez
(-1)
207 748
Car il fault que vous entendez Ou a payer ou a les rendre. Le prebstre Il n’est qui sçeust cy que pretendre. C’est une droicte mocquerie |
752
Le pelletier Mais une forte tromperie | J’entens bien le cas, ce me semble :
[Vostre homme et vous, tous deux ensemble] 756
De m’embler et tollir mes pannes... Vous estes plus traistres que Ganes, Dangereulx et maulvais trompeurs ! Ou ay-je trouvé tels pipeurs | Quel(le) rencontre ! Quelle adventure ! Le prebstre
760
Ha ! Ne me dictes point d’injure Ou je vous donray sur la joue ! Le pelletier Et pensez-vous que je vous loue
764
De m’embler ainsi mes denrées ? Aurez-vous les robes fourrées
A mes despens ? Ubi de hoc ! Le prebstre Corps bieu ! Se mets sur vous le croc Je vous feray vuyder soubdain !
768
Le pelletier Le diable emport le chappellain Et le curé et le varlet ! Le prebstre Mais le pelletier tout seulet !
208
TIE
Le pelletier En suys-je ainsi par le cul ceint ? Tu me les embles en lieu sainct Traistre, larron symoniacle !
Le prebstre Fol, enragé demoniacle, Tes toy et t’en va bien a coup !
776
780
Le pelletier Perdre dix-huit francs tout d’ung coup ! C’est bien garder le privilege Des marchans ! Larron, sacrilege Au moustier de faict apensé ! Le prebstre Vuide dehors, fol insensé, Car il est bien temps que tu partes ! Le pelletier
Et je feray tes fievres quartes ! Le prebstre Et qui te puissent espouser !
784
Le pelletier Je n’y sçay plus que proposer. Que mauldit de Dieu soit le prebstre ! Le prebstre Mais le vilain paillart ! Le pelletier
788
Quel maistre | Seray-ge trompé en ce point ? J’entens bien tout ; il ne fault point Traisner festu devant vieil chat,
Car celuy qui a faict l’achapt Des pannes et vous, c’est tout ung !
209 Le prebstre
792
Tu as menty !
Le pelletier J'en croy chascun Que sy et que vous avez tort. Le prebstre Et le diable, sire, m’emport
Si jamais le vys que a ceste heure ! 796
Le pelletier Ha ! Je prie Dieu qu’il me sequeure ! Le prebstre Il dict qu'il est vostre voysin.…
800
Le pelletier Il m'a dict qu’il est mon cousin. Le diable emport le cousinaige Et tous ceulx de son parentaige ! Mais la maniere d’y pourvoir ? Le prebstre
804
Allez a la taverne veoir S'il y seroit allé ainsi Qu'il m'a dict.
Le pelletier Voire | Mais aussi S’il y est et vous me mentez,
Il fauldra que me contentez,
808
Car, par ma foy,je m'en revien Incontinent a vous !
Le prebstre (seul) Bien, bien.
Qui m'y trouvera, si me preigne |
210
812
Mais comment ce paillart m’enguenne Quant je l’ay cuydé confesser… Et brief, je n’y sçay que penser Ou s’il est sot ou si cest homme L'a trompé. Toutesfoys, en somme,
816
Quoy qu'il en soit, en bonne foy, Je n’iray pas disgner chez moy Car il viendra au presbytere
[Au sortir d’icy, a grant erre,] 820
824
S’il ne trouve son homme là. Et pour le doubte de cela, M'en voys disgner chez ma commere. Je seray quitte pour le boyre Se trop longuement y sejourne, Et adieu se je ne retourne. Cy fine le nouveau Pathelin imprimé nouvellement a Paris.
Le Testament de Pathelin a quatre personnaiges, c'est a sçavoir : Pathelin, Guillemette, l'apoticaire, Messire Jehan le curé.
Pathelin Qui riens n’a plus que sa cornette, Gueres ne vault le remenant.
4
8
Sang bieu ! Voicy bonne sornette ! [Qui riens n’a plus que sa cornette…] Ou estes-vous ? Hau ! Guillemette ! Dieu ! S’il vous plaist, venez avant | Qui riens n’a plus que sa cornette, Gueres ne vault le remenant. Guillemette Que vous fault-il ? Pathelin Tout maintenant, Le sac a mes causes perdues, Vistement, sans plus de tenues !
12
Despeschez, car je n’attens Qu'a faire ta(u)xer les despens Ainsy comme raison est deue.
16
20
Dea ! Pourtant se j’ay la barlue, Desormais je suis ung vieillart Nommé Pathelin Patrouillart Qui treshaultement vous salue. Las ! Qu'est la saison devenue Puis dix ans ? En ma conscience,
212 Je pers maintenant patience
24
Car je souloyé gaigner francz La ou je gaigne petis blancz : Practique si ne vault pas maille ! Hau ! Guillemette ! Guillemette Comment il baille ! Que demandez-vous Maistre Pierre ?
28
Pathelin Ne m'’estes-vous pas allé querre Le sac ou sont mes escriptures ? Guillemette Et ouy.
Pathelin À toutes adventures, Apportez avec mes lunettes
32
Et gardez qu’elles soient nettes. Sus ! Hastez-vous de revenir Car aujourd’huy me fault tenir Le siege en nostre auditoire. Guillemette Et dictes-vous ?
36
Pathelin Il est notoire Et certain, par mon sacrement | Je vous pry, faictes prestement : Tout est dedans mon escriptoire Sur le comptoir. Guillemette
40
Dieu ! Quel memoyre ! Arsoir le mistes sur le banc
213
44
Vostre sac. Bref, a parler franc Vous vous troublez d’advocasser Et ne povez riens amasser Pour proces que a mener avez |
48
Pathelin M'amye, et puis que vous sçavez Ou tout est, apportez les moy Et je vous donray, par ma foy, Je ne sçay quoy que je vous garde. Guillemette Les m’avez-vous baillez en garde ? Par Dieu, voicy bonne farce [rie |
IA
(+1)
Pathelin Ma femme, ma tresdoulce amye, Yrez vous point querir mon sac A mes causes ?
Guillemette Il est passé au bac Maistre Pierre, par Nostre Dame !
60
Pathelin Helas ! Despeschez-vous ma femme : Il est ja tard ; l'heure s’aproche. Fauldray je ennuyt ? Las ! Quel reproche J’auray des aultres assistens | Ça, mon sac ! Je vous attens Ou dictes se je ne l’auray poinct.
64
Guillemette Je ne sçay quel mousche vous poinct ! Par celuy Dieu qui me fist naistre, Je cuyde que, se estiez prebstre, Vous ne chanteriez que de sacz
56
Et de lettres !
(—1) CEE
214
Pathelin Que de fatras ! En vous y a peu de sçavoir. Somme toute, je vueil avoir
68
Mon sac : il fault que je m'en voyse.
(à part)
C’est la façon de ma bourgoyse De riens faire se ne luy plaist.
72
76
80
84
Guillemette Or tenez. De par Dieu ce soit ! Vela toute vostre besongne. Pathelin Par Nostre Dame de Boulongne, Vous valez moins que ne cuydoye ! Mais sçavez-vous que je pensoye Devant qu’aller en l'auditoire ? Je ne sçay que faire ; de boire Ung horion, c’est le plus seur. Guillemette Pourquoy n’estes-vous pas asseur ? Vous doubtez-vous d’aulcune chose, Maistre Pierre ?
Pathelin Je presuppose Que le temps ne soit dangereulx ; Et, d’aultre part, je suis ja vieulx : Cela faict a considerer. Guillemette Sus, sus ! Il fault deliberer :
Ne pensez qu'a faire grant chere.
88
Pathelin Aussi ne fais je, m’'amye chere : Gardez tout jusques au retour.
215 Guillemette Ne faictes gueres de sejour ; Revenez disgner a l’hostel.
07
Pathelin Si feray-je : tenez lay tel, Seurement je n’y fauldray pas. Aux plaids m'en voys tout le pas Mon baston noilleux en ma main ;
96
100
104
Jour est assigné a demain Contre ung homme de la voyrie. L’entendement si me varie. Ce n’est pas ce que je demande : Colin Tevot est en l’amende Et aussi Thibault Boutegourt, S’ilz ne comparent vers la Court, En la somme de cent tournoys. Appelez la femme au Dannois Contre sa voysine Mahault, Ou seront mises en deffault S’iz ne viennent appartement. Messeigneurs, oyez l’appoinctement
108
Ennuict donné en nostre Court,
112
Fut present Mathelin le Sourt, Attourné de Gaultier Fait-nyent… Qu'’esse cy ? Dea ! Nully ne vient ! Seray-je cy longtemps sans feu ?
Sainct Jehan,je n’entens poinct ce jeu ! Quoy ? Je me sens un petit fade Et crains que ne soye malade : 116
120
Je me tiens fort fayble et cassé. A mon hostel, par sainct Macé, Je m'en revoys tout bellement. Hau ! Guillemette ! Appertement Venez a moy ou je me meurs ! Guillemette Et dont vous viennent ces douleurs Que vous souffrez, mon doulx amy ?
216
124
128
Pathelin Je suis demouré et faibly Et cuyde que la mort m'assault. Venez à moy, le cueur me fault. Je voulsisse ung peu reposer Sur mon lict. Guillemette Je ne puis gloser Dont vous procede tel meschef ! Pathelin Aussi ne sçay-je… Voz couvrechief
(+1)
Ma mye, pour mettre en ma teste ! Voirement, il est ennuict feste
132
Pour moy ! Dois-je point desjeuner ? Ung peu de brouet à humer ! Je suis transy se Dieu ne m'’ayde.
136
Guillemette Pour vous donner quelque remede, Feray-je venir l’apoticaire ? Pathelin Baïllez moy premier a boire Et mettez cuyré une poire Pour sçavoir s’il m’amendera.
140
Guillemette Ayez en Dieu bonne memoire, Et ainsy comme je puis croire Vostre douleur allegera. Pathelin Las ! Guillemette, qui sçaura
144
Trouver que ce soit ça ou là ? Que j’aye une foys de bon vin Ou mourir il me conviendra :
(—1)
217
148
De faulte poinct il n’y aura Car je me sens pres de la fin. Guillemette Ha ! Maistre Pierre Pathelin,
Le droict joueur de jobelin, ls
Ayez en Dieu confidence. Poinct ne vous fault de medecin
Si pres estes de vostre fin. Pensez de vostre conscience !
Pathelin 156
Las ! Guillemette, ma science Qui procede de sapience
Est, se je meurs, pour moy perdue.
160
Guillemette Il est vray, par ma conscience ; Il fault prendre en gré quant je y pense : Ceste reigle est a tous deue.
Pathelin Ung peu la main. Le front me sue ;
164
168
De fine frayeur je tressue Tant je doubte a passer le pas. Je n’yray plus a la cohue Ou chascun jour on brait et hue ! Se j'alloye de vie a trespas. Tout beau, ma chere amye ! Helas ! Choyez moy ! Certes je decline. Guillemette Gy suis, mon amy |
Pathelin Guillemine, Se je mourroye tout maintenant, Je mourroye de la mort Rolant :
218 172
176
A peine je puis papyer.… Je vous pry que j’aye a pyer
Ung coup de quelque bon vin vieulx ; Et vous despeschez car j'en veulx : Le nouveau si m'est fort contraire. Guillemette Ha ! Maistre Pierre, il vous fault taire ;
Vous vous rompez tout le cerveau !
180
Pathelin N’apportez poinct de vin nouveau Car il faict avoir la « va tost ». Et si vous pry.….. Guillemette De quoy ?
Pathelin Que tost
184
188
Vous allez querre le prebstre ; Et puis apres, allez chiez Maistre Aliboron l’apoticaire : Qu'il vienne à moy car j’ay affaire De luy tresnecessairement. Et vous hastez car aultrement Je mourray se l’on n’y prend garde.
Guillemette Las, Maistre Pierre, fort me tarde Que ja ne sont icy tous deux ! Soubvienne vous du Roy des cieulx
192
Qui pour nous en croix mort souffrit. Pathelin On vous entent bien ; il souffit, Jen auray bien tousjours memoire Mais pourtant laissez moy a boire
(-1)
219 196
Avant qu'aller à ce curé. Je ne vueil cidre ne peré ; Bien au vin je me passeray. Guillemette
200
Tousjours du mieulx que je sçauray Feray pour vous jusque au mourir. Je voys nostre curé querir :
C’est messire Jehan Langelé.
204
Pathelin Sang bieu ! On m'a le vin meslé Ou il fault dire qu'il s’esvente… Je ne sçay quel vingt ne quel trente. Je n’en puis plus a brief parler !
Guillemette 208
Je ne sçay ou pourray aller : Pour plus tost ung voyage faire Je mien voys chiez l’apoticaire Puis j’iray chez messire Jehan. Bon soir, sire.
L’apoticaire
212
Et vous, bon an Vrayement m’amye, et bonne estraine |
Qu'’y al ?
Guillemette Quoy ? Soucy et peine Se vous n’y mettez bref remede. L’apoticaire
Touchant quoy ? Guillemette
Ha ! Tant je suis vaine...
(St)
220 L’apoticaire
216
Qu'’y a-il ? Guillemette
Quoy ? Soucy et peine ! L’apoticaire Vous plaignez-vous de teste saine ? Dictes vostre cas qu’on vous ayde. Qu'’y ail ? Guillemette
220
Quoy ? Soucy et peine Se vous n’y mettez bref remede. Sans plus que sermonne ne plaide, Mon mary si tend a la fin. L’apoticaire
Quel mary ? Guillemette
224
Le bon Pathelin, Mon amy. On n’y attend vie : Je vous pry qu’on y remedie
Sans espargner or ne argent.
228
L’apoticaire Pas n’ay paour de vostre payement ; Je feray pour vous le possible. Guillemette Il est en continue si terrible :
Venez lay bien tost visiter.
232
L’apoticaire Je m'y en voys sans arrester, Tenez vous en toute asseurée.
(#1)
t)[Se]=
236
Guillemette J’ay bien faict longue demourée ; Penser me fault de retourner. Je ne sçay ou pourray finer De nostre curé a ceste heure. Aller me fault ou il demeure.
Je le voy. Qu'il faict laide chere !
240
A sa main tient son breviaire. Bon jour, monsieur ; deux motz a vous !
Messire Jehan Guillemette, tout doulx, tout doulx ! Comme vous estes effroyée !
244
Guillemette Ha ! Je suis la plus desvoyée ! On n'attend vie a mon mary. Messire Jehan Est-il si fort malade ?
Guillemette Ouy, Certes, ce debvez vous sçavoir.
Messire Jehan Je le vueil doncques aller veoir. Guillemette
248
Maintenant !
Messire Jehan J'y courray grant erre. L’apoticaire
Que faictes-vous, Maistre Pierre ? Comment se porte la santé ?
(—1)
223
202
Pathelin Je ne sçay, par ma loyaulté ; Je me vouloye laisser mourir. L’apoticaire Et je viens pour vous secourir. Ou vous tient vostre maladie ?
256
260
Pathelin Ha ! Devant que je le vous die, Donnez moy à boire ung horion, Oyez-vous, Maistre Aliboron ? Avant que ma femme reviengne. L’apoticaire Jesus en bon propos vous tiengne, Mon amy ! Vous estes fort au bas !
(#1)
Pathelin Ou est Guillemette ?
L’apoticaire El(le) n’y est pas ; Elle est allée ung peu en (la) ville. Pathelin
Or selonc vostre usaige et stille
264
Comme sommes-nous de la lune ?
L’apoticaire Au tiers quartier.
268
Pathelin J'en ay pour une | Ne viendra meshuy Guillemette ? En malle estraine Dieu la mette ! Se je le vueil, qu’elle demeure.
(+1)
223 Guillemette Je reviens.
L'apoticaire A la tresbonne heure !
IS
Guillemette Maistre Pierre, vecy venir Messire Jehan, qui, sans plus tenir, Est tout prest de vous ordonner.
CAL
Pathelin
Il nous fault doncques chopiner Par accord de tout le meilleur.
Messire Jehan
Comme le faict le bon seigneur ?
216
Va il ne avant ne arriere ?
Pathelin Guillemette, a l’huys derriere Quelqu'un m'apporte de l'argent. Messire Jehan Dieu benye ; Dieu gard, bonne gent !
280
Comment se porte ce malade ?
Pathelin Allez moy querre ma salade Ma mye, pour armer ma teste.
284
Guillemette Et par Dieu, vous estes bien beste : C’est Messire Jehan qui vous vient veoir Pathelin De par Dieu, faictes le seoir Et puis on parlera a luy.
(+1) (ni)
224
288
Messire Jehan Maistre Pierre, je suis celuy Qui vous vouldroit service faire Et tout plaisir.
L’apoticaire S'en vostre affaire Ne pensez, vous vous en allez.
SI
Dictes-moy se poinct vous voulez User de quelque medecine.
Pathelin Je ne veulx faisant, paon ne signe : J’ay l’appetit a ung poussin |
296
L’apoticaire User vous fault de sucre fin Pour faire en aller tout ce flume.
Pathelin Guillemette, que l’en me plume Les deux oyseaulx que vous sçavez.
300
Guillemette Je cuyde moy que vous resvez ; Penser fault de vous mettre a poinct. L’apoticaire Brief, il ne luy amende poinct,
Mais va tousjours de mal en pis.
304
Pathelin Une escuellée de bon coulis, Seroit-ce poinct bonne viande Pour moy ?
L’apoticaire Ung pou de lait d'amande Vous seroit meilleur a humer.
225
308
Pathelin Si est-il bon a presumer Qu’a peine je pourroye ce prendre.
212
Guillemette Au surplus il vous fault entendre A vous confesser vistement Et faire ung mot de testament Ainsi que doibt faire tout chrestien.
(+1)
Pathelin Or ça, vrayement, je le vueil bien. Faictes nostre curé venir. Messire Jehan Ça, Maistre Pierre, souvenir
316
Vous convient de vos maulx passez. Pathelin Je les ay pieça laissez A ceux qui n’en avoyent poinct |
Messire Jehan
320
324
Las, mon amy, Jesus vous doint Avoir de luy bonne memoire
Affin qu'avoir puissez la gloire En laquelle tous ont fiance ! Ayez en apres souvenance De tous les maulx que feistes oncques. Dictes apres moy. Pathelin Or, sus doncques ;
Je vous suyvray, en verité. Messire Jehan Or dictes Benedicite.
(—1)
226
328
Pathelin Benedicite, monsieur.
Messire Jehan Et voicy une grant hydeur ! Sçav’ous respondre « Dominus
332
»?
Pathelin Par ma foy, je n’en congnoys nulz Affin que le vray vous en dyes !
Messire Jehan Confesser vous fault des ouyes, Des yeulx, du nez et de la bouche.
336
Pathelin Jamais a telz gens n’attouche Car puis qu'ilz ont bouche, ilz ont dens : Se je boutoye mon doy dedens I1z me pourroyent jusqu’au sang mordre | Messire Jehan
En cest homme cy n’a poinct d'ordre :
340
Il a tout le cerveau troublé.
Pathelin Dea ! Dictes, je n’ay rien emblé. Tout mon argent est en [la] Seine. Messire Jehan
344
348
Dieu par sa grace le ramaine Et le radresse en son bon sens !
Pathelin Messire Jehan, qu’esse que sens : Pain fleury ou tourte en pesle ? Qu'on me baille trois coups de pelle A ce chat que voy cy grimper.
(—1)
CEL)
221, Il fault ung peu le moust happer, Curé, car je ne beuz pieca.
352
356
Messire Jehan Je ne vy puis dix ans en ça Homme si plain de fantasie ! Or ça, vous confessez vous mye De ceulx que vous avez trompez ? Pathelin Si ne s’y fussent pas boutez, Je ne les alloye mye querre ! Messire Jehan Il vous convient pardon requerre De tresbon cueur a Dieu le pere.
360
364
3638
372
Pathelin Vrayement, si fais-je, et a son pere Et a ses sainctes et ses saincts. Ces femmes qui ont si grans sains, Trop ne m’en puis esmerveiller : On n’a que faire d’orillier Quant on est couché avec elles.
Messire Jehan Il parle de sains, de mamelles, Lung parmy l’aultre. C’est pitié ! Il a le cerveau tout vuydé : Je me doubte fort et [lej crains ! Confesser vous fault de voz mains Et de voz cinq sens de nature.
Pathelin Mises les ay a la ceincture, Souvent en faisant le grobis,
[En disant aux gens : « Et vobis ? »] Quant on me disoit : « Bona dies ».
228
376
380
Messire Jehan Laissons trestout cela en paix, Et venons a parler des piedz Qui es faulx lieux vous ont portez Car nul n’en fault laisser derriere.
-|
Pathelin Et comment ! Esse la maniere ? Se fault-il de tout confesser ?
Messire Jehan Ouy, certainement et penser Aux douze articles de la foy.
384
388
Pathelin Quant a ceulx-là,je les congnoys : Je les nommeroye bien par ordre. Brief, ilz n’ont garde de me mordre ! AY ! Que je suis en challeur grande | Messire Jehan En apres, je vous fais demande : Avez vous eu rien de l’aultruy Qu'il vous souviengne ? Pathelin
Helas, ouy ! Mais de le dire n’est mestier.
Messire Jehan Si est, vrayement.
392
Pathelin C’est du drappier Duquel j'eus cinq, dis-je, six aulnes De drap que en beaux escus jaulnes Luy promis et devoye payer Incontinent sans delayer.
(-1)
229 396
Ainsy fut-il de moy content,
Mais je le trompay faulcement Car oncques il n’en reçeupt croix, Ne ne fera jamais.
400
Messire Jehan Toutesfoys Ce n’est pas bonne conscience. Pathelin
Il fault qu’il preingne en patience Car il n’en aura aultre chose. Messire Jehan
Et du bergier ? Pathelin Parler n’en ose.
Messire Jehan Pourquoy cela ? Pathelin Pour mon honneur.
404
Messire Jehan
Et hardyment…
Pathelin Mon deshonneur Si y perroit a tousjours mais. Messire Jehan Et comme quoy ?
408
Pathelin Pour ce que en « Bee » Il me paya subtilement.
230 Messire Jehan
Par qui fusse ?
Pathelin Par qui vrayement ? Par moy qui l’avoye introduit !
412
416
Messire Jehan Je vous entens bien ; il suffit. Trompeurs sont voulentiers trompez Soit tost ou tard, ou loing ou pres. Oultre ! Ne laissez riens derriere | Pathelin Et comment ! Esse la maniere ? Se fault-il du tout confesser ?
Messire Jehan
Ouy, certes, sans rien laisser
420
Dont conscience vous recorde Des œuvres de misericorde : Avez vous les nuds revestus ?
Pathelin Faulte de monnoye et d’escuz M'en a gardé, et m'en confesse. Messire Jehan
424
Ainsi vostre confession cesse, Et vous fault absolution. Av'ous de tout faict mention ?
Requerrez vous a Dieu mercy ? Pathelin
Helas, monseigneur, et aussi
428
A toute sa benoiste court.
231 Messire Jehan C’est bien dit. Pour le faire court, Guillemette, et vous, mon amy, Vous voyez ce povre homme cy
432
436
En grant langueur et maladie Pres quasi de finir sa vie. Il fault faire son testament Cy, devant nous, presentement, Sans fraulder ses hoirs et sa femme ; Et, premier, commande son ame,
440
Comme bon catholique a Dieu Pour avoir [en paradis lieu]. Ainsi soit-il. Dictes amen.
Pathelin C’est tresbien dit, messire Jehan,
444 448
Mais devant que rien en commence, J’arrouseray ma conscience. Guillemette, donnez moy a boyre, Et puis apres, ayez memoyre Dien presenter a mon voysin. Et s’il n’y a assez de vin, Je vous pry, qu’on en voyse traire. Messire Jehan, vostre escriptoire Et du papier. Si escripvez.…..
Guillemette Regardez a qui vous lairrez ! 452
Je demourray povre et seulette.
Pathelin Tout premier, a vous Guillemette, Qui sçavez ou sont mes escuz,
456
Dedans la petite layette, Vous les aurez s’ilz y sont plus. Apres, tous vrays gaudisseurs Bas percez, gallans sans soucy,
(—1)
232 Je leur laisse les rostisseurs,
460
Les bonnes tavernes aussi.
464
Aux quatre convens aussi, Cordeliers, Carmes, Augustins, Jacopins, soient hors ou soient ens, Je leur laisse tous bons lopins.
408
Item : je donne aux Filles Dieu, A Sainct Amant et aux beguines, Et a toutes nonnaïins, le jeu Qui se faict a force d’eschines.
472
Item : je laisse a tous sergens Qui ne cessent jour et sepmaine De prendre et [de] tromper [les] gens, Chascun une fievre quartaine. A tous choppineurs et yvrongnes,
Noter vueil que je leur laisse Toutes goutes, crampes et rongnes
476
Au poing, au costé, a la fesse. Et, a l’Hostel-Dieu de Rouen, Laisse et donne de franc vouloir
480
Ma robbe grise que j'eus ouen, Et mon meschant chapperon [noir]. Apres, a vous mon conseiller, Messire Jehan, sans truffe ou sornette,
Je vous laisse pour faire oriller, 484
488
Les deux fesses de Guillemette, Ma femme. Cela est honneste ?
Et a vous, Maistre Aliboron, D'oingnement plain une boiste Voire du pur diaculum
Pour exposer supra culum De ces fillettes. Sans plus dire,
(+1)
233
492
Chascun entend ceste raison ; Il n’est ja besoin de l’escripre. C’est tout, messire Jehan. Messire Jehan Or, bien, sire. Pathelin
Guillemette ?
Guillemette Quoy, Maistre Pierre ?
496
Pathelin Mon couvrechief ne tient poinct serre : Il est trop lasche par derriere. Guillemette Il est bien !
Pathelin Hee ! M’amye chere, Je n’en puis plus, a bref parler.
Par ma foy,jem'en vueil aller ! 500
Acomplissez mon testament. Guillemette Las ! Si feray je vrayement. Ou voulez-vous estre enterré ?
504
Pathelin N'a-il plus rien au pot carré ? A boyre, avant que trespasser ! Guillemette Deussiez vous en ce poinct farcer,
Qui estes si pres de la mort !
(—1)
234 Pathelin De la mort ! Guillemette Voire ! Pathelin
J’ay doncques tort.
508
Messire Jehan Au nom de sainct Pierre l’apostre, Dictes ou vous voulez que vostre Corps soit bouté en sepulture. Pathelin
512
516
520
En une cave, a l’adventure, Dessoubz ung muy de vin de Beaulne ;
Puis faictes faire en lettre jaulne, Dessus moy, en beau parchemin : « Cy repose et gist Pathelin En son temps advocat soubz l’orme, Conseiller de Monsieur de Corne Et de damoyselle sa femme. Priez Dieu que il ayt son ame. » Vous sçavez bien tout cela faire. Messire Jehan Disposer fault du luminaire : En voulez-vous bien largement ?
524
528
Pathelin Pour quatre liars seulement, Prins sur le meilleur de mes biens. Aussi n'oubliez pour riens A faire mes armes pourtraire. Oyez que vous y ferez faire : Pour ce que ayme la fleur du vin, Troys belles grappes de raisin
(-1)
235 En ung champ d’or semé d’azur. AL
Je vous pry que j'en soye seur. Aultre chose ne vous requiers plus. Guillemette Ne pensez point a telz abus, Mon amy ; pensez a vostre ame ! Pathelin
536
Helas ! Guillemette, ma femme, Il est a ce coup faict de moy ! Adieu ! Jamais mot ne diray.… La mort va faire son effort.
(Maistre Pierre meurt a ceste heure)
540
544
548
Guillemette Ha ! Nostre Dame de Monfort, Le bon Maistre Pierre est basy.
Messire Jehan Le remede est prier pour luy, Et requiescat in pace. Oublier fault le temps passé. Rien n’y vault le desconforter ; Despeschez vous de le porter De ce lieu vistement en terre. Aliboron, qu’on me le serre Derriere et devant ferme au corps. L’apoticaire [Que] Dieu luy soyt misericors
Et à tous ceulx qui sont en vie | Guillemette Amen ! Et la vierge Marie !
AO
Messire Jehan Or pensons de le mettre en bie(rre) ; Jesus luy soyt misericors !
(rl)
236 Guillemette Helas, quant de luy me recors, Je Suis amerement marrie.
556
Messire Jehan Que Dieu luy soyt misericors | Guillemette Amen ! Et la vierge Marie !
Messire Jehan Jesus luy soyt misericors,
560
Et a tous ceulx qui sont en vie ! Adieu toute la compaignie. Cy fine le testament de Pathelin
NOTES 2 — Le Nouveau Pathelin
v.6 : Jouer du croc : exercer le métier de crocheteur, voler. v.13-15 : Allusion à la Farce de Maistre Pierre Pathelin. Fin pers : drap bleu fin un peu moins cher que la brunette. v.23 : Dans les deux éditions gothiques on a fourreurs. Co-
telles : diminutif de cote « robe ». v.24 : Cautelles « bon tour », « ruse ».
v.27 : Jeune se prononçait sans doute juine. v.28 : Personne sarrazine : personne de peu de foi. v.42-43 : Pathelin, dans un aparté sans doute destiné au spectateur, explique la ruse qu'il va utiliser et qui est celle de la
première farce. v.54 : Vous estes tenu : vous êtes bien inspiré.
v.56 : Aville : se dégrade. v.58-59 : « Faute de clients, je n’y fais pas de bonnes affai-
res. » v.72 : Ed. goth. :si.
v.100 : Cabuseur : (cf. la première farce, v.1504) « trompeurs ». v.101 : Croyre : « vendre à crédit ». Autre forme : accroyre. v.120 : Relinqui : pp de relinquer, relenquer « laisser », « mettre sur la paille ». v.135 : La main étant l’organe et le symbole du serment, on
peut comprendre « qui n’ont aucune parole ». v.148-150 : Renté : « riche ». Nous interprétons l’incise introduite par se comme un souhait : « Mais si seulement j'étais un homme qui le valût ». Mais le peut renvoyer à vostre père « Comme j'aimerais avoir ses qualités » (flatterie indirecte de Pathelin) ou à renté : « Mais je ne demanderais pas mieux que de l'être y.
v.160 : Faire son repaire : « se réfugier », « séjourner ». v.161 et 171 : Ed. goth. B : chez.
238 v.189 : Ed. goth A : faciez. v.192 : Quarte : ancienne mesure
de capacité valant deux
pintes. v.220 : Si l’on se fonde sur les vers qui suivent, quarreaux et gris désigneraient deux sortes de fourrures. Les quarreaux, venant de Lombardie (v.227) pourraient être des fourrures de chat sauvage. Quant au petit gris (ou menu vair) il est une fourrure faite avec le pelage d’une variété d’écureuil des régions septentrionales dont le dos, roux l'été, devient gris l'hiver. Le ventre blanc était aussi utilisé avec le dos pour monter des fourrures de moindre prix. v.235 : On peut aussi lire gris de prince. v.236 : Le gris d'aumuce est en fait une fourrure de peaux de lapins, donc de bas prix, dont on doublait les aumusses des chanoines. v.237 : À tout feur : à tout prix. Feur du latin forum « marché » a le sens de « taux ». Au XVIe siècle, au fur a le sens de « à proportion », « à mesure » ; puis, devenu obscur, son sens est redoublé dans l’expression au fur et à mesure. v.239 : Nous proposons de corriger fortes bannes en toutes pennes (ou pannes) ce qui justifierait la rime avec fines sans doute articulé à l’époque avec un À nasal. v.241 : Groignettes, mantonnettes, croupes, pennilleres
désignent des variétés de petit gris plus ou moins chères selon la partie du corps
de l’animal
à laquelle
elles sont prises. Ici des
fourrures de seconde qualité. v.246 : Sortiray pour « assortirai ». v.270 : Cf. la première farce. v.286 : Expression juridique : « quand il n’y a pas de raison valable ». v.301 : Sur le pec : de pectus « poitrine ». Mettre la main sur la poitrine, sur le cœur en affirmant quelque chose, c’est jà-
rer. D'où le sens de « sur ma parole ».
v.304 : C’est cette équivalence dix écus + deux francs = dix-huit francs soit un écu = 32 sols qui permit à P. Lacroix en S'appuyant sur les tables du Traité des monnoïes de Leblanc, de
dater la pièce de 1474. v.310 : Jung : à jeun. v.324 : « Qui sont bien capables ». v.327 : « Pour tirer profit de votre déplacement ». v.331-332 : Nous comprenons « et de fines... et de toutes pennes. » (cf.v.239).
v.346 : Laysant : « fainéant ».
239 v.359 :Enhenner ou ahanner « fatiguer ». v.375 : D'assiette : « comptant ». v.385 : À l'aventure que : « au cas où ». v.401 : Toute la pièce repose sur le double sens de ce mot despescher qui signifie aussi bien « confesser » que « régler », « payer » selon le contexte. Sens général « expédier une affaire, s’en débarrasser ». v.437 : «Il n’a aucun accès de folie qui soit dangereux ». v.446
: Fantasier
: entrer en démence, avoir l’esprit troublé,
Une des œuvres de Gringore s'intitule Les Fantasies de Mere Sotte («les fols propos de Mere Sotte » ). v.462 : Lay graphie de je. v.484 : De soi confesser : jusqu’au XVIe siècle, l’infinitif récuse la voix moyenne et se construit avec le réflexif soi. v.510 : Habille : « apprête », « prépare ». v.515 : Expression proverbiale au sens de « jouer la comédie ». v.555 : Sortable : « convenable ». v.637 : Merencolie « dérangement mental ». v.654 : Delayé « fait attendre ».
v.679 : Cabasser « tromper », « voler » (cf, la première pièce).
v.699 : Reprise des vers 495-496 de la première pièce. v.705 : Quant a ici sa valeur causale : « puisque ». v.732 ment
: Inception
: latinisme pour inceptio
« commence-
».
v.757
: de m'embler
: « en ce qui concerne
le vol... »,
« pour me voler. ».
v.758 : Ganes : Ganelon. v.760 : Pipeur « trompeur ».
v.773
: Cf. v.357 de la première pièce. « Dois-je en faire
mon deuil ? ». v.781 : « Sacrilège, et dans l’église, de manière préméditée ! ». v.812 : M'enguenne : faut-il lire m'engaigne (« me chagrine », « me fâche »)ou m'enhenne (« me tourmente ») ? v.820 : À grant erre : rapidement. v.825 : Ed. goth. A et B : n'y. Leçon difficile à comprendre si l’on interprète ainsi les vers 824-825 : « J'en serai quitte pour payer à boire si j'y (chez ma commere) reste plus longtemps (que de coutume) ».
3 — Le Testament de Pathelin
v.2 : Remenant de remanoir ou remaindre. « le reste ».
v.4 : Nous avons ajouté ce vers aux éditions gothiques pour retrouver la structure du rondeau ABaAabAB. Cette entrée sur un rondeau (structure qui est aussi utilisée pour marquer les changements de scènes, par exemple les entrées et sorties des personna-
ges) témoigne du caractère tardif de la pièce : ce mode d’introduction ne commence guère à apparaître que dans les farces de la décade 1480-1490. v.15 : Se j'ay la barlue ou berlue : « si j'ai la tête en l'air ». v.40 : Arsoir déformation populaire pour « hier soir ». v.53 : Locution proverbiale au sens de « il est bien loin ! ». v.77 : « Je me retiendrai même de boire un petit coup. » v.91 : Lay : graphie de le. v.94 : Noilleux : « noueux ». v.123 : « Je me suis arrêté en cours de route et me sens tout
faible. ». v.134 : Transy de transir « mourir ». v.139 : « Pour voir si cela me réconfortera ».
v.137-168 : Les rimes sont disposées selon le schéma : aab aab bbc bbc….. enchainement qui n’est utilisé dans les farces
que vers la fin du siècle. v.171 : La mort Rolant : de soif. Roland à Roncevaux souffrait tellement de la soif qu’il chercha à l’étancher en buvant le sang de ses blessures.
v.172 : Papyer : « pépier, parler ». v.180 : La « va-tost » : la diarrhée. v.184 : Maître Aliboron : nom traditionnel au théâtre du charlatan qui se vante de savoir tout faire (cf. J.C. Aubailly Le Monologue, le dialogue et la sottie, pp.112-113).
v.197 : Peré « poiré ». Boisson faite avec des poires. v.213-220 Maitre Aliboron.
: Nouveau
rondeau
: Guillemette
arrive chez
241 v.224 : « Il n’en a plus pour longtemps ».
v.229 : En continue : « fièvre continue ». v.248 : Grant erre : rapidement. v.265 : « Je ne verrai pas la nouvelle lune ». v.268 : « Je le désire ainsi car elle tarde trop ». Mais on peut aussi comprendre « pourquoi tarde-t-elle quand j'ai besoin d’elle ? ». v.275 : « Comment se porte le pauvre homme ? ». v.281 : Salade : casque de franc-archer. Pathelin aurait donc appartenu aux francs-archers dont les compagnies furent dissoutes
vers 1480. Pour que cette réplique garde un caractère d’actualité comique, il faut supposer que la pièce est de peu postérieure à cette date. v.296 : Flume pour fleume « phlegmon, infection ». v.303 : Coulis : bouillon de chapon ou de perche. C'était une nourriture pour malades (cf. J. Dufournet, Note sur le huïitain XIX du Lais de Villon dans Romania, 1970, t. XCI, pp.542-553). Taillevent en donne la recette dans son Viandier. v.316 : Maulx a ici le sens de méfaits, péchés.
v.330 : Sçav ous forme la Normandie. v.349 : Le moust « vin v.372 : Faire le grobis portant ». Cf. le Raminagrobis
contractée de sçavez vous propre à nouveau ». « faire des manières », « faire l’im-
de Rabelais.
v.391-412 : Allusions à la première pièce. v.406 : Ed. goth. A et B : perdroit. Nous avons préféré la leçon perroit
: mon
déshonneur
y apparaîtrait à tout jamais »,
« je serais deshonoré à tout jamais ». v.458
: Gallans-sans-soucy
: compagnie joyeuse formée de
clercs et d'étudiants. Ici le terme désigne simplement de bons vivants.
v.463
: Jacopins : Jacobins, dominicains. Cf. Villon, Testa-
ment CXLVIITI « mains loppins.. Qui se perdent aux Jacopins. » v.466 : Il s’agit sans doute de l’abbaye de Saint-Amand de Rouen, occupée par des religieuses bénédictines à qui la chronique scandaleuse attribuait des rapports peu édifiants avec leurs voisins, les moines de Saint-Ouen. Quant aux béguines, toujours d’après P. Lacroix, elles se répartissaient entre les deux couvents parisiens de l’Ave-Maria et de Sainte-Avoye et leur réputation n’était pas plus irréprochable. Cf. Villon, le Lais, XXXII.
v.478 : À défaut de permettre une localisation de la pièce, ce legs laisse supposer qu’elle fut jouée à Rouen.
242 v.482 : Truffe : mensonge, tromperie.
v.517
: Il faut peut-être voir ici une allusion à l’Abbé des
Cornards de Rouen, confrérie joyeuse qui donnait des représentations dans cette ville.
v.539
: Notre-Dame de Montfort-sur-Ile était surtout véné-
rée par les marins normands. v.540 : Basy : pp de basir « mourir ».
v.549-559
: La pièce se termine sur une structure déformée
de rondeau.
v.552 : Les éditions gothiques portent bierre ce qui détruit la rime. Faut-il corriger en bie terme qui, selon P. Lacroix, désignerait une
brouette, une
le mener en terre » ?
charrette et comprendre
« Songeons à
TABLE DES MATIERES OO
LOUE ETS RI MF ERNEST AIRES 5 La Barëe deMaistre Pierre bathelin" 3 MS 20 Notes 1 — La Farce de Maistre Pierre Pathelin ..... 156 Lescontinuations® introduction er PNEU 169 POU VAN Patheline..::. pass tx 2e Sr 171 lé Testament deiPathelinésas tons ete 211 Notes Te Nouveau Pathé A RE Ur 237
OUVRAGES
PARUS
DANS
LA COLLECTION
AULOTTE (R.) — L'apologie de Raimond Sebond. BACQUET (P.) — Le Jules César de Shakespeare. BARRERE (J. B.) — Le Regard d'Orphée ou l’Echange poétique.
BARRÈRE (J. B.) — Claudel. Le destin et l’œuvre.
BORNECQUE (P.) — La Fontaine fabuliste (2° édition). BRUNEL (P.) — L’évocation des morts et la descente aux Enferts : Homère, Virgile, Dante, Claudel.
CASTEX (P.-G.) — Alfred de Vigny : Les Destinées édition). CASTEX (P.-G.) — Le Rouge et le Noir de Stendhal édition). CASTEX (P.-G.) — Sylvie de Gérard de Nerval. CASTEX (P.-G.) — Aurélia de Gérard de Nerval.
(2°
CASTEX (P.-G.) — Musset.
de
Les Caprices de Marianne
(2°
d'Alfred
CASTEX (P.-G.) — On ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset. CAZAURAN (N.) — L’Heptaméron de Marguerite de Navarre. CELLIER (L.) — L'épopée humanitaire et les grands mythes romantiques.
CHOUILLET (J.) — Diderot. COHEN (M.) — Le subjonctif en français contemporain. COHEN (M.) — Grammaire française en quelques pages. CRASTRE (V.) — A. Breton : Trilogie surréaliste. Nadja, Les Vases communicants, L'Amour fou. DÉDEYAN (Charles) — L'Italie dans l’œuvre romanesque de Stendhal. — Tomes I et II. DEDEYAN
(Ch.)
—
J.-J.
Rousseau
et la sensibilité
litté-
raire à la fin du XVIII* siècle. DÉDEYAN (Ch.) — Gérard de Nerval et l'Allemagne. Tomes I et II.
—
DÉDÉYAN (Ch.) — Le cosmopolitisme littéraire de Charles du Bos : Tome I. — Tome II. — Tome III. —
La jeunesse de Ch. du Bos (1882-1914). La maturité de Ch. du Bos (1914-1927). Le critique catholique de l’humanisme chrétien.
DÉDÉYAN (Ch.) — Le nouveau mal du siècle de Baudelaire à nos jours. Tome I. — Tome
II. —
Du post-romantisme au symbolisme 1889). Spleen, Révolte et Idéal (1889-1914).
(1840-
DÉDÉYAN (Ch.) — Lesage et Gil Blas. DEDEYAN
(Ch.) —
DÉDÉYAN
(Ch.) — Le cosmopolitisme européeen sous la
Racine : Phèdre (2° édition).
Révolution et l’Empire. Tomes I et II.
DÉDÉYAN (Christian) — Alain-Fournier et la réalité secrète. DELOFFRE DELOFFRE DELOFFRE édition).
(F.) — La phrase française (3° édition). (F.) — Le vers français (3° édition). (F.) — Stylistique et poétique française
(2°
DERCHE (R.) — Études de textes français : Tome » » » »
»
I. II. III IV. V. VL
— — — — — —
Le Le Le Le Le Le
Moyen Age. XVI° siècle. XVII° siècle. XVIII: siècle. XIX®* siècle. XIX: siècle et le début du XX°.
DONOVAN (L.-G.) — Recherches sur le Roman de Thèbes. DUCHET (C.) et collaborateurs. — Balzac et La Peau de
chagrin. DUFOURNET DUFOURNET
(J.) — La vie de Philippe de Commynes. (J.) — Les écrivains de la quatrième croisade. Villehardouin et Clari. Tomes I et II. DUFOURNET (J.) — Recherches sur le Testament de François Villon (J.) — Tomes I et II (2° édition). DUFOURNET (J.) — Adam de la Halle à la recherche de lui-même ou le jeu dramatique de La Feuillée.
DUFOURNET (J.) — Sur le Jeu de la Feuillée (Coll. Bibliothèque du Moyen Age). DURRY (Mme M.-J.) — G. Apollinaire, Alcools. Tome I. — (4° édition). » II. — (2° édition). » III. — (2° édition). ETIEMBLE (Mme J.) — Jules Supervielle — Etiemble
:
Correspondance 1936-1959. Edition critique. FAVRE (Y. A.) — Giono et l’art du récit. FRAPPIER (J.) — Les Chansons de geste du Cycle de Guillaume d'Orange. Tome
I. —
Tome
II. —
La Chanson de Guillaume - Aliscans - La Chevalerie Vivien (2° édition). Le Couronnement de Louis - Le Charroi de Nîmes - La Prise d'Orange.
FRAPPIER (J.) — Etude sur Yvain ou le Chevalier au Lion de Chrétien de Troyes. FRAPPIER (J.) — Chrétien de Troyes et le Mythe du Graal. Étude sur Perceval ou le Conte du Graal (2° édition). FORESTIER (L.) — Chemins vers La Maison de Claudine et Sido. GARAPON
(R:) —
Le dernier Molière.
GARAPON (R.) — Les Caractères de La Bruyère. GRIMAL (P.) — Essai sur l'Art poétique d'Horace. JONIN (P.) — Pages épiques du Moyen Age Français. Textes - Traductions nouvelles - Documents. Le Cycle du Roi. Tomes I (2° édition) et II.
LABLÉNIE (E.) — Essais sur Montaigne. LABLÉNIE (E.) — Montaigne, auteur de maximes. LAINEY (Y.) — Les valeurs morales dans les écrits de Vauvenargues. LAINEY (Y.) — Musset ou la difficulté d'aimer. LARTHOMAS
(P.) —
Beaumarchais.
Parades.
LE HIR (Y.) — L'originalité littéraire de Sainte-Beuve dans Volupté. LE RIDER (P.) — Le Chevalier dans le Conte du Graal de Chrétien de Troyes. (Coll. Bibliothèque du Moyen Age.)
MARRAST
(R.) —
Aspects du théâtre de Rafaël Alberti.
MESNARD
(J.) —
Les Pensées de Pascal.
MICHEL (P.) — Continuité de la sagesse française (Rabelais, Montaigne, La Fontaine). MICHEL (P.) — Blaise de Monluc. MOREAU (P.) — La critique selon Sainte-Beuve. MOREAU (P.) — Sylvie et ses sœurs nervaliennes. PAYEN (J.-Ch.) — Les origines de la Renaissance. PICARD (R.) — La poésie française de 1640 à 1680.
« Poésie religieuse, Epopée, Lyrisme officiel » (2° édition). PICARD (R.) — La poésie française de 1640 à 1680. « Satire, Epitre, Poésie burlesque, Poésie galante ». PICOT (G.) — La vie de Voltaire. Voltaire devant la postérité. RAIMOND (M.) — Le signe des temps. Le roman français contemporain
(Tome
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RAYNAUD DE LAGE (G.) — Introduction à l’ancien français (10€ édition). ROBICHEZ (J.) — Le Théâtre de Montherland. La Reine morte, Le Maître de Santiago, Port-Royal.
ROBICHEZ (J.) — Le Théâtre de Giraudoux. SAULNIER (V.-L.) — Les élégies de Clément Marot (2° édition). THERRIEN (M.-B) — Les Liaisons dangereuses. Une interprétation psychologique des trois principaux caractères. TISSIER
(A.) —
Les Fausses confidences de Marivaux.
VERNIÈRE (P.). — Montesquieu et L'Esprit des Lois ou la Raison impure. VIAL (A.-M.) — La dialectique de Chateaubriand. VIER (J.) — Le Théâtre de Jean Anouilh. WAGNER (R.-L.) — La grammaire française. Tome I : Les niveaux et les domaines. Les normes. Les états de langue. Tome II : La grammaire moderne. Voies d'approche. Attitudes des grammairiens. WEBER (J.-P.) — Stendhal : les structures thématiques de l’œuvre et du destin.
Composé par C.D.U. et SEDES Imprimerie JOUVE, 17, rue du Louvre, 75001 PARIS
N° éditeur : 800 —
Dépôt légal : 2° trimestre 1979
Cette nouvelle édition de la farce la plus célèbre |
du répertoire médiéval est la première à s'appuyerr "le plus ancien manuscrit connu ”, le ms 25.467. de la B.N.; de ce fait, elle diffère assez sensible-
ment du texte — fondé sur les éditions gothiques" postérieures — auquel nous ont habitués R.T: Holbrook et ses successeurs, Plus âpre et plus rude en maints endroits, le présent texte laisse
une vive impression de spontanéité et d'authenticité. Afin d'en faciliter l'accès à un large public, le texte Fe a été pourvu d’une traduction qui essaie de conser-. 44 ver le rythme dramatique et se veut directement"À ” jouable”. Enfin, on a joint à la pièce primitive. “ ses ” continuations” car, le cinéma le prouve, un + _ Succès suscite irrémédiablement des ” suites ” qui |“ -content les aventures ultérieures du héros sur le 4 = chemin de la mythification: c'est le sort qu'a connu 4 ; _ Pathelin avant de voir sa gloire sanctionnée | is une entrée au dictionnaire des mots courants. # + LT
” |
_ Dans la même série :
ÀLe LL DUFOURNET, Sur le jeu de la Feuilée 2P. LE RIDER,
x PS
_
|
Le chevalier dans le conte du Graal
de Chrétien de Troyes
_J. FRAPPIER, if :
Chrétien
de
Troyes: et le mythe
du Graal
x EX
| ISBN 2-7181-0118-0
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