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French Pages 353 [352] Year 2011
Drogues et accidentalité Patrick Mura Pascal Kintz
Imprimé en France ISBN : 978-2-7598-0627-0 Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.
© EDP Sciences 2011
Préface Le Plan gouvernemental de lutte contre la drogue et la toxicomanie se situe résolument dans une logique d’action. Logique qui suppose, entre autres choses, de se baser sur des données fiables pour ajuster au mieux les réponses aux besoins du terrain. C’est précisément dans cette perspective d’aide à la décision et d’action que s’inscrit l’ouvrage des docteurs Kintz et Mura, biologistes toxicologues. Faisant appel à des spécialistes et à des professionnels du domaine, celui-ci propose un état des lieux synthétique et actualisé des données concernant les diverses drogues consommées dans notre pays, notamment le cannabis. L’incidence de la consommation de produits sur les accidents de la route ou sur les accidents du travail dans le milieu professionnel fait ainsi l’objet d’une analyse détaillée tant dans ses aspects cliniques et biologiques que réglementaires. Surtout, cet ouvrage fait le point sur les techniques actuelles des dépistages ainsi que sur les techniques des dosages sanguin et urinaire plus poussés, outils forts utiles dans le cadre d’une démarche de soin, mais également en matière de prévention des addictions, et d’application de la loi. L’aspect concret de ce travail me semble particulièrement appréciable, tant il importe aujourd’hui d’expliciter les moyens dont disposent les biologistes dans leurs pratiques quotidiennes et pour l’éclairage des politiques publiques. C’est pourquoi, je tiens à saluer l’implication des Docteurs Kintz et Mura, ainsi que celle de toutes les personnes ayant participé à cet ouvrage, dans le domaine de la lutte contre les drogues, pour les nombreux travaux déjà conduits en toxicologie et pour les contributions qu’ils pourront apporter, en tant que biologistes toxicologues aux avancées dans les politiques de soin ou de prévention quant aux conduites addictives. Étienne Apaire Président de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie
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Avant-propos « Je l’ai dit, le haschish est impropre à l’action. » Charles Baudelaire
Cet ouvrage fait suite au livre Alcool, médicaments, stupéfiants et conduite automobile que nous avions publié en 1999. Depuis cette date, de nombreuses évolutions ont eu lieu dans ce domaine, aussi bien dans le domaine législatif que dans ses aspects scientifiques. En matière de sécurité routière, la France s’est dotée d’un arsenal réglementaire très complet, permettant de sanctionner l’usage de stupéfiants chez les conducteurs en autorisant des dépistages non seulement en cas d’accidents de la voie publique mais également lorsque des éléments objectifs permettent de supposer un usage de stupéfiants. L’évolution technologique a permis aux laboratoires de disposer de méthodes analytiques de plus en plus performantes. Les connaissances sur les métabolismes, les mécanismes d’action et les effets sur les consommateurs ont aussi beaucoup progressé au cours de ces dix dernières années. Si l’ouvrage précédent était exclusivement centré sur le problème de la conduite automobile, il nous est apparu aujourd’hui nécessaire de traiter également des accidents du travail liés à un usage de drogues. En 2008, 748 582 accidents du travail ont été recensés en France dont 44 037 accidents avec arrêt de travail et 569 décès. Compte tenu de l’importance de la prévalence de consommation de stupéfiants dans la population générale, il est fortement probable que l’usage de drogues est responsable d’un nombre non négligeable de ces accidents. Cette hypothèse est en cohérence avec les résultats des études épidémiologiques effectuées ces dernières années sur certaines populations de travailleurs. Cependant, en l’absence de législation spécifique, il est aujourd’hui impossible de disposer de données nationales. Pourtant, comme dans le domaine de la sécurité routière, un usage de drogues, qu’il s’agisse d’alcool ou de stupéfiants, est susceptible d’altérer fortement l’aptitude à réaliser des actes complexes ce qui peut conduire à de graves conséquences pour soi-même ou pour autrui.
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Au travers de tous les chapitres, en se basant sur des connaissances scientifiques établies et publiées, les auteurs ont voulu « tordre le cou » à toutes les inexactitudes, les contre-vérités, les mensonges involontaires voire volontaires qui circulent ci et là. C’est pour toutes ces raisons que nous avons entrepris de coordonner ce nouvel ouvrage, destiné aux professionnels mais également à tous ceux qui, de près ou de loin, sont concernés par ce problème qui est devenu un sujet majeur d’inquiétude dans notre société. Patrick Mura et Pascal Kintz
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Introduction Depuis la publication de : Alcool, médicaments, stupéfiants et conduite automobile, coordonnée par le docteur P. Mura, plus de dix ans se sont écoulés. La même équipe d’auteurs, complétée par d’autres auteurs a entrepris l’énorme travail d’élargir le sujet et de le rassembler sous l’intitulé Drogues et accidentalité. En effet, il y a eu depuis de nombreuses nouveautés tant sur le plan de la méthodologie analytique que de l’épidémiologie ou de la législation. Loin sont les travaux du médecin suédois E.M.P. Widmark (1922), du biochimiste strasbourgeois M. Nicloux et du pharmacien nancéen H. Cordebard, ou encore les travaux de pionniers tels que l’Autrichien G. Machata, l’Allemand M. Möller, le Suédois W. Jones, le Suisse P.X. Iten, l’Écossais B. Logan émigré aux États-Unis et bien d’autres encore. La célèbre formule de calcul de la consommation d’alcool à partir de l’alcoolémie par Widmark a été publiée en 1932 ! Ce n’est qu’au cours des années 1950 que les législations concernant l’alcool au volant ont été mises en place dans la plupart des pays européens. Entre-temps, de nombreuses autres substances à potentiel de pharmacodépendance ont été proposées aux consommateurs intéressés. Très vite, surtout suite aux événements des années 1960, les jeunes se sont mis à consommer de la drogue et les moins jeunes à consommer des médicaments psychotropes. Or il est bien connu que le mésusage des psychotropes peut provoquer une diminution de la vigilance, de l’état de conscience et des capacités de jugement, augmentant ainsi les risques d’accidents, soit sur la route, soit lors du maniement de machines dangereuses. En parallèle à cette évolution, les chercheurs ont développé une panoplie de méthodes analytiques sophistiquées, telles que les méthodes de chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse et surtout les méthodes de chromatographie liquide à haute performance couplée à la spectrométrie de masse en tandem, qui ont permis de dépister, d’identifier et de doser ces substances dans les matrices biologiques classiques tels que sang, urines et organes (chez les personnes décédées). Cette évolution n’a été possible que grâce aux efforts technologiques importants des fabricants d’instruments de mesure de plus en plus sensibles, permettant aux
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Drogues et accidentalité
toxicologues d’atteindre des limites de détection et des limites de quantification considérablement plus basses, une nécessité pour les exigences médico-légales. Vu le caractère invasif du prélèvement des échantillons biologiques classiques, des échantillons biologiques dits alternatifs ou complémentaires tels que sueur, cheveux et salive ont été introduits à partir des années 1980. Les cheveux par exemple permettent aux experts de disposer d’un outil très performant pour documenter une conduite addictive au long cours. Ces prélèvements sont non invasifs et aisés à réaliser, sans atteinte à l’intimité des individus dans le cadre d’infractions dans un but répressif ou dans un but de prévention ou de dissuasion. Les participants à cet ouvrage ont très bien réussi à couvrir tous ces aspects, garantissant la qualité requise à un tel exercice, car ils sont à la fois des chercheurs chevronnés et des experts judiciaires de notoriété nationale et de réputation internationale. Ils peuvent ainsi mettre à profit leur expérience de la routine combinée à leurs travaux de recherche et de développement. Ces auteurs ne se limitent pas seulement au développement de méthodes d’analyse appropriées, faisant également des études de métabolisme et de biodisponibilité des drogues. Par ailleurs, ils participent à des études épidémiologiques nationales et internationales. Dans ce livre, les catégories suivantes ont été traitées : amphétamines et dérivés, cannabis, cocaïne, opioïdes, alcool, et j’en passe. L’originalité de cet ouvrage consiste à résumer par des spécialistes en la matière en un seul ouvrage – qui fait l’état de la question – un grand nombre d’aspects concernant l’influence de la drogue sur l’accidentalité. Ce livre étant rédigé en langue française, il devrait permettre à nos jeunes francophones débutants d’avoir un accès plus facile à cette matière aussi complexe que difficile à acquérir autrement que par la lecture de nombreux articles dans des revues anglophones spécialisées. Il ne se passe pas une semaine sans que l’on soit obligé d’observer l’apparition de nouvelles substances sur le marché noir de la drogue. En effet, pour contourner les restrictions législatives, les trafiquants de drogues ont synthétisé un nombre impressionnant de drogues de confection impossible à dépister avec les tests immunochimiques. Comme le disait A.S. Curry, le célèbre toxicologue anglais décédé en 2007, les toxicologues médicolégaux ne seront certainement jamais au chômage, car l’imagination des trafiquants de drogues et des criminels ne connaît pas de limites. Les préparations végétales apparues récemment en Europe, connues sous le nom de « spice » et qui étaient dopées par des agonistes synthétiques des récepteurs cannabinoïdes, en sont un exemple typique. De plus ces cannabinomimétiques de synthèse présentent une puissance d’action psychotrope supérieure aux cannabinoïdes naturels. Compte tenu du caractère ambigu des relations effets/doses ou concentrations sanguines, voire de l’impossibilité d’établir des seuils d’incapacité et le nombre très
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Introduction
élevé de substances psychotropes, certains pays européens ont opté pour un système de tolérance dite zéro – c’est-à-dire un simple dépistage de drogues dans le sang est suffisant pour le constat d’une infraction – du moins pour les drogues les plus fréquemment consommées. D’autres pays exigent un examen clinique approfondi pour démontrer une incapacité de conduire par exemple, difficile à mettre en œuvre sur le terrain. Alors que, fut un temps, un consommateur occasionnel de boissons alcooliques pouvait être sévèrement pénalisé, les consommateurs de cannabis voire d’héroïne ne risquaient pas de poursuites judiciaires au volant, faute de réglementation adéquate. Entre-temps, pour remédier à cette situation de nombreux pays européens dont la France ont mis en place une législation répressive dans le but de réduire le nombre de blessées et de tués sur la voie publique. Par ailleurs la Commission européenne se propose actuellement d’établir un consensus sur une façon harmonisée de procéder à l’amélioration de la sécurité routière dans les États membres, en instituant des groupes de travail et des consortiums d’études tout en finançant des projets de recherche multinationaux concernant le problème de l’alcool, des médicaments et des drogues au volant. Quand on sait qu’il y a toujours encore beaucoup de discussions dans les juridictions et dans les milieux scientifiques au sujet de l’interprétation des résultats l’alcoolémie, il ne faudra pas s’attendre à ce que les discussions et les contestations en matière de drogue, sans parler de l’aspect de l’usage légitime des médicaments, soient inexistants et que tous les problèmes – encore plus complexes que celui de l’alcool – soient résolus. Ainsi il a y encore beaucoup de pain sur la planche. N’hésitons pas à poursuivre les travaux de recherche commencés. Professeur Robert Wennig Président de International Association of Forensic Toxicologits (TIAFT) de 1996 à 2002
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Sommaire Chapitre 1 Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis ................. 1.1 Fonctions cérébrales mobilisées ................................................................................. 1.2 Principaux systèmes de neuromédiation desservant les fonctions mobilisées ......................................................................................................................... 1.3 Principales drogues et accidentalité........................................................................... 1.4 Psychotoxicité du cannabis .......................................................................................... 1.5 Conséquences sur les compétences psycho-sensori-motrices mobilisées par la conduite des véhicules ............................................................................................. 1.6 Documents de référence ...............................................................................................
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Chapitre 2 Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe ............... 2.1 Conduites addictives en milieu professionnel ....................................................... 2.2 Conduites addictives et conduite automobile ....................................................... 2.3 Documents de références..............................................................................................
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Chapitre 3 Alcool éthylique (éthanol) ......................................................................... 3.1 Boissons alcoolisées [2] ................................................................................................. 3.2 Consommation d’alcool en France ........................................................................... 3.3 Toxicocinétique de l’éthanol [7] ................................................................................ 3.4 Les biomarqueurs de la consommation d’alcool [6,14] ..................................... 3.5 Effets cliniques [15] ....................................................................................................... 3.6 Législation.......................................................................................................................... 3.7 Procédure actuelle de détermination de l’alcool dans l’organisme [2] ........ 3.8 Méthodes de mesures..................................................................................................... 3.9 Assurance de qualité ....................................................................................................... 3.10 Interprétation des résultats ........................................................................................... 3.11 Conclusion ........................................................................................................................ 3.12 Documents de référence ..............................................................................................
51 52 53 53 59 59 62 67 68 70 71 71 72
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Drogues et accidentalité
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Chapitre 4 Cannabis .......................................................................................................... 4.1 Les produits....................................................................................................................... 4.2 Pharmacologie .................................................................................................................. 4.3 Mécanismes d’action au niveau cérébral ................................................................. 4.4 Effets sur le psychisme et conséquences sur l’accidentalité ............................. 4.5 Aspects analytiques ......................................................................................................... 4.6 Conclusion ........................................................................................................................ 4.7 Documents de référence ...............................................................................................
75 77 84 86 87 90 95 96
Chapitre 5 Amphétamines et dérivés ........................................................................... 5.1 Produits ............................................................................................................................. 5.2 Devenir dans l’organisme ............................................................................................. 5.3 Mécanismes d’action au niveau cérébral ................................................................. 5.4 Effets sur le psychisme et conséquences sur l’accidentalité ............................. 5.5 Aspects analytiques ......................................................................................................... 5.6 Concentrations thérapeutiques, toxiques, létales .................................................. 5.7 Conclusions....................................................................................................................... 5.8 Documents de référence ...............................................................................................
103 105 107 111 112 113 116 119 120
Chapitre 6 Héroïne, morphine et autres opioïdes ................................................... 6.1 Produits ............................................................................................................................. 6.2 Devenir des opioïdes dans l’organisme : pharmacocinétique, distribution tissulaire, métabolisation, élimination...................................................................... 6.3 Mécanismes d’action des opioïdes au niveau cérébral ........................................ 6.4 Effets des opioïdes sur le psychisme et conséquences sur l’accidentalité...... 6.5 Aspects analytiques ......................................................................................................... 6.6 Concentrations thérapeutiques, toxiques, létales des opioïdes ....................... 6.7 Prévalence des opioïdes dans l’accidentalité ........................................................... 6.8 Conclusion ........................................................................................................................ 6.9 Documents de référence ...............................................................................................
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Chapitre 7 Cocaïne et crack ............................................................................................ 7.1 Produits ............................................................................................................................. 7.2 Métabolisme...................................................................................................................... 7.3 Pharmacocinétique ......................................................................................................... 7.4 Effets ............................................................................................................................. 7.5 Aspects analytiques ......................................................................................................... 7.6 Conclusion ........................................................................................................................ 7.7 Documents de référence ...............................................................................................
183 183 188 191 194 197 198 199
Chapitre 8 Dépistage urinaire ........................................................................................ 8.1 Excrétion urinaire des xénobiotiques........................................................................ 8.2 Prélèvement urinaire ...................................................................................................... 8.3 Techniques immunologiques....................................................................................... 8.4 Interprétation.................................................................................................................... 8.5 Sources d’erreur ...............................................................................................................
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142 148 152 158 168 168 174 176
Sommaire
8.6 Conclusion ........................................................................................................................ 8.7 Documents de référence ...............................................................................................
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Chapitre 9 Le dépistage salivaire ................................................................................... 9.1 Passage des drogues dans la salive.............................................................................. 9.2 Prélèvement ....................................................................................................................... 9.3 Conservation de la salive .............................................................................................. 9.4 Toxicocinétique des drogues dans la salive ............................................................. 9.5 Fenêtre de detection des drogues dans le fluide oral .......................................... 9.6 Corrélation entre les concentrations salivaires et sanguines ou plasmatiques .................................................................................................................... 9.7 Corrélation entre les concentrations salivaires et les effets des drogues........ 9.8 Méthodes de dépistage .................................................................................................. 9.9 Évaluation des tests salivaires de terrain .................................................................. 9.10 Méthodes de confirmation ........................................................................................... 9.11 Documents de référence ...............................................................................................
235 236 237 238 238 242
Chapitre 10 Dosages sanguins et urinaires ................................................................. 10.1 Cannabinoïdes.................................................................................................................. 10.2 Opiacés dans le sang et les urines.............................................................................. 10.3 Cocaïne et métabolites .................................................................................................. 10.4 Amphétamines dans le sang et les urines ................................................................ 10.5 Conclusion ........................................................................................................................
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Chapitre 11 Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire ............................................... 11.1 Incorporation des xénobiotiques dans les cheveux .............................................. 11.2 Prélèvement et analyse ................................................................................................... 11.3 Applications pratiques ................................................................................................... 11.4 Conclusion ........................................................................................................................ 11.5 Documents de référence ...............................................................................................
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Chapitre 12 Réponses aux questions les plus souvent posées ............................... 12.1 Questions posées par les non professionnels.......................................................... 12.2 Questions posées par les professionnels (magistrats, officiers de police judiciaire, avocats, etc.) .................................................................................................
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Index ...............................................................................................................................................
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Jean Costentin1
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Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis Les méfaits de l’alcool sur la route ou sur certains lieux de travail sont connus de longue date, en raison de l’ancienneté de ses abus et de sa diffusion dans la population. Par contre, le développement plus récent d’autres toxicomanies invite, de façon urgente, à mesurer leurs effets, à préciser leurs mécanismes, à mesurer les risques qu’elles font encourir, afin d’en assurer la prévention et la prohibition. Parmi ces toxicomanies « nouvelles », ou plutôt récemment invasives, apparaît en tout premier lieu le cannabis. « Surfant » sur des vagues idéologiques, sur l’ignorance, sur l’indifférence, sur de « scandaleuses complaisances » [1], sur de tonitruantes déclarations fallacieuses proférées par des personnalités « emblématiques » du spectacle ou de la politique, ou par quelques scientifiques sous influence, cette drogue, qui connaît une diffusion quasi pandémique, affecte très spécialement les jeunes de notre pays. C’est ainsi, hélas, que parmi les vingt-sept états membres de l’Union européenne, nos jeunes Français se trouvent en « pole position » pour sa consommation [2]. Ces chiffres atterrants ont évidemment des prolongements en matière d’accidents mortels de la route [3]. D’autres drogues sont en phase expansive, mais 1. Unité de Neuropsychopharmacologie, CNRS – Faculté de Médecine & Pharmacie de Rouen ; Unité de Neurobiologie clinique, CHU Charles Nicolle – Rouen.
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Drogues et accidentalité
atteignent des niveaux nettement moins élevés : l’héroïne, ses « médicaments de substitution », la cocaïne, les amphétamines, l’ecstasy, la kétamine… La toxicomanie ayant souvent pour corollaire « plus souvent et encore plus fort », les polytoxicomanies se développent. Parmi elles, l’association alcool-cannabis est très fréquemment pratiquée. Plusieurs études montrent que le cannabis incite à la consommation d’alcool [4, 5] ; or, sur la route, cette association est particulièrement délétère, puisqu’elle multiplierait par 14 le risque d’avoir un accident mortel. N’en déplaise aux prosélytes du cannabis et autres idéologues tonitruants, l’escalade cannabis, cocaïne, héroïne est effective. Tous les héroïnomanes sont passés par le cannabis et, avec un petit décalage temporel, l’expansion de l’héroïnomanie fait suite dans notre pays à celle du cannabis [6, 7]. En schématisant les grandes fonctions psychiques qui sont mobilisées pour la conduite des engins à deux ou quatre roues, ou à deux ailes…, nous mettrons en scène les structures cérébrales qui les gèrent, les neuromédiateurs et récepteurs qui les desservent ; nous préciserons les principales cibles biologiques affectées par les drogues qui peuvent être impliquées dans l’accidentalité ; enfin, nous traiterons du cannabis, à la mesure de sa responsabilité fréquente en cette matière.
1.1 Fonctions cérébrales mobilisées Recensons tout d’abord les principales fonctions cérébrales mobilisées/requises pour un fonctionnement psychique harmonieux, adapté aux contingences de la conduite des engins à moteur.
1.1.1 Éveil L’éveil est évidemment indispensable à la conduite. Cette assertion est déjà vraie en dehors de toute consommation de drogue. La sédation, la somnolence, l’endormissement sont la cause de nombreux accidents. Les recommandations d’arrêts fréquents, systématiques au bout d’un certain temps ou au moins autant que de besoin, des déjeuners légers, à faible charge en lipides, un habitacle plutôt frais, la lutte contre la monotonie et le désintérêt visent à pallier la tendance naturelle à la somnolence post-prandiale. La consommation de café ou d’autres boissons comportant de la caféine, constitue une aide appréciable. Aux États-Unis, la caféine est proposée sous forme de gommes à mâcher (« Stay alert® ») ; en Suisse, elle est présente dans des savons pour la douche (« Shower shocks ») ; les cafés non décaféinés, les Pepsi- et Coca-Cola ; le thé (où elle prend le nom de théine, le Guronsan®…sont des sources de cette « bonne drogue » ; cet oxymore est amplement justifié [8]. L’éveil implique de façon particulière : la formation réticulée mésencéphalique (avec ses neurones noradrénergiques et sérotonergiques), le système limbique, le thalamus, le cortex. C’est au niveau de ce dernier que l’électroencéphalogramme
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Aspects neurobiologiques – Focalisation sur le cannabis
(EEG) enregistre des phénomènes électriques dont la fréquence et l’amplitude sont caractéristiques des états de veille (rythmes α et β, de faible amplitude et de haute fréquence) et de sommeil. Dans les différents stades du « sommeil lent » (par opposition au « sommeil paradoxal », qui est lui associé à l’activité de rêve) on évolue du rythme θ, du stade 1, qui correspond au stade de sommeil léger, avec un tracé EEG plus lent et avec des ondes plus amples que dans l’état de veille ; au sommeil profond, du stade 4, qui est le sommeil vraiment réparateur, et qui se caractérise par des ondes très amples, très larges, de faible fréquence (< 4 Hz). L’assoupissement est associé, au niveau du tronc cérébral, à une réduction de la fréquence des décharges de neurones noradrénergiques, qui s’exprime par une moindre stimulation de récepteurs α1 adrénergiques ; il comporte aussi une réduction de l’activité électrique de neurones sérotonergiques, lesquels peuvent agir sur un ou quelques-uns des 14 types de récepteurs de la sérotonine actuellement caractérisés. Il est associé encore à une réduction d’activité de neurones cholinergiques, qui agissent, eux, sur des récepteurs de type nicotinique et muscarinique. Ces deux derniers types de récepteurs exercent sur le sommeil des effets opposés ; les récepteurs nicotiniques sont au service de l’éveil tandis que les récepteurs muscariniques sont, au contraire, au service du sommeil. En fait un sous-ensemble de neurones cholinergiques du tronc cérébral augmente sa fréquence de décharge lors de l’endormissement, alors qu’il se « met en veilleuse » pendant l’éveil. Ce seraient ces neurones qui opéreraient surtout en regard de récepteurs muscariniques. Parmi les relais de ces systèmes qui régulent la veille et le sommeil, un rôle important est dévolu à l’adénosine. Ce nucléoside, en stimulant des récepteurs du type A2a, induit le sommeil. Ces récepteurs A2a agissent en diminuant l’activité de neurones histaminergiques regroupés dans le tubercule mamillaire. Dès lors, les neurones histaminergiques cessent de stimuler les récepteurs du type H1. Sur ces neurones histaminergiques projettent, directement ou indirectement, des neurones originaires de l’hypothalamus latéral qui libèrent un neuropeptide, l’orexine/hypocrétine, activateur de ces neurones histaminergiques. Des neurones dopaminergiques influent également sur le sommeil, via la stimulation simultanée de récepteurs des types D1 et D2, qui agissent à cet égard en synergie [9]. L’intensification de la transmission dopaminergique associée à l’éveil opère non seulement au niveau de la partie centrale (core) du noyau accumbens mais aussi au niveau du tubercule olfactif [10].
1.1.2 Attention Si l’éveil est indispensable pour la conduite des engins mobiles, il est loin d’être suffisant. Il doit être associé à l’attention. L’attention est cette capacité de faire le vide, ou un vide relatif, dans un environnement qui nous bombarde de multiples stimuli, de trop nombreuses informations. Parmi celles-ci, il convient d’en privilégier certaines, celles qui ont un sens, qui sont pertinentes en ce qu’elles s’intègrent
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Drogues et accidentalité
dans la réflexion ou dans l’action entreprise. L’attention auditive, par exemple, est un traitement de l’ensemble des sons qui, en plus de la musique émise par le poste de radio et/ou de la conversation engagée, mettra en exergue un crissement de pneus ou le son d’un klaxon. L’attention, c’est aussi, parmi la multitude des idées qui nous assaillent, la capacité d’en privilégier une instantanément, car elle est congruente aux événements qui se déroulent. L’attention est, évidemment, intimement liée avec le temps de réaction ; quand elle est soutenue, elle abrège ce temps de réaction alors que la distraction a pour effet de l’allonger. La focalisation d’attention doit évidemment choisir ses objets. Chez les psychotiques schizophrènes, en relation avec l’hyperdopaminergie caractéristique de ces états, la focalisation d’attention est dévoyée. Les systèmes de filtration striataux sont perturbés, le patient donne une importance exagérée à des signaux mineurs, non pertinents et, à partir de ceux-ci, effectue une construction mentale coupée de la réalité. C’est, stricto sensu, le délire ; i.e. des interprétations coupées de la réalité ; qui s’apparente à une sorte de rêve éveillé. Telle lumière rouge envahit le champ de la pensée ; elle déclenche alors une construction mentale erronée, empruntant par exemple à l’incendie, à une explosion, à du sang, à une corrida… Délirer c’est, étymologiquement, sortir du sillon ; sortir du sillon de la pensée normale, pour une pensée coupée de la réalité, faite d’interprétations fallacieuses et inévitablement de comportements inadaptés. Au cours de l’accès maniaque, qui est également en relation avec une hyperdopaminergie, la pensée, l’attention, sont diffuses, « cinématoscopiques, en trois dimensions ». Alors, « qui trop embrasse mal étreint » ; et les réponses sont inadaptées et les souvenirs s’en trouvent très perturbés. Les expériences chez l’animal de lésions, les micro-injections localisées d’agents pharmacologiques dans certaines structures cérébrales, les données de la pathologie (en particulier les accidents vasculaires cérébraux aux conséquences focales), la tomographie par émission de positons (TEP ; PETscan) qui mesure l’activation de certaines régions du cortex par les niveaux d’attention visuels, auditifs, ont apporté quelques éclaircissements dans cette physiologie si complexe de l’Homme neuronal [11]. Il apparaît ainsi que le pulvinar, un noyau postérieur du thalamus, qui est en relation avec les diverses aires du cortex visuel, joue un rôle important dans l’attention visuelle sélective. Le GABA (acide gamma aminobutyrique, un médiateur inhibiteur), ou les agents pharmacologiques qui miment son action (tel le muscimol) inhibent l’activité de neurones qui, à partir de cette structure, projettent sur le cortex, et ce faisant perturbent l’attention, comme le fait la lésion du pulvinar. D’autres structures sont impliquées dans d’autres types d’attention ; ainsi, le colliculus supérieur, le cortex pariétal postérieur… À propos de ce dernier, il faut souligner que sa lésion unilatérale (à la suite d’un accident vasculaire) est à l’origine du « syndrome de négligence », dans lequel le sujet ignore les événements de toute nature qui surviennent dans l’hémi-espace et l’hémicorps controlatéraux à la lésion. Ce syndrome correspond à une incapacité d’orienter son attention. Des
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modifications neurochimiques bilatérales produites par certains toxiques généraliseront évidemment ce syndrome, qui sera alors bilatéral. Il existe cependant une certaine asymétrie fonctionnelle ; le cortex pariétal gauche gérant l’hémi-espace droit, tandis que le cortex pariétal droit gérerait à la fois l’hémi-espace droit et l’hémi-espace gauche. Ce qui a son importance pour le neurologue n’en a pas pour le toxicologue, puisque la drogue qui peut affecter cette structure agit de façon diffuse et partant bilatérale. Chaque action se situe dans un continuum ; en insistant, au risque de commettre une « lapalissade », elle est dans la continuité de ce qui précède et elle anticipe, d’une certaine façon, ce qui suivra. Ceci mobilise deux fonctions : la mémoire à court terme et le sens de l’anticipation.
1.1.3 Mémoire à court terme La mémoire à court terme est, avec la mémoire à long terme, un élément de la mémoire déclarative, qui concerne des faits particuliers, des événements spécifiques. La vision d’un feu clignotant rouge annonce une barrière de chemin de fer qui est fermée ; si je n’y ai pas porté une attention sélective, si je ne l’ai pas interprétée comme telle, si cette information n’a pas laissé de trace, je maintiens ma vitesse, fonçant vers cette barrière abaissée et, peut-être, le convoi ferroviaire. Cette mémoire à court terme doit son nom au fait qu’elle est très temporaire ; son contenu est restreint. L’information est comme écrite avec une encre qui s’effacerait en séchant. Pour qu’une information s’inscrive dans le registre de la mémoire à long terme, de façon quasi indélébile, elle doit d’abord avoir été écrite dans celui de la mémoire à court terme, puis faire l’objet du processus « de consolidation ». À l’arrivée de l’étape parcourue, le sujet se souvient de certains éléments qu’il a intégrés, mais il en a oublié une multitude d’autres. La distraction, l’absence d’affects particuliers, ont facilité cette vidange. La « mémoire de travail », ou « working memory », ou « mémoire opérationnelle » est un distinguo de la mémoire à court terme. Elle est moins éligible à être transformée en mémoire à long terme. Ce stockage, tout éphémère, pourrait s’opérer en des régions cérébrales assez différentes selon la nature de l’information. L’hippocampe (avec l’intervention majeure dans sa fonction de la transmission cholinergique, ainsi que celle des endocannabinoïdes dont les récepteurs CB1 sont présents en abondance sur les terminaisons cholinergiques), avec le cortex préfrontal (où opère en particulier la transmission dopaminergique en regard de récepteurs de type D1), ainsi que le cortex intrapariétal latéral, sont des structures très importantes à cet égard.
1.1.4 Sens de l’anticipation Toute action est issue d’un compromis entre l’inhibition, qui incite à la prudence, voire à l’abstention (peur paralysante) et la désinhibition qui valorise tous les aspects positifs et relativise, voire occulte, les aspects négatifs. C’est cette désinhibition qui fait
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considérer qu’on a le temps de doubler, qu’il ne peut arriver personne sur le côté au croisement que l’on traverse, ou qu’il n’y aura personne en face quand on franchira la bande jaune en haut de la côte… La transmission GABAergique joue un rôle important sur le versant anxiolytique. Son activité est accrue de façon allostérique par des benzodiazépines, qui pourraient agir en s’opposant à l’action de peptides endogènes dérivés du DBI (diazepam binding inhibitor) et de fragments beaucoup plus courts de celui-ci, tels l’octadécaneuropeptide (ODN), ou l’octapeptide, qui induisent des effets anxiogènes, réversés par le flumazénil, l’antagoniste neutre des récepteurs centraux des benzodiazépines [12]. La transmission sérotonergique intervient également à cet égard. On sait que la stimulation des récepteurs 5HT1a (buspirone) développe des effets anxiolytiques, et que l’administration d’inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine (SSRI) est active dans les troubles anxieux généralisés (TAG). Le système limbique, le circuit de Papez ont été longtemps considérés comme les centres de gestion de nos émotions, d’autres schémas fonctionnels, qui ne les méconnaissent pas pour autant, s’enrichissent d’autres structures, telle l’hippocampe. Le contrôle inconscient de nos programmes moteurs, qui contribue de façon éminente à notre habileté motrice, est assuré par le cervelet. Le cervelet ajuste en permanence nos gestes pour assurer leur précision, pour les rendre conformes à ce qui est attendu du programme moteur, pour assurer leur coordination. De fait, la lésion du cervelet ou ses perturbations par certains toxiques (alcool, cannabis…) suppriment l’harmonie, la précision des mouvements, qui deviennent décomposés, maladroits, approximatifs, dysmétriques, imprécis. L’alcool agirait en produisant une libération d’adénosine qui stimulerait ses récepteurs du type A1 [13]. Le cervelet comporte une très forte densité des récepteurs CB1 dont les ligands endogènes sont les endocannabinoïdes. L’équilibre, la coordination motrice, sont également régulés par le cervelet. L’ivresse, les troubles délirants, les hallucinations (perceptions sans objet, erronées) viendront évidemment perturber de façon majeure diverses fonctions requises pour la conduite. Ces troubles délirants et hallucinatoires, s’ils peuvent être communément la conséquence d’une psychose (schizophrénie), peuvent aussi émerger de la consommation de drogues psychotomimétiques (L.S.D., amphétamines, cannabis,…).
1.2 Principaux systèmes de neuromédiation desservant les fonctions mobilisées Dans le maquis des multiples substances (plus d’une centaine sont connues comme telles) ayant accédé à la dignité de neuromédiateur et/ou de neuromodulateur (monoxyde d’azote, quelques acides aminés, de nombreux peptides, des monoamines, des dérivés d’acides gras polyinsaturés dont l’acide arachidonique en particulier…), certaines d’entre elles émergent, soit qu’elles aient une importance majeure, soit qu’on les connaisse mieux que d’autres, dans leurs relations avec telle ou telle des fonctions mises en exergue.
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1.2.1 Éveil Dans l’éveil, s’illustre, de façon manifeste, la transmission noradrénergique, qui opère par la stimulation de récepteurs α1 adrénergiques (rappelons que les agents adrénolytiques α1 sont sédatifs). Cette stimulation α1 pourrait activer la transmission dopaminergique [14]. La transmission dopaminergique, quant à elle, opère par la stimulation de récepteurs des types D1 et D2 qui agissent en une synergie potentialisatrice [15]. La transmission histaminergique joue un rôle important, à partir pourtant de seulement quelques centaines (au plus quelques milliers) de neurones, dont les somas sont concentrés dans le tubercule mammillaire. Elle s’exprime par la stimulation de récepteurs H1. Pour mesurer son importance il suffit de considérer le puissant effet hypnogène des antihistaminiques H1 (antiallergiques) qui franchissent la barrière hémato-encéphalique et, à l’opposé, les effets éveillants d’antagonistes des autorécepteurs H3, qui intensifient la transmission histaminergique (voir les travaux majeurs du Pr. J.-C. Schwartz). L’adénosine, dont les origines sont diverses (neuronale, extraneuronale), développe des effets sédatifs/hypnotiques en stimulant ses récepteurs du type A2a. Le blocage de ces récepteurs par les méthylxanthines, la caféine, la théophylline, la théobromine, ainsi que la paraxanthine (métabolite de la caféine) développe des effets éveillants, en s’opposant à l’action de l’adénosine. La transmission cholinergique est au service de l’éveil, en stimulant des récepteurs nicotiniques (on retrouve là les effets éveillants/stimulants du tabac et de sa nicotine) ; mais elle peut être aussi au service de la sédation quand elle stimule des récepteurs muscariniques (ce qui explique que leur blocage par la scopolamine débouche sur des effets stimulants). La transmission GABAergique, dont l’intensité est accrue par diverses benzodiazépines, est au service de la sédation ; certaines de ces benzodiazépines sont d’ailleurs utilisées comme hypnotiques.
1.2.2 Mémoire opérationnelle Diverses médiations influent sur la mémoire opérationnelle : › La transmission dopaminergique, assurée par le système méso-cortical, agit par la stimulation de récepteurs D1 [16]. › Le système cholinergique septo-hippocampique stimule des récepteurs muscariniques (on sait l’effet amnésiant des parasympatholytiques). › Au niveau hippocampique, les transmissions glutamatergiques jouent un rôle éminent, en stimulant des récepteurs ionotropiques du type NMDA. › Au niveau hippocampique toujours, les endocannabinoïdes, dont les effets sont caricaturés en intensité par le tétrahydrocannabinol en réduisant de façon très importante la libération d’acétylcholine, ont un effet très négatif sur ce type
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de mémoire. Ils perturberaient en particulier les souvenirs douloureux/pénibles [17] ; ces souvenirs sont peut-être les plus utiles pour éviter que les mêmes causes ne produisent plus les mêmes méfaits.
1.2.3 Coordination motrice La coordination motrice, outre le striatum et ses transmissions dopaminergiques (récepteurs D1 et D2) ; cholinergiques (récepteurs muscariniques) ; GABAergiques (récepteurs GABAA) ; enképhalinergiques (récepteurs delta) ; glutamatergiques (récepteurs NMDA)… fait intervenir de façon très importante le cervelet. Au niveau de ce cervelet, la transmission endocannabinoïdergique joue un rôle éminent, comme le suggère la forte densité des récepteurs CB1 dans cette structure. Ils y sont associés principalement aux fibres parallèles et aux fibres grimpantes qui opèrent la stimulation glutamatergique des cellules de Purkinje, ainsi qu’aux cellules en panier et aux cellules étoilées qui opèrent la stimulation GABAergique de ces mêmes cellules de Purkinje. Les conséquences de la stimulation des récepteurs CB1 s’exprimeraient par une inhibition de l’activité de l’enzyme de synthèse du monoxyde d’azote (NO), la NO synthase. Le NO a pour effet d’activer la guanylatecyclase ; il accroît ainsi le taux neuronal d’un second messager, le GMPcyclique. C’est ainsi que les endocannabinoïdes (tels l’anandamide, le 2-arachidonoylglycérol (2AG), le 2-arachidonoyl glycéryléther (noladineéther), la N-arachidonoyldopamine), mais plus encore le THC, en inhibant la synthèse de NO et partant en faisant chuter le taux de GMPc dans les cellules de Purkinje, seraient à l’origine d’une ataxie. L’acétylcholine, en stimulant des récepteurs nicotiniques du sous type α4β2, stimule au contraire l’activité NO synthase et pallie, en tout ou partie, l’ataxie résultant de la stimulation des récepteurs CB1 [18]. Les rôles de ces endocannabinoïdes au niveau cérébelleux paraissent encore plus complexes et importants, depuis qu’a été caractérisée la présence des éléments caractéristiques du système endocannabinoïde, tant au niveau des principaux noyaux des afférences au cortex cérébelleux (l’olive inférieure), qu’au niveau de la voie cérébelleuse efférente (les noyaux cérébelleux profonds).
1.3 Principales drogues et accidentalité En matière d’accidentologie, nous laisserons de côté le tabac et le café. Ces deux drogues, en effet, loin d’altérer la conduite automobile, tendraient plutôt à l’améliorer. Les effets éveillants du café, et plus généralement des produits contenant de la caféine, sont appréciés pour pallier la somnolence post-prandiale ou nocturne qui peuvent être redoutables sur la voie publique. La caféine agit, ce faisant, en bloquant les récepteurs A2a de l’adénosine. C’est par ce même mécanisme qu’elle réverse expérimentalement chez le rongeur, le coma/l’anesthésie générale produite
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par de très hautes doses (4 g/kg) d’alcool [19]. Une souris soumise à ce haut niveau d’alcoolémie, loin de rester sur le dos quand on la dispose ainsi, va rester sur ses pattes et déambuler d’une marche hésitante et ataxique si elle est traitée par de la caféine. Ainsi, le café permet au sujet ivre d’alcool, au lieu de dormir, de prendre le volant, mais avec une incoordination et une ataxie qui le rendent dangereux. Ceci mis à part, le café peut être taxé de « bonne drogue ». Nous avons commis cet oxymore [20] afin de rappeler que la caféine répond à plusieurs des critères qui qualifient une drogue, mais en soulignant simultanément qu’elle ne perturbe pas le psychisme, qu’elle en accroît même les performances et qu’elle ne développe pas de toxicité manifeste. Les effets du tabac, et partant de la nicotine sur la conduite sont eux aussi positifs, en stimulant l’éveil, la réactivité, le tonus psychique dans des limites raisonnables. Cela ne doit pas faire oublier la grande toxicité du tabac, qui donne rendez-vous à ses victimes après un long temps d’utilisation (supérieur ou égal à 20 ans). Rappelons qu’un fumeur sur deux mourra d’une affection liée à cette consommation ; cette drogue étant à l’origine de plus de 60 000 morts chaque année en France. Le tableau 1.1 réunit les principales autres drogues connues pour affecter la conduite automobile. Si leurs cibles élémentaires sont différentes, les systèmes aminergiques qu’elles affectent sont parfois semblables. TABLEAU 1.1 Les principales drogues affectant la conduite et responsables d’accidents de la circulation ou du travail. Drogues
Cibles
Alcool
?
Cannabis – THC
CB1-R
Amphétamine
Cocaïne
Héroïne
Phencyclidine
Transporteur neuronal de la DA de la NAD Transporteur neuronal de la DA de la NAD de la 5HT μ-R K-R δ-R Transporteur neuronal de la DA
Systèmes affectés GABAergique Dopaminergique GABAergique Cholinergique Glutamatergique Dopaminergique Dopaminergique Noradrénergique Dopaminergique Noradrénergique Sérotonergique Dopaminergique Sérotonergique
Dopaminergique
Récepteur NMDA DA : dopamine ; GABA : acide gamma aminobutyrique ; 5HT : sérotonine ; NAD : nicotinamide-adénine-dinucléotide ; NMDA : récepteur N-méthyl D-aspartate.
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Un commun dénominateur, qui fonde d’ailleurs leur statut de drogue, d’agent toxicomanogène, réside dans l’intensification qu’elles produisent de la transmission dopaminergique dans la partie « shell » du noyau accumbens (striatum ventral). Mais au-delà de cette activité commune, des disparités mécanistiques apparaissent, qui pourront influer sur les systèmes de transmission que l’on a vus impliqués dans diverses fonctions requises pour la conduite des engins. À défaut de pouvoir détailler chacune de ces drogues, nous avons choisi de porter une attention particulière au cannabis, dont la diffusion récente a pris un tour quasi pandémique, affectant avec une intensité particulièrement sévère les jeunes Français [21].
1.4 Psychotoxicité du cannabis Le principe actif psychotrope majeur du chanvre indien (cannabis) est le tétrahydrocannabinol (THC). Son action cérébrale se développe alors que les taux sanguins peuvent être très faibles. Si à l’ivresse alcoolique correspondent des taux sanguins exprimés en grammes par litre, aux effets stupéfiants de l’héroïne des taux exprimés en milligrammes par litre, pour le THC ce sont des taux exprimés eux en microgrammes par litre de sang. Or la charge en THC des produits en circulation, qu’il s’agisse de la plante elle-même, la marijuana (« herbe »), ou de sa résine, le haschich (« shit ») n’ont cessé de croître au cours des dernières décennies. Le nombre de consommateurs a littéralement explosé. On dénombre en France, près d’un million et demi de sujets consommateurs réguliers de cannabis, i.e. qui consomment au moins un joint tous les trois jours. Ceci caractérise un état de dépendance car, de toutes les drogues, le THC est la seule à se stocker durablement dans le cerveau et les masses grasses de l’organisme ; « un joint c’est une semaine dans la tête » et plein de joints vous habitent un, voire même deux mois. Certes ce n’est plus sur le mode des effets aigus correspondant à une ébriété, d’où peuvent émerger délires et hallucinations, mais de façon plus insidieuse, en affectant certaines fonctions comme l’éveil, l’attention, le sens chronologique, la mémoire à court terme, à partir de laquelle se forme la mémoire à long terme, le niveau de l’appétit, l’attrait pour d’autres drogues… C’est dans le vivier de ce million et demi de consommateurs réguliers que se recrutent les 500 000 individus qui fument quotidiennement et communément de façon multiquotidienne. On dénombre en France environ 200 000 cannabiculteurs. Ils se livrent à la culture du chanvre en chambre, grâce aux matériaux et ingrédients qu’ils peuvent acquérir en toute facilité dans les « grow shops » qui se sont multipliées sur le territoire national, et grâce aux semences acquises sur le Net, livrées à domicile par La Poste, sélectionnées pour la forte teneur en THC des plantes qu’elles génèreront. Quant à la résine, du Maroc (le plus grand pourvoyeur de la France), d’Afghanistan ou de Hollande, elle est obtenue à partie de plantes issues de sélections génétiques au service d’une production importante de THC.
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La consommation par voie orale (des « space cakes » par exemple) est peu fréquente ; le cannabis est essentiellement fumé (« joints », « pétards », pipe à eau). La combustion concerne soit la plante elle-même : feuilles, bractées, courts fragments de rameaux, fleurs ; les fleurs femelles sont plus riches en THC que les fleurs mâles, surtout quand elles n’ont pas été fécondées (sans semence, c’est la « sinsemilla » avec des taux extravagants de THC (parfois de l’ordre de 20 %). La pipe à eau (« chicha, shilom, bang, bong… ») assure le barbotage des fumées dans l’eau fraîche. Ceci permet à son utilisateur de ne pas limiter ses aspirations à quelques dizaines de millilitres de fumées, au-delà desquels surviendrait un échauffement de la cavité buccale et des voies respiratoires. Il peut, après une expiration forcée, inhaler d’un seul trait tout le volume de sa capacité vitale, soit près de quatre litres de fumées, qui inondent ses alvéoles pulmonaires déployées. Le barbotage n’a pas retenu le THC (virtuellement insoluble dans l’eau), il a par contre débarrassé les fumées des substances irritantes (qui sont très solubles dans l’eau) ; elles ne déclencheront donc pas une toux qui abrégerait le séjour des fumées dans l’espace alvéolaire. Le drogué peut donc rester en apnée inspiratoire pendant une minute, voire davantage, laissant au THC tout le temps de passer de la lumière alvéolaire dans le torrent circulatoire, en traversant la membrane alvéolocapillaire. Cette ample inhalation de fumées privées d’oxygène (de par la combustion) jointe à cette longue apnée, induisent une anoxie qui accroît la fréquence des battements cardiaques et leur force. C’est donc avec une véhémence redoublée que le sang est envoyé au cerveau, car près d’un quart du débit cardiaque est destiné au cerveau. De par sa lipophilie, le THC franchit aisément la barrière hémato-encéphalique. Il se retrouve bientôt cheminant/diffusant dans le milieu extra cellulaire. Il peut alors entrer en collision avec ses récepteurs CB1 (mais aussi CB2, que l’on croyait absents de cerveau, mais que des techniques sensibles permettent désormais de mettre en évidence dans divers structures cérébrales). Stimulant ces récepteurs associés aux neurones, il modifie leur activité, et influe sur une multitude de fonctions (tableau 1.1), à la mesure du caractère ubiquiste de ces récepteurs. Ces effets aigus persistent aussi longtemps que le THC demeure en concentrations élevées dans le milieu extracellulaire ; i.e. durant quelques heures ; tant qu’il n’en a pas été soustrait par le jeu d’une dissolution dans les lipides de la bicouche des membranes neuronales en particulier. Cette insertion dans les membranes pourrait retentir sur la fonction de diverses cibles biologiques insérées dans celles-ci ; il s’agit là d’un phénomène encore mal connu. Ainsi, quand le THC disparaît du sang, c’est pour aller dans le cerveau ; et quand il disparaît des espaces extracellulaires, c’est pour se dissoudre dans la bicouche lipidique des membranes cellulaires. Le stockage membranaire du THC va s’incrémenter, sans limite, à chaque consommation. Mais une désorption, un relargage s’opèrent au très long cours, faisant alors
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repasser le THC devant les récepteurs CB1 qui avaient été confrontés antérieurement à de beaucoup plus fortes concentrations et dont, de ce fait, une beaucoup plus forte proportion d’entre eux avaient été stimulés. Ce reflux à de faibles concentrations ne prolonge l’effet du cannabis que sur seulement quelques systèmes, ceux pour lesquels existent des « récepteurs de réserve ».
L’exceptionnelle lipophilie du THC Cette pharmacocinétique très particulière du THC est liée à son exceptionnelle lipophilie. Son log P est voisin de 7,5. Cela signifie que le THC, quand il se partage entre une phase lipidique/apolaire/hydrophobe (tel le cerveau, organe très riche en lipides) et une phase aqueuse/polaire/hydrophile (tel le plasma), choisit électivement cette première. Ainsi, à l’équilibre, le THC est plus de dix millions de fois plus concentré dans l’huile que dans l’eau (log 7 : 1 suivi de 7 zéros). « Le flux sanguin apporte le THC au cerveau, mais le reflux ne le remporte pas. »
Rappelons maintenant le concept de « récepteurs de réserve ». Dans certains systèmes, au service de certaines fonctions, l’effet développé par le THC culmine quand il occupe tous les récepteurs CB1 de la structure. C’est le cas par exemple de l’ébriété. Dans d’autres systèmes, pour d’autres fonctions, l’effet développé par le THC atteint son maximum alors que seulement une faible fraction des récepteurs est stimulée. Tous les autres qui ne participent pas au développement de l’effet correspondent aux « récepteurs de réserve ». Puisqu’il suffit d’occuper une faible fraction de récepteurs CB1 pour obtenir l’effet maximum, il suffit d’une faible concentration de THC pour ce faire ; une concentration de l’ordre de celle atteinte par le THC qui se désorbe au long cours de ses « zones de pertes », représentées par ce stockage dans les lipides membranaires ou adipocytaires. Au niveau de l’hippocampe affluent des terminaisons de neurones cholinergiques originaires du septum (neurones cholinergiques septo-hippocampiques, qui jouent un rôle très important dans la mémoire, comme le montrent les altérations mnésiques de la maladie d’Alzheimer où ces neurones sont détruits) ; des récepteurs CB1 sont associés à ces terminaisons ; il suffit de stimuler un pour mille seulement de ces récepteurs pour réduire l’intensité de la transmission cholinergique de plus de 50 %. C’est ainsi que, pendant plusieurs jours après la consommation d’un joint, le trouble apporté à cette transmission cholinergique perturbera à un certain niveau les capacités mnésiques. Ces faibles concentrations résiduelles de THC (du fait de cette désorption) sont infra-ébriantes mais, associées à de faibles concentrations d’alcool (inférieures au niveau répréhensible de 0,50 g/L, elles pourraient perturber significativement la faculté de conduire. Cette assertion est suggérée par une expérience que nous avons réalisée avec l’épreuve du rotarod. Dans cette épreuve, une souris est disposée sur
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un axe cylindrique à grand axe horizontal, situé à une vingtaine de centimètres au dessus du plan de la paillasse ; cet axe est animé d’un mouvement circulaire uniforme sur lui-même. La souris doit donc coordonner ses mouvements et les adapter à la vitesse de rotation pour ne pas tomber. Plus de deux jours après l’administration d’une dose élevée d’un agoniste direct des récepteurs CB1, le HU 232 (10 mg/kg), alors que le reliquat de celui-ci ne perturbe pas l’épreuve, l’administration d’une faible dose d’alcool (0,5 g/kg), intrinsèquement sans effet sur l’épreuve, conduit à la chute des souris (G. Hague et coll., résultats non publiés). Les interactions cannabis-alcool (qui étaient évidentes à tous, sauf à ceux qui s’arcboutent pour innocenter de principe le cannabis, comme pour n’être plus dérangés dans leurs consommations), sont maintenant quantifiées. L’épreuve du rotarod montre bien la synergie potentialisatrice qui émane de l’association du THC et de l’alcool. L’étude SAM [3], Stupéfiants et Accidents Mortels de la route, estime que l’association cannabis-alcool multiplie par 14 le risque d’un accident mortel. Ce chiffre parait d’ailleurs minimisé car il prend pour seuil de positivité du THC la concentration d’un nanogramme par millilitre de sang, or dans les six heures du décours d’une consommation, le taux sanguin du THC peut être tombé en dessous de cette concentration alors qu’il est encore notablement présent et à l’œuvre dans le cerveau [22].
1.5 Conséquences sur les compétences psycho-sensori-motrices mobilisées par la conduite des véhicules Parmi les différents troubles suscités par la stimulation des récepteurs CB1 dans le système nerveux central nous n’allons évoquer ici, sur un mode énumératif, que ceux qui peuvent retentir de façon néfaste sur la conduite. Notons tout d’abord les effets psycholeptiques, sédatifs ; cette diminution de l’éveil pouvant confiner à une somnolence [23]. L’effet psycholeptique est potentialisé par tous les autres agents psycholeptiques, dont en particulier l’alcool et les benzodiazépines anxiolytiques (qui sont toujours à un certain degré sédatives) ; une potentialisation de la catalepsie est également observée [24]. On rappellera opportunément la longue demi-vie habituelle de ces benzodiazépines, ou plutôt de leur métabolite pertinent (pour le diazépam cette demi-vie qui est d’environ 20 h chez le sujet de vingt ans passe à 80 h chez le sujet de quatre-vingts ans). Le cannabis perturbe l’attention [25, 26]. Celle-ci ne parvient plus à se focaliser sur ce qui « fait sens », il n’est plus possible au sujet de faire le vide autour des éléments importants, riches de signification. Il embrasse tout simultanément et donc n’étreint rien de l’essentiel. Une hyper sensorialité, auditive et visuelle, contribue à cette diffluence de l’attention, à cette distractibilité. Le cannabis induit une ivresse, l’ébriété cannabique présente beaucoup d’analogie avec l’ébriété alcoolique [27].
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Pour des doses élevées de THC et/ou en relation avec certaines prédispositions ou vulnérabilité particulières peuvent émerger des troubles délirants [28] ; c’est-à-dire une pensée coupée de la réalité qui s’apparente au rêve éveillé. Plus encore que l’ivresse, cet état délirant est incompatible avec la conduite des véhicules. Il en va de même des hallucinations, ces perceptions sans objet, erronées, qui peuvent, elles aussi, résulter, de la consommation de doses élevées de THC [29], ou de prédispositions individuelles ou encore d’associations à d’autres drogues ainsi qu’à d’autres agents psychotropes (en particulier des anticholinergiques muscariniques d’action centrale, tels que les antidépresseurs tricycliques). Le cannabis perturbe la mémoire de travail, la mémoire à court terme, la mémoire opérationnelle. L’action instantanée se trouve coupée de ce qui l’a précédée tandis qu’est altéré le sens de l’anticipation de ce qui devrait suivre. C’est l’oubli de tel panneau qui annonce un virage sévère ou de tel autre qui signale un croisement ; dès lors il n’y a plus de raison de ralentir sa vitesse. Le THC s’oppose à la formation d’une mémoire à long terme à partir de cette mémoire à court terme perturbée. Il aide à l’oubli des événements douloureux ou ayant suscité la peur mais, ce faisant, il enlève à ceux-ci leurs vertus éducatives [17, 30]. Le THC trouble l’élocution, le sujet recherche les mots, de là des barrages dans son discours. Souvent il « saute du coq à l’âne », passant sans transition d’une action à une autre, sans rapport avec la première. Le sujet est perturbé dans sa capacité de choisir devant une alternative ; incapable aussi de choisir entre le pertinent et le futile. Il présente une grande paresse intellectuelle [31]. Le cannabis altère le traitement de l’information, le panneau est vu, lu, mais il n’est pas intégré, pas compris pour ce qu’il signifie. Le cannabis modifie les fonctions exécutives. Le THC altère le sens chronologique, modifie la perception du déroulement du temps, il trouble de ce fait sa gestion. Par son action cérébelleuse, il trouble la coordination des mouvements [25], leur précision, leur caractère harmonieux, il induit une ataxie, une dysmétrie, des troubles de l’équilibre [32]. Parfois, sous son influence, surgissent inopinément des crises d’angoisse aiguë ; « panic attack », ou ailleurs une impulsivité, ou encore des raptus agressifs [33]. L’usage chronique peut être à l’origine d’un syndrome dépressif [34], derrière lequel se profilent souvent des tentations suicidaires voire même des tentatives de suicide. Un certain nombre d’accidents de la route inexpliqués pourraient peut-être trouver là leur explication. Insistons sur l’anosognosie très commune du fumeur de cannabis. Il apparaît souvent incapable de percevoir les handicaps, troubles, altérations, qu’il s’inflige en consommant cette drogue.
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Une thèse ès science (Annick Ménétray, Université de Lausanne, 2004 ; sous la direction du Pr. P. Mangin) a étudié les conséquences d’une prise orale de THC (dronabinol = Marinol®) : sur la conduite automobile simulée, sur certaines évaluations cliniques et sur les taux sanguins du THC ainsi que de ses métabolites le 11-OH-THC et le dérivé carboxylique (-COOH). Cette prise orale a notablement perturbé la conduite, dans ce qui est particulièrement sensible aux changements à court terme de l’attention. Il est apparu une grande variabilité interindividuelle, ainsi qu’un caractère dose-dépendant très manifeste. La disparition des effets ne s’est effectuée qu’au bout de 24 h. Dans ces conditions très particulières et toute expérimentale, d’un département clinique, ces volontaires sains (avant la consommation de cannabis) manifestaient une conscience aiguisée de la diminution de leur capacité à conduire. Mais qu’en eut-il été dans l’ambiance d’un milieu festif ? On a envie de douter du maintien de cette prise de conscience quand on constate l’importance du nombre d’individus contrôlés positifs au cannabis alors qu’ils ont pris le volant… L’auteur conclut qu’il convient d’adopter dans la conduite automobile une « tolérance zéro » en ce qui concerne le cannabis au volant. Et d’ailleurs, comment pourrait-on transiger avec l’usage d’une drogue illicite ; cela nous ramènerait aux temps qui ont contribué à installer le désastre actuel, où le discours semi-officiel qui prévalait alors prônait le « fumez peu ». Une étude très récente [35], Roser a étudié l’effet du THC et d’extraits standardisés du cannabis sur l’amplitude de l’onde électro-encéphalographique P300, qui est générée par un stimulus auditif chez des volontaires sains. Cette onde a une amplitude qui est en relation avec les ressources d’attention ainsi qu’avec la mémoire de travail active. La réduction de son amplitude constitue une des caractéristiques de la schizophrénie (quoiqu’elle puisse aussi s’observer dans la maladie d’Alzheimer et l’alcoolisme). Sous l’influence du cannabis consommé en aigu, les sujets sains étudiés présentent une diminution de l’onde P300, comme cela s’observe chez les consommateurs chroniques de cette drogue, témoin de leurs perturbations cognitives, en relation avec leurs troubles de l’attention et de la mémoire. Cet effet néfaste du cannabis n’est pas atténué par la présence de cannabidiol dans les extraits étudiés (ce qui contraste avec un certain antagonisme décrit sur d’autres effets, souvent mis en avant pour tenter de disculper le THC de certains de ses méfaits). Plusieurs études se sont appliquées à relier les risques encourus aux concentrations plasmatiques de THC. Une étude norvégienne [36] a été rendue possible par le fait que dans ce pays, chez les conducteurs suspectés de conduire sous l’empire du cannabis sont pratiqués, outre un prélèvement sanguin, un examen médical. Sur 589 prélèvements comportant du THC comme seule drogue trouvée, l’examen médical pratiqué a considéré que 54 % des conducteurs étaient cliniquement « normaux ». Cela correspondait en moyenne à ceux ayant les taux de THC les plus bas, ainsi les 46 % dont l’état clinique était jugé anormal avaient en moyenne les taux de THC les plus élevés (1,9 vs. 2,5 ng/mL). Cette étude montre que les individus ayant un taux de THC supérieur à 3 ng/mL ont donc un risque accru d’être perçus comme cliniquement perturbés.
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Pour des consommations identiques, les effets diffèrent d’un individu à l’autre, selon que la rencontre avec le cannabis est peu fréquente ou au contraire qu’elle est régulière. Des phénomènes de tolérance, d’accoutumance se développent en effet, qui aboutissent à mieux (ou moins mal) supporter des doses qui étaient primitivement à l’origine d’importantes perturbations comportementales. Ces phénomènes de tolérance sont dissociés selon les fonctions considérées. Certains effets s’effacent notablement, tandis que d’autres persistent [37].
Les dangers comparés du cannabis et de l’alcool sur la route Un exercice favori des « cannabinophiles » consiste, depuis longtemps déjà, à comparer les dangers sur la route du cannabis et de l’alcool. Cette grosse ficelle ne résiste pourtant pas bien à l’analyse. Le fait que l’alcool soit responsable de 4 à 5 fois plus de morts sur la route que le cannabis ne permet pas de dire, comme cela est trop souvent fait, que l’alcool est 5 fois plus dangereux que le cannabis. Il convient en effet de remarquer que le cannabis est fumé surtout par des conducteurs entre 18 et 25 ans (soit sur une période de 7 ans) tandis que l’alcool est bu par des conducteurs de tous âges entre 18 et 78 ans (soit sur une période de 60 ans) ; i.e. sur une période près de 8 fois plus longue, qui pourrait ainsi recruter non pas 5 mais 7 fois plus de victimes, si ces deux drogues avaient une nocivité égale. De plus on a vu que, pour des raisons pharmacocinétiques, l’étude SAM avait innocenté le cannabis quand son taux sanguin était inférieur à 1 ng/mL, alors qu’il pouvait pourtant être encore à l’œuvre dans le cerveau de celui qui avait fumé quelques heures plus tôt. Une étude néo-zélandaise [38], qui ciblait la strate des sujets de 21 à 25 ans, a constaté que le cannabis était plus fréquemment en cause que l’alcool dans les accidents routiers dont elle explorait la cause.
L’action résolue engagée contre l’alcool, action facilitée par sa détection aisée, doit s’appliquer avec la même rigueur vis-à-vis du cannabis ; d’autant que dans une récente étude Française [39] l’association du cannabis à l’alcool, que l’on sait très détériorante au volant, est trouvée chez 40 % des sujets impliqués dans des accidents de la route, « positifs au cannabis ». L’étude consacrée à la responsabilité du cannabis dans l’accidentalité routière, réalisée par Mura et coll., en 2003 [40], a évidemment essuyé les critiques de ceux qu’elle dérangeait. Elle apparait désormais, après extension et comparaison à d’autres études pratiquées à l’étranger, comme princeps. Elle a eu l’énorme mérite d’attirer l’attention, qui était alors délibérément occultée, sur les conséquences très néfastes de cette drogue sur la route, dont sont mieux précisés chaque jour les méfaits en ce domaine et en de nombreux autres [41].
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Jocelyne Arditti1, Alain Verstraete2, Erika Kuhlmann3
2
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe Les conséquences des comportements de consommation d’alcool et de stupéfiants sont considérées comme un problème majeur de santé publique, en particulier de santé au travail et de sécurité routière en France et en Europe. Si les aspects réglementaires de la consommation d’alcool lors de conduite automobile et au travail ont été définis dans les années 1950, il n’en est pas de même pour les stupéfiants où l’importance du phénomène que représente leur consommation n’a amené une réflexion et une législation qu’a partir des années 1990. Ainsi, l’objet de ce travail est de présenter les dispositions légales et réglementaires en milieu professionnel et lors de conduite sous l’influence de ces substances.
2.1 Conduites addictives en milieu professionnel L’ampleur de la consommation de substances psychoactives dans la population générale a amené le monde du travail à prendre conscience de la réalité des addictions 1. Centre Anti-Poisons, Hôpital Salvator, Marseille, France. 2. Laboratoire de Biologie clinique, Hôpital universitaire de Pintelaan, Gent, Belgique. 3. Laboratoire de Police scientifique, Marseille, France.
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en entreprise et leurs conséquences en matière de santé et sécurité au travail. En France, 85 % des DRH interrogées lors de l’enquête baromètre santé [1] estiment que les risques liés aux addictions sont importants. En effet la consommation des ces substances altérant la vigilance et les capacités sensorielles serait à l’origine de 15 à 20 % des accidents professionnels et des conflits au travail [2]. Le cadre juridique en France et en Europe est complexe, rarement réglé directement par des lois nationales ou supranationales, mais fondé sur des interprétations d’une combinaison de diverses réglementations : code du travail, code de la route, règlement intérieur, déclaration des droits de l’homme, arrêts du conseil d’État.
2.1.1 Législation en France 2.1.1.1 Alcool Plusieurs dispositions du code du travail [3] abordent la question de la consommation d’alcool au travail. L’interdiction d’apporter de l’alcool dans l’entreprise et de laisser le salarié ivre sur le lieu de travail est introduite par l’article 232-2 alinéas 1 et 2 : « il est interdit à toute personne d’introduire ou de distribuer toutes boissons alcoolisées (sauf vin, bière, cidre) »; « il est interdit à tout chef d’établissement de laisser entrer et séjourner dans les établissements des personnes en état d’ivresse. » L’incitation à la consommation d’eau est introduite par deux articles : « l’employeur doit mettre à disposition des travailleurs de l’eau potable et fraîche (art L.232-3), il est tenu de mettre gratuitement à la disposition des salariés au moins une boisson non alcoolisée en tenant compte de leur souhait (art. L.232-3-1). » De même aucune convention collective ou contrat individuel de travail ne peut comprendre des dispositions prévoyant, au titre d’avantages en nature, l’attribution de boissons alcoolisées aux salariés (art. L.232 –3). Au-delà des interdictions légales, le rôle du règlement intérieur est de délimiter le cadre de consommation des boissons autorisées dans l’entreprise et de prévoir le dépistage par éthylotest (loi du 8 décembre 1983). En effet le règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises d’au moins 20 salariés (art. L.22.34), des règles sont fixées par l’article L.122-35 et permettent à l’employeur d’y notifier l’interdiction ou la limitation de la consommation de boissons alcoolisées et les conditions de dépistage. Deux arrêts du conseil d’État en précisent les conditions : l’arrêt Corona du 1er février 1980 [4] qui mentionne que « l’éthylotest ne peut être pratiqué de façon systématique sur l’ensemble du personnel, il est réservé à des conditions de travail particulières (poste de sécurité) », l’arrêt RNUR [5] du 9 octobre 1987 qui prévoit que l’éthylotest doit avoir pour but de prévenir et faire cesser une situation dangereuse, et non de permettre à l’employeur de constater une faute disciplinaire. Il reste à signaler que ce contrôle est pratiqué par toute personne ou organisme désigné par l’employeur (JO du 10/11/1997) et non par le médecin du travail (JO 20/3/1990).
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2.1.1.2 Stupéfiants Aucune disposition relative à l’usage des stupéfiants au travail n’est abordée dans le code du travail mais certains articles faisant appel aux obligations générales en matière de santé et de sécurité peuvent servir de référence. Ainsi l’employeur a une obligation de sécurité à l’égard des salariés et de protection de leur santé (art. L.230-2), et les salariés doivent « prendre soin de leur santé et leur sécurité ainsi que celles des autres personnes concernées du fait de leurs actes ou leurs missions au travail » (art. L.230-3). Le médecin du travail peut avoir recours au dépistage dans le cadre de la procédure d’aptitude à l’embauche et au travail ou dans le cadre des examens complémentaires (art R.241-48 à 52), il peut aussi se référer à la circulaire 90/13 au 9 juillet 1990 [6] du ministère chargé du Travail. En effet « si rien ne justifie la mise en place d’un dépistage systématique », des cas particuliers peuvent justifier un dépistage s’il peut constituer une garantie pour autrui et si les postes de travail comportent de grandes exigences en matière de sécurité et de maîtrise du comportement. L’employeur a, de plus, à sa disposition des outils réglementaires pour prévenir les risques liés aux consommations occasionnelles ou régulières de substances psychoactives : › Le règlement intérieur (art. L.122-34) du code du travail dans le cadre des mesures d’hygiène et de sécurité peut prévoir un dépistage biologique lors de la visite d’embauche ou de la visite médicale périodique chez les salariés occupant des postes particuliers définis avec les partenaires sociaux, sous la responsabilité du médecin du travail soumis au secret médical. › Les interdictions réglementaires de consommation de stupéfiants applicables à l’ensemble de la population (loi n° 70-1320 du 31/12/70 [7] ; loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 [8] ; art. L. 3421-1 du code de la Santé publique [9]). › Le code de la route [10], la conduite sous stupéfiants est sanctionnée pénalement (art. 221-6-1 du code pénal [11]). Le préfet peut soumettre à des analyses ou à des examens médicaux, cliniques et biologiques notamment salivaires et capillaires, tout conducteur en infraction. › Les arrêtés concernant le secteur des transports.
Arrêtés concernant le secteur des transports Ferroviaire : arrêté du 27 janvier 2003 (JO 24 août 2003) Aérien :
arrêté du 27 janvier 2005 (JO 13 mars 2005) arrêté du 4 septembre 2007 (JO 11 octobre 2007)
Terrestre :
arrêté du 21 décembre 2005 (JO du 28 décembre 2005)
Ainsi l’addiction aux substances psychoactives, si elle reste une problématique délicate, a fait l’objet de réflexions au niveau gouvernemental depuis 2004.
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Le plan gouvernemental 2004–2008 de lutte contre les drogues illicites incite déjà à la responsabilisation des divers acteurs du monde du travail [12]. Un groupe de réflexion s’est mis en place en mai 2005, à l’initiative du président de la MILDT et a établi un rapport [13] présentant 27 recommandations regroupées sous 5 orientations : › lever le déni en ce qui concerne les conduites addictives dans le monde du travail, › promouvoir une approche intégrée articulant les dimensions sanitaire, sécuritaire et réglementaire des conduites addictives, › construire une politique de prévention, › inclure le dépistage dans la politique globale de prévention selon des protocoles formatés, › traiter de façon particulière mais en interrelation la responsabilité de chacun des acteurs : l’entreprise, le salarié, le médecin du travail. Il est de plus proposé d’apporter des modifications au code du travail, au code de la Santé publique et d’inclure dans le plan santé travail la problématique des conduites addictives. Enfin le plan gouvernemental d’addiction 2007–2011 dans la fiche n° 1-9 [14] propose de promouvoir le dépistage des substances psychoactives dans le respect du droit du travail, de la préservation de la vie privée et des droits personnels.
2.1.2 Législation en Europe La Convention européenne des droits de l’homme, adoptée en 1950 reprenant la déclaration universelle des droits de l’homme (art 12), garantit dans son article 8 que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Deux actions judiciaires contre les tests de drogue en milieu de travail ont été déclarées inadmissibles par la Cour européenne, basées sur des faits spécifiques de ces cas : Wretlund vs. Suède (n°. de demande 46210/99) au sujet d’une femme de ménage dans une centrale nucléaire, et Madsen vs. Danemark (n° de demande 58341/00) au sujet d’un employé d’une entreprise de bac. Dans l’Union européenne, la directive européenne 89/391/CEE sur l’introduction des mesures pour encourager des améliorations de la sûreté et de la santé des employés au travail s’applique à tous les secteurs d’activité, publics et privés (art. 2). L’article 6 déclare que l’employeur a un devoir d’assurer la sûreté et la santé des
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employés dans chaque aspect lié au travail, et l’article 6 exonère les employés de la responsabilité pour le coût financier. L’article 11 déclare que les « employeurs consulteront les employés et/ou leurs représentants et leur permettront de participer aux discussions sur toutes les questions concernant la sûreté et la santé au travail ». L’article 13 (d) déclare que les employés doivent immédiatement signaler, à l’employeur et/ou aux travailleurs ayant une fonction spécifique en matière de protection de la sécurité et de la santé des travailleurs, toute situation de travail dont ils ont un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et immédiat pour la sécurité et la santé. La directive 95/46/EC de l’Union européenne sur la protection de données, article 8 [15] énonce que le traitement des données personnelles liées à la santé est interdit, bien qu’il y ait un certain nombre d’exceptions. Le groupe de travail de l’article 29 a émis un avis sur le traitement des données personnelles dans le contexte d’emploi qui adresse le traitement des données de santé dans un rapport d’emploi. Les tests de drogue en milieu de travail seront effectués conformément aux principes de protection de données comme fixé dans la directive 95/46/EC. Une consultation en novembre 2002 par le directorat-général Emploi a identifié les tests de drogue en milieu de travail comme un des secteurs d’activité à étudier prochainement dans le domaine de la protection des données personnelles des employés. À la lumière de ceci, la Commission a indiqué dans l’agenda social européen adopté en février 2005 qu’elle lancera une initiative au sujet de la protection des données personnelles des employés. Finalement, la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne de décembre 2000, qui adresse les établissements et les corps de l’union avec le respect dû au principe de la subsidiarité et aux États membres quand ils mettent en application la loi de l’Union européenne, contient l’article 7 (droit à la vie privée) et 8 (droit à la protection des données personnelles). Des limitations de l’article 7 sont identiques à celles autorisés pour l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les limitations ne peuvent être faites que « seulement si elles sont nécessaires et rencontrent véritablement les objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou la nécessité de protéger les droits et les libertés des autres » (art. 52 [15]). Pour tous les pays européens, il existe différentes possibilités. La Convention européenne des droits de l’homme et les directives de l’Union européenne concernant la protection de données et la santé et sécurité au travail semblent avoir été mises en application dans les lois de presque tous les pays. Il y a ainsi un degré élevé d’harmonisation selon quelques principes de base. Les autorités nationales de protection de données ont fait des déclarations claires sur les tests de drogue en milieu de travail dans certains pays. Il y a souvent un niveau qualifié de risque/réponse, cependant qualifié de différentes manières : beaucoup de pays déclarent que le test de drogue peut avoir lieu quand il y a un risque pour la santé, la sûreté ou la sécurité, ou quand il est « nécessaire », « proportionné », « justifié » ou « raisonnable », ou quand il y a soupçon de prise de drogues.
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Drogues et accidentalité
L’insistance sur les aspects de santé, plutôt que l’illégalité de la prise de drogues est également un principe dans plusieurs pays : dans beaucoup de pays le médecin du travail peut seulement informer l’employeur si un employé « est adapté au travail », plutôt que d’indiquer les résultats du test de drogue. Il y a des déclarations que le test de drogue devrait faire partie d’une politique de santé globale et que le test de drogue devrait tester si le sujet est sous influence (par opposition à la détection de toutes les traces des drogues). L’employeur a un devoir légal de fournir un lieu de travail sûr. Les pays varient considérablement dans l’accent sur les tests avant ou pendant l’emploi. Le test de drogue est autorisé pour des demandeurs du travail dans quelques pays dans certaines situations ; des changements de contrat pour inclure une clause d’accord sur le test de drogue devraient être négociés avec les syndicats ou les associations des employés ; les employés devraient donner leur consentement éclairé préalable ; et dans quelques pays une clause contractuelle d’« accord » est n’est pas considérée comme un consentement volontaire.
Sanctions Quelques pays pénalisent spécifiquement le test de drogue injustifié par des amendes criminelles, comme infraction du respect de la vie privée des travailleurs ou comme infraction du respect de la vie privée en général. Cependant, la directive de l’Union européenne concernant la protection de données laisse la possibilité aux États membres de définir toutes les sanctions pour l’infraction de la protection de données.
2.1.3 Législations spécifiques des pays européens autres que la France Seules la Finlande (2003), l’Irlande (2005) et la Norvège (2005) ont une législation spécifique qui abordent clairement et spécifiquement la question du dépistage des drogues en milieu de travail.
2.1.3.1 Finlande La loi sur la drogue en milieu de travail (759/2004) sections 7-8 permet les tests de dépistage de drogue en milieu du travail, aux frais de l’employeur, chez les demandeurs d’emploi qui sont sélectionnés, ou chez les employés [16]. Les tests sont permis dans certaines circonstances définies, où l’intoxication ou la dépendance peut mettre en danger la vie, la santé, la sécurité nationale ou la sécurité routière, la sécurité des données dans l’intérêt public, ou la confidentialité commerciale ou professionnelle. Le décret du Conseil d’État sur la bonne pratique des tests de drogue en milieu du travail donne les détails des procédures. Des recommandations pour les laboratoires
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Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe
ont été développées [17]. Elles sont en général conformes avec les recommandations de la European Workplace Drug Testing Society. La loi sur la médecine du travail exige que la nécessité des tests soit évaluée par un professionnel de la santé, et non pas par l’employeur [18]. Seule une conclusion générale sur la santé d’un employé (apte, apte avec restrictions, ou inapte) peut être donnée à l’employeur. L’employeur est également obligé de préparer en coopération avec les employés une ligne de conduite écrite complète de prévention en matière d’alcool et de drogues dans l’entreprise. Les tests doivent suivre la législation sur les droits des patients (785/1992) ; la section 5 exige le consentement éclairé du patient, un employé ayant donc le droit de refuser le test de dépistage.
2.1.3.2 Irlande La section 13 de la loi de 2005 sur la sûreté, la santé et le bien-être au travail exige des employés de ne pas être sous l’influence au travail, et de se soumettre aux tests de drogue si c’est raisonnable. C’est une infraction, punissable par une amende ou la prison (section 77). L’employeur peut demander au médecin de vérifier l’aptitude médicale au travail des employés (section 23). Le médecin doit informer l’employeur de la décision, et l’employé de la raison de la décision. La section 8 oblige l’employeur à fournir un lieu de travail sûr. Des règlements mettront en application cette loi et définiront des détails. En Irlande cette législation spécifique a été bien accueillie par toutes les parties parce qu’elle apportait la clarté légale aux procédures qui étaient déjà communément pratiquées.
2.1.3.3 Norvège Le fait d’être soumis à des examens médicaux (par exemple un test de drogue) est une interférence sérieuse à l’intégrité personnelle de l’employé/du demandeur de travail et devrait seulement être effectuée si elle est strictement nécessaire. La loi n° 62 du 17 juin 2005 concernant l’environnement du travail, les heures de travail et la protection d’emploi, section 9-4, déclare que l’employeur peut seulement exiger des examens médicaux (par exemple des tests de drogue) conformément à la loi ou à un règlement : › pour les positions qui sont associées à un risque spécial ; › quand l’employeur trouve nécessaire de protéger la vie ou la santé des employés ou d’un tiers. Ces dispositions s’appliquent par rapport aux employés et aux demandeurs d’emploi. La section 9-4 est approfondie dans le sens que le consentement de l’employé ou du demandeur de travail ne fournit pas de base juridique suffisante pour le test de drogue. Le test de drogue doit également être conforme aux dispositions générales de la section 9-1, qui déclare que toutes les mesures de contrôle doivent être objectivement justifiées et pas un fardeau disproportionné pour l’employé.
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Drogues et accidentalité
En outre la section 9-2 établit une obligation pour l’employeur de discuter des mesures de contrôle avec les représentants élus des employés dès que possible et de fournir les informations aux employés au sujet de certains aspects des mesures de contrôle. Ainsi une législation européenne unique concernant les conduites addictives en milieu professionnel permettrait de mettre en application les mêmes procédures au sein d’une société multinationale.
2.2 Conduites addictives et conduite automobile La consommation d’alcool et/ou des stupéfiants est une cause importante de décès, 35 % des accidents mortels sont liés à une conduite automobile sous l’influence de l’alcool et/ou de stupéfiants [2]. La législation en France et en Europe concernant l’alcool fait appel à une « loi per se » ou analytique, interdisant de conduire si l’alcool ou les stupéfiants sont présents dans le sang au-dessus d’un seuil défini. Pour les stupéfiants, il existe deux types de législation, la législation per se et la législation de type conduite aux facultés affaiblies (impairment legislation) pour laquelle l’analyse des stupéfiants dans les liquides biologiques permet uniquement d’établir un lien avec la diminution des facultés de conduite.
2.2.1 Législation en France 2.2.1.1 Alcool Depuis la loi du 15/04/1954 [19] et le décret du 18/06/1955 [20] l’éventualité d’un état d’ivresse des conducteurs est prise en compte dans la survenue d’un accident mortel ou corporel de la circulation routière [21]. Ainsi, le code de la route consacre plusieurs chapitres de sa partie législative et réglementaire, au comportement du conducteur et notamment à la conduite sous l’influence de l’alcool [22]. Les articles L.234-1 et suivants du code de la route instituent une recherche de l’imprégnation alcoolique chez tout conducteur et – depuis 1996 [23] – l’accompagnateur d’élève-conducteur impliqué dans un accident mortel ou corporel [24] ou un accident quelconque, auteur présumé d’une des infractions relatives à la vitesse des véhicules et au port de la ceinture de sécurité ou casque, soumis à un contrôle préventif alors qu’il n’est responsable d’aucune infraction ou d’aucun accident. Précisons que le contrôle préventif, ordonné par le procureur de la République, a été institué par la loi n° 78-732 du 12/07/1978 article L.3 ; ce texte prévoyait que les lieux et dates de ces contrôles seraient précisés par le parquet, ceci n’est plus le cas depuis la loi du 31/10/1990 [25]. La procédure actuelle de la recherche d’un état alcoolique se fait en deux stades : le dépistage puis la confirmation.
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Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe
Les épreuves de dépistage sont effectuées [26] dans l’air alvéolaire expiré à l’aide d’un éthylotest homologué [27]. Les éthylotests peuvent se présenter sous forme de ballon à usage unique (catégorie A, norme NF X 20702) ou d’éthylotests électroniques [28] réutilisables (catégorie B, norme NF X 20703, 20704). Le dépistage ne peut établir qu’une présomption d’état alcoolique et doit être confirmé par une méthode de confirmation. Il y a deux méthodes de confirmation. Si le dépistage est positif (dépassement probable du seuil légal : 0,25 mg/L d’air depuis 1995), l’état alcoolique devra être confirmé dans les plus brefs délais, soit :
› Par l’analyse de l’air expiré, avec un éthylomètre agréé [29] et contrôlé depuis moins d’un an. Après notification du résultat [30] le conducteur peut demander une seconde mesure ; ce contrôle peut aussi être à l’initiative des autorités de police ou judiciaires. La seconde mesure sera effectuée immédiatement après vérification du bon fonctionnement du matériel. › Au moyen d’analyses et examens médicaux, cliniques et biologiques : recherche de l’alcool dans un premier échantillon sanguin, un second échantillon est effectué et conservé. Le choix entre ces deux modes de confirmation [31] est réservé aux forces de l’ordre en fonction de leurs moyens et des capacités physiques du conducteur ; l’intéressé ne choisit pas. Les méthodes sont exclusives l’une de l’autre. Un arrêté du 27/09/1972 prévoit les modalités et les sites des prélèvements sanguins :
› Chez le vivant : deux tubes (30 mg de fluorure de sodium) où sont répartis au moins 12 mL de sang prélevé par ponction veineuse par un médecin ou un interne en médecine qui réalise aussi un examen clinique et remplit la fiche B ; le désinfectant utilisé pour le prélèvement ne doit contenir ni alcool, ni éther, ni formol. › Chez un sujet décédé : deux flacons (merthionate de sodium à la concentration de 1/5 000) contenant du sang recueilli par sondage des artères fémorales ou sous-clavières. Ces tubes seront protégés par des contenants fermés et identifiés, dotés d’un système de fermeture permettent la pose d’un scellé [32]. Les méthodes officielles en vigueur pour le dosage de l’alcool dans le sang sont :
› la méthode de distillation/oxydo-réduction dite de Cordebard [33] (cotée B50) [34] dont la technique est largement détaillée dans un arrêté du 30/11/1972 [35] ; › la technique dite de « chromatographie en phase gazeuse » autorisée depuis un arrêté du 6/03/1986 (cotée B120) [36]. Le résultat d’alcoolémie obtenu est mentionné sur la fiche C en précisant quelle méthode officielle a été utilisée.
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Drogues et accidentalité
La recherche de l’alcool dans le premier échantillon sanguin peut être confiée au laboratoire d’un établissement relevant du service public ou à un biologiste-expert inscrit sur une liste près d’une cour d’appel. Le deuxième échantillon sera adressé à un autre biologiste-expert inscrit sur une liste près d’une cour d’appel qui doit le conserver au moins 9 mois à 5 °C. L’analyse éventuelle de cet échantillon devra impérativement être réalisée par chromatographie en phase gazeuse. Sont présentés dans le tableau 2.1 les seuils légaux dans l’air expiré et dans le sang et leur évolution depuis 1965. TABLEAU 2.1 Seuils légaux d’alcool dans l’air expiré et dans le sang. Année – Texte Loi du 18/05/1965 Loi du 09/07/1970 Loi du 8/12/1983
Décret du 11/07/1994
Décret du 29/08/1995
Décret du 25/10/2004
Taux légaux dans l’air expiré
Taux légaux dans le sang Seule la notion de taux anormalement élevé est avancée Pas de taux légal précis Alcoolémie ≥ 0,80 g/L → contravention Alcoolémie ≥ 1,20 g/L → délit Suppression du double seuil
Introduction d’un taux légal dans l’air expiré Alcoolémie ≥ 0,80 g/L → délit Concentration ≥ 0,40 mg/L d’air → délit Alcoolémie ≥ 0,70 g/L Concentration ≥ 0,35 mg/L d’air → contravention expiré → contravention Concentration ≥ 0,40 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,80 g/L → délit → délit Alcoolémie ≥ 0,50 g/L Concentration ≥ 0,25 mg/L d’air → contravention expiré → contravention Concentration ≥ 0,40 mg/L d’air Alcoolémie ≥ 0,80 g/L → délit → délit Pour le conducteur de véhicule de transport en commun exclusivement Alcoolémie ≥ 0,20 g/L Concentration ≥ 0,10 mg/L d’air → contravention expiré → contravention
2.2.1.2 Stupéfiants L’article L.235-1 du code de la route, issu de la loi du 18/06/1999 relative à la sécurité routière (loi n° 99-505), a institué une recherche obligatoire des stupéfiants chez tout conducteur impliqué dans un accident mortel de la circulation routière. Ce texte a largement évolué en 2001 et 2003 ; la recherche des stupéfiants est maintenant élargie sans être systématisée, à tout conducteur ou accompagnateur d’élèveconducteur : impliqué dans un accident corporel ou un accident quelconque [37], auteur présumé d’infraction entraînant une suspension de permis ou d’une infraction relative à la vitesse ou au port de la ceinture ou du casque, à l’encontre duquel il existe une raison plausible de soupçonner l’usage de stupéfiants [38]. 42
Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe
L’arrêté du 5 septembre 2001 fixe les modalités de dépistage des stupéfiants et des analyses et examens prévus par le décret n° 2001-751 (27/08/2001) ; ces opérations sont réalisées de la façon suivante. Le recueil de liquide biologique et le dépistage [39] sont réalisés par un docteur en médecine (praticien hospitalier ou médecin de ville) ; les épreuves de dépistage consistent à rechercher dans les urines (recueillies dans un flacon stérile de 10 mL, sans additif et incassable) la présence d’un ou plusieurs produits stupéfiants (cannabis, amphétamines, cocaïne, opiacés). Le dépistage est réalisé à l’aide de tests de dépistage [40] qui sont mis à disposition du médecin par les forces de l’ordre.
Seuils minima de dépistage des stupéfiants dans les urines Les tests doivent respecter les seuils minima de détection suivants :
– 9-tétrahydrocannabinol : 50 ng/mL d’urine, – amphétamines : 1 000 ng/mL d’urine, – cocaïne : 300 ng/mL d’urine, – opiacés : 300 ng/mL d’urine. En cas de dépistage urinaire positif, de refus de se soumettre aux épreuves de dépistage ou en cas d’impossibilité (état de santé, sujet décédé), un prélèvement sanguin sera pratiqué :
› Chez le vivant : deux tubes sous vide (héparinate de lithium) contenant 10 mL de sang prélevé par ponction veineuse. › Chez un sujet décédé : deux flacons en verre (fluorure de sodium) contenant 10 mL de sang veineux périphérique (veine fémorale ou sous-clavière) ou de sang intracardiaque. Ces tubes et flacons seront protégés par des contenants dotés d’un système de fermeture permettent la pose d’un scellé [41]. La recherche et le dosage des produits stupéfiants dans le sang [42] sont effectués par [43] un laboratoire ayant déclaré au préfet respecter les conditions d’expérience et d’équipements fixés, un expert inscrit sous une rubrique spéciale, en toxicologie, sur la liste de la cour d’appel et, depuis le décret n° 2003-293 du 31/03/2003, un laboratoire de police technique et scientifique. Les personnes concernées doivent justifier de travaux et d’expérience dans les activités de toxicologie ou d’une pratique des analyses en toxicologie médico-légale d’au moins cinq ans. Les laboratoires d’analyses doivent disposer des installations, de l’appareillage, du matériel, des produits nécessaires à la conservation des échantillons à –20 °C
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Drogues et accidentalité
pendant au moins 12 mois et se soumettre au contrôle de qualité organisé par l’Afssaps. La recherche et le dosage des produits stupéfiants dans le sang s’effectuent en utilisant la technique dite de « chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse » [44] (cotée B800).
Seuils minima de dépistage des stupéfiants dans le sang Les seuils minima de détection sont les suivants :
– 9-tétrahydrocannabinol : 1 ng/mL sang, – amphétamines : 50 ng/mL sang, – cocaïne : 50 ng/mL sang, – opiacés : 20 ng/mL sang. En cas de résultat sanguin positif lors de la recherche et le dosage des produits stupéfiants, une recherche complémentaire est effectuée à partir du même prélèvement sanguin afin de déterminer la présence dans le sang de médicaments psychoactifs ayant des effets sur la capacité de conduire des véhicules ; la recherche dans le sang des médicaments psychoactifs est effectuée en utilisant les techniques dites de « chromatographie en phase liquide haute performance couplée à une barrette de diodes » et de « chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse ». Le décret n° 2003-293 prévoit depuis le 31/03/2003 une modification du code de la route concernant la recherche de médicaments psychoactifs :
› à l’article R.235-10, il est précisé que celle-ci ne doit plus être pratiquée dans les conditions du texte initial de 1999, c’est-à-dire, après une analyse sanguine ayant révélé la présence de produits stupéfiants ; › l’article R.235-11 indique que la recherche de médicaments psychoactifs peut être réalisée à la demande du conducteur. L’ensemble des examens médicaux, cliniques et biologiques sont consignés sur les fiches D et E ; précisons que la fiche E n’est pas renseignée en cas de décès. Les résultats d’analyse sont mentionnés sur les fiches F. Après analyse, le laboratoire ou l’expert conserve un des deux flacons en vue d’une éventuelle contre-analyse ou contre-expertise qui peut être demandée par le conducteur, au procureur de la République, au juge d’instruction ou au juge de la juridiction de jugement ; dans ce cas, l’examen technique ou l’expertise sera effectué par un autre laboratoire ou un autre expert répondant aux conditions adéquates.
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Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe
Un arrêté du 24 juillet 2008 publié au Journal Officiel le 30 juillet 2008, vient modifier de façon notable les dispositions de l’arrêté du 5 septembre 2001 qui fixait les modalités de dépistage et d’analyse des stupéfiants prévus par le décret n° 2001-751 (27/08/2001). Les articles R.235-3 et R.235-4 du CDR prévoient à présent que les épreuves de dépistage peuvent être réalisées à partir d’un recueil urinaire mais aussi salivaire. En cas d’accident mortel, les épreuves de dépistage sont effectuées sur un prélèvement urinaire. En cas d’accident corporel, lorsqu’il est impossible de réaliser un prélèvement urinaire, les épreuves de dépistage sont effectuées sur un prélèvement salivaire, recueilli de la manière prévue dans la notice du test. Les seuils minima de détection des tests utilisés sont présentés dans le tableau 2.2. TABLEAU 2.2 Seuils minima de détection des stupéfiants avec des tests urinaires et salivaires. Seuils minima de détection des tests urinaires Acide carboxylique du tétrahydrocannabinol (9 THCCOOH) : 50 ng/mL Amphétamine : 1 000 ng/mL Méthamphétamine : 1 000 ng/mL Méthylène dioxyméthamphétamine (MDMA) : 1 000 ng/mL Cocaïne ou benzoylecgonine : 300 ng/mL Morphine : 300 ng/mL
Seuils minima de détection des tests salivaires 9 tétrahydrocannabinol (9 THC) : 15 ng/mL Amphétamine : 50 ng/mL Méthamphétamine : 50 ng/mL Méthylène dioxyméthamphétamine (MDMA) : 50 ng/mL Cocaïne ou benzoylecgonine : 10 ng/mL Morphine : 10 ng/mL 6-monoacéthylmorphine : 10 ng/mL
Les seuils minima de détection restent inchangés pour la recherche et le dosage des stupéfiants par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse, dans le milieu sanguin. Une nouvelle fiche D, annexée au présent décret, remplace celle annexée à l’arrêté du 5 septembre 2001 ; la nouvelle fiche D intègre la possibilité d’effectuer le dépistage soit dans un prélèvement urinaire, soit salivaire.
2.2.2 Législation en Europe Certains pays européens ont une législation per se en plus de la législation existante de type conduite aux facultés affaiblies. L’Allemagne a été le premier pays à avoir une loi per se : le paragraphe 24a de la loi de trafic routier a été modifié en mars 1998, de sorte que toute personne conduisant un véhicule sous l’influence d’amphétamine, d’ecstasy, de MDEA (N-éthyl3,4-méthylènedioxy-N-éthylamphétamine), de cannabis, d’héroïne, de morphine,
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Drogues et accidentalité
ou de cocaïne commet une infraction. Ceci ne s’applique pas si la substance est présente suite à la prise d’un médicament prescrit pour une maladie spécifique. La Cour constitutionnelle fédérale a décidé en 2004 d’abaisser le seuil pour le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) à 1 ng/mL. Les seuils sont mentionnés dans le tableau 2.3. En Belgique, une loi semblable a été adoptée en mars 1999. Un conducteur peut être arrêté par la police et être invité à exécuter une batterie de tests standardisée pour détecter la consommation récente de drogue. Si ce test est positif, un immuno-essai rapide est exécuté par la police sur un échantillon d’urine et si celui-ci est positif, le sang est prélevé et envoyé à un laboratoire pour une analyse par chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CG-SM) [45, 46]. Les seuils sont mentionnés dans le tableau 2.3. En juillet 2009, le Parlement a approuvé une nouvelle loi. Les tests salivaires peuvent désormais être utilisés pour le dépistage. La confirmation se fait également dans la salive. Les seuils de dépistage sont 10 ng/mL pour la morphine ou la 6-acétylmorphine, 20 ng/mL pour la cocaïne et la benzoylecgonine, 25 ng/mL pour le THC et 50 ng/mL pour l’amphétamine et la MDMA (3,4-méthylènedioxyméthylamphétamine). Les seuils de confirmation dans la salive sont 5 ng/mL pour la morphine ou la 6-acétylmorphine, 10 ng/mL pour la cocaïne, la benzoylecgonine et le THC et 25 ng/mL pour l’amphétamine et la MDMA. S’il n’est pas possible d’obtenir un échantillon salivaire, un échantillon sanguin est prélevé. Le seuils ont été abaissés comparé à ceux de 1999 (tableau 2.3). Cette loi entre en vigueur en octobre 2010. La Suède a également introduit une loi per se en 1999. Il y existe une tolérance zéro pour des narcotiques (y compris les benzodiazépines), sauf si les produits sont pris sur ordonnance médicale, si la dose n’est pas trop élevée et si les facultés de conduite ne sont pas affaiblies. La détection de la conduite sous l’influence est effectuée par un examen de l’œil, suivi par d’autres examens s’il y a soupçon raisonnable. Si des drogues sont trouvées dans le sang, le conducteur est également sanctionné pour usage de drogue [47]. Les seuils sont mentionnés dans le tableau 2.3. La Finlande a également introduit une législation per se en 2003. Les drogues couvertes sont celles énumérées dans les conventions de l’ONU sur les narcotiques, mais la loi n’est pas applicable si les drogues sont utilisées sur ordonnance médicale [48]. En Suisse, depuis 2004, un conducteur est considéré incapable de conduire si son sang contient du THC, de la morphine libre, de la cocaïne, de l’amphétamine, de la méthamphétamine, de la MDEA ou de la MDMA. Les seuils sont basés sur les résultats des contrôles de qualité, tenant compte d’une incertitude de mesure de 30 %. Dans les cas spéciaux (par exemple consommation de plusieurs drogues, symptômes de sevrage…) une expertise basée sur les « trois piliers » (observations par la police, examen médical et résultats des analyses toxicologiques) est effectuée. Les seuils sont mentionnés dans le tableau 2.3.
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Aspects légaux et réglementaires en France et en Europe
Le Danemark a une législation per se depuis juin 2007. La détermination se fait par l’analyse du principe actif des substances classées comme dangereuses pour la sécurité routière dans un échantillon de sang. La liste contient 54 substances (liste complète sur https ://www.retsinformation.dk/Forms/R0710.aspx?id=2671). Les seuils sont mentionnés dans le tableau 2.3. TABLEAU 2.3 Limites analytiques dans le sang, le plasma ou le sérum comme convenu ou proposé dans différents pays (toutes les concentrations en ng/mL, excepté pour le Danemark et la Suède : ng/g). Allemagnea Amphétamine MDMA MDEA
50 50 50
Belgique (1999/2009) 50/25 50/25 50/–
MDA MBDB Cocaïne Benzoylecgonine Morphine (libre) THC
150 20 1c
Danemark France 20 20 —
50 50 50
Suède 30 20 20
Suissed 15 (22)b 15 (22) 15 (22)
—
20
50/–
20
20
50/25
20
50
20
15 (22)
50/25 20/10 2/1
— 10 1
50 20 1
20 5 0,3
— 15 (22) 1.5 (2,2)
a
: Des seuils inférieurs ont été proposés, mais ils ne sont pas encore employés partout. : Pour la Suisse également 15 ng/mL pour la méthamphétamine. c : Décision de la cour constitutionnelle fédérale du 21 décembre 2004 (1 BvR 2652/03). d : Les chiffres entre la parenthèses sont les seuils qui tiennent compte de l’incertitude de mesure. MDMA : méthylène dioxyméthamphétamine ; MDEA : N-éthyl-3,4-méthylènedioxy-Néthylamphétamine ; MDA : méthylène-dioxy-amphétamine ; MBDB : N-méthyl-benzodioxazolylbutanamine ; THC : delta-9-tétrahydrocannabinol. b
Les seuils analytiques de l’Allemagne, de la Belgique, du Danemark, de la France, de la Suède et de la Suisse sont donnés dans le tableau 2.3. Il n’y a aucun consensus sur les seuils analytiques entre les différents pays. Ce manque de consensus peut être partiellement attribué à l’utilisation de différentes matrices biologiques (sérum en Allemagne, plasma en Belgique et sang total au Danemark, en France, en Suède et en Suisse) et des différentes conséquences qui suivent un résultat positif. Par exemple en Belgique il y a une sanction pénale qui suit un résultat positif, alors qu’en Allemagne il y a une sanction administrative. L’efficacité des lois per se pour augmenter le nombre de poursuites a été déjà démontrée dans quelques pays. En Allemagne le nombre de personnes suspectées de la conduite sous influence des drogues a quintuplé entre 1997 à 1999 après une évolution constante pendant plusieurs années. M. Moeller [49] attribue ceci au programme de formation des policiers pour détecter les sujets qui conduisent sous influence des drogues, et à la loi per se, entrée en vigueur en août 1998.
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Drogues et accidentalité
En Finlande, jusqu’en 2002, il y avait une augmentation lente du nombre d’échantillons envoyés au laboratoire national pour la détection des drogues dans le sang. Depuis l’introduction de la législation per se en 2003 le nombre d’échantillons a augmenté considérablement [48]. En Suède, juste après l’entrée en vigueur de la loi per se, le nombre de cas de conduite sous influence des drogues a été décuplé. Néanmoins Jones [50] conclut que la limite de la zéro-concentration de la Suède n’a pas réduit la conduite sous influence des drogues ni découragé le contrevenant typique parce que le récidivisme est élevé (40–50 %). Beaucoup de délinquants sont des éléments criminels avec des condamnations précédentes pour conduite en état d’ivresse ou sous influence de drogues et également pour d’autres infractions. L’éventail les drogues identifiées dans des échantillons de sang provenant des suspects de conduite sous influence de drogues n’a pas beaucoup changé depuis l’introduction de la loi en 1999.
2.3 Documents de références [1]
Beck F, Guibert P, Gautier A : Baromètre santé 2005 Saint Denis : Inpes, collection Baromètre santé, 2007 : 414-444.
[2]
Penneau-Fontbonne D, Dano C, Lacave-Oberti N, Guiho – Bailly MP, Dubré JY, Roquelaure Y. Conduite addictives et milieu du travail. In : Reynaud M (coordinateur). Traité d’addictologie. Flammarion : 164-174.
[3]
Code du travail.
[4] Arrêt Corona. 14 février 1980 n° 06.361. Conseil d’État. [5]
Arrêt RNUR. 9 octobre 1987 n° 72-220. Conseil d’État.
[6] Circulaire n° 90/13 du 9 juillet 1990 relative au dépistage de la toxicomanie en entreprises.
[7]
Loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie. Journal Officiel 2 janvier 1971.
[8] Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Journal Officiel 7 mars 2007.
[9] Code de la Santé publique. [10] Code de la route. [11] Code pénal [12] Plan gouvernemental 2004-2008 de lutte contre les drogues illicite, le tabac et l’alcool. [13] Conduites addictives et milieu professionnel : rapport établi dans le cadre du plan gouvernemental 2004- 2008 MILDT, 2006.
[14] Plan gouvernemental Addiction 2007-2011. [15] Legal status of drug testing in the workplace. Document consulté sur le site http://eldd. emcdda.europa.eu/html.cfm/index16901EN.html?nNodeID=16901&sLanguageISO=EN. 31-10-2006/ le 20 janvier 2009.
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[16] Lamberg ME, Kangasperko R, Partinen R, Lillsunde P, Mukala K, Haavanlammi K. The Finnish legislation on workplace drug testing. Forensic Sci. Int. 2008 ; 174(2-3) : 95-98.
[17] Lillsunde P, Haavanlammi K, Partinen R, Mukala K, Lamberg M . Finnish guidelines for workplace drug testing. Forensic Sci. Int. 2008 ; 174(2-3) : 99-102.
[18] Lillsunde P, Mukala K, Partinen R, Lamberg M . Role of occupational health services in workplace drug testing. Forensic Sci. Int. 2008 ; 174(2-3) : 103-106.
[19] Article 11 – Lo i n° 54-439 relative au traitement des alcooliques dangereux pour autrui. [20] Décret n° 55-807 relatif à la lutte contre l’alcoolisme. [21] Voir revue réalisée par M. Deveaux. In : Mura P (coordinateur). Alcool, médicaments, stupéfiants et conduite automobile. Collection option Bio, Elsevier, 1999 : 3-19.
[22] Article L.234-1 et suivants – Chapitre 4 – Titre 3 – Livre 2 – Partie législative du CDR et article R.234-1 et suivants – Chapitre IV – Titre III – Livre II – Partie réglementaire du CDR.
[23] Décret 96-995 du 13/11/1996. [24] Depuis le décret n° 55-807 du 18/06/1955. [25] Loi n° 90-977. [26] Loi n° 70-597 du 09/07/1970, généralisant le dépistage dans l’air expiré. [27] Arrêté du 14/6/1972 : définition d’un cahier des charges concernant des appareils de dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré.
[28] Loi n° 83-1045 du 8/12/1983. [29] Loi n° 83-1045 du 8/12/1983. [30] Décret n°86-71 du 15/01/1986. [31] Arrêté du 27/09/197. [32] Arrêtés du 27/09/1972. [33] Décret du 21/06/1955 et circulaire du 5/12/1955. [34] Décret du 26/05/1997 relatif aux frais de justice. [35] Page 12408 du Journal officiel. [36] Décret du 26/05/1997 relatif aux frais de justice. [37] Article L.235-2 du CDR ; loi n° 2001-1062 du 15/11/2001 chapitre IV article 21. [38] Article L.235-2 du CDR ; loi n° 2003-87 du 03/02/3008. [39] Articles R.235-3 et R.235-4 du CDR. [40] Article L.5133-7 du code de la Santé publique. [41] Article R.235-6 du CDR. [42] Article R.235-10 du CDR. [43] Article R.235-9 du CDR. [44] Article R.235-10 du CDR. [45] Raes E, Verstraete AG. Usefulness of roadside urine drug screening in drivers suspected of driving under the influence of drugs (DUID). J. Anal. Toxicol. 2005 ; 29(7) : 632-636.
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[46] Maes V, Samyn N, Willekens M, De Boeck G, Verstraete AG. Stupéfiants et conduite automobile – les actions réalisées en Belgique. Ann. Toxicol. Anal. 2003 ; 15(2) : 128-137.
[47] Jones AW. Driving under the influence of drugs in Sweden with zero concentration limits in blood for controlled substances. Traffic Inj. Prev. 2005 ; 6(4) : 317-322.
[48] Ojaniemi KK, Lintonen TP, Impinen AO, Lillsunde PM, Ostamo AI. Trends in driving under the influence of drugs : a register-based study of DUID suspects during 1977-2007. Accid. Anal. Prev. 2009 ; 41(1) : 191-196.
[49] Moeller MR. Stupéfiants et conduite automobile – les actions réalisées en Allemagne. Ann. Toxicol. Anal. 2003 ; 15(2) : 145-150.
[50] Jones AW. Driving under the influence of drugs in Sweden with zero concentration limits in blood for controlled substances. Traffic Inj. Prev. 2005 ; 6(4) : 317-322.
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3
Jean-Pierre Anger1, Sophie Fantoni-Quinton2, Michel Lhermitte3
Alcool éthylique (éthanol) L’alcool éthylique ou éthanol est un toxique typiquement humain très répandu puisqu’il est le constituant normal de la quasi-totalité des boissons alcooliques chez l’homme. Il est surtout consommé pour ses propriétés psychotropes anxiolytiques, antidépressives et sédatives. L’alcool agit essentiellement sur le système nerveux central : son action est de type anesthésique, mais, en raison de sa faible liposolubilité, il n’agit comme tel qu’à très fortes doses et les différents stades de l’anesthésie sont de ce fait, étalés dans le temps. C’est son action primitive euphorisante qui est essentiellement recherchée mais bien souvent… dépassée. Si à cette phase, le « poivrot » est sympathique, il devient par la suite plus ou moins dangereux dans ces actes et c’est en cela que réside le danger de l’alcool. Bien que difficile à quantifier exactement la consommation globale d’alcool diminue en France : elle est passée de 20,4 à 13 litres d’alcool pur par habitant et par an de 1970 à 2006 chez les adultes de 15 ans et plus [1]. Diverses études ont montré que le risque d’accident automobile augmentait exponentiellement avec le degré d’imprégnation alcoolique mais d’autres facteurs comme la conduite de nuit, la fatigue, la vitesse et l’usage de 1. UFR Médicales et Pharmaceutiques, Université de Rennes 1. 2. Laboratoire d’Études et de Recherches en Droit Social, Université Lille Nord. 3. Laboratoire de Toxicologie, Université Lille Nord.
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médicaments ou de stupéfiants peuvent également intervenir [2]. Selon l’INSERM, en France, l’alcool serait responsable de 10 % à 20 % des accidents du travail, toutes les catégories socioprofessionnelles étant touchées [3]. Dans la littérature internationale, les chiffres varient entre 10 et 25 % mais on manque de données récentes et précises sur l’implication de l’alcool dans les accidents de travail [4]. Signalons enfin que l’alcool en France est responsable de 45 000 décès par an (11 000 cancers, 9 000 cirrhoses, 2 500 alcoolo-dépendances et 22 000 décès indirects liés à des troubles mentaux, cardiovasculaires et des accidents). Le coût social de l’alcoolisme représente en France 17,4 milliards d’euros [5].
3.1 Boissons alcoolisées [2] Il existe une distinction entre les boissons alcooliques et les boissons alcoolisées. Les premières sont des boissons fermentées (vin, bière) et des boissons distillées (cognac, whisky, eau-de-vie) contenant de l’alcool naturellement. Les secondes ne contiennent pas naturellement et habituellement d’éthanol, mais celui-ci y a été ajouté (vodka orange, whisky coca, café arrosé).
Cinq groupes de boissons alcoolisées Le code des débits de boissons et de mesures contre l’alcoolisme classe les boissons en cinq groupes. Groupe 1 : boissons non alcooliques. Ce sont les boissons sans alcool (eaux, limonades, infusions, lait, café, thé, etc.), jus de fruits ou de légumes non fermentés ou ne comportant pas, à la suite d’un début de fermentation, de traces d’alcool supérieures à 1 degré. Les bières sans alcool, certains panachés et certains cidres en font partie. Groupe 2 : boissons fermentées non distillées, à savoir vin, bière, cidre, poiré, hydromel, vins doux naturels bénéficiant du régime fiscal des vins, crème de cassis et jus de fruit ou de légumes fermentés titrant de 1 à 3 degrés d’alcool. Groupe 3 : autres vins doux naturels, apéritifs à base de vins, liqueurs de fraise, de framboise, de cassis ou de cerise ne titrant pas plus de 18 degrés d’alcool. Groupe 4 : rhums, tafias, alcools provenant de la distillation des vins, cidres, poirés ou fruits sans addition d’essence, liqueurs édulcorées par du sucre, du glucose ou du miel (au moins 400 g/L pour les boissons anisées ou au moins 200 g/L pour les autres liqueurs) et ne contenant pas plus de 0,5 g d’essence par litre. Groupe 5 : toutes les autres boissons alcooliques (whisky, genièvre, gin, pastis, vodka).
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Alcool éthylique (éthanol)
Le degré d’une boisson alcoolique indique le volume d’alcool pur contenu dans 100 volumes de boisson. Il doit être mentionné sur l’étiquette de la bouteille. En prenant une densité de 0,8 pour l’alcool et en ne considérant que des verres de tailles normalisées (servis dans un débit de boisson), chaque verre bu apporte une masse d’éthanol très proche de 12 g.
3.2 Consommation d’alcool en France Après un accroissement après la guerre, on assiste aujourd’hui à une diminution de la consommation globale d’alcool, de l’ordre de 40 %. La France occuperait actuellement le 11e rang mondial en ce domaine. L’alcool le plus consommé reste le vin (85 % des Français déclarent en avoir bu dans l’année). La consommation quotidienne est majoritairement masculine (20,3 % des hommes contre 7,3 % des femmes) et croît fortement avec l’âge, à partir de 35 ans pour cerner près de 60 % des hommes de plus de 65 ans. Les ivresses ponctuelles sont plutôt l’apanage des plus jeunes (17 ans) : c’est le « binge drinking » anglo-saxon (biture express) qui touche 56 % des garçons contre 36 % des filles. Des disparités régionales de consommation ont été récemment mises en avant par l’Institut national de prévention et d’éducation de la santé (INPES). Chez les jeunes, la Bretagne est en tête pour la consommation, suivie de la Bourgogne et c’est l’Île de France qui ferme le ban. À l’âge adulte, les régions où l’on boit le plus tous les jours sont le Midi-Pyrénées, le Languedoc-Roussillon et le Nord-Pas-de-Calais [5]. D’autres statistiques indiquent que la part des dépenses consacrées à l’alcool par les Français est de 8,9 % (en diminution, elle était de 12,4 % en 1961). Il y a 13,7 % de Français qui déclarent avoir consommé de l’alcool tous les jours de l’année. Enfin, si 58 % de la consommation d’éthanol en France est sous forme de vin, 30 % est de la bière, 7 % des alcools forts et 5 % du cidre [6].
3.3 Toxicocinétique de l’éthanol [7] L’alcool éthylique CH3CH2OH est un composé aliphatique de faible poids moléculaire (46 g), légèrement soluble dans les lipides et complètement miscible à l’eau. Grâce à ces propriétés, il se distribue rapidement dans tout l’organisme et peut franchir d’importantes membranes biologiques comme la barrière hémato-encéphalique pour agir ensuite sur un grand nombre d’organes et de processus biologiques.
3.3.1 Absorption La principale voie de pénétration de l’éthanol dans l’organisme est la voie orale. Les voies respiratoire et cutanée sont quantitativement négligeables en dehors de situations accidentelles. Après ingestion, l’éthanol est absorbé au niveau de l’estomac (environ
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10 %) puis surtout immédiatement après le passage pylorique, au niveau du duodénum et du jéjunum proximal (70 à 80 %), c’est-à-dire le début de l’intestin grêle. En raison de ses propriétés à la fois hydrophiles et lipophiles, le passage de la barrière intestinale est facile par simple diffusion. L’éthanol atteint ensuite le foie par la veine porte puis la circulation générale. La cinétique d’apparition de l’alcool dans le sang se traduit par la courbe d’alcoolémie qui représente graphiquement la quantité d’alcool (g/L) présente dans le sang depuis l’absorption jusqu’à l’élimination complète (figure 3.1). Après la prise d’alcool, le pic sanguin est atteint en moyenne en 45 à 60 min.
Éthanolémie (g/l)
1,5
1,0
0,5
0 0
1
2 3 4 5 6 7 Temps (heures) Valeurs obtenues chez un homme ayant consommé 0,80 g d’alcool/Kg de poids corporel avant ( ) ou après ( ) le petit déjeuner.
FIG. 3.1 Toxicocinétique d’absorption de l’éthanol à jeun ou après un repas (d’après [15]).
Différents facteurs peuvent influencer l’absorption de l’éthanol à partir du tractus gastro-intestinal. L’absorption est plus rapide si l’ingestion est unique, si la concentration en éthanol dans la boisson se situe entre 15 et 30 degrés et si elle contient du gaz carbonique (cas du champagne ou du whisky-soda). La présence d’aliments dans l’estomac ralentit l’absorption de l’éthanol mais leur nature qu’il s’agisse de graisses, de sucres ou de protéines importe peu. Le taux d’absorption est diminué lorsque la vidange gastrique est retardée prolongeant ainsi le temps de séjour de l’éthanol dans l’estomac en entraînant une augmentation plus lente de l’alcoolémie et un pic sanguin plus faible chez les sujets non à jeun [8].
3.3.2 Distribution Après absorption, l’éthanol est distribué dans les différents compartiments très vascularisés de l’organisme comme le cerveau, les poumons et le foie. Les concentrations en alcool dans ces différents organes sont très rapidement équilibrées avec les concentrations sanguines. En raison de son caractère hydrophile, l’alcool imprègne l’organisme un peu comme l’eau imbibe une éponge. L’éthanol circule librement dans le sang et les organes sans se lier aux protéines plasmatiques, sa solubilité dans
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Alcool éthylique (éthanol)
les graisses et les os est négligeable. Le volume de distribution est en moyenne de 0,5 L/kg chez la femme et de 0,6 L/kg chez l’homme. Du fait de son caractère peu liposoluble, la distribution de l’éthanol est surtout liée au contenu hydrique des différents organes et tissus. Le tissu adipeux n’en retient que 4 %. Ainsi, chez le sujet obèse, une quantité identique d’alcool ingérée par unité de poids donne une alcoolémie plus élevée que chez le sujet mince. Par ailleurs pendant la phase d’absorption, le sang artériel contient plus d’alcool que le sang veineux. Le site anatomique de prélèvement doit donc toujours être précisé. Le plasma et le sérum contiennent 1,10 à 1,25 fois plus d’alcool que le sang total. En raison de sa bonne diffusion, l’alcool franchit la barrière placentaire et les concentrations dans le liquide amniotique et chez le fœtus sont proches des concentrations plasmatiques de la mère.
3.3.3 Métabolisme [7, 9–11] L’essentiel du métabolisme de l’éthanol a lieu par oxydation au niveau du foie ; cependant d’autres tissus peuvent également participer comme le rein et le tractus gastrointestinal, mais pour une faible part. Le métabolisme hépatique élimine plus de 80 % de l’alcool ingéré grâce à trois grandes étapes. Dans un premier temps, l’éthanol est oxydé en acétaldéhyde dans le cytoplasme de l’hépatocyte ; dans un deuxième temps, l’acétaldéhyde est transformé en acétate, essentiellement dans la mitochondrie, puis dans un troisième temps, l’acétate produit dans le foie est libéré dans la circulation sanguine et enfin oxydé lui-même par les tissus périphériques en dioxyde de carbone (CO2), en acides gras et en eau (figure 3.2). La principale voie du métabolisme de l’éthanol passe par l’enzyme appelée alcool déshydrogénase (ADH). Cependant des voies alternatives de l’oxydation de l’alcool situées dans d’autres compartiments cellulaires ont été décrites : la voie microsomiale qui fait intervenir plusieurs isoenzymes du cytochrome P450 (les CYP2E1, 1A2 et 3A4) localisées dans le réticulum endoplasmique lisse de l’hépatocyte [10, 12] et une voie accessoire, celle de la catalase. Le reste de l’alcool qui n’est pas métabolisé par le foie se retrouve dans l’air expiré, dans l’urine et la sueur. À côté de ces trois voies principales, il existe également un métabolisme non oxydatif de l’éthanol aboutissant à la formation d’esters éthyliques d’acides gras (FAEE) et de phosphatidyléthanol, composés susceptibles de présenter un intérêt comme biomarqueurs de l’imprégnation éthylique [7].
3.3.3.1 Voies oxydatives 3.3.3.1.1 Alcool déshydrogénase (ADH) Les ADH catalysent l’oxydation de l’éthanol en présence de nicotinamide adénine dinucléotide (NAD+) comme cofacteur suivant la réaction :
CH3CH2OH + NAD+ → CH3CHO + NADH+ + H+ L’ADH présente dans le cytosol de l’hépatocyte oxyde l’éthanol en acétaldéhyde, sous-produit très réactif et toxique qui peut contribuer aux dégâts tissulaires et
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Drogues et accidentalité
probablement aussi au processus addictif suite à la formation de salsolinol responsable de la dépendance à l’alcool. Le pH optimal de cette réaction étant autour de 10,8, la réaction se fait donc essentiellement à 40 % au pH physiologique, 7,35. Le NAD est réduit en NADH qui génère un environnement cytosolique fortement réducteur qui fragilisera l’hépatocyte. H2O2 + Catalase
NAD
NADH+H+
CH3-CH2OH
NADH, H2O
NADH, 2H+ CH3-COO–
CH3-CHO ADH (cytosol)
ALDH2 (Mitochondrie)
GTP CoA-SH
Cyt P2E1 + O2 + NADPH + H+
Acides gras Cholesterol Porphyrines
GMP + PPi
CH3-CO-S-CoA
Cycles de Krebs
CO2 + H2O
FIG. 3.2 Voies oxydatives du métabolisme de l’éthanol (d’après [7]).
Les ADH sont des enzymes ubiquitaires ayant de multiples substrats endogènes et exogènes : elles catalysent l’oxydation de différents alcools (éthanol, glycérol, rétinol, alcools stéroïdes, etc.) en aldéhydes. Cinq classes d’ADH ont été caractérisées sur la base de leurs propriétés structurales et cinétiques. La voie de l’ADH est la plus importante, mais elle se trouve toutefois limitée par la quantité disponible de NAD+ car le NADH+ formé doit être réoxydé. Bien que théoriquement plusieurs voies métaboliques puissent l’assurer, la réoxydation du NADH a lieu essentiellement dans la chaîne respiratoire mitochondriale. Or la membrane mitochondriale est imperméable au NADH. Le problème est résolu grâce au fonctionnement de la navette malate-aspartate où la malate-déshydrogénase joue un rôle central. Cette enzyme réduit dans le cytoplasme l’oxaloacétate en malate, réaction permettant l’oxydation du NADH en NAD. Le malate passe ensuite dans la mitochondrie où il est oxydé en oxaloacétate tandis que le NAD est réduit en NADH qui sera ensuite réoxydé au niveau de la chaîne respiratoire mitochondriale. L’oxalo-acétate est alors transformé en aspartate qui repasse dans le cytoplasme où il est à nouveau oxydé en oxalo-acétate dont la réduction en malate permet la réoxydation du NADH en NAD.
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Alcool éthylique (éthanol)
3.3.3.1.2 Cytochrome P 450
Les isoenzymes du cytochrome P 450 intervenant dans le métabolisme de l’éthanol comprennent les CYP2E1, 1A2 et 3A4 qui sont principalement présents dans les microsomes ou les vésicules du réseau de membranes intracellulaires présents à l’intérieur de l’hépatocyte connus sous le nom de réticulum endoplasmique lisse ou microsomial ethanol oxydizing system (MEOS). Elles contribuent à l’oxydation de l’éthanol selon la réaction suivante [7] : CH3CH2OH + NADPH+ + H+ + ‡O2 → CH3CHO + NADP+ + 2H2O Le CYP2E1 est induit par la consommation chronique d’alcool et assume un rôle important dans le métabolisme de l’éthanol en acétaldéhyde surtout lorsque la concentration hépatocytaire en éthanol est élevée. Par ailleurs le CYP2E1 est également présent dans d’autres tissus comme le cerveau où l’activité de l’ADH est faible. Il produit aussi des espèces oxygénées très réactives (ROS) comme l’anion superoxyde (O2°–), les radicaux hydroxyles (OH°), des peroxydes (H2O2) qui sont responsables d’un stress oxydant à l’origine de la peroxydation des lipides membranaires, de la dénaturation des protéines enzymatiques ou encore de mutations de l’ADN nucléaire, le tout aboutissant à la mort cellulaire. 3.3.3.1.3 Catalase
La catalase est une hémoprotéine localisée dans les peroxysomes de la plupart des tissus. Elle catalyse la réaction suivante : CH3CH2OH + H2O2 → CH3CHO + 2H2O La catalase est capable d’oxyder l’éthanol en présence de peroxyde d’hydrogène qui est produit au cours de différentes réactions du métabolisme intermédiaire comme la dégradation des bases puriques, lors de la transformation de l’hypoxanthine en xanthine ou lors de l’oxydation des groupements thiols (-SH) de la cystéine en glutathion. L’acétaldéhyde est ensuite très rapidement oxydé dans la mitochondrie en acétate par l’acétaldéhyde déshydrogénase (ALDH2) en présence de NAD. Cette enzyme est polymorphe et il peut être inhibé par différents médicaments (disulfirame) provoquant l’effet antabuse dû à l’accumulation brutale d’acétaldéhyde. Ce phénomène de « flush » s’observe également chez certaines populations orientales déficientes en isoenzymes de l’ALDH et possédant un variant rapide de l’ADH : CH3CHO + NAD → CH3COOH + NADH + H+ L’acétaldéhyde peut se lier aux protéines enzymatiques ou microsomiales ou encore former des adduits avec la dopamine et engendrer la formation de salsolinol, responsable de la dépendance à l’alcool. L’acétate, produit d’oxydation de l’acétaldéhyde est oxydé en dioxyde de carbone et en eau par les tissus périphériques (cœur, muscles et cerveau). L’acétate n’est pas un produit inerte : il augmente le flux sanguin au niveau hépatique, déprime le système nerveux central et perturbe divers processus métaboliques. Il est métabolisé en acétylcoenzyme
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A (CH3-CO-S-CoA) qui est impliqué dans la biosynthèse du cholestérol et des acides gras au niveau des mitochondries des tissus périphériques et du cerveau.
3.3.3.2 Voies non oxydatives Le métabolisme non oxydatif de l’éthanol est minime (figure 3.3), cependant les composés qui en résultent peuvent avoir des incidences sur le plan pathologique ou diagnostique. L’alcool réagit avec les acides gras à longue chaîne pour former des esters éthyliques (FAEE) que l’on peut doser dans le sérum ou les cheveux et qui constituent des biomarqueurs intéressants pour apprécier la consommation excessive d’éthanol car ils persistent longtemps après l’élimination de l’alcool. L’autre voie non oxydative aboutit à la formation de phosphatidyl éthanol qui est très faiblement métabolisé et peut s’accumuler à des concentrations détectables à la suite d’une consommation chronique d’alcool. FAEE synthétase Dégâts tissulaires
Esters éthyliques d’acides gras (FAEEs)
Ethanol
Phosphatidyl éthanol
D Phospholipase
Perturbations des signaux lipidiques membranaires dépendant de la D phospholipase
FIG. 3.3 Voies non oxydatives du métabolisme de l’éthanol (d’après [7]).
Les voies oxydatives et non oxydatives du métabolisme de l’éthanol sont corrélées. L’inhibition de l’oxydation de l’éthanol par des composés qui inhibent l’ADH, le CYP2E1 et la catalase favorisent le métabolisme non oxydatif et accroissent la production de FAEE dans le foie et le pancréas [7].
3.3.4 Élimination L’éthanol non métabolisé est éliminé par l’air expiré, la sueur et les urines. Une très faible quantité (moins de 0,5 %) est éliminée sous forme d’éthylglucuronide (EtG) et d’éthylsulfate (EtS), tous deux métabolites de phase II. C’est sur l’élimination pulmonaire que repose l’estimation de l’alcoolémie à partir des concentrations retrouvées dans l’air expiré. En effet, le rapport des concentrations
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Alcool éthylique (éthanol)
en alcool dans le sang par rapport à l’air expiré permet d’estimer l’alcoolémie en g/L. Il s’agit donc d’une approximation et en aucun cas une valeur de l’éthylomètre ne doit être transformée en concentration sanguine ; il faut définitivement admettre que dosage sanguin et mesure dans l’air expiré sont des modes d’expression différents d’un état d’imprégnation alcoolique [13]. Par ailleurs la modélisation mathématique de la courbe d’alcoolémie permet de considérer que la baisse d’alcoolémie se fait à une vitesse de 0,15 à 0,20 g/L par heure mais qu’elle est soumise à de grandes variations individuelles.
3.4 Les biomarqueurs de la consommation d’alcool [6,14] Les problèmes liés à la consommation d’alcool sont parmi les plus importants en addictologie et constituent un problème majeur en clinique. Plusieurs anomalies biologiques peuvent être remarquées après consommation d’alcool et permettent bien sûr de faire le diagnostic de l’éthylisme chronique mais aussi de surveiller les sujets en cure de sevrage ou demandant la restitution de leur permis de conduire. Aujourd’hui, on dispose de biomarqueurs directs comme le dosage de l’éthanol dans le sang, le dosage de l’éthylglucuronide (EtG) ou de l’éthylsulfate (EtS) dans le sang, l’urine ou les cheveux, le dosage des esters éthyliques d’acides gras (FAEE) dans le sang ou les cheveux ou éventuellement le dosage du phosphatidyléthanol dans le sang. Il est également possible de faire appel aux biomarqueurs indirects ou marqueurs classiques de biochimie comme l’augmentation du volume globulaire moyen (VGM), le dosage de la gamma glutamyl transférase (γ-GT), le dosage des aminotransférases (ASAT et ALAT), marqueurs d’une souffrance hépatique et le dosage de la transferrine déficiente en carbohydrates (CDT) ou encore de la transferrine désialylée (SDT), marqueurs très sensibles pour repérer la rechute chez les personnes alcoolo-dépendantes.
3.5 Effets cliniques [15] 3.5.1 Évolution de la symptomatologie en fonction de l’alcoolémie L’alcool est avant tout un dépresseur primaire et permanent du système nerveux central, et la stimulation apparente qu’il provoque est due à la désinhibition de certaines zones du cerveau, les mécanismes de contrôle inhibiteurs étant eux-mêmes déprimés. Classiquement l’intoxication éthylique se déroule en trois phases : › En premier lieu, une phase d’excitation psychomotrice. Chez le sujet non éthylique chronique, cette phase est observable à des concentrations de l’ordre de 0,5 à 2 g/L. Cette phase est caractérisée par l’apparition d’une euphorie
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moyenne, le sujet devenant plus sociable, plus loquace, plus confiant en luimême, avec diminution de l’inhibition. On note parallèlement une diminution de l’attention, du jugement et du contrôle. Cette phase d’euphorie s’accompagne d’une phase d’excitation avec instabilité émotionnelle, perte du jugement critique, troubles de la mémoire et de la compréhension. Le sujet présente alors une incoordination motrice, une diminution de réponse aux stimuli sensoriels, avec augmentation du temps de réponse. › En second lieu, une phase d’incoordination motrice. Chez le sujet non éthylique chronique, cette phase apparaît à des concentrations de 1,5 à 4 g/L. Le patient est désorienté et présente un début de confusion mentale. Il y a exacerbation des états émotionnels, des troubles sensoriels (diplopie, mydriase…) et de la perception des couleurs, des formes, des dimensions et des mouvements. Le seuil de perception de la douleur est augmenté. L’incoordination motrice est franche, la démarche est ébrieuse, voire impossible et il en est de même pour la station debout. La diminution de réponse aux stimuli sensoriels est marquée. Le sujet présente des troubles de la conscience, de la somnolence à la stupeur. Il peut vomir et devenir incontinent. › Enfin, la phase comateuse. Cette phase intervient pour des concentrations en éthanol qui sont le plus souvent supérieures à 3 g/L. Le sujet est inconscient, comme anesthésié et présente une diminution ou abolition des réflexes, une hypotension, une dépression respiratoire, une hypothermie et un relâchement des sphincters. Le décès est possible en cas de survenue de complications respiratoires, dont le risque est accru pour des concentrations égales ou supérieures à 5 g/L. Le parallélisme entre l’état clinique et l’alcoolémie est surtout observable chez le sujet non éthylique chronique. Celui-ci n’existe plus en cas de chronicité des prises où des alcoolémies élevées (3 à 4 g/L) ne s’accompagnent pas de troubles de la vigilance.
3.5.2 Effets sur l’aptitude à conduire un véhicule [2] 3.5.2.1 Effets sur la vision On estime que 90 % des informations utiles à un automobiliste proviennent de son système visuel : la qualité et la performance visuelles sont donc des atouts primordiaux pour une bonne conduite. Aux faibles alcoolémies (< 0,5 g/L) les performances visuelles sont moins affectées par les modifications de la vision que par les modifications du fonctionnement cérébral. De même que la motricité de tout l’organisme est affectée, on note des modifications dans les mouvements oculaires : les mouvements de saccades et leur temps de latence, le nystagmus et les mouvements de poursuite sont altérés. Dès 0,5 g/L, on peut être victime de diplopie et de strabisme. Au-delà de 1 g/L, on observe des effets très nets et importants : baisse de plus de la moitié de l’acuité visuelle dynamique, baisse de la sensibilité, de la persistance et de la vitesse de réponse aux stimuli visuels. On constate également une diminution de
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l’adaptation aux contrastes de lumière et une moindre résistance à l’éblouissement. Le seuil visuel de fusion critique est augmenté. La discrimination des couleurs est diminuée. D’autres altérations ont été observées, mais sont encore mal quantifiées : accommodation, acuité visuelle statique, réflexes pupillaires. Un facteur de tolérance individuelle intervient indiscutablement dans les variations engendrées par l’alcool.
3.5.2.2 Effets sur le temps de réaction Dans les années 1950, de nombreuses études ont montré les effets néfastes de l’alcool sur le temps de réaction. L’augmentation va de 5 % pour une alcoolémie de 0,12 g/L à 55 % pour une concentration de 1,8 g/L. Le temps moyen de réponse à un danger passe de 2,5 à 3,2 s pour une alcoolémie de 0,5 g/L. Si les tests sont multiparamétriques, on peut observer une augmentation de 200 % du temps de réaction pour une alcoolémie de 1,1 g/L. Ces derniers tests sont mieux adaptés à l’étude de la conduite automobile car, en situation réelle, le conducteur doit gérer de nombreux paramètres simultanément : vitesse, position du véhicule, panneaux de circulation, autres véhicules. 3.5.2.3 Alcool et insécurité routière [2, 16] L’altération de l’aptitude à conduire un véhicule à moteur en France, sous l’influence de l’alcool, a fait l’objet de plusieurs rapports émanant de la gendarmerie ou de comités d’experts de la sécurité routière. Le premier effet de l’alcool est une augmentation de la distraction dès le taux de 0,2 g/L. Au-delà de 0,5 g/L, le temps de réaction, l’aptitude au repérage, la coordination des manœuvres, la compréhension des informations et la capacité à les traiter, les fonctions oculomotrices et toutes les autres performances psychomotrices sont altérées. Les cyclomotoristes sont plus particulièrement affectés dès 0,6 g/L. Les perturbations psychiques sont en fait les plus dangereuses, avec un affaiblissement du jugement, du sens critique, de l’appréciation de ses limites et du contrôle de soi, mais aussi avec la levée de l’inhibition corticale, l’agressivité, la colère et le goût du risque. Toutes ces perturbations sont constantes à partir de 0,8 g/L. Il faut noter également que si le sur risque d’accidents est de 2,7 pour une alcoolémie inférieure à 0,5 g/L, il est doublé pour une alcoolémie comprise entre 0,5 et 0,8 g/L, multiplié par 5 pour une alcoolémie comprise entre 1,2 et 2 g/L et par 15 pour une alcoolémie supérieure à 2 g/L. Dans son rapport en 2007, le comité d’experts de la sécurité routière estime que la France a connu depuis 2002 une très forte baisse, de l’ordre de 40 %, du nombre des accidents et des tués. Mais ces progrès sont dus essentiellement à la forte baisse des vitesses alors que l’on n’a observé aucun progrès spécifique attribuable à l’alcool au cours de ces dernières années. La part des conducteurs dans les accidents mortels avec une alcoolémie illégale (supérieure ou égale à 0,5 g/L) n’a guère varié, se maintenant entre 16 % et 17 % depuis dix ans, alors que la consommation d’alcool en population
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générale a diminué de 11 % de 2001 à 2005. Le phénomène de l’accidentalité avec l’alcool est caractérisé par un effet fortement multiplicateur : les conducteurs circulant en état d’alcoolisation illégale sont plutôt rares de l’ordre de 1 à 2 %, alors même que la composante alcool représente une part évitable de 25 % des accidents mortels. Ce facteur se distingue donc fortement de la composante vitesse représentant un enjeu du même ordre mais caractérisé par un taux élevé de dépassement des vitesses légales, de l’ordre de 40 %. Les alcoolémies observées dans les accidents de la route en 2007 sont majoritairement très au-dessus du taux légal : dans les accidents mortels, l’alcoolémie moyenne des conducteurs impliqués avec l’alcool est de 1,8 g/L et plus de 80 % des conducteurs sont au-dessus de 1,2 g/L. Par ailleurs, si l’alcool au volant est concentré la nuit et le week-end, il n’est pas limité à l’alcool des jeunes mais concerne toutes les tranches d’âges jusqu’à 65 ans [16]. En 2008, on a assisté à une baisse de l’accidentologie sur la route de 7,5 % par rapport à l’année 2007. Le nombre des accidents corporels a baissé de 8,3 % et pour la première fois, le nombre de blessés descend sous le seuil de 100 000. On note également une baisse des vitesses moyennes, une hausse du port de la ceinture et une amélioration de la sécurité pour toutes les classes d’âge, malgré une trop légère baisse de la mortalité chez les usagers de deux-roues motorisés, particulièrement touchés dans la tranche d’âge des 25 à 44 ans. La conduite sous l’emprise de l’alcool reste la première cause de mortalité au volant. Et les jeunes entre 18 et 24 ans, principales victimes de la route, sont particulièrement touchés en 2008 : ils représentent 22,6 % des tués sur la route, contre 21,7 % en 2007 (source ONISR).
3.6 Législation L’alcool est une drogue légale dont la production, le commerce, la distribution et la consommation sont réglementés en France depuis plusieurs siècles, principalement depuis que ces boissons sont taxées par l’État. L’État s’est ensuite préoccupé de l’ordre public en sanctionnant l’ivresse publique depuis 1873. La santé publique et la lutte contre l’alcoolisme sont des préoccupations plus récentes, la première manifestation en est l’interdiction en 1915 de la production d’absinthe, la « fée verte » très prisée au xixe siècle notamment par les artistes comme Van Gogh, Verlaine ou Toulouse-Lautrec mais dont la toxicité rendait fou. La publicité des boissons alcoolisées est réglementée depuis 1941. L’État s’est ensuite préoccupé de réglementer les débits de boisson, d’en limiter le nombre et de protéger les mineurs avec le code des débits de boisson et de lutte contre l’alcoolisme, établi depuis 1954 et maintenant intégré dans le code de la Santé publique. Il a également limité le nombre de bouilleurs de cru en abrogeant la transmission de ce droit. L’alcool au volant est réprimé depuis 1965 et la consommation d’alcool sur les lieux de travail est réglementée depuis 1973. La plupart des dispositions législatives sont dans le code de la Santé publique, mais d’autres codes contiennent aussi des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’alcool (code pénal, code du travail…).
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3.6.1 Législation concernant la distribution de l’alcool La fabrication et la vente de certaines boissons alcoolisées au-delà d’une certaine teneur en alcool sont interdites. L’étiquetage doit mentionner un message à caractère sanitaire (« abus dangereux pour la santé »). La distribution de boissons alcooliques dans les distributeurs automatiques est interdite, y contrevenir est puni d’amende et de prison en cas de récidive.
3.6.2 Législation concernant la publicité des boissons alcoolisées La loi Évin du 10 janvier 1991, transcrite dans le code de la Santé publique, régit la publicité des boissons alcoolisées. La propagande et la publicité, directe ou indirecte, en faveur des boissons alcoolisées sont interdites, elles sont néanmoins autorisées dans un certain nombre de cas précis (foires, enseignes, catalogues et presse spécialisés…) mais doivent alors indiquer que « l’abus d’alcool est dangereux pour la santé ». Les opérations de parrainage sont interdites.
3.6.3 Législation des débits de boissons Dans les débits de boissons (cafés, brasseries, restaurants, buvettes, etc.), la vente et la consommation sont réglementées par attribution de licences. Seuls les établissements titulaires de la licence de quatrième catégorie peuvent proposer l’ensemble des boissons, « y compris celles du quatrième et du cinquième groupe » (voir ci-dessus).
3.6.4 Répression de l’ivresse publique L’ivresse publique et manifeste, constatée dans un lieu public, est une contravention de 2e classe passible d’une amende de 150 euros. La personne est conduite à ses frais au poste de police, pour y être retenue jusqu’à ce qu’elle ait recouvré la raison. Pour les gérants de débits de boissons, servir à boire à une personne manifestement ivre est une contravention de 4e classe passible d’une amende de 750 euros.
3.6.5 Protection des mineurs Il est interdit de recevoir dans un débit de boissons des mineurs de moins de 16 ans non accompagnés. Il est interdit de proposer des boissons alcoolisées aux mineurs de moins de 16 ans. Seuls les vins, bières et cidres peuvent être proposés aux mineurs de 16 à 18 ans.
3.6.6 Alcool en entreprise Responsable d’une augmentation de l’absentéisme, d’une baisse des performances et du nombre d’accidents du travail, l’alcool est une préoccupation dans le milieu
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de travail et est réglementé par le code du travail et le code de la Santé publique. Il faut noter que si un accident survient au temps et au lieu de travail alors que le salarié est sous l’emprise de l’alcool, il ne perd pas pour autant sa qualification d’accident de travail et l’employeur reste responsable, même sans avoir commis de faute. Exception faite du vin, de la bière, du cidre, il est interdit à toute personne d’introduire ou de distribuer, de laisser introduire ou de laisser distribuer sur les lieux du travail des boissons alcooliques. Il est interdit de faire entrer ou séjourner dans l’entreprise des personnes en état d’ivresse. L’employeur est tenu de mettre à la disposition du personnel de l’eau potable et fraîche. Le règlement intérieur peut limiter ou interdire toute consommation d’alcool (circulaire du 13 janvier 1969). Mais ce règlement intérieur ne peut contenir des restrictions aux libertés individuelles que si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché. Ainsi le recours à l’alcootest ne peut être systématique. Il n’est prévu que dans les cas où l’imprégnation alcoolique du salarié constitue un danger pour lui-même ou son environnement (manipulation de produits dangereux, utilisation de machines dangereuses, conduite de véhicules, notamment lors du transport de personnes). Il faut prévoir des modalités permettant une contre-expertise (seconde mesure…). Si l’état d’ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger, il peut alors constituer une faute grave justifiant un licenciement. Depuis 2002, l’employeur ayant une obligation de sécurité de résultat en matière d’hygiène et de sécurité, il doit évaluer les risques de son entreprise, y compris le risque alcool et, s’il en est besoin, élaborer un plan de prévention pour lutter contre ce risque avec l’aide des salariés et de leurs représentants, par la mise en œuvre d’information, formation, etc.
3.6.7 Répression de l’alcool au volant La loi du 9 juillet 1970 instaure, pour la première fois en France, un taux légal d’alcoolémie. Diverses lois vont ensuite renforcer les sanctions et les possibilités de contrôle et abaisser le seuil d’alcoolémie tolérée : la loi du 12 juillet 1978 autorise les contrôles d’alcoolémie, même en l’absence d’infractions ou d’accidents. Si le dépistage est positif, le conducteur doit subir les vérifications médicales cliniques et biologiques consignées dans les fiches A, B et C (2). La loi du 8 décembre 1983 fixe un seuil unique d’alcoolémie à 0,8 g/L de sang (ou, dans l’air expiré, un taux égal à 0,4 mg/L). Tout conducteur ayant atteint ce taux peut être sanctionné par une amende et/ou une peine de prison. La loi du 17 janvier 1986 prévoit le retrait immédiat du permis de conduire pendant 72 h en cas de présomption d’ivresse. Le permis peut être suspendu par le préfet pendant une durée de six mois. Dans les années 1990, la réglementation revoit à la baisse le seuil de tolérance de l’alcool au volant en faisant passer l’alcoolémie tolérée à 0,5 g/L de sang (ou 0,25 mg/L d’air expiré) et en aggravant les sanctions. Le tableau 3.1 reprend les sanctions encourues en fonction du taux d’alcoolémie et du contexte.
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TABLEAU 3.1 Sanctions encourues en cas d’alcoolémie au volant en France. Taux (même en l’absence d’ivresse manifeste) et situation Si > 0,2 g/L de sang pour les transports en commun Si entre 0.5 et 0.8 g/L de sang pour toutes les autres catégories de véhicules Si > 0,8 g/L de sang
Si récidive dans les 5 ans qui suivent l’expiration de la précédente peine Si > 0,5 g/L de sang + Accident ayant entraîné une Incapacité de travail > 3 mois Si > 0,5 g/L de sang et homicide involontaire Si refus de se soumettre au contrôle
Sanctions encourues = Infraction Amende jusque 750 € Retrait de 6 points du permis de conduire (PC) Immobilisation du véhicule ± suspension du PC 3 ans maximum = Délit Amende jusque 4 500 € Retrait de 6 points du permis de conduire (PC) Peine de prison jusque 2 ans Suspension ou retrait de PC ± Peines complémentaires (travaux d’intérêts généraux, stage obligatoire…) Doublement des peines maximales précédemment prévues Jusqu’à 7 ans d’emprisonnement et 100 000 € d’amende Jusqu’à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 € d’amende 1 an d’emprisonnement 3 750 € d’amende
La législation varie selon les pays de l’Union européenne. La législation sur l’alcool au volant dans ces pays est reprise dans le tableau 3.2 ci-après [16].
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TABLEAU 3.2 Limites des taux d’alcool au volant dans les pays de l’Union européenne. Pays Allemagne Autriche
Belgique Bulgarie Chypre Danemark Espagne
Estonie Finlande France Grèce Hongrie Irlande Italie Lettonie Lituanie Luxembourg Malte Pays-Bas Pologne Portugal République Tchèque Roumanie Royaume-Uni Slovaquie Slovénie Suède
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Taux en g/L et réglementation spécifique 0,5 (0 pour les jeunes conducteurs) 0,5 depuis janvier 1998 0,1 depuis 1992 pour les chauffeurs novices, moins de 2 ans de permis, pour l’ensemble des conducteurs de la moto aux conducteurs de poids lourds, ainsi que les conducteurs de bus 0.1 depuis 1997 pour les conducteurs de poids lourd (> 7 tonnes) ainsi que les conducteurs de tracteurs et de cyclomoteurs de moins de 20 ans 0,5 0,5 0,5 0,5 depuis le 1er mars 1998 0,5 depuis 1998 0,3 depuis 1998 pour les novices (moins de deux ans de permis, les conducteurs de : poids lourds (> 3,5 tonnes), d’autocars (> 9 places), de matières dangereuses, de transports de scolaires et mineurs, d’ambulances et de taxis 0,2 0,5 0,5 (0,2 depuis le 25 octobre 2004 pour les conducteurs de transport en commun 0,5 0 0,8 0,5 depuis le 22 juin 2002 0,5 (0,2 depuis 2004 pour les nouveaux conducteurs) 0,4 0,8 0,8 0,5 (0,2 pour les jeunes conducteurs) 0,2 0,2 décidé en juin 2001, remis à 0,5 en décembre 2001 0 0 0,8 0 0,5 0,2
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3.7 Procédure actuelle de détermination de l’alcool dans l’organisme [2] 3.7.1 Dépistage Il est effectué dans l’air alvéolaire expiré au moyen d’un éthylotest de catégorie A (type ballon, à usage unique) ou de catégorie B (électronique, utilisable plusieurs fois). Ces appareils doivent être agréés. Il n’est alors établi qu’une présomption d’état alcoolique qui doit impérativement être confirmée par une des méthodes décrites ci-après.
3.7.2 Confirmation Si le résultat du dépistage est positif (dépassement probable du seuil de 0,25 mg/L d’air expiré), la confirmation de l’état alcoolique doit être effectuée dans les plus brefs délais et peut se faire de deux façons : › Dans l’air expiré, avec un éthylomètre agréé et contrôlé depuis moins d’un an. Le résultat est immédiatement notifié au conducteur. Une seconde mesure peut être effectuée, à la demande du conducteur ou des autorités de police ou judiciaires, après vérification du bon fonctionnement de l’appareil. Il doit s’écouler 15 min au moins entre les deux mesures. Il n’est pas prévu d’imprimer directement le résultat qui est donc consigné par écrit dans le procès-verbal. Ces mesures ne sont pas des expertises, mais permettent de savoir si l’individu se trouve en phase montante ou descendante de son alcoolémie. › Dans le sang : uniquement en cas d’impossibilité de souffler dans l’éthylomètre. Les deux modes de vérification sont exclusifs l’un de l’autre. Après avoir effectué l’examen clinique et rempli les fiches B et C : recherche de l’état alcoolique, le médecin ou l’interne en médecine effectue le prélèvement sanguin par ponction veineuse au pli du coude avec le matériel fourni par l’administration. Les forces de l’ordre peuvent y assister. Le désinfectant ne peut être ni un alcool ni de l’éther : c’est en général un ammonium quaternaire. Les flacons doivent contenir un conservateur, du fluorure de sodium (30 mg pour 8 mL environ de sang prélevé) pour empêcher la dégradation de l’éthanol dans l’échantillon. L’examen attentif des kits de prélèvements fournis par les préfectures montre que ces dispositions ne sont pas toujours respectées puisque d’autres conservateurs sont utilisés. Il faut prélever au moins 15 mL de sang et les répartir entre les deux flacons, puis bien agiter après fermeture. Les flacons sont identifiés et scellés par une bande de papier collant. Le dosage sur le premier échantillon (accompagné de quatre exemplaires des fiches A : vérifications concernant l’alcoolémie, B et C) est le plus souvent effectué par n’importe quelle personne jugée techniquement compétente par le responsable du laboratoire. Il peut bien sûr aussi être effectué par un biologiste expert inscrit sur la liste de la Cour d’appel de la région. Seule une méthode officielle doit être utilisée et l’expert doit d’ailleurs en faire obligatoirement mention sur la fiche C où est inscrit le résultat. La cotation est de B50 pour la méthode chimique (dite de Cordebard) et de B120 pour
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la méthode par chromatographie en phase gazeuse (CPG). Un exemplaire des fiches est envoyé sous pli confidentiel au procureur, à la préfecture et à la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS). Le second échantillon sanguin, accompagné d’un exemplaire des fiches, est adressé à un biologiste expert qui doit les conserver au moins neuf mois. Seul un expert inscrit près d’une cour d’appel peut effectuer ce second dosage. Bien entendu, il n’utilisera que la CPG. La contre-expertise peut être demandée par le parquet ou le conducteur, dans les cinq jours qui suivent la notification du résultat.
3.8 Méthodes de mesures 3.8.1 Dépistage dans l’air 3.8.1.1 Éthylotests de catégorie A Un tube réactif est associé à une poche souple d’une contenance de 1 L environ. Les fonctions alcools réduisent le chrome de valence +6 (cristaux de chromate de potassium imprégné d’acide sulfurique, de couleur jaune) en chrome de valence +3, de couleur verte. Après 3 min, le changement de couleur s’opère sur une longueur grossièrement proportionnelle à la concentration de l’alcool dans l’air expiré. Un repère indique un dépassement probable du seuil de 0,25 mg/L d’air expiré. On estime que la précision de cette mesure n’est que de l’ordre de 20 %. 3.8.1.2 Éthylotests de catégorie B Ces appareils électroniques portables sont munis d’embouts à usage unique. L’affichage numérique permet une lecture directe du taux, qui reste cependant indicative. Grâce à un catalyseur, l’alcool est oxydé en acide acétique générant un courant électrique (deux électrons par molécule d’éthanol) proportionnel à la concentration d’alcool. L’acide acétique est ensuite dégradé en gaz carbonique et en eau. La mesure dure environ 20 secondes. Les deux types d’éthylotests donnent des réponses positives avec les autres alcools légers (méthanol, isopropanol, n-propanol, n-butanol), l’acétate d’éthyle et l’acétaldéhyde, mais ces composés ne peuvent se trouver normalement dans l’air expiré qu’à des taux extrêmement faibles et sont beaucoup plus toxiques que l’éthanol par ingestion. En revanche, l’acétone, les hydrocarbures et la vapeur d’eau n’interfèrent pas. Leur précision est de l’ordre de 5 %.
3.8.2 Dosage dans l’air expiré : éthylomètres Ils utilisent la mesure de l’absorption d’un rayonnement infrarouge entre 3,30 et 3,50 μm (élongation des groupements méthyle). La mesure se fait à deux longueurs d’onde : 3,39 et 3,48 μm pour éliminer les interférences dues à l’acétone (les rapports d’absorption sont différents). Mais d’autres produits volatils peuvent produire des interférences : 2-butanone, isopropanol, toluène, éther éthylique. La possibilité de
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leur mesure est envisagée et autorisée par la loi. En fait les appareils actuels utilisent un filtre à 9,4 μm pour supprimer l’influence de ces solvants. Le cahier des charges auquel sont soumis les fabricants pour l’homologation de leurs éthylomètres est très précis sur ce point. En réalité, la possibilité d’obtenir un taux faussement positif (> 0,25 mg/L d’air expiré) uniquement avec un solvant est quasiment impossible. La seule éventualité est celle d’un individu qui aurait consommé juste ce qu’il faut d’alcool pour être au-dessous de la limité légale, mais ayant été exposé également à des solvants… La réponse de l’appareil à ceux-ci ferait alors franchir la limite légale. Il faut aussi envisager le cas de l’inhalation de produits industriels contenant plusieurs entités chimiques volatiles, dont la somme des mesures ferait monter artificiellement le taux d’alcool mesuré. Ces éventualités sont rares, mais il ne faut pas les négliger.
3.8.3 Dosage dans le sang (méthodes officielles) La méthode de dosage par distillation puis oxydation a été décrite au Journal Officiel en 1955 puis détaillée en 1972 [2, 17]. L’alcool mais aussi d’autres substances volatiles sont isolées par distillation avec une solution d’acide picrique. L’alcool présent dans le distillat est oxydé par un mélange nitro-chromique. L’addition d’iodure de potassium permet la libération d’iode dosé en retour par le thiosulfate de sodium. Le dosage est effectué en double et il faut prendre la moyenne des deux résultats. La méthode est bon marché. Elle est reproductible si elle est confiée à un opérateur entraîné mais peu précise (5 %). Elle a le très gros inconvénient de ne pas être spécifique, dosant en même temps toutes les substances volatiles réductrices présentes dans l’échantillon (méthanol, formol, 1-propanol, 2-propanol, butanol, par exemple). Enfin, elle nécessite 5 mL de sang, bien que l’on puisse effectuer le dosage sur 2,5 mL. La CPG, officiellement utilisable depuis 1986, est la référence en ce domaine. Les arrêtés d’application ne sont jamais parus, chaque analyste est libre d’utiliser le protocole de son choix. Les méthodes de l’alcool par CPG sont donc nombreuses. On peut travailler avec des colonnes remplies type Porapack®Q, Carbopack®B ou C, Carbowax®20M aussi bien qu’en colonnes capillaires. L’injection est soit manuelle, directement après dilution de l’échantillon avec l’étalon interne, soit automatique (espace de tête statique ou dynamique après addition d’un sel pour améliorer la diffusion des substances volatiles dans le flacon). L’étalon interne est le plus souvent le 2-propanol, mais il faut lui préférer le 1-propanol que l’on ne retrouve pas dans le sang. La détection se fait par ionisation de flamme (FID).
3.8.4 Autres méthodes Des méthodes enzymatiques sont parfois utilisées dans les laboratoires hospitaliers non équipés de CPG. Le plus souvent automatisé, le dosage consiste en une transformation de l’alcool éthylique en acétaldéhyde par l’ADH dont la coenzyme, le NAD se trouve réduit en NADH mesuré par spectrophotométrie ultraviolette. Ces méthodes enzymatiques sont acceptables pour un usage hospitalier courant, mais la spécificité des
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mesures reste leur point faible, notamment en cas de présence de méthanol ou d’un état d’acidocétose. C’est pour cette raison qu’elles n’ont aucune valeur légale.
3.8.5 Dosage dans l’humeur vitrée de l’œil (vitré) Il est parfois impossible de prélever du sang sur un cadavre à la suite d’un grave accident. Dans ce cas, on peut faire appel au vitré et y doser l’alcool. Sturner en 1966 [12] fut le premier à démontrer qu’il existait une bonne corrélation entre les teneurs en alcool du vitré et du sang. De très nombreuses études ont été menées depuis, dans lesquelles le rapport moyen va de 0,90 à 1,38, le rapport théorique étant de 1,27 à l’équilibre. Si le rapport est inférieur à 1, le décès serait survenu pendant la phase d’absorption d’alcool. On ne peut donc estimer qu’approximativement une alcoolémie à partir de la concentration de l’alcool dans le vitré. Les avantages du dosage dans ce prélèvement sont autres : même quand des soins de thanatopraxie ont été effectués, on retrouve un rapport de 0,81. D’autre part, comme c’est un milieu très protégé et peu sensible à la putréfaction et donc à la fermentation, l’alcool retrouvé dans le vitré ne peut être que d’origine exogène. On peut donc supposer raisonnablement que l’absence d’alcool dans le vitré avec une faible alcoolémie (< 0,3 g/L) signe une production post-mortem d’éthanol. Au contraire, une alcoolémie supérieure à 0,5 g/L a 99 % de chance d’être associée à la présence d’alcool dans le vitré [2].
3.9 Assurance de qualité Pour les éthylomètres, les seuls points d’assurance de qualité sont la conformité aux normes officielles, établies par un laboratoire indépendant, puis la vérification annuelle et l’apposition d’une marque le précisant. Les appareils s’autocontrôlent avant chaque analyse et en particulier avant la seconde mesure. La traçabilité des résultats n’a pas été envisagée et rien n’est prévu officiellement pour la formation des forces de l’ordre à l’utilisation de ces éthylomètres. Pour les dosages sanguins, le guide de bonne exécution des analyses de biologie médicale (GBEA) et les règles de l’expertise judiciaire s’appliquent. Après enregistrement des scellés, la description des flacons de sang (état, volume, identification, correspondance avec les fiches A et B) est primordiale. Un exemplaire des fiches B et C doit toujours être conservé. Lors des dosages, les contrôles internes permettent une dérive de l’appareillage. La participation à un programme de contrôle externe complétera la démarche d’assurance qualité. Celui organisé à l’initiative de la Société française de toxicologie analytique (SFTA) et de la Compagnie Nationale des Biologistes et Analystes Experts (CNBAE) a remporté un vif succès et a montré, s’il en était besoin, la supériorité de la CPG sur les méthodes enzymatiques [2].
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3.10 Interprétation des résultats La formule de Widmarck [18] permet théoriquement après détermination de l’alcoolémie d’un sujet de remonter à la quantité d’alcool pur ingéré.
Formule de Widmarck M=C×R×P M représente la quantité d’éthanol ingéré en g. C représente l’éthanolémie en g/L. R est le rapport entre le pourcentage de l’alcool dans l’organisme et le pourcentage de l’alcool dans le sang. Ce facteur de répartition R est estimé à 0,68 pour l’homme et à 0,55 pour la femme. P représente le poids du sujet en kg.
Pour estimer le nombre de verres bus, il suffira de diviser la quantité d’alcool estimée par la quantité d’alcool contenue dans un verre de boisson alcoolique. On estime qu’un verre du commerce contient environ 12 g d’alcool pur. La contenance de ces verres est normalisée (bière : 250 mL ; vin : 120 mL ; apéritifs et vins cuits à 18° : 80 mL ; boissons distillées à 40° : 40 mL).
3.11 Conclusion L’alcool représente un coût très lourd pour l’individu et pour la société. Comme pour toutes les conduites de dépendance, les conséquences de la consommation excessive d’alcool sont particulièrement graves tant sur le plan physiopathologique, qu’au plan psychosocial. Si au cours de ce chapitre nous avons évoqué principalement les risques à court terme dont l’ivresse, un état de désinhibition pouvant être à l’origine d’accidents de la circulation, d’accidents du travail, de violences publiques ou conjugales, il n’en demeure pas moins que la consommation régulière d’alcool à long terme entraîne une dépendance qui se manifeste par une recherche compulsive du produit. L’alcool consommé en excès pendant plusieurs années a des effets redoutables sur l’organisme, notamment sur le foie et le système nerveux. Les atteintes du foie provoquent des surcharges en lipides (stéatoses), des cirrhoses, des hépatites alcooliques, et aggravent l’évolution des hépatites B et C. Les atteintes du système nerveux diminuent l’activité des neurones et provoquent des troubles cognitifs, des troubles de la mémoire, de la perception, une détérioration des capacités d’élaboration, une désorganisation des mouvements, des états confusionnels. En outre le contact du produit avec les voies aérodigestives supérieures entraîne chez les gros consommateurs d’alcool un risque accru de cancers de la bouche, du
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pharynx, de l’œsophage et du larynx. Enfin l’alcool traversant la barrière placentaire, on sait aujourd’hui que les femmes enceintes qui consomment régulièrement de l’alcool prennent le risque de perturber le développement psychomoteur de leur enfant. La prévention contre l’alcoolisme revêt donc une importance capitale et les mesures prises notamment en matière de circulation routière incitent les buveurs occasionnels ou excessifs à réfléchir avant de prendre le volant et aux conséquences désastreuses de l’alcool pour leur propre santé.
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Patrick Mura1 et Véronique Dumestre-Toulet2
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Cannabis Introduction En juin 2003, dans le sud-ouest de la France, un camion benne de collecte de déchets ménagers se renverse dans un virage avec à son bord le chauffeur et deux agents de collecte. Les agents de collecte sont légèrement blessés. Le chauffeur présente un traumatisme thoracique et des lésions de compression aux tiers inférieurs des deux jambes. L’enquête précise que le disque du chrono-tachygraphe révèle une vitesse de 60 km/h à l’entrée du virage alors que la vitesse y est limitée à 30 km/h. La recherche des stupéfiants dans le sang indique la présence de cannabinoïdes avec un THC à 4 ng/mL et un THC-COOH à 57,8 ng/mL. En juin 2008 dans l’Eure, un jeune conducteur de 22 ans décède dans une collision après avoir traversé un terre plein central, heurté un autre véhicule et fait des « tonneaux ». Ses quatre passagers de moins de 27 ans sont également tués. La vitesse était en cause, mais pas seulement. Si le conducteur présentait une alcoolémie inférieure à 0,5 g/L, le THC et ses métabolites étaient eux bien présents. Cinq morts pour un « pétard » ! 1. Laboratoire de Toxicologie et Pharmacocinétique, CHU de Poitiers. 2. Laboratoire Toxgen, Bordeaux.
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En novembre 2008, sur une autoroute du pays Basque, un chauffeur de poids lourd venant d’Espagne ne ralentit pas dans une zone de travaux et renverse sa remorque qui contenait des billes de bois. Trois morts sont identifiés dans le véhicule totalement écrasé qui arrivait en face. Les analyses sanguines du chauffeur révèlent la présence de THC (1,2 ng/mL) et de THC-COOH (21 ng/mL). Le chauffeur a déclaré aux enquêteurs pendant la garde à vue qu’il n’avait pas vu la signalisation des travaux et le rétrécissement de chaussée. En mars 2009, M. X, couvreur zingueur qui travaille sur un toit fait une chute accidentelle d’une hauteur de 8 m et décède sur le coup. L’analyse du sang indique la présence d’alcool et de cannabis (THC : 5,6 ng/mL ; THC COOH : 48 ng/mL). Il avait bu et fumé deux heures avant l’accident. Qu’il s’agisse de conduite à usage privé, de conduite à usage professionnel, ou d’accidents du travail non liés à la conduite d’un véhicule, ces exemples sont hélas devenus fréquents en France. Le terme latin cannabis est dérivé du grec kannabis avec une racine assyrienne quanabu. Cette plante originaire d’Asie centrale est connue depuis environ 5 000 ans avant notre ère, et se serait diffusée au gré des migrations humaines vers l’Occident [1]. Aujourd’hui, le cannabis est le stupéfiant le plus utilisé et le plus disponible en France. En 2005, plus de 12 millions de personnes (3/10) déclarent en avoir déjà consommé et 1,2 million de consommateurs réguliers sont déclarés (plus de 10 fois dans les 30 derniers jours) [1]. La France est le deuxième pays européen après l’Espagne pour la consommation de cannabis. De tels chiffres donnent le vertige et il s’agit d’un véritable problème de société puisque le coût social du cannabis en tenant compte de toutes les dépenses pour la collectivité est estimé à 919 millions d’euros [1]. L’usage du cannabis est un facteur d’insécurité dans de nombreuses situations de la vie, ayant entraîné la mise en place de nombreux travaux ou même de législations spécifiques : › Le cannabis est impliqué dans les accidents de la route. Plusieurs études multicentriques ont été réalisées depuis 10 ans [2–6] à l’origine de législations spécifiques concernant la violence routière [7, 8]. › Le cannabis est impliqué dans de nombreux accidents du travail comme le mentionnent des travaux et des publications récentes [9–12]. › Le cannabis est présent dans les affaires de soumission chimique selon les résultats de l’enquête sur la soumission chimique menée par l’Afssaps de 2003 à 2005 [13], ce qui n’est pas surprenant compte tenu de ses effets sur le psychisme [14]. › Le cannabis est présent dans de nombreux cas de décès (37,5 %) en relation avec l’abus de médicaments et de substances selon l’étude DRAMES [15]. Dans ce chapitre, nous aborderons ces différents aspects et les données les plus récentes issues de différentes études publiées et des travaux de la commission
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« Drogues et conduites addictives » de la Société française de toxicologie analytique (SFTA www.sfta.org).
4.1 Les produits 4.1.1 Prévalence en France et en Europe 4.1.1.1 En France La prévalence de consommation de cannabis connaît depuis quelques années une progression spectaculaire [16–18]. L’Observatoire français des toxicomanies (OFDT) estime que parmi les 1,2 millions d’usagers réguliers, le nombre d’usagers quotidiens est de 550 000 et que la part des consommateurs réguliers est en hausse, étant passée de 3,8 à 5,9 % entre 2000 et 2005 [1] Les enquêtes menées lors de la journée d’appel à la défense (ESCAPAD 2000 et 2005) ou ESPAD 2003 (European School Survey Project on Alcohol and Other Drugs), le baromètre Santé 2005 de l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé), les sources de l’Office central pour la Répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) permettent d’avoir des données relativement précises.
Estimation du nombre de consommateurs de cannabis en 2005 parmi les 12–75 ans – Expérimentateurs : – Dont actuels : – Dont réguliers : – Dont quotidiens :
12,4 millions 3,9 millions 1,2 millions 550 000
Les hommes se révèlent être des consommateurs plus nombreux que les femmes (4,3 % vs. 1,3 % chez les usagers réguliers) et l’usage diminue avec l’âge comme le montre la figure 4.1. La consommation à l’adolescence est précoce et en augmentation (12,8 % des jeunes de 13 ans et 49,5 % des jeunes de 17 ans ont expérimenté le cannabis au moins une fois). Par ailleurs, les usages sont plus importants chez les moins de 20 ans actifs, en apprentissage ou formation alternée que les élèves et étudiants. Il existe des variations importantes selon le milieu social et la sociabilité [1]. Selon l’OCRTIS, le cannabis est le premier produit stupéfiant saisi en France (9 saisies sur 10) ; 87 tonnes de cannabis (très majoritairement de la résine) ont été saisies en 2005, vs. 51,6 tonnes en 1997. L’essentiel de la résine consommée en France provient du Maroc, dont la surface cultivée était en 2006 de 76 400 hectares. L’herbe est importée majoritairement de Belgique et des Pays-Bas.
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% 75 70 65 60 55 50 45 40 35 30 25 20 15 10 5
Hommes-vie Femmes-vie 57
59 Hommes-année
53
Femmes-année
48 38 32
41
39
39 30
30
25
24
27
24
21 18
9
14
11 7
9 15-19 ans
20-24 ans
25-29 ans
30-34 ans
35-39 ans
40-44 ans
11 5
4
1
45-49 ans
50-54 ans
4
0
17
16
15
55-59 ans
6 5 0 60-64 ans
FIG. 4.1 Usages du cannabis aux cours de la vie et de l’année par sexe et par âge en 2005 [1].
Le chiffre d’affaires annuel en 2005 issu de la vente de cannabis est évalué, à partir des données déclaratives, à 832 millions d’euros. Le prix moyen d’un gramme de cannabis est aujourd’hui d’environ 4 euros, après avoir baissé de 30 % au cours des dix dernières années. On constate également une part importante de don de cannabis chez les adolescents (enquête ESCAPAD 2005). Le nombre de consommateurs recourant à l’autoculture peut être estimé à 200 000. En 2005, 90 905 usagers de cannabis ont été interpellés contre 66 577 en 1997 (soit + 36 %). Les usagers interpellés sont très majoritairement jeunes (23 ans en moyenne avec 15 % de mineurs en 2001, beaucoup plus que pour les autres stupéfiants). Le devenir judiciaire des usagers est difficile à évaluer mais il semble y avoir une hausse des alternatives aux poursuites, ayant représenté 80 % des procédures en 2005 (rappel à la loi, injonction thérapeutique, classement avec orientation sanitaire, composition pénale). Les interpellations en France pour trafic de cannabis en 2005 ont été de 12 929 dont 98 % dans le cadre d’un trafic local ou usage/revente. Seulement 2 % des interpellations concernent le trafic international qui reste très difficile à démanteler. On observe une hiérarchie entre les sanctions judiciaires à l’encontre des trafiquants donnant lieu à des peines d’emprisonnement pour les importations/exportations, prison avec sursis et fortes amendes dans les cas d’offres/cessions.
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4.1.1.2 En Europe L’Observatoire européen des drogues et toxicomanies (OEDT) a obtenu une standardisation des protocoles de recueil des données dans les différents pays permettant de dresser une cartographie. On estime à 3 millions le nombre d’usagers quotidiens en 2003 en Europe. Le cannabis s’est diffusé massivement en Europe occidentale depuis 1990. La France fait partie en 2003 et en 2005 des pays les plus consommateurs avec 17 à 22 % d’usagers dans la population (adultes + adolescents) au cours de l’année écoulée, juste après l’Espagne et avant le Royaume-Uni, la république Tchèque et Chypre. En ce qui concerne la population adolescente (15–16 ans), la France arrive en tête avec 22 % pour un usage au cours du dernier mois, alors que des pays comme l’Espagne, le Royaume-Uni, la République Tchèque, la Belgique et la Suisse annoncent une consommation entre 16 et 21 %, et la Grèce, Roumanie, La Pologne et la Suède rapportent des taux inférieurs à 5 %. Les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Italie occupent une position médiane.
4.1.2 Description Le cannabis est une plante appartenant à l’ordre des urticales et à la famille des cannabinacées (figure 4.2), décrit en 1758 par Linné sous le nom de Cannabis sativa [1, 18, 19]. Les deux principales variétés sont Cannabis sativa variété sativa (chanvre textile ou fibreux) et Cannabis sativa variété indica (chanvre indien ou type « drogue »). Le chanvre textile est cultivé en Europe pour ses fibres (tissus, cordages) et pour ses graines oléagineuses ou chènevis. Le chanvre « Indien » pousse de façon endémique dans les régions tropicales ou subtropicales mais est aussi cultivé pour sa production de « résine » riche en principes actifs psychotropes. Il s’agit d’une plante herbacée annuelle dont les plants peuvent atteindre de deux à six mètres dans des conditions de culture idéale ainsi que pour le chanvre textile. Le port est élégant et sa couleur est d’un vert très caractéristique. Les plants portent des feuilles opposées à la base puis alternées, découpées en 5 à 7 folioles ou segments. Les segments sont lancéolés, dentelés et disposés en éventail. La plupart des variétés ont des plants mâles et femelles séparés, le plant mâle étant plus petit et plus grêle. Les inflorescences femelles ou sommités fleuries (groupement des fleurs sur la plante) se présentent en cymes compactes, mêlées de bractées foliacées et sécrètent une « résine » sous forme de fins cristaux adhérents aux fleurs et aux feuilles. Le plant femelle serait plus riche en résine que le plant mâle. Le fruit ou graine (le chènevis) est un akène ovoïde qui ne contient pas de principe actif. La variété sinsemilla, obtenue à partir des plants femelles non pollinisés et dépourvus de graines, produit davantage de résine.
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cannabis ???
cannabis sativa
FIG. 4.2 Cannabis sativa (selon www.botanical.com).
Les cannabinoïdes présents dans la résine et dans les feuilles sont les substances psychoactives spécifiques du cannabis. Parmi la soixantaine de cannabinoïdes présents dans le Cannabis sativa indica, on trouve essentiellement des terpénophénols, parmi lesquels figure le delta-9-trans tétrahydrocannabinol (THC) qui constitue le principal produit psychoactif chez l’homme. Selon les conditions climatiques et les conditions de culture, la teneur en THC peut varier de façon considérable. Ainsi, grâce à des techniques horticoles très poussées (cultures sous serres, hydroponiques, conditions de températures et de luminosités optimales), les Néerlandais arrivent à obtenir des variétés à très forte teneur en THC (Nederwiet, super-skunk) [16, 17]. Le cannabis que l’on trouve en Europe vient essentiellement du Maroc et des PaysBas (pour l’herbe essentiellement). Cependant les pays producteurs et exportateurs dans le monde sont aussi l’Afghanistan, la Thaïlande, le Pakistan, le Népal, le Liban, l’Afrique subsaharienne, la Colombie, la Jamaïque, le Mexique. Le marché américain est alimenté par une production illicite très importante de certains États de l’Ouest [1]. Plusieurs études ont été menées afin d’évaluer les concentrations en THC [20-23]. Il faut citer en particulier deux études menées sur les produits de saisies en France. La première étude sur la période 1993/2000 rassemble 5 152 résultats d’analyse et montre que, jusqu’en 1995, les deux tiers des échantillons d’herbe contenaient moins de 5 % de THC, et la moitié des résines entre 5 et 10 % de THC [20]. Sur la période 1996-2000 commencent à apparaître des échantillons d’herbe et de
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résines (10 % environ) fortement titrés en THC avec des teneurs de 10 à 20 %. L’étude réalisée entre 2001 et 2004 [21] sur 3 322 échantillons montre en comparaison des résultats de l’étude précédente, que les teneurs en THC des résines se recentrent dans la fourchette 10 à 15 % pour la résine. Ainsi la teneur moyenne n’a cessé d’augmenter et a été multipliée par 2 en 10 ans (teneur moyenne des résines en 1993-1996 : 4,3 % et en 2001-2004 : 8,84 %). Cette évolution des teneurs en THC est illustrée par la figure 4.3. De tels produits n’ont donc plus grand chose en commun, en terme de toxicité, avec le cannabis des années 1960 [21, 10]. 60
Échantillons %
50 93 à 95 40
96 à 98
30
99 et 2000 01 et 02
20
03 et 04 10 0 0-5
5-10
10-15
15-20
> 20
THC % de matière sèche
FIG. 4.3 Évolution des teneurs en THC dans les échantillons de résines entre 1993 et 2004.
4.1.3 Mode de consommation Appellations du cannabis Le cannabis disponible en France est désigné sous de multiples appellations [1, 19] (sources SINTES et TREND) faisant référence :
– à l’origine géographique : afghan, marocain, africain, libanais, népalais… ; – à la langue du pays d’origine : marijuana, haschich, h, hasch, haya ou aya, kif au Maroc, zamal à la Réunion, kali en Guyane, zahref au Liban, grifa au Mexique ; – à une variété spécifique ou à un mode de culture pour de l’herbe : skunk ou super skunk, sinsemilla, ganja, haze, white widow ; – à une qualité supérieure : pollen bombe, gras, spoutniz ou inférieure : tchernobyl ou tcherno ; – à une appellation argotique : beuh, beu, rebeu, (herbe), tosma (matos), techi, teuch, toch, shit, merde, weed.
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Il peut-être consommé sous plusieurs formes [1, 16, 19]. L’herbe, encore appelée foin, chiendent, est un mélange de sommités fleuries et de feuilles, séchées et hachées contenant souvent des graines dont la texture ressemble à celle du thé. Son odeur est forte et caractéristique. Ces préparations sont destinées à être fumées, soit pure (pétard) ou mélangées à du tabac (joint) dans du papier à cigarette. Certains les fument également dans des pipes (pipes à kif, shilom) ou en utilisant des narguilés ou chicha, pipes orientales à long tuyau communiquant avec un flacon d’eau aromatisée que la fumée traverse avant d’être inhalée. Le bangh indien ou bong est à l’origine une décoction aqueuse ou alcoolique d’herbe avec du lait. Toutefois, ce terme désigne aujourd’hui en France une pipe à eau, souvent fabriquée par l’usager avec une bouteille plastique et un tuyau en caoutchouc (bang) et qui sert à consommer des douilles (quantité définie). Il faut également citer l’autoculture ou culture de cannabis par un particulier en plein air ou en intérieur (dite « en placard ») en recrudescence en France [1]. La résine (haschich) est une poudre brunâtre ou jaunâtre obtenue par battage et tamisage des feuilles et des sommités florales sèches, puis compressée sous forme de plaquettes ou savonnettes dont la taille et le poids peuvent être très variable (100 à 250 g). Elles sont d’ordinaire vendues détaillées sous formes de barrettes de 2 à 10 g enveloppées de papier aluminium ou de cellophane. La résine est souvent mélangée (adultérée) à divers ingrédients comme du henné, du curry ou encore de la terre, de la graisse, de la cire… Une adultération par des billes de verre destinées à alourdir le poids du produit a été rapportée en 2007 en France ([1], source TREND). La résine est principalement utilisée pour confectionner des joints en émiettant après chauffage une petite quantité dans du tabac, roulé dans du papier à cigarette. Bien que le NIDA (National Institute of Drug Abuse) définisse le joint standard comme contenant 9 mg de delta-9-THC, une étude réalisée en France en 2005 estime qu’un joint moyen contient entre 20 à 50 mg de THC correspondant à une dose absorbée par l’usager (selon la manière de fumer) comprise entre 3,5 et 24 mg [1, 17]. La résine peut aussi être utilisée dans des compositions culinaires : « beurre de Marrakech », « space-cake ». L’huile de cannabis est un liquide visqueux, brun vert à noirâtre, d’odeur vireuse. Elle résulte de l’extraction de la résine par de l’alcool à 90° suivie d’une exposition au soleil pour évaporer l’alcool. L’huile contient environ 60 % de THC. Lorsqu’elle est consommée telle quelle, elle possède des effets hallucinogènes. L’huile est utilisée fumée ou ingérée, elle est cependant peu répandue en France. Les graines de cannabis (chènevis) ne contiennent aucune substance psychoactive. Elles sont généralement récupérées pour la semence ou destinées à alimenter les oiseaux. Quant aux pailles, elles sont brûlées ou réincorporées dans le sol pour servir d’amendement. Sous les appellations de Gorilla ou Sence, le spice est apparu en 2004 et s’est réellement répandu en 2006 puis largement proposé à la vente en 2007 sur Internet.
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Présenté comme un encens ou comme un mélange de plantes exotiques, vendu sous forme de sachets de 3 g à un prix de 15 à 30 €, son aspect est très voisin de l’herbe. En 2008, un laboratoire allemand y a identifié un cannabinoïde de synthèse, le JWH-018. Peu de temps après, l’université de Fribourg a révélé la présence d’un autre cannabinoïde de synthèse, le CP-47,497. Enfin, le laboratoire des douanes aux États-Unis y a identifié du HU-210, un cannabinoïde de synthèse aux effets psychoactifs extrêmement puissants. Après avoir été interdit dans plusieurs autres pays, le spice a été inscrit sur la liste des stupéfiants en février 2009.
4.1.4 Composition chimique On distingue aujourd’hui plus de soixante cannabinoïdes naturels. Il s’agit de dérivés phénoliques non azotés du benzopyranne. Parmi les cannabinoïdes présents dans la plante (figure 4.4), on trouve principalement : le cannabidiol (CBD), le cannabinol (CBN), le delta-9-transtétrahydrocannabinol (THC), le delta-8-transtétrahydrocannabinol et les acides delta-8 et delta-9-tétrahydrocannabinoliques. Ce dernier ne possède pas d’effets psychodysleptiques mais il est transformé en THC lors de sa combustion, lorsque la plante est fumée. La principale composante psychoactive du cannabis est le THC, un psychodysleptique majeur, plus actif sous sa forme lévogyre [19]. CH3
CH3 9 8
OH
OH 1
7
H3C
H3C H3C
O
4
3
C5H11
H3C
Delta-9-trans-tetrahydrocannabinol (THC)
Cannabinol
COOH
CH3
OH
OH H3C H2C
C5H11
O
HO Cannabidiol
C5H11
H3C H3C
O
C5H11
Acide 11-nor-delta-9tetrahydrocannabinol-carboxylique (THC-COOH)
FIG. 4.4 Structure chimique des principaux cannabinoïdes.
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À côté des cannabinoïdes, la fumée de cannabis contient de très nombreuses autres substances (on en dénombre environ 460) : monoxyde de carbone, phénols, acroléine, acétaldéhyde, toluène, chlorure de vinyle, crésols, cyanures, acétone, ammoniaque, benzopyrène, benzanthracène, diméthylnitrosamine, méthyléthylnitrosamine, etc. Cependant, nous limiterons notre propos aux cannabinoïdes, composés responsables des effets psychotropes du cannabis.
4.2 Pharmacologie Après inhalation, 15 à 50 % du THC présent dans la fumée sont absorbés et passent dans le flux sanguin [24]. Les concentrations sanguines maximales (50 à 400 ng/mL) sont obtenues en 7 à 10 min après le début de l’inhalation [25, 26] et sont dose-dépendantes. Très lipophile, le THC se distribue rapidement dans tous les tissus riches en lipides dont le cerveau, et de manière persistante dans toutes les zones cérébrales à forte densité de récepteurs [27]. Chez des sujets décédés et pour lesquels une autopsie avait été pratiquée, il a été montré que le THC pouvait encore être présent dans le cerveau à des concentrations significatives voire importantes alors qu’il n’était plus détectable dans le sang [28]. Les auteurs avaient également révélé au niveau cérébral la présence de 11-OH-THC et de THCCOOH. Le volume de distribution du THC dans l’organisme est de 4 à 14 L/kg [29]. Cette fixation tissulaire importante est responsable d’une diminution rapide des concentrations sanguines [30]. Des auteurs ont montré que 60 min après le début de l’inhalation d’un « joint » contenant 1,75 % de THC, les concentrations sanguines étaient inférieures à 10 ng/mL [31]. Cette forte lipophilie, l’existence d’un cycle entéro-hépatique et de la réabsorption rénale se traduisent par des effets psychoactifs prolongés. Des auteurs [32] ont étudié sur simulateurs de conduite les effets (erreurs de conduite) obtenus par la consommation de « joints » dosés à 100, 200 ou 250 μg/kg de poids du sujet. Ils ont indiqué l’existence d’effets dose-dépendants et d’une corrélation linéaire significative pendant une durée de 2 à 7 h (selon les effets, le plus persistant étant le suivi de trajectoire). Les concentrations sanguines en THC ne peuvent être utilisées pour juger des altérations comportementales induites par une consommation de cannabis. En effet, sur la base des travaux de Cocchetto et coll. [33], Harder et coll. [34] ont comparé l’évolution dans le temps des concentrations sanguines de THC et les effets psychiques ressentis par les sujets, après consommation de « joints » contenant 1, 3 ou 9 mg de THC. Les résultats, illustrés par la figure 4.5, montrent que les effets psychiques obtenus après consommation isolée d’un joint contenant 9 mg de THC persistent pendant une durée d’environ 2 h, tandis que la concentration en THC dans le sang est rapidement très faible et de l’ordre du ng/mL au bout de 2 h. Les mêmes auteurs ont par ailleurs montré que l’amplitude des effets était dépendante de la dose et de la concentration sanguine maximale observée.
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ng/ml 300 250 200 150 100 50 0 0
0,4
0,8
1,2
1,6
2
2,4
2,8
3,2
heures
FIG. 4.5 Concentrations en THC (triangles) et effets physiques et psychiques « ressentis » par le sujet (carrés) en fonction du temps après inhalation de 9 mg de THC [33].
Des travaux récents [35, 36] ont montré que chez des consommateurs réguliers et intensifs, le THC pouvait être encore présent dans le sang à des concentrations tout à fait significatives après sept jours d’abstinence. Sur les 25 sujets inclus dans le protocole, 9 d’entre eux avaient encore des concentrations supérieures à 1 ng/mL. De telles observations remettent donc en cause le fait que la présence de THC dans le sang indique obligatoirement une consommation récente. Le THC subit, au niveau des microsomes hépatiques, un métabolisme oxydatif conduisant aux composés suivants : › le 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol (11-OH-THC). Métabolite psychoactif, ses concentrations sanguines sont de 4 à 20 ng/mL après 20 min et inférieures à 1 ng/ mL 4 h après le début de l’inhalation [25]. Lorsque le cannabis est consommé par ingestion, la quasi-totalité du THC est hydroxylée (principalement en 11-OHTHC) au niveau de la muqueuse intestinale, ce qui se traduit dans le compartiment sanguin par une concentration en 11-OH-THC supérieure à celle du THC. › le 8β-hydroxy-Δ9-tétrahydrocannabinol, potentiellement psychoactif mais dont la participation aux effets du cannabis est négligeable en raison de ses très faibles concentrations et d’un métabolisme très rapide ; › deux autres composés hydroxylés, dérivant des précédents et considérés comme inactifs, ont été identifiés : le 8β,11-dihydroxy-Δ9-tétrahydrocannabinol et le 8α-hydroxy-Δ9-tétrahydrocannabinol ; › le 11-nor-9-carboxy-Δ9-tétrahydrocannabinol (métabolite acide, THCCOOH). Obtenu par oxydation du 11-OH-THC, il ne possède aucune activité
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pharmacologique. Cet acide commence à apparaître dans le sang dans les minutes qui suivent l’inhalation. Au cours des étapes successives de distribution et de métabolisme du THC, les concentrations en THC-COOH dans le sang augmentent tandis que celles de THC décroissent. L’élimination des cannabinoïdes se fait par différentes voies : digestive, rénale, sudorale. Environ 15 à 30 % du THC sanguin sont éliminés dans les urines sous forme de THC-COOH, et 30 à 65 % le sont par les selles sous forme de 11-OH-THC et de THC-COOH. En raison de sa forte fixation tissulaire, l’élimination urinaire est lente. Les demi-vies d’élimination sont très variables selon la dose et selon qu’il s’agit de consommateurs occasionnels ou réguliers. Par exemple, dans le cas d’une consommation peu importante mais répétée (un « joint » par jour contenant 1,75 ou 3,55 % de THC pendant 2 semaines), elles sont comprises entre 44 et 60 h [37]. Chez de gros consommateurs réguliers, du THC-COOH peut être encore présent dans les urines 27 jours après arrêt de la consommation [38]. Du THC et du 11-OH-THC peuvent également être retrouvés après 24 jours d’abstinence dans les urines de consommateurs réguliers et intensifs [39]. Selon les auteurs, ces résultats indiquent clairement que la présence de THC et/ou de 11-OH-THC dans les urines ne constitue pas une preuve d’usage récent.
4.3 Mécanismes d’action au niveau cérébral Les récepteurs et leurs localisations au niveau du cerveau sont désormais bien connus [40, 41]. Les récepteurs CB1 sont des récepteurs membranaires interagissant avec les protéines G, constitués de 473 acides aminés et comportant plusieurs sites de glycosylation. Ils sont localisés principalement au niveau central dans les structures suivantes : cortex frontal, cortex occipital, substance noire, cervelet, hippocampe. Des concentrations bien moindres de récepteurs CB1 ont aussi été retrouvées au niveau de l’utérus, des gonades, du cœur et de la rate. On n’en retrouve pas dans le bulbe, ce qui explique l’absence de décès directement imputable à une surdose de cannabis. Le récepteur CB2 est aussi un récepteur membranaire. Peu présent dans le système nerveux central, on le retrouve surtout dans les éléments figurés du sang : lymphocytes B, lymphocytes T, monocytes « natural killers » (NK). Les mécanismes impliqués dans la voie hédonique, concourant au sentiment de plaisir procuré par ces produits, sont aujourd’hui bien documentés, aboutissant notamment à une augmentation de la libération de dopamine au niveau du noyau accumbens et de l’aire tegmentale ventrale. De même, les mécanismes responsables des perturbations cognitives et motrices sont aujourd’hui bien décrits [42]. La liaison des cannabinoïdes aux récepteurs CB1 entraîne une inhibition de l’adénylcyclase par l’intermédiaire de la protéine Gi et une activation des AMP kinases par l’intermédiaire des sous-unités β8. Parallèlement, les cannabinoïdes modulent les canaux potassiques dans l’hippocampe et les canaux calciques de type N dans le ganglion cervical supérieur. Le ligand naturel de ces récepteurs est l’anandamide, un
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dérivé naturel de l’acide arachidonique. L’anandamide possède une bonne affinité pour les récepteurs CB1 et une affinité bien moindre pour les récepteurs CB2. Il diminue l’activité de la cellule nerveuse. Ce neurotransmetteur n’est pas stocké par les neurones mais réside dans leur membrane sous forme d’un précurseur phospholipidique, dont il est libéré sous l’influence d’une phosphodiestérase de type D. Cette large panoplie de mécanismes explique la dépendance au produit qui perturbe la plupart des fonctions cognitives et motrices impliquées dans la conduite d’un véhicule [43, 44].
4.4 Effets sur le psychisme et conséquences sur l’accidentalité 4.4.1 Effets psychiques d’une consommation isolée (effets aigus) Les effets aigus sur le psychisme sont représentés par : › des modifications de la perception du temps et des distances [45] ; › des perturbations sensorielles [46] représentées par une perception exacerbée des sons et surtout des modifications de la vision associées à une mydriase, une diplopie et un nystagmus ; › une diminution de la vigilance [17] associée à une sédation pouvant aller jusqu’à la somnolence, voire l’endormissement ; › des troubles thymiques et dissociatifs avec euphorie, anxiété, agressivité, dépersonnalisation avec disparition des inhibitions et indifférence vis-à-vis de l’environnement, une conscience accrue de soi ; › des hallucinations et délires possibles notamment avec les nouveaux produits pouvant être très concentrés en cannabinoïdes [20] ; › une diminution des performances intellectuelles, motrices et cognitives ; › des perturbations de la mémoire immédiate pouvant persister après plusieurs jours, voire semaines d’abstinence [47] ; › des crises d’angoisse aiguë, bien qu’exceptionnelles, au cours desquelles un véritable état de panique peut s’installer.
4.4.2 Effets psychiques d’une consommation régulière (effets chroniques) Une méta-analyse a été effectuée en s’appuyant sur les résultats de 35 études [48]. Chez les patients ayant consommé du cannabis, le risque de développer plus tard dans leur vie une pathologie psychiatrique (odds ratio) était augmenté d’un facteur 1,41 (1,20–1,65). Cette augmentation du risque est dose-dépendante. Les sujets ayant eu une consommation fréquente avaient deux fois plus de risque de développer une pathologie psychiatrique que les sujets n’ayant jamais consommé de cannabis (odds ratio 2,09 ; 1,54–2,84).
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Parmi les effets sur le psychisme pouvant être induits par un usage régulier de cannabis, sont rapportés :
› Un syndrome amotivationnel, fréquemment observé. Le sujet se désintéresse de tout, n’éprouve plus de plaisir. Il ne parvient plus à se concentrer sur une activité et fait abstraction de son environnement quotidien ; › Des syndromes de désorganisation de la pensée, psychotiformes, pouvant survenir même chez des sujets sans antécédent psychiatrique ; › Une augmentation du risque de développement ou d’aggravation de la schizophrénie [43]. L’association schizophrénie et addiction au cannabis est relativement fréquente, cette comorbidité allant jusqu’à 40 % dans certaines études [49]. Un risque suicidaire augmenté a été rapporté chez les schizophrènes consommateurs de cannabis [50].
4.4.3 Conséquences sur l’accidentalité L’usage de cannabis est un facteur indéniable d’insécurité routière. Si quelques auteurs émettaient encore il y a quelques années des doutes sur ce point, cela n’est plus de mise aujourd’hui [51–54]. C’est aussi la raison pour laquelle de très nombreux pays ont mis en place une législation sur ce thème. Une étude longitudinale réalisée en Nouvelle-Zélande a même rapporté que, pour certaines populations de conducteurs, les risques liés à la conduite sous influence de cannabis peuvent être aujourd’hui supérieurs à ceux de la conduite sous influence de l’alcool [55]. Cette influence néfaste sur les capacités à conduire un véhicule en toute sécurité a été démontrée par des études sur simulateur de conduite [54, 56–58], les résultats de tests comportementaux [59, 60] ainsi que par de nombreuses études cas-témoins. Une vaste étude multicentrique française [4] a été la première à quantifier le risque relatif d’accident associé à un usage récent de cannabis. L’analyse du sang de 900 conducteurs impliqués dans un accident corporel et de 900 sujets témoins a montré des différences de prévalences très significatives entre les conducteurs et les témoins. Chez les moins de 27 ans, le principe actif du cannabis était seul présent chez 15,3 % des conducteurs vs. 6,7 % des témoins. Dans cette même tranche d’âge, l’analyse statistique des résultats (calcul des odds ratios) a permis aux auteurs de montrer que la fréquence des accidents était multipliée par 2,5 avec un usage récent de cannabis, et par 4,6 avec l’association alcool-cannabis. Une étude réalisée en Guadeloupe sur 94 conducteurs et 94 témoins de moins de 30 ans et utilisant un protocole similaire a révélé un sur-risque de 2,7 pour le cannabis. Ces résultats ont été confirmés ensuite par une étude australienne effectuée sur 3 398 conducteurs décédés dans un accident de la voie publique, avec un sur-risque de 2,7 pour le THC [62]. Dans le cadre de l’application de la loi Gayssot, a été organisée en France du 1er octobre 2001 au 30 septembre 2003 la recherche systématique d’une
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consommation de stupéfiants chez les conducteurs impliqués dans un accident immédiatement mortel de la circulation routière. Cette étude (« étude SAM ») [63] a porté sur 10 748 conducteurs impliqués dans 7 458 accidents et les dosages sanguins ont été réalisés par 34 laboratoires ou experts. Le seuil de positivité retenu pour le THC était de 1 ng/mL. Tous âges confondus, 7 % du nombre total des conducteurs étaient positifs au cannabis. Toutes concentrations confondues, la fraction d’accidents mortels attribuable à une positivité au cannabis est de l’ordre de 2,5 % (intervalle de confiance à 95 % : 1,5–3,5). Les auteurs en concluent que le risque de décès d’un conducteur est augmenté par sa positivité au cannabis. Ils ajoutent par ailleurs que des taux de cannabis peu élevés agissent essentiellement dans le sens d’une plus grande vulnérabilité des conducteurs face à la rencontre d’un événement inattendu et que, pour des valeurs plus élevées, on retrouve la même dégradation globale des capacités de conduite que celle qui conditionne des pertes de contrôle. Toutes ces études ont permis de mieux apprécier quantitativement le niveau de risque induit par une consommation de cannabis. Mais la plupart d’entre elles ont inclus également les conducteurs non décédés immédiatement. Or, en raison de la décroissance très rapide des concentrations sanguines en THC et du délai parfois long (3 h à 4 h 30 dans le cas de l’étude SAM), il existe un risque important de sous estimation de l’implication du cannabis dans les accidents. Des études de prévalence plus récentes ont évité cet écueil en n’incluant que les sujets décédés immédiatement au cours de l’accident. L’analyse du sang de 2003 conducteurs de moins de 30 ans, décédés dans un accident de la voie publique en France pendant la période du 1er janvier 2003 au 31 juillet 2004 a confirmé que le cannabis était de loin le stupéfiant le plus fréquemment retrouvé [6]. En effet, 793 conducteurs (39,6 %) avaient fait usage de cannabis, le métabolite acide du THC (THC-COOH) étant présent dans le sang. Par ailleurs, du THC était retrouvé chez 579 d’entre eux (28,9 %). Dans 80,2 % de ces cas positifs, le THC était le seul stupéfiant présent. Une étude similaire portant sur les années 2005 et 2006, effectuée sur 908 échantillons sanguins provenant de conducteurs décédés de moins de 30 ans, a montré que les prévalences concernant le THC et l’éthanol étaient devenues semblables, étant respectivement de 27,6 et 30,2 % [64]. L’implication du cannabis dans la survenue d’accidents du travail a été rapportée [65–67] mais on dispose à l’heure actuelle de très peu de données au plan épidémiologique. L’altération des performances cognitives et motrices, les troubles de l’attention, de la mémoire immédiate et de la perception sensorielle, le syndrome amotivationnel, sont autant d’éléments induits par une consommation de cannabis qui peuvent expliquer un risque accru d’accidents du travail.
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4.5 Aspects analytiques 4.5.1 Particularités et choix des milieux biologiques Démontrer qu’une personne a consommé du cannabis est une chose aisée. Les tests de dépistage autant dans l’urine (chapitre 8, Dépistage urinaire), dans la salive depuis le décret du 31/07/2008 (chapitre 9, Dépistage salivaire) que dans le sang ou les cheveux [67, 68] répondent à cette question. Montrer que, au moment d’un fait (contrôle routier, accident, décès, etc.), l’individu est sous influence de cannabis et que son comportement est modifié est beaucoup plus difficile. Les propriétés physicochimiques des cannabinoïdes et en particulier la lipophilie et liposolubilité exceptionnelles du THC sont responsables d’une distribution non linéaire dans les tissus de l’organisme [27–30]. Les nombreux travaux publiés ces dernières années permettent néanmoins de mieux connaître la pharmacocinétique des produits et d’optimiser le choix du milieu pour la mise en évidence des cannabinoïdes dans l’organisme qui dépendra bien sûr du test à réaliser, dépistage ou confirmation. Ce sujet est largement développé dans des chapitres spécifiques de cet ouvrage et nous ne ferons ici que résumer les principaux avantages et inconvénients des différents milieux biologiques potentiellement utilisables.
4.5.1.1 Urine On y retrouve essentiellement le principal métabolite du THC, le THC-COOH, métabolite inactif, en fortes concentrations et le 11-OH-THC, métabolite actif, sous forme conjuguée (moins de 2 % de la dose initiale). Les inconvénients de ce milieu sont nombreux et sont liés en premier lieu aux propriétés physicochimiques de la molécule. En effet, en raison de la forte lipophilie du THC, celui-ci sera libéré très lentement des tissus adipeux. Ainsi, après consommation de cannabis, le THC-COOH sera encore présent jusqu’à 8 à 12 jours après la prise chez un fumeur régulier et jusqu’à 3 semaines chez un gros consommateur. Un résultat positif dans les urines ne permettra donc pas de distinguer une consommation récente d’une consommation plus ancienne. Par ailleurs, même si le recueil urinaire est un prélèvement non invasif, il n’est pas facile à effectuer, notamment en bord de route car il nécessite des véhicules spécialement équipés. Les possibilités d’adultération sont nombreuses et largement explicitées sur Internet où l’on peut trouver des sites dédiés à ces pratiques [70, 71]. 4.5.1.2 Salive Récemment admise en France comme milieu de dépistage dans le cadre des contrôles routiers (décret 31/07/2008) [72], elle a été et est encore l’objet de nombreuses études [73–75]. Les principaux avantages de la salive sont sa facilité de recueil (prélèvement non invasif ), un recueil pouvant être réalisé devant témoin (peu de risque d’adultération), on y retrouve la plupart des stupéfiants et elle reflète bien mieux que l’urine la présence d’un composé dans le sang puisqu’elle contient 90
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essentiellement les produits parents. Les cannabinoïdes ne sont pas excrétés dans la salive [73] (chapitre 9) mais leur voie d’administration étant quasiment toujours buccale, le THC est détectable dans ce milieu pendant plusieurs heures, suite à la contamination par la fumée inhalée et à une séquestration buccodentaire. La recherche du THC dans la salive semble préférable à l’analyse urinaire en cas d’une exposition récente au cannabis. Les quantités de salive recueillies sont cependant peu importantes rendant difficiles les confirmations chromatographiques et une éventuelle contre-expertise.
4.5.1.3 Sang Le sang constitue un milieu idéal pour la confirmation car il permet de doser le THC, le 11-OH-THC et le THC-COOH et de différencier généralement, selon les termes du législateur [8] les sujets « ayant fait usage de » de ceux « sous influence » de cannabis. Il peut être utilisé comme milieu de dépistage [68] en laboratoire, mais ne peut être utilisé pour un dépistage rapide sur le lieu d’un accident (ou un contrôle préventif ) à cause du caractère invasif du prélèvement et de l’exploitation analytique longue et nécessitant des appareillages spécifiques. 4.5.1.4 Cheveux et autres phanères L’analyse des cheveux ne permet pas de mettre en évidence une consommation datant de quelques heures, mais renseigne sur le vécu toxicomaniaque d’un individu. Ainsi, les recherches de cannabinoïdes dans les cheveux soit en dépistage [69], soit par analyse séquentielle (en coupant les cheveux en segments de 1 cm) [76, 77] permettent de confirmer un usage régulier de cannabis (en cas de litige) et de vérifier que le sujet a arrêté de consommer dans le cadre de la restitution du permis de conduire après suspension pour infraction à la législation [78] (chapitre 11). Il est à noter que les méthodologies utilisables pour l’analyse des cheveux et autres phanères ne sont réalisables que par des laboratoires spécialisés.
4.5.1.5 Sueur Ce milieu biologique est peu utilisé car le THC éventuellement présent (résultat d’une concentration par évaporations successives) peut être éliminé par simple lavage. Sa présence peut aussi résulter d’une exposition passive.
4.5.1.6 Air expiré À la différence de l’alcool, le THC est un composé très lipophile et n’est donc pas ou infiniment peu éliminé par voie pulmonaire.
4.5.2 Dépistages L’urine a été et reste encore le milieu de choix pour la plupart des contrôles routiers (décret du 27 août 2001, loi violence routière 2003) [7, 8] mais aussi pour le suivi
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des salariés occupant des postes à risques dans les entreprises ayant mis en place une politique de prévention et en l’attente d’une législation adaptée [11]. De plus, les concentrations sont généralement plus élevées dans l’urine que dans d’autres milieux biologiques. Les tests immunochimiques conçus pour le dépistage urinaire représentent un marché toujours croissant pour l’industrie du diagnostic. Il existe des tests non instrumentaux dédiés au dépistage rapide (bord de route, lieu de travail…) dits « savonnettes », de qualité variable et des tests nécessitant un équipement de laboratoire se présentant sous la forme de trousse de réactifs adaptés à un automate (tests EMIT, RIA, FPIA, CEDIA, ELISA, KIMS…) plus performants. Les caractéristiques, avantages et inconvénients de ces tests sont développés dans le chapitre 8. Les tests salivaires autorisés dans le cadre de la sécurité routière depuis le 30/07/2008 [72] sont très utilisés dans les dépistages de masse (contrôles préventifs) et après un accident en remplacement de l’urine. Ils sont orientés vers le produit parent THC qui, bien que n’étant pas excrété dans la salive, se retrouve dans la cavité buccale puisque c’est la voie d’administration principale (voir ci-dessus et chapitre 9). Le cannabis peut ainsi être dépisté alors que le sujet est encore sous l’influence du produit. En France, c’est le Rapid STAT® qui a été choisi comme outil de dépistage. Selon le fabricant, il permettrait de détecter 15 ng/mL de THC dans la salive. Ce seuil de positivité est largement inférieur à celui qui est recommandé par la SAMHSA (Substance Abuse and Mental Health Services Administration) pour le dépistage salivaire du cannabis, à savoir 4 ng/mL. Un tel manque de sensibilité pourrait se traduire par un nombre important de résultats faussement négatifs. Les tests immunochimiques de type ELISA réalisés au laboratoire autorisent aussi les dépistages dans le sang [68] permettant une recherche en urgence, bien sûr à confirmer par technique chromatographique ainsi que les dépistages dans les cheveux [69], très pratiqués aux États-Unis en médecine du travail (Workplace drug testing using hair samples) [79] pour le screening de masse des employés.
4.5.3 Confirmations La mise en œuvre d’une technique de dépistage ayant conduit à un résultat positif doit toujours être suivie d’une technique de confirmation. En effet, dans toute technique immunologique, les anticorps présentent des réactivités croisées avec des composés apparentés, et parfois même avec des composés de structure très différente. De plus, et tout particulièrement avec le cannabis, il est indispensable de préciser les concentrations présentes dans l’échantillon, pour une interprétation correcte des résultats. Bien qu’invasif, le sang est le seul milieu envisageable, permettant tout à la fois de confirmer la présence de cannabinoïdes dans l’organisme et de relier les concentrations observées à une modification de la vigilance. Son prélèvement est toujours réalisable, in vivo et post-mortem.
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Les techniques de confirmation font obligatoirement appel à des méthodes séparatives, parmi lesquelles la chromatographie en phase liquide et la chromatographie en phase gazeuse avec au minimum l’utilisation d’un couplage à la spectrométrie de masse.
4.5.3.1 Dosages sanguins De nombreuses techniques sont publiées dont la technique recommandée par la SFTA qui fait appel à la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM) [80]. Cette technique permet une limite de quantification inférieure au seuil minima de 1 ng/mL. D’autres techniques ont été décrites par CPG-SM ainsi que par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse tandem HPCPL-SM/SM) qui abaisse encore le seuil de détection. Ces techniques nécessitent une dérivation avant l’analyse chromatographique pour rendre les cannabinoïdes volatils. Des techniques par chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse tandem sont également décrites (HPCPL-SM/SM). Elles permettent d’éviter les étapes de dérivation mais présentent des sensibilités inférieures aux techniques CPG en raison de particularités physicochimiques des cannabinoïdes. La préparation des échantillons sanguins fait appel à des extractions par des mélanges de solvants, en phase liquide (LLE) ou encore sur des colonnes garnies de phase solide (SPE). Toutes ces techniques sont développées dans le chapitre 10.
4.5.3.2 Autres confirmations 4.5.3.2.1 Dosages urinaires L’intérêt majeur du dosage des cannabinoïdes dans les urines est le dosage du THC-COOH, métabolite inactif du THC, en confirmation d’un dépistage positif par immunoanalyse. On peut également retrouver dans les urines le 11-OH-THC, métabolite actif, qui témoigne de la prise par voie orale du cannabis (compositions culinaires « beurre de Marrakech », « space-cake »). Ces aspects sont développés dans le chapitre 10. 4.5.3.2.2 Dosages salivaires
La salive peut être extraite et analysée comme d’autres milieux biologiques. Cependant, les quantités de salive recueillies sont beaucoup plus faibles que le sang et il faut pouvoir travailler sur quelques centaines de microlitres de salive, parfois moins, permettant rarement une nouvelle analyse ou une contre-expertise. Plusieurs techniques ont été développées pour la confirmation du dosage de THC dans la salive, utilisant des détections en spectrométrie de masse tandem (CLHP-SM/SM et CPG-SM/SM). Ces techniques sont développées dans le chapitre 9 ainsi que la corrélation des concentrations salive/sang. 4.5.3.2.3 Dosages dans les phanères
L’analyse de confirmation se fait par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse et mesure simultanément le THC, le cannabinol et le
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cannabidiol. Les limites de quantification ont été validées à 0,1 ng/mg. La mesure du THC-COOH métabolite, seule preuve du passage par la voie générale et qui exclut tout risque de contamination externe par la fumée de cannabis est parfois nécessaire. Ces techniques sont développées dans le chapitre 11.
4.5.4 Interprétation des résultats d’analyses Elle est aujourd’hui bien documentée dans la littérature internationale mais reste toujours délicate. Les techniques actuelles permettent de descendre aisément en deçà du seuil minimum requis de 1 ng/mL pour le THC indiqué dans le décret du 27 août 2001 [7]. La demande des magistrats et des OPJ porte maintenant sur la différenciation des sujets sous influence de cannabis au moment d’un fait ou d’un accident, de ceux ayant fait usage du stupéfiant (délai entre l’exposition et l’accident). Cette approche est l’objet des modèles de Huestis et de Daldrup, présentés dans le chapitre 10 et d’un consensus de la Société Française de Toxicologie Analytique (SFTA) publié sur le site Internet (www.sfta.org/presentation/main/consensus/ interpretstups.htm) qui propose les interprétations suivantes pour le cannabis.
4.5.4.1 Cas n°1 – Présence de THC et de THC-COOH et éventuellement de 11-OH-THC, quelles que soient les concentrations (> 0,2 ng/mL) La présence de dérivés du cannabis dans le sang indique que le sujet a consommé récemment du cannabis et qu’il était sous influence de ce produit au moment du prélèvement (ou du décès). En effet, la présence de THC au niveau du sang indique que du THC est présent au niveau du cerveau (cervelet, cortex frontal et occipital, hippocampe, etc.). Lorsque la concentration de THC est supérieure à celle du 11-OH-THC, cela témoigne d’une consommation par inhalation. Lorsque la concentration de 11-OH-THC est supérieure à celle du THC, cela témoigne d’une consommation par ingestion.
4.5.4.2 Cas n° 2 – présence de THC-COOH (concentration > 0,2 ng/mL) et absence de THC et de 11-OH-THC La présence de THC-COOH révèle une consommation de cannabis. L’absence de THC et de 11-OH-THC indique que cette consommation a eu lieu plusieurs heures avant le prélèvement (> 6–8 h). En l’absence de THC et lorsque la concentration en THC-COOH est peu élevée (inférieure à 20 ng/mL), il y a lieu de considérer que le sujet n’était plus sous influence de cannabis au moment du prélèvement (ou du décès). En l’absence de THC et lorsque la concentration en THC-COOH est élevée (> 40 ng/mL), nous ne pouvons pas exclure le fait que le sujet était sous influence de cannabis au moment du prélèvement. En effet, des études récentes ont montré que le THC pouvait être encore présent dans le cerveau alors qu’il n’était plus détectable dans le sang.
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Observations complémentaires Une concentration élevée en THC (> 20 ng/mL) ne signifie pas que le sujet a inhalé une forte dose. En revanche, cela signifie que le sujet a consommé très récemment (dans les minutes qui ont précédé). Il n’y a aucune relation entre effet (sur la conduite automobile) et concentration de THC dans le sang. Une concentration très élevée en THC-COOH (> 50 ng/mL) indique le plus souvent qu’il s’agit d’un consommateur régulier et important de cannabis.
4.5.5 Conservation des échantillons Les demandes de contre-expertises et les analyses à distance d’un même échantillon sanguin conservé à – 20 °C selon les recommandations légales, par des laboratoires utilisant pourtant les même techniques et soumis à des contrôles externes de qualité comme celui de la SFTA ont mis en évidence des problèmes de stabilité des cannabinoïdes. La commission « Conduites addictives » de la SFTA a ainsi réalisé une étude [81] incluant 15 laboratoires français dans le but de tester différentes conditions de conservation (contenant, température, additif ) sur 12 mois. Plus de 1 750 résultats ont été colligés et mettent en évidence que la meilleure conservation est obtenue dans des tubes en verre ou plastique contenant de l’héparinate de lithium et à une température de + 4 °C. Il semble que la congélation à – 20 °C diminue significativement les concentrations en THC. Ces résultats sont confirmés par une étude complémentaire utilisant une technique HPCLP-SM/SM [82]. D’autres essais sur un nombre plus important d’échantillons de sang conservés à + 4 °C sont encore en cours.
4.6 Conclusion En 1993, un écrivain dénommé Michka écrivait : « … il n’y a pas, dans toute la littérature médicale accumulée depuis plus de 150 ans, un seul cas de décès imputable au cannabis. » [83]. Selon l’analyse réalisée en 2001 par M.B. Biecheler-Fretel dans le cadre de l’expertise collective Inserm [17], « faute d’études épidémiologiques fiables, il est aujourd’hui encore impossible d’affirmer l’existence d’un lien causal, au sens d’une corrélation statistique solidement établie, entre l’usage du cannabis et les accidents ». Et l’auteur d’ajouter que les sujets sous influence du cannabis prendraient moins de risque que les sujets témoins, notamment en termes de vitesse, de dépassements et de distances de sécurité avec le véhicule les précédant. La forte implication de l’usage du cannabis sur l’accidentalité est aujourd’hui peu contestée, hormis par les farouches partisans d’une légalisation de cette substance qui ne supportent pas l’idée que le « pétard » puisse avoir des effets néfastes, dans quelque
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domaine que ce soit. En effet, les résultats des études épidémiologiques, le nombre de drames dans lesquels le cannabis est impliqué voire responsable, les nouvelles connaissances sur la neurobiologie du cannabis, la mise en évidence de pathologies psychiatriques lourdes de conséquences induites par un usage régulier, les modifications des pratiques de consommation tendant vers une recherche de la « défonce », traduisent une toxicité neurocomportementale des plus redoutables pour les sujets ayant à réaliser des actes complexes, que ce soit en milieu professionnel ou lors de la conduite d’un véhicule. C’est pourquoi comme de nombreux autres pays, la France s’est dotée d’une législation spécifique dans le domaine de la sécurité routière, dont la dernière composante a été l’introduction du dépistage salivaire. Parmi les mesures prises lors du Comité Interministériel de la sécurité routière du 18 février 2010, les frais des analyses sanguines qui confirment les tests salivaires positifs seront désormais à la charge du contrevenant et non plus du ministère de la Justice. Une telle décision devrait permettre de multiplier le nombre de contrôles réalisés au bord de la route. Par ailleurs et malgré le vide juridique concernant les conduites addictives en milieu professionnel, de plus en plus d’entreprises et de secteurs professionnels réalisent des dépistages à l’embauche pour les personnes occupant des postes à risque pour euxmêmes ou pour autrui. Dans ce domaine, une législation s’impose aujourd’hui en France à l’instar de ce qui est réalisé dans le domaine de la sécurité routière.
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décret n° 2001-251 du 22 mars 2001 relatif à la partie réglementaire du code de la route et modifiant le code de la route, JO du 28 août 2001.
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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
Florian Klinzig1 et Marie-Hélène Ghysel Laporte2
5
Amphétamines et dérivés Les amphétamines sont des produits synthétiques, stimulants du système nerveux central, essentiellement utilisés de manière illicite par des toxicomanes lors de consommations festives ou par des sportifs comme produit dopant ou comme coupe-faim. L’accroissement du niveau de vigilance, des performances, l’augmentation de la concentration, le sentiment de bien-être, d’euphorie, de confiance en soi, la diminution de la sensation de fatigue allant jusqu’à la privation de sommeil, sont des propriétés recherchées par les sujets dépendants, les sportifs, les étudiants ou les conducteurs devant faire de longs trajets. Leur utilisation en thérapeutique se limite au traitement des troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité de l’enfant ou la narcolepsie ou cataplexie chez l’adulte ou encore des syndromes dépressifs sévères chez le vieillard. Leurs propriétés anorexigènes ont été mises à profit dans le traitement de l’obésité, mais cet usage a fortement décru en raison des risques observés lors d’une utilisation chronique.
1. Laboratoire de Police scientifique, Lille. 2. Laboratoire de Toxicologie de Police scientifique, Paris.
103
Drogues et accidentalité
Introduction Après une hausse généralisée de la consommation dans les années 1990, on observe désormais, à l’échelle européenne, une stabilisation voire une baisse modérée de la consommation de produits de la famille des amphétamines. Cette constatation n’est cependant pas applicable à tous les pays. La prévalence est également très variable selon les tranches d’âges. En France, une augmentation de la consommation a été observée ces dernières années chez les adolescents et les jeunes adultes. Cette hausse s’est répercutée sur les cas d’accidents mortels de la circulation routière chez les jeunes conducteurs et impliquant un produit de la famille des amphétamines [1]. En Europe la prévalence de la consommation d’amphétamine varie de 0,1 % à 11,9 % dans la population générale (15 à 64 ans). En moyenne, 3,3 % des adultes européens affirment avoir fait usage d’amphétamine au cours de leur vie. En France, elle était estimée en 2005 à 1,4 %. Les pays qui affichent les chiffres les plus élevés sont le Royaume-Uni, la Norvège et le Danemark. L’usage de l’ecstasy est similaire. Environ 3 % des Européens ont fait usage d’ecstasy au cours de leur vie (valeurs entre 0,3 et 7,3 % selon les pays). En France en 2005, cette prévalence était évaluée à 2 % pour la tranche d’âge 15–64 ans. La prévalence la plus élevée est rencontrée dans la tranche d’âge 15–24 ans [2, 3].
Amphétamines et conduite automobile Une étude française réalisée en 2005 a établi la présence de dérivés de l’amphétamine chez 3,1 % des conducteurs décédés dans un accident de la circulation routière. Parmi ces composés, le plus fréquemment rencontré est la MDMA associée à son métabolite principal la MDA. Lors d’une étude identique réalisée sur la période 2000–2001, le pourcentage de conducteurs positifs pour les dérivés d’amphétamine était plus faible : 1,4 %. Ces chiffres sont le reflet d’une récente hausse de consommation de produits de type amphétaminiques constatée dans la population française de moins de 30 ans [1, 4]. Des études similaires réalisées en Europe confirment la disparité de l’usage des amphétaminiques selon les pays. En Suisse, lors d’une campagne de dépistage réalisée sur des conducteurs suspectés de conduite sous influence de produits stupéfiants (dépistage urinaire positif) entre 2002 et 2003, les amphétaminiques représentaient 9 % des cas, dont 6 % de MDMA et 4 % d’amphétamine [5]. En Suède et en Belgique les amphétamines représentaient 50 à 60 % des stupéfiants identifiés chez des conducteurs impliqués dans un accident de la circulation routière [6, 7].
104
Amphétamines et dérivés
5.1 Produits D’après le rapport de l’office central de répression du trafic de produits stupéfiants (OCRTRIS), en 2007, l’ecstasy ou 4 méthylènedioxyméthamphétamine (MDMA) était la première drogue de synthèse faisant l’objet de trafic et de consommation. En 2007, 1,4 millions de comprimés ont été saisis, dont la moitié serait destinée à l’étranger. Les saisies étaient de 2 millions en 2002–2003 et de 800 000 en 2005. À titre de comparaison, 13 000 doses de LSD ont été saisies au cours de l’année 2007. Parmi les autres amphétaminiques, les saisies d’amphétamine s’élèvent à 307 kg, et à 147 g pour la méthamphétamine. Le Système de Traitement Uniformisé des Produits Stupéfiants (STUPS©) alimenté par les 5 laboratoires de Police scientifique de l’Institut national de Police scientifique, indique que le nombre total de dossiers d’amphétamine et dérivés est de 149 sur l’année 2007 et représente 6 % du nombre total de dossiers. Parmi ceux-ci, la MDMA correspond à 77 % des cas traités, l’amphétamine à 20 % et la méthamphétamine à moins de 1 %. En 2007, dans STUPS© la mCPP a été retrouvée dans 47 % des gélules et comprimés non stupéfiants, soit 25 dossiers. De rares cas isolés de mélange de MDMA et de m-chlorophénylpipérazine (mCPP) ont été recensés (5 cas sur 149 en 2007 d’après STUPS© 2007) ainsi que l’utilisation de produits comme la 4-bromo-2,5-diméthoxyphénéthylamine (2-CB) [8]. Ces dérivés de l’amphétamine, que les Américains appellent Designer’s drugs (médicaments « bricolés »), ont des propriétés pharmacologiques différentes des hallucinogènes (ne provoquant pas de vision, de dépersonnalisation…), mais génèrent un profond état d’empathie vis-à-vis de soi-même et des autres. Ces molécules sont classées parmi les entactogènes, terme créé en 1986 par David Nichols et Alexander Shulgin et signifiant « qui facilite une prise de conscience du soi » et favorisant la communication, l’introspection, les contacts sociaux, l’empathie, la sensation de pouvoir s’exprimer librement [9]. La limite entre ces différentes classes n’est pas toujours aisée. Les transformations chimiques de l’amphétamine sont multiples. Ainsi en 1981, Shulgin diffusait les recettes de 179 drogues synthétiques de type phénéthylamines, dont certaines sont encore en circulation. Nous aborderons ici les dérivés d’amphétamines les plus couramment rencontrés et classés comme stupéfiants. Tout d’abord les molécules emblématiques : l’amphétamine et la méthamphétamine suivies de leurs dérivés les plus courants, MDMA (ecstasy), MDA et MDEA, la 2C-B. Nous évoquerons également la mCPP qui, bien que n’étant pas une amphétamine, est utilisée comme de l’ecstasy.
5.1.1 Amphétamine L’amphétamine ou α-méthylphénéthylamine, chef de file de la famille des amphétaminiques et dérivée de la phényléthylamine, est inscrite au tableau des produits
105
Drogues et accidentalité
stupéfiants. On la retrouve sous différentes dénominations comme benzédrine, dexedrine, speed… Elle est essentiellement présente dans les milieux festifs, disponible sous plusieurs formes : les formes poudre (généralement appelée speed) la forme comprimé et parfois sous forme de pâte ou de « cristal ».
5.1.2 Méthamphétamine Utilisée sous forme de chlorhydrate, la N-α-diméthylphénéthylamine ou N-méthylamphétamine est également connue sous les appellations : désoxyéphédrine, ice, speed, yaba, crank, crystal, meth… C’est une substance inscrite au tableau des produits stupéfiants. La l-méthamphétamine a une action stimulante centrale cinq fois plus faible et une action périphérique plus importante que la d-méthamphétamine [10].
5.1.3 MDMA La MDMA ou 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine également connue sous les dénominations ecstasy, Adam, XTC, « E », est inscrite au tableau des produits stupéfiants et appartient à la classe des entactogènes. Elle est disponible actuellement sous quatre formes : comprimés (le plus souvent assortis d’un logo), gélules, poudre et depuis 2006 sous formes de cristaux (appelés « cristal », différent du « crystal », nom donné à la méthamphétamine). Connue comme la drogue à usage récréatif, elle est surtout utilisée au cours des soirées « raves » à la dose de 50 à 150 mg. En 2008, les consommateurs d’ecstasy trouveraient « ringard » la consommation sous forme de comprimés et préféreraient la consommation de la poudre sniffée. L’ecstasy demeure un produit relativement peu expérimenté en France (2 % chez les 18-64 ans). Le niveau d’expérimentation est plus élevé (4 %) chez les 18-25 ans, avec une proportion très importante dans le milieu festif techno [3]. L’ecstasy désigne essentiellement la MDMA, mais également de nombreux produits dérivés ou apparentés (MDA, MDEA, MBDB, PMA, TMA, DOB, DOM, 2 CB, 2C-T-7, 4-MTA…) [9].
5.1.4 MDA La MDA, α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ou 3,4-méthylènedioxy-αméthyl-β-phényléthylamine ou encore tenamphétamine est connue sous les noms : love drug, love pill. C’est une substance inscrite au tableau des stupéfiants et appartenant à la classe des entactogènes, pouvant être hallucinogène à forte dose. La MDA est une substance retrouvée peu fréquemment dans les comprimés vendus illicitement (dans environ 2 % des comprimés d’ecstasy vendus en France en 1996,
106
Amphétamines et dérivés
mais pas retrouvée en 2007). C’est surtout en tant que métabolite de la MDMA ou de la MDEA qu’on la retrouve dans les liquides biologiques.
5.1.5 MDEA La MDEA, N-éthyl-3,4-méthylènedioxyamphétamine, également connue sous les appellations MDE et Eve, appartient à la classe des entactogènes. Elle est classée dans la liste des produits stupéfiants. En France, en 1996, cette substance était retrouvée dans près de 20 % des comprimés vendus sous l’appellation ECSTASY et dosée de 50 à 150 mg de principe actif. Elle était parfois mélangée à la MDMA. C’est une substance dont l’utilisation est en déclin. En 2007, aucune saisie de MDEA n’a été réalisée en France.
5.1.6 2C-B Le 2C-B ou 4-bromo-2,5-diméthoxyphénéthylamine est également connu sous les appellations BDMPEA ; α-desméthyl DOB ; Nexus ; MFT ; Bromo ; DOBP. Depuis le 15 juillet 2002, il est classé en France dans la liste des produits stupéfiants. Les premières saisies de 2C-B datent de 1979 aux États-Unis où il a été trouvé sous forme de gélules. En 1996, il a été mis en évidence aux Pays-Bas et en Suisse où il se présentait soit sous forme de comprimés ronds à 50 mg soit en association avec du MBDB [11]. Les premières saisies en Belgique et en France datent de 1997 [9].
5.1.7 mCPP La mCPP de dénomination chimique 1-(3-chlorophényl) pipérazine ou m-chlorophénylpipérazine appartient à la famille des pipérazines. En octobre 2008, elle n’est pas classée au tableau des stupéfiants, alors que son analogue la BZP, benzylpipérazine, l’est depuis le 5 mai 2008. Elle a été identifiée pour la première fois en France en décembre 2004 dans des comprimés vendus sous l’appellation ecstasy [12]. Plusieurs saisies ont eu lieu depuis 2005. Cette substance n’est ni recherchée ni identifiée par les usagers qui pensent consommer de la MDMA.
5.2 Devenir dans l’organisme 5.2.1 Amphétamine L’amphétamine est rapidement absorbée après administration orale. C’est une base lipophile totalement absorbée au niveau intestinal après une administration orale sous forme de sulfate. Son pic plasmatique apparaît alors en 2 à 4 h.
107
Drogues et accidentalité
La demi-vie d’élimination plasmatique est généralement comprise entre 8 et 13 h [13]. Cependant, en fonction de l’isomère (la demi-vie de la l-amphétamine serait 39 % plus longue que la d-) et de l’acidification de l’urine, elle peut varier de 7 à 34 h [14]. L’élimination des amphétamines est essentiellement urinaire. L’amphétamine apparaît dans l’urine 20 min après administration et, dans des conditions normales, 20 à 30 % sont excrétés inchangés en 24 h. En milieu acide (pH 5,5-6,0), l’élimination sous forme inchangée peut atteindre 74 % alors qu’elle peut être de 1 % en milieu alcalin (pH 7,5-8,0), l’élimination se faisant alors majoritairement sous forme de métabolites désaminés [15]. La durée de détection de l’amphétamine dans l’urine est d’environ 4 jours. Les concentrations urinaires seraient environ 200 fois plus élevées que celles mesurées dans le plasma, mais avec des variations importantes en fonction du pH [16]. Les voies métaboliques de l’amphétamine sont présentées sur la figure 5.1. Dans des conditions normales, l’excrétion se fait à 30 % sous forme inchangée, 0,9 % en phénylacétone, 16 à 27 % en acide hippurique, 4 % en benzoylglucuronide, 2 % en noréphédrine, 0,3 % en p-hydroxynoréphédrine conjuguée, 2 à 4 % en p-hydroxyamphétamine conjuguée [17]. NH2
O
COOH Ê
Ì
Ð
Amphétamine
Phénylacétone
Ê
N H
Acide benzoïque
OH
C O O H
Acide hippurique NH2
Noréphédrine
O
NH2 HO 4 hydroxy-amphétamine puis Sulfo et Glucuro conjugaison
FIG. 5.1 Voies métaboliques de l’amphétamine.
La présence urinaire d’amphétamine peut également provenir de molécules se métabolisant en amphétamine comme la méthamphétamine ou la sélégiline (initialement transformée en méthamphétamine) [18].
5.2.2 Méthamphétamine Rapidement absorbée après administration orale, une dose unique donne un pic plasmatique moyen 3,6 h après absorption. La demi-vie d’élimination plasmatique est comprise entre 6 et 15 h [19]. La méthamphétamine se métabolise en amphétamine et en 4-hydroxyméthamphétamine (figure 5.2).
108
Amphétamines et dérivés
H N
CH3 CH3 →
méthamphétamine
Ì
amphétamine H N
HO
NH2
CH3
4-hydroxyméthamphétamine
FIG. 5.2 Métabolisation de la méthamphétamine.
Dans des conditions habituelles, l’excrétion sous forme inchangée et l’excrétion sous forme d’amphétamine sont respectivement de 43 % et de 4 à 7 % en 24 h mais varient avec le pH. L’élimination urinaire augmente en milieu acide et est moins intense en milieu alcalin [20]. La méthamphétamine peut être retrouvée dans l’urine pendant plus de 7 jours [21].
5.2.3 MDMA H N
O
CH3
→
MDA
MDMA
↓ H
H3CO
N CH3
H3CO CH3 Ê glucuro et sulfo conjugaison
HO 4-hydroxy 3-méthoxy méthamphétamine : HMMA Î
H HO
CH3
O
CH3
O Ì
NH2
O
N
←
HO
HO 3,4-dihydroxy-méthamphétamine : HHMA
CH3
4-hydroxy 3-méthoxyamphétamine : HMA Å ↓ HO
CH3
CH3
NH2
HO
NH2 CH3
3,4-dihydroxyamphétamine : HHA
Ê voies métaboliques majeures → voies métaboliques mineures
FIG. 5.3 Voies métaboliques de la MDMA.
109
Drogues et accidentalité
Après absorption orale, la MDMA est absorbée en 20 à 60 min par la muqueuse intestinale. Le pic plasmatique de MDMA est atteint en 2 h, le pic de la méthylènedioxyamphétamine : MDA, métabolite principal est atteint 6 h après ingestion. La MDMA est encore détectée dans le sang 8 h après absorption, le pic urinaire de MDMA est obtenu 21,5 h après absorption [9]. L’ensemble des dérivés méthylène-dioxy-, présenteraient deux voies métaboliques principales : une déméthylènation et une N-déalkylation. La déméthylènation serait catalysée par les cytochromes CYP2D1/6 ou CYP3A2/4 et CYP1A2. Parallèlement à ces voies métaboliques peuvent se former d’autres métabolites qui seraient potentiellement hépatotoxiques et neurotoxiques [22]. Huit métabolites de la MDMA sont retrouvés dans les urines : la MDA, métabolite actif, la HMMA (4-hydroxy-3-méthoxyméthamphétamine) et la HHMA (3,4-dihydroxyméthamphétamine) conjuguées sont les principaux [23] (figure 5.3 : voir page précédente). La MDMA est détectable dans les urines jusqu’à 72 h après absorption [9].
5.2.4 MDA Les informations concernant le métabolisme de la MDA sont rares. Chez l’animal, la MDA se métabolise par O-désalkylation, désamination et conjugaison. Chez l’homme, l’élimination urinaire sous forme inchangée est importante car une concentration de plus de 160 μg/mL a été détectée chez un individu décédé, ainsi qu’un taux urinaire de 131 μg/mL chez un enfant d’un an qui a survécu à une surdose de MDA [10]. La MDA est également le métabolite de la MDMA ainsi que de la MDEA.
5.2.5 MDEA À ce jour, aucune donnée pharmacocinétique de la MDEA dans le sang chez l’homme n’a été publiée. Sa durée d’action semble être comprise entre 3 et 5 h. La MDEA aurait le même schéma métabolique que la MDMA. L’hydrolyse de l’urine permet de mettre en évidence des métabolites conjugués : la 4-hydroxy3-méthoxyéthylamphétamine (HME) qui est le principal métabolite, la 3,4dihydroxyéthylamphétamine (DHE) et la MDA. Ces trois métabolites sont présents dans les urines pendant respectivement 7 ; 2,5 et 1,5 jours [24].
5.2.6 2-CB Le métabolisme du 2C-B est peu connu. La voie métabolique principale passe par une désamination oxydative du 2C-B en 2-(4-bromo-2,5-diméthoxyphényl)-éthanol (BDMPE) et en acide 4-bromo-2,5-diméthoxyphénylacétique (BDMPAA) [25].
110
Amphétamines et dérivés
5.2.7 mCPP Après administration par voie orale, la demie-vie d’élimination est de 4,2 h. La voie métabolique principale conduit à la formation de l’hydroxy-mCPP et de ses dérivés conjugués [26]. La mCPP est également un métabolite pharmacologiquement actif d’un antidépresseur, le trazodone [27, 28].
5.3 Mécanismes d’action au niveau cérébral L‘ensemble des molécules décrites présente une action stimulante du système nerveux central. L’amphétamine agit au niveau du système nerveux central (SNC) et périphérique (fentes synaptiques, cortex et système limbique) par augmentation de la concentration et de la durée d’action des neurotransmetteurs catécholaminergiques : l’adrénaline, la noradrénaline (dans l’hippocampe et le cortex frontal), la sérotonine à forte dose (au niveau du noyau caudé) et surtout la dopamine (noyaux caudé) selon plusieurs mécanismes. Les mécanismes d’action impliqués seraient : › une inversion du transport actif du recaptage présynaptique de la dopamine, entraînant une excrétion active par échange avec l’amphétamine ; › une inhibition compétitive du captage de la dopamine cytoplasmique dans les vésicules présynaptiques ; › une sortie passive de la dopamine hors des vésicules par augmentation du pH intravésiculaire ; › une possible inhibition de la monoamine oxydase du neurone présynaptique. L’amphétamine est un agoniste dopaminergique indirect et non sélectif qui fait varier les fonctions cognitives et motrices de l’homme sous forme d’activation psychomotrice et de sensation d’euphorie [29]. La méthamphétamine provoque la libération de la dopamine dans la synapse dopaminergique des neurones du noyau caudé et pourrait en inhiber la recapture au niveau synaptique [30]. La libération de noradrénaline des fibres sympathiques post-ganglionnaires et l’inhibition de sa recapture sont responsables de son activité sympathomimétique indirecte. Son action anorexigène résulte de la dépression du centre de la faim au niveau hypothalamique. De fortes doses de méthamphétamine provoqueraient la déplétion de dopamine et de sérotonine au niveau du noyau caudé et de sérotonine au niveau de l’hippocampe [31]. Les entactogènes engendrent des effets neurochimiques à l’origine des effets psychotropes fugaces recherchés par les usagers et des effets neurotoxiques plus ou moins
111
Drogues et accidentalité
rémanents. Les effets neurochimiques des molécules comme la MDMA sont très marqués sur la libération de sérotonine (5HT) et moindres sur celles de la dopamine et de la noradrénaline. Elle a 40 fois plus d’affinité pour le transporteur actif de la sérotonine que pour celui de la dopamine. La MDMA possède une affinité élevée pour les sites de recapture de la sérotonine, les récepteurs 5HT2 où elle exerce un effet agoniste à ce niveau [29]. L’effet sérotoninergique indirect prédominant a un mécanisme similaire au mécanisme dopaminergique de l’amphétamine. La MDMA provoque une augmentation temporaire de la sérotonine dans la synapse par relargage et par inhibition de sa recapture. Cette augmentation est suivie d’une diminution (maximale en 3 à 6 h) par inhibition de la tryptophane-hydroxylase indispensable à la synthèse de la sérotonine. La MDMA induit la libération de 5HT en inversant les systèmes de transport : elle stimule l’échange 5HT/MDMA dans les terminaisons sérotoninergiques. Le taux cérébral de sérotonine et de son métabolite diminue [32, 33]. La situation redevient normale après 24 h, sauf en cas d’administrations répétées [29, 34]. À cette chute du taux de sérotonine s’ajoute la diminution de l’activité de l’enzyme responsable de sa synthèse : la tryptophane hydroxylase, avec un retour à un taux normal plus long, ainsi qu’une diminution de la densité des sites de recapture de la sérotonine. Ces processus aboutissent à long terme à une destruction irréversible des terminaisons nerveuses sérotoninergiques du cortex, du striatum et de l’hippocampe [35]. La libération de dopamine, quant à elle, responsable de l’effet psychostimulant, est liée d’une part à l’inversion du système de transport, mais surtout par l’intermédiaire de la sérotonine, libérée par la MDMA, qui excite les neurones dopaminergiques adjacents [36]. Les autres molécules entactogènes ont des effets similaires, mais d’intensité différente. La capacité de libération de la dopamine est variable selon les dérivés. La MDA présente une activité plus importante que la MDMA, elle-même d’intensité supérieure à la MBDB [37].
5.4 Effets sur le psychisme et conséquences sur l’accidentalité L’ensemble des molécules décrites induit une stimulation du système nerveux central associée à des propriétés euphorisantes. Les amphétamines et ses dérivés possèdent des propriétés noo-analeptiques qui se manifestent par une augmentation des capacités mentales et physiques, l’absence de sensation de fatigue, un sentiment de bien être, de l’euphorie, une confiance en soi…
112
Amphétamines et dérivés
Ils peuvent provoquer les effets secondaires suivants : irritabilité, nervosité, insomnie, céphalées, akinésie, assèchement des muqueuses, perte d’appétit, sudation, associés à une augmentation de la libido et de la compulsivité. Un syndrome sérotoninergique et un syndrome malin des neuroleptiques peut être observé, mais il est plus marqué avec les molécules entactogènes. Il se caractérise par une hyperthermie, une rigidité musculaire, une mydriase, des troubles neuropsychiatriques (confusion, panique, psychose, bruxisme, troubles du sommeil, violences, idées suicidaires, délire…) et des troubles cardiovasculaires (hypertension artérielle, tachycardie, troubles du rythme), des convulsions. Les effets peuvent se compliquer en difficultés respiratoires, convulsions, arythmie, collapsus, sans lien direct avec les doses ingérées [38, 39]. L’augmentation de la vigilance, l’amélioration du temps de réaction suggéreraient que les amphétaminiques améliorent les facultés des conducteurs de véhicules. Cependant, certains effets évoqués sont incompatibles avec une conduite automobile sécurisante. L’effet euphorisant conduit à un comportement irrationnel et une prise de risque accrue. La levée des inhibitions se manifeste par un comportement agressif ou une indifférence. La fatigue engendrée par la diminution du sommeil est responsable d’une diminution de l’attention et des facultés de contrôle. La diminution de l’acuité visuelle générée par la mydriase augmente la sensibilité aux éblouissements dus au soleil ou à l’éclairage des voitures en cas de conduite nocturne [36]. Les amphétamines entraînent par ailleurs une dépendance psychique. Lors d’un sevrage, l’arrêt de consommation ou la période de descente provoque une sensation de fatigue intense, de dépression. Le sevrage se traduit par des troubles de l’humeur avec asthénie, troubles du sommeil, et engourdissement psychomoteur ayant pour conséquence une diminution des facultés des conducteurs.
5.5 Aspects analytiques L’analyse de l’amphétamine et de ses dérivés dans les matrices biologiques peut faire intervenir différentes techniques ; un dépistage urinaire ou salivaire peut être réalisé par immunoanalyse ; l’identification et le dosage des substances peut être réalisé dans toute matrice biologique par des techniques séparatives de chromatographie en phase liquide ou gazeuse couplées à des détecteurs appropriés (masse, ultra-violet…).
5.5.1 Immunoanalyse De nombreux tests sont disponibles, applicables sur les liquides biologiques comme l’urine ou la salive et utilisant des techniques radio-immunologiques (RIA), immunoenzymatiques, l’immunopolarisation de fluorescence, l’immunochromatographie…
113
Drogues et accidentalité
En France, la loi sur le dépistage des produits stupéfiants chez les conducteurs impliqués dans un accident mortel a été mise en application le 1er octobre 2001. Le dépistage, à partir d’un recueil urinaire, est réalisé au moyen de tests de dépistage ayant un seuil de positivité de 1 000 ng/mL d’amphétamine, de méthamphétamine et de MDMA. Les modalités du dépistage salivaire des stupéfiants pratiqués sur les conducteurs impliqués dans un accident mortel sont fixées dans l’arrêté du 24 juillet 2008. Le seuil de positivité est fixé à 50 ng/mL pour l’amphétamine, la méthamphétamine et la MDMA. Les substances de structure chimique similaire, a fortiori les molécules de la famille des amphétamines, sont également dépistées par ces techniques. Cependant il existe des variations très importantes dans les positivités croisées des dérivés de l’amphétamine. La réactivité croisée de la MDMA avec certains réactifs pour l’amphétamine peut être faible, d’où le risque d’un résultat faussement négatif. Par contre elle est généralement satisfaisante avec les réactifs utilisés pour le dépistage de l’amphétamine et de la méthamphétamine. Quant au 2 C-B, il n’est pas détecté par immunoanalyse [40]. Les interférences analytiques sont nombreuses. L’étude de la spécificité des tests d’immunoanalyse a montré l’existence de faux positifs notamment avec des amines sympathomimétiques, des anorexigènes, des produits de putréfaction, ainsi que des médicaments : labétalol, ranitidine, cafédrine, tranylcypromine, heptaminol, benfluorex, cyamémazine [18, 41]. Il est également nécessaire de tenir compte des produits qui se métabolisent en amphétamine : sélégiline, méthamphétamine. Tout dépistage positif qu’il soit effectué sur un prélèvement urinaire ou salivaire fera l’objet d’une confirmation dans le sang par une technique séparative avec détection par spectrométrie de masse.
5.5.2 Techniques séparatives Certaines méthodes de dosage des amphétamines conservent un intérêt historique : la chromatographie sur couche mince (CCM), technique non spécifique (limite de détection de 1 000 ng/mL) et nécessitant une confirmation par une technique d’identification (CPG-SM) ; la spectrophotométrie UV (limite de quantification de 20 ng/mL) ; la fluorescence (limite de détection de 250 ng/mL) ; la spectroscopie infrarouge… [42, 43]. Les méthodes décrites pour l’identification et le dosage des amphétamines dans les matrices biologiques sont extrêmement nombreuses. La séparation peut s’effectuer par chromatographie en phase gazeuse (CPG) ou en chromatographie liquide haute performance en phase liquide (CLHP). La séparation par CPG peut être associée à différents détecteurs : détecteur à ionisation de flamme (FID) [44], thermoionique (NPD) [45], infrarouge à transformée de Fourier (IRTF) [46], mais plus
114
Amphétamines et dérivés
classiquement par spectrométrie de masse (SM). La plupart des techniques publiées utilisent une dérivation en présence d’étalons deutérés, préalable à l’injection en CPG-SM Les agents dérivant utilisés sont nombreux, notamment l’anhydride heptafluorobutyrique, l’anhydride trifluoroacétique, l’anhydride pentafluoropropionique, l’anhydride acétique [9, 43]. L’utilisation d’agents de dérivation chiral comme le 2S, 4R)-N-heptafluorobutoyloxyprolyl chloride peut être utilisé pour l’analyse des énantiomères de l’amphétamine par CPG-SM-NICI [47]. Des techniques couplant la CPG à la spectrométrie de masse en tandem (SM/SM) ont également été décrites [48,49]. Comme la CPG, la CLHP permet également la séparation des substances de type amphétamines. Elle peut être couplée à différents détecteurs (UV, barrette de diodes, fluorimétrie) [42, 43, 50, 51]. Néanmoins la sensibilité ainsi que la spécificité des détections UV restent faibles. La limite de détection par UV à 250 nm est 30 ng/mL et 100 ng/mL par barrette de diodes [52]. Le couplage chromatographie liquide/spectrométrie de masse (CLHP-SM), permet d’atteindre, après dérivation, des limites de détection d’environ 5 ng/mL pour l’amphétamine équivalents à ceux obtenus en CPG-SM [52, 53]. L’UltraPLC-SM puis l’UPLC-SM/SM ont également été décrites [54]. Une méthode de dosage simultané de substances stupéfiantes par CPL-SM/SM après déprotéinisation acide et extraction-purification en ligne a été décrite [55]. Les techniques de type CLHP-SM/SM permettent la détection et le dosage de molécules à l’état de traces, notamment dans les cheveux. Des limites de quantification sont d’environ 15 pg/mg de cheveux pour l’amphétamine et inférieures à 5 pg/mg pour les entactogènes. Dans le sang et l’urine, les limites de quantification sont inférieures à 0,1 ng/mL [56, 57]. L’analyse par techniques séparatives nécessite la plupart du temps, une préparation des échantillons. L’hydrolyse de l’urine n’est pas nécessaire si seule la détection des molécules libres est recherchée. En revanche, pour la détection de métabolites hydroxylés et méthoxylés, le clivage des conjugués est indispensable [15, 58]. L’hydrolyse acide ou enzymatique par Escherichia coli et Helix pomatia a été évaluée pour la détection des métabolites urinaires de la MDMA dans les urines [59]. Une étape d’isolation et de concentration des amphétaminiques présents dans le liquide biologique est nécessaire. Les techniques d’extraction sont variées, liquide/ liquide en milieu alcalin, en phase solide (SPE), micro-extraction en phase solide (SPME) ou par Head-Space (HS) associé à la SPME ou à une micro-extraction en phase liquide (LME) [60-63]. En 1996, la commission « Stupéfiants et conduite automobile » de la Société française de toxicologie analytique (SFTA) avait réalisé une synthèse de diverses
115
Drogues et accidentalité
techniques de dosage pour proposer une technique de consensus standardisée et optimisée. La séparation et la détection est réalisée par CPG-SM. La limite de détection est de 1 ng/mL pour l’amphétamine, et 2 ng/mL pour la méthamphétamine. La limite de quantification est de 10 ng/mL [64].
5.6 Concentrations thérapeutiques, toxiques, létales Les concentrations en amphétamines et dérivés, mesurées notamment au niveau sanguin sont difficiles à interpréter. Le lien entre les concentrations sanguines et les effets cliniques observés sur le consommateur d’amphétamines n’est pas établi. De plus, les signes d’intoxication ne sont pas obligatoirement dose dépendants [58]. Les concentrations mesurées au pic plasmatique après administration contrôlée de doses d’amphétamine ou dérivés sont un reflet des concentrations « usuelles » mesurées chez des individus consommateurs occasionnels ou chroniques (tableau 5.1). TABLEAU 5.1 Concentrations sanguines mesurées au pic plasmatique.
Amphétamine
Méthamphétamine MDMA
Dose administrée par voie orale Consommateur occasionnel 10 mg 30 mg Consommateur chronique 160 mg (voie IV) 1 g par jour (voie orale) 0,125 mg/kg 10 mg 50 mg 1,5 mg/kg
MDA
1 mg/kg 1,6 mg/kg
Concentration au pic plasmatique
Référence
35 ng/mL 111 ng/mL
[71] [13]
590 ng/mL 2000 à 3000 ng/mL 20 ng/mL 30 ng/mL 106 ng/mL de MDMA 28 ng/mL de MDA 331 ng/mL de MDMA 15 ng/mL de MDA 8,4 ± 2,1 ng/mL 13,8 ± 3,8 ng/mL
[72] [73] [19] [74] [75] [75] [76]
MDA : α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ; MDMA : 3,4-éthylènedioxyméthamphétamine.
La susceptibilité individuelle et le phénomène de tolérance pharmacologique du sujet (sujet non habitué ou sujet consommateur chronique) sont également des facteurs influençant le risque toxique. Par ailleurs, comme c’est le cas pour la MDMA, le décès est peu lié à la dose ingérée. Des décès sont survenus à une concentration de 420 ng/mL alors qu’une concentration de 7 000 ng/mL n’a pas mis en jeu le pronostic vital [65]. Il existe un chevauchement entre les concentrations usuelles et les concentrations toxiques voire létales. Pour la MDMA et selon les auteurs, les concentrations
116
Amphétamines et dérivés
correspondant à une consommation usuelle, seraient comprises entre 100 et 470 ng/ mL, alors que le risque toxique apparaîtrait dès 350 ng/mL. De plus, d’après les différents cas décrits dans la littérature, des décès ont été observés dès 400 ng/mL, soit à des concentrations retrouvées chez des consommateurs usuels (tableau 5.2). TABLEAU 5.2 Concentrations sanguines usuelles, toxiques et létales pour la MDMA et l’amphétamine. Concentrations en MDMA (ng/mL) Usuel Toxique Létal 110 à 470 7 000 600 à 3 700 130 à 330
Concentrations en amphétamine (ng/mL) Usuel Toxique Létal 80 à 110 20 500 à 4 000
110 à 4 300
100 à 350 350 à 50 430 à 18 500 < 350 500 et 6 500 600 100 à 350 350 à 500 > 400 100 à 350 350 à 500 400 à 800
Référence [10]
< 100
200 à 3 000
> 500
[77]
20 à 100 20 à 150 20 à 100 20 à 150
200 200 200 200
1 500 à 41 000 500 500 à 1 000 500 à 1 000
[78] [79] [80] [81]
MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.
Des exemples de concentrations mesurées dans le sang post-mortem lors de cas de décès figurent dans les tableaux 5.3 et 5.4. TABLEAU 5.3 Exemples de concentrations sanguines mesurées dans plusieurs cas de décès.
Amphétamine Méthamphétamine MDMA MDA MDEA
Nombre de cas
Concentration (ng/mL)
Référence
23 cas 6 cas 51 cas 46 cas 1 cas
30 à 11 000 10 à 390 60 à 84 000 10 à 3 800 4 600
[65]
MDA : α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ; MDEA : N-éthyl-3,4-méthylènedioxyamphétamine ; MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.
TABLEAU 5.4 Concentrations maximales dans le sang post-mortem après ingestion de doses usuelles.
Amphétamine Méthamphétamine MDMA MDA MDEA
Dose (mg)
Concentrations sanguines (ng/mL)
Référence
10-100 50-2000 50-250 50-250 50-200
200 200 300 400 500
[82]
MDA : α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ; MDEA : N-éthyl-3,4-méthylènedioxyamphétamine ; MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.
117
Drogues et accidentalité
Il convient d’interpréter les concentrations sanguines post-mortem avec précaution en raison de l’existence de phénomènes de redistribution ayant pour conséquence une augmentation des concentrations sanguines après la mort [66-68]. L’utilisation d’une matrice alternative comme le cheveu peut aider à l’interprétation et différencier l’usage unique d’une consommation chronique. Des exemples de concentrations mesurées dans les cheveux figurent dans le tableau 5.5. TABLEAU 5.5 Concentrations en amphétamines et dérivés mesurées dans les cheveux.
Amphétamine Méthamphétamine MDMA
MDA MDEA MBDB
Concentration (ng/mg)
Référence
0,88 0,1 à 4,8 10,14 8,87 0,1 à 8,3 MDMA de 8,74 à 15,51 et MDA 0,17 0,022 1,30 0,05 à 0,89 0,84 0,12 à 15 0,21 à 1,3
[83] [84] [83] [83] [84] [85] [56] (soumission chimique) [83] [84] [83] [84] [84]
MDA : α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ; MBDB : N-méthyl-benzodioxazolyl-butanamine ; MDEA : N-éthyl-3,4-méthylènedioxyamphétamine ; MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.
De fortes variations de concentrations sanguines sont également observées chez les conducteurs de véhicules dépistés positifs pour les dérivés d’amphétamines (tableau 5.6). Des concentrations sanguines particulièrement élevées en amphétamine (comprises entre 5 000 et 17 000 ng/mL) ont été mesurées chez des conducteurs interpellés pour conduite sous influence de produits stupéfiants. En dehors des fortes variations interindividuelles des concentrations, les signes cliniques observés se limitaient à des yeux larmoyants et injectés, des troubles de l’élocution, une logorrhée, de l’agitation, une démarche titubante associés à une dilatation des pupilles. Aucun signe d’intoxication sévère n’était observé [69]. La salive, utilisée pour les dépistages notamment lors de contrôles routiers, est un milieu de choix pour la détection d’une prise récente d’amphétamine. Le ratio concentration salivaire/plasmatique est nettement en faveur de la salive pour l’ensemble des dérivés amphétaminiques (ratio salive/plasma de 2,8 pour l’amphétamine, de 4 pour la méthamphétamine) [70]. Les concentrations salivaires en amphétaminiques figurent dans le tableau 5.7.
118
Amphétamines et dérivés
TABLEAU 5.6 Concentrations sanguines mesurées chez des conducteurs de véhicules suspectés de conduite sous influence de stupéfiant.
Amphétamine Méthamphétamine MDMA MDA MDEA
Concentration (ng/mL)
Référence
10 à 2300 Médiane à 850 (valeur extrême 11 900) 10 à 30 340 10 à 4 000 Médiane 230 (valeur extrême 3 500) 10 à 1 200 10 à 440
[65] [86] [65] [86] [65] [86] [65] [65]
MDA : α-méthyl-1,3-benzodioxole-5-éthanamine ; MDEA : N-éthyl-3,4-méthylènedioxyamphétamine ; MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.
TABLEAU 5.7 Concentrations salivaires en amphétamines et dérivés. Dose administrée par voie orale (mg) Amphétamine Méthamphétamine
10 20 10
20 MDMA 75 75 100
Concentration salivaire (ng/ mL) 40 à 60 ng/mL Cmax : 25 à 312 Après 24 h : 18,8 ± 18,0 Cmax : 75,3 à 321,7 Cmax methamphetamine : 25 à 313 Cmax amphétamine : 6 à 12 Cmax methamphetamine : 75 et 322 Cmax amphétamine : 8 à 20 Cmax : 1 729 à 6 511 Après 24 h : 126,2 50 à 6 982 Cmax : 271 à 2 159 Cmax : 1 563 à 5 187
Référence [87] [88]
[89]
[90] [91] [89]
MDMA : 3,4-méthylènedioxyméthamphétamine.
5.7 Conclusions En 2005, en France, 3,1 % des conducteurs décédés étaient positifs aux amphétamines et dérivés. La consommation de produits de la famille des amphétamines, dont la prévalence est en hausse chez les adolescents et les jeunes adultes, constitue un risque dans la survenue d’accidents routiers. Par ses propriétés stimulantes, on pourrait penser que les amphétamines et dérivés évitent l’endormissement et auraient un effet favorable sur la conduite automobile.
119
Drogues et accidentalité
Cependant, ces effets psychostimulants induisent une surestimation des capacités du conducteur et une prise de risques accrue. Les effets secondaires tels que l’agressivité et la diminution de l’acuité visuelle peuvent également affecter les aptitudes nécessaires à la conduite automobile.
5.8 Documents de référence [1]
Mura P, Chatelain C, Dumestre V, Gaulier JM, Ghysel MH, Lacroix C, Kergueris MF, Lhermitte M, Moulsma M, Pépin G, Vincent F, Kintz P. Use of drugs of abuse in less than 30-year-old drivers killed in a road crash in France : a spectacular increase for cannabis, cocaine and amphetamines. Forensic Sci. Int. 2006 ; 160(2-3) : 168-72.
[2]
EMCDDA. State of the drug problem. Amphétamine, ecstasy and LSD. Document consulté sur le site http ://www.emcdda.europa.eu/ le 10 octobre 2008.
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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
6
Gilbert Pépin1 et Hélène Eysseric2
Héroïne, morphine et autres opioïdes 6.1 Produits Dans un souci de représentativité de la réalité des usages, certains opiacés ou opioïdes stupéfiants, non représentatifs de l’accidentalité, ne seront pas abordés ici : hydromorphone, codéthyline (= éthylmorphine), dextromethorphane, dihydrocodéine, péthidine et nalbuphine.
6.1.1 Prévalences de consommation en France et en Europe 6.1.1.1 Opiacés illicites : héroïne, morphine, opium En matière d’opiacés, l’héroïne est le produit principal, objet de trafic. L’héroïne consommée en Europe provient principalement de l’Afghanistan, qui reste le premier fournisseur mondial d’opium illicite, suivi par le Myanmar (ex Birmanie) et le Mexique. La production afghane d’opium en 2007 est estimée à 8 200 tonnes sur les 8 870 tonnes produites mondialement. La production potentielle totale d’héroïne a ainsi atteint le niveau record de 733 tonnes en 2007. 1. Laboratoire Toxlab, Paris. 2. CHU de Grenoble, Pharmacologie-Toxicologie.
127
Drogues et accidentalité
La France avait assisté de 1994 à 1999 à une diminution significative du nombre des héroïnomanes, et même des consommateurs occasionnels d’héroïne, et ceci pour trois raisons : › la crainte de contaminations par des maladies virales graves (VIH, hépatites diverses, etc.) auxquelles la seringue est associée ; › la présence sur le marché de produits stupéfiants plus attractifs, plus disponibles, moins chers et à risques moindres en terme de contamination, tels que cocaïne ou ecstasy ; › le développement à grande échelle des traitements de substitution comme le Subutex® (buprénorphine) et la Méthadone chlorhydrate® (méthadone). Ceci s’est traduit par une diminution des overdoses dans le même temps d’un facteur 10. Toutefois, ces dernières années, il semble que la disponibilité de l’héroïne augmente de nouveau et que son prix diminue bien que son accessibilité soit moins facile que pour les autres stupéfiants car sa distribution passe par des réseaux « confidentiels ». Ainsi les chiffres fournis par l’OCRTIS (Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants) [59] nous apprennent que les saisies d’héroïne ont augmenté de 52 % entre 2003 et 2007 (545 kg contre 1 035 kg). En regard, les saisies de morphine et d’opium en 2007 sont beaucoup plus faibles (respectivement 7,7 kg et 12,7 kg) (figure 6.1). Héroïne
kg 1200 1000
Morphine Opium
kg 50 (a) 40
800
(b)
30
600 400
20
200
10 0
0 2003 2004 2005 2006 2007
2003 2004 2005 2006 2007
FIG. 6.1 (a) Saisies d’héroïne en France de 2003 à 2007 ; (b) Saisies de morphine et d’opium en France de 2003 à 2007 (d’après [59]).
Si l’héroïne est produite à 90 % en Afghanistan, ce sont la Turquie, les Pays-Bas, et dans une moindre mesure la Belgique, qui assurent le transit et le stockage d’une grande partie de l’héroïne destinée au marché français. Des organisations criminelles actives (turques et albanaises) disposent de relais logistiques en France, notamment pour alimenter le marché britannique. En effet, près de 45 % de l’héroïne saisie en France était destinée au marché du Royaume-Uni en 2007.
128
Héroïne, morphine et autres opioïdes
L’activisme de ces réseaux, associé à la reprise importante de la production d’héroïne en Afghanistan, font craindre une hausse de l’offre et donc de l’usage en France. Les interpellations pour usage simple d’héroïne sont en hausse constante depuis 2003. En regard, les interpellations pour usage de morphine illicite et d’opium sont très faibles (figure 6.2). Nb 7000 6000
Morphine Opium
Héroïne
(a)
5000 4000 3000 2000
Nb 20 (b) 15 10 5
1000 0
0 2003 2004 2005 2006 2007
2003 2004 2005 2006 2007
FIG. 6.2 (a) Interpellations pour usage simple d’héroïne en France de 2003 à 2007 ; (b) Interpellations pour usage simple de morphine et d’opium en France de 2003 à 2007 (d’après [59]).
Pour rappel, durant la période 1990–1993, le nombre d’interpellations d’usagers d’héroïne en France oscillait entre 10 000 et 15 000. Les interpellations d’usagers sont largement concentrées dans les régions du Nord/ Pas-de-Calais, d’Alsace/Lorraine et d’Île-de-France qui représentent plus de 55,73 % des interpellations d’usagers en 2007. Les interpellations pour trafic, revente et usage d’héroïne en France sont également en hausse, plus particulièrement en 2007. En regard, les interpellations pour trafic, revente et usage de morphine illicite et d’opium sont très faibles et ne montrent pas d’évolution dans un sens particulier (figure 6.3). Le vieillissement des usagers se confirme depuis 1997. L’âge moyen de l’usager d’héroïne en 2007 est de 29,55 ans. Cette moyenne d’âge d’usagers d’héroïne se traduit par la présence massive de la tranche d’âges de 21 à 35 ans (figure 6.4). En France, l’usage est majoritairement masculin (85,82 %) et français (92,73 %). Les catégories socioprofessionnelles touchées sont en premier lieu les « sans profession déclarée » (56,18 %), puis les ouvriers (29,73 %), les employés (7,42 %), les étudiants-lycéens (3,25 %), les cadres et professions libérales (1,46 %), enfin les artisans et commerçants (1,23 %). Selon l’OEDT (Observatoire européen des drogues et des toxicomanies), l’Union européenne et la Norvège comptent selon les estimations, de 1,3 à 1,7 million d’usagers problématiques d’opiacés, soit entre 4 et 5 cas pour mille dans la population des personnes âgées de 15 à 64 ans [23].
129
Drogues et accidentalité
Héroïne
Nb 3500 3000
Morphine Opium
Nb 12
(a)
10
2500 2000 1500
(b)
8 6 4
1000 500
2
0
0 2003 2004 2005 2006 2007
2003 2004 2005 2006 2007
FIG. 6.3 (a) Interpellations pour trafic, revente et usage d’héroïne en France de 2003 à 2007 ; (b) Interpellations pour trafic, revente et usage de morphine et d’opium en France de 2003 à 2007 (d’après [59]).
Usagers d’héroïne 30,00 % 25,00 % 20,00 % 15,00 % 10,00 % 5,00 % 0,00 % 13-15 ans
16-17 ans
18-20 ans
21-25 ans
26-30 ans
31-35 ans
36-40 ans
> 41 ans
FIG. 6.4 Diagramme de répartition de l’âge des usagers d’héroïne (d’après [59]).
L’héroïne est à l’origine de la plus grande partie des coûts sanitaires et sociaux liés à la drogue en Europe. Dans la plupart des pays européens, entre 50 % et 80 % de toutes les demandes de prise en charge médicale sont liées à la consommation d’opiacés. Sur la totalité des 24 pays, parmi les 378 000 demandes de traitement recensées en 2006, l’héroïne était mentionnée comme drogue principale dans 47 % des cas pour lesquels la drogue primaire était connue. Environ 80 % des surdoses mortelles de stupéfiants sont liées à l’usage d’opiacés et l’injection en intraveineuse de ces substances est l’un des principaux vecteurs de diffusion des maladies infectieuses liées aux drogues. On estime que la consommation de drogues est à l’origine de quelques 3 000 nouveaux cas de VIH chaque année en Europe et différents pays rapportent que, généralement, plus de 40 % des usagers pratiquant l’injection sont infectés par le virus de l’hépatite C. L’année 2003 a marqué l’arrêt de la tendance à la baisse du nombre de décès dus à la drogue rapportée en Europe, principalement en relation avec la consommation
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Héroïne, morphine et autres opioïdes
d’opiacés, et entre 2003 et 2005 la plupart des États membres ont fait état d’une augmentation. Le nombre de nouvelles demandes de traitement de substitution concernant l’héroïne en tant que drogue principale a augmenté dans environ la moitié des pays ayant communiqué des données en 2006.
6.1.1.2 Opiacés et opioïdes de prescription médicale Les opiacés et opioïdes sont prescrits essentiellement lors de traitement des dépendances majeures aux opiacés ou contre la douleur. 6.1.1.2.1 Traitements de substitution pour les dépendances majeures aux opiacés Pour le traitement de la dépendance à l’héroïne, il s’agit de méthadone, de buprénorphine, parfois de morphine ou, beaucoup plus rarement et seulement dans quelques pays européens, de diamorphine (héroïne).
En France, actuellement, 60 à 70 % des usagers d’héroïne seraient sous traitement de substitution. En 2005, le nombre moyen de personnes prenant de la buprénorphine haut dosage (BHD) un jour donné était estimé entre 75 800 et 87 500, tandis que celui des personnes prenant de la méthadone se situait entre 14 000 et 20 000. La prépondérance de la BHD au plan quantitatif, bien que toujours massive, tend de plus en plus à s’amenuiser au profit de la méthadone [22]. Ainsi selon les données de l’assurance maladie communiquées par la Commission nationale des stupéfiants et des psychotropes [20] le nombre total de bénéficiaires ayant des remboursements de BHD est passé de 79 662 en 2004 à 99 043 au cours du deuxième semestre 2008, soit une évolution de +24,3 % en 4 ans. Le nombre total de bénéficiaires ayant des remboursements de méthadone est passé de 10 802 en 2004 à 25 517 au cours du deuxième semestre 2008, soit une évolution de + 155 % en 4 ans. Le taux d’expérimentation à 17 ans en France en 2005 du Subutex® est estimé à 0,5 % (0,7 % pour l’héroïne) [28]. Au niveau européen, des traitements de substitution aux opiacés sont actuellement disponibles dans tous les États membres de l’UE, en Croatie et en Norvège, et environ 600 000 usagers d’opiacés en bénéficient chaque année. Si la méthadone orale reste la principale substance utilisée dans les traitements de substitution en Europe, le recours à la buprénorphine devient de plus en plus fréquent [23]. L’EMCDDA (European Monitoring Centre for Drugs and Drug Addiction) publie en ligne [23] les chiffres concernant la prévalence d’usage d’opiacés ou opioïdes, des nouveaux demandeurs de traitement de substitution en 2006 (tableau 6.1). Certains pays signalent une forte proportion de demande de traitement de substitution concernant les opiacés autres que l’héroïne. L’usage abusif de buprénorphine est mentionné comme raison principale pour suivre un traitement par 40 % des patients finlandais et environ 8 % des patients français.
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Drogues et accidentalité
Notons également que la prescription d’héroïne médicale (diamorphine) comme option thérapeutique pour les consommateurs d’opiacés chroniques résistant au traitement est disponible dans plusieurs pays, notamment aux Pays-Bas (815 patients en 2006), au Royaume-Uni (400 patients), en Allemagne et au Danemark. TABLEAU 6.1 Prévalence d’usage d’opiacés ou opioïdes de+s nouveaux demandeurs de traitement de substitution en 2006 en Europe (d’après [23]). Pays Bulgarie République Tchèque Danemark Irlande Grèce1 Espagne2 France Italie Chypre Lettonie3 Luxembourg Hongrie Malta Pays-Bas Autriche Roumanie Slovaquie Finlande Suède Royaume-Uni4 Turquie Total 1 2 3 4
Méthadone Autres Héroïne (sans prescription) opioïdes (%) (%) (%) 97,4 19,0 13,8 60,2 87,2 36,8 32,6 55,7 55,9 31,3 76,9 11,3 76,0 18,2 71,0 67,9 43,5 2,0 18,7 87,9 40,6 47,8
0,4 6,1 1,7 1,5 0,5 0,9 7,5 0,7 0,8 8,1
0,4 27,5 2,1 0,1 1,6 1,2 0,3 0,2 0,2 2,9 0,3 3,1 3,1 0,2 0,6 1,0 0,3 7,5 0,2 2,8
3,3 1,1 16,0 1,5 2,9 40,0 5,4 4,6 1,0 5,5
Opioïdes total (%)
Total patients aux opioïdes (%)
97,7 25,4 43,0 63,8 87,8 39,3 41,2 56,7 56,8 39,6 79,8 15,0 76,0 22,3 65,8 69,5 47,0 45,0 24,4 65,2 41,8 52,5
1 298 2 077 2 333 3 369 4 257 19 812 15 448 27 097 300 539 302 2 322 576 2 146 2 858 938 906 1 119 1 696 77 580 1 192 168 163
‘Speedball’ est inclus dans la catégorie « autres substances ». Données 2005. Données pour primo traitement. Données collectées du 01/04/2005 au 31/03/2006.
6.1.1.2.2 Traitements de la douleur
La classification du traitement de la douleur par l’OMS comporte trois paliers (1983). La prescription d’opiacés et d’opioïdes intervient dans une large part aux paliers 2 et 3. L’utilisation de la morphine par voie orale (sulfate) dans le traitement symptomatique de douleurs chroniques cancéreuses et surtout non cancéreuses (sans qu’il y ait apparition de phénomènes d’accoutumance) explique que la consommation
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Héroïne, morphine et autres opioïdes
de morphine en France a été multipliée par 12 entre 1983 et 1996. La technique appelée « rotation » des opioïdes, en particulier l’utilisation de l’hydromorphone, en cas d’échec de la morphine et en respectant les échelles de conversion, a été un progrès. La morphine à libération prolongée sous forme de comprimés ou de gélules est de plus en plus souvent utilisée.
Classification du traitement de la douleur par l’OMS Palier 1. Analgésiques non morphiniques : paracétamol, aspirine et AINS (antiinflammatoires non stéroïdiens). Palier 2. Agonistes morphiniques faibles et partiels. En pratique, ce sont des associations entre analgésiques du niveau 1 et analgésiques morphiniques faibles : dextropropoxyphène et codéine. On y ajoute aussi la buprénorphine, la nalbuphine et le tramadol. Palier 3. Agonistes morphiniques forts tels morphine, fentanyl ou oxycodone ; certains distinguant le niveau 3a quand l’administration est orale ou dermique et 3b quand elle est parentérale ou intrathécale.
La prévalence de prescription d’opiacés et opioïdes en Europe est peu ou pas documentée. Selon les chiffres publiés par l’Afssaps de ventes de médicaments aux officines et hôpitaux en France en 2007 [18], il apparaît que dans les 50 spécialités les plus prescrites, quatre sont des antalgiques opiacés ou opioïdes. Il s’agit d’Ixprim® (12e rang, tramadol et paracétamol), Lamaline® (22e rang, opium, caféine, paracétamol), Di-Antalvic® (29e rang, dextropropoxyphène, paracétamol), Dialgirex® (46e rang, dextropropoxyphène, paracétamol). Le Propofan® (dextropropoxyphène, paracétamol, caféine) qui était au 31e rang en 2006 n’est plus dans les 50 premiers médicaments prescrits en 2007. Entre 2006 et 2007 la prescription de Di-Antalvic® a chuté au profit de celle d’Ixprim® [18, 19], et ce médicament a été retiré du marché le 1er mars 2011. Une étude américaine récente de 10 922 échantillons d’urine recueillis durant l’année 2006 parmi des patients traités pour des douleurs chroniques (31 cliniques de 6 États des États Unis) révèle pour les opioïdes les prévalences suivantes : fentanyl 4,2 % ; méthadone 11,1 % ; opiacés 82,4 % et dextropropoxyphène 3,5 %. Ces prévalences sont exprimées en pourcentage d’urines positives (confirmées par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM)) par famille de substances. Il est à souligner que parmi les opiacés, d’après cette étude, les Américains utilisent de façon prépondérante les « hydro-opiacés » (hydrocodone, hydromorphone et dihydrocodéine) et les « oxy-opiacés » (oxycodone et oxymorphone), la morphine et la codéine étant beaucoup moins prescrites [16].
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Drogues et accidentalité
6.1.1.3 Opiacés libres de prescription ou à dose exonérée Pour tous les composés très largement distribués comme antitussifs soit environ soixante spécialités inscrites au Vidal 2008 [88], à base de codéine, pholcodine ou codéthyline par exemple, et pour lesquelles il est indiqué : « l’attention est attirée notamment chez les conducteurs de véhicules sur les risques de somnolence attachés à l’emploi du médicament », on assiste à une consommation stabilisée. Les cas de conducteurs positifs aux antitussifs sur Paris et la région parisienne sont très rares à l’heure actuelle.
6.1.2 Description, modes de consommation, composition chimique Les opiacés naturels regroupent l’ensemble des dérivés de l’opium extraits du Pavot, soit environ une quarantaine d’alcaloïdes répartis en deux groupes principaux dans l’opium brut : › les phénanthrènes : morphine (10 à 20 %), codéine (0,5 %), thébaïne (0,2 %) ; › les isoquinoléines : papavérine (0,4 à 1 %), noscapine (0,2 à 0,5 %), narcéine (< 0,2 %), landanosine (< 0,2 %). Les opiacés d’hémisynthèse ont pour base le noyau morphinique : héroïne, pholcodine, oxycodone. Les opiacés de synthèse totale (plus communément appelés opioïdes), d’action agoniste ou agoniste partielle aux opiacés, sont utilisés comme : › produits de substitution : buprénorphine, méthadone ; › antalgiques d’action centrale : dextropropoxyphène, tramadol, codéine, morphine, buprénorphine, fentanyl.
6.1.2.1 Héroïne [56, 60, 81] L’héroïne est un opiacé hémisynthétique (qui n’existe donc pas à l’état naturel) utilisé pour ses effets stupéfiants. Les effets psychophysiologiques de l’héroïne sont ceux de la morphine mais plus brutaux, avec une note d’impulsivité particulière au moment du sevrage et une angoisse respiratoire plus violente. On estime ainsi que, à poids égal, l’héroïne est trois fois plus active que la morphine. C’est vrai du flash comme de la période qui s’ensuit, le « voyage », pendant lequel l’utilisateur se sent calme et détendu. Si la dose absorbée n’est pas trop élevée, il peut aller, venir et parler de façon décontractée. Il navigue dans un monde sans problème. À plus forte dose, il peut glisser dans un état de somnolence, d’apathie et d’engourdissement de l’esprit. Au-delà d’une dose « normale », il peut atteindre l’inconscience puis, en cas de surdose franche ou d’association, sombrer dans le coma et décéder par suite d’un arrêt cardiorespiratoire, et ce dès la première injection. 134
Héroïne, morphine et autres opioïdes
L’héroïne s’administre par voie intraveineuse le plus souvent car plus « efficace » et plus économique, mais aussi par voie sous cutanée, ou par voie nasale « sniff » ou en inhalation (appelée « chasser le dragon »). La dénomination commune internationale de l’héroïne est : diacétylmorphine ou diamorphine (C21H23NO5 = 369,4 g/mol). Il existe deux types d’héroïnes commercialisées dans le monde par les narcotrafiquants : › l’héroïne dite « pure » (80 à 99 %) qui se présente sous la forme d’une poudre blanche de chlorhydrate d’héroïne. Elle est connue sous le nom de « Blanche ». › l’héroïne « impure » ou héroïne brune surnommée « Brown Sugar » ou « Brown », qui se présente sous la forme d’une poudre beige ou brune. La plus consommée en Europe est sous forme base ou souvent sous forme chlorhydrate peu purifié. Aux impuretés de l’héroïne provenant des laboratoires clandestins, s’ajoutent des produits de coupage (sucres), adultérants (caféine, quinine), diluants (bicarbonate, talc, plâtre) non dénués de toxicité, et des médicaments (aspirine, diazépam, paracétamol, phénobarbital).
Impuretés les plus fréquentes dans l’héroïne – Monoacétylmorphine : – Morphine : – Acétylcodéine : – Papavérine : – Noscapine : – Méconine : – Paracétamol : – Caféine :
produits de dégradation de l’héroïne produits de dégradation de l’héroïne impureté de synthèse alcaloïdes de l’opium (impuretés) alcaloïdes de l’opium (impuretés) alcaloïdes de l’opium (impuretés) produits de coupage les plus fréquents produits de coupage les plus fréquents
6.1.2.2 Méthadone [4, 56, 60, 76] La méthadone est le plus ancien dérivé synthétique de l’opium. Cet analgésique aussi puissant que la morphine a été mis au point pendant la seconde guerre mondiale par les Allemands. La méthadone est non seulement un agoniste mu puissant mais son mélange racémique des isomères d et l-méthadone peut bloquer à la fois les récepteurs N-méthyl D-aspartate (NMDA) et la recapture des monoamines. La forme l (lévo ou R) possède une affinité pour le récepteur mu 10 fois plus grande que la forme d (dextro ou S). C’est à partir de 1963 que les premières expérimentations de la méthadone utilisée comme produit de substitution apparaissent à l’hôpital Lexington (Londres). En effet les signes et les symptômes de 135
Drogues et accidentalité
sevrage survenant après un arrêt brutal de méthadone se développent à la fois plus lentement et sont moins intenses qu’avec la morphine. La tolérance et la dépendance physique se développant plus lentement, la méthadone est un médicament particulièrement intéressant pour le traitement substitutif des héroïnomanes. Ses propriétés euphorisantes sont plus faibles que celle de la morphine, en revanche, son pouvoir dépresseur sur les centres respiratoires est plus élevé. À l’origine, la prescription de la méthadone s’est exclusivement effectuée au sein de centres spécialisés de soins aux toxicomanes. En France, la prescription des traitements de substitution à la méthadone par des médecins de ville a été autorisée en 1995, en relais de traitements initiés par un centre spécialisé de soins aux toxicomanes. Depuis 2002, tout médecin hospitalier et tout médecin travaillant dans une unité de consultations et de soins ambulatoires en milieu carcéral peut initier un traitement par la méthadone. La méthadone est inscrite sur la liste des stupéfiants et peut être prescrite pour 14 jours. La délivrance est fractionnée par périodes de 7 jours, sauf mention contraire expresse du prescripteur. N’existant à l’origine que sous forme sirop pour éviter son mésusage (tentative d’injection, usages illicites), la méthadone existe en France depuis septembre 2007 également sous forme de gélules à 1, 5, 10, 20 et 40 mg. Cette forme est réservée aux patients préalablement traités par la forme sirop depuis au moins un an et stabilisés notamment au plan médical et sur les conduites addictives. En début de traitement, la quantité administrée quotidiennement est de 20 à 30 mg et est fonction du niveau de dépendance physique à l’héroïne. Elle est augmentée progressivement jusqu’à 40 à 60 mg en une à deux semaines en fonction de la réponse clinique. La dose d’entretien est obtenue par augmentation de 10 mg par semaine et se situe généralement entre 60 et 100 mg/jour. Pour les sujets très dépendants, des doses supérieures allant jusqu’à 200 mg/jour, peuvent être nécessaires. Des doses de 100 mg/jour administrées à un sujet naïf peuvent entraîner le décès. L’utilisation chronique de la méthadone conduit à une dépendance de type morphinique. Les symptômes sont similaires bien que moins intenses mais également plus prolongés. À noter qu’en France, la prescription de méthadone implique normalement que le patient se soumette à des analyses urinaires périodiques de contrôle d’usage de stupéfiants illicites. Une première analyse urinaire vérifie la réalité de la pharmacodépendance et l’absence de prise de méthadone. Ce contrôle urinaire permet de s’assurer qu’un même patient ne bénéficie pas de deux suivis parallèles avec prescription de méthadone. Dans le cadre du suivi du traitement, les analyses urinaires sont ensuite pratiquées une à deux fois par semaine pendant les trois premiers mois de prescription, puis deux fois par mois à l’issue de cette première phase. Les contrôles portent sur la méthadone, les opiacés naturels et/ou de synthèse, l’alcool, la cocaïne, l’amphétamine, les dérivés amphétaminiques, le cannabis, le LSD. La recherche et le dosage des produits listés ne sont pas systématiques mais sont effectués sur demande
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Héroïne, morphine et autres opioïdes
du prescripteur. Lorsque le patient est stabilisé, les contrôles urinaires sont réalisés à l’occasion de chaque renouvellement semestriel de la prescription [31, 88]. La méthadone existe sous forme de sel chlorhydrate à l’aspect de poudre blanche cristalline inodore. Sa dénomination commune internationale est : méthadone (C21H27NO, HCl = 345,9 g/mol).
6.1.2.3 Buprénorphine [56, 60, 63] Découverte par John W. Lewis et Alan Cowan au début des années 1970, la buprénorphine est une molécule de synthèse dérivée de la thébaïne, un des alcaloïdes naturels de l’opium. Elle a une puissante activité analgésique. La buprénorphine développe une activité dite agoniste partielle (c’est-à-dire agoniste ou antagoniste selon la dose limitant ses effets dépresseurs cardiorespiratoires). Faisant le constat que l’accès aux traitements de substitution dans les centres spécialisés était insuffisant par rapport aux besoins, une offre thérapeutique, parallèle à la méthadone, s’appuyant sur la Buprénorphine Haut Dosage (BHD ; Subutex® d’abord, suivi de la mise sur le marché d’autres spécialités génériques en 2006) a été instaurée à partir de 1996. La posologie initiale est de 0,8 à 4 mg/jour en une prise. La posologie d’entretien est adaptée individuellement à chaque patient en moyenne à 8 mg/jour sans dépasser 16 mg/jour. Les modalités d’initiation et de prescription sont plus souples que celles de la méthadone : médicament pouvant être prescrit par tout médecin, sans condition particulière d’exercice, pour une durée maximale de 28 jours sans renouvellement, délivrance fractionnée en périodes de 7 jours sauf mention contraire expresse du prescripteur. Cette large accessibilité de la BHD constitue une spécificité française. Aucun contrôle urinaire n’est exigé dans le cadre de cette prescription à la différence de ce qui est obligatoire pour celle de la méthadone. Parallèlement, des conséquences indésirables rapportées pour la BHD ont été observées. Essentiellement liés au cadre de prescription souple, les mésusages de BHD (injection du produit, usage abusif ou hors protocole, phénomènes de trafic plus ou moins organisés) ne concerneraient qu’une petite part des usagers, l’immense majorité y recourant dans un cadre thérapeutique. En France, 150 cas de décès impliquant la buprénorphine ont été décrits entre 1996 et 2002 ; l’usage par voie intraveineuse concomitant à une prise de benzodiazépines et/ou de neuroleptiques constituant alors un facteur de risque majeur [52, 53, 83]. Depuis 2004, des mesures ont été prises par l’assurance maladie pour limiter ce phénomène. Plus récemment, afin de renforcer l’encadrement de la prescription et de la délivrance de soins ou traitements susceptibles de faire l’objet de mésusage, un arrêté ministériel a imposé l’inscription du nom du pharmacien désigné par le patient sur l’ordonnance et, en cas de mésusage, l’établissement d’un protocole de soins entre le médecin traitant, le médecin conseil de la caisse d’assurance maladie et le patient. Courant 2009, une nouvelle spécialité (Suboxone®) contenant l’association de buprénorphine et de naloxone devrait apparaître sur le marché français après avoir obtenue l’AMM
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Drogues et accidentalité
européenne en 2006 et être déjà disponible dans le nombreux pays européens, ceci afin de limiter encore le risque de mésusage par injection. La buprénorphine existe sous forme de sel chlorhydrate à l’aspect de poudre cristalline blanche ou sensiblement blanche [56]. Sa dénomination commune internationale est : buprénorphine (C29H41NO4 = 467,6 g/mol).
6.1.2.4 Morphine [56, 60, 81] La morphine est, outre le principal métabolite (produit de dégradation dans l’organisme) de l’héroïne, un analgésique prescrit presque exclusivement pour soulager les douleurs intenses et/ou rebelles notamment d’origine néoplasique. Son usage peut également être illicite (trafic de médicaments). Cependant à ce jour les toxicomanes à la morphine sont rares. Son administration peut se faire par voie orale sous forme de sulfate de morphine à libération immédiate (solution buvable unidose Oramorph®, gélules Actiskénan®, comprimés Sévrédol®) ou à libération prolongée (comprimés Moscontin®, gélules Skénan® LP ou Kapanol® LP) ou par voie injectable ; le chlorhydrate et le sulfate de morphine en solution peuvent alors être administrés par voie sous-cutanée, intramusculaire et intraveineuse dans le cadre d’unités de soins [88]. Le chlorhydrate de morphine peut être administré par injection intraveineuse par le personnel médical d’urgence suite à un accident grave, ce qui peut compliquer l’interprétation des résultats en cas d’analyse de contrôle. Il est également décrit un usage dévié d’injection de contenu de gélules ou par broyage de comprimés. Les doses autorisées par la Pharmacopée française de 30 mg par prise soit 60 mg/ jour, sont facilement dépassées dans le cadre d’une prescription de Moscontin® ou de Skénan® à 60 et 100 mg deux fois par jour ou plus, en cas de douleurs persistantes ou d’accoutumance à la morphine. Toutes les spécialités à base de morphine sont inscrites sur la liste des stupéfiants. La morphine existe sous forme de quatre sels : acétate, chlorhydrate, sulfate et tartrate. Le sel de sulfate étant le plus fréquent a l’aspect de poudre cristalline blanche ou incolore. Sa dénomination commune internationale est : morphine (C17H19NO3, H2O = 303,4 g/mol).
6.1.2.5 Codéine [4, 56, 60, 81] La codéine est un antitussif et un analgésique beaucoup moins fort que la morphine. Elle est employée comme analgésique central en association avec des antalgiques périphériques (aspirine, paracétamol) qui complètent son action mais aussi comme sédatif de la toux en association avec des expectorants. Elle se trouve sous forme sulfate ou phosphate dans des sirops, des comprimés et des suppositoires.
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Héroïne, morphine et autres opioïdes
Le dictionnaire Vidal de 2008 [88] présente environ 22 spécialités et quelques génériques contenant de la codéine et dont certaines (Néo-codion® surtout), délivrées sans ordonnance, sont parfois utilisées à doses massives par des toxicomanes en manque d’héroïne ou par d’autres individus dans le seul but de se « droguer ». La codéine est administrée par doses uniques de 10 à 50 mg par voie orale ou rectale, soit des doses journalières de 20 à 160 mg en général. Jusqu’à 30 mg de codéine par comprimé, la délivrance se fait sans ordonnance (dose exonérée). Pour les comprimés dosés à 50 mg, une ordonnance est nécessaire (Liste I des substances vénéneuses). La codéine est un antalgique narcotique se trouvant naturellement dans l’opium duquel elle a été isolée en 1832. Elle est produite commercialement par O-méthylation de la morphine beaucoup plus abondante dans le pavot [4]. La codéine existe essentiellement sous forme de sels chlorhydrate et phosphate à l’aspect de petits cristaux incolores ou poudre blanche cristalline. Sa dénomination commune internationale est : codéine ou méthylmorphine (C18H21NO3, H2O = 317,4 g/mol).
6.1.2.6 Oxycodone [4, 60] L’oxycodone est un analgésique opiacé semi-synthétique utilisé comme analgésique contre les douleurs moyennes à sévères, les douleurs chroniques et les douleurs liées au cancer et à d’autres affections débilitantes et terminales. On l’utilise lorsque d’autres antalgiques de niveau plus faible ne sont pas efficaces ou lorsque le patient a des effets secondaires intolérables à de tels médicaments. Il est inscrit sur la liste des stupéfiants. Neuf spécialités sont inscrites au Vidal 2008 [88], dont des gélules, des comprimés à libération prolongée et une solution injectable par voie intraveineuse ou souscutanée. Lorsqu’ils sont utilisés de façon illicite, les comprimés peuvent être avalés, broyés puis ingérés, reniflés ou dissous dans de l’eau et injectés (ouvrant ainsi la voie à une multitude de problèmes de santé liés à l’utilisation de drogues injectables). L’oxycodone est inscrite sur la liste des stupéfiants. L’oxycodone existe sous forme de sel chlorhydrate à l’aspect de poudre blanche cristalline. C’est un composé chimiquement proche de la codéine. Sa dénomination commune internationale est : oxycodone ou dihydrone (C21H21NO4 = 315,3 g/mol).
6.1.2.7 Dextropropoxyphène [56, 60, 81] Le dextropropoxyphène est un opioïde de synthèse agoniste-antagoniste dérivé de la méthadone. 139
Drogues et accidentalité
Comme les autres morphiniques, c’est un antalgique d’action centrale. Son action est environ 10 fois plus faible que celle de la morphine, et un peu plus faible que celle de la codéine. Le dextropropoxyphène commercialisé comme principe actif non associé a été retiré du marché en avril 2001 du fait de son usage détourné et d’un rapport bénéfice/ risque peu satisfaisant dans le traitement de la douleur. Il était disponible uniquement en association au paracétamol, ou associé au paracétamol et la caféine. Le dictionnaire électronique Vidal 2008 [88] recensait 35 spécialités en comportant, dont deux référents (Di-Antalvic® et Propofan®). Depuis le 1er mars 2011, toutes les spécialités contenant du dextropropoxyphène ont été retirées du marché. Sa dénomination commune internationale est : dextropropoxyphène ou propoxyphène (C22H29NO2 = 339,5 g/mol).
6.1.2.8 Fentanyl [4, 56, 60, 62, 81] Le fentanyl est un analgésique central de type morphinomimétique. Le Dr Paul Janssen est à l’origine de sa synthèse en 1960. La forte liposolubilité du fentanyl explique sa bonne pénétration dans le système nerveux central. Le fentanyl a 17 fois plus d’affinité que la morphine pour les récepteurs opioïdes mu pour une puissance analgésique 100 fois supérieure. Le fentanyl, utilisé en clinique depuis 1963, est un médicament majeur dans la médication pré anesthésique (50 à 100 mg par injection intramusculaire 45 min avant l’induction anesthésique) ainsi que pour l’anesthésie chirurgicale brève, soit comme complément des anesthésiques généraux, soit comme inducteur ou pour le maintien de l’effet anesthésique. Il peut aussi être utilisé comme simple analgésique en dispositifs transdermiques notamment. Il existe 21 spécialités inscrites au dictionnaire Vidal 2008 [88]. Le fentanyl est le plus souvent administré : › par voie intraveineuse à des fins d’analgésie ; la phase d’instauration des effets est rapide mais la durée d’action est courte après une administration par voie intraveineuse, l’analgésie débute à la trentième seconde, devient maximale à la troisième minute et persiste environ 20 à 30 min ; › par voie intramusculaire, l’action débute en 10 min environ et dure 2 h. Cette voie est utilisée en prémédication, en maintien anesthésique, et pour les analgésies postopératoires. Plus rarement, le fentanyl peut aussi être administré : › par voie péridurale (chez la femme enceinte pendant le travail et après l’opération) ; › par voie transdermique iontophorétique pour le traitement des douleurs postopératoires aiguës (Ionsys®) ;
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Héroïne, morphine et autres opioïdes
› par voie transdermique (dans des cas de douleurs chroniques : patch Durogésic®
contenant 2,1 à 16,8 mg de fentanyl délivrant des doses de 12–100 μg/h pendant 72 h) ; › par voie buccale transmuqueuse (Actiq®, comprimé avec applicateur buccal) pour le traitement des accès douloureux paroxystiques chez des patients recevant déjà un traitement de fond morphinique. Le fentanyl et ses dérivés sont aussi consommés abusivement en intraveineuse par les toxicomanes, car leurs effets cliniques sont proches de ceux de l’héroïne. En effet, le « rush » est perçu comme étant proche de celui que procure l’héroïne. La tolérance et la dépendance physique de ces produits sont aussi très proches de ceux de l’héroïne. Le fentanyl et les analogues du fentanyl ont été vendus dans la rue depuis le début des années 1980, surtout aux États-Unis, sous diverses appellations : héroïne, héroïne synthétique, China white, Tango and Cash. En France comme en Europe le phénomène est beaucoup plus rare et implique le plus souvent du personnel médical, probablement de par la très faible accessibilité du produit, classé stupéfiant et réservé à l’usage hospitalier. Le fentanyl est le plus souvent présenté sous forme citrate à l’aspect de poudre blanche cristalline. Sa dénomination commune internationale est : fentanyl ou phentanyl (C22H28N2O = 336,5 g/mol).
6.1.2.9 Tramadol [56, 60] Le tramadol est une molécule de synthèse 4-phényl-pipéridine présentant une analogie de structure avec la codéine. C’est un analgésique d’action centrale, agoniste faible des récepteurs mu. Son affinité pour les récepteurs mu serait 6 000 fois plus faible que celle de la morphine et équivalente à celle du dextrométhorphane. Il possède également une activité monoaminergique centrale par inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine, responsable de la majeure partie de son action antalgique mais qui conduit à contre-indiquer ce médicament en cas d’antécédent d’épilepsie ou en association avec des médicaments susceptibles d’abaisser le seuil convulsif. Le taux de production de son métabolite O-desméthyl-tramadol, est contrôlé de manière analogue à la codéine, par le CYP2D6 qui présente par rapport à la molécule mère, une plus forte affinité pour les récepteurs opioïdes. Le tramadol est un antalgique de palier 2 uniquement disponible sur prescription. Soixante trois spécialités et nombre de génériques sont répertoriés dans le Vidal 2008 [88]. Il est réservé au traitement des douleurs modérées à intenses. Bien que son mode d’action mixte, opioïde et monoaminergique, conduise à l’utiliser avec prudence en cas de risques de convulsions, ce médicament pourrait être utile dans le traitement des douleurs atypiques, comme la douleur chronique neuropathique. La posologie par unité de prise est de 50 à 100 mg sans dépasser 400 mg/jour.
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Il a l’aspect d’une poudre blanche cristalline, inodore et amère. Sa dénomination commune internationale est : tramadol (C16H25NO2 = 263,4 g/ mol).
6.1.2.10 Pholcodine [4, 56, 60] La pholcodine est un antitussif d’action centrale dont la structure chimique obtenue par hémisynthèse est proche de la codéthyline. C’est un dérivé morphinique entraînant une dépression des centres respiratoires plus faible que celle induite par la codéine. La pholcodine est utilisée uniquement pour son action de dépresseur des centres respiratoires. Vingt-sept spécialités antitussives en contenant sont inscrites au dictionnaire Vidal 2008 [88] (sirops, pâtes, suppositoires). Elle est utilisée seule ou associée à d’autres antitussifs, des antihistaminiques, des décongestionnants ORL, des antispasmodiques, des expectorants… La posologie quotidienne est de 10 à 60 mg chez l’adulte sans dépasser 90 mg. Sa dénomination commune internationale est : pholcodine ou morpholyléthylmorphine (C23H30N2O4, H2O = 416,5 g/mol).
6.2 Devenir des opioïdes dans l’organisme : pharmacocinétique, distribution tissulaire, métabolisation, élimination Les caractéristiques pharmacocinétiques de chaque opioïde sont essentielles à connaître car elles ont des implications à la fois cliniques [14, 55, 70] et analytiques [10]. D’un point de vue clinique, deux caractéristiques sont importantes à souligner : › de nombreux opioïdes sont métabolisés via les isoenzymes des cytochromes P450 ; certains opioïdes (codéine, tramadol, oxycodone) via le cytochrome P450 2D6 (CYP2D6) soumis à un fort polymorphisme génétique et d’autres (buprénorphine, méthadone, fentanyl, tramadol) via le cytochrome P450 3A4 (CYP3A4) entraînant alors des risques d’interactions ; les › métabolites formés participent très fréquemment à l’activité voire la toxicité de la substance en cause ; ainsi par exemple, l’action de la codéine dépend hautement de sa biotransformation en morphine (via le CYP2D6) ; un cas d’intoxication chez un métaboliseur ultra-rapide a ainsi été décrit [37]. La morphine elle-même est métabolisée en morphine-6-glucuronide active et susceptible de s’accumuler en cas d’insuffisance rénale ; d’autres opioïdes comme l’oxycodone ont des métabolites actifs. D’un point de vue analytique, certains opiacés ayant la même structure phénanthrène de base (héroïne, morphine, codéine) ont des métabolites communs ; seule une bonne connaissance du schéma métabolique de chacun de ces opiacés permet ensuite au toxicologue analyste de proposer une interprétation des résultats
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d’analyses toxicologiques. Ceder, par exemple, propose d’utiliser le ratio sanguin morphine sur codéine comme « bio-marqueur » pour distinguer parmi les conducteurs, un consommateur d’héroïne d’un usager de codéine [10].
6.2.1 Héroïne La diacétylmorphine (héroïne) s’administre essentiellement par voie intraveineuse (seringue à insuline) à raison de 2 à 20 mg d’héroïne pure par prise mais également par « sniff » (voie nasale) ou même, de plus en plus, fumée pour éviter les risques liés à l’injection intraveineuse (infection, transmission de maladies virales : hépatite C et VIH). Quelle que soit la voie d’administration, nasale ou intramusculaire, l’héroïne atteint son pic plasmatique en 5 min environ [79] en même temps que son premier métabolite la 6-monoacétylmorphine (6-MAM). Elles traversent rapidement la barrière hémato-encéphalique. La liposolubilité de l’héroïne, supérieure à la morphine, lui confère une activité plus rapide et plus puissante et un large volume de distribution de 25 L/kg. L’héroïne se dégrade en quelques minutes dans le sang par une estérase en 6-MAM dont la demi-vie plasmatique est d’environ 20 min avec des taux de l’ordre d’une dizaine de nanogrammes par litre. Sa métabolisation se poursuit dans le foie [4] par une désacétylation de la 6-MAM en morphine dont la demi-vie est plus longue : de 1,5 à 3 h et les taux plasmatiques atteints vont de 10 à 500 ng/mL [68] voire plus pour des sujets tolérants. Tous les métabolites subissent une glucuronoconjugaison plus ou moins importante. La vitesse de dégradation de la diacétylmorphine dans le sang est telle qu’elle est très rarement détectée dans les fluides biologiques et que seule la présence de 6-MAM peut signer la prise d’héroïne. L’élimination est principalement urinaire : la 6-MAM reste détectable pendant 7 h environ. La morphine libre est également éliminée dans les premières heures, elle est détectable pendant 12 h mais ses dérivés conjugués restent détectables dans les urines jusqu’à deux jours après la dernière prise [81].
6.2.2 Méthadone [1, 4, 31] Du fait de son caractère liposoluble, la méthadone administrée par voie orale est bien absorbée par le tube digestif. Elle subit un effet de premier passage hépatique. Après administration orale (sirop ou gélules), son pic plasmatique est atteint en 4 h et oscille de 0,57 à 1,06 μg/mL pour un traitement quotidien de 100–200 mg. La méthadone se lie à l’albumine et aux autres protéines plasmatiques et tissulaires, ce qui peut expliquer ses effets cumulatifs et sa lente vitesse d’élimination (son taux de fixation aux protéines plasmatiques est de 60 % à 90 %). Les concentrations tissulaires en méthadone (poumon, foie, rein) sont supérieures à la concentration plasmatique. Elle diffuse à travers le placenta et est excrétée dans le lait. Sa demivie plasmatique est de 12 à 18 h (moyenne 15 h) après une administration orale unique. Des variations de concentrations plasmatiques interindividuelles sont observées chez les sujets toxicomanes. Pour des patients recevant 100 ou 120 mg/jour de
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méthadone, la demi-vie plasmatique du produit est de 13 à 47 h (moyenne 25 h). Son volume de distribution est de 4–5 L/kg. Son métabolisme est soumis à une forte variabilité interindividuelle expliquée notamment par l’intervention de plusieurs isoformes des cytochromes P450. La méthadone est métabolisée principalement par le CYP3A4 et secondairement par le CYP2D6 ; celui-ci métabolisant préférentiellement la forme l (R) tandis que le CYP3A4 et le CYP1B2 métabolisent les deux énantiomères [84]. La méthadone est métabolisée dans le foie par mono et di-N-déméthylation et cyclisation conduisant d’une part au 2-éthylidène-1,5-diméthyl-3,3-diphénylpyrrolidine (EDDP, métabolite primaire inactif de la méthadone) et d’autre part au 2-éthyl-5-méthyl-3,3-diphénylpyrrolidine (EMDP, métabolite secondaire). La méthadone est également métabolisée par hydroxylation en méthadol, suivie d’une N-déméthylation en norméthadol. La méthadone, l’EDDP et l’EMDP subissent également une hydroxylation suivie d’une glucuroconjugaison. Les métabolites majeurs de la méthadone sont inactifs. La méthadone est excrétée par filtration glomérulaire puis subit une réabsorption rénale. Sa clairance rénale diminue avec l’augmentation du pH urinaire. L’excrétion urinaire est dose-dépendante et représente la voie principale d’élimination (60 à 80 %). Après l’administration d’une dose unique de méthadone, 20 % sont excrétés dans les urines sous forme inchangée et 13 % sous forme métabolisée. 20 à 40 % de la dose initiale sont également excrétés dans les fèces sous forme métabolisée via la bile. La méthadone peut être trouvée dans la sueur et la salive.
6.2.3 Buprénorphine [31, 62, 88] L’administration de buprénorphine par voie orale est inappropriée, car la molécule subit une N-désalkylation et une glycuroconjugaison dans l’intestin grêle et dans le foie par un important effet de premier passage. Administrée par voie sublinguale, elle atteint son pic plasmatique en 90 min et possède une longue phase d’absorption. Les taux plasmatiques sont de 1 à 5 ng/mL. Elle possède une demi-vie d’élimination faible de 2 à 5 h compensée par une forte fixation tissulaire, et un volume de distribution de 2,5 L/kg. L’administration intraveineuse illicite existe par broyage, dissolution et filtration des comprimés avec une action beaucoup plus forte et rapide. Elle est métabolisée dans le foie via le CYP3A4 en norbuprénorphine active (ou N-désalkylbuprénorphine) et en métabolites glucuronoconjugués quasi inactifs. Son élimination est essentiellement biliaire (80 %) et faiblement urinaire (20 %).
6.2.4 Morphine [4, 88] Son absorption peut se faire par voie orale ou intraveineuse en usage dévié par broyage de comprimés. Par voir orale, sa biodisponibilité est de 30 % par rapport à la voie intraveineuse. Après absorption, la morphine est liée aux protéines plasmatiques dans la proportion de 30 %. Son volume de distribution est de 2 à 5 L/kg et son pic plasmatique est atteint en 1 à 1,5 h pour des taux de 10 à
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100 ng/mL voire 500 ng/mL [68, 56]. Elle pénètre tous les organes (reins, foie, poumons) sans s’y accumuler et traverse difficilement la barrière hématoencéphalique du fait de sa faible liposolubilité. Elle est métabolisée principalement dans le foie par glucuronoconjugaison (54 à 74 %) produisant de la morphine-6-glucuronide et de la morphine-3-glucuronide dans un ratio de 6:1, sulfoconjugaison et oxydation. La morphine-6-glucuronide est un métabolite environ 50 fois plus actif que la substance mère. La normorphine, obtenue par déméthylation via le CYP3A4 est également un autre métabolite actif. L’élimination se fait essentiellement par voie urinaire (70 à 90 %) en 24 h en moyenne.
6.2.5 Codéine [4, 81] La codéine est un hypnotique faible et un antalgique antitussif moins toxicomanogène et moins actif que la morphine. Elle est habituellement administrée aux doses de 15 à 60 mg par prise avec un pic plasmatique atteint en 1 à 2 h, une demi-vie plasmatique de 2 à 4 h et un volume de distribution de 3,5 L/kg [81,88]. Les concentrations thérapeutiques vont de 10 à 200 ng/mL [32]. La codéine se métabolise en norcodéine et en morphine (environ 10 % en 6 à 8 h). Cette biotransformation en morphine se fait au niveau du foie via le CYP2D6 soumis à un polymorphisme génétique. Un cas d’intoxication à la morphine provoqué par le seul usage de codéine chez un sujet « métaboliseur ultra-rapide » a été décrit [37]. Son élimination est urinaire [81].
6.2.6 Oxycodone [31, 81, 88] L’oxycodone est généralement administrée par voie orale. La biodisponibilité absolue de l’oxycodone varie de 60 à 80 %. L’effet de premier passage hépatique est faible. La demi-vie d’élimination est en moyenne de 4 à 5 h, et l’état d’équilibre est atteint en environ 24 h. Les concentrations plasmatiques sont généralement comprises entre 10 et 100 ng/mL. Le volume de distribution est compris entre 1,8 et 3,7 L/kg. La libération d’oxycodone par les comprimés à libération prolongée a deux phases, une phase initiale rapide, suivie d’une libération contrôlée qui détermine la durée d’action sur 12 h. L’oxycodone est métabolisée via le CYP2D6 par Net O-déméthylation en noroxycodone et en oxymorphone ; l’oxymorphone possède une activité antalgique, mais les faibles concentrations plasmatiques retrouvées ne sont pas considérées comme contribuant à l’activité pharmacologique de l’oxycodone. Le chlorhydrate d’oxycodone et son principal métabolite, la noroxycodone, sont éliminés par voie urinaire sous forme libre et conjuguée. Trente-trois à 60 % de la dose sont éliminés dans les urines de 24 h.
6.2.7 Dextropropoxyphène Le dextropropoxyphène est administré par voie orale. Son absorption est rapide (moins d’une heure), le pic plasmatique (0,17–0,37 μg/mL) étant obtenu en moyenne 2 h après une dose unique de 130 mg par voie orale. Les concentrations plasmatiques en
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dextropropoxyphène sont dose-dépendantes de façon linéaire mais variables selon les individus. Le norpropoxyphène, son principal métabolite, atteint son pic plasmatique en 2,5 h environ [43]. Les concentrations plasmatiques restent faibles (60–200 ng/ mL pour des administrations allant jusqu’à 195 mg), avec un temps de demi-vie plasmatique assez long : dextropropoxyphène : t½ = 13 h (2–26 h) ; norpropoxyphène : t½ = 36 h (16–48 h) et un volume de distribution de 16 L/kg. Le dextropropoxyphène est métabolisé au niveau hépatique et intestinal. La métabolisation consiste en une N-déméthylation conduisant au métabolite principal, le norpropoxyphène qui est lui-même actif et potentiellement toxique notamment au niveau cardiaque [84]. Lors d’administrations répétées, le norpropoxyphène, atteint des concentrations plasmatiques bien plus élevées que celles du dextropropoxyphène. De la même façon les concentrations en dextropropoxyphène lors d’usage chronique sont jusqu’à cinq fois plus élevées qu’après prise de doses uniques [90]. L’élimination se fait principalement par excrétion rénale, 60 à 70 % de la dose sont éliminés dans les urines en 5 jours environ, sous forme de norpropoxyphène. Elle est essentiellement directe et dans une moindre mesure, par conjugaison. Dans le même temps, 18 % de la dose est éliminé dans les selles.
6.2.8 Fentanyl [4, 31, 56, 88] Le fentanyl est une substance très lipophile, facilement résorbé par toutes les voies. Les paramètres pharmacocinétiques sont variables selon la forme d’administration. Après application d’un système transdermique (patch), le fentanyl est délivré de façon continue au niveau systémique pendant 72 h. Les concentrations plasmatiques augmentent progressivement et atteignent un plateau entre 24 et 72 h. Les concentrations thérapeutiques vont de 0,6 à 3,8 ng/mL. Après retrait du dispositif transdermique, les concentrations plasmatiques diminuent progressivement (d’environ 50 % en 17 h). Après administration par voie buccale transmuqueuse (application d’un comprimé contre la face interne de la joue pendant 15 min), 25 % de la dose sont rapidement absorbés par la muqueuse buccale et le reste de la dose (soit 75 %) est dégluti et lentement absorbé au niveau gastro-intestinal. Des Cmax atteintes en 20 à 40 min sont décrites entre 0.39 et 2.51 ng/mL pour 200 μg à 1600 μg par voie buccale transmuqueuse. Après administration intraveineuse chirurgicale, les concentrations maximales atteintes sont comprises entre 11 et 18 ng/mL. En chirurgie cardiaque elles peuvent atteindre 100 ng/mL. Lors d’administration intraveineuse hors de tout contexte de soin, seules des concentrations post-mortem sont rapportées ; elles sont comprises entre 3 et 28 ng/mL (moyenne : 8,3 ng/mL). La décroissance des concentrations plasmatiques du fentanyl est triphasique. Les deux premières phases sont extrêmement courtes. Elles correspondent à la diffusion du médicament dans le sang et les tissus très vascularisés. En 5 min, le taux chute à 10 % du pic puis la décroissance est plus lente (diffusion dans un compartiment plus profond). Son volume de distribution est de 3–8 L/kg.
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Notons que l’administration de fortes doses répétées crée une accumulation du produit avec un risque de redistribution. Le fentanyl est rapidement métabolisé, principalement par N-désalkylation oxydative via le CYP3A4 hépatique en norfentanyl inactif et par oxydation en hydroxyfentanyl. Lors de l’administration de fentanyl par voie buccale transmuqueuse, il est signalé que l’usage concomitant de médicaments inhibiteurs du CYP3A4 (macrolides, antifongiques azolés, inhibiteurs de protéase) nécessite des précautions d’emploi pour éviter un risque de surdosage par diminution du métabolisme hépatique du fentanyl [88]. Jusqu’à 85 % du fentanyl sont éliminés par voie urinaire sur une période de 3–4 jours, dont 0,4 à 6 % de fentanyl sous forme inchangée et 26 à 55 % sous forme de norfentanyl.
6.2.9 Tramadol [31, 88] Après administration orale, le tramadol est rapidement absorbé avec une biodisponibilité décrite de 70 à 90 %. Après administration de 100 mg de ce médicament, des concentrations plasmatiques maximales (Cmax) de 141 ± 40 ng/mL sont atteintes au bout de 4,9 h. Une Cmax de 260 ± 62 ng/mL est atteinte 4,8 h après l’administration de 200 mg de ce médicament LP. La liaison aux protéines plasmatiques est de 20 %, et le volume de distribution est important (3 à 4 L/kg). La demi-vie d’élimination est comprise entre 5 et 7 h chez le volontaire sain ce qui nécessite de répéter l’administration toutes les 4 à 6 h pour obtenir un effet antalgique continu. Une grande part du tramadol est métabolisée (90 %), principalement au niveau du foie par N- et O-déméthylation puis conjugaison avec l’acide glucuronique. Le O-desméthyltramadol est un métabolite actif qui possède un effet analgésique plus important que le tramadol. Il est biosynthétisé au niveau du foie via le CYP2D6 soumis à un polymorphisme génétique. Ceci indique que selon son propre génotype, chaque individu métabolisera plus ou moins rapidement tous les substrats spécifiques de ce cytochrome et présentera un profil selon le cas, de « métaboliseur lent » à « métaboliseur ultra rapide ». Sa demi-vie d’élimination (6 volontaires sains) est de 7,9 h (extrêmes de 5,4 à 9,6 h) et approximativement identique à celle du tramadol. La concentration de O-desméthyltramadol (M1) présente une proportion, par rapport à celle de tramadol, très variable selon les auteurs : 25 à 33 % du tramadol selon certains, mais beaucoup plus élevée pour d’autres [40] qui décrit parfois même des concentrations de M1 supérieures à celles du tramadol. Le N-desméthyltramadol (M2) est un autre métabolite du tramadol mais qui est inactif. Sa biosynthèse est également catalysée par les cytochromes P450 (CYP2B6 et CYP3A4). L’inhibition de l’un ou des deux cytochromes CYP3A4 et CYP2D6 participant à la biotransformation du tramadol peut modifier la concentration plasmatique du
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tramadol ou de l’un de ses métabolites actifs. À ce jour, aucune interaction cliniquement significative n’a été révélée. Le tramadol et ses métabolites sont presque totalement excrétés par voie rénale (95 %). Le reste est éliminé dans les fèces. La pharmacocinétique du tramadol n’est que très peu modifiée par l’âge du patient ; chez le sujet âgé de plus de 75 ans, la demi-vie est légèrement augmentée. Chez l’insuffisant rénal, la clairance du tramadol est diminuée parallèlement à la clairance de la créatinine ; la demi-vie est en moyenne de 12 h. Chez l’insuffisant hépatique, la clairance du tramadol est diminuée en fonction de la sévérité de l’insuffisance hépatique.
6.2.10 Pholcodine [4] Administrée par voie orale, la pholcodine est résorbée plus lentement que la codéine ; son absorption est quasi totale (88 %) et indépendante de la dose. Après administration d’une dose orale de 20 à 60 mg, elle atteint son pic plasmatique en 4 à 8 h et possède une demi-vie plasmatique très longue de 35 à 75 h. Elle possède un volume de distribution de 30 à 40 L/kg. Les taux thérapeutiques pour des doses orales de 20 à 60 mg vont de 8,9 ng/mL à 80 ng/mL. Elle subit un métabolisme hépatique et une élimination urinaire très lente qui permet de la détecter de 11 à 20 jours.
6.3 Mécanismes d’action des opioïdes au niveau cérébral Les opiacés naturels tels la morphine et la codéine, et les opiacés d’hémisynthèse comme l’héroïne ont une action agoniste opioïde pur. Les autres dérivés de synthèse dénommés opioïdes ont soit une action agoniste opioïde pur, soit une action agoniste-antagoniste opioïde (voir tableau 6.2, page 147).
Agonistes et antagonistes L’activité agoniste se définit comme la compétition, sur les sites actifs des récepteurs, du produit face au ligand endogène. À ceci s’ajoute la notion de puissance d’activité de forte (agoniste complet) à faible (agoniste partiel). Les antagonistes purs sont caractérisés par : – leur compétition totale à l’égard des agonistes (et partielle à l’égard des agonistes-antagonistes) ; – l’absence d’activité agoniste cliniquement décelable. Les agonistes-antagonistes se caractérisent par leur action agoniste sur certains récepteurs et antagonistes sur d’autres ; leur action est également fonction de la dose administrée.
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TABLEAU 6.2 Opiacés et opioïdes [4, 56, 81]. Opiacés naturels
Morphine
Agonistes
Codéine Opiacés semi-synthétiques
Héroïne
Agonistes
Codéthyline Pholcodine Oxycodone
Opioïdes semi-synthétiques
Buprénorphine
Agoniste-antagoniste
Naloxone (antidote)
Antagoniste
Opioïdes synthétiques
Méthadone
Agoniste
Dextropropoxyphène Tramadol
Agoniste (+ possible action sur d’autres récepteurs) Agoniste
Fentanyl
Agoniste
6.3.1 Neuropeptides, ligands endogènes L’action de l’héroïne, et plus généralement des opiacés et des opioïdes, se focalise essentiellement sur les centres de la douleur : la sensation de douleur est causée par l’activation de fibres de petit diamètre des nerfs périphériques. Ces neurones nociceptifs (réceptifs à la douleur) ont leur origine dans les tissus périphériques tels que la peau, les muscles et les viscères abdominaux. Ils répondent à des stimuli thermiques, mécaniques ou chimiques. Leurs terminaisons synaptiques sont situées dans l’épine dorsale de la moelle épinière et libèrent un neuropeptide appelé substance P, normalement régulé dans l’organisme par les peptides opioïdes endogènes (nouveau terme qui tend à remplacer l’ancienne dénomination endomorphines). L’action analgésique des opiacés s’exerce par compétition directe avec les endorphines en inhibant la libération présynaptique de ce neuropeptide, bouleversant le fragile équilibre naturel cérébral. L’information de la douleur est ensuite relayée au cerveau, au thalamus ainsi qu’au système limbique où les récepteurs opiacés sont nombreux.
6.3.2 Récepteurs, mode d’action Il existe quatre types de récepteurs morphiniques (figure 6.5) : mu, kappa, sigma et delta, caractérisés selon leurs affinités relatives aux agonistes ou antagonistes opiacés (tableau 6.3). Il apparaît que tous les récepteurs opiacés appartiennent à une même famille de récepteurs protéiniques couplés à la guanine appelés « protéines-G ». Le gène qui commande leur synthèse et l’ARN messager les codant sont, par contre, spécifiques à chacun. La liaison d’opiacés ou d’endorphines aux protéines-G inhibe l’action de l’adénylate cyclase réduisant ainsi l’activité générale de la synapse par
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augmentation de la conductance du potassium et réduction de celle du calcium dont les effets, responsables de la dépression centrale, sont : › présynaptiques : diminution de la libération de neurotransmetteur ; › post-synaptiques : diminution du flux de transmission de la cellule nerveuse. Opiacés - Opioïdes
récepteurs mu, kappa, sigma protéine - G
inhibition de l’adénylate cyclase augmentation de la conductance de potassium diminution de la conductance de calcium
réduction de l’activité générale de la synapse diminution des flux nerveux pré et post synaptiques
moelle épinière
cerveau
analgésie
modification de la perception objective de la douleur
dépression du SNC troubles respiratoires baisse de l’état de conscience baisse des réflexes
euphorie sensation de bien-être
FIG. 6.5 Mode d’action des opiacés d’après [64].
Les récepteurs mu (μ) sont présents dans toutes les structures du cerveau et de la moelle épinière impliquées dans l’analgésie morphinique et l’euphorie (sous-type Mu1). Ils sont également présents dans le centre du tronc cérébral impliqué dans la dépression respiratoire, les réactions émétiques, et l’abus compulsif de drogues (soustype Mu2). Les récepteurs mu ne sont pas ou peu retrouvés dans le cortex cérébral. Ces récepteurs sont aussi dénommés OP3 ou MOR (morphine opioid receptors). Les récepteurs kappa (κ) se situent principalement dans la glande basale, le cortex cérébral, l’hypothalamus, l’épine dorsale de la moelle épinière. On pense qu’ils
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diminuent le largage de dopamine. Ils sont impliqués dans l’analgésie, la dysphorie, et les effets psychotomimétiques (hallucinogènes). Ces récepteurs sont aussi dénommés OP2 ou KOR (kappa opioid receptors). Les récepteurs delta (δ) sont situés dans la moelle épinière, le cerveau mais aussi le système limbique. Leur étude reste partielle mais il semble qu’ils soient impliqués dans l’analgésie et une réponse émotionnelle aux opiacés. Ces récepteurs sont aussi dénommés OP1 ou DOR (delta opioid receptors). Les récepteurs sigma (σ) ne sont pas localisés précisément mais leur action agoniste serait impliquée notamment dans les hallucinations. Pour certains, ils ne seraient plus considérés comme des récepteurs opioïdes mais plutôt comme les sites d’actions de la phencyclidine et de ses analogues [84]. TABLEAU 6.3 Les récepteurs opioïdes [82, 84]. Récepteur Mu (μ)
Ligands endogènes Enképhalines β – endorphines
Référence Morphine, Agoniste
Effets pouvant entraîner une perte de vigilance Analgésie Sédation Myosis Euphorie Dépression respiratoire Analgésie Sédation Myosis Dysphorie Dépression respiratoire faible Analgésie Réponse émotionnelle
Kappa (κ)
Dynorphine
Kétocyclazocine, Agoniste-antagoniste
Delta (δ)
Enképhalines
Delta-alanine-deltaleucine-enképhaline Agoniste N-allylnormétazocine, Dysphorie Agoniste Hallucinations Stimulation vasomotrice
Sigma (σ)
L’héroïne possède une activité agoniste sur les récepteurs kappa et une activité plus faible sur les récepteurs sigma. En 1996, son action préférentielle sur un autre récepteur est évoquée [69]. Son action sur les récepteurs mu est due à sa métabolisation en morphine, leur agoniste de référence. La morphine exerce une activité préférentielle sur les récepteurs mu et kappa, et une activité plus faible sur les récepteurs sigma. Elle sert de référentiel à l’activité dite « agoniste » dont les principaux effets sont : analgésie, sédation, myosis, euphorie, dépression respiratoire. La codéine a une activité agoniste 10 fois moindre que la morphine ; de même que la pholcodine, elle agit en modifiant les propriétés convulsivantes et excitantes de la moelle mais son affinité vis-à-vis des différents récepteurs est mal étudiée.
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La buprénorphine a une grande affinité envers les récepteurs mu et kappa, mais bien moindre envers les récepteurs delta. Elle développe une activité agoniste partielle (agoniste ou antagoniste selon la dose) sur les récepteurs mu et une activité antagoniste sur les récepteurs kappa. La buprénorphine possède une dissociation très lente vis-à-vis des récepteurs morphiniques qui fait qu’une partie reste en place sur les récepteurs alors que les concentrations plasmatiques sont devenues très basses. Cette propriété explique la longue durée d’action de la molécule, le faible développement de la tolérance et une période de sevrage courte et retardée, utile au traitement de substitution. La méthadone est un agoniste qui agit préférentiellement sur les récepteurs mu. Son pouvoir dépresseur des centres respiratoires semble plus marqué que celui de la morphine, l’euphorie est faible et la dépendance forte. Son usage répété entraîne également la diminution de production d’adrénaline, due à son action sur le système endocrinien.
6.4 Effets des opioïdes sur le psychisme et conséquences sur l’accidentalité Les opioïdes interagissent avec plusieurs neuromédiateurs endogènes : les endomorphines (enképhalines, dynorphines, bêta-endorphines), la dopamine et la noradrénaline. Les neurotransmetteurs et les neuropeptides spécifiquement localisés dans les parties fonctionnelles du cerveau se contrôlent mutuellement par un mécanisme de rétroaction censé maintenir un état d’équilibre. L’utilisation d’héroïne modifie considérablement cet équilibre nécessaire à l’adaptation du comportement à l’environnement et au contexte immédiat par l’établissement de nouveaux schémas biochimiques codés dans la mémoire et irréversibles. Les opioïdes atteignent deux cibles majeures : le néocortex, centre cognitif responsable du comportement stéréotypé, et le paléocortex, centre limbique responsable du plaisir et de la récompense. Ils instaurent de ce fait une attitude dépendante du produit et de la dose et donc totalement détachée de la réalité non seulement de la conduite et des responsabilités qu’elle nécessite, mais également sociale entraînant des comportements à risques à la fois pour l’usager et son entourage. Les opioïdes inhibent sélectivement de nombreuses activités neuronales induites par des stimuli excitateurs, soit de façon directe : facilitation de la circulation transmembranaire du potassium et inhibition de celle du calcium ; soit de façon indirecte : blocage de la libération des neurotransmetteurs. La diminution de l’activité générale de la synapse fait que l’information arrive au cerveau non seulement « en retard » mais considérablement amoindrie voire déformée et les réactions sont également diminuées. Ce mécanisme d’action explique les difficultés d’appréciation et de réaction d’un individu sous influence d’opiacés même à doses thérapeutiques. D’une manière générale, le tableau 6.4 rappelle la durée d’action approximative des principaux opiacés et opioïdes.
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Héroïne, morphine et autres opioïdes
TABLEAU 6.4 Durée d’action des opiacés et opioïdes influant sur l’aptitude à la conduite automobile ou l’exécution de taches requérant précision et vigilance [4, 32, 81, 88].
Pic plasmatique
Temps de demi-vie plasmatique
Durée d’influence sur la conduite de machines après une dose thérapeutique2 (ou usuelle)
4–6 min.
Héroïne (diacétylmorphine)
3×4 h
5 min. Monoacétylmorphine Buprénorphine (cp sublingual) Méthadone Morphine forme LP1 Codéine Oxycodone Dextropropoxyphène Norpropoxyphène Fentanyl patch Cp avec applicateur buccal Tramadol forme LP1 Pholcodine
15–30 min. 1–2 h
2–5 h
8h
4h
8–40 h (moy. 15–25 h) 1,5–3 h
36–48 h
1–1,5 h 2–4 h 1–2 h 1–2,5 h 2h 4h 24 h 20–40 min 2h 5h 4–h
2–4 h 4–6 h 8–24 h 24–34 h 13–22 h 4,3–6,7 h 37 h
2–6 h 8–12 h (voire 24 h) 4-6 h 8–12 h 4–8 h 72 h 2–3 h (max 8 h) 4–6 h 12 h 8–16 h
1
LP : à libération prolongée. 2 Chiffres à pondérer par des facteurs d’accoutumance et de sensibilité individuelle.
La différence entre la durée d’action et la durée de détection sanguine est due à plusieurs facteurs dont, principalement, l’affinité aux récepteurs, l’intensité des effets analgésiques et psychodysleptiques, la sensibilité des méthodes de détection, la détection de métabolites. Néanmoins selon Schindler et coll. [74] il est devenu évident que les fonctions cognitives et psychomotrices sont peu touchées chez les patients recevant des posologies stables d’opiacés pendant des périodes prolongées, soulignant le phénomène de tolérance. Ceci ne s’applique donc pas lors des adaptations de posologie. Il a également été suggéré que, même si les patients en thérapie de maintenance par la méthadone montrent quelques déficits lors des tests destinés à évaluer les fonctions requises pour la conduite, ces déficits ne sont pas suffisants pour avoir un impact notable sur les résultats des tests. Par contre, les taux d’accidents et de risques d’accident sont plus élevés chez les consommateurs de drogues prises de manière illicite et en dehors des programmes de traitement [74].
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Drogues et accidentalité
La conduite automobile après consommation de stupéfiants illicites est interdite par le code de la route en France. L’Afssaps a demandé aux industriels du médicament d’apposer des pictogrammes sur les emballages signalant aux usagers si la prise du médicament nécessite, lors de la conduite d’un véhicule, de simples précautions d’emploi, l’avis d’un professionnel de santé, ou encore s’il est totalement déconseillé de prendre le volant. Les trois pictogrammes sont les suivants [21] :
Soyez prudent
Soyez très prudent
Attention, danger : ne pas conduire
ne pas conduire sans avoir lu la notice
ne pas conduire sans l’avis d’un professionnel de santé
Pour la reprise de la conduite, demandez l’avis d’un médecin
FIG. 6.6 Pictogrammes de dangers sur les emballages de médicaments.
L’effet des opioïdes sur le système nerveux central (SNC) et le relâchement des muscles lisses a une action particulièrement dommageable autant pour la conduite automobile que pour les actions requérant attention et précision car ils induisent une perte de l’attention, des réflexes, de la réalité et de la conscience du danger et des obstacles.
6.4.1 Héroïne 6.4.1.1 Utilisation ponctuelle À faibles doses, les effets sont : › une action analgésique accompagnée de sédation, somnolence et sommeil et une action dépressive des centres respiratoires pouvant conduire à des malaises ; › une action psychodysleptique avec euphorie voire dysphorie et une élévation du seuil de perception douloureuse de toute nature ; › une hypotension et une bradycardie diminuant les performances du myocarde sans modifier le débit ; › une action toxicomanogène avec dépendance physique et psychique ainsi qu’un myosis (rétrécissement de la pupille) peu dépendant de l’accoutumance, signalant l’intoxication chronique et altérant la vision. Les effets psychophysiologiques de l’héroïne sont identiques à ceux de la morphine mais plus brutaux avec une dépression respiratoire plus marquée. On estime que son action est trois fois plus forte que celle de la morphine. À fortes doses, l’héroïne provoque des bouffées délirantes, hallucinatoires et des phases d’excitation motrices parfois convulsives rendant extrêmement dangereuse l’utilisation de machines dans la mesure où celle-ci est encore possible. Le risque de surdose mortelle est important.
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Héroïne, morphine et autres opioïdes
6.4.1.2 Utilisation chronique Une utilisation chronique peut provoquer, outre des troubles physiques importants, des troubles psychosomatiques particulièrement marqués chez les toxicomanes sous l’effet de la drogue : › une perturbation continue du psychisme avec réactions paranoïaques ; › de grandes variations de l’état de conscience ; › des comportements asociaux, agressifs, dépressifs voir même suicidaires. En dehors des effets psychiques directs dus à la consommation, la dépendance visà-vis du produit et la nécessité de renouveler fréquemment les prises peut entraîner des réactions agressives et incohérentes lorsque survient le manque induisant un comportement particulièrement instable voire agressif.
6.4.2 Méthadone Si les propriétés euphorisantes de la méthadone sont peu marquées, son action dépressive sur les centres respiratoires peut être à l’origine d’apnées ou de malaises. Lors de la mise en place du traitement, un effet sédatif marqué (somnolence voire endormissement) est régulièrement observé. La méthadone peut également provoquer l’apparition de mouvements automatiques pouvant être associés aux variations de l’état de conscience. D’autres effets, notamment des altérations de la perception visuelle peuvent se surajouter. Toutes ces données neurocomportementales suggèrent, d’après Gaulier [38], un risque de diminution de l’aptitude à la conduite automobile sous méthadone. Les études expérimentales concernant les effets de la méthadone sur les fonctions cognitives et psychomotrices ont fait l’objet d’une revue par Gaulier en 2003 [38] dont les conclusions suggèrent que c’est essentiellement au cours du premier mois de traitement que le patient devrait éviter de conduire. Les résultats des tests réalisés chez des patients équilibrés sous traitement de maintenance ne montrent pas de perturbation significative. Il a été depuis confirmé que, même si les patients en thérapie de maintenance par la méthadone montrent quelques déficits lors des tests destinés à évaluer les fonctions requises pour la conduite (déficits non présents dans un groupe traité par la buprénorphine), ceux-ci ne sont pas suffisants pour avoir un impact significatif sur les résultats des tests. Le nombre d’accidents et les risques d’accident sont plus élevés chez les consommateurs de drogues prises de manière illicite et en dehors des programmes de traitement [74]. Enfin une étude très récente a montré qu’il n’existe pas de différence significative des résultats de tests d’aptitude à la conduite chez des patients traités à long terme et stabilisés à la méthadone ou à la buprénorphine au moment du pic de concentration par rapport à celui où la concentration est d’ordre résiduelle [3]. En France, la méthadone est ainsi classée parmi les médicaments à un risque de niveau 2 indiquant de ne pas conduire sans l’avis d’un professionnel de santé.
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Drogues et accidentalité
En Norvège les patients intégrés dans un programme de maintenance par méthadone sont autorisés à conduire si trois conditions sont remplies : être stabilisé à une dose fixe depuis au moins une période de six mois, être déclaré apte à la conduite par leur médecin traitant et ne pas consommer d’autres substances psychoactives licites ou illicites [5].
6.4.3 Buprénorphine La buprénorphine entraîne une dépression respiratoire et un syndrome de sevrage plus faible que la méthadone. Par contre son action analgésique à faible dose est bien plus puissante. D’après Gaulier [38], tout comme avec la méthadone, les états de sédation surviennent essentiellement en début de traitement. Lors d’association à d’autres dépresseurs du SNC (en particulier benzodiazépines et éthanol) il existe tout au long du traitement un risque important de sédation avec endormissement, ce qui constitue un risque majeur lors de la conduite automobile. Les études expérimentales sur les effets de la buprénorphine sur l’aptitude à la conduite automobile sont peu nombreuses. Une étude a comparé de façon indirecte les résultats de tests obtenus chez 13 patients en substitution par la BHD à ceux obtenus dans des conditions semblables pour des patients sous méthadone. Les conclusions suggèrent que le traitement par la buprénorphine serait moins défavorable que celui par la méthadone au niveau des performances psychomotrices notamment en situation de stress [80]. Mais depuis, les travaux de Schindler [74] puis Baewert [3] n’ont pas montré de supériorité réellement significative de la buprénorphine sur la méthadone concernant les résultats de tests d’aptitude à la conduite. Il est systématiquement rappelé qu’il est primordial de bien informer ces patients sur leur capacité à conduite. En France, la buprénorphine est ainsi classée parmi les médicaments à un risque de niveau 2 indiquant de ne pas conduire sans l’avis d’un professionnel de santé.
6.4.4 Morphine Le principal effet secondaire de la morphine ayant un effet direct sur l’accidentalité est la dépression centrale entraînant sédation et altération de la vigilance. Le myosis peut aussi être gênant pour l’accommodation visuelle, particulièrement de nuit.
6.4.5 Codéine, pholcodine Les effets indésirables de la codéine sont comparables aux autres opiacés mais plus modérés. La pholcodine, dérivée de la codéine, possède une action psychodysleptique encore plus faible. On peut estimer que leur influence sur la conduite automobile est dans l’ensemble assez faible à doses thérapeutiques et maximale au pic plasmatique. Leur association à l’alcool entraîne une forte majoration des effets dépresseurs et sédatifs, d’où une dangerosité accrue.
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Héroïne, morphine et autres opioïdes
La codéine à la dose de codéine-base inférieure à 20 mg par unité de prise possède un pictogramme de niveau 1 tandis que la codéine à la dose de codéine-base supérieure ou égale à 20 mg par unité de prise possède un pictogramme de niveau 2, depuis mars 2009 [21].
6.4.6 Oxycodone Comme tous les analgésiques agonistes des opiacés, l’augmentation des doses augmente l’analgésie, à la différence des analgésiques mélangés agonistes/antagonistes ou non opioïdes, où il y a une limite à l’effet analgésique avec l’augmentation des doses. L’oxycodone n’a aucune dose maximum définie. Le plafond de l’efficacité analgésique est imposé seulement par les effets secondaires, les plus sérieux pouvant inclure la somnolence et la dépression respiratoire. Les effets indésirables sont très proches de ceux de la morphine et son potentiel de pharmacodépendance est plus élevé que celui de la codéine, ce qui explique son classement comme stupéfiant.
6.4.7 Dextropropoxyphène Le dextropropoxyphène a une structure chimique proche de la méthadone. Il n’engendre pas de dépendance aux doses usuelles et sur un traitement court. Néanmoins en cas d’usage prolongé on voit fréquemment survenir une pharmacodépendance. Les effets indésirables rapportés en rapport avec des risques d’accidentalité sont nausées, vomissements, douleurs abdominales, céphalées, asthénie, euphorie, troubles mineurs de la vision, désorientation, somnolence et vertiges.
6.4.8 Fentanyl Les effets indésirables sont ceux des morphiniques dans leur ensemble mais beaucoup plus puissants. En cas de toxicomanie, on peut retenir les mêmes effets indésirables que pour l’héroïne, bien que les conséquences sociales soient en partie différentes dans la mesure où l’héroïne s’achète « dans la rue » alors que le fentanyl en France n’est disponible que dans les milieux hospitaliers. De ce fait, le nombre d’usagers est beaucoup plus restreint. Le fentanyl chlorhydrate sous forme de dispositifs transdermiques (patchs) a un pictogramme de niveau 2, tandis que le fentanyl citrate sous forme de comprimés avec applicateur buccal (transmuqueux), sous forme iontophorétique ou encore en solutions injectables (anesthésie) a un pictogramme de niveau 3.
6.4.9 Tramadol À l’instar de ce qui est signalé pour les opioïdes faibles, le tramadol est susceptible d’entraîner des effets indésirables d’intensité très variable selon les individus et en rapport avec des risques d’accidentalité tels que céphalées, asthénie, euphorie, troubles mineurs de la vision, désorientation, somnolence et vertiges. Notons également
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Drogues et accidentalité
le risque de survenue d’épilepsie par abaissement du seuil épileptogène. Pour toutes ces raisons, le tramadol a été classé à un risque de niveau 1 [31].
6.5 Aspects analytiques Le choix du milieu biologique analysé et la technique analytique dépendent de l’objectif recherché. Il est fonction de la législation en vigueur pour la conduite automobile, conduite « sous influence ou après usage » et, dans le cadre du travail, du règlement intérieur de l’entreprise encadré par le code du travail et le médecin du travail. Il s’agit de savoir si l’objectif est de déterminer si l’individu est sous l’influence d’un opioïde à un moment donné ou s’il consomme occasionnellement un stupéfiant opioïde, ou encore s’il s’agit d’apporter une aide au diagnostic d’une « toxicomanie ». Dans le cadre de la recherche des opioïdes, le choix du milieu biologique peut également être conditionné par la nécessité de déterminer avec certitude le toxique incriminé. Par exemple, selon le délai écoulé entre la prise et les prélèvements, le cheveu peut parfois être le seul milieu permettant de différencier une prise d’héroïne d’une prise de morphine.
6.5.1 Quels milieux biologiques utiliser ? Les différentes matrices utilisées sont répertoriées dans le tableau 6.5.
6.5.1.1 Sang Seul le sang permet valablement de corréler le degré d’imprégnation d’un individu par un xénobiotique opiacé ou opioïde avec son comportement, car la présence d’une molécule dans le sang implique sa présence au niveau cérébral. Cependant, le seuil de concentration sanguine à partir duquel il y a altération des capacités n’est pas facile à définir car il est très variable d’un individu à l’autre et, de plus, il existe pour tous les psychotropes et en particulier pour les opiacés et les opioïdes, un phénomène d’accoutumance qui, pour un même individu, modifie ce seuil en fonction des habitudes de consommation. Ainsi l’unique seuil légal définissable est le seuil analytique de positivité.
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Héroïne, morphine et autres opioïdes
TABLEAU 6.5 Comparaison des principaux avantages et inconvénients des différents milieux biologiques. Milieux Avantages Sang Corrélation/imprégnation récente +++
Urine
Inconvénients/difficultés Tenir compte du phénomène d’accoutumance Identification/dosage long (extraction) et coûteux Fenêtre de détection inférieure à 24 h en moyenne et encore plus courte pour certains opiacés Recueil invasif et nécessitant du personnel qualifié Échantillon en volume important Pas de corrélation/imprégnation récente avec analytes à des concentrations Adultérable aisément élevées Problème de recueil (locaux adaptés) Fenêtre de détection de quelques jours Fenêtre de détection de quelques inférieure à celle des cheveux (pour recherche jours supérieure à celle du sang usage chronique, abstinence…) Dépistage rapide par immunochimie +++
Salive
Corrélation/imprégnation récente ++ Recueil plus simple que sang et urine Dépistage rapide par immunochimie
Immunochimie : Attention à la spécificité en particulier pour opiacés et opioïdes (faux négatifs possibles si kits mal connus) Échantillon en quantité faible avec analytes à des concentrations faibles (nécessite technique d’identification très sensible)
Immunochimie : Attention à la spécificité en particulier pour opiacés et opioïdes (faux négatifs possibles si kits mal connus) Cheveux Fenêtre de détection large Corrélation/imprégnation très récente (< 5-7 (pour recherche usage chronique, jours) impossible abstinence…) Échantillon en quantité faible avec analytes à Permet d’estimer l’intensité des concentrations faibles (nécessite technique de la consommation d’identification très sensible) Recueil non invasif et sans danger Prélèvement disgracieux pour le patient
Rappelons que le temps de demi-vie de l’héroïne est de quelques minutes, sa durée de détection dans le sang de 5 min, que la 6-monoacétylmorphine, son principal métabolite, a une demi-vie de 20 min environ et est détectable pendant 1 à 2 h dans le sang et que leur métabolite principal, la morphine, qui elle est stable, possède une demi-vie de 1,5 à 3 h et reste détectable 6 à 12 h dans le sang. Précisons cependant que la prise de codéine aboutit également à la présence de morphine, mais que le rapport sanguin morphine/codéine permet de différencier une prise d’héroïne d’une prise de codéine [10]. D’un point de vue analytique, le sang est un milieu biologique complexe dont l’analyse est délicate même pour la phase de dépistage notamment par technique immunochimique. Comme l’a récemment rappelé Goullé [41], l’usage de
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Drogues et accidentalité
l’immunoanalyse en toxicologie judiciaire peut s’avérer utile à l’expert analyste comme méthode de dépistage et d’orientation mais doit obligatoirement être validé par une technique de confirmation. L’emploi de l’immunoanalyse pour le criblage des stupéfiants dans le sang total nécessite des tests exempts de faux négatifs. D’après son expérience sur plusieurs milliers d’échantillons sanguins analysés à la fois par immunoanalyse et par CPG-SM, il n’a pas noté de faux négatifs pour la famille des opiacés. Dès 1990, les techniques de dépistage des stupéfiants basées sur la FPIA (kinetic interaction of microparticles in solution) ou l’EMIT (enzyme multiplied immunoassay technique) ont fait l’objet d’étude sur le sang total [6]. Certains tests ELISA (enzyme linked immunosorbent assay) ont fait l’objet d’évaluation pour le dépistage dans le sang des stupéfiants et particulièrement de celui des opiacés [48]. Plus récemment, Grassin et coll. ont testé le dépistage de quatre classes de stupéfiants dans le sang total laqué par l’analyseur Evidence Investigator®. Concernant les opiacés, la spécificité de cette méthode a été trouvée de 100 % et la sensibilité de 93,5 % [42]. Pépin a comparé quant à lui le screening des stupéfiants dans le sang total par immunochimie avec les méthodes de référence [65]. Néanmoins, le sang est essentiellement destiné à une analyse de confirmation a fortiori quantitative, pour permettre d’apprécier au mieux le degré d’imprégnation d’un individu. Celle-ci doit être basée sur une technique chromatographique séparative par CPG-SM ou SM/SM ou CLHP-SM/SM en fonction des concentrations attendues, comme cela est détaillé dans le chapitre 10.
6.5.1.2 Urine L’urine, constituée majoritairement d’eau, conserve un intérêt indéniable pour le dépistage rapide d’une prise récente d’opiacés [89]. Elle offre l’avantage de fournir un grand volume d’échantillon ainsi que des concentrations élevées d’analytes en raison de l’effet concentrateur des reins. La durée de détection est environ quatre fois supérieure à celle du sang que ce soit pour la 6-monoacétylmorphine ou la morphine. Cependant, si ce milieu biologique est relativement aisé à recueillir, il présente plusieurs inconvénients : › il est adultérable aisément surtout par les populations de toxicomanes héroïnomanes avertis, et substituable, son prélèvement nécessite donc des locaux adaptés ; › pour les contrôles routiers, les forces de l’ordre ne sont pas toujours équipées de véhicules pour recueillir ce liquide biologique qui doit être fait en présence d’un médecin. De ce fait, pour des raisons purement matérielles, le prélèvement salivaire lui est préféré ; › l’analyse nécessite une très bonne connaissance des kits disponibles en particulier en ce qui concerne la spécificité vis-à-vis des différents opioïdes (voir ci-dessous) ; › l’interprétation quantitative des concentrations urinaires doit être prudente car elle dépend de facteurs non maîtrisables comme la diurèse et de facteurs souvent mal documentés comme la dose consommée et le délai exact entre le moment de la consommation et celui du prélèvement urinaire. 160
Héroïne, morphine et autres opioïdes
L’analyse d’urine révèle une consommation dans les 1 à 3 jours environ précédant le prélèvement (pour plus de détails se référer au tableau 6.7), mais ne renseigne pas formellement sur l’incapacité d’un individu à exécuter une tâche à un moment donné, contrairement à l’analyse sanguine.
6.5.1.3 Salive L’analyse de la salive est la plus récente technique dont les médias et les organisateurs des contrôles louent les mérites pour le dépistage des drogues. Après l’Australie et la Finlande, ces tests de dépistage salivaires sont désormais intégrés également en France dans la procédure officielle de dépistage de la conduite sous influence de stupéfiants [25]. Non seulement il est plus facile et moins intrusif de prélever de la salive que de l’urine ; mais la salive étant prélevée sous contrôle visuel du personnel médical ou des enquêteurs, elle est difficile à substituer ou adultérer. De plus contrairement à l’analyse d’urine ou de cheveux, les résultats salivaires indiquent si la drogue a été consommée récemment et donc renseignent sur l’état d’imprégnation du sujet au moment du prélèvement. Des travaux ont mis en évidence que, dans la salive, quelle que soit la voie d’administration (intraveineuse, inhalée, sniffée) la détection de l’héroïne par CPG-SM était possible pendant 1 h environ, la 6-monoacétylmorphine pendant 1 à 4 h et la morphine pendant 12 h. La codéine se détecte pendant 9 à 12 h après prise de phosphate de codéine par voie orale à la dose de 60 mg [50, 51]. Néanmoins, à l’heure actuelle, les kits de dépistage salivaires le plus souvent utilisés ne détectent pas la méthadone ni la buprénorphine, ni les autres opioïdes de moindre occurrence (tramadol, dextropropoxyphène, fentanyl). Par ailleurs, des progrès dans le développement de ces tests salivaires sont encore à réaliser car leur fiabilité est à améliorer. Une revue des différents tests actuellement disponibles sur le marché a été publiée tout récemment par Verstraete et Labat [87]. Ils relatent notamment les résultats de l’étude européenne Rosita-2 entre 2003 et 2005 qui indique une sensibilité pour les opiacés variant selon les tests de 51 à 100 % et une spécificité toujours supérieure à 85 % quel que soit le kit. Le test actuellement utilisé en France est le Rapid-Stat® de la société Mavand dont le seuil de positivité pour les opiacés indiqué à 25 ng/mL [27] n’atteint pas le seuil de 10 ng/mL en morphine et 6-MAM recommandé dans l’arrêté du 24 juillet 2008 instaurant le dépistage par test salivaire en France [25]. Le faible volume de salive pouvant être récolté limite son utilisation, soit à du dépistage, soit à des techniques d’identification et de dosage particulièrement sensibles. Dans ce dernier cas, des concentrations anormalement élevées dans un prélèvement salivaire peuvent être observées et sont alors le signe d’une prise très récente et reflètent davantage la présence du toxique encore dans la bouche que son excrétion par la salive [89].
6.5.1.4 Sueur Bien que les opiacés et leurs métabolites passent rapidement dans la sueur [49], ce milieu semble inutilisable dans le cadre de la mise en évidence de conducteurs ou 161
Drogues et accidentalité
de travailleurs sous influence d’opiacés, car son recueil est difficile et aléatoire dans des délais courts. De plus, les résultats seront fonction de l’hygiène des individus.
6.5.1.5 Cheveu Un des principaux avantages de l’analyse capillaire est de permettre d’identifier la molécule mère incriminée et pas seulement ses métabolites parfois peu spécifiques. Elle est également utile pour déterminer l’antériorité et l’intensité d’une consommation. D’une façon générale, et à l’instar des États-Unis, certains préconisent l’analyse capillaire car cette méthode permet de détecter dans les cheveux d’un individu des traces de la drogue qu’il a consommée plusieurs mois ou même plusieurs années auparavant, selon la longueur de l’échantillon de cheveux ou de poils, ce qui permet d’établir le profil de consommation d’un individu. Le cheveu est très utilisé dans le cadre judiciaire pour différencier le dealer du toxicomane et de ce fait une corrélation a été établie entre les concentrations capillaires et les quantités d’héroïne absorbées [61]. L’analyse capillaire permettant de différencier une prise ponctuelle d’une prise répétée est particulièrement utile lors d’un suivi pour la restitution du permis de conduire ou dans le cadre d’une période probatoire ou d’une embauche ou sur un salarié en poste à risque. Ce milieu ne permet pas d’apprécier la conduite ou le travail sous influence à un instant donné puisque le délai entre la prise et le passage dans les phanères est de plusieurs jours (2 à 5 jours) pour tous types d’opiacés. La recherche de l’ensemble des opiacés et opioïdes les plus courants dans les cheveux nécessite obligatoirement des techniques d’analyse très sensibles et spécifiques.
6.5.2 Quelles techniques utiliser ? Une proposition de démarche est schématisée dans le tableau 6.6. TABLEAU 6.6 Proposition de démarche analytique. Selon objectifs Dépistage
Imprégnation/ faits récents Immunochimie sur urine ou salive, voire le sang
Usage chronique
Immunochimie sur urine (fenêtre de détection de quelques jours) ou cheveux (fenêtre de détection dépendant de la longueur de la mèche) Spectrométrie de masse ou immunochimie sur cheveux (fenêtre de détection de quelques semaines à quelques mois) Confirmation Spectrométrie de masse Spectrométrie de masse quel que soit le milieu sur sang ou salive biologique (urine, cheveux)
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Héroïne, morphine et autres opioïdes
6.5.2.1 Le dépistage Le dépistage des drogues s’effectue le plus souvent en France par l’analyse immunochimique que ce soit par des tests rapides au bord de la route ou en santé au travail [58, 71] ou par des techniques de dépistage largement présentes dans les laboratoires en phase liquide (EMIT, CEDIA, FPIA…) ou en phase solide (ELISA). Ces tests, destinés tout d’abord à l’analyse des urines, ont été développés pour reconnaître les métabolites urinaires plus que les principes actifs. En ce qui concerne plus spécifiquement les opioïdes, les différents tests actuellement disponibles sur le marché sont présentés ci-dessous selon les produits. Comme nous l’avons déjà évoqué, l’usage des ces tests immunochimiques de dépistage urinaire des stupéfiants s’est élargi progressivement à d’autres matrices comme le sang, puis la salive et les phanères. Cette évolution délicate a nécessité des adaptations, par exemple des anticorps plus ciblés sur les produits parents que les métabolites, et nécessite encore des améliorations selon la matrice concernée. Les dérivés de l’opium peuvent être dépistés dans l’urine jusqu’à 72 h après un usage, tandis que d’autres opiacés comme la pholcodine peuvent être dépistés dans l’urine pendant plus d’une semaine (tableau 6.7). TABLEAU 6.7 Délais moyens de détection des opiacés et opioïdes dans le sang et l’urine [4,11,81,79,88]
Héroïne Monoacétylmorphine Morphine Codéine Oxycodone Pholcodine Dextropropoxyphène + norpropoxyphène (NPX) Fentanyl + norfentanyl (patch) Buprénorphine (cp.) Méthadone Tramadol
Durée de détection sanguine* (approx.) < 5–10 min 1–2 h 6–12 h 8h 8h 48–72 h
Durée de détection salivaire* (approx.)
8–48 h
nr
24–58 h
nr
72 h
4–6 h 24–48 h 12–24 h
nr nr nr
20–25 h 72 h 72 h
8–12 h
nr nr
Durée de détection urinaire* (approx.) métabolisée 7h 12–48 h 24–48 h 24 h 11–20 j 20 h 72 h pour le NPX
* Dépend des seuils analytiques.
Un test immunochimique salivaire positif en opiacés peut indiquer une consommation récente jusqu’à 12 h (morphine et codéine) avant le moment du recueil de la salive. Bien sûr ce temps n’est qu’une indication et dépend de la dose, de l’individu, des limites de détection du test et ainsi illustre principalement que la fenêtre de détection dans la salive est plus courte que dans l’urine [34].
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Drogues et accidentalité
Les seuils minima de détection des opiacés par les tests de dépistage sont définis dans le cadre de la conduite automobile à 300 ng/mL d’urine pour la morphine et à 10 ng/mL de salive pour la morphine et la 6-monoacétylmorphine [25]. Les États-Unis et le Royaume-Uni utilisent très largement et depuis de nombreuses années les dépistages immunochimiques capillaires, notamment dans le cadre de la médecine du travail, avec confirmation par spectrométrie de masse [7, 8, 73, 85, 86]. Enfin certains laboratoires français utilisent des tests ELISA en routine pour le dépistage des stupéfiants dans les cheveux depuis plusieurs années [13]. L’analyse capillaire nécessite néanmoins un savoir faire, une expérience certaine et l’utilisation obligatoire de seuils de positivité reconnus internationalement par la communauté scientifique. 6.5.2.1.1 Héroïne, morphine
De nombreux tests de recherche des opiacés par technique immunochimique sont disponibles sur le marché. Ils sont basés sur les principes EMIT, CEDIA (cloned enzyme donor immunoassay), FPIA, KIMS (kinetic interaction of microparticles in solution), ELISA. Selon le kit, l’anticorps est dirigé contre la morphine ou contre la 6-MAM (pour une recherche spécifique d’usage d’héroïne). Les performances du kit MAM de la société Microgenics ont été testées par plusieurs équipes [9, 39]. Concernant les kits opiacés, les pourcentages de réactions croisées avec les différentes molécules sont toujours à vérifier, car ils varient avec chacun des kits disponibles. Il est primordial de souligner que les kits opiacés ne sont pas adaptés pour détecter les opioïdes tels que la buprénorphine, la méthadone, le tramadol, le fentanyl, et le dextropropoxyphène. La plupart des techniques sont proposées pour l’analyse sur urines mais de nombreuses adaptations sont possibles sur d’autres matrices telles que le sang total, le sérum, le plasma, le sang post-mortem, la salive, les cheveux. Selon les tests et les matrices biologiques, les seuils de positivité varient de 5 à 2000 ng/mL. Pour les cheveux le seuil proposé est de 0,2 ng/mg pour la morphine ou la 6-MAM selon les dernières recommandations internationales [30], et est à 0,5 ng/mg depuis 2004 pour la Société française de toxicologie analytique (SFTA) [29]. 6.5.2.1.2 Pholcodine, codéine
La pholcodine, libre de prescription, croise très bien avec l’anticorps dirigé contre la morphine utilisé dans les kits opiacés ce qui permet de la dépister aisément, sans toutefois pouvoir l’identifier, d’où la nécessité d’une technique de confirmation en cas de dépistage positif. La codéine se métabolise partiellement en morphine et de plus croise également très bien avec l’anticorps dirigé contre la morphine utilisé dans les kits opiacés ce qui permet aussi de la dépister aisément avec les kits opiacés. 6.5.2.1.3 Méthadone
De nombreux tests de recherche de la méthadone par technique immunochimique sont disponibles sur le marché. Ils sont basés sur les principes EMIT, CEDIA,
164
Héroïne, morphine et autres opioïdes
FPIA, KIMS, ELISA. Selon le kit, l’anticorps est dirigé contre l’EDDP (2-éthylidène-1,5-diméthyl-3,3-diphénylpyrrolidine) ou contre la méthadone (pour éviter les risques de falsification). Il existe très peu de réaction croisée entre les deux, or d’après Cone [16] le métabolite est retrouvé plus souvent au niveau urinaire que le produit parent, l’utilisation d’un anticorps dirigé contre l’EDDP semble donc plus adéquate pour le dépistage de la consommation de méthadone dans les urines. La plupart des techniques sont proposées pour l’analyse sur urines mais de nombreuses adaptations sont possibles sur d’autres matrices telles que le sang total, le sérum, le plasma, le sang post-mortem [47], la salive [15], les cheveux [17]. Selon les tests et les matrices biologiques, les seuils de positivité varient de 5 à 300 ng/mL sauf pour les cheveux ou le seuil proposé est de 200 pg/mg pour la méthadone [1]. Selon la revue faite par Alvarez [1], des substances telles que la quétiapine, les métabolites du vérapamil, la cyamémazine, la lévomépromazine, l’alimémazine, la diphenhydramine et la doxylamine peuvent interférer avec les tests immunochimiques de la méthadone. 6.5.2.1.4 Buprénorphine
Les tests de recherche de la buprénorphine par technique immunochimique sont moins nombreux sur le marché sans doute parce que les analyses de contrôle ne sont pas obligatoires dans les programmes de substitution à la buprénorphine à la différence de ceux à la méthadone. Il existe à l’heure actuelle deux types de méthodes basées sur les principes CEDIA ou ELISA. L’anticorps est dirigé contre la buprénorphine et le pourcentage de croisement avec la norbuprénorphine est variable selon sa concentration et le kit utilisé. Il peut exister des faux positifs surtout si le seuil de positivité est fixé à une valeur trop basse [1]. Là encore, de nombreuses validations sur d’autres types de matrices que les urines ont été décrites telles que le sang et les cheveux [12] ou encore la salive [15]. Selon les tests et les matrices biologiques, les seuils de positivité varient de 0,5 à 20 ng/mL sauf pour les cheveux ou le seuil proposé est de 10 pg/mg pour la méthadone [1]. Selon la revue faite par Alvarez [1], des substances telles que la dihydrocodéine et le tramadol peuvent interférer avec le kit CEDIA de la buprénorphine. 6.5.2.1.5 Dextropropoxyphène
Il existe quelques tests de recherche du dextropropoxyphène basés sur les principes CEDIA ou EMIT, le kit FPIA de la société Abbott n’étant plus commercialisé depuis 2008. L’anticorps utilisé dans ces tests est dirigé contre le dextropropoxyphène. D’après la revue faite par Alvarez [1], le taux de croisement avec le métabolite principal, le norpropoxyphène est variable selon le kit et parfois selon la concentration. Or l’étude de Cone et coll. [16], portant sur 538 urines de patients sous traitement par dextropropoxyphène, a montré que 50,4 % des urines contenaient du norpropoxyphène seul, 9,9 % contenaient le propoxyphène seul et 39,9 % contenaient les deux composés. Il est donc important que l’anticorps utilisé reconnaisse le mieux possible le métabolite. Ces tests sont utilisés essentiellement pour les urines, avec un seuil de positivité courant
165
Drogues et accidentalité
à 300 ng/mL. Ils ont été utilisés pour le dépistage dans les cheveux par Moore [57]. Deux types de substances semblent croiser avec certains tests utilisés pour la recherche du dextropropoxyphène, la diphénydramine [75] et les dérivés tricycliques [66]. 6.5.2.1.6 Tramadol, oxycodone, hydromorphone, fentanyl Pour ces molécules, seuls des kits basés sur le principe ELISA sont actuellement disponibles sur le marché des tests de dépistage.
6.5.2.2 Les méthodes de confirmation Le dépistage des opiacés doit toujours et obligatoirement être suivi, en cas de positivité, d’une analyse de confirmation. En effet de nombreux opiacés sont libres de prescription notamment des antalgiques légers (codéine à moins de 20 mg associée au paracétamol) mais aussi des antitussifs (codéine, pholcodine). Ces derniers ne sont pas des opiacés illicites mais peuvent néanmoins altérer les capacités à réaliser certaines tâches, la conduite de machines ou la manipulation de certains appareils par exemple. Comme indiqué ci-dessus, un pictogramme attirant l’attention du consommateur sur les risques de somnolence relatif à leur emploi, en particulier pour la conduite de machines, est clairement appliqué sur les emballages. Leur emploi n’est cependant pas interdit par la loi. La méthode de référence à l’heure actuelle pour la confirmation et l’identification est la chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM). Elle s’applique au sang pour lequel le seuil minimum de détection des opiacés est défini à 20 ng/mL en morphine dans le cadre de la conduite automobile [25]. L’analyse de confirmation par CPG-SM dans l’urine peut également être employée. Néanmoins, si l’on tient compte du fait que plusieurs opiacés sont métabolisés en morphine, il est aisé de comprendre que cette détermination dans l’urine peut poser des problèmes d’interprétation outre les limites de ce milieu déjà évoquées auparavant. L’analyse du sang reste donc indispensable en confirmation.
Seuils de positivité La CPG-SM est applicable et des seuils de positivité ont été définis par consensus de sociétés savantes :
– Le consensus de la SFTA validé en 2004 pour l’analyse des cheveux dans la restitution du permis de conduire propose un seuil de 0,5 ng/mg de cheveux pour tous les opiacés (codéine, morphine, 6-MAM, codéthyline et pholcodine) à partir d’une prise d’essai de 30 mg de cheveux [29]. – La Society of Hair Testing (SoHT) recommande quant à elle des limites de quantification inférieures ou égales à 0,2 ng/mg, quel que soit l’opiacé (6-MAM, morphine, codéine) [30].
Concernant la salive, compte tenu des faibles concentrations ne dépassant pas les 100 ng/mL et des faibles volumes disponibles (1 à 2 mL maximum et le plus
166
Héroïne, morphine et autres opioïdes
souvent 0,5 mL), il est préférable d’utiliser des techniques telles que la CPG-SM/ SM ou la CLHP-SM/SM qui sont plus adaptées pour la confirmation dans ce milieu [72]. En 2007, Simonin et coll. [78] ont proposé une technique de dosage dans la salive de 4 classes de stupéfiants par CLHP/SM/SM pour laquelle la limite de quantification est de 1 ng/mL pour les opiacés.
Le cas particulier des patients sous traitement de substitution Les médecins en charge de patients toxicomanes, auxquels est prescrit un traitement de substitution aux opiacés, se doivent de connaître et d’informer leurs patients, des risques encourus et des conditions dans lesquelles se fait le « dépistage de conduite automobile après usage de stupéfiants ». En cas de vérification concernant les stupéfiants, les dérivés opiacés font partie des quatre familles de stupéfiants couramment recherchés :
– À la phase de dépistage urinaire (ou salivaire depuis juillet 2008) : les tests fournis aux forces de l’ordre ne sont pas adaptés pour la recherche de buprénorphine et de méthadone. En effet, la recherche des produits de substitution n’est prévue en France par aucun texte du code de la route. La recherche d’opiacés est ciblée sur la morphine (et métabolite de l’héroïne pour la salive) qui sera positive en cas d’usage de morphine, codéine, héroïne, codéthyline, pholcodine, et dihydrocodéine principalement. Ainsi, l’usage strict de buprénorphine ou de méthadone n’entraîne pas de positivité du dépistage. – Si le dépistage est positif ou impossible à réaliser (conducteur blessé ou décédé), il est obligatoirement réalisé un prélèvement sanguin dans lequel seront recherchés par technique spécifique pour la famille des opiacés : morphine, codéine, métabolite de l’héroïne, codéthyline, pholcodine et dihydrocodéine. Ainsi, là encore, un usager strict de buprénorphine ou de méthadone sera négatif pour la recherche des opiacés cités ci-dessus. Néanmoins, il faut enfin savoir que, en complément de la vérification des stupéfiants, il est parfois spécifiquement mais rarement demandé, au stade de la confirmation sanguine, une recherche des médicaments psychoactifs, pouvant inclure la méthadone ou la buprénorphine. Cette demande est alors mentionnée dans la mission rédigée par les autorités requérantes. Il est précisé dans le code de la route que la recherche de médicaments psychoactifs ayant des effets sur la capacité de conduire des véhicules peut être effectuée à la demande du conducteur. Néanmoins, nous constatons que cette demande est presque toujours initiée par les services de police. Dans ce cas, un usager de buprénorphine ou de méthadone pourra présenter un résultat d’analyse positive puisque ces principes actifs font partie des médicaments psychoactifs pouvant être recherchés.
167
Drogues et accidentalité
Concernant l’analyse capillaire, un certain nombre d’opiacés étant licites et les quantités de cheveux qu’il est envisageable de prélever étant limitées, nous préconisons une analyse spécifique directe, plutôt qu’un dépistage immunochimique préalable. Bien sûr cela dépend surtout des quantités disponibles et du nombre de cas total à dépister, car les cas positifs aux opiacés sont tout de même relativement rares dans l’entreprise et sur les routes. Certains préconisent cependant l’immunochimie pour le dépistage capillaire [13, 67]. Compte tenu du nombre grandissant de dépistages réalisés (urine, sang, salive, cheveux), les méthodes de confirmation telles que la CLHP-SM/SM et la « fast » -CLHP-SM/SM et l’UPCPL-SM/SM (ultra performance chromatographie liquide) devraient avoir une réelle place dans les laboratoires car elles permettent une analyse à la fois sensible, spécifique et rapide ; les questions sur la robustesse de ces méthodes tendant à s’amenuiser avec les innovations techniques des constructeurs, particulièrement au niveau des sources d’ionisation et des fréquences d’acquisition. Dans cette optique, Lacroix et coll. ont récemment publié [54] une méthode de quantification des opiacés, cocaïniques et amphétaminiques par CLHP-SM/SM après préparation en ligne de l’échantillon. Celle-ci est très prometteuse car elle permet un dosage rapide et simultané de plusieurs familles de stupéfiants parmi lesquels se trouvent de nombreux opioïdes et leurs glucuroconjugés.
6.6 Concentrations thérapeutiques, toxiques, létales des opioïdes Le tableau 6.8 (voir page 167) rappelle les concentrations thérapeutiques, toxiques et létales des principaux opiacés et opioïdes.
6.7 Prévalence des opioïdes dans l’accidentalité Tous les opiacés et opioïdes sont concernés par les risques d’accidentalité car leur usage peut être à l’origine de modifications importantes du comportement, de la vigilance et des capacités de réaction, notamment face à une situation imprévue.
168
Héroïne, morphine et autres opioïdes
TABLEAU 6.8 Concentrations sanguines d’usage ou thérapeutiques, toxiques et létales (d’après [4, 11, 32, 33, 35, 36, 56, 77, 79, 88]).
Héroïne Monoacétylmorphine – IV héroïne 200 mg – sniff héroïne 12 mg Morphine – IV héroïne 5 mg – i.v. héroïne 200 mg – sniff héroïne 12 mg Morphine Codéine Oxycodone Pholcodine Dextropropoxyphène Norpropoxyphène Fentanyl (patch) Buprénorphine
Méthadone
Tramadol
Concentrations thérapeutiques ou usuelles (ng/mL) /
Concentrations toxiques (ng/mL) /
Concentrations létales (ng/mL) /
4 000 (à 1 min) 14
?
?
35 580 20 10–120 (500 hosp.) 10–200 20–50 10–80 100–750 100–1 500 0,3–3,8 (selon dosage patch) 1–8 (selon dosage cp)
?
50–3000 (moy. 430)
100–300 200–750 (usager chronique) 10-250
? 150 (sans ass. respiratoire) > 300 > 200 200 > 1 000
200–2300 (moy. 700) 1 600 > 600 470 1 000–17 000
2–20 ?
200 (sujet naïf ) 750 (usager chronique)
1,1–29 (selon la voie d’administration et l’association) 200 (sujet naïf ) 1 000
800
1 000
6.7.1 Donnés internes Nos données statistiques montrent que les cas d’accident consécutifs à la prise d’opiacés sont relativement peu fréquents. De 2003 à 2008, le laboratoire Toxlab a observé une prévalence des opiacés de 4,45 % dans les analyses de sang de conducteurs impliqués dans un accident de la voie publique. Sur ces 4,45 % positifs aux opiacés, il faut retenir que seulement 4,5 % (soit 0,2 % du total) sont positifs avec certitude à l’héroïne et 5,97 % (soit 0,27 % du total) sont positifs à la codéine. Il en résulte donc que 89,5 % (soit 3,98 % du total des conducteurs impliqués dans un accident de la voie publique) sont positifs uniquement à la morphine dans le sang.
169
Drogues et accidentalité
Ceci pose un problème d’interprétation car, selon la qualité et la quantité d’héroïne consommée, il se peut que seule de la morphine soit détectable dans le sang passé un certain délai. Néanmoins, lorsqu’une prescription de morphine a lieu par suite de l’accident, l’information est généralement mentionnée sur les fiches B et C et/ou E. Les concentrations mesurées sont le plus souvent d’ordre thérapeutique : 95,8 % des concentrations de morphine seule sont inférieures à 100 ng/mL dont 7,8 % inférieures à 10 ng/mL. Nous avons, dans de très rares cas, mesuré des concentrations « mortelles » de morphine chez des individus pour lesquels il s’est avéré que la prise de sang pour recherche de stupéfiants avait été effectuée juste après et dans la même veine que celle ayant servi à l’administration de morphine suite aux blessures causées par l’accident. Au CHU de Grenoble, la prévalence des opiacés dans le sang de conducteurs impliqués dans un accident de la voie publique oscille entre 1,9 et 5,9 % (période 2003–2007). Dans 92,8 % des cas, c’est de la morphine qui est retrouvée à concentration d’ordre thérapeutique (96 %) concordant avec une notion d’administration dans le cadre de la prise en charge d’urgence du conducteur ou à concentration toxique (4 %) avec notion de toxicomanie. Dans les cas où de la morphine n’a pas été retrouvée, de la codéine a été mise en évidence (7,2 %) Fin janvier 2009, une série de surdoses d’héroïne a été observée en région parisienne, notamment dans les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise. Il s’agissait d’une héroïne ayant provoqué des pertes de conscience brutales. En effet elle était coupée avec de l’alprazolam fortement titré, benzodiazépine principe actif du Xanax®. Un tel mélange est évidemment dangereux, car il majore la dépression centrale induite par l’opiacé et peut même conduire au décès. Sur les cas recensés parus dans la presse, une seule personne serait décédée dans cette série d’overdoses. Néanmoins, les données de l’enquête de police (voir tableau 6.9, page 169) montrent que, sur les 44 victimes recensées, au moins 15 personnes s’étaient administré de l’héroïne frelatée dans leur voiture très peu de temps après l’achat, pensant reprendre le volant, et pour certaines, avant de se rendre à leur travail. Sur ces 15 personnes, 5 au moins ont effectivement repris le volant et ont été victimes ou ont occasionné des accidents de la route, les autres en étant empêchées par une perte de conscience. Sur ces 5 personnes ayant repris le volant juste après avoir consommé l’héroïne « frelatée », 4 étaient sur le trajet de leur travail dont 2 avaient consommé pendant leur pause déjeuner et retournaient travailler. Pour pouvoir conduire ou essayer de conduire, il est très vraisemblable que ces personnes étaient accoutumées à la prise régulière d’héroïne ou d’opiacés en général, toute personne « novice » à la prise d’héroïne étant incapable de prendre le volant quelques minutes après une injection intraveineuse.
170
Héroïne, morphine et autres opioïdes
TABLEAU 6.9 Dix-sept cas d’accidents ou malaises sur la voie publique ou dans une voiture suite à une prise d’héroïne coupée à l’alprazolam. N°
Âge
Emploi
Conducteur
1
41
Technicien
oui
2 3
43 48
4
29
5
49
6
44
7
39
8
41
9
29
10
42
11
51
12
35
13
47
14
41
15
41
16
45
17
41
Heure des faits 12 h
Commentaires
Réveillé à l’hôpital sans souvenirs, traitement méthadone Sans oui ? Réveillé à l’hôpital, blessures mains et visage Agent oui 15 h Injection IV dans sa voiture puis déséquilibre d’entretien et plus de souvenirs. Réveillé aux urgences Employé oui 15 h 30 Injection IV dans voiture, puis endormi après travail et réveillé aux urgences de l’hôpital Non précisé non, ? Avec un ami, sniff d’héroïne dans véhicule son ami puis alors qu’ils roulaient ont été interpellés puis conduits à l’hôpital Son ami, conducteur n’était pas très bien Non précisé oui 11 h à Sniff d’héroïne dans véhicule puis ne se 11 h 30 souvient de rien, ne sait pas si accident ou pas, réveillé à l’hôpital Aide oui 15 h Injection IV d’héroïne, accident voiture, soignant son ami hospitalisé en soins intensifs. Traitement Subutex Cadre oui 16 h Sniff d’héroïne vers 16 h dans voiture puis aucun souvenir jusqu’au lendemain 15 h à l’hôpital Artisan oui, 13 h 05 Avec ami, a sniffé de l’héroïne dans le véhivéhicule cule, a conduit son ami à l’arrêt de bus, d’entreprise puis s’est endormi sur la nationale et se réveille aux urgences le lendemain à 14 h Agent oui 18 h Injection IV d’héroïne, a repris le volant commercial puis plus de souvenirs. Accident de circulation. Réveil à l’hôpital Non précisé oui Sniff d’héroïne dans véhicule avec son ami, ensuite plus de souvenirs, réveillé à l’hôpital 12 h Jardinier non (avec S’est réveillé à 4 h à l’hôpital sujet 11) Employé oui 13 h Allé en voiture pour achat héroïne, rentré chez lui consommer en sniff, repart travailler en voiture, malaise en chemin. A heurté panneau de signalisation. Réveillé à l’hôpital. Traitement Subutex Chauffeuroui 19 h Injection IV d’héroïne dans sa voiture, puis livreur trou noir. Réveillé à l’hôpital Sans non (avec 17 h Injection IV d’héroïne dans la rue, malaise sujet 16) sur la voie publique, réveillé à l’hôpital Sans oui 10 h Prise d’héroïne dans sa voiture, puis trou noir. Réveillé à l’hôpital. Traitement Subutex Sans oui 15 h Injection IV d’héroïne dans sa voiture, pas de souvenir de la suite, réveillé à l’hôpital
®
®
®
171
Drogues et accidentalité
6.7.2 Données de la littérature scientifique Les données de la littérature scientifique européenne sur la conduite sous influence d’opiacés sont rapportées dans le tableau 6.10. TABLEAU 6.10 Prévalence des opiacés et opioïdes impliqués dans la conduite sous influence de drogues en Europe. Période Nombre de cas (Duid) 2002-2003 440
Prévalence 9 % opiacés 7 % morphine libre
1992-1997 4 896
7,9 % codéine 2,7 % dextropropoxyphène
1998-1999 9 013
7 % 6monoacétylmorphine dans l’urine (85 % d’hommes) dont : – 13 % QI de sang – 94 % positifs en morphine dans le sang – 6 % négatifs en morphine dans le sang
2000
3 808 cas positifs
10 % morphine 6 % codéine 2 % dextropropoxyphène ___________________________
________ ______________ 1992-2000 1 221 cas positifs opiacés sang et/ou urine morphine (n = 979 (339 sang et urines ; codéine (n = 784) 882 sang seul) 6-MAM (n = 43)
62 % 6-MAM urine
675 cas positifs opiacés sang 2000 - 2006 55 000 échantillons de sang de conducteurs (Norvège)
2004-2005 14 811
2,3 % 6-MAM dans le sang 666 (1,2 %) positif en méthadone
11 % morphine 8,0 % codéine 1,5 % méthadone 0,5 % propoxyphène
DUID : Driving Under the Influence of Drugs, conduite sous influence de drogues. QI : quantité insuffisante. THC : tétrahydrocannabinol. 6-MAM : 6-monoacétylmorphine.
172
Héroïne, morphine et autres opioïdes
TABLEAU 6.10 Suite. Concentrations médiane 10 ng/mL (1-110 ng/mL)
LD = 16 ng/mL
Commentaires Cette prévalence des opiacés est identique à celle des amphétamines, inférieure à celle de la cocaïne (13 %) et nettement inférieure à celle du cannabis (59 %). Dans 71 % des cas, des benzodiazépines étaient aussi présentes. Dans 83 % des cas présence d’autres psychotropes. Âge médian 32 ans. 78 % avaient déjà été arrêtés dans les 15 ans précédant pour conduite en état d’ivresse ou sous influence de drogues.
___________________________ médiane (2,5 et 97,5 percentiles) 30 ng/g (5 et 230) 20 ng/g (5 et 592) 8 ng/g (5 et 104)
Référence
[2]
[45]
[44]
[10]
pour lesquels dans le sang : – signe la prise d’héroïne – 42 % ratio morphine/codéine = 1 à 66 (médiane 6,0) – ancienne prise d’héroïne – 8,5 % morphine et codéine < LOQ – impossible de conclure sans urine – 49,5 % morphine seule détectée – dont 11 avec méthadone seule : conc. moy. 0,46 mg/L (0,19-0,65) – 655 avec méthadone associée : conc. moy. 0,28 mg/L (0,06-0,24)
Avec Benzodiazépines : 90 % Amphétamines : 189 cas THC : 191 cas Morphine : 163 cas Morphine seule dans 42,2 % des cas avec présence de morphine
[5]
[46]
173
Drogues et accidentalité
Les cas publiés mettant en cause les produits de substitution aux opiacés tels que la méthadone ou la buprénorphine sont rares. Le jour de Noël 1998, un conducteur de 34 ans est arrêté en état d’ivresse manifeste ; les résultats de l’analyse sanguine montrent une alcoolémie négative mais la présence de méthadone associée à une benzodiazépine à concentration thérapeutique. L’examen clinique le décrit comme ayant un souffle insuffisant pour l’alcootest, titubant arrogant, agressif, le regard anormal, les explications incohérentes et répétitives [63]. Gaulier et coll. ont rapporté le cas d’un accident de la voie publique en août 2001 [38]. Le véhicule d’un conducteur d’une trentaine d’année vient de percuter un rocher après une sortie de route inexpliquée. Le conducteur gravement blessé est évacué vers le centre hospitalier le plus proche où, dès son arrivée, des prélèvements biologiques à visée d’expertise toxicologique sont pratiqués compte tenu de la découverte de seringues et d’une cuillère dans le véhicule. L’éthanolémie est nulle, de même que les recherches de produits stupéfiants, mais il est relevé dans le sang la présence de buprénorphine (1,2 ng/mL) et de norbuprénorphine (2,5 ng/mL) ainsi que du métabolite acide du THC (0,67 ng/mL). De la buprénorphine était également retrouvée dans les seringues et la cuillère. Dans le cadre des traitements de substitution par méthadone et buprénorphine, les principaux facteurs à prendre en compte pour estimer les capacités d’un individu à mener sa tache sont d’abord le délai depuis la mise en place du traitement, car les perturbations sur les performances sont particulièrement marquées le premier mois de traitement, puis l’éventuelle association à d’autres substances psychotropes due à une potentialisation des effets délétères.
6.8 Conclusion Ainsi que le laisse prévoir le mode d’action des opiacés sur les récepteurs du système nerveux central, la prise d’héroïne, de morphine ou d’opiacés licites, de substitution (buprénorphine, méthadone) ou même d’opiacés antitussifs libres de prescription, modifie significativement le comportement et les capacités réactives de l’individu. À ce jour, seule la technique de CPG-SM préconisée par la SFTA dans le sang ou d’autres techniques utilisant la spectrométrie de masse ou de masse tandem, permettent de différencier la prise d’opiacés illicites des opiacés consommés sous contrôle médical ou libres de prescription. Les travaux publiés concernant la durée d’action des opiacés corrèlent approximativement la durée de détection sanguine et montrent que l’urine, où la persistance des opiacés est beaucoup plus longue, ne peut être un milieu scientifiquement utilisable pour mettre en évidence la preuve d’une consommation sur le lieu de travail ou d’une conduite sous influence et peuvent en fait ne révéler finalement que l’usage de stupéfiant illicite.
174
Héroïne, morphine et autres opioïdes
Le législateur a bien précisé que l’infraction qui est commise dans le cadre des contrôles des conducteurs au volant consiste en « a fait usage de stupéfiant » et non pas « était sous l’influence de stupéfiant ». La Cour de cassation en 2008 a d’ailleurs clairement confirmé qu’il s’agissait bien d’un simple usage par le conducteur et non pas d’une altération de ses capacités à conduire le véhicule par suite des effets délétères des stupéfiants sur le cerveau. Les textes du code de la route prévoient l’obligation du dépistage des stupéfiants lors d’accident de la voie publique (mortel ou non) ou de suspicion d’infraction à la législation des stupéfiants (ILS). Ce dépistage peut aussi avoir lieu lors de simples contrôles routiers. La législation prévoit également que ces dépistages soient confirmés par une analyse sanguine par la méthode de référence qu’est la chromatographie couplée à la spectrométrie de masse. De ce fait, pour les opiacés, l’identification précise de la molécule est bien sûr primordiale. En ce qui concerne la médecine du travail, la problématique est plus complexe puisqu’il s’agit de différencier un usage occasionnel d’une toxicomanie avérée ou d’une consommation abusive, ainsi que de prendre en compte à la fois le respect de la vie privée en dehors de l’entreprise, la responsabilité de l’employeur et la sécurité dans l’entreprise. Certains auteurs recommandent de n’avoir recours à ces tests que dans les cas où la consommation de drogues ou l’incapacité qui en résulte menace la sécurité du public (conducteur de véhicules de transports publics), voire des collègues de travail ou bien parfois lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que le dépistage des drogues va entraîner une amélioration de la qualité du travail aboutissant à une meilleure sécurité d’emploi des produits (cas des chaînes de montage automobile). Afin de déterminer les capacités de l’individu à l’entrée sur un poste de travail à risque, un dépistage salivaire impromptu serait plus approprié qu’une analyse urinaire programmée à l’avance (parfois plusieurs semaines) pour un jour donné. L’analyse capillaire non falsifiable, permettant de connaître les habitudes de consommation de stupéfiants du travailleur, sera plus difficile à mettre en place dans le contexte d’un examen fait à la demande exclusive du médecin du travail tel que cela est le cas en France. En France, le dépistage de l’usage des stupéfiants sur le lieu de travail est une pratique relativement récente. Les préfectures la pratiquent pour la délivrance du permis de conduire ou de son renouvellement en matière de transport routier et de personnes. Pour les personnels des transports (terrestres, maritimes ou aériens, de marchandises ou de voyageurs), exerçant des fonctions mettant en cause la sécurité du transport (liste fixée en Conseil d’État), la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, prévoit un renforcement des contrôles et, en cas d’usage de stupéfiants dans l’exercice de leurs fonctions, une aggravation des sanctions. Ces dispositions
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Drogues et accidentalité
s’appliquent également aux personnes chargées d’une mission de service public ou dépositaires de l’autorité publique dans l’exercice de leurs fonctions (art. 48) [26]. Selon le Département du Travail des États-Unis, les salariés qui font une consommation abusive de drogues et d’alcool sont impliqués dans la moitié environ des accidents du travail. De plus l’Institut national de la santé signale que 44 % d’entre eux ont vendu des stupéfiants à d’autres employés et que 18 % ont volé leurs collègues pour financer leur consommation [24]. Selon une étude réalisée en 2004 auprès d’employeurs britanniques [24], les deux tiers environ des dirigeants interrogés ont déclaré souhaiter que le gouvernement introduise une législation sur le dépistage de l’usage des drogues en entreprise, pour autant qu’elle permette de maintenir un équilibre entre le droit de l’employeur de recruter des employés qui ne consomment pas des substances illicites et le droit du salarié au respect de sa vie privée.
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7
Cocaïne et crack 7.1 Produits 7.1.1 Culture du cocaïer et fabrication de la cocaïne Isolée pour la première fois en 1859 par Albert Niemann, la cocaïne est produite à partir des feuilles d’un arbuste tropical, le cocaïer cultivé dans les Andes depuis plus de 5 000 ans. Cet arbuste pousse naturellement sur les flancs orientaux chauds et humides des reliefs montagneux (entre 300 et 2 000 m) de l’Amérique du Sud (Bolivie, Colombie et Pérou). Sur les 200 espèces recensées en Amérique du Sud, seules trois sont particulièrement riches en alcaloïdes dérivés de l’ecgonine (elles contiennent entre 0,2 et 1,8 % de cocaïne) : Erythroxylum coca, Erythroxylum novogranatense et Erythroxylum truxillense. Le cocaïer est un arbuste mesurant entre 0,5 et 2 m de hauteur. Ses feuilles ont une forme ovale, son tronc est couvert d’une écorce rugueuse de couleur rougeâtre, ses fleurs présentent chacune cinq pétales libres et égaux et son fruit est une drupe de type ovoïde de couleur rouge foncé (figure 7.1) 1. 2. 3. 4.
UFR Médicales et Pharmaceutiques, Université de Rennes 1. Centre hospitalier universitaire de Garches. Laboratoire Toxlab, Paris. Centre Hospitalier Universitaire, 86021, Poitiers.
183
Drogues et accidentalité
FIG. 7.1 Cocaïer.
Les feuilles, récoltées à la main, sont mises immédiatement à sécher sur une surface sèche afin d’éviter qu’elles ne moisissent et perdent une partie de leur principe actif. Il faut de 300 à 500 kg de feuilles séchées pour obtenir 1 kg de cocaïne. Les feuilles sont mélangées à une base forte comme la chaux ou le carbonate de potassium. Après plusieurs jours de macération, les alcaloïdes sont extraits du mélange par addition d’un solvant organique (kérosène). Après élimination des feuilles, l’addition d’acide sulfurique à la phase organique permet l’extraction des alcaloïdes les plus alcalins qui, précipités par l’ammoniaque, conduisent à la pâte de
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Cocaïne et crack
cocaïne ou cocaïne base très impure dénommée « la pasta », de couleur jaunâtre à brunâtre. Le traitement de la « pasta » par le permanganate de potassium en milieu sulfurique, oxyde certaines impuretés qui sont éliminées par raffinage à l’éther ou l’acétone conduisant au « free-basing » : mélange de cocaïne base et de sulfate de cocaïne qui se présente sous forme de cristaux incolores ou d’une poudre blanche cristalline de goût amer, sans odeur caractéristique [1]. La cocaïne base (2β-carbométhoxy-3β-benzoxytropane) est l’ester méthylique de la benzoylecgonine. Elle renferme de nombreux résidus de solvants organiques et est très inflammable, donc très difficilement consommable ; une étape de purification supplémentaire est donc nécessaire. Après dissolution dans l’acétone et addition d’acide chlorhydrique, puis d’alcool absolu, la cocaïne base est précipitée sous forme de cristaux blancs légèrement amers : le chlorhydrate de cocaïne (chlorure de méthylbenzoylecgonine) ou « neige » qui représente la forme de consommation la plus courante (figure 7.2). Cette poudre blanche qui titre entre 85 et 95 % de chlorhydrate de cocaïne sera coupée avec d’autres substances (acide borique, sels, sucres, etc.), avant d’être commercialisée. Elle sera utilisée par voie intranasale (sniff) et rarement en intraveineuse. CH3 N COOCH3 OCOC6H3 H Cocaïne
FIG. 7.2 Molécule de cocaïne.
Le crack est apparu dans les Antilles françaises au milieu des années 1980. C’est le produit de précipitation à chaud du chlorhydrate de cocaïne traité par une base (bicarbonate de sodium ou ammoniaque). Le produit obtenu se présente sous l’aspect d’une « galette » solide qui est ensuite débitée en petits morceaux durs et blanchâtres. Ces « rochers » ou « cailloux » constituent la forme retrouvée à la vente. Le crack sera inhalé après avoir été pulvérisé et chauffé. Le bruit obtenu lors du chauffage lui donne son nom. Le crack est une forme de cocaïne titrant environ 80 %. La cocaïne n’est plus inscrite à la Pharmacopée française. À ce jour, la culture, la détention et la consommation de cocaïne sont interdites en France. La cocaïne est inscrite sur la liste des stupéfiants depuis 1925.
7.1.2 Production et trafic de la cocaïne dans le monde et en Europe En 2009, la culture du cocaïer dans les Andes s’est traduite par une production potentielle totale de 845 T de chlorhydrate de cocaïne pur dont 51 % en Colombie, 36 % au Pérou et 13 % en Bolivie. On estime que la production globale de cocaïne
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a chuté de 15 % par rapport à 2008, principalement en raison d’une baisse de la production colombienne où de nombreux laboratoires de fabrication ont été démantelés. Les informations disponibles laissent à penser que le trafic de cocaïne se poursuit vers l’Europe par différents itinéraires [2] (Observatoire européen des drogues et des toxicomanies – OEDT, 2008). Les expéditions de cocaïne transitent par les pays d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale (Argentine, Brésil, Équateur, Mexique et Venezuela) avant d’arriver en Europe. Les Caraïbes sont aussi fréquemment utilisées pour les transbordements de la drogue vers l’Europe. Sur ces itinéraires, la cocaïne est introduite clandestinement sur les vols commerciaux à l’aide de passeurs (mules) ou par voie maritime. Ces dernières années, un autre itinéraire passant par l’Afrique de l’Ouest a été identifié. À partir de cette région, la cocaïne est souvent expédiée en Europe grâce à des navires de pêche ou de plaisance bien qu’un trafic par voie aérienne ou par route via l’Afrique du Nord ait également été rapporté (Europol, 2007). D’autres pays de transit ont également été mentionnés : il s’agit de l’Afrique du Sud, de la Russie et également de certains pays d’Europe Centrale et Orientale où le nombre de saisies s’est accru passant d’environ 412 cas en 2002 à 1065 cas en 2007. La Belgique, l’Espagne, la France, l’Italie, Les PaysBas, le Portugal et le Royaume-Uni ont été mentionnés comme des pays de transit importants des envois de cocaïne au sein de l’Europe (OEDT, 2009).
7.1.3 Saisies et interpellations dans le monde et en Europe La cocaïne est la drogue qui fait l’objet du trafic le plus intense dans le monde après le cannabis. En 2007, les saisies de cocaïne à l’échelle mondiale sont restées stables à environ 700 tonnes. L’Amérique du Sud est la région du monde qui intercepte les plus grandes quantités de la drogue (45 % des saisies totales), suivie par l’Amérique du Nord (28 %) et l’Europe occidentale et centrale (11 %) (ONUDC, 2009). En Europe, le nombre de saisies de cocaïne est en augmentation constante depuis vingt ans et plus particulièrement depuis 2003. En 2007, le nombre de saisies de cocaïne a augmenté passant à 92 000 cas, alors que la quantité totale interceptée a baissé passant de 121 tonnes en 2006 à 77 tonnes en 2007, en raison de saisies moins importantes au Portugal, en Espagne et en France. En ce qui concerne les statistiques en France, on a enregistré un total de 48 tonnes de cocaïne saisie en 2008. Longtemps réservée à une sphère réduite de consommateurs (jet-set), la cocaïne a pénétré désormais en profondeur l’ensemble des couches de la société française. Les interpellations pour usage concernent toutes les catégories professionnelles et atteignent, en 2008 un nouveau record avec 4 430 interpellations, soit une hausse de 10 % par rapport à 2007 et 65 % par rapport à 2002 (OSIRIS, 2008, [28]). En ce qui concerne le crack, le trafic en France concerne des quantités faibles mais en constante augmentation depuis le début des années 1990. En 2004 et 2005, les saisies de crack en France ont été respectivement de 17,9 et 10,7 kg. En fait l’usage et le trafic de cette drogue concerne surtout les Antilles françaises (Guadeloupe,
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Martinique et Guyane, proches des sources d’approvisionnement de la cocaïne) ainsi que certains quartiers à Paris.
7.1.4 Pureté et prix de la cocaïne en Europe et en France La pureté moyenne de la cocaïne saisie en Europe depuis ces trois dernières années est comprise entre 25 et 55 %. Entre 2001 et 2006, le prix de la cocaïne vendue dans la rue a baissé. En 2007, il oscillait entre 44 et 88 euros le gramme dans la plupart des pays européens. En France, les produits de coupage les plus fréquemment retrouvés sont des substances médicamenteuses comme le lévamisole, la phénacétine, le diltiazem, la caféine, l’hydroxyzine, la lidocaïne et la procaïne. Il faut y ajouter des diluants comme les sucres (mannitol, lactose et glucose) et des adjuvants d’origine minérale (acide borique, carbonates alcalins et talc) (OSIRIS, 2008, [28]).
7.1.5 Prévalence et modes de consommation de la cocaïne en Europe et en France Globalement bien que la consommation varie fortement d’un pays à l’autre, la cocaïne reste la deuxième drogue illicite en Europe après le cannabis. On estime à quelque 13 millions le nombre d’Européens qui en ont consommé au moins une fois dans leur vie, soit une moyenne de 4 % des adultes âgés entre 15 et 64 ans. En 2005, la cocaïne comptait en Europe 3,5 millions d’usagers, soit 1 % de l’ensemble de la population adulte. Dans l’ensemble, la consommation de cocaïne semble se concentrer dans quelques pays et plus particulièrement au Danemark, en Espagne, en Italie, en Irlande et au Royaume-Uni, alors que dans les autres pays européens, la consommation de la drogue reste relativement faible. En France, en 2005, l’âge moyen du consommateur est de 29 ans : elle représente près de 50 % du total des interpellations d’usagers de cocaïne, mais une nouvelle tranche d’âge d’usagers de plus de 41 ans croît régulièrement depuis. Les principales raisons de la consommation sont liées à la pression sociale pour éviter son exclusion d’un groupe, ou la recherche d’effets spécifiques (perte de fatigue, stimulation intellectuelle, etc.) ou enfin appartenir au monde « branché ». La plupart du temps, la cocaïne est absorbée par voie nasale, prisée ou sniffée après avoir réduit la drogue en poudre fine, l’avoir divisée en courtes lignes (rails) et reniflée alternativement dans chaque narine au moyen d’une paille. L’utilisateur occasionnel consomme 1 à 2 lignes de 40 à 80 mg, mais la dose quotidienne habituelle pour un toxicomane peut aller de 4 à 6 lignes. La cocaïne peut également être consommée en application gingivale, injectée par voie intraveineuse ou encore par voie vaginale. Moins cher que la cocaïne, le crack est la drogue des pauvres, souvent vendue à une population de marginaux. Le crack provoque des comportements de consommation souvent très éloignés de ceux de la cocaïne. Loin d’être une drogue recherchée pour ses vertus « récréatives » le temps d’une soirée, le crack répond surtout à un besoin
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violent de s’extraire de la réalité. Le crack est fumé au moyen d’une « pipe » le plus souvent improvisée, comme par exemple une canette en métal percée de trous d’aiguille. La canette contenant les morceaux de crack est chauffée au moyen d’un briquet ou d’une bougie et la fumée émise est alors inhalée.
7.2 Métabolisme La cocaïne (ou méthylbenzoylecgonine) est un ester d’acide benzoïque et d’un amino-alcool, l’ecgonineméthylester. La molécule présente une région hydrophobe, comprenant le noyau benzène, et une région hydrophile, contenant la partie amine et une seconde fonction méthylester (partie ecgonine de la molécule). La cocaïne est soumise à un fort métabolisme dans l’organisme (figure 7.3). norcocaéthylène
ecgonine + Ethanol
EE E
CEH2 + Ethanol
Hydrolyse spontanée
COCAÉTHYLÈNE CEH1
EME CEH2 + cholinestérases hépatiques CYP P 450 3A4
norBZE
CEH1 + Ethanol
Hydrolyse spontanée et CEH1
p-OH-BZE m-OH-BZE
BZE
COCAÏNE
Voie fumée
m-OH-cocaïne
Oxydation hépatique
p-OH-cocaïne
Voie fumée + éthanol
Norcocaïne
AEEE AEM
Anhydroecgonine
FIG. 7.3 Métabolisme de la cocaïne.
La demi-vie de la cocaïne est relativement courte, comprise entre 0,5 et 1,5 h, mais pouvant aller parfois jusqu’à 4 h en fonction des habitudes de consommation (la demi-vie est allongée chez les utilisateurs chroniques vs. les usagers naïfs). Dans des conditions optimales de conservation, la cocaïne va persister dans le sang environ 3 à 8 h, et jusqu’à 24 h dans les urines. Ces délais sont souvent prolongés chez les consommateurs chroniques. La cocaïne diffuse dans tous les tissus de l’organisme et traverse la barrière hémato-encéphalique. À doses importantes et répétées, elle
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Cocaïne et crack
est probablement accumulée dans le système nerveux central. Le volume de distribution est important, reflet de la forte diffusion de la molécule dans l’organisme, de l’ordre de 1 à 3 L/kg. In vitro et in vivo, la fonction méthylester de la partie ecgonine de la cocaïne est rapidement et spontanément hydrolysable à pH physiologique ou basique pour former la benzoylecgonine (BZE). Cette voie chimique a longtemps été considérée comme la seule source de formation de la benzoylecgonine. On sait aujourd’hui qu’il existe également une voie enzymatique, par l’intermédiaire des carboxylestérases hépatiques de type 1 [3]. La BZE est inactive. Sa demi-vie d’élimination plasmatique est comprise entre 4 et 7 h. On la retrouve classiquement jusqu’à 24 h dans le sang et entre 40 et 60 h dans les urines. Par ailleurs, la BZE est, quelle que soit la voie d’administration utilisée, le métabolite majoritaire retrouvé au niveau sanguin et urinaire. Compte tenu de sa longue persistance dans l’organisme et de sa forte concentration, elle est utilisée comme le marqueur d’une prise de cocaïne. Contrairement à la cocaïne, la BZE ne passe ni la barrière hémato-encéphalique, ni le placenta. La BZE retrouvée chez le fœtus et au niveau cérébral provient donc toujours d’une synthèse in situ. La cocaïne peut également subir une hydrolyse enzymatique sur l’autre fonction ester par les butyrylcholinestérases plasmatiques ou par les carboxylestérases hépatiques de type 2 [4] pour être transformée en ecgonineméthylester (EME). La transformation plasmatique par les estérases peut être évitée in vitro par l’utilisation d’un inhibiteur enzymatique des cholinestérases comme le fluorure de sodium. L’EME est un métabolite inactif, et bien que retrouvé systématiquement à concentration plus faible que celle de la BZE, il est également considéré comme un métabolite majeur. Comme pour la BZE, il semble que ce métabolite puisse également apparaître spontanément in vitro à partir de la cocaïne dans des urines alcalines, notamment lors d’une mauvaise conservation [5]. Sa demi-vie plasmatique est intermédiaire entre celle de la cocaïne et celle de la BZE, entre 3,5 et 5,5 h. La BZE et l’EME vont ensuite se métaboliser en ecgonine, qui apparaît donc tardivement mais semble persister longtemps (jusqu’à 98 h) dans les urines quelle que soit la voie d’administration utilisée [6]. De nombreux métabolites mineurs ont également été identifiés : la cocaïne peut être N-déméthylée au niveau hépatique par les cytochromes P450 3A4 pour former la norcocaïne ou nCOC [7]. Ce métabolite actif, même s’il ne représente généralement qu’une faible proportion de la dose ingérée (de l’ordre de 5 à 6 % environ), est important car il serait impliqué dans la toxicité de la cocaïne, en particulier dans l’apparition des fibroses observées sur le muscle cardiaque et au niveau hépatique chez les utilisateurs chroniques. Sa demi-vie plasmatique est de l’ordre de 1 à 2 h. Lorsque la cocaïne est absorbée simultanément à de l’éthanol, la demi-vie de la cocaïne est prolongée puisque l’alcool diminue l’activité des carboxylestérases hépatiques de type 1 et 2 [8]. Il va par ailleurs se former un métabolite caractéristique
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de cette association, le cocaéthylène. Il est synthétisé au niveau hépatique par transestérification d’un groupement éthyl sur la cocaïne par le biais de carboxylestérases hépatiques de type 1 identiques à celles transformant la cocaïne en BZE [3]. Ce métabolite a une demi-vie plasmatique plus longue que celle de la cocaïne ellemême, entre 2,5 et 6 h, due en partie à un plus grand volume de distribution. Il est relativement peu polaire et, passant très bien la barrière hémato-encéphalique, semble avoir des propriétés centrales similaires à celles de la cocaïne. Il participerait également aux effets tachycardisants induits par la cocaïne [9]. Il est ensuite transformé lui-même en benzoylecgonine également par les carboxylestérases hépatiques de type 1 et en ecgonine éthylester (EEE) par les carboxylestérases hépatiques de type 2 si l’éthanol est toujours présent [10]. L’EEE semble pouvoir être formé également à partir de l’EME en présence d’éthanol par trans-estérification. Une faible partie du cocaéthylène est déméthylé pour former le norcocaéthylène. Lorsque la cocaïne est fumée (voie pulmonaire), la pyrolyse de cette cocaïne va conduire à la formation d’un métabolite caractéristique d’une prise de cocaïne par voie inhalée, l’anhydroecgonineméthylester ou AEME, également appelé méthylecgonidine. La présence de ce métabolite dans le sang, mais surtout dans l’urine, où il est retrouvé à plus forte concentration et plus longuement, permet donc d’affirmer une prise de « crack ». Sa demi-vie plasmatique est de l’ordre de 1 à 2 h. Lors d’une association de « crack » et d’alcool, un métabolite mineur, l’anhydroecgonineéthylester (AEEE, également appelé éthylecgonidine) est également retrouvé à plus faible concentration encore. Sa demi-vie semble toutefois plus longue, de l’ordre de 4 à 5 h. Ces deux derniers métabolites se transforment ensuite en anhydroecgonine (ou ecgonidine). La cocaïne peut enfin être directement oxydée par les microsomes hépatiques pour former la m-hydroxycocaïne (m-OH-COC), dont la demi-vie est relativement longue, entre 3 et 4 h et la p- hydroxycocaïne (p-OH-COC) à demi-vie plus courte, entre 1 et 2 h. Ces deux métabolites ne semblent pas être présents chez tous les consommateurs, et leurs concentrations sont toujours très faibles aussi bien dans le sang que dans les urines. Ces deux métabolites sembleraient présenter une certaine activité au niveau du système nerveux central. La BZE peut également être oxydée en m-hydroxybenzoylecgonine (m-OH-BE), p-hydroxybenzoylecgonine (p-OH-BE) ou déméthylée en norbenzoylecgonine ou nBZE [11]. La mise en évidence de ces métabolites mineurs est, pour certains auteurs, la preuve d’une ingestion de cocaïne et non d’une contamination externe puisqu’ils ne peuvent pas être produits spontanément in vitro contrairement à la BZE et à l’EME [5]. Par ailleurs, la m-OH-BE est pour certains auteurs le métabolite identifié ayant la plus longue demi-vie, de l’ordre de 7 à 9 h, ce qui en ferait le composé le plus longtemps retrouvé dans le sang et les urines, même après disparition des métabolites majeurs [12]. L’ordre de grandeur des concentrations sanguines de ces quelques composés semble suivre le classement suivant : BZE > EME > cocaïne > nBZE et p-OH-BE > nCOC > p-OH-COC > m-OH-BE > m-OH-COC [13].
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7.3 Pharmacocinétique Des problèmes évidents d’éthique ne permettent pas d’étudier correctement les cinétiques de la cocaïne réellement utilisée par les consommateurs, notamment lors d’usage chronique important de la drogue. Les différentes études publiées ont en effet été menées le plus souvent chez des volontaires sains avec des doses administrées comprises entre 20 et 50 mg par différentes voies d’administration, alors que les consommateurs chroniques utilisent des doses de 150 à 250 mg quatre à six fois par jour, correspondant à des doses journalières de l’ordre du gramme. La pharmacocinétique chez les vrais consommateurs chroniques reste donc relativement peu étudiée.
7.3.1 Administration par voie intraveineuse C’est du point de vue pharmacologique la voie de référence. Les effets pharmacodynamiques par cette voie sont très rapides, quasi immédiats. Le modèle retenu le plus souvent pour étudier la cinétique de la cocaïne administrée par voie intraveineuse est un modèle à deux compartiments, avec une élimination d’ordre 1. C’est également la voie qui entraîne pour une même dose la plus forte concentration sanguine maximale (Cmax). La Cmax est dose dépendante. Elle est toujours atteinte très rapidement (Tmax), entre 1 et 5 min après l’injection. La BZE apparaît rapidement, après environ 10 à 15 min, et son pic plasmatique se situe entre 1 et 3 h. La concentration de l’EME semble faible par cette voie, inférieure à 5 % selon différentes études [14, 15]. L’administration à 6 sujets d’une dose unique de 25 mg a montré une Cmax moyenne de 230 ng/mL avec une forte variabilité, puisque les valeurs étaient comprises entre 97 et 349 ng/mL, obtenue pour un Tmax inférieur à 3 min. La BZE était maximale après 2 h (1,1–2,64 h) et présentait des valeurs de l’ordre de 110 ng/ mL (60-165 ng/mL). La demi-vie plasmatique moyenne de la cocaïne était de 1,5 h (0,39–3,44 h) et celle de la BZE de 5,8 h (4–8,4 h) [14]. Après administration répétée à 10 sujets de deux doses IV de 16 mg séparées par 14 minutes, on observe des Cmax moyennes en cocaïne de l’ordre de 230 ng/mL (130–340 ng/mL) avec un Tmax égal à 4 min après la seconde prise, alors que deux doses répétées de 32 mg ont montré des Cmax moyennes de l’ordre de 470 ng/mL (290–740 ng/mL) et un Tmax identique. La demi-vie plasmatique moyenne de la cocaïne dans cette étude est de 0,65 h (0,43–1,5 h) [15].
7.3.2 Administration par voie fumée ou inhalée C’est la voie qui se rapproche le plus de la voie intraveineuse. Les effets pharmacodynamiques sont également quasi immédiats avec cette voie [16]. La biodisponibilité absolue par voie fumée est de l’ordre de 60 %. Ainsi, une dose de 42 mg administrée par voie fumée donne des concentrations plasmatiques en cocaïne et
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des paramètres pharmacocinétiques similaires (Cmax et Tmax) à l’administration intraveineuse de 25 mg de cocaïne [14]. La cinétique de la BZE est également similaire à celle obtenue avec la voie intraveineuse. Avec une dose de 42 mg administrée à 6 sujets, on observe une Cmax moyenne de 227 ng/mL (56-345 ng/mL) avec un Tmax de l’ordre de 3 min. La Cmax de la BZE est de 86 ng/mL (46-168 ng/mL) correspondant à un Tmax de 1,84 h (1,27–2,52 h). Les demi-vies de ces deux composés sont respectivement de 1,36 h (0,28–3,14 h) et de 5,4 h (3,70–7,02 h). De la même manière, l’étude de Isenschmid et coll. [15] lors d’administrations répétées de cocaïne montre une bioéquivalence entre l’administration de 25 et 50 mg sous forme fumée avec l’administration de 16 et 32 mg par voie intraveineuse. Ainsi, après administration répétée à 10 sujets de deux doses fumées de 25 mg séparées par 14 min, on observe des Cmax moyennes en cocaïne de l’ordre de 210 ng/mL (80 à 360 ng/mL) avec un Tmax à 4 min après la seconde prise, alors que deux doses répétées de 50 mg donnent des Cmax moyennes de l’ordre de 380 ng/mL (200 à 600 ng/mL) et un Tmax toujours de 4 min. La demi-vie plasmatique moyenne de la cocaïne est de 0,65 h (0,46 à 1,3 h) [15]. Dans cette même étude, la succession de six doses de 50 mg administrées par voie fumée en 70 min chez trois patients a montré une Cmax moyenne de cocaïne de 890 ng/mL, avec des valeurs extrêmes comprises entre 690 et 1 200 ng/mL, correspondant à des concentrations parfois retrouvées chez des personnes décédées. Cette succession de doses très rapprochées est pourtant le type même d’administration utilisée par les consommateurs chroniques de « crack ». Concernant la contamination passive à la fumée ou aux vapeurs de cocaïne, une étude a été réalisée en 1995 par Cone et coll. [17] : six volontaires non consommateurs de cocaïne ont été exposés durant 1 heure dans une petite pièce à la vapeur de 100 à 200 mg de cocaïne chauffée à 200 °C. Le sang prélevé à la fin de l’exposition était négatif en cocaïne et métabolites. Les urines prélevées durant 24 h ont montré des concentrations de BZE comprises entre 22 et 123 ng/mL, donc toutes négatives en cas de dépistage au seuil recommandé de 300 ng/mL. La quantité ainsi ingérée a été évaluée à 0,25 mg. Ces six mêmes volontaires ont ensuite reçu 1 mg de cocaïne en IV, et 4 d’entre eux ont présenté des urines avec des concentrations en BZE supérieures à 300 ng/mL. Dans un second temps, l’analyse des urines du personnel médical soumis durant 4 h à la présence de fumeurs de crack consommant plusieurs doses de cocaïne à 12,5, 25 et 50 mg dans le cadre d’une étude a montré des concentrations urinaires en BZE n’excédant pas 6 ng/mL. Cette étude a donc permis de montrer que la quantité de cocaïne nécessaire pour rendre un dépistage urinaire positif est de l’ordre de 1 mg (par voie IV) et que l’exposition passive à la fumée de cocaïne n’entraîne l’absorption que de très faibles quantités de cocaïne, insuffisantes pour rendre positif un dépistage urinaire au seuil de positivité actuellement utilisé.
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7.3.3 Administration par voie nasale (« sniffée ») Les effets pharmacodynamiques apparaissent plus tardivement et sont moins importants que ceux observés avec les deux voies précédentes. Par ailleurs, les Cmax obtenues par cette voie sont nettement plus faibles que celles obtenues avec la voie IV ou fumée pour des doses identiques, avec des Tmax nettement plus longs. Par contre, la biodisponibilité absolue de la voie est bonne, de l’ordre de 85 %. L’administration à 6 sujets d’une dose unique de 32 mg par cette voie a montré une Cmax moyenne de 63 ng/mL (40 et 88 ng/mL), avec un Tmax de 37 min (23–51 min). La BZE était maximale après 3,44 h (2,94–3,81 h) et présentait des valeurs de l’ordre de 129 ng/mL (94-158 ng/mL). La demi-vie plasmatique moyenne de la cocaïne était de 3,40 h (2,52–4,70 h) et celle de la BZE de 3,55 h (2,57–5,10 h) [14]. Dans cette étude, la dose de 32 mg de cocaïne donne une aire sous la courbe similaire à celle obtenue avec l’administration de 25 mg par IV, mais avec une Cmax significativement plus faible et un Tmax significativement plus long. L’administration de doses plus importantes, de l’ordre de 2 mg/kg (correspondant à une dose de 140 mg chez un sujet de 70 kg), entraîne des Cmax moyennes de 370 ng/mL avec une très forte variabilité puisque ces concentrations sont comprises entre 131 et 1 012 ng/mL chez les 10 patients de l’étude [18]. Cette variabilité pourrait être liée à l’état des muqueuses nasales lié à l’antériorité de la consommation de cocaïne. En effet, la cocaïne entraîne une vasoconstriction des vaisseaux nasaux à l’origine ainsi d’une diminution de sa propre absorption.
7.3.4 Administration par voie orale La cocaïne peut être absorbée par masticage des feuilles de coca ou par l’absorption de thé à base de feuilles de coca, qui contiennent généralement environ 0,5 % de cocaïne. La dose administrée ainsi est donc relativement faible, évaluée à 50–75 mg, mais suffisante pour rendre positif un dépistage urinaire. Ce type de consommation est toutefois peu utilisé en France. La Cmax est atteinte après environ 1 heure, mais il existe un important effet de premier passage hépatique limitant la biodisponibilité de cette voie. L’absorption orale ou gastro-intestinale peut également être accidentelle chez les « body-packers », qui sont des dealers transportant de nombreux petits paquets de cocaïne après les avoir avalés. En cas de rupture de ces paquets, la cocaïne va être libérée massivement et absorbée, pouvant entraîner des concentrations sériques très élevées [19] parfois à l’origine du décès.
7.3.5 Autres voies d’administration Il existe un certain nombre d’autres voies d’administration, anecdotiques, et peu utilisées en particulier dans les problèmes d’accidentologie. On peut citer l’administration par voie transcutanée, sous-cutanée [20] et par voie transplacentaire.
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7.4 Effets La cocaïne est un psychostimulant puissant dont les effets dépendent cependant de la dose et du mode d’administration. Sur le plan psychologique, elle provoque une euphorie immédiate, un sentiment de puissance intellectuelle et physique et une indifférence à la douleur et à la fatigue. Elle supprime la timidité et donne l’illusion d’une aisance relationnelle, le sentiment de briller en société, d’être séduisant et « performant ». Elle désinhibe et elle peut stimuler le désir sexuel mais aussi l’inhiber chez les consommateurs réguliers [21]. À l’issue de ces effets qui peuvent durer jusqu’à deux heures suivant les doses, le cocaïnomane retrouve une capacité physique relativement normale mais la descente rend agressif. Pour le crack, ces effets sont généralement plus intenses car le produit arrive plus vite au cerveau (le poumon étant un organe très vascularisé), mais ils sont plus brefs (15 à 30 min). D’une façon générale, la consommation de cocaïne se traduit sur le plan physiologique par une tachycardie, une dilatation des pupilles, une hypertension artérielle, des sueurs avec frissons, des nausées suivies éventuellement de vomissements sur un fond d’agitation psychomotrice avec parfois confusion mentale. La tolérance et la dépendance s’installent progressivement, mais une cure peut résoudre la dépendance physique plus rapidement que chez les consommateurs d’héroïne [22]. Suivant la cadence des prises, c’est après plusieurs mois de consommation que la dépendance physique s’installe. Les cas d’overdose sont moins fréquents qu’avec l’héroïne, mais peuvent se produire et sont en augmentation [23].
7.4.1 Mécanisme d’action Depuis les années 1990 divers travaux expérimentaux ont permis de mieux comprendre les effets neuropharmacologiques des drogues sur le cerveau. En ce qui concerne la cocaïne, on peut globalement résumer l’essentiel de ses actions : › elle inhibe la re-capture présynaptique des amines biogènes, notamment la dopamine, ce qui induit un accroissement de la neurotransmission au niveau des voies dopaminergiques du SNC dans le circuit neuronal du plaisir ; › elle bloque les canaux sodiques membranaires, d’où ses effets anesthésiants. Pour comprendre le mécanisme d’action de la cocaïne, il est nécessaire de se représenter la synapse, point de jonction entre les cellules nerveuses (neurones). Au sein de cette synapse, le signal nerveux est transmis par des molécules appelées neurotransmetteurs. La cocaïne exerce son action sur le fonctionnement des cellules du cerveau productrices de dopamine (DA) et accessoirement d’adrénaline (A) et de noradrénaline (NA). Normalement la DA est libérée par la cellule nerveuse en amont et traverse la synapse pour aller se fixer sur des récepteurs spécifiques sur la cellule en aval. La durée et l’intensité de la stimulation sont conditionnées par des mécanismes de
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recapture et de destruction de la dopamine. La cocaïne inhibe la recapture de la dopamine au niveau de la fente synaptique en bloquant le transporteur de la dopamine (TDA) présent dans la membrane des terminaisons axonales dopaminergiques. Ce faisant, elle augmente transitoirement la concentration de la dopamine dans la fente synaptique et notamment au niveau de la voie mésolimbique comme toutes les substances psychoactives induisant une dépendance. La cocaïne agit ainsi en tant qu’agoniste dopaminergique. Dans le cerveau, la dopamine est rare. Ce neuromédiateur est le moyen de communication d’un petit nombre de neurones (0,3 % des cellules du cerveau) situés dans l’aire tegmentale ventrale du mésencéphale et le noyau accumbens (centre du plaisir) logé dans le striatum ventral du cerveau limbique (amygdale), siège des émotions. C’est pour cette raison que la dopamine est souvent appelée la molécule du plaisir et que sa libération constituerait une sorte de baromètre de l’humeur. Le cerveau va s’habituer à cette sensation de plaisir, les synapses vont s’accoutumer à ces taux excessivement élevés de neuromédiateurs dans la fente présynaptique et l’individu consommant régulièrement de la cocaïne va subir, en cas de sevrage, des crises de manque parfois graves.
7.4.2 Effets physiologiques et comportementaux [24] 7.4.2.1 Effets recherchés La cocaïne fait ressentir une hyperstimulation aussi bien physique que psychique et sensorielle : un sentiment de confiance en soi, de toute-puissance, de compétence intellectuelle accrue, d’un regain de facilité pour les relations sociales, d’hypervigilance, accompagnés d’une certaine indifférence à la douleur, à la fatigue et à la faim. La cocaïne peut également provoquer de légères déformations des sensations auditives, visuelles et tactiles. Lors de la consommation de cocaïne, les effets euphorisants et de plaisir intense (flash ou rush) sont quasiment immédiats. L’intensité et la durée des effets sont fonction de la quantité et de la façon dont la cocaïne a été consommée. Selon le mode de consommation, les effets peuvent durer de 15 min (shoot) à 2 h (sniff). 7.4.2.2 Effets indésirables Les effets recherchés consécutifs à la prise de cocaïne sont accompagnés d’une dilatation des pupilles, de fortes sueurs, de l’accélération de la respiration et, fréquemment, de tremblements liés à la montée des catécholamines. La température corporelle et la pression artérielle augmentent, les battements du cœur s’accélèrent. L’augmentation de l’activité psychique entraîne également des insomnies. Tous ces risques sont accrus en cas de consommation importante et répétée. Lorsque les effets euphorisants de la cocaïne se dissipent survient la « descente ». Elle est accompagnée de fatigue, frissons, crampes musculaires, anxiété et dépression. Pour
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lutter contre cette souffrance, certains consommateurs peuvent être tentés de se procurer au plus vite de nouvelles doses. D’autres les pallieront en consommant également de l’héroïne ou des médicaments psychotropes (benzodiazépines, antidépresseurs, etc.).
7.4.2.3 Dangers d’une consommation abusive et répétée Une consommation répétée de cocaïne peut très vite entraîner une tolérance puis une forte dépendance psychologique. Les sentiments euphoriques des premières prises font place à la fatigue et à la dépression, ce qui incite les consommateurs à les renouveler. Cette dépendance peut favoriser des actes sociaux telles l’entrée dans la marginalité et la délinquance. Dès les premières prises, un déficit de l’attention et des troubles de la mémoire peuvent se manifester. À plus long terme, la consommation régulière et prolongée de cocaïne est très toxique pour le cœur (risques d’infarctus du myocarde), les artères et le cerveau (crises d’épilepsie, infarctus cérébraux, tremblements des mains proches de ceux observés dans la maladie de Parkinson) ; elle peut également provoquer des nécroses des muqueuses sur lesquelles la drogue est déposée (en particulier au niveau de la cloison nasale où elle peut entraîner des inflammations et des perforations). Des troubles respiratoires (asthme), du foie et des reins sont également possibles. Une autre conséquence caractéristique est l’apparition de comportements de méfiance, ou de paranoïa, qui survient sous forme de crises, lors de consommation continue et/ou de fortes doses. Du fait de la levée de l’inhibition et du sentiment de toute puissance induits par la cocaïne, ces crises sont parfois associées à un comportement agressif, voire violent. Un surdosage de cocaïne peut entraîner une détresse, voire un arrêt cardiaque, notamment lors des injections. Chez la femme enceinte, la consommation de cocaïne peut entraîner un accouchement prématuré, un retard du développement du fœtus, des malformations, des fausses couches. Lorsque les outils nécessaires à la consommation sont partagés par plusieurs personnes, il peut y avoir des transmissions du virus du sida et des virus des hépatites par les seringues, les cuillers, les cotons, les pailles. Des associations de réduction des risques distribuent du matériel d’injection stérile, certaines distribuent également des pailles à usage unique et personnel. Enfin la possession, la consommation et la vente de la cocaïne étant illégales, elles entraînent pour l’usager et son entourage des risques sociaux liés aux contacts avec les circuits illicites.
7.4.2.4 Effets sur la conduite automobile [1, 25] La conduite automobile exige de l’attention, un bon jugement, des sens aiguisés, des prises de décisions, des réactions physiques et bien sûr, la capacité de coordonner toutes ces fonctions. Les personnes qui conduisent sous l’influence de n’importe quelle drogue modifiant le comportement ou l’humeur peuvent constituer un danger au volant d’un véhicule ou aux commandes d’une machine complexe, en milieu professionnel. 196
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Tels qu’on les a exposés plus haut les effets de la consommation de cocaïne induisent d’une façon générale une surestimation des capacités du conducteur (euphorie, confiance en soi, sentiment d’omnipotence, sensation de plaisir intense, course à la performance, dépassements hasardeux, etc.). Tous ces facteurs entraînent une prise de risque accrue, responsable de vitesse excessive, d’agressivité au volant, de faux sentiment de confiance, parfois d’inattention au décours de la phase euphorique, de perte de coordination et aussi du fait de la dilatation des pupilles, une mauvaise adaptation à une lumière vive lors d’un croisement au cours d’une conduite de nuit. L’usage régulier de cocaïne peut entraîner chez le consommateur une grande instabilité caractérielle (dysphorie) avec délire d’interprétation à forme paranoïde, agressivité vis-à-vis des autres conducteurs, attaques de panique, hallucinations, etc., associés à des troubles de la vigilance et de la concentration qui se révèlent en fait peu propices à une conduite sereine. À l’heure actuelle et contrairement à l’alcool, la relation dose-effet pour la cocaïne et autres stupéfiants n’est pas documentée mais, quoiqu’il en soit, vu le caractère illicite de cette drogue, aucune valeur limite légale ne peut être proposée. Seuls des tests de dépistage salivaire ou urinaire sont possibles sur la route et, en cas de positivité, ils requièrent une prise de sang pour confirmation d’une conduite sous influence. Le délit est constitué dès lors que la présence de stupéfiants dans le sang est confirmée par analyse spécifique.
7.5 Aspects analytiques La recherche et le dosage de la cocaïne ayant été très largement développés dans le chapitre 10 spécifiquement dédié à cette thématique, nous nous attacherons ici à en exposer les principales données.
7.5.1 Dépistage urinaire De très nombreux dispositifs utilisant des bandelettes réactives sont commercialisés et la plupart d’entre eux sont considérés comme plutôt fiables [26–28] en ce qui concerne la cocaïne. Fonctionnant sur le principe de l’immunochromatographie, les anticorps sont en réalité dirigés contre la benzoylecgonine (BZE), le métabolite principal de la cocaïne. Ces tests urinaires permettent ainsi de dépister un usage de cocaïne ayant eu lieu dans les 2 à 4 jours précédents.
7.5.2 Dépistage salivaire La cocaïne et son métabolite majoritaire, la BZE, sont excrétés du compartiment sanguin vers la salive. Le ratio de concentrations sang/salive est très variable selon les individus et dépendant essentiellement du pH salivaire. La concentration en cocaïne dans la salive est supérieure à celle observée dans le sang, pouvant être jusqu’à 8 fois
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Drogues et accidentalité
plus élevée [29]. En revanche, les concentrations sanguines en BZE sont 1,2 à 10 fois supérieures aux concentrations salivaires. Cependant, compte tenu d’une demi-vie très courte pour la cocaïne (1 h environ) alors que celle de la BZE est beaucoup plus longue (environ 6 h), la plupart des tests salivaires commercialisés sont conçus pour rechercher la présence de BZE. Il en est ainsi pour le Rapid Stat®, actuellement utilisé en France dans le cadre de la sécurité routière. Selon les caractéristiques fournies par le fabricant, le seuil de positivité du Rapid Stat® est de 10 ng de BZE par mL de salive.
7.5.3 Dosage sanguin Les technologies les plus appropriées sont la chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM) [30] et la chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem (CPL-SM/SM) [31]. Ces méthodes permettent d’identifier formellement et de doser la cocaïne et ses métabolites. Bien que des études épidémiologiques réalisées en France aient montré que l’usage de cocaïne chez les conducteurs était en hausse ces dernières années [32], le nombre de conducteurs positifs à la cocaïne n’était pas suffisant pour illustrer le niveau de concentration en cocaïne et/ou en BZE pouvant être observé dans le sang des conducteurs. Une étude suédoise [33] réalisée sur la période 2000–2004 a permis d’analyser les valeurs observées dans le sang de 795 conducteurs chez lesquels un usage de cocaïne avait été confirmé (parmi 26 567 conducteurs soumis au dépistage soit 3 %). Dans 574 cas, la concentration en cocaïne était inférieure à la limite de quantification (20 ng/mL) tandis que la BZE y était retrouvée à une concentration moyenne de 190 ng/mL (la plus élevée étant de 1 300 ng/mL). Dans 221 cas, la cocaïne et la BZE étaient présentes dans le sang à des concentrations moyennes de 76 ng/mL et 859 ng/mL, respectivement. Les concentrations en BZE étaient toujours supérieures à celles de la cocaïne, avec un rapport moyen BZE/cocaïne égal à 14,2 (variant entre 1 et 55).
7.6 Conclusion Jusqu’au début des années 1980, la cocaïne était considérée comme une « drogue douce », un simple euphorisant sans danger. Puis des études ont permis de montrer que cette substance possédait en réalité un potentiel addictif très important, une toxicité somatique et psychique des plus dangereuses pour soi-même et pour autrui. Ses effets délétères sur l’aptitude à conduire un véhicule sont désormais bien établis. L’usage de cocaïne provoque une surestimation des capacités des conducteurs avec une agitation psychomotrice intense. Il en résulte une conduite à risque malgré la présence de troubles visuels et auditifs. Si le nombre d’accidents du travail liés à un usage de cocaïne est à ce jour mal estimé, toutes les études révèlent que le nombre d’accidents de la route induits par une consommation de cocaïne est en augmentation et se situerait en deuxième position après le cannabis.
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Vincent Cirimele1, Anne-Laure Pelissier-Alicot2
Dépistage urinaire Depuis une décennie, le dépistage urinaire des conduites addictives s’est généralisé dans différents secteurs de la société, en médecine du travail, en toxicologie hospitalière, lors du suivi biologique des patients sous traitement de substitution aux opiacés, ou encore en toxicologie judiciaire, dans le cadre de la conduite automobile, de la recherche des causes de la mort et du dopage. Ce dépistage porte le plus souvent sur les principales familles de stupéfiants, opiacés, amphétamines, cannabinoïdes, cocaïne et dérivés, mais toutes les substances psychoactives peuvent être concernées. Le dépistage urinaire permet d’une part de privilégier un prélèvement biologique non traumatisant et simple à réaliser en terme de recueil, et d’autre part de disposer d’une technique facile à utiliser, transposable aisément et automatisable. Cette adéquation théorique se heurte cependant à de nombreuses contraintes analytiques et pratiques qui limitent le champ d’application du dépistage urinaire. Les méthodes immunologiques utilisent toute la reconnaissance épitopique spécifique de la molécule à doser ou du chef de file de la famille à rechercher. En effet, ces techniques impliquent l’utilisation d’immunoglobulines (anticorps) réagissant par liaison à la 1. Laboratoire ChemTox, Illkirch. 2. Service de Médecine Légale, Faculté de Médecine de Marseille.
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substance ciblée ou son métabolite (antigène, Ag) et sont particulièrement sensibles à la présence de très faibles quantités d’antigènes. Par contre, la méthodologie utilisée peut être très différente tant pour la nature des anticorps (Ac) utilisés que pour le choix du mode de séparation et de révélation du complexe Ag-Ac et du type de signal généré. Une bonne connaissance des caractéristiques de ces tests est nécessaire pour les utiliser efficacement.
8.1 Excrétion urinaire des xénobiotiques L’excrétion urinaire représente la principale voie d’élimination des xénobiotiques. Les molécules-mères et leurs métabolites, circulant dans le plasma sous forme libre ou liée, parviennent aux néphrons par les artères rénales. Le processus d’élimination urinaire est complexe et comprend trois mécanismes essentiels : la filtration glomérulaire, la sécrétion tubulaire et la réabsorption tubulaire [1]. La filtration glomérulaire est un processus de diffusion passive, selon un gradient de concentration, de molécules au travers des pores de la membrane glomérulaire. Ces derniers, d’un diamètre de 70 nm, peuvent filtrer des molécules d’un poids inférieur à 65 000 daltons. De ce fait, ce processus concerne essentiellement les molécules hydrosolubles circulant sous forme libre, car le poids des protéines plasmatiques empêche les molécules circulant sous forme liée de traverser ces pores. La sécrétion tubulaire est un phénomène actif qui se déroule au niveau du tube contourné proximal. Il existe deux systèmes de transport, l’un destiné aux acides faibles (acide salicylique, dérivés glucurono- et sulfo-conjugués), l’autre aux bases faibles (quinines, ammoniums quaternaires). Comme tout transport actif, ce phénomène nécessite de l’énergie, peut fonctionner contre un gradient de concentration et fait l’objet de phénomènes de compétition soit entre xénobiotiques, soit entre xénobiotiques et produits endogènes. À côté de ce mécanisme actif, certains toxiques peuvent être excrétés par diffusion passive à travers les tubules rénaux. Le pH urinaire étant légèrement acide, ce mécanisme concerne essentiellement des bases faibles. Il est toutefois négligeable par rapport au phénomène précédent. La réabsorption tubulaire est un mécanisme de transfert passif localisé dans le tube contourné distal et le tube collecteur. L’urine, préalablement concentrée, présente un pH variant de 4,5 à 7,8 en fonction du segment. Ceci va favoriser la réabsorption sous forme non ionisée des acides faibles puis des bases faibles. Il existe également des mécanismes de réabsorption active au niveau du tube contourné proximal. L’urine terminale comprend 95 % d’eau, des sels minéraux, des composés organiques dont la créatinine, métabolite terminal de la créatine utilisé pour apprécier la fonction rénale de l’individu, et éventuellement des xénobiotiques et leurs métabolites. En règle générale, la concentration du ou des métabolite(s) urinaire(s) est largement supérieure à celle de la molécule-mère. D’autre part, ces concentrations sont
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Dépistage urinaire
généralement plus élevées dans l’urine que dans d’autres milieux biologiques, et leur fenêtre de détection plus longue. Cette fenêtre de détection dépend des caractéristiques pharmacocinétiques de la molécule, de la dose et de la voie d’absorption, du caractère ponctuel ou répété de l’exposition, des variations interindividuelles du métabolisme, du pH et de la concentration urinaires, et naturellement de la limite de détection de la technique analytique utilisée [2, 3]. Des facteurs pathologiques à l’origine d’une dilution ou d’une concentration urinaire sont également susceptibles d’interférer sur les réactions immunologiques. Les fenêtres de détection urinaires communément admises par des techniques immunologiques sont données dans le tableau 8.1 [4, 5]. TABLEAU 8.1 Durée de détection des molécules dans les urines Molécules/classes de molécules Amphétamines Cannabis Cocaïne Opiacés Buprénorphine Méthadone LSD Benzodiazépines Antidépresseurs Éthanol Ethylglucuronide
Durée de détection 3 à 5 jours suivant la molécule 1 à 3 jours chez l’usager occasionnel, plusieurs semaines chez l’usager régulier 2 à 3 jours 8 à 24 h 1 semaine 1 semaine 1 à 2 jours Quelques heures à quelques semaines suivant la molécule 3 à 6 jours 7 à 12 h 3 à 4 jours
8.2 Prélèvement urinaire Les urines sont prélevées de préférence dans des flacons en verre à usage unique, sans conservateur, afin d’éviter les phénomènes d’adsorption des molécules recherchées sur les parois et les phénomènes de relargage des constituants du contenant. Le prélèvement doit être conservé au froid jusqu’à l’analyse. Celle-ci doit être effectuée le plus rapidement possible, la stabilité in vitro des molécules dans l’urine étant variable [6, 7]. Le prélèvement urinaire est un acte non invasif qui ne nécessite aucune compétence technique particulière. Par contre, une véritable chaîne de qualité doit être mise en place pour assurer l’intégrité et la sécurité du prélèvement depuis le recueil de l’urine jusqu’à son analyse dans un laboratoire spécialisé. La SAMHSA a émis à ce sujet, dans la dernière version du Mandatory Guidelines for Federal Workplace Drug Testing [8], une série de recommandations très précises (voir ci-dessous). Ceci amène naturellement à envisager les limites du prélèvement urinaire qui sont essentiellement
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représentées par la nécessité de disposer de locaux adaptés permettant de respecter de l’intimité de l’individu tout en assurant la fiabilité du prélèvement.
8.3 Techniques immunologiques Tests immunochimiques Deux grands types de tests immunochimiques doivent être distingués :
– ceux dits non instrumentaux, dédiés au dépistage sur le site de recueil (tests Triage®, Multiscreencup®, Drugwipe®, Frontline®, Accusign®, Roche TesTcup®, Ontrak®, QuickScreen®, Syva® Rapid Test, Rapid Drug Screen®, TesTstik®, etc.), – ceux nécessitant un environnement de laboratoire : tests EMIT (enzyme-multiplied immunoassay technique), RIA (radio immunoassay), FPIA (fluorescence polarization immunoassay), CEDIA (cloned enzyme donor immunoassay), ELISA (enzyme linked immunosorbent assay), KIMS (kinetic interaction of microparticles in solution).
Cette hétérogénéité des techniques explique les similitudes et les différences observées dans le dépistage ou le dosage de substances psychoactives au sein d’une matrice biologique comme l’urine. Ces différents aspects nécessitent d’identifier clairement les incidences du choix d’une technique d’immunoanalyse en milieu urinaire sur le résultat. Le marché des outils de dépistages est en pleine expansion, et régulièrement de nouveaux kits apparaissent. Tous les dispositifs de diagnostic in vitro mis sur le marché sont soumis à une réglementation européenne, la directive 98/79 CE (1998) ayant introduit une obligation de marquage CE. Les seuils de positivité, utilisés par les biologistes du monde entier, sont généralement ceux de la SAMHSA (Substance Abuse and Mental Health Services Administration) aux États-Unis ou ceux recommandés pour l’EWDTS (European Workplace Drug Testing Society) en Europe [9].
8.3.1 Tests immunochimiques non instrumentaux Il s’agit de tests rapides permettant de faire le diagnostic en dehors d’un laboratoire, sur le lieu du travail, au bord des routes ou dans un cabinet de consultation d’un médecin par exemple. La qualité de ces tests est très variable alors que les critères importants pour leur éventuelle utilisation dans le cadre de la sécurité routière sont fiabilité, rapidité, facilité d’emploi et possibilité de lecture directe du résultat. Ces dernières années, différentes études, dont ROSITA et ROSITA-2 (road-side testing assessment), menées dans plusieurs pays de la communauté européenne, ont permis d’évaluer leur application sur le terrain [10].
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Dépistage urinaire
Ces tests sont essentiellement de trois types : › ceux nécessitant une immersion partielle d’une languette ou d’une carte (figure 8.1) ; › ceux nécessitant l’utilisation d’une pipette pour l’introduction de quelques gouttes d’échantillon (figure 8.2) ; › ceux ayant un réservoir (figure 8.3).
FIG. 8.1 Test nécessitant une immersion partielle d’une languette ou d’une carte.
FIG. 8.2 Test nécessitant l’utilisation d’une pipette pour l’introduction de quelques gouttes d’échantillon dans le système de dépistage.
FIG. 8.3 Test urinaire avec réservoir.
Le volume requis d’échantillon est donc très différent et varie de quelques gouttes, comme pour le système Triage®, à plusieurs dizaines de millilitres pour le système Multiscreencup®, en passant par ceux nécessitant une immersion partielle d’une languette ou d’une carte comme le Drugwipe® ou le Frontline®. Ces différents tests proposent des seuils de positivité, des sélectivités et des performances différentes,
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avec pour certains d’entre eux la possibilité de détecter les adultérations. Leur faible encombrement et leur simplicité d’utilisation autorisent donc les tests en dehors des laboratoires. Le principe du test Frontline® (Boehringer Mannheim GmbH, Allemagne) est identique pour les quatre classes de stupéfiants (cannabis, cocaïne, opiacés et amphétamines) et repose sur la technique d’immunochromatographie. Le test est constitué d’un support où se succèdent différents compartiments adsorbants. La première zone absorbante de polyester est immergée pendant 3 à 5 s dans l’échantillon afin de prélever par capillarité une quantité suffisante et reproductible d’urine et sert de réservoir pour la migration vers les autres étapes du test. Le support est alors placé horizontalement pendant toute la durée du test. Lors du passage de l’urine (durée variant de 20 à 40 s), les analytes ciblés réagissent avec le conjugué (anticorps marqués) réparti de façon homogène dans une deuxième zone absorbante de polyester. L’excès de conjugué hydrosoluble est totalement élué par l’échantillon et éliminé par passage dans une troisième zone de capture constituée d’un agent de liaison immobilisé (matrice cellulosique de streptavidine et de polyhapten). Le complexe analyte – anticorps marqué migre alors vers la quatrième zone d’absorbant cellulosique pour y être détecté. Si la concentration d’analyte ciblé est faible dans l’échantillon, la majorité des anticorps ne vont pas se lier et vont être disponibles pour lier l’analogue (polyhapten) immobilisé dans la zone de capture. Seule une petite quantité du complexe formé entre analyte-conjugué atteindra la zone de détection. Au contraire, si l’analyte est présent à forte concentration dans l’urine, la grande majorité des sites d’anticorps seront occupés et le conjugué ne liera pas le polyhapten présent dans la zone de capture, laissant ainsi le conjugué migrer vers la zone de détection. La concentration d’analyte ciblé dans l’échantillon est donc proportionnelle à l’intensité du complexe analyte-conjugué marqué ayant atteint la zone de détection. La réaction colorée, obtenue après 2 min seulement et stable pendant 10 min, peut alors être comparée visuellement à une échelle de coloration fournie. Si la coloration est absente ou sur les tons « abricot », le test est négatif, si une ou deux bandes intensément colorées apparaissent, le test est positif. Les seuils de positivité sont de 50 ng/mL pour le cannabis (> 200 ng/ mL si 2 bandes colorées), 300 ng/mL pour la benzoylecgonine (> 3 000 ng/mL si 2 bandes colorées) et 200 ng/mL pour les opiacés (> 1 000 ng/mL si 2 bandes colorées). Dans une évaluation multicentrique effectuée par Wenning et coll. [82], le test Frontline® avait été comparé aux immunodosages instrumentaux FPIA et EMIT avec analyse des résultats divergents par CPG-SM. Pour le dépistage du cannabis dans les urines d’origine clinique ou médicolégale, la sensibilité du test était supérieure ou égale à 97 % vs. la FPIA (n = 399) et l’EMIT (n = 755). Pour la cocaïne, la sensibilité était de 100 % dans les deux cas alors que la spécificité n’était que de 91 % de par l’existence d’interférences par les métabolites de la méthadone et de la clozapine. Cette spécificité était bien meilleure lorsque le dépistage était appliqué aux échantillons d’un programme de substitution par la
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méthadone. Pour les opiacés, la sensibilité et la spécificité du test Frontline® étaient supérieures ou égales à 99 % par comparaison aux immunodosages de routine. Sur 1 200 échantillons, seules six urines (0,5 %) n’ont pu être détectées positives par le test. Il avait été conclu que le test Frontline® permettait un dépistable rapide et fiable pour ces trois familles de stupéfiants. Pour les amphétamines, la même équipe [11] rapportait une étude similaire sur 658 échantillons urinaires d’origine clinique et médicolégale. La sensibilité du test (avec un seuil de positivité à 300 ng/ mL) était de 93 % et la spécificité de 98 %. Un petit nombre d’échantillons étaient dépistés négatifs pour des concentrations d’amphétamine comprises entre 300 et 1 000 ng/mL. Le premier test urinaire Triage® pour les drogues du fabricant Biosite® Inc. a été introduit en 1992, puis sont arrivés ceux dédiés aux antidépresseurs tricycliques. Le système comprend trois composants de base : les dispositifs de diagnostic où sont déposées les quelques gouttes d’échantillon, le lecteur (fluorimètre portable) et son logiciel associé. Le système repose sur des réactions de dosage immunologique synchronisées dans des zones prédéterminées sur la longueur du dispositif. Le processus commence dès que l’échantillon est introduit dans le port prévu à cet effet, lequel filtre les particules. La chambre réactionnelle contient des anticorps ou des antigènes colorés par fluorescence, qui se lient aux analytes et/ou aux molécules marquées. À mesure que l’échantillon s’écoule dans le dispositif, il rencontre des zones où l’analyte peut se lier aux anticorps spécifiques. Le lecteur détecte l’analyte marqué et lié dans chaque zone de dosage en excitant le marqueur avec un laser et en détectant le signal fluorescent. La quantité de signal fluorescent peut être alors mesurée, permettant l’évaluation quantitative de l’analyte ciblé. Des résultats qualitatifs sont obtenus en environ 15 min, affichés comme positif « POS », négatif « NEG » ou en valeurs quantitatives et imprimables, éliminant ainsi l’interprétation parfois délicate des lignes. Les drogues illicites détectées par les Triage® Drugs of Abuse Panel et Triage® TOX Drug Screen incluent la cocaïne, les opiacés, le tétrahydrocannabinol, la phencyclidine et les dérivés amphétaminiques, tout en faisant la distinction entre amphétamines et méthamphétamines. Les médicaments pouvant être testés par le Triage® Drugs of Abuse Panel sont les barbituriques (Gardénal®), les benzodiazépines (Valium®, Librium®, Halcion®), la méthadone, le propoxyphène (Darvon®) et les antidépresseurs tricycliques (Elavil®, Tofranil®). L’évaluation du système Triage® pour les stupéfiants (amphétamines, opiacés, tétrahydrocannabinol et métabolite de la cocaïne, la benzoyecgonine) dans les urines comparée au système EMIT, avec confirmation des résultats discordants par CPG-SM, a permis aux auteurs [12] d’observer des résultats similaires entre les deux tests pour 93 et 100 % de résultats pour les échantillons positifs (n = 606). Pour les échantillons négatifs (n = 325), les tests donnaient des résultats concordants dans 95 à 100 % des cas. Pour le test amphétamines, 19 des 27 résultats discordants, positifs par EMIT et négatifs pour le système Triage®, ont révélé des concentrations en amphétamine et méthamphétamine inférieures à 1 000 ng/mL par CPG-SM. Pour le THC,
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6 urines négatives par le système Triage® et positives par EMIT contenaient le métabolite urinaire du THC (THC-COOH) à des concentrations supérieures à 15 ng/mL. Néanmoins, les auteurs concluaient que pour la majorité des échantillons, le système Triage® produisait des résultats identiques aux systèmes instrumentaux d’immunoanalyse commercialisés. Le test Triage® a été éprouvé par Moriya et Hashimoto [13] sur 27 urines post-mortem obtenues lors de 72 autopsies. Parmi ces 27 urines, 9 étaient positives pour le test amphétamine, 3 pour les benzodiazépines, 3 pour les barbituriques, 2 pour les opiacés et un pour les antidépresseurs tricycliques (TCA). Parmi les 9 échantillons positifs pour les amphétamines, seuls 3 contenaient de la méthamphétamine (concentrations variant de 7,95 à 44,9 mg/L) et 6 ne n’en contenaient pas, mais la phénéthylamine, une amine de putréfaction, était présente à des concentrations variant de 0,52 to 14,3 mg/L. Les résultats faussement positifs n’étaient observés sur le système Triage® que pour le test amphétamines. Contrairement à l’étude précédente, il n’avait pas été observé de faux négatifs pour les 8 classes de substances recherchées (phencyclidine, benzodiazépines, opiacés, métabolite de la cocaïne, cannabinoïdes, amphétamines, barbituriques et antidépresseurs tricycliques). Comme pour bien d’autres systèmes d’immunoanalyse, le système Triage® n’était donc pas apte à discriminer entre amphétamines et bases de putréfaction dans des échantillons urinaires de modérément à fortement putréfiés. Il existe un grand nombre de tests commerciaux pour le dépistage « sur le terrain » (on-site) de substances psychoactives dans les urines, et applicables dans le cadre de la conduite automobile ou de la médecine du travail. Plusieurs études ont permis de comparer leurs performances. Buchan et coll. [14] en ont évalué quatre, dont le Triage® mais aussi AccuSign® (figure 8.4), Roche TesTcup® et Ontrak®. De décembre 1995 à mars 1996, 303 prélèvements urinaires ont été effectués par les forces de police suite à la suspicion d’une conduite sous influence. La sensibilité des différents tests était comprise entre 82,9 et 100 % pour le cannabis, 82,5 et 100 % pour la cocaïne et était de 100 % pour les opiacés. Leur spécificité était comprise entre 94,0 et 99,7 % pour le cannabis, 97,4 et 98 % pour la cocaïne et entre 99,7 et 100 % pour les opiacés. Si la sensibilité reste le paramètre le plus important pour un test de dépistage, la simplicité d’emploi n’en est pas un des moindres avec une préférence des forces de l’ordre pour les tests AccuSign® et TesTcup®. L’étude réalisée par Peace et coll. [15] avait pour objectif d’évaluer quatre différents tests immunologiques par compétition pour le dépistage qualitatif de stupéfiants (amphétamine, benzoylecgonine, 11-nor-9-carboxy – Δ9-tétrahydrocannabinol, opiacés et phencyclidine) dans les urines dont le Triage® Drugs of Abuse Pane plus TCA, mais aussi le QuickScreen™ Pro-Multi Drug Screening (figure 8.5), le Syva® Rapid Test d.a.u.™ 5 et d.a.u.™ 2, et le Rapid Drug Screen™ (figure 8.6). Les tests Triage® et Rapid Drug Screen™ permettaient de réaliser en parallèle la recherche simultanée de benzodiazépines et de barbituriques, contrairement aux tests QuickScreen® et Syva® Rapid Test.
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FIG. 8.4 Test Accusign.
FIG. 8.5 Test QuickScreen™ Pro-Multi Drug Screening.
FIG. 8.6 Test Rapid Drug Screen.
Plus de 200 échantillons d’urine contenant des concentrations d’analytes supérieures ou proches des seuils de positivité ont été testés, dont 199 ont été confirmés par
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CPG-SM avec au moins 17 échantillons positifs pour chaque famille dépistée. Le calcul de la spécificité et de la sensibilité des tests sélectionnés a permis de démontrer que le système Triage® conduisait aux résultats les plus fiables aussi bien dans des urines réelles que dans des urines surchargées. Le système était aussi le moins gourmand en volume d’échantillon et le plus simple d’interprétation puisqu’il était le seul à faire apparaître une bande colorée en cas de positivité. De plus, le test Triage® était aussi le plus fiable et le plus reproductible des outils de dépistage des stupéfiants hors laboratoire. Une étude plus récente de Crouch et coll. [16] portait sur les cinq tests urinaires suivants : AccuSign®, Rapid Drug Screen®, TesTcup-5® (figure 8.7), TesTstik® (figure 8.8), et Triage® pour le dépistage des 4 familles de stupéfiants. Approximativement un tiers des sujets (36 %) étaient positifs au moins pour une drogue. Sur 800 échantillons, le taux de faux négatifs pour chaque test était inférieur à 1 % quel que soit le stupéfiant considéré. Pour le cannabis, la benzoylecgonine et les opiacés, tous les tests avaient au maximum 0,25 % de résultats faussement positifs. Pour les amphétamines, ce taux était toujours resté inférieur ou égal à 1,75 %. Le taux de faux positifs approchait 4 % pour les amphétamines et était supérieur ou égal à 2,25 % pour les opiacés. Cinquante à 90 % des résultats positifs pour les amphétamines contenaient de la MDMA. Un pourcentage équivalent pour les échantillons positifs pour les opiacés contenait de l’hydromorphone ou de l’hydrocodone. Les résultats étaient donc favorables à l’utilisation de ces tests pour le dépistage sur le terrain et lors d’investigations sur la conduite sous influence. Très récemment, Moody et coll. [17] ont été amenés à comparer deux tests, le Instant-View® Test Card (figure 8.9), et le OnTrak TesTcup® Pro 5, pour le dépistage des stupéfiants et des benzodiazépines dans les urines, tout d’abord sur des échantillons surchargés (0 à 175 % du seuil de positivité) puis sur d’autres urines provenant d’une étude clinique. Les précisions respectives des tests Instant-View® Test Card et le OnTrak TesTcup® Pro 5 étaient respectivement de 74,3 et 87,1 % pour les amphétamines, 82,1 et 90,7 pour la benzoylecgonine, 88,6 et 90,7 % pour les benzodiazépines, 83,6 et 94,3 % pour la morphine, 82,1 et 87,9 % pour les cannabinoïdes, et finalement 82,1 et 90,1 % toute classe confondue. Contrairement à la version dédiée au terrain, la version instrumentale de laboratoire avec réactifs en ligne a montré de meilleures performances. Pour l’étude clinique, les précisions respectives des tests Instant-View® Test Card et OnTrak TesTcup® Pro 5 étaient de 95,8 et 91,7 % pour les amphétamines, 100 et 100 % pour la benzoylecgonine, 96,7 et 96,5 % pour les benzodiazépines, 98,8 et 99,2 % pour les opiacés, 94,4 et 95,0 % pour les cannabinoïdes, et finalement 97,1 et 96,5 % toute classe confondue. Ceci révéla que l’Instant-View® Test Card avait une faible réactivité croisée (faux négatifs) pour les échantillons contenant de l’amphétamine seule et de l’oxycodone. Le OnTrak TesTcup® avait une faible réactivité croisée pour les échantillons contenant de l’amphétamine seule et de l’oxycodone et/ou de l’hydromorphone. En résumé, les auteurs concluaient que le test Instant-View® Test Card était moins précis que le OnTrak TesTcup® aux valeurs proches du seuil de positivité, mais qu’en situation réelle sur des échantillons cliniques, les performances étaient comparables.
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FIG. 8.7 Test Ontrack TesTcup-5.
FIG. 8.8 Test Ontrack TesTstik.
FIG. 8.9 Test Instant-View Test Card.
8.3.2 Tests immunochimiques instrumentaux Ces tests sont réalisés en laboratoire sur des automates multiparamétriques comme par exemple les systèmes EMIT, RIA, FPIA, CEDIA, ELISA ou KIMS. Les immunodosages peuvent être de deux types : les systèmes impliquant une réaction enzymatique (système compétitif ou non compétitif ) et ceux exploitant la différence de rotation de la lumière d’un fluorophore libre.
8.3.2.1 Test EMIT La technique EMIT a été introduite en 1972 par Rubenstein et coll. [18]. Dans le système impliquant une compétition à la liaison, son principe est basé sur la compétition entre la substance ciblée dans l’échantillon et son analogue marqué avec un enzyme (glucose-6-phosphate déshydrogénase) pour les sites de liaison à l’anticorps. Pour cela, quatre composants sont nécessaires : l’analyte d’intérêt, les anticorps spécifiques de cette analyte, une enzyme conjuguée et son substrat (forme oxydée de nicotinamide dinucléotide ou NAD+). 213
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Une quantité d’anticorps spécifique de l’analyte et de conjugué enzymatique actif sont additionnés à l’échantillon. Si la substance est présence dans l’urine, elle entre en compétition avec le conjugué pour le nombre limité de sites spécifiques d’anticorps. Lorsque le conjugué enzymatique est lié à l’anticorps, l’enzyme est rendue inactive et tout conjugué enzymatique ne liant pas l’anticorps reste actif. Après ajout du substrat, et si l’enzyme est restée active, cette dernière va convertir le NAD+ en NADH, produisant ainsi une augmentation d’absorbance à 340 nm. Ainsi, pour une concentration croissante de substances dans l’échantillon, un plus grand nombre de sites d’anticorps sera bloqué laissant ainsi plus de conjugué enzymatique libre sous sa forme active pour convertir la coenzyme et induire la réaction colorée. Dans le système non compétitif, la substance cible réagit avec un excès d’anticorps marqués pour former un complexe lui-même marqué (chromophore). Si la substance recherchée est présente dans l’échantillon, elle va se lier aux anticorps. Une quantité connue de conjugué enzymatique est alors additionnée au milieu et va prendre place sur les sites d’anticorps restés libres. Comme pour le système par compétition, seul le conjugué enzymatique non lié garde son activité pour la conversion responsable de la réaction colorée. Cette conversion est donc indicative de la quantité de conjugué enzymatique libre et donc de la quantité de substance dans l’urine, puisque le conjugué enzymatique a été additionné en quantité connue. Que ce soit pour le mode compétitif comme pour le mode non compétitif, la quantification de la substance recherchée dans l’urine nécessite une calibration, celle-ci étant réalisée par une cinétique d’absorbance pour des solutions contenant des quantités connues de substance cible et de conjugué enzymatique. Cette technique permet aussi bien le dépistage des stupéfiants que le suivi des traitements thérapeutiques, sans préparation préalable de l’échantillon. Les quantités d’échantillons requises sont alors très faibles (10 à 50 μL).
8.3.2.2 Test RIA Berson et Yalow ont introduit la RIA dans les années 1950 [19]. Ce test peut aussi être conduit sous deux modes : en phase homogène (en solution) ou en phase hétérogène (phase solide). En phase homogène, la RIA est assez similaire au système compétitif de l’EMIT, excepté qu’un radio-isotope (125I) émettant un rayonnement gamma est utilisé à la place de l’enzyme. Ce test est certainement l’un des plus sensibles et spécifiques parmi les méthodes d’immunoanalyse. Il s’agit d’un test en phase liquide homogène impliquant une compétition à la liaison et utilisé pour rechercher des traces de substances ou de leurs métabolites, mais aussi des enzymes, des hormones et des anabolisants stéroïdiens dans les fluides biologiques. Pour cela, quatre composants sont nécessaires, l’échantillon, l’analogue radiomarqué de la substance recherchée, l’anticorps spécifique de la substance recherchée et un moyen de mesurer de façon quantitative les émissions radioactives. Pour le test, l’échantillon est mélangé à une quantité connue de l’analogue radiomarqué avant introduction de l’anticorps spécifique de la
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substance ciblée. La substance recherchée dans l’échantillon et son analogue entrent en compétition pour un nombre limité de sites d’anticorps. Le complexe antigèneanticorps ainsi formé est précipité, lavé pour éliminer le milieu réactionnel, puis dissous avant lecture par un scintillateur. La substance et son analogue radiomarqué ayant la même affinité pour l’anticorps, ils vont se lier à l’anticorps avec les mêmes propriétés. Si l’échantillon est négatif, une quantité maximale d’analogue radiomarqué va se lier à l’anticorps et la mesure de radioactivité sera de valeur élevée et inversement si la substance est présente dans l’échantillon. La réponse du compteur sera donc inversement proportionnelle à la concentration de la substance dans l’échantillon. Pour la RIA en phase solide, l’échantillon et l’analogue marqué à l’iode 125 entrent en compétition pour les sites d’anticorps immobilisés sur une surface comme la paroi d’un tube de polypropylène dans lequel ils ont été introduits. Après une période d’incubation, le milieu réactionnel est lavé pour éliminer tout excès de réactif pour ne laisser en place que la fraction de radioactivité ayant réagit avec les anticorps et l’éventuelle substance ciblée dans l’échantillon. À nouveau, la lecture par un compteur gamma et sa quantification permettent de déterminer la concentration de la substance dans l’échantillon. Cette approche est plus fréquemment utilisée que la version en phase homogène liquide. La quantification est réalisée par comparaison de la réactivité mesurée vis-à-vis d’une courbe de calibration.
8.3.2.3 Test FPIA Ce test est basé sur le phénomène de polarisation de fluorescence, décrit pour la première fois par Engwall et Perlmann [20]. La polarisation de fluorescence consiste à exciter une molécule fluorescente (fluorophore) à une longueur d’onde appropriée pour qu’elle émette à une longue d’onde supérieure. Si la longueur d’onde d’excitation est dans un plan de polarisation, et si le fluorophore reste immobile pendant cet état d’excitation, alors la lumière émise sera de forte intensité et dans le même plan de polarisation. Au contraire, si le fluorophore est mobile, la lumière fluorescente sera émise dans un ou plusieurs plans de polarisation différents de celui initial et surtout avec une intensité bien plus basse. La déviation d’intensité de la fluorescence émise par rapport au plan de polarisation initial (longueur d’onde d’excitation) dépendra donc de la mobilité de la molécule marquée. Pour les petites molécules comme les médicaments ou les stupéfiants, leur mobilité sera importante et la fluorescence émise sera donc de faible intensité dans le plan de polarisation utilisé pour l’excitation. On parle alors de fluorescence émise dépolarisée. Pour des molécules de plus haut poids moléculaire, la mobilité de la molécule marquée sera moindre et la fluorescence émise sera de forte intensité et dans le même plan de polarisation que celui utilisé pendant la phase d’excitation. On parle alors de fluorescence polarisée. Ce type de test est plus performant pour la détection de molécules de faible poids moléculaire comme les stupéfiants ou les médicaments contrairement à celles de haut poids moléculaire comme les protéines, puisque la liaison de grosses molécules aux anticorps produit une très faible modification de la capacité de mouvement 215
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rotationnel du complexe formé et donc un très faible changement de polarisation de la lumière émise contrairement aux petites molécules. Le test FPIA est un immunodosage en phase liquide homogène utilisé pour la détection rapide de traces de médicaments, stupéfiants et leurs métabolites mais aussi d’enzymes, d’hormones et d’anabolisants stéroïdiens dans les fluides biologiques. Pour la réalisation du test, l’échantillon est mélangé avec une quantité connue de l’analogue fluorescent avant ajout de l’anticorps spécifique au milieu réactionnel. L’éventuelle substance présente dans l’échantillon et son analogue fluorescent vont entrer en compétition pour le même anticorps pour lequel ils présentent obligatoirement une affinité équivalente. Si l’échantillon ne renferme pas la substance ciblée, un maximum d’analogue fluorescent liera l’anticorps et l’intensité de la fluorescence émise sera intense et dans le même plan de polarisation que la longueur d’onde d’excitation. Au contraire, si l’échantillon est positif pour la substance recherchée, moins d’analogue fluorescent se liera à l’anticorps et la lumière fluorescente émise sera dépolarisée. Plus la concentration de la substance dans l’échantillon sera importante et moins le complexe anticorps antigène sera marqué et plus la fluorescence émise sera dépolarisée. Puisque seul le complexe analogue fluorescent-anticorps permet le signal le plus intense dans le même plan de polarisation, il n’est pas nécessaire d’éliminer par lavage la fraction non liée de l’analogue marqué après la période d’incubation, ce qui représente un avantage non négligeable par rapport à la technique RIA, par exemple. La quantification, à nouveau, est réalisée vis-à-vis d’une courbe de calibration préparée par mesure de polarisation de fluorescence pour des concentrations croissantes d’analogue marqué en présence d’anticorps.
8.3.2.4 Test CEDIA La technique CEDIA a été mise au point dans les années 1980 [21] et repose sur la reconstitution (ou complémentation) d’un enzyme qui peut alors générer une coloration en présence de la substance recherchée et de son substrat. Le principe de la méthode s’appuie sur l’utilisation de deux peptides obtenus par division de l’enzyme β-galactosidase d’E. coli, un polypeptide de différentes tailles. Le fragment le plus grand, dénommé « élément accepteur » représente 95 % de la taille du peptide complet. Le petit fragment ou « élément donneur » représente donc les 5 % restant de la séquence. Lorsque ces deux parties sont mises en contact, elles peuvent se combiner en chaînes intactes de l’enzyme qui, en s’agrégeant, forment un tétramère ayant l’activité enzymatique. Pour le test, il est nécessaire que le fragment « donneur » de l’enzyme soit conjugué avec la substance ciblée par le test, et que cette conjugaison n’affecte pas la complémentation vis-à-vis du fragment « accepteur », c’est-à-dire que le fragment « accepteur » doit être apte à lier indifféremment le fragment « donneur » ou sa forme conjuguée à la substance ciblée. Il s’agit d’un test par compétition réalisé en phase liquide homogène pour la détection et la quantification de substances de faible poids moléculaire ciblées de type médicaments, stupéfiants, hormones, vitamines et de leurs métabolites. 216
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Pour ce test, plusieurs composantes sont nécessaires : › le ligand conjugué (substance attachée au fragment peptidique donneur de la β-galactosidase ; › le fragment polypeptidique accepteur de la β-galactosidase ; › un anticorps spécifique de la substance recherchée ; › un substrat incolore mais qui lors de son hydrolyse par l’enzyme libère une coloration ; › un spectrophotomètre pour la mesure quantitative de l’intensité de coloration. Ce test implique l’apport de plusieurs réactifs en 2 ou 3 étapes. Quelle que soit la façon de faire, l’échantillon et le conjugué « enzyme donneuse » entrent en compétition avec l’anticorps spécifique, et de ce fait, la quantité de conjugué liant l’anticorps sera d’autant moins importante que la substance ciblée sera en concentrations importantes dans l’échantillon. Après quelques minutes d’incubation, le substrat et le fragment « accepteur » sont ajoutés, ce dernier allant complémenter les conjugués qui non pas trouvé place sur les anticorps et la forme active de β-galactosidase alors générée va hydrolyser le substrat pour en libérer sa fraction colorante. Non seulement l’intensité de coloration mais aussi sa cinétique sont augmentées et de façon proportionnelle à la quantité de substance dans l’échantillon. La concentration est donc calculée par mesure de la vitesse de coloration à partir de gammes de calibration préétablies.
8.3.2.5 Test ELISA Les premiers tests ELISA ont été développés dans les années 1970 [22]. Il s’agit d’un test réalisé en phase hétérogène, typiquement utilisé pour la détection rapide de macromolécules de type protéines, antigènes ou anticorps, à des concentrations de l’ordre du pg/mL. Néanmoins, cette méthode a trouvé de nombreuses autres applications pour le dépistage de petites molécules dans le sang, les urines ou les cheveux [23, 24] (figure 8.10).
FIG. 8.10 Test ELISA (IDS Corp.)
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Drogues et accidentalité
Cette détermination peut être conduite selon deux approches, la technique « sandwich » ou la technique par compétition. Pour la technique « sandwich » (figure 8.11), un anticorps de la substance recherchée a été attaché de façon covalente à un support solide, en général le fond d’un puits d’une microplaque en polystyrène ou polychlorure de vinyle (PVC). Après dépôt de l’échantillon, si la substance recherchée est présente, elle ira se fixer à l’anticorps. Cet anticorps, dit de capture, se lie à une partie de la substance. Le conjugué enzymatique (une enzyme attachée à un deuxième anticorps spécifique d’une deuxième partie de la molécule) est alors additionnée en excès au milieu réactionnel. Si la substance est présente dans l’urine, elle se liera à ce second anticorps dit anticorps de détection. De la vient le terme « méthode sandwich » puisque la substance est encadrée par deux anticorps. Après lavage des puits pour éliminer tout excès de produit n’ayant pas réagi, le substrat de l’enzyme est additionné. Si l’enzyme complexé à l’anticorps de détection s’est lié au fond du puits par l’intermédiaire de la substance (présente dans l’échantillon), se produit alors le développement de la couleur. Dans cette approche, la coloration est proportionnelle à la concentration de la molécule dans l’échantillon (figure 8.11). (1)
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FIG. 8.11 Schéma réactionnel de test ELISA.
Pour le procédé par compétition, l’anticorps spécifique est aussi lié de façon covalente au fond des puits de la microplaque. Après dépôt de l’échantillon et du conjugué enzymatique, la substance native contenue dans l’urine et le conjugué entrent en compétition pour l’anticorps immobilisé. Si la substance est absente, une grande quantité de conjugué se liera aux anticorps et inversement, pour des quantités croissante de substance dans l’urine, des quantités décroissantes de conjugué se lieront aux anticorps. Après la période d’incubation, le milieu réactionnel est éliminé par lavage avant l’étape finale de révélation par le substrat chromogénique. Dans ce cas, et contrairement à la méthode « sandwich », si l’analyte est présent dans l’urine, le conjugué enzymatique ne pourra se lier aux anticorps et sera éliminé lors de l’étape de lavage, ne pouvant ainsi pas générer la coloration lors de l’ajout de substrat. Pour des concentrations croissantes de substances, des quantités de moins en moins importantes de conjugués se lieront aux anticorps et donc des intensités de moins en moins fortes seront observées (figure 8.12).
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FIG. 8.12 Étape de révélation de la coloration pour test ELISA de type compétitif.
Pour les deux approches, il est essentiel que l’activité enzymatique ne soit pas affectée par son immobilisation sur le support solide par le biais de l’anticorps. Les enzymes couramment utilisées sont des phosphatases alcalines, ou des peroxydases de raifort. Les phosphatases alcalines peuvent être utilisées pour hydrolyser le p-nitrophénylphosphate en p-nitrophénol de couleur jaune, alors que les peroxydases peuvent être utilisées pour cliver le 3,3’, 5,5’-tétraméthyl benzidine base, l’acide 2,2’-azo-bis (3-éthylbenzthiazoline-6-sulfonique) ou l’o-phénylènediamine pour produire respectivement une coloration bleue, verte ou orange. Les deux techniques permettent de réaliser une « semi quantification ». En principe, elle est réalisée en mesurant l’absorbance (densité optique) à une longueur d’onde spécifique de la solution contenue dans les puits de la microplaque ELISA après ajout du substrat de l’enzyme et révélation de la coloration. Pour cela, la microplaque est calibrée avec des concentrations connues de substance ciblée en parallèle à l’utilisation de contrôles positifs et négatifs.
8.3.2.6 Test KIMS Ce test, plus récent, est fondé sur l’interaction cinétique de microparticules en solutions dont on mesure les variations du signal lumineux [25]. Pour cela, les anticorps sont fixés à des microparticules en solution et le conjugué enzymatique est en réalité obtenu par fixation de la substance ciblée sur un support solide « multivalence ». Si la substance recherchée n’est pas présente dans l’échantillon, les anticorps libres vont se fixer sur les conjugués microparticule-molécule, donnant lieu ainsi à la formation d’amas de particules. Comme la réaction d’agrégation a lieu lorsque la molécule recherchée n’est pas présente, la variation de la densité optique (absorbance) augmente. Au contraire, si l’échantillon d’urine testé contient la molécule recherchée, cette dernière entre en compétition avec 219
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le dérivé de la molécule lié à la microparticule pour les anticorps libres, inhibant ainsi la formation d’un réseau de particules (agrégat). Lorsque la molécule recherchée est présente, l’augmentation de l’absorbance diminue proportionnellement à la concentration de la molécule dans l’échantillon. La concentration est déterminée en fonction de la valeur obtenue pour une concentration seuil connue d’analyte. Paramètres de validation des tests immunologiques Les paramètres essentiels à définir pour les immunotests sont la sensibilité, le seuil de positivité, la spécificité, la réactivité croisée et les interférences potentielles. La sensibilité est représentée par la plus petite concentration de l’analyte qui peut être détectée de façon fiable et reproductible dans les conditions analytiques utilisées. La spécificité décrit la capacité d’un anticorps à produire une réponse mesurable et reproductible uniquement pour la substance d’intérêt. Le seuil de positivité, en général proposé par le fabricant, est évalué et optimisé par le suivi de la sensibilité et de la spécificité du test par comparaison des résultats obtenus avec ceux d’une méthode séparative dite de confirmation. La réactivité croisée est la mesure de la réponse de l’anticorps pour les substances autres que la molécule ciblée. Elle est approchée différemment s’il s’agit d’un immunotest par compétition ou non. Pour les tests par compétition comme la RIA ou la FPIA, la réactivité croisée peut être définie comme la concentration de substance pour laquelle un signal de 50 % est généré en absence de l’analyte ciblé. Cette valeur est également exprimée en pourcentage de la concentration en analyte permettant la même perte de signal. Pour EMIT et CEDIA, la réactivité croisée est définie comme la concentration de substance croissant avec le test avec un signal correspondant à 50 % du signal obtenu par l’unique présence de l’analyte ciblé. Cette valeur est exprimée en pourcentage de la concentration en analyte produisant la même perte de signal. L’interférence peut être considérée comme tout autre facteur pouvant introduire un biais dans le résultat de l’immunotest autre que la réponse induite par la présence de la substance ciblée. Il peut s’agir de la modification de la concentration finale en analyte ciblé, de l’altération des caractéristiques de liaison de l’anticorps, de l’élimination incomplète et insuffisante du milieu réactionnel ou de la présence de substance(s), autre que l’analyte ciblé, générant un signal par l’immunotest. Notons qu’un certain nombre d’auteurs incluent les réactions croisées parmi les interférences analytiques.
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Sensibilité et spécificité La sensibilité et la spécificité sont définies par les équations suivantes : Sensibilité = (VP × 100)/(VP + FN) Spécificité = (VN × 100)/(VN + FP) Avec : VP : vrais positifs = échantillon donnant une réponse positive lors du test de dépistage et confirmé positif lors de l’analyse de confirmation. VN : vrais négatifs = échantillon donnant une réponse négative lors du test de dépistage et confirmé négatif lors de l’analyse de confirmation. FP : faux positifs = échantillon donnant une réponse positive lors du test de dépistage et déterminé comme étant négatif lors de l’analyse de confirmation. FN : faux négatifs = échantillon donnant une réponse négative lors du test de dépistage et retrouvé positif lors de l’analyse de confirmation.
Seuils de positivité Les seuils de positivité généralement proposés pour les immunotests urinaires sont de l’ordre de :
– 300 à 1000 ng/mL pour les amphétamines ; – 300 ng/mL pour la benzoylecgonine, métabolite de la cocaïne ; – 300 ng/mL pour les benzodiazépines ; – 300 ng/mL pour la méthadone ; – 200 à 300 ng/mL pour les barbituriques ; – 300 ng/mL pour la morphine ; – 20 à 100 ng/mL pour le métabolite du cannabis, le THC-COOH ; – 25 à 75 ng/mL pour la phencyclidine.
8.4 Interprétation L’interprétation d’un dépistage urinaire se doit de rester prudente. Une bonne connaissance des performances du test en matière de sensibilité, spécificité et réactions croisées est essentielle pour éviter des erreurs d’interprétation [26]. Celle-ci est principalement qualitative, car en l’absence de données sur la clairance rénale de l’individu, il est impossible d’extrapoler la concentration sanguine de ce dernier, et donc d’évaluer les effets cliniques qui pourraient en découler. Il faut d’autre part
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Drogues et accidentalité
tenir compte du fait que les tests immunologiques sont dédiés soit à des molécules isolées, soit à des classes de molécules, et peuvent alors reconnaître indifféremment des médicaments et des stupéfiants appartenant à cette même classe. Ce phénomène soulève des difficultés d’interprétation lors de la recherche ciblée d’une exposition à des stupéfiants. Le cas des amphétamines et des opiacés est à ce titre particulièrement probant. Il convient enfin de garder à l’esprit qu’un dépistage urinaire positif est uniquement l’indicateur d’une exposition récente, généralement de l’ordre de 2 à 4 jours, et ne présume en rien d’une exposition répétée ou chronique dont la mise en évidence nécessite l’utilisation d’autres matrices biologiques telles que le cheveu [27]. D’un point de vue pratique, les constructeurs fixent des seuils de positivité, ou cut-offs, au-delà desquels les résultats sont considérés comme positifs (voir ci-dessus). Ces seuils ne peuvent pas être modifiés avec les tests non instrumentaux, alors qu’il est possible de les adapter, en fonction des performances attendues en termes de sensibilité et de spécificité, avec les tests instrumentaux. Fraser et Zamecnik [28] ont ainsi proposé d’abaisser le cut-off des différentes molécules et de leur métabolites pour limiter le risque de faux négatif par dilution de l’échantillon.
8.5 Sources d’erreur 8.5.1 Période pré-analytique La falsification du prélèvement représente la principale source d’erreur pré-analytique. Ce phénomène est très largement facilité par la vente sur Internet de produits adultérants et la mise en ligne de protocoles visant à faciliter l’utilisation de ces produits. La falsification peut avoir lieu in vivo, avant la réalisation du prélèvement, ou in vitro, après émission de l’urine. Différents procédés sont couramment utilisés. La dilution consiste à augmenter artificiellement la diurèse pour diluer le stupéfiant à une concentration potentiellement inférieure au seuil de détection du test de dépistage. Ce résultat peut être obtenu en absorbant de grandes quantités de liquides, éventuellement à l’aide de tisanes en vente libre (Natural Klean Herbal Tea, Golden Seal root) ou de diurétiques tels que l’hydrochlorothiazide [29]. Les auteurs ont ainsi démontré que cette technique permettait de négativer le dépistage du THC-COOH et de la benzoylecgonine en FPIA et EMIT. La dilution d’un prélèvement est suspectée devant une créatinine urinaire basse (voir ci-après). L’adultération consiste à ajouter, après émission de l’urine, une molécule susceptible d’interférer avec la réaction immunologique du test de dépistage ou de modifier la structure chimique du métabolite recherché [30]. Quelques-uns perturbent également la confirmation en CPG-MS. En règle générale, les adultérants sont aisément accessibles sur Internet, faciles à utiliser et peu onéreux. De nombreux adultérants peuvent être utilisés. Les nitrites, et notamment le nitrite de potassium (Klear®) et le nitrite de sodium (Whizzies®), sont rapidement solubles et indétectables visuellement dans l’urine [31].
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Dépistage urinaire
Leur présence dans le prélèvement urinaire provoquerait une oxydation du THCCOOH et du THC-COOHd3, perturbant ainsi le dépistage immunologique. Ceci a été clairement démontré avec le kit Syva® EMIT d.a.u. et Abuscreen® Online, ainsi qu’avec des tests sur site tels que le Roche® Ontrak Teststik [31]. La confirmation en CPG-SM est également perturbée. Lewis et coll. [32] ont démontré que l’adjonction de nitrites dans une urine contenant du THC-COOH provoque la formation d’un composé nitroso-THC-COOH instable, et que cette réaction est d’autant plus intense que le pH urinaire est acide et le temps d’exposition long [32, 33]. Ce phénomène serait atténué par l’alcalinisation de l’urine. L’adjonction de nitrites doit être évoquée devant la positivité d’un test rapide de détection des principaux adultérants sur site (voir ci-dessous), mais aussi sur la diminution de la concentration, voire la disparition du standard deutéré en CPG-SM. L’identification des nitrites au laboratoire pour confirmer l’adultération ne soulève pas de difficulté particulière par les techniques chromatographiques usuelles. Le pyridinium chlorochromate ou PCC (Urine Luck®, Klear II®, LL-418®, Sweet Pea’s Spoiler®) agirait de manière comparable aux nitrites. L’ajout de PCC produit des faux négatifs pour le cannabis et les opiacés sur l’ensemble des méthodes immunologiques testées (Syva EMIT II, Roche Abuscreen Online). Pour les autres classes de molécules, les résultats sont variables selon les méthodes testées [34]. En CPG-SM, la présence de PCC diminue la détection des opiacés et du cannabis. De même que pour les nitrites, une diminution significative des standards deutérés des opiacés ou du cannabis lors de l’analyse par CPG-SM doit attirer l’attention. La présence de PCC peut être suspectée devant un pH urinaire anormalement bas ainsi qu’une couleur orangée de l’urine, et mise en évidence par des tests rapides sur site de dépistage des oxydants qui provoquent un virage coloré [34]. La confirmation sera effectuée au laboratoire par le dosage du pyridinium en CPG-SM [35]. L’association peroxyde + peroxydase (Stealth®), vendue sous forme de vials séparés à mélanger à l’urine lors du prélèvement [36], provoque également des réactions d’oxydation qui affectent essentiellement la détection du cannabis et des opiacés. Selon Cody et Valtier [37] et Cody et coll. [38], l’ajout de Stealth provoque des faux négatifs pour le THC-COOH et le LSD en CEDIA. La détection de la benzoylecgnonine, des barbituriques, du PCP et des amphétamines n’est pas perturbée. Pour les opiacés, les résultats sont dose-dépendants : on observe des faux négatifs pour de faibles concentrations d’opiacés, des résultats positifs pour des concentrations plus élevées. Comme les autres oxydants, Stealth diminue la détection des opiacés en CPG-SM. Le glutaraldéhyde (Clean-X®, UrinAid®) agirait en diminuant la densité optique de la réaction en deçà de celle observée pour les vrais négatifs [39]. Pourtant, les résultats sont loin d’être univoques et dépendent des molécules et des techniques. En EMIT II, l’ajout de glutaraldéhyde à 0,75 % dans un échantillon d’urine négative le dépistage du cannabis, et l’ajout d’une même solution titrée à 2 % négative le dépistage du cannabis, des opiacés, de la cocaïne et des amphétamines [39]. Des résultats comparables ont été trouvés en EIA [40]. En FPIA, on observe des faux
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Drogues et accidentalité
négatifs pour les stupéfiants précédemment cités, mais aussi des faux positifs pour le PCP [41]. En KIMS, on observe également des faux positifs pour le PCP et les amphétamines, et des faux négatifs pour le cannabis [41]. Par contre, la présence de glutaraldéhyde n’affecte pas le dosage en CPG-SM [34]. La papaïne est apparue plus récemment sur le marché des produits adultérants. La papaïne est une protéase obtenue par purification du latex de la papaye [42]. Elle entre dans la composition de solutions pour attendrir la viande (Lawry’s® Adolph’s Meat Tenderizer), elle est donc facilement accessible sur Internet à faible coût. Burrows et coll. [42] ont testé en FPIA l’adjonction des concentrations croissantes de papaïne (0,5 ; 1, 5 et 10 mg/mL) sur la détection de différentes concentrations de THC-COOH (25 ; 75 ; 100 ; 250 et 500 ng/mL) dans des urines de pH variables (4,5 ; 6,2 et 8,0) à 0, 24 et 72 heures. Les résultats montrent une corrélation directe entre la concentration en papaïne, le pH, le temps écoulé et la diminution de la concentration en THC-COOH dans les échantillons testés. Par contre, l’adjonction de papaïne est sans effet sur la détection des autres molécules testées, amphétamines, cocaïne, benzodiazépines, barbituriques, opiacés et phencyclidine. Seul le nordiazépam présente également une diminution de concentration, mais dans une moindre mesure que le THC-COOH. Les confirmations en CPG-SM pour le THC-COOH et en CPLHP-UV pour le nordiazépam montrent une diminution d’environ 66 % pour le THC-COOH et 24 % pour le nordiazépam dans les échantillons contenant de la papaïne. Le mécanisme évoqué est celui d’une interaction entre la papaïne et le THC-COOH ou le nordiazépam, plutôt que d’une interférence analytique. Larson et coll. [43] décrivent également une diminution de la concentration de THC-COOH après adjonction de papaïne en EMIT, mais pas en KIMS. Enfin, l’adjonction de papaïne ne perturbe aucun des tests d’adultération recommandés par la SAMSHA (pH, gravité, osmolalité, créatinine etc.) rendant très difficile la détection de cette adultération. Les produits domestiques peuvent également être utilisés pour l’adultération. L’eau de javel, notamment, est un adultérant extrêmement efficace. Les mécanismes évoqués seraient : › une oxydation du NADH qui diminuerait l’absorbance des tests immunologiques jusqu’à 340 nm ; › et une diminution du pH urinaire. De très faibles concentrations suffisent à provoquer des faux négatifs. La détection du cannabis est très perturbée avec tous les tests immunologiques testés (RIA, EIA, FPIA, CEDIA, EMIT II). En CEDIA, l’ajout d’eau de javel provoque également des faux négatifs pour les amphétamines, les barbituriques, la cocaïne, les opiacés et le PCP [44]. Avec l’EIA, l’eau de javel provoque des faux négatifs pour les barbituriques, les benzodiazépines, la cocaïne et les opiacés [45]. La recherche du THC-COOH en CPG-SM est également très perturbée [46]. Par contre, l’ajout de javel provoque une augmentation du taux de PCP et donc de faux positifs en EMIT II [40]. Le vinaigre s’avère également très efficace. Il produit des faux négatifs
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Dépistage urinaire
pour le THC-COOH en FPIA [47], EIA [45] et EMIT II [40]. Le mécanisme d’action serait une baisse du pH urinaire. L’ammoniaque (réfrigérants, produits nettoyants, fertilisants) provoque des faux négatifs avec les cocaïniques et le PCP en EMIT II [40]. La soude caustique (Destop®) est également un adultérant puissant. En EIA, l’adjonction de soude caustique peut provoquer des faux négatifs pour les amphétamines, les barbituriques, les benzodiazépines, la cocaïne et les opiacés. Le taux de soude caustique à ajouter pour négativer un prélèvement dépend naturellement de la molécule mais aussi de sa concentration. Les mécanismes évoqués seraient une oxydation du NADH, qui catalyse normalement la réaction, diminuant ainsi l’absorbance des tests immunologiques jusqu’à 340 nm. Une augmentation du pH urinaire, affectant la solubilité de la molécule à tester, serait également en cause [45]. Les savons et détergents contiennent également des molécules susceptibles de perturber le dépistage immunologique de nombreux xénobiotiques. L’ajout de liquide vaisselle dans l’urine provoque des faux négatifs en CEDIA pour les amphétamines, les barbituriques, la cocaïne, le PCP et le THC [44]. Le savon pour les mains provoque également des faux négatifs pour la cocaïne en RIA [48], pour les barbituriques, les benzodiazépines et le THC en EIA [45], pour le THC et la méthaqualone en EMIT [49]. En FPIA, l’adjonction de savon liquide pour les mains provoque des faux négatifs pour le THC et la cocaïne, et des faux positifs pour les barbituriques et les amphétamines [48]. De même, certains liquides vaisselle provoqueraient des faux positifs pour les amphétamines, les barbituriques et les benzodiazépines en FPIA et des benzodiazépines en RIA [50]. Le mécanisme d’adultération combine trois actions : modification du pH, modification de la force ionique, formation d’un complexe insoluble avec la drogue à dépister [51]. Il convient de noter que ces savons modifient l’aspect de l’urine qui devient trouble. La densité peut être également légèrement modifiée [52]. L’ammoniaque, présent dans de nombreux produits ménagers, fertilisants et réfrigérants, provoque des faux négatifs pour la benzoylecgnonine et le PCP en EMIT II à des concentrations de 25, 33 et 50 % [40]. Le chlorure de sodium produit à forte dose (250 g/L) des faux négatifs pour les amphétamines, les barbituriques, les benzodiazépines, la cocaïne, les opiacés et le PCP en EMIT [34, 45, 50] ; une concentration de 10 % inhibe la détection du THC en FPIA [47]. Plus rarement, l’adultération des urines peut être obtenue in vivo par absorption de molécules qui modifient les caractéristiques physico-chimiques de l’urine [52]. L’acide salicylique, par l’intermédiaire de l’un de ses métabolites, l’acide salicylurique, provoque ainsi des faux négatifs en EMIT et EMIT II pour la cocaïne, amphétamines, barbituriques, benzodiazépines, opiacés, PCP, THC-COOH [53,54]. Le chlorure de benzalkonium contenu dans certains collyres provoque des faux négatifs pour les cannabinoïdes avec le CEDIA [43], l’EMIT [55], la FPIA [47], et l’EIA [45]. L’ibuprofène, enfin, provoquerait des faux négatifs en CPG-SM avec le THCCOOH [56]. La substitution par des urines « propres » demeure le moyen le plus sûr d’échapper à un dépistage positif à condition que le recueil ne soit pas contrôlé de manière
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Drogues et accidentalité
trop stricte. Les dispositifs sont multiples, des réservoirs « artisanaux » cousus dans les sous-vêtements à des préservatifs dissimulés dans l’anus délivrant l’urine par un tuyau fixé le long du périnée [51]. Des procédés plus sophistiqués sont disponibles sur Internet, tel que le Whizzinator, pénis artificiel fourni avec de l’urine déshydratée, ou l’Urinator, constitué d’un réservoir maintenu à température constante par un module électronique, et relié à une canule placée près de l’urètre [51].
8.5.2 Prévention et dépistage d’une adultération Un certain nombre de mesures doivent être respectées pour limiter le risque de falsification et assurer l’intégrité et l’authenticité du prélèvement depuis le site où il a été effectué jusqu’au laboratoire. Les recommandations les plus précises à ce jour sont celles de la SAMHSA dans la dernière version du Mandatory Guidelines for Federal Workplace Drug Testing de 2004 [8]. Le recueil est une étape particulièrement importante de cette procédure. La personne chargée du recueil doit être correctement formée pour superviser la réalisation des prélèvements. Un certain nombre de mesures visant à s’assurer de la compétence et de l’impartialité du préleveur sont à respecter. Le site de prélèvement fait également l’objet de nombreuses précautions. Il doit être équipé de toilettes de manière à respecter l’intimité du donneur le temps du prélèvement. Si le site de prélèvement est équipé d’un point d’eau, celui-ci ne doit pas se trouver à l’intérieur des toilettes de manière à éviter tout risque de dilution du prélèvement. L’adjonction d’un agent bleuissant dans les toilettes ainsi que dans l’eau de rinçage peut être utile pour détecter une éventuelle dilution. Le donneur ne doit pas accéder aux toilettes muni d’effets personnels superflus. Il doit également vider ses poches et se laver les mains devant le responsable du prélèvement. Il s’isole ensuite afin de réaliser le prélèvement. L’urine est collectée dans des pots stériles d’une contenance minimale de 30 mL. Si le prélèvement est plus abondant, un second flacon de 15 mL minimum peut être fourni. Si le prélèvement est de plus faible volume, il est conseillé de faire boire le donneur jusqu’à obtention d’un nouveau prélèvement de 30 mL. Un certain nombre d’observations doivent être faites immédiatement, sur le site de prélèvement, afin de détecter toute tentative d’adultération. Ces observations portent sur la température, la couleur, l’aspect, le pH et la densité du prélèvement. La couleur de l’urine doit être notée. Normalement jaune clair ou transparente, elle peut être plus sombre si elle est prélevée lors de la première miction du matin. Une couleur trop claire, trop foncée ou franchement anormale (orangée) doit être relevée, de même qu’un aspect « mousseux ». La température doit être mesurée très rapidement. Elle est normalement comprise entre 32 et 38 °C dans les 4 min qui suivent le prélèvement, et supérieure à 33 °C au bout de 15 min [57]. Une température inférieure à ces chiffres doit faire évoquer une substitution [5]. Dans ce cas, un second prélèvement sous observation directe du préleveur est recommandé. La créatininurie doit également être mesurée le plus précocement possible pour dépister une tentative de dilution. Différents cut-offs pour la créatitinurie, en deçà
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Dépistage urinaire
desquels le risque de dilution doit être évoqué, ont été proposés : 300 mg/L [58], 250 mg/L [59] et 200 mg/L pour la SAMHSA [60]. Récemment, Arndt [61] a souligné le fait que la créatininurie est significativement plus faible chez les femmes que chez les hommes du fait d’une masse musculaire généralement inférieure, et qu’il serait donc utile d’envisager des cut-offs différents suivant le sexe. Quoi qu’il en soit, une créatininurie inférieure à 50 mg/L indique que l’échantillon ne contient pas de l’urine humaine [60]. La mesure du pH, normalement compris entre 4,5 et 8, est également un élément d’orientation. Tout pH inférieur à 3 ou supérieur à 11 doit faire suspecter une adultération [57]. La gravité doit être normalement comprise entre 1,010 et 1,025). Tout résultat inférieur à 1,002 ou supérieur à 1,020 doit également faire rechercher une adultération [60]. Les adultérants les plus courants (nitrites, PCC, glutaraldéhyde, etc.) doivent également être recherchés. En pratique, des tests de détection rapide sont disponibles pour effectuer sur site ces premières mesures. Citons notamment Intect® 7 (Bioscan Screening System Inc.) et AdultaCheck® 6 (Sciteck Diagnostics, Inc.) qui permettent de mesurer le pH, la gravité, la créatinine, et de détecter la présence de nitrites, PCC et glutaraldéhyde [62], et, pour les plus récents, AdultaCheck® 10, qui ajoute aux performances d’Adultachek® 6 la recherche des oxydants et dérivés halogénés [30]. Ces résultats devront naturellement être validés au laboratoire par des techniques de confirmation. L’acheminement et la prise en charge de l’échantillon au laboratoire devront également respecter une chaîne stricte de qualité, l’ensemble de ces procédures visant à limiter au maximum les erreurs pré-analytiques [63].
8.5.3 Périodes analytique et post-analytique Les erreurs analytiques classiques sont actuellement correctement maîtrisées dans la majorité des laboratoires par une validation correcte des méthodes, par l’utilisation de contrôles internes ainsi que par la participation à des programmes externes de contrôle de la qualité. Avec les systèmes automatisés, une erreur fréquente mais aujourd’hui bien maîtrisée par la plupart des constructeurs est la contamination inter-échantillons. La principale source d’erreur en immunoanalyse, bien connue des biologistes, demeure le faux positif par réaction croisée entre la molécule à rechercher et une autre molécule. Il peut s’agir de composés endogènes (acétone, bilirubine, créatinine, glucose) ou exogènes (médicaments, drogues d’abus), sous forme de molécule mère ou de métabolite, de structure chimique apparentée ou complètement différente [64]. Ces réactions croisées dépendent également de la technique utilisée et du seuil de positivité fixé par le constructeur, l’une des solutions souvent utilisée pour contourner ce problème consistant précisément à augmenter le seuil de positivité de la technique lorsque cela s’avère possible, notamment avec les tests instrumentaux. Les constructeurs testent classiquement la réactivité croisée d’un grand nombre de composés endogènes et exogènes usuels, mais de nouvelles réactions croisées sont régulièrement décrites dans la littérature.
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Drogues et accidentalité
Parmi les plus connues, citons celle entre le cannabis et l’acide niflumique, observée sur des techniques immunochromatographiques type Triage® 8 et DakoRapide® [65] ainsi que sur les tests Syva® RapidTest d.a.u.® et la trousse Roche® sur Cobas Integra® [66], alors qu’aucune interférence n’est notée en FPIA ou sur les kits EMIT II® de Dade Behring [65,66]. L’efavirenz (Sustiva®), antiviral de la famille des inhibiteurs de la transcriptase inverse, est également connu pour induire quelques rares résultats faux positifs avec le cannabis en EMIT II® [67]. Les quinolones induisent pour leur part des faux positifs pour les opiacés avec différentes techniques de dépistage : la lévofloxacine et l’ofloxacine avec les trousses Abbott pour Axsym®, CEDIA®, EMIT II® et Roche Online Assays®, la pefloxacine avec les techniques CEDIA®, EMIT II® et Roche Online Assays®, l’enoxacine avec les techniques CEDIA® et EMIT II®, la lomefloxacine, la moxifloxacine, la ciprofloxacine et la norfloxacine avec Roche Online Assays® [68]. Des faux positifs pour la méthadone ont été décrits avec la quétiapine [69], la cyamémazine et la lévopromazine [70] sur le test Roche Diagnostics ONLINE DAT® II. La quétiapine provoque également des faux positifs pour les antidépresseurs tricycliques avec le Syva® RapidTest d.a.u.® et Biosite Triage® 8 [71]. Le fentanyl induit des faux positifs pour le LSD en Syva® EMIT II® et CEDIA® [72], la venlafaxine et son dérivé déméthylé pour le PCP avec le Syva® RapidTest d.a.u.® 9 [73]. La liste des molécules induisant des faux positifs pour les amphétamines est longue. Hormis les amines de putréfaction qui provoquent des faux positifs sur des échantillons post-mortem, de nombreuses molécules sont susceptibles de provoquer des réactions croisées avec les urines chez le sujet vivant. Le bupropion provoque ainsi des faux positifs pour les amphétamines et le LSD avec CEDIA® [74], la benzathine avec le kit Syva® Emit I® polyclonal amphétamines/méthamphétamines, mais pas avec le kit Emit II® monoclonal, et en FPIA [75]. La prométhazine induit des faux positifs avec le test monoclonal EMIT II® Plus Amphetamine/Metamphetamine, mais pas avec l’EMIT II® Plus Amphetamine, le TesTcard® 9 amphetamine et le Triage® Metamphetamine [76], la ranitidine avec le kit Emit II® monoclonal [77], la mébévérine en FPIA [78], le buflomedil avec le test monoclonal EMIT II® Plus Amphetamine/Metamphetamine [79]. La pseudoéphédrine contenue dans les décongestionnants des voies aériennes est susceptible de provoquer des faux positifs en FPIA avec des seuils de positivité à 300 ng/mL, mais pas pour des valeurs plus élevées [80]. Elle provoque également des faux positifs avec le test EMIT d.a.u.® polyclonal, mais pas avec le monoclonal [81]. Enfin, de nombreuses molécules entrant dans la composition de divers médicaments peuvent engendrer des faux positifs avec différentes techniques [82]. La fréquence de ces faux positifs et les enjeux potentiels pour l’individu concerné nécessitent naturellement d’analyser tout échantillon positif par une technique dite de confirmation. Les méthodes chromatographiques, idéalement couplées à la spectrométrie de masse, sont recommandées pour la confirmation des échantillons positifs.
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Dépistage urinaire
En période post-analytique, il faut veiller à congeler immédiatement le reste de l’échantillon afin d’éviter toute dégradation des molécules au cas où une confirmation s’avèrerait nécessaire.
8.6 Conclusion Le dépistage urinaire, largement utilisé pour rechercher une éventuelle exposition à une substance psychoactive, est une procédure plus complexe qu’il n’y paraît du fait de la multiplicité des techniques disponibles, de la nécessité de mettre en place des procédures complexes pour éviter toute falsification du prélèvement, et de bien connaître les performances du test utilisé afin d’éviter toute interprétation par excès. Gardons enfin à l’esprit qu’un dépistage urinaire positif n’indique qu’une exposition récente, mais ne permet en aucun cas de différencier un usage occasionnel d’un usage répété ou chronique.
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234
9
Alain Verstraete1
Le dépistage salivaire Depuis une dizaine d’années, les scientifiques, les responsables politiques, les industriels et les forces de police s’intéressent au dépistage rapide des drogues dans la salive, surtout pour le contrôle des conducteurs. Si les premières générations de tests manquaient de fiabilité, la situation s’améliore progressivement. Différents États et pays comme la France, la Belgique et cinq États australiens ont une législation qui prévoit l’usage de tests salivaires (voir chapitre 2). Ce chapitre abordera la physiologie de la salive et de la présence de drogues dans la salive, le prélèvement et la conservation de l’échantillon, les données sur les concentrations et la cinétique des différentes drogues dans la salive, les fenêtres de détection, la corrélation entre les concentrations salivaires des drogues et les effets, les méthodes analytiques de dépistage et de confirmation et enfin les différents types de tests salivaires et les études sur leur fiabilité.
1. Laboratoire de biologie clinique, Hôpital universitaire, Département de biologie clinique, microbiologie et immunologie, Faculté de Médecine, Université de Gand, Belgique.
235
Drogues et accidentalité
9.1 Passage des drogues dans la salive 9.1.1 Physiologie de la salive Dans la littérature, l’on rencontre de plus en plus le terme de fluide oral au lieu de la salive. Ceci parce que le liquide qui est utilisé pour les tests est plus que de la salive proprement dite. La salive mixte, la matrice la plus aisément accessible et la plus utilisée pour l’analyse des drogues, est constituée principalement des sécrétions des glandes sous-maxillaires (65 %), parotides (23 %) et sublinguales (4 %). Le débit salivaire total est de 500 à 1 500 mL par jour, ou entre 0 et 6 mL par minute. Au repos [1], ce sont surtout les glandes sous-maxillaires et sublinguales qui produisent la salive, qui est alors très visqueuse et riche en protéines, et le pH est de 7,0. Dans des conditions de stimulation, c’est surtout la glande parotide qui produit la salive, et le bicarbonate est l’agent tampon le plus important. D’autres sources de fluide oral sont le sulcus créviculaire gingival et entre 450 et 750 glandes salivaires mineures [1]. La formation de la salive primaire a lieu au niveau des extrémités des canaux excréteurs des glandes salivaires principales. Au fur et à mesure qu’elle parcourt le système des canaux, la salive devient de plus en plus hypotonique. L’osmolarité salivaire, toujours inférieure à celle du plasma, s’élève avec l’accroissement du débit salivaire, ce qui s’accompagne généralement d’une augmentation du pH, qui tend alors à approcher le pH plasmatique ou même à le dépasser (pH de 7,8). Le pH salivaire au repos est de 6,8. La salive mixte est composée à 99 % d’eau. Elle contient également des sels minéraux et des protéines telles que des mucines (lipoprotéines ayant un rôle de lubrification) et des enzymes de digestion. Les concentrations en électrolytes et le volume de salive sont influencés par le moment dans la journée (rythme circadien) et les stimulus divers. La formation de la salive est stimulée par le goût et les odeurs, la stimulation mécanique (mastication), la douleur, les changements hormonaux de la grossesse, l’agression et les médicaments sympaticomimétiques et parasympaticomimétiques. Inversement, les changements hormonaux dus à la ménopause, le stress, les médicaments anti-adrénergiques et anticholinergiques diminuent la production de salive. Donc le volume et la composition de la salive peuvent changer au cours de la journée. En conséquence, la concentration des composants salivaires dépendra de la coopération du sujet, de sa condition psychologique (par exemple s’il est fâché ou s’il a peur), de ses caractéristiques personnelles (héréditaires et hygiène de la bouche), de l’utilisation de médicaments, de la méthode de collecte de l’échantillon (y compris la durée et le type de stimulation) et de l’heure. Ceci est une différence majeure avec le sang, où les concentrations varient moins [1].
236
Le dépistage salivaire
9.1.2 Mécanismes d’excrétion salivaire Bien que les glandes salivaires soient hautement vascularisées, la sécrétion salivaire primaire n’est pas un ultrafiltrat. Plusieurs mécanismes ont été proposés pour expliquer le passage des drogues dans la salive. Les plus petites molécules, comme l’éthanol, filtrent librement à travers les membranes par les pores. Un mécanisme de transport actif a été suggéré pour certains médicaments telles que la pénicilline, le métoprolol et le méthotrexate. La plupart des médicaments semblent entrer dans la salive par un simple mécanisme de diffusion passive dépendant de leurs propriétés physicochimiques (pKa, liposolubilité, poids moléculaire et configuration spatiale), de leur liaison aux protéines plasmatiques ainsi que des pH plasmatique et salivaire. Les médicaments lipophiles et faiblement ionisés passent donc aisément la barrière entre le plasma et la salive, la concentration salivaire étant le reflet de la concentration plasmatique de la molécule sous forme libre. Pour des drogues faiblement basiques, la concentration salivaire est fortement liée au pH de la salive. Pour les drogues ayant un pKa proche du pH de la salive, un faible changement de pH induit un changement important du degré d’ionisation reflété par le rapport salive/plasma (S/P). Ceci est peut-être la raison pour laquelle les rapports S/P déterminés expérimentalement sont différents des valeurs théoriques calculées à partir des équations de Henderson-Hasselbach [2]. En effet, les protocoles de recueil salivaire sont très variables selon les études.
9.2 Prélèvement Le prélèvement de salive est considéré comme non invasif et peut être effectué sous contrôle visuel par des officiers de police bien formés, pour réduire les risques d’adultération. En pratique, un échantillon de salive peut être collecté en crachant dans un récipient, en balayant la cavité orale avec un coton-tige ou en stimulant la production salivaire avec des bonbons acides, des cristaux d’acide citrique, ou en mastiquant un matériau inerte tel que le Teflon. Tenant compte du fait que la concentration des drogues dans la salive est susceptible de diminuer parallèlement à l’accroissement du flux salivaire, il pourrait être intéressant de collecter la salive non stimulée. D’autre part, une assez forte réticence peut être observée chez un bon nombre d’individus envers l’action de cracher. Certains individus produisent plus de mousse que la quantité de liquide nécessaire à l’analyse. De plus, un flux salivaire réduit peut être observé suite à la consommation d’amphétamines, de cannabis et de certains antidépresseurs. La salive « stimulée » a été utilisée dans beaucoup d’études contrôlées et certains outils spécifiques ont même été mis au point pour en faciliter le prélèvement et pour obtenir un échantillon de salive plus propre et plus facile à analyser. Langel et coll. [3] ont comparé 10 systèmes différents pour obtenir du fluide oral. Les résultats de leur étude sont résumés dans le tableau 9.1. Le seul système qui présentait un rendement de plus de 80 % pour toutes les molécules testées est le StatSure™ Saliva•Sampler™. C’est ce moyen qui a été choisi pour la grande étude épidémiologique DRUID.
237
Drogues et accidentalité
TABLEAU 9.1 Pourcentage de produit extrait de la salive par les différents systèmes de collecte de salive (n = 6) [3].
Quantisal Statsure Cozart Intercept Greiner OraCol Salivette OraTube Salicule Tube en plastic
Amphétamine
Cocaïne
Morphine
THC
Éthanol
90* 89* 75 103* 86 69* 52 78 98 102
82* 86 76 97* 98 35* 33 87 97 102*
83* 88 81 92 98 82 35 77 100 100
56 85* 76 38 74* < 12 < 12 48 46* 75
90 80 99 95 96 91 106 91 97 100
* Molécules pour lesquelles la concentration était de moins de 80 % après 28 jours à –18 °C (sauf Greiner : 4 °C ; non étudié pour l’éthanol).
9.3 Conservation de la salive Les échantillons doivent de préférence être centrifugés afin d’éliminer les particules. Cependant, ceci peut influencer la concentration du THC (Δ9-tétrahydrocannabinol) [4]. Ils doivent être conservés à –20 °C afin d’assurer une stabilité optimale des analytes ; il est intéressant de remarquer que l’action de congeler et de dégeler l’échantillon en abaisse la viscosité. La collection et la conservation se fait en général dans des tubes en plastique. Dans certaines études impliquant la recherche de cocaïne et d’héroïne, une solution de 5 % de fluorure de sodium a été ajoutée aux tubes de collection en polypropylène. La cocaïne présente dans la salive, conservée dans un récipient en plastique en l’absence d’additifs, est stable pendant au moins une semaine à 4 °C. L’emploi d’acide citrique ou de friandises acides augmente la stabilité. La stabilité des cannabinoïdes dans la salive n’a pas été étudiée systématiquement ; l’usage de récipients en verre silylé de même que l’ajout de fluorure de sodium ont été rapportées. La stabilité a aussi été étudiée par Langel et coll. [3] pour les 10 systèmes d’échantillonnage étudiés. Les molécules pour lesquelles la concentration était de moins de 80 % après 28 jours sont mentionnées dans le tableau 9.1.
9.4 Toxicocinétique des drogues dans la salive Une des caractéristiques est que les molécules mères sont retrouvées dans le fluide oral, plutôt que les métabolites. La cinétique est parallèle à la cinétique des drogues dans le plasma ou le sang, bien que le rapport sang/fluide oral ne soit pas constant.
238
Le dépistage salivaire
9.4.1 Amphétamines Les taux salivaires d’amphétamine et de méthamphétamine après administration unique par la voie orale, intraveineuse ou fumée, sont au moins 3 à 10 fois supérieurs aux taux plasmatiques. Le délai pendant lequel ces molécules peuvent être détectées dans ce milieu peut atteindre deux jours lorsque des méthodes analytiques sensibles (limite de quantification d’au moins 10 ng/mL) sont utilisées. Il est fonction du pH urinaire et du pH salivaire. Après administration orale de 100 mg de chlorhydrate de N-méthyl-benzodioxazolyl-butanamine (MBDB) à un sujet, la molécule est détectable dans la salive jusqu’à la dix-septième heure (limite de détection de 2 ng/mL). La concentration de la substance mère reste supérieure à celle de son métabolite (BDB). La durée de détection salivaire est très certainement favorisée par une structure liposoluble aminée [5]. Un test positif pour l’amphétamine (sans méthamphétamine) indique l’usage d’amphétamine, mais il faut exclure la possibilité que l’amphétamine soit présente par la métabolisation d’un médicament.
Métabolisation des médicaments Les médicaments suivants sont métabolisés en l’amphétamine ou méthamphétamine : amfétaminil (amphétamine seule), benzphétamine (amphétamine et méthamphétamine), clobenzorex (amphétamine seule), diméthylamphétamine (amphétamine et méthamphétamine), éthylamphétamine (amphétamine seule), famprofazone (amphétamine et méthamphétamine), fencamine (amphétamine et méthamphétamine), fénéthylline (amphétamine seule), fenproporex (amphétamine seule), furfénorex (amphétamine et méthamphétamine), méfénorex (amphétamine seule), mésocarb (amphétamine seule), prénylamine (amphétamine seule) et sélégiline (amphétamine et méthamphétamine)[6].
À l’heure actuelle, aucune étude n’a été publiée sur le risque d’un test positif suite à la fumée passive, mais cela semble peu probable.
9.4.2 Benzodiazépines Les concentrations salivaires ne dépassent que très rarement quelques ng/mL et elles ne sont parfois pas supérieures à quelques pg/mL. Ceci est expliqué par la forte liaison des benzodiazépines aux protéines du sang. La détection des benzodiazépines dans la salive implique donc l’utilisation de techniques analytiques très sensibles. Une étude effectuée sur un groupe de volontaires soumis à une consommation chronique de diazépam, dans le cadre de la conduite automobile, a permis de montrer que la concentration salivaire de diazépam et de N-desméthyldiazépam varie de 1,2 à 23,0 ng/mL. Une bonne corrélation a été observée entre
239
Drogues et accidentalité
la concentration salivaire et plasmatique ; aucune corrélation avec une diminution de performance n’a pu être établie [7]. Le diazépam peut être détecté pendant 2 à 50 h dans le fluide oral.
9.4.3 Cannabinoïdes Les cannabinoïdes ne sont pas ou très peu excrétés dans la salive, mais leur voie d’administration étant quasiment toujours buccale, le Δ9-tétrahydrocannabinol (THC) est détectable dans ce milieu pendant plusieurs heures, suite à la contamination due à la fumée inhalée. Dans la demi-heure suivant l’inhalation, des concentrations salivaires de THC supérieures à 100 ng/mL peuvent être mesurées. Pendant les premières heures, les concentrations salivaires sont plus élevées que les concentrations plasmatiques. Le THC reste détectable durant 3 à 6 h en moyenne par la plupart des méthodes analytiques (limite de quantification de 1 à 20 ng/mL). La recherche du THC dans la salive semble préférable à l’analyse urinaire en cas d’une exposition récente au cannabis. Le métabolite THC-COOH a été détecté à des concentrations très basses (10–142 pg/mL) dans 21 échantillons [8]. Plus tard, une méthode par CPGCPG-SM a été publiée, qui a une a limite de quantification de 2 pg/mL de THC-COOH [9].
9.4.4 Cocaïne De nombreuses publications ont décrit l’excrétion de la cocaïne et de ses métabolites dans la salive. La cocaïne est toujours l’analyte prédominant identifié et les rapports S/P mesurés sont supérieurs à 1. L’étude la plus complète concernant l’excrétion de la cocaïne dans la salive a été publiée en 1997 par l’équipe de Cone [10]. La cocaïne peut être détectée dans la salive durant une période comprise entre 4 et 12 h après une administration unique de drogue par voie intraveineuse, intranasale (sniffée) ou par inhalation (fumée). La contamination de la cavité buccale après la consommation sous forme sniffée ou fumée est variable mais significative durant les deux premières heures consécutives à l’administration. De l’anhydroecgonine méthylester (AEME) est détecté pendant une brève période dans la salive lorsque la drogue est fumée. Cette substance peut donc être utilisée comme marqueur en cas de consommation récente de crack [11]. Les concentrations de benzoylecgonine (BE) et d’ecgonine méthylester (EME) sont très faibles par rapport à la concentration de cocaïne et restent en dessous de 100 ng/mL. Des méthodes analytiques suffisamment sensibles ayant une limite de détection de 5 à 10 ng/mL permettent de détecter les métabolites qui apparaissent un peu plus tard dans la salive.
240
Le dépistage salivaire
Interprétation des résultats pour la cocaïne Cone et Huestis [6] ont proposé les règles suivantes pour l’interprétation des résultats de la détection de la cocaïne dans le fluide oral :
– test positif pour la cocaïne, pas de benzoylecgonine : usage très récent de cocaïne (< 8 h) ; – test positif pour la cocaïne et la benzoylecgonine : concentration cocaïne > benzoylecgonine : usage de cocaïne probablement 2–8 h avant la prise de l’échantillon ; – test positif pour la cocaïne et la benzoylecgonine : concentration cocaïne < benzoylecgonine : usage de cocaïne 12 h auparavant pour les utilisateurs occasionnels et jusqu’à 48 h auparavant pour les usagers quotidiens ; – test positif pour la benzoylecgonine, pas de cocaïne : usage probable de cocaïne 48 h auparavant pour les utilisateurs occasionnels et 48–96 h auparavant pour les usagers quotidiens.
9.4.5 Opiacés L’héroïne peut être détectée dans la salive après une administration unique par injection intraveineuse, inhalation (fumée) ou par la voie intranasale (sniffée). Après injection intraveineuse, l’héroïne est détectable pendant moins d’une heure dans la salive, la 6-AM (6-acétylmorphine) pendant 1 à 4 h et la morphine pendant 12 h. Après administration par cigarette, les concentrations maximales d’héroïne et de 6-AM et les rapports salive/sang au cours des premières heures sont beaucoup plus élevées. L’héroïne est détectable de 2 à 24 h, la 6-AM pendant 1 à 4 h [12, 13]. Comme pour la cocaïne, la contamination de la cavité buccale après une consommation par inhalation d’héroïne base est à l’origine des valeurs élevées du rapport salive/sang. La codéine est détectable dans la salive durant une période de 9 à 12 h après administration orale de 60 mg de phosphate de codéine (limite de détection – LDD : 5 ng/mL). les rapports salive/plasma sont supérieurs à 1 [14].
241
Drogues et accidentalité
Interprétation des résultats pour la cocaïne Cone et Huestis [6] ont proposé les règles suivantes pour l’interprétation des résultats des opiacés dans le fluide oral :
– test positif pour l’héroïne, la 6-acétylmorphine et la morphine : usage d’héroïne ; – test positif pour la 6-acetylmorphine et la morphine : usage d’héroïne ; – test positif pour la 6-acetylmorphine (seule) : usage d’héroïne, compatible avec une usage très récent ;
– test positif pour la morphine (seule) : usage d’héroïne ou de morphine, ou ingestion de grains de pavots une heure avant le prélèvement ; – test positif pour la morphine et la codéine, concentration codéine » concentration morphine : usage de codéine ; – test positif pour la morphine et la codéine, concentration morphine ≥ concentration codéine : usage possible d’héroïne ou de morphine ; la présence de codéine peut être expliquée par l’impureté de l’héroïne ou par l’usage secondaire en combinaison avec l’héroïne, mais généralement en basse concentration. Une autre explication est l’ingestion de grains de pavots une heure avant le prélèvement.
9.5 Fenêtre de detection des drogues dans le fluide oral Dans la salive, l’amphétamine peut être détectée pendant 20 à 50 h (LDD : 10 ng/ mL)[15]. Vingt-quatre heures après l’administration de 100 mg de MDMA chez 8 sujets, la concentration était de 13,5 (déviation standard – DS : 18,6) ng/mL dans le sang et de 126,2 (DS : 101,8) ng/mL dans la salive. Niedbala et coll. ont mesuré les concentrations salivaires du THC après administration orale ou fumée de marihuana. Les LDD étaient respectivement de 1 ng/mL et 0,5 ng/mL pour l’ELISA et la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse en tandem (CPG-SM/SM). Toutes les analyses étaient positives jusqu’à 15 h (extrêmes : 1–24 par ELISA et 13 h (1–24) par CPG-SM/SM. Les fenêtres de détection (dernier échantillon positif ) étaient de 31 h (1–72) par ELISA et 34 h (1–72) par CPG-SM/SM [16, 17], mais les sujets n’étaient surveillés que pendant les 8 premières heures et une nouvelle prise de cannabis après 8 h ne peut être exclue. Dans la salive, on peut détecter la cocaïne pendant 5 à 12 h après une dose unique. En utilisant des méthodes capables de détecter 1 ng/mL, on peut également détecter la benzoylecgonine pendant 12 à 24 h. Chez les utilisateurs chroniques, la fenêtre de détection peut atteindre 10 jours (LDD 0,5 ng/mL). Dans la salive, la 6-acétylmorphine est détectable (LDD 1 ng/mL) pendant 0,5 à 8 h et la morphine pendant 12 à 24 h [18]. Samyn et coll. ont détecté le flunitrazépam et le 7-aminoflunitrazépam dans la salive après administration d’un milligramme de Rohypnol®.
242
Le dépistage salivaire
La durée de détection (LDD 50 pg/mL pour le flunitrazépam, 100 pg/mL pour le 7-aminoflunitrazépam) ne dépassait pas 6 h (19). Les fenêtres de détection des différentes drogues dans le fluide oral sont résumées dans le tableau 9.2 [20]. TABLEAU 9.2 Fenêtres de détection des drogues dans la salive [20]. Drogue Amphétamine MDMA
Dose (mg) Voie
Analyte
PO
Amphétamine
10
20–50
100/PO
MDMA
126
24
Limite de Fenêtre de détection détection (ng/mL) (heures)
Cannabis
20–25/FU
THC
0,5
34
Cocaïne
25–42 IV/ IN/FU
Cocaïne Benzoylecgonine
1 1
5–12 12–24
Héroïne
20/IV
6-Acétylmorphine
1
0,5–8
Morphine
20/IM
Morphine
1
12–24
PO : prise orale ; FU : fumée ; : intraveineuse ; IN, intranasale ; IM : intramusculaire. MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine.
9.6 Corrélation entre les concentrations salivaires et sanguines ou plasmatiques Les concentrations salivaires de nombreuses substances seraient corrélées aux concentrations plasmatiques. Dans la majorité des publications disponibles, il apparaît cependant que les cinétiques salivaires des xénobiotiques diffèrent notablement des cinétiques sanguines, ce qui implique que la valeur diagnostique de la salive doit être étudiée séparément pour chaque analyte. La durée des effets pharmacologiques de la cocaïne est équivalente ou légèrement inférieure au temps de détection de la cocaïne dans le plasma et la salive. Bien que la corrélation entre la concentration salivaire et les effets pharmacologiques ne puisse pas toujours être établie, suite à une contamination de la cavité buccale ou à la stimulation du flux salivaire, la présence de cocaïne dans la salive peut raisonnablement être associée à un usage récent. Des études récentes [21] ont montré que la corrélation entre les concentrations salivaires et sanguines n’est pas bonne pour beaucoup de molécules et qu’il existe une grande variation dans les rapports salive/sang. La figure 9.1 montre la corrélation pour les concentrations de THC mesurées dans l’étude ROSITA-2. Le tableau 9.3 montre quelques rapports salive/sang décrits dans la littérature.
243
Drogues et accidentalité
4
LOG (THC fluide oral)
3 2 1 0 -1 -2 -1.0
-0.5
0.0
0.5 LOG (THC sang)
1.0
1.5
2.0
FIG. 9.1 Corrélation entre les concentrations salivaires et sanguines (échelle logarithmique) du THC dans l’étude ROSITA-2 (n = 286, r2 = 0,205).
9.7 Corrélation entre les concentrations salivaires et les effets des drogues Dans plusieurs études, on a cherché s’il existe une corrélation entre la concentration des drogues dans la salive et leurs effets pharmacologiques. Pour des amphétamines, aucune corrélation n’a été démontrée jusqu’ici. Pour le cannabis, une corrélation significative a été observée entre les concentrations moyennes (mais pas les valeurs individuelles) dans la salive et le fait de sentir les effets de la drogue, le Digit Symbol Substitution Test et la fréquence cardiaque. Menkes et coll. ont trouvé une corrélation significative entre le logarithme de la concentration en THC dans la salive et la fréquence cardiaque ou les effets subjectifs. La corrélation entre le logarithme de la concentration en THC et l’intoxication était significative chez les différents sujets [22]. Ramaekers et coll. [23] ont démontré une relation linéaire faible entre l’affaiblissement des performances et la concentration de THC dans le fluide oral et le sérum : pour la tâche « critical tracking » p > 0,05, r = − 0,18 et pour la tâche « Tower of London » p = 0,006, r = − 0,35. Pour la cocaïne, un corrélation significative a été trouvée entre les concentrations de cocaïne dans la salive et les effets subjectifs de la drogue, les effets psychotomimétiques et la fréquence cardiaque (24). Cone et coll. (10) ont également prouvé que la durée des effets pharmacologiques (diamètre de la pupille, fréquence cardiaque, effet subjectif de la drogue) était généralement la même ou plus courte que la période de détection de la cocaïne dans la salive à un seuil de 25 ng/ mL. Pour la morphine, une relation dose-effets a été trouvée entre les concentrations salivaires de morphine et les dimensions de la pupille ou le comportement [25]. Une étude qui a comparé, chez des conducteurs suspectés de conduite sous l’influence des drogues, les résultats quantitatifs dans le fluide oral aux résultats correspondants dans le sang a indiqué que la valeur prédictive positive du fluide
244
Le dépistage salivaire
oral était 98, 92 et 90 % respectivement pour les amphétamines, la cocaïne et le cannabis [26]. En outre, les résultats du projet européen ROSITA ont indiqué que pour la plupart des drogues, la corrélation avec le sang est meilleure pour le fluide oral que pour l’urine. TABLEAU 9.3 Rapports fluide oral/plasma ou oral/sang* pour différentes drogues dans lalittérature (d’après [21]). Type de drogue Alcool (éthanol) Amphetamine
Benzoylecgonine
Codéine
Cocaïne
Diazépam Héroïne MDMA
Méthadone
Morphine
THC
Fluide oral/plasma ou oral/sang* 1,08 (1,06–1,09)* 2,8 6,6–20,2 15,3 (2,6–210) 13,4 (0,5–182,1) 0,4 (0,3–0,5) 0,6–1,3 0,9 (0,2–10,6) 3,7 (±0,3) 4,0 (±0,5) 7,5–43,7 9,6 (0,8–39,0) 0,5 3 8,7 (3,8–13,2) 15–36 21,8 (3,8–119,4) 0,01–0,02 0,02 (0,01- 0,15) IV : 0–1,9* fumée : 0–784* 6,4–18,1 0,8–22,4 1,0–16,5 5,6 (0,9–88,2) 0,5 (±0,1) 1,3 1,5–1,7 0,6–7,2 4,0–154,2 IV : 0–1,8* fumée : 0–29* 2,3 (0,8–5,7) 0,2–3,1 1,2 (±0,6) 46,2 (±27,0) (dose : 18,2 ± 2,8 mg) ; 35,8 (±20,3) (dose : 36,5 ± 5,6 mg) 15,4 (0,01– 568,9)
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine. THC : Δ9-tétrahydrocannabinol. IV : intraveineuse.
245
Drogues et accidentalité
9.8 Méthodes de dépistage Ces dernières années, des immuno-essais spécifiques pour la détection des drogues dans le fluide oral ont été développés. L’utilisation de tests urinaires n’est pas recommandée car : › la salive contient généralement les drogues parentes alors que les urines contiennent les métabolites de ces dernières ; › les concentrations présentes dans la salive sont beaucoup plus faibles que celles observées dans les urines. Certains auteurs ont essayé d’utiliser les tests urinaires pour la détection des drogues dans la salive, mais sans grand succès. En effet, la salive, plus visqueuse, cause des problèmes lors de l’utilisation d’un test urinaire. Généralement, les anticorps utilisés dans les immuno-essais pour rechercher la présence des drogues dans les urines possèdent une affinité élevée envers les métabolites urinaires principaux de ces mêmes drogues. La spécificité de ces anticorps pour la molécule mère est souvent beaucoup plus faible. Pour le dépistage, il existe trois techniques : les tests ELISA, les tests homogènes qui peuvent être adaptés sur un automate de chimie et les tests rapides. Les ELISA sont commercialisés par entre autres Orasure (Bethlehem, PA, États-Unis), IDS (St. Joseph, MI, États-Unis), Neogen (Lansing, MI, États-Unis) et Cozart (Abingdon, Royaume-Uni). La firme Roche développe actuellement des immuno-essais de dépistage de drogues dans la salive avec la technique KIMS (kinetic interaction of microparticles in solution). Ils étaient annoncés pour 2010. Les tests rapides, utilisables au bord de la route ont surtout été développés ces dix dernières années. Certaines considérations pratiques doivent être retenues concernant le dépistage des conducteurs sous l’emprise de stupéfiants. Tout comme dans le cas de l’alcool au volant, des contrôles systématiques, simples, non invasifs et fournissant un résultat quasi immédiat doivent pouvoir être effectués par des officiers de police ne disposant que d’une formation scientifique minimale. Il existe une demande pour des tests de dépistage pouvant être effectués sur le site même du prélèvement de l’échantillon. Il y a 25 ans, en 1984, Rodgers et coll. [27] ont développé un test rapide pour la détection du cannabis dans la salive. La limite de détection était de 10 ng/mL pour le THC-COOH. L’anticorps avait une réactivité croisée pour le THC, et le test était positif pendant 2 à 2,5 h après avoir fumé un joint de cannabis. Les premiers tests rapides de détection de drogues dans la salive disponibles sur le marché ont été le Securetec Drugwipe® [14, 28] et le Cozart® RapiScan [29]. L’encadré donne un aperçu des tests rapides qui sont actuellement disponibles. La plupart des tests utilisent un immuno-essai à flux latéral.
246
Le dépistage salivaire
Tests de détection des drogues dans la salive disponibles fin 2009 (Sites Internet visités le 18 mars 2009). Biosensor Applications Biosens® (www.biosensor.se) Branan Oratect® III (www.brananmedical.com) Cozart® DDS (www.cozart.biz) Draeger DrugTest® 5000 (www.draeger.com) Envitec Smartclip® (www.envitec.com) Innovacon OrAlert® (www.innovaconinc.com) Mavand RapidSTAT® (www.mavand.de) Ultimed SalivaScreen® (www.ultimed.org) Securetec Drugwipe® 5 + (www.securetec.net) Sun Oraline® (www.sunbiomed.com) Varian OraLab® (www.varianinc.com)
9.9 Évaluation des tests salivaires de terrain Différents auteurs ont testé la fiabilité des tests salivaires [28–42]. L’étude européenne ROSITA-2 a évalué les tests salivaires [21] entre 2003 et 2005. Beaucoup de tests n’étaient pas au point et fonctionnaient mal. Le tableau 9.4 résume le pourcentage de tests qui ne produisaient pas de résultat en raison de mauvais fonctionnements : salive trop visqueuse ou problèmes de lecture électronique. Seul deux tests fonctionnaient dans plus de 95 % des cas : le Cozart® RapiScan et le Securetec Drugwipe®. Le tableau 9.5 décrit les résultats analytiques des différents tests, comparés à une méthode de référence (CPG-SM) dans la salive. Les résultats sont difficiles à comparer en raison des nombres différents de tests effectués et des différences de prévalence dans la population étudiée. La sensibilité varie selon le test utilisé entre 40 et 83 % pour les amphétamines, 33 et 69 % pour les benzodiazépines, 0 et 74 % pour le cannabis, 0 et 97 % pour la cocaïne et 51 et 100 % pour les opiacés. La spécificité est toujours supérieure à 80 % sauf pour le cannabis sur le Cozart® RapiScan. L’exactitude est de plus de 95 % pour seulement 9 des 36 évaluations (4 tests détectent 4 types de drogues, 4 en détectent 5). Walsh note une amélioration des tests rapides qui est une raison d’optimisme pour les développements futurs [43].
247
Drogues et accidentalité
TABLEAU 9.4 Nombre et pourcentage de tests ne donnant pas de résultat dans l’étude ROSITA-2 Nombre de tests ne donnant pas de résultat Cozart RapiScan 0 Securetec Drugwipe 50 American Biomedica Oralstat 3 Dräger DrugTest 52 Varian Oralab 61 Lifepoint Impact 14 Branan Oratect II 20 Sun Oraline 15 Ultimed Salivascreen 33 Branan Oratect 87 Total 335 Test
Total
%
40 1 364 52 592 234 44 53 38 70 118 2 605
0 4 6 9 26 32 38 39 47 74 13
Laloup et coll. ont trouvé une sensibilité et une exactitude de respectivement 49,5 % en 55,0 % pour le dépistade du THC par le Dräger DrugTest® [44]. Cirimele et coll. [34] ont observé que 9 échantillons avec des concentrations de THC entre 3 et 265 ng/mL donnaient un résultat positif avec le OraLine ive s.a.t., alors que 4 échantillons contenant entre 1 et 13 ng/mL donnaient un résultat négatif. Il y avait aussi un faux positif. Le test était positif pendant 1,5 à 2 h après avoir fumé une cigarette contenant 25 mg de THC. Pour la détection des amphétamines, le Cozart® RapiScan System [29] avait une sensibilité, spécificité et exactitude de respectivement 96,6 %, 96,8 % et 96,8 % en utilisant un seuil de dépistage de 45 ng/ mL pour le RapiScan et un seuil de confirmation de 45 ng/mL par CPG-SM. Une évaluation du Drugwipe 5 [41] trouvait des sensibilités, spécificités et exactitudes entre 92 en 100 % pour les amphétamines et les opiacés. Pour les benzodiazépines les valeurs variaient entre 74 et 85 %. Pour le cannabis, elles étaient de respectivement 52,2 %, 91,2 % en 85,1 % et pour la cocaïne 50 %, 99,3 % et 98,6 %. Kintz et coll. [45] ont démontré que le Cozart DDSV pouvait détecter le cannabis pendant 2 à 3 h après le dernier usage.
248
Le dépistage salivaire
TABLEAU 9.5 Nombre de tests effectués, prévalence, nombre de vrais positifs et négatifs, de faux positifs et négatifs, sensibilité, spécificité et exactitude des différents tests salivaires pour la détection des amphétamines, benzodiazépines, cannabinoïdes, cocaïne et opiacés, comparé à une méthode de référence (CPG-SM) dans la salive prélevée par le système Intercept. Total
Préval (%)
VP
VN
FP
FN
Sensib. (%) Spécif. (%) Exact. (%)
Drugwipe
726
33,7
204
463
18
41
83,3
96,3
OraLab
187
1,6
2
181
3
1
66,7
98,4
97,9
OraLine
22
31,8
5
15
0
2
71,4
100,0
90,9 86,4
Amphétamines 91,9
OralStat
44
54,5
19
19
1
5
79,2
95,0
Oratect
29
13,8
3
25
0
1
75,0
100,0
96,6
RapiScan
40
12,5
2
28
7
3
40,0
80,0
75,0
SalivaScreen
37
24,3
7
28
0
2
77,8
100,0
94,6
Drugtest
583
7,7
29
491
47
16
64,4
91,3
89,2
Benzodiazépines Total
242
31,8
51
147
18
26
66,2
89,1
81,8
Drugwipe
165
41,2
47
86
11
21
69,1
88,7
80,6
RapiScan
40
15,0
2
29
5
4
33,3
85,3
77,5
SalivaScreen
37
8,1
2
32
2
1
66,7
94,1
91,9
Drugwipe
722
31,2
76
457
40
149
33,8
92,0
73,8
OraLab
170
13,5
17
146
1
6
73,9
99,3
95,9
OraLine
22
18,2
1
18
0
3
25,0
100,0
86,4
OralStat
44
61,4
8
16
1
19
29,6
94,1
54,5
Oratect
29
17,2
0
22
2
5
0,0
91,7
75,9
RapiScan
44
45,5
13
14
6
7
65,0
70,0
67,5
SalivaScreen
37
48,6
6
17
2
12
33,3
89,5
62,2
Drugtest
591
46,5
155
284
32
120
56,4
89,9
74,3
Drugwipe
725
15,4
77
590
23
35
68,8
96,2
92,0
OraLab
187
19,3
35
146
5
1
97,2
96,7
96,8
OraLine
24
4,2
0
19
2
1
0,0
90,5
86,4 90,9
Cannabis
Cocaïne
OralStat
44
9,1
2
38
2
2
50,0
95,0
Oratect
29
24,1
3
22
0
4
42,9
100,0
86,2
RapiScan
40
22,5
6
29
2
3
66,7
93,5
87,5
SalivaScreen
37
32,4
9
25
0
3
75,0
100,0
91,9
Drugtest
583
23,5
114
437
45
23
83,2
90,7
89,0
Drugwipe
725
9,5
35
640
16
34
50,7
97,6
93,1
OraLab
187
3,7
7
180
0
0
100,0
100,0
100,0
OraLine
22
68,2
13
6
1
2
86,7
85,7
86,4
OralStat
44
0,0
0
42
2
0
/
95,5
95,5
Oratect
29
20,7
5
23
0
1
83,3
100,0
96,6
RapiScan
40
15,0
4
34
0
2
66,7
100,0
95,0
SalivaScreen
37
16,2
4
30
1
2
66,7
96,8
91,9
Drugtest
583
3,3
10
561
0
9
52,6
100,0
98,4
Opiacés
249
Drogues et accidentalité
9.10 Méthodes de confirmation La salive peut être extraite et analysée comme d’autres milieux physiologiques tels que le sang. En général, la salive présente moins d’interférences de composés endogènes que le sang et les urines. Il est cependant impératif de valider, avant d’effectuer toute analyse réelle, les procédures analytiques avec de la salive non contaminée et avec de la salive volontairement contaminée, qualitativement et quantitativement, à l’aide des standards analytiques de drogues. Les capacités analytiques requises pour effectuer une analyse de salive sont comparables à celles requises pour la recherche de drogues dans le sang. Cependant, les échantillons de salive sont généralement beaucoup moins volumineux que les échantillons sanguins et la probabilité de pouvoir répéter les analyses est donc plus faible. Une prudence toute particulière doit être observée en ce qui concerne l’emploi des méthodes de confirmation désignées pour d’autres matrices tenant compte du fait que les valeurs des seuils analytiques peuvent être différentes pour la salive. Pour l’instant, il n’y a pas de consensus sur l’emploi de valeurs seuils pour la confirmation des drogues illicites dans la salive. Différents seuils ont été proposés, entre autres dans les législations françaises et belges (voir chapitre 2), dans les guidelines australiens [46] et européens (proposés, voir www.ewdts.org) et dans les recommandations de Talloires [47]. Ils sont résumés dans les tableaux 9.6 et 9.7. TABLEAU 9.6 Comparaison des seuils (en ng/mL) du test de dépistage dans les recommandations australiennes, SAMHSA dans l’arrêté du 24 juillet 2008 (France) et dans la législation belge. Substance Opiacés Amphétamines THC Cocaïne et métabolites
Standards Australia [46] 50 50 25 50
SAMHSA [54] 40 50 4 20
Arrêté 24/07/08 10 50 15 10
Législation belge 10 50 25 20
SAMHSA : Substance Abuse and Mental Health Services Administration. THC : Δ9-tétrahydrocannabinol.
TABLEAU 9.7 Comparaison des seuils (μg/L) de confirmation de différentes drogues dans le fluide oral recommandés par différentes sources.
Amphétamine Méthamphétamine MDMA THC Cocaïne Benzoylecgonine 6-Acétylmorphine Morphine
Législation belge 25 – 25 10 10 10 5 5
Standards Australia [46] 25 25 25 10 25 25 10 25
Proposition SAMHSA [54] 50 50 50 2 8 8 4 40
SAMHSA : Substance Abuse and Mental Health Services Administration. MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine. THC : Δ9-tétrahydrocannabinol.
250
Talloires [47] 20 20 20 2 10 10 5 20
Le dépistage salivaire
Différentes revues des méthodes analytiques récentes utilisées pour la quantification des substances psychotropes dans la salive ont été publiées [48]. Récemment des méthodes de criblage large, qui permettent de détecter la plupart des principales drogues avec une seule procédure, ont été publiées [49–53]. Quelques caractéristiques de ces méthodes sont résumées dans le tableau 9.8. TABLEAU 9.8 Caractéristiques de 5 méthodes de criblage large pour la détection des drogues dans le fluide oral par chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem.
Volume d’échantillon (μL)/prélèvement Extraction
Durée de la séparation (minutes) Nombre de substances quantifiées Amphétamine Benzoylecgonine Cocaïne MDMA 6-Acétylmorphine Morphine Codéine THC Diazépam
Oiestad [49] 500 Intercept Liquide, acétate d’éthyle/ heptane
Concheiro [52] 1000 Statsure Phase solide, Oasis HLB
Badawi [50] 200 Statsure Phase solide, Bond Elut Certify
Simoes [51] 600 Statsure Liquide, Toxitube A
8,5
Simonin [53] 1000 Intercept Liquide, dichlorométhane, isopropanol, n-heptane 26
12
20
12
32
12
23
29
24
0,5 0,5 1,0 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5
0,8 2,6 1,6 3,7 1,4 1,2 1,1 1,1 1,2
Limites de quantification 6,8 20,0 7,2 1,0 0,78 1,0 3,9 1,0 0,82 1,0 7,1 1,0 6,5 1,0 0,16 2,0 0,41 —
(μg/L) 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine. THC : Δ9-tétrahydrocannabinol.
9.11 Documents de référence [1]
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7KLVSDJHLQWHQWLRQDOO\OHIWEODQN
10
E. Saussereau, J.-P. Goullé, C. Lacroix, I. Ricordel
Dosages sanguins et urinaires Introduction Dès 1996, la Société française de toxicologie analytique (SFTA) proposait aux pouvoirs publics les modalités de recherche et de dosage des substances psychotropes licites ou illicites chez les conducteurs impliqués dans un accident de la circulation [1]. Quatre familles de drogues doivent être recherchées : amphétamines, cannabinoïdes, cocaïne et opiacés. Il s’agit d’un dépistage urinaire suivi en cas de positivité par une confirmation et une quantification obligatoires dans le sang. Dans ce cadre, des méthodes de dosage ont été recommandées, comportant une exigence de spécificité avec au minimum l’utilisation d’un couplage chromatographie en phase gazeuse – spectrométrie de masse (CPG-SM) [2–4]. Depuis cette date, la SFTA propose un contrôle externe de qualité pour le dosage sanguin de ces quatre familles [5]. Elle organise également un contrôle externe de qualité du dosage des drogues dans les urines. Ce n’est qu’à partir du 1er octobre 2001 et la loi Gayssot que ces propositions ont été reprises par le législateur (voir le chapitre Législations en France et à l’étranger). La loi Gayssot, ses décrets et arrêtés d’application avaient prévu pendant une période de 2 ans, du 1er octobre 2001 au 30 septembre 2003 une « étude épidémiologique » rendant obligatoire la recherche des médicaments psychoactifs en cas de positivité des stupéfiants dans le sang. Cette disposition n’a pas été reconduite ultérieurement.
257
Drogues et accidentalité
Modalités de recueil pour la recherche et le dosage des drogues Les prélèvements et les recherches sont effectués chez les conducteurs impliqués dans un accident de la circulation, auteurs d’une infraction ou susceptibles de conduire sous l’influence d’un produit stupéfiant. En ce qui concerne les conducteurs vivants, dans un premier temps, pour l’alcool, l’examen de comportement est réalisé par un officier de police judiciaire (fiche A), puis l’examen clinique par un médecin (fiches B et C), enfin l’évolution de l’état d’imprégnation alcoolique fait appel aux méthodes habituelles que sont l’éthylotest, l’éthylomètre et/ou la prise de sang. Dans un second temps, pour les drogues, un dépistage urinaire ou salivaire est pratiqué (fiche D). Il donne lieu, en cas de positivité à un examen clinique dont les items sont différents du précédent (fiche E) et à une prise de sang (2 fois 10 mL sur héparinate de lithium). Pour les conducteurs décédés, le prélèvement sanguin est effectué directement, dans les mêmes conditions, par le médecin. Il s’agit d’un recueil sur fluorure de sodium qui permet à la fois de doser l’alcoolémie et les stupéfiants. Les résultats de l’alcoolémie sont reportés sur les fiches B et C par le biologiste expert ou par le biologiste hospitalier, pour les drogues, la fiche F est remplie par le toxicologue expert.
10.1 Cannabinoïdes 10.1.1 Technique recommandée par la SFTA (CPG-SM) pour l’analyse sanguine La SFTA a recommandé une technique validée faisant appel à la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse [4]. Pour ces dosages, les cannabinoïdes ayant tendance à s’adsorber sur le verre, toute la verrerie doit impérativement être silanisée. Il existe de la verrerie jetable, à un coût raisonnable, permettant d’éviter ce traitement fastidieux. Nous ne décrivons que les grandes lignes de cette technique dont les lecteurs pourront retrouver le détail dans la publication originale [4]. À 1 mL de sang on ajoute 20 ng de chaque étalon interne trideutéré. On peut ou non ajouter 1 mL d’eau pour préparations injectables. L’échantillon obtenu est acidifié par 200 μL d’acide acétique à 10 %. L’extraction solvant est effectuée par 5 mL d’un mélange de solvants hexane/acétate d’éthyle (9:1, v/v). L’addition de 200 μL d’alcool isoamylique est facultative à ce stade. Après évaporation, le résidu sec est soumis à une dérivation. Dans la technique originale celle-ci fait appel à 200 μL d’hydroxyde de tétraméthylammonium-diméthyl-sulfoxyde (TMAHDMSO) et de 50 μL d’iodure de méthane. La réaction est bloquée par 200 μL d’acide chlorhydrique 0,1 N. L’extraction est réalisée par 1 mL d’isooctane que l’on évapore. Le résidu sec est repris par 25 μL d’isooctane. Une dérivation plus classique peut être effectuée avec le bis-silyl-trifluoro-acétamide (BSTFA). Deux microlitres sont finalement injectés dans le système chromatographique. Les ions qualifiants et
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Dosages sanguins et urinaires
quantifiants sont indiqués dans le tableau 10.1. Les performances de la technique sont données dans le tableau 10.2. TABLEAU 10.1 Ions qualifiants et quantifiants pour la recherche des cannabinoïdes dans le sang. Ions (m/z) après dérivation [2–5] 285, 313, 328 313, 357, 372 313, 314, 358
Molécule Δ9-THC Δ9-THC-COOH 11-OH - Δ 9-THC
Ions (m/z) avec d’autres modes de dérivation 315, 371, 386 371, 473, 488 371, 459, 474
TABLEAU 10.2 Performances de la CPG-SM pour la recherche de cannnabinoïdes dans le sang. Composés THC THC-COOH
Linéarité (ng/mL) 1–20 0,5–40
Coefficient de corrélation 0,998 0,999
Limite de % détection (ng/mL) d’extraction 0,4 93,1 0,2 91,4
THC : tétrahydrocannabinol. THC-COOH : 11-nor-9-carboxy- Δ9-tétrahydrocannabinol.
10.1.2 Technique par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse tandem (CPG-SM/SM) L’emploi de la CPG-SM/SM permet d’améliorer à la fois la spécificité ainsi que les limites de détection et de quantification tout en réduisant la prise d’essai. Les performances indiquées dans la technique recommandée par la SFTA [4] et figurant dans le tableau 10.2 ont été établies avec une prise d’essai de 2 mL. Avec cette méthode, la limite minimale de détection sanguine imposée par la loi, de 1 ng/mL pour le THC n’est pas toujours respectée, en raison d’effets de matrice qui sont parfois constatés. Aussi, nous avons adapté la technique recommandée par la SFTA à la CPG-SM/SM [6]. Les dosages sont effectués sur une CPG-SM/SM triple quadripôle Varian (CP-3800 couplé au triple quadripôle 1200 MS/MS). Les cannabinoïdes du plasma et du sang total sont extraits par deux méthodes différentes : soit en phase liquide (LLE), soit en phase solide (SPE). Ces préparations sont comparées et font l’objet d’une validation à plusieurs niveaux de concentrations en cannabinoïdes. La principale modification de la technique SFTA porte sur la prise d’essai qui est réduite à 1 mL. L’extraction LLE est réalisée à l’aide d’un mélange hexane/acétate d’éthyle. La SPE utilise des colonnes de silice apolaire C18 (Bond Elut, Varian). Les extraits obtenus sont silylés avec du BSTFA (N, O-bis-triméthylsilyl-trifluoroacetamide) puis injectés dans la CPG-SM/SM. Les performances sont données dans le tableau 10.3. Les équations des droites de régression reliant les concentrations mesurées aux concentrations obtenues sont satisfaisantes (r 2 > 0,99 pour la LLE et la SPE). Les
259
Drogues et accidentalité
mesures de THC et de 11-OH-THC sont répétables et reproductibles avec les deux modes d’extraction puisque les coefficients de variation (CV) sont inférieurs à 12 % (n = 10), y compris pour la plus faible concentration (1 ng/mL). En revanche, le THC-COOH montre des CV beaucoup plus importants, compris entre 11 et 29 %, pour cette même concentration. La CPG-SM/SM est utilisée en routine depuis 2004 dans notre laboratoire. Dans un certain nombre de cas, elle montre une nette supériorité sur la CPG-SM où des effets de matrice sont parfois observés. Sur le sang total, la LLE, même si elle est d’exécution plus longue, constitue la méthode de choix. Pour le plasma, la SPE s’avère être une alternative très intéressante. L’emploi de la CPG-SM/SM permet, tout en réduisant la prise d’essai, d’améliorer de manière sensible les performances de la technique de dosage des cannabinoïdes sanguins recommandée par la SFTA. TABLEAU 10.3 Performances de la CPG-SM/SM pour la recherche de cannnabinoïdes dans le sang (résultats en ng/mL). LLE
THC 11-OH-THC THC-1OOH
Limite de détection 0,09 0,03 0,13
SPE Limite de quantification 0,21 0,06 0,19
Limite de détection 0,20 0,11 0,68
Limite de quantification 0,29 0,19 1,30
THC : tétrahydrocannabinol. 11-HO-THC : 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol. THC-COOH : 11-nor-9-carboxy- Δ9-tétrahydrocannabinol. LLE : extraction en phase liquide. SPE : extraction en phase solide.
10.1.3 Autres méthodes par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse 10.1.3.1 Appliquées au sang, au plasma et aux urines De nombreuses techniques par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse ont été publiées pour réaliser le dosage des cannabinoïdes dans le sang total ou le plasma au cours des huit dernières années. Après une extraction en phase liquide ou en phase solide, les cannabinoïdes sont rendus volatils par dérivation puis séparés par chromatographie. La chromatographie fait appel soit à la CPG-SM classique soit à la CPG-SM/SM (iontrap), ou à des variantes : chromatographie rapide ou fast-CPG (F-CPG), chromatographie bidimensionnelle (2D-CPG). Le mode final de lecture utilise l’impact électronique (EI) ou l’ionisation chimique négative (NCI) ou positive (PCI). Le tableau 10.4 résume les principales caractéristiques de ces techniques. Celle décrite par Nadulski et coll. [7] permet de quantifier également le cannabidiol (CBD) et le cannabinol (CBN). Très récemment, Lott et coll. [8] ont proposé une méthode de référence par dilution isotopique pour la quantification du THC dans le sérum. La précision de cette technique est telle que pour des concentrations de 1 et 2,4 ng/mL, l’erreur de mesure est inférieure à 2 % pour deux écarts-type (intervalle de confiance à 95 %).
260
Dosages sanguins et urinaires
10.1.3.2 Appliquées à l’urine L’intérêt majeur du dosage des cannabinoïdes dans les urines est le dosage du THC-COOH, métabolite inactif du THC, le plus souvent dans le cadre de la confirmation d’un dépistage positif par immunoanalyse. Cet examen comporte une hydrolyse préalable, enzymatique par la b-glucuronidase ou/et alcaline. L’extraction est réalisée en phase liquide ou solide puis l’extrait obtenu est silylé. De Cock et coll. [9] proposent une technique adaptée au dopage après extraction liquideliquide, linéaire pour des concentrations de THC-COOH comprises entre 10 et 100 ng/mL (LOD = 1,0 ng/mL – LOQ = 1,7 ng/mL). Plus récemment, Abraham et coll. [10] ont mis au point le dosage simultané du THC, du 11-OH-THC et du THC-COOH urinaire après une double hydrolyse, enzymatique puis alcaline et silylation par le BSTFA. La gamme de calibration est linéaire de 2,5 à 300 ng/ mL. Le rendement d’extraction est compris entre 57 % et 79,7 %. La répétabilité et la fidélité intermédiaire sont inférieures à 7,4 %. Jamerson et coll. [11] ont développé une méthode de F-CPG après extraction en phase solide du THC-COOH, permettant un gain de temps de 40 %. La linéarité est comprise entre 3,8 et 1 500 ng/mL. La répétabilité et la fidélité intermédiaire sont inférieures à 5,5 %. Une procédure de dosage du THC-COOH urinaire (applicable au sang et aux cheveux) après hydrolyse alcaline, extraction liquide-liquide puis silylation par le BSTFA et quantification par CPG-SM/SM a également été publiée [12]. La mesure en mode d’ions sélectionnés (SIM) permet d’améliorer considérablement la sensibilité. TABLEAU 10.4 Dosage des cannabinoïdes dans le sang et le plasma par CPG-SM. Dériv. Réf.
Technique
Extract.
LOQ (ng/mL) 11-OH- THCTHC THC COOH 0,25*
0,5*
2,5*
Répétab.
Fidélité interméd.
[13]
CPG-EI-SM/SM
SPE
TMS
[14]
CPG-EI-SM
LLE
PFPA
0,5*
–
–
3,1–5,2 %
6,4–9,5 %
[15]
CPG-PCI-SM
SPE
–
0,5*
0,5
1,0
1,2–12,2 %
1,4–12,2 %
[7]
CPG-EI-SM
SPE
TMS
–
–
[16]
F-CPG-NCI-SM
LLE
TFAA
0,5
0,5
2,5
[17]
2D-CPG-EI-SM
SPE
TMS
10
–
1,0
[18]
2D-CPG-EI-SM
SPE
TMS
0,125
0,25
0,125
0,15* à 0,29*
4,2 % à 10,4 %
Inférieures à 12 % –
< 7,7 %
Inférieures à 14,1 %
* LOD (ng/mL). LOD : limite de détection. LOQ : limite de quantification. CPG : chromatographie en phase gazeuse. F-CPG : chromatographie rapide ou fast-CPG. 2D-CPG : chromatographie bidimensionnelle. EI : impact électronique. NCI : ionisation chimique négative. PCI : ionisation chimique positive. SIM : mode d’ions sélectionnés. LLE : extraction en phase liquide. SPE : extraction en phase solide. THC : tétrahydrocannabinol. 11-HO-THC : 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol. THC-COOH : 11-nor9-carboxy- Δ9-tétrahydrocannabinol.
261
Drogues et accidentalité
10.1.4 Méthodes par chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse tandem La CPG-SM demeure à l’heure actuelle la méthode de choix pour quantifier les cannabinoïdes dans les milieux biologiques. C’est à l’aide de cette méthode d’analyse que les dosages THC et de ses métabolites sont réalisés dans la plupart des laboratoires. En effet, les dérivés du cannabis sont chimiquement très apolaires et se prêtent assez mal à l’analyse par chromatographie en phase liquide. Cependant, le développement de la chromatographie en phase liquide, en particulier en mode tandem (CPL-SM/SM) et de l’ultra performance chromatographie liquide (UPCPL) sont à l’origine de quelques publications récentes. L’intérêt majeur de la chromatographie en phase liquide réside dans le fait que l’étape de dérivation n’est pas nécessaire. Mais la source d’ionisation classiquement utilisée en toxicologie est une source de type electrospray (ESI) dont le rendement d’ionisation est mauvais pour les cannabinoïdes. De meilleurs résultats sont obtenus avec une source d’ionisation chimique à pression atmosphérique (APCI), qui permet une ionisation de molécules plus apolaires ; ce qui implique de changer la source ou de disposer d’un appareil dédié pour ces dosages. Avec une source APCI, l’intensité du signal obtenu pour le THC par exemple est multiplié par dix par rapport à une source ESI [19]. Le prérequis pour la confirmation par CPL-SM/SM des dérivés du cannabis est la séparation chromatographique, l’utilisation d’au moins deux transitions SM/SM et de définir des ratios pour leurs intensités relatives [20].
10.1.4.1 Application au sang, au plasma et aux urines Comme le montre le tableau 10.5, hormis les résultats obtenus par Jamey et coll. [21] par UPCPL-ESI-SM/SM, les performances du dosage des cannabinoïdes dans le sang et le plasma par les méthodes de chromatographie liquide couplées à la spectrométrie de masse tandem sont nettement inférieures à celles de la chromatographie en phase gazeuse. Récemment, plusieurs techniques ont été décrites pour quantifier dans les milieux biologiques le précurseur du THC, l’acide tétrahydrocannabinolique [22], le THC-glucuronide [23] dans l’urine, le THC-COOH [24] ou le THC-COOH et son glucuronide [25] dans l’urine. L’UPCPL-ESI-SM/SM a également été appliquée avec succès au dosage du THC-COOH dans l’urine [26]. Les performances obtenues sont bonnes dans une gamme de concentration étendue (2 à 1 000 ng/mL), la répétabilité et la fidélité intermédiaire sont inférieures à 5 % et la cadence analytique s’élève à 14 échantillons par heure. 10.1.4.2 Préparation de l’échantillon En plus des deux modes classiques de préparation manuelle des échantillons (LLE et SPE), il est possible d’automatiser cette étape. Récemment Fu et Lewis [30] ont développé une méthode d’extraction en phase liquide automatisée pour le dosage du THC-COOH urinaire. Outre une cadence de préparation de 15 échantillons par heure, elle permet une économie de solvants. 262
Dosages sanguins et urinaires
TABLEAU 10.5 Dosage des cannabinoïdes dans le sang et le plasma par CPL-SM/SM LOQ (ng/mL) Réf.
Technique
Extraction THC
11-OH- THCTHC COOH
Répétabilité (%)
Fidélité interméd. (%)
[19] CPL-APCI-SM/SM
LLE
0,5
5,2
1,0
5,7–17,3
14,5–19,8
[27] CPL-APCI-SM/SM
SPE
0,2
0,2
0,2
1,3–10,5
1,9–15,5
[28] CPL-ESI-SM/SM
SPE
0,8
0,8
4,3
1,4–7,6
3,3–7,7
[29] CPL-ESI-SM/SM
SPE
0,5
5,0
5,0
3,9–6,3
4,2–9,8
[21] UPCPL-ESI-SM/SM
SPE
0,05
0,1
0,2
3,3–6,9
6,3–9,9
LOQ : limite de quantification. CPL : chromatographie en phase liquide. UPCPL : chromatographie en phase liquide ultre performante. APCI : ionisation chimique à pression atmosphérique. ESI : electrospray. SM/SM : spectrométrie de masse tandem. LLE : extraction en phase liquide. LES : extraction en phase solide. THC : tétrahydrocannabinol. 11-HO-THC : 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol. THC-COOH : 11-nor9-carboxy- Δ9-tétrahydrocannabinol.
10.1.5 Interprétation des dosages des cannabinoïdes sanguins et urinaires En ce qui concerne les stupéfiants dans le sang, les articles 10 et 11 des arrêtés des 4 et 5 septembre 2001 précisent que le dosage du THC dans le sang doit se faire obligatoirement par CPG-SM en respectant le seuil minima de détection de 1 ng/mL. Conformément à la proposition faite en 1996 par la SFTA [1], c’est un seuil analytique minimal qui a été fixé par l’arrêté. S’agissant d’un produit stupéfiant illicite, la notion de concentration sanguine légalement tolérable n’avait bien entendu pas de sens. Il est, à l’heure actuelle, impossible de définir précisément un seuil pharmacologique, donnant pour le THC la concentration sanguine minimale ayant un effet sur les capacités à conduire. Le dosage des cannabinoïdes dans le sang est réalisé dans diverses circonstances : médicolégales (sécurité routière, sécurité au travail, dans un contexte criminel) ou médicales. Si les concentrations sanguines initiales de THC sont très importantes, en particulier au début de la phase d’inhalation pour atteindre un pic en quelques minutes, leur décroissance plasmatique est également très rapide, puis plus lente, décrivant un profil multiphasique [31]. Compte tenu de cette pharmacocinétique particulière, l’interprétation des concentrations sanguines de THC est difficile. Cependant, il s’agit d’une question qui est souvent posée aux experts judiciaires. La concentration maximale en THC varie en fonction de la teneur en principe actif à laquelle le sujet est exposé. Selon Huestis et coll. [32], les concentrations en THC 3 à 4 h après inhalation sont comprises entre 1 et 4 ng/mL chez des consommateurs occasionnels. Au seuil de 0,5 ng/mL de THC, la durée moyenne de détection plasmatique est respectivement de 7,2 et de 12,5 h après consommation de joints contenant 16 mg et 34 mg de THC. Pour Kauert et coll. [33], des
263
Drogues et accidentalité
doses de THC inhalé équivalentes aux précédentes sont détectables pendant une période moyenne de quatre à six heures au seuil de 0,5 ng/mL dans le plasma. Ces derniers auteurs ont également mesuré une durée de détection du 11-OH-THC de 4 à 6 h au seuil de 0,3 ng/mL. Pour le métabolite inactif, le THC-COOH, la durée moyenne de détection constatée dans le sang par Huestis et coll. est comprise entre 3,5 et 6,3 jours. Une autre question est fréquemment posée aux experts judiciaires, à laquelle il est également difficile de répondre concerne l’influence éventuelle du cannabis sur un sujet à l’occasion d’un accident de la circulation : « Au moment des faits, le sujet était-il sous l’influence du cannabis ? » Afin de tenter d’établir l’impact éventuel du cannabis lors d’un événement donné, divers modèles ont été proposés pour évaluer, soit le temps écoulé entre la consommation et le prélèvement sanguin [34], soit l’établissement d’un facteur d’influence du cannabis [35]. En ce qui concerne le calcul du temps écoulé entre la consommation de cannabis et le prélèvement sanguin, les modèles de Huestis sont proposés. Le modèle I est fondé sur la concentration de THC dans le plasma et le modèle II fait appel au rapport de concentrations du THC et du THC-COOH. Ils ont été établis à partir de données expérimentales après l’administration contrôlée de cannabis à des volontaires sains. Ces modèles ne sont utilisables que pour des concentrations plasmatiques de THC supérieures à 2 ng/mL. Le modèle I a pour équation log (T) = −0,698 × log ([THC]) + 0,687 et le modèle II répond à la formule suivante : log (T) = 0, 576 × (log [THC-COOH]/[THC]) – 0, 176 où T représente le temps écoulé en heure depuis l’usage de la marijuana. Les concentrations en THC et THC-COOH sont exprimées en nanogrammes par millilitre. Si le modèle I est bien adapté à une consommation par inhalation chez un fumeur fréquent, le modèle II fournit une meilleure prédiction pour une exposition, soit par voie respiratoire, soit par voie digestive. Daldrup [35] a proposé le calcul du facteur d’influence au cannabis (cannabis influence factor ou CIF) à partir des concentrations molaires (en mol/L) de THC, de 11-OH-THC et de THC-COOH selon la formule suivante : CIF = [THC] + ([11-OH-THC]/[THC-COOH]) × 0,01 (les masses molaires de THC, de 11-OH-THC et de THC-COOH étant respectivement 314,5, 330,5 et 344,5 g/mol). L’application du CIF est toutefois limitée à une fenêtre de 30 à 90 min entre l’infraction ou le délit et le prélèvement sanguin. À partir d’une enquête menée sur le terrain concernant des sujets ayant consommé uniquement du cannabis et pour lesquels des erreurs de conduite ou des comportements inappropriés ont été relevés, en particulier le maintien de la position latérale du véhicule, Daldrup indique qu’un CIF supérieur ou égal à dix est révélateur d’une diminution certaine de la capacité à conduire due à la consommation de cannabis [35]. Selon cet auteur, un CIF de dix serait comparable en termes d’effets sur la conduite automobile à une alcoolémie de 1,10 g/ kg [35].
264
Dosages sanguins et urinaires
En ce qui concerne l’interprétation des dosages urinaires par CPG-SM, Huestis et coll. [36] ont montré qu’au seuil de 15 ng/mL de THC-COOH, la durée de détection urinaire est en moyenne de 34 h chez 6 sujets ayant fumé un joint contenant 1,75 % de THC. Elle est en moyenne de 89 h, soit près de 4 jours, pour une teneur en THC de 3,55 %. Pour Smith-Kielland et coll. [37], à la concentration de 10,3 ng/mL, elle est respectivement de 5,3 jours et de 22,4 jours chez des consommateurs occasionnels et chez des consommateurs réguliers. Reiter et coll. [38] utilisant un seuil de THC-COOH urinaire de 10 ng/mL, chez 52 volontaires admis dans un centre d’addictologie, constatent que la durée moyenne de détection est de 4,9 jours, avec un maximum de 18 jours. La pharmacocinétique du THC, qui est très particulière, doit être prise en compte pour l’interprétation des résultats. En effet, contrairement à l’éthanol, substance pour laquelle le dosage sanguin reflète bien l’imprégnation tissulaire en raison d’une distribution homogène dans l’organisme (le volume de distribution de l’éthanol est voisin de 0,7 L/kg) ; le THC connaît une répartition très inhomogène dans l’organisme. La longue persistance du principe actif dans les graisses a été prouvée. La conséquence majeure de cette pharmacocinétique particulière se traduit par des effets psychoactifs prolongés, des effets ébrieux, des troubles de la vigilance, des perturbations de la concentration pendant une durée de plusieurs heures après arrêt de la consommation. Après inhalation de « joints » dosés à 100, 200 ou 250 μg/kg de masse corporelle, il a été montré sur simulateur de conduite des effets délétères pendant une durée de 2 à 7 h ainsi qu’une corrélation linéaire significative avec les concentrations sanguines de THC [39]. D’autres travaux ont également mis en évidence que les effets psychiques ressentis après la consommation isolée d’un joint contenant 9 mg de THC persistent pendant une durée de plus de 2 h, alors que dans le même temps, la concentration en THC dans le sang est rapidement très faible, de l’ordre de 1 ng/mL [32, 40]. Si une altération de la capacité à conduire a été observée jusque 24 h après l’administration de cannabis, les effets persistent généralement au minimum 4 h après inhalation et au 6 h après ingestion en fonction de la quantité de principe actif à laquelle le sujet a été exposé [41]. Les concentrations maximales de THC mesurées dans le sang précèdent toujours les effets cliniques induits par la drogue et conduisent à des effets retardés entre l’action pharmacologique et la concentration sanguine en principes actifs [42]. Une telle discordance amène la plupart des études à conclure qu’il n’y a pas de relation significative entre les concentrations dans le sang et les effets [43, 44]. Celle-ci a trouvé une explication scientifique récente : il reste encore du THC dans le cerveau alors que ce principe actif n’est plus détectable dans le sang [45].
265
Drogues et accidentalité
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10.2 Opiacés dans le sang et les urines Le terme « opiacés » regroupe trois types de substances : les analgésiques et les narcotiques utilisés dans le traitement de la douleur, comme la morphine (alcaloïde naturel extrait de l’opium), les antitussifs comme la codéïne faiblement analgésique, et illicite comme l’héroïne, produit hémisynthétique. L’héroïne est responsable de l’une des plus graves toxicomanies actuelles ; 1 % environ de la population française de 15 à 19 ans aurait consommé de l’héroïne au moins une fois dans sa vie. Les opiacés exercent une action analgésique sédative entraînant somnolence et sommeil, induisant simultanément une perte d’attention, des réflexes, de la réalité et de la conscience du danger et des obstacles. L’héroïne et la codéine ont en commun un même métabolite final : la morphine, elle-même utilisée en thérapeutique. Restent donc les métabolites intermédiaires pour caractériser, dans le sang et les urines, la présence d’opiacés licites ou illicites. Ainsi l’héroïne se transforme rapidement en 6-acétylmorphine (6-MAM) dont la demi-vie est de quelques minutes puis ultérieurement en morphine. La 6-MAM se retrouve surtout dans les urines, et très peu dans le sang.
10.2.1 Méthodes d’analyse L’analyse quantitative des opiacés tels que la morphine, la codéine, l’héroïne, ainsi que leurs métabolites, présente différentes applications : intoxication aiguë, contrôle et surveillance d’un usage illicite, domaine médicolégal (accident corporel ou mortel
269
Drogues et accidentalité
de la circulation). Le dosage des principaux opiacés peut-être réalisé par différentes techniques analytiques, en particulier la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM), la chromatographie en phase liquide couplée à spectrométrie de masse (CPL-SM) ou masse tandem (CPL-SM/SM). Depuis une dizaine d’années, plusieurs méthodes de dosage en CPG-SM ont été décrites [1–6] (tableau 10.6). La Société française de toxicologie analytique (SFTA) en recommande deux dans le sang total [7]. La première méthode utilise une extraction liquide-liquide, faisant intervenir trois étapes de purification, respectivement à un pH de 8,4 ; 1,0 et 8,4. Dans la seconde méthode, l’extraction en phase solide, avec rétention des opiacés à un pH de 8,6 se fait à l’aide d’une colonne HLB. L’élution des analytes est réalisée avec du méthanol. Une dérivation préalable de certaines molécules par le N, O-bis-triméthylsilylfluoroacétamide (BSTFA) est nécessaire avant l’étape chromatographique sur colonne capillaire apolaire. La détection s’effectue par spectrométrie de masse avec ionisation par impact électronique et la quantification à l’aide d’étalons internes deutérés. Les différentes techniques d’extraction développées sont l’extraction liquide-liquide, pouvant être longue et fastidieuse [8], l’extraction en phase solide (SPE) utilisant généralement des colonnes de type « mode mixte » (double greffage : échanges d’ions et chaînes carbonées hydrophobes). Pour augmenter le rendement d’extraction, il est possible de remplacer les colonnes d’extraction individuelles par des plaques 96 puits et d’automatiser cette phase d’extraction [9, 10]. Des techniques d’immuno-extraction ont également été développées [11]. Enfin, une technique de purification-extraction en ligne a été décrite par Bentgson et coll. [12]. Dans de nombreuses techniques de CPG-SM, le mode d’ionisation est l’impact électronique [1–6, 8]. D’autres techniques font appel à l’ionisation chimique négative (NICI) qui permet d’obtenir une sensibilité et une spécificité supérieures à celles obtenues avec l’ionisation par impact électronique ou chimique positive (PICI) [13, 14]. Toutefois, les applications médicolégales de ce mode de détection (SMNICI) sont limitées. La chromatographie liquide haute performance (HPCPL) permet de séparer, sans prétraitement (dérivation, hydrolyse…), les molécules hydrophiles et hydrophobes issues du métabolisme de l’héroïne et/ou de la morphine (tableau 10.7).
270
Dosages sanguins et urinaires
TABLEAU 10.6 Méthodes analytiques de chromatographie en phase gazeuse. Références Composés
Matrice
Préparation échantillon SPE (mode mixte), dérivation (acide trifluoroacétique) Déprotéinisation (méthanol) Dérivation (hydroxylamine, SPE, silylation - BSTFA + 1 % TMCS) SPE, dérivation (BSTFA + 1 % TMCS) Déprotéinisation (ACN), SPE, dérivation (MSTFA) SPE (Bond Elute), dérivation (BSTFA + 1 % TMCS)
[1]
Morphine 6-MAM
Sang
[2]
Codéine Morphine 6-MAM
Sang
[3]
Morphine 6-MAM Codéine
Sang
[4, 5]
Morphine
Sang
[6]
Codéine Morphine 6-MAM
Sang (postmortem)
[12]
M6G M3G
Plasma
SPE (C18)
[13]
Morphine
Plasma
SPE (C18)
Colonne analytique
Détection
HP 1 (15 m)
EI-SM, SIM
HP-1MS (30 m × 0,25 mm, 0,25 μm)
EI-SM, SIM
HP-5 (30 m × 0,25 mm, 0,25 μm) DB-5 (30 m × 0,25 mm, 0,25 μm) HP-Ultra-1 (12 m × 0,2 mm, 0,33 μm) DB-5MS (15 m × 0,25 mm, 0,25 μm) HP-Ultra-1 (7 m × 0,2 mm)
EI-SM, SIM
EI-SM, SIM
EI-SM, SIM NICI-SM, SIM NICI-SM, SIM
ACN : acétonitrile. BSTFA : N, 0-bis- (triméthylsilyl)-trifluoroacétamide. MSTFA : N-méthyl-Ntriméthylsilylfluoroacétamide. TMCS : triméthylchlorosilane. SPE : extraction en phase solide. NICI : ionisation chimique négative. EI : impact électronique. SIM : mode d’ions sélectionn. SM : spectrométrie de masse.
TABLEAU 10.7 Méthodes analytiques de chromatographie en phase liquide Références [8]
[9]
[14]
[15]
Composés Morphine M6G M3G Morphine M6G M3G Morphine M6G M3G Morphine M6G M3G
Matrice
Préparation échantillon
Colonne analytique
Détection
Plasma
Atlantis DC18 96-puits SPE (150 mm × 2,1 mm, (MCX) 5 μm)
ESI-SM, SIM
Plasma
SPE (C18)
Sérum
Symmetry C18 SPE (C18 ec) (150 mm × 4,9 mm, 5 μm)
UVD (210 nm)
Sérum
SPE (C6)
Cp-Spher C8 (250 mm × 4,6 mm)
UVD (210 nm)
Betasil silica (50 mm × 3,0 mm, 5 μm)
ESI-SM/SM
271
Drogues et accidentalité
TABLEAU 10.7 Suite. Références [25]
[26]
[27]
[28]
[29]
[30]
[32]
[34]
[36]
Composés Morphine M6G M3G Héroine 6-MAM Morphine M6G M3G Codéine Morphine M6G M3G Morphine Codéine M3G M6G Morphine Codéine M3G M6G 6-MAM Morphine Codéine Morphine M3G M6G Codéine 6-MAM Morphine M3G M6G Codéine 6-MAM M3G M6G Codéine 6-MAM
Matrice
Préparation échantillon
Colonne analytique
Détection
Plasma
SPE (Oasis HLB)
Betasil silica (50 mm × 3,0 mm, 5 μm)
ESI-SM/SM
Plasma
SPE (MCX Oasis)
RP Zorbax Bonus (150 mm × 4,6 mm, 5 μm)
ESI-SM/SM
Plasma
C12 Max-RP SPE (C18 ec) (150 mm × 2 mm, 4 μm)
ESI-SM/SM
Urine
SPE (Strata X-C)
Synergi Fusion RP (75 mm × 2,0 mm)
ESI-SM/SM
Synergy Polar RP (150 mm × 2 mm, 4 μm)
ESI-SM/SM
Altech Rocket Platinum, EPS C18 (30 mm × 2,1 mm, 1,5 μm)
ESI-SM
Sang SPE (Bond (postElut C18) mortem)
Urine
SPE
Sérum Plasma Urine
Extraction en Atlantis C18 ligne 150 mm × 2,1 mm, (Oasis HLB) 3 μm)
Urine
Dilution (eau)
Luna C18 (100 mm × 2,0 mm, 3 μm)
ESI-SM/SM
Urine
Dilution (tampon acétate ammonium 20 mM)
Acquity UPCPL BEH Shield (50 mM × 2,1 mm, 1,7 μm)
UPCPL-SM/SM
ESI-SM/SM
MCX : Mixed Cation Exchange. SPE : extraction en phase solide. ESI : electrospray. SIM : mode d’ions sélectionn. SM : spectrométrie de masse.
La détection peut s’effectuer par spectrométrie d’absorption en ultraviolet (UV) avec ou sans barrette de diode [15, 16]. Toutefois, ces méthodes HPCPL-UV ne permettent pas d’obtenir les mêmes performances que les techniques de CPG-SM (sélectivité-
272
Dosages sanguins et urinaires
sensibilité) pour des applications cliniques et médicolégales. Le couplage de la chromatographie liquide à la spectrométrie de masse (CPL-SM) offre de meilleures performances que la détection en UV. La CPL-SM est devenue un complément idéal à la méthode de référence actuelle, la CPG-SM, particulièrement pour la détection et la quantification des substances présentes à de faibles concentrations dans les échantillons biologiques, comme c’est le cas pour les opiacés [9, 17–19]. Ces techniques CPL-SM couplées à différentes interfaces au niveau du spectromètre de masse, permettent une analyse quantitative simultanée de plusieurs opiacés de nature chimique différente. Les sources d’ionisation les plus utilisées sont les sources à pression atmosphérique de type electrospray (ESI) et d’ionisation chimique à pression atmosphérique (APCI). La première application de l’APCI au dosage des opiacés en CPL-SM a été réalisée dans les urines [20]. L’analyse chromatographique en phase inverse sur une colonne C18, est précédée d’une extraction de type SPE sur une colonne C18 Sep-Pak. D’autres méthodes de dosage CPL-SM-APCI ont été développées dans le sang, le plasma et les urines, incluant la 6-acétylmorphine et la codéine, ainsi que son métabolite glucuroconjugué [21–23]. L’ionisation par electrospray a été développée pour une étude pharmacocinétique de la morphine chez l’homme [24]. L’extraction de l’échantillon sérique s’effectue en phase solide avec une colonne de type « éthyl ». La codéine est utilisée comme étalon interne et la séparation chromatographique est réalisée avec un gradient eau-méthanol. La sensibilité de cette méthode est cependant limitée. Ces techniques CPL-SM-ESI s’appliquent également aux urines [18]. Le développement de la spectrométrie de masse en tandem a permis d’augmenter significativement la sensibilité des méthodes HPCPL. En 1998, Zheng et coll. ont développé une méthode CPL-SM/SM avec une sensibilité 5 à 20 fois supérieure à celle des techniques CPLSM précédemment décrites [25]. Depuis de nombreuses techniques CPL-SM/SM ont été développées [10, 12, 26–28]. La CPL-SM/SM est devenue un outil analytique offrant par sa spécificité et sa sensibilité une alternative à la CPG-SM pour l’identification et la quantification des opiacés dans le sang et les urines. La majorité des méthodes CPL-SM/SM décrites sont précédées d’une extraction en phase solide (SPE) [27, 29–31], ou moins fréquemment, liquide-liquide [32]. Certaines méthodes CPL-SM/SM utilisant une étape d’extraction-purification en ligne de l’échantillon, précédée ou non d’une déprotéinisation, ont été récemment développées pour le dosage des opiacés dans le sang et les urines [12, 33, 34]. Ces méthodes « on-line » ont l’avantage d’être simples et rapides, avec une sensibilité et une spécificité très satisfaisantes. Enfin, dans les méthodes décrites par Gustavsson et coll. [35] et Edinboro et coll. [36] l’échantillon urinaire étant injecté directement dans le système chromatographique sans étape d’extraction préalable. Le couplage de l’UPCPL avec la spectrométrie de masse tandem, offrant une forte sensibilité et spécificité, permet ainsi l’injection directe d’urines, diluées ou non, sans prétraitement analytique telle qu’une hydrolyse par exemple [37, 38]. D’autre part, les effets de matrices qui interfèrent en CPL-SM/SM, en particulier la suppression d’ions lors de l’injection directe des échantillons biologiques, sont plus restreints en UPCPL-SM/SM. Dans le sang, une méthode UPCPL-SM/SM,
273
Drogues et accidentalité
après une extraction de type SPE sur une colonne oasis MCX, a été développée par Rifflet et coll. [39]. Cette méthode analytique permet par l’utilisation de la technique UPCPL, des temps d’analyse courts (10 min) et une sensibilité élevée (LOQ < 1 ng/mL). Ces méthodes UPCPL-SM/SM permettent l’analyse de poudre contenant de l’héroïne et l’identification des impuretés de préparation de la drogue.
10.2.2 Interprétation des résultats Comme cela a été mentionné pour le cannabis, le dosage des opiacés, dans le cadre des infractions à la législation sur les stupéfiants doit se faire obligatoirement par CPG-SM en respectant le seuil minimum de 20 ng/mL [40]. Toutefois, en raison de variabilités interindividuelles concernant les effets des opiacés et leur métabolisme, ainsi qu’en raison du phénomène de tolérance, il est difficile de définir un seuil pharmacologique donnant pour chaque opiacé, la concentration sanguine ayant un effet sur les capacités à conduire. La famille des opiacés présente la particularité de comprendre des substances licites et illicites. Dans le traitement de la douleur, sont utilisés les morphiniques analgésiques majeurs (morphine, hydromorphore, oxycodone) et mineurs (codéine, dihydrocodéine). La codéine a également des propriétés antitussives ainsi que la pholcodine et la codéthyline. L’héroïne ou diacétylmorphine est le seul opiacé hémisynthétique. Les substances opiacées ayant des propriétés sédatives et pouvant induire des sensations vertigineuses, une confusion, ou plus rarement des myoclonies, peuvent altérer la vigilance et par conséquent rendre dangereuse la conduite d’un véhicule. D’autre part, l’effet sédatif et la toxicité des analgésiques morphiniques sont majorés par la consommation d’alcool éthylique. Généralement, les effets analgésiques de la morphine sont bien corrélés aux concentrations plasmatiques [41]. La morphine-3-glucuronide, à des concentrations relativement élevées, pourrait être à l’origine d’un effet hyperalgésique associé à son accumulation dans l’organisme [42]. La morphine-6-glucuronide est un métabolite actif qui potentialise les effets analgésiques de la morphine [42]. Les propriétés analgésiques de la codéine correspondent approximativement à 50 % du potentiel analgésique de la morphine. Les propriétés analgésiques de la codéine sont associées à sa métabolisation en morphine. La codéine est également métabolisée en codéine-6-glucuronide, métabolite actif [42]. Déterminer si un conducteur à consommé de l’héroïne ou un médicament opiacé sur prescription médicale (morphine, codéine) peut être difficile, l’héroïne (ou diacétylmorphine) et la codéine se métabolisant en morphine [43, 44]. De plus, l’acétylcodéine, une impureté de préparation de l’héroïne, se métabolise en codéine par déacétylation [43]. L’héroïne introduite dans le sang subit rapidement un phénomène d’hydrolyse (figure 10.1), sa demi-vie sanguine n’est que de 3 à 9 min.
274
Dosages sanguins et urinaires
CH3O
CH3COO
O
H
O
NCH3
NCH3 O-déméthylation
HO
CH3COO diacétylmorphine (héroïne)
codéine O-méthylation N-déméthylation
HO H
O
hydrolyse NCH3
CH3O
HO
hydrolyse
morphine O
HO O
H
NCH3
N-déméthylation
NH
CH3COO
HO
6-monoacétylmorphine (6-MAM)
HO norcodéine glucuroconjugués (morphine-3-glucuronide, morphine-6-glucuronide)
O
H NH
HO nomorphine
FIG. 10.1 Métabolisme des principaux opiacés : morphine, codéine, diacétylmorphine (héroïne).
Par désacétylation, l’héroïne ou diacétylmorphine, se transforme en 6-acétylmorphine (6-MAM), métabolite spécifique dont la demi-vie est brève, de 10 à 20 min. La fenêtre de détection de la 6-MAM dans le sang est approximativement de 1 à 2 h après administration [43]. La 6-MAM est métabolisée secondairement en morphine, d’une demi-vie de 2 à 3 h. La morphine suit alors son propre métabolisme, subissant essentiellement une glucuroconjugaison (morphine-3-glucuronide et morphine-6-glucuronide). Environ 5 % de la morphine est métabolisée en normorphine par déméthylation. La formation de codéine, dont la demi-vie de 2,5 à 3 h, est infime et réversible (figure 10.1). Par voie nasale, l’administration de 6 mg d’héroïne permet d’observer une concentration plasmatique de 16 ng/mL environ 0,08 h après absorption ; les concentrations de 6-MAM et de morphine sont respectivement de 14 ng/mL 0,08 à 0,17 h après l’administration et de 19 ng/mL 0,08 à 1,5 h après l’administration [45]. Les demi-vies de l’héroïne, de la 6-MAM et de la morphine sont respectivement de 0,07, 0,22 et 2,8 h. Cette même dose administrée par voie intraveineuse (IV) met en évidence, deux minutes après l’administration, les concentrations sanguines suivantes : 141 ng/mL d’héroïne, 151 ng/mL de 6-MAM, et 44 ng/mL de morphine. Pour une dose de 70 mg administrée par voie IV, 45 % de cette dose sont éliminés dans les 40 h sous forme de morphine libre (4,2 %), de morphine glucuroconjuguée (38,3 %), de 6-MAM
275
Drogues et accidentalité
(1,3 %), et moins de 0,1 % sous forme d’héroïne. La concentration maximale de morphine totale dans les urines est de 116 μg/mL entre 5,6 et 8,6 h après administration. La présence de 6-MAM dans les urines est une preuve incontestable d’une consommation d’héroïne et permet de confirmer cette consommation pendant 2 à 8 h suivant l’administration de la drogue [43, 44, 46]. La fenêtre de détection de la 6-MAM dans le sang et les urines, dépend de la dose administrée [43]. L’héroïne ne se retrouvant pratiquement que sous forme de morphine, le diagnostic analytique d’une consommation se fait plus facilement dans les urines émises pendant les premières heures suivant l’administration, que dans les autres milieux biologiques. Chez les conducteurs ayant consommé de l’héroïne, les analyses sanguines confirmeront l’administration de cette substance stupéfiante seulement chez 2,3 % des sujets (présence de 6-acétylmorphine) [43]. En revanche, les analyses des urines permettent de confirmer une consommation d’héroïne chez 62 % des sujets [43]. Hormis la présence de 6-acétylmorphine, un second critère, toutefois non suffisant, peut être intéressant chez les conducteur positifs pour les opiacés affirmant une administration de codéine sur prescription médicale, et non une consommation illicite d’héroïne. Il s’agit du rapport des concentrations de la morphine libre et de la codéine (rapport morphine/codéine) dans le plasma. En effet, le rapport des concentrations de la morphine libre dans le plasma et le sang total est proche de l’unité. D’autre part, les études pharmacocinétiques de la codéine mettent en évidence un rapport morphine/codéine dans le plasma inférieur à un ; ce rapport étant constant après l’administration. Ainsi, un rapport morphine/ codéine supérieur à un dans le plasma est un faveur d’une consommation d’héroïne et non d’une administration de codéine [43]. Toutefois, l’interprétation de ce rapport morphine/codéine peut être délicate lorsque le sujet a consommé de la morphine et de la codéine ou de l’héroïne et de la codéine. Le critère diagnostique, nécessaire et suffisant, d’une consommation d’héroïne est donc la présence de 6-MAM, dont la fenêtre de détection est de 10–20 min dans le sang et jusqu’à plusieurs heures dans les urines. La présence, dans le sang et/ ou les urines, d’autres impuretés de préparation de l’héroïne telles que la noscapine et la papavérine permet de s’orienter vers une consommation d’héroïne ; la présence de ces substances n’étant pas suffisante pour affirmer l’administration d’héroïne [47].
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[45] Baselt RC. Disposition of toxics drugs on chemicals in human. Biomedical publications, 2008, 8e edition.
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[47] Lurie IS, Toske G. Applicability of ultra-performance liquid chromatography-tandem mass spectrometry for heroin profiling. J. Chromatogr. A 2008 ; 1188 (2) : 322-326.
10.3 Cocaïne et métabolites 10.3.1 Recommandations préalables pour les analyses dans le sang et l’urine 10.3.1.1 Pour le sang Plus que pour beaucoup d’analytes, il faut veiller à la conservation adéquate et au respect des consignes de prélèvement notamment sous conservateur (le fluorure de sodium (2 %) est prévu par le législateur, le mélange fluorure oxalate est également efficace pour réduire l’action des estérases responsables de la dégradation de la cocaïne (coc)). Il faut savoir que la cocaïne disparaît in vitro à température ambiante à la vitesse de 50 % en 5 ou 6 h. A 4 °C, la perte reste conséquente (25 à 30 % en 48 h) [1]. L’étude de Skopp G. et coll., en 2001, confirmant ces données, indique que la dégradation de la cocaine (coc) et de ses métabolites, croît avec la température (4, 20 et 40 °C) et la durée de conservation (15 jours) selon une cinétique du premier ordre et que, par contre, l’ecgonine (ec) est stable à 4 et 20 °C et ne perd que 20 % de sa teneur à 40 °C en 15 jours. L’hydrolyse stœchiométrique de la cocaïne en benzoylecgonine (bze) faible (< 12 %) et surtout ecgonine méthylester (eme), très importante dès le premier jour, est par ailleurs plus rapide dans le plasma que dans le sang total [2–3]. C’est pourquoi, quand l’analyse est retardée en plus de l’addition du fluorure, il est recommandé d’ajuster le pH du milieu à 5 pour éviter l’hydrolyse en bze et de conserver l’échantillon à −15 °C. La transformation de la cocaïne dans ces conditions est négligeable pendant 6 mois.
10.3.1.2 Pour l’urine Le risque d’hydrolyse est plus important que dans le sang. L’ajustement du pH à 5 s’impose dès le prélèvement. La présence d’un réducteur est souhaitable (acide ascorbique). La conservation à –20 °C est recommandée. En 2008, Jones A.W. 280
Dosages sanguins et urinaires
et coll. indiquent que, dans ce cadre, l’urine doit également contenir si possible, 100 mg de fluorure de sodium pour 10 mL [4]. Alfazil et coll. pallient cette fragilité particulière de la cocaïne et de ses métabolites in vitro en recueillant 100 μl de prélèvement sur des papiers filtres adaptés (Guthrie card 903) et séchés durant une nuit à la température du laboratoire [5]. Au moment de l’emploi, les spots de sang ou d’urine sont extraits par sonication en milieu tampon pendant une heure et traités par extraction en phase solide (EPS). Les auteurs affirment un rendement d’extraction supérieur à 80 % et, en un mois, aucune perte n’est constatée à température ambiante, à 4 °C et à –20 °C [5].
10.3.2 Technique recommandée par la SFTA (CPG-SM) De très nombreuses publications proposent des méthodes de chromatographie en phase gazeuse couplées à la spectrométrie de masse. La plupart regroupent plusieurs familles de toxiques [6–14]. La SFTA a recommandé en 1996 pour l’identification et le dosage de la cocaïne, de la benzoylecgonine et de la méthylecgonine-ester, une technique validée faisant appel à la chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse [6]. Elle intègre par ailleurs codéine, morphine et 6-mono-acétylmorphine. Elle recourt à deux modes d’extraction des analytes, l’un liquide/liquide (L/L), l’autre en phase solide. Le premier fait appel à 10 mL de mélange solvant organique chloroforme : isopropanol : n-heptane (50 : 17 : 33 vv) sur 1 mL de sang total (chargé par 2 μL d’étalons internes deutérés) en tampon phosphate à pH 8,4. Les toxiques sont extraits de la phase organique par 5 mL d’acide chlorhydrique 0,2 N et extraits à nouveau par 5 mL de chloroforme après neutralisation de la phase acide par 1 mL d’hydroxyde de sodium N et 1 mL de tampon phosphate à pH 8,4. Le second mode recommande l’emploi de 1 mL de sang total (chargé par 20 μL d’étalons internes deutérés) dilué au demi et tamponné par 2 mL de bicarbonate 0,2 M, hydrométhanolique (90/10, v/v) à pH 8,6. 3,5 mL de cette préparation sont déposés sur la phase solide d’extraction ; celle-ci est de type C18 conditionnée par 4 mL de méthanol suivis de 2 mL du tampon bicarbonate à pH 8,6. Après lavage par deux fois 1 mL d’eau et 1 mL de méthanol à 10 %, l’élution des analytes est obtenue avec 500 μL de méthanol. Dans les deux cas, le résidu sec d’évaporation est dérivé par 20 μL de BSTFA (N, O-bis-triméthylsilyl-trifluoroacétamide) et 1 μL est injecté dans la colonne. Les conditions chromatographiques proposées sont : colonne de type CP SIL 8 CB chrompack, 25 m, diamètre interne (di) 0,25 mm et de 25 μm d’épaisseur ; injection en mode splitless à 280 °C ; programmation de température du four, 50 °C (2 min) puis croissance de 15 °C/min jusqu’à 310 °C, maintenue 4 min ; détecteur à 300 °C. Dans ces conditions, le temps chromatographique total est de 24 min et les temps de rétention relatifs à la codéine deutérée sont : coc = 0,92 ; bze = 0,94 ; eme = 0,67. Les ions qualifiants et quantifiants sont indiqués dans le tableau 10.8.
281
Drogues et accidentalité
10.3.3 Autres méthodes en CPG-SM Parmi les nombreuses autres méthodes proposées certaines diffèrent par des points de détail touchant au choix d’étalon internes, aux conditions de températures chromatographiques, au mode d’ionisation en impact électronique (EI) ou ionisation chimique (CI) et aux variantes des techniques d’extraction ou à leur mode d’automatisation [15], ou selon le détecteur, quadripôle pour la majorité ou trappe d’ions [7]. D’autres s’en distinguent plus sensiblement. Celles citées ci-dessous sont données à titre d’exemples. En 2007, une équipe espagnole (Contreras et coll.) a validé une technique qui ne diffère que par la dérivation des analytes ; elle recourt à un mélange d’anhydride pentafluoropropionique et d’hexafluoroisopropanol [14]. Crouch et coll. utilisent une technique d’extraction et de chromatographie proche mais ils dérivent au moyen de N-méthyl-N-t-butyldiméthylsilyltrifluoroacétamide (MTBSTFA) et font appel à une ionisation chimique au moyen de méthane et d’ammoniac comme gaz réactants. Ils ajoutent le cocaéthylène (ce) et la norcocaïne (ncoc) au panel analysé [12]. Da Matta Chasin et coll. proposent une technique voisine. L’agent de dérivation est le également le MTBSTFA appliqué au sang total déprotéinisé avec ZnSO4 (5 %). L’extrait est obtenu en EPS sur cartouche Bondelut certify (C8) activée par méthanol et tampon phosphate à pH 6,0, puis lavée à l’eau (6 mL), à l’acide HCl 0,1 M (3 mL) et au méthanol (9 mL). L’éluat est obtenu avec un mélange chlorure de méthylène/isopropanol (80/20) à 2 % d’ammoniaque. Les conditions chromatographiques sont proches des précédentes (colonne DB5MS, four à 70 °C 1 min puis croissance de 15 °C/min jusqu’à 280 °C, température maintenue 6 min, le manifold étant à 220 °C). L’analyse est terminée en impact électronique sur une trappe ionique en mode MRC (automatic magnum reaction control). Paul et coll. utilisent en 2005, une technique CPG-SM qu’ils appliquent au sang et à l’urine. Ils détectent la coc, le ce et 13 métabolites de la cocaïne. Les 15 molécules sont extraites à partir de 3 mL de sang ou d’urine à pH 5,5 par EPS (Clean-Thru et ct zcdau020L) [9]. L’ecgonine n’est pas retenue à ce pH et reste dans la partie aqueuse en sortie de colonne. L’élution est réalisée avec du mélange chlorure de méthylène/méthanol/ammoniaque c (9/1/0,2). L’éluat est partagé en 2 parties : A (divisé lui-même en A1 et A2) et B. 3 injections distinctes sont pratiquées. A1 est repris par 60 μl acétone pour la détermination de la coc, non dérivée. A2 est réservé à la bze et aux méta et para-hydroxy benzoylecgonine (m-OH-bze et p-OH-bze) dérivées par 50 μL de mélange de diméthylformamide et diméthylformamide-dipropylacétal. Pour les autres métabolites, la solution B, évaporée à sec, est dérivée par 50 μL du mélange penta-fluoropropanol (PFPOH) et anhydride pentafluoropropionique (pfpa), chauffée à 50 °C pendant 15 min puis séchée à nouveau sous N2 à 25 °C et dissous dans 50 μL d’acétonitrile ; l’éluat aqueux contenant l’ecgonine est ajusté à pH 2–3 et extrait sur une autre colonne de la même manière puis dérivée avec du 1-iodopentane. La solution est lavée à l’acide sulfurique 0,15 M et à l’acétate d’éthyle puis portée à pH 9,5 avec un tampon carbonate 1,5 M. La
282
Dosages sanguins et urinaires
pentyl-ecgonine est extraite avec l’acétate d’éthyle, évaporée à sec à 25 °C sous azote, reprise par acétone pour être injectée. Rapportée par Jones et coll. [4], l’expérience de la Suède dont la loi implique la tolérance zéro en matière de drogue depuis le 1er juillet 1999 et qui a eu pour conséquence de multiplier par 10 le nombre de sangs soumis à analyse, mérite d’être soulignée. Il s’agit des résultats de 26 567 prélèvements, analysés en 5 ans dans le cadre de l’accidentologie, pour lesquels 795 ont été détectés positifs en coc et/ou métabolites. Ces auteurs recommandent également une méthode CPG-SM. L’extraction est pratiquée sur l’échantillon de sang déprotéinisé par l’acétone (3 mL pour 1 mL de sang), évaporé et repris en tampon phosphate, déposé sur colonne Bondelut activée à l’acide HCl 0,1 M et au méthanol. Le solvant d’extraction est un mélange dichloro-méthane/isopropanol (80/20) à 2 % d’ammoniaque, La dérivation utilise le mélange PFPA/PFPOH (2/1) incubé à 60 °C pendant 15 minutes. Après evaporation sous azote, le résidu sec est repris par l’acétate d’étyle (100 μL), évaporé à sec à nouveau puis repris par 50 μL d’acétate de butyle dont 1 μL est injecté après 15 min de repos. La colonne utilisée est de type HP5MS de 30 m, di 0,25 mm et épaisseur de film 0,25 μm. La température du four est programmée de 130 °C (1 min) à 240 °C (50 °C/min) puis jusqu’à 280 °C (20°/min). le chromatogramme dure 33 min, la LOQ est de 20 ng/mL et la linéarité de 20 à 2000 ng/mL. Enfin la méthode décrite en 2006 par Cordona et coll. [16] paraît innovante en ce qu’elle passe par la réalisation des chlorhydrates de tous les composés, au moyen d’un générateur de vapeur d’acide chlorhydrique et qu’elle démontre à propos du crack fumé, la faiblesse diagnostique de la présence d’anhydroecgonine méthyl ester (aeme). Les auteurs prouvent en effet sa formation à partir de la cocaine dans l’inlet du CPG en proportion inverse de la concentration (de 2,1 % à 52 % entre 6 400 et 25 ng/mL). Par ailleurs, Cordona et coll. déterminent 11 molécules : coc, bze, norbenzoylecgonine (nbze), ncoc, ec, eme, m-OH-bze, aeme, ce, norcocaéthylène (nce), ecgonine éthylester (eee), dans le sang (déprotéinisé à froid (–20 °C)) par l’acétonitrile, l’urine et le muscle. Les extraits sont obtenus par EPS (en tampon phosphate à pH 6,0, sur cartouche Bondelut certify. Les limites de quantification (LOQ) sont inférieures à 2 ng/mL pour 7 molécules, tandis que pour nbze, ec, m-OH-bze, et aeme, elles sont respectivement de 25, 800, 50, et 13 ng/mL.
10.3.4 Méthodes CPG-SM appliquées à l’urine La majorité des techniques décrites ci-dessus, mises au point pour le sang, voire pour le sang et l’urine [9, 16], sont applicables ou adaptables aux urines après validation. Yonamine et coll. proposent une méthode rapide par micro-extraction sur fibres de 100 μm de polydiméthylsiloxane (SPME) introduites directement dans l’urine alcalinisée par un tampon carbonate/bicarbonate (2/1) sous agitation magnétique pendant 20 min. La suite des opérations est comparable à celles des techniques préalables. La LOQ est de 5 ng/mL pour l’ensemble des analytes [17]. Les variantes de quelques unes des méthodes publiées figurent aux tableaux 10.8 et 10.9.
283
Drogues et accidentalité
TABLEAU 10.8 Variantes des principales méthodes CPG-SM. Rendements d’extraction (%) Mode extraction
Dérivation coc
bze
eme
ec ou ce
LL chloroforme : isopropanol : BSTFA n-heptane (50 : 17 : 33 vv)
72,5
62,0
60,2
_
SPE (C18)
86,7
88,4
57,5
_
BSTFA
Depuis 1996 l’amélioration des moyens analytiques permet avec ces méthodes des lod et loq plus faibles LL Dichloro-éthane/isopropanol _ _ _ _ _ (80/20) à 2 % d’ammoniaque BSTFA LL pH 8,9 CHCL3/isopropanol 90/10 80° 0 min
42
93
_
49 (ec)
EPS Clean-thrue ; ctzcdau020l Cl2CH2/méthanol/ammoniaque (9/1/0,2) partagé en 2 A (divisé en A1 et A2) et B
Coc 60 μl acétone (A1) non dérivée Bze, m et p OHbze DMF + DMFdpa Ecgonine : Iodopentane Autres (PFPA/PFPOH)
> 83
> 83
> 83
EPS Bondelut certify
MTBSTFA
60-75
60-70
40-68
EPS
MTBSTFA
> 80
> 80
> 80
Ce 60-78 > 80 ce
EPS Bondelut certify
PFPA/PFPOH
54
93
42
65 (ce)
EPS Bondelut certify automatiséRapid-trace
PFPA/PFP 70 °C 20 min
*Quadripôle, **Trappe ionique.
284
44
62 ± 4 58 ± 2 43 ± 1
0,7 ± 0,1 68 ± 5
Dosages sanguins et urinaires
TABLEAU 10.8 Suite. LOD (ng/mL) coc
bze
LOQ (ng/mL) ec ou ce
eme
coc
bze
Échelle de quanti- Colonne ec ou ce fication
eme
4
8
6
_
_
_
_
_
5
5
8
_
_
_
_
_
_
_
_
_
5
5
10
_
_
_
_
_
20
20
20
_
_
_
20–2000 HP5MS
[6] SFTA * [64]
[4]*
HP5MS ; CP Sil 5 CB DB5MS
[8]*
5,0
3,5
_
_
_
_
1
4
1
16 (ec)
10
20
25
50 (ec) 10–2000
Type HP5MS
[9]*
25
50
50
Ce 25
50
100
100
Ce 50 50–3500 DB5MS
[7]**
_
[12]*
_ 2
_ 2
0,78 0,78
_
_
_
_
2
2 (ce) 640 (ec)
2
2
2
1,56
12,5 (ec) 0,78 (ce)
0,78
0,78
1,56
0–500
[6] SFTA *
1,7
_
_
CP SIL 8 CB 20–2000 chrompack CP SIL 8 CB 20–2000 chrompack
Réf.
2,5–2000 DB5MS silice 800 1–800 greffée / (ec) 1–6400 méthylsi2 (ce) (ec) loxane HP-ultra 1 100 % 25 (ec) méthyl 0,78 0,78–3200 siloxane (ce) (12 m × 0,2 di 0,33 μm)
[16]*
[15]*
285
Drogues et accidentalité
TABLEAU 10.9 Monitoring des ions selon différentes méthodes CPG-S. coc
coc d3
bze
bze d3
eme
IdI
82,182,303
185
82,240,361
243
82,96,271
IdQ
182
185
240
243
96
IdI
182,198, 303
185
300,316 421
303
_
IdQ
182
185
300
303
_
IdI
777,82,83 94,96,105 182,185,198 272,303,306
306,185
77,82,83 94,96,105 240,243,256 361,364
243,364
82,83,85 96,97,99 182,240 271,274
IdQ
303,182
306,185
240,361
243,364
82,271
IdI
182, 272, 303
185,306
210,272,331
213, 331
182,314,345
IdQ
182
185
210
213
182
IdI
182
185
282
285
82
IdQ
182
185
282
285
82
IdI
272,182,303
275,185,306
300,316,421
303,319,424
182,314,345
IdQ
182
185
300
303
182
IdI
82,182,303
85,185,306
300,316,421
303,319,424
182,314,345
IdQ
182
185
300
303
182
IdI : ions d’identification, IdQ : ions de quantification.
10.3.5 Techniques par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse en tandem (CPG-SM/SM) La CPG-SM/SM qui permet une spécificité et une sensibilité plus grande, n’est pas utilisée pour la recherche et le dosage de la cocaïne dans le sang (plasma ou sang total) ou l’urine. Les teneurs mesurées sont relativement importantes et les performances de la CPG-SM sont suffisantes. De telles techniques ont cependant été mises au point pour d’autres matrices (salive [18] et cheveux [19–21]) et leur application au sang et à l’urine sont possibles. Les limites de détection (LOD) et LOQ sont respectivement pour la coc et le ce : 0,1 et 2 ng/mL ; pour les autres métabolites 0,5 à 5 ng/mL. Ces techniques ont laissé place à la CPL/SM et la CPL-SM/SM dont les applications se multiplient cette dernière décennie.
286
Dosages sanguins et urinaires
TABLEAU 10.9 Suite. eme d3
Ecgonine
Ecgonine d3
ce
Ce d3
IdI
99
_
_
82,196,317
85,199
IdQ
99
_
_
196
199
IdI
_
_
_
_
_
IdQ
_
_
_
_
_
IdI
85,274
_
_
_
_
IdQ
85,274
_
_
_
_
IdI
185,348
168,238,255
171,258
_
_
IdQ
185
168
171
_
_
IdI
85
_
_
196
199
IdQ
85
_
_
_
_
_
196,212,272
199,275,320
_
196
199
_
196,212,272
199,275,320
_
196
199
IdI IdQ IdI IdQ
185,317,348 300,314,463 185
300
185,317,348 300,314,463 185
300
Ref [6, 64]
[4]
[8]
[9]
[7]
[16]
[15]
10.3.6 Méthodes par chromatographie en phase liquide couplée à la spectrophotométrie d’absorption moléculaire dans l’ultraviolet [22–33] appliquées au sang et/ou à l’urine Depuis le début des années 1990 alors que la CPG-SM est largement plus utilisée pour la recherche et le dosage des drogues, de nombreux auteurs se sont tournés, notamment pour la cocaïne et ses métabolites, vers la chromatographie liquide haute performance (haute pression) couplée à un détecteur à barrette de diodes. Le sang (total ou plasma) et l’urine sont autant concernés. Pour des raisons de simplicité d’emploi et d’opportunité de moyens, ces techniques ont donné lieu à des publications jusqu’en 2006 [22]. Comme pour les méthodes de CPG-SM, d’autres familles de toxiques sont recherchées simultanément et par suite quantifiées. Les techniques d’extraction sont en mode liquide/liquide ou EPS. Toutes ces méthodes permettent la détection et les dosages de coc, ncoc, bze, nbze, ce et nce mais peu d’entre elles s’attaquent à l’eme qui n’est pas détectable en l’état par absorptiométrie UV. Certains auteurs la
287
Drogues et accidentalité
dérivent en para fluoro-eme au moyen de para-fluorobenzoyle (100 μL dans 1 mL de benzène et 200 μL de pyridine pendant 1 heure au bain marie à 85 °C [27, 32]). La dérivation n’est cependant pas à l’avantage de la technique, précisément revendiquée pour sa simplicité, la CPG-SM nécessitant dans tous les cas, hormis pour la cocaïne elle-même, une dérivation. Par ailleurs, la différence de polarité importante de la coc, bze et ce par rapport aux autres métabolites, conduit souvent l’analyste à deux traitements distincts. C’est par exemple : l’extraction liquide/ liquide (chloroforme/dichloro-méthane) suivie d’une EPS pour l’urine [24] pour le plasma [25] ou la succession de deux extractions liquide/liquide différentes pour
TABLEAU 10.10A Paramètres comparés des techniques HPCPL couplées à la spectrométrie d’absorption UV. Sang pl ou Réf. Année total sér
288
ur
coc (LOD) (LOQ) (μg/mL)
ncoc (LOD) (LOQ) (μg/mL)
bze (LOD) (LOQ (μg/mL)
nbze (LOD) (LOQ) (μg/mL)
eme (LOD) (LOQ) (μg/mL)
v
1990
x
x
x
x (35)
x (35)
x (18)
x (18)
_
[24]
1994
_
x
x
x
_
x
_
_
[25]
1995
_
x
x
(?) (50pl) (12,5ur)
(?) (50pl) (12,5ur)
(?) (25pl) (5ur)
(?) (25pl) (5ur)
_
[26]
1996
_
x
_
1,0
5,0
5,0
_
_
[27]
1996
_
x
_
_
(90) (260)
[28]
1996
_
[29]
1997
_
[30]
1997
[31]
(60) (180) (80) (230) (35) (100)
x
x
_
x
_
_
x
_
2,5 (4bf )
2,5 (4bf )
2,5 (4bf )
_
_
_
x
_
24,0
15,0
20,0
_
_
1997
x
_
_
x
_
x
_
_
[32]
2000
_
x
x
(?) (25)
(?) (25)
(?) (25)
_
(?) (50)
[33]
2002
_
x
_
5,0
10,0
10,0
_
_
[22]
2006
_
x
_
10,0
_
10,0
_
_
Dosages sanguins et urinaires
l’urine [25]. D’autres réalisent une chromatographie en deux temps ou à l’aide de colonnes de natures diverses en série : injections séparées sur colonnes C8 et C18 [25], ou C18 et silice greffée par groupements cyanopropyl [27] ou l’association de colonnes supelcosil ABZ et une phase inverse désactivée [30] ou encore 2 colonnes en série C8 et silice greffée aux groupements cyanopropyle [32]. L’intérêt de la HPCPL est resté limité dans ce cadre tant que la spectrométrie de masse n’a pas pu lui être associée efficacement. Quelques exemples d’application figurent aux tableaux 10.10A et 10.10B.
TABLEAU 10.10A Suite.
ce (LOD) Réf. (LOQ) (μg/mL)
nce (LOD) (LOQ) (μg/mL)
Étalon interne
Mode extraction
EPS
v
_
_
Lidocaïne
[24]
_
_
Benzoctamine
[25]
(?) (50pl) (12,5ur)
(?) (50pl) (12,5ur)
_
[26]
2,5
5,0
_
_
[27]
_
_
Tropocaïne
EPS Bondelut certify EPS
LL (CHCl3/Dichlorométhane) /EPS ; NARC 2 2LL (plasma) LL + EPS C18 (ur)
[28]
x
_
2’méthyl bze et 2’ méthyl cocaïne
[29]
2,5 (4bf )
_
3 isobutyl- 1-butylxantine
LL tp borateM pH 9,0chloroforme/ éthanol (87,5/12,5)
[30]
12,9
_
Buvacaïne
LL (CHCl3) Soerensen pH6,0
[31]
x
_
2’méthyl bze et 2’ méthyl cocaïne
EPS bondelut certify
[32]
_
_
Buvacaïne
_
[33]
_
_
_
_
[22]
10,0
_
_
EPS Bondelut certify cond CH3OH et PO4 pH6,0 élution CHCl3-isopropanol
289
Drogues et accidentalité
TABLEAU 10.10B Paramètres chromatographiques comparés des techniques HPCPL couplées à la spectrométrie d’absorption UV.
290
Détection Phase mobile UV (nm)
Réf.
Année Colonne
[23]
1990
[24]
1994
[25]
1995
[26]
1996
C18
[27]
1996
Nucleosil C18 (coc, bze, ncoc) avec précol C8 silice gr cyano-propyl (eme)
235
[28]
1996
_
_
_
235
Isocrat CH3OH-acétocn 25,8 mM ; Tp ac Na, pH 2.2 + tetrabutylammonium phosphate 1,29*10-4 M (12.5 :10 : 77.5)
Phase inverse : octadécyl silice Phase inverse SGX CN Separon 150x3 mm C8 (coc ncoc, ce, nce) C18 (autres)
233 233 et 276 23 _
[29]
1997
Phase inverse C18 di 2,1 mm
[30]
1997
SupelcosilABZ + phase inverse 250 mmx2,1mm di
[31]
1997
[32]
2000
[33]
2002
phase inverse C18
225
[22]
2006
Xterra RP8 250/4,6 mm di 5 μm
233
_ 2 colonnes en série C8 5 μm spher et cyanopropyl 5 μm
_
_ _
Isocrat acétonitrile 6 %/PO4 pH2,1 Isocrat PO4 pH3,5 0,1M/ triéthylamine _ Bin Tp PO4 pH 6,0/acétonitrile/ méthanol Isocrat Ac citrique (0,05 M/ PO4HNa2 0,1M pH3,0 ; 4 :1) 18 %/acétCN ; triéthylamine 0,3 %
Isocrat CH3OH-acétonitrile-50 mM NH4PO4H2 (5 :7 : 63). _ AcétoCN/eau HPLC/ac trifluoroacétique (28 : 72 : 0.1) Tp PO4 pH 6,9 acétoCN/ CH3OH Binaire gradient : 22 min A 10-50/B90-50 B Tp PO4 0,02 M pH 6,53 A acétoCN
Dosages sanguins et urinaires
TABLEAU 10.10B Suite.
Réf.
Injec (μl)
Répétab CV %
Linéarité
[23]
80,0
3,5–7,0
35–2 260
[24]
_
[25]
_
12,0–18
25–1 000 (pl) 5–250 (ur)
_
_
[26]
_
_
_
_
_
Coc (86) bze (87) norcoc (83) ec (78)
Eme dérivé en fluorococaïne 2e sol pour eme PO4H2NapH3,0/acétoCN 30 % < 0,5 % d’hydrolyse de coc et ce en bze
20–6 000
[27]
100
2–8 %
[28]
_
_
300–5 000
_
Rendement extraction % 86 coc 91 bze 85 ncoc 92 nbze 64-78 bze 42-101 coc
_
[29]
50,0
1,22–6,1
200–1 000
[30]
35,0
3–9,9
25–5 000
[31]
_
tp aq pH 4,0 10 %/ acétoCN 90 % en 1 min laissé 1 min
Non
80,3 à 93,4
méthanol/ac formique 0,1M
Extraction
Filtrat direct
Centrifugation ac pH4,0 + EPS
Ultracentrif EPS bondelut certify et SCX (ec)
Centrifugation unique Injection directe
Non
41 à 92
Microplaques 96 puits
97 à 113
Non
2005 [48]
Plasma
CPL-ESISM/SM
EPS MCX oasis
Non
2007 [49]
Urine
CPL-ESISM/SM
EPS HLB Oasis
Rapide Trace Station
Mode chromato-liquide acétoCN/ HCOOH/ HCOONH4 80/20 à 50/50
Gradient A = ammonium 20 mM B = acétoCN/méthanol 1/1 : 99/1 : 2 min 20/80 12 min Extraction on line Fast gradient 3,5 min 26 min
Gradient sol A ammonium formiate (pH 4.0) et sol B érum #100 % itrile.15 min 25 °C 97 % A à 20 % en 11 min (B qs 100 %) _
Dosages sanguins et urinaires
TABLEAU 10.11A Suite.
Réf.
Colonne coc
Spherisorb 1999 5RP 8S 100 [34] × 2,1 mm 5 μm
(?) 5
1999 [35]
(?) 2
LOD (ng/mL) LOQ (ng/mL) m et p ncoc bze nbze eme OHbze
ec
Domaine ce de linéarité
(?) 5
_
_
(?) 5
_
(?) 5
0–1 000
(?) 2
_
_
(?) 5
_
_
2–1 000 5-1 000 (eme)
Phase inverse 2000 ( p-OHcoc. Les demi-vies d’élimination sont plus courtes sous forme fumée, intermédiaire en IV et plus longue en IN. Le métabolite dont la demi-vie est la plus longue est le m-OH-bze (7 à 9 h) et la cocaïne possède la plus courte : 2 à 4 h (l’ecgonine n’était pas déterminée dans cette étude, sa demi-vie est de 9,3 ±1,3 h [60]). Le délai pour la dernière urine positive est de 48 h pour la cocaïne en IV (cutoff CPG-SM 40 ng/mL). En Hollande, entre 1995 et 1998, sur 11 458 contrôles d’alcoolémies et drogues opérés sur des conducteurs, 361 (3,1 %) sont positifs en cocaïne et ou métabolites [55], résultats voisins de ceux de Jones et coll. en Suède : 3 % sur 26 567 analyses de sang [4]. Il convient également de considérer, pour juger de la signification d’une teneur en cocaïne ou de l’un de ses métabolites, le caractère potentiellement chronique de l’usage car la cocaïne se stocke dans les tissus riches en lipides d’où elle s’élimine progressivement entraînant des toxicocinétiques irrégulières qui incrémentent celle d’une nouvelle prise en rendant son interprétation délicate. Preston et coll. montrent chez 18 sujets consommateurs chroniques sevrés et isolés pendant 14 jours dans une unité
303
Drogues et accidentalité
de recherche contrôlée, que l’élimination urinaire des métabolites, exprimée en « bze équivalents » détectés par FPIA (cut-off 300 ng/mL), est fortement allongée après l’arrêt de consommation [57]. La décroissance de la bze (normalisée par la créatinine) par rapport à la teneur de la première miction est en moyenne de 56 % à 24 h, 6 % à 48 h et 5 % à 72 h. 69 % des urines ont été détectées positives après avoir été négatives et les durées moyennes pour obtenir un échantillon négatif est de 54,8 ± 20,7 h (20–100 h), tandis que le dernier échantillon positif intervient 81 ± 34 h (34–162 h) après la première miction. Ces sujets pouvaient ils être considérés sous l’emprise de la drogue après plusieurs jours d’abstinence ? Il n’est pas possible de trancher. Les effets toxiques de la cocaïne se manifestent sensiblement entre 0,25 et 5 μg/mL. La mort n’est généralement pas observée pour des teneurs inférieures à 1 μg/mL. Elle est rare et la qualité de la cocaïne influe sur l’importance du risque ; RagoucySengler [1] rapporte que selon certains auteurs les teneurs moyennes retrouvées post-mortem chez des fumeurs de crack ou de free base sont très inférieures à celles décrites pour des décès chez des consommateurs de chlorhydrate de cocaïne (teneur moyenne 0,3 μg/mL vs. 3,5 μg/mL). Inférieur à 1, le rapport coc/bze indique le caractère récent de la prise de cocaïne. Il peut être considéré que si la coc sanguine n’est pas détectable en CPG-SM alors que la concentration en bze est significative, la prise est antérieure d’au moins 8 h et si la bze est encore détectable 24 h plus tard, la prise était vraisemblablement importante. L’interprétation de la concentration en coc au niveau des seuils de détection est délicate, en particulier si l’on ne peut exclure le caractère chronique possible de l’usage pour les raisons évoquées ci-dessus. Selon de nombreux auteurs, à l’instar de Jones et coll. [4], il ne peut être tenu compte que de la concentration sanguine pour interpréter et corréler une teneur à des effets pharmacologiques sur un individu sous l’emprise de la coc. Les avis des toxicologues sont partagés quand il s’agit de corréler les teneurs à l’importance des signes de toxicité. Pour Cone [58], un certain nombre de signes évoluent linéairement avec la teneur : diamètre de la pupille, débit cardiaque, pression systolique et diastolique, quelle que soit la voie d’administration. Dans l’étude de Jone et coll., le grand nombre d’observations permet d’ordonner certains résultats : 795 résultats positifs constituent 3 % des prélèvements réalisés chez des conducteurs appréhendés par la police. Cette positivité concerne la présence de coc et/ou de bze. Dans plus de 96 % des cas, elle concerne des hommes dont l’âge moyen est de 28,3 ± 7,1 ans. Dans 574 cas (72,2 %), la coc est en-dessous de la LOQ alors que la bze est en moyenne de 190 ng/mL (médiane 120 ng/mL ; max 1,3 μg/mL). La coc et la bze sont présentes ensemble dans 221 cas pour lesquels la coc moyenne est de 76 ng/mL (médiane 50) et la bze 859 ng/mL (médiane : 700). Toutefois, même devant ce grand nombre d’observations, l’interprétation est délicate car seulement 61 échantillons ne contenaient aucune autre drogue que la cocaïne ou ses métabolites. Parmi ceux-là effectivement, les auteurs observent les signes attendus
304
Dosages sanguins et urinaires
de l’intoxication assez bien corrélés à l’importance de la teneur (pupilles dilatées, yeux glacés et injectés de sang, agitation, difficultés à rester assis, discours incohérent, accélération du pouls, et conduite rapide, ondulante, ignorant les feux…). Les études hollandaises, suisses et danoises donnent des résultats voisins [55, 58]. Une étude récente de Huestis et coll. en 2007 [60], tend à confirmer ce parallélisme des signes d’intoxication avec les teneurs urinaires des métabolites. D’autres auteurs dénient un quelconque lien entre survenue d’effets cardiovasculaires et teneur en coc du sang [61, 62]. L’interprétation des teneurs urinaires n’est donc pas plus facile. La cocaïne dans l’urine est à son taux maximum entre 1 et 4 h après une prise, quelle que soit la dose. La bze et l’eme sont à concentration maximum en 6 ±4 h et dans l’expérience de Huestis et coll., ces métabolites principaux ont été détectables respectivement de 31 à 106 h et de 31 à 164 h après des prises inhalées parfaitement contrôlées de 10 à 40 mg de cocaïne (Cmax comprises entre 6 et 12 μg/mL, en général supérieures pour la bze). Les métabolites y sont donc détectables plus longtemps que dans le sang (1 à 7 jours par CPG-SM) et leur teneur est parallèle à la dose absorbée. Les métabolites accessibles sont par ailleurs plus nombreux et permettent de détecter encore plus longtemps la consommation. C’est en particulier le cas de l’ecgonine. Les techniques HPCPL couplées à la spectrométrie de masse en tandem, ont permis de descendre de manière fiable à la détermination de teneurs faibles rendant ce paramètre plus utile. Huestis et coll. font remarquer que si l’ecgonine intervient tardivement dans le métabolisme de la cocaïne, sa présence est détectable très précocement dans l’urine mais à très faible dose, en revanche elle est détectable longtemps et sa teneur croît et dépasse celles des autres métabolites mineurs (Tmax = 4,6 à 12,9 h). Ces mêmes auteurs signalent également l’intérêt des para et méta-hydroxy-benzoylecgonine qui sont à faible concentration dans l’urine mais qui ne se forment pas in vitro [60]. Ambre avait proposé, dès 1991, un modèle de cinétique urinaire de la bze permettant l’estimation de la cocaïne administrée à partir des teneurs en métabolites [63]. La précision des méthodes actuelles d’analyse devrait améliorer la pertinence de ces modèles.
Une considération particulière : Le cocaéthylène Ce métabolite relève de la synthèse hépatique réalisée en présence de cocaïne et d’éthanol. Il témoigne de l’absorption simultanée, ou à peu de distance, de la cocaïne et de boissons alcoolisées constituant un marqueur fidèle de cette pratique. Plus toxique que la cocaïne, il bloque les canaux sodiques, diminue la réponse musculaire aux stimuli calciques aggravant les troubles de la conduction (inotrope négatif) occasionnés par la cocaïne et sa toxicité neurologique [4]. La présence de ce composé complique la signification d’une teneur même faible de cocaïne ou de ses métabolites [56].
305
Drogues et accidentalité
10.3.9 Conclusion L’analyste dispose aujourd’hui d’un ensemble de moyens efficaces, rapides, précis et fiables d’analyse de la cocaïne et de ses métabolites. La CPG-SM demeure une technique de choix. Il conviendrait d’établir un consensus sur la place que doivent prendre dans l’avenir dans le cadre de l’accidentologie, les méthodes ayant recours à la CPL-SM/SM et la CPL/TOF-SM ainsi que sur l’intérêt de l’ecgonine dont la stabilité constitue un critère favorable dans l’estimation d’une imprégnation cocaïnique, notamment quand le délai entre l’observation du conducteur et la prise de sang ou la collecte d’urine s’allongent. Dans le cadre de l’accidentologie, pour nécessaire qu’elle soit pour authentifier la consommation récente ou moins récente de la drogue, la teneur du sang ou de l’urine en cocaïne et métabolites ne peut donc pas être, à elle seule, le reflet de l’influence exercée par la drogue sur le conducteur d’un véhicule. Les effets sur la fonction cardiovasculaire et sur le système nerveux peuvent entraîner des conséquences cliniques ou comportementales indépendantes des concentrations déterminées. L’hyperplasie cardiovasculaire induite par la toxicité chronique peut, dans certains cas, se traduire par la rupture ou la perforation vasculaire mais aussi par l’infarctus. De même les troubles de la conduction peuvent aboutir à l’arythmie voire à l’arrêt cardiaque. Ces signes sont de survenue aléatoire et non corrélés nécessairement à l’usage récent de drogue et par conséquent peuvent être contemporains de très faibles teneurs. Il en est de même des signes de psychose paranoïde ou des convulsions, autant d’événements qui peuvent être responsables d’écarts ou d’accidents de conduite. Une revue des méthodes utilisées pour le sang entre 2002 et 2007 due à Kraemer et Paul peut être utilement consultée [64].
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10.4 Amphétamines dans le sang et les urines La famille des amphétamines, qui regroupe pas moins d’une vingtaine de produits différents, mais d’action physiologique voisine, est en constante évolution. L’amphétamine ou (R, S)-1-phényl-2-propaneamine, est le chef de file de cette classe de produits stimulants du système nerveux central à laquelle appartient également la méthamphétamine ou (R, S)-N-méthyl-1-phényl-2-propaneamine. De nombreuses molécules appartenant à la famille des amphétamines ont des effets cliniques similaires. Les substances les plus connues et utilisées sont la méthylène-dioxy-méthamphétamine (MDMA ou « ecstasy »), la méthylènedioxy-éthamphétamine (MDEA), moins fréquemment la N-méthyl-1 (3,4-méthylène-dioxy-phényl)-2-butamine (MBDB). La MDMA et la MDEA ont un métabolite commun, la méthylène-dioxy-amphétamine (MDA). L’amphétamine est un puissant stimulant du système nerveux central. Outre ses effets sympathomimétiques indirects, elle entraîne une stimulation corticale probablement par l’intermédiaire de la substance réticulée médullaire, mettant en jeu les voies dopaminergiques. L’amphétamine diminue la sensation de fatigue, le sommeil et l’appétit, certaines amphétamines dont la MDMA ont également des effets hallucinogènes.
10.4.1 Méthodes d’analyse Le dosage de ces substances peut-être réalisé par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (CPG-SM) (tableau 10.13). La méthode recommandée par la Société française de toxicologie analytique (SFTA) permet l’identification et le dosage dans le sang de l’amphétamine, la méthamphétamine, MDA, MDMA, MDEA et MBDB, utilisant un analogue deutéré de chaque analyte comme étalon interne [1].
311
312 Réf.
Composés Amphétamine Méthamphétamine [2] MDMA MDA MDEA Amphétamine Méthamphétamine [3] MDMA MDA MDEA
[6]
Amphétamine Méthamphétamine
Matrice
Préparation échantillon
Colonne analytique
Détection
Plasma
SPE (mode mixte) Dérivation (HFBA)
HP-5 MS (30 m × 0,25 mm, 0,25 μm)
EI-SM, SIM
Sang, Sérum
Extraction/dérivation (NaHCO3/KOH ; toluène ; HFBA)
DB-5 MS (30 m × 0,32 mm, 1 μm)
EI-SM, full scan (screening), SIM (Quantification)
Sang
Extrelut (tampon borate, pH 10,5 ; acétate d’éthyle), dérivation en ligne
HP-5 MS (30 m × 0,25 mm, 0,25 μm)
EI-SM, SIM
HP-5 MS (30 m × 0,25 mm, 0,25 μm)
NICI-SM, SIM
SGE-BPX5 (15 m × 0,25 mm, 0,25 μm)
NICI-SM, SIM
Amphétamine Méthamphétamine [7] MDMA MDA MDEA
Plasma, SPE (mode mixte) Sérum Dérivation ((S)-HFBPCl)
[8] Amphétamine
Plasma
Extraction liquide-liquide (NaOH, n-hexane) Dérivation ((S)-HFBPCI)
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine (ou « ecstasy »). MDA : méthylène-dioxy-amphétamine. MDEA : méthylène-dioxy-éthamphétamine. MBDB : N-méthyl-1 (3,4-méthylène-dioxy-phényl)-2-butamine. HFBA (anhydride heptafluorobutyrique), HFBPCl ((S)- (-)-heptafluorobutyrylpropyl), SPE (extraction en phase solide). NICI : ionisation chimique négative. EI : impact électronique. SIM : mode d’ions sélectionnés. SM : spectrométrie de masse.
Drogues et accidentalité
TABLEAU 10.13 Méthodes analytiques de chromatographie en phase gazeuse.
Dosages sanguins et urinaires
Après extraction par le diéthyloxyde en milieu basique, les amphétamines sont dérivées par l’anhydride heptafluorobutyrique (HFBA). L’extrait est purifié par lavages successifs avec de l’eau désionisée puis avec une solution ammoniacale à 4 %. La séparation est effectuée sur une colonne capillaire apolaire ; le mode d’ionisation est l’impact électronique (EI). Il n’existe pas d’interférence avec les principales autres amines sympathomimétiques (éphédrine, pseudo-éphédrine…). La dérivation des amines primaires et secondaires est importante pour l’analyse chromatographique, la sensibilité et la reproductibilité. Peters et coll. utilisent également le HFBA comme agent dérivant mais après une extraction en phase solide [2]. Kankaanpaä et coll. réalisent l’extraction et la dérivation en une seule étape [3]. Le réactif d’extraction-dérivation contient du toluène, de l’HFBA et les étalons internes deutérés. Ce réactif est ajouté au sang alcalinisé ou à l’échantillon d’urine. Dans la méthode décrite par Pirnay et coll., une hydrolyse des urines est effectuée avant les étapes d’extraction de type SPE et de dérivation (HFBA) [4]. Dans la méthode CPG-SM de Frison et coll., après une extraction alcaline des urines sur colonne d’extraction Extrelut et une dérivation avec le 2,2,2-trichloroéthylchloroformate, la séparation chromatographique s’effectue sur une colonne capillaire polaire et permet l’identification et la quantification simultanées de nombreuses substances amphétaminiques et dérivés [5]. Nischida et coll. dérivent par le propylchloroformate l’amphétamine et la méthamphétamine après extraction sur une colonne Extrelut [6]. Enfin, les énantiomères S- (+) et R- (−) de l’amphétamine et de la méthamphétamine peuvent être séparés à l’aide de phases stationnaires chirales, ou par formation de diastéréo-isomères avec un agent chiral ; la phase stationnaire étant, dans ce dernier cas, non chirale. Dans la méthode de Peters et coll., les diastéréoisomères sont synthétisés à partir du (S)(−)-heptafluorobutyrylchloride [(S)-HFBPCL], après une extraction de type SPE sur une colonne d’extraction de type « mode mixte » [7]. Le mode d’ionisation est l’ionisation chimique négative (NICI) en raison des propriétés électronégatives du dérivant. Pour éviter la volatilisation de l’amphétamine lors de l’évaporation du solvant, Leis et coll. ajoutent le dérivant directement dans la solution d’extraction (n-hexane) après une extraction liquide-liquide [8]. Ces dernières années, les techniques de chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse (CPL-SM) se sont rapidement développées dans le domaine de la toxicologie clinique et médicolégale [9] (tableau 10.14). Différents types d’interface SM sont utilisés en routine ; les deux types d’interface majoritairement employés en routine sont l’ionisation par électrospray (ESI), et l’APCI (atmosphéric-pressure chemical ioniation) [9]. Le mode d’ionisation par spray ultrasonique est peu utilisé [10]. Ce dernier mode d’ionisation n’utilisant ni chauffage (thermospray), ni champ électrique, permet une ionisation « douce », intéressante pour des substances de faible polarisabilité et peu thermostables. Les techniques CPL-SM permettent de réduire considérablement la phase pré-analytique, en supprimant la phase de dérivation. La combinaison de deux spectromètres de masse ou masse tandem (SM/SM), permet un gain de sensibilité et de sélectivité, après une séparation chromatographique sur une colonne C18. Un des avantages majeurs des techniques CPL-SM/SM en comparaison avec la CPL-SM, est la
313
Drogues et accidentalité
possibilité de réduire le temps d’analyse. En ce qui concerne la phase pré-analytique, une simple déprotéinisation avec une solution méthanolique contenant l’étalon interne, peut être suffisante [11] ; les limites de quantification étant satisfaisantes (0,5 à 2 ng/mL) pour le dosage des amphétamines dans le cadre médicolégal. Ces limites de quantification sont inférieures à 0,5 ng/mL après une extraction liquideliquide du sang ou des urines et une détection par électrospray (ESI) [12, 13] ou de type APCI [14]. TABLEAU 10.14 Méthodes analytiques de chromatographie en phase liquide. Réf.
Composés
Amphétamine [10] MDMA MDA Amphétamine Méthamphétamine [11] MDMA MDEA MDA Amphétamine Méthamphétamine MDA [12] MDMA MDEA MBDB Amphétamine Méthamphétamine MDA [13] MDMA MDEA MBDB
[14]
[15]
[18]
314
Amphétamine Méthamphétamine Amphétamine Méthamphétamine MDMA MDEA Amphétamine Méthamphétamine MDA MDMA MDEA
Matrice
Sang
Préparation échantillon Extraction liquide-liquide (K2CO3, pH 9,5 ; hexane/acétate d’éthyle)
Colonne analytique
Détection
Hypersil BDS Ionisation par C18 (100 mm spray sonique × 5,1 mm, 3 μm) - SM
Plasma
Déprotéinisation (méthanol)
Hypersil BDS C18 (100 mm ESI-SM/SM × 2,1 mm, 3 μm)
Sang Urine
Toxitube A
Uptisphere ODB C18 (150 mm ESI-SM/SM × 2,1 mm, 5 μm)
Urine
Extraction liquide-liquide
Atlantis Intelligent Speed ESI-SM/SM (20 mm × 2,1 mm, 3 μm)
Extraction liquideMetaSil basic liquide (100 mm APCI-SM/SM Plasma (NH4OH), butylchloride/ × 2 mm, 3 μm ACN X-terra SPE (50 mm × 3 mm, Urine APCI-SM/SM (Oasis HLB) 2,5 μm)
Urine
Symmetry Schield RP 18 Extraction en ligne ESI-SM/SM (50 mm (Oasis HLB) (ion-trap) × 2,1 mm, 3,5 μm)
Dosages sanguins et urinaires
TABLEAU 10.14 Suite. Réf.
[19]
[20]
[21]
Composés Amphétamine Méthamphétamine MDA MDMA MDEA MBDB Amphétamine Méthamphétamine MDA MDMA Amphétamine Méthamphétamine MDA MDMA MDEA MBDB
Matrice
Préparation échantillon
Colonne analytique
Détection
Sérum, Atlantis C18 Extraction en ligne Plasma, (100 mm ESI-SM/SM (Oasis HLB) Urine × 2,1 mm, 3 μm)
Urine
Urine
Dilution (eau)
Luna C18 (100 mm ESI-SM/SM × 2,0 mm, 3 μm)
Dilution
Zorbax SB C18 Rapid solution (30 mm ×2,1 mm)
APCI-SM/SM
ACN (acétonitrile), SPE (extraction en phase solide). MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine (ou « ecstasy »). MDA : méthylène-dioxyamphétamine. MBDB : N-métyl-1- (3,4-méthylènedioxyphén-2-butanamine. MDEA : méthylènedioxy-éthamphétamine. MBDB : N-méthyl-1 (3,4-méthylène-dioxy-phényl)-2-butamine. HFBA (anhydride heptafluorobutyrique), HFBPCl ((S)- (-)-heptafluorobutyrylpropyl), SPE (extraction en phase solide). NICI : ionisation chimique négative. EI : impact électronique. SIM : mode d’ions sélectionnés. SM : spectrométrie de masse.
Avec une extraction en phase solide ou SPE, permettant de purifier et préconcentrer les analytes, les limites de détection sont inférieures à 0,1 ng/mL [15]. L’extraction de type SPE peut être réalisée en ligne (« on-line SPE ») sur colonnes échangeuses de cation [16] ou échangeuse d’anion de type MAX (mixed anion exchange) [17]. Dans la méthode de Wu et coll., l’extraction en ligne s’effectue une colonne d’extraction de type HLB à partir de 10 mL d’urine ; 5 mL d’urine étant préalablement déprotéinisés avec de l’acide trifluoroacétique [18]. Les limites de quantification varient de 4,4 à 9,1 ng/mL. Lacroix et coll. utilisent également une colonne d’extraction Oasis HLB, rincée initialement par une solution ammoniacale à 0,2 % pendant la phase d’extraction [19]. L’extraction en ligne est précédée d’une dilution de l’échantillon (sérum, plasma ou sang total) au 1/10e et d’une déprotéinisation avec de l’acide sulfosalicylique. La limite de quantification des six amphétamines analysées avec cette dernière méthode est de 1 ng/mL. L’injection directe d’urine diluée peut être utilisée, mais une perte de sensibilité est cependant observée [20, 21]. Les techniques de chromatographie liquide ultra-performante (UPCPL) couplées à la spectrométrie de masse (UPCPL-SM) permettent d’obtenir un gain de sensibilité et de résolution, ainsi qu’une diminution importante du temps de chromatographie qui peut être inférieure à 5 min [22–24]. À partir de 1 mL de sang total, extrait sur une colonne Oasis mixte échangeuse de cation (MCX), et une séparation
315
Drogues et accidentalité
chromatographique sur une colonne C18 Acquity UPCPL à un débit de 0,6 mL/ min, la limite de quantification est de 0,1 ng/mL [23].
10.4.2 Interprétation des résultats La famille des amphétamines regroupe de nombreuses molécules différentes dont les amphétaminiques (amphétamine et méthamphétamine) et les substances dites entactogènes ou dérivés amphétaminiques (MDA, MDMA, MDEA, MBDB…). Il existe deux isomères de l’amphétamine, l’isomère lévogyre « l » ayant une demi-vie plus longue que l’isomère dextrogyre « d ». L’amphétamine présente divers noms de rue tels que « Speed, Dict Pills, Fast balls… ». En ce qui concerne la méthamphétamine, l’isomère d est 5 fois plus stimulant que l’isomère l, alors que l’action périphérique de l’isomère l est plus importante ; le produit connu sous l’appellation « ice » est une d-méthamphétamine recristallisée. L’amphétamine et la méthamphétamine augmentent l’activité neuromusculaire, suspendent le sommeil, diminuent l’appétit et stimulent l’activité intellectuelle. Les substances entactogènes, appelées également « designer drugs » (drogue de synthèse optimisées), sont utilisées le plus souvent au cours de rave parties. Approximativement 1 % des Français (18–44 ans) les auraient expérimentés au moins une fois. Les entactogènes les plus utilisés dérivent de la 3,4 méthylène-dioxy-amphétamine (ou MDA) dont l’isomère R (-) est plus hallucinogène et plus sérotoninergique que l’isomère S (-) qui, lui, est plus psychostimulant. Les entactogènes dérivant de la MDA, les plus fréquemment mis en évidence sont : (±) 3,4 méthylène-dioxy-méthamphétamine (MDMA ou ecstasy), (±) 3,4 méthylène-dioxy-éthamphétamine (MDEA) et N-métyl-1-(3,4-méthylènedioxyphén-2-butanamine (MBDB). Ces dérivés amphétaminiques entactogènes diminuent les inhibitions psychiques et favorisent l’expression des émotions ; les effets hallucinogènes n’apparaissant qu’à des doses suffisamment élevées. Les effets physiques et psychiques des amphétamines sont fortement liés aux concentrations sanguines selon un modèle comparable à celui de l’alcool éthylique [25]. Les substances amphétaminiques et entactogènes provoquent une tachycardie, une hypertension, une hyperthermie parfois sévère, des nausées. Les troubles visuels et l’ataxie induits par la consommation de ces produits altèrent la conduite automobile ; la prise de risque étant augmentée et les réflexes diminués [26–28]. Dans le cadre de la législation sur les stupéfiants, établir un lien entre les concentrations dans le sang et les effets pharmacologiques susceptibles d’être délétères sur la capacité de conduire un véhicule, nécessiterait de prendre en compte l’existence d’énantiomères. Les énantiomères S- (+) étant 5 à 10 fois plus actifs que les énantiomères R- (−) [29–32]. La toxicocinétique des amphétamines et de leurs énantiomères est différente d’une molécule à une autre ; peu de données concernant les concentrations plasmatiques des énantiomères ont été publiées [7, 33]. Après administration d’une dose de 10 mg de d-amphétamine chez un adulte de 66 kg, le pic plasmatique est de 35 ng/mL 2 h après l’administration ; la demi-vie est de 11 à 13 h. La demi-vie de
316
Dosages sanguins et urinaires
l’isomère lévogyre est supérieure d’environ 39 % [25]. L’amphétamine est éliminée totalement en plusieurs jours ; 30 % sont éliminés sous forme inchangée dans les urines des 24 premières heures, jusqu’à 70 % lors de l’acidification des urines et seulement 1 % lors de leur alcalinisation. Les concentrations urinaires varient de 0,6 à 12 μg/mL, 12 h après administration d’une dose de 10 mg chez un sujet jeune, et diminuent avec une demi-vie urinaire de 12 h. Un sujet consommant fréquemment une dose de 30 mg, présente des concentrations de 1,1 à 18 μg/ mL ; lors d’une utilisation abusive, les concentrations peuvent être de l’ordre de 10 à 100 μg/mL. En ce qui concerne la méthamphétamine, une dose de 0,125 mg/ kg administrée chez 6 adultes permet d’observer des concentrations sanguines de l’ordre de 20 ng/mL, 3,6 h après administration, avec une demi-vie de 10 heures (6–15 h) [25]. La méthamphétamine est métabolisée en amphétamine après une N-déméthylation. Après administration de méthamphétamine par voie orale, plus de 20 % de la dose sont éliminées en 24 heures dans les urines ; l’excrétion se prolonge pendant plus de 7 jours [34]. Environ 40 % sont éliminés sous forme inchangée dans les urines, et 4 à 7 % sous forme d’amphétamine. La fraction de méthamphétamine éliminée sous forme inchangée peut être supérieure à 70 % lors de l’acidification des urines, et seulement de 2 % lors de leur alcalinisation. Après administration de 10 mg de méthamphétamine, des concentrations urinaires de l’ordre de 0,5 à 4 μg/ mL sont observées dans les 24 h, jusqu’à 7 μg/mL pour une dose de 30 mg. Après l’administration d’une dose de 50 mg d’ecstasy ou MDMA, le pic plasmatique est de l’ordre de 100 ng/mL deux heures après absorption ; le pic plasmatique de son métabolite, la MDA est de 28 ng/mL, 4 h après administration [25]. Pour une dose de 100 à 125 mg, 26 % de la MDMA sont éliminés sous forme inchangée dans les urines, et 1 % sous forme MDA. Pour une dose de 105 mg chez un sujet de 70 kg, la concentration urinaire de MDMA est supérieure à 17 μg/mL, la concentration de la MDA est généralement inférieure à 3 μg/mL. En ce qui concerne la MDEA, pour une dose de 140 mg, une concentration plasmatique de 260 ng/mL est observée 2 h après administration. La majeure partie de la dose est éliminée dans les urines dans les 32 h ; 19 % sous forme de MDEA, 28 % sous forme de MDA [25]. L’élimination urinaire de la MBDB et de ses métabolites, libres et conjugués, peut être totale en 36 h. En raison des cinétiques très variables des amphétamines et de leurs énantiomères, ainsi que des variations des propriétés pharmacologiques de ces derniers, des études toxicocinétiques plus approfondies sont nécessaires pour établir des seuils analytiques pour chaque molécule.
317
Drogues et accidentalité
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Drogues et accidentalité
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10.5 Conclusion La mauvaise corrélation entre la concentration sanguine de certaines drogues comme le THC et les effets montre que les seuils de danger sont impossibles à fixer. Par ailleurs, ceci équivaudrait à en tolérer l’usage. C’est la raison pour laquelle la réglementation dans ce domaine a fixé en 2001 un seuil analytique. Depuis cette date, des progrès analytiques déterminants ont été réalisés, aussi nous réitérons notre proposition d’abaisser les seuils de détection sanguins imposés par la loi dans le cadre de la sécurité routière [46] aux concentrations suivantes : › 0,5 ng/mL au lieu de 1,0 ng/mL pour le THC, › 10 ng/mL au lieu de 50 ng/mL pour la cocaïne, › 5 ng/mL au lieu de 50 ng/mL pour les amphétamines, › 5 ng/mL au lieu de 20 ng/mL pour les opiacés.
320
Pascal Kintz, Marion Villain1
11
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire Introduction Depuis 1986 et l’Executive Order du Président américain Reagan, la lutte contre la toxicomanie s’est intensifiée, tant dans le monde du travail que sur la route. En France, la prise de conscience collective des ravages des stupéfiants au volant est récente et certains avancent le chiffre de 1 000 à 1 500 tués par an dans des circonstances où la vigilance est très perturbée par des substances psychoactives. À l’opposé de nombreux pays (États-Unis, Royaume-Uni, pays scandinaves), la France ne pratique que de façon très limitée le dépistage des conduites addictives en entreprise. Le criblage à l’embauche n’est pas d’actualité dans notre pays. Dès le début des contrôles, l’urine a été choisie comme milieu de dépistage, le sang étant réservé aux confirmations et donc aux expertises judiciaires. En effet, seule la détermination dans le sang des xénobiotiques peut démontrer que le sujet est sous influence. La salive (fluide oral), autorisée récemment comme milieu de dépistage initial sur les routes, pourrait être une alternative satisfaisante aux examens sanguins. Les fenêtres de détection dans ces trois milieux sont de l’ordre de 12 à 48 h, parfois plus comme pour le cannabis urinaire [1]. 1. X-Pertise Consulting, Oberhausbergen.
321
Drogues et accidentalité
Ce délai a pu être complètement modifié par l’introduction du cheveu dans l’arsenal analytique. Ce tissu possède la propriété unique d’être le marqueur des expositions répétées ou chroniques, permettant en outre d’établir le profil de consommation à long terme et son évolution. Dans la pratique, l’analyse urinaire et l’analyse des cheveux s’avèrent plutôt complémentaires, les urines permettant de caractériser un usage ponctuel et les cheveux une exposition répétée [2, 3]. Le tableau 11.1 reprend les caractéristiques propres à chaque milieu dans le cadre du contrôle d’une conduite addictive. TABLEAU 11.1 Comparaison des urines et des cheveux. Paramètres Reconnu par la justice Dépistage complet Techniques analytiques Fenêtre de détection Adultération Recueil Conservation Analyte majeur Recueil à distance d’un 2e échantillon identique Type de mesure Risque de faux négatifs Risque de faux positifs
Urines Oui Oui Immunochimie, GLC/SM 2–5 jours Possible Invasif +4 °C ou –20 °C Métabolites Non
Cheveux Oui Oui ELISA, GLC/SM Plusieurs mois Très difficile Non invasif Température ambiante Substance mère Oui
Incrémentale Élevé Théoriquement nul
Cumulative Faible Théoriquement nul
La décennie écoulée a confirmé l’intérêt majeur des cheveux comme marqueurs d’exposition chronique aux xénobiotiques. À présent, les applications de ces investigations débordent du champ purement judiciaire [4–7] dans lequel elles avaient jusqu’alors été confinées (infraction à la législation sur les stupéfiants, empoisonnement chronique, dopage, soumission chimique, conduite addictive…), et s’imposent dans un nombre croissant de disciplines cliniques, comme le suivi des sujets dépendants ou l’exposition in utero [8]. Dans le cadre de la restitution du permis de conduire, l’Allemagne [9–11] et l’Italie [12–14] utilisent depuis plusieurs années le cheveu pour faire la distinction entre consommateurs de stupéfiants et sujets sevrés. Les travaux publiés montrent tous que les analyses de cheveux permettent une meilleure identification que les analyses urinaires des consommateurs récidivistes (effet discriminant) et que le nombre de positifs diminue chaque année (effet éducatif ). Ainsi, ce chapitre se propose de résumer les connaissances de l’analyse toxicologique à partir des cheveux et d’évaluer ses applications potentielles dans la caractérisation d’une conduite addictive.
322
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire
11.1 Incorporation des xénobiotiques dans les cheveux Les poils sont des structures kératinisées propres aux mammifères, produites au niveau d’une invagination de l’épithélium épidermique, le follicule pilosébacé. Chacun de ces follicules représente une unité anatomique, constituée du poil proprement dit avec son bulbe pilaire, sa racine et sa tige, du follicule, d’une glande sébacée et d’un muscle horripilateur. L’Homme adulte possède environ 5 millions de follicules pileux, dont un million, au niveau du scalp, donnent naissance aux cheveux. Une première poussée de poils a lieu vers le 5–6e mois de la vie fœtale : c’est le lanugo. La composition des poils est relativement variable : eau (4–13 %), protéines (85–93 %), lipides (1–3 %) et minéraux (0,2–0,8 %). Les poils se développent puis chutent de façon individuelle et cyclique, selon 3 phases : phase de croissance ou anagène (4 à 8 ans), phase de transition ou catagène (2 semaines) et phase de repos ou télogène (3 mois). À un instant donné, environ 85 % des cheveux sont en phase anagène. On considère généralement que les cheveux au niveau du vertex poussent de 0,44 mm/j, soit environ 1 cm/mois, avec des variations allant de 0,7 à 1,5 cm/mois. Le mécanisme généralement proposé pour l’incorporation des xénobiotiques dans les cheveux consiste en une diffusion interne des substances du sang vers les cellules en croissance des bulbes pileux et une diffusion externe à partir des secrétions sudorales ou sébacées, mais aussi des éventuels contaminants de l’environnement [15, 16]. En fusionnant pour former le cheveu, les cellules en croissance piègeraient les substances dans la structure kératinisée. Les cinétiques d’incorporation sont dépendantes des liaisons du xénobiotique incorporé à la mélanine, un pigment des cheveux. Il semble qu’il existe une différence quantitative d’incorporation suivant la couleur des cheveux, c’est-à-dire en fonction du degré d’oxydation de la mélanine. Les cheveux foncés, présentant un degré d’oxydation plus important de la mélanine, concentrent ou retiennent plus fortement les drogues que les cheveux clairs, à doses ingérées équivalentes. Cette observation n’est pas sans poser des problèmes d’équité, puisqu’il est admis par la communauté scientifique qu’à dose administrée équivalente, les concentrations mesurées dans les cheveux noirs sont plus importantes que dans les cheveux blonds [17]. Les traitements cosmétiques peuvent affecter les analyses. Il a été observé une nette diminution du contenu en xénobiotiques dans les mèches de cheveux décolorés par rapport aux cheveux de couleur naturelle de la même personne. Cette diminution est de l’ordre de 60 à 70 % pour la cocaïne et ses métabolites et de 70 à 90 % pour les opiacés [18]. Par définition, tout traitement cosmétique (coloration, décoloration, permanente, lissage…) va affecter à la baisse les concentrations des molécules incorporées [19]. Dans le cas de concentrations faibles, proches du seuil de positivité, il est possible alors de rendre un résultat négatif. Ainsi, il convient de noter lors du recueil des cheveux tout traitement cosmétique et de prélever, en cas d’altération visible, d’autres poils. Les substances mères sont présentes dans les cheveux ou poils à des concentrations plus élevées que celles de leurs métabolites, alors que dans les urines les rapports
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Drogues et accidentalité
sont généralement inversés. De ce fait, les cheveux permettent de discriminer deux substances qui auraient les mêmes métabolites. La fixation des xénobiotiques dans les cheveux pourrait également s’effectuer par le biais de l’environnement atmosphérique et concerne plus particulièrement les substances à l’état de particules en suspension. Ainsi, les substances fumées, comme le cannabis, le crack, ou même l’héroïne peuvent se déposer sur toute la longueur du cheveu. Les substances déposées sur les cheveux par voie passive seraient moins bien liées à la matrice, ce qui a conduit les toxicologues à développer des méthodes de décontamination des échantillons. Elles consistent en des lavages, soit par une solution aqueuse, soit par un solvant organique, soit par les deux successivement, pendant différents temps d’incubation et à différentes températures. Des cinétiques de lavage et l’analyse des solutions de décontamination ont révélé que les contaminants étaient très vite éliminés (après deux lavages) et qu’ensuite, d’autres lavages n’avaient plus aucun effet. L’incorporation se faisant dans tous les poils, si les cheveux ne peuvent être prélevés ou sont manquants, d’autres poils conviennent également comme les poils pubiens, de la poitrine ou axillaires. Ces poils sont particulièrement recommandés lorsque les cheveux sont teints ou décolorés. La stabilité des xénobiotiques une fois incorporés dans les cheveux semble tout à fait exceptionnelle. Il a ainsi été possible d’identifier de la cocaïne dans les cheveux de momies péruviennes, vieilles de plusieurs centaines d’années, prouvant à nouveau l’utilisation de cet alcaloïde par les habitants des Andes.
11.2 Prélèvement et analyse Dès 1997 [20], la Society of Hair Testing (SoHT) a publié des recommandations sur l’analyse des cheveux. Ce document était complété en 2003 [21]. Le lieu de prélèvement (et plus tard de stockage) ne doit pas être contaminé par des saisis de stupéfiants. La personne qui prélève (biologiste, policier, gendarme…) ne doit pas être en contact avec des stupéfiants. Les cheveux sont généralement prélevés en vertex postérieur (figure 11.1). Une mèche de 80 cheveux (diamètre d’un crayon à papier) est suffisante pour un criblage des quatre familles de stupéfiants. Une seconde mèche devra être prélevée si une analyse complémentaire pour l’éthyl glucuronide (marqueur spécifique de l’éthanol) est demandée ou si une analyse segmentaire s’avère nécessaire. Dans le cadre des expertises judiciaires, il convient de réaliser le prélèvement en double. Les mèches doivent être prélevées le plus près possible du cuir chevelu, coupées aux ciseaux (ne pas arracher) et orientées racine-extrémité au moyen d’une cordelette, fixée 1 cm au-dessus du niveau de la racine. La conservation est aisée ; elle s’effectue en tube sec, dans un kit de collection (figure 11.2) ou dans une enveloppe, à température ambiante. Il est donc plus facile de conserver des cheveux que des urines (+ 4 °C ou –20 °C).
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Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire
Le prélèvement doit mentionner le nom du sujet, son âge, la couleur de ses cheveux, leur longueur, les éventuels traitements médicaux et/ou cosmétiques, le nom du préleveur et la date du prélèvement. De très nombreuses procédures analytiques ont été publiées dans la littérature internationale. Elles font soit appel à un dépistage immuno-chimique, essentiellement par ELISA ou RIA, suivi d’une confirmation des positifs par chromatographie ou directement par chromatographie. Les méthodes suivantes ont été mises en place par X-Pertise Consulting.
11.2.1 Approche ELISA et confirmation des positifs Le test ELISA One-Step d’IDS est un dosage immunologique en phase solide conçu pour détecter la présence de stupéfiants dans les milieux biologiques. Chaque échantillon de cheveux est tout d’abord décontaminé par 2 bains successifs de dichlorométhane (5 mL, 2 min) puis découpés en fragments < 1 mm de longueur. Après homogénéisation, 50 mg d’échantillon sont incubés dans 1 mL de méthanol, 16 h à 40 °C ou 2 h au bain ultrasons. Cent microlitres de méthanol sont prélevés après centrifugation (15 min/ 3 000 rpm) puis évaporés à sec. Le résidu est repris par 100 μL du mélange « diluant échantillons et standards » fourni dans le kit. Vingt microlitres sont ensuite déposés dans un puits dont le fond est recouvert d’anticorps à forte affinité pour le stupéfiant ciblé.
FIG. 11.1 Prélèvement de cheveux.
325
Drogues et accidentalité
Les étapes suivantes suivent les préconisations du fabricant. Après addition du conjugué enzymatique et incubation (30 min à température ambiante), les puits sont lavés trois fois pour éliminer toute substance non liée avant l’étape finale de révélation par le substrat. L’intensité de coloration, mesurée avec un lecteur de microplaques à 650 nm, est inversement proportionnelle à la quantité de stupéfiants présente dans l’échantillon. Un blanc, un calibrateur bas et un calibrateur haut suivent entièrement la procédure. Les positifs sont confirmés par CPG-SM après évaporation du méthanol et extraction spécifique [22].
11.2.2 Approche directe en chromatographie Opiacés-cocaine [23] Décontamination Mèche de cheveux
– lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min – séchage par papier absorbant – second lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min Préparation Découpage aux ciseaux en fragments < 1 mm Solubilisation 50 mg de poudre de cheveux + 1 mL 0,1 M HCl + 200 ng de standards internes deutérés Incubation 16 h à 56 °C. Extraction Homogénat + 10 mL de dichlorométhane/isopropanol/n-heptane (50/17/33, v/v) Agitation, 20 min à 95 cycles/min Centrifugation, 15 min à 3 000 rpm Purification de la phase organique (5 mL 0,2 M HCl), puis retour alcalin (1 mL NaOH 1 M + 2 mL tampon phosphate pH 8,4 dans 5 mL de dichlorométhane) Recueil de la phase organique et évaporation à sec Dérivation Extrait sec + 30 μl BSTFA + 1 % TMCS Incubation pendant 30 min à 70 °C L’analyse se fait ensuite par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse. Les limites de quantification ont été validées à 0,1 ng/mg.
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Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire
FIG. 11.2 Kit de prélèvement de cheveux et mèche individualisée.
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Drogues et accidentalité
Amphétamines [24] Décontamination Mèche de cheveux
– lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min – séchage par papier absorbant – second lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min Solubilisation 50 mg de cheveux + 1 mL 1 M NaOH + 200 ng de standards internes deutérés Incubation pendant 10 min à 95 °C Extraction Homogénat + 5 mL acétate d’éthyle Agitation, 20 min à 95 cycles/min Centrifugation, 15 min à 3 000 RPM Recueil de la phase organique, addition de 20 μL de méthanol/HCl (99/1) et évaporation à sec Dérivation Extrait sec + 150 μL d’acétate d’éthyle/HFBA (1:2, v/v) Incubation pendant 30 min à 60 °C Évaporation à sec et reconstitution dans l’acétate d’éthyle L’analyse se fait ensuite par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse. Les limites de quantification ont été validées à 0,2 ng/mg pour toutes les molécules à l’exclusion de la MDA à 0,5 ng/mg.
Dans certaines circonstances, l’expert peut être amené à vouloir exclure tout risque de contamination externe par le cannabis. Le THC, tout comme le cannabinol et le cannabidiol sont présents dans la fumée. Il convient alors de mesurer un métabolite, preuve unique d’un passage par la voie générale. Le THC-COOH, métabolite acide, est très mal incorporé dans les cheveux et les concentrations fixées sont de l’ordre de quelques pg/mg. L’emploi de la spectrométrie de masse en tandem apparaît ici comme indispensable.
328
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire
Cannabis [25] Décontamination Mèche de cheveux
– lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min – séchage par papier absorbant – second lavage avec 5 mL de dichlorométhane pendant 2 min Solubilisation 50 mg de cheveux + 1 mL 1 M NaOH + 200 ng de THC deutéré Incubation pendant 10 min à 95 °C. Extraction Homogénat + 5 mL de n-hexane/acétate d’éthyle (9/1, v/v) Agitation, 20 min à 95 cycles/min Centrifugation, 15 min à 3 000 rpm Recueil de la phase organique et évaporation à sec Reconstitution dans le cyclohexane L’analyse se fait ensuite par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse et mesure simultanément le THC, le cannabinol et le cannabidiol. Les limites de quantification ont été validées à 0,05 ng/mg.
Le THC-COOH est extrait en milieu acide après hydrolyse alcaline par le mélange n-hexane/acétate d’éthyle (9/1, v/v), puis dérivé par PFPA + PFP-OH. La transition m/z 602 en m/z 513 et 474, en mode ionisation chimique négative, sur un système Waters Quattro Micro autorise une limite de quantification à 0,5 pg/mg. La figure 11.3 est un chromatogramme représentatif d’une concentration de 1,9 pg/mg de THC-COOH.
329
Drogues et accidentalité
08-03271508mg-FL250pq 080813
Paste
100
7.01 498
MRM of 4 Channels Cl622.5 > 495.3 2.88e4 Area
7.01 619
MRM of 4 Channels Cl622.5 > 386.3 3.56e4 Area
7.01 182
MRM of 4 Channels Cl619.5 > 382.3 1.17e4 Area
7.01 230
MRM of 4 Channels Cl619.5 > 383.3 1.35e4 Area
%
0 080813-08 Sm (SG, 1x2) 100
%
0 080813-08 Sm (SG, 1x2) 100
%
0 080813-08 Sm (SG, 1x2) 100
%
0
Time 6.20
6.30
6.40
6.50
6.60
6.70
6.80
6.90
7.00
7.10
7.20
7.30
7.40
7.50
7.60
7.70
7.80
7.90
FIG. 11.3 Chromatogramme obtenu par chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse en tandem à partir d’une mèche de cheveux d’un consommateur de cannabis. La concentration en THC-COOH est de 1,9 pg/mg.
11.2.3 Cas particulier de l’éthanol Après administration, l’éthanol est essentiellement métabolisé par le foie (90–95 %), les reins (0,5–2 %), les poumons (0,5–6 %) et la peau (0,5 %) pour donner de l’eau et du gaz carbonique. Une très faible quantité d’éthanol (moins de 0,5 %) peut être éliminée sous forme d’éthyl glucuronide, un métabolite de phase II [26]. Contrairement aux marqueurs sanguins classiques (VGM, γGT), l’éthyl glucuronide est un marqueur spécifique de l’éthanol. En effet, ce produit direct de transformation n’est pas inductible par les médicaments (qui peuvent augmenter les γGT) et n’est pas fonction de l’état pathologique du sujet (malade hépatique, diabétique, cancéreux…). Il n’y a pas de grande variabilité biologique individuelle dans la formation de l’éthyl glucuronide. Il est désormais admis par la communauté scientifique internationale que la présence d’éthyl glucuronide (au-delà de 30 pg/mg) dans les cheveux démontre la consommation excessive d’éthanol, en particulier pour une quantité supérieure à 60 g par jour. Une simple mèche de cheveux, orientée, permet donc d’établir le profil addictif à la boisson alcoolisée d’un individu [27]. Chaque échantillon [28] est décontaminé par deux bains successifs de 2 min aux ultrasons avec du dichlorométhane et du méthanol et un rinçage au dichlorométhane. Il est ensuite coupé en fragments < 1 mm. Les segments (30 mg) sont ensuite incubés 2 h au bain à ultrasons dans 2 mL d’eau en présence d’un étalon interne
330
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire
(6 ng d’éthyl glucuronide-d5). Les extraits sont purifiés par SPE sur cartouche Oasis MAX (Waters). La phase organique d’élution (méthanol-acide formique 2 %) est évaporée à sec et le résidu repris par 200 μL d’acétonitrile-tampon formiate. L’analyse de ces échantillons est réalisée par CPL-SM/SM sur un système Quantum Ultra (Thermo Fischer). Dix microlitres sont injectés (pompe Accela) et l’élution est réalisée sur une colonne ACQUITY BEH HILIC (2,1 ×100 mm) avec un gradient acétonitrile/tampon formiate pH 3,0. La détection est réalisée par spectrométrie de masse tandem, avec une interface de type électrospray en mode négatif. L’acquisition est réalisée en mode MRM (multiple reaction monitoring). La limite de quantification est < 5 pg/mg et le laboratoire utilise un seuil de positivité (discriminant buveur social de buveur excessif ) à 30 pg/mg. La figure 11.4 est un chromatogramme représentatif d’une concentration de 75 pg/mg d’éthyl glucuronide. RT: 5.20 - 9.30 SM: 5G
Relative Abundance
100
NL: 2.69E3 TICF: - c ESI sid=10.00 SRM ms2 221,[email protected] [75.050-75.150] MS Genesis 08127-07
RT: 6.91 MA: 26789
NL: 5.62E3 TICF: - c ESI sid=10.00 SRM ms2 [email protected] [75.050-75.150] MS 081127-07
80 60 40 20
100 Relative Abundance
RT: 6.89 AA: 11223
80 60 40 7.00
20 5.38 5.78 5.97 5.5
6.0
6.41 6.5
6.78
7.08
7.24 7.49
7.0 7.5 Time (min)
8.20 8.33 8.0
8.5
8.96 9.27 9.0
FIG. 11.4 Chromatogramme obtenu par chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse en tandem à partir d’une mèche de cheveux d’un buveur excessif d’éthanol. La concentration en éthylglucuronide est de 75 pg/mg.
L’acceptation scientifique de l’analyse toxicologique à partir d’échantillons de cheveux est corrélée à la performance des laboratoires pratiquants de telles investigations. Les laboratoires doivent être capables d’identifier les xénobiotiques présents dans les cheveux et d’en mesurer précisément les concentrations. Développés à partir de 1992 par le National Institute of Standards and Technologies (États-Unis), les contrôles récents ont été essentiellement proposés par la Society of Hair Testing [29] ou par la Société française de toxicologie analytique [30].
331
Drogues et accidentalité
Ces contrôles sont répétés plusieurs fois par an et permettent toujours d’améliorer les procédures analytiques.
11.3 Applications pratiques Que ce soit aux États-Unis, en Allemagne ou en France, l’expertise toxicologique à partir des cheveux est désormais reconnue par les tribunaux. La Society of Hair Testing [21] a publié des concentrations cibles pour les principaux stupéfiants dans les cheveux (tableau 11.2). TABLEAU 11.2 Seuils de positivité recommandés par la SoHT et concentrations attendues dans les cheveux. Stupéfiants Héroïne Cocaïne
Seuils de positivité 0,2 ng/mg de 6-acétylmorphine
0,5 ng/mg de cocaïne et 0.05 ng/mg de benzoylecgonine et/ou de cocaéthylène Amphétamine, 0,2 ng/mg pour chaque composé MDMA Cannabis 0,1 ng/mg de THC 0,2 pg/mg de THC-COOH
Concentrations attendues 0,5–100 ng/mg, en général < 15 ng/mg 0,5–100 ng/mg, en général < 50 ng/mg, > 300 ng/mg est possible (crack) 0,5–50 ng/mg THC : 0,05–10 ng/mg, en général < 3 ng/mg THC-COOH : 0,2–20 pg/mg, en général < 5 pg/mg
MDMA : méthylène-dioxy-méthamphétamine. THC : Δ9-tétrahydrocannabinol. THC-COOH : 11-nor-9-carboxy- Δ9-tétrahydrocannabinol.
Les cheveux en croissance (environ 85 % de la quantité totale) incorporent les substances présentes dans le sang et la sueur et peuvent ainsi représenter le calendrier rétrospectif de la consommation chronique d’un xénobiotique. Il est ainsi possible d’établir un seuil quantitatif de consommation. Les cheveux poussent d’environ 1 cm par mois et leur analyse cm par cm, de la racine (exposition la plus récente) vers la pointe (exposition la plus ancienne dans le temps) permet de tracer l’historique de la consommation dans le temps (diminution, augmentation, absence de variation). La figure 11.5 représente l’évolution favorable de la consommation d’héroïne d’un sujet suivi pour pharmacodépendance. Aujourd’hui, l’analyse segmentaire est un outil indispensable pour la justice et le corps médical afin de suivre l’évolution d’une toxicomanie ou la substitution par d’autres produits. Néanmoins, les résultats quantitatifs, quels qu’ils soient, doivent être interprétés avec beaucoup de rigueur et de précautions. En effet, bien que l’analyse segmentaire des cheveux présente des avantages par rapport aux analyses traditionnelles dans le sang et les urines (calendrier rétrospectif, fenêtre de détection, évolution de la consommation…), la croissance des cheveux n’est pas continue ni homogène et des phénomènes de migration à l’intérieur du cheveu peuvent affecter les concentrations.
332
concentration en 6-AM (ng/mg)
Cheveu : mise en évidence des conduites addictives et base pour la restitution du permis de conduire
60 50 40 30 20 10 0 1
2
3
4
5
6
segments en cm de la racine vers la pointe
FIG. 11.5 Profil de consommation d’héroïne (par l’intermédiaire du suivi de la 6-acétylmorphine, le marqueur spécifique), démontrant une réduction massive dans la période la plus récente.
Cette matrice offre certains avantages pour les dépistages en entreprise. Le prélèvement est non invasif, stable dans le temps et il est toujours possible de prélever à distance un second échantillon identique. De plus, l’analyse des cheveux de candidats à l’embauche permet de connaître leur profil addictif. Néanmoins, la période de temps couverte par le dépistage dépend de la longueur de l’échantillon capillaire prélevé (chaque cm représente environ un mois de pousse). Pour les urines, une période d’abstinence de quelques jours est généralement suffisante pour influencer fondamentalement les résultats des tests. Enfin, l’analyse des cheveux permet aux employés de démonter l’arrêt de consommation de substances psychoactives. Kintz a proposé des histogrammes de concentrations retrouvées dans les cheveux pour interpréter les résultats des analyses quantitatives [31]. Cela permet de classer les individus en petits, moyens ou gros consommateurs, permettant d’évaluer grossièrement leur consommation et surtout d’adapter au mieux leur prise en charge thérapeutique. En fait, il apparaît que chaque laboratoire, sur la base de ses propres études de population, devrait déterminer ses propres valeurs seuil en fonction de son pays d’origine, du but des analyses, des substances cibles recherchées et de la méthode analytique employée. L’interprétation liée à l’application d’une valeur seuil pour la cocaïne peut être affinée dans certains cas par la détection de la norcocaïne ou du cocaéthylène, formé au niveau hépatique lors de la consommation concomitante de cocaïne et d’alcool éthylique. Un rapport benzoylecgonine/cocaïne > 0,05 est en faveur d’une consommation active de cocaïne. Un rapport de concentration 6-acétylmorphine/morphine supérieur à 1,3 est recommandé par la SoHT comme indicatif d’une consommation active d’héroïne [21]. L’introduction récente en France des programmes de substitution à l’héroïne (méthadone, buprénorphine) a naturellement conduit à la mise en place de suivis analytiques des toxicomanes. Idéalement, la prise en charge des toxicomanes est conditionnée par l’absence de consommation concomitante de stupéfiants. Cette surveillance devrait se faire par analyses urinaires, comme pour la méthadone, deux
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Drogues et accidentalité
fois par semaine (tout au moins pendant les 3 premiers mois). Ce suivi coûte cher et s’avère dans la pratique peu efficace, car il se limite au simple résultat de « présence ou absence » de famille de stupéfiants, sans identification ni quantification du produit. Réalisée une fois tous les 3 mois, l’analyse des cheveux présente de nombreux avantages financiers et pratiques (prélèvement facile à contrôler, à conserver) par rapport à l’analyse urinaire. L’analyse segmentaire des cheveux permet également d’établir le profil addictif d’un individu, les éventuelles modifications de consommation. En outre, l’analyse de cheveux permet d’établir le niveau de consommation des différents produits (faible, moyen ou important) par rapport à des centaines de cas semblables, ce qui est très utile pour ajuster les posologies des médicaments. Le médecin aura alors une mesure biologique du niveau de l’intoxication et donc de la dépendance à l’héroïne et pourra ainsi prescrire le traitement de substitution sur une base scientifique, complémentaire de l’examen clinique. Dans le cadre de la loi relative à la conduite sous influence de substances ou plantes classées comme stupéfiants définitivement adoptée le 23 janvier 2003, il est prévu, en cas de conduite d’un véhicule en ayant fait usage de stupéfiant, une suspension ou une annulation du permis de conduire. Le décret n° 2003-293 du 31 mars 2003 relatif à la sécurité routière et modifiant le code de procédure pénale et le code de la route, stipule dans son article 6 : « Le préfet soumet à des analyses ou à des examens médicaux, cliniques et biologiques, notamment salivaires et capillaires. » Un contrôle urinaire ne peut pas trouver sa place dans une telle situation. En effet, l’interprétation d’un résultat négatif peut être très différente : soit l’individu ne consomme plus de produit stupéfiant, soit il s’est abstenu d’en consommer 3 ou 4 jours avant l’analyse, les fenêtres de détection urinaires de stupéfiants étant connues de tous via Internet. Seule une analyse de cheveux, milieu cumulatif, et qui permet de mettre en évidence une exposition unique à 35 mg de cocaïne ou 60 mg de codéine sur 3 mois, peut documenter de façon fiable les conduites addictives. Ces examens à partir de cheveux sont couramment pratiqués en Allemagne et en Italie. La comparaison d’une analyse simultanée d’urine et de cheveux du même individu a montré que les cheveux permettaient une bien meilleure identification des consommateurs. La Société française de toxicologie analytique a publié en décembre 2004 un consensus sur la restitution du permis de conduire qui est intégralement reproduit en fin de ce chapitre.
11.4 Conclusion La demande sans cesse croissante d’expertises judiciaires sur cheveux a naturellement conduit à standardiser de façon très rigoureuse l’ensemble de la procédure, du prélèvement à l’interprétation des résultats. Cela implique une chaîne de qualité identique à celle mise en place pour les urines. Chaque laboratoire pratiquant des
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analyses à partir d’échantillons de cheveux doit avoir une méthodologie complètement validée. À partir d’une harmonisation rigoureuse de la méthode de prélèvement et de la technique d’analyse, l’application des cheveux dans la lutte contre la criminalité routière en matière de stupéfiants devrait être reconnue. La restitution du permis de conduire à un sujet reconnu comme ayant conduit sous l’influence d’un stupéfiant devrait obligatoirement s’accompagner d’une analyse de cheveux afin de vérifier son abstinence. Seule cette approche permet de démontrer un sevrage au long cours [32].
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Restitution du permis de conduire
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Patrick Mura1
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Réponses aux questions les plus souvent posées L’auteur a rapporté dans ce chapitre les questions les plus souvent posées par les forces de l’ordre, les magistrats, les avocats, mais également par les consommateurs ou les familles. Les réponses apportées pourront être parfois jugées succintes, mais le lecteur trouvera une argumentation plus avancée dans les différents chapitres de cet ouvrage.
12.1 Questions posées par les non professionnels 1. Pendant combien de temps est-on positif dans les urines ? Cela dépend de la substance, de la dose et de la fréquence de consommation. Concernant la cocaïne, l’héroïne et les amphétamines, les urines restent positives pendant 2 à 4 jours en moyenne. Concernant le cannabis, s’il s’agit d’une consommation peu importante et irrégulière les urines resteront positives pendant quelques jours. En revanche dans le cas d’une consommation importante et régulière (plusieurs « joints » par semaine), le cannabis pourra être détecté pendant plusieurs semaines voire un mois. 1. Service de Toxicologie et Pharmacocinétique, Centre Hospitalier Universitaire de Poitiers.
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2. J’ai pris du sirop contre la toux : vais-je être positif aux opiacés ? S’il s’agit d’un dépistage urinaire ou salivaire, la réponse est oui. En effet, la plupart des sirops ou comprimés contre la toux contiennent des substances appartenant à la famille des opiacés (codéine, codéthylline, pholcodine, etc.), qui se transforment en morphine dans l’organisme. Or, c’est précisément la morphine que détectent les tests de dépistage salivaire ou urinaire. Mais heureusement, le dépistage n’est qu’un élément orientant vers la prise de sang. Or l’analyse sanguine utilise des techniques qui permettent de faire la différence entre les différents produits. 3. Je suis positif au cannabis mais je n’ai pas fumé. En revanche, j’étais en contact de gens qui fumaient des joints. C’est le problème de l’enfumage passif. En réalité il s’agit d’un faux débat. Les dépistages qu’ils soient salivaires ou urinaires conduisent à un résultat positif lorsque la concentration dans les urines ou la salive est supérieure à une certaine valeur (seuil de positivité). Des études ont montré que, même dans des cas extrêmes, ce seuil n’était jamais atteint dans le cas d’un enfumage passif. Il n’y a donc aucun risque d’être positif au cannabis par le simple fait de l’enfumage passif. 4. Est-il vrai que le cannabis est aujourd’hui 20 fois plus concentré que dans les années 1960 ? Effectivement, on trouve sur le marché clandestin des échantillons de cannabis (herbe ou résine) beaucoup plus concentrés qu’avant, et surtout dans les variétés provenant des Pays-Bas. Il ne s’agit pas d’un facteur 20 mais de 2 à 3, ce qui est déjà considérable. En effet, avec des teneurs en THC quelquefois supérieures voire largement supérieures à 10 %, non seulement les effets sont renforcés mais en apparaissent alors de nouveaux dont une composante hallucinogène. 5. Pourquoi sanctionner l’usage de stupéfiants chez les conducteurs et pas les médicaments ? La question mérite d’être posée. Il est vrai que certains conducteurs ayant des traitements lourds avec des tranquillisants, des anxiolytiques ou des antidépresseurs sont de véritables dangers publics sur la route. De nombreux experts se sont penchés sur cette problématique et ce n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Dans le cas de certaines pathologies, le conducteur sera moins dangereux sous traitement que sans. Par ailleurs tout est, comme bien souvent, une question de dose. C’est pourquoi il serait notamment utile que les médecins étant amenés à prescrire des traitements par neuroleptiques à fortes doses demandent à ces patients de s’abstenir de conduire un véhicule. Bon nombre de médicaments présentent sur leur emballage un pictogramme indiquant que la prise de ce médicament peut avoir des conséquences néfastes sur l’aptitude à conduire, mais cela semble être peu efficace. Une chose cependant mériterait d’être sanctionnée : le mésusage de médicaments. Cela concerne le non-respect des prescriptions médicales (dépassement des doses prescrites) mais également la prise de neuroleptiques hors prescription médicale.
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Réponses aux questions les plus souvent posées
6. Le dépistage salivaire, est-ce que ça marche ? La salive est un milieu biologique très intéressant pour le dépistage des stupéfiants au bord des routes, car il est pratique et ne requiert pas la présence d’un médecin sur place. En ce début de 2011, si les performances des tests salivaires mis sur le marché au niveau international semblent être plutôt bons pour les opiacés, les amphétamines et la cocaïne, des progrès importants restent encore à faire concernant le cannabis du fait d’un manque de sensibilité pour cette substance. Il n’en demeure pas moins vrai qu’en raison de son côté pratique, le nombre de dépistages pouvant être réalisé est beaucoup plus important qu’il ne pouvait l’être avec les tests urinaires. Cet avantage compense largement les insuffisances de performances. 7. Pour l’alcool, il existe un seuil légal (0,5 g/L) : pourquoi pas avec le cannabis ? Tout d’abord pour des raisons logiques : comment annoncer un seuil légal pour des produits dont l’usage est actuellement illégal ? Pourquoi la question est-elle souvent posée avec le cannabis et pas avec la cocaïne ou d’autres stupéfiants ? Ensuite parce que les caractéristiques toxicocinétiques du cannabis ne le permettent pas. Tous les travaux ont montré en effet qu’au moment même où les concentrations en principe actif sont devenues très faibles, les effets sont à leur apogée. Cela est dû au fait que le THC quitte rapidement le sang pour aller imprégner le cerveau et y exercer ses effets. 8. Certains disent que quand on roule sous cannabis, on est plus « cool » donc moins dangereux. C’est vrai ? Non ! Cette affirmation est à bannir car contraire à tout bon sens scientifique. Certes, après usage de cannabis le conducteur n’est pas dans l’état d’excitation que nous pouvons observer après usage de cocaïne ou d’amphétamine. En revanche, la sédation consécutive peut très vite se transformer en véritable léthargie. L’endormissement au volant pour cause de cannabis est une des causes d’accident les plus fréquemment observées et des plus meurtrières lorsque le véhicule se déporte brusquement sur la voie de gauche alors qu’un véhicule arrive en sens inverse. De plus, l’altération des fonctions cognitives et motrices liée à l’usage du cannabis se traduit par une désinhibition, une diminution des réflexes et des troubles de la vision, autant de facteurs accidentogènes. 9. Le dépistage de stupéfiants en milieu professionnel n’est-il pas une atteinte aux libertés individuelles ? Non, dans la mesure où l’usage de stupéfiants est susceptible d’induire, dans le cadre d’une activité professionnelle, un risque pour autrui. En effet, la présence de salariés en état d’ébriété alcoolique ou sous l’emprise de stupéfiants sur le lieu de travail peut mettre en danger la santé et la sécurité des salariés, à la fois pour eux-mêmes et pour leur entourage. L’altération de la vigilance, la modification de la perception du risque, une prise de risque accrue peuvent être à l’origine d’accidents du travail. Qui accepterait de subir une opération chirurgicale, sachant que le chirurgien ou l’anesthésiste vient de fumer un « joint » ou sniffer une « ligne de coke » ? Qui accepterait de
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prendre un avion dont le pilote est « accro » à l’ecstasy ? Les postes à risque pour autrui ne sont pas toujours aussi évidents. Ainsi, qui accepterait de conduire un poids lourd dont les pièces de freinage auraient été contrôlées par une personne sous influence de stupéfiants ? Nous pourrions multiplier ces exemples à l’infini. 10. Je prends du subutex ou de la méthadone. Si je suis soumis à un dépistage de stupéfiants en tant que conducteur, serai-je positif aux opiacés ? Non. Les tests de dépistage, urinaires ou salivaires, sont dirigés vers la morphine. Le subutex et la méthadone ne conduisent pas dans l’organisme à la formation de morphine et leurs principes actifs (respectivement la buprénorphine et la méthadone) ne sont pas détectés par ces tests. Le dépistage des opiacés sera donc négatif.
12.2 Questions posées par les professionnels (magistrats, officiers de police judiciaire, avocats, etc.) 1. Pendant combien de temps est-on sous influence de stupéfiants ? Cela dépend des individus, de la dose et de la fréquence de consommation. Pour les morphiniques comme l’héroïne, la cocaïne ou les amphétamines, les effets durent en moyenne entre 2 et 6 à 8 h. Pour le cannabis, compte tenu du fait qu’il reste longtemps imprégné dans l’organisme, cela peut durer beaucoup plus s’il s’agit d’un consommateur régulier et important. 2. L’arrêté du 24 juillet 2008 (J.O. du 30 juillet 2008) précise les seuils minima de détection dans les urines, la salive et le sang pour les quatre familles de stupéfiants. À quoi correspondent ces seuils ? Il ne s’agit pas bien entendu de seuils de dangerosité. Il s’agit des seuils analytiques devant être au minimum atteints soit par les outils de dépistage urinaire ou salivaire soit par les laboratoires réalisant les analyses sanguines. Prenons les exemples du dépistage salivaire et du dosage sanguin du cannabis. L’arrêté précise pour le dépistage salivaire un seuil minima de détection de 15 ng de THC par millilitre de salive. Cela signifie qu’un outil de dépistage salivaire détectant 4 ng/mL est utilisable (sans modification d’arrêté) alors qu’un test ne détectant que des concentrations supérieures à 20 ou 30 ng/mL ne serait pas considéré comme utilisable. En ce qui concerne l’analyse sanguine, le seuil précisé par l’arrêté est de 1 ng de THC par millilitre de sang. Cela signifie que tous les laboratoires réalisant de tels dosages sont « invités » à atteindre cette limite de détection, mais aussi que les laboratoires, si leur compétence analytique le permet, peuvent rendre un résultat inférieur à 1 ng/mL. 3. Que signifient les résultats suivants d’une analyse sanguine pour recherche de cannabis : absence de THC et de 11-OH-THC et THC-COOH = 2,6 ng/mL ? La présence de THC-COOH témoigne d’un usage de cannabis. L’absence de THC et de 11-OH-THC, principes actifs, indique qu’il s’agit d’une consommation datant de plusieurs heures. Lorsque le THC est présent dans le sang, cela implique qu’il est
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Réponses aux questions les plus souvent posées
également présent au niveau du cerveau et y exerce ses effets ; on peut alors affirmer qu’il est sous influence de cannabis. En revanche dans le cas présent, il n’est pas possible d’affirmer que le sujet est sous influence mais il n’est pas non plus possible d’en exclure l’éventualité. En effet, des travaux ont montré que le THC pouvait encore être présent de manière significative dans le cerveau alors qu’il n’était plus à des concentrations détectables dans le sang. Au regard de la loi sur la sécurité routière, cette incertitude n’a cependant pas de conséquence puisque la loi précise que doit être sanctionné tout conducteur « ayant fait usage de » stupéfiant. 4. Une analyse de sang ou d’urine permet-elle de s’assurer que le sujet ne consomme plus de stupéfiants, pour la restitution de son permis de conduire ? Non. Une absence de stupéfiants dans le sang indique seulement que le sujet n’a pas fait usage de stupéfiants dans les 24 h précédentes. Une absence de stupéfiants dans les urines indique une absence de consommation dans les 2 à 4 derniers jours s’il s’agit de cocaïne, d’amphétamines, d’opiacés ou même de cannabis s’il s’agit d’un consommateur occasionnel. Seule l’analyse des cheveux permettra de confirmer que le sujet n’a pas consommé à nouveau des stupéfiants depuis le moment de la suspension de son permis de conduire. C’est pourquoi cette disposition est prévue par les textes réglementaires (décret n° 2003-293 du 31 mars 2003 relatif à la sécurité routière). 5. Un conducteur est responsable d’un accident. Le prélèvement sanguin est effectué 2 h après. L’analyse sanguine révèle une concentration en THC égale à 1,9 ng/mL. Quelle était la concentration en THC au moment de l’accident ? La cinétique d’élimination sanguine du THC n’étant pas du tout linéaire, il n’est pas possible de répondre à cette question. 6. Deux déterminations successives de l’imprégnation alcoolique effectuées à l’aide d’un éthylomètre permettent-elles d’estimer la valeur de l’alcoolémie 2 h avant la première mesure ? Oui. La vitesse d’élimination de l’alcool dans le sang est généralement comprise entre 0,15 et 0,20 g/L/h mais peut être beaucoup plus rapide dans le cas de consommateurs abusifs. Deux déterminations successives à une heure d’intervalle permettent d’estimer la vitesse d’élimination du sujet et donc la valeur de l’alcoolémie 2 heures avant le moment de la première mesure. 7. Une détermination de l’imprégnation alcoolique par éthylomètre suivie d’une détermination de l’alcoolémie par analyse sanguine permettent-elles d’estimer la valeur de l’alcoolémie 2 h avant le moment de la première mesure ? Non. L’éthylomètre mesure la concentration en éthanol dans l’air expiré (en mg d’éthanol par litre d’air expiré). Il est généralement admis que l’estimation de l’alcoolémie à partir du résultat de la teneur en alcool dans l’air expiré se fasse en considérant que le rapport des concentrations en alcool entre le sang et l’air expiré est de 2 000. En multipliant par 2 la valeur de l’alcool dans l’air expiré, on obtient ainsi l’alcoolémie en g/L. En réalité et selon toutes les études scientifiques effectuées dans ce domaine, le rapport réel est variable selon les individus et généralement
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Drogues et accidentalité
plus élevé que le rapport considéré comme légal (2 000). Ainsi selon l’étude de Gainsford et collaborateurs (Journal of Forensic Science, 2006 ; 51 : 173-178) effectuée sur 21 582 conducteurs sur lesquels ils ont parallèlement analysé le sang et l’air expiré, le rapport moyen est 19 à 26 % supérieur au rapport légal (2 000) ; il varie donc selon les individus entre 2 380 et 2 520. Jones et coll., dans une étude contrôlée effectuée sur 130 volontaires, ont décrit un rapport de 2 407 ± 213. Ce même auteur annonce que cette différence entre le rapport utilisé dans la législation (2 000) et le rapport réel des sujets donne un avantage aux suspects qui sont détectés par l’air expiré par rapport à ceux qui ont directement une prise de sang. 8. Après un dépistage urinaire ou salivaire positif à un de stupéfiants, la confirmation par l’analyse sanguine se révèle être négative. Est-ce possible et pourquoi ? Oui, cela est possible et pour de multiples raisons. Tout d’abord parce que les tests de dépistage, quel que soit le dispositif, ne sont jamais fiables à 100 %. À côté des erreurs possibles d’utilisation, ils peuvent fournir des résultats faussement positifs. Par exemple, une prise de médicament contenant de l’éphédrine ou de la pseudo-éphédrine peut conduire à une réaction positive avec le dépistage urinaire des amphétamines. Le Nifluril® ou les médicaments contenant de l’ibuprofène peuvent positiver les tests de dépistage du cannabis. Enfin, une autre raison réside dans le délai écoulé entre le moment du dépistage et celui du prélèvement sanguin. 9. Une contre-expertise demandée plusieurs mois après la première expertise révèle l’absence de THC alors que ce dernier était présent dans les résultats de l’expertise initiale. Quelles peuvent en être les raisons ? La raison principale réside dans le fait que le THC est peu stable. Une étude récente a montré que dans les conditions de conservation du sang préconisées par la loi (à une température de –20 °C), le THC pouvait avoir complètement disparu au bout de quelques mois. Le THC-COOH en revanche montre une bien meilleure stabilité dans le temps. 10. Dans le cadre de la sécurité routière, la recherche de stupéfiants concerne le cannabis, les amphétamines, la cocaïne et les opiacés. Existe-t-il d’autres stupéfiants susceptibles d’altérer l’aptitude à conduire un véhicule ? Oui, de très nombreuses autres substances utilisées à des fins toxicomaniaques perturbent les fonctions cognitives et motrices, présentant ainsi un réel danger dans le cadre de la sécurité routière. Les enquêtes organisées et publiées par la MILDT et l’OFDT et en particulier les enquêtes ESCAPAD montrent que les champignons hallucinogènes et le sniffage de solvants occupent une part non négligeable dans les pratiques addictives en France. Bien que beaucoup moins fréquent, existent aussi des usages de LSD, de GHB ainsi que de plantes comme le datura. Par ailleurs grâce à Internet, il est aujourd’hui facile de se procurer des drogues « exotiques », aux effets pouvant être dévastateurs, comme la mescaline (provenant du Peyotl), l’iboga, le yagé ou le cohoba (plantes hallucinogènes provenant d’Afrique du Sud ou d’Amérique du Sud). En cas de suspicion de la prise d’une de ces drogues, il est possible d’en effectuer la recherche en le demandant spécifiquement à l’expert.
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Index A Accoutumance 28, 158 Acétaldéhyde 55 6-acétylmorphine 46, 269 ADH 56 Adrénaline 194 Adultération des urines 222 Air alvéolaire 67 Air expiré 67, 91 ALAT 59 Alcool 21, 34, 40 Alcool déshydrogénase 55 Alcoolémie 41 Alcool en entreprise 63 Alcool éthylique 51 Aminotransférase 59 Amphétamine 21, 46, 103, 105, 239, 311 Analyse segmentaire 332 Anandamide 86 Anhydroecgonineméthylester 190
Antidépresseur 342 Anxiolytique 342 APCI 273 ASAT 59
B Bangh 82 Benzodiazépine 239 Benzoylecgonine 46, 185, 189, 280 Beuh 81 Blanche 135 Body-packers 193 Brown Sugar 135 Buprénorphine 131, 137, 144, 156, 344
C Caillou 185 Cannabidiol 83
347
Drogues et accidentalité
Cannabinoïde 75, 83, 240, 258 Cannabinol 83 Cannabis 21, 22, 75 Cannabis influence factor 264 Cash 141 Catalase 57 2C-B 105, 107 CDT 59 CEDIA 216 Cervelet 18 Champignon hallucinogène 346 Cheveu 91, 158-159, 162, 321 China white 141 Chlorhydrate de cocaïne 185 m-chlorophénylpipérazine 105 Chromatographie en phase gazeuse 93 CIF 264 Cocaéthylène 190, 305 Cocaïer 183 Cocaïne 21, 46, 183, 240, 280 Codéine 134, 138, 145, 156, 269 Codéthyline 134 Cohoba 346 Concentration salivaire 243 Confirmation 166 Contre-expertise 68 Contrôle interne 227 CPG-SM 258, 270 CPG-SM/SM 259 CPL-SM/SM 262, 270 Crack 183 Crystal 106 Cut-offs 222 CYP3A4 144 Cytochrome P 450 57 Cytochrome P450 142
E Ecgonine éthylester 190 Ecgonine méthylester 189, 280 Ecstasy 106-107, 311 EDDP 144 ELISA 160, 217, 325 EMDP 144 EMIT 160, 213 Endocannabinoïde 17, 19 Endorphine 149 Enfumage passif 342 Entactogène 111 Ester éthylique 58 Ester éthylique d’acides gras 55, 59 Éthanol 51 Éthyl glucuronide 58-59, 324, 330 Éthylomètre 41, 67-68, 345 Éthylotest 34, 67 Éthylsulfate 58-59 Eve 107 Excrétion salivaire 237
F Faux négatif 222 Faux positif 227 Fenêtre de détection 205 Fentanyl 134, 140, 146, 157 Fluide oral 236 FPIA 160, 215 Free-basing 185 Fumée de cannabis 84
G GABA 16 Gamma glutamyl transférase 59 GHB 346
D Datura 346 Dépendance 113 Dépistage 35, 163 Dépistage salivaire 197, 235, 343 Dépistage urinaire 197, 203 Diacétylmorphine 135 Diamorphine 132 Dopamine 112, 194
348
H Haschich 81 Herbe 82 Héroïne 21, 127, 154, 269 Hippocampe 17 HPCPL/SM 292 Huile 82 Humeur vitrée 70
Index
Hydromorphone 133 m-hydroxybenzoylecgonine 190 p-hydroxybenzoylecgonine 190 m-hydroxycocaïne 190 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol 85
I Iboga 346 Immunoanalyse 113, 160 Immunochromatographie 208 Interprétation des résultats 71, 94, 274, 302, 305, 316
K Kif 81 KIMS 164, 219
L Législation 34, 38, 40, 45, 62 Liberté individuelle 343 Love drug 106 LSD 136, 346
M Marijuana 81 MBDB 311 mCPP 105, 107 MDA 106 MDEA 105, 107, 311 MDMA 46, 106, 311 Médecin du travail 35 Médicament 342 Médicament psychoactif 44 Mémoire à court terme 17 Mémoire opérationnelle 19 Mescaline 346 Mésusage 342 Méthadol 144 Méthadone 131, 135, 143, 155, 344 Méthamphétamine 105, 311 Méthylecgonidine 190 Méthylecgonine-ester 281 6-monoacétylmorphine 143 Morphine 46, 127, 138, 144, 156, 269 Morphine-3-glucuronide 145
Morphine-6-glucuronide 142, 145 Morpholyléthylmorphine 142
N Neuroleptique 342 Neuromédiation 18 Neurone cholinergique 15 Neurone dopaminergique 15 Neurone histaminergique 15 Neurone sérotonergique 15 Neuropeptide 149 Nicotine 21 Noradrénaline 194 Norbenzoylecgonine 190 Norcocaéthylène 190 Norcocaïne 189 Noroxycodone 145 Noscapine 134
O Opiacé 127, 241, 269-270 Opioïde 127 Opium 127 Oxycodone 139, 145, 157 Oxymorphone 145
P Papavérine 134 Pasta 185 Phanère 91 Phencyclidine 21 Pholcodine 134, 142, 148, 156 Phosphatidyl éthanol 55, 58 Pictogramme 154 Poil 323 Produit de coupage 135, 187
R Réactivité croisée 220 Récepteur CB1 23-24, 86 Récepteur CB2 86 Récepteur morphinique 149 Récepteur muscarinique 19 Résine 82 Restitution du permis de conduire 321, 338
349
Drogues et accidentalité
RIA 214 ROSITA 206, 245 ROSITA-2 247 Rush 141
S Salive 90, 118, 159, 161 Salive mixte 236 Salive primaire 236 Sang 91 Schizophrénie 88 Sensibilité 220 Seuil analytique 47 Seuil de positivité 207 Seuil légal 42, 343 Simulateur de conduite 84 Sinsemilla 79 Skunk 81 Sniffage de solvants 346 Space-cake 82 Spécificité 220 Spectrométrie de masse 93 Speed 106 Spice 82 Subutex 344 Sueur 91, 161
350
T Tango 141 Temps de réaction 61 Test immunochimique 206 Test salivaire 45-46, 92, 235, 343 Test urinaire 45 Tétrahydrocannabinol 22 THC 21-22, 75 Thébaïne 134 Tolérance 28, 196 Traitement de substitution 131, 167 Tramadol 141, 147, 157 Tranquillisant 342 Transferrine désialylée 59
U UPCPL 273 Urine 90, 160
V Vision 60 Vitré 70
Y Yagé 346