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Bassir Amiri
Esclaves et affranchis des Germanies: Mémoire en fragments Étude des inscriptions monumentales
Geschichte Franz Steiner Verlag
Forschungen zur antiken Sklaverei Band 41
Bassir Amiri Esclaves et affranchis des Germanies: Mémoire en fragments
Forschungen zur antiken Sklaverei Begründet von Joseph Vogt, fortgeführt von Heinz Bellen und Heinz Heinen Im Auftrag der Kommission für Geschichte des Altertums der Akademie der Wissenschaften und der Literatur herausgegeben von Winfried Schmitz Band 41
Bassir Amiri
Esclaves et affranchis des Germanies: Mémoire en fragments Étude des inscriptions monumentales
Redaktion: Johannes Deißler
Franz Steiner Verlag
Das Vorhaben Forschungen zur antiken Sklaverei der Mainzer Akademie der Wissenschaften und der Literatur wurde im Rahmen des Akademienprogramms von der Bundesrepublik Deutschland und von dem Land Rheinland-Pfalz gefördert. Umschlagabbildung: Grabstein des Sklavenjungen Hipponicus (Foto: GDKE – Landesmuseum Mainz)
Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek: Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über abrufbar. ISBN 978-3-515-11088-4 (Print) ISBN 978-3-515-11289-5 (E-Book) Jede Verwertung des Werkes außerhalb der Grenzen des Urheberrechtsgesetzes ist unzulässig und strafbar. Dies gilt insbesondere für Übersetzung, Nachdruck, Mikroverfilmung oder vergleichbare Verfahren sowie für die Speicherung in Datenverarbeitungsanlagen. © 2016 Franz Steiner Verlag, Stuttgart. Gedruckt auf säurefreiem, alterungsbeständigem Papier. Druck: Offsetdruck Bokor, Bad Tölz Printed in Germany
REMERCIEMENTS La rédaction de ce volume ne saurait se comprendre sans que soit évoqué le soutien bienveillant et les encouragements des collègues qui m’ont accompagné tout au long de ce travail. Il me faut en premier lieu évoquer ici le Professeur Antonio Gonzalès, Directeur de l’Institut des Sciences et Techniques de l’Antiquité (EA 4011) de l’Université de Besançon, qui m’a accueilli dans son équipe et m’a fait bénéficier de son expertise sur la question de la dépendance. Je remercie tout particulièrement Madame Sylvie Pittia, Professeur à l’Université Paris I-PanthéonSorbonne, pour la confiance qu’elle m’a témoignée à chaque étape de mon parcours. Je n’aurais pu mener à terme ce travail sans les conseils et les encouragements de Madame le Professeur Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier, dont l’érudition inépuisable et la connaissance fine des problématiques épigraphiques et du territoire des Germanies m’ont fourni quantité de précisions et de suggestions tout en m’ouvrant de stimulantes perspectives de recherche. Qu’elle trouve ici l’expression de ma plus profonde gratitude pour sa relecture attentive autant que pour son indéfectible et précieux soutien. Tous mes remerciements vont également aux Professeurs Michel Humm, de l’Université de Strasbourg, et Winfried Schmitz, de l’Université de Bonn, qui ont bien voulu relire le texte et l’enrichir de leurs commentaires en vue de sa publication. Je voudrais également exprimer toute ma reconnaissance à la Kommission für Geschichte des Altertums der Akademie der Wissenschaften und der Literatur de Mayence et à son directeur, le Professeur Winfried Schmitz, qui, en acceptant cet ouvrage dans sa collection, lui a donné la possibilité d’être publié. Que soit à occasion chaleureusement remercié le Dr Johannes Deissler, dont il m’a été donné de faire la connaissance à l’occasion d’un séjour à l’Akademie der Wissenschaften und der Literatur et qui a suivi avec une amicale et inlassable attention toutes les étapes de la réalisation de cet ouvrage. Les différents séjours que j’ai réalisés en Allemagne pendant ces recherches ont été l’occasion de très belles rencontres et je ne peux manquer d’évoquer avec bonheur le souvenir du dialogue si riche qui s’est établi d’abord à l’Université d’Heidelberg avec le Professeur Christian Witschel, puis à Mayence et à Trèves avec le Professeur Elisabeth Hermann-Otto, le Dr Andréa Binsfeld de l’Université de Luxembourg et encore, bien sûr, Johannes Deissler. Je n’oublie pas à cette occasion les moments passés auprès du Professeur Heinz Heinen, dont il m’est doux de saluer ici la mémoire. Puissent son énergie, sa générosité et son humanisme continuer de nous guider. Besançon, été 2015, Bassir Amiri
TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS ............................................................................................. V TABLE DES MATIÈRES ................................................................................. VII INTRODUCTION ................................................................................................. 1 CHAPITRE I : LA DÉSIGNATION DES ESCLAVES ET DES AFFRANCHIS ...................... 17 1. L’indication du statut juridique .................................................................. 1.1. Une seule mention du statut ................................................................ 1.1.1. Terme non abrégé seul ............................................................. 1.1.2. Terme abrégé sans indication du patron ou du maître .............. 1.1.3. Terme abrégé ou non avec indication du patron ou du maître ..... 1.2. Indication du patron ou du maître ....................................................... 1.3. Association de deux mentions : servus et dominus / libertus et patronus ............................................................................. 1.4. Cas des fonctionnaires impériaux .......................................................
18 18 18 21 25 27
2. Séquence onomastique révélatrice d’un statut servile ................................ 2.1. Un ou deux noms ................................................................................ 2.2. Un nom grec ........................................................................................ 2.3. Deux noms, le deuxième introduit par siue ou qui et ......................... 2.4. Identité du gentilice ............................................................................ 2.5. Restitution de la séquence onomastique .............................................
31 31 32 33 33 35
3. Mention de l’activité de l’individu ............................................................. 3.1. La double mention du statut et d’une profession ................................ 3.2. La nomenclature des fonctionnaires impériaux .................................. 3.3. La présence d’un nom de métier sans mention du statut de l’individu ........................................................................................
36 37 39
28 29
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4. Constantes et stratégies de représentation .................................................. 43
VIII
Table des matières
CHAPITRE II : LA PRESENCE DES ESCLAVES ET DES AFFRANCHIS SUR LE TERRITOIRE DES GERMANIES. ÉVOLUTION TEMPORELLE ........................................................................... 51 1. Datation des inscriptions ............................................................................ 1.1. Les inscriptions datées ........................................................................ 1.2. Les inscriptions datables ..................................................................... 1.2.1. Les critères onomastiques ........................................................ 1.2.2. Le formulaire funéraire ............................................................. 1.2.3. Le formulaire religieux ............................................................. 1.2.4. Les types de monuments .......................................................... 1.3. Les inscriptions non datées .................................................................
52 52 58 58 59 61 63 64
2. Évolution temporelle de la présence servile sur le territoire des Germanies .................................................................... 64 2.1. Particularités des critères serviles pour la datation ............................. 64 2.2. Évolution de la présence des esclaves et des affranchis ..................... 67 CHAPITRE III : LE PEUPLEMENT DES ESCLAVES ET DES AFFRANCHIS DANS LES DEUX GERMANIES ...................................................................... 73 1. Répartition spatiale des esclaves et des affranchis dans les Germanies ......... 74 2. La population d’origine servile au prisme de l’organisation spatiale : un phénomène urbain ................................................................................. 79 3. Le rôle des voies de communication .......................................................... 85 CHAPITRE IV : L’IDENTITÉ DES ESCLAVES ET DES AFFRANCHIS DANS LA SOCIÉTÉ ................................................................. 91 1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis .................................. 91 1.1. Étude des gentilices des affranchis ..................................................... 91 1.1.1. Présence et absence des duo ou tria nomina dans la nomenclature ................................................................ 92 1.1.2. Les gentilices impériaux ........................................................... 96 1.1.3. Les gentilices portés par les affranchis ..................................... 99 1.2. Étude des cognomina et des idionymes ............................................ 101 1.2.1. Répartition géographique et temporelle des cognomina et des idionymes ..................................................................... 101 1.2.2. Associations onomastiques des gentilices et des cognomina ..... 106 1.2.3. La valeur des cognomina et des idionymes ............................ 112 1.3. La transmission des noms ................................................................. 114
Table des matières
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2. Identité familiale des esclaves et des affranchies ..................................... 2.1. La place des femmes esclaves ou affranchies dans les Germanies ....... 2.2. L’âge des esclaves et des affranchis ................................................. 2.3. Nomenclature des époux et des épouses ...........................................
120 120 124 125
3. Identité sociale et culturelle ...................................................................... 3.1. L’identité des maîtres et des patrons ................................................. 3.2. Expressions privilégiées de la relation maîtres / dépendants ............ 3.2.1. Les unions des esclaves et des affranchis avec des libres ...... 3.2.2. Des devoirs respectifs ............................................................. 3.3. Des réalisations soignées .................................................................. 3.3.1. L’expression des sentiments ................................................... 3.3.2. Les inscriptions métriques ......................................................
134 134 146 146 149 154 154 157
4. L’identité professionnelle des esclaves et des affranchis ......................... 160 CHAPITRE V : LA RELIGION DES ESCLAVES ET DES AFFRANCHIS ............................ 177 1. Les dédicaces de la population servile dans les Germanies ..................... 1.1. Le panthéon honoré par les esclaves et les affranchis ...................... 1.2. Vers la constitution d’un paysage religieux ...................................... 1.3. Les usages des pratiques cultuelles ...................................................
178 178 188 191
2. L’implication dans le culte impérial ......................................................... 2.1. L’expression du culte impérial ......................................................... 2.2. Le débat sur le statut des sévirs augustaux. La situation dans les Germanies ........................................................................... 2.3. Les offrandes et l’évergétisme religieux ........................................... 2.3.1. Les offrandes modestes .......................................................... 2.3.2. Représentations des divinités ................................................. 2.3.3. Les évergésies de coût élevé : lien entre dépendance et munificence ........................................................................
196 196 198 206 206 208 209
CONCLUSION .................................................................................................. 213 BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................. 219 INDICES ............................................................................................................ 235 1. Sources juridiques et littéraires ................................................................. 2. Sources épigraphiques ............................................................................... 3. Index nomina ............................................................................................. 4. Index cognomina ....................................................................................... 5. Index des lieux .......................................................................................... 6. Index rerum ...............................................................................................
235 237 243 244 247 248
INTRODUCTION Et quidem summa diuisio de iure personarum haec est quod omnes homines aut liberi sunt aut serui1. Au IIe siècle de notre ère, le juriste Gaius énonce l’un des principes de définition fondamentaux de la société romaine : la hiérarchisation entre les individus, où le statut juridique, essentiellement fondé sur la naissance, structure la place de chacun dans la société. Loin cependant de produire une société définitivement figée et sclérosée, un tel système se conçoit entre stratification et mobilité2. Il ouvre à ce titre des perspectives d’étude, qui ont connu un intérêt croissant, à la faveur du développement de l’histoire sociale voire des théories marxistes de l’histoire, lesquelles ont conduit à interroger la société romaine sous l’angle des « classes » les plus pauvres, souvent dotées d’une visibilité moins affirmée que les élites, pour leur part bien représentées dans les témoignages littéraires et épigraphiques. À l’esclave ou à l’affranchi envisagé comme un sujet juridique, comme le membre d’une familia, le participant à l’économie et à l’administration de l’Empire, a succédé dans ces conceptions l’image d’un membre d’une classe à part entière. Revenons donc à la définition juridique des deux catégories qui nous occupent dans le présent ouvrage avec ces questions préalables : qu’est-ce qu’un esclave ? Qu’est-ce qu’un affranchi ? Et sur quelles bases fonder une étude sur ces deux catégories juridiques bien distinctes ? On a l’habitude de définir l’esclave par ce qu’il n’est pas. Il s’agit fondamentalement d’un individu privé de tout droit, qui n’est qu’un objet de propriété3. À ce titre, l’esclave ne possède ni droits politiques, ni droits familiaux ni droits pa1 GAIUS, Institutes, 1, 9 : « La principale distinction afférente au droit des personnes est que les hommes sont libres ou esclaves. » (texte établi et traduit par Julien Reinach, Paris, collection des Universités de France, 1950). 2 Pour reprendre la formule utilisée dans un contexte plus spécifique par George FABRE dans Mobilité et stratification : le cas des serviteurs impériaux. In: Edmond FREZOULS (éd.): La mobilité sociale dans le monde romain. Actes du colloque organisé à Strasbourg (novembre 1988) par l’Institut et le Groupe de Recherche d’Histoire romaine et édités par, Strasbourg. 1992, 123-159. 3 Voir Jean-Christophe DUMONT: Servus. Rome et l’esclavage sous la République. Rome 1987, 38. Jacques ANNEQUIN, note 1 de la Chronique 2010 Esclavage et dépendance. In: DHA,160-161, souligne qu’on se réfère moins aujourd’hui à la notion de propriété pour définir la condition particulière de l’esclave parce qu’elle est trop marquée par une vision « juridique » héritée de l’Antiquité et sans doute trop « occidentale », mais qu’il n’en reste pas moins que « ce qui distingue l’esclavage des autres formes de sujétion c’est d’abord l’inscription de l’esclave parmi les biens possédés dont le maître garde la libre disposition. »
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trimoniaux4. Il n’en reste pas moins qu’il est difficile d’enfermer tous les esclaves dans une seule et même catégorie. Certes, sur un plan juridique, nous sommes en présence d’individus entièrement soumis à leur maître, qui ont sur eux tous les droits. Mais nous aurons l’occasion de le vérifier sur le territoire des Germanies également, il existe au sein de cette catégorie des différences fondamentales, notamment en termes de visibilité, entre les esclaves employés par exemple dans l’agriculture, les carrières, les manufactures ou par les cités, et ceux qui réussissent à atteindre une aisance financière au service d’un maître privé, de la cité ou encore de l’empereur. Le statut juridique des esclaves définit donc une catégorie sans pour autant correspondre à une situation exclusivement marginale5 ni impliquer pour ses membres une communauté de conditions. Il en va de même pour les affranchis, les liberti6. Avec l’affranchissement, qui doit être considéré comme 4 On connaît les présentations issues de certains textes littéraires, comme celle que fait Varron de l’esclave affecté aux travaux agricoles (Res rusticae, 1, 17) : « J’en viens maintenant aux moyens de pratiquer l’agriculture. On divise tantôt cette étude en deux parties, les hommes et les éléments sur lesquels ils s’appuient, et faute desquels la culture est impossible ; tantôt en trois, selon que le matériel est vocal (doué de la voix), semivocal (à moitié doué de la voix), et muet : vocal, où sont les esclaves ; semivocal, où sont les bœufs ; muet, où sont les chariots. » Si de telles représentations rendent sans conteste compte de l’infériorité juridique de l’esclave et du mépris dans lequel on peut affecter de le tenir, elles masquent néanmoins le regard plus bienveillant dont il peut faire l’objet, notamment en raison de la reconnaissance de sa personne. Une distinction existe entre le droit civil et le droit naturel, au point de vue duquel tous les hommes sont égaux (ULPIEN, Digeste, L, 17, 32). Voir par exemple ARISTOTE, Politique, 1 : malgré l’affirmation selon laquelle « l’esclave est un objet de propriété animé et tout serviteur est comme un instrument précédant les autres instruments », le philosophe n’en reconnaît pas moins la qualité humaine de l’esclave : « c’est seulement en vertu de la loi (nomoi) que l’un est esclave et l’autre libre ; par nature (physei) il n’y a aucune différence. » L’affirmation par la philosophie stoïcienne du principe de la liberté naturelle de tout homme contribue à adoucir sous l’Empire la condition servile par une série de mesures protectrices de la personne de l’esclave. Si l’on ajoute à cet état de fait l’extrême diversité des conditions sociales masquées par un statut juridique uniforme, on peut concevoir qu’en dépit d’un statut juridique extrêmement défavorable, l’esclave pouvait fort bien échapper à l’état de biens auquel le droit le réduisait strictement pour se voir reconnaître dans les faits des capacités d’action et d’initiative parfois étendues. Sur les regards et les attitudes à l’égard de l’esclavage dans le monde antique, on pourra lire Peter GARNSEY: Conceptions de l’esclavage d’Aristote à saint Augustin. Paris, 2004, 412 p. 5 Voir par exemple les remarques de Jean ANDREAU – Raymond DESCAT: Esclavage en Grèce et à Rome. Paris, 2006, 107-108, qui mettent en exergue toute l’ambiguïté de la situation de l’esclave : objet de propriété, l’esclave n’est certes pas « un être humain au même titre que les hommes et les femmes libres » et « son statut se caractérise par les absences », ce qui le rapproche de « la catégorie anthropologique » de l’étranger. Cependant par son travail, son rôle dans la domus et sa présence dans la cité, il relève « des éléments constitutifs de la société ». Le même type de constat est posé par Élisabeth HERRMANN-OTTO: Sklaverei und Freilassung in der griechischrömischen Welt. Hildesheim 2009, 158, qui fait remarquer que l’esclavage dans l’Antiquité n’est pas forcément lié à la misère, comme il l’est dans les sociétés actuelles, et qu’au contraire il peut même permettre d’y échapper. 6 Sur les affranchis, voir Georges FABRE: Libertus. Recherches sur les rapports patronaffranchi à la fin de la République romaine. Rome 1981, 427 p. Sur le terme liberti lui-même, on
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une « renaissance sociale7 », l’esclave affranchi accède, sous certaines conditions, à un nouveau statut8 : il reçoit une personnalité, bénéficie des tria nomina et peut se marier, faire reconnaître son union et sa descendance, voter, acheter et posséder des biens propres9. C’en est fini de son incapacité civile, judiciaire et financière10. Bien que l’on constate, comme pour les esclaves, de grandes disparités entre les affranchis, qui tiennent à leur réussite matérielle11, aux relations qu’ils entretien-
se reportera à H. RIX: Die Termini der Unfreiheit in den Sprachen Alt-Italiens. Stuttgart 1994, VIII, 148, qui propose de voir dans le liberti celui qui a été libéré de la familia. 7 Pour reprendre la formule de Sandra R. JOSHEL: Slavery in the roman world. Cambridge 2010, 42 : « In terms of the slaves’s social death, manumission was a sort of ‘‘rebirth’’ (altough not a complete one). » 8 À condition que les formes de l’affranchissement aient été respectées : par testament, par le cens, par la vindicte (GAIUS, Institutes, I, 17 ; CICERON, Topiques, II, 10). Concernant les modes d’affranchissement, voir Georges FABRE: op.cit., 6-36. L’affranchi pouvait alors bénéficier des effets juridiques de l’affranchissement : l’accession aux droits familiaux et aux droits de cité notamment. Dans le cas contraire, les esclaves ne bénéficiaient que d’une liberté de fait (sans octroi de la citoyenneté) et ils étaient intégrés à partir de la loi Junia dans la catégorie des affranchis latins juniens : ils vivaient libres, dépourvus de tous les droits du ius civile (mariage, filiation, patria potestas, tutelle, succession), bénéficiaient cependant de la possibilité de commercer, d’acquérir et de posséder des biens, mais ils mouraient esclaves et leur ancien maître recueillait les biens qu’ils avaient acquis après leur affranchissement. 9 Voir les propos de Gripus dans le Rudens de PLAUTE (v. 930-931) : « Et puis, quand je serai libre, alors j’achèterai des terres, une maison, des esclaves. J’aurai de grands bateaux pour faire du commerce. » L’expression de l’espoir suscité par la perspective de quitter un statut servile pour devenir affranchi ne doit pas faire oublier qu’il existait plusieurs sortes d’affranchis, pourvus de droits plus ou moins étendus. Si les esclaves affranchis de manière formelle disposaient de droits enviables, il n’en allait pas forcément de même pour les affranchis latins juniens (cf. supra note 7), pour qui subsistait à terme la possibilité d’accéder à la citoyenneté, par exemple pour services rendus à la collectivité. En revanche, les affranchis déditices, jugés indignes de devenir citoyens romains (à cause d’une profession jugée infâmante ou d’une faute grave commise durant leur temps d’esclavage) ne bénéficiaient que du ius gentium et étaient frappés d’une interdiction de séjour à Rome. 10 Dans certains cas, surtout réservés aux affranchis impériaux, l’affranchi bénéficie de la restitutio natalium, c’est-à-dire du rétablissement dans les droits de la naissance. Même si cette restitutio était sans doute théorique, elle n’en avait pas moins une portée symbolique forte. Voir G. BOULVERT: La carrière de Tiberius Claudius Augusti libertus Classicus (AE 1972, 574). In: ZPE 43 (1981), 37, qui évoque « l’apparence, non le statut, de l’ingénuité. » 11 Surtout manifeste dans le milieu des affranchis impériaux, comme l’attestent les exemples cités par Gérard BOULVERT: Domestique et fonctionnaire sous le Haut-Empire romain. La condition de l’affranchi et de l’esclave du prince. Paris 1974, 206 : « Les affranchis impériaux disposent d’une habitation indépendante, certains ont ainsi de magnifiques résidences (Juvénal, Satires, XIV, 91), tel l’affranchi Posides, dont les demeures, nous dit Juvénal, dépassent en opulence le Capitole […]. Rien n’est épargné pour les rendre plus luxueuses, citons la coûteuse table de bois de cître possédée par Nomius, affranchi de Tibère (PLINE L’ANCIEN, Histoire Naturelle, XIII, 93-94), ou le plat d’argent d’un poids de cinq cents livres et les huit plats de deux cent cinquante livres de Rotundus, dispensator d’Espagne Citérieure au premier siècle (PLINE L’ANCIEN, Histoire Naturelle, XXXIII, 145), ou les trente colonnes d’albâtre oriental ornant la salle à manger de Calliste (PLINE
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nent avec leur ancien maître ou à leur situation culturelle, il n’est donc a priori rien de commun entre la catégorie des esclaves et celles des affranchis, qui ont réussi à échapper à leur statut initial. Néanmoins, en dépit de la position enviable des affranchis, eu égard à leur émancipation réussie, il n’en subsiste pas moins une certaine ambiguïté dans leur situation réelle. Les droits des affranchis sont certes des données juridiques indiscutables, mais il est permis de s’interroger sur la portée de leur liberté retrouvée. Les devoirs de l’affranchi envers son ancien maître sont nombreux12 et, ce faisant, ils contribuent à garder les liberti dans la sphère de la familia13 qu’ils sont pourtant censés avoir quitté. L’onomastique même des affranchis, qui portent le praenomen et le nomen de leur ancien maître, constitue également le rappel permanent de leur intégration à une gens qui n’est pas tout à fait la leur. Certains de ses affranchis trouveront sans doute un bénéfice à porter le nom d’une gens influente, d’autres préfèreront oublier de mentionner leur libertinatio, de manière à mieux atteindre la respectabilité et l’intégration dans une société romaine soucieuse de la place de chacun. Compte tenu des liens qui subsistent entre l’affranchi et son ancien maître, et malgré le statut de citoyen dont bénéficie l’affranchi, il semble donc naturel d’associer esclaves et affranchis dans cette étude afin de privilégier l’analyse des phénomènes de continuité, ou éventuellement de rupture, lorsqu’il est question d’intégration et de possibilité de distinction et de promotion sociales14. L’ANCIEN, Histoire Naturelle, XXXVI, 60). Le fonctionnement de telles habitations ne peut être assuré qu’à l’aide d’une importante familia. » 12 Les affranchis sont tenus de manifester à l’égard de leur ancien maître un respect (obsequium), qui se traduit notamment par l’impossibilité juridique de traduire le patron en justice sans l’approbation d’un magistrat (sur l’obsequium, voir A. GONZALES: Les relations d’obsequium et de societas à la fin de la République. In: DHA 23 (1997) 155-187, qui est un commentaire élargi du livre de Carla MASI DORIA: Civitas operae obsequium. Tre studi sulla condizione giuridica dei liberti. Napoli 1993 et Wolfgang WALDSTEIN: Obsequium. In: Hanz HEINEN (dir.): Handwörterbuch der antiken Sklaverei. Stuttgart 2007) ou encore par l’accomplissement de l’officium, qui est l’obligation de rendre au patron certains services dénommés operae. Voir sur la question Wolfgang WALDSTEIN: Operae libertorum. Untersuchungen zur Dienstpflicht freigelassener Sklaven. Stuttgart 1986, 55-58. Selon PAUL, ces operae représentaient l’officium quotidien : operae sunt diurnum officium (Digeste, 38, 1, 31). Ces services se réalisaient après un serment prêté par l’affranchi après la manumission. Les operae pouvaient être domestiques (officiales) ou spécialisées selon le métier de l’affranchi (fabriles). 13 Avec les réserves liées à la situation particulière de chaque affranchi : les relations avec le patron pouvaient être plus ou moins distendues selon l’activité et la volonté de l’affranchi. Ainsi, selon la lex Aelia Sentia, l’affranchi a la possibilité de remplacer les operae par un payement en espèce. De fait les relations entre l’affranchi et son patron reposent pour une large part sur des considérations juridiques et économiques, tout en laissant une place à l’établissement d’une relation éventuellement privilégiée entre les deux. Mais en définitive, il faut conclure avec Jean ANDREAU que « les lois consacrent le statut ambigu des affranchis dans la société romaine, leur état d’intégrés et d’isolés à la fois » (L’affranchi. In: Andrea GIARDINA (éd.): L’homme romain. Paris 1992, 224. 14 C’est la raison pour laquelle nous avons délibérément renoncé à l’étude de la dépendance, qui suppose d’autres formes de sujétion. Voir sur la question, l’utile mise au point de Jacques
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De nombreuses études ont naturellement déjà été menées sur le milieu servile et sur les affranchis, qui ont été examinés sous de multiples aspects. Il ne s’agit pas de refaire ici l’historiographie de ces questions. Signalons simplement que les courants historiques ont abordé la question de l’esclavage et de l’affranchissement sous diverses perspectives, apportant des éclairages sur le statut juridique, l’onomastique, l’activité et l’insertion dans la vie économique des esclaves et des affranchis, la question philosophique de leur condition aussi bien que sur la définition même de leur statut social. Au-delà des polémiques liées à ces études dans la mouvance du courant marxiste, force est de constater que ces entreprises de mise en contexte, destinées à restituer la société romaine dans sa diversité, ont ouvert la voie à une appréhension des esclaves et des affranchis en termes d’intégration15. En cernant les groupes sociaux et les relations qui s’établissent entre eux, relations de domination mais aussi de coopération, dans une perspective aussi bien synchronique que diachronique, on peut étudier comment s’opère à travers le statut, la situation, le parcours des esclaves et des affranchis un processus d’intégration, qui reflète la mobilité à l’œuvre au cœur de la société romaine. Parler d’intégration consiste d’abord à montrer comment une catégorie juridique aspire à une évolution de son statut voire de son image dans la société en notant les points d’adhésion aussi bien que les résistances à travers leur parcours ou leur carrière ; c’est aussi évoquer une intégration à la culture et aux mentalités romaines dès lors qu’on envisage l’origine géographique des esclaves et des affranchis ou qu’on s’intéresse au fonctionnement de la société dans les provinces de l’Empire. À la mobilité sociale des individus plus ou moins déterminée par les structures dont ils dépendent (publiques ou privées, fortement romanisées ou plus détachées de l’influence romaine), s’ajoutent des questions liées à la mobilité géographique à travers les provinces, ainsi qu’à l’adaptation à la société romanisée, qui caractérisent de plus en plus les provinces conquises par Rome. Promotion sociale et phénomènes de romanisation sont ainsi susceptibles de se combiner pour constituer un double enjeu pour des êtres en quête d’évolution. Étudier la situation des esclaves et des affranchis non plus à l’échelle de Rome mais dans le cadre de l’implantation et du développement des provinces du système romain permet d’évoquer les capacités d’intégration offertes par ses ANNEQUIN: Dépendance et esclavage. In: DHA 33/2 (2007) 165 : « En 1996, la notion de dépendance, le terme même, était peu utilisée dans les recherches sur le non slave labour. Si aujourd’hui les historiens utilisent couramment le terme et font appel à la notion, ils le font encore dans une certaine confusion faute d’une approche épistémologique sérieuse. Les historiens de l’antiquité furent parmi les premiers à avoir recours au terme dépendance pour désigner les formes de sujétion et de contraintes autre que l’esclavage : « servitude communautaires » en pays grec, formes « tributaires » de dépendance dans les espaces orientaux, voire condition des personnes alieno iuri subjectae… » 15 Voir Paul PETIT: La paix romaine. Paris 1971, 377, qui écrit : « Un des apports les plus remarquables de l’historiographie marxiste concerne les populations locales, l’intégration des tribus au sein du monde impérial, et, dans chaque région, le rôle des autochtones dans le développement de l’économie, et leur attitude à l’égard de l’urbanisation et de la romanisation. »
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institutions et son fonctionnement sur un terrain a priori étranger à la présence romaine16 tout en définissant la réception du modèle romain. De telles recherches ont d’ores et déjà été menées dans différentes provinces de l’Empire17. En Germanie, la question de l’étude de l’esclavage dans son ensemble doit être immédiatement mise en relation avec l’existence d’un matériel épigraphique moins nombreux que celui concernant les élites de la société, situation commune à l’ensemble des provinces, mais particulièrement marquée dans les Germanies : à la difficulté financière, pour la partie la plus humble des esclaves ou des affranchis, de laisser un témoignage épigraphique, qu’il soit votif ou funéraire, s’ajoute encore dans le cas de certains territoires l’absence d’accès à l’écriture et de connaissance des pratiques épigraphiques, qui finiront par se répandre sous l’influence de l’armée, des colons et des marchands. La recherche sur les esclaves et les affranchis d’une province ne peut par ailleurs être dissociée d’études menées sur des populations contemporaines et de même statut juridique, qui sont localisées sur des territoires voisins18. En ce qui concerne les Germanies, il existe un large courant d’histoire sociale du monde romain et d’études sur la condition servile dans l’Empire, notamment en Narbonnaise et en Lyonnaise. En concluant, en 1970, son étude sur les esclaves et les affranchis en Lyonnaise, François Favory indiquait l’intérêt que pouvait revêtir une telle recherche à condition de la replacer dans un ensemble plus vaste, celui de l’intégration de la Gaule dans l’Empire romain : « A Daubigney19 constate un déplacement des pôles d’activité économique dans l’espace, du Sud vers le Nord, le long du Rhône et dans le temps, auquel correspond une évolution parallèle de l’affranchissement. Il 16 Même si, double écueil, nombre de territoires étaient associés à Rome par des traités ou par des accords commerciaux aptes à favoriser la diffusion sinon du modèle du moins des mentalités, et même si, par ailleurs, cette romanisation préalable a surtout affecté les couches les plus aisées de la société, pour lesquelles on dispose d’une documentation parfois abondante. En témoigne le cas des élites gauloises avant la conquête par César. 17 Lucre iu MIH ILESCU-BÎRLIBA: Altersangaben der Sklaven, Freigelassenen, ihrer Herren und Patrone in Illyricum. In: Acta Musei Napocensis. I, Preistorie-Istorie veche-Arheologie 38, 1 (2001) 87-102 ; id.: La vie familiale des esclaves et des affranchis impériaux dans les provinces romaines de l’Illyricum. In: Méditerranée. Revue géographique des pays méditerranéens 26-27 (2001) 73-84 ; id.: Les affranchis dans les provinces romaines de l’Illyricum. Wiesbaden 2006 ; Bernard REMY: Les esclaves et les affranchis dans la cité de Vienne au Haut-Empire d’après les inscriptions. In: La Pierre et l’écrit 12 (2001) 83-126 ; Rosmarie GÜNTHER: Frauenarbeit - Frauenbindung : Untersuchungen zu unfreien und freigelassenen Frauen in den stadtrömischen Inschriften. München 1987, 375 p. ; Élena STAERMAN: L’étude de l’esclavage dans les provinces romaines. In: Iza BIEZUNSKA-MALOWIST – Jerzy KOLENDO (éd.): Actes du colloque du GIREA sur l’esclavage, Nieborow, 2-6 décembre 1975. Warszaw 1979, 35-46. 18 Paul VEYNE: Comment on écrit l’histoire. Paris 1971 : « Quand un historien s’attaque à des paysans nivernais ou à des affranchis romains, son premier souci est d’effacer la singularité de chacun d’eux, de l’éparpiller en données spécifiques qui se regroupent entre elles par items […] dont l’ensemble constitue [leur] vie. » 19 Dans Les esclaves et les affranchis en Narbonnaise aux trois premiers siècles de l’Empire romain. Besançon 1970, 164 p.
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serait intéressant de connaître la situation de l’esclavage dans le Nord-Est de la Gaule et en Germanie, ce qui permettrait d’avoir une vision plus complète de cette évolution20. » Rendre compte de la situation des esclaves et affranchis dans les deux Germanies, depuis la réorganisation administrative de la Gaule par Auguste (dont le plan est sans doute conçu dès 27 avant notre ère, même si l’on a l’habitude de la dater, en suivant Dion Cassius21, du séjour du Princeps en Gaule en 16-13) jusqu’au IIIe siècle de notre ère, consiste dans cette perspective à envisager la question des esclaves et des affranchis des territoires rhénans pour euxmêmes, mais aussi en relation avec le dynamisme social, économique et militaire des provinces de la Gaule et leur rapport avec Rome22. Face à l’évolution et au dynamisme des territoires rhénans, on tentera de mettre en lumière les phénomènes d’intégration sociale et de romanisation que manifeste la population servile des Germanies, non sans examiner le fonctionnement économique et social de ces provinces à la fois dans le système formé par les provinces limitrophes et dans l’histoire de l’Empire. La fourchette chronologique que nous adoptons (du début du Ier au IIIe siècle de notre ère) correspond donc au trois premiers siècles de l’époque impériale. C’est un choix qui s’explique par la nécessité de prendre en compte à la fois les aléas de l’organisation de ces territoires et les réalités des découvertes épigraphiques sur le sol des Germanies. La réorganisation administrative de la Gaule par Auguste constitue la première étape de l’émergence d’un territoire germain romain ; elle correspond à l’enracinement de la romanité dans les futures provinces de Germanies. Même si la présence romaine était réelle depuis César, il n’en reste pas moins que cette réorganisation fait apparaître d’une part l’idée d’un territoire administratif distinct et d’autre part contribue à renforcer la présence romaine, notamment militaire, ouvrant la voie à des phénomènes de transferts culturels. Par ailleurs, l’essentiel des témoignages épigraphiques correspondent à ces trois premiers siècles de l’Empire. Pour les raisons que nous avons indiquées plus haut, la pratique épigraphique s’inscrit dans le sillage des premiers témoignages laissés par les « agents » de la romanisation que sont les légionnaires, les fonctionnaires de l’État ou encore les colons ; cette pratique épigraphique connaît son apogée au IIe siècle de notre ère et au début du IIIe siècle23. 20 François FAVORY: Les esclaves et les affranchis en Lyonnaise sous le Haut-Empire romain. Besançon 1970. Synthèse publiée dans les Actes du colloque sur l’esclavage, Besançon 1972. 21 Histoire Romaine, LIV, 19, 1 et 25,1. 22 Cette réorganisation administrative doit être comprise comme la structuration et l’installation des peuples gaulois en ciuitates autour d’un centre urbanisé, susceptible de permettre l’adoption du mode de fonctionnement des institutions romaines, mais aussi la création de cités, comme celle des Tongres, la délimitation des premières frontières entre cités ou encore le regroupement de certains peuples au sein d’une même cité pour répondre à des objectifs autant administratifs que politiques, dont certains nous échappent encore. 23 Comme en témoignent par exemple les travaux de Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER sur le formulaire religieux, Diis deabusque sacrum : formulaire votif et datation dans les Trois Gaules et les Germanies. Paris 1993, 94 p. ainsi que l’étude de Ton DERKS: La perception du panthéon
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L’étude des esclaves et des affranchis dans les Germanies présente de nombreux intérêts liés à la situation particulière de ces régions à la fois proches et lointaines de Rome. De 12 à 9 avant notre ère, Drusus mène victorieusement une série de campagnes militaires contre la Germanie indépendante, qui est conquise à partir de la rive droite du Rhin jusqu’à la Weser, puis jusqu’à l’Elbe. À ce moment, Auguste peut considérer qu’il a réussi à intégrer dans l’Empire les peuples germaniques de la rive droite du Rhin jusqu’à l’Elbe. Une nouvelle province peut être organisée autour de l’oppidum Ubiorum24, appelé à devenir un chef-lieu destiné à accueillir un concilium provinciae, une administration financière et le plus haut représentant du pouvoir romain en la personne du commandant de l’armée, un legatus personnellement désigné par Auguste. Après la défaite de Varus, qui réoriente les ambitions et la politique romaines dans la région, les possessions romaines en Germanie sont réduites et divisées en deux districts de Germanie inférieure et supérieure, qui reçoivent des légats distincts, installés respectivement près de l’Ara Ubiorum et à Mayence, puis ces districts accèdent au statut de provinces romaines à part entière, sous Domitien, probablement en 85. La présence continue des légions, chargées de garantir l’Empire et les provinces nouvellement conquises de la Gaule contre les invasions barbares germaniques, assure une romanisation de fait, qui ne comptera pas pour rien, nous aurons l’occasion d’y revenir, dans le développement de ces régions situées a priori aux confins de l’Empire. Car, pour le reste, sur un plan géographique et social, les Germanies dans leur ensemble ne possèdent pas le passé romain de la Narbonnaise, qui, au moment de la conquête, est déjà largement entrée en relation avec Rome. De ce fait, il faut compter dans les provinces germaniques avec des disparités très grandes entre les régions, plus ou moins familières avec le monde romain, ce qu’illustre sans ambiguïté les territoires septentrionaux de la Germanie, faiblement urbanisés au moment de l’implantation romaine. Avec les Germanies se dessine en d’autres termes une zone contrastée susceptible de révéler différentes facettes de l’intégration des esclaves et des affranchis. En outre, grâce aux campagnes de fouilles, on dispose désormais de plus en plus pour les Germanies de documents25 qui permettent non seulement de dresser un bilan, mais aussi de proposer un cadre de travail et d’ouvrir des pistes sur un territoire qu’il convient de réhabiliter, quant à l’évolution et à l’intégration dans le monde romain, ne seraitromain par une élite indigène : le cas des inscriptions votives de la Germanie inférieure. In: MEFRA 104-1 (1992) 9 : « [L]a différenciation chronologique des inscriptions votives est très limitée. Pratiquement toutes les épigraphies datables proviennent de la seconde moittié du IIe et de la première moitié du IIIe siècle. Jusqu’à présent, on ne possède que trente-deux inscriptions datant du Ier siècle et de la première moitié du IIe siècle, dont six appartiennent à la période préflavienne. » 24 Voir Werner ECK: La Romanisation de la Germanie. Paris 2007, 10-27. Et aussi Guiseppe ZECCHINI: La politica di Roma in Germania da Cesare agli Antonini. In: Aevum 84 (2010) 187198. 25 Voir plus loin pour les recueils épigraphiques disponibles concernant le territoire des Germanies.
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ce qu’en considération des structures municipales qui y ont été relevées ces dernières années, comme le souligne Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier26 : On lit parfois que les provinces gauloises (sauf peut-être la Narbonnaise) n’auraient jamais été en conformité complète avec les signes et les valeurs qui étaient au cœur de la civilisation romaine, à savoir surtout l’urbanisation, la municipalisation, la promotion des élites dans les noblesses de l’Empire. La romanisation n’aurait été que partielle et l’intégration au monde romain, limitée par une « résistance » interne ou externe. Ces notions nous paraissent demander révision. En effet, comme on l’a vu, la mesure régionale de l’urbanisation matérielle et de la municipalisation institutionnelle doit être revue à la hausse au fur et à mesure de la documentation tant archéologique qu’épigraphique […]. Quant à la réception ou l’adoption des institutions de la ville romaine, elle apparaît largement répandue dans la plupart des régions gallo-germaniques si l’on veut bien ne pas en écarter les témoignages comme on l’a souvent fait jusqu’à il y a peu. […] Certes, il existe une originalité gauloise, […] mais est-ce vraiment l’indice d’une intégration limitée aux idéaux de l’Empire ? La réhabilitation de l’ensemble formé par les Tres Galliae et les deux Germanies en termes d’adhésion au modèle romain incite à ne pas dissocier les territoires rhénans de leurs voisins gaulois. D’abord érigés en états-tampons, ces territoires connaissent un développement plus tardif, mais se muent ensuite, sous l’influence d’une urbanisation massive et dynamique liée à la présence militaire, aux investissements impériaux et aux travaux d’embellissement sous les Flaviens et au IIe siècle, en foyers économiques, artisanaux et artistiques, capables de rivaliser avec les centres dynamiques de la Lyonnaise et de la Narbonnaise, voire de les surpasser. Il existe, pour certains territoires des incertitudes sur leur appartenance à l’espace germanique progressivement constitué à partir d’Auguste ainsi que sur la nature juridique des cités créées. Plusieurs populations de Germanie supérieure font ainsi l’objet de questionnements sur leurs liens avec la Belgique voisine27. 26
Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Les Gaules et les Germanies. In: Claude LEPELLEY (dir.): Rome et l’intégration de l’Empire. Tome II : Approches régionales du Haut-Empire romain. Paris 1998, 194. 27 Wolfgang SPICKERMANN: Les provinces germaniques : un champ d’analyses pour l’histoire des religions. In: Frédéric HURLET (dir.): Rome et l’Occident (IIe siècle av. J. C. – IIe siècle ap. J. C.). Gouverner l’Empire. Rennes 2009, 452-453 souligne qu’après le rappel de Germanicus en 16 de notre ère, « on peut parler du début de la romanisation à grande échelle des territoires situés sur la rive gauche du Rhin. Ils faisaient partie de la Gallia Belgica sur le plan administratif, mais ils étaient de fait divisés entre le district militaire de Germanie inférieure et celui de Germanie supérieure, qui était chacun soumis à un legatus Augusti de rang consulaire. » Sur l’appartenance de tel ou tel peuple à la Germanie supérieure, Wolfgang Spickermann rend compte des discussions en
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Les Lingons ont en particulier donné matière à de nombreux débats Si l’on suit les sources anciennes, la cité des Lingons a dû être rattachée à la Gaule Belgique lors de la réorganisation augustéenne (Pline l’Ancien, Histoire naturelle, IV, 10). La question reste néanmoins ouverte, et l’on considère aussi qu’il est possible que les Lingons aient d’abord appartenu à la Lyonnaise avant d’être rattachés à la Belgique28. Sous Domitien, la cité des Lingons est finalement intégrée à la Germanie supérieure (Ptolémée, Géographie, II, 9, 9) avec un statut incertain29 : si après la conquête, les Lingons reçoivent le titre de Lingones foederati et conservent ce foedus pendant tout l’Empire. Les termes de ciuitas et de colonia coexistent dans les sources épigraphiques du Ier et du IIe siècle30 et il est difficile de connaître la date d’obtention du statut colonial et de trancher entre colonie latine et colonie romaine31. En ce qui concerne Grand et son sanctuaire dédié à Apollon Grannus, il n’est pas à situer en Germanie supérieure contrairement à la répartition proposée dans le Corpus Inscriptionum Latinarum, mais à rattacher au territoire des Leuques32. Mayence pose pour sa part la question de son statut et de l’existence d’une cité sur le territoire issu de la réorganisation de la cité des Trévires lors de la mise en place des districts de Germanie par Tibère. La discussion a été menée par Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier, qui conclut en faveur de ces termes : « À l’époque d’Auguste, les Séquanes, les Rauraques et les Helvètes faisaient manifestement encore partie de la prouincia Belgica, mais ces derniers furent rattachés au district militaire de Germanie supérieure au plus tard avec l’édification du camp légionnaire de Vindonissa en 16-17 ap. J.-C. Les Séquanes firent partie de la Germania superior à partir de 89 ap. J.-C., après la réduction de leur territoire par Galba ou Vespasien. » 28 Voir Edith Mary WIGHTMAN: The Lingones : Lugdunensis, Belgica or Germania Superior ? In: Studien zu den Militärgrenzen Roms, Vorträge des 10. Internationalen Limeskongresses in der Germania Inferior, 2. Köln-Bonn 1977, 207-217. On pourra lire aussi Michel REDDE: Entre Héduens et Lingons : Alésia gallo-romaine ». In: Jean-Pierre BOST – Jean-Michel RODDAZ – Francis TASSAUX (éd.): Itinéraire de Saintes à Dougga. Mélanges Louis Maurin. Bordeaux 2003, 61-70. Pour Wolfgang SPICKERMANN: art. cit., p. 455-456, la découverte d’un camp de la legio VIII Augusta à Mirebeau occupé jusque dans les années 90 constitue la preuve que le territoire des Lingons se situait « dans la zone de compétence du gouverneur de Germanie supérieure. » À ce titre, « [e]n raison de l’état des sources, le territoire des Lingons doit être rattaché à la Germania superior jusqu’à la refonte dioclétienne des provinces, même s’il existe de bonnes raisons d’envisager un détachement de ce territoire après l’abandon du camp de Mirebeau. » 29 Sur Langres et son évolution, voir aussi Martine JOLY: Carte archéologique de la Gaule. Langres 52 / 2. Paris 2001, 32-36. 30 On connaît trois inscriptions datables des IIe - IIIe siècles, qui attestent du statut colonial de Langres sans pour autant permettre de connaître la date à laquelle la cité l’a reçu : CIL XIII, 5685 ainsi que CIL XIII, 5693 = I Lingons 362 et 5694 = I Lingons 364, qui évoquent respectivement un affranchi et un esclave de la colonia Lingonum. 31 Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Cités, municipes, colonies. Les processus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le Haut-Empire romain. Paris 1999, 287-288. 32 Voir Charles-Marie TERNES – Raymond CHEVALLIER: Die Provincia Germania Superior im Bilde der jüngeren Forschung. In: ANRW II, 5, 2 (1976) 743. C’est la raison pour laquelle ne seront pas inscrites dans notre corpus d’étude les inscriptions CIL XIII, 5933 ; CIL XIII, 5940 CIL XIII, 5942 et CIL XIII, 5947, qui font mention d’esclaves et d’affranchis.
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« l’existence, dès le Haut-Empire, d’une cité de création julio-claudienne, avec Mayence pour chef-lieu, occupant toute la zone jusqu’à la Vinxtbach33. » En Germanie inférieure, deux cas problématiques apparaissent : la situation de Coljinsplaat d’une part, pour laquelle les travaux des géologues sur les embouchures de ces régions, remettent en cause la situation de la partie méridionale de la Zélande, ce qui aurait pour conséquences de modifier l’hypothèse de J. E. Bogaers, qui faisait de Coljinsplaat le chef-lieu de la cité des Frisavions34 et de placer Domburg et Coljinsplaat dans la cité des Ménapiens, relavant par conséquent de la Gaule Belgique35. C’est la raison pour laquelle ont été écartées de cette étude les inscriptions retrouvées dans cette agglomération importante, lieu de transit des marchands en direction de la Bretagne, où était par ailleurs situé le sanctuaire très fréquenté de la dea Nehalennia. Un grand nombre d’inscriptions y ont été retrouvées, dont plusieurs concernaient des esclaves ou des affranchis. Inversement, on a choisi d’intégrer à ce corpus les inscriptions émanant de la cité des Tongres, dont l’appartenance à la Germanie inférieure a été l’objet de controverses36. Le support de cette étude sur les esclaves et les affranchis des Germanies prendra appui exclusivement sur les inscriptions monumentales, funéraires, votives ou religieuses retrouvées sur le territoire des Germanies. Ont été délibérément exclues de l’étude les inscriptions gravées sur des objets (tuiles, poteries, amphores…), non qu’elles ne soient pas dignes d’intérêt : on pourrait parfois y saisir le reflet de certaines activités des esclaves et des affranchis, notamment dans l’artisanat. Néanmoins, ces inscriptions, généralement très succinctes, présentent l’inconvénient de ne pas toujours identifier clairement le statut des individus qu’elles mentionnent et les recensements que l’on peut établir sont soumis au risque d’être peu éclairants sur la présence ou l’absence de ces catégories juridiques dans telle ou telle sphère d’activité. Compte tenu de la difficulté d’établir des critères d’identification suffisamment précis sur ce type de matériel, il a semblé préférable de laisser de côté ces documents plutôt que de 33
Pour les éléments de la discussion et la bibliographie, voir Marie-Thérèse RAEPSAETCHARLIER: Les institutions municipales dans les Germanies sous le Haut-Empire : bilan et questions. In: réf. cit. 1999, 311-315. 34 Julianus Egidius BOGAERS – Petrus STUART: Nehalennia Römische steindenkmäler aus der Oosterschelde bei Colijnsplaat. Leiden 2001, 118 p. 35 Voir par exemple Raymond BRULET (dir.): Les Romains en Wallonie. Bruxelles 2008, 621 p., qui a adapté pour ses cartes les résultats des travaux des géologues et des archéologues de la région. 36 Voir Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: La cité des Tongres sous le Haut-Empire. Problèmes de géographie historique. In: BJ 194 (1994) 43-59 [54-55]. Pour Wolfgang SPICKERMANN: art. cit., p. 457, la découverte d’un autel à Jupiter Optimus Maximus et au Genius Municipii Tungrorum donne plus de poids aux arguments de ceux qui plaidaient en faveur de l’appartenance des Tongres à la Germanie inférieure en s’appuyant sur l’interprétation en ce sens de Bulla Regia (AE 1962, 183) et sur le fait que les Tongres faisaient partie de la Germanie II après la réforme de Dioclétien, dans la mesure où aucun municipium, n’est attesté en Belgica contrairement à la Germanie supérieure et inférieure.
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forcer leur lecture. Avec les inscriptions monumentales, nous sommes en outre en présence de témoignages épigraphiques, dont la finalité est pour l’essentiel de laisser une trace de soi. Inscriptions funéraires, votives ou religieuses, au-delà de leur visée immédiate, constituent une scène privilégiée de représentation de soi ou de sa famille, susceptible de livrer bien des informations sur l’identité réelle ou souhaitée de ces esclaves ou affranchis, qui construisent par ce biais leur visibilité ou leur chance de promotion sociale. À l’inverse des documents exclus de l’étude, le risque est de ne saisir qu’une partie de ces individus, ceux qui, grâce à leur situation matérielle privilégiée, ont les moyens de financer l’érection de tels monuments. Néanmoins, la diversité du matériel épigraphique permet de trouver à côté de dédicaces somptueuses des témoignages plus simples et dépouillés, qui permettent d’envisager une diversité de conditions parmi l’ensemble des esclaves et des affranchis recensés sur un territoire. Ce type de documents épigraphiques offre donc la possibilité de découvrir des individus qui ne disposent pas toujours de visibilité sociale, tout en permettant de travailler sur les stratégies, plus ou moins complexes et élaborées, de représentation de soi en lien avec une quête de respectabilité et de reconnaissance. Un tel avantage ne doit cependant pas masquer une réalité plus complexe, lorsqu’il s’agit de proposer une analyse de la situation des esclaves et des affranchis dans les provinces. À la rareté des témoignages épigraphiques, il faut encore ajouter le caractère discriminant de ces pratiques lapidaires. Comme on le constatera plus loin, nous ne saisissons qu’un reflet de ce que pouvait être l’état des esclaves et des affranchis dans les provinces : les recherches archéologiques ne nous ont livré qu’une infime partie de cette documentation et il n’est pas sûr, en outre, que tous aient eu accès à ce mode d’expression, moyen de communication, mais aussi d’existence, de reconnaissance et finalement garant d’une certaine survie37. Ces réserves de rigueur se justifient d’autant plus pour les Germanies qu’elles nous mettent en présence, selon l’expression de Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier, d’« une pratique épigraphique autre et plus limitée38 », qui restreint encore les informations susceptibles de nous parvenir par ce biais. Il importe d’autant plus, dans ces conditions, de relativiser les résultats et de les mettre en perspective pour concevoir et analyser la densité de la population servile dans le Nord et l’Est de l’Empire romain.
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R. MARTIN: L’histoire sociale du monde romain antique. Méthodes et problèmes de l’histoire sociale : sources et méthodes. In: Colloque de l’E. N. S. de Saint-Cloud 1965. Paris 1967, 49-75. 38 Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: art. cit., 195. Par là, il faut en particulier entendre une utilisation plus rare de l’épigraphie dans le cas des dédicaces honorifiques, ce que confirment par exemple les données dont nous disposons par exemple concernant les sévirs augustaux des Germanies (voir infra).
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Les esclaves et les affranchis des Germanies ont été recensés par Luciano Lazzaro39 dans une enquête qui a été menée jusqu’en 1992 à partir du volume XIII du Corpus Inscriptionum Latinarum40, continué par différents manuels, parmi lesquels les volumes de l’Année épigraphique et de BRGK41, l’ouvrage de H. Wuilleumier, Inscriptions latines des trois Gaules42, les volumes relatifs à la Suisse43 et le travail de H. Galsterer pour Cologne44 en particulier. Cette enquête offre un point de départ indispensable, qu’il a néanmoins fallu réviser, compléter et prolonger jusqu’à aujourd’hui grâce aux différentes livraisons de l’Année épigraphique, aux volumes concernant des cités particulières45 et à la collaboration de nombreux musées de Suisse, de France et d’Allemagne, dont j’ai pu, pour certains, exploiter les fonds46, ce qui m’a permis d’intégrer de nouvelles inscriptions à ce corpus. En revanche, compte tenu des critères d’identification que nous avons définis47 ainsi que des relectures ou de l’apparition de nouvelles données, 32 inscriptions ont été supprimées de ce corpus initial. Sur la base de ce travail de révision, nous sommes dès lors en présence de 229 épitaphes, stèles votives ou religieuses, qui se répartissent comme suit48 : 39
Luciano LAZZARO: Esclaves et affranchis en Belgique et en Germanies romaines. Paris 1993, 585 p. 40 Karl ZANGMEISTER – Otto HIRSCHFELD (éd.): Pars II, fasciculus I, Inscriptiones Germaniae superioris. Berlin 1905 et Theodor MOMMSEN – Otto HIRSCHFELD – Alfred von DOMASZEWSKI (éd.): Pars II, fasciculus II, Inscriptiones Germaniae inferioris. Miliaria Galliarum et Germaniarum. Berlin 1907. 41 Hermann FINKE: Neue Inschriften. In: BRGK 17 (1927) 1-107 et 198-231 ; Herbert NESSELHAUF: Neue Inschriften aus dem römischen Germanien und den angrenzenden Gebieten. In: BRGK 27 (1937) 51-134 ; Herbert NESSELHAUF – Hans LIEB: Dritter Nachtrag zu CIL, XIII. Inschriften aus den Germanischen Provinz und den Treverergebiete. In: BRGK 40 (1959) 120229 ; Ute SCHILLINGER-HÄFELE: Vierter Nachtrag zu CIL, XIII und zweiter Nachtrag zu Fr. Vollmer, Inscriptiones Bavariae Romanae, Inschriften aus dem deutschen Anteil der germanischen Provinzen und des Treveregebietes sowie Rätiens und Noricums. In: BRGK 58 (1977) 447604. 42 Paris, 1963. 43 Ernst HOWALD – Ernst MEYER: Die Römische Schweiz. Texte und Inschriften mit Übersetzung. Zürich, 1940 ; Gerold WALSER: Römische Inschriften in der Schweiz. Bern, I-III, 19791981 ; Felix STÄHELIN: Die Schweiz in römischer Zeit. 3. Auflage, Basel, 1948. 44 Brigitte GALSTERER – Hartmut GALSTERER: Die römischen Steininschriften aus Köln. Köln, 1975 complété par Neue Inschriften aus Köln. Funde der Jahre 1974-1977. In: Epigraphische Studien 12 (1981) 225-264 et Neue Inschriften aus Köln. II. Funde der Jahre 1980-1982. In: Epigraphische Studien 13 (1983) 167-206. 45 Comme à Avenches. Voir Regula FREI-STOLBA – Anne BIELMAN: Musée romain d’Avenches. Les inscriptions. Lausanne, 1996. 46 Que soient à cette occasion remerciés M. Arnaud Vaillant, du Musée de Langres, M. Peter Klein du Landesmuseum de Mayence, Mme Ursula Heimberg du Musée de Bonn et M. Hellenkamper du Musée de Cologne, pour les renseignements qu’ils m’ont apportés. 47 Les éléments essentiels susceptibles de permettre l’identification de ces individus seront étudiés en détail plus loin. Cf. infra II, 1. 48 Dans ces calculs, nous n’avons compté qu’une seule fois les inscriptions qui mentionnent à la fois esclaves et affranchis. Il s’agit de CIL XIII, 5138 ; AE 1977, 590 ; CIL XIII, 5816 ; CIL
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Provinces
Inscriptions recensées par province
Germanie supérieure
169
Germanie inférieure
60
Statut Esclaves Affranchis Esclaves
Individus minimum recensés 75 133 19
Affranchis 59
L’ensemble de ces inscriptions atteste de la présence de 286 individus d’origine servile49, dont 192 affranchis et 94 esclaves. On peut d’ores et déjà noter, à titre de comparaison, qu’A. Daubigney recensait en Narbonnaise 946 inscriptions50 concernant esclaves et affranchis et que la Lyonnaise, étudiée par François Favory en comptait 186, essentiellement localisées à Lyon et dans quelques villes de moindre importance. De tels résultats attestent d’emblée le dynamisme des provinces « lointaines » des Germanies, tout en appelant à la nuance spatiale et temporelle. Comme dans les autres provinces de la Gaule, ce sont les affranchis qui manifestent particulièrement leur présence dans les inscriptions : sur l’ensemble de la population d’origine servile recensée, près de la moitié est affranchie. Comme ailleurs, il faut donc faire le constat d’une visibilité plus importante des affranchis, même si la population servile ne saurait être ignorée. Proportionnellement, on peut considérer qu’elle constitue une part plus importante que dans les provinces de Narbonnaise et de Lyonnaise, où de telles recherches ont été menées. Au-delà de la répartition géographique et chronologique des esclaves et des affranchis dans les Germanies, cette particularité devra nous conduire à évoquer le statut de ces provinces situées à la frontière de l’Empire pour tenter d’expliquer une telle présence. Plusieurs inscriptions mentionnent également l’existence de plusieurs affranchis ou de plusieurs esclaves pour un seul maître sans toujours en préciser le nombre51. Aussi bien pour des raisons liées à la visibilité épigraphique problématique du groupe servile que dans la mesure où il n’est pas toujours possible de quantifier avec précision la population servile, le chiffre de 282 individus doit dès lors être considéré comme un socle initial à relativiser. XIII, 5872 ; AE 1933, 113 ; CIL XIII, 7106 ; CIL XIII, 7247 ; CIL XIII, 7310 ; AE 1927, 68 ; CIL XIII, 7550 ; CIL XIII, 7551 ; CIL XIII, 7553 ; CIL XIII, 81, 08 ; AE 1999, 1097. 49 Sont intégrés dans ce dénombrement les individus dont on n’a pu préciser le nombre, mais dont l’existence est attestée par une inscription qui les envisage collectivement. Il s’agit de CIL XIII, 5243 ; CIL XIII, 5474 et 5475 ; CIL XIII, 6853 ; CIL XIII, 7113 et 7114 ; AE 1927, 68 ; CIL XIII, 7550 ; CIL XIII, 7551 ; CIL XIII, 7553 ; CIL XIII, 8067 ; CIL XIII, 8831. Ils ont été dénombrés comme s’il s’agissait d’un seul individu ; c’est la raison pour laquelle le chiffre global auquel on aboutit constitue un seuil minimum. 50 A. DAUBIGNEY: op. cit. ; F. FAVORY: op. cit. 51 Voir par exemple le testament du Lingon, qui mentionne l’existence d’un grand nombre d’affranchis, ou encore, dans notre corpus épigraphique, CIL XIII, 6853 ; AE 1927, 68 ; CIL XIII, 7551 ; CIL XIII, 7553 en Germanie Supérieure et CIL XIII, 8067 et CIL XIII, 12064 en Germanie inférieure.
Introduction
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Pour mener à bien cette étude, j’ai choisi de travailler non seulement sur les esclaves et les affranchis eux-mêmes, mais aussi sur leur insertion dans la cité et le système institutionnel, de façon à ne pas marginaliser esclaves et affranchis et à montrer les éventuels processus d’intégration qui les concernent et qu’eux-mêmes tentent éventuellement de mettre en œuvre. À cet égard, il importe de saisir le statut des villes et des agglomérations, ainsi que l’état des voies de communications dans ces provinces afin de replacer les Germanies face aux provinces gauloises et de distinguer le réseau de communication et les implantations urbaines. Ce filtre géographique a pour objectif de présenter les réalités liées aux phénomènes serviles en relation avec le contexte spatio-temporel. Il s’agit donc de mettre l’accent sur la répartition des esclaves et des affranchis dans l’espace et le temps en rapport avec le développement de ces deux provinces, en soulignant leur insertion dans la société gallo-romaine ainsi que leur rôle social et en relevant les informations qu’ils nous livrent sur la romanisation de ces territoires. Les analyses qui suivent ont pour objectif de proposer les premières pistes d’interprétation appelées par le croisement de ces diverses données. La première partie vise à établir le corpus des esclaves et des affranchis, sur lequel s’appuie le reste de l’étude, en posant les critères que nous proposons d’utiliser pour cerner la population d’origine servile dans les Germanies. C’est sur la base de ces critères que le corpus établi par Luciano Lazzaro a été revu et corrigé. Une fois ces prémices posées, les deux parties suivantes caractérisent la situation des esclaves et des affranchis recensés sur le territoire des Germanies dans le temps et dans l’espace. Ces trois premiers temps de l’étude permettent en ce sens de caractériser la population servile des Germanies au regard de sa présence, de sa localisation, ainsi que des formes de caractérisation que révèlent les inscriptions. La quatrième partie a pour objet de déterminer le visage des individus présents sur le sol des Germanies : qui sont les esclaves et les affranchis qui ont laissé le témoignage de leur vie dans ces provinces ? Leur identité est déclinée selon quatre perspectives : onomastique, familiale, sociale et culturelle ainsi que professionnelle. Ce faisant, il s’agit de mettre en lumière l’intégration sociale et culturelle des esclaves et des affranchis des Germanies dans le monde romain. Les différentes catégories par lesquelles on appréhende ces populations peuvent ainsi constituer des « marqueurs » de l’intégration économique, sociale et culturelle des Germanies dans le monde romain. Ces questions d’intégration culturelle et d’acculturation constituent autant d’indicateurs sur le phénomène dit de la « romanisation », qui a donné naissance à de fréquents débats historiographiques et épistémologiques52. 52
La critique sur la pertinence du concept de romanisation a été portée par Greg WOOLF : Becoming Roman. The origins of Provincial civilization in Gaul. Cambrige 1998, pour qui il faut plutôt évoquer un processus complexe de création d’une culture provinciale inédite, à l’initiative d’élites renouvelées, cultivées et ouverte aux nouveaux standards culturels. Jane Webster a pour sa part souligné la nécessité de dépasser la vision traditionnelle de la romanisation de la Bretagne avec une influence romaine tolérée et des indigènes résignés et passifs en proposant le concept de « créolisation », qui rend compte d’une création culturelle commune, non pas mixité spontanée, mais adaptation accompagnée de résistance (Creolizing the Roman Provinces. In: American Jour-
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Introduction
En 2004, Patrick Le Roux, dressant le bilan du mouvement qui a conduit des historiens et des archéologues à relativiser l’impact de Rome et à interpréter des comportements indigènes comme une résistance à la romanisation, invite à ne pas se débarasser trop vite du concept de romanisation, qui peut s’avérer un outil méthodologique indispensable pour comprendre l’action de Rome après la conquête, dans une approche centre-périphérie53. En introduction d’une table-ronde consacrée à l’étude de la question de « la romanisation et la question de l’héritage celtique », Daniel Paunier considère également que le concept est utile pour la compréhension des mutations qui ont affecté les peuples soumis par Rome et précise que « [l]a romanisation, loin de constituer un phénomène unidirectionnel, doit être considérée, en prenant en compte le temps et les lieux, comme un processus culturel évolutif, complexe et diversifié, qui concerne les élites, certes, soucieuses de légitimer leur pouvoir par une idéologie nouvelle, mais aussi toutes les classes sociales54. » Dans la perspective qui est la nôtre, il s’agit de saisir la place de ces esclaves et affranchis dans la société : leur nom, la manière dont ils se constituent une famille, les relations qu’ils entretiennent avec leur maître ou leur patron, selon leur identité, ainsi que leur insertion dans le monde du travail. Loin de les réduire à une force de travail, l’analyse vise à les replacer dans une société à laquelle ils cherchent à s’intégrer, ce qui est aussi un moyen d’envisager les phénomènes d’intégration et de mobilité, qui caractérisent les populations serviles ou exserviles rhénanes. La dernière partie s’intéresse à la religion des esclaves et des affranchis des Germanies de manière à montrer un dernier aspect de leur intégration à la vie civique et religieuse de la cité à laquelle ils appartiennent. L’analyse de leurs dédicaces, de leurs offrandes voire de leurs actes d’évergétisme religieux offre une image de leur appartenance indiscutable à la société romaine, dont ils souscrivent aux codes et aux pratiques cultuelles. Aspect inséparable de la vie de la communauté civique, la religion offre ainsi aux esclaves et aux affranchis un ultime espace où marquer leur volonté autant que leur capacité d’intégration.
nal of Archaeology 105 (2001) 209-225). Son objectif était d’apprécier et de mesurer la romanisation des masses, vulgar romanization, dont Susan E. ALCOCK a traité dans l’ouvrage collectif édité par Simon KEAY et Nicola TERRENATO sur la substance de la romanisation (Vulgar romanization and the dominance of elites. In: Simon KEAY – Nicola TERRENATO: Italy and the West. Comparative issues in romanization. Oxford 2001, 226-230). On pourra également lire sur la question Ramsey MacMullen: La romanisation à l’époque d’Auguste. Paris 2003 (trad. de l’anglais : Yale University, 2000) et Hervé INGLEBERT : Les processus de romanisation. In: Hervé INGLEBERT (dir.): Histoire de la civilisation romaine. Paris 2005, 421-449. 53 Patrick LE ROUX: La romanisation en question. In: Annales ESC 59 (2004), 287-311. 54 Daniel PAUNIER: Celtes et Gaulois, l’Archéologie face à l’Histoire, 5 : la romanisation et la question de l’héritage celtique. Actes de la table ronde de Lausanne, 17-18 juin 2005. Glux-enGlenne 2006, 248 p.
CHAPITRE I : LA DÉSIGNATION DES ESCLAVES ET DES AFFRANCHIS Les monuments épigraphiques dont nous disposons pour les Germanies sont essentiellement de nature privée. Épitaphes, inscriptions votives ou religieuses, tabellae defixionis sont les supports qui nous ont conservé la trace des esclaves et des affranchis dans ces provinces. Peu de dédicaces honorifiques et publiques renvoient à la vie de la cité ou de l’agglomération, à laquelle ces individus étaient d’une manière ou d’une autre appelés à participer. Aussi sommes-nous amenés à cerner leur image à partir de plusieurs éléments d’appréciation. La manière dont ils se désignent ou sont désignés figure, sauf exception, dans leur nomenclature : elle révèle la posture adoptée par les défunts ou les dédicants, qui les conduit à privilégier une représentation plutôt qu’une autre à l’attention de leurs contemporains ou de leurs descendants. Ce recours à l’image de soi voire de l’autre dépend pour beaucoup des relations qui se tissent entre l’esclave et son maître, entre l’affranchi et son patron. Ces liens représentent une autre manière de saisir la vie de cette population servile, dans la mesure où ils permettent de percevoir leur insertion dans la familia comme une première forme d’intégration sociale. Au-delà de leur visée religieuse ou sociale, les pratiques épigraphiques doivent en effet être aussi envisagées comme des moyens de communication, ce faisant, susceptibles de participer à des stratégies de représentation. Il importe donc d’étudier la manière dont se note l’origine ou le statut servile, car se jouent aussi dans cet acte la mobilité sociale et une éventuelle intégration au modèle romain sinon un accès à une possible promotion pour soi ou ses descendants. Il est toujours difficile d’avancer des données chiffrées concernant une population qui ne dispose pas toujours d’une grande visibilité sociale. À la rareté des témoignages épigraphiques, il faut encore ajouter le caractère discriminant de ces pratiques lapidaires. Comme on le constatera plus loin, nous ne saisissons qu’un reflet de ce que pouvait être l’état des esclaves et des affranchis dans les provinces : les recherches archéologiques ne nous ont livré qu’une infime partie de cette documentation et il n’est pas sûr, en outre, que tous aient eu accès à ce mode d’expression, moyen de communication, mais aussi d’existence, de reconnaissance et finalement garant d’une certaine survie55. Ces réserves de rigueur se justifient d’autant plus pour les Germanies qu’elles nous mettent en présence, selon l’expression de Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier, d’« une pratique épigra55
R. MARTIN: art. cit., 49 sq.
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
phique autre et plus limitée56 », qui restreint encore les informations susceptibles de nous parvenir par ce biais. Il importe d’autant plus, dans ces conditions, de relativiser les résultats et de les mettre en perspective pour concevoir et analyser la densité de la population servile dans le Nord et l’Est de l’Empire romain. Quels sont donc les critères qui permettent d’assurer ces données ? Trois éléments d’appréciation ont été pris en compte : la présence d’une mention juridique, une séquence onomastique avérée ou susceptible d’être restituée de manière à constituer un indice de statut, et l’évocation de l’activité au service de l’expression d’un statut juridique. Ces modes de désignation sont autant de critères qui permettent de repérer et d’attester l’existence d’un esclave ou d’un affranchi. Leur absence nous conduira à placer les individus mentionnés dans la catégorie des incertains (incerti) ou à exclure certaines inscriptions de notre corpus. Sont ici regroupées les inscriptions dues aux esclaves et aux affranchis euxmêmes, à leurs maîtres ou patrons, lesquels, en tant que dédicants, sont parfois amenés à rendre compte des liens qu’ils ont pu créer, ainsi que les témoignages mentionnant un ou plusieurs esclaves ou affranchis. 1. L’indication du statut juridique La nomenclature de l’esclave et de l’affranchi constitue le repère le plus immédiat, lorsqu’il s’agit de situer un individu dans un cadre juridique et social. Tout comme la filiation chez les libres, l’indication de la servilité présente ou passée figure en bonne place dans la séquence onomastique. Cadre contraignant s’il en est, elle se caractérise néanmoins par une certaine souplesse, qui autorise des variations ou des omissions dans le système de désignation. La mention explicite du statut juridique peut figurer en bonne place dans la nomenclature ; elle peut aussi être abrégée, éventuellement accompagnée du nom du patron ou du maître au génitif. Dans ce cas, de multiples possibilités s’offrent aux dédicants dans la manière de décliner l’identité de ce maître : du simple praenomen aux tria nomina, auxquels s’ajoutent des indications complémentaires sur le statut ou l’activité de cet individu. Parfois aussi, les inscriptions sont saturées d’indications renvoyant à la relation juridique entre l’esclave et son maître, l’affranchi et son patron, et il faudra en saisir les motivations, lorsque cela se révèlera possible. Enfin, on examinera le cas des fonctionnaires impériaux, lorsqu’ils explicitent leur statut. 1.1. Une seule mention du statut 1.1.1. Terme non abrégé seul Dix-huit inscriptions, dont quatre seulement pour la Germanie inférieure, à Cologne, font état d’une nomenclature pour laquelle le nom de l’esclave ou de 56 Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: art. cit., 195. Par là, il faut en particulier entendre une utilisation plus rare de l’épigraphie dans le cas des dédicaces honorifiques, ce que confirment par exemple les données dont nous disposons concernant les sévirs augustaux des Germanies (voir infra). Pour une mise en perspective des données recueillies pour les Germanies, on pourra se reporter au manuel de Jean-Marie LASSERE: Manuel d’épigraphie romaine. Paris 2005, 2 vol.
1. L’indication du statut juridique
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l’affranchi n’est accompagné que de la mention non abrégée de son statut juridique. Sur la vingtaine d’individus qui choisissent ce mode de désignation, on compte une majorité d’affranchis57 et seulement quelques esclaves58 qui font ainsi, en apparence, l’impasse sur l’identité du maître ou du patron. Cette absence est en réalité toute relative. Seules deux inscriptions illustrent indiscutablement ce choix. Il s’agit de deux épitaphes de la cité des Lingons, l’une très courte, pour l’affranchi Erotianus (I Lingons, 461) : D(is) M(anibus) / Erotianus / libertus. « Aux Dieux Mânes. L’affranchi Erotianus. » ; l’autre érigée pour Aelia par son frère Araricus (I Lingons, 375) : D(is) M(anibus) / (A)eliae li/bertae p(iissimae) / Arari/cus frat(er) /p(onendum) c(uravit). « Aux Dieux Mânes d’Aelia, affranchie très pieuse (dévouée), son frère Araricus a fait poser cette stèle. » Bien qu’elle ne soit pas lacunaire, cette inscription doit néanmoins être examinée avec attention. Le terme liberta y figure certes en toutes lettres sans que soit mentionné le nom d’un patron. Le problème vient de la restitution que l’on peut proposer du mot suivant la mention du statut juridique. Faut-il suivre la lecture du CIL, reprise par Luciano Lazzaro, pour y voir l’épithète piissima ou considérer comme Yann Le Bohec dans son corpus d’inscriptions de la cité des Lingons qu’il s’agit de l’abréviation de l’adjectif publica, ce qui ferait d’Aelia l’affranchie d’une collectivité ? Pour étayer son point de vue, Yann Le Bohec considère qu’il existe d’autres inscriptions concernant les esclaves et affranchis au service de la collectivité dans la cité des Lingons et cite les stèles de deux esclaves municipaux, Regalis et Tilicus (I Lingons, 365 et 366). L’épithète piissima est pour sa part, il est vrai, attestée dans les Germanies ainsi que dans d’autres provinces, mais plus sûrement dans le cas des dédicaces entre époux. La structure choisie pour l’inscription ellemême incite à suivre l’interprétation de Yann Le Bohec, dans la mesure où une épithète telle que piissima aurait sans doute été placée ailleurs dans l’épitaphe. Dans deux autres cas, le nom du maître fait défaut, mais il s’agit d’inscriptions mutilées59. À Augst, nous sommes en présence d’une dédicace votive faite par deux personnages, Heniocus, dont le statut n’est pas précisé, et Amor, présenté comme libertus. La partie manquante de l’inscription concernant selon toute vraisemblance la divinité à laquelle l’autel est consacré, il est peu probable que le patron d’Amor y soit indiqué : ---/ Heni[oc]/us d(e) p(roprio) d(edit), / p(onendum c(uravit). Amo/r 1iber« e»/tus / v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito). « --Heniocus a donné cela de lui-même, il a pris soin de faire poser [cet autel]. 57 LIBERTUS : Augst (CIL XIII, 11541= RIS II, 231), Avenches (CIL XIII, 5137 = RIS I, 101), Langres (CIL XIII, 5764 = I Lingons, 461; CIL XIII, 5711 = I Lingons 375) ; Mayence (CIL XIII, 7005 ; CIL XIII, 7031= CSIR D 2-5, 78 ; CIL XIII, 6881 ; CIL XIII, 6890 ; Finke 214= CSIR D 26, 77), Cologne (CIL XIII, 8293 = RSK 231 ; AE 1992, 1263). LIBERTA : Cologne (CIL XIII, 8338 = RSK 307 = IKöln 430). LIBE(R)TA : Langres (AE 1969-70, 430= I Lingons, 525). 58 SERVUS : Aignay-le-Duc (CIL XIII, 2888 = I Lingons 296). VERNA : Lopodunum (AE 1929, 106 = CSIR D 2-13, 158), Mayence (CIL XIII, 7067 = CSIR D 2-6, 2). VERNAC(U)LUS : Cologne (CIL XIII, 8375 = RSK, 373). ANCILLA : Mayence (CIL XIII, 11889 = CLE 2092 = CSIR D 2-6, 50). 59 CIL XIII, 11541= RIS II, 231 ; CIL XIII, 7005.
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
L’affranchi Amor s’est acquitté de son vœu de bon gré comme il se doit. » En revanche, à Vindonissa et à Mayence, on pourrait, au vu des textes qui subsistent, supposer en amont l’indication du nom d’un maître ou d’un patron60, comme dans six autres témoignages épigraphiques, pour lesquels aucune relation de dépendance n’est exprimée par un génitif, mais où continue de se manifester une relation entre maîtres / patrons et esclaves / affranchis par la simple juxtaposition de leurs deux noms sur la pierre. À une exception près, il s’agit d’épitaphes de libres, érigées à titre personnel ou sur ordre par les affranchis de ces défunts. Lorsqu’ils agissent ex testamento, ces affranchis restent anonymes et se contentent d’indiquer leur statut61 ; lorsqu’ils sont mandatées par les enfants du défunt, leur nom est en revanche précisé et accompagné de la mention de leur statut62. Quant à Saturninia Gannica, à Avenches, elle se présente comme l’épouse et l’affranchie du défunt, dont elle invoque les Dieux Mânes63. À Cologne, nous sommes en revanche en présence d’une inscription érigée par un maître pour un vernac(u)lus anonyme, mort à 8 jours64. H. Galsterer envisage la possibilité, sans la retenir pour 60 À Vindonissa, on note en effet la présence du déterminant eius, qui suppose la présence d’un antécédent, dont l’état de la pierre n’a pas permis de garder la trace, tandis qu’à Mayence (CIL XIII, 7005 ) subsistent des éléments relatifs à la carrière d’un individu dont le nom n’a pas été conservé et qui pourrait, selon toute vraisemblance, avoir été le patron de [---] atrinius Zmaragdus. 61 CIL XIII, 7031= CSIR D 2-5, 78 : Abdogius Coi/nagi f(ilius), na(tione) Petr/ucorius, eq(ues) al(ae) / Rusonis, an(norum) / XXIIX, sti(pendiorum) X, / hic situs est. / Ex testamen/to libertus / fecit. « Abdogius, fils de Coinagius, issu de l’Aquitaine [du Périgord], cavalier du corps de [commandé par] Ruso, âgé de 28 ans dont 10 de service, repose ici. Son affranchi a fait cela d’après son testament. » ; CIL XIII, 6890 : C(aius) Cornelius / C(ai) f(ilius) Pol(lia) (H)as[t(a)], mil(es) / leg(ionis) XIV Gem(inae), an(norum) /XL, stip(endiorum) XXIII, h(ic) s(itus) e(st). / Liberti tres ex t(estamento) f(aciundum) c(uraverunt). « Caius Corenelius Pollia, fils de Caius, originaire d’Hasta [ville du Piémant], soldat de la XIVe Légion Germania, âgé de 40 ans dont 23 de service, repose ici. Ses trois affranchis ont fait faire [ce monument] d’après son testament. » 62 CIL XIII, 6881 : Victorio Cassiano, vet(erano) leg(ionis) VII, / qui vixit ann(is) LV, Victorii Cle/mentinus et Victorinus et Se/necionius Iulianus, filii eius, per / Victorium Hermetem, libertum / eius, patri piissimo f(aciundum) c(uraverunt). « A Victorius Cassianus, vétéran de la VIIe Légion, qui vécut 55 ans, père très pieux, Victorius Clementius, Victorius Victorinus et Senecionius Iulianus, ses fils, ont fait faire [ce monument] par l’entremise de son affranchi Victorius Hermes. » ; CIL XIII, 8293 = RSK 231. D(is) M(anibus). / C(aio) Severinio Viteali (sic), veterano / honest(a)e missionis, ex be(neficiario) co(n)s(ularis) / leg(ionis) XXX U(lpiae) v(ictricis), Severinia Severina / filia patri karissimo, adseren/te Vitalinio Hilarione liberto, / faciundum curavit. « Aux Dieux Mânes. A Caius Severinius Vitalis, vétéran d’un congé digne de considération, ancien bénéficiaire consulaire de la XXXe Légion Ulpia Victrix, Severinia Severina, sa fille, a pris soin de faire faire cela à son très cher père, après avoir affranchi/revendiqué l’affranchi Vitalinius Hilarionis. » Le gentilice patronymique que porte l’affranchi Vitalinius Hilario a été formé sur le cognomen de son patron, C(aius) Severinius Vitealis. 63 CIL XIII, 5137 = RIS I, 101 : D(is) M(anibus) / T(iti) Nigri(i) / Saturnini / Saturninia / Gannica / liberta et / coniunx /f(aciundum) c(uravit). « Aux Dieux Mânes de Titus Nigrius Saturninus, Saturninia Gannica, son affranchie et sa femme a fait faire [cet autel]. » 64 CIL XIII, 8375 = RSK, 373 : [D(is)J M(anibus). / L(ucius) Cassius / Tacitus / vernac(u)lo /f(ecit).Vixit / diebus VIIII. « Aux Dieux Mânes. Lucius Cassius Tacitus a fait [cette stèle] pour le petit esclave qui venait de naître chez lui. Il a vécu 8 jours. »
1. L’indication du statut juridique
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la restitution, que nous ayons aussi affaire à un cognomen, Vernaclus, possibilité entérinée par Kajanto, et que l’épitaphe soit donc réalisée par un père pour son fils. Dans la mesure où l’enfant recevait son nom au bout du neuvième jour, il paraît plausible de considérer que vernaclus indique le statut de l’enfant plus que son cognomen. Une dernière épitaphe retrouvée à Langres, sur laquelle figure quatre noms féminins est de lecture contestée65. Doit-on comprendre avec Yann Le Bohec que nous sommes en présence de l’épitaphe d’une dénommée Rebrica, à qui ses trois affranchies auraient consacré une stèle funéraire ou que les quatre femmes sont les affranchies d’un certain Restitutus, auquel cas il faudrait lire libe(r)ta(e) ? La question reste entière. En revanche, dans le premier cas nous sommes bien en présence de la situation habituelle, qui consiste à ne pas mentionner le nom du patron au génitif car il est déjà indiqué par ailleurs dans l’inscription, alors que dans l’hypothèse où nous sommes en présence de quatre affranchies de Restitutus, nous avons affaire à une nomenclature plus « classique », dans laquelle le nom du patron au génitif est accolé à l’indication du statut. Au final, ces dix-neuf attestations de mention juridique non abrégée témoignent paradoxalement de l’importance des liens qui unissent la population servile aux maîtres et aux patrons. Certes, il est des cas où l’expression de l’appartenance est omise ; le patron ou le maître n’en reste pas moins présent, ne serait-ce que dans l’érection d’autels ou de stèles, qui viennent témoigner de la relation indépassable qui lie ces deux catégories sociales. Le phénomène se répète-t-il lorsque le statut juridique est présenté de manière abrégée ? 1.1.2. Terme abrégé sans indication du patron ou du maître Un plus grand nombre d’inscriptions témoigne de l’existence d’esclaves ou d’affranchis dans les Germanies par le biais d’un terme juridique abrégé, phénomène a priori lié aux conditions matérielles dans lesquelles la pierre était gravée : surface disponible, moyens financiers variables pour réaliser ces témoignages…, mais qui a aussi à voir avec la nature de la dédicace ainsi qu’avec la situation d’énonciation de chaque message épigraphique. La pratique est majoritairement le fait des affranchis répartis sur l’ensemble du territoire des Germanies66 avec une 65 AE 1969-70, 430 = I Lingons, 525 : « D»d(is) Man(i)bus. / Rebica Res(tituti?) / libeta, / Noturna / Angia A/u
ona ou A/uilona / posuit(t) lib(ertae) tit(ulum) ou posui(t) libe(n)t(er). 66 L. : Avenches (CIL XIII, 5138 = RIS I, 97), Bingium (CIL XIII, 7515 = CSIR D 2-14, 28), Cologne (CIL XIII, 12064 = RSK 426), Dijon (I Lingons 165), Hönehaus (AE 1978, 532), Langres (I Lingons 503), Mayence (CIL XIII, 6957), Müri (CIL XIII, 5161), Nyon (AE 1992, 1265), Vindonissa (CIL XIII, 11509 = RIS II, 169). LIB. : Argentorate (CIL XIII, 5976 ; CIL XIII, 11635), Augst (CIL XIII, 5285), Avenches (CIL XIII, 5079 = I Avenches, 4 = RIS I, 97 ; CIL XIII, 5108 = RIS, I, 94), Bonn (CIL XIII, 8088 = CSIR-D 3-2, 6 ; CIL XIII 8593 = CSIR-D 3-1, 47), Cologne (CIL XIII, 8328 = RSK 167 ; AE 1990, 734), Dijon (CIL XIII, 5577 = I Lingons, 166), Langres CIL XIII, 5778 = I Lingons, 409 ; CIL XIII, 5755 = I Lingons, 450 ; CIL XIII, 5712 = I Lingons, 376 ; CIL XIII, 5757 = I Lingons 452 ; AE 2000, 1050 = I Lingons 460), Mayence (CIL XIII, 6817 = CSIR D 2-5, 37 = IDRE
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
concentration en Germanie inférieure à Cologne et sur son territoire (Bonn, Lessenich, Neuss). Les quelques esclaves qui adoptent ce dispositif sont tous attestés, de manière isolée, en Germanie supérieure67. Quatre inscriptions sont tellement endommagées qu’il en devient hasardeux d’y trouver l’évocation d’un ou de plusieurs affranchis. C’est la raison pour laquelle nous préférons les exclure de l’étude68. Par ailleurs la relecture par Yann Le Bohec de la dédicace religieuse de Sattonius Vitalis69 le conduit à voir en lui plutôt un lib(rarius) de la XXIIe Légion Primigenia qu’un affranchi, même s’il ne rejette pas cette possibilité ; la même incertitude existe pour une inscription d’Oberflorstadt70, où libertus est en concurrence avec librarius, ce qui nous conduit à classer cet individu parmi les incertains. D’autres inscriptions ont fait l’objet de relectures qui ne remettaient pas fondamentalement en cause la présence d’un individu de statut servile, mais nous conduisent à nuancer notre propos. À Avenches, Walser propose de faire de Philetus un co(nservus) plutôt qu’un co(llibertus) des dédicants de l’inscription71. Si l’hypothèse est envisageable, rien ne permet de décider en sa faveur, même si le terme conservus est très peu attesté sur le territoire des Germanies. Quoi qu’il en soit, cela ne remet en cause que le statut de l’individu, non son origine servile. Il considère par ailleurs que, sur les 1, 194 ; CIL XIII, 6851 = CSIR-D 2-6, 93 ; CIL XIII, 6853 = CSIR-D 2-5, 72 ; CIL XIII, 7235 ; AE 1976, 497 = Schillinger 101 = CSIR-D 2-5, 63 + Schillinger 102 = CSIR-D 2-6, 27 ; AE 2004, 1015 et 1016), Novaesium (CIL XIII, 8558), Tres Tabernae (ILTG, 440 = AE 2000, 1069). LIB(ERTUS) : Langres (CIL XIII, 5872 = I Lingons 413), Lessenich (CIL XIII, 8002 = Lehner 616); LIB[ER]T(US) : Cologne (CIL XIII, 8427 = RSK 343) ; LIBE[R/TU]S : Argentorate (CIL XIII, 11602), Castellum Mattiacorum (CIL XIII, 7307 = CSIR-D 2-6, 72) ; LIBER(TA) : Cologne (RSK 335) ; LIBER : Goors-Opleeuw (CIL XIII, 3259 = ILB 21) LIBERT[US] : Mayence (CIL XIII, 6664), Saint-Geosmes (AE 1996, 1144 = I Lingons 609), Sumelocenna (Nesselhauf, 96) ; [LI]BERTUS : Vindonissa (CIL XIII, 5226) ; [LIB]ERTUS : Bonn (CIL XIII, 8067 = Lehner 609) ; COLL(IBERTA) : Bingium (CIL XIII, 7522 = CSIR-D 2-14, 38a) ; CO[LL(IBERTUS)] : Avenches ( Finke, 93 = RIS 2, 144) ; CONLIBERT(US) : Mayence (AE 1976, 497 = Schillinger 101 = CSIR-D 2-5, 63 = CSIR-D 2-6, 27). 67 S. : Avenches (CIL XIII, 5138 = I Avenches 3 = RIS 1, 97) ; SER(VUS) : Rheinheim (AE 1977, 590) ; SERV[US] : Antunnacum (CIL XIII, 7684 = Lehner 665) ; VERN. : Mayence (CIL XIII, 7067 = CSIR-D 2-6, 2). 68 Il s’agit de Herz = AE 1977, 587 = CSIR-D 2-5, 131 ; CIL XIII, 8675 ; CIL XIII, 8562 = Lehner 1292 ; Alföldy: Epigraphisches aus dem Rheinland III, n. 203. 69 CIL XIII, 5622 = I Lingons 240. 70 CIL XIII, 7425. 71 RIS II, 144 : Dis M[an(ibus)] / Phileto co[ll(iberto)] / b(ene) m(erenti) fecerun[t], / Graptus, Eudam[nos] / et Otacilia. « Aux Dieux Mânes. Graptus, Eudamnos et Otacilia ont réalisé [cette plaque] pour Philetus, leur co-affranchi, qui a rendu de bons services. »
1. L’indication du statut juridique
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trois dédicants que mentionne l’inscription, le dernier, Otacilia, renvoie au nom de la patronne des individus précédemment mentionnés. À Langres, deux inscriptions, relues par Yann Le Bohec, ne font pas disparaître les affranchis qu’elles mentionnent, mais modifient leur mode de désignation, puisque figure désormais l’indication du nom du patron au génitif72. Sur les 51 témoignages épigraphiques où figure la présence d’un terme juridique abrégé non accompagné de la désignation du maître ou du patron au génitif, plus de la moitié témoignent de la relation indépassable entre les esclaves / affranchis et leurs maîtres / patrons. Dans 32 inscriptions en effet, l’absence du génitif ne signifie pas la volonté d’éluder la relation de dépendance. Elle résulte en réalité de diverses situations d’énonciation, qui ont conduit à faire figurer au début de l’inscription le nom du maître ou du patron, dont il n’apparaît pas ensuite nécessaire qu’il soit répété. Dans tous les cas, on constate qu’il s’agit d’épitaphes, pour lesquelles la relation s’exprime moins sous la forme de l’appartenance que du respect du contrat juridique et moral qui lie le patron à son affranchi, le maître à son esclave. Près de la moitié de ces inscriptions funéraires sont érigées pour un patron défunt ; dans 8 cas, l’inscription témoigne de l’inscription dans la familia du maître, puisque l’esclave ou l’affranchi figure à sa place dans la liste des défunts dont la dédicace vient saluer la mémoire. À deux reprises, la notion de familia concerne plus spécifiquement des soldats associés à leurs esclaves ou affranchis, qui reposent ensemble et que l’inscription réunit. À 6 reprises, on note également que des affranchis sont mandatés par les enfants du défunt ou par le patron lui-même pour s’occuper de l’érection des monuments funéraires ou veiller à l’application des termes d’un testament. Il ressort de ces différents cas de figure que l’absence de génitif ne signifie en aucun cas la volonté de se détacher de la relation qui lie l’affranchi ou l’esclave à son patron ou à son maître. Jusque dans la mort, l’affranchi ou l’esclave se doivent d’accomplir le caractère contractuel de la relation qui les lie à leur maître. La réalisation des épitaphes se présente comme l’illustration de cette relation juridique, qui ne s’éteint pas avec la disparition de l’une ou l’autre des parties. Trois inscriptions tronquées peuvent certainement être rattachées à cette catégorie dans la mesure où ne subsiste le plus souvent qu’un nom associé à un statut, qui laisse deviner une épitaphe plus importante. L’épitaphe de Lucius Attius Nepos ne remet pas en cause ce schéma lorsqu’elle 72
CIL XIII, 5798 : D(is) M(anibus) / Lucanae. / Euterpa lib(erta), / Vernalis et /Eutychus f(ecerunt). « Aux Dieux Mânes de Lucana. L’affranchie Euterpa, (ainsi que) Vernalis et Eutychus ont fait faire (ce monument funéraire). » devient dans la relecture de Yann Le Bohec (I Lingons 489) : D(is) M(anibus) / Lucanae, / Euerpa(e) lib(ertae). / Vernalis et /Eutychus f(ecerunt). « Aux Dieux Mânes de Lucana, affranchie d’Everpa. Vernalis et Eutychus ont fait faire ce monument funéraire. » Quant à CIL XIII, 5872 ([---]ecissae lib(ertae), / uxori et Vital(i) se[rvo) [faci]endum cura[vit]. « … il a fait faire cela pour sa femme et affranchie […]-eccisa et pour son esclave Vitalis. », l’inscription est lue par Yann Le Bohec (I Lingons 413) : [---, A]ecissae lib(ertus), […] / […, u]xori, et Vital(i) se[rvo (?)], / [faci]endum cura[uit]. « …, affranchi d’Aeccisa, a veillé à faire installer (ce monument funéraire) pour …, son épouse, et pour Vitalis, son esclave (?). » Nous inclurons donc ces deux inscriptions au point iii de ce chapitre.
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
évoque les affranchis de la ville sans mentionner leurs patrons, puisqu’il s’agit d’une dédicace collective réalisée pour le défunt. Pour trouver véritablement des témoignages qui éludent le nom du maître et la notion de possession, il faut se tourner vers les inscriptions votives ou religieuses. Dans 7 inscriptions, dont 5 accompagnent un vœu ou un don à une divinité, il est significatif de constater que systématiquement le dédicant, tout en mentionnant son statut par l’emploi du terme juridique abrégé, omet d’indiquer le nom de son patron. On ne peut expliquer cet état de fait qu’en considérant que la dédicace votive ou religieuse est considérée comme une démarche qui engage l’individu, la personne plutôt que le membre d’une communauté et d’une familia. La dédicace des médecins Quintus Postumius Hyginus et Postumius Hermes à Avenches ne remet pas en cause le principe de l’absence du patron, même si son interprétation est plus délicate : Postumius Hermes est-il l’affranchi de Quintus Postumius Hyginus ou les deux hommes sont-ils tous deux affranchis d’un individu qui n’est pas nommé dans l’inscription73 ? Quoi qu’il en soit, il est notable que, comme les autres, l’inscription fait l’économie de la mention du patron. L’épitaphe retrouvée à Sumelocenna et consacrée à Deccius Magurius offre pour sa par tun exemple d’inscription funéraire pour laquelle le nom du patron de la dédicante qui se présente comme libert(a) est absent74. Avec beaucoup de précautions, on pourrait rapprocher de cette occurrence deux inscriptions lacunaires de Mayence et de Bingium75 qui offrent la particularité de présenter des épitaphes réalisées pour un co-affranchi resté anonyme en raison de la cassure de l’inscription. C’est la relation entre le défunt et le dédicant qui distinguent ces trois dédicaces des autres épitaphes, dans la mesure où ce n’est plus une relation juridique et hiérarchique qui s’exprime. C’est une épouse ou un ancien compagnon de servitude qui consacre une inscription au défunt et s’inscrit dès lors hors du cadre social pour privilégier la relation personnelle qu’il entretenait avec le défunt. Cela ne signifie pas l’abandon des valeurs romaines : à Mayence, Phoenix érige une stèle à son ancien compagnon ob pietatem, ce qui signale les obligations qui régissent les relations entre les individus ; néanmoins, ces exemples témoignent de la marge de 73
CIL XIII, 5079 : Numinib(us) Aug(ustis) / et Genio Col(oniae) Hel(vetiorum), / Apollini sacr(um) / Q(uintus) Postum(ius) Hyginus / et Postum(ius) Hermes, lib(ertus), ou lib(erti), / medicis et professorib(us) / d(e) s(uo) d(ederunt). « Sous le patronage des divinités augustes et du Genius de la Colonie des Helvétiens, Quintus Postumius Hyginus et Postumius Hermes, affranchi(s), ont fait d’eux mêmes cet objet de culte à Apollon pour les médecins et les professeurs. » 74 Nesselhauf 80 : Dis M(anibus). / Deccio / Magurio / cont(ubernalis) / libert(a) / f(aciundum) c(uravit). « Aux Dieux Mânes. A Deccius Magurius, sa compagne affranchie a pris soin de faire faire cela. » 75 Respectivement AE 1976, 497 b (---lib(ertus), ann(orum) XXV, / h(ic) s(itus) e(st), / Phoenix conlibert(us) / ob pietatem de suo / pos(u)it. « … affranchi, âgé de 25 ans, repose ici, Phoenix, son co-affranchi a posé (ce monument) de lui-même pour des raisons de piété. » et CIL XIII, 7522 (--/ an(n)o(rum) XI h(ic) s(itus ou -ita) e(st). / Fausta coll(iberta) / [p(onendum) ? c(uravit)?]. « … âgé(e) de 11 ans repose ici. Fausta, sa co-affranchie, a pris soin d’établir (ce monument funéraire). »
1. L’indication du statut juridique
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manœuvre dont disposent les esclaves et les affranchis pour se signaler comme tels, une marge de manœuvre qui peut dépendre de la relation qu’ils entretiennent avec le défunt ou de la vocation de l’inscription : votive ou religieuse, elle semble offrir un espace de liberté plus grand à l’individu qui souhaite s’affranchir des cadres juridiques et sociaux. Ce sont des conclusions qui demandent à être confirmées par l’étude de la catégorie suivante, de loin la plus nombreuse, où est utilisée la séquence onomastique conventionnelle à l’usage des esclaves et des affranchis. 1.1.3. Terme abrégé ou non avec indication du patron ou du maître Avec la mention du statut assortie d’une indication plus ou moins développée relative au nom du maître ou du patron, nous sommes en présence du mode de désignation des esclaves et des affranchis le plus fréquent, même si de nombreuses variantes existent concernant l’onomastique du maître ou du patron, et parmi les plus sûrs, dès lors qu’il s’agit d’établir l’existence d’un individu de statut servile, à moins que ne se posent des difficultés de lecture et d’interprétation des pierres76. Ce n’est en général pas le cas, sauf à trois reprises, où les termes 76 LIBERTUS + 1 SEUL NOM : Cologne (CIL XIII, 12059 = RSK 215 = IKöln 310), Langres (I Lingons 422), Mayence (CIL XIII, 11884), Vindonissa (Finke 102). L. + 1 SEUL NOM : Hagenbach (AE 1999, 1144 = AE 2003, 1264) ; Bonn (CIL XIII, 8108 = CSIR-D 3-2, 7 ; CIL XIII, 8115 = CSIR-D 3-2, 1) ; Langres (CIL XII, 5674 = I Lingons 608 ; I Lingons 503) ; Cologne (CIL XIII, 8301 = RSK 241 = IKöln 346 ; CIL XIII, 8368 = RSK 360 = IKöln 459 ; CIL XIII, 8379 = RSK 383 = IKöln 480 ; CIL XIII, 8407 = RSK 414 = IKöln 516 ; CIL XIII, 8337 = RSK 306 = IKöln 411; AE 1974, 463) ; Lausanne (AE 1939, 208 = AE 1946, 25 = Ness-Lieb 23 = RIS 1, 50) ; Novaesium (CIL XIII, 8558) ; Mayence (CIL XIII, 7085 = CLE 1104 ; CIL XIII, 11891 ; CIL XIII, 7105 = CLE 1116 = CSIR-D 2-6, 29 ; CIL XIII, 7117 = CSIR D 2-6, 56 ; AE 1976, 496) ; Xanten (CIL XIII, 8648 = CSIR D 3-1, 1) ; Salodurum (CIL XIII, 5173) ; Besançon (CIL XIII, 5384 = AE 1984, 704). LIB. + 1 NOM : Argentorate (CIL XIII, 11635) ; Cologne (AE 1945, 13 = Ness-Lieb 218 = AE 1956, 250 = RSK 298 = IKöln 292 ; RSK 384 = IKöln 553) ; Augst (CIL XIII, 5290 = RIS 2, 221) ; Castellum Mattiacorum (CIL XIII, 7310 ; CIL XIII, 7305) ; Dijon (CIL XIII, 5553 = I Lingons 138) ; Langres (CIL XIII, 5798 = I Lingons, 489 ; CIL XIII, 5872 = I Lingons, 413 ; CIL XIII, 5831 = I Lingons 521 ; CIL XIII, 5816 = I Lingons 505 ; CIL XIII, 5796 = I Lingons 514 ; CIL XIII, 5714 = I Lingons 414 ; AE 1969-70, 431 = I Lingons 531 ; Drioux 358 = I Lingons 542) ; Mayence (Finke 214 = CSIR D 2-6, 77 ; Nesselhauf 116) ; Rheinheim (AE 1977, 590). LI + 1 NOM : Aquae (AE 1977, 544 = NI Bonn 2). LIBERT + 1 NOM : Langres (CIL XIII, 5756 = I Lingons 392) ; Bonn (CIL XIII, 8088 = CSIR D 3-2, 6) ; Nyon (CIL XIII, 5012). LIBER + 1 NOM : Obernburg am Main (Ness-Lieb, 153 = RSO 202 = CSIR D 2-13, 157). LIBERTUS + 2 NOMS : Bingium (CIL XIII, 7521 = CSIR D 2-14, 35) ; Cologne (CIL XIII, 8371 = RSK 363 = IKöln 461a = CLE 2152). LIB. + 2 NOMS : Mayence (CIL XIII, 7055 = CSIR D 2-6, 68), Cologne (CIL XIII, 8225 = RSK 108 = IKöln 158). L. + 2 NOMS : Avenches (AE 1991, 1256). LIBER + 2 NOMS : Lopodunum (CIL XIII, 11741 = RSOR 79). L. + 3 NOMS : Langres (CIL XIII, 5781 = I Lingons 396) ; Bonn (AE 1924, 22 = Finke 274) ; Mayence (AE 1979, 431 = CSIR D 2-6, 75). LIB + 3 NOMS : Bonn (Ness-Lieb 198 = AE 1945, 9). L. + NBE DE NOM INDETERMINE : Cologne (CIL XIII, 8428 = RSK 433 = IKöln 576 ; RSK 374 = IKöln 298). LIBERTUS COLONIAE : Langres (CIL XIII, 5883 = I Lingons 363). LI COLONIAE : Langres (CIL XIII, 5693 = I Lingons 362). LIBERT(A) PUBLIC(A) : Alta Ripa (AE 1933, 113 = Nesselhauf 75 = CSIR D 2-10, 69). SERVUS + 1 NOM : Mayence (CIL XIII, 7247 = CSIR D 2-6, 40) ; Dijon (I Lingons 163) ; Langres (CIL XIII, 11591 = I Lingons 566) ;
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
libertus et servus peuvent être contestés. Il s’agit de CIL XIII, 6087, pour laquelle la lecture Tetto ser(v)us Fl(avi) Taciti a été remise en question au profit de Tettoserus fi(lius) Taciti. Néanmoins, l’écriture peu soignée de la pierre ne permet pas de décider positivement en faveur de FI plutôt que de FL et le nom Tettoserus est peu probable77, ce qui nous conduit à conserver l’inscription dans le corpus. En revanche AE 1923, 36 (= Finke 203 = CSIR D 2-4, 48) doit être revue, non comme faisant état d’un affranchi, mais du nom d’un des dédicants, comme le font remarquer les commentateurs du CSIR, qui révisent l’inscription sur plusieurs points : plutôt que sac(erdos) f(ani) l(ibens) / s(olvit) c(um) lib(erto) Primi (centurionis) l(egionis) eius, ils privilégient la lecture sac(ellum) f(ecit) l(ibens) / s(ub) c(ura) Lib() primi p(ili) l(egionis) eius(dem), où Lib. constitue le début du nom du primipile associé à la démarche de Titus Vindelicius Tertinus, ce qui nous conduit à exclure cette inscription de notre corpus. Dans le cas de l’inscription de Bonn78, on a pu proposer de restituer L(uci) au lieu de l(ibertus), mais cette hypothèse semble peu probable, compte tenu de l’inscription dans son ensemble, à moins que n’ait réellement existé un Lucius Vibius Viscius Macrinus. On considèrera donc cette inscription comme partie intégrante du corpus. Nous sommes dès lors en présence de 91 attestations votives, religieuses et le plus souvent funéraires faisant appel à la séquence onomastique « traditionnelle », où figurent à la fois la mention d’un statut et le nom d’un maître ou d’un patron. Il ne ressort pas de cet ensemble des situations d’énonciation spécifiques : les inscriptions peuvent être le fait du défunt, d’un membre de sa famille, d’un héritier ou d’un co-affranchi, plus rarement du maître ou du patron. En revanche, on remarque que ce dernier n’est le plus souvent désigné qu’à l’aide d’une seule marque onomastique, le prénom, comme il peut être d’usage pour éviter les répétitions, lorsque l’affranchi fait état de ses tria nomina, mais aussi un cognomen ou Castellum Mattiacorum (CIL XIII, 7311) ; Langres (CIL XIII, 5858 = I Lingons 552) ; Mayence (CIL XIII, 6808 = CLE 1590 = CSIR D 2 6, 87) ; Vindonissa (CIL XIII, 11502 = RIS 2, 166). S. + 1 NOM : Avenches (CIL XIII, 5134) ; Langres (CIL XIII, 5721 = I Lingons 349). SERV(US) + 1 NOM : Langres (AE 1969-70, 432 = I Lingons 548 ; CIL XIII, 5830 = I Lingons 519) ; Longvic (I Lingons 44). SER(VUS) + 1 NOM : Castellum Mattiacorum (CIL XIII, 7310) ; Langres (CIL XIII, 5816 = I Lingons 505). SER(VUS) + 2 NOMS : Bonn (CIL XIII, 8108 = CSIR D 3-2, 7). SER(VUS) + 3 NOMS : Dangstetten (AE 2008, 960). SERVUS + 2 NOMS : Mayence (CIL XIII, 11836 = CSIR D 26, 71 ; CIL XIII, 7106 = CSIR D 2-6, 51) ; Salmaise (CIL XIII, 11575 = I Lingons 275). SER(V)US + 2 NOMS : Rheinzabern (CIL XIII, 6087) ; Cologne (Nesselhauf 226 = RSK 345 = IKöln 489). ANCILL(A) + 2 NOMS : Mayence (CIL XIII,7089 = CSIR D 2-6, 74). SERV(U)S + TRIA NOMINA : Mayence (CIL XIII, 6954 ; CIL XIII, 11895 = CLE 2122 = CSIR D 2-6, 35). SER(UUS) + TRIA NOMINA : Avenches (AE 1991, 1257) ; Noviomagus Nemetum (CIL XIII, 6109). SER(VUS) + COLONIAE : Langres (CIL XIII, 5694 = I Lingons 364) ; SERVUS PUBLICIUS : Langres (CIL XIII, 5695 = I Lingons 365 ; CIL XIII, 5696 = I Lingons 366). 77 Tettoserus ne connaît aucune attestation. Plutôt que la transcription Silvano / Tetto/serus fi(lius) / Taciti ex / voto p(osuit), on préfèrera donc Silvano / Tetto / ser(v)us Fl(avi) / Taciti ex / voto p(osuit). 78 AE 1924, 55 : Mercurio / Noihus et Noiius / l(iberti) Vibi(i) Visci(i) Macrini, / leg(ati) Aug(usti), v(otum) s(olverunt) l(ibentes) m(erito).
1. L’indication du statut juridique
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un nom unique. Faut-il de là en conclure à l’indice d’une catégorie d’esclaves / affranchis et de maîtres / patrons peu élevée dans l’échelle sociale ? Nous reviendrons sur ce point plus loin, lorsque nous examinerons les cas, peu fréquents, où le maître ou le patron est désigné par ses tria nomina et l’onomastique de chacun. 1.2. Indication du patron ou du maître La dépendance peut être explicitée non à partir de la situation juridique de l’esclave ou de l’affranchi, mais de celle de son maître ou patron, lorsque sont utilisés les termes patronus ou dominus. Moins nombreuse, il est vrai, cette catégorie compte 13 inscriptions, toutes relatives à des affranchis79 et constituée de deux grands ensembles. Dans un premier cas, l’inscription est complète et le terme patronus ou patrona sert exclusivement à signaler l’existence d’un ou plusieurs individus d’origine servile80. On notera qu’à une exception près, le dédicant est le patron, qui rend hommage à son affranchi(e) défunt(e). Une inscription de Cologne est, quant à elle, dédiée par un affranchi à son patron et à d’autres affranchis. Quelle que soit la situation, la désignation explicite du patron ôte tout doute sur la présence réelle d’un individu d’origine servile. À Vindonissa par exemple, la simple mention de la profession du défunt, un medicus de la légion XXI, ni le gentilice identique porté par son épouse n’auraient suffi à identifier avec certitude Claudius Hymnus comme un affranchi. La même remarque vaut pour l’inscription élevée à Cologne par Priminius Famulus pour son affranchie Priminia Augurina. Il faut à cette occasion souligner les circonstances particulières dans lesquelles interviennent ces dédicaces. Nombre d’entre elles sont dues à un contexte affectif et moral81 : elles concernent des jeunes gens, morts à 17 ou 18 ans, ou encore une affranchie qui devait être aussi une épouse. Enfin, on relève à trois reprises la présence de l’adverbe pie dans des dédicaces de Germanie inférieure. Un autre ensemble est constitué d’inscriptions mutilées, pour lesquelles il est plus difficile de se faire une opinion concernant la nature du texte intégral. À Bonn, nous sommes indiscutablement en présence d’une dédicace réalisée par le patron pour son affranchi, comme dans le cas des inscriptions complètes évoquées auparavant. À Langres, un texte évoque une fillette recueillie après la mort de son patron par deux individus, dont le statut sera discuté plus loin, car ils ne sont désignés que par un seul nom. Il n’en reste pas moins que l’inscription, même 79
PATRONUS : Bonn (CIL XIII, 8120 = Lehner 799) ; Cologne (CIL XIII, 8271 = RSK 201 = IKöln 280 ; CIL XII, 8301 = RSK 241 = IKöln 346 ; CIL XIII, 8371= RSK 363 = IKöln 461a = CLE 2152 ; Finke, 299 = RSK 358 = IKöln 522 ; RSK 354) ; Langres (CIL XIII, 5855 = I Lingons 549 = CLE 2015 ; CIL XIII, 5893 = I Lingons 580) ; Mayence (CIL XIII, 7129 = CLE 1828) ; Saint-Blaise (CIL XIII, 11498) ; Fectio / Traiectum (CIL XIII, 8821) ; Vindonissa (CIL XIII, 5208). PATRONA : Nyon (CIL XIII, 5016 = RIS 1, 42). 80 La stèle dédiée à Aurelius Timavius présente deux inscriptions. Sur la face antérieure, on ne relève que la mention d’un patronus. C’est cette inscription que nous considérons ici. Sur la face postérieure Timavius est présenté comme libertus en toutes lettres. 81 Souligné, dans la dédicace consacrée à Aurelius Timavius à Cologne, par la présence des qualificatifs attachés à la personne du défunt : dulcissimus, sanctissimus, carus.
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
incomplète, permet de faire de la fillette une affranchie. Pour le reste, les restitutions sont plus problématiques et l’on peut seulement attester à chaque fois de l’existence d’un ou plusieurs affranchis par la présence du terme patronus, plus ou moins complet, que nous admettrons pour trois occurrences, celles de SaintBlaise, de Mayence et de Langres. Deux inscriptions de Langres sont en revanche à mettre à part82. Admises par Luciano Lazzaro, elles doivent être exclues de notre corpus, dans la mesure où le terme dominus ou domina n’est pas suffisamment certain pour que nous puissions les considérer comme la preuve de la présence d’individus serviles. La lecture de l’épitaphe de Cricirus par Yann le Bohec le conduit à rejeter la restitution domin(nus) au profit d’un nom propre Domus, qu’il admet comme problématique, mais qu’il associe à un non indigène Donnus ou encore à un nom latin Dommus83. Quant à l’autre inscription, son début très mutilé ne nous permet que de lire en entier le terme domina, dont il s’agit de savoir s’il renvoie à un nom commun, et donc à la présence d’esclave(s), ou à un cognomen, dont l’existence est attestée par Kajanto. Yann Le Bohec admet les deux possibilités, tout en privilégiant la seconde dans sa restitution. Nous le suivrons en considérant que l’ambiguïté doit nous inciter à la prudence84. Au final, cette catégorie met en évidence une situation d’énonciation privilégiée, la dédicace du patron à son affranchi dans un contexte moral et affectif. Reste à voir si l’indication d’un statut servile associée à la mention du maître confirme cette tendance. 1.3. Association de deux mentions : servus et dominus / libertus et patronus La caractéristique principale de ce groupe de 12 inscriptions réside dans la situation d’énonciation qui les caractérise. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit, comme précédemment, de dédicaces réalisées par le patron ou la patronne pour son affranchi, du maître pour son esclave. Le texte de l’inscription se présente dès lors en deux temps. L’identité du défunt est d’abord déclinée selon la séquence onomastique traditionnelle : au nom du défunt s’ajoute l’identité plus ou moins développée de son patron ainsi que la mention de son statut social, d’où l’emploi des termes libertus ou servus ; l’inscription se termine par une formule stéréotypée p(atronus) f(aciendum) c(uravit) par exemple. On compte onze inscriptions obéissant à ce principe, à laquelle on ajoutera la dédicace de Langres à
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CIL XIII, 5760 = I Lingons, 455 et CIL XIII, 5750 = I Lingons, 447. CIL XIII, 5750 : D(is) M(anibus / Criciri Labeo Ann(ii) / Victor(is) (filius), domi(nus), p(onendurn) c(uravit) est relue par Yann Le Bohec (I Lingons 447) : D(iis) M(anibus / Criciri, Labeo(nis filii), ann(is) […] / Victor, Domi (filius), p(onendurn) c(uravit) : « Aux Dieux Mânes de Cricirus, fils de Labeo, âgé de… années. Victor, fils de Domus, a pris soin de faire mettre en place (ce monument funéraire). » 84 CIL XIII, 5760 = I Lingons 455 : [--- / --- / ---] / domina p(onendun) c(uravit). » […], Domina, a veillé à faire installer (ce monument funéraire. » 83
1. L’indication du statut juridique
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Caper85, en dépit de son caractère lacunaire et des discussions auxquelles sa lecture a pu donner lieu, en considérant comme probable la restitution [patro]nus compte tenu de l’organisation générale du texte, assez semblable à ceux qui précèdent86. Ces inscriptions présentent deux caractéristiques essentielles. Elles peuvent être consacrées à deux individus, la plupart du temps deux esclaves / affranchis, dont l’un fait l’objet de l’inscription, tandis que le nom du second est ajouté à la suite du texte87. Comme pour la catégorie précédente, on note également la résonance morale et affective attachée à ces dédicaces : certaines sont élevées à des jeunes gens voire à des enfants ; une autre à une femme affranchie et à son enfant ; beaucoup présente l’érection d’un monument pro beneficiis, ob merita ou encore pro meritis. C’est aussi l’argument moral qui justifie la dédicace d’un affranchi à sa patronne à Mayence : Mogetia Quintina est présentée comme une matrone sanctissima, une patrone optima et l’inscription fait encore une place à la piété et la révérence qui la caractérise (CIL XIII, 7092). L’inscription qui orne un autel en calcaire à Mayence dédié à Jupiter Optimus Maximus est la seule dédicace non funéraire de cet ensemble88. L’affranchi Zosimus prend soin de préciser qu’il l’a fait réaliser avec son propre argent pour son patron, le centurion Papirius (CIL XIII, 6703). 1.4. Cas des fonctionnaires impériaux Si l’on ne tenait compte que de la seule indication explicite du statut juridique pour les recenser, il faudrait compter avec un petit nombre de fonctionnaires impériaux89. Ce premier constat doit être immédiatement nuancé. On compte peu de
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AE 1969-1970, 426 = I Lingons 426 : [D(iis ?)] M(anibus), / [---] Capro / [ patro]nus / l(iberto), p(onendum) c(uravit). « Aux dieux Mânes ? A … Caper. Son patron a veillé à faire installer (ce monument funéraire) pour son affranchi. » 86 LIBERTUS + PATRONAE : Xanten (CIL XIII, 8658) ; Mayence (CIL XIII, 7092). LIB. + 1 NOM + PATRONUS : Mayence (CIL XIII, 6703 ; CIL XIII, 7106 = CSIR D 2-6, 51) ; LIB. + 2 NOMS + PATRONUS : Munzach (CIL XIII, 5312 = RIS 2, 228). L. + 1 NOM + PATRONUS : Mayence (CIL XIII, 7238 ; CIL XIII, 7104 = CSIR D 2-6, 33). L. + 2 NOMS + PATRONUS : Cologne (Ness-Lieb 222 = RSK 354 = IKöln 538) ; Mayence (CIL XIII, 7119 = CSIR D 2-6, 36). [---]NUS + L(IBERTUS ?) : Langres (AE 1969-70, 426 = I Lingons 436). L. + 3 NOMS + PATRONUS : Mayence (Finke 216 = CSIR D 2-6, 28). SERVUS + 2 NOMS + DOMINUS : Mayence (CIL XIII, 6888 = CSIR D 2-6, 53) 87 Dans certains cas, le statut du deuxième individu ne fait pas de doute, car il est clairement mentionné avec le terme libertus (Ness-Lieb 222) ou servus (CIL XIII, 7106). En revanche, la nécessité de restituer le statut en cas d’inscription mutilée pose problème quant à l’existence ou non d’un individu d’origine servile dans ce cas (CIL XIII, 7238) ; quoi qu’il en soit, le premier individu mentionné est pour sa part clairement identifié comme un affranchi et c’est lui que nous retiendrons dans cette étude. Quant à Speratus, le fils de l’affranchie Tiberia Iulia Smertuca, son statut n’est pas précisé. 88 CIL XIII, 6703. 89 [AU]G(USTI ?) LIB(ERTUS) : Burginatium (CIL XIII, 8684). AUGUST(I/AE) L(IBERTUS) : Cologne (CIL XIII, 8266 = RSK 192 = IKöln 268 = AE 2004, 969b) ; Mayence (AE 2004, 1015 et
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
fonctionnaires impériaux, qui mentionnent seulement leur statut à l’aide de la séquence Augusti libertus, voire Augusti verna. On verra plus loin que la règle pour ces fonctionnaires est de préciser la charge qu’ils occupaient. Pour les inscriptions qui nous concernent, deux seulement sont incontestables : il s’agit de la dédicace de Candidus pour sa femme Caesonia Donata à Besançon90 et de celle de Vedianus, affranchi de Tibère et de l’impératrice Livie à Cologne, dont la fonction n’est pas indiquée. Il faut tenir cependant compte du fait que l’inscription le concernant est lacunaire ; Werner Eck l’a reconstituée partiellement de la façon suivante : [--- Ti. Augusti et Augus]tae l(iberto) Vedian[o --- ?] / [---] pii fili parens ou [--- Ti. Caes. Augusti et Augus]tae l(iberto) Vedian[o --- ?] / [---] pii fili parens et a en outre proposé de considérer que cet affranchi s’était vu confier la gestion de la fortune privée des membres de la domus Augusta, dont faisait partie des gisements de plomb dans le Sauerland91. Si le statut servile de ces individus est incontestable, on ne peut rien savoir de ceux qui sont par ailleurs mentionnés dans ces inscriptions, les parents de Vedianus et la femme de Candidus, dont le statut n’est pas précisé. On s’en tiendra donc à prendre en compte dans un cas le dédicant, dans l’autre le sujet de l’inscription. Deux autres textes mutilés ou de lecture difficile doivent être exclues du corpus : un Aug(usti) lib(erti), dont il est difficile de reconstituer le nom est mentionné dans une inscription, dont la localisation est incertaine et sans doute hors Germanie92. À Burginatium, bien que le texte soit très mutilé, on peut reconstituer la séquence Au]g(usti?) lib(erto). En revanche, l’épitaphe de lecture difficile retrouvée à Dijon, pour laquelle le nom du défunt est incertain, Opimianus voire Trop(h)imus, et le statut non précisé93 ne peut être retenue comme le fait Luciano Lazzaro. Au total, nous pouvons compter avec 185 attestations, pour lesquelles le statut des individus est précisé à l’aide de la mention juridique de leur origine servile ou de la qualité de dominus ou patronus de celui dont ils dépendent. D’autres critères peuvent également permettre d’établir un statut servile, parmi lesquels le critère onomastique. 1016). AUGUSTI VERNA : Besançon (CIL XIII, 5386). CAESARIS SERVUS : Mayence (AE 2004, 1015 et 1016). 90 CIL XIII, 5386 : Caesoniae Donatae, quae vixsit annis / XXXXVII, m(ensibus) [---], d(iebus) XI, horis IIII, Candidus, Aug(usti / n(ostri) verna, ex test(amento) coniugi bene merenti / posuit. « A Caesonia Donata, qui a vécu 37 années, … mois, 11 jours et 4 heures, Candidus, esclave de naissance de notre Auguste, a fait installer [ce monument] par testament pour sa femme qui a bien mérité. » 91 Werner ECK – Henner VON HESBERG: KJ 36 (2003) 151-205 ; Werner ECK: La Romanisation de la Germanie. Paris 2007, 20-23. 92 Il s’agit de CIL XIII, 8569, qui semble pour sa part faire état d’un AUG(USTI) [L]IB(ERTUS). Le caractère mutilé du texte ainsi que le lieu de découverte (Essen, Barbaricum) conduisent à ne pas tenir compte de l’inscription dans notre corpus. 93 Drioux 200 = I Lingons 131 : […] CG / Opimi(an)us, / […] / […]s, sibi et suis. [H(oc) m(onumentum)] h(eredem) n(on) s(equetur). « … g… Opiminaus,…, (a fait faire ce monument) pour lui-même et pour les siens. Ce monument ne fera pas partie de l’héritage. »
2. Séquence onomastique révélatrice d’un statut servile
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2. Séquence onomastique révélatrice d’un statut servile La séquence onomastique des citoyens romains est clairement établie : les tria nomina, auxquels peuvent s’ajouter la filiation et l’origine, constituent des indices solides lorsqu’il s’agit d’établir le statut de ces individus. La situation est en revanche plus mouvante en ce qui concerne les esclaves et les affranchis, dès lors que nous nous trouvons confrontés à une séquence onomastique dépourvue de toute indication de statut juridique et souvent réduite à un voire deux noms. 2.1. Un ou deux noms Un grand nombre d’individus se fait connaître dans les inscriptions par un nom unique, d’origine latine ou indigène, qui nous incite à ne pas déceler en eux des citoyens. La question se pose néanmoins de distinguer les pérégrins sans patronyme des individus en qui on peut reconnaître un statut servile. La question a longtemps fait débat et l’on admet aujourd’hui que seuls les porteurs de noms uniques grecs peuvent être reconnus presque à coup sûr comme des esclaves. Pour notre part, nous n’avons voulu retenir que les cas où le nom unique est accompagné d’autres indices, qui conduisent à considérer leur porteur comme des esclaves voire des affranchis94. Beaucoup sont mentionnés dans des inscriptions qui attestent sans ambiguïté le statut servile d’un individu par l’emploi d’un terme juridique, mais omettent de spécifier le statut des autres acteurs de l’inscription, qu’ils soient eux-mêmes l’objet de l’épitaphe ou le dédicant. Une épitaphe de Munzach par exemple rappelle le souvenir de Prima, identifiée comme l’affranchie de Caius Coteius et de sa sœur Araurica, dont le statut n’est pour sa part pas indiqué, sinon par la mention finale de l’inscription, que l’on peut croire valable pour les deux sœurs : patronus posuit. On pourrait la considérer comme une autre affranchie ou, au regard de son jeune âge, comme une esclave de Caius Coteius. La situation est plus ambiguë à Langres95, où la présence du terme patronus incite à faire de Trita et de Vitalis des affranchis au même titre que S[ae]vola, mais il pourrait s’agir également de pérégrins, et nous ne les retiendrons pas (CIL XIII, 5855 = I Lingons 549). Trois inscriptions mentionnent pour leur part à l’aide d’un nom le frère ou la sœur d’un individu de statut servile : Araricus, à Langres, est le frère d’Aelia, une affranchie publique (CIL XIII, 5711 = I Lingons 375), tandis qu’à Mayence, Felix, le dédicant de l’épitaphe de Lycnis, une ancilla, est très clairement un esclave, qui pourrait entretenir avec la défunte des relations de parenté (CIL XIII, 7089). Toujours à Mayence, Urbana et Lucilius Hilario sont respectivement la sœur et le 94
Araurica à Munzach (CIL XIII, 5312 = RIS 2, 228) ; Gemellus à Bonn (AE 1978, 572 = Schillinger 168) ; Saturnina à Bonn (Ness-Lieb 198 = AE 1945, 9) ; December à Langres (CIL XIII, 5752 = I Lingons 448) ; Mercurialis et Marcianus à Cologne (RSK, 379 = Ness-Lieb 220 = IKöln 550) ; Araricus à Langres (CIL XIII, 5711 = I Lingons 375) ; Pietas et Cimber à Cologne (Finke 366 = RSK 318 = IKöln 420 = EAOR-5, 63) ; Felix à Mayence (CIL XIII, 7089 = CSIR D 2-6, 74) ; Urbana et Lucilius Hilario à Mayence (CIL XIII, 7117 = CSIR D 2-6, 56). 95 CIL XIII, 5855 = I Lingons 549 = CLE 2015.
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
frère de Turrania Suadulla, affranchie de Titus (CIL XIII, 7117). À Bonn, Gemellus, le dédicant de l’inscription se présente comme le contubernalis de la défunte, ce qui nous permet de voir en lui un esclave (AE 1978, 572). Quant à Saturnina, elle est mentionnée dans une inscription votive dédiée à Apollon par l’affranchi Sabinus ; même si l’on ignore la relation qui les unissait, la présence du nom unique dans une inscription où figure déjà un affranchi incite à voir en elle une esclave ou une affranchie (Espérandieu, 8547), tandis qu’à Cologne, Marcianus ainsi que Cimber et Pietas figurent dans des inscriptions faisant état d’individus qui portent un nom unique grec, ce qui conduit à reconnaître également en eux un statut servile (Finke, 366). À Langres, sur les trois personnages mentionnés dans l’épitaphe de December, seul l’alumnus est esclave (CIL XIII, 5752 = I Lingons 447). Douze individus uniquement désignés par un ou deux noms d’origine latine ou indigène peuvent ainsi être intégrés dans le corpus. La plupart du temps, ce sont des dédicants, qui livrent une inscription pour un parent voire un ami défunt, dont l’origine servile est précisée, mais qui omettent d’indiquer leur propre statut. Dans ce contexte, nous avons admis que le milieu servile dans lequel ils évoluaient permettait d’établir leur propre statut servile. La question est moins pressante concernant les individus porteurs d’un seul nom grec, si l’on admet que l’origine linguistique de ce nom combiné au milieu servile dans lequel ils évoluent nous conduit à les définir comme des esclaves ou des affranchis. 2.2. Un nom grec Sur les treize inscriptions qui présentent des porteurs de noms grecs, cinq concernent des individus associés à un esclave ou un affranchi identifiable grâce à une mention juridique explicite96, une profession connue pour être servile97 ou l’indication d’un contubernium98. L’appartenance à un milieu servile constitue de ce fait un indice qui a renforcé le critère de l’origine de l’idionyme ou du cognomen pour nous amener à reconnaître ces individus comme serviles. Pour les autres, huit individus, leur inscription dans le corpus s’est effectuée sur la base de la seule origine grecque de leur nom, dont on sait qu’il s’agit à lui seul d’un critère d’identification discuté99. Au final, sur ces treize individus, cinq d’entre eux
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À Augst (CIL XIII, 11541 = RIS 2, 231), Heniocus figure sur une inscription, qui mentionne également le vœu de l’affranchi Amor. À Besançon, un verna imperial érige une épitaphe à Epicharis, sans qu’il ne precise le lien qui l’unissait à elle (CIL XIII, 5385). 97 À Cologne, une inscription mentionne un limocinctus et son père, Geron (CIL XIII, 8334 = RSK 300 = IKöln 295). L’activité du fils révèle à la fois son statut juridique et celui de son père. 98 Comme à Bonn, où la défunte Euthenia est présentée en tant que contubernalis du dédicant (AE 1978, 572 = Schillinger 168). À Langres (I Lingons 542), Astonymus est désigné maritus d’une affranchie privée. 99 À Cologne : Exochuos (Finke, 366 = IKöln 420 = EAOR-5, 63), Crysagones (RSK 379 = Ness-Lieb 220 = IKöln 550), Calidius Zoilus (AE 2004, 976). À Sechtem-Vochem, Pamphilus et Chryseros (CIL XIII, 12047 = Lehner 674). À Mayence : Telesphoris (CIL XIII, 7113 = CLE 216
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ont été considérés comme des esclaves / affranchis assurés, tandis que les huit autres peuvent être regardés comme des esclaves ou des affranchis probables. 2.3. Deux noms, le deuxième introduit par siue ou qui et Trois inscriptions font état d’individus porteur d’un agnomen introduit à deux reprises par siue et une seule fois par qui et100. Sur les trois inscriptions qui nous sont parvenues dans leur intégralité, l’individu ainsi dénommé est porteur des duo nomina auxquels s’ajoute un agnomen d’origine grecque ou indigène (celte ou thrace). Dans le cas de l’inscription de Langres, l’inscription très lacunaire permet de restituer Eutychia ainsi que la finale de l’agnomen en –uis, ce qui offre peu de prise à l’analyse, si ce n’est que le nom Eutychia est d’origine grecque. Faut-il déduire de la présence de ces agnomina que nous avons affaire à chaque fois à des affranchis, dont serait ainsi mentionné l’ancien nom d’esclave ? Dans les faits, l’agnomen n’est pas propre à l’onomastique servile ; mais un faisceau d’indices peut nous conduire à supposer l’existence d’affranchis : l’absence de toute indication de filiation ou de tribu va bien souvent de pair avec une prédominance de l’élément grec dans l’onomastique : Seleucus Hermocratus qui et Diogenes, Eutychiae siue -uis, Aurelia Constantina siue Palladia. Si ces critères permettent de supposer que nous sommes en présence d’individus d’origine servile, alors les connecteurs siue et qui et ayant pour fonction de rappeler l’ancien nom d’esclave de l’individu désignent en même temps leur statut d’affranchi. La question se pose dès lors de savoir pour quelle raison ils n’ont pas inscrit la mention juridique de leur statut dans les inscriptions qu’ils ont laissées. Dans le cas de Seleucus Hermocratus, il s’agit d’une dédicace religieuse, qui offre peut-être, comme on l’a déjà vu dans d’autres contextes, la possibilité au dédicant de s’exprimer en tant qu’individu et non en tant que membre d’une catégorie juridique. Pour les autres inscriptions, nous sommes manifestement en présence d’épitaphes érigées par des proches, et il est possible qu’ait été privilégié l’agnomen afin de désigner l’individu sous le nom par lequel il était couramment appelé. 2.4. Identité du gentilice L’identité du gentilice, lorsqu’elle concerne un homme et une femme, peut signifier que nous sommes en présence d’un couple de co-affranchis. À lui seul, cet indice reste cependant insuffisant pour établir un statut servile, puisque l’identité du gentilice peut aussi signifier un lien filial entre, par exemple, une fille et son père. Aussi sommes-nous amenés à exclure du corpus l’inscription retrouvée à
= CSIR D 2-6, 88 ; CIL XIII, 7114 = CSIR D 2-6, 89) et Linus (AE 2004, 1017) À Kastel : Zosimus (CIL XIII, 7304). 100 CIL XIII, 7346 à Heddernheim ; CIL XIII, 5765 = I Lingons 463 à Langres ; CIL XIII, 7078 à Mayence.
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Sumelocenna consacrée à Iulia Severina en l’absence de toute autre donnée101. En revanche, lorsque l’identité du gentilice est accompagnée de la mention d’un lien marital entre les deux personnages de l’inscription, comme à Argentorate (CIL XIII, 11635), où le statut juridique de l’épouse n’est pas précisé tandis que son mari est désigné comme un affranchi, comme encore à Augst (CIL XIII, 5284 = RIS 2, 219), Avenches (CIL XIII, 5107), Mayence (CIL XIII, 7112) et Tres Tabernae (CIL XIII, 6000), où aucun statut juridique n’est explicitement mentionné, mais où le rapport marital est clairement indiqué et s’accompagne de la présence d’un cognomen non latin, nous pouvons considérer que nous avons effectivement affaire à des co-affranchis. Deux inscriptions, à Bingium et Langensoultzbach (ILTG, 436), doivent pour leur part être réévaluées. À Bingium, le dédicant porte les tria nomina et rien n’indique qu’il n’ait pas été le maître ou le patron de la femme qui partage le même gentilice que lui et à qui il consacre une épitaphe. Même si son cognomen grec peut orienter vers un ancien statut servile, rien ne permet de trancher avec certitude, ce qui nous conduit à les classer dans la catégorie des incertains102. À Langensoultzbach, le mari porte le gentilice Attius et sa femme est désignée sous le nom d’Attiola, qui n’est pas un gentilice103. Malgré la proximité phonique entre les deux noms, il est donc impossible d’en déduire, comme le fait Luciano Lazzaro, une identité de gentilice qui viendrait consacrer l’existence d’un couple de co-affranchis, raison pour laquelle cette inscription ne peut figurer dans le corpus. A Pier, malgré l’identité de gentilice entre les deux dédicants, rien ne permet de trancher en faveur d’un rapport de co-dépendance104. Une fois de plus, le rapport paraît plus qu’incertain et dans le doute nous préférons exclure ces trois inscriptions du corpus. Enfin, l’épitaphe de Claudia Primigenia à Castellum Mattiacorum105 ne permet pas, contrairement à ce qu’affirme Luciano Lazzaro, d’établir l’identité de gentilice entre le mari et la femme, dans la mesure où nous ne connaissons du dédicant que son cognomen, Zosimus, grec sans doute, mais insuffisant pour nous permettre de faire de lui le co-affranchi de sa femme. Au final, seules cinq inscriptions permettent d’attester avec certitude par le biais de l’identité du gentilice la présence d’une population servile sur le territoire des Germanies. 101 CIL XIII, 6368 : D(is) M(anibus) / Iuliae / Severinae / D(ecimus) Iulius / Severus / f(aciundum) c(uravit). « Aux Dieux Mânes de Iulia Severina, Decimus Iulius Severus a pris soin de faire réaliser (ce monument funéraire). » 102 CIL XIII, 7520 = CSIR D 2-14, 59 : Iulia Quintia, ann(orum) XL, Ti(berius) Iul(ius) / Severus, ann(orum) XXV, h(ic) s(iti) s(unt). / Ti(berius) Iul(ius) Eunus coniugi (et) filio posuit. « Iulia Quintia, âgée de 40 ans [et] Tiberius Iulius Severus, âgé de 25 ans, reposent ici. Tiberius Iulius Eunus a posé cela pour sa femme et pour son fils. » 103 Il s’agit d’un cognomen théophore, dérivé d’Attis, qu’on trouve attesté en Narbonnaise (CIL XII, 5912) ; en Lyonnaise (CIL XIII, 2035), comme le soulignent d’ailleurs Amable AUDIN – Yves BURNAND: Chronologie des épitaphes romaines de Lyon. In: REA 61 (1959), 350 ; en Belgique, chez les Médiomatriques (ILTG 389) ainsi qu’à Londres (AE 2003, 1017). 104 AE 2001, 1427. 105 CIL XIII, 7304.
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2.5. Restitution de la séquence onomastique Le caractère lacunaire de certaines inscriptions offre parfois prise à des possibilités de restitutions, qui laissent entrevoir l’existence d’esclaves ou d’affranchis, notamment lorsque l’on se trouve en présence d’une séquence de deux noms, dont l’un est au génitif. La plupart du temps, il s’agit d’inscriptions mutilées. On ne retiendra pas les tabellae defixionis retrouvées à Kreuznach, qui énumèrent des noms, pour les vouer aux Enfers, dans la mesure où rien n’indique qu’il ne s’agisse pas de pérégrins106 ; c’est la raison pour laquelle nous exclurons ces inscriptions du corpus, d’autant qu’elles n’entrent pas dans la catégorie des inscriptions monumentales, qui font l’objet de cette étude. Quelques inscriptions autorisent cependant des restitutions probables107. À Aquae, Alta Ripa, Mayence, Cologne, la présence d’un nom unique grec suivi du nom d’un autre individu au génitif conduit à considérer que nous sommes en présence d’un esclave ou d’un affranchi, de même lorsqu’il s’agit d’un nom unique latin, comme Crescens, à connotation servile. En revanche, lorsque la finale du deuxième nom n’est pas certaine, comme à Mayence (CIL XIII, 7221), lorsque l’inscription est trop incomplète pour que se dégage une séquence onomastique suffisamment sûre (CIL XIII, 1187), que les relations entre les individus mentionnés ne sont pas assez précises pour émettre une hypothèse de restitution (CIL XIII 8352 = RSK 325 = IKöln 425 ou RSK 420 = IKöln 514), il a paru préférable de classer ces individus parmi les incertains, car rien ne permet d’affirmer leur statut, pas même la présence d’un milieu servile, comme dans le cas des noms uniques. Deux inscriptions méritent cependant qu’on relativise ces critères, dans la mesure où leur facture et leur construction rendent très probable la restitution de la dépendance. Il s’agit de CIL XIII, 5239 = RIS II, 189108, pour laquelle le final incomplet eredes fecer(unt) rend légitime la restitution liberti et h… La même analyse prévaut à Cologne109 (CIL XIII, 8282 = RSK 217 = IKöln 313) et nous conduit à maintenir ces deux inscriptions dans le corpus.
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CIL XIII, 7550 ; CIL XIII, 7553 ; AE 1927, 68. À Aquae (Baden-Baden) : CIL XIII, 6295 = Finke 338a ; à Cologne : RSK 216 = IKöln 311 = Schillinger 172 = AE 1979, 412 ; à Alta Ripa : CIL XIII, 11695 ; à Mayence : AE 1938, 120 = AE 1939, 281 = AE 1940, 116 ; Nesselhauf 116. 108 ---] M(arci) f(ilio) Volt(inia) Certo / [domo?] Vien(na) veteran(o) / [leg(ionis)] XIII Geminae / [---]s et Amianthus / [lib(erti?) et h]eredes fecer(unt) 109 M(emoriae) aetern[ae Clau]/dio Victo[ri mil(iti)] / leg(ionis) VII Ge[m(inae) P(iae) F(elicis) in] / Hispania [citer(iore)] / fact(o) fru[m(entario) benef(iciario)] / trib(uni) leg(ionis) I [Min(erviae) P(iae) F(idelis)] / sepulchr[um po]/suit Mod[ius Max]/imus av(u)nc[ulo in]/comparabili et] / Nice [lib(ertae)] 107
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
3. Mention de l’activité de l’individu L’indication de l’activité peut-elle suffire à désigner le statut social de celui qui l’exerce ? Sur la base de sources littéraires, on a longtemps considéré que la société romaine avait privilégié une hiérarchie des activités, fondée sur la morale, la dignité et le statut social et que l’exercice d’un métier, lorsqu’il n’était pas lié à la terre, à la défense ou à la gestion de la cité, n’étant pas de nature à mettre en valeur l’individu, la mention de son activité n’avait dès lors que très peu de chances de figurer sur les monuments funéraires, votifs ou honorifiques destinés à perpétuer sa mémoire. Dans cette perspective, la question se posait en d’autres termes s’agissant des esclaves ou affranchis, voués par nature au travail, évalués en fonction de leur productivité et souvent employés à des tâches jugées indignes de l’homme libre110, mais susceptibles également de connaître une forme d’ascension sociale à partir du moment où ils étaient employés par exemple au service de l’empereur ou d’un riche particulier. Travailleur-né ou travailleur obligé par les circonstances de sa servilité, l’esclave ou l’affranchi pouvait alors choisir d’indiquer ou non son activité et de fonder sur elle une éventuelle stratégie de représentation personnelle. Il semble en réalité que ce tableau doive être nuancé111 et que le rapport entre la profession d’un individu et sa situation sociale ne soit pas si tranché. Dès lors, la mention de l’activité d’un individu apparaît comme un critère d’identification sociale à manier avec précaution. Il existe incontestablement des professions serviles. Beaucoup d’autres, cependant, même lorsqu’elles passaient pour serviles, ont pu, parfois, être exercées voire revendiquées par des libres112. Par ailleurs, un certain nombre d’individus indique leur activité en même temps que leur statut juridique, ce qui constitue sans conteste de leur part une stratégie de représentation113. Pour ce critère, ont volontairement été laissés de côté les documents attestant l’existence d’une profession sans la nommer114. En revanche, nous avons pris en 110
Voir CICERON, De Officiis, I, XLII. Voir par exemple Peter Astbury BRUNT: Labour. In: John WACHER (éd.): The Roman World. II. London-New York 1987, 701-716 ou Carla SALVATERRA: Labour and Identity in the Roman World. Italian Historiography during the Last Two Decades. In: Berteke WAALDIJK (éd.): Professions and social identity : new european historical research on work, gender and society. Pisa 2006, 15-37. 112 L’étude sur le mode de désignation des métiers selon les critères de la variété, de la densité, de la distribution par groupes d’activité et par régions menée par Edmond FREZOULS: Les noms de métiers dans l’épigraphie de la Gaule et de la Germanie romaines. In: Ktèma 16 (1991), p. 33-72 a constitué un point de départ fondamental. Nous avons pour notre part pris en compte les éléments qu’Edmond Frézouls n’avait volontairement pas traités, à savoir l’identité, le type d’inscription, et le statut juridique et social des gens de métier (p. 37). 113 C’est la raison pour laquelle ces individus sont recensés ici, plutôt que dans la partie consacrée à l’indication de statut. 114 Ainsi les cachets d’oculistes ou les témoignages liés à l’artisanat (voir par exemple, CIL XIII, 10010, 2063 ou CIL XIII, 12625, qui mentionnent le nom de l’individu, un esclave, qui a fabriqué tel ou tel vase ou telle ou telle tuile, mais sans indiquer explicitement de profession). 111
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3. Mention de l’activité d’un individu
compte les fonctions de l’administration impériale, dans la mesure où elles représentent une part fondamentale de l’activité servile dans les Germanies et des témoignages épigraphiques livrés par cette population. Les fonctions liées à l’armée ne seront envisagées que partiellement : dans la plupart des cas en effet, il n’est pas possible de spécifier l’activité précise exercée115 et nous n’envisagerons que les inscriptions dans lesquelles ces renseignements sont donnés. Enfin, malgré leur activité indéniable, les esclaves et affranchis publics n’ont été retenus que lorsqu’ils indiquaient la nature de leur travail, ce qui est très rare dans nos inscriptions. Ce recensement permet de faire état de 42 attestations116, 33 pour la Germanie supérieure et 9 pour la Germanie inférieure. 3.1. La double mention du statut et d’une profession Expression de la dépendance
Métiers
libertus + tria nomina du patron au génitif libertus + prénom et nom du patron au génitif + patronus libertus + prénom du patron libertus + prénom du patron au génitif libertus + nom du patron au génitif servus + domini indiqué avec les tria nomina servus + nom et cognomen du maître servus + rei publicae Civitatis Vangionum
Negotiator
servus
En Germanie supérieure
Pecuarius
Mayence118
Lanius Medicus
Bingium119
Argentarius Actor
Mayence121 Dijon122
Adsessor ferrariarum Arcarius
Mayence123
En Germanie inférieure Bocklemünd117
Cologne120
Altrip124
Mayence126 Publici XX libertatis vilicus125
115 Il en va de même de quelques autres inscriptions, qui seront mentionnées au cours de l’étude, et qui signale la présence d’un esclave ou d’un affranchi aux côtés d’un libre dont la profession est indiquée. Dans ce cas, on peut seulement l’éventualité que son activité s’exerce dans la même sphère que celle de son maître. 116 Pour 39 inscriptions. Par attestation, nous entendons le nombre de mention d’un métier exercé par un esclave ou un affranchi. Nous pouvons donc, pour une même inscription, avoir deux attestations, par exemple d’un dispensator et de son vicarius. 117 CIL XIII, 8513= RSK 148 = IKöln 209. 118 CIL XIII, 7070 = CSIR D 2-6, 52. 119 CIL XIII, 7521 = CSIR D 2-14, 35. 120 CIL XIII, 8349 = RSK 322 = IKöln 424. 121 CIL XIII, 7247 = CSIR D 2-6, 40. 122 CIL XIII, 5476 = I Lingons 53. 123 CIL XIII, 11833. 124 AE 1933, 113 = CSIR D-2-10, 69.
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
libertus seul
dominus anonyme
Magister Mayence127 Medicus Avenches128 Scriba (périphrase : notare currenti stilo) Musicien (périphrase : consonanti fistula acris perstrepens)
Cologne129
Cologne130
La mention du statut associée à l’indication de la profession exercée par un autre individu, souvent le maître ou le patron, est majoritairement le fait d’individus qui évoluent dans un contexte militaire131, mais on en trouve d’autres exemples, en particulier dans les milieux liés à l’argent ou au commerce132, et l’on peut supposer que les individus mentionnés dans ces deux inscriptions se présentaient comme des auxiliaires. Une inscription de Castellum Mattiacorum133, très mutilée, est difficile de lecture et il semble préférable de ne pas la retenir dans le corpus compte tenu des incertitudes tant sur la présence que sur le nombre d’éventuels affranchis. À Langres134, un problème de restitution se pose, dans la mesure où Yann Le Bohec voit en –to la finale d’un cognomen, raison pour laquelle il est également préférable d’exclure l’inscription du corpus, compte tenu par ailleurs du fait que le milieu des vestiarius n’est pas exclusivement réservé à la population servile. Quant au verna mentionné dans une inscription de Mayence (CIL XIII, 7067 = CSIR D 2-6, 2) il apparaît pour sa part dans une famille de nautae ; il ne figure cependant pas dans l’inscription en vertu de son activité, mais au 125
Il s’agit du vilicus employé par la société qui a pris l’impôt à ferme. CIL XIII, 7215 = CSIR D 2-4, 77. 127 AE 1920, 49. 128 CIL XIII, 5079 = I Avenches 4 = RIS 1, 77. 129 CIL XIII, 8355 = RSK 334 = IKöln 440. 130 CIL XIII, 8355 = RSK 334 = IKöln 440. 131 Sur les 30 inscriptions émanant d’un contexte militaire (hors vétérans et missici), une seule mentionne l’activité des esclaves ou affranchis : à Vindonissa, on note par ailleurs la présence d’un medicus legionis XXI (AE 2003, 1238). Aucune des 9 inscriptions de Germanie inférieure ne porte de telles informations. 132 Mayence (CIL XIII 7247 = CSIR D 2-6, 40) : servus + nom du patron au génitif (milieu d’un argentarius) ; Cologne (CIL XIII, 8338 = RSK 307 = IKöln 430) : libertae (Milieu d’un pistor). 133 CIL XIII, 7300 : [D(is)] M(anibus) / [---] Fufidio / [negoti] atori [cret?]ario ex / [provinc]ia Bri/[tannia] Elv/[--- an]n(orum) LXXII. / [---linus et / [--- l]ib(erti) f(aciundum) c(uraverunt). 134 La restitution du CIL XIII, 5705: ---/ [---]rt(us?) vestiarius / [ --- libert?]o vivus fecit est contestée par Yann Le Bohec, qui propose ---/ [---]rt() vestiarius / [ ---]to vivus fecit. « …, marchands d’habits, a fait faire (ce monument funéraire) de son vivant, pour lui-même ( ?) et pour… » (I Lingons 373) 126
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3. Mention de l’activité d’un individu
titre de son appartenance à la familia de Blussus. Une inscription retrouvée à Cologne fait état de la dédicace d’un negotiator Britannicianus, dont le statut a été discuté135 à partir de la restitution du segment CL. La lecture originale donnait C(aii) l(ibertus), mais on suivra plutôt le raisonnement de Monique Dondin-Payre, qui préfère voir dans ces deux lettres l’abréviation de Cl(audia tribu) et dans la presonne de C. Aurelius Verus un citoyen romain de Cologne, « qui met cette appartenance en avant, peut-être pour se démarquer des nombreux immigrés étrangers à la cité136 », et l’on exclura donc cette inscription du corpus des esclaves et des affranchis des Germanies. 3.2. La nomenclature des fonctionnaires impériaux Dans le cas des fonctionnaires impériaux, on relève deux types de formulaires : l’un associe la profession à l’appartenance à la familia Casearis : 10 inscriptions sont concernées par cette présentation ; l’autre ajoute à cette première expression la mention du statut, libertus ou servus : on en relève 7 attestations137.
Expression de la dépendance -
Métier Aug(usti) disp(ensator) hor(reorum) + vicarius Augusti nostri educatrix [vicarius] d’un [Aug(usti)] dispensator Aug(usti) [n(ostri)] disp(ensator) Caesaris nostri scriba
En Germanie supérieure
En Germanie inférieure
Augst138 Avenches139 Vindonissa140 Langres141 Langres142
135 CIL XIII, 8164a = RSK 4 = IKöln 5 : Apollini / C(aius) Aurelius, C(ai) l(ibertus), / Verus, negotiator / Britannicianus, / moritex, d(ono) d(edit). / L(oco) d(ato) d(ecreto) d(ecurionum). 136 Monique DONDIN-PAYRE – Xavier LORIOT: Tiberinius Celerianus à Londres : Bellovaque et moritix. In: L’Antiquité Classique 77 (2008), 139. Tout en concédant que le nom de la tribu est plus volontiers formulé par les trois premières lettres – CLA évite une confusion avec CLV –, les auteurs insistent sur le fait que l’abréviation CL est fréquente à Cologne, où cette confusion était improbable. Le terme moritex, qui caractérise à la fois notre negotiator et le dédicant de l’inscription de Londres étudiée, est par ailleurs analysé comme une manière de désigner le représentant de communauté(s) bretonne(s) sur le continent. 137 On compte 25 inscriptions mentionnant la présence de fonctionnaires impériaux dans les Germanies. Nous ne traitons ici que des individus qui indiquent précisément leur activité. Deux inscriptions, où ne figurent que l’indication de l’appartenance à la familia, de l’empereur sont localisées à Besançon (CIL XIII, 5386 = D 8143) et à Cologne (CIL XIII, 8266 = RSK 192 = IKöln 268 = AE 2004, 969b) 138 CIL XIII, 11540. 139 CIL XIII, 5138 = I Avenches 3 = RIS 1, 97. 140 CIL XIII, 5194 = RIS 2, 148. 141 CIL XIII, 5697 = I Lingons 367. 142 CIL XIII, 5699 = I Lingons 369.
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
-
Augusti libertus
[Augusti] / n(ostri) disp(ensator) Mayence143 h[orrei] [--- Imp(eratoris) Ve]spasiani Mayence144 Aug(usti)[---]atoris arcarius Aug(usti) d(ispensatoris) v(icarius) Riegel145 [Au] gusti [et Ti. Caesaris disp]ensator Auggustorum nostrorum dispensator p(rae)p(ositus) sta(tionis) Turicen(sis) Turicum148 / XL G(alliarum Mayence149 proc(urator) / praegustatorum Imp(eratoris) / Domitiani C[a]esaris / Aug(usti) Germanici Exactor + son vicarius Avenches150
Caesaris Augusti (servus) [Aug(usti)] verna dispensator Augusti nostri verna Ex dispensatoribus Auggustorum noEx dispensatoribus strorum ver(na) Augusti [li]b(ertus)
Cologne146 Cologne147
Vindonissa151 Besançon152 Besançon153 Mayence154
Tabularius (mais inscription lacunaire)
3.3. La présence d’un nom de métier sans mention du statut de l’individu Ce critère d’identification n’a été retenu qu’à la condition que le métier mentionné soit sans conteste l’apanage des individus de condition servile ou qu’une indication onomastique complémentaire permette d’étayer l’hypothèse initiale. Métiers dispensator vicarius 143
Indications complémentaires Un seul nom grec (Eutykas) + profession servile Un seul nom grec (Paris) + profession servile
En Germanie supérieure Lopodunum155 Lopodunum156
CIL XIII, 11802 = AE 1906, 133. AE 2004, 1014. 145 AE 1986, 525. 146 AE 1984, 664 = AE 2004, 969a = IKöln 267. 147 AE 1974, 449 = RSK 193 = IKöln 270 = AE 2000, 999. 148 CIL XIII, 5244 = RIS 2, 193. 149 AE 1976, 504 = Schillinger 90. 150 CIL XIII, 5092 = RIS 1, 84. 151 CIL XIII, 5194 = RIS 2, 148. 152 CIL XIII, 5385. 153 CIL XIII, 5371. 154 CIL XIII, 7071 = AE 2003, 1277. 155 CIL XIII, 6423 = RSOR 80. 156 CIL XIII, 6423 = RSOR 80. 144
En Germanie inférieure
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3. Mention de l’activité d’un individu Un seul nom (Crescens) + profession servile Un seul nom (Paullinus) contrascriba + profession servile actor Trophimus nutrix Profession souvent servile + un seul nom essedarius Profession souvent servile + un seul nom limocinctus Profession servile + un seul nom dispensator
Langres157 Langres158 Mayence159 Cologne160 Cologne161 Cologne162
D’après le corpus établi par Luciano Lazzaro, seize inscriptions font état d’un nom de métier sans mentionner le statut de l’individu. Cet état de fait nous incite néanmoins a priori à voir en eux des incerti. C’est la raison pour laquelle n’ont pas été retenus les individus mentionnés sur les tabellae defixionis163, ni le saltuarius mentionné dans une inscription de Weilerswist164, puisque rien n’indique que la profession qu’ils exerçaient soit nécessairement servile et que la séquence onomastique peut nous conduire à voir également en eux des pérégrins. Lorsque l’indication d’une profession majoritairement servile est accompagnée d’un indice onomastique, tel que le port d’un cognomen ou d’un idionyme grec (voire latin dans le cas d’une profession indiscutablement reconnue comme servile), nous avons considéré qu’il fallait retenir ces individus dans le corpus. Il s’agit de trois dispensatores, d’un actor, d’un contrascriba et d’un limocinctus. Trois professions doivent faire l’objet de discussions plus précises. La nutrix de Cologne nous renvoie à la question discutée du statut de ces femmes. La profession n’est en effet pas connue pour être exclusivement servile. Néanmoins, H. Galsterer évoque leur Sklavestand, qui ne les empêche pas d’avoir bénéficié d’une grande importance au sein des familles et se traduit par le nombre d’inscriptions consacrées aux nutrices par les enfants qu’elles avaient édiqués165. Par ailleurs, l’inscription peut être datée de la fin du IIe et du début du IIIe siècle, notamment en raison de la présence au début du texte du terme Memoriae. Or, à cette date, il est rare qu’un citoyen romain ne mentionne qu’un seul nom pour se désigner. On conclura donc en faveur du statut servile de Severina. Toujours à Cologne se pose la question du statut des gladiateurs, et notamment de l’esseda-
157
CIL XIII, 5698 = I Lingons 368. CIL XIII, 5698 = I Lingons 368. 159 CIL XIII, 6730 = D 4615. 160 RSK 331. 161 Finke 366 = RSK 318 = IKöln 420 = EAOR-5, 63. 162 CIL XIII, 8334 = RSK 300 = IKöln 295. 163 CIL XIII, 7551 et 7553. 164 Finke 359 = AE 1929, 55 = AE 1938, 32. 165 Sur la nutrix, voir Mireille CORBIER: La petite enfance à Rome : Lois, normes, pratiques individuelles et collectives. In: Annales HSS 6 (1999), 1275-1276. 158
42
Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
rius166 Exsochuos. Sur le plan onomastique, nous constatons que le gladiateur est porteur d’un cognomen grec. Cependant, nous ne pouvons en déduire qu’il soit esclave, il pourrait en effet s’agir de son nom de combat, d’un nom unique de pérégrin ou encore de son cognomen de citoyen. Cela étant, la situation est plus claire dans les documents épigraphiques « dans les cas où le gladiateur qui porte un nom unique, le sien ou un nom de guerre, ne fait état ni d’un dominus, ni de sa liberté. » Selon Georges Ville, avant la mort de Domitien, « il semble qu’il s’agisse toujours d’un esclave ; ce qui est compréhensible : quand tant d’autres combattants spécifient leur liberté167, on comprendrait mal que certains laissent une équivoque dommageable pour leur prestige et leur prix. » Cette conclusion ne vaut plus en revanche quand les gladiateurs libres, dans le courant du IIe siècle, spécifient de moins en moins souvent leur condition168. Cette inscription serait datée du début du IIe siècle selon Binsfeld, ce qui nous inciterait sur la base des conclusions de Georges Ville à considérer Exsochuos comme un esclave. Une inscription retrouvée à Xanten pose pour sa part la délicate question du statut juridique des médecins169. Dans l’étude qu’il consacre aux inscriptions de médecins gaulois170, Bernard Rémy, recense sur 25 attestations, un citoyen, trois affranchis, deux alumni, un esclave assuré et un esclave probable pour 17 incerti, pour lesquels ne figurent ni indication de l’affranchissement dans l’état civil ni mention d’un patron ni présence d’un contubernalis, ce qui correspond à la situation de notre médecin de Xanten. Reprenant la question quelques années plus tard171, Bernard Rémy recense 18 médecins dans les Germanies172, dont seulement trois affranchis certains. Dans la mesure où Divos est également porteur d’un nom 166 Un gladiateur qui combat sur un essedum, un char léger, que l’on peut clairement voir au revers d’un denier datant de 118 avant notre ère émis par le magistrat romain Cn. Domitius Aenobarbus. (Michael H. CRAWFORD: Roman Republican Coinage. Cambridge 1975, n°282). 167 A Pompéi (CIL IV 2387) ; Narbonne (Espérandieu, 591), où un rétiaire indique sa filiation. 168 Les sources littéraires sont de peu de secours sur la question du statut des gladiateurs, comme le rappelle Georges VILLE: La Gladiature en Occident des origines à la mort de Domitien. Rome 1981, 242 : « quand nos textes citent un gladiateur ou un bestiaire, ils ne disent pas s’il est esclave ou libre […] la servitude apparaît le cas échéant, de trois manières : directement par sa mention, qui est rare ; indirectement, par celle du propriétaire, laniste ou munéraire ; enfin implicitement, par l’absence de toute donnée qui atteste la liberté. » 169 CIL XIII, 8606 = D 4739 = Lehner 234 : Alateivi/ae ex / iussu i[p(sius?)] / Divos / medicus. 170 Bernard REMY: Les inscriptions de médecins en Gaule. In: Gallia 42 (1984), 115-152. 171 Bernard REMY avec la collaboration de Patrice FAURE: Les médecins dans l’Occident romain (Péninsule Ibérique, Bretagne, Gaules, Germanies). Pessac 2010. 172 Les trois que nous avons déjà recensés à Avenches (CIL XIII, 5079 = I Avenches 4 = RIS 1, 77), Vindonissa (CIL XIII, 5208) et Cologne (CIL XIII, 8349 = RSK 322 = IKöln 424). Pour le reste, il faut compter, selon B. Rémy, avec 5 possibles affranchis (mais l’hésitation entre plusieurs statuts prédomine, le statut d’affranchi étant uniquement établi par la présence d’un cognomen grec) à Vieu en Valromey (CIL XIII, 2509), Yverdon-les-Bains (CIL XIII, 5053), Obernburg (CIL XIII, 6621), Bingen (Nesselhauf 123),Grosskrotzenburg-sur-le-Main (cité des Taunenses) (CIL XIII, 7415) ; 8 romains ingénus ; 1 pérégrin ou citoyen romain ; 1 possible pérégrin (CIL XIII, 8606).
4. Constantes et stratégies de représentation
43
unique latin, il semble difficile de plaider en faveur de son intégration dans le corpus et il faut se résoudre à le considérer comme un incertain. 4. Constantes et stratégies de représentation Les différents éléments qui attestent de la présence des esclaves et des affranchis appartiennent donc à plusieurs domaines. Mais au-delà de la difficulté que suscite la reconnaissance du statut servile dans les inscriptions, la distribution de ces différents déterminants appelle plusieurs remarques. Sur l’ensemble des relevés, il apparaît clairement que le mode de désignation prépondérant reste la mention explicite du statut juridique par le biais des termes seruus, libertus, uerna, patronus ou dominus, qui font partie intégrante de la séquence onomastique des esclaves et des affranchis, en permettant de les situer sans ambiguïté sur le plan social. Comment comprendre cet état de fait ? Sans doute en premier lieu comme l’adoption nécessaire d’un statut auquel on est voué, sans doute. Mais à y regarder de près, ces résultats appellent à la nuance. On trouve rarement l’affirmation brute et isolée de la macule servile, si ce n’est dans le cas d’une inscription réduite à sa plus simple expression, comme dans le vicus d’Andesina, où l’on découvre sur un fragment de colonne en calcaire l’inscription Messor lib(ertus)173, eu égard peutêtre aux contingences matérielles, financières autant qu’esthétiques. Le plus souvent, le statut juridique est souligné par un lien de propriété exprimé par un groupe au génitif174 relatif à l’identité du patron ou du maître. Cette pratique marque certes l’adoption du formulaire épigraphique en vigueur dans l’Empire ainsi que le rapport étroit qui subsiste entre l’affranchi et son patron ; mais elle représente aussi paradoxalement un espace de liberté, à partir duquel l’esclave ou l’affranchi fait percevoir la valeur de sa situation, en dépit de sa condition juridiquement inférieure. Tel est le cas lorsque le patron fait bénéficier l’affranchi de son renom et laisse entrevoir une situation supérieure ou privilégiée au sein de la classe juridique dont il dépend par ailleurs. À Nyon, par exemple175, le sévir augustal Decimus Valerius Sisses mentionne explicitement son statut, fait exceptionnel parmi les seuiri augustales des Germanies, non sans préciser qu’il appartenait à D(ecimus) Valerius Asiaticus, que l’on connaît comme consul en 46 ou comme son fils, consul designatus en 69. Quoi qu’il en soit, la famille entretenait des liens importants avec la dynastie julio-claudienne, exerçait elle-même de hautes fonctions à Rome ; on conçoit que pour Decimus Valerius Sisses, la mention de son statut constitue moins un rappel de ses origines serviles que la mise en
173
CIL XIII, 5947. Voir aussi la stèle funéraire trouvée à Langres, D(is) M(anibus) / Erotianus / libertus (CIL XIII, 5764 = I Lingons 461). 174 Comme dans cette inscription de Mayence (CIL XIII, 11836 = CSIR D 2-6, 71) : D(is) M(anibus). / Epigonus, / an(norum) XXV, / servos / Aeli(i) Maximi (centurionis) / leg(ionis) XXII Pr(imigeniae). « Aux Dieux Mânes. Epigonus, âgé de 25 ans, esclave d’Aelius Maximus, centurion de la XXIIe Légion Primigenia. » 175 CIL XIII, 5012 = D 7006 = RIS 1, 41.
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
exergue de ses potentielles relations avec le pouvoir176. On trouverait de semblables exemples dans d’autres contextes, en particulier militaire, où la dignité du patron ou du maître est prétexte à développement. Dans l’inscription funéraire qu’elle lui consacre, la compagne de L(ucius) Bruttius / Acutus prend par exemple soin d’indiquer qu’il était l’affranchi du centurion de la légion V177. Dans sa concision, la formule n’en est pas moins riche de connotations ; elle implique pour un lecteur familier du fonctionnement de la société romaine, tel que pouvaient l’être les passants si souvent apostrophés par les inscriptions, la perception des possibles avantages ou privilèges offerts au défunt dont le patron bénéficiait d’un tel rang. Le caractère lapidaire de l’inscription, au propre comme au figuré, est de ce fait trompeur ; chaque terme a la propriété de signaler implicitement les domaines d’attribution, les compétences, les privilèges dont dispose l’individu, pourtant d’abord perçu et désigné comme libertus ou seruus. Au-delà du prestige conféré par le patron ou le maître, on peut considérer que la mention de la profession agit également au bénéfice de celui qui souhaite être considéré au-delà de son statut juridique. La saisie concomitante de ce statut juridique et de la profession exercée dans les faits permet, par un phénomène de compensation, de dépasser la macule servile en faisant prendre en compte l’activité réelle et son intérêt. L’exemple laissé par Gratinus, rei p(ublicae) / civ(itatis) Vang(ionum) serv/us arcarius, en témoigne amplement178, un esclave de la familia publica, dont les fonctions lui offrent les moyens de s’acquitter de son vœu par une statue aujourd’hui disparue, mais dont on peut imaginer la taille par la hauteur de la base (un peu plus de 1 mètre 20) supportant le texte d’une dédicace soignée. Nul doute que la mention de la fonction agit comme un moyen de souligner la réussite financière et sociale de l’esclave. Quoique plus rare que l’appui sur l’identité du patron ou du maître, cette stratégie semble amplifiée lorsque le statut juridique est gommé au profit de la seule mention de l’activité. Certes, il est des professions connotées – et elles ont même constitué pour nous un facteur d’identification, mais lorsqu’elles représentent à elles seules le mode de désignation de l’affranchi ou de l’esclave, elles signifient la volonté du défunt ou du dédicant de se représenter d’abord comme un acteur de la vie économique et sociale, non sous l’étiquette que lui réserve le droit romain ou latin, mais par le biais de sa propre action sur la société et le monde. Le changement peut apparaître mineur, il n’en signale pas moins une volonté de déplacer de manière infime, mais bien réelle les perceptions179. 176 On pourrait considérer que la mention Augusti seruus ou Augusti libertus joue un rôle similaire, en soulignant l’appartenance à une catégorie servile spécifique, appartenant à la familia impériale et, à ce titre, susceptible de bénéficier d’un réseau étendu de relations. 177 CIL XIII, 12059 = RSK 215 = IKöln 310. 178 AE 1933, 113 = CSIR D-2-10, 69. 179 On soulignera avec N. TRAN: La mention épigraphique des métiers artisanaux et commerciaux dans l’épigraphie de l’Italie centro-méridionale. In: Jean ANDREAU – Véronique CHANKOWSKI (éd.): Vocabulaire et expression de l’économie dans le monde antique. Pessac 2007,
4. Constantes et stratégies de représentation
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Les modes de désignation vont donc bien au-delà d’une pratique strictement codifiée et encadrée par des normes juridiques fixées dès la fin de la République. En dépit de son caractère figée, la séquence onomastique des esclaves et des affranchis ouvre en effet un espace de liberté, qui offre la possibilité d’élaborer de véritables stratégies de représentation de soi et de la relation à son maître ou patron. À ce stade de notre réflexion, on peut avancer l’hypothèse que les stratégies élaborées autour de la séquence onomastique et plus particulièrement des variations dans l’indication du statut dépendent de la situation d’énonciation de chaque inscription, en d’autres termes de l’identité du dédicant. Plusieurs cas de figure peuvent être ainsi synthétisés pour les Germanies :
Cas n° 1 Le dédicant est un esclave / affranchi Cas n° 2 Le dédicant est un parent de l’esclave / affranchi : relations filiales, parentales, fraternelles ou conjugales
1A : Inscription votive, religieuse ou funéraire pour lui-même voire les siens 1B : Inscription gravée pour un autre esclave / affranchi 1C : Inscription gravée pour le maître ou le patron 2A : Statut du dédicant précisé 2B : Statut du dédicant non précisé
Cas n° 3 Le dédicant est le maître ou le patron
3A : L’inscription est gravée pour l’esclave / affranchi qui entretient une relation conjugale avec le patron 3B : L’inscription est gravée pour l’esclave / affranchi qui n’entretient pas de relations spécifiques avec son maître / patron
Cas n°4 Pas d’information sur le dédicant
Parce que l’inscription est lacunaire Parce que l’inscription ne le mentionne pas
La question qui se pose est de savoir si ces différentes situations d’énonciation induisent des variations dans la présentation de la séquence onomastique, qui intéresse l’indication du statut. C’est dans les récurrences ou dans les variations que peuvent se jouer des stratégies plus ou moins conscientes de représentation voire se manifester des formes d’affectivité. On a déjà vu comment, dans le cas où un esclave / affranchi prend en charge sa propre représentation (cas 1A), l’inscription des tria nomina du patron ou du maître tendait à le mettre en valeur. Dans un contexte militaire, aux tria nomina s’ajoute souvent le titre ou la fonction
119-141, l’intérêt qu’il y a à observer les articulations entre la mention épigraphique des métiers, l’évocation des charges et des fonctions exercées par un individu et la construction d’une identité sociale. Les conclusions de N. Tran sur les individus évoluant de près ou de loin dans un contexte commercial peuvent sans conteste être transposées au milieu servile : il ne s’agit pas nécessairement d’échapper à sa condition juridique, mais de montrer que l’on ne s’y réduit pas et que l’on peut, notamment grâce à sa réussite, s’investir dans le vie, en l’occurrence religieuse, de la cité.
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
du maître, centurion, légat, préfet, qui renforce encore le rayonnement de l’esclave ou de l’affranchi. D’autres remarques s’imposent selon les situations d’énonciation. Lorsqu’un esclave ou un affranchi fait ériger un monument pour un des siens (cas 1B), on s’aperçoit que deux phénomènes priment : lorsqu’il s’agit de fonctionnaires impériaux ou d’individus appartenant à une colonie, on observe le strict respect du formulaire épigraphique concernant le sujet de l’inscription ; en revanche, le dédicant reste souvent en retrait, mentionnant son nom, plus rarement celui de son maître ou patron et, le cas échéant, uniquement à l’aide d’un élément des tria nomina180. Dans le cas des dédicaces privées, le phénomène est attesté à la fois pour le dédicant et pour le sujet de l’inscription181. Qu’en conclure ? On peut penser que les inscriptions relèvent ici d’une double préoccupation : il s’agit de rendre convenablement des devoirs religieux dans le cadre d’une relation de proximité182, qui va primer sur l’évocation d’un statut social qu’on sait impossible à éluder, mais que l’on ne souhaite pas mettre au premier plan. La dédicace offerte à Philetus par ses co-affranchis à Avenches en offre un exemple abouti : Dis M[an(ibus)] / Phileto co[ll(iberto)] / b(ene) m(erenti)fecerun[t], / Graptus, Eudam[nos] / et Otacilia. S’il est impossible, sur un plan juridique et social, d’échapper à l’évocation de son statut, l’inscription entend mettre en exergue une collectivité restreinte au groupe des co-affranchis, qui s’affranchissent, si l’on peut dire, de l’autorité du patron en supprimant toute référence explicite à son identité. La désignation est de ce fait réduite à son expression la plus simple : la mention du statut et, parfois, la présence au génitif d’un élément de la séquence onomastique du maître ou du patron, lorsqu’il s’agit d’un particulier. Dès lors que l’on échappe à ce schéma général, on est tenté de considérer que l’inscription oscille entre caractère privé et volonté de faire reconnaître le rayonnement de l’individu d’origine servile. Ainsi peut-on envisager l’inscription d’Avenches concernant l’educatrix de l’empereur Titus comme une inscription à mi-chemin entre la reconnaissance et l’exercice d’une piété qui s’exerce au sein d’un cercle restreint, celui de l’affranchie et de l’esclave de la défunte. En effet, la mention du statut juridique est gommée au profit de la mise en valeur de l’activité de Pompeia Gemella, ce qui signale le prestige qu’elle pouvait revendiquer ainsi que ses proches ; mais la manière dont se désignent son esclave et son affranchie renvoie à une inscription destinée à commémorer la piété de l’une et de l’autre plus qu’à les mettre en valeur par une évocation explicite de l’appartenance qu’aurait suggérée la présence d’un groupe au génitif. 180
Comme à Langres, où les deux cas de figure sont attestés. Voir respectivement CIL XIII, 5693 = I Lingons 362 (D(is) M(anibus) / Fructi col(oniae) / Ling(onum) Iib(erti). / Urbicu[s],/ Lest[o]n ? / d(e) s(ua) p(ecunia) d(ederunt).) et CIL XIII, 5694 = I Lingons 364 (D(is) Manib(us). / Novello / c(oloniae) L(ingonum) ser(vo), / cura(n)te / Relatul/la Idmi s(erva).) 181 Sur le modèle de l’inscription trouvée à Langres (CIL XIII, 5816 = I Lingons 50) : Montano Felicis lib(erto), / Voltodagae Capiton(is) lib(erto) / Masculus Magni ser(vus) d(edit). 182 Qu’elle soit conjugale mais non déclarée ou qu’il s’agisse d’un groupe de co-affranchis.
4. Constantes et stratégies de représentation
47
Le formulaire change lorsqu’un esclave ou un affranchi fait ériger une inscription pour son maître ou son patron (cas 1C). Certains gardent l’anonymat, et pas seulement dans le cas où l’inscription serait due à un groupe d’affranchis comme à Mayence, imposant une rapidité dans l’expression en raison de contingences matérielles ou parce que la dédicace leur est imposée, comme ici, par le testament du patron183. Certains affranchis érigent également à titre individuel un monument à leur patron sans se nommer, effaçant toute trace d’eux-mêmes et plus particulièrement de leur relation à leur patron. Faut-il dès lors considérer que nous sommes face à des affranchis qui se libèrent ainsi de la tutelle de leur patron, ou que se révèlent de la sorte des relations distendues, l’affranchi ne se manifestant que pour prendre en charge les devoirs qui sont les siens à l’occasion de la mort de son ancien maître ? La question reste ouverte. Plus fréquente est la désignation du statut de libertus associée à la présence d’un cognomen, qui individualise le dédicant et personnalise la relation que le patron entretenait avec lui. La présence du cognomen de l’affranchi laisse entrevoir une alternative : il peut s’agir de souligner les liens privilégiés qui existent entre le patron et son affranchi ou de distinguer sa démarche d’autres affranchis du même patron. Enfin, un troisième mode de désignation apparaît dans ce type de dédicace : la mention conjointe du cognomen, du statut juridique et de la position d’héritier (heres). Dans ce dernier cas, on peut raisonnablement penser que la présence individualisante du cognomen permet de distinguer l’affranchi, de le mettre en valeur en raison de l’héritage qu’il recueille. Peut-être n’est-il pas l’affranchi d’un personnage influent, mais il a tout de même été désigné comme un homme digne de confiance par son patron, qui en a fait le dépositaire de ses biens184. Lorsqu’un esclave ou un affranchi prend l’initiative de faire graver une inscription, il choisit la manière dont il va mettre en scène son statut et sa relation avec son maître ou son patron. La présence ou l’absence du statut juridique ou de son propre nom, l’ajout de son activité professionnelle ou de son statut d’héritier ainsi que le travail sur la séquence onomastique de son maître ou patron contribuent à construire l’image de lui-même qu’il souhaite léguer à la postérité ou, dans certains cas, faire oublier. Qu’en est-il lorsque la dédicace est le fait d’un proche (cas 2A et 2B) ? En règle générale, il apparaît que le statut se note d’une manière assez peu développée : les termes appropriés (servus, libertus…) sont associés à la présence au génitif du praenomen et parfois du nomen du maître. Lorsqu’on note une variation dans ce principe, elle porte le plus souvent sur la séquence onomastique du maître ou du patron, qui peut être développée pour afficher les tria nomina. Tel est le cas à Mayence185, où une mère livre l’inscription suivante pour son fils défunt : 183 CIL XIII, 6890 : C(aius) Cornelius / C(ai) f(ilius) Pol(lia) (H)as[t(a)], mil(es) / leg(ionis) XIV Gem(inae), an(norum) /XL, stip(endiorum) XXIII, h(ic) s(itus) e(st). / Liberti tres ex t(estamento) f(aciundum) c(uraverunt). 184 Par contraste, dans nos provinces, l’héritier d’un affranchi tend à conserver l’anonymat et à se désigner uniquement par le terme heres. 185 CIL XIII, 11895 = CLE 2122 = CSIR D 2-6, 35.
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Chapitre I : La désignation des esclaves et des affranchis
Tro[p]himus / M(arci) Mari(i) Rusti/ci s[e]r(vus), an(norum) XX, / h(ic) s(itus) e(st). / Amissum m[ate]r Tro/phimum si[n]e fine do/leto. « Trophimus, esclave de Marcus Marius Rusticus, âgé de 20 ans, repose ici. Sa mère souffrira sans répit de la perte de Torphimus. » Nous sommes ici en présence d’une dédicace concernant un jeune esclave et de manière générale d’une inscription particulièrement soignée compte tenu du statut du jeune homme. Rares sont en effet, dans les deux Germanies, les témoignages épigraphiques relatifs aux esclaves qui soient si développés. Le contraste avec le reste des inscriptions concernant la population servile se marque également dans le choix par la mère du défunt d’afficher les tria nomina du maître. Une fois de plus, la convergence de différents traits caractéristiques nous incite à lire dans ce parti-pris la volonté d’une mère de distinguer son enfant, non tant dans une perspective de promotion sociale que dans le désir de souligner le caractère unique de ce fils trop tôt disparu : la séquence onomastique complète du maître va ainsi de pair avec le caractère soigné et développé de l’inscription, la décoration qui l’accompagne et la déploration qui suit la formule funéraire consacrée et fait de l’inscription bien plus qu’un simple témoignage funéraire : un monument de l’amour maternel. En ce sens, l’exploitation de l’onomastique du maître ou du patron dans la séquence onomastique de l’esclave ou de l’affranchi par les membres de sa famille sert essentiellement l’individualisation, laissant paraître dans le formulaire épigraphique la trace d’une affectivité qui se manifeste dans la volonté de multiplier les signes destinés à rendre le défunt unique et précieux aux yeux du dédicant186. Lorsque le dédicant est le patron ou le maître (cas 3A et 3B), on retrouve cet aspect sous la forme de l’adjonction d’une épithète, venant compléter la désignation de l’affranchi(e) et laissant transparaître une certaine affectivité à l’égard de l’individu ainsi caractérisé, quand bien même l’épithète n’aurait en soi rien d’original. Le fait est surtout remarquable concernant les affranchies qui ont épousé leur patron et qui se voient qualifiée de bene merens ou de piissima. Certes, la pratique est courante dans l’empire et plus particulièrement à Rome, mais la faible attestation de ce type d’occurrences dans nos provinces incite à considérer que se manifeste là d’une part une volonté réelle de distinction et d’autre part le caractère romanisé de celui qui la met en œuvre187. Lorsque n’existe aucune relation conjugale avec le dédicant, on peut d’abord considérer que la simple érection d’une 186
On confrontera à cette inscription une dédicace retrouvée à Langres (AE 1969-1970, 432 = I Lingons 548) : Dis M(anibus) / Silvinu/s Gelli (?) / serv(u)s. / Mater / filio ; et une autre retrouvée à Lopodunum (CIL XIII, 11741) : D(is) M(anibus) / Annio Ianu/ario Anni(i) / Postumi / liber(to), / Vervicia / mater p(onendum c(uravit). Comment expliquer les choix respectifs de chacune des mères pour leur fils défunt ? Le degré plus ou moins important d’affection ne peut être retenu comme seul critère d’appréciation. Sans doute faut-il aussi évoquer un probable écart de condition – financière, intellectuelle – au sein même de la population servile, ainsi qu’une romanisation plus ou moins poussée selon les lieux. 187 Voir B. AMIRI: De la différenciation à l’intégration : bene merens dans les épitaphes des Germanies. In: La fin du statut servile ? Affranchissement, Libération, Abolition, XXXe colloque du GIREA (Besançon, 15-16-17 décembre 2005), Besançon 2008, 303-311.
4. Constantes et stratégies de représentation
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stèle par le patron ou le maître constitue une reconnaissance, qu’elle s’exerce pour des raisons affectives ou en vertu de mérites ainsi reconnus. Existe-t-il des spécificités dans la mise en scène de la relation entre l’affranchi et son patron, entre l’esclave et son maître ? Dans ces inscriptions se trouvent majoritairement les termes dominus et patronus, et l’on observe plusieurs variantes dans la mise en œuvre de ces termes sans que l’on puisse réellement en déduire une signification précise. Deux pratiques distinctes retiennent cependant l’attention. L’inscription gravée pour l’esclave ou l’affranchi peut se présenter en deux temps : une première partie le présente à l’aide de diverses informations : son identité, son âge, sa profession, les membres de sa famille…, sans faire état par une formule juridique de son statut, tandis qu’une seconde partie présente le nom du dédicant et son statut de maître ou de patron188. A contrario, on trouve, mais plus rarement, des insinscriptions où l’évocation du statut servile est redoublée : un groupe au génitif vient dans la première partie de la dédicace signaler l’appartenance et préciser le nom du maître, puis la deuxième partie vient indiquer que l’inscription est due au patron ou au maître189. Que conclure de ces deux pratiques, sinon que la première semble reconnaître à l’esclave ou à l’affranchi une certaine indépendance, ou pour mieux dire, une autonomie, là où la seconde formule entend asséner à la fois le rappel de l’appartenance et le geste de piété du patron à l’égard de son affranchi ? Le formuaire se caractérise ainsi par sa variété. Certes, l’immense majorité des inscriptions recourt aux termes juridiques qui situent les individus les uns par rapport aux autres dans la société romaine et le génitif destiné à marquer l’appartenance est omniprésent dans les dédicaces. Mais il s’agit là d’un cadre qui admet de multiples variantes et dont la plasticité offre la possibilité, selon les situations d’énonciation, d’individualiser la relation avec le maître / patron, de personnaliser l’esclave ou l’affranchi, de signifier les rapports privilégiés que l’on entretient avec lui, ou encore de mettre en scène les fondements d’une reconnaissance sociale pour l’individu ou ses descendants. De telles pratiques signalent à quel point, dans les Germanies comme ailleurs, se joue pour les populations serviles la survie de leur image.
188
Sur le modèle de l’inscription trouvée à Vindonissa (CIL XIII, 5208) : Ti(berio) Claudio Hymno, / medico leg(ionis) XXI, / Claudiae Quietae, (coniugi) eius, / Atticus patronus. 189 Voir par exemple CIL XIII, 5312 = RIS 2, 228 : Prima C(ai) Cotei / lib(erta) ann(orum) XVI et / soror illaeus (sic) / Araurica annic(ula) / et mens(ium) VI h(ic) s(itae) s(unt). / Patronus po(suit).
CHAPITRE II : LA PRESENCE DES ESCLAVES ET DES AFFRANCHIS SUR LE TERRITOIRE DES GERMANIES. ÉVOLUTION TEMPORELLE La répartition temporelle des inscriptions dont nous disposons constitue l’un des mécanismes qui permettent de comprendre comment s’est établi le peuplement servile dans les Germanies. Les critères de datation des épitaphes sont connus depuis longtemps pour Rome190 comme pour d’autres provinces romaines191, dont la Gaule192. La datation des inscriptions suppose que l’on tienne compte non seulement de l’inscription elle-même, mais aussi de son contexte et de son support193. Il n’est malheureusement pas toujours aisé de recourir à cet ensemble d’informations et de les croiser entre elles compte tenu de l’état lacunaire de la plupart de nos inscriptions. L’analyse sera surtout menée au prisme des données épigraphiques. Concernant les Germanies, différents travaux ont été menés, qui considèrent notamment que les critères généraux n’ont de sens que mis en perspective avec des séries régionales indispensables à la prise en compte de la spécificité de chaque cité. Les travaux de Monique Dondin-Payre et de MarieThérèse Raepsaet-Charlier sur les formulaires funéraires et votifs des Germanies ont ainsi conduit à présenter pour les Germanies des critères de datation épigraphique en fonction de divers paramètres194, critères qui ont été repris et adaptés à
190
H. THYLANDER: Etude sur l’épigraphie latine, Lund 1950, 191 p. Pour l’Afrique par exemple, Jean-Marie LASSERE: Recherches sur la chronologie des épitaphes païennes de l’Africa. In: Antiquités Africaines 7 (1973), 7-151. 192 Pour la dernière mise au point sur la question, voir Yves BURNAND: La datation des épitaphes romaines de Lyon : Remarques complémentaires. In: François BERARD – Yann Le BOHEC (éd.): Les inscriptions latines de Gaule Lyonnaise. Lyon 1992, 21-26. 193 Marcel LE GLAY: Les critères onomastiques de datation. In: Les inscriptions latines de Gaule Narbonnaise. Actes de la table ronde de Nîmes, 25-26 mai 1987. Nîmes 1989. 194 Ces éléments sont rassemblés dans un tableau intitulé « Critères de datation épigraphique pour les Gaules et les Germanies », en tête de l’ouvrage collectif Cités, municipes, colonies, op. cit., VII-XI. On se reportera également à l’ouvrage de Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (éd.): Sanctuaires, Pratiques culturelles et territoires civiques dans l’occident romain. Bruxelles 2006, XIII. 191
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Chapitre II : La présence des esclaves et des affranchis
des dossiers locaux, à l’instar du travail de Yann Le Bohec sur les inscriptions de la cité des Lingons195. 1. Datation des inscriptions La chronologie de la documentation commence au premier siècle de notre ère. Nous n’avons pas dans notre corpus d’inscriptions d’époque républicaine, ce qui s’explique par l’histoire de l’implantation romaine sur le territoire des Germanies. Le Haut-Empire constitue en outre une phase importante dans le développement du système de l’esclavage, durant laquelle il façonne en quelque sorte les aspects de la vie économique et sociale, ayant été assis sous le principat par un cadre juridique très élaboré : « jurisprudence, sénatus-consultes, lois, constitutions impériales et aussi pratiques coutumières permettent sous le principat l’élaboration d’un véritable code de l’esclavage, toujours plus complet et, aussi, différent du modèle primitif196 ». De ce point de vue, les informations juridiques susceptibles d’être présentes dans les inscriptions peuvent nous permettre de définir des critères de datation, comme les procédés civils d’affranchissement, par exemple197. Mais les affranchis ne mentionnent pas cet élément et les données iconographiques n’y font pas écho en ce qui concerne les Germanies. 1.1. Les inscriptions datées Concernant les esclaves et les affranchis des Germanies, un seul témoignage épigraphique porte l’indication des consuls éponymes. Il atteste l’existence d’un esclave et d’une affranchie publics dans la première moitié du IIIe siècle de notre ère, en 250, à Alta Ripa198. Plusieurs inscriptions mentionnent pour leur part les empereurs ou des membres de leur entourage. La première retrouvée à Mayence est l’épitaphe de Tiberius Claudius Zosimus, qui se présente comme un procurator praegustatorum Imp(eratoris) / Domitiani C[a]esaris / Aug(usti) Germanici. Comme son nom l’indique, le personnage est un affranchi de Claude ou de Néron199, qui a poursuivi sa carrière jusque sous le règne de Domitien, ce qui permet 195
Yann LE BOHEC: Inscriptions de la cité des Lingons. Inscriptions sur pierre. Paris 2003,
17-20. 196 Gerard BOULVERT – Marcel MORABITO: Le droit de l’esclavage sous le Haut-Empire romain. In: ANRW II, 14 (1982), 104. 197 Nous savons par ailleurs que le cens, dans le contexte chronologique de notre corpus, « va tomber en désuétude, la vindicta demeure le procédé par excellence d’affranchissement entre vifs, quant au testament, il est devenu un acte purement privé, très utilisé pour concéder par legs la liberté, voir instituer l’esclave ainsi affranchi, héritier dont on peut avoir tout intérêt à respecter la situation puisque l’esclave est heres necessarius, qu’il ne peut refuser la succession et doit en supporter les dettes » (id.: ibid., 119-120) 198 AE 1933, 113 = CSIR-D-2-10, 69. L’inscription porte la mention Imp(eratore) d(omino) n(ostro) Traia(no) / Decio Aug(usto) et Grato co(n)s(ulibus). 199 À partir du moment où il est adopté par Claude (dont la titulature est depuis 41 Tiberius Claudius Caesar Augustus Germanicus), Néron reçoit le gentilice de son père adoptif et porte alors le nom de Tiberius Claudius Drusus Germanicus Caesar en lieu et place de Lucius Domitius
1. Datation des inscriptions
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de dater l’inscription de la fin du Ier siècle, plus particulièrement entre 83, date à laquelle il prend le titre de Germanicus, et 96, année de sa mort. À Avenches, la dédicace des médecins Quintus Postumius Hyginus et Postumius Hermes placée sous le patronage des divinités protectrices des empereurs (numinib(us) Aug(ustorum))200 incite à dater l’inscription de la deuxième moitié du IIe siècle ou du début du IIIe siècle, puisqu’il est fait allusion à la cogérence de deux empereurs, qu’il s’agisse de Marc-Aurèle et de Lucius Verus ou du début de la période des Sévères. La même analyse vaut pour l’inscription de Tigris à Cologne, dont le dédicant est Augg(ustorum) n(ostrorum) dis[p(ensator)]201. À Lausanne, on rencontre l’expression pro salute Caesarum dans une inscription consacrée à Cérès202 ; il s’agit d’une formule ancienne, qui renvoie aux débuts du Ier siècle. Le pluriel incite à considérer qu’il est fait mention soit des petits-enfants d’Auguste, soit des princes impériaux, Drusus et Germanicus. L’origine sans doute italienne de l’affranchi et de son patron suggère pour sa part à Wolfgang Spickermann une familiarité avec l’actualité de Rome. La dédicace à Cérès s’expliquerait dès lors par la consécration par Tibère en 17 de notre ère du temple de la divinité qui avait brûlé sous Auguste, ce qui amènerait à interpréter les Césars comme étant Drusus et Germanicus203. À Avenches, l’épitaphe de Pompeia Gemella, educatrix [Au]g(usti) n(ostri), nous renvoie à la période des Flaviens, puisque selon toute vraisemblance il s’agit de l’educatrix à qui fut confié Titus204. L’inscription laissée à Cologne par Vedianus, [--- Ti. Caes(aris) Augusti et Augus]tae l(ibertus)205 appartient pour sa part à la première moitié du Ier siècle, datant de la période augustéenne et de son prolongement, datation corroborée par le faste caractérisant le tombeau206. Par confrontation avec cette inscription, on peut dater un autre fragment lacunaire retrouvé à Cologne dans les mêmes circonstances207. Par ailleurs, à Mayence, un arcarius se signale comme membre de la familia de Vespasien, ce qui permet de dater le texte entre 69 et 79 de notre ère208. L’indication explicite du Ahenobarbus. Le gentilice de l’affranchi Zosimus peut donc aussi bien faire référence à Claude qu’à Néron, sous lesquels il a pu commencer sa carrière. 200 CIL XIII, 5079 = I Avenches 4 = D 7786 = RIS 1, 77. 201 AE 1974, 449 = RSK 193 = AE 2000, 999. 202 AE 1939, 208 = AE 1946, 25= Ness-Lieb 23= RIS 1, 50. 203 Wolfgang SPICKERMANN: Religionsgeschichte des römischen Germanien. Germania Superior. Tübingen 2003, 125. 204 CIL XIII, 5138 = I Avenches 3 = RIS 1, 97. Pour la discussion relative à la datation, voir D. VAN BERCHEM: Un banquier chez les Helvètes. In: Ktèma 3 (1978), 265-274. 205 CIL XIII, 8266 = RSK 192 = IKöln 268 = AE 2004, 969b. 206 Voir Werner ECK – Henner VON HESBERG: KJ 36 (2003) 151-205. 207 Brigitte GALSTERER – Hartmut GALSTERER: Neue Inschriften aus Köln II, Fund der Jahre 1980-1982. In: Epigraphische Studien 13 (1983) n. 26 = Werner ECK et Henner VON HESBERG: KJ 36 (2003) 151-205 (AE 2004, 969). 208 AE 2004, 1014. Le réemploi des pierres des inscriptions AE 2004, 1015 et 1016 permet de dater les textes de la fin du Ier siècle, de la répression de Saturninus plus particulièrement, ce que vient corroborer la place de Aug lib. dans la séquence onomastique de l’affranchi.
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Chapitre II : La présence des esclaves et des affranchis
statut colonial de Langres dans trois inscriptions209, même en association avec la mention abrégée des Dieux Mânes, est en revanche difficilement exploitable. Le formulaire funéraire conduit certes à considérer que ces épitaphes sont datables à partir du IIe siècle, mais il semble difficile de préciser davantage en tenant compte du statut de colonie, puisqu’on ignore la date de son obtention par la cité des Lingons210. L’évocation de personnages par ailleurs connus offre en revanche des repères chronologiques fiables. À Nyon, le sévir augustal Decimus Valerius Sisses est affranchi de Decimus Valerius Asiaticus, ce qui nous renvoie au milieu du Ier siècle, dans la mesure où, parmi les patrons qu’il a pu avoir, l’un a été consul pour la deuxième fois en 46, tandis que son fils, qui porte le même nom, a pour sa part été consul designatus en 69. À Mayence, l’épitaphe d’Hipponicus, un jeune esclave appartenant à Dignilla, peut être datée du début de la deuxième moitié du IIe siècle, puisque le mari de Dignilla, légat de la legio XXII Primigenia Pia Fidelis, est connu pour avoir été consul en 163. G. Alföldy date le texte entre 157 et 159211. À Bonn enfin, l’inscription votive de Noihus et Noiius à Mercure peut être datée en raison de la mention du nom de leur patron, Vibius Viscus Macrinus, présenté alors comme legatus Augusti et qui est connu comme praetorius vir par un passage de Pline, ce qui nous permet de le situer au milieu du Ier siècle212. L’inscription retrouvée à Dangstetten, qui mentionne un esclave de P. Quintilius Varus est pour sa part très intéressante, dans la mesure où elle constitue sans doute l’un des témoignages les plus anciens de notre corpus : on sait en effet qu’après sa préture, Varus est légat de la XIXe légion, qui stationne dans le camp de Dangstetten213. Sa présence est donc attestée à partir de 15 avant notre ère, ce qui permet de situer le terminus a quo de cette inscription.
209 CIL XIII, 5693 = I Lingons 362 ; CIL XIII, 5883 = I Lingons 363 ; CIL XIII, 5694 = I Lingons 364. 210 Yann LE BOHEC (Inscriptions de la cité des Lingons. Inscriptions sur pierre. Paris 2003, 206-208) plaide néanmoins en faveur d’une datation début IIIe siècle, en s’appuyant sur une inscription retrouvée à Langres (CIL XIII, 5681 = I Lingons 351) et consacrée à Septime Sévère, qui évoque la cité fédérée de Langres. Dans la mesure où la titulature de l’empereur marque imperator XI et consul II, l’inscription doit être datée entre 197 et 202, ce qui suppose, selon Yann Le Bohec, que la cité, enore dénommée ciuitas foederata durant cette période n’a obtenu le statut colonial qu’après 202. Pour Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Cités, municipes, colonies…, réf. cit., p. 288, « la documentation épigraphique des Lingons montre bien la coexistence des termes non concurrents de civitas et de colonia et rappelle, par conséquent, qu’aucun critère de datation ne réside dans l’usage du terme civitas. » 211 Géza ALFÖLDY: Die Legionslegaten der römischen Rheinarmeen. Köln 1967, 35, n. 43. Voir aussi Werner ECK: Senatoren von Vespasian bis Hadrian. München 1970. 212 AE 1924, 22 = Finke 274= AE 1926, 17a. Pline évoque Vibius Viscius Macrinus dans un passage de son Histoire naturelle, XI, 223. 213 Voir Hans Ulrich NUBER: P. Quinctilius Varus, legatus legionis XIX : zur Interpretation der Bleischeibe aus Dangstetten, Lkr. Waldshut. In: Archäologisches Korrespondenzblatt 38-2 (2008), 223-231.
1. Datation des inscriptions
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Enfin, la présence importante des légions en Germanies constitue un dernier critère fiable de datation, soit que l’on envisage le lieu et la période de stationnement des unités sur le territoire d’une cité, soit que l’on examine les épithètes honorifiques portées par les légions ou que soit évoqué un conflit. 28 inscriptions peuvent ainsi être datées, notamment parce qu’elles font mention de différentes légions et cohortes, dont nous connaissons l’histoire et les déplacements en Germanie. La grande majorité de ces textes (23 sur 28) est datée du Ier siècle de notre ère, plus particulièrement de la première moitié, avec 8 témoignages à Mayence : deux concernent la IIIIe Légion Macedonica présente à Mayence de 39 ou 43 à 70-71, date de sa dissolution par Vespasien214 ; deux inscriptions215 sont dues à un soldat de la XIVe Légion Gemina, qui stationne à Mayence sans doute entre 13 avant notre ère et 43 et entre 71 et 96-97, époque à laquelle elle porte le surnom de Martia Victrix, ce qui n’est pas le cas ici. La datation de ces inscriptions dans la première moitié du Ier siècle est en outre confirmée par la présence de la formule funéraire hic situs est et par l’absence de cognomen du maître dans le cas de l’épitaphe de Priscus, pratiques très répandues au début du Ier siècle ; trois témoignages évoquent pour leur part la XXIIe Légion, présente à Mayence à deux reprises, d’abord entre 43 et 71 puis à partir de 96-97. L’absence de l’épithète pia fidelis dans la dénomination incite à dater les trois inscriptions de l’époque du premier stationnement de la légion dans la ville216. Le surnom lui est conféré à partir de 92, on le retrouve dans l’épitaphe de Titus Statilius Taurus217, ce qui lui confère un terminus a quo et rend donc aussi possible une datation courant IIe siècle. 7 inscriptions datables du Ier siècle sont pour leur part issues de Cologne et de son territoire (Bonn, Lessenich, Novaesium, Vochem). À Cologne même sont attestés les affranchis d’un vétéran et d’un centurion de la Ve Légion Alauda218, dont on connaît la présence sur place de 9 à 69-70, ainsi que l’affranchi du commandant de la IIIe cohorte219 attestée en Germanie inférieure entre 80 et 89. À Bonn, la légion XXXI Rapax est attestée de 71 à 83, ce qui permet de dater l’inscription votive de Sabinus, l’affranchi du centurion Lucius Petronius Nepos220. À Lessenich, c’est la mention de la Legio I Minervia qui permet de dater l’épitaphe du vétéran Opponius Paternus221 de la fin du Ier siècle, puisqu’elle était cantonnée à Bonn depuis 83, avant qu’elle ne parte participer au IIe siècle aux campagnes daciques et parthiques. L’épitaphe de Marcus Lucilius Secundus 214
CIL XIII, 7235 et CIL XIII, 6853 = E RBeturi 53a = CSIR-D-2-5, 72. CIL XIII, 6890 ; CIL XIII, 6888 = CSIR-D 2-6, 53. 216 CIL XIII, 6957 ; CIL XIII, 11836 = CSIR-D 2-6, 71 ; CIL XIII, 6954. 217 CIL XIII, 6817 = IDRE 1, 194 = CSIR-D-2-5, 37. 218 RSK 216 = IKöln 311 = Schillinger 172 = AE 1979, 412 ; CIL XIII, 12059= RSK 215 = IKöln 310. 219 CIL XIII, 8271 = RSK 201 = IKöln 280. 220 Ness-Lieb 198 = AE 1945, 9. 221 CIL XIII, 8002 = Lehner 616. 215
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retrouvée à Novaesium222 mentionne pour sa part l’ala Frontoniana, dont G. Alföldy a rappelé qu’elle était installée en Germanie inférieure avant l’époque des Flaviens223, soit dans la première moitié du Ier siècle. À Vochem224 enfin, la mention de la Classis Germanica nous ramène également au début du Ier siècle, dans la mesure où l’on sait qu’elle fut mutée de Bonn à Cologne sans doute vers 14. À Argentorate, Antunnacum, Asciburgium, Lopodunum, Vindonnissa et Baden-Baden, différentes inscriptions sont également datables du Ier siècle grâce à l’évocation explicite d’une présence militaire. La légion II était ainsi cantonnée à Strasbourg225 de 16-17 à 43, tandis que la légion VIII, mentionnée dans l’épitaphe de Diadumenus226, retrouvée à Lopodunum, y était installée depuis 80-90 et avait séjourné dans la région du Main-Taunus en 83-85. À Vindonissa, la XIe Légion Claudia pia Fidelis227 est présente de 70 à 101 ; la XIIIe Légion Gemina228 de l’époque d’Auguste et Tibère à 45-46 et la XXIe Légion229 de 45-46 à 71 ; la VIIe cohorte Raetorum est attestée en Germanie supérieure au Ier siècle230. À Asciburgium, la cohorte Silauciensium, connue par cette seule inscription231, nous renvoie à l’époque de Tibère, date à laquelle, selon G. Alföldy, sont attestés les premiers corps d’auxiliaires orientaux sur le Rhin232. Quant à la cohorte Raetorum, que mentionne l’épitaphe de Firmus à Antunnacum233, son identification pose problème. On sait néanmoins que la IIe et la VIIe étaient stationnées dans la région dans la première moitié du Ier siècle voire au IIe siècle234, tandis que la cohors Raetorum et Vindelicorum était présente à Mayence à l’époque julioclaudienne235. Une inscription date du IIe siècle ou du IIIe siècle236 : il s’agit d’une épitaphe retrouvée à Cologne, qui mentionne la Legio XXX Vlpia Victrix, stationnée à Xanten à partir de 120-122. Enfin, 2 témoignages appartiennent au IIIe siècle. 222
CIL XIII, 8558. Géza ALFÖLDY: Die Hilfstruppen der römischen Provinz, Germania Inferior, Düsseldorf 1968, 189, n. 72. 224 CIL XIII, 12047= Lehner 674. 225 CIL XIII, 5976. 226 AE 1929, 106 = CSIR-D 2-13, 158. 227 CIL XIII, 11509= RIS 2, 169. 228 CIL XIII, 5239 = RIS 2, 189. 229 CIL XIII, 5208. 230 CIL XIII, 6295= Finke 338a = AE 1899, 192. 231 CIL XIII, 8593= D 2567 = CSIR-D 3-1, 47 = Lehner 668. 232 Géza ALFÖLDY: Die Hilfstruppen der römischen Provinz, Germania Inferior, Düsseldorf 1968, 212, n. 150. 233 CIL XIII, 7684= Lehner 665. 234 CICHORIUS, Cohors, col. 327-329 pour la localisation au Ier siècle et Friedrich DREXEL: Die Grenztruppen des obergermanischen Limes im 2. Jahrhundert. In: Germania 8 (1924), 13-14 et 1718. 235 DECKER-SELZER: Mogontiacum, 537-539. 236 CIL XIII, 8293= RSK 231 = IKöln 332. 223
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À Bonn, la mention de la Legio I Minervia avec l’épithète Severiana237 peut renvoyer à l’époque de Sévère Alexandre, plus particulièrement entre 231, date à laquelle la légion reçoit le surnom Severiana Alexandriana238, et 235, où le surnom disparaît avec la mort de Sévère Alexandre239 ; à Cologne, la première ligne de l’inscription laissée par Valeria Prepis à son défunt mari est de lecture difficile240. Si l’on veut suivre le raisonnement de H. Galsterer et voir au début de la deuxième ligne la finale du titre protector, l’inscription serait datable de la deuxième moitié du IIIe siècle voire au-delà, puisque la fonction apparaît sous le règne de Gallien241 et prend de l’importance au Bas-Empire. Cette date serait en outre compatible avec la présence dans l’inscription d’un adjectif moral ou affectif, en l’occurrence incomparabili, dont on sait qu’ils se multiplient à partir de la fin du IIe siècle. La distribution chronologique des inscriptions datées grâce à une précision d’ordre militaire correspond très clairement à la présence des unités sur le sol des Germanies au moment de la conquête romaine puis de son installation sur les territoires notamment rhénans. Drusus installe de nombreux camps sur le Rhin, parmi lesquels les principaux sont situés à Asberg, Neuss, Bonn, Mayence, et peut-être à Vindonissa et à Strasbourg. Toujours est-il que ce sont ces camps, auxquels il faut ajouter le site de Cologne sous Tibère, que l’on retrouve plus tard au centre du dispositif mis en place par les Julio-Claudiens et les Flaviens jusqu’à la fin du Ier siècle. Si les légions quittent Cologne sous Caligula ou Claude, car les camps de Bonn et de Neuss, situés sur son territoire, lui sont préférés, il n’est néanmoins pas surprenant de retrouver dans le chef-lieu puis dans la capitale provinciale des inscriptions de militaires. Aussi est-ce dans ces agglomérations que l’on retrouve la quasi-totalité de nos inscriptions datables, 17 sur 19. Ces données appellent cependant quelques remarques particulières. Le camp de Xanten, un des plus anciens, fondé par Drusus et l’un des plus actifs, puisqu’il demeure en fonction à la fin du Ier siècle, lorsque les légions présentes sur le territoire sont ramenées à deux par provinces, ne fournit aucune attestation d’esclaves ou 237
CIL XIII, 8067= Lehner 609. Attesté dans une inscription datée de 231 (AE 2002, 1772) : Aufidius Coresnius Marcellus, leg(atus) Aug(usti) pr(o) pr(aetore), dedi honestam missionem Septimio Bubati, mil(iti) leg(ionis) I M(inerviae) Severiane Alexsandrianae, candidato[…].Géza ALFÖLDY: Die legionslegaten der römischen Rheinarmeen, Epigraphische Studien 3. Köln 1967 et Werner ECK: Die Statthalter der germanischen Provinzen vom 1.-3. Jahrhundert. Köln 1985, 245-249. 239 Elle est ensuite connue sous le nom de Legio I Minervia Maximiniana Pia Fidelis Antoniniana. Sur l’histoire de la légion I Minervia, levée par Domitien en 83, on pourra notamment consulter Yann LE BOHEC: Legio I Mineruia (Ier-IIe siècles). In: Yann LE BOHEC (éd.): Les légions de Rome sous le Haut-Empire, Tome 1. Lyon 2000, 83-85, complété par Werner ECK: Die legio I Minervia. Militärische und zivile Aspekte ihrer Geschichte im 3. Jh. n.Chr. In: Yann LE BOHEC (éd.): Les légions de Rome sous le Haut-Empire, Tome 1. Lyon 2000, 87-93. 240 CIL XIII, 8427= RSK 343 = IKöln 533. 241 Les premières mentions de ce titre sont analysées par H.-G. PFLAUM: Les Carrières procuratoriennes équestres sous le Haut-Empire romain. Paris 1961, 950. 238
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d’affranchis liés à des militaires à quelque époque que ce soit, ce qui est pour le moins surprenant compte tenu de l’importance de ce poste, si ce n’est l’épitaphe, importante, de Marcus Caelius, centurion de l’une des légions anéanties lors du bellum Varianum et de ses affranchis, qui permet de dater précisément l’inscription aux alentours de 9 de notre ère. L’inscription a été retrouvée à Asciburgium242. Aussi faut-il une nouvelle fois souligner la fragilité de cette documentation, tributaire non seulement du hasard des découvertes archéologiques mais également de la démarche propre aux affranchis et aux esclaves qui entreprennent de faire rédiger une inscription, témoignage de leur existence aussi bien que de leur degré de romanisation. On notera ensuite au milieu des inscriptions issues de sites indiscutablement occupés par l’armée la présence de Baden-Baden, plus connue comme site thermal, mais dont il semble bien qu’elle ait été fréquentée sinon occupée par des militaires243. Reste à évoquer la situation d’Antunnacum, situé sur le Rhin, dont la position géographique ne rend pas impossible la présence de militaires durant le premier siècle, qui constitue donc sans surprise la période au cours de laquelle les inscriptions d’esclaves et d’affranchis liés à l’armée sont majoritairement attestées sur le territoire des Germanies. 1.2. Les inscriptions datables Pour toutes les autres inscriptions, il faut tenir compte d’autres critères de datation. Le paramètre paléographique, qui tient compte de l’évolution de l’écriture, est à envisager avec précaution, dans la mesure où, pour être probant, l’examen devrait se fonder sur une confrontation systématique des données générales avec des séries particulières, pour lesquelles il existe peu d’études. Sur le plan archéologique, on pourrait éventuellement tenir compte des variations de supports et d’ornementation, mais le manque de documentation limite l’intérêt d’une recherche chronologique en la matière. C’est la raison pour laquelle on envisagera essentiellement les critères de datation purement épigraphiques. L’analyse des inscriptions datées a en effet révélé des particularités chronologiques propres à l’onomastique, aux formules funéraires et au formulaire religieux, qui seront successivement évoqués. 1.2.1. Les critères onomastiques Les critères onomastiques peuvent être envisagés à un double niveau : celui du maître ou du patron aussi bien que celui de l’affranchi, qui reçoit en même temps que la liberté les tria nomina. On sait que l’absence de cognomen dans la séquence onomastique est caractéristique de la période allant d’Auguste à Claude voire à Néron ; les tria nomina se retrouvent entre le milieu du Ier siècle et 242
CIL XIII, 8648 = D 2244 = CSIR D 3-1, 1 = Lehner 622 = AE 1952, 181 = AE 1953, 222 = AE 1955, 34. 243 Matthias RIEDEL: Das römische Baden-Baden. Ausgewählte Fundmaterialen zu seiner Geschichte und Chronologie. In: FBW 4 (1979) 260-315 et plus particulièrement 268 ; 7 (1982) 273300.
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l’époque sévérienne, tandis que la disparition du praenomen de la séquence onomastique caractérise fréquemment la période des Sévères, notamment après 212. Enfin, la disparition du groupe filiation-tribu-origo date du milieu du IIe siècle. Il est difficile de retenir ces seuls critères, lorsqu’il s’agit de dater les inscriptions serviles dont nous disposons. Concernant les affranchis, tous ne font pas figurer leur tria nomina sans que pour autant on puisse y lire une pratique chronologiquement datée. Tout au plus peut-on en faire un facteur d’appréciation relativement à d’autres indices de datation. Ainsi à Langres, l’absence de références aux Dieux Mânes, l’absence de la formule hic situs est combinées à l’absence d’abréviation du gentilice font penser à une datation entre la fin du Ier siècle et le début du IIe siècle244. Reste la séquence onomastique des patrons ou des maîtres. On a vu que cette séquence se prêtait à de multiples variations, justifiées en partie parfois par une stratégie de représentation de la population servile. Il est fort possible que le facteur temporel joue également un rôle dans le mode d’expression de la séquence onomastique du maître ou du patron, mais nous avons surtout eu à considérer l’abréviation du gentilice, qui se rencontre à partir du milieu du IIe siècle. Il en va ainsi pour la dédicace formulée en faveur de Tiberius Flavius Veter par son esclave245, dont la datation est incertaine, les limites étant comprises entre la fin du Ier siècle et le début du IIIe siècle. Bien que le personnage soit connu par d’autres inscriptions, grâce auxquelles il est possible de confronter les formules et les abréviations de la séquence onomastique, il est difficile de préciser davantage cette échelle. L’abréviation du gentilice dans les inscriptions que les tailleurs de pierre et les ouvriers métallurgistes, ses clients, lui élèvent246 nous renvoie à une inscription datant de la seconde moitié du IIe siècle voire au-delà. Quant au formulaire religieux pourtant important, aucun élément ne permet d’étayer l’une ou l’autre hypothèse. L’onomastique des esclaves et des affranchis des Germanies est peu parlante lorsqu’il s’agit de dater les monuments. En revanche, elle possède une grande valeur informative en terme de romanisation de la population. L’analyse de l’origine des gentilices et des cognomina des affranchis ainsi que l’indication des liens de parenté amèneront notamment une meilleure connaissance des pratiques du milieu servile. 1.2.2. Le formulaire funéraire Les inscriptions funéraires sont de loin les plus fréquentes dans notre corpus. Les différentes formules rencontrées sur les épitaphes peuvent ainsi contribuer à la datation des inscriptions. Parmi les critères les plus fréquemment exploités, on compte la présence de la formule Dis Manibus utilisée sans abréviation ou partiel-
244
CIL XIII, 5712 = I Lingons 376. CIL XIII, 5476 = I Lingons 53. 246 CIl 13 5474 = I Lingons 51 ; CIL XIII, 5475 = I Lingons 52. 245
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lement abrégée entre la fin du Ier siècle et le début du IIe siècle247, puis très vite abrégée à partir du IIe siècle248 et accompagnée de memoriae majoritairement après les Antonins et au IIIe siècle249. Le nom du défunt au nominatif accompagné de la formule hic situs est250 associé ou non à l’indication de l’âge sous la forme qui/quae vixit annos… ou annorum…251 a été considéré pour caractériser la période julio-claudienne, avec cette réserve que l’âge est mentionné plus tôt dans les épitaphes issues de militaires. La datation par l’emploi du nominatif et de la formule hic situs est a pu être confirmée voire précisée par la prise en compte d’éléments iconographiques, sty247 CIL XIII, 7310 ; AE 1969-70, 432 = I Lingons 548 ; CIL XIII, 11591 = I Lingons, 566 ; AE 1969-1970, 431 = I Lingons 531 ; Nesselhauf 96 ; CIL XIII, 5755 = I Lingons 450 ; Finke 93= RIS 2, 144 ; AE 1969-70, 430 = I Lingons 525. 248 CIL XIII, 5107 ; CIL XIII, 5244 = D 1562 = RIS 2, 193 ; CIL XIII, 5134 ; CIL XIII, 5714 = I Lingons 414 ; CIL XIII, 5831= I Lingons 521 ; CIL XIII, 5858 = I Lingons 552 ; CIL XIII, 5695 = I Lingons 365 ; CIL XIII, 5699 = I Lingons 369 ; CIL XIII, 11833 ; CIL XIII, 11884 ; CIL XIII, 7305 ; CIL XIII, 6423 = RSOR 80 ; CIL XIII, 11741= RSOR 79 ; Ness-Lieb 153 = RSO 202 = CSIR-D 2-13, 157 ; CIL XIII, 05764 = I Lingons 461 ; CIL XIII, 5798 = I Lingons 489 ; CIL XIII, 5778 = I Lingons 409 ; AE 1969-70, 426 = I Lingons 436 ; CIL XIII, 5711 = I Lingons 375 ; ILTG 440 = AE 2000, 1069 ; CIL XIII, 5285 ; CIL XIII, 5137 = RIS 1, 101 ; CIL XIII, 7114 = CSIR D 26, 89 ; CIL XIII, 7304 ; CIL XIII, 8375 = RSK 373 = IKöln 473 ; CIL XIII, 5284 = RIS 2, 219 ; CIL XIII, 5108 = RIS 1, 94 ; CIL XIII, 7113 = CLE 216 = CSIR D 2-6, 88 ; CIL XIII, 7307 = CSIR D 2-6, 72 ; CIL XIII, 5385 ; CIL XIII, 8334 = RSK 300 = IKöln 295 = D 7070 = Lehner 866 = AE 1894, 171 = AE 1895, 00132 ; RSK 379 = Ness-Lieb 220 = IKöln 550 ; RSK 335 = IKöln 445 ; CIL XIII, 8658 ; CIL XIII, 11635 ; AE 2004, 976 ; I Lingons 503. Des considérations stylistiques peuvent aussi permettre d’affiner la datation comme pour CIL XIII, 6851 = CSIR D 2-6, 93, où le type d’autel et de décor évoque la période des Antonins ou des Sévères, ou pour CIL XIII, 5453, inscription pour laquelle Hélène WALTER: La sculpture funéraire gallo-romaine en FrancheComté. Paris 1974, 96-97 précise qu’il s’agit d’un monument de la première moitié du IIIe siècle. 249 RSK 331 présente le terme Memoriae sans la mention des Dieux Mânes, ce qui n’empêche pas une datation au IIIe siècle, de même que CIL XIII, 8282 = RSK 217 = IKöln 313, où l’on peut lire Memoriae eternae ; l’association Dis Manibus et memoriae est présente à deux reprises : CIL XIII, 5016 = RIS 1, 42 ; CIL XIII, 5752 = I Lingons 448. Enfin, D(is) M(anibus) est coordonné à la formule perpetuae securitati à Saverne (CIL XIII, 6000). 250 CIL XIII, 8349 = RSK 322 = IKöln 424 ; CIL XIII, 8368 = RSK 360 = IKöln 459 ; AE 1976, 496 ; CIL XIII, 11891 ; CIL XIII, 8088 = CSIR D 3-2, 6 = Lehner 788 ; Nesselhauf 116 ; Espérandieu, 8556 = Ness-Lieb 222 = RSK 354 = IKöln 538 = EAOR-5, 65 = AE 1941, 87 = AE 1945, 13 = AE 1948, 230 ; CIL XIII, 7515 = CSIR D 2-14, 28. 251 CIL XIII, 7055 = CSIR D 2-6, 68 ; CIL XIII, 11895 = CLE 2122 = CSIR D 2-6, 35 ; CIL XIII, 7085 = CLE 1104 ; AE 1979, 431 = CSIR D 2-6, 75 ; CIL XIII, 7105 = CLE 1116 = CSIR D 2-6, 29 ; CIL XIII, 8108 = CSIR D 3-2, 7 = Lehner 791 ; CIL XIII, 8115 = CSIR D 3-2, 1 = Lehner 795 ; CIL XIII, 8337 = RSK 306 = IKöln 411 = Lehner 856 ; CIL XIII, 5290 = RIS 2, 221 ; CIL XIII, 07031 = D 02500 = CSIR D 2-5, 78 ; AE 1938, 120 = AE 1939, 281 = AE 1940, 116 ; CIL XIII, 7238 ; Finke 216 = CSIR D 2-6, 28 ; RSK 420 = IKöln 514 ; CIL XIII, 8120 = Lehner 799 ; CIL XIII, 5312 = RIS 2, 228 ; CIL XIII, 7522 = CSIR D 2-14, 38a ; CIL XIII, 12064 = RSK 426 = IKöln 542 ; CIL XIII, 8684 ; AE 1978, 572 = Schillinger 168 ; CIL XIII, 7089 = CSIR D 2-6, 74 ; CIL XIII, 7104 = CSIR D 2-6, 33 ; CIL XIII, 7067 = CSIR D 2-6, 2 ; CIL XIII, 7106 = CSIR D 2-6, 51 ; CIL XIII, 7119 = CSIR D 2-6, 36 ; Finke 214 = CSIR D 2-6, 77 ; AE 1976, 497 a et b = Schillinger 101 = CSIR D 2-5, 63 + Schillinger 102 = CSIR D 2-6, 27 ; CIL XIII, 6881.
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listiques252. La mention juridique heres faciendum curavit, caractéristique du Ier siècle, a permis la datation d’une inscription253. Quant au recours au datif pour désigner le défunt, il a également été pris en compte comme relevant de la fin du Ier siècle254. Enfin, la présence d’épithètes laudatives fréquentes au courant du IIe siècle et de plus en plus développées à mesure qu’on approche de la fin du IIe pour aborder le IIIe siècle a constitué un dernier facteur d’appréciation255 au même titre que l’abondance verbale256. Ces différents critères ont parfois été étayés par d’autres éléments, particulièrement onomastiques, notamment l’abréviation du gentilice. Compte tenu de ces facteurs, 120 inscriptions ont pu être ainsi datées, qui pour la majeure partie appartiennent au début du Ier siècle et au IIe siècle. 1.2.3. Le formulaire religieux Les variations chronologiques du formulaire religieux ont été étudiées par MarieThérèse Raepsaet-Charlier pour les Trois Gaules et les deux Germanies257. Il résulte de ces travaux que la formule pro salute, les épiclèses Augustus, Sanctus et l’invocation aux Numina Augusti ou Augustorum ne sont pas exploitables. En revanche, la présence et les variations de l’expression In honorem domus divinae constituent un critère de datation pertinent, notamment dans le cadre des Germanies, où elle a été employée avec une grande régularité : elle figure en toutes lettres au début du IIe siècle, est abrégée après le milieu du IIe siècle et peut être coordonnée à deo à partir du IIIe siècle. À Vindonissa, l’expression, quoique incomplète, figure, semble-t-il, en toutes lettres ou très peu abrégée, ce qui nous renvoie au début du IIe siècle258. Une inscription d’Argentorate259 emploie la for252
CIL XIII, 7247 = CSIR D 2-6, 40 (« Mitte 1. Jahrhundert n. Chr.») ; CIL XIII, 7521 = D 7473 = CSIR D 2-14, 35 (« Tiberischer Zeit »); CIL XIII, 7117 = CSIR D 2-6, 56 (« vermutlich tiberisch ») ; CIL XIII, 11889 = CLE 2092 = CSIR-D 2-6, 50 (« iulisch-tiberisch »); CIL XIII, 7070 = CLE 1007 = D 8511 = CSIR D 2-6, 52 (« vermutlich erste Hälfte 1. Jahrhundert n. Chr. »). Concernant l’emploi du datif revu par des éléments stylistiques, voir CIL XIII, 5386 = D 8143. 253 AE 1945, 13= Ness-Lieb 218 = AE 1956, 250 = RSK 298 = IKöln 292. 254 AE 1977, 590 ; CIL XIII, 5816 = I Lingons 505 ; Ness-Lieb 172 = AE 1941, 109 ; CIL XIII, 8379 = RSK 383 = IKöln 480 = Lehner 868 ; CIL XIII, 8407 = RSK 414 = IKöln 516 ; AE 1974, 463 = RSK 311 ; CIL XIII, 8301 = RSK 241 = IKöln 346 ; Espérandieu, 8559 = Nesselhauf 226 = RSK 345 = IKöln 489 ; CIL XIII, 5697 = I Lingons 367 ; CIL XIII, 5226 ; CIL XIII, 7092 ; RSK 358 = Finke 299 = IKöln 522 ; CIL XIII, 5092 = D 01519a = RIS 1, 84 ; CIL XIII, 8821. 255 CIL XIII, 7078 ; CIL XIII, 8371a = RSK 363 = IKöln 461a = CLE 2152 ; CIL XIII, 8328= RSK 167 = IKöln 226 = Lehner 1284. 256 CIL XIII, 8355 = RSK 334 = IKöln 440 = CLE 219 ; CIL XIII, 07112, inscription pour laquelle on note à la fois des formules développées ainsi que la présence du terme générique adulescens associé à l’indication d’un lien de parenté entre le défunt et les dédicants. 257 Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Diis deabusque sacrum. Formulaire votif et datation dans les Trois Gaules et les Deux Germanies. Paris 1993, 95 p. L’ouvrage complète deux publications antérieures de l’auteur : La datation des inscriptions latines dans les provinces occidentales de l’Empire Romain d’après les formules In h(onorem) d(omus) d(ivinae) et deo, deae. In: ANRW II, 3 (1975), 232-282 ; A propos des premiers emplois datés de Deo-Deae dans les Trois Gaules et les Germanies. In: ZPE 61 (1985), 204-208. 258 CIL XIII, 5194 = RIS 2, 148. C’est le cas aussi pour AE 2001, 1500.
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mule de manière abrégée, ce qui nous permet de la situer au milieu du IIe siècle, d’autant que l’on reconnaît à la suite, malgré le caractère lacunaire de la dédicace, l’expression Genio loci, dont on sait qu’elle apparaît au milieu du IIe siècle. Une autre inscription, retrouvée à Mayence260, fait référence à la maison impériale en association avec le terme introductif deo / deae, ce qui constitue une particularité de la Belgique et des Germanies261, l’ensemble permettant la datation dans la première moitié du IIIe siècle. Parmi les autres formules susceptibles de permettre la datation des inscriptions, l’invocation aux Matrones, fréquente dans les Germanies, notamment en Germanie inférieure, est attestée à deux reprises, à Cologne et à Vesontio262, ce qui permet de situer ces deux dédicaces à partir de Domitien et donc au IIe siècle. Quoique très fréquente également dans nos provinces, l’habitude d’accompagner le nom de la divinité du terme deo ou deae est attestée à 5 reprises : une dédicace à la déesse Naria263, dans laquelle le théonyme est précédé de deae, peut ainsi être datée entre le milieu du IIe siècle et le début du IIIe siècle, dans la mesure où cet usage a commencé à se répandre à partir d’Antonin le Pieux. La même analyse vaut pour les dédicaces aux déesses Sequana à Salmaise264, Virtus à Bockelmundt265 et Livilla à Avenches266. On compte en revanche plusieurs inscriptions dans lesquelles figurent seulement le nom du dieu, Jupiter Optimus Maximus ainsi que Mercure à Mayence267, Jupiter Olbius à Heddernheim268, Diane à Alta Ripa269, Fortunae et Mars à Vindonissa270, pour lesquelles l’absence d’un terme introducteur deo / deae ne permet pas de conclure à une datation antérieure au milieu du IIe siècle ni de postuler une date comprise entre la fin du Ier et le milieu du IIe siècle271. On aimerait dès lors disposer d’autres critères pour ces textes, mais aucune autre formule ne permet d’infirmer ou de confirmer l’hypothèse. Dans le cas de la dédicace à Jupiter Optimus Maximus, l’omission du praenomen et du cognomen du centurion Papirius, dans la dédicace que lui consacre son affranchi, ne permet aucunement de conclure en faveur d’une datation très basse de l’inscription, antérieure au milieu du Ier siècle, d’abord parce que le critère onomastique n’est pas suffisamment fiable en lui-même, mais aussi parce 259
CIL XIII, 11602. CIL XIII, 6664 261 Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: op. cit., 18 signale 39 usages en Belgique, 94 en Germanie Supérieure et 11 en Germanie inférieure. 262 CIL XIII, 8225 = RSK 108 = IKöln 158 ; CIL XIII, 5371. 263 CIL XIII, 5161 = D 4707. 264 CIL XIII, 11575 = I Lingons 275. 265 CIL XIII, 8513 = RSK 148 = IKöln 209. 266 AE 1991, 1256. 267 Respectivement CIL XIII, 6703. 268 CIL XIII, 7346 = D 4084. 269 CIL XIII, 11695. 270 Respectivement CIL XIII, 11502 = RIS 2, 166 ; Finke 102. 271 Voir les conclusions de Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: op. cit., 14. 260
1. Datation des inscriptions
63
qu’on peut aussi considérer que cette absence est due à d’autres facteurs comme le caractère secondaire du centurion dans la dédicace272 ou encore l’absence de nécessité au moment de l’érection du monument de préciser l’identité d’un individu dont le grade assurait de fait une reconnaissance. Quoi qu’il en soit, trop d’incertitudes subsistent pour permettre de conclure définitivement. Au total, 9 inscriptions peuvent être datées avec beaucoup de précaution entre la fin du Ier et le milieu du IIe siècle, tandis que 6 autres inscriptions appartiennent à la seconde moitié du IIe siècle et à la première moitié du IIIe siècle. 1.2.4. Les types de monuments La typologie des monuments funéraires a fait l’objet d’un certain nombre d’études, qui ont essentiellement porté sur la période du Ier siècle, dans la mesure où les constats chronologiques étaient facilités par l’existence d’un grand nombre d’inscriptions datées grâce à la présence des légions et aux mouvements de troupes sur le territoire des Germanies. R. Weynand a ainsi classé le matériel rhénan en fonction de ses éléments de décoration (fronton, frise, champ épigraphique, niche, encadrement)273. F. Koepp a pour sa part distingué différents types de reliefs funéraires (type au buste, type à la figure en pied, type au cavalier et type au banquet funéraire)274. Pour les monuments de Mayence, G. Behrens a pris en compte à la fois les espaces iconographiques et l’architecture des monuments275, tandis que H. Gabelmann a classé les monuments funéraires qui disposent d’une représentation du défunt en quatre types en tenant compte des éléments extérieurs à la représentation du défunt : type à l’aedicula, type à l’aedicula sans architrave et avec coquillage, type à l’aedicula avec niche et type à la niche276. Pour les réalisations postérieures au Ier siècle, c’est W. Faust qui a entrepris de mettre au point une typologie des monuments comprenant cinq cas : les stèles non structurées, les stèles dont la partie supérieure seulement est structurée, les stèles encadrées, les stèles dont la face avant reproduit la façade d’un bâtiment et les stèles autels277. Pour les régions plus éloignées du Rhin, il faut tenir compte des études particulières menées autour de différentes cités278. L’inscription retrouvée à Hönehaus est ainsi gravée sur un titulus en forme de maison, ce qui permet de dater le texte en tenant compte notamment des critères de diffusion de ce type de stèles 272 C’est l’hypothèse d’Olivier RICHIER: Centuriones ad Rhenum. Les centurions légionnaires des armées du Rhin. Paris 2004, 213. 273 Rudolf WEYNAND: Form und Dekoration der römischen Grabsteine der Rheinlande im ersten Jahrhhundert. In: BJ 108-109 (1902) 185-238. 274 Friedrich KOEPP: Germania Romana. Ein Bilder-atlas : Die Grabdenkmäler. Bamberg 1924, 8 sq. 275 Gustav BEHRENS: Römische Grabsteine aus Mainz. In: Mainzer Zeitschrift 44 / 45 (19491950). 276 H. GABELMANN: Die Typen der römischen Grabstelen am Rhein. In: BJ 172 (1972) 65. 277 W. FAUST: Die Grabstelen des 2. und 3. Jahrhunderts im Rheingebiet. In: Beihefte der Bonner Jahrbücher 52 (1998). 278 Yann LE BOHEC: Inscriptions de la cité des Lingons. Inscriptions sur pierre. Paris 2003, 2025 présente les types de monuments funéraires retrouvés dans la cité des Lingons.
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Chapitre II : La présence des esclaves et des affranchis
du IIe ou du IIIe siècle279. À Mayence, la dédicace formulée par Donatus peut être datée de la fin du IIe siècle par rapprochement avec d’autres inscriptions cultuelles280. 1.3. Les inscriptions non datées 31 n’ont pu être datées, principalement en raison de leur caractère très mutilé, qui rend difficile la prise en compte des critères traditionnels de datation tels que les formules religieuses ou funéraires. En effet, 18 d’entre elles sont incomplètes et ne laissent souvent apparaître que le nom du défunt ou du dédicant ou encore que l’indication d’un statut, trop peu pour en déduire quoi que ce soit de tangible281. Quant aux 13 autres inscriptions, elles nous sont parvenues dans leur intégralité, mais sans qu’il soit possible d’en tirer des informations suffisamment fiables282. 2. Évolution temporelle de la présence servile sur le territoire des Germanies Peut-on déduire quelques particularités de datation propres au phénomène servile et étudier l’évolution de la présence des esclaves et des affranchis sur le territoire des Germanies ? L’indication du statut juridique peut-elle constituer un critère de datation des inscriptions ? 43 inscriptions ont pu être datées et présentent la particularité de nous fournir un cadre chronologique reserré, sinon précis, en raison de la présence d’une datation consulaire, impériale ou militaire. Ce sont ces inscriptions qui ont d’abord fait l’objet d’un examen préalable en sorte que sont apparus quelques repères précisément chiffrés avant de subir une confrontation avec le reste de la documentation. 2.1. Particularités des critères serviles pour la datation Concernant les affranchis, il ressort de cette enquête que les formules l., lib. et libertus peuvent servir d’indice chronologique dans l’établissement d’une datation, dans la mesure où les résultats obtenus coïncident avec les critères onomastiques, funéraires et religieux communément admis pour la datation des inscriptions des Germanies. 279
Voir Emile LINCKENHELD: Les Stèles funéraires en forme de maison chez les Médiomatriques et en Gaule. Paris 1927, 104-105. 280 CIL XIII, 7215 = CSIR-D 2-4, 77, qui date l’inscription de l’époque de Commode. 281 CIL XIII, 11541= RIS 2, 231 ; CIL XIII, 11498 ; CIL XIII, 5765 = I Lingons 463 ; CIL XIII, 5893 = I Lingons 580 ; CIL XIII, 5855 = ILCV 4827a = I Lingons 549 = CLE 2015 ; CIL XIII, 5757= I Lingons 452 ; CIL XIII, 5577 = I Lingons 166 ; CIL XIII, 5872 = I Lingons 413 ; CIL XIII, 7129 = CLE 1828 ; CIL XIII, 7005 ; CIL XIII, 7311 ; RSK 374 = IKöln 298 ; CIL XIII, 8428 = RSK 433 = IKöln 576 ; CIL XIII, 5553= I Lingons 138 ; RSK 384 = IKöln 553 ; I Lingons 422 ; CIL XIII, 5796 = I Lingons 514 ; CIL XIII, 7071 = AE 2003, 1277. 282 CIL XIII, 5947 ; RSK 318 = Finke 366 = AE 1929, 110 = IKöln 420 = EAOR-5, 63 ; I Lingons 542 ; CIL XIII, 5756 = I Lingons 392 ; CIL XIII, 5696 = I Lingons 366 ; CIL XIII, 5830 = I Lingons 519 ; CIL XIII, 5674 = I Lingons 608 ; CIL XIII, 11540 = RIS 2, 230 ; CIL XIII, 5173 ; CIL XIII, 11802 = AE 1906, 133 ; AE 1920, 49 = AE 1920, 52 ; AE 1977, 544 = NI Bonn 2 ; CIL XIII, 8338 = RSK 307 = IKöln.
2. Évolution temporelle de la présence servile
Formulaire l.
lib.
libertus
65
Province Germanie supérieure Germanie inférieure Germanie supérieure
1ère attestation 1ère moitié du Ier siècle 9-10 ap. JC
Dernière attestation Fin du Ier siècle IIe siècle à Langres Ier siècle
à partir de 17 ap. JC
IIe - IIIe siècle (Langres)
Germanie inférieure Germanie supérieure Germanie inférieure
1ère moitié du Ier siècle Ier siècle (exceptionnel) IIe siècle
(Strasbourg, CIL XIII, 5976)
Fin IIe siècle IIIe siècle IIIe siècle
Concernant les variations autour du terme libertus, il apparaît donc qu’au-delà de quelques particularismes, la tendance globale consiste à utiliser au Ier siècle, particulièrement dans la première moitié, l’abréviation l. L’épitaphe de Marcus Caelius283 à Asciburgium fournit pour la Germanie inférieure la date de 10 de notre ère comme terminus a quo. Les attestations de l. disparaissent à la fin du Ier siècle, sauf à Langres, où l’abréviation est encore attestée au IIe siècle284, alors qu’on la trouve rarement dans les textes du Ier siècle. L’abréviation lib. est caractéristique de la fin du Ier siècle et surtout courante, pour ne pas dire exclusivement utilisée, pendant tout le IIe siècle. On remarquera néanmoins qu’en Germanie supérieure aussi bien qu’inférieure, l’expression se trouve dans les inscriptions laissées par les soldats dès la première moitié du Ier siècle285. Le terminus ad quem pour l’emploi de lib. se situe entre la fin du IIe et le début du IIIe siècle, la dernière mention ayant été relevée à Langres286. Concernant libertus, le terme est majoritairement employé au IIe et au IIIe siècles. Lorsqu’il apparaît plus tôt, ce qui est très rare, son emploi est dû aux conditions particulières d’énonciation, comme à Mayence où il n’est pas associé à un nom précis, mais renvoie à un groupe d’individus non identifiés et non individualisés287.
283
CIL XIII, 8648 = CSIR D 3-1, 1. Voir par exemple AE 1969-1970, 426 = I Lingons 437 et I Lingons 503. 285 Par exemple à Mayence (CIL XIII, 6853 = ER Beturi 53a = CSIR D 2-5, 72), Strasbourg (CIL XIII, 5976) et Asciburgium (CIL XIII, 8593 = D 2567 = CSIR D 3-1, 47 = Lehner 668). 286 CIL XIII, 5693 = I Lingons 362. Yann le Bohec propose pour cette inscription de lire li(berti) ; mais la photographie de l’inscription nous incite à lire plutôt lib(erti). 287 CIL XIII, 6890 : Libert tres ex t(estamento) f(aciendum) c(uraverunt). 284
66
Chapitre II : La présence des esclaves et des affranchis
Il arrive que dans une même inscription coexistent deux abréviations différentes. Ainsi à Novaesium, l. et lib. cohabitent sur une inscription de la première moitié du Ier siècle due à un décurion libéré de l’ala Frontoniana, ce qui semble corroborer le fait qu’au sein de l’armée, l’abréviation lib. ait été plus tôt utilisée et ait ainsi pu coexister avec l. À Bonn, en revanche, vers la fin du premier siècle, lib est accompagné de l’abréviation libert., dont nous avons recensé trop peu d’attestations pour pouvoir lui conférer une valeur chronologique : Pudens / Volumni / (centurionis) libert(us) / h(ic) s(itus) e(st) / et Auctus // lib(ertus)288. À la même époque, on trouve également à Mayence dans une même dédicace : L(ucius) Caliidius / L(uci) lib(ertus) Prim/igenius / domo Pisauro ann(orum) L / h(ic) s(itus) est Zetus / Suavis liberti / po(nendum) c(uraverunt)289 ou encore lib. et conlibert. : ] lib(ertus) an(norum) XXV / h(ic) s(itus) e(st) / Phoenix conlibert(us) / ob pietatem de suo / pos(u)it290. Faut-il en déduire qu’à cette époque la distinction entre ces différents modes d’expression n’est pas de rigueur ? Le fait qu’il s’agit de cas isolés – la règle dans les inscriptions de notre corpus, lorsque plusieurs individus sont mentionnés, consiste à employer la même abréviation – incite à rechercher d’autres facteurs d’interprétation. Lorsque de telles inscriptions se présentent, on évitera donc de recourir à la désignation du statut comme à un indice de datation. S’agissant des esclaves et de l’emploi des termes servus, verna ou vernaculus plus ou moins abrégés, la documentation dont nous disposons pour les deux Germanies est beaucoup plus restreinte que pour les affranchis. Les découvertes archéologiques aussi bien, peut-être, que les pratiques serviles sur ces territoires, ne permettent pas de disposer d’un nombre élevé d’inscriptions relatives aux esclaves ; par ailleurs, tous ne signalent pas leur statut par l’emploi d’un terme juridique. Nombre de dédicaces retenues dans le corpus proviennent d’esclaves dont la condition est indiquée par le recours à l’analyse onomastique. De fait, il n’a pas été permis d’établir de facteurs chronologiques assurés concernant l’emploi des termes servus, verna ou vernaculus. On peut cependant faire quelques constats, qui ne sont pas des règles absolues, dans le cas de villes qui ont livré un corpus suffisamment large. Les inscriptions de Langres où figurent les termes servus / servs / servos sans abréviation sont généralement situées aux alentours du deuxième siècle291. Dans le cas des affranchis, les abréviations avaient tendance à se raréfier à la fin du IIe et au début du IIIe, on observe néanmoins ici la formule s(e)r. au IIIe siècle292. Les conclusions définitives en la matière semblent difficiles, dans la mesure où nous trouvons servus à Alta Ripa attesté en 250 de notre ère d’après la datation consulaire293, mais aussi au premier siècle à 288
CIL XIII, 8088= CSIR D 3-2, 6 = Lehner 788. Finke 214 = CSIR D 2-6, 77. 290 AE 1976, 497b = Schillinger 101 = CSIR D 2-5, 63 + Schillinger 102 = CSIR D 2-6, 27. 291 À Mayence, servos est attesté aussi à Mayence (CIL XIII, 11836 = CSIR D 2-6, 71). 292 CIL XIII, 5694 = I Lingons 364. 293 AE 1933, 113 = Nesselhauf 75 = CSIR D 2-10, 69. 289
2. Évolution temporelle de la présence servile
67
Mayence294 ; l’abréviation serv. dans la première moitié du Ier siècle à Antunnacum295, au milieu du Ier siècle à Mayence296 et au deuxième siècle à Cologne, ser. à l’époque des Julii à Noviomagus Nemetum297, au premier siècle à Bonn et à Mayence, au IIe siècle à Castellum Mattiacorum298 au début de la deuxième moitié du IIe siècle299 aussi bien qu’à la fin du IIe à Mayence300, et s. à la fin du premier siècle à Avenches301. Au total, l’expression du statut juridique peut constituer un indice temporel relativement assuré dans le cas des affranchis et de l’emploi de libertus, ce qui n’est pas le cas de la mention du statut juridique des esclaves, pour laquelle l’examen n’a pas été concluant. Quoi qu’il en soit, la datation des inscriptions nous permet d’entrevoir l’évolution de la présence de ces populations sur le territoire des Germanies. 2.2. Évolution de la présence des esclaves et des affranchis Le corpus des esclaves et des affranchis de Germanie pour lesquels une datation peut être avancée compte 81 inscriptions issues du Ier siècle, 21 appartiennent au Ier ou au IIe siècle, 63 au IIe siècle, 13 relèvent de la fin du IIe siècle et du début du IIIe, 13 appartiennent en propre au IIIe siècle. Dans les deux Germanies, une même tendance doit donc être relevée qui correspond, dans la documentation dont nous disposons, à un affaiblissement de la population servile dès la fin du IIe siècle. Dans la province la plus méridionale, la population des affranchis et des esclaves se maintient entre le Ier et le IIe siècle, avec notamment un nombre important d’inscriptions susceptibles d’être datées à cette époque et un chiffre stable au IIe siècle. Tel n’est pas le cas en Germanie inférieure, où dès le IIe siècle, les attestations de la population servile chutent de près de la moitié. Le maintien relatif d’une population servile en Germanie supérieure peut trouver un élément d’explication dans le développement urbain qu’a connu la province en particulier avec Trajan et Marc-Aurèle. De nombreuses cités obtiennent le droit latin302 et sont dotées d’infrastructures urbaines, qui contribuent à leur développement et à leur romanisation. Le deuxième constat est celui de la part très importante des inscriptions du Ier siècle. Le quart de ces dédicaces est issu du contexte militaire, à savoir qu’il s’agit d’inscriptions laissées dans le sillage de l’armée romaine par des esclaves et des affranchis de soldats, voire de centurions. Sur les 24 inscriptions, funéraires ou 294
CIL XIII, 6888= CSIR D 2-6, 53. CIL XIII, 7684 = Lehner 665. 296 CIL XIII, 6954. 297 CIL XIII, 6109. 298 CIL XIII, 7310. 299 CIL XIII, 6808 = CLE 1590 = CSIR D 2-6, 87. 300 CIL XIII, 7215 = CSIR D 2-4, 77. 301 CIL XIII, 5138 = IAvenches 3 = RIS 1, 97. 302 Voir André CHASTAGNOL: La Gaule romaine et le droit latin, Recherches sur l’histoire administratives et sur la romanisation des habitants. Scripta varia 3. Lyon 1995, 346 p. 295
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Chapitre II : La présence des esclaves et des affranchis
votives, appartenant au contexte militaire, 16 d’entre elles sont datables de la première moitié du Ier siècle, tandis que, pour la même période, 34 inscriptions funéraires sont le fait de civils. Ce rapport décroît nettement à la fin du Ier siècle, où l’on ne compte plus que 4 inscriptions dans un contexte militaire pour 19 inscriptions funéraires civiles. On en conclut que la présence des soldats, majoritairement des légionnaires – car on compte très peu de documents épigraphiques provenant des unités d’auxiliaires indigènes303 – contribue à instaurer et à répandre des habitudes épigraphiques, au moins dans le domaine funéraire, pratique qui est indéniablement un facteur de romanisation des territoires des Germanies. Cet aspect est d’autant plus sensible que sur les 58 inscriptions funéraires civiles attestées au Ier siècle, près de 60 % sont localisées à Mayence, à CoCologne et dans une moindre mesure à Bonn, trois villes qui se caractérisent par une présence militaire précoce et continue, dont on sait le rôle moteur qu’elle a joué dans le développement, mais qui a également contribué à ancrer ces pratiques épigraphiques parmi la population, apportant sa pierre à l’édifice de romanisation de ces territoires. Cette première phase, placée sous le signe de la conquête, se poursuit incontestablement avec les vétérans qui, installés durablement, apparaissent comme un relais entre la phase active de stationnement militaire et celle du développement économique et administratif de ces régions304. Six inscriptions associent des esclaves ou des affranchis à des vétérans. Elles sont situées à Cologne, Lessenich et Mayence, concernent en grande majorité305 des vétérans de légions ayant stationné dans les Germanies et sont datées entre la première moitié du Ier siècle et la fin du IIe siècle avec une répartition équilibrée des inscriptions entre ces bornes. Dans la mesure où ces témoignages ont été retrouvés sur des sites de stationnement des légions romaines, s’instaure une continuité entre l’occupation militaire et l’occupation du sol par des colons, qui contribue autant à l’enracinement de la pratique de l’esclavage dans la région qu’à la diffusion de la pratique socio-culturelle que constitue le recours à l’inscription monumentale. Celle-ci connaît son apogée du milieu du Ier siècle à la fin du IIe siècle. Si les épitaphes sont représentées de manière continue au cours de cette période, malgré la quasi-disparition de l’apport dû au contexte militaire, la situation est encore plus tranchée dans le cas des inscriptions votives et religieuses, puisque la proportion entre le Ier siècle et le IIe et le début du IIIe varie du simple au double. Ce faisant, on peut mener l’hypothèse que, passé la période de conquête, s’instaure un temps 303
Finke 216 = CSIR D 2-6, 28 : l’ala Sebosiana ; CIL XIII, 70131 = D 2500 = CSIR D 2-5, 78 : l’ala Rusonis ; CIL XIII, 8558 : l’ala Frontoniana ; CIL XIII, 8593 = CSIR D 3-1, 47 : la cohorte Silaucensium. On étudiera plus loin les particularités onomastiques des individus mentionnés dans ces inscriptions. 304 CIL XIII, 8293 = RSK 231 = IKöln 332 = Lehner 632 ; CIL XIII, 8301 = RSK 241 = IKöln 346 ; CIL XIII, 7055 = CSIR D 2-6, 68 ; CIL XIII, 5239 = RIS 2, 189 ; CIL XIII, 8002 = Lehner 616 ; RSK 216 = IKöln 311 = Schillinger 172 = AE 1979, 412 ; CIL XIII, 6881. 305 CIL XIII, 6881 fait exception en présentant un soldat de la Légion VII, qui n’est pas attestée en Germanie.
2. Évolution temporelle de la présence servile
69
propice aux dévotions cultuelles et personnelles, caractéristiques de la construction et du développement socio-culturels d’un territoire, dont les inscriptions de la population servile témoignent. Le IIIe siècle marque le déclin des ces pratiques épigraphiques tant dans le domaine funéraire que votif ou religieux. Si l’on confronte ces données aux séquences chronologiques qui jalonnent l’évolution historique des Germanies306, on peut donc proposer la répartition suivante :
306
Plusieurs chronologies ont été proposées concernant l’histoire des Germanies. Citons parmi elles celle de Charles-Marie TERNES: Die Provincia Germania Superior im Spannungsfeld. In: ANRW II, 5, 2 (1976) 747, qui distingue deux périodes : la période A s’étend de César à Vespasien et se construit en trois temps (de César jusqu’à 9 avant JC, jusqu’à 17 après JC puis jusqu’à Vespasien) ; la période B court de Vespasien au IIIe siècle et coïncide à la période au cours de laquelle le limes évolue et se transforme. Wolfgang SPICKERMANN: Religionsgeschichte des römischen Germanien, Germania Superior. Tübingen 2003 fait pour sa part appel à l’épigraphie, l’histoire religieuse de la province pour distinguer quatre phases : conquête, consolidation (70150), romanisation intensive (150-230/260) dissolution et transformation (260-550).
70
Chapitre II : La présence des esclaves et des affranchis
Phase I A
Phase I B
De la fondation d’Augusta Raurica307 à la création de la Colonia Claudia Agrippina308
De 50 à 100 après JC
Phase II
IIe siècle
Phase III
Fin du IIe sièclePremière moitié du IIIe siècle
307
Conquête de l’ensemble des cités de la rive gauche du Rhin, à quoi s’ajoute une première implantation des sites militaires ainsi que le développement et la consolidation des réseaux routiers Développement des conquêtes et mise en place des provinces de Germanie inférieure et supérieure avec pour capitales Cologne et Mayence en 84-85 ainsi qu’une mutation du limes rhénan qui se déplace sur la rive droite du fleuve Phase de développement urbain notamment dans les zones récemment acquises à la romanisation, à quoi s’ajoutent la conquête et la gestion administrative de la rive droite du Rhin auxquelles doivent être associées les constructions militaires liées au nouveau limes309 Années de grands développements urbains et d’ascension sociale des élites, qui correspondant aussi à la montée des tensions et à des poussées barbares sur la frontière rhéno-danubienne de l’Empire à partir de 167
Proportion importante d’inscriptions issues du contexte militaire civiles situées à Mayence, Cologne et Bonn Quasi disparition des inscriptions à contexte militaire.
Inscriptions civiles qui se diffusent sur le territoire.
Fréquence des épitaphes ; développement des inscriptions votives
Maintien relatif des inscriptions votives et religieuses.
Sous César. Voir Reguka FREI-STOLBA: Cités, municipes, colonies…, réf. cit., 32-53. En 50 après JC. Nous retenons la date de la fondation de la colonie. Son chef-lieu, oppidum Vbiorum, existait quant à lui depuis Auguste, autour de l’Autel du Culte de Rome et d’Auguste. 309 Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Les Gaules et les Germanies. In: Claude LEPELLEY (dir.): Rome et l’intégration de l’Empire (44 av. JC-260 ap. JC). Tome 2 : Approches régionales du Haut-Empire. Paris 1998, 159-167. 308
2. Évolution temporelle de la présence servile
71
La concentration chronologique des inscriptions s’explique au regard des événements propres au monde germanique mais aussi relatifs à l’environnement immédiat des Germanies en l’occurrence les Gaules et leur degré de romanisation parce qu’elles conditionnent les enjeux de communication économico-politique entre Rome et les Germanies. À une échelle plus large, il faut considérer que les inscriptions recensées pour le Ier siècle s’articulent autour des axes de communication310 : le peuplement des esclaves et des affranchis semble en ce sens avoir correspondu à la progression romaine le long des grandes voies de communication ainsi qu’à l’épanouissement économique et administratif des cités placées sur leur tracé. Bingium, Noviomagus Nemetum, Asciburgium, Fectio possèdent ainsi des témoignages épigraphiques datés du Ier siècle. Sauf à mettre ces constats sur le compte du hasard des trouvailles épigraphiques, force est de constater que le tournant du siècle voit l’apparition ou le développement de quelques nouvelles zones de peuplement servile : Salodurum ou Lopodunum acquièrent par exemple, grâce à l’ouverture de cet espace de communication, une envergure nouvelle. La politique d’aménagement urbain, qui caractérise au IIe siècle des zones récemment acquises à Rome ou délaissées par un premier mouvement d’aménagement semble avoir pour corollaire sinon une apparition, du moins une mise en lumière des esclaves ou des affranchis, comme à Aquae. Le fait semble davantage manifeste en Germanie supérieure, tandis que, dans la province septentrionale, la population d’origine servile semble n’avoir trouvé de lieu de survie favorable qu’à proximité du Rhin.
310
Cf. infra Chapitre III.
CHAPITRE III : LE PEUPLEMENT DES ESCLAVES ET DES AFFRANCHIS DANS LES DEUX GERMANIES Dès les dernières décennies du Ier siècle avant notre ère, les Romains avaient conclu une politique d’accords avec plusieurs tribus germaniques, les Batavi, les Canninefates et les Ubii au nord, les Vangiones, les Nemetes et les Triboci au sud. On parlera néanmoins de Germanie romaine à partir du mandat de Drusus, de 12 à 9, qui entraîne l’établissement de nombreux camps légionnaires sur le Rhin311. Dès lors, les territoires rhénans et leurs abords plus ou moins larges vont connaître un tissu de peuplement complexe et hétérogène appelé notamment à évoluer au gré de la politique impériale, du déplacement des légions et de l’évolution des camps en agglomérations, ainsi que de l’expansion et de la promotion des cités, qui se romanisent progressivement sous la forme de colonies, de cités de droit latin ou de municipes. Districts, et bientôt provinces de Germanie supérieure et inférieure, entraînés dans un essor et un dynamisme économique indéniable312, ces zones appellent nécessairement la présence de ces participants indispensables à la vie économique et sociale que sont les esclaves et les affranchis. Comment se répartissent-ils sur ces contrées inégales et appelées à une évolution permanente, d’autant qu’après la mort de Néron, elles seront appelées à jouer un rôle politique qui déterminera l’avenir de plusieurs cités ? Quelles explications avancer à leur
311
Certaines fondations romaines à vocation militaire, comme Novaesium (Neuss) sont datées de 15-16 avant Jésus-Christ. 312 Sur l’histoire de ces territoires ainsi que sur leur organisation administrative depuis le mandat de Drusus, voir supra introduction. On se reportera notamment à Marie-Thérèse RAEPSAETCHARLIER: Les Gaules et les Germanies. In: Claude LEPELLEY (dir.): Rome et l’intégration de l’Empire, II, Paris 1998, 160-167, qui montre comment l’abandon des projets de conquête germanique consécutif à la défaite de Varus met un terme à l’existence de la province de Germanie effective depuis Drusus et conduit à la distinction de deux districts de Germanie supérieure et inférieure pourvus chacun d’un légat distinct installé qui à Mayence, qui à l’Ara Ubiorum. Une vision opposée à celle de Yann Le Bohec, 2009, 181, mais soutenue par Werner ECK: La romanisation de la Germanie. Paris 2007, 10. On lira aussi du même auteur sur l’existence de la province de Germanie sous Auguste, Augustus und die Großprovinz Germanien. In: KJ 37 (2004) 11 sq. Sur l’histoire et la vie quotidienne en Germanie supérieure, on pourra aussi se reférer à Imperium Romanum, 1. Roms Provinzen an Neckar, Rhein und Donau ; 2, Römer, Christen, Alamannen – Die Spätantike am Oberrhein, respectivement Stuttgart 2005, 496 p. et Stuttgart 2005, 320 p.
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Chapitre III : Le peuplement des esclaves et des affranchis
répartition géographique et temporelle en fonction de l’activité de ces provinces au cours des trois premiers siècles de notre ère ? Le matériel épigraphique ne permet pas toujours de proposer une réponse satisfaisante à ces questions ; il offre cependant une trace précieuse des esclaves et des affranchis dans les Germanies en livrant des témoignages qu’il importe de recouper pour approcher les réalités de leur existence. Répartition spatiale des esclaves et des affranchis dans les Germanies À examiner strictement la répartition géographique des inscriptions recensées, force devrait être de conclure à l’existence simultanée de fortes concentrations d’esclaves et/ou d’affranchis et de zones d’absence manifeste. Les statistiques sont ici trompeuses qui incitent par exemple à n’observer que trois affranchis dans la Colonia Iulia Equestris, qui est pourtant l’une des plus anciennes colonies romaines fondées sur le territoire des Germanies. Après une occupation militaire que l’on a attestée en 50-49, César y installe dès 45-44 des vétérans sur un territoire prélevé aux Helvètes, notamment afin d’assurer la protection de la Gaule Narbonnaise313. Par son ancienneté314 autant que par ses relations privilégiées avec la Narbonnaise alors fortement intégrée au modèle romain, Nyon dispose indéniablement d’un cadre propice à l’adoption des valeurs et des principes de l’Empire. L’existence attestée de trois affranchis seulement nous renvoie sans conteste à la rareté du matériel épigraphique, d’autant que, comme le souligne Regula Frei-Stolba, le dossier épigraphique de Nyon est compliqué par le réemploi d’un grand nombre de pierres lors de la construction des murailles de Genève ou des maisons du patriciat de la ville315. La plupart des autres cités pourraient illustrer cette situation : à Sumelocenna, qui passe pour une des villes les plus florissantes et les mieux équipées de l’empire, sous Domitien notamment, on ne compte qu’un esclave, un chiffre qui paraît sans le moindre rapport avec le statut dont jouissait la ville. On pourrait multiplier les exemples, car, de fait, seules les cités de Langres, de Cologne et de Mayence nous ont laissé des témoignages épigraphiques d’une présence servile en nombre suffisant pour nous permettre d’imaginer leur statut et le rôle qu’elles étaient appelées à jouer dans les provinces316. La cité des Lingons constitue un carrefour routier, où siègent en par313
Voir Regula FREI-STOLBA: Recherches sur les institutions de Nyon, Augst et Avenches. In: Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (éd.): Cités, colonies, municipes. Les processus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le Haut-Empire romain, Paris, 1999, 50. 314 Avec Lugdunum et Augst, Nyon est d’ailleurs la seule colonie des Gaules à être citée comme telle par Pline l’Ancien, dont la source remonte à l’ « inventaire du monde » réalisé sous Auguste et Agrippa. Il n’en reste pas moins que cette reconnaissance manifeste dès lors l’intégration supposée de la cité à l’Empire. 315 Regula FREI-STOLBA: op. cit., 52-53. 316 On relève respectivement 43, 54 et 65 esclaves et affranchis dans ces trois agglomérations. À titre de comparaison, on notera que selon Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier, sur un dossier épi-
1. Répartition spatiale des esclaves et des affranchis
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ticulier les collecteurs de la quadragesima et elle devait être un centre administratif important ; toutes les tables renseignent Mogontiacum en tant que caput viae et l’agglomération devient capitale de la Germanie supérieure sous Domitien. Quant au site de Cologne, il est occupé dès Drusus, qui y fonde l’Ara Ubiorum, afin d’implanter sur le territoire de la Germania Magna un autel du culte impérial semblable à celui fondé à Lyon au confluent de la Saône et du Rhône pour les Trois Gaules317. Dans ces conditions, les données chiffrées dont nous disposons permettent surtout de parler de la densité de l’occupation servile dans les Germanies, plus que d’une présence absolue318. La répartition de nos inscriptions sur le territoire des Germanies n’est pas homogène en partie en raison d’une différence d’extension et de production épigraphique des régions et parce que nous sommes aussi tributaires du hasard des découvertes archéologiques. Que quantifier dès lors sinon des absences ? Hormis les trois pôles majeurs de Langres, Cologne et Mayence, quelques agglomérations ont chacune livré des inscriptions comprises entre 3 et 9 esclaves ou affranchis ; pour le reste, nous sommes en présence d’inscriptions en apparence isolées319.
graphique d’environ 600 inscriptions, on n’a pu attester à Cologne qu’une quinzaine de magistrats, signe d’une absence quasi-systématique d’inscriptions honorifiques. On verra plus loin (infra II), dans quel contexte épigraphique les 55 esclaves et affranchis de Cologne se manifestent. 317 A propos de l’Ara Vbiorum fondé par Drusus, on consultera notamment Henner VON HESBERG: Bauteile der frühen Kaiserzeit in Köln. Das Oppidum zur Zeit des Augustus. In: Anita RIECHE – Hans-Joaquim SCHALLES – Michael ZELLE (dir.): Grabung – Forschung – Präsentation. Festschrift Gundolf Precht. Mainz 2002, 13-36. Ou encore Heinz Hermann STEENKEN: Funktion, Bedeutung und Verortung der ara Ubiorum im römischen Köln - ein status quaestionis. In: Wolfgang SPICKERMANN in Verbindung mit Kresimir MATIJEVIC und Heinz Hermann STEENKEN (éd.): Rom, Germanien und das Reich. Festschrift zu Ehren von Rainer Wiegels anlässlich seines 65. Geburtstages. Rahden 2005, 104-149. 318 En additionnant l’ensemble des chiffres, on ne trouve plus que le nombre de 228 inscriptions qui composent le corpus des esclaves et des affranchis, dans la mesure où certaines inscriptions figurent plusieurs fois dans le tableau, lorsqu’elles mentionnent à la fois un esclave et un affranchi par exemple. 319 Les agglomérations où ne sont recensés qu’un seul individu sont nombreuses. Pour les affranchis, il s’agit de Aquae, Alta Ripa, Asberg, Augst, Balesmes, Bâle, Bern (Müri), Besançon, Corre, Goors-Opleeuw, Hagenbach, Hönehaus, Lessenich, Lopodunum, Lausanne, Obernburg am Main, Rheinheim, Saint-Blaise, Saint-Geosmes, Sumelocenna, Traiectum (Utrecht) et Turicum ; pour les esclaves, de Aignay-le-Duc, Alta Ripa, Antunnacum, Augst, Heddernheim, Longvic, Novaesium, Noviomagus Nemetum, Obernburg am Main, Rheinheim, Riegel, Salmaise et Tabernae (Rheinzabern).
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Chapitre III : Le peuplement des esclaves et des affranchis
1. Répartition spatiale des esclaves et des affranchis
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Chapitre III : Le peuplement des esclaves et des affranchis
2. La population servile au prisme de l’organisation spatiale
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Face à ces données, il importe dès lors d’établir un lien entre la densité géographique de nos inscriptions et l’organisation spatiale et civique des Germanies ainsi qu’avec le dynamisme économique et le statut juridique des cités. 3. La population d’origine servile au prisme de l’organisation spatiale : un phénomène urbain Ces relevés invitent à considérer l’existence de foyers de forte densité servile, où sont attestés en nombre et simultanément esclaves et affranchis : il s’agit de Aventicum, Vindonissa, Langres, Mayence, Castellum Mattiacorum, Bonn et la Colonia Claudia Ara Agrippinensis. Avant d’envisager les facteurs qui pourraient intervenir pour expliquer cette densité, en particulier au regard des sphères d’activité propres à ces agglomérations, il faut d’abord souligner la diversité des statuts de ces centres favorisant la présence de cette population. La répartition des villes en fonction de leur statut juridique nous permet de définir le signe le plus tangible du processus de romanisation, qui se trouve matérialisé à travers les centres administratifs et les villes les plus importantes320. La dispersion apparente des inscriptions s’efface dès lors qu’on examine leur répartition à l’échelle des cités et de leur statut, comme dans le tableau concernant la Germanie supérieure qui suit :
320
Monique CLAVEL et Pierre LEVEQUE (Villes et structures urbaines dans l’occident romain. Paris 1971) analysent la naissance, le développement, la fonction et tous les phénomènes liés à l’urbanisation dans le cadre large des provinces occidentales de l’Empire. Les aspects juridiques de la cité (fondation, institutions, déduction de colonies, droits des cités et des citoyens) sont étudiés et définis entre autres par Friedrich VITTIGNGHOFF: Römische Kolonisation und Bürgerrechtspolitik unter Caesar und Augustus. Mainz 1951 et par Hartmut GALSTERER: Zu den römischen Bürgemunicipien in den Provinzen. In: Epigraphischen Studien 9 (1972) 37-43.
Chefs-lieux Nyon
Augst
Avenches
Langres
Besançon
Brocomagus
Noviomagus
Mayence Aquae Sumelocenna Lopodunum Nida
Aquae Mattiacorum
Cités Colonia Equestris
Colonia Augusta Raurica
Cité des Helvètes
Cités des Lingons
Cités des Séquanes
Cité des Triboques
Cité des Némètes
Cité des Vangions Territoire des Aresaces Cité des Aquenses Cité des Sumelocenses Cité des Suebi Nicrenses Cité des Taunenses
Cité des Mattiaques
1 1
43
1
28
9
1
Aff. 3
2 1
22 1
1
3
15
5
1
Escl.
Castellum Mattiacorum Antunnacum
Territoire Langenbruck Vindonissa Bâle Munzach Lausanne Salodurum Turicum Saint-Blaise Munzach Aignay-le-Duc Balesmes sur Marne Dijon Longvic Saint-Geosmes Salmaise Corre Argentorate Tabernae Alta Ripa Hagenbach Rheinzabern Bingium
3
6
1 5 3 1 1
1
1 5
Aff. 1 5 1 2 1 4 1 1 2
3 1
1
1
1
3 1
1
1
Escl.
80 Chapitre III : Le peuplement des esclaves et des affranchis
2. La population servile au prisme de l’organisation spatiale
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Un grand nombre de cités et de territoires accueillent visiblement des esclaves et des affranchis sur le sol, mais se signalent d’emblée des pôles évidents qui coïncident d’abord manifestement avec l’histoire de la conquête de ces régions321. On constate que l’ensemble des cités de la rive gauche du Rhin, conquises à date haute, dès César pour la colonia Equestris, de même que les cités à population gauloise (cités des Lingons, des Séquanes et des Helvètes, dites « cités galloromaines ») fournissent la majeure partie des attestations d’esclaves et d’affranchis, surtout si l’on considère dans cet ensemble la ciuitas qui aurait Mayence pour chef-lieu, dont on suppose qu’elle a été implantée dans le territoire anciennement trévire, au moment de la constitution de la ciuitas des Trévires en Gaule Belgique. Ces régions présentent à elles seules 92, 7 % de la population servile ou affranchie présente en Germanie supérieure. Le reste est attesté dans les régions de la rive droite du Rhin, que les Romains atteignent plus tardivement à la fin du Ier siècle et qui sera réellement administrée à partir des Antonins. Une seule exception à la faiblesse des attestations des esclaves et des affranchis dans ces régions, celle constituée par Castellum Mattiacorum, où sont recensés 6 individus, autant que dans le reste des cités de la rive droite réunies. Leur présence en nombre dans ce vicus s’explique sans difficulté par son ancienneté : il remonte à la présence de Drusus sur le territoire germain, ainsi que par une situation exceptionnelle au regard du chef-lieu de la ciuitas, puisqu’il était l’ancienne tête de pont de la légion de Mayence et qu’il abritait un quartier ancien, dont on peut supposer qu’il était habité par des vétérans322. L’exception constituée par Castellum Mattiacorum met également en lumière une particularité des cités de la rive droite : les inscriptions des esclaves et des affranchis sont situées exclusivement dans les chefs-lieux et non sur le territoire et elles apparaissent de la fin du Ier à la fin du IIe siècle, signe de la romanisation tardive de ces régions. De tous les chefs-lieux, Lopodunum est celui qui présente dans ce cadre chronologique le plus d’inscriptions et l’on sait que c’est à cette époque que la ville se développe et intègre un forum monumental comprenant une basilique et sans doute un arc de triomphe ainsi qu’un théâtre. Par opposition, la plupart des cités anciennement romanisées présentent des inscriptions d’esclaves et d’affranchis sur leur territoire, en raison sans doute de la présence des camps militaires ou du développement des canabae comme à Strasbourg, Vindonissa 321
L’analyse qui suit prend appui sur la répartition des cités de Germanie supérieure avancée par Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER dans Les dévots dans les lieux de culte de Germanie supérieure et la géographie sacrée de la province. In: Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (éd.): Sanctuaires, Pratiques culturelles et territoires civiques dans l’occident romain. Bruxelles 2006, 347-349. Voir aussi la répartition territoriale proposée par Wolfgang SPICKERMANN: Religionsgeschichte des römischen Germanien, Germania Superior. Tübingen 2003, 33. 322 Pour la situation exceptionnelle de Castellum Mattiacorum dans la cité des Mattiaques autant que pour son intégration réelle en tant que vicus de cette cité, on lira la mise au point de Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Institutions municipales des Germanies. In: Cités, municipes, colonies…, 299-300.
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Chapitre III : Le peuplement des esclaves et des affranchis
voire Zürich323. Mais il ne s’agit pas du seul facteur, puisque la cité des Helvètes et celle des Lingons, moins militarisées, font état de dédicaces multiples sur leur territoire. Le statut juridique de ces cités joue-t-il un rôle dans la présence massive sur leur territoire des inscriptions d’esclaves ou d’affranchis ? Les colonies romaines que sont la Colonia Iulia Equestris et la Colonia Augusta Raurica ne paraissent pas avoir généré des inscriptions en plus grand nombre que les colonies latines ou de statut incertain, que l’on trouve à Langres, Besançon, Avenches, ou que la cité des Vangions, municipe sans doute sous Hadrien. Il semble qu’il faille chercher ailleurs que dans le statut juridique pur des cités qui les accueillent les raisons de la présence massive de la population servile dans ces régions. En revanche, l’urbanisation et la monumentalisation de certaines cités sur le modèle romain, éventuellement associée à l’implantation militaire, apparaissent comme des facteurs déterminants à la densité des esclaves et des affranchis au-delà du statut juridique des cités. À Avenches par exemple, l’urbanisation et la romanisation sont très avancées et le bâti monumental très développé, en particulier au IIe siècle, avec une enceinte, un forum, un théâtre, des thermes et des aqueducs. S’y manifeste en outre une tendance unanime, qui signale la visibilité plus grande des affranchis par rapport aux esclaves. Le rapport peut être relativement équilibré comme à Vindonissa voire Aventicum. En revanche, à Langres, Mayence et Cologne, les affranchis sont deux à trois fois plus présents dans les inscriptions que les esclaves. Ce décalage s’explique-t-il par un accès moindre aux pratiques épigraphiques de la population d’esclaves de ces villes ? On remarquera qu’un nombre non négligeable d’inscriptions mentionnant les esclaves de ces villes sont le fait d’individus qui appartiennent à la maison impériale, en d’autres termes, sans doute d’esclaves appartenant à un milieu relativement élevé voire instruit. À l’inverse, les secteurs situés hors des centres urbains, même si on y relève des traces de population servile, comptent souvent une voire deux attestations, qui ne permettent pas d’établir une hiérarchie en termes de présence d’esclaves ou d’affranchis sur ces territoires. Certes, ces régions n’ont pas connu les campagnes de fouilles qui se sont intéressées aux grands centres urbains. La présence de ces individus montre cependant qu’il faut compter avec un peuplement sans doute plus important que ce que les inscriptions révèlent, probablement lié à l’activité rurale ou artisanale, comme en témoigne la découverte d’une inscription funéraire concernant un affranchi sur le site de l’actuel Saint-Blaise, où se trouvaient des villae romaines. Qu’en est-il en Germanie inférieure, où les données sont les suivantes ?
323 Voir François BERARD: Territorium legionis : camps militaires et agglomérations civiles au premier siècle de l’empire. In: CCG 3 (1992) 75-105 ; Id.: Vikani, Kanabenses et consistentes, Remarques sur l’organisation des agglomérations militaires romaines. In: Alda CALBI et al. (éd.): L’epigrafia del villagio. Bologna 1993, 61-91.
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2. La population d’origine servile au prisme de l’organisation spatiale Cités Chefs-lieux Aff. Colonia Claudia Ara Cologne 41 Agrippinensium
Colonia Vlpia Traiana Municipium Tungrorum Cité des Canninéfates
Xanten Atuatuca Tungrorum Forum Hadriani
3
Escl. 13
Territoire Bonn Lessenich Novaesium Vochem Asciburgium
Aff. 8 1 2
Goors-Opleeuw
1
Traiectum / Utrecht
1
1
Escl. 6
2 1
Le pôle majeur de Germanie inférieure se situe sans conteste à Cologne et sur le territoire de la colonie, qui fournissent la quasi-totalité de nos inscriptions (86, 2 %), le reste des attestations retrouvées se répartissant entre la Colonia Vlpia Traiana et la cité des Tongres. La supériorité représentative de Cologne trouve une explication certaine dans l’ancienneté de la présence romaine. L’implantation de l’autel des Ubiens sur le site de la future Cologne, la présence militaire ininterrompue324 ainsi que le statut de capitale provinciale à partir de 84-85 font de la ville un centre administratif et commercial, qui favorise sans conteste la présence d’esclaves et d’affranchis et multiplie ainsi les opportunités de découverte. Aux côtés de Cologne, Bonn représente, toutes proportions gardées, un foyer de représentation de la population servile. Le nombre non négligeable de dédicaces retrouvées à Bonn s’explique largement par l’occupation ancienne et continue du site. Des fouilles récentes sous Minoritenplatz et sous le Rathaus ont ainsi révélé à Bonn un fort auxiliaire qui a pu être fondé dans le courant de la deuxième décade avant notre ère. Florus (II, 30, 26) atteste pour sa part l’existence d’un stationnement de la flotte à l’époque de Drusus, qui n’a cependant pas été prouvé par les découvertes archéologiques. Au fort initial auraient succédé deux camps du même type et, dès les années 40, lors du déplacement de la légion I de Cologne à Bonn, fut construit le grand camp légionnaire qu’occuperont successivement la légion XXI puis la légion I Minervia. À cette occupation s’ajoute l’existence d’un sanctuaire comprenant au moins deux temples. Concernant les attestations retrouvées dans la Colonia Vlpia Traiana, on les doit pour une part à la présence militaire, notamment pour les inscriptions retrouvées à Asciburgium au tout début du Ier siècle, qui révèle l’importance du camp et l’existence d’affranchis et d’esclaves sans doute plus nombreux que ce que les témoignages épigraphiques nous ont jusqu’alors livré. Les découvertes archéologiques et notamment la présence de sigillée arétine ont confirmé que la fondation d’Asciburgium remontait à Drusus et que des installations militaires sous Auguste 324
Tacite atteste en 14 de notre ère la présence de quatre légions, qui avaient leurs quartiers d’été in finibus Vbiorum. Deux d’entre elles hivernaient à Xanten, les deux autres restant à Cologne.
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Chapitre III : Le peuplement des esclaves et des affranchis
et Tibère avaient servi à abriter sans doute des troupes auxiliaires. Tacite (Histoires, IV, 33) y fait hiverner des alae, ce que confirme l’épigraphie au moins pour la période de Claude-Néron325. Compte tenu de la prédominance du facteur militaire pour expliquer la présence d’esclaves et d’affranchis en Germanie inférieure, il est surprenant que Xanten n’ait pas livré davantage d’inscriptions, lorslorsqu’on considère son importance stratégique pour les opérations du début du Ier siècle notamment. Les inscriptions qui y ont été retrouvées sont pour leur part issues du IIe siècle et correspondent à la période de développement du chef-lieu326. De la cité des Canninéfates ne nous est parvenue que l’attestation d’une affranchie retrouvée à Traiectum. À côté des centres majeurs tant en Germanie supérieure qu’inférieure, il reste apparemment un groupe intermédiaire, où la présence d’au moins deux esclaves ou affranchis laisse entrevoir l’existence d’un milieu servile. On citera par exemple la capitale des Séquanes, Vesontio, mais aussi Argentorate, Novaesium, Bingium, Lousonna, Augusta Raurica ou encore la Colonia Iulia Equestris. Dans ces cités, le dossier épigraphique relatif à la population servile se révèle peu étoffé, presque décevant, eu égard au statut de ces cités dans l’Antiquité. Au-delà de ces remarques, deux faits majeurs sont à retenir : d’une part l’importance des villes dans chacune des provinces, quel que soit leur statut et leur situation géographique et dans le territoire respectif de chacune des cités. Sur le territoire des Helvètes, Aventicum, Vindonissa, Lousonna et Salodurum sont représentatives de la quasi-totalité des inscriptions retrouvées ; quant au territoire des Raurici, il est représenté pour l’essentiel par la Colonia Augusta Emerita ; chez les Aresaces, c’est à Mayence que se concentrent les esclaves et les affranchis qui ont été retrouvés et identifiés ; ceux présents sur le territoire des Lingons sont, pour leur part, attestés principalement à Langres et à Dijon, tandis que quelques inscriptions sont éparses sur le territoire ; en ce qui concerne les Ubiens, enfin, on remarquera que Bonn et Cologne concentrent l’essentiel des inscriptions d’origine servile,
325 L’abandon du castellum s’expliquerait par le déplacement du bras du Rhin au bord duquel se trouvait situé Asciburgium. 326 Nico ROYMANS: Romanization, cultural identity and the ethnic discussion. The integration of lower Rhine populations in the Roman Empire. In: Jeannot METZLER – Martin MILLET – Nico ROYMANS – Jan SLOFSTRA (éd.): Integration in the Early Roman West. The Role of Culture and Ideology, Papers arising from the international conference at the Titelberg (Luxembourg). 12-13 novembre 1993. Luxembourg 1995, 57 : « Further to the north the capital of the Cugerni went through a period of rapid growth and monumentalisation in the second century AD, but its success was, above all, based on the permanent stationing of a legion in the nearby camp, and the acquisition of colonial status under Trajan. Colonia Ulpia Traiana/Xanten was intended for veterans from the legions of Lower Germany. In the second century, most of the rural hinterland of Xanten was a non villa landscape ; only the most southwestern part along the Meuse extended into the löss zone where villas predominated. »
3. Le rôle des voies de communication
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tandis qu’à Böcklemünd ou Novaesium, on ne connaît que quelques attestations. De tels exemples, avec toutes les réserves que le travail sur la documentation épigraphique implique, conduisent à mettre les données concernant la population servile en relation avec les voies de communication qui desservent les deux Germanies. 4. Le rôle des voies de communication On a coutume de dire que la conquête par Rome de la Gaule s’est accompagnée de l’implantation d’un vaste réseau routier, dûment enregistré, appelé à jouer un rôle fondamental dans l’essor économique de ces régions. On sait en réalité que la Gaule possédait déjà un vaste système de communication dont les Romains se sont servis pour asseoir le leur. Quoi qu’il en soit, l’urbanisation, la prospérité, voire l’unité de ces provinces tiennent pour beaucoup dans l’existence d’axes de circulation qui associent les routes aux fleuves. Si les voies d’eau ont eu une importance considérable en Gaule, le Rhin a pour sa part constitué un auxiliaire précieux au développement des Germanies en devenant le siège essentiel du transport des hommes et des marchandises sous la houlette des corporations de nautae indigènes, dont l’existence est attestée par une inscription à Mayence : le nauta Blussus y fait élever un monument funéraire, gravé sur deux faces et pourvu d’une représentation imagée de la famille sur la face antérieure et de l’activité batelière sur la face postérieure, où l’on peut voir un navire avec trois marins (nautae), le gubernator et, au-dessus, des guirlandes327. Dans l’esprit de l’« inventaire du monde328 » réalisé sous Auguste, Drusus avait, dès 15 avant Jésus-Christ, établi les fondements du système de communication des futures Germanies le long de la rive gauche du Rhin : celui-ci obéissait à des considérations géographiques, qui tenaient compte d’une part de l’orientation approximativement sud-nord-est suggérée par les deux rives du grand fleuve, et d’autre part d’une orientation ouest-est, marquée par les cols des Vosges, auxquels correspondaient ceux de la Forêt Noire, et par la vallée des principaux affluents ; ce système de communication répondait également à des considérations stratégiques : il s’agissait de faire front à la menace des Germains, permanente de César jusqu’au Bas-Empire, et qui conduisait les Romains à concentrer des soldats le long du limes rhénan, en s’appuyant sur le réseau de communication qu’ils 327 CIL XIII, 7067 = CSIR D 2-6, 2. Sur l’importance du Rhin comme axe de transport, on pourra lire Werner ECK: Köln in römischer Zeit. Geschichte einer Stadt im Rahmen des Imperium Romanum. Köln 2004, 407 sq. Peter ROTHENHÖFER: Die Wirtschaftstrukturen im südlichen Niedergermanien. Untersuchungen zur Entwicklung eines Wirtschaftsraumes an der Peripherie des Imperium Romanum. Rahden 2005, 27 sq. Heinrich KONEN: Einige Bermerkungen zum Rhein als Waren- und Verkehrsweg in römischer Zeit : Das Binger Loch und die Felsenstrecke von Bingen bis St. Goar. In: Kai RUFFING – Bernhard TENGER (éd.): Miscellanea Oeconomica. Studien zur antiken Wirtschaftsgeschichte. St. Katharinen 1997, 84 sq. 328 Claude NICOLET: L’inventaire du monde. Géographie et politique aux origines de l’Empire romain. Paris 1988, 345 p.
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Chapitre III : Le peuplement des esclaves et des affranchis
avaient aménagé ou consolidé en prenant Mayence comme nœud routier fondamental. Partant d’Ad Fines (Pfyn), cette clé de voûte du système de communication passait par Vindonnissa, Augusta Rauracorum, Basileai, Argentorate, Brocomagus, Saletio (Seltz), Borbetomagus, Mogontiacum, Bingium, Confluentes et Antunnacum. Elle se poursuivait en Germanie inférieure par Bonna, Colonia Agrippina, Novaesium, Castra Vetera, Traiectum et Lugdunum Batavorum. Deux routes venant d’Italie aboutissait à cette épine dorsale, l’une par Aventicum, l’autre par Nyon et Lousonna, qui finissait par rejoindre Aventicum. Plus au nord, aboutissaient les routes de l’ouest, par Vesontio et celles issues de Metz à Argentorate. Quant à la voie venant du Sud de la Gaule, elle passait par Dibio, Andemantunum, Tullum, Diuodurum, Augusta Treverorum avant de rejoindre Mogontiacum. Ces voies, qui relient les camps militaires, mais aussi les places économiques et administratives se définissent dès lors comme des éléments essentiels de peuplement au même titre que le tissu urbain, élément essentiel de romanisation. Rien d’étonnant dès lors de constater que plus on s’écarte de ces axes, plus le nombre de témoignages épigraphiques concernant les esclaves et les affranchis diminue. Si l’on s’intéresse d’abord à l’axe venant du Sud de la Gaule, à laquelle s’associait la Moselle à partir de Toul jusqu’à Coblence, on relève 48 inscriptions concernant à des degrés divers des individus d’origine servile329. En envisageant seulement le chef-lieu de la cité des Lingons au regard des axes routiers, l’importance de cette population trouve une première explication par la situation de carrefour de cette ville : à la voie qui menait vers la Belgique et en particulier vers Trèves la capitale administrative et économique de la province, il faut encore ajouter un axe qui menait vers le nord-ouest de la Gaule, ainsi que, pour les régions qui nous concernent, une route qui, passant par Vesontio, rejoignait Lousonna et Augusta Raurica, en d’autres termes des villes, qui étaient ellesmêmes foyers administratifs et commerciaux. Langres doit son importance à l’époque augustéenne à sa position stratégique sur le réseau d’Agrippa ; il s’agit d’un nœud routier, au même titre que Lyon et Reims ; sept voies principales et au moins une demi-douzaine de diverticules desservaient la capitale lingone. Deux portes permettent d’atteindre Boulogne et Trèves, dont la construction date des environs de 20 av. J.C. et est un argument en faveur d’une installation précoce de ces routes au début du règne d’Auguste330. En ce qui concerne la route qui longe le Rhin jusqu’à son embouchure, les conclusions sont encore plus nettes. La majorité des inscriptions de Germanie inférieure se regroupent sur cet axe ou à proximité immédiate. Quant à plusieurs témoignages épigraphiques de Germanie supérieure, au nombre de 6, ils ont été
329
44 inscriptions sur la route elle-même (6 à Dibio et 38 à Andemantunum) et 4 à proximité de cette voie (1 à Aignay-le-Duc, à Salmaise, et Saint-Geosmes et 1 à Longvic). Soit 19, 4 % de l’ensemble des inscriptions recensées sur le territoire des deux Germanies. 330 Martine JOLY: Langres : oppidum et caput civitatis. In: Roger HANOUNE (éd.): Les villes romaines du nord de la Gaule. Revue du nord n° 10 ( 2007) 206.
3. Le rôle des voies de communication
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découverts à proximité du Rhin, dans des villes ou des territoires situés sur ses affluents et sur la route qui en suivait le cours : il s’agit de Lopodunum, Rottenburg, Saverne et Heddernheim.
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Chapitre III : Le peuplement des esclaves et des affranchis
Les esclaves et les affranchis sur l’axe rhénan
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3. Le rôle des voies de communication
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Ces deux axes rassemblent à eux seuls 191 inscriptions, soit 87, 5 % du total des inscriptions permettant d’identifier ou de soupçonner la présence d’esclaves ou d’affranchis. Qu’en est-il des autres ? Les voies de communication semblent aussi pouvoir être posées en facteur d’explication. Outre les inscriptions isolées, elles appartiennent surtout au sud de la Germanie supérieure. Chez les Helvètes, on relève 21 inscriptions331. Or, le territoire était jalonné de pistes préromaines, dont témoigne notamment le projet de migration des Helvètes en 58 avant notre ère, qui ont très vite intéressé les Romains au même titre que les voies navigables dont disposait le plateau suisse en direction notamment du Rhin et de l’Océan. Le territoire des Séquanes atteste, quant à lui, de la présence de 4 inscriptions. Loin d’être des zones excentrées, ces régions s’inscrivent elles aussi dans un dynamisme de communication. Besançon est ainsi traversé par l’axe LangresLausanne-Augst et par la route venue de l’Ouest, de Cabillonum (Châlon-surSaône) à Cambete le long du cours du Doubs. Avenches, est, pour sa part, on l’a vu, situé sur la route qui relie l’Italie à la Gaule et aux Germanies. On notera donc en conclusion la relation entre le phénomène urbain et la présence servile, particulièrement des affranchis, dans les provinces germaniques ainsi que l’importance du réseau des voies de communication fluviales et routières, qui tendent à souligner la stricte corrélation entre les attestations de population servile et les activités administratives et économiques. Pour ce qui est de la présence des esclaves et des affranchis dans les domaines agricoles ou industriels, en effet, la documentation dont nous disposons se définit comme fortement lacunaire et le dossier de leur présence reste indéniablement ouvert. Si l’on examine l’évolution de cette population dans les agglomérations qui nous ont gardé la trace des esclaves et des affranchis, l’importance des axes de communication se révèle encore manifestement. Du point de vue de l’occupation militaire d’abord, nous sommes en présence de villes qui se sont développées en marge de cette activité, comme Avenches et Langres et d’autres qui ont, au contraire, existé dans le sillage de sites militaires. À la fin du Ier siècle, sous Nerva ou Trajan, les légions ont été ramenées à deux par provinces et stationnées respectivement à Bonn et Xanten et à Strasbourg et Mayence. La présence des légions apparaît, on l’a vu, comme un facteur majeur associé à la documentation épigraphique concernant les esclaves et les affranchis. Mais, dans chacune des villes qui ont connu une activité militaire, leur nombre est plus important au Ier siècle qu’au IIe. Ainsi, Mayence, Bonn et Cologne continuent d’accueillir des troupes au IIe siècle, sans que la présence servile s’en trouve stabilisé. Bien au contraire. Ce sont les cités d’Avenches et de Langres qui, au IIe siècle, attestent un contingent non négligeable d’esclaves et d’affranchis. Le cas de Vindonissa souligne à quel point l’occupation militaire a pu jouer un rôle au début de la conquête romaine, mais souligne que très vite le développement économique des villes s’est imposé comme vecteur principal de leur présence. Par les besoins qu’elle a contribués à 331
Soit 8, 3 % des inscriptions du corpus.
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Chapitre III : Le peuplement des esclaves et des affranchis
créer, l’armée romaine a légitimé la mise en œuvre d’activités économiques ou artisanales, qui ont provoqué l’afflux d’une population entre autres servile et la constitution d’axes économiques qui se sont parfois écartés des premières routes empruntées et définies par la conquête romaine. La mise en perspective de la situation des esclaves et des affranchis à Langres et à Mayence le prouve de manière significative. Pour ces deux villes situées sur des routes essentielles au transport des hommes et des objets, la densité servile a d’abord été très importante, mais bien plus à Mayence, en raison sans doute de l’occupation militaire. Au IIe siècle, en revanche, malgré le statut de capitale provinciale acquis par Mayence sous Domitien, malgré le maintien des légions dans la capitale, il faut noter que le foyer de peuplement servile s’est déplacé de la région du Rhin à un axe plus spécifiquement dédié aux échanges commerciaux, en particulier celui qui relie la Narbonnaise et la Lyonnaise à la Belgique et à son foyer économique, Trèves, où siègent des familles de commerçants et d’artisans qui ont contribué à l’éclat et au rayonnement de la cité. Un tel écart entre les deux villes se retrouve dès lors qu’on envisage la présence servile le long des axes de communication selon le facteur temporel. La répartition spatio-temporelle des esclaves et des affranchis dans les deux Germanies conduit dès lors à conclure en faveur d’un développement initial du potentiel économique de la région rhénane sous le coup des avancées romaines et de la présence des légions, auquel a abouti dans un premier temps l’essor de la productivité des zones non militarisées puis à leur essor commercial, qui les a menées, à devenir des relais indispensables entre le Sud et le Nord de la Gaule. Les inscriptions qui ont été retrouvées correspondent donc pour l’essentiel à des sites où la présence romaine s’est manifestée très tôt ; elle a connu un essor dans des cités qui se distinguent par le stationnement militaire (Vindonissa, Argentorate, Mayence, et en Germanie inférieure, Bonn et Cologne), avant d’être relayée par les régions dont la forte activité économique était liée à leur position stratégique voire économique (Langres, Augusta Raurica, Avenches). Dans ces cités ou dans ces villes, le nombre d’inscriptions relatives aux esclaves et aux affranchis peut être considéré comme stable jusqu’à la fin du IIe siècle et montre que la géographie commerciale prend parfois le pas sur une répartition administrative des territoires en provinces.
CHAPITRE IV : L’IDENTITÉ DES ESCLAVES ET DES AFFRANCHIS DANS LA SOCIÉTÉ 1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis L’analyse onomastique des populations est un indicateur pertinent de leur évolution et de leur intégration dans la sphère de la société municipale et impériale. De nombreuses études ont depuis quelques années été menées à l’échelle des provinces sur les nomenclatures citoyennes et pérégrines en vigueur dans les cités de l’empire, particulièrement en Gaule et dans les Germanies332. Lorsqu’il s’agit de la population servile, le critère onomastique est également un élément fondamental de notre appréhension de ces populations, même s’il nécessite une adaptation dans ses formes et ses enjeux. Le point central d’appréciation est naturellement le cognomen de l’affranchi ou l’idionyme de l’esclave, dans la mesure où ce sont les éléments constitutifs de l’appellation de l’individu servile. Aussi y consacreronsnous une partie substantielle. Mais dans le cas de l’affranchi, qui, à sa libération, bénéficie du droit de porter les tria nomina et reçoit, en règle générale, le praenomen et le gentilice de son ancien maître, la réflexion sur les cognomina ne peut pas ne pas tenir compte de l’ensemble de la nomenclature, quand bien même elle emprunte pour une large part à celle du patron. C’est la raison pour laquelle le premier temps de cette étude est consacré à la question de la présence du nom et du prénom dans la séquence onomastique de l’affranchi. La réflexion sur l’identité onomastique s’achèvera avec la question de la transmission du nom au sein des familles. 1.1. Étude des gentilices des affranchis L’affranchissement fait de l’esclave un homme libre, qui revêt à cette occasion l’un des signes de l’accès à la citoyenneté, même partielle : les tria nomina. De son ancien maître, il reçoit le prénom et le nom, tandis que, la plupart du temps, son ancien nom d’esclave devient son cognomen. Dans ce contexte, étudier les deux premiers éléments de la nomenclature de l’affranchi peut sembler incongru, puisque cela revient finalement à étudier une partie de celle de son maître. Il s’agit cependant de travailler dans deux perspectives. La première consiste à déceler les 332 Voir en particulier Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (éd.): Noms, identités culturelles et romanisation sous le Haut-Empire. Bruxelles 2001, 774 p.
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
modes de dénomination des affranchis face à l’acquisition des tria nomina pour les comparer aux pratiques des ingénus. La seconde pose les bases des comparaisons qui seront menées lors de l’étude de l’origine linguistique des cognomina de ces affranchis, au cours de laquelle la question de la formation des gentilices prendra tout son sens. 1.1.1. Présence et absence des duo ou tria nomina dans la nomenclature Dans le système nominaliste qui caractérise la société romaine333, l’octroi des tria nomina revêt une signification particulièrement importante, d’autant plus pour celui qui, comme l’ancien esclave, se voyait refuser le droit à cette désignation. Un individu porteur des tria nomina est désigné à l’attention de tous comme un citoyen romain et par là « se distingue nettement de tous ceux qui […] ne peuvent noter que leur nom unique334. » Compte tenu de la valeur signifiante de cette nomenclature, on pourrait s’attendre à ce que les affranchis manifestent et revendiquent par ce biais leur nouveau statut. Or, cette hypothèse doit d’emblée être nuancée dans les Germanies au vu des données dont nous disposons. Indéniablement, les affranchis sont nombreux à recourir au duo ou au tria nomina, qui sont l’apanage des libres. Il faut néanmoins compter avec un nombre très important d’individus, qui ne recourent qu’au seul cognomen pour se faire connaître. Cette part est d’autant plus importante si l’on veut bien considérer que l’emploi de la séquence onomastique complète est 333
Voir par exemple Claude NICOLET: L’onomastique des groupes dirigeants sous la République. In: L’onomastique latine, Paris, 13-15 octobre 1975. Paris 1977, 46-47 : « [D]ans la plupart des cas, les noms romains sont très exactement signifiants et fournissent, sur le statut civique, sur l’origine géographique et même sur ce qu’on peut appeler plus largement le statut social d’un individu ou d’une famille, des renseignements qu’il est possible de décrypter. Bref, pour parler comme les anthropologues, le système onomastique romain est un véritable code des rapports sociaux dont il s’agit seulement de découvrir la clef. » 334 André CHASTAGNOL: L’onomastique de type pérégrin dans les cités de la Gaule Narbonnaise. In: MEFRA 102-2 (1990) 579.
1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis
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sujet à des variations au cours du temps. On observe en effet que les tria nomina sont majoritairement portés au Ier siècle et tendent à disparaître dès le début du IIe siècle, tandis que les duo nomina, fréquents déjà au Ier siècle, connaissent une légère augmentation pendant tout le IIe et jusqu’au début du IIIe siècle. De fait, le graphique ci-dessous montre que l’usage du cognomen seul, bien que déclinant au cours des siècles, reste important notamment par rapport à l’usage des tria nomina sur les trois premiers siècles de notre ère. Les chiffres doivent en outre être nuancés en tenant compte du sexe des individus, puisque l’usage voulait que la nomenclature des femmes affranchies exclut les tria nomina au profit du port du gentilice de l’ancien maître accompagné d’un cognomen. Or, dans notre corpus, la proportion des femmes identifiées par les duo nomina est très importante (31 pour 25 hommes). Pour des raisons de lisibilité, l’ordre des données a été modifié pour les affranchies, ce qui permet de mieux saisir les proportions respectives dans l’emploi des duo nomina et du cognomen. Que peut-on conclure de ces données ? Toutes catégories confondues, on observe dans les usages une grande similitude avec les pratiques des ingénus dans l’ensemble de l’empire. La quasi absence des tria nomina dans les nomenclatures féminines correspond sans conteste à l’usage. Dans les Germanies, on ne trouve le fait que dans une épitaphe retrouvée à Mayence et datable de la première moitié du Ier siècle335. Le patron, Tiberius Iulius Diuiciacus, membre de l’ala Sebosiana, con-sacre une épitaphe à son affranchie, Tiberia Iulia Smertuca, qui est sans doute aussi sa compagne, et à son fils, Speratus. La séquence onomas-tique du couple est intéressante, dans la mesure où leur cognomen respectif est d’origine indigène. Le patron appartient à l’armée auxi-liaire336 et l’on peut supposer que c’est en raison de son service qu’il a acquis la citoyenneté romaine337, 335
Finke 216 = CSIR-D 2-6, 28. Une étude des troupes auxiliaires a été menée pour la Germanie inférieure par Géza ALFÖLDY: Die Hilfstruppen der römischen Provinz, Germania Inferior. Düsseldorf 1968, 238 p. ; on pourra aussi consulter Paul A. HOLDER: The Auxilia from Augustus to Trajan. Oxford 1980, 352 p. 337 On sait que les membres de l’aristocratie gauloise qui avaient aidé César pendant la Guerre des Gaules, voire pendant la Guerre Civile, en tant que membres des troupes auxiliaires furent récompensés par lui par des magistratures dans leur cité, des distributions de terre, voire l’octroi de la citoyenneté romaine, et qu’Auguste, dans une certaine mesure, pratiqua la même chose. Ces Iulii vont jouer un rôle important durant les dernières décennies du premier siècle avant J.-C. et le début du siècle suivant. Selon Peter Astbury BRUNT: Roman Imperial Themes, Oxford 1990, 267281, « ce sont les membres de cette aristocratie indigène qui sont en premier lieu intégrés à la culture romaine. » Le statut de Tiberius Iulius Diviciacus a fait l’objet de discussions, notamment 336
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
comme le laisse entendre le gentilice impérial qu’il porte et a transmis à son affranchie. Serait-ce en raison de cette origine indigène, qui supposerait une méconnaissance des usages, surtout au début du Ier siècle, que l’affranchie a reçu le prénom de son patron ? Ou faut-il y voir la volonté de marquer avec fierté l’appartenance au monde romain de ceux qui ont accédé à la liberté ? Quoi qu’il en soit, Tiberia Iulia Smertuca reste un exemple isolé dans nos provinces. Conformément aux usages des ingénus, on constate, pour les femmes, d’une part la prédominance du modèle des duo nomina du Ier au IIIe siècle malgré un déclin qui s’accentue au cours du IIe siècle, d’autre part un usage modéré mais constant du cognomen seul, qui subit une lente érosion jusqu’à la fin du IIIe siècle.
concernant les fonctions qu’il pouvait avoir occupé au sein de l’ala Sebosiana. Michael P. SPEIDEL: Roman Army Studies, I. Amsterdam 1984, 211-213, propose ainsi de comprendre le mot de non comme une préposition, mais comme l’abréviation de decurio, le terme désignant le chef des turmae constitutives des alae (comme mentionné dans la Guerre des Gaules de César, 1, 23 à propos de L. Aemilius). L’abréviation serait attestée dans plusieurs inscriptions : CIL IX, 733, CIL III, 805 et 4835 ainsi que dans l’épitaphe de Mayence qui nous concerne. Cette lecture est partagée par Konrad KRAFT: Gesammelte Aufsätze zur antiken Geschichte und Militärgeschichte. Darmstadt 1973, 181-208 particulièrement p. 199 et suivantes. Dans ces conditions, nous serions en présence avec Tiberius Iulius Diviciacus d’un affranchi, citoyen romain, qui aurait, en raison de son statut, été intégré à cette troupe auxiliaire afin d’en encadrer les soldats. Voir Denis B. SADDINGTON: The Sorts of Names Used by Auxiliaries in the Early Principate. In: Géza ALFÖLDY – Brian DOBSON –Werner ECK (éd.): Kaiser, Heer und Gesellschaft in der Römischen Kaizerzeit. Stuttgart 2000, 169-171, qui constate que « Roman citizens are attested in early alae » (p. 171) et que les noms romains portés par ces individus implique que leur citoyenneté a été acquise avant leur entrée dans l’armée (p. 169), quand bien même la simple mention de leur tria nomina sans indication de la tribu (c’est le critère retenu par András MOCSY: Die Namen der Diplomempfänger. In: Werner ECK – Hartmut WOLFF (éd.): Heer und Integrationspolitik : die römischen Militärdiplome als historische Quelle. 1986 ne saurait établir sans discussion possible leur citoyenneté : « In fact, only auxiliaries who were Roman citizens before enlistment (or before transfer to an auxiliary unit from a legion, usually on promotion) will be found specifying their tribus, and then not always. Often the mention of a tribus seems to be determined because of a close association with a legion or retirement to a municipium or colony.This should caution against categorically denying Roman citizenship to those with the tria nomina alone, although it remains true that the tribus is the only incontrovertible proof of citizenship » (176). Face à cette démonstration, on pourra aussi souligner que l’épitaphe érigée par Tiberius Iulius Diviciacus est très modeste, et de ce fait peu en rapport avec une situation de commandement : il serait dès lors plus vraisemblable qu’il ait reçu la citoyenneté en raison de la fonction militaire qu’il exerçait au sein des troupes auxiliaires dans une sorte de pré-diplôme. Pour une discussion sur les conditions d’obtention du décurionat et un historique de la question, on pourra se reporter à Margaret M. ROXAN: The Hierarchy of the Auxilia. Promotion prospects in the Auxilia and work done in the last twenty years. In: Yann LE BOHEC (éd.): La hiérarchie (Rangordnung) de l’armée romaine sous le Haut-Empire, Actes du congrès de Lyon (15-18 septembre 1994). Paris 1995, 139-146, particulièrement 143-144 : « The general impression given by Saddington, which accords with common sense, is that there were advantages in being a Roman citizen in seeking higher rank in the auxilia but that there was also a great deal of flexibility. Even in the Julio-Claudian period, merit and influence played their part » (144).
1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis
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Chez les hommes affranchis, le constat de la similitude avec les pratiques des libres est également valable338. On observe en effet le déclin rapide de l’usage du prénom à la fin du Ier siècle, tandis que s’affirme au IIe une séquence onomastique fondée sur les duo nomina, très peu présents au Ier siècle, contrairement aux pratiques féminines, comme si s’établissait un relais naturel entre tria puis duo nomina. On remarque dans ces conditions la présence relativement importante au Ier siècle de dénominations structurées uniquement autour du cognomen, qui concurrence le port des tria nomina, se maintient au IIe siècle, avant de décliner à mesure qu’on s’approche du IIIe siècle, moins brutalement cependant que pour les duo nomina, ce qui souligne l’importance du cognomen seul dans la dénomination de l’affranchi. Dans ces conditions, les affranchis portent donc un prénom majoritairement au Ier siècle, sans que l’on puisse noter de différences dans les usages du prénom selon les cité. Le choix du prénom ne revenant pas à l’affranchi, on évitera de commenter trop largement les données recueillies dans l’optique de notre connaissance du milieu servile. En revanche, cela révèle quelques éléments de sociologie des anciens maîtres339. On 338
Voir par exemple Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Citoyenneté et nomenclature : l’exemple de la Gaule du Nord. In: Rome et l’Occident (IIe siècle av. J.-C. – IIe siècle ap. J.-C.). Rennes 2009, 360-361 : « Dès la fin du premier siècle, d’autre part, commence à se perdre l’usage du prénom. Sans doute davantage une habitude qu’une réelle modification juridique puisque soldats et catégories supérieures (sénateurs, chevaliers, magistrats municipaux) continuent généralement à en faire état. La disparition est progressive, affectant d’abord des personnes d’importance secondaire : dédicants d’épitaphes par exemple. On constate dès ce moment une perte d’intérêt pour le prénom qui se traduit par l’usage de donner à tous les fils le même prénom, come par exemple à Titus et Domitien. Ces duo nomina (seconde manière) se répandent graduellement au IIe siècle et surtout au IIIe siècle en particulier dans les inscriptions privées. » Voir aussi sur cette question Olli SALOMIES: Die römischen Vornamen. Studien zur römischen Namengebung. Helsinki 1987, 390-413. 339 Une étude des prénoms romains a été réalisée par Olli SALOMIES: Die römischen Vornamen. Studienzur römischen Namengebung. Helsinki 1987, 19-98 pour les prénoms classiques et p.
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
compte quelques attestations de prénoms numéraux, ceux qui ont survécu dans l’ensemble de la population, avec une nette prédilection ici pour Quintus. On sait par ailleurs qu’il existait des prénoms en faveur chez les patriciens, d’autres dans la noblesse plébéienne (Aulus) ainsi que dans les milieux populaires d’origine ingénue (Marcus par exemple)340. Au total, il semble que, dans leur très grande majorité, les affranchis présents dans les Germanies, hommes et femmes, aient assimilé très rapidement les codes onomastiques en vigueur dans le monde romain, même s’il paraît clair que le cognomen a gardé une place particulièrement importante dans leur appellation, ce dont témoigne son maintien et sa stabilité, pourrait-on dire, relativement aux variations qu’ont connues les deux autres modes de dénomination. 1.1.2. Les gentilices impériaux Les gentilices impériaux constituent une catégorie spécifique de nomen, dans la mesure où ils désignent à l’attention des individus dont l’existence est, d’une manière ou d’une autre, liée à la personne de l’empereur. Il existe plusieurs situations qui peuvent expliquer la présence du gentilice impérial dans la nomenclature d’un individu. Son adoption par un homme libre signale l’octroi de la citoyenneté romaine. Le gentilice peut simplement indiquer l’époque à laquelle la citoyenneté a été obtenue, il peut aussi marquer la faveur due, à titre personnel ou collectif, au geste d’un empereur qui a octroyé le droit latin ou romain à un ou plusieurs individus pour services rendus ou à l’occasion de l’élévation d’une cité. S’agissant d’un affranchi, l’emploi du gentilice impérial peut être doublement interprété. Il peut d’abord signaler un membre de la domus impériale. Dans les Germanies, on recense 3 attestations de fonctionnaires impériaux, pour qui le gentilice impérial est associé à la mention d’une activité au service de l’empereur. Tous trois sont situés à Mayence, la capitale provinciale de la Germanie supérieure : Tiberius Claudius Zosimus est un procurator praegustatorum de Domitien, dont la nomenclature laisse supposer qu’il est un affranchi de Claude ou de Néron341 ; Claudia Icmas, désignée comme Aug(usti) l(iberta) dans une dédicace à Cybèle342 et Aurelius ---, un tabularius343. À ces trois fonctionnaires déclarés, on peut ajouter trois autres individus, qui appartiennent à leur sphère, en tant qu’épouses : c’est le cas Aelia Secundina à Turicum, qui est la femme d’un intendant du quarantième des Gaules344, ou encore d’Aelia Datiba à Langres, qui est l’épouse d’un dispensator impérial345. Quant à Claudius Atticus, à Mayence, il est le co-dédicant de 98-110 pour les prénoms italiques. Sur les prénoms numéraux, on pourra consulter Hans Eberhard PETERSEN: The numeral praenomina of the Romans. In: Transactions and Proceedings of the American Philological Association (1962) 347-354. 340 Voir Olli SALOMIES: op. cit., 167-202. 341 AE 1976, 504 = Schillinger 90. 342 AE 2004, 1015 et 1016. 343 CIL XIII, 7071 = AE 2003, 1277. 344 CIL XIII, 5244 = RIS 2, 193. 345 CIL XIII, 5697 = I Lingons 367.
1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis
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l’inscription élevée à Isis par Claudia Icmas346, ce qui laisse présager qu’il appartient également à la maison impériale347. Néanmoins, la très grande majorité des affranchis porteurs d’un gentilice impérial dans nos provinces n’œuvre pas au service de l’empereur, ce qui permet de supposer qu’il s’agit d’individus qui ont reçu la citoyenneté, majoritairement sous les Iulii et les Claudii. Il est difficile d’émettre des hypothèses sur la distribution géographique de ces gentilices compte tenu de la mobilité des individus. Pour autant, on peut risquer quelques pistes d’interprétation, comme à Augst, où la présence du gentilice Iulius (CIL XIII, 5290 = RIS 2, 221) peut peut-être s’expliquer par l’époque et les circonstances de la fondation de la colonie, déduite après 44 par L. Munatius Plancus, un partisan de César, légat de la Gaule Transalpine, et fondée à nouveau sous Auguste en 15, peu après la conquête des Alpes348. L’octroi du droit romain à la cité avait des conséquences onomastiques et impliquait le passage au système de dénomination fondé sur les tria nomina349. Un autre mode d’accès à la citoyenneté qui peut expliquer la diffusion des gentilices impériaux parmi les anciens maîtres de nos affranchis est la voie militaire à partir du règne de Claude : les soldats pérégrins des troupes auxiliaires et des flottes accédaient à la citoyenneté à la fin de leur service, comme en témoignent les diplômes militaires. De fait, sur les 10 individus porteurs du gentilice Claudius, trois sont issus avec certitude d’un contexte militaire, à Vindonissa350 et à Cologne351, tandis qu’à Kastel on en dénombre une probable quatrième (CIL XIII, 7304). Quoiqu’il en soit, l’héritage de ces gentilices impériaux pour les affranchis constitue la marque d’une naturalisation ancienne de la population, que les affranchis peuvent revendiquer. À l’appui de cet accès des populations libres indigènes à la citoyenneté, on notera que plusieurs patrons d’affranchis portent encore un cognomen indigène, comme à Mayence (Diviciacus)352, Langres (Pora)353 ou à Divitia (l’inscription lacunaire laisse entrevoir la finale celtique –esmi)354. 346
AE 2004, 1015 et 1016. Deux inscriptions, lacunaires, ne permettent pas de tirer de conclusion sur l’identité du patron. Il s’agit de Claudia Sophia mentionnée dans l’épitaphe de son mari à Langres (I L 514) et de Claudia Primigenia (CIL XIII, 7304). 348 Voir Regula FREI-STOLBA: Recherches sur les institutions de Nyon, Augst et Avenches. In: Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (éd.): Cités, colonies, municipes. Les processus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le Haut-Empire romain. Paris 1999, 54-61. Sur le gentilice impérial Iulius, on se reportera aussi à Wilhelm SCHULZE: Zur Geschichte Lateinischer Eigennamen. Berlin, Zürich, Dublin 1966, 24. 349 Contrairement à l’octroi du droit latin, qui ne modifiait pas immédiatement les pratiques de dénomination. Voir Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Citoyenneté et nomenclature, l’exemple de la Gaule du Nord. In: Rome et l’Occident (IIe siècle avant JC-IIe siècle après JC). Gouverner l’empire. Rennes 2009, 366. Mais depuis 125 avant JC, les élites des villes vivant sous le droit latin obtenaient pour eux-mêmes et leur famille la citoyenneté romaine à leur sortie de charge comme magistrats locaux. Voir la lex Irnitana (AE 1986, 333, 21). 350 CIL XIII, 5208. 351 CIL XIII, 8271 = RSK 201 = AE 1896, 101et CIL XIII, 8282 = RSK 217. 352 Finke 216 = CSIR-D 2-6, 28. 347
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Si des explications se laissent entrevoir, on constate néanmoins une diffusion relativement modérée et temporellement ciblée des gentilices impériaux sur le territoire des Germanies. En termes quantitatifs, le nombre des gentilices impériaux n’est pas très élevé dans les Germanies, ce qui correspond à la situation globale de diffusion des gentilices impériaux dans les territoires septentrionaux355. On note surtout leur importance dans les deux premiers siècles de notre ère, ce qui correspond à la prééminence des Iulii et des Claudii dans la population et laisse entrevoir l’influence de César et d’Auguste, puis de Claude sur les territoires du NordEst de la Gaule ainsi que le rôle de la présence militaire dans ces provinces. Il est également remarquable que l’onomastique des esclaves et des affranchis ne nous ait laissé aucune trace des Flaviens, pourtant très engagés dans l’urbanisation des cités des Germanies, notamment dans sa partie inférieure et sur la rive droite du Rhin, très peu représentées d’ailleurs, si l’on excepte les deux capitales provinciales, encore que Cologne soit faiblement représentée en dépit de l’ancienneté de sa fondation et de son importance administrative. En définitive, à côté des cités dont le statut de capitale ou la présence de station douanière ou financière (Mayence, Cologne, Turicum, Langres) supposent la présence de fonctionnaires, il faut sans doute aussi retenir l’importance de la présence militaire comme critère de diffusion des gentilices impériaux avec Mayence encore, Kastel, Divitia ou Vindonissa. À l’évidence, cette diffusion doit peu de choses aux affranchis eux-mêmes, dans la mesure où la majorité doivent leur nomen moins à leur propre parcours qu’à l’histoire de leur ancien maître. Cet état de fait est d’ailleurs confirmé par la parité qui s’établit entre les affranchi(e)s privé(e)s porteurs du gentilice impérial, 353
CIL XIII, 5781 = I Lingons 396. RSK 374. 355 Voir Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Citoyenneté et nomenclature, l’exemple de la Gaule du Nord., réf. cit., 364. 354
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puisque l’on compte très peu d’affranchis appartenant à la domus impériale et identifiés à l’aide du gentilice de l’empereur. 1.1.3. Les gentilices portés par les affranchis La très grande majorité hérite donc d’un nom dont il convient d’étudier la formation afin de pouvoir la comparer à l’origine de leur cognomen356. On ne tiendra compte dans ces relevés que des individus dont la nomenclature est suffisamment explicite pour faire l’objet d’une recherche357. Si l’on s’intéresse à la répartition linguistique globale des gentilices portés par les affranchis dans les Germanies, les données font apparaître une prédominance très nette du latin. Toutes catégories confondues, la présence massive des gentilices latins, c’est-à-dire de noms latins attestés en Italie ou ailleurs pour des Italiens avérés358, n’a rien pour surprendre si l’on considère que nous sommes en présence des gentilices des patrons. Outre les gentilices impériaux déjà évoqués, on peut repérer que la majorité des gentilices italiens est non patronymique. Cette caractéristique peut être associée à des individus qui évoluent dans un contexte militaire, notamment des affranchi(e)s de vétérans, comme Norbana Saturnina à Mayence (CIL XIII, 7055 = CSIR D 2-6, 68), ou de soldats, comme Tiberius Babuleius Albanus à Strasbourg (CIL XIII, 5976), Statilius Fortunatus à Mayence (CIL XIII, 6817 = CSIR D 2-5, 37) ou Opponius Zoilus à Cologne (CIL XIII, 8002). On rencontre aussi des gentilices italiens classiques comme Cornelius (deux attestations à Tres Tabernae359) et Pompeius (deux femmes le portent à Avenches360). La proportion est d’autant plus importante, si l’on fait la part des 12 % de gentilices, pour lesquels il est difficile de trancher entre une formation patronymique ou non356
Cf. infra. Sont donc exclus de cette analyse les individus dont les gentilices apparaissent incomplets sur la pierre et ceux qui restent anonymes car compris dans une collectivité : CIL XIII, 5872 = I Lingons 413 ; CIL XIII, 11498 ; CIL XIII, 5893 = I Lingons, 580 ; CIL XIII, 7129 ; Alföldy, ; CIL XIII, 11602 ; CIL XIII, 6890 ; CIL XIII, 6853 = ERBeturi 53a = CSIR D 2-5, 72 ; CIL XIII, 8067 ; ILTG 440 = AE 2000, 1069 ; AE 1976, 497 = Schillinger 102 = CSIR D 2 6, 27 ; CIL XIII, 7522 = CSIR D 2-14, 38a ; CIL XIII, 12064 = RSK 426 ; CIL XIII, 8684 ; CIL XIII, 8120 ; CIL XIII, 7031 = CSIR D 2-5, 78 ; AE 1992, 1263 ; I Lingons, 165. 358 Pour le détail des définitions, voir Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAETCHARLIER (éd.): Noms, identités culturelles et romanisation, réf. cit., V-VIII. 359 CIL XIII, 6000. 360 CIL XIII, 5138 = I Avenches 3 = RIS 1, 97. 357
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
patronymique361. Une inscription renvoie à une assonance germanique pour un gentilice italien non patronymique, il s’agit d’Annius Ianuarius à Ladenburg (CIL XIII, 11741). Les gentilices indigènes sont de même faiblement attestés dans la nomenclature des affranchis. Le seul exemple réellement probant est celui de Lextennia Illetia à Cologne, dont on peut supposer, en suivant Andreas Kakoschke, que le gentilice repose sur une base celtique latinisée362. Pour le reste, nous sommes en présence de gentilices de formation patronymique issus d’un mot latin, prénom, gentilice ou parfois cognomen363. Au vu du peu d’attestations dont nous disposons, il est difficile de tirer des conclusions définitives, notamment en termes de répartition sur le territoire des Germanies. Ces noms sont attestés dans les grands centres urbains, comme Avenches, Cologne, Mayence avec une attestation isolée à Hönehaus, ce qui correspond de toute façon au mode de répartition généralement urbain des inscriptions d’esclaves et d’affranchis. On remarquera néanmoins la faible part des noms à consonance locale. L’évolution chronologique de l’usage des gentilices montre la présence massive de l’élément latin au Ier siècle, ce qui pourrait aller de pair avec l’arrivée d’Italiens sur le sol des Germanies à partir du moment où ces territoires sont définitivement entrés dans l’orbite romaine. On pense bien évidemment au stationnement des légions en Germanies, puis à l’installation des vétérans aussi bien qu’à l’implantation des fonctionnaires et des commerçants. L’élément latin se maintient globalement au IIe siècle, tandis qu’on voit apparaître des caractères indigènes dans la nomenclature des affranchis, notamment avec le développement 361 Il s’agit de Carinius Papia (Ness-Lieb 153), M. Lucilius Blandus et Lucilia Pallas (CIL XIII, 8558), Marcia Verecunda (AE 1977, 544), L. Marius Privatus (CIL XIII, 5173) et Q. Marius Felix (AE 1976, 496), Q. Postumius Hyginus et Postumius Hermes (CIL XIII, 5079), [V]ictorius Salutaris (CIL XIII, 6664), Victorius Hermes (CIL XIII, 6881) et Vitellius Avitianus (CIL XIII, 8658). 362 Andreas KAKOSCHKE: op. cit., 237. 363 À Avenches, Paulin(ius) Sapidus (CIL XIII, 5108) et Saturninia Gannica (CIL XIII, 5137) ; Priminia Augurina (Finke 299), Tertinia [Perpet]ua ( ?) (CIL XIII, 8338) et Vitalinius Hilario (CIL XIII, 8293) à Cologne; Quintinius Lector à Hönehaus (AE 1978, 532) ; P. Romanius Modestus à Bonn (CIL XIII, 8115) ; à Mayence, Quintinius Fruendus (CIL XIII, 7092), Sperat(ius) Hermodorus et Sperati(a) Iuliana (CIL XIII, 7112) ainsi que Corintus, Verecundus et Lesbius, trois affranchis de Caius Seccius (respectivement CIL XIII, 7104, 7106 et 7105)
1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis
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des gentilices patronymiques ou de formation patronymique avérés, dont la grande majorité est attestée dans la deuxième moitié du IIe et entre le IIe et le IIIe siècle364. Dans la mesure où nous travaillons sur les gentilices des affranchis, c’est-à-dire sur la part qu’ils ont héritée de leur patron, ce phénomène incite à parler d’une adoption des codes de la romanité sur le plan linguistique d’abord, mais aussi sur le plan juridique et social, dans la mesure où il révèle que des individus issus de ces territoires avaient non seulement adopté les pratiques onomastiques latines, mais qu’ils avaient pu s’enrichir au point de disposer d’affranchi(e)s, à qui ils ont transmis leur nom et, ce faisant, une partie de leur histoire. L’étude des gentilices des affranchis ne pourra néanmoins prendre tout son sens qu’en relation avec la part « personnelle » de leur nomenclature, à savoir leur ancien nom d’esclave. 1.2. Étude des cognomina et des idionymes Dans la société romaine, les cognomina constituent à plus d’un titre un élément fondamental de la nomenclature. Dès l’époque d’Auguste, la pratique des tria nomina, qui implique l’adjonction d’un surnom au prénom et au gentilice, est devenue la règle à quelques exceptions près : au début du principat, quelques familles étrusques continuent à ne pas user du cognomen, de même que jusqu’au milieu du Ier siècle les légionnaires et les commerçants italiens installés dans les provinces gallo-germaniques. S’agissant de la population servile, le cognomen est d’autant plus important qu’il représente la part la plus individuelle de la dénomination. La plupart du temps, le cognomen de l’affranchi reprend en effet l’ancien nom d’esclave et, bien qu’une faible marge de manœuvre ait été accordée aux esclaves dans le choix de leur nom, celui-ci n’en est pour autant pas moins révélateur, dans la mesure où il intervient pour différencier des individus dans un cadre socio-culturel marqué. Plus qu’aucun autre élément de la nomenclature romaine, le cognomen pour l’affranchi aussi bien que l’idionyme pour l’esclave sont « très exactement signifiants et fournissent sur le statut civique, sur l’origine géographique et même sur ce qu’on peut appeler plus largement le statut social d’un individu ou d’une famille des renseignements qu’il est possible de décrypter365. » 1.2.1. Répartition géographique et temporelle des cognomina et des idionymes Dans le cadre de l’étude de la population servile, la question des cognomina et des idionymes est depuis longtemps au centre des discussions366. Notre propos ici Exception faite des affranchis de Caius Seccius (CIL XIII, 7104-7106) attestés dans la 1ère moitié du Ier siècle à l’instar de P. Romanius Modestus (CIL XIII, 8115). 365 Claude NICOLET: art. cit., 46-47. 366 Notamment concernant la question du cognomen comme indicateur de l’origine des esclaves et affranchis. Voir les débats qui ont lieu dès le début du XXe siècle à partir des théories de Tenney FRANK: Race mixture in the Roman Empire. In: American Historical Review 21 (1916) 689-708, rejetées par Mary L. GORDON: The nationality of slaves under the early Roman Empire. In: JRS 14 (1924) 93-111 et plus tard par Iiro KAJANTO: The Significance of non latin cognomina. In: Latomus 27 (1968) 517-534 ou Heikki SOLIN: Beiträge zur Kenntnis der griechischen Perso364
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consistera simplement à travailler sur leur origine linguistique, non pour établir ou discuter le statut ou l’origine des individus, mais pour tenter de saisir d’éventuels mécanismes de romanisation à l’œuvre dans les Germanies. Les idionymes des esclaves dans les Germanies présentent une répartition linguistique intéressante, dans la mesure où les éléments linguistiques d’origine indigène apparaissent en très petit nombre. Les noms portés par les esclaves se répartissent majoritairement entre une origine latine et grecque. L’équilibre est relativement bien soutenu entre les deux provenances au plan géographique comme chronologique. Noms grecs ou noms latins se rencontrent en effet pour les esclaves dans les mêmes grandes agglomérations, Langres, Mayence, Cologne et Bonn. Dans des proportions moindres, les noms grecs apparaissent également dans des lieux de passage des armées romaines, comme à Vochem, Ladenburg et Baden-Baden, tandis que les plus faibles attestations de noms à consonance latine concernent, semble-t-il, des centres plutôt administratifs ou purement économiques, comme à Avenches, Besançon, Augst ou Spire. Encore faut-il être prudent : l’exemple de Vindonissa, où l’on relève deux occurrences de noms grecs, montre qu’ils ne sont pas forcément liés au contexte militaire. Le premier ne peut pas être déterminé avec exactitude ; quant au deuxième, il s’agit d’un
nennamen in Rom, I. Helsinki-Helsingfors 1971, 146-158 et Zu den griechischen Namen in Rom. In: Actes du Colloque International sur l’Onomastique latine (Paris, 13-15 octobre 1975). Paris 1977, 161-175. Sur les résistances et les accords autour de ces théories, on consultera aussi Hilding THYLANDER: Étude sur l’épigraphie latine. Lund 1952, 149-167. Pour les études récentes sur l’onomastique, on pourra se référer à Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAETCHARLIER (éd.): Noms, identités culturelles et romanisation sous le Haut-Empire. Bruxelles 2001, 774 p. ; Heikki SOLIN: Problèmes de l’onomastique du Bas-Empire. In: Janine DESMULLIEZ – Christine HOËT-VAN CAUVENBERGHE (éd.): Le Monde romain à travers l’Épigraphie : Méthodes et Pratiques. Actes du XXIVe colloque international de Lille (8-10 novembre 2001). Lille 2005, 271294. Concernant spécifiquement les esclaves et les affranchis, notamment dans les provinces, on pourra lire Andrik ABRAMENKO: Zum Fehlen von Cognomina in der Nomenklatur von Freigelassenen: Der Befund der Augustalität. In: ZPE 93 (1992) 91-95 ; Alain BRESSON: Remarques préliminaires sur l’onomastique des esclaves dans la Rhodes antique. In: Mauro MOGGI – Giuseppe CORDIANO (éd.): Schiavi e Dipendenti nell’Ambitto dell’ « Iokos » e della « Familia ». Atti del XXII Colloquio GIREA Pontignano (Siena) 19-20 novembre 1995. Pisa 1997, 117-126 ; Monique DONDIN-PAYRE: L’onomastique dans les cités de Gaule centrale (Bituriges Cubes, Éduens, Senons, Carnutes, Turons, Parisii). In: Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (éd.): Noms, identités culturelles et romanisation sous le Haut-Empire, réf. cit., 193-341 ; Jacques GASCOU: Onomastique romaine et onomastique celtique dans le territoire de la cité d’Apt. In: Ralph HÄUSSLER (dir.): Romanisation et épigraphie. Études interdisciplinaires sur l’acculturation et l’identité dans l’Empire romain. Montagnac 2008, 133-138 ; Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Aspects de l’onomastique en Gaule Belgique. In: CCG 6 (1995) 207-226 ; ead.: Onomastique et romanisation : éléments d’une comparaison entre les provinces de Gaule Belgique et de Germanie inférieure. In: Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAETCHARLIER (éd.), Noms, identités culturelles et romanisation sous le Haut-Empire, réf. cit., 399470.
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fonctionnaire impérial œuvrant au IIe siècle367. Dans tous les cas de figure, la population servile dont nous avons gardé la trace est majoritairement mascu-line, quelle que soit l’ori-gine du nom qui leur a été attribué. Qu’en est-il de l’évolution chronologique des noms d’esclaves ? Les noms latins semblent l’emporter au Ier siècle et reculer légèrement au IIe siècle, tandis que la tendance inverse est perceptible en ce qui concerne les noms d’origine grecque. L’écart entre les chiffres est néanmoins si faible qu’il semble plus raisonnable de plaider en faveur de la coexistence simultanée de ces deux origines linguistiques. Les noms indigènes sont pour leur part très peu représentés parmi les esclaves des deux Germanies. On les retrouve à Mayence368, à Langres et sur son territoire (une attestation à Dijon)369, ainsi qu’à Tabernae370 et il est impossible de tirer des conclusions sur le plan temporel. Fautil en conclure à une quasi absence d’esclaves pourvus d’un nom indigène sur le territoire des Germanies ou plutôt à une très faible représentation épigraphique de cette population ? Parmi les cinq individus que nous connaissons, au moins l’un d’entre eux se caractérise par une certaine visibilité, qui tend peut-être à expliquer que son témoignage nous soit parvenu. À Dijon, Carantillus est par exemple l’esclave de Tiberius Flavius Vetus, un personnage localement important, qui possède parmi sa clientèle les fabri ferrarii et les lapidarii de Dijon (CIL XIII, 5476 = I Lingons 53). On aurait également pu s’attendre à ce que les affranchis soient, comme les esclaves, pourvus de surnoms grecs. Il n’en est rien.
367 Nysius (CIL XIII, 11502) ne précise pas son domaine d’activité. Quant au fonctionnaire impérial, il s’agit d’Asclepiades (CIL XIII, 5194). 368 Satto (CIL XIII, 7067). 369 R/Belatulla (I Lingons 364), Tilicus (CIL XIII, 5696 = I Lingons 366) et Carantillus (CIL XIII, 5476 = I Lingons 53). 370 Tetto (CIL XIII, 6087)
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
Certes, l’élément grec est indiscutablement présent, mais dans des proportions relativement faibles par rapport au phénomène obs-ervé pour les esclaves371. Le latin est majoritaire et les cognomina indigènes peu fréquents. Ces résultats appellent cependant quelques préci-sions. Quoique faible, l’élément grec n’en est pas moins intéressant à examiner, d’autant qu’il l’emporte sur l’élément indigène. Il est majoritairement attesté à Mayence (11 occurrences)372 et à Cologne (6 occurrences)373, les deux capitales de province couvrant à elles seules la moitié des attestations. Langres et Avenches fournissent quant à elles respectivement 4 et 3 attestations de l’usage du cognomen grec dans la nomenclature des affranchis374. Pour ceux dont on peut connaître l’activité, il n’est sans doute pas indifférent de trouver parmi eux trois medici375 et huit individus évoluant dans un contexte militaire, qui explique les attestations de cognomina grecs retrouvées à Asberg (CIL XIII, 8648), à Vindonissa (CIL XIII, 5208 et 11509), Neuss (CIL XIII, 8558), Lessenich (CIL XIII, 8002) ainsi qu’à Cologne (CIL XIII, 8271 et 8427) et Mayence (CIL XIII, 6703). Les 17 affranchis porteurs d’un cognomen indigène ne présentent pas les mêmes perspectives de répartition. Il est dans leur cas souvent impossible de préciser leur activité et aucune ville ne constitue de foyer de concentration. Langres livre le témoignage de cinq affranchis porteurs d’un cognomen indigène376, Mayence trois377 et Bonn deux378. Pour le reste, la documentation épigraphique est
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Le phénomène est également souligné par Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Citoyenneté et nomenclature, l’exemple de la Gaule du Nord, réf. cit., 363 : « Le nom de l’affranchi, en Occident comme ailleurs, combine sous l’Empire le prénom et le gentilice de son maître devenu son patron et son ancien nom d’esclave en tant que surnom. D’où, bien évidemment, un grand nombre d’affranchis portant un cognomen grec. Mais pas exclusivement : certains noms d’affranchis explicites à consonance latine ou indigène doivent attirer notre attention sur la dénomination possible d’esclaves autre que grecque, tout particulièrement en Gaule du Nord. » Même remarque dans Noms, identités…, réf. cit., 449 à propos des affranchis de Germanie inférieure, malgré la rareté des attestations : « Une seule chose est sûre : le port du nom grec pour les esclaves (qui entraîne le surnom grec des affranchis) n’est pas un usage local, en tout cas ce n’est pas une pratique attestée. » 372 Zosimus (AE 1976, 504 et CIL XIII, 6703), Corinthus (CIL XIII, 7104), Lesbius (CIL XIII, 7105), Zmaragdus (CIL XIII, 7005), Spendusa (Nesselhauf 116), Hermes (CIL XIII, 6881), Hermodorus (CIL XIII, 7112), Icmas (Witteyer 2 et 3), Zetus (Finke 214), Phoenix (CIL XIII, 7522), Chrysogonus (CIL XIII, 6851). 373 Halotus (CIL XIII, 8271), Epaphra (CIL XIII, 8368), Leonta (CIL XIII, 8349), Corumbus (CIL XIII, 8337), Agathinus (CIL XIII, 8427), Zoilus (AE 2004, 976). 374 Pour Langres : Sophia (I Lingons 514), Anexia (I Lingons 396), [Euty ?]chia (I Lingons 463), Diogenes (I Lingons 452) ; pour Avenches : Hyginus (CIL XIII, 5079), Hermes (CIL XIII, 5079), Dicaea (CIL XIII, 5138). 375 À Vindonissa (CIL XIII, 5208), Cologne (CIL XIII, 8349) et Avenches (CIL XIII, 5079). 376 Banogalis (I Lingons 422), Saxama (I Lingons 542), Cocilla (I Lingons 392), Voltodaga (I Lingons 505). 377 Smertuca (Finke 216), Suadulla (CIL XIII, 7117), Bello (AE 1920, 49-52). 378 Noihus et Noiius (AE 1924, 22).
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dispersée et ne fournit que des attestations isolées sur l’ensemble des deux Germanies379. Leur présence est rarement le fait d’une insertion dans un milieu exclusivement indigène. Si le patron de Tiberia Iulia Smertuca, membre des unités auxiliaires de l’armée romaine, est pour sa part également doté du cognomen celtique de Diviciacus (Finke 216 = CSIR D 2-6, 28), on relève aussi des exemples, où la présence d’un élément indigène dans la nomenclature des patrons n’a pas de répercussions sur l’onomastique de l’esclave ou de l’affranchi. À Kastel, Oclatia Man-suonia possède un genti-lice d’origine ou d’asso-nance germanique associé à un cognomen latin, tandis que son affranchi, Ancario, porte un cognomen latin (CIL XIII, 7307 = CSIR D 2-6, 72)380 ; à Obernburg, le patron de Cornelius Papia porte le nom gaulois de Carantus (Ness-Lieb, 153 = CSIR D 2-13, 157)381. Ce corpus fait par ailleurs apparaître une proportion non négligeable de femmes possédant un cognomen indigène (soit près de 59 % de l’ensemble des porteurs de cognomina indigènes382). L’origine linguistique des ces cognomina est difficile à établir, mais on constate, malgré le nombre important de noms indéterminés, une faible représentativité de l’élément germanique : une seule occurrence certaine. La très grande majorité des cognomina portés par les affranchis dans les Germanies est donc latine. De nombreux surnoms se caractérisent par leur grande fréquence dans l’ensemble de la population et du monde romain, même si on rencontre parmi eux des noms d’assonance, le plus fréquent étant Verecundus383. 379
Kastel : Ancario (CIL XIII, 7307) ; Avenches : Gannica (CIL XIII, 5137) ; Obernburg : Papia (Ness-Lieb 153) ; Tres Tabernae : Divixta (CIL XIII, 6000) ; Fectio : Fledimella (CIL XIII, 8821) ; Cologne : Illetia (AE 1974, 463) ; Munzach : Araurica (CIL XIII, 5312). 380 Andreas KAKOSCHKE: Die Personennamen in den zwei germanischen Provinzen. Rahden 2008, band 2, 1, 98 prend parti en faveur de la restitution [A]ncario pour Anchario, un cognomen latin qui serait à rapprocher, selon l’auteur, du gentilice latin Ancharius. 381 Id.: ibid., band 2, 2, 174 associe le cognomen au grec papias. 382 Le chiffre tombe à 24, 2 % pour les cognomina grecs et à 27, 1 % pour les cognomina latins. 383 Sur Verecundus, on se reportera à l’article de Sabine LEFEBVRE: À propos de la répartition du nom Verecundus en Gaule et en Germanie. In: Noms, identités culturelles et romanisation, réf. cit., 597-646, qui souligne (603) que toutes catégories sociales confondues, c’est en Narbonnaise, puis en Germanie inférieure et en Germanie supérieure que les attestations sont les plus nombreuses, mais que la part des affranchis reste faible. Dans notre corpus, Verecundus est attesté à Strasbourg (CIL XIII, 11635), Mayence (CIL XIII, 7106 = CSIR D 2-6, 51), Aquae Granni (AE 1977, 544), Cologne (CIL XIII, 8428 = RSK 433).
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
Les données laissent donc entrevoir une permanence dans les usages linguistiques des surnoms en ce qui concerne les affranchis. Dans tous les cas, la documentation est de moins en moins importante, mais les rapports de force restent identiques. À toutes les époques, c’est le latin qui domine la nomenclature des affranchis, lorsqu’il est question de leur surnom. Éléments grecs et indigènes restent peu attestés si l’on en juge par les témoignages dont nous disposons pour l’heure et sont surtout présents au Ier siècle. L’usage des surnoms indigènes chez les affranchis stagne dès la fin du Ier siècle, tandis que la part grecque se maintient faiblement au IIe siècle. L’examen des surnoms des affranchis et des noms d’esclaves met en exergue la forte prédominance du latin sur les composantes grecques et surtout indigènes. Un tel état de fait incite à examiner de plus près la nomenclature des affranchis afin de déceler d’éventuelles associations intéressantes entre gentilices et cognomina384. 1.2.2. Associations onomastiques des gentilices et des cognomina L’analyse précédente des gentilices portés par les affranchis avait permis de conclure à la présence massive de gentilices italiens, et dans une bien moindre mesure de gentilices de formation patronymique, dont on va examiner l’association avec un cognomen d’origine latine, grecque ou indigène. La plupart du temps, le nom patronymique hérité du patron est associé à un cognomen latin, ce qui peut vouloir dire que nous avons affaire à une tentative plus ou moins maîtrisée de la part de l’ancien maître ou de l’esclave / affranchi d’adopter les codes onomastiques en vigueur dans l’empire385. Se signale aussi une stratégie de romanisation qui s’exerce à une échelle plus importante que celle de l’individu. Le nom patronymique signale l’intégration à la romanité du patron, pensée ou obtenue dans un contexte qui nous échappe, tandis que le cognomen latin de l’individu d’origine servile étend l’acculturation du maître à l’échelle de la familia. S’agissant des quelques affranchis dont le surnom indigène celtique, plus rarement germanique, coexiste avec le gentilice patronymique du patron, plusieurs cas de figure peuvent être envisagés. Lorsque le gentilice est impérial, nous sommes en présence d’individus autochtones qui ont acquis pour eux-mêmes la citoyenneté romaine, avant de transmettre le bénéfice du nom à leur famille voire à leurs affranchis, 384 Heikki SOLIN – Olli SALOMIES: Repertorium nominum gentilium et cognominum. Hildesheim 1988. 385 Voir les tableaux ci-dessous.
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comme à Mayence où le soldat auxiliaire Tiberius Iulius Diviciacus partage avec son affranchie et probable compagne, Smertuca, le gentilice impérial. On peut aussi envisager la possibilité que les surnoms indigènes des affranchis signalent un recrutement dans le milieu local par des individus issus du centre romain et porteurs de gentilices non patronymiques, comme dans le cas de Cornelia Divixta. Mais il est sans doute également envisageable que se soient maintenues des structures de dépendances préexistantes à l’entrée administrative des territoires dans la sphère romaine, qui ont perduré avec la romanisation et l’acculturation des patrons, dont le nom s’est latinisé par la voie patronymique, tandis que le surnom de leurs affranchis gardait pour leur part la trace de leur origine géographique.
Association gentilices indigènes ou patronymiques – cognomina Praenomen Gentilice Cognomen Gentilice Lextennia Illetia indigène Paul(inius) Sapid(us) patronymique formé sur le latin Paulus ou Paulinus Priminia Augurina patronymique formé sur le latin Primus / Priminus Quintinius Lector patronymique formé sur le latin Quintus / Quintinus Quintinius Fruendus patronymique formé sur le latin Quintus/Quintinus P. Romanius Modestus patronymique formé sur le latin Romanus Saturninia Gannica patronymique formé sur le latin Saturninus Caius Seccius Corintus ! patronymique formé sur le celte Seccus Caius Seccius Verecundus patronymique formé sur le celte Seccus Caius Seccius Lesbius patronymique formé sur le celte Seccus Sperati(us) Hermodorus patronymique formé sur le latin Speratus Sperati(a) Iuliana patronymique formé sur le latin Speratus Tertinia [Perpet]ua ? patronymique formé sur le latin Tertius / Tertinus Vitalinius Hilario patronymique formé sur le latin Vitalis / Vitalinus Carinius Papia italien ou patronymique dérivé du latin Carinus M. Lucilius Blandus italien ou patronymique dérivé du latin Lucilus Lucilia Pallas italien ou patronymique dérivé du latin Marcus Marcia Verecunda italien ou patronymique dérivé du latin Marcus L. Marius Privatus italien ou patronymique dérivé du latin Marus Quintus Marius Felix italien ou patronymique dérivé du latin Marus Q. Postum(ius) Hyginus italien ou patronymique dérivé du latin Postumus Postum(ius) Hermes italien ou patronymique dérivé du latin Postumus [V]ictorius Salutaris italien ou patronymique dérivé du latin Victor Victorius Hermes italien ou patronymique dérivé du latin Victor Vitellius Avitianus italien ou patronymique dérivé du latin Vitellus Cognomen indigène latin latin latin latin latin indigène grec latin latin grec latin latin celtique latin grec latin latin latin grec grec latin grec latin
Références AE 1974, 463 CIL XIII, 5108 Finke 99 AE 1978, 532 CIL XIII, 7092 CIL XIII, 8115 CIL XIII, 5137 CIL XIII, 7104 CIL XIII, 7106 CIL XIII, 7105 CIL XIII, 7112 CIL XIII, 7112 CIL XIII, 8338 CIL XIII, 8293 Ness-Lieb 153 CIL XIII, 8558 CIL XIII, 8558 AE 1977, 544 CIL XIII, 5173 AE, 1976, 496 CIL XIII, 5079 CIL XIII, 5079 CIL XIII, 6664 CIL XIII, 6881 CIL XIII, 8658
108 Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
Association gentilices non patronymiques – cognomina Praenomen Gentilice Cognomen Gentilice Aelia italien / impérial (Hadrien /Antonin Le Pieux) Ae(lia) Secundin(a) italien / impérial (Hadrien /Antonin Le Pieux) Aelia Datiba italien / impérial (Hadrien /Antonin Le Pieux) L. Aemilius Venustus italien D. Ammaeus Olympus italien ? Q. A[n]char(ius) Tae [---] italien Q. Ancharius Secundus italien [Anchar]ia Ma(n)sueta italien [Anchar]ia Ve{e]nusta italien Annius Ianuarius italien / assonance germanique Aur(elia) [---]rocla italien / impérial (161-180) Aurelia Constantina italien impérial (161-180) Aurelius Timavius italien impérial à partir (161-180) G. Avillius Epaphra italien G. Avillius Secundus italien Avillia [Bo]nitas italien Tiberius Babuleius Albanus italien Baebia V[---] italien L. Bruttius Acutus italien M. Caelius Privatus italien M. Caelius Thiaminus italien L. Caledius ? Primigenius italien Calidius Zoilus italien Ti. Claudius Zosimus italien / impérial (Claude / Néron) Tib. Claudius Halotus italien / impérial (Claude / Néron) Ti. Cl(audius) T[---] italien / impérial (Claude / Néron) Cognomen latin latin latin grec latin latin latin latin latin latin grec latin latin latin latin latin grec latin grec grec grec -
Références I Lingons 37 CIL XIII, 5244 CIL XIII, 5697 CIL XIII, 5712 CIL XIII, 8108 CIL XIII, 8301 CIL XIII, 8301 CIL XIII, 8301 CIL XIII, 8301 CIL XIII, 11741 CIL XIII, 7071 CIL XIII, 7078 CIL XIII, 8371 CIL XIII, 8368 CIL XIII, 8368 CIL XIII, 8368 CIL XIII, 5976 CIL XIII, 8328 CIL XIII, 12059 CIL XIII, 8648 CIL XIII, 8648 Finke 214 AE 2004, 976 AE 1976, 504 CIL XIII, 8271 CIL XIII, 7305
1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis
109
Ti. T. [T.] M. C. L. C. Ti. C. D. L. C. M.
Claudius Claud[ius ?] Claudi[a] Claudia Claudia Claudia Claudius Cornel(ia) Cor(nelius) Ennius Ennius Fabius Fabricius Ferridius ! Gavius Iulia Iuliu[s] Iul(ius) Iulia [I]ulius Iul(ia) Livia Loro[---us] Messulenus Norbana Oclatiu[s] Opponius Petronius
Hymnus [Sop/-- ?]hia Quieta Primigenia Icmas Atticus Divixta Iuvenilis Amancius ! F(eli ?)x Atto Laetus Felix Celer Smertuca Fecu(ndus ?) Auctus [Ve]nusta Secundu[s] Anexia Spendusa Can[didus ?] Iuvenis Saturnina [A]ncario Zoilus Albanus
italien / impérial (Claude / Néron) italien / impérial (Claude / Néron) italien / impérial (Claude / Néron) italien / impérial (Claude / Néron) italien / impérial (Claude / Néron) italien / impérial (Claude / Néron) italien impérial (Claude / Néron) italien italien italien italien italien Italien italien italien italien / impérial italien / impérial italien / impérial italien / impérial italien / impérial italien / impérial italien italien ou gaulois du sud italien italien italien italien italien
grec grec latin latin grec latin celtique latin latin latin latin latin latin latin celtique latin latin latin latin latin ? latin latin latin latin grec latin
CIL XIII, 5208 RSK 374 I Lingons 514 CIL XIII, 5208 CIL XIII, 7304 Witteyer IS.16-2 Witteyer IS 17-3 CIL XIII, 6000 CIL XIII, 6000 CIL XIII, 7238 CIL XIII, 7238 AE 1945, 13 CIL XIII, 8379 AE 1977, 590 CIL XIII, 7085 Finke 216 CIL XIII, 5290 AE 1984, 704 CIL XIII, 5226 CIL XIII, 8225 I Lingons 396 Ness 116 CIL XIII, 7235 CIL XIII, 8407 CIL XIII, 7055 CIL XIII, 7307 CIL XIII, 8002 CIL XIII, 8337
110 Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
M. M. M. L. L. Sex. Marcus L. D. M. Q. Q. Quintus G. C. !
Petronius Petronia Pomp(eia ?) Pomp(eia) Porcius Porcius Porcia Publicius Public(ius) Publici(us) Rubbius Salvia Seblasius Statilius Turrania Valerius Valerius Valerius Vassius Vassius Vennius Vescius Vescius
Corumbus Paulla Di[ca]ea Gemell(a) Crescens Verecundus Mansueta Modestus [---] Fronto+ Leonta Fledimella Amandus Fortunatus Suadulla Sisses Zethus Agathinus Zethus Clarus Paetus Primus Vaarus (!)
italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien italien
grec latin grec latin latin latin latin latin latin grec indigène latin latin indigène grec grec grec grec latin latin latin latin
CIL XIII, 8337 CIL XIII, 8337 CIL XIII, 5138 CIL XIII, 5138 CIL XIII,11635 CIL XIII, 11635 CIL XIII, 11635 RSK 216 RSK 216 Ness-Lieb 172 CIL XIII, 8349 CIL XIII, 8821 CIL XIII, 11891 CIL XIII, 6817 CIL XIII, 7117 RIS 41 CIL XIII, 5173 CIL XIII, 8427 CIL XIII, 5173 CIL XIII, 5173 AE 1992, 1265 CIL XIII, 7521 CIL XIII, 7521
1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis
111
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
1.2.3. La valeur des cognomina et des idionymes386 Les surnoms d’origine latine des esclaves et des affranchis des Germanies se caractérisent par une diversité apparente, qui laisse néanmoins entrevoir quelques régularités387. La grande majorité des noms attestés fait en effet allusion à des qualités morales. Les plus récurrentes sont la douceur, la modestie, la gentillesse, et la discrétion. Un seul individu dans notre corpus présente un surnom évoquant un tempérament véhément : il s’agit de l’affranchi Ferox, dont une dédicace a été retrouvée à Berne au milieu du IIe siècle (CIL XIII, 5161). Pour le reste, hommes ou femmes, esclaves comme affranchis, sont associés à des qualités qui semblent de nature à être particulièrement appréciées par les maîtres ou les patrons. Les qualités mentales sont nettement moins évoquées : on compte seulement un Sapidius, un Acutus et un Celer. En revanche, il arrive qu’on célèbre les qualités de fertilité et de vigueur des individus par le biais des surnoms Fecundus, Fruendus, Fructus, Salutaris, Vitalis ou encore Victorinus, qui peuvent conduire au succès et à la réussite. Le cognomen ou l’idionyme Felix sont d’ailleurs fréquents tant chez les esclaves que chez les affranchis et l’on relève également un Fortunatus. Ces différentes dénominations ne sont certes pas propres à la population servile, si l’on excepte des noms tels que Modestus, dont la connotation servile est assurée388. En revanche, la fréquence élevée des sèmes de tempérance, de douceur et de tranquillité dans la dénomination de la population servile permet de mettre en exergue les qualités attendues des membres de ce groupe. On mettra l’accent sur une catégorie particulière au sein de cet ensemble, celle qui renvoie aux sentiments voire à la sexualité. Si des termes comme Amandus, Amandinus ou Amancius restent assez généraux, un affranchi porte le surnom d’Amor, un autre d’Erotianus, un dernier de Suavis, tandis qu’un esclave est connu sous l’appellation Masculus. Si l’on ne peut avoir de certitudes sur l’usage qui était fait de ces individus, on peut néanmoins constater l’existence d’un terrain favorable à l’exploitation sexuelle de cette population. Un deuxième groupe fait référence aux circonstances de la naissance, souvent pour évoquer un ordre ou un mois de naissance, une grossesse gémellaire, ou encore la satisfaction éprouvée par les parents à l’arrivée de l’enfant. Parmi les valeurs des cognomina ou des idionymes, on trouve ensuite des considérations sur le corps dans son ensemble. Quelques surnoms sont alors attestés isolément, qui individualisent le porteur, notamment lorsqu’il est question d’un défaut physique. Si la petite taille semble justifier l’attribution du surnom pour plusieurs individus 386 Les analyses qui suivent ont été réalisées à partir des ouvrages de Iiro KAJANTO: The Latin cognomina. Helsinki 1965, 418 p. ; de Heikki SOLIN: Die griechischen Presonennamen in Rom. Ein Namenbuch. Berlin, New York 2003, 3 vol. et Die stadtrömischen Sklavennamen. Ein Namenbuch. Stuttgart 1996, 3 vol. et d’Andreas KAKOSCHKE: Die Personennamen in den zwei germanischen Provinzen. Ein Katalog. Rahden 2006-8. 387 La liste des surnoms et des idionymes avec les références figurent en annexe. 388 Dans nos provinces, le surnom est connu chez deux affranchis (RSK 216 et CIL XIII, 8115 = CSIR D 3-2, 1) et un esclave (AE 1977, 590)
1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis
113
(on compte quelques Paulla et Paulinus), il n’en va pas de même pour Vaarus, Capito et Fronto, dont on ne compte cependant qu’une seule attestation. Les surnoms ethniques ou liés à la géographie sont également présents, même si l’on peut douter de leur valeur réelle pour l’individu qui les porte. Outre l’indication d’une origine tantôt urbaine, tantôt étrangère, tantôt montagnarde, on relève l’évocation de plusieurs régions italiennes (Albanus, Sabinus) et de villes (Venusia, Lucana). Un idionyme intéressant est celui de l’essedarius Cimber, qui évoque une tribu germaine et laisse supposer une origine indigène. Les théophoriques sont peu portés. Esclaves et affranchis sont associés à Saturne et à Mercure, tandis que deux esclaves impériaux de Besançon sont associés par leur nom au dieu Mars. Les surnoms liés à l’activité sont de même peu présents dans la population servile, quasi absents chez les esclaves, on rencontre un Messor, un Mercatorius, un Lector et une Augurina parmi les affranchis. De la même manière, on relève quelques cas où le surnom et l’idionyme sont dérivés d’un gentilice auquel a été ajouté un suffixe en –anus et quelques prénoms, le plus souvent rares et obsolètes, en guise de surnoms389. Les surnoms grecs des esclaves et des affranchis ne présentent pas les mêmes caractéristiques390. On observe en particulier une importance bien moindre des références aux qualités morales ou sociales. Le corpus dont nous disposons ne présente que quelques individus dont le surnom renvoie à l’honnêteté, à la discrétion et à la tempérance, à l’instar des affranchis Dicaea et Agathinus. Un peu plus nombreux sont les individus dont le nom est associé à la chance. On relève ainsi, tant chez les esclaves que chez les affranchis, plusieurs Eutychas, Eutychetus, Eutychus ou encore Eutychis. Les circonstances de la naissance peuvent également être à l’origine du surnom, moins dans la perspective d’une particularité liée à la naissance, comme dans le cas des surnoms latins, que pour situer l’individu dans une famille, une lignée. Ainsi Epigonus, Genesia, qui évoque la naissance en général, ou Hedyepes, dont le nom se rapporte aux membres de la famille. La dispersion des significations que l’on peut accorder aux surnoms d’origine grecque est patente, et l’on peine à distinguer des groupes prédominants. On notera cependant quelques particularités. Comme dans le cas des surnoms latins, on trouve des individus dont le nom est à mettre en relation avec une origine ou une situation géographique (Lesbius, Olympus, Ponticus, Sidonius). Plus nombreux sont ceux dont le nom d’origine grecque est associé à la nature, animaux ou plantes, et de manière générale, à la vie, à la bonne santé, comme en témoigne, notamment parmi les affranchis, l’existence ou le retour des cognomina Zosimus, Hyginus, Zoilus. Enfin, les surnoms grecs évoquent volontiers le monde des dieux et des héros en empruntant parfois le détour de la littérature ou de la philosophie, bien 389
Atto, Ascanius, Salvianus pour les prénoms ; Plautianus, Iuliana, Vedianus et Marcianus pour les gentilices. 390 Les recensements qui suivent ont été effectués sur la base des travaux de Heikki SOLIN: Die griechischen Personnamen in Rom. Berlin, New York 2003, 1716 p. (3 vol.) et Die Stadtrömischen Sklavennamen. Ein Namenbuch. Stuttgart 1996, 727 p. (3 vol.)
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
plus souvent que ne le font les surnoms latins. Pallas, Hermes, Asclepiades, Diomedes, Paris en sont les exemples les plus marquants, mais il n’est pas possible de déceler une prédilection particulière pour telle ou telle divinité. La signification des surnoms portés par les affranchis et des idionymes des esclaves offre un tableau intéressant du regard porté sur cette catégorie de la population. Qualités physiques et morales, circonstances matérielles de la naissance, activités, origine géographique et relations aux dieux constituent les groupes privilégiés au sein desquelles les appellations sont choisies, à l’instar des libres. Ce qui apparaît en revanche clairement, c’est la prédominance des sèmes de douceur, de modestie et de tranquillité, dans la nomenclature, comme s’il s’agissait de démontrer par avance l’intérêt qu’il y a à posséder ces esclaves. Là réside sans doute la particularité onomastique de cette population, au moins dans les Germanies, lorsqu’elle porte un surnom latin. 1.3. La transmission des noms Jusqu’à présent, nous avons essentiellement scruté la nomenclature des individus. Il nous reste à observer la manière dont les noms se transmettent au sein des familles d’esclaves ou d’affranchis, afin de déceler s’il existe des signes de romanisation perceptibles dans les choix onomastiques qui sont faits. Pour ce faire, nous examinerons le cas de quelques familles avérées d’esclaves ou d’affranchis ; elles sont peu nombreuses à s’afficher dans les inscriptions et il est difficile de remonter au-delà de la première génération. Le cas le plus fréquent est celui de parents qui accordent à leur enfant un nom d’origine latine. Plusieurs exemples en témoignent indépendamment du statut d’esclave ou d’affranchi, de la localisation sur le territoire des Germanies et du milieu dans lequel ces individus évoluent. À Geron Cologne, un père et son fils exerçant vraisemblablement tous deux la fonction de limocinctus portent un nom identique sur le Senecio plan sémantique, mais d’origine différente391. Le nom du père et celui de son fils sont tous deux associés à l’âge et à la vieillesse. Il est cependant intéressant de constater l’évolution linguistique au sein de ce parallélisme sémantique, qui tend à ancrer le fils dans la latinité. L’adoption d’un nom d’origine latine pour les descendants est également de mise, Marcianus + Crysagone (!) lorsque les parents portent des idionymes d’origines différentes, comme en témoigne ci-contre Mercurialis l’exemple à Cologne de la dédicace d’un couple pour son fils392. 391 392
CIL XIII, 8334 = RSK 300. RSK 379.
1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis
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Le père porte un idionyme latin formé à partir du gentilice Marcius ou du prénom Marcus, auquel on a ajouté le suffixe –anus, tandis que le nom de la mère est d’origine grecque393. L’enfant porte pour sa part un nom qui l’associe sans ambiguïté au monde latin et ce d’autant plus qu’il est placé sous le patronage de Mercure. La progression vers un nom latin n’est cependant pas la règle. On constate par exemple à Mayence que dans la famille du légat de légion Iunius Pastor, c’est l’élément grec qui l’a emporté dans la dénomination d’un jeune esclave394 : Hedyepes
+ Genesia
Hipponicus Les parents portent tous deux un nom d’origine grecque et c’est également le grec qui sera préféré pour désigner le fils. Il faut peut-être dès lors considérer le maintien du grec comme un marqueur onomastique de la famille, d’autant que l’importance du maître garantit aux esclaves de cette familia une reconnaissance, qui ne dépend pas uniquement de ses choix onomastiques. L’épitaphe métrique consacrée à l’enfant suppose aussi de la part des parents une culture, qui va de pair avec le choix du grec comme élément culturellement significatif. Enfin, on peut aussi penser à la vogue des surnoms grecs dans le milieu de l’aristocratie romaine, à laquelle appartiennent les maîtres de l’esclave défunt. Tous ces éléments sont autant de facteurs qui montrent qu’il existe bel et bien des transmissions qui ne vont pas dans le sens d’une latinisation et échappent également à la prépondérance de l’élément paternel, comme le montre à Cologne l’exemple d’une famille dont le père est affranchi du centurion de la légion V395 : Lucius Bruttius Acutus
+
Maura
Nepele (!)
393
Il n’est pas recensé par Heikki Solin, qui ne le mentionne pas dans ses répertoires. Andreas Kakoschke (op. cit., 238) le rattache à Chrysogonus, issu du grec et signifiant « von Gold erzeugt ». 394 CIL XIII, 6808 = CLE 1590 = CSIR D 2-6, 87. 395 CIL XIII, 12059 = RSK 215.
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
Le père est clairement désigné comme un affranchi. Il porte les tria nomina, est doté d’un cognomen latin, sans que rien ne permette de connaître ses origines, et il est désigné comme le contubernalis de Maura, dont on ignore le statut exact. Son surnom est un ethnique latin, qui désigne un habitant de la Maurétanie396. Leur fille, filia, Nep(h)ele reçoit pour sa part un nom grec, dont la signification est liée à la nature, puisque le terme évoque les nuages, le brouillard ou l’obscurité397. La règle générale dans notre corpus reste cependant une transmission paternelle qui va dans le sens de l’adoption d’un surnom ou d’un idionyme latin. Plusieurs exemples en témoignent, notamment lorsque la nomenclature du père est suffisamment développée pour permettre des comparaisons, comme à Mayence398 : Tiberius Iulius Diuiciacus + Tiberia Iulia Smertuca
Speratus Nous sommes ici en présence d’une épitaphe rédigée par le patron, membre de l’ala Sebosiana, pour son affranchie et son fils. Nous ne reviendrons pas sur le statut ni les fonctions de Tiberius Iulius Diviciacus, que nous avons abordés plus haut. Constatons simplement ici qu’il se désigne uniquement en termes juridiques sans mentionner explicitement les liens qui l’unissent aux défunts. L’usage de l’expression filius eius, qui évoque la seule filiation maternelle, est néanmoins suffisamment large à l’époque pour laisser supposer que le patron est aussi le père du jeune défunt399. Il est aussi intéressant de constater que les deux adultes portent un cognomen celte, tandis que le fils défunt est pour sa part doté d’un cognomen latin, dont la signification est intéressante, puisqu’elle montre qu’en accord avec
396 Andreas KAKOSCHKE, II, 103 ; Iiro KAJANTO le range dans la catégorie « geographical cognomina » et Heikki SOLIN: Die Stadtrömischen Sklavennamen. Ein Namenbuch. Stuttgart 1996, 40 dans les « Namen aus geographischen Namen » 397 Heikki SOLIN (Die griechischen Personennamen in Rom. Ein Namenbuch. Berlin, New York 1982, 1216) le classe parmi les « Namen aus Erscheinungen der leblosen Natur ». 398 Finke 216 = CSIR D 2-6, 28. 399 CSIR D 2-6, 28 écrit, en accord avec Volker KRONEMAYER: Beiträge zur Sozialgeschichte des römischen Mainz. Frankfurt am Main, New York 1984, 95 ; 106 ; 187 : « Speratus wird als filius eius bezeichnet. Geht man von einer Vermischung des Gebrauchs von eius und suus aus, dann ist der Sohn, selbst, wenn der Patron auch der Vater wäre, zunächst dem Rechtstatus der Mutter gefolgt, d. h. er war vor ihrer Freilassung Sklave. Ein Hinweis auf ein Matrimonium fehlt ebenso wie die Tria nomina des Kindes, die ihn als römischen Bürger bezeichnen. » Rien ne permet cependant de conclure sur le statut de l’enfant, dans la mesure où nous ne disposons que de son cognomen : il est de ce fait impossible d’affirmer que le prénom et le nom Tiberius Iulius sont sous-entendus dans la séquence onomastique du jeune défunt. En revanche, on suivra volontiers l’interprétation large qui est faite de l’expression filius eius et laisse entrevoir les liens de parenté entre le dédicant et le jeune garçon.
1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis
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le choix linguistique de l’origine du cognomen, le fils portait les espoirs d’intégration et d’ascension sociale de la famille400. Lorsque les parents portent tous deux un cognomen latin, on constate que le fils est lui aussi doté d’un surnom Unio + Aelia Secundina latin. L’exemple de deux fonctionnaires impériaux l’atteste, l’un à Turicum401, l’autre à Langres402 : Lucius Aelius Urbicus Ces deux inscriptions présentent des caractères similaires, dans la mesure où l’onomastique des parents figurant sur les inscriptions nous fait seulement connaître le cognomen du père (afLucrio franchi impérial, chef de la station du quarantième des Gaules à Zürich et dispensator impérial à Langres) et les duo nomina des mères, qui appartiennent toutes deux également à la maison impériale. À Zürich, la nomenclature du fils laisse apparaître les tria nomina, signe de son appartenance au corps des citoyens403. Il porte le prénom Lucius, qui nous renvoie au règne de Commode, le seul empereur à être connu sous les noms Lucius Aelius. Si l’on en croit le sens de son surnom, Urbicus semble être né à Rome de Lucrio
+
Aelia Datib(= v)a
400 Denis B. SADDINGTON: art. cit., 173 souligne que peu d’enfants sont mentionnés sur les tombes des auxiliaires, même si l’on en trouve quelques exemples. À cette occasion, si l’on peut noter que des noms uniques de pérégrins sont attribués à certains de ces enfants, « there was soon a tendancy to Latinize children’s name », comme le montre justement l’exemple de Speratus, mais comme en témoignent d’autres textes (par exemple ILS 9137 ou encore CIL XIII, 11709). Finalement, l’auteur conclut au choix d’un nom pour soi aussi bien que pour les enfants dans le sens d’un désir d’assimilation à une communauté particulière. Lorsque nous sommes en présence d’un nom latin, ce choix semble de nature à « testify to a widespread desire of those who were socially ‘upwardly mobile’ in the provinces to adopt as many features of the dominant culture as possible » (176). 401 CIL XIII, 5244 = RIS 2, 193. 402 CIL XIII, 5697 = I Lingons 367. 403 Jérôme FRANCE: Quadragesima Galliarum. L’organisation douanière des provinces alpestres, gauloises et germaniques de l’empire romain (Ier siècle avant J.-C. – IIIe siècle après J.-C.). Rome 2001, 113, évoque les différentes hypothèses concernant le statut du jeune enfant et les rapports qu’il entretient avec le nom de son père : l’enfant aurait été affranchi en même temps que ses parents, qui porteraient le même gentilice ; mais, n’étant pas de qualifié lui-même d’Augusti libertus, il est sans doute de naissance ingénue. Si sa naissance est légitime, il porte le même gentilice que son père, sinon, né dans le cadre d’un contubernium il porterait le gentilice de sa mère. C’est cette dernière hypothèse que retient de façon convaincante Jérôme France. Si le début de la séquence onomastique du père nous est inconnue, on peut néanmoins émettre l’hypothèse, à la suite de Jérôme France, qu’il portait au moins le gentilice Aelius, en vigueur chez les empereurs depuius Hadrien.
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
fonctionnaires romains ou italiens envoyés dans les provinces404. Quoi qu’il en soit, sa nomenclature vise à en faire un individu apte à tenir son rang de citoyen. Il est en ce sens remarquable que l’enfant, mort à l’âge de un an, soit désigné par ses tria nomina, preuve qu’il s’agit bien de le désigner à tous comme un citoyen à part entière. Dans le cas de Lucrio à Langres, seul le cognomen sert à identifier l’enfant. Il est identique à celui de son père, à l’instar de la transmission par la voie paternelle du surnom au fils aîné, tel que cela se pratiquait dans les familles sénatoriales sous la République et au début de l’Empire405 et il illustre lui aussi l’importance d’une transmission d’un cognomen latin. Les inscriptions sont peu nombreuses à nous offrir un tableau détaillé des familles d’affranchis, encore moins d’esclaves. Parmi elles, on trouve celle de Caius Vescius Primus à Mayence406 : Caius Vescius Primus (affranchi de Caius) Caius Vescius Severus
Peregrina
Nous sommes une fois de plus en présence du maintien de l’élément latin dans la nomenclature de la famille. Cette inscription nous livre aussi le traitement onomastique réservé au fils et à la fille du défunt affranchi. Le fils porte les tria nomina, tandis que la fille est seulement identifiée par son cognomen. C’est à Cologne qu’on trouve la mention la plus développée d’une généalogie dans une stèle funéraire consacré à la famille d’un Trévire407 :
404 Voir les relevés de Jérôme FRANCE (op. cit., 114) sur la répartition géographique du cognomen Unio, essentiellement attesté à Rome et en Italie. 405 Selon Jérôme FRANCE: op. cit., 98, il faut comprendre que Lucrio est un affranchi impérial, qui n’aurait pas de rapport avec l’administration du quarantième des Gaules, la fonction de dispensator exercée n’étant pas connue dans cette administration. Contra Yann LE BOHEC: Inscriptions de la cité des Lingons, réf. cit., 210, qui préfère la lecture Aug(usti) [n(ostri)] disp(ensator) pour maintenir le parallèle avec une autre insscription de Langres à la structure identique (CIL XIII, 5699 = I Lingons 369) : Caesar(is) n(ostri) scr(iba). 406 CIL XIII, 7521 = CSIR-D-02-14, 35. 407 RSK 311 = AE 1974, 463. Les noms en italique sont d’origine celte. Le nom souligné, Glannio, est nom exclusivement trévire à usage connu unique : voir Marie-Thérèse RAEPSAETCHARLIER: Noms, identités culturelles et romanisation…, ref. cit., 377.
1. Identité onomastique des esclaves et des affranchis
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Glannio […]villovius
Urabucius Iucundus
+
Lextennia Illetia (affranchie de Quintus)
Donata Cicla
Germanus Annia (nepotibus)
L’arbre généalogique de la famille montre un abandon progressif des surnoms d’origine indigène. Les parents et grands-parents portent en effet des cognomina celtiques408. À la troisième génération, Urabucius, le fils aîné, semble-t-il, conserve dans sa nomenclature la trace des origines familiales, mais les deux autres enfants reçoivent pour leur part des noms latins, notamment la fille, qui, avec Donata, porte un cognomen très fréquent. Il est à noter que le surnom de son frère, Germanus, tout en étant d’origine latine, prend en charge la situation géographique de la famille. En ce qui concerne les petits-enfants, on constate que l’un des enfants seulement est porteur de l’élément latin dans sa dénomination ; le petit-fils reçoit un surnom typiquement latin, d’où disparaît tout rappel de l’origine familiale, tandis que les deux petites-filles, Cicla et Annia, portent des noms celtes409. Les dédicants sont pour leur part respectivement porteurs d’un nom latin, Felix, très répandu à Rome aussi bien que dans les provinces, et grec, Palin[urus]. Si l’on met de côté les dédicants, dont l’état de l’inscription ne nous permet pas de connaître le lien et le degré de parenté avec les membres de la famille à qui ils consacrent une inscription, peut-être faut-il voir ici à l’œuvre l’évolution d’une stratégie de romanisation de la famille. Le couple est formé de deux individus, probablement indigènes, dont l’un est une ancienne esclave. Dans un premier temps, le seul de leurs enfants à garder dans sa nomenclature la trace de cette origine est le fils aîné. L’examen des membres de la deuxième génération laisse penser que la stratégie change : aux hommes un cognomen latin, aux femmes un cognomen qui rappelle les origines de la famille. Dans tous les cas, on
408
Jean KRIER: Die Treverer außerhalb ihrer Civitas. Mobilität und Aufstieg. Trier 1981, 109 parle de « ausschließlich latinisierte einheimische Namen » pour Glannio, -villovius et Illetia. 409 Voir Andreas KAKOSCHKE, I, 104 et 239. Le point de vue de Jean KRIER: op. cit., 109 est légèrement différent, puisqu’il considère Annia comme un nom « römisch-italische », mais la conclusion reste identique avec la romanisation progressive des noms au sein de cette famille.
120
Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
assiste là à des tentatives pour intégrer les codes romains sans rien perdre de la tradition. Citoyens aristocrates romains
Recherche d’une ascendance
Filiation
Inscription dans une tribu
Affranchis / Esclaves
En quête d’un devenir
Élaboration d’une image (omission éventuelle du statut juridique, mention d’une profession, réflexion onomastique…)
Peut-on dès lors formuler un constat ? La préoccupation d’un citoyen romain, appartenant à l’aristocratie, tient à l’énoncé d’une ascendance et d’une tradition familiale ; avec les affranchis, voire les esclaves, nous assistons en revanche à une recherche et une culture de la romanité « descendante », où la question se pose du devenir de la famille, selon le schéma précédent. 2. Identité familiale des esclaves et des affranchis Outre les modalités d’appellation à l’œuvre parmi les esclaves et les affranchis, qui nous donnent une indication sur la manière dont ils s’intègrent dans le système nominaliste romain, les inscriptions nous livrent également des informations à caractère privé ou familial. En cette matière, plus qu’en aucune autre sans doute, les données dont nous disposons ne peuvent être considérées comme définitives. Nous n’avons en effet recueilli qu’une partie des témoignages épigraphiques laissés par cette population et il n’est pas non plus évident que tous aient pu accéder à cette forme de communication et de survie. C’est pourquoi il faut regarder les considérations à venir comme un état présent et ouvert de la situation des esclaves et des affranchis sur le territoire des Germanies. On se propose dans un premier temps d’établir les proportions d’hommes et de femmes constitutives de cette population, avec cette réserve qu’il s’agit de ceux qui ont eu accès aux pratiques épigraphiques, avant d’observer les données relatives à l’âge du décès et à l’expression de la parenté au sein de ce groupe. 2.1. La place des femmes esclaves ou affranchies dans les Germanies Les inscriptions dont nous disposons pour les Germanies font apparaître une disproportion très nette en termes de répartition de la population, quelles que soient les variables. Les femmes représentent 24, 6 % de la population servile globale qui nous a laissé des témoignages sur pierre. Lorsqu’on examine leur présence en
2. Identité familiale des esclaves et des affranchis
121
fonction de leur statut, il apparaît que les affranchies ont une visibilité supérieure (29, 9 % de la population affranchie connue, alors que les femmes ne représentent que 15, 2 % de la population servile connue). On peut sans doute attribuer ce résultat à la différence de statut en elle-même. La visibilité plus grande des affranchies trouve des explications dans une plus grande reconnaissance sociale due à l’importance de leurs fonctions ou dans la réalisation d’inscriptions commémoratives plus soignées, qui ont mieux résisté au temps. Peut-être faut-il aussi, on le verra plus loin, faire la part de la volonté d’un patron ou d’un maître, qui peut aussi parfois être un conjoint, à témoigner de cette relation et du même coup à rendre possible la survie de ces femmes. On constate également qu’elles sont plus présentes dans les inscriptions de Germanie supérieure. La proportion de femmes dans cette province est d’autant plus remarquable par rapport aux territoires du Nord, pour lesquels Cologne et son territoire (notamment Bonn) fournissent quasiment l’ensemble des attestations. Pour autant, la visibilité des femmes, surtout affranchies, en Germanie supérieure ne doit pas faire illusion. On les trouve principalement dans les grands centres : Mayence, Langres et, très loin derrière, Avenches et Vindonissa. En ce sens, les femmes ne font que refléter à une échelle encore plus importante les caractéristiques globales de répartition de la population servile dont on a gardé la trace dans les Germanies : un groupe urbain, principalement localisé dans les grands centres, administratifs, économiques et, dans une moindre mesure, liés à l’implantation militaire. Sur le plan chronologique, la population féminine servile semble relativement stable au Ier et au IIe siècle, pour autant qu’on puisse en juger à partir des inscriptions dont on dispose. La répartition chronologique est en revanche plus marquée en ce qui concerne les affranchies, même si l’on doit tenir compte de 10 attestations à la date incertaine. Leur population est majoritairement attestée au Ier siècle et tend à chuter de près de la moitié au IIe siècle. Esclaves ou affranchis, les hommes forment donc la majorité visible des inscriptions, qu’ils en soient les destinataires, dont on vise à perpétuer le souvenir, ou les dédicants dans le cadre d’inscriptions votives et funéraires. Il est en ce sens particulièrement significatif que dans notre corpus on ne trouve que deux inscriptions votives émanant à titre personnel, d’une femme. La première est une dédicace aux Nymphes retrouvée à Aquae Granni et faite par une affranchie, Marcia Verecunda410, la seconde, plus surprenante, est un ex-voto consacré à Mars, au Ier siècle, par Fidelis, affranchie de Fronto à Vindonissa411. Peut-être faut-il voir dans la dédicace à Mars le reflet d’un vœu destiné à protéger un soldat, le patron ou le compagnon de l’affranchie. Lorsque les femmes apparaissent, très rarement d’ailleurs, dans ces circonstances, c’est en association avec leur conjoint, 410
AE 1977, 544 = NI Bonn 2 : Nymphis / Marcia / Vangionis / li(berta) Verec/unda v(otum )/ s(olvit) l(ibens) m(erito). « Aux nymphes, Marcia Verecunda, affranchie de Vangio, s’est acquittée de son voeu de bon gré comme il se doit. » 411 Finke 102 : Marti v(otum) s(olvit) l(ibens) m(erito) / Fidelis Frontonis liberta. « Fidelis, affranchi de Fronto, s’est acquittée de son voeu à Mars, de bon gré comme il se doit. »
122
Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
comme à Alta Ripa où Gratinus, un esclave de la cité des Vangions et Decorata, son épouse, une affranchie publique, célèbrent conjointement la consécration d’une statue à Diane en l’accomplissement d’un vœu visiblement effectué de concert412. On trouve également, à Alta Ripa encore, un vœu à Diane, pour le salut de leurs maîtres, réalisé par deux individus, Amandus et Victorina, dont le statut et la relation ne sont pas explicites et qui pourraient être deux esclaves, vivant en concubinage, mais ce dernier point reste de l’ordre de l’hypothèse413. À Mayence, l’affranchie impériale Claudia Icmas dédie deux inscriptions l’une à Mater Magna seule, l’autre à Mater Magna en association avec Isis Panthea en compagnie d’un esclave et d’un affranchi, appartenant tous deux également à la maison impériale, sans qu’il soit là encore possible de spécifier la relation qu’ils entretiennent414. Quoi qu’il en soit, on ne peut que constater l’absence des femmes dans les inscriptions votives de Germanies dont nous disposons415. Il serait sans doute réducteur d’en conclure à l’inexistence des femmes en tant qu’actrices de la vie religieuse ; mais les témoignages qui ont survécu les rejettent dans l’ombre et ce sont les épitaphes, qui constituent notre source principale de connaissance sur les femmes. Comment y sont-elles mises en scène ? Dans la plupart des cas, elles y sont représentées en tant que défuntes, à qui l’on érige une inscription. Le plus souvent, le dédicant est le conjoint416 ou le patron417. Il est plus rare que ce dernier se présente 412
AE 1933, 113 = Nesselhauf 75 = CSIR D 2-10, 69 : Matri Deum / Magna(e) et Nu/minibus loci / signum Dian(ae) / Gratinus rei p(ublicae) / civ(itatis) Vang(ion um) serv/us arcarius et / Decorata eius (coniux), / libert(a) public(a), / ex voto posu/erunt ll(aeti) ll(ibentes) m(erito). / Imp(eratore) D(omino) N(ostro) Traia(no)/ Decic Aug(usto) et Grato co(n)s(ulibus). « A la Grande Mère des dieux et aux Divinités du lieu, Gratinus, esclave de la capitale des Vangions [Worms], caissier de la chose publique, et son épouse Decorata, ont posé cette statue pour Diane en l’accomplissement d’un vœu. Ils s’en sont acquittés heureux et de bon gré, comme il se doit. Sous le gouvernement impérial de notre Maître Trajan et sous le consulat de Decius Augustus et de Gratus. » 413 CIL XIII, 11695. 414 AE 2004, 1015-1016. On verra aussi Espérandieu 8547 (=Ness-Lieb 198 = AE 1945, 9), où le vœu est réalisé par un individu masculin pour lui et pour une femme, peut-être son épouse. Il faut rappeler que le culte d’Isis était dès les origines pratiqué notamment par les femmes affranchies. Voir Jürgen BLÄNSDORF: Cybèle et Attis dans les tablettes de defixio inédites de Mayence. In: Comptes-rendus des séances de l’Académie des inscriptions et Belles-Lettres 149e année, n. 2 (2005) 669. 415 Sur la place des femmes dans les inscriptions votives, on pourra lire Wolfgang SPICKERMANN: Mulieres ex voto : Untersuchungen zur Götterverehrung von Frauen im römischen Gallien, Germanien und Rätien (1.-3. Jahrhundert n. Chr.). Bochum 1994, notamment 405-407, qui conclut à la participation très modeste des femmes à la vie religieuse de Germanie supérieure en raison notamment du caractère frontalier et militarisé de la province, qui laisse peu d’espace à une pratique féminine, d’autant que la tradition antérieure à la présence romaine ne leur offrait pas non plus un terrain sur lequel une participation visible à la vie religieuse. La Germanie inférieure présente une situation plus nuancée en raison de la présence sur le territoire de la CCAA d’un culte rendu aux Matrones, auxquelles les femmes ont volontiers participé (p. 408-411). 416 Par exemple CIL XIII, 5756 = I Lingons 392 ; CIL XIII, 7304 ; CIL XIII, 5697 = I Lingons 367 ; CIL XIII, 5386.
2. Identité familiale des esclaves et des affranchis
123
à la fois comme l’ancien maître et le mari418. Le dédicant peut aussi être un autre affranchi419, un frère420 ou un fils421. Il reste également un nombre de cas non négligeable, pour lesquels le dédicant n’indique pas les liens qui l’unissaient à la défunte. Faut-il voir dans cette pratique une manifestation de la piété due à la défunte, qui ne va pas jusqu’à assumer une intimité avec elle ? De telles situations sont envisageables lorsque le dédicant porteur des tria nomina peut être un libre, qui aurait vécu maritalement avec l’esclave ou l’affranchie en question422. Les femmes sont aussi des dédicantes. Elles érigent des inscriptions à leurs maris, libres ou non, à d’autres esclaves et affranchis, et surtout à leurs enfants. Dans ce dernier cas, elles sont le plus souvent associées à leur conjoint, mais il arrive qu’elles soient les dédicantes exclusives, comme à Ladenburg, où Vervicia consacre une inscription à la perte de son fils (CIL XIII, 11741). Plus intéressante encore est le cas de Telesphoris à Mayence, qui consacre deux inscriptions à sa petite fille en mentionnant l’existence d’un mari par le biais du terme maritus, mais sans le nommer, comme si c’était à elle que revenait l’initiative de l’inscription ou comme si le concubin n’avait pas voulu être nommé (CIL XIII, 7113 = CSIR D 2-6, 88 et CIL XIII, 7114 = CSIR D 2-6, 89). Les inscriptions des femmes pour leur maître ou pour leur patron sont encore plus rares. Inexistantes lorsqu’il s’agit d’esclaves, on en trouve quelques exemples dans le cas d’affranchies. À Langres, Nocturna, Angina et Aquiliona érigent un monument pour Rebrica423, et Mercurina consacre une inscription à Isuria Flava424. À Avenches, enfin, l’affranchie et l’esclave de Pompeia Gemella s’acquittent envers elles de leurs devoirs de piété425. On constate qu’à chaque fois que la dédicace est réalisée par une femme pour son patron, il s’agit de relations qui s’expriment exclusivement dans la sphère féminine. Au final, on se gardera de toute conclusion définitive s’agissant de la visibilité des femmes dans les inscriptions des Germanies, si ce n’est que l’on observe d’abord une certaine discrétion, qui s’exprime par une faible représentation au regard de notre corpus ainsi que par une association étroite avec la sphère domestique et privée, qui conduit les femmes à être le plus souvent associées à leur conjoint ou, lorsqu’elles agissent à titre individuel, à évoluer dans un cercle féminin. Quant à leur répartition sur le territoire des Germanies, elle obéit au même schéma que celui du reste de la population servile, à la réserve du nombre près. 417 Finke 216 = CSIR D 2-6, 28 ; CIL XIII, 5312 = RIS 2, 228 ; Finke 299 = RSK 358 ; CIL XIII, 8821 ; CIL XIII, 5226. 418 RSK 335. 419 CIL XIII, 5138 = I Avenches 3 = RIS 1, 97; CIL XIII, 7522 = CSIR D 2-14, 38a. 420 CIL XIII, 5711 = I Lingons 375 ; CIL XIII, 7117 = CSIR D-2-6, 56. 421 CIL XIII, 5134. 422 Voir CIL XIII, 8593 = CSIR D 3-1, 47 ; AE 1979, 431 = CSIR D 2-6, 75. 423 AE 1969-70, 430 = I Lingons 525. 424 CIL XIII, 5778 = I Lingons 409. 425 CIL XIII, 5138.
124
Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
2.2. L’âge des esclaves et des affranchis En nous faisant entrer dans leur univers familier, les auteurs des inscriptions ne nous livrent pas seulement en creux l’image de la femme affranchie ou esclave, ils nous permettent aussi de saisir différents éléments d’appréhension de la situation des groupes juridiques et sociaux, parmi lesquels l’espérance de vie. Ce sont les inscriptions funéraires du Ier siècle et plus particulièrement de la première moitié, qui ont l’habitude de mentionner l’âge du défunt à sa mort, avec une précision parfois inattendue. 35 inscriptions correspondant à 42 individus sont dans ce cas (16 femmes et 25 hommes). Deux témoignages ne permettent pas de disposer du sexe du défunt426. Il est difficile, compte tenu du caractère partiel de la documentation, de risquer des interprétations sur l’espérance de vie relativement au sexe des esclaves et des affranchis427. Il se trouve que notre corpus présente un plus fort taux de mortalité infantile féminine, mais cela relève sans doute du hasard lié aux découvertes. Pour le reste, la répartition par tranche d’âge semble relativement équilibrée mais ne permet pas d’interprétation supplémentaire. Quatorze individus sont esclaves, 26 affranchis et trois de statut indéterminé. D’après les données fournies par ces inscriptions, on constate que l’espérance de vie excède rarement 35-40 ans. De nombreux esclaves meurent entre 20 et 25 ans, tandis que les affranchis comptent de nombreuses pertes entre 20 et 45 ans. Cette faible espérance de vie donne lieu à de fréquentes déplorations non seulement de la part des parents, mais aussi des patrons, qui regrettent que la mort ait emporté leur affranchi avant qu’il n’ait pu atteindre la fleur de l’âge. Les parents regrettent un destin inhumain, qui les prive du soutien de leur vieillesse, comme à Mayence (CIL XIII, 11895 = CSIR D 2-6, 35), tandis qu’un patron note à Mayence que son affranchi n’a pas dépassé l’âge de 30 ans, exprimant là à la fois le regret de perdre un être dans la pleine force de sa jeunesse, mais sans doute aussi la pleine conscience qu’il s’agissait là d’un âge fatidique pour beaucoup 426
CIL XIII, 8120 et CIL XIII, 8375 = RSK 373. Voir Manfred CLAUSS: Probleme der Lebensalterstatistiken aufgrund römischer Grabinschriften. In: Chiron 3 (1973) 395-417; Jean-Marie LASSERE: Difficultés de l’estimation de la longévité – Questions de méthode. In: François HINARD (éd.): La mort, les morts et l’au-delà dans le monde romain. Caen 1987, 91-97 ; On pourra aussi consulter dans le même volume Pierre SALMON: Les insuffisances du matériel épigraphique sur la mortalité dans l’antiquité romaine (99112) et Keith HOPKINS: Graveyards for Historians (113-126). 427
2. Identité familiale des esclaves et des affranchis
125
d’esclaves ou d’affranchis428, qui rend extraordinaire l’exemple de T(itus) Ennius / T(iti) l(ibertus) Aman/cius mort à l’âge de 70 ans (CIL XIII, 7238). On compte également dans notre corpus un nombre important d’inscriptions qui déplorent la perte d’un enfant ou d’un adolescent, ce qui peut donner lieu à une épitaphe soignée, parfois métrique et poétique. Cette pratique révèle un autre visage, celui d’une population qui n’est pas forcément à l’écart de la culture, de l’esthétique et de la beauté429. 2.3. Nomenclature des époux et des épouses Outre la piété filiale, la piété conjugale offre aussi l’occasion de démonstrations d’affection, même si l’on sait que les unions avec les esclaves ou affranchis n’avaient aucun caractère légitime. Pour prétendre au iustum conubium, il fallait en effet que les époux soient tous deux citoyens. Toutes les autres unions, y compris celles dont un des deux partis était pourvu de la citoyenneté, étaient considérées comme illégales. Elles n’en ont pas moins existé, ce qui nous incite à examiner quelles traces elles ont laissées dans les témoignages épigraphiques des Germanies. Parmi les inscriptions qui mentionnent un couple, plusieurs cas de figures sont possibles. Les individus peuvent choisir de n’utiliser aucun terme destiné à les situer au sein d’une relation conjugale, mais de se présenter comme les parents des enfants nés de cette union. Cette situation se rencontre majoritairement dans les épitaphes des enfants défunts : à Mayence, où Hedyepes et Genesia se désignent grâce au terme parentes, tout comme Unio et Aelia Secundina à Turicum et Marcianus et Chrysagone à Cologne430 ; à Mayence, c’est le terme patres qui est utilisé par Hermodorus et Iuliana431. Lorsqu’il s’agit en revanche de l’épitaphe de l’un des membres du couple, les termes choisis varient d’une inscription à l’autre. Le terme le plus fréquent et le plus constant (on le rencontre du Ier au IIIe siècle) pour désigner l’épouse est coniux432, qui s’applique également, mais plus rarement, à un individu de sexe masculin433. Le terme peut même être accompagné 428
CIL XIII, 7070 = CSIR D 2-6, 52 Voir plus loin la partie consacrée aux inscriptions soignées. 430 Respectivement CIL XIII, 6808, CIL XIII, 5244 et RSK 379. 431 CIL XIII, 7112. 432 AE 1933, 113 ; CIL XIII, 7071 ; CIL XIII, 5756 ; CIL XIII, 7304 ; CIL XIII, 5137, CIL XIII, 5697. 433 CIL XIII, 11635 ; CIL XIII, 5284 429
126
Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
d’une épithète dans une expression stéréotypée, qui n’en témoigne pas moins de la valeur accordée à l’épouse : carissima, incomparabilis, bene merens. Ces expressions consacrées permettent même de restituer l’existence d’un coniux sur une pierre mutilée, comme à Cologne434. Deux termes viennent concurrencer coniux dans la désignation d’un des membres du couple : uxor435 pour les femmes et maritus436 pour les hommes. L’un ou l’autre de ces termes, notamment coniux, peut être accompagné d’un possessif ou du déterminant eius, lorsque l’inscription est réalisée par un tiers, qui tend à établir une relation de possession. Il n’en reste pas moins que compte tenu de la nature servile ou mixte de ces unions, aucun de ces termes n’a de pertinence juridique. Leur fréquence signale néanmoins un usage différent des règles en vigueur et une aspiration à la reconnaissance de l’union. Les unions serviles ou mixtes ne sont cependant pas ignorées de la société romaine, qui a prévu un nom pour désigner les conjoints, celui de contubernalis, attesté à trois reprises dans notre corpus. À Cologne, il désigne Maura, l’affranchie de Lucius Bruttius Acutus437 ; à Rottenburg, une affranchie anonyme se présente comme contubernalis sur l’épitaphe qu’elle fait ériger à Deccius Magurius438, tandis qu’à Bonn, c’est un homme, Gemellus, qui s’approprie le terme pour qualifier sa relation avec Euthenia, à qui il consacre une épitaphe439. Ces inscriptions sont toutes les trois datées du Ier siècle, mais il semble difficile d’en déduire une explication quant à son emploi. Le fait qu’on ne retrouve pas le terme au-delà du Ier siècle s’explique-t-il par un déclin ou par une aspiration de plus en plus grande à une reconnaissance des unions à l’égal de ce qui existait pour les couples de citoyens ? Il semble difficile de trancher, d’autant qu’on ne note pas de cohérence chronologique dans l’emploi de telle ou telle appellation. Les inscriptions livrent peu d’indices sur les choix qui président aux unions des esclaves et des affranchis. Tout au plus peut-on examiner les cognomina ou les idionymes portés par les époux pour tenter de déceler des facteurs de rapprochement440. Beaucoup d’épitaphes passent sous silence le nom de l’un des conjoints ; aussi avons-nous peu de recul et peu de matière. Cinq couples réunissent des individus qui portent tout deux un nom latin, un seul est uniquement constitué de noms grecs ; quatre couples sont constitué à partir d’un individu porteur d’un nom grec et d’un individu pourvu d’un nom latin ; enfin trois couples intègrent un élément onomastique latin et un nom d’origine indigène. Les inscriptions d’esclaves ou d’affranchis retrouvées en Germanie nous laissent entrevoir une population relativement jeune, dont la partie la plus visible est 434
RSK 335. I Lingons 514 ; CIL XIII, 5872 et CIL XIII, 8328. 436 I Lingons 542 ; CIL XIII, 5756 ; CIL XIII, 6000 ; CIL XIII, 7113. 437 CIL XIII, 12059. 438 Nesselhauf 96. 439 AE 1978, 572. 440 Hilding THYLANDER: Étude sur l’épigraphie latine : date des inscriptions, noms et dénomination latine, noms et origine des personnes. Lund 1952. 435
2. Identité familiale des esclaves et des affranchis
127
incontestablement masculine. À l’arrière-plan se dessinent néanmoins le visage des filles, des sœurs, des épouses et des mères, qui, plus discrètes, s’insèrent dans la familia d’un maître ou la clientèle d’un patron et participent à la vie de ces territoires.
Augurina
I Lingons 514
[Pau ?]linus Blandus
12059
5976
8337
I Lingons 414
7238
5453
11891
7515
11541
I Lingons 525
AE 1939, 208
Esp 8556
Acutus
Albanus
Albanus
Albina
Amancius
Amandinus
Amandus
Amoena
Amor
Angi[n]a
Aptus
Aquilus
8368
8558
8658
Finke 299
8088
Datiba
Crescens
Crescens
Crescens
Constantina
Clarus
Celer
Capito
Caper
5697
Ness 116
6957
11635
7078
5173
7085
7247
I Lingons 436
Can[didus ?] 7235
[Bo]nitas
Avitianus
A[q ?]uiliona I Lingons 525
Auctus
5942
AE 1984, 704
[A]quilinus
Witteyer 2 et 3
Auctus
Références 7307
Cognomen [A]ncario !?
Atticus
A- Cognomina latins
Origine des cognomina des affranchis
Hilario
Gemella
Fruendus
Fructus
Fronto
Fortunatus
Fidelis
Fidelis
Ferox
F(eli ?)x
Felix
Felix
Fecundus
Fausta
Fatalis
Donatus
Decorata
ORIGINE DES COGNOMINA ET DES IDIONYMES DES DÉPENDANTS DES GERMANIES
ANNEXE
8293
5138
7092
I Lingons 362
Ness-Lieb 172
6817
Finke 102
5933
5161
7238
AE 1977, 590
AE, 1976, 496
5290
7522
8513
I Lingons 609
AE 1933, 113
128 Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
I Lingons 166
11741
AE 1979, 431
7070
7112
6000
8407
AE 1978, 532
I Lingons 489
11635
8301
11884
I Lingons 409
5947
I Lingons 363
RSK 216
8115
I Lingons 505
I Lingons 503
I Lingons 525
AE 1992, 1265
Honesta
Ianuarius
Iucunda
Iucundus
Iuliana
Iuvenilis
Iuvenis
Lector
Lucana
Mansueta
Ma(n)sueta
Mercatorius
Mercurina
Messor
Moderatus
Modestus
Modestus
Montanus
Na(ta ?)lis
No(c)turna
Paetus
Secundin(a)
Saturnina
Sapid(ius)
Salutaris
Sabinus
Ruffus
Regalis
Quieta
Pudens
Privatus
Privatus
Priscus
Prisca
Primus
Primigenius
Primigenia
Primigenia
Prima
Plautianus
Peregrinus
Paulla
5244
7055
5108
6664
Esp. 8547
I Lingons 531
I Lingons 138
5208
8088
8648
5173
5708
I Lingons 521
7521
Finke 214
8593
7304
5312
7310
5284
8337
Verecundus
Verecundus
Verecundus
Verecunda
Venustus
Ve{e}nusta
[Ve]nusta
Venusia
Vedian[us]
Vaarus
Urbicu[s]
Unio
Timavius
Successus
Suavis
S[e]vola
Servandus
Secundu[s]
Secu[ndus]
Secundus
8428
7106
11635
AE 1977, 544
5712
8301
5226
I Lingons 557
8266
7521
I Lingons 362
5244
8371
I Lingons 608
Finke 214
5855
7085
8225
8301
8368
Origine des cognomina et des idionymes des dépendants des Germanies
129
Références 8427
5016
6851
7104
8337
11509
5138
I Lingons 452
8368
I Lingons 461
5285
I Lingons 463
8271
Cognomen Agathinus
Antiphilus
[C]hrysogon[u]s ?
Corintus
Corumbus
Diadum[enus]
Di[ca]ea
[Di]ogen[es]
Epaphra
Erotianus
Eutychis
[Euty ?]chia
Halotus
Pallas
Olympus
Noiius !
Noihus !
Linus
Lesbius
Les[---]n
Leonta
Icmas
Hymnus
Hyginus
8558
8108
AE 1924, 22
AE 1924, 22
Witteyer 4
7105
I Lingons 362
8349
Witteyer 2 et 3
5208
5079
7112
5079
Hermes Hermodorus
6881
Hermes
B- Cognomina grecs
Zosimus
Zosimus
Zoilus
Zoilus
Zmaragdus
Zetus
Zethus
Thiaminus
Spendusa
Sophia
Phoenix
Papia
6703
AE 1976, 504
AE 2004, 976
8002
7005
Finke 214
5173
8648
Ness 116
I Lingons 514
AE 1976, 497
Ness-Lieb 153
130 Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
Remarque celtique
celtique
celtique / germanique
celtique
celtique
celtique
probablement celtique ou formation sur le praenomen ou le cognomen latin Decimus
celtique
germanique
celtique / germanique ?
celtique
celtique
germanique ou celtique
celtique
celtique
celtique
celtique
celtique
celtique
Cognomen Anexia
Araurica
Atto
Banogalis
Bello
Cocilla
[Dec ?]minus
Divixta
Fledimella
Gannica
Illetia
Muranus
Noiius !
Raisa
[S]axam[a]
Sisses
Smertuca
Suadulla
Voltodaga
C- Cognomina indigènes
I Lingons 505
7117
Finke 216
RIS 41
I Lingons 542
I Lingons 460
AE 1924, 22
Esp. 8556
AE 1974, 463
5137
8821
6000
I Lingons 450
I Lingons 392
AE 1920, 49+52
I Lingons 422
AE 1945, 13
5312
Références I Lingons 396
Origine des cognomina et des idionymes des dépendants des Germanies
131
AE 1933, 113
11540
[For ?]tis
11575
7089
Felixs !
Hilarianus
5092
Donatus
Gratinus
8108
Donatus
7684
7215
Donatus
AE 1978, 572
I Lingons 448
December
Gemellus
5698
Crescens
Fuscus
5386
Finke 366
Cimber
8108
Ascanius
Candidus
Références 11695
Idionymes Amandus
Primu[l ?]ia
Pietas
Peregrinus
[Pa]ullinus
Paulla
Novellus
Modestus
Moderatus
Mercurialis
Masculus
Martialis
Martialis
Marcianus
5138
Finke 366
6109
5698
AE 1938, 120
I Lingons 364
AE 1977, 590
I Lingons 363
RSK 379
5816
5385
5371
RSK 379
5697
Ianuaria Lucrio
11575 5134
Hilariclus !
A- Idionymes latins
Les idionymes des esclaves
Esp 8547
5092
7106
6954
I Lingons 365
8108
AE 2008, 960
6888
11695
I Lingons 489
I Lingons 548
8334
AE 1974, 449
Vital(is)
I Lingons 566
Vic[torinus ?] 11802
Victorina
Vernalis
Silvinus
Senecio
Secu[ndus]
Secu[ndin]us 5134
[S]aturnina
Salvianus
Romanus
Romanus
Regalis
Prospectus
Pr[iva]tus
Priscus
132 Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
RSK 379
12047
Crysagone
[C]ryseros !
Hipponicus
Hedyepes
Geron
8593
11833
7089
6808
6808
8334
6808
Finke 366
I Lingons 489
I Lingons 369
6423
Origine celtique celtique celtique celtique celtique
Idionymes Carantillus Belatul[l]a Satto Tetto Tilicus
C- Idionymes indigènes
Nympheros
5385
I Lingons 542
Astynomus
Genesia
Exsochus !
Epichari[s]
5194
Asclepiades
Nicasi(us)
8108
Anthus
Eutychus
Eut[y]chetus
Lycnis !
Esp. 8559
Anicetus
7247
I Lingons 369
Anicetus
Eutychas
Euthenia
Diomedes
RSK 420
[An ?]ecetus
11836 AE 1978, 572
Epigonus
Diadu[menus] AE 1929, 106
Références 5765
Idionymes [Eutyc ?]hia
B- Idionymes grecs
5696
6087
7067
I Lingons 364
Références I Lingons 53
Xantias !
Trophimus
Trophimus
Tigris
Thallus
Telesphoris
Sidonius
Rodine !
Prunicus !
Ponticus
Paris
[P]ampilus
Ny{i}sus
11502
8355
6730
11895
AE 1974, 449
I Lingons 552
7113
8355
11889
5699
5830
6423
12047
Origine des cognomina et des idionymes des dépendants des Germanies
133
134
Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
3. Identité sociale et culturelle S’il est un élément qui définit essentiellement la population de statut servile et donne corps à son identité, ce sont les relations que celle-ci entretient avec les maîtres ou les patrons. Ce sont eux qui leur donnent tout ou une partie de leur nom, qui les font vivre et parfois même leur donnent les moyens d’acquérir reconnaissance sociale et enrichissement. Autant dire qu’on ne peut chercher à cerner cette population sans s’interroger sur l’identité des maîtres ou des patrons ni sur la nature de leurs rapports. 3.1. L’identité des maîtres et des patrons Qui sont les maîtres dont nous avons conservé la trace sur le territoire des deux Germanies ? La majeure partie des témoignages recensés concernent des esclaves ou des affranchis privés, qui ont laissé des épitaphes ou des inscriptions votives. Parmi eux, on compte une population importante issue de la présence militaire et dont les monuments sont par conséquent principalement localisés sur les lieux de stationnement des légions ou des unités présentes dans les Germanies : Mayence, Cologne et les camps environnants (Bonn, Lessenich, Neuss), Asberg, Andernach, Ladenburg, Bingium, Vochem, mais aussi Strasbourg et Vindonissa, ainsi que Baden-Baden. En dépit de ces restes, on ne peut que souligner la faiblesse des attestations connues à ce jour dans un milieu où devaient nécessairement évoluer un grand nombre d’individus441, eu égard à la fréquentation militaire et aux mouvements de troupes qui étaient appelés à se produire dans ces contrées. Le caractère isolé de la plupart des inscriptions retrouvées le prouve bien, de même que les quelques inscriptions retrouvées à Mayence ou dans la région de Cologne apparaissent, elles aussi, très peu significatives, malgré leur plus grand nombre, au regard de l’activité de ces sites et de la densité de l’occupation militaire. Les documents issus du contexte militaire nous livrent par ailleurs la trace des affranchis bien plus que celle des esclaves. À cela, il faut encore ajouter que ces patrons sont le plus souvent des individus bénéficiant d’un rang ou d’un prestige, qui semble garantir ces affranchis ou ces quelques esclaves de l’oubli. Parmi les maîtres ou les patrons, on compte en effet plusieurs centurions. À Mayence, une inscription mentionne Zosimus, affranchi du centurion Papirius (CIL XIII, 6703) sans indiquer son unité légionnaire442 ainsi qu’un esclave du centurion de la légion 441
Sur la présence servile dans les camps, on pourra consulter Nobert ROULAND: Les esclaves romains en temps de guerre. Bruxelles 1977, 106 sq. et Michael P. SPEIDEL: The Soldier’s Servants. In: Ancient Society 20 (1989) 239-248 = Roman Army Studies, II. Stuttgart 1992, 342350. 442 Olivier RICHIER: Centuriones ad Rhenum. Les centurions légionnaires des armées romaines du Rhin. Paris 2004, 213 indique que « [p]lusieurs cas de figure sont envisageables : Papirius pourrait être l’un des centurions de l’une des huit unités légionnaires qui ont séjourné dans le camp : IIe Augusta, XIIIe Gemina, XIIIIe Gemina, XVIe Gallica, IIIIe Macedonica, XXIIe Primigenia, Ière Adiutrix et XXIe Rapax. » Le texte peut être daté du Ier siècle, sans qu’il soit diffi-
3. Identité sociale et culturelle
135
XXII Primigenia, Aelius Maximus (CIL XIII, 11836 = CSIR D 2-6, 71)443 ; à Bonn (AE 1945, 9 = Ness-Lieb 198), le patron de l’affranchi Sabinus est le centurion de la légion XXI, Lucius Petronius Nepos444, tandis que Pudens et Auctus se présentent comme les affranchis du centurion Volumnius (CIL XIII, 8088)445. Une inscription retrouvée à Obernburg (AE 1929, 106) nous fait connaître Diadumenus, un verna de Marcus Ulpius Vannius, centurion de la légion VIII Augusta (AE 1929, 106), qui, selon Olivier Richier, aurait pu assurer « un commandement par intérim de la garnison du fort, en l’occurrence peut-être la cohors III Aquitanorum equitata Ciuium Romanorum, dont le passage est attesté par des estampilles446. ». Diadumenus est le fils de Felicio, une affranchie de Marcus Ulpius Vannius, dont on ignore le statut exact en dépit d’une forte caractérisation dans l’inscription : il est en effet désigné comme verna, ce qui signifie qu’il est né esclave dans la maison de son maître, sans qu’on sache si la naissance a eu lieu avant l’affranchissement de sa mère ; mais il est aussi alumnus, c’est-à-dire qu’il a été élevé aux frais du maître. Sa qualification par le terme delicatus laisse entendre que nous sommes en présence d’un favori du maître, qui l’a fait élever pour faire valoir ses dons naturels, la beauté, la distinction et les qualités morales. L’esclave est ainsi appelé à s’attacher à la personne de son maître et à servir ses plaisirs447. Il est difficile de déduire de ces différentes représentations le statut cile de préciser davantage, compte tenu de l’absence de critères suffisamment fiables (voir la discussion dans la partie datation). 443 L’absence des épithètes pia fidelis incite à dater le texte du premier stationnement de la légion à Mayence, soit entre les années 43 et 71. Contra O. RICHIER: op. cit., 355, qui situe l’épitaphe au milieu du IIe siècle au plus tôt, compte tenu de « [l]’invocation des Dieux Mânes par la formule abrégée D. M., l’abréviation du gentilice Aelius, la nature impériale de celui-ci, très répandu après les principats d’Hadrien et d’Antonin, et la formulation de l’état civil du centurion par les duo nomina. » 444 L’inscription peut donc être datée entre 71 et 83 en tenant compte du séjour de la légion XXI Rapax dans le camp de Bonn durant cette période. 445 Pour Olivier RICHIER: op. cit., 119-120, l’épitaphe évoque sans ambiguïté le centurionat du patron, mais il émet des réserves sur sa nature légionnaire, compte tenu de l’existence simultanée à Bonn d’un fort auxiliaire. L’inscription peut pour sa part être datée de l’époque julio-claudienne, notamment en raison de la formule hic situs est accompagnée du nom des défunts au nominatif. 446 Id.: ibid., 326. L’inscription serait à dater entre le principat d’Hadrien et celui de Sévère Alexandre pour Olivier Richier en raison de critères onomastiques. On notera néanmoins que la légion VIII était installée depuis 80-90 à Strasbourg et avait séjourné dans la région du MainTaunus en 83-85. 447 Le terme delicatus est un vulgarisme pour dilectus. Il signale un enfant que l’on a choisi pour exercer sur lui une protection et recevoir son affection. Paul VEYNE: Vie de Trimalcion. In: Annales ESC 16e année, n. 2 (1961) 219 : « Bon nombre de pierres funéraires nous parlent, en termes souvent touchants, des petits esclaves des deux sexes (souvent des enfants trouvés, alumni) qu’un maître ou un couple de maîtres chérissaient et élevaient comme leurs propres enfants et à qui ils faisaient donner une éducation d’hommes libres (artes ingenuae) ou, plus modestement, utilitaire, qui pouvait servir au protecteur comme au protégé. » Le statut de puer delicatus pouvait également exprimer implicitement une intimité avec le maître fondée aussi sur la sexualité. Dans ce cas de figure, Marguerite GARRIDO-HORY: Martial et l’esclavage. Paris 1981, 147 précise que le
136
Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
exact de Diadumenus : l’ensemble des qualificatifs désigne un esclave, mais Marcus Ulpius Vannius se désigne lui-même dans l’épitaphe comme patron. Il faut donc considérer soit que le terme patronus fait référence à Felicio, dont il est également question dans l’inscription, soit que Diadulenus a effectivement été affranchi, mais que l’épitaphe rappelle essentiellement le souvenir de ce qu’a représenté le jeune homme pour Marcus Ulpius Vannius : l’enfant choisi pour entrer dans l’intimité de son maître448. À Cologne, une épitaphe mentionne l’existence d’un affranchi du centurion de la légion V, Lucius Bruttius Iustus (CIL XIII, 12059)449. Bonn, Mayence et Cologne livrent aussi respectivement trois inscriptions, où les patrons se caractérisent par l’importance de leur fonction : Mercurio / Noihus et Noiius / L(uci) Vibi Visci Macrini / leg(ati) Aug(usti) v(otum) s(olverunt) l(ibentes) m(erito) « A Mercure, Noihus et Noiius, affranchis du commandant d’Auguste, L. Vibius Viscius Macrinus, se sont acquittés de leur vœu de bon gré, comme il se doit. » (AE 1924, 22 = Finke 274 = AE 1926, 17a) L. Vibius Viscus Macrinus, légat de la légion Ière Adiutrix à Bonn, vers 50, est le petit-fils de Vibius Viscus, l’ami intime d’Auguste, qui avait préféré rester dans son ordre d’origine et renoncer aux honneurs sénatoriaux450. Ses deux fils entreront pour leur part dans l’ordre sénatorial451. Sous le Haut-Empire, les légats de légion, comme L. Vibius Viscus Macrinus, sont des sénateurs de rang prétorien.
mariage du maître était censé mettre un terme au rôle du delicatus, qui n’obtenait alors pas forcément l’affranchissement à ce moment, mais pouvait être affecté à d’autres fonctions au sein de la familia, parfois de confiance aux côtés de son maître. 448 C’est en quelque sorte le choix de Nesselheuf, qui considère le défunt comme un affranchi malgré le terme verna. On pourra ajouter que la multiplication des caractérisations « affectives » participe d’une écriture de la déploration bien propre à occulter le statut juridique au profit de la nostalgie. Georges FABRE: op. cit., 258-260 souligne par exemple « la consolation adressée à celui qui a perdu son puer delicatus devient dès le premier siècle un thème littéraire annonçant déjà les consolationes de Stace ou Martial » .Voir par exemple Neil W. BERNSTEIN: Mourning the puer delicatus : status inconsistency and the ethical value of fostering in Statius, Silvae 2.1. In: Classical Philology 100 (2005) 257-280. 449 L’inscription peut être datée de la première moitié du Ier siècle en raison de la présence de la légion sur le Rhin sans doute à partir du désastre de Varus. Voir aussi à Xanten (CIL XIII, 8648) un centurion de la légion XVIII, patrons de deux affranchis, morts en 9 de notre ère avec le reste de l’armée de Varus. Mais aussi à Dangstetten (AE 2008, 960), l’existence de Privatus, esclave du légat P. Quintilius Varus, qui commandait la XIXe légion et la première cohorte de cette légion. Privatus est également associé à un primipile. 450 Voir Ségolène DEMOUGIN: Prosopographie des chevaliers romains julio-claudiens. Rome 1992, 172. 451 Voir Géza ALFÖLDY: Die Legionslegaten der römischen Rheinarmeen, réf.cit., 5, n° 8.
3. Identité sociale et culturelle
137
À Mayence, dans une inscription dont les épithètes attribuées à la légion XXII fixent le terminus a quo à l’année 92452, le patron de Statilius Fortunatus, Titus Statilius Taurus, appartient, au vu des fonctions qu’il exerce, à l’ordre équestre : D(is) M(anibus) / Tito Statilio Tauro / praef(ecto) fabrorum(!) / praef(ecto) coh(ortis) I Aug(ustae) Itur(a)e/or(um) et VI Thracum trib(uno) / mil(itum) leg(ionis) XXII Pr(imigeniae) P(iae) F(idelis) vixit / an(nos) XXXVI Statilius For/tunatus lib(ertus) f(aciendum) c(uravit) « Aux Dieux Mânes. A Titus Statilius Taurus, intendant des ouvriers, commandant de la première cohorte Augusta des Ituréens et de la VIe des Thraces, tribun des soldats de la XXIIe Légion Primigenia, courageuse et dévouée, il vécut 36 ans. Statilius Fortunatus, son affranchi, a pris soin de faire réaliser (ce monument) pour lui. » (CIL XIII, 6817= IDRE 1, 194 = CSIR D 2-5, 37) Titus Statilius Taurus a été praefectus fabrum, ce qui signifie que, sans faire partie de la légion, il commande les fabri de la légion : il dirige le génie, les équipages, les arpenteurs et peut même intervenir dans la fabrication et la réparation des armes. Le praefectus fabrum est souvent, dès la fin de la République, l’homme de confiance du commandant de la légion et peut être amené à assurer d’autres tâches, en commandant un détachement ou en s’occupant des constructions à réaliser453. Titus Statilius Taurus exerce ensuite des commandements équestres, il est notamment préfet de cohorte et tribun militaire, mais l’on constate qu’il n’exerce pas la préfecture de l’aile, qui, depuis Néron, constituait la troisième milice454, peut-être parce que sa carrière a été interrompue par une mort prématurée. Une inscription de Cologne fait également état d’un patron appartenant à l’ordre équestre dans la deuxième moitié du Ier siècle455, puisque Tiberius Claudius Iustus, dans l’épitaphe qu’il consacre à son affranchi, indique qu’il est préfet de la cohorte III Dalmatorum, ce qui signifie qu’il est au début de sa carrière militaire : Ti(berio) Claudio / Haloto vixi[t] / annis XVIII / Claudius Iustus / patr(onus) praef(ectus) coh(ortis) III / Dalmat(arum) 452
La Légion XXII Primigenia reçoit en effet les épithètes Pia Fidelis à partir de 92. La datation de l’inscription doit donc être comprise entre cette date et le milieu du IIe siècle. 453 Voir Brian DOBSON: Praefectus Fabrum, The Praefectus Fabrum in the Early Principate. In: Mélanges Birley. Kendal, 1966, 61-84 ; Kathryn E. WELCH: The Office of Praefectus Fabrum in the Late Republic. In: Chiron 25 (1995) 131-145, complété par Ernst BADIAN: Notes on a Recent List of Praefecti Fabrum under the Republic. In: Chiron 27 (1997) 1-19. 454 Sur l’évolution de la carrière équestre, voir Ségolène DEMOUGIN: L’ordre équestre sous les Julio-Cludiens. Rome 1988, 294-298 et Hubert DEVIJER: Les milices équestres et la hiérarchie militaire. In: La hiérarchie (Rangordnung) de l’armée romaine sous le Haut-Empire. Actes du Congrès de Lyon, 1994. Paris 1995, 175-191. 455 La cohorte est en effet attestée en Germanie inférieure entre 80 et 89.
138
Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
« A Tiberius Claudius Halotus. Il vécut 18 ans. Son patron, Claudius Iustus, commandant de la IIIe cohorte Dalmatarum (a réalisé ce monument). » (CIL XIII, 8271 = RSK 201 = IKöln 280 = AE 1896, 101) On signalera encore deux documents. À Bonn, une inscription mentionne l’existence de plusieurs affranchis d’un duplicarius de la légion I, Marcus Aurelius Heracles (CIL XIII, 8067) : le duplicarius appartient aux principales qui servent dans des formations spécialisées et reçoivent ainsi une solde supérieure, double en l’occurrence456 ; quant à Priscus, connu par une inscription retrouvée à Mayence (CIL XIII, 6888 = CSIR D 2-6, 53), il s’agit de l’esclave d’un aquilifer de la légion XIV, c’est-à-dire du porte-aigle de la légion, une fonction qui constitue une étape essentielle dans l’avancement des soldats gradés en vue de l’accès au centurionat457 . Le reste de la documentation dont nous disposons concerne des esclaves ou affranchis de soldats appartenant à différentes légions, cohortes ou à des ailes de la cavalerie, qui ne mentionnent aucun titre ni aucune fonction susceptible de les distinguer458. Plusieurs autres individus se disent également affranchis de vétérans, comme à Strasbourg459, Cologne460 et Mayence461, dont certains témoignent d’une réussite exceptionnelle462. La plupart ne mentionne cependant que leur libération et la légion où ils ont servi. Néanmoins, à Lessenich463, l’épitaphe d’[Opp]onius Patern[us] définit le grade auquel était parvenu ce patron : il s’agit d’un armurier, armorum custos, de la légion I Minerva, tandis qu’à Cologne, une inscription fait état du statut et des services d’un autre vétéran patron d’un affranchi, C(aius) Severinius Vit{e}alis : D(is) M(anibus) / C(aio) Severinio Vit{e}ali veterano / honeste missionis ex b(ene)f(iciario) co(n)s(ularis) / leg(ionis) XXX U(lpiae) V(ictricis) Severinia Severina / filia patri karissimo adseren/te Vitalinio Hilarione liberto / faciundum curavit. 456 Sur la solde des militaires, on pourra consulter Michael Alexander SPEIDEL: Roman Army Pay Scale. In: JRS 82 (1992) 87-106. 457 Manfred CLAUSS: Untersuchungen zu den principales des römischen Heeres von Augustus bis Diokletian. Bochum 1973 et David J. BREEZE: The organisation of the career structure of the immunes and principales of the Roman Army. In: Roman officers and frontiers (en collaboration avec Brian DOBSON). Stuttgart 1992, 11-58. 458 À Andernach (CIL XIII, 7684) ; Mayence (CIL XIII, 6890 ; 6954 ; 7031 ; 7235 et AE 1938, 120) ; Strasbourg (CIL XIII, 5976) ; Vindonissa (CIL XIII, 11509). 459 AE 1998, 983 460 RSK 216 ; CIL XIII, 8293 = RSK 231 ; CIL XIII, 8301 = RSK 241. 461 CIL XIII, 6881. 462 Ainsi L(ucio) Poblicio L(uci) f(ilio) Tere(tina), vétéran de la légion V Alauda, dont le monument fait état d’une richesse d’autant plus inattendue qu’elle a pour cadre une province encore jeune : l’inscription est en effet datable des deux premiers tiers du Ier siècle. Voir Hartmut GALSTERER – Brigitte GALSTERER: Zur Inschrift des Poblicius-Grabmals in Köln. Harald von Petrikovits zum 65. Geburtstag. In: BJ 179 (1979) 201-208. 463 CIL XIII, 8002.
3. Identité sociale et culturelle
139
« Aux Dieux Mânes. A Caius Severinius Vitalis, vétéran d’un congé digne de considération, ancien bénéficiaire consulaire de la XXXe Légion Ulpia Victrix. Severinia Severina, sa fille, a pris soin de faire (élever ce monument) à son très cher père, après avoir revendiqué l’affranchi Vitalinius Hilarionis. » (CIL XIII? 8293 = RSK 231). On constate une nouvelle fois que l’importance du statut du patron garantit une chance de visibilité à l’affranchi. C(aius) Severinius Vit{e}alis est un vétéran de la légion XXX Ulpia Victrix, dont on sait qu’elle était stationnée depuis environ 120-122 à Xanten. Mais il est plus qu’un simple soldat. La mention de l’honesta missio lui confère d’abord la dignité de ceux qui ont accompli leur service jusqu’à leur terme sans qu’on puisse savoir la nature des avantages qu’il a reçus lors de sa démobilisation, un lot de terre ou une somme d’argent. Au terme de sa carrière, il avait en outre atteint un avancement appréciable, puisqu’il était devenu bénéficiaire. Comme souvent dans la titulature des bénéficiaires figure le rang du supérieur, dont ils dépendent. C(aius) Severinius Vit{e}alis se trouve en l’occurrence au service du gouverneur de la province, qu’il était susceptible de représenter et d’assister dans chacune de ses fonctions auprès des soldats comme de la population locale sur le territoire de la province464. En principe, il s’agit d’une distinction et d’une fonction qui auraient pu lui donner une chance d’atteindre le centurionat. Mais, dans les faits, la rareté des postes de centurion fait que ces militaires promus ne pouvaient « que rarement aspirer à des promotions supérieures ou à un poste de commandement […]. Il est certain que ces militaires devaient avoir des connaissances linguistiques de base, orales et écrites, en plus des exigences normales et habituellement attendues d’un soldat romain. Ils devaient en outre avoir été remarqués par l’un de leurs supérieurs pour leurs qualités personnelles. Mais […] la promotion d’un légionnaire à un poste de bénéficiaire, dans les provinces, semblerait correspondre à une première (et même unique) étape de carrière465. » S’agissant de C(aius) Severinius Vit{e}alis, on observe les relations de l’affranchi de ce bénéficiaire avec la famille du défunt, selon 464
En Germanie inférieure, la présence de stations de bénéficiaires du gouverneur est attestée à Cologne, à proximité des camps légionnaires de Bonn et de Xanten – C(aius) Severinius Vit{e}alis appartenait d’ailleurs à la légion XXX, stationnée à Xanten depuis 120-122 – et dans une station située près d’Asberg, où se trouvait le castellum d’Asciburgium, « soit à mi-distance entre la capitale et le camp légionnaire de Xanten. » (Jocelyne NELIS-CLEMENT: Les beneficiarii : militaires et administrateurs au service de l’empire (Ier s. a. C. – VIe s. p. C.). Bordeaux 2000, 149 et 161. 465 Ead.: ibid., 122-123. Sur les beneficiarii consularis, voir aussi Egon SCHALLMAYER et al.: Der römische Weihebezirk von Osterburken. Corpus der griechischen und lateinischen Beneficiarier-Inschriften des römischen Reiches. Stuttgart 1990, ainsi que Boris RANKOV: The beneficiarii consularis in the western provinces of the Roman Empire. Oxford 1986. Pour le rappel de la bibliographie sur ce sujet, voir Robert L. DIESE: A reassessment of the functions of beneficiarii consularis. In: The Ancient History Bulletin 9 (1995) 72-85 et du même auteur, Variation in Roman Administrative Practice : the assignments of beneficiarii consularis. In: ZPE 116 (1997) 284-299.
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
une pratique, semble-t-il, bien attestée parmi les bénéficiaires dans les provinces466. Les inscriptions mentionnent également des missici de cohortes, patrons d’affranchis, à Asberg467 ou Bingium468. À Neuss (CIL XIII, 8558), c’est un decurio, missicus de l’aile Frontoniana qui se fait connaître comme le patron d’affranchis. À l’exception de ces quelques individus, dont on peut légitimement supposer qu’ils se sont installés et ont construit leur vie dans les Germanies à l’instar de leurs patrons libérés de leurs obligations militaires, il est quasiment impossible de savoir au terme de quel parcours esclaves et affranchis ont été amenés à perdre la vie dans ces territoires. Victimes de conflits dans lesquels ils ont péri, morts naturellement dans l’exercice de leurs fonctions auprès de leur patron ou après avoir quitté leur service à ses côtés. Seules quelques inscriptions nous permettent d’entrer dans ces considérations, non sans apporter leur lot d’incertitudes et de discussions, comme à Xanten, où une inscription vient commémorer le souvenir d’un centurion mort lors du bellum Varianum et mentionne l’existence de deux affranchis, Privatus et Thiaminus (CIL XIII, 8648). L’épitaphe a suscité de nombreuses interrogations : les affranchis avaient-ils été emportés en même temps que leur patron lors du désastre militaire ? Lui avaientils survécu quelque temps ? Force est de constater que les informations concernant les conditions d’existence aussi bien que les fonctions qui leur étaient dévolues font largement défaut469. Moins nombreux, mais également intéressants, sont les individus dépendants de femmes, dont on a gardé la trace pour l’essentiel en Germanie supérieure, puisqu’une seule inscription sûre, à Xanten (CIL XIII, 8658), atteste de l’existence de patronae en Germanie inférieure470. Sur les douze autres attestations relevées en
466
Jocelyne NELIS-CLEMENT: op. cit., 295. CIL XIII, 8593 = CSIR D 3-1, 47. 468 CIL XIII, 7515 = CSIR D 2-14, 28. 469 M(arco) Caelio T(iti) f(ilio) Lem(onia), Bon(onia) // (centurioni) leg(ionis) XIIX, ann(orum) LIII / [ce]cidit bello Variano. Ossa / [i]nferre licebit. P(ublius) Caelius T(iti) (ilius) / Lem(onia), frater, fecit. « A Marcus Caelius, fils de Titus, de la tribu Lemonia, originaire de Bononia, centurion du premier ordre de la légion XVIII, âgé de 53 ans et demi. Il périt durant la guerre contre Varus. Il sera permis d’ensevelir ses restes. Publius Caelius, fils de Titus, de la tribu Lemonia, son frère, a fait élever ce monument. » Au dessous du buste de gauche : M(arcus) Caelius / M(arci) l(ibertus) Privatus. « Marcus Caelius Privatus, affranchi de Marcus. » Au-dessous du buste de droite : M(arcus) Caelius / M(arci) l(ibertus) Thiaminus. « Marcus Caelius Thiaminus, affranchi de Marcus. » Voir la discussion dans Olivier RICHIER: op. cit., p. 164-165, qui envisage l’expression ossa [i]nferre licebit comme une « formulation par laquelle le frère de Celius envisageait l’éventualité d’une découverte ultérieure des dépouilles du centurion et de ses deux affranchis, pour lesquels il avait construit le cénotaphe de Xanten. » Sur les possibilités de restitution des lignes 3 et 4, on pourra par ailleurs voir la bibliographie donnée par Cecilia RICCI: Qui non riposa. Cenotaphi antichi e moderni fra memoria e rappresentazione. Roma 2006, 120, App. 8. 470 Deux inscriptions de Cologne sont d’interprétation ou de lecture problématiques : CIL XIII, 8427= RSK 343, où l’identité du patron de l’affranchi Valerius Agathinus reste incertaine ; CIL 467
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Germanie supérieure, près de la moitié l’ont été dans l’agglomération et sur le territoire de Langres471. Les cités d’Avenches, Augst et Nyon fournissent chacune un exemple de femme exerçant son autorité sur des esclaves ou des affranchis et l’on retrouve les mêmes attestations isolées à Mayence et Kastel. Majoritairement, ces inscriptions nous font connaître des femmes dont les dépendants sont également des femmes, comme à Avenches, où Pompeia Gemella disposait d’une esclave et d’une affranchie (CIL XIII, 5138 = IAvenches 3 = RIS 1, 97) ; mais nous sommes loin d’être en présence d’une règle absolue. Deux épitaphes mentionnent des femmes, domina ou patrona d’enfants ou de jeunes gens. À Mayence, Dignilla, la femme du légat Iunius Pastor, est la maîtresse d’un tout jeune esclave nommé Hipponicus (CIL XIII, 6808 = CSIR D 2-6, 87), tout comme à Nyon, où Lucina élève un monument funéraire à Antiphilus, un jeune affranchi de 18 ans (CIL XIII, 5016 = RIS 1, 42). Aucune incertitude, en revanche, à Xanten et Mayence, où les liens de dépendance sont clairement affichés, notamment par l’emploi du terme patrona472. De manière générale, on sait peu de choses de ces patronae ; très peu mentionnent le cadre dans lequel elles évoluent, à l’exception de Dignilla, la femme du légat de la légion XXII Primigenia Pia Fidelis, qui devait disposer d’un personnel servile important et de Pompeia Gemella, dont on sait qu’elle fut l’educatrix de Titus. On signalera encore, dans le cadre privé, un phénomène peu attesté dans les témoignages dont nous disposons actuellement, celui d’affranchis de plusieurs patrons. Le cas est cependant connu et parfois même exploité à des fins commerciales et financières473. Rien ne prouve cependant que nous soyons dans cette situation ici, d’autant qu’à l’origine les esclaves appartenait à l’ensemble de la domus et qu’il était fréquent qu’un même esclave appartienne à plusieurs frères. À Mayence, Servandus est ainsi l’affranchi de plusieurs patrons, L(ucius) et C(aius) et Sex(tus) / Valerii (CIL XIII, 7119 = CSIR D 2-6, 36), qui, appartenant à la même gens, pourraient bien être des frères. Le cas d’Aquilo, C(ai) et / M(arci) XIII, 12064 = RSK 426, où l’on ne peut établir avec certitude les relations de Usia Prima avec les affranchis mentionnés dans l’inscription. 471 I Lingons 422 ; I Lingons 166 ; I Lingons 542 ; I Lingons 489. Nous ne retenons pas dans ce corpus lingon l’inscription CIL XIII, 5778 : D(is) M(anibus) / Isur(iae) Flav(ae) / Mercuri/na lib(erta) / p(onendum) c(uravit), relue par Yann Le Bohec (I Lingons 409) en D(iis) M(anibus) / L( ?). Sur(ii ?) Flau(i ?). / Mercuri/na, lib(erta), / p(onendum) c(uravit), ce qui fait de Mercurina l’affranchie d’un homme. L’inscription I Lingons 525 est pour sa part de lecture également problématique, raison pour laquelle on ne la retiendra pas non plus ici. Quant à l’inscription I Lingons 413, qui fait état de l’affranchie d’Aecissa, il semble préférable de considérer que le nom Aecissa, sans doute gaulois, désigne un individu de sexe masculin. 472 Respectivement CIL XIII, 8658 et CIL XIII, 7092. 473 Voir par exemple la mise au point de Jean ANDREAU: De l’esclavagisme aux esclaves gestionnaires. In: Topoi 9, 1 (1999) 103-112, notamment pour le commentaire des travaux de A. DI PORTI: Impresa collettiva e schiavo ‘manager’ in Roma antica. Milano 1984 sur le servus communis, esclave appartenant à plusieurs maîtres, qui se trouvaient économiquement associés par la simple possession d’un esclave en commun, quand bien même ils n’avaient pas conclu de contrat de société.
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Versulati/um l(ibertus), est sans doute légèrement différent (Ness-Lieb 222 = RSK 354), dans la mesure où l’iconographie associée à l’inscription présente les éléments d’un contexte absent de l’épitaphe retrouvée à Mayence. On peut voir audessus du texte une représentation d’un Sphinx entre deux lions, tandis que dans le coin inférieur figure une scène de lutte entre deux gladiateurs (un oplomachus et un traex). Sur les côtés, on peut voir à droite un chien, à gauche un griffon. Ces dispositions funéraires laissent penser que Aquilo était un gladiateur au service de ses patrons, dont il est difficile de retracer les origines : s’agit-il là aussi de deux frères ? ou bien encore de membres d’une même gens associés pour produire des combats de gladiateurs ? voire d’anciens co-affranchis engagés dans le spectacle de gladiateurs ? Il semble difficile de trancher. Le territoire des Germanies nous fait aussi connaître l’existence d’individus de statut servile suffisamment aisés pour subvenir à l’entretien de leurs propres esclaves ou affranchis. D’autres épitaphes sont plus ambiguës, dans la mesure où elles n’explicitent pas le lien entre les différents personnages évoqués. Tel est le cas par exemple à Rheinheim (AE 1977, 590) : L(ucio) Ferridio / Balbi lib(erto) / Felici et Modesto / ser(vo) nation(e) Trever(o) / ann(orum) XIIX / h(eres) e(ius) c(uravit). « A Lucius Ferridius Felix, affranchi de Balbus et à l’esclave Modestus, originaire de Trèves, âgé de 18 ans. Son héritier a pris soin (d’élever ce monument). » Le dédicant se présente comme un héritier et garde l’anonymat ; il a pris en charge la réalisation d’un monument funéraire pour l’affranchi L(ucius) Ferridius Felix et pour un esclave dénommé Modestus, dont il est difficile de savoir s’il appartenait à l’affranchi défunt ou s’il faisait partie de la maison à laquelle appartenait également l’affranchi. Un autre facteur d’ambiguïté tient à l’établissement du statut juridique du patron, qui peut parfois être sujet à discussion. Ainsi, une inscription d’Avenches nous fait connaître l’affranchi du sévir augustal Paulinius Sapidus (CIL XIII, 5108), dont le statut est incertain : D(is) M(anibus) / Paulin(ii) Sapid(i), / IIIIIIvir(i) Aug(ustalis), / Paulin(ius) Primi/tiv(u)s fil(ius) et / Donatus / lib(ertus) / f(aciundum) c(uraverunt). « Aux Dieux Mânes de Paulinius Sapidus, sévir augustal, son fils Paulinius Primitivus et son affranchi Donatus ont pris soin de réaliser (ce monument). » La qualité de sévir de Paulinius Sapidu incite à supposer en lui une origine servile et un statut d’affranchi, mais, le cas échéant, son épitaphe marque sa volonté de mettre l’accent sur sa réussite sociale et sur l’avenir qu’il offre à ses descendants plutôt que sur son passé. La même analyse vaut pour les médecins d’Avenches (CIL XIII, 5079 = I Avenches 4 = RIS 1, 77) : Q(uintus) Postum(ius) Hyginus et Postum(ius) Hermes. Si le second indique son statut, on ne peut que prêter avec d’infinies précautions un statut similaire à son collègue Hyginus et supposer que
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ce dernier est le patron d’Hermes. Les mêmes incertitudes ne prévalent pas lorsqu’il est question des servi vicarii, dont on trouve trois exemples dans nos provinces : à Ladenburg, le dispensator Eutychas consacre une épitaphe à son vicarius, Paris, qualifié de bene merens (CIL XIII, 6423) ; une dédicace nous fait connaître Asclepiades, également vicarius d’un dispensator, à Vindonissa, qui reconstruit un temple à Jupiter (CIL XIII, 5194 = RIS 2, 148) ; enfin, à Avenches, un vicarius prend en charge la réalisation de l’épitaphe de Donatus Salvianus, exactor chez les Helvètes (CIL XIII, 5092 = RIS 1, 84). À Ladenburg, nous sommes sans doute en présence d’un vicarius relevant d’un dispensator privé, susceptible d’aider son maître à tenir ses comptes, puisqu’aucune mention de la domus impériale ne figure dans l’inscription, tout comme à Vindonissa. L’existence des vicarii dans le sillage des fonctionnaires impériaux est bien connue ; elle s’explique notamment par la conjonction de deux facteurs : les revenus importants dont disposent certains fonctionnaires impériaux grâce à l’exercice de leur charge et la nécessité de tenir un rang ou d’exercer au mieux leur charge leur imposent souvent d’acheter des serviteurs474. Dans le cas de nos patrons de statut servile, l’un d’entre eux appartient à la domus de l’Empereur et bénéficie des services d’un vicarius, dont il est vraisemblable de supposer qu’il l’assiste dans ses fonctions, plus qu’il ne le sert à titre privé, bien qu’aucune indication épigraphique ne le confirme ou ne l’infirme475. Le statut de vicarius dont ces esclaves bénéficient ne les place pas forcément dans une situation inférieure, tant sur le plan social que financier, comme semble l’attester la dédicace d’Asclepiades, qui a remis en état le temple de Jupiter brûlé dans un incendie476. Le rôle d’évergète d’Asclepiades, l’importance des frais nécessaires à un tel travail de reconstruction laisse entrevoir les biens dont pouvait disposer le vicarius. L’existence de Donatus Salvianus sur le territoire des Germanies vient par ailleurs rappeler que plusieurs fonctionnaires impériaux sont attestés dans ces provinces. Appartenant à la familia du Prince, mais le plus souvent affectés à des postes liés à l’administration des territoires, une vingtaine d’entre eux peut être recensée grâce aux épitaphes ou aux inscriptions votives qu’ils ont laissées. Tous ne précisent pas leur activité, mais pour ceux qui choisissent de faire figurer l’indication de leur activité, il s’agit dans la grande majorité d’esclaves travaillant pour l’administration financière : au moins 8 d’entre eux appartiennent à la caté474
Sur les vicarii, on pourra consulter les définitions de H. ERMAN: Seruus uicarius, l’esclave de l’esclave romain. Lausanne 1896 (réédition Naples 1986), qui soulève la question du maître réel du vicarius et de sa fonction : « L’esclave vicaire peut appartenir au maître, ou à l’Ordinaire, ou au deux ensemble » (p. 426). Paul R. C. WEAVER: Familia Caesaris. A Social Study oft he Emperor’s Freedmen and Slaves. Cambridge 1972, 200-206, souligne pour sa part la part importante des vicarii dans le secteur de l’administration financière (p. 201-202): « More significant is the occupation of the ordinarius where this is stated. There are 45 instances as follows : dispensator 30, arcarius 4, vilicus 5, exactor 3, contrasciptor 1 ; qui praefuit pedisequis 1 ; tab(ellarius) 1. […] They have in common responsability for the handling of Imperial funds. » 475 Voir la mise au point de Paul R. C. WEAVER: op. cit., 202. 476 Sur l’évergétisme de la population servile, cf. infra.
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gorie des dispensatores477 ; on compte un tabularius478, un exactor479 et un intendant de la station du XLe des Gaules480. À leurs côtés figurent une educatrix (CIL XIII, 5138) et un procurator praegustatorum (AE 1976, 504)481. Leur présence est notamment attestée dans les cités à vocation administrative, Cologne, Mayence, Avenches et Langres, mais aussi à Besançon, Zürich, Vindonissa. Enfin, on rencontre également, dans des proportions très faibles et sans doute peu en rapport avec la réalité du terrain, des esclaves et des affranchis publics. Langres et son territoire fournissent un corpus important d’inscriptions concernant cette population, qui livre la plupart du temps des épitaphes très brèves caractérisées par la mention conjointe d’un nom et du statut servile482. Une exception au dépouillement de ces inscriptions funéraires est constituée par la dédicace consacrée par Gratinus, un esclave de la cité des Vangions, arcarius, et sa compagne Decorata, liberta publica, qui s’acquittent d’un vœu et consacrent une statue à Diane en 250 (AE 1933, 113 = CSIR D 2-10, 69) en mettant clairement en évidence leur statut respectif voire leur fonction, dans une formule très développée concernant Gratinus, qui se déclare rei p(ublicae) / civ(itatis) Vang(ionum) serv/us arcarius483. Il est très rare dans nos inscriptions que les dépendants de collectivité précisent le service auquel ils sont attachés. On mentionnera l’exemple de Geron et de Senecio, qui exercent à Cologne la fonction de limocinctus (CIL XIII, 8334). L’inscription ne mentionne le statut d’aucun de ces deux individus ; c’est leur fonction, qui les signale comme esclaves publics484. La nature de la collectivité dont dépendent ces esclaves ou ces affranchis est la plupart du temps la cité. Elle est évoquée par l’adjonction de l’adjectif publicus au statut de l’individu485. Langres offre aussi l’exemple de trois inscriptions, dans lesquelles les individus se présentent à l’aide d’un nom unique suivi de la mention de leur statut d’esclave ou d’affranchi de la colonie des Lingons486. L’usage d’un nom unique pour les af-
477
RSK ; CIL XIII, 11540 ; CIL XIII, 11802 ; CIL XIII, 5371 ; CIL XIII, 5385 ; CIL XIII, 6423 ; CIL XIII, 5697. 478 CIL XIII, 7071. 479 CIL XIII, 5092. 480 CIL XIII, 5244. 481 L’activité des esclaves et des affranchis sera analysée de manière globale dans le chapitre suivant. Cf. infra. 482 I Lingons 362 ; I Lingons 363 ; I Lingons 364 ; I Lingons 366 ; I Lingons 375 483 Sur la signification du terme ciuitas au IIIe siècle, voir Monique DONDIN-PAYRE: Réexamen des magistratures municipales des Gaules d’après l’épigraphie. In: CCG 8 (1997) 285-300. 484 Le limocinctus était un esclave public chargé d’escorter les magistrats municipaux durant les cérémonies religieuses. 485 Voir par exemple à Altrip : libert(a) public(a) (AE 1933, 113) ; à Langres : seruo pu(b)lico (I Lingons 365), servus publicus (I Lingons 366), liberta p(ublica) (I Lingons 375) ; 486 I Lingons 362 : Fructus, col(oniae) Ling(onum) li(bertus) ; I Lingons 363 : Moderatus, libertus coloniae Lingonum ; I Lingons 364 : Novellus, c(oloniae) L(ingonum) s(e)r(vus).
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franchis pose la question de la nomenclature de cette population487. Traditionnellement, ces affranchis de la cité portent le gentilice Publicius, à l’image, semble-til, de Sextus Public(ius) Fronto à Mayence, qui n’indique pas son statut, mais dont le gentilice laisse supposer une origine servile. Un dernier cas se présente en la personne de l’affranchi Ferox, dont une inscription retrouvée à Muri, près de Berne, fait état de son intervention dans l’établissement d’une dédicace religieuse à la déesse Naria, une divinité des sources et des eaux, par la regio Arure(nsis)488. Une regio est une circonscription territoriale surtout connue dans les régions de la cité des Helvètes, où il semble qu’elle ait eu une signification religieuse489. L’inscription ne mentionne pas le rapport de l’affranchi avec la collectivité qui se présente comme le dédicant de l’inscription. On peut néanmoins avancer l’idée qu’il s’agisse d’un affranchi mis au service de la regio, une hypothèse que pourrait confirmer la nomenclature de l’affranchi, qui, comme fréquemment dans les inscriptions des affranchis publics de nos provinces, ne fait figurer qu’un nom unique. La majorité des individus de statut servile attestés dans les Germanies dont les inscriptions nous ont conservé la trace interviennent dans la sphère privée au service de particuliers. En règle générale, ils sont au service d’un seul maître, dont la plupart du temps nous ne connaissons qu’un prénom, un nom ou un cognomen. Lorsque nous disposons d’informations plus précises, c’est que le maître ou le patron évoluent dans des milieux spécifiques : l’armée ou les services de l’administration financière impériale, notamment. Dans ce cadre, les inscriptions prennent parfois en charge l’expression de l’origine des maîtres ou des patrons et, plus volontiers, encore de leur activité. On constate alors que nous sommes souvent en présence d’une population qui évolue dans des milieux susceptibles d’offrir une certaine visibilité, puisqu’on retrouve, parmi les maîtres ou patrons, des gradés ou des fonctionnaires en charge de la gestion financière des provinces. Il ne faudrait cependant pas conclure trop vite. Les esclaves ou affranchis publics, peu représentés dans notre corpus, étaient par exemple probablement bien plus nombreux que ce que nous laisse entrevoir la documentation rassemblée jusque là. 487
Voir Sylvie DARDAINE: Les affranchis des cités dans les provinces de l’Occident romain : statut, onomastique et nomenclature. In: Actes du colloque Ciudades privilegiadas en el Occidente romano, Sevilla 1999, 213-228. 488 CIL XIII, 5161 : Deae / Nariae / reg(io) Arure(nsis) / cur(ante) Feroc(e) l(iberto) 489 Voir Regula FREI-STOLBA: Die römische Schweiz : Ausgewählte staats- und verwaltungsrechtliche Probleme im Frühprinzipat. In: ANRW II, 5, 1 (1976) 401: « Die regiones scheinen […] eher Kultverbände und nicht Verwaltungsbezirke gewesen zu sein. » et note 393 où le sens du terme est aussi discuté. William VAN ANDRINGA: La religion en Gaule romaine. Piété et politique (Ier-IIIe siècle apr. J.-C.), Paris 2002, 251 propose également de voir dans cette disposition territoriale des implications religieuses. Il souligne en outre que la regio « désigne toutefois plus qu’un territoire puisque d’autres regiones de la même vallée rendent un culte en tant que corps constitué dans les sanctuaires de Muri et de Thun », mais récuse l’idée selon laquelle le terme désignerait une association ou une confrérie religieuse, eu égard notamment au sens territorial du mot (p. 256, note 76)
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La même remarque prévaut sans doute pour le constat suivant : à quelques exceptions près, maîtres et patrons disposent d’un esclave ou d’un affranchi ; il est encore possible de compter jusqu’à deux individus, rarement davantage, au service d’un maître ou d’un patron, et seules quelques inscriptions évoquent des liberti, englobés dans un ensemble490, qui peut laisser supposer l’existence d’un groupe attaché au service du maître ou du patron. Il semble souvent difficile en dépit des indications qui sont fournies de définir précisément les tâches qui leur sont dévolues. Il est en revanche plus aisé de reconnaître l’expression des relations particulières qui existent entre ces individus et leurs maîtres ou patrons. 3.2. Expressions privilégiées de la relation maîtres / dépendants Si l’on admet que la société romaine se caractérise par sa hiérarchisation, force est cependant d’admettre que cette hiérarchisation n’est pas hermétique ni univoque, dans la mesure où la relation qui se crée entre les maîtres et leurs esclaves n’est pas que de seule dépendance. Certes les esclaves sont la propriété de leurs maîtres, mais leur situation et leur influence dans la domus sont de nature très variable. Les mêmes remarques valent pour les affranchis, dont la libération n’est en rien synonyme de rupture avec leur ancienne vie, compte tenu des liens juridiques et des obligations qui continuent de prévaloir, sans parler des relations d’estime qui peuvent dans certains cas perdurer. Ce sera l’objet des prochains développements que d’observer les situations qui révèlent des liens privilégiés entre les maîtres et leurs dépendants dans le cadre ou un peu plus à la marge des principes juridiques qui gouvernent en théorie ces relations. 3.2.1. Les unions des esclaves et des affranchis avec des libres Bien que non reconnues juridiquement, les unions entre libres et dépendants constituent une réalité, qui montrent combien les frontières juridiques et sociales peuvent être outrepassées. L’existence de ces unions mixtes figure souvent de manière détournée dans les témoignages épigraphiques, notamment lorsqu’il s’agit de l’union entre un maître et son esclave, dont on trouve peu d’attestations dans nos provinces. Les deux exemples qui suivent font état de l’esclave de deux esclaves, dont on peut supposer qu’elles étaient également leurs compagnes, notamment en raison de la mention de l’existence d’enfants491 et du caractère soigné et développé de l’inscription492. À Mayence (CIL XIII, 11889 = CSIR D 2-6, 50), C(aius) Rulius, le maître de Rodine Pol(l)e/ntina, lui consacre, ainsi qu’aux deux enfants qui reposent avec elle, une épitaphe, dans laquelle il la désigne au moyen de l’expression ancil(l)a sua. La formule fait état du statut juridique de la défunte 490
Voir par exemple CIL XIII, 6890 ; 8067. C’est la raison pour laquelle on peut aussi considérer, en l’absence d’autres indices, que Norbana Saturnina, dont la fille réalise l’épitaphe à Mayence, était la compagne de son patron, le vétéran Norbanius Arbonius (CIL XIII, 7055= CSIR D 2-6, 68) de même que Tiberia Iulia Smertuca qui repose avec son fils partageait l’existence de son patron, Tiberius Iulius Diviciacus (Finke 216= CSIR D 2-6, 28). 492 Sur les inscriptions soignées et développées, cf. infra. 491
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en même temps qu’elle exprime, en raison de l’usage du possessif, la relation privilégiée qui unissait le maître à son esclave Rodine Pole/ntina, an(n)o(rum) XX, / qum (sic) natis II, / h(ic) s(ita) e(st). C(aius) Rul(l)ius C(ai filius), / Pol(l)i(a), Pol(l)entia, / Rodin(a)e ancil(l)ae / suae et natis II / pos(uit). Sit grata / requies quem pia / qura (sic) tegit, (h)ospes, / qui casus legisti / nostros, et precor / ut dicas sit tibi / R«c»odine te(r)ra / levis. « Rodina Polentina, âgée de 20 ans, repose ici avec ses deux fils. Caius Rulius fils de Caius, de Polentia et de la tribu Pollia, a posé (ce monument) pour sa servante Rodina et ses deux fils. Que ton repos, qu’abrite un soin dévoué, te soit doux, étranger, toi qui lis nos malheurs, et je te prie de dire : ‘Rodina, que la terre te soit légère.’ » On ne retrouve pas l’expression explicite de l’affectivité dans la dédicace qu’offre Ti(berius) / Iulius Selvanus, un membre de la cohorte des Syriens à son esclave Paulla (AE 1938, 120) ; mais le développement de l’inscription est tout aussi évocateur que précédemment, dans la mesure où le maître consacre plus de la moitié de l’espace qu’il a réservé au texte à l’expression de la douleur et de la déploration : Paulla Ti(berii) / Iuli(i) Selvani (serva) / ex c(o)hor(te) Sur(orum), / anno(rum) XXIIX, / h(ic) s(ita) e(st). / (H)ospes, si vacu(u)m / est tumuli cog/noscere cassus (sic), / perlege, nam mo/rtis [---] caussa (sic) / dolenda fu«u»it. / Dic, rogo, nu(n)c iuve/nis sit tibi terra / levis. « Paulla, esclave de Tiberius Iulius Selvanus, de la cohorte Suroru, âgée de 28 ans, repose ici. Etranger, s’il est libre de connaître les circonstances de ce tombeau, lis jusqu’au bout, car la cause de la mort… fut digne d’affliction. Maintenant dis, je t’en prie, jeune homme : ‘Que la terre te soit légère’. » Dans ces deux cas, nous ne sommes pas en présence d’une union légitime : le maître vit, semble-t-il avec une esclave concubine et leurs enfants, lorsqu’il y en a, sont des enfants naturels, uniquement liés, sur le plan juridique, à leur mère. L’évocation de l’union entre un patron et son affranchie défunte apparaît en revanche beaucoup plus fréquemment dans nos textes, sans doute parce que le statut d’affranchie de l’épouse rendait l’union légitime ; celle-ci était facilitée par le statut de la compagne au moment de sa disparition, même si on ignore dans nos textes si l’esclave avait été affranchie matrimonii causa ou si l’union avait été contractée sans relation avec l’affranchissement493. Un seul document nous est
493 L’affranchie matrimonii causa était contrainte d’épouser son patron dans les six mois, faute de quoi elle retournait à l’état servile. Une femme déjà affranchie n’était en revanche nullement dans l’obligation d’épouser son ancien maître. Voir Andreas WACKE: art. cit., p. 414-416.
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parvenu pourvu de la mention liberta et coniux494. Il s’agit de l’expression par laquelle se désigne Saturninia / Gannica dans le texte de l’épitaphe qu’elle dédie à son époux défunt, T(itus) Nigrius / Saturninus à Avenches (CIL XIII, 5137 = RIS 1, 101). Le titre de coniux, dont elle se prévaut ici, suppose qu’elle avait été d’abord affranchie par son maître, avant qu’il ne l’épouse, entrant ainsi dans le cadre d’une union légale. On retrouve à Langres le terme coniux associé à celui de maritus, sur un monument funéraire élevé par D[i]d(ius) Sexstinus à son épouse Coccill(a), affranchie de Geminus (CIL XIII, 5756 = I Lingons 392). Il semble que, dans ce contexte également, nous ayons affaire à une union conclue après l’affranchissement de la jeune femme. À la différence de l’épitaphe d’Avenches, le statut juridique de l’époux est cependant moins clairement désigné. Comme pour les deux esclaves de Mayence, l’adjectif possessif sua vient témoigner de la proximité du patron et de son affranchie dans plusieurs inscriptions : à Vindonissa (CIL XIII, 5226), l’affranchie de Ti(berius) Iul(ius) [S]ecund[us], Iulia [Ve]nusta est également qualifiée de bene merita, une expression très souvent employée dans les inscriptions latines pour designer les qualités de l’épouse et de la mère de famille495 ; à Langres, la restitution par Yann Le Bohec de la dernière ligne de l’inscription consacrée par C(ensorinus), dont on ignore le statut juridique exact, à son affranchie Albina permet de recenser encore l’usage du possessif et, ce faisant, de suggérer l’intimité des deux individus (CIL XIII, 5714 = I Lingons 414). D’autres indices peuvent suggérer l’union d’un patron avec son affranchie. À Bingen, une simple inscription indique que les corps de C(aius) Iulius H/astaius, soldat libéré de la cohorte Sagittariorum, et de son affranchie Amoena reposent ensemble (CIL XIII, 7515= CSIR-D 2-14, 28), tandis qu’à Cologne un patron dédicace une plaque funéraire pour son affranchie, alors qu’elle est encore en vie (RSK 358= Finke 299) : Priminiae / Augurinae / viv(a)e Priminius / Famulus / patronus f(aciendum) c(uravit). On peut y voir un geste destiné à assurer à une femme qui lui est chère la garantie d’une survie après sa mort, notamment en cas de disparition prématurée. Le statut de dédicant dans la réalisation d’une épitaphe pour l’affranchie d’un autre maître peut également signaler, de manière discrète, l’existence de liens personnels, comme à Mayence, où une dédicace est réalisée par un citoyen, porteur des tria nomina, sans qu’il explique les raisons de sa piété envers les défunts, Iucunda, identifiée comme l’affranchie d’un autre citoyen, et son fils496.
494 Voir Georges FABRE: Libertus : Recherches sur les rapports patron-affranchi à la fin de la République romaine. Rome 1981, 213-4. 495 Sur l’usage des épithètes, cf. infra. 496 Iucunda / L(uci) Tiberi l(iberta) Feli(ci)s ann(orum) / nat(u) XX et / Primio filius / an(norum) VIII h(ic) s(iti) s(unt) / Q(uintus) Ancharius / Castus d(e) s(uo) / posuit. « Iucunda, affranchie de Lucius Tiberius Felix, âgée de 20 ans, et Primio, son fils âgé de 8 ans, reposent ici. Quintus Ancharius Castus a posé (ce monument) de lui-même. » (AE 1979, 431 = CSIR D 2-6, 75).
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Les informations dont on dispose sont encore plus rares dès lors qu’il s’agit d’établir les relations d’une femme libre avec un esclave ou un affranchi497. On en donnera deux exemples. À Castellum Mattiacorum, Oclatiu[s] [A]ncarius (ou [Pa]ncarius) consacre une épitaphe aux Dieux Mânes de sa patronne, Oclati(a)e Ma(n)suoni(a)e vivus et sibi, ce qui laisse supposer une certaine intimité, dans la mesure où l’affranchi envisage à sa disparition de partager avec sa patronne l’inscription funéraire qu’il a rédigée de son vivant à son intention (CIL XIII, 7307 = CSIR D 2-6,72). L’inscription gravée sur un sarcophage à Besançon par Candidus, un verna impérial pour Caesonia Donata pose, quant à elle, la question du statut de l’épouse, qui n’est pas indiqué (CIL XIII, 5386). Le terme coniux utilisé n’est visiblement pas adapté au statut servile du dédicant, qui ne pouvait préprétendre à voir reconnaître son union avec une femme, quel que soit par ailleurs son statut juridique. Restent les données onomastiques. Caesonia Donata porte les duo nomina, qui sont de mise dans la nomenclature des femmes. Son gentilice n’est pas impérial, ce qui exclut l’hypothèse d’une union au sein de la domus impériale entre deux fonctionnaires au service de l’empereur, comme fréquemment attestée par ailleurs. L’alternative est donc la suivante : Caesonia Donata est une affranchie privée, dont Candidus choisit de ne pas rappeler l’origine servile ou c’est une libre, qui a accepté une union avec un esclave, alors même que le fait était peu admis dans la société romaine, peut-être parce que le statut de verna impérial et la fonction qu’exerçait Candidus étaient de nature à lui procurer certains avantages. Dans ce dernier cas, il faudrait souligner le caractère exceptionnel de cette inscription dans notre documentation sur les Germanies. 3.2.2. Des devoirs respectifs Il n’est cependant pas nécessaire d’être la compagne ou l’épouse de son maître ou patron pour développer une relation privilégiée avec lui. Le statut d’esclave, et bien plus encore d’affranchi, définit pour les deux parties des devoirs et des attentions, qui ne se manifestent jamais plus clairement qu’au moment de la disparition de l’une ou l’autre. Les inscriptions funéraires sont des lieux privilégiés de l’expression des liens juridiques et religieux, pour lesquels esclaves et affranchis aussi bien que maîtres et patrons s’acquittent de leurs devoirs notamment en prenant en charge l’édification d’une stèle, d’un monument ou la rédaction d’une épitaphe. Les obligations de l’affranchi se manifestent par le nombre important de dédicaces qu’ils consacrent à leur patron défunt, faisant ainsi la preuve de leur fides à son égard au-delà de la mort498. Dans la très grande majorité des cas, il s’agit 497
De telles situations ne sont pas inconnues. Andreas WACKE: art. cit., 427, rappelle néanmoins que « le droit de la fin de la période classique réprouvait de telles liaisons et les punissait en tant que contraires aux bonnes mœurs. […] Néanmoins, le juge n’était pas tenu de réprimer le mariage d’un libertus avec sa patronne, lorsque la patronne n’était pas de condition noble […] », surtout si elle avait été elle-même autrefois affranchie et qu’elle épousait celui avec qui elle avait été autrefois esclave. 498 Sur la fides dans les rapports patron-affranchi, voir Georges FABRE: op. cit., 226-232.
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
d’épitaphes. On signalera les deux exceptions constituées dans notre corpus par des inscriptions à caractère votif ou religieux rédigées pour le salut ou le succès d’un maître ou d’un patron. À Dijon (CIL XIII, 5476 = I Lingons 53), l’actor Carantillus dédicace à Jupiter Optimus Maximus et à la Fortuna Redux pro salute itu et reditu de son maître, Tiberius Flavius Vetus, qui apparaît, d’après d’autres inscriptions, comme un personnage de premier plan, patron des fabri ferrarii et des lapidarii de Dijon, qui lui élèvent un autel (CIL XIII, 5474 = I Lingons 51) et lui consacrent une inscription (CIL XIII, 5475 = I Lingons 52) dans les mêmes circonstances que l’esclave Carantillus, à l’occasion d’un voyage du personnage. À Mayence, c’est Zosimus, l’affranchi du centurion Papirius, qui élève un autel à Jupiter Optimus Maximus, sans doute afin de placer son patron sous la protection de la divinité (CIL XIII, 6703). Il n’est pas question de vœu dans la dédicace qui accompagne l’érection de l’autel, mais l’affranchi précise que l’édification du monument a été faite s(ua) p(ecunia), c’est-à-dire à ses propres frais, ce qui témoigne certes de son investissement financier, mais suggère en même temps l’intérêt qu’il prend à son patron. Une dernière inscription fait état d’un don réalisé par l’affranchi Bello (AE 1920, 49). Dans les épitaphes, les affranchis dédicants n’indiquent pas forcément les conditions de réalisation de la dédicace : plusieurs inscriptions mentionnent simplement l’investissement réalisé au bénéfice d’un patron499. À plusieurs reprises, l’affranchi apparaît comme l’agent de la famille, un parent, un frère ou une épouse, pour la réalisation d’une épitaphe pour le défunt. Ainsi à Cologne, Valeria Prepis laisse à l’affranchi Valerius Agathinus le soin d’élever un monument pour son mari (CIL XIII, 8427 = RSK 343). À Mayence, ce sont des frères qui s’acquittent de leurs devoirs funéraires envers Ti(berius) Ulpius Iulianus, mais c’est un affranchi, Chrysogonus, qui est chargé d’élever le monument (CIL XIII, 6851 = CSIR D 2-6, 93). Le même rôle d’agent est dévolu à Victorius Hermes lors de la réalisation de l’épitaphe de Victorius Cassianus, un vétéran de la légion VII, à qui ses fils consacrent une épitaphe (CIL XIII, 6881)500. On rencontre également des affranchis qui se déclarent libertus et heres. À Königshofen, Tiberius Babuleius Albanus est l’un d’entre eux tout en jouant le rôle d’agent dans la dédicace de son patron. À deux reprises, les patrons de ces affranchis et héritiers sont des vétérans. On constate en outre qu’à une exception près, les inscriptions ne mentionnent que l’affranchi et son patron. À Strasbourg en revanche, l’affranchi M(arcus) Porcius Verecundus réalise sur son ordre une inscription pour son patron et l’épouse de ce dernier, qui sont par ailleurs tous deux des affranchis. 499
Voir par exemple CIL XIII, 5138= I Avenches 3 = RIS 1, 97 ; ILTG 440 = AE 2000, 1069 ; I Lingons 525 ; CIL XIII, 5778 = I Lingons 409 ; CIL XIII, 5285 ; CIL XIII, 5137 = RIS 1, 101 ; AE 1976, 497 = Schillinger 101 = CSIR D 2-5, 63 et Schillinger 102 = CSIR D 2-6, 27 ; CIL XIII, 8328= RSK 167. On ne rencontre que quelques cas pour lesquels l’affranchi ne dédicace pas seulement pour son patron, mais aussi pour des membres de sa famille (par exemple CIL XIII, 8337= RSK 306). 500 Voir aussi CIL XIII, 12064 (= RSK 426) et CIL XIII, 5453.
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3. Identité sociale et culturelle
Affranchi Tiberius Babuleius Albanus Opponius Zoilus
Formule employée lib(ertus) (h)eres lib(ertus) et heres
[Dec]minus
Patron Tib[er]ius Babul[eius] Brocus [Opp]onius Patern[us]
lib(ertus) heres Di]ogen[es(?)] [he]res, lib(ertus) [---]atrinius libertus et Zmaragdus h(eres)
Decmus / Decmi[nus] -
M(arcus) Porcius Verecundus Quintinius Fruendus
M(arcus) Porcius Crescens Mogetia Quintin(a)
lib(ertus) et h(eres) libertus et heres
-
Statut du patron -
Lieu de découverte Königshofen
ex c(ustode) a(rmorum) leg(ionis) I [M(inerviae)] -
Lessenich
CIL XIII, 8002
Langres
-
Langres
CIL XIII, 5755 = I Lingons 450 CIL XIII, 5757 = I Lingons 452 CIL XIII, 7005
Un soldat libéré Mayence (honesta missio) Affranchi de Strasbourg Marcus -
Mayence
Références CIL XIII, 5976
CIL XIII, 11635 CIL XIII, 7092
Il arrive aussi que les affranchis signalent, par l’expression ex testamento, qu’ils ont financé la construction du monument commémoratif de leur patron et ainsi exécuté une clause testamentaire. Les inscriptions de Germanies en livrent trois exemples : à Mayence, pour le monument que réalise un affranchi anonyme pour son patron, Adbogius (CIL XIII,7031) ; à Nyon, sur la base d’une statue que l’affranchi D(ecimus) Valerius Sisses consacre à son patron, D(ecimus) Valerius Asiaticus, membre d’une famille sénatoriale (CIL XIII, 5012) ; à Mayence, ce sont trois affranchis, restés anonymes, qui font usage du testament pour la réalisation d’une inscription à leur défunt patron, un soldat de la légion XIV Gemina (CIL XIII, 6890). Les monuments réalisés pour un maître ou un patron ne sont cependant pas seulement l’expression des services qui leur sont dus. Plusieurs inscriptions mentionnent l’investissement volontaire et personnel des affranchis et des esclaves dans la réalisation d’un monument commémoratif, notamment par la prise en charge personnelle des frais d’édification de la tombe ou la consécration d’une épitaphe à leur patron501. Dans ce cas, on peut conclure, à l’instar de Georges Fabre, que « les manifestations de la pietas des affranchis envers leur patronus défunt ne sauraient donc être envisagées sans référence à un type
501 Georges FABRE: op. cit., 148 le mettait déjà en évidence pour la période républicaine : « On comprend donc que, leur pietas étant source de dépenses, certains affranchis, qu’ils aient agi spontanément ou en vertu d’obligations notamment testamentaires, n’aient pas hésité à faire une allusion marquée aux frais engagés, les termes pecunia ou impensa étant soulignés. »
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
d’obligation ou à un désir de « paraître »502. À Langres503, en dépit du caractère fragmentaire de l’inscription, on peut supposer que [Dec]minus, qui se présente comme lib(ertus) heres, précise qu’il réalise le monument [pec(unia)] s(ua) sans qu’on sache ce qui justifie cet acte, tandis qu’à Mayence, l’affranchi indique par le biais de l’expression impendio suo qu’il a financé l’érection d’une stèle funéraire destinée à sa patronne défunte, mais qu’il envisage de partager avec elle une fois disparu (CIL XIII, 7307 = CSIR D 2-6, 72), ce qui laisse supposer des liens étroits entre eux. De manière générale, les inscriptions dont nous disposons font très peu état de l’implication des esclaves, lorsqu’il est question de rendre des devoirs funéraires à leurs maîtres, mais il paraît difficile de tirer des conclusions. La piété, l’attention voire la générosité ne sont pas l’apanage des seuls affranchis504. Maîtres et patrons s’investissent également dans la perpétuation de la mémoire de leurs esclaves ou de leurs affranchis. Ce peut être dans une inscription qui intègre l’esclave ou l’affranchi à la familia, comme à Cologne où un negotiator pistoricius fait graver de son vivant une plaque funéraire pour lui-même, son épouse défunte et son affranchie (CIL XIII, 8338 = RSK 307), ou comme à Mayence, où Satto, un verna, figure dans l’inscription qu’un fils consacre à ses parents (CIL XIII, 7067 = CSIR D 2-6, 2). Mais la plupart du temps, les épitaphes concernent des individus uniques. Quatre esclaves font ainsi, à titre personnel, l’objet des attentions de leur maître dans notre corpus. Dans un cas, à Mayence (CIL XIII, 11889 = CSIR D 2-6, 50), on peut supposer que la dédicace du maître tient au fait que l’ancilla, Rodine Pol(l)entina, était sa compagne, ce qui explique l’attention qu’il lui porte et le soin avec lequel l’inscription est rédigée505. À Ladenburg, c’est un vicarius qui reçoit les hommages funéraires de son maître, un dispensator (CIL XIII, 6423), soucieux de rappeler ses services par l’emploi de l’expression bene merens506. Les deux autres épitaphes d’esclaves, pour lesquelles les dédicants sont les maîtres, se caractérisent également par leur caractère élogieux (CIL XIII, 6954 et CIL XIII, 6888 = CSIR D 2-6, 53). Il s’agit d’inscriptions retrouvées dans la région de Mayence et réalisées par des soldats pour leur es502
Id., ibid., p. 150. CIL XIII, 5755 = I Lingons 450. 504 Sur l’importance et les enjeux de la piété à Rome, on pourra notamment consulter Jacqueline CHAMPEAUX: Pietas : piété personnelle et piété collective à Rome. In: Bulletin de l’Association Guillaume Budé 3 (1989), 263-279 ; John SCHEID: Religion et piété dans la Rome antique. Paris 2001 ; Sonia MARTINELLI-SONCARRIEU: Pietas : recherches sur l’exercice et l’expression de la piété à Rome et dans l’Occident romain sous les Julio-Claudiens et les Flaviens. Villeneuve d’Ascq 1996 ; Annie VIGOURT: Normes religieuses et piété privée vers le milieu du IIe siècle ap. J.-C. In: Bernadette CABOURET – Marie-Odile LAFORGE: La norme religieuse dans l’Antiquité. Colloque organisé les 14 et 15 décembre 2007. Lyon 2011, 73-84. Sur l’exercice de la piété dans des milieux spécifiques, voir par exemple John SCHEID: La piété des procurateurs des Gaules et des Germanies. In: CCG 9 (1998), 265-275 ; Christophe SCHMIDT HEIDENREICH: Le glaive et l’autel : camps et piété militaires sous le Haut-Empire romain. Rennes 2013. 505 Sur les épitaphes métriques, cf. infra. 506 Sur l’usage des épithètes, cf. infra. 503
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clave, dont ils tiennent à souligner les vertus et les mérites. L’implication du maître pour son esclave trouve ainsi systématiquement une justification dans la valeur du défunt : ce peut être la dimension affective qui prévaut, mais plus sûrement la reconnaissance des mérites du défunt et du travail qu’il accomplissait. Les mêmes règles semblent être en jeu s’agissant des patrons et de leurs affranchis. Nous disposons de documents plus nombreux concernant les dédicaces réalisées par les patrons pour leurs anciens esclaves, et l’inscription porte souvent l’explication des devoirs rendus par le patron, devoirs qui s’accompagnent d’un soin tout particulier porté à la facture du monument ou de l’épitaphe à proprement parler. Certes, il existe des dédicaces qui mentionnent simplement la relation de dépendance, comme sur le territoire de la colonie de Nyon (CIL XIII, 5016 = RIS 1, 42), à Munzach (CIL XIII, 5312 = RIS 2, 228), à Cologne (RSK 354 ; RSK 358), à Mayence (CIL XIII 7104 = CSIR D 2-6, 33 ; Finke 216) ou à Utrecht (CIL XIII, 8821)507. La dispersion de telles dédicaces sur le territoire des Germanies tend à prouver qu’il s’agit là d’une pratique courante, qui répond aux devoirs généralement admis des patrons à l’égard de leurs affranchis, mais aussi à un invesinvestissement réel dans leur existence. Ce sont parfois les circonstances tragiques de la disparition de l’affranchi qui expliquent l’implication du patron, comme à Mayence, où lucundus, un pecuarius affranchi de M(arcus) Terenti(us) a été victime d’un esclave qui l’a tué avant qu’il n’ait pu atteindre sa trentième année (CIL XIII, 7070 = CSIR D 2-6, 52). La mention finale : patronus de suo posuit évoque non seulement l’implication personnelle du patron, mais aussi sa participation financière importante, si l’on en juge par la taille et les caractéristiques du monument consacré à l’affranchi. Servandus, un jeune affranchi de 20 ans, bénéficie des mêmes attentions de ses patrons dans la région de Mayence pro meritis (CIL XIII, 7119 = CSIR D 2-6, 36). Les inscriptions réalisés par les patrons ne sont pas toujours aussi développées ; elles n’en signalent pas moins les mérites des affranchis, comme à Xanten (CIL XIII, 8658), où l’épitaphe de Vitellius Avitianus porte la mention ob merita. À Mayence, un affranchi de Caius Seccius reçoit également des hommages funèbres pro meritis (CIL XIII, 7106 = CSIR D-2-6, 51), comme à Vindonissa, où Iulia [Ve]nusta est dite bene meritae (CIL XIII, 5226). Les épitaphes révèlent les liens susceptibles de se créer par-delà la différence de statut juridique. Plus que les esclaves, ce sont surtout les affranchis qui apparaissent comme des dédicants privilégiés, mais tous peuvent également être destinataires d’inscriptions érigées par les maîtres ou les patrons, et dans ce dernier cas il est intéressant de constater que l’inscription devient le lieu du rappel des qualités de l’esclave ou de l’affranchi défunt. Quelle que soit la situation de communication révélée par les témoignages funéraires, ceux-ci correspondent bien souvent à des réalisations très soignées tant concernant le texte de l’inscription que la nature du monument qui lui est associé. 507 Peut-être aussi à Langres (I Lingons 436), où le caractère fragmentaire de l’inscription ne permet pas de trancher définitivement, bien que l’on semble reconnaître le même schéma.
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
3.3. Des réalisations soignées L’expression épigraphique n’est certes pas à la portée de tous les habitants de l’Empire et le statut des esclaves et des affranchis pouvait ainsi laisser attendre des réalisations sommaires. Il n’en est rien. Nombre de témoignages épigraphiques concernant notamment les affranchis se caractérisent par une recherche qui témoigne du soin apporté à la commémoration des défunts dans ce milieu. Certes, l’étendue mesurée de notre corpus laisse aussi entrevoir la foule de ceux dont le souvenir n’a pas survécu, faute de constructions durables ou faute de constructions tout court. Mais la recherche formelle qui transparaît dans certaines réalisations fait connaître non seulement l’investissement affectif des dédicants pour les défunts, mais aussi une réelle culture ou sensibilité artistique, témoignant d’une romanisation de ces territoires du Nord-Est, sans conteste influencés par des siècles de prospérité. Le manque de sources à notre disposition tient de ce fait sans doute au statut de cette population d’origine servile et à sa condition d’accès au support épigraphique, mais aussi au fait que dans ces régions toutes les pierres ont été récupérées, y compris les fondations des murs, ce dont on commence à s’apercevoir en raison des progrès de l’archéologie. 3.3.1. L’expression des sentiments La récurrence des formules employées dans les épitaphes est de nature à laisser entendre que les dédicants avaient peu de marge de manœuvre dans le choix des termes et des propos qu’ils tenaient sur le défunt. On rejoindra néanmoins l’opinion exprimée par Hanne Sigismund Nielsen, qui écrit : « As in our own Western culture, Roman dedicators sometimes chose rather mechanically what was included in the epitaph for the passerby to read, but usually there seems to have been good reason why an epitaph had a particular form508. » En observant les caractérisations des défunts par le biais des épithètes ou des expressions qui leur sont affectées, on peut ainsi faire apparaître sinon le degré d’affectivité qu’ils suscitaient, du moins les attentes qu’ils faisaient naître ou auxquelles ils avaient répondu par leur existence au regard des usages. On distingue trois catégories d’inscriptions où l’épithète apparaît pour caractériser le défunt. Le plus souvent, il s’agit de dédicaces consacrées par un patron à son affranchi ou par un maître à son esclave. Il arrive également qu’un affranchi célèbre la mémoire de son patron en le caractérisant à l’aide d’une épithète. Deux autres types de relations intègrent volontiers l’épithète dans le formulaire épigraphique : il s’agit d’inscriptions rédigées pour un conjoint ou permettant à des parents de rappeler le souvenir de leur enfant défunt voire parfois d’un alumnus. Ce n’est qu’exceptionnellement que l’épithète est utilisée lorsque dédicant et défunt entretenaient une relation de camaraderie, comme à Cologne, où un essédaire est qualifié de sodalis bene merens par les dédicants (RSK 318).
508 Hanne Sigismund NIELSEN: Interpreting Epithets in Roman Epitaphs. In: Beryl RAWSON – Paul WEAVER (éd.): The Roman family in Italy. Status, sentiment, space. Oxford 1997, 170.
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Quel que soit le type de relation entretenue, la majorité des commémorations fait appel à une seule épithète ou à une seule expression. On ne trouve que dans deux inscriptions509 des caractérisations multiples. En revanche, on constate également que l’épithète peut venir qualifier non le défunt, mais le geste commémoratif du dédicant510. Les épithètes utilisées pour caractériser les défunts, voire parfois les dédicants, sont peu variées. Trois groupes se détachent nettement. Le premier est celui constitué autour de la notion de mérite avec des expressions comme bene merens / bene meritus, qui qualifie directement le défunt511, ou pro meritis512 et ob merita513, qui viennent en quelque sorte justifier l’acte commémoratif rendu au défunt514. Le point commun de ces attestations, c’est qu’elles interviennent quasiment toutes dans le cadre de dédicaces rendues par un patron à son affranchi. Hors de ce contexte, la formule bene merens est utilisée par les compagnons d’un essédaire et par un verna impérial pour qualifier son épouse, dont le statut est incertain (CIL XIII, 5386). La récurrence de ces expressions n’est pas propre au territoire des Germanies ; à Rome, bene merens est de loin l’expression la plus utilisée et il ressort de la comparaison avec les textes littéraires qu’elle avait pour fonction de signaler les personnes qui avaient accompli sans faillir les services auxquels ils étaient attachés ou qui avaient rendu tous les devoirs liés à leur statut ou à leur rang515. On ne s’étonnera guère dès lors de constater que les affranchis défunts soient caractérisés de la sorte par leurs patrons, qui rendent hommage à leur attitude. Dans le cas de l’épitaphe qu’un esclave impérial consacre à son épouse, on peut lire la volonté de signaler la parfaite conformité de l’épouse aux devoirs qui étaient les siens ou comprendre qu’elle avait été à même de rendre nombre de services à son mari. Pius, piisssimus et pientissimus représentent le deuxième groupe d’épithètes présentes dans le corpus516. Ces termes interviennent dans plusieurs contextes. Dans la relation des affranchis avec leurs patrons, ils peuvent indiquer la qualité d’une patronne, matrona pientissima, ou encore l’attitude d’une affranchie, qui se qualifie de piissima au moment où elle commémore le souvenir de sa patronne défunte. Une épouse peut également être jugée pia in suis par son contubernalis, tandis qu’un parent rend hommage à son fils pius. On trouve donc des attestations de pius et de ses dérivés dans différents contexte, qui ne sont pas seulement res509
CIL XIII, 8371 = RSK 363 et CIL XIII, 7092. CIL XIII, 5285 ; CIL XIII, 8821. 511 CIL XIII, 6423 = RSOR 80 ; CIL XIII, 5386 ; CIL XIII, 5226. 512 CIL XIII, 7106= CSIR D 2-6, 51 ; CIL XIII, 7119 = CSIR D 2-6, 36. 513 CIL XIII, 8658. 514 On relève également dans le même ordre d’idée l’expression pro beneficio (CIL XIII, 6888 = CSIR D 2-6, 53) 515 Voir Hanne Sigismund NIELSEN: art. cit., 179-181. 516 CIL XIII, 8266 = RSK 192 ; CIL XIII, 5285 ; AE 1978, 572 = Schillinger 168 ; CIL XIII, 7307= CSIR D 2-6, 72. CIL XIII, 7112 évoque quant à elle un jeune homme spei / et pietatis incomparabilis. 510
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
treints aux relations unissant parents et enfants517. La piété romaine se définit comme une disposition portant à des actions de nature à assurer un soutien indéfectible sur un plan financier aussi bien que moral, notamment dans la prise en charge des devoirs à rendre aux défunts. En ce qui concerne nos témoignages, l’usage de pius et de ses dérivés dans le cadre des relations patron – affranchi tend à montrer que les devoirs de l’un et de l’autre ont été respectés au-delà de ce qui pouvait être exigé par la nature juridique de cette relation. La piété envers les siens de l’épouse défunte évoque pour sa part sans doute l’activité inlassable de la femme au sein de la domus. Plus intéressant est le cas de l’enfant défunt qualifié de pius par ses parents, alors même qu’il n’a pas été en mesure de répondre aux exigences de la piété due par un fils à son père en raison d’une mort prématurée et par conséquent injuste518. La dernière épithète à revenir à plusieurs reprises dans nos inscriptions est dulcissimus, dont l’emploi semble beaucoup plus spécialisé que les précédentes, dans la mesure où elle figure exclusivement dans des témoignages épigraphiques dédiés à des femmes ou à des enfants prématurément disparus. Quatre inscriptions évoquent le souvenir d’un enfant dulcissimus, deux à Mayence émanent de Telesphoris une esclave, qui pleure la mort de sa fille519, les deux autres sont le fait de fonctionnaires impériaux, à Zürich et à Langres520, pour lesquels on peut sans doute supposer une origine italienne. Une dernière inscription retrouvée à Cologne mentionne pour sa part un alumnus dulcissimus mort à l’âge de 17 ans, à qui son patron consacre par ailleurs une longue épitaphe en vers (CIL XIII, 8371a = RSK 363 = CLE 2152). Les épouses sont un peu plus volontiers qualifiée à l’aide de l’épithète carissima. À Langres, le même dispensator Augusti qui qualifiait son fils de dulcissimus fait également état d’une épouse carissima (CIL XIII, 5697 = I Lingons 367). La même épithète revient à Kastel (CIL XIII, 7304), où un époux infelicis[simus] mentionne la perte de sa femme avec un adjectif particulièrement utilisé à Rome pour caractériser les épouses défuntes521. 517
À la différence de ce que note Hanne Sigismund Nielsen pour la seule ville de Rome (194). Le phénomène est bien attesté dans les inscriptions de Rome, comme le remarque Hanne Sigismund Nielsen: art. cit., 197-198, où la mention de la piété de l’enfant défunt s’accompagne souvent de l’indication de l’âge qu’il avait atteint, ce qui n’est pas le cas dans les deux inscriptions qui nous concernent. Pour autant, on ne peut seulement conclure à une inversion contre-nature des obligations des enfants envers leurs parents. Richard P. SALLER: op. cit., 110 après avoir examiné sources littéraires et juridiques considère que la pietas n’est pas qu’une obligation filiale, mais qu’elle concerne l’ensemble des membres d’une même famille : « Non-literary texts corroborate the argument that the fundamental essence of pietas lay in a reciprocal devotion to family members that was broader than the notioon of filial obedience », y compris d’origine servile : « Not only did emancipation not sever the bonds of pietas […], but slaves families, though not recognized as such in law, were regarded as bound by pietas » (112). 519 CIL XIII, 7113 = CLE 216 = CSIR D 2-6, 88 ; CIL XIII, 7114 = CSIR-D 2-6, 89. 520 Respectivement CIL XIII, 5244 = RIS 2, 193 ; CIL XIII, 5697 = I Lingons 367. 521 Hanne Sigismund NIELSEN: art. cit., 190 : « Dulcissimus refers predominantly to fosterchildren and sons and daugthers. This is in accordance with the connotations of an intimate relationships and youth found in the literary material and is not surprising. […] Carissimus, after bene 518
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Deux inscriptions font preuve d’originalité par rapport à ces trois groupes d’épithètes. La première, à Mayence (CIL XIII, 7092), est consacrée par un affranchi et héritier à sa patronne, Mogetia Quintina, qualifiée successivement de matrona sanctissima et de patrona optima. À Obernburg522, c’est un jeune garçon de 16 ans, Diadumenus, un verna alumnus, qui est qualifié de delicatus523. Au final, si les inscriptions de Germanies dont nous disposons actuellement respectent volontiers le formulaire épigraphique en vigueur dans le monde romain, elles nous en révèlent un peu plus des liens qui unissent esclaves, affranchis et patrons. Le respect du devoir rendu et accompli entre pour une large part dans la définition de ces relations, ce qui n’exclut nullement l’expression de réels sentiments pour les défunts, ce dont témoigne notamment le soin apporté à la réalisation de certaines épitaphes. 3.3.2. Les inscriptions métriques Parmi les réalisations les plus soignées, on compte l’existence d’inscriptions métriques524. Il s’agit de onze épitaphes, qui comportent des passages versifiés plus ou moins longs, de 2 à une dizaine de vers. D’une manière générale, on peut faire plusieurs constats. Dans notre corpus, la totalité des inscriptions métriques, à une exception près, concerne des défunts relativement jeunes : une puella à Langres (CIL XIII, 5855= I Lingons 549), une jeune ancilla, Rodine, morte à 20 ans avec ses deux nouveaux-nés à Mayence (CIL XIII,11889 = CSIR D 2-6, 50), un libertus alumnus de 17 ans, Aurelius Timavius, à Cologne (CIL XIII, 8371 a et CIL XIII, 8371 b = RSK 363), un petit esclave de la domus d’une famille sénatoriale à Mayence, qui ne semble pas avoir atteint l’âge d’un an (CIL XIII, 6808 = CSIR D 2-6, 87) ou encore une fillette, puellula, également de Mayence (CIL XIII, 7113 = CSIR D 2-6, 88). Deux affranchis et un esclave dont les épitaphes ont été retrouvées à Mayence sont pour leur part âgés de 20 à 21 ans. Restent à Cologne deux esclaves célébrés pour leur talent respectif de musicien et de secrétaire, dont l’âge n’est pas mentionné, mais dont la jeunesse est soulignée par l’inscription (CIL XIII, 8355 = RSK 334). Quant au pecuarius de Mayence (CIL XIII,7070= CSIR D 2-6, 52), l’épitaphe ne manque pas de souligner qu’il n’a pas pu vivre plus de 30 ans, ce qui représente la durée de vie la plus élevée de tous les défunts dont la mémoire est célébrée en vers. Une seule inscription ne permet pas de conclure, notamment compte tenu de son état mutilé (CIL XIII, 7129), qui ne nous fait connaître ni l’identité de l’affranchi ni les circonstances dans lesquelles l’inscription a été érigée.
merens, is the epithet most frequently applied to spouses, while dulcissimus is only infrequently seen. » 522 AE 1929, 106 = CSIR D 2-13, 158. 523 Sur le sens exact du terme, cf. supra. 524 Sur ces poèmes funéraires, on pourra consulter Étienne WOLFF: La poésie funéraire épigraphique à Rome. Rennes 2000 et Gabriel SANDERS: Lapides Memores. Païens et chrétiens face à la mort : le témoignage de l’épigraphie funéraire latine. Faenza 1991.
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
À l’exception de cette dernière inscription, pour laquelle les informations font défaut, les autres dédicaces se caractérisent aussi par l’identité très précise des dédicants, soit des parents, notamment des mères, soit les patrons ou les maîtres des défunts. Dans tous les cas, ces inscriptions dénotent plus que le soin apporté à la préservation de la mémoire d’un disparu. Elles expriment toutes une douleur ou un chagrin en insistant d’une manière ou d’une autre sur la perte ressentie à l’occasion de la disparition d’un proche ou d’un membre de la familia. Le choix de la forme versifiée se combine en effet très souvent avec l’usage d’une épithète, identique à celle que nous avons étudiée plus haut, ou d’une formule susceptibles de faire percevoir un engagement affectif. La petite fille de Langres est ainsi dilecta, tandis qu’à Mayence Aurelius Timavius est un alumnus dulcissimus et sanctissimus, Caius Seccius Lesbius bene merens et la petite fille de l’esclave Telesphoris dulcissima. Les thèmes ou les motifs abordés par les vers qui ornent l’inscription sont souvent récurrents. Outre l’éloge du défunt ou de ses activités, les inscriptions sont nombreuses à rappeler que la mort de ces jeunes gens est injuste et prématurée et à souhaiter que le défunt connaisse le repos. Plus de la moitié adopte une structure discursive. Le passant est appelé à partager la souffrance du disparu et de sa famille ; le défunt lui-même prend la parole, notamment pour déplorer les circonstances malheureuses de sa mort, qui le privent de la jeunesse et de ses privilèges. Le plus souvent cependant, c’est le dédicant qui s’adresse au défunt, comme pour prolonger la relation par-delà la mort. À une exception près, c’est le dédicant lui-même qui est l’objet des paroles prononcées, dans une sorte de monologue intérieur, qui permet à la parole souffrante de se déployer. On s’arrêtera plus particulièrement sur l’emploi de topoi à l’œuvre dans certaines inscriptions. Une image revient à plusieurs reprises dans les épitaphes de ces jeunes gens morts prématurément, c’est celle de la vie ou de la jeunesse envisagée comme une fleur. Le dédicant qui déplore la mort d’Aurelius Timavius à Cologne évoque ainsi pulchram primaevo flore iuventam (CIL XIII, 08371 a = RSK 363), de la même manière que Caius Seccius Lesbius, retraçant sa brève existence, mentionne sa jeunesse considérée prima flore (CIL XIII, 7105 = CSIR D 2-6, 29). La fillette que pleure Telesphoris à Mayence est pour sa part assimilée à la rose, qui ne fleurit que pour disparaître immédiatement, reprenant une image traditionnelle de la brièveté de la vie : rosa simul floruit et statim periit (CIL XIII, 7113 = CSIR D 26, 88) appelée à faire fortune en littérature. La mythologie fournit également plusieurs images conventionnelles aux épitaphes métriques. C’est le cas à Mayence pour l’inscription incomplète dans laquelle le défunt évoque sa chute dans les ténèbres du Tartare et de Dis, où il se trouve désormais privé de lumière (CIL XIII, 7129 = CLE 1828), dans une image traditionnelle des Enfers, qui combine à la fois la chute, l’obscurité et, de manière générale, la privation de tous les bienfaits
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de la vie, que représente l’entrée dans les enfers525. La figure des Parques est également convoquée dans une inscription de Mayence consacrée à un petit esclave nommé Hipponicus (CIL XIII, 6808 = CSIR D 2-6, 87) pour expliquer la mort du garçonnet, qui est par ailleurs assimilé aux dieux Cupidon et Apollon en raison de la beauté de son visage et de l’élégance de sa silhouette. Cette déification de l’enfant peut certes être replacée dans le cadre de l’imitatio deorum, qui se développe à Rome et dans les provinces chez les particuliers526 ; mais il est intéressant de souligner qu’elle s’applique là à un individu, qui en dépit de la description qui en est livré et de l’emploi du verbe adoleuit (qui suggère un jeune homme d’une quinzaine d’années), n’a, semble-t-il, pas vécu au-delà d’un an. C’est une autre représentation des rapports de la vie et de la mort qui apparaît dans trois vers de l’inscription consacrée par son patron à Aurelius Timavius à Cologne : spiritum [que]m tu ferebas / corpore elabi sacrum co/rpus ut terram mane/re spiritum celum sequi / spiritum movere cunc/ta spiritum esse quod deu/m Le texte pose la question des rapports du corps et de l’âme, de telle sorte qu’il présente l’image d’un corps terrestre, dont l’âme, par essence immortelle et divine, se détache pour être emportée au ciel. Il est difficile d’extrapoler sur l’origine de ces considérations, qui se rapprochent des conceptions chrétiennes : rien n’autorise à penser qu’Aurelius Timavius et son patron ne sont pas issus d’un milieu païen, d’autant que les croyances en l’immortalité de l’âme ne sont pas propres au christianisme, mais ont également à voir par exemple avec les influences stoïciennes, qui parcourent le monde romain. Que faut-il conclure de ces différents motifs qui traversent les épitaphes métriques de nos esclaves et de nos affranchis dans les provinces des Germanies ? Plusieurs pistes se dégagent. Sur le plan formel, aucune caractéristique n’est privilégiée par les dédicants et les mètres utilisés sont variables : l’hexamètre, le pentamètre, le vers iambique… sont tour à tour utilisés et parfois mêlés dans une même épitaphe avec plus ou moins de bonheur527. Les motifs et les thèmes récurrents peuvent passer pour stéréotypés, peu originaux. Il n’en reste pas moins qu’on relève des éléments qui plaident en faveur d’une réelle culture, même si, dans certains cas (par exemple, celui d’Hipponicus à Mayence), il faut considérer que derrière cer525
Sur ce sujet, voir Bassir AMIRI: Chaos dans l’imaginaire antique de Varron à saint Augustin, Paris 2004. 526 CSIR D 2-6, 87 : « Die imitatio deorum beginnt in vorneronisher Zit und ist fast ausschließlich im Sepulkralkult bezeugt, hier besonders bei Freigelassenen und Sklaven. Ihren Höhepunkt erreicht sie auf Grabsteinen, Grabälteren und Aschenkisten vom Ende des 1. Bis zur Mitte des 2. Jahrhunderts, im Sarkophagrelief im 3. Jahrhundert. » 527 CSIR D 2-6, 87 : « Klein ging auf das Versmaß ein und wollte in Z 11 / 12 einen schwerfälligen daktylischen Hexameter erkennen, am Schluß daktilische Tetrameter. Doch ist nirgends ein Versmaß rein und konsequent durchgestaltet, sondern dem Text nur notdürftig aufgepreßt. »
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
tains dédicants, on trouve à l’origine du monument, de sa conception, de sa réalisation et de son financement, des libres issus des familles sénatoriales. Certaines inscriptions comportent en effet des réminiscences de textes littéraires. C’est le cas notamment de l’inscription consacrée à Timavius : si la seconde moitié de l’inscription, qui met l’accent sur l’immortalité de l’âme, atteste à tout le moins d’un goût pour la réflexion philosophique, on note également la reprise de deux vers de l’Énéide de Virgile : post / varios cassus(!) post / tot discrimina re/rum est la reprise littérale (à la préposition près) du vers 204 au chant I528, tandis que la référence à la fleur de la jeunesse, pour banale qu’elle puisse sembler, primaevo / flore iuventam, est une réminiscence du chant VII de l’épopée virgilienne529. L’épitaphe des deux esclaves Sidonius et Xantia, qui exalte leurs qualités professionnelles sous la forme de deux éloges funéraires, n’est pour sa part pas non plus dépourvus d’aspects littéraires, notamment en raison d’analogies entre l’épitaphe consacrée à Xantia et un poème d’Ausone, In Notarium (Éphéméride 7). En outre, on constate dans un grand nombre d’épitaphes une continuité remarquable entre les motifs développés dans les passages versifiés et l’iconographie présente sur la stèle qui supporte l’inscription. L’épitaphe de la petite fille de Telesphoris, qui file la métaphore de la rose, est ainsi ornée de fleurs déjà épanouies, qui renforcent la symbolique de la brièveté de la vie. L’inscription consacrée à Hipponicus est pour sa part surmontée d’une niche ornée d’un Amour nu et ailé, qui renvoie directement à la référence à Cupidon et à la jeunesse du défunt mentionnées dans l’épitaphe. L’activité du pecuarius assassiné, dont la mémoire est commémorée à Mayence, est quant à elle représentée dans un relief situé sous le cadre réservée à l’inscription : on peut y voir un troupeau constitué de quatre moutons et d’un bélier placé sous la surveillance d’un berger qui porte un fouet et est accompagné de son chien. Ces exemples soulignent l’importance que revêtent ces célébrations pour les esclaves et les affranchis ou le milieu cultivé dans lequel ils évoluent. 4. L’identité professionnelle des esclaves et des affranchis Dans la société romaine, l’indication de l’activité n’est pas un élément constitutif de la nomenclature des individus, quel que soit leur statut juridique. À ce titre, elle figure rarement dans les documents épigraphiques530. Lorsqu’elle est présente
528 VIRGILE, Énéide, I, 204 : Énée exhorte ses troupes à ne pas perdre courage : Per uarios casus, per tot discrimina rerum / tendimus in Latium... : « Au travers de dangers divers, de difficultés si nombreuses, nous tendons vers le Latium… » 529 VIRGILE, Énéide, VII, 162 : les Troyens découvrent les Latins et le palais de Latinus : Ante urbem pueri et primaeuo flore iuuentus exercentur equis… : « Devant la ville, des enfants et des adolescents dans leur première fleur font des exercices équestres… » 530 Voir les chiffres avancés pour Rome par Sandra JOSHEL: Work, identity and legal status at Rome. A study of the Occupational Inscriptions. Norman, London 1992, 53 : « [J]ob title [...] is an unusual element in all epitaphs. Only about 10 % of the deceased in Roman epitaphs had occupational title. »
4. L’identité professionnelle des esclaves et des affranchis
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sur les épitaphes ou les inscriptions votives, elle acquiert donc, du fait de sa rareté, une valeur particulière. Le phénomène se vérifie particulièrement s’agissant des esclaves ou des affranchis, dans la mesure où leur statut en fait des travailleursnés ou obligés, dont le travail ne fait pas forcément l’objet d’une reconnaissance personnelle. L’objet de ce chapitre sera dans un premier temps de définir les types d’activités exercées par les esclaves et les affranchis dans les Germanies et de spécifier les professions qu’ils nous font connaître au regard de leur statut servile. On montrera ensuite l’importance de ce choix dans la construction d’une identité positive, qui leur permet de dépasser leur condition première. Le recensement pour les Germanies permet de faire état de 39 attestations de métiers531, 30 pour la Germanie supérieure et 9 pour la Germanie inférieure. Ces activités se laissent rassembler en plusieurs grandes catégories. Il est indéniable que les légionnaires et les membres des troupes auxiliaires emploient un grand nombre d’esclaves et d’affranchis, dont les inscriptions nous ont conservé la trace, sans qu’on sache réellement à quels emplois ni à quels services précis ils étaient affectés. Il demeure néanmoins important de les garder à l’esprit afin de les mettre en perspective avec les autres attributions que les inscriptions des Germanies nous font connaître. Parmi elles, une part non négligeable concerne ce que nous appellerions aujourd’hui les services : il s’agit d’esclaves ou d’affranchis employés par un individu privé ou une collectivité dans le but de procurer différents types de services532 : Activités de service Educatrix
Statut Affranchie impériale
Limocinctus Medicus
Esclave public Affranchis privés
Musicien Procurator praegustatorum Scriba
Esclave privé Affranchi impérial Esclave privé Affranchi impérial
531
Références CIL XIII, 5138 = I Avenches 3 = RIS 1, 97 CIL XIII, 8334 = RSK 300 CIL XIII, 8349= RSK 322 CIL XIII, 5079= I Avenches 4= RIS 1, 77 CIL XIII, 8355 = RSK 334 AE 1976, 504 CIL XIII, 8355 = RSK 334 CIL XIII, 5699 = I Lingons 369
Pour 35 inscriptions. Par attestation, nous entendons le nombre de mention d’un métier exercé par un esclave ou un affranchi. Nous pouvons donc, pour une même inscription, avoir deux attestations, par exemple d’un dispensator et de son vicarius. Les esclaves et les affranchis qui mentionnent leur activité représentent près de 15 % de la population servile des Germanies. Les détails de ce recensement figurent dans la première partie. Cf. supra. 532 On ne tiendra pas compte de l’inscription AE 1978, 532, pour laquelle le terme Lector ne doit pas être compris comme l’indication d’une fonction, mais comme un cognomen. Pour une discussion sur cette inscription, R.WEIGELS: Ein römisches Inschriftenhäuschen aus dem Kleinkastell Hönehaus (Odenwald). In: Germania 51 (1973) 543-552. On considèrera pour notre part qu’il serait peu probable que le dédicant ne se désigne que par son gentilice, ce qui conduit à voir en Lector un cognomen.
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
L’educatrix dont l’épitaphe a été retrouvée à Avenches s’est vraisemblablement occupée de l’éducation de Titus, le fils de Vespasien533, tandis qu’il séjournait auprès de son grand-père, le banquier Flavius Sabinus. L’appellation évoque en règle générale le serviteur responsable de l’éducation de l’enfant, plutôt que la nourrice à proprement parler, qui est plutôt désignée par le terme nutrix534, même si les mots peuvent parfois être utilisés hors de leur sens propre535. Il semble bien que la fonction première de l’educatrix soit de prendre soin d’un petit enfant, précisément dès qu’il est sorti des bras de sa nourrice. La fonction de lector est moins connue. Parmi les professions intellectuelles, figure également le scriba, un secrétaire, affecté au service d’un particulier ou de l’empereur536. Il appartient à la sphère privé au même titre que le musicien ou le procurator praegustatorum, qui offrent à leur maître une qualité, un confort de vie et lui assure aussi une dignité. Le terme procurator est le titre porté par les affranchis de l’administration impériale. Notre procurator praegustatorum intervenait dans la sphère intime du prince, puisqu’il était chargé de goûter les plats préparés pour l’empereur Domitien, qu’il avait dû accompagner dans sa campagne sur le Rhin537. Le limocinctus est pour sa part un esclave de la collectivité. Il figure parmi les professions de service, dans la mesure où il était chargé d’escorter un personnage public, notamment un magistrat de la cité, ce qui en fait un individu qui, par sa seule présence, assure aux autres une qualité de service et d’existence. Il s’agit en l’occurrence surtout de mettre en valeur le statut de la personne escortée. On compte aussi sur le territoire des Germanies deux medici, qui appar-
533 On a longtemps pensé que l’enfant élevé par Pompeia Gemella était Vespasien, mais D. VAN BERCHEM: Un banquier chez les Helvètes. In: Ktèma 3 (1978) 273-274 a souligné l’impossibilité de cette identification et a proposé avec vraisemblance de voir dans l’Augusti nostri, Titus, le fils de Vespasien. 534 Voir Regula FREI-STOLBA – Anne BIELMAN: Musée romain d’Avenches. Les inscriptions. Textes, traduction et commentaire. Lausanne 1996, 28-30. 535 Sur la question du personnel éducatif dans les familles romaines, on peut aussi consulter K. R. BRADLEY: Wet-nursing at Rome : a Study in Social Relations. In: B. RAWSON (éd.): The Family in Ancient Rome. New Perspectives. London 1986, 201-229. Jane F. GARDNER: Women in Roman law and society. London 1987, 241 met pour sa part en évidence la confusion qui peut régner dans l’usage des termes : « Strictly speaking, the nutrix was a wet-nurse, but some of the women of whom the term is used may also in effect have served as nanny (educatrix) in the household once the baby was weaned. » 536 Voir Wilhelm KIERDORF: Scriba. In: Der Neue Pauly. Enzyklopädie der Antike Bd XI (2001) 300-301. 537 Voir L. SCHUMACHER: Der Grabstein des Ti. Claudius Zosimus aus Mainz. In: Epigraphische Studien 11 (1976) 137. Sur la profession en elle-même, l’auteur rappelle (133) que la fonction est connue à la cour des rois perses et que le premier romain à l’avoir utilisée est MarcAntoine. Il souligne les qualités requises pour l’exercer : « Die praegustatores gehörten aufgrund ihrer Funktion zum engeren Kreis des Palastgesindes und versahen ihren Dienst an der Tafel, der gefällige Erscheinung und feine Lebensart voraussetze, unmittelbar neben dem Kaiser. »
4. L’identité professionnelle des esclaves et des affranchis
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tiennent, semble-t-il, à la société civile538. Ces deux inscriptions, nous permettent d’établir leur présence à Avenches et à Cologne539, sans qu’on ait d’informations précises concernant leur activité. Pour la dédicace d’Avenches, la découverte près du forum de Vidy-Lausanne d’un cachet d’oculiste portant le nom de Q(uintus) Post(umius) Hermes, le nom de l’un des dédicants de l’inscription d’Avenches, confirme qu’il s’agissait bien d’un médecin et permet en outre de savoir que l’affranchi Hermes « aurait mis au point une recette contre l’inflammation de l’œil – chloron ad epiph(oras) – et une formule pour éclairer la vue – pelagin(um) ad clari(tatem)540 ». Si la pratique médicale d’Hermes est ainsi bien attestée, on ne peut qu’émettre l’hypothèse que son patron, Hyginus, est également médecin, et qu’il aurait, selon la coutume, formé son affranchi541. Les esclaves et les affranchis dont l’activité est mentionnée se comptent également en nombre pour tout ce qui concerne le maniement et la gestion des biens. Pour l’essentiel, il s’agit de fonctionnaires impériaux, mais on relève aussi leur présence dans les familles de particuliers. Activités liées au maniement ou à la gestion des biens
Statut
Actor
Esclaves de particuliers
Argentarius
Affranchi d’un particulier Esclave de la cité
Arcarius Contra scriba
538
Esclave ou affranchi impérial Esclave d’un particulier
Références CIL XIII, 5476 = I Lingons 53 CIL XIII, 6730 CIL XIII, 7247 = CSIR D 2-6, 40 AE 1933, 113 = CSIR D 2-10, 69 AE 2004, 1014 CIL XIII, 5698 = I Lingons 368
On connaît également dans le secteur militaire l’existence d’un médecin attaché à la légion XXI (CIL XIII, 5208) et qui figure dans les statistiques avec les individus exerçant leur activité dans le cadre de l’armée. Sur le sujet, voir Roy William DAVIES: The medici of the roman armed forces. In: Epigraphische Studien (1969) 85, qui mentionne Tiberius Claudius Hymnus (CIL XIII, 5208) en commentant son cognomen grec sans voir qu’il s’agit d’un affranchi. 539 Bernard REMY: Les inscriptions de médecins en Gaule. In: Gallia 42 (1984) 115-152 a recensé 24 textes concernant les médecins dans ces provinces et 19 pour la péninsule ibérique (Id.: Les inscriptions de médecins dans les provinces romaines de la Péninsule ibérique. In: REA XCIII (1991) 321-354. 540 Regula FREI-STOLBA – Anne BIELMAN: op. cit., 33. 541 Voir Anne BIELMAN – Philip MUDRY: Les médecins et les professeurs d’Avenches. In: Regula FREI-STOLBA – Michael Alexander SPEIDEL (éd.): Römische Inschriften – Neufunde, Neulesungen und Neuinterpretationen. Festschrift für Hans Lieb. Basel 1995, 267-268. Sur Postumius Hyginus et Postumius Hermes, on pourra aussi consulter Médecine antique, 4e colloque hippocratique. Catalogue de l’exposition, Musée historique de l’Ancien-Évêché 1981, 26-29, 43 et 51-52.
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
Dispensator
Dispensator horrei Dispensator horreorum Exactor tributorum Praepositus XLe Galliarum Tabularius
Esclave Esclave impérial Esclave542 impérial Esclave impérial543 Verna impérial Verna impérial Esclave d’un particulier Esclave d’un particulier Esclave impérial Esclave impérial Esclave impérial Affranchi impérial
CIL XIII, 5194 = RIS 2, 148 CIL XIII, 5697 = I Lingons 367 AE 2004, 969 a AE 1974, 449 = RSK 193 CIL XIII, 5385 CIL XIII, 5371 CIL XIII, 6423 CIL XIII, 5698 = I Lingons 368 CIL XIII, 11802 CIL XIII, 11540 = RIS 2, 230 CIL XIII, 5092 = RIS 1, 84 CIL XIII, 5244 = RIS 2, 193
Affranchi impérial
Vicarius de dispensator
Esclave
Vicarius du dispensator horreorum Vicarius de l’exactor Publici XX libertatis vilicus
Esclave
CIL XIII, 7071 = AE 2003, 1277 CIL XIII, 5194 = RIS 2, 148 CIL XIII, 6423 CIL XIII, 11540 = RIS 2, 230
Esclave Esclave
CIL XIII, 5092 = RIS 1, 84 CIL XIII, 7215 = CSIR D 2- 4, 77
Le territoire des Germanies a livré un nombre considérable de témoignages épigraphiques concernant des dispensatores et leur vicarius. Ils font pour la plupart partie de la domus impériale et représentent dans nos inscriptions près de la moitié des attestations de la population servile affectée à la gestion de l’argent. Les dispensatores sont des esclaves, qui appartiennent le plus souvent à l’administration fiscale et sont chargés de percevoir et de verser de l’argent544. Une inscription retient notamment l’attention, c’est celle qui évoque à Cologne un dispensator anonyme de l’époque d’Auguste ou de Tibère, qui se signale par l’érection d’une tombe monumentale (AE 2004, 969 a). Sa présence dans l’oppidum Ubiorum souligne l’existence, à cette date, d’une administration des finances, sans doute organisée pour défendre les intérêts financiers du princeps 542 La fonction de dispensator exercée incite à considérer l’individu comme un esclave plutôt que comme un affranchi. 543 L’inscription, relue par Jérôme France (AE 2000, 999) fait état d’un dispensator de la légion I Minervia. Sur cette fonction, bien attestée en Afrique, on peut consulter Michel CHRISTOL: Ti. Claudius Proculus Cornelianus, procurateur de la région de Théveste. In: Africa romana 7 (1990) 893-905. L’attestation de cette fonction permettrait donc de mettre en évidence à Cologne l’existence d’un bureau financier, a priori placé sous l’autorité d’un procurateur de l’empereur, destiné à l’entretien et à la gestion des légions. La fonction de dispensator serait dans ce cadre à comprendre comme celle d’un trésorier-payeur. L’inscription AE 1984, 664 de Cologne pourrait également faire mention d’un autre dispensator de légion, mais la lecture est plus incertaine, raison pour laquelle nous n’avons pas retenu ce document dans le corpus des esclaves de Germanie. 544 Voir sur cette fonction, Edmond FREZOULS: réf. cit. In: Ktèma 16 (1991) 49.
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dans cette région, bien plus que pour gérer les finances de l’Empire à proprement parler, puisqu’on ne trouve plus trace ensuite d’une administration financière impériale sur le site de Cologne. Il est en tout cas évident que des sommes importantes ont dû transiter auprès de ce fonctionnaire pour qu’il ait eu ensuite la possibilité d’élever un tel monument545. Les dispensatores agissent aussi pour le compte de particuliers. À Ladenburg (CIL XIII, 6423 = RSOR 80), le dispensator Eutychas, qui consacre une inscription à son vicarius, ne précise pas à quelle domus il est rattaché, ce qui laisse supposer qu’il n’appartient pas à la maison impériale, tandis qu’à Langres (CIL XIII, 5698 = I Lingons 368), Crescens travaille au service des Iulii, une riche famille lingone, tout comme [Pa]ullinus un contra scriba, dont on ne sait pas trop exactement ce que recouvrait la fonction546. À Vindonissa, le statut d’Asclepiades est incertain. La richesse de l’inscription, induite par l’engagement de l’esclave dans la reconstruction du temple de Jupiter, peut faire penser qu’il appartenait à la domus impériale plutôt qu’à la cité ou à un particulier, dans la mesure où c’est dans ce milieu que se maniaient les plus grosses sommes d’argent, offrant ainsi à des esclaves la possibilité de s’enrichir considérablement, mais rien d’explicite ne vient étayer cette hypothèse. Dans nos provinces, on note encore l’existence de dispensatores horrei ou horreorum qui administrent les greniers impériaux547. Les dispensatores sont souvent associés à un vicarius, qui les secondent dans leurs tâches548. Les autres fonctions exercées en relation avec la gestion des biens sont attestées sporadiquement dans les Germanies, mais elles témoignent de la présence et de l’activité des fonctionnaires impériaux sur le territoire. On rencontre ainsi un esclave exactor chargé de la levée des arriérés d’impôts et son vicarius près d’Avenches ; un arcarius, dont la 545 Cf. infra l’interprétation proposée par Werner Eck concernant les activités à Cologne de ces esclaves ou affranchis impériaux liés au monde de l’argent. 546 On suit ici la lecture proposée par Yann LE BOHEC: Inscriptions de la cité des Lingons. inscriptions sur pierre. Paris 2003, 210-211, qui voit en Crescens un dispensator, père du défunt L. Iul(ius) Chi(us) et non celle de Jérôme FRANCE: Quadragesima Galliarum: l’organisation douanière des provinces alpestres, gauloises et germaniques de l’Empire romain : Ier siècle avant J.-C. – IIIe siècle après J.-C. Rome 2001, 98-99, qui fait de Crescens, le fils libre de l’affranchi défunt L. Iulius Chius, ce même Crescens exerçant les fonctions de dispensator, dans la mesure où la fonction renvoie forcément à un esclave, ce qui amène à privilégier la lecture fil(io) plutôt que fil(ius). 547 Sur la gestion des horrea, on pourra consulter René ROBAYE: L’obligation de garde. Essai sur la responsabilité contractuelle en droit romain. Bruxelles 1988, 109-110. L’auteur souligne que les horrea pouvaient être dirigés par un fonctionnaire nommé par l’empereur et que « l’horrearius n’apparaît jamais dans les textes comme le responsable de la gestion des horrea publics. […] [I]l apparaît que l’horrearius est le plus souvent un esclave ou un affranchi impérial, faisant partie des mêmes collèges religieux que les autres ouvriers des horrea, tout en ayant des fonctions distinctes de celles de ces ouvriers, mesureurs (mensores), magasiniers (cellarii ou apothecarii), porteurs (saccarii ou baiuli) ou gardes (custodes). Il n’est pas fait mention du rôle du dispensator horrei ou horreorum dans l’ouvrage, tandis que Claude ALZON: Problèmes relatifs à la location des entrepôts romains. Paris 1966, 320-321 et note 72 indique qu’ils ont sans doute été remplacés par les actuarii et ne doivent pas être confondus avec les dispensatores a frumento. 548 Cf. supra.
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fonction au sein de la maison impériale était de seconder le dispensator, tandis que l’esclave public qui porte le même titre dans la cité des Vangions était responsable de la caisse de la cité549. Enfin le chef de la station du quarantième des Gaules à Zurich, qui porte le titre de pr(aepositus), avait la responsabilité de la perception des droits de douanes pour les provinces gauloises. Parmi les esclaves et les affranchis liés au monde de l’argent et n’appartenant pas à la domus impériale, il faut d’abord mentionner un arcarius au service de la cité des Vangions. Il s’agit d’un esclave chargé de la caisse publique550. On rencontre également à Mayence un affranchi originaire de Pannonie, Capito, qui se fait connaître comme argentarius. Le terme est en lui-même ambigu, dans la mesure où il peut être associé à diverses activités. Les analyses de Jean Andreau conduisent a priori à écarter l’hypothèse d’un orfèvre, sculpteur sur argent, compte tenu des particularités d’emploi du terme, et à privilégier la thèse selon laquelle nous sommes en présence d’un banquier551. Néanmoins, l’auteur reconnaît que les sources épigraphiques » révèlent […] une autre espèce d’argentarii…, les argentarii esclaves. Ceux-ci ne sont pas des manieurs d’argent. Leur nom ressortit à la terminologie des fonctions d’esclaves. Ils travaillaient dans la familia urbana de leur maître et s’y occupaient d’argenterie. » Capito serait-il l’un de ces esclaves, finalement affranchi par son maître ? Rien dans l’inscription ni dans le décor de la stèle funéraire ne permet de confirmer ni d’infirmer cette hypothèse. Dans son étude sur les noms de métiers, Edmond Frézouls range pour sa part Capito parmi les individus qui interviennent dans les métiers de la banque et des finances552. L’actor d’un particulier connu par une inscription de Dijon désigne sans doute l’administrateur des propriétés de son maître, ce qui suppose qu’il ait également à rendre compte des recettes provenant des cultures ou des locations de terre du domaine dont il a la charge. L’actor connu par une une inscription de Mayence doit pour sa part être davantage considéré comme un agent des canabari, qui agit pratiquement et techniquement en leur nom dans le cadre de démarches sinon po-
549 Voir Gottfried SCHIEMANN: Servus arcarius. In: Heinz HEINEN (dir.): Handwörterbuch der antiken Sklaverei. Stuttgart 2007. 550 Sur cette fonction, voir M. SILVESTRINI: Gli ‘arcarii’ delle città. In: MEFRA 117 (2005) 541-554. On pourra aussi consulter Emmanuel LYASSE: L’utilisation des termes res publica dans le quotidien institutionnel des cités. Vocabulaire politique romain et réalités locales. In: Clara BERRENDONNER – Mireille CEBEILLAC-GERVASONI – Laurent LAMOINE (éd.): Le Quotidien municipal dans l’Occident romain (colloque organisé par du 19 au 21 octobre 2007). Clermond-Ferrand 2008, 190. 551 Jean ANDREAU: La vie financière dans le monde romain. Les métiers de manieurs d’argent e (IV siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.). Rome 1987, 137 : « Jamais argentarius employé seul, pour désigner un métier, n’a rapport aux spécialités de l’orfèvrerie ou du commerce des matières d’argent. » 552 Edmond FREZOULS: art. cit., 48.
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litiques, du moins administratives553. Le publici XX libertatis vilicus nous fait pour sa part percevoir l’existence sur le territoire des Germanies de sociétés qui ont pris l’impôt à ferme554. Deux sphères d’activité semblent marginales eu égard à la faiblesse de la documentation. Les secteurs industriels et agricoles sont visiblement sousreprésentés. On ne connaît en effet sur le territoire des Germanies qu’un pecuarius, un éleveur de bétail qui semble devoir sa notoriété aux circonstances dramatiques de sa mort (CIL XIII, 7070 = CSIR D 2-6, 52), et qu’un adsessor ferrariarum, dont le statut n’est pas précisé, pour témoigner de l’existence de mines de fer dans la région de Mayence (CIL XIII, 11833). L’esclave attaché à cet individu n’est cependant pas clairement associé à la gestion ou à l’exploitation des mines, et il pourrait s’agir d’un esclave privé du dédicant555, mais on peut aussi considérer que le soin apporté à définir la sphère d’activité du maître livre une information sur le métier exercé par Nicasius556. Quant au commerce, qu’il s’agisse des marchands en gros qui parcourent les provinces ou des petits négociants implantés dans une cité, il apparaît lui aussi très peu représenté parmi les esclaves et les affranchis. Les inscriptions nous font en effet connaître, à Bocklemund près de Cologne, Fatalis, un affranchi negotiator (CIL XIII, 8513 = RSK 148), qui ne précise pas la nature des marchandises dont il fait commerce. Dans le monde du commerce, nous entrevoyons à des échelles sans doute différentes l’existence des artisans grâce à un affranchi lanius à Bingen (CIL XIII, 7521 = CSIR D 2-14, 35) et à un pistor, qui se désigne à Cologne comme negotiator pistoricius et emploie une affranchie (CIL XIII, 8338 = RSK 307). Cette inscription appelle plusieurs remarques. Sur le statut juridique de ce pistoricius d’abord, il s’agit d’un Nervien d’origine résident à Cologne et probablement pas d’origine servile. Était-il réellement un marchand de farine, c’est-à-dire un négoçiant en gros, qui avait investi dans une entreprise commerciale et s’était engagé sur les marchés557, ou le simple propriétaire d’un pistrinum, 553 Sur ces fonctions, on pourra aussi consulter la contribution de Christoph SCHÄFER: Procuratores, actores und vilici. In: Peter HERZ – Gerhard WALDHERR (éd.): Landwirtschaft im Imperium Romanum. St. Katharinen 2001, 273-284. 554 Voir Maria Rosa CIMMA: Ricerche sulle società di publicani. Milano 1981, 275 p. 555 Voir Edmond FREZOULS: art. cit., 62, qui renonce à le classer faute d’indices : « son activité a pu s’exercer dans les domaines les plus variés. » 556 Sur l’organisation des mines, on pourra consulter Claude DOMERGUE: Les mines antiques. La production des métaux aux époques grecque et romaine. Paris 2008, 240 p. ; Michel CHRISTOL: Un aspect de l’administration impériale : le pocurateur des mines de Vipasca. In Jean-Marie PAILLER – Pierre MORET (éd.): Mélanges Claude Domergue, Toulouse 1999, 233-244 ; Michel MANGIN: Les mines et la métallurgie du fer en Gaule romaine : travaux et recherches. In: Revue des études latines 47 (1988) 74 p. ; Almudena OREJA – Inès SASTRE: Origine de la main d’œuvre dépendante dans les mines de la péninsule ibérique. In: Marguerite GARRIDO-HORY (éd.): Routes et marchés d’esclaves, 26e colloque du GIREA (27-29 septembre 2001). Besançon 2002, 83-93. 557 Voir K. VERBOVEN: Ce que negotiari et ses dérivés veulent dire. In: Jean ANDREAU – Véronique CHANKOWSKI (éd.): Vocabulaire et expression de l’économie dans le monde antique. Pessac 2007, 100 et 105.
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ce qui le rangerait parmi les artisans et les petits négociants ? L’usage de la dénomination negotiator pourrait dans ce dernier sens être vu comme un moyen de conférer une dignité supplémentaire à l’activité qui le caractérise. Quant à son affranchie, il est difficile de savoir si elle intervenait dans la boutique de son patron ou si elle était attachée d’une autre manière à la familia. Les données sont donc très disparates d’un groupe de métiers à l’autre et l’on ne peut que constater l’écart immense en termes de visibilité de chacun de ces groupes. Sur le plan géographique, on constate en outre la relative concentration des inscriptions serviles qui mentionnent une activité. Le phénomène est particulièrement sensible en Germanie inférieure, pour laquelle s’affirme la prépondérance de l’axe rhénan et surtout de la Colonia Claudia Ara Agrippinensium comme point central, puisque s’y retrouvent à la fois les négociants, mais également les professions de service, qu’il s’agisse de l’administration impériale ou d’emplois destinés au service de particulier (le scriba ou le musicien de Cologne) ou au service de la collectivité comme le limocinctus de Cologne. S’agissant de la Germanie supérieure, le couloir fluvial, ou la route qui suit le cours du Rhin, est également un pôle de concentration des inscriptions, puisqu’on observe des témoignages épigraphiques à Zürich, Vindonissa, Augst, Bingen et Mayence, dans des chefs-lieux de cités ou des villes à vocation administrative et commerciale. S’y manifestent essentiellement les fonctionnaires de l’administration impériale (qui représentent dans ce couloir la moitié des inscriptions recensées), mais également des petits commerçants et des professions que nous qualifierions aujourd’hui de libérales ou de service (médecin ou enseignant), ce qui correspond au caractère urbain et romanisé de ces différents lieux, de passage, d’échanges et de circulation. À proximité du Rhin, dans des villes ou des territoires situés sur ses affluents et sur la route qui en suivait le cours, comme Lopodunum, un autre cheflieu de cité, on relève également cinq attestations. Qu’en est-il des autres témoignages ? Ils appartiennent surtout au sud de la Germanie supérieure. Trois inscriptions sont signalées à Avenches. Le territoire des Séquanes atteste, quant à lui, 2 inscriptions, et Langres occupe une situation privilégiée : on y recense 4 inscriptions. Loin d’être des zones excentrées, ces régions s’inscrivent elles aussi dans un dynamisme de communication. Dans tous les cas, on observe qu’il s’agit de cités situées sur la rive gauche du Rhin, les premières romanisées, de même que les cités dites gallo-romaines situées sur le territoire des Lingons, des Séquanes et des Helvètes. On notera également la relation entre le phénomène urbain et la présence d’esclaves et d’affranchis qui laissent la trace de leur activité professionnelle. Ce phénomène ne doit pas étonner. Il concorde avec la distribution générale de la population servile dans les Germanies, telle qu’elle se présente en l’état actuel de notre documentation, qui nous met en présence d’une population très majoritairement urbaine, concentrée dans des cités romanisés et carrefours des voies de communication et des marchandises. Dans la perspective qui est la nôtre, le phénomène est renforcé par la présence des fonctionnaires, dans les chefs-lieux de cité, capitales provinciales et dans les carrefours commerciaux affectés à la per-
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ception des taxes. Sur les 22 attestations d’individus occupés à des activités de maniement d’argent et de gestion de biens en Germanie supérieure, 13, dont 2 vicarii, appartiennent à l’administration impériale. Les proportions sont moins marquées en Germanie inférieure, ce qui s’explique par les attestations moins nombreuses des fonctionnaires impériaux dans les inscriptions dont nous disposons. Il paraît cependant difficile de tirer de cette distribution des conclusions générales concernant les types d’activités exercées dans les Germanies et leur répartition sur le territoire de ces provinces, tant notre documentation semble limitée au phénomène urbain. Tout au plus pouvons-nous saisir le reflet de ce que pouvaient être une partie des activités exercées par les esclaves et les affranchis. À ne tenir compte que de ces informations, la population d’origine servile des Germanies concentrerait ses activités en milieu urbain, à proximité des grandes routes commerciales et militaires, dans trois grands domaines d’activité : l’armée, sans qu’on sache exactement à quel service ils sont attachés, les services pour des activités intellectuelles, de bien-être ou de confort, entrant dans l’intimité de leur maître ou patron, et enfin la gestion de l’argent et des biens, notamment impériaux. Une telle vision revient néanmoins à ignorer d’une part la foule des esclaves et des affranchis, pour qui nous ne connaissons rien de leur activité pourtant bien réelle, et d’autre part la foule non moins nombreuse de ceux qui n’ont même pas eu accès au support épigraphique pour faire perdurer leur souvenir558. Face à la diversité des noms de métiers qu’elle recense, l’étude d’Edmond Frézouls concluait à « une division du travail assez poussée » ainsi qu’à « une large diffusion des techniques, non pas seulement dans les grandes villes mais dans de moyennes ou même de petites agglomérations », ces résultats étant d’autant plus sensibles dans les provinces, qui, comme les Germanies, ne sont pas les plus riches en occurrences559. Dans ces conditions, nous sommes surtout amenés à conclure dans deux directions. Dans un premier temps, on doit sans aucun doute prendre en compte la différence de statut qui existe au sein de cette population pour expliquer la rareté des témoignages épigraphiques concernant les 558
Le phénomène se vérifie particulièrement concernant les femmes, puisque seules deux d’entre elles figurent dans ce corpus : Pompeia Gemella, l’educatrix de Titus et l’affranchie anonyme du negotiator pistoricius de Cologne, dont on ne peut établir si elle était associée à l’activité de son patron. Alors que l’activité des femmes, par exemple dans le secteur artisanal, est attestée, peu d’informations sont présentes pour les esclaves ou affranchies présentes sur le territoire des Germanies. 559 Edmond FRÉZOULS: art. cit., 58.
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esclaves et les affranchis voués au travail agricole, manuel, ou artisanal. Pour les témoignages que nous possédons, il s’agit d’inscriptions funéraires, dont l’une au moins évoque les circonstances exceptionnelles d’un décès. Le pecuarius, dont la mémoire est très précisément honorée par son patron dans une inscription de Mayence, a en effet été assassiné par un esclave, lequel s’est lui-même suicidé après son geste560. La taille du monument, la longueur de l’inscription, son caractère soigné – elle comporte une adresse au voyageur appelé à s’intéresser au sort du défunt – incitent à considérer que le pecuarius a trouvé là, bien malgré lui, un moyen de sortir de l’anonymat qui semble réservé à la plupart de ses confrères, du moins dans les provinces des Germanies. Il semble dans ce cas que nous ne devions cette inscription qu’aux circonstances exceptionnelles de la mort de l’affranchi561. En revanche, les dédicaces laissées par les divers fonctionnaires impériaux ou par les négociants enrichis doivent beaucoup moins au hasard de la destinée. Facilitées d’abord par l’aisance matérielle voire intellectuelle de ces individus, elles sont aussi destinées à témoigner de la réussite d’individus, dont le métier vient renforcer le prestige et parfois expliquer le caractère somptueux des monuments funéraires ou des autels dédiés aux divinités. À titre d’exemple, on évoquera une épitaphe morcelée et lacunaire, dont Werner Eck propose la restitution suivante : I[--- diui Au]gusti / [et Ti. Caesaris disp]ensatori / [---]is562. La taille imposante du monument funéraire apparaît comme le signe ostensible de la richesse d’individus de statut inférieur, qui se sont enrichis au service de l’empereur et ont la possibilité de s’affirmer et de se distinguer dans la cité par de telles réalisations563. 560
CIL XIII,7070 = CLE 1007 = D 8511 = CSIR D 2-6, 52. Un autre élément pourrait expliquer la mention de l’activité de cet individu dans le sens d’une mise en valeur de l’individu par la fonction qu’il occupe. En l’absence de toute indication supplémentaire, on est en effet tenté de considérer que nous avons affaire à un affranchi privé, éleveur et marchand de bestiaux. Mais il est également possible, comme le suggère CSIR D 2-6, 52, que nous soyons en présence d’un miles pecuarius. Deux sont connus à Mayence (voir AE 1940, 116 et CIL XIII, 7077 = AE 1896, 97). Cependant, dans ces derniers cas, nous avons affaire à des individus libres, dont le rattachement aux troupes romaines est clairement signifié, à la différence de l’inscription qui nous concerne. Il est en outre peu probable que l’éventuel patron de Iucundus, s’il s’agit d’un militaire, se désigne simplement à l’aide du terme patronus, sans décliner son appartenance à telle ou telle légion. 562 AE 2004, 969. 563 Voir Werner ECK – Henner VON HESBERG: Der Rundbau eines Dispensator Augusti und andere Grabmäler der frühen Kaiserzeit in Köln. In: KJ 36 (2003) 151-205 et Werner ECK: La Romanisation de la Germanie. Paris 2007, 20-23. Ces deux contributions mettent en parallèle cette inscription monumentale avec celle élevée par un affranchi de Tibère et Livie, Vedianus, dont la fonction n’est, pour sa part, pas indiquée ; l’inscription le concernant est lacunaire : [---Augus]tae l(iberto) Vedian[o --- ?] / [---] pii fili parens (RSK 192) et Werner Eck la reconstitue partiellement de la façon suivante : [--- Ti. Augusti et Augus]tae l(iberto) Vedian[o --- ?] / [---] pii fili parens ou [--- Ti. Caes. Augusti et Augus]tae l(iberto) Vedian[o --- ?] / [---] pii fili parens. Il propose également de considérer que cet affranchi s’était vu confier la gestion de la fortune privée des membres de la domus Augusta, dont faisaient partie des gisements de plomb dans le Sauerland, trouvant 561
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De fait, ces données valent moins pour notre connaissance de la distribution socio-professionnelle des esclaves et des affranchis dans ces territoires que pour les choix qui sont fait en matière de caractérisation de l’individu dépendant. Quels sont les métiers qui figurent dans les inscriptions qui nous sont parvenues ? En quoi participent-ils de la construction d’une identité positive, pour ceux qui prennent soin de rappeler quelle fut leur activité564 ? Comme il existe une stratégie de représentation de soi par le choix de la taille des monuments, des caractères d’une inscription, voire de l’iconographie qui y est associée, ou par les variations au sein de la séquence onomastique565, la mention d’une activité peut constituer un élément fondamental dans la constitution d’une identité positive, d’autant que l’indication d’une profession, par son caractère facultatif, offre une souplesse d’utilisation apte à toutes les combinaisons. Dans le cas des esclaves et des affranchis, l’étude de Sandra Joshel montre qu’à Rome 60 % de ceux qui mentionnent leur activité dans les épitaphes sont des esclaves et des affranchis, ce qui donne une idée de l’importance que revêt l’identification par l’activité pour ces individus d’origine servile566. Comment comprendre cependant qu’ils choisissent de définir leur identité à partir d’un facteur livré à la libre appréciation du maître et dont le choix leur échappait forcément ? À cette question, Sandra Joshel répond en invoquant plusieurs explications. En indiquant son activité, un esclave met en évidence ses conditions de vie matérielle, notamment ses relations sociales, ses opportunités d’indépendance ; ce travail représente en outre ce qui le définit et dans cette activité la possibilité de s’enrichir à titre personnel, ce dont témoigne l’érection d’une tombe funéraire monumentale (25-26). 564 Voir par exemple l’analyse de Koen VERBOVEN: art. cit., 89 : « Les mots et surtout le formulaire servent aussi comme des signifiants de positions sociales (réelles, fictives, désirées ou réclamées) utilisés par l’auteur pour appliquer – le plus souvent inconsciemment – une classification sociale. Cette classification n’est pas une donnée immuable, mais un acte social de l’auteur inspiré par sa position et ses convictions personnelles. Ce n’est pas un acte arbitraire ; il reflète l’organisation du monde perçue par l’auteur ou dont la perception est espérée par les lecteurs est anticipée par l’auteur. » Une conception relayée par Nicolas TRAN: La mention épigraphique des métiers artisanaux et commerciaux dans l’épigraphie de l’Italie centro-méridionale. In: Jean ANDREAU – Véronique CHANKOWSKI (éd.): Vocabulaire et expression de l’économie dans le monde antique. Pessac 2007, 120 : « [I]l paraît souhaitable d’observer des articulations entre la mention épigraphique des métiers, la construction de textes épigraphiques et l’élaboration de discours épigraphiques. […] Quelles sont […] les relations entre ces trois éléments et l’identité sociale des acteurs de l’économie romaine ? » 565 Voir par exemple Georges FABRE: op. cit., 93-94, qui rappelle l’importance de l’étude de la nomenclature et de ses variations « pour qui essaie de mettre en valeur la part d’autonomie dont peut jouir, par rapport à son patron, l’affranchi, les possibilités ou le désir qu’il a de cacher son statut aux yeux du public, l’évolution, enfin, qui a pu se produire […] dans un sens favorable ou non à l’acquisition d’une dignité plus grande pour le nouvel homme libre. » 566 Sandra R. JOSHEL: op. cit., 46-49 : « The large percentage of slaves and freedmen among those with occupational title does not mean that freedmen and slaves dominated commerce and artisanry ; they simply dominated the use of occupational title among those who received named burial. […] The proportions of slaves and freedmen suggest that this identification by occupational title had a particular significance for men and women of servile origin. »
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possède une valeur, puisque par son travail, l’esclave agit dans et sur le monde, ce qui en fait bien plus qu’un être passif et aliéné. Quant aux affranchis, pour qui le travail n’est plus le seul élément de reconnaissance possible, puisque leur libération les a constitués en citoyens et en membres d’une famille, Sandra Joshel souligne que l’affranchissement ne signifie pas l’arrêt du travail accompli dans la maison de l’ancien maître et que le travail reste un moyen de déplacer l’attention de la naissance et des honneurs qu’ils n’ont pas à leur activité productive et à leurs relations, surtout en cas de réussite financière567. Quels constats peut-on donc faire pour la population servile des Germanies, qui mentionne l’activité qu’elle exerce ? S’agissant des fonctionnaires impériaux, sur les 23 membres de l’administration impériale dont on a retrouvé la trace568, 15 indiquent la fonction qu’ils exercent au service de l’empereur, soit près de 65 % d’entre eux. On peut également remarquer que, parmi ceux qui mentionnent leur emploi, une proportion plus grande se contente de cette indication en l’associant à leur appartenance à la familia de l’empereur (cette pratique concerne 10 inscriptions), là où dans 7 inscriptions on note le besoin d’indiquer le statut exact par les termes libertus, servus et verna. On est tenté de croire que dans le premier cas la fonction entend primer sur le statut juridique et s’associer au prestige de la maison impériale pour distinguer les individus et souligner qu’ils appartiennent en quelque sorte à une élite. On remarquera enfin qu’une telle pratique est attestée, dès lors qu’il s’agit de professions ayant trait aux services : l’educatrix d’Avenches569 met clairement en avant son activité, qui en fait sinon un personnage familier de l’empereur, du moins un individu dont il convient de reconnaître l’importance. Ce domaine d’activité offre par ailleurs une indépendance plus grande à l’égard d’un maître ou d’un patron, ce que met en évidence deux phénomènes : comme dans les cas précédents, l’activité vient se substituer à l’indication du statut570 ou bien cette indication se trouve réduite à sa plus simple expression, les termes libertus ou servus, dépourvus de toute information complémentaire sur l’identité du maître571. On note également une proportion plus importante d’esclaves que d’affranchis parmi les individus qui font connaître leur activité. Le phénomène peut être relevé, dans la mesure où la part des esclaves dans le corpus global identifié pour les 567
Ead.: ibid., 49-61. Outre les 17 inscriptions mentionnées plus haut, on compte cinq autres fonctionnaires impériaux, pour lesqueles ne figure que leur appartenance à la familia Caesaris, en Germanie inférieure (CIL XIII, 8684), à Cologne (CIL XIII, 8266 = RSK 192 = IKöln 268 = AE 2004, 969b), Besançon (CIL XIII, 5386) et Mayence (AE 2004, 1015 et 1016), ces trois dernières inscriptions nous ayant été intégralement conservées. 569 CIL XIII, 5138 = I Avenches 3 : D(is) M(anibus) / Pomp(eiae?) Gemell[ae(?)] / Pomp(eia) Dic[a]ea l(iberta?) / et Primu[l]ia s(erva) / educat(ricis) [A]ug(usti) n(ostri). Il s’agit de la nourrice de l’empereur Titus. 570 Tel est le cas du lector d’Hönehaus (AE 1978, 532 = RSO 121 = Schillinger 51), du magister de Mayence (AE 1920, 49), et du medicus d’Avenches (CIL XIII, 5079 = I Avenches 4). 571 Ainsi le contrascriba de Langres (CIL XIII, 5698 = I Lingons 368). 568
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Germanies est particulièrement peu élevé. On constate notamment que les affranchis qui signalent leur métier ont majoritairement tendance à respecter la nomenclature, en indiquant à la fois leur statut juridique par l’emploi du terme libertus et un élément de la séquence onomastique de leur patron. À l’inverse, les esclaves omettent la plupart du temps d’indiquer leur statut – sauf dans le cas des verna impériaux – et, lorsqu’il s’agit d’esclaves privés, évitent d’indiquer le nom de leur maître, se contentant d’exposer leur activité. L’affranchi juxtapose ainsi son activité au même titre que sa séquence onomastique complète, comme si l’affranchissement doublé de l’exercice d’une profession lui permettait de trouver une place dans la société, lui permettant de revendiquer à la fois un statut de citoyen, des liens avec un patron et une activité qui lui donne les moyens de prendre place dans le monde. Pour l’esclave en revanche, pour qui tout reste à construire, l’indication du métier à l’exclusion de toute autre mention tend à servir une aspiration à la reconnaissance au-delà de l’origine servile. Dans le cas des esclaves impériaux, l’activité et l’appartenance à la domus impériale permettent d’effacer la mention explicite du statut, d’autant que ces fonctionnaires interviennent pour l’essentiel dans le maniement de l’argent et la gestion des domaines, ce qui leur offre des possibilités d’enrichissement et de promotion. Le cas des verna impériaux confirme la règle, dans la mesure où le fait d’être né dans la domus impériale semble de nature à valoriser d’autant plus l’individu en accentuant les relations dont il peut disposer du fait de son insertion précoce dans ce milieu. Le phénomène est d’autant plus manifeste que ce sont les esclaves ou les affranchis eux-mêmes ou leur famille qui travaillent à la mise en place de cette identité positive. Sur l’ensemble de nos inscriptions, seule la dédicace du pecuarius Iucundus émane sans ambiguïté d’un patron (CIL XIII, 7070 = CSIR D 2-6, 52). Pour le reste, le dédicant peut à chaque fois être identifié comme un membre de la famille, qui précise l’activité du défunt, ou comme l’individu lui-même, qui prend en charge sa propre représentation, dans le cas d’une inscription votive ou lorsqu’il se présente comme le dédicant d’une inscription funéraire consacrée à un membre de sa famille ou à un proche. Les stratégies de représentation de soi par le biais de l’indication de l’activité ne passent donc pas exclusivement par la recomposition de la séquence onomastique au profit de la mention du nom de métier. C’est aussi dans la conjonction de plusieurs caractéristiques du discours épigraphique que se lit la recherche d’une visibilité et les tentatives pour manifester une présence. La dédicace votive retrouvée à Alta Ripa572 offre un élément d’appréciation intéressant, dans la mesure
572 AE 1933, 113 = CSIR D 2-10, 69 : Matri Deum / Magnae et Nu/minibus loci / signum Dian(ae) / Gratinus rei p(ublicae) / civ(itatis) Vang(ionum) serv/us arcarius et / Decorata eius / libert(a) public(a) ex voto posu/erunt ll(ibentes) ll(aeti) m(erito) / Imp(eratore) d(omino) n(ostro) Traia(no) / Decio Aug(usto) et Grato co(n)s(ulibus). « A la Grande Mère des dieux et aux Divinités du lieu, esclave de la capitale des Vangions [Worms] Gratinus, caissier de la chose publique, et son épouse Decorata, ont pose cette statue pour Diane en l’accomplissement d’un vœu. Ils s’en
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Chapitre IV : L’identité des esclaves et des affranchis dans la société
où elle présente deux individus appartenant à la familia publica. Alors que Gratinus se présente volontiers comme rei p(ublicae) / civ(itatis) Vang(ion um) servus arcarius, sa compagne, Decorata, pourtant associée à la dédicace, est simplement désignée par l’expression libert(a) public(a). Manifestement, la fonction occupée par Gratinus représente une charge remarquable au sein de la cité et mérite d’être relevée au bénéfice de son titulaire, qu’elle individualise en même temps qu’elle le met en valeur. En outre, les dédicants se signalent à l’attention par un acte d’évergétisme à l’égard de la cité, ce qui ne peut que jouer en leur faveur dans le cadre de la construction d’une identité positive. Sur l’ensemble des relevés, il apparaît clairement qu’esclaves et affranchis privilégie la mention explicite du statut juridique par le biais des termes seruus, libertus, uerna, patronus ou dominus, attendue dans leur séquence onomastique, en permettant de les situer sans ambiguïté sur le plan social. Comment comprendre cet état de fait ? D’abord comme l’adoption nécessaire d’un statut auquel on est voué, sans doute. Mais à y regarder de près, ces résultats appellent à la nuance. On trouve rarement l’affirmation brute et isolée de la macule servile, si ce n’est dans le cas d’une inscription réduite à sa plus simple expression, eu égard peut-être aux contingences matérielles, financières autant qu’esthétiques. Cette pratique marque certes l’adoption du formulaire épigraphique en vigueur dans l’Empire ; mais elle représente aussi un espace de « liberté », à partir duquel il est possible de faire percevoir la valeur de sa situation, en dépit de sa condition sociale juridiquement inférieure. On peut considérer que la mention de la profession agit au bénéfice de l’individu, qui souhaite être considéré au-delà de son statut juridique. La saisie concomitante de ce statut juridique et de la profession exercée dans les faits permet, par un phénomène de compensation, de dépasser la macule servile en faisant prendre en compte l’activité réelle et son intérêt. Certes, il est des professions connotées – et elles ont même constitué pour nous un facteur d’identification de la population servile, mais lorsqu’elles représentent à elles seules le mode de désignation de l’affranchi ou de l’esclave, elles signifient la volonté du défunt ou du dédicant de se représenter d’abord comme un acteur de la vie économique et sociale, non sous l’étiquette que lui réserve le droit romain ou latin, mais par le biais de sa propre action sur la société et le monde. Le changement peut apparaître mineur, il n’en signale pas moins une volonté de déplacer de manière infime, mais bien réelle les perceptions. De telles pratiques signalent à quel point, dans les Germanies comme ailleurs, se joue pour les populations serviles la survie de leur image. Encore faut-il nuancer cet état de fait et souligner les écarts de statut qui existent au sein même du groupe que l’on désigne par commodité comme la population servile : il est peu de rapport entre un esclave public, qui ne pourra laisser de lui que son nom suivi de la mention de son statut, et un affranchi impérial qui parvient à exercer des responsabilités au sein de sa cité et à sont acquitté heureux et de bon gré, comme il se doit. Sous le gouvernement impérial de notre Maître Trajan et sous le consulat de Decius Augustus et de Gratus. »
4. L’identité professionnelle des esclaves et des affranchis
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s’enrichir. Pour pouvoir parler de stratégies de représentation, il faut être en présence d’une élite, qu’il s’agisse d’esclaves ou d’affranchis. Il n’en reste pas moins que, pour la plupart, le choix du mode de désignation d’un statut auquel ils ne pourront, quoi qu’il arrive, échapper, révèle beaucoup de leurs aspirations, de leurs tentations comme parfois de leur réussite.
CHAPITRE V : LA RELIGION DES ESCLAVES ET DES AFFRANCHIS Où et quand les esclaves et les affranchis interviennent-ils dans la vie religieuse des Germanies ? La question qui se pose dans le cadre de cette étude renvoie à deux perspectives majeures. La première concerne la participation et l’implication globale de la population servile dans le système religieux de son temps, compte tenu des possibilités que lui offrent son statut juridique et ses ressources financières. La seconde, plus spécifiquement liée à la problématique provinciale, a trait à la fois aux caractères des provinces de Germanies et à la question de la définition de la religion dans ces territoires. S’agissant des Germanies, on a déjà souligné l’implantation souvent urbaine de cette population, dans des provinces, qui connaissent des régions civiles aussi bien que militaires et différentes formes d’organisation de la cité. Il s’agira donc de s’interroger sur les cités et les sanctuaires, qui appellent, de la part de ces individus, un investissement religieux, ainsi que sur les divinités qu’ils honorent, en tenant compte, pour l’analyse de leurs pratiques cultuelles, de leur situation tant juridique que socio-économique. De telles analyses devront naturellement tenir compte du contexte religieux des Germanies573. 573
En dépit des difficultés que présente cette documentation épigraphique. Voir par exemple Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER à propos de l’approche des cultes gallo-romains par le biais de l’étude des dévots, Les cultores de Mars en Gaule Belgique. In: Véronique BROUQUIER-REDDE – Estelle BERTRAND – Marie-Bernadette CHARDENOUX – Katherine GRUEL – Marie-Claude L’HUILLIER (éd.): Mars en Occident : Actes du colloque international Autour d’Allonnes (Sarthe), les sanctuaires de Mars en Occident, Le Mans, Université du Maine, 4-6 juin 2003. Rennes 2006, 45 : « une faible part des sources a été conservée, les lieux de découverte ne sont pas nécessairement connus ni explicites, les stèles et les autels ont un coût qui, loin d’être négligeable, a pu influencer la répartition sociale des dédicants. » Pour William VAN ANDRINGA: Quotidien des dieux et des hommes. La vie religieuse dans les cités du Vésuve à l’époque romaine. Rome 2009, 355, dans une société « où l’harmonie est garantie par la célébration de rites réguliers, dans les temples, sur la place publique, dans les rues, dans les maisons ou sur les tombes […] [,] parler des dieux revient […] inévitablement à parler des hommes. » De fait, la manière dont une religion prend forme dans une région de l’Empire ne peut être dissociée du substrat humain. Cf. par exemple Ton DERKS: Gods, temples and ritual practices : the transformation of religious ideas and values in Roman Gaul. Amsterdam 1998, 36 : the landscape and mentality of a region, the nature and history of its earlier contacts with the Mediterranean and its geographical position in relation to the central lines of communication with the new center of power. » À ces considérations s’ajoute dans la mesure du possible la nécessité de replacer cultes et cultores dans le contexte intstitutionnel et religieux romain. Cf. John SCHEID: Réflexions sur le Mars trévire. In: Mars en Occident, réf. cit., 35 : « [o]n
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Chapitre V : La religion des esclaves et des affranchis
1. Les dédicaces de la population servile dans les Germanies À partir du moment où l’on considère les pratiques religieuses à l’œuvre sur le territoire des Germanies comme l’expression d’un système à part entière, le débat sur l’origine des divinités ne se pose plus dans le questionnement sur l’origine de telle ou telle divinité ni sur de supposées équivalences, puisque le système religieux provincial caractéristique des Germanies conquises nous incite à analyser les divinités à l’aune des pratiques religieuses des populations devenues membres de l’empire romain. Dans ces conditions, on analysera donc le panthéon honoré par les esclaves et les affranchis présents dans les deux Germanies en tenant compte des facteurs qui peuvent nous permettre d’affiner notre perception de leurs pratiques cultuelles et de les comparer, lorsque cela sera possible, aux pratiques des libres inscrits dans le même contexte574. 1.1. Le panthéon honoré par les esclaves et les affranchis 37 inscriptions peuvent être considérées comme des témoignages à caractère religieux, que nous soyons en présence de monuments votifs, d’inscriptions mentionnant un don privé ou un acte d’évergétisme ou qu’il s’agisse d’une dédicace consacrée pour le salut d’un proche, d’un maître ou d’un patron. Compte non tenu du culte impérial, qui fera l’objet d’un développement ultérieur, ce sont les divinités de la triade capitoline, qui arrivent en tête du panthéon honoré par les esclaves et les affranchis, à cette réserve que Junon est totalement absente de leurs dédicaces. Comme pour les libres, la triade n’est jamais honorée pour elle-même et c’est Jupiter qui reçoit la quasi-totalité des hommages aussi bien civils que militaires sous la forme stéréotypée IOM. Le dieu principal de la triade peut être seul l’objet d’une dédicace, comme par exemple dans le cas de Zosimus, l’affranchi doit vérifier si le lieu de culte en question appartient à une cité pérégrine, à une colonie – latine ou romaine, peu importe – ou à un municipe. D’autre part, il faut déterminer s’il s’agit d’un culte public – au sens d’étatique – ou privé (c’est-à-dire de droit privé), et rechercher si nous avons affaire à un dieu et à un culte de l’ensemble d’un peuple, d’un État, un culte qui est célébré en premier lieu par des magistrats, des prêtres pour le bien de ce peuple ou de cette cité, ou bien d’un culte qui concerne uniquement une collection privée, comme une famille, un collège artisanal ou fonctionnel, et une autre association. » 574 Ces comparaisons seront facilitées par les travaux de Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER sur les dévots des Germanies. Voir par exemple Diis deabusque sacrum : formulaire votif et datation dans les trois Gaules et les deux Germanies. Paris 1993 ; concernant la Germanie Supérieure, on pourra consulter ead.: Le formulaire des dédicaces religieuses de Germanie Supérieure. In: Wolfgang SPICKERMANN (éd.): Religion in den germanischen Provinzen Roms, Tübingen 2001, 135-167 et Les dévots dans les lieux de culte de Germanie supérieure et la géographie sacrée de la province. In: Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (éd.): Sanctuaires, pratiques cultuelles et territoires civiques dans l’Occident romain. Bruxelles 2006, 345-435. Concernant la Germanie inférieure, on pourra lire dans le même volume John SCHEID: Les dévotions en Germanie inférieure : divinités, lieux de culte, fidèles », 297-346. Voir aussi, pour une analyse rapportée aux seuls soldats, l’ouvrage de Martin KEMKES – Nina WILLBURGER: Der Soldat und die Götter : römische Religion am Limes. Stuttgart 2004, 120 p.
1. Les dédicaces de la population servile dans les Germanies
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d’un centurion de Mayence (CIL XIII, 6703), ou associé à d’autres divinités. Chez les Lingons, à Dijon (CIL XIII, 5476 = I Lingons 53), il figure aux côtés de la Fortuna Redux dans l’inscription qu’un actor consacre pour le salut de son maître Tiberius Flavius Vetus. L’association de ces deux divinités très romaines575 n’est pas propre à l’esclave Carantillus, qui porte un nom gaulois répandu576. On la retrouve dans deux inscriptions consacrés au salut du même individu par ses clients, fabri ferrarii (I Lingons 51) et lapidarii (I Lingons 52). Néanmoins, elle souligne de la part de cet esclave, dont la fonction en fait un individu cultivé, une connaissance réelle du système cultuel romain sinon une adhésion à ce dernier. À Mayence, dans un contexte militaire, un actor s’adresse pour sa part à Jupiter ainsi qu’à Sucaelus et au génie du lieu pour le salut d’un primipile de la légion XXII Primigenia (CIL XIII, 6730). L’association de ces trois divinités est intéressante, dans la mesure où elle combine des éléments proprement romains et d’autres plus indigènes. En tête de l’inscription figure naturellement Jupiter Optimus Maximus, le dieu romain par excellence, protecteur de l’empire, suivi par une divinité « sans équivalent exact dans le panthéon gréco-romain et principalement représenté en épigraphie chez les peuples de Belgique et de Germanie supérieure577. » Le genius loci, qui figure en dernière place, clôt une séquence par l’évocation d’une divinité protectrice du lieu. Sa présence se comprend comme une mention du contexte géographique dans lequel l’inscription est élevée, mais également en référence au contexte militaire. La référence au genius loci intervient en effet en grande majorité dans des inscriptions élevées par des militaires578. Dans le cas qui nous occupe, l’actor, qui consacre d’ailleurs une dédicace à la santé d’un primipile, est par nature lié à ce milieu, ce qui explique l’utilisation de l’expression et l’évocation de cette divinité, par un phénomène d’imitation ou par la volonté de consacrer une inscription au militaire en respectant les usages qu’ils connaissent être les siens ou en vigueur dans son univers. La cité des Taunenses livre pour sa part, dans une inscription rédigée par un esclave, une épithète rare avec la formule Jupiter Olbius (CIL XIII, 7346)579. Après avoir fait remarquer la présence de nombreuses épithètes joviennes aux significations très variées surtout dans le sud du monde celtique, Nicole Jufer et Thierry Luginbühl insistent sur le caractère exogène de certaines de ces appellations, notamment sur le Danube en raison de la forte concentration de troupes d’origine gauloise ; ils font la même analyse avec le nom d’Olbius, qui « constitue la seule épithète celtique de Jupiter attestée en ‘Gaule septentrionale’. » À considérer l’identité du dédicant, un certain Seleucus Hermocratus qui et Diogenes, dont l’onomastique est clairement grecque, on peut 575
Voir infra pour ce qui concerne Fortuna Redux. Pierre-Yves LAMBERT: La Langue gauloise. Paris 1995 [2e éd.], 37. 577 Nicole JUFER – Thierry LUGINBÜHL: Répertoire des dieux gaulois. Les noms des divinités celtiques connues par l’épigraphie, les textes antiques et la toponymie. Paris 2001, 12. 578 Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Le formulaire des dédicaces religieuses de Germanie Supérieure, art. cit., 151. 579 Nicole JUFER –Thierry LUGINBÜHL: op. cit., 105. 576
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Chapitre V : La religion des esclaves et des affranchis
être tenté de faire de l’épithète Olbius une évocation de la patrie d’origine du dédicant, soit Olba en Cilicie, où se trouvait un important sanctuaire, celui de Zeus Olbios580 soit, moins probablement Olbia, dans la province du Pont, surtout connue pour honorer Achille et Apollon. Hors de la triade, Minerve ne reçoit pour sa part l’inscription que d’un esclave à Aquae (CIL XIII, 6295 = Finke 338 a). Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier avait déjà souligné la rareté des inscriptions qui attestent du culte de Minerve en Germanie supérieure toutes catégories sociales et juridiques confondues581. L’existence d’une attestation de ce culte dans la population servile, pour être unique, n’en ressort que plus nettement, compte tenu des proportions : sur 351 attestations de dédicaces consacrées à Jupiter, 4 émanent d’esclaves ou d’affranchis, soit à peine 1 % des inscriptions, tandis que pour Minerve la proportion s’élève à 12, 5 %, si tant est que l’on puisse établir des comparaisons en l’état actuel des corpus582. La divinité la plus honorée après Jupiter est ensuite, au même titre d’ailleurs que les libres583, Mercure avec 2 attestations : une a été retrouvée à Mayence et la dernière à Bonn. Dans tous les cas, Mercure est honoré seul et sans épithète dans le cadre d’une pratique votive manifestée dans la formule votum solvit et ses variantes584. Le contexte est civil à Mayence, avec une dédicace consacrée par un servus vilicus qui évolue dans la perception des taxes du XXe (CIL XIII 7215 = CSIR-D 2-4, 77). L’inscription a été retrouvée à Finthen, un lieu de culte qui possède, selon W. Spickermann, « eine gewisse regionale Bedeutung585. » L’analyse de Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier concernant les dévotions liées à Mercure met en lumière une concentration du culte dans les chefs-lieux et les sanctuaires « avec 580 Voir STRABON, Géographie, XIV, 5, 10, qui évoque « la ville d’Olbé, si célèbre par son temple de Jupiter, lequel passe pour un monument de la piété d’Ajax, fils de Teucer. » 581 Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: art. cit., 142. 582 Wolfgang SPICKERMANN: Germania Superior, réf. cit., 193 met pour sa part l’accent sur la localisation de ce culte de Minerve à Aquae, où il signale l’importance de la présence militaire, responsable de la construction du complexe thermal, où étaient particulièrement honorés Minerve, qui reçoit la plupart des dédicaces, mais aussi Mars, Mercure, Vulcain et la Grande Mère des dieux, ce qui le conduit à conclure en faveur d’une orientation martiale du culte de Minerve dans ce lieu : « Minerva muss dabei nicht als Heilgottheit verstanden worden sein […], sondern gehört hier eher zum Bereich der Heeresreligion. » L’analyse de Wolfgang Spickermann se fonde également sur le rapprochement de CIL XIII, 6295 avec CIL XIII, 6291 (Marti s(acrum) / Nympher/[ros ?), une dédicace consacrée à Mars par un certain Nympheros, que l’auteur identifie au dédicant de CIL XIII, 6295. Pour notre part, nous ne retiendrons pas la dédicace à Mars dans notre corpus, dans la mesure où le statut du dédicant n’y est pas explicitement indiqué et ne nous permet pas de conclure sur les liens entre les deux dévots mentionnés par ces inscriptions. 583 Voir Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Les dévots dans les lieux de culte de Germanie supérieure…, art. cit., 393. 584 À titre de comparaison, on citera Nicole JUFER – Thierry LUGINBÜHL: op. cit., 91, qui soulignent que « les dédicaces à Mercure sans épithète celtique sont extrêmement nombreuses dans les tres Galliae et que de nombreux temples principaux d’agglomérations gallo-romaines semblent lui avoir été dédiés. » 585 Wolfgang SPICKERMANN: op. cit., 214.
1. Les dédicaces de la population servile dans les Germanies
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une concentration rhénane qui est aussi celle d’un commerce florissant586. » Le dévot de Germanie supérieure se situe pour sa part dans la capitale provinciale, mais il est difficile d’établir, au moins pour le premier, un rapport avec le commerce ou le négoce. Rien n’empêche de voir dans les dévotions à Mercure de Donatus, l’esclave percepteur de la taxe du XXe au bénéfice du procurateur de la province, un lien avec un souhait de prospérité et de réussite, qui soient personnelles autant que professionnelles. À Bonn, où Mercure est également honoré, le contexte est militaire : ce sont deux individus appartenant à un légat qui honorent le dieu (AE 1924, 22 = Finke 274) sans qu’on sache ce qui motive la dédicace votive. Trois inscriptions sont également consacrées à Cybèle, qui est désignée par les théonymes Mater Deum Magna à Altrip (AE 1933, 113 = Nesselhauf 75 = CSIR D 2-10, 69), Mater Deum (Witteyer, 1) et Mater Magna (Witteyer, 2) à Mayence. L’importance de ce culte, qui actuellement fait jeu égal avec Mercure se conçoit moins comme une influence des divinités « orientales » – le culte de la Grande Mère était en effet officiellement intégré au panthéon romain depuis 191 avant JC587 – que comme la manifestation d’un culte romanisé de la part de dédicants qui appartiennent d’une manière ou d’une autre à une élite de la dépendance. À Altrip, nous sommes en présence d’une dédicace réalisée conjointement par une affranchie publique et par un esclave public aux fonctions importantes, arcarius dans la cité des Vangions, qui associent trois divinités : la dédicace de la statue de Diane est en effet placée sous le patronage de Cybèle et des numina locaux en une conjonction a priori surprenante. Les deux autres inscriptions émanent pour leur part d’affranchis impériaux évoluant à Mayence et ont été retrouvées dans un sanctuaire de Mayence dédié à Isis et Mater Magna et constitué de deux temples jumelés588. Les deux dédicaces concernent exclusivement Cybèle ; mais la seconde est réalisée pro salute Augustorum S(enatus) p(opuli)q(ue) R(omani) et exercitus589. On notera que ces trois inscriptions en l’honneur de Cybèle s’inscrivent dans un contexte général de faible représentativité de la déesse sur le
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Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Les dévots dans les lieux de culte de Germanie supérieure…, art. cit., 393-4. 587 En 204 avant notre ère, les Romains envoient des ambassadeurs à Pessinonte afin de rapporter la pierre sacrée qui la représentait. Elle disposera de son propre temple à Rome à partir de 191. Sur le rapport de ces cultes dits orientaux, mais qui s’étaient diffusés sous une forme religieuse qui avait facilité leur intégration, on pourra lire Françoise VAN HAEPEREN: Fonctions des autorités politiques et religieuses romaines en matière de ‘cultes orientaux’. In: Corinne BONNET – Jörg RÜPKE – Paolo SCARPI (éd.): Religions orientales – culti misterici. Neue Perspektiven – nouvelles perspectives – prospettive nuove. Stuttgart 2006, 39-51. 588 Sur ces divinités à Mayence, on pourra consulter Gerhild KLOSE – Katharina ANGERMEYER: Isis hält Holf : Ein Römerfest zur Eröffnung der Kultstätte der isis Panthea und Mater Magna in Mainz. In: Antike Welt 5, n° 34 (2003) 521-524 et Marion WITTEYER: Das Heiligtum für Isis und Mater Magna. Mainz 2004. 589 Sur la formule, cf. infra.
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Chapitre V : La religion des esclaves et des affranchis
territoire des Germanies, et ce quels que soient le statut et l’identité des dévots, dont témoigne encore l’absence de taurobole avéré590. Les cultes de Mars, d’Apollon, de Fortuna et des Mères sont également attestés dans la population servile des Germanies. Chacune de ces divinités reçoit deux dédicaces tous territoires confondus591. Les inscriptions en l’honneur de Mars ne proviennent pas forcément d’un contexte militaire, ce que confirme l’examen des données pour la Germanie supérieure, même si l’une d’entre elles, dans notre corpus, est le fait d’une affranchie, qui évoluait visiblement dans le camp militaire de Vindonissa (Finke 102), et dont il semblerait vraisemblable qu’elle l’honore comme une divinité guerrière, moins pour son propre profit peut-être que pour celui de son patron. La deuxième inscription, en revanche, émane, dans un contexte purement civil ou dans un grand sanctuaire de Mars situé à la périphérie du chef-lieu, de l’affranchi de Tiberius Claudius Professus Niger, qui consacre une inscription pro salute de son patron non seulement à Mars, mais à Bellone et à ceterisque diis deabusque, dans une formule qui vise, en pratiquant l’accumulation, à obtenir le maximum de garanties divines pour la protection du patron (AE 1996, 1144). On ne peut néanmoins manquer de constater l’association explicite de deux divinités guerrières dans cette dédicace civile. Si l’on retient la date proposée par Yann Le Bohec pour cette inscription en considérant qu’elle appartient à l’époque de Marc-Aurèle et de Caracalla, c’est-à-dire à une période troublée liée à la reprise des guerres contre les Germains, on peut y voir la volonté de Tiberius Claudius Professus Niger de marquer son soutien à la politique impériale592. La datation est cependant sujette à discussion. En se fondant sur le rapprochement de cette dédicace avec celle que la fille de Tiberius Claudius Professus Niger consacre à Alésia (CIL XIII, 2373) à Apollon Moritasgus, Wolfgang Spickermann considère de manière convaincante que l’inscription relève de ce qu’il appelle « Die Phase der Konsolidierung der römischen Herrschaft (70 bis 150 nChr.) » et plus particulièrement de la décennie 70-80 : en effet, l’inscription d’Alésia pourrait concerner le portique du temple principal du sanctuaire des sources d’Alésia, dont la construction remonte, selon les données archéologiques, à la première période flavienne593. Dans cette hypothèse, la dédicace à Mars et aux 590 Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: art. cit., 151 recense au total 9 dédicaces, géographiquement très dispersées. 591 Mars est également honoré dans une dédicace retrouvée incomplète à Aquae (CIL XIII, 6291), que Wolfgang SPICKERMANN (op. cit., 193) propose de restituer comme émanant du même Nympheros que l’esclave qui consacre dans la même ville une inscription à Minerve. Voir supra note 11. 592 C’est l’hypothèse développée par Laurent LAMOINE: Autocélébration, mémoire et histoire des notables des cités des Gaules. In: Mireille CEBEILLAC-GERVASONI – Laurent LAMOINE – Frédéric TREMENT (éd.): Autocélébration des élites locales dans le monde romain : contextes, images, textes, IIe s. av. J.C.-IIIe s. ap. J.C. Clermont-Ferrand 2004, 449 : l’auteur considère que Tiberius Claudius Professus Niger trouve le moyen de se mettre en avant en recourant à des divinités que le Prince pouvait également solliciter, comme Mars et Bellone en temps de guerre. 593 Wolfgang SPICKERMANN: Germania Superior, 242 d’après Grenier 1960, 655.
1. Les dédicaces de la population servile dans les Germanies
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autres divinités devrait recevoir une tout autre interprétation594. Dans les deux cas, Mars n’est affecté d’aucune épithète et les deux affranchis dédicants, Fidelis et Donatus, portent des noms à consonance manifestement latine, tout comme le patron de Donatus lui-même595. Les lieux de découverte de ces deux inscriptions attestent de l’implantation du culte dans les cités anciennement romanisées, celles des Lingons et des Rauraques. Aucune attestation néanmoins à Mayence, dont l’appartenance ancienne au territoire trévire – haut-lieu de dévotion à Mars – avant la conquête et la constitution des provinces des Germanies aurait pu laisser supposer un enracinement plus important, y compris parmi les esclaves et les affranchis596. En ce qui concerne Apollon, les deux dédicaces se répartissent entre un contexte exclusivement civil – il s’agit de l’inscription de deux médecins d’Avenches pour le collège des medici et des professores de la ville, où Apollon 594
Peut-être à mettre en relation avec l’obtention de la citoyenneté romaine, dont le gentilice du personnage indique qu’elle a pu avoir lieu entre Tibère et Néron. Les deux inscriptions émanant de la familia de Tiberius Claudius Professus Niger se partagent en effet dévotion pour un dieu autochtone et pour des divinités dont la désignation les associe plus spécifiquement à Rome. Fautil y voir la marque à la fois de l’enracinement local du personnage et de sa volonté d’adhérer aux codes de la romanité ? 595 Dans le cas de l’affranchie du soldat cantonné à Vindonissa ou de Tiberius Claudius Professus Niger, qui appartient à l’élite municipale de l’est de la Gaule, il pourrait s’agir de marquer soit une origine romaine soit la volonté de s’inscrire dans une dévotion spécifiquement romaine. Sur l’impossibilité de connaître l’origine des divinités évoquées, on se reportera à la mise au point de Willima VAN ANDRINGA: Religion et piété en Gaule romaine : piété et politique (IerIIIe siècle apr. J. C.). Paris 2002, 134) : « une remarque s’impose pourtant qui concerne l’interprétation parfois donnée de ces observations. G. Wissowa a en effet démontré qu’il n’y avait jamais eu de panthéon national gaulois, mais au contraire une foule de divinités propres à des peuples et des régions. Le fait est aisément confirmé par la diversité des panthéons poliades rencontrés à l’époque romaine autant que par la variété des épithètes divines associées à des dieux comme Mars, Mercure ou Apollon. Il est donc vain de rechercher, pour la période gallo-romaine, derrière Mercure, Mars ou Jupiter les Teutates, Esus et Taranis des Scholies de Lucain qui ne sont d’ailleurs, et de façon éloquente, jamais attestés sur les dédicaces religieuses de l’époque impériale. On doit plutôt reconnaître l’existence, au départ, d’une grande variété de dieux indigènes dont on ignore bien souvent les particularités propres, rapprochés et interprétés avec les grands dieux romains en fonction de similarités notées dans la fonction et les domaines d’intervention. La traduction proposée de certaines épithètes confirme cela, notamment pour les Mars indigènes : « le Tueur » (Cobannus), « l’exterminateur » (Bellado), « le roi des combats » (Caturix) ou « le redoutable » (Adsmerius) étaient ainsi particulièrement destinés à prendre le nom du dieu romain de la guerre. Certains paramètres locaux ont aussi joué, car les qualités relevées chez les Mars galloromains pouvaient aussi convenir à d’autres dieux. Précisément, T.Derks a bien montré que les grands dieux ethniques de Basse-Rhénanie ont plutôt été assimilés dans ces régions à Hercule.[…] Dans la majorité des cas, le théonyme romain seul s’est imposé sans référence directe à une divinité locale : il est alors à première vue difficile, voire impossible d’affirmer si la divinité en question correspond au dieu romain, à une version locale du dieu romain ou à une divinité présentant de fortes particularités régionales. » 596 Voir Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Les cultores de Mars en Gaule Belgique. In: Mars en Occident, ref. cit., 48.
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Chapitre V : La religion des esclaves et des affranchis
est associé à d’autres entités divines, en l’occurrence les numina impériaux et le génie de la colonie (CIL XIII, 5079 = RIS 1, 77 = I Avenches 4) et une inscription réalisée par l’affranchi d’un centurion (AE 1945, 9 = Ness-Lieb 198) dans le camp légionnaire de Bonn. À Avenches, l’association d’Apollon avec la divinité tutélaire de la cité tend à souligner que ce dieu occupe une place importante dans le panthéon local597. Si le statut du patron est précisé à Bonn, il n’est pas sûr que cela suffise à inscrire cette inscription dans un cadre militaire, puisque la dédicace à Apollon est d’une part placée sous le signe d’une pratique votive courante et d’autre part réalisée pro se, rappelant qu’Apollon est perçu comme un dieu guérisseur et salvateur. Comme pour Mars, en revanche, on note qu’Apollon est susceptible d’être convoqué seul ou en association avec d’autres divinités et qu’il ne reçoit dans nos inscriptions aucune épithète. Fortuna est pour sa part honorée par des esclaves dans le cadre d’une pratique votive, dont l’une est associée à la formule pro salute. À Vindonissa, Fortuna est invoquée sans la moindre épithète (CIL XIII, 11502 = RIS 2, 166) par un esclave privé, dont on ignore l’activité et les raisons de la dédicace : Nysius est-il un esclave issu des légions stationnées à Vindonissa et son vœu à Fortuna correspond-il à la pratique fréquemment attestée chez les soldats de Germanie supérieure de rendre un culte à cette divinité ? Rien ne l’indique dans la dédicace et il semblerait plutôt, compte tenu du silence de Nysius sur le statut militaire de son maître, que nous soyons en présence d’une dédicace réalisée à titre civil. À Dijon, la déesse est associée à Jupiter Optimus Maximus et affectée de l’épithète Redux, connue pour être la plus fréquente dans les inscriptions de Germanie supérieure et caractéristique d’une divinité romaine598. Si les pratiques des esclaves et des affranchis à l’égard des divinités 597 Regula FREI-STOLBA – Anne BIELMAN: Musée romain d’Avenches. Les inscriptions. Textes, traduction et commentaire. Lausanne 1996, 32 indiquent qu’« il se peut que l’ensemble des divinités mentionnées dans l’inscription ait été honorées sur le forum d’Avenches. » Sur le culte d’Apollon et du Génie sur le forum d’Avenches, voir Martin BOSSERT – Michel FUCHS: De l’ancien sur le forum d’Avenches. In: Bulletin de l’Association Pro Aventico 31 (1989) 29-30. Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Les dévots dans les lieux de culte de Germanie supérieure…, réf. cit., 391 souligne par ailleurs la proximité de ce dieu avec « l’identité des anciennes cités gallo-romaines », notamment celles des Lingons, des Séquanes et surtout des Helvètes, où on le retrouve honoré sur tout le territoire. William Van Andringa (op. cit., 273-274) montre que l’association de ces divinités permet de souligner le contexte officiel dans lequel ils exercent et souhaitent inscrire leur dédicace, celui de la colonie. Sur le culte des Helvètes, on se reportera par ailleurs à Stéphanie MARTIN-KLICHER: Zwischen Petinesca und Vitudurum : Städtische Kultorte und Götter in der civiats Helvetiorum. In: Daniel CASTELLA – Marie-France MEYLAN KRAUSSE (éd.): Topographie sacrée et rituels. Le cas d’Aventicum, capitale des Helvètes. Bâle 2008, 247-263. 598 Iiro Kajanto souligne l’importance de Fortuna Redux durant l’empire (Epigraphical Evidence of the Cult of Fortuna in Germania Romana. In: Latomus 47 (1988) 555) : « During the Empire, Fortuna Augusta and Fortuna Redux acquired considerable status as expressions of loyalty to the reigning emperor. The Ara of Fortuna Redux was erected at Rome’s porta Capena in 19 B. C. to celebrate Augustus’ successful return from the East. From this very specialized function of safeguarding the emperor’s returns to Rome she developed into a general protective deity, pri-
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principales du panthéon ne semblent pas s’écarter fondamentalement de celles des libres, notamment concernant le choix des divinités à honorer, il en va un peu différemment s’agissant du culte des Mères. On ne compte en Germanie supérieure qu’une seule attestation, à Besançon, de la part d’un esclave impérial, qui consacre un ex voto à des Matrabus Auggustorum (CIL XIII, 5371). La rareté des inscriptions n’a pas de quoi surprendre, dans la mesure où ce culte semble avoir été peu répandu sur ce territoire. Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier parle de « cultes rares, presque uniquement attestés dans les régions proches des frontières et apparentés aux pratiques religieuses des provinces voisines599 » et cite le cas de cet ancien dispensator dans la capitale des Séquanes. La situation est plus intéressante en Germanie inférieure, notamment dans la cité des Ubiens, dont on sait que le culte des Matres ou des Matrones y est particulièrement répandu600, et qui fournit par ailleurs la totalité de nos inscriptions religieuses. Or, en dépit de ce contexte, les Mères ne font a priori l’objet que d’une seule attestation dans les inscriptions d’esclaves et d’affranchis, à Cologne, où un affranchi honore les Suebae […] Euthungae Matres (CIL XIII, 8225 = RSK 108)601. L’explication de ce surnom n’est pas aisée. Faut-il y voir des Matres honorées par d’autres populations comme les Suèbes602 voire la population des Juthunges 603? Dans ces marily of the emperors but on occasion of other people too. » Voir aussi du même auteur, Interpretating Fortuna Redux. In: Homenagem a Joseph M. Piel. Tübingen 1988. 599 Le formulaire des dédicaces religieuses…, ref. cit., 151. 600 Voir par exemple Ton DERKS: Gods, temples and Ritual Practices. The Transformation of religious Ideas and Values in Roman Gaul. Amsterdam 1998, 124-130 ; John SCHEID: Aspects religieux de la municipalisation. Quelques réflexions générales. In: Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (éd.), Cités, municipes, colonies. Les processus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le Haut-Empire romain. Paris 1999, 402-417 ; Wolfgang SPICKERMANN: Germania Inferior, 61-76 (Exkurs : Zur Genese der Matronenkulte im Ubiergebiet) et 184-185, où l’auteur démontre la prédominance du culte des Matres entre 150 et 230/260 de notre ère. 601 Thierry LUGINBÜHL – Nicole JUFER: op. cit., 15, soulignent que le surnom des Déesses Mères présente le plus souvent un caractère tribal ou topique et qu’à cet égard « [l]a ville de Cologne […] présente un faciès d’une diversité unique avec près de vingt surnoms différentes, dont certains laissent supposer une fonction ou des attributions déterminées » comme la prospérité, l’eau, l’amour, la victoire… Les auteurs ne relèvent qu’une seule attestation du surnom Suebae […] Euthungae connu par notre inscription. 602 Dont parle par exemple John Scheid en évoquant la diversité des déesses mères recensées en Germanie inférieure, Les dévotions en Germanie inférieure : divinités, lieux de culte, fidèles. In: Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (éd.): Sanctuaires, pratiques cultuelles et territoires civiques dans l’Occident romain. Bruxelles 2006, 305 : « L’originalité de Cologne, comme de toute la CCAA, est sans aucun doute constituée par l’importance des Matrones et Matres. Pas seulement celles des communautés venues d’ailleurs (Numides, Suèbes), mais celles du territoire de la colonie, bien représentées au chef-lieu (47 dédicaces), mais surtout à Bonn (62) et sur le reste du territoire (188) 603 La partie mutilée du surnom pourrait laisser entrevoir le nom de cette population barbare, identifiée par certaines sources comme faisant partie des Suèbes (Histoire Auguste, Vie d’Aurélien, 18, 2 à confronter avec Tacite, La Germanie, 39, 1). Voir à ce propos l’article de
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conditions, il faudrait peut-être entrevoir un rapport possible, à tout le moins culturel, sinon originaire, entre cet affranchi et les populations barbares auxquelles renvoie le surnom des Mères honorées dans l’inscription de Cologne. Le reste du panthéon est constitué par une série de dieux attestés à une seule reprise : Silvanus en association avec Neptune à Avenches (AE 1991, 1257), Ceres à Lausanne (AE 1938, 208), dea Naria à Bern (CIL XIII, 5161), Matrona à Balesmes sur Marne (CIL XIII, 5674 = I Lingons 608), Sequana à Salmaise (CIL XIII, 11575 = I Lingons 275). Pour la seule cité de Mayence, on compte Sucaelus associé à Jupiter Optimus Maximus et au Genius loci (CIL XIII, 6730), Isis (Witteyer, 4) et Attis (CIL XIII, 6664). Mithra est attesté à Riegel (AE 1986, 525), dea Virtus à Bocklemünd (CIL XIII, 8513 = RSK 148) et les Nymphes à Aquae Granni (AE 1977, 544). Que retenir de cette énumération ? Au-delà de l’effet hétéroclite, dû à chaque fois à l’attestation unique de la divinité dans le corpus, il faut sans doute revenir au contexte de chacune des inscriptions pour essayer de situer et de comprendre l’évocation de cette divinité particulière. Certaines mentions se comprennent en effet dans une perspective géographique, liée à l’existence d’une corporation ou d’un sanctuaire, que l’existence de l’inscription révèle ou confirme : tel est sans doute le cas des dédicaces à Matrona, Sequana, Mithra, aux Nymphes voire à la dea Naria604 ; d’autres trouvent une explication au regard de la nature du vœu ou du statut du dédicant. Nous aurons l’occasion d’y revenir un peu plus loin ; d’autres enfin peuvent éventuellement recevoir une explication chronologique, liée aux événements contemporains de l’érection du monument. Le cas de la dédicace à Céres, honorée à Lausanne par un affranchi pro salute Caesarum, en est une illustration exemplaire (AE 1939, 208) : Cereri / sacrum / pro salute / Caesarum / Aptus Trionis l(ibertus). « Aptus affranchi de Trion [a fait] cet objet de culte [en l’honneur de] Cérès pour le salut des Césars. » Plusieurs éléments sont en effet remarquables. La consécration pro salute Caesarum a conduit à dater cette inscription du début du Ier siècle605. La tonalité générale de l’inscription est en outre tournée vers l’Italie : non seulement Cérès est une divinité très peu attestée en Germanies606, ce qui incite à considérer qu’elle a été importée d’Italie, mais encore les noms portés par l’affranchi et par son patron se signalent par leur caractère italien607, ce qui suggère que l’affranchi pourrait avoir été en service commandé pour son maître, romain ou italien. La référence Patrick LE ROUX: Armées, rhétorique et politique dans l’empire gallo-romain. À propos de l’inscription d’Augsbourg. In: ZPE 115 (1997) 285. 604 Voir infra le chapitre suivant consacré aux liens entre divinité et topographie. 605 Cf. supra chapitre sur la datation. 606 Wolfgang SPICKERMANN: Germania Superior, 125 : « Ceres ist inschriftlich in Germanien nicht mehr bezeugt, sie erscheint in Grenzprovinzen insgesamt nur äußerst selten. » 607 Voir A. KAKOSCHKE: réf. cit., 2002, 327 et 601.
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à Cérès pourrait alors se comprendre de différentes manières, qui ne s’excluent d’ailleurs pas. La localisation de la dédicace à Lausanne peut faire d’Aptus un individu chargé du commerce ou du transport du blé, pour lequel le vicus de Lausanne constituait dès le premier siècle de notre ère un port d’entrée : la marchandise issue de Suisse transitait sur le lac Léman à partir de Lausanne en direction de la Colonia Iulia Equestris. La consécration impériale s’expliquerait alors par le fait que cette entreprise serait liée à une commande de l’État608 supervisée dès lors par des individus venus d’Italie. Si l’on suit l’hypothèse de Wolfgang Spickermann, pour lequel l’origine de l’affranchi et de son patron suggère une familiarité avec l’actualité de Rome609, la dédicace à Cérès s’expliquerait dès lors par la consécration par Tibère en 17 de notre ère du temple de la divinité qui avait brûlé sous Auguste. L’affranchi, peut-être effectivement lié au transport du blé, manifesterait ainsi son attachement à sa patrie d’origine ou les liens qu’il y a conservés. Une dernière catégorie de divinités, plus nombreuses que toutes les précédentes, peut enfin retenir l’attention : il s’agit des divinités protectrices de personnes ou de lieux, les génies ou les dieux apparentés. Le genius loci est honoré dans deux inscriptions à Strasbourg (CIL XIII, 11602) et à Mayence (CIL XIII, 6730) non sans rapport, semble-t-il, avec le monde militaire, même si, dans ces deux cas, cette relation est plus ou moins marquée dans la dédicace. À Mayence, les dédicants sont un actor et des canabari, qui devaient nécessairement entretenir des liens avec le camp légionnaire, tandis qu’à Strasbourg, la mention conjointe du génie du lieu avec la maison divine, généralement caractéristique des pratiques militaires, peut faire songer à inscrire la dédicace dans ce contexte. À Avenches, c’est le génie de la colonie des Helvètes qui est associée dans l’inscription des médecins d’Avenches à Apollon et aux numina impériaux (CIL XIII, 5079 = RIS 1, 77 = I Avenches 4). On notera encore l’évocation des numina loci à Altrip par un esclave et une affranchie de la cité des Vangions (AE 1933, 113 = Nesselhauf 75 = CSIR D 2-10, 69). Enfin, un esclave impérial livre une inscription au genius horrei à Mayence (CIL XIII, 11802). Le panthéon honoré par la population servile ne s’écarte pas des pratiques constatées à l’échelle provinciale. Esclaves et affranchis consacrent leurs inscriptions aux mêmes divinités que les libres en respectant en définitive la même hiérarchie, quoique dans des proportions bien moins élevées : Jupiter, Mercure, Apollon et Mars sont les divinités les plus représentées. Néanmoins, compte tenu des faibles écarts entre les données dont on dispose, on ne peut manquer de souligner le nombre important de divinités qui constituent ce panthéon. De ce point de vue, on ne saurait considérer l’espace religieux ouvert aux esclaves et aux affranchis comme un espace restreint, imposé par un statut juridique inférieur.
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C’est l’hypothèse émise dans Helvetia Archeologica, 157, 11. Wolfgang SPICKERMANN: op. cit., 125
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1.2. Vers la constitution d’un paysage religieux La répartition des types de dédicaces dont nous disposons fait apparaître une part non négligeable d’inscriptions religieuses sur l’ensemble du territoire des Germanies, avec une répartition globale assez marquée, qui tient compte de réels pôles de concentration. Le premier est constitué par l’ancien territoire des Ubiens, où se concentrent toutes nos inscriptions pour la Germanie inférieure. Il paraît difficile de concevoir cette situation autrement que comme le reflet de l’état actuel de la documentation concernant les individus indépendamment de leur statut juridique610. Deux foyers de concentration se dégagent pour la Germanie supérieure ; il s’agit des colonies de Suisse et plus particulièrement des cités des Helvètes et des Rauraques, qui livrent ensemble 10 inscriptions. Le second foyer se situe à Mayence, où 11 inscriptions ont également pour l’heure été retrouvées611. À côté de ces deux pôles, on rencontre la cité des Lingons, où sont attestées quatre dédicaces religieuses émanant d’esclaves ou d’affranchis, et la cité des Némètes avec trois inscriptions. Diverses cités livrent par ailleurs de manière isolée des témoignages religieux : à Besançon pour la cité des Séquanes, à Strasbourg chez les Triboques ainsi qu’à Heddernheim-Nida pour la cité des Taunenses. La cité des Aquenses fournit pour sa part le témoignage religieux de deux individus de statut servile. Face à cette répartition inégale, il faut sans doute d’emblée tenir compte là aussi du hasard des découvertes. On peut néanmoins risquer quelques constats et hypothèses. La quasi-totalité des inscriptions ont été retrouvées sur la rive gauche du Rhin et / ou dans des cités où la présence romaine est ancienne et forte en raison de l’occupation militaire ou administrative (les colonies de Suisse, la population des Lingons et des Séquanes, pour ne citer qu’elles, entretiennent des liens étroits avec Rome depuis les conquêtes césariennes).
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Voir le constat de Wolfgang SPICKERMANN: Germania Inferior, 183-184 : « Schon das Gebiet der CCAA zeigt deutliche Unterschiede, da dort 57, 5 % der niedergermanischen Heiligtürmer bekannt wurden, aber 74, 5 % aller gefundenen Weihinschriften gezählt werden können. » 611 Présenté par Wolfgang SPICKERMANN (op. cit., 467) comme le centre le plus important d’inscriptions votives des trois Gaules et des Germanies.
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Inscriptions religieuses et votives des esclaves et des affranchis
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La même analyse prévaut en ce qui concerne la Germanie inférieure, pour laquelle les inscriptions religieuses se concentrent exclusivement dans la cité des Ubiens, où là encore les liens sont étroits et anciens avec Rome. Le cas de Mayence excepté, on remarquera en outre une répartition intéressante des dédicaces entre le chef-lieu de cité et le territoire. Lorsque nous disposons d’attestations en nombre suffisant, on constate que les inscriptions sont loin de se concentrer dans les chefs-lieux, synonymes de grandes agglomérations dotées de complexes religieux importants et structurés. Dans le cas de la cité des Rauraques, Vindonissa fait jeu égal avec le cheflieu, Augst, en nombre de dédicaces retrouvées de la même façon qu’en Germanie inférieure, Cologne n’a pas le monopole des dédicaces religieuses. Tout comme à Vindonissa, la présence du camp militaire de Bonn a manifestement conduit à la production de dédicaces religieuses. Le phénomène est souligné par les quelques témoignages épigraphiques retrouvés dans la cité des Aquenses et des Lingons. Dans la première, les deux dédicaces se répartissent entre le chef-lieu de la cité, Aquae (Baden-Baden), et Riegel ; dans la seconde, aucune des inscriptions retrouvées ne relève de Langres, elles figuraient sur le territoire lingon (Dijon, Balesmes sur Marne, Saint-Geosmes, Salmaise), ce qui conduit à s’intéresser à la localisation exacte des découvertes réalisées. Une partie d’entre elles coïncide avec l’existence de sanctuaires situés horsagglomération, dont elles contribuent parfois à révéler l’existence. Sur le territoire des Helvètes, on retiendra ainsi le sanctuaire de Berne-Müri, qui reçoit une dédicace de la regio Arurensis à la déesse Naria, que se charge d’exécuter l’affranchi (CIL XIII, 5161). Naria est une divinité des eaux et des sources612, dont la dédicace a été retrouvée le long du cours de l’Aar, à Müri. D’après Spickermann, la regio Arurensis serait à concevoir comme un lieu de culte régional, dont le centre se situerait à Müri, où plusieurs offrandes similaires permettent de dire qu’un sanctuaire devait exister, même si sa localisation exacte n’a pu être précisément établie613. Chez les Lingons, la dédicace d’un affranchi à Matrona, la déesse Marne, à Balesmes sur Marne (CIL XIII, 5674 = I Lingons 608), aux sources de la rivière, offre l’occasion de découvrir la présence d’un sanctuaire consacrée à la déesse éponyme de la source614. À Salmaise, la dédicace d’un père esclave pour son fils à la déesse Sequana, une autre divinité salutifère du territoire lingon (CIL XIII, 11575 = I Lingons 275), nous ramène au temple situé aux sources de la 612 Également attestée avec une épithète Naria Nousantia à Cressier près d’Avenches (CIL XIII, 5151 = RIS 2, 115). Sur cette déesse, on pourra consulter Annalis LEIBUNDGUT-MAYE: Naria. In: Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae VI 1. Zürich, München 1992, 702-703 et Annemarie KAUFMANN-HEINIMANN: Dea Artio, die Bärengöttin von Muri: römische Bronzestatuetten aus einem ländlichen Heiligtum. Bern 2002, 44–46. 613 Wolfgang SPICKERMANN: Germania Superior, 396-7. Voir aussi Friederich MUTHMANN: Mutter und Quelle. Studien zur Quellenverherung im Altertum und im Mittelalter. Basel 1975, 65 et Jean-Jacques THÉVENARD: La Haute-Marne, Carte archéologique de la Gaule LII, 1. Paris 1996, 118. 614 Id.: ibid., 173.
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Seine, dont de nombreux ex-voto en bois ont contribué à révéler la popularité615. De la même manière, c’est l’existence d’un mithraeum616 à Riegel, dans la cité des Aquenses, qui explique la présence sur place de la dédicace d’un esclave vicarius de dispensator à Mithra (AE 1986, 525)617, à l’instar de la plupart des inscriptions consacrées à cette divinité618. On retiendra en définitive que les dédicaces religieuses des esclaves et des affranchis obéissent à une répartition bien spécifique dans les Germanies, qui allie une présence marquée dans les cités anciennement romanisées de la rive gauche du Rhin, notamment dans les chefs-lieux et les camps légionnaires, mais aussi sur le territoire de ces mêmes cités, dans des sanctuaires, dont plusieurs apparaissent consacrées à des divinités des eaux ou à des sources. 1.3. Les usages des pratiques cultuelles Qui sont les dédicants dont nous avons conservé la trace des inscriptions religieuses dans les deux Germanies ? Compte tenu des témoignages dont nous disposons, la distinction entre esclaves et affranchis ne semble pas être un critère discriminant pour la réalisation d’une dédicace religieuse, dans la mesure où l’on compte presque autant d’esclaves que d’affranchis auteurs d’un monument à vocation religieuse, au moins en ce qui concerne la Germanie supérieure toutes cités confondues. Ce brassage est particulièrement net dans la cité de Mayence, pour laquelle nous disposons du plus grand nombre d’attestations. En Germanie inférieure en revanche, les inscriptions recensées dans la cité des Ubiens, comprenant Cologne et son territoire, ne font état que d’affranchis responsables de dédicaces religieuses619. Les dédicaces civiles sont les plus nombreuses. Tous n’indiquent pas leur activité. Sur 37 inscriptions, la moitié ne nous permet pas de connaître la sphère
615 Voir Simone DEYTS: Les bois sculptés des sources de la Seine. Paris 1983 ; et du même auteur, Un peuple de pèlerins : offrandes de pierre et de bronze des sources de la Seine. Dijon 1994, 45 p. et 65 p. de planches. 616 Sur ce sanctuaire, voir Petra MAYER-REPPERT: Das romische Mithraeum ‘Beim Kloster’ in Riegel am Kaiserstuhl. In: Archäologische Nachrichten aus Baden 68-69 (2004) 33-42 et du même auteur, Fundmaterial aus dem Mithrasheiligtum von Riegel am Kaiserstuhl. In: FBW 29 (2007) 327-532. 617 Sur le culte de Mithra et ses dévots, voir Manfred CLAUSS: Cultores Mithrae. Die Anhängerschaft des Mithras-Kultes. Stuttgart 1992, 335 p. 618 Voir les conclusions de Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (Le formulaire des dédicaces religieuses…, réf. cit., 145) sur la concentration des dédicaces à Mithra en quelques sites connus pour leurs mithraea, notamment Strasbourg-Koenigshoffen, Heddernheim, Mayence, Speyer et Wiesbaden. Voir aussi Wolfgang SPICKERMANN: op. cit., 293-314 pour le recensement archéologique des mithraea, notamment à proximité des légions et des camps, quand bien même les dédicaces émanent de civils. 619 Pour Wolfgang Spickermann cependant (Germania Inferior, 179), l’inscription AE 1924, 22 (= Finke 274) émanerait non d’affranchis, mais d’esclaves
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d’activités des dédicants620. Pour les autres, on compte une part d’inscriptions émanant du milieu militaire : esclaves ou affranchis consacrant en général une inscription à leur maître ou patron621. On peut s’interroger sur le cas de deux inscriptions, pour lesquelles le texte ne fait pas de mention explicite du contexte militaire, en n’indiquant notamment pas l’activité du dédicant ou du bénéficiaire de l’inscription. Néanmoins, le contexte de découverte (le camp militaire de Vindonissa ainsi que l’agglomération de Strabourg) permet peut-être d’entrevoir leur sphère d’activité622 ; À Strasbourg notamment, la dédicace adressée conjointement in honorem domus divinae et au genius loci (CIL XIII, 11602) offre peutêtre un indice de cette activité, dans la mesure où, d’après les travaux de MarieThérèse Raepsaet-Charlier, on sait que les dédicaces de Germanie supérieure au genius loci sont à quelques exceptions près, toutes militaires. En majorité, les inscriptions religieuses des esclaves et des affranchis sont néanmoins le fait d’individus qui occupent un poste dans l’administration privée ou impériale. Il faut cependant se méfier de toute conclusion hâtive, dans la mesure où les fonctionnaires impériaux ou les individus liés à l’intendance ou à l’administration privée font volontiers état de leur activité, qui les met en valeur et leur permet d’outrepasser leur statut juridique623. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils sont les seuls à honorer les divinités, simplement qu’ils sont les plus prompts à livrer leur profession. Cette réserve posée, on compte deux vicarius de dispensator (CIL XIII, 5194 = RIS 2, 148 et AE 1986, 525), deux dispensatores des greniers (CIL XIII, 11802 et CIL XIII, 11540 = RIS 2, 230), un ancien dispensator (CIL XIII, 5371), deux actores (CIL XIII, 5476 = I Lingons 53 et CIL XIII, 6730), un vilicus (CIL XIII, 7215 = CSIR D 2-4, 77) et deux arcarii (AE 1933, 113 = Nesselhauf 75 = CSIR D 2-10, 69 et Witteyer 1) parmi les dédicants de nos inscriptions. Tous n’appartiennent pas à la familia Caesaris, même si on en relève un nombre important, notamment dans la cité de Mayence. Parmi ces dédicants, on relève la présence d’individus au service de la collectivité, un esclave arcarius de la cité des Vangions et sa probable compagne, une affranchie publique, qui n’indique pas son activité principale (AE 1933, 113 = Nesselhauf 75 = CSIR D 2-10, 69). On remarquera par contraste l’absence complète de fonctionnaires parmi les dédicants recensés dans la cité des Ubiens, pourtant anciennement romanisée et dans laquelle est installée la capitale provinciale. À côté d’individus issus de la sphère militaire (AE 1924, 22 = Finke 274 ; Ness-Lieb, 198), deux autres n’indiquent pas leur activité, tandis qu’un troisième se présente comme negotiator (CIL XIII,
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AE 1991, 1257 ; AE 1939, 208 = RIS 1, 50 ; CIL XIII, 5161 ; CIL XIII,5173 ; CIL XIII, 11502 = RIS 2, 166 ; Finke 102 ; CIL XIII, 11541 = RIS 2, 231; CIL XIII, 5674 = I Lingons 608 ; AE 1996, 1144 ; CIL XIII, 11575 = I Lingons 275 ; CIL XIII, 11602 ; CIL XIII, 6087 ; CIL XIII, 6664 ; Witteyer 4 ; CIL XIII, 7346 ; CIL XIII, 8225 = RSK 108 ; AE 1977, 544 ; AE 1978, 532. 621 CIL XIII, 6703 ; AE 1924, 22 = Finke 274 ; Ness-Lieb, 198 ; CIL XIII, 6295 = Finke 338 a. 622 Finke 102 pour l’inscription de Vindonissa. 623 Voir supra chapitre sur les professions exercées par les esclaves et les affranchis.
1. Les dédicaces de la population servile dans les Germanies
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8513 = RSK 148)624. La Germanie supérieure fait aussi état d’un sacerdos impérial (Witteyer 2 et 3) et de deux médecins (CIL XIII, 5079 = RIS 1, 77 = I Avenches 4) comme dédicants d’inscriptions religieuses, mais là s’arrête l’inventaire des professions connues pour avoir livré des dédicaces. On terminera ce panorama en indiquant que la plupart des ces inscriptions religieuses, de quelque nature qu’elles soient, émanent des hommes. Seules quatre femmes, pour lesquelles aucune information n’est livrée concernant leur activité, sont à l’initiative de dédicaces votives ou religieuses. Encore deux d’entre elles sontelles réalisées en compagnie de co-dépendants625. Y a-t-il une corrélation manifeste entre ces types de dédicants et les divinités que chacun invoque ? Pour commencer par les dédicaces spécifiquement féminines, il n’y a pas lieu de noter l’appel par les femmes à des divinités féminines. Si une affranchie consacre aux Nymphes à Aquae Granni (AE 1977, 544), cela semble moins lié à son sexe qu’à la présence d’un culte des Nymphes bien attesté à Aachen-Burtscheid depuis le Ier siècle de notre ère626. Quant à l’affranchie connue par une inscription retrouvée dans le camp de Vindonissa (Finke 102), elle s’acquitte d’un vœu envers Mars, ce qui relève sans doute une fois de plus moins de sa qualité de femme que du contexte dans lequel elle évolue. Les deux autres inscriptions où les femmes participent à la dédicace sont respectivement situées à Mayence et à Altrip et concernent en premier lieu le culte de Mater Magna, ce qui semble relever de la coïncidence, d’autant plus qu’elles ne sont à chaque fois que des co-dédicantes (Witteyer 2 et 3 ainsi que AE 1933, 113 = Nesselhauf 75 = CSIR D 2-10, 69). Concernant le statut juridique, rien ne permet d’affirmer dans la documentation une différence dans le panthéon honoré par les esclaves ou par les affranchis. Esclaves comme affranchis s’adressent aux mêmes dieux sans distinction et sans que leur statut n’interfère dans le choix du patronage divin. C’est en revanche l’identité du bénéficiaire de l’inscription plus que celle du dédicant, quel que soit par ailleurs son statit juridique, qui semble influencer le choix de la divinité. À Dijon, un esclave actor en appelle à Jupiter Optimus Maximus et à Fortuna Redux, des dieux typiquement romains, dans la mesure où il consacre une inscription au salut de son maître, un influent patron lingon, manifestement romanisé (CIL XIII, 5476 = I Lingons 53), tandis qu’à Besançon un verna impérial érige ex voto monitus sans doute pour lui-même une inscription aux Matres Augustes (CIL XIII, 5371) et qu’à Mayence un servus vilicus employé à la perception de la taxe du XXe consacre un monument à Mercure (CIL XIII, 7215 = CSIR D 2-4, 77). À Avenches, un esclave de la famille des Camilli érige une dédicace à Silvanus et à
624 On laissera de côté un autre negotiator, qui consacre une dédicace à Apollon, dans la mesure où son statut de libertus est mis en cause par une nouvelle lecture de l’inscription (CIL XIII, 8164 a) 625 Finke 102 ; AE 1933, 113 = Nesselhauf 75 = CSIR D 2-10, 69; Witteyer 2 et 3 ; AE 1977, 544. 626 Voir Wolfgang SPICKERMANN: Germania Inferior, 59.
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Neptune en raison de la probable activité de son maître627. Les affranchis s’adressent de même aussi bien aux « grandes » divinités du panthéon, Jupiter Optimus Maximus, Mars, pour ne citer qu’eux, qu’aux divinités territoriales comme la déesse Marne. La fonction assurée par le dédicant ou par le bénéficiaire de la dédicace peut sans conteste jouer un rôle dans le choix de la divinité. Les médecins d’Avenches consacrent notamment une inscription notamment à Apollon au bénéfice des medici et des professores de la ville, mais les dédicaces ne sont pas forcément toutes liées à un engagement professionnel, ce qui empêche d’expliciter le choix de telle ou telle divinité, d’autant que les circonstances dans lesquelles les offrandes ou des dédicaces sont faites sont rarement précisées. Concernant les formes et les pratiques cultuelles développées par les esclaves et les affranchis, plusieurs remarques peuvent être faites. On relève peu de dédicaces officielles. D’après nos inscriptions, le culte est d’abord exercé à titre privé. Il prend très souvent la forme du votum, qui s’exprime majoritairement par le biais de la formule votum solvit libens laetus merito. Le cas est particulièrement flagrant en Germanie inférieure, où les cinq inscriptions de la Colonia Claudia Ara Agripinnensium sont toutes de nature votive628. Les formules de dédicaces confirme ainsi une insertion complète de la population servile dans le paysage religieux629. Il est rare que le vœu soit évoqué par rapport à ce qui l’a fait naître, sinon à Besançon où le verna impérial ex dispensator dit avoir été monitus (CIL XIII, 5371). Quel que soit le cas de figure, l’explication de la dédicace est rarement présente, sinon à une exception, celle d’un arcarius impérial de Mayence, qui dit avoir élevé un monument à la Grande Mère ex imperio (Witteyer 1). On compte quelques dédicaces pro salute ou pro se et suis, qui peuvent exister par 627
Voir infra. Ton DERKS: La perception du panthéon romain par une élite indigène : le cas des inscriptions votives de la Germanie inférieure. In: MEFRA 104 (1992) 8-9, qui souligne que sur les 1400 inscriptions, complètes ou fragmentaires, retrouvées sur ce territoire, la plupart font partie de monuments votifs en pierre représentant un autel et la majorité de celles qui sont datables proviennent de la seconde moitié du IIe siècle et de la première moitié du IIIe siècle, notamment parce qu’il a d’abord fallu qu’une « élite indigène de fonctionnaire de la ciuitas et […] des militaires d’origine indigène aussi bien qu’italienne » introduisent d’abord la tradition de dédier des pierres votives dans la société indigène de Basse-Rhénanie dépourvue d’écriture jusqu’au début de la période romaine. Concernant nos esclaves et nos affranchis, on remarquera que deux de nos dédicaces, correspondant au milieu militaire, sont datables du Ier siècle de notre ère, correspondant vraisemblablement aux dédicaces, qui ont ensuite pu servir de modèles aux populations locales ; toutes deux ont été retrouvées à Bonn : AE 1945, 9 = Ness-Lieb 198 peut être datées entre 71 et 83, tandis que AE 1924, 22 = Finke 274 correspond à la période 54-70. 629 Voir les conclusions de Wolfgang SPICKERMANN: Germania Inferior, 129 : « Die Lateinische und die Praxis der Votivaltäre waren von der römischen Armee in den Rheinprovinzen eingeführt werden. Einheimische Soldaten und lokale Eliten mit Verbindungen zum Militär übernahmen diese Praxis, um ihre eigene Latinitas, ihr Bürgerrecht und ihren gesellschaftlichen Rang gegenüber der Provinzöffentlichkeit zu dokumentieren Diese Praxis wurde mit der Konsolidierung der politische verhältniss in flavischer Zeit von immer mehr Soldaten und auch Zivilisten übernommen und erreichte ihren Höhepunkt in der Zeit von 150-250 nChr. » 628
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elles-mêmes comme à Dijon (CIL XIII, 5476 = I Lingons 53) et Cologne (AE 1945, 9) ou être associée à la pratique votive (AE 1996, 1144 à Saint-Geosmes ; CIL XIII, 11802 et Witteyer 2 à Mayence). Ces inscriptions concernent naturellement un maître ou un patron, comme à Dijon, Saint Geosmes ou Mayence, peuvent également être consacrées à soi-même et à un proche, ce dont on trouve un exemple à Bonn (AE 1945, 9 = Ness-Lieb 198) et elles s’adressent aussi, sous une forme ou sous une autre, à la figure impériale. L’investissement financier consenti à l’occasion de la dédicace est quelquefois attesté à l’aide des formules de suo ou sua pecunia630, mais ce n’est pas la règle et certains préfèrent parler du donum631 qu’ils ont réalisé sans en mentionner les dépenses qu’il supposait. Aucun ne mentionne explicitement les sommes engagées pour les dépenses occasionnées par les dédicaces qu’ils réalisent. Parmi les autres formules présentes dans les dédicaces, on note l’usage du terme neutre sacrum. Les associations de divinités existent bel et bien dans les dédicaces, mais sont loin d’être systématiques. Il peut s’agir d’une association de divinités, comme à Avenches, où un esclave consacre une inscription à Silvanus et Neptune. On rencontre également des associations qui comprennent soit un élément lié au culte impérial (notamment la formule initiale In honorem domus divinae, plus rarement le numen impérial) soit une invocation au génie voire au numen du lieu. À examiner ces 8 inscriptions632, il semble que la pratique de l’association de divinités, quelque forme qu’elle prenne, correspond à une dédicace qui tend à échapper d’une manière ou d’une autre à la sphère purement privée et vise à une reconnaissance par son caractère officiel marqué ou simplement par la volonté du dédicant de contribuer à son propre rayonnement ou à celui du bénéficiaire de la dédicace. On compte en effet parmi les dédicaces qui associent des divinités multiples des témoignages évergétiques, des inscriptions pour le salut d’un maître ou d’un patron prestigieux, que l’inscription vise à mettre en valeur, ainsi que deux inscriptions sans doute liées au milieu militaire, où la dédicace est d’abord placée sous le patronage impérial avant de solliciter une divinité plus traditionnelle. Si le vœu reste une forme très fréquente pour désigner la relation établie entre les divinités et les dédicants, on peut souligner, parmi les particularités qu’il faut relever à côté de la connaissance des pratiques votives et dédicatoires, une certaine tendance à la surabondance des précisions et des formules, notamment chez les Lingons, où deux inscriptions accumulent les formules consacrées, quitte à 630 CIL XIII, 5079 = RIS 1, 77 = I Avenches 4 ; CIL XIII, 5173 ; CIL XIII, 5194 = RIS 2, 148 ; CIL XIII, 5674 = I Lingons 608 ; CIL XIII, 6703. 631 CIL XIII, 7346 ; AE 1986, 525. 632 CIL XIII, 5079 = RIS 1, 77 = I Avenches 4 : Numen Augustorum, genius coloniae Helvetorum et Apollini sacrum ; AE 1991, 1257 : Silvanus et Neptune ; CIL XIII, 5476 = I Lingons 53 : Jupiter Optimus Maximus et Fortuna Redux ; AE 1996, 1144 : Mars, Bellone et ceteri dii deaeque ; CIL XIII, 11602 : In honorem domus divinae et Genius loci ; AE 1933, 113 = Nesselhauf 75 = CSIR D 2-10, 69 : Mater Deum Magna, Numen loci et statue consacrée à Diane ; CIL XIII, 6730 : Jupiter Optimus Maximus, Sucaelus et Genius loci ; CIL XIII, 6664 : In honorem domus divinae et Deus Attis.
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pratiquer quelques entorses aux principes du vœu : à Balesmes sur Marne, un affranchi s’acquitte d’un vœu en précisant que la dépense a été réalisée à ses frais (CIL XIII, 5674 = I Lingons 608), ce qui n’est normalement pas caractéristique du mécanisme du vœu. Le même constat s’applique à l’association d’un vœu à une instruction divine attestée à Besançon (CIL XIII, 5371). Au final, s’il est vrai que quelques esclaves ou affranchis accèdent à une visibilité sociale en vertu de leurs dédicaces religieuses, qui s’inscrivent dans la vie de la cité ou marquent leur participation personnelle au culte impérial, la plupart nous livrent des inscriptions à caractère privé, dont le panthéon et les usages ne diffèrent pas fondamentalement de ceux des libres. Au vu de la documentation disponible, il ressort néanmoins que dans le cas des dédicaces religieuses, nous avons surtout accès aux inscriptions émanant des catégories les plus élevées du groupe servile : les esclaves ou les affranchis privés de personnages civils ou militaires influents ou bénéficiant d’une réputation inscrite dans leur cité ou leur lieu d’exercice ainsi que les fonctionnaires impériaux ou publics, qui ont eu la possibilité d’acquérir la culture et l’argent nécessaires à la mise en œuvre de telles dédicaces. 2. L’implication dans le culte impérial 2.1. L’expression du culte impérial La diffusion du culte impérial dans les provinces est un phénomène bien connu. Il s’exprime également dans les inscriptions des esclaves et des affranchis. La formule de dédicace la plus répandue est la locution introductive In honorem domus divinae, attestée dans trois inscriptions retrouvées chez les Rauraques, les Triboques et à Mayence633, conformément aux pratiques attestées dans l’ensemble de la Germanie supérieure, pour laquelle Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier souligne un usage répandu dans la plupart des cités – à l’exception de la cité des Séquanes et de la Colonia Equestris – en conjonction quasi systématique avec des divinités proprement dites634. La formule est employée conjointement avec l’évocation d’une divinité à deux reprises : le genius loci à Strasbourg et Attis à Mayence. On notera en revanche à Vindonissa qu’elle figure seule en tête de l’inscription
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Respectivement CIL XIII, 5194 = RIS 2, 148 ; CIL XIII, 11602 et CIL XIII, 6664. Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Le formulaire des dédicaces religieuses…, réf. cit., 138-139. 634
2. L’implication dans le culte impérial
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que consacre un verna vicarius d’un dispensator pour signifier l’acte évergétique qu’il a réalisé en faveur du temple de Jupiter. On ne relève qu’une seule dédicace aux Numina impériaux, dans une inscription d’Avenches (CIL XIII, 5079 = RIS 1, 77 = I Avenches 4), en corrélation avec deux autres divinités, ce qui ne doit pas étonner compte tenu de la rareté de ce type de dévotion dans la province635. L’épithète Augustus est en revanche, toutes proportions gardées, intéressante à signaler dans la pratique des esclaves et des affranchis en raison de la rareté que Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier signale dans les pratiques des dévots de Germanie supérieure : on en relève deux attestations, dont l’une est située à Solothurn dans la cité des Hélvètes (CIL XIII, 5173), où l’on recense d’ailleurs le plus fréquemment cet usage636, et appliquée aux Lares637. L’épithète est également mise en œuvre par un ancien dispensator à Besançon (CIL XIII, 5371) pour qualifier les Mères et l’on peut sans doute rattacher l’usage de l’adjectif à l’appartenance du dédicant à la familia Caesaris. Quant à l’expression, pro salute imp. et ses variantes, elle apparaît dans deux inscriptions émanant de civils particuliers, contrairement à la pratique généralement répandue en Germanie supérieure. À Lausanne, un affranchi use de la formule ancienne pro salute Caesarum (AE 1939, 208), tandis qu’à Mayence un groupe de dépendants impériaux consacre une inscription pro salute Augustorum Senatus populique romani et exercitus (Witteyer 2 et 3) dans une association, qui s’explique par l’importance prise par Isis dans les cultes flaviens dans le contexte de 89638. L’ensemble des dédicaces liées au culte impérial a pour l’heure été recensé sur le territoire de la Germanie supérieure. Aucune attestation épigraphique relative au culte impérial des esclaves et des affranchis n’a pour l’heure été retrouvée en Germanie inférieure639. Le foyer de concentration en Germanie supérieure se 635
Ead.: ibid., 140. Ead. : ibid., 140. 637 D’après Charles DAREMBERG – Edmond SAGLIO: Lares. In: Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines. Paris 1877, 940 : « une des particularités du culte des Lares, c’est que les esclaves y prennent une part prépondérante, il est même le seul qui les ait pour ministres quelquefois, comme participants toujours, en souvenir des temps où ils n’étaient encore que les auxiliaires de l’agriculture. » Sur les Lares Augusti, on consultera Michel HANO: À l’origine du culte impérial : les autels des Lares Augusti. Recherches sur les thèmes iconographiques et leur signification. In: ANRW II 16, 3 (1986) 2333-2381. 638 Cette année marque à la fois la guerre menée par Domitien contre les Daces et la répression de la révolte du légat de Germanie supérieure, L. Antonius Saturninus, à laquelle il semble que l’empereur n’ait pas personnellement participé. Domitien vouait un culte particulier à Isis, et de façon plus générale toute la dynastie flavienne manifesta une faveur pour les religions égyptiennes. Voir Michel MALAISE: Inventaire préliminaire des documents égyptiens découverts en Italie. Leiden 1972, 299. 639 Voir les conclusions de John SCHEID: Les dévotions en Germanie inférieure : divinités, lieux de culte, fidèles, réf. cit., 304 : « Un premier fait saute aux yeux lorsqu’on dresse la liste de toutes les divinités attestées épigraphiquement dans la Colonia Claudia : il n’y a pratiquement pas d’inscription attestant le culte impérial […]. Une fois de plus, on constate donc que le culte des empereurs divinisés est une partie très particulière dy culte public, dont il convient de ne pas exa636
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Chapitre V : La religion des esclaves et des affranchis
trouve sur la rive gauche du Rhin, notamment dans les colonies suisses, majoritairement dans la cité des Helvètes avec 3 inscriptions et chez les Rauraques (1 inscription). Deux dédicaces ont été retrouvées à Mayence et les deux autres témoignages à Strasbourg et à Besançon. Au-delà de cette répartition, qui semble plaider en faveur d’une explication liée à l’ancienneté de la romanisation des cités concernées eu égard à la présence administrative ou militaire romaine, il faut aussi considérer, notamment dans le cas de la cité des Helvètes, que les manifestations de culte impérial ne sont pas réservées au chef-lieu de cité (un cas seulement sur les trois avérés), puisqu’on les retrouve exprimées également dans les vici de Lausanne et de Solothurn. L’identité des dédicants impose aussi la même retenue dans l’interprétation. L’expression du culte impérial dans les dédicaces dont nous disposons n’émane pas exclusivement, loin s’en faut, de fonctionnaires impériaux. Seules deux inscriptions, à Besançon et à Mayence, font mention explicite d’un verna et d’un affranchi impériaux. Pour le reste, ce sont des affranchis de particulier qui s’acquittent d’une dédicace envers l’empereur. Deux cas restent ambigus. À Vindonissa, le verna, vicarius d’un dispensator, appartient peut être à la famille impériale, en raison de la profession qu’exerce son maître, mais l’inscription n’explicite aucunement ce lien. Quant à la dédicace pro salute Caesarum retrouvée à Lausanne, elle provient peut-être également d’un fonctionnaire impérial, mais rien ne permet de l’affirmer. Au total, trois voire quatre dédicants ne précisent ni l’identité de leur patron ni leur fonction. Nous ne connaissons parmi les cultores qui placent leurs inscriptions sous le patronage impérial que deux médecins à Avenches, un dispensator à Besançon, un vicarius de dispensator à Vindonissa, ainsi qu’un sacerdos à Mayence associée à deux autres membres de la domus impériale. Le statut juridique aussi bien que social des dédicants est ainsi très varié, même si l’on note une légère prédominance des affranchis parmi les auteurs de ces inscriptions. Tout au plus peut-on noter que nous sommes en présence d’individus, dont la visibilité est assez importante pour qu’ils aient pu et voulu participer à la diffusion du culte impérial. 2.2. Le débat sur le statut des sévirs augustaux. La situation dans les Germanies Qu’en est-il lorsqu’il s’agit pour les affranchis de participer au culte impérial luimême, notamment en intégrant les associations d’*Augustales, résultant de la mise en place par Auguste d’un culte impérial provincial ? Les travaux de Robert Duthoy sur la répartition géographique de ces associations640 et sur le mode de recrutement de ses membres ont montré leur rôle économique et social dans la
gérer l’importance. Ce culte existe, mais au niveau de la province, de la colonie et du municipe, où il est d’ailleurs difficilement décelable si le forum, les grands monuments et leurs dédicaces n’ont pas été découverts. » 640 Voir Robert DUTHOY: Recherches sur la répartition géographique et chronologique des termes sévir Augustalis, Augustalis et sévir. In: Epigraphische Studien 11 (1976) 143-210.
2. L’implication dans le culte impérial
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cité641. Quant aux données archéologiques fournies par les inscriptions et par les édifices religieux à Herculanum ou à Misène, par exemple, elles ont permis de ne pas occulter la dimension religieuse de leur fonction642. Quelque fonction qu’on leur attribue, il est indéniable que l’augustalité a un rôle à jouer dans la transmission des valeurs et des cadres issus de l’Empire et qu’elle s’offre comme un mode de visibilité sociale sans égal pour des affranchis désireux de faire oublier leur origine servile. À cet égard, les Germanies offrent un champ d’étude particulièrement riche pour approcher l’augustalité. Ce n’est pas tant par le critère numérique que l’approche se révèle féconde ; du Ier siècle au début du IIIe siècle643, on compte en effet 29 inscriptions pour l’ensemble des provinces. Les inscriptions relatives à l’augustalité dans les Germanies se signalent surtout par une certaine originalité : contrairement à ce que l’on constate dans la plupart des autres provinces romaines, les affranchis semblent moins présents parmi les *Augustales que les ingenui644, ce qui pose une double question : celle du recrutement au sein
641 Voir en particulier Robert DUTHOY: La fonction sociale de l’augustalité. In: Epigraphica 31 (1974) 134-154 et Robert DUTHOY: Notes onomastiques sur les Augustales. Cognomina et indication de statut. In: L’Antiquité classique 39 (1970) 88-105. 642 Voir Robert ÉTIENNE: À propos du cosidetto édifice des Augustales d’Herculanum. In: Luisa FRANCHI DELL’ORTO (éd.): Ercolano 1738-1988, 250 anni di ricerca archeologica, Atti del Convegno Internazionale Ravello-Ercolano-Napoli-Pompei, 30 ottobre-5 novembre 1988. Roma 1993, 349 : « Ils expriment dévotion à l’Empereur dans le cadre d’Augustea que fréquentent les diverses couches de la société et leur religiosité est bien plus riche et bien plus importante que la part congrue que leur assigne R. Duthoy. De plus, comme nous l’avons vu, leurs dédicaces ne se cantonnent pas à exalter les divinités augustes ou simplement le genius impérial, mais la personne même de l’Empereur. Constituant un collegium ou un corpus, ils ont nécessairement besoin d’un locus, qui peut être un templum Augusti comme à Misène, une aedes Augusti ailleurs ou un phetrium comme à Caere, où s’organisaient des banquets religieux après les sacrifices. On ne saurait limiter les Augustales à un rôle social et une fonction économique : leur place dans les édifices du culte impérial démontre leur rôle religieux, bien illustré en tout cas par l’exemple d’Herculanum. » La question de l’identification et de la fonction cultuelle de ces édifices fait néanmoins débat. Voir par exemple Christian WITSCHEL: Zum Problem der Identifizierung von munizipalen Kaiserkultstätten. In: Klio 84 (2002) 114-124 en réaction à Beate BOLLMANN: Römische Vereinshäuser. Untersuchungen zu den Scholae des römischen Berufs-, Kult- und Augustalen- Kollegien in Italien. Mainz 1998, 488 p. 643 Un classement chronologique de ces inscriptions n’est pas envisageable compte tenu des difficultés de datation. Nous envisagerons donc les sévirs augustaux en fonction de leur répartition géographique dans les Germanies et des éléments textuels et épigraphiques qui peuvent prendre une valeur sociale. 644 Selon Robert DUTHOY: Notes onomastiques sur les Augustales…, réf. cit., on peut admettre que huit *Augustales sur dix furent des affranchis. D’après l’étude statistique menée par Andrik ABRAMENKO: Die munizipale Mittelschichte im Kaiserzeitlichen Italien. Zu einem neuen Verständnis von Sevirat und Augustalität. Frankfurt am Main 1993, 18 à 20, il apparaît que les affranchis ont joué un rôle majeur dans ces collèges surtout si on ajoute à cette catégorie les individus porteurs de cognomen non latins. Pour les parts les plus importantes, les ingénus semblent avoir été bien représentés dans les régions VII, VIII, IX et XI de l’Italie, au point de faire occasionnellement jeu égal avec les affranchis, mais sans que cela soit la règle.
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des ces associations et celle de la représentation des *Augustales dans les inscriptions. Le matériel épigraphique concernant les *Augustales des Germanies réunit 29 inscriptions, dont 26 avaient été recensées par Duthoy en 1976645. Depuis, ont été ajoutés au dossier des *Augustales en Germanie une inscription mise au jour à Solothurn à propos de Valer(ius) Hispa/nus, sévir augustal de Lyon646, une épitaphe consacrée au sévir Marcus Modestiniu[s] Serotinus, retrouvée à Maastricht chez les Tongres647, ainsi que trois autres témoignages qu’il convient de discuter. Le premier, trouvé à Genève présente une liste de 6 sévirs, chacun pourvu des tria nomina648. Cette inscription, connue de Duthoy, est classée par lui dans le corpus de la Narbonnaise compte tenu de son lieu de découverte. Mais la question a été relancée par Regula Frei-Stolba, qui a souligné que nombre de pierres retrouvées à Genève provenaient en fait de Nyon649. Dans le doute, nous avons préféré exclure cette attestation du corpus des augustaux des Germanies, tout comme nous avons volontairement laissé de côté le témoignage, daté du IIe ou du IIIe siècle de notre ère et retrouvé à Coljinsplaat, qui se présente comme une inscription votive à la déesse N[e]hale[n]nia, et dont le dédicant serait un marchand de vin, originaire d’Augst et sévir augustal de la cité650 : très mutilée, la pierre ne permet que des hypothèses de restitution, même si la présence d’un sévir augustal par ailleurs attestée à Augst encourage de telles hypothèses. La troisième inscription évoque, 645 Robert DUTHOY: Recherches sur la répartition géographique et chronologique…, réf. cit., 143-210. L’intégration d’une inscription dans le corpus des augustaux repose sur la présence d’un terme ayant valeur d’identification : seuir, augustalis, seuir augustalis… 646 CIL XIII, 5174. 647 AE 2007, 985. 648 CIL XII, 2617 (= ILN 5-3, 863) : Q . STARDIUS . MACER C . STARDIUS . PACATUS C . ALBUCIUS . PHILOGENES C . STATIUS . ANCHIALUS C . NOVELLIUS . AMPHIO P . CORNELIUS . AMPHIO IIIIII VIRI 649 Regula FREI-STOLBA: Recherches sur les institutions de Nyon, Augst et Avenches. In: Monique DONDIN-PAYRE – Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (éd.): Cités, municipes, colonies. Les processus de municipalisation en Gaule et en Germanie sous le Haut-Empire romain. Paris 1999, 52-53 a ainsi souligné les difficultés d’interprétation que cette inscription faisait naître : « [N]ous ne disposons d’aucun critère infaillible permettant de savoir si les sévirs augustaux s’étaient plutôt rassemblés dans le chef-lieu (la colonie de Nyon) pour y déployer leurs activités ou plutôt dans un uicus (Genève par rapport à Vienne). » On a en outre pensé que cette liste n’était pas une simple énumération des sévirs en charge, mais la dédicace d’un grand monument disparu depuis. 650 AE 1980, 658 : Deae // N[e]hale[n]niae / I[...9 lettres...] / Marcellus / I [...ca 12 lettres...] at(is) / Rauracorum l(ibens) m(erito). Voir Petrus Stuart et Julianus Egidius Bogaers: Jahresber. aus Augst und Kaiseraugst, I, 1980, 49-58 ; photos Abb. 3-7; les auteurs proposent de restituer I[IIIIIuir Aug(ustalis) ciuit]at(is) à la ligne 4.
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quant à elle, un sévir de la Colonia Iulia Equestris651. Il s’agit là encore d’une inscription très incomplète, qui a cependant été intégrée au corpus, dans la mesure où la présence d’un autre sévir à Nyon en rendait la lecture probable et où le statut de colonie de la cité impliquait nécessairement la présence d’un collège de sévirs. De manière attendue, les inscriptions se concentrent dans les zones dynamiques des provinces, les centres urbains, où la présence romaine est plus marquée et où les échanges sont facilités. Sur les 21 inscriptions de Germanie supérieure, plus de la moitié (12) appartient à la Cité des Helvètes, devenue colonie en 71 de notre ère652. La cité se distinguait par sa relation privilégiée avec les Trois Gaules, en particulier par le commerce que supposait sa proximité avec les voies navigables653, et par l’implantation dans la région du Conuentus Helueticus654. Cette entité représentait une zone stratégique et économique importante, dont ont également pu bénéficier les colonies de Augst et de Nyon, où l’on rencontre 3 *Augustales. De ce point de vue, il n’est pas étonnant de trouver dans cette région des sévirs augustaux consistentes, c’est-à-dire installés hors de leur province d’origine, qui devaient avoir maintenu des liens très forts, peut-être commerciaux, avec leur cité d’origine, en l’occurrence Trèves et Lyon655. On relève encore deux sévirs augustaux à Langres656, dont la situation sous l’Empire en faisait un carrefour important dans la province. Enfin, la présence d’au moins un sévir augustal est attestée à Rottenburg, connue pour être l’une des plus grandes villes de la province, à Mayence, la capitale provinciale, et à Kastel, l’ancienne 651
AE 1995, 1133 : T. Ilu(ius) C f. Post[---]us, V[I uir ?---]. À Avenches ou à proximité : CIL XIII, 5107 ; CIL XIII, 5108 = RIS 1, 94 ; CIL XIII, 5071 ; CIL XIII, 5091 = RIS, 1, 83 = AE 1961, 54 ; CIL XIII, 5097 = RIS 1, 89 = AE 1961, 589; CIL XIII, 5111 = RIS 2, 248 ; CIL XIII, 5127 ; dans le uicus de Lousonna : CIL XIII, 5026 = RIS 1, 51 = AE 2000, 1029 et AE 1946, 255 ; à Minnoduum : CIL XIII, 5042 = RIS 1, 70 = AE 1939, 206 = AE 1940, 175 ; dans le uicus de Salodurum (Solothurn) : CIL XIII, 5174 ; CIL XIII, 5178 = RIS 2, 133. 653 Voir Regula FREI-STOLBA: Die Helvetier im Römischen Reich. In: Heinz E. HERZIG – Regula FREI-STOLBA (éd.): La politique édilitaire dans les provinces de l’Empire romain IIe-IVe siècles après J. C., Actes du IIe Colloque Roumano-Suisse, 12-19 septembre 1993. Berne 1995, 179-180. 654 On s’accorde à voir dans cette entité administrative de la cité des Helvètes une association née au début de l’Empire lorsque la cité était encore pérégrine. L’institution sera maintenue jusqu’à la fin du IIe siècle. Voir Denis VAN BERCHEM: Les routes et l’histoire : Études sur les Helvètes et leurs voisins dans l’Empire romain. Genève 1983, 306 p. 655 CIL XIII, 5071 et CIL XIII, 5174. 656 Si […]lis, IIIIIIuir / [… sibi ] et suis fecit (CIL XIII, 5692 = I Lingons, 361) ne fait pas difficulté, l’inscription [---] / Attius Euhodus / [IIIIIIuir] aug(ustalis) colon(iae) (CIL XIII, 5685= I Lingons, 355) est en revanche problématique. Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER (Les institutions municipales dans les Germanies sous le Haut-Empire : bilan et questions. In: Cités, municipes, colonies…, réf. cit., 330) n’y voit pas un sévir mais un augur coloniae, ce qui n’est pas confirmé par William VAN ANDRINGA (Prêtrises et cités dans les Trois Gaules et les Germanies du Haut-Empire. In: Cités, municipes, colonies…, réf. cit., 435). Yann LE BOHEC (Inscriptions de la cité des Lingons. Inscriptions sur pierre. Paris 2003, 203) penche pour la thèse du sévir augustal, dans la mesure où le cognomen grec du personnage fait penser à un affranchi. 652
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tête de pont de la légion de Mayence, un vicus dont l’ancienneté en fait un site bien romanisé. Il n’est en revanche pas sûr que la capitale de la cité des Vangions ait abrité un sévir, dans la mesure où C. Candinius Martinus est peut-être ciuis Sentio, si l’on accepte de lire ainsi le segment c. Senio. La Germanie inférieure ne nous a, pour sa part, livré pour l’instant que 8 inscriptions concernant l’augustalité, pour l’essentiel concentrées dans les grands centres, particulièrement Cologne, et dans une moindre mesure Colonia Vlpia Traiana657. Dans ces différentes cités, ce sont les seuiri augustales qui dominent très largement658. 26 inscriptions mentionnent cette association. On ne compte que 3 attestations du terme seuir, que l’on devrait considérer, en suivant l’analyse de Duthoy, comme un synonyme de seuiri augustales659. Dans le sanctuaire de Kornelimunster, en revanche, Marcus Fuciss[i]us Secundus se désigne par l’expression sexviralis Augustorum. L’expression est unique dans toutes les Germanies, mais elle est attestée dans d’autres provinces, en particulier italiennes, pour désigner un individu et plus souvent encore un groupe d’*Augustales660. Il paraît difficile de concevoir une explication géographique à l’emploi de cette expression, d’autant que, dans le cas présent, Marcus Fucissus Secundus s’acquitte d’un vœu à une divinité locale. En dépit de ce cas isolé, la question des *Augustales en Germanie se pose a priori moins en termes d’appartenance à l’une ou l’autre association qu’en termes d’accès au pouvoir dans la vie locale. Que nous apportent les sources sur l’origine sociale des sévirs augustaux ? Comme dans d’autres provinces ou comme dans certaines régions de l’Italie, les inscriptions des Germanies se caractérisent par la faible part de ceux qui se déclarent affranchis661. Certes, nous sommes habitués au nombre important d’incerti dans le matériel épigraphique et, si l’on en croit Duthoy, au début du IIe siècle, se confirmait la tendance à ne pas indiquer son statut. Quatre affranchis seulement peuvent être identifiés sans ambiguïté. D(ecimus) Valerius Sisses à Nyon (Colonia 657 Voir Hartmut GALSTERER: Kolonisation im Rheinland. In: Cités, municipes, colonies…, réf. cit., 251-269. 658 Tel est aussi le cas dans les autres provinces, quoique dans des proportions différentes, si l’on en croit les relevés de Robert Duthoy (Recherches sur la répartition géographique et chronologique…, réf. cit., 191). En ne tenant compte que des inscriptions datables, l’expression est attestée dans tout l’Empire de 15/16 à 245 de notre ère (p. 192). 659 La règle énoncée par Robert Duthoy (art. cit., 209) consiste à dire que lorsque le terme seuir se trouve dans une région où le terme seuir augustalis est de loin le plus attesté, il est probable qu’il s’agisse d’un synonyme de seuir augustalis. 660 Robert DUTHOY: art. cit., 191. 661 Andrik ABRAMENKO: op. cit., 16-17 cite l’exemple de la Pannonie (« Für Pannonien beispielsweise unterblieb sie trotz der hohen Zahl überlieferter Inschriften, da zwei Drittel sowohl der Seviri als auch der *Augustalen nicht sicher einem sozialen Status zuzuordnen waren. »), mais les tableaux qu’il produit ensuite révèlent une situation similaire pour les *Augustales en Sardaigne et en Sicile, en Afrique, en Bretagne et en Lusitanie, où les attestations d’*Augustales sont peu nombreuses, mais également en Dacie, en Tarraconaise, en Narbonnaise, en Lyonnaise, ou en Belgique, où le corpus est plus important.
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Iulia Equestris)662 et M(arcus) Fabius Atto à Cologne663 annoncent leur origine servile. À Avenches, la présence du même gentilice pour les époux nous incite à déceler un couple de co-affranchis et à voir en M(arcus) Otacilius un affranchi. De même, le cognomen grec d’Attius Euhodus invite Duthoy à considérer le sévir de la colonie des Lingons comme un affranchi664. Pour l’instant, seuls quatre d’entre eux nous apparaissent donc en pleine lumière et nous interrogent sur les raisons de cette singularité. On peut considérer que beaucoup cachent leur véritable statut juridique, espérant ainsi réduire la distance qui les sépare des élites de droit, après avoir effacé, grâce à l’exercice du sévirat augustal, celle qui les séparait de fait des couches sociales supérieures. Georges Fabre rappelle ainsi que l’institution des seuiri et des augustales était pour Auguste un « exutoire aux ambitions municipales des affranchis les plus riches665. » Mais contrairement à d’autres provinces, où les inscriptions témoignent des privilèges et des marques d’estime dont bénéficiaient les sévirs augustaux, le matériel épigraphique des Germanies se révèle peu loquace sur cette question. En l’absence de témoignages explicites, on peut difficilement conclure à l’inexistence de telles faveurs ; le silence des affranchis sur leur origine viserait donc à prolonger le pouvoir, la reconnaissance et la distinction, dont ils ont disposé de leur vivant grâce à leur investissement dans la vie municipale. Ce silence constituerait alors en soi une aspiration supplémentaire à effacer une distance toujours perceptible malgré la réussite qu’ils ont connue. Paul Veyne parle en ce sens d’« une dialectique du sentiment d’infériorité et de la revendication de soi666 », que l’on pourrait appliquer au primat que les affranchis voudraient voir désormais accorder à la fonction qu’ils ont exercée sur l’origine qui les entravait. Cette stratégie peut s’exercer sur le long terme et viser l’intégration des descendants à l’élite. L’exemple de Paulinius Sapidus à Avenches en témoigne de manière indirecte667. L’épitaphe du sévir est réalisée par son fils et par son affranchi sur une plaque de marbre noir. Le matériau est inhabi662
CIL XIII, 5012 (RIS 1, 41). Pour le texte, voir la note 16. AE 1945, 13 et 1956, 250 (= RSK 298) : M(arco) Fabio Ceria/lis lib(erto) Attoni, / IIIIIIuir(o)Augusta/li. T(estamento) p(oni) i(ussit), h(eres)f(aciundum) c(urauit). 664 CIL XIII, 5685 (I Lingons 355). Selon Robert DUTHOY (Cognomen est omen. Quelques jalons pour une anthroponymie sociale du monde romain. In: Marie-Madeleine MACTOUX- Évelyne GENY (éd.): Mélanges Pierre Lévêque 2. Anthropologie et société. Besançon 1989, 183-205) un cognomen grec est une indication quasi-certaine que le porteur est un affranchi. Il faudrait pouvoir tirer des conclusions sur le statut social des individus à partir de leur cognomen latin pour découvrir que d’autres sévirs augustaux des Germanies appartenaient au milieu des affranchis. De telles recherches ont été menées pour Rome et l’Italie. Parmi les cognomina, ceux de Suavis, Hilarus, Auctus, Primigenius, Salvius et Faustus constitueraient, à Rome et dans les provinces italiennes, une indication sociale capable d’attester l’origine servile de son porteur. Notons qu’aucun d’entre eux n’est présent sur le territoire des Germanies. 665 Georges FABRE: op. cit., 315. 666 Paul VEYNE: Vie de Trimalcion. In: Annales ESC 16 (1961) 213-247. 667 CIL XIII, 5108 (RIS 1, 94) : D(is) M(anibus) / Paulin(i) Sapid(i), / IIIIIIuir(i) Aug(ustalis), / Paulin(ius) Primi/tius fil(ius) et / Donatus / lib(ertus) / f(aciendum) c(urauerunt). 663
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tuel, si on le rapporte aux pratiques des autres sévirs, qui utilisent surtout le calcaire de la région668. On ne peut nier que cette initiative vise à démontrer la réussite sociale. Elle peut aussi témoigner de l’importance accordée à l’accomplissement du vœu et des devoirs de piété. On peut aussi considérer que, pour les descendants directs du sévir, il s’agissait de manifester la réussite du défunt, dans la mesure où elle pouvait directement influencer la leur. Même s’il était de mise dans les inscriptions funéraires de nommer les dédicants, la présence des noms, en particulier des fils voire des affranchis, dans les textes qui concernent les sévirs pouvait permettre aux descendants d’étendre jusqu’à eux le pouvoir et l’influence de leur père ou patron669. L’absence de visibilité des affranchis dans les inscriptions des Germanies s’explique peut-être aussi par la tentative de supprimer toute trace susceptible d’entraver l’ascension sociale de leurs descendants. On pourrait en ce sens parler d’une « politique dynastique670 », à l’image de celle qui était menée dans les grandes familles citadines pour garantir à leurs descendants un accès au décurionat. On assisterait alors à un phénomène supplémentaire d’imitation des pratiques de l’élite par les affranchis les plus à même de prétendre exercer un rôle au sein de la cité671. Quels sont alors les affranchis qui acceptent de revendiquer leur origine servile ? Si l’on a peu d’indices concernant le sévir de Cologne, M(arcus) Fabius Atto, l’exemple de D(ecimus) Valerius Sisses à Nyon montre qu’il était affranchi d’une famille de notables romains, qui entretenaient des liens importants avec la dynastie julio-claudienne672. L’existence du testament, par lequel le sévir a exprimé la volonté d’être une dernière fois associé à son patron, rend manifeste l’influence déterminante du patron sur la carrière de son affranchi. La mention du patron sur l’épitaphe représente en outre un ultime moyen pour accéder à une reconnaissance sociale, la notoriété de la famille éclipsant la macule servile et rappelant à tous l’influence du sévir. Mais si la carrière de l’affranchi est sans conteste déterminée par le pouvoir du patron, rien n’empêche de considérer une forme de réciprocité mise au service d’une stratégie de conquête locale du pouvoir autant que d’une transmission stable sinon maîtrisée ou encadrée des institutions, 668
À deux exceptions près. Le curateur des citoyens romains de la colonie des Helvètes livre une inscription votive également sur une plaque en marbre (CIL XIII, 5026 = RIS 1, 51 = AE 2000, 1029) et Marcus Fuciss[i]us Secundus, sévir augustal de la Colonia Claudia Ara Agrippina, réalise à Aquae Granni une dédicace religieuse sur une plaque en bronze (AE 1958, 12). 669 Voir aussi CIL XIII, 5178 (= RIS 2, 133) : [D(is)] M(anibus) / L(uci) Cr[ass]ici Cor/bulonis IIIIIIuir(i) Aug(ustalium) P[u]bli(i) Prim/us et Seccalus / fili(i) e[i]us ponen/du[m c]urauer/[u]nt. 670 L’expression se trouve sous la plume de Tadeusz KOTULA: Les fils de décurions : ‘pépinières’ des élites municipales. In: Tadeusz KOTULA – Andrzey LADOMIRSKI (éd.): Antiquitas XXII. Les Élites provinciales sous le Haut-Empire romain. Wroclaw 1997, 37. 671 Selon Patrick LE ROUX (Le Haut-Empire romain en Occident d’Auguste aux Sévères. Paris 1998, 168), cette filière d’ascension sociale était une caractéristique des cités les plus intégrées. 672 Le patron du sévir peut être D(ecimus) Valerius Asiaticus, consul en 46 ou son fils, consul designatus en 69.
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du culte et des valeurs de l’Empire. Une analyse similaire pourrait être appliquée aux sévirs qui sont liés à l’élite voire à l’aristocratie locale. L’affranchi M(arcus) Otacilius est liée à la gens Otacilia, très connue dans le territoire des Helvètes, issue d’immigrants italiens, qui cohabite avec l’ancienne noblesse issue des conquêtes julio-claudiennes673. Il en va de même pour L(ucius) Camillius Faustus toujours sur le territoire d’Avenches. Plusieurs inscriptions démontrent en effet que la gens Camillia comptait parmi elle des personnages qui appartenaient à l’élite locale674. En l’état actuel de nos connaissances, le sévir doit être rangé parmi les incerti. Affranchi, il pourrait illustrer la stratégie de conquête du pouvoir par une famille de l’élite locale aussi bien que l’influence du patron dans la carrière de son affranchi. Libre, il pose la question, comme bien d’autres incerti de ce corpus, des raisons d’une telle présence dans un corps traditionnellement réservé aux liberti. J. M. Oliver pense que leur présence s’expliquerait lorsqu’il n’y avait pas assez de nouveaux citoyens pour assumer les fonctions, et surtout les dépenses, inhérentes à la fonction de sévir augustal675. Ces ingenui trouvaient alors dans cet exercice un renom considérable, dans la mesure où ils assumaient une tâche que rien ne les obligeait à prendre en charge. Parmi les trois libres explicites de notre corpus676, rien ne permet d’étayer cette hypothèse séduisante. Il faut sans doute aussi évoquer, avec Robert Duthoy, les liens que certains sévirs avaient conservés avec le milieu des affranchis677. À Augst, L(ucius) Giltius Cossus donne les signes de l’imprégnation du modèle romain (la filiation ainsi que l’inscription dans la tribu Quirina, à laquelle appartenait la population de la Colonia Augusta Raurica). Mais le gentilice celtique tend à rappeler une ascendance indigène. De cette fusion résulte l’idée d’un pouvoir, y compris municipal, qui pratique l’acculturation plutôt qu’il n’impose la romanisation678. La présence attestée des sévirs augustaux dans les Germanies nous place face à la question de l’intégration de ses membres dans la vie de la cité en vue de l’exercice du pouvoir. Le principal écueil pour cette réflexion concerne l’état de nos sources. Les témoignages épigraphiques ne pallient qu’en partie la pauvreté 673
Regula FREI-STOLBA: Recherches sur les institutions de Nyon, Augst et Avenches, réf. cit.,
91. 674 CIL XIII, 5097 (= RIS 1, 89 = AE 1961, 589) : D(is) M(anibus). / L(ucius) Camillius / Faustus, / IIIIIIuir Aug(ustalis), / uiu(u)s fecit, / in anno LXX. / Vixit annis LXXXXII. 675 James Henry OLIVER: Gerusiae and Augustales. In: Historia 7 (1958) 491-492. 676 CIL XIII, 5026 (= RIS 1, 51 = AE 2000, 1029) : P(ublius) Clod(ius) Corn(elia) / Primus, curator uika/nor(um) Lousonnensium II, IIIIIIuir Augustal(is), c(urator) c(iuium) R(omanorum) / conuentus Hel(uetici) ; CIL XIII, 5260 (= RIS 2, 205) : L(ucius) Giltius Celtil/li f(ilius) Quirina Cos/sus ; CIL XIII, 8742 : Sex(to) Secundio / Papiria Felici. 677 Robert DUTHOY: La fonction sociale de l’augustalité, réf. cit., 134-154. 678 Sur le débat soulevé par la question de la romanisation, on pourra confronter Patrick LE ROUX (La romanisation en question. In: Annales HSS 2 (2004) 287-311) à Jérôme FRANCE: État romain et romanisation : à propos de la municipalisation des Gaules et des Germanie. In: Antiquité classique 70 (2001) 205-212. Voir aussi François JACQUES-John SCHEID: Rome et l’intégration de l’Empire : 44 av. J. C. – 260 ap. J. C. I Les structures de l’Empire romain. Paris 20026 [1990].
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des données archéologiques pour ces provinces en l’absence d’un grand site susceptible de fournir un apport essentiel à la connaissance de cette institution. Le nombre particulièrement élevé d’incerti parmi les sévirs augustaux des Germanies distingue ces provinces en même temps qu’il nous interroge sur les stratégies de conquête du pouvoir à l’échelle municipale. Les inscriptions de ces provinces nous amènent à distinguer plusieurs degrés dans cette conquête. Individuellement, les sévirs peuvent choisir de montrer leur pouvoir tantôt en soulignant les liens qu’ils entretiennent avec des familles de notables tantôt en désignant leur aisance ; ils peuvent à l’inverse miser sur le silence concernant leurs origines serviles afin de préserver leur prestige ou le transmettre à leurs descendants. Peu d’inscriptions mentionnent l’activité de corporations de sévirs augustaux en tant que telle ; elles ont pourtant existé, si l’on en croit les inscriptions d’Avenches, et elles témoignent d’une tentative pour structurer des forces à l’image du fonctionnement qui caractérise l’aristocratie municipale. Dans cette volonté d’attester un pouvoir et de l’exercer, les sévirs augustaux de Germanies sont dès lors au cœur de la problématique d’intégration. Il est question ici de l’intégration des groupes sociaux dans la vie de la cité, mais aussi de l’intégration des sociétés provinciales dans l’Empire. Les sévirs augustaux viennent ainsi témoigner de l’importance politique autant que symbolique du choix des images et des signes, onomastiques, épigraphiques, religieux, qui les représenteront et leur garantiront éventuellement, à eux ou à leurs descendants, une place dans la cité. 2.3. Les offrandes et l’évergétisme religieux Dans la mesure où nous avons affaire en grande majorité à une élite de la dépendance, dont certains semblent bénéficier de moyens importants, arrêtons-nous un instant sur la nature des offrandes qui sont faites, des monuments qui sont élevés ou encore des munificences qui sont éventuellement offertes afin de percevoir la nature de l’engagement religieux des esclaves et des affranchis aussi bien à titre privé qu’au bénéfice de la collectivité. 2.3.1. Les offrandes modestes La plupart des inscriptions religieuses issues des esclaves et des affranchis font état de l’offrande d’un autel, d’une statue ou d’une base, qui peut parfois constituer le monument lui-même. On relève la mention de 17 autels consacrés à différents dieux par des individus, dont le statut est très variable, esclaves ou affranchis privés ou impériaux, dont la fonction peut être plus ou moins importante. La grande majorité de ces autels est en calcaire : c’est une constante dans les colonies suisses, où est utilisé le calcaire du Jura. À Mayence, on note l’usage conjoint du calcaire de la région et du grès, que l’on retrouve aussi bien sur les stèles votives que sur les blocs qui supportent l’inscription. Le phénomène s’inscrit manifestement dans les usages de la Germanie, notamment supérieure, pour laquelle Marie-Thérèse Raepsaet-Charlier est amenée à considérer, au vu du matériel épigraphique, que « ce type de pratiques [était] à la portée d’un nombre
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important de personnes679. » Ainsi, la tablette de bronze consacrée au dieu Mars et livrée par une affranchie dans le camp de Vindonissa (Finke 102) est une petite plaquette votive destinée à être fixée dans un sanctuaire et correspond à une dépense modeste680. Il existe cependant dans ce contexte des offrandes qui échappe à la relative modestie que nous relevions, en raison des dimensions de la stèle offerte ou du matériau utilisé pour l’autel ou la tablette portant l’inscription. Plusieurs sont intéressants à considérer dans cette perspective. Sur 17 autels offerts, un seul se signale par le caractère exceptionnel du matériau utilisé au regard des pratiques habituelles : à Mayence, l’affranchi Victorius Salutaris consacre un autel en marbre au dieu Attis en plaçant son offrande sous le patronage de la maison divine (CIL XIII, 6664). L’inscription ne livre pas d’informations supplémentaires sur le dédicant, qui nous permettrait de connaître sa situation financière et d’expliquer le soin apporté à la réalisation de l’autel. La statuette de bronze présentant une divinité debout et dont l’inscription figure sur la base retrouvée près de Berne dans le sanctuaire de Muri peut s’expliquer par les circonstances de sa consécration à la déesse Naria (CIL XIII, 5161). L’affranchi Ferox n’est pour rien dans le choix du matériau : il n’est qu’un exécutant utilisé par la regio Arurensis, qui veut livrer une offrande importante et soignée. La taille de l’inscription ou du monument qui supporte la dédicace est aussi un élément qui montre que l’offrande échappe à une certaine modestie. On en trouve un premier exemple à Dijon avec l’inscription que consacre Carantillus au retour de son maître (CIL XIII, 5476 = I Lingons 53) : la taille de la stèle votive associée à la représentation figurée où l’on voit un personnage debout, en toge, le bras dégagé, portant un pan de vêtement sur l’épaule, met en évidence la volonté de souligner l’importance du statut du maître. À Avenches, la découverte en 1990 de divers éléments d’une base de statue et d’un fût monolithique portant une inscription réalisée par l’esclave Aprilis (AE 1991, 1257) permet de mettre au jour un ensemble dont « [l]a hauteur conservée de l’élévation du monument (3, 80 m) permet de restituer une hauteur totale originelle proche de 6 m681. » Une telle construction, de par son ampleur autant que par le soin apporté à la gravure de l’inscription, vient souligner l’importance de la réalisation ainsi que les moyens dont disposait son auteur. Le contexte de découverte de cette inscription, « en bordure de route, en amont du canal et à l’angle de l’enclos de la villa » conduit à faire du maître d’Aprilis le propriétaire de la villa, l’initiateur du canal et un armateur, pour qui Aprilis aurait joué le rôle « du vilicus, de l’ingénieur ou du chef de chantier682. » Qu’Aprilis, par les fonctions qu’il occupait auprès de Caius 679
Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER: Les dévots dans les lieux de culte de Germanie supérieure et la géographie sacrée de la province, réf. cit., 382. 680 Wolfgang SPICKERMANN: Mulieres ex voto : Untersuchungen zur Götterverehrung von Frauen im römischen Gallien, Germanien und Rätien (1.-3. Jahrhundert n. Chr.). Bochum 1994, 260. 681 Daniel CASTELLA – Laurent FLUTSCH. In: Archéologie Suisse 13 (1990) 186. 682 Id.; ibid., 186.
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Camillus Paternus, ait disposé d’une fortune personnelle lui permettant de financer la construction d’un tel édifice ou qu’il ait agi en tant que prête-nom pour son maître issu d’une famille particulièrement en vue à Avenches683, le résultat est que nous sommes en présence d’une offrande qui échappe à la banalité et vient sanctionner la réussite de la familia dans son ensemble. Même si de tels exemples sont rares dans nos provinces, il n’en convient pas moins de souligner qu’esclaves et affranchis peuvent effectivement être à l’origine de réalisations soignées ou de grande ampleur, notamment dans le cadre d’évergésies religieuses, qui signalent leur réussite financière ou sociale. 2.3.2. Représentations des divinités Les offrandes aux divinités sont susceptibles de s’accompagner de représentations figurées. Nous laisserons de côté ici les représentations qui ne sont pas spécifiquement religieuses, comme celles qui concernent le bénéficiaire de l’inscription684, pour se concentrer sur les images religieuses associées à l’offrande. Trois représentations figurées de nature religieuse sont livrées par la Germanie inférieure. Dans le camp de Bonn, l’autel portant une inscription votive consacrée à Apollon par l’affranchi d’un centurion pour lui et pour sa probable compagne, Saturnina, est orné sur les côtés droit et gauche respectivement d’un guttus et d’une patera, deux objets de culte qui apparaissent fréquemment sur les autels (AE 1945, 9 = Ness-Lieb 198). À Bocklemünd, en revanche, l’inscription est associée à un ensemble sculpté plus important (CIL XIII, 8513 = RSK 148) : un affranchi negotiator s’acquitte d’un vœu à la déesse Virtus et accompagne la dédicace d’une représentation de Virtus en amazone. Enfin deux dépendants de Bonn s’acquittent d’un vœu à Mercure, dans une inscription surmontée par une statue acéphale (AE 1924, 22 = Finke 274). En Germanie supérieure, deux statues de divinités figurent aux côtés d’inscriptions. La première émane indirectement d’un affranchi, puisqu’il se présente comme un simple exécutant de la dédicace réalisée par la regio Arurensis à la déesse Naria (CIL XIII, 5161). Celle-ci figure sur la base d’une statuette en bronze, qui représente une déesse dans une longue robe drapée avec un diadème sur la tête. Ses mains sont manquantes et ne permettent pas de savoir si elle portait
683
Sur les Camilli, on pourra consulter Denis VAN BERCHEM: Notes sur la famille helvète des Camilli. In: Annuaire de la Société Suisse de Préhistoire et d’Archéologie (ASSPA) 77 (1994) 109-114 ; Regula FREI-STOLBA: Die Personennamen von Aventicum. In: Caesarodunum XXIX (1995) 33-42 ; ead.: Die Helvetier im römischen Reich : Überlegungenzu ihrer Integration und Gesellschaftsstruktur. In: Regula FREI-STOLBA – Heinz E. HERZIG (éd.): La politique édilitaire dans les provinces de l’Empire romain, IIe-IVe siècle apr. J.-C., actes du IIe colloque roumanosuisse, Berne, 12-19 septembre 1993. Berne 1995, 167-186. 684 Comme à Dijon (CIL XIII, 5476), où est représenté un personnage en toge, peut-être Tiberius Flavius Vetus.
2. L’implication dans le culte impérial
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des attributs susceptibles de caractériser davantage son action685. À Maudach, une dédicace pro salute d’esclaves pour leurs maîtres à Diane (CIL XIII, 11695) s’accompagne d’une représentation de la déesse associée à ses attributs majeurs : un chien figure à ses côtés et elle tient un arc de la main gauche ainsi qu’une flèche de la main droite. 2.3.3. Les évergésies de coût élevé : lien entre dépendance et munificence Les Germanies offrent dans leur ensemble peu d’exemples d’individu d’origine servile qui prennent en charge à titre individuel des munificences au bénéfice de la collectivité686. Le tableau ci-après récapitule ceux que nous avons pu constater. Les cinq évergésies religieuses sont diversement situées. On en compte deux à Mayence, la capitale provinciale, qui sont le fait de fonctionnaires impériaux. Le premier est un dispensator horreorum qui s’acquitte d’un vœu à la divinité tutélaire de sa fonction. Nous le recensons parmi les attestations d’évergésies, dans la mesure où le fonctionnaire ne se contente pas d’élever un autel, mais le dote du matériel religieux nécessaire à l’accomplissement des rites. On peut noter la précision apportée à la description de ce matériel ainsi que l’investissement financier que l’acte suppose : il s’agit de coupes en argent au nombre de six, qui viennent souligner la portée du don. L’inscription figure sur la base d’une statue, dont on n’a pas retrouvé la trace, mais que l’on peut supposer consacrée au génie horreorum687. Le second fonctionnaire impérial est un arcarius, dont l’inscription permet d’envisager qu’il a contribué à la fondation du temple de Cybèle dans le sanctuaire d’Isis et de Mater Magna à Mayence : le texte de l’inscription gravé sur un bloc de grès surmonté d’une corniche en demi-rond se trouvait peut-être au sommet du mur d’enceinte688. Il s’agit en tout cas de la seule mention de la construction d’un temple dans notre corpus, ce qui pose la question de savoir s’il est en vraiment le commanditaire ou simplement l’exécutant. À Vindonissa, il s’agit d’un verna, sans doute vicarius d’un dispensator qui intervient au bénéfice des vicani pour restaurer le temple de Jupiter, qu’il présente comme ayant été dévasté par un incendie. On ignore l’état du temple à l’issue de l’incendie et par conséquent l’importance de l’investissement réalisé par l’esclave impérial. Il n’en reste pas moins que nous sommes en présence d’un acte important, qui suppose 685 D’après Annemarie KAUFMANN-HEINIMANN: Dea Artio, die Bärengöttin von Muri : römische Bronzestatuetten aus einem ländlichen Heiligtum. Bern 2002, 44-46, la déesse Naria aurait été, à l’instar de Fortuna, une déesse liée à la chance. 686 Nous exclurons de cette étude le cas de l’affranchi Ferox, simple exécutant de la regio Arurensis (CIL XIII, 5161) 687 Marie-Thérèse RAEPSAET-CHARLIER a mis en évidence le nombre important de dédicaces consacrées aux génies civils (Les dévots dans les lieux de culte de Germanie supérieure…, réf. cit., 382). 688 Voir Marion WITTEYER: Das Heiligtum für Isis und Mater Magna. Texte und Bilder. Mainz 2004.
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Chapitre V : La religion des esclaves et des affranchis
pour cet esclave l’existence d’un certain pécule, qui lui offre la possibilité non seulement de s’acquitter d’un acte religieux, mais en même temps de contribuer à sa visibilité sociale.
Jupiter
Matrona (déesse Marne) Genius horr[eorum]
Cybèle
Vindonissa
Balesmes sur Marne
Mayence
Mayence
Divinité Apollon
Cité Avenches
Primigenius, [dispens]atoris a[r]carius
Victorinus, dispensator horreorum
Successus, libertus
Asclepiades, verna disp(ensatoris) [vicarius]
Dédicant Quintus Postumius Hyginus et Postumius Hermes, 2 affranchis
oui
non
Votif non
Aram cum signo et can- oui tharis argenteis numero VI [aedes] non
Remise en état du temple de Jupiter, brûlé lors d’un incendie Maceria circa templum
Offrande Autel en calcaire
-
-
Lien public Au bénéfice des medici et professoribus de la cité Au bénéfice des vicani Vindonissensses -
Référence CIL XIII, 5079
69-79
-
-
Witteyer 1 = AE 2004, 1014
CIL XIII, 11802
CIL XIII, 5674
Début IIe siècle CIL XIII, 5194
2e moitié du IIe siècle
Date
2. L’implication dans le culte impérial
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Chapitre V : La religion des esclaves et des affranchis
Concernant la dédicace réalisée à Avenches par deux médecins affranchis, on soulignera le caractère officiel de la démarche placée sous le double patronage des divinités protectrices des empereurs et du génie de la colonie des Helvètes et consacrée à Apollon. Un témoignage permet de montrer que les actes d’évergétisme ne concernent pas seulement une certaine élite, notamment issue de la domus Augusta, agissant dans les grands centres urbains, précocement romanisés. L’inscription de Balesmes-sur-Marne, en territoire lingon, fait état de l’engagement d’un affranchi, visiblement privé, dont on ignore tout de l’activité et de la situation financière, qui, à la suite d’un vœu, a financé les travaux de construction du mur de clôture autour du temple de la déesse Marne situé aux sources de la rivière. Deux de ces actes évergétiques s’inscrivent explicitement dans la cadre d’un votum, les travaux autour du temple des sources de la Marne et le don d’un autel accompagné du matériel religieux. Par ailleurs, trois dédicants précisent qu’ils ont eux-mêmes financé les constructions et les dons à l’aide des formules de suo ou de sua pecunia : les médecins d’Avenches, Asclepiades, le verna impérial de Vindonissa ainsi que Successus, l’affranchi privé du territoire lingon. Les deux dépendants de Mayence s’abstiennent de tout commentaire sur le sujet, même si pour le temple de Cybèle, Primigenius avance une explication à la munificence qu’il offre, puisqu’il indique avoir agi sur ordre de la déesse (ex imperio eius). Au final, les cinq attestations dont nous disposons permettent de faire apparaître un engagement des fonctionnaires impériaux dans la vie de leur cité sans aucune exclusive cependant, dans la mesure où des affranchis privés peuvent également agir au bénéfice de la collectivité. S’ils indiquent souvent l’investissement financier que représente le geste évergétique réalisé, il est difficile de chiffrer avec exactitude le montant de cet investissement. Le financement de la construction ou de la réhabilitation d’un temple, comme à Mayence, semble de nature relativement plus importante que l’érection d’un autel, fût-il accompagné de matériel religieux, ou que la construction d’un mur d’enceinte, mais il fait aussi tenir compte de la situation financière et sociale respective de chacun d’eux. On notera, est-ce un hasard dû à l’état du corpus, que les évergètes issus de la familia Caesaris sont tous des esclaves qui interviennent dans le monde de l’argent – un arcarius, un vicarius de dispensator ainsi qu’un dispensator horreorum, tandis que les affranchis évergètes sont vraisemblablement issus de maisons privées, avec lesquelles ils ont pu prendre plus ou moins d’autonomie, eu égard à leur profession, comme l’exercice de la médecine par exemple. Dans l’évaluation de l’importance du geste évergétique de chacun, il faut donc tenir compte des avantages que peut procurer l’appartenance à la maison impériale ou l’exercice d’une profession rentable. Il est ainsi visiblement incontestable que les esclaves impériaux compensent leur origine servile par leur activité, qui leur permet d’acquérir une visibilité au travers d’actes à caractère religieux. À l’égard des esclaves ou des affranchis privés, nos inscriptions laissent pour l’instant entendre que seuls les affranchis pouvaient se permettre d’espérer une telle insertion et une telle visibilité.
CONCLUSION Les esclaves et affranchis des deux Germanies constituent une population bien attestée sur le territoire par les inscriptions monumentales funéraires, votives ou religieuses, même si les affranchis sont davantage représentés. On se gardera de tirer des conclusions sur l’état de la population servile dans les Germanies compte tenu de la nature de notre corpus et des critères de désignation relativement étroits que nous avons fixés. Ces chiffres mettent néanmoins en valeur plusieurs aspects. D’abord la meilleure visibilité des affranchis, qui ont pu ériger un monument durable susceptible de perpétuer la mémoire de leur existence en raison d’une plus grande aisance matérielle ou d’une volonté plus marquée, eu égard à leur condition, de faire apparaître leur respectabilité et leur connaissance des codes culturels de la romanité. S’agissant des esclaves dont les inscriptions nous ont gardé la trace, il est intéressant de constater que nombreux sont ceux qui bénéficient, à la faveur de leur activité ou de la familia dans laquelle ils évoluent, de la capacité à prétendre faire jeu égal avec la catégorie des affranchis en termes de reconnaissance : esclaves impériaux, dispensatores, arcarii sont parmi les plus présents dans notre corpus. Les autres ont peut-être renoncé à la pratique épigraphique ou s’y sont livrés avec des matériaux qui n’ont pas résisté au temps. Dans ce cas précis, leur recensement nous échappe, même si leur existence n’en est sans doute pas moins réelle. Ceci posé, on peut souligner la vitalité de la pratique de l’affranchissement dans les Germanies. Certes, il est difficile de faire la part des affranchis qui arrivent déjà pourvus de ce statut dans les deux provinces de ceux à qui l’affranchissement est accordé au cours de leur service sur ces territoires. Pour autant, la présence importante de ces affranchis montre qu’une telle pratique avait été parfaitement intégrée par toutes les catégories de la population, y compris les maîtres autochtones. Les individus recensés sur le territoire des Germanies se signalent majoritairement par la mention épigraphique de leur statut : les termes libertus ou servus, plus rarement ancilla, figurent fréquemment dans le texte des inscriptions qu’ils ont laissés. Un tel respect de la nomenclature romaine peut sans doute signifier une réelle adhésion aux codes de la romanité, mais il n’empêche pas la possibilité de se livrer à de véritables stratégies de représentation. Les termes libertus et servus peuvent ainsi être omis au bénéfice de la mention du patron, notamment lorsqu’il s’agit de l’empereur. Occulter ainsi l’expression explicite de son statut inférieur en mettant l’accent sur son appartenance à la maison impériale représente une manière détournée d’indiquer son statut tout en insistant sur les privilèges que ne manquent pas de créer la situation d’un tel maître ou patron. La
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Conclusion
création d’une identité positive ou valorisante peut aussi passer par la mention explicite du statut, notamment de celui d’affranchi, en supprimant toute indication concernant le maître ou, plus souvent, le patron. L’affranchi marque ainsi son autonomie, sa distance en se posant comme un citoyen dépourvu des entraves juridiques ou morales que sont les devoirs qu’il doit à son patron. En d’autres termes, si l’affranchi accepte d’indiquer qu’il a autrefois été un esclave, il se refuse, une fois libéré, à se considérer comme un dépendant. La mention de l’activité des esclaves et des affranchis compte elle aussi parmi les stratégies de représentation de soi. Bien souvent, l’activité est indiquée en complément ou au détriment de la catégorie juridique. Lorsqu’aucune indication de statut n’était présente, nous n’avons retenu dans le corpus que les individus dont l’activité était incontestablement connue pour être servile. Ce faisant, on voit comment cette mention peut prendre le pas sur celle du statut : en se revendiquant comme un acteur à part entière de la vie économique de son temps, l’esclave ou l’affranchi met de côté sa condition inférieure pour valoriser sa participation et sa contribution au fonctionnement et au rayonnement de la société, dont il ne subit plus le mode de fonctionnement, mais qu’au contraire il contribue à faire vivre et évoluer. Lorsque statut et activité coexistent, on peut comprendre que l’activité contribue à suffisamment valoriser l’individu pour que l’évocation de son statut ne constitue pas à ses yeux un handicap social ; lorsque l’activité est seul mentionnée, on peut lire la volonté ou le désir de l’esclave ou de l’affranchi de se définir uniquement comme un acteur réel de sa société. Remarquons, étape ultime, que lorsque le métier peut être aussi bien exercé par un esclave ou un affranchi que par un libre, l’absence d’indication de statut peut passer pour le désir d’entretenir l’ambiguïté sur sa condition juridique de manière à ne se définir que positivement. De telles pratiques contribuent à souligner chez certains la parfaite maîtrise des subtilités de la nomenclature et, à tout le moins, une réelle connaissance des codes épigraphiques. Les critères de datation ainsi que la localisation des inscriptions permettent en partie d’expliquer ce phénomène. Les témoignages monumentaux qui nous sont parvenus émanent pour la plupart d’esclaves et d’affranchis, qui évoluaient visiblement dans des milieux romanisés. Les grands centres urbains des cités de la rive gauche du Rhin, centres administratifs ou commerciaux et carrefours routiers, anciennement liés à la présence romaine constituent des foyers, où ont été retrouvées ces inscriptions monumentales : les deux capitales provinciales, Mayence et Cologne, qui sont aussi des lieux de stationnement des légions romaines, mais aussi Langres et, dans une moindre mesure, Avenches sont les chefs-lieux de cité qui accueillent la majorité de ces témoignages. Parallèlement à cette représentation urbaine massive, il faut aussi compter avec des témoignages, plus isolés, liés à la présence militaire romaine : les camps de Vindonissa, Augst, Strasbourg, Bonn, Asberg fournissent pour leur part plusieurs témoignages. Cette répartition géographique des témoignages appelle cependant une remarque préalable. Malgré l’existence de ces foyers de concentration, les inscriptions monumentales sont souvent moins nombreuses que ce que laisseraient attendre la présence continue
Conclusion
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des légions entre le Ier et le IIIe siècle, qui suppose le déploiement d’une population servile dans le sillage des soldats romains ou des troupes auxiliaires. La même remarque vaut pour les grands centres urbanisés et anciennement romanisés, qui fournissent certes un nombre élevé de témoignages, mais sans doute sans commune mesure avec la présence réelle d’esclaves et d’affranchis au service de l’administration impériale, de la cité ou de particuliers romains ou indigènes. Quant au territoire des cités, les attestations isolées ne doivent pas masquer l’existence d’une population servile forcément plus importante que celle dont les monuments nous ont gardé la mémoire. En dépit de ces réserves, on ne peut douter que les agents de romanisation que sont les militaires, les colons ou encore les fonctionnaires en postes dans les Germanies n’aient eu une influence sur les pratiques épigraphiques dans ces régions. Les premières inscriptions d’esclaves et d’affranchis sont en effet issues du contexte militaire : elle date de la première moitié du Ier siècle de notre ère et sont relativement fournies, si l’on compare avec les inscriptions de ces provinces, majoritairement associées au IIe siècle. La part importante de témoignages épigraphiques datés du Ier siècle souligne l’importance de l’armée comme agent de transmission des pratiques épigraphiques : on peut en effet imaginer d’une part les dédicaces des esclaves et des affranchis arrivés en même temps que leurs maîtres ou patrons d’Italie ou d’autres provinces et d’autre part l’influence de ces dédicaces sur la population issue du territoire même des Germanies et au service des légionnaires. Les individus recensés dans ces provinces présentent en effet un visage complexe et des facettes multiples. Il est certes difficile de connaître la provenance réelle de ces individus : étaient-ils majoritairement originaire de ces provinces ou sont-ils arrivés dans le sillage des conquérants ? Les inscriptions livrent sur ce point bien peu d’informations. Les critères onomastiques sont d’un faible secours sur cette question. Les cognomina celtiques ou germaniques, susceptibles de renvoyer à une origine, sont peu attestés ; les surnoms grecs sont plus fréquents, mais la grande majorité de la population servile est pourvue d’un cognomen latin, ce qui nous incite à conclure dans deux directions : le choix du nom de l’esclave dépendant de son maître, nous sommes amenés à considérer que certains de ceux, peut-être la majorité, présents sur le sol des Germanies n’entretenaient aucun rapport avec le lieu où ils ont laissé une inscription religieuse, votive ou funéraire et se sont trouvés là au gré des circonstances ; pour d’autres, il faut aussi envisager que le choix d’un cognomen latin marque de la part des maîtres la volonté d’inscrire dans le nom une intégration dans la romanité. Dernier élément de réflexion, une grande partie de ces esclaves et de ces affranchis semble appartenir à ce qu’on pourrait appeler une élite : évoluant dans des milieux romanisés, appartenant à l’administration impériale ou à des citoyens pourvus d’une position sociale (par exemple dans le sillage des légions, ces individus appartiennent souvent à des gradés ou à des soldats d’expérience), ou exerçant une profession synonyme d’influence et de respectabilité. De ce fait, le port d’un cognomen grec ou latin correspond sans conteste au milieu dans lequel la dépendance les a fait évoluer. Cette aisance trouve une expression particulière-
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ment nette dans l’érection de monuments soignés, dans lesquels s’expriment affection et estime pour des membres de leur famille, rédaction d’inscriptions métriques ou ornées de sculptures, qui témoignent sinon d’une authentique culture, du moins de la volonté d’imiter les pratiques des libres et d’acquérir ce faisant une certaine honorabilité. De manière générale, la population recensée dans les Germanies est masculine, globalement âgée de 20 à 30 ans. Les femmes ont moins de place dans ces inscriptions monumentales, sinon en tant qu’épouses, mères, filles ou concubines, plus rarement en tant que dédicantes. Il faut aussi signaler que les unions entre libres et dépendants, si elles existent, sont très peu exprimées dans le formulaire des dédicaces. On note en revanche à plusieurs reprises l’expression des liens qui unissent cette population aux maîtres ou aux patrons : il s’agit certes de la mise en œuvre des devoirs respectifs entre ces deux parties, mais il n’est pas exclu de rencontrer aussi des témoignages d’estime voire d’affection d’un patron pour son affranchi voire d’un maître pour son esclave, dont les mérites sont signalés et qui peut aussi se voir qualifié de bene merens. L’activité constitue un autre élément pouvant nous permettre d’appréhender l’identité des esclaves et des affranchis présents sur le territoire des Germanies. Sans doute ne faut-il pas surévaluer les résultats obtenus : on l’a vu, la mention ou l’absence de mention de l’activité constituent un élément fondamental dans les stratégies de représentation de soi et il faut encore considérer que la majorité n’indique pas le métier ou les tâches auxquelles ils sont affectés. Nous ne connaissons ainsi, pour le secteur agricole qu’un pecuarius, dont le souvenir nous est parvenu en raison des circonstances exceptionnelles de sa mort. Dans l’industrie, nous n’avons que l’évocation fugitive d’un esclave évoluant dans les mines de fer. Dans ces deux secteurs d’activité, il semble difficile de considérer qu’une main d’œuvre servile plus importante n’ait pas été exploitée, quand bien même des hommes libres auraient pu aussi être affectés à des emplois qu’un esclave aurait lui aussi pu exercer. Parmi les professions exercées, une petite partie concerne les métiers du négoce voire de l’artisanat, mais la majeure partie nous fait entrevoir le milieu de la gestion des domaines ou des finances : dispensatores, arcarii, actores, argentarii sont légion dans nos provinces aux côtés de leurs vicarii ou de vilici chargés de l’intendance et de l’organisation. Évoluant au sein de la famille impériale, plus rarement pour le compte de particuliers, ces individus, que les inscriptions monumentales nous font connaître, disposent d’une position sociale, financière et culturelle, qui leur permet d’accéder à la reconnaissance ainsi qu’à l’expression épigraphique. Les professions que nous qualifierions aujourd’hui de libérales ou d’intellectuelle sont peu représentées dans notre corpus : quelques médecins, dispersés sur le territoire des Germanies, un magister, une educatrix. C’est donc sans surprise que les individus qui indiquent la nature de leur activité se rencontrent en milieu urbain, le long des principales voies de communication et notamment du couloir rhénan, majoritairement sur la rive gauche du fleuve. S’il est indéniable que cette population, qu’elle en fasse montre ou non, participe à l’activité économique de la société, qu’en est-il de son engagement au sein de la cité ? C’est essentiellement par le biais de la religion que peut se manifester
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la présence de ces individus. Il n’existe aucune inscription honorifique faisant état d’un affranchi. En revanche, les actes d’évergétisme, exclusivement dans le domaine religieux, sont attestés. Affranchis et esclaves, peu nombreux certes au regard de la totalité de la population recensée dans les Germanies, ont fait reconstruire des temples, participé à l’élaboration d’un sanctuaire, élevé des statues. Le point commun entre eux réside dans leur aisance liée à leur activité au service de l’empereur, de la cité, voire d’un particulier. Les dons ne sont pas forcément somptueux. Comme les offrandes, ils peuvent être relativement modestes, même si aucun d’entre eux ne précise les sommes engagés. Néanmoins, ces gestes révèlent l’adoption des pratiques cultuelles et culturelles en vigueur dans la cité où ils évoluent. Par leur statut, les affranchis pouvaient aussi intervenir dans le culte impérial en devenant membre du collège des sévirs augustaux. Il ressort néanmoins de l’étude que peu nombreux sont les sévirs augustaux recensés dans les Germanies qui se déclarent affranchis. La plupart sont à considérer comme des libres ou encore des incerti, dans la mesure où aucune indication ne fait explicitement référence à leur statut. Est-ce à dire que leur pratique cultuelle serait moindre ? Sans doute pas, à considérer les inscriptions votives ou religieuses qui nous sont parvenues. Esclaves et affranchis sont particulièrement au fait de la pratique du votum, notamment en Germanie inférieure. Les divinités invoquées ne sont pas différentes de celles auxquelles les libres consacrent leurs inscriptions, même si les proportions sont moindres. Jupiter, Mercure, Minerve, les Génies locaux comptent parmi les divinités les plus sollicitées. Pour le culte impérial, c’est la domus divina qui est le plus souvent invoqué. Les associations de dieux sont également fréquentes : elles reposent sur l’identité du dédicant, qui impose telle ou telle divinité, la localisation de l’inscription ou encore l’époque à laquelle le monument est érigé. La fréquentation des sanctuaires par les esclaves ou les affranchis est également attestée, particulièrement les sanctuaires des sources ou des eaux. Au final, quelle image des esclaves et des affranchis surgit-elle des inscriptions monumentales, funéraires, votives ou religieuses auxquelles ils ont partie liée ? Indéniablement, nous sommes en présence d’une certaine élite, qui a adopté les pratiques et les codes de la romanité, en partie parce qu’il s’agit d’un moyen d’afficher son intégration dans la société romaine en dehors de l’appartenance à un statut et de trouver là une forme de respectabilité.
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Pline l'Ancien, Histoire naturelle, IV, 10: 10 XI, 223: 54 XIII, 93-94: 3 XXXIII, 145: 3 XXXVI, 60: 4 Ptolémée, Géographie, II, 9,9: 10 Strabon, Géographie, XIV, 5, 10 : 180 Tacite, La Germanie, 39, 1: 185 Tacite, Histoires, IV, 33: 84 Varron, Res rusticae, I, 17: 2 Virgile, Enéide, I, 204: 160 VII, 162: 160
2. SOURCES ÉPIGRAPHIQUES AE 1894, 171: 60 AE 1896, 97: 170 AE 1896, 101: 97, 138 AE 1899, 192: 56 AE 1906, 133: 40, 64 AE 1920, 49: 38, 64, 104, 130, 150, 172 AE 1920, 52: 64 AE 1923, 36: 26 AE 1924, 22: 25, 54, 104, 130, 131, 136, 181, 191, 192, 194, 208 AE 1924, 55: 26 AE 1926, 17a: 54, 136 AE 1927, 68: 13, 14, 35 AE 1929, 55: 41 AE 1929, 106: 19, 56, 133, 135, 157 AE 1933, 113: 13, 25, 37, 44, 52, 66, 122, 125, 128, 132, 144, 163, 173, 181, 187, 192, 193, 195 AE 1938, 32: 41 AE 1938, 120: 35, 60, 132, 138, 147 AE 1939, 206: 201
AE 1939, 208: 25, 53, 128, 186, 192, 197 AE 1939, 281: 35, 60 AE 1940, 116: 35, 60, 170 AE 1940, 175: 201 AE 1941, 87: 60 AE 1941, 109: 61 AE 1945, 9: 25, 31, 55, 122, 135, 184, 194, 195, 208 AE 1945, 13: 25, 60, 61, 110, 130, 203 AE 1946, 25: 25, 53, 201 AE 1948, 230: 60 AE 1952, 181: 58 AE 1953, 222: 58 AE 1955, 34: 58 AE 1956, 250: 25, 61 AE 1961, 54: 201 AE 1961, 589: 201, 205 AE 1962, 183: 11 AE 1969-70, 426: 29, 60 AE 1969-70, 430: 19, 21, 60, 123 AE 1969-70, 431: 25
236 AE 1969-70, 432: 26, 60 AE 1974, 449: 40, 53, 164 AE 1974, 463: 25, 61, 105, 108, 118, 131 AE 1976, 496: 25, 60, 100 AE 1976, 497 a et b: 60 AE 1976, 504: 40, 96, 104, 109, 130, 144, 161 AE 1977, 544: 25, 64, 100, 105, 108, 121, 129, 186, 192, 193 AE 1977, 587: 22 AE 1977, 590: 13, 22, 25, 61, 110, 112, 128, 132, 142 AE 1978, 532: 172 AE 1978, 572: 31, 32, 60, 126, 132, 133, 155 AE 1979, 412: 35, 55, 68 AE 1979, 431: 25, 60, 123, 128, 148 AE 1980, 658: 200 AE 1984, 664: 40, 164 AE 1984, 704: 25, 110, 128 AE 1986, 333: 21, 97 AE 1986, 525: 40, 186, 191, 192, 195 AE 1990, 734: 21 AE 1991, 1256: 25, 62 AE 1991, 1257: 26, 186, 192, 195, 207 AE 1992, 1265: 21, 111, 129 AE 1995, 1133: 201 AE 1996, 1144: 22, 182, 192, 195 AE 1998, 983: 138 AE 1999, 1097: 13 AE 1999, 1144: 25 AE 2000, 999: 40, 53, 164 AE 2000, 1029: 201, 204, 205 AE 2000, 1050: 21 AE 2000, 1069: 22, 60, 99, 150 AE 2001, 1500: 61 AE 2002, 1772: 57 AE 2003, 1017: 34 AE 2003, 1238: 38 AE 2003, 1277: 40, 64, 96, 164 AE 2004, 969a: 40 AE 2004, 969b: 29, 39, 53, 172 AE 2004, 976: 32, 60, 104, 109, 130 AE 2004, 1014: 40, 53, 163, 211 AE 2004, 1015: 22, 29, 53, 96, 97, 172 CIL III, 805: 94 CIL IX, 733: 94 CIL XIII, 1187: 35 CIL XIII, 1204: 32, 56 CIL XIII, 2035: 34 CIL XIII, 2373: 182
Indices CIL XIII, 2509: 42 CIL XIII, 2888: 19 CIL XIII, 3259: 22 CIL XIII, 5012: 25, 43, 151, 203 CIL XIII, 5016: 27, 60, 141, 153 CIL XIII, 5026: 201, 204, 205 CIL XIII, 5042: 201 CIL XIII, 5053: 42 CIL XIII, 5071: 201 CIL XIII, 5079: 21, 24, 38, 42, 53, 100, 104, 108, 142, 161, 172, 184, 187, 193, 195, 197, 211 CIL XIII, 5091: 201 CIL XIII, 5092: 40, 61, 143, 144, 164 CIL XIII, 5097: 201, 205 CIL XIII, 5107: 34, 60, 201 CIL XIII, 5108: 21, 60, 100, 108, 142, 201, 203 CIL XIII, 5111: 201 CIL XIII, 5127: 201 CIL XIII, 5134: 26, 60, 123 CIL XIII, 5137: 19, 20, 60, 100, 105, 108, 125, 148, 150 CIL XIII, 5138: 13, 21, 22, 39, 53, 67, 99, 104, 111, 123, 141, 144, 150, 161, 172 CIL XIII, 5151: 190 CIL XIII, 5161: 21, 62, 112, 145, 186, 190, 192, 207, 208, 209 CIL XIII, 5173: 25, 64, 100, 108, 111, 195, 197 CIL XIII, 5174: 200, 201 CIL XIII, 5178: 201, 204 CIL XIII, 5194: 39, 40, 61, 103, 143, 164, 192, 195, 196, 211 CIL XIII, 5208: 27, 42, 49, 56, 97, 104, 110, 163 CIL XIII, 5226: 22, 61, 110, 123, 148, 153, 155 CIL XIII, 5239: 35, 56, 68 CIL XIII, 5243: 14 CIL XIII, 5244: 40, 60, 96, 109, 117, 125, 144, 156, 164 CIL XIII, 5260: 205 CIL XIII, 5284: 34, 60, 125 CIL XIII, 5285: 21, 60, 150, 155 CIL XIII, 5290: 25, 60, 97, 110 CIL XIII, 5312: 29, 31, 49, 60, 105, 123, 153 CIL XIII, 5371: 40, 62, 144, 164, 185, 192, 193, 194, 196, 197 CIL XIII, 5384: 25
Indices CIL XIII, 5385: 32, 40, 60, 144, 164 CIL XIII, 5386: 30, 39, 61, 122, 149, 155, 172 CIL XIII, 5453: 60, 150 CIL XIII, 5474: 14, 150 CIL XIII, 5475: 59, 150 CIL XIII, 5476: 37, 59, 103, 150, 163, 179, 192, 193, 195, 207, 208 CIL XIII, 5553: 25, 64 CIL XIII, 5577: 21, 64 CIL XIII, 5622: 22 CIL XIII, 5674: 64, 186, 190, 192, 195, 196, 211 CIL XIII, 5681: 54 CIL XIII, 5685: 10, 201, 203 CIL XIII, 5692: 201 CIL XIII, 5693: 10, 25, 46, 54, 65 CIL XIII, 5694: 26, 46, 54, 66 CIL XIII, 5695: 26, 60 CIL XIII, 5696: 26, 64, 103 CIL XIII, 5697: 39, 61, 96, 109, 117, 122, 125, 144, 156, 164 CIL XIII, 5698: 41, 163, 164, 165, 172 CIL XIII, 5699: 39, 60, 118, 161 CIL XIII, 5705: 38 CIL XIII, 5711: 19, 31, 60, 123 CIL XIII, 5712: 21, 59, 109 CIL XIII, 5714: 25, 60, 148 CIL XIII, 5721: 26 CIL XIII, 5750: 28 CIL XIII, 5752: 31, 32, 60 CIL XIII, 5755: 21, 60, 151, 152 CIL XIII, 5756: 25, 64, 122, 125, 126, 148 CIL XIII, 5757: 21, 64, 151 CIL XIII, 5760: 28 CIL XIII, 5764: 19, 43 CIL XIII, 5765: 33, 64 CIL XIII, 5778: 21, 60, 123, 141, 150 CIL XIII, 5781: 25, 98 CIL XIII, 5796: 25, 64 CIL XIII, 5798: 23, 25, 60 CIL XIII, 5816: 13, 25, 46, 61 CIL XIII, 5830: 26, 64 CIL XIII, 5831: 25, 60 CIL XIII, 5855: 27, 31, 64, 157 CIL XIII, 5858: 26, 60 CIL XIII, 5872: 13, 22, 23, 25, 64, 99, 126 CIL XIII, 5883: 25, 54 CIL XIII, 5893: 27, 64, 99 CIL XIII, 5933: 10 CIL XIII, 5940: 10
237 CIL XIII, 5942: 10 CIL XIII, 5947: 10, 43, 64 CIL XIII, 5976: 21, 56, 65, 99, 109, 138, 151 CIL XIII, 6000: 34, 60, 99, 105, 110, 126 CIL XIII, 6087: 26, 103, 192 CIL XIII, 6109: 26, 67 CIL XIII, 6291: 180, 182 CIL XIII, 6295: 35, 56, 180, 192 CIL XIII, 6368: 34 CIL XIII, 6423: 40, 60, 143, 144, 152, 155, 164, 165 CIL XIII, 6621: 42 CIL XIII, 6664: 22, 62, 100, 108, 186, 192, 195, 196, 207 CIL XIII, 6703: 29, 62, 104, 134, 150, 179, 192, 195 CIL XIII, 6730: 41, 163, 179, 186, 187, 192, 195 CIL XIII, 6808: 26, 67, 115, 125, 141, 157, 159 CIL XIII, 6817: 21, 55, 99, 111, 137 CIL XIII, 6851: 22, 60, 104, 150 CIL XIII, 6853: 14, 22, 55, 65, 99 CIL XIII, 6881: 19, 20, 60, 68, 100, 104, 108, 138, 150 CIL XIII, 6888: 29, 55, 67, 138, 152, 155 CIL XIII, 6890: 19, 20, 47, 55, 65, 99, 138, 146, 151 CIL XIII, 6954: 26, 55, 67, 152 CIL XIII, 6957: 21, 55 CIL XIII, 7005: 19, 20, 64, 104, 151 CIL XIII, 7013: 68 CIL XIII, 7031: 19, 20, 99 CIL XIII, 7055: 25, 60, 68, 99, 110, 146 CIL XIII, 7067: 19, 22, 38, 60, 85, 103, 152 CIL XIII, 7070: 37, 61, 125, 153, 167, 173 CIL XIII, 7071: 40, 64, 96, 109, 125, 144, 164 CIL XIII, 7078: 33, 61, 109 CIL XIII, 7085: 25, 60, 110 CIL XIII, 7089: 31, 60 CIL XIII, 7092: 29, 61, 100, 108, 141, 151, 155, 157 CIL XIII, 7104: 29, 60, 100, 101, 104, 108 CIL XIII, 7105: 25, 60, 104, 108, 158 CIL XIII, 7106: 13, 26, 29, 60, 105, 108, 153, 155 CIL XIII, 7112: 34, 100, 104, 108, 125, 155 CIL XIII, 7113: 14, 32, 60, 123, 126, 156, 157, 158
238 CIL XIII, 7114: 33, 60, 123, 156 CIL XIII, 7117: 25, 31, 32, 61, 104, 111, 123 CIL XIII, 7119: 29, 60, 141, 153, 155 CIL XIII, 7129: 27, 64, 99, 157, 158 CIL XIII, 7215: 38, 64, 67, 164, 192, 193 CIL XIII, 7221: 35 CIL XIII, 7235: 22, 55, 110 CIL XIII, 7238: 29, 60, 110, 125 CIL XIII, 7247: 13, 25, 37, 61, 163 CIL XIII, 7300: 38 CIL XIII, 7304: 33, 34, 60, 97, 110, 122, 125, 156 CIL XIII, 7305: 25, 60, 109 CIL XIII, 7307: 22, 60, 105, 110, 149, 152, 155 CIL XIII, 7310: 13, 25, 60, 67 CIL XIII, 7311: 26, 64 CIL XIII, 7346: 33, 62, 179, 192, 195 CIL XIII, 7415: 42 CIL XIII, 7425: 22 CIL XIII, 7515: 21, 60, 140, 148 CIL XIII, 7520: 34 CIL XIII, 7521: 25, 37, 61, 111, 118, 167 CIL XIII, 7522: 22, 24, 60, 99, 104, 123 CIL XIII, 7550: 13, 14, 35 CIL XIII, 7551: 13, 14, 41 CIL XIII, 7553 13, 14, 35 CIL XIII, 7684: 22, 56, 67, 138 CIL XIII, 8002: 22, 55, 68, 99, 104, 110, 138, 151 CIL XIII, 8067: 14, 22, 57, 99, 138 CIL XIII, 8088: 21, 25, 60, 66, 135 CIL XIII, 8108: 25, 60, 109 CIL XIII, 8115: 25, 60, 100, 101, 108, 112 CIL XIII, 8120: 27, 60, 99, 124 CIL XIII, 8164a: 39 CIL XIII, 8225: 25, 62, 110, 185, 192 CIL XIII, 8266: 29, 39, 53, 155, 172 CIL XIII, 8271: 27, 55, 97, 104, 109, 138 CIL XIII, 8282: 35, 60, 97 CIL XIII, 8293: 19, 20, 56, 68, 100, 108, 138 CIL XIII, 8301: 25, 61, 68, 109, 138 CIL XIII, 8328: 21, 61, 109, 126, 150 CIL XIII, 8334: 32, 41, 60, 114, 144, 161 CIL XIII, 8337: 25, 60 CIL XIII, 8338: 19, 38, 64, 100, 108, 152, 167 CIL XIII, 8349: 37, 42, 60, 104, 111, 161 CIL XIII, 8355: 38, 61, 157, 161
Indices CIL XIII, 8368: 25, 60, 104, 109 CIL XIII, 8371: 25, 27, 61, 109, 155, 156, 157 CIL XIII, 8375: 19, 20, 60, 124 CIL XIII, 8379: 25, 61, 110 CIL XIII, 8407: 25, 61, 110 CIL XIII, 8427: 22, 57, 104, 111, 140, 150 CIL XIII, 8428: 25, 64, 105 CIL XIII, 8513: 37, 62, 167, 186, 193, 208 CIL XIII, 8558: 22, 25, 56, 68, 100, 104, 108, 140 CIL XIII, 8562: 22 CIL XIII, 8569,: 30 CIL XIII, 8593: 56, 65, 68, 123, 140 CIL XIII, 8606: 42 CIL XIII, 8648: 25, 58, 65, 104, 109, 136, 140 CIL XIII, 8658: 29, 60, 100, 108, 140, 141, 153, 155 CIL XIII, 8675: 22 CIL XIII, 8684: 29, 60, 99, 172 CIL XIII, 8742: 205 CIL XIII, 8821: 27, 61, 105, 111, 123, 153, 155 CIL XIII, 8831: 14 CIL XIII, 10010: 36 CIL XIII, 11498: 27, 64, 99 CIL XIII, 11502: 26, 62, 103, 184, 192 CIL XIII, 11509: 21, 56, 138 CIL XIII, 11540: 39, 64, 144, 164, 192 CIL XIII, 11541: 19, 32, 64, 192 CIL XIII, 11575: 26, 62, 186, 190, 192 CIL XIII, 11591: 25, 60 CIL XIII, 11602: 22, 62, 99, 187, 192, 195, 196 CIL XIII, 11635: 21, 25, 34, 60, 105, 111, 125, 151 CIL XIII, 11695: 35, 62, 122, 209 CIL XIII, 11709: 117 CIL XIII, 11741: 25, 48, 60, 100, 109, 123 CIL XIII, 11802: 40, 64, 144, 164, 187, 192, 195, 211 CIL XIII, 11833: 37, 60, 167 CIL XIII, 11836: 26, 43, 55, 66, 135 CIL XIII, 11884: 25, 60 CIL XIII, 11889: 19, 61, 146, 152 CIL XIII, 11891: 25, 60, 111 CIL XIII, 11895: 26, 47, 60, 124 CIL XIII, 12047: 32, 56 CIL XIII, 12059: 25, 44, 55, 109, 115, 126, 136
Indices CIL XIII, 12064: 14, 21, 60, 99, 141, 150 CIL XIII, 12625: 36 CLE 216: 32, 60, 156 CLE 219: 61 CLE 1007: 61, 170 CLE 1104: 25, 60 CLE 1116: 25, 60 CLE 1590: 26, 67, 115 CLE 1828: 27, 64, 158 CLE 2015: 27, 31, 64 CLE 2092: 19, 61 CLE 2122: 26, 47, 60 CLE 2152: 25, 27, 61, 156 CSIR D 2-4, 77: 38, 67, 192, 193 CSIR D 2-5, 37: 21, 99, 137 CSIR D 2-5, 63: 60, 66, 150 CSIR D 2-5, 72: 65, 99 CSIR D 2-5, 78: 19, 20, 60, 68, 99 CSIR D 2-6, 2: 19, 29, 38, 60, 66, 68, 85, 105, 116, 123, 146, 150, 152, 158 CSIR D 2-6, 27: 60, 66, 150 CSIR D 2-6, 29: 60, 158 CSIR D 2-6, 33: 29, 60, 153 CSIR D 2-6, 35: 26, 47, 60, 124 CSIR D 2-6, 36: 29, 60, 141, 153, 155 CSIR D 2-6, 40: 25, 37, 38, 61, 163 CSIR D 2-6, 50: 19, 146, 152, 157 CSIR D 2-6, 51: 26, 29, 60, 105, 155 CSIR D 2-6, 52: 37, 61, 125, 153, 157, 167, 170, 173 CSIR D 2-6, 53: 29, 67, 138, 152, 155 CSIR D 2-6, 56: 25, 31, 61 CSIR D 2-6, 68: 25, 60, 68, 99, 146 CSIR D 2-6, 71: 26, 43, 66, 135 CSIR D 2-6, 72: 60, 105, 152, 155 CSIR D 2-6, 74: 26, 31, 60 CSIR D 2-6, 75: 25, 60, 123, 148 CSIR D 2-6, 77: 19, 25, 60, 66 CSIR D 2-6, 87: 67, 115, 141, 157, 159 CSIR D 2-6, 88: 33, 60, 123, 156, 157, 158 CSIR D 2-6, 89: 33, 60, 123 CSIR D 2-6, 93: 60, 150 CSIR D 2-10, 69: 25, 66, 122, 144, 163, 173, 181, 187, 192, 193, 195 CSIR D 2-13, 157: 25, 105 CSIR D 2-13, 158: 19, 157 CSIR D 2-14, 28: 21, 60, 140 CSIR D 2-14, 35: 25, 37, 61, 167 CSIR D 2-14, 38a: 60, 99, 123 CSIR D 2-14, 59: 34 CSIR D 3-1, 1: 25, 58, 65
239 CSIR D 3-1, 47: 65, 68, 123, 140 CSIR D 3-2, 1: 60, 112 CSIR D 3-2, 6: 25, 60, 66 CSIR D 3-2, 7: 26, 60 Drioux 200: 30 Drioux 358: 25 EAOR-5, 63: 31, 32, 41, 64 EAOR-5, 65: 60 I Avenches 3: 22, 39, 53, 99, 123, 150, 161, 172 I Avenches 4: 38, 42, 53, 142, 161, 172, 184, 187, 193, 195, 197 I Lingons 44: 26 I Lingons 50: 46 I Lingons 51: 59, 150, 179 I Lingons 52: 59, 150, 179 I Lingons 53: 37, 59, 103, 192, 193, 195, 207 I Lingons 131: 30 I Lingons 138: 25, 64, 129 I Lingons 163: 25 I Lingons 165: 21 I Lingons 166: 64, 128, 141 I Lingons 240: 22 I Lingons 275: 26, 62, 186, 190, 192 I Lingons 296: 19 I Lingons 349: 26 I Lingons 351: 54 I Lingons 362: 10, 25, 46, 54, 65, 128, 129, 130, 144 I Lingons 363: 25, 54, 129, 132, 144 I Lingons 364: 10, 26, 46, 54, 66, 103, 132, 133, 144 I Lingons 365: 26, 60, 132, 144 I Lingons 366: 26, 64, 103, 144 I Lingons 367: 39, 61, 96, 117, 122, 156, 164 I Lingons 368: 41, 163, 164, 165, 172 I Lingons 369: 39, 60, 118, 132, 133, 161 I Lingons 373: 38 I Lingons 375: 19, 31, 60, 123, 144 I Lingons 376: 59 I Lingons 392: 25, 64, 104, 122, 130, 148 I Lingons 396: 25, 98, 104, 110, 130 I Lingons 409: 60, 123, 129, 141, 150 I Lingons 413: 22, 23, 64, 99, 141 I Lingons 414: 25, 60, 128, 148 I Lingons 422: 25, 64, 104, 130, 141 I Lingons 426: 29 I Lingons 436: 29, 60, 128, 153 I Lingons 437: 65
240 I Lingons 447: 28, 32 I Lingons 448: 31, 60, 132 I Lingons 450: 60, 130, 151, 152 I Lingons 452: 21, 64, 104, 130, 151 I Lingons 455: 28 I Lingons 460: 21, 131 I Lingons 461: 43, 60, 130 I Lingons 463: 33, 64, 104, 130 I Lingons 489: 23, 60, 129, 132, 133, 141 I Lingons 503: 21, 25, 60, 65, 129 I Lingons 505: 25, 61, 104, 129, 131 I Lingons 514: 25, 64, 104, 110, 126, 128, 130 I Lingons 519: 64 I Lingons 521: 25, 60, 129 I Lingons 525: 60, 123, 128, 129, 141, 150 I Lingons 531: 25, 60, 129 I Lingons 542: 25, 32, 64, 104, 126, 131, 133, 141 I Lingons 548: 26, 48, 60, 132 I Lingons 549: 27, 31, 64, 157 I Lingons 552: 26, 60, 133 I Lingons 566: 25, 132 I Lingons 580: 27, 64 I Lingons 608: 25, 64, 129, 186, 190, 192, 195, 196 I Lingons 609: 22, 128 IKöln 4: 19, 25, 27, 31, 32, 35, 37, 38, 41, 42, 60, 61, 64 IKöln 5: 25, 27, 29, 31, 32, 35, 39, 57, 60, 61, 64 IKöln 158: 25, 62 IKöln 209: 37, 62 IKöln 268: 29, 39, 53, 172 IKöln 270: 40 IKöln 280: 27, 55, 138 IKöln 292: 25, 61 IKöln 295: 32, 41, 60 IKöln 298: 25, 64 IKöln 310: 25, 44, 55 IKöln 311: 35, 55, 68 IKöln 313: 35, 60 IKöln 332: 56, 68 IKöln 346: 25, 27, 61, 68 IKöln 411: 25, 60 IKöln 420: 31, 32, 41, 64 IKöln 424: 37, 42, 60 IKöln 425: 35 IKöln 430: 19, 38 IKöln 440: 38, 61 IKöln 445: 60
Indices IKöln 459: 25, 60 IKöln 461a: 25, 27, 61 IKöln 473: 60 IKöln 480: 25, 61 IKöln 489: 26, 61 IKöln 514: 35, 60 IKöln 516: 25, 61 IKöln 522: 27, 61 IKöln 533: 57 IKöln 538: 29, 60 IKöln 542: 60 IKöln 550: 31, 32, 60 IKöln 553: 25, 64 IKöln 576: 25, 64 ILTG 389: 34 ILTG 440: 60, 99, 150 Lehner 234: 42 Lehner 609: 22, 57 Lehner 616: 22, 55, 68 Lehner 622: 58 Lehner 632: 68 Lehner 665: 22, 56, 67 Lehner 668: 56, 65 Lehner 674: 32, 56 Lehner 788: 60, 66 Lehner 791: 60 Lehner 795: 60 Lehner 799: 27, 60 Lehner 856: 60 Lehner 866: 60 Lehner 868: 61 Lehner 1284: 61 Lehner 1292: 22 Nesselhauf 75: 25, 66, 122, 181, 187, 192, 193, 195 Nesselhauf 96: 60, 126 Nesselhauf 116: 25, 35, 60, 104 Nesselhauf 123: 42 Nesselhauf 226: 26, 61 Ness-Lieb 198: 25, 31, 55, 122, 135, 184, 194, 195, 208 Ness-Lieb 220: 31, 32, 60 Ness-Lieb 222: 29, 60, 142 RIS 1, 41: 43, 203 RIS 1, 42: 27, 60, 141, 153 RIS 1, 50: 25, 53, 192 RIS 1, 77: 38, 42, 53, 142, 161, 184, 187, 193, 195, 197 RIS 1, 84: 40, 61, 143, 164 RIS 1, 94: 60, 201, 203
241
Indices RIS 1, 97: 22, 39, 53, 67, 99, 123, 141, 150, 161 RIS 2, 219: 34, 60 RIS 2, 221: 25, 60, 97 RIS 2, 228: 29, 31, 49, 60, 123, 153 RIS 2, 231: 64 RSK 148: 37, 62, 167, 186, 193, 208 RSK 167: 21, 61, 150 RSK 192: 29, 39, 53, 155, 170, 172 RSK 193: 40, 53, 164 RSK 201: 27, 55, 97, 138 RSK 215: 25, 44, 55, 115 RSK 216: 35, 55, 68, 111, 112, 129, 138 RSK 217: 35, 60, 97 RSK 231: 19, 20, 56, 68, 138, 139 RSK 241: 25, 27, 61, 68, 138 RSK 298: 25, 61, 203 RSK 300: 32, 41, 60, 114, 161 RSK 306: 25, 60, 150 RSK 307: 19, 38, 64, 152, 167 RSK 311: 61, 118 RSK 318: 31, 41, 64, 154 RSK 322: 37, 42, 60, 161 RSK 325: 35 RSK 331: 41, 60
RSK 334: 38, 61, 157, 161 RSK 335: 22, 60, 123, 126 RSK 343: 22, 57, 140, 150 RSK 345: 26, 61 RSK 354: 27, 29, 60, 142, 153 RSK 358: 27, 61, 123, 148, 153 RSK 360: 25, 60 RSK 363: 25, 27, 61, 155, 156, 157, 158 RSK 373: 60, 124 RSK 374: 25, 64, 98, 110 RSK 379: 32, 60, 114, 125, 132, 133 RSK 383: 25, 61 RSK 384: 25, 64 RSK 414: 25, 61 RSK 420: 35, 60, 132 RSK 426: 21, 60, 99, 141, 150 RSK 433: 25, 64, 105 RSO 202: 25, 60 RSOR 79: 25, 60 RSOR 80: 40, 60, 155, 165 Schillinger 90: 40, 96 Schillinger 101: 22, 60, 66, 150 Schillinger 102: 22, 60, 66, 99, 150 Schillinger 168: 31, 32, 60, 155 Schillinger 172: 35, 55, 68
3. INDEX NOMINA Aelia: 19, 31, 109 Aelia Datiba: 96, 109, 117, 128 Aelia Secundina: 96, 109, 117, 125 [Anchar]ia Ma(n)sueta: 109 [Anchar]ia Ve{enusta: 109 Annius Ianuarius: 100, 109, 128 Aurelia [---]rocla: 109 Aurelia Constantina: 33, 109 Aurelius Timavius: 27, 157, 158, 159 Avillia [Bo]nitas: 109 Baebia [V---]: 109 C. Fabricius Laetus: 110 C. Gavius Celer: 110 C. Iuliu[s] Fecu(ndus?): 110 C. Messulenus Iuvenis: 110 C. Vescius Primus: 111, 118 C.! Vescius Vaarus (!): 111 Caius Seccius Corintus: 100, 108, 129 Caius Seccius Lesbius: 100, 104, 108, 113, 130, 158 Caius Seccius Verecundus: 100, 105, 108, 129
Calidius Zoilus: 32, 104, 109, 130 Carinius Papia: 100, 105, 108, 130 Claudi[a] [Sop/--?]hia: 110, 130 Claudia Icmas: 96, 97, 104, 110, 122, 130 Claudia Primigenia: 34, 97, 110, 129 Claudia Quieta : 49, 110, 129 Claud[ius ?]: 110 Claudius Atticus: 96, 110 Cornel(ia) Divixta: 105, 107, 110, 130 Cor(nelius) Iuvenilis: 110, 129 D. Ammaeus Olympus: 109 D. Iul(ius) Auctus: 110, 128 D. Valerius Sisses: 111, 151, 202, 204 G. Avillius Epaphra: 104, 109, 130 G. Avillius Secundus: 109 Iul(ia) Anexia: 110 Iulia [Ve]nusta: 148, 153 [I]ulius Secundu[s]: 110 L. Aemilius Venustus: 109 L. Bruttius Acutus: 44, 109, 115, 126, 136 L. Caledius ? Primigenius: 109 L. Ferridius ! Felix: 110, 142
242
Indices
L. Loro[---us] Can[didus?]: 110 L. Marius Privatus: 100, 108 L. Publicius Modestus: 111 L. Public(ius) [---]: 111 L. Seblasius Amandus: 111 Lextennia Illetia: 100, 108, 119 Livia Spendusa: 110 Lucilia Pallas: 100, 108 Lucius Ferridius Felix: 110, 142 M. Caelius Privatus: 109, 140 M. Caelius Thiaminus: 109, 140 M. Fabius Atto: 110, 203, 204 M. Lucilius Blandus: 100, 108 M. Petronius Albanus: 110 M. Petronius Corumbus: 111 M. Porcius Crescens: 111, 150 M. Porcius Verecundus: 111, 150, 151 M. Valerius Zethus: 111 Marcia Verecunda: 100, 108, 121 Marcus Rubbius Leonta: 111 Norbana Saturnina,: 99, 110, 146 Oclatius Ancario: 110 Opponius Zoilus: 99, 110, 151 P. Romanius Modestus: 100, 101, 108 Paulinius Sapidus: 142, 203 Petronia Paulla: 111 Pomp(eia?) Di[ca]ea: 111, 172 Pompeia Gemella: 46, 53, 111, 123, 141, 162, 169, 172 Porcia Mansuata: 111 Postum(ius) Hermes: 24, 53, 108, 100, 142, 163, 211 Postumius Hyginus: 24, 53, 100, 108, 142, 163, 211
Priminia Augurina: 27, 100, 108, 148 Q. Ancharius Secundus: 109, 148 Q. A[n]char(ius) Tae[---]: 109 Q. Vassius Clarus: 111 Q. Vassius Zethus: 111 Quintinius Fruendus: 100, 108, 151 Quintinius Lector: 100, 108 Quintus Marius Felix: 100, 108 Quintus Vennius Paetus: 111 Salvia Fledimella: 111 Saturninia Gannica: 20, 100, 108, 148 Sex. Publici(us) Fronto: 111 Sperati(a) Iuliana: 100, 108 Sperat(ius) Hermodorus: 100, 108 Statilius Fortunatus: 99, 111, 137 Tertinia [Perpet]ua ?: 100, 108 T. Ennius Amancius: 110, 125 [T] Ennius F(eli?)x: 110 Ti. Claudius Hymnus: 27, 110, 163 Ti. Claudius [---]: 109 Ti. Claudius Zosimus: 52, 96, 109, 162, 232 Tib. Claudius Halotus: 109, 138 Tiberia Iulia Smertuca: 29, 110 116, 146, Tiberius Babuleius Albanus: 99, 109, 150, 151 Tertinia Perpet[ua]: 100, 108 Turrania Suadulla: 32, 111 Valerius Agathinus: 111, 140, 150 Victorius Hermes: 20, 100, 108, 150 Victorius Salutaris: 108, 207 Vitalinius Hilario: 20, 100, 108, 139 Vitellius Avitianus: 100, 108, 153
4. INDEX COGNOMINA A[q ?]uiliona: 128 Acutus: 44, 109, 112, 126, 128, 245 Agathinus: 104, 111, 113, 129, 140, 150, 246 Albanus: 99, 109, 110, 113, 128, 150, 151, 246 Albina: 128, 148 Amancius: 110, 112, 128, 246 Amandinus: 112, 128 Amandus: 111, 112, 122, 128, 132, 245 Amoena: 128, 148 Amor: 19, 32, 112, 128 Anexia: 104, 110, 130, 245
Angi[n]a 128 Anicetus: 132 Annia: 119 Anthus: 132 Antiphilus: 129, 141 Aptus: 128, 186, 187 Aquilus: 128 Araurica: 31, 49, 105, 130 Ascanius: 113, 132 Asclepiades: 103, 114, 133, 143, 165, 211, 212 Astynomus: 133 Atticus: 49, 96, 110, 128, 245
Indices Atto: 110, 113, 130, 203, 204, 246 Auctus: 66, 110, 128, 135, 203, 245 Augurina: 27, 100, 108, 113, 128, 246 Avitianus: 100, 108, 128, 153, 246 Banogalis: 104, 130 Belatul[l]a: 133 Bello: 104, 130, 150 Blandus: 100, 108, 128, 246 Can[didus ?]: 110, 128 Candidus: 30, 132, 149 Caper: 29, 128 Capito: 113, 128, 166 Carantillus: 103, 133, 150, 179, 207 Celer: 110, 112, 128, 245 Cicla: 119 Cimber: 31, 32, 113, 132 Clarus: 111, 128, 246 Cocilla: 104, 130 Constantina: 33, 109, 128, 245 Corintus: 100, 108, 129, 245 Corumbus: 104, 111, 129, 246 Crescens: 35, 41, 111, 128, 132, 151, 165, 246 Crysagone: 114, 133 Datiba: 96, 109, 128, 245 December: 31, 32, 132 Decorata: 122, 128, 144, 173, 174 Di[ca]ea: 111, 130, 246 Diadu[menus]: 133 Diadum[enus]: 130 Diomedes: 114, 133 Divixta: 105, 107, 110, 130, 245 Donata: 119 Donatus: 64, 128, 132, 142, 143, 181, 183, 203 Epaphra: 104, 109, 130, 245 Epichari[s]: 133 Epigonus: 43, 113, 133 Erotianus: 19, 43, 112, 130 Eut[y]chetus: 133 Euthenia: 32, 126, 133 Eutychas: 113, 133, 143, 165 Eutychis: 113, 130 Eutychus: 23, 113, 133 Exsochus !: 133 F(eli ?)x: 110, 128 Fatalis: 128, 167 Fausta: 24, 128 Fecundus: 112, 128 Felix: 13, 31, 100, 108, 110, 112, 119, 128, 142, 148, 221, 245, 246
243 Felixs !: 132 Ferox: 112, 128, 145, 207, 209 Fidelis: 54, 56, 57, 121, 128, 137, 141, 183 Fledimella:105, 111, 130, 246 Fortunatus: 99, 111, 112, 128, 137, 246 Fronto: 111, 113, 121, 128, 145, 246 Fructus: 112, 128, 144 Fruendus: 100, 108, 112, 128, 151, 246 Fuscus: 132 Gannica: 20, 100, 105, 108, 131, 148, 246 Gemella: 46, 53, 123, 128, 141, 162, 169, 246 Gemellus: 31, 32, 126, 132 Genesia: 113, 115, 125, 133 Germanus: 119 Geron: 32, 114, 133, 144 Gratinus: 44, 122, 132, 144, 173, 174 Halotus: 104, 109, 130, 138, 246 Hedyepes: 113, 115, 125, 133 Hermes: 20, 24, 53, 100, 104, 108, 114, 130, 142, 150, 163, 211, 246 Hermodorus: 100, 104, 108, 125, 130, 246 Hilarianus: 132 Hilariclus !: 132 Hilario: 20, 31, 100, 108, 128, 246 Hipponicus: 54, 115, 133, 141, 159 Honesta: 128 Hyginus: 24, 53, 100, 104, 108, 113, 130, 142, 163, 211, 246 Hymnus: 27, 110, 130, 163, 246 Ianuaria: 132 Ianuarius: 100, 109, 128, 245 Icmas: 96, 104, 110, 122, 130, 245 Illetia: 100, 105, 108, 119, 131, 246 Iucunda: 128, 148 Iucundus: 119, 129, 170, 173 Iuliana: 100, 108, 113, 125, 129, 246 Iuvenilis: 110, 129, 245 Iuvenis: 110, 129 Lector: 100, 108, 113, 129, 161, 246 Leonta: 104, 111, 130, 246 Les[---]n: 130 Lesbius: 100, 104, 108, 113, 130, 158, 245 Linus: 33, 130 Lucana: 23, 113, 129 Lucrio: 117, 118, 132 Lycnis !: 133 Ma(n)sueta: 109, 129, 245 Mansueta: 111, 129, 246 Marcianus: 31, 32, 113, 114, 125, 132 Martialis: 132
244 Masculus: 46, 112, 132 Maura: 115 Mercatorius: 113, 129 Mercurialis: 31, 114, 132 Mercurina: 123, 129, 141 Messor,: 43, 113, 129 Moderatus: 129, 132, 144 Modestus: 100, 101, 108, 111, 112, 129, 132, 142, 245, 246 Montanus: 129 Muranus: 131 Na(ta ?)lis: 129 Nepele (!): 115 Nicasi(us): 133 No(c)turna: 129 Noihus !: 130 Noiius !: 130, 131 Novellus: 132, 144 Ny{i}sus,: 133 Nympheros: 133, 180, 182 Olympus: 109, 113, 130, 245 Paetus: 111, 129, 246 Pallas: 100, 108, 114, 130, 228, 246 Papia: 100, 105, 108, 130, 245 Paris: 40, 114, 145 Paulla: 111, 113, 129, 132, 147, 246 Peregrinus: 129, 132 Peregina: 118 Phoenix: 24, 66, 104, 130 Pietas: 31, 32, 132, 152, 223, 229 Plautianus: 113, 129 Ponticus: 113, 133 Pr[iva]tus: 132 Prima: 31, 49, 129, 141 Primigenia: 22, 34, 43, 54, 97, 110, 129, 134, 135, 137, 141, 179, 245 Primigenius: 109, 129, 203, 211, 212, 245 Primu[l ?]ia: 132 Primus: 108, 111, 118, 129, 205, 245 Prisca: 129 Priscus: 55, 129, 132, 138 Privatus: 100, 108, 109, 129, 136, 140, 245, 246 Prospectus: 132 Prunicus !: 133 Pudens: 66, 129, 135 Quieta: 110, 129, 245 Raisa: 131 Regalis: 19, 129, 132 Rodine !: 133 Romanus: 108, 132
Indices Ruffus: 129 S[e]vola: 129 Sabinus: 32, 55, 113, 129, 135, 162 Salutaris: 100, 108, 112, 129, 207, 246 Salvianus: 113, 132, 143 Sapid(ius): 129 Satto: 103, 133, 152 Saturnina: 31, 32, 99, 110, 129, 146, 208, 246 Secu[ndin]us: 132 Secu[ndus]: 129, 132 Secundin(a): 109, 129 Secundu[s]: 110, 129, 245 Secundus: 55, 109, 129, 202, 204, 245, 246 Senecio: 20, 114, 132, 144 Servandus: 129, 141, 153 Sidonius: 113, 133, 160 Silvinus: 132 Sisses: 43, 54, 111, 131, 151, 202, 204, 245 Smertuca: 29, 93, 104, 105, 107, 110, 131, 146, 246 Sophia: 97, 104, 130 Spendusa: 104, 110, 130, 246 Speratus: 29, 96, 116, 117 Suadulla: 32, 104, 111, 131, 246 Suavis: 66, 112, 129, 203 Successus: 129, 211, 212 Telesphoris: 32, 123, 133, 156, 158, 160 Tetto: 26, 103, 133 Thallus: 133 Thiaminus: 109, 130, 140, 246 Tigris: 53, 133 Tilicus: 19, 103, 133 Timavius: 27, 109, 129, 157, 158, 159, 160, 245 Trophimus: 41, 48, 133 Unio: 117, 118, 125, 129 Urabucius: 119 Urbicu[s]: 46, 129 Ve{e}nusta: 129 Vedian[us]: 129 Venusia: 113, 129 Venustus: 109, 129, 245 Verecunda: 100, 108, 121, 129, 246 Verecundus: 100, 105, 108, 111, 129, 150, 151, 228, 245, 246 Vernalis: 23, 132 Vic[torinus ?]: 132 Victorina: 122, 132 Vital(is): 132 Voltodaga: 104, 131
245
Indices
Zoilus: 32, 99, 104, 109, 110, 113, 130, 151, 245, 246 Zosimus, 29, 33, 34, 52, 53, 96, 104, 109, 113, 130, 134, 150, 162, 178, 232, 246
Xantias !: 133 Zethus: 111, 130, 246 Zetus: 66, 104, 130 Zmaragdus: 20, 104, 130, 151
5. INDEX DES LIEUX Aachen: 105, 121, 186, 193, 204 Aignay-le-Duc: 19, 75, 80, 86 Altrip: 25, 35, 37, 52, 62, 66, 75, 80, 122, 144, 173, 181, 187, 193 Andernach: 22, 56, 58, 67, 75, 80, 86, 134, 138 Asberg: 56, 57, 58, 65, 71, 75, 83, 84, 104, 134, 139, 140, 214 Augst: 19, 21, 25, 32, 34, 39, 70,74, 75, 80, 82, 84, 86, 89, 90, 97, 102, 141, 168, 190, 200, 201, 205, 214, 226 Avenches: 13, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 34, 38, 39, 40, 42, 46, 53, 62, 67, 74, 79, 80, 82, 84, 86, 89, 90, 97, 99, 100, 102, 104, 105, 121, 123, 141, 142, 144, 148, 150, 161, 162, 163, 165, 168, 172, 183, 184, 186, 187, 190, 193, 195, 197, 198, 200, 201, 203, 205, 206, 207, 208,211, 212, 214, 219, 221, 222, 223, 226, 229 Baden-Baden: 25, 35, 56, 58, 71, 75, 80, 102, 105, 121, 134, 180, 182, 186, 190, 193, 204, 231 Bâle: 75, 80, 184, 229 Balesmes sur Marne: 80, 186, 190, 196, 211 Besançon: V, VI, 6, 7, 25, 30, 32, 39, 40, 48, 62, 75, 80, 82, 84, 86, 89, 102, 113, 144, 149, 167, 172, 185, 188, 193, 194, 196, 197, 198, 203, 222, 224, 225, 226, 230 Bingen: 21, 22, 24, 25, 34, 37, 42, 71, 80, 84, 85, 86, 134, 140, 148, 167, 168, 228 Bonn: V, 10, 13, 21, 22, 25, 26, 27, 31, 32, 54, 55, 57, 64, 66, 67, 68, 70, 79, 83, 84, 89, 90, 100, 102, 104, 121, 126, 134, 135, 136, 138, 139, 180, 184, 185, 190, 194, 195, 208, 214, 220, 221, 234 Brumath: 80, 86 Colijnsplaat: 11, 223 Cologne: 13, 18, 19, 21, 22, 25, 27, 29, 30, 31, 32, 35, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 53, 55, 56, 57, 62, 67, 68, 70, 74, 75, 82, 83, 84, 89, 90, 97, 98, 99, 100, 102, 104, 105, 114, 115, 118, 121, 122, 125, 126, 134, 136, 137, 138, 139, 140, 144, 148, 150,
152, 154, 156, 157, 158, 163, 164, 165, 167, 168, 169, 172, 185, 188, 190, 191, 195, 202, 203, 204, 214 Corre: 75, 80 Dijon: 21, 25, 30, 37, 80, 84, 86, 103, 150, 166, 179, 184, 190, 191, 193, 195, 207, 208, 224 Goors-Opleeuw: 22, 75, 83 Hagenbach: 25, 75, 80 Heddernheim: 33, 62, 75, 80, 87, 188, 191 Kastel: 22, 25, 33, 34, 38, 67, 79, 80, 81, 97, 98, 105, 141, 149, 156, 201 Ladenburg: 100, 102, 123, 134, 143, 152, 165 Langenbruck: 80 Langensoultzbach: 34 Langres: 10, 13, 19, 21, 22, 23, 25, 27, 28, 29, 31, 32, 33, 38, 39, 41, 43, 46, 48, 54, 59, 65, 66, 74, 75, 79, 80, 82, 84, 86, 89, 90, 96, 97, 98, 102, 104, 117, 118, 121, 123, 141, 144, 148, 151, 152, 153, 156, 157, 158, 165, 168, 172, 190, 201, 214, 227 Lausanne: 13, 16, 25, 53, 75, 80, 84, 86, 89, 143, 162, 163, 184, 186, 187, 197, 198, 201, 219, 221, 225, 230 Lessenich: 22, 55, 68, 75, 83, 104, 134, 138, 151 Longvic: 26, 75, 80, 86 Lopodunum: 19, 25, 40, 48, 56, 71, 75, 80, 81, 87, 168 Lyon: 14, 34, 51, 57, 67, 74, 75, 86, 94, 137, 152, 200, 201, 222, 223, 224, 225, 228, 231, 234 Mayence: V, 8, 10, 13, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 27, 28, 29, 31, 32, 33, 34, 35, 37, 38, 40, 41, 43, 47, 52, 54, 55, 56, 57, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68, 70, 73, 74, 75, 79, 80, 81, 82, 84, 85, 86, 89, 90, 93, 94, 96, 97, 98, 99, 100, 102, 104, 105, 107, 115, 116, 118, 121, 122, 123, 124, 125, 134, 135, 136, 137, 138, 141, 144, 145, 146, 148, 150, 151, 152, 156, 157, 158, 159,
246
Indices
166, 167, 168, 170, 172, 179, 180, 181, 183, 186, 187, 188, 190, 191, 192, 193, 194, 196, 197, 198, 201, 206, 209, 211, 212, 214, 223 Munzach: 29, 31, 80, 105, 153 Muri: 145, 190, 207, 209, 227 Neuss: 22, 25, 55, 57, 66, 73, 75, 83, 84, 85, 86, 104, 134, 140 Nyon: 21, 25, 27, 43, 54, 74, 80, 82, 84, 86, 97, 141, 151, 153, 187, 200, 201, 202, 203, 204, 205, 226 Oberflorstadt: 22 Obernburg: 25, 42, 75, 105, 135, 157 Rheinheim: 22, 25, 75, 142 Rheinzabern: 26, 34, 75, 80, 103 Rome: 5, 7, 8, 15, 16, 43, 48, 51, 53, 71, 85, 117, 119, 155, 156, 159, 171, 187, 188, 190 Rottenburg: 22, 24, 34, 74, 75, 80, 87, 126, 201 Saint-Blaise: 27, 28, 75, 80, 82 Saint-Geosmes: 22, 75, 80, 86, 190, 195 Salmaise: 26, 62, 75, 80, 86, 186, 190
Saverne: 22, 60, 87, 99, 105 Sechtem: 32 Solothurn: 25, 71, 80, 84, 197, 198, 200, 201 Spire: 26, 67, 71, 75, 102 Strasbourg: V, 1, 21, 22, 25, 34, 56, 57, 61, 65, 80, 81, 84, 86, 89, 90, 99, 105, 134, 135, 138, 150, 151, 187, 188, 191, 192, 196, 198, 214, 225 Tongres: 7, 11, 83, 200, 230 Trèves: V, 86, 90, 142, 201 Utrecht: 27, 75, 83, , 84, 86, 153 Vochem: 32, 55, 83, 102, 134 Voorburg: 83 Windisch : 9, 20, 21, 22, 25, 27, 38, 39, 40, 42, 49, 56, 57, 61, 62, 79, 80, 81, 82, 84, 89, 90, 97, 98, 102, 104, 121, 134, 138, 143, 144, 148, 153, 165, 168, 182, 183, 184, 190, 192, 193, 196, 198, 207, 209, 211, 212, 214 Xanten: 25, 29, 42, 56, 57, 83, 84, 89, 136, 139, 140, 153 Zürich: 13, 40, 75, 80, 82, 96, 97, 98, 117, 125, 144, 156, 168, 190, 221, 228, 23
6. INDEX RERUM actor: 41, 150, 166, 179, 187, 193 adoption: 7, 9, 43, 74, 96, 101, 114, 116, 174, 217 adsessor ferrariarum: 167 aedicula: 63 affranchi: 1, 2, 3, 4, 10, 17, 18, 19, 20, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 52, 53, 54, 55, 58, 62, 75, 82, 91, 94, 95, 96, 98, 99, 101, 104, 105, 106, 112, 114, 115, 116, 117, 118, 121, 122, 124, 134, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 142, 144, 146, 148, 149, 150, 151, 152, 153, 154, 155, 156, 157, 161, 163, 164, 165, 166, 167, 170, 171, 173, 174, 178, 182, 184, 186, 190, 196, 197, 198, 201, 203, 204, 207, 208, 209, 212, 214, 216, 217, 222, 223, 225 affranchi impérial: 118, 163, 165, 174 affranchie: 14, 19, 20, 23, 24, 27, 28, 29, 31, 32, 46, 52, 81, 84, 93, 107, 116, 121, 123, 124, 126, 135, 141, 147, 148, 149, 152, 155, 167, 169, 181, 182, 183, 187, 192, 193, 207
affranchissement: 2, 3, 5, 6, 42, 52, 91, 135, 136, 147, 172, 173, 213 agglomération: 11, 17, 75, 141, 190, 192 agnomen: 33 alumnus: 135, 157 ancilla: 19, 31, 152, 157, 213 Apollon: 10, 24, 32, 159, 180, 182, 183, 184, 187, 193, 194, 208, 211, 212 aquilifer: 138 ara: 75, 233 arcarius: 40, 44, 53, 122, 143, 144, 165, 166, 173, 174, 181, 192, 194, 209, 212, 232 argentarius: 38, 166 artisanat: 11, 36, 216 ascendance: 120, 205 Attis: 34, 122, 186, 195, 196, 207, 223 bene merens: 48, 126, 143, 152, 154, 155, 157, 158, 216, 222 canabae: 81 carus: 27 centurion: 29, 43, 44, 46, 55, 58, 62, 115, 134, 135, 136, 139, 140, 150, 179, 184, 208
Indices Cérès: 53, 186, 187 chef-lieu: 8, 10, 57, 70, 81, 84, 86, 168, 182, 185, 190, 198, 200 cité: 2, 3, 6, 7, 10, 11, 14, 16, 17, 19, 36, 39, 42, 45, 51, 52, 54, 55, 63, 74, 79, 81, 82, 83, 84, 86, 90, 93, 95, 96, 97, 102, 118, 122, 144, 162, 163, 165, 167, 168, 170, 174, 177, 178, 179, 181, 184, 186, 187, 188, 190, 191, 192, 196, 197, 198, 199, 200, 201, 204, 205, 211, 212, 214, 217, 219, 221, 226, 230, 231 citoyen: 4, 39, 41, 42, 92, 94, 118, 120, 148, 173, 214 ciuitas: 10, 54, 81, 144, 194 cognomina: viii, ix, x, 59, 91, 92, 101, 104, 105, 106, 108, 109, 112, 113, 116, 119, 126, 128, 203, 215, 227, 246 cohorte: 55, 56, 68, 135, 136, 137, 138, 147, 148 colonie: 10, 46, 54, 70, 74, 81, 83, 97, 144, 153, 178, 184, 185, 187, 198, 200, 201, 203, 204, 212 commerce: 3, 38, 166, 167, 171, 181, 187, 201 conservus: 22 contrascriba: 41, 172 contubernalis: 32, 42, 116, 126, 155 contubernium: 32, 117 corporation: 186 culte impérial: ix, 75, 178, 195, 196, 197, 198, 199, 217, 227 culture: 2, 5, 15, 93, 115, 117, 120, 125, 154, 159, 196, 216 curator: 205 datation: 52, 53, 55, 64 deae: 61, 62, 230 dédicant: 24, 27, 30, 31, 32, 33, 34, 39, 44, 45, 46, 47, 48, 53, 64, 96, 116, 122, 142, 145, 148, 149, 154, 155, 158, 161, 167, 173, 174, 179, 180, 186, 192, 193, 195, 197, 200, 207, 217 deo: 61, 62, 230 dépendance: V, ix, 1, 4, 20, 23, 27, 34, 35, 37, 39, 141, 146, 153, 181, 206, 209, 216, 222 dispensator: 3, 37, 39, 40, 41, 96, 117, 118, 143, 152, 156, 161, 164, 165, 185, 191, 192, 194, 197, 198, 209, 211, 212 divin: 193 divinités: 178, 185, 187, 192, 195, 197, 232 domus divina: 61, 195, 196, 217
247 dulcissima: 158 dulcissimus: 27, 156, 157, 158 duplicarius: 138 économique: 5, 6, 7, 15, 44, 52, 68, 71, 73, 79, 85, 86, 89, 90, 174, 177, 198, 199, 201, 214, 216 écriture: 6, 26, 58, 136, 194 educatrix: 39, 46, 53, 141, 144, 162, 169, 172, 216 empereurs: 52, 117, 197, 212 empire: 48, 74, 82, 91, 93, 97, 106, 117, 139, 178, 179, 184, 186, 222, 226, 228, 229 enfants: 20, 23, 29, 41, 53, 117, 119, 123, 125, 135, 141, 146, 147, 156, 160 épitaphe: 19, 23, 28, 30, 31, 32, 34, 52, 54, 55, 56, 58, 65, 93, 94, 97, 115, 116, 125, 126, 135, 136, 137, 138, 140, 142, 146, 148, 149, 150, 151, 153, 155, 156, 157, 159, 162, 170, 200, 203, 204 évergétisme: ix, 16, 143, 174, 178, 206, 212, 217 exactor: 143, 144, 164, 165 fabri: 103, 137, 150, 179 familia: 1, 3, 4, 17, 23, 39, 44, 53, 106, 115, 127, 136, 143, 152, 158, 166, 168, 172, 174, 183, 192, 197, 208, 212, 213 familia publica: 44, 174 famille: 11, 16, 26, 38, 43, 48, 49, 85, 92, 97, 101, 106, 113, 115, 117, 118, 119, 120, 139, 148, 150, 151, 156, 157, 158, 165, 172, 173, 178, 193, 198, 204, 208, 216, 234 femme: 20, 23, 29, 30, 33, 34, 96, 121, 122, 123, 124, 141, 147, 148, 149, 156, 193 fides: 149 filiation: 3, 18, 31, 33, 42, 59, 116, 205 Flaviens: 8, 9, 53, 56, 57, 98, 182, 197 foedus: 10 fonctionnaire: 3, 103, 165, 194, 198, 209, 223 Fortuna: 62, 99, 150, 179, 182, 184, 185, 193, 227 funéraire: viii, 6, 21, 23, 24, 28, 29, 34, 38, 43, 44, 45, 48, 54, 55, 59, 60, 63, 68, 82, 85, 118, 141, 142, 148, 149, 152, 157, 166, 170, 171, 173, 215, 232, 234 genius: 179, 187, 192, 195, 196, 199 genius loci: 179, 187, 192, 196 gens: 4, 27, 29, 36, 141, 158, 205 gladiateur: 42, 142
248 guérisseur: 184 heres: 47, 52, 61, 150, 151, 152 hic situs est: 20, 55, 59, 60, 135 identité: ix, 11, 15, 18, 19, 28, 33, 36, 43, 44, 45, 46, 49, 63, 91, 97, 102, 134, 140, 157, 158, 160, 161, 171, 172, 173, 174, 179, 182, 184, 193, 198, 214, 216, 217, 226 image: 1, 5, 16, 17, 47, 49, 124, 145, 158, 159, 174, 204, 206, 217 in honorem domus divinae: 192 incomparabilis: 126, 155 influence: 5, 6, 9, 15, 94, 98, 146, 181, 204, 215 inscriptions métriques: ix, 157, 216 intégration: 4, 5, 6, 7, 8, 9, 14, 15, 17, 43, 48, 70, 73, 74, 81, 91, 106, 117, 181, 200, 203, 205, 215, 217, 222, 227, 230 Isis: 97, 122, 181, 186, 197, 209, 220, 227, 234 Julio-claudiens: 10, 43, 56, 57, 60, 135, 136, 204, 205, 224 Junon: 178 Jupiter: 11, 29, 62, 143, 150, 165, 178, 179, 180, 183, 184, 186, 187, 193, 194, 195, 197, 209, 211, 217, lanius: 167 lapidarii: 103, 150, 179 lector: 162, 172 legatus: 8, 9, 54, 230 légion: 27, 44, 54, 55, 56, 57, 81, 83, 115, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 141, 150, 151, 163, 164, 170, 179, 202, 216 legs: 52 liberta: 19, 20, 121, 144, 148 limes: 69, 70, 85 limocinctus: 32, 41, 114, 144, 162, 168 magister: 172, 216 magistrat: 4, 42, 162 maître: vii, 1, 2, 3, 4, 14, 16, 17, 18, 19, 21, 23, 25, 26, 27, 28, 34, 37, 38, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 55, 58, 59, 91, 93, 98, 104, 106, 115, 121, 123, 127, 135, 143, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 152, 154, 162, 166, 167, 169, 171, 172, 173, 178, 184, 186, 192, 193, 195, 198, 207, 214, 215 marbre: 203, 204, 207 mariage: 3, 136, 149 maritus: 32, 123, 126, 148 Mater Magna: 122, 193, 209
Indices Matres: 185, 193 matrona: 155, 157 Matrones: 62, 122, 185 médecin: 42, 163, 168 medicus: 27, 38, 42, 172 memoriae: 60 Mercure: 54, 62, 113, 115, 136, 180, 181, 183, 187, 193, 208, 217, meritus: 155 métier: vii, 4, 36, 37, 40, 41, 161, 166, 167, 170, 173, 214, 216 miles: 170 militaire: 7, 9, 38, 44, 45, 56, 57, 64, 67, 70, 73, 74, 82, 83, 89, 90, 94, 97, 98, 99, 102, 104, 121, 134, 137, 140, 163, 170, 179, 180, 181, 182, 184, 187, 188, 190, 192, 194, 195, 198, 214, 224 Minerve: 180, 182, 217 Mithra: 186, 191 mithraeum: 191 mobilité: 1, 5, 16, 17, 97, 225 modèle: 6, 9, 17, 46, 49, 52, 74, 82, 94, 205 monuments: viii, 12, 17, 23, 36, 59, 63, 134, 151, 170, 171, 178, 194, 198, 206, 215, 216, 228 municipe: 82, 178, 198 musicien: 157, 162, 168 Naria: 62, 145, 186, 190, 207, 208, 209 nauta: 85 negotiator: 39, 152, 167, 169, 192, 193, 208 Neptune: 186, 194, 195, nom gaulois: 105, 179 nom grec: vii, 32, 40, 104, 116, 126 nom indigène: 103 nom latin: 28, 115, 117, 119, 126 nom unique: 27, 31, 32, 35, 42, 92, 144 nomina: x, 26, 27, 33, 45, 48, 58, 92, 93, 94, 95, 116, 117, 135, 149, 245 nutrix: 41, 162 Nymphes: 121, 186, 193 ob merita: 29, 153, 155 offrande: 206, 208 Olbius: 62, 179, 180 onomastique: vii, viii, 4, 5, 15, 18, 25, 26, 28, 30, 31, 33, 35, 40, 41, 42, 43, 45, 46, 47, 53, 58, 59, 62, 66, 91, 92, 95, 98, 102, 105, 114, 115, 116, 117, 118, 126, 145, 171, 173, 174, 179, 223, 224, 225, 226, 229, 230, 233 operae: 4, 229 oppidum: 8, 70, 86, 164, 227
Indices panthéon: ix, 7, 178, 181, 183, 184, 186, 187, 193, 194, 196, 224 patron: vii, 2, 4, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 34, 37, 38, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 53, 54, 58, 59, 91, 93, 97, 101, 104, 105, 106, 116, 121, 123, 124, 127, 135, 137, 138, 139, 140, 142, 143, 145, 146, 147, 148, 149, 150, 151, 153, 154, 155, 156, 159, 163, 168, 169, 170, 171, 172, 173, 178, 182, 184, 186, 192, 193, 195, 198, 204, 213, 216, 225 patrona: 27, 141, 157 patronus: vii, 27, 28, 29, 30, 31, 37, 43, 49, 136, 148, 151, 153, 170, 174 pecuarius: 153, 157, 160, 167, 170, 173, 216 pérégrin: 42, 92, 223 peuple: 9, 178, 191, 224 pia: 55, 56, 135, 147, 155 pie: 27 pientissimus: 155 piissima: 19, 48, 155 praetorius: 54 préfet: 46, 137 pro beneficiis: 29 pro meritis: 29, 153, 155 pro salute: 53, 61, 150, 181, 182, 184, 186, 194, 197, 198, 209 procurator: 52, 96, 144, 162 promotion: 4, 9, 12, 17, 48, 73, 94, 139, 173 protector: 57 province: 6, 8, 13, 67, 69, 71, 73, 81, 86, 104, 121, 122, 138, 139, 178, 180, 181, 197, 198, 201, 207, 231 puella: 157 réception: 6, 9 relief: 160 religion,: ix, 16, 145, 177, 217, 234 sacrum: 7, 61, 159, 178, 186, 195, 230 sentiment: 154, 203, 229 Sequana: 62, 186, 190 serva:147 servitude: 5, 24, 42 sévir: 43, 54, 142, 198, 200, 201, 203, 204, 225 Silvanus: 186, 193, 195
249 social: 3, 5, 7, 8, 15, 18, 24, 28, 36, 43, 46, 92, 101, 143, 171, 174, 198, 199, 203, 214, 232 societas: 4, 226 statut: vii, ix, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 11, 14, 17, 18, 19, 21, 22, 23, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 54, 64, 66, 67, 74, 79, 82, 83, 84, 90, 92, 93, 98, 101, 102, 114, 116, 117, 121, 122, 124, 134, 135, 136, 138, 139, 142, 144, 145, 146, 147, 149, 153, 154, 155, 160, 161, 162, 165, 167, 169, 171, 172, 173, 174, 177, 180, 182, 184, 186, 187, 188, 192, 193, 198, 199, 201, 202, 203, 206, 213, 217, 222, 224, 225 Sucaelus: 179, 186, 195 tabellae defixionis: 17, 35, 41 tabularius: 96, 144 territoire: V, viii, 2, 7, 8, 9, 10, 11, 15, 21, 22, 34, 51, 52, 55, 57, 63, 64, 67, 69, 70, 74, 81, 82, 83, 84, 86, 89, 98, 100, 102, 103, 114, 120, 121, 122, 123, 134, 139, 141, 142, 143, 144, 145, 153, 155, 162, 164, 167, 168, 169, 178, 182, 183, 184, 185, 188, 190, 191, 194, 197, 203, 205, 212, 213, 215, 216, 226 travail: V, 2, 8, 13, 16, 36, 37, 47, 52, 85, 143, 153, 161, 169, 171 tria nomina: viii, 3, 18, 26, 31, 34, 37, 45, 46, 47, 58, 59, 91, 92, 93, 94, 95, 97, 101, 116, 117, 118, 123, 148, 200 tribu: 33, 39, 59, 94, 113, 120, 140, 147, 205 union: 3, 125, 146, 147, 149 uxor: 126 verna: 19, 30, 32, 38, 40, 66, 135, 136, 149, 152, 155, 157, 172, 173, 193, 194, 197, 198, 209, 211, 212 vernaculus: 66 vétérans: 38, 68, 74, 81, 99, 100, 138, 150 vicarii: 143, 169, 216 vilicus: 37, 38, 143, 164, 167, 180, 192, 193, 207 vœu: 20, 24, 32, 44, 121, 122, 136, 144, 150, 173, 184, 186, 193, 194, 195, 202, 204, 208, 209, 212
Heinz Heinen (Hg.)
Kindersklaven – Sklavenkinder Schicksale zwischen Zuneigung und Ausbeutung in der Antike und im interkulturellen Vergleich Redaktion: Johannes Deißler Forschungen zur antiken Sklaverei – Band 39
Kindheit im Licht und Schatten der antiken Sklaverei: Der vorliegende Tagungsband greift einen wichtigen Einzelaspekt der antiken Familienforschung auf. Das Schicksal von Sklavenkindern zwischen Ausbeutung und Zuneigung wird dabei auf Grundlage unterschiedlicher Quellengattungen (literarische Texte, Rechtscorpora, inschriftliche und archäologische Zeugnisse) beleuchtet. Außer Beiträgen, die den Bogen zwischen Moderne und Antike spannen, werden Kernbereiche wie das Aufwachsen von Sklavenkindern und die Kinderarbeit thematisiert. .............................................................................
Aus dem Inhalt Heinz Heinen (Hg.) Kindersklaven – Sklavenkinder XII, 327 Seiten sowie 38 Abbildungen auf 33 Kunstdrucktafeln. Kartoniert. & 978-3-515-09414-6 @ 978-3-515-10819-5
h. heinen: Kindersklaven – Sklavenkinder im Rahmen des Mainzer Sklavereiprojekts. Forschungen, Themen, Texte | e. alber: Kinderhandel in Westafrika? Nationale Kinderschutzinitiativen und die Problematik der Mädchenarbeit in Nordbenin | w. schmitz: Sklavenfamilien im antiken Griechenland | j. fischer: Kinderarbeit im klassischen Griechenland | a. thomas: Kindliche Hetären in Athen in der spätarchaischen und klassischen Zeit aufgrund der bildlichen und literarischen Zeugnisse | i. weiler: Die Sklavin und ihre Kinder. Überlegungen zur Mutter-KindBeziehung im Altertum | e. herrmann-otto: Kindsein im römischen Reich | s. busch / a. binsfeld: rosa simul florivit et statim periit – Sklavenkinder in römischen Grabepigrammen. Ein Neufund: Die Stele der Iucunda aus Segobriga | r. gamauf: Sklavenkinder in den Rechtsquellen | a. wieber: Eine schwarze Kindheit und Jugend – autobiographisches Schrifttum von Sklavinnen im 19. Jahrhundert im Vergleich zu Lebensbedingungen antiker Sklavinnen
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Ce volume a pour but d’étudier les esclaves et les affranchis des Germanies à partir de la documentation épigraphique fournie par les inscriptions monumentales disponibles (funéraires, votives ou religieuses). L’ouvrage ne se contente pas d’étudier la situation juridique des esclaves et des affranchis attestés à l’époque romaine. Il tente principalement d’éclairer leur intégration sociale et culturelle. Sont ainsi envisagées la distribution régionale et temporelle des inscriptions, les conditions favorisant leur émergence (l’urbanisation, les voies de communication, le stationnement militaire) ainsi que les ca-
ractéristiques onomastiques, sociales, culturelles et religieuses de la population servile dont les inscriptions ont survécu au temps. L’intérêt de l’ouvrage est de proposer un examen qui vise à offrir une base de travail pour l’étude de la documentation épigraphique de l’esclavage ancien dans les provinces romaines. Il offre en outre la possibilité d’interroger, pour une population donnée, les processus complexes d’appropriation, d’adoption et parfois de rejets des codes culturels romains à partir des critères de l’intégration économique, sociale et culturelle des esclaves et des affranchis de Germanies.
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