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French Pages 740 [736] Year 2014
Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom)
Beihefte zur Zeitschrift für romanische Philologie
Herausgegeben von Claudia Polzin-Haumann und Wolfgang Schweickard
Band 381
Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) Genèse, méthodes et résultats Édité par Éva Buchi et Wolfgang Schweickard
DE GRUYTER
ISBN 978-3-11-031244-7 e-ISBN (PDF) 978-3-11-031348-2 e-ISBN (EPUB) 978-3-11-039486-3 ISSN 0084-5396 Library of Congress Cataloging-in-Publication Data A CIP catalog record for this book has been applied for at the Library of Congress. Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.dnb.de abrufbar. © 2014 Walter de Gruyter GmbH, Berlin/München/Boston Druck und Bindung: CPI books GmbH, Leck ♾ Gedruckt auf säurefreiem Papier Printed in Germany www.degruyter.com
| In memoriam Wilhelm Meyer-Lübke (1861–1936)
L’équipe du DÉRom adresse ses remerciements à l’Agence nationale de la recherche (ANR) et à la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG), qui, dans le cadre de leur Programme franco-allemand en Sciences Humaines et Sociales, ont accordé à deux reprises (2008–2010 [ANR-07-FRAL-009] et 2012–2014 [ANR-11-FRAL-0008]) une subvention au projet.
Comment citer le DÉRom 1. Citation du dictionnaire en ligne 1.1. Dans la bibliographie DÉRom = Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang (dir.), Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), Nancy, ATILF, , 2008–. 1.2. Dans le corps du texte [Nom de famille du/des rédacteur(s)] [année de publication de la première version]–[année de publication de la version actuelle (si différente)] in DÉRom s.v. [lemme] Exemples : Celac 2009–2014 in DÉRom s.v. */'agʊst-u/ [ou, si pertinent :] Celac 2009–2014 in DÉRom s.v. */'agʊst-u/ (version du 19/07/2014) Groß/Schweickard 2011–2014 in DÉRom s.v. */'dɔrm-i-/ [ou, si pertinent :] Groß/Schweickard 2011–2014 in DÉRom s.v. */'dɔrm-i-/ (version du 02/08/2014) 2. Citation de ce volume 2.1. Dans la bibliographie DÉRom 1 = Buchi, Eva/Schweickard, Wolfgang (ed.), Le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom). Genèse, méthodes et résultats, Berlin, De Gruyter, 2014.1 2.2. Dans le corps du texte [Nom de famille du/des rédacteur(s)] [année de publication de la première version (si antérieure à 2014)]–2014 in DÉRom 1 s.v. [lemme] Exemples : Celac 2009–2014 in DÉRom 1 s.v. */'agʊst-u/ Groß/Schweickard 2011–2014 in DÉRom 1 s.v. */'dɔrm-i-/
|| 1 Ce format de citation s’applique seulement si le corps du texte contient des renvois à des articles du dictionnaire ; si ce n’est pas le cas, le segment « DÉRom 1 = » tombe.
Table des matières Éva Buchi & Wolfgang Schweickard Avant-propos | 1
I. Partie théorique et méthodologique Éva Buchi & Wolfgang Schweickard 1. Conception du projet | 5 2.
Principes méthodologiques régissant le projet | 39
Pierre Swiggers 2.1. Principes et pratique(s) du DÉRom | 39 2.2.
Reconstruction comparative | 47
Pierre Swiggers 2.2.1. Sens et essence de la reconstruction | 47 Xavier Gouvert 2.2.2. Reconstruction phonologique | 61 Myriam Benarroch & Esther Baiwir 2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 129 Jérémie Delorme & Steven N. Dworkin 2.2.4. Reconstruction microsyntaxique | 167 Jean-Paul Chauveau 2.2.5. Reconstruction sémantique | 199 Ulrike Heidemeier 2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 211 Gilles Souvay & Pascale Renders 2.3. Traitement informatique | 247
XII | Table des matières
Rosario Coluccia 2.4. Révision des articles | 259 3.
Réception du projet | 269
Yan Greub 3.1. Débat méthodologique | 269 Johannes Kramer 3.2. Contrepoint : ce que j’aurais fait différemment dans le DÉRom | 289 Marie-Guy Boutier 3.3. Ouverture (1) : reconstruction phraséologique et système protoroman des noms de jours | 299 Jan Reinhardt 3.4. Ouverture (2) : vers un DÉRom onomasiologique | 305 4.
Liste des publications du DÉRom | 317
II. Partie lexicographique 1.
Articles | 325
2.
Abréviations et signes conventionnels | 649
Pascale Baudinot 3. Bibliographie | 657
Éva Buchi & Wolfgang Schweickard
Avant-propos Le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), qui a officiellement vu le jour le 1er janvier 2008, a derrière lui sept années de travail intense et fécond. L’équipe du projet n’a pas cessé de s’élargir et de s’internationaliser ; dans le cadre de deux écoles d’été, notamment, de nombreux jeunes romanistes se sont pris de passion pour l’étymologie. Les onze Ateliers DÉRom qui ont réuni l’équipe ont été l’occasion de débats animés, qui ont permis de faire avancer le travail de manière efficace. L’ambiance chaleureuse de ces rencontres a toujours constitué une source de satisfaction pour nous, de même qu’une motivation durable pour l’avenir. De nombreuses publications ont vu le jour au sein du projet et autour de lui. Les critiques qui nous ont été adressées, même les plus virulentes, ont toujours été les bienvenues. À ce propos, le DÉRom apparaît comme un exemple d’une culture scientifique vivante. Le travail lexicographique a été mené pour l’instant sous forme électronique, les articles étant publiés, ainsi qu’un ensemble de documents annexes, sur un site internet dédié. Depuis le début, nous avions toutefois prévu de publier, le moment venu, un ouvrage sur la genèse, les méthodes et les premiers résultats du projet : nous nous réjouissons de pouvoir à présent passer à la réalisation de cet objectif. Nous voudrions profiter de l’occasion pour remercier vivement les contributeurs du volume pour leur science et leur engagement. Notre gratitude s’adresse en particulier à tous ceux dont le dynamisme et l’énergie ont permis à ce premier volume du DÉRom de voir le jour dans un cadre temporel relativement limité. Parmi eux, Pascale Baudinot et Gilles Souvay (Nancy) et Candida Andreas (Sarrebruck) méritent une mention spéciale, ainsi que l’ensemble des post-doctorants du projet : Christoph Groß et Uwe Schmidt à l’Université de la Sarre et Victor Celac, Jérémie Delorme, Xavier Gouvert, Marco Maggiore, Mihaela-Mariana Morcov et Jan Reinhardt à l’ATILF. La réalisation du projet et la mise en place de l’infrastructure nécessaire à son élaboration n’auraient pas été possibles sans soutien financier : nous souhaitons donc exprimer notre vive gratitude à l’ATILF (CNRS/Université de Lorraine) et à l’Université de la Sarre, de même qu’à l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) et à la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG). Enfin, nous remercions la maison d’édition De Gruyter, et en particulier Kevin Göthling, Christine Henschel et Ulrike Krauß, dont nous avons apprécié la collaboration constructive, souple et très agréable sur le plan personnel. Nancy et Sarrebruck, le 27 août 2014
Éva Buchi et Wolfgang Schweickard
| I. Partie théorique et méthodologique
Éva Buchi & Wolfgang Schweickard
1. Conception du projet 1 Genèse L’étymologie lexicale panromane est dominée par un géant : le Romanisches Etymologisches Wörterbuch (REW3) de Wilhelm Meyer-Lübke.1 Or, en dépit de ses immenses qualités, il ne faisait pas de doute, depuis plusieurs générations déjà, que le REW3 devait être révisé, voire céder la place à un nouveau dictionnaire étymologique roman. Après la tentative infructueuse de lancement d’un « nouveau REW » au milieu du siècle passé par Harri Meier et Joseph Maria Piel (cf. Piel 1961), puis, dans les années 1980, par Heinz Jürgen Wolf (cf. Pfister 2013, 132),2 la question fit ainsi l’objet, en 1995, d’une table ronde intitulée « È oggi possibile o augurabile un nuovo REW ? » du XXIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes de Palerme (Chambon/Sala 1998). L’élan collectif de la communauté scientifique lors de la rencontre sicilienne resta toutefois sans suite. C’est en 2007, lors du XXVe Congrès international de linguistique et de philologie romanes d’Innsbruck, que la question réapparut, sous la forme d’une communication (Buchi/Schweickard 2010) qui portait sur les fonts baptismaux le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom). Or le projet du DÉRom ne vise pas une simple réactualisation du REW3. Il se détourne au contraire, suivant une orientation préconisée par Jean-Pierre Chambon dans deux publications programmatiques (Chambon 2007 ; 2010), des pratiques reconnues en étymologie romane pour adopter une méthode jugée traditionnellement peu rentable en étymologie romane, à savoir la reconstruction comparative, méthode que l’on peut définir, avec William H. Baxter, comme « the technique of using regular phonological correspondences among genetically related languages to recons-
|| 1 Nos remerciements les plus chaleureux s’adressent à Yan Greub (Nancy), à Pierre Swiggers (Louvain) et à Valentin Tomachpolski (Ekaterinbourg) pour leurs remarques très pertinentes sur une première version de ce texte. 2 Cf. Pfister (2013, 132) : « L’histoire du REW après 1935 n’est pas à l’honneur de la recherche étymologique romane. […] Le résultat de cette tentative de Meier-Piel était décevant et l’article antemna n’était pas convaincant. La DFG regretta la perte d’un demi million de marks investis dans ce projet qui avait échoué. C’est aussi pour cette raison qu’en 1984 un nouveau projet, louable certes, présenté à la DFG par Heinz Jürgen Wolf, a trouvé des experts sévères et qu’il n’a pas été approuvé ».
6 | Éva Buchi & Wolfgang Schweickard
truct aspects of the phonology, lexicon, and morphology of their common ancestor » (Baxter 2002, 33).3 En se situant si clairement dans un cadre théorique renouvelé, le DÉRom exauce le vœu d’Alberto Vàrvaro, qui, dans une intervention suivant la table ronde de Palerme, s’exprimait ainsi : « dal mio punto di vista, non ha nessuna utilità suggerire singole operazioni cosmetiche del REW. […] Si tratta di pensare ex novo un’altra opera completamente nuova che corrisponda all’ideologia della scienza e alla metodologia della linguistica del Duemila » (Vàrvaro 1998, 1021). En revanche, le choix de la reconstruction comparative comme méthode heuristique (et comme méthode d’exposition des résultats) est loin de faire l’unanimité parmi les linguistes romanistes, à commencer par Alberto Vàrvaro lui-même, qui s’y est vivement opposé.4 De ce fait, le DÉRom s’est rapidement trouvé au centre d’un débat paradigmatique (cf. ci-dessous 5.3) qui l’a propulsé sur le devant de la scène de la romanistique et l’a constitué (en réalité un peu malgré lui) comme un véritable mouvement en étymologie romane. Notre vœu serait que la réflexion méthodologique initiée par le DÉRom participe à ce que Yakov Malkiel appelait « the periodic cleansing and, if necessary, the bold replacement of antiquated tools » (Malkiel 1976, vii) qui ont cours en étymologie romane.
2 Équipe Conformément aux conclusions de la table ronde de Palerme – « l’idée d’un travail en équipe semble être une évidence » (Chambon 1998, 1019) –, le DÉRom s’élabore grâce au concours structuré d’un grand nombre de linguistes romanistes aux compétences complémentaires. L’élaboration du dictionnaire repose sur une répartition des tâches entre rédacteurs et plusieurs types de réviseurs, auxquels s’ajoutent un informaticien et deux documentalistes. Il s’agit donc
|| 3 V. Meillet 1925 ; Hock 1986, 581-626 [« Comparative reconstruction »] ; Anttila 1989, 229-263 [« The Comparative Method (the Central Concept) »] ; Fox 1995, 57-91 [« The Comparative Method : Basic Procedures »] ; Nichols 1996, 48-60 [« How the comparative method works »]; Rankin 2003 ; Campbell 2004, 122-183 [« The Comparative Method and Linguistic Reconstruction »] ; Hewson 2010 ; Ringe/Eska 2013, 228-255 [« Reconstruction »]). Pour la protohistoire de la méthode comparative, v. Baxter 2002. 4 Cf. Vàrvaro (2011a ; 2011b) et les réponses de Buchi/Schweickard (2011a ; 2011b). Cette question est cependant logiquement indépendante de celle sur laquelle nous sommes clairement en accord, à savoir qu’un dictionnaire étymologique panroman lancé au début du XXIe siècle ne saurait se résumer à une simple refonte du REW3, mais se doit de s’inscrire dans un cadre méthodologique renouvelé.
1. Conception du projet | 7
d’un véritable travail d’équipe5 faisant intervenir, pour chaque article individuel, un nombre de contributeurs assez important – souvent plus de vingt –, parmi lesquels se trouvent aussi régulièrement des experts qui ne font pas officiellement partie du projet.6 Actuellement (août 2014), l’équipe du DÉRom réunit des chercheurs de quinze pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Croatie, Espagne, Fédération de Russie, France, Italie, Pologne, Portugal, République de Macédoine, République tchèque, Roumanie, Slovénie et Suisse) et de trois pays hors Europe (Brésil, États-Unis et Japon) ; sa composition se présente comme suit : Direction : Éva Buchi (directrice de recherche au CNRS, ATILF, Nancy) et Wolfgang Schweickard (professeur à l’Université de la Sarre, Sarrebruck). Rédaction : Julia Alletsgruber (chercheuse indépendante, Haguenau), Xosé Afonso Álvarez Pérez (post-doctorant à l’Université de Lisbonne), Marta Andronache (chercheuse indépendante, Nancy), Esther Baiwir (chargée de recherche au FNRS, Université de Liège), Luca Bellone (chargé de recherche à l’Université de Turin), Alina Bursuc (chargée de recherche à l’Université Alexandru Ioan Cuza de Iaşi), Francesco Crifò (post-doctorant à l’Université de la Sarre, Sarrebruck), Przemysław Dębowiak (assistant à l’Université Jagellonne de Cracovie), Jérémie Delorme (post-doctorant à l’ATILF, Nancy), Steven N. Dworkin (professeur à l’Université du Michigan), Simona Georgescu (maître de conférences à l’Université de Bucarest), Ana-Maria Gînsac (chargée de recherche à l’Université Alexandru Ioan Cuza de Iaşi), Xavier Gouvert (chargé de cours à Université de Paris-Sorbonne), Yan Greub (chargé de recherche au CNRS, ATILF, Nancy), Christoph Groß (post-doctorant à l’Université de la Sarre, Sarrebruck), Laure Grüner (doctorante à l’Université de Neuchâtel et à l’Université de Lorraine), Maria Hegner (chercheuse indépendante, Sarrebruck), Ulrike Heidemeier (doctorante à l’Université de Lorraine et à l’Université de la Sarre), Vladislav Knoll (chercheur indépendant, Prague), Johannes Kramer (professeur à l’Université de Trèves), Jérôme Lagarre (étudiant à l’Université de ParisSorbonne), Cyril Liabœuf (étudiant à l’Université de Paris-Sorbonne), Julia Lichtenthal (doctorante à l’Université de la Sarre, Sarrebruck), Sergio Lubello (pro-
|| 5 Delorme (2011) montre, à travers la description détaillée de la genèse d’un article du DÉRom, comment les différentes compétences réunies au sein du projet permettent de converger vers un résultat qui dépasse chacun des intervenants individuels. Cf. aussi Andronache (à paraître), qui détaille les différentes phases rédactionnelles. 6 Ainsi, si le DÉRom ne compte pas (encore ?) de spécialiste du domaine romanche, Georges Darms (professeur émérite à l’Université de Fribourg), Ricarda Liver (professeur émérite à l’Université de Berne) et Carli Tomaschett (directeur du Dicziunari Rumantsch Grischun) ont accepté d’apporter leur contribution bénévole au projet.
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fesseur à l’Université de Salerne), Marco Maggiore (post-doctorant à l’ATILF, Nancy), Laura Manea (chargée de recherche à l’Académie roumaine, Institutul de Filologie Română A. Philippide, Iaşi), Stella Medori (maître de conférences à l’Université de Corse Pasquale Paoli, Corte), Bianca Mertens (doctorante à l’Université de Liège et à l’Université de Lorraine), Alexandra Messalti (doctorante à l’Université de Paris-Sorbonne), Antonio Montinaro (chargé de recherche à l’Université du Salento, Lecce), Piera Molinelli (professeur à l’Université de Bergame), Mihaela-Mariana Morcov (chargée de recherche à l’Académie roumaine, Bucarest), Florin-Teodor Olariu (chargé de recherche à l’Académie roumaine, Institutul de Filologie Română A. Philippide, Iaşi), Jan Reinhardt (chargé de cours à l’Université Eberhard Karl de Tübingen), Pascale Renders (chargée de recherche au FNRS, Université de Liège), Julia Richter (chargée de recherche à l’Université de Duisbourg et Essen), Michela Russo (maître de conférences à l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis), María Dolores Sánchez Palomino (maître de conférences à l’Université de La Corogne), Uwe Schmidt (postdoctorant à l’Université de la Sarre, Sarrebruck), Agata Šega (maître de conférences à l’Université de Ljubljana), Francesco Sestito (chercheur indépendant, Rome), Carlos Soreto (étudiant à l’Universidade Aberta), Lisa Šumski (doctorante à l’Université de la Sarre), Elena Tamba (chargée de recherche à l’Académie roumaine, Institutul de Filologie Română A. Philippide, Iaşi) et Harald Völker (maître de conférences à l’Université de Zurich). Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : JeanPierre Chambon (professeur à l’Université de Paris-Sorbonne), Günter Holtus (professeur émérite à l’Université Georg-August de Göttingen), Pierre Swiggers (directeur de recherche au FWO, Louvain) et Valentin Tomachpolski (professeur à l’Université fédérale de l’Oural, Ekaterinbourg). – Romania du Sud-Est :7 Petar Atanasov (professeur émérite à l’Université de Skopje [méglénoroumain]), Victor Celac (chargé de recherche à l’Académie roumaine, Bucarest [roumain en général]), Wolfgang Dahmen (professeur à l’Université Friedrich Schiller de Iéna [dacoroumain]), Cristina Florescu (directrice de recherche à l’Académie roumaine, Institutul de Filologie Română A. Philippide, Iaşi [dacoroumain]), Maria Iliescu (professeur émérite à l’Université d’Innsbruck [dacoroumain]), August Kovačec (professeur émérite à l’Université de Zagreb [istroroumain]), Eugen Munteanu (professeur à l’Université Alexandru Ioan Cuza de Iaşi [dacoroumain]), Elton Prifti (professeur à l’Université de Mannheim [albanais]) et Nikola
|| 7 Les termes Romania du Sud-Est, Italoromania, Galloromania et Ibéroromania ne revêtent qu’un sens strictement géographique : en aucun cas le DÉRom ne considère qu’il s’agit de branches phylogénétiques de la Romania.
1. Conception du projet | 9
Vuletić (maître de conférences à l’Université de Zadar [végliote et istriote]). – Italoromania : Giorgio Cadorini (chargé de recherche à l’Université de Silésie d’Opava [frioulan]), Rosario Coluccia (professeur à l’Université du Salento, Lecce [italien]), Anna Cornagliotti (professeur à l’Université de Turin [italien]), Yusuke Kanazawa (maître de conférences au Shiga Junior College [sarde]), Giorgio Marrapodi (chercheur à l’Académie des sciences et de la littérature de Mayence [italien]), Max Pfister (professeur émérite à l’Université de la Sarre, Sarrebruck [Italoromania en général]), Simone Pisano (chercheur à l’Université Guglielmo Marconi de Rome [sarde]) et Paul Videsott (professeur à l’Université libre de Bolzano [ladin]). – Galloromania : Marie-Guy Boutier (professeur à l’Université de Liège), Jean-Paul Chauveau (directeur de recherche émérite au CNRS, ATILF, Nancy), Matthieu Segui (étudiant à l’Université de Paris-Sorbonne) et David Trotter (professeur à l’Université d’Aberystwyth), tous Galloromania en général. – Ibéroromania : Maria Reina Bastardas i Rufat (maître de conférences à l’Université de Barcelone [catalan]), Myriam Benarroch (maître de conférences à l’Université de Paris-Sorbonne [portugais]), Ana Boullón (maître de conférences à l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle [galicien]), Ana María Cano González (professeur à l’Université d’Oviedo [asturien]), Anne-Marie ChabrolleCerretini (professeur à l’Université de Lorraine [espagnol]), Fernando Sánchez Miret (maître de conférences à l’Université de Salamanque [espagnol]), André Thibault (professeur à l’Université de Paris-Sorbonne [espagnol]) et Mário Eduardo Viaro (maître de conférences à l’Université de São Paulo [portugais]). À noter qu’il n’y a pas de séparation hermétique entre réviseurs et rédacteurs, plusieurs réviseurs ayant accepté de se charger de la rédaction d’articles du dictionnaire. Encadrement informatique : Gilles Souvay (ingénieur de recherche au CNRS, ATILF, Nancy). Documentation : Candida Andreas (assistante-ingénieure à l’Université de la Sarre, Sarrebruck [depuis 2014]), Pascale Baudinot (assistante-ingénieure au CNRS, ATILF, Nancy) et Simone Traber (assistante-ingénieure à l’Université de la Sarre, Sarrebruck [2008–2013]).
3 Nomenclature Une des particularités du projet DÉRom est sa vision résolument panromane. C’est donc tout naturellement que nous avons choisi, pour la première phase du projet, de traiter de façon prioritaire le noyau panroman du lexique héréditaire, qui permettait de – voire obligeait à – rompre avec les études sectorielles qui
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avaient prévalu en étymologie romane durant les décennies précédant le lancement du projet (cf. Buchi/Schweickard 2011a, 309). Par commodité, la nomenclature initiale a été empruntée à Iancu Fischer (1969), qui recense 488 étymons réputés panromans (dont beaucoup se sont toutefois avérés n’avoir pas été continués dans l’ensemble des idiomes romans).8 Nous ne nous sommes cependant pas interdit d’enrichir cette nomenclature originelle. Cela concerne d’une part les cas où la reconstruction comparative a abouti, sur la base de matériaux que l’étymographie prédéromienne rattachait à des étymons de la nomenclature originelle, au dégagement de nouveaux étymons comme */a'pril-i-u/ (Celac 2009–2014 in DÉRom s.v.) ou */ɪn-ka'βall-ik-a-/ (Jactel/Buchi 2014 in DÉRom s.v. ; cf. aussi Buchi/Hütsch/Jactel à paraître). D’autre part, afin d’étudier les structures (para-)synonymiques du protoroman, nous avons fait une place, par exemple, à côté de */'kred-e-/ v.tr./ditr. ‘croire ; prêter’ (Diaconescu/Delorme/ Maggiore 2014 in DÉRom s.v.), aux articles */'prεst-a-/ v.intr./ditr. ‘être utile ; prêter’, */ɪm-'prεst-a-/ v.ditr. ‘prêter’ et */ɪm'prumut-a-/ v.ditr. ‘emprunter ; prêter’ (tous Maggiore 2014 in DÉRom s.v.). La nomenclature actuelle comporte ainsi (cf. l’onglet « Nomenclature » sur le site du DÉRom) 510 unités.
4 Financement 4.1 Financement principal Les fonds nécessaires pour la mise en œuvre du projet DÉRom proviennent très majoritairement de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et de la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG), qui lui ont accordé à deux reprises une subvention dans le cadre de leur Programme franco-allemand en Sciences Humaines et Sociales : 300 000 € pour la période 2008–2010 et 368 000 € pour la période 2012–2014. Ce financement a notamment permis d’engager des post-doctorants : à l’Université de la Sarre, Christoph Groß et Uwe Schmidt (2008–2010 et 2012– 2014), à l’ATILF, Victor Celac (2008/2009), Xavier Gouvert (2009/2010), Jérémie Delorme (2010), Mihaela-Mariana Morcov (2012/2013) et Marco Maggiore (2013/2014). En 2012, le financement de l’ANR a aussi permis à l’ATILF de prolonger le contrat de Paul Videsott comme professeur invité à l’Université de Lorraine (cf. ci-dessous 4.2).
|| 8 Les considérations générales qui président au choix de la nomenclature du DÉRom sont présentées dans Buchi/Schweickard (2009, 101-103).
1. Conception du projet | 11
En outre, la subvention de l’ANR et de la DFG a servi à l’organisation de dix des onze Ateliers DÉRom qui se sont tenus à ce jour,9 ainsi qu’à celle des deux Écoles d’été franco-allemandes en étymologie romane (2010 et 2014). Elle a aussi couvert des frais de mission permettant à des déromiens de présenter le projet lors de diverses manifestations scientifiques. Enfin, elle a été utilisée pour l’enrichissement du fonds documentaire en étymologie romane à l’Université de la Sarre et à l’ATILF.
4.2 Financements secondaires Il n’est pas exagéré de dire que sans le Programme franco-allemand en Sciences Humaines et Sociales de l’ANR et de la DFG, le DÉRom n’existerait pas. Mais l’apport financier de plusieurs autres institutions a également été très bénéfique au projet. Le DÉRom a ainsi été soutenu à hauteur de 15 500 € par l’ATILF, dans le cadre de son appel à projets interne 2011, ce qui a notamment permis à l’équipe nancéienne de recruter Jan Reinhardt comme post-doctorant. La Région Lorraine a soutenu le projet à hauteur de 11 000 €, dans le cadre de son dispositif « Chercheur d’excellence », qui a permis à Steven N. Dworkin de réaliser en 2013/2014 un stage de trois mois à l’ATILF. L’Université de Lorraine a contribué au projet à travers un mandat de professeur invité accordé en 2012 à Paul Videsott ;10 le PRES de l’Université de Lorraine a accordé, en 2011, une subvention de 1 000 € au DÉRom, dans le cadre de son soutien à la dimension internationale de la recherche. Enfin, l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) a octroyé à Alina Bursuc une bourse qui lui a permis d’effectuer en avril/mai 2011 un stage de rédaction à l’ATILF. Le tour d’horizon des soutiens financiers dont a bénéficié et continue à bénéficier le DÉRom ne serait pas complet sans une mention des différentes universités et institutions de recherche qui sont les employeurs des membres du projet. En effet, à l’exception des post-doctorants rémunérés notamment par l’ANR et la DFG, les déromiens apportent leur contribution au projet dans le cadre de la mission de recherche que leur confie leur statut administratif, dans la plupart des cas d’enseignant-chercheur. De ce fait, l’Académie roumaine, l’Académie des sciences et de la littérature de Mayence, le CNRS, le FNRS, le || 9 Le 7e Atelier DÉRom, qui s’est tenu en 2011, année où le projet n’a pas bénéficié d’une subvention de l’ANR et de la DFG, a été financé par les universités et institutions de recherche d’appartenance des membres du projet. 10 Au total, Paul Videsott a passé six mois à l’ATILF : cinq mois rémunéré par l’ANR et un mois rémunéré par l’UL.
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FWO, le Shiga Junior College, l’Université d’Aberystwyth, l’Université Alexandru Ioan Cuza de Iaşi, l’Université de Barcelone, l’Université de Bergame, l’Université de Bucarest, l’Université de La Corogne, l’Université de Corse Pasquale Paoli, l’Université Eberhard Karl de Tübingen, l’Université fédérale de l’Oural, l’Université Friedrich Schiller de Iéna, l’Université Georg-August de Göttingen, l’Université Guglielmo Marconi de Rome, l’Université d’Innsbruck, l’Université Jagellone de Cracovie, l’Université libre de Bolzano, l’Université de Liège, l’Université de Lisbonne, l’Université de Ljubljana, l’Université de Lorraine, l’Université de Mannheim, l’Université du Michigan, l’Université de Neuchâtel, l’Université d’Oviedo, l’Université de Paris-Sorbonne, l’Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle, l’Université de Salamanque, l’Université du Salento, l’Université de Salerne, l’Université de São Paulo, l’Université de la Sarre, l’Université de Silésie d’Opava, l’Université de Skopje, l’Université de Trèves, l’Université de Turin, l’Université de Zadar, l’Université de Zagreb et l’Université de Zurich apportent tous une contribution déterminante au projet.
5 Résultats Les résultats obtenus à ce jour dans le cadre du projet DÉRom s’articulent en quatre volets : mise en place d’une méthode de travail (5.1), révision de l’étymologie du noyau central du lexique héréditaire (5.2), impulsion d’un débat paradigmatique (5.3), enfin fédération des forces vives et formation de la relève (5.4).
5.1 Mise en place d’une méthode de travail Le projet DÉRom pouvait s’appuyer dès son lancement sur l’expérience accumulée de plusieurs générations d’étymologistes romanistes, dont le talent s’était exprimé notamment dans les colonnes d’ouvrages de référence comme le REW3, le FEW et le LEI. S’il a néanmoins été nécessaire de mettre en place une méthode de travail propre au DÉRom, c’est essentiellement pour quatre raisons. Premièrement, à la différence du REW3, qui constitue à plusieurs égards son point de référence, le DÉRom est élaboré non pas par un chercheur isolé, mais par une équipe internationale (cf. ci-dessus 2). Deuxièmement, contrairement aux deux entreprises étymologiques auxquelles les directeurs du projet étaient préalablement associés (FEW et LEI), qui comportent, certes, une dimension romane dépassant
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clairement ce que laisse modestement entendre leur titre, le DÉRom se veut résolument panroman. Troisièmement, le DÉRom est le premier dictionnaire étymologique roman dont toutes les phases du processus rédactionnel sont réalisées sous forme informatique. Enfin et surtout, l’orientation méthodologique du projet, fondé sur la reconstruction comparative, qui l’amène à s’orienter vers la linguistique générale et vers les pratiques qui ont cours en étymologie non romane (cf. Buchi 2013a), a nécessité de repenser complètement les comportements de recherche en étymologie romane. Outre les décisions de principe que les directeurs avaient prises avant même le lancement du projet – comme le choix du français comme métalangue11 ou la publication progressive en ligne du dictionnaire12 –, les décisions à prendre portaient notamment sur trois points : les idiomes romans à considérer (5.1.1), la bibliographie (5.1.2) et les normes rédactionnelles (5.1.3). Ces décisions – dont beaucoup ont connu ces dernières années, et continueront d’ailleurs à connaître à l’avenir, de légers ajustements – sont autant de principes structurants qui régissent l’élaboration du dictionnaire. Elles sont répertoriées dans un fascicule de ressources interne au projet nommé (en raison de sa couverture bleue, choisie en fonction de la couleur préférée des directeurs du projet) Livre bleu. Cet outil de travail a été mis en place dans le but de garantir l’homogénéité dans la conception des articles, rédigés par des linguistes géographiquement dispersés, et de permettre aux membres du projet de se documenter de façon commode sur les décisions prises (notamment lors des Ateliers DÉRom). Le document a connu pour l’heure six éditions papier et est consultable, dans sa version électronique à jour, en mode rédaction sur le site internet du DÉRom (Buchi 2014a).
|| 11 Ce choix est en adéquation avec les avis exprimés par les participants de la table ronde de Palerme. En effet, le dictionnaire appelé à prendre la suite du REW3 devait être rédigé dans une langue romane : « En primer lugar creo que debería efectuarse la redacción en una lengua románica dado que, desgraciadamente, no todos los romanistas tienen un fácil acceso al alemán » (García Arias 1998, 1002). Et le choix devait de préférence se porter sur le français : « Anche la scelta della lingua redazionale è un problema da affrontare. È piuttosto singolare che un vocabolario romanzo sia redatto in una lingua germanica (ieri il tedesco, domani sarà probabilmente suggerito l’inglese). Più coerente sarebbe decidersi per una lingua romanza, che noi individueremmo nella lingua francese, nota a tutti i romanisti più di qualsiasi altra, dopo la propria » (Cortelazzo 1998, 995). 12 Cette option rejoint l’avis exprimé par Ioana Vintilă-Rădulescu lors de la table ronde de Palerme : « Nous imaginons la réalisation de ce nouveau REW sous forme informatisée, à savoir en tant que base de données » (Vintilă-Rădulescu 1998, 1013). En revanche, contrairement à ce qui était alors envisagé (« plusieurs versions provisoires successives, auxquelles tous les collaborateurs et même des utilisateurs payants puissent avoir accès par l’intermédiaire d’un réseau international tel l’Internet », ibid.), il n’a jamais été question que l’accès au DÉRom soit payant.
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5.1.1 Choix des idiomes romans à considérer Il est bien connu qu’il n’existe pas de consensus, parmi les linguistes romanistes, sur le nombre de « langues » romanes individuelles à distinguer (cf. le chapitre « Die romanischen Sprachen : wie viele und welche ? » de Bossong 2008, 16-30). Le DÉRom a donc dû se doter d’une politique à ce propos qui soit à la fois scientifiquement justifiée et possible à mettre en œuvre concrètement. La solution qui a été retenue consiste à distinguer, pour la sélection des matériaux, deux types d’idiomes romans : ceux qui apparaissent toujours en structure de surface (idiomes dits « obligatoires », par exemple l’italien) et ceux qui n’apparaissent en structure de surface que si l’idiome obligatoire superordonné ne présente pas d’issue régulière de l’étymon (idiomes dits « facultatifs », par exemple le piémontais). Un idiome appartient à la catégorie des obligatoires s’il constitue une langue-écart (par opposition aux langues par élaboration :13 cas du francoprovençal) et/ou s’il est doté d’un dictionnaire étymologique entièrement accessible aux déromiens (cas de l’asturien) et/ou s’il permet de compenser un déséquilibre dans la chronologie des attestations textuelles (cas des dialectes sud-danubiens du roumain). Les idiomes qui ne remplissent aucun de ces trois critères appartiennent à la catégorie des idiomes facultatifs. En application de ces règles, vingt idiomes romans ont été retenus comme obligatoires : le sarde, le dacoroumain, l’istroroumain, le méglénoroumain, l’aroumain, le « dalmate », l’istriote, l’italien, le frioulan, le ladin, le romanche, le français, le francoprovençal, l’occitan, le gascon, le catalan, l’espagnol, l’asturien, le galicien et le portugais.14 Si cet inventaire d’idiomes obligatoires n’est pas sans poser des problèmes (cf. ci-dessous 6), il est important de noter que « la que traite DÉRom est constituée par l’océan des variétés romanes primaires orales (celles qu’étudie la dialectologie romane) et non pas par la poignée de variétés standardisées de haut prestige littéraire et social » (Chambon 2013, 148).15
|| 13 Pour les notions de langue-écart et de langue par élaboration, forgées par Heinz Kloss (Abstandsprache vs Aufbausprache), voir par exemple Bossong (2008, 25-28). 14 Les cognats galicien et portugais sont regroupés en un seul item, caractérisé par le glottonyme « gal./port. », quand leurs attestations remontent à l’époque galégo-portugaise, datée d’avant le milieu du XIVe siècle. 15 De fait, les langues par élaboration ne bénéficient pas ipso facto d’un statut priviliégié dans le DÉRom (mais il est vrai qu’elles ont plus de chances d’être dotées d’un dictionnaire étymologique) : « l’appartenance d’une unité lexicale à une langue standardisée ou non n’a aucune incidence sur son inclusion dans les matériaux : son acceptation dans cette partie des articles dépend uniquement de son utilité pour la reconstruction protoromane » (Andronache 2013, 457-458).
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5.1.2 Élaboration de deux types de bibliographies Les travaux rédactionnels du DÉRom ont donné lieu à l’élaboration de deux types de bibliographies (cf. Schweickard 2010 ; 2012, 175-176) : la bibliographie générale et la bibliographie de consultation et de citation obligatoires. La bibliographie générale, élaborée par Pascale Baudinot avec le concours de l’ensemble de l’équipe, recense la totalité des sources (dictionnaires, monographies, périodiques, articles, éditions de texte etc.) citées dans au moins un article du DÉRom, qu’il soit publié ou en cours de rédaction. Comportant actuellement (août 2014) 1 560 items, elle est interrogeable titre par titre sur le site internet du DÉRom (onglet « Bibliographie », puis « Recherche sur les initiales » ou « Recherche d’une sous-chaîne ») et téléchargeable dans sa totalité sous la forme d’un fichier PDF (onglet « Bibliographie », puis « Télécharger la bibliographie générale »).16 La bibliographie de consultation et de citation obligatoires comprend quelque 140 titres considérés comme des références indispensables pour un idiome ou un ensemble d’idiomes. Les rédacteurs doivent consulter la totalité de ces titres et citer ceux d’entre eux qui contiennent de l’information pertinente pour l’article en question. Chaque publication mentionnée dans cette liste est munie du nom d’un correspondant bibliographique, qui s’engage à la dépouiller sur demande pour les rédacteurs qui n’y ont pas accès dans les bibliothèques qui sont à leur disposition. La bibliographie de consultation et de citation obligatoires est également téléchargeable sur le site du DÉRom (onglet « Bibliographie », puis « Télécharger la bibliographie obligatoire »).
5.1.3 Normes rédactionnelles Une première version des normes rédactionnelles du DÉRom, qui s’inspirent des règles d’écriture du FEW (cf. Büchi 1996) et du LEI (cf. Aprile 2004), a été élaborée en 2007, dans un premier temps pour la rédaction de l’article-modèle */'kad-e-/ (cf. Buchi 2008–2014 in DÉRom s.v. ; Buchi/Schweickard 2008, 354357 ; Buchi 2010b, 1-4). Ces normes de rédaction sont régulièrement mises à jour, d’une part en fonction des nouveaux cas de figure qui se présentent au fur et à mesure de l’avancement de la rédaction, d’autre part pour tenir compte des
|| 16 La partie II.3. « Bibliographie » en fin de ce volume est identique à ce document à la différence près que les items bibliographiques consacrés à des périodiques et à des ouvrages collectifs, qui sont toujours cités à travers les articles et chapitres qu’ils contiennent, en sont absents.
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critiques recueillies lors des présentations d’articles à l’occasion des Ateliers DÉRom et des différentes manifestations scientifiques où un public plus large est amené à se prononcer sur le bien-fondé des options rédactionnelles prises. Le site internet du projet (« Consultation du dictionnaire », puis « Avis au lecteur ») met les grandes lignes de ces normes rédactionnelles à la disposition des internautes. Concernant la lemmatisation, un principe de base stipule que les entrées du DÉRom doivent refléter au niveau lexicographique l’analyse menée au niveau lexicologique (linguistique). En vertu de ce principe, le DÉRom accorde le statut de lemme à chaque unité lexicale ou grammaticale minimale libre du protoroman. Les lexèmes issus d’une dérivation ou d’une composition protoromane sont ainsi dégroupés : */a'pril-i-u/ constitue un article à part de sa base dérivationnelle */a'pril-e/ (cf. Celac 2009–2014 in DÉRom s.v.). Les articles du DÉRom sont rédigés dans un éditeur XML, qui en contrôle la structure grâce à un schéma XML, que Gilles Souvay a élaboré en 2008 (sur la base de l’article-modèle */'kad-e-/, rédigé à l’aide d’un logiciel de traitement de texte dès 2007) et qu’il fait évoluer depuis (cf. le chapitre 2.3. « Traitement informatique »). À l’heure actuelle, le schéma XML contient quelque 80 balises, dont la majorité sont obligatoires, tandis que certaines ne sont pertinentes que dans des cas de figure spéciaux. L’intérêt de la rédaction sous XML est double : d’une part, à l’encodage, elle garantit l’homogénéité structurelle des articles, dont la rédaction est assurée par un nombre croissant de rédacteurs, de l’autre, elle permet, au décodage, des interrogations transversales de différents types : par articles (étymons protoromans, corrélats latins ou entrées du REW3), par signifiants (cognats romans, formes protoromanes), par signifiés,17 par catégories grammaticales, par idiomes romans, par collaborateurs (rédacteurs, réviseurs, contributeurs ponctuels, tous), enfin par dates de mise en ligne (première version, version actuelle).
5.2 Révision de l’étymologie du noyau central du lexique héréditaire roman L’objectif principal du DÉRom consiste à rebâtir l’étymologie du noyau commun du lexique héréditaire roman selon la méthode de la reconstruction comparative
|| 17 La recherche par signifiés, limitée pour l’instant aux signifiés des étymons, constitue un premier pas vers ce large index onomasiologique que Manlio Cortelazzo appelait de ses vœux : « Dificile da compilare, ma utilissimo sarebbe un indice onomasiologico, molto più ampio e organico di quello abbozzato dal REW » (Cortelazzo 1998, 995).
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et d’en présenter l’analyse (phonologique, sémantique, morphosyntaxique, stratigraphique et variationnelle) sous une forme lexicographique. Différentes publications ont mis en évidence des avancées qui se dégagent de cette révision de l’étymologie de la part la plus identitaire du lexique roman pour l’étymologie idioromane,18 que cela concerne le roumain (Celac/Buchi 2011), l’italien (Buchi/ Reinhardt 2012), le français (Buchi/Chauveau/Gouvert/Greub 2010 ; Buchi/ González Martín/Mertens/Schlienger à paraître), le catalan (Bastardas i Rufat 2013 ; à paraître ; Bastardas i Rufat/Buchi 2012 ; Bastardas i Rufat/Buchi/Cano González 2013b, 16-18), l’espagnol (Bastardas i Rufat/Buchi/Cano González 2013b, 18-20), l’asturien (Bastardas i Rufat/Buchi/Cano González 2013a ; 2013b, 20-21), le galicien (Bastardas i Rufat/Buchi/Cano González 2013b, 21-23) ou encore le portugais (Benarroch 2013a ; 2013c ; 2014).19 C’est cependant l’étymologie panromane qui profite en premier lieu des recherches menées dans le cadre du DÉRom, dont le résultat sous forme de dictionnaire est appelé d’une part à remplacer les parties correspondantes du REW3, d’autre part à fournir le complément lexicologique aux volumes ProtoRomance Phonology (Hall 1976) et Proto-Romance Morphology (Hall 1983) de Robert A. Hall. En tant que tentative d’un Proto-Romance Lexicon, voire d’une Proto-Romance Lexicology, l’entreprise du DÉRom est inédite, ce qui lui confère d’emblée un intérêt intrinsèque. Mais qu’en est-il des résultats de recherche qui se dégagent du DÉRom par rapport à ceux déjà disponibles dans l’étymographie prédéromienne, et notamment dans le REW3 ? Pour répondre à cette question, il convient de rappeler d’abord ce qui serait un truisme si la pratique de l’étymologie romane traditionnelle ne s’était pas systématiquement inscrite en porte-à-faux par rapport à ce principe : au début de l’analyse étymologique – même dans le domaine du lexique héréditaire roman –, toutes les propriétés de l’étymon (signifiant, catégorie grammaticale et signifié) sont par définition inconnues. Or, quand on compare les propriétés phonologiques, sémantiques et morphosyntaxiques des étymons établis par la méthode comparative avec ceux trouvés par la méthode « latinisante », on s’aperçoit qu’elles ne sont pas identiques, tout en étant souvent assez proches. Pour modéliser l’écart entre les deux, l’une de nous a proposé, par analogie avec la différence d’angle que l’on peut observer sur la boussole entre le nord magnétique et le nord géographique, qui porte le nom de déclinaison magnétique, la notion de « déclinaison étymo|| 18 La notion d’idioroman a été introduite par Buchi/Schweickard (2009, 101). 19 Les connaissances nouvelles générées par le DÉRom ne se limitent pas à ces idiomes. À titre d’exemple, l’article */βi'n-aki-a/ (Delorme 2010–2014 in DÉRom s.v. ; cf. aussi Delorme 2011) corrige ainsi les étymologies de sard. vináθθa, dacoroum. vinaţă, végl. [vi'nuɔts], fr. vinasse, occit. vinaci, esp. vinaza et port. vinhaça.
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logique » (Buchi à paraître a). Dans ce qui suit, nous nous efforcerons d’identifier des cas de figure où la déclinaison étymologique entre les résultats de recherche de l’étymographie traditionnelle et ceux du DÉRom est particulièrement sensible, tout en étant conscients qu’il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg : « Toutefois, dans la mesure où un résultat de recherche ne tire sa valeur que de la démarche scientifique qui l’a généré, il est bien évident que la déclinaison étymologique ne se réduira jamais à zéro, y compris dans les cas (théoriques) où les résultats des deux méthodes seraient identiques. » (Buchi à paraître a, 4-5)
La délinaison étymologique est manifeste dans le cas des étymons absents du REW3 : */a'ket-u/2 adj. (Delorme 2012–2014 in DÉRom s.v.), */a'pril-i-u/ (Celac 2009–2014 in DERom s.v.), */'barb-a/2 s.m. (Schmidt/Schweickard 2010–2014 in DÉRom s.v.), */dɪs-ka'βall-ik-a-/ (Hütsch/Buchi 2014 in DÉRom s.v.), */es'kolt-a-/ (Schmidt/Schweickard 2010–2014 in DÉRom s.v.), */ɪm-'prεst-a-/ (Maggiore 2014 in DÉRom s.v.), */ɪn-ka'βall-ik-a-/ (Jactel/Buchi 2014 in DÉRom s.v.) ou encore */ma'ɡɪstr-a/ (Kroyer/Reinhardt 2014 in DÉRom s.v.). Mais nous verrons, en analysant des exemples concrets, que la déclinaison étymologique est aussi constamment présente, à des degrés divers, dans les cas où l’étymographie traditionnelle livre un correspondant de l’étymon du DÉRom. La réflexion portera sur les propriétés phonologiques des étymons (ci-dessous 5.2.1), leurs propriétés sémantiques (5.2.2), leurs propriétés morphologiques (5.2.3), enfin sur leur positionnement diasystémique (5.2.4). Elle illustrera les progrès systémiques que nous pensons possibles pour l’étymologie romane « if the techniques and assumptions of comparative linguistics as currently practiced outside the Romance field are allowed to take precedence over the circularity of the historical method » (Leonard 1980, 34), comme le formulait de façon quelque peu prémonitoire, il y a déjà plus de trente ans, Clifford S. Leonard dans le premier volume des Trends in Romance Linguistics and Philology.
5.2.1 Propriétés phonologiques des étymons Idéalement, le DÉRom se serait appuyé sur une description fiable du système phonématique du protoroman qui aurait été établie préalablement au – et indépendamment du – projet. Cela n’a malheureusement pas été le cas : en raison de l’orientation graphocentrique de la linguistique historique romane traditionnelle, qui pensait pouvoir se dispenser de décrire en propre le système linguistique (dont la phonologie) de l’ancêtre commun des idiomes romans, la phono-
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logie protoromane est un champ qui a été à peine labouré. De plus, il est rapidement apparu, dès le début du projet, que la Proto-Romance Phonology de Robert A. Hall (1976), louable en tant que première tentative, était à revoir profondément. Dès lors, un premier résultat qui se dégage du projet DÉRom consiste en l’établissement de l’inventaire phonématique du protoroman (cf. le chapitre 2.2.2. « Reconstruction phonologique », de la plume de Xavier Gouvert). En réalité, il s’agit là d’un résultat tout à fait organique du projet, tant il est vrai qu’un protophonème ne peut qu’être établi à travers la mise en évidence de correspondances phoniques dans un ensemble de séries de cognats, procédure étroitement liée à la démarche étymologique : phonologie historique et étymologie sont impliquées dans un va-et-vient heuristique. Pour ce qui est de la déclinaison étymologique dans le domaine phonologique, elle se manifeste sur les plans segmental et suprasegmental. Sur le plan segmental, on constate d’abord des différences systémiques. Concernant le système vocalique, ce qui frappe d’emblée, c’est que là où l’étymographie traditionnelle note des différences de quantité (REW3 : nōdus, rŏta), le DÉRom note des différences de timbre (Dworkin/Maggiore 2014 in DÉRom s.v. */'nod-u/, Groß 2012–2014 in DÉRom s.v. */'rɔt-a/). Cette option du DÉRom est motivée par le fait que le témoignage convergent des idiomes romans prouve que le système vocalique de leur ancêtre commun ne connaissait que des oppositions de timbre (ce que personne ne conteste) ; dès lors, elle apparaît comme plus réaliste que celle de ses prédécesseurs. Au sein du système consonantique, on constate d’abord, fait assez trivial, qu’aucun phonème ne correspond, dans les étymons du DÉRom, au graphème que portent certains lemmes des dictionnaires étymologiques traditionnels : */'ɛder-a/ (Reinhardt 2010–2014 in DÉRom s.v. ; REW3 : hĕdĕra), */'ɛrb-a/ (Reinhardt 2010–2014 in DÉRom s.v. ; REW3 : hĕrba). Plus pertinent pour la déclinaison étymologique, car aucune correspondance biunivoque ne lie les deux systèmes de notation : le phonème */β/ répond tantôt au graphème (Cano González 2009–2014 in DÉRom s.v. */ka'βall-u/ ; REW3 : cabăllus), tantôt au graphème (Groß 2014 in DÉRom s.v. */'βend-e-/ ; REW3 : vēndĕre).20 Mais la plus-value certainement la plus importante du système de notation des étymons du DÉRom, c’est son caractère parfaitement explicite, qui permet de – et qui oblige à – prendre position de la manière la plus claire sur les traits phoniques des étymons. Cette particularité inédite de l’entreprise déromienne est passée très largement inaperçue dans le débat autour du projet ; tout au plus y a-t-elle fait une rapide apparition dans la discussion sur la reconstruction de la
|| 20 Cf. Buchi (à paraître b, 4-6) pour les problèmes que pose la notation .
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fricative bilabiale */ɸ/ (cf. Vàrvaro 2011b, 627 ; Buchi/Schweickard 2011b, 630). On peut avoir de bonnes raisons pour rejeter la reconstruction de ce phonème ; il faut toutefois être conscient du fait que la notation traditionnelle (fīlius [REW3] face à */'ɸili-u/ [Bursuc 2011–2014 in DÉRom s.v.]) n’est en rien supérieure : étant donné qu’on ne peut pas, selon la formule de Helmut Lüdtke, « mit philologischer Naivität Buchstaben und Lautung gleichsetzen » (Lüdtke 2001, 658), la lecture */f/ de ne va pas plus de soi que la lecture */ɸ/. À ces différences structurelles s’ajoutent des différences affectant des étymons individuels, ainsi pour */'batt-e-/ (Blanco Escoda 2011–2014 in DÉRom s.v.) ou */ɸe'βrari-u/ (Celac 2009–2014 in DERom. s.v.), étymons plus adéquats que battuĕre et februarius (REW3). Contrairement à ce que l’on aurait pu penser, la déclinaison étymologique frappe d’ailleurs même les étymons astérisqués du REW3 : la reconstruction comparative aboutit ainsi à */ɪm'prumut-a-/ (Maggiore 2014 in DÉRom s.v.) là où le REW3, fidèle à sa logique de « classical Latin » (Buchi 2010b, 2), porte *imprōmŭtŭare. Par ailleurs, le témoignage pour ainsi dire unanime des idiomes romans incite à reconstruire un accent lexical pour le protoroman. Ce trait suprasegmental est noté par le signe « ' » dans les étymons non clitiques (même monosyllabiques) du DÉRom : */'karpin-u/ (Medori 2008–2014 in DÉRom s.v.), */pek'k-at-u/ (Ney/Maggiore 2014 in DÉRom s.v.), */ɪn-ka'βall-ik-a-/ (Jactel/ Buchi 2014 in DÉRom). À ce niveau, la déclinaison étymologique réside essentiellement dans le caractère plus explicite de la notation du DÉRom : il est évident que pour MeyerLübke, les étymons du REW3 (carpĭnus, pĕccātum et cabăllĭcāre) non seulement portaient un accent lexical, mais le portaient au même endroit que ceux du DÉRom.21 Dès lors, la plus-value de l’option déromienne réside essentiellement dans deux points : d’une part, au niveau théorique, dans une meilleure cohérence interne – on note les traits suprasegmentaux des étymons au même titre que leurs traits segmentaux –, d’autre part, au niveau pratique, dans le fait que tout type de public, latiniste ou non, a accès à l’information.
5.2.2 Propriétés sémantiques des étymons Établir les propriétés sémantiques des étymons du lexique héréditaire (cf. Benveniste 1954) apparaît comme un desideratum prioritaire de l’étymologie ro-
|| 21 Dans le cas du dernier exemple, il faut tenir compte de l’infinitif placé au début des matériaux, qui forme l’étymon direct des cognats romans tels qu’ils sont notés par convention, et non pas du lexème abstrait que contient le lemme (cf. ci-dessous 5.2.3).
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mane, et cela pour deux raisons : d’une part, parce que c’est une tâche que l’approche traditionnelle, qui considérait pouvoir prélever cette information dans les dictionnaires latins, ne s’est jamais véritablement assignée, d’autre part, parce que l’étymographie traditionnelle (et singulièrement le REW3) met trop souvent en avant des étymons monosémiques, même dans les cas où la lexicographie latine attestait les sens secondaires. C’est sans doute ce qui a motivé l’intervention de Petru Zugun lors de la table ronde de Palerme, qui s’exprimait comme suit : « Si se trata de un nuevo REW, creo que es necesario de aumentar y de mejorar su parte semántica también, para incluir aquí, al lado del sentido principal, los sentidos secundarios heredados, en configuraciones varias en las lenguas románicas y, también, en sus dialectos (en la actual forma del REW, los sentidos secundarios aparecen raras veces). » (Zugun 1998, 1023)
Le chapitre 2.2.5. « Reconstruction sémantique », de la main de Jean-Paul Chauveau, qui s’exprime en spécialiste (cf. par exemple Chauveau 2009), explicite la démarche que le DÉRom met en œuvre dans ce domaine. Ce qui saute aux yeux quand on compare les étymons du DÉRom avec leurs correspondants dans le REW3, c’est que la méthode comparative génère régulièrement des étymons (plus) polysémiques. Il s’agit là d’un fait de déclinaison étymologique manifeste. Le tableau ci-dessous met en évidence quelques cas représentatifs.
REW3 1935
DÉRom
ager ‘Acker, Feld’
Alletsgruber 2014 in DÉRom s.v. */'aɡr-u/ s.n. ‘champ ; territoire rural’
auscŭltāre ‘horchen, hören’, 2. *ascŭltāre
Schmidt 2010–2014 in DÉRom s.v. */as'kʊlt-a-/ v.tr. ‘écouter ; suivre’
dŏlus ‘Schmerz’
Morcov 2014 in DÉRom s.v. */'dɔl-u/ s.n. ʻdouleur physique ; douleur morale ; deuil ; manifestation de deuil ; compassionʼ
*imprōmŭtŭare ‘entlehnen’ Maggiore 2014 in DÉRom s.v. */ɪm'prumut-a-/ v.ditr. ʻemprunter ; prêter’ mens, mĕnte ‘Geist, Sinn’
Groß 2011–2014 in DÉRom s.v. */'mεnt-e/ s.f. ʻesprit ; tempe ; manière’
rĕspŏndēre ‘antworten’, 2. rĕspŏndĕre
Videsott 2014 in DÉRom s.v. */res'pɔnd-e-/ v.tr./intr. ‘répondre ; correspondre (à) ; être responsable (de)’
sagĭtta ‘Pfeil’
Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */sa'gɪtt-a/ s.f. ‘flèche ; courson ; éclair’
vĭndĭcāre ‘rächen’
Celac 2010–2014 in DÉRom s.v. */'βɪndik-a-/ v.tr. ‘guérir ; venger’
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La plus-value du DÉRom est notamment importante dans les cas où la méthode comparative amène à reconstruire, pour un étymon donné, un sémème non attaché à son corrélat en latin écrit de l’Antiquité : ces cas constituent pour ainsi dire l’angle mort définitoire de la méthode traditionnelle (Buchi 2012, 113). Dans ce domaine, la linguistique romane, mais aussi la linguistique latine (cf. cidessous 5.2.4) et la linguistique générale, sont en droit d’exiger du DÉRom qu’il produise des résultats novateurs.
5.2.3 Propriétés morphologiques des étymons La notation des étymons du DÉRom rend apparente leur structure interne, morphèmes lexicaux, flexionnels et dérivationnels étant séparés par un trait (tiret court). Les substantifs */'βin-u/ s.n. et /βi'n-aki-a/ s.f. (tous les deux Delorme 2010–2014 in DÉRom s.v.) partagent ainsi, par exemple, le morphème lexical */'βin-/ ʻvinʼ. Pour les affixes, une notation phonologique plutôt que morphologique a été retenue : les allophones */ɪn-/ et */ɪm-/ du préfixe */IN-/ sont ainsi notés dans */ɪn-ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. (Jactel/Buchi 2014 in DÉRom s.v.) et */ɪm-'prεst-a-/ v.ditr. (Maggiore 2014 in DÉRom s.v.). Quant aux morphèmes flexionnels, leur notation dépend de la catégorie grammaticale des étymons. Dans le cas des substantifs, des adjectifs, des déterminants et des pronoms, le flexif de la forme citationnelle (singulier des substantifs, masculin singulier des adjectifs, des déterminants et des pronoms, nominatif si plusieurs cas peuvent être reconstruits) est mis en avant : dans */'salβi-a/ s.f. (Reinhardt 2011–2014 in DÉRom, */-a/ représente ainsi le morphème flexionnel du singulier, tout en attribuant l’étymon à la classe des substantifs féminins et à la « première déclinaison ». Pour ce qui est des verbes, leur flexion est indiquée par convention à travers la voyelle initiale du morphème flexionnel de l’infinitif, l’indication de la place de l’accent marquant celle qu’il a dans la forme de la troisième personne du singulier de l’indicatif présent : */'aud-i-/ v.tr. (Groß/Schweickard 2010–2014 in DÉRom s.v.). Au-delà de l’établissement des propriétés morphologiques des étymons du lexique héréditaire roman, on peut attendre du DÉRom qu’il apporte, au fur et au mesure de son avancement, une contribution à la connaissance du système dérivationnel du protoroman. Une première tentative de modélisation a été faite pour les préfixes */de-/ et */dɪs-/ (Buchi 2009) et */eks-/ (Baiwir 2013), et Ulrike Heidemeier fournit dans le chapitre 2.2.6. « Reconstruction dérivationnelle » de ce volume une analyse inédite des suffixes */-'ani-a/, */-'aki-/ ~ */-'iki-/ ~ */-'uki-/, */-'agin-/ ~ */-'igin-/ ~ */-'ugin-/ et */-kl-/. Deux thèses, Heidemeier (en préparation) pour la préfixation et Mertens (en préparation) pour la suffixation, envisagent la question à une plus large échelle.
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5.2.4 Positionnement diasystémique des étymons Si l’on considère l’entreprise déromienne du point de vue de la linguistique générale, il apparaît que le principal bénéfice de l’application de l’étymologie reconstructive à la matière romane se situe dans l’accès à la variation interne du latin (cf. Buchi/Schweickard 2013) : variation diachronique, diatopique, mais aussi diastratique, diaphasique et diamésique (écrit/oral). En effet, la langue reconstruite qui se dégage des articles du DÉRom ne ressemble en rien à une abstraction : c’est une langue « en chair et en os », un véritable diasystème, où la variation est omniprésente. Pour ne citer que quelques exemples, l’article */'ɸak-e-/ (Buchi 2009–2014 in DÉRom s.v.) distingue un type originel */'ɸak-e-/ et un type évolué */'ɸ-a-/, issu du premier par syncope en position proclitique et par analogie avec */'d-a-/ et */'st-a-/ ; l’article /'karpin-u/ (Medori 2008–2014 in DÉRom s.v.) reconstruit un type originel */'karpin-u/ s.f. et deux types évolutifs : */'karpin-u/ s.m., qui présente un changement de genre assurant une intégration du substantif dans une classe morphologique moins résiduelle, et */'karpin-a/ s.f., résultat d’une remorphologisation ; l’article */'laks-a-/ (Florescu 2010–2014 in DÉRom s.v.) oppose une variante */'laks-i-a-/ à connotation basilectale à la forme acrolectale */'laks-a-/. De plus, la méthode comparative permet de reconstruire la stratification interne des types dégagés. Ainsi, dans l’article */'ɸak-e-/, la seule analyse spatiale permet d’assigner la variante syncopée en proclise */'ɸ-a-/ à une strate plus récente du protoroman que */'ɸak-e-/. Cet accès à la stratigraphie interne du « latin global » constitue certainement le résultat le plus fécond (et peut-être le plus inattendu) du DÉRom. Les chapitres 2.2.3. « Reconstruction flexionnelle », rédigé par Myriam Benarroch et Esther Baiwir, et 2.2.4. « Reconstruction microsyntaxique », rédigé par Jérémie Delorme et Steven N. Dworkin, donnent une idée de l’étendue du phénomène dans le domaine morphosyntaxique. En outre, une fois que les étymons protoromans, de nature orale, ont été soigneusement établis sur la base de la méthode comparative, il devient possible de les confronter à leurs corrélats du latin écrit de l’Antiquité, ce qui permet de les situer, ce qui va de soi, sur l’axe écrit/oral (cf. Benarroch 2013b ; à paraître), mais aussi, jusqu’à un certain point, sur l’axe « distance communicative »/« immédiat communicatif » (cf. Koch/Oesterreicher 2008). Dans les cas qui s’y prêtent, les articles du DÉRom procèdent explicitement à cette confrontation dans un dernier paragraphe du commentaire qui s’ouvre en général sur la formule « du point de vue diasystémique ». La variation mise en avant peut être de type phonologique (cf. ci-dessous les exemples */re'tʊnd-u/ et */'ʊng-e-/), sémantique (*/'brum-a/, */'pes-u/), morphosyntaxique (*/a'ket-u/1, */'arbor-e/, */'pes-u/) ou lexicale (/ɪn-ka'βall-ik-a-/) :
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« Du point de vue diasystémique (), les types I., II.2. et III. sont donc à considérer comme des particularismes (oralismes) de la variété B qui n’ont eu aucun accès à la variété H (, MeilletMéthode 8). En outre, du même point de vue, II.2. et III. – mais aussi II.1. (par archaïsme) – apparaissent comme fortement marqués sur le plan diatopique et relèvent du . » (Hegner 2011–2014 in DÉRom s.v. */re'tʊnd-u/) « Du point de vue diasystémique (), ce lexème relève d’un cas particulier de variation phonologique : l’élément labial /u/ ([w]) est caractéristique de la variété H, tandis que la variété B se caractérise par la fréquence beaucoup plus faible de cet élément, notamment quand il est précédé par */-ng-/ et suivi par */-e-/ ~ */-i-/ (cf. MeyerLübkeGRS 1, § 501-502 ; LausbergSprachwissenschaft 2, § 486). Dès lors, les formes du paradigme sans élément labial (ungo, ungor, ungebam, ungunt, ungat etc.) sont à considérer comme des particularismes (oralismes) de la variété B qui n’ont eu qu’un accès sporadique à la variété H (et donc à l’écrit). » (Celac 2014 in DÉRom s.v. */'ʊng-e-/) « Du point de vue diasystémique (), les sens ʻgivreʼ et ʻbrouillardʼ de protorom. */'brum-a/ sont donc à considérer comme des particularismes du latin d’ (notamment de celui véhiculé par les marins et les paysans), qui n’ont pas eu accès au code écrit : il y a congruence entre diastratie et diamésie. » (Birrer/Reinhardt/Chambon 2013/2014 in DÉRom s.v. */'brum-a/) « Du point de vue diasystémique (), les sens ʻchargeʼ (ci-dessus 1.) et ʻbalanceʼ (ci-dessus 3.) de protorom. */'pes-u/ ~ lat. pensum sont donc à considérer comme des particularismes de l’oral, les sens ʻquantité de laine à filer ou à tisserʼ et ʻtâcheʼ, comme des particularismes de l’écrit, les sémèmes ʻunité de poidsʼ (ci-dessus 2.), ʻpoidsʼ (ci-dessus 4.) et ʻmonnaieʼ (ci-dessus 5.) constituant l’intersection entre les deux codes. Quant aux particularités flexionnelles du lexème, protorom. */'pes-u/ ~ lat. pensum semble avoir présenté à l’oral une variation (libre ?) entre les pluriels */'pes-ora/ et */'pes-a/, tandis que l’écrit ne connaissait que pesa. » (Morcov 2014 in DÉRom s.v. */'pes-u/) « La confrontation du résultat de la reconstruction comparative avec les données du latin écrit conduit à penser que du point de vue diasystémique (), */a'ket-u/ s.m. appartient à une strate tardive et régionalisée du protoroman, qui ne connaissait plus le neutre comme genre fonctionnel. » (Delorme 2013/2014 in DÉRom s.v. */a'ket-u/1) « Du point de vue diasystémique (), on peut observer que le genre masculin de */'arbor-e/ ~ arbor et ses variantes dissimilées relèvent de variétés diastratiquement et/ou diaphasiquement marquées qui n’ont pas eu, ou n’ont eu que très tardivement, accès à l’écrit. » (Álvarez Pérez 2014 in DÉRom s.v. */'arbor-e/) « Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de protorom. */ɪn-ka'βall-ik-a-/. Du point de vue diasystémique (), ce verbe est donc à considérer comme un particularisme (oralisme) de la variété B (basse) qui n’a eu aucun accès à la variété H (haute). Inversement, lat. inequitare v.intr. ʻaller à cheval (quelque part)ʼ (dp. Florus [1er/2e s. apr. J.-Chr.], TLL 7/1, 1304), non transmis aux langues romanes ( REW3 ; FEW), s’attache typiquement au code écrit. » (Jactel/Buchi 2014 in DÉRom s.v. */ɪn-ka'βall-ik-a-/)
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Enfin, l’expérience rédactionnelle, qui amène à une confrontation systématique des résultats des deux principales sources de connaissance du « latin global », a permis, au niveau épistémologique, un retour sur le statut qu’il convient d’assigner au latin écrit, à côté de la reconstruction comparative, dans l’étymologie du lexique héréditaire latin (Maggiore/Buchi 2014).
5.3 Impulsion d’un débat paradigmatique en étymologie romane Impulser un débat paradigmatique en étymologie romane ne faisait pas partie des objectifs initiaux du DÉRom.22 Il est pourtant vite apparu, dès la première présentation du projet lors du XXVe Congrès international de linguistique et de philologie romanes d’Innsbruck (Buchi/Schweickard 2010), que la communauté des romanistes, tout en étant très favorable au lancement, cent ans après le REW1, d’un nouveau dictionnaire étymologique panroman, n’entendait pas laisser les directeurs du projet le façonner comme bon leur semblait, mais revendiquait le droit – sans doute au motif, légitime, du statut structurant conféré traditionnellement à ce type de dictionnaire au sein des études romanes –23 de pouvoir peser sur les décisions concernant sa conception (cf. le chapitre 3.1. « Débat méthodologique », dû à Yan Greub, de ce volume, ainsi que Buchi à paraître a ; à paraître b ; Chambon à paraître). Même si par moments, nous avons pu avoir l’impression de devoir travailler sous les obus, les critiques qui nous ont été adressées – dans des publications,24 à l’occasion de manifestations scientifiques et à travers tous les moyens de communication modernes – ont eu comme effet d’améliorer considérablement le projet. La réflexion théorique au sein du DÉRom – qui est intimement liée à la pratique lexicographique, dont elle se nourrit directement et qu’elle nourrit à son
|| 22 Cf. le titre d’une communication présentée par l’une d’entre nous : « Nous voulions rédiger un dictionnaire, nous nous retrouvons au centre d’une discussion paradigmatique » (Buchi 2013b). 23 Cf. ce jugement de Dieter Kremer à l’occasion de la table ronde de Palerme : « D’emblée, j’aimerais insister sur le fait, à mon avis élémentaire, qu’un Dictionnaire étymologique des langues romanes constitue – plus encore qu’une morphologie ou une phonétique, dont il présente une sorte de synthèse – la base des études de linguistique romane » (Kremer 1998, 1005). 24 Notamment Kramer (2011a ; 2011b, 779), Möhren (2012 ; cf. la réponse de Buchi/Gouvert/ Greub 2014) et Vàrvaro (2011a ; 2011b ; cf. les réponses de Buchi/Schweickard 2011a ; 2011b). Cf. aussi le chapitre 3.2. « Contrepoint : ce que j’aurais fait différemment dans le DÉRom », de la plume de Johannes Kramer, dans ce volume.
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tour – a été conduite, pour l’instant, dans 62 publications parues ou à paraître que l’on peut considérer comme directement issues du projet (cf. 4. « Liste des publications du DÉRom »).25 En outre, entre septembre 2007 et août 2014, on compte 81 présentations orales dues aux membres du projet : 60 communications présentées lors de colloques et de congrès et 21 conférences.26 S’il est trop tôt pour prédire l’issue de ce débat méthodologique, on peut d’ores et déjà se féliciter qu’il ait définitivement clos l’étape du consensus un peu mou autour de l’attitude « latinisante » qui caractérisait l’étymologie romane depuis plus d’un siècle, tant il est vrai que non seulement la pluralité des méthodes, mais aussi l’explicitation des démarches est toujours bénéfique à l’avancée de la science. Pour notre part, nous pensons en tout cas que la reconstruction comparative, au-delà de ses apports en linguistique romane, sera en mesure de générer des résultats intéressants pour la linguistique générale, qui, après avoir fourni le cadre méthodologique au DÉRom, devrait pouvoir profiter d’un « retour sur investissement », ainsi que l’avait prédit Clifford S. Leonard : « The ranks of the many may close – indeed, have long been closed – against the few. Long live Vulgar Latin ! Nevertheless, once the role of Latin as a red herring in comparative Romance linguistics has been recognized, our future progress will have implications outside the field that will make scholars in other areas look on our diachronic studies with quickened interest. » (Leonard 1980, 40)
5.4 Fédération des forces vives et formation de la relève 5.4.1 Fédération des forces vives Formé au départ d’une équipe relativement réduite,27 le DÉRom a bénéficié en sept ans d’un vaste mouvement d’adhésion au sein de la communauté des linguistes romanistes. Le vœu exprimé par José Antonio Pascual lors de la table ronde de Valence – « lo esperable es que en el DÉRom vaya aumentando la
|| 25 Le site Internet du DÉRom (sous « Publications ») tient à jour la liste des publications du projet. 26 Le site internet du DÉRom (sous « Actualités et historique ») recense l’ensemble des communications et conférences en lien avec le projet. 27 Les membres fondateurs du projet, tels qu’ils apparaissent dans la demande déposée en avril 2007 à l’ANR et la DFG, sont Maria Reina Bastardas i Rufat, Pascale Baudinot, Myriam Benarroch, Éva Buchi, Jean-Pierre Chambon, Jean-Paul Chauveau, Wolfgang Dahmen, Cristina Florescu, Johannes Kramer, Eugen Munteanu, Max Pfister, Jan Reinhardt, Michela Russo, Wolfgang Schweickard, Gilles Souvay et Simone Traber.
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nómina de colaboradores de todo tipo – también de colaboradores espontáneos » (Pascual 2013, 155) – a donc été exaucé. Le projet joue ainsi un rôle fédérateur au sein d’une communauté scientifique qui se présentait auparavant, en dépit de l’existence de deux centres de gravité principaux dans le domaine de l’étymologie, le FEW et LEI, sous une forme assez fortement dispersée. Ajoutons par ailleurs que le DÉRom n’est pas strictement confiné à la communauté des linguistes romanistes, puisque des spécialistes de didactique des langues de l’ATILF ont bien voulu mettre leurs compétences au service du projet pour tester l’applicabilité de l’approche reconstructionniste de l’étymologie romane à l’enseignement secondaire (cf. Macaire et al. 2014).28
5.4.2 Formation de la relève Depuis le début du projet, la formation de la relève est un de ses objectifs déclarés, car à l’heure où le paysage de la recherche et de l’enseignement supérieur européens est soumis à des restructurations en profondeur, il nous paraît important d’œuvrer pour la sauvegarde et le développement de notre « force de frappe » dans le domaine de l’étymologie romane. La formation qui est prodiguée dans le cadre du DÉRom concerne en premier lieu la « pédagogie quotidienne » en matière de transmission des savoirs exercée par les réviseurs. Mais le vecteur majeur – ou en tout cas le plus visible – en matière de formation au sein du DÉRom est constitué par les deux Écoles d’été franco-allemandes en étymologie romane que le DÉRom a organisées à l’ATILF les 26-30 juillet 2010 (cf. Bastardas 2011 ; Buchi/Schweickard 2011c) et les 30 juin-4 juillet 2014 et qui ont permis de former au total 79 participants – des enseignants-chercheurs et des chercheurs, des post-doctorants, des doctorants et des étudiants avancés provenant de dix-huit pays (Allemagne, Argentine, Belgique, Biélorussie, Brésil, Chili, Danemark, Espagne, France, Italie, Maroc, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovénie, Suisse).29 Notons que la majorité des supports pédagogiques utilisés lors de ces écoles d’été sont accessibles sur le site internet du DÉRom (onglet « Actualités et histo|| 28 Les enseignants intéressés peuvent télécharger les ressources (scénario pédagogique et différents supports de cours) élaborées dans ce cadre depuis la plate-forme WebLettres (http://www.weblettres.net/pedagogie/index2.php?rub=14&ssrub=57 [identifiant : scripta ; mot de passe : manent]). 29 En 2010, les 41 dossiers soumis ont tous été acceptés, tandis qu’en 2014, nous avons dû faire une sélection parmi les 69 demandes d’inscription reçues. La liste des participants des deux écoles d’été est disponible sur le site du DÉRom, sous « Actualités et historique ».
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rique »), ce qui a incité trois participants de sa première édition, Xavier Blanco Escoda (à l’Université Autonome de Barcelone), Simona Georgescu (à l’Université de Bucarest) et Harald Völker (à l’Université de Constance), à oser l’expérience d’un transfert de la manifestation dans leur enseignement (cf. Georgescu à paraître). Grâce à l’activité pédagogique de ces trois collègues, l’école d’été de 2010 a donné lieu à plusieurs résultats indirects : non seulement des articles du DÉRom (ainsi Kroyer/Reinhardt 2014 in DÉRom s.v. */ma'ɡɪstr-a/ et */ma'ɡɪstr-u/ ou Ney/Maggiore 2014 in DÉRom s.v. */'pɛkk-a-/ et */pek'k-at-u/), mais aussi un mémoire de master (Ney 2013)30 et une communication de colloque (Grigoraş/Stoian 2013).
5.4.3 Renouveau des études romanes La fédération des forces vives et la formation de la relève en étymologie romane réalisées dans le cadre du DÉRom ont eu comme conséquence un renouveau certain des études romanes. Un des résultats stratégiques les plus déterminants du projet réside ainsi dans le fait qu’en l’espace de sept ans, le nombre de linguistes romanistes ayant une activité de recherche portant sur l’ensemble des langues romanes – non seulement sur l’italien, le français et l’espagnol,31 mais aussi sur le sarde, le roumain, le ladin, le portugais – a très fortement augmenté : l’espèce du Vollromanist, quasiment menacée d’extinction en 2007, semble de nouveau avoir de beaux jours devant elle. Le spectre d’un « Ende der [romanischen] Etymologie faute de combattants » (Kramer 2011b, 780) semble, en tout cas, écarté pour au moins une génération. Ce (pan-)romanisme concerne autant les langues étudiées que les métalangues : en tant qu’environnement scientifique, le DÉRom amène à passer d’une source méglénoroumaine à une source frioulane, à dépouiller des courriels rédigés en italien et en galicien, à suivre des présentations d’articles en dacoroumain et en catalan, et même, à l’occasion, à profiter de quelques phrases prononcées en sarde ou en wallon. Romanisme vécu, romanisme joyeux, donc, ce qui n’empêche pas une certaine dose de militantisme (cf. les titres des articles de Buchi 2010a et Benarroch 2013d). En tout état de cause,
|| 30 L’onglet « Mémoires et thèses » du site internet du DÉRom recense les travaux universitaires préparés en lien avec le projet. 31 « Wir brauchen eine stärkere Vertrautheit mit verschiedenen romanischen Sprachen, auch jenseits des Traditionsdreiecks Französisch-Italienisch-Spanisch », selon l’avis de Johannes Kramer (2011b, 779-780).
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nous assumons entièrement les paroles suivantes, prononcées par Jean-Pierre Chambon dans les conclusions de la table ronde de Palerme : « Parmi les motivations d’un tel projet, il en est une, évoquée par M. Pfister, M. Kremer, et aussi par M. García Arias, qui mérite peut-être d’être soulignée dans l’enceinte de notre Congrès. C’est l’aspect presque éthique que revêtirait l’élaboration d’un nouveau REW. À l’heure où la spécialisation, voire la parcellarisation, affectent ou même, peut-être, menacent notre discipline, un tel projet signifierait le refus d’abandonner la perspective d’ensemble et une sorte d’acte de foi dans l’unité de la linguistique romane. » (Chambon 1998, 1017)
6 Perspectives Le travail lexicographique et, peut-être davantage encore, la réflexion théorique menés dans le cadre du DÉRom ont indéniablement produit des résultats, qu’ils soient factuels, méthodologiques ou stratégico-structurels. Mais l’avancement du dictionnaire, marqué par un va-et-vient fructueux entre rédaction et afinement (et codification) de la méthode, a aussi généré son lot d’incertitudes et de doutes. Ces derniers sont les bienvenus, tant il est vrai que « a dúvida é o melhor auxílio à prática da ciência etimológica » (Viaro 2011, 120). Il convient toutefois de dépasser le stade du doute, pour aller courageusement de l’avant. Dans ce qui suit, nous évoquerons sept directions dans lesquelles nous nous proposons de faire évoluer le projet dans les mois à venir, et qui feront notamment l’objet de discussions lors des prochains Ateliers DÉRom. Dans le domaine de la reconstruction phonologique, nous pensons que les conditions sont à present réunies, grâce à l’expérience accumulée des sept dernières années, pour une remise en question – sans préjuger de l’issue du débat – d’un certain nombre d’options adoptées au début du projet. Cela concerne en particulier la modélisation de l’inventaire phonématique vocalique en position atone, la notation de l’accent lexical ainsi que des propositions formulées par Xavier Gouvert dans son chapitre 2.2.2. « Reconstruction phonologique » (cf. ici 69 n. 12). Concernant la reconstruction sémantique, deux approches coexistent pour le moment au sein du projet dans les cas où un sémème ne peut être reconstruit que pour une strate tardive du protoroman : tantôt, ce sémème a droit de cité dans le lemme étymologique (option adoptée par Guiraud 2011–2014 in DERom s.v. */'lɛβ-a-/, dont la définition comprend ʻtransporterʼ, sens que le commentaire de l’article analyse comme une innovation tardive du protoroman régional d’Ibérie), tantôt non (option adoptée par Álvarez Pérez 2014 in DÉRom s.v.
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*/'arbor-e/, défini par ʻarbreʼ, mais pas par ʻmâtʼ ni ʻpièce maîtresseʼ). L’une et l’autre de ces manières de faire présentent, certes, des avantages, mais il est évident qu’il faudra harmoniser nos pratiques dans ce domaine. Quant à la reconstruction morphosyntaxique, il conviendra de revenir sur la question, traitée dans le cadre d’une communication (Buchi/Greub 2013) qui a donné lieu à des discussions animées au sein de l’équipe, du neutre protoroman, et plus précisément sur celle des conditions qui doivent être réunies pour que l’on soit en droit de reconstruire le genre neutre pour un substantif protoroman donné. Un autre point non encore complètement stabilisé dans la méthode déromienne concerne la liste des idiomes obligatoires (cf. ci-dessus 5.1.1), qui présente notamment deux faiblesses : d’une part l’absence de l’aragonais, qui ne saurait être comblée que par la publication d’un dictionnaire étymologique de cette langue (ou du moins par l’adhésion d’un spécialiste capable de pallier l’absence d’un tel outil de travail), d’autre part le fait que le seul « idiome » italien obligatoire soit l’italien standardisé, alors qu’une isoglosse majeure coupe en deux le domaine occupé par cet idiome en tant que langue-toit. En outre, la mise en cause de l’unité génétique du « dalmate » conduite par deux membres du DÉRom (Vuletić 2013 ; Chambon 2014) conduit à envisager de renoncer à ce glottonyme, que l’on pourra remplacer dans la majorité des cas par végliote ; une telle décision obligerait à reconsidérer le statut du ragusain.32 L’équipe du DÉRom devra aussi prendre position par rapport à la proposition de stratification du protoroman (protoroman stricto sensu, protosarde, protoroman continental, protoroumain, protoroman [continental] « italooccidental ») formulée par l’une d’entre nous (Buchi 2013c). Ces cinq macrovariétés de la protolangue, marquées du point de vue diachronique et diatopique, présenteraient chacune leur système phonologique (cf. Lausberg 1976, vol. 1, 202-206) et morphosyntaxique, ce qui complexifierait considérablement la tâche de l’étymologiste, mais constituerait un pas vers un certain réalisme reconstructif.33 En rédigeant le commentaire de leurs articles, les rédacteurs se heurtent régulièrement à un problème terminologique : comment référer à l’item lexical déterminé par un signifiant donné, un signifié donné et une catégorie grammaticale donnée (par exemple protorom. */'ɸam-e/ s.f. ʻfamineʼ, cf. Buchi/ || 32 Il conviendrait aussi de s’interroger sur le statut de branche de l’istriote, clairement établi par Jean-Pierre Chambon (2011), mais que les normes rédactionnelles du DÉRom ne permettent pas d’assumer réellement. 33 À titre expérimental, le présent volume contient l’article */es'kolt-a-/ (Schmidt/Schweickard 2010–2014 in DÉRom s.v.), dont le phonétisme a été noté selon ce principe.
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González Martín/Mertens/Schlienger 2012–2014 s.v. */'ɸamen/ II.2.) ? Le terme lexème n’est pas approprié, car il englobe, dans notre pratique actuelle, l’unité lexicale polysémique */'ɸam-e/ s.f. ʻfaim ; famine ; désirʼ ; le terme sens convient encore moins, car il ne désigne que la face sémantique de l’item lexial en question. Dès lors, on pourrait se demander si le DÉRom n’aurait pas intérêt à adopter la terminologie (et la conceptualisation) de la Théorie Sens-Texte, qui catégorise l’unité */'ɸam-e/ s.f. ʻfamineʼ comme un lexème, et l’unité */'ɸam-e/ s.f. ʻfaim ; famine ; désirʼ, comme un vocable.34 Sur le plan de l’exposition des résultats, enfin, nous sommes à la recherche d’une solution technique pour pouvoir illustrer les articles du DÉRom par des cartes, selon une heureuse suggestion formulée par Bernard Pottier à l’occasion d’une présentation du DÉRom à l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (Buchi à paraître b).35 Il existe donc des aspects du DÉRom que nous jugeons encore insatisfaisants, et sur l’amélioration desquels nous souhaitons faire porter de façon prioritaire nos efforts. Il reste que ce que d’aucuns ont pu juger impossible – « sarebbe necessario non un nuovo, ma un altro Meyer-Lübke [= REW3], ma è empiricamente impossibile » (Coseriu 1998, 1022) – existe désormais bel et bien. C’est certainement déjà quelque chose.
7 Bibliographie Andronache, Marta, Le statut des langues romanes standardisées contemporaines dans le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), in : Emili Casanova Herrero/Cesáreo Calvo Rigual (edd.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas (Valencia 2010), Berlin/New York, De Gruyter, 2013, vol. 4, 449-458. –, Les étapes dans le travail rédactionnel du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : David Trotter/Andrea Bozzi/Cédrick Fairon (edd.), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15-20 juillet 2013). Section 16 : Projets en cours ; ressources et outils nouveaux, Nancy, ATILF, à paraître. Anttila, Raimo, Historical and Comparative Linguistics, Amsterdam/Philadelphie, Benjamins, 2 1989 [11972]. Aprile, Marcello, Le strutture del Lessico Etimologico Italiano, Galatina, Congedo, 2004.
|| 34 Cf. Mel’čuk (2012, vol. 1, 21-24) et les propositions formulées par Buchi (2014b ; à paraître c, 2-3). 35 Cf. les tentatives de Maggiore/Buchi (2014, 316) et Benarroch/Baiwir (chapitre 2.2.3. « Reconstruction flexionnelle » de ce volume).
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Baiwir, Esther, Un cas d’allomorphie en protoroman examiné à l’aune du dictionnaire DÉRom, Bulletin de la Commission Royale [belge] de Toponymie et de Dialectologie 85 (2013), 7988. Bastardas i Rufat, Maria Reina, École d’été franco-allemande en étymologie romane (Nancy, 26-30 de juliol de 2010), Estudis Romànics 33 (2011), 549-550. –, El català i la lexicografia etimològica panromànica [Intervention à la table ronde « 100 anys d’etimologia romànica : el REW de Meyer-Lübke : 1911–2010 »], in : Emili Casanova Herrero/ Cesáreo Calvo Rigual (edd.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas (Valencia 2010), Berlin/New York, De Gruyter, 2013, vol. 1, 135-141. –, Un vieux problème de la romanistique revisité : la place du catalan parmi les langues romanes à la lumière des articles du DÉRom, in : Éva Buchi/Jean-Paul Chauveau/Jean-Marie Pierrel (edd.), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15-20 juillet 2013), Strasbourg, Société de linguistique romane/ÉLiPhi, à paraître. Bastardas i Rufat, Maria Reina/Buchi, Éva, Aportacions del DÉRom a l’etimologia catalana, in : Yvette Bürki/Manuela Cimeli/Rosa Sánchez (edd.), Lengua, Llengua, Llingua, Lingua, Langue. Encuentros filológicos (ibero)románicos. Estudios en homenaje a la profesora Beatrice Schmid, Munich, Peniope, 2012, 19-32. Bastardas i Rufat, Maria Reina/Buchi, Éva/Cano González, Ana María, Etimoloxía asturiana ya etimoloxía romance : aportaciones mutues nun contestu de camudamientu metodolóxicu pendiente, Lletres Asturianes 108 (2013), 11-39 (= 2013a). –, La etimología (pan-)románica hoy : noticias del Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), Revista de Filología Románica 30 (2013), 11-36 (= 2013b). Baxter, William H., Where does the « comparative method » come from ?, in : Fabrice Cavoto (ed.), The Linguist’s Linguist : A Collection of Papers in Honour of Alexis Manaster Ramer, Munich, LINCOM EUROPA, 2002, vol. 1, 33-52. Benarroch, Myriam, L’apport du DÉRom à l’étymologie portugaise, in : Emili Casanova Herrero/Cesáreo Calvo Rigual (edd.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas (Valencia 2010), Berlin/New York, De Gruyter, vol. 4, 479-491 (= 2013a). –, Latin oral et latin écrit en étymologie romane : l’exemple du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Maria Helena Araújo Carreira (ed.), Les Rapports entre l’oral et l’écrit dans les langues romanes, Saint-Denis, Université Paris 8, 2013, 127-158 (= 2013b). –, O léxico português hereditário à luz da etimologia românica : reflexões a partir do DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Fátima Silva/Isabel Falé/Isabel Pereira (edd.), XXVIII Encontro Nacional da Associação Portuguesa de Linguística, Faro (Universidade do Algarve, 25-27 octobre 2012), Textos selecionados [cédérom], Coimbra, Associação Portuguesa de Linguística, 149-168 (= 2013c). –, L’étymologie du lexique héréditaire : en quoi l’étymologie panromane est-elle plus puissante que l’étymologie idioromane ? L’exemple du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Anne-Marie Chabrolle-Cerretini (ed.), Romania : réalité(s) et concepts. Actes du colloque international des 6 et 7 octobre 2011, Université Nancy 2, Limoges, Lambert et Lucas, 2013, 133-146 (= 2013d). –, A lexicografia em movimento : Do Houaiss1 (H1) ao Grande Houaiss (GH2) passando pelo DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman). Datação e etimologia do léxico hereditário, in : Aparecida Negri Isquerdo/Giselle Olivia Mantovani Dal Corno (edd.), As Ciências do
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Léxico. Lexicologia, Lexicografia, Terminologia, Campo Grande, Universidade Federal do Mato Grosso do Sul, 2014, vol. 7, 189-220. –, Ce que le DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman) nous dit du latin parlé de l’Antiquité, in : Éva Buchi/Jean-Paul Chauveau/Jean-Marie Pierrel (edd.), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15-20 juillet 2013), Strasbourg, Société de linguistique romane/ÉLiPhi, à paraître. Benveniste, Emile, Problèmes sémantiques de la reconstruction, Word 10 (1954), 251-264. Bossong, Georg, Die romanischen Sprachen. Eine vergleichende Einführung, Hambourg, Buske, 2008. Büchi, Eva, Les Structures du Französisches Etymologisches Wörterbuch. Recherches métalexicographiques et métalexicologiques, Tübingen, Niemeyer, 1996. Buchi, Éva, La dérivation en */de-/ et en */dɪs-/ en protoroman. Contribution à la morphologie constructionnelle de l’ancêtre commun des langues romanes, Recherches linguistiques de Vincennes 38 (2009), 139-159. –, Pourquoi la linguistique romane n’est pas soluble en linguistiques idioromanes. Le témoignage du Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), in : Carmen Alén Garabato/Xosé Afonso Álvarez/Mercedes Brea (edd.), Quelle linguistique romane au XXIe siècle ?, Paris, L’Harmattan, 2010, 43-60 (= 2010a). –, Where Caesar’s Latin does not belong : a comparative grammar based approach to Romance etymology, in : Charlotte Brewer (ed.), Selected Proceedings of the Fifth International Conference on Historical Lexicography and Lexicology held at St Anne’s College, Oxford, 16-18 June 2010, Oxford, Oxford University Research Archive, 2010,
(= 2010b). –, Des bienfaits de l’application de la méthode comparative à la matière romane : l’exemple de la reconstruction sémantique, in : Bohumil Vykypěl/Vít Boček (edd.), Methods of Etymological Practice, Prague, Nakladatelství Lidové noviny, 2012, 105-117. –, Cent ans après Meyer-Lübke : le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) en tant que tentative d’arrimage de l’étymologie romane à la linguistique générale [Intervention à la table ronde « 100 anys d’etimologia romànica : el REW de Meyer-Lübke : 1911–2010 »], in : Emili Casanova Herrero/Cesáreo Calvo Rigual (edd.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas (Valencia 2010), Berlin/New York, De Gruyter, 2013, vol. 1, 141-147 (= 2013a). –, Nous voulions rédiger un dictionnaire, nous nous retrouvons au centre d’une discussion paradigmatique. L'expérience du Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), communication présentée aux Journées d’études doctorales en lexicographie galloromane (Centre de dialectologie et d’étude du français régional de l’Université de Neuchâtel, 29/30 août 2013) (= 2013b). –, Qu'est-ce que c'est que le protoroman ? La contribution du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), communication présentée au XXVIIIe Romanistisches Kolloquium (Université Julius-Liebig de Giessen, 30 mai-1er juin 2013) (= 2013c). –, Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom). Livre bleu (version non stabilisée, entre la version 6 et la version 7), Nancy, ATILF (document interne en ligne), 6/72014 [12008 ; 22009 ; 3 2009 ; 42010 ; 52010 ; 62011] (= 2014a). –, What are etymological (and etymographical) units made of : vocables or lexemes ?, communication présentée à la 7th International Conference on Historical Lexicography and Lexicology (Las Palmas de Gran Canaria, 9-11 juillet 2014) (= 2014b).
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–, Les langues romanes sont-elles des langues comme les autres ? Ce qu’en pense le DÉRom. Avec un excursus sur la notion de déclinaison étymologique, BSL 109 ( à paraître) (= à paraître a). –, Grammaire comparée et langues romanes : la discussion méthodologique autour du Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Comptes rendus (à paraître) (= à paraître b). –, Etymological dictionaries, in : Philip Durkin (ed.), The Oxford Handbook of Lexicography, Oxford, Oxford University Press (= à paraître c). Buchi, Éva/Chauveau, Jean-Paul/Gouvert, Xavier/Greub, Yan, Quand la linguistique française ne saurait que se faire romane : du neuf dans le traitement étymologique du lexique héréditaire, in : Franck Neveu/Valelia Muni Toke/Thomas Klingler/Jacques Durand/Lorenza Mondada/Sophie Prévost (edd.), Congrès Mondial de Linguistique Française – CMLF 2010, Paris, Institut de Linguistique Française, , 2010, 111-123. Buchi, Éva/González Martín, Carmen/Mertens, Bianca/Schlienger, Claire, L’étymologie de FAIM et de FAMINE revue dans le cadre du DÉRom, Le français moderne (à paraître). Buchi, Éva/Gouvert, Xavier/Greub, Yan, Data structuring in the DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Bettina Bock/Maria Kozianka (edd.), Whilom Worlds of Words – Proceedings of the 6th International Conference on Historical Lexicography and Lexicology (Jena, 25-27 July 2012), Hambourg, Kovač, 2014, 125-134. Buchi, Éva/Greub, Yan, Le traitement du neutre dans le DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), communication présentée dans la section « Linguistique latine/linguistique romane » du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15-20 juillet 2013). Buchi, Éva/Hütsch, Annalena/Jactel, Élodie, Ce que la reconstruction comparative peut apporter à la morphologie constructionnelle. Une cavalcade étymologique, Estudis Romànics (à paraître). Buchi, Éva/Reinhardt, Jan, De la fécondation croisée entre le LEI et le DÉRom, in : Sergio Lubello/ Wolfgang Schweickard (edd.), Le nuove frontiere del LEI. Miscellanea di studi in onore di Max Pfister in occasione del suo 80o compleanno, Wiesbaden, Reichert, 2012, 201-204. Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang, Le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) : en guise de faire-part de naissance, Lexicographica. International Annual for Lexicography 24 (2008), 351-357. –, Romanistique et étymologie du fonds lexical héréditaire : du REW au DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Carmen Alén Garabato/Teddy Arnavielle/Christian Camps (edd.), La romanistique dans tous ses états, Paris, L’Harmattan, 2009, 97-110. –, À la recherche du protoroman : objectifs et méthodes du futur Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), in : Maria Iliescu/Heidi Siller-Runggaldier/Paul Danler (edd.), Actes du XXVe Congrès International de Linguistique et de Philologie Romanes (Innsbruck 2007), Berlin/New York, De Gruyter, 2010, vol. 6, 61-68. –, Sept malentendus dans la perception du DÉRom par Alberto Vàrvaro, RLiR 75 (2011), 305-312 (= 2011a). –, Ce qui oppose vraiment deux conceptions de l’étymologie romane. Réponse à Alberto Vàrvaro et contribution à un débat méthodologique en cours, RLiR 75 (2011), 628-635 (= 2011b). –, Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) : Internationale Sommerschule in Nancy, Lexicographica. International Annual for lexicography 27 (2011), 329 (= 2011c).
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–, Per un’etimologia romanza saldamente ancorata alla linguistica variazionale : riflessioni fondate sull’esperienza del DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Marie-Guy Boutier/Pascale Hadermann/Marieke Van Acker (edd.), La variation et le changement en langue (langues romanes), Helsinki, Société Néophilologique, 2013, 47-60. Campbell, Lyle, Historical Linguistics. An Introduction, Cambridge, MIT Press, 22004 [11998]. Celac, Victor/Buchi, Éva, Étymologie-origine et étymologie-histoire dans le DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman). Coup de projecteur sur quelques trouvailles du domaine roumain, in : Anja Overbeck/Wolfgang Schweickard/Harald Völker (edd.), Lexikon, Varietät, Philologie. Romanistische Studien Günter Holtus zum 65. Geburtstag, Berlin/Boston, De Gruyter, 2011, 363-370. Chambon, Jean-Pierre, [Conclusions de la table ronde « È oggi possibile o augurabile un nuovo REW ? »], in : Jean-Pierre Chambon/Marius Sala (dir.), 1998, 1017-1020. –, Remarques sur la grammaire comparée-reconstruction en linguistique romane (situation, perspectives), MSLP 15 (2007), 57-72. –, Pratique étymologique en domaine (gallo-)roman et grammaire comparée-reconstruction. À propos du traitement des mots héréditaires dans le TLF et le FEW, in : Injoo ChoiJonin/Marc Duval/Olivier Soutet (edd.), Typologie et comparatisme. Hommages offerts à Alain Lemaréchal, Louvain/Paris/Walpole, Peeters, 2010, 61-75. –, Note sur la diachronie du vocalisme accentué en istriote/istroroman et sur la place de ce groupe de parlers au sein de la branche romane, BSL 106 (2011), 293-303. –, [Intervention à la table ronde « 100 anys d’etimologia romànica : el REW de MeyerLübke : 1911-2010 »], in : Emili Casanova Herrero/Cesáreo Calvo Rigual (edd.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas (Valencia 2010), Berlin/New York, De Gruyter, 2013, vol. 1, 148-150. –, Vers une seconde mort du dalmate ? Note critique (du point de vue de la grammaire comparée) sur « un mythe de la linguistique romane », RliR 78 (2014), 5-17. –, Réflexions sur la reconstruction comparative en étymologie romane : entre Meillet et Herman, in : Martin-D. Gleßgen/Wolfgang Schweickard (edd.), Étymologie romane. Objets, méthodes et perspectives, Strasbourg, Société de linguistique romane/ÉLiPhi, à paraître. Chambon, Jean-Pierre/Sala, Marius (dir.), Tavola rotonda. È oggi possibile o augurabile un nuovo REW ?, in : Giovanni Ruffino (ed.), Atti del XXI Congresso Internazionale di Linguistica e Filologia Romanza (Centro di studi filologici e linguistici siciliani, Università di Palermo 18-24 settembre 1995), Tübingen, Niemeyer, 1998, vol. 3, 983-1023. Chauveau, Jean-Paul, De la nécessité pour l’étymologie de reconstituer l’histoire des sens, Recherches linguistiques de Vincennes 38 (2009), 13-44. Cortelazzo, Manlio, [Intervention à la table ronde « È oggi possibile o augurabile un nuovo REW ? »], in : Jean-Pierre Chambon/Marius Sala (dir.), 1998, 993-995. Coseriu, Eugenio, [Intervention après la table ronde « È oggi possibile o augurabile un nuovo REW ? »], in : Jean-Pierre Chambon/Marius Sala (dir.), 1998, 1022. Delorme, Jérémie, Généalogie d’un article étymologique : le cas de l’étymon protoroman */βi'n-aki-a/ dans le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), BSL 106/1 (2011), 305341. DÉRom = Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang (dir.), Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), Nancy, ATILF, , 2008–. FEW = Wartburg, Walther von et al., Französisches Etymologisches Wörterbuch. Eine darstellung des galloromanischen sprachschatzes, 25 vol., Bonn/Heidelberg/LeipzigBerlin/Bâle, Klopp/Winter/Teubner/Zbinden, 1922–2002.
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38 | Éva Buchi & Wolfgang Schweickard
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2. Principes méthodologiques régissant le projet Pierre Swiggers
2.1. Principes et pratique(s) du DÉRom 1 Principes de base Le DÉRom se définit comme un dictionnaire étymologique panroman, offrant une reconstruction d’unités-ancêtres qui rendent compte d’issues1 dans les diverses langues romanes.2 Ces issues sont appelées cognats de par le fait qu’il s’agit d’unités correspondantes (ou dont on veut montrer la correspondance) dans des langues apparentées et que ces unités correspondantes se caractérisent par une ligne de descendance (angl. line of descent)3 commune, c’est-à-dire partagée. De cette définition découlent, de manière conséquente, plusieurs principes : (1) La reconstruction4 doit se définir par rapport à une tranche chronologique particulière, celle du protoroman5 commun,6 par rapport à laquelle on || 1 La métalangue du DÉRom utilise les termes issue ou continuateur pour désigner ce qui dans les travaux comparatistes anglo-saxons est appelé reflex. 2 Les fondements conceptuels et les options méthodologiques du DÉRom ont déjà fait l’objet de nombreuses publications (cf. ci-dessous 4. « Liste des publications du DÉRom »). Pour des présentations très didactiques de la conception du projet, v. Buchi/Schweickard (2009 ; 2010) ; pour un bilan récent, v. Groß/Morcov (2014). 3 Le concept de ligne de descendance (line of descent) est une notion de base de la linguistique comparative et de la reconstruction linguistique, cf. Hoenigswald (1960 ; 1973) ou Campbell (2004). L’intérêt de ce concept réside dans le fait qu’il permet de relier la recherche en grammaire comparée à celle en grammaire historique (s’accommodant d’une démarche bilatérale répétitive, qui se concentre sur les liens entre la langue ancestrale et les langues « de descendance » [ou « langues-filles »], prises une à une). 4 L’option méthodologique de la reconstruction en linguistique romane comparative a été élaborée par Hall (1950 ; mise en application : Hall 1974–1983). Pour une réflexion systématisante sur les bases conceptuelles et méthodologiques de la reconstruction en grammaire et en lexicologie romanes, cf. Chambon (2007). 5 Nous suivons ici l’usage du DÉRom, qui consiste à écrire protoroman (et protorom. devant les unités reconstruites), sans trait d’union. 6 Pour des réflexions sur le caractère « commun » du protoroman, voir Burger (1943) et Vàrvaro (1984).
40 | Pierre Swiggers peut (éventuellement) poser des tranches chronologiques postérieures,7 reconstructibles à partir d’issues ou de continuateurs dans des sous-ensembles romans (par rapport à ces tranches, on peut parler de reconstruction méroromane). Ces sous-ensembles sont définis, toujours par l’application des techniques de la linguistique comparative, par la reconstruction d’étymons rendant compte de fractions de cognats (pris dans l’ensemble panroman). (2) La reconstruction doit se justifier, au plan formel et sémantique, conformément aux exigences de la grammaire comparée et, dans la mesure du possible, en s’appuyant sur des informations disponibles au plan de la grammaire historique des divers idiomes romans. (3) La reconstruction, en tant qu’elle repose sur l’application des techniques de la grammaire comparée, est une rétroprojection fondamentalement unifiante (ou « identitaire ») : à partir de correspondances (plus ou moins) identiques des cognats on reconstruit des identités, à partir de cognats non identiques mais mis en correspondance, on fait l’hypothèse d’une identité ancestrale.8 (4) La reconstruction en étymologie vise à reconstruire un ensemble de morphèmes (lexicaux et grammaticaux, donc des lexèmes et des grammèmes),9 dont le plan formel est composé de segments attribuables à un système phonologique (dans une synchronie reconstruite) et dont le plan sémantique est définissable en sémantèmes (attribuables à la même synchronie). Formulé de manière succincte : la reconstruction postule des unités lexicales d’un état de
|| 7 Dans un important travail (non encore publié), Buchi (2013) pose les bases d’une stratification chronologique du protoroman – stratification qui n’a pas encore été intégrée de façon systématique et rigoureuse dans la pratique (de présentation et d’argumentation) du DÉRom. Cette stratification (basée en partie sur les travaux de R. A. Hall et de G. Straka) consiste à reconnaître, après un stade de « protoroman » (= protoroman commun), quatre variétés diachroniquement et diatopiquement marquées : (a) un stade « protosarde » (= protoroman après l’individuation du sarde), (b) un stade « protoroman continental » (= stade entre l’individuation du sarde et celle du roumain) ; (c) un stade « protoroumain » (= stade entre l’individuation du roumain et celle de l’aroumain), et (d) un stade de « protoroman (continental) italo-occidental » (= stade entre l’individuation du protoroumain et celle du gallo-italien, du francoprovençal et du gascon). La délimitation en extension et par phase(s) de sousbranchements subséquents appelle encore des recherches détaillées. 8 Il s’agit d’un principe opératoire de base en grammaire comparée(-reconstruction) (cf. Hoenigswald 1950 ; Lass 1993) : on ne remonte pas d’identités (dans les séries de correspondances) vers des non-identités ; à l’inverse, on rétro-projette, ex hypothesi, une identité à partir de correspondances bien que non identiques. 9 Ou tout simplement : des morphèmes (unités de forme et de sens), étant donné qu’on s’attache aussi à définir le statut grammatical des morphèmes lexicaux. Pour une conception unifiée de la description morphologique, voir par exemple Nida (1949).
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langue parlée et fonctionnelle (au sens qu’Eugenio Coseriu a donné à ce terme, cf. Coseriu 1967 ; 1988). Cette reconstruction peut être enrichie d’une triple dimension diasystémique :10 (1) Dimension diatopique : ce type d’informations découle de notre connaissance des processus de romanisation et de la fragmentation de la Romania, ainsi que de notre connaissance de l’évolution particulière des divers idiomes romans. (2) Dimension diastratique : ce type d’information peut avoir comme fondement la comparaison entre le savoir disponible à propos du lexique latin et le statut (diastratique) des cognats romans, ou il peut être basé uniquement sur le savoir disponible (ou ce qu’on peut inférer) à propos de la différenciation sociale des cognats romans. (3) Dimension diakairique (variation due à la spécificité de groupes de locuteurs, et/ou à celle de types de situations d’usage langagiers, et/ou à la différenciation entre l’oral et l’écrit) :11 les indices (à caractère démonstratif variable) sont le statut diakairique des corrélats en latin écrit (antérieurement, simultanément ou postérieurement à l’état de synchronie du protoroman reconstruit, le statut diakairique des cognats (ou de certains cognats) dans les états les plus anciens fournissant une documentation à ce propos, ou la non-correspondance entre le corrélat (comme unité de forme et de sens) en latin écrit et l’étymon reconstruit pour le protoroman. Le DÉRom véhicule ainsi une conception méthodologiquement contrôlée et empiriquement riche des étymons qu’il contient/contiendra : (1) il s’agit de construits (angl. constructs) obtenus par les opérations de la grammaire comparée-reconstruction ; (2) ces construits revêtent une substance phonique déterminée (ou contrainte)12 par les correspondances formelles entre les cognats ; || 10 Sur le lien entre (reconstruction de) langues ancestrales et (reconnaissance de leur) nature diasystémique, voir Pulgram (1964). 11 Sous le terme diakairique (grec διά + adjectif basé sur le substantif grec καιρός s.m. « moment ; opportunité ; situation ; occasion ; circonstance ; temps/lieu convenable »), nous subsumons (les interactions entre) la variation due à des groupes de locuteurs, la variation selon des (types de) situations d’emploi discursif, et la variation engendrée par l’opposition (sousjacente) entre l’oral et l’écrit (cf. Swiggers 2013). 12 En fait, les opérations linguistiques sous contrainte correspondent à l’application du principe (descriptiviste et comparatiste) de l’économie. Cf. Hoenigswald (1950, 363) : « Economy is an avowed goal of phonemic analysis (however controversial the means of achieving it may be) ; it is the same in comparative work. The sets of correspondences play the role of positional allophones. In short, when we use the reconstructive method of the nineteenth-century scholars we are in fact describing the phonemic system of the proto-language – on the basis, to be
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(3) ils sont associés à une substance sémantique, déterminée (ou contrainte) par les sémantèmes concordants dans les cognats. Les étymons (re)construits présentent une latitude, à un double plan : (1) au plan « intrastructurel » : la reconstruction s’accommode d’une part d’indétermination, qui s’explique par (a) d’éventuelles alternances (libres ou conditionnées) auxquelles la reconstruction ne permet pas d’accéder avec précision ;13 (b) le manque de correspondances entre un nombre suffisant de cognats ; (2) au plan « diastructurel » : la reconstruction doit reconnaître (et faire justice à) la variation diatopique, diastratique et diakairique, sans qu’il soit possible de circonscrire ou d’identifier celle-ci de façon précise.
2 Pratique(s) La pratique, ou plutôt les pratiques – il s’agit de tout ce qui relève des aspects de structuration, de notation et de rédaction – du DÉRom se veulent en stricte conformité avec les principes de base susmentionnés et avec leur extension à base factuelle. (1) Le DÉRom propose des construits (« étymons »), postulés comme unitésancêtres, ayant fonctionné dans un état de langue synchronique – conçu comme un diasystème –, et qui permettent d’expliquer des cognats14 et les particularités des correspondances entre ceux-ci, dans tous les/plusieurs parlers romans (cf. ci-dessus 1, principes 1 et 3). (2) Le DÉRom fournit une structuration de la ligne de descendance (line of descent) de l’étymon reconstruit. Cette structuration peut être simple (uniplane) ou complexe (multiplane) : c’est l’histoire formelle et/ou sémantique à partir de l’étymon qui régit cette structuration (cf. ci-dessus 1, principe 1 et les faits se rattachant à la dimension diasystémique).
|| sure, not of a minutely diversified phonetic record but of the results of phonetic changes preserved in the daughter languages ». 13 C’est le cas pour les diverses positions prosodiques non toniques des unités vocaliques, dont l’alternance/la variation est rendue plus complexe par l’action différentielle de facteurs conditionnants, agissant en contact direct ou à distance, dans la chaîne segmentale. 14 Sur les conventions adoptées dans la présentation des cognats, cf. Buchi 2014 (« Normes rédactionnelles », § 2.3.3.1.1.) : « On cite la forme typique des lexèmes et des grammèmes qui représentent des continuateurs réguliers de l’étymon. […] Dans le cas des idiomes standardisés, la forme typique correspond à la graphie conventionnelle contemporaine. Dans le cas des idiomes non standardisés […], on s’efforce de citer la forme la plus représentative parmi celles issues directement de l’étymon ».
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(3) Le DÉRom présente l’argumentation sous-tendant la substance phonique, sémantique et morphosyntaxique assignée à l’étymon reconstruit et fournit (une argumentation à propos de) l’explication de particularités dans le parcours de la ligne de descendance vers les parlers romans (cf. ci-dessus 1, principe 2 et les faits se rattachant à la dimension diasystémique). (4) Le DÉRom présente les étymons en tant que chaînes de phonèmes, en les pourvoyant d’indications suprasegmentales, morphologiques et morphosyntaxiques (cf. ci-dessus 1, principe 4). On notera qu’en toute rigueur reconstructionniste, la notation des étymons devrait être une notation de morphèmes (ou de séquences de morphèmes, vu que dans le DÉRom on aligne avec les morphèmes lexicaux les éventuels préfixes, les voyelles thématiques, et les éventuels morphèmes dérivationnels). Il convient de reconnaître que la logique d’une telle démarche impliquerait l’utilisation de morphophonèmes15 (pensons aux changements que subissent les voyelles thématiques de bases nominales ou verbales au contact avec le segment initial de certaines désinences). La notation « phonologique » – utilisée pour les étymons (mais non pour les cognats) – du DÉRom se veut plus proche de la substance « phonique » de l’état ancestral reconstruit ; cela implique aussi qu’il faut la manier, en la transférant à des phénomènes de grammaire historique, dans le sens d’un « modèle Item and Process » (cf. Hockett 1954 ; 1958). La pratique étymographique du DÉRom se caractérise du reste par une double parcimonie. D’abord au plan du métalangage : les termes proprement techniques (si l’on exclut branche, idiome, variante, et les termes désignant les différentes variétés romanes dont on présente des cognats) sont : cognat, corrélat, diasystème (et diasystémique), idioroman,16 protoforme, protoroman – et bien sûr les termes nécessaires pour identifier les processus linguistiques (en phonologie, morphologie, syntaxe et sémantique). Ensuite au plan de la notation : à part la notation phonologique utilisée pour les étymons (et les symboles dont elle fait usage), le DÉRom emploie, au plan de la « synchronie » de l’état ancestral reconstruit, des symboles (1) pour marquer le statut reconstruit (symbole *), (2) pour marquer la structuration morphologique de l’étymon (le symbole -, signe de séparation entre morphèmes), (3) pour marquer l’assignation d’accent (symbole ') ; (4) pour marquer le statut de description sémantique (idéalement componentielle ; symbole discontinu « »). La directionnalité de processus || 15 Sur la pertinence (tant au plan descriptif qu’au plan historico-comparatif) de la notion de morphophonème – définie et appliquée en conformité avec les principes du structuralisme distributionnaliste américain (Bloomfield, Harris, Hockett, Hoenigswald etc.), cf. Swiggers 1982. 16 Terme introduit par Buchi/Schweickard (2009, 101).
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(connexions entre différents états synchroniques) est notée à l’aide des symboles < et >.17 Enfin, un seul symbole de « métachronie » (et de « métatopie ») est utilisé : les taquets de typisation (˹ ˺).
3 Le positionnement épistémologique du DÉRom18 Œuvre collective – caractéristique socio-scientifique par laquelle le DÉRom se distingue de ses prédécesseurs (Diez 1853, Körting 1890/1891, Meyer-Lübke 1911–1920 et leurs éditions remaniées subséquentes) –, le DÉRom se différencie19 de ses prédécesseurs dans le domaine roman, et se rattache davantage à des entreprises étymographiques dans le domaine de l’indo-européen (commun, ou « proto-indo-européen »), du « nostratique », du bantou, de l’austronésien, ou du sino-tibétain, et cela par trois propriétés. Premièrement, dans le DÉRom, l’étymologie est conçue et mise en exercice comme une reconstruction linguistique. Deuxièmement, cette reconstruction vise une récupération « réaliste », tant au plan de l’état ancestral reconstruit qu’à celui de la ligne de des-
|| 17 Il convient de mettre en garde le lecteur contre la présupposition d’un rapport symétrique univoque entre ces deux symboles. Comme l’a fait observer judicieusement Michelena (1963, 31-32), les implications de la lecture des deux symboles sont différentes : « Para demostrar que esto no es así basta volver a examinar sobre el papel el algoritmo transformativo. Nuestras reglas, por su simple lógica interna, permiten deducir unívocamente (al menos en muchísimos casos favorables) las formas del estado más reciente a partir del más antiguo, pero no a la inversa. Las reglas son, en cuanto a lo esencial, de sentido único, y no debe inducirnos a error el trueque frecuente de > por lat. cecinī no significa lo mismo que lat. cecinī < pre-lat. *cecanai ; del primero, conocidas las reglas del juego, se deduce el segundo como de 7 X 8 se obtiene 56, pero, para llegar a *cecanai a partir de cecinī, hace falta saber las reglas de transformación y bastantes otras cosas que no están incluidas de ningún modo en éstas : en cecinī, -ī podría proceder también de otros diptongos y de *-ī (cf. dominī gen. sing., dominī nom. pl., domī loc.), i en sílaba no inicial podría también continuar una vocal breve distinta de *a. En la transformación retrospectiva intervienen en realidad datos como lat. canō, irl. ant. ·cechan, 3.a pers. ·cechuin, esl. ant. vědě, ind. ant. tutudé, etc., etc. Otra cosa es determinar si todos y cada uno de estos datos y de otros que se podrían aducir son o no pertinentes ». 18 La discussion, intellectuellement fort stimulante, entre Vàrvaro (2011a ; 2011b) et Buchi/ Schweickard (2011a ; 2011b) nous semble relever autant (sinon davantage) de l’épistémologie linguistique que de la méthodologie linguistique. 19 Une propriété (en partie « technologique ») distinctive du DÉRom en tant que support d’informations est son caractère « dynamique » : par sa mise à disposition en ligne et par la possibilité d’une mise à jour continuelle, le DÉRom est un instrument de travail évolutif, s’adaptant rapidement à des corrections, des reformulations, des enrichissements etc.
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cendance. Enfin, une composante essentielle du travail étymologique est constituée par une étymographie méthodologiquement mûrie, qui se reflète (a) dans l’établissement et la notation même de l’étymon, (b) dans la structuration des matériaux de documentation (= l’information factuelle à propos des cognats), (c) dans l’argumentation au plan comparatif (rapports entre cognats à l’échelle de la Romania) et au plan historique (rapports entre étymons, et éventuelles étapes intermédiaires inférées, et les cognats).
4 Bibliographie Buchi, Éva, Qu'est-ce que c'est que le protoroman ? La contribution du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), communication présentée au XXVIIIe Romanistisches Kolloquium (Université Julius-Liebig de Giessen, 30 mai-1er juin 2013). –, Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom). Livre bleu (version non stabilisée, entre la version 6 et la version 7), Nancy, ATILF (document interne en ligne), 6/72014 [12008]. Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang, Romanistique et étymologie du fonds lexical héréditaire : du REW au DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman) », in : Carmen Alén Garabato/Teddy Arnavielle/Christian Camps (edd.), La romanistique dans tous ses états, Paris, L'Harmattan, 2009, 97-110. –, À la recherche du protoroman : objectifs et méthodes du futur Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), in : Maria Iliescu/Heidi Siller-Runggaldier/Paul Danler (edd.), Actes du XXVe Congrès International de Linguistique et de Philologie Romanes (Innsbruck 2007), Berlin/New York, De Gruyter, 2010, vol. 6, 61-68. –, Sept malentendus dans la perception du DÉRom par Alberto Vàrvaro, RLiR 75 (2011), 305-312 (= 2011a). –, Ce qui oppose vraiment deux conceptions de l’étymologie romane. Réponse à Alberto Vàrvaro et contribution à un débat méthodologique en cours, RLiR 75 (2011), 628-635 (= 2011b). Burger, André, Pour une théorie du roman commun, Revue des études latines 43 (1943), 162169. Campbell, Lyle, Historical Linguistics. An Introduction, Cambridge, MIT Press, 22004 [11998]. Chambon, Jean-Pierre, Remarques sur la grammaire comparée–reconstruction en linguistique romane (situation, perspectives), Mémoires de la Société de Linguistique de Paris 15 (2007), 57-72. Coseriu, Eugenio, Teoría del lenguaje y lingüística general, Madrid, Gredos, 1967. –, Einführung in die allgemeine Sprachwissenschaft, Tübingen, Francke, 1988. Diez, Friedrich, Lexicon Etymologicum linguarum Romanarum, Italicae, Hispanicae, Gallicae. Etymologisches Wörterbuch der romanischen Sprachen, Bonn, Marcus, 11853 ; 21861 ; 3 1870 ; 41878 (édition révisée par August Scheler) ; 51887. Groß, Christoph/Morcov, Mihaela-Mariana, Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom). Genèse et évolution du projet, Estudis Romànics 36 (2014), 305-312. Hall, Robert A. (Jr.), The Reconstruction of Proto-Romance, Language 26 (1950), 6-27. –, Comparative Romance Grammar, 3 vol., Amsterdam, Elsevier/Benjamins, 1974–1983. Hockett, Charles F., Two Models of Grammatical Description, Word 10 (1954), 210-234.
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2.2. Reconstruction comparative Pierre Swiggers
2.2.1. Sens et essence de la reconstruction 1 Généralités Un point sur lequel tous les linguistes (sauf exception ?) sont d’accord (cf. Hudson 1981) est que la langue orale (« langue parlée ») est première (et prioritaire) par rapport à la langue écrite.1 Par conséquent, tout état de langue ancestral (défini par rapport à un nombre n de langues descendantes ou « languesfilles », angl. daughter languages) a été en premier lieu une langue orale. Par ailleurs, tout état de langue, éteint ou en usage, peut être décrit à l’aide d’opérations descriptives uniformes – donc contrôlables et justifiables – qui font justice au caractère (dia)systémique de l’objet décrit.
2 Le travail étymologique Le travail étymologique relève de la linguistique historico-comparative (cf. Polomé 1990 ; Winter 1990) et se base (ou : devrait se baser) sur toutes les techniques (de repérage, d’interprétation et d’explication) disponibles et appliquées dans cette sous-discipline linguistique. L’activité d’étymologisation peut concerner l’étape ancestrale qui précède immédiatement l’état/les états de langue(s) qu’on convoque comme explicanda, ou peut se référer à une étape
|| 1 Ce texte reprend et synthétise quelques idées présentées, d’une part, lors d’un exposéséminaire devant l’équipe nancéienne du DÉRom le 18 décembre 2013 et, d’autre part, à l’occasion d’une conférence donnée lors de la 2e École d’été franco-allemande en étymologie romane (Nancy, 30 juin-4 juillet 2014). Je tiens à remercier Éva Buchi pour la double invitation et les participants du séminaire et de l’école d’été pour leurs remarques. – Les idées exprimées dans ce chapitre doivent beaucoup aux nombreuses discussions que j’ai eues, au cours des dernières décennies, avec deux maîtres et amis, le regretté Henry Hoenigswald (University of Pennsylvania) et Guy Jucquois (Université de Louvain-la-Neuve), à propos de la méthode comparative et du comparatisme en général ; j’espère que ce texte ne démentira pas la dette que j’ai envers eux.
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remontant plus haut dans le temps.2 Le travail d’étymologisation est un exercice de remontée dans le temps : il est de nature régressive (ou rétrospective). La présentation des résultats du travail d’étymologisation est, en principe, indépendante à cet égard : on peut opter pour une présentation régressive (= rétrospective) ou pour une présentation progressive (= prospective).
3 Le rapport entre le latin et les langues romanes : options Tous les linguistes (sauf exception ?) admettent aujourd’hui un rapport de filiation entre le latin et les langues (dites) romanes. Les vues divergent quant à la nature de l’étape ancestrale (3.1) et quant à la façon dont il convient d’articuler ce rapport (3.2).
3.1 Nature de l’étape ancestrale Si on met à part les rares linguistes qui estiment encore aujourd’hui que les langues romanes proviennent du latin classique (position très commode dans le principe, mais extrêmement difficile à défendre dans la pratique), la presque totalité des linguistes (romanistes) est d’accord pour dire que les langues romanes remontent au latin parlé (ou : à des variétés du latin parlé) sur le territoire de l’ancien Empire romain à la fin de l’Antiquité et au début du Moyen Âge.3 Toutefois, les positions divergent quant à ce qu’on définit (ou ce qu’on retient) comme étape ancestrale immédiatement antérieure à l’état défini par la coexistence de(s premières) langues romanes individualisées : non seulement la terminologie n’est pas uniforme – latin vulgaire, latin parlé, (proto-)roman (commun) etc. –, mais on observe aussi des divergences de vues en ce qui concerne (1) le contenu qu’on assigne à ces termes4 et (2) le soubassement méthodo-
|| 2 C’est la distinction entre etimologia prossima (référence au « nœud » immédiatement antécédent dans la ligne de descendance) et etimologia remota (référence à un « nœud » situé plus haut dans la ligne de descendance). 3 Je n’entre pas dans la question (peu pertinente pour mon propos) de savoir dans quelle mesure ce latin était « créolisé ». 4 Pour certains auteurs, latin vulgaire et roman (commun) signifient (plus ou moins) la même chose, pour d’autres ces termes renvoient à des contenus différents (le latin vulgaire est toujours du latin, le roman ne l’est plus).
2.2.1. Sens et essence de la reconstruction | 49
logique et épistémologique de ces concepts : on peut en effet opposer latin vulgaire (latin parlé) comme une donnée « concrète » à (proto-)roman (commun) comme un objet construit et « abstrait ».5
3.2 Façon d’articuler le rapport Le rapport entre le latin et les langues romanes s’est prêté à (au moins) trois types d’envisagement : (1) ligne continue du latin classique aux langues romanes (point de vue courant jusqu’au XVIIIe siècle, mais aujourd’hui très marginal) ; (2) continuité du latin parlé aux langues romanes, s’accommodant d’actions substratales et superstratales, selon une conception d’après laquelle le latin parlé se déclinait en différents registres ou sociolectes (du type : sermo cotidianus, sermo domesticus, sermo plebeius, sermo rusticus, sermo vulgaris) et s’opposait au latin classique et postclassique (« modèle désintégrant ») ; (3) continuité du latin parlé aux langues romanes, s’accommodant d’actions substratales et superstratales, selon une conception d’après laquelle le latin parlé s’intégrait, avec le latin écrit, à un « latin global/total » (« modèle intégrant »).6
4 Les pieds (reconstructionnistes) dans le plat (comparatif) Dans un vigoureux article, Chambon (2007 ; cf. aussi 2010) a montré l’ambiguïté du concept de grammaire comparée dans la pratique romaniste : ambiguïté qui tient au refoulement de l’approche reconstructionniste : || 5 Cf. de Dardel (1996, 91-92) : « Il y a une différence essentielle entre le protoroman et la langue mère historique. La langue mère historique est une donnée concrète, quoique non attestée. Le protoroman est une abstraction, tirée des parlers romans au moyen d’une extrapolation qui remonte de plusieurs siècles le cours du temps. Et, comme des traits de la langue mère historique se sont certainement perdus avant l’apparition de parlers romans attestés, le protoroman ne peut pas être une reconstruction intégrale de la langue mère historique ; il ne peut en refléter que les traits les plus persistants. Le protoroman consiste en un ensemble d’hypothèses, qui sont formulées par le comparatiste sur la base des traits observés dans les parlers romans et de leur interprétation ; il suffit donc de la découverte de traits inédits, dans quelque texte ancien ou parmi les archaïsmes d’un dialecte moderne, pour infirmer l’une ou l’autre des hypothèses sur le protoroman et pour amener le comparatiste à les reformuler ». Voir aussi de Dardel (2005). 6 Pour les termes latin global et latin total, cf. de Dardel (1987 ; 2003 ; 2009).
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« Au total, non seulement la grammaire comparée-reconstruction ne tient qu’un rôle marginal dans le développement pratique de la linguistique romane, mais encore elle y est théoriquement une intruse. […] Se dévoile en premier lieu le paradoxe définitoire de la linguistique romane canonique : une linguistique comparative sans grammaire comparée, une linguistique historique sans reconstruction. La mise à l’écart de la grammaire comparée-reconstruction peut apparaître alors comme un fait structurel inséparable des bases constitutives de la linguistique romane et de sa tradition. Celle-ci se perçoit souvent, en effet, comme une section d’une philologie sectorielle (la philologie romane) plutôt que comme une branche ou un domaine d’application parmi d’autres de la linguistique ; ses pratiques les plus courantes sont centrées dans une large mesure sur les langues écrites du passé et les langues écrites standardisées du présent. Fortement autonome, elle invoque sans cesse pour justifier le particularisme de ses méthodes. […] En pratique, au fil des années, du fait du rejet de la grammaire comparée par les linguistes romanistes, le centre même de la linguistique romane semble avoir été sous-loué à un autre champ d’études, d’essence purement philologique, portant sur le latin vulgaire et tardif […]. » (Chambon 2007, 66-67)
La situation « privilégiée » des romanistes – disposant d’informations (de nature et de qualité variables) sur l’état ancestral, et d’une riche documentation constituée par l’histoire des langues « de descendance » – a été plutôt un désavantage qu’un avantage selon Chambon, qui plaide pour une pratique conséquente de la méthode comparative à visée reconstructionniste :7 « Au-delà, il conviendrait en premier lieu, me semble-t-il, d’appliquer aux parlers romans la méthode comparative : rien qu’elle, telle quelle, et, pour tout dire, dans sa sèche simplicité. […] La grammaire comparée (romane) ne saurait en effet abandonner une partie de son programme, lequel comporte l’établissement des parentés, mais aussi de leurs degrés, et la reconstruction de l’ancêtre commun, mais aussi celle des stades intermédiaires. […] En tout cas, la grammaire comparée romane ne peut se contenter de reprendre à son compte, comme l’a fait Hall, les entités idiomatiques avec lesquelles opère ordinairement la linguistique romane. À tous les degrés, en effet, ces entités ont été constituées en dehors des principes de la grammaire comparée-reconstruction, parfois même en dehors de toute considération proprement historique (quand les entités n’ont pas été de l’extérieur à la discipline par les statuts institutionnels des langues, voire par des groupes de pression). C’est à la grammaire comparée qu’il revient de procéder à la construction des entités idiomatiques sur la base classique des innovations communes et spécifiques. Un des résultats qu’on est en droit d’escompter serait que la linguistique romane se libère de certaines entités idiomatiques génétiquement mal formées. Une telle tâche peut aussi revêtir une importance tactique, car elle devrait intéresser les romanistes non-comparatistes (sous l’angle de la simple classification des langues romanes). » (Chambon 2007, 68)
|| 7 Si les parlers romans n’avaient existé qu’à l’état oral, la reconstruction de l’état ancestral aurait été en entière conformité avec les procédures appliquées par exemple dans la reconstruction du proto-algonquin ou du proto-bantou.
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Comme le DÉRom constitue une mise en pratique de cette recommandation, il convient d’examiner la reconstruction dans ses différents aspects.8
5 La reconstruction : cadre de travail et démarche Le cadre opérationnel est celui de la méthode comparative,9 dont le but est double : d’une part, d’établir, en conformité avec les principes de la cladistique, une classification (angl. classification) et une sous-classification (angl. subgrouping)10 de matériaux linguistiques appartenant à divers états de langues différentes (cf. Hoenigswald 1990) ; d’autre part, de démontrer et d’expliquer les correspondances, à travers des ensembles d’unités soumises à une comparaison, au plan formel et sémantique. Cette explication consiste à rendre compte des correspondances en fonction d’un état de langue ancestral, à partir duquel les états de langue comparés se laissent comprendre comme des branches ou des sous-branches (selon les cas auxquels on a affaire). Cet état de langue ancestral doit être reconstruit : dans la mesure où cette reconstruction se fait par paliers, on reconstruit à chaque fois des chaînons manquants (missing links). Un cas particulier de la méthode comparative est constitué par la comparaison d’états différents ou de faits en synchronie révélant une distance chronologique qui se situent à l’intérieur d’une même langue : ici, la méthode comparative se fait, de par sa nature, reconstruction interne.11
|| 8 Sur la reconstruction en général, voir Fox (1995) ; voir aussi le chapitre « Reconstruction Methodology » dans Hale (2007, 225-254). 9 Voir la définition succincte dans Hoenigswald (1960, 119) : « When different changes, including different sound changes, affect different parts of one speech community (language split), we are faced with one earlier stage (ANCESTOR- or PROTO-language) and two or more later stages (DAUGHTER languages, or with regard to each other, SISTER languages). The procedure whereby morphs of two or more sister languages are matched in order to reconstruct the ancestor language is known as the COMPARATIVE METHOD » et voir ibid. (69-71) l’exposé sur la méthode comparative appliquée à des données morphologiques. Cf. aussi Hoenigswald (1973). 10 Permettant une visualisation sous forme (métaphorisante) d’un arbre de filiation (cf. Hoenigswald/Wiener 1987). 11 On peut alors faire la distinction entre ensembles de correspondances (quand on compare des unités prises dans des états de langues différentes) et ensembles de remplacements (quand on compare des unités prises dans des états différents d’une même langue). Voir par exemple Hoenigswald (1960, 13) : « A correspondence between two stages is a REPLACEMENT ». Pour mon propos, cette distinction n’est pas essentielle. Sur la méthodologie de la reconstruction interne, voir Hoenigswald (1944 ; 1960, 99-118).
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La démarche générale en grammaire comparée (comparaison « externe » de variétés linguistiques dans le but d’une classification par une mise en rapport avec un état de langue ancestral) s’articule en trois étapes. (1) La première consiste à formuler le postulat de départ, à savoir que L1, L2, … sont apparentées.12 Dans la formulation de ce postulat se trouve impliquée la notion de parenté : celle-ci se fonde sur l’observation de similarités, formulées dans des (séries de) correspondances, qui – après l’élimination d’autres éventuels facteurs explicatifs (effet du hasard, phénomène de l’emprunt, matériaux linguistiques non arbitraires ou non relatifs à une langue particulière) – sont vues comme des indices de parenté. La démonstration réside finalement dans une donnée stochastique : les similarités se présentent dans un espace où la probabilité des correspondances est tellement réduite qu’on ne peut qu’admettre la parenté.13 (2) L’étape suivante consiste à énoncer, en tant que thèse, l’hypothèse génétique :14 certaines langues (et en l’occurrence, celles qu’on a examinées et pour lesquelles on a trouvé des indices de filiation partagée convaincants) sont apparentées. (3) La démarche est achevée par une étape de formalisation : en termes de procédures, la méthode comparative se résume alors à un alignement de comparats,15 qu’on rattache à un construit relationnel (ce dernier définit donc une série [angl. set] de comparats). Si l’on schématise cela pour un cas relativement simple, celui de la reconstruction d’unités phoniques, on obtient : C {segment x dans position α dans L1, segment x ou x’ dans position α dans L2, segment x ou x’ ou ø dans position α dans L3, …}, où C est le symbole pour le construit (rétro-projeté) qui définit une série de correspondances (celle des segments, non nécessairement identiques, dans une position déterminée dans les variétés linguistiques comparées).
|| 12 Sur les bases de ce postulat, cf. Nichols (1996). 13 Plus précisément, il s’agit d’une démonstration en termes de probabilité conjointe multiple (multiple conjunct probability). Le fondement premier de cette démonstration est bien sûr le principe de l’arbitraire du signe linguistique. 14 Il existe diverses façons de formuler cette hypothèse (cf. par exemple Lass 1993 vs Hale 2007), mais elles reviennent à dire que les langues L1, L2, … sont apparentées par une ligne de descendance (line of descent) à partir d’un ancêtre commun. 15 Sur cette notion, cf. Jucquois/Swiggers (1991). Dans le cas de la reconstruction interne, ces comparats sont pris dans une seule langue ; dans le cas de la comparaison dite externe, ils sont pris dans des états de langues différentes. Dans le premier cas, il s’agit de postuler (un segment à) un stade ancestral, à l’intérieur d’une seule langue Lx, rendant compte d’(unités d’)états de Lx comparé(e)s ; dans le second cas, il s’agit de postuler (un segment à) un stade ancestral par rapport aux (unités des) états de langues différentes mises en comparaison.
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Trois choses sont à noter ici : (1) La mise en correspondance est une opération de triangulation (cf. Hoenigswald 1960, 69), puisqu’il s’agit de relier un alignement de comparats à un construit superposé : C / | \ x y z (2) La mise en correspondance part en principe de segments « discrets »,16 mais peut s’étendre à des combinaisons (de complexité croissante) de segments et, en dernière instance,17 à des systèmes linguistiques (dans ce dernier cas, les accolades contiennent les dénominations de systèmes linguistiques, ou si l’on veut, de « langues-branches »). (3) La (rétro-)projection du construit relationnel (C) est régie par des principes contraignants, ceux précisément qui définissent (l’application de) la méthode comparative.
6 La reconstruction : fonction, modalités, contenu assumé On abordera ici trois questions : celle de la fonction de la reconstruction comparative (6.1), celle de ses modalités (6.2) et celle des contenus à assigner aux (rétro-)projections obtenues par elle (6.3).
6.1 Quelle est la fonction de cette opération de triangulation ? La rétro-projection du construit C comporte un effet d’« ontologisation » : c’est en établissant C qu’on pose une relation d’antécédence (C est antérieur à la série de comparats), une relation de « couverture » (C « capte » les comparats) et une relation causale (C permet d’expliquer les comparats). À travers C peuvent se || 16 Rappelons que la reconstruction en linguistique historico-comparative vise en premier lieu à dégager la forme phonémique de morphes/morphèmes (cf. Hoenigswald 1960, 68) ; la reconstruction de traits sémantiques de ces morphes/morphèmes vient ensuite. 17 Du moins si l’on se confine à une comparaison à l’échelle d’une famille linguistique, regroupant des « langues » comme branches. Si l’on tente des comparaisons à l’échelle de macrofamilles (stocks et superstocks), les accolades renfermeront des unités superordonnées par rapport au niveau de « langues ».
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définir deux rapports : un rapport de symétrie (↔ : si x se rattache à y à travers C, alors y se rattache à x) et un rapport de transitivité (→ : si x se rattache à y, et y se rattache à z, alors x se rattache à z).
6.2 Sous quelles modalités cette opération fonctionne-t-elle ? On notera d’abord que la procédure est « auto-justifiante » : si une comparaison donne une projection raisonnable (ou : très vraisemblable), celle-ci est une preuve prima facie de la parenté. Ensuite, la projection se fait par voie identitaire (salva exceptione) : c’est le principe bien connu selon lequel « identities project to identities by default, non-identities project to identities ex hypothesi » (cf. Lass 1993, 161). Enfin, la procédure est soutenue par deux garanties : celle des « lois phoniques » (au sens néo-grammairien), s’appuyant sur l’hypothèse de la régularité du changement linguistique, et celle de l’échelle préférentielle, qui consiste à dire qu’il est préférable de postuler une innovation dans la phase antécédente plutôt que de faire l’hypothèse d’innovations parallèles dans les états de langue comparés.18
6.3 Quel contenu faut-il assigner à ces (rétro-)projections ? Ici, il y a deux positions extrêmes : une position nominaliste (cf. Meillet 1903 ; 1925 ; Zawadowski 1962), qui consiste à ne voir dans le construit C qu’une formule relationnelle abstraite, et une position réaliste (illustrée par exemple au XIXe siècle par August Schleicher).19 S’il convient de garder une attitude critique à l’égard de positions « ultra-réalistes » (cf. Hall 1960), il faut aussi remarquer que l’attitude nominaliste conduit à ôter leur contenu substantiel aux comparats (cognats).20
|| 18 Cf. Lass (1993, 163) : « Parallel innovation (‘convergence’) is to be avoided in favour of single innovations pushed back to an earlier date » ; cf. aussi Hale (2007, 231). 19 Hale (2007, 244-246) parle de « realist and formalist views of reconstruction ». 20 Cf. Lass (1993, 169) : « There is a simple but telling argument-in-principle against all relational, abstract, algebraic, etc., approaches to the concerns of linguistic history and reconstruction. I refer for the moment not to any kind of ‘empirical testability’ of outputs, but simply to what must characterize them if they are to mean anything at all. […] If the system of underlying representations (initiation points of derivations or segment inventory) is totally ‘abstract’ or non-phonetic, all mappings between ‘deeper’ and more ‘superficial’ or ‘underlying’ and phonetic levels of representation, and all class-groupings and particular morphophonemic relations,
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7 La reconstruction : portée et limites La procédure de la reconstruction est à la fois limitée (7.1) et limitative (7.2).
7.1 Une procédure limitée L’opération doit être ciblée, de sorte qu’on peut y associer une caractérisation descriptive (de la forme et du sens)21 du construit postulé. Or, quels sont les principes contraignants régissant la détermination de l’opération ? Sur un plan très général, il y a les principes (jouant leur rôle de la même façon qu’en linguistique descriptive) du réalisme phonique et du réalisme morphologique : on n’opère pas à contre-courant de l’information fournie par les données phoniques et morphologiques22 du « corpus ». Sur un plan plus spécifique (qui concerne la triangulation des comparats et la rétro-projection d’un construit relationnel), on relève quatre principes. Le premier est le principe de simplicité, qui consiste à ne recourir à l’explication par convergence que dans les cas où c’est vraiment nécessaire (cf. l’échelle préférentielle, ci-dessus 6.2). Ensuite le principe « démocratique », qui consiste à accorder plus de poids au nombre majoritaire de concordances dans les comparats (et non à la minorité). Ce principe est basé sur l’admission de la probabilité plus haute de cas de maintien (angl. retention) que de cas d’altération (cf. Hale 2007, 240-242). En troisième lieu, le principe de la « naturalité » (angl. naturalness) des principes invoqués pour expliquer des phénomènes observés dans les comparats. En cas de plus grande complexité des correspondances, on applique le principe que Lass (1993) appelle maximal coding principle (en fait le principe en est un de maximally sufficient coding).23
|| are arbitrary. […] Protosegments must be assumed to have some kind of phonetic content if their reflexes are to be intelligible ». 21 Je n’entrerai pas dans les problèmes posés par l’étude comparative et reconstructionnelle du sens à partir de comparats ; cf. l’article classique de Benveniste (1954) ainsi que Wilkins (1996). 22 Sur la reconstruction morphologique, voir Koch (1996). 23 Cf. Lass (1993, 172) : « In cases where phonetic naturalness, non-convergence, etc., do not give a satisfactory result, project a segment that codes enough of the disparate properties of the reflex-set so that a strategy of phonetic decomposition will yield the set-members relatively naturally ». Il s’agit donc de projeter un construit avec une intension (ou « compréhension », au sens logique) maximalement commune partagée par les comparats.
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Sur un plan phylogénétique, il y a une condition typologico-génétique (connue comme principe de family consistency) : on ne reconstruira pas ce qui n’apparaît dans aucun état des langues descendantes (dans aucune des « langues-filles »). Enfin, sur un plan hyperphylogénétique, joue une condition typologique globale (connue comme principe de oddity consistency) : on ne reconstruit pas ce qui est aberrant dans l’aire linguistique concernée, ni ce qui est aberrant du point de vue typologique général (ou universel).
7.2 Une procédure limitative La procédure de reconstruction comparative est d’abord limitative à cause des limitations de la technique elle-même, qui par exemple ne peut retracer des évolutions quand il y a eu une fusion (distributionnellement) redoublée (angl. duplicate merger)24 de segments dans la ligne de descente vers les cognats, mais elle l’est aussi par le fait qu’elle est incapable de récupérer l’état ancestral dans toute sa densité. Cette impuissance tient elle-même à ce qu’on peut appeler le « paradoxe de la forêt et des arbres », paradoxe auquel nous avons été rendus sensibles grâce aux corrections et précisions apportées par la sociolinguistique historique (ou « linguistique socio-historique », cf. Romaine 1982) au modèle classique (néo-grammairien) du changement linguistique. Lass (1993) formule le paradoxe dans les termes suivants : « The hypothesis [of regular sound change] is (weakly) confirmed by the possibility of reconstructing protoforms, the fruitfulness of these objects for further research, their occasional testability, the pleasing or ‘insightful’ shapes of the resultant histories, etc. The regularity hypothesis is the indispensable foundation of historical/comparative linguistics ; virtually everything we know, about (for example) the history of IE languages, their inter|| 24 Sur le problème (reconstructionnel) posé par les cas de duplicate merger, cf. Hoenigswald (1960, 125-126, 130-132, 136). « The comparative method is based on the principle that sets of recurring phoneme correspondences between two related languages continue blocks of positional allophones from the mother language ; therefore, if such sets are subjected to the treatment accorded to phones in synchronic phonemics, a reconstruction is obtained. If split affects the same proto-phoneme in each daughter language the partial likeness between the sets of correspondences is impaired, but their distribution remains intact. If merger affects the same proto-phoneme in each daughter language it must not be duplicate merger that is, the same set must not arise twice in the same environment, or the original contrast is beyond retrieval. It is evident that the strength of the comparative method rests on the fact that, once a merger has taken place, no subsequent event can have the effect of reconstituting the original distinction between merged morphs » (Hoenigswald 1960, 132).
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relations and prehistory, is based on the painstaking application of techniques and argument based on Neogrammarian methodology and assumptions, which are virtually our only entrée to linguistic prehistory (and much of history as well). Without it, there would be no such thing as a reliable etymology. Despite all this, however, the hypothesis is dead wrong as a picture of phonological change. It is not a correct claim about the mechanism of change, and makes wrong predictions about the kinds of état de langue that exist in the world. But, paradoxically, it is also a true picture of perhaps the bulk of the standardly utilized data : it is micro-wrong, but macro-right. To put it another way, the Neogrammarian hypothesis is correct for Neogrammarian (parts of) languages, and wrong for nonNeogrammarian ones. » (Lass 1993, 176-177)
Concrètement, cela signifie que l’énoncé « les changements phoniques sont réguliers » possède une vérité générale, mais non une vérité « locale » : si le principe est valable (et confirmé a posteriori) au plan macro, il est souvent démenti au plan micro.
8 Conclusion Un état ancestral (protolangue, chaînon manquant) est un construit réalisé sous l’action de diverses contraintes, générales et spécifiques, et en appliquant systématiquement une procédure technique, la méthode comparative. La reconstruction obtenue n’a pas la prétention de récupérer un système linguistique fonctionnel complet25 – il s’agit de définir, dans la mesure du possible, l’inventaire des unités de la première et de la seconde articulation, et de poser, dans la mesure du possible, l’existence de traits sémantiques et morphosyntaxiques – ; elle a encore moins la prétention de récupérer un état ancestral dans toute sa densité socio-pragmatico-historique (y a-t-il d’ailleurs des études en synchronie qui y parviennent ?). C’est à ce « profil reconstructionniste » que le DÉRom, dans son application aux données romanes, entend s’amarrer.
9 Bibliographie Benveniste, Emile, Problèmes sémantiques de la reconstruction, Word 10 (1954), 251-264. Chambon, Jean-Pierre, Remarques sur la grammaire comparée-reconstruction en linguistique romane (situation, perspectives), Mémoires de la Société de linguistique de Paris 15 (2007), 57-72.
|| 25 Cf. ci-dessus n. 5.
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– Pratique étymologique en domaine (gallo-)roman et grammaire comparée-reconstruction. À propos du traitement des mots héréditaires dans le TLF et le FEW, in : Injoo ChoiJonin/Marc Duval/Olivier Soutet (edd.), Typologie et comparatisme. Hommages offerts à Alain Lemaréchal, Louvain/Paris/Walpole, Peeters, 2010, 61-75. Dardel, Robert de, Pour une meilleure intégration des études latines et romanes, in : József Herman (ed.), Latin vulgaire – latin tardif. Actes du Ier Colloque international sur le latin vulgaire et tardif (Pécs, 2-5 septembre 1985), Tübingen, Niemeyer, 1987, 65-75. –, Roman commun – protoroman, in : Günter Holtus/Michael Metzeltin/Christian Schmitt (edd.), Lexikon der Romanistischen Linguistik (LRL), Tübingen, Niemeyer, vol. 2/1 (1996), 90-100. –, Le traitement du latin global : séparation et intégration des méthodes, Romanistisches Jahrbuch 54 (2003), 57-76. –, Évaluer le protoroman reconstruit, Lingvisticae Investigationes 28 (2005), 133-168. –, La valeur ajoutée du latin global, RLiR 73 (2009), 5-26. DÉRom = Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang (dir.), Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), Nancy, ATILF, , 2008–. Fox, Anthony, Linguistic Reconstruction. An Introduction to Theory and Method, Oxford, Oxford University Press, 1995. Hale, Mark, Historical Linguistics. Theory and Method, Oxford, Blackwell, 2007. Hall, Robert A. (Jr.), On Realism in Reconstruction, Language 36 (1960), 203-206. Hoenigswald, Henry M., Internal Reconstruction, Studies in Linguistics 2 (1944), 78-87. –, Language Change and Linguistic Reconstruction, Chicago, University of Chicago Press, 1960. –, The Comparative Method, in : Thomas A. Sebeok/Henry M. Hoenigswald/Robert E. Longacre (edd.), Current Trends in Linguistics : Volume 11 : Diachronic, areal and typological linguistics, La Haye, Mouton, 1973, 51-62. –, Language Families and Subgroupings, Tree Model and Wave Theory, and Reconstruction of Protolanguages, in : Edgar C. Polomé (ed.), Research Guide on Language Change, Berlin, Mouton de Gruyter, 1990, 441-454. Hoenigswald, Henry M./Wiener, Linda F. (edd.), Biological Metaphor and Cladistic Classification, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1987. Hudson, Richard, Some Issues on which Linguists Can Agree, Journal of Linguistics 17 (1981), 333-343. Jucquois, Guy/Swiggers, Pierre, Le « fait comparé », in : Guy Jucquois/Pierre Swiggers (edd.), Le comparatisme devant le miroir, Louvain-la-Neuve, Peeters, 1991, 47-52. Koch, Harald, Reconstruction in Morphology, in : Mark Durie/Malcolm Ross (edd.), The Comparative Method Reviewed. Regularity and Irregularity in Language Change, New York/Oxford, Oxford University Press, 1996, 218-262. Lass, Roger, How Real(ist) are Reconstructions ?, in : Charles Jones (ed.), Historical Linguistics. Problems and Perspectives, Londres, Longman, 1993, 156-189. Meillet, Antoine, Introduction à l’étude comparative des langues indo-européennes, Paris, Hachette, 1903. –, La méthode comparative en linguistique historique, Oslo, Aschehoug, 1925. Nichols, Johanna, The Comparative Method as Heuristic, in : Mark Durie/Malcolm Ross (edd.), The Comparative Method Reviewed. Regularity and Irregularity in Language Change, New York/Oxford, Oxford University Press, 1996, 39-71.
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Xavier Gouvert
2.2.2. Reconstruction phonologique 1 Préambule Notre propos, dans les pages qui suivent, est de rendre explicites certaines des considérations théoriques, méthodologiques et pratiques qui président à la reconstruction du signifiant des unités lexicales protoromanes, telle qu’envisagée dans le cadre du Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), et de poser les jalons d’une description raisonnée de la phonologie de l’ancêtre de la famille romane.1 Ce faisant, nous sommes conscient de marcher dans les traces d’imposants prédécesseurs, au nombre desquels figurent les principaux maîtres de la romanistique,2 sans pour autant méconnaître le caractère novateur de l’application de la grammaire comparée-reconstruction à l’histoire des langues romanes3, en laquelle consiste l’originalité majeure du DÉRom. De fait, on ne compte à ce jour qu’un seul essai de reconstruction phonologique exhaustive du protoroman, contenu dans le deuxième volume de la Comparative Romance Grammar de Robert A. Hall Jr. (Hall 1976) – essai qui aura pour nous valeur de modèle pratique en même temps que de pierre de touche pour nos analyses. Il nous importe que la présente contribution se donne pour ce qu’elle est : une esquisse, c’est-à-dire à la fois l’« étude fournissant un aperçu général sur un sujet, une matière » et l’« ébauche, [le] commencement d’un geste, d’une action » (TLF s.v. esquisse). Le sujet, la matière étudiée ici est la phonétique histo-
|| 1 La présente contribution s’est nourrie des discussions menées avec la plupart des membres de l’équipe DÉRom, des rencontres et des multiples échanges de vues qui ont rythmé notre participation à ce projet, depuis notre post-doctorat en 2009/2010. L’attention amicale qu’ont accordée à notre travail Jérémie Delorme, Romain Garnier, Yan Greub et Marco Maggiore a particulièrement contribué à l’éclaircissement de notre réflexion. Ce texte, sous une première version intitulée Esquisse d’une reconstruction phonologique du protoroman, a bénéficié des précieuses corrections et critiques de Xosé Afonso Álvarez Pérez, d’Éva Buchi, de Steven N. Dworkin, de Cristina Florescu, de Laure Grüner, d’Ulrike Heidemeier, de Matthieu Segui et de Pierre Swiggers. Qu’ils veuillent bien trouver ici l’expression de notre sincère reconnaissance. 2 Dans le domaine de la phonétique historique et comparative des langues romanes, on doit citer au premier chef Wilhelm Meyer-Lübke (Meyer-Lübke 1890), Heinrich Lausberg (Lausberg 1963–1972) et Robert A. Hall (Hall 1976). 3 Sur la place de la grammaire comparée-reconstruction en linguistique romane et la dimension épistémologique de cette question, nous renvoyons au bilan et aux perspectives dressés par Chambon (2007).
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rique de l’ensemble de la famille romane ; le geste, l’action commencée est la reconstruction structurale du système phonologique protoroman.
2 Comment reconstruire un système phonologique ? La reconstruction d’un système phonologique est le résultat d’une série d’opérations qui s’articulent principalement en trois niveaux d’analyse, dont il convient de rappeler brièvement les modalités.4
2.1 Comparaison lexicale Le point de départ de toute reconstruction est la comparaison lexicale, c’est-àdire la constatation de séries de correspondances régulières révélées par la confrontation du signifiant des lexèmes qui constituent, à l’intérieur d’une même famille linguistique, le fonds héréditaire de chaque idiome. On sait que le soubassement rationnel et empirique de cette méthode est le postulat de l’arbitraire du signe : le comparatiste-reconstructeur admet implicitement qu’entre deux signifiants assumant le même signifié (ou des signifiés indiscutablement apparentés), la correspondance formelle ne saurait être attribuée ni au hasard (que la quantité des occurrences permet d’exclure tout à fait), ni à une causalité autre que génétique.5 Soient les trois séries de correspondances romanes suivantes :6
|| 4 Pour un aperçu complet et didactique sur les principes et les résultats de la reconstruction linguistique, on pourra se reporter à l’introduction d’Anthony Fox (Fox 1995). L’opuscule de Jean Haudry contient des observations de méthode particulièrement claires (Haudry 1994, 9–20). 5 C’est cette considération qui dissuade en général de reconstruire le vocabulaire dit « expressif » – interjections, onomatopées, nursery words et autres unités à connotation affective –, lequel n’est pas régi par l’arbitraire au même titre que le reste du lexique. 6 Par commodité, dans la suite de ce travail, les formes lexicales appartenant à des idiomes romans attestés seront données dans leur graphie traditionnelle (orthographe standardisée ou graphie référencée dans la lexicographie). Nous suivons en cela la pratique du DÉRom. – Par ailleurs, nous ne donnons pas systématiquement la source des formes citées lorsque celles-ci sont directement tirées des ouvrages de référence suivants (qui constituent le socle de la « Bibliographie de consultation et de citation obligatoires » du DÉRom) : pour les idiomes romans en général, le REW3 ; pour le sarde, le DES ; pour le dacoroumain, le DA/DLR ; pour l’italien, le LEI ; pour le végliote, Bartoli (2000) ; pour le français et l’occitan, le FEW ; pour le catalan, le
2.2.2. Reconstruction phonologique | 63
(1) sard. karre s.f. ‘chair’, dacoroum. carne, végl. ku̯árne, it. carne, romanch. charn, frioul. cjarn, fr. chair, occit. carn, cat. carn, esp. carne, port. carne (REW3 s.v. caro, -nis ; Groß 2010–2014 in DÉRom s.v. */'karn-e/) ; (2) sard. kimbe adj. num. ‘cinq’, dacoroum. cinci, végl. čenk, it. cinque, romanch. tschintg, frioul. cinc, fr. cinq, occit. cinc, cat. cinc, esp. cinco, port. cinco (REW3 s.v. quīnque/cīnque) ; (3) sard. báttor adj. num. ‘quatre’, dacoroum. patru, végl. ku̯átro, it. quattro, frioul. quatri, romanch. quatter, fr. quatre, occit. quatre, cat. quatre, esp. cuatro, port. quatro (REW3 s.v. quattuor). Pour reconstruire un segment déterminé du prototype de chacune de ces séries – ici, le segment initial –, le comparatisme procède classiquement en deux temps. On commence par superposer les correspondances entre les phones typisés de chaque série de cognats : on parvient ainsi à un jeu d’équations binaires mises en série, pour chacune desquelles on pose une identité purement algébrique et abstraite. Le but est d’établir un rapport de surjection entre l’ensemble de définition (les phonèmes des cognats) et l’ensemble d’arrivée (leurs prototypes théoriques). Une fois établie la série complète des correspondances entre unités phoniques dans chaque position caractéristique, on obtient donc une équation comparative pour laquelle on propose une hypothèse évolutive : c’est la reconstruction phonétique, ou reconstruction du « premier degré ». Il s’agit de postuler, en tenant compte de la direction la plus vraisemblable des changements phonétiques, l’existence d’une protoréalisation dans chaque position considérée. Dans l’exemple ci-dessus, on peut ainsi poser trois segments protoromans typisés, *k̮, *kj et *kw.
|| DECat ; pour l’espagnol, le DCECH ; pour le portugais, le DELP3 ; pour le latin, Ernout/Meillet4, Walde/Hofmann4 et IEEDLatin. Les formes standardisées du frioulan et du romanche (rumantsch grischun) sont tirées respectivement du DOF et du PledariGrond.
˹k˺
˹k˺
˹b˺
1
2
3
Sard.
˹k˺
˹k˺
˹b˺
Série
1
2
3
Tableau 2
sard.
Série
Tableau 1
˹p˺
˹ʧ˺
˹k˺
Dacoroum.
˹p˺
˹ʧ˺
˹k˺
dacoroum.
˹k˺
˹ʧ˺
˹k˺
Végl.
˹k˺
˹ʧ˺
˹k˺
végl.
˹kw˺
˹ʧ˺
˹k˺
It.
˹kw˺
˹ʧ˺
˹k˺
it.
˹kw˺
˹s˺
˹c˺
Frioul.
˹kw˺
˹s˺
˹c˺
frioul.
˹k˺
˹s˺
˹ʃ˺
˹kw˺
˹ʧ˺
˹ʨ˺
˹k˺
˹s˺
˹ʃ˺
Romanch. Fr.
˹kw˺
˹ʧ˺
˹ʨ˺
romanch. fr.
˹k˺
˹s˺
˹k˺
Occit.
˹k˺
˹s˺
˹k˺
occit.
˹kw˺
˹s˺
˹k˺
Cat.
˹kw˺
˹s˺
˹k˺
cat.
˹kw˺
˹θ˺
˹k˺
Esp.
˹kw˺
˹θ˺
˹k˺
esp.
˹kw˺
˹s˺
˹k˺
Port.
˹kw˺
˹s˺
˹k˺
port.
*kw /__*[a]
*k /__*[V, +PALAT]
*k /__*[a]
PROTOROMAN
*kw
*kj
*k̮
PROTOROMAN
64 | Xavier Gouvert
2.2.2. Reconstruction phonologique | 65
Une grammaire comparée purement mécanique et formelle (et d’ambitions fort modestes) pourrait s’en tenir là et se contenter de reconstruire, pour la série 1 par exemple, un prototype *k̮árNe, qui ne serait que la symbolisation abrégée de l’identité karre = carne = kuarne = carne = … C’est, à peu de choses près, ce que faisaient les néogrammairiens – Meillet lui-même se refusait à préconiser une autre méthode.7
2.2 De la reconstruction phonétique à la reconstruction phonématique La pratique majoritaire du comparatisme actuel, d’inspiration pragoise, se veut plus ambitieuse et consiste à franchir une étape supplémentaire pour tenter de saisir, par la reconstruction, l’économie du système phonologique de la protolangue dans sa réalité synchronique. Le fait que protorom. *k̮, par exemple, soit reconstruit sur la base d’une comparaison de phonèmes – le phonème sarde /k/, le phonème italien /k/, le phonème français /ʃ/ etc. – n’implique pas que *k̮ ait eu lui-même le statut de phonème dans la protolangue. Dire que protorom. *k̮ est le prototype d’un phonème italien (/k/) est une chose ; prouver que *k̮ était un phonème du protoroman en est une autre, qui requiert un raisonnement distinct. A priori rien ne dit qu’en protoroman *k̮ n’était pas l’allophone d’un phonème */ɡ/, ou la réalisation contextuelle de */xt/, ou bien encore le reflet de */kh/, de */ŋk/ ou de n’importe quoi d’autre. Tout ce que l’on peut dire, c’est qu’il existait en protoroman un son de type *K qui était une occlusive non voisée dorsale – peut-être palatale, plus sûrement vélaire. C’est pourquoi l’analyse figurée dans le tableau 1 représente le premier degré de la reconstruction – la reconstruction des phones de l’ancêtre commun. À ce stade, on obtient une représentation phonétique de la protolangue, son « tableau acoustique » et articulatoire – mais non pas un système phonologique reconstruit. Il reste en effet à déterminer les rapports entre les unités phoniques ainsi restituées ; en d’autres termes, à définir non plus des proto-segments, mais des protophonèmes. Aussi bien convient-il de procéder avec une langue reconstruite exactement comme on le ferait avec une langue attestée, c’est-à-dire d’employer les techniques habituelles de la description phonologique. À partir des matériaux fournis par la reconstruction de « premier degré », on détecte les paires minimales, les faits de distribution complémentaire, de variation contextuelle, de neutralisation, c’est-à-dire les faits d’allophonie.
|| 7 Voir en particulier la position radicalement « antiréaliste » défendue dans Meillet (1925, 15).
66 | Xavier Gouvert Dans le cas illustré par notre tableau 1, on découvre sans peine que *k̮ et *kj sont en distribution complémentaire. Ils représentent une seule et même unité *k1, dont le comportement évolutif est strictement déterminé par le contexte : *k̮ est toujours suivi de *a, et *kj précède toujours *I ou *E. La vraisemblance évolutive indique que *k1 avait pour traits distinctifs l’occlusion, le non-voisement et la dorsalité. On s’autorisera à dire, en termes plus concis, que *k̮ et *kj représentent le phonème protoroman */k/ respectivement en contexte __*[a] et en contexte __*[V, +palat]. Une série de tests distributionnels permet de préciser que protorom. *[k] est la réalisation non conditionnée de protorom. */k/, ce dernier étant défini par une série d’oppositions avec des phonèmes reconstruits par la même voie, */k/ ~ */ɡ/, */k/ ~ */t/, */k/ ~ */p/ etc. Suivant le même principe, on ne tarde pas à déceler que *kw représente une autre unité phonologique, dont la distribution est indépendante de celle de */k/ et dont les traits pertinents sont l’occlusion, le non-voisement, la dorsalité et la labialité. On obtient alors le tableau 2 (cf. ci-dessus). C’est sur cette base que l’on pourra décider du statut des phones reconstruits et, par voie de conséquence, dresser l’inventaire phonématique de la protolangue. Cette étape relève par définition d’un plus haut degré d’abstraction que la reconstruction phonétique ; elle est de fait plus spéculative et plus risquée, dans la mesure où elle dépend d’un certain nombre d’options théoriques et d’inclinations méthodologiques propres au reconstructeur. Toute analyse phonologique est en fait une modélisation, non une description : son critère de validité n’est pas la véracité, mais la vraisemblance, la cohérence et l’économie. Dans l’exemple cité, le statut de *kw, c’est-à-dire du segment *[kw] ou *[kw], pose précisément un délicat problème d’interprétation phonologique (cf. ci-dessous § 3.2.1.5).
2.3 Morphophonologie et reconstruction interne L’élaboration de l’inventaire phonématique de la protolangue n’épuise cependant pas la tâche du comparatiste. Il est en effet possible de pousser plus loin encore l’analyse et de s’interroger sur la « structure profonde » des signifiants restitués. On atteint alors le « troisième degré » de la reconstruction, généralement appelé reconstruction interne. Cette méthode ressortit à l’analyse morphologique tout autant qu’à la phonologie : c’est un cas d’application de la morphophonologie. En pratique, les faits qui intéressent la reconstruction interne sont les cas d’alternance, de substitution, d’insertion et de suppression de phonèmes constatés à l’intérieur d’une même unité signifiante (d’un même morphème). Plus encore que la modélisa-
2.2.2. Reconstruction phonologique | 67
tion phonologique, l’analyse morphophonologique est affaire de préférences théoriques, mais aussi d’options pratiques. Soit le lexème protorom. */'ʊnktu/ s.n. ‘matière grasse élaborée servant à enduire, graisse’ (REW3 s.v. ŭnctum ; Videsott 2012–2014 in DÉRom s.v. */'ʊnkt-u/). On postule, avec un assez haut degré de probabilité, que ce vocable est en rapport morphologique avec protorom. */'ʊng-e-/ v.tr. ‘enduire de graisse, oindre’ (REW3 s.v. ŭngĕre ; Celac 2014 in DÉRom s.v. */'ʊng-e-/). Compte tenu de ce que l’on sait de la morphologie flexionnelle et dérivationnelle du protoroman, il est permis d’admettre que */'ʊnkt-u/ s.n. est issu, au stade de la pré-protolangue,8 de la substantivation de */'ʊnk-t-u/ adj. ‘enduit de graisse, oint’, lui-même participe passif du verbe */'ʊng-e-/, régulièrement formé par suffixation du morphème participial */-t-/ (type */'mɔr-i-/ ‘mourir’ → */'mɔr-t-u/ ‘mort’ ; REW3 s.v. mŏrĕre/mŏrīre et mŏrtuus). Formulé en termes morphophonologiques, */'ʊnktu/ représente donc *|'ʊng+t+u|. Le phénomène phonologique qui se dégage d’une telle analyse morphologique (et d’une série d’analyses menées parallèlement) est, on le devine, l’assimilation de dévoisement : la sonore protorom. */ɡ/ était, selon toute vraisemblance, assourdie en */k/ au contact d’une sourde subséquente. Or, l’approche que nous venons d’illustrer est lourde de conséquences pratiques, dont la plus évidente, mais non la moins grave, est de nature formelle : quel système de notation employer pour représenter la protolangue ? Question cruciale dans une entreprise lexicographique telle que le DÉRom. Dans le cas cité, faut-il retenir la notation (notation morphophonologique, représentant les phonèmes sous-jacents) ou encore .
|| 9 Voir Chomsky/Halle 1968 et Dell 1973. Rappelons toutefois que la notation morphophonologique était en usage bien avant le générativisme (cf. Swadesh/Voegelin 1936, Bloomfield 1939 et de nombreux travaux de Charles F. Hockett et Zellig S. Harris). Les générativistes parlent d’ailleurs de phonologie lors même qu’ils envisagent le plan morphophonologique (et parfois un plan où la morphophonologie est partiellement diachronique, v. Shane 1968). – Les problèmes posés par l’application du générativisme à la phonologie du latin (classique) ont fait l’objet d’une importante étude due à Xavier Mignot (Mignot 1975). 10 La diffusion, en France, de la convention de notation des archiphonèmes par des capitales est due en grande partie à Martinet et à ses disciples (Martinet 1961, 71–73 et Akamatsu 1988, pour ne citer que deux références célèbres). Sur le fonctionalisme et la phonologie diachronique, v. Martinet 1955, notamment 63–93. 11 Ou sous la forme d’une réalisation arbitrairement choisie, dans les cas de neutralisation non induite par l’assimilation. Ainsi les archiphonèmes subsumant les oppositions */e/ ~ */ɛ/ et */o/ ~ */ɔ/ (neutralisées en syllabe atone) sont-ils respectivement notés, par convention, */e/ et */o/, bien que le trait [–OUVERT] ne soit pas pertinent dans ce cas.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 69
3 Le système phonologique du protoroman : essai de reconstruction12 3.1 Vocalisme On reconstruit pour le protoroman un système à neuf phonèmes vocaliques, s’échelonnant en cinq degrés d’aperture, trois lieux d’articulation (antérieur, central et postérieur) et deux configurations articulatoires (arrondie et nonarrondie).13 Sur le plan de la réalisation phonétique, il est possible, mais non démontrable, que les corrélations d’aperture aient été liées à une différenciation de quantité – comme c’est notoirement le cas en anglais, en allemand ou en néerlandais modernes. Sous l’accent au moins, les voyelles fermées */i/ et */u/ pouvaient être réalisées respectivement *[iː] et *[uː] ; par contraste, les quasi-fermées */ɪ/ et */ʊ/ (« quasi-centrales » ou « relâchées ») devaient correspondre à *[ɪ] et *[ʊ], tendant respectivement vers *[ë] et *[ö]. Parallèlement, il n’est pas exclu que les voyelles moyennes */e/ et */o/ aient été réalisées *[eː] et *[oː], se différenciant
|| 12 Avertissement. – L’essai de reconstruction que nous proposons dans cette section est conforme à l’analyse proposée par le DÉRom sous sa version actuelle (2014), à l’exception de trois points particuliers pour lesquels nous proposons une solution qui nous est propre. Il s’agit de la reconstruction des voyelles pénultièmes atones (§ 3.1.2), du protophonème */j/ (§ 3.2.1.3) et du phonème */kw/ (§ 3.2.1.5), dont la nature et le statut phonologique font encore débat au sein de l’équipe DÉRom. On trouvera donc, dans les articles du dictionnaire actuellement disponibles, les notations */i/ et */ku/ dans certains cas où nous-même reconstruisons */ɪ/, */j/ et */kw/. Nous nous devons de préciser au lecteur que ces différences de détail ne traduisent aucune divergence de fond sur le statut des reconstructions proposées ni sur la méthode employée. On devra les prendre comme autant d’hypothèses interprétatives sur plusieurs points restés en suspens – hypothèses que nous nous proposons de soumettre à nos collègues lors d’un prochain Atelier DÉRom. 13 Cette reconstruction s’écarte du modèle proposé par Hall (1976, 18–19). Ce dernier postule trois degrés d’aperture et deux lieux d’articulation, croisés avec une corrélation de « tension » (« tense-versus-lax contrast ») : une série de voyelles « relâchées » */i e o u/ se serait ainsi opposée à une série « tendue » */ị ẹ ọ ụ/. Outre que la notion de tension vocalique est contestée du point de vue de la phonétique articulatoire (v. par exemple Lass 1976, 10–39), Hall ne précise pas s’il entend par tension une corrélation de lieu (voyelle relâchée signifiant, dans beaucoup de travaux, ‘voyelle centralisée’) ou une corrélation de mode (tension vocalique pouvant signifier, chez d’autres auteurs, ‘avancement de la racine linguale’). Au demeurant, si l’on retient la première interprétation, force est d’admettre qu’une gamme vocalique du type */i ɨ ʉ u e ɘ ɵ o a/, sans être inconcevable, est typologiquement moins plausible que celle retenue par le DÉRom.
70 | Xavier Gouvert
ainsi des quasi-ouvertes */ɛ/ et */ɔ/, soit *[ɛ] et *[ɔ].14 Quant à la voyelle */a/, occupant seule la case « ouverte », elle pouvait avoir une gamme de réalisations fort large, s’étendant sans doute de *[a] jusqu’à *[ɐ]. Les données romanes – singulièrement les faits de palatalisation observables en domaine galloroman – prouvent que la voyelle ouverte n’admettait pas de variante postérieure (*/kau/ n’évolue pas comme */kɔ/), mais qu’elle n’était pas non plus une voyelle palatale au même titre que les autres (*/ka/ n’évolue pas comme */kɛ/). Sur cette base, on peut imaginer plusieurs matrices phonologiques également valables : soit on tient pour pertinente la corrélation d’ouverture ([+/–ouvert]) et l’on peut concevoir */a/ comme la seule « antérieure ouverte », soit on fait de */ɛ a ɔ/ des « ouvertes » distinguées par les traits [+/–palat] et [+/–rond]. Typologiquement, on peut rappeler qu’un tel système à neuf timbres « symétriques » */i ɪ e ɛ a ɔ o ʊ u/ est très bien représenté : 20% des langues à neuf voyelles suivent ce schéma (Vallée/Boë/Stefanuto 1999, 12–14 § 37–38). Tableau 3 : Système des voyelles du protoroman Antérieures
Centrale
Non-arrondies Fermées Quasi-fermées Moyennes Quasi-ouvertes Ouverte
Postérieures Arrondies
*/i/ */ɪ/ */e/ */ɛ/
*/u/ */ʊ/ */o/ */ɔ/ */a/
3.1.1 Vocalisme tonique Les neuf voyelles protoromanes sous l’accent sont définies par les correspondances suivantes (Lausberg 1963, 152–164 § 164–185) :
|| 14 Une telle interprétation est certes induite par ce que l’on sait de l’origine du vocalisme protoroman – héritier du système latin archaïque, à cinq timbres, où la corrélation de quantité était déterminante.
u u
*'ʊ
*'u u
u
o/o̯a
oi̯
o /au̯
1
o /au̯
1 2
2
u̯a
3
u̯a /u̯o /u
5
a
4
i̯a /i 1
2
o/o̯a3
e/e̯a
1
a1/ai̯2
e/e̯a3 3
e /ai̯ a1/ai̯2
2
i
1
Végl.
e/e̯/a3
Dacoroum.
1
i
e
e
2
u
o
o
o1/u̯o2
a
e /i̯e
It.
a
u
o
o
u̯a
|| 15 Dans ce tableau et dans les suivants, toutes les correspondances sont indiquées en notation phonologique (nous précisons la réalisation phonétique dans les cas ambigus). Pour chaque idiome, nous ne donnons que le résultat correspondant au cas général ; pour le détail des faits évolutifs particuliers, nous renvoyons aux ouvrages de référence mentionnés en bibliographie. a /e
2
i
u
u
o1/ø2
1
2
e /ei̯
1
e1/ai̯2
e1/ai̯2
i
Romanch. i
y
2
u /ø
1
2
u /ø
1
ɔ1/ø2
2
ɛ /i̯e
2 6
a /e /(i̯)e
1
1
ɛ1/u̯a2/i6
ɛ1/u̯a2/i6
Fr.
y
u
u
ɔ
a
ɛ
e
e
i
Occit.
u
u
u
ɔ
a
ɛ
e
e
i
Cat.
u
o
o
u̯e
a
i̯e
e
e
i
Esp.
u
o
o
ɔ
a
ɛ
e
e
i
Port.
|| 15 Dans ce tableau et dans les suivants, toutes les correspondances sont indiquées en notation phonologique (nous précisons la réalisation phonétique dans les cas ambigus). Pour chaque idiome, nous ne donnons que le résultat correspondant au cas général ; pour le détail des faits évolutifs particuliers, nous renvoyons aux ouvrages de référence mentionnés en bibliographie.
2
2
ie /iː
1
e1/eː2
e1/eː2
i
Frioul.
Position entravée. Position libre. 3 Métaphonie : devant /a ɐ e o/ finals atones. 4 Position libre dans les paroxytons. 5 Position libre dans les oxytons. 6 Effet de Bartsch : en position libre, derrière consonne palatalisée.
1
o
*'o
e
*'ɛ a
e
*'e
o
i
*'ɪ
*'ɔ
i
*'i
*'a
Sard.
Protoroman
Tableau 4 : Voyelles en syllabe tonique15
2.2.2. Reconstruction phonologique | 71
72 | Xavier Gouvert
*/i/. – Protorom. */'ɸiliu/ (‘fils’) > sard. fidzu, dacoroum. fiu, végl. fel’, it. figlio, frioul. fi, romanch. figl, afr. fil, occit. filh, cat. fill, esp. hijo, port. filho (REW3 s.v. fīlius ; Bursuc 2011–2014 in DÉRom s.v. */'ɸili-u/). */ɪ/ entravé. – Protorom. */'βɪrde/ (ʻvertʼ) > sard. virde, dacoroum. verde, it. verde, frioul. vert, romanch. verd, fr. vert, occit. verd, cat. vert, esp. verde, port. verde (REW3 s.v. vĭrĭdis/*vĭrdis). Protorom. */'lɪnɡua/(ʻlangueʼ) > sard. limba, dacoroum. limbă, végl. langa, it. lingua, frioul. lenghe, romanch. lingua, fr. langue, occit. lenga, cat. llengua, esp. lengua, port. língua (REW3 s.v. lĭngua). Protorom. */'krɪsta/ (ʻcrêteʼ) > sard. krista, dacoroum. creastă, it. cresta, frioul. creste, romanch. krasta, fr. crête, occit. cresta, cat. cresta, esp. cresta, port. crista (REW3 s.v. crĭsta). */ɪ/ libre. – Protorom. */'sɪte/ (ʻsoifʼ) > sard. sitis, dacoroum. sete, végl. sait, it. sete, frioul. sêt, romanch. sait, fr. soif, occit. set, cat. set, esp. sed, port. sede (REW3 s.v. sĭtis). */e/entravé. – Protorom. */de'rektu/ (‘droit’) > sard. derettu, dacoroum. derept, végl. drat, itmérid. diretto, frioul. dret, romanch. dret, afr. dreit (> fr. droit), occit. drech, cat. dret, esp. derecho, port. direito (REW3 s.v. dīrĕctus/*dērĕctus). */e/ libre. – Protorom. */'seta/ (ʻsoieʼ) > sard. seta, végl. sai̯ta, it. seta, frioul. sede, romanch. saida, fr. soie, occit. seda, cat. seda, esp. seda, port. seda (REW3 s.v. saeta). Protorom. */'kera/ (‘cire’) > sard. kera, dacoroum. ceară, végl. kai̯ra, it. cera, frioul. cêre, romanch. tschaira, fr. cire, occit. cera, cat. cera, esp. cera, port. cera (REW3 s.v. cēra). */ɛ/ entravé. – Protorom. */'ɛrba/ (ʻherbeʼ) > sard. erba, dacoroum. iarbă, végl. jarba, it. erba, frioul. jerbe, romanch. erba, fr. herbe, occit. erba, cat. erba, esp. hierba, port. erva (REW3 s.v. hĕrba ; Reinhardt 2010–2014 in DÉRom s.v. */'ɛrb-a/). */ɛ/ libre. – Protorom. */'kɛlu/ (ʻcielʼ) > sard. kelu, dacoroum. cer, végl. čil, it. cielo, frioul. cîl, romanch. tschiel, fr. ciel, occit. cel, cat. cel, esp. cielo, port. ceo (REW3 s.v. caelum). Protorom. */'pɛtra/ (‘pierre’) > sard. petra, dacoroum. piatră, végl. pitra, it. pietra, frioul. piere, romanch. peidra, fr. pierre, occit. peira, cat. pedra, esp. piedra, port. pedra (REW3 s.v. pĕtra). */a/ entravé. – Protorom. */'βakka/ (‘vache’) > sard. vakka, dacoroum. vacă, végl. baka, it. vacca, frioul. vacje, romanch. vatga, fr. vache, occit. vaca, cat. vaca, esp. vaca, port. vaca (REW3 s.v. vacca). Protorom. */'martiu/ (ʻmarsʼ) > sard. marϑu, aroum. marț, it. marzo, frioul. març, romanch. mars, fr. mars, occit. març, cat. març, esp. marzo, port. março (REW3 s.v. martius ; Celac 2009– 2014 in DÉRom s.v. */'marti-u/). */a/ libre. – Protorom. */'mare/ (‘mer’) > sard. mare, dacoroum. mare, végl. mur, it. mare, frioul. mar, romanch. mer, fr. mer, occit. mar, cat. mar, esp. mar, port. mar (REW3 s.v. mare). Protorom. */'kapra/ (‘chèvre’) > sard. krapa, daco-
2.2.2. Reconstruction phonologique | 73
roum. capră, it. capra, frioul. cjavre, romanch. chaura, fr. chèvre, occit. cabra/chabra, cat. cabra, esp. cabra, port. cabra (REW3 s.v. capra). */ɔ/ entravé. – Protorom. */'kɔrnu/ (ʻcorneʼ) > sard. korru, dacoroum. corn, végl. kuarno, it. corno, frioul. cuar, romanch. corn, fr. cor, occit. còrn, cat. corn, esp. cuerno, port. corno (REW3 s.v. cŏrnu). Protorom. */'ɸɔrte/ (ʻfortʼ) > sard. forte, dacoroum. foarte, végl. fuart, it. forte, frioul. fuart, romanch. fort, fr. fort, occit. fòrt, cat. fort, esp. fuerte, port. forte (REW3 s.v. fŏrtis). */ɔ/ libre. – Protorom. */'ɸɔku/ (ʻfeuʼ) > sard. foku, dacoroum. foc, végl. fuk, it. fuoco, frioul. fûc, romanch. fög, fr. feu, aoccit. foc, cat. foc, esp. fuego, port. fogo (REW3 s.v. fŏcus). Protorom. */'ɸɔlia/ (ʻfeuilleʼ) > sard. fodza, dacoroum. foaie, végl. fual’a, itmérid. fuoglia, frioul. fuee, romanch. fögla, fr. feuille, aoccit. folha, cat. fulla, esp. hoja, port. folha (REW3 s.v. fŏlium). */o/ entravé. – Protorom. */'tottu/ (ʻtoutʼ) > sard. tottu, dacoroum. tot, végl. tot, itmérid. totto, frioul. dut, romanch. tut, fr. tout, occit. tot, cat. tot (REW3 s.v. tōtus/tọttus). Protorom. */'korte/ (ʻcourʼ) > sard. korte, it. corte, frioul. cort, romanch. curt, fr. cour, occit. cort, cat. cort, esp. corte, port. corte (REW3 s.v. cohors, -ōrte). */o/ libre. – Protorom. */'koda/ (ʻqueueʼ) > sard. koda, dacoroum. coadă, végl. kauda, it. coda, frioul. code, romanch. cua, fr. queue, occit. cosa, cat. cua, aesp. coa, agal. coda (REW3 s.v cauda/coda). */ʊ/ entravé. – Protorom. */'bʊkka/ (ʻboucheʼ) > sard. bukka, dacoroum. bucă, végl. buka, it. bocca, frioul. bocje, romanch. butga, fr. bouche, occit. boca, cat. boca, esp. boca, port. boca (REW3 s.v. bucca). Protorom. */'ɸʊsku/ (ʻbrunʼ) > sard. fusku, végl. fosk, it. fosco, frioul. fosc, romanch. fustg, occit. fosc, cat. fosc, esp. hosco, port. fosco (REW3 s.v. fŭscus). */ʊ/ libre. – Protorom. */'ɡʊla/ (ʻgueuleʼ) > sard. gula, dacoroum. gură, végl. gaula, it. gola, frioul. gole, romanch. gula, fr. gueule, occit. gola, cat. gola, esp. gola, port. gola (REW3 s.v. gŭla). */u/. – Protorom. */'luna/ (ʻluneʼ) > sard. luna, dacoroum. lună, végl. loina, it. luna, frioul. lune, romanch. glina, fr. lune, occit. luna, cat. lluna, esp. luna, port. lua (REW3 s.v. lūna ; Cadorini 2012–2014 in DÉRom s.v. */'lun-a/).
3.1.2 Vocalisme atone La reconstruction interne permet de saisir un certain nombre de règles de distribution et de neutralisation qui régissent le vocalisme protoroman. Les neuf timbres */i ɪ e ɛ a ɔ o ʊ u/ ne sont distincts que sous l’accent. En position atone, l’inventaire se réduit, selon les syllabes, à sept, cinq ou trois voyelles. En syllabe initiale atone, les oppositions */e/ ~ */ɛ/ et */o/ ~ */ɔ/ se neutralisent (Lausberg 1963, 195–202 § 253–271). On a donc sept timbres :
u
*u
u
u
u
u
o
o
a
a
e
e
Végl.
It. i
u
o u3
o u3
a
i e1
i e1
2
Résultat analogique ou dialectal. Réalisation [ɛ] en syllabe fermée, [ə] ~ [œ] ~ en syllabe ouverte. 3 Dilation : en précession de /i u/ toniques.
1
u
*ʊ
ä [ə]
a
o
*a
*o
e ä [ə]
e
*e
i
i
e ä [ə]
i
Dacoroum.
*ɪ
Sard.
*i
Protoroman
Tableau 5 : Voyelles en syllabe initiale atone
u
o
o
a
e
e
i
Frioul.
i
u
u
a
y
u
u
a
e2
e1
y
u
u
a
e
i e
i
Occit. e2
Fr.
a
i
Romanch.
Cat. i
u
u
u
a
e
e
Esp. i
u
o
o
a
e
e
u
u
u
a
i
i
i
Port.
74 | Xavier Gouvert
2.2.2. Reconstruction phonologique | 75
*/i/. – Protorom. */ɸi'nire/ (ʻfinirʼ) > sard. finire, végl. fenái̯-, it. finire, frioul. finî, romanch. finir, fr. finir, occit. finir, cat. finir, agal. fiir (REW3 s.v. fīnīre). Protorom. */ti'tione/ (ʻtisonʼ) > sard. tiϑϑone, dacoroum. tăciune, it. tizzone, frioul. stiçon, romanch. tizun, fr. tison, occit. tison, cat. tió, esp. tizón, port. tição (REW3 s.v. titio, -ōne ; Jactel/Buchi 2012–2014 in DÉRom s.v. */ti'tion-e/). Protorom. */kit'tate/ ~ */kiβɪ'tate/ (ʻvilleʼ) > dacoroum. cetate, végl. čitu̯ot(e), it. città, frioul. citât, romanch. citad, fr. cité, occit. ciutat, cat. ciutat, esp. ciudad, port. cidade (REW3 s.v. cīvĭtas, -āte ; Garnier 2012, 242–243). */ɪ/. – Protorom. */mɪ'nare/ (ʻmenerʼ) > sard. minare, dacoroum. mâna, végl. menur, it. menare, frioul. menâ, romanch. manar, fr. mener, occit. menar, cat. menar (REW3 s.v. mĭnāre). Protorom. */βɪ'ɡlare/ (ʻveillerʼ) > sard. bidzare, dacoroum. veghia, itmérid. vegghiare, frioul. veglâ, romanch. vegliar, afr. veiller, occit. velhar, cat. vetllar, esp. velar, port. vigiar (REW3 s.v. vĭgĭlare). Protorom. */pɪ'losu/ (ʻpoiluʼ) > sard. pilosu, dacoroum. păros, frioul. pelôs, romanch. palus, afr. peleus, occit. pelós, cat. pelós (REW3 s.v. pĭlōsus). Protorom. */sɪk'kare/ (ʻsécherʼ) > dacoroum. seca, it. seccare, frioul. secjâ, romanch. setgar, fr. sécher, occit. secar, cat. secar, esp. secar, port. secar (REW3 s.v. sĭccāre). */e/. – Protorom. */βe'nire/ (ʻvenirʼ) > sard. bènnere, dacoroum. veni, végl. vener, it. venire, frioul. vignî, romanch. vegnir, fr. venir, occit. venir, cat. venir, esp. venir, port. vir (REW3 s.v. vĕnīre). Protorom. */se'kuru/ (ʻsûrʼ) > sard. seguru, it. sicuro, frioul. sigûr, romanch. segir, afr. seür (fr. > sûr), occit. segur, cat. segur, esp. seguro, port. seguro (REW3 s.v. sēcūrus). */a/. – Protorom. */a'βere/ (ʻavoirʼ) > sard. áere, dacoroum. avea, végl. avar, it. avere, frioul. vê, romanch. avair, fr. avoir, occit. aver, cat. aver, esp. haber, port. haver (REW3 s.v. habēre). Protorom. */pa'rete/ (ʻparoiʼ) > dacoroum. părete, it. parete, frioul. paret, romanch. paraid, fr. paroi, occit. paret, esp. pared, port. parede (REW3 s.v. paries/parēte). */o/. – Protorom. */ko'rona/ (ʻcouronneʼ) > sard. korona, dacoroum. cunună, it. corona, frioul. corone, romanch. curuna, fr. couronne, occit. corona, cat. corona, esp. corona, port. coroa (REW3 s.v. cŏrōna). Protorom. */ko'kina/ (ʻcuisineʼ) > sard. kokina, végl. kočái̯na, it. cucina, frioul. cusine, romanch. cuschina, afr. coisine, occit. cosina, cat. cuina, esp. cocina, port. cozinha (REW3 s.v. cŏquīna/cŏcīna). */ʊ/. – Protorom. */ɸʊr'kɪlla/ (ʻpetite fourcheʼ) > sard. furkiḍḍa, dacoroum. furcea, it. forcella, fr. forcele, occit. forcela (REW3 s.v. fŭrcĭlla). Protorom. */kʊl'tɛllu/ (ʻcouteauʼ) > sard. gurteḍḍu, végl. kortial, it. coltello, frioul. curtiel, romanch. curtè, fr. couteau, occit. coltel, cat. coltell, esp. cuchillo, port. cutelo (REW3 s.v. cŭltĕllus/cŭntĕllus). Protorom. */nʊ'kariu/ ~ */nʊ'karia/ (ʻnoyerʼ) > végl. nokjera, frioul. nojâr, romanch. nuscher, fr. noyer, occit. nogueir, cat. noguer, port. nogueira (REW3 s.v. *nŭcarius, -a).
76 | Xavier Gouvert
*/u/. – Protorom. */ɸu'mare/ (ʻfumerʼ) > sard. fumare, dacoroum. fuma, it. fumare, frioul. fumâ, romanch. fimar, fr. fumer, occit. fumar, cat. fumar, esp. fumar, port. fumar (REW3 s.v. fūmāre). Protorom. */su'dore/ (ʻsueurʼ) > dacoroum. sudoare, végl. sudaur, it. sudore, frioul. sudôr, fr. sueur, occit. susor, cat. suor, esp. sudor, port. suor (REW3 s.v. sūdor, -ōre). La distribution des voyelles est la même (sept timbres) en syllabe finale (Lausberg 1963, 202–207 § 272–281). */i/. – Protorom. */'βɪinti/ (ʻvingtʼ) > sard. vinti, végl. venč, it. venti, frioul. vincj, romanch. ventg, fr. vingt, occit. vint, cat. vint, esp. veinte, port. vinte (REW3 s.v. vīgĭnti). Protorom. */(ad) 'ɛri/ (ʻhierʼ) > it. ieri, frioul. îr, romanch. ier, fr. hier, occit. ier, cat. ahir, esp. ayer, aport. eire (REW3 s.v. hĕri). Protorom. */'βɛnis/ (ʻ[tu] viens’) > sard. benis, dacoroum. vii, it. vieni, frioul. vegnis, fr. viens, occit. vens, cat. véns, esp. vienes, aport. venes (REW3 s.v. vĕnīre). */ɪ/. – Protorom. */'βɛnɪt/ (ʻ[il] vientʼ) > sard. beni, dacoroum. vine, it. viene, frioul. ven, fr. vient, occit. ven, cat. ve, esp. viene, port. vene (REW3 s.v. vĕnīre). Protorom. */kan'tatɪs/ (ʻ[vous] chantezʼ) > sard. kantatis, dacoroum. cântaţi, it. cantate, frioul. cjantais, romanch. chanteis, fr. chantez, occit. cantatz/chantatz, cat. canteu, aesp. cantades, aport. cantades (REW3 s.v. cantāre).
2
1
u
*u
(u)
–
(u)
a [ə]
e
e
–
Dacoroum.
(o)
?
–
a
–
–
–
Végl.
It.
Réalisations [ə] ~ [œ] ~ . Dans les dialectes italiens centraux autres que le toscan.
o
a
*a
u
e
*
*ʊ
i
*o
i
*ɪ
Sard.
*i
Protoroman
Tableau 6 : Voyelles en syllabe finale atone
i
o u2
o
o
a
e
e
–
–
–
a
–
–
–
Frioul.
–
–
–
a
–
–
–
Romanch.
Fr. –
–
–
– –
–
–
–
–
–
a
a
e
–
–
–
1
–
–
Cat.
–
–
–
Occit.
o
o
o
a
(e)
(e)
(e)
Esp.
u
u
u
a
(i)
i
i
Port.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 77
78 | Xavier Gouvert
*/e/. – Protorom. */kan'tare/ (‘chanter’) > sard. kantare, dacoroum. cânta, végl. kantuor, it. cantare, frioul. cjantâ, romanch. chantar, fr. chanter, occit. cantar/chantar, cat. cantar, esp. cantar, port. cantar (REW3 s.v. cantāre). Protorom. */'mare/ (‘mer’) > sard. mare, dacoroum. mare, végl. mur, it. mare, frioul. mar, romanch. mer, fr. mer, occit. mar, cat. mar, esp. mar, port. mar (REW3 s.v. mare). */a/. – Protorom. */'kapra/ (ʻchèvreʼ) > sard. krapa, dacoroum. capră, it. capra, frioul. cjavre, romanch. chaura, fr. chèvre, occit. cabra/chabra, cat. cabra, esp. cabra, port. cabra (REW3 s.v. capra). */o/. – Protorom. */'ɔkto/ (ʻhuitʼ) > sard. otto, dacoroum. opt, végl. guapt, it. otto, frioul. vot, romanch. otg, fr. huit, occit. uech, cat. vuit, esp. ocho, port. oito (REW3 s.v. ŏcto). */ʊ/. – Protorom. */kan'tamʊs/ (ʻ[nous] chantonsʼ) > sard. kantamus, dacoroum. cântăm, it. cantamo, frioul. cjantìn, romanch. chantein, fr. chantons, occit. cantam, cat. cantem, esp. cantamos, port. cantamos (REW3 s.v. cantāre). */u/. – Protorom. */'ɔklu/ (ʻœilʼ) > sard. okru, dacoroum. ochi, végl. vaklo, it. occhio, itcentr. occhiu, frioul. voli, romanch. ögl, fr. œil, occit. uelh, cat. ull, esp. ojo, port. olho (REW3 s.v. ŏcŭlus). Protorom. */'manu/ (ʻmainʼ) > sard. manu, dacoroum. mân, végl. muon, it. mano, itcentr. manu, frioul. man, romanch. maun, fr. main, occ. man, cat. mà, esp. mano, port. mão (REW3 s.v. manus ; Groß/Schweickard 2012–2014 in DÉRom s.v. */'man-u/). On notera que la reconstruction de */u/ final – qui se rencontre principalement dans le flexif */-u/ des masculins/neutres de la « première classe » (corrélat de lat. -um) – se fonde sur la correspondance sard. /u/ = itsept. (émil.-romagn.) /u/ = itcentr. (ombr.) /u/. D’une part, en effet, le toscan et l’italien standard, qui ont /o/, font ici exception au sein des parlers de l’Italie centrale, qui attestent généralement /u/ (Rohlfs 1966, vol. 1, 185 § 145, 187 § 147) ; d’autre part, la voyelle en question provoque la métaphonie dans les idiomes qui y sont sujets (cf. */'ɸɛrru/ > itcentr. ferru, itmérid. fierru), ce qui n’est pas le cas de */ʊ/ (cf. */'mɛliʊs/ > itcentr. meglio, itmérid. megliu ; v. Lausberg 1963, 203–204 § 274).16 En syllabe intertonique (« prétonique interne »), les oppositions */i/ ~ */ɪ/ et */e/ ~ */ɛ/, d’une part, */o/ ~ */ɔ/ et */u/ ~ */ʊ/, d’autre part, se neutralisent (Lausberg 1963, 210–211 § 292–296). Il n’y a donc que cinq phonèmes vocaliques et trois degrés d’aperture distincts :
|| 16 Sur les corrélats de lat. -ūs (pluriel de la « quatrième déclinaison », type manūs) dans les parlers sardes et italiens, v. notamment Loporcaro 2002/2003.
Réalisations [ə] ~ [œ] ~ . En syllabe fermée protoromane.
o
o
u
*o
*ʊ
u
i
e
a
o
u
*e
*a
*o
*ʊ
Sard.
*ɪ
Protoroman
u
u
e
e
e
Dacoroum.
–
–
a
–
–
Végl.
–
–
a
–
–
Végl.
Tableau 8 : Voyelles en syllabe pénultième atone
2
1
ä [ə]
a
*a
ä [ə]
ä [ə]
i
e
*ɪ
Dacoroum.
Sard.
*e
Protoroman
Tableau 7 : Voyelles en syllabe intertonique
It.
o
o
a
e
i
o
o
a
e
i
It.
u
u
i
i
i
Frioul.
o
o
a
e
e
Frioul.
(u)
–
–
–
–
Romanch.
–
–
a
–
–
Romanch.
Fr.
–
–
–
–
–
–
–
–
e
–
–
Occit.
–
–
a
e1 a2 –
–
–
Occit.
–
–
Fr.
–
e
–
–
(u)
Cat.
–
–
a
–
–
Cat.
Esp.
o
o
a
e
e
–
–
a
–
–
Esp.
u
u
a
i
i
Port.
u
u
a
–
–
Port.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 79
80 | Xavier Gouvert
*/ɪ/. – /kapɪ'tɛllu/ (ʻpetite têteʼ) > dacoroum. căpețel, it. capitello, occit. capdel, cat. cabdell, esp. caudillo (REW3 s.v. capĭtĕllum). Protorom. */sanɪ'tate/ (ʻsantéʼ) > sard. sanitate, roum. sanătate, végl. santút, fr. santé, occit. santat (REW3 s.v. sanĭtas, -āte). Protorom. */septɪ'mana/ (ʻsemaineʼ) > dacoroum. săptămână, it. settimana, frioul. setemane, fr. semaine, occit. setmana, cat. setmana, esp. semana, port. semana (REW3 s.v. sĕptĭmāna). */e/ – Protorom. */nʊme'rare/ (ʻcompterʼ) > sard. numerare, dacoroum. număra, it. noverare, fr. nombrer, occit. nombrar, cat. nombrar, esp. nombrar, port. nomear (REW3 s.v. nŭmĕrare). Protorom. */ope'rare/ (ʻtravaillerʼ) > it. operare, romanch. uvrar, fr. ouvrer, occit. obrar, cat. obrar, esp. obrar, port. obrar (REW3 s.v. ŏpĕrāre). Protorom. */sepe'rare/ (ʻséparerʼ) > sard. seperare, it. sceverare, fr. sevrer, occit. sebrar (REW3 s.v. sēpărāre/*seperāre). */a/ – Protorom. */sakra'mɛntu/ (ʻsermentʼ) > it. sacramento, romanch. sarament, afr. sairement (> fr. serment), occit. sagrament (REW3 s.v. sacramĕntum). Protorom. */kaβallɪ'kare/ (‘chevaucher’) > sard. kaḍḍikare, it. cavalcare, frioul. cjavalgjâ, romanch. chavaltgar, fr. chevaucher, occit. cavalgar, cat. cavalcar, esp. cabalgar, port. cabalgar (REW3 s.v. cabăllĭcāre ; Jactel/Buchi 2014 in DÉRom s.v. */ka'βall-ik-a-/). */o/ – Protorom. */pekto'rale/ > sard. pettorale, it. pettorale, frioul. petorâl, fr. poitrail, occit. peitral, cat. pitral, esp. pretal, port. peitoral (REW3 s.v. pĕctŏrale). */ʊ/ – Protorom. */rotʊ'lare/ > sard. rodulare, it. rotolare, frioul. rodolâ, romanch. rudlar, fr. rouler, occit. rotlar, cat. rotllar (REW3 s.v. *rŏtŭlāre). Protorom. */pekʊ'rariu/ > dacoroum. păcurar, it. pecoraio, frioul. piorâr, port. pegureiro (REW3 s.v. *pĕcŏrarius). La gamme est la même en syllabe pénultième atone (« posttonique » ; Lausberg 1963, 207–209 § 282–291 ; cf. tableau 8 ci-dessus). La distribution des voyelles posttoniques semble contrainte par une règle d’allophonie, les voyelles */e/ et */ɪ/ se trouvant en distribution complémentaire dans cette position : */e/ ne peut être reconstruit que devant la consonne */r/, */ɪ/ partout ailleurs. De manière partiellement symétrique, */o/ posttonique n’existe que devant */r/. Cet état de fait trouve son explication dans l’histoire de la pré-protolangue, c’est-à-dire en latin archaïque.17
|| 17 En latin classique, */i/ et */u/ primitifs sont régulièrement reflétés par */e/ et */o/ devant */r/ issu de */s/ intervocalique (types */kapi-se/ > capĕre, */ɸu-se/ > fŏre ; Meillet/Vendryes 1960, 111–112 § 167, 169). La reconstruction montre que ce changement avait cessé d’opérer au stade protoroman.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 81
*/ɪ/. – Protorom. */'karpɪnu/ (ʻcharmeʼ) > dacoroum. carpen, it. carpino, frioul. cjarpint, romanch. charpin, fr. charme, occit. carpre (REW3 s.v. carpĭnus ; Medori 2008–2014 in DÉRom s.v. */'karpin-u/). */e/. – Protorom. */'kredere/ (ʻcroireʼ) > sard. krédere, dacoroum. crede, it. credere, frioul. crodi, romanch. crair, fr. croire, occit. creser, cat. creure, esp. creer, port. crêr (REW3 s.v. crēdĕre ; Diaconescu/Delorme/Maggiore 2014 in DÉRom s.v. */'kred-e-/). Protorom. */'mɪttere/ (ʻmettreʼ) > sard. míttere, it. mettere, frioul. meti, romanch. metter, fr. mettre, occit. metre, cat. metre, esp. meter, port. meter (REW3 s.v. mĭttere). */a/. – Protorom. */'sabbat-u/ ~ */'sabbat-a/ (ʻsamediʼ) > sard. sápatu, végl. sábata, it. sabato, frioul. sàbide, esp. sábado, port. sábado (REW3 s.v. sabbătum/sambătum). Protorom. */'kannap-u/ ~ */'kannap-a/ (ʻchanvreʼ) > dacoroum. cânepă, it. canapa, frioul. cjànaipe, romanch. chonv, afr. chanve, occit. canebe, cat. cànem, esp. cáñamo, port. cânamo (REW3 s.v. cannăbis/ cannăpus, -a). */o/. – Protorom. */'arbore/ (ʻarbreʼ) > sard. árƀore, dacoroum. arbure, végl. ˹juárbul˺, it. albero, frioul. arbul, romanch. alber, fr. arbre, occit. arbre, cat. arbre, esp. árbol, port. árvore (REW3 s.v. arbor, -ŏre ; Álvarez Pérez 2014 in DÉRom s.v. */'arbor-e/). Protorom. */'ankora/ (ʻancreʼ) > it. ancora, frioul. ancure, romanch. ancra, fr. ancre, esp. áncora, port. âncora (REW3 s.v. ancŏra). */ʊ/. – Protorom. */'trɛmʊlu/ (ʻtrembleʼ) > it. tremolo, frioul. trindul, romanch. trembel, fr. tremble, occit. tremble, cat. trèmul (REW3 s.v. trĕmŭlus). Protorom. */'pʊrpʊra/ (‘pourpre’) > sard. púrpura, it. porpora, frioul. purpure, fr. pourpre, occit. porpra, cat. porpra, aesp. pórpola (REW3 s.v. pŭrpŭra).
3.1.3 Diphtongue On reconstruit une seule polyphtongue, protorom. */au/ (Lausberg 1963, 190– 194 § 241–248 ; cf. tableau 9 ci-dessous). Le statut phonologique de cette diphtongue n’est pas tranché : s’il paraît économique de l’interpréter comme une séquence biphonématique */aU/ (*/U/ représentant la neutralisation de */ɔ o ʊ u/ en position non syllabique), l’existence d’un phonème */au/ ne peut être structurellement exclue en protoroman. La réalisation-type de */au/ doit avoir été *[aʊ̯]. Toutefois, la non-sonorisation des consonnes intervocaliques précédées de cette diphtongue (a fortiori leur non-amuïssement), observable en frioulan, romanche, francoprovençal et occitan (cf. protorom. */'ɡauta/ > occit. gauta, jauta, REW3 s.v. gauta), prouve qu’une réalisation *[aw] ou *[aβ], comportant un second élément consonantique, avait également cours dans certaines variétés diatopiques de la protolangue.
Sard.
a av
Protoroman
*au
Tableau 9 : Diphtongue */au/
au̯
Dacoroum. au̯
Végl. o
It. o
Frioul. au̯
Romanch. o
Fr. au̯
Occit. o
Cat. o
Esp.
ou̯ oi̯
Port.
82 | Xavier Gouvert
2.2.2. Reconstruction phonologique | 83
*/au/. – Protorom. */'lauru/ (ʻlaurierʼ) > sard. lavru, dacoroum. laur, itmérid. loro, afr. lor, occit. laur, cat. llor, port. louro (REW3 s.v. laurus ; Reinhardt/ Richter 2011–2014 in DÉRom s.v. */'laur-u/). Protorom. */'auru/ (ʻorʼ) > dacoroum. aur, végl. jau̯r, it. oro, romanch. aur, fr. or, occit. aur, cat. or, esp. oro, port. ouro (REW3 s.v. aurum). Protorom. */'kausa/ (ʻchoseʼ) > sard. kasa, végl. káu̯sa, it. cosa, frioul. cjosse, romanch. chaussa, afr. chose, occit. causa, cat. cosa, esp. cosa, port. cousa (> coisa) (REW3 s.v. causa).
3.1.4 Voyelles non syllabiques (semi-consonnes) Les résultats de la reconstruction indiquent que les deux voyelles fermées du protoroman, */i/ et */u/, admettaient une réalisation non syllabique dans certains contextes. D’une manière générale, le phonétisme de la protolangue n’admet pas l’hiatus : toute voyelle au contact d’une voyelle subséquente se réalisait comme semi-consonne (cf. ci-dessous § 4.2). La voyelle */i/ ante vocalem correspond en principe à *[j], ou à une palatalisation semblable au jerĭ du slavon (). Symétriquement, */u/ se réalisait comme *[w] (ou *[ʍ] après une consonne sourde). On a donc : */ba'siare/ → *[ba'sjaːɾe] (cf. it. baciare, REW3 s.v. basiāre) ; */jenu'ariu/→ *[ɟe'nwaːɾju] (cf. it. gennaio, REW3 s.v. januarius/jenuarius). Sur la réalisation de */i/ en hiatus derrière les consonnes dentales et vélaires, v. cependant ci-dessous, § 3.2.1.2, 3.2.1.4, 3.2.3.2 et 3.2.5. En outre, */i/ et */u/ non syllabiques ne se rencontrent jamais à l’initiale de syllabe. Historiquement, cette lacune distributionnelle provient de ce que les */i̯/ et */u̯/ initiaux du latin archaïque passent régulièrement à */j/ et */β/ en protoroman. Cf. latarch. */iam/ > protorom. */ja/ (‘déjà’ ; REW3 s.v. jam ; Weiss 2009, 60, 341) ; latarch. */maːiiom/ > protorom. */'maju/ (‘mai’ ; REW3 s.v. majus ; Weiss 2009, 60, 159) ; latarch. */ueinom/ > protorom. */'βinu/ (‘vin’ ; REW3 s.v. vīnum ; Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */'βin-u/ ; Weiss 2009, 143, 274) ; latarch. */nouem/ > protorom. */'nɔβe/ (‘neuf’ ; REW3 s.v. nŏvem ; Weiss 2009, 138, 370).18 Sur la consonne */j/, v. ci-dessous § 3.2.1.3.
|| 18 Il s’agit là d’une modélisation parmi d’autres également possibles. Théoriquement au moins, rien n’empêche d’éliminer les consonnes */j/ et */β/ de l’inventaire phonologique du protoroman et de reconstruire protorom. */ia/ ou */ɡia/ (au lieu de */ja/) et */'uinu/ (au lieu de */'βinu/) ; c’est le système adopté par Hall (1976, 18–56). Il paraît toutefois plus simple d’admettre l’autonomie phonématique de protorom. */j/ et */β/ que d’attribuer à des voyelles des réalisations telles que *[ɟ] ou *[v].
84 | Xavier Gouvert
Enfin, abstraction faite de la diphtongue */au/ (cf. ci-dessus § 3.1.3), les voyelles fermées paraissent exclues en coda syllabique. Les rares contreexemples dont on dispose font difficulté du point de vue de la reconstruction.19
3.2 Consonantisme 3.2.1 Occlusives 3.2.1.1 Bilabiales Le protoroman possédait un couple d’occlusives bilabiales, */b/ et */p/. À l’initiale et en position appuyée, celles-ci se conservent en principe partout (cf. ci-dessous tableau 10). Derrière */l/ et */r/, cependant, la reconstruction de */b/ est compliquée par des faits évolutifs incomplètement élucidés : pour protorom. */lb/ et */rb/, l’italien et le portugais modernes ont tantôt /lb/ et /rb/, tantôt /lv/ et /rv/. Les données anciennes et dialectales sont particulièrement hétérogènes et peu lisibles à cet égard (pour l’italien, cf. Rohlfs 1966, vol. 1, 373–375 § 262 ; pour les parlers de l’Ibéroromania, v. en dernier lieu Malkiel 1987, 109–125). C’est en fait sur la foi des issues françaises et occitanes (dans une moindre mesure, frioulanes et romanches) qu’il est permis de reconstruire, par exemple, protorom. */'kɔrbu/ en face de */'kɛrβu/ (cf. ci-dessous § 3.2.2.1 et tableau 22). On ne peut toutefois exclure que, derrière liquide, l’opposition */b/ ~ */β/ ait été neutralisée dans la protolangue et que les idiomes romans aient été affectés par des phénomènes idiosyncrasiques d’analogie et diverses influences savantes.
|| 19 Le cas des numéraux ‘vingt’, ‘trente’, ‘quarante’ etc., pour lesquels il semble nécessaire de poser protorom. */'βɪinti/, */'treinta/, */kwa'drainta/ (cf. esp. veinte, treinta, cuarenta, REW3 s.v. vīgĭnti, trīgĭnta, quadragĭnta), est isolé ; la série des correspondances n’est pas claire. Le flexif de la 1ère personne du parfait */-'ai/ (cf. roum. cântai, it. cantai, fr. chantai) est phonologiquement disyllabique (Lausberg 1963, 193 § 247).
p
*p
Derrière /r/ implosif. Derrière /r/ et /l/ implosifs.
b
*b
p
b
Dacoroum.
Sard.
p
Protoroman
*p
p
Dacoroum.
Tableau 11 : */p/ en position intervocalique
2
1
Sard.
Protoroman
p
Végl.
p
b
Végl.
p
It.
p
b v1
It.
Tableau 10 : Occlusives bilabiales en position initiale et appuyée
v
Frioul.
p
b
Frioul.
v
Romanch.
p
b v1
Romanch.
v
Fr.
p
b
Fr.
b
Occit.
p
b
Occit.
b
Cat.
p
b
Cat.
b
Esp.
p
b
Esp.
b
Port.
p
b v2
Port.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 85
86 | Xavier Gouvert
*/b/. – Protorom. */'bɔnu/ (ʻbonʼ) > sard. bonu, dacoroum. bun, végl. bun, it. buono, frioul. buin, romanch. bun, fr. bon, occit. bon, cat. bo, esp. bueno, port. bom (REW3 s.v. bŏnus). Protorom. */'ɛrba/ (ʻherbeʼ) > sard. erba, dacoroum. iarbă, végl. jarba, itmérid. erva, frioul. jerbe, romanch. erva, fr. herbe, occit. erba, cat. erba, esp. hierba, port. erva (REW3 s.v. hĕrba ; Reinhardt 2010–2014 in DÉRom s.v. */'ɛrb-a/). Protorom. */'kɔrbu/ (ʻcorbeauʼ) > sard. korbu, dacoroum. corb, it. corvo, romanch. corv, afr. corp, occit. còrb, cat. corb, esp. cuervo, port. corvo (REW3 s.v. cŏrvus). */p/. – Protorom. */'pane/ (ʻpainʼ) > sard. pane, dacoroum. pâine, végl. pun, it. pane, frioul. pan, romanch. paun, fr. pain, occit. pan, cat. pa, esp. pan, port. pão (REW3 s.v. panis ; Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */'pan-e/). À l’intervocalique, l’opposition d’occlusion */b/ ~ */β/ se neutralise et la sonore */b/ n’est donc pas reconstructible. Le trait d’occlusivité conserve en revanche sa pertinence pour la sourde, */p/, qui ne se confond pas avec */ɸ/ (cf. ci-dessus tableau 11) : */p/. – Protorom. */sa'pone/ (‘savon’) > sard. sapone, dacoroum. săpun, végl. sapaun, it. sapone, frioul. savon, romanch. savun, fr. savon, occit. sabon, cat. sabó, esp. jabón, port. sabão (REW3 s.v. sapo, -ōne). Protorom. */'ripa/ (ʻriveʼ) > dacoroum. râpă, végl. raipa, itmérid. ripa, frioul. rive, romanch. riva, fr. rive, occit. riba, cat. riba, esp. riba, port. riba (REW3 s.v. rīpa).
3.2.1.2 Dentales Le protoroman possédait un couple d’occlusives coronales, */d/ et */t/. Au vu de leurs aboutissements romans, on suppose que ces deux phonèmes étaient réalisés comme de véritables dentales, *[d̪] et *[t̪], et non comme des alvéolaires : on explique ainsi que le roman occidental, qui spirantise les sonores intervocaliques, ait réduit */d/ à */ð/, lequel ne se confond pas – sauf en occitan – avec l’alvéolaire */z/. On reconstruit un segment *[ʦj], en positions appuyée et intervocalique : son absence à l’initiale de morphème et en position implosive permet d’interpréter cette affriquée comme la réalisation de */ti/ devant voyelle. En revanche, il n’existait pas en protoroman de groupe **/di̯/ distinct de la consonne palatale */j/ (v. ci-dessous § 4.8). À l’initiale et en position appuyée, les dentales se conservent généralement intactes (cf. ci-dessous tableau 12).
d
t
θ
*d
*t
*ti̯
ʦ
t
d
Dacoroum.
s
t
d
Végl.
Occitan septentrional. Devenu final.
Sard.
t
Protoroman
*t
–
Dacoroum.
Tableau 13b : */t/ en position finale
2
1
t
t
θθ
*t
*ti̯
ʧ
d
d
*d
Dacoroum.
Sard.
Protoroman
–
Végl.
s
t
d
Végl.
t
d
It.
ʦ
t
d
It.
–
It.
ʦ [tʦ]
Tableau 13a : Occlusives dentales en position intervocalique
Sard.
Protoroman
Tableau 12 : Occlusives dentales en position initiale et appuyée
–
Frioul.
ʧ
d
d
Frioul.
ʧ
t
d
Frioul.
–
Romanch.
ʦ
d
d
Romanch.
ʦ
t
d
Romanch.
(t)
Fr.
z
–
–
Fr.
s
t
d
Fr.
–
Occit.
z
d
z –1
Occit.
s
t
d
Occit.
–
Cat.
– u̯2
d
– u̯2
Cat.
s
t
d
Cat.
–
Esp.
θ
d
–
Esp.
θ
t
d
Esp.
–
Port.
s
d
–
Port.
s
t
d
Port.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 87
88 | Xavier Gouvert
En position initiale et appuyée : */d/. – Protorom. */'dɛnte/ (ʻdentʼ) > sard. dente, dacoroum. dinte, végl. diant, it. dente, frioul. dint, romanch. dent, fr. dent, occit. dent, cat. dent, esp. diente, port. dente (REW3 s.v. dĕns, -ĕnte ; Groß/Schweickard 2011–2014 in DÉRom s.v. */'dɛnt-e/. */t/. – Protorom. */'tres/ (ʻtroisʼ) > sard. tres, dacoroum. trei, végl. tra, it. tre, frioul. tre, romanch. trais, fr. trois, occit. tres, cat. tres, esp. tres, port. tres (REW3 s.v. trēs). */ti̯/. – Protorom. */'martiu/ (ʻmarsʼ) > sard. marϑu, dacoroum. marț, it. marzo, frioul. març, romanch. mars, fr. mars, occit. març, cat. març, esp. marzo, port. março (REW3 s.v. martius ; Celac 2009–2014 in DÉRom s.v. */'marti-u/). Protorom. */'ɸɔrtia/ (ʻforceʼ) > it. forza, frioul. fuarze, romanch. forza, fr. force, occit. fòrça, cat. força, esp. fuerza, port. força (REW3 s.v. *fŏrtia). À l’intervocalique, les dentales subissent la « lénition » (sonorisation et/ou spirantisation), propre au roman occidental, processus pouvant aller jusqu’à l’amuïssement (cf. ci-dessus tableau 13a). */d/. – Protorom. */'nodu/ (ʻnœudʼ) > sard. nodu, dacoroum. nod, it. nodo, romanch. nuf (< *nou̯), afr. neu (> fr. nœud), occit. nos/no, cat. nu, port. nó (REW3 s.v. nōdus ; Dworkin/Maggiore 2014 in DÉRom s.v. */'nod-u/). Protorom. */ka'dere/ (ʻtomberʼ) > dacoroum. cădea, végl. kadár, it. cadere, frioul. cjadê, fr. choir, aoccit. cazer, acat. caer, esp. caer, port. caer (REW3 s.v. cadĕre/*cadēre ; Buchi 2008–2014 in DÉRom s.v. */'kad-e-/). Protorom. */ɸi'dare/ (ʻ[se] fierʼ) > it. fidare, fr. fier, occit. fisar/fiar, cat. fiar, esp. fiar, port. fiar (REW3 s.v. *fīdāre). */t/. – Protorom. */'seta/ (ʻsoieʼ) > sard. seta, végl. saita, it. seta, frioul. sede, romanch. saida, fr. soie, occit. seda, cat. seda, esp. seda, port. seda (REW3 s.v. saeta). */ti̯/. – Protorom. */titi'one/ (ʻtisonʼ) > sard. tiϑϑone, dacoroum. tăciune, it. tizzone, frioul. stiçon, romanch. tizun, fr. tison, occit. tison, cat. tió, esp. tizón, port. tição (REW3 s.v. tītio, -ōne ; Jactel/Buchi 2012–2014 in DÉRom s.v. */ti'tione/). Protorom. */stati'one/ (ʻemplacementʼ) > végl. stasaun, itmérid. stazzone, romanch. stizun (REW3 s.v. statio, -ōne). Protorom. */pa'latiu/ (ʻpalaisʼ) > sard. palaϑϑu, it. palazzo, frioul. palaç, romanch. palaz, fr. palais, occit. palatz, cat. palau, port. paço (REW3 s.v. palatium). En position finale (cf. ci-dessus tableau 13b) : */t/. – Protorom. */'βɛnɪt/ (ʻ[il] vientʼ) > sard. benit, dacoroum. vine, it. viene, frioul. ven, fr. vient, occit. ven, cat. ve, esp. viene, port. vene (REW3 s.v. vĕnīre). Protorom. */'kantat/ (ʻ[il] chante) > sard. kantat, dacoroum. cântă, végl. kánta, it. canta, frioul. cjante, romanch. chanta, afr. chantet (> fr. chante), occit. canta/chanta, cat. canta, esp. canta, port. canta (REW3 s.v. cantāre).
2.2.2. Reconstruction phonologique | 89
3.2.1.3 Palatale Le protoroman possédait une consonne obstruante sonore essentiellement définie par sa palatalité et reconstructible comme */j/. Étant le seul de son ordre, le mode articulatoire de ce phonème peut avoir été occlusif, fricatif, voire affriqué. La consonne */j/ est en tout cas phonologiquement distincte de la réalisation non syllabique de la voyelle */i/. Les séquences */Cj/ ne sont pas traitées comme */Ci̯/ : ainsi */kon'jʊngere/ > it. congiungere, fr. conjoindre (REW3 s.v. conjŭngĕre) en face de */ba'niare/ > it. bagnare, fr. baigner (REW3 s.v. balneāre).
j
*j
ʒ z
Dacoroum.
Sard.
j
Protoroman
*j
z
Dacoroum.
Tableau 15 : */j/ en position intervocalique
2
Devant */ɛ e ɪ i/. Devant */a ɔ o ʊ u/ atones. 3 Devant */a ɔ o ʊ u/ toniques.
1
Sard.
Protoroman
i
Végl.
ʤ
Végl.
Tableau 14 : */j/ en position initiale et appuyée
dʤ
It.
ʤ ʣ
It.
j
Frioul.
ʤ di
Frioul.
ʥ
Romanch.
ʥ ʒ1
Romanch.
i –
Fr.
ʒ
Fr.
ʤ
Occit.
ʤ z
Occit.
ʒ
Cat.
ʒ z
Cat.
j –
Esp.
i –
Port.
ʒ
1
– x2 j3
Port.
Esp.
90 | Xavier Gouvert
2.2.2. Reconstruction phonologique | 91
En position initiale et appuyée (cf. ci-dessus tableau 14) : */j/. – Protorom. */je'nuariu/ (ʻjanvierʼ) > sard. yannáriu, it. gennaio, frioul. zenâr, romanch. schener, fr. janvier, occit. genoier, cat. gener, esp. enero (REW3 s.v. januarius/jenuarius). Protorom. */ju'rare/ (ʻjurerʼ) > sard. yurare, dacoroum. jura, it. giurare, frioul. zurâ, romanch. girar, fr. jurer, occit. jurar, cat. jurar, esp. jurar, port. jurar (REW3 s.v. jurāre). Protorom. */'ja/ (ʻdéjàʼ) > sard. ya, it. già, frioul. za, romanch. gia, fr. jà, occit. ja, cat. ja, esp. ya, port. ja (REW3 s.v. jam). Protorom. */'jʊɡu/ (ʻjougʼ) > sard. yugu, dacoroum. jug, végl. żauk, it. giogo, frioul. jôf, romanch. giuf, fr. joug, occit. jo, cat. jou, esp. yugo, port. jugo (REW3 s.v. jŭgum). Protorom. */'ɔrju/ (ʻorgeʼ) > sard. óriu, dacoroum. orz, végl. vuarż, it. orzo, frioul. vuardi, fr. orge (REW3 s.v. hŏrdeum). Protorom. */or'jɔlu/ (ʻorgeʼ) > afr. orjuel, occit. orzòl, cat. ursol, esp. orzuelo (REW3 s.v. hŏrdeŏlum). Protorom. */som'jare/ (ʻrêverʼ) > it. sognare, romanch. siemiar, fr. songer, occit. somiar, cat. somiar, esp. soñar, port. sonhar (REW3 s.v. sōmniāre). À l’intervocalique, la série des correspondances est sensiblement différente (cf. ci-dessus tableau 15). Le traitement de */j/ intervocalique en italien (production d’une affriquée géminée) pourrait faire penser que la réalisation primitive du phonème dans cette position était une occlusive palatale géminée *[ɟɟ] (*/'raju/ = *['raɟɟu]). Néanmoins, si tel avait été le cas dans l’ensemble de la Romania, le français et le portugais ne connaîtraient pas un résultat différent en position appuyée et à l’intervocalique, et l’on devrait avoir fr. **rage, **mage (et non rai, mai) comme on a orge, songe. Il faut donc admettre dans la protolangue une réalisation fluctuante, s’étendant de *[ɟɟ] à *[ʝ]. */j/. – Protorom. */'raju/ (ʻrayonʼ) > sard. rayu, dacoroum. raz-, it. raggio, frioul. rai, fr. rai, occit. rag, cat. raig, esp. rayo, port. raio (REW3 s.v. radius). Protorom. */'maju/ (ʻmaiʼ) > sard. mayu, it. maggio, frioul. mai, romanch. matg, fr. mai, occit. mag, cat. maig, esp. mayo, port. maio (REW3 s.v. majus ; Celac 2009–2014 in DÉRom s.v. */'mai-u/). Protorom. */ma'jore/ (ʻplus grandʼ) > it. maggiore, frioul. maiôr, romanch. migiur, afr. maour, occit. major, cat. major, esp. mayor, port. mor (REW3 s.v. major, -ōre/majus). Protorom. */pe'jore/ (ʻpireʼ) > it. peggiore, romanch. pigiur, afr. peour (> fr. pieur), occit. pejor, cat. pejor, esp. peor, port. peor (REW3 s.v. pĕjor, pĕjus).
3.2.1.4 Vélaires On reconstruit les occlusives vélaires protorom. */ɡ/ et */k/ – maintenues intactes nulle part, sauf en sarde. Le caractère surévolutif de ces deux consonnes est intrinsèquement lié à leur nature « dorsale » : au contact d’une voyelle antérieure, les vélaires reçoivent mécaniquement une réalisation « prédorsale » (passage de [k] à [kj]), première étape du processus dit de palatalisation, dont
92 | Xavier Gouvert
l’aboutissement est en général la formation d’un ordre d’affriquées ou de fricatives coronales (*[kj] > *[c] > *[ʨ] > [ʧ], [ʦ] etc.). Ce changement, relevé dans la quasi-totalité des familles de langue et lourd de conséquences au plan phonologique, est bien connu de la linguistique indo-européenne sous la désignation traditionnelle de satemisation. À l’exception du sarde, les idiomes romans ont tous été affectés par un ou plusieurs cycles de palatalisation : un cas extrême est illustré par le frioulan et le romanche, où les vélaires protoromanes sont reflétées par trois ordres de consonnes distincts (vélaire, alvéolopalatale et postalvéolaire). Les mêmes raisons qui conduisent à interpréter le protosegment *[ʦj] comme une réalisation de la séquence */ti/ (v. ci-dessus § 3.2.1.2) permettent d’analyser protorom. *[c], reflété selon les idiomes par une affriquée dentale/alvéolaire/postalvéolaire ou une fricative de même ordre, comme la réalisation de */ki/ devant voyelle (*/lan'kiare/ = *[lan'caɾe]). Le tableau 16 ci-dessous présente les occlusives vélaires en position initiale et appuyée :
ɡ
k
θ
ɡr
kr
*ɡ
*k
*ki̯
*ɡl
*kl
c
ɟ
ʧ
k ʧ1
ɡ ʤ1
Dacoroum.
kl
ɡl
s (?)
k ʧ8
ɡ ʤ8
Végl.
c
ɟ
ʧ
k ʧ1
ɡ ʤ1
It.
kl
ɡl
ʧ
ɡ k1 c3
ɡ ʤ1 ɟ3
Frioul. ɡ ʒ4 k2 s1 ʃ3
ɡ ʒ1 ʥ3 k2 ʧ1 ʨ3
kl
ʎ kl
ɡl
s
2
2
ʧ
Fr.
Romanch.
Devant */ɛ e ɪ i/. 2 Devant */ɔ o ʊ u/ et */l r/. 3 Devant */a/. 4 Devant */a ɛ e ɪ i/. 5 Cas général en occitan méridional ; seulement devant */ɔ o ʊ u/ et */l r/, en occitan septentrional. 6 Devant */ɛ e ɪ i/ en occitan méridional ; devant */a ɛ e ɪ i/ en occitan septentrional. 7 Devant */a/ en occitan septentrional. 8 Devant */i/.
1
Sard.
Protoroman
Tableau 16 : Occlusives vélaires en position initiale et appuyée
kl
ɡl
s
k5 s1 ʧ7
ɡ ʤ6
5
Occit.
kl
ɡl
s
k s1
ɡ ʒ
Cat.
ʎ
l
θ
k θ1
ɡ –1
Esp.
ʃ
l
s
k s1
ɡ ʒ1
Port.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 93
94 | Xavier Gouvert
*/ɡ/ devant voyelle antérieure. – Protorom. */ɡe'latu/ (ʻgeléʼ) > sard. gelatu, végl. gelút, it. gelato, frioul. gjelât, romanch. schelà, fr. gelé, occit. gelat, cat. gelat, esp. helado, port. geado (REW3 s.v. gĕlāre). Protorom. */'ɡɛlu/ (ʻgelʼ) > dacoroum. ger, it. gelo, romanch. schel, fr. gel, occit. gel, cat. gel, esp. hielo (REW3 s.v. gĕlu). Protorom. */ɡi'rare/ (ʻtournerʼ) > végl. żeruár, it. girare, frioul. zirâ, fr. girer, occit. girar, cat. girar (REW3 s.v. gyrāre). */ɡ/ devant */a/. – Protorom. */ɡal'lina/ (ʻpouleʼ) > dacoroum. găină, végl. galaina, it. gallina, frioul. gjaline, romanch. giaglina, fr. geline, occit. galina/ jalina, cat. gallina, esp. gallina, port. galinha (REW3 s.v. gallīna). Protorom. */'βɪrɡa/ (ʻvergeʼ) > sard. virga, dacoroum. vargă, it. verga, fr. verge, occit. verga/verja, cat. verga, esp. verga, port. verga (REW3 s.v. vĭrga). */ɡ/ devant voyelle postérieure. – Protorom. */'ɡʊla/ (ʻgueuleʼ) > sard. gula, dacoroum. gură, végl. gaula, it. gola, frioul. gole, romanch. gula, fr. gueule, occit. gola, cat. gola, esp. gola (REW3 s.v. gŭla). Protorom. */'ɡʊtta/ (ʻgoutteʼ) > sard. gutta, dacoroum. gută, it. gotta, frioul. gote, romanch. guota, fr. goutte, occit. gota, cat. gota, esp. gota, port. gota (REW3 s.v. gŭtta). */k/ devant voyelle antérieure. – Protorom. */'kena/ (ʻsouperʼ) > sard. kena, dacoroum. cină, végl. kaina, it. cena, frioul. cene, romanch. tschaina, occit. cena, esp. cena, port. cea (REW3 s.v. cēna). Protorom. */'kinkwe/ ~ */'kinko/ (ʻcinqʼ) > sard. kimbe, dacoroum. cinci, végl. čenk, it. cinque, frioul. cinc, romanch. tschintg, fr. cinq, occit. cinc, cat. cinc, esp. cinco, port. cinco (REW3 s.v. quīnque/cīnque). */k/ devant */a/. – Protorom. */ka'tena/ (ʻchaîneʼ) > sard. katena, dacoroum. cătină, végl. kataina, it. catena, frioul. cjadene, romanch. chadaina, fr. chaîne, occit. cadena/chadena, cat. cadena, esp. cadena, port. cadeia (REW3 s.v. catēna ; Groß 2010–2014 in DÉRom s.v. */ka'ten-a/). */k/ devant voyelle postérieure. – Protorom. */'kɔrβu/ (ʻcorbeauʼ) > sard. korbu, dacoroum. corb, it. corvo, romanch. corv, afr. corp, occit. còrb, cat. corb, esp. cuervo, port. corvo (REW3 s.v. cŏrvus). */ki̯/. – Protorom. */lan'kiare/ (ʻlancerʼ) > sard. lanϑare, it. lanciare, frioul. lançâ, romanch. lantschar, fr. lancer, occit. lançar, cat. llançar, esp. lanzar, port. lançar (REW3 s.v. lanceāre). */ɡl/. – Protorom. */'ɡlandʊla/ (ʻglandeʼ) > sard. grándula, dacoroum. ghindură, it. ghiandola, frioul. glandule, romanch. glonda, afr. glandre (> fr. glande), occit. glandola, cat. glàndula, esp. landre, port. landoa (REW3 s.v. glandŭla). Protorom. */'ɡlakie/ ~ */'ɡlakia/ (ʻglaceʼ) > dacoroum. ghiață, végl. glas, it. ghiaccio, frioul. glace, romanch. glatsch, fr. glace, occit. glaça (REW3 s.v. glacies/ glacia). */kl/. – Protorom. */kla'mare/ (ʻappelerʼ) > sard. kramare, dacoroum. chema, végl. klamúr, it. chiamare, frioul. clamâ, romanch. clamar, fr. clamer, occit.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 95
clamar, cat. clamar, esp. llamar, port. chamar (REW3 s.v. clāmāre ; Mertens/Budzinski 2012–2014 in DÉRom s.v. */'klam-a-/). Le traitement particulier de */ki̯/ intervocalique dans chaque branche romane (production d’une géminée en sarde et italien, absence de sonorisation en roman occidental, entrave à la diphtongaison en français) indique que la réalisation primitive de cette séquence était une occlusive palatale géminée *[cc] (*/'brakiu/ = *['bɾaccu]). Une étude récente a apporté la démonstration que le groupe protorom. */ɡn/ était réalisé, dans l’état de langue le plus lointain accessible à la reconstruction comparative, comme une séquence à premier élément fricatif, donc *[ɣn] (Chambon 2013). Une telle protoréalisation est seule susceptible de rendre compte des deux grandes tendances évolutives observées dans les idiomes romans : *[ɣn] > [i̯n] et [u̯n] en italien méridional ; *[ɣn] > *[ŋn] dans le reste de la Romania. Le proto-segment *[ŋn] est lui-même le point de départ, avant scission, du développement de *[mn] (> roum. [mn], végl. [mn], sard. [nn]) et de *[ɲɲ] (> it. [ɲɲ], roman occid. [ɲ]). Le tableau 17 ci-dessous présente les occlusives vélaires en position intervocalique et au sein de groupes internes :
ʦ
k
θ [θθ]
ʣ
kr
nn
ss
*k
*ki̯
*ɡl
*kl
*ɡn
*ks
(p)s
mn
c/k
ɟ/ɡ
ɡ/ʤ
?
mn
kl
ɡl (?)
s
k/ʧ2
ɡ/ʤ (?)
2
Végl. 3
ss
ɲ [ɲɲ]
cc
ʎ [ʎʎ]
tʧ
k/ʧ1
ɡ/dʤ /–4
It. 5
s
ɲ
ʎ
ʎ
ʧ
ʣ1/v, ɡ5 /i6
ʣ /v, ɡ /i6
3
Frioul.
is
ɲ
ʎ
ʎ
ʧ
ʒ1/v5/j6
4
ʨ /– /v5/j6
3
Romanch.
Devant */ɛ e ɪ i/. 2 Devant */i/. 3 Devant */e ɪ i/ atones. 4 Devant */ɛ e ɪ i/ toniques. 5 Devant */ɔ o ʊ u/. 6 Devant */a/. 7 Devant */e ɪ i/ atones ; entre */a ɛ e ɪ i/ antécédents et */a/ subséquent. 8 Cas général en occitan méridional ; seulement devant */ɔ o ʊ u/, en occitan septentrional. 9 Devant */e ɪ i/ atones ; également devant */a/, en occitan septentrional. 10 Devenu final de syllabe.
1
k/ʧ1
ɡ
*ɡ
1
Dacoroum.
Sard.
Protoroman
Tableau 17 : Occlusives vélaires en position intervocalique et groupes internes
s
ɲ
ʎ [j]
ʎ [j]
s
–5/z1/i6
–/i
7
Fr.
is
ɲ
ʎ
ʎ
s
ɡ8/z1/i9
4
ɡ /ʤ /i9
8
Occit.
ʃ
ɲ
ʎ
ʎ
s
ɡ/–1 /u̯10
ɡ/ʒ
1
Cat.
x
ɲ
x
x
θ
ɡ/θ1
ɡ/j /–
3
Esp. 4
ʃ
ɲ
ʎ
ʎ
s
ɡ/z1
ɡ/i3/–4
Port.
96 | Xavier Gouvert
2.2.2. Reconstruction phonologique | 97
*/ɡ/ devant voyelle antérieure. – Protorom. */'leɡe/ (ʻloiʼ) > asard. lege, dacoroum. lege, it. legge, frioul. leç, romanch. lètg, fr. loi, occit. lei, cat. llei, esp. ley, port. lei (REW3 s.v. lex, lēge). Protorom. */sa'ɡɪtta/ (ʻflècheʼ) > sard. saítta, dacoroum. săgeată, it. saetta, frioul. saete, aromanch. seichta, afr. saete, occit. sageta, cat. sageta, esp. saeta, port. seta (REW3 s.v. sagĭtta ; Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */sa'gɪtt-a/). Protorom. */'ɸriɡere/ (ʻfrireʼ) > sard. frígere, dacoroum. frige, végl. fregúr (< *frégir), it. friggere, frioul. frizî, fr. frire, occit. fregir, cat. fregir, esp. freír (REW3 s.v. frīgĕre). Protorom. */ɸla'ɡɛllu/ (ʻfléauʼ) > itsept./itcentr. ˹fiaello˺, afr. flael (> fr. fléau), occit. flagel, cat. flagell (REW3 s.v. flagĕllum/fragĕllum). Protorom. */pa'ɡese/ (ʻprovincialʼ) > it. paese, frioul. paîs, romanch. pajais, fr. pays, occit. pagés (REW3 s.v. pagē(n)sis). */ɡ/ devant */a/. – Protorom. */'ɸʊɡa/ (ʻfuiteʼ) > sard. fuga, dacoroum. fugă, it. foga, afr. fuë (REW3 s.v. fŭga). Protorom. */ro'ɡare/ (ʻdemanderʼ) > dacoroum. ruga, romanch. rugar, afr. rover, aoccit. rogar, cat. rogar, esp. rogar, port. rogar (REW3 s.v. rŏgāre). Protorom. */pa'ɡanu/ (ʻpaïenʼ) > dacoroum. păgân, it. pagano, romanch. pajaun, fr. païen, occit. pagan/paian, cat. pagà, esp. pagano, port. pagão (REW3 s.v. pagānus). */ɡ/ devant voyelle postérieure. – Protorom. */a'ɡʊstu/ (ʻaoûtʼ) > sard. agustu, dacoroum. agust, végl. agóst, it. agosto, frioul. avòst, romanch. avust, fr. août, occit. agost, cat. agost, esp. agosto, port. agosto (REW3 s.v. augŭstus/ agŭstus ; Celac 2009–2014 in DÉRom s.v. */a'gʊst-u/). */k/ devant voyelle antérieure. – Protorom. */pla'kere/ (ʻplaireʼ) > sard. prákere, dacoroum. plăcea, végl. placaro, it. piacere, frioul. plazê, romanch. plaschair, afr. plaisir (< fr. plaire), occit. plazer, acat. plaer (> cat. plaure), esp. placer, port. prazer (REW3 s.v. placēre ; Andronache 2014 in DÉRom s.v. */'plak-e-/). Protorom. */radɪ'kina/ (ʻracineʼ) > sard. radikina, dacoroum. rădăcină, végl. radičáina, fr. racine, occit. rasina (REW3 s.v. radīcīna). */k/ devant */a/. – Protorom. */a'mika/ (ʻamieʼ) > sard. amika, it. amica, frioul. amie, romanch. amia, fr. amie, occit. amiga/amia, cat. amiga, esp. amiga, port. amiga (REW3 s.v. amīcus, -a). Protorom. */pa'kare/ (ʻpayerʼ) > sard. pakare, aroum. păca, végl. pakúr, it. pacare, frioul. paiâ, romanch. pajar, fr. payer, occit. pagar/paiar, cat. pagar, esp. pagar, port. pagar (REW3 s.v. pacāre). */k/ devant voyelle postérieure. – Protorom. */lu'kore/ (ʻlueurʼ) > sard. lukore, dacoroum. lucoare, itmérid. lucore, fr. lueur, occit. lugor, cat. llugor (REW3 s.v. *lūcor, -ōre). Protorom. */se'kuru/ (ʻsûrʼ) > sard. seguru, it. sicuro, frioul. sigûr, romanch. segir, fr. sûr, occit. segur, cat. segur, esp. seguro, port. seguro (REW3 s.v. sēcūrus). */ki̯/. – Protorom. */'brakiu/ (ʻbrasʼ) > sard. braϑϑu, dacoroum. braț, végl. bras, it. braccio, frioul. braç, romanch. bratsch, fr. bras, occit. braç, cat. braç, esp. brazo, port. braço (REW3 s.v. brachium).
98 | Xavier Gouvert
*/ɡl/. – Protorom. */βɪ'ɡlare/ (ʻveillerʼ) > sard. bidzare, dacoroum. veghea, it. vegliare, romanch. vegliar, fr. veiller, occit. velhar, cat. vetllar (REW3 s.v. vĭgĭlāre). Protorom. */'kwaɡlu/ ~ */'kaɡlu/ (ʻprésureʼ) > sard. padzu, dacoroum. chiag (< *caghi), itmérid. caglio, frioul. cali, romanch. quagl, afr. cail, occit. calh, cat. quall, esp. cuajo, port. coalho (REW3 s.v. coagŭlum). */kl/. – Protorom. */'ɔklu/ (ʻœilʼ) > sard. okru, dacoroum. ochi, végl. vaklo, it. occhio, frioul. voli, romanch. egl, fr. œil, occit. uelh, cat. ull, esp. ojo, port. olho (REW3 s.v. ŏcŭlus). */ɡn/. – Protorom. */'sɪɡnu/ (ʻsigneʼ) > sard. sinnu, dacoroum. semn, it. signo, frioul. segn, romanch. segn, fr. seing, occit. senh, cat. seny, esp. seña, port. senha (REW3 s.v. sĭgnum). */ks/. – Protorom. */lak'sare/ ~ */dak'sare/ (ʻlaisserʼ) > sard. lassare, dacoroum. lăsa, frioul. lassâ, fr. laisser, aoccit. laissar, cat. deixar, esp. dejar, aport. deixar (REW3 s.v. laxāre ; Florescu 2010–2014 in DÉRom s.v. */'laks-a/). Protorom. */sek'sainta/ (‘soixante’) > sard. sessanta, it. sessanta, frioul. sessante, romanch. sessanta, fr. soixante, occit. seissanta, cat. seixanta, aesp. sessaenta (> esp. sesenta), port. sessenta (REW3 s.v. sĕxagĭnta). Protorom. */'ɸraksinu/ (ʻfrêneʼ) > dacoroum. frapsin, it. frassino, frioul. frassin, romanch. fraissen, fr. frêne, occit. fraisse, cat. freixe, esp. fresno, port. freixo (REW3 s.v. fraxĭnus).
3.2.1.5 Labiovélaire Il nous paraît nécessaire de reconstruire en protoroman une occlusive labiovélaire */kw/ – plus exactement, une occlusive vélaire à relâchement labial –, continuateur du phonème proto-italique */kw/.20 Suivant la classification traditionnelle des indo-européanistes, le protoroman est donc une « langue kentum », plus conservatrice à cet égard que les langues sabelliques (pour s’en tenir à la famille italique). Protorom. */kw/ est défini, à l’initiale, par la série des correspondances suivantes (cf. ci-dessous tableau 18) :
|| 20 Lui-même issu de la convergence de proto-ind.-eur. */kw/ et */ku̯/ (Meillet/Vendryes 1960, 58–59 § 80, 67–68 § 95, 90–91 § 135).
b
Sard.
p k2
1
Dacoroum.
*k
w
Protoroman
bb
Sard.
p
Dacoroum.
Tableau 19 : */kw/ en position intervocalique
2
Devant */a/. Devant */ɛ e ɪ i/. 3 Devant un ancien /i/.
1
*k
w
Protoroman
?
Végl.
k ʧ3
Végl.
Tableau 18 : */kw/ en position initiale et appuyée
kk
w
It.
k k2
w1
It.
ɡ
Frioul.
k k2
w1
Frioul.
u
Romanch.
k ʨ2
w1
Romanch.
v
Fr.
k
Fr.
ɡ
Occit.
k
Occit.
ɡ
w
Cat.
k k2
w1
Cat.
ɡ
w
Esp.
k k2
w1
Esp.
ɡw
Port.
kw 1 k2
Port.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 99
100 | Xavier Gouvert
*/kw/ devant */a/. – Protorom. */'kwattor/ ~ */'kwattro/ (ʻquatreʼ) > sard. báttor, dacoroum. patru, végl. ku̯atro, it. quattro, frioul. cuatri, romanch. quatter, fr. quatre, occit. quatre, cat. quatre, esp. cuatro, port. quatro (REW3 s.v. quattuor). Protorom. */'kwando/ (ʻquandʼ) > végl. ku̯and, it. quando, frioul. cuant, romanch. caund, fr. quand, occit. quand, cat. quan, esp. cuando, port. quando (REW3 s.v. quando). */kw/ devant voyelle antérieure. – Protorom. */'kwetu/ (ʻcalme’) > dacoroum. cet, it. cheto, frioul. cet, fr. coi, occit. quet, cat. quet, esp. quedo, port. quedo (REW3 s.v. quiētus/quētus). Protorom. */'kwɪ/ (ʻquoiʼ) > dacoroum. ce, végl. ke, it. che, frioul. ce, romanch. tge, fr. quoi, occit. qué, cat. què, esp. que, port. que (REW3 s.v. qui/quĕm/quam/quĭd). */kw/ en position intervocalique (cf. ci-dessus tableau 19). – Protorom. */'akwa/ ~ */'akwia/ (ʻeauʼ) > sard. abba, dacoroum. apă, it. acqua, frioul. aghe, romanch. aua, afr. eve, occit. aiga, cat. aigua, esp. agua, port. água (REW3 s.v. aqua). Protorom. */'ɛkwa/ (ʻjumentʼ) > sard. ebba, dacoroum. iapă, afr. ieve, occit. ega, cat. egua, esp. yegua, port. égua (REW3 s.v. ĕqua). L’existence de ce phonème en protoroman a été contestée, d’après certaines considérations d’économie phonologique : Hall (1976, 155) interprète *[kw] – sans d’ailleurs justifier sa position – comme la réalisation de la séquence */ku/ en hiatus. A contrario, il est majoritairement admis que *[kw] (noté ) avait le statut de phonème en latin (Meillet/Vendryes 1960, 58–59 § 80 ; Weiss 2009, 66). Plusieurs raisons, dont certaines nous paraissent déterminantes, incitent cependant à considérer protorom. *[kw] comme la réalisation d’un phonème autonome et non comme la succession de deux unités phonologiques. La première de ces raisons est la fréquence remarquablement haute de *[kw] dans la protolangue : d’après un relevé effectué par nous sur la base d’un dépouillement du REW3, les lexèmes comportant le segment *[kw] sont environ deux fois plus nombreux que ceux comportant le segment *[kj] (c’est-à-dire */ki/ en hiatus). La distribution de *[kw] est plus singulière encore : *[kw] se trouve à l’initiale d’une centaine d’unités lexicales reconstructibles (cf. REW3 n° 1999– 2007 et 6911–6975), alors même que les segments *[Cj] sont rarissimes, sinon inexistants, dans cette position et que les autres combinaisons du type *[Cw] ne dépassent pas la douzaine d’occurrences. Mieux encore, nous croyons pouvoir isoler une série de correspondances différente de celle présentée dans les tableaux 18 et 19, et qui définit précisément, selon nous, l’aboutissement du groupe */ku/ en hiatus (cf. ci-dessous tableau 20). C’est sur le contraste */kw/ ~ */ku/ que se fonde, par exemple, la distinction importante entre protorom. */'kwi/ (pron. rel./interrog. ‘qui’) et */'kui/ (adv. ‘ici’), perpétuée dans it. /'ki/ ~ /'kwi/, frioul. /'kwi/ ~ /'ki/ (v. Martinet 1955, 60–62).
b
*ku̯
b
*ɡu̯
2
Devant */a/. Devant */ɛ e ɪ i/. 3 Devant un ancien /i/.
1
Sard.
Protoroman
Tableau 21 : Groupe */ɡu̯/
Sard.
Protoroman
Tableau 20 : Groupe */ku̯/
ɡ ʤ3
b ɡ2
Végl.
1
k ʧ1
Végl.
Dacoroum.
ʧ
Dacoroum.
ɡ
w
It. ɡ ʤ3
Frioul.
k
w
k
Frioul.
It.
ɡ
w
Romanch.
k
w
Romanch.
ɡ
Fr.
k
Fr.
ɡ
Occit.
k
Occit.
ɡ ɡ2
w1
Cat.
k
Cat.
ɡ ɡ2
w1
Esp.
k
Esp.
ɡw 1 ɡ2
Port.
k
Port.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 101
102 | Xavier Gouvert
*/ku̯/. – Protorom. */'kuindɪki/ (‘quinze’) > sard. bíndigi, végl. čonk, it. quindici, romanch. quindesch, fr. quinze, occit. quinze, cat. quinze, esp. quince, port. quinze (REW3 s.v. quīndĕcim). Protorom. */'kuintu/ (‘cinquième’) > it. quinto, romanch. quint, fr. quint, occit. quint, cat. quint, esp. quinto, port. quinto (REW3 s.v. quīntus). Protorom. */(ad) 'kui/ (ʻiciʼ) > it. qui, frioul. chi, occit. aquí, cat. aquí, esp. aquí, port. aquí (REW3 s.v. hīc/*hīcce). Protorom. */(ad) 'kuɪstu/ (ʻcelui-ciʼ) > dacoroum. acest, it. questo, frioul. chest, romanch. quest, occit. aquest, cat. aquest, esp. aqueste, port. aqueste (REW3 s.v. ĭste). Protorom. */(ad) 'kuɪllu/ (ʻcelui-làʼ) > dacoroum. acel, végl. kol, it. quello, frioul. chel, romanch. quel, occit. aquel, cat. aquell, esp. aquel, port. aquelle (REW3 s.v. ĭlle).21 La reconstruction interne ne permet pas de poser une contrepartie sonore pour le phonème */kw/. Si un segment *[ɡw] est effectivement restituable par la comparaison, sa fréquence est fort basse et sa distribution extrêmement lacunaire22 : *[ɡw] se rencontre exclusivement derrière la nasale *[ŋ], dans une série de quatre lexèmes – protorom. *[aŋ'ɡwilla] (~ *[aŋ'ɡwila]), *['ɪŋɡwen], *['lɪŋɡwa] et *['saŋɡwen]. On reconstruira donc dans tous ces cas un groupe */ɡu/ ante vocalem (*/gu̯/, cf. ci-dessus tableau 21). */ɡu̯/. – Protorom. */'lɪnɡua/ (‘langue’) > sard. limba, dacoroum. limbă, végl. langa, it. lingua, frioul. lenghe, romanch. lingua, fr. langue, occit. lenga, cat. llengua, esp. lengua, port. língua (REW3 s.v. lĭngua). Protorom. */'sanɡuen/ (‘sang’) > sard. sámbene, dacoroum. sânge, végl. su̯ang, it. sangue, frioul. sanc, romanch. sang, fr. sang, occit. sang, cat. sang, esp. sangre, port. sangue (REW3 s.v. sanguis/sanguen, -ĭne). Protorom. */anɡu'illa/ ~ */anɡu'ila/ (‘anguille’) > sard. ambiḍḍa, végl. anǧola, it. anguilla, frioul. anzile, fr. anguille, occit. anguiala, cat. anguilla, esp. anguila, port. enguia (REW3 s.v. anguīlla/anguīla).
3.2.2 Fricatives On reconstruit en protoroman trois phonèmes fricatifs, deux « labiales » (*/β/ et */ɸ/) et une alvéolaire (*/s/).
|| 21 Le cas du numéral ‘cinq’, it. cinque (REW3 s.v. quīnque/cīnque), phonétiquement mal expliqué, ne relève pas, selon nous, de cette série de correspondances. Plutôt que de poser un prototype **/'kinkue/, nous inclinons à voir dans la forme italienne le résultat de l’analogie : si */'kinkwe/ aboutit régulièrement à it. *cinche, on s’attend bien en revanche à ce qu’un syntagme du type */'kinkwe 'anni/ donne it. cinqu’ anni. L’allomorphisme *cinche ~ *cinqu’ aurait été résolu, dès l’italien prélittéraire, par l’émergence de la forme de compromis cinque. 22 Les faits qui expliquent cette distribution lacunaire remontent au plus ancien latin : v. Meillet/Vendryes 1960, 70–71 § 99.
2.1.1. Reconstruction phonologique | 103
3.2.2.1 Labiales Le protoroman possédait deux constrictives, voisée et non voisée, articulées dans la zone labiale, mais dont la nature exacte – bilabiale ou labiodentale – pose un délicat problème de restitution. En pratique, la sonore, dans la mesure où son aboutissement est tantôt une occlusive bilabiale (sarde, gascon, espagnol), tantôt une fricative labiodentale (reste du domaine), se laisse reconstruire comme une fricative bilabiale */β/. Cette hypothèse est corroborée par ce que l’on sait de l’origine de ce phonème, issu de la convergence des consonnes proto-italiques */u̯/ et */ɸ/ intervocalique : cf. protorom. */'βɛntu/ < proto-ital. */u̯eːntom/ ; protorom. */'nɛβʊla/ < proto-ital. */neɸolaː/ (Meillet/Vendryes 1960, 71–74 § 100–104 ; Weiss 2009, 149–150). On est donc logiquement conduit à reconstruire la contrepartie sourde comme */ɸ/. Ce dernier point fait toutefois difficulté au vu de la préhistoire du protoroman. On voit mal, en effet, comment les fricatives proto-italiques */ɸ/ et */θ/, qui ont de facto convergé en protoroman (cf. protorom. */'Fɔku/ (lat. focum) < proto-ital. */ɸokom/ ; protorom. */'Fakere/ (lat. facere) < proto-ital. */θakise/), pourraient s’être rejointes en un lieu d’articulation bilabial : on s’attendrait plutôt à ce qu’une labiodentale, donc */f/, constitue le point de convergence. D’un autre côté, il n’est guère soutenable que la fricative glottale [h] du macédoroumain, du gascon et de l’ancien espagnol puisse remonter à un *[f] primitif : le résultat [h] implique l’absence de constriction dentale, donc un antécédent *[ɸ]. De même, à l’intervocalique, l’affaiblissement en *[w] et l’amuïssement de cette même fricative sourde – phénomène observable en frioulan, français, occitan et catalan– s’expliquent mieux en partant d’une bilabiale que d’une labiodentale.23 La question se complique du fait que le changement postulé *[ɸ] > *[h] n’est intervenu que dans deux aires nettement circonscrites et marginales – la Macédoine d’un côté, l’ensemble Castille-NavarreGascogne de l’autre –, au sein desquelles l’action d’un adstrat indigène n’a rien d’invraisemblable. La réalisation bilabiale du phonème /f/ est, au demeurant, un fait trivial dans plusieurs variétés de l’espagnol moderne (Cotton/Sharp 1988, 15). Au total, le point de savoir si le son [f] des idiomes romans reflète directement celui du latin archaïque ou s’il résulte d’une filière *[f] > *[ɸ] > [f] n’est pas
|| 23 Il faut d’ailleurs reconnaître que protoital. */θ/ intervocalique aboutit, sous certaines conditions, à une occlusive effectivement bilabiale : cf. protoital. */arθosem/ > protorom. */'arbore/ (lat. arborem) ; protoital. */u̯erθom/ > protorom. */'βɛrbu/ (lat. uerbum). Cf. Meillet/ Vendryes 1960, 72 § 101, rem. II ; Weiss 2009, 76, 155, 198.
104 | Xavier Gouvert
tranché. Il semble donc prudent de reconstruire, pour le protoroman, un ordre de fricatives « labiales » sans plus de spécification. Sur le problème des groupes */lβ/, */rβ/ (et */lb/, */rb/), cf. ci-dessus § 3.2.1.1.
v b
f
fl
*β
*ɸ
*ɸl
fl
f
v b1
Dacoroum.
fl
f
v b
Végl.
1
v
f
*β
*ɸ
f
v
Dacoroum.
Amuïssement au contact d’une voyelle vélaire.
Sard.
Protoroman
?
v
Végl.
Tableau 23 : Fricatives labiales en position intervocalique
Derrière /r/ et /l/ implosifs. 2 Devant /ue/ et /r/.
1
Sard.
Protoroman
f
v
It.
fi
f
v
It.
Tableau 22 : Fricatives labiales en position initiale et appuyée
v –1
v –1
Frioul.
fl
f
v
Frioul.
v –1
v –1
Romanch.
fl
f
v
Romanch.
v –1
v –1
Fr.
fl
f
v
Fr.
v –1
v –1
Occit.
fl
f
v
Occit.
v –1
v –1
Cat.
fl
f
v
Cat.
b
b
Esp.
ʎ
– f2
b
Esp.
v
v
Port.
ʃ
f
v
Port.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 105
106 | Xavier Gouvert
*/β/. – Protorom. */'βɛntu/ (ʻventʼ) > sard. ventu, dacoroum. vînt, végl. viant, it. vento, frioul. vint, romanch. vent, fr. vent, occit. vent, cat. vent, esp. viento, port. vento (REW3 s.v. vĕntus). Protorom. */'kɛrβu/ (‘cerfʼ) > sard. kervu, dacoroum. cerb, it. cervo, frioul. sierf, romanch. tschierv, afr. cerf, occit. cervi, cat. cervo, esp. ciervo, port. cervo (REW3 s.v. cĕrvus). */ɸ/. – Protorom. */'ɸɔlia/ (ʻfeuilleʼ) > sard. fodza, dacoroum. foaie, végl. fual’a, itmérid. fuoglia, frioul. fueë, romanch. fögla, fr. feuille, aoccit. folha, cat. fulla, esp. hoja, port. folha (REW3 s.v. fŏlium). Protorom. */'ɸɔku/ (ʻfeuʼ) > sard. foku, dacoroum. foc, végl. fuk, it. fuoco, frioul. fûc, romanch. fög, fr. feu, aoccit. foc, cat. foc, esp. fuego, port. fogo (REW3 s.v. fŏcus). */ɸl/. – Protorom. */'ɸlamma/ (ʻflammeʼ) > sard. flamma, dacoroum. flamă, it. fiamma, frioul. flame, romanch. flomma, fr. flamme, aoccit. flama, cat. flama, esp. llama, port. chama (REW3 s.v. flamma). En position intervocalique (cf. ci-dessus tableau 23) : */β/. – Protorom. */ka'βallu/ (ʻchevalʼ) > sard. kavaḍḍu, dacoroum. cal, végl. kavúl, it. cavallo, frioul. cjaval, romanch. chaval, fr. cheval, occit. caval/ chaval, cat. cavall, esp. caballo, port. cavalo (REW3 s.v. cabăllus ; Cano González 2009–2014 in DÉRom s.v. */ka'βall-u/). Protorom. */a'βere/ (ʻavoirʼ) > sard. áere, dacoroum. avea, végl. avar, it. avere, frioul. aver, romanch. avair, fr. avoir, occit. aver, cat. aver, esp. haber, port. haver (REW3 s.v. habēre). Protorom. */'ɸaβa/ (ʻfèveʼ) > sard. fava, méglénoroum. fauă, végl. fua, it. fava, frioul. fave, romanch. fava, fr. fève, occit. fava, cat. fava, esp. haba, port. fava (REW3 s.v. faba ; Reinhardt 2014 in DÉRom s.v. */'ɸaβ-a/). */ɸ/. – Protorom. */pro'ɸʊndu/ (ʻprofondʼ) > sard. profundu, it. profondo, occit. prond, cat. pregon (REW3 s.v. prŏfŭndus). Protorom. */'stɛɸanu/ (ʻÉtienneʼ) > sard. Istéfanu, it. Stiefano, romanch. Steivan, fr. Étienne, occit. Esteve, cat. Esteve, esp. Esteban, port. Estêvão. Protorom. */'skroɸa/ (ʻtruieʼ) > dacoroum. scroafă, it. scrofa, frioul. scrove, romanch. scrua, afr. escroë, occit. escrova (REW3 s.v. scrōfa).
3.2.2.2 Alvéolaire La reconstruction d’une fricative alvéolaire, protorom. */s/, présente peu de difficultés (cf. ci-dessous tableaux 24, 25a et 25b). Ce phonème, essentiellement défini par les oppositions */s/ ~ */ɸ/, */s/ ~ */t/, */s/ ~ */r/ et */s/ ~ */l/, pouvait avoir une grande latitude de réalisations, bien que les continuateurs romans témoignent presque unanimement en faveur d’une protoréalisation *[s].
s
*s
s
Dacoroum. s
Végl.
s
ss
*s
*ss
s
s
Dacoroum.
Sard.
s
Protoroman
*s
–
Dacoroum.
Tableau 25b : */s/ en position finale
Sard.
Protoroman
–
Végl.
s
s
Végl.
Tableau 25a : */s/ en position intervocalique et géminée
Sard.
Protoroman
Tableau 24 : */s/ en position initiale et appuyée
–
It.
ss
s
It.
s
It.
s
Frioul.
s
z
Frioul.
s
Frioul.
s
Romanch.
s
z
Romanch.
s
Romanch.
z
Fr.
s
z
Fr.
s
Fr.
z
Occit.
s
z
Occit.
s
Occit.
s
Cat.
s
z
Cat.
s
Cat.
s
Esp.
s
s
Esp.
s
Esp.
s
Port.
s
z
Port.
s
Port.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 107
108 | Xavier Gouvert
*/s/. – Protorom. */'sole/ (ʻsolʼ) > sard. sole, dacoroum. soare, végl. saul, it. sole, occit. sol, cat. sol, esp. sol, port. sol (REW3 s.v. sōl, sōle). Protorom. */'sale/ (‘sel’) > sard. sale, dacoroum. sare, it. sale, frioul. sal, romanch. sal, fr. sel, occit. sal, cat. sal, esp. sal, port. sal (REW3 s.v. sal ; Yakubovich 2011–2014 in DÉRom s.v. */'sal-e/). Protorom. */'skriβere/ (ʻécrireʼ) > sard. iskríbere, dacoroum. scrie, végl. skrivru, it. scrivere, frioul. scrivi, romanch. scriver, fr. écrire, occit. escriure, cat. escriure, esp. escribir, port. escrever (REW3 s.v. scrībĕre ; Groß 2013–2014 in DÉRom s.v. */'skriβ-e-/). À l’intervocalique, le fait évolutif essentiel est la sonorisation (masquée, dans la graphie, par l’ambivalence du graphème notant tantôt une sourde, tantôt une sonore) : outre la Romania occidentale, le changement *[s] > [z] affecte le sarde (au moins dans ses variétés modernes), cf. ci-dessus tableau 25a. */s/. – Protorom. */pe'sare/ (ʻpeserʼ) > sard. pesare, dacoroum. păsa, it. pesare, frioul. pesâ, romanch. pasar, fr. peser, occit. pesar, cat. pesar, esp. pesar, port. pesar (REW3 s.v. pē(n)sare). Protorom. */'kasa/ (ʻmaisonʼ) > végl. kuosa, dacoroum. casă, it. casa, frioul. cjase, romanch. chasa, afr. chiese, occit. casa/chasa, cat. casa, esp. casa, port. casa (REW3 s.v. casa). */s/. – Protorom. */pas'sare/ (ʻpasserʼ) > sard. passare, it. passare, frioul. passâ, romanch. passar, fr. passer, occit. passar, cat. passar, esp. pasar, port. passar (REW3 s.v. *passāre). En position finale (cf. ci-dessus tableau 25b) : */s/. – Protorom. */'βɛnis/ (ʻ[tu] viens’) > sard. benis, dacoroum. vii, it. vieni, frioul. vegnis, fr. viens, occit. vens, cat. véns, esp. vienes, aport. venes (REW3 s.v. vĕnīre). Protorom. */'kantas/ (ʻ[tu] chantes’) > sard. kantas, végl. kante, it. canti, frioul. cjantis, romanch. chantas, fr. chantes, occit. cantas/chantas, cat. cantes, esp. cantas, port. cantas (REW3 s.v. cantāre).
3.2.3 Nasales À l’instar de la quasi-totalité des idiomes indo-européens attestés ou reconstruits, le protoroman possédait deux nasales, */m/ et */n/, caractérisées par une très faible propension à l’altération articulatoire et une exceptionnelle stabilité diachronique. L’existence de la nasale vélaire *[ŋ] dans la protolangue est avérée, mais uniquement en tant que variante contextuelle du phonème */n/ ou du phonème */ɡ/ (assimilation régressive) : */'lɔngu/ = *['lɔŋgu] ; */'sɪgnu/ = *['sɪŋnu] (cf. ci-dessus § 3.2.1.4).
2.2.2. Reconstruction phonologique | 109
3.2.3.1 Bilabiale En position initiale et appuyée (cf. ci-dessous tableau 26) : */m/. – Protorom. */'mare/ (ʻmerʼ) > sard. mare, dacoroum. mare, végl. mur, it. mare, frioul. mar, romanch. mar, fr. mer, occit. mar, cat. mar, esp. mar, port. mar (REW3 s.v. mare). En position intervocalique (cf. ci-dessous tableau 27) : */m/. – Protorom. */a'miku/ (ʻamiʼ) > sard. amiku, végl. amaik, it. amico, frioul. ami, romanch. ami, fr. ami, occit. amic, cat. amic, esp. amigo, port. amigo (REW3 s.v. amīcus, -a). Protorom. */'ɸumu/ (ʻfuméeʼ) > sard. fumu, dacoroum. fum, it. fumo, frioul. fum, romanch. fim, afr. fum, occit. fum, cat. fum, esp. humo, port. fumo (REW3 s.v. fūmus).
m
*m
m
Dacoroum.
Sard.
m
Protoroman
*m
m
Dacoroum.
Tableau 27 : */m/ en position intervocalique
Sard.
Protoroman
m
Végl.
m
Végl.
Tableau 26 : */m/ en position initiale et appuyée
m
It.
m
It.
m
Frioul.
m
Frioul.
m
Romanch.
m
Romanch.
m
Fr.
m
Fr.
m
Occit.
m
Occit.
m
Cat.
m
Cat.
m
Esp.
m
Esp.
m
Port.
m
Port.
110 | Xavier Gouvert
2.2.2. Reconstruction phonologique | 111
3.2.3.2 Dentale En position initiale et appuyée (cf. tableau 28 ci-dessous) : */n/. – Protorom. */'nasu/ (ʻnezʼ) > sard. nasu, dacoroum. nas, végl. nuos, it. naso, frioul. nas, romanch. nas, fr. nez, occit. nas, cat. nas, esp. naso, port. naso (REW3 s.v. nasus). Le traitement particulier de */ni̯/ intervocalique dans chaque branche romane (production d’une géminée en italien, entrave à la diphtongaison en français, cf. tableau 29a ci-dessous) indique que la réalisation primitive de cette séquence était une nasale palatale géminée *[ɲɲ] (*/'βinia/ = *['βiɲɲa]). */n/. – Protorom. */'luna/ (ʻluneʼ) > sard. luna, dacoroum. lună, végl. loina, it. luna, frioul. lune, romanch. glina, fr. lune, occit. luna, cat. lluna, esp. luna, port. lua (REW3 s.v. lūna ; Cadorini 2014 in DÉRom s.v. */'lun-a/). Protorom. */'pane/ (ʻpainʼ) > sard. pane, dacoroum. pâine, végl. pun, it. pane, frioul. pan, romanch. paun, fr. pain, occit. pan, cat. pa, esp. pan, port. pão (REW3 s.v. panis ; Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */'pan-e/). Protorom. */ɡal'lina/ (ʻpouleʼ) > dacoroum. găină, végl. galaina, it. gallina, frioul. gjaline, romanch. giaglina, fr. geline, occit. galina/jalina, cat. gallina, esp. gallina, port. galinha (REW3 s.v. gallīna). */nn/. – Protorom. */'annu/ (‘année’) > sard. annu, dacoroum. an, végl. jan, it. anno, frioul. an, romanch. onn, fr. an, occit. an, cat. any, esp. año, port. ano (REW3 s.v. annus ; Celac 2008–2014 in DÉRom s.v. */'ann-u/). */ni̯/. – Protorom. */'βinia/ (ʻvigneʼ) > sard. vindza, dacoroum. vie, végl. veńa, it. vigna, frioul. vigne, romanch. vigna, fr. vigne, occit. vinha, cat. vinya, esp. viña, port. vinha (REW3 s.v. vīnea). En position finale (cf. tableau 29b ci-dessous) : */n/. – Protorom. */'sanɡuen/ (‘sang’) > sard. sámbene, dacoroum. sânge, it. sangue, frioul. sanc, romanch. sang, fr. sang, occit. sang, cat. sang, port. sangue (REW3 s.v. sanguis/sanguen, -ĭne).24 */nt/. – Protorom. */'kantant/ (ʻ[ils] chantent’) > sard. kantant, dacoroum. cântă, végl. kanta, it. cantano, frioul. cjantin, romanch. chantan, fr. chantent, occit. cantan/chantan, cat. canten, esp. cantan, port. cantam (REW3 s.v. cantāre).
|| 24 Le type esp. sangre reflète apparemment protorom. */'sanguɪne/, où */n/ est intervocalique.
n
*n
n
Dacoroum. n
Végl.
nn
nʣ
*nn
*ni̯
Devenu final. Derrière /i/.
n
*n
i
n
n
Dacoroum.
1
ne
nt
*n
*nt
–
–
Dacoroum.
–
–
Végl.
ɲ
n
n
Végl.
1
no
–
It.
ɲ [ɲɲ]
nn
n
It.
n
It.
Résultat non phonétique ; la finale /o/ est le produit de l’analogie.
Sard.
Protoroman
Tableau 29b : */n/ en position finale
2
1
Sard.
Protoroman
Tableau 29a : */n/ en position intervocalique et géminée
Sard.
Protoroman
Tableau 28 : */n/ en position initiale et appuyée
n
–
Frioul.
ɲ
n
n
Frioul.
n
Frioul.
n
–
Romanch.
ɲ
nn
n
Romanch.
n
Romanch.
t
–
Fr.
ɲ
n
n
Fr.
n
Fr.
n
–
Occit.
ɲ
n
n
Occit.
n
Occit.
n
–
Cat.
ɲ
ɲ
n/–
1
Cat.
n
Cat.
n
–
Esp.
ɲ
ɲ
n
Esp.
n
Esp.
n
–
Port.
ɲ
n
–/ɲ2
Port.
n
Port.
112 | Xavier Gouvert
2.2.2. Reconstruction phonologique | 113
3.2.4 Vibrante La reconstruction de l’unique vibrante du protoroman, notée */r/, offre peu de prise au raisonnement sur sa nature phonétique. Les données comparatives excluent a priori une protoréalisation dans la région uvulaire ; mais elles ne permettent pas de décider si */r/ était une consonne battue ou roulée, coronale ou rétroflexe. Tout au plus peut-on supposer que l’opposition */r/ ~ */rr/ devait tendre vers une forte différenciation, selon des modalités sans doute proches de celles de l’espagnol ou du catalan contemporains (réalisations [ɾ] versus [r]). En position initiale et appuyée (cf. tableau 30 ci-dessous) : */r/. – Protorom. */'rɔta/ (ʻroueʼ) > sard. rota, dacoroum. roată, it. ruota, frioul. ruede, romanch. roda, fr. roue, occit. ròda, cat. roda, esp. rueda, port. roda (REW3 s.v. rŏta ; Groß 2014 in DÉRom s.v. */'rɔt-a/). En position intervocalique et géminée (cf. tableau 31 ci-dessous) : */r/. – Protorom. */'mare/ (ʻmerʼ) > sard. mare, dacoroum. mare, végl. mur, it. mare, frioul. mar, romanch. mar, fr. mer, occit. mar, cat. mar, esp. mar, port. mar (REW3 s.v. mare). */rr/. – Protorom. */'tɛrra/ (‘terre’) > sard. terra, dacoroum. țară, végl. ti̯ára, it. terra, frioul. tiere, romanch. terra, fr. terra, occit. terra, cat. terra, esp. tierra, port. terra (REW3 s.v. tērra).
r
*r
r
Dacoroum. r
Végl.
Sard.
r
rr
Protoroman
*r
*rr
r
r
Dacoroum.
r
r
Végl.
Tableau 31 : */r/ en position intervocalique et géminée
Sard.
Protoroman
Tableau 30 : */r/ en position initiale et appuyée
rr
r
It.
r
It.
r
r
Frioul.
r
Frioul.
rr
r
Romanch.
r
Romanch.
rr
r
Fr.
r
Fr.
rr
r
Occit.
r
Occit.
rr
r
Cat.
r
Cat.
rr
r
Esp.
r
Esp.
rr
r
Port.
r
Port.
114 | Xavier Gouvert
2.2.2. Reconstruction phonologique | 115
3.2.5 Latérale Le protoroman avait une latérale coronale, notée */l/. La réalité articulatoire de ce phonème est l’objet de spéculations nombreuses, alimentées par le témoignage des auteurs latins de l’Antiquité (Meillet/Vendryes 1960, 76–77 § 110–111). Ces derniers opposaient en effet une consonne dite « l exilis » (‘l maigre’ ou ‘l sèche’) à une autre appelée « l pinguis » (‘l dense’ ou ‘l grasse’) ; on sait d’après eux que */l/ était exilis devant la consonne */i/ et en contexte géminé, pinguis ailleurs. Il n’est pas de bonne méthode de vouloir tirer partie de ces témoignages – assis sur une terminologie prêtant à toutes les interprétations – avant d’avoir procédé à l’analyse comparative. L’unicité du phonème */l/, défini par les correspondances suivantes (cf. tableau 32 ci-dessous), ne fait pas de doute : Protorom. */'lɪnɡua/ (ʻlangueʼ) > sard. limba, dacoroum. limbă, végl. langa, it. lingua, frioul. lenghe, romanch. lingua, fr. langue, occit. lenga, cat. llengua, esp. lengua, port. língua (REW3 s.v. lĭngua). L’aboutissement de */ll/ en sarde (occlusive rétroflexe sonore géminée), ainsi qu’en catalan et en espagnol (latérale palatale), laisse à penser que cette séquence pouvait être réalisée dans la protolangue comme une latérale rétroflexe géminée *[ɭɭ] (*/ka'βallu/ = *[ka'βaɭɭu]). Ce point est cependant discuté (v. Blaylock 1968). Quant au traitement particulier de */li̯/ intervocalique dans certaines branches romanes (production d’une géminée en italien, entrave à la diphtongaison en français), il indique que sa réalisation prototypique était une latérale palatale géminée *[ʎʎ] (*/'palia/ = *['paʎʎa]). On peut donc avancer l’interprétation selon laquelle l’expression « l exilis » des Latins fait référence, selon les cas, à une articulation rétroflexe ou palatale – l’une et l’autre étant caractérisées par un recul de la masse linguale vers le palais et contrastant avec la constriction apico-dentale propre à [l]. En position intervocalique et géminée (cf. tableau 33 ci-dessous) : Protorom. */'mɛle/ (ʻmielʼ) > sard. mele, dacoroum. miere, végl. mil, it. miele, frioul. mil, romanch. mel, fr. miel, occit. mel, cat. mel, esp. miel (REW3 s.v. mĕl). Protorom. */ɸi'lare/ (ʻfilerʼ) > sard. filare, végl. faila prés. 3, it. filare, frioul. filâ, romanch. filar, fr. filer, occit. filar, cat. filar, esp. hilar, port. fiar (REW3 s.v. filāre). Protorom. */'sole/ (ʻsoleilʼ) > sard. sole, dacoroum. soare, végl. saul, it. sole, occit. sol, cat. sol, esp. sol, port. sol (REW3 s.v. sōl, sōle). Protorom. */ka'βallu/ (ʻchevalʼ) > sard. kavaḍḍu, dacoroum. cal, végl. kavúl, it. cavallo, frioul. cjaval, romanch. chaval, fr. cheval, occit. caval/chaval, cat. cavall, esp. caballo, port. cavalo (REW3 s.v. cabăllus ; Cano González 2009– 2014 in DÉRom s.v. */ka'βall-u/).
116 | Xavier Gouvert
Protorom. */'palia/ (ʻpailleʼ) > sard. padza, dacoroum. pai, it. paglia, frioul. paie, romanch. paglia, fr. paille, occit. palha, cat. palla, esp. paja, port. palha (REW3 s.v. palea). Protorom. */ta'liare/ (ʻtaillerʼ) > sard. tadzare, dacoroum. tăia, végl. tal’uor, it. tagliare, frioul. taiâ, romanch. tagliar, fr. tailler, occit. talhar, cat. tallar, esp. tajar, port. talhar (REW3 s.v. taliāre).
Position initiale. Position appuyée.
l
*l
l
Dacoroum. l
Végl.
1
l
dd [ɖɖ]
ʣ
*l
*ll
*li̯
Devenu final.
Sard.
Protoroman
i
l
r
Dacoroum.
ʎ
l
l
Végl.
Tableau 33 : */l/ en position intervocalique et géminée
2
1
Sard.
Protoroman
Tableau 32 : */l/ en position initiale et appuyée
ʎʎ
ll
l
It.
l
It.
i
l
l
Frioul.
l
Frioul.
ʎ
l
l
Romanch.
l
Romanch.
ʎ [j]
l
l
Fr.
l
Fr.
ʎ
l
l
Occit.
l
Occit.
ʎ
ʎ
l
Cat.
x
ʎ
l
Esp.
l
1
ʎ l2
Esp.
Cat.
ʎ
l
– l1
Port.
l
Port.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 117
118 | Xavier Gouvert
3.2.6 Le consonantisme protoroman : synopsis Au total, on obtient pour le protoroman un système consonantique à quinze phonèmes : Tableau 34 : Système des consonnes du protoroman Labiales Nasales
Coronales
*/m/
Palatale
Vélaires
*/n/
Occlusives
*/p/
*/b/
*/t/
*/d/
Fricatives
*/ɸ/
*/β/
*/s/
*/j/
*/k/
*/g/
*/kw/
Occlusive spirantisée (labialisée) Vibrante
*/r/
Latérale
*/l/
On prendra garde qu’il s’agit là, non pas d’une véritable matrice phonologique, mais d’une première approche qui ne présume pas de la pertinence dans le système des traits articulatoires mentionnés.
3.3 Phonèmes suprasegmentaux (prosodèmes) Les langues romanes attestées possèdent en commun un accent tonique (stress accent), le plus souvent mobile et libre, quoique soumis à des lois de limitation variables selon les idiomes.25 On est logiquement fondé à reconstruire le même type d’accent dans la protolangue. Le trait distinctif de l’accent protoroman, noté */'/, est l’augmentation de l’intensité de la voyelle formant le noyau de certaines syllabes, dites toniques, par opposition aux autres, dites atones. La réalisation phonétique de l’accent dans les idiomes romans contemporains n’exclut pas que le trait d’intensité se soit accompagné mécaniquement d’un trait de hauteur (pitch accent), à savoir, vraisemblablement, l’augmentation de celle-ci. De plus, certains faits évolutifs de première importance dans l’histoire des langues romanes, telles que la segmentation vocalique et la diphtongaison spontanée, impliquent qu’à l’accent
|| 25 Sur le cas du français, v. par exemple Shane 1968, 118–120 ; Dell 1973, 217–219 ; Malmberg 1974, 91–93.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 119
tonique se soit également superposé, du moins en syllabe ouverte, un trait quantitatif, l’allongement de la voyelle affectée. Une forme telle que protorom. */'patre/ doit donc avoir correspondu, sous réserve des variations diasystémiques et syntagmatiques, à une réalisation *['páː.t̪ɾè]. La reconstruction d’un accent secondaire en protoroman est plus spéculative. Mais le comportement évolutif des voyelles initiales de lexèmes dans les langues romanes, marqué par une remarquable stabilité – y compris dans des idiomes, comme le français, caractérisés ailleurs par une très forte altération vocalique –, dénonce l’action d’un puissant accent initial, matérialisant la frontière lexicale au niveau suprasegmental. La réalisation d’un protorom. */ɡʊβer'naklu/ (> lomb. guarnacc, fr. gouvernail, occit. governalh, REW3 s.v. gŭbĕrnācŭlum) peut ainsi être restituée comme *[ˌɡʊ́wɛ̀ɾ'náːklʊ̀]. La question de l’accent secondaire ressortit néanmoins au strict plan articulatoire et n’intervient pas dans la reconstruction phonologique.
3.3.1 Place de l’accent tonique 3.3.1.1 Loi de limitation et loi de la pénultième lourde Ce n’est que par commodité de langage qu’il est permis de parler d’« accent libre » en protoroman. La place de l’accent tonique dans le lexème (au sens d’« unité prosodique »), sans être totalement prévisible, y est de fait conditionnée par un jeu complexe de règles et de contraintes. La première de ces règles est une sévère loi de limitation : dans toute unité lexicale de plus d’une syllabe, l’accent ne peut frapper que la pénultième ou l’antépénultième. En d’autres termes, il n’y avait en protoroman, outre les monosyllabes, que des paroxytons et des proparoxytons.26 La seconde règle, également limitative, peut être appelée loi de la pénultième lourde : dans toute unité lexicale de plus d’une syllabe, l’accent frappe la pénultième si celle-ci est une syllabe lourde, c’est-à-dire fermée.27 D’après la loi de limitation, protorom. */ɪnkan'tare/ est donc possible (et reconstructible, cf. it. incantare, REW3 s.v. incantāre), de même théoriquement que */ɪn'kantare/ (inexistant) ; mais **/'ɪnkantare/ et **/ɪnkanta're/ sont exclus. Protorom. */ɪn'kanto/ est permis (cf. it. incanto), mais **/'ɪnkanto/ est proscrit par la loi de la pénultième lourde.
|| 26 Nous faisons ici abstraction des Lallwörter et autres mots expressifs. 27 Par syllabe fermée, on entend une syllabe pourvue d’une coda, formée d’une ou plusieurs consonne(s) ou semi-voyelle(s).
120 | Xavier Gouvert
3.3.1.2 Principe d’accentogénie La présence et la place de l’accent tonique est déterminée par une propriété intrinsèque de certaines unités morphologiques – propriété que l’on pourra appeler, en l’absence de tout autre terme consacré par la tradition, l’accentogénie. D’une manière générale, le système morphophonologique du protoroman distinguait des morphèmes accentuables, ou accentogènes (virtuellement toniques), et des morphèmes non accentogènes (toujours atones). Parmi les morphèmes accentogènes, on compte : d’une part, les sémantèmes (ou « radicaux ») verbaux et nominaux, les adverbes et les pronoms ; d’autre part, un grand nombre de suffixes (formateurs de verbes et de noms dérivés de sémantèmes) et de morphèmes flexionnels. Au nombre des unités non accentogènes figurent, outre certains suffixes flexionnels et dérivationnels, les préfixes (verbaux et/ou nominaux),28 ainsi que plusieurs prépositions et divers mots-outils de la phrase (conjonctions). À l’intérieur d’une même unité prosodique – d’un même « mot » –, le principe d’accentogénie veut que l’accent tonique frappe toujours le dernier morphème accentogène de la chaîne, sous réserve de l’application de la loi de limitation et de la loi de la pénultième lourde (cf. ci-dessus). Soit une unité lexicale complexe formée : (1) du radical substantival */ka'βall-/ (ʻchevalʼ), accentogène par nature ; (2) du préfixe */ɪn-/ (‘à l’intérieur de, dans ; en direction de, versʼ), non accentogène par nature ; (3) du suffixe */-ɪk-/ (à signifié relationnel), non accentogène ; (4) du morphème thématique */-'a-/ (formateur de verbes dénominatifs), accentogène ; (5) du flexif modalaspectuel-temporel */-'βa-/ (marque de l’indicatif imparfait), accentogène ; (6) du flexif */-mʊs/ (marque de première personne du pluriel), non accentogène. La forme résultante, *|#ɪn+ka'βall+ɪk+'a+'βa+mʊs#|, s’actualise nécessairement comme */ɪnkaβallɪka'βamʊs/ ʻ[nous] chevauchionsʼ (cf. it. incavalcavamo, esp. encabalgabamos ; REW3 s.v. cabăllĭcāre ; Jactel/Buchi 2014 in DÉRom s.v. */ɪn-ka'βall-ik-a-/). Si l’on considère la forme verbale constituée des mêmes éléments, mais pourvue (6) du flexif */-t/ (marque de la troisième personne), non syllabique, la chaîne devient *|#ɪn+ka'βall+ɪk+'a+'βa+t#|, qui s’actualise comme */ɪnkaβallɪ'kaβat/ ‘[il] chevauchait’ (cf. it. incavalcava, esp. encabalgaba) : **/ɪnkaβallɪka'βat/, oxyton, est proscrit par la loi de limitation.
|| 28 L’accentuabilité des préfixes en protoroman est un point difficile de la reconstruction ; nous renvoyons sur cette question à Heidemeier (en préparation).
2.2.2. Reconstruction phonologique | 121
3.3.2 Liberté et fonction distinctive de l’accent Sous réserve des contraintes que nous venons d’exposer, la liberté de l’accent en protoroman, donc sa fonction distinctive, s’exerce, d’une part, dans le contraste entre morphèmes accentogènes et non accentogènes, d’autre part, dans la détermination de la syllabe accentuable au sein d’un morphème accentogène. Ainsi l’accentuabilité du suffixe */-an-/ ou du suffixe */-ɪk-/ n’est-elle pas prédictible ; le fait que le premier soit accentogène, mais non le second, est distinctif. De même, une séquence dissyllabique telle que */a n a t-/ est théoriquement accentuable sur la première ou sur la seconde syllabe ; rien ne laisse prévoir que protorom. */'anat-/ existe en tant que sémantème (cf. esp. ánade ; REW3 s.v. anas, -ătis/*anĭtra), mais non **/a'nat-/. Néanmoins, à en juger par le nombre de paires minimales qui impliquent effectivement la présence ou la place de l’accent, force est de constater la faible rentabilité phonologique du prosodème */'/ dans la protolangue. À cet égard, le protoroman fait partie des langues à accent mobile « semi-contraint » : rappelons que c’est à ce type accentuel que se rattachent la plupart de ses continuateurs, à commencer par l’italien et l’espagnol – de même que, parmi les exemples les plus notoires, le grec ancien ou l’arabe classique. Le caractère peu rentable de l’accent protoroman trouve d’ailleurs sa cause dans l’histoire et la préhistoire de la langue latine : on sait que le système accentuel roman est l’avatar du sytème vocalique du latin archaïque, dans lequel les oppositions quantitatives étaient seules pertinentes au niveau suprasegmental (v. Meillet/Vendryes 1960, 108–110 § 160–164, 128 § 197 ; Weiss 2009, 64–65, 95–98).
4 Quelques rèɡles phonoloɡiques du protoroman 4.1 Règle de neutralisation des apertures (I.1) ɛ → e / [__, –accent]29 (I.2) ɔ → o / [__, +accent]30
|| 29 Le graphème est ici employé arbitrairement, comme notation d’un phonème subsumant */ɛ/ et */e/ (soit d’un archiphonème */E/). 30 Le graphème est ici employé arbitrairement, comme notation d’un phonème subsumant */ɔ/ et */o/ (soit d’un archiphonème */O/).
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Les voyelles */ɛ/ et */ɔ/ se confondent avec */e/ et */o/ en syllabe atone. *|'ɸɛrr+'a+re| → */ɸɛr'rare/ (principe d’accentogénie, ci-dessus § 3.3.1.2) → */ɸer'rare/ (cf. it. ferrare, REW3 s.v. *ferrāre). *|'ɸɔli+'os+u| → */ɸɔ'liosu/ → */ɸo'liosu/ (cf. it. foglioso, REW3 s.v. fŏlĭōsus).
4.2 Règle de fermeture en hiatus (II) [V, +palat] → i / __V Toute voyelle antérieure se réduit à */i/ en hiatus.31 *|'ante+'an+| → */an'tian-u/ (cf. it. anziano, fr. ancien, REW3 s.v. ante).
4.3 Règle d’assimilation régressive de dévoisement (III) [C, +vox] → [–vox] / __[C, –vox] Toute sonore implosive s’assourdit au contact d’une sourde subséquente. *|'ʊng+t+| → */'ʊnkt-u/ (cf. it. unto, REW3 s.v. ŭnctum ; Videsott 2012–2014 in DÉRom s.v. */'ʊnkt-u/). *|ad+'tɛne+| → */at'tɛne-/ (cf. dacoroum. aținea, it. attenere, REW3 s.v. attĭnēre/attĕnēre).
4.4 Règle d’assimilation de */m/ (IV) m → n / __[C, +dent] */m/ se dentalise au contact d’une dentale subséquente. *|re'dem+t+| → */re'dent-u/ (cf. it. redento, REW3 s.v. rĕdĭmĕre).
|| 31 Une règle équivalente pour les voyelles d’arrière (« Toute voyelle postérieure se réduit à */u/ en hiatus ») peut être théoriquement postulée, mais on n’en relève aucun cas d’application.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 123
4.5 Règles d’assimilation de */n/ (V.1) n → m / __C[+LAB] */n/ se labialise au contact d’une labiale subséquente. *|kon+'pass+| → */kom'pass-a-/ (cf. it. compassare, fr. compasser, REW3 s.v. compassāre). (V.2) n → R / __R */n/ s’assimile à une liquide subséquente. *|kon+'lakt+| → */kol'lakt-i-u/ (cf. esp. collazo, REW3 s.v. collactĕus). *|kon+'rʊpt+| → */kor'rʊpt-u/ (cf. ait. corrotto, afr. corot, REW3 s.v. *corrŭptum).
4.6 Règle d’assimilation des dentales (VI) [C, +DENT] → Cx / __Cx Une occlusive dentale implosive s’assimile à la consonne subséquente. *|ad+'batt+| → */ab'batt-/ (cf. dacoroum. abate, it. abbattere, REW3 s.v. abbatt(u)ĕre). *|ad+'βɛni+| → */aβ'βɛni-/ (cf. dacoroum. aveni, it. avvenire, REW3 s.v. advĕnīre). *|ad+'ɸum+| → */at'ɸum-/ → */aɸ'ɸum-a-/ (cf. sard. affumare, it. affumare, REW3 s.v. *affūmāre). *|ad+'graβ+| → */ag'graβ-a-/ (cf. it. aggravare, afr. agrever, REW3 s.v. aggravāre). *|ad+'kʊrr+| → */at'kʊrr-/ → */ak'kʊrr-/ (cf. sard. akkurrere, it. accorrere, REW3 s.v. accŭrrĕre). *|ad+'jake+| → */aj'jake-/ (cf. ait. aggiacere, afr. agesir, REW3 s.v. adjacēre). *|ad+'lakt+| → */al'lakt-a-/ (cf. sard. allattare, it. allattare, REW3 s.v. allactāre). *|ad+'mɔrt+| → */am'mɔrt-i-/ (cf. dacoroum. amorți, it. ammortire, REW3 s.v. admŏrtīre). *|ad+'prɛnd+| → */at'prɛnd-/ → */ap'prɛnd-/ (cf. dacoroum. aprinde, it. apprendere, REW3 s.v. apprehendĕre).
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*|ad+'rip+| → */ar'rip-a-/ (cf. sard. arribare, itmérid. arripare, REW3 s.v. *arrīpāre). *|ad+'sali+| → */at'sali-/ → */as'sali-/ (cf. it. assalire, fr. assaillir, REW3 s.v. *assalīre).
4.7 Règle d’occlusion de */β/ (VII) β → b / __[C, +occl] */β/ s’occlut au contact d’une occlusive subséquente. *|'skriβ+'tur+| → */skrib'tur-/ → */skrip'tur-a/ (cf. dacoroum. scriptură, it. scrittura, REW3 s.v. scrĭptūra).
4.8 Règle de palatalisation (VIII) di → j / __V La séquence */di/ se réduit à */j/ au contact d’une voyelle subséquente. *|'gaud+i+u| → */'gauju/ (cf. afr. joi, occit. gaug, REW3 s.v. gaudium).
4.9 Règles de simplification des groupes consonantiques (IX.1) lβ → l / __[C, +obstru] (IX.2) lɡ → l / __[C, +obstru] (IX.3) ll → l / __[C, +obstru] (IX.4) rɡ → r / __[C, +obstru] (IX.5) rk → r / __[C, +obstru] (IX.6) sk → s / __[C, +obstru] Les groupes consonantiques suivants perdent leur second élément au contact d’une obstruante (occlusive, nasale ou fricative) : */lβ/, */lg/, */ll/, */rg/, */rk/, */sk/.32
|| 32 On peut postuler, sans en avoir la preuve positive, que c’est aussi le cas des groupes */lk/, */rβ/ et */rr/.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 125
*|'sɔlβ+t+| → */'sɔlt-u/ (cf. esp. suelto, REW3 s.v. sŏlvĕre) ; *|ak'kɔlg+t+| → */ak'kɔlt-u/ (cf. it. accolto, REW3 s.v. accŏllĭgĕre) ; *|'tɔll+t+| → */'tɔlt-u/ (cf. it. tolto, REW3 s.v. tŏllĕre) ; *|'pɔrg+t+| → */'pɔrt-u/ (cf. it. porto, REW3 s.v. pŏrrĭgĕre) ; *|'tɔrk+t+| → */'tɔrt-u/ (cf. it. torto, REW3 s.v. tŏrtus/tŏrtum) ; *|'mɪsk+t+| → */'mɪst-u/ (cf. occit. mest, esp. mesta, REW3 s.v. mĭxtum).
4.10 Règle de la prothèse vocalique (X) # → ɪ /__[s]C Tout groupe consonantique initial de lexème formé de [s] suivi d’une ou plusieurs consonne(s) provoque l’apparition d’une voyelle prothétique, d’articulation centrale, non ouverte et non arrondie. */'stare/ → *[ɪs'taːɾe] (cf. sard. istare, ait. istare, afr. ester, esp. estar, REW3 s.v. stare). */'skɛrnere/ → *[ɪs'kɛɾnəɾe] (cf. sard. scernere, aocc. eisernir, REW3 s.v. excĕrnĕre). Il est de fait que la « voyelle prothétique » du protoroman n’est pas reconstructible comme une voyelle initiale au niveau phonologique. L’apparition de cette voyelle est en effet déterminée par une règle – c’est un segment contextuellement déterminé.33 En outre, son timbre présente certains flottements mal explicables par les lois de correspondance régulière.34 Nous interprétons par conséquent cette prothèse comme la réalisation de protorom. */#/ (frontière de lexème) en contexte __[s]C, en d’autre termes,
|| 33 Pour cette même raison, le morphème préfixal protoroman exprimant l’extériorité, corrélat de lat. ex-, se reconstruit nécessairement comme */s-/ (devant une base à initiale consonantique) : cf. it. sforzare, frioul. sfuarçâ, fr. efforcer, occit. esforçar, cat. esforçar, esp. esforzar, port. esforçar < protorom. */s-ɸor'ti-a-re/ (REW3 s.v. *fortiāre). On en déduira l’existence en protoroman d’une allomorphie */'ɛks-/ ~ */eks-/ ~ */s-/ pour ce préfixe (cf. */ek's-i-re/, REW3 s.v. *exīre ; Lichtenthal 2010–2014 in DÉRom s.v. */'ɛks-i-/ ; */'s-βɔl-a-re/, REW3 s.v. exvŏlāre ; Baiwir 2014 in DÉRom s.v. */'s-βɔl-a-/ ; Baiwir 2013). 34 C’est singulièrement le cas en domaine italien : cf. la série sard. istare = it. stare = itsept. sté en face de sard. istade = it. estate = itsept. istà, it. stesso = itsept. istess ; sur quoi Rohlfs 1966, vol. 1, 162–164 § 130, 170 § 137.
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comme un phonème de jointure (juncture phoneme).35 On notera d’ailleurs que, dans une variété romane au moins – l’italien littéraire –, le continuateur de la voyelle prothétique (ʻla i proteticaʼ) est demeuré un phonème à conditionnement phonotactique (Rohlfs 1966, vol. 1, 255–257 § 187). Sur la détermination du timbre primitif de cette voyelle, cf. Sampson (2010a, 157–164) ; sur les différents problèmes diachroniques en lien avec la prothèse dans les langues romanes, cf. en dernier lieu Sampson (2010b).
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|| 35 Sur la notion de phonème de jointure, v. notamment Harris 1963, 79–89.
2.2.2. Reconstruction phonologique | 127
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Myriam Benarroch & Esther Baiwir
2.2.3. Reconstruction flexionnelle 1 Introduction La reconstruction des étymons protoromans du DÉRom s’effectue sur plusieurs plans, phonologique, morphosyntaxique et sémantique, en plusieurs étapes successives mais non exécutées toujours dans le même ordre, l’aréologie et les données internes étant déterminantes pour la chronologisation de ces étapes.1 Les divers aspects de la reconstruction morphologique et morphosyntaxique ont été distribués dans trois chapitres : reconstruction flexionnelle (chapitre 2.2.3.), reconstruction microsyntaxique (2.2.4.) et reconstruction dérivationnelle (2.2.6.). C’est à la reconstruction flexionnelle que nous nous intéresserons ici. Qu’est-ce que la reconstruction flexionnelle ? Dans la mesure où le système de la protolangue n’est pas connu a priori, on ne peut que reconstruire des cas individuels, qui pourront par la suite être utilisés pour la reconstruction de ce système. Dans la perspective étymographique du DÉRom, reconstruire la flexion d’une protolangue signifie reconstruire les différents morphèmes non lexicaux et non dérivationnels composant les protolexèmes. On s’interroge, dans un premier temps, sur la forme des cognats romans, car on ne connaît pas à l’avance la composition morphémique des protolexèmes. En effet, la forme du lemme protoroman n’est pas acquise d’avance, elle doit être reconstruite par la méthode de la grammaire comparée-reconstruction. Il faut donc établir les coupures morphémiques, dégager les morphèmes flexionnels propres au genre, au nombre et, éventuellement, au cas (déclinaison), pour les substantifs et les adjectifs, à la classe flexionnelle (conjugaison) pour les verbes. Expliciter, ensuite, les voies qui ont conduit à reconstruire ces morphèmes flexionnels. Comme le stipule le Livre bleu, les lemmes du DÉRom doivent être représentés sous leur forme citationnelle : « Seules sont citées les formes citationnelles des lexèmes et grammèmes traités : infinitifs des verbes, singuliers des noms, masculins singuliers des adjectifs. Les formes flexionnelles (par exemple les formes conjuguées des verbes) ne sont traitées qu’exceptionnellement, quand elles présentent un intérêt pour la discussion étymologique des formes citationnelles » (Buchi 2014, « Normes rédactionnelles », § 2.2.2).
|| 1 Nous remercions Marco Maggiore pour sa relecture attentive de ce chapitre, pour ses précieuses corrections ainsi que pour la confection des cartes 2-4 et 8-9. Nous remercions aussi Yan Greub pour ses remarques pertinentes.
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Toutefois, l’expérience du DÉRom a montré que la reconstruction du genre, du nombre et du cas, pour les substantifs et les adjectifs, et des types flexionnels, pour les substantifs, les adjectifs et les verbes, n’allait pas de soi et qu’il fallait analyser minutieusement les caractéristiques flexionnelles des données romanes pour tracer le parcours conduisant à la forme flexionnelle de l’étymon protoroman, qui, en maints exemples, est différente de ce que laissent penser les témoignages du latin écrit de l’Antiquité. Nous nous fonderons sur 152 articles du DÉRom (88 publiés et 64 en cours de publication) pour mettre en lumière les principes présidant à la reconstruction de la flexion nominale (ci-dessous 2), à la reconstruction de la flexion adjectivale, à travers l’examen d’un numéral cardinal (ci-dessous 3), ainsi qu’à la reconstruction de la flexion verbale (ci-dessous 4).
2 Reconstruction flexionnelle nominale La reconstruction du genre et du nombre des substantifs protoromans est traitée dans le chapitre suivant (2.2.4. « Reconstruction microsyntaxique »). Cette reconstruction révèle plusieurs cas de recatégorisation, en l’occurrence, de changement de genre, dans les articles du DÉRom. Dans certains cas (*/'mɔnt-e/, */'pan-e/, */'sal-e/ etc.), le changement de genre n’implique pas de changement formel des protoformes. Dans d’autres, la recatégorisation s’accompagne d’une remorphologisation. C’est à ces derniers cas que nous nous intéresserons plus particulièrement pour la reconstruction flexionnelle des substantifs. Les articles sur lesquels nous nous arrêtons font ipso facto partie du corpus des recatégorisations tel qu’il est circonscrit dans le chapitre sur la reconstruction microsyntaxique. Nous avons donc fait le choix de calquer la structure suivie ci-dessous pour les substantifs sur celle de ce chapitre, c’est-à-dire en présentant les divers cas de reconstruction à un premier niveau selon le genre reconstruit et seulement ensuite selon le type de flexion, contrairement à Hall 1983, qui structure son classement en accordant la première place au type de voyelle flexionnelle. Étant donné qu’aucun des exemples de recatégorisation de masculins ne s’accompagne d’une modification morphémique, nous nous limiterons aux cas de reconstruction de lexèmes protoromans féminins (*/'karpin-u/, */'man-u/, */la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/ et */plan't-agin-e/) et neutres (*/'pes-u/, */ˈrap-u/ et */'ɸamen/). Cette structure ne doit pas occulter le fait que la réfection morphémique a affecté très diversement les lexèmes, comme nous l’exposerons.
2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 131
2.1 Reconstruction d’un féminin protoroman Le morphème flexionnel féminin reconstruit est */-u/ dans les deux premiers cas (*/'karpin-u/, */'man-u/), */-a/ dans le troisième (*/la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/) et */-e/ dans le quatrième (*/plan't-agin-e/). Si cette diversité reflète en partie la pluralité des formes féminines représentées dans la déclinaison protoromane ainsi que dans la déclinaison latine telle qu’elle nous est connue par les textes de l’Antiquité, elle illustre aussi la difficulté, dans l’état d’avancement actuel du projet DÉRom, de dégager des systèmes cohérents d’explication. Bien plus, et contrairement aux réfections catégorielles, elle montre que les phénomènes examinés ci-dessous sont imprévisibles et non réguliers. L’article */'karpin-u/ s.f. ‘charme’ (cf. Medori 2008–2014 in DÉRom s.v.) présente la structure suivante : */'karpin-u/ s.f. I. */'karpin-u/ s.m. /-o/
II. */'karpin-a/ s.f. /-ə/
-ø
/-a/
dacoroum. carpen s.m. méglénoroum. carpin s.m. aroum. carpin s.m. istriot. kárpano s.m. it. carpino s.m.
lomb. carpla s.f. vén. kárpena s.f. frioul. ciàrpin s.m.
frioul. cjarpina s.f.
oïl. charpe s.m. wall. ˹charne˺ s.m. pic. carne s.m. saint. charne s.m. bourb. charne s.m. bourg. charne s.m. frpr. charpeno s.m.
frpr. charpena s.f. occit. ˹charpre˺ s.m. gasc. carpe s.m.
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Dans cet article, la voyelle flexionnelle */-u/ du protolexème et son genre féminin ont été reconstruits à partir de deux groupes d’issues : les issues de genre masculin permettant de reconstruire un protolexème */'karpin-u/ s.m. (I.) et celles conduisant à reconstruire une protoforme */'karpin-a/ s.f. (II.). Comme l’illustre le tableau, les issues de genre masculin, figurant sous I., présentent trois types de marques flexionnelles : /-o/, /-ə/ et -ø. La reconstruction phonologique conduit, sur la base du critère de la directionalité (/o/ > /-ə/ > ø), à reconstruire le protosuffixe flexionnel /-o/. Or, contrairement à la reconstruction des morphèmes lexicaux, celle des morphèmes flexionnels ne se réalise pas au niveau d’unités lexicales isolées. On s’interdit donc de poser une classe flexionnelle en /-o/, et la protoforme */'karpin-o/ est immédiatement corrigée en */'karpin-u/ par analogie avec la série constituée de /ˈann-u/, */kaˈßall-u/, */ˈlɔk-u/ etc., dont les issues sardes et roumaines obligent à reconstruire */-u/. Quant aux issues de genre féminin, figurant sous II. et couvrant une aire assez compacte formée par le lombard, le vénitien, le frioulan et le francoprovençal, elles possèdent toutes la voyelle flexionnelle /-a/. L’auteure de l’article explique, dans le commentaire, comment elle en est arrivée à reconstruire ces deux types morphologiques : « Les types I. et II. doivent être conçus comme deux réfections, de sens contraire, à partir d’un même point de départ anomal à l’intérieur des classes morphologiques du protoroman. Leur ancêtre commun ne saurait être que protorom. */'karpin-u/ s.f., qui seul explique les deux développements ultérieurs : un changement de genre, général (I.), et une remorphologisation en */-a/ dans une partie du domaine (II.). Un tel passage du féminin au masculin s’observe par ailleurs pour d’autres noms d’arbres. »2 (Medori 2008–2014 in DÉRom s.v. */'karpin-u/)
On a donc le schéma suivant : */'karpin-u/ s.f. ↙ ↘ */'karpin-u/ s.m.
*/'karpin-a/ s.f.
|| 2 On peut citer notamment comme parallèles */'arβor-e/ (cf. Álvarez Pérez 2014 in DÉRom s.v.), /'aln-u/ et /'ɸraksin-u/ (cf. Meyer-Lübke 1890-1906, 2, 449 § 362, 461 § 371). Lausberg (1981, 258) explique le passage du féminin au masculin pour les noms d’arbres dans les langues romanes comme conséquence d’une démythologisation, le féminin initial étant lié au mythe selon lequel les arbres étaient habités par des nymphes.
2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 133
L’article */'man-u/ s.f. ‘main’ (cf. Gross 2012–2014 in DÉRom s.v.) ne présente pas de cas de remorphologisation. Il est cependant intéressant dans la mesure où c’est le seul article du DÉRom, à part */'karpin-u/, où l’on reconstruit un féminin à suffixe flexionnel */-u/, ce qui présente une anomalie morphologique dans le système protoroman. Cette reconstruction n’est toutefois pas une surprise, dans la mesure où cette voyelle existe aussi dans le corrélat latin, manus, -us s.f., attesté durant toute l’Antiquité, et où les lexèmes de la quatrième déclinaison, peu représentée quantitativement, ont eu par la suite, en raison de leur voyelle flexionnelle, tendance à se confondre avec ceux de la deuxième déclinaison (Bourciez 1967, 86-87). Le tableau suivant met en évidence les voyelles finales des cognats romans : */'man-u/ s.f. /-u/
/-o/
-ø
/-a/
sard. manu s.f. dacoroum. sept. mân s.f. istroroum. măr s.f. méglénoroum. mǫnă s.f. aroum. mînă s.f. dalm. muon s.f. istriot. man s.f. it. mano s.f. frioul. man s.f. lad. man s.f. romanch. man/maun [s.m.] fr. main s.f. frpr. man s.f. occit. man s.f. gasc. mâ s.f. cat. mà s.f. esp. mano s.f. ast. mano s.f. gal. man s.f. port. mão s.f.
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Les issues romanes présentent quatre types de voyelle flexionnelle : /-u/, /-o/, -ø et /-a/. La voyelle finale /-a/, aréologiquement très réduite, se dénonce comme une remorphologisation tardive (même phénomène que */'karpin-a/, mais idioroman). L’immense majorité des issues, féminines, conduisent à reconstruire un protolexème */'man-u/ de genre féminin. Le romanche fait exception, avec une recatégorisation au masculin qui est ancienne, mais reste une innovation idioromane, tandis que l’occitan a hésité entre les deux genres avant que le féminin originel ne l’emporte. L’asturien, qui conserve l’anomalie morphologique au singulier, présente un pluriel, manes, développé par remorphologisation analogique sur les pluriels des substantifs en /-a/ (cf. García Arias 2003, 274). Quant aux variétés roumaines – qui, contrairement à ce que laissent entendre certaines sources lexicographiques, n’ont pas connu de recatégorisations idioromanes en un substantif neutre (cf. Groß/Schweickard 2012–2014 in DÉRom s.v. n. 2) –, elles présentent une remorphologisation que l’on peut assigner au protoroumain. Par ailleurs, cet article présente une singularité remarquable : les cognats romans permettent de reconstruire non seulement la forme du singulier */'man-u/ mais, en outre, sur la base du roumain et des dialectes italiens centro-méridionaux, le pluriel récessif */'man-u/. L’article */la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/ ‘vigne sauvage ; fruit de la vigne sauvage’ (cf. Reinhardt 2011–2014 in DÉRom s.v.) présente aussi des subdivisions morphologiques relevant de la reconstruction flexionnelle, mais, à la différence des articles */'karpin-u/ et */'man-u/, ces subdivisions n’occupent pas la première place, qui a été attribuée à des considérations d’ordre phonologique. L’article présente la structure suivante :
2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 135
*/la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/ I. Type originel
II. Type */lam'brusk-/ ~ */lam'brʊsk-/
I.1. Féminin I.2. Masculin II.1. Féminin originel II.2. Masculin secondaire originel : secon-daire : II.1.1. II.1.2. II.2.1. II.2.2. */la'brusk-a/ */la'brʊsk-u/ */lam'brusk-a/ */lam'brʊsk-a/ */lam'brusk-u/ */lam'brʊsk-u/ dacoroum. ˹lăuruşcă┐ s.f. tosc. abrosco it. lambrusca s.m. s.f.
itsept. ˹lambrosca˺ s.f.
it. lambrusco s.m.
lomb. orient. lambrösch s.m.
laz. mérid. mbrošta s.f. fr. ˹lambruche˺ bourg. lams.f. broche s.f. frpr. ˹[lã'brüθi]˺ frpr. lambrochi s.f. s.f. occit. lambrusca s.f.
occit. lambrusc s.m.
gasc. lambrusco s.f. cat. llambrusca s.f. aesp. lambrusca s.f.
aesp. lambrusco s.m.
On voit qu’outre les subdivisions dues à des questions strictement phonologiques (épenthèse d’une consonne nasale ; fluctuation du phonème accentué */u/ ou */ʊ/), l’ensemble des cognats romans a été subdivisé, à un second niveau, en deux classes flexionnelles, correspondant aux deux genres et aux deux suffixes flexionnels qui les caractérisent, féminin en /-a/ (I.1. et II.1.) et masculin en /-u/ (I.2. et II.2) : « [L]e féminin occupe une large aire presque continue (roumain, italien, français, francoprovençal, occitan, gascon, catalan, espagnol), tandis que le masculin n’apparaît que dans une partie méridionale et occidentale de cette dernière (italien, occitan, espagnol), ce qui incite à le considérer comme innovatif – et peut-être comme sémantiquement marqué : il a pu d’abord désigner le fruit de la vigne sauvage. » (Reinhardt 2011–2014 in DÉRom s.v. */la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/)
À partir des cognats romans ont été reconstruites six protoformes, trois féminins en /-a/ et trois masculins en /-u/. Le latin écrit de l’Antiquité ne peut ici expli-
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quer directement ces masculins (ni d’ailleurs les formes présentant l’épenthèse de la consonne nasale). En effet, seul le type I.1. présente un corrélat, labrusca, -ae, dans le latin écrit de l’Antiquité, et « il faut attendre le 8e siècle […] pour qu’un corrélat du type II. soit relevé dans le code écrit » (Reinhardt 2011–2014 in DÉRom s.v. n. 8) ; quant à lat. labruscum, -i s.n. ‘fruit de la vigne sauvage’, attesté depuis le 5e/6e siècle mais rare, il est clairement secondaire (ibid. n. 10). Il ressort de la reconstruction que le type originel est le féminin */la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/, tandis que le masculin */la'brusk-u/ ~ */la'brʊsk-u/ est secondaire. L’article */plan't-agin-e/ s.f. ‘plantain’ (Delorme 2012–2014 in DÉRom s.v.) est organisé en trois subdivisions, inégalement représentées : */plan't-agin-e/ s.f. I. Substantif originel : */plan't-agin-e/ s.f.
II. Remorphologisation : */plan't-agin-a/ s.f.
III. Recatégorisation : */plan't-agin-e/ s.m.
dacoroum. occid. plătagină s.f. it. piantaggine s.f.
it. dial. ˹piantaggina˺ s.f.
itsept. ˹piantai˺s.m. frioul. [pjan'taj] s.m.
fasc. piantana s.f.
bad. plantagn s.m.
bas-engad. plantaja s.f. oïl. sept. ˹plantaine˺ s.f.
fr. plantain s.m. frpr. ˹[plã'tẽ]˺ s.m. occit. plantain s.m.
gasc. occid. plantagne s.f.
gasc. ˹[plãn'tẽɲ]˺ s.m.
arag. ˹plantaina˺ s.f. esp. llantén s.m. ast. llantaina s.f.
ast. llantén s.m. gal. chantaxe [s.f.] aport. chantagem [s.f.]
Les principaux types sont, d’une part, les formes féminines issues d’un protolexème en */-a/ (II.) et, d’autre part, les formes masculines issues d’une protoforme en */-e/ (III.). La présence du type II. (féminin) dans deux grandes branches de la Romania, le roumain et la Romania ‘italo-occidentale’, et la limitation du type III. (masculin) à la Romania ‘italo-occidentale’ incitent à postuler l’antériorité du type II. féminin par rapport au type III. masculin. Quant au cognat italien piantaggine, féminin (I.), il représente un précieux témoignage du
2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 137
type originel, qu’il serait toutefois possible de reconstruire sur la seule base des deux types innovés : */plan't-agin-e/ s.f. ↙ ↘ */plan't-agin-a/ s.f. */plan't-agin-e/ s.m. Voici la reconstruction protoromane proposée par l’auteur : « Lʼancêtre commun de II. et de III. ne saurait être que protorom. */plan't-agin-e/ s.f. (I.), qui seul explique les deux développements ultérieurs : une remorphologisation en */-a/, générale, avant le 4e siècle (avant la séparation du protoroman de Dacie, II.), et une recatégorisation en protoroman occidental, après le 3e siècle (après la séparation du protoroman de Dacie, III.). » (Delorme 2012–2014 in DÉRom s.v.)
Signalons que, pour limpide que puisse sembler le cas tel quʼil est exposé ci-dessus – en tout cas a posteriori –, son explication globale nʼa pu être posée que grâce à la soigneuse partition entre lexèmes héréditaires et emprunts savants, dont le détail est fourni en note 8 de l’article.
2.2 Reconstruction d’un neutre protoroman Trois articles nous paraissent particulièrement intéressants pour la reconstruction flexionnelle du neutre protoroman : */'pes-u/, */ˈrap-u/ et */'ɸamen/. L’article */'pes-u/ ‘charge ; unité de poids ; balance ; poids ; monnaie’ (cf. Morcov 2014 in DÉRom s.v.) présente la structure suivante :
cat. pes s.m.
gal./port. peso s.m.
ast. pesa s.f.
ast. pesu s.m. gal./port. peso s.m.
esp. pesa s.f.
esp. peso s.m. ast. pesa s.f.
cat. ['pęza] s.f.
gasc. pes s.m.
esp. peso s.m.
gasc. pèso s.f.
occit. pes s.m.
gasc. pes s.m.
afr. poise s.f.
romanch. peisa s.f.
occit. pes s.m.
occit. peso s.f.
romanch. peisa s.f.
it. pesa s.f.
III.3. ‘balance’
frpr. ˹pei˺ s.m.
romanch. pais s.m.
ait. pesa s.f.
III.1. ‘charge’
esp. pesa s.f.
cat. pesa s.f.
afr. poise s.f.
III.5. ‘monnaie’
III. Remorphologisation : */'pes-a/ s.f. (< */'pes-a/ s.n.pl.)
frpr. ˹pei˺ s.m.
fr. poids s.m.
romanch. pais s.m.
lad. pëis s.m.
frioul. pês s.m.
it. peso s.m.
sard. pesu s.m.
it. peso s.m.
II.3. ‘balance’ sard. pesu s.m.
II.1. ‘charge’
I.1. ‘charge’
dacoroum. păs (pl. păsuri) s.n.
II. Recatégorisation : */'pes-u/ s.m.
I. Type originel : */'pes-u/ s.n.
*/'pes-u/ s.n.
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sard. pesu s.m. istriot. ['piz]
sard. pesu s.m.
istriot. ['piz] s.m.
lad. ˹pëis˺ s.m. romanch. pais s.m. fr. poids s.m.
lad. pëis s.m.
romanch. pais s.m.
fr. poids s.m.
occit. pes s.m. gasc. pes s.m. cat. pes s.m. esp. peso s.m. ast. pesu s.m. gal./port. peso s.m.
occit. pes s.m.
gasc. pes s.m.
cat. pes s.m.
esp. peso s.m.
ast. pesu s.m.
gal./port. peso s.m.
frpr. ˹pei˺ s.m.
frioul. pês s.m.
frioul. pês s.m.
it. peso s.m.
II.4. ‘poids’
II.2. ‘unité de poids’
I.2. ‘unité de poids’
ait. peso (pl. pesora) s.m. it. peso s.m.
II. Recatégorisation : */'pes-u/ s.m.
I. Type originel : */'pes-u/ s.n.
*/'pes-u/ s.n.
esp. pesa s.f.
cat. pesa s.f.
aoccit. peza s.f.
fr. poise s.f.
romanch. peisa s.f.
it. pesa s.f.
III.2. ‘unité de poids’
afr. poise s.f.
III.4. ‘poids’
III. Remorphologisation : */'pes-a/ s.f. (< */'pes-a/ s.n.pl.)
2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 139
140 | Myriam Benarroch & Esther Baiwir
Les données romanes ont été subdivisées, dans un premier temps, selon trois types morphosyntaxiques : un neutre originel dont les traces se retrouvent en roumain et en italien, un masculin et un féminin, qui représentent des évolutions du neutre. Si nous n’entrons pas ici dans le détail de la reconstruction sémantique, il est important de constater, comme le fait Mihaela-Mariana Morcov, qu’elle nous fournit des informations précieuses concernant les recatégorisations et la remorphologisation qui se sont opérées sur l'étymon : « [L]e substantif féminin */'pes-a/ est issu du neutre pluriel */'pes-a/, variante de */'pes-ora/, réinterprété comme un collectif (cf. la valeur collective attestée en romanche ci-dessus III.2.). Le point de départ de cette recatégorisation a probablement été constitué par le sens ʻunité de poidsʼ, souvent en rapport avec plusieurs objets considérés comme étalons pour mesurer le poids d’une marchandise. » (Morcov 2014 in DÉRom s.v.)
Le point de départ est donc constitué par le neutre */'pes-u/, dont le pluriel */'pes-a/ (variante de */'pes-ora/) a été réinterprété par la suite comme un collectif. Dans un deuxième temps, du fait de sa voyelle flexionnelle, le neutre */'pes-u/ a changé de genre, pour passer dans la classe des substantifs masculins. La forme plurielle du lexème a, par la suite, subi une nouvelle recatégorisation pour donner naissance à un féminin. On a donc le schéma reconstructif suivant : */'pes-u/, pl. */'pes-a/ (var. */'pes-ora/) s.n. ↙
↘
*/'pes-u/ s.m. */'pes-a/ s.f.
Ce cas de recatégorisation et remorphologisation est isolé au sein du DÉRom, ce qui rend périlleuse toute tentative de systématisation. On ne trouve pas trace, dans le latin écrit de l’Antiquité, d’un corrélat pour le neutre pluriel */'pes-ora/, ni pour le masculin */'pes-u/, ce qui témoigne d’une variation diamésique à l’intérieur du diasystème latin. En revanche, on relève des corrélats approximatifs de */'pes-u/ s.n. – pensum s.n. (dp. 189 av. J.-Chr.) – et de */'pes-a/ s.f. – pensa s.f. (beaucoup plus tardivement, *530/600), qui sont en adéquation avec le neutre et le féminin reconstruits. Plus symptomatique des mécanismes exposés dans l’examen microsyntaxique (cf. 2.2.4. « Reconstruction microsyntaxique ») est le cas de */ˈrap-u/ s.n. ‘navet’ (Delorme 2013–2014 in DÉRom s.v.). Au niveau formel, les cognats se répartissent en deux groupes : un ensemble réductible à une forme originelle masculine en */-u/, l’autre réductible à une forme féminine en */-a/ :
2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 141
*/'rap-u/ s.n. I. Recatégorisation : */'rap-u/ s.m.
II. Remorphologisation : */'rap-a/ s.f.
I.1. Sens propre : ‘navet’
II.1. Sens propre : ‘navet’
I.2. Par métaphore : ‘chose dont l’aspect évoque un navet long’
II.2. Par extension de sens : ‘rave’
sard. occid. raƀa s.f. dalm. ruapa s.f. istriot. rava s.f. itsept./itcentr. rapo/ravo s.m.
it. rapa s.f.
frioul. râf s.m.
carn. ráve s.f.
lad. rè s.m. romanch. rava s.f. fr. reve s.f. frpr. rava s.f. occit. raba s.f. gasc. arrabo s.f. cat. rap s.m. esp. rabo s.m. ast. rabu s.m. gal./port. rabo s.m.
Sans que soient détaillées toutes les ramifications sémantiques de lʼarticle, on notera la remarquable organisation des lexèmes en zones géographiquement homogènes : le sens originel « navet » est porté par des formes masculines dans une zone centrée sur l’Italia septentrionalis (itsept./itcentr. frioul. lad.) et par des formes féminines dans une aire plus large, mais dont lʼépicentre est similaire (sard. occid. dalm. istriot. it. frioul. romanch.). Les lexèmes dont le sens est secondaire sont masculins dans la péninsule Ibérique (cat. esp. ast. gal./port.) et féminins dans le bloc nord-occidental de la Romania (fr. frpr. occit. gasc.). La carte 1 ci-dessous, qui fait abstraction des données sémantiques, permet de visualiser les deux types morphologiques */ˈrap-u/ s.m. et */ˈrap-a/ s.f.
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Carte 1 : Répartition géographique des types */'rap-u/ s.m. et */'rap-a/ s.f.
Quant au genre originel, il ne saurait sʼagir que du neutre, genre récessif ayant engendré dʼune part une recatégorisation comme masculin, d’autre part une remorphologisation et une recatégorisation en féminin, sur la base du neutre pluriel (Delorme 2013/2014 in DÉRom s.v. */ˈrap-u/). On a ainsi le schéma reconstructif suivant : */'rap-u/ s.n. (pl. */'rap-a/) ↙ */'rap-u/ s.m.
↘ */'rap-a/ s.f.
Les protoformes */'rap-u/ s.m. et */'rap-a/ s.f. représentent donc des doublets issus de deux formes du paradigme flexionnel de */'rap-u/ s.n. De ce fait, le cas de */'rap-u/ est à distinguer, malgré des ressemblances superficielles, de celui du couple */ka'βall‑u/ et */ka'βall‑a/ (Cano González 2009–2014 in DÉRom s.v.). Dans ce couple, le second lexème, dont le genre correspond au sexe de l’animal désigné, est analysé à juste titre comme issu par dérivation du premier. L’article */'ɸamen/ ‘faim ; famine ; désir’ (cf. Buchi/González Martín/ Mertens/Schlienger 2012–2014 in DÉRom s.v.) est très complexe. Si l’on fait abstraction des données sémantiques, il présente la structure suivante :
2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 143
*/'ɸamen/ s.n. I. Étymon originel : */'ɸamen/ s.n.
II. Recatégorisation : */'ɸam-e/ s.f.
III. Remorphologisation 1 : */ɸa'min-a/ s.f.
IV. Remorphologisation 2 : */'ɸamin-e/ s.f.
V. Remorphologisation 3 : */'ɸamit-e/ s.f.
sard. ˹famen˺ s.m. dacoroum. foame s.f.
dacoroum. foamete s.f.
istroroum. fóme s.f. aroum. foame s.f.
aroum. foamită s.f.
dalm. ˹fum˺ s.f. istriot. ˹fan˺ s.f. it. fame s.f.
lig./piém. famina s.f.
frioul. fam s.f. lad. fam s.f. romanch. fom s.f. fr. faim s.f.
fr. famine s.f.
frpr. ˹fan˺ s.f.
frpr. ˹famena˺ s.f.
occit. ˹fam˺ s.f.
occit. famina s.f.
lang. fame s.f. périg. ˹['fome]˺ s.f. gasc. hame s.f.
cat. fam s.f.
acat. famina s.f. esp. hambre s.f.
ast. fame s.f. gal. fame/port. fome s.f.
Ces données amènent les auteures de l’article à reconstruire cinq bases étymologiques : « On a subdivisé les cognats romans selon les différents types morphologiques dont ils relèvent […], en séparant en premier lieu les cinq types formels que la reconstruction conduit à dégager : */'ɸamen/ s.n. (ci-dessus I.), */'ɸam-e/ s.f. (II.), */ɸa'min-a/ s.f. (III.), */'ɸamin-e/ s.f. (IV.) et */'ɸamit-e/ s.f. (V.). » (Buchi/González Martín/Mertens/Schlienger 2012–2014 in DÉRom s.v. */'ɸamen/)
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Le type I. */'ɸamen/ s.n. a été reconstruit à partir du sarde famen, seul représentant de cette protoforme tant dans sa variante ancienne que dans la langue contemporaine. Il est le seul des cinq types à relever du genre neutre. La co-présence d’issues masculines (sarde) et féminines (toutes les autres), le caractère récessif du genre neutre en roman (Buchi/Greub 2013) ainsi que la série de réfections constatées dans les types II. à V., qui se présentent comme des remorphologisations tendant à marquer formellement un passage au féminin, conduisent à postuler avec Meyer-Lübke (1883, 66-67) le substantif neutre */'ɸamen/ comme base étymologique à l’origine des cinq types et donc de l’ensemble des cognats répertoriés. Aussi, le type */'ɸamen/ s.n. a-t-il été assigné par les auteures de l’article à la phase la plus ancienne du protoroman, c’est-à-dire au protoroman stricto sensu (cf. Buchi 2013). Le type II. */'ɸam-e/ s.f. est représenté à la fois en roumain et dans plusieurs branches de la Romania « italo-occidentale », ce qui incite à le considérer comme appartenant à une phase assez ancienne du protoroman – toutefois postérieure à la précédente –, qui se situe entre l’individuation du sarde et celle du roumain. Or, précisément dans cette phase, on observe : « […] une « tendance au passage au féminin des substantifs de la troisième déclinaison, en particulier ceux en */-'amen/, */-'imen/ et */-'umen/ […], que la réduction phonétique */-en/ > */-e/ qui a régulièrement frappé toute la Romania continentale a entraînés dans le champ d’attraction de la flexion en */-e/ (type */'pɔnt-e/). » (Buchi/González Mártín/Mertens/Schlienger 2012–2014 in DÉRom s.v.*/'ɸamen/)
On peut, dès lors, postuler, à partir du type I. */'ɸamen/, une recatégorisation, accompagnée d’une remorphologisation aboutissant au type II., */'ɸam-e/, féminin (cf. carte 2 ci-dessous).
2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 145
Carte 2 : Aréologie des types */'ɸamen/ s.n. et */'ɸam-e/ s.f.
Le type III. */ɸa'min-a/ s.f. se reconstruit à partir de données romanes représentées dans une aire centrale continue et restreinte (lig. piém. fr. frpr. occit. cat. ; cf. carte 3 ci-dessous) et dotées d’une voyelle flexionnelle dont l’ancêtre commun est */-a/. Il est interprété, sur la base d’une hypothèse étymologique légèrement revue de Josef Brüch, comme une remorphologisation entraînant un changement d’accentuation, ce qui peut s’expliquer par l’attraction du suffixe */-'in-a/ du pluriel */'ɸamin-a/ de l'étymon neutre originel (on observe le même changement d’accentuation avec les adjectifs en */'-in-u/ > */-'in-u/, MeyerLübke 1895, 2, 542 § 454).
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Carte 3 : Aréologie du type /ɸa'min-a/ s.f. ( */-'i-/. Pour chacun d’eux se pose la question de savoir si ce changement s’est effectué dès le protoroman ou bien à époque idioromane. Meyer-Lübke (1895, 2, 160-162 § 119), qui en donne de nombreux exemples (cupire, fodire, fugire, morire, patire), ne se prononce pas clairement sur la chronologie. Si les travaux conduits au sein du DÉRom ont montré que */ɸu'ɡ-i-/ et */kue'r-i-/ sont de création protoromane, la question devra être résolue pour chacun des autres verbes concernés.
4.2.3 */'ɸak-e-/ Un dernier cas de variation morphologique mérite d’être envisagé à part, car il est à la fois atypique et tout à fait central dans le lexique panroman. Il s’agit de */'ɸak-e-/ v.tr. ‘faire’ (cf. Buchi 2009–2014 in DÉRom s.v.). La comparaison des cognats romans conduit à reconstruire deux types flexionnels, */'ɸak-e-/ et */'ɸ-a-/, le second étant une réfection du premier par « syncope en position proclitique renforcée par l’effet de l’analogie », comme le précise le titre de la subdivision II. de l’article. Voici le tableau récapitulatif des cognats : */'ɸak-e-/ I. Type originel */'ɸak-e-re/ sard. fakere dacoroum. face istroroum. fåče méglénoroum. fáţiri aroum. fac
II. Type évolué */'ɸ-a-re/
2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 161
*/'ɸak-e-/ dalm. fur istriot. fa itsept./itmérid. ˹facere˺
it. fare frioul. fâ lad. fà romanch. far
fr. faire
wall. ['fe]
frpr. faire occit. faire
occit. far
gasc. ['hɛ] cat. fer
acat. far
esp. hacer
aesp. far
ast. facer gal. facer/port. fazer
La reconstruction du type II., puis d’une protoforme qui constitue l’ancêtre commun des deux types, se fonde non seulement sur les formes de l’infinitif, présentes dans le tableau, mais également sur les paradigmes complets de formes fléchies propres à chaque système linguistique. Si le sarde et le roumain ne connaissent aucune forme fléchie relevant du type II., dans les autres idiomes, « les deux types présentent (selon différents schémas) une distribution complémentaire au sein de leurs paradigmes flexionnels, ce qui signale leur monogenèse » (Buchi 2009–2014 in DÉRom s.v. */'ɸak-e-/). Ces données relevant des formes fléchies sont par principe exclues, sauf dans le cas des verbes défectifs (cf. Delabarre/Fister/Huguet/Hütsch/Juroszek/Moisson/Pauvé à paraître in DÉRom s.v. */ˈβad-e-/), de la partie « Matériaux » de l’article. Quant à la chronologie relative des deux types, elle est induite par l’étude aréologique, ainsi que l’écrit Éva Buchi : « [L]a répartition spatiale assigne */'ɸak-e-re/ à la strate la plus ancienne du protoroman, antérieure au décrochage du sarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256) et du roumain, tandis que le type */'ɸ-a-re/ appartient à une strate plus récente, postérieure au dégagement du protoroumain (2e moitié 3e siècle selon RosettiIstoria 184 ; fin 3e siècle selon Straka,RLiR 20, 258). » (Buchi 2009–2014 in DÉRom s.v. */'ɸak-e-/)
La chronologie relative des deux protoformes reconstruites trouve un écho dans les données du latin écrit, qui connaît un corrélat pour le type I., facere, attesté depuis Plaute, mais ignore l’infinitif raccourci, ce qui incite à considérer cette
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variante comme un particularisme de l’« immédiat communicatif » au sens de Koch/Oesterreicher (2008, 2575 ; cf. aussi Benarroch 2013 ; à paraître). Le type II. est une variante combinatoire du type I. La syncope de la syllabe /-ke-/ est le résultat d’une usure due à la grande fréquence du verbe, en particulier en position proclitique, de l’ancien futur roman */ɸ-a-re-'aβ-e-/. Ce type de futur analytique occupe, du reste, une aire (dalm. istriot. it. frioul. lad. bas-engad. haut-engad. surm. fr. occit. cat. esp. ast. gal./port.) quasi homotope avec celle occupée par le type II., qui exclut notamment le sarde et le roumain. Le type II. */ˈɸ-a-/ s’explique en outre, comme l’indique l’auteure, par une analogie avec deux autres verbes tout aussi courants, */'d-a-/ et */'st-a-/, les trois verbes ayant donné lieu au « dégagement d’un sous-système flexionnel que des continuateurs de verbes comme */'bɪβ-e-/, */'dik-e-/, */'duk-e-/ ou encore */'pon-e-/ ont par la suite rejoint pour une partie ou pour l’ensemble de leur paradigme flexionnel » (Buchi 2009–2014 in DÉRom s.v.).
4.3 Reconstruction de la classe flexionnelle */-i-/ Seuls trois articles ont abouti à la reconstruction d’un étymon du protoroman commun relevant de la classe flexionnelle en */-ˈi-/. Il s’agit des verbes */ˈaud-i-/ (Groß/Schweickard 2010–2014 in DÉRom s.v.), */ˈdɔrm-i-/ (Groß/ Schweickard 2011–2014 in DÉRom s.v.) et */ˈeks-i-/ (Lichtenthal 2010–2014 in DÉRom s.v.), qui ne soulèvent pas de difficulté quant à leur flexion.
5 Conclusion L’apport de la grammaire comparée-reconstruction appliquée à la morphologie flexionnelle se mesure à l’aune de l’écart entre l’état de langue reflété par les sources du latin écrit et celui reconstruit dans les articles étudiés ci-dessus. La méthodologie du DÉRom donne en effet à toucher du doigt une variation flexionnelle du lexique du « latin global » plus importante que ce que laissent voir les témoignages des textes latins. Beaucoup des types flexionnels reconstructibles pour des variétés régionales tardives et/ou diastratiquement ou diaphasiquement marquées du protoroman sont en effet dépourvus de corrélats dans le latin écrit de l’Antiquité. Pour la flexion nominale, l’examen des cognats romans porte souvent à reconstruire des diasystèmes morphologiquement complexes pour un seul et unique lexème, organisés en aires spatialement cohérentes. Ainsi, à côté du
2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 163
féminin */'karpin-u/, connu dès le latin préclassique, ont été reconstruites les formes masculine */'karpin-u/ et féminine */'karpin-a/. À côté du féminin */la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/ apparaissent des formes masculines en /-u/. Outre */plan't‑agin‑e/ féminin, presque entièrement dépourvu de continuateurs dans les idiomes romans, se sont répandues les formes féminine en /-a/ et masculine en /-e/. La question épineuse du genre neutre en protoroman peut également se nourrir de plusieurs analyses pointues. Les cas de */'pes-u/ et de */ˈrap-u/ illustrent, par exemple, le double mécanisme de changement de catégorie (le substantif passe au masculin) et de remorphologisation (doté d’un morphème /-a/, le substantif passe au féminin). Quant au cas de */'ɸamen/, il conduit à reconstruire cinq types morphologiques, dont un seul, */'ɸam-e/ s.f., est illustré par un corrélat écrit. L’examen de l’ensemble des matériaux confirme ici aussi la nécessité de reconstruire une protoforme neutre. L’analyse des continuateurs du numéral cardinal */ˈdʊ-i/ permet d’ordonner de manière cohérente le foisonnement des formes latines attestées dans la documentation. Elle conduit à la reconstruction de cinq protoformes flexionnelles, différenciées selon leur genre et leur cas. Cette reconstruction met en relief des couples masculin/féminin ressortissant à trois configurations, selon le cas dont est issu chacun des mots-formes des deux genres : nominatif/nominatif, nominatif/accusatif ou accusatif/accusatif. Elle met aussi en évidence des traces du neutre protoroman. Enfin, l’étude de la flexion verbale révèle plusieurs résultats intéressants. La conjugaison en /'-e-/ fait apparaître des verbes dont les cognats suggèrent un diasystème complexe dans la protolangue, qu’il s’agisse de l’aboutissement de */'-e-/ + */-'e-/, illustré par */ˈkad-e-/ et */ˈsεd-e-/, ou de celui de */'-e-/ + */-'i-/, reflété par */ˈkuεr-e-/, */ˈɸug-e-/ et */ˈluk-e-/. Pour l’ensemble de ces verbes, la reconstruction met en évidence des changements de classe flexionnelle et permet de chronologiser les types morphologiques reconstruits. Dans le cas du verbe */'ɸak-e-/, la reconstruction permet de dégager un sous-système flexionnel expliquant les formes syncopées d’une partie du paradigme de ses continuateurs, en particulier du futur et du conditionnel. Ces cas de remorphologisations sont, dans le cadre des articles, examinés au niveau lexical. L’examen de séries entières permettra d’aller plus loin et de mettre au jour des mécanismes généraux. Ainsi, à diverses reprises, nous avons évoqué l’intérêt que représentera la rédaction d’articles connexes à ceux exposés : les numéraux déclinables pour compléter le cas de */ˈdʊ-i/, les verbes */'kap-e-/ et */'sap-e-/ pour éclairer les cas de */'kad-e-/ et de */'sεd-e-/, le cas de */'mɔr-e-/, complémentaire de */ˈluk-e-/ etc. On le voit, les pistes pour améliorer notre compréhension du diasystème latin à travers la reconstruction flexionnelle du protoroman ne manquent pas. Au sein de chaque catégorie
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grammaticale se jouent des relations à la fois cohérentes dans les différentes synchronies et mouvantes en diachronie sur plusieurs axes — sociolectal et spatial, entre autres. Tenter de débrouiller l’écheveau de ces systèmes morphologiques et les présenter lisiblement, telle est la gageure que s’emploient à relever les rédacteurs du DÉRom.
6 Bibliographie Benarroch, Myriam, Latin oral et latin écrit en étymologie romane : l’exemple du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Maria Helena Araújo Carreira (ed.), Les Rapports entre l’oral et l’écrit dans les langues romanes, Saint-Denis, Université Paris 8, 2013, 127158. –, Ce que le DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman) nous dit du latin parlé de l’Antiquité, in : Éva Buchi/Jean-Paul Chauveau/Jean-Marie Pierrel (edd.) : Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15-20 juillet 2013), Strasbourg, Société de linguistique romane/ÉLiPhi, à paraître. Bourciez, Édouard, Éléments de linguistique romane, Paris, Klincksieck, 51967 [11910]. Buchi, Éva, Pourquoi la linguistique romane n’est pas soluble en linguistiques idioromanes. Le témoignage du Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), in : Carmen Alén Garabato/Xosé Afonso Álvarez/Mercedes Brea (edd.), Quelle linguistique romane au XXIe siècle ?, Paris, L’Harmattan, 2010, 43-60 (= 2010a). –, Where Caesar’s Latin does not belong : a comparative grammar based approach to Romance etymology, in : Charlotte Brewer (ed.), Selected Proceedings of the Fifth International Conference on Historical Lexicography and Lexicology held at St Anne’s College, Oxford, 16-18 June 2010, Oxford, Oxford University Research Archive, ‹http://ora.ox.ac.uk/objects/uuid%3A237856e6-a327-448b-898c-cb1860766e59› (= 2010b). –, Qu'est-ce que c'est que le protoroman ? La contribution du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), communication présentée au XXVIIIe Romanistisches Kolloquium (Université Julius-Liebig de Giessen, 30 mai-1er juin 2013). –, Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom). Livre bleu (version non stabilisée, entre la version 6 et la version 7), Nancy, ATILF (document interne en ligne), 6/72014 [12008]. Buchi, Éva/González Martín, Carmen/Mertens, Bianca/Schlienger, Claire, L’étymologie de FAIM et de FAMINE revue dans le cadre du DÉRom, Le Français moderne, à paraître. Buchi, Éva/Greub, Yan, Le traitement du neutre dans le DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), communication présentée dans la section « Linguistique latine/linguistique romane » du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15-20 juillet 2013). Dardel, Robert de, La valeur ajoutée du latin global, RLiR 73 (2009), 5-26. DÉRom = Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang (dir.), Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), Nancy, ATILF, ‹http://www.atilf.fr/DERom›, 2008–. Ernout/Meillet4 = Ernout, Alfred/Meillet, Antoine, Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire des mots, Paris, Klincksieck, 41959 [11932].
2.2.3. Reconstruction flexionnelle | 165
FEW = Wartburg, Walther von et al., Französisches Etymologisches Wörterbuch. Eine darstellung des galloromanischen sprachschatzes, 25 vol., Bonn/Heidelberg/LeipzigBerlin/Bâle, Klopp/Winter/Teubner/Zbinden, 1922–2002. García Arias, Xosé Lluis, Gramática histórica de la lengua asturiana, Oviedo, Academia de la Llingua Asturiana, 2003. Hall, Robert A. Jr., Comparative Romance Grammar, vol. III : Proto-Romance Morphology, Amsterdam/Philadelphie, Benjamins, 1983. Koch, Peter/Oesterreicher, Wulf, Comparaison historique de l’architecture des langues romanes, in : Gerhard Ernst/Martin-Dietrich Gleßgen /Christian Schmitt/Wolfgang Schweickard (edd.), Romanische Sprachgeschichte. Ein internationales Handbuch zur Geschichte der romanischen Sprachen, Berlin/New York, De Gruyter, 2008, 3, 2575-2610. Lausberg, Heinrich, Linguística românica, Lisbonne, Fundação Gulbenkian, 21981 [11974]. Maggiore, Marco, Note di etimologia romanza a margine dell’articolo */'kuεr-e-/ (quaerĕre) del Dictionnaire Étymologique Roman, in : Piera Molinelli/Pierluigi Cuzzolin/Chiara Fedriani (edd.), Latin vulgaire – Latin tardif X. Actes du Xe colloque international sur le latin vulgaire et tardif (Bergamo, 5-9 septembre 2012), Bergame, Sestante Edizioni, 2014, vol. 2, 599-614. Maggiore, Marco/Buchi, Éva, Le statut du latin écrit de l’Antiquité en étymologie héréditaire française et romane, in : Franck Neveu/Peter Blumenthal/Linda Hriba/Annette Gerstenberg/Judith Meinschaefer/Sophie Prévost (edd.) : Actes du Congrès Mondial de Linguistique Française 2014 (Berlin, 19-23 juillet 2014), Paris, Institut de Linguistique Française, , 2014, 313-325. Meyer-Lübke, Wilhelm, Grammaire des langues romanes, 4 vol., Paris, Welter, 1890–1906. –, Die Schicksale des lateinischen Neutrums im Romanischen, Halle, Karras, 1883. REW3 = Meyer-Lübke, Wilhelm, Romanisches Etymologisches Wörterbuch, Heidelberg, Winter, 3 1930-1935 [11911–1920]. TLL = Thesaurus Linguae Latinae, Leipzig/Stuttgart/Berlin/New York, Teubner/Saur/De Gruyter, 1900–.
Jérémie Delorme & Steven N. Dworkin
2.2.4. Reconstruction microsyntaxique 1 Introduction Si les praticiens actuels de l’étymologie romane visent centralement la reconstruction la plus complète possible de l’histoire d’unités et de familles lexicales, l’étymologie ne constitue pas pour autant, parmi les sous-disciplines de la linguistique romane, un champ de recherches isolé. On connaît, depuis longtemps déjà, les rapports étroits qu’elle entretient avec les recherches poursuivies dans les domaines de la phonologie, de la morphologie et de la sémantique diachroniques. Au nombre des romanistes les plus éminents du XXe siècle, Yakov Malkiel, pour ne citer que lui, a souligné, dans les travaux qu’il a consacrés aux théories et aux méthodes de l’étymologie, l’importance des apports de l’étymologie romane à la compréhension des processus du changement linguistique (ainsi Malkiel 1968 ; 1975 ; 1989) ; ce constat ne peut que nous conforter, si l’on en doutait, dans l’idée que l’étymologie constitue bel et bien une composante essentielle de la linguistique diachronique. En outre, une idée reçue veut que les spécialistes de la reconstruction linguistique ne s’intéressent qu’aux aspects formels et sémantiques des unités reconstruites. Or, contre une telle opinion, nous entendons illustrer la manière dont les étymologistes du DÉRom contribuent au débrouillage de questions de linguistique romane diachronique qui ne relèvent ni du champ de la morphologie, ni du champ de la sémantique, mais de celui de la microsyntaxe. Ainsi nous proposons-nous (1) de réaliser un état de l’art de la reconstruction du genre protoroman, en décrivant les procédés employés par les auteurs du DÉRom pour reconstruire, parmi les trois valeurs de genre entre lesquelles se répartissent les substantifs de la protolangue, ou bien le masculin, ou bien le féminin, ou bien le neutre ; (2) de nous interroger sur les recatégorisations affectant les valeurs du genre protoroman, en nous intéressant en particulier à la féminisation de masculins originels ; (3) de discuter la pertinence d’une valeur neutre du genre protoroman ; (4) de pister le pluriel protoroman au travers d’articles étymologiques qui, en apparence, laissent peu de place aux questions de quantification ; (5) d’étudier les rapports entre adjectifs et substantifs, sur la base de quelques exemples illustrant le processus de « condensation lexicosémantique » ; (6) de discuter les méthodes et les formulations employées par
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les auteurs du DÉRom pour assigner des types de structure argumentale aux verbes reconstruits.1 Notons encore que, parmi ces six axes de réflexion, trois en particulier (2, 3, 5) fournissent aux auteurs l’occasion d’une mise en relief du rôle complémentaire qu’endossent les données du latin écrit dans la reconstruction du protoroman. Sans mettre en cause les fondements de la méthode déromienne, qui entend arrimer l’œuvre de reconstruction à la comparaison de données romanes et en distingue soigneusement la confrontation avec les données du latin écrit, mais en considération du fait incontestable que les variétés écrites et orales du latin font partie d’un même diasystème (le latin global), nous sommes enclins à croire qu’il n’est pas illégitime de recourir aux données du latin écrit pour s’assurer de la validité des résultats de la reconstruction (cf. aussi Maggiore/Buchi 2014).
2 La reconstruction du genre protoroman : un état de l’art 2.1 Le masculin protoroman La reconstruction du masculin protoroman suit deux voies : soit elle est directe (2.1.1.), soit elle passe dans un premier temps par une reconstruction double, masculine et féminine (2.1.2.).
2.1.1 Masculins romans > masculin protoroman Lorsque les unités romanes dont ils postulent la congénitalité et qu’ils considèrent comme descendant régulièrement d’un étymon commun sont toutes acquises au masculin, la comparaison à laquelle les rédacteurs les soumettent les conduit à la reconstruction d’un masculin étymologique. C’est le cas notamment des substantifs suivants : (1) */aˈɡʊst-u/ s.m. ‘août’ ; (2) */aˈket-u/ s.m. ‘vinaigre’ ; (3) */ˈann-u/ s.m. ‘an’ ; (4) */aˈpril-e/ s.m. ‘avril’ ; (5) */aˈpril-i-u/ s.m. ‘avril’ ; (6) */ˈbarb-a/2 s.m. ‘oncle’ ; (7) */ɸeˈβrari-u/ s.m. ‘février’ ; (8) */ˈɸili-u/ s.m. ‘fils’ ; (9) */kaˈβall-u/ s.m. ‘cheval’ ; (10) || 1 Les paragraphes 1, 4 et 6 ont été rédigés par Jérémie Delorme, les paragraphes 2, 3 et 5, par Steven N. Dworkin.
2.2.4. Reconstruction microsyntaxique | 169
*/ˈkul-u/ s.m. ‘cul’ ; (11) */ˈlaur-u/ s.m. ‘laurier’ ; (12) */ˈlɔk-u/ s.m. ‘lieu’ ; (13) */ˈmai-u/ s.m. ‘mai’ ; (14) */ˈmart-i-u/ s.m. ‘mars’ ; (15) */ˈnap-u/ s.m. ‘navet’ ; (16) */tiˈtion-e/ s.m. ‘tison ; charbon (maladie des céréales)’
Cette voie de reconstruction n’est pas contradictoire avec les données du latin écrit, du moins lorsque celles-ci fournissent des corrélats (ce qui ne vaut ni pour */aˈpril-i-u/ ni pour */ˈbarb-a/2). Ainsi les corrélats suivants confirment-ils la valeur masculine du genre reconstruit : (1’) augustus, -i s.m. ‘août’ ; (2’) acetus s.m. ‘vinaigre’ ; (3’) annus, -i s.m. ‘an’ ; (4’) aprilis, is s.m. ‘avril’ ; (7’) februarius, -i (et febrarius) s.m. ‘février’ ; (8’) filius, -i s.m. ‘fils’ ; (9’) caballus, -i s.m. ‘cheval hongre ; cheval de somme ; cheval de peu de valeur ; cheval’ ; (10’) culus, -i s.m. ‘cul’ ; (11’) laurus, -i/-us s.m. ‘laurier’ ; (12’) locus s.m. ‘lieu’ ; (13’) maius, -i s.m. ‘mai’ ; (14’) martius, -i s.m. ‘mars’ ; (15’) napus, -i s.m. ‘navet ; sorte de plante ressemblant au navet’ ; (16’) titio, -onis s.m. ‘tison’
Quant aux unités romanes que les auteurs ne regardent pas comme des issues régulièrement héritées du protoroman, et particulièrement, dans le cas qui nous intéresse ici, celles qui ne sont pas du tout ou pas entièrement acquises au masculin (dacoroum. standard cur s.n. ‘cul’ et aroum. cur s.m./n. ‘id.’ dans le cas de */ˈkul-u/, cf. n. 1, 2 sous cet article ; romanch. laura s.f. ‘laurier’ dans le cas de */ˈlaur-u/, cf. n. 3 sous cet article), ils se gardent de les convoquer pour la reconstruction du genre, parce que leur caractère irrégulier leur ordonne, selon la règle énoncée dans le Livre bleu (Buchi 2011, « 6. Normes rédactionnelles », § 2.3.3.1.3. et 2.3.3.2.2.), de les écarter de la procédure de comparaisonreconstruction (rejets obligatoirement signalés en note). La donnée « dacoroum. pop. cur s.m. ‘partie du corps de l’homme et de certains animaux qui comprend les fesses et le fondement, cul’ (dp. ca 1650 [kur], DA ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 450 ; MDA ; ALR II/I Suppl. 3* p 666) » (Groß/Schweickard 2010– 2012 in DÉRom s.v. */ˈkul-u/) est ainsi reliée à une note formulée en ces termes : « en dacoroumain standard, le substantif est devenu neutre (cf. Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 450 ; DA ; Cioranescu n° 2692 ; MDA ; ALR II/I Suppl. 3*), probablement par analogie avec ses principaux synonymes, tous neutres : dos, fund, popou, şezut, tur. […] ».
2.1.2 Masculins et féminins romans > masculin protoroman Lorsque, parmi les unités romanes dont les rédacteurs postulent la congénitalité et qu’ils considèrent comme descendant régulièrement d’un étymon commun, certaines sont acquises au masculin, et d’autres au féminin, leur comparaison
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les conduit à la reconstruction, généralement après réduction d’étymons directs, et suivant une leçon presque toujours inspirée par l’analyse dardélienne du genre protoroman (cf. Dardel 1965 et Dardel 1976), d’un masculin étymologique : (1) */ˈdɛnt-e/ s.m. ‘dent’ ; (2) */ˈmɔnt-e/ s.m. ‘montagne’ ; (4) */ˈpan-e/ s.m. ‘pain’ ; (5) */ˈpɔnt-e/ s.m. ‘pont’ ; (6) */ˈsal-e/ s.m. ‘sel’
Dans le cas de */ˈdɛnt-e/, dont les issues féminines témoignent d’innovations tardives ou isolées, la reconstruction d’un féminin protoroman ne serait pas justifiée : « Le passage au genre féminin [...] est probablement dû à l’analogie avec le genre de substantifs féminins qui riment avec protorom. */ˈdεnt-e/, comme */ˈmεnt-e/ ou */ˈgεnt-e/ [...]. En français, francoprovençal, occitan, gascon et catalan, le changement de genre constitue clairement une innovation assez tardive (d’après les fluctuations restant observables à l’époque historique) du centre de la Romania occidentale, innovation qui n’a atteint ni l’est (italien), ni le nord-est (picard, wallon, lorrain), ni le sud-ouest (espagnol, asturien, galégo-portugais). En sarde, il semble s’agir d’une innovation indépendante, probablement plus ancienne et connue aussi en Afrique selon le témoignage de Cassius Felix [...] » (Groß/Schweickard 2011–2013 in DÉRom s.v. */ˈdɛnt-e/)
Mis à part ce cas particulier, la comparaison des issues masculines et féminines d’un étymon se prête à la reconstruction de deux genres étymologiques, masculin et féminin, finalement réductibles au masculin, ainsi dans le cas de */ˈmɔnt-e/ : « Les issues romanes de protorom. */ˈmɔnt-e/ ont été subdivisées [...] selon les deux genres dont elles relèvent : masculin originel conservé par la majorité des parlers romans (ci-dessus I.) et féminin innové tardivement en frioulan et en ladin (ci-dessus II.). Cette innovation nous semble s’nscrire dans la tendance analogique du protoroman à féminiser les substantifs de la troisième déclinaison mise en évidence par R. de Dardel [...]. » (Celac 2010–2012 in DÉRom s.v. */ˈmɔnt-e/)
Les mêmes considérations s’appliquent à */ˈpan-e/, */ˈpɔnt-e/ et */ˈsal-e/ : « Les issues romanes de protorom. */ˈpan-e/ ont été subdivisées selon les deux genres dont elles relèvent, masculin (ci-dessus I.) et féminin (ci-dessus II.). Le masculin, originel, est représenté par tous les idiomes romans, à l’exception de la branche roumaine, qui connaît un féminin innové. Cette répartition rappelle le cas de */ˈpɔnt-e/ et est passible d’une explication identique : protorom. */ˈpan-e/ connaissait deux genres, le masculin, plus ancien, et le féminin, résultat de la tendance analogique à féminiser les substantifs de la troisième déclinaison [...]. » (Delorme 2011–2012 in DÉRom s.v. */ˈpan-e/)
2.2.4. Reconstruction microsyntaxique | 171
« Les issues romanes de protorom. */ˈpɔnt-e/ ont été subdivisées [...] selon les deux genres dont elles relèvent, articulés avec ce que l’on sait de la protohistoire des idiomes romans : masculin originel, typiquement conservé par le sarde (ci-dessus I.), féminin innové tardivement (ci-dessus II.) et masculin restauré venu le recouvrir plus récemment encore (cidessus III.). » (Andronache 2008-2013 in DÉRom s.v. */ˈpɔnt-e/) « Les issues romanes de protorom. */ˈsal-e/ ont été subdivisées [...] selon les deux genres dont elles relèvent. Elles confirment l’analyse de Robert de Dardel [...], selon qui */’sal-e/ fait partie d’un groupe de substantifs originellement masculins passés au féminin dans une grande partie du domaine, dès l’époque protoromane (cf. */ˈɸɛl-e/, */ˈlakt-e/, */ˈmar-e/, */ˈmɛl-e/ et */ˈsanɡu-e/). Le masculin persiste dans une zone isolée et excentrique (sarde) et se propage plus tard dans les zones avant conquises par le féminin. Le genre grammatical du substantif */ˈsal-e/ a donc connu la répartition spatio-temporelle suivante en roman commun : le masculin du protoroman */ˈsal-e/ (ci-dessus I., III.) englobe un large territoire non compact des parlers romans où il est présent tantôt comme la persistance du genre masculin originel (en sarde, ci-dessus I.), tantôt comme un fait plus tardif (ci-dessus III. : istriote, italien centro-méridional, frioulan, ladin, romanche, français, asturien, galicien et portugais). Le féminin (ci-dessus II.) caractérise deux aires continues mais séparées entre elles : dans la Romania orientale (tous les dialectes du roumain), d’une part, et dans la Romania occidentale (dialectes du nord de l’Italie, du sudouest et du sud-est du français, francoprovençal, occitan, gascon, catalan et espagnol), d’autre part. Seul l’asturien permet d’attester les deux genres pour le même idiome. » (Yakubovich 2011–2013 in DÉRom s.v. */ˈsal-e/)
Dans ces cas, la reconstruction comparative donne à voir une réalité linguistique plus complète que celle à laquelle les données du latin écrit permettent d’accéder. En effet, le code écrit, s’il connaît toujours le masculin (dens s.m. ‘dent’, mons, -tis s.m. ‘montagne’, panis, -is s.m. ‘pain’, pons, -tis s.m. ‘pont’, sal, -is s.m. ‘sel’), en revanche n’atteste pas le féminin, ou seulement à la marge (dans le cas de */ˈdɛnt-e/, cf. n. 9 sous cet article : « on relève aussi des reflets du féminin dans le code écrit : chez Cassius Felix (mil. 5e s.) et chez Grégoire de Tours (2e m. 6e s.) », et dans celui de */ˈpɔnt-e/ : « pour ce qui est du féminin, le latin écrit de l’Antiquité ne l’atteste qu’à partir d’un texte datant probablement de la fin du 3e siècle »).
2.2 Le féminin protoroman Comme pour le masculin (d’où l’emploi en parallèle, ci-dessous, des mêmes formulations étymographiques), la reconstruction du féminin protoroman suit deux voies.
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2.2.1 Féminins romans > féminin protoroman Lorsque les unités romanes dont les auteurs postulent la congénitalité et qu’ils considèrent comme descendant régulièrement d’un étymon commun sont toutes acquises au féminin, la comparaison à laquelle ils les soumettent les conduit à la reconstruction d’un féminin originel : (1) */ˈanim-a/ s.f. ‘âme ; cœur ; estomac’ ; (2) */ˈbaβ-a/ s.f. ‘bave’ ; (3) */ˈbarb-a/1 s.f. ‘barbe ; menton’ ; (4) */βiˈn-aki-a/ s.f. ‘marc de raisin’ ; (5) */ˈbrum-a/ s.f. ‘hiver ; givre ; brouillard (surtout brouillard sur mer)’ ; (6) */ˈɛrb-a/ ~ */ˈɛrβ-a/ s.f. ‘herbe’ ; (7) */ˈɸaβ-a/ s.f. ‘fève’ ; (8) */kaˈβall-a/ s.f. ‘jument’ ; (9) */ˈkarn-e/ s.f. ‘chair ; viande’ ; (10) */kasˈtani-a/ ~ */kasˈtɪni-a/ s.f. ‘châtaigne’ ; (11) */kaˈten-a/ s.f. ‘chaîne’ ; (12) */ˈlun-a/ s.f. ‘lune’ ; (13) */monˈt-ani-a/ s.f. ‘région montagneuse ; montagne’ ; (14) */ˈmʊr-a/ s.f. ‘mûre (fruit de la ronce) ; mûre (fruit du mûrier)’ ; (15) */ˈnɪβ-e/ s.f. ‘neige’ ; (16) */ˈpart-e/ s.f. ‘part’ ; (17) */ˈrɔt-a/ s.f. ‘roue’ ; (18) */saˈɡɪtt-a/ s.f. ‘flèche ; courson ; éclair’ ; (19) */ˈsalβi-a/ s.f. ‘sauge’
Pour peu qu’ils existent (*/ˈbaβ-a/ et */monˈtan-i-a/ en sont dépourvus), les corrélats du latin écrit confirment dans ces cas la valeur féminine du genre reconstruit : (1’) anima, -ae s.f. ‘bouffée d’air ; âme ; vie’ ; (3’) barba, -ae s.f. ‘barbe ; menton’ ; (4’) uinacea/uinacia, -ae s.f. et uinaceae s.f.pl. ‘marc de raisin’ ; (5’) bruma s.f. ‘hiver’ ; (6’) herba, -ae s.f. ‘herbe’ ; (7’) faba, -ae s.f. ‘fève’ ; (8’) caballa, -ae s.f. ‘jument’ ; (9’) caro, -nis s.f. ‘chair ; viande’ ; (10’) castanea, -ae et castinea s.f. ‘châtaigne’ ; (11’) catena, -ae s.f. ‘chaîne’ ; (12’) luna, -ae s.f. ‘lune’ ; (14’) mora s.f. ‘fruit de la ronce’ ; (15’) nix, -vis s.f. ‘neige’ ; (16’) pars, -tis s.f. ‘part’ ; (17’) rota, -ae s.f. ‘roue’ ; (18’) sagitta s.f. ‘flèche ; extrémité d’un sarment de vigne taillée en pointe ; éclair’ ; (19’) saluia, -ae s.f. ‘sauge’
2.2.2 Féminins et masculins romans > féminin protoroman La reconstruction de genre féminin est plus complexe dans les cas où certaines des issues romanes héritées de l’étymon sont acquises au féminin, d’autres au masculin. Leur comparaison conduit à la reconstruction, le plus souvent après réduction d’étymons directs, mais dans des cadres interprétatifs qui n’ont pas la systématicité de l’analyse dardélienne sur laquelle s’appuie la reconstruction du masculin protoroman en contexte parallèle, d’un féminin étymologique : (1) */ˈakuil-a/ s.f. ‘aigle’ ; (2) */ˈarbor-e/ s.f. ‘arbre’ ; (3) */ˈɛder-a/ s.f. ‘lierre’ ; (4) */ˈkarpin-u/ s.f. ‘charme’ ; (5) */laˈbrusk-a/ ~ */laˈbrʊsk-a/ s.f. ‘vigne sauvage ; fruit de la vigne sauvage’ ; (6) */ˈman-u/ s.f. ‘main’ ; (7) */ˈmɛnt-e/ s.f. ‘esprit ; tempe ; manière’ ; (8) */planˈt-agin-e/ s.f. ‘plantain’
2.2.4. Reconstruction microsyntaxique | 173
Sauf dans le cas de */ˈakuil-a/, */ˈɛder-a/, */ˈman-u/ et */ˈmɛnt-e/, dont les issues masculines correspondent à des innovations idioromanes (*/ˈakuil-a/ : français, francoprovençal ; */ˈɛder-a/ : français, romanche ; */ˈman-u/ : romanche, occitan, asturien ; */ˈmɛnt-e/ : occitan), qui ne justifient donc pas la reconstruction d’un masculin protoroman, la comparaison des issues féminines et masculines de l’étymon se prête à la reconstruction de deux genres étymologiques, féminin et masculin, finalement réductibles au féminin, aussi bien dans le cas de */ˈarbor-e/ (l’auteur affirme le caractère originel du féminin sur la base de considérations aérologiques, cf. Álvarez Pérez 2014 in DÉRom s.v.) que dans celui de */ˈkarpin-u/, */laˈbrusk-a/ ~ */laˈbrʊsk-a/ et */planˈt-aɡin-e/ : « Les types I. [masculin] et II. [féminin] doivent être conçus comme deux réfections, de sens contraire, à partir d’un même point de départ anomal à l’intérieur des classes morphologiques du protoroman. Leur ancêtre commun ne saurait être que protorom. */ˈkarpin-u/ s.f., qui seul explique les deux développements ultérieurs : un changement de genre, général (I.), et une remorphologisation en */-a/ dans une partie du domaine (II.). Un tel passage du féminin au masculin s’observe par ailleurs pour d’autres noms d’arbres » (Medori 2008–2014 in DÉRom s.v. */ˈkarpin-u/) « Pour ce qui est du genre, le féminin occupe une large aire presque continue (roumain, italien, français, francoprovençal, occitan, gascon, catalan, espagnol), tandis que le masculin n’apparaît que dans une partie méridionale et occidentale de cette dernière (italien, occitan, espagnol), ce qui incite à le considérer comme innovatif – et peut-être comme sémantiquement marqué : il a pu d’abord désigner le fruit de la vigne sauvage » (Reinhardt 2011–2014 in DÉRom s.v. */laˈbrusk-a/ ~ */laˈbrʊsk-a/) « Les issues romanes ont été subdivisées [...] selon les trois types morphologiques dont elles relèvent : féminin originel (ci-dessus I.), féminin innové à la faveur d’une remorphologisation (ci-dessus II.), masculin innové à la faveur d’une recatégorisation (ci-dessus III.). Le type I. ne s’est conservé qu’en italien. L’adoption exclusive du type II. par le dacoroumain et ce que l’on sait de la phylogenèse romane (séparation du protoroman de Dacie avant le 4e siècle [...]) incitent à postuler l’antériorité du type II. sur le type III., qui n’aurait été innové qu’après le 3e siècle en protoroman occidental. Ces deux types innovés ont dû constituer deux variantes protoromanes, diffusées dans l’ensemble de la Romania occidentale aux dépens du type originel (I.) et entrées en concurrence l’une avec l’autre. […] L’ancêtre commun de (II.) et de (III.) ne saurait être que protorom. */planˈt-aɡin-e/ s.f. (I.), qui seul explique les deux développements ultérieurs : une remorphologisation en */-a/, générale, avant le 4e siècle (avant la séparation du protoroman de Dacie, II.), et une recatégorisation en protoroman occidental, après le 3e siècle (après la séparation du protoroman de Dacie, III.) […]. » (Delorme 2012–2014 in DÉRom s.v. */planˈt-aɡin-e/)
Ces cas illustrent une plus-value importante de la reconstruction comparative par rapport aux autres voies de connaissance du latin global, et singulièrement par rapport au témoignage du latin écrit. En effet, si les données écrites attes-
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tent toujours le féminin (aquila, -ae s.f. ‘aigle’, arbor, -is s.f. ‘arbre’, hedera, -ae s.f. ‘lierre’, carpinus, -i s.f. ‘charme’, labrusca, -ae s.f. ‘vigne sauvage ; fruit de la vigne sauvage’, manus, -us s.f. ‘main’, mens, -tis s.f. ‘esprit’, plantago, -inis s.f. ‘plantain’), soit, très généralement, elles n’attestent pas le masculin, soit, par exception, ne l’attestent que tardivement (dans le cas de */ˈarbor-e/ ~ */ˈarβor-e/) ou n’en témoignent qu’indirectement au travers d’une conjecture (dans le cas de */planˈt-aɡin-e/, cf. n. 11 sous cet article).
2.3 Le neutre protoroman Quand ils reconstruisent un neutre protoroman (cf. Buchi/Greub 2013), les auteurs du DÉRom suivent trois voies : le raisonnement s’apppuie soit sur des cognats masculins et féminins, soit sur des cognats neutres et masculins, soit sur des cognats neutres, masculins et féminins.
2.3.1 Masculins et féminins romans > neutre protoroman Lorsque les unités romanes dont ils postulent la congénitalité et qu’ils considèrent comme descendant d’un étymon commun se répartissent entre des masculins et des féminins, la comparaison à laquelle ils les soumettent les conduit, sur la base d’un raisonnement fondé entièrement (*/ˈali-u/, */ˈrap-u/) ou partiellement (*/ˈɸamen/) sur l’observation d’issues romanes dont ils imputent le féminin à la recatégorisation d’un ancien neutre pluriel, à la reconstruction d’un neutre dans la protolangue : (1) */ˈali-u/ s.n. ‘ail’ ; (2) */ˈɸamen/ s.n. ‘faim ; famine ; désir’ ; (3) */ˈrap-u/ s.n. ‘navet’
Dans ces trois cas, la comparaison des issues masculines et féminines se prête, dans un premier temps, à la reconstruction de deux genres étymologiques, soit masculin et féminin (*/ˈali-u/, */ˈrap-u/), soit neutre et féminin (*/ˈɸamen/). Sur la base de considérations notamment aréologiques, les deux genres en question sont finalement réductibles au neutre, aussi bien dans le cas de */ˈali-u/ que dans ceux de */ˈɸamen/ (pour lequel cf. Buchi/Greub 2013, 3–7 et Buchi et al. à paraître) et */ˈrap-u/ : « Le genre neutre de l’étymon se reconstruit sur la base de la comparaison entre les issues masculines de l’étymon, qui couvrent l’ensemble de la Romania (ci-dessus I.), et ses représentants féminins, restreints à une aire centrale (italien, français, occitan, francopro-
2.2.4. Reconstruction microsyntaxique | 175
vençal et catalan ; ci-dessus II.), ces derniers s’analysant comme issus du pluriel */ˈali-a/. » (Reinhardt 2010–2014 in DÉRom s.v. */ˈali-u/) « Si le sarde est le seul idiome à témoigner directement, à travers le genre masculin et la consonne finale /-n/ de ses continuateurs, de cette première phase de la protolangue [(caractérisée par un neutre originel)], la majorité des autres parlers romans (cf. toutefois le cas particulier représenté par III.) présentent des issues remontant à une phase plus récente du protoroman, que l’on peut situer entre l’individuation du sarde et celle du roumain (2e m. 3e s. [...]), caractérisée par la tendance au passage au féminin des substantifs de la troisième déclinaison, en particulier ceux en */-ˈamen/, */-ˈimen/ et */-ˈumen/ [...], que la réduction phonétique */-en/ > */-e/ qui a régulièrement frappé toute la Romania continentale a entraînés dans le champ d’attraction de la flexion en */-e/ (type */ˈpɔnt-e/). Parmi ces féminins, le type */ˈɸam-e/ (II.), de loin le plus répandu (roum. dalm. istriot. it. frioul. lad. romanch. fr. frpr. occit. cat. ast. gal./port.) et le seul à être commun à la branche roumaine et à l’ensemble des idiomes italo-occidentaux, se recommande comme le plus ancien. [...] Nous proposons d’interpréter le type */ɸaˈmin-a/ (III.), qui est restreint à une aire centrale continue (lig. piém. romanch. fr. frpr. occit. cat.), comme une remorphologisation entraînant un changement d’accentuation, peut-être par attraction du suffixe */-ˈin-a/ (cf. le parallèle fourni par les adjectifs */ˈ-in-u/ > */-ˈin-u/, MeyerLübkeGLR 2, § 454), du pluriel */ˈɸamin-a/ de l’étymon neutre originel. » (Buchi/González Martín/Mertens/Schlienger 2012–2014 in DÉRom s.v. */ˈɸamen/) « L’ancêtre commun des types I. [masculin] et II. [féminin] ne saurait être que protorom. */ˈrap-u/ s.n. ‘navet’, qui seul explique les développements ultérieurs, tant au point de vue grammatical qu’au point de vue sémantique : recatégorisation comme masculin, d’une part ; remorphologisation et recatégorisation comme féminin, d’autre part, sur la base du neutre pluriel, survenue nécessairement avant le 3e siècle (séparation du protoroman de Sardaigne, acquise au plus tard dans la 2e moitié du 2e s. […]). » (Delorme 2013– 2014 in DÉRom s.v. */ˈrap-u/)
Cette voie de reconstruction n’est, en ce qui concerne */ˈali-u/ et */ˈrap-u/, pas contradictoire avec les données du latin écrit, alium, -i et allium, -i s.n. ‘ail’ (1’) et rapum, -i s.n. ‘navet’ (3’) présentant en effet eux aussi le genre neutre. En revanche, pour ce qui regarde */ˈɸamen/, le latin écrit ne connaît d’autre corrélat que fames, -is s.f. ‘faim’ (2’).
2.3.2 Neutres et masculins romans > neutre protoroman Lorsque les unités romanes dont les auteurs postulent la congénitalité et qu’ils considèrent comme descendant régulièrement d’un étymon commun se répartissent entre des neutres et des masculins, la comparaison à laquelle ils les soumettent les conduit, sur la base de l’observation de continuateurs neutres
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dans la branche roumaine et du constat du caractère récessif de ce genre en protoroman, à la reconstruction d’un neutre originel : (1) */ˈɸen-u/ ~ */ˈɸɛn-u/ s.n. ‘foin’ ; (2) */ˈkasi-u/ s.n. ‘fromage’ ; (3) */ˈmʊst-u/ s.n. ‘jus de raisin dont la vinification n’a pas commencé ou n’est pas terminée’ ; (4) */ˈʊnkt-u/ s.n. ‘matière grasse élaborée servant à enduire’
La comparaison des cognats neutres (relevés dans plusieurs parlers de la branche roumaine) et masculins (relevés partout ailleurs) se prête ainsi à la reconstruction d’abord d’un neutre en protoroumain, puis d’un neutre en protoroman, aussi bien dans le cas de */ˈɸen-u/ ~ */ˈɸɛn-u/ (issues neutres en dacoroumain et en istroroumain) que dans ceux de */ˈkasi-u/ (issues neutres en dacoroumain et en aroumain), */ˈmʊst-u/ (issues neutres en dacoroumain et en aroumain) et */ˈʊnkt-u/ (issues neutres en dacoroumain, en istroroumain, en méglénoroumain et en aroumain) : « Le genre neutre de l’étymon se déduit du genre des continuateurs roumains. Mais une strate plus récente du protoroman, en tout cas continental, semble avoir fait basculer le nom dans la classe des masculins – ou au moins avoir présenté une hésitation entre les deux genres, si l’on considère la situation du roumain. Cette hypothèse s’appuie sur le témoignage convergent de l’ensemble des langues romanes à part le roumain ainsi que sur une attestation du corrélat latin faenus s.m. dans la Vetus Latina (2e/4e s. apr. J.-Chr., TLL 6/1, 166). » (Reinhardt 2008–2014 in DÉRom s.v. */ˈɸen-u/ ~ */ˈɸɛn-u/) « Le genre neutre de l’étymon se déduit du genre des continuateurs dacoroumain et aroumain et s’articule bien avec le genre neutre du corrélat latin (cf. ci-desssous). » (Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */ˈkasi-u/) « Le genre neutre de l’étymon se déduit du genre des continuateurs dacoroumain et aroumain et concorde avec le genre neutre du corrélat en latin écrit (cf. ci-dessous). » (Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */ˈmʊst-u/) « Sur la base des cognats roumains, on reconstruit un étymon de genre neutre, genre récessif en protoroman. » (Videsott 2012–2014 in DÉRom s.v. */ˈʊnkt-u/)
Un cas particulier est constitué par */ˈβad-u/ ‘gué’, dont une seule issue, dacoroum. vad s.n. « endroit peu profond d'un cours d’eau permettant de le traverser sans perdre pied, gué », présente le genre neutre. Une première analyse (qui eut cours du 11 mars 2011 au 2 décembre 2013) incita d’abord à réduire à un neutre originel les cognats neutre et masculins : « Le genre neutre de l’étymon se déduit de celui du continuateur roumain (I.), même si une strate plus récente du protoroman, au moins continental (il peut s’agir d’une évolu-
2.2.4. Reconstruction microsyntaxique | 177
tion idioromane en sarde), a fait basculer le nom dans la classe des masculins (II. [...]). » (Alletsgruber 2011–2013 in DÉRom s.v. */ˈβad-u/ s.n., version du 1er décembre 2013)
Mais lors du 10e Atelier DÉRom, qui se tint les 10/11 octobre 2013 à l’Université de Liège, l’équipe décida, au motif que le neutre est un genre productif en roumain, d’adopter une conduite plus prudente et de ne reconstruire un neutre protoroman que sur la base d’au moins deux cognats neutres. Ainsi, lorsque l’analyse des données romanes ne permet pas de décider indubitablement la valeur du genre protoroman reconstruit, il était décidé de mentionner les différentes valeurs possibles entre crochets, selon un ordre qui donne la priorité à la moins douteuse d’entre elles. Ces nouvelles considérations conduisirent, le 2 décembre 2013, à faire basculer la reconstruction du côté de l’indécision, avec toutefois un avantage pour le neutre : « [...] la comparaison reconstructive ne permet pas de trancher avec sûreté entre un étymon neutre (recommandé par le genre neutre du cognat dacoroumain, cf. ci-dessus I.) et un étymon masculin (recommandé par celui des autres cognats, cf. ci-dessus II. et III.). Étant donné le caractère récessif du neutre dans les langues romanes, on aurait tendance à reconstruire un neutre, mais dans la mesure où ce genre est toujours productif en dacoroumain et que l’on ne dispose d’aucun cognat sud-danubien, il existe un léger doute. » (Alletsgruber 2011–2013 in DÉRom s.v. */ˈβad-u/ s[n. ou m.], version du 2 décembre 2013)
Cette voie de reconstruction n’est jamais contradictoire avec les données du latin écrit, puisque aussi bien uadum, -i s.n. ‘gué’ (à côté de uadus, -i s.m. ‘id.’) que faenum, -i s.n. ‘foin’ (1’), caseum/casium, -i s.n. ‘fromage’ (2’), mustum, -i s.n. ‘moût ; vin doux ; vin nouveau’ (3’), et unctum s.n. ‘onguent’ (4’) correspondent à la valeur neutre du genre reconstruit.
2.3.3 Neutres, masculins et féminins romans > neutre protoroman Lorsque les unités romanes dont les reconstructeurs postulent la congénitalité et qu’ils considèrent comme descendant régulièrement d’un étymon commun se répartissent entre des neutres, des masculins et des féminins, la comparaison à laquelle ils les soumettent les conduit, sur la double base de l’observation de continuateurs roumains du neutre originel, d’une part, et de reliques féminines plurielles ou de réfections féminines (recatégorisation neutre > féminin) de cette valeur du genre protoroman, d’autre part, à la reconstruction d’un neutre dans la protolangue : (1) */ˈaɡr-u/ s.n. ‘champ ; territoire’ ; (2) */ˈβin-u/ s.n. ‘vin’ ; (3) */ˈlakt-e/ s.n. ‘lait’
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La comparaison des issues neutres, masculines et féminines de l’étymon peut ainsi se prêter, dans un premier temps, comme s.v. */'lakt-e/, à la reconstruction de trois genres étymologiques, neutre, masculin et féminin, finalement réductibles au neutre : « Les issues romanes de protorom. */ˈlakt-e/ ont été subdivisées ci-dessus selon les trois genres dont elles relèvent : neutre originel, conservé par tous les rameaux de la branche roumaine (ci-dessus I.) ; masculin innové dans la majeure partie de la Romania (ci-dessus II.) ; féminin encore plus récent et plus restreint (ci-dessus III.), selon un processus de succession analysé dans Dardel,ACILR 14/2, 76-82. » (Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */ˈlakt-e/)
Dans d’autres cas, la reconstruction comparative aboutit directement à un substantif neutre : « Sur la base des cognats dacoroumain, méglénoroumain et aroumain, notamment, et en raison du fait que ce genre est récessif dans la famille romane, on reconstruit un étymon de genre neutre pour la première phase du protoroman (protoroman stricto sensu), étant entendu que lors d’une phase plus récente du protoroman, l’étymon est passé au masculin dans une partie (en tout cas diatopiquement marquée) du diasystème. Par ailleurs, les continuateurs de protorom. */ˈaɡr-u/ ont rencontré partiellement ceux de protorom. */'ari-a/ (cf. RohlfsAger), phénomène qui a pu être favorisé par l’existence (non directement reconstructible) d’un pluriel de type */ˈaɡr-a/. » (Alletsgruber 2014 in DÉRom s.v. */ˈaɡr-u/) « Le genre neutre de l’étymon se déduit du genre des continuateurs roumains et du genre (féminin au pluriel) d’ait. vino [...] et s’articule bien avec le genre neutre du corrélat en latin écrit. » (Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */ˈβin-u/)
Cette voie de reconstruction n’est presque jamais contradictoire avec les données du latin écrit, puisque aussi bien uinum, -i s.n. ‘vin ; vigne ; raisin’ (2’) que lac, -tis s.n. ‘lait’ (3’) sont en adéquation avec la valeur neutre du genre reconstruit. Seul ager s.m. ‘champ ; domaine ; territoire’ n’est pas congruent à la valeur neutre postulée par la reconstruction de protorom. */ˈaɡr-u/.
3 Le problème de l’altération romane des valeurs du genre protoroman Lorsque toutes les issues romanes d’un substantif protoroman sont soit acquises au masculin, soit acquises au féminin, le genre de l’étymon se laisse reconstruire aisément. En revanche, des difficultés surgissent dès lors que les
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cognats romans impliqués dans la reconstruction protoromane se répartissent entre plusieurs valeurs de genre : masculins dans quelques variétés romanes, féminins dans d’autres, comme en témoignent quelques étymons reconstruits par les auteurs du DÉRom comme des masculins. Il s’agit de substantifs tels que */ˈdɛnt-e/ ‘dent’, */ˈpɔnt-e/ ‘pont’, */ˈmɔnt-e/ ‘montagne’, */ˈsal-e/ ‘sel’, */ˈpan-e/ ‘pain’, dont les corrélats du latin écrit étaient tous masculins et suivaient tous la troisième déclinaison : dens, pons, mons, panis, sal (ce dernier présente aussi un neutre au singulier, mais son pluriel se conforme toujours à la morphologie des masculins). On doit à Robert de Dardel d’avoir, parmi les premiers, débrouillé les questions touchant à la reconstruction du genre protoroman (Dardel 1965 ; 1976). Ce n’est donc pas sans raison si les auteurs des reconstructions postulées ci-dessus ont emprunté leurs analyses à cet auteur, les modelant sur le scénario suivant : (1) certains substantifs masculins de la troisième déclinaison latine sont passés au féminin dans une phase précoce de l’histoire du protoroman ; (2) dans certaines parties de la Romania (selon une géographie variable, avec des configurations aréologiques propres à chaque substantif), le masculin a finalement connu une réintroduction (peut-être sur le modèle savant du latin écrit). Dans ce cadre, nous nous proposons d’examiner, en prenant appui sur quelques articles significatifs, la manière dont les auteurs du DÉRom procèdent pour reconstruire le genre de l’étymon protoroman et interprètent les évolutions qui conduisent à son altération. Marta Andronache, l’auteure de l’article traitant de protorom. */ˈpɔnt-e/ s.m. ‘pont’ (Andronache 2008–2014 in DÉRom s.v.), reconstruit un substantif masculin originel en s’appuyant sur la conservation du masculin en sarde, langue qui, du fait de son ancienneté (c’est-à-dire de l’ancienneté de la séparation du protoroman de Sardaigne par rapport au protoroman commun, séparation qui, dans la phylogenèse protoromane, intervient en premier), joue un rôle éminent dans les reconstructions telles qu’elles ont cours dans le DÉRom. Cette reconstruction d’un masculin primaire est aussi confortée par la valeur du genre grammatical en latin écrit. Marta Andronache montre ensuite que les issues féminines qu’on recontre dans les langues romanes reflètent un premier changement de genre, maintenu dans des régions latérales et isolées (roumain, lombard, romanche, espagnol, asturien, galicien et portugais), tandis que dans les régions centrales de la Romania (dalmate, italien, ladin, frioulan, français, francoprovençal, occitan, gascon et catalan), le masculin a été réintroduit sous l’influence de l’acrolecte latin (à une époque qui n’est pas clairement définie). Cette analyse, qui dégage trois strates historiques, a été critiquée par Frankwalt Möhren (Möhren 2012, 6–9), notamment sur la base de nouvelles attestations
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latines qu’il verse au dossier. La réponse apportée par trois déromiens (Buchi/Gouvert/Greub 2014, 129-130) à cette mise en doute se lit comme suit : « Möhren adds to DÉRom’s material some Latin attestations of the feminine, mainly from the medieval period. According to him, they contradict the gender dominating in their areas. Actually, the contradiction is very weak, since all the medieval attestations he adds originate from non-Romance speaking regions (Germany and Ireland) : they are perfectly coherent with the description given by the DÉRom, which expects the presence of the feminine in marginal and residual areas. If the German and Irish attestations of the feminine noun are in some way a testimony of the Romance situation of a remote past, they fit suitably well in DÉRom’s scheme. Möhren adds one antique testimony, in Gallia (near Le Puy). Since this attestation is very old (probably from the end of the 3rd century), it does not contradict the DÉRom’s reconstruction : our assumption was that the wave of remasculinization was too late to reach Dacia before the separation of this space from the Romania continua, which is supposed to have taken place in the 3rd century. It is thus perfectly plausible (and, in fact, to be expected) that in the same 3rd century the feminine would not have been eliminated yet by this wave, in Gallia or elsewhere. Any argument based on Stotz’s opinion is obviously strong, and we do not intend to contest it, as we agree perfectly with the general consideration Möhren extracts from it : that medieval Latin is not necessarily a reflex of the vernacular languages, that it can document continuing traits of Latin. This is precisely why the DÉRom does not put into its data any Latin written testimony, and why, anyhow, the Latin attestations discussed here cannot have a preponderant weight in the etymology of Fr. pont and its cognates. » (Buchi/Gouvert/Greub 2014, 129-130)
La discussion de ce cas particulier montre clairement l’apport original que la reconstruction comparative peut fournir dans le domaine de la microsyntaxe : un apport complémentaire par rapport à celui que nous devons à la philologie latine. L’auteure de l’article traitant de protorom. */ˈsal-e/ s.m. ‘sel’ (Yakubovich 2011–2014 in DÉRom s.v.) s’appuie sur une analyse analogue : (1) étymon protoroman originel reconstruit comme un masculin, (2) reconstruction justifiée sur la base du sarde et (3) confortée par le corrélat du latin écrit, sal, (4) changement au profit du féminin lors d’une strate plus tardive du protoroman (genre maintenu dans plusieurs régions : tous les dialectes du roumain, dialectes du nord de l’Italie, dialectes français du sud-ouest au sud-est, francoprovençal, occitan, gascon, catalan et espagnol), (5) réintroduction du masculin en protoroman encore plus tardif (genre maintenu en istriote, italien centroméridional, frioulan, ladin, romanche, français, asturien, galicien et portugais). Seul l’asturien présente les deux genres (cf. la carte détaillée dans Bastardas/Buchi/Cano González 2013, 9), situation qui peut s’expliquer comme un
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héritage de deux phases protoromanes distinctes dans un idiome peu standardisé ou bien comme le résultat de la double influence du galégo-portugais sal (masculin) et de l’espagnol sal (féminin), deux langues de prestige en contact avec l’asturien. En tout état de cause, le protoroman a bien connu les deux genres, le masculin et le féminin, ce dernier ayant été maintenu dans des régions latérales et conservatrices de la Romania. Bien évidemment, toutes les situations où des cognats romans se répartissent entre des masculins et des féminins ne justifient pas la reconstruction d’un masculin : il arrive en effet qu’on reconstruise, sur la base d’une comparaison de continuateurs acquis pour partie au masculin, pour partie au féminin, un féminin protoroman. Dans quelques cas les formes romanes masculines sont nettement minoritaires, et on peut conclure qu’elles représentent des innovations idioromanes (cela vaut, par exemple, pour */ˈakuil-a/ s.f. ‘aigle’, */ˈɛder-a/ s.f. ‘lierre’ et */ˈman-u/ s.f. ‘main’). En outre, la confrontation des étymons reconstruits avec leurs corrélats du latin écrit conforte la reconstruction du féminin.
4 Deux ou trois valeurs de genre ? Quelques réflexions sur le statut du neutre protoroman Les données fournies par les langues romanes médiévales et modernes permettent-elles la reconstruction par la méthode comparative de deux, ou bien de trois valeurs du genre grammatical ? Une réponse, apparemment définitive (et à tout le moins exprimée sur un ton catégorique), a été donnée par l’un des pionniers de la reconstruction protoromane : « for no Romance language (including reconstructed Proto-Romance), however, need we set up more than two grammatical genders » (Hall 1983, 7). La plupart des langues romanes ne possèdent en effet que deux valeurs de genre grammatical (au sens d’une catégorie qui contrôle l’accord grammatical entre un substantif contrôleur et les déterminants et adjectifs qui le modifient), réparties entre le masculin et le féminin. Seules les variétés roumaines convoquées dans l’analyse telle qu’elle est pratiquée par les auteurs du DÉRom (le dacoroumain, l’istroroumain, le méglénoroumain et l’aroumain) témoignent de substantifs dont le comportement morphosyntaxique incite au dégagement d’une troisième valeur de genre, étiquetée comme « neutre ». Contre l’opinion de Hall, les spécialistes analysent cette valeur particulière aux idiomes de la branche roumaine comme une héritière directe du neutre latin, propre à justifier la reconstruction d’un neutre protoroman (cf. les références bibliographiques
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dans Livescu 2008, 2647–2648). En réalité, les substantifs roumains donnés comme neutres manifestent une alternance entre des formes masculines au singulier et des formes féminines au pluriel (par exemple vinul ~ vinurile). De telles alternances se rencontrent aussi en italien standard (il braccio s.m. ‘le bras’ ~ le bracccia s.f.pl. ‘les bras’, l’uovo s.m. ‘l’œuf’ ~ le uova s.f.pl. ‘les œufs’) et dans quelques dialectes italiens centraux ou méridionaux ; Loporcaro/Paciaroni 2011 les considèrent comme un authentique neutre fonctionnel. L’emploi de telles formes féminines au pluriel reflète la survie du suffixe flexionnel -a caractérisant le neutre pluriel latin, réinterprété dans la langue parlée comme un indice du féminin. À côté de ce suffixe -a subsistent dans quelques idiomes romans d’autres traces de la morphologie du neutre latin, notamment des issues du pluriel -ora, dont témoignent non seulement certains substantifs roumains en -uri, mais aussi des formes d’ancien italien ou d’italien dialectal comme ait. pesora ‘objet utilisé comme étalon pour mesurer le poids’ (cf. Morcov 2014 in DÉRom s.v. */ˈpes-u/) ou les pluriels pratora, nomora, lumora, fiumora (Faraoni/Gardani/Loporcaro 2013, 924). Quand bien même les données du latin écrit ne seraient pas accessibles, ces reliques romanes du neutre suffiraient à nourrir les soupçons de l’existence ancienne d’une classe flexionnelle particulière, qui a fini par tomber en désuétude dans toutes les branches romanes, à l’exception notable de la branche roumaine. On est d’ailleurs en droit de se demander, dans ce dernier cas, si ce n’est pas au contact des langues slaves que cette classe fexionnelle doit sa survie (hypothèse toutefois considérée comme « pas plausible » par Livescu 2008, 2647–2648 [avec bibliographie]). La manière dont les auteurs du DÉRom ont, tout au long de l’histoire du projet, appréhendé la reconstruction d’un neutre protoroman, est loin d’être égale (cf. Buchi/Greub 2013). Dans l’enfance du projet, la pratique consistait à caler le genre du substantif reconstruit sur le genre de son corrélat du latin écrit. En 2010, les membres du projet reconnurent que le recours au genre du corrélat latin était contraire à la méthodologie de la reconstruction comparative et décidèrent d’étiqueter dorénavant la troisième valeur du genre roumain — et par conséquent, du genre protoroman — comme « ambigène », ce qui devait refléter sa nature synchronique. Puis, convaincus, grâce aux travaux de Loporcaro et de ses collaborateurs, de l’existence d’un neutre authentiquement hérité dans les dialectes italiens centraux et méridionaux, les membres du DÉRom ont finalement décidé de retenir l’étiquette « neutre » pour le protoroman, pour autant que les données fondant la reconstruction le justifient. Les critères désormais retenus pour reconstruire le neutre d’un substantif protoroman sont le neutre roumain et l’alternance de genre dans d’autres variétés romanes. C’est d’après ces critères que les reconstructeurs du DÉRom ont assigné à la valeur neutre du
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genre protoroman les étymons suivants : */ˈali-u/, */ˈβin-u/, */ˈɸen-u/ ~ */ˈɸɛn-u/, */ˈkasi-u/, */ˈmʊst-u/ et */ˈʊnkt-u/, reconstructions confortées, une fois encore, par la confrontation des étymons reconstruits avec leurs corrélats en latin écrit. À cet égard, le cas de protorom. */'lakt-e/ s.n. ‘lait’ (Delorme 2011–2013 in DÉRom s.v.) et de sa postérité est exemplaire. Les issues de cet étymon sont des substantifs neutres en dacoroumain et dans tous les dialectes sub-danubiens. Ailleurs, elles se présentent sous la forme de féminins (vénitien, occitan, asturien, espagnol) ou des masculins (sarde, dalmate, istriote, italien, frioulan, ladin, romanche, français, francoprovençal, occitan). La grammaire comparée permet parfaitement, et en toute indépendance, de reconstruire un neutre (cf. ci-dessus 1.3.3.). Il est toutefois intéressant de constater que cette reconstruction microsyntaxique trouve un parallèle dans les données philologiques : « Les trois genres de protorom. */ˈlakt-e/ trouvent leur corrélation dans les données du latin écrit. Le corrélat du type I., lac, -tis s.n. ‘[lait]’, est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Ennius [* 239 – † 169], OLD), celui du type II., masculin, est connu depuis Pétrone (* ca 12 – † ca 66, OLD), tandis que celui du type III., féminin, n’est attesté qu’à partir de Caelus Aurelianus et de l’Oribase latin (5e/6e s., TLL 7, 816). » (Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */ˈlakt-e/)
Un cas beaucoup plus complexe est représenté par */ˈɸamen/ s.n. ‘faim ; famine ; désir’, étymon qui a connu plusieurs remorphologisations d’implication régionale (cf. ci-dessus 1.3.1.).
5 À la recherche du pluriel (et, par ricochet, du singulier) protoroman Dans la mesure où le programme étymographique du DÉRom, tel que consigné dans le Livre bleu, prescrit que « seules so[ie]nt citées les formes citationnelles des lexèmes et grammèmes traités : infinitifs des verbes, singuliers des noms, masculins singuliers des adjectifs » (Buchi 2011, « 6. Normes rédactionnelles », § 2.2.2.), les rédacteurs n’ont apparemment guère de raisons de s’intéresser au pluriel des substantifs. Le primat qu’ils accordent à la comparaison de cognats romans cantonnés à des formes de singulier finit par écarter de la ligne de compte toute reconstruction dont le résultat intégrerait une variation du nombre, ce qui ne favorise pas l’examen du fonctionnement de la quantification en protoroman. La question des valeurs de nombre ne se poserait aux auteurs, finalement, que si le nombre était bloqué sur le pluriel (plurale tantum), les con-
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traignant à passer outre la prescription formulée ci-dessus en citant des pluralia tantum et, le cas échéant, en reconstruisant un plurale tantum protoroman. Un tel cas de figure, dans l’état actuel d’avancement du DÉRom, ne s’est présenté qu’une fois : la comparaison de (1) dalm. [viˈnuɔts] s.f.pl. ‘marc de raisin’ avec ses deux cognats : (2) istriot. [viˈnaθe] s.f.pl. ‘id.’ et (3) itsept. vinacce s.f.pl. ‘id.’ ne peut en effet qu’inciter à la reconstruction d’un type protoroman */βiˈn-aki-e/ s.f.pl., de même sens, bloqué sur le pluriel. Parallèlement, sur la base d’une comparaison entre des cognats témoignant de formes de singulier – it. vinaccia s.f. ‘marc de raisin’, sard. vináθθa s.f. ‘id.’, frpr. vinace s.f. ‘id.’, occit. vinassa s.f. ‘marc de vin’, gasc. binasso ‘lies grossières éliminées par soutirage à l’issue de la fermentation alcoolique du moût de raisin, dans le processus de fabrication de l’armagnac ; gros vin’ et cat. vinassa s.f. ‘râpe’ –, on reconstruit un singulier */βiˈn-aki-a/ s.f., de même sens. À la différence de */βiˈn-aki-e/, on ne se prononce toutefois pas, pour */βiˈn-aki-a/, sur l’éventuelle variation de sa valeur de nombre, et on se garde donc de décrire ce nom comme un singulare tantum : « Les issues romanes ont été subdivisées [...] selon les deux valeurs sémantiques qui leur sont attachées : ‘marc de raisin’ (I.) et ‘plante comestible dont la saveur acide rappelle celle du raisin pressuré’ (II.). La grande majorité des idiomes continuent I., sous le sens primaire de ‘marc de raisin’ ou sous des sens voisins. En outre, les issues du type I. ont été subdivisées selon la valeur de quantification dont elles relèvent : singulier (I. 1.) et plurale tantum (I. 2.). Les pluralia tantum sont localisés principalement dans une zone qui s’étire en bande entre la Dalmatie et le Piémont, recouvrant les domaines du dalmate et de l’istriote et, au-delà d’une solution de continuité correspondant aux domaines du vénitien et du frioulan, une partie des domaines dialectaux de l’Italie septentrionale. » (Delorme 2010–2014 in DÉRom s.v. */ˈβin-aki-a/).
D’autres étymologies, peu nombreuses, intègrent des pluralia tantum, mais, en raison de leur isolement (lequel incite le linguiste à les envisager comme des innovations idioromanes), jamais au point que la comparaison de ces formes de pluriel avec les autres issues romanes justifie la reconstruction d’un plurale tantum en protoroman (même tardif et/ou régional) : (1) dacoroum. bale s.f.pl. ‘bave’ (s.v. */ˈbaβ-a/ s.f. ‘id.’) ; (2) aroum. mintsă s.f.pl. ‘tempes’ (s.v. */ˈmɛnt-e/ ‘esprit ; tempe ; manière’) ; (3) istroroum. púnte s.f.pl. ‘passage permettant de franchir un cours d’eau aménagé avec de grosses pierres disposées à distance d’un pas chacune’ (s.v. */ˈpɔnt-e/ s.m. ‘pont’) ; (4) peut-être aoccit. oyns, forme de pluriel, ‘produit destiné à un usage militaire et servant à propager le feu sur une ville assiégée’, donné comme première attestation d’occit. onch s.m. ‘onguent’ (s.v. */ˈʊnkt-u/ s.n. ‘matière grasse élaborée servant à enduire’)
2.2.4. Reconstruction microsyntaxique | 185
On notera que ces rares innovations concernent surtout des idiomes parlés dans des régions orientales (adriatique, dacique) de la Romania et qu’elles sont liées à deux types de sémantisme : noms continus concrets dans le cas de dacoroum. bale (et peut-être d’aoccit. oyns), noms discontinus référant à des inanimés concrets qu’on se représente comme des entités multiples dans le cas d’aroum. mintsă (‘tempes’ = ‘région du visage formée par la réunion des deux tempes’) et istroroum. púnte (‘gué constitué d’une suite de grosses pierres’). Quant à protorom. */βiˈn-aki-e/, cette unité se rattache, avec dacoroum. bale (et peut-être aoccit. oyns), à une classe de noms continus concrets référant à des substances liquides ou semi-liquides, non fractionnables en unités et donc non comptables (on ne peut construire leur glose française ni avec l’individualisateur un, ni avec des quantifieurs numéraux, ni avec des pluralisateurs discontinus : *un marc de raisin n’est pas plus acceptable que *deux marcs de raisin ou que *quelques marcs de raisin),2 mais se présentant néanmoins sous la forme de quantités mesurables (on peut construire leur glose française avec des pluralisateurs ou des partitifs continus : peu de marc de raisin, beaucoup de marc de raisin, du marc de raisin). Du reste, s’il existait un rapport de correspondance systématique entre les pluralia tantum et les noms continus concrets, on s’attendrait à rencontrer d’autres pluralia tantum parmi les unités protoromanes désignant non seulement, comme */βiˈn-aki-e/, des substances liquides ou semi-liquides, mais aussi d’autres réalités qui, à première vue, s’offrent comme mesurables mais non comme comptables : */aˈket-u/ s.m. ‘vinaigre’ ; */ˈali-u/ s.n. ‘ail’ ; */ˈbrum-a/ s.f. ‘givre ; brouillard’ ; */ˈβin-u/ s.n. ‘vin’ ; */ˈɛrb-a/ ~ */ˈɛrβ-a/ s.f. ‘gazon’ ; */ˈɸen-u/ ~ */ˈɸɛn-u/ s.n. ‘foin’ ; */ˈkarn-e/ s.f. ‘viande’ ; */ˈkasi-u/ s.n. ‘fromage’ ; */ˈlakt-e/ s.n. ‘lait’ ; */ˈmʊst-u/ s.n. ‘jus de raisin dont la vinification n’a pas commencé ou n’est pas terminée’ ; */ˈnɪβ-e/ s.f. ‘neige’ ; */ˈpan-e/ s.m. ‘pain’ ; */ˈsal-e/ s.m. ‘sel’ ; */ˈʊnkt-u/ s.n. ‘matière grasse élaborée servant à enduire’
Or, dans la mesure où aucune de ces unités n’atteste de plurale tantum et où le sémantisme qu’elles impliquent n’appelle pas de variation du nombre, on se demande (1) si la valeur de nombre ne serait pas bloquée, à défaut de pluriel, sur le singulier, (2) si ces unités ne devraient donc pas se lire comme des singularia tantum, et (3) si une tendance quasiment exclusive du protoroman ne consistait pas, pour exprimer des réalités non comptables mais mesurables, à bloquer la variation du nombre sur le singulier au détriment du pluriel, le contre-exemple de */βiˈn-aki-e/ ne révélant qu’une tendance régionale orientée selon une voie contraire. Malgré la prescription étymographique obligeant les
|| 2 Cf. Creissels 2006a, 114–115.
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reconstructeurs à caler équivoquement les lemmes sur des formes de singulier, que les unités ainsi lemmatisées puissent connaître des formes de pluriel à côté du singulier ou bien représentent des singularia tantum, deux types d’indices permettent, sinon de déceler, du moins d’imaginer le singulare tantum derrière le singulier lemmatique : D’une part, un tel indice peut être constitué par l’absence, pour un cognat donné, d’une première attestation absolue témoignant d’un pluriel et présentant le même sens que le cognat qu’elle atteste. En sus de */aˈket-u/, */ˈbrum-a/, */ˈβin-u/,*/ˈɛrb-a/ ~ */ˈɛrβ-a/, */ˈɸen-u/ ~ */ˈɸɛn-u/, */ˈkarn-e/, */ˈlakt-e/, */ˈmʊst-u/, */ˈnɪβ-e/, */ˈpan-e/, */ˈsal-e/ et /ˈʊnkt-u/ cités ci-dessus, il faudrait tenir compte de quelques unités dont le sémantisme est celui de noms monoréférentiels à l’échelle des contextes d’énonciation usuels, et qui, en cela, ressemblent à des noms propres : les noms de mois, qui ne réfèrent jamais, pour une année donnée, qu’à un seul mois (*/aˈɡʊst-u/ s.m. ‘août’, */aˈpril-e/ s.m. ‘avril’, */aˈpril-i-u/ s.m. ‘id.’, */ɸeˈβrari-u/ s.m. ‘février’, */ˈmai-u/ s.m. ‘mai’, */ˈmart-i-u/ s.m. ‘mars’), et le nom de la lune (*/ˈlun-a/ s.f. ‘lune’). D’autre part, un tel indice peut être décelé, dans le cas d’étymons neutres en */-u/, dans la recatégorisation du neutre comme féminin (avec une remorphologisation */-u/ > */-a/), qui semble dénoncer une hésitation originelle du blocage de la variation du nombre entre un singulare tantum (continué dans les langues romanes à travers le neutre ou le masculin) et un plurale tantum (dont le féminin roman, interprété comme la relique d’un neutre pluriel, porterait la trace). Les continuateurs féminins de protorom. */ˈali-u/ (itcentr./itmérid. afr. frpr. occit. acat.), qui « s’analys[e]nt comme issus du pluriel */'ali-a/ » (Reinhardt 2010–2014 in DÉRom s.v.), témoigneraient ainsi d’une hésitation originelle à exprimer le sémantisme d’ail (dans des significations correspondant aux contextes où la glose accepte des constructions comme peu d’ail, beaucoup d’ail ou de l’ail), rendu soit par un singulare tantum, soit, dans une aire centrale de la Romania, par un plurale tantum.3 En toute hypothèse, ait. vine, forme féminine de pluriel, sous protorom. */ˈβin-u/, pourrait témoigner de la même hésitation ; de même dans le cas de protorom. */ˈrap-u/ s.n. ‘navet’ (cf. Delorme 2013 in DÉRom s.v. */ˈrap-u/), dont on est enclin à se demander si le sémantisme originel n’était pas du même ordre que celui que nous postulons ci-dessus pour */ˈali-u/ (comme si, en considération des procédés que l’on suivait pour récolter ou cuisiner le navet, ce légume se mesurait plutôt qu’il ne se comptait), quand
|| 3 Dans le cas de */ˈali-u/, qui présente, pour les cognats italien, français, francoprovençal, catalan, espagnol et asturien, des premières attestations absolues au pluriel, on peut se demander si le signifié de ces attestations n’est pas plutôt, par métonymie, ‘tête d’ail’ ou ‘gousse d’ail’ que ‘ail’.
2.2.4. Reconstruction microsyntaxique | 187
bien même l’idée de sens commun que l’on s’en fait (mais il ne s’agit que d’un sens commun correspondant au sentiment de francophones vivant au début du XXIe siècle) ne serait pas celle d’une réalité non comptable, mais bien d’une réalité comptable (au demeurant, ne dit-on pas, lorsqu’il arrive que l’on apprête certains légumes ressemblant au navet pour en faire son repas, que l’on prépare ou mange du céleri-rave, du rutabaga, de la betterave ?).
6 Adjectifs, substantifs et « condensation lexico-sémantique » en protoroman Quelques articles du DÉRom présentent des exemples d’un processus que Celac/Andronache (à paraître) appellent condensation lexico-sémantique. Il s’agit de la réduction de syntagmes à tête substantivale, comprenant un substantif et un adjectif, et dans lesquels le substantif connaît une ellipse, tandis que l’adjectif acquiert le sens et la fonction du substantif effacé. C’est un processus bien documenté dans l’histoire du latin écrit. On peut citer l’exemple de la locution latine frater germanus ‘frère germain’ : avec l’ellipse, le syntagme s’est réduit à l’adjectif germanus, lequel a investi la fonction du substantif et pris en charge le sens de frater ; c’est là l’origine d’espagnol hermano, de portugais irmão et de catalan germá. Pour citer encore un exemple restreint aux idiomes romans de la péninsule Ibérique, dans le syntagme agnus cordarius ‘agneau né tardivement’, le substantif a disparu, l’adjectif cordarius se convertissant en substantif avec le sens d’‘agneau’ (esp. cordero, port. cordeiro). Les données romanes incitent à la reconstruction des substantifs */βiˈn-aki-a/ s.f. ‘marc de raisin’ (Delorme 2010–2014 in DÉRom s.v.) et */kasˈtani-a/ ~ */kasˈtɪni-a/ s.f. ‘châtaigne’ (Medori 2010–2014 in DÉRom s.v.). Ces deux étymons, comme l’ensemble des cognats romans ayant servi à leur établissement, sont des substantifs féminins. Néanmoins, les corrélats du latin écrit, uinacea et castanea, substantifs féminins dans la langue classique, fonctionnaient originellement comme adjectifs, ces adjectifs s’analysant comme issus par dérivation ou conversion des substantifs uinum et castanea/castinea. Avec Ernout/Meillet4, nous nous proposons de reconnaître dans les syntagmes uinacea acina et castanea nux les points de départ du processus de condensation lexico-sémantique dont résultent les substantifs uinacea, castanea et fontana. Il importe d’être conscient du fait qu’il s’agit là d’un processus linguistique intervenu à époque pré-protoromane : comme la reconstruction comparative nous le montre, l’ancêtre commun des parlers romans ne connaissait plus que les simples */βiˈn-aki-a/ et */kasˈtani-a/ ~ */kasˈtɪni-a/. Les données romanes
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appuient la reconstruction de substantifs, et ce n’est qu’en latin écrit qu’on trouve des exemples de leur emploi adjectival dans un syntagme à tête substantivale. Encore peut-on se demander, dans le cas de */ˈmʊst-u/ s.n. ‘jus de raisin dont la vinification n’a pas commencé ou n’est pas terminée’ (Delorme 2011– 2014 in DÉRom s.v.), si les cognats romans nous permettraient de reconstruire un syntagme protoroman où */ˈmʊst-u/ fonctionnerait comme adjectif. Or, l’auteur répond indirectement à cette interrogation : « Lat. mustus adj. ‘nouveau’ se rencontre dans uinum mustum loc. nom. ‘jus de raisin dont la vinification n’a pas commencé ou n’est pas terminée’, qui n’est attesté, en latin écrit de l’Antiquité, que chez Caton (* 234 – † 149, OLD), et dont nous considérons mustum s. ‘id.’, employé par le même auteur et dans le même texte (de Agri Cultura), comme une ellipse (contrairement à Ernout/Meillet4, qui y voit une substantivation). Sur cette locution, reprise dans le latin savant à partir du Moyen Âge central (dp. 1173, NGML 1007), plusieurs idiomes romans ont calqué les lexies suivantes, généralement dans le sens de ‘vin doux’ : it. vino mosto (dp. 1586, BerarducciSomma 4, 130), aromanch. uin muost (1560, GartnerBifrun 98), fr. vin moût (dp. 1708, CalmetCommentaire 89), aoccit. vin most (1358, Pansier 3), acat. vi most (déb. 15e s., DECat 5, 811), esp. vino mosto (dp. 1524, HerreraAgricultura 40), aast. vinno mosto (1371, DELlAMs s.v. mostu), gal. viño mosto (dp. 1424, TMILG [la locution se rencontre aussi avec un adjectif intercalaire : vino puro mosto (1429), viño ullaao mosto (1433), TMILG]), port. vinho mosto (dp. 1716, FrancoIndiculo ; ViterboElucidario1 s.v. vinho mole). » (Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */ˈmʊst-u/ n.7)
Un cas intéressant, à ce propos, est constitué par protorom. */mon't-ani-a/ s.f. ʻrégion montagneuse ; montagneʼ, qui reposerait, selon la communis opinio, sur une ellipse d’une locution nominale Nf.sg. ou Nn.pl. + montanea : il s’agirait donc d’un cas typique de « condensation lexico-sémantique ». Or, les recherches conduites dans le cadre du DÉRom (cf. Celac 2012–2014 in DÉRom s.v. */mon't-ani-a/ et le développement consacré par Ulrike Heidemeier au suffixe */-'ania/ dans le chapitre 2.2.6. « Reconstruction dérivationnelle » de ce volume) conduisent à y voir plutôt un dérivé de */mon't-e/ s.m. ʻmontagneʼ à l’aide du suffixe topographique (ʻterrain où se trouvent des xʼ) */-'ania/.
7 La reconstruction de la valence protoromane : considérations étymographiques 7.1 Principe Tandis que la diversité des valeurs de genre telle que la manifestent les issues romanes d’une trentaine d’étymons déjà reconstruits (cf. ci-dessus 2) s’explique
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par des recatégorisations du genre primitif et, sauf en cas d’indécision (dans le cas particulier de */ˈβad-u/), ne fait pas obstacle à la reconstruction d’un genre originel acquis à une valeur unique (soit le masculin, soit le féminin, soit le neutre), la situation est toute différente en ce qui concerne la reconstruction de la valence, qui opère selon une visée non pas réductive, mais additive : lorsque les unités romanes dont les reconstructeurs de verbes protoromans postulent la congénitalité et qu’ils considèrent comme descendant régulièrement d’un étymon commun ne sont pas toutes acquises au même type de valence, cette variation, pour autant qu’elle ne s’interprète pas comme un fait d’évolution idioroman, est systématiquement répercutée sur la reconstruction de l’étymon protoroman, dont la valence est dès lors distribuée entre plusieurs types (cf. Creissels 2006b, 1–41). Le verbe */ˈɸuɡ-e-/ (cf. Jatteau 2012–2014 in DERom s.v.), qui se voit doublement assigner le régime d’une construction intransitive et d’une construction transitive, en offre une illustration : la comparaison des issues romanes qu’il a suscitées, acquises (1) pour certaines d’entre elles à un seul type de valence (intransitivité des issues dacoroumaine, istroroumaine, méglénoroumaine, aroumaine, italienne septentrionale et centrale, frioulane, gasconne et catalane, avec le signifié ‘s’éloigner en toute hâte pour échapper à une menace, fuir’), (2) pour d’autres à deux types de valence (sarde, italien, sicilien, romanche, français, francoprovençal, occitan, catalan, espagnol, asturien, galégoportugais : intransitivité et, avec le signifié ‘chercher à éviter, fuir’, transitivité), a donné lieu à la reconstruction de deux valences (« intr./tr. ») et, corrélativement, de deux sens (‘s’éloigner en toute hâte pour échapper à une menace ; chercher à éviter’). Contrairement à la bonne discipline qui impose aux auteur d’articles consacrés à des substantifs protoromans de justifier systématiquement, dans la section « Commentaire », la reconstruction du genre lorsque celle-ci se fonde sur une réduction des différentes valeurs de genre attestées par les issues romanes (où un masculin et un féminin romans peuvent aussi bien donner lieu à la reconstruction d’un masculin – */ˈdɛnt-e/ –, d’un féminin – */ˈkarpin-u/ – ou d’un neutre – */ˈali-u/), aucune règle générale d’explicitation ne semble s’imposer aux reconstructeurs de la valence lorsqu’elle procède d’une addition. Peut-être cette opération est-elle considérée comme suffisamment explicite et univoque pour se passer de commentaire ? À cet égard, l’article traitant de */ˈkresk-e-/ constitue une exception, mais cette unité représente aussi le seul exemple d’un verbe présentant une corrélation entre emplois intransitif et transitif et constructions absolutive et causative, phénomène suffisamment singulier, dans l’état actuel du DÉRom, pour appeler un commentaire :
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« Les issues romanes ont été subdivisées selon leur sémantisme et leur valence : verbe absolutif et intransitif (ci-dessus I.) et causatif et transitif (ci-dessus II.). En dépit d’une diffusion non complètement homogène et d’attestations généralement plus tardives du type II., nous y voyons un héritage commun : à l’exception du dalmate, du ladin et du romanche, toutes les branches romanes connaissent, au moins au Moyen Âge, un emploi transitif du verbe, ce qui nous fait postuler que protorom. */ˈkresk-e/ avait les caractéristiques d’un verbe labile (cf. CreisselsSyntaxe 2, 4 ; Letuchiy,Challenges 247). » (Maggiore 2011–2014 in DÉRom s.v. */ˈkresk-e-/).
Quant à */ˈɸuɡ-e-/, les rapports entre les deux sens et les deux types de construction relèvent apparemment d’un phénomène assez banal d’ambitransitivité : d’un côté, des constructions à deux arguments – argument sujet, argument objet (ce dernier assumant le rôle de la personne ou de la chose importunes ou menaçantes dont on cherche à se soustraire où à s’éloigner), de l’autre, des constructions à argument sujet, sans argument objet, cette omission ayant, dans ce type d’ambitransitivité, une valeur d’indétermination. Cette variation n’est pas mentionnée dans le commentaire, qui fait porter l’essentiel de l’analyse sur un fait de morphologie : le rattachement des issues de l’étymon (indépendamment de leur valence) à deux classes de flexion (*/ˈɸuɡ-e-re/ et */ɸuˈg-i-re), selon une répartition spatiale dont l’interprétation se fonde sur une analyse aréologique qui en démontre la cohérence.
7.2 Gloses rapides et définitions componentielles, entre valence syntaxique et valence sémantique En principe, on admet, dans la pratique déromienne, que la manière dont un verbe protoroman construit ses arguments se conforme à la manière dont le verbe français employé dans la formulation du signifié de cet étymon comme « glose rapide », selon l’expression du Livre bleu (Buchi 2011, « 6. Normes rédactionnelles », § 2.3.5.5.), construit ses propres arguments. On admet donc que les implications microsyntaxiques du verbe français employé comme glose servent, en toute hypothèse, de modèle aux implications microsyntaxiques du verbe reconstruit. Par conséquent, si l’on glose protorom. */ˈmʊlɡ-e-/ par ‘traire’ (cf. Delorme 2014 in DÉRom s.v.), cela signifie que l’on stipule implicitement (1) que */ˈmʊlɡ-e-/, comme traire, est un verbe régissant (a) un sujet investi du rôle de celle/celui qui exerce une pression sur les trayons du pis d’une vache ou d’une autre femelle laitière pour provoquer la sécrétion du lait contenu dans ses mamelles, (b) un objet investi du rôle de l’animal dont on manipule les trayons d’un des pis, en les soumettant à une pression, pour provoquer la sécrétion du
2.2.4. Reconstruction microsyntaxique | 191
lait contenu dans ses mamelles ; (2) que l’objet régi par */ˈmʊlɡ-e-/ ne peut, par exemple, assumer le rôle sémantique du lait ou des trayons. Ainsi, dans le cas de l’article */ˈmʊlɡ-e-/, la lecture de l’entrée – « */ˈmʊlɡ-e-/ v.tr. ‘extraire manuellement le lait de la mamelle (des vaches ou d’autres femelles laitières) en exerçant une pression sur les trayons du pis’ » – ne permet pas, à elle seule et à première vue, de se faire une idée juste de la manière dont le verbe construit ses arguments. En effet, la définition componentielle que l’on en donne n’explicite pas la manière dont les différents rôles sémantiques (celle/celui qui exerce la manipulation, le lait, les vaches etc.) se répartissent les arguments, pour autant que ces rôles sémantiques accèdent tous au rôle syntaxique d’argument. Il faut donc utilement, pour s’en assurer, se reporter à la glose mentionnée à la fin du premier paragraphe du commentaire : « À l’exception du dalmate, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type formel évolué, protorom. */ˈmʊlɡ-e-/ v.tr. ‘extraire manuellement le lait de la mamelle (des vaches ou d’autres femelles laitières) en exerçant une pression sur les trayons du pis, traire. » (Delorme 2014 in DÉRom s.v. */ˈmʊlɡ-e-/)
On admettra ainsi que, si */ˈmʊlɡ-e-/, classé comme verbe transitif (ce qui présuppose qu’il commande un argument objet), est glosé par ‘traire’, c’est non seulement parce qu’il a le sens de ‘traire’, mais aussi parce que l’on postule qu’il construit ses arguments comme traire dans les emplois où le régime de traire n’est pas réduit à une construction intransitive. En effet, comme la plupart des verbes français qui acceptent une construction transitive et que l’on présente usuellement comme des verbes transitifs, quand bien même l’inventaire de leurs constructions les dénoncerait comme des verbes proprement ambitransitifs, traire commande en fait deux constructions : l’une est transitive, comme nous l’avons déjà souligné ; la seconde, à valeur d’indétermination, est intransitive, et le sens du verbe se cantonne à la simple dénotation de l’action qu’il exprime, sans égard pour d’autres participants à l’action que celui/celle, représenté(e) par l’argument sujet, qui en assure le contrôle : ‘exercer l’action de traire’, ‘procéder à la traite’, ‘être spécialisé(e) comme trayeur/trayeuse’. Une mesure de bonne pratique consiste à spécifier systématiquement les deux termes des couples agentif/patientif (1) en laissant vide la place de l’agentif (négativement identifiable comme le sujet requis par le verbe employé comme tête syntaxique dans la définition componentielle) et (2) en codant le patientif, explicitement formulé, au moyen d’une écriture spéciale (par exemple au moyen de parenthèses). Dans le cas de */ˈmʊlɡ-e-/, l’agentif est ainsi identifié comme le sujet requis par le verbe extraire, et le patientif comme le participant désigné au moyen de l’expression parenthésée : vaches ou autres femelles laitières. On ad-
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mettra par ailleurs que le pluriel a ici une valeur généralisante et qu’il marque des constituants non référentiels : son emploi n’exclut pas que le patientif soit, dans un contexte d’énonciation donné, représenté par une seule vache, par une seule femelle laitière autre qu’une vache, par plusieurs vaches, par des femelles laitières quelconques, ou même par n’importe quelle entité que l’on assimile, par voie de comparaison ou de métaphore, à une bête ou à des bêtes que l’on trait. Cette pratique lexicographique est appliquée notamment dans les cas suivants : (1) */asˈkʊlt-a-/ ‘suivre’ : ‘accueillir avec faveur (les paroles de qn)’ ; (2) */ˈβɪndik-a-/ ‘guérir’ : ‘délivrer (qn) d’un mal physique’ ; (3) */ˈβɪndik-a-/ ‘venger’ : ‘dédommager moralement (qn) en punissant (son) offenseur’ ; (4) */esˈkʊlt-a-/ ‘suivre’ : ‘accueillir avec faveur (les paroles de qn)’ ; (5) */ˈklam-a-/ ‘appeler’ : ‘émettre un son perçant ou prononcer à voix haute le nom propre de (qn) pour attirer (son) attention’ ; (6) */ˈklam-a-/ ‘nommer’ : ‘attribuer un nom à (qn) pour (le) distinguer’ ; (7) */ˈkuɛr-e-/ ‘demander’ : ‘exprimer (un désir) de manière à (en) provoquer la réalisation’ ; (8) */ˈskriβ-e-/ ‘écrire’ : ‘tracer et assembler (les signes d’un système d’écriture)’
Cette pratique lexicographique s’applique aussi aux verbes régissant d’autres types de construction. Dans le cas des verbes régissant des constructions intransitives, l’argument unique est ainsi spécifié de la même façon que l’agentif des constructions transitives, c’est-à-dire passé sous silence, mais identifiable comme le sujet requis par le verbe employé comme tête syntaxique dans la définition componentielle : (1) */ˈdɔrm-i-/ ‘dormir’ : ‘être dans un état de sommeil’ ; (2) */ˈɛks-i-/ ‘sortir’ : ‘aller hors d’un lieu’ ; (3) */ˈɸuɡ-e-/ ‘fuir’ : ‘partir en toute hâte pour échapper à une menace’ ; (4) */ˈkad-e-/ ‘tomber’ : ‘être entraîné à terre en perdant son équilibre ou son assiette’ ; (5) */ˈklam-a-/ ‘crier’ : ‘émettre avec force un son perçant’ ; (6) */ˈkresk-e-/ ‘croître’ : ‘grandir progressivement jusqu’au terme du développement normal’
Dans le cas des verbes régissant des constructions pronominales, la tête syntaxique de la définition componentielle est de préférence une forme de type se-V (*/ˈlɛβ-a-/ ‘se lever’ : ‘se déplacer vers le haut’, cf. Guiraud 2011–2014 in DÉRom s.v.), sauf quand la métalangue, en l’occurrence le français, ne le permet pas (ainsi pour */ˈklam-a-/ ‘s’appeler’ : ‘avoir pour nom propre’, cf. Mertens/Budzinski 2012–2014 in DÉRom s.v.). En revanche, on s’interdit d’employer de telles formes dans la définition componentielle de verbes qui ne régissent pas de construction pronominale, ainsi pour */ˈɸuɡ-e-/ v.intr. ‘fuir’ : ‘partir en toute hâte pour échapper à une menace’ plutôt que, comme on lisait dans une version antérieure, ‘s’éloigner en toute hâte pour échapper à une menace’. Dans le cas des verbes régissant des constructions ditransitives, le donneur est spécifié de la même façon que l’agentif des constructions transitives, c’est-à-
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dire passé sous silence, mais identifiable comme le sujet requis par le verbe employé comme tête syntaxique dans la définition componentielle, et le donné et le destinataire se voient tous deux parenthésés : */ˈkred-e-/ ‘prêter’ : ‘confier (qch. qui doit être rendu) (à qn)’ (cf. Diaconescu/Delorme/Maggiore 2014 in DÉRom). Quant aux verbes qui, en sus du sujet et de l’objet, semblent appeler obligatoirement une prédication seconde, ce régime est spécifié, au niveau de l’étiquetage, en les classant, selon le cas, au nombre des verbes prédicatifs transitifs ou des verbes prédicatifs pronominaux, et en stipulant le complément prédicatif dans la définition componentielle : */ˈklam-a-/ v.préd.tr. ‘proclamer’ : ‘reconnaître publiquement (qn ou qch.) comme (le détenteur d’un statut)’ et */ˈklam-a-/ v.préd.pron. ‘s’appeler’ : ‘porter (un certain nom) comme nom propre’ (cf. Mertens/Budzinski 2012–2014 in DÉRom s.v.).
7.3 Inventaire des structures argumentales Les auteurs d’articles du DÉRom consacrés à des verbes leur assignent plusieurs types de construction de leurs arguments, selon des distinctions qui, pour l’heure (en raison d’une contrainte statistique qui, jusqu’à présent, paraît avoir empêché la transformation de l’analyse descriptive en une théorie : la part des verbes, au sein du groupe des étymons dont l’étude est la plus avancée, reste en effet modeste, et faible leur population absolue), ne sont peut-être pas complètement stabilisées. Ce discours ne peut, au demeurant, se réduire aux questions de microsyntaxe abordées dans ce chapitre : reste en effet posée la double question de la reconstruction d’un système casuel et de la reconstruction d’un système d’adpositions fonctionnant comme têtes de constituants placés sous la dépendance directe de verbes. I. Constructions transitives (« v[erbes] tr[ansitifs] ») : (1) */asˈkʊlt-a-/ v.tr. ‘écouter ; suivre’ ; (2) */ˈaud-i-/ v.tr. ‘entendre’ ; (3) */ˈbatt-e-/ v.tr. ‘battre’ ; (4) */ˈbɪβ-e-/ v.tr. ‘boire’ ; (5) */ˈβɪndik-a-/ v.tr. ‘guérir ; venger’ ; (6) */esˈkʊlt-a-/ v.tr. ‘écouter ; suivre’ ; (7) */ˈɸak-e-/ v.tr. ‘faire’ ; (8) */ˈɸranɡ-e-/ v.tr. ‘briser’ ; (9) */ˈkred-e-/ v.tr. ‘croire ; prêter’ ; (10) */ˈkuɛr-e-/ v.tr. ‘chercher ; vouloir ; demander’ ; (11) */ˈlaks-a-/ v.tr. ‘laisser’ ; (12) */ˈmɪnu-a-/ v.tr. ‘diminuer’ ; (13) */ˈrod-e-/ v.tr. ‘ronger’ ; (14) */ˈskriβ-e-/ v.tr. ‘écrire’ ; (15) */ˈsparɡ-e-/ v.tr. ‘disperser ; divulguer’ ; (16) */ˈʊnɡ-e-/ v.tr. ‘oindre’
II. Constructions ditransitives (« v[erbes] ditr[ansitifs] ») (1) */ˈβend-e-/ v.tr. ‘vendre’ ; (2) */ɪm-'prεst-a-/ ; (3) */ɪm'prumut-a-/
III. Constructions intransitives (« v[erbes] intr[ansitifs] ») (1) */ˈdɔrm-i-/ v.intr. ‘dormir’ ; (2) */ˈɛks-i-/ v.intr. ‘sortir’ ; (3) */ˈkad-e-/ v.intr. ‘tomber’
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IV. Construction indir[ect] »)
intransitive
à
argument
oblique
(« v[erbe]
tr[ansitif]
*/'plak-e-/ v.tr.indir. ‘plaire’ (Andronache 2014 in DÉRom s.v.)
V. Verbes ambitransitifs (« v[erbes] intr[ansitifs et] tr[ansitifs] ») (1) */ˈɸuɡ-e-/ v.intr./tr. ‘fuir’ ; (2) */ˈkresk-e-/ v.intr./tr. ‘croître ; accroître’ ; (3) */resˈpɔnde-/ v.intr./tr. ‘répondre ; correspondre ; assumer’
VI. Construction impersonnelle (« v[erbe] impers[onnel] ») */ˈplɔβ-e-/ v.impers. ‘pleuvoir’ (Hinzelin in DÉRom à paraître)
VII. Construction impersonnelle ou intransitive (« v[erbe] impers[onnel et] intr[ansitif] ») */ˈtɔn-a-/ v.impers./intr. ‘tonner’ (Mertens 2014 in DÉRom s.v.)
VIII. Construction pron[ominal] »)
transitive
ou
pronominale
(« v[erbe]
tr[ansitif
et]
intr[ansitif
et]
*/ˈlɛβ-a-/ v.tr./pron. ‘enlever ; prendre ; lever ; se lever ; transporter’
IX. Construction pron[ominal] »)
intransitive
ou
pronominale
(« v[erbe]
*/ˈsɛd-e-/ v.intr./pronom. ‘être assis ; s’asseoir ; se trouver dans un endroit ; être’ (Videsott in DÉRom à paraître)
X. Construction intransitive ou transitive ou pronominale (« v[erbe] intr[ansitif], tr[ansitif et] pron[ominal] ») */ˈklam-a-/ v.intr./tr./pron. ‘crier ; appeler ; proclamer ; nommer ; s’appeler’
8 Conclusion En suivant les trois axes sur lesquels s’articule, dans l’état actuel de l’avancement du DÉRom, la conduite la plus pénétrante d’une analyse microsyntaxique du protoroman (étude du genre, de la quantification, de la valence), nous croyons être parvenus à vérifier deux hypothèses, et même, comme nous en avions l’intuition, à établir deux ordres de faits : d’abord, que l’étymologie protoromane n’est pas anti-latine, en ce qu’elle n’omet jamais de peser les connaissances dont elle dispose déjà du latin écrit ; ensuite, qu’elle est méta-latine, en ce qu’elle apporte à la connaissance du latin global, lorsqu’elle ne se contente pas de l’étayer, des vues encore inéprouvées sur la grammaire de ce diasystème et, spécialement, au travers des langues romanes et par la double voie de la comparaison et de la reconstruction, sur la grammaire de son aspect le moins débrouillé : les variétés du latin parlé. Cet apport, mêlé d’ajustements, d’avancées, de désaveux, occupe, sur le cadran de la boussole étymologique, un secteur étroit mais foisonnant, dans l’angle précis qui sépare « les résultats de recherche de la méthode traditionnelle, latini-
2.2.4. Reconstruction microsyntaxique | 195
sante, et ceux de la reconstruction comparative », et qui, sur le modèle de la déclinaison magnétique, s’est vu proposer le nom de déclinaison étymologique (Buchi à paraître). Non seulement l’analyse microsyntaxique du protoroman, mais encore l’analyse du discours que l’on tient sur la reconstruction microsyntaxique du protoroman (supra 4, 5 et 7) contribuent à la définition de cette déclinaison, dont nous nous bornerons en somme à rappeler quelques jalons : (1) En ce qui concerne l’assignation des valeurs de genre, tous les résultats de la reconstruction ne sont pas congruents aux témoignages du latin écrit ; certains d’entre eux établissent ainsi des valeurs que le latin écrit n’atteste pas (supra 2 et 3). (2) L’identification des valeurs de genre et, particulièrement, d’un neutre protoroman, a nourri, chez les auteurs du DÉRom, une réflexion qui, d’abord hésitante, a débouché sur une position d’équilibre, fondée sur une critériologie que seule l’expérience éprouvée dans la rédaction d’un nombre toujours plus important d’articles étymologiques pouvait permettre d’affiner, et au sein de laquelle la confrontation du latin écrit ne constitue pas un critère décisif (supra 4). (3) La comparaison des valeurs de quantification prises par les issues romanes de substantifs protoromans, la comparaison de leurs valeurs de genre, ainsi que la comparaison de leurs signifiés, nous ont conduits à prendre pied sur quelques pistes inexplorées en direction d’une reconstruction sémantique qui, localisée à l’interface du sens et de la syntaxe, n’est pas seulement celle du sens, mais aussi bien du sémantisme attaché à une partie du lexique protoroman (supra 5). (4) La reconstruction protoromane offre une approche plus circonspecte des phénomènes de condensation lexico-sémantique ; l’assignation d’un étymon comme */βiˈn-aki-a/ à la catégorie des substantifs en constitue un cas exemplaire (supra 6). (5) Enfin (supra 7), la description des constructions argumentales et la reconstruction de la valence protoromane ont conduit les auteurs du DÉRom à l’introduction d’un système d’étiquetage et de gloses dont on ne rencontre, parmi les monuments de l’étymologie latine et de l’étymologie panromane, d’écho ni chez Ernout/Meillet4, ni dans REW3.
9 Bibliographie Bastardas i Rufat, Maria Reina/Buchi, Éva/Cano González, Ana María, Etimoloxía asturiana ya etimoloxía romance : aportaciones mutues nun contestu de camudamientu metodolóxicu pendiente, Lletres Asturianes 108 (2013), 11–39.
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Jean-Paul Chauveau
2.2.5. Reconstruction sémantique La reconstruction du sens des étymons trouvés par la méthode de la reconstruction comparative est aussi nécessaire que celle de la forme, même si elle ne peut pas s’appuyer sur des critères aussi formalisés (cf. Buchi 2012). Son but est double. Il s’agit d’abord de reconstruire pour chaque forme protoromane un sémème susceptible de rendre compte du sens des continuateurs romans, que ceux-ci le maintiennent ou qu’ils aient développé à partir de lui de façon interne – pour utiliser la terminologie développée dans le cadre du DÉRom, à époque idioromane – de nouveaux sens. Il est nécessaire en outre de déterminer au cas par cas si la variation sémantique attestée par les continuateurs autorise ou oblige à reconstruire un polysème originel.
1 Les monosèmes Très souvent les formes protoromanes sont traitées comme monosémiques, sans qu’il soit besoin d’argumenter. C’est évident pour les éléments d’une nomenclature officielle et fermée comme les noms des mois de l’année et celui de l’année elle-même: */'ann-u/, */a'gʊst-u/, */a'pril-e/, */a'pril-i-u/, */ɸe'βrari-u/, */'mai-u/, */'mart-i-u/ (tous Celac 2008–2014 in DÉRom s.v.), ou bien les chiffres : */'dɛke/ (Benarroch 2008–2014 in DÉRom s.v.). C’est aussi le cas pour les noms de plantes et d’arbres sauvages ou cultivés : */'ali-u/, */'ɛder-a/ (tous les deux Reinhardt 2010–2014 in DÉRom s.v.), */'ɸaβ-a/ (Reinhardt 2012–2014 in DÉRom s.v.), */'karpin-u/ (Medori 2008–2014 in DÉRom s.v.), */kas'tani-a/ ~ */kas'tɪni-a/ (Medori 2010–2014 in DÉRom s.v.), */'laur-u/ (Reinhardt/Richter 2011–2014 in DÉRom s.v.), */'nap-u/ (Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v.), */plan't-agin-e/ (Delorme 2012–2014 in DÉRom s.v.), */'salβi-a/ (Reinhardt 2011–2014 in DÉRom s.v.), de même que des dénominations génériques de végétaux propres à l’agriculture : */'εrb-a/ ~ */'εrβ-a/ (Reinhardt 2010–2014 in DÉRom s.v.),*/'ɸen-u/ ~ */'ɸɛn-u/ (Reinhardt 2008– 2014 in DÉRom s.v.) ou d’animaux domestiques */ka'βall-u/, */ka'βall-a/ (tous les deux Cano González 2009–2014 in DÉRom s.v.). Les noms des parties du corps humain et des secrétions relèvent assez souvent de ce type : */'baβ-a/, */'dɛnt-e/, */'kul-u/, */'man-u/ (tous Groß/Schweickard 2009–2014 in DÉRom s.v.), ou les verbes dénommant l’activité des sens et la satisfaction des besoins primaires des animés : */'aud-i-/, */'bɪβ-e-/, */'dɔrm-i-/ (tous les trois Groß/Schweickard 2010–2014 in
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DÉRom s.v.), ou bien des activités essentielles : */'batt-e-/ (Blanco Escoda 2011– 2014 in DÉRom s.v.), */'ɛks-i-/ (Lichtenthal 2010–2014 in DÉRom s.v.), */'ɸuɡ-e-/ (Jatteau 2012–2014 in DÉRom s.v.), */'kad-e-/ (Buchi 2008–2014 in DÉRom s.v.), */'laks-a/ (Florescu 2010–2014 in DÉRom s.v.), */'rod-e / (Videsott 2013/2014 in DÉRom s.v.), */'skriβ-e-/ (Groß 2013/2014 in DÉRom s.v.), ou les noms des rapports sociaux fondamentaux : */'ɸili-u/ (Bursuc 2011–2014 in DÉRom s.v.). Cela concerne aussi les dénominations des réalités du monde naturel : */'βad-u/ (Alletsgruber 2011–2014 in DÉRom s.v.), */'mɔnt-e/ (Celac 2010–2014 in DÉRom s.v.), */'nɪβ-e/ (Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v.), des produits alimentaires de base : */'βin-u/, */'kasi-u/, */'lakt-e/, */'pan-e/ (tous Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v.), */'sal-e/ (Yakubovich 2011–2014 in DÉRom s.v.), d’objets essentiels : */'rɔt-a/ (Groß 2012–2014 in DÉRom s.v.), de concepts généraux nécessaires pour l’appréhension du monde : */'lɔk-u/ (Gouvert 2011–2014 in DÉRom s.v.), */'part-e/ (Velasco 2011–2014 in DÉRom s.v.), */re'tʊnd-u/ (Hegner 2011–2014 in DÉRom s.v.). Dans ce type d’article, le monosémisme est traité comme allant de soi et ne nécessitant pas de commentaires justificatifs. De la même manière que la régularité des évolutions phonétiques qui relient les formes romanes au prototype protoroman n’est jamais justifiée explicitement, la pluralité des sens développés dans les langues romanes contemporaines n’a pas besoin d’être retracée à partir du monosémisme du prototype. Les dictionnaires des langues romanes comportent une dizaine de divisions sémantiques pour dacoroum. bate, it. battere, fr. battre etc. : ce sont les résultats d’autant d’évolutions spécifiques ou parallèles du sens prototypique ʻfrapper (qch. ou qn) de coups répétésʼ. Dans plusieurs langues romanes, les continuateurs de */a'gʊst-u/ attestent le sens de ʻtemps de la moissonʼ ou ceux de */'mai-u/ celui de ʻarbre ou rameau enrubanné, planté durant la nuit du 30 avril au 1er maiʼ : ces sens sont tacitement traités comme relevant de métonymies trop triviales pour qu’ils puissent donner lieu à la reconstruction de tels sens dans la protolangue. Le silence du commentaire sur ce point vaut prise de position. Quelques articles alignent des matériaux de sens différents, mais leur réunion au sein d’une unique division suffit à indiquer qu’ils sont considérés comme le résultat d’évolutions sémantiques idioromanes. L’article */'pɔnt-e/ (Andronache 2008–2014 in DÉRom s.v.) joint, sans commentaire, au sens presque généralisé de ʻouvrage permettant de franchir une dépression ou un obstacle (voie de communication, cours d'eau) en reliant les deux bords de la dépression ou en enjambant l'obstacle, pontʼ des données aux sens de ʻpasserelle réservée aux piétonsʼ et ʻpassage permettant de franchir un cours d'eau aménagé avec de grosses pierres disposées à distance d’un pas chacuneʼ
2.2.5. Reconstruction sémantique | 201
qui se rapportent à des ouvrages plus frustes qu’un pont mais qui remplissent le même objet. Aux cognats présentant le sens quasi général de ʻfaire subir (à qch.) un processus de destruction par une séparation brutale, briserʼ de l’article */'ɸranɡ-e-/ (Morcov 2013/2014 in DÉRom s.v.) viennent s’agréger des verbes qui signifient un processus de destruction un peu différent : ʻbroyer en serrant fortement, écraserʼ, ou bien un sens métaphorique : ʻagir en opposition à (qch.), enfreindreʼ. Dans l’article */ka'ten-a/ (Groß 2010–2014 in DÉRom s.v.), une note argumente l’appartenance d’une dénomination du fruit de l’argousier, parce que c’est une étymologie qui a été discutée, mais elle traite comme des métaphores banales les sens ʻcolonne vertébraleʼ ou ʻchaîne de tissuʼ. Il est exceptionnel que le monosémisme de l’étymon protoroman soit justifié. Une note de l’article */'lun-a/ (Cadorini 2012–2014 in DÉRom s.v. n. 2) s’évertue à le faire pour réfuter que le prototype ait pu avoir le sens de ʻmoisʼ. On ne peut faire remonter celui-ci qu’au protoroumain, comme une innovation idioromane qui prend place dans les nombreux emprunts que la nomenclature calendaire a connus dans la Romania de l’est et au bisémisme ʻluneʼ/ʻmoisʼ fréquent dans les langues slaves (comme dans les langues indo-européennes, mais que les langues romanes, à la suite du latin, ont abandonné). Il s’agit d’un fait de contact de langues idioroman. Les cognats romans peuvent s’être différenciés sémantiquement sans que la variation constatée puisse être attribuée à la période formatrice. Les issues de */'mʊst-u/ (Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v.) attestent trois signifiés : ʻmoûtʼ, ʻvin douxʼ et ʻvin nouveauʼ, qui caractérisent trois étapes de la transformation du jus de raisin en vin. Les langues romanes retiennent un ou bien deux ou bien trois de ces sens sans qu’une répartition aréale s’en dégage. Le plus simple est de considérer que ces trois sens sont des spécialisations qui se fixent sur l’un ou l’autre des états transitoires d’un processus évolutif naturel. Cela justifie la reconstruction d’un sémème comportant le sème constitutif /processus/, qui soit donc susceptible de permettre les trois instanciations distinguées dans les langues : ʻjus de raisin dont la vinification n'a pas commencé ou n'est pas terminéeʼ. Il a pu y avoir des réorganisations internes dans certaines branches postérieurement à la période formatrice. Ainsi le sens de ʻnavetʼ se reconstruit pour */'rap-u/ s.m. comme pour */'rap-a/ s.f., et du coup également pour leur ancêtre commun, protorom. */'rap-u/ s.n. (cf. Delorme 2013/2014 in DÉRom s.v. */'rap-u/). Mais les données des aires galloromane et ibéroromane ne s’y accordent pas sémantiquement. Il est clair cependant que les sémèmes ʻpoisson de la famille des lophiidés, vorace, remarquable par la grosseur de sa tête et de sa gueule et par ses nageoires pectorales portées sur des moignons (Lophius piscatorius), baudroieʼ (catalan) et ʻappendice plus ou moins développé et flexible,
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généralement poilu et dont l’axe squelettique est un prolongement de la colonne vertébrale (d’un mammifère terrestre), queueʼ (espagnol, asturien, galicien, portugais) que présentent certains cognats sont des sens métaphoriques qui s’appliquent à des réalités dont l'aspect évoque un navet long. Ces métaphores différentes dans une même aire géographique impliquent que le sens propre a été éliminé tardivement. En français, franco-provençal, occitan et gascon, */'rap-a/ s.f. a été affecté à la dénomination d’une autre plante à racine charnue comestible, la rave. Tout ceci est à mettre en relation avec une unité lexicale concurrente, protorom. */'nap-u/ s.m., qui est justement installée là où les représentants de */'rap-u/ s.n. connaissent des sens secondaires (cf. Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v.). Les continuateurs de */'nap-u/ sont d’ailleurs aussi appliqués à d’autres plantes potagères, comme la bette ou le chou rave. La variation linguistique intraromane est tributaire à la fois des évolutions culturales et de réaffectations de lexèmes concurrents, qu’il convient de distinguer de la strate protoromane.
2 Les polysèmes Moins souvent la reconstruction du prototype aboutit à un polysème. Il est exceptionnel que cette reconstruction ne soit pas décrite ni argumentée. C’est pourtant le cas des deux articles parallèles */as'kʊlt-a-/ et */es'kʊlt-a-/ (tous les deux Schmidt/Schweickard 2010–2014 in DÉRom s.v.), qui connaissent les subdivisions ʻtendre l'oreille (vers ce qu'on peut entendre), écouterʼ et ʻaccueillir avec faveur (les paroles de qn), suivreʼ. Ces deux sens, d’une part, sont communs aux deux prototypes morphologiques et presque généralisés dans les langues romanes (à l’exception du sarde et du romanche) et, d’autre part, sont déjà attestés en latin. La documentation parle d’elle-même. Hors ce cas les divisions sémantiques opérées dans les articles sont justifiées expressis verbis. L’argument fréquemment utilisé pour reconstruire un polysème est la généralité des sens multiples. On constate deux types de présentation, selon que l’article cite les matériaux romans en bloc ou par sousdivisions. Dans le cas de figure le moins fréquent, les matériaux de l’article sont réunis dans un seul ensemble, tandis que le prototype reconstruit comporte deux sémèmes. La contradiction n’est qu’apparente. L’intitulé de l’article */'karn-e/ s.f. exprime un sens double : ʻsubstance molle et fibreuse (enveloppée par la peau) qui constitue les muscles de l’homme et des animaux, chair ; cette substance considérée comme aliment, viandeʼ, quoique certaines données romanes
2.2.5. Reconstruction sémantique | 203
ne soient sémantisées que comme ʻchairʼ ou ʻviandeʼ (cf. Groß/Schweickard 2010–2014 in DÉRom s.v. */'karn-e/). Le double sémantisme relève de deux points de vue, anatomique ou alimentaire, mais peut exceptionnellement ne pas être réalisé intégralement dans l’état actuel d’un idiome particulier. Pour cette raison, les auteurs de cet article ont considéré qu’il n’était pas nécessaire d’ouvrir deux subdivisions pour ʻchairʼ et pour ʻviandeʼ, et donc de fournir explicitement les matériaux (dotés de premières attestations) menant à la reconstruction des deux sémèmes pour le protolexème. Semblablement */la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/ s.f. comporte les deux sens : ʻvigne grimpante poussant naturellement, notamment dans les bois des régions méditerranéennes (Vitis vinifera subsp. sylvestris C. C. Gmel.), vigne sauvage ; fruit de Vitis vinifera subsp. sylvestris, fruit de la vigne sauvageʼ, quoique certaines données n’aient que le sens de ʻvigne sauvageʼ ou celui de ʻfruit de la vigne sauvageʼ (cf. Reinhardt 2011–2014 in DÉRom s.v. */la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/). On considère que ces bisémismes peuvent être traités à moindre frais, d’autant plus que les deux cas peuvent s’intégrer aux métonymies régulières qui affectent des noms de plantes ou d’animaux qui dénomment également les aliments qu’en tirent les humains. La quasi généralité du bisémisme dans les parlers romans invite à le faire remonter aux étymons protoromans concernés. Semblablement l’article */mon't-ani-a/ (Celac 2012–2014 in DÉRom s.v.) atteste, partout où le type protoroman est représenté, un double sens : ʻterritoire caractérisé par d'importantes élévations du terrain, région montagneuse ; importante élévation de terrain, montagneʼ, donc un sens collectif et un sens singulatif. Le rapport morphologique avec */'mɔnt-e/ s.m. ʻmontʼ implique que le sens collectif doit être primaire et le sens singulatif secondaire. À la seule exception (partielle) du sarde, qui ne connaît comme appellatif que ce dernier sens, le sens ʻrégion montagneuseʼ étant seulement attesté en toponymie, les deux sens cohabitent et donc, du fait de cette généralité, doivent être attribués au protoroman. L’attribution de la dénomination d’une collection à celle d’une unité de celle-ci n’est pas un fait extraordinaire, mais il est extrêmement peu probable qu’elle se soit produite indépendamment dans chacune de la dizaine de langues romanes qui la connaissent. Ces derniers exemples ne sont qu’une modalité de rédaction concurremment avec les polysèmes dont la reconstruction sémantique est formalisée par les subdivisions des articles et le commentaire qui les explicite. Ainsi l’article */'kresk-e-/ est subdivisé selon les deux sémèmes ʻgrandir progressivement jusqu'au terme du développement normal, croîtreʼ et ʻrendre (qch.) plus grand, accroîtreʼ, qui sont liés à la variation de la valence verbale, un emploi intransitif pour le premier et transitif pour le second, ce dernier inconnu du latin écrit (Maggiore 2011–2014 in DÉRom s.v. */'kresk-e-/). La généralité de ces deux sens
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dans presque tous les idiomes romans garantit que la double valence du verbe s’est développée dès la période protoromane. La polysémie est encore plus riche avec */'klam-a-/, pour lequel cinq sens sont reconstruits, liés à quatre valences verbales (cf. Mertens/Budzinski 2012– 2014 in DÉRom s.v.). L’emploi intransitif est propre au sens ʻémettre avec force un son perçant, crierʼ ; l’emploi transitif se différencie en ʻémettre un son perçant ou prononcer à voix haute le nom propre de (qn) pour attirer (son) attention, appelerʼ et ʻattribuer un nom à (qn) pour (le) distinguer, nommerʼ ; l’emploi prédicatif transitif concerne le sens ʻreconnaître publiquement (qn ou qch.) comme (le détenteur d’un statut), proclamerʼ ; enfin l’emploi prédicatif pronominal est attaché au sens ʻporter (un certain nom) pour nom propre, s’appelerʼ. Il est clair que, du sens de ʻcrierʼ, se déterminent ceux de ʻappelerʼ et ʻproclamerʼ par une première restriction de sens, d’où, par une seconde restriction, les sens de ʻnommerʼ et ʻse nommer, s’appelerʼ. Il n’est pas inintéressant de constater que ces deux deniers sens n’ont pas été relevés dans le latin écrit. Mais comme les cinq divisions opérées sont présentes sinon dans tous les idiomes romans, au moins dans tous les domaines romans, et notamment les deux sens innovatifs, il n’est pas possible de hiérarchiser ni d’ordonner d’un quelconque point de vue les sens autres que celui de ʻcrierʼ qui paraît premier. Du fait de sa quasi ubiquité, la polysémie romane doit être protoromane. La reconstruction de l’un des sens d’un polysème n’est pas obligatoirement fondée sur la répartition totale ou presque totale d’un unique sémème. Ce sémème peut ne pas être attesté dans les langues romanes, mais reconstruit comme une généralisation de signifiés plus restreints, seuls réalisés dans le lexique des parlers romans. Ainsi */'ʊnkt-u/ se voit attribuer à côté du sens de ʻmatière grasse utilisée comme pommade, onguentʼ, que connaît le latin écrit, celui de ʻmatière grasse élaborée utilisée en cuisineʼ, qui n’est documenté ni en latin ni, directement, dans aucun idiome roman (cf. Videsott 2012–2014 in DÉRom s.v. */'ʊnkt-u/). On peut cependant reconstruire le sens ʻmatière grasse élaborée utilisée en cuisineʼ à partir des deux concrétisations spécialisées de ʻsaindouxʼ et ʻbeurreʼ, qui sont communes dans deux zones qui couvrent à peu près toute la Romania. La première domine l’Italoromania, la Galloromania et l’Ibéroromania, tandis que la seconde domine dans l’Est (domaines roumain, vénitien et frioulan). La distinction est moins linguistique que culturelle, reposant sur les choix exclusifs du fond de cuisine selon les régions. Les deux sémèmes ainsi distingués permettent de reconstruire un sémème ʻmatière grasse élaborée utilisée pour enduireʼ dont ils sont des applications dans les domaines culinaire et médical. Tous ces exemples témoignent de l’importance que joue le nombre des idiomes et branches attestant un sémème commun. Un autre rôle aussi impor-
2.2.5. Reconstruction sémantique | 205
tant pour la reconstruction est dévolu aux idiomes ou branches qui se sont isolés très précocement de l’ensemble roman. Toutes les branches romanes, à l’exception du frioulan, présentent des cognats qui permettent de reconstruire */'anim-a/ s.f. ʻpartie immatérielle des êtres, âmeʼ, mais seules la branche sarde et la branche roumaine s’accordent sur une concrétisation anatomique de ce sémème : ʻorgane central de l’appareil circulatoire, cœur ; partie renflée du tube digestif, estomacʼ (cf. Schmidt 2010– 2014 in DÉRom s.v. */'anim-a/). L’accord de ces deux branches permet de faire remonter cette concrétisation au substantif protoroman. Un cas un peu semblable est celui de l’article */'mεnt-e/ (cf. Groß 2011–2014 in DÉRom s.v.). Le sémème ʻprincipe de la vie psychique (notamment intellectuelle) chez un individu, espritʼ se reconstruit à partir de toutes les langues sauf le frioulan et le français. Mais à ce sens abstrait correspond une concrétisation anatomique en ʻrégion latérale de la tête (entre le coin de l’œil et le haut de l’oreille), tempeʼ en aroumain, en sarde et en corse qui invitent, comme dans le cas précédent, à attribuer ce sémème à un stade protoroman précoce. Les branches isolées maintiennent des sémèmes secondaires qui ont disparu ailleurs, dans ces exemples peut-être à la suite du changement de religion à l’intérieur de l’Empire romain. Elles peuvent aussi maintenir un sémème distinct de celui qui s’est déterminé dans le reste de la Romania. Ainsi la Romania centrale et occidentale s’accorde sur le sens de ʻdédommager moralement (qn) en punissant (son) offenseur, vengerʼ pour */'βɪndik-a-/, sens qui manque dans les branches sarde et roumaine. À la place, la branche roumaine a le sémème ʻdélivrer (qn) d’un mal physique, guérirʼ, qui est pris en charge, dans la Romania centrale et occidentale, par le germanisme */ua'r-i-/ v.tr. ʻguérirʼ ou par */'salβ-a-/ v.tr. ʻsauverʼ, d’apparition trop tardive pour s’être implantés en domaine roumain (cf. Celac 2010–2014 in DÉRom s.v. */'βɪndik-a-/). De tels particularismes sur le plan sémantique permettent de caractériser la position chronologique de sémèmes de vaste diffusion. L’accord de tous les idiomes romans permet de reconstruire le sémème ʻensemble des poils qui poussent au bas du visage de l’homme (sur le menton et les joues), barbeʼ pour */'barb-a/, mais l’existence du sémème ʻpartie du visage située sous la lèvre inférieure et constituée par l’extrémité du maxillaire inférieur, mentonʼ, outre dans une grande partie de la Romania centrale et occidentale, en sarde et en roumain atteste la précocité de celui-ci (cf. Schmidt/Schweickard 2010–2014 in DÉRom s.v. */'barb-a/1). Les cognats qui permettent de reconstruire */'kuɛr-e-/ documentent trois sémèmes : ʻagir en sorte de trouver (qch. ou qn), chercher ; avoir le désir (de qch.), vouloir ; exprimer (un désir) de manière à (en) provoquer la réalisation, demanderʼ, sous les deux types flexionnels */'kuɛr-e-re/ et */kue'r-i-re/. La répartition plus limitée des deux derniers est contrebalancée
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par leur présence en sarde et en roumain, ce qui permet d’affecter le polysémisme à la période protoromane la plus ancienne (cf. Maggiore 2012–2014 in DÉRom s.v. */'kuɛr-e-/). La hiérarchisation des sens permet d’identifier, du fait de leur diffusion limitée spatialement, des développements propres à certaines zones, des régionalismes lexicaux de la langue de l’Empire romain. La répartition des sémèmes que l’on est amené à reconstruire pour */'lɛβ-a-/ oblige ainsi à faire une distinction. Les quatre premiers : ʻenleverʼ, ʻprendreʼ, ʻleverʼ et ʻse leverʼ sont tous attestés en sarde ; les deux derniers ne le sont pas en roumain, mais ils le sont à travers toute la Romania centrale et occidentale. Cette répartition conduit à attribuer ce polysémisme à la période commune la plus précoce. En revanche, le sémème ʻdéplacer d’un lieu à un autre, transporterʼ, qui n’est attesté qu’en espagnol, asturien et galégo-portugais, doit représenter une innovation du protoroman régional d’Ibérie (cf. Guiraud 2011–2014 in DÉRom s.v. */'lɛβ-a-/). Une innovation sémantique régionale peut affecter concomitamment l’assiette de l’étymon, et donner lieu à une dérivation. Le substantif féminin */'barb-a/ a ainsi subi une métonymie, de la barbe, comme marque de la virilité et conséquemment de l’autorité, au porteur de la barbe. Une fois le genre grammatical accordé au genre naturel le substantif */'barb-a/ s.m. a constitué un terme d’adresse respectueux pour l’oncle dans l’Italie du nord, dont on retrouve les cognats sur une aire continue, en dalmate, istriote, italien septentrional, frioulan, ladin et romanche (cf. Schmidt/Schweickard 2010–2014 in DÉRom s.v. */'barb-a/2). La reconstruction sémantique, à partir de la poursuite d’un même sémème dans plusieurs idiomes d’une zone géographique, permet de mettre au jour, avant la séparation des idiomes, un état déjà différencié où se développaient des innovations de diffusion limitée. La chronologisation de la différenciation n’est pas obligatoirement fondée sur une analyse aréologique. La reconstruction de la logique interne des sens suffit parfois pour les ordonnancer. On obtient ainsi un étagement chronologique relatif au cours de la période formatrice. Toutes les branches, sauf le dalmate, contribuent à reconstruire */ti'tion-e/ avec les deux sémèmes ʻtisonʼ et ʻcharbon (maladie des céréales)ʼ. Le second est moins largement attesté, mais il est cependant présent dans les branches les plus précocement isolées, en sarde et en roumain, et dans les zones latérales du sud et du nord-est de l’Italoromania ainsi que dans l’Ibéroromania. Les deux sémèmes peuvent, de ce fait, être attribués à la strate la plus ancienne. Leur ordonnancement se déduit seulement de ce que le second est issu nécessairement d’une métaphore à partir du premier, la maladie dénommée recouvrant les épis des céréales d’une masse noire pulvérulente qui leur donne l’aspect d’un tison éteint. Ce changement métaphorique doit être séparé des synonymes it. carbone et fr. charbon, qui se
2.2.5. Reconstruction sémantique | 207
sont développés indépendamment et très postérieurement à partir de noms de maladies humaines (cf. Jactel/Buchi 2012–2014 in DÉRom s.v. */ti'tion-e/). Pour */'brum-a/, la reconstruction aboutit dans un premier temps au trois sémèmes ʻhiverʼ, ʻgivreʼ et ʻbrouillardʼ, que leur logique interne permet ensuite d’ordonner. Selon l’enchaînement le plus obvie, ces trois sens sont le résultat de deux métonymies successives. Du nom de la saison se dégage celui d’un phénomène caractéristique de cette période : ʻhiverʼ > ʻgivreʼ. De ce dernier phénomène on remonte à sa cause : ʻgivreʼ > ʻbrouillard givrantʼ et, par extension, ʻbrouillardʼ, selon une évolution sémantique qui a des parallèles (cf. von Wartburg 1956 in FEW 16, 239a, *HRIM). Les deux métonymies se sont implantées à l’est ou à l’ouest et ce n’est sans doute pas un hasard si celle qui est la plus ancienne affecte l’Italie septentrionale en même temps que le domaine roumain (cf. Birrer/Reinhardt/Chambon 2013/2014 in DÉRom s.v. */'brum-a/). Cet étagement logique peut se combiner avec la répartition spatiale. Des trois sémèmes que l’on peut reconstruire pour */'ɸamen/, ʻfaimʼ, ʻfamineʼ et ʻdésirʼ, le dernier est clairement métaphorique et secondaire. Parallèlement il n’est pas attesté pour les deux types morphologiques que l’analyse a caractérisés comme le plus ancien (*/'ɸamen/ s.n.) et le plus isolé (*/'ɸamit-e/), qui sont propres respectivement au sarde et au roumain, les deux branches les plus précocement autonomisées par rapport à l’ensemble roman. À l’inverse, la zone centrale connaît les trois sens, qui sont attestés conjointement dans plusieurs idiomes : italien, frioulan, français, francoprovençal, gascon, catalan, asturien, galicien/portugais. Le sémème ʻdésirʼ se dénonce ainsi comme relevant d’une diffusion de date plus récente que les deux autres (cf. Buchi/González Martín/Mertens/Schlienger 2012–2014 in DÉRom s.v. */'ɸamen/). Les représentants de */sa'gɪtt-a/ attestent trois sémèmes : ʻarme de trait composée d’une hampe de bois munie d’une pointe aiguë à une extrémité et d’un empennage à l’autre (et qu’on lance principalement à l’aide d’un arc), flèche ; extrémité pointue d’un sarment de vigne auquel on a appliqué une taille courte, courson ; lumière éblouissante accompagnant la décharge électrique des masses nuageuses, précédant le tonnerre et zébrant de façon variée un ciel d’orage, éclairʼ, qui se relient par deux métaphores. Il y a une analogie d’aspect entre le fer d’une flèche et l’extrémité du sarment taillé en courson, d’une part, et la course d’une flèche et le tracé de l’éclair dans le ciel, d’autre part. Tout indique que le sémème de ʻflècheʼ est premier, ce qui convient à sa répartition à travers la plus grande partie de l’espace roman, tandis que les deux autres sont plus limités géographiquement. Le sémème ʻcoursonʼ, présent en sarde, de même qu’en espagnol, doit être plus ancien que celui de ʻéclairʼ, qui est propre à l’Italia amplior (cf. Delorme 2011–2014 in DÉRom s.v. */sa'gɪtt-a/). Il y a une
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cohérence entre les opérations sur le sens et la répartition spatiale des résultats qui donne une sécurité aux reconstructions. L’une des conséquences positives du fait que les étymons du DÉRom sont issus d’un processus de reconstruction comparative est que leurs propriétés (en l’occurrence sémantiques) peuvent être confrontées avec celles qui se dégagent des données de la lexicographie du latin. Cette confrontation manifeste alternativement des concordances et des discordances. D’une part, il n’est pas rare que les sens que la reconstruction détermine comme d’apparition secondaire coïncident avec des datations lexicographiques latines plus tardives. Ainsi des deux sémèmes distingués pour */'barb-a/1 s.f., celui de ʻbarbeʼ a une extension spatiale plus large que celui de ʻmentonʼ. On peut mettre cela en rapport avec les cinq siècles qui séparent les premières attestations de ces deux sens dans la lexicographie latine. Le sens de ʻéclairʼ attribué comme plus tardif à */sa'gɪtt-a/ n’a pour correspondant qu’un hapax de la Vulgate, qui n’est donc pas seulement, comme on pourrait le penser sur la base de ce témoignage écrit, un fait de traduction. Seule la branche roumaine conserve par le sémème ʻguérirʼ pour le représentant de */'βɪndik-a-/ le sens de ʻsauverʼ qui est attesté en latin pour uindicare depuis Plaute, alors que la Romania centrale et occidentale l’a abandonné au profit de */'salβ-a-/, qui n’est documenté par le latin saluare que depuis le IIIe siècle. D’autre part, la reconstruction établit des sémèmes qui se dénoncent comme secondaires par leur répartition spatiale et/ou par la logique sémantique interne et que la lexicographie des textes latins n’a pas repérés. On aura ainsi remarqué parmi les exemples précédemment cités : anima *ʻorgane central de l’appareil circulatoire, cœur ; partie renflée du tube digestif, estomacʼ, bruma *ʻgivreʼ et *ʻbrouillardʼ, clamare *ʻnommerʼ et *ʻs’appelerʼ, leuare *ʻprendreʼ et *ʻtransporterʼ, quaerere *ʻvouloirʼ, titio *ʻcharbon des céréalesʼ, unctum *ʻmatière grasse élaborée utilisée en cuisineʼ. Parfois l’innovation sémantique est liée à une innovation de la microsyntaxe : barba s.*m. *ʻfrère du père ou de la mère, oncleʼ, crescere v.*tr. *ʻrendre plus grand, accroîtreʼ. On atteint ainsi par cette voie un état de langue que l’écrit ne permet pas de soupçonner, mais qui devait être devenu commun à l’oral. Inversement, des faits bien constants à l’écrit n’ont pas laissé de traces dans la langue qui s’est transmise par l’oralité. Le commentaire de l’article */'ɸak-e-/ confronte les données romanes à celles du latin pour expliquer que le verbe roman a neutralisé la distinction que faisait le latin entre agere ʻfaire (une activité considérée dans son exercice continu)ʼ et facere ʻfaire (une activité considérée à un certain moment)ʼ et qu’il a éliminé toute trace du sens étymologique ʻposerʼ de ce dernier, désormais confié exclusivement à */'pon-e-/ (cf. Buchi 2009–2014 in DÉRom s.v. */'ɸak-e-/).
2.2.5. Reconstruction sémantique | 209
La reconstruction est loin de n’établir que des primitifs sémantiques, au terme d’un processus de simplification schématique. Les prototypes monosémiques qu’elle détermine sont nombreux pour dénommer des réalités bien précises du monde naturel, des objets et des activités de la vie quotidienne et des notions fondamentales de l’organisation sociale. Mais même dans ces domaines elle aboutit dans un certain nombre de cas à des prototypes polysémiques. Ce n’est pas la méthode qui simplifie et appauvrit le point de départ. Au contraire même, elle est capable de reconstituer pour celui-ci un état plus différencié sémantiquement que ne le laisserait supposer la documentation écrite. Elle parvient à y déceler des strates chronologiques relatives qui illustrent la progressivité de la romanisation. La reconstruction restitue au protoroman tous les attributs d’une langue naturelle de communication au sein d’une des plus vastes communautés linguistiques de l’Antiquité.
3 Bibliographie Buchi, Éva, Des bienfaits de l’application de la méthode comparative à la matière romane : l’exemple de la reconstruction sémantique, in : Bohumil Vykypěl/Vít Boček (edd.), Methods of Etymological Practice, Prague, Nakladatelství Lidové noviny, 2012, 105-117. DÉRom = Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang (dir.), Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), Nancy, ATILF, , 2008–. FEW = Wartburg, Walther von et al., Französisches Etymologisches Wörterbuch. Eine darstellung des galloromanischen sprachschatzes, 25 vol., Bonn/Heidelberg/LeipzigBerlin/Bâle, Klopp/Winter/Teubner/Zbinden, 1922–2002.
Ulrike Heidemeier
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle 1 Préliminaires 1.1 Délimitation du sujet La présente contribution,1 destinée originellement à dresser un bilan des phénomènes de dérivation protoromane à la lumière des articles du Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom),2 s’est au fur et à mesure transformée en une étude de quelques cas de dérivation nominale en protoroman. Cette orientation a été principalement dictée par une raison : les cas de dérivation discutés dans les articles du dictionnaire sont presque tous isolés, c’est-à-dire qu’ils n’apparaissent, sauf exception (cf. le cas des préfixés), qu’une seule fois. Or, dégager une information morphologique quelconque à partir d’une seule reconstruction est tout simplement impossible. C’est la démarche contraire qui s’impose dans une perspective de grammaire comparée-reconstruction : il convient d’établir une série de protolexèmes qui manifestent un même phénomène morphologique (en l’occurence une même dérivation), afin d’étudier le paradigme correspondant dans la protolangue. On pourra alors comparer les unités de ce paradigme, identifier la base lexicale de chaque dérivé, déterminer enfin le signifiant et le signifié du morphème dérivationnel commun. Compte tenu de l’ampleur de la tâche, il va de soi que nous ne traiterons pas ici la totalité des phénomènes dérivationnels nominaux mis en évidence dans les articles du DÉRom, ce qui reviendrait à rédiger un chapitre complet de la grammaire du protoroman.3 || 1 Notre travail doit beaucoup aux conseils, aux remarques ponctuelles et à la relecture attentive d’Éva Buchi, de Victor Celac, de Jean-Pierre Chambon, de Steven N. Dworkin, de Romain Garnier, de Xavier Gouvert et de Mihaela-Mariana Morcov. Nous leur adressons nos sincères remerciements pour cette collaboration irremplaçable. 2 Notre corpus lexicographique englobe d’une part les articles publiés – leur nombre s’élève au moment de la dernière rédaction de ce chapitre (juillet 2014) à 100 –, d’autre part ceux qui se trouvent dans un état très avancé de rédaction – nous pouvons en compter environ 70 : au total, nous pouvons donc exploiter quelque 170 articles. Il paraît important de mentionner que notamment les articles à paraître peuvent subir, d’ici la publication de ces lignes et même audelà, encore de légères modifications. L’état actuel n’est donc pas l’état définitif d’un article en préparation. 3 Signalons deux études en préparation portant spécifiquement sur la reconstruction morphologique du protoroman : la suffixation est étudiée dans le cadre de la thèse de doctorat de
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Dans le cas des langues romanes, malgré la relative nouveauté que constitue l’application de la grammaire comparée-reconstruction dans ce domaine, on ne part pas d’une situation de table rase ; on dispose de fait d’une littérature très riche permettant d’exploiter le fonds lexical des langues romanes : le REW3, dictionnaire étymologique des langues romanes de Wilhelm Meyer-Lübke, rendu très maniable par son indexe inverse (Alsdorf-Bollée/Burr 1969), les dictionnaires étymologiques idioromans (DES, DA/DLR, LEI, FEW, DECat, DCECH, DELP3 etc.), les grammaires historiques panromanes (Meyer-Lübke 1890–1902, Lausberg 21967–1972, Hall 1983) et idioromanes (Wagner 1952, Rohlfs 1949– 1954, Nyrop 1904–1930, Ronjat 1930–1941, Moll 22006, Menéndez Pidal 41918, Penny 1993, Williams 21962, pour en nommer juste quelques-unes), ainsi que les dictionnaires étymologiques (Ernout/Meillet4, Walde/Hofmann4, IEEDLatin) et les grammaires (Cooper 1895, Stolz 1895, Maurer 1959, Leumann 1963 etc.) du latin – sans compter les multiples publications indépendantes sur le sujet.
1.2 Mise au point terminologique La morphologie constructionnelle du protoroman, en tant que sous-discipline de la morphologie de cette langue, est l’ensemble des processus de formation de nouvelles unités lexicales propres à l’ancêtre des langues romanes. Étudier la dérivation protoromane consiste à : isoler et définir des morphèmes dérivationnels (c'est-à-dire circonscrire leur signifiant et leur signifié) ; déterminer les bases lexicales auxquelles ils se greffent ; étudier enfin les effets morphophonologiques, prosodiques et sémantiques sous-jacents. Sous le terme de dérivation, on a coutume de regrouper les processus suivants : (1) L’affixation, c’est-à-dire l’adjonction d’un ou de plusieurs affixe(s) (préfixe, interfixe et/ou suffixe) à une base lexicale. Il en existe quatre types (cf. Neveu 2004 s.v. dérivation) : la préfixation : adjonction d’un préfixe devant la base lexicale (it. im-possibile), l’interfixation : adjonction d’un interfixe entre la base lexicale et un suffixe flexionnel ou dérivationnel (fr. saut-ill-er), la suffixation : adjonction d’un suffixe après la base lexicale (roum. sări-tor) et la parasynthèse : adjonction simultanée d’un préfixe et d’un interfixe ou d’un suffixe à une base lexicale dont il n’existe pas de dérivé formé à l’aide du seul
|| Bianca Mertens (cf. Mertens en préparation) et la préfixation fait l’objet de notre thèse de doctorat (cf. Heidemeier en préparation). L’étude de la préfixation a été entamée par Buchi (2009) pour */de-/ et */dɪs-/ et par Baiwir (2013) pour */eks-/.
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 213
préfixe, du seul interfixe ou du seul suffixe en question (cf. esp. ennoblecer [*noblecer, *ennoble]). (2) La conversion, qui consiste en le changement de catégorie grammaticale d’une unité lexicale existante sans modification de son signifiant (cat. tranquilitzant adj. → un tranquilitzant s.m.). Il est évident que l’étude de la morphologie d’une protolangue représente un défi particulier par rapport à l’analyse morphologique d’une langue contemporaine, pour laquelle on a accès direct au système linguistique considéré : il s’agit d’un travail heuristique, qui amène le diachronicien à étudier le système entier de la protolangue. On ne peut analyser la morphologie du protoroman sans s’interroger sur (et donc sans reconstruire aussi) sa phonologie, sa flexion ou sa morphosyntaxe.
1.3 Nomenclature de travail Compte tenu de ces précisions, nous classerons les articles du DÉRom pertinents pour la dérivation du protoroman comme suit :
1.3.1 Préfixation (1) */dɪs-ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. ‘(faire) descendre de selle ; faire cesser d’être en position de chevauchement’ (Hütsch/Buchi 2014 in DÉRom s.v.) ; (2) */es-tre'm-ɪsk-e-/ ~ */es-'trɛm-i-/ v.intr./tr./pron. ‘trembler ; (s’)effrayer ; faire trembler’ (Maggiore à paraître in DÉRom s.v.) et (3) */'s-βɔl-a-/ v.intr. ‘s’envoler’ (Baiwir 2014 in DÉRom s.v.) ;4 (4) */ɪn-ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. ‘(faire) monter en selle ; être à califourchon (sur) ; saillir’ (Jactel/Buchi 2014 in DÉRom s.v.) et (5) */ɪm-'prεst-a-/ v.tr. ‘prêter’ (Maggiore 2014 in DÉRom s.v.).
|| 4 On pourra ajouter à ces deux items */es'kolt-a-/ v.tr. ‘écouter’ (Schmidt/Schweickard 2010– 2014 in DÉRom s.v.), qui, sans relever de la préfixation à proprement parler, étant donné qu’il n’existe pas de base lexicale **/'kolt-/, est issu d’une greffe prefixale.
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1.3.2 Interfixation (1) */'laks-i-a-/ (< */'laks-a-/ v.tr. ‘laisser’) (Florescu 2010–2014 in DÉRom s.v. */'laks-a-/ II.)
1.3.3 Suffixation (1) */a'pril-i-u/ s.m. ‘avril’ (Celac 2009–2014 in DÉRom s.v.) et (2) */'βin-i-a/ s.f. ‘vignoble ; vigne commune (Vitis vinifera L.)’ (Alletsgruber à paraître in DÉRom s.v.) et (3) */'βit-i-a/ s.f. ‘(pied de) vigne’ (Alletsgruber à paraître in DÉRom s.v.) ; (4) */βi'n-aki-a/ s.f. ‘produit du pressurage du raisin’ (Delorme 2010–2014 in DÉRom s.v.) ; (5) */ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. ‘être en selle ; être à califourchon (sur) ; saillir’ (Jactel/Buchi 2014 in DÉRom s.v.) ; (6) */mon't-ani-a/ s.f. ‘région montagneuse ; montagne’ (Celac 2012–2014 in DÉRom s.v.) ; (7) */plan't-agin-e/ s.f. ‘plaintain’ (Delorme 2014 in DÉRom s.v.) ; (8) */re'tʊnd-u/ adj. ‘rond’ (Hegner 2011–2014 in DÉRom s.v.) ; (9) */ɸon't-an-a/ s.f. ‘source’ (Groß à paraître in DÉRom s.v.) ; (10) */ge'nʊkl-u/ s.n. ‘genou’ (Schmidt/Schweickard à paraître in DÉRom s.v.).
1.3.4 Conversion (1) */a'ket-u/2 adj. ‘acide’ (Delorme 2013–2014 in DÉRom s.v.) ; (2) */'barb-a/2 s.m. ‘oncle’ (Schmidt/Schweickard 2010–2014 in DÉRom s.v.) ; (3) */pek'k-at-u/ s.n. ‘péché ; erreur’ (Ney/Maggiore 2014 in DÉRom s.v.) et (4) */'pes-u/ s.n. ‘charge ; unité de poids ; balance ; poids ; monnaie’ (Morcov 2014 in DÉRom s.v.) et (5) */'ʊnkt-u/ s.n. ‘matière grasse élaborée servant à enduire’ (Videsott 2012– 2014 in DÉRom s.v.).5
|| 5 Dans les cas de */pek'k-at-u/, */'pes-u/ et */'ʊnkt-u/, dont l’étymon est un mot-forme (participe passé) des verbes */'pɛkk-a-/, */'pend-e-/ et */'ʊng-e-/, plutôt que de conversion, on peut parler, comme le font les auteurs des articles en question, de transcatégorisation.
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 215
Nous essaierons, dans les pages qui suivent, d’illustrer la démarche scientifique du DÉRom en nous inspirant des articles suivants : */mon't-ani-a/ s.f. ‘montagne’ (pour le morphème dérivationnel */'ani-a-/, ci-dessous 2), */βi'n-aki-a/ s.f. ‘produit du pressurage du raisin’ (pour les suffixes */-'aki-/, */-'iki-/ et */-'uki-/, ci-dessous 3), */plan't-agin-e/ s.f. ‘plaintain’ (pour les morphèmes dérivationnels */-'agin-/, */-'igin-/ et */-'ugin-/, ci-dessous 4), */ge'nʊkl-u/ s.n. ‘genou’ (pour le suffixe */-kl-/, ci-dessous 5), enfin */re'tʊnd-u/ adj. ‘rond’ (pour les morphèmes fantômes **/-'ʊnd-/ et **/-'bʊnd-/, ci-dessous 6).6
2 Suffixe */-'ani-a/ La communis opinio des romanistes (cf. Meyer-Lübke 1894, vol. 2, 501–502 § 460 ;7 Nyrop 1908, vol. 3, 86 § 151 ;8 Ronjat 1937, vol. 3, 363 § 688 ;9 Rohlfs 1954, vol. 3, 277 § 1067 ;10 Maurer 1959, 260 ;11 Baldinger 1966 in FEW 6/3, 103b-104a, *MONTANEA ;12 DCECH 4, 131 ;13 DECat 5, 836 ;14 DME15)16 considère protorom.
|| 6 En ce qui concerne les cognats romans, nous citons l’article du DÉRom lorsqu’il existe ou, à défaut, l’entrée du REW3. 7 « ANEUS, -A ist vorwiegend adjektivisch. […] Ebenfalls in der Form des Neutr. Plur. sind campanea und montanea geblieben ». 8 « AGNE reproduit le latin -a n e a , neutre pluriel de -a n e u s : […] c a m p a n e a > champagne, m o n t a n e a > montagne ». 9 « Du neutre plur. -ānea sortent les fém. sing. campagno < campānea et mountagno < *montānea pour montāna ». 10 « Mit -a n e u s bildete man in lateinischer Zeit Adjektiva : terraneus, campaneus, montaneus. In einigen Fällen hat durch Wegfall eines Substantivums das alte Adjektivum selbst substantivische Funktion übernommen ». 11 « As formações vulgares conservadas na România são poucas : montaneus, substantivado em *montanea nas linguas ocidentais […] ». 12 « Neben das klt. MONTANUS ‘gebirgig’ trat im mlt. schon früh das adj. montaneus, wohl aus montanus nach campaneus umgebildet (s. locus montaneus in der Vita S. Mochuae, ALL 1, 439) ; ebenso trat das substantivisch verwendete n. pl. *montanea neben im mlt. weiterlebendes montana (parallel zu campanea) mit der kollektiven bedeutung ‘gebirge’. Wie viele andere n. pl. wurde *montanea zu einem f. sg. ». 13 « Montaña (Cid), del lat. vg. *MONTANEA (pl. n. de un adjectivo *MONTANEUS […]) ». 14 « Muntanya [orígens] del ll. vg. *MONTANEA (plural n. d’un adjectiu *MONTANEUS […]) ». 15 « l. vg. montanea pl. n. de un adj. montaneus ». 16 Cette dérivation n’est pas mentionnée dans Cooper 1895, Menéndez Pidal 41918, Väänänen 1963, Menéndez Pidal 51964, Penny 1993. Hall 1983, 131 ne fait mention que du suffixe */-'ani-/ (« ‘something pertaining to’ »), en donnant l’exemple */kal'k-ani-a/ s.f. ‘talon’ (← */'kalk-e/ s.f.
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*/kam'p-ani-a/ s.f. ‘ensemble de champs cultivés en plaine, champagne’ (REW3 s.v. campānia) et protorom. */mon't-ani-a/ s.f. ‘région montagneuse ; montagne’ (cf. Celac 2012–2014 in DÉRom s.v.) comme des exemples-types d’une suffixation adjectivale en */-'ani-/ (répondant à lat. -āneus), qui, par ellipse du substantif régissant (par exemple */'lɔk-u/ s.m. ‘portion déterminée de l’espace’, cf. Gouvert 2012–2014 in DÉRom s.v.),17 auraient changé de catégorie grammaticale, pour devenir, anciens neutres pluriels, des féminins singuliers. Cette analyse se fonde sur nos connaissances du latin écrit, où le suffixe -āneus, exprimant une qualité matérielle (Stolz 1895, 482 § 128 : « Stoffadjective »), sert à former notamment des adjectifs déverbaux (vinum praeligāneum, mustum circumcīdāneum, porca praecīdānea) et des dérivés déadjectivaux (subit-āneus, praesent-āneus ; cf. Leumann 1963, 206–207 § 172 I 2 D). Pour des raisons qui seront exposées tout au long de cette section, nous croyons être face à un biais méthodologique induit par les données du latin écrit. Nous essaierons de le contourner ci-après en proposant une analyse morphologique des dérivés protoromans en */-'ani-a/, tout en distinguant perspectives synchronique et diachronique.
2.1 Analyse synchronique Dans une perspective synchronique, il est possible d’établir le paradigme dérivationnel suivant en protoroman : */kam'p-ani-a/ s.f. ‘ensemble de champs cultivés en plaine’, dérivé de */'kamp-u/ s.m. ‘champ’ (cf. REW3 s.v. campānia) ; */kapɪ't-ani-a/ s.f. ‘ce qui appartient aux *'kapites ; bout du champ’, dérivé de */'kapit-e/ s.m. ‘tête ; extrémité ; marge’ (cf. REW3 s.v. *capĭtāneus ) ; */lon'g-ani-a/ s.f. ‘terrain long et étroit’, dérivé de */'long-u/ adj. ‘long’ (cf. Chambon 2014, 181–182) ; */mon't-ani-a/ s.f. ‘région montagneuse ; montagne’, dérivé de */'mɔnt-e/ s.m. ‘montagne’ (cf. Celac 2012–2014 in DÉRom s.v. */mon't-ani-a/) ; **/pla'n-ani-a/ > */'plani-a/ s.f. ‘terrain en plaine’, dérivé de */'plan-u/ adj. ‘plan, plat’ (cf. REW3 s.v. *plania) ;18 || ‘talon’) ; Wagner 1952, 60 § 68 et Moll 22006, 242–243 § 368 mentionnent la dérivation, mais pas son origine ; elle ne figure pas non plus dans Stolz 1895 et Leumann 1963. 17 On sait que lat. locus s.m. ‘lieu’ formait un pluriel collectif loca s.n. ‘emplacements ; pays ; contrée ; région’ (cf. Leumann 1963, 276–277 § 193a). 18 Nous émettons l’hypothèse (inédite à notre connaissance) que */'plani-a/ s.f. est issu par réduction haplologique de **/pla'n-ani-a/. Les ouvrages de référence proposent d’autres expli-
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 217
*/sɪk'k-ani-a/ s.f. ‘terrain en zone sèche’, dérivé de */'sɪkk-u/ adj. ‘sec’ (cf. REW3 s.v. sĭccaneus ) ; */ter'r-ani-a/ s.f. ‘ensemble de terrains’, dérivé de */'tεrr-a/ s.f. ‘terre’ (REW3 s.v. *těrrāneus ). Ces dérivés ont trois traits en commun : (1) Morphologiquement, ils constituent des substantifs féminins formés à l’aide du même morphème dérivationnel, protorom. */-'ani-a/, sur la base d’un substantif (*/'kamp-u/, */'kapit-e/, */'mɔnt-e/, */'tεrr-a/) ou d’un adjectif (*/'long-u/, */'plan-u/, */'sɪkk-u/). Ce morphème n’a pas d’étymologie latine, ni a fortiori italique ou indo-européenne ; il est strictement protoroman. (2) Sémantiquement, les lexèmes dérivés désignent une situation topographique, dont la propriété est déterminée par la base. (3) Il convient enfin de constater que la plupart de ces dérivés ne sont pas reflétés par la langue écrite : ni */lon'g-ani-a/ ( TLL ; OLD ; LLT), ni */mon't-an-i-a/ ( TLL ; OLD ; LLT),19 ni */'plani-a/ ( TLL ; OLD ; LLT), ni */ter'r-ani-a/ ( OLD ; LLT) n’ont de corrélat en latin. Dans les trois autres cas, les dictionnaires du latin nous fournissent les informations suivantes : Le latin connaît deux substantifs, campānia, -orum s.n.pl. et campānia, -ae s.f. ‘champs ; plaine’, « vocabulum infimae latinitatis », attestés (presqu’uniquement) chez les Gromaticiens et Grégoire de Tours (TLL 3, 208). Dans les scripta gromatica, la morphologie de campānia oscille entre celle d’un neutre pluriel et celle d’un féminin singulier ; il est souvent épithète de lŏcus et toujours employé en opposition sémantique avec mons ou ses dérivés.20
|| cations : von Wartburg considère cet étymon comme une formation parallèle à */'plan-a/, avec un sens collectif : « zu plana, plur. von planum ‘ebene’ scheint noch das lt. ein *PLANIA, mit kollektivem sinn, gebildet zu haben » (FEW 9, 18a, *PLANIA). Ce n’est qu’avec hésitation que Meyer-Lübke (1894, vol. 2, 451 § 405) le mentionne sous le suffixe -ia (angustia, fiducia etc.), tout en précisant que « Ob auch afr. plagne, prov. planha Ebene hier her gehöre, ist fraglich, da das Wort ebenso gut Anbildung an montagne und champagne sein kann », mais il ne pousse pas plus loin la recherche. Nous n’avons rien trouve dans Raynouard, Nyrop 1904–1930, Ronjat 1930–1941 ou dans DCECH 3, 722, qui mentionne un esp. (*)laña, lequel n’est attesté que toponymiquement et réfère notamment à « una pradera llana rodeada de bosque, en el Valle de Ordesa », lui-même « alteración de plaña (= gascon planha ‘pradera llana’, planea), con tratamiento vasco de la inicial ». 19 Von Wartburg cite une occurrence, cependant fort tardive, d’un montaneus adj. : « locus montaneus in der Vita S. Mochuae, ALL 1, 439 » (FEW 6/3, 104a, *MONTANEA). 20 Cf. TLL 3, 208 : GROM. p. 331, 20 in montanioso loco … in -eis. GROM. p. 332, 22 in -iis (opp. montuosum). L’emploi de campānĕus adj. ‘de la campagne ; champêtre’ (cf. Gaffiot) se limite probablement à un seul exemple : GROM. p. 331, 22 in -eis locis (opp. in montibus).
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Quant à protorom. */sɪk'k-ani-a/ s.f., le latin aurait un adjectif siccānĕus ‘d’une nature sèche, sec’ (OLD), attesté uniquement chez Columelle (LLT) ; on relèverait aussi chez Columelle et Pline l’Ancien un emploi substantival : siccānea, -orum s.n.pl. (OLD).21 Enfin, en face de */kapɪ't-ani-a/ s.f., la tradition latine ne fournit que très peu d’attestations, d’ailleurs tardives, de lat. capitāneus adj., telles que capitaneae litterae (‘lettres capitales’ ; Grom. p. 362, 30), ou capitaneis versibus (‘les premières lignes’ ; Cassiod. in psalm. 135 div. ; TLL 3, 347 ; OLD). Dans ces trois cas, on retiendra d’emblée la faible fréquence d’attestation du lexème latin écrit, l’emploi exclusif chez quelques auteurs tardifs, le flottement morphologique (adjectif ou substantif neutre pluriel) et graphématique (sinon phonologique : lat. -anea ≠ lat. -ania). Nous nous proposons d’y revenir après un excursus diachronique.
2.2 Analyse diachronique Étant donné que le suffixe */-'ani-a/ ne semble pas hérité d’un état de langue antérieur au protoroman, il doit pouvoir s’expliquer par la morphologie même de cette langue. Il pourrait en fait remonter à une agglutination suffixale, phénomène des plus fréquents en latin. Nos dérivés, purement protoromans, offrent une forte ressemblance formelle et sémantique avec une série de noms propres géographiques, productive, elle, dans le latin de l’Antiquité. Il s’agit du type Rōmānia ‘Empire romain’, dont la filière étymologique est transparente : *Rōmā ‘Rome’ → Rōmā-nus ‘habitant de Rome ; Romain’ (cf. Leumann 1963, 223 § 172 IX H 2 a) → Rōmān-ia ‘territoire des Rōmāni’22 → ‘Empire romain’. Dans ce cas précis, la concaténation des morphèmes dérivationnels -ā-nus23 et -ia ne fait aucun doute. Or, on voit que le cas de protorom. */mon't-ani-a/ s.f. ‘montagne’ se superpose exactement à ce dernier. À partir de */'mɔnt-e/ s.f. ‘montagne’ ont été for-
|| 21 De siccaneis et riguis non conperimus, utra numero vincant, quoniam utrimque paene infinita sunt, quae siccis quaeque umidis locis gaudent […] (Colum. 2, 2, cité d’après LLT). – Notons la présence de lat. lŏcus, comme dans le dernier exemple cité dans la note précédente. 22 Cette dérivation choronymique est très productive en latin (Graec-ia, Hispan-ia, German-ia) et à l’origine vraisemblablement calquée sur les emplois de gr. -ία (cf. Leumann 1963, 208 § 172 II B 2 : Σικελία, Ἰταλία, Λυδία ; cf. aussi Stolz 1895, 462 § 106 et Meyer-Lübke 1894, vol. 2, 452 § 405). 23 Le suffixe -ānus est issu de -nus ajouté à des thèmes nominaux en -ā et correspond à gr. -νος : *Rōmā ‘Rome’ → Rōmā-nus, réanalysé en Rōm-ānus (cf. Leumann 1963, 223 § 172 IX H 1).
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 219
més, par suffixation du morphème */-'an-/ ‘appartenant à [NOMdér]’24 (cf. Hall 1983, 113), les substantifs */mon't-an-u/ ~ */mon't-an-a/ s.m./f. ‘habitant(e) du *'mɔnte’, reconstructible à partir des langues romanes (cf. REW3 s.v. mŏntānus) et attesté en latin écrit (lat. montāni, -orum s.m. ‘les montagnards’, dp. Cicéron et César, TLL 8, 1457 ; Georges s.v. 2. montānus).25 Puis, c’est sur */mon't-an-u/ ~ */mon't-an-a/ s.m./f. qu’a été créé un dérivé en */-i-a/ : */mon't-an-i-a/ s.f. ‘terre où vivent les *mon'tanos’.26 On peut supposer que protorom. */mon't-an-i-a/ est le prototype de la série en question. L’hypostase du suffixe */-'ani-a/ suppose l’opacification de son caractère agglutiné. La preuve nous en est fournie par le dérivé */kam'p-ani-a/ s.f. ‘ensemble de champs cultivés en plaine, champagne’,27 qui ne saurait s’expliquer comme un surdérivé fait sur **/kam'p-an-u/ ~ **/kam'p-an-a/ s.m./f.28 L’hypostase de */-'ani-a/ implique donc la réanalyse sémantique de */mon't-an-i-a/ s.f., qui n’a plus été compris comme ‘territoire où vivent les *mon'tanos’, mais comme ‘territoire où se trouvent des *'mɔntes’. Les autres dérivés – */kapɪ't-ani-a/ s.f., */lon'g-ani-a/ s.f., **/pla'n-ani-a/ s.f. > */'plani-a/ s.f., */sɪk'k-ani-a/ s.f. et */ter'r-ani-a/ s.f. – sont issus par suffixation de ce même morphème */-'ani-a/ par analogie avec */mon't-ani-a/.
|| 24 NOMdér désigne la base nominale (substantivale et adjectivale) sur laquelle le dérivé est formé. 25 Lat. montānus adj. ‘relatif à la montagne, des montagnes’ est attesté depuis Lucilius (* 180 [?] – † 103 av. J.-Chr., TLL 8, 1457). 26 L’ancienneté de la formation et son caractère quasi-toponymique sont illustrés par une série de noms de lieux visiblement protoromans : campid. Muntanğa, nom d’une région montagneuse « fra Villacidro, Gonnosfanadiga e Arbus » (DES s.v. muntánğa ; Wagner 1952, 60 § 68), fr. Montagne, nom d’une commune du département de l’Isère, occit. Muntanha. 27 Protorom. */kam'p-ani-a/ paraît avoir désigné non seulement l’openfield ou champagne, mais aussi une ancienne province romaine, la Campanie (lat. Campānia) – « die mildeste, schönste, gesegnetste u. deshalb von den Alten vielfach gepriesene Landschaft in Mittelitalien mit der Hauptstadt Kapua » (Georges s.v. Campānia). Il est douteux que lat. Campānia et campania s’identifient génétiquement. L’étymologie du nom de la province n’est pas univoquement admise : on l’a rattaché à celui de la ville de Capoue, lat. Capua, d’où *Capṷānus > *Capānus > Campanus > Campania (cf. Leumann 1963, 122 § 105). En italien moderne, Campania s’est substitué à une forme héréditaire *Campagna. 28 Un tel lexème n’est pas reconstructible en protoroman. Il n’y a jamais eu non plus de **/lon'g-an-u/ ~ **/lon'g-an-a/ s.m./f. ‘habitant(e) des *'longa’, de **/kapɪ't-an-u/ ~ **/kapɪ't-an-a/ s.m./f. ‘habitant(e) des *'kapites’, de **/pla'n-an-u/ ~ **/pla'n-an-a/ s.m./f. ‘habitant(e) des *'plana’, de **/sɪk'k-an-u/ ~ **/sɪk'k-an-a/ s.m./f. ‘habitant(e) des *'sɪkka’, ni de **/ter'r-an-u/ ~ **/ter'r-an-a/ s.m./f. ‘habitant(e) des *'tεrras’.
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2.3 Du protoroman au latin : le suffixe -āneus, une illusion graphématique ? On est assez mal renseigné sur l’origine et le développement du suffixe -āneus en latin classique. Meillet/Vendryes 51979 ne font aucune mention de ce type dérivationnel. Stolz (1895, 482–483 § 128) soutient qu’il s’agit d’un suffixe parallèle à -nus-, et de même sens : « In einer beträchtlichen Anzahl von Fällen steht neben den mit Secundärsuffix gebildeten (fast ausschliesslich) Stoffadjectiven auf -noauch solche auf -neo- ohne Unterschied der Bedeutung ». Il voit dans -āneus le résultat d’un croisement entre les suffixes adjectivaux -nus et -eus, d’après le modèle pōpulneus < pōpul-nus x pōpul-eus : « Daher kommt auch die Verwendung dieses Typus -neo- zur Bildung von Stoffadjectiven ». Wölfflin (1893, 561) admet l’hypothèse de l’hybridation, mais sur une base différente : le développement *terrānus > *terrāněus, *extrānus > extrāněus etc. s’expliquerait par l’attraction du type terrārĭus. Leumann (1963, 206–207 § 172 I D) est moins explicite sur l’origine et l’emploi de notre suffixe : il en mentionne des exemples, sans en préciser la valeur ni l’origine (« Ausgangspunkt unbekannt »).29 Or, l’origine de ce type morphologique ne nous paraît pas hors d’atteinte, à condition de réexaminer les faits latins à la lumière des données protoromanes. Parmi la série plus ou moins longue des dérivés en -āneus (cf. par exemple celle de Leumann 1921), un cas nous paraît spécialement intéressant : celui de lat. fontānĕus adj. ‘relatif à une source, de source’, attesté tardivement (dp. Grom., TLL 6/1, 1027). Il paraît évident qu’un tel adjectif ne saurait s’interpréter comme un dérivé en -āneus sur fons, -ntis : ce ne peut être que l’adjectif relationnel tiré de fontāna s.f. ‘source ; fontaine’, tardivement documenté dans la langue écrite (dp. Vopiscus [ca 400 apr. J.-Chr.], TLL 6/1, 1028), mais dont le corrélat oral */ɸon't-an-a/ s.f. ‘source’ est solidement reconstructible sur la base des données panromanes (cf. Groß à paraître in DÉRom s.v.).30 Lat. fontānĕus n’est donc pas formé avec le suffixe -āneus : c’est un dérivé en -eus du type le plus classique (cf. Meillet/Vendryes 51979, 391 § 585, remarque II ; Leumann 1963, 205– 206 § 172 I A 1).31
|| 29 Pour un essai de classification des dérivés latins en -āneus, voir Leumann 1921. 30 Nous ne suivons pas Hall 1983, 131, qui interprète, dans ce cas précis, */-an-/ comme un morphème intensifiant (« intensive »). 31 Cette dérivation est intervenue au moment où fontāna ~ */ɸon't-an-a/ s.f., issu par ellipse du syntagme ăqua fontāna, qui comporte un adjectif en -ānus (cf. Ernout/Meillet4 s.v. fōns, fontis), existait déjà.
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 221
Il existe cependant un certain nombre d’adjectifs latins en -āneus pour lesquels une telle explication ne tient pas. C’est ainsi que lat. siccānĕus, dans lequel la lexicographie latine voit traditionnellement un adjectif signifiant ‘d’une nature sèche, sec’ (cf. Georges s.v. siccāneus ; Gaffiot s.v. siccānĕus), est interprété comme un ‘dérivé en -āneus’ de siccus adj. ‘sec’ (cf. OLD ; Gaffiot). Une telle analyse est indéfendable tant sur le plan morphologique que sémantico-référentiel. Outre que l’on saisit mal la nuance sémantique introduite par le glosateur (que veut dire ‘d’une nature sèche’, sinon ‘sec’ ?), on ne voit pas que la langue latine ait pu éprouver le besoin de former un adjectif dérivé sur la base d’un adjectif simple de même sens : siccus et (*)siccānĕus signifieraient tous les deux ‘sec’. On est manifestement en présence d’une illusion de l’analyse philologique. Or, cette illusion se dissipe, dès lors qu’on se reporte aux sources indiquées, très peu nombreuses, pour notre lexème, à savoir Columelle et Pline l’Ancien : Pline n’atteste pas un adjectif siccānĕus, épithète ou attribut, mais un substantif féminin siccānĕa ‘endroit sec, zone sèche’,32 au pluriel. Seul Columelle semble connaître un adjectif siccānĕus.33 Rien ne s’oppose donc à une interprétation plus simple et plus satisfaisante du dérivé en question : le latin du premier siècle possédait un substantif féminin siccānĕa, reflet fidèle de protorom. */sɪk'k-ani-a/ s.f. ‘terrain en zone sèche’. L’adjectif columellien siccānĕus, dans lequel il est permis de voir un fait d’idiolecte, devra être interprété comme une réanalyse secondaire et tardive de siccānĕa s.f., moyennant la confusion des finales -ea et -ia dans l’oralité latine.
|| 32 Cf. les attestations suivantes (citées d’après LLT) : De siccaneis et riguis non conperimus, utra numero vincant, quoniam utrimque paene infinita sunt, quae siccis quaeque umidis locis gaudent (Colum. 2, 2) ; Gregibus autem spatiosa et palustria nec montana pascua eligenda sunt, rigua nec umquam siccanea, vacua magis quam stirpibus inpedita, frequenter mollibus potius quam proceris herbis abundantia (Colum. 6, 27) ; arborum natura per situs quae montanae quae campestres quae siccaneae quae aquaticae quae communes divisio generum quibus folia non decidant (Plin. nat. 1, 1) ; Italia Atinias vocat excelsissimas et ex iis siccaneas praefert, quae non sint riguae (Plin. nat. 16, 72). 33 Cf. les attestations suivantes (citées d’après LLT) : Eius igitur animadvertimus duo genera, quorum alterum est siccaneum, alterum riguum (Colum. 2, 16) ; riguus locus spatia laxiora desiderat ea que senum pedum per quincuncem recte faciunt, siccaneus spissiora, sicut sit facilis accessus colentibus ea (Colum. 4, 30) ; nam et napinae item que rapinae siccaneis locis per hos dies fiunt et farraginaria quoque pecori futura per hiemem praesidio (Colum. 11, 2, 71) ; beta florenti Punico malo semine obruitur et simul atque quinque foliorum est, ut brassica, differtur aestate, si riguus est locus ; at si siccaneus, autumno, cum iam pluviae incesserint, disponi debebit (Colum. 11, 3, 42).
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3 Suffixes */-'aki-/, */-'iki-/ et */-'uki-/ 3.1 */-'aki-/ Le morphème dérivationnel dénominal */-'aki-/ ‘sous-produit de [SUBSTdér]’ a formé des substantifs masculins et féminins de la « première classe », avec valeur augmentative et péjorative (cf. Meyer-Lübke 1894, vol. 2, 457–460 § 414 ; Hall 1983, 120). Cette valeur se maintient dans la majorité des idiomes romans (it. -accio, fr. -asse, occit. -as, cat. -assa, esp. -azo ;34 cf. Rohlfs 1954, vol. 3, 253– 255 § 1037 ; Nyrop 1908, vol. 3, 96 § 178 ; Ronjat 1937, vol. 3, 351 § 678 ; DESE s.v. -AZO) ; elle n’est cependant pas propre aux continuateurs de ce suffixe dans le domaine sarde, à savoir campid. -attsu, logoud. -attu, cf. Wagner 1952, 25–26 § 23.35 */-'aki-/ est accentogène sur sa première syllabe. Cette dérivation était sans doute très productive dans le technolecte des agriculteurs (« these adjs. belong to vulgar Latin, chiefly to the sermo rusticus », Cooper 1895, 114) ; en protoroman, nous pouvons restituer quelques lexèmes construits avec ce morphème, qui n’ont eu que rarement accès à la langue écrite : (1) */-'aki-a/ : */βi'n-aki-a/ s.f. ‘produit du pressurage du raisin’ (← */'βin-u/ s.m. ‘vin’ ; Delorme 2010–2014 in DÉRom s.v. */βi'n-aki-a/ ; cf. lat. vīnācěa s.f. ‘marc des raisins’, vīnācěum s.n. ‘pépin [de raisin]’, vīnācěus s.m. ‘pépin de raisin’) ; */bo'β-aki-a/ s.f. ‘fumier des bœufs’ (← */'bɔβ-e/ s.m. ‘bœuf’ ; REW3 s.v. *bovacea ; lat.) ; */ɸo'k-aki-a/ s.f. ‘produit cuit au feu’ > ‘sorte de tarte ou de gâteau’ (← */'ɸɔk-u/ s.m. ‘feu’ ; REW3 s.v. fŏcācea ; cf. lat. focācius adj. ‘[pain] cuit sous la cendre’) ; */gall-ɪ'n-aki-a/ s.f. ‘fumier des poules’ (← */gal'l-in-a/ s.f. ‘poule’ ; REW3 s.v. gallīnaceus ; cf. lat. gallīnāceus adj. ‘de poule’). (2) */-'aki-u/ : */plu'm-aki-u/ s.m. ‘coussin en plumes’ (← */'plum-a/ s.f. ‘plume’ ; REW3 s.v. plūmacium ; cf. lat. plūmācĭum s.m. ‘lit de plumes’) ;
|| 34 Pour l’origine d’esp. -azo et son extension sémantique, voir Malkiel 1959 et DESE s.v. -AZO. 35 À côté de ces suffixes héréditaires, campid. -ačču/-attsu et logoud. -attsu constituent des emprunts à it. -accio (cf. Wagner 1952, 256–26 § 23).
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 223
*/se'r-aki-u/ s.m. ‘sorte de fromage blanc, sérac’ (← */'sɛr-u/ s.m. ‘petit-lait’, cf. FEW 11, 494b-495b, *SERACEUM ; REW3 s.v. *seraceum ; lat.) ; */se't-aki-u/ s.m. ‘passoire’ (← */'set-a/ s.f. ‘cheveux ; soie’ ; cf. REW3 s.v. saeta et saetacium ; lat.).
3.2 */-'iki-/ Le morphème dérivationnel dénominal */-'iki-/ ‘produit manufacturé/industriel de [SUBSTdér]’ forme des substantifs masculins et féminins de la « première classe » ; sa valeur sémantique est méliorative et éventuellement diminutive, valeur qui se maintient dans les formations idioromanes, majoritairement en roumain et italien (campid. -ittsu, logoud. -ittu, dacoroum. -iță, it. -iccio, -iccia, fr. -iz, -is, occit. -isso, esp. -izo, cf. Meyer-Lübke 1894, vol. 2, 461 § 416 ; Wagner 1952, 27 § 25 ; Rohlfs 1954, vol. 3, 255–257 § 1038 ; Nyrop 1908, vol. 3, 133–134 § 268–269 ; Ronjat 1937, vol. 3, 351–353 § 679 ; DESE s.v. -IZO ; cf. aussi Cooper 1895, 111 et 113).36 Le champ sémantique de ces dérivés comprend des désignations de produits végétaux et d’animaux transformés. Ce suffixe est accentogène sur sa première syllabe. Quelques substantifs seulement sont reconstructibles en protoroman : (1) */-'iki-a/ : */pel'l-iki-a/ s.f. ‘pelage’ (← */'pεll-e/ s.f. ‘peau’, cf. REW3 s.v. pĕllīceus ; cf. lat. pellĭcěŭs/pellĭcĭŭs adj. ‘de peau ; de fourrure’) ; */ra'p-iki-a/ s.f. ‘produit/partie du navet’ (← */'rap-u/ s.n. ‘navet’, Delorme 2013/2014 in DÉRom s.v. */'rap-u/; cf. REW3 s.v. rapīcius ; cf. lat. rāpīcĭus adj. ‘de raifort’). (2) */-'iki-u/ : */pa'n-iki-u/ s.m. ‘produit de farine’ > ‘sorte de pain’ (possiblement ← */'pan-e/ s.m. ‘pain’, cf. REW3 s.v. panīcium ; cf. lat. pānĭcĕus adj. ‘de pain’) ; */kan'n-iki-u/ s.m. ‘produit du roseau’ (← */'kann-a/ s.f. ‘roseau’, cf. REW3 s.v. cannīcius ; cf. lat. cannĭcĭa s.f. ; cf. aussi Wagner 1952, 27 § 25) ; */pas't-iki-u/ s.m. ‘produit de la pâte’ (← */'past-a/ s.f. ‘pâte’ ; cf. REW3 s.v. pastīcius ; lat.).
|| 36 Voir aussi Leumann 1959, 13–35, en particulier 24–25 et 32–35, et Malkiel 1979, qui donne un aperçu assez large des études autour de ce suffixe (à l’exemple d’afr. -ëiz).
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3.3 */-'uki-/ Le morphème dérivationnel dénominal */-'uki-/ sert à former des substantifs de la « première classe » à valeur diminutive ; cette valeur se maintient dans ses continuateurs campid. -uttsa, logoud. -uttu, dacoroum. -uț et it. -uccio/-uzzo (Meyer-Lübke 1894, vol. 2, 462–463 § 418 ; Maurer 1959, 255 ; Wagner 1952, 27– 28 § 26 ; Rohlfs 1954, vol. 3, 259–260 § 1041).37 Il est connu à travers une issue toponymique de date ancienne, */kast-el'l-uki-u/ (cf. Chambon 2003), ainsi qu’à travers un lexème reconductible au protoroman : */pan'n-uki-u/ s.m. ‘morceau d’étoffe’ (cf. REW3 s.v. pannūcius ; lat. pannūcĕus/pannūcĭus adj. ‘rapiécé ; en haillons’).
4 Suffixes */-'agin-/, */-'igin-/ et */-'ugin-/ Les morphèmes dérivationnels latins -agin-, -igin-, -ugin-, anciens et sans étymologie admise (cf. Leumann 1963, 241–242 § 176 II D 4 ; Ernout 1946, 165-166), sont refletés, en protoroman, par des lexèmes résiduels. Ils forment, par dérivation dénominale, des substantifs féminins de la « seconde classe ».38 Ernout (1946, 188-192) explique ces trois items -agin-, -igin- et -ugin- comme le reflet d’un seul morphème dérivationnel, -go, qui tenait primitivement le sens de ‘force qui effectue [NOM/VERBdér]’, et qui se greffait sur le thème de son radical : vorā-gō s.f. ‘la force qui dévore’ ← vorāre v.tr. ‘dévorer’, Robī-gō ‘la déeesse de la rouille des blés’ (→ robī-gō s.f. ‘la force qui rend rouges les blés’) ← rōbus adj. ‘rouge’, orī-gō ‘la force qui fait se lever’ ← ŏrĭor v.intr. ‘se lever’.39 En protoroman, nous ne pouvons pas toucher cette étape ancienne de la dérivation ; nous reconstruisons */-'agin-/, */-'igin-/ et */-'ugin-/, qui s’interprètent comme des morphèmes provenant d’une hypostase par réanalyse (robī-gō → rob-īgō).
|| 37 Esp. -uzo, rare (de valeur péjorative dans quelques cas), peut remonter à la même base, sans que les lexèmes protoromans connus aient laissé un héritage en espagnol. Pharies in DESE s.v. -UZO suggère que ce suffixe ait été transmis par un lexème héréditaire, par exemple */pan'n-uki-u/ s.m. ‘morceau d’étoffe’, pour motiver la formation de nouveaux lexèmes. Sa valeur dépréciative serait, dans cette perspective, une évolution espagnole « por una analogía semántica con los muchos sufijos despectivos cuya vocal tónica es -u- ». 38 Pour ces suffixes, voir également Malkiel 1985 et Gomes Gonçalves 2014. 39 Ce suffixe a « ainsi servi à former des mots désignant des altérations, des changements d’état, […] des noms désignant des états physiques, et spécialement des maladies » (Ernout 1946, 189).
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 225
4.1 */-'agin-/ Nous pouvons reconstruire au moins quatre lexèmes protoromans construits à l’aide du suffixe */-'agin-/ :40 */ɸer'r-agin-e/ s.f. ‘fourrage’ (REW3 s.v. farrāgo) ; ancienne dérivation de */'ɸarr-e/ s.m. ‘blé’ (cf. REW3 s.v. far ; IEEDLatin s.v. far) ; tandis que le latin classique connaît la forme farrāgo (farrāgĭnis), les langues romanes reflètent le type analogique */ɸer'r-agin-e/, issu par attraction paronymique de */'ɸεrr-u/ s.m. ‘fer ; lame de fer’ (REW3 s.v. fĕrrum), dont il est perçu comme dérivé ;41 */ɸu's-agin-e/ s.f. ‘fusain’ (REW3 s.v. *fusāgo), dérivé de */'ɸus-u/ s.m. ‘fuseau’, pour désigner l’arbre dont on produit les fuseaux ; */plan't-agin-e/ s.f. ‘plantain’ (Delorme 2012–2014 in DERom s.v.), sans doute en rapport avec */'plant-a/ s.f. ‘plante du pied’ : le plantain poussant au ras du sol, on marche dessus (cf. FEW 9, 20b, PLANTAGO ; ErnoutMeillet4 s.v. plantāgō : « à cause de la forme des feuilles de la plante » ; cf. aussi Ernout 1946, 173) ; */sar't-agin-e/ s.f. ‘poêle’ (REW3 s.v. sartāgo) ; dérivé, en diachronie latine, du participe parfait du verbe sarcio ‘coudre’ : sartum adj. → sartāgo (cf. ErnoutMeillet4 s.v. sarciō : « 1° mélange, ramassis, fait de pièces et de mor|| 40 Plusieurs autres étymons cités dans le REW3 et comportant la même séquence constituent soit des lexèmes résiduels, soit des pseudo-étymons, soit enfin des dérivations différentes de celle que nous traitons ici : *burrāgo, -ĭne ‘Boretsch’ (it. borrana, borrace, borragine, fr. bourrache, occit. borrage, esp. borraja, port. borragem ; sans corrélat latin, sans racine connue ; cf. Corominas in DCECH 1, 632 : « borraja, del cat. borratja, borraja, tomado del b. lat. borrago, -agĭnis […] y éste probablemente del ar. vg. bū ʿaráq […] ‘padre del sudor’, ‘sudorífico’, por ser ésta conocida propiedad de la planta ») ; capĭllāgo, -ĭne ‘Haarwuchs’ (abr. ; idioroman ?) ; cartilāgo, -ĭne (lomb. lad. aport., sans relation sémantique ; racine inexistante) ; cĭtrāgo, -ĭne ‘Zitronenkraut’ (ait. ; idioroman ?) ; *fustāgo, -ĭne ‘Knüppel’ (surs. ; sans corrélat latin ; idioroman ?) ; ĭmago, -ĭne ‘image’ (lexème résiduel/emprunt) ; *impāgo, -ĭne ‘Honigwabe’ (dialectes italiens ; sans corrélat latin, sans racine connue) ; prŏpāgo, -ĭne ‘Senker’, ‘Steckling’ (plusieurs langues romanes ; dérivé du verbe propagare, cf. Ernout 1946, 166) ; *runcāgo, -ĭne ‘Spindelbaum’ (piém. ˹runkayo˺, lomb. runkázen ; sans corrélat latin, racine non identifiable) ; sĕrrāgo, -ĭne ‘Sägemehl’ (sans issue romane) ; sōlāgo, -ĭne ‘Heliotrop’ (port. ; emprunt savant) ; suffrāgo, -ĭne ‘Hinterbug’ (plusieurs langues romanes ; composition de sub et frangere, cf. Ernout 1946, 167) ; vŏrāgo, -ĭne ‘Abgrund’ (it. frana, tosc. braina, brania ‘Absturz’ ; formations opaques, étymologie incertaine). 41 « Varron […] en donne deux étymologies, aut quod ferro caesa ferrago dicta, aut quod primum in farracia segete fieri coepta. L’étymologie populaire qu’il donne en premier lieu, favorisée par la dissimilation, a influé sur la prononciation du mot » (ErnoutMeillet4 s.v. far ; cf. Ernout 1946, 169).
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ceaux ; 2° poêle à frire » ; cf. Ernout 1946, 173, 189) ; cette dérivation est opaque en synchronie protoromane : */'sart-u/ adj. ‘cousu’ et */sar't-or-e/ s.m. ‘celui qui raccommode’, provenant historiquement de la même racine, sont reconstructibles ; par manque de lien sémantique, leur rapport avec */sar't-agin-e/ n’est plus transparent (selon Ernout 1946, 189, sartāgo s.f., « mot de l’argot culinaire désignant un mets fait de pièces et de morceaux plus ou moins bien assortis et rafistolés », est issu de sartum par analogie avec farrāgo s.f., désignant un « mets composé de divers ingrédients »). Il peut y avoir eu deux strates du suffixe */-'agin-/ : d’abord une strate ancienne, d’origine, d’utilisation et de motivation sémantique obscures en protoroman, à laquelle remontent */ɸer'r-agin-e/ (farrāgo et ferrāgo, dp. Varron [* 116 – † 27 av. J.-Chr.], TLL 6/1, 286) et */sar't-agin-e/ (sartāgo, dp. Pline l’Ancien [* 23 – † 79], cf. OLD), lexèmes résiduels et opaques.42 Puis une strate plus récente, où le suffixe */-'agin-/ sert à former des désignations botaniques (son sens exact n’est pas tangible) : */ɸu's-agin-e/ (dépourvu de corrélat latin) et */plan't-agin-e/ (lat. plantāgo, dp. Cornelius Celsus [aet. Tiberii], TLL 10/1, 2326).43 Les continuateurs de protorom. */-'agin-/ demeurent productifs dans les langues romanes, notamment en italien, où le suffixe forme des noms abstraits déadjectivaux à connotation répréhensive (it. -aggine : buffonaggine s.f. ‘pitrerie’ ; cf. Meyer-Lübke 1894, vol. 2, 470–471 § 428 ; Rohlfs 1954, vol. 3, 271–273 § 1058 ; Maurer 1959, 255 n. 664).
4.2 */-'igin-/ Le suffixe */-'igin-/ est représenté, en protoroman, dans au moins quatre lexèmes anciens, motivés ou opaques :44
|| 42 Cf. Leumann 1963, 242 § 176 II D 4 : « Offenkundig sind hier verschiedene Gruppen vorhanden, die aber nicht mehr recht zu sondern sind », et Meyer-Lübke 1894, vol. 2, 470 § 428 : « AGINE ist im Lateinischen wenig verbreitet und ohne bestimmt ausgeprägte Bedeutung » ; cf. aussi Ernout 1946, 165-166, 188-192. 43 Cf. Leumann 1963, 242 § 176 II D 4 c : « Weiter viele Pflanzennamen seit Plin. », Ernout 1946, 1980 : « L’extension du suffixe dans le vocabulaire de la botanique est également remarquable. Certaines plantes ont été désignées par leurs propriétés actives » ainsi que Rohlfs 1931, 129 : « Grundlage ist das Suffix -ago (-agine), das schon im Lateinischen hauptsächlich zur Bildung von Pflanzennamen diente ». 44 L’existence de */por'rigin-e/ s.f. ‘teigne’ (REW3 s.v. porrīgo) en protoroman n’est pas certaine.
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 227
*/ɸu'ligin-e/ s.f. ‘suie’ (cf. REW3 s.v. fūlīgo ; lat. fūlīgō), ancienne dérivation latine,45 opaque en protoroman (cf. Ernout 1946, 178), à moins qu’un adjectif */'ɸul-u/ ‘noirâtre’ ne soit à l’origine de port. fulo adj. ‘noirâtre’ (DELP3 ; cf. REW3 s.v. fūlvus ; FEW 3, 851a, FULVUS) ; */ka'ligin-e/ s.f. ‘obscurité’ (cf. REW3 s.v. calīgo ; lat. cālīgō), ancien dérivé d’origine inconnue (cf. Ernout 1946, 176 ; ErnoutMeillet4 s.v. cālīgō) ; */len't-igin-e/ s.f. ‘tache de rousseur’ (cf. REW3 s.v. lĕntīgo ; lat. lentīgō ; < ‘tache en forme de lentille’, cf. Ernout 1946, 189), dérivé de */'lεnt-e/ s.f. ‘lentille’ (cf. REW3 s.v. lens, lĕnte) ; */rʊ'β-igin-e/ s.f. ‘rouille’ (cf. REW3 s.v. rōbīgo ; lat. rōbīgō ; cf. Ernout 1946, 180), dérivé de */'rʊβ-i-u/ adj. ‘rouge’ (cf. ErnoutMeillet4 s.v. 2° rubeō ; REW3 s.v. rŭbeus). L’ensemble de ces formations pointe vers un sens très proche de celui de */-'ugin-/, affecté d’une nuance péjorative, soit ‘altération naturelle de [NOMdér]’, ‘souillure/parasite de [NOMdér]’. Il n’est pas de grande vitalité dans les langues romanes (cf. Meyer-Lübke 1894, vol. 2, 471 § 429 ; Rohlfs 1954, vol. 3, 273 § 1059) ; ses continuateurs dans le domaine sarde ont servi à former quelques nouveaux lexèmes (Wagner 1952, 32–33 § 35 : logoud. berrine ‘capriccio’, logoud. makkine ‘follia’).
4.3 */-'ugin-/ Le morphème */-'ugin-/, résiduel et ancien, survit, en protoroman, dans un seul lexème héréditaire :46 */ɸer'r-ugin-e/ s.f. ‘rouille’ (REW3 s.v. ferrūgo), dérivé de */'ɸεrr-u/ s.m. ‘fer’ (cf. ErnoutMeillet4 s.v. ferrum ; cf. Ernout 1946, 184). Le substantif */tes't-ugin-e/ s.f. ‘tortue’ < ‘carapace’, qui se rattache très probablement à */'tεst-u/ s.n. ‘pièce de poterie ; tesson ; écaille’ (REW3 s.v. tĕstu ; cf. Leumann 1963, 240 § 176 II D 1), ne s’explique pas, selon le témoignage du latin écrit, par une dérivation du même type. Lat. testūdo s.f. ‘tortue ; écaille’ suppose l’antériorité d’un */tes'tudin-e/ s.f. (dp. Lucilius [ca * 180 (?) –
|| 45 « Latin derivation to an original i-stem *dhuH-li- ‘dust’, which may be derived from an adj. *dhuh2-lo- ‘smoking, dusty’ » (IEEDLatin s.v. fūlīgō) ; cf. ErnoutMeillet4 s.v. fūlīgō. 46 Protorom. **/al'b-ugin-e/ (REW3 s.v. albūgo) n’est pas reconstructible.
228 | Ulrike Heidemeier † 103/102 av. J.-Chr.], Walde/Hofmann4 s.v. testūdō ; LLT), non reconstructible toutefois à partir des matériaux romans. À l’inverse, */tes't-ugin-e/, reconstructible, est dépourvu de corrélat latin ( OLD). Diachroniquement, */tes'tugin-e/ doit être issu de */tes'tudin-e/ s.f. ‘carapace’ (> ‘tortue’) par dissimilation de dentalité : *[t-t-d-n] > *[t-t-g-n], donc *[tεs'tuːdɪne] > *[tεs'tuːgɪne].47 Il n’en reste pas moins que synchroniquement, */tes'tugin-e/ a pu être réanalysé comme dérivé de */'tεst-u/ en */-'ugin-/, et enrichir ainsi la série paradigmatique en question (cf. Hall 1983, 134). Un exemple exactement parallèle est fourni par le correspondant de lat. incūs, incūdis s.f. ‘enclume’ : protorom. */ɪn'kud-e/ ~ */ɪn'kudin-e/ s.f. ‘enclume’ (cf. l’emprunt basq. ingude, OEH s.v. ingude ; REW3 s.v. incūs ; DCECH 6, 22–24) alterne avec une variante */ɪn'kugin-e/ s.f. ‘enclume’ (cf. FEW 4, 633b, INCUDO), dépourvue de corrélat latin. Plutôt que de voir dans la forme de cette variante le résultat d’une assimilation de vélarité, on peut supposer que l’attraction du morphème */-'ugin-/ a été assez puissante pour affecter une forme en */-'udin-/, isolée et inanalysable (on ne parvient pas à reconstruire, en protoroman, un suffixe **/-'udin-/).48, 49 Un dernier cas nous paraît digne d’intérêt : **/ɛ'r-ugin-e/, qui serait le corrélat exact de lat. aerūgo s.f. ‘rouille du cuivre, vert-de-gris’ (cf. Ernout 1946, 183), n’est pas reconstructible : la seule unité lexicale éventuellement rattachable à cet étymon est campid. arruinu, qui s’explique, en phonétique historique du sarde, par une prothèse vocalique devant /r-/ initial (avec allongement de la consonne, cf. Wagner 1941, 53–54 § 74). En analysant les faits romans (campid. arruinu, logoud. ruindzu, dacoroum. rugină, it. ruggine),50 on est amené à reconstruire protorom. */'rugin-e/ s.f. ‘rouille’ (en dépit de REW3
|| 47 Ernout (1946, 191) explique ces formes par une interchangeabilité de -go- et -do-. 48 On suppose également l’existence des formes */ɪn'kludin-e/ et */ɪn'klugin-e/, issues, selon von Wartburg, d’un croisement de */ɪn'kudin-e/ et */ɪn-'klud-e-/ v.tr. ‘clore’ (cf. FEW 4, 633b, INCUDO). Dans cette perspective, ce croisement s’est effectué avant le passage de */d/ à */g/, car un rapprochement de la forme assimilée */ɪn'kugin-e/ avec */ɪn-'klud-e-/ v.tr. est impossible. L’assimilation est secondaire et locale : seuls aoccit. encluge et baléar. encruya semblent y remonter. 49 Lat. hirūdo, -inis s.m. ‘sangsue’, sans corrélat protoroman, pourrait être apparenté à un */ɪ'rugin-e/ s.m. ‘sangsue’, que l’on a coutume de reconstruire à partir d’occit. erugo s.m. ‘sangsue’ (cf. FEW 4, 434a, HIRUDO ; REW3 s.v. hirūdo ; Graur 1930, 108). Cette reconstruction est cependant incertaine : elle se base sur une seule issue et n’est pas étayée par le témoignage du latin écrit (malgré quelques attestations tardives, cf. Graur 1930, 108). 50 Pour un aperçu détaillé sur le cas d’esp. roña, que certains diachroniciens de l’espagnol rattachent à cet étymon, voir López-Morillas 1974.
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 229
s.v. aĕrūgo).51 Le thème se réduisant à **/r-/, sans correspondant en protoroman, la formation du lexème est opaque, et il ne s’analyse plus comme dérivé en */-'ugin-/. Or, comme nous possédons le témoignage de lat. aerūgo, nous pouvons supposer que */'rugin-e/ remonte historiquement à latarch. */airuːginem/. Un radical **/'ɛr-e/ s.n. ‘cuivre ; bronze’ (lat. aes, aeris s.n.), au prototype duquel doit se rattacher */'r-ugin-e/ (cf. ErnoutMeillet4 s.v. aes), n’est pas reconstructible en protoroman ; son absence est peut-être en rapport avec l’existence du substantif homophone */'ɛr-e/ s.m. ‘air’ (lat. āēr, āĕris s.m.). Il est très probable que la déglutination de la voyelle initiale a justement été permise par la disparition du correspondant de lat. aes. Au vu des matériaux proto- et idioromans (cf. Meyer-Lübke 1894, vol. 2, 471 § 429 ; Rohlfs 1954, vol. 3, 273 § 1059 : -iggine, -uggine sont très peu nombreux en italien, et existent synchroniquement notamment dans les unités lexicales héréditaires citées ci-dessus), le suffixe */-'ugin-/ est plus ou moins glosable comme ‘excroissance naturelle faite de [NOMdér]’ et sert donc à former des noms d’organismes vivants ou d’épiphénomènes naturels.
5 Suffixe */-kl-/ Un morphème */-kl-/ se dégage de l’analyse d’un certain nombre de lexèmes nominaux masculins et féminins (cf. Meyer-Lübke 1894, vol. 2, 466–469 § 422– 423 ; Leumann 1963, 216 § 172 IV A 3 ; Hall 1983, 125), que l’on peut classer en quatre groupes : (1) Dérivé à valeur (quasi-)diminutive : */βer'm-ɪ-kl-u/ s.m. ‘teinture provenant de la cochenille, vermeil’ < *‘petit insecte qui vit sur le nopal et fournit une teinture rouge, cochenille’ ← */'βεrm-e/ s.m. ‘ver’ (cf. REW3 s.v. vĕrmĭcŭlus).
|| 51 Wagner analyse campid. arruinu comme un dérivé de campid. arruinare, qui serait le continuateur de lat. aerūgināre (cf. DES ; Wagner 1941, 85 § 131 ; 1952, 11 § 6 et 33 § 36). Nous ne pensons cependant pas nécessaire de faire remonter ce lexème à un verbe (qui aurait, s’il a existé, moins de reflets dans les langues romanes que le substantif, cf. REW3 s.v. aĕrūgo), puisqu’il s’analyse parfaitement comme continuateur héréditaire de protorom. */'rugin-e/ (et campid. arruinare comme dérivé de campid. arruinu).
230 | Ulrike Heidemeier
(2) Dérivé à connotation relationnelle : */ɸe'n-ʊ-kl-u/ s.m. ‘fenouil’ ← */'ɸen-u/ ~ */'ɸɛn-u/ s.n. ‘foin’ (cf. REW3 s.v. fēnŭcŭlum ; cf. Reinhardt 2008–2014 in DÉRom S.V. */'ɸen-u/ ~ */'ɸɛn-u/). 3) Dérivés à élargissement sémantiquement vide : */a'p-ɪ-kl-a/ s.f. ‘abeille’ ← */'ap-e/ s.f. ‘abeille’ (cf. REW3 s.v. apĭcula) ; */kau'l-ɪ-kl-u/ s.m. ‘chou’ ← */'kaul-e/ s.m. ‘chou’ (cf. REW3 s.v. caulĭcŭlus) ; */so'l-ɪ-kl-u/ s.m. ‘soleil’ ← */'sol-e/ s.m. ‘soleil’ (cf. REW3 s.v. sōl ; FEW 12, 24a, SOL). (4) Formations non motivées en protoroman : */au'rɪkl-a/ s.f. ‘oreille’ (cf. REW3 s.v. aurĭcula) ; */ge'nʊkl-u/ s.m. ‘genou’ (cf. REW3 s.v. genŭcŭlum ; Schmidt à paraître in DÉRom s.v. */ge'nʊkl-u/) ; */o'βɪkl-a/ s.f. ‘brebis’ (cf. REW3 s.v. ŏvĭcŭla). En analysant ce microcorpus, on perçoit que */-kl-/ est un suffixe (quasi)diminutif dans le type 1 : dans protorom. */βer'm-ɪ-kl-u/, le sens ‘cochenille’ se déduit sans difficulté de ‘petit ver’ ; */-kl-/ joue le rôle de suffixe relationnel dans le type 2 : le rapport entre le signifié ‘fenouil’ et le concept de ‘foin’ peut s’expliquer par une analogie de forme entre les référents ; dans le type 3, */-kl-/ est un élément vide de sens, puisque chacun des dérivés est synonyme de sa base.52 Enfin, le type 4 regroupe des unités lexicales d’affinité purement formelle, dans lesquelles il est impossible de reconnaître des dérivés protoromans. Ce n’est que par rapprochement avec les lexèmes du latin écrit que l’on peut postuler une dérivation diminutive dans la préhistoire de la protolangue. Protorom. */ge'nʊkl-u/ s.m. ‘genou’ se relie à un latarch. */genu/ s.n. ‘genou’ (cf. lat. gĕnū) ; */au'rɪkl-a/ s.f. ‘oreille’ est apparenté à latarch. */ausis/ s.f. ‘oreille’ (cf. lat. auris), et */o'βɪkl-a/ s.f. ‘brebis’ à latarch. */ouis/ s.f. ‘brebis’ (cf. lat. ovis). Du point de vue du développement historique, on peut présumer l’évolution sémantique de ce suffixe depuis une valeur proprement diminutive vers un emploi hypocoristique, d’abord caractéristique de certaines variétés (notamment du technolecte agricole) : on conçoit que */kau'l-ɪ-kl-u/ s.m. ‘petit chou ; joli chou’ ou */o'βɪkl-a/ s.f. ‘petit mouton femelle ; joli mouton’ relevaient à || 52 La démotivation du suffixe est confirmée par les faits de resuffixation diminutive (cf. Cooper 1895, 168 ; Leumann 1963, 216 § 172 IV A 3). Historiquement, le morphème */-kl-/ provient, lui-même, d’une double suffixation : il est constitué des suffixes -ko- et -lo- (lat. -culus < -ke-los), tous deux de valeur diminutive, qui se sont agglutinés en protoitalique (cf. Leumann 1963, 216 § 172 IV A 3).
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 231
l’origine du vocabulaire de l’agriculture ou de l’élevage. Les désignations diminutives des parties du corps du type */au'rɪkl-a/ s.f. ‘oreillette’ ou */ge'nʊkl-u/ s.m. ‘genouillet’ évoquent, quant à elles, le langage familier et enfantin, notamment les nursery words.53 Contrairement à la plupart des suffixes protoromans, */-kl-/ est consonantique, et se combine nécessairement à la voyelle thématique. Le timbre de cette voyelle semble déterminé par le flexif de la base nominale sur laquelle est formé le dérivé : les substantifs de la « première classe » (masculin en */-u/, féminin en */-a/) se caractérisent par la voyelle thématique */-'ʊ-/, ceux de la « seconde classe » (masculin en */-e/, féminin en */-e/) par la voyelle thématique */-'ɪ-/ : */'ɸen-u/ ~ */'ɸɛn-u/ → */ɸe'n-ʊ-kl-u/, */'kaul-e/ → */kau'l-ɪ-kl-u/. Le genre du dérivé est identique à celui du simple ; les substantifs dérivés appartiennent à la « première classe ». Secondairement, le morphème */-kl-/ s’est agglutiné à la voyelle */-'ʊ-/ ou */-'ɪ-/ pour produire des suffixes */-'ʊkl-/ et */-'ɪkl-/ en variation libre, cf. les variantes */ar't-ɪkl-u/ (lat. artĭcŭlus) et */ar't-ʊkl-u/ (sans corrélat latin ; cf. REW3 s.v. artĭcŭlus, 2. artŭcŭlus), */βer't-ɪkl-u/ (cf. lat. vertĭcŭla) et */βer't-ʊkl-u/ (sans corrélat latin ; cf. REW3 s.v. vĕrtĭcŭlus, 2. *vertŭcŭlus), */ge'n-ɪkl-u/ (cf. lat. gĕnĭcŭlum ; REW3 s.v. genĭcŭlum) et */ge'n-ʊkl-u/ (sans corrélat latin). Les idiomes romans continuent ces suffixes avec une productivité diverse, sans toujours maintenir leur valeur diminutive (cf. Meyer-Lübke 1894, vol. 2, 466–469 § 422–423 ; Wagner 1952, 29–30 § 30–32 ; Rohlfs 1954, vol. 3, 262–265 § 1044–1046 ; Nyrop 1908, vol. 3, 105–106 § 202, 128 § 256 ; Ronjat 1937, vol. 3, 354–355 § 681 ; DESE s.v. -EJO, -OJO).
6 Deux morphèmes fantômes : protorom. **/-'ʊnd-/ et **/-'bʊnd-/ Placé devant la série des dérivés adjectivaux en -undus et -bundus recensés dans le REW3, à savoir : fecŭndus, rĕtŭndus, rŏtŭndus, sĕcŭndus d’une part, et *cascabŭndus, flammabŭndus, *foetibŭndus, gaudĭbŭndus, palpabŭndus, vagabŭndus de l’autre,54 on serait tenté de croire que les morphèmes dérivationnels || 53 Nous reprenons ici une analyse que Jean-Pierre Chambon a bien voulu nous communiquer. 54 Cf. Alsdorf-Bollée/Burr 1969, 103 ; nous avons renoncé à inclure dans notre analyse les cinq autres étymons qui se terminent par -undus : fŭndus s.m. ‘fond’ et mŭndus s.m. ‘monde, univers’ ne sont pas pertinents : il s’agit de substantifs sans rapport avec le morphème dérivationnel -undus (cf. IEEDLatin s.v. fundus ‘bottom’ et mundus ‘heavens, sky ; world, earth ; subterra-
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**/-'ʊnd-/ et **/-'bʊnd-/ – leur valeur sémantique restant à préciser – ont eu, en protoroman, une certaine vitalité. En effet, on trouve en latin quelques adjectifs formés de la même manière, comme ŏrĭundus ‘originaire, qui tire son origine de’, rŏtundus ‘qui a la forme d’une roue, rond’ et sĕcundus ‘le prochain, le suivant’, ou bien (plus fréquemment) dēplōrābundus ‘qui se répand en lamentations’, lūdĭbundus ‘qui joue, folâtre’, mŏrĭbundus ‘mourant’. Si ces formations ne sont pas très nombreuses en latin écrit, elles l’auraient été, selon Cooper, davantage en latin parlé : « these adjectives [in -bundus] hardly need any further commentary […] to prove their vulgar character » (Cooper 1895, 92). Il paraît donc pertinent de se demander s’il en était de même en protoroman : */ro'tʊnd-u/ adj. ‘rond’ a-til été analysé comme dérivé en */-'ʊnd-/ de */'rɔt-a/ s.f. ‘roue’ (de même que */se'kʊnd-u/ adj. ‘le suivant’ s’analyserait comme dérivé de */'sɛku-e-/ v.tr. ‘suivre’) ? En outre, le protoroman a-t-il connu un morphème dérivationnel */-'bʊnd-/ qui aurait formé les adjectifs */ɸɛtɪ-'bʊnd-u/ ‘qui pue’ (< */'ɸɛt-e-/ v.intr. ‘puer’), */ɸlamma-'bʊnd-u/ ‘qui brûle’ (< */'ɸlamm-a/ s.f. ‘la flamme’) et */gaude-'bʊnd-u/ ‘heureux’ (< */'gaud-e-/ v.intr. ‘se réjouir intérieurement’) ?
6.1 Historique En latin, -undus < *-ondos est la forme originelle supposée de l’adjectif verbal (encore dans lābundus, ŏrĭundus, sĕcundus), qui s’est développée en -endus (seule forme que connaît le latin classique pour former l’adjectif verbal, cf. lĕgendus, scrībendus), par analogie avec le participe présent en -ēns, -entis (lĕgēns, scrībēns). L’adjectif verbal est un trait résiduel en latin, partagé par les dialectes italiques (cf. Leumann 1963, 226 § 172 X 2 B 1 ; pour une étude diachronique et morphologique plus détaillée, cf. Benveniste 1935, 135-146). Le morphème -bundus, à son tour, sert à former des adjectifs par dérivation déverbale (cassābundus, lūdĭbundus, mŏrĭbundus), avec la valeur sémantique d’un participe présent ou futur (« para-participes », Brachet 2012, 650). Bien que plusieurs hypothèses aient été énoncées pour expliquer la formation de cette dérivation, isolée en latin, son origine exacte reste inconnue (cf. Leumann 1963, 226–227 § 172 X 2 B 2, ainsi que Brachet 2012, qui postule un ancien type de composé en *-bhū-ndo-). || nean vault’) ; profŭndus adj. ‘profond’ est une dérivation à partir de fŭndus s.m. ‘fond’ (cf. ErnoutMeillet4 s.v. fundus) ; mŭndus adj. ‘propre’ et son dérivé antonymique immŭndus adj. ‘sale’ sont des adjectifs anciens et usuels (cf. ErnoutMeillet4 s.v. mundus, -a, -um), sans étymologie claire (cf. IEEDLatin s.v. mundus ‘clean, elegant’ : « could be derived from the PIE root *meud~ ‘to rejoice’, although the semantics are not compelling »).
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 233
6.2 Reconstruction Si l’on en croit Meyer-Lübke (1894, vol. 2, 552 § 513), les continuateurs du morphème -undus, -unda (souvent -bundus, -bunda) se rencontreraient majoritairement dans des innovations lexicales en occitan et espagnol. Si tel était le cas, on devrait supposer que cette productivité est un trait héréditaire s’expliquant par la productivité de ce morphème dès le protoroman ; il devrait donc en exister une trace. Nous allons soumettre les continuateurs supposés des étymons cités en début de ce sous-chapitre (fecŭndus, rĕtŭndus, rŏtŭndus, sĕcŭndus et *cascabŭndus, flammabŭndus, *foetibŭndus, gaudĭbŭndus, palpabŭndus, vagabŭndus) ainsi que les formations citées par Meyer-Lübke (1894, vol. 2, 552 § 513), à savoir (a)occit. desiron, fadion, sazion, volon et esp. cachonda, hediondo, lirondo, morondo, orondo, sabiondo, torionda et verriondo à un examen historico-comparatif.
6.2.1 Formations en -bundus Lat. *cascabŭndus. – Lexème non attesté en latin écrit ( TLL ; Georges ; LLT). La seule issue présumée citée dans le REW3 est dacoroum. căscăund s.m./adj. ‘nigaud’ (dp. 1683, Tiktin3 : « wahrsch. vlat. *cascabundus » ; EWRS : < *CASCABUNDUS ; Candrea-Densusianu n° 283 : < *CASCABUNDUS ; DA/DLR : < « lat. pop. *cascabundus, -um » ; Cioranescu n° 1506 : « formación curiosa, sin duda en lugar de *căscăun, con un suf. expresivo, como en bărzăun, gărgăun, y que se considera sin razón como der. de un lat. cascabundus » ; MDA < *cascabundus ; cf. Candréa-Hecht 1902, 305 : « Le mot roum. căscăund, employé assez fréquemment avec le sens de ‘niais’, représente exactement un type latin vulgaire *c a s c a b u n d u s »). Création isolée en dacoroumain, qui doit être interprétée comme une dérivation de dacoroum. a căsca ‘ouvrir la bouche ; bâiller’ (< protorom. */'kask-a-/, cf. REW3 s.v. cascāre et l’analyse de Cioranescu). L’article *cascabŭndus du REW3 est à supprimer. Lat. flammabŭndus. – Hapax en latin, attesté une fois chez Martianus Capella (Ve s., TLL 6/1, 870). On a coutume d’y rattacher les lexèmes suivants : dacoroum. flămând adj./s.m. ‘affamé’ < ‘brûlant’ (dp. 1448 [toponyme]/1866, Tiktin3 : « wahrscheinlich zu lat. famulentus, über *flamentu » ; EWRS : sans étymologie certaine, soit d’un famulentus > famlentus > flammentus, soit de flammabundus ; Candrea-Densusianu n° 603 : < lat. FLAMMABUNDUS ; DA/DLR : « deşì legătura etimologică cu lat. fames ‘foame’ e sigură, n’a fost cu putință până acuma să se dea o etimologie îndestulătoare » ; Cioranescu n° 3419 : « ori-
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gen dudoso. […] *flammabundus, formación artificial e insufiente para explicar el semantismo » ; MDA : < *flammubundus ; Candréa-Hecht 1902, 308–310), istroroum. flamund adj. ‘affamé’ (variante : hlamund, MaiorescuIstria 124 ; Byhan 1899, 216 : < lat. famulentus, *flaméntus ; Puşcariu 1929, 112 ; FrăţilăIstroromân 1, 167–168 : < lat. *flammabŭndus), méglénoroum. flămund (Candrea 1927, 394 ; CapidanDicţionar : < lat. *flammabundus) et aroum. flămunt (Cioranescu n° 3419 ; DDA2 ; Bara 2004). Pour des raisons phonétiques, par son isolement et par le caractère fortuit de la seule attestation latine, nous croyons devoir renoncer à cette étymologie. Une explication à travers une dérivation propre au (proto)roumain à partir du continuateur de */'ɸamen/ s.n. ‘faim’ (cf. Buchi/González Martín/Mertens/Schlienger 2012–2014 in DÉRom s.v.) est, pour des raisons phonétiques et sémantiques, plus envisageable (cf. l’analyse du DA/DLR). On peut faire économie de l’article flammabŭndus du REW3.55 Lat. *foetibŭndus. – Lexème non attesté en latin écrit ( TLL ; OLD ; Georges ; LLT). Esp. hediondo adj. ‘qui pue’ (dp. 1230/1246, DCECH 4, 338) « podría reflejar un *FOETIBUNDUS del latín vulgar » ; si son étymologie est incertaine, nous croyons pouvoir exclure que ce lexème remonte au protoroman : hediondo (fediondo), attesté depuis 1255 (Berceo, DCECH 4, 338), provient d’un ancien hediendo (fediendo), attesté depuis 1236/1246 (Berceo, DCECH 4, 338), qui est la forme primitive. Hediondo est donc une forme issue d’une captation de suffixe : elle est non héréditaire, secondaire ;56 la faire remonter au protoroman paraît, dans cette perspective, aberrant. Par conséquent, l’entrée *foetibŭndus du REW3 est à supprimer. Lat. gaudĭbŭndus. – On ne peut recenser que trois attestation de lat. gaudĭbŭndus adj. ‘joyeux’ : chez Apulée, auteur latin d’origine africaine (* ca
|| 55 Sans prendre position par rapport à căscăund, Lyer 1934 analyse flămând et plăpînd ainsi qu’un troisième lexème, curând, « qui sont par excellence populaires », comme des continuateurs des gérondifs flammando, palpando et currendo (cf. Lyer 1934, 276 n. 1). Pour les raisons que nous exposons ci-dessus, nous préférons cependant voir dans flămând et plăpînd des créations roumaines. 56 « [L]es faits que fediondo se rencontre plus tard que fediendo, que la base foetibundus est une forme construite après coup et qu’elle est tout à fait isolée dans les langues romanes (seulement en espagnol), nous font croire que fediondo (autant que sabiondo que personne n’oserait faire remonter à *sabibundus) est un fediendo dont le suffixe a été assimilé au suffixe -ondo, que l’on trouve dans des adjectifs comme lirondo, morondo, orondo, verriondo etc. » (Lyer 1934, 271 n. 4). Cependant, chercher l’origine de l’assimilation morphologique que nous rencontrons dans fediendo > fediondo dans cachonda (dp. 1450), orondo (dp. 1575), lirondo (dp. 1726/1739), morondo (dp. 1726/1739), butiondo (dp. 1475), torionda (dp. 1493/95), sabiondo (1512) ou verriondo (dp. 1726/1739), est invraisemblable : ces formations sont secondaires par rapport à hediondo, qui est attesté trois siècles plus tôt (cf. ci-dessous 6.2.3).
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 235
125), chez Cyprianus Carthaginensis, évêque de Carthage (248/49–258) d’origine africaine, et chez Florus Lugdunensis, qui a vécu autour de l’an 800 à Lyon (cf. TLL 6/2, 171 ; OLD ; Georges s.v. gaudibundus ; LLT). Or, ce n’est pas loin de Lyon que l’on trouve la seule prétendue issue de cet étymon, citée par MeyerLübke dans REW3 s.v. gaudĭbŭndus : occit. gauzion/jauzion adj. ‘joyeux’ (cf. Raynouard 2, 443 ; Diez 168 ; Mistral s.v. jausioun [< lat. gaudibundus], « n.p. Jausion, nom de fam. languedocien » ; Cropp 1975, 140–41).57 Ce lexème isolé ne peut être interprété que comme une formation occitane, dérivée d’occit. gauzir/jauzir (< protorom. */'gaud-e-/ v.intr. ‘se rejouir’, cf. REW3 s.v. gaudēre), sous possible influence du latin écrit (servant comme modèle morphologique), et qui signifie ‘celui qui est heureux’ (cf. ci-dessous 6.2.4). On voit d’ailleurs que la présence d’un /d/ latent à la finale du lexème – justifiant le rapprochement avec lat. -bundus – n’a rien d’assuré. Lat. palpabŭndus. – Malgré REW3, nous ne pouvons pas recenser une attestation d’un lat. *palpabŭndus ( TLL ; Georges ; LLT). L’issue roumaine que contient cet article est d’étymologie incertaine : dacouroum. plăpînd adj. ‘frêle’ (dp. 1829, Tiktin3 : < palpandus < lat. palpo, -āre ; EWRS : < *PALPABUNDUS ; Candrea-Densusianu n° 1401 : < lat. *PALPABUNDUS, « forma normală *plăpăund a devenit plăpăînd poate sub influenţa lui blînd, flămînd » ; DA/DLR : « etimologia necunoscută » ; Cioranescu n° 6480 : « origen expresivo. La der. del lat. *palpabundus […] o de palpandus es difícil de admitir, por razones fonéticas y formales. Mas probabl. se debe partir de una raíz expresiva plăp-, como pîlp(îi), fîlf(îi), que indicaría la misma idea de ‘palpitar, agitarse débilmente’ : plăp- no es evidentemente más que pîlp- con metátesis »58 ; cf. Candréa-Hecht 1902, 309 : « plăpînd ‘frêle’ < *plăpăînd pour *plăpăụnd dérivé de *p a l p a b u n d u s (de p a l p a r e ‘caresser’) ». Il est impossible de reconstruire un étymon protoroman, dépourvu de corrélat latin, à partir de cette issue isolée. L’article palpabŭndus du REW3 est à supprimer et l’étymologie de dacouroum. plăpînd à reconsidérer (d’autant plus que protorom. */'palp-a-/ v.tr. ‘caresser’ n’a pas de continuateur dans la branche roumaine, cf. REW3 s.v. palpāre). Lat. vagabŭndus. – Protorom. **/βaga-'bʊnd-u/ adj. ‘vagabondant’ n’a jamais existé ; sard. bagamundu (DES 1, 266 : < it. ou esp. ; PittauDizionario 1), it. || 57 Aoccit. jauzen, de sens voisin et attesté chez les premiers troubadours, « s’emploie plus fréquemment que jauzion et se trouve dans des contextes plus variés » (Cropp 1975, 141). 58 Cioranescu explique par la suite : « La terminación es menos clara, y podría deberse a alguna analogía con blînd, flămînd ; pero se debe observar que no hay constancia del uso verdaderamente popular de esta voz, que sólo consta en autores de la segunda mitad del s. XIX, y que, por consiguiente, puede haber sido forjada artificialmente, como tremurînda, surîzînda, que son de la misma época » (Cioranescu n° 6480).
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vagabondo (dp. avant 1321, DELI2 : < lat. vagabǔndum), fr. vagabond (dp. 1382, < lat. vagabundus, FEW 14, 119a), frpr. vacabon (FEW 14, 119b), occit. vagabound (dp. 1300, FEW 14, 119b), gasc. bagabound (FEW 14, 119b), cat. vagamundo (dp. 1377, DECat 9, 19 : « de vegades per llatinisme […] o també, amb m per propagació de nasal i etim. pop. vagamundo »), esp. vagabundo (dp. XIIIe s. , < lat. vagabundus, DCECH 5, 729), esp. vagamundo (dp. XVe s., issu de vagabundo par étymologie populaire, rattachement à mundo, DCECH 5, 729 ; FEW 14, 120a), port. vagabundo (dp. XIVe s., < lat. vagabundu-, DELP3), port. vagamundo (dp. XVIe s., issu par étymologie populaire, DELP3), constituent des emprunts idioromans. Lat. vagābŭndus est, lui-même, un lexème tardif (attesté dp. Augustin [* 354 – † 430], LLT). En conclusion, les six entrées du REW3 sont toutes à supprimer : il semble que la dérivation en **/-'bʊnd-/ n’a pas eu de productivité en protoroman,59 résultat corroboré par le caractère archaïque des formations en -bundus en latin.
6.2.2 Formations en -undus Lat. fecŭndus. – Frpr. fyon adj. ‘gras’ (GPSR 7, 1140 ; FEW 3, 442b) est à ramener à protorom. */ɸe'kʊnd-u/ adj. ‘fécond’. En synchronie protoromane, ce lexème est isolé, sans rattachement à une autre unité lexicale ; la dérivation en */-'ʊnd-/ n’y est pas transparente. La vitalité de */ɸe'kʊnd-u/ est réduite, sans doute par l’opacité de cette forme et la concurrence de */'grass-u/ adj. ‘gras ; fertile’ (cf. Dworkin/Maggiore à paraître in DÉRom). En diachronie latine, il s’agit d’un ancien participe, formant un groupe dérivé en -cundus avec sĕcundus, fācundus, īrācundus, iūcundus, rŭbĭcundus et vĕrēcundus, et qui se rattache à fē-mina, fē-tus, fī-lius etc. (← ind.-eur. *dhe1-(i)- ‘têter ; sucer ; traire’, cf. ErnoutMeillet4 s.v. fēcundus ; IEEDLatin s.v. fēcundus : le sens primitif de fēcundus a pu avoir été ‘caractérisé par le fait de produire, de sucer’ > ‘fertile’ : le sens et la formation sont opaques en protoroman). Lat. rĕtŭndus, rŏtŭndus. – Protorom. */re'tʊnd-u/ adj. ‘rond’ ainsi que ses variantes apophonique */ro'tʊnd-u/, méthathétique */to'rʊnd-u/ et aphérétique */'tʊnd-u/ (cf. Hegner 2011–2014 in DÉRom s.v. */re'tʊnd-u/) sont en
|| 59 « Il faudrait d’ailleurs réviser presque toutes les étymologies fondées sur les adjectifs en -bundus, car il semble que ce suffixe ne s’est conservé que dans les mots savants. Les adjectifs en -ondo et en -on, que l’on fait remonter à des adjectifs en -bundus […], sont probablement des formations postérieures et leur suffixe n’a rien de commun avec -bundus » (Lyer 1934, 276 n. 1).
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rapport direct avec */'rɔt-a/ s.f. ‘roue’ (cf. Groß 2012–2014 in DÉRom s.v. */'rɔt-a/). Il s’agit d’un lexème résiduel en protoroman. En diachronie latine, rŏtundus adj. (dp. Caton [* 234 – † 149], OLD) est analysé comme un dérivé de *rete/o- v.intr. ‘courir ; rouler’ (cf. IEEDLatin s.v. rota et le rapport entre tĕgere v.tr. et tŏga s.f.). Dans cette perspective, */re'tʊnd-u/ se révèle comme la forme héritée, directement issue de latarch. *rĕtundos, dont lat. rŏtundus ~ protorom. */ro'tʊnd-u/ est une forme secondaire, analogique de lat. rŏta s.f. ~ protorom. */'rɔt-a/ ; il n’est pas nécessaire de postuler ici une quelconque dissimilation (en dépit de Ernout/Meillet4 s.v. rota).60 La formation, en tout état de cause, n’est pas protoromane. Lat. sĕcŭndus. – Sard. segundu adj. ‘second’ (DES 2, 401), it. secondo (dp. 1205, DELI2), frioul. seont (PironaN2), afr. seont prép. ‘selon’ (FEW 11, 385a), aoccit. segon adj. ‘second’, gasc. segound (tous les deux FEW 11, 382b), cat. segon (DECat 7, 748) se rattachent à protorom. */se'kʊnd-u/ adj. ‘le suivant’. Adjectif résiduel en protoroman, déjà proto-italique : *sekwondo- ‘le suivant’ (cf. IEEDLatin s.v. sequor, sequī), dérivé de *sekw-e/o- ‘suivre’. Malgré son caractère archaïque, on peut supposer que protorom. */se'kʊnd-u/ adj. a été rapproché de */'sɛku-e-/ v.tr. ‘suivre’, comme fr. suivant ← suivre, all. folgender ← folgen, angl. following ← follow. En conclusion, on constate que les trois adjectifs */ɸe'kʊnd-u/, */re'tʊnd-u/ ~ */ro'tʊnd-u/ et */se'kʊnd-u/ constituent des lexèmes résiduels en protoroman. Le caractère non productif de la série se déduit de l’absence de formations en */-'ʊnd-/ sur un radical vivant en protoroman. Ce dernier point paraissant cependant contredit par une série de formes espagnoles et occitanes, nous nous proposons à présent d’examiner celles-ci.
6.2.3 Formations espagnoles Les formations espagnoles citées ci-dessus 6.2,61 auxquelles se rajoutent encore d’autres lexèmes que nous avons repérés chez Pharies (1991), sont, dans l’ordre de leur apparition chronologique, les suivantes :
|| 60 Le type */re'tʊnd-u/ est presque panroman, et connaît notamment des continuateurs en sarde et en roumain. – La forme aphérétique */'tʊnd-u/ s’explique par réinterprétation du type héréditaire */re'tʊnd-u/, perçu comme un préfixé en */re-/. 61 Ce modèle de formation est analysé dans un article de David Pharies (1991), sur lequel les lignes suivantes s’appuient essentiellement. Pharies a complété les informations relatives à
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Esp. hediondo adj. ‘qui pue’ (dp. 1230/1246), qui, nous le rappelons, « podría reflejar un *FOETIBUNDUS del latín vulgar » (DCECH 3, 338), s’analyse comme une forme secondaire, issue par captation de suffixe, de hediendo (cf. cidessus 6.2.1, sous *foetibŭndus). Esp. cachondo adj. ‘dicho de una perra : salida (= en celo)’ (DRAE22), ‘dominado por el apetito venéro (especialmente la perra)’ (dp. ca 1450, DCECH 1, 728), selon Corominas d’un ancien cachiondo « por absorción de la i en la otra palatal, formado como torionda ‘vaca en celo’ de toro, o como verrionda ‘cerda caliente’ » (DCECH 1, 728). Esp. butiondo adj. ‘voluptueux ; qui pue’ (dp. 1475), dérivé de bode s.m. ‘bouc’, « sinónimo de y de […] es probable que […] se trate de un derivado en -IBUNDUS como torionda, verrionda, morionda, cachonda, aplicados a las hembras en celo del toro, del verraco, etc. » ; betionda s.f. ‘chèvre en chaleur’ (tous les deux DCECH 1, 608). Esp. toriondo adj. ‘dícese de la vaca en celo’ (dp. 1493/1495, DCECH 5, 559 ; DRAE22), « derivado de un verbo *torir ‘montar el toro a la vaca’ […] con sufijo -BUNDUS » (DCECH 5, 559). Esp. sabiondo adj. ‘pédant ; malin’ (dp. 1512), analysé comme un dérivé de saber v.tr. ‘savoir’ (DCECH 5, 114). Esp. orondo adj. ‘prétentieux’ (dp. ca 1575), « palabra afectiva de significados varios i origen incierto » (Corominas discute son origine sur trois pages : DCECH 4, 304–307) ; lexème isolé, sans étymologie, qui ne remonte pas au protoroman. Esp. ardiondo adj. ‘lleno de ardor o coraje’ (dp. 1600, Pharies s.v. -ONDO, -IONDO), « correspondería a un adjectivo latino derivado de *ARDIBUNDUS, tipo de formación que fué fecundo en lengua de Oc, pero no en castellano » (DCECH 1, 318 ; cf. DRAE22). Esp. verriondo adj. ‘puerco en celo’ (dp. 1726/1739), dérivé du continuateur espagnol de protorom. */'βɛrr-e/ s.m. ‘verrat ; porc’ (REW3 s.v. vĕrres ; cf. esp. verraco s.m. ‘porc’) « con sufijo -IBUNDUS (comp. torionda, butionda, cachonda) » (DCECH 5, 791). Esp. morondo adj. ‘tondu’ (dp. 1726/1739), « voz festiva debida a un cruce de mondo con otra palabra, probablemente con orondo ‘hinchado’, por la forma redondeada de la cabeza calva » (DCECH 4, 126).
|| l’espagnol standard par une « more or less definitive list of derivatives from all Hispanic dialects […], together with analysis of dialectal distribution, grammatical form-class, meaning, chronology, and comparative data » (Pharies 1991, 89).
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Esp. lirondo adj. (dp. 1726/1739), employé dans mondo y lirondo loc. adj. ‘pur et simple’ ; lirondo constitue une dérivation de liso adj. ‘lisse’, et « parece resultar de un cruce de liso con morondo » (DCECH 3, 667) ; forme analogique, sans étymologie protoromane. Esp. moriondo adj. ‘en chaleur (brebis)’ (DRAE22 : « de la raíz de morueco y -iondo » ; DCECH 4, 159 : < *MARIBUNDA ; cf. Pharies 1991, 92). Nous avons quatre formations en -ondo (cachondo, orondo, morondo, lirondo), dont la première date de ca 1450, et sept formations en -iondo (hediondo, butiondo, torionda, sabiondo, ardiondo, verriondo, moriondo), dont la première date de 1230/1246. Pour orondo, morondo et lirondo, nous pouvons exclure une origine protoromane (cf. Pharies 1991, 102-103) ; orondo est considéré comme la première formation de cette série, qui aurait, par analogie, conditionné la genèse de morondo, qui lui, à son tour, aurait influencé lirondo ; comme orondo est isolé en espagnol et que son étymologie est inconnue, nous ne pouvons pas le rattacher à un étymon protoroman formé sur **/-ʊnd-/ (cf. Pharies 1991, 102 : « there remains a number of Hispanic words […] which for the most part are irrelevant to the history of -(i)ondo »). Reste cachondo, qui se range, par son origine (< cachiondo), parmi les huit formations sur -iondo : hediondo (< hediendo) dp. 1230/1246, butiondo dp. 1475, toriondo dp. 1493/1495, sabiondo dp. 1512, ardiondo dp. 1600, verriondo dp. 1726/1739, et moriondo, non datable. Toutes ces unités lexicales sont isolées en espagnol, dépourvues de corrélat latin, et d’étymologie inconnue. La formation la plus ancienne est hediondo (dp. 1230/1246, cf. ci-dessus 6.2.1) ; les autres adjectifs, sabiondo et ardiondo mis à part, partagent le même champ sémantique : ‘(femelle) en chaleur’ (cf. DESE 435) ; le lien entre hediondo et ces adjectifs est donné par butiondo (dp. 1475), deuxième unité attestée après hediondo, qui signifie ‘voluptueux’ ou ‘qui pue’ (s.f. ‘chèvre en chaleur’), et que Corominas considère comme l’unité originelle de cette série (cf. aussi Pharies 1991, 93). Il est évident que l’on doit partir, pour expliquer l’origine de cette série, d’une suffixation de -iondo sur une racine attestée par ‘contamination’ : une forme primitive a provoqué la genèse des autres. Ce scénario est le seul à envisager dans la perspective que toutes ces formes sont propres à l’espagnol et que le latin ne connaît ni de corrélat ni de rapport semblable entre les formations sur -bundus et le champ sémantique en question. Nous suivons donc Pharies (1991, 93-94, 105) pour supposer que ce modèle de formation, de faible utilisation en espagnol et quasiment restreint au champ sémantique ‘(femelle) en chaleur’, continue l’ancienne dérivation latine -bundus ; celle-ci a pu être transmise à travers quelques lexèmes, qui, aujourd’hui perdus, ont pu motiver la formation de nouveaux items. Quelle que soit l’unité primitive à l’origine de
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cette série,62 son étymologie reste incertaine : nous ne sommes pas en mesure d’identifier le lien morphologique, sémantique et lexical entre les issues espagnoles et le latin.63 Quant à sabiondo, adjectif dérivé de saber, on doit partir d’une formation isolée, fortuitement en rapport avec cette série par la même désinence. Son origine est inconnue, mais probablement d’influence savante (et à mettre en rapport avec les formes occitanes, cf. ci-dessous 6.2.4).
6.2.4 Formations occitanes Les formations occitanes sont moins nombreuses que celles répertoriées pour l’espagnol. Elles sont au nombre de cinq : Aoccit. desiron adj. ‘désireux’ (Raynouard 2, 41 : deziron adj. ‘désireux, désirant’, dérivé de dezir s.m. ‘desir’). Aoccit. fadion adj. ‘insatisfait’ (Raynouard 2, 248 : fadion adj. ‘frustré ; privé’ ; dérivé de fadi s.m. ‘dédain, refus’). Occit. gauzion/jauzion adj. ‘joyeux’ (cf. ci-dessus 6.2.1, sous gaudĭbŭndus). Aoccit. sazion adj. ‘satisfait’ (1140 – 2e m. XIIIe s., cf. FEW 11, 239a, SATIARE ; Raynouard 4, 161 : sazion adj. ‘rassasié ; comblé’, dérivé de saziar v.tr. ‘rassasier ; soûler ; combler’). Aoccit. volon adj. ‘désireux ; languissant’ (Raynouard 4, 561 : volon adj. ‘volontaire, désireux, disposé’, dérivé de voler v.tr. ‘vouloir’, Levy 8, 825).64 Ces adjectifs comportent, du point de vue sémantique, deux couples : le couple ‘satisfaction’ avec les antonymes sazion et fadion, ainsi que le couple ‘désir’, avec les synonymes desiron et volon. Cette bipartition correspond à la bipartition suffixale : desiron et volon sont formés à l’aide du suffixe -on, sazion et fadion à l’aide du suffixe -ion. Il y a donc une relation d’antonymie et une relation
|| 62 Identifier cette unité primitive à butiondo est tentant du point de vue sémantique (relation avec hediondo, attesté en premier) et chronologique (attesté en troisième, après hediondo et cachondo) : cet adjectif a pu subir l’influence de hediondo. Voir l’origine dans cachondo ou toriondo serait possible pour des raisons chronologiques, ce qui est exclu pour verriondo, qui est attesté trop tardivement. 63 Voir l’analyse semblable de Lecoy (1988, 257), ainsi que Pharies (1991, 94) pour une étude des questions morphologiques et sémantiques qui se rajoutent à la problématique. 64 Ronjat (1930–1941) ne mentionne pas ces adjectifs (aucun d’entre eux ne paraît avoir survécu au-delà du XIVe siècle) ; Adams (1913, 320) en mentionne trois (fadion, jauzion et sazion), sans pourtant approfondir l’analyse diachronique.
2.2.6. Reconstruction dérivationnelle | 241
de synonymie qui est reflétée dans la morphologie – bien que ces suffixes soient inconnus de l’occitan. En outre, ces adjectifs sont très peu nombreux – quatre au total en occitan, plus gauzion (cf. ci-dessus 6.2.1) – et isolés, c’est-à-dire dépourvus de cognat roman et de correspondance en latin. Quant aux premières attestations de chaque lexème, on note qu’elles se rencontrent toutes dans le Roman de Jaufré et chez des troubadours (Bertrand de Born, Marcabru, Nat de Mons, Bernart de Ventadorn), parmi lesquels Bertrand de Born (desiron, volon) et Marcabru (desiron, sazion) en fournissent chacun deux. Dans le contexte immédiat, on trouve, dans cinq cas sur sept, les unités lexicales jauzir/joi, amor et cor (deux fois) ; même s’il s’agit du champ lexical caractéristique de la lyrique troubadouresque, cet aspect est remarquable. Desiron, fadion et volon se rattachent lexicalement à un registre très soutenu (dezir s.m. ‘désir’, fadi s.m. ‘dédain ; refus’, vol s.m. ‘volonté’), qui ne correspond pas à l’usage lexical de tous les jours. Ce registre est en étroite relation avec un certain champ sémantique – celui de la joie et de l’amour courtois. Par leur isolement, leur caractère soutenu et littéraire et leur distribution syntagmatique, nous devons supposer que les quatre adjectifs, desiron, fadion, sazion et volon, ont été forgés par les auteurs mêmes chez lesquels on trouve leurs premières attestations. Il pourrait s’agir de formations pseudo-savantes (pseudo-, car il n’y a pas de modèle latin immédiat sur lequel ils puissent avoir été formés), qui se greffent sur une base nominale ou verbale : desiron ← dezir s.m. ‘desir’, fadion ← fadi s.m. ‘dédain ; refus’, sazion ← saziar v.tr. ‘rassasier ; soûler ; combler’ et volon ← vol s.m. ‘volonté’. Identifier leur origine exacte et leur modèle morphologique n’est cependant pas possible (cf. Lyer 1934, 276 n. 1).
6.3 Synthèse Chacun des lexèmes étudiés dans cette section s’interprète comme une formation idioromane – à savoir roumaine, espagnole ou occitane. Les seuls adjectifs protoromans en */-'ʊnd-/ reconstructibles, à savoir protorom. */ɸe'kʊnd-u/, */re'tʊnd-u/ et */se'kʊnd-u/, sont des lexèmes résiduels, remontant en fait au proto-italique. Quant à la série espagnole des substantifs en -(i)ondo, nous ne pouvons pas identifier son origine exacte. Rien ne prouve, en tout état de cause, que cette série s’enracine dans une quelconque dérivation en **/-'bʊnd-/. Tout indique au contraire qu’un tel suffixe a disparu précocement dans l’histoire de la langue latine.
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REW3 = Meyer-Lübke, Wilhelm, Romanisches Etymologisches Wörterbuch, Heidelberg, Winter, 3 1930–1935 [11911–1920]. Tiktin3 = Tiktin, Hariton/Miron, Paul/Lüder, Elsa, Rumänisch-deutsches Wörterbuch, 3 vol., Wiesbaden, Harrassowitz, 32001–2005 [11903–1925]. TLL = Thesaurus Linguae Latinae, Leipzig/Stuttgart/Berlin/New York, Teubner/Saur/De Gruyter, 1900–. Walde/Hofmann4 = Walde, Alois/Hofmann, Johann Baptist, Lateinisches etymologisches Wörterbuch, 3 vol., Heidelberg, Winter, 41964 [11938–1954].
Gilles Souvay & Pascale Renders
2.3. Traitement informatique 1 Introduction Depuis le Trésor de la langue française (TLF), de nombreux projets lexicographiques se sont succédé à l’ATILF et ont profité de l’expérience de ceux qui les ont précédés. L’arrivée de l’informatique a, notamment, profondément modifié la manière de travailler des lexicographes. Le Dictionnaire du Moyen Français (DMF, cf. DMF2012), dont la première version remonte à une époque où internet n’était pas encore aussi présent qu’aujourd’hui (DMF1 ; cf. Martin 1999), a ainsi montré l’intérêt de publier directement en ligne un dictionnaire scientifique : son accès, sa consultation et sa mise à jour en ont été grandement facilités. À sa suite, d’autres projets lexicographiques menés au sein de l’ATILF ont bénéficié de la vitrine qu’offrait internet et des développements informatiques sousjacents. Dans ce contexte, il est rapidement apparu utile de dégager les besoins communs, d’appliquer une méthodologie partagée et de développer des outils permettant de rationaliser les développements : de ce constat est née une plateforme lexicographique qui a été conçue, mise en œuvre et mise à jour par l’un d’entre nous (cf. Martin/Gerner/Souvay 2010) et qui constitue aujourd’hui le support commun de tous les projets lexicographiques de l’équipe « Linguistique historique française et romane » de l’ATILF. Par ailleurs, la réflexion menée autour de l’informatisation du Französisches Etymologisches Wörterbuch (FEW, cf. Renders à paraître) a fait apparaître les principaux pièges à éviter dans la conception d’un dictionnaire étymologique électronique, ainsi que la nécessité de prendre en compte, dès l’étape de structuration des articles, l’exploitation qui en sera faite par les utilisateurs. Le DÉRom s’intègre dans cet environnement lexicographique nancéien et bénéficie des outils développés pour les autres projets. Même si la présente contribution se trouve dans une version imprimée du DÉRom, celui-ci se présente comme un dictionnaire purement électronique, de sa rédaction à sa consultation : il relève donc de la lexicographie informatique, par opposition à la lexicographie informatisée. Nous développons ci-dessous les particularités d’abord de sa rédaction, ensuite de sa consultation sur la plate-forme lexicographique de l’ATILF.
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2 Rédaction informatique du DÉRom 2.1 Saisie des articles en XML La rédaction des articles du DÉRom s’effectue via une formalisation en XML (Extensible Markup Language).1 L’utilisation de ce langage informatique de balisage générique des informations présente au moins trois avantages par rapport à une rédaction via un traitement de texte commercial. Le premier réside dans la pérennité du format XML, qui se présente sous la forme d’un fichier texte non propriétaire. N’étant pas lié à une version donnée du logiciel qui a permis de le créer, un article XML sera toujours éditable : cette propriété garantit, sur des projets lexicographiques de longue durée, que les données antérieures resteront accessibles. Un deuxième avantage provient du fait qu’un article rédigé en XML ne nécessite pas de rétroconversion, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire de le modifier pour le rendre compréhensible par un programme informatique (contrairement à ce que l’on constate par exemple pour le processus d’informatisation du TLF ou du FEW, cf. Dendien/Pierrel 2003 et Renders à paraître). Les fichiers XML sont directement exploitables via de nombreux outils standard ; l’informaticien a le loisir également de développer ses propres outils de traitement. Le langage XML a enfin pour avantage majeur de garantir l’homogénéité de la rédaction. Un article de dictionnaire possède en effet une structure relativement contrainte. Les différents éléments sont hiérarchisés et ordonnés de façon précise ; certains sont obligatoires, d’autres facultatifs. Selon la nature de l’élément, la typographie (taille de la police de caractères, usage des grasses etc.) peut varier. Le lexicographe qui utilise simplement un traitement de texte se voit obligé de garder en mémoire tous ces détails : il doit se focaliser à la fois sur le contenu, sur la structuration interne et sur le rendu typographique de son article. Dans le meilleur des cas, le résultat sera parfait du point de vue du contenu, mais, étant donné les limitations de l’esprit humain, des problèmes portant sur la structure et la typographie sont presque inévitables. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’un nombre important de rédacteurs interviennent dans l’élaboration du dictionnaire. De ce fait, il s’avère nécessaire de procéder a posteriori à une révision formelle des articles, afin de garantir leur homogénéité et faciliter leur lecture. Or, l’utilisation du langage XML rend superflu ce processus
|| 1 Pour une introduction rapide à XML, voir http://www.tei-c.org/release/doc/tei-p5-doc/en/ html/SG.html.
2.3. Traitement informatique | 249
de révision formelle. Il permet en effet de contraindre fortement la saisie des articles, de façon à imposer le respect des règles de structuration et de présentation déterminées pour un dictionnaire donné. Le rédacteur peut, dès lors, rester focalisé sur le contenu de son article plutôt que sur la structure et la forme. La saisie d’un article XML s’effectue à l’aide d’un logiciel de balisage, qui y associe un schéma et une feuille de style. Le schéma structure l’article en spécifiant le jeu de balises valides et la logique de leur enchaînement. Il existe des schémas prédéfinis (voir, par exemple, les recommandations de la Text Encoding Initiative, http://www.tei-c.org), mais il est également possible de créer un schéma spécifique au projet. On parle de document valide XML si le schéma est respecté. Les membres d’un projet sont supposés échanger entre eux des documents valides ; les articles doivent être valides pour leur publication. La feuille de style permet quant à elle de gérer automatiquement la typographie et l’habillage du texte balisé. C’est grâce à elle que, dans le DÉRom, la séquence xxx yyy s’affiche automatiquement xxx/yyy (mise en italique des signifiants et séparation des deux signifiants par une barre oblique), sans intervention aucune du rédacteur.
2.2 Structuration XML d’un article du DÉRom Les spécificités du DÉRom ont conduit à développer un schéma XML propre au dictionnaire. Ce schéma est susceptible d’ajustements mineurs, mais sa trame générale ne devrait pas changer de manière significative au cours du projet. La structure du DÉRom a cela de commun avec le FEW qu’on peut y distinguer une microstructure et une infrastructure (cf. Büchi 1996, 5–6). Nous décrivons cidessous le balisage XML de ces deux niveaux ; voir également l’« Avis au lecteur » sur le site internet du DÉRom (sous « Consultation du dictionnaire»), ainsi que Buchi/Gouvert/Greub 2014 pour la structuration de la partie documentaire. Un fichier informatique du DÉRom contient en général un seul article, identifié à l’aide de la balise . La microstructure d’un article est composée de sept grandes parties, définies chacune par un élément XML. Après l’entrée de l’article (), le DÉRom, comme le FEW, distingue une partie documentaire () et une partie de commentaire (). Suivent ensuite la bibliographie générale (), les signatures des différents intervenants () et les informations de publication (), qui contiennent la première date de mise en ligne et la date de la version courante. La dernière partie de l’article, facultative, est constituée des notes (), dont le rôle consiste à expliciter les appels de note insérés dans les autres parties de l’article.
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L’entrée de l’article est elle-même subdivisée en trois parties obligatoires : la forme de l’étymon reconstruit (), sa catégorie grammaticale () et sa définition (). La partie documentaire, consacrée aux matériaux, fait éventuellement l’objet de subdivisions, marquées par la balise ; chaque subdivision est alors explicitée par un marqueur numérique et un titre, tous deux inclus dans l’élément . Suivent obligatoirement (et directement, en l’absence de subdivisions) l’énoncé du mot-forme qui représente l’étymon direct des cognats regroupés dans le paragraphe (), ensuite la documentation proprement dite (), découpée par unités de base (). Le contenu de l’élément XML , qui procure des informations sur les unités lexicales formant la base de la reconstruction comparative, constitue l’infrastructure du DÉRom, décrite ci-dessous. Le commentaire est quant à lui constitué de paragraphes (
) contenant du texte libre, à l’intérieur duquel des balises peuvent néanmoins identifier des éléments particuliers. Certains de ces éléments XML apparaissent obligatoirement : c’est le cas notamment du signifiant () et du signifié (, balise qui contient à son tour les balises [définition componentielle] et [définition sous forme de glose rapide]) de l’étymon reconstruit. D’autres, comme le corrélat latin de l’étymon reconstruit (), sont facultatifs.2 L’infrastructure du DÉRom () est composée, en structure profonde, de cinq éléments : l’idiome dont relève le cognat (), son signifiant (), sa catégorie grammaticale (), son signifié () et les références bibliographiques assurant son existence (). Les éléments et sont obligatoires, c’est-à-dire qu’ils apparaissent toujours en structure de surface. En revanche, les éléments et (exceptionnellement aussi l’élément ) sont facultatifs, c’est-à-dire qu’ils sont élidés en structure de surface si leur contenu est identique à celui du cognat qui les précède directement. Ces règles rappellent celles qui régissent l’implicite dans l’infrastructure du FEW (cf. Büchi 1996, 117 et Renders à paraître, 76–81). L’élément est structuré plus finement. Il peut contenir une datation (), des précisions, notamment au sujet de la première attestation (), et une succession de sources (marquées chacune par la balise ). Il est remarquable de constater que, dans le DÉRom comme dans le FEW (dont la structuration informatique a pourtant été effectuée a posteriori),
|| 2 Le caractère facultatif de la mention du corrélat latin concerne le seul niveau informatique : les normes rédactionnelles en prévoient une mention obligatoire quand il existe.
2.3. Traitement informatique | 251
une limite a dû être établie dans le découpage XML de l’infrastructure. L’élément , par exemple, pourrait se subdiviser en sous-balises permettant d’exprimer la complexité des formats de datation utilisés : 1362, dp. av. ca 1362, apr. 1362, 2e m. 14e s. etc. À l’usage, la saisie d’un article étant déjà relativement complexe, il est apparu qu’un excès d’éléments XML nuisait au confort de saisie des articles en alourdissant inutilement la rédaction. Certains éléments au contenu bien structuré comme la balise ont donc été définis dans le schéma XML comme contenant du texte libre ; c’est une procédure externe à la saisie qui vérifie leur contenu. Dans le cas d’une rédaction informatique tout comme dans celui d’une rétroconversion a posteriori, la construction d’un schéma XML reste un compromis entre la volonté de structuration fine (garantissant l’homogénéité de la rédaction) et la nécessité de ménager, malgré tout, liberté et souplesse.
3 Exploitation informatique du DÉRom 3.1 Une plate-forme centralisée D’un point de vue informatique, la rédaction du DÉRom a pour particularité d’être distribuée, les rédacteurs travaillant de façon autonome localement : les articles sont rédigés avec un outil externe de saisie balisée. En revanche, la publication des articles et leur consultation s’effectue via une plate-forme centralisée. La plate-forme porte le nom d’ISIS, acronyme de Interrogations Simplifiées et Interfaces Simplifiées de données au format XML. Elle s’appuie sur un ensemble de travaux réalisés en lexicographie au laboratoire ATILF. Les concepts initiaux ont été développés pour le DMF au début des années 2000, puis généralisés pour le projet TLF-Étym afin d’obtenir un outil paramétrable en fonction du dictionnaire à mettre en ligne. L’idée de départ est de simplifier la tâche de l’administrateur informatique en lui offrant un éventail prédéfini de fonctionnalités disponibles pour chaque nouveau projet. La plate-forme a été initialement écrite en C/C++ avant de migrer dans un environnement PHP/SQL pour suivre l’évolution des techniques informatiques. Cette réécriture doit permettre à terme de la rendre portable et de la distribuer en open source. Le DÉRom constitue une instance parmi d’autres (une petite dizaine actuellement) de la plate-forme et n’en exploite pas encore toutes les fonctionnalités. La plate-forme se compose de quatre parties : une composante lexicographique, une composante textuelle, une composante bibliographique et une composante de gestion des pages du site. La composante lexicographique per-
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met de consulter les articles selon des formulaires de recherche prédéfinis, configurés à partir des éléments XML propres au dictionnaire. La composante textuelle n’est pas active pour le projet DÉRom : elle offre la possibilité de gérer un corpus de textes et d’accéder à des attestations qui n’auraient pas été sélectionnées par le rédacteur (voir par exemple DMF2012). La composante bibliographique permet d’expliciter les abréviations des ouvrages cités dans le corps des articles. Enfin, le module de gestion des pages est chargé de gérer l’ensemble des pages du site. Nous décrivons ci-dessous uniquement les fonctionnalités lexicographiques et bibliographiques de la plate-forme qui sont utilisées par le DÉRom.
3.2 Typologie des utilisateurs La plate-forme distingue cinq types d’utilisateurs : le consultant, le rédacteur, le responsable de la bibliographie, le responsable du projet et l’administrateur informatique. Selon son statut, l’utilisateur a accès à différents éléments et fonctionnalités de chaque composante. Le consultant accède par exemple aux articles publiés, à la bibliographie et aux informations publiques concernant le projet et l’aide en ligne. Le rédacteur accède en outre aux articles privés (articles en cours d’élaboration partagés entre rédacteurs et réviseurs) et aux informations relatives à la documentation. Il dispose de quelques outils en ligne d’aide à la rédaction (contrôle d’articles avant publication) et de fonctionnalités supplémentaires pour la consultation des articles (champs masqués aux consultants). Le responsable de la bibliographie utilise les fonctionnalités permettant de mettre à jour la bibliographie. Enfin, la mise à jour des articles publics et des pages du site est réservée au responsable de projet, tandis que l’administrateur accède à toutes les fonctionnalités de la plate-forme.
3.3 Publication des articles La plate-forme offre les fonctionnalités classiques de gestion d’une base (ajout d’un nouvel article, suppression d’un article existant, réinitialisation de l’ensemble). Ces fonctionnalités sont uniquement accessibles au responsable du projet, qui valide, lors de la mise en ligne, le contenu scientifique de l’article. Le responsable du projet peut donc poster les articles en ligne sans attendre la disponibilité de l’informaticien : il est autonome et occupe la fonction d’administrateur de la base.
2.3. Traitement informatique | 253
La composante lexicographique de la plate-forme offre par ailleurs aux rédacteurs, avant publication des articles, quelques aides et outils de vérification. Une fonctionnalité dite « de contrôle » permet notamment de vérifier les informations qui ne faisaient pas l’objet de validation lors de la saisie ou qui sont impactées par des modifications dues à l’évolution du schéma XML. L’ensemble des références bibliographiques d’un article du DÉRom, par exemple, sont systématiquement vérifiées : celles absentes de la bibliographie ou ne respectant pas le format de citation sont signalées. Citons encore la fonctionnalité de visualisation, qui affiche l’apparence qu’aura l’article lors de sa mise en ligne, et la fonctionnalité de partage en ligne des articles qui se présentent dans un état avancé, mais qui ne sont pas encore publiables tels quels.
3.4 Consultation du dictionnaire La consultation des articles publiés bénéficie de fonctionnalités de recherche accessibles au consultant et au rédacteur. Le contenu de chaque élément XML se classe selon un des trois types de données suivants, auquel sont associés des formulaires différents de recherche : la liste d’entrées, la liste de valeurs prédéfinies et le texte libre. L’interface de consultation du DÉRom utilise une partie seulement des formulaires proposés. Les listes d’entrées (les entrées pouvant être des lemmes, mais aussi des noms de rédacteurs, par exemple) y sont essentiellement accessibles via des formulaires du type « nomenclature », qui permettent un affichage paginé avec recherche via l’initiale des entrées (cf. ci-dessous figure 1). La liste de valeurs prédéfinies, qui permet une recherche ciblée d’informations selon des critères linguistiques particuliers, n’est pas encore utilisée pour le projet DÉRom à l’heure où nous écrivons ces lignes (pour un exemple, voir le formulaire de recherche sur les classes étymologiques du projet TLF-Étym). Enfin, le formulaire associé au texte libre permet de rechercher une chaîne de caractères dans un élément XML donné. Actuellement, ce formulaire est utilisé pour la recherche plein texte dans l’ensemble du DÉRom, mais il pourra plus tard être proposé de façon plus ciblée, par exemple pour rechercher une chaîne de caractères dans une glose. Les éléments du DÉRom proposés à l’interrogation sont divers. Un article du dictionnaire (« Consultation du dictionnaire par articles ») peut être atteint soit via l’étymon protoroman qui constitue le lemme de l’article (), soit via son corrélat latin, soit via l’entrée correspondante du REW3. Des consultations sont également proposées via la recherche d’informations appartenant à l’infrastructure du DÉRom : cognats romans (atteints via l’élément XML ), signifiés (balise à l’intérieur de la balise ), catégo-
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Figure 1 : Formulaire d’interrogation des entrées du DÉRom
ries grammaticales () ou idiomes romans (). La recherche d’une forme protoromane permet d’atteindre les étymons protoromans cités dans le commentaire ou dans les notes. Enfin, l’interface propose également une recherche par collaborateur, distinguant entre rédacteurs, réviseurs et contributeurs ponctuels. Le résultat d’une requête affiche soit la liste des entrées qui correspondent à la demande, soit les articles eux-mêmes. Par exemple, une consultation du DÉRom par rédacteur affiche d’abord la liste des rédacteurs (figure 2) ; un clic permet ensuite d’accéder à la liste des articles du rédacteur choisi (figure 3), puis aux articles eux-mêmes.
Figure 2 : Liste des rédacteurs du DÉRom
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Figure 3 : Liste des articles d’un rédacteur
3.5 Gestion de la bibliographie La composante bibliographique de la plate-forme permet d’expliciter les abréviations des ouvrages cités dans le corps des articles. Le consultant peut cliquer sur une référence bibliographique pour obtenir son extension complète. Il dispose aussi d’un formulaire de recherche sur l’ensemble de la bibliographie et peut télécharger la bibliographie complète du projet. La responsable de la bibliographie dispose quant à elle d’outils permettant de la mettre à jour. La bibliographie est saisie de manière externe dans un fichier XML unique et est ensuite déposée sur la plate-forme. Au moment du dépôt, il est possible de vérifier le contenu des fiches bibliographiques et de générer une version téléchargeable. Un archivage des versions précédentes permet de revenir à un état antérieur. La gestion de la bibliographie s’effectue donc selon les mêmes principes que la rédaction des articles.
4 Conclusion L’informatique est au coeur du projet DÉRom. La structuration des articles est formalisée par un balisage XML, qui améliore la pérennité des données, évite un fastidieux processus de rétroconversion des articles et, surtout, garantit l’homogénéité de la rédaction en contraignant la saisie des données. La rédaction via ce langage de balisage permet dès lors à de nombreux chercheurs de collaborer à ce projet depuis plusieurs universités et centres de recherche, tout en garantissant la cohérence du discours lexicographique. Dès leur approbation finale par les directeurs du projet, les articles sont publiés en ligne et rendus ainsi disponibles, sans délai, pour la communauté scientifique comme pour le
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public averti. Cette publication en ligne permet en outre la mise à jour constante des articles après leur publication : le lecteur du DÉRom est ainsi assuré de consulter l’état le plus récent des recherches en étymologie romane. Enfin, la consultation en ligne des articles est facilitée par diverses fonctionnalités de recherche, offertes par la plate-forme ISIS, qui héberge, à l’ATILF, les projets lexicographiques de l’équipe « Linguistique historique française et romane ». L’intégration du DÉRom dans cet environnement nancéien en est encore à ses débuts ; gageons qu’elle permettra, à terme, sa mise en réseau avec d’autres ressources lexicographiques, d’abord internes à l’ATILF (nous pensons notamment au FEW, en cours d’informatisation : https://apps.atilf.fr/lecteurFEW), mais aussi externes, au premier chef desquelles le Lessico Etimologico Italiano (LEI, également en cours d’informatisation : http://woerterbuchnetz.de/LEI). Le moment venu, nous espérons que le DÉRom sera préparé à intégrer les propositions qui seront formulées au sein de l’action COST European Network of eLexicography (ENeL) (voir http://www.elexicography.eu), rejoignant ainsi le chantier européen en cours autour de ce qu’il est convenu d’appeler, depuis peu, la « lexicographie électronique » (Granger/Paquot 2012).
5 Bibliographie Büchi, Éva, Les Structures du Französisches Etymologisches Wörterbuch. Recherches métalexicographiques et métalexicologiques, Tübingen, Niemeyer, 1996. Buchi, Éva/Gouvert, Xavier/Greub, Yan, Data structuring in the DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Bettina Bock/Maria Kozianka (edd.), Whilom Worlds of Words – Proceedings of the 6th International Conference on Historical Lexicography and Lexicology (Jena, 25–27 July 2012), Hambourg, Kovač, 2014, 125–134. Dendien, Jacques/Pierrel, Jean-Marie, Le Trésor de la langue française informatisé. Un exemple d’informatisation d’un dictionnaire de langue de référence, TAL 43/2 (2003), 11–37. DÉRom = Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang (dir.), Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), Nancy, ATILF, , 2008–. DMF2012 = Martin, Robert/Bazin-Tacchella, Sylvie (dir.), Dictionnaire du Moyen Français (DMF2012), Nancy, ATILF, , 2012. FEW = Wartburg, Walther von et al., Französisches Etymologisches Wörterbuch. Eine darstellung des galloromanischen sprachschatzes, 25 vol., Bonn/Heidelberg/LeipzigBerlin/Bâle, Klopp/Winter/Teubner/Zbinden, 1922–2002. Granger, Sylviane/Paquot, Magali, Electronic Lexicography, Oxford, Oxford University Press, 2012. LEI = Pfister, Max/Schweickard, Wolfgang (dir.), Lessico Etimologico Italiano, Wiesbaden, Reichert, 1979–. Martin, Robert, Perspectives en lexicographie informatisée. L’expérience du DMF (Dictionnaire du Moyen Français), Mémoires de la Société de linguistique de Paris 7 (1999), 51–71.
2.3. Traitement informatique | 257
Martin, Robert/Gerner, Hiltrud/Souvay, Gilles, Présentation de la seconde version du DMF, in : Maria Iliescu/Heidi Siller-Runggaldier/Paul Danler (edd.), Actes du XXVe Congrès International de Linguistique et de Philologie Romanes (Innsbruck 2007), Berlin/New York, De Gruyter, 2010, vol. 6, 213–220. Renders, Pascale, Modélisation d’un discours étymologique. Prolégomènes à l’informatisation du Französisches Etymologisches Wörterbuch, Strasbourg, Société de linguistique romane/ÉLiPhi, à paraître. REW3 = Meyer-Lübke, Wilhelm, Romanisches Etymologisches Wörterbuch, Heidelberg, Winter, 3 1930–1935 [11911–1920]. TLF = Imbs, Paul/Quemada, Bernard, Trésor de la langue française. Dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle (1789–1960), 16 vol., Paris, Éditions du CNRS/Gallimard, 1971– 1994. TLF-Étym = Steinfeld, Nadine (dir.), Trésor de la langue française étymologique , Nancy, ATILF, , 2005–.
Rosario Coluccia
2.4. Révision des articles La structure rédactionnelle du DÉRom repose sur une organisation complexe :1 les détails de la procédure et les étapes du travail,2 bien connus en interne par les membres du projet, pouvaient jusqu’ici être déduits de la consultation attentive du site du projet ; dès maintenant, grâce à ce volume, ils seront accessibles à tous. Avec un effort louable de transparence, l’ensemble des contributions ici réunies, dans la variété de leurs articulations et de leurs approches méthodologiques, met la communauté scientifique en état d’évaluer non seulement les résultats obtenus, mais aussi l’organisation opérationnelle d’une entreprise savamment coordonnée qui a montré, dès le départ, une forte vocation presque naturellement supranationale, tant par l’objet de sa recherche que par la composition du groupe de travail, formé par des spécialistes d’origine et de formation académique variées et de plus appartenant à des générations différentes. Les rédacteurs des articles, formés à la logique scientifique du projet et à ses procédures de mise en œuvre, entreprennent la rédaction de chaque article sur la base d’une série prédéterminée de matériaux et de sources de consultation obligatoire. Ils déterminent structure et commentaire, et enfin soumettent le résultat de leur travail à une première phase d’évaluation par les réviseurs. L’équipe de révision est organisée de manière à ce que les rédacteurs puissent disposer au moins d’un spécialiste (mais ils sont presque toujours en plus grand nombre) pour chacune des variétés romanes considérées par le DÉRom. Les réviseurs des différents domaines géolinguistiques reçoivent ainsi la première version d’un article, qui normalement se présente sous un aspect qui est bien loin d’être brut ou mal ébauché, et qui du point de vue de la forme, en tout cas, est déjà bien agencé. La réalisation de cette excellente base formelle, ouverte à des reformulations ultérieures, est garantie par la présence d’une structure argumentative commune et rigide empêchant toute déviation individuelle, et ce grâce à un schéma informatique prédéfini et inviolable.3 Dans une telle architecture, les tâches des réviseurs sont explicitées par le Livre bleu (Buchi 2011), outil opérationnel dont la version à jour est consultable
|| 1 Nos remerciements les plus chaleureux s’adressent à Marco Maggiore (post-doctorant au DÉRom, ATILF, Nancy) pour la traduction de l’italien de notre texte et à Jean-Luc Benoit (ingénieur d’étude au CNRS, ATILF, Nancy) pour sa révision stylistique. 2 Pour une description précise des différentes étapes du travail rédactionnel au sein du DÉRom, nous renvoyons à Andronache (à paraître). 3 Cf. le chapitre 2.3. « Traitement informatique » dans ce volume.
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(en mode rédaction) sur le site du projet et que, grâce à une consultation fréquente, chaque collaborateur du DÉRom finit presque par mémoriser de manière involontaire. Voici donc le paragraphe du Livre bleu consacré aux devoirs des réviseurs : « Ils [les réviseurs] vérifient, pour le domaine géographique dont ils ont la responsabilité, l’exactitude des données et la justesse des analyses proposées et envoient leurs propositions de modifications aux rédacteurs » (Buchi 2011, 36). En d’autres termes, le réviseur a essentiellement les tâches suivantes : 1. vérifier l’utilisation correcte des sources examinées par le rédacteur ; 2. suggérer, là où cela lui semble opportun, des ajouts à la base documentaire et des lectures spécifiques sur des éléments déterminés ou sur des phénomènes linguistiques particuliers ; 3. réfléchir sur l’organisation des matériaux et sur la structure globale de l’article. Les considérations qui suivent n’aspirent pas à fournir une espèce de vademecum général, qui puisse réunir tous les modes d’intervention possibles du réviseur, en soupesant le pour et le contre de chaque choix éventuel et de chaque solution proposée. Une contribution qui rassemblerait, de manière un peu confuse, une série détaillée d’interventions suggérées par un réviseur aux rédacteurs, en vérifiant leur acceptation ou leur refus, indiquerait bien sûr la dialectique positive qui caractérise l’activité du DÉRom en entier, mais ne serait sans doute pas d’un grand intérêt ici.4 En procédant de manière concrète, on analysera ici quelques étapes pratiques, contrôles prudents et applications in re des principes qui inspirent le travail du réviseur, à partir de l’ensemble des articles du DÉRom publiés à ce jour. Pour des raisons qu’on peut aisément deviner – et aussi pour éviter de surcharger ce chapitre par une exemplification trop importante –, je concentrerai ciaprès l’attention sur la situation italienne. Les remarques à caractère général sur le segment italien pourraient, avec les adaptations nécessaires, être appliquées aussi aux autres domaines du monde roman, que rédacteurs et réviseurs doivent parcourir de manière patiente et systématique lors du processus de rédaction. La première étape du travail de chaque rédacteur consiste en la consultation et en l’examen des études et des sources, certaines générales, d’autres spécifiques, que recense la « Bibliographie de consultation et de citation obligatoires » du projet. Voici la liste des lectures de nature générale indispensables pour une première vue d’ensemble, énumérées selon le système de sigles utilisé dans le DÉ-
|| 4 Pour une description minutieuse des processus décisionnels mis en œuvre par les rédacteurs du DÉRom lors de leurs échanges avec les réviseurs, cf. Delorme 2011.
2.4. Révision des articles | 261
Rom (il s’agit d’ouvrages en grande partie très connus et d’abréviations transparentes, dont on trouvera le développement ci-dessous sous 4.2.) : MeyerLübkeGRS (ou MeyerLübkeGRL), REW3, JUD,ASNS 127, Rohlfs,IF 49, Rohlfs,ZrP 52, FEW, LausbergSprachwissenschaft (ou LausbergLingüística ou LausbergLinguistica ou LausbergLinguística), HallPhonology, LEI, SalaVocabularul, DOLR, StefenelliSchicksal, ALiR, PatRomPrésentation, PatRom. Suit une liste de lectures centrées sur le vaste domaine italoroman, représenté par le sarde, l’italien, le frioulan, le ladin et le romanche : SalvioniPostille, Salvioni,RIL 32, Salvioni,RDR 4, Prati,AGI 17, Merlo,AUTosc 44, Merlo,BF 10, Merlo,RIL 81/83/84/85/86, Faré, Tropea,QFLSic 2, LEI, AIS. Le relevé se termine enfin par les principaux répertoires et outils de référence pour le sarde : Wagner,ASNS 160, Wagner,AR 19/20/24, DES, PittauDizionario, AIS ; pour l’italien : LEI, DELI2, GAVI, TLIO, AIS ; pour le frioulan : PironaN2, Iliescu,RRL 17, DESF, AIS, ASLEF ; pour le ladin : EWD, Gsell,Ladinia 13/14/15/16/17, AIS, ALD-I, ALD-II ; pour le romanche : DRG (à défaut LRC), HWBRätoromanisch, AIS. On ne s’étonnera pas du fait que certaines sources (comme exemple, je me limiterai à citer le LEI et l’AIS) soient répétées dans plusieurs listes, compte tenu de la nature partiellement superposable et variable des différents segments. Cette ample base bibliographique et textuelle (à ne pas oublier !) doit être multipliée pour tous les domaines de l’espace linguistique roman pour lequel chacun est soumis à la même grille de détection méticuleuse : sur une telle base, on applique le dépouillement des données lexicographiques, en choisissant les formes pertinentes des différentes variétés linguistiques. Ces formes, organisées et structurées de manière raisonnée, composent la première rédaction, nécessairement provisoire, de l’article du DÉRom soumis à la vérification par les réviseurs. Contrairement à la « Bibliographie de consultation et de citation obligatoires », l’ensemble des sources consultables est par définition ouvert. Sur une proposition de Marco Maggiore, la liste des sources potentielles pour l’ancien italien s’est ainsi enrichie récemment du TLAVI d’Alessandro Aresti, répertoire onomasiologique de lemmes tirés de recueils lexicaux du Moyen Âge, qui est désormais utilisé dans le projet comme source de consultation facultative. Une fois que la première phase de rédaction est achevée, s’impose l’exigence de vérifier si la structure de l’article, qui se présente de façon encore provisoire, a besoin de documentation complémentaire ou d’autres contrôles (proposés soit par le réviseur, soit par le rédacteur). La réponse, liée aux nécessités scientifiques dérivant de la nature et de la structure de l’article, est normalement affirmative, comme le montrent les quelques exemples qui suivent, que j’ai essayé, pour des raisons pratiques, de regrouper par types. Évidemment, la
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consultation intégrale des articles téléchargeables sur le site amènerait à accroître de façon exponentielle les résultats de ce dépouillement. 1. Sources textuelles, consultées directement à partir de leurs éditions (qui ne sont pas nécessairement pourvues de glossaires), ainsi, pour citer un exemple de l’italien méridional, ScuolaSicDiGirolamo (cité par Florescu 2010–2012 in DÉRom s.v. */'laks-a-/ II.). 2. Des études spécifiques consacrées à une variété ou à une sous-variété particulière de l’espace roman, comme BenincàEsercizi et Faggin pour le frioulan (cité par Cadorini 2012 in DÉRom s.v. */'lun-a/). 3. Des ouvrages fondamentaux de grammaire historique et de linguistique romane, essentiels pour l’interprétation de phénomènes spécifiques qui, sans eux, resteraient sans explication. Par exemple, le recours à RohlfsGrammStor et CastellaniGrammStor est fréquent. 4. Choix entre diverses sources disponibles, dans le cas où elles offrent (potentiellement) les mêmes matériaux. Par exemple, on a constaté que GAVI, ouvrage méritoire mais qui appartient à une phase dépassée de la lexicographie italienne, doit être, de fait, remplacé par TLIO, qui est fondé sur des dépouillements de première main et est fondamentalement complet et méthodologiquement adéquat. Pour les états de langue postérieurs au 14e siècle, on suggère l’utilisation des dictionnaires usuels (GDLI) et des bases de données (LIZ, BiblItal etc.) de l’italien. Mais dans un ouvrage comme le DÉRom, qui met l’accent plutôt sur les attestations le plus précoces des idiomes romans, le dépassement de la limite chronologique de l’ancien italien est effectivement peu courant. Une opération qui est beaucoup plus délicate consiste en l’établissement de la structure de l’article. On parlera bientôt des importantes nouveautés méthodologiques introduites par le DÉRom ; pour l’instant, on peut se contenter de vérifier, à travers la discussion de quelques cas, la conséquence concrète que la méthodologie a dans la détermination de la forme de l’article. Examinons l’article */βi'n-aki-a/ s.f. ‘produit du pressurage du raisin’ (Delorme 2010–2012 in DÉRom). La structure de cet article distingue entre deux valeurs sémantiques fondamentales, celle de ‘marc de raisin’ (I.), relativement répandue (en sarde, italien, francoprovençal, occitan, gascon et catalan) et pourvue d’attestations anciennes et modernes, et celle de ‘plante comestible dont la saveur acide rappelle celle du raisin pressuré’ (II.), limitée à une zone assez restreinte et caractérisée par des attestations sporadiques et tardives : frioul. vinàcie s.f. ‘plante potagère de la famille des polygonacées, aux feuilles allongées vert foncé, dont le goût est acide (Rumex acetosa L.), oseille’ (PironaN2 ; AIS 627 p 329), romanch. vinatscha ‘fruit rouge, charnu, allongé et acide,
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disposé en grappes pendantes, d’un arbuste buissonnant épineux, à feuilles dentées en scie et à fleurs jaunes (Berberis vulgaris L.), fruit de l’épine-vinette’ (HWBRätoromanisch). Le commentaire de l’article indique que « des considérations d’ordre sémantique, historique et géolinguistique […] conduisent à postuler un développement sémantique ancien et régional, intervenu en protoroman nord-occidental, et dont est résulté, sur la base d’une analogie, le sens de ‘plante comestible dont la saveur acide rappelle celle du raisin pressuré’ ». Si cette analyse a, certes, ses mérites, la chronologie (absence d’attestations anciennes sous II.) et l’aréologie (type II. réduit au frioulan et au romanche) pourraient également amener à penser qu’il s’agit de développements idioromans isolés et récents, limités à des territoires caractérisés par des conditions d’affinités linguistique et culturelle. Dans des cas de ce type, le réviseur se limite à exprimer ses doutes, la responsabilité définitive des choix incombant au rédacteur et, en dernière analyse, à la direction scientifique du projet. La structure interne de l’article */'kuɛr-e-/ v.tr. ‘s'efforcer de trouver ; avoir le désir (de) ; exprimer (un désir) de manière à (en) provoquer la réalisation’ (Maggiore 2012/2013 in DÉRom ; cf. aussi Maggiore 2014) se prête à des considérations méthodologiques encore plus intéressantes. L’innovation la plus évidente de l’article, par rapport à l’étymologie proposée par REW3 s.v. quaerěre ‘fragen ; fordern’, est représentée par une deuxième base */kue'r-i-/ (flexion innovante en */-'i-/), qui présente les mêmes sens (‘chercher’, ‘vouloir’ et ‘demander’) que la première. Du point de vue géolinguistique, cette deuxième base occupe une zone continue plutôt compacte, qui comprend l’italien septentrional, le frioulan, le ladin, le romanche (bas-engadinois), le français, le francoprovençal, l’occitan, le gascon et le catalan. Dans un travail de grande importance méthodologique, que j’ai eu le plaisir de lire en avant-première, la genèse de cette situation est expliquée ainsi : « Postuler neuf créations idioromanes indépendantes est bien évidemment exclu : une telle coïncidence ne s’imagine tout simplement pas. Pour ce qui est de l’hypothèse d’une création idioromane (par exemple française) du Moyen Âge qui aurait été empruntée subséquemment par les autres langues romanes, elle nous paraît peu probable aussi, car plusieurs des idiomes concernés – notamment le frioulan, le ladin et le romanche – occupent des aires périphériques et isolées de la Romania : si quelques emprunts (entre le francoprovençal et l’italien septentrional ou entre l’occitan et le catalan, par exemple) ont pu intervenir, en imaginer huit paraîtrait vraiment excessif. L’hypothèse la plus en phase avec les données, marquées par une distribution aréale large, y compris dans des zones marginales et conservatrices, est dès lors celle d’un changement de classe flexionnelle intervenu à époque protoromane : sur la base de la comparaison entre les neuf cognats (italien septentrional cherire, frioulan cirî, ladin chirì etc.), on reconstruira leur ancêtre commun, protoroman */'kuɛr-i-/ (infinitif : */kue'r-i-re/). Fr. quérir et ses congénères sont donc à considérer comme héréditaires. » (Maggiore/Buchi 2014, 316)
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Il ne fait aucun doute qu’il serait antiéconomique de postuler neuf développements morphologiques indépendants et sans aucune relation réciproque. Mais les choses peuvent être vues dans une perspective un peu différente, si l’on prend en considération l’hypothèse qu’il ne s’agit pas d’un développement lié à un seul lexème, mais d’une évolution romane générale, typique d’un territoire très vaste. En principe, on ne peut pas écarter a priori la possibilité de contacts entre des zones différentes de l’espace linguistique roman, grâce auxquels une forme innovante, développée dans une certaine zone, aurait été transmise à d’autres variétés appartenant à des territoires contigus, marqués au plan historique par des rapports de relations réciproques et d’échanges. Cela pourrait être le cas ici pour le français et l’italien. Dans les parlers italoromans, le passage de verbes dont la flexion est issue du type en */'-e-/ au type -ire est en effet bien connu et largement attesté : « Dalla coniugazione in ĕ provengono il toscano fuggire, cucire, offrire, soffrire, capire, rapire, fallire, digerire, carpire, tradire. Dai dialetti antichi : perdire, genovese rompir, veneziano querire, padovano nascire, cognoscire ; da quelli moderni : piemontese rümpí, ǵümí ‘gemere’, veneziano cadír, sernir, ferrarese cuivír ‘chiudere’, abruzzese pətí ‘mendicare’, recepí ‘ricevere’, a Veroli pərdí, a Orvieto ninguí ‘nevicare’ (ninguere) » (RohlfsGrammStor 2 § 616).
Il s’agit donc d’un phénomène de vaste ampleur. La base supposée */'kuer-i-/ ne doit pas être considérée comme séparée des autres types lexicaux énumérés ci-dessus, et il est difficile de déterminer avec certitude absolue s’il s’agit d’un résultat innovant mûri déjà à l’époque protoromane ou plutôt d’un développement plus tardif. Si fugire au lieu de fugere est « condannato dal grammatico Probo » (Väänänen 1971, 234 § 312), et donc sûrement attesté en latin (cf. Jatteau 2012/2013 in DÉRom s.v. */'ɸug-e-/), on ne peut pas avoir la même certitude pour plusieurs autres lexèmes qui pourraient appartenir à la série : dans ces derniers cas, il vaudrait mieux que le rédacteur envisage, avec précaution, les diverses hypothèses génétiques possibles. L’article de Maggiore/Buchi (2014) est important du point de vue méthodologique, dans la mesure où il relance le débat sur une question capitale de l’étymologie romane : on se demande quel poids attribuer, dans le processus de détermination des bases auxquelles remontent les issues romanes, à la documentation fournie par le latin écrit d’un côté, et aux formes reconstruites à travers la reconstruction comparative de l’autre côté. Cette dernière prévaut largement, ou est plutôt la seule possible, dans les recherches sur l’indo-européen ; dans ce secteur des études linguistiques, les étymologistes reconnaissent sans difficulté que le chemin inverse « incontra a un certo punto suoi specifici limiti oggettivi, insuperabili in ordine al parametro del tempo » (Belardi 2002, vol. 1, 6).
2.4. Révision des articles | 265
Dans le cadre du latin et des langues romanes, la situation est très différente, tant en raison de la relative exiguïté temporelle de la phase du passage du latin au roman, tant par l’abondance extraordinaire de la documentation écrite disponible. Toutefois, les bienfaits et les mérites exceptionnels que la méthode comparative rend à l’étymologie romane (ou bien à l’étymologie de certaines langues romanes) sont hors de discussions. Je l’écris avec le plus grand respect. Je me souviens à quel point furent importantes, dans mes études universitaires, certaines pages d’un manuel de philologie romane, dont la lecture ne serait pas sans utilité pour les étudiants d’aujourd’hui. Ces pages commençaient ainsi : « la grammatica comparata e il lessico delle lingue romanze […] sono i coefficienti maggiori che ci permettono la ricostruzione di molte particolarità o di molte voci del latino volgare o comune non attestate dalle fonti » (Tagliavini 51969 [11948], 219). Max Pfister montre de manière concrète quelle importance a le lexique latin reconstruit dans la rédaction du LEI ; et dans quelques articles (le dernier est relativement récent, Pfister 2005), il souligne justement l’apport que la lexicographie italienne peut fournir à la connaissance du lexique non attesté en latin vulgaire. Il ne s’agit pas de se ranger en faveur d’une « utilisation conjointe des deux principales méthodes de connaissance du latin global, la reconstruction comparative et la philologie latine, pour l’établissement des étymons » (Maggiore/Buchi 2014, 322), qui est rejetée de manière cohérente, en vertu de l’« analyse linguistique qui sous-tend notre approche » (ibid.). Mais, plus modestement, il faudrait utiliser pleinement les possibilités offertes par les deux approches différentes, en valorisant toutes les potentialités. Dans une autre discipline, un bon exemple pragmatique vient de la critique textuelle et de la philologie. Des décennies de divergences apparemment irrémédiables ont opposé les partisans des méthodes de Lachmann et de Bédier : cette opposition semble difficile à pacifier, surtout en raison de certaines positions extrêmes liées à la reconstruction de la surface formelle du texte édité ; mais aujourd’hui, on peut constater des signes d’un rapprochement opérationnel fructueux sur le terrain lexical, où on envisage désormais le traitement dans une approche globale des variantes substantielles documentées par la tradition manuscrite, bien au-delà des choix textuels particuliers opérés par les éditeurs. La conférence plénière de Cesare Segre au XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes de Nancy portait ainsi le titre significatif « Lachmann et Bédier : la guerre est finie » (Segre à paraître). D’ailleurs, au même congrès, les travaux d’une section tournaient autour de la question « Quelle philologie pour quelle lexicographie ? » (Dörr/Greub à paraître ; pour quelques exemples concrets, cf. Coluccia 2010). Sans porter préjudice aux options méthodologiques et aux choix fondamentaux qui sont à la base du DÉRom, la section du commentaire de chaque article
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pourrait peut-être opportunément accueillir, quand les conditions et les données le permettent, une présentation équilibrée des différentes hypothèses possibles, interprétatives ou génétiques. Pour conclure, une considération à caractère général. Dans beaucoup de pays (y compris en Italie), les domaines de recherche concrètement abordés par les chercheurs individuels qui travaillent dans le domaine de la linguistique romane se limitent à deux ou à trois langues et n’envisagent que rarement la totalité du monde roman. Le DÉRom échappe à cette restriction, objective par rapport aux pratiques originelles et historiques de la discipline. L’équipe du DÉRom accueille des chercheurs provenant de différents pays, dont la plupart sont des jeunes qui viennent s’exercer à la recherche lexicographique dans un contexte panroman. Ainsi, des chercheurs provenant de quinze pays différents, dont quelques extra-européens, ont participé à la 2e École d’été francoallemande en étymologie romane organisée du 30 juin au 4 juillet 2014 à Nancy. Ce résultat peut constituer un motif supplémentaire de fierté pour cette entreprise lexicographique.
Bibliographie Andronache, Marta, Les étapes dans le travail rédactionnel du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : David Trotter/Andrea Bozzi/Cédrick Fairon (edd.), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15–20 juillet 2013). Section 16 : Projets en cours ; outils et ressources nouveaux, Nancy, ATILF, à paraître. Belardi, Walter, L’etimologia nella storia della cultura occidentale, 2 volumes, Rome, Il Calamo, 2002. Buchi, Éva, Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom). Livre bleu, Nancy, ATILF (document interne de 297 pages), 62011 (12008). Coluccia, Rosario, Trasmissione del testo e variazione : qualche appunto sulla fenomenologia dei processi e sulle scelte degli editori, Medioevo Letterario d’Italia 6 (2009 [2010]), 9–23. Delorme, Jérémie, Généalogie d’un article étymologique : le cas de l’étymon protoroman */βi'n-aki-a/ dans le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), BSL 106/1 (2011), 305–341. Dörr, Stephen/Greub, Yan (edd.), Quelle philologie pour quelle lexicographie ?, Heidelberg, Winter, à paraître. Maggiore, Marco, Note di etimologia romanza a margine dell’articolo */'kuεr-e-/ (quaerĕre) del Dictionnaire Étymologique Roman, in : Piera Molinelli/Pierluigi Cuzzolin/Chiara Fedriani (edd.), Latin vulgaire – Latin tardif X. Actes du Xe colloque international sur le latin vulgaire et tardif (Bergamo, 5–9 septembre 2012), Bergame, Sestante Edizioni, 2014, vol. 2, 599–614. Maggiore, Marco/Buchi, Éva, Le statut du latin écrit de l’Antiquité en étymologie héréditaire française et romane, in : Franck Neveu/Peter Blumenthal/Linda Hriba/Annette Gerstenberg/Judith Meinschaefer/Sophie Prévost (edd.), Actes du Congrès Mondial de Linguis-
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tique Française 2014 (Berlin, 19–23 juillet 2014), Paris, Institut de Linguistique Française, , 2014, 313–325. Pfister, Max, La contribution de la lexicologie italienne au lexique non attesté du latin vulgaire, in : Sándor Kiss/Luca Mondin/Giampaolo Salvi (edd.), Latin et langues romanes. Études de linguistique offertes à József Herman à l’occasion de son 80ème anniversaire, Tübingen, Niemeyer, 2005, 593–600. Segre, Cesare, Lachmann et Bédier : la guerre est finie, in : Éva Buchi/Jean-Paul Chauveau/Jean-Marie Pierrel (edd.), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15–20 juillet 2013), Strasbourg, Société de linguistique romane/ÉLiPhi, à paraître. Tagliavini, Carlo, Le origini delle lingue neolatine, Boulogne, Patron, 51969 (11948). Väänänen, Veikko, Introduzione al latino volgare, ed. Alberto Limentani, Boulogne, Pàtron, 1971.
3. Réception du projet Yan Greub
3.1. Débat méthodologique 1 Introduction Dès son lancement, le DÉRom s’est présenté comme une nouveauté du point de vue de la méthode d’analyse, et sa nouveauté a été tout de suite perçue nettement, donnant lieu à l’expression de doutes ou au sentiment de la nécessité d’un débat. Au XXVe Congrès international de linguistique et de philologie romanes, à Innsbruck en 2007, la communication qui marquait le début du projet pour la communauté scientifique s’intitulait déjà « Objectifs et méthodes » (Buchi/Schweickard 2010), et fut suivie immédiatement, en même temps que de la reconnaissance de l’importance du projet, de la demande d’organiser un débat qui prit (sur la suggestion exprimée par Alberto Vàrvaro lors de la discussion qui suivit cette présentation) la forme d’une table ronde, présidée par Max Pfister, lors du congrès suivant (cf. Pfister 2013 ; Bastardas Rufat 2013 ; Buchi 2013a ; Chambon 2013a ; Colón 2013 ; Pascual 2013 ; Vàrvaro 2013). Cette situation était sans doute une conséquence nécessaire de la genèse même du dictionnaire, qui a été imaginé comme une conséquence pratique de deux articles théoriques et programmatiques de Jean-Pierre Chambon (2007 et 2010, mais ils ont circulé en manuscrit dès 2007) ; ceux-ci, en effet, partaient d’une critique de la situation actuelle de la linguistique romane (absence de la grammaire comparée) pour énoncer les tâches qu’elle pouvait se fixer pour s’arrimer à la linguistique non romane (voir encore, depuis, Chambon à paraître). C’est donc délibérément que le DÉRom s’est inscrit dans un débat auquel il a lui-même donné son impulsion et sa forme, avant de pouvoir le faire par sa pratique, par des prises de position théoriques (cf. aussi Buchi à paraître b). Parmi les manifestations les plus nettes de cette orientation révolutionnaire, ou au moins modernisante, on peut noter le grand nombre de présentations du dictionnaire en général ou d’un de ses aspects particuliers (81 entre 2007 et 2014, selon l’historique officiel qu’on peut trouver sur le site internet du dictionnaire, sous « Actualités et historique »), ou encore l’usage constant par ses directeurs de l’expression changement de paradigme à propos de l’action du dictionnaire.
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2 Histoire externe L’impulsion donnée par les acteurs du DÉRom à un vaste débat a abouti à des résultats riches et nombreux, au point sans doute que certaines formes conflictuelles qu’il a prises ont pu dépasser leurs attentes. L’ensemble formé par les critiques publiées et les réponses du DÉRom à celles-ci ainsi qu’à d’autres qui ont pu parvenir à l’équipe sous d’autres formes représente cependant en l’état un corpus important pour nourrir la réflexion du dictionnaire sur ses pratiques. Le débat a pris deux formes : une contestation externe des principes du dictionnaire (et parfois de ses analyses, Möhren 2012), dont le point le plus notable a été le débat entre Alberto Vàrvaro et les directeurs du projet (Vàrvaro 2011a ; 2011b ; Buchi/Schweickard 2011a ; 2011b), et une discussion interne au projet. Cette dernière a surtout lieu lors des Ateliers DÉRom ou des réunions de certaines de ses parties, mais il est arrivé aussi que des membres du projet discutent publiquement, et par écrit, certaines options prises par le dictionnaire (cf. en particulier Kramer 2011 et son chapitre 3.2. « Contrepoint : ce que j’aurais fait différemment dans le DÉRom » ici, dont les critiques sont assez voisines de celles d’Alberto Vàrvaro). On peut admettre qu’en 2014, le débat autour des principes de base du DÉRom est nettement en voie d’apaisement. Si les personnes qui avaient exprimé dès l’abord une opposition de principe semblent avoir conservé leurs doutes, le DÉRom croit observer qu’une grande population d’agnostiques a commencé à utiliser et lire le DÉRom, à en discuter certains aspects, et, sans se sentir obligée d’approuver chacune des règles d’écriture du dictionnaire (parfois jugées inconfortables), n’estime pas qu’elles l’empêchent de le lire. Deux manifestations de cette élévation au-dessus du débat sur le bien-fondé des traits les plus saillants de la nouveauté du DÉRom peuvent être trouvées dans Swiggers (chapitre 2.1. « Principes et pratique(s) du DÉRom » de ce volume) et Metzeltin (2014), qui considèrent comme acquis les points qui ont été antérieurement les plus débattus, et tirent de la pratique et de la théorie du dictionnaire des conséquences qui dépassent celles-ci. La tendance à l’apaisement de la phase la plus aiguë du débat peut être datée de la conférence de Jean-Pierre Chambon au XXVIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes de Valence, en 2010 (Chambon 2013b), qui s’est attaché à démontrer que la pratique du DÉRom, sur plusieurs points déterminants, était l’aboutissement des tendances de l’étymologie romane depuis von Wartburg, et que le nouveau dictionnaire n’était donc qu’une application cohérente de certains des principes les plus couramment acceptés de la roma-
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nistique (cf. aussi Schweickard 2012). Il n’y a donc pas, expliquait le futur président de la Société de linguistique romane, de contradiction entre deux romanistiques, déromienne et non déromienne, mais des façons différentes de pondérer en pratique plusieurs aspects de la fidélité à la tradition disciplinaire. Le débat, d’une manière générale, n’a pas provoqué la polarisation des positions, mais plutôt une réconciliation, sinon générale, du moins majoritaire. On y a fait allusion déjà : la forme de l’adhésion au projet de ses membres eux-mêmes est loin d’être toujours la même. Si dans un premier cercle des collaborateurs les plus impliqués, l’adhésion aux principes d’analyse et d’écriture est assez unanime (ce qui n’empêche pas des divergences sur plusieurs points, comme on le verra ci-dessous), un second cercle montre des divergences beaucoup plus graves : des collaborateurs réguliers, impliqués dans la relecture ou assidus aux Ateliers DÉRom, ont déclaré depuis le départ leur réticence face à certains des principes les plus visibles du dictionnaire ; on n’observe pas chez eux d’évolution, ni vers un abandon de leurs objections, ni non plus vers un éloignement de la rédaction. De ce point de vue aussi, on peut parler d’un apaisement, puisque cette stabilité manifeste qu’il est possible de faire vivre ensemble les réactions diverses au dictionnaire.
3 Histoire interne Nous voudrions rappeler, d’abord quelles ont été les questions qui ont eu la place la plus visible dans le débat méthodologique autour du DÉRom (cidessous 3.1), ensuite quels sont les points qui, à l’intérieur même de l’équipe, font débat ou n’ont pas (parfois pas encore) de solution nette (ci-dessous 3.2), enfin comment le projet utilise ou espère utiliser ce débat (ci-dessous 3.3).
3.1 Le DÉRom contesté 3.1.1 Le protoroman est-il utile ? Le point le plus débattu a été de savoir s’il est réellement utile de ne pas partir du latin pour faire l’étymologie des langues romanes ; on voit qu’il s’agit d’une mise en question complète de la méthode reconstructrice du projet elle-même. L’argument, tel qu’il a été utilisé en particulier par Alberto Vàrvaro (2011a ;
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2011b) ou par Johannes Kramer (2011), repose sur l’idée que la période examinée par l’étymologie des langues romanes est tout entière historique,1 contrairement, par exemple, à celle que traite l’étymologie des langues indo-européennes. Cette différence essentielle rendrait inutile une méthode (la reconstruction linguistique) qui n’est qu’un pis-aller, destiné strictement au cas moins favorable où la langue mère n’est pas connue directement. Les termes du débat sont posés depuis Meillet (1925, 7–11) au moins, et l’argument se heurte ici à trois objections.2 (1) L’histoire des langues romanes s’étend certainement sur une période exceptionnellement longue, puisqu’on en possède des témoignages directs, riches et bien interprétables, et s’étendant sur près d’un millénaire pour les cas les plus favorables. Cependant, ces témoignages manquent pour la période précédente, celle de la formation des langues romanes, et il n’y a pas de moyen de réduire la contradiction entre, d’une part, la continuité linguistique, du latin aux langues romanes, et d’autre part la discontinuité entre l’écriture du latin et celle des langues romanes : l’écrit ne parvient pas à témoigner directement de la formation des langues romanes, et ce problème d’histoire linguistique se pose aussi à l’étymologie des unités lexicales particulières.3 (2) On ne dispose sur la période formatrice que d’indices, qui doivent être interprétés (notamment à partir des résultats romans ultérieurs) ; une reconstruction consciente et systématique est préférable à des reconstitutions subreptices et ad hoc. (3) Aussi riche, varié et facile à intepréter que soit le témoignage du latin, il est moins riche, plus difficile à interpréter et beaucoup moins varié que les témoignages que nous possédons sur les principales langues romanes de l’époque moderne. Or c’est précisément l’expérience qu’a faite un des membres du projet (Chauveau 2013) que d’aborder par la méthode comparative un problème d’étymologie française qui ne pouvait être résolu, malgré des contributions d’A. Thomas et de W. von Wartburg, par le seul usage de la documentation historique. Le succès de la reconstruction dans ce cas d’école démontre que la documentation historique (le lexème analysé, ébarouir, est attesté en français dès le XVIIe siècle) ne rend pas toujours superflue la comparaison. À plus forte raison, il apporte cette preuve pour le latin de l’Antiquité, surtout tardive.
|| 1 « L’etimologia romanza riguarda una fase pienamente storica » (Vàrvaro 2011b, 625). 2 Qui s’ajoutent aux arguments généraux de Meillet (1925, 7–11). Pour ce point et plusieurs de ceux qui suivent, nous renvoyons aux réponses données dans Buchi/Schweickard 2011a et 2011b. 3 Le débat autour du DERom a abordé cette question dans Buchi/Chauveau/Gouvert/Greub 2010.
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3.1.2 La différence entre le latin et le protoroman On a pu reprocher au DÉRom de postuler l’existence d’une séparation nette entre le latin (cette langue qu’on apprend en classe, qu’a parlée Cicéron, et dont les monuments sont édités par Teubner) et le protoroman dont il prétend reconstruire les unités lexicales. On peut répondre à cette critique en un mot : le DÉRom ne suppose pas cette séparation. Cela annule aussi, du même coup, d’autres discussions dans lesquelles le débat s’est parfois engagé. Par exemple, la question de la date à laquelle on doit poser que les langues romanes sont séparées, et séparées du latin, est de celles que le DÉRom n’a pas besoin de résoudre, et se garde bien d’aborder. Il n’est donc pas touché par les arguments qui se fondent sur l’hypothèse d’une formation tardive des langues romanes, ni d’ailleurs par ceux qui reposent sur l’idée inverse. Nous ne croyons pas qu’il soit vrai que le DÉRom présuppose (Kramer 2011, 200), par sa définition de la protolangue, que la différence de celle-ci avec la langue écrite soit telle qu’on ne puisse plus parler d’une seule langue. Sur la question du plus ou moins d’unité du latin, la position du DÉRom est de croire que, comme toute langue historique, le latin connaissait une variation, dans le temps, dans l’espace, selon les classes sociales et selon les circonstances d’énonciation, et que les témoignages écrits ne livrent très probablement qu’un reflet incomplet de cette variation ; il ne fait pas d’autre hypothèse sur l’organisation socio-linguistique du latin, à quelque époque que ce soit, et ne pense pas en avoir besoin. Comme ses contradicteurs, le DÉRom pense que l’ancêtre des langues romanes (qu’il cherche à atteindre par la reconstruction) est le même objet historique que ce qui était nommé latin dans l’Antiquité, et dont on possède un vaste témoignage textuel. S’il le nomme protoroman, c’est pour marquer nettement que l’objet atteint par la reconstruction n’est qu’un aspect de l’ensemble historique nommé latin, et que la divergence est encore plus grande avec la représentation partielle que donne de celui-ci l’ensemble des textes et des grammaires (et qui elle aussi est nommée latin). Il n’y a par ailleurs aucune originalité dans le choix de ce nom, qui dénote dans toute la linguistique la langue en tant qu’elle est atteinte du point de vue de la reconstruction. On conçoit donc que si les résultats du DÉRom diffèrent de ceux auxquels aboutit une méthode descendante qui prend son point de départ dans le témoignage des textes, c’est parce que l’une et l’autre méthodes ne donnent qu’une vue partielle de l’objet historique qu’on atteint par elles. Dans bien des cas, leurs éclairages convergent, et elles en donnent ensemble une image plus complète qu’isolément (cf. Maggiore/Buchi 2014). Comme le DÉRom déclare s’inscrire, avec certaines nuances, dans la suite de de Dardel pour son usage de la méthode comparative, il n’est pas impossible que certains de ses contradicteurs aient cru que nous adoptions aussi ses posi-
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tions sur la situation sociolinguistique du « latin global », et en particulier son hypothèse d’une créolisation du latin. C’est au contraire de telles hypothèses (celle-ci comme son inverse, d’ailleurs) que le DÉRom essaie d’éviter, et repousse au-delà de son activité propre, pour que les étymologies qu’il propose, autant que possible, n’en dépendent pas.
3.1.3 Le choix des unités traitées Étant publié électroniquement, et ne devant donc pas respecter l’ordre alphabétique pour la rédaction, le DÉRom a décidé de faire d’abord l’étymologie des ca 500 lexèmes réputés panromans dans Fischer 1969,4 en suivant une suggestion déjà ancienne de Jean-Pierre Chambon (1998, 1019). Ce choix a été contesté, en particulier par Kramer (2011, 196), pour qui les problèmes les plus intéressants résident dans les étymologies encore douteuses, et la section du lexique choisie par le DÉRom n’offre pas de possibilité de nouvelles découvertes ; le travail accompli risquerait donc de se limiter à assurer des étymologies déjà établies. Un reproche différent a été adressé au même choix par Vàrvaro (2011a), qui est de déterminer une vision monolithique du protoroman. Ces deux arguments relèvent, jusqu’à l’achèvement de la rédaction de cette première tranche du dictionnaire, de la prédiction, et le DÉRom ne pourra y répondre qu’à ce moment-là, et par des arguments de fait.5 Les articles publiés ici semblent cependant indiquer, d’une part, que le protoroman qu’il reconstruit est varié et stratifié (cf. Benarroch 2013 ; Buchi/Schweickard 2013) et, d’autre part, qu’il y a encore des découvertes à faire, ou des ajustements à apporter, dans le champ bien labouré de l’étymologie des lexèmes panromans.
3.1.4 La nouveauté de la méthode Comme nous le disions en ouverture, le DÉRom a souvent revendiqué la nouveauté de l’application de la méthode reconstructive en étymologie romane. Ce caractère neuf a été contesté (cf. par exemple Vàrvaro 2011a, 299 et 2011b, 624– 625), et les termes du débat n’ont peut-être pas été clairement posés. En effet, || 4 Dans bien des cas, le DÉRom a remis en cause leur caractère panroman. 5 Il est quand même généralement conseillé, pour valider l’intérêt d’une nouvelle méthode, de l’appliquer sur les cas où elle est la plus démonstrative, c’est-à-dire, en l’occurrence, là où les idiomes romans sont tous ou presque tous concernés. Si elle se révélait inopérante dans ce cas, son échec serait beaucoup plus significatif que dans celui d’étymologies litigieuses.
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les romanistes sont assez cultivés pour avoir tous connaissance de la méthode comparative en linguistique, et dans bien des cas être capables de l’utiliser. Ils savent d’autre part que la comparaison linguistique et la reconstruction ont toujours eu, et continuent à avoir, une place en linguistique romane : les étymons à astérisques sont bien issus d’une démarche régressive (remontant le cours de l’histoire), et nous pouvons tous citer des travaux appartenant à la romanistique et utilisant la comparaison linguistique, à commencer par ceux de Meyer-Lübke. Cependant, la question n’est pas là, de l’avis du DÉRom. Comme Jean-Pierre Chambon (2007, 62–67) l’a souligné, la méthode reconstructive n’a jamais été employée, en lexicologie romane, de manière cohérente et exclusive, mais seulement comme complément à la documentation textuelle. De ce point de vue, l’application à la linguistique romane des techniques de la linguistique comparative est neuve, par sa cohérence au moins. La différence est sensible entre elle et l’usage complémentaire d’un peu de comparaison qui est habituel en linguistique romane, comme le démontre le fait que les travaux de R. A. Hall ou Robert de Dardel ont toujours été perçus comme nettement distincts du courant dominant, voire incompatibles avec celui-ci. On pourrait donc dire que ce n’est pas l’outil qui est neuf, mais la volonté de l’utiliser d’une certaine façon. Ce qui démontre aux membres de l’équipe du DÉRom la nouveauté de l’approche, c’est aussi la difficulté qu’éprouvent la plupart des membres à appliquer de façon systématique un raisonnement régressif : beaucoup de discussions internes à l’équipe nous ont démontré qu’il fallait faire un grand effort sur soi pour exclure (provisoirement) notre connaissance du latin de nos raisonnements ; les cas où nous retombons involontairement dans le raisonnement progressif sont précisément ceux où la démarche régressive éclaire d’un jour neuf l’étymologie d’une unité lexicale. La lenteur et la difficulté du travail de détachement du latin (ou plus exactement du raisonnement latino-centré) est si nettement avérée qu’elle a pu frapper même un esprit aussi acquis à la méthode reconstructrice que R. de Dardel, comme il l’a expliqué par exemple dans de Dardel 2007, et la contamination des méthodes est un danger récurrent pour les rédacteurs.
3.1.5 La notation des entrées Un choix très critiqué est celui de donner aux entrées du dictionnaire une forme reconstruite, en notation phonologique et morphématique. La question peut sembler être d’importance limitée, mais la forme du débat montre que, d’un côté comme de l’autre, elle touche des secteurs centraux de la doctrine linguistique. Le débat se présente de manière paradoxale : le premier reproche fait au
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dictionnaire est l’inconfort qu’entraîne cette notation, derrière laquelle on reconnaît mal le latin qu’on y cherche. D’un côté, la critique est tout à fait correcte : c’est un des gains recherchés par le dictionnaire que d’obliger le lecteur à un décentrement, par rapport à ses habitudes ; car il n’y a pas de raison a priori de rechercher dans un étymon le déjà connu, et en particulier il n’est pas donné avant tout examen que l’origine d’un lexème roman doive se trouver dans un corpus textuel prédéterminé (les textes latins de l’Antiquité). Mais par ailleurs, l’argument pratique n’a que peu de valeur, puisque l’usage de la version électronique permet d’accéder aux articles aussi bien par la forme latine correspondant aux formes romanes étymologisées (« Consultation du dictionnaire par corrélats latins ») que par la forme reconstruite (« Consultation du dictionnaire par étymons protoromans »). On peut aussi, d’ailleurs, y accéder par l’entrée du REW3 (« Consultation du dictionnaire par entrées du REW3 »), ou par n’importe quelle unité romane convoquée par la reconstruction (« Consultation du dictionnaire par cognats romans »). Du point de vue de la facilité d’utilisation, l’inconvénient est donc nul lors de la recherche d’un article, et l’étrangeté de la pratique déromienne ne se manifeste que lors de la lecture de l’article. Mais il y a sans doute plus en jeu que le simple confort d’utilisation, et il faut donc encore citer l’argument, utilisé par exemple par Johannes Kramer (2011, 198), et selon lequel l’écrit latin serait une assez bonne représentation phonologique de l’ancêtre commun des langues romanes, qu’on atteindrait donc facilement par une simple transposition. Il est certain que dans bien des cas, la correspondance entre les formes latines écrites et les formes protoromanes que reconstitue le DÉRom peut se faire facilement, et sans laisser de questions irrésolues. Mais cette situation n’est pas constante (cf. Buchi à paraître a ; à paraître b), et la reconstruction phonologique est donc, pour le rédacteur au moins, nécessaire pour connaître la forme des étymons. On ne peut pas non plus dire qu’on sache bien ce que signifie la notation du latin (contra Kramer 2011, 198) : cette notation, qui n’est ni la citation des formes qui nous sont parvenues directement de l’Antiquité, ni celle des manuscrits médiévaux qui attestent la plus grande partie du corpus, y ajoute des diacritiques marquant la quantité des voyelles, dont il est souvent difficile de savoir s’ils reposent sur l’observation du mètre dans des textes conservés, sur les résultats de l’unité lexicale dans les langues romanes ou sur les connaissances qu’on tire de la phonétique historique du latin dans le cadre indo-européen. La notation du DÉRom, au moins, a l’avantage de dire exactement sur quoi elle repose, et d’être par conséquent facilement critiquable. La composition étrange à laquelle aboutit le désir de sauver la notation latine jusque dans les étymons non attestés, et qui consiste à attribuer à des unités de formation tardive des oppositions de longueur à des dates auxquelles on sait qu’elles ne fonctionnaient plus, a déjà été dénoncée (Chambon 2010, 66).
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La situation n’est pas meilleure quand la forme qu’on doit poser à l’origine des cognats romans ne correspond pas exactement aux attestations, et que l’on doit réviser une partie de la forme latine attestée. Le DÉRom a jugé qu’il n’y avait pas d’avantage à utiliser un système de représentation phonologique mal adapté, et auquel on aurait fait remplir des fonctions contradictoires (reproduire les formes écrites documentées ; représenter la forme orale de l’ancêtre commun des formes romanes), sans laisser la possibilité au lecteur de démêler celles-ci. Un paradoxe apparent de la pratique du DÉRom a été bien mis en lumière par Vàrvaro (2011a, 301) : c’est celui qui consiste, malgré ce que nous venons de dire, à se contenter des formes écrites dans l’exposition des matériaux romans servant à la reconstruction. Il est tout à fait vrai qu’il y a là une impureté dans notre pratique, qui peut d’ailleurs gêner certains d’entre nous. Le statut des idiomes romans est cependant, dans notre projet, essentiellement différent de celui du protoroman. En effet, le DÉRom ne se fixe pas la tâche de récrire la phonétique historique de chaque parler roman, et s’appuie pour cela sur les connaissances acquises et partagées. C’est d’ailleurs ce qui lui permet de procéder à une autre simplification, en ne s’appuyant pas sur l’ensemble des parlers romans mais sur un certain nombre seulement d’entre eux (vingt). La signification phonétique des formes notées dans le DÉRom, ainsi que leur caractère régulier ou non, sont connues ou peuvent être connues par la bibliographie particulière à chaque parler cité ; telles qu’elles sont citées par le dictionnaire, les formes attestées dans les langues romanes constituent donc une base stable pour réaliser sa tâche propre (la reconstruction de l’ancêtre commun), et il n’y a pas de besoin d’élaborer spécialement les données de départ. Nous ne nous dissimulons cependant pas que la notation phonologique pose certains problèmes, sur lesquels nous revenons ci-dessous 3.2.
3.1.6 L’unité du protoroman On a vivement reproché au DÉRom de postuler une protolangue unitaire, et un certain nombre de critiques contestent la date que nous attribuerions à cet état unique. Le reproche s’adresse en fait au principe même de la reconstruction linguistique, car le DÉRom ne s’écarte pas de la pratique universelle de celle-ci, qui fait autant que possible remonter les formes traitées à un ancêtre unique. Cette tendance est consubstantielle à la méthode même, mais l’unité qu’elle aboutit à voir dans les faits particuliers (unités lexicales, phonèmes, marques flexionnelles) n’implique pas nécessairement de conséquences sur la représentation qu’on doit se faire du protoroman considéré dans son ensemble. La contradiction n’existe que dans la mesure où l’on postulerait que l’origine unique
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reconstruite correspondrait dans chaque cas à une même date et à un même état linguistique ; en réalité, la date à laquelle un ensemble de données peut être ramené à un point de départ commun (son étymon) ne correspond pas nécessairement à celle d’un autre. Dans certains cas, ce moment peut appartenir à l’Antiquité tardive, dans d’autres remonter bien plus haut que le latin classique. On voit donc que la question de la date du protoroman, qui constitue un débat sous-jacent à la discussion méthodologique autour du DÉRom, risque d’être mal posée, et que le DÉRom ne peut pas lui donner de réponse simple. Cette question est liée à une autre, portant sur l’interprétation de la signification du protoroman. Une partie de la littérature a ainsi pu considérer le protoroman comme un état intermédiaire entre le latin et les langues romanes, selon ce que Robert de Dardel a appelé le « modèle de la successivité » (de Dardel 2007, 335–336), position qui se trouve tout à fait en contradiction avec les conceptions du DÉRom, qui fait remonter le protoroman dans la plupart des cas à la même hauteur chronologique que le latin classique (dans certains cas à une période plus tardive, et dans quelques-uns à une date antérieure). On voit donc que dans ces conditions, il n’est pas possible d’attribuer au DÉRom, du fait qu’il pose et décrit un protoroman, une position prédéterminée sur une périodisation de l’histoire linguistique latino-romane.
3.2 Le DÉRom doute Sur plusieurs de ces points, le débat se poursuit à l’intérieur de la rédaction du dictionnaire. Indépendamment même du fait que, comme on l’a dit, plusieurs membres du DÉRom ne partagent pas toutes les options de celui-ci, certains points restent discutés, ou résolus de manière consciemment provisoire dans les consignes du dictionnaire. Il faut distinguer ici les problèmes théoriques des problèmes pratiques. Une question appartenant à cette seconde catégorie est celle de la liste des idiomes dits « de citation obligatoire » ou « facultative ». Elle est fondée sur des considérations pratiques : il s’agissait de diviser l’ensemble des parlers romans en un certain nombre de groupes linguistiques de façon à pouvoir représenter cet ensemble de façon significative, mais sans frais insupportables. Dans certains cas, les idiomes représentés dans cette liste constituent, autant qu’il est possible dans le continuum roman, une unité génétique, mais ce n’est pas toujours le cas. Ils sont aussi choisis dans la liste des entités traitées par la tradition de la linguistique romane, parce que ces entités sont celles qui ont les meilleures chances de bénéficier d’une grammaire historique, et donc de permettre au rédacteur d’évaluer la régularité des formes à examiner. Mais le conflit entre
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ces causes contradictoires de sélection des idiomes, conflit qui ne peut être réglé que par la voie du compromis, et non par la recherche d’une cohérence absolue, entraîne des débats dans la rédaction. Ils portent en particulier sur (1) l’utilisation de l’italien comme représentant de tous les parlers de l’Italie (frioulan et ladin exclus), alors que ceux-ci sont divisés par des frontières linguistiques de première importance et de grande ancienneté ; (2) la citation du dalmate, tel qu’il apparaît dans l’ouvrage classique de Bartoli (1906), alors que l’unité du dalmate est au moins problématique (cf. Vuletić 2013 ; Chambon 2014) ; (3) la position de l’istriote (cf. Chambon 2011). Les désaccords proviennent en partie du fait que le DÉRom a choisi de ne pas fonder la liste des idiomes cités sur des critères exclusivement génétiques (qui auraient supposé une définition préalable claire des parlers dans ces termes, voire peut-être un arbre phylogénétique, cf. encore ci-dessous). En partie, la liste des parlers cités sera certainement encore révisée et modifiée pendant la parution du DÉRom. La notation phonologique des étymons entraîne, outre les points discutés ci-dessus, quelques discussions internes, ou au moins certains doutes. En effet, il n’y a pas de nécessité a priori que la reconstruction du système vocalique, puisqu’elle se fait indépendamment de celle de l’évolution de telle consonne particulière, aboutisse à un état linguistique qui puisse être daté identiquement à cette dernière. Il y a encore moins de raisons que cet état corresponde toujours à la date d’existence de l’unité lexicale reconstruite. En fait, la question de la correspondance entre réalité phonique et réalité lexicale n’est pas nettement posée dans les articles du DÉRom, alors que sa solution est loin d’être évidente. La notation peut donc être considérée comme ayant un caractère relativement abstrait, qui n’est pas apprécié identiquement par tous les membres du projet. Les étymons notés par le DÉRom comportent aussi, sous l’espèce d’un trait d’union, l’indication de frontières de morphèmes. Il s’agit là d’un fait qui n’est pas atteint directement par les mêmes méthodes que la reconstruction de l’étymon, mais qui implique un réemploi du résultat de la reconstruction, et une comparaison avec d’autres unités reconstruites (pour établir des classes de verbes, ou l’existence d’un affixe). La légitimité de présenter un tel résultat et le point jusque auquel étendre cette analyse interne au protoroman ne font pas l’unanimité dans l’équipe. Pour le moment, il a été choisi de limiter ces analyses de second degré à des cas clairs ; il n’est pas exclu cependant qu’il en soit par la suite fait un plus large usage. Le DÉRom, dont les rédacteurs éprouvent un intérêt naturel pour la variation linguistique, utilise souvent dans ses commentaires les notions d’immédiat communicatif et de distance communicative (cf. Koch/Oesterreicher 2008). Un risque existe que l’on tende à confondre la distinction entre l’immédiat communicatif et la distance communicative et celle qui sépare les données auxquelles
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on accède par le protoroman reconstruit et par le latin écrit : s’il est certain que dans bien des cas les idiomes romans descendent directement de la langue parlée et populaire, cette position générale dans l’architecture des variétés ne peut être considérée comme étant a priori valable, à la date atteinte par la reconstruction, pour tout élément du lexique, pour tout sens et pour toute catégorie grammaticale. Tous les rédacteurs du DÉRom n’évaluent pas de la même manière, dans les cas particuliers auxquels nous sommes confrontés, la légitimité de l’extension à une analyse sociolinguistique de la différence qu’ils observent entre la réalité du latin écrit et celle du protoroman. Cette légitimité est parfaite dans certains cas, moins certaine dans d’autres, et le risque d’écraser par raccourci la différence entre ces deux oppositions est d’autant plus grand que la correspondance entre elles est fréquente. La possibilité de représenter les sous-parentés de l’ensemble roman sous la forme d’un arbre généalogique est discutée par le DÉRom, une schématisation de ce type ne pouvant être établie indépendamment d’une discussion sur l’indépendance relative des parlers classés. Il n’est pas douteux que certains parlers, ou groupes de parlers, ont connu une évolution relativement indépendante du reste de la Romania pendant une part importante de leur histoire : on pense immédiatement au sarde et au roumain. Mais le DÉRom sait bien, et s’il l’oubliait on le lui rappellerait (Vàrvaro 2011a, 302, par exemple), que cet isolement n’est pas absolu, et qu’un trait remarquable de l’espace roman est précisément sa relative continuité. Qu’il soit possible de dessiner un arbre généalogique des parlers romans utile au travail de reconstruction, la signification qu’aurait cet arbre, ainsi que la nature de son utilité, sont des points de débat à l’intérieur de l’équipe. Pour le moment, elle s’efforce de ne pas faire dépendre ses analyses d’une représentation de ce type. Enfin, il faut mentionner un débat récurrent, mais dépourvu de portée générale : c’est celui qui porte sur la valeur des différents éléments de la bibliographie du dictionnaire, et en particulier sur la nécessité de citer certaines sources. Il est inévitable que le mérite des ouvrages et le statut que leur accorde le dictionnaire ne concorde pas, car l’étymologie des différentes langues romanes n’en est pas toujours au même point de développement, mais à cela s’ajoute le fait que des traditions nationales différentes ou des divergences personnelles conduisent à des opinions parfois opposées. Le DÉRom, ici, cherche surtout des solutions par le compromis.6
|| 6 La version à jour de la bibliographie de consultation et de citation obligatoires du DÉRom peut être téléchargée sur le site du projet (http://www.atilf.fr/DERom, « Bibliographie », puis « Télécharger la bibliographie obligatoire »).
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De façon générale, la position du dictionnaire est d’éviter de prendre position lorsque cela n’est pas nécessaire, et de ne pas multiplier les postulats. S’il est possible de laisser un point hors de la discussion, nous le faisons toujours, pour que nos conclusions ne dépendent pas d’un fait mal assuré. En linguistique aussi, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment.
3.3 Le DÉRom peut apprendre Le débat autour du DÉRom, ou à l’intérieur du projet, a eu pour lui des effets surtout positifs. Même s’il a parfois pris la forme d’une opposition frontale, il n’a pas conduit l’équipe à remettre fondamentalement en cause ses principes ; en revanche, il a eu à plusieurs reprises une grande influence dans le détail de ses présupposés, de ses analyses et de ses méthodes. Nous en citons ci-dessous quelques exemples représentatifs. La reconstruction d’une catégorie grammaticale neutre pour le protoroman n’a pas été acquise immédiatement. Elle a été d’abord posée sans démonstration, et c’est seulement l’intervention d’un membre de l’équipe, lui-même critique vis-à-vis de la méthode reconstructive (Johannes Kramer), qui nous a fait renoncer dans un premier temps à assigner un genre neutre au protoroman (nous avons pendant un certain temps parlé d’« ambigène »), avant que nous revenions à reconstruire un neutre, sur la base d’une argumentation beaucoup plus élaborée et qui nous aurait été probablement inaccessible sans la critique de Johannes Kramer (cf. Buchi/Greub 2013). Ce sont certaines critiques reprochant au DÉRom de définir le protoroman comme une langue orale (par exemple Kramer 2011, 200, mais d’autres aussi), qui nous ont poussés à distinguer plus nettement dans notre pratique (d’un point de vue théorique, le point était sans doute acquis) les deux aspects. Sans vouloir entrer dans le détail, il n’est pas toujours licite de considérer que le résultat de la reconstruction représente ce qui, à l’intérieur de la langue historique qu’a été le latin, était le code oral, en tant qu’il se serait opposé à un code écrit représenté par les témoignages conservés. De la même façon que ces témoignages ne sont pas tout ce qu’a été le latin écrit, le protoroman n’est pas exactement tout le latin oral : il est moins, et il est parfois plus, au sens où un élément correctement reconstruit peut avoir été absent du code oral à une date particulière et en un lieu particulier (cf. Buchi 2013b). Des critiques particulières, comme celle qu’a proposée Franwalt Möhren à l’article */'pɔnt-e/ du dictionnaire (Möhren 2012), ont permis aussi de revenir, d’une part sur l’analyse particulière qui avait été donnée de cette unité, mais aussi sur l’usage que nous devions faire de la documentation de latin médiéval
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(cf. Buchi/Gouvert/Greub 2014, 129–130). Cela n’a pas été sans influence sur la rédaction des autres articles du dictionnaire. Mais l’effet le plus important et le plus stable de ces mises en question d’aspects de la pratique déromienne est certainement de nous rappeler que nous devons aussi écrire pour ceux qui ne partagent pas nos présupposés (en particulier l’approche reconstructive), que c’est à eux aussi que nous devons pouvoir être utiles, et que notre doctrine n’est pas un dogme, mais un guide pour la rédaction. Il y a aussi eu, dans la discussion autour du DÉRom, certaines questions qui auraient pu être posées et qui ne l’ont pas été, ou certaines critiques que nous avons chanceusement évitées. On aurait certainement pu relever, par exemple, que la méthode de reconstruction des sens est beaucoup moins bien formalisée que celle des formes, et que les résultats en sont assez irréguliers, et parfois peu satisfaisants. Un autre point qui a été relativement peu discuté est celui du choix du seul vocabulaire héréditaire comme matière pour le dictionnaire ; il dépend naturellement du choix de la méthode reconstructive et c’est sans doute pour cette raison qu’il n’a pas été débattu à part. Mais on se rappelle que c’était déjà un point de désaccord à Palerme en 1995, entre Jean-Pierre Chambon, favorable, pour des raisons pratiques, à une limitation au matériel hérité (Chambon 1998, 1018), et Max Pfister, pour qui « un nouveau REW [devait] absolument inclure aussi une grande partie des latinismes, des formes doctes ou semipopulaire exclues par Meyer-Lübke » (Pfister 1998, 987). On n’a sans doute pas prêté assez d’attention, dans la discussion générale sur la validité de la méthode reconstructive, au fait signalé par Jean-Paul Chauveau que « l’intérêt le plus général de l’étymologie régressive réside dans les contraintes qu’elle impose à l’étymologisation. Chacune des procédures étymologisantes doit y être justifiée rigoureusement par les régularités de l’évolution et par la logique des évolutions sémantiques appuyées sur des parallèles » (Chauveau 2013, 181). Engagé sur cette base, le débat aurait pu toucher plus directement le choix et l’application des contraintes que le DÉRom s’est choisies. C’est la remise en cause frontale qui a paradoxalement empêché, sinon complètement du moins en grande partie, la discussion de détail, sur les règles appliquées et les descriptions particulières, parce qu’elle envahit tout le champ du débat. Le DÉRom a tout lieu de regretter de ne pas avoir encore bénéficié d’une critique qui partirait de l’acceptation de ses principes. Il se félicite en revanche de manière toujours renouvelée, depuis qu’il existe, que des romanistes résolument opposés à certaines orientations du DÉRom y collaborent tout de même ; comme l’a indiqué Johannes Kramer (2011, 204), c’est actuellement la seule façon de contribuer à l’étymologie panromane.
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À plus forte raison, le DÉRom doit aussi espérer trouver parmi ses utilisateurs des savants réticents, ou indifférents. L’indifférence à la méthode reconstructive (qui représente le caractère le plus visiblement spécifique du DÉRom) est probablement une position assez répandue parmi nos lecteurs, et elle est bien sûr légitime, de leur point de vue et sous l’aspect pratique.
4 Des difficultés objectives Il a été question jusqu’ici de certaines de nos orientations, méthodologiques ou théoriques, qui ont pu être mal comprises ou non comprises, ou qui pouvaient être discutées, voire révisées. Nous mentionnons maintenant quelques problèmes qui se posent à la rédaction. Tout d’abord, il faut rappeler que la méthode comparative a des faiblesses, bien connues et incontestables, et qu’elle n’aboutit pas, sauf dans un monde idéal qui n’est pas celui des langues historiques, à reconstruire la totalité des éléments d’un système linguistique. Le fait que la reconstruction fondée sur les témoignages écrits aboutisse elle aussi à un résultat partiel, celui que ces deux ordres de résultats ne coïncident pas et que la comparaison permette d’atteindre des faits inconnus ne changent pas cette situation. Le rédacteur doit garder conscience du fait que sa reconstruction dessine un modèle, parfois schématique, et pas directement une réalité. La simplification peut par exemple porter sur le fait que le protoroman dessine souvent sous la forme d’une répartition diatopique (parfois exclusive) ce qui a été dans certains cas une répartition combinant variations diastratique et/ou diaphasique et diatopique, ou qu’il ne donne qu’une projection unique d’une répartition qui a pu varier au long de l’histoire du continuum roman. Il faut préciser néanmoins que le caractère limité et partiel de la méthode reconstructive a des conséquences réduites par le caractère lui-même limité des tâches que se fixe le DÉRom : celles-ci ne contiennent pas toute la linguistique historique, mais sont bornées à la seule étymologie. Il ne vise donc pas la reconstruction du protoroman, mais seulement celle de certains éléments du protoroman : des unités lexicales particulières. Or, quelle que soit la méthode utilisée, le but de l’étymologie n’est jamais d’expliquer que ce qui a subsisté ; cette partie de la linguistique étant concentrée sur le lexique, on voit que la reconstruction linguistique est particulièrement adaptée à la recherche étymologique. C’est dans un deuxième temps seulement que ces matériaux reconstruits pourront être regroupés dans une histoire (longue) des systèmes linguistiques auxquels ils ont appartenu.
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La comparaison linguistique tend à la reconstruction d’un antécédent unique pour chacun des éléments qu’elle examine. Ainsi, si la comparaison de représentants d’une même unité lexicale aboutit à reconstruire plusieurs sousunités (qui présentent des sens différents, répartis dans l’espace de manière non indifférente), il existe une tendance à essayer de reconstruire un état antérieur d’unicité qui a pu donner naissance à cette diversité. On ne s’arrête pas à une période chronologique particulière – le Ve siècle ? le IIIe siècle ? le début de l’expansion du latin ? –, qu’on essaierait de mettre en rapport avec l’étape atteinte, mais on continue le mouvement jusqu’à l’unité (ou au blocage si la méthode employée ne permet pas de dépasser le stade de la multiplicité). On peut se demander s’il n’y a pas là un vice de la méthode, qui privilégierait les faits les plus archaïques des langues reconstruites, même si les états postérieurs restent visibles comme étapes dans le processus étymologique régressif.7 Chaque proposition étymologique du DÉRom est un modèle (ce qui est normal et attendu pour une démarche scientifique) proposant l’explication qu’il tient pour la plus vraisemblable. Mais comment évaluer le degré de cette vraisemblance ? À quelles conditions peut-on considérer que l’explication est suffisamment assurée pour être retenue ? En fait, il est difficile de créer des conditions généralement valides de vérification des hypothèses étymologiques, et l’évaluation se fait au cas par cas. La méthode comparative se révèle donc un moyen heuristique, plutôt qu’un procédé mécanique de fabrication de solutions admissibles. Enfin, il apparaît à la rédaction des articles qu’il est difficile d’atteindre la complétude bibliographique. Le travail de rédaction comporte un grand effort de dépouillement de sources canoniques (lexicographiques surtout) pour la constitution du matériel, et il pourrait en résulter que la recherche des discussions d’étymologies particulières (dans le cadre roman ou dans celui d’un parler roman en particulier) soit parfois moins attentive.
5 Conclusion Le DÉRom a tiré profit du débat autour de ses méthodes, même si sa direction et une partie de sa rédaction ont consacré un temps important à y participer, ce qui a pu ralentir la rédaction. Il en ressort que s’il structure les romanistes en deux camps opposés, on ne peut attendre (au moins à court terme) de victoire || 7 Concrètement, ces étapes sont matérialisées dans les articles du DÉRom par des subdivisions (cf. Buchi/Gouvert/Greub 2014).
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complète et définitive de l’un sur l’autre : le DÉRom ne compte pas s’interrompre, ni renoncer à ses principes fondamentaux, et il n’a pas de raison de souhaiter convaincre tous les romanistes de changer complètement leur vision du monde. Le débat a certainement eu, d’un côté comme de l’autre, une vertu clarificatrice, chacun ayant dû prendre une conscience plus nette de ce qu’il faisait et de ce qu’il souhaitait ne pas faire. On ne peut qu’espérer qu’il résulte de cette longue discussion une vision plus complète et articulée de ce que signifie lire un article de notre dictionnaire. Comprendre nettement ce qu’impliquent ses propositions étymologiques ne doit pas présupposer pour l’utilisateur de se déclarer pour ou contre qui que ce soit. Le DÉRom veut démontrer par ses résultats que la méthode qu’il emploie est adaptée à son objet ; pour atteindre ces résultats, il ne pourra que tirer bénéfice de la continuation d’un débat orienté vers l’amélioration de ses pratiques.
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Buchi, Éva/Chauveau, Jean-Paul/Gouvert, Xavier/Greub, Yan, Quand la linguistique française ne saurait que se faire romane : du neuf dans le traitement étymologique du lexique héréditaire, in : Franck Neveu/Valelia Muni Toke/Thomas Klingler/Jacques Durand/Lorenza Mondada/Sophie Prévost (edd.), Congrès Mondial de Linguistique Française – CMLF 2010, Paris, Institut de Linguistique Française, , 2010, 111–123. Buchi, Éva/Gouvert, Xavier/Greub, Yan, Data structuring in the DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Bettina Bock/Maria Kozianka (edd.), Whilom Worlds of Words – Proceedings of the 6th International Conference on Historical Lexicography and Lexicology (Jena, 25–27 July 2012), Hambourg, Kovač, 2014, 125–134. Buchi, Éva/Greub, Yan, Le traitement du neutre dans le DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), communication présentée dans la section « Linguistique latine/linguistique romane » du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15-20 juillet 2013). Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang, À la recherche du protoroman : objectifs et méthodes du futur Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), in : Maria Iliescu/Heidi SillerRunggaldier/Paul Danler (edd.), Actes du XXVe Congrès International de Linguistique et de Philologie Romanes (Innsbruck 2007), Berlin/New York, De Gruyter, 2010, vol. 6, 61–68. –, Sept malentendus dans la perception du DÉRom par Alberto Vàrvaro, RLiR 75 (2011), 305– 312 (= 2011a). –, Ce qui oppose vraiment deux conceptions de l’étymologie romane. Réponse à Alberto Vàrvaro et contribution à un débat méthodologique en cours, RLiR 75 (2011), 628–635 (= 2011b). –, Per un’etimologia romanza saldamente ancorata alla linguistica variazionale : riflessioni fondate sull’esperienza del DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Marie-Guy Boutier/Pascale Hadermann/Marieke Van Acker (edd.), La variation et le changement en langue (langues romanes), Helsinki, Société Néophilologique, 2013, 47–60. Chambon, Jean-Pierre, [Conclusions de la table ronde « È oggi possibile o augurabile un nuovo REW ? »], in : Jean-Pierre Chambon/Marius Sala (dir.), 1998, 1017–1020. –, Remarques sur la grammaire comparée-reconstruction en linguistique romane (situation, perspectives), Mémoires de la Société de linguistique de Paris 15 (2007), 57–72. –, Pratique étymologique en domaine (gallo-)roman et grammaire comparée-reconstruction. À propos du traitement des mots héréditaires dans le TLF et le FEW, in : Injoo ChoiJonin/Marc Duval/Olivier Soutet (edd.), Typologie et comparatisme. Hommages offerts à Alain Lemaréchal, Louvain/Paris/Walpole, Peeters, 2010, 61–75. –, Note sur la diachronie du vocalisme accentué en istriote/istroroman et sur la place de ce groupe de parlers au sein de la branche romane, BSL 106 (2011), 293–303. –, [Intervention à la table ronde « 100 anys d’etimologia romànica : el REW de Meyer-Lübke : 1911–2010 »], in : Emili Casanova Herrero/Cesáreo Calvo Rigual (edd.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas (Valencia 2010), Berlin/New York, De Gruyter, 2013, vol. 1, 148–150 (= 2013a). –, Étymologie lexicale, étymologie onomastique : quoi de neuf ? Un aperçu, in : Emili Casanova Herrero/Cesáreo Calvo Rigual (edd.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas, Valencia 2010, Berlin, De Gruyter, 2013, vol. 1, 307–316 (= 2013b). –, Vers une seconde mort du dalmate ? Note critique (du point de vue de la grammaire comparée) sur « un mythe de la linguistique romane », RliR 78 (2014), 5–17.
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3.2. Contrepoint : ce que j’aurais fait différemment dans le DÉRom Si quelqu’un posait la question de savoir comment on doit définir la langue italienne, la réponse serait très simple :1 avec cette dénomination on se réfère à la langue dont la communauté humaine de la péninsule italienne se sert pour la communication. Il est évident que normalement toutes les variétés spécifiques sont intégrées dans cette dénomination, non seulement la langue parlée, mais aussi la langue écrite, non seulement la langue élevée, mais aussi la langue basse, non seulement la langue normée, mais aussi la langue dialectale : le napolitain est un dialecte italien, et le manœuvre analphabète sans aucune éducation parle une variété d‘italien, de la même manière que l’homme de lettres extrêmement cultivé se sert de l’italien. Mutatis mutandis la même situation vaut pour l’espagnol, l’allemand, le russe : le nom de la langue indique toutes le variétés particulières, et si l’on veut nommer une empreinte spécifique de la langue on doit ajouter un adjectif. La situation est un peu différente dans le cas des langues où l’écart entre la forme écrite et la forme orale est très grand, à l’instar de l’anglais ou du français. Dans ces cas, la forme écrite est basée sur une phase plus ancienne de la langue. La graphie française reflète grosso modo le français du 12e siècle, et l’étranger qui étudie le français doit apprendre une forme écrite qui reproduit vaguement une phase de l’ancien français et une forme orale d’une structure complètement divergente qui est le français parlé de notre siècle (Kramer 2010, 111–116). De toute façon, les deux variétés sont reliées par une relation difficile, mais elles ne sont pas séparables – qui apprend le français, doit apprendre simultanément les deux variétés, écrite et orale, et aucun spécialiste en didactique n’aurait l’idée de planifier un cours du seul français oral. Peut-être que ce caractère historique de l’orthographe française est un facteur qui oriente particulièrement l’attention des chercheurs français vers les diversités profondes entre la forme écrite et la forme orale d’une langue, mais naturellement cela n’est qu’une conjecture vague. Il va de soi que les observations qui concernent les langues modernes sont applicables au latin aussi : la langue latine forme une totalité inséparable, mais cette totalité se subdivise en segments particuliers complémentaires, comme le
|| 1 Nos remerciements les plus chaleureux s’adressent à Jean-Loup Ringenbach (ingénieur d’étude au CNRS, ATILF, Nancy) pour la révision stylistique de notre texte.
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latin archaïque, médiéval, poétique, artificiel, solennel, familier. Le latin appelé classique employé par Cicéron se manifeste autrement que le latin de Salluste ou de saint Augustin, et le latin proche de la langue vulgaire utilisé dans les parties dialogiques de la Cena Trimalchionis pétronienne est d’une tout autre nature que le sermo humilis de la Vulgate ou le récit du pèlerinage aux lieux saints que la religieuse Égérie – pieuse, mais peu cultivée – a écrit pour ses consœurs au couvent (du reste le seul texte latin volumineux écrit par une femme que nous possédions). Mais tous ces textes restent toujours latins, et latine est la langue parlée que nous pouvons reconstruire à travers des analyses de textes de la sousnorme, mais aussi à travers des rétroprojections de faits romans. Tout aspect de l’éventail multicolore antique qui continue la langue de Rome a droit à l’appellation latin, la spécification résidant dans l’adjectif qui l’accompagne. Les études romanes ont trop souvent commis l’erreur de partir de l’idée de deux systèmes différents, le système du latin dit classique et le système du latin dit vulgaire. Dans le manuel d’ancien français de Hans Dieter Bork (1973), à travers lequel des générations de débutants se sont initiés aux mystères de la grammaire historique, on trouve toujours l’opposition entre klassisches Latein et Vulgärlatein (Bork 1973, 30), donc entre latin classique et latin vulgaire : latin classique nŏctĕm, latin vulgaire nókte (disparition du système vocalique basé sur les quantités ; -m > ø). À vrai dire, il s’agit de deux processus phonétiques différents séparés par plus d’un demi-millénaire : au premier siècle avant JésusChrist, la forme nóktẽ, avec un o bref, en même temps ouvert, et un e nasalisé, appartenait tant au latin cultivé qu’au latin vulgaire. Au cinquième siècle après Jésus-Christ, dans la forme parlée quotidienne on disait nókte, avec un o tonique ouvert de longueur moyenne, donc ni nettement bref ni nettement long, et avec un e dénasalisé ; dans la langue formelle, les cercles cultivés s’efforçaient de conserver l’ancienne prononciation nóktẽ, de la même manière que certains puristes français s’efforcent de conserver la différence entre a antérieur ([a], patte) et a postérieur ([α], pâte) qui a pratiquement disparu de la langue quotidienne. Pourtant, des générations d’étudiants ont appris par cœur des formules rabâchées comme « lat. cl. vetulus > lat. vulg. veclus > it. vecchio, fr. vieux, esp. viejo ». La vérité historique se présente d’une autre manière. Si nous entendons par latin vulgaire la langue parlée de tous les jours non influencée par des considérations correctrices, cette variété du latin a existé depuis le commencement de la tradition. À vrai dire, pour l’histoire des langues romanes, seul le dernier stade du latin parlé est décisif (Battisti 1949, 23), c’est-à-dire le latin vulgaire de l’Antiquité tardive, entre 475 et 600 après Jésus-Christ. Naturellement, il y a des époques précédentes du latin vulgaire (Kramer 2007, 20), mais ces époques n’ont pas de conséquences directes sur les langues romanes. Le latin vulgaire
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de l’Antiquité tardive ne doit pas se positionner en opposition au latin écrit de cette période, lequel de son côté oscille entre un style archaïsant avec figures linguistiques de haute sublimité et un style bas qui s’approche de la langue parlée sans pour autant l’imiter fidèlement. Tout au contraire, tant le latin parlé que les diverses manifestations du latin écrit appartiennent au diasystème diatopique, diastratique, diaphasique et diachronique du latin, du latin tout court (Windisch 2012, 422). En ce qui concerne le latin vulgaire de l’Antiquité tardive, nous en possédons beaucoup de reflets dans les sources écrites, qui sont facilement accessibles dans des anthologies spécialisées (Diaz y Diaz 21962 ; Diehl 1910 ; Iliescu/Slusanski 1991 ; Kramer 1976 ; 2007 ; Pisani 31975 ; Rohlfs 21956). Bien sûr, ces attestations offrent une graphie contemporaine, c’est-à-dire la graphie latine de l’époque, et nous devons interpréter cette graphie sur la base de nos connaissances de la phonétique historique du latin. Un exemple : le graphème correspond au phonème /k/, réalisé comme [k] vélaire devant consonne et voyelle vélaire, et comme [kj] légèrement palatalisé devant voyelle palatale, de la même manière qu’en grec moderne, le graphème qui représente le phonème /k/ se réalise comme [k] vélaire devant voyelle vélaire et comme [kj] légèrement palatalisé devant voyelle palatale : καλός [ka'lɔs] ‘bon’, mais κενός [kjε'nɔs] ‘vide’ (dans quelques dialectes du grec moderne, on trouve le développement ultérieur [kj] > [tʃ] > [ts] que l’on connaît bien dans l’histoire des langues romanes, donc κενός > [tʃε'nɔs] ou [tsε'nɔs], Thumb 1910, 15 § 17). Bien sûr, on doit savoir quelle graphie du 5e siècle rend quelle prononciation contemporaine : le digraphe correspond à la prononciation [ε] qui a supplanté la diphtongue classique [ae], les voyelles longues et brèves ont perdu les nuances quantitatives pour arriver à la seule distinction des timbres, le b et le v intervocaliques se sont confondus, la nasale avant s a disparu etc. Mais quiconque connaît les règles de la graphie latine n’a pas besoin d’une transcription phonétique ou phonologique (laquelle logiquement manque dans tous les dictionnaires latins), parce que la graphie latine est au fond une graphie phonologique, même au cinquième siècle après Jésus-Christ. On pourrait même aller plus loin : toute transcription phonologique de mots latins obscurcit la différence entre faits attestés et conjectures plus ou moins certaines, ou, dit brièvement, les transcriptions phonologiques de mots latins ne servent à rien et peuvent même obscurcir des réalités en fait indiscutables. Si les sources antiques font défaut, nous devons recourir à une autre source pour notre connaissance du latin parlé de la période entre 475 et 600 après Jesus-Christ, c’est-à-dire à la reconstruction de mots latins à partir des langues romanes médiévales ou modernes. Mais, je le répète, c’est seulement une des sources, et, pour être tout à fait sincère, une source qui me semble de seconde
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qualité, vers laquelle on doit se tourner seulement si les sources de première qualité, les textes latins, manquent. Comment devons-nous noter cette reconstruction ? On pourrait naturellement opter pour une transcription phonétique ou phonologique, une procédure légitime, mais une procédure qui aurait pour conséquence une double transcription, d’un côté en écriture latine conventionnelle dans le cas des mots attestés et de l’autre côté en transcription API dans le cas des mots reconstruits. Il serait beaucoup plus simple d’employer systématiquement la graphie latine. Parce que l’orthographe latine est de nature phonologique, on pourrait l’employer pour les éléments reconstruits sans perdre aucune information : la notation *montanea ou même *mŏntānĕă offre la même information scientifique que la transcription phonologique /mon't-ani-a/ (cf. Celac 2012/2013 in DÉRom s.v.) ou la transcription phonétique [mon'tanja]. Du reste, c’est par pur hasard que *montanea n’est pas attesté. Alfred Ernout et Antoine Meillet (51985, 413) donnent l’explication suivante : « *montānea, féminin d’un adjectif *montāneus (non attesté dans les textes, mais dont existe le dérivé montāniōsus, Gromat., Auct. Rei Agr.), M. L. 5666, qui est à montānus comme compāneus (-nius) à campānus ; cf. aussi terrāneus ». Il est vrai que dans les textes antiques, on ne trouve que la tournure in montaniosi loco (Gromat., 331, 20), mais les textes médiévaux offrent abondamment montanea ou montania à partir du 9e siècle. Naturellement, on ne peut pas décider s’il s’agit de l’apparition d’un terme tenu jusqu’ici à l’écart de la langue littéraire ou de la latinisation d’un mot roman, mais cela ne change rien au fait que *montanea a existé en latin vulgaire, et pour le postuler, nous n’avons pas besoin de la rétroprojection du type roman montagna, montagna, montaña, montanha etc. En fin de compte, pourquoi s’éloigner de la vieille tradition d’écrire les mots latins avec les caractères latins habituels ? On peut ajouter çà et là, si nécessaire, les quantités que les voyelles avaient dans le passé historique du latin à une distance temporelle de 500 ans par rapport au passage du latin au langues romanes, naturellement en pleine conscience du fait que le latin vulgaire de l’Antiquité tardive ne connaissait plus de quantités vocaliques. On ne doit pas prendre les romanistes pour plus bêtes qu’ils ne sont : personne n’a jamais cru « que l’ancêtre commun des langues romanes connaissait des oppositions de quantité », comme insinuent Éva Buchi et Wolfgang Schweickard (2011a, 308), mais on se sert de la graphie avec l’indication de brèves et de longues seulement parce qu’elle est commode – tout romaniste sait comment ces indications doivent être interprétées quand il s’agit du latin vulgaire de l’Antiquité tardive, prédécesseur des futures langues romanes. Les auteurs du DÉRom se donnent de la peine avec la notation phonologique des mots protoromans et discutent par exemple la nature phonématique du
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latin, qui est pour eux une fricative bilabiale (Buchi & Schweickard 2011b, 630) – c’est possible, mais pas du tout évident (cf. Bassols de Climent 81992, 180–181 § 244, qui plaide, comme la plupart des manuels, pour une fricative labiodentale). Par contraste, toutes les formes des langues romanes sont citées dans la version traditionnelle qu’offre l’orthographe conventionnelle. À titre d’exemple, pour la reconstruction protoromane */'ɸak-e-/, le soi-disant « corrélat » du latin facere, on cite roum. face, it. fare, fr. faire, cat. fer, esp. hacer, port. fazer etc. (Buchi 2009–2014 in DÉRom s.v. */'ɸak-e-/) – c’est-à-dire que tous les mots romans sont écrits en graphie conventionnelle, laquelle obscurcit bien souvent la vraie prononciation, comme tous les romanistes savent très bien, pour ne pas parler des formes historiques de l’ancien français, de l’occitan médiéval ou de l’espagnol de la Reconquista, qui exigent une transposition phonétique et phonématique assez difficile. Si l’on renonce à la notation des étymons conforme aux principes de l’orthographe latine en utilisant seule la forme reconstruite du protoroman, on devrait sans doute appliquer la même méthode de transcription, c’est-à-dire la notation phonologique, aux mots romans. L’indication des formes dans le DÉRom est le résultat de deux concepts au fond inconciliables. On devrait comparer ou bien une forme orale reconstruite pour l’Antiquité avec des formes orales des langues romanes modernes, ou bien une forme indiquée dans l’orthographe latine traditionnelle avec les mots romans écrits dans les orthographes respectives – tertium non datur, parce qu’on ne peut pas confronter des reconstructions phonologiques du protoroman avec les manifestations graphiques des langues romanes. Je ne peux qu’insister sur l’observation très juste d’Alberto Varvaro (2011b, 627) : « sia il latino che le lingue romanze sono sempre stati un complesso di varietà diamesiche, diatopiche, diastratiche e diafasiche, come tutte le lingue naturali. Sia del latino che delle lingue romanze del passato noi conosciamo solo qualche dimensione, in genere quella alta, che più facilmente trova la via per la registrazione scritta. La situazione della documentazione latina e di quella romanza è identica : non c’è alcuna ragione per trattare la prima diversamente dalla seconda ». Alberto Varvaro ajoute : « gli studiosi del protoromanzo dovrebbero usare solo espressioni romanze orali di oggi » (2011a, 301), naturellement en notation phonématique. Du point de vue scientifique, cette proposition est très juste, mais d’autre part, il est clair que l’adoption d’un tel système diminuerait l’utilité du DÉRom et le rendrait même inutilisable pour tous ceux qui ne sont pas spécialistes en la matière. En tout état de cause, la justification qu’Éva Buchi et Wolfgang Schweickard donnent comme excuse pour leur procédé est vraiment inconsistante : « le transcodage systématique, pour les vingt idiomes obligatoires du DÉRom, entre code écrit et code oral ne nous semble pas une tâche prioritaire à assigner aux rédacteurs » (Buchi/Schweickard 2011a, 308). La lecture
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correcte de la vingtaine de formes romanes serait donc laissée à la formation romanistique d’un public qui doit savoir par cœur le fonctionnement des règles de prononciation de l’engadinais, du catalan, du galicien, du moyen français ou de l’ancien espagnol. Les initiateurs du DÉRom poursuivent (ibid.) : « si cette manière de faire nous semble acceptable pour la notation des explicanda, qui existent en dehors du DÉRom et forment un matériel ni contesté ni problématique, nous pensons en revanche devoir être plus exigeants sur l’écriture des explicantes, les étymons protoromans reconstruits, qui forment les résultats de recherche les plus immédiats et les plus importants du projet et doivent donc être clairement énoncés sous une forme accessible à tous les linguistes (ce qui explique l’utilisation de l’alphabet phonétique international) ». Cette procédure est antiéconomique et même irrationnelle : la connaissance d’une douzaine de règles au maximum suffira pour transformer l’orthographe normale d’un mot latin en une transcription phonématique qui corresponde aux exigences du protoroman, mais pour lire correctement les formes orthographiques d’une vingtaine d’idiomes romans, il faut connaître au moins une centaine de règles de prononciation qui ne sont pas toujours faciles. Pour être sincère, j’ai l’impression que les adhérents du protoroman ont un tic ou au moins une aversion profonde contre le latin, parce qu’ils veulent d’une part éviter à tout prix les formes latines normales en les remplaçant par des transcriptions phonématiques au fond inutiles, et d’autre part maintenir toutes les formes romanes dans la graphie originelle, même si cette forme est difficile à lire correctement. Mais, au fond, on ne peut pas argumenter contre une idée fixe... Je me sens toutefois obligé de donner ici un conseil pratique qui rendra peut-être le DÉRom plus accessible pour les spécialistes d’autres disciplines. Tout romaniste peut translittérer les indications protoromanes dans l’othographe latine normale, et les latinistes aussi peuvent le faire, quoiqu’avec une mine de refus et même de répulsion à cause d’une folie réitérée des romanistes – mais que se passe-t-il avec les spécialistes de la littérature comparée, avec les germanistes, avec les anglicistes ou les slavistes ? Je doute que le DÉRom dans sa forme actuelle soit utilisable pour eux, et je rappelle aux romanistes la difficulté qu’ils ont avec les caractères cyrilliques de certaines langues slaves ou avec des dénominations comme vieux slavon, ancien bulgare ou ruthène catholique. Même le spécialiste en littératures romanes veut s’informer sur la destinée du verbe latin facere dans les langues romanes, et il veut trouver l’information recherchée au premier coup d’œil, sans devoir passer par des phases spéculatives protoromanes qui aboutissent à un */'ɸak-e-/ reconstruit et incertain. En fin de compte, le choix de la forme latine comme lemme serait un service d’assistance pour nos collègues d’autres spécialités, et ce serait aussi une marque de complaisance pour les nombreux romanistes qui ne sont pas
3.2. Contrepoint : ce que j’aurais fait différemment dans le DÉRom | 295
d’accord avec la théorie du protoroman et qui éprouvent une aversion insurmontable contre les reconstructions qui suivent cette théorie. Mais à mon avis, on pourrait préserver la paix entre les deux opinions divergentes, c’est-à-dire les études latines et romanes traditionnelles et les approches protoromanes. À parler franchement, qu’est-ce qui empêche d’éléver la forme latine à la fonction de lemme, suivi d’une reconstruction selon les principes protoromans ? Par exemple : faba > */'ɸaβ-a/ > formes romanes (cf. Reinhardt 2012 in DÉRom s.v. */'ɸaβ-a/), facere > */'ɸak-e-/ > formes romanes, fames > */'ɸam-/ > formes romanes (cf. Buchi et al. 2012/2013 in DÉRom s.v. */'ɸamen). Cette présentation devrait sembler correcte même aux yeux d’un disciple convaincu du concept du protoroman : la forme latine en italique est l’interprétation de la prononciation du premier siècle avant Jésus-Christ à l’aide de l’orthographe latine, la transcription protoromane entre barres obliques est la tentative de s’approcher, moyennant une transcription phonématique, de la prononciation du sixième siècle après Jésus-Christ, qui précède les langues romanes in statu nascendi. Bien entendu, la deuxième forme provient historiquement de la première, et les formes romanes remontent directement au latin parlé (ou, si l’on veut, au protoroman) du sixième siècle après Jésus-Christ et seulement indirectement au latin parlé du premier siècle avant Jésus-Christ. Il est vrai que la consultation du dictionnaire par corrélats latins, déjà fonctionnelle sur le site du DÉRom, constitue un premier pas vers la solution recommandée. Naturellement, le latin parlé de l’Antiquité tardive offrait – comme toutes les langues – diverses couches diastratiques, diaphasiques et diatopiques, et quelquefois la reconstruction qui part des langues romanes nous offre des formes que nous connaissons déjà à partir des documents écrits, comme pessica au lieu de persica ou castinea au lieu de castanea ou castania ; quelquefois la variante qui existait certainement en latin parlé n’est pas attestée sous forme écrite, comme *agurare au lieu de augurare – c’est un pur hasard, parce que la prononciation populaire ne trouve pas toujours son écho dans une attestation écrite, et dans ces cas-là, la reconstruction nous aide à enregistrer les formes qui n’ont pas accédé à une notation écrite. D’autres mots du type augurare/*agurare sont très bien attestés dans les documents écrits, comme auscultare/*ascultare (cf. Schmidt/Schweickard 2010–2013 in DÉRom s.v. */as'kʊlt-a-/) ou augustus/ *agustus (cf. Celac 2009–2012 in DÉRom s.v. */a'gʊst-u/). Les langues romanes partent du latin parlé dans l’Antiquité tardive, et étant donné que nous n’avons pas d’enregistrements linguistiques de cette langue, nous devons la reconstruire à travers les attestations que l’on relève dans les textes latins influencés par la manière de parler quotidienne et relâchée, à travers les emprunts dans d’autres langues comme le grec ou les idiomes germa-
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niques in statu nascendi, et finalement à travers la reconstruction romane. Toutes ces méthodes nous offrent seulement une ombre, une silhouette du latin parlé de cette époque, et nous devons de toute façon utiliser tout moyen pour rendre l’image de la langue la plus claire possible : il serait vraiment inexcusable de favoriser une seule voie d’accès au détriment d’autres possibilités de connaissance. D’une manière ou d’une autre, les auteurs du DÉRom sont jaloux des linguistes qui doivent employer une seule méthode, la méthode de la reconstruction, naturellement faute de mieux, parce qu’ils n’ont pas d’autre possibilité en raison de l’absence d’autres matériaux. En ce qui concerne la littérature secondaire relative à la grammaire comparée-reconstruction, les indications d’Éva Buchi et de Wolfgang Schweickard sont plutôt restreintes. En premier lieu, il s’agit d’un manuel destiné aux débutants dans les études indo-européennes, publié par le phonéticien anglais Anthony Fox, Linguistic Reconstruction (Fox 1995). Ici, je rejoins complètement Alberto Varvaro, qui a critiqué âprement ce choix : le livre d’Anthony Fox s’applique à juste titre aux phases préhistoriques d’une langue où manquent toutes les autres voies d’accès exception faite de la reconstruction, mais « l’etimologia romanza riguarda una fase pienamente storica e dispone di ampia documentazione » (Varvaro 2011b, 625). Dans le domaine du latin et des langues romanes, la restriction à la seule reconstruction comparative me semble offrir l’image d’un régime alimentaire restrictif dont le but serait d’éviter l’augmentation de poids, une espèce d’anorexie pathologique : le protoroman est abstrait et par conséquent moins compliqué et plus accessible que le latin vulgaire, qui est différencié en couches temporelles, sociales et géographiques. J’ai l’impression qu’on préfère un protoroman abstrait, amaigri et décharné au latin vulgaire plein de vie, abondant et de temps à autre irrégulier, comme toute langue réelle. Je suis tenté de formuler, en référence à Shakespeare : Let me have languages about me that are fat.
Bibliographie Battisti, Carlo, Avviamento allo studio del latino volgare, Bari, Leonardo da Vinci, 1949. Bork, Hans Dieter, Materialien, Aufgaben und Hilfsmittel für den Anfängerunterricht im Altfranzösischen, Cologne, Romanisches Seminar, 1973. Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang, Sept malentendus dans la perception du DÉRom par Alberto Vàrvaro, RLiR 75 (2011), 305–312 (= 2011a). –, Ce qui oppose vraiment deux conceptions de l’étymologie romane. Réponse à Alberto Vàrvaro et contribution à un débat méthodologique en cours, RLiR 75 (2011), 628–635 (= 2011b).
3.2. Contrepoint : ce que j’aurais fait différemment dans le DÉRom | 297
Bassols de Climent, Mariano, Fonetica latina, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 81992 (11962). Díaz y Díaz, Manuel C., Antología del latín vulgar, Madrid, Gredos, 21962 (11950). Diehl, Ernst, Vulgärlateinische Inschriften, Bonn, Marcus & Weber, 1910. Ernout, Alfred/Meillet, Antoine, Dictionnaire étymologique de la langue latine. Histoire des mots, Paris, Klincksieck, 51985 (11932). Fox, Anthony, Linguistic Reconstruction. An Introduction to Theory and Method, Oxford, Oxford University Press, 1995. Gromat. = Lachmann, Carolus (ed.), Gromatici veteres, Rome, Bardi, 1848. Iliescu, Maria/Slusanski, Dan, Du latin aux langues romanes. Choix de textes traduits et commentés (du IIe siècle avant J. C. jusqu’au Xe siècle apres J. C.), Wilhelmsfeld, Egert 1991. Kramer, Johannes, Literarische Quellen zur Aussprache des Vulgärlateins, Meisenheim, Hain, 1976. –, Vulgärlateinische Alltagsdokumente auf Papyri, Ostraka, Täfelchen und Inschriften, Berlin/New York, De Gruyter, 2007. –, Gibt es leichte und schwere Schulsprachen ?, Zeitschrift für Romanische Sprachen und ihre Didaktik 4 (2010), 105–119. Pisani, Vittore, Testi latini arcaici e volgari : con commento glottologico, Turin, Rosenberg & Sellier 31975 (11950). Rohlfs, Gerhard, Sermo vulgaris Latinus. Vulgärlateinisches Lesebuch, Tübingen, Niemeyer, 2 1956 (11951). Thumb, Albert, Handbuch der neugriechischen Volkssprache, Strasbourg, Trübner, 1910. Vàrvaro, Alberto, Il DÉRom : un nuovo REW ?, RLiR 75 (2011), 297–304 (= 2011a). –, La « rupture épistémologique » del DÉRom. Ancora sul metodo dell’etimologia romanza, RLiR 75 (2011), 623–627 (= 2011b). Windisch, Rudolf, Eugenio Coseriu und das « sogenannte Vulgärlatein », Anuar de lingvistică şi istorie literară 51 (2012), 415–422.
Marie-Guy Boutier
3.3. Ouverture (1) : reconstruction phraséologique et système protoroman des noms de jours À l’origine de ce bref chapitre, il y a une question, formulée par les directeurs du projet DÉRom, qui m’est gentiment adressée. Comment, dans le cadre du projet, envisager la reconstruction phraséologique, ce que l’on peut définir, en première approche, par le fait de reconstruire, pour un ensemble de lexèmes romans héréditaires, un étymon protoroman qui ne serait pas un lexème, mais bien une association de lexèmes, un syntagme figé ? Les éléments pour répondre à la question manquent au moment où elle est posée. La nomenclature du DÉRom, fondée sur des travaux classiques, ne contient dans l’état actuel que des lexèmes libres (y compris des dérivés) ; elle ne contient ni lexèmes composés ni associations de lexèmes (syntagmes figés, locutions, phrasèmes etc.). Un seul cas, toutefois, qui précisément a suscité la question, a retenu l’attention d’une rédactrice du DÉRom, Bianca Mertens, à savoir les dénominations romanes du samedi. La rédactrice a soigneusement dépouillé les sources et a reconstruit, en suivant la méthode dérominenne, six étymons, objets de six articles : deux lexèmes simples, */ˈsabbat-u/ et */ˈsabbat-a/, et quatre locutions, */ˈdie ˈsabat-i/, */ˈdie ˈsambat-i/, */ˈsabbatu ˈdi-e/ et */ˈsambati ˈdi-e/ (cf. REW3 s.v. sabbătum/sambătum) ; pour un exposé synthétique, v. Mertens à paraître. La reconstruction s’accompagne d’un schéma historique général : les syntagmes ou associations libres de lexèmes (deux accents ; ordre libre) sont devenus des composés (un seul accent ; ordre fixé différemment selon les idiomes), lesquels ont généré les mots simples actuels, inanalysables, qu’ils aient -di ou di- comme syllabe finale ou initiale (fr. samedi, cat. dissabte). Le cas des dénominations du samedi est toutefois particulier, puisqu’il s’agit du seul nom de jour où un lexème simple a généré secondairement des syntagmes, ceci par alignement sur les six autres noms de jours, considérés quant à eux comme issus de syntagmes primitifs en */ˈdi-e/ (cf. REW3 s.v. lūnae dies, martis dies, mércŭri dīes, jŏvis dīes, vĕnĕris dīes, dŏmĭnĭcus, -a et le commentaire relatif à ce dernier étymon). Le schéma historique général reste, semble-t-il, valide, si ce n’est que pour expliquer les formes sans */ˈdi-e/ (dacoroum. luni ou esp. lunes, par exemple), l’on est contraint de les considérer comme des réductions secondaires (par ellipse du déterminé) des formes syntagmatiques primaires.
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Pour mettre ce schéma à l’épreuve, il vaut mieux porter l’attention sur la série des noms de jours dans son ensemble plutôt que sur un membre, au surplus très particulier, de la série. La reconstruction phraséologique est un terrain non défriché. Il faut avancer prudemment, sachant que l’on approche de la falaise abrupte qui sépare les deux manières de signifier de la langue : celle de la langue en tant que système, où « chaque signe a en propre ce qui le distingue d’autres signes » (Benveniste 1974, 223), et celle de la langue en action, où « certaines unités du discours sont conjointes pour traduire une certaine idée intéressant un certain présent du locuteur » (ibid., 226). Les noms romans des jours de la semaine sont-ils des signes ? Assurément. Que cherche-t-on pour expliquer chacun de ces signes ? Un signe qui les précède et les explique, ou bien une ou plusieurs conjonctions momentanées d’unités ? Selon la réponse que l’on donnera à cette question préalable, la solution sera cherchée dans la langue ou dans le discours. La seconde option fait entrer dans le monde, peut-être trop confiné, de l’étymologie le grand vent de la syntaxe (agencement des syntagmes et fonctions des constituants). Sans choisir immédiatement entre ces deux voies, une exigence peut être formulée : que la solution proposée offre une réponse d’ensemble pour la ‘série diaire romane’, autrement dit pour l’ensemble des signes qui désignent les sept jours de la semaine dans toutes les langues romanes. Tournant le dos à la falaise, nous voici face à la montagne : matériaux épars ou organisés, textes, dictionnaires, travaux. Les romanistes, depuis Diez et surtout depuis Gilliéron, ont beaucoup écrit sur les noms de jours (cf. de Dardel 1996 pour des éléments de bibliographie sans état de la question). Il est impossible d’évaluer les travaux dans le présent cadre (tâche qu’il ne faudra pourtant point délaisser). Dès ici, il faut reconnaître trois points forts de la recherche : (1) la matière a été soigneusement relevée et, globalement, bien analysée ; (2) l’approche procède d’une volonté intégrative ; (3) la discussion suit, souvent innocemment, un fil qui remonte à Diez. Conséquemment, trois points faibles sont à souligner : (1) devant l’étendue de la matière, la recherche se restreint (à un domaine linguistique, à une époque, à un type de matériel, à un groupe d’items, à une forme, à une question particulière) ; (2) la volonté intégrative crée des solutions ad hoc, voire des monstres (comme ce lat. *lunis dies, dont le génitif anomal aurait remplacé, lit-on partout, le classique lunae) ; (3) aucun obstacle, si considérable qu’il soit, ne remet en question les fondements étymologiques hérités de la tradition. Ces fondements découlent d’une hypothèse – érigée en axiome –, selon laquelle les noms de jours romans continuent les noms de jours latins (formations
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en dies), à l’exception des noms du samedi et du dimanche, qui ont remplacé les noms antiques sans ébranler le système, mais au contraire en se modelant sur celui-ci. Cette hypothèse-axiome n’a jamais été invalidée. Pourtant, la grammaire comparée-reconstruction – dont on ne sera pas surpris qu’elle n’ait jamais été convoquée dans ce dossier (v. Chambon 2010) – possède un puissant levier pour mettre à l’épreuve une hypothèse étymologique panromane. Si la série diaire romane venait, comme la tradition l’affirme, de la série diaire latine *lunis dies, martis dies etc., les idiomes romans qui se sont éloignés le plus tôt du tronc roman commun, à savoir le sarde et le roumain, devraient soit avoir des formes concordantes continuant cette série latine, soit avoir des formes divergentes (innovations dans une branche ou dans les deux). Or le sarde et le roumain concordent remarquablement, offrant la double série : sard. lunis, martis, mercuris, –, –, sapadu, dominiga ; dacoroum. luni, marţi, miercuri, joi, vineri, sâmbătă, duminică. Nulle trace de lat. dies ! Cette fenêtre ouverte sur le plus ancien état accessible du protoroman montre une réalité toute différente de ce que la tradition de la linguistique romane a enseigné et enseigne. Elle permet, enfin, de poser la question de l’étymologie des noms de jours romans. À ce stade, je propose seulement d’assurer un point de départ, à savoir d’établir provisoirement sept étymons protoromans, caractérisés d’une manière sommaire, en me servant d’un triple point d’appui dans trois idiomes romans vivants appartenant à trois branches de l’arbre phylogénétique roman. La concordance entre les cognats sardes et roumains, déjà convoqués, et esp. lunes, martes, miércoles, jueves, viernes, sábado, domingo, permet de restituer les étymons protoromans */ˈlunis/, */ˈmartis/, */ˈmɛrkuris/, */ˈioβis/, */ˈvɛneris/, */ˈsabbat-u/ ~ */ˈsabbat-a/, */dɔˈmin-ik-u/ ~ */dɔˈmin-ik-a/ des noms de jours. Des continuateurs directs de cette série de simples peuvent être trouvés de l’est à l’ouest et du nord au sud de l’espace roman (à l’exception du portugais). C’est ce système protoroman tout nouveau, très différent du système latin attesté par les textes, qu’il s’agit étudier au triple point de vue de son fonctionnement, de sa genèse et de son histoire. J’indique ici quelques questions, forcément neuves elles aussi ; pour plus de développement, v. Boutier (en préparation). Grammaticalement, les cinq noms protoromans du lundi au vendredi appartiennent à la classe des adverbes (leur thème se termine en /-s/) et sont unis dans cette classe de façon particulière (/-is/ leur est commun). Grammaticalement, les deux noms protoromans du samedi et du dimanche appartiennent à la classe des substantifs (en /-u/ ou en /-a/). Si les lexèmes désignant les jours sont
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tous aptes à remplir les mêmes fonctions syntaxiques, comment expliquer cette divergence ? Des éléments de réponse peuvent être trouvés en observant, dans les systèmes linguistiques actuels (romans et autres), la dualité profonde qui existe, au plan langagier, entre des unités dont l’interprétation dépend de l’énonciation (fr. il vient lundi) et des unités dont le sens est constant et indépendant de l’énonciation (fr. c’est lundi, lundi de Pâques). Je pense que c’est cette dualité au plan langagier qui se reflète, au plan linguistique, aussi bien dans la césure originelle de la série diaire protoromane que dans son histoire ultérieure. Lexicalement, le système diaire du protoroman n’a que de lointaines attaches avec celui du latin écrit. Protorom. */ˈlunis/ ne peut pas plus être issu de lat. lunae dies que protorom. */ˈsabbat-u/ ~ */ˈsabbat-a/ ne peut l’être de lat. Saturni dies. La grammaire comparée-reconstruction révèle que le système diaire protoroman était entièrement constitué avant la fin du 2e siècle au plus tard (date de l’autonomisation du sarde) et qu’il a rayonné à partir du centre de la romanité. Le contenu sémantique des noms du samedi et du dimanche, qui à nouveau sépare ces deux noms du reste de la série, pointe un milieu créateur. Il faut écarter une fois pour toutes l’idée que l’Église, en tant qu’institution organisée (après la conversion de Constantin), aurait pu jouer un rôle quelconque dans la création et la diffusion du nom du dimanche (cf. Jud 1934, 44-46), qui est, comme les autres noms de jours, une unité lexicale de la langue ordinaire et non un terme de la langue spéciale de l’Église. Ce n’est pas seulement la genèse du système diaire roman, mais aussi son histoire qu’il faut entièrement réécrire. Les formes en di- et en -di, détachées de leurs prétendus étymons en dies, doivent en effet être expliquées. Il me semble que l’approche doit s’opérer en deux étapes, correspondant aux deux phases d’innovation qui se manifestent dans les parlers romans. a) Formes en di-. – La première innovation concerne toute la Gaule romane, ainsi que les idiomes limitrophes de l’Ibérie (catalan et ancien asturien), qui ont ou ont eu des formes à di- antéposé pour toute la série diaire (type d’awall. apic. delon, occit. diluns, cat. dilluns). Pour expliquer ces formes nouvelles, il faut les observer, sans a priori, dans certains parlers dialectaux occitans, où peut être mis au jour le fonctionnement différencié des formes en di- et des formes simples. L’innovation, de vaste extension, est ancienne et peut être située plus étroitement dans le temps grâce aux ressources de la phonétique historique ; ces mêmes ressources montrent que di- n’a jamais été un lexème autonome, mais est depuis l’origine un élément de formation. b) Formes en -di (cf. Henry 1960 ; Rohlfs 1983). – La deuxième innovation, tardive, concerne, indépendamment jusqu’à preuve du contraire, le français et
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l’italien. Dans le domaine d’oïl, ˹lundi˺ etc. évincent peu à peu ˹dilun˺ etc. (seul ˹dimanche˺ ne subit pas de concurrence). En Italie du nord, le lombard crée des formations nouvelles du type ˹lunedì˺ etc., qui supplantent les simples anciens (laissant intacts ˹sabato˺ et ˹dominica˺) ; ces néologismes, empruntés par la langue littéraire, rayonnent à leur tour à partir de celle-ci. Il serait intéressant de chercher le modèle de ces unités les plus récentes, que l’on a en général prises pour les plus anciennes (continuatrices des formes latines en dies) ; v. par exemple Wartburg 1956. LE SIMPLE PRECEDE LE COMPLEXE. Cette pensée a guidé ma réflexion dans cette brève contribution, qui s’est donné pour but de fermer une porte avant d’en ouvrir une autre. FERMER. Non, les noms romans des jours de la semaine ne continuent pas les formations en dies qu’atteste le latin des textes. Cette proposition, universellement reçue, a ici été falsifiée grâce au levier d’Archimède qu’offre la comparaison du sarde et du roumain. OUVRIR. Tous les noms romans des jours de la semaine sont issus de lexèmes simples, que la démarche classique de la grammaire comparée-reconstruction permet de restituer grâce à la comparaison de trois idiomes concordants dans leurs dénominations, le sarde, le dacoroumain et l’espagnol, représentant chacun une branche de l’arbre phylogénétique roman. Ces lexèmes se sont continués directement dans tous les parlers romans (sauf en portugais, langue qui a remplacé à date prélittéraire le système héréditaire par un système emprunté) ; une partie de la branche romane occidentale a formé sur ces types simples des types secondaires préfixés en di-. Ces deux propositions, déconstructive et constructive, ouvrent sur une recherche qui peut commencer grâce à elles. Les questions, entièrement nouvelles, à poser au matériel linguistique roman concernent la genèse des lexèmes protoromans et les modalités de leur renouvellement (question de linguistique romane), ainsi que la nature linguistique et langagière des noms de jours (question de linguistique générale). Le laboratoire roman, revisité grâce à la démarche de la grammaire comparée-reconstruction, offre l’opportunité de comprendre de l’intérieur un microsystème lexical parmi les plus fondamentaux et les plus universels, celui du système diaire, et de réfléchir par ce biais à l’inscription du temps dans la langue.
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Bibliographie Benveniste, Émile, La forme et le sens dans le langage. In : Problèmes de linguistique générale, 2, Paris, Gallimard, 1974 [1967], 215-238. Boutier, Marie-Guy, Sur la nature linguistique et langagière des noms de jours. Réflexions à partir de la série diaire protoromane, en préparation. Chambon, Jean-Pierre, Pratique étymologique en domaine (gallo-)roman et grammaire comparée-reconstruction. À propos du traitement des mots héréditaires dans le TLF et le FEW, in : Injoo Choi-Jonin/Marc Duval/Olivier Soutet (edd.), Typologie et comparatisme. Hommages offerts à Alain Lemaréchal, Louvain/Paris/Walpole, Peeters, 2010, 61-75. Dardel, Robert de, Les noms des jours de la semaine en protoroman : hypothèses nouvelles, RLiR 60 (1996), 321-334. DÉRom = Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang (dir.), Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), Nancy, ATILF, , 2008–. Henry, Albert, Les noms des jours de la semaine en ancien français, in : Études de lexicologie française et gallo-romane, Paris, PUF, 1960, 13-49. Jud, Jacob, Sur l’histoire de la terminologie ecclésiastique de la France et de l’Italie (avec 7 cartes), RLiR 10 (1934), 1-62. Mertens, Bianca, Le traitement étymologique de la phraséologie dans le DÉRom : l’exemple de ‘samedi’, in : Steven N. Dworkin/Xosé Lluis García Arias/Johannes Kramer (edd.), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15-20 juillet 2013). Section 6 : Étymologie, Nancy, ATILF, à paraître. REW3 = Meyer-Lübke, Wilhelm, Romanisches Etymologisches Wörterbuch, Heidelberg, Winter, 3 1930–1935 [11911–1920]. Rohlfs, Gerhard, Die französischen Wochentagsnamen, in : Romanische Lehnübersetzungen aus germanischer Grundlage (Materia romana, spirito germanico), Munich, Verlag der Bayerischen Akademie der Wissenschaften, 1983, 16-26. Wartburg, Walther von, Les noms des jours de la semaine dans les langues romanes, in : Von Sprache und Mensch, Berne, Francke, 1956, 45-60.
Jan Reinhardt
3.4. Ouverture (2) : vers un DÉRom onomasiologique Que le DÉRom,1 en appliquant ses propres principes, n’arriverait jamais à être un dictionnaire étymologique roman complet a été – entre autres – un point de critique par rapport à ce projet.2 Et en fait, beaucoup de matériaux romans qui sont présents dans les articles du Romanisches Etymologisches Wörterbuch de Meyer-Lübke (REW3) – qu’on suppose d’ailleurs être complet – ne seront pas intégrés dans les articles du DÉRom. Ce dictionnaire exclut non seulement les dérivés à l’intérieur de l’histoire des idiomes romans, mais aussi les emprunts, les dérivés de noms propres, les onomatopées, les lexèmes présents dans un seul idiome (formes idioromanes), en somme, tous les matériaux auxquels la reconstruction d’étymons protoromans selon les principes de la grammaire comparée n’est pas applicable (cf. Buchi/Schweickard 2009, 101-103). Ainsi, l’article */'laur-u/ – pour ne citer qu’un seul exemple – intègre les continuateurs de cet étymon de forme simple, pourvu qu’ils présentent le signifié de ‘laurier’, mais non ceux de */lau'r-ari-u/ (par exemple occit. laurier), ni les adjectifs de couleur comme port. louro ni des emprunts comme roum. dafin. Réfléchir sur la possibilité de combiner une étymologie conséquente – la reconstruction – avec une étymologie autant que possible complète – donc onomasiologique –, c’est le but de la présente contribution.3 Dans un supplément onomasiologique au DÉRom tel qu’on pourrait l’imaginer, le schéma d’article général pourrait être le suivant : (1)
CONCEPT
‘définition’
1. forme/renvoi : */'.../ (DÉRom [publié/non publié]) 2. … 3. … (Commentaire) – Bibliographie : ....
|| 1 Nos remerciements les plus chaleureux s’adressent à Jean-Loup Ringenbach (ingénieur d’étude au CNRS, ATILF, Nancy) pour la révision stylistique de notre texte. 2 Pour la discussion sur le projet, v. Buchi/Schweickard 2011a et 2011b, Greub (dans ce volume), Kramer 2011a et 2011b, Möhren 2012, Vàrvaro 2011a et 2011b. 3 Nous disposons déjà de la partie onomasiologique du REW3 (p. 1187–1200), assez peu connue et qui ne prétend pas à être complète, et, bien sûr, du Dictionnaire onomasiologique des langues romanes (DOLR) de Henri Vernay, ouvrage précieux, mais sur les 73 articles du DÉRom publiés en août 2013, seuls 28 ont pu tirer profit d’un article correspondant du DOLR. – Pour les risques d’une onomasiologie « universelle », cf. Klein 1997.
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Appliqué à un concept facile à traiter – ici FOIN –, un tel article se présenterait comme suit : (2)
FOIN
‘herbe fauchée puis séchée’
1. */'ɸen-u/ ~ */'ɸɛn-u/ s.n. (DÉRom) 2. aroum. earbă uscată s.f. (EWRS s.v. fîn, */'ɛrb-a/ ~ */'εrβ-a/, DÉRom, + forme de usuc, EWRS s.v. usc < « EXSUCO, -ARE » ; Pascu 1, 155 ; BaraAroumain) 3. ast. (hors Corrales) yerba s.f. (DGLA, */'εrb-a/ ~ */'εrβ-a/, DÉRom) (Commentaire) – Bibliographie : [Heu ø REW3 p. 1192 ; foin ø DOLR].
Évoquer ici une forme du latin écrit (EXSUCARE) n’équivaut pas à l’abandon de la méthode étymologique du DÉRom : on ne donnera ici que des renvois aux dictionnaires étymologiques des idiomes particuliers, et cela dans les cas seulement où il n’y a pas encore d’article correspondant dans le DÉRom (dictionnaire principal), ou pas encore de proposition d’étymon (par exemple */ek-'suk-a-/ ou */ek-su'k-a-t-u/). Cette forme de présentation ne serait pas seulement applicable à des substantifs, mais également à d’autres catégories grammaticales, par exemple aux verbes : (3)
SORTIR
‘aller hors d’un lieu, du dedans au dehors’
1. */'εks-i-/ v.intr. (DÉRom) 2. fr. sortir, cat. sortir (…) 3. esp. salir, port. sair (…) x. … (etc.) (Commentaire) – Bibliographie : ...
De même pour les mots grammaticaux : (4)
MAIS ‘(conjonction qui introduit une idée contraire, une restriction, une correc(all. aber)4 tion, une addition, une précision indispensable)’ 1. aroum. ma, it. ma, fr. mais, port. mas (DÉRom */'mais/, non publié) 2. it. però, esp. pero, gal. pero (…) 3. dacoroum. dar (…) x. … (etc.) (Commentaire) – Bibliographie : ...
|| 4 Il faudra dans ces cas introduire soit des subdivisions, soit des articles supplémentaires : MAIS2 (all. sondern) – esp. sino, etc., selon l’emploi des conjonctions et des autres mots grammaticaux.
3.4. Ouverture (2) : vers un DÉRom onomasiologique | 307
Pour donner un exemple d’un concept qui demande un traitement beaucoup plus complexe, nous présentons ci-dessous les différentes parties d’un article RENARD tel qu’on pourrait l’imaginer, d’abord sous la forme qu’elles pourraient revêtir dans le DÉRom (dictionnaire principal) – ici sous une forme tout à fait provisoire : (5) */'βʊlp-e/ > nuor. gurpe s.f. ‘mammifère carnivore (canidés, aux oreilles droites, à la tête triangulaire assez effilée, à la queue touffue et au pelage fourni), renard’ (dp. 12e/14e s. [vulpe], DES [Orani, Ollolai, Ottana]), dacoroum. vulpe (dp. 1500/1510 [date du ms. ; vulpilor], Psalt. Hur.2 139 ; Tiktin3 ; EWRS ; DLR), istroroum. vulpe (dp. 1874, MaiorescuIstria 158 ; Byhan,JIRS 6, 386), méglénoroum. vulpe (WildSprachatlas 99 p 3), aroum. vulpe (dp. ca 1760 [vulpea], Kristophson,ZBalk 10/1, 19 ; Pascu 1, 188 ; DDA2 ; KavalliotisProtopeiria no 0157 [βούλπε] ; BaraAroumain [vulpi]), dalm. ˹buálp˺ (BartoliDalmatico 238, 296), istriot. ˹bulpo˺ (DeanovićIstria 108 ; AIS 435 p 397, 398), it. volpe (dp. 1233/1243, TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 435), frioul. ˹bolp˺ (Benincà in DESF s.v. bòlp ; AIS 435), lad. ˹olp˺ (Kramer/Fiacre in EWD ; AIS 435), romanch. ˹uolp˺ (HWBRätoromanisch), frpr. ˹vorp˺ (FEW 14, 645b), occit. ˹volp˺ (dp. ca 1130/1149 [volps], MarcGHP 346 ; Raynouard ; FEW 14, 645b [viv.-alp.]), gasc. ˹boup˺ (FEW 14, 645b ; CorominesAran 356 s.v. vop ; ALF 1147 p 697, 699), acat. volp (fin 13e s., DECat 9, 383 ; MollSuplement no 3447 ; DCVB), aesp. golpe (av. 1230–ca 1250, AlexandreW 374 [ms. P : vulpes pl.], 375 [ms. O : golpes pl.] ; DCECH 5, 847), gal. golpe m. (dp. 1754, DCECH 5, 847 [Viveiro] ; DRAG1 [“zona norte de Galicia”]). Bibliographie : – MeyerLübkeGRS 1, § 118–119, 306–307, 416, 476–477 ; REW3 s.v. vŭlpes ; von Wartburg 1961 in FEW 14, 645b–646b, VULPES ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 183, 272 ; 2, § 300–301, 413 ; RohlfsSprachgeographie 169 ; HallPhonology 124 ; Weinhold in PatRomPrésentation 344–355 s.v. VULPES. (6) */βʊl'pikl-u/ > afr. vorpil s.m. ‘renard’ (12e–13e s., FEW 14, 644a ; DEAF s.v. goupil ; AND2 s.v. gupil), frpr. ˹vorpeil˺ (FEW 14, 644a [aost. Forez] ; ALF 1147 p 985). (7) */βʊl'pekl-a/ > aesp. gulpeja/vulpeja s.f. ‘renarde ; renard (?)’ (ca 1250 [gulpeija]–15e s., CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 5, 846 [gulpeja] ; DME), agal./aport. golpelha (14e s., DELP3 ; Houaiss). */βʊl'pekl-u/ > aesp. golpejo s.m. ‘renard’ (1250, CORDE), agal./aport. golpello (av. 1264/1284, AlfXCantM 4). Commentaire : ... – Bibliographie : – MeyerLübkeGRS 1, § 30–31, 68–70, 302, 306–308, 416, 476–477, 487–488 ; REW3 s.v. vulpēcŭla/*vulpīcŭla ; von Wartburg 1961 in FEW 14, 644a–645b, VULPECULA ; LausbergSprachwissenschaft 1, §
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166, 168, 272 ; 2, § 300–301, 413, 422 ; Weinhold in PatRomPrésentation 356–361 s.v. VULPECULA/VULPICULUS. Un commentaire à */βʊl'pikl-u/ ou */βʊl'pekl-a/ devrait aborder (au moins) les thèmes suivants : Le français, le francoprovençal, l’occitan, l’espagnol, le galicien et le portugais présentent des cognats conduisant à reconstruire soit protorom. */βʊl'pikl-u/ s.m., soit */βʊl'pekl-a/ s.f. ‘renard’. Le corrélat en latin écrit de */βʊl'pekl-a/ (7) est vulpēcula s.f. ‘id.’ (dp. Cicéron, OLD) ; lat. vulpīculus s.m. (cf. 6 ci-dessus) est attesté au 5e siècle (dp. 408 [Marcellus Empiricus], FEW 14, 645 ; DEAF s.v. goupil). Les formes de fr. goupil (ca 1125 [gupil]–17e s., DEAF ; FEW 14, 644b ; TLF s.v. goupil, renard), ˹gourpil˺ (13e–14e s.) et ˹werpil˺ (13e–14e s., FEW 14 644b-645a, 2.a.–2.c.), influencées par afrq. hwelp ‘chiot’ (FEW 14, 645a ; REW3 s.v. hwelp, vulpēcŭla), sont à traiter séparément du type afr. vorpil. Esp. gulpeja (et variantes)5 et port. golpelha sont interprétés par MeyerLübke et von Wartburg comme des emprunts galloromans. La toponymie ibéroromane (Portugal, Galice, Asturies, León, Castille, Rioja) présente cependant des continuateurs de */βʊl'pekl-a/ (+ */-ar-e/, */-ari-a/)6 qui nous font supposer la présence dès l’Antiquité tardive de ce type lexical au moins dans la région nord-occidentale de la péninsule Ibérique (plus tard, ce type a été remplacé par rapiega, -u ; raposa, -u ; zorra, -o) ; nous ne suivons donc pas le REW3 et le FEW sur ce point. Ainsi s’opposent un groupe galloroman (fr./frpr. < */βʊl'pikl-u/), qui remonte à une innovation du 5e siècle, et un groupe ibéroroman (aesp. agal./aport. < */βʊl'pekl-a/, */βʊl'pekl-u/), qui continue un type connu déjà en latin classique ; au type ibéroroman correspondent en outre morphologiquement gasc. boupelh (Palay), qui désigne une plante (‘prêle queue-de-renard’), et les formes catalanes avec le signifié secondaire de ‘lâche’.7
|| 5 Selon Kasten/Cody, vulpeja est déjà médieval et n’apparaît pas seulement au 17e siècle comme l’affirme Weinhold in PatRomPrésentation 359 n. 4. 6 Cf. pour le Portugal : Weinhold in PatRomPrésentation 359 n. 1 ; pour la Galice : RohlfsSprachgeographie 171 n. 561 ; PatRomPrésentation 359 n. 1 ; Boullón Agrelo 2002 ; pour les Asturies : PatRomPrésentation 359 n. 1 ; AriasPropuestes 1, 107 ; 2, 234 ; pour le León : latméd. uulpiculare (ca 937/945 [toponyme ?], LELMAL ; RohlfsSprachgeographie 171 n. 561 ; DCECH 5, 846 ; PatRomPrésentation 359 n. 1 ; pour la Castille : RohlfsSprachgeographie 171 n. 561 (Salamanque) ; latméd. ripa gulpeiera (1099 [Miranda de Ebro], CORDE) ; pour la Rioja : PatRomPrésentation 359 n. 1. 7 Cf. acat. volpell adj. (fin 13e s., DCVB ; MollSuplement no 3446) et acat. volpeyls (13e s., FEW 14, 645a. – Au groupe galloroman (*/βʊl'pikl-u/) s’associe en revanche avec beaucoup de probabilité aoccit. volpil adj./volpill s.m. ‘lâche’ (ca 1180–ca 1270, Raynouard 5, 567 ; FEW 14, 644a) : il
3.4. Ouverture (2) : vers un DÉRom onomasiologique | 309
Les étymons vŭlpēcŭla (FEW 14, 644a) et *vulpīcŭla (REW3 s.v. vulpēcŭla) ne correspondent pas ou ne correspondent que partiellement à cette réalité : dans le FEW, il n’y a que quelques formes du Poitou qui remontent à vŭlpēcŭla (et qui ne désignent pas l’animal), tandis que le REW3 ne cite pas de féminins.8 Dans le DÉRom onomasiologique, ces trois séries de cognats seraient présentées sous les numéros 1. à 3., puis suivraient des slavismes, italianismes, dérivés de noms propres etc., selon l’ordre des idiomes du DÉRom, ici les numéros 4. à 12. : (8)
RENARD
‘mammifère carnivore (canidés, aux oreilles droites, à la tête triangulaire assez effilée, à la queue touffue, au pelage fourni)’
1. */'βʊlp-e/ (DÉRom, non publié) 2. */βʊl'pikl-u/ (DÉRom, non publié) 3. */βʊl'pekl-a/, */βʊl'pekl-u/ (DÉRom, non publié) 4. istroroum. lisíţę/lisíţă s.f. ‘renard’ (PopoviciIstria 120 ; PuşcariuIstroromâne 3, 199 [lisică] ; SârbuIstroromân 224) < croat./slov. lisica ; méglénoroum. lisíţă s.f. ‘renard’ (WildSprachatlas 99) < macéd. lisica 5. sardcentr. ˹mariáne˺/campid. [˹mar'ǵani˺] s.m. ‘renard’ (Wagner,AR 16, 501 [Barbagia mariáne] ; DES ; AIS 435) < NP Mariane 6. logoud. ˹mattsone˺/gallur. [ma'ććoni] s.m. ‘renard’ (Wagner,AR 16, 501 ; DES ; AIS 435). – Bibliographie : REW3 s.v. *mattea > sard. mattsa/-u 7. fr. renard s.m. ‘renard’ (dp. déb. 13e s. [renart], TLF ; FEW 16, 688ab ; AND1 ; ALF 1147), frpr. ˹rena˺ (FEW 16, 688b ; ALF 1147), occit. ˹reinar˺ (dp. 1240 [rainart], FEW 16, 688ab ; ALF 1147), gasc. ˹renart˺ (FEW 16, 688b ; ALF 1147) < NP Reginhart 8. occit. mandre s.m. ‘renard’ (FEW 6/1, 136a [Tarn]) ; occit. mandro f. ‘renarde’ (dp. 1327 [mandra], Levy 5, 95 ; FEW 6/1, 136a [lang.] ; ALF 1147 p 773–785, 792–793), gasc. ˹mandro˺ (ALF 1147 p 782, 791) < */'mandr-a/ (?), DÉRom (non publié) 9. aoccit. guiner s.m. ‘renard’ (ca 1190, FEW 17, 587b) ; cat. guineu f. (dp. 13e s., DECat 4, 734–740 ; DCVB ; ALEANR 477 p Hu 401, 404, 408) < NP Winald/Winihild ou ar. qináwi (Corriente 2003) 10. esp. zorra s.f. ‘renarde’ (dp. fin 14e s., SinonimaM 164 ; Nebrija, NTLE ; DCECH 6, 113– 115 ; ALEA 434 ; ALEANR 477), port. zorra (dp. 1534, Houaiss) < onomatopée */'tsorr-/ (à travers aesp. aport. zorrar ?) ou base préromane9 11.a. valenc./baléar. rabosa s.f. ‘renarde’ (15e s., DCECH 4, 783), esp. rabosa (13e s., DCECH 4, 783 [Soria, Alcazar] ; ALEANR 477 [Aragon]) < ibérorom. rabo esp. raboso s.f. ‘renard’ (ALEANR 477 [Navarre, Aragon]) < ibérorom. rabo b. esp. raposa s.f. ‘renarde’ (dp. ca 1250, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 4, 783 ; ALEA 434 p H 303, Se201, Gr 504, Al 400), ast. raposa ‘renarde ; renard’ (1913, TextHispDialA
|| semble qu’à une époque antérieure, l’aire de */βʊl'pekl-a/ ‘renard’ comprenait aussi le catalan et le gascon, l’aire de */βʊl'pikl-u/ aussi l’occitan. 8 Il est cependant possible que le changement de genre ne soit pas protoroman, mais remonte seulement à l’époque médiévale (cf. */βʊl'pekl-u/, ci-dessus 7.). 9 Il n’est pas clair si le signifié ‘renard’ précède celui de ‘prostituée’ ou vice versa.
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(8)
RENARD
‘mammifère carnivore (canidés, aux oreilles droites, à la tête triangulaire assez effilée, à la queue touffue, au pelage fourni)’
1, 108 ; DGLA), gal./port. raposa (dp. 1123, DELP3 5, 39 ; CunhaVocabulário2 ; Houaiss ; DRAG1) < ibérorom. rabosa (par l’influence de rapar/rapiña/rapaz [?]) esp. raposo s.m. ‘renard’ (dp. 1256, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 4, 783 ; ALEA 434 p Se 200 ; ALEANR 477 [Rioja, Navarre]), ast. raposu (DGLA), gal. raposo (DRAG1) < ibérorom. rabosa (par l’influence de rapar/rapiña/rapaz ?) 12. ast. rapiega s.f. ‘renard ; renarde’ (dp. ca 1920, CORDE ; DGLA) < protorom. */ra'peka/ (de */ra'pak-e/, par métathèse [?]) ou dérivé asturien à l’aide du suffixe -iegu/-a 13. … (etc.) (Commentaire) – Bibliographie (…)
À partir du numéro 13. pourraient suivre également les dérivés d’anthroponymes avec des bases comme Alain, Bastien, Dzuṡeppe, García, Ǧommaría, Juan (/Juanico/Juanillo), Juana (/Juanica/Juanita), Liòri, Lolle, María, María García ou encore Wisila. À ces dérivés on peut en ajouter d’autres, eux aussi pour la plupart de nature tabouistique, par lesquels on évite de prononcer le nom du renard. On peut se demander si et comment ils pourraient être intégrés dans l’article avec l’ajout de leurs motifs de dénomination ou concepts de base correspondants : (9) ‘ANIMAL’: logoud. animale s.m. ‘renard’ (DES). – Syntagmes : nuor. béstia (maledítta et autres) s.f. ‘renard’ (DES), esp. (Granada, Almería) ˹biša˺ (ALEA 434) ; ‘ANIMAL NUISIBLE’ : it. crosta (?) > nuor. ┌rústa┐ s.f. ‘renard’ (DES). – Campid. tsrèppi s.f. ‘renard’ (DES s.v. sèrpi [Villasimíus]) ; ‘CHIEN ; SEMBLABLE AU CHIEN’ : prérom. *kal(l)- (?) + -ittsa > campid. kal(l)ittsa s.f. ‘renarde’ (DES [Villasimius]) ; *kal(l)- + -ittsu > campid. gallitsu s.m. ‘renard’ (DES [Dolianova]). – It. mastino > logoud. sept. mastinu s.m. ‘renard’ (DES [Oschiri]) ; ‘DAME’ : v. ‘PARENTE’ ; ‘FAINEANT’ : v. mandra ; v. zorro ; NP marota (< María ?). – Esp. gandaya ‘vie paresseuse’ (DCECH 3, 73–74, aoccit. gandir < gotique wandjan) > esp. gandana/gandano s.f./s.m. ‘pute’ (ALEA 434 [Málaga, Granada/Málaga]) (?) ; ‘JEUNES ANIMAUX ou ENGEANCE ? (all. Brut)’ : logoud. rèṡe s.f. ‘renard’ (DES); (‘LACHE’ : cat. volpell etc., cf. n. 7) ; ‘LARRON’ : v. ‘MARTRE’; ‘(MALADIE ;) MAL’ : lat. pestis/it. peste (?) > nuor. peste s.f. ‘renard’ (DES [pesta Orosei]); ‘MARTRE’ ; ‘LARRON’ : prérom. (?) (h)ard- > esp. garduño s.m. ‘renard’ (ALEA 434 p Ca 204, Al 509). – Cf. esp. garduña (DCECH 1, 320 s.v. ardilla) ;
3.4. Ouverture (2) : vers un DÉRom onomasiologique | 311
‘MUSEAU’ : logoud./nuor. bukka mala s.f. ‘renard’ (DES [Berchidda, Buddusò/Orune]) ; ‘PARENTE ; DAME’ : cf. cal. cummare/za (‘tante’) Rosa (RohlfsSprachgeographie 171) ; esp. ˹comadre˺/˹comadrika˺ ‘pute’ (ALEA 434). – Esp. ┌ señora┐/┌señorita┐ ‘pute’ (ALEA 434) ; ‘PATTE GRISE/BLANCHE’ : logoud. sept. peigánu s.m. ‘renard’ (“gergale”, DES s.v. pède : < pèđi ‘pied’ + kanu ‘gris’) ; ‘PROSTITUEE’ : cf. esp. zorra (cf. sous (8), numéro 10.) et n. 9 ; ‘PUANT’ : abr. (Canistro) ['kanə pə'ttsiʎə] (REW3 s.v. *pūtium ‘puanteur’), à côté de dénominations du putois ; ‘QUEUE TOUFFUE’ : sard. Mattsone ; esp. hopua/hopuo s.f./m. ‘pute’ (ALEA 434 [Málaga, Granada]), puis la de hopo largo, hopona (ib.), d’esp. hopo < afr. hope (DCECH 3, 386) ; ‘RAPACE’ : esp. rapaz (“semiculto”, Corominas in DCECH) : esp. rapaz s.m. ‘renard’ (1590, Thorius, NTLE). – Bibliographie : REW3 s.v. rapax, -āce ; DCECH 4, 777–779 (ø ‘renard’) ; ‘RUSE’: sard. (Oristano ; Sulcis) fraittsu/-a (< it. fra + -ittsu/-a) ‘renard’ (Wagner,AR 16, 508 ; DES) ; ‘SEMBLABLE AU CHAT’ : march. [fi'yinə] s.m. ‘renard’ (REW3 s.v. felīnus). Quelles sont les chances que le projet d’un DÉRom onomasiologique se réalise un jour ? Nul ne le sait. Ce qui est certain, c’est qu’il ouvrirait des perspectives plus qu’intéressantes, y compris au-delà du cadre strict de la linguistique romane, notamment quand on pense aux potentialités qui s’offriraient à une vision combinée se dégageant à la fois du DECOLAR et de ce DÉRom onomasiologique.
Bibliographie AIS = Jaberg, Karl/Jud, Jakob, Sprach- und Sachatlas Italiens und der Südschweiz, 8 vol., Zofingen, Ringier, 1928–1940. ALEA = Alvar, Manuel, et al., Atlas lingüístico y etnográfico de Andalucía, Madrid, Arco Libros, 1991. (fac-similé ed. Granada, Universidad/CSIC, 11961–1973) ALEANR = Alvar, Manuel, et al., Atlas lingüístico y etnográfico de Aragón, Navarra y Rioja, 12 vol., Madrid, La Muralla, 1979–1983. AlexandreW = Willis, Raymond Smith (ed.), El Libro de Alexandre, New York, Kraus Reprint, 1965. (ed. orig. Princeton/Paris, University Press/PUF, 1934) ALF = Gilliéron, Jules/Edmont, Edmond, Atlas linguistique de la France (ALF), 20 vol., Paris, Champion, 1902–1920. AlfXCantM 4 = Mettmann, Walter (ed.), Afonso X, o Sábio, Cantigas de Santa Maria, vol. 4 : Glossário, Coimbra, Universidade de Coimbra, 1972. AND2 = Rothwell, William (dir.), Anglo-Norman Dictionary (A-C), Londres, Maney Publishing/Modern Humanities Research Association, 22005 [11977–1992].
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3.4. Ouverture (2) : vers un DÉRom onomasiologique | 313
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314 | Jan Reinhardt
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3.4. Ouverture (2) : vers un DÉRom onomasiologique | 315
TLIOCorpus = Beltrami, Pietro G. (dir.), Corpus OVI dell'italiano antico : Corpus TLIO, Florence, CNR/Opera del Vocabolario, http://gattoweb.ovi.cnr.it, 1998–. Vàrvaro, Alberto, 2011. Il DÉRom : un nuovo REW ?, RLiR 75, 297–304. (= 2011a) –, 2011. La ‹rupture épistémologique› del DÉRom. Ancora sul metodo dell’etimologia romanza, RLiR 75, 623–627. (= 2011b) Wagner,AR 16 = Wagner, Max Leopold, Die Bezeichnungen für ‹Fuchs› in Sardinien, AR 16 (1932), 501–514. WildSprachatlas = Wild, Beate, Meglenorumänischer Sprachatlas, Hambourg, Buske, 1983.
4. Liste des publications du DÉRom Alletsgruber, Julia, À la recherche d’une étymologie panromane : lexique héréditaire roman et influence du superstrat germanique dans le DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman) : le cas de */'βad-u/ ~ */'uad-u/ ‘gué’, in : Anne-Marie Chabrolle-Cerretini (ed.), Romania : réalité(s) et concepts. Actes du colloque international des 6 et 7 octobre 2011, Université Nancy 2, Limoges, Lambert et Lucas, 2013, 123–131. Andronache, Marta, Le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) : une nouvelle approche de l’étymologie romane, Dacoromania 15 (2010), 129–144. –, Le statut des langues romanes standardisées contemporaines dans le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), in : Emili Casanova Herrero/Cesáreo Calvo Rigual (edd.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas (Valencia 2010), Berlin/New York, De Gruyter, 2013, vol. 4, 449–458. –, La Romania du Sud-Est dans le DÉRom, in : Anne-Marie Chabrolle-Cerretini (ed.), Romania : réalité(s) et concepts. Actes du colloque international des 6 et 7 octobre 2011, Université Nancy 2, Limoges, Lambert et Lucas, 2013, 147–163. –, La variation diasystémique protomane. Réflexions à partir de l’expérience du DÉRom, in : Lene Schøsler/Jan Lindschouw (edd.) : Actes du colloque « DIA II – Les variations diasystémiques et leurs interdépendances » (Copenhague, 19–21 novembre 2012), à paraître. –, Les étapes dans le travail rédactionnel du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : David Trotter/Andrea Bozzi/Cédrick Fairon (edd.), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15–20 juillet 2013). Section 16 : Projets en cours ; ressources et outils nouveaux, Nancy, ATILF, à paraître. Baiwir, Esther, Un cas d’allomorphie en protoroman examiné à l’aune du dictionnaire DÉRom, Bulletin de la Commission Royale [belge] de Toponymie et de Dialectologie 85 (2013), 79– 88. Bastardas i Rufat, Maria Reina, École d’été franco-allemande en étymologie romane (Nancy, 26–30 de juliol de 2010), Estudis Romànics 33 (2011), 549–550. –, El català i la lexicografia etimològica panromànica [Intervention à la table ronde « 100 anys d’etimologia romànica : el REW de Meyer-Lübke : 1911–2010 »], in : Emili Casanova Herrero/Cesáreo Calvo Rigual (edd.) : Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas (Valencia 2010), Berlin/New York, De Gruyter, 2013, vol. 1, 135–141. –, Un vieux problème de la romanistique revisité : la place du catalan parmi les langues romanes à la lumière des articles du DÉRom, in : Éva Buchi/Jean-Paul Chauveau/Jean-Marie Pierrel (edd.), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15–20 juillet 2013), Strasbourg, Société de linguistique romane/ÉLiPhi, à paraître. Bastardas i Rufat, Maria Reina/Buchi, Éva, Aportacions del DÉRom a l’etimologia catalana, in : Yvette Bürki/Manuela Cimeli/Rosa Sánchez (edd.), Lengua, Llengua, Llingua, Lingua, Langue. Encuentros filológicos (ibero)románicos. Estudios en homenaje a la profesora Beatrice Schmid, Munich, Peniope, 2012, 19–32. Bastardas i Rufat, Maria Reina/Buchi, Éva/Cano González, Ana María, Etimoloxía asturiana ya etimoloxía romance : aportaciones mutues nun contestu de camudamientu metodolóxicu pendiente, Lletres Asturianes 108 (2013), 11–39. –, La etimología (pan-)románica hoy : noticias del Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), Revista de Filología Románica 30 (2013), 11–36.
318 | 4. Liste des publications du DÉRom
Benarroch, Myriam, L’apport du DÉRom à l’étymologie portugaise, in : Emili Casanova Herrero/Cesáreo Calvo Rigual (edd.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas (Valencia 2010), Berlin/New York, De Gruyter, 2013, vol. 4, 479–491. –, Latin oral et latin écrit en étymologie romane : l’exemple du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Maria Helena Araújo Carreira (ed.), Les Rapports entre l’oral et l’écrit dans les langues romanes, Saint-Denis, Université Paris 8, 2013, 127–158. –, O léxico português hereditário à luz da etimologia românica : reflexões a partir do DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Fátima Silva/Isabel Falé/Isabel Pereira (edd.), XXVIII Encontro Nacional da Associação Portuguesa de Linguística, Faro (Universidade do Algarve, 25–27 octobre 2012), Textos selecionados [cédérom], Coimbra, Associação Portuguesa de Linguística, 2013, 149–168. –, L’étymologie du lexique héréditaire : en quoi l'étymologie panromane est-elle plus puissante que l'étymologie idioromane ? L’exemple du DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Anne-Marie Chabrolle-Cerretini (ed.), Romania : réalité(s) et concepts. Actes du colloque international des 6 et 7 octobre 2011, Université Nancy 2, Limoges, Lambert et Lucas, 2013, 133–146. –, A lexicografia em movimento : Do Houaiss1 (H1) ao Grande Houaiss (GH2) passando pelo DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman). Datação e etimologia do léxico hereditário, in : Aparecida Negri Isquerdo/Giselle Olivia Mantovani Dal Corno (edd.), As Ciências do Léxico. Lexicologia, Lexicografia, Terminologia, Campo Grande, Universidade Federal do Mato Grosso do Sul, 2014, vol. 7, 189–220. –, Ce que le DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman) nous dit du latin parlé de l’Antiquité, in : Éva Buchi/Jean-Paul Chauveau/Jean-Marie Pierrel (edd.), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15–20 juillet 2013), Strasbourg, Société de linguistique romane/ÉLiPhi, à paraître. Buchi, Éva, Pourquoi la linguistique romane n’est pas soluble en linguistiques idioromanes. Le témoignage du Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), in : Carmen Alén Garabato/Xosé Afonso Álvarez/Mercedes Brea (edd.), Quelle linguistique romane au XXIe siècle ?, Paris, L’Harmattan, 2013, 43–60. –, Where Caesar’s Latin does not belong : a comparative grammar based approach to Romance etymology, in : Charlotte Brewer (ed.), Selected Proceedings of the Fifth International Conference on Historical Lexicography and Lexicology held at St Anne’s College, Oxford, 16–18 June 2010, Oxford, Oxford University Research Archive, , 2010. –, Des bienfaits de l’application de la méthode comparative à la matière romane : l’exemple de la reconstruction sémantique, in : Bohumil Vykypěl/Vít Boček (edd.), Methods of Etymological Practice, Prague, Nakladatelství Lidové noviny, 2012, 105–117. –, Cent ans après Meyer-Lübke : le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) en tant que tentative d’arrimage de l’étymologie romane à la linguistique générale [Intervention à la table ronde « 100 anys d’etimologia romànica : el REW de Meyer-Lübke : 1911–2010 »], in : Emili Casanova Herrero/Cesáreo Calvo Rigual (edd.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas (Valencia 2010), Berlin/New York, De Gruyter, 2013, vol. 1, 141–147. –, Les langues romanes sont-elles des langues comme les autres ? Ce qu’en pense le DÉRom. Avec un excursus sur la notion de déclinaison étymologique, BSL (à paraître).
4. Liste des publications du DÉRom | 319
–, Grammaire comparée et langues romanes : la discussion méthodologique autour du Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Comptes rendus (à paraître). Buchi, Éva/Chauveau, Jean-Paul/Gouvert, Xavier/Greub, Yan, Quand la linguistique française ne saurait que se faire romane : du neuf dans le traitement étymologique du lexique héréditaire, in : Franck Neveu/Valelia Muni Toke/Thomas Klingler/Jacques Durand/Lorenza Mondada/Sophie Prévost (edd.), Congrès Mondial de Linguistique Française – CMLF 2010, Paris, Institut de Linguistique Française, , 2010, 111–123. Buchi, Éva/González Martín, Carmen/Mertens, Bianca/Schlienger, Claire, L’étymologie de FAIM et de FAMINE revue dans le cadre du DÉRom, Le français moderne (à paraître). Buchi, Éva/Gouvert, Xavier/Greub, Yan, Data structuring in the DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Bettina Bock/Maria Kozianka (edd.), Whilom Worlds of Words – Proceedings of the 6th International Conference on Historical Lexicography and Lexicology (Jena, 25–27 July 2012), Hambourg, Kovač, 2014, 125–134. Buchi, Éva/Hütsch, Annalena/Jactel, Élodie, Ce que la reconstruction comparative peut apporter à la morphologie constructionnelle. Une cavalcade étymologique, Estudis Romànics (à paraître). Buchi, Éva/Reinhardt, Jan, De la fécondation croisée entre le LEI et le DÉRom, in : Sergio Lubello/Wolfgang Schweickard (edd.), Le nuove frontiere del LEI. Miscellanea di studi in onore di Max Pfister in occasione del suo 80o compleanno, Wiesbaden, Reichert, 2012, 201–204. Buchi, Éva/Sánchez Miret, Fernando, Descubrimientos recientes en el marco del Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), in : Meike Meliss/María Dolores Sánchez Palomino/María Teresa Sanmarco Bande (edd.), Actos del Iº Simposio internacional RELEX. Lexicografía románica. Estado da cuestión (A Coruña, 15–17 de octubre de 2013), Munich, Iudicium, à paraître. Buchi, Éva/Schweickard, Wolfgang, Le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) : en guise de faire-part de naissance, Lexicographica. International Annual for Lexicography 24 (2008), 351–357. –, Romanistique et étymologie du fonds lexical héréditaire : du REW au DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Carmen Alén Garabato/Teddy Arnavielle/Christian Camps (edd.), La romanistique dans tous ses états, Paris, L’Harmattan, 2009, 97–110. –, À la recherche du protoroman : objectifs et méthodes du futur Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), in : Maria Iliescu/Heidi Siller-Runggaldier/Paul Danler (edd.), Actes du XXVe Congrès International de Linguistique et de Philologie Romanes (Innsbruck 2007), Berlin/New York, De Gruyter, 2010, vol. 6, 61–68. –, Sept malentendus dans la perception du DÉRom par Alberto Vàrvaro, RLiR 75 (2011), 305– 312. –, Ce qui oppose vraiment deux conceptions de l’étymologie romane. Réponse à Alberto Vàrvaro et contribution à un débat méthodologique en cours, RLiR 75 (2011), 628–635. –, Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom) : Internationale Sommerschule in Nancy, Lexicographica. International Annual for lexicography 27 (2011), 329. –, Per un’etimologia romanza saldamente ancorata alla linguistica variazionale : riflessioni fondate sull’esperienza del DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman), in : Marie-Guy Boutier/Pascale Hadermann/Marieke Van Acker (edd.), La variation et le changement en langue (langues romanes), Helsinki, Société Néophilologique, 2013, 47–60.
320 | 4. Liste des publications du DÉRom
Buchi, Éva/Спиридонов, Дмитрий В., Новый лексикографический проект в романской этимологии : Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), in : Этнолингвистика. Ономастика. Этимология. Материалы Международной научной конференции, Екатеринбург, 8–10 сентября 2012 г., Ekaterinbourg, Издательство Уральского университета, 2012, vol. 1 : 160–162. Celac, Victor/Andronache, Marta, La condensation lexico-sémantique en étymologie romane, in : Éva Buchi/Jean-Paul Chauveau/Jean-Marie Pierrel (edd.), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15–20 juillet 2013), Strasbourg, Société de linguistique romane/ÉLiPhi, à paraître. Celac, Victor/Buchi, Éva, Étymologie-origine et étymologie-histoire dans le DÉRom (Dictionnaire Étymologique Roman). Coup de projecteur sur quelques trouvailles du domaine roumain, in : Anja Overbeck/Wolfgang Schweickard/Harald Völker (edd.), Lexikon, Varietät, Philologie. Romanistische Studien Günter Holtus zum 65. Geburtstag, Berlin/Boston, De Gruyter, 2011, 363–370. Chambon, Jean-Pierre, Note sur la diachronie du vocalisme accentué en istriote/istroroman et sur la place de ce groupe de parlers au sein de la branche romane, BSL 106/1 (2011), 293– 303. –, Notes sur un problème de la reconstruction phonétique et phonologique du protoroman : le groupe */gn/, BSL 108/1 (2013), 273–282. –, [Intervention à la table ronde « 100 anys d’etimologia romànica : el REW de Meyer-Lübke : 1911–2010 »], in : Emili Casanova Herrero/Cesáreo Calvo Rigual (edd.), Actas del XXVI Congreso Internacional de Lingüística y de Filología Románicas (Valencia 2010), Berlin/New York, De Gruyter, 2013, vol. 1, 148–150. –, Réflexions sur la reconstruction comparative en étymologie romane : entre Meillet et Herman, in : Martin-D. Gleßgen/Wolfgang Schweickard (edd.), Étymologie romane. Objets, méthodes et perspectives, Strasbourg, Société de linguistique romane/ÉLiPhi, à paraître. Delorme, Jérémie, Généalogie d’un article étymologique : le cas de l’étymon protoroman */βi'naki-a/ dans le Dictionnaire Étymologique Roman (DÉRom), BSL 106/1 (2011), 305–341. Dworkin, Steven N., El valor analítico de las primeras documentaciones en los diccionarios etimológicos, à paraître dans un volume de mélanges en l’honneur d’un confrère. Florescu, Cristina, Limba română în Dictionnaire Étymologique Roman DÉRom (< Romanisches Etymologisches Wörterbuch REW), in : Luminiţa Botoşineanu/Elena Dănilă/Cecilia Holban/Ofelia Ichim (edd.), Distorsionări în comunicarea lingvistică, literară şi etnofolclorică românească şi contextul european, Iaşi, ALFA/Asociaţia Culturală « A. Philippide », 2009, 153–159. –, The Academic Dictionary of the Romanian Language (« Dicţionarul academic al Limbii Române » – DLR). Lexicological Relevance and Romanic Context, Philologica Jassyensia 8 (2012), 19–26. –, G. Ivănescu : etimologia cuvintelor din Istoria limbii române în context romanic (DÉRom), Anuar de Lingvistică şi Istorie Literară 53 (2013), 111–122. –, Mots désignant les phénomènes atmosphériques dans le DÉRom. Terminologie protoromane ?, in : Steven N. Dworkin/Xosé Lluis García Arias/Johannes Kramer (edd.), Actes du XXVIIe Congrès international de linguistique et de philologie romanes (Nancy, 15–20 juillet 2013). Section 6 : Étymologie. Nancy, ATILF, à paraître. Georgescu, Simona, El trabajo en el DÉRom como base didáctica para los estudiantes de filología clásica, in : Eugenia Popeanga Chelaru et al. (edd.), Actas del coloquio « Filología románica hoy » (Madrid, 3–5 de noviembre de 2011), à paraître.
4. Liste des publications du DÉRom | 321
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| II. Partie lexicographique
1. Articles */'aɡr-u/ s.n. « étendue de terre propre à la culture ; étendue de la surface terrestre située à la campagne » I. Sens « champ » */'aɡr-u/ > sard. agru s.m. « étendue de terre propre à la culture, champ » (dp. 11e/12e s., DES ; PittauDizionario 1), dacoroum. agru n. (1551/1558 [date du ms. ; agro (lire agre) pl.] – ca 1650, Psalt. Vor. 141 = DELR = FrăţilăEtimologii 101–111 ; Tiktin3 ; EWRS ; DA ; Candrea-Densusianu n° 22 ; Cioranescu n° 137 ; MDA)1, méglénoroum. ágru (Candrea,GrS 3, 176 ; CapidanDicţionar ; AtanasovMeglenoromâna 42, 54, 81, 165, 197, 205), aroum. agru (dp. 1770 [άγκρου], KavalliotisProtopeiria n° 0015 ; Pascu 1, 29 ; DDA2 ; BaraAroumain), it. agro m. (dp. 1220, Artale in TLIO ; LEI 1, 1281–1285 ; DELI2 ; GDLI ; cf. RohlfsGrammStor 1, § 260)2, romanch. er (dp. 1552 [aer], FerminBifrun 84 ; Schorta in DRG 5, 642– 653 ; HWBRätoromanisch), agasc. agre (1260, FEW 24, 257b ; DOM)3, acat. agre (1287, MollSuplement n° 127 ; DECat 1, 77), aesp. ero (1109 – 1296, Kasten/Cody ; CORDE ; cf. DCECH 2, 653–654 s.v. era II n. 3)4, 5, gal./aport. agro (dp. 1200/1214, TMILG ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; Piel,Biblos 8, 385 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
|| 1 Le caractère héréditaire des rares attestations des 19e et 20e siècles (dp. 1865 [transylv. ban.], FrăţilăEtimologii 104 ; DA) n’est pas assuré : il peut s’agir d’un latinisme. Le lexème est d’ailleurs absent des atlas ; la langue commune dispose pour exprimer ce concept d’unités lexicales comme ogor, ţarină et câmp. 2 Nous ne suivons pas DELI2, d’après lequel il s’agirait d’un latinisme (“vc. dotta”). 3 Agasc. agre s.m. « champ » est déclaré semi-savant par le DOM, sans doute en raison de son isolement. Les nombreux dérivés tels que agrairal, agrairar, agrairatge, agrier, agriera (DOM) de ce lexème prouvent en tout cas sa réelle vitalité à époque prélittéraire. 4 Nous suivons Castro,RFE 5, 38 pour considérer aesp. ero s.m. « champ » comme issu régulièrement de protorom. */'aɡr-u/. En effet, il n’est pas nécessaire de postuler, comme le fait Corominas in DCECH 2, 653–654 s.v. era II n. 3, que ce lexème soit issu d’un croisement entre l’issue de */'aɡr-u/ et un dérivé d’esp. era s.f. « surface plane et unie sur laquelle on battait le blé, aire » (< */'ari-a/) : l’évolution phonétique est parallèle à celle de protorom. */ɪn'tɛɡr-u/ > esp. entero. 5 Si l’asturien ne connaît pas de continuateur sûr de */'aɡr-u/, ce protolexème a en tout cas survécu dans la toponymie (AriasPropuestes 2, 47–48 ; DELlAMs).
326 | 1. Articles
II.1. Sens « territoire rural » */'aɡr-u/ > it. agro s.m. « étendue de la surface terrestre située à la campagne, territoire rural » (dp. 1698, LEI 1, 1282)6, gal. agro (DRAG1).
II.2. Sens « portion du finage » */'aɡr-u/ > aoccit. aire s.m. « portion du finage (où l’on fait paître les troupeaux de chèvres) » (1514, DOM), cat. agre « portion de terre propre à la culture d’une plante déterminée » (dp. 1704, DCVB).
II.3. Sens « territoire d’un animal sauvage » */'aɡr-u/ > alomb. agro s.m. « nid d’un oiseau de proie » (av. 1476 [traité traduit de l’espagnol], LEI 1, 1282)7, fr. aire f. « territoire d’un animal sauvage (en particulier nid d’un oiseau de proie) » (dp. 12e s., Gdf ; TL ; TLF ; FEW 25, 1318a)8, frpr. ˹['ɑːra]˺ « nid d’aigle » (Tappolet in GPSR 1, 228), occit. ˹agre˺ m. « nid d’un oiseau de proie ; gîte d’un sanglier » (dp. 1ère m. 12e s. [aire], DOM ; Raynouard ; Levy ; FEW 25, 1318b), gasc. ayre « nid d’un oiseau de proie » (1722 [genre indécidable], LespyR), cat. agre « endroit fréquenté par un animal (en particulier un oiseau de proie) » (dp. 14e s., DECat 1, 75 ; MollSuplement n° 127 ; DCVB). Commentaire. – À l’exception du dalmate, du frioulan et du ladin, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'aɡr-u/ s.n. « étendue de terre propre à la culture, champ ; étendue de la surface terrestre située à la campagne, territoire rural ». Les issues romanes ont été subdivisées selon les deux valeurs sémantiques qui leur sont attachées : « champ » (ci-dessus I.) et « territoire rural » (ou une
|| 6 Esp. agro s.m. « territoire d’une ville » (dp. 1645, DCECH 1, 78) représente un latinisme. 7 Lomb. orient. agher (19e s., LEI 1, 1282), très isolé et tardif, est douteux. 8 Pour expliquer des sens comme « tanière de l’ours » et « gîte du sanglier » que le lexème présentait en ancien français, on doit postuler que le sémantisme du lexème ait été plus général au départ, pour se restreindre progressivement jusqu’à ne plus concerner que le nid de l’aigle à l’époque moderne. Les similitudes avec des sens de lat. area sont très probablement de simples coïncidences, les cognats occitans nous obligeant à reconstruire */'agr-u/ et non pas */'ari-a/ (cf. Chauveau in FEW 25, 1322a-1323b ; Chauveau,RLV 38). Mais fr. aire a été capté très tôt par le représentant de */'ari-a/, ce qui explique son genre féminin (cf. FEW 25, 1323b n. 1).
*/'aɡr-u/ s.n. | 327
valeur sémantique qui s’y rattache, ci-dessus II.). Le sens « champ » est attesté en sarde, en roumain (dacoroum. méglénoroum. aroum.) et dans plusieurs idiomes de la Romania “italo-occidentale” (it. romanch. gasc. cat. esp. gal./port.)9, ce qui permet de le reconstruire pour la première strate du protoroman, antérieure à l’individuation du sarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256). L’aréologie des trois sens « territoire rural » (it. gal.), « portion du finage » (occit. cat.) et « territoire d’un animal sauvage » (lomb. fr. frpr. occit. gasc. cat.) ne permet guère de déterminer lequel d’entre eux est primaire. Mais la reconstruction sémantique interne donne la préférence à « territoire rural » (II.1.), qui a pu donner lieu par synecdoque au sens « portion du finage » (II.2.) et par analogie à celui de « territoire d’un animal sauvage » (II.3.). En tout état de cause, le sens « territoire rural », absent des branches sarde et roumaine, ne peut être reconstruit que pour une strate plus tardive du protoroman, postérieure à l’individuation du protoroumain (3e siècle [?], cf. RosettiIstoria 184 ; Straka,RLiR 20, 258). Sur la base des cognats dacoroumain, méglénoroumain et aroumain, notamment, et en raison du fait que ce genre est récessif dans la famille romane, on reconstruit un étymon de genre neutre pour la première phase du protoroman (protoroman stricto sensu), étant entendu que lors d’une phase plus récente du protoroman, l’étymon est passé au masculin dans une partie (en tout cas diatopiquement marquée) du diasystème. Par ailleurs, les continuateurs de protorom. */'aɡr-u/ ont rencontré partiellement ceux de protorom. */'ari-a/ (cf. RohlfsAger), phénomène qui a pu être favorisé par l’existence (non directement reconstructible) d’un pluriel de type */'aɡr-a/. Le corrélat du latin écrit, ager, -i s.m., est usuel durant toute l’Antiquité dans les sens « champ » (dp. Ennius [* 239 – † 169], OLD ; cf. ci-dessus I.), « territoire » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], OLD) et « campagne » (dp. Térence [* ca 190 – † 159], OLD), à l’intersection desquels se situe le sens « territoire rural » reconstructible sur la base des données romanes (cf. ci-dessus II.). Du point de vue diasystémique (‛latin global’) et plus précisément diamésique, on remarque que protorom. */'aɡr-u/ ~ lat. ager est caractérisé, si l’on considère le latin dans toute sa profondeur historique, par une variation morphologique touchant le genre (neutre et masculin) dans le code oral, tandis que le code écrit ne connaît que le masculin.
|| 9 La plus grande partie de la Gaule ne connaît que le sens II.3., probablement parce qu’elle a généralisé précocement */'kamp-u/ dans le sens I.
328 | 1. Articles
Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 231–232, 308, 494 ; REW3 s.v. ager ; RohlfsAger ; Rohlfs,ZrP 52, 69 ; Ernout/Meillet4 s.v. ager ; Wartburg/Jänicke 1978 in FEW 24, 257b, AGER ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175, 272 ; 2, § 420–421 ; HallPhonology 102 ; SalaVocabularul 546 ; StefenelliSchicksal 222– 223 ; MihăescuRomanité 260–261 ; Chauveau 2002 in FEW 25, 1318a-1325a, AGER ; Chauveau,RLV 38. Signatures. – Rédaction : Julia ALLETSGRUBER. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Jérémie DELORME. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; August KOVAČEC ; Elton PRIFTI ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Maria ILIESCU ; Giorgio MARRAPODI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Steven N. DWORKIN ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Rosario COLUCCIA ; Francesco CRIFÒ ; Wolfgang DAHMEN ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Cristian MOROIANU ; Florin-Teodor OLARIU ; Max PFISTER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/05/2014. Version actuelle : 30/08/2014.
*/a'ɡʊst-u/ s.m. « mois qui suit juillet et précède septembre » */a'ɡʊst-u/ > sard. agústu/aústu s.m. « mois qui suit juillet et précède septembre, août » (dp. 11e/13e s. [agustu], DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 323)1, dacoroum. pop. [a'gust] (dp. ca 1650 [agost], DA ; Tiktin3 s.v. áugust ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 24 ; Cioranescu n° 141 ; Kramer,BA 9, 114–116 ; ALRM SN 604)2, it. agosto (dp. 1186, Artale in TLIO ; DELI2 ; LEI 3, 2322–2343 ; AIS 323),
|| 1 Contrairement à ce qui est affirmé par ElmendorfVeglia et LEI 3, 2342, dalm. aguást s.m. (BartoliDalmatico 237) et agóst (IveVeglia 117 = BartoliDalmatico 284) ne peuvent pas être héréditaires (cf. BartoliDalmatico 397 § 295 : protorom. */’ʊ/ entravé > dalm. /’u/) : aguást est emprunté au vénitien (BartoliDalmatico 169 § 144). Pour ce qui est d’agóst, nous proposons d’y voir de même un emprunt au vénitien. – L’istriote présente ˹agósto˺ s.m. (IveCanti 380 [agusto] ; AIS 323 p 397, 398 ; ILA n° 358), qui peut être un emprunt au vénitien. 2 Quant à l’attestation médiévale (2e m. 10e s./1ère m. 11e s., Mihăilă, D. 70) mentionnée par Tiktin3 s.v. áugust, il s’agit d’un élément roumain dans un texte slavon. – En dacoroumain moderne, la forme héréditaire a presque entièrement été évincée par ávgust s.m. (dp. 1593, Doc.
*/a'ɡʊst-u/s.m. | 329
frioul. avost (dp. 1355, DAroncoAntologia 26 ; LEI 3, 2342 ; Cortelazzo in DESF ; GDBTF ; AIS 323 ; ASLEF 32 n° 174), fasc. aóst (dp. 1763 [aoscht], Kramer/Homge in EWD s.v. agóst ; AIS 323 p 313 ; ALD-I 13 p 97–101)3, romanch. avuost/uost (Schorta in DRG 1, 644–646 ; HWBRätoromanisch s.v. uost ; AIS 323), fr. août (dp. 1119 [aust], FEW 25, 910a-928a ; GdfC s.v. aoust ; TL s.v. aost ; TLF ; ALF 47), frpr. ˹ou˺ (dp. 1303 [ost], FEW 25, 910b ; Jeanjaquet in GPSR 1, 483–487 ; ALF 47), occit. aost (dp. 1140, FEW 25, 910b ; Raynouard s.v. agost ; Pansier 3 ; BrunelChartes 321 ; BrunelChartesSuppl 15, 139 ; ALF 47), gasc. ˹aust˺ (dp. 3e t. 12e s. [aost], CartBigRC 34 ; FEW 25, 911a, 913b ; ALF 47 ; ALG 1052), cat. agost (dp. fin 13e s., DECat 1, 72 ; DCVB), esp. agosto (dp. 1192, DEM ; Kasten/Cody ; DCECH 1, 74 ; DME), ast. agostu (dp. 1169 [agosto], DELlAMs ; AriasPropuestes 1, 206 ; DGLA), gal./port. agosto (dp. 1242/1252, DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)4. Commentaire. – À l’exception du dalmate (cf. n. 1), toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */a'ɡʊst-u/ s.m. « mois qui suit juillet et précède septembre, août ».
|| Î. (XVI) 178 ; DA s.v. áugust ; IvănescuIstoria1 496 ; MDA s.v. áugust) < slav. avgustь (MiklosichLexicon s.v. avьgustь ; Kramer,BA 9, 115 ; malgré Tiktin1 – Tiktin3 et Cioranescu n° 141, qui proposent d’y voir un hellénisme, hypothèse peu probable pour des raisons chronologiques). En dacoroumain standard, ávgust a été adapté en áugust (dp. 1881, DA [et non pas depuis 1400 (Tiktin3) : DERS a agust]) sous l’influence du latin, hypothèse plus plausible que celle d’un simple latinisme, malgré Tiktin1 – Tiktin3, DA et MDA. – La variante [’agust] (mold. et munt., cf. ALRM SN 604) se rattache à la forme héréditaire à travers un changement d’accent par analogie avec l’accentuation de la forme áugust de la langue commune (malgré Cioranescu n° 141, qui la donne comme étymologique) ; cf. aussi Kramer,BA 9, 114–116. – Dans les variétés suddanubiennes du roumain, cette issue héréditaire a été évincée par des emprunts : istroroum. angúst s.m. (< scr. dial. angošt « id. », Byhan,JIRS 6, 183 ; Kramer,BA 9, 114–116 ; SârbuIstroromân 187 ; ALRM SN 604 [ãγúştu]) ; méglénoroum. ávgust s.m. (< bulg. avgust « id. », Candrea,GrS 3, 185 ; CapidanDicţionar). Pour ce qui est de l’aroumain, il présente l’hellénisme ávγustu s.m. (DDA2) ainsi que águstu, dont l’étymologie n’est pas complètement élucidée : Pascu 1, 29 et BaraAroumain s.v. agustus y voient un héritage du protoroman, ce que l’on peut exclure au vu de la place de l’accent, clairement d’origine grecque. Soit águstu représente de même un hellénisme (solution implicite de DDA2), soit il s’agit d’une issue héréditaire dont l’accentuation a été modifiée sous l’influence du grec (cf. le parallélisme dacoroum. [a'gust]/['agust]). 3 Dans les autres variétés du ladin, cette issue héréditaire a été évincée par l’italianisme agóst s.m. (dp. 1879, EWD ; AIS 323 ; ALD-I 13). 4 Quant à la date de 1188/1230 enregistrée par DELP3, Houaiss et DDGM, elle correspond à un texte rédigé en latin.
330 | 1. Articles
Le corrélat du latin écrit, augustus, -i s.m. « id. », est connu depuis Ovide (av. 8 apr. J.-Chr., TLL 2, 1393) ; des formes présentant la réduction de la diphtongue /au/ en /a/ se trouvent fréquemment dans des inscriptions (dp. 1ère m. 1e s. apr. J.-Chr. [Afrique, Italie et Gaule], TLL 2, 1393). Plusieurs langues vernaculaires en contact avec le latin ont emprunté protorom. */a'gʊst-u/5, ce qui en confirme la vitalité dans la langue parlée. Cf. */'mai-u/ pour une vue d’ensemble sur le devenir des noms de mois protoromans. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, $ 29, 118, 308, 443, 468 ; MerloStagioni 147–152 ; REW3 s.v. augŭstus ; Ernout/Meillet4 s.v. augeō ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 183, 243, 272 ; 2, § 403, 424 ; TagliaviniStoria 152–155 ; HallPhonology 53 ; SalaVocabularul 542 ; Kramer 1990 in LEI 3, 2322–2343, AUGUSTUS ; MihăescuRomanité 302 ; Chauveau 1997 in FEW 25, 910a-928a, AUGUSTUS. Signatures. – Rédaction : Victor CELAC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Maria ILIESCU. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; MihaelaMariana MORCOV ; Manuela NEVACI ; Nicolae SARAMANDU. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 27/07/2009. Version actuelle : 19/07/2014.
|| 5 Alb. gusht (MihăescuRomanité 33 ; VătăşescuAlbaneză 132), berb. γušt (SchuchardtBerberisch 66, 67), brittonique insulaire, d’où bret. eost (dp. 1464 [eaost]), corn. est et gall. awst (tous Deshayes s.v. eost ; LothBrittoniques 136) ; cf. aussi MerloStagioni 180–181, TagliaviniStoria 154 et FEW 25, 925a.
*/a'ket-u/1 s.m. | 331
*/a'ket-u/1 s.m. « liquide qui résulte de la fermentation acétique du vin » */a'ket-u/ > sard. aketu s.m. « liquide qui résulte de la fermentation acétique du vin, vinaigre » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1011)1, dalm. akait (BartoliDalmatico 303, 396 § 295, 418 § 373 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 117, 469), istriot. ˹[a'ʒe]˺ (DeanovićIstria 13 ; ILA n° 1312 ; AIS 1011), it. aceto (dp. av. 1274 [alomb. axeo], LEI 1, 381–393 ; Cigliana in TLIO ; DELI2 ; AIS 1011)2, frioul. asêt (Cortelazzo in DESF ; GDBTF ; AIS 1011 ; ASLEF 551 n° 2892), lad. ajëi (dp. 1879 [agëi], Kramer/Homge in EWD ; AIS 1011 ; ALD-I 4), romanch. aschaid/ischiu (dp. 1560, GartnerBifrun 259 ; Schorta in DRG 1, 443–444 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1011), afr. aisil (ca 1120 – 1467/1506, FEW 24, 101b ; Gdf ; TL ; ANDEl s.v. eisil1 ; Cromer in DMF2012)3, frpr. orient. ˹azi˺ « mélange de petit-lait aigri et de vinaigre qu’on emploie dans la fabrication du sérac comme agent de coagulation de l’albumine contenue dans le sérum » (FEW 24, 101b ; ALF 1397 p 985)4, occit. azet « vinaigre » (dp. 12e s., Levy [alim.] ; FEW 24, 101b [viv.-alp. ˹eyzi˺]), esp. acedo (dp. 1256/1263, DCECH 1, 31 ; DME ; DEM ; Kasten/Nitti)5, 6, aast. azeto (2e m. 11e s., DELlAMs), gal./port. azedo (dp. 13e s., CunhaÍndice ; DDGM ; CunhaVocabulário2). || 1 Dacoroum. oţet s.n. « vinaigre » est un emprunt à slav. ocĭtŭ (Tiktin3 ; Cioranescu n° 5969 ; DLR ; cf. aussi LEI 1, 393 ; DOLR 5, 114 considère à tort oţet comme héréditaire). 2 LEI 1, 393 impute à une déglutination de l’article défini les formes féminines attestées sporadiquement dans les dialectes italiens septentrionaux ; cf. aussi Faré n° 98. 3 Dans aisil, l final représente un phonème adventice (cf. FEW 24, 102a : “der ungewohnte wortausgang -i ist durch das häufige -il ersetzt worden”). Du reste, la continuation de protorom. */a'ket-u/1 en ancien français peut, à défaut d’attestation, être inférée à partir du texte de la Passion de Clermont-Ferrand (ca 980, PassionA 114), copie occitanisante d’un original localisé dans le sud-ouest du domaine oïlique : la forme occitane az& (graphie de l’édition pour azet), située à la fin d’un vers succédant à un vers finissant sur iki, heurte en effet le jeu des assonances : on s’attendrait à ce que l’assonance entre les deux vers repose dans l’original sur une forme dont la voyelle tonique présente le même timbre que la voyelle tonique de iki, soit *azit. 4 Nous suivons von Wartburg/Jänicke et Gauchat (FEW 24, 102a ; GPSR 2, 177) pour considérer le type plus répandu (SRfrpr. aost. sav.) azi comme une issue irrégulière de protorom. */a'ket-u/1 qui a connu, comme afr. aisil (cf. ci-dessus n. 3), l’introduction (désormais rarement décelable) d’un phonème adventice à la finale (cf. FEW 24, 102b n. 5 : “die formen, die auf etum beruhen, und diejenigen auf -il sind [...] nicht auseinandergehalten, weil die modernen formen auf -i zum teil wohl sekundär durch abfall des -l aus -il entstanden sind”). 5 Le sens « vinaigre » n’est attesté qu’en ancien espagnol (1256/1263 – 1611, DME) ; le sens actuel est « jus acide » (DME, DRAE22). 6 Le catalan ne connaît pas d’issue de */a'ket-u/1 : aceti « vinaigre », que DCVB donne à tort comme de l’ancien catalan, est à attribuer au latin (cf. VenyDialectologia 181).
332 | 1. Articles
Commentaire. – À l’exception du roumain, du gascon et du catalan, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire */a'ket-u/1 s.m. « liquide qui résulte de la fermentation acétique du vin, vinaigre ». Plusieurs langues non romanes ont emprunté ce lexème au protoroman7. Le corrélat exact du latin écrit, acetus s.m. « vinaigre », n’est attesté que dans l’Oribase latin (5e/6e s., TLL 1, 379), tandis que acetum, -i n. est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [191 av. J.-Chr.], TLL 1, 380). La confrontation du résultat de la reconstruction comparative avec les données du latin écrit conduit à penser que du point de vue diasystémique (‛latin global’), */a'ket-u/ s.m. appartient à une strate tardive et régionalisée du protoroman, qui ne connaissait plus le neutre comme genre fonctionnel. Pour compléter les informations, cf. */a'ket-u/2 adj., avec lequel */a'ket-u/1 s.m. entretient un rapport de conversion. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 70, 81, 223, 433, 445 ; REW3 s.v. acētum ; Jud,ASNS 127, 425 ; Ernout/Meillet4 s.v. ac- ; von Wartburg/Jänicke 1973 in FEW 24, 101b-102b, ACETUM ; LausbergSprachwissenschaft 2, § 387 ; Kramer 1984 in LEI 1, 381–394, ACETUM ; SalaVocabularul 187 ; DOLR 5 (1995), 114. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Mário Eduardo VIARO. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Maria ILIESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU ; Matthieu SEGUI. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Myriam BENARROCH ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Max PFISTER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 31/12/2013. Version actuelle : 30/08/2014.
*/a'ket-u/2 adj. « dont la saveur est piquante » Commentaire. – Le sarde, l’italien, l’occitan, le gascon, l’espagnol, l’asturien et le galégo-portugais présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */a'ket-u/ adj. « dont la saveur est piquante, acide ».
|| 7 Got. akeit s. « vinaigre » et vsax. ekid (tous deux sans postérité dans les langues germaniques modernes, cf. Kluge24).
*/'akuil-a/ s.f. | 333
Des considérations d’ordre aréologique et historique incitent à voir dans */a'ket-u/2 adj. le résultat d’une conversion ancienne de */a'ket-u/1 s.m. En effet, l’aire de */a'ket-u/ adj. est incluse dans celle de */a'ket-u/ s.m. « vinaigre » ; le sarde présentant les deux lexèmes, la conversion ne peut être intervenue qu’avant la séparation du protoroman de Sardaigne (datée de la 2e moitié du 2e siècle selon Straka,RLiR 20, 256). Le corrélat du latin écrit, acetus adj. « acide », n’est connu que chez Palladius (4e s., SvennungPalladius 267). Pour compléter les informations, cf. */a'ket-u/1 s.m. Bibliographie. – REW3 s.v. acētum ; MeyerLübkeGLR 1, § 70, 81, 223, 433, 445 ; von Wartburg/Jänicke 1973 in FEW 24, 101b-102b, ACETUM ; LausbergSprachwissenschaft 2, § 387 ; Kramer 1984 in LEI 1, 381–394, ACETUM ; SalaVocabularul 83, 187. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Mário Eduardo VIARO. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Maria ILIESCU. Italoromania : Paul VIDESOTT. Galloromania : JeanPaul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Steven N. DWORKIN ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Christoph GROß ; Marco MAGGIORE ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Matthieu SEGUI. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 31/12/2013. Version actuelle : 24/07/2014.
*/'akuil-a/ s.f. « oiseau de proie diurne (famille des Aquilidés) de très grande taille (d’une envergure très étendue, au bec crochu du bout, aux tarses emplumés, aux serres puissantes et doué d’une vue perçante) » I. Type originel : */'akuil-a/ */'akuil-a/ > sard. ábbila s.f. « oiseau de proie diurne (famille des Aquilidés) de très grande taille (d’une envergure très étendue, au bec crochu du bout, aux tarses emplumés, aux serres puissantes et doué d’une vue perçante), aigle » (dp.
334 | 1. Articles 1316, BlascoStoria 75 ; DES ; PittauDizionario 34)1, dacoroum. aceră (dp. 1868, Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 7 ; DA ; Cioranescu n° 44 ; MihăescuRomanité 201 ; MDA)2, aroum. aţiră « oiseau rapace (famille des Valturidés) de grande taille (à la tête et au cou dénudé et se nourissant de chargones et de détritus), vautour » (DDA2 ; MihăescuRomanité 201 ; BaraAroumain), it. aghila « aigle » (av. 1250, GiacLentiniAntonelli 280 ; Lupis in LEI 3, 641 ; TLIO ; DELI2 s.v. aquila), oïl. aille m./f. (12e – 13e s. [sud-orient., puis dans les dialectes de la même zone], FEW 25, 72ab ; GdfC ; TL ; TLF ; ALF 13), frpr. ˹aʎɘ˺ f. (Gauchat/Muret in GPSR 1, 201–204 ; FEW 25, 72a ; ALF 13)3, gasc. ˹aguile˺ (FEW 25, 72ab ; RohlfsGascon1 34, 107 ; ALG 35 ; ALF 13)4, cat. àguila (dp. 13e s., DECat 1, 81 ; MollSuplement n° 257 ; DCVB)5, esp. águila (dp. 1200/1250, DEM ; Kasten/Cody ; DCECH 1, 84 ; DME)6, ast. águila (DGLA ; DELlAMs)7, gal./port. aguia (dp. 13e s., DDGM ; Piel,Biblos 8, 389 ; DELP3 ; Buschmann ; Houaiss ; CunhaVocabulário2 ; Ir Indo)8.
|| 1 Les formes en -e (DES ; PittauDizionario 34) accusent l’influence de ave « aigle » ; les formes en -kk- (PittauDizionario 54) sont partiellement adaptées au correspondant italien (DES). 2 Le caractère héréditaire du lexème roumain est discuté, et n’est pas admis par Tiktin3. En outre, selon Lupis in LEI 3, 663, cette issue doit être classée sous “*AQUILA”, mais la perte de l’élément labial est phonétiquement régulière en roumain (comme d’ailleurs en lucanocalabrais, cf. Alessio,AFLBari 1, 13–14), et il n’y a donc pas de raison de les séparer du type I. 3 La forme de frpr. ['aʎo] s.m. est refaite sur frpr. ['aʎɘ]. 4 La forme à recul d’accent est commune au gascon et à l’aragonais ([aγíla], cf. Kuhn,RLiR 11, 238). 5 En concurrence avec àliga, qui en provient (DECat 1, 81–82) ; àguila serait semi-savant selon DECat ; nous considérons cette forme comme probablement héréditaire. 6 La forme de ce cognat serait semi-savante (DEM ; DCECH ; MenéndezPidalManual4 21), l’absence de syncope étant un développement irrégulier ; il n’est pas certain que le lexème se soit toujours maintenu dans la langue. L’influence savante serait due au sens « enseigne des légions romaines » ; selon Menéndez Pidal, celui-ci aurait conservé sa faculté d’influencer l’évolution phonétique grâce à l’usage maintenu des aigles romaines dans les armées de certains chefs barbares ; Corominas in DCECH explique la forme semi-savante par la rareté de l’animal ainsi que par la tradition littéraire des aigles romaines ; nous considérons cependant cette forme comme probablement héréditaire. 7 En concurrence en asturien occidental avec aigla ([ájγla]) et en asturien centro-oriental avec áliga ([áliγa]), outre d’autres formes plus rares. Ces différents types remontent tous, par des voies différentes, au type I. (DELlAMs). 8 Serait semi-savant, selon DDGM et DCECH ; DELP3 se contente de signaler qu’il ne s’agit pas d’une évolution régulière ; nous considérons cette forme comme probablement héréditaire.
*/'akuil-a/ s.f. | 335
II. Type évolutif 1 : */'aikul-a/ */'aikul-a/ > it. sept. ˹'ewla˺ s.f. « aigle » (dp. 14e s. [aigla], TLIO ; Faré n° 582 ; LEI 3, 641–642), fr. aigle m./f. (dp. ca 1130, AND2 ; GdfC ; ALF 13 ; TL ; TLF ; FEW 25, 72a), occit. aigla f. (dp. 1120, DOM ; Raynouard ; ALF 13 ; Pansier 3 [m. ; sans exemple] ; AppelChrestomathie ; FEW 25, 72ab)9, gasc. agla (dp. 13e s., DOM ; ALF 13 ; ALG 35 ; FEW 25, 72ab ; CorominesAran 265).
III. Type évolutif 2 : */'akul-a/ ~ */'aukul-a/ III.1. */'akul-a/ */akul-a/ > istriot. ákula s.f. « aigle » (DeanovićIstria 17), it. ˹acula˺ (dp. 14e s., LEI 3, 643), frioul. ákola (Zamboni in DESF s.v. àquile)10.
III.2. */'aukul-a/ */'aukul-a/ > lomb. ˹ogola˺ s.f. « aigle » (Salvioni,RDR 4, 182 ; Faré n° 582 ; LEI 3, 643)11.
IV. Type évolutif 3 : */'akuli-a/ */'akuli-a/ > lad. ˹ègua˺ s.f. « aigle » (dp. 1879 [agua], Kramer/Homge in EWD s.v. àcuila)12.
|| 9 Le caractère régulier de l’évolution est douteux (RonjatGrammaire 2, 240). On a classé le cognat sous II. à cause, d’une part, de l’avis exprimé par Lupis in LEI 3, 663 et, d’autre part, de la forme notée par Ronjat (“Aqu(i)la”) et du caractère atypique qu’aurait l’évolution de la voyelle tonique dans cet entourage. 10 Nous ne suivons pas Zamboni in DESF, pour qui la forme serait semi-populaire. 11 En concurrence avec */'akul-a/. 12 Les auteurs semblent admettre l’explication de DocMussafia 24, qui fait remonter le type à une forme *akulja < *ákuila.
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V. Type évolutif 4 : */'auguil-a/ */'auguil-a/ > romanch. ['ɛ:vlɐ] s.f. « aigle » (Schorta in DRG 1, 122 ; HWBRätoromanisch s.v. evla)13, 14, frpr. ['uʎɘ] m./f. (ALF 13 ; Gauchat/Muret in GPSR 1, 201–204 ; FEW 25, 72a). Commentaire. – À l’exception du végliote, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers des types phonologiques évolués, protorom. */'akuil-a/ s.f. « oiseau de proie diurne (famille des Aquilidés) de très grande taille (d’une envergure très étendue, au bec crochu du bout, aux tarses emplumés, aux serres puissantes et doué d’une vue perçante), aigle ». Les matériaux rassemblés ici peuvent être ramenés à cinq sous-types étymologiques, numérotés ci-dessus de I. à V. : sous I., les issues directes de l’étymon ; sous II. à V. sont présentés divers sous-types dégagés antérieurement par la romanistique (cf. en particulier LEI 3, 640–664 et RohlfsGrammStor 1, § 294). Cependant, un grand nombre des points de départ cités, sinon tous, ne sont en fait que des solutions différentes à l’évolution d’un groupe rare. Ils remontent à trois interprétations différentes du groupe */kui/ : a) */u/ semi-consonne ([w] ; source possible de II.) ; b) /ui/ diphtongue croissante ([u̯i] ; source possible de V.) ; c) /ui/ diphtongue décroissante ([ui̯] ; source possible de IV.). On pose, comme ancêtre commun de ces trois solutions, un groupe triphonématique */kui/ ; ses aboutissements sont difficiles à prévoir, en particulier parce que les parallèles sont peu nombreux, et parce qu’on attend des réfections dans le cas d’un groupe complexe ; le groupe étant peut-être rendu plus instable encore par la position de la syllabe, pénultième inaccentuée. La divergence des évolutions phonétiques ne dépend pas, sauf des cas non retenus dans les matériaux, d’emprunts au latin ou intra-romans, ni de traitements phonétiques atypiques et particuliers à ce lexème, puisqu’il n’existe pas de traitement régulier connu de ce groupe dans cette position. Les types II. à V. présentent une forte cohérence géolinguistique : II. couvre le nord du domaine italien et la Gaule ; III. s’étend sur le domaine italien et les régions immédiatement orientales (istriote et frioulan) ; IV. est limité au ladin ; V. recouvre les domaines francoprovençal et romanche.
|| 13 Surs. evla, avla et elva représentent des emprunts à un parler voisin. 14 Comme la forme romanche générale, bas-engad. ['ɔ:ʎɐ] et ['a:ʎɐ] (dp. 1658 [algia], DRG ; HWBRätoromanisch ; Looser,RF 14, 535) remonteraient à l’intermédiaire “*auuila < *auguila < AQUILA” (LuttaBergün 266–267 ; Ascoli,AGI 1, 210).
*/'akuil-a/ s.f. | 337
Le type I., présent dans toute l’étendue de la Romania, et plus particulièrement (i) en sarde et en roumain ; (ii) dans les parlers de l’Ibérie et en gascon ; (iii) dans le nord de la Gaule, est rarissime en italien et récessif en français. L’analyse aréologique conduit à considérer que ce type est probablement le plus ancien, partiellement recouvert par des couches plus récentes dans le centre de la Romania. Le type II. est syntopique à une couche linguistique dite nord-occidentale (étendue ici à l’ensemble du futur domaine occitan), qu’on a pu par ailleurs (cf. Greub,HSK 23/3, 2502) attribuer au deuxième quart du premier millénaire. Le type V. est plus tardif et témoigne, avec les cas parallèles d’unité du francoprovençal et du romanche, d’un état où la diffusion de traits innovants se fait à plus petite échelle. Il est antérieur, cependant, à la rupture de cette unité linguistique par l’invasion alémanique, au début de la seconde moitié du premier millénaire. Il est plus difficile d’insérer dans cette chronologie relative les types III. et IV. ; le type III., qui a recouvert complètement le type I. en Italie, pourrait remonter à une même base que le type II. (cf. Sganzini in VSI 1, 42). Dans plusieurs idiomes romans, le continuateur de */'akuil-a/ est concurrencé par un emprunt, souvent ancien et répandu dans les dialectes : c’est le cas en roumain, en italien, en ladin et en frioulan. Il peut aussi y avoir concurrence entre plusieurs types héréditaires, comme dans les domaines italien (surtout au nord), français, francoprovençal, gascon, catalan et asturien, ou entre type héréditaire et types empruntés à des parlers voisins (comme en occitan, cf. RonjatGrammaire 2, 240). Au total, presque tous les domaines linguistiques semblent concernés par la concurrence de plusieurs types. Les perturbations dans l’histoire des représentants de */'akuil-a/ (développements phonétiques erratiques, concurrence fréquente de plusieurs types, emprunts nombreux à des parlers apparentés) ont pu être mises en rapport (par exemple dans VSI 1, 42–43 et GPSR 1, 203–204) avec la disparition de l’oiseau dans une grande partie de la Romania, et son caractère généralement rare. Mais on notera que la plus grande concurrence entre types phonologiques, et en général la plus grande complexité des évolutions phonétiques, se situe précisément dans les Alpes, soit dans une des zones qui connaît le mieux l’animal. Les issues rassemblées ici servent à désigner un grand rapace, et le plus souvent diverses espèces d’aigles ; les cas où le représentant de */'akuil-a/ désigne un oiseau autre que l’aigle sont relativement moins nombreux, isolés, et souvent en concurrence avec le sens « aigle » ; ces sens sont idioromans, et nous ne les avons notés que lorsqu’ils étaient exclusifs. Le sens « enseigne des légions romaines » est à peu près général dans la Romania, et attesté partout depuis le Moyen Âge ; cependant, il est impossible de savoir s’il est issu d’un héritage protoroman ou si dans chaque idiome indépendamment il dépend du
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sens ornithologique ou constitue un emprunt savant. Comme, d’une part, le rapport entre les deux sens est toujours perceptible, et que l’artefact dépend de l’animal qu’il représente, et que, d’autre part, la permanence du référent, ou de son souvenir, n’est pas assurée, nous préférons faire l’économie de la reconstruction d’un deuxième sens. Le corrélat du latin écrit, aquila s.f. « id. », est connu depuis Cicéron (* 106 – † 43, TLL 2, 369). Il est le seul nom latin de l’animal, connaît des emplois figurés, et est en particulier utilisé pour désigner les enseignes de l’armée romaine (dp. Tacite [* ca 57 – ca 117], TLL 2, 371). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 501–502 ; REW3 s.v. aquĭla ; Ernout/Meillet4 s.v. aquila ; von Wartburg 1970 in FEW 25, 72a-73b, AQUILA ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 481, 484 ; HallPhonology 155 ; Faré n° 582 ; SalaVocabularul 583 ; Lupis 1988 in LEI 3, 640–664, AQUILA ; Gauchat et Muret in GPSR 1, 201–204 ; Ascoli,AGI 1, 210 ; DocMussafia 24 ; SchortaMüstair 22. Signatures. – Rédaction : Yan GREUB. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Eugen MUNTEANU. Italoromania : Rosario COLUCCIA. Galloromania : David TROTTER. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Victor CELAC ; Jean-Paul CHAUVEAU ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Stella MEDORI. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 30/08/2014. Version actuelle : 30/08/2014.
*/'ali-u/ s.n. « plante bulbeuse (liliacées) dont le bulbe est composé de caïeux à odeur forte et saveur piquante (allium sativum) » I. Substantif neutre singulier > substantif masculin */'ali-u/ > sard. ádzu/állu s.m. « plante bulbeuse (liliacées) dont le bulbe est composé de caïeux à odeur forte et saveur piquante (allium sativum), ail » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1369), dacoroum. ai (dp. 1645, Tiktin3 [rég. Nord-Ouest] ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 25 ; DA [transylv. ban.] ; Graur,BL 5, 87 ; CazacuLexicul ; Cioranescu n° 145 ; MDA), istroroum. ˹['ɔʎ]˺ (MaiorescuIstria 106 [ai « specie di cipolla con spicchi come l’aglio »] ; Popovi-
*/'ali-u/ s.n. | 339
ciIstria 89 ; SârbuIstroromân 186, 291 ; ScărlătoiuIstroromânii 285), méglénoroum. al' (Candrea,GrS 3, 177 ; CapidanDicţionar ; WildSprachatlas 80 [aj]), aroum. ˹['aʎu]˺ (dp. ca 1760 [al’iu], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 428 ; KavalliotisProtopeiria n° 0343 [άλλιου] ; Pascu 1, 33 ; DDA2 [al’ĭŭ] ; BaraAroumain), dalm. al' (BartoliDalmatico 367 § 392 ; ElmendorfVeglia), istriot. ˹['ajo]˺/˹['adʒo]˺ (LEI 2, 147 ; MihăescuRomanité 144 ; AIS 1369), it. aglio/['aʎʎo] (dp. 1233 [ali pl.], DELI2 ; Salvioni,RDR 4, 105 ; LEI 2, 145–163 ; Artale in TLIO ; AIS 1369), frioul. ai (dp. 1381 [alg], VicarioCarte 2, 95 ; Zamboni in DESF ; GDBTF ; AIS 1369 ; ASLEF 735 n° 3425)1, lad. ˹ai˺ (dp. 1763 [aii], Kramer/Homge in EWD ; LEI 2, 147 ; AIS 1369 ; ALD-I 9), romanch. agl (dp. 1678/1679 [ailg], Schorta in DRG 1, 119 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1369 [[’aʎ]]), fr. ail (dp. ca 1165 [auz pl.], BenTroieC 4, 306 ; FEW 24, 333a ; GdfC ; TL ; TLF ; AND1 ; ALF 17), frpr. ˹['aʎ]˺ (dp. ca 1300 [ex pl.], Philipon,R 13, 569 ; FEW 24, 333ab ; Jeanjaquet in GPSR 1, 217– 219 ; HafnerGrundzüge 87 ; ALF 17, 1775, 1831), occit. ˹alh˺ (dp. ca 1182 [aill], BertrBornG 1, 302 ; FEW 24, 333a-b ; DAO n° 877 ; DAOSuppl n° 877 ; ALF 17, 1775, 1831), gasc. alh (dp. 13e s., DAG n° 877 ; FEW 24, 333b ; CorominesAran 270 ; ALF 17 ; ALG 73), cat. all (dp. 1240 [ayls pl.], SendraAranceles 26 ; DCVB ; MollSuplement n° 162 ; DECat 1, 205), esp. ajo (dp. 1218/ca 1250 [aios pl.], CORDE ; DCECH 1, 96 ; DME ; Kasten/Cody), ast. ayu (dp. 1274 [allos pl.], DELlAMs ; DGLA), gal. allo/port. alho (dp. 1254 [alho], CunhaÍndice ; Buschmann ; DRAG1 ; DDGM ; DELP3 ; CunhaVocabulário2 ; Houaiss).
II. Substantif neutre pluriel > substantif féminin */'ali-a/ > itcentr./itmérid. ˹['aʎʎa]˺ s.f. « ail » (LEI 2, 155–156 ; AIS 1369 ; ALEIC 978 [cors. march. camp. apul. cal. sic.]), afr. aille (av. 1272, FEW 24, 333a), frpr. ['aji] (FEW 24, 333b ; ALF 17), occit. ˹aillo˺ (FEW 24, 333b [lang. rouerg. auv.] ; ALF 17 ; ALMC 180), acat. alla (15e s. [encore “vall de Boí”], DECat 1, 205). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'ali-u/ *['alj-u] s.n. « plante bulbeuse (liliacées) dont le bulbe est composé de caïeux à odeur forte et saveur piquante (allium sativum), ail ». Le genre neutre de l’étymon se reconstruit sur la base de la comparaison entre les issues masculines de l’étymon, qui couvrent l’ensemble de la Romania
|| 1 Zamboni in DESF : “da intendersi molto prob. [al’], fase arcaica con [l’] successivamente passato a [j]”.
340 | 1. Articles
(ci-dessus I.), et ses représentants féminins, restreints à une aire centrale (italien, français, occitan, francoprovençal et catalan ; ci-dessus II.), ces derniers s’analysant comme issus du pluriel */'ali-a/. Le corrélat du latin écrit, alium, -i s.n. « id. », est connu durant toute l‘Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 1, 1619 ; Ernout/Meillet4 ; AndréPlantes 10)2. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 223, 308, 514–518 ; REW3 s.v. allium ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 133, 173–175, 272 ; 2, § 464 ; von Wartburg/ Jänicke 1978 in FEW 24, 333a-335b, ALLIUM ; HallPhonology 169 ; Kramer 1987 in LEI 2, 145–163, ALLIUM ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 144, 258. Signatures. – Rédaction : Jan REINHARDT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Eugen MUNTEANU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Victor CELAC ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Julia RICHTER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 05/10/2010. Version actuelle : 30/08/2014.
|| 2 Cf. aussi la variante plus récente allium s.n. « id. » (dp. 1er s. [Pompéi], TLL 1, 1619–1620 s.v. ālium).
*/'anim-a/ s.f. | 341
*/'anim-a/ s.f. « partie immatérielle des êtres ; organe central de l’appareil circulatoire ; partie renflée du tube digestif » I. Sens abstrait */'anim-a/ > sard. ánima s.f. « partie immatérielle des êtres, âme » (DES ; PittauDizionario 1), dacoroum. înimă (dp. 1500/1510 [date du ms. ; înrimă], Psalt. Hur.2 104 ; DA s.v. inimă ; CodexSturdzChivu 270 ; MihăescuRomanité 211 ; ALRM I/I 62, 63, 64)1, istroroum. irime (MaiorescuIstria 129 ; Byhan,JIRS 6, 233 [i̯írimę « courage »] ; SârbuIstroromân 219 ; ScărlătoiuIstroromânii 289 ; ALRM I/I 62, 63, 64), méglénoroum. ińimă (CapidanDicţionar s.v. íńămă ; WildSprachatlas 142 ; ALRM I/I 62, 63, 64), dalm. jamna (BartoliDalmatisch 2, 189 ; 2, 383 § 443 ; MihăescuRomanité 105, 120), istriot. ánama (DeanovićIstria 17, 76 [viva l’ánama par trieso « era fuori di sé »]), it. alma (dp. av. 1249, Romanini in TLIO ; LEI 2, 1284 ; DELI2)2, frioul. anime (dp. 2e m. 14e s. [animis pl.], BenincàEsercizi 41 ; Zamboni in DESF ; GDBTF ; ASLEF 491 n° 2407)3, bad. ˹árma˺ (dp. 1923 [ārma « support de mèche »], Kramer/Homge in EWD s.v. ànima), gherd. ana (dp. 1879, Kramer/Homge in EWD s.v. ànima), romanch. orma/olma (HWBRätoromanisch), afr. arme (1150 – 1485, FEW 24, 581b ; ALF 1754)4, frpr. ˹árma˺ (dp. ca 1180, FEW 24, 581b ; Tappolet in GPSR 1, 335–338 ; ALF 1754), occit. arma (dp. ca 1050, FEW 24, 581b ; BrunelChartes 2 ; BrunelChartesSuppl 121 ; Raynouard ; ALF 1754), gasc. arma (dp. 1135 [arme], BrunelChartes 32 ; FEW 24, 581b), acat. arma (1200 – 15e s., DECat 1, 318 ; DCVB s.v. ànima ; MollSuplement n° 208), esp. alma (dp. 11e s., DCECH 1, 179–180 ; Kasten/Cody ;
|| 1 En dacoroumain contemporain, cette issue régulière a été évincée par inimă (dp. 1500/1510 [date du ms. ; îrimă], Psalt. Hur.2 104 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 866 ; DA ; Cioranescu n° 4424), dont le /i/ initial est dû à une assimilation vocalique (cf. le cas analogue grindină s.f. « grêle » < protorom. */'grandin-e/). 2 It. alma est poétique et littéraire. Ait. arma (av. 1250 – 14e s., ScuolaSicDiGirolamo 523–524 ; LEI 2, 1284 ; Salvioni,RDR 4, 177–178 ; Merlo,AUTosc 44, 25 ; Crevatin,AMSPIstr 29/30, 423 ; Romanini in TLIO) vit encore dans les dialectes (LEI 2, 1284–1337). It. anima (dp. 1174, Romanini in TLIO ; LEI 2, 1285 ; DELI2) se désigne comme un latinisme (cf. LEI 2, 1336). 3 En raison du caractère régulier de l’issue frioulane et de son attestation relativement ancienne, nous ne suivons pas Zamboni in DESF, qui y voit (“probabilmente”) un latinisme. Par ailleurs, nous n’avons pas retrouvé afrioul. *amna, cité par REW3 et FEW 24, 586b, dans les textes d’ancien frioulan. 4 Fr. âme (dp. 1080 [anme], GdfC) est très probablement un latinisme, cf. Chambon in FEW 24, 568b et le parallèle protorom. */'mɪnɪm-u/ > afr. merme (von Wartburg in FEW 6/2, 114ab, MINIMUS I).
342 | 1. Articles DME)5, ast. alma (dp. 1227 [ms. 1361], DELlAMs ; DGLA), gal./port. alma (dp. 1214, DDGM ; Buschmann ; DELP3 ; DRAG1 ; CunhaVocabulário2 ; Houaiss).
II. Sens concret */'anim-a/ > sard. ánima s.f. « organe central de l’appareil circulatoire, cœur ; partie renflée du tube digestif, estomac » (DES ; PittauDizionario 1), dacoroum. inimă (dp. 1500/1510 [date du ms. ; înrimă], Psalt. Hur.2 103 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 866 ; DA ; Cioranescu n° 4424 ; ALR II/I 58, 116), istroroum. irima (Byhan,JIRS 6, 233 [i̯írimę « cœur »] ; ScărlătoiuIstroromânii 289), méglénoroum. ińimă « cœur ; poumon » (CapidanDicţionar s.v. íńămă ; AtanasovMeglenoromâna 280 ; WildSprachatlas 142 ; ALDM 241), aroum. inimă « cœur ; estomac » (dp. 1770 [ήνεμᾳ], KavalliotisProtopeiria n° 1146 ; Pascu 1, 103 ; DDA2 ; BaraAroumain). Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire */'anim-a/ s.f. « partie immatérielle des êtres, âme ; organe central de l’appareil circulatoire, cœur ; partie renflée du tube digestif, estomac ». Les issues romanes ont été subdivisées selon qu’elles présentent des sens abstraits (I.) ou concrets (II.). Le deuxième groupe de sens se limite au roumain (tous les dialectes) et au sarde, ce qui démontre son ancienneté. Le corrélat du latin écrit de I., anima, -ae s.f. « bouffée d’air ; âme ; vie », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Névius [3e s. av. J.-Chr.], TLL 2, 69–73 ; Ernout/Meillet4 s.v. anima)6, tandis que le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de II. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 242, 332, 457, 494, 526 ; REW3 s.v. anĭma ; Ernout/Meillet4 s.v. anima ; Chambon 1983 in FEW 24, 581a-588a, ANIMA ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173, 235, 273, 289 ; Faré n° 475 ; SalaVocabularul 541 ; StefenelliSchicksal 65, 224 ; MihăescuRomanité 211 ; DOLR 1 (1991), 130 ; Marinucci/Pfister 1986 in LEI 2, 1284–1337, ANIMA. || 5 “La forma culta ánima convivió con la popular alma, y todavía sigue empleándose en el habla vulgar y rústica, sobre todo hablando de las almas del purgatorio” (DCECH 1, 179). En catalan, on constate la même supplantation de la forme héréditaire traditionelle arma par le latinisme ànima (peut-être à cause de l’homonymie avec arma s.f. « arme »). 6 Abret. eneff, bret. ene « âme » n’est pas un latinisme, mais a subi l’influence postérieure du latin (LEIA A-78).
*/'ann-u/ s.m. | 343
Signatures. – Rédaction : Uwe SCHMIDT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; Eugen MUNTEANU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Anna CORNAGLIOTTI ; Georges DARMS. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS ; Florin-Teodor OLARIU. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 13/01/2010. Version actuelle : 01/08/2014.
*/'ann-u/ s.m. « durée conventionnelle délimitée par la succession des quatre saisons » */'ann-u/ > sard. ánnu s.m. « durée conventionnelle délimitée par la succession des quatre saisons, an » (dp. 2e qu. 12e s., CSNT 48 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 309), dacoroum. an (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 111 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 58 ; DA ; Cioranescu n° 260 ; MDA ; ALR SN 1755), istroroum. ån (Byhan,JIRS 6, 296 [ǫn] ; PuşcariuIstroromâne 3, 302 ; SârbuIstroromân 187 ; FrăţilăIstroromân 1, 88 ; ALR SN 1755), méglénoroum. an (Candrea,GrS 3, 178 ; CapidanDicţionar ; ALR SN 1755), aroum. an (dp. ca 1760 [άννου], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0144 ; KavalliotisProtopeiria n° 0626, 1125 ; Pascu 1, 34 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1755), dalm. jan (BartoliDalmatico 186, 427 § 415 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 106), istriot. ˹ano˺ (IveCanti 379 ; AIS 309 p 397, 398 ; ILA n° 352), it. anno (dp. 960 [camp. ; anni pl.], Petrucci in TLIO ; LEI 2, 1444–1478 ; DELI2 ; AIS 309), frioul. an (dp. 1327/1328 [ang pl.], VicarioQuaderni 1, 30 ; Zamboni in DESF ; GDBTF ; AIS 309 ; ASLEF 427 n° 1903, 1904), lad. ànn (dp. 1763 [an], Kramer/Homge in EWD ; AIS 309 ; ALD-I 36), romanch. an/onn (dp. 1560 [ans pl.], GartnerBifrun 23 ; Pult in DRG 1, 253–259 ; HWBRätoromanisch ; AIS 309), fr. an (dp. fin 11e s., AlexisS2 101 [anz pl.] = TLF ; GdfC ; TL ; FEW 24, 623a ; AND1 ; ALF 39)1, frpr. an (dp. déb. 13e s., SommeCode 21 = FEW 24, 623a ; Gauchat in GPSR 1, 373–378 ; HafnerGrundzüge 88 ; ALF 39), occit. an (dp. av. 1126, AppelChrestomathie 51 ; Raynouard ; Pansier 3 ; BrunelChartes 251 ; FEW 24, 623a ; ALF 39), gasc. an (dp. 12e s., Cart-
|| 1 Nous reprenons la datation de AlexisS2 par le DEAF, malgré le TLF, qui date le texte du milieu du 11e siècle.
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BigRC 31 ; FEW 24, 623a ; CorominesAran 276 ; ALF 39 ; ALG 99), cat. any (dp. av. 1276, DECat 1, 337 ; DCVB), esp. año (dp. ca 1162, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 1, 289 ; DME)2, ast. añu (dp. 1171 [ms. 13e s., años pl.], DELlAMs ; DGLA), gal./port. ano (dp. 1214, DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)3. Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'ann-u/ s.m. « durée conventionnelle délimitée par la succession des quatre saisons, an ». Le corrélat du latin écrit, annus, -i s.m. « id. », est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Névius [3e s. av. J.-Chr.], TLL 2, 115). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 308, 542 ; REW3 s.v. annus ; Ernout/Meillet4 s.v. annus ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175, 231, 272 ; 2, § 502–503 ; HallPhonology 117 ; Gossen 1983 in FEW 24, 623a-628b, ANNUS ; Coluccia/Pfister 1987 in LEI 2, 1444–1478, ANNUS ; SalaVocabularul 540 ; StefenelliSchicksal 224–225 ; MihăescuRomanité 301. Signatures. – Rédaction : Victor CELAC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Günter HOLTUS. Romania du Sud-Est : Wolfgang DAHMEN ; Cristina FLORESCU ; Iulia MARGARIT ; Dana-Mihaela ZAMFIR. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Anna CORNAGLIOTTI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Myriam BENARROCH ; Pietro G. BELTRAMI ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Jan REINHARDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 05/11/2008. Version actuelle : 25/08/2014.
|| 2 Quant à la datation de la 2e moitié du 10e siècle proposée par le DCECH, elle est à rétrodater au début du 11e siècle et concerne une attestation latine. 3 Pour ce qui est de l’attestation de 1047 citée par Houaiss, elle est invérifiable faute de référence précise.
*/a'pril-e/ s.m. | 345
*/a'pril-e/ s.m. « mois qui suit mars et précède mai » */a'pril-e/ > sard. ˹apríle˺ s.m. « mois qui suit mars et précède mai, avril » (DES ; BlascoStoria 236 ; PittauDizionario 1 ; AIS 319), dacoroum. pop. ['priɛr] (dp. 1581, Coresi, Ev. 144 ; PhilippideOpere 36 ; Tiktin3 s.v. aprilie ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 1444 ; DLR ; Kramer,BA 9, 107–109 ; MDA ; ALRM SN 600)1, 2, aroum. aprir (Pascu 1, 35 ; DDA2 ; Kramer,BA 9, 107–109 ; BaraAroumain ; ALRM SN 600 [apriyir])3, 4, it. aprile (dp. ca 1180 [april], LEI 3, 361 ; DELI2 ; Romanini in TLIO ; AIS 319), frioul. avrîl (dp. 1369/1370 [davril], VicarioQuaderni 1, 224 ; Salvioni,RIL 32, 131 ; Cortelazzo in DESF ; GDBTF ; AIS 319 ; ASLEF 32 n° 170), lad. || 1 Il s’agit là de l’issue la plus régulière du dacoroumain (cf. DensusianuHistoire 2, 32 et RosettiIstoria 347 pour l’aphérèse de /a/, ainsi que Graur,BL 3, 50–52 pour le caractère régulier de /iɛ/). Une autre forme populaire, [pri'ɛr], plus répandue, présente un changement d’accent par analogie avec d’autres noms de mois du roumain populaire comme gerar, făurar, florar ou gustar, tous oxytons (Cioranescu n° 6821 considère, à tort, [pri'ɛr] comme étymologique, tandis que la majorité des ouvrages de référence éludent la question). Pour ce qui est des variantes rares aprier (1633, DRH B, 24, 46 ; MerloStagioni 118 ; MeyerLübkeGLR 1, § 494 ; HallPhonology 53) et apriar (MerloStagioni 118), le caractère héréditaire de leur voyelle initiale n’est pas assuré : elle s’expliquera plutôt par un croisement de prier avec le slavonisme aprilie (dp. 1606 [et non pas dp. 1428 (Tiktin3) : cette datation concerne une attestation relevée dans un texte alloglotte slavon (DERS)], DIR B, 1, 508 ; DA ; Cioranescu n° 348 ; IvănescuIstoria1 496 ; MDA < slav. aprilij, MiklosichLexicon) du dacoroumain moderne et standard, lequel a presque entièrement évincé les formes héréditaires ; cf. aussi Kramer,BA 9, 107–109. 2 L’istroroumain présente l’emprunt april/avril s.m. (< scr. april/avril, Byhan,JIRS 6, 187 ; PuşcariuIstroromâne 3, 234 ; SârbuIstroromân 187, 188 ; cf. aussi ALRM SN 600 [aprílu]). 3 L’aroumain présente aussi la forme aphérésée prir (cf. CapidanAromânii 227, 350, 352 pour son caractère secondaire par rapport à aprir, malgré DDA2, qui paraît la faire remonter directement au protorom. */a'pril-e/). 4 Contrairement à ce qui est affirmé par LEI 3, 369, adalm. abrile s.m. (1348/1365, BartoliDalmatico 352, 433 § 440) ne peut pas être héréditaire (cf. BartoliDalmatico 398 § 299 [protorom. */'i/ libre > dalm. ['ai̯]] et 418–419 § 373–377) ; nous proposons d’y voir un emprunt à l’ancien vénitien. Pour ce qui est de dalm. apráil s.m. (IveVeglia 152, 154 ; BartoliDalmatico 303), son phonétisme peut indiquer tant un héritage protoroman qu’un emprunt au vénitien (cf. BartoliDalmatico 170 § 144 pour d’autres emprunts au vénitien dont le phonétisme a été adapté selon le modèle des mots hérités) ou a l’italien (ElmendorfVeglia) ; cf. */ɸe'βrari-u/ pour un autre nom de mois dont le caractère héréditaire est douteux. – L’istriote présente apríle s.m. (AIS 319 p 397) et apríl (AIS 319 p 398), dont l’évolution phonétique n’est pas régulière (cf. DeanovićIstria 14 : protorom. */’i/ > istriot. ['ei̯]), de sorte que nous optons pour l’hypothèse d’un emprunt intra-roman (< vén. ˹aprile˺, dp. 1299 [avril], LEI 3, 361, 363 ?). Pour ce qui est d’istriot. apreîle s.m. (IveCanti 1, 380), son caractère héréditaire n’est pas assuré à cause de son -e final qui n’est pas caractéristique des substantifs masculins hérités (cf. DeanovićIstria 26 et MihăescuRomanité 136) ; nous préférons y voir de même un emprunt dont la voyelle accentuée a été diphtonguée selon le modèle des mots hérités, comme en dalmate, cf. BartoliDalmatico 170 § 144.
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aurì (dp. 1763 [auri], Kramer/Homge in EWD ; AIS 319 ; ALD-I 38), romanch. avrigl/avrel (Schorta in DRG 1, 623–625 ; HWBRätoromanisch ; AIS 319)5, fr. avril (dp. 1119 [avrils c.s.], TLF ; GdfC ; TL ; FEW 25, 59a-60a ; AND2 ; ALF 104)6, frpr. avri (dp. 1339 [auril], Devaux,RLaR 55, 238 = FEW 25, 59a ; Tappolet in GPSR 2, 170–172 ; ALF 104), occit. abril (dp. 1130/1149 [abriu], MarcD 134 ; Raynouard ; Levy ; Pansier 3 s.v. abriel ; AppelChrestomathie 5 ; RonjatGrammaire 1, 126, 338 ; 2, 223 ; FEW 25, 59ab ; ALF 104), gasc. abriu (dp. 1317 [abril], MillardetRecueil 155 ; RohlfsGascon2 119, 131, 152 ; FEW 25, 59ab ; CorominesAran 262 s.v. abrieu ; ALF 104 ; ALG 1048), cat. abril (dp. ca 1283, DCVB ; DECat 1, 18), esp. abril (dp. 1093, DEM ; Kasten/Cody ; DCECH 1, 22 ; DME), ast. abril (dp. 1264, DELlAMs ; DGLA), gal./port. abril (dp. 1260, DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; Cunha,Confluência 3, 25 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)7. Commentaire. – À l’exception du dalmate (cf. n. 4), toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */a'pril-e/ s.m. « mois qui suit mars et précède mai, avril »8. Le corrélat du latin écrit, aprilis, -is s.m. « id. », est connu depuis Ovide (av. 8 apr. J.-Chr., TLL 2, 319). Protorom. */a'pril-e/ a donné lieu au dérivé synonymique */a'pril-i-u/. La répartition géographique des deux lexèmes, qui n’obéit à aucune logique apparente, incite à penser qu’ils coexistaient sur une grande partie ou sur l’ensemble du territoire latinophone, peut-être en tant que variantes diastratiques. Cf. */'mai-u/ pour une vue d’ensemble sur le devenir des noms de mois protoromans. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 31, 36, 37, 306, 307, 349, 374, 457, 494 ; MerloStagioni 118–126 ; REW3 s.v. aprīlis ; Ernout/Meillet4 s.v. aprīlis ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 166, 253, 272, 273 ; 2, § 385, 420 ; TagliaviniSto|| 5 Contrairement à ce qui est affirmé par MerloStagioni 124 et LEI 3, 370, toutes les formes du romanche, y compris celles en /ł/, doivent être rangées ici et non s.v. */a'pril-i-u/ (cf. Schorta in DRG 1, 625 ; EichenhoferLautlehre § 135a, 389a-b). 6 Le rattachement de ce lexème à notre étymon n’est pas tout à fait assuré : on pourrait y voir le représentant de */a'pril-i-u/ avec une réinterprétation en /-l/ du graphème pour /-ʎ/ (cf. FouchéPhonétique 3, 673 et */a'pril-i-u/, en particulier n. 3). 7 La datation de 1182 donnée par DELP3 fait référence à un texte latin. 8 Plusieurs langues en contact avec le latin ont emprunté ce lexème : albanais (MihăescuRomanité 33 ; VătăşescuAlbaneză 132), berbère (SchuchardtBerberisch 66), allemand (Kluge23 s.v. April), brittonique insulaire, d’où breton, cornique et gallois (tous Deshayes s.v. ebrel ; cf. aussi LothBrittoniques 162), irlandais (Ernout/Meillet4 s.v. aprīlis) ; cf. aussi MerloStagioni 179 et TagliaviniStoria 136.
*/a'pril-i-u/ s.m. | 347
ria 134–137 ; von Wartburg 1970 in FEW 25, 59a-60a, APRILIS ; HallPhonology 53 ; Faré n° 562 ; Lupis/Pfister 1987 in LEI 3, 361–370, APRILIS ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 302. Signatures. – Rédaction : Victor CELAC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Ulrike HEIDEMEIER ; Günter HOLTUS ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Manuela NEVACI ; Gilles ROQUES ; Nicolae SARAMANDU ; Cătălina VATAŞESCU. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 24/07/2009. Version actuelle : 30/08/2014.
*/a'pril-i-u/ s.m. « mois qui suit mars et précède mai » */a'pril-i-u/ > méglénoroum. pril' s.m. « mois qui suit mars et précède mai, avril » (EWRS s.v. pril’u ; CapidanMeglenoromânii 1, 81, 134 ; CapidanDicţionar ; ALRM SN 600)1, vén. mérid. varīyi (AIS 319 p 393 ; LEI 3, 369–370), march. sept. apríł (AIS 319 p 529 ; LEI 3, 369–370)2, fr. ˹[a'vri:ʎ]˺ (ca 1100 – 1881, TLF s.v. avril ; GdfC s.v. avril ; DG s.v. avril ; FouchéPhonétique 3, 673 ; FEW 25, 59a60a ; AND2 s.v. avril [averill(e)] ; ALF 104)3, 4. Commentaire. – Le méglénoroumain (de manière exclusive), deux parlers italiens septentrionaux et le français (qui ont par ailleurs des issues de
|| 1 Pour le rattachement de ce lexème à */a'pril-i-u/ (avec aphérèse idioromane ; cf. CapidanMeglenoromânii 1, 97–98), nous suivons EWRS s.v. pril’u ; CapidanMeglenoromânii 1, 81, 134 et CapidanDicţionar (malgré Candrea-Densusianu n° 1444 et Kramer,BA 9, 109, qui optent pour un emprunt à grmod. ἀπρίλιος, RosettiIstoria 347, qui laisse entendre que le lexème remonte à */a'pril-e/, et MihăescuRomanité 302, qui y voit un emprunt à alb. prill). 2 Cf. déjà latméd. aprelius s.m. « id. » (apr. 872 [Anastasius Bibliothecarius ; Rome], Arnaldi/Smiraglia s.v. aprelis). 3 À la différence de la forme du français standard [a'vʁil], il s’agit là d’une forme héréditaire sûre. Bien implantée dans la langue ancienne, elle a formé des dérivés (cf. FEW 25, 59b), ce qui n’est pas le cas de [a'vʁil] ; cf. déjà DG s.v. avril, qui pose comme étymon “lat. pop. *aprīlium”. 4 Cf. déjà latméd. aprilius s.m. « id. » (845 [mense aprilio ; Beauvais], MGH).
348 | 1. Articles */a'pril-e/)5 présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */a'pril-i-u/ s.m. « mois qui suit mars et précède mai, avril »6. Il peut s’agir d’une dérivation avec */-iu/ (Leumann1 § 172 II A 1) de */a'pril-e/, qui a pu être motivée par une analogie avec des noms de mois comme */ɸe'βrari-u/, */'mart-i-u/ ou */'mai-u/ (DG s.v. avril ; MerloStagioni 124–125 ; EWRS s.v. pril’u ; FEW 25, 60a ; LEI 3, 370), mais on peut penser aussi à une origine déonomastique : si le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de ce lexème, les anthroponymes Aprilius et Aprilia sont largement attestés dans des inscriptions (en Grèce, en Istrie/Vénétie, en Numidie, en Italie, en Gaule cisalpine et en Hispanie, TLL 2, 319). À partir de là, le nom de mois */a'pril-i-u/ a pu être refait par régularisation de la série gentilices/noms de mois Iunius/*/'iun-i-u/, Iulius/*/'iul-i-u/7. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 31, 308, 349, 457, 494, 514–517 ; MerloStagioni 124–125 ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 166, 253, 272 ; 2, § 420, 464 ; von Wartburg 1970 in FEW 25, 59a-60a, APRILIS ; Lupis/Pfister 1987 in LEI 3, 369–370, APRILIS. Signatures. – Rédaction : Victor CELAC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Piera MOLINELLI ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Manuela NEVACI ; Nicolae SARAMANDU. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 24/07/2009. Version actuelle : 30/08/2014.
|| 5 Pour ce qui est du romanche, cf. */a'pril-e/ n. 5. 6 Malgré REW3 s.v. aprīlis, qui rejette expressément cette analyse et pose des développements idioromans. 7 Protorom. */a'pril-i-u/ a été emprunté par le grec (ἀπρίλιος, cf. FEW 25, 60a ; LEI 3, 370).
*/'arbor-e/ s.f. | 349
*/'arbor-e/ s.f. « plante au tronc ligneux qui se ramifie à une certaine hauteur » I. Genre féminin originel (monosémique) I.1. Sens « arbre » I.1.1. Type originel (sans dissimilation) */'arbor-e/ > sard. árƀore s.f. « plante au tronc ligneux qui se ramifie à une certaine hauteur, arbre » (dp. ca 1110/mil. 13e s. [arbores], CSMBVirdis 196 = DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 533 p 937, 943, 949 ; 1251 p 943 ; cf. WagnerFonetica 288), it. sept. ˹arbor˺ (LEI 3/1, 759, 761)1, oïl. arbre (dp. 1er qu. 12e s., BrendanS 43, 52 = TL ; FEW 25, 88a [norm. hbret. centr.] ; AND2 ; DMF2010 ; ALN 426 p 55, 67 ; ALBRAM 307 p 85, 86 [« pommier »] ; ALCe 112)2, 3, gal. árbore/port. árvore (dp. 13e s. [aruor], Houaiss ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; Piel,Biblos 8, 389 ; DELP3 ; CunhaÍndice ; CunhaVocabulário2 ; ALPI 17 ; cf. WilliamsPortuguese § 96)4.
I.1.2. Type dissimilé */-r-r/ > */-l-r/ */'albor-e/ > sard. álƀore s.f. « arbre » (DES s.v. árƀore ; PittauDizionario 1 ; AIS 533 p 942, 957 ; 1251 p 942), ait. albore (dp. ca 1230/1250 [atosc. albor], TLIO s.v. albero ; LEI 3/1, 759). || 1 En raison de l’ancienneté du type albero dans les textes toscans et de la présence du groupe /-rb-/ (alors qu’on attendrait */-rv-/ en italien centro-méridional), Calabrò/Fanciullo/Lupis in LEI 3/1, 818 identifient it. arbore (av. ca 1257 – 1877, LEI 3/1, 759, 808 ; Coluccia in TLIO s.v. albero) comme un latinisme. 2 Von Wartburg in FEW 25, 88a considère que les rares formes féminines rencontrées dans des dialectes français occidentaux et centraux ne sont pas des héritages, mais des retours récents. Il est vrai que les substantifs à voyelle initiale (et surtout en /a-/) sont susceptibles de changer de genre, ce qui pourrait inciter à analyser les féminins modernes comme issus d’une féminisation et les attestations anciennes comme influencées par le genre du lexème latin ou par les fluctuations du genre en anglo-normand tardif. Néanmoins, cela n’expliquerait pas la concordance diatopique entre données anciennes et modernes. En outre, il y a des attestations anciennes (TL ; DMF2010 ; Huguet) dont ne tient pas compte le FEW et dont la dispersion, si elle est plus large que celle des dialectalismes, n’est pas en discordance avec elle, si l’on retient les caractérisations géographiques du DEAF ou le lieu de naissance des auteurs du 16e siècle. 3 En asturien, la survivance du genre féminin est documentée indirectement à travers des toponymes comme Las Arboliel.las (Teberga). 4 L’attestation de 984 proposée par DELP3 (> Houaiss) correspond à une source latine.
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I.1.3. Type dissimilé */-r-r-/ > */-r-l-/ */'arbol-e/ > aesp. arbol s.f. « arbre » (1241 – 1493/1495, Pietsch,MLN 27, 168 = DCECH 1, 313–314), agal./aport arvol (1209 [arvoles pl. (irrégulier)], DELP3 ; DDGM ; CunhaÍndice ; Houaiss).
II. Genre masculin innovant II.1. Sens « arbre » II.1.1. Type originel (sans dissimilation) */'arbor-e/ > dacoroum. arbure s.m. « arbre » (dp. 1500/1510, Psalt. Hur.2 87 ; Tiktin3 s.v. arbore ; EWRS s.v. arbor(e) ; Candrea-Densusianu n° 74 ; DA s.v. arbore ; Cioranescu n° 374 ; MDA s.v. arbore)5, istroroum. ˹årbure˺ (MaiorescuIstria 107 ; Byhan,JIRS 6, 297 ; FrăţilăIstroromân 1, 91), méglénoroum. árburi (Candrea,GrS 3, 184 ; CapidanDicţionar s.v. árbur ; AtanasovMeglenoromâna 42, 65, 141, 282 ; PapahagiMeglenoromânii 2, 190), aroum. arbure (Pascu 1, 38 ; DDA2 ; BaraAroumain), istriot. ˹árboro˺ (IveIstria 31, 50 ; DeanovićIstria 27 ; LEI 3/1, 758–819 ; PellizzerRovigno ; AIS 533 p 397 ; 1251 p 397)6, itsept. ˹árboro˺ (dp. 12e s. [avén. arbor], Coluccia in TLIO s.v. albero ; LEI 3/1, 760–776 ; DELI2 s.v. albero ; AIS 533, 1251)7, fr. arbre (dp. 1100, RolS2 294 = FEW 25, 88a ; GdfC ; TLF ; TL ; AND2 ; ALF 51, 52), frpr. ˹arbro˺ (dp. 13e s., HafnerGrundzüge 83 ; Aebischer/Jeanjaquet in GPSR 1, 569–574 ; ALF 51, 52), occit. ˹arbre˺ (dp. ca 1230, DAO n° 449 ; Raynouard ; AppelChrestomathie ; FEW 25, 88a ; Pansier 5 ; ALF 51, 52), gasc. ˹arbe˺ (dp. 1260, DAG n° 449 ; Palay s.v. ârbe ; CorominesAran 279 ; ALF 51, 52 ; ALG 88), cat. arbre (dp. 13e s., DECat 1, 360–361 ; MollSuplement n° 267 ; DCVB ; ALPI 17), aesp. arbor (ca
|| 5 Cette issue régulière a été remplacée en dacoroumain standard par arbore (dp. 1883, DA ; Tiktin3, Cioranescu n° 374 ; MDA ; DELR), qui porte la marque d’une contamination avec le néologisme arbor « arbre ; mât ; pièce maîtresse » (dp. 19e s., DA ; Tiktin3 ; DEX2 ; MDA ; DELR). 6 Calabrò/Fanciullo/Lupis in LEI 3/1, 818 considèrent istriot. ˹arbo˺ (LEI 3/1, 818 ; PellizzerRovigno ; AIS 533 p 398) comme un héritier probable de la forme du nominatif. Mais la conservation du nominatif serait étrange pour un nom commun qui ne s’applique pas à un être humain (RohlfsGrammStor 2, § 344), de sorte que nous y voyons plutôt une variante ayant subi un accident phonétique (apocope ou dissimilation entre vibrantes). 7 En revanche, romanch. arver s.m. « arbre », attesté une seule fois au 19e siècle (chez Pallioppi), représente un emprunt ponctuel à l’italien (cf. Pult in DRG 1, 165), contrairement aux issues héréditaires classées sous II.2.2. et II.3.1.
*/'arbor-e/ s.f. | 351
1150 – 1599 [arbor], CORDE ; Kasten/Cody ; Kasten/Nitti ; NTLE), ast. arvore (13e s., DELlAMs)8.
II.1.2. Type dissimilé */-r-r/ > */-l-r/ */'albor-e/ > it. albore s.m. « arbre » (dp. av. 1249 [atosc.], LEI 3/1, 760 ; DELI2 s.v. albero ; Coluccia in TLIO s.v. albero)9, lad. àlber (AIS 1251 p 313 ; TagliaviniSaggio 125 ; Salvioni,ID 14, 83 ; ElwertFassa 306), afr. aubre (mil. 13e s. – 1307, GdfC ; FEW 25, 88a), occit. ˹albre˺ (av. 1126 – 1563, DAO n° 449 ; Raynouard s.v. arbre ; AppelChrestomathie ; FEW 25, 88a ; Pansier 5 ; BrunelChartes ; BrunelChartesSuppl), gasc. ˹albre˺ (1273 – 1492, DAG n° 449 ; Palay s.v. ârbe [aubre] ; ALF 51, 52 ; ALG 88), cat. albre (dp. 1409, DCVB ; DECat 1, 360–361 ; MollSuplement n° 267 ; ALPI 17).
II.1.3. Type dissimilé */-r-r-/ > */-r-l/ */'arbol-e/ > végl. ˹juárbul˺ s.m. « arbre » (BartoliDalmatico 233 § 39, 239 § 43, 268 § 79, 276 § 87, 288 § 115 [járbur] ; ElmendorfVeglia s.v. juarbol [fausse lemmatisation] ; MihăescuRomanité 115)10, it. arbole (dp. fin 14e s. [atosc.], LEI 3/1, 782), frioul. arbul (Zamboni in DESF ; AIS 533, 1251 ; ASLEF 760 n° 3615), esp. árbol (dp. 1196 [arbol], CORDE ; DCECH 1, 313–314 ; Kasten/Cody ; Kasten/Nitti ; DME ; NTLE ; ALPI 17), ast. árbol (dp. 1221 [aruol], DELlAMs ; DGLA ; ALPI 17).
|| 8 Le masculin connaît une grande vitalité en galicien moderne et contemporain ; comme la documentation est tardive, il semble s’agir d’un castillanisme. 9 Cette issue régulière a été évincée, dans la langue standard contemporaine, par it. albero, dont la forme repose sur un changement idioroman sur le modèle de la deuxième déclinaison latine, qui traduit mieux le genre masculin du substantif. Elle a subi aussi une modification de la voyelle de la syllabe médiane (LausbergLingüística 1, § 290, 293 ; 2, § 624), cf. la variante plus étymologique àlboro (dp. 1374, DELI2). 10 Le vocalisme tonique de cette forme manifeste une influence croate.
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II.2. Sens « mât » II.2.1. Type originel (sans dissimilation) */'arbor-e/ > istriot. árboro s.m. « espar planté sur le pont ou dans la quille d’un navire, mât » (DallaZoncaDignanese ; ILA n° 2077)11, 12, fr. arbre m. (dp. 13e s., FEW 25, 88b ; GdfC ; TLF ; TL), cat. arbre (dp. 13e s., DECat 1, 360–361 ; DCVB), aesp. arbor (NTLE)13.
II.2.2. Type dissimilé */-r-r-/ > */-l-r-/ */'albor-e/ > istriot. álbaro s.m. « mât » (DeanovićIstria 99 ; ILA n° 2077), it. albore (dp. 1292 [atosc. àlbero], Coluccia in TLIO s.v. albero ; LEI 3/1, 790 ; DELI2 s.v. albero), romanch. alber/arver (Pult in DRG 1, 165 ; cf. EichenhoferLautlehre § 500b), afr. aubre (1420, GdfC)14, occit. ˹albre˺ (13e – 14e s., Raynouard s.v. arbre ; FEW 25, 88b ; Pansier 5).
II.2.3. Type dissimilé */r-r/ > */r-l/ */'arbol-e/ > végl. ˹juárbul˺ s.m. « mât » (BartoliDalmatisch 2, 31 § 42 [járber pl. ; forme irrégulière]), émil.-romagn. arbol (LEI 3/1, 799), esp. árbol s.m. « mât » (dp. 15e s., DME ; DCECH 1, 313–314 ; Kasten/Cody ; NTLE).
|| 11 Istroroum. (Jeian) hárbur s.m. « mât » (PuşcariuIstroromâne 3, 101) constitue un calque sémantique ponctuel à partir d’it. albero ou de cr. jarbol (< dalm./it./frioul., Skok 1, 56) : le village de Jeian, situé sur un plateau à presque 700 mètres d’altitude, ne connaît pas de terminologie maritime héréditaire. Pour ce qui est d’istroroum. (Suşneviţa) i̯årbulu s.m. « mât » (PuşcariuIstroromâne 3, 101), son initiale le dénonce comme un emprunt à cr. jarbol. 12 Nous écartons, en raison de son isolement et du caractère idiosynchrasique, susceptible de contenir des latinismes, du texte qui l’atteste, ait arbore s.f. (1309 [atosc. ; deux attestations], GiordPisaIannella 19 = Coluccia in TLIO s.v. albero), . 13 Le portugais connaît un vestige du sens « mât » dans le syntagme árvore seca « épars d’un navire où toutes les voiles sont attachées » (2e m. 15e s. – 1712/1728, PicoTerminologia 251 ; HouaissGrande ; Bluteau). 14 Le caractère indigène de cette attestation n’est pas assuré : elle provient d’un texte écrit par un Gascon, parsemé de gasconismes. Dans l’édition d’un autre extrait du même manuscrit (RickardChrestomathie 71–73), on trouve à plusieurs reprises la variante albre.
*/'arbor-e/ s.f. | 353
II.3. Sens « pièce maîtresse » II.3.1. Type originel (sans dissimilation) */'arbor-e/ > it. arbore s.m. « pièce qui sert de support à d’autres pièces animées, pièce maîtresse » (1467 – 1641, LEI 3/1, 802)15, romanch. arver (Schorta in DRG 1, 436 ; cf. EichenhoferLautlehre § 500b), fr. arbre (dp. 1100/1150, TLF ; GdfC ; FEW 25, 88b ; TL ; ALCB 269 ; ALB 293 ; ALN 51, 262 ; ALPic 108), frpr. ˹arbro˺ (dp. 15e s., HafnerGrundzüge 83 ; Aebischer/Jeanjaquet in GPSR 1, 569– 574), cat. arbre (DCVB).
II.3.2. Type dissimilé */-r-r/ > */-l-r-/ */'albor-e/ > it. albore s.m. « pièce maîtresse » (dp. 1620 [alboro], LEI 3/1, 802– 804 ; DELI2), romanch. alber (Pult in DRG 1, 165), occit. orient. ˹albre˺ (FEW 25, 88b).
II.3.3. Type dissimilé */-r-r/ > */-r-l-/ */'arbol-e/ > gasc. arplou s.m. « pièce maîtresse » (FoixGascon 31), esp. árbol (NTLE), ast. árbol (DELlAMs ; DGLA). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire soit directement, soit à travers des types phonologiquement et/ou morphologiquement évolués, protorom. */'arbor-e/ s.f. « plante de tronc ligneux qui se ramifie à une certaine hauteur du sol, arbre ; espar planté sur le pont ou dans la quille d’un navire, mât ; pièce qui sert de support à d’autres pièces animées, pièce maîtresse ». Les cognats romans ont été subdivisés ci-dessus, en premier lieu, selon les deux genres qu’ils manifestent : féminin (I.) et masculin (II.). Le féminin est aujourd’hui essentiellement caractéristique d’une aire isolée (sard.) et d’une aire latérale (gal./port.), mais il existe aussi des vestiges d’une plus grande extension à des époques plus anciennes (it. oïl. esp.), tandis que le masculin oc-
|| 15 Nous proposons le sens « pièce maîtresse (qui sert de support à d’autres pièces animées) » pour regrouper de façon synthétique et étymologisante des sens spéciaux comme « bâton du pressoir », « arbre d’un moulin » ou encore « axe de la charrue ».
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cupe l’ensemble de la Romania à part le sarde et le galégo-portugais. Cette distribution spatiale permet d’affirmer le caractère primaire de la couche avec genre féminin et d’attribuer la formation du masculin au protoroman continental, daté entre l’individuation du protosarde (2e m. 2e s. [?], cf. Straka,RLiR 20, 256) et celle du protoroumain (3e s., cf. RosettiIstoria 184 ; Straka,RLiR 20, 258). En réalité, le genre féminin de */'arbor-e/ constituait une anomalie au sein du système morphologique protoroman (Ernout/Meillet4 s.v. arbōs : “seul féminin de ce type”), qui s’expliquait probablement par une vision animiste de la nature (idée de la terre nourricière) et l’association de la production fruitière avec l’activité reproductrice féminine (plutôt que par des raisons mythologiques comme le suggère LausbergLinguistica 2, § 601). Cette anomalie a été réparée par le dégagement du masculin (type II.), par analogie à la fois avec les substantifs de la série en */-'or-e/ (type */ka'lor-e/ s.m.) et avec les noms d’arbres passés au masculin comme */'ɸraksin-u/ (cf. Ernout/Meillet4 ; MeyerLübkeGLR 2, § 362, 371 ; RohlfsGrammStor 2, § 382). La structure hiérarchise ensuite les cognats selon les trois valeurs sémantiques qui leur sont attachées : « arbre » (I.1. ; II.1.), « mât » (II.2.) et « pièce maîtresse » (II.3.). Par sa large distribution – il est panroman sauf romanche – et le fait que le féminin n’en connaisse pas d’autre, le sens « arbre » se dénonce comme originel : c’est le seul qu’il soit possible de reconstruire pour le protoroman stricto sensu. Le sens « mât » est bien documenté tout au long des côtes adriatique et méditerranéenne (végl. istriot. it. [romanch. fr.] occit. cat. esp.). Comme le sarde ne le connaît pas, son apparition ne peut pas être datée avant la séparation du protosarde du protoroman continental (2e m. 2e s. [?], cf. Straka,RLiR 20, 256)16. Quant au sens « pièce maîtresse », il est attesté dans une vaste aire de la Romania ‛italo-occidentale’ (it. romanch. fr. frpr. occit. gasc. cat. esp. ast.), ce qui assigne son apparition à une date postérieure au dégagement du protoroumain (2e moitié ou fin 3e ; RosettiIstoria 184 ; Straka,RLiR 20, 258). En dernier lieu, la structure met en évidence un critère phonologique, à savoir le traitement des deux vibrantes */-r-r-/ : maintien (I.1.1., II.1.1., II.2.1., II.3.1.), dissimilation régressive (*/-l-r-/ ; I.1.2., II.1.2., II.2.1., II.3.2.) ou dissimilation progressive (*/-r-l-/ ; I.1.3., II.1.3., II.2.3., II.3.3.). Les cognats présentant une dissimilation sont très répandus, et même si on peut se poser la question de
|| 16 Que l’apparition du sens « mât » de */'arbor-e/ ait pu être favorisée, comme le propose Skok 1, 56 s.v. arbor, par l’homonymie de protorom. */'mal-u/ « mât » (dp. Plaute, IEEDLatin) avec */'mal-u/ adj. « mauvais » (dp. Livius Andronicus, IEEDLatin) nous paraît très peu probable étant donné que ces lexèmes appartiennent à deux catégories grammaticales différentes.
*/'arbor-e/ s.f. | 355
savoir s’il s’agit de processus protoromans ou de développements idioromans dans un même contexte phonétique, il semble difficile de ne pas suivre MeyerLübkeEinführung 176–177 pour y voir une origine commune. En effet, les types */'albor-e/ (sard. istriot. it. lad. romanch. fr. occit. gasc. gasc.) et */'arbol-e/ (végl. it. frioul. gasc. esp. ast. port.) ne donnent pas l’impression de phénomènes sporadiques, puisqu’ils forment des aires compactes. L’approche géolinguistique permet d’affirmer le caractère primaire du type */'arbor-e/ et de constater l’ancienneté des formes dissimilées. En effet, la branche roumaine (aire latérale archaïque) et le francoprovençal (qui peut être considéré comme une aire isolée) ne connaissent que le type */'arbor-e/, qui est également attesté en sarde. Pour ce qui est du type */'albor-e/, son aire est quasiment entièrement (à part le ladin) incluse dans celle du type */'arbor-e/. Enfin, la plupart des idiomes qui présentent le type */'arbol-e/ (à part le végliote et le frioulan) connaissent ou ont connu aussi le type non dissimilé (it. gasc. esp. ast. port.). En conséquence, puisque */'arbor-e/ est caractéristique d’une aire latérale et d’une aire isolée et que presque tous les domaines où */'albor-e/ et */'arbol-e/ sont attestés connaissent aussi */'arbor-e/, */'arbor-e/ est à considérer comme un archaïsme et les deux types dissimilés comme des innovations qui n’ont pas réussi à triompher complètement. Le scénario historique reconstruit sur la base de la reconstruction comparative ne trouve que très partiellement un pendant dans la langue écrite. Le corrélat du latin écrit du type I., arbor, -is s.f., est usuel durant toute l’Antiquité dans les sens « arbre » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], IEEDLatin ; cf. TLL 2, 419–427) et « arbre du pressoir » (dp. Caton [* 234 – 149], TLL 2, 427) et attesté depuis Virgile (* 70 – † 19) dans les sens « mât » et « poutre » (tous les deux TLL 2, 427). Le corrélat du type II., arbor s.m. « arbre », est attesté à partir de la Vetus Latina (Ernout/Meillet4 s.v. arbōs). Enfin, le type dissimilé albor n’est attesté que chez Corippe (6e s., MeyerLübkeEinführung 176–177). Du point de vue diasystémique (‛latin global’), on peut observer que le genre masculin de */'arbor-e/ ~ arbor et ses variantes dissimilées relèvent de variétés diastratiquement et/ou diaphasiquement marquées qui n’ont pas eu, ou n’ont eu que très tardivement, accès à l’écrit. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 222, 306–307, 325, 474–475 ; 2, § 374 ; GrammontDissimilation 22–23 ; REW3 s.v. arbor ; Ernout/Meillet4 s.v. arbōs ; PosnerDissimilation ; RohlfsGrammStor 1, § 262, 328 ; von Wartburg 1970 in FEW 25, 88a ; Calabrò/Fanciullo/Lupis 1988 in LEI 3/1, 758–819, ARBOR ; LausbergLingüística 1, § 173–5, 284–291, 364–366, 409 ; 2, § 601, 604 ; DardelGenre 39 ; HallPhonology 50 ; Faré n° 606 ; SalaVocabularul 539 ; DOLR 5 (1994), 91–93 ; StefenelliSchicksal 106, 224 ; MihăescuRomanité 193.
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Signatures. – Rédaction : Xosé Afonso ÁLVAREZ PEREZ. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; August KOVAČEC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Maria ILIESCU ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Manuela NEVACI ; Jan REINHARDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 16/08/2014. Version actuelle : 30/08/2014.
*/as'kʊlt-a-/ v.tr. « percevoir volontairement par voie auditive ; accueillir avec faveur (les paroles de qn) » I. « écouter » */askʊl't-a-re/ > sard. askultare v.tr. « percevoir volontairement par voie auditive, écouter » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1625), dacoroum. asculta (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 103 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 95 ; DA ; Cioranescu n° 457 ; MihăescuRomanité 227, 305 ; MDA ; ALR SN 1586), istroroum. ascuta (MaiorescuIstria 108 ; Byhan,JIRS 6, 189 ; PuşcariuIstroromâne 3, 302, 324 ; SârbuIstroromân 188, 272), méglénoroum. scultári (CapidanDicţionar s.v. scult ; AtanasovMeglenoromâna 75, 99, 283 ; ALR SN 1586), aroum. ascúltu (Pascu 1, 43 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1586)1, it. ascoltare (dp. 12e s., Pelosini in TLIO ; LEI 3, 2536–2546 ; DELI2 ; AIS 1625), frioul. scoltâ (dp. 16e/17e s. [scoltaami imp. 5], DAroncoAntologia 138 ; PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1625 ; ASLEF 376 n° 1389), lad. ascutè (dp. 1950, Kramer/Homge in EWD s.v. ascoltè ; AIS 1625), romanch. scultar « parler sans vibration des cordes vocales, chuchoter » (HWBRätoromanisch)2, fr. ˹ascouter˺ « écouter » (déb. 12e s. [asculter] – 1580, GdfC ; TLF ; FEW 25, 1046b ; ALF 67 p 111, 173, 263, 351, 750, 766, || 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 2 Cette “eigenwillige Bed.-Entwicklung” (Eichenhofer in HWBRätoromanisch), que le romanche partage avec l’asturien (DGLA s.v. escuchar), semble devoir s’expliquer à travers un stade intermédiaire *« dresser l’oreille en raison de la manière indistincte de parler d’un interlocuteur ». Dans cette langue, protorom. */as'kʊlt-a-/ a été évincé dans le sens « écouter » par protorom. */'tɪtʊl-a-/ (> romanch. tedlar, HWBRätoromanisch ; REW3 s.v. *tĭtŭlāre).
*/as'kʊlt-a-/ v.tr. | 357
904), frpr. ˹acoutar˺ (dp. 2e m. 12e s., FEW 25, 1046b ; Liard in GPSR 6, 104–106), aesp. ascuchar (fin 12e/déb. 13e s. [ascucho prét. 3] – 1340 [ascuchad imp. 5], DME ; Kasten/Cody ; DCECH 2, 713 [encore andal.]), ast. ascuchar (dp. 1295 [date du ms. ; ascuche subj. 3], DELlAMs ; AriasPropuestes 1, 206 ; DGLA), agal./aport ascoitar (13e – 14e s., DDGM ; Buschmann ; DELP3 s.v. escutar ; Houaiss s.v. escutar ; CunhaVocabulário2).
II. « suivre » */askʊl't-a-re/ > dacoroum. asculta v.tr. « accueillir avec faveur (les paroles de qn), suivre » (dp. 1852 [ascultă prés. 6], Tiktin3 ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 95 ; DA ; Cioranescu n° 457 ; MihăescuRomanité 227, 305), istroroum. ascuta (Byhan,JIRS 6, 189), méglénoroum. scultǫ (CapidanDicţionar s.v. scult), aroum. ascúltu (Pascu 1, 43 ; DDA2 ; BaraAroumain), it. ascoltare (dp. 1279/1300, Pelosini in TLIO ; LEI 3, 2539 ; DELI2), frioul. scoltâ (PironaN2 ; GDBTF), lad. ascutè (Kramer/Homge in EWD), afr. ˹ascouter˺ (2e m. 13e s. [ascoutés part. p. c.s.] – 1579, TL ; GdfC ; TLF ; FEW 25, 1046b), frpr. ˹acoutar˺ (FEW 25, 1046b ; Liard in GPSR 6, 104–106), esp. ascuchar (ca 1250/1279 [ascuchado part. p.] – ca 1284/1345, Kasten/Nitti s.v. escuchar ; DME ; NTLE), ast. ascuchar (DGLA ; DELlAMs), agal./aport ascoitar (1220/1240 – 14e s., TMILG ; CunhaVocabulário2 ; DDGM ; DELP3 s.v. escutar ; Houaiss s.v. escutar). Commentaire. – À l’exception du dalmate3, de l’occitan, du gascon et du catalan, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire */as'kʊlt-a-/ v.tr. « percevoir volontairement par voie auditive, écouter ; accueillir avec faveur (les paroles de qn), suivre ». Le corrélat du latin écrit, auscultare v.tr. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 2, 1534), mais seulement tardivement sous la forme ascultare (dp. Flavius Caper [2e s. apr. J.-Chr.], TLL 2, 1534), où la diphtongue a été réduite par dissimilation régressive (MeyerLübkeEinführung 159). Pour un complément d’information, cf. */es'kolt-a-/. || 3 Dalm. scuntúte imp. 5 (IveVeglia 154) semble être un italianisme : “The variant form, skultua, is clearly connected with Ital ascoltare – to listen. On the other hand, there is no other form in Romance with the nasal variation of this root. It seems best, therefore, to consider this an isolated word – it appears only once – with possible contamination from contare, the speaker having anticipated that he was going to relate a tale to which he wanted the listener to listen” (ElmendorfVeglia s.v. scuntúte ; BartoliDalmatico).
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Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 29, 119, 128, 371, 468, 477 ; 2, § 596 ; REW3 s.v. auscŭltāre/*ascŭltāre ; Ernout/Meillet4 s.v. auscultō ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 204, 258, 271 ; 2, § 413 ; HallPhonology 53 ; Faré n° 802 ; SalaVocabularul 540 ; Calò 1991 in LEI 3, 2536–2546, AUSCULTARE ; DOLR 2 (1992), 5 ; Chauveau 1998/2000 in FEW 25, 1046b-1061b, AUSCULTARE. Signatures. – Rédaction : Uwe SCHMIDT ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Anna CORNAGLIOTTI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS ; Florin-Teodor OLARIU. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 06/07/2010. Version actuelle : 25/07/2014.
*/'aud-i-/ v.tr. « percevoir (qch. ou qn) par l’ouïe » */au'd-i-re/ > dacoroum. auzi v.tr. « percevoir (qch. ou qn) par l’ouïe, entendre » (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 187 ; Tiktin3 ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 124 ; DA ; Cioranescu n° 542 ; MDA ; ALR SN 1950), istroroum. avzi (MaiorescuIstria 108 [aud, avd prés. 1] ; Byhan,JIRS 6, 190 [awzí] ; PuşcariuIstroromâne 3, 302 ; SârbuIstroromân 188 ; ScărlătoiuIstroromânii 298 ; ALR SN 1950), méglénoroum. uzǫri (Candrea,GrS 7, 220 ; CapidanDicţionar s.v. ud ; WildSprachatlas 154 [udi prés. 3]), aroum. avdu (dp. 1770 [άβντου prés. 1], KavalliotisProtopeiria n° 0115 ; Pascu 1, 47 s.v. avdzire ; DDA2 s.v. avdzîre ; BaraAroumain ; ALR SN 1950)1, istriot. uldì (DeanovićIstria 120 [uóldi] ; Crevatin,ACStDialIt 12, 198)2, it. udire (dp. 1ère m. 13e s., LEI 3/2, 2262 ; Faré n° 779 ; DELI2 ; GAVI ; AIS 788* p 305, 1625 p 305, 1645 p 312), frioul. audìr (dp. 14e s., LEI 3/2, 2271 ; Cortelazzo in DESF), fod./gherd. audí (dp. 1879, Kramer/Homge in EWD s.v. aldì)3, romanch. udir (dp. || 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 2 Nous proposons d’interpréter cette forme non régulière comme issue d’une hypercorrection analogue à celle que l’on observe en ladin, cf. n. 4. 3 Les autres variétés diatopiques du ladin présentent la forme hypercorrecte aldì (fausse restitution de /l/ supposé latin, cf. RohlfsGrammStor 1, § 42 ; Kramer/Homge in EWD ; LEI 3/2, 2268, 2271).
*/'aud-i-/ v.tr. | 359
1560, FerminBifrun 36 ; HWBRätoromanisch), fr. ouïr (dp. 10e s. [audit prés. 3]4, Gdf ; TL ; TLF ; FEW 25, 837b ; AND2 ; ALF 466), frpr. ˹oir˺ (dp. 1220/1230, FEW 25, 837b ; HafnerGrundzüge 58, 118 ; ALF 466), occit. ausir (dp. fin 11e s. [auuit prét. 3]5, SponsT 198 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie [auzir] ; Pansier 3 ; 5 ; BrunelChartes 12 ; BrunelChartesSuppl 2 ; FEW 25, 838a ; ALF 466), gasc. auzir (dp. 1270 [audir], FEW 25, 838a ; ALF 466 [auzit part. p.] ; ALG 1871), cat. oir (dp. ca 1100 [odir], DECat 6, 39 ; DCVB), esp. oír (dp. fin 12e/déb. 13e s., DME ; Kasten/Cody ; DCECH 4, 266), ast. oyer (1213 [odiront prét. 6], DELlAMs ; DGLA)6, gal. oír/port. ouvir (dp. 13e s. [ouir], DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; Piel,Biblos 8, 391 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2 ; ALGa 1/2, 308). Commentaire. – À l’exception du dalmate et du sarde7, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'aud-i-/ v.tr. « percevoir (qch. ou qn) par l’ouïe, entendre ». Le corrélat du latin écrit, audire v.tr. « id. », est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Névius [3e s. av. J.-Chr.], TLL 2, 1261). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 319, 354, 376–381, 436–437 ; Jud,ASNS 127, 424 ; REW3 s.v. audire ; Ernout/Meillet4 s.v. audio ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 243, 253, 267, 269 ; 2, § 361, 365, 375–377 ; Faré n° 779 ; HallPhonology 93 ; SalaVocabularul 541 ; Calò/Pfister 1991 in LEI 3/2, 2262–2272, AUDIRE ; StefenelliSchicksal 224 ; DOLR 2 (1992), 5 ; MihăescuRomanité 227 ; Chauveau 1997 in FEW 25, 837b-862a, AUDIRE. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU ; Eugen MUNTEANU. Italoromania : Rosario COLUCCIA ; Anna CORNAGLIOTTI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Victor CELAC ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Johannes KRAMER ; Florin-Teodor OLARIU ; Uwe SCHMIDT.
|| 4 Graphie latinisante, cf. FEW 25, 859a. 5 Cette attestation ne relève pas de l’ancien vaudois, comme l’indique à tort FEW 25, 838a, mais de l’ancien limousin. 6 L’asturien présente quelquefois ce genre de changement de classe flexionnelle, cf. DELlAMs. 7 Logoud. audire « consentir, approuver » représente un emprunt à it. audire (1ère m. 13e s. – 1744, LEI 3/2, 2266, 2271 ; cf. DES).
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Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 16/07/2010. Version actuelle : 25/08/2014.
*/'baβ-a/ s.f. « salive visqueuse qui s’échappe de la bouche d’une personne ou de la gueule d’un animal » */'baβ-a/ > sard. báƀa s.f. « salive visqueuse qui s’échappe de la bouche d’une personne ou de la gueule d’un animal, bave » (DES ; PittauDizionario 1), dacoroum. bale pl. (dp. 1529, Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 129 ; DA ; Cioranescu n° 639 ; MDA ; ALR II/I 26* ; ALRM II/I 55)1, méglénoroum. bală sg. (Candrea,GrS 3, 186 ; CapidanDicţionar ; AtanasovMeglenoromâna 129, 162 [báli pl.]), aroum. bală (dp. 1770 [μπάλᾳ], KavalliotisProtopeiria n° 0356 ; Pascu 1, 49–50 s.v. bale ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALRM II/I 55), it. bava (dp. ca 1313, LEI 4, 2 ; Faré n° 853 ; DELI2 ; Chiamenti in TLIO ; AIS 172 p 133), frioul. bave (Pellegrini in DESF ; GDBTF ; AIS 172 p 318, 326 ; ASLEF 392 n° 1596 p 2*), lad. sbàva (dp. 1879, Kramer/Schlösser in EWD)2, romanch. ['ʒbava]/['ʒbaba] (HWBRätoromanisch)3, afr. beve (13e s. [beve ; beffe], GdfC s.v. bave ; FEW 1, 194a ; TL ; TLF)4, frpr. ˹báva˺ (Tappolet/Jeanjaquet in GPSR 2, 294–295 ; FEW 1, 194a),
|| 1 Roum. *ba, qui serait l’aboutissement régulier de */'baβ-a/, n’est pas attesté ; on ne relève que le pluriel bale (*ba + morphème du pluriel), formé sur le modèle du type stea, stele « étoile(s) » (cf. Pascu 1, 49–50). En dacoroumain, le lexème n’existe qu’au pluriel, tandis que le méglénoroumain et l’aroumain connaissent un singulier bală refait sur le pluriel (cf. Cioranescu n° 639). 2 L’initiale montre une influence analogique de lad. sbavar v.intr. « baver » (où /ʒ-/ < préfixe intensif */es-/, cf. RohlfsGrammStor 3, § 1012 ; Kramer/Schlösser in EWD). L’issue originelle est encore tangible à travers lad. baüz adj. « glissant, lisse », croisement du représentant régulier de protorom. */'baβ-a/ et de lad. lìze adj. « glissant, lisse » (cf. Kramer/Kowallik in EWD). 3 Parallèlement au ladin (cf. n. 2), l’nitiale montre une influence analogique de romanch. sbabar v.intr. « baver » (représentant régulier de */'baβ-a/ + /ʒ-/ < préfixe intensif */es-/, cf. HWBRätoromanisch). – Il est peu probable que bas-engad. surm. bava s.f. « sillon ; bande de terre entre deux sillons » continue directement protorom. */'baβ-a/. Selon Schorta in DRG 2, 264, 274, il pourrait s’agir d’une rétroformation de romanch. bavun s.m. « entrée dans une clôture », issu par dissimilation de *vavon (< protorom. */βa'd-on-e/). Pour ce qui est de basengad. bava « éboulement », Schorta in DRG 2, 274, s’opposant à une hypothèse de Pult, qui y voit un représentant de protorom. */'baβ-a/, fait valoir un lien sémantique entre « éboulement » et « glissant » pour le rattacher au même lexème. 4 La forme beffe (avec désonorisation de la consonne finale) est picardisante. La forme régulière beve de l’ancien français a été remplacée par bave (dp. ca 1460, TLF), dont la voyelle tonique est due à l’influence du verbe baver (cf. DauzatÉtudes 226 ; FEW 1, 195b n. 1). La formule du TLF (“empr. au lat. pop. *baba”) est bien sûr erronée.
*/'baβ-a/ s.f. | 361
occit. bavo (FEW 1, 194a ; Mistral), gasc. babo (FEW 1, 194a), cat. bava (dp. 1371, DECat 1, 738 ; DCVB), esp. baba (dp. ca 1250 [baua], CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 1, 442 ; DME), ast. baba (AriasPropuestes 1, 29–31 ; DGLA ; DELlAMs), gal./port. baba (dp. 1295/1312 [baua], TMILG ; CunhaÍndice ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; LisboaNascentes 10 ; DELP3 ; Houaiss). Commentaire. – À l’exception du dalmate, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'baβ-a/ s.f. « salive visqueuse qui s’échappe de la bouche d’une personne ou de la gueule d’un animal, bave ». Ce lexème reconstruit est un diaphasisme : il appartenait à l’origine à la variété de langue employée par les adultes pour s’adresser aux enfants et qui adopte, pour cette raison, les caractéristiques du langage enfantin : redoublement syllabique, alternance consonnes/voyelles, prépondérance des labiales (et des dentales) et de la voyelle /a/ (cf. JakobsonEnfantin 123–126). De plus, on peut y voir une onomatopée déictique (selon la terminologie de Guiraud,VD 20/21), la suite des deux bilabiales attirant l’attention sur les lèvres, ouverture d’où sort la bave. Protoroman. */'baβ-a/ ne possède aucun corrélat dans le latin écrit de l’Antiquité. On trouve cependant différents indices de son existence dans le langage populaire, ainsi le nom de personne Baba (Sénèque le Jeune [54 apr. J.Chr.], TLL 2, 1650 ; OLD : “name of a fool”) ou des dérivés comme babulus s.m. « bavard » (Apulée [2e s. apr. J.-Chr.], TLL 2, 1652) et bavosus adj. « stupide » (ca 550 apr. J.-Chr., LEI 4, 99). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 221–225, 302–305, 404–405, 433 ; REW3 s.v. baba ; von Wartburg 1923 in FEW 1, 194a-195b, *BABA ; Ernout/Meillet4 s.v. babit ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175, 272–273 ; 2, § 300, 373 ; Faré n° 853 ; HallPhonology 213 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 222 ; Marinucci/Pfister 1994 in LEI 4, 1–49, *BABA. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Günter HOLTUS. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Anna CORNAGLIOTTI ; Georges DARMS. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Ana BOULLÓN ; Victor CELAC ; Yan GREUB. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 04/11/2009. Version actuelle : 30/08/2014.
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*/'βad-u/ s.[n. ou m.] « endroit peu profond d’un cours d’eau permettant de le traverser sans perdre pied » I. Type probablement originel : */'βad-u/ s.n. */'βad-u/ > dacoroum. vad s.n. « endroit peu profond d’un cours d’eau permettant de le traverser sans perdre pied, gué » (dp. 1581/1582, DLR ; Tiktin3 ; EWRS ; Cioranescu n° 9122 ; MDA ; ALR SN 825 p 386 ; 826 p 836 ; 828* p 250 [« lit de rivière »] ; 318 p 605, 705, 723, 769 [« endroit où le bétail en pâture se repose »])1.
II. Type présentant probablement un changement de genre : */'βad-u/ s.m. */'βad-u/ > sard. báđu s.m. « gué » (dp. apr. 1073/1180 [badu], BlascoCrestomazia 1, 149 ; DES ; PittauDizionario 2), it. vado (fin 13e – 16e s., GDLI ; GAVI [surtout sens figurés] ; AIS 1423* p 550, 551 [tosc. vado « passage dans une haie »] ; p 791 [cal. badu « ouverture d’un parc à moutons »]), frioul. vât (dp. 17e s., Faggin ; PironaN2 ; GDBTF), romanch. vau (dp. 1580, HWBRätoromanisch), esp. vado (dp. 1198 [arag.], DEAF G 1537 ; DME ; DCECH 5, 727–728 ; NTLE), ast. vau (dp. 12e/13e s. [vao], DELlAMs ; AriasPropuestes 2, 426–428 ; DGLA), gal. vao/port. vau (dp. 1264/1284, TMILG ; DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)2.
III. Type phonologiquement innovatif : */'uad-u/ s.m. */'uad-u/ > it. guado s.m. « gué » (dp. av. 1292, DELI2 ; GAVI ; AIS 1423* p 542 [tosc. gwado « passage dans une haie »] ; 1522* p 274 [lomb. gua « lavoir »]), fr. gué (dp. ca 1100 [guez pl.], TLF ; FEW 17, 438b-439a ; GdfC ; TL ; DEAF G 1541 ; AND2 ; ALF 755 p 38, 685 [« lavoir »] ; 3 p 121, 122, 126, 147, 155, 158, 169, 270, 292 [« abreuvoir »]), frpr. gua (dp. ca 1290, GononDocuments 17 ; MargOingtD 134 ; HafnerGrundzüge 39 n. 1 ; DocMidiM 54 ; FEW 17, 438b-439a), occit. ga (dp. ca 1170 [gua], BrunelChartesSuppl 41 ; Raynouard ; AppelChrestomathie ; FEW 17,
|| 1 La datation ca 1418 proposée par Tiktin3 concerne une attestation relevée dans un texte alloglotte slavon. – Ce lexème est toujours neutre en dacoroumain, malgré EWRS, qui le donne comme masculin, sans attestations. 2 La date de 1068 proposée par DELP3 ainsi que celle de 1258 fournie par DDGM se réfèrent à des textes en latin.
*/'βad-u/ s.[n. ou m.] | 363
438b ; ALFSuppl 102 p 733, 813, 841), gasc. goa (dp. 1192/1214 [ms. 2e m. 13e s. ; gua], CartBigRC 118 ; FEW 17, 438b ; Palay ; CorominesAran 478), cat. gual (dp. 988 [guad], DECat 4, 691 ; MollSuplement n° 3336 ; DCVB). Commentaire. – À l’exception du dalmate et du ladin, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers des types évolués, protorom. */'βad-u/ s.[n. ou m.] « endroit peu profond d’un cours d’eau permettant de le traverser sans perdre pied, gué »3. Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les trois prototypes dont elles relèvent : celles sous I. (neutres) et II. (masculines) continuent régulièrement protoroman */'βad-u/, tandis que celles sous III. postulent une protoforme */'uad-u/. En faisant abstraction du genre, on constate que le type */'βad-u/ (I. et II.) se rencontre dans une aire extensive englobant le roumain, l’italien, le sarde, le frioulan, le romanche, l’espagnol, l’asturien et le galégoportugais. En revanche, le type */'uad-u/ (III.) est caractéristique d’une aire continue et centrale (it. fr. frpr. occit. gasc. cat.) qui le dénonce comme innovatif. Ce prototype plus récent peut s’expliquer soit comme le résultat d’une influence lexicale germanique, soit comme celui d’une évolution phonétique particulière. Dans la première hypothèse (cf. par exemple MeyerLübkeGLR 1, § 416 et LausbergLinguistica 1, § 303), l’initiale de */'uad-u/ serait empruntée à germ. */'wað-/ s. « gué » (afrq. */'wað-/ en domaine d’oïl, mais probablement des lexèmes appartenant à d’autres variétés germaniques dans les autres cas)4, 5. Dans la seconde hypothèse, qui s’appuie sur l’analyse de 54 lexèmes et a le mérite de proposer une modélisation unifiée là où la communis opinio multiplie les explications ad hoc (Möhren,MedRom 24, 26–27, 44, 50–51, 69 et passim), */'uad-u/ ne doit rien à une influence germanique, mais manifeste une évolution phonétique de type “itinéraire bis”, largement attestée, mais non régulière. || 3 Le lexème protoroman semble avoir été emprunté par l’albanais (alb. va s.m., VătăşescuAlbaneză 151 ; BonnetAlbanais 387), même si la chute de /-d-/ fait difficulté. 4 Von Wartburg in FEW 17, 440a pose un étymon ancien francique pour expliquer l’initiale de wall. wez, pic. viez, norm. ˹vé˺, champ. ˹wot˺, lorr. ˹wé˺, frcomt. ˹wa˺ (FEW 17, 438b-439a), mais la variation de l’initiale (w-, g-, v-) ne contraint pas à postuler un étymon lexématique germanique ; en témoignent les issues régulières dans le domaine oïlique, surtout aussi dans les parlers septentrionaux proches du domaine germanique (awall. apic. alorr. ˹weit˺) (cf. Möhren,MedRom 24). Möhren in DEAF rejette d’ailleurs l’étymologie de von Wartburg, alors que le TLF l’a encore reprise. 5 Rien ne s’oppose à ce que les finales d’awall. wez, d’abourg. guef (FEW 17, 438b-439a), des formes invariables gués, guez (expliquées par un éventuel emploi collectif du pluriel) et des formes de cas sujet singulier en -s citées par DEAF G 1541 soient héréditaires (cf. Pfister in FEW 15/1, 135a et Möhren,MedRom 24, 69 n. 141).
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L’aréologie des issues de */'uad-u/, qui assigne ce dernier clairement à un stade plus récent du protoroman que */'βad-u/, empêche toutefois d’y voir le reflet d’un conservatisme tel qu’il est postulé par Möhren,MedRom 24, 51, 54–55, 62 : une autre explication devra être trouvée (s’agirait-il d’un hypercorrectisme ?). Du point de vue morphosyntaxique, la comparaison reconstructive ne permet pas de trancher avec sûreté entre un étymon neutre (recommandé par le genre neutre du cognat dacoroumain, cf. ci-dessus I.) et un étymon masculin (recommandé par celui des autres cognats, cf. ci-dessus II. et III.). Étant donné le caractère récessif du neutre dans les langues romanes, on aurait tendance à reconstruire un neutre, mais dans la mesure où ce genre est toujours productif en dacoroumain et que l’on ne dispose d’aucun cognat sud-danubien, il existe un léger doute. Le corrélat du latin écrit de I., uadum, -i s.n. « gué », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], OLD), celui de II., uadus, -i s.m. « id. », est attesté sporadiquement entre Varron (* 116 – † 27) et Fronton (* ca 100 – † ca 170, tous les deux OLD). La reconstruction d’un neutre originel, que la seule méthode comparative ne permet pas d’établir de façon définitive, trouve donc dans le corrélat de la langue écrite un appui solide. – Le système graphique du latin de l’Antiquité ne permet pas de détecter un éventuel corrélat du type III. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 308, 416, 436 ; REW3 s.v. vadum ; Ernout/Meillet4 s.v. uadum ; von Wartburg 1964 in FEW 17, 438b-441a, *WAD ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 274, 301, 303, 375–377 ; HallPhonology 261 ; Faré n° 9120a ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 191 ; Möhren,MedRom 24 ; Möhren 1995 in DEAF G 1537–1545. Signatures. – Rédaction : Julia ALLETSGRUBER. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Anna CORNAGLIOTTI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Pascale BAUDINOT ; Ana BOULLÓN ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Lucia MANEA ; Stella MEDORI ; Thomas STÄDTLER ; Simone TRABER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 11/03/2011. Version actuelle : 30/08/2014.
*/'barb-a/1 s.f. | 365
*/'barb-a/1 s.f. « ensemble des poils qui poussent au bas du visage de l’homme (sur le menton et les joues) ; partie du visage située sous la lèvre inférieure et constituée par l’extrémité du maxillaire inférieur » I. « barbe » */'barb-a/ > sard. bárƀa s.f. « ensemble des poils qui poussent au bas du visage de l’homme (sur le menton et les joues), barbe » (DES ; AIS 117), dacoroum. barbă (dp. 1688, DA ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 133 ; Graur,BL 5, 89 ; Cioranescu n° 677 ; MihăescuRomanité 169 ; Tiktin3 ; ALRM I/I 49), istroroum. barbă (MaiorescuIstria 109 ; MihăescuRomanité 208), méglénoroum. barbă (CapidanDicţionar ; WildSprachatlas 120), aroum. barbă (dp. 1770 [μπάρμπᾳ], KavalliotisProtopeiria n° 0620 ; Pascu 1, 50 ; DDA2 ; BaraAroumain), dalm. buarba (BartoliDalmatico 267), istriot. ˹bárba˺ (PellizzerRovigno ; AIS 117 p 397, 398 ; ILA n° 218), it. barba (dp. 10e s., Scaffai in TLIO ; LEI 4, 1136–1141 ; DELI2 ; AIS 117), frioul. barbe (dp. 2e m. 14e s. [barbo], BenincàEsercizi 39 ; Pellegrini in DESF ; GDBTF ; AIS 117 ; ASLEF 358 n° 1257), lad. bèrba (dp. 1763 [berba], Kramer/Kowallik in EWD ; AIS 117 ; ALD-I 60), romanch. barba (dp. 1650, Schorta in DRG 2, 151 ; HWBRätoromanisch ; AIS 117), fr. barbe (dp. fin 11e s., AlexisS2 113 ; GdfC ; TL ; TLF ; AND2 ; ALF 111), frpr. barba (dp. ca 1220/1230, ProsalegStimm 23 ; Tappolet/Jeanjaquet in GPSR 2, 244–245 ; ALF 111), occit. barba (dp. 1060 [barb’], SFoiHA 1, 332 ; Raynouard ; AppelChrestomathie ; FEW 1, 243b-244a ; ALF 111 ; ALMC 1253), gasc. barbe (Palay ; CorominesAran 318–319 s.v. barba ; ALF 111), cat. barba (dp. 13e s., DECat 1, 631–634 ; DCVB ; MollSuplement n° 401), esp. barba (dp. fin 12e/déb. 13e s., DCECH 1, 504 ; Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti), ast. barba (dp. 1267 [ms. 13e s. (?) ; barva], DELlAMs ; DGLA), gal./port. barba (dp. av. 1250 [baruas pl.], DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
II. « menton » */'barb-a/ > sard. bárƀa s.f. « partie du visage située sous la lèvre inférieure et constituée par l’extrémité du maxillaire inférieur, menton » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 115), dacoroum. barbă (dp. 1643, DA ; Graur,BL 5, 89 ; Tiktin3 ;
366 | 1. Articles ALRM I/I 49 ; II/I 77)1, istroroum. bårbę (MihăescuRomanité 208 ; SârbuIstroromân 190), dalm. buarba (BartoliDalmatico 306), istriot. ˹bárba˺ (PellizzerRovigno ; AIS 115 p 397, 398 ; ILA n° 218), it. barba (dp. 1319, LEI 4, 1157–1158 ; Scaffai in TLIO ; AIS 115 ; 1703), frioul. barbe (Pellegrini in DESF ; GDBTF ; AIS 115 ; ASLEF 358 n° 1256)2, occit. barba (dp. 12e/13e s., JaufreBre 5208 ; FEW 1, 244a ; Mistral [Arles lang. lim.] ; ALMC 1253)3, cat. barba (dp. 15e s., DECat 1, 631–634 ; DCVB), esp. barba (dp. ca 1256, Kasten/Nitti ; DCECH 1, 504 ; DME ; NTLE), ast. barba (DELlAMs ; DGLA), gal. barba (DRAG1 ; DdD), port. barba (FerreiraDicionário ; Houaiss). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'barb-a/ s.f. « ensemble des poils qui poussent au bas du visage de l’homme (sur le menton et les joues), barbe ; partie du visage située sous la lèvre inférieure et constituée par l’extrémité du maxillaire inférieur, menton »4. Le corrélat du latin écrit de I., barba, -ae s.f. « ensemble des poils qui poussent au bas du visage de l’homme (sur le menton et les joues), barbe », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 2, 1724), celui de II., « partie du visage située sous la lèvre inférieure et constituée par l’extrémité du maxillaire inférieur, menton », à partir du 3e siècle seulement (gloses, TLL 2, 1724). Pour un complément d’information, cf. */'barb-a/2 s.m. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 223, 302, 405, 474 ; REW3 s.v. barba ; Ernout/Meillet4 s.v. barba ; von Wartburg 1923 in FEW 1, 243b-244b, BARBA ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 273, 300, 409 ; Faré n° 944 ; SalaVocabularul 539 ; DOLR 1 (1991), 91–92 ; Glessgen/Pfister 1994 in LEI 4, 1135–1246, BARBA.
|| 1 ALRM I/I 49, qui présente une carte purement phonétique, permet seulement d’attester le signifiant de l’unité lexicale. 2 Frpr. (Tarentaise) barbon s.m. « mâchoire » (FEW 1, 244b) laisse présumer de l’existence ancienne d’une issue de protorom. */'barb-a/ « menton » aussi dans le domaine francoprovençal. 3 Le sens de menton cité à travers un témoignage tout à fait isolé par CorominesAran 318 ne semble pas être héréditaire en gascon (il pourrait notamment s’agir d’un catalanisme). 4 Si la totalité des parlers romans présentent des cognats dans le sens « barbe », l’existence du sens « menton » en sarde, en roumain et dans une partie du reste de la Romania permet de l’assigner de même à la première phase du protoroman, avant le décrochage du sarde. – Les emprunts anciens dans les langues celtiques (gall. barf, acorn. bare[e]f, bret. baro, PedersenKeltisch 1, 226) confirment l’existence du lexème en protoroman.
*/'barb-a/2 s.m. | 367
Signatures. – Rédaction : Uwe SCHMIDT ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Christoph GROß ; Piera MOLINELLI ; Carli TOMASCHETT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/12/2010. Version actuelle : 21/07/2014.
*/'barb-a/2 s.m. « frère du père ou de la mère » */'barb-a/ > dalm. buarba s.m. « frère du père ou de la mère, oncle » (BartoliDalmatico 284 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 105), istriot. ˹bárba˺ (PellizzerRovigno ; AIS 19 p 397, 398 ; ILA n° 505, 510, 514, 519), itsept. barba (dp. 1301, Scaffai in TLIO ; TappoletVerwandtschaftsnamen 103–104 ; LEI 4, 1171–1175)1, frioul. barbe (dp. fin 13e/déb. 14e s. [barba], VicarioRegistro 70 ; Pellegrini in DESF ; GDBTF ; AIS 19 ; ASLEF 463 n° 2115), lad. bèrba (dp. 1879 [bérba], Kramer/Kowallik in EWD ; AIS 19), romanch. barba (Schorta in DRG 2, 154–156 ; TappoletVerwandtschaftsnamen 104 ; HWBRätoromanisch ; AIS 19). Commentaire. – Le dalmate, l’istriote, l’italien septentrional, le frioulan, le ladin et le romanche présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'barb-a/ s.m. « frère du père ou de la mère, oncle ». L’aire couverte par ce lexème, restreinte à une partie de la Romania occidentale centrée sur l’Italie du nord, est comprise dans celle, panromane, de */'barb-a/1 s.f. « barbe ; menton ». Dès lors, des raisons aréologiques et sémantico-motivationnelles invitent à analyser */’barb-a/ s.m. comme le résultat d’une masculinisation, par adaptation au genre naturel, de */'barb-a/1 s.f. « barbe » intervenue en protoroman régional (sans doute tardif). Cette étymologie s’appuie sur Gleßgen/Pfister in LEI 4, 1241–1245, BARBA, qui ont démontré le caractère indigène de la famille lexicale ici traitée, et dont l’analyse amène notamment à supprimer l’article
|| 1 Aost. prov. (surtout vallées piémontaises et Nice) barba s.m. « oncle » (FEW 15/1, 67a, BARBAS ; ALF 941 p 985–987, 898, 992), dépourvus d’attestations anciennes, se dénoncent comme des emprunts à l’italien septentrional.
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(longobard) du FEW (cf. aussi FrancovichVestigia 68 : “non è voce germanica, ma una formazione latina altomedievale [...] ; forse è entrato nel lgb. stesso, ma non si può propriamente considerare voce longobarda”)2. La masculinisation s’appuie sur une métonymie à partir de la barbe conçue comme l’expression de l’autorité et de la virilité (TappoletVerwandtschaftsnamen 104 : “nach seinem in die Augen springenden Merkmal”). Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de ce lexème3. Pour un complément d’information, cf. */'barb-a/1 s.f.
BARBAS
Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 223, 308, 405, 474 ; 2, § 18 ; REW3 s.v. barba ; von Wartburg 1968 in FEW 15/1, 67a, BARBAS ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 274, 300, 409 ; Faré n° 944 ; SalaVocabularul 539 ; DOLR 1 (1991), 91 ; Glessgen/Pfister 1994 in LEI 4, 1135–1246, BARBA. Signatures. – Rédaction : Uwe SCHMIDT ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Christoph GROß ; Piera MOLINELLI. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/12/2010. Version actuelle : 21/07/2014.
|| 2 Toujours est-il que la distribution de */'barb-a/ s.m. correspond grosso modo à la zone d’influence des Longobards, ce qui incite à supposer qu’ils ont pu contribuer à sa diffusion. 3 Cf. lattard. barba, -anis s.m. « vieil homme ; oncle » (643, CIL 9, 6402 ; CIL 8, 383 ; LEI 4, 1242), qui représente un reflet indirect des lexèmes romans.
*/'batt-e-/ v.tr. | 369
*/'batt-e-/ v.tr. « frapper (qch. ou qn) de coups répétés » */'batt-e-re/ > sard. báttere v.tr. « frapper (qch. ou qn) de coups répétés, battre » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 403), dacoroum. bate (dp. 1500/1510 [date du ms. ; bătu prét. 3], Psalt. Hur.2 176 ; Tiktin3 ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 144 ; DA ; Cioranescu n° 733 ; MDA ; ALR SN 978, 1408), istroroum. båte (MaiorescuIstria 109 [bate] ; Byhan,JIRS 6, 198 ; PuşcariuIstroromâne 3, 103 ; SârbuIstroromân 190 ; KovačecRječnik 36), méglénoroum. bat (Candrea,GrS 3, 188 ; CapidanDicţionar ; ALDM 300, 301), aroum. batu (Pascu 1, 50 s.v. batire ; DDA2 ; BaraAroumain)1, dalm. batár (BartoliDalmatico 219, 284 ; ElmendorfVeglia)2, istriot. bàti (PellizzerRovigno ; AIS 403 ; ILA n° 390, 1163), it. battere (dp. 12e s., Chiamenti in TLIO ; Merlo,RIL 81, 74 ; LEI 5, 345– 590 ; DELI2 ; AIS 403), frioul. bati (dp. 1336 [batè prét. 3], VicarioQuaderni 1, 44 ; PironaN2 ; Pellegrini in DESF ; AIS 403 ; ASLEF 726, 797 n° 3775), lad. bate (dp. 1879 [batte], Kramer/Kowallik in EWD ; AIS 403 ; ALD-I 63), romanch. batter (dp. 1527, Schorta in DRG 2, 255 ; HWBRätoromanisch ; AIS 403), fr. battre (dp. fin 11e s. [batant], TLF ; GdfC ; FEW 1, 290b-297b ; TL ; AND2 s.v. batre1 ; ALF 20, 172, 179), frpr. batre (dp. 1220/1230, HafnerGrundzüge 82 ; Tappolet in GPSR 2, 288–289 ; FEW 1, 290b-297b ; ALFSuppl 189), occit. batre (dp. 3e t. 10e s. [batraunt fut. 6], PassAugsbH 32 ; SFoiHA 1, 288 ; Raynouard ; Levy ; Pansier 1 ; ALF 1834, 1576 ; ALFSuppl 189), gasc. batre (dp. 1143 [bater], DAG n° 1672 ; Raynouard ; Levy ; CorominesAran 327 ; ALF 1576 ; ALG 295), cat. batre (dp. 13e s. [bateren prét. 6], DECat 1, 728 ; MollSuplement n° 426 ; DCVB), aesp. bater (fin 12e/déb. 13e s. [batíen prét 6] – 1490, DME ; Kasten/Cody ; DCECH 1, 544 ; NTLE [Palencia 1490] ; Kasten/Nitti)3, ast. bater (dp. 1274 [batan prés. 6], DELlAMs ; DGLA), gal./port. bater (dp. 13e s. [batudo part.
|| 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. Pour ce qui est du lemme de Pascu, il manifeste un changement de conjugaison régulier en aroumain (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 126). 2 On attendrait -tro < */'batt-e-re/, tandis que -ar est l’issue régulière de */-'e-re/. Des raisons aréologiques interdisant d’en reconstruire une origine commune avec les issues de la péninsule ibérique (cf. n. 3), on y verra un changement de conjugaison idioroman. Pour ce qui est de buát « battre » (BartoliDalmatico 236) et de báter (BartoliDalmatico 284 ; ElmendorfVeglia), leur interprétation est incertaine. 3 Les issues espagnole, asturienne et galégo-portugaise manifestent le passage régulier de la troisième à la deuxième conjugaison (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 126 ; WilliamsPortuguese § 150). Pour ce qui est d’esp. batir, il s’agit d’un changement de conjugaison idioroman.
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p.], DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; CunhaÍndice ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'batt-e-/ v.tr. « frapper (qch. ou qn) de coups répétés, battre »4. Dans beaucoup d’idiomes, les issues de */'batt-e/ ont supplanté celles de */'ɸεr-i-/. Le corrélat exact du latin écrit, battere v.tr. « id. », n’est attesté que depuis Fronton (* ca 100 – † ca 170, TLL 2, 1789), tandis que la forme battuere est usuelle durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 2, 1789). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223–225, 307, 313, 332–335, 404–405, 455, 541 ; REW3 s.v. battuĕre ; von Wartburg 1924 in FEW 1, 290b-297b, BATTUERE ; Ernout/Meillet4 s.v. battuō ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 299, 491–493 ; Faré n° 996 ; HallPhonology 69 ; SalaVocabularul 539 ; StefenelliSchicksal 154 ; DOLR 5 (1995), 37 ; Calò/Pfister 1995 in LEI 5, 344–590, BATT(U)ERE ; KleinBedeutungswandel 255–258. Signatures. – Rédaction : Xavier BLANCO ESCODA. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du SudEst : Victor CELAC ; Wolfgang DAHMEN ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Max PFISTER ; Carli TOMASCHETT ; Paul VIDESOTT. Galloromania : JeanPaul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Pascale BAUDINOT ; Wendy BISARD ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Stella MEDORI. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 01/03/2011. Version actuelle : 21/07/2014.
|| 4 Les langues brittoniques en contact avec le latin ont emprunté ce lexème sous sa forme reconstruite (gall. bathu v. « battre monnaie », corn. bat s. « pièce de monnaie », tous les deux LothBrittoniques 137 ; PedersenKeltisch 1, 234–235), ce qui en confirme la vitalité dans la langue parlée.
*/'βend-e-/ v.ditr. | 371
*/'βend-e-/ v.ditr. « céder (à qn) la propriété (de qch.) pour un certain prix » */'βend-e-re/ > sard. bèndere/béndiri v.ditr. « céder (à qn) la propriété (de qch.) pour un certain prix, vendre » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 825), dacoroum. vinde (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 175 ; Tiktin3 ; EWRS ; DLR ; Cioranescu n° 9274 ; MDA ; ALR SN 1018 ; 1926–1927 ; 2006 ; 2057), istroroum. vinde (MaiorescuIstria 156 ; Byhan,JIRS 6, 381 ; PuşcariuIstroromâne 3, 329 ; SârbuIstroromân 298 ; ALR SN 1018 ; 1926–1927 ; 2006 ; 2057), méglénoroum. vindiri (Candrea,GrS 7, 223 ; CapidanDicţionar s.v. vind ; AtanasovMeglenoromâna 95, 284), aroum. vindu (dp. 1770 [βίνντου], KavalliotisProtopeiria n° 0946 ; Pascu 1, 185 s.v. vindire ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1926–1927 ; 2006 ; 2057)1, dalm. vander (BartoliDalmatisch 2, 103 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 106), istriot. ˹véndi˺ (AIS 825), it. vendere (dp. 1207/1208, TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 825), frioul. vendi (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 825), lad. vëne (dp. 1763 [vanne], Kramer/Boketta in EWD ; AIS 825 ; ALD-I 846), romanch. vender (HWBRätoromanisch ; AIS 825), fr. vendre (dp. 1160/1174, TLF ; Gdf ; TL ; FEW 14, 231b-232a ; AND2 ; ALF 1358)2, frpr. ˹vindre˺ (dp. déb. 14e s. [vendre], DocLyonnais 188 = HafnerGrundzüge 89 ; FEW 14, 232a ; HafnerGrundzüge 89, 126, 128, 131 [vendre] ; ALF 1358 ; ALLy 1247*), occit. vendre (dp. ca 1120, BrunelChartes 21 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; Pansier 5 ; BrunelChartesSuppl 4 ; FEW 14, 231b-232a ; ALF 1358), gasc. ˹béne˺ (dp. av. 1256 [beno prét. 3], CartBigRC 121–122 ; FEW 14, 232a ; ALF 1358 ; ALG 1785 ; 1944–1947), cat. vendre (dp. 11e s. [uenuda part. p. f.], DCVB ; DECat 9, 99), esp. vender (dp. 2e m. 10e s., DCECH 5, 768 ; Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti)3, ast. vender (dp. 1240 [uender], DELlAMs ; DGLA), gal./port. vender (dp. 1220, TMILG ; DRAG2 ; DDGM ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
|| 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. L’infinitif víndire (cf. l’entrée de Pascu citée ci-dessus) témoigne de l’appartenance du verbe à la flexion en */'-e-/, même s’il a connu par ailleurs un passage idioroman à celle en */-'e/, avec l’infinitif vindeáre (CapidanAromânii 432 ; DDA2). 2 La première attestation fournie par le TLF est extraite de la Passion de Clermont, texte composé dans un idiome dont l’identification n’est pas assurée (peut-être occitan, cf. DePoerck,RLiR 27 ; DEAFBiblEl s.v. PassionA). 3 Les issues espagnoles, asturiennes, galiciennes et portugaises des verbes appartenant à la flexion en */'-e-/ du protoroman ont subi régulièrement une réaffectation à celle en */-'e-/ ou en */-'i-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119, 126 ; WilliamsPortuguese § 148 ; LloydLatin 451–455).
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Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'βend-e-/ v.ditr. « céder (à qn) la propriété (de qch.) pour un certain prix, vendre ». Le corrélat du latin écrit, vendere v.ditr. « id. », est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], OLD). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 70, 89, 94–97, 328, 332, 405 ; REW3 s.v. vēndĕre ; Ernout/Meillet4 s.v. uēnum ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 128, 169 ; 2, § 301 ; 3, § 787–790 ; von Wartburg 1958 in FEW 14, 231b-234a, VENDERE ; Faré n° 9190 ; HallPhonology 42 ; SalaVocabularul 540. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC. Italoromania : Maria ILIESCU ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Petar ATANASOV ; Cristina FLORESCU ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Uwe SCHMIDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 03/01/2014. Version actuelle : 30/08/2014.
*/'bɪβ-e-/ v.tr. « avaler (un liquide) » */'bɪβ-e-re/ > sard. bíƀere v.tr. « avaler (un liquide), boire » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1035, 1037), dacoroum. bea (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 129 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 152 ; DA ; Cioranescu n° 752 ; MDA ; ALR SN 1230–1243, 2242)1, istroroum. bę (MaiorescuIstria 109 [bea] ; Byhan,JIRS 6, 193 ; PuşcariuIstroromâne 3, 304 ; SârbuIstroromân 191 ; ScărlătoiuIstroromânii 298 ; ALR SN 2230–2232, 2237–2243), méglénoroum. be̯ári (Candrea,GrS 3, 188 ; CapidanDicţionar s.v. beau ; AtanasovMeglenoromâna 232 ; WildSprachatlas 227 ; ALR SN 2230–2231, 2238), aroum. beau (dp. 1770 [μπιάου prés. 1], KavalliotisProtopeiria n° 0760 ; Pascu 1, 51 s.v. beare ;
|| 1 La datation de ca 1418 proposée par Tiktin3 concerne une attestation relevée dans un texte alloglotte slavon (Mihăilă, D. 75).
*/'bɪβ-e-/ v.tr. | 373
DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 2230–2241)2, dalm. bar (BartoliDalmatisch 2, 172 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 106)3, istriot. bívi (DeanovićIstria 108 ; MihăescuRomanité 133, 140 ; AIS 1035), it. bevere (dp. 10e s., TLIOCorpus ; DELI2 ; LEI 5, 1424 ; AIS 1037 p 289, 364)4, frioul. bevi (dp. 1355 [bivir prét. 6], DAroncoAntologia 27 ; Pellegrini in DESF ; AIS 1035 ; ASLEF 867 n° 3983), lad. bëire (dp. 1763 [baeire], Kramer/Kowallik in EWD), romanch. baiver/beiber (dp. ca 1600 [baiver], Schorta in DRG 2, 77 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1035), afr. boivre (10e s. – 1295 [beven prés. 6], GdfC ; FEW 1, 348a [beivre] ; Gdf ; TL ; TLF ; AND2)5, afrpr. beivre (1220/1230 – 13e/14e s., ProsalegStimm 90 ; Philipon,R 30, 249 ; FEW 1, 348a)6, occit. beure (dp. ca 1100 [begui prét. 1], Raynouard ; AppelChrestomathie 39 ; Pansier 5 ; FEW 1, 348a ; BrunelChartes 216 ; ALF 142), gasc. bebe (FEW 1, 348a ; CorominesAran 340 [beue] ; ALF 142 ; ALG 5, 1791), cat. beure (dp. fin 11e s. [beg prét. 3], DECat 1, 787 ; MollSuplement n° 462 ; DCVB), esp. beber (dp. fin 11e s., DCECH 1, 552 ; Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti), ast. beber (dp. 1124 [beuer], DELlAMs ; AriasPropuestes 1, 63 ; DGLA), gal./port. beber (dp. 13e s. [bever], CunhaVocabulário2 ; Buschmann ; DRAG1 ; DDGM ; LisboaNascentes 22 ; DELP3 ; Houaiss). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'bɪβ-e-/ v.tr. « avaler (un liquide), boire ». Le corrélat du latin écrit, bibere v.tr. « id. », est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 2, 1959).
|| 2 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 3 “Bar, che foneticamente potrebbe anche corrispondere a un BIBERE (be[v]ár), è BIBERE” (BartoliDalmatico 439). 4 Dans la langue standard, c’est la forme syncopée bere (dp. 1282, DELI2) qui s’est imposée. 5 La forme étymologique a été évincée par fr. boire (dp. 1266, TL), qui s’explique soit par l’influence de croire (cf. MeyerLübkeGRS 2, § 129 ; TLF), soit par une analogie interne au paradigme flexionnel : “dans les infinitifs boivre (= bibere) et escrivre (= scribere), remplacés par boire, écrire, le v du groupe vr s’est perdu pour des raisons d’analogie proportionnelle (écrire étant à écrit ce que dire est à dit, etc.)” (BourciezPhonétique § 168, remarque III). Les formes en /-v-/ se trouvent encore en bourguignon, dans le Centre de la France et dans le Bas-Maine (FEW 1, 348a). 6 La forme étymologique a été évincée par frpr. ˹beyre˺ (dp. 1286/1294, Aebischer/Gauchat in GPSR 2, 454 ; MargOingtD 142, 154 ; HafnerGrundzüge 31, 33 ; ALF 142), qui semble avoir subi l’influence analogique de crájre « croire ».
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Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 68–78, 404–405, 442 ; 2, § 129 ; REW3 s.v. bĭbĕre ; von Wartburg 1924 in FEW 1, 348a-350b, BIBERE ; Ernout/Meillet4 s.v. bibō ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 167, 284 ; 2, § 364–366, 373 ; HallPhonology 69 ; Calò/Pfister 1996 in LEI 5, 1402–1454, BIBERE ; Faré n° 1074 ; SalaVocabularul 540 ; StefenelliSchicksal 54 ; MihăescuRomanité 220. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Eugen MUNTEANU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Ana María CANO GONZÁLEZ ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Uwe SCHMIDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 10/05/2010. Version actuelle : 02/08/2014.
*/βi'n-aki-a/ s.f. « produit du pressurage du raisin » I. Singulier : */βi'n-aki-a/ */βi'n-aki-a/ > sard. vináθθa s.f. « produit du pressurage du raisin, marc de raisin » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1338)1, 2, it. vinaccia (dp. ca 1350, DELI2 ;
|| 1 Nous ne suivons pas DES, qui rattache cette donnée à “VINACEA, pl. coll. di VINACEUM” : les plus anciennes attestations de lat. uinacea/uinacia n.pl. et uinacea/uinacia f.sg. étant contemporaines (chez Varron), l’hypothèse de la féminisation d’un ancien neutre paraît gratuite. 2 Il semble douteux de considérer dacoroum. vinaţă s.f. « marc de raisin » (1813, Înv. Vin. 53, 109 [attestations suivies des gloses synonymiques hoaspe cu codite et hoaspe et relevées dans un texte traduit par Petru Maior, membre du courant relatinisant de Transylvanie], cf. DLR s.v. vinaţ ; MDA s.v. vinaţ) comme héréditaire, les attestations de ce lexème étant rares (six occurrences dans le même texte) et suspectes : il semble s’agir d’un latinisme d’auteur dont la forme a été refaite sur le modèle de lexèmes héréditaires et de dérivation interne (cf. UrsuFormarea 47). Du reste, le dacoroumain dispose de plusieurs termes pour désigner le marc de raisin, dont celui, largement répandu, de tescovină s.f. (dp. 1696, Tiktin3 ; Cioranescu n° 8579 ; DLR ; MDA ; ALR SN 237 ; ALRM SN 160). – Quant à dacoroum. vinaţă s.f. « mauvais vin » (Nuţă,ALIL 26, 148), des raisons sémantiques nous incitent à y voir un dérivé de vinaţ s.n. « (variété de) vin » (dp. 1756, < protorom. */βi'n-aki-u/, DLR).
*/βi'n-aki-a/ s.f. | 375
AIS 1338)3, 4, romanch. vinatscha « fruit d’un arbuste buissonnant épineux (Berberis vulgaris L.), fruit de l’épine-vinette » (HWBRätoromanisch), aost. vinace « marc de raisin » (FEW 14, 479b)5, 6, occit. vinassa « boisson alcoolisée obtenue par distillation de la râpe, marc de vin » (dp. 1442, Affre,RLaR 15, 15 ; Pansier 3 ; Pansier 5 ; Levy ; FEW 14, 479b ; ALF 1620 p 776, 787, 833 [« marc de raisin »] ; ALLOr 882, 887 [bináso « id. ; marc de vin »] ; MoutierDialectes [vinasso « lie de vin ; gros vin »]), gasc. binasso « lies grossières éliminées par soutirage à l’issue de la fermentation alcoolique du moût de raisin, dans le processus de fabrication de l’armagnac ; gros vin » (FEW 14, 479b-480a), cat. vinassa « partie solide du marc de raisin, comprenant les pellicules, les pépins et les rafles, râpe » (dp. fin 13e s., DECat 9, 252 ; ALF 1620 p 795 [« marc de raisin »] ; DCVB)7. || 3 It. vinaccia est massivement représenté dans les dialectes centraux et méridionaux mais n’apparaît que sporadiquement dans les dialectes septentrionaux, où le sens de « marc de raisin » s’attache majoritairement à des pluralia tantum (cf. ci-dessous II.) ou à d’autres lexèmes (notamment grappa s.f. et rapa s.f.). 4 Frioul. vinàcie ([vi'nakje]) s.f. « plante potagère de la famille des polygonacées, aux feuilles allongées vert foncé, dont le goût est acide (Rumex acetosa L.), oseille » (PironaN2 ; AIS 627 p 329), ne continue pas régulièrement protorom. */βi'n-aki-a/, dont l’issue serait *[vi'natʃe]. 5 Le fait que les seules attestations francoprovençales rattachables à protorom. */βi'n-aki-a/ soient valdôtaines pourrait incliner à les analyser comme des emprunts à l’italien si leur phonétisme n’était pas conforme aux attendus d’évolutions régulières (vinace à Aoste, vənátsa à Brusson, cf. le traitement des continuateurs valdôtains de protorom. */'glaki-a/ dans KellerÉtudes tableau 19) et si les unités italiennes dont on serait tenté de postuler le rôle de sources n’étaient pas majoritairement représentées, aux confins du domaine valdôtain, par des pluralia tantum (cf. AIS 1338 p 114, 129, 133, 137, 144, 155). 6 Nous suivons FouchéPhonétique 1, 912, qui donne fr. vinasse comme un emprunt à l’occitan (qu’il situe par erreur au 19e siècle). Nous pensons que vinasse a d’abord été emprunté par le français régional du Languedoc à l’occitan, dans le sens de « marc pressuré et lie recueillie au fond des récipients vinaires » (Carcassonne 1592, Cayla ; cf. Aude [bi'naso], FEW 14, 479b), et que c’est à partir de ce régionalisme que le terme s’est implanté au 18e siècle dans le français technique : sa plus ancienne attestation technique, dans le sens de « liquide trouble provenant d‘un vin à demi aigre et qui sert à la préparation du vert-de-gris », se rencontre en effet dès 1753 dans un mémoire dont l’auteur, membre de la Société Royale des Sciences de Montpellier, décrit la préparation du vert-de-gris au moyen de vinasse et présente cette technique comme particulière à Montpellier et sa région (Montet,HARS 1750 > Enc 17, 305 > Trév8, cf. FEW 14, 479b-480a). Cf. aussi GebhardtLehngut 251, 411 : les sources lexicologiques qu’il compile font toutes remonter la première attestation de fr. vinasse à Enc 17, 305, mais seuls Rob et PRob décèlent l’occitanisme. On notera par ailleurs que la technique est décrite dès la fin du 16e siècle et présentée comme typiquement française (“et que sto artificio si fa piu in Francia, che in altri luoghi, per la gran quantità del vino & vinacce [« résidu de la vinification »] che hanno”, FioravantiCompendio 108). 7 Il apparaît qu’esp. vinaza (dont DCECH 5, 822 fait remonter la première attestation à 1843 [DRAE9] et ne décèle pas le caractère d’emprunt) procède de deux voies d’emprunt, depuis le catalan et le français. Esp. vinaza « marc de raisin » (ou « râpe » ?), de cat. vinassa, n’est pas attes-
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II. Plurale tantum : */βi'n-aki-e/ */βi'n-aki-e/ > végl. [vi'nuɔts] s.f.pl. « marc de raisin » (BartoliDalmatico 170, 235, 334)8, istriot. [vi'naθe] (AIS 1338 p 397, 398 ; ILA n° 1305), itsept. vinacce (dp. 1534, PlinioVolgLandino 1534, 413 ; FioravantiCompendio 108 [« résidu de la vinification »] ; AIS 1338 [surtout piém. sept. lomb. sept. trent.] ; GDLI). Commentaire. – À l’exception du roumain, du frioulan, du ladin, du français, de l’espagnol et du galégo-portugais, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type morphosyntaxique évolué, protorom. */βi'n-aki-a/ s.f. « produit du pressurage du raisin, marc de raisin »9. */βi'n-aki-a/ est formé au moyen du morphème || té avant 1626, dans un ouvrage traduit du catalan (AgustinSecretos 502 [vinassa]). Esp. vinaza « liquide trouble provenant d‘un vin à demi aigre et qui sert à la préparation du vert-de-gris », de fr. vinasse, est, lui, attesté dès 1795, dans une traduction des Éléments de l’art de la teinture (BertholletElementos 237). Le traducteur précise en note qu’on appelle vinaza, à Montpellier, “el vino que ha empezado á agriarse, y al líquido que resulta despues de haber fermentado el vino bueno con el escobajo de la uva” ; cette annotation témoigne des scrupules du traducteur qui, s’il n’envisage peut-être pas esp. vinaza, de même sens, comme un néologisme complet (esp. vinaza est attesté depuis 1626), le traite à tout le moins comme un néologisme sémantique. 8 ElmendorfVeglia donne végl. [vi'nuɔts] s.pl. comme masculin et comme un emprunt à it. vinacce s.f.pl. BartoliDalmatico 170, 235, 334, qui, attestation à l’appui, le donne comme féminin, est plus fiable ; mais il regarde aussi ce lexème comme un emprunt (au vénitien), point de vue que la documentation ne vient confirmer en aucune manière. Protorom. */'βin-aki-e/ n’étant pas continué en vénitien (cf. AIS 1338), les emprunts lexicaux faits par le végliote aux dialectes italiens ou à l’italien littéraire ayant transité par le vénitien (cf. BartoliDalmatico 167 § 143) et la forme [vi'nuɔts] n’étant pas moins conforme aux attendus d’une évolution phonétique régulière (cf. BartoliDalmatico 392 § 286, 431 § 431) qu’aux effets d’une végliotisation du phonétisme de lexèmes empruntés au vénitien (cf. BartoliDalmatico 170 § 144), on ne peut que difficilement justifier l’attribution de [vi’nuɔts] à un emprunt. 9 Nous nous opposons à FEW 14, 479b et n. 9 et à DELI2, qui postulent des formations idioromanes là où nous voyons une dérivation protoromane. Mais des considérations d’ordre sémantique nous conduisent à écarter fr. vinasse s.f. « gros vin » (dp. 1832, TLF) et port. vinhaça (dp. 15e s., Houaiss ; DELP3). (1) Leur signifié étant hiérarchiquement lié, selon une relation d’hyponyme à hyperonyme, au sens de « boisson, généralement alcoolisée, résultant de la fermentation du raisin ou du jus de raisin, vin », (2) une connotation défavorable (« gros vin ») s’attachant à ce signifié, et (3) en l’absence d’un lexème héréditaire dont le sens de « marc de raisin » fournirait le point de départ d’une dérivation sémantique aboutissant au sens de « gros vin » (comme en occitan et en gascon, cf. ci-dessus I. 1.), ces unités gagnent à être analysées comme des dérivés idioromans formés, au moyen de continuateurs du suffixe protorom. */-'aki-a/, à valeur péjorative, sur la base d’un substantif continuateur de protorom. */'βin-u/ « vin » (cf. MeyerLübkeGRS 2, § 414). Quant à aoccit. vinaci s. « vin médiocre obtenu par pressurage de la râpe, une fois soutiré le vin issu de la fermentation alcoolique du marc de raisin, vin
*/βi'n-aki-a/ s.f. | 377
dérivationnel */-'aki/, à valeur augmentative et péjorative10, sur la base du substantif */'βin-u/11. Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les deux valeurs de quantification dont elles relèvent : singulier (I.) et plurale tantum (II.). Les pluralia tantum sont localisés principalement dans une zone marginale qui s’étire en bande entre la Dalmatie et le Piémont, recouvrant les domaines du végliote et de l’istriote et, au-delà d’une solution de continuité correspondant aux domaines du vénitien et du frioulan, une partie des domaines dialectaux de l’Italie septentrionale, alors que le singulier se rencontre ailleurs (sarde, italien, francoprovençal, occitan, gascon, catalan). L’axe est-ouest suivi par cette bande discontinue sépare la vaste zone correspondant à I. 1. (italien, sarde, francoprovençal, occitan, gascon, catalan) d’une petite zone (II.) représentée par le frioulan et le romanche, où les issues de protorom. */βi'n-aki-a/ ont des signifiés végétaux (« oseille commune », « fruit de l’épine-vinette»). Pour expliquer cette spécificité du frioulan et du romanche, des considérations d’ordre sémantique, historique et géolinguistique nous conduisent à postuler un développement sémantique ancien et régional, intervenu en protoroman nord-occidental, et dont est résulté, sur la base d’une analogie, le sens de « plante comestible dont la saveur acide rappelle celle du raisin pressuré ». Le corrélat du latin écrit du type I. 1., uinacea/uinacia, -ae s.f. « marc de raisin », est connu depuis Varron (* 116 – † 27, Gaffiot), celui du type I. 2., uinaceae s.f.pl. « id. », n’est attesté que chez Caton (* 234 – † 149, OLD). Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat du type II. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223–224, 308, 350, 405, 450, 513 ; 2, § 414 ; Salvioni,RIL 32, 158 ; REW3 s.v. vīnāceus ; Ernout/Meillet4 s.v. uīnum ; von Wartburg 1960 in FEW 14, 479b-480a, VINUM ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 175, 253 ; 2, § 301, 405, 467–470 ; Faré n° 9337 ; HallPhonology 24, 52, 59, 84, 149 ; MihăescuRomanité 243. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : || de presse » (mil. 14e s., Raynouard), son genre n’est pas décelable, mais on peut y voir, en s’inspirant de RonjatGrammaire 3, 351 (qui traite les exemples de bóusàssi, brancàci et degoulàssi), un emprunt savant au latin, de genre masculin. 10 Cf. MeyerLübkeGLR 2, § 414 ; MaurerGramática 253 ; Leumann1 § 172 I C ; VäänänenIntroduzione § 186. 11 Des raisons sémantiques et morphologiques nous font en revanche rejeter la proposition d’Ernout/Meillet4 s.v. uīnum : “uīnāceus : de raisin ; u. acinus ; d’où uīnācea f. : marc de raisin”.
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Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Marta ANDRONACHE ; Simone AUGUSTIN ; Pascale BAUDINOT ; Ana BOULLÓN ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Stella MEDORI. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 27/10/2010. Version actuelle : 21/08/2014.
*/'βɪndik-a-/ v.tr. « délivrer (qn) d’un mal physique ; dédommager moralement (qn) en punissant (son) offenseur » I. Sens « guérir » */βɪndɪ'k-a-re/ > dacoroum. vindeca v.tr. « délivrer (qn) d’un mal physique, guérir » (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 90 ; Tiktin3 ; EWRS ; Cioranescu n° 9275 ; MDA ; DLR ; ALR I/I 137 ; ALRM I/I 195)1, 2, aroum. vindic (Pascu 1, 185 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR I/I 137)3.
II. Sens « venger » */βɪndɪ'k-a-re/ > it. vendicare v.tr. « dédommager moralement (qn) en punissant (son) offenseur, venger » (dp. 1268, TLIOCorpus ; DELI2 ; GAVI)4, 5, ro-
|| 1 Le REW3 s.v. vĭndĭcāre indique pour le lexème dacoroumain les signifiés « beschützen », « retten » et « heilen », dont seulement le troisième est originel et usuel de tout temps ; les deux premiers sont attestés très isolément et représentent des évolutions sémantiques secondaires (cf. DLR). C’est à tort que le FEW 14, 470b retient exclusivement les deux premiers signifiés. 2 En istroroumain et en méglénoroumain, les représentants héréditaires de l’étymon ont été évincés par le croatisme liţi v.tr. « guérir » (PuşcariuIstroromâne 3, 313 ; PopoviciIstria 120 [lići]) et, respectivement, par le dérivé licues v.tr. « id. » (CapidanDicţionar s.v. leac ; WildSprachatlas 206) < leac s.n. « médicament » < protosl. *lĕkъ « id. ». 3 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 4 En sarde, le représentant héréditaire de l’étymon a été évincé par l’italianisme vendikare v.tr. « venger » et par l’hispanisme vengare (les deux DES ; PittauDizionario 1) ; en frioulan, il a été évincé par l’italianisme svindicâsi v.intr. « se venger » (PironaN2).
*/'βɪndik-a-/ v.tr. | 379
manch. [vin'ʒar] (1670 [vingiau part. p.], HWBRätoromanisch s.v. vindicar)6, fr. venger (dp. ca 1100, TLF ; GdfC s.v. vengier ; FEW 14, 467ab ; TL s.v. vengier ; AND1), frpr. vengier (dp. 1220/1230, HafnerGrundzüge 63 ; FEW 14, 467b), occit. venjar (dp. 1130/1149, Levy ; Raynouard ; AppelChrestomathie 25 ; FEW 14, 467b)7, gasc. benjá (dp. 1583 [veniaa], LespyR ; FEW 14, 467b), cat. venjar (dp. 13e s., DCVB ; MollSuplement n° 3408 ; DECat 9, 119)8, esp. vengar (dp. fin 12e/déb. 13e s., Kasten/Cody ; DME ; DCECH 5, 770 ; Kasten/Nitti), ast. vengar (dp. 13e s., DELlAMs ; DGLA), gal./port. vingar (dp. 13e s., DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – À l’exception du sarde, du dalmate, du frioulan et du ladin (cf. cependant n. 5 pour ce dernier), toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'βɪndik-a-/ v.tr. « délivrer (qn) d’un mal physique, guérir ; dédommager moralement (qn) en punissant (son) offenseur, venger ». Les deux sémèmes que présente l’étymon sont bien délimités géohistoriquement. Le signifié « guérir » (ci-dessus I.) se reconstruit à partir du dacoroumain et de l’aroumain (mais il doit avoir existé également en istroroumain et en méglénoroumain, où il a été évincé, cf. n. 2) et remonte par conséquent au moins au protoroumain, sinon au protoroman régional (oriental) qui est à sa base. Pour ce qui est du second type sémantique, « venger » (ci-dessus
|| 5 Le fascian présente les dérivés devjeneèr v.tr. « venger » et desveneár (les deux Kramer/Boketta in EWD s.v. vindiché), qui attestent indirectement une issue héréditaire de */'βɪndɪk-a-/. Dans les autres variétés du ladin, l’issue héréditaire a été évincée par l’italianisme vindiché v.tr. « id. » (dp. 1763 [vendichè], EWD). 6 Dans toutes les variétés du romanche, cette issue héréditaire (“scheint erbw. zu sein, zwischentoniges -I- ist gefallen und -C- sonorisiert”, HWBRätoromanisch s.v. vindicar), connue directement à travers cette seule attestation, a été évincée par le préfixé ˹[ʒvin'ʒar]˺ (dp. 1562 [schvangiar], HWBRätoromanisch s.v. şvanger) et par l’italianisme vindicar (HWBRätoromanisch). 7 Nous ne suivons pas von Wartburg in FEW 14, 470b, qui considère ce lexème comme emprunté au français : l’évolution phonétique est régulière, cf. le parallèle occit. penjà v.tr. « pendre » < */'pɛnd-ik-a-/ (FEW 8, 185a, *PENDICARE 1), pour lequel des raisons sémantiques et textuelles rendent l’hypothèse d’un gallicisme impossible. 8 Nous suivons Coromines in DECat 9, 119 pour considérer ce lexème comme héréditaire, contrairement à REW3 et FEW 14, 470b, qui optent pour un gallicisme. – La forme de l’infinitif représente une réfection d‘après venjo prés. 1 (< protorom. */'βɪndik-o/), cf. BadiaGramàticaHistòrica § 87 : “Sobre aquestes formes de present s‘han elaborat els infinitius venjar [...], menjar [...], que no procedeixen de VINDICARE, *MANDICARE”.
380 | 1. Articles II.)9, il caractérise la Romania centrale et occidentale, mais non le sarde, et remonte donc à la phase proto-italo-occidentale (selon la terminologie de Hall). L’idée de délivrance d’un mal fournit un lien plausible entre les deux sens reconstruits, qui permet d’appréhender */'βɪndik-a-/ en termes de polysémie plutôt que d’homonymie, sans qu’il soit probablement possible, pour autant, de projeter ce signifié sur le protoroman continental, ancêtre direct du protoroumain et du proto-italo-occidental. Si l’unité romane des issues de */'βɪndik-a-/ ne s’est pas maintenue du point de vue sémantique, c’est que l’ouest de la Romania continue d’une part le germanisme */ua'r-i-/ v.tr. « guérir » (cf. REW3 s.v. warjan), d’autre part */'salβ-a-/ v.tr. « sauver » (REW3 s.v. salvāre ; cf. lat. saluare v.tr. « guérir ; sauver ; conserver » [dp. Gargile (3e s.), Gaffiot s.v. salvō ; Ernout/Meillet4 s.v. saluus]), qui n’ont pas pénétré, en raison de leur fortune tardive, dans la variété du protoroman qui est à la base du protoroumain. Le bisémisme de protorom. */'βɪndik-a-/ trouve son correspondant dans les données du latin écrit. Le corrélat uindicare v.tr., connu durant toute l’Antiquité, présente, entre autres, les deux sens correspondant, directement ou indirectement, aux deux types sémantiques protoromans : « sauver » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184]), sémème auquel se rattache le sens « guérir »10, et « venger » (dp. Caton l’Ancien [* 234 – † 149] ; tous les deux OLD s.v. uindicō ; cf. aussi Ernout/Meillet4 s.v. uindex et IEEDLatin s.v. dīcō)11, 12. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 70, 94, 332–337, 405, 433, 485 ; REW3 s.v. vĭndĭcāre ; Ernout/Meillet4 s.v. uindex ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 164, 167, 175, 253 ; 2, § 300–302, 396–398, 401, 510 ; von Wartburg 1960 in FEW 14,
|| 9 Cf. aussi l’emprunt au protoroman bsq. bendekatu v.tr. « venger » (dp. 1545 [mendekatu], DECat 9, 121). 10 Cf. les évolutions sémantiques similaires de dacoroum. mântui v.tr. (dp. 1491/1516 [date du ms.], < hongr. ment, DLR s.v. mîntui ; Tiktin3 ; Cioranescu n° 5316 ; MDA), dont le signifié originel et fondamental est « libérer ; sauver », mais qui signifie sporadiquement aussi « guérir » (DLR s.v. mîntui ; MDA) et de răzbuna v.tr. (dp. 1581/1582, DLR ; Tiktin3 ; Cioranescu n° 1201 ; MDA), dont le sens originaire est « améliorer » et le sens usuel « venger », mais qui signifie sporadiquement « guérir » (DLR ; MDA). – Le DLR et le MDA posent « venger » comme signifié de l’étymon de dacoroum. vindeca, ce qui est bien sûr erroné. 11 Dans ce sens, */'βɪndik-a-/ a évincé le synonyme ulcisci du latin écrit, qui n’a survécu nulle part dans la Romania. 12 Protorom. */'βɪndik-a-/ ne connaît pas les sens « revendiquer » et « prétendre » de son corrélat en latin écrit (les deux dp. Cicéron [* 106 – † 43], OLD s.v. uindicō ; cf. aussi Ernout/Meillet4 s.v. uindex).
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467a-471a, VINDICARE ; HallPhonology 263 ; SalaVocabularul 544 ; StefenelliSchicksal 276–277 ; MihăescuRomanité 217. Signatures. – Rédaction : Victor CELAC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Iulia MARGARIT ; Eugen MUNTEANU ; Dana-Mihaela ZAMFIR. Italoromania : Rosario COLUCCIA ; Georges DARMS. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS ; Uwe SCHMIDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 31/05/2010. Version actuelle : 30/08/2014.
*/'βin-u/ s.n. « boisson résultant de la fermentation alcoolique du moût ou du marc de raisin » */'βin-u/ > sard. vínu s.m. « boisson résultant de la fermentation alcoolique du moût ou du marc de raisin, vin » (dp. 13e s. [binu], CSNTMerci1 150 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1340), dacoroum. vin n. (dp. 1500/1510 [date du ms. ; vinru], Psalt. Hur.2 89 ; Tiktin3 ; EWRS ; DLR ; Cioranescu n° 9266 ; RosettiIstoria 470 ; MDA ; ALR SN 240, 1641), istroroum. vir (KovačecRječnik 214 ; ALIstro n° 1247, 1249), méglénoroum. vin (Candrea,GrS 7, 223), aroum. γin (dp. 1770 [γίνου], KavalliotisProtopeiria n° 1102 ; Pascu 1, 98 ; DDA2 ; BaraAroumain), dalm. ['veŋ] m. (BartoliDalmatico 409 § 335 ; ElmendorfVeglia), istriot. ['viŋ] (PellizzerRovigno ; AIS 1340 p 397, 398 ; ILA n° 1247, 1249), it. vino (dp. 1158, DELI2 ; GDLI ; AIS 1340)1, frioul. vin (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1340 [[’viŋ]] ; ASLEF 949 n° 4675), lad. vin (dp. 1763, Kramer/Boketta in EWD ; AIS 1340 [[’viŋ]] ; ALD-I 869), romanch. vin (dp. 1560, GartnerBifrun 159 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1340), fr. vin (dp. fin 10e s., GdfC ; FEW 14, 478a-478b ; TLF ; AND1), frpr. vin (dp. 1er qu. 13e s., DocLyonnais 9 ; FEW 14, 478b ; HafnerGrundzüge 74), occit. vi/vin (dp. ca 1120, BrunelChartesSuppl 5 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 14, 478a-478b ; Pansier 3), gasc. [bı̃n] (dp. ca 1170 [bin ; ms. ca 1480], DAG n° 1778 ; FEW 14, 478b ; CorominesAran 343–344 ; ALG 324), cat. vi (dp. 11e s., DCVB ; DECat 9, 251–260), esp. vino (dp. 1048,
|| 1 L’ancien italien connaissait, aux côtés du masculin, une forme féminine de pluriel (1305, TLIOCorpus ; cf. aussi GDLI 21, 887 : “plur. ant. anche femm. le vine”).
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DCECH 5, 822–823 ; Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti), ast. vinu (dp. 915/942 [ms. 12e s. ; uino], DELlAMs ; AriasPropuestes 2, 467–468 ; DGLA), gal. viño/port. vinho (dp. 1220/1240, TMILG ; DELP3 ; DDGM ; DRAG1 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)2. Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'βin-u/ s.n. « boisson résultant de la fermentation alcoolique du moût ou du marc de raisin, vin »3. Le sens métonymique de « raisin », qui n’est pas reconstructible à partir de ces cognats, est néanmoins impliqué par l’analyse morphologique à laquelle protorom. */βi'n-aki-a/ s.f. « marc de raisin » a été soumis. Le genre neutre de l’étymon se déduit du genre des continuateurs roumains et du genre (féminin au pluriel) d’ait. vino (cf. n. 1) et s’articule bien avec le genre neutre du corrélat en latin écrit (voir ci-dessous). Le corrélat du latin écrit, uinum, -i s.n. « vin ; vigne ; raisin », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Livius Andronicus [* ca 284 – † ca 204], OLD). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 31, 299, 405, 419, 620 ; REW3 s.v. vīnum ; von Wartburg 1960 in FEW 14, 478a-483b, VINUM ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 230, 231, 233, 235 ; 2, § 297, 300, 301, 405 ; HallPhonology 20 ; SalaVocabularul 540 ; MihăescuRomanité 243 ; DOLR 5 (1995), 113 ; StefenelliSchicksal 276. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU ; August KOVAČEC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS.
|| 2 Le texte proposé par DELP3 comme document de première attestation avec la date de 1204 est en réalité une traduction en portugais datée du 12 avril 1361 d’un texte latin de 1204. 3 Les antécédents de bret. gwin « vin » (HaarmannBretonisch 123), corn. gwin, gall. gwin (LothBrittoniques 175), irl. fìn, écoss. fìon (MacLennanGaelic), ahall. wīn (> all. Wein, Kluge24) et vangl. wín (> angl. wine, OED2) auraient été empruntés au protoroman. Toutefois, JacksonBritain 90 pose comme source des emprunts une forme à [w] initial, ce qui “seems to agree with the pronunciation of the more educated among the Continental speakers of VL. by contrast with that of the mass of the population”, et revient à attribuer la source des emprunts à une forme pré-protoromane.
*/'βɔl-a-/ v.intr. | 383
Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 24/06/2011. Version actuelle : 22/07/2014.
*/'βɔl-a-/ v.intr. « se mouvoir dans l’air ; être projeté dans l’air » */βo'l-a-re/ > sard. bolare v.intr. « se mouvoir dans l’air, voler ; être projeté dans l’air, voler » (DES s.v. volare ; Wagner,AR 24, 64 ; PittauDizionario 1 ; AIS 516)1, it. volare (dp. 1er qu. 13e s. [alomb. vola prés. 3], TLIOCorpus ; Merlo,AUTosc 44, 89–90 ; Faré n° 9431 ; AIS 516 ; DELI2), fr. voler (dp. ca 900 [volat prét. 3], TLF ; FEW 14, 598b-599a, 607a ; Gdf ; TL ; ANDEl), frpr. volar (dp. 1ère m. 13e s., SommeCode 64 [volant prés. 6] ; FEW 14, 599a), occit. volar (dp. ca 1130/1149, MarcD 185 [vola prés. 3] ; AppelChrestomathie 29 ; Raynouard ; Levy ; Pansier 3 ; FEW 14, 599a), gasc. boulà (dp. 15e s., LespyR [bolan prét. 6] ; FEW 14, 599a ; CorominesAran 355), cat. volar (dp. 1288 [volà prét. 3], DCVB ; DECat 9, 351–361), esp. volar (dp. ca 1223, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 5, 836–837 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. volar (dp. 1271 [uola prés. 3 ; sens métaphorique], DELlAMs ; DGLA), gal./port. voar (dp. 1264/1284, TMILG ; DELP3 ; DDGM s.v. volar ; DRAG2 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – À l’exception du roumain, du dalmate, du frioulan, du ladin et du romanche, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'βɔl-a-/ v.intr. « se mouvoir dans l’air, voler ; être projeté dans l’air, voler ». Le sémantisme du lexème est flexible, se prêtant à des emplois avec des animés et des non animés, ainsi qu’à des emplois figurés. L’existence de ces sens figurés ne peut être assurée dans la protolangue, même pour ceux présentant une diffusion très large tels que « se hâter » : ayant à leur base une métaphore triviale, ils ont très bien pu se créer de façon indépendante. L’existence d’une issue sarde et de plusieurs issues remontant au protoroman continental de */'βɔl-a-/ permet d’attribuer le verbe à la couche la plus ancienne du protoroman. Dans les idiomes de la branche roumaine, en dalmate, en istriote, en frioulan, en ladin et en romanche, les continuateurs de */'βɔl-a-/ ont été évincés à date prélittéraire par ceux du préfixé */'s-βɔl-a-/.
|| 1 L’isolement d’aroum. bor « voler ; s’envoler » (DDA2 [prés. 1]) nous incite à y voir plus probablement une rétroformation idioromane à partir de asbór (cf. */'s-βɔl-a-/) qu’un héritage de */'βɔl-a-/.
384 | 1. Articles
Le corrélat du latin écrit, volare v.intr., est usuel durant toute l’Antiquité dans les deux sens reconstruits ci-dessus : « se mouvoir dans l’air (oiseau) » (dp. Ennius [* 239 – † 169], OLD) et « être projeté en l’air » (dp. Livius Andronicus [* ca 284 – † ca 204], OLD ; IEEDLatin). Pour un complément d‘information, cf. */'s-βɔl-a-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 184, 219, 402, 416, 457 ; 2, § 131, 191 ; REW3 s.v. vŏlāre ; von Wartburg 1961 in FEW 14, 598b-608b, VOLARE ; Ernout/Meillet4 s.v. uolō ; LausbergLinguistica 1, § 175, 253, 300–301, 385 ; HallPhonology 49 ; Faré n° 9431 ; SalaVocabularul 625 ; DOLR 3 (1993), 106 ; MihăescuRomanité 200 ; Baiwir,BCRTD 85, 82–83. Signatures. – Rédaction : Esther BAIWIR. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Rosario COLUCCIA ; Maria ILIESCU ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Anaïs BRIOT ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Christoph GROß ; Ulrike HEIDEMEIER ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Pascale RENDERS. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/04/2014. Version actuelle : 23/07/2014.
*/'brum-a/ s.f. « saison la plus froide de l’année ; couche fine et blanche de glace formée sur une surface froide ; amas de gouttelettes en suspension dans l’air » I. Sens « hiver » */'brum-a/ > it. bruma s.f. « saison la plus froide de l’année, hiver » (dp. 13e s., Romanini in TLIO ; LEI 7, 827–828 [itsept. tosc. ombr.]), frioul. brume (dp. 16e s. [bruma], Vanelli Renzi in DESF ; ASLEF 33 n° 178 p 23, 40*, 42*, 113 [« décembre »])1.
|| 1 Fr. brume « hiver » (1267–1611, TLF , Gdf ; TL ; Frantext) réunit un italianisme (attestation de 1267) et un latinisme ; le statut d’esp. bruma « id. » (dp. 1444, CORDE ; DCECH 1, 681) et de port. bruma « id. » (dp. 16e s., DELP3 ; Bluteau) n’est pas clair.
*/'brum-a/ s.f. | 385
II. Sens « givre » */'brum-a/ > dacoroum. brumă s.f. « couche fine et blanche de glace formée sur une surface froide, givre » (dp. 1500/1510, Psalt. Hur.2 153 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 185 ; Cioranescu n° 1129 ; MDA), méglénoroum. brumă (Candrea,GrS 3, 191 ; CapidanDicţionar ; AtanasovMeglenoromâna 64, 188), aroum. brumă (dp. ca 1760 [μπροῦμμα], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0606 ; KavalliotisProtopeiria n° 0073 ; Pascu 1, 53 ; DDA2 ; BaraAroumain [« brouillard givrant »]), it. sept. bruma (dp. ca 1450, LEI 7, 828 ; AIS 375, 376), lad. brüma (dp. 1879 [broma/bruma], Kramer/Kowallik in EWD ; LEI 7, 828 ; AIS 383 p 305).
III. Sens « brouillard (surtout brouillard sur mer) » */'brum-a/ > it. bruma s.f. « amas de gouttelettes en suspension dans l’air, brouillard (surtout brouillard sur mer) » (dp. 1524, LEI 7, 829–830 [itsept. tosc.] ; DELI2)2, frioul. brume (Vanelli Renzi in DESF), fr. brume (dp. apr. 1400, DMF2010 ; FEW 1, 561a ; TLF ; ALF 181), frpr. brõma « pluie très fine qui résulte de la condensation du brouillard, bruine » (KläuiNebel 35 ; Desponds in GPSR 2, 862–863 s.v. brume ; ALF 181)3, occit. bruma « brouillard » (dp. ca 1145, Raynouard ; Levy ; FEW 1, 561ab ; DAO n° 93 ; ALF 178, 181), gasc. brume (dp. 1320, DAG n° 93 ; FEW 1, 561b ; ALF 178, 181 ; ALG 1014), cat. broma (dp. ca 1400, DECat 2, 264–266 ; MollSuplement n° 553 ; DCVB), esp. bruma (dp. 1570, NTLE [Casas] ; DCECH 1, 681), ast. bruma (DGLA ; DELlAMs), gal. bruma (DRAG1), port. bruma (Morais10 ; DELP3 ; Houaiss). Commentaire. – À l’exception du dalmate, du sarde et du romanche, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom */'brum-a/ s.f. « saison la plus froide de l’année, hiver ; couche fine et blanche de glace formée sur une surface froide, givre ; amas de gouttelettes en suspension dans l’air, brouillard »4. En l’absence d’un continuateur de protorom */'brum-a/ dans la branche sarde, ce lexème ne peut être reconstruit de façon sûre que pour l’époque || 2 Nous suivons Stemper/Pfister in LEI 7, 829–830 pour considérer ce sens comme héréditaire, malgré DELI2, qui y voit un calque du français. 3 En revanche, frpr. bruma « brouillard » constitue un emprunt au français (cf. Desponds in GPSR 2, 862–863). 4 Alb. brymë/brimë « frimas ; gelée blanche » (VătăşescuAlbaneză 122 ; IEEDAlbanian ; BonnetAlbanais 88, 269) en constitue un emprunt.
386 | 1. Articles
d’après la séparation du protoroman continental du protosarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256). En dépit du fait que la branche roumaine ne connaisse pas le lexème dans le sens « hiver », ce qui s’expliquera par un évincement, à date prélittéraire, par le continuateur de */i'βɛrn-a/, une analyse sémantique historique incite à postuler que le sémème « hiver » (conservé en italien et en frioulan, cf. ci-dessus I.) est originel et que les deux autres sens se sont développés à travers deux métonymies successives : de « hiver » on passe, par une métonymie allant de la dénomination de la saison à celle d’un phénomène météorologique tenu pour caractéristique de celle-ci5, à « givre », puis une métonymie de type /effet/ > /cause/ conduit à « brouillard givrant » (sens attesté en aroumain, cf. ci-dessus II.) ; enfin, par une extension de sens, on passe de « brouillard givrant » à « brouillard ». L’apparition du sémème « givre » (représenté en roumain, italien et ladin, cf. ci-dessus II.) a dû être assez ancienne pour qu’il ait été exporté par les colons romains en Dacie. Le sens le plus largement diffusé dans la Romania, attesté dans une vaste aire englobant la moitié septentrionale de l’Italia, la Gallia et l’Iberia (cf. ci-dessus III.), est cependant celui qui se recommande comme le plus récent : « brouillard (surtout brouillard sur mer) ». Nous suivons Stemper/Pfister in LEI 7, 832, qui postulent à juste titre, pour des raisons géolinguistiques, la présence de ce sens dès la protolangue. Cette seconde diffusion s’est produite de manière tout à fait indépendante de la première : vers l’Ouest, vers la Gaule et l’Ibérie. Ses attestations tardives dans les langues romanes (à l’exception de l’occitan et du gascon) n’indiquent pas, à notre avis, un latinisme6, mais l’accès tardif au code écrit d’un emploi relevant du vocabulaire spécial des marins (en concurrence, d’ailleurs, avec les issues de */'nεbul-a/, cf. KläuiNebel)7. Le corrélat du latin écrit de I., bruma s.f. « hiver », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Varron [* 116 – † 27], TLL 2, 2206)8. En revanche, dans les sens « givre » (II.) et « brouillard » (III.), le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de */'brum-a/. Du point de vue diasystémique (‛latin global’), les sens « givre » et « brouillard » de protorom. */'brum-a/ sont donc à considérer comme des particularismes du latin d’‛immédiat communicatif’ (notamment de celui véhiculé par les
|| 5 Cf. l’évolution sémantique parallèle « hiver » > « neige » (von Wartburg 1949 in FEW 4, 420a, HIBERNUS I 1 b γ). 6 TLF postule ainsi un latinisme ou un occitanisme pour fr. brume. 7 L’évolution sémantique est parallèle de celle des continuateurs de */pru'in-a/, qui ont subi l’influence de ceux de */'brum-a/, d’où fr. bruine (cf. FEW 9, 490b-491a ; KläuiNebel 31–41). 8 Cf. aussi le sens « froid hivernal » attesté dans les gloses (TLL 2, 2209).
*/'dɛke/ num. card. | 387
marins et les paysans), qui n’ont pas eu accès au code écrit : il y a congruence entre diastratie et diamésie. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 46, 302, 405, 449 ; REW3 s.v. brūma ; Ernout/Meillet4 s.v. brūma ; von Wartburg 1928 in FEW 1, 561a-562b, BRUMA ; KläuiNebel 31–41 ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 184–185, 337, 339, 404– 405 ; HallPhonology 96 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 180 ; Stemper/Pfister 2001 in LEI 7, 827–832, BRUMA. Signatures. – Rédaction : Larissa BIRRER ; Jan REINHARDT ; Jean-Pierre CHAMBON. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Wolfgang SCHWEICKARD. Romania du Sud-Est : Victor CELAC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Max PFISTER. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Pascale BAUDINOT ; Anne-Marie CHABROLLE-CERRETINI ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS ; Stella MEDORI ; Bianca MERTENS ; Agata ŠEGA. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 26/02/2013. Version actuelle : 26/08/2014.
*/'dɛke/ num. card. « neuf plus un » */'dɛke/ > sard. dèke num. card. « neuf plus un, dix » (dp. ca 1110/mil. 13e s. [dege, dece], CSMBVirdis 54 = DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 288)1, dacoroum. zece (dp. 1500/1510 [date du ms. ; dzeace], Psalt. Hur.2 207 ; Tiktin3 ; EWRS ; Cioranescu n° 9477 ; DLR ; MDA ; ALR SN 1031), istroroum. zę́tŝe (MaiorescuIstria 158 ; Byhan,JIRS 6, 390 ; PuşcariuIstroromâne 3, 331 ; ScărlătoiuIstroromânii 297 ; SârbuIstroromân 304 [zęce, zęţe]), méglénoroum. ze̯áţi (CapidanDicţionar ; Candrea,GrS 7, 229 [zęţi] ; AtanasovMeglenoromâna 222 [ze̯áţi, zęţi]), aroum. dzaţe (dp. 1770 [ντζάτζε], KavalliotisProtopeiria n° 0166 ; Pascu 1, 79 ; DDA2 ; BaraAroumain [dzaţi]), dalm. dik (BartoliDalmatico 267, 292 [adis], 307, 394 § 289, 405 § 320, 430 § 425 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 96, 106), istriot. ğíze (DeanovićIstria 13, 29, 111 ; MihăescuRomanité 134 [ğíza]), it. diece (1259 – 1884/1886, LEI D, 484 ; DELI2 ; LIZ 4.0 ; CastellaniGrammStor 316 ;
|| 1 Pour la datation, cf. CSMBVirdis 13, 64–65.
388 | 1. Articles GDLI ; GAVI)2, frioul. dîs (dp. 1374 [dis], VicarioQuaderni 2, 112 ; Cortelazzo in DESF ; GDBTF ; ASLEF 908 n° 4139), lad. dìsc (dp. 1763 [disch], Kramer/Fiacre in EWD ; ALD-I 230), romanch. desch/diesch (dp. 10e/11e s. [date du ms. ; diege], LiverManuel 99 ; Decurtins in DRG 5, 178 ; HWBRätoromanisch s.v. dịesch)3, fr. dix (dp. fin 11e s. [dis], AlexisS2 106 = TLF s.v. sept ; GdfC ; FEW 3, 23b ; TL ; AND1 ; ALF 412)4, 5, frpr. ˹dies˺ (dp. ca 1280, HafnerGrundzüge 111 ; FEW 3, 34b ; Knecht in GPSR 5, 781–783 ; ALF 412), occit. detz (dp. 1226 [dex], Raynouard ; Levy ; Pansier 3 s.v. des ; AppelChrestomathie 237 ; FEW 3, 23b ; ALF 412), gasc. dets (CorominesAran 429 ; FEW 3, 23b ; ALF 412), cat. deu (dp. av. 1315, DCVB ; DECat 3, 104–107 ; ALPI 70), esp. diez (dp. 1254/1270, MontgomeryMateo 52 ; Kasten/Cody ; DCECH 2, 493–494 ; DME ; ALPI 70)6, ast. diez (dp. 1145 [ms. 1295], DELlAMs ; DGLA ; ALPI 70), gal./port. dez (dp. 1250, TMILG ; DELP3 ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; CunhaVocabulário2 ; Houaiss ; ALPI 70)7. Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'dɛke/ num. card. « neuf plus un, dix ». Le corrélat du latin écrit, decem num. card. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 5/1, 124). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 150–160, 173, 176, 312–313, 405, 419, 441 ; 2, § 559 ; REW3 s.v. dĕcĕm ; von Wartburg 1928 in FEW 3, 23b-24a, DECEM ; Ernout/Meillet4 s.v. decem ; LausbergLinguística § 171–172, 272, 304, 309, 387–391, || 2 En italien standard, cette forme étymologique, que l’on ne trouve, dès le 18e siècle, pratiquement plus que dans des textes littéraires, a été évincée par dieci (dp. 1252/1258 [deici], LEI D, 485 ; CastellaniGrammStor 316 ; DELI2 ; GDLI ; GAVI ; LIZ 4.0 ; Merlo,AUTosc 44, 42 ; Faré n° 2497 ; AIS 288), forme issue de diece, probablement par analogie avec vinti (cf. RohlfsGrammStor 1, § 142). 3 L’attestation aromanch. diege (cf. ci-dessus) invite à considérer comme d’époque postprotoromane la protoforme */'dɛki/ postulée par Decurtins in DRG 5, 178. 4 Nous reprenons la datation de AlexisS2 par le DEAF, malgré le TLF, qui date le texte du milieu du 11e siècle. 5 Une forme dieci figure dans une charte privée rédigée en latin dans la partie septentrionale de la Gaule (La Morlaye) en 670/671 (TardifMonuments 15–17 = VielliardLatin 4–5). S’il ne s’agit pas d’une erreur de scribe (possibilité évoquée par VielliardLatin 4–5), il faudrait voir là une forme paléoromane du Nord de la Gaule. 6 Cette datation, qui corrige celle de 1250 avancée par Kasten/Cody pour le même texte, est empruntée à MontgomeryMateo 11. Par ailleurs, esp. diez est déjà attesté indirectement, sous la forme .x., depuis ca 1200 (MenéndezPidalCid 3, 938 = Kasten/Cody = DCECH = DME [qui rétablit le numéral en toutes lettres]). 7 La date de 1228 donnée par DDGM est erronée : c’est l’original latin qui date de 1228, la traduction galicienne remontant à la seconde moitié du 13e siècle.
*/'dɛnt-e/ s.m. | 389
759 ; HallPhonology 38 ; SalaVocabularul 539 ; MihăescuRomanité 167 ; de Fazio/Marinucci/Pfister 2010 in LEI D, 482–519, DECEM. Signatures. – Rédaction : Myriam BENARROCH. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Victor CELAC ; Jan REINHARDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 19/12/2008. Version actuelle : 16/08/2014.
*/'dɛnt-e/ s.m. « chacun des organes durs et calcaires de la bouche implantés sur le bord libre des maxillaires » I. Masculin originel */'dɛnt-e/ > dacoroum. dinte s.m. « chacun des organes durs et calcaires de la bouche implantés sur le bord libre des maxillaires, dent » (dp. 1500/1510 [date du ms. ; dinţi pl.], Psalt. Hur.2 135 ; Tiktin2 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 498 ; Cioranescu n° 2956 ; DLR ; MDA ; ALR SN 1572), istroroum. dinte (MaiorescuIstria 121 ; Byhan,JIRS 6, 208 ; SârbuIstroromân 207 ; ALR SN 1572 ; FrăţilăIstroromân 1, 155), méglénoroum. dinti (Candrea,GrS 3, 386 ; CapidanDicţionar ; WildSprachatlas 159 ; ALR SN 1572 ; ALDM 182), aroum. dinte (dp. 1770 [ντίντε], KavalliotisProtopeiria n° 0159 ; Pascu 1, 76 ; DDA2 ; BaraAroumain [dinti] ; ALR SN 1572), végl. diant (BartoliDalmatisch 2, 125, 136 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 105, 208), istriot. ˹dento˺ (IveIstria 61 ; PellizzerRovigno ; MihăescuRomanité 136, 145 ; AIS 108), it. dente (dp. 10e s., Romanini in TLIO ; Faré n° 2556 ; DELI2 ; AIS 108)1, frioul. dint (Cortelazzo in DESF ; AIS 108 ; ASLEF 356 n° 1246), lad. dënt (dp. 1763 [dant], Kramer/Fiacre in EWD ; AIS 108 ; ALD-I 224), romanch. daint/dent (dp. 1560 [dains pl.], Schorta in DRG 5, 31 ; HWBRätoromanisch ; AIS 108), fr. dent (dp. ca 1100 [denz pl.], RolS2 190 ; Gdf ; GdfC ; TL ;
|| 1 La première attestation, tirée du Glossario di Monza, se présente sous la forme denti, que l’on aurait tendance à considérer comme un pluriel, mais elle est glosée par gr. ὀδόντα acc. sg. (cf. SabatiniLinguistica 1, 64).
390 | 1. Articles FEW 3, 40b [wall. pic. lorr.] ; AND2)2, 3, occit. dent (dp. 1ère m. 13e s. [dens pl.], Raynouard ; FEW 3, 40b)4, gasc. dent (CorominesAran 427 ; ALG 1234, 1438)5, cat. dent (dp. 14e s., DECat 3, 64 ; DCVB)6, esp. diente (dp. ca 1196, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 2, 491–492 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. diente (dp. 1145 [ms. 1295], DELlAMs ; DGLA), gal./port. dente (dp. 1264/1284, TMILG ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
II. Féminin innovant */'dɛnt-e/ > sard. dente s.f. « dent » (Wagner,AR 19, 7 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 108)7, fr. dent (dp. ca 1100, RolS2 210 ; Gdf ; GdfC ; TL ; FEW 3, 40b ; TLF ; AND2), frpr. din (dp. 16e s. [dentz pl.], TuaillonPoèmes 30 ; FEW 3, 40b ; Casanova in GPSR 5, 325), occit. dent (dp. ca 1060 [dentz pl.], SFoiHA 1, 298 ; Raynouard ; FEW 3, 40b ; Pansier 3), gasc. dent (dp. 2e m. 12e s. [dens], Raynouard ; FEW 3, 40b ; ALG 1234, 1438), cat. dent (dp. 1284, DCVB ; MollSuplement n° 1142 ; DECat 3, 64). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'dεnt-e/ s.m. « chacun des organes durs et calcaires de la bouche implantés sur le bord libre des maxillaires, dent ». Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les deux genres qu’elles manifestent : masculin (I.) et féminin (II.). Une analyse aréologique des cognats incite à attribuer le genre masculin à l’étymon. En effet, le masculin est conservé dans des aires latérales ou isolées dans l’est (roum. istriot. végl. it. frioul. lad. romanch.), le nord (pic. wall. lorr.) et l’ouest (centre et ouest de la
|| 2 Le masculin comme le féminin sont attestés pour la première fois dans la Chanson de Roland (cf. TLF). Dès la seconde moitié du 15e siècle (cf. GdfC ; DMF2012), le masculin n’apparaît plus que dans des textes régionalement marqués. 3 Nous ne disposons pas d’attestations masculines pour le francoprovençal, mais en français régional de Fribourg, on trouve un dent (1618, GPSR 5, 326), qui pourrait être tributaire du francoprovençal. 4 L’ancien occitan hésite entre les deux genres, mais le féminin est largement majoritaire à l’époque contemporaine. On rencontre encore le masculin dans la moitié occidentale du domaine et dans la partie septentrionale du Languedoc (cf. DECat 3, 64). 5 En gascon, le féminin est beaucoup plus répandu que le masculin, lequel s’est conservé surtout dans la partie méridionale et montagneuse. 6 À l’exception de l’extrême ouest du domaine catalan, le féminin s’est généralisé partout. 7 Le lexème est féminin dans les dialectes les plus archaïques (logoudorien et nuorais), tandis que les variétés du campidanais les plus influencées par l’italien connaissent aussi le masculin.
*/'dɛnt-e/ s.m. | 391
péninsule Ibérique : esp. ast. gal./port.). Le passage au genre féminin observé dans le reste de la Romania est probablement dû à l’analogie avec le genre de substantifs féminins qui riment avec */'dεnt-e/, comme */mεnt-e/ ou */'ɡεnt-e/ (cf. MeyerLübkeGRS 2, § 378 ; LausbergSprachwissenschaft 3, § 624)8. En français, francoprovençal, occitan, gascon et catalan, le changement de genre constitue clairement une innovation assez tardive (d’après les fluctuations restant observables à l’époque historique) du centre de la Romania occidentale, innovation qui n’a atteint ni l’est (it.), ni le nord-est (pic. wall. lorr.), ni le sud-ouest (esp. ast. gal./port.)9. En sarde, il semble s’agir d’une innovation indépendante, probablement plus ancienne. Le corrélat du latin écrit du type I., dens, -tis s.m. « id. », est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 5, 537). Pour ce qui est du corrélat du type II., il est attesté beaucoup plus tardivement et plus rarement (Cassius Felix [mil. 5e s.] ; Grégoire de Tours [2e m. 6e s.], Ernout/Meillet4 ; cf. aussi RohlfsSprachgeographie 48–49 et n. 101). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 150, 152, 162 ; 2, § 378 ; REW3 s.v. dens ; von Wartburg 1928 in FEW 3, 40b-43a, DENS ; Ernout/Meillet4 s.v. dens ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 194, 230–235 ; 3, § 620, 624 ; HallPhonology 142 ; Faré n° 2556 ; SalaVocabularul 539 ; StefenelliSchicksal 234–235 ; DOLR 1 (1991), 128–129 ; Chambon/Bastardas in PatRom 2/1, 377–415 s.v. DENS. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Steven N. DWORKIN. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU ; Eugen MUNTEANU. Italoromania : Rosario COLUCCIA ; Anna CORNAGLIOTTI ; Simone PISANO. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Johannes KRAMER ; Jan REINHARDT ; Uwe SCHMIDT.
|| 8 RohlfsSprachgeographie 49 évoque aussi une éventuelle analogie avec lat. mola s.f. « dent molaire », ce qui paraît moins probable. 9 Cf. DardelGenre 29–30 : “Dentem semble être un cas particulier. […] La façon dont le féminin s’est développé en Gaule et dont le masculin s’y est retranché dans les zones périphériques fait penser que le féminin est tardif. Le féminin est donc une innovation du centre de la Romania, qui n’a pas entièrement abouti : dentem n’est pas un retardataire au même titre que les retardataires cités plus haut, mais son féminin ne s’est pas développé et propagé comme celui de mare, fontem, etc. Dentem est un cas intermédiaire” (cf. aussi Rohlfs,TraLiLi 17/1, 8–9).
392 | 1. Articles
Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 18/07/2011. Version actuelle : 25/08/2014.
*/dɪs-ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. « (faire) quitter le dos d’un cheval ; faire cesser d’être en position de chevauchement » I.1. Sens « descendre de selle » (emploi intransitif) */dɪs-kaβall-i'k-a-re/ > dacoroum. descăleca v.intr. « quitter le dos d’un cheval, descendre de selle » (dp. 1581/1582 [« s’établir »], DLR ; Tiktin3 ; CandreaDensusianu n° 214 ; Cioranescu n° 2875 ; MDA), méglénoroum. discălicári (Candrea,GrS 3, 387), aroum. discálic (Pascu 1, 55 ; DDA2 ; BaraAroumain)1, it. ˹discavalcare˺ (1310/1330 – 1837 [surtout itsept.], Camboni in TLIO ; GDLI ; LEI 9, 51 [encore piém.])2, afr. deschevauchier (ca 1185 [descevalcier] – 1275, Gdf ; TL ; FEW 2, 6b), aoccit. descavalcar (1er qu. [descavalquet p.s. 3 ; « descendre (dans un poste de relais) »] – 2e m. 14e s., VidasBS 277 = Raynouard ; CConsAlbiV 109 ; FEW 2, 6b), agasc. descabauga (15e s. [descabauga p.s. 3], LespyR ; FEW 2, 6b), cat. descavalcar (dp. fin 13e s., DECat 2, 650 ; DCVB), esp. descabalgar (dp. ca 1140 [descaualga prés. 3], MenéndezPidalCid 3, 910 ; DME ; Kasten/Nitti ; DCECH 1, 708 ; DRAE22), port. descavalgar (dp. 1295/1312 [descaualgou prét. 3], TMILG ; CunhaÍndice ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)3.
I.2. Sens « faire descendre de selle » (emploi transitif direct) */dɪs-kaβall-i'k-a-re/ > dacoroum. descăleca v.tr.dir. « faire quitter le dos d’un cheval, faire descendre de selle » (dp. 1931 [rare], DLR), ait. ˹discavalcare˺ (1281/1300 [descavalcato part. p.] – 1536 [surtout itsept.], TLIO ; GDLI ; LEI 9, 50 [encore piém. émil.-romagn.]), frioul. ˹schiavaglià˺ « laisser en arrière en allant plus vite, dépasser » (1775 [schiavagliat part. p.], BusiçEneide chant VII stance 103)4, fr. deschevauchier « faire descendre de cheval » (ca 1100 [ad deschevalciet p. comp. 3] – 1627, Gdf ; TL ; FEW 2, 6b ; ANDEl s.v. deschevalcher), aoccit. descavalcar (1277 [descavalgar] – 1492, Levy ; FEW 2, 6b ; DobelmannCahors 174), || 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 2 L’attestation datée d’avant 1304 citée par GDLI n’a pas pu être confirmée par TLIOCorpus. 3 Pour ce qui est de l’attestation de 1130 fournie par DELP3 s.v. cavalgar, elle est tirée d’un texte latin. 4 La forme du frioulan contemporain (scjavalgjâ) manifeste une irrégularité non expliquée (cf. */ka'βall-ik-a-/ n. 1).
*/dɪs-ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. | 393
agasc. descabalga (FEW 2, 6b), cat. descavalcar (dp. ca 1272, DCVB), aast. descaualgar (13e s., DELlAMs), agal./port. descavalgar (dp. 1280/1290 [descaualgar], TMILG ; DDGM ; Houaiss).
II. Sens « faire cesser d’être en position de chevauchement » (emploi transitif direct) [> « séparer »] */dɪs-kaβall-i'k-a-re/ > it. ˹discavalcare˺ v.tr. « sortir (une pièce d’artillerie) de son affût » (1598 – 1609, LEI 9, 67 [encore piém. « enlever »] ; GDLI), SRfrpr. dètsəvœudzi « séparer (ce qui est imbriqué, superposé, emboîté) » (Marguerat in GPSR 5, 117 [Valais]), cat. descavalcar (dp. 1642 [contexte : artillerie], DCVB)5. Commentaire. – À l’exception du sarde, du dalmate, du ladin et du romanche, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */dɪs-ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. « (faire) quitter le dos d’un cheval, (faire) descendre de selle ; faire cesser d’être en position de chevauchement, séparer », dérivé en */dɪs-/ (préfixe formateur de verbes qui véhicule notamment les sens de changement d’état et de négation, cf. CooperFormation 275 ; HallMorphology 152 ; Buchi,RLV 38, 152) de */ka'βall-ik-a-/6. En l’absence d’un cognat sarde, la création de ce dérivé ne peut être attribuée qu’au protoroman continental, soit en tant que variété régionale du protoroman commun, soit en tant qu’état de langue postérieur au dégagement des traits propres du sarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256). Les données romanes ont été classées selon les sémantismes et la valence qu’elles présentent : « descendre de selle » (intr., ci-dessus I.1.), « faire descendre de selle » (tr.dir., ci-dessus I.2.) et « faire cesser d’être en position de chevauchement » (tr.dir., ci-dessus II.). Tant que l’on ne considère que le verbe */dɪs-ka'βall-ik-a-/, le caractère héréditaire de ce troisième sens, limité à l’italien et au francoprovençal, peut paraître discutable. Le parallélisme avec les sens tournant autour de « être à califourchon (sur) » > « se chevaucher » du simple */ka'βall-ik-a-/ (II.2.) et du dérivé symétrique */ɪn-ka'βall-ik-a-/ (II.1.) confirme toutefois cette reconstruction sémantique.
|| 5 Malgré le caractère tardif des attestations, ce sens semble bien être héréditaire : il s’agira du correspondant de cat. encavalcar v.tr. « monter (les pièces d’une arbalète) » (cf. */ɪn-ka'βall-ik-a-/ II.1.). 6 VătăşescuAlbaneză 330 considère alb. shkalis v.intr. « descendre de selle » comme un emprunt au latin, mais IEEDAlbanian y voit un dérivé interne de l’albanais.
394 | 1. Articles
Les matériaux ici réunis sont en général analysés comme des dérivés idioromans à l’aide du représentant du préfixe */dɪs-/ (REW3 s.v. cabăllĭcāre [“Zussg.” (roum.)] ; Cioranescu n° 2875 ; DLR ; MDA ; VinereanuDicţionar ; Panzera/Pfister/Hohnerlein in LEI 9, 51 ; GDLI ; Camboni in TLIO ; von Wartburg in FEW 2, 6b ; DECat 2, 650 ; DCVB ; DCECH 1, 708 ; DELlAMs [“cfr. cabalgar”] ; Houaiss). Si nous suivons plutôt Tiktin1-Tiktin3, Candrea-Densusianu n° 214, Pascu 1, 55 et RaevskijDikcionar7 pour y voir des issues héréditaires d’un dérivé protoroman, c’est que la comparaison romane y invite. En effet, le parallélisme sémantique des issues de */dɪs-ka'βall-ik-a-/ avec celles de */ka'βall-ik-a-/ et de */ɪn-ka'βall-ik-a-/ est trop marqué pour que l’hypothèse de dérivations parallèles dans autant d’idiomes romans (roum. it. frioul. fr. frpr. occit. gasc. cat. esp. ast. port.) soit plausible. La dérivation en cascade */ka'βall-u/ > */ka'βall-ik-a-/ > */ɪn-ka'βall-ik-a-/ et */dɪs-ka'βall-ik-a-/ trouve un parallèle dans */'karr-u/ > */'karr-ik-a-/> */ɪn-'karr-ik-a-/ et */dɪs-'karr-ik-a-/ (cf. REW3 s.v. carrum, carrĭcāre, dĭscarrĭcāre [“die Zusammensetzungen mit IN- und DIS- [...] könnten schon lat. sein”]), ce qui est particulièrement prégnant en raison du lien sémantique entre le cheval et la charrette. Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de protorom. */dɪs-ka'βall-ik-a-/. Du point de vue diasystémique (ʿlatin globalʾ), il est donc à considérer comme un particularisme (oralisme) de la variété B (basse) qui n’a eu aucun accès à la variété H (haute), en tout cas sous sa forme écrite. Pour un complément d’information, cf. */ka'βall-ik-a-/ et */ɪn-ka'βall-ik-a-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 306–307, 341–349, 352, 405, 409, 413, 443, 446, 468, 539, 545, 555–557, 563, 566 ; REW3 s.v. cabăllĭcāre ; von Wartburg 1936 in FEW 2, 6b, CABALLICARE I 1 ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 253, 273, 284–290, 314–318, 373, 396–398, 401, 424, 494–498, 565 ; MihăescuRomanité 280 ; Panzera/Pfister/Hohnerlein 2004 in LEI 9, 50–51, 67, CABALLICARE. Signatures. – Rédaction : Annalena HÜTSCH ; Éva BUCHI. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Günter HOLTUS ; Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Marco MAGGIORE. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Wolfgang SCHWEICKARD. – Contributions ponctuelles :
|| 7 MihăescuRomanité 280 hésite entre un héritage et une dérivation idioromane.
*/'dɔl-u/ s.n. | 395
Myriam BENARROCH ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 30/03/2014. Version actuelle : 23/07/2014.
*/'dɔl-u/ s.n. « sensation pénible dans une partie du corps ; état d’âme pénible dû à des circonstances objectives ; affliction provoquée par la mort d’un être chéri ; signes extérieurs de l’affliction provoquée par la mort d’un être chéri ; sentiment qui rend sensible au malheur d’autrui » I. Sens « douleur physique » */'dɔl-u/ > asard. dólu s.m. « altération de l’état de santé, maladie » (1215 [date du ms.], Solmi,ASI 35, 297 ; DES), dacoroum. pop. dor n. « sensation pénible dans une partie du corps, douleur physique » (dp. 1574, DA/DLR ; Tiktin3 ; DensusianuOpere 1, 241), méglénoroum. dor (Candrea,GrS 3, 389 ; CapidanDicţionar s.v. doari ; AtanasovMeglenoromâna 165), aroum. dor (dp. 1760 [τόῤῥου], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0407 ; KavalliotisProtopeiria n° 0158 ; DDA2 ; BaraAroumain), it. duolo m. (dp. 1232 [dolo], Faleri in TLIO ; AIS 133 p 633), lad. duel (ALD-I 243 p 87), afr. ˹duel˺ (déb. 13e s. [dol] – 1496, ANDEl ; Martin in DMF2012 ; FEW 3, 121a [encore pic.]), esp. duelo (1617, NTLE), port. dó (14e – 15e s., CunhaVocabulário2 ; DELP3).
II. Sens « douleur morale » */'dɔl-u/ > sard. dólu s.m. « état d’âme pénible dû à des circonstances objectives, douleur morale » (DES ; PittauDizionario 1), dacoroum. dor n. (dp. 1581/1582 [« repentir »], DA/DLR ; Tiktin2 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 526 ; Cioranescu n° 3024 [« nostalgie »] ; MDA ; DensusianuOpere 1, 39 ; DensusianuOpere 1, 585)1, méglénoroum. dor (CapidanDicţionar s.v. doari ; AtanasovMeglenoromâna 165), aroum. dor « désir ardent de revoir qn ou qch. ou de revivre un moment du passé, nostalgie » (DDA2 ; BaraAroumain), it. duolo m.
|| 1 Le genre masculin donné par Puşcariu in EWRS est erronné.
396 | 1. Articles
« douleur morale » (dp. 1274, TLIO ; DELI2), lad. duel (dp. 1912, VocLadLetCorpus ; ALD-I 243 p 87), afr. duel (2e m. 10e s. – 1494/1498, TLF ; TL ; FEW 3, 121a ; ANDEl ; DMF2012), frpr. ˹dœ˺ (dp. ca 1520, Müller in GPSR 5, 553), aoccit. dol (1100/1110 – 14e s., AppelChrestomathie 148 ; Raynouard ; Levy ; FEW 3, 121a), gasc. ˹dòu˺ (FEW 3, 121a ; CorominesAran 430 [lle haver dò loc. v. « affliger »]), cat. dol (dp. 1546, DCVB ; DECat 3, 165), esp. duelo (dp. 1140, Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti ; DRAE22), ast. duelo (DGLA ; DELlAMs), gal./port. dó (dp. 13e s. [doo], DDGM ; Buschmann ; DRAG2 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
III.1. Sens « deuil » */'dɔl-u/ > sard. dólu s.m. « affliction provoquée par la mort d’un être chéri, deuil » (DES ; PittauDizionario 1), dacoroum. dor n. (dp. 1682/1686, Tiktin3 ; DA/DLR ; MărgăritIpoteze 277 [ban.]), ait. duolo m. (1300 – 1325, TLIO), afr. ˹duel˺ (1050 – 16e s., TLF ; TL ; Huguet [deul] ; ANDEl ; FEW 3, 121a [nord-occid. deu(l)])2, frpr. ˹dœ˺ (dp. 1457, Müller in GPSR 5, 552 ; FEW 3, 121a)3, occit. dol (dp. ca 1060, SFoiHA 1, 307 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 3, 121a), gasc. ˹dòu˺ (FEW 3, 121a), cat. dol (dp. 1474, DCVB), esp. duelo (dp. ca 1220/1250, DCECH 2, 513), gal./port. dó (dp. 1220 [doo], TMILG ; DDGM ; DRAG2 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
III.2. Sens « manifestation de deuil » */'dɔl-u/ > sard. dólu s.m. « signes extérieurs de l’affliction provoquée par la mort d’un être chéri, manifestation de deuil » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 79), ban. dor n. (MărgăritIpoteze 281), it. duolo m. (dp. 1292/1293 [atosc.], TLIO [surtout « plainte funèbre »] ; AIS 79), afr. duel (1050 – 1410/1419, TL ; ALF 395 ; DMF2012), frpr. ˹dœ˺ (dp. 1754, GPSR 5, 552 ; FEW 3, 121a ; ALF 395), occit. dol (dp. 1184/1204, Raynouard ; ALF 395), gasc. ˹dòu˺ (dp. 15e s. [dol], LespyR ; FEW 3, 121a ; CorominesAran 430 [« cortège funéraire »] ; ALF 395), cat. dol (dp. 1233, DCVB ; DECat 3, 165), esp. duelo (dp. ca 1256, Kasten/Nitti ; Kasten/Cody ; || 2 Cette issue régulière a été évincée, en français moderne et contemporain, par deuil (dp. ca 1340, DMF2012 ; TLF ; ALF 395). L’identité ancienne de leurs pluriels en -eux a en effet provoqué la confusion fréquente des suffixes -eul et -euil, qui s’est même étendue à des finales non suffixales de lexèmes (cf. TLF s.v. -eul). 3 Quant à l’attestation de 1430 (deul) mentionnée par GononTestaments 239, elle est tirée d’un texte latin.
*/'dɔl-u/ s.n. | 397
DME), ast. duelo (dp. 1289, DELlAMs ; DGLA), gal./port. dó (dp. 1295 [doo], DDGM ; Buschmann ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
IV. Sens « compassion » */'dɔl-u/ > sard. dólu s.m. « sentiment qui rend sensible au malheur d’autrui, compassion » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 79), ban. dor n. (MărgăritIpoteze 281), frioul. dûl m. (DESF), gasc. ˹dòu˺ (dp. 1583 [doou], LespyR), cat. dol (dp. 15e s., DCVB ; DECat 3, 165), esp. duelo (dp. 1140, Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti ; DRAE22), ast. duelo (DELlAMs ; DGLA), gal./port. dó (dp. 1295 [doo], DDGM ; DRAG2 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – À l’exception du végliote et du romanche, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'dɔl-u/ s.n. « sensation pénible dans une partie du corps, douleur physique ; état d’âme pénible dû à des circonstances objectives, douleur morale ; affliction provoquée par la mort d’un être chéri, deuil ; signes extérieurs de l’affliction provoquée par la mort d’un être chéri, manifestation de deuil ; sentiment qui rend sensible au malheur d’autrui, compassion ». La proximité phonique et sémantique de */'dɔl-u/ avec */'dɔl-e-/ v.intr. « ressentir de la douleur (physique et morale) » (cf. REW3 s.v. dŏlēre ; von Wartburg 1928 in FEW 3, 177b-118b, DOLERE) et sa famille lexicale incite à penser que */'dɔl-u/ devait être ressenti synchroniquement, sans que ce rattachement corresponde forcément à son étymologie (cf. Leumann1 § 166 ; Ernout/Meillet4 s.v. doleō), comme morphologiquement lié à ce verbe. Le genre neutre de */'dɔl-u/ se reconstruit à partir du genre neutre des cognats de la branche roumaine. Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les cinq sémantismes dont elles relèvent : « douleur physique » (I.), « douleur morale » (II.), « deuil » (III.1.), « manifestation de deuil » (III.2.) et « compassion » (IV.). Leur répartition spatiale sert à comprendre l’évolution de */'dɔl-u/ et la relation qu’il a entretenue avec un synonyme de la même famille lexicale (au moins en synchronie), protorom. */do'l-or-e/). Le fait que le sarde partage la totalité des sens de */'dɔl-u/ avec des parlers issus du protoroman continental incite à les reconstruire tous pour la période du protoroman commun. Le sémantisme « douleur physique » (I.) a été enregistré surtout dans quelques aires conservatrices de la Romania, représentées par les aires latérales (roumain et portugais) et par le sarde, tandis que le centre de la Romania le connaît de manière plutôt sporadique. Le sens « douleur morale » (II.) et les sens connexes « deuil » (III.1.),
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« manifestation de deuil » (III.2.) et « compassion » (IV.) couvrent, au contraire, l’ensemble de l’espace occupé par l’étymon. Cette aréologie, ainsi que le caractère archaïque et populaire de certaines attestations sous I., montrent que le sens I. est récessif par rapport aux autres. Le phénomène s’explique par la concurrence entre */'dɔl-u/ et son parasynonyme */do'l-or-e/ : la pression exercée par */do'l-or-e/ a eu, dans un premier temps, deux conséquences : d’un côté, */'dɔl-u/ s’est spécialisé dans le sens « douleur morale » (II.) et de l’autre, le sens « douleur physique » est devenu l’apanage de */do'l-or-e/. Suite à ces spécialisations sémantiques divergentes, trois sens qui manquaient ou se trouvaient uniquement en état latent dans */do'l-or-e/ se sont clairement détachés, à partir du sens « douleur morale » (II.), pour */'dɔl-u/ : « deuil » (III.1.), « manifestation de deuil » (III.2.) et « compassion » (IV.). Le sens « deuil » se fonde sur une restriction sémantique ayant comme point de départ l’observation d’un phénomène universel : la plus vive douleur que l’être humain peut ressentir est l’affliction provoquée par la mort de quelqu’un. Quant au sens « manifestation de deuil », il s’explique par une substitution métonymique de type effet/cause, tandis qu’à l’origine du sens « compassion » se trouve un transfert métaphorique qui souligne la capacité d’intérioriser la souffrance d’autrui. Aux sens « deuil » et « manifestation de deuil », protorom. */'dɔl-u/ a concurrencé protorom. */'lukt-u/, comme en témoignent d’une part la vaste aire de diffusion de ces deux sens de */'dɔl-u/ et d’autre part la rareté des traces que le terme protoroman spécialisé pour exprimer les deux acceptions a laissées dans les langues romanes (cf. REW3 s.v. lūctus [logoud. it. aport.] DES ; DELI2). Seul le type sémantique II. connaît un corrélat parfait dans le latin écrit de l’Antiquité, qui n’est, de plus, attesté qu’à travers un hapax : lat. dolum, -i s.n. « douleur morale » (6e s. [var. dolor ; dolus], TLL 5/1, 1837). Les types I. et III.1. ne connaissent que des corrélats masculins : dolus, -i s.m. « douleur physique » (dp. Pélage [4e s.], TLL 5/1, 1837 ; cf. ci-dessus I.) et « deuil » (dp. CIL 3, 1903 [?], TLL 5/1, 1837), tandis que les types III.2. et IV. ne connaissent pas de corrélats en latin écrit de l’Antiquité. Par ailleurs, dolus s.m. est aussi attesté dans le sens « douleur morale » (dp. Commodien [3e s.], TLL 5/1, 1837 ; cf. ci-dessus II.)4. Du point de vue diasystémique (‛latin global’), les sens secondaires (ou plutôt tertiaires) de protorom. */'dɔl-u/ ~ lat. dolum/dolus appartiennent donc à des variétés diaphasiquement et/ou diastratiquement marquées qui n’ont pas eu (« manifestation de deuil » et « compassion ») ou qui n’ont eu que très ponctuellement (« deuil ») accès à l’écrit.
|| 4 Lat. dolus s.m. « ruse » (dp. 3e s., TLL 5/1, 1857), avec lequel il n’y a pas de lien sémantique, en est indépendant (cf. Ernout/Meillet4 s.v. dolus).
*/'dɔrm-i-/ v.intr. | 399
Du point de vue épistémologique, on peut remarquer que la reconstruction romane apporte ici un témoignage particulièrement précieux pour la connaissance du ‛latin global’, puisqu’elle parvient à établir l’existence d’une unité lexicale que les textes n’attestent que quatre siècles plus tard (ou en tout cas un siècle plus tard si l’on tient compte de la variante masculine) pour la strate la plus ancienne du protoroman, antérieure au décrochage du sarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256) et du roumain, et que l’image fortement polysémique qu’elle en donne l’ancre solidement dans la réalité linguistique. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 118, 119, 129, 308, 312–315, 404, 414, 457 ; REW3 s.v. dŏlus « Schmerz » ; von Wartburg 1928 in FEW 3, 121a-122a, DOLUS ; Ernout/Meillet4 s.v. doleō ; LausbergLinguistica 1, § 176–178, 304 ; HallPhonology 71 ; SalaVocabularul 543 ; DOLR 2 (1992), 48 ; MihăescuRomanité 233. Signatures. – Rédaction : Mihaela-Mariana MORCOV. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; August KOVAČEC ; Maria ILIESCU ; Nicola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : JeanPaul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Myriam BENARROCH ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Ulrike HEIDEMEIER ; Yusuke KANAZAWA ; Alice KNEIP ; Anna NEY ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 24/08/2014. Version actuelle : 29/08/2014.
*/'dɔrm-i-/ v.intr. « être dans un état de sommeil » */dor'm-i-re/ > sard. dormire v.intr. « être dans un état de sommeil, dormir » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 647), dacoroum. dormi (dp. 1500/1510 [date du ms. ; durmiiu prét. 1], Psalt. Hur.2 88 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 507 ; DLR ; Cioranescu n° 3026 ; MDA ; ALR SN 2014), istroroum. durmi (MaiorescuIstria 121 ; Byhan,JIRS 6, 211 ; PuşcariuIstroromâne 3, 309 ; SârbuIstroromân 210 ; ScărlătoiuIstroromânii 299 [dormi, durmi] ; ALR SN 2014), méglénoroum. durmiri (Candrea,GrS 3, 391 ; CapidanDicţionar s.v. dorm ; WildSprachatlas 471 ; ALDM 350–362), aroum. dormu (dp. 1770 [ντὁρμου prés.
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1], KavalliotisProtopeiria n° 0205 ; Pascu 1, 78 s.v. durnire ; DDA2 s.v. dormu ; BaraAroumain ; ALR SN 2014)1, dalm. dormer (BartoliDalmatisch 2, 100, 111, 119 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 505), istriot. durméi (DeanovićIstria 35 ; DallaZoncaDignanese s.v. dòrmi ; PellizzerRovigno)2, it. dormire (dp. 4e qu. 12e s. [dorma prés. subj. 1], Faleri in TLIO ; Faré n° 2751 ; DELI2 ; AIS 647), frioul. durmî (Pellegrini in DESF ; GDBTF ; AIS 647 ; ASLEF 560 n° 3016), lad. dormì (dp. 1763, Kramer/Fiacre in EWD ; AIS 647 ; ALD-I 250), romanch. durmir (Decurtins in DRG 5, 520 ; HWBRätoromanisch ; AIS 647), fr. dormir (dp. ca 1100 [se dorment prés. 6], TLF ; Gdf ; GdfC ; FEW 3, 140a ; TL ; AND2 ; ALF 418), frpr. ˹dormí˺ (dp. ca 1520 [drumy], Casanova in GPSR 5, 874 ; FEW 3, 140b ; ALF 418)3, occit. dormir (dp. ca 1060, SFoiHA 1, 288 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 1 ; Pansier 3 ; ALF 418), gasc. ˹dormí˺ (dp. 1273 [dromir], DAG n° 1647 ; FEW 3, 140a ; CorominesAran 161 ; ALF 418 ; ALG 5, 1688)4, cat. dormir (dp. 13e s., DECat 3, 188 ; MollSuplement n° 1234 ; DCVB), esp. dormir (dp. fin 12e/déb. 13e s., DCECH 2, 518 ; Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti), ast. dormir (dp. 13e s. [dorma prés. subj. 3], DELlAMs ; AriasPropuestes 1, 114 ; DGLA), gal. durmir/port. dormir (dp. 1220/1240 [dormir], TMILG ; Buschmann ; DRAG1 ; DDGM ; LisboaNascentes 38 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'dɔrm-i-/ v.intr. « être dans un état de sommeil, dormir ». Le corrélat du latin écrit, dormire v.intr. « id. », est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 5/1, 2026). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 31, 324, 353, 474–475, 552 ; 2, § 201 ; 3, § 355, 358, 384 ; REW3 s.v. dŏrmīre ; von Wartburg 1928 in FEW 3, 140a-143a, DORMIRE ; Ernout/Meillet4 s.v. dormio ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 176–178,
|| 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. L’infinitif */dor'm-i-re/ est continué par durnire s.f. (Pascu 1, 78), dont la forme présente une assimilation consonantique (/rm/ > /rn/). 2 Cette forme régulière a majoritairement été évincée par le type duórmi, qui présente un changement de classe verbale (cf. DeanovićIstria 109 ; MihăescuRomanité 524 ; PellizzerRovigno ; AIS 647 [duarmi]). 3 Des formes métathésées se sont imposées dans la plus grande partie du domaine francoprovençal, cf. Casanova in GPSR 5, 874 ; ALF 418. 4 La forme régulière s’est conservée surtout dans le Val d’Aran ; ailleurs, on trouve presque exclusivement des formes métathésées (cf. CorominesAran 161 ; ALF 418 ; ALG 5, 1688).
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272–273 ; 2, § 304, 510 ; 3, § 922 ; HallPhonology 20 ; Faré n° 2751 ; SalaVocabularul 539 ; DOLR 3 (1993), 66. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Maria ILIESCU. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Ana María CANO GONZÁLEZ ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Jan REINHARDT ; Uwe SCHMIDT ; André THIBAULT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 30/03/2011. Version actuelle : 30/08/2014.
*/'dʊ-i/ num. card. pl. « un plus un » I. Masculin pluriel I.1 Nominatif : */'dʊ-i/ */'dʊ-i/ > dacoroum. doi num. card. m.pl. « un plus un, deux » (dp. 1561/1562, DLR ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 503 ; Cioranescu n° 3004 ; RosettiIstoria 135 ; IvănescuIstoria2 146 ; MihăescuRomanité 167 ; MDA ; ALR SN 1781)1, istroroum. doi (MaiorescuIstria 121 ; Byhan,JIRS 6, 208 ; PuşcariuIstroromâne 3, 309 ; SârbuIstroromân 207 ; ScărlătoiuIstroromânii 296 ; ALR SN 1781), méglénoroum. doi (Candrea,GrS 3, 389 ; CapidanDicţionar [dói̯] ; ALR SN 1781), aroum. doi (dp. 1770 [ντόοι], KavalliotisProtopeiria n° 0150 ; Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0384, 0386, 0677, 1006 ; Pascu 1, 77 ; DDA2 [doĭ] ; BaraAroumain ; ALR SN 1781), végl. doi (BartoliDalmatico 219, 220, 245, 248, 267, 281, 286, 292, 458 § 506, 462 § 521 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 101, 106, 129, 136, 156), istriot. dui m./f. (DeanovićIstria 29 ; Tekavčić,TraLiLi 7/1, 287 [duy] ; MihăescuRomanité 136, 524 ; PellizzerRovigno ; AIS 47, 284), itsept. dui m. (dp. 1176/1182 [alig.doi], TLIOCorpus ; DELI2 ; RohlfsGrammStor 3, § 971 ;
|| 1 Le /o/ de doi n’est pas régulier, ni dans les idiomes roumains ni en végliote ; on attendrait plutôt une forme en /u/ (cf. Puşcariu,ZrP 28 ; EWRS ; RosettiIstoria 135 ; IvănescuIstoria2 146). Puşcariu,ZrP 28 explique le phénomène par une dissimilation du /u/ devant / i̯/ en syllabe fermée.
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AIS), itcentr. dui (dp. 1464 [acors.], LetteronChronique 301 ; Falcucci), camp. dui (dp. 13e s., TLIOCorpus ; LedgewayGramm 216–217), frioul. doi (dp. 1355, Joppi,AGI 4, 189 ; Pellegrini in DESF ; AIS 47, 284 ; ASLEF 907 p 4131), lad. dui (dp. 1763, Kramer/Fiacre in EWD ; AIS 47, 284 ; ALD-I 251), bas-engad. mérid. duoi (dp. 1620, Schorta in DRG 5, 507, 510 ; HWBRätoromanisch ; AIS 47, 284), afr. dui (fin 11e s. [doi] – 1400, AlexisE 23, 28, 29, 49, 67 ; ANDEl ; Gdf ; FEW 3, 181a), afrpr. dui (1220/1230 – 14e s., ProsalegMussafia 6, 229 ; SommeCode 12 ; MargOingtD 114 ; FEW 3, 181a ; GPSR 5, 555), aoccit. doi (ca 1060 [dui c.s.] – 2e m. 13e s., SFoiHA 1, 319 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 3, 181a ; Pansier 3).
I.2. Accusatif : */'dʊ-o-s/ */'dʊ-os/ > sard. dúos num. card. m./f.pl. « deux » (dp. ca 1134/1136, BlascoCrestomazia 1, 190 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 47, 284), romanch. duos (dp. 1527, DRG 5, 507 ; HWBRätoromanisch [dus] ; AIS 47, 284), fr. deux (dp. 2e m. 10e s. [duos], TLF ; AlexisE 23 [dous] ; FEW 3, 181a ; Gdf ; ANDEl ; ALF 396)2, frpr. ˹dous˺ m. (dp. 1220/1230, ProsalegMussafia 5, 44 ; GPSR 5, 555 ; FEW 3, 181a ; ALF 396), occit. dos (dp. av. 1126, AppelChrestomathie ; Raynouard ; Levy ; FEW 3, 181a ; Pansier 3 ; ALF 396), gasc. dus (dp. 1163/1171 [ms. 2e qu. 15e s.], CartBigRC 123, 209 ; FEW 3, 181a ; CorominesAran 432 ; ALF 396), cat. dos m./f. (dp. fin 12e/déb. 13e s., DCVB ; DECat 3, 191), esp. dos (dp. ca 1140, Kasten/Cody ; DCECH 2, 519 ; DME ; NTLE ; Kasten/Nitti)3, ast. dos m. (dp. 1222, DELlAMs ; AriasPropuestes 2, 175 ; DGLA), gal./port. dous (dp. av. 1214, DDGM ; Buschmann ; DRAG2 ; DELP3 s.v. dois ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
II. Féminin pluriel II.1. Nominatif : */'dʊ-e/ */'dʊ-e/ > dacoroum. două num. card. f.pl. « deux » (dp. 1500/1510 [date du ms. ; doo], Psalt. Hur.2 139 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 503 ; Cioranescu n° 3004 ; MDA ; ALR SN 1781 ; MihăescuRomanité 136, 167 ; RosettiIstoria
|| 2 La forme duos (2e m. 10e s.) donnée par TLF comme première attestation est une forme latine. 3 La forme duos, mentionnée, sans référence précise, par Kasten/Cody, est sans doute latine. DCECH 2, 519 note : “no existe la forma dúos, que algunos (seguidos por la Acad.) deducen falsamente de dúas”.
*/'dʊ-i/ num. card. pl. | 403
135 ; IvănescuIstoria1 122)4, istroroum. do (MaiorescuIstria 121 [doe] ; Byhan,JIRS 6, 208 ; PuşcariuIstroromâne 3, 309 ; SârbuIstroromân 207 ; ScărlătoiuIstroromânii 296 ; ALR SN 1781), méglénoroum. două (Candrea,GrS 3, 389 [dǫu̯ă] ; ALR SN 1781 [doo]), végl. doje (BartoliDalmatico 236 ; ElmendorfVeglia)5, istriot. du (DeanovićIstria 29 ; PellizzerRovigno ; MihăescuRomanité 136, 524), aitsept. due (1178/1182 [alig.] – ca 1350, TLIOCorpus ; DELI2 ; RohlfsGrammStor 3, § 971 ; TekavčićGrammatica2 2, 205)6, aitcentr. doe (13e [atosc.] – 15e s., TLIOCorpus), camp. doje (dp. 14e s. [doe], TLIOCorpus ; LedgewayGramm 216–217).
II.2. Accusatif : */'dʊ-a-s/ */'dʊ-as/ > sard. dúas num. card. f.pl. « deux » (dp. apr. 1113/1140, BlascoCrestomazia 1, 154 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 48, 284), frioul. dôs (dp. 1355, DAroncoAntologia 27 ; Pellegrini in DESF ; AIS 48, 284 ; ASLEF 907 n° 4131), lad. döes (EWD ; AIS 48, 284 ; ALD-I 251), romanch. duas (dp. 1668, DRG 5, 507 ; HWBRätoromanisch ; AIS 48, 284)7, afr. ˹does˺ (1ère m. 12e s. [does] – 1361, Gdf ; TL ; FEW 3, 181a ; AND1), frpr. ˹dues˺ (dp. 1220/1230, ProsalegStimm 109 ; GPSR 5, 555 ; FEW 3, 181a ; ALF 396), occit. doas (dp. 1100/1110, AppelChrestomathie 150 ; Raynouard ; Levy ; Pansier 3 ; ALF 396), gasc. dues (dp. déb. 12e/m. || 4 Nous suivons EWRS, Cioranescu n° 3004 et RosettiIstoria 145 (“f. *doue > doauă (formă atestată în sec. al XVI-lea şi dialectal, azi) > două”) pour penser que la forme du féminin roumain două est héréditaire, contrairement à MeyerLübkeGLR 2, § 68, qui y voit do augmenté de la désinence féminine -ă, à LausbergLinguística § 763, qui pense que două s’est formé à partir de doi, peut-être par analogie avec noi/nouă, ce qui est aussi l’avis de IvănescuIstoria1 122 (“Foarte probabil*doue s-a creat prin analogie cu formele de plural noi, nouă, ale adjectivului nou”) et à Candrea-Densusianu n° 503 (“*DOAE, refăcut din DUAE sub influenţa lui *DOĪ”). 5 Végl. doje est attesté une seule fois dans BartoliDalmatico, la référence renvoyant au § 122 étant une erreur. Cette forme figure, curieusement, devant un substantif masculin, ce que Bartoli n’a pas manqué de relever (“doje [sic] kanástri”, BartoliDalmatico 235 § 42). Quant à la forme dòe, hapax figurant dans un contexte italianisant (la mul‘ér fúa dòe krèatói̯re ‛la femme fait deux enfants‘, BartoliDalmatico 245 § 45), nous ne la retenons pas, car il s’agit très probablement d’un italianisme (comme le montre l’emploi de l’italianisme krèatói̯re à la place de troki ‛enfants‘). 6 L’italien contemporain due num. card. m./f. (dp. ca 1200 [atosc.], TLIOCorpus) est une généralisation aux deux genres du féminin originel. 7 En surmiran, duas a les deux genres. Toutes les formes duas ne sont pas étymologiques : celles que l’on trouve dans le bas-engadinois ne sont souvent que des adaptations graphiques d’un duəs qui peut être l’aboutissement tant de duos que de duas (DRG 5, 510 ; HWBRätoromanisch).
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13e s. [ms. 2e m. 13e s.], CartBigRC 122 ; FEW 3, 181a ; CorominesAran 432 ; ALF 396), cat. dues (dp. av. 1284 [does], DECat 3, 191 ; DCVB), aesp. dues (ca 1140 – 1284, Kasten/Cody ; CORDE ; DCECH 2, 519 ; Kasten/Nitti), ast. occid. dúas (dp. 1241 [dues], DELlAMs ; DGLA), gal. dúas/port. duas (dp. 1192, DDGM ; Buschmann ; DRAG2 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)8.
III. Neutre pluriel : */'dʊ-a/ */'dʊ-a/ > sard. dúa num. card. f.pl. « deux » (dp. 1429, SannaCodice 12 ; Wagner,ID 14, 111 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 284)9, aitsept. dua (1239/1248 [abol.] – 14e s., TLIOCorpus ; DELI2 ; RohlfsGrammStor 3, § 971 ; TekavčićGrammatica2 2, 205)10, tosc. dua m./f. (dp. 13e s., TLIOCorpus ; DELI2 ; RohlfsGrammStor 3, § 971 ; AIS 284), romanch. dua f. (dp. 1605, DRG 5, 508 ; HWBRätoromanisch [dus])11, aoccit. doa (1er qu. 13e s. [doa melia], Levy), acat. doa (DECat 3, 191)12.
|| 8 La date de 1152 proposée par DELP3 pour dus correspond à une attestation dans un texte en latin. 9 La syntaxe de la première attestation n’est pas très claire, de sorte qu’on pourrait y lire aussi la forme féminine duas. Hormis cette attestation, le numéral issu du neutre se trouve presque exclusivement comme multiplicatif dans le syntagme ˹dúa mídza˺ « deux mille », cf. DES ; Wagner,ID 14) ; PittauDizionario 1 donne en outre la locution dua pédica « beaucoup ». 10 La présence d’it. dua dans de nombreux dialectes italiens anciens (alig. alomb. aémil.romagn. abol. avén. atosc., tous TLIOCorpus) ainsi qu’en toscan contemporain, et cela dans des contextes très variés, incite à rattacher cette forme, avec MeyerLübkeGLR 2, § 68 et MeyerLübkeItalienisch 207, au neutre */'dʊ-a/, malgré RohlfsGrammStor 3, § 971, qui y voit une évolution idioromane : “Questa forma è tuttora assai estesa nelle parlate toscane, particolarmente in Lucchesia e nella Toscana orientale e meridionale, almeno come forma precedente la pausa (sono dua, ne ho trovato dua). Difficilmente si tratterà d’un’antica forma neutra (Meyer-Lübke, 364), bensí piuttosto d’uno sviluppo proclitico di due, proprio come le tue sorelle, i mie frati nel vernacolo toscano han dato le tua sorelle, i mia frati […] ; non è però escluso un influsso analogico di trea (tria)”. 11 Romanch. dúa précède des collectifs : dua pera, dua passa, dua bratscha, dua stera (cf. DRG, 508 ; LausbergLinguística § 765), dua dainta (LausbergLinguística § 765). On le trouve en outre dans des nombres composés, duamilli, duatschient (DRG 5, 510). Le quantifieur a ici des emplois approximatifs, au sens de « quelques, un petit nombre de ». 12 En catalan, l’issue du neutre semble avoir disparu assez rapidement, cf. DECat 3, 191 : “sembla que hi havia hagut una arcaica forma neutra doa (« doa mília passes » […]), d’acord amb la conservació de plurals neutres en -a (el mateix mília n‘és un) pròpia d’aquest llenguatge arcaic, on es deia encara la braça per ‛els braços‘ […]. Això desaparegué de seguida”.
*/'dʊ-i/ num. card. pl. | 405
Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'dʊ-i/ num. card. pl. « un plus un, deux », quantifieur variable en genre (m., f. et n.) et en cas (nom. et acc.)13. Les cognats romans ont été classés selon les catégories de la flexion telle que la révèle la reconstruction : d’abord, selon le genre du numéral protoroman : masculin (ci-dessus I.), féminin (ci-dessus II.), neutre (ci-dessus III.) ; ensuite, selon sa flexion casuelle : nominatif (masculin */'dʊ-i/, I.1. ; féminin */'dʊ-e/, II.1.) et accusatif (masculin */'dʊ-o-s/, I.2 ; féminin */'dʊ-a-s/, II.2.). Les issues du masculin pluriel nominatif */'dʊ-i/ (ci-dessus I.1.) couvrent les trois grands ensembles romans : (1) le sarde, (2) le roumain (et l’italien centro-méridional) et (3) une partie de la Romania italo-occidentale (itsept. frioul. lad. bas-engad. fr. frpr. occit.), ce qui assigne cette forme à la phase la plus ancienne du protoroman. Les issues du masculin pluriel accusatif */'dʊ-o-s/ (I.2.) recouvrent, d’une part, deux aires isolées, la Sardaigne et le domaine romanche, et d’autre part, une aire continue englobant la Gaule et l’Ibérie, ce qui incite à penser que cette forme remonte à une phase ancienne du protoroman. L’espace occupé par les issues du féminin nominatif */'dʊ-e/ (II.1.) se limite aux domaines roumain, végliote, italien centro-méridional, d’une part et italien septentrional, d’autre part. Les issues du féminin accusatif */'dʊ-a-s/ (II.2.) recouvrent une aire englobant le sarde, le frioulan, le ladin, le romanche, toute la Gaule et toute l’Ibérie. Quant aux issues du neutre */'dʊ-a/ (III.), elles sont limitées au sarde, à l’italien septentrional, au toscan, au romanche, à l’occitan et au catalan, et leur emploi restreint à quelques locutions (cf. n. 9, 11 et 12) désigne clairement cette forme flexionnelle comme récessive. La distribution des issues de ces cinq types dans les idiomes romans révèle trois configurations possibles dans la combinaison des genres (masculin et féminin) et des cas (nominatif et accusatif). La configuration (1), combinant un masculin et un féminin issus de nominatifs (*/'dʊ-i/ et */'dʊ-e/), se dessine dans une aire couvrant le domaine roumain ainsi qu’une zone réunissant le végliote, l’istriote et l’italien. La configuration (2), combinant un masculin issu du nominatif (*/'dʊ-i/) et un féminin issu de l’accusatif (*/'dʊ-a-s/), correspond à une aire couvrant le frioulan, le ladin et une partie du romanche ainsi que de la Gaule (fr. frpr. occit.). La configuration (3), combinant un masculin et un féminin issus d’accusatifs (respectivement (*/'dʊ-o-s/ et */'dʊ-e/), est représentée dans une aire comprenant la Sardaigne, le domaine romanche, la Gaule et
|| 13 Pour le français, BuridantGrammaire 224 voit même “un avatar de duorum, génitif pluriel de duo « de deux choses », sous la forme dure dans une alternative”. Mais il s’agit d’un hapax figurant dans un seul manuscrit (RoisC 169).
406 | 1. Articles
l’Ibérie. On observe que le francoprovençal, le romanche, le français et l’occitan présentent, pour le masculin, des formes issues tantôt du nominatif, tantôt de l’accusatif, mais pour le féminin, uniquement des formes issues de l’accusatif (on relève toutefois le caractère récessif des formes au nominatif). Enfin, le sarde, l’italien septentrional et central, le romanche, l’occitan et le catalan, qui présentent des formes issues du neutre */'dʊ-a/ (III.), sont les seuls idiomes à continuer les trois genres protoromans. Quatre des cinq prototypes dégagés ci-dessus, */'dʊ-o-s/, */'dʊ-e/, */'dʊ-a-s/ et */'dʊ-a/, possèdent des corrélats en latin écrit de l’Antiquité, respectivement duos, duae, duas et dua. Duos, duae et duas sont attestés durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 5/1, 2241, 2243, 2244), tandis que dua est plus tardif (dp. Cicéron (*106 – † 43, TLL 5/1, 2241). Pour ce qui est du type */'dʊ-i/ (ci-dessus I.), il ne connaît pas de corrélat en latin écrit de l’Antiquité14, tandis que la forme duo, utilisée dans le code écrit tant pour le masculin que pour le neutre (Ernout/Meillet4 s.v. duo : “à basse époque […], duo tend à devenir indéclinable”), n’a pas de corrélat en protoroman15. Du point de vue diasystémique (‛latin global’), le fait que la reconstruction romane révèle cinq prototypes de la flexion de */'dʊ-i/, représentés par trois genres et deux cas, montre la vitalité des formes déclinées de */'dʊ-i/ dans la langue parlée. Du point de vue diamésique, on observe, d’une part, qu’une évolution qui s’est produite dans le code écrit, l’emploi de duo invariable, n’est pas partagée par la langue orale, et d’autre part, qu’un oralisme originel, */'dʊ-a/, pénètre dans le code écrit. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 186, 279–280, 311, 553 ; 2, § 38, 48, 68, 281, 559, 571 ; REW3 s.v. dŭo ; Ernout/Meillet4 s.v. duo, duae, duo ; Leumann1 § 378 A ; von Wartburg 1930 in FEW 3, 181a-182a, DUO ; LausbergLinguística § 179, 183, 187, 248, 278, 536–537, 539–542, 545, 759, 763, 765 ; HallPhonology 71 ; FouchéPhonétique 2, 236, 305–307 ; 3, 679 ; SalaVocabularul 539 ; MihăescuRomanité 167 ; MeiserLautlehre 170 ; LedgewayGramm 216–217. Signatures. – Rédaction : Myriam BENARROCH. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Maria ILIESCU ;
|| 14 C’est le latin médiéval de la première époque qui fournit la première attestation de dui (Virgile de Toulouse [636/675], TLL 5/1, 2241 ; cf. Mancini,LatVulg 10/3, 941). 15 Nous suivons RohlfsGrammStor 3, § 971, pour qui ait. duo est probablement un latinisme.
*/'ɛder-a/ s.f. | 407
Marco MAGGIORE ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Gheorghe CHIVU ; Jérémie DELORME ; Steven N. DWORKIN ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Yusuke KANAZAWA ; Ricarda LIVER ; Stella MEDORI ; Simone PISANO ; Jan REINHARDT ; Nikola VULETIĆ. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 27/08/2014. Version actuelle : 30/08/2014.
*/'ɛder-a/ s.f. « plante vivace (araliacées) à feuilles alternes toujours vertes et luisantes, fixées sur une tige ligneuse grimpante et se fixant sur les troncs d’arbres et le long des murs » I. */'ɛder-a/ */'ɛder-a/ > dacoroum. iederă s.f. « plante vivace (araliacées) à feuilles alternes toujours vertes et luisantes, fixées sur une tige ligneuse grimpante et se fixant sur les troncs d’arbres et le long des murs, lierre » (dp. ca 1650, DA ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 806 ; Cioranescu n° 4277 ; MDA), méglénoroum. jadiră (Candrea,GrS 3, 402 ; CapidanDicţionar), aroum. ˹iadiră˺ (Pascu 1, 102 ; CapidanAromânii 234–235 ; DDA2 ; BaraAroumain)1, frioul. ˹èdare˺ (Doria in DESF ; ASLEF 61 n° 445), afr. ˹ierre˺ m. (2e qu. 10e – 2e t. 13e s., Dörr in DEAF ; Gdf ; TL ; AND2 s.v. ere ; FEW 4, 396b ; ALF 768 [encore pic. norm. ang. centr.])2, frpr. ˹ira˺ f. (dp. 1434/1436 [iry], HafnerGrundzüge 129 ; PuitspeluLyonnais ; FEW 4, 396b-397a ; ALF 768 ; ALLy 464 ; ALLy 5, 332), occit. ['ejra] (FEW 4, 397a ; ALF 768 [prov. Ardèche lim.])3, gasc. ˹yèyra˺ (FEW 4, 397a ; CorominesAran 475 s.v. gedra ; ALG 163), cat. heura (dp. fin 14e s. [edra], DECat 4, 788–789 ; MollSuplement n° 1741 ; DCVB), esp. hiedra (dp. ca 1200 [yedra], CORDE ;
|| 1 Pour ce qui est d’atosc. edra (1333, TLIOCorpus ; DELI2), son isolement incite à le considérer comme non héréditaire : il s’agira d’une forme semi-savante. 2 Le moyen français et le français moderne présentent l’innovation lierre, avec agglutination de l’article. 3 Occit. edra (FEW 4, 396b) manifeste un traitement semi-savant, cf. RonjatGrammaire 2, 226– 227.
408 | 1. Articles DCECH 3, 352–353 ; Kasten/Cody), ast. yedra (DGLA ; DELlAMs)4, gal. hedra/port. hera (dp. 13e s. [edra], CunhaVocabulário2 ; DDGM ; GarcíaDiego ; DELP3 ; Houaiss).
II. */'ɛler-a/ */'ɛler-a/ > dalm. jálara s.f. « lierre » (BartoliDalmatico 239 § 43 ; ElmendorfVeglia)5, istriot. ilara (MihăescuRomanité 144 ; IveIstria 31 [Rovigno írula] ; AIS 619), it. ellera (dp. fin 13e s., Romanini in TLIO ; Merlo,RIL 84, 59 ; DELI2 s.v. edera ; AIS 619)6, frioul. elare (Doria in DESF s.v. èdare ; GDBTF ; AIS 619 ; ASLEF 61 n° 445), lad. ˹èrola˺ (PallabazzerLingua ; RossiVoc ; AIS 619), surs. eller m. (Stricker in DRG 6, 183), occit. elra f. (dp. mil. 14e s., DAO n° 752 ; RonjatGrammaire 2, 226–229 ; ALLOr 192), gasc. ˹irula˺ (ALG 163), rouss. helra (DCECH 3, 352–353 s.v. hiedra).
III. */'ɛlen-a/ */'ɛlen-a/ > itsept. ˹enela˺ s.f. « lierre » (AIS 619), itmérid. ˹['ɛnnela]˺ (AIS 619), lad. ˹èlena˺ (Battisti,AnzAWien 48, 214 ; Aneggi/Rizzolatti), occit. euna (dp. 14e s., DAO n° 752 ; FEW 4, 397b). Commentaire. – À l’exception du sarde7, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type évolué, protorom. */'εder-a/ s.f. « plante vivace (araliacées) à feuilles alternes toujours vertes et luisantes, fixées sur une tige ligneuse grimpante et se fixant sur les troncs d’arbres et le long des murs, lierre ». Les issues de */'εder-a/ (I.), type dont l’extension géographique est de loin la plus vaste, se trouvent en roumain, frioulan, français, francoprovençal, occi-
|| 4 Aast. *edra est documenté indirectement à travers le dérivé latméd. edratos (12e s.), qui calque l’ancêtre d’ast. ˹yedráu˺ s.m. « lieu où abonde le lierre » (DELlAMs ; DGLA). 5 Nous ne suivons pas ElmendorfVeglia, qui considère ce lexème comme emprunté à une forme italienne dialectale. 6 Pour la gémination de */l/, cf. RohlfsGrammStor 1, § 88. – Pour ce qui est d’it. edera s.f. « id. », il s’agit d’un latinisme (cf. DELI2). 7 Nous suivons Wagner in DES s.v. èđera, d’après qui le sarde ne connaît pas d’issue héréditaire de */'εder-a/ : ˹eđera˺ (AIS 619 ; aussi èllera/èrela/èrella, PittauDizionario 1) est emprunté à l’italien, campid. era (AIS 619), au catalan.
*/'ɛder-a/ s.f. | 409
tan, gascon, catalan, espagnol, asturien, galicien et portugais. Les types */'εler-a/ (II.) et */'εlen-a/ (III.) doivent cependant être anciens : */'εler-a/ est présent en dalmate, istriote, italien, frioulan, ladin, romanche, occitan, gascon et catalan ; */'εlen-a/ est continué en italien septentrional et méridional, ladin et occitan. La large diffusion interromane des trois types et leur coprésence dans un seul domaine linguistique, l’occitan (“carrefour des langues romanes”), montrent que I., II. et III. sont des types déjà concurrents en protoroman et non des développements idioromans. Pour ce qui est de la chronologie relative des trois types, l’analyse formelle montre que I. est la base de II. (assimilation à distance partielle) et que II. est la base de III. (dissimilation à distance). Au plan aréologique, le roumain, l’espagnol, le portugais (aires latérales Est et Ouest) d’un côté, et le français et le francoprovençal (aire conservatrice Nord) de l’autre présentent le type I. Le type II. apparaissant en italoroman et dans ses périphéries septentrionales (dalmate, frioulan, ladin, romanche), on peut conclure qu’il s’agit ici d’une innovation venue d’Italie et étendue à la Narbonnaise et à partir de là en gascon, dans une aire plus ou moins centrale de la Romania. Le type III. apparaît seulement dans des domaines qui connaissent II. (italien, ladin, occitan), mais non dans tous, ce qui soutient l’idée d’une seconde innovation sur la base de II., plus tardive et donc moins largement diffusée. Les données du latin écrit s’accordent bien avec la chronologie reconstruite : le corrélat du type I., hedera, -ae s.f. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Laberius [*105 – † 43], TLL 6/3, 2588 ; Ernout/Meillet4 ; AndréPlantes 117), tandis que les types II. et III. ne connaissent pas de corrélats en latin écrit : les types plus récents, sans nul doute diastratiquement (et probablement diaphasiquement) marqués, n’ont pas eu accès au code écrit. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 180, 430, 590 ; 2, § 382 ; REW3 s.v. hĕdĕra ; von Wartburg 1949 in FEW 4, 396b-398a, HEDERA ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 171–172, 272, 284 ; 2, § 375–377, 413, 421, 494 ; Faré n° 4092 ; HallPhonology 216 ; RohlfsPanorama 92 ; SalaVocabularul 546 ; MihăescuRomanité 195 ; LEIMatériaux. Signatures. – Rédaction : Jan REINHARDT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Günter HOLTUS. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Eugen MUNTEANU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Max PFISTER. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT.
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Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 03/08/2010. Version actuelle : 30/08/2014.
*/'ɛks-i-/ v.intr. « aller hors d’un lieu » */ek's-i-re/ > sard. essire v.intr. « aller hors d’un lieu, sortir » (dp. 1113/1140 [essit prés. 3], BlascoCrestomazia 1, 154 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1184 p 916, p 937, p 942), dacoroum. ieşi (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 138 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 815 ; DA ; Cioranescu n° 4294 ; MDA ; IvănescuIstoria1 204 ; MihăescuRomanité 169 ; ALR SN 124, 278), istroroum. ĭešì (MaiorescuIstria 128 ; Byhan,JIRS 6, 233 ; PuşcariuIstroromâne 3, 189 ; SârbuIstroromân 218 ; ScărlătoiuIstroromânii 300 ; ALR SN 124, 278), méglénoroum. išǫri (Candrea,GrS 3, 404 ; CapidanDicţionar ; ALR SN 124, 278), aroum. ies (dp. 1770 [ἐσου prés. 1], KavalliotisProtopeiria n° 0094 ; Pascu 1, 104 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 278)1, it. escire (dp. 1268, TLIOCorpus ; Merlo,AUTosc 44, 45 ; Merlo,RIL 83, 137 ; DELI2 ; GDLI ; AIS 1133* p 738 [issíri])2, frioul. jessî (dp. ca 1320 [ghisir], DAroncoAntologia 16 ; PironaN2 ; GDBTF ; ASLEF 960 n° 4877), fr. ˹eissir˺ (dp. 2e qu. 10e s. [escit prét. 3], JonasK 55 ; Gdf ; TL ; Huguet ; FEW 3, 295b [surtout Vosges] ; AdamPatois 373 ; TLF ; AND2)3, afrpr. issir (1ère m. 13e s., SommeCode 22 ; FEW 3, 295b), occit. eissir (dp. mil./2e m. 10e s. [eiscsunt prés. 6], BischoffBén 262 ; Levy ; SFoiHA 1, 335 ; AppelChrestomathie ; FEW 3, 295b ; Pansier 3 ; BrunelChartes), gasc. yessì (dp. 1125 [ms. 1e m. 15e s. ; eyssir], CartBigRC 63 ; FEW 3, 295b ; DAG n° 387 ; ALG 1595), cat. eixir (dp. 12e s. [exir], DECat 3, 253–257 ; DCVB), aesp. exir (fin 12e/déb. 13e s. – 1509, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 3, 462 ; DME ; NTLE ; Kasten/Nitti), aast. exir (12e – 13e s., DELlAMs), agal./aport exir (1262 [exir fut. subj. 3] – 1350/1425, DELP3 ; Buschmann ; Houaiss ; DDGM [eixir] ; TMILG).
|| 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 2 En italien standard, cette forme régulière a été évincée par uscire, dont le phonétisme s’explique par l’influence d’it. uscio s.m. « porte » < protorom. */'usti-u/ (RohlfsGrammStor 1, § 130). La forme étymologique se trouve encore sporadiquement (ainsi esciva imp. 3 chez Tozzi [* 1883 - † 1920], GDLI). 3 En français standard, eissir, passé à issir par analogie avec les formes à radical accentué (BourciezPhonétique § 95 [remarque II]), a été d’abord concurrencé, puis presque entièrement supplanté par sortir (< protorom. */'sɔrt-i-/). En revanche, issir survit dans des textes littéraires (cf. TLF).
*/'εrb-a/ s.f. | 411
Commentaire. – À l’exception du dalmate, du ladin et du romanche, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'ɛks-i-/ v.intr. « aller hors d’un lieu, sortir ». Le corrélat du latin écrit, exire v.intr. « id. », est attesté durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 5/2, 1351). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 30, 306–307, 463, 555–557, 563, 566, 568– 569, 588 ; von Wartburg 1930 in FEW 3, 295b-298b, EXIRE ; REW3 s.v. exīre ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 166, 164 ; 2, § 273, 383, 384 ; HallPhonology 39 ; Faré n° 3018 ; SalaVocabularul 543 ; StefenelliSchicksal 238–239 ; DOLR 3 (1993), 120 ; MihăescuRomanité 224 ; Baiwir,BCRTD 85, 84–85. Signatures. – Rédaction : Julia LICHTENTHAL. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Simone PISANO. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Esther BAIWIR ; Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS ; Karine JEANNOT ; Stella MEDORI ; Uwe SCHMIDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 10/12/2010. Version actuelle : 22/07/2014.
*/'εrb-a/ s.f. « (ensemble des) plante(s) à tige non ligneuse qui forme(nt) le gazon des prés et des pâturages » */'εrb-a/ > sard. èrƀa s.f. « (ensemble des) plante(s) à tige non ligneuse qui forme(nt) le gazon des prés et des pâturages, herbe » (dp. 11e/13e s. [erua], DES ; AIS 1355 ; cf. WagnerFonetica 288), dacoroum. iarbă (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 170 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 796 ; DA ; Cioranescu n° 4241 ; MDA)1, istroroum. iårba (MaiorescuIstria 127 ; Byhan,JIRS 6, 234 [['iɔrbε]] ; PuşcariuIstroromâne 3, 115, 312 [iårbę] ; SârbuIstroromân 218 ;
|| 1 Malgré Puşcariu in EWRS, le pluriel ierburi n’est pas étymologique et n’invite donc pas à postuler protorom. */'εrb-u/ s.n., pl. */'εrb-ora/ : “[D]er Pl. ierburi, der jedoch in den ältesten Denkmälern nicht vorzukommen, also jung zu sein scheint, wird anscheinend ohne Grund auf lat. *ervŏra, Pl. von *ervus für ervum, zurückgeführt” (Tiktin1 – Tiktin3 ; cf. Cioranescu n° 4241).
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ScărlătoiuIstroromânii 289), méglénoroum. i̯arbă (Candrea,GrS 3, 402 ; CapidanDicţionar ; AtanasovMeglenoromâna 205), aroum. iarbă (dp. ca 1760, Kristophson,ZBalk 10/1 n° 744, 954 [ἰάρπα] ; KavalliotisProtopeiria n° 0038, 0039 [ιάρμπα] ; Pascu 1, 102 ; DDA2 ; BaraAroumain), dalm. jarba (BartoliDalmatico 287 § 60, 279 § 91 [jerba] ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 106), istriot. ğiérba (DeanovićIstria 111 ; AIS 1355 p 397, 398), itsept. erba (dp. 4e qu. 12e s., TLIOCorpus ; Merlo,RIL 84, 59 ; DELI2 ; AIS 1355), itcentr./itmérid. ˹erva˺ (dp. fin 13e s., TLIOCorpus ; AIS 1355 ; cf. RohlfsGrammStor 1, § 262)2, frioul. jerbe (Iliescu,RRL 17, 188 ; Doria in DESF s.v. èrbe ; GDBTF ; AIS 1355 p 326, 327, 329, 337–339, 348–349, 357 ; ASLEF 759 n° 3610), lad. èrba (dp. 1763, Kramer/Flick in EWD ; AIS 1355 p 313 ; ALD-I 255), romanch. erba/˹jarva˺ (dp. 1668 [earva], Schorta in DRG 5, 658–659 ; HWBRätoromanisch ; cf. EichenhoferLautlehre § 500b), fr. herbe (dp. ca 1100, FEW 4, 404a ; GdfC ; TL ; TLF ; ALF 686)3, frpr. 'εrba (FEW 4, 404a ; ALF 686), occit. ˹erbo˺ (dp. ca 1140 [erb‘], MarcD 3 ; FEW 4, 404a ; BrunelChartesSuppl 140 [erba] ; DAO n° 813, 1021 ; ALF 686), gasc. ˹erba˺ (dp. mil./2e m. 10e s. [erpa], PassAugsbH 28 ; FEW 4, 404a ; DAG n° 1021 ; CorominesAran 440–441 ; ALF 686), cat. herba (dp. ca 1288 [erba], DECat 4, 776 ; DCVB), esp. hierba (dp. ca 950/1000 [ierba], CORDE ; DCECH 3, 354–355 ; DME ; Kasten/Cody), ast. ˹yerba˺ (dp. 1235 [erua], DELlAMs ; DGLA ; cf. AriasGramática § 2.3, 4.2.3), gal. herba/port. erva (dp. 1240/1300 [erva], TMILG ; DDGM ; DRAG1 ; CunhaVocabulário2 ; DELP3 ; Houaiss ; cf. WilliamsPortuguese § 96 ; Cintra,BF 22, 101–102 ; TeyssierHistória 47–49 ; Lorenzo,LRL 2/2, 651). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'ɛrb-a/ s.f. « (ensemble des) plante(s) à tige non ligneuse qui forme(nt) le gazon des prés et des pâturages, herbe ». Le corrélat du latin écrit, herba, -ae s.f. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Ennius [* 239 – † 169 av. J.-Chr.], TLL 6/3, 2614 ; cf. Ernout/Meillet4 [“ancien, usuel [...]. Sans doute survivance d’un mot rural prélatin”] ; IEEDLatin). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 150, 302–305, 474 ; REW3 s.v. hĕrba ; Ernout/Meillet4 s.v. herba ; von Wartburg 1949 in FEW 4, 404a–409B, HERBA ;
|| 2 Cf. latméd. aerva (9e/10e s. [ms. Cassino, Italie], ArnaldiSmiraglia2 1, 1234). 3 Les premières attestations sont autant du type erbe (RolS2 1, 126) que herbe (RolS2 1, 171) : latinisant n’a aucune valeur phonique.
*/es'kolt-a-/ v.tr. | 413
LausbergSprachwissenschaft 1, § 171–173, 272 ; 2, § 373, 409 ; Faré n° 4109 ; SalaVocabularul 539 ; HallPhonology 56 ; StefenelliSchicksal 242 ; MihăescuRomanité 50, 195 ; LEIMatériaux. Signatures. – Rédaction : Jan REINHARDT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Xavier GOUVERT. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Eugen MUNTEANU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Anna CORNAGLIOTTI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 08/03/2010. Version actuelle : 09/08/2014.
*/es'kolt-a-/ v.tr. « percevoir volontairement par voie auditive ; accueillir avec faveur (les paroles de qn) » I. « écouter » */eskol't-a-re/ > fr. écouter v.tr. « percevoir volontairement par voie auditive, écouter » (dp. 2e m. 12e s. [esculter], TL ; FEW 25, 1056b ; GdfC ; TL ; TLF ; AND2 s.v. escolter ; ALF 444), frpr. ˹escoutar˺ (dp. 2e m. 12e s. [escoltar], FEW 25, 1048b ; ALF 444), occit. escotar (dp. ca 1060, FEW 25, 1048b ; Raynouard ; AppelChrestomathie 249 ; ALF 444), gasc. escoutà (dp. 1604, LaradeMargalide 169, 183, 385 ; FEW 25, 1050a ; CorominesAran 447 [escotà] ; ALF 444), cat. escoltar (dp. 1250, DCVB ; DECat 3, 536–537), esp. escuchar (dp. ca 1250, DME ; Kasten/Cody ; DCECH 2, 713), ast. escuchar (DGLA ; DELlAMs), gal. escoitar/port. escutar (dp. 1240/1300 [escuitar], TMILG ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 s.v. escoitar ; DELP3 ; CunhaVocabulário2 ; Houaiss).
II. « suivre » */eskol't-a-re/ > fr. écouter v.tr. « accueillir avec faveur (les paroles de qn), suivre » (dp. ca 900 [eskoltet prés. 3], FEW 25, 1056b ; Gdf ; TL ; TLF ; AND2 s.v. escolter), frpr. ˹escoutar˺ (Liard in GPSR 6, 104–106 ; FEW 25, 1048b), occit. escotar (dp. ca 1290 [escoutatz imp. 5], Raynouard), gasc. escoutà (FEW 25,
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1050a ; CorominesAran 447 [escotà]), cat. escoltar (dp. 1283 [escoltats part. p. pl.], DCVB ; DECat 3, 536–537), esp. escuchar (dp. 1587 [escucha prés. 3], NTLE ; DME ; Kasten/Cody ; DCECH 2, 713), ast. escuchar (DGLA), gal. escoitar/port. escutar (dp. 15e s. [escuitar], CunhaVocabulário2 ; DDGM ; Buschmann s.v. auscultāre ; DRAG1 s.v. escoitar ; DELP3 ; Houaiss). Commentaire. – Le français, le francoprovençal, l’occitan, le gascon, le catalan, l’espagnol, l’asturien et le galégo-portugais présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */es'kolt-a-/ v.tr. « percevoir volontairement par voie auditive, écouter ; accueillir avec faveur (les paroles de qn), suivre ». Nous nous joignons à Chauveau in FEW 25, 1060a pour analyser ce verbe comme issu par réanalyse et greffe préfixale de protorom. */as'kʊlt-a-/ « id. ». L’existence d’une aire cohérente occitane, gasconne et catalane dans laquelle */es'kolt-a-/ a complètement évincé */as'kʊlt-a-/ dès l’époque prélittéraire permet d’envisager la Narbonnaise comme étant le foyer de cette innovation. Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de ce lexème, mais des attestations du type abscultare (fin 2e s. – 6e s.) et obscultare (45/43 ; 6e s. ; tous TLL 2, 1534 ; DCECH 2, 713) témoignent de la réanalyse en un verbe préfixé de auscultare effectuée par les locuteurs dès l’époque impériale. Pour un complément d’information, cf. */as'kʊlt-a-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 119, 371, 468, 477 ; 2, § 596 ; REW3 s.v. auscŭltāre/*ascŭltāre ; Ernout/Meillet4 s.v. auscultō ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 204 ; 2, § 413 ; HallPhonology 53 ; DOLR 2 (1992), 5 ; Chauveau 1998/2000 in FEW 25, 1046b-1061b, AUSCULTARE. Signatures. – Rédaction : Uwe SCHMIDT ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Xavier GOUVERT ; Pierre SWIGGERS. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Anna CORNAGLIOTTI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 06/07/2010. Version actuelle : 21/08/2014.
*/'ɸaβ-a/ s.f. | 415
*/'ɸaβ-a/ s.f. « plante potagère (Légumineuses) dont les graines comestibles sont contenues dans de grosses gousses laineuses (Vicia faba) » */'ɸaβ-a/ > sard. ˹faa˺ s.f. « plante potagère (Légumineuses) dont les graines comestibles sont contenues dans de grosses gousses laineuses (Vicia faba), fève » (dp. 2e qu. 12e s. [faba], CSNT 2 = DES s.v. fava ; AIS 1378), aroum. faŭă (dp. 1770 [φάο], KavalliotisProtopeiria n° 0044 ; Candrea-Densusianu n° 567 ; Pascu 1, 84 ; DDA2 ; BaraAroumain), dalm. fua (BartoliDalmatico 310 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 115)1, it. fava (dp. fin 12e s. [avén.], Romanini in TLIO ; DELI2 ; AIS 1378), frioul. fave (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1378), lad. ˹fàa˺ (dp. 1763 [faves pl.], Kramer/Kowallik in EWD ; AIS 1378 ; ALD-I 274), romanch. fava/feva « ensemble des fèves » (Liver in DRG 6, 166–167 ; HWBRätoromanisch s.v. fav ; AIS 1378)2, fr. fève « fève » (dp. 4e qu. 12e s., TLF ; FEW 3, 339a ; ALF 561), frpr. ˹fava˺ (dp. ca 1375, DocLyonnais 83 = DAO n° 881 ; FEW 3, 339a ; Liard in GPSR 7, 380 ; ALF 561), occit. ˹fava˺ (dp. 3e qu. 12e s., DAO n° 881 ; Pansier 3 ; BrunelChartesSuppl ; FEW 3, 339a ; DAOSuppl n° 881 ; ALF 561), gasc. ˹hawo˺ (dp. 1288 [fava], DAG n° 881 ; FEW 3, 339a ; BernhardAran 29 [’awa] ; CorominesAran 496 [haua] ; ALF 561), cat. fava (dp. 1249 [faues pl.], DCVB ; MollSuplement n° 1388 ; DECat 3, 916), esp. haba (dp. 1240/1250 [fava], CORDE ; Kasten/Cody s.v. faua ; DCECH 2, 294 ; DME s.v. faba, fava, haba), ast. faba (dp. 968 [ms. 12e s. ; faua], DELlAMs ; AriasPropuestes 1, 9 ; DGLA), gal. faba/port. fava (dp. 1240 [favas pl.], TMILG ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2 ; Buschmann ; DRAG1 ; DDGM)3. Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'ɸaβ-a/ s.f. « plante potagère (Légumineuses) dont les graines comestibles sont contenues dans de grosses gousses laineuses (Vicia faba), fève ». Le corrélat du latin écrit, faba, -ae s.f. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 6/1, 2–3 ; AndréPlantes 101).
|| 1 Istriot. fava « id. » (Deanović,AGI 39, 195 ; PellizzerRovigno ; AIS 1378) est emprunté à l’italien (cf. Deanović,AGI 39, 195). 2 Le romanche présente une évolution de sens originale. Pour ce qui est du sens « fève » non collectif, il s’attache au dérivé régressif idioroman fav s.m. (cf. HWBRätoromanisch). 3 L’attestation de 1141 citée par DELP3 est tirée d’un texte latin.
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Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 223, 408, 442 ; REW3 s.v. faba ; Ernout/Meillet4 s.v. faba ; von Wartburg 1931 in FEW 3, 339a-341a, FABA ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175 ; 2, § 302, 373 ; HallPhonology 70 ; RohlfsPanorama 101 ; SalaVocabularul 542 ; MihăescuRomanité 258 ; DOLR 6 (1996), 36. Signatures. – Rédaction : Jan REINHARDT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC. Italoromania : Giorgio CADORINI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Julia ALLETSGRUBER ; Petar ATANASOV ; Pascale BAUDINOT ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Uwe SCHMIDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/02/2012. Version actuelle : 22/07/2014.
*/'ɸak-e-/ v.tr. « produire (un effet) à travers un travail manuel ou intellectuel » I. Type originel */'ɸak-e-re/ > sard. fakere v.tr. « produire (un effet) à travers un travail manuel ou intellectuel, faire » (dp. ca 1085 [faço prés. 1 sg.], ManincheddaMedioevo 163 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1691 p 916, 938, 947, 949, 957, 959), dacoroum. face (dp. 1500/1510 [date du ms. ; facu prés. 1], Psalt. Hur.2 101 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 534 ; DA ; Cioranescu n° 3232 ; MDA ; ALR SN 1986, 2007, 2091), istroroum. fåče (MaiorescuIstria 123 ; Byhan,JIRS 6, 218 ; PuşcariuIstroromâne 3, 310 ; KovačecRječnik 76 ; ScărlătoiuIstroromânii 300 ; SârbuIstroromân 211 ; ALR SN 2007, 2091), méglénoroum. fáţiri (Candrea,GrS 3, 393 ; CapidanDicţionar s.v. fac ; AtanasovMeglenoromâna 283 ; WildSprachatlas 209), aroum. fac (dp. 1770 [φάκου], KavalliotisProtopeiria n° 0051 ; Pascu 1, 83 s.v. faţire ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1986, 2091)1, aé-
|| 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. L’infinitif fáţire (cf. l’entrée de Pascu citée ci-dessus) témoigne de l’appartenance du verbe à la flexion en
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mil.-romagn. facere (1289 [Bologne], TLIOCorpus)2, atosc./aabr. ˹facere˺ (ca 1300 – ca 1350, Pfister,ACILR 26/1, 134), salent. faćere (Morosi,AGI 4, 137 [Lecce] = RydbergFacere 46 ; VDS), luc. faćere (GrecoPicerno/Tito s.v. fá [faćerría cond. 3]), cal. facere (1466 [facerà fut. 3], MosinoTesti 119 ; NDC [facerra fut. 3 etc.]), fr. faire (dp. 842 [fazet subj. prés. 3], BartschChrestomathie 3 = TLF ; Gdf ; GdfC ; FEW 3, 346b ; TL ; AND2 ; ALF 529), frpr. faire (dp. 1er qu. 12e s. [fayr]3, AlexAlbZ 413 ; FEW 3, 346b ; HafnerGrundzüge 115 ; Voillat in GPSR 6, 23–111 ; ALF 529), occit. faire (dp. ca 1109 [fair], BrunelChartes 18 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; Pansier 3 ; FEW 3, 346b ; DAO n° 77, 79, 81, 86 ; ALF 529 [viv.-alp. prov. lang. orient. rouerg. auv. ['fai̯rə]]), gasc. ['hɛ] (dp. ca 1160 [fer], BrunelChartes 94 ; LuchaireRecueil 6, 7 ; Levy ; FEW 3, 346b ; BrunelChartesSuppl 123 ; DAG n° 79, 81, 86, 395, 576, 668 ; CorominesAran 165– 167 ; ALF 529 ; ALG 2420)4, cat. fer (dp. 1030, DECat 3, 954 ; DCVB), esp. hacer (dp. ca 1200 [fazer], MenéndezPidalCid 3, 1159 ; DCECH 3, 297 ; Kasten/Cody ; DME)5, ast. facer (dp. 12e s. [fazer], DELlAMs ; DGLA)6, gal. facer/port. fazer (dp. 1170/1220 [faz prés. 3], TMILG ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)7.
|| */'-e-/, même s’il a connu par ailleurs un passage idioroman à celle en */-'e-/, avec l’infinitif făţeáre (CapidanAromânii 432, 435, 436). 2 En revanche, ait. fàcere, annoncé TB 3, 45 et GDLI 5, 661 s.v. fare, ne connaît pas de reflets dans les attestations citées TB 3, 45–53 et GDLI 5, 661–681. 3 La forme sans -e final est une création occasionnelle due à des impératifs métriques : *fayre rendrait le vers hypermétrique (pour afrpr. ˹faire˺, cf. Philipon,R 30, 252). 4 “In den modernen Mundarten herrscht ha in Béarn und den Landes, hę in Bigorre und Armagnac vor […]. Als lautgesetzlich ist hę aus *fair, *feir, fer zu betrachten, ha geht wahrscheinlich vom Futur aus” (Zauner,ZrP 20, 469). 5 Pour ce qui est de l’attestation de 1030 citée par DCECH, elle concerne un texte latin (Pascual,ACILR 26/1, 155). – Le changement d’accent est régulier, cf. MeyerLübkeGLR 2, § 126. – Par ailleurs, on relève aussi aesp. fer v.tr. « id. » (déb. 11e [fere] – fin 16e s. [pop.], DCECH 3, 297 ; Kasten/Cody ; DME), dont l’explication est discutée (cf. RydbergFacere 21–23 ; Pietsch,MLN 27, 170, 172 ; DCECH 3, 298). 6 Cf. aussi aast. et ast. dial. fer (dp. 1145 [ms. 1295], DELlAMs ; DGLA), d’interprétation difficile (cf. ci-dessus n. 5). 7 La datation de 991 donnée par DELP3 et Houaiss fait référence à un texte latin (et feceron se ipsos iudices rogadores).
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II. Type évolué (syncope en position proclitique renforcée par l’effet de l’analogie) */'ɸ-a-re/ > végl. fur v.tr. « faire » (s.d. [“p[uò] essere di tradizione antica”], BartoliDalmatico 448 § 475, 310 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 106)8, 9, istriot. fa (DeanovićIstria 109 ; MihăescuRomanité 143 ; AIS 1691 p 397, 398 ; ILA n° 206, 273, 1356, 1363)10, it. fare (dp. 1065 [aombr. far], TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 1691), frioul. fâ (dp. 1357 [far], Joppi,AGI 4, 189 ; PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1691 p 326–329, 337, 339, 348–349, 357 ; ASLEF 295 n° 954), lad. fà (dp. 1763 [far], Kramer/Kowallik in EWD ; AIS 1691 p 305, 312–315 ; ALD-I 271–272), romanch. far (dp. 1562 [faar], Liver in DRG 6, 93–121 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1691 p 1–19), wall. ['fe] (dp. 1234 [feir], Wilmotte,R 18, 221 = Horning,ZFSL 16/2, 143–144 = Walberg,MélJeanroy 191 ; FEW 3, 346b ; ALF 529 ; ALW 5/2, 244)11, occit. far (dp. 1102, BrunelChartes 11 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; Pansier 3 ; FEW 3, 346b ; BrunelChartesSuppl ; DAO n° 81 ; ALF 529 [viv.-alp. lang. occid. lim. périg. ['fa(r)]]), acat. far (13e/14e s., ColomGlossari [variante minoritaire de fer] ; RydbergFacere 26 ; Morel,R 15, 202 ; DCVB s.v. fer ; DECat 3, 954)12, aesp. far (1140 – ca 1330, DCECH 3, 297 ; Kasten/Cody ; DME)13.
|| 8 Quant à aragus. fachir (1304 – 15e s., BartoliDalmatico 354 ; “forse da leggersi fakír”, BartoliDalmatico 448 § 475), il représente un changement de conjugaison en */ɸa'k-e-re/ (Doria,LRL 3, 523). 9 En revanche, transylv. maram. olt. criş. fa v.tr. « id. » (DA 2/1, 22 s.v. face) est sans rapport avec protorom. */'ɸ-a-re/ : il s’agit d’une forme tronquée typique de ces dialectes dacoroumains (cf. PuşcariuLimba 2, 170). 10 Le classement du lexème istriote sous II. se justifie par le fait qu’une issue du type I. présenterait un segment palatal (cf. */'pak-e/ > istriot. paz, DeanovićIstria 12). 11 En revanche, bourg. lorr. frcomt. frpr. far (FEW 3, 346b ; ALF 529) se rattachent au type I. (il s’agit d’un traitement phonétique bien connu – sinon tout à fait régulier – des parlers de l’est oïlique et du francoprovençal, cf. DondaineComtois 250–251). 12 En revanche, malgré RydbergFacere 26, l’attestation de Meyer,R 13, 277 doit en être supprimée, car elle a été relevée dans un texte occitan ou du moins très occitanisant (cf. ThiolierBelle 129–130). Selon Colón,ACILR 26/1, 150, toutes les attestations d’acat. far seraient même à considérer comme des occitanismes (mais il ne met pas en doute le caractère héréditaire de cat. calfar < */'kal-ɸ-a-/). 13 Nous n’avons pas retrouvé agal./gal. dial. far cité par GarcíaGramática 139, MaiaHistória 791 et Buschmann : il pourrait s’agir d’une reconstruction erronée (d’une source commune ?) à partir de formes du futur employées avec un pronom en mésoclise (cf. n. 15).
*/'ɸak-e-/ v.tr. | 419
Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type évolué, protorom. */'ɸak-e-/ v.tr. « produire (un effet) à travers un travail manuel ou intellectuel, faire ». Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les deux types d’infinitifs qu’elles incitent à reconstruire : */'ɸak-e-re/ et */'ɸ-a-re/. Le premier (ci-dessus I.), majoritaire, couvre l’ensemble de la Romania à l’exception d’un certain nombre de parlers isolés à l’est de la Romania continue : istriote, végliote, frioulan, ladin et romanche. Des issues du second (ci-dessus II.) se trouvent dans la partie centrale et occidentale de la Romania. Elles manquent pour l’ensemble du paradigme flexionnel en sarde et en roumain14, tandis que dans les autres idiomes, les deux types présentent (selon différents schémas) une distribution complémentaire au sein de leurs paradigmes flexionnels15, ce qui signale leur monogenèse16. La répartition spatiale assigne */'ɸak-e-re/ à la strate la plus ancienne du protoroman, antérieure au décrochage du sarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256) et du roumain, tandis que le type */'ɸ-a-re/ appartient à une strate plus récente, postérieure au dégagement du protoroumain (2e moitié 3e siècle selon RosettiIstoria 184 ; fin 3e siècle selon Straka,RLiR 20, 258). Le rapport génétique entre les deux types confirme cette chronologie : II. est issu de I. par syncope de la syllabe /-ke-/, en raison d’une usure due à la grande fréquence du verbe, et cela notamment dans la position proclitique du type le
|| 14 Dacoroum. fă imp. 2 < */'ɸak/, comme zi < */'dik/ (RosettiIstoria 142, 146 ; cf. ALR SN 2091). 15 Ainsi */'ɸak-e-re/ > it. facciamo prés. 4, facevo impf. 1, etc. ; */'ɸ-a-re/ > futur fr. occit. cat. esp. gal. port. (cf. RydbergFacere 53–62 ; Piel,Biblos 20, 363 ; ALGa 1/2, 266). 16 Une autre explication monogénétique a été proposée sous la forme de protorom. */'ɸag-e-re/ (Ascoli,AGI 1, 82 n. 2 : “[faćere] faǵere fajere” ; MeyerLübkeGLR 1, § 523 : “déjà en latin vulgaire, ć précédant la posttonique est devenu ǵ […] ; il faut donc admettre […] fagere” ; MeyerLübke,ZrP 18, 435 : “facere > fagere > fayere > fare” ; MeyerLübke,KJFRP 2, 86–87 : “fagere […] vielleicht […] durch agere beeinflusst” ; hypothèse plus ou moins acceptée par Corominas in DCECH 3, 298). Or plusieurs auteurs se sont opposés explicitement (RydbergFacere 15–17 ; Andersson,LGRP 15, 303–304 ; Paris,R 24, 307) ou implicitement (*/-g-/ rejeté par RonjatGrammaire 2, 8 ; 2, 227) à l’hypothèse */'ɸag-e-re/. En tout état de cause, des raisons phonétiques font écarter ce prototype comme ancêtre des données sardes (cf. LausbergSprachwissenschaft 2, § 387, 392). De plus, l’hypothèse */'ɸag-e-re/ ne tient compte que de l’infinitif, tandis qu’elle est incompatible avec la plupart des autres formes flexionnelles (ainsi avec celles de l’indicatif présent, cf. RydbergFacere 72–73). – L’hypothèse de Kuen,AORLL 7, 61–62 (cat. fer < *fazer/*faher) doit être écartée pour des raisons phonétiques, cf. Corominas in DCECH 3, 300 n. 3.
420 | 1. Articles plus ancien du futur roman */ɸ-a-re-'aβ-e-/)17. L’aire occupée par ce type de futur analytique (istriot. végl. it. frioul. lad. bas-engad. haut-engad. surm. fr. occit. cat. esp. ast. gal./port.)18, presque complètement homotope avec la zone occupée par le type II., exclut notamment le sarde et le roumain. Cette homotopie n’est complète – entendu que le galicien et le portugais, qui ne connaissent pas d’infinitif remontant au type II., maintiennent ce dernier dans les formes du futur (cf. n. 15) – que si l’on accepte la thèse de Tekavčić,IncontriLing 3, qui plaide, avec de bons arguments, pour une origine périphrastique (avec déplacement d’accent) du futur végliote19. Le type II. s’explique donc à l’origine comme une variante combinatoire du type I. ; il a profité en outre de l’analogie avec */'d-a-/ et */'st-a-/ (cf. Ascoli,AGI 1, 81 ; MeyerLübke,KJFRP 2, 86 ; DecurtinsMorphologie 21). Ces verbes ont donné lieu au dégagement d’un sous-système flexionnel que des continuateurs de verbes comme */'bɪβ-e-/, */'dik-e-/, */'duk-e-/ ou encore */'pon-e-/ ont par la suite rejoint pour une partie ou pour l’ensemble de leur paradigme flexionnel (cf. TekavčićGrammatica1 2, 424–427, 455–468 ; cf. aussi MeyerLübkeGLR 2, § 205–252). Les données du latin écrit confirment elles aussi la chronologie reconstruite : le corrélat de l’infinitif facere « produire (un effet) à travers un travail manuel ou intellectuel, faire » est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [*
|| 17 Cf. RydbergFacere 55, 66–67 ; MeyerLübke,KJFRP 2, 87 ; Paris,R 22, 570 ; Andersson,LGRP 15, 305–307 ; Paris,R 24, 307. – Cette syncope est aussi observable dans le composé */'kal-ɸ-a-/, qui connaît des continuateurs en italien, en français, en francoprovençal, en occitan, en gascon et en catalan (REW3 s.v. calefacĕre ; von Wartburg in FEW 2, 78b-80b, CALEFACERE ; cf. aussi MeyerLübkeGLR 2, § 117, où */kal'ɸag-e-re/ ne convient toutefois pas, cf. ci-dessus n. 16) et son dérivé */es'kal-ɸ-a-/, continué dans les mêmes idiomes ainsi qu’en portugais (REW3 s.v. excalĕfacĕre ; von Wartburg in FEW 3, 265b-267a, EXCALEFACERE). 18 Cf. DeanovićIstria 40 ; Tekavčić,IncontriLing 3 ; MeyerLübkeGLR 2, § 112 ; LausbergSprachwissenschaft 3, § 843–846 ; Benincà,LRL 3, 576 ; KramerFormenlehre 85–86 ; Liver,HSK 23/3, 2802–2803 (avec discussion du caractère étymologique de ce type de futur en romanche) ; TorrenteOrdenances 29. 19 Voici les arguments avancés par Tekavčić pour s’opposer à la communis opinio, selon laquelle le futur végliote remonterait au futur antérieur latin (BartoliDalmatico 451–452 § 482 ; Doria,LRL 3, 523 ; Bernoth,HSK 23/3, 2739–2740 ; cf. Tekavčić,IncontriLing 3, 77 n. 21) : (1) analyse de végl. féro, forme polyvalente du verbe « être », en < */ɸi-re-'aβet/, futur de */'ɸi-re/ < */'ɸie-ri/ ; (2) régularité, dans l’hypothèse périphrastique (et irrégularité si l’on accepte la thèse concurrente), des futurs des issues de protorom. */'d-a-/, */'dik-e-/, */'ɸak-e-/, */'mɪtt-e-/ et */'βɪd-e-/ ; (3) développement commun avec les langues romanes voisines, notamment avec l’istriote ; (4) caractère typologiquement isolé d’une neutralisation du caractère antérieur du futur. De fait, l’analyse stratigraphique proposée ici peut apporter un argument supplémentaire à la thèse de Tekavčić.
*/'ɸak-e-/ v.tr. | 421
ca 254 – † 184], TLL 6/1, 82), tandis que le corrélat de l’infinitif raccourci n’est pas attestable20. Du point de vue diasystémique (‛latin global’), le type */'ɸ-a-/ (II.) est donc à considérer comme un particularisme de l’‛immédiat communicatif’ qui n’a, contrairement au type */'ɸak-e-/ (I.), commun à l’‛immédiat communicatif’ et à la ‛distance communicative’, pas eu accès au code écrit. Sur le plan sémantique, la comparaison de protorom. */'ɸak-e-/ « faire » avec lat. facere « id. », mais encore, dans certaines expressions figées, « poser » (sens originel hérité de l’indo-européen, cf. Ernout/Meillet4 s.v. faciō), met en évidence une réorganisation lexicale intervenue en protoroman : tandis que le latin écrit, reflétant une phase plus ancienne, distingue entre agere « faire (une activité considérée dans son exercice continu) » et facere « faire (une activité considérée à un certain moment) » (cf. Ernout/Meillet4 s.v. agō), le protoroman, qui ne connaît pas de corrélat de lat. agere (cf. StefenelliSchicksal 120–121, 222– 223), neutralise l’opposition sémantique au profit de */'ɸak-e-/, tout en dépouillant ce dernier du sens « poser » au bénéfice de */'pon-e-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 221–239, 405, 408, 433 ; 2, § 126, 233–234 ; RydbergFacere ; Paris,R 22 ; MeyerLübke,ZrP 18 ; REW3 s.v. facĕre ; von Wartburg 1931 in FEW 3, 346b-354b, FACERE ; Ernout/Meillet4 s.v. faciō ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175 ; 2, § 302, 387–391 ; Faré n° 3128 ; HallPhonology 68 ; SalaVocabularul 539 ; StefenelliSchicksal 113 n. 42, 121, 238 ; DOLR 4 (1994), 40 ; Bastardas,ACILR 26/1, 137–140. Signatures. – Rédaction : Éva BUCHI. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Werner FORNER. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Wolfgang DAHMEN ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Maria ILIESCU ; Ricarda LIVER ; Simone PISANO. Galloromania : Marie-Guy BOUTIER ; Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Wolfgang SCHWEICKARD. – Contributions ponctuelles : Robert DE DARDEL ; Jérémie DELORME ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Christoph GROß ; Stella MEDORI ; FlorinTeodor OLARIU.
|| 20 SchuchardtVokalismus 2, 440 (> RydbergFacere 14) fait bien état d’un *fare dans le Codex Vindobonensis (copie de Tite-Live ; ms. Irlande 6e s.), mais MeyerLübke,ZrP 18, 434, Niedermann in DecurtinsMorphologie 20 et Kramer/Kowallik in EWD s.v. fà sont unanimes pour y voir une simple erreur de scribe.
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Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 30/10/2009. Version actuelle : 26/08/2014.
*/'ɸamen/ s.n. « sensation traduisant le besoin de manger ; manque d’aliments qui fait qu’une population souffre de faim ; aspiration profonde vers une chose qui répond à une attente » I. Étymon originel : */'ɸamen/ s.n. I.1. Sens « faim » */'ɸamen/ > logoud. famen/˹famene˺ s.m. « sensation traduisant le besoin de manger, faim » (Spano1 [sans précision de genre] ; DES ; PittauDizionario 1 ; CasuVocabolario [m., mais avec l’exemple cun famen canina] ; EspaLogudorese [m.] ; AIS 1015).
I.2. Sens « famine » */'ɸamen/ > asard. famen s.m. « manque d’aliments qui fait qu’une population souffre de faim, famine » (11e/13e – 2e qu. 12e s., CSPSDelogu 168 [4 attestations de s’annu dessu famen] ; CSNTMerci2 82 = Wagner,VRom 4, 238 [su annu dessu famen])1.
II. Recatégorisation féminine : */'ɸam-e/ s.f. II.1. Sens « faim » */'ɸam-e/ > dacoroum. foame s.f. « faim » (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 118 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 622 ; DA ; Cioranescu n° 3444 ; MDA ; VinereanuDicţionar ; ALR SN 1847)2, istroroum. fóme (MaiorescuIstria 124 ; Byhan,JIRS 6, 217 ; PuşcariuIstroromâne 3, 112, 310 ; SârbuIstroromân 213 ; FrăţilăIstroromân 1, 170 ; ALR SN 1847), aroum. foame (dp. ca 1760 [φοάμε], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0246 ; Pascu 1, 87 ; DDA2 ; ALR SN 1847),
|| 1 Nous reprenons le genre à l’édition la plus récente (cf. aussi DES). 2 Le vocalisme accentué des cognats roumains et portugais (/o/ ~ /oa/) s’explique par l’influence, à époque romane, des deux consonnes labiales (MeyerLübkeGLR 1, § 269 ; DensusianuHistoire 1, 72–73 ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 240) ; cf. ci-dessous n. 6.
*/'ɸamen/ s.n. | 423
dalm. ˹fum˺ (BartoliDalmatico 243, 274, 281 ; ElmendorfVeglia)3, istriot. ˹fan˺ (DeanovićIstria 110 ; Tekavčić,Rad 348, 157, 272 [[fäŋ]] ; PellizzerRovigno), it. fame (dp. déb. 13e s., Romanini in TLIO ; DELI2 ; AIS 1015), frioul. fam (dp. 2e m. 14e s., BenincàEsercizi 24 ; PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1015 ; ASLEF 552 n° 2897), lad. fam (dp. 1763, Kramer/Kowallik in EWD ; AIS 1015 ; ALD-I 270), romanch. fom (dp. 1560 [fam], GartnerBifrun 27 = Liver in DRG 6, 465 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1015)4, fr. faim (dp. fin 11e s. [fains pl.], AlexisE 51 = TLF ; GdfC ; FEW 3, 406a ; TL ; AND2 s.v. feim1 ; ALF 527), frpr. ˹fan˺ (dp. 1220/1230 [fam, fan], ProsalegMussafia 97, 225 = HafnerGrundzüge 71 ; Liard in GPSR 7, 18–21 ; FEW 3, 406a ; ALF 527), occit. ˹fam˺ (dp. 1100/1110, AppelChrestomathie 147 = Raynouard ; Levy ; Pansier 3 ; FEW 3, 406a ; ALF 527), cat. fam (dp. ca 1200, DCVB ; DECat 3, 871 [aujourd’hui valenc.]), ast. fame (dp. 1251, DELlAMs ; DGLA)5, gal. fame/port. fome (dp. 1244 [fame], TMILG ; Buschmann ; DDGM ; DRAG1 ; LisboaNascentes 11 ; DELP3 ; Houaiss)6.
II.2. Sens « famine » */'ɸam-e/ > dacoroum. foame s.f. « famine » (dp. 1500/1510 [date du ms. ; foameei dat. sg. ; rare], Psalt. Hur.2 153 ; DA [“vieux ; impropre”] ; MDA [“vieux”]), it. fame (dp. 1252/1258 [alaz./atosc.], TLIO), frioul. fam (PironaN2), lad. fam (Mazzel5 [l’an da la fam « l’année de la disette »]), romanch. fom (dp. 1718, DRG 6, 466), fr. faim (dp. 1ère m. 12e s. [fain], AND2 s.v. feim1 ; GdfC ; TLF), cat. fam (dp. av. 1276, DECat 3, 871 ; DCVB), ast. fame (dp. 1255, DELlAMs ; DALlA), gal. fame/port. fome (Buschmann ; DRAG1 ; Houaiss).
|| 3 C’est par erreur qu’ElmendorfVeglia donne le genre masculin ; BartoliDalmatico 243, 274 atteste clairement le féminin. 4 La première attestation, chez Bifrun (Biôs sun aquêls chi haun fam & sait sieua la giüstia), oriente vers le sens « désir » (cf. ci-dessous II.3). Mais le romanche ne semble pas connaître ce sens par ailleurs, et comme le début de vers en question traduit Beati qui esuriunt et sitiunt iustitiam (cf. DRG 6, 465), il peut très bien s’agir d’un latinisme de sens ponctuel. 5 Le cognat asturien pourrait aussi se rattacher à */'ɸamin-e/ (ci-dessous IV.), car /-m-/ est le résultat régulier du groupe /-mn-/ secondaire (cf. DELlAMs). 6 En raison de l’absence d’attestations en ou (cf. protorom. */'ɔmin-e/ > aport. omen > port. homem, WilliamsPortuguese § 124), nous suivons WilliamsPortuguese § 46 et Machado in DELP3 pour rattacher le cognat galégo-portugais à */'ɸam-e/ et non pas, comme le proposent REW3 et FEW 3, 408a, à */'ɸamin-e/ (ci-dessous IV.). – Pour /a/> /o/, cf. ci-dessus n. 2 et, pour des explications concurrentes, DELP3 et Lorenzo in DDGM.
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II.3. Sens « désir » */'ɸam-e/ > it. fame s.f. « aspiration profonde vers une chose qui répond à une attente, désir » (dp. 13e s., TLIO ; DELI2)7, frioul. fam (GDBTF), fr. faim (dp. ca 1200 [fain], TLF ; GdfC ; FEW 3, 406a ; TL ; DMF2010)8, cat. fam (dp. 2e m. 15e s., DCVB), ast. fame (DGLA), gal. fame/port. fome (Buschmann ; Houaiss).
III. Remorphologisation 1 : */ɸa'min-a/ s.f. (< */'ɸamin-a/ s.n.pl.) III.1. Sens « faim » */ɸa'min-a/ > piém. famina s.f. « faim » (Levi ; DEDI)9, afr. famine (1289 – 13e/15e s., GuillAnglH 87 ; TL ; FEW 3, 406b [encore bourg.])10, frpr. ˹famena˺ (dp. 1696, Liard in GPSR 7, 141), acat. famina (hap. 15e s. [trad. it. fame, DanteParadisVegliante 246], DCVB).
III.2. Sens « famine » */ɸa'min-a/ > lig. famina s.f. « famine » (dp. av. 1311 [famia , ], AnonimoGenNicolas 120, 394 ; Frolla)11, piém. famina (Capel-
|| 7 Quant à dacoroum. foame s.f. « désir » (Cioranescu n° 3444 ; MDA ; VinereanuDicţionar), nous y voyons, en l’absence d’attestations anciennes, un calque du latin, de l’italien ou du français remontant probablement au 19e ou au 20e siècle. 8 Pour ce qui est de viv.-alp. fam s.f. « ambition, convoitise » (MoutierDauphiné > Mistral > FEW 3, 406a), il s’agit très probablement d’un calque du français. 9 Pour des raisons aréologiques et sémantiques (trisémie), nous suivons DEDI (“voce di area galloromanza, dal latino fămine, proveniente da fămis [al genitivo făminis, come altri nomi in is], parallelo del classico fămes, con attrazione del suffisso -īna [FEW]”) pour considérer ce vocable comme héréditaire. Levi (“da prov. m. famino, fr. famine”) et von Wartburg in FEW 3, 408a, FAMES n. 1 (prob. < fr.) proposent d’y voir un emprunt, ce qui n’est nécessaire ni pour des raisons phonétiques ni sémantiques. Pour ce qui est de l’analyse du DEI (“XX sec. ; diminutivo, vezzeggiativo di ’fame’ ; v. del linguaggio infantile”), elle ne tient pas compte de l’aréologie du type lexical. 10 Analysé comme un affaiblissement de sens idioroman (“in der bed. abgeschwächt”) par FEW 3, 406b. 11 La graphie de la première attestation est étonnante : si /n/ intervocalique s’amuït souvent devant /i/ dans les parlers italiens septentrionaux (RohlfsHistGramm 1, § 223), le phénomène serait isolé devant /a/. Il semble s’agir d’une licence poétique due à la rime.
*/'ɸamen/ s.n. | 425
loDictionnaire ; DiSant’Albino ; DEDI)12, fr. famine (dp. ca 1141, AND2 ; TLF ; GdfC ; FEW 3, 406a ; TL)13, frpr. ˹famena˺ (FEW 3, 406a ; GPSR 7, 140–141), occit. famina (dp. ca 1290, Raynouard ; FEW 3, 406ab).
III.3. Sens « désir » */ɸa'min-a/ > afr. famine s.f. « désir » (1268 [2 attestations], AND2), frpr. ˹famena˺ (GPSR 7, 141).
IV. Remorphologisation 2 : */'ɸamin-e/ s.f. IV.1. Sens « faim » */'ɸamin-e/ > lang. sept. fame s.f. « faim » (Mistral)14, périg. ˹['fome]˺ (Mistral ; ALF 527 p 614, 615 ; ALAL 793), gasc. hame (dp. 1236 [fame], DAG n° 1727 ; Levy ; FEW 3, 407b ; CorominesAran 495 ; ALF 527 ; ALG 880), esp. hambre (dp. fin 12e/déb. 13e s. [fanbre], DCECH 2, 312 ; DME).
IV.2. Sens « famine » */'ɸamin-e/ > gasc. hame s.f. « famine » (dp. 1238 [fame], DAG n° 1728 ; Levy ; FEW 3, 407b ; CorominesAran 495), esp. hambre (dp. 1259 [“pénurie”], Kasten/Nitti).
IV.3. Sens « désir » */'ɸamin-e/ > gasc. hame s.f. « désir » (Palay).
|| 12 Bas-engad./haut-engad. famina s.f. « famine » (dp. 1848, DRG 6, 76 ; HWBRätoromanisch), attesté trop tardivement pour pouvoir être héréditaire, représente un italianisme, cf. HWBRätoromanisch (von Wartburg in FEW 3, 408a, FAMES n. 1 y voit un francisme, tandis que Decurtins in DRG hésite entre un italianisme et un francisme). 13 La date de 1130/1140 donnée par le TLF renvoie à une attestation qui présente la forme famire (assurée par la rime). 14 Adacoroum. foamene s.f. « faim » (16e s., DA = MDA) est un mot fantôme (cf. Drăganu,DR 1, 312 et Puşcariu,DR 7, 477 : mélecture pour oameni).
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V. Remorphologisation 3 : */'ɸamit-e/ s.f. V.2. Sens « famine » */'ɸamit-e/ > dacoroum. foamete s.f. « famine » (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 114 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 623 ; DA ; MDA)15, aroum. foamită (dp. 1770 [φοάμιτα], KavalliotisProtopeiria n° 1077 ; Pascu 1, 87 ; DDA2 [foamită, foamite] ; BaraAroumain)16. Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers des types morphologiquement évolués, protorom. */'ɸamen/ (pl. */'ɸamin-a/) s.n. « sensation traduisant le besoin de manger, faim ; manque d’aliments qui fait qu’une population souffre de faim, famine ; aspiration profonde vers une chose qui répond à une attente, désir »17. On a subdivisé les cognats romans selon les différents types morphologiques dont ils relèvent et, secondairement, selon les sens qu’ils manifestent, en séparant en premier lieu les cinq types formels que la reconstruction conduit à dégager (cf. le parallèle */'lumen/) : */'ɸamen/ s.n. (ci-dessus I.), */'ɸam-e/ s.f. (II.), */ɸa'min-a/ s.f. (III.), */'ɸamin-e/ s.f. (IV.) et */'ɸamit-e/ s.f. (V.). Le premier type étymologique (I. */'ɸamen/), le seul à présenter le genre neutre, ne s’est maintenu, pour ce qui est du singulier (cf. III. pour une descendance indirecte du pluriel), qu’en sarde18. En raison du caractère récessif du genre neutre en roman, en raison aussi de la série de réfections constatées (cidessus II. à V.), qui s’expliquent particulièrement bien en tant que remorphologisations tendant à marquer formellement un passage au féminin, nous suivons MeyerLübkeSchicksale 66–67 (> CuervoApuntaciones 254 ; cf. Wagner,RF 69, 258–259 et DES pour le sarde) pour postuler ce substantif neutre comme base || 15 Cf. ci-dessus n. 2. 16 L’attestation de KavalliotisProtopeiria est glosée par un lexème albanais et un lexème grec signifiant tous les deux « faim ; famine » et un lexème allemand signifiant « faim ». La comparaison avec les autres sources aroumaines nous fait opter pour le sens « famine ». 17 Le sens « aspiration profonde vers une chose qui répond à une attente, désir » a peut-être été pérennisé par l’usage des chrétiens (cf. Blaise, qui le marque comme “spir[ituel]” chez saint Jérôme : “non famem panis, sed audiendi uerbum Dei”). L’aire couverte (it. frioul. fr. frpr. gasc. cat. ast. gal./port.) ne s’opposerait en tout cas pas à une telle interprétation, ni son absence en sarde et encore moins son caractère non héréditaire en roumain (cf. ci-dessus n. 7). 18 LausbergLinguistica 2, § 620 n. 26, qui attribue à tort au sarde la seule forme famine, que Wagner in DES identifie comme une simple variante secondaire de famene (forme comportant une voyelle paragogique, cf. ci-dessus I.1.), en conclut erronément que le cognat sarde remonte au féminin */'ɸamin-e/ (ci-dessus IV.).
*/'ɸamen/ s.n. | 427
étymologique à l’origine de l’ensemble des séries de cognats ici réunis. On l’attribuera donc à la phase la plus ancienne du protoroman, c’est-à-dire au protoroman stricto sensu, qui se termine avec la séparation de la branche sarde (2e m. 2e s. [?], Straka,RLiR 20, 256 ; Dardel,RLiR 49, 268 ; Stefenelli,LRL 2/1, 84)19, 20. Si le sarde est le seul idiome à témoigner directement, à travers le genre masculin et la consonne finale /-n/ de ses continuateurs, de cette première phase de la protolangue, la majorité des autres parlers romans (cf. toutefois le cas particulier représenté par III.) présentent des cognats remontant à une phase plus récente du protoroman, que l’on peut situer entre l’individuation du sarde et celle du roumain (2e m. 3e s. [?], Straka,RLiR 20, 258 ; RosettiIstoria 184 ; Stefenelli,LRL 2/1, 84), caractérisée par la tendance au passage au féminin des substantifs de la troisième déclinaison, en particulier ceux en */-'amen/, */-'imen/ et */-'umen/ (cf. RohlfsSprachgeographie 48 ; DardelGenre 42–43, 53– 57 ; Dardel,ACILR 14/2 ; cf. aussi LausbergLinguistica 2, § 646), que la réduction phonétique */-en/ > */-e/ qui a régulièrement frappé toute la Romania continentale a entraînés dans le champ d’attraction de la flexion en */-e/ (type */'pɔnt-e/). Parmi ces féminins, le type */'ɸam-e/ (II.)21, de loin le plus répandu (roum. dalm. istriot. it. frioul. lad. romanch. fr. frpr. occit. cat. ast. gal./port.) et le seul à être commun à la branche roumaine et à l’ensemble des idiomes italooccidentaux, se recommande comme le plus ancien. Nous inspirant (tout en la modifiant en fonction de l’approche reconstructive ici adoptée) d’une hypothèse étymologique de Josef Brüch, qui y voyait une || 19 La remarque d’Ernout/Meillet4 selon laquelle “les noms de la forme de famēs, famis sont, ainsi que l’indique la flexion pareille de plēbēs (à côté de plēbs), d’anciens noms radicaux” est cohérente avec l’hypothèse d’un neutre */'ɸamen/ originel. Cf. par ailleurs les parallèles du type */'sangu-e/ ~ */'sanguin-e/ ~ */'sanguen/ (MeyerLübkeEinführung 185–186). 20 Étant donné que pour ce type flexionnel, les formes du nominatif et de l’accusatif ne se distinguent pas en latin, on peut se poser la question d’une éventuelle survivance du nominatif. Cette hypothèse semble toutefois devoir être écartée, car (1) les nominatifs latins conservés sont très rares et en général restreints aux noms désignant des personnes (MeyerLübkeGLR 2, § 4, 8, 11 ; LausbergLinguistica 2, § 616, 626) ; (2) de nombreux phraséologismes latins contiennent le lexème à l’accusatif ou à l’ablatif (“saepius -em sedare, -em lenire, -e interfici, -e laborare, -e vinci, -e tabescere sim.”, TLL 6, 230 ; “il n’y a pas de verbe dérivé « avoir faim » [...]. Les Latins disent en ce cas ēsuriō « avoir envie de manger » [...] et, à basse époque, famem habeō”, Ernout/Meillet4), tandis que nous n’en avons pas relevé avec le nominatif ; (3) les formes obliques sont très majoritaires dans les textes latins (elles concernent par exemple 100 sur 121 attestations présentant le sens « faim » [83%] citées par TLL 6, 229–230). 21 Il est en effet permis de penser que la recatégorisation du substantif neutre au féminin s’est accompagnée d’une adaptation formelle de */'ɸamen/ en */'ɸam-e/ : s’il est vrai que tous les cognats réunis sous II. pourraient théoriquement remonter à */'ɸamen/, aucun d’eux n’impose une reconstruction en */-n/.
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réfection à partir de */'ɸamin-e/ (ci-dessus IV. ; cf. Brüch,RLiR 2, 56 et Brüch,ZFSL 52, 416–417), nous proposons d’interpréter le type */ɸa'min-a/ (III.), qui est restreint à une aire centrale continue (lig. piém. fr. frpr. occit. cat.), comme une remorphologisation entraînant un changement d’accentuation, peut-être par attraction du suffixe */-'in-a/22 (cf. le parallèle fourni par les adjectifs */'-in-u/ > */-'in-u/, MeyerLübkeGLR 2, § 454), du pluriel */'ɸamin-a/ de l’étymon neutre originel23. Cette analyse peut s’appuyer sur deux parallèles : (1) dacoroum. lumină s.f. « lumière » < */lu'min-a/ s.f. < */'lumin-a/ s.n.pl.24 ; (2) */'βɛrm-e/ ~ */'βɛrmin-e/ ~ */'βɛr'min-a/ (> fr. vermine s.f. « ensemble des insectes parasites », dp. ca 1130, FEW 14, 292b, et congénères [it. frpr. occit. esp. ast.])25, où le type */βɛr'min-a/ < */'βɛrmin-a/ est doté d’un corrélat en latin écrit (Ernout/Meillet4 s.v. uermis : “Un doublet uermen [...] est attesté par uermina et ses dérivés et par des formes romanes. [...] Dérivés : [...] De uermen : uermina, um [...]. Proprement « les vers », c’est-à-dire « maladie causée par les vers »”)26. Quant aux types */'ɸamin-e/ (IV.) et */'ɸamit-e/ (V.)27, ils présentent un changement de sous-classe flexionnelle par analogie avec les imparisyllabiques || 22 Leumann1 § 172 H 1, 3 ; cf. CooperFormation 80 : “SUBSTANTIVES IN -ina : These substantives, formed from the feminine of adjs. in -inus, while not closely identified with plebeian Latin, are certainly more numerous in the sermo quotidianus than the classic speech”. On peut toutefois exclure une véritable formation dérivative */'ɸamen/ + */-'in-a/, car d’une part ce suffixe ne servait qu’à former des noms collectifs d’animaux et de plantes ainsi que des noms désignant des lieux de réalisation d’une activité (cf. ButlerLatin 22–27 ; KircherDurandCréation 128–130), d’autre part le type III. présente la même trisémie « faim » (récessif) ~ « famine » ~ « désir » (récessif) que les autres types flexionnels ici dégagés. 23 C’est l’insertion de l’étymologie de fr. famine et de ses congénères dans le cadre de la reconstruction romane qui amène à préférer cette hypothèse étymologique, dont la variante proposée par Brüch avait été rejetée par von Wartburg in FEW 3, 408a, FAMES n. 1, à celle d’une dérivation romane presque unanimement défendue (MeyerLübkeGLR 2, § 453 ; REW3 s.v. fames/*famĭne ; FEW 3, 406ab, 408a n. 1 ; Gamillscheg2 [qui cite l’hypothèse de Brüch avec un point d’interrogation] ; “dérivé en -īna de faim ou emprunt”, Liard in GPSR 7, 141 ; la formulation du TLF [“dér. du rad. du lat. fames « faim » ; suff. -ine*”] est énigmatique). 24 Tiktin3 : “lat. *lūmīna von lūmen, -mĭnis” ; cf. Cioranescu n° 4940 ; REW3 s.v. lūmen y voit à tort un dérivé idioroman. 25 Cf. REW3 s.v. vĕrmis/vĕrmĭne ; von Wartburg 1959 in FEW 14, 291a-298b, VERMIS (qui analyse toutefois ˹vermine˺ comme de dérivation idioromane). 26 Cf. aussi VäänänenIntroduction § 222 : “le pluriel collectif neutre en -a tient bon et gagne même du terrain”. 27 Nous suivons Puşcariu in EWRS et DA : leur explication convainc par son caractère unitaire (cf. le parallèle */'tɛrmen/ ~ */'tɛrmin-e/ ~ */'tɛrmit-e/, REW3 s.v. tĕrmen/*tĕrmĭne/*tĕrmĭte), et elle nous paraît plus puissante que ses concurrentes : (1) “*FOMITAS < *FOMES unter dem Einfluss von SICCITAS > secetă” (Pascu 1, 87 ; de même Tiktin1-Tiktin3) ; (2) < */'ɸomit-e/ « brindille » ( REW3 ; FEW), comme le proposent Candrea-Densusianu n° 623 et DDA2 ; (3) croi-
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masculins et féminins en */-in-/ du type */'ɔmin-e/ (IV. ; cf. MeyerLübkeGLR 2, § 16) et en */-it-/ du type */'limit-e/ (V. ; cf. REW3 s.v. līmes, -ĭte) de la troisième déclinaison. Cet alignement sur des types flexionnels présentant une forme de l’accusatif distincte de celle du nominatif est sûrement à mettre sur le compte du changement de genre que l’étymon a connu. Tant */ɸa'min-a/ (III. : lig. piém. fr. frpr. occit. cat.) que */'ɸamin-e/ (IV. : occit. gasc. esp.) et */'ɸamit-e/ (V. : dacoroum. aroum.) sont restreints à des aires peu étendues, qui assignent leur création à une phase tardive du protoroman, postérieure à la séparation de la branche roumaine. Pour III. et IV., le terminus ante quem est constitué par l’individuation des branches galloitalienne, francoprovençale et gasconne vers la fin du 6e siècle (Chambon,BSL 95/1, 174 ; Chambon,RLiR 66, 489 ; Seidl,MélStotz 35 ; Greub,RacinesFrpr 21 ; Greub,HSK 23/3, 2504), pour V., par la séparation de l’aroumain du reste de la branche roumaine durant la 1ère moitié du 10e siècle (Kramer,Rumänistik 221). Le corrélat du latin écrit du type II., fames, -is s.f., est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Livius Andronicus [* ca 285 – † 204], TLL 6, 229) dans le sens « faim », connu depuis Cicéron (50 av. J.-Chr., TLL 6, 231) dans celui de « famine » et depuis Virgile (* 70 – † 19, TLL 6, 233) dans celui de « désir ». Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas, en revanche, de corrélat des types morphologiques I.28, III., IV. et V. Du point de vue diasystémique (‛latin global’), les types I., III., IV. et V. sont à considérer comme des particularismes (oralismes) de la variété B qui n’ont eu aucun accès à la variété H : la diversité de la première s’oppose à l’unité de la seconde. En outre, du même point de vue, III., IV. et V. – mais aussi I. (par archaïsme) – apparaissent comme fortement marqués sur le plan diatopique et relèvent du latin (global) régional. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 222–223, 246, 269, 306–307, 327–336, 405, 408, 449, 526, 551 ; 2, § 16 ; REW3 s.v. fames/*famĭne ; Ernout/Meillet4 s.v. famēs ; von Wartburg 1931 in FEW 3, 406a-408a, FAMES ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175, 234–235, 240, 272, 293 ; 2, § 302, 404, 418, 531 ; HallPhonology 76 ;
|| sement entre */'ɸamen/ et */'ɸomit-e/ (explication de Cioranescu n° 3444) ou encore (4) fausse régression à partir de fometos/fămetos/înfometat adj. « affamé » (Graur,BL 3, 49–50 ; cf. Graur,BL 5, 97 : “rum. foamete : v. Graur,BL 3, 49 [explication approuvée par M.-L. dans une lettre]”). 28 Le corrélat exact du type I. est seulement attesté dans un manuscrit latin du 9e siècle (“familicus famen patiens”, CGL 5, 293) ; en revanche, *famen dans “cibi condimentum esse famen, potionis sitim, Cic.” (Georges) est une coquille pour famem (cf. MoreschiniFinibus 74).
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Faré n° 3178 ; SalaVocabularul 540 ; StefenelliSchicksal 238–239 ; MihăescuRomanité 220, 305 ; Buchi,Whilom 131–133. Signatures. – Rédaction : Éva BUCHI ; Carmen GONZALEZ MARTIN ; Bianca MERTENS ; Claire SCHLIENGER. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Georges DARMS ; Maria ILIESCU ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Wolfgang SCHWEICKARD. – Contributions ponctuelles : Myriam BENARROCH ; Francesco CRIFÒ ; Wolfgang DAHMEN ; Jérémie DELORME ; Cristina FLORESCU ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Jérôme LAGARRE ; Max PFISTER ; Alain POLGUERE ; Jan REINHARDT ; Uwe SCHMIDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/02/2012. Version actuelle : 31/08/2014.
*/ɸe'βrari-u/ s.m. « mois qui suit janvier et précède mars » */ɸe'βrari-u/ > sard. ˹freƀáriu˺ s.m. « mois qui suit janvier et précède mars, février » (dp. 1261 [frevariu], CSMBVirdis 130 = DES ; BlascoStoria 68 ; PittauDizionario 1 ; AIS 317)1, dacoroum. pop. făurar (dp. 1622, DIR B, 4, 91 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 574 ; DA ; Cioranescu n° 3299 ; Kramer,BA 9, 101–104 ; MDA ; ALRM SN 598)2, 3, it. febbraio (dp. 1233/1243 [febraio], Vaccaro
|| 1 Forme métathésée régulière (cf. BlascoStoria 68–69). 2 En dacoroumain moderne, l’issue héréditaire făurar a presque entièrement été évincée par fevruarie s.m. (dp. 1600 [fevruar], Doc. Î. (XVI) 135 ; DA ; Cioranescu n° 3299 ; IvănescuIstoria1 496) < slav. fevruarij (MiklosichLexicon s.v. fevrari), malgré Tiktin1 – Tiktin3, qui propose un emprunt à mgr. φεβρουάριος, hypothèse peu probable pour des raisons chronologiques. En dacoroumain standard, fevruarie a été adapté en februarie sous l’influence du latin (dp. 1779 [et non pas dp. 1503 (Tiktin3) : DERS a fevruarie, attestation relevée dans un texte alloglotte slavon], BV 2, 237 ; DA s.v. fevruarie ; Cioranescu n° 3299 ; Kramer,BA 9, 101–104 ; MDA). – Les dialectes sud-danubiens du roumain n’ont pas maintenu protorom. */ɸe'βrari-u/. En effet, istroroum. *faurǫr, donné comme héréditaire (EWRS s.v. făurar ; Cioranescu n° 3299), n’existe pas. L’istroroumain présente deux (ou trois, cf. febrǫr, Byhan,JIRS 6, 214 ?) emprunts : sićan(u)/siţan (< scr. dial. svečan, Byhan,JIRS 6, 338 ; PuşcariuIstroromâne 3, 234 ; SârbuIstroromân 274) et februar (< scr. dial. februar, SârbuIstroromân 211). Le méglénoroumain a l’emprunt setšca (< bulg. sečko, EWRS s.v. făurar ; CapidanDicţionar ; Candrea,GrS 7, 197 ;
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in TLIO ; DELI2 ; AIS 317), frioul. Fevrâr (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 317 p 328, 338 ; ASLEF 31 n° 168), lad. forà (dp. 1763, Kramer/Kowallik in EWD ; AIS 317 p 305 ; ALD-I 275), romanch. favrer/fevrer (Stricker in DRG 6, 173–175 ; HWBRätoromanisch ; AIS 317 p 7, 9, 16, 17), fr. février (dp. 1119, TLF ; GdfC ; FEW 3, 441b-442a ; TL ; AND2 ; ALF 562), frpr. fèvrāi (dp. 1326 [fevrer], Gassman in GPSR 7, 384– 387 ; FEW 3, 441b-442a ; HafnerGrundzüge 98 ; ALF 562), occit. ˹feurié˺ (FEW 3, 442a ; ALF 562 p 611, 634, 783, 847, 868 ; ALMC 1442 p 1–5 ; ALP 108 p 16, 25, 28, 39, 45 ; ALAL 122 p 61, 67, 69, 70, 71)4, gasc. ˹heurè˺ (dp. 1468/1469 [feurer], CConsMontrSL 91 ; FEW 3, 442a ; CorominesAran 500 ; ALF 562 ; ALG 1046), cat. febrer (dp. ca 1330, DECat 3, 922 ; DCVB), esp. hebrero (1252 – 1627, DME ; CORDE ; DCECH 2, 877)5, ast. febreru (dp. 1250 [febrero], DELlAMs ; DGLA), gal. febreiro/port. fevereiro (dp. 1253/1254 [feuerero], DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)6. Commentaire. – À l’exception du dalmate (cf. n. 2), toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ɸe'βrari-u/ s.m. « mois qui suit janvier et précède mars, février ».
|| ALRM SN 598 [sečca]). Pour ce qui est de l’aroumain, il connaît deux désignations du mois de février : d’une part flivar s.m., qui a parfois été considéré comme un héritage de protorom. */ɸe'βrari-u/ (EWRS s.v. făurar ; Cioranescu n° 3299 [flivrar]), mais qui en réalité est un hellénisme savant (< grmod. φλεβάρης, Pascu 2, 42 ; Candrea-Densusianu n° 574 ; DDA2), d’autre part le terme ancien et populaire scurtu/şcurtu s.m. (< protorom. */es-'kurt-u/ adj. « court », Pascu 1, 166 ; DDA2 s.v. scurtu/şcurtu ; BaraAroumain s.v. ex-curtus ; MihăescuRomanité 183 ; malgré EWRS s.v. făurar, qui y voit un emprunt à l’albanais shkurt ; cf. aussi ALRM SN 598). 3 On ne connaît pas d’issue héréditaire sûre en dalmate. Nous considérons dalm. február s.m. « id. » (BartoliDalmatico 284 ; IveVeglia 120) comme un emprunt au serbo-croate (cf. istroroum. februar, ci-dessus n. 1), car cette forme ne présente pas une évolution phonétique régulière (cf. BartoliDalmatico 400 ; MihăescuRomanité 103–104), malgré ElmendorfVeglia s.v. februar, febrer, qui y voit, à tort, un continuateur du protoroman. Pour ce qui est de dalm. febrer (BartoliDalmatico 229 ; ElmendorfVeglia s.v. februar, febrer), son caractère héréditaire n’est pas assuré. – Pour ce qui est d’istriot. frabáro, fravèr, fabriér (tous DeanovićIstria 13) et ˹febráro˺ (IveCanti 43, 379 ; AIS 317 p 398 ; ILA n° 358), leur caractère héréditaire n’est pas assuré (cf. la formulation peu claire de Deanović lui-même et surtout leur absence dans MihăescuRomanité 131–152) : nous opterions plutôt pour l’hypothèse d’un emprunt au vénitien. 4 La forme febrier (dp. 1184/1187, BertrBornG 2, 790 = Raynouard ; Levy ; Pansier 3 ; FEW 3, 442a) présente /b/ restauré sous l’influence savante, cf. RonjatGrammaire 2, 225, 238. 5 Cette issue régulière a été évincée par esp. febrero (dp. 1253 [déjà dp. 1099, mais avant l’apparition de formes en , il peut s’agir de graphies latinisantes pour hebrero], CORDE ; DCECH 2, 877 ; Kasten/Cody ; DME), qui porte la marque d’une relatinisation, due sans doute à l’emploi du nom de mois dans les textes officiels. 6 Quant à la date de 985 enregistrée par DELP3 et Houaiss, elle concerne une attestation latine.
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Le corrélat du latin écrit, februarius, -i s.m. « id. », est connu depuis Varron (45/43, TLL 6/1, 412–413), et la forme febrarius (avec expulsion de /u/ après le groupe /br/) se trouve à plusieurs reprises dans des inscriptions (Dalmatie, Afrique, Italie, Germanie et Gaule) et dans l’Appendix Probi (mil. 5e s. [cf. Flobert,FilologiaDellaCorte 4, 318] ; les deux TLL 6/1, 412). Plusieurs langues en contact avec le latin ont emprunté ce lexème sous sa forme protoromane7, ce qui en confirme la vitalité dans la langue parlée. Cf. */'mai-u/ pour une vue d’ensemble sur le devenir des noms de mois protoromans. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 235, 237, 261, 308, 352, 405, 408, 494, 503, 519, 652 ; MerloStagioni 108–115 ; REW3 s.v. februarius ; Ernout/Meillet4 s.v. februus ; von Wartburg 1932 in FEW 3, 441b-442a, FEBRUARIUS ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 164, 175, 253, 272 ; 2, § 302, 384, 421 ; TagliaviniStoria 124–128 ; HallPhonology 218 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 302. Signatures. – Rédaction : Victor CELAC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Anna CORNAGLIOTTI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Eduardo BLASCO FERRER ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Maria ILIESCU ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Manuela NEVACI ; Victoria POPOVICI ; Michela RUSSO. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 31/03/2009. Version actuelle : 26/07/2014.
|| 7 Grec ˹φρεβάριος˺ (TLL 6/1, 412), albanais fruar/fruer (BonnetAlbanais 133–134 ; MihăescuRomanité 37 ; VătăşescuAlbaneză 133), berbère šebrair (SchuchardtBerberisch 66 ; FEW 3, 442a), breton c’hwevrer (dp. 1499 [hueurer], Deshayes s.v. c’hwevrer ; PedersenKeltisch 1, 220 ; LothBrittoniques 159), cornique hwevral (PedersenKeltisch 1, 220 ; LothBrittoniques 159 ; Deshayes s.v. c’hwevrer), gallois chwefror (PedersenKeltisch 1, 220 ; Deshayes s.v. c’hwevrer), irlandais febrai (Ernout/Meillet4 s.v. februus) ; cf. aussi MerloStagioni 178 ; FEW 3, 442a ; TagliaviniStoria 126.
*/'ɸen-u/ ~ */'ɸɛn-u/ s.n. | 433
*/'ɸen-u/ ~ */'ɸɛn-u/ s.n. « herbe fauchée puis séchée pour nourrir les animaux » I. */'ɸen-u/ */'ɸen-u/ > afr. ˹fein˺ s.m. « herbe fauchée puis séchée pour nourrir les animaux, foin » (1ère m. 12e s. – 1581, GdfC ; FEW 3, 455a ; TL ; TLF ; AND2 s.v. fain [encore dialectes de l’Ouest, ALF 586])1, frpr. ˹fein˺ (dp. ca 1295, HafnerGrundzüge 75 ; FEW 3, 455a ; Huber in GPSR 7, 593–605 ; ALF 586), cat. fe (dp. 1283/1288 [fè], DECat 3, 948), fenc (1340 [fen], RasicoEstudis 42 ; dp. ca 1880 [“Olot i Besalú”], DECat 3, 948 ; MollSuplement n° 1441 ; DCVB)2, esp. heno (dp. 1236/1246 [feno], DCECH 3, 342 ; Kasten/Cody ; DME ; CORDE), ast. orient. h.enu (hap. 13e s. [feno], DELlAMs ; DGLA [Cabrales])3.
II. */'ɸɛn-u/ */'ɸɛn-u/ > végl. [fiŋ] s.m. « foin » (BartoliDalmatisch 2, 43 § 43, 331 § 289, 334 § 295 ; ElmendorfVeglia), istriot. f'jen (PellizzerRovigno ; Rosamani ; ILA n° 1048), it. fieno (dp. 1233/1243 [atosc.], TLIO ; DELI2 ; AIS 1396 [tosc. laz. apul. salent. cal. sic. ˹fieno˺])4.
|| 1 L’issue régulière fein a été évincée par foin (dp. fin 13e s. [alorr. foens], GdfC ; FEW 3, 455a ; TLF ; ALF 586), forme empruntée aux dialectes de l’Est (et peut-être plus particulièrement au bourguignon, la Bourgogne ayant joué le rôle de grenier pour Paris), cf. MeyerLübkeGLR 1, § 89 ; BourciezPhonétique § 60, remarque I. – Sous l’une ou l’autre forme, le type lexical est maintenu dans l’ensemble des dialectes oïliques, à l’exception du wallon, où il a été remplacé par un emprunt à l’ancien francique (cf. von Wartburg in FEW 15/2, 152b, *FODAR I a ; ALF 586). 2 La variante fenc [fɛŋ] représente un emprunt aux dialectes de la zone Olot-Girona qui a eu comme conséquence une différenciation phonologique avec fe < protorom. */'ɸed-e/ (Coromines in DECat 3, 948). 3 À l’exception du dialecte de Cabrales, les parlers asturiens ont remplacé cette issue par le représentant de protorom. */'ɛrb-a/ (DGLA s.v. yerba). 4 “In carte lat. della Toscana del sec. XII si hanno att. della forma fieno a partire dal 1140 (anche nell’antrop. Segafieno)” (TLIO).
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III. */'ɸen-u/ ou */'ɸɛn-u/ */'ɸen-u/ ou */'ɸɛn-u/ > sard. ˹['fenu]˺ s.m. « foin » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1396), dacoroum. fân n. (dp. 1500/1510 [date du ms. ; fânrul], Psalt. Hur.2 170 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 598 ; DA ; Cioranescu n° 3384 ; MDA ; ALR SN 127, 132)5, istroroum. fir (MaiorescuIstria 124 ; Byhan,JIRS 6, 216 ; PopoviciIstria 110 ; PuşcariuIstroromâne 3, 203 ; SârbuIstroromân 212 ; ScărlătoiuIstroromânii 287 ; FrăţilăIstroromân 1, 167 ; ALR SN 127 [firu])6, 7, lomb. ˹fen˺ m. (dp. 1270/1279, Giuliani in TLIO ; AIS 1396), trent. ˹fen˺ (AIS 1396), émil.-romagn. ˹fen˺ (dp. 1342 [feno], TLIO ; AIS 1396), vén. ˹fen˺ (dp. 4e qu. 12e s. [feno], TLIO ; AIS 1396), cors. ˹fenu˺ (ALEIC 923, 926 ; NALC 120), frioul. fen (dp. 1382, VicarioCarte 2, 104 ; PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1396 ; ASLEF 646 n° 3288)8, lad. fègn (dp. 1763 [faegn], Kramer/Kowallik in EWD ; AIS 1396 [[fen]] ; ALD-I 292)9, romanch. fain/fein (Schorta in DRG 6, 22–36 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1396)10, occit. ˹fen˺ (dp. ca 1140 [fé], BrunelChartes 34 ; Raynouard ; Levy ; FEW 3, 455a ; ALF 586), gasc. ˹hen˺ (FEW 3, 455a ; ALF 586 ; ALG 330), gal. feo/aport. ˹fẽo˺ (dp. ca 1260, DDGM ; Buschmann ; DRAG1)11. Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'ɸen-u/ ~ */'ɸɛn-u/ s.n. « herbe fauchée puis séchée pour nourrir les animaux, foin ».
|| 5 La forme de la première attestation présente un rhotacisme régulier dans ce type de textes roumains anciens. 6 En dépit du fait que toutes les sources soit donnent istroroum. fir comme masculin (SârbuIstroromân 212 ; FrăţilăIstroromân 1, 167), soit ne se prononcent pas sur son genre (MaiorescuIstria 124 ; Byhan,JIRS 6, 216 ; PopoviciIstria 110 ; PuşcariuIstroromâne 3, 111 ; ALIstro n° 1048), les formes du pluriel firurle (Byhan,JIRS 6, 216), firurile (PuşcariuIstroromâne 3, 203) et firure (ALIstro n° 1048 = FrăţilăIstroromân 1, 167) témoignent de l’existence d’un neutre récessif remontant au protoroumain. 7 En aroumain, l’issue héréditaire de protorom. */'ɸen-u/ ~ */'ɸɛn-u/ semble avoir été évincée par la désignation analytique earbă uscată (EWRS s.v. fîn). 8 IliescuFrioulan 41 opte pour un rattachement à */'ɸen-u/, mais devant nasale, les issues de */'e/ et de */'ɛ/ ne peuvent pas être distinguées en frioulan (FrancescatoDialettologia 196, 198 ; IliescuFrioulan 37, 41 ; cf. aussi RizzolattiElementi 25). 9 KramerLautlehre 74 opte pour un rattachement à */'ɸen-u/, mais devant nasale, les issues de */'e/ et de */'ɛ/ ne peuvent pas être distinguées en ladin (KramerLautlehre 73). 10 Schorta in DRG 6, 22–36 et EichenhoferLautlehre § 96a partent tous les deux de */'ɸen-u/, mais */'ɸɛn-u/ serait possible aussi (cf. EichenhoferLautlehre § 96a). 11 En portugais, cette issue héréditaire a été évincée par l’emprunt savant feno s.m. « id. » (dp. 1188/1230, < lat. fenum, DELP3 ; CunhaVocabulário2 ; Houaiss).
*/'ɸen-u/ ~ */'ɸɛn-u/ s.n. | 435
Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les deux prototypes dont elles relèvent : */'ɸen-u/ (ci-dessus I.) et */'ɸɛn-u/ (ci-dessus II.), une troisième catégorie réunissant les cas indécidables (ci-dessus III.). Pour un nombre important de cognats, en effet (sard. roum. itsept. cors.12 frioul. lad. romanch. occit. gasc. gal./port., cf. LausbergSprachwissenschaft 1, § 158, 233–234, 239, SampsonNasal 141–142, 180, 207–208, WagnerFonetica 31, RohlfsGrammStor 1, § 98, DalberaUnité 547, RohlfsGascon2 117 et ci-dessous n. 8–10), le rattachement à l’un ou l’autre type est impossible. Les continuateurs avérés de */'ɸen-u/ (fr. frpr. cat. esp. ast. ; I.) se trouvent dans la Romania occidentale, tandis que les continuateurs avérés de */'ɸɛn-u/ (végl. istriot. itcentr. itmérid. ; II.) sont situés dans la Romania orientale13. On ignore la relation qui unit les deux types, qui témoignent d’une fluctuation du phonème vocalique accentué : s’agit-il de variantes diatopiques (cf. Alessio,AAPalermo IV/8, 94), diastratiques, diaphasiques ? On peut se poser la question de l’origine pré-protoromane de cette variation interne : */'ɸen-u/ et */'ɸɛn-u/ s’expliquent comme deux formes évolutives de latarch. */'ɸain-u/ après réduction de la diphtongue accentuée */-'ai-/, qui aboutit en général à */-'ɛ-/, plus rarement à */-'e-/ (cf. MeyerLübkeGLR 1, § 291– 292, 637 ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 241–242 ; RohlfsGrammStor 1, § 44, 51, 104 ; LloydLatin 105–106)14. Du point de vue morphosyntaxique, la grammaire comparée aboutit à la reconstruction d’une protoforme neutre pour le protoroumain et à celle d’une protoforme masculine pour le protoroman “italo-occidental”. Étant donné le caractère récessif du neutre, l’ancêtre commun des deux devait être, en protoroman commun, un neutre. Les données du latin écrit sont en adéquation avec la double reconstruction (d’abord protoromane, puis pré-protoromane) ici postulée : latarch. faenum, -i s.n. « foin » est attesté indirectement, à travers le composé faenisex, -cis s.m.
|| 12 Concernant les issues corses, DalberaUnité 486 n. 383 semble avoir une légère préférence pour un rattachement à */'ɸɛn-u/. 13 On relève aussi esp. fieno s.m. « id. » (ca 1275 ; 1590/1621 ; CORDE), dont le statut n’est pas clair. 14 L’étymologie ici proposée, qui présente l’avantage d’une analyse articulée au niveau roman, est inédite sous cette forme ; elle rejoint partiellement une hypothèse avancée par RohlfsGrammStor 1, § 51. On écarte la seconde hypothèse envisagée par Rohlfs (RohlfsGrammStor 1, § 104, 323 ; RohlfsSuppl s.v. frenu ; cf. BurrLiquid 65) : *fēnulu > *flēn-u (type attesté dans les dialectes italiens méridionaux, cf. CastellaniSaggi 1, 123, 150, 359) > it. fieno, de même que celle d’un croisement avec protorom. */'ɸlor-e/ (Merlo,RDR 1, 250 ; Merlo,AUTosc 44, 47 ; REW3 s.v. fēnum ; FEW 3, 461a ; DELI2).
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« faucheur », depuis 117 av. J.-Chr. (Sententia Minuciorum [FAENISICEI dat.], CIL I/2, 453, cf. TLL 6/1, 165 ; IEEDLatin s.v. fēnum/faenum)15. Pour ce qui est de la forme fēnum, corrélat du type ci-dessus I., nous n’avons pas réussi à la dater épigraphiquement. Elle semble être attestée indirectement, à travers lat. fenisicia s.f. « fenaison », depuis Varron (45/43, VarroLinguaGS 118). On ne dispose pas d’attestations parallèles au type II., que le système graphique du latin ne permettait pas de différencier de I. La reconstruction d’un neutre originel trouve dans le corrélat de la langue écrite un appui solide. Mais une strate plus récente du protoroman, en tout cas continental16, semble avoir fait basculer le nom dans la classe des masculins – ou au moins avoir présenté une hésitation entre les deux genres, si l’on considère la situation du roumain. Cette hypothèse s’appuie sur le témoignage convergent de l’ensemble des parlers romans à part la branche roumaine ainsi que sur une attestation du corrélat latin faenus s.m. dans la Vetus Latina (2e/4e s. apr. J.-Chr., TLL 6/1, 166). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 89, 291–292, 308, 405, 408, 450, 637 ; REW3 s.v. fēnum ; von Wartburg 1932 in FEW 3, 455a-461b, FENUM ; Ernout/Meillet4 s.v. fēnum ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 233–235, 241–242, 274 ; 2, § 302, 405 ; Faré n° 3247 ; BurrLiquid 65 ; HallPhonology 219 ; RohlfsPanorama 107 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 257, 305 ; LEIMatériaux. Signatures. – Rédaction : Jan REINHARDT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Günter HOLTUS. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Max PFISTER ; Michela RUSSO. Galloromania : JeanPaul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI ; Matthieu SEGUI. – Contributions ponctuelles : Gabriel BARDASAN ; Vasile FRATILA ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Maria ILIESCU ; Stella MEDORI ; Wolfgang SCHWEICKARD ; André THIBAULT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 09/12/2008. Version actuelle : 06/08/2014.
|| 15 On trouve plusieurs occurrences de faenum dans les éditions de Caton (* 234 – † 149, ainsi CatoAgriCulturaG 14), mais on n’a aucune garantie que la graphie remonte à l’original. 16 En sarde, il pourrait s’agir d’une évolution idioromane postérieure.
*/'ɸili-u/ s.m. | 437
*/'ɸili-u/ s.m. « être humain de sexe masculin considéré par rapport à son père et à sa mère ou à l’un des deux seulement » */'ɸili-u/ > sard. fidzu/fillu s.m. « être humain de sexe masculin considéré par rapport à son père et à sa mère ou à l’un des deux seulement, fils » (dp. 1066/1074 [filiu], BlascoCrestomazia 1, 43 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 9 p 923, 937, 973, 985, 990), dacoroum. fiu (dp. 1500/1510 [date du ms. ; fii[i] pl.], Psalt. Hur.2 103 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 599 ; DA ; Ciorănescu n° 3413 ; MDA), istroroum. fil' (MaiorescuIstria 124 ; Byhan,JIRS 6, 215 ; PuşcariuIstroromâne 3, 112 ; SârbuIstroromân 212 ; FrăţilăIstroromân 1, 166 ; ALIstro n° 488), méglénoroum. il' (Candrea,GrS 3, 402, 403 ; CapidanDicţionar ; WildSprachatlas 460 p 2 ; AtanasovMeglenoromâna 49, 196, 280), aroum. hil'u (dp. ca 1760 [χίλλη pl.], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0715, 0754 ; KavalliotisProtopeiria n° 0057 ; Pascu 1, 100 ; DDA2 ; BaraAroumain), dalm. fel' (BartoliDalmatico 221, 230, 245, 398 § 299 ; ElmendorfVeglia s.v. feil ; MihăescuRomanité 272), istriot. féio (DeanovićIstria 24, 110 ; PellizzerRovigno ; AIS 398), it. figlio (dp. fin 11e s. [fili pl.], DELI2 ; Sestito in TLIO), frioul. fi (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 9 p 329, 339, 349 ; ASLEF 462 n° 2100), lad. fi (dp. 1763, Kramer/Kowallik in EWD ; ALD-I 295 p 81–100), romanch. figl/fegl (dp. 1560 [filg], GartnerBifrun 66 ; Liver in DRG 6, 286–287 ; FerminBifrun 77 ; HWBRätoromanisch), afr. fil (ca 1000 – 1370, PassionA 107 ; GdfC s.v. fils ; FEW 3, 521a ; TL ; TLF ; FouchéPhonétique 3, 860 ; AND2 s.v. fiz ; DMF2010)1, frpr. ˹fi˺ (dp. 1er qu. 12e s. [fil], AlexAlbZ 412 ; FEW 3, 521a ; Gassmann in GPSR 7, 459 ; HafnerGrundzüge 178, 179 ; ProsalegStimm 55, 59 [fil] ; DuraffourGlossaire n° 3777), occit. filh (dp. ca 1060 [fill], SFoiHA 1, 273, 325 ; Pansier 3 ; 5 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 256 ; BrunelChartesSuppl 95 ; ALF 572 p 743–755, 983, 992 ; 573 p 982, 992), gasc. hilh (dp. ca 1114 [ms. 15e s. ; filh], CartBigRC 22 ; Palay ; CorominesAran 503 ; ALF 572 p 645, 678, 678, 690–699), cat. fill (dp. déb. 12e s. [fil], DECat 3, 1030–1032 ; DCVB), esp. hijo (dp. 1102 [fijo], CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 3, 359–361 ; DME ; DEM)2, ast. fíu (dp. 1450 [fillo], AriasPropuestes 1, 186 ; DGLA), gal. fillo/port. filho (dp. 1214 [filios pl.], DELP3 ; Buschmann ; DRAG1 ; LisboaNascentes 22 ; CunhaÍndice)3. || 1 Le français et le francoprovençal ont conservé par exception des formes qui remontent au nominatif */'ɸili-u-s/ (> fr. fils, dp. ca 1000, PassionA 106 ; GdfC ; FEW 3, 521a ; TL ; TLF ; FouchéPhonétique 3, 860 ; AND2 s.v. fiz ; frpr. ˹filz˺, dp. 1er qu. 12e s. [fils], AlexAlbZ 412 ; FEW 3, 521a ; ProsalegStimm 55, 59 [fiuz] ; DuraffourGlossaire n° 3777 ; Gassmann in GPSR 7, 459–460). 2 La date de la 2e moitié du 10e siècle proposée par DCECH 3, 359 concerne une attestation latine. 3 La date de 1180 enregistrée par CoDoLGa (fillo) concerne une attestation latine.
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Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'ɸili-u/ s.m. « être humain de sexe masculin considéré par rapport à son père et à sa mère ou à l’un des deux seulement, fils ». Le français et le francoprovençal permettent en outre de reconstuire le nominatif */'ɸili-u-s/ (cf. n. 1). Le corrélat du latin écrit, filius, -i s.m. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 6, 751–759). Bibliographie. – TappoletVerwandtschaftsnamen 36–50 ; MeyerLübkeGRS 1, § 31, 514–515 ; 2, § 4, 25, 365 ; 3, § 43 ; REW3 s.v. fīlius ; von Wartburg 1932 in FEW 3, 521a-523a, FILIUS ; Ernout/Meillet4 s.v. fīlius ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 59, 166 ; 2, § 302 ; Faré n° 3303 ; HallPhonology 220 ; SalaVocabularul 597 ; DOLR 4 (1994), 22–23 ; StefenelliSchicksal 149, 240 ; MihăescuRomanité 272. Signatures. – Rédaction : Alina BURSUC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Georges DARMS ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; David Paul GERARDS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 28/07/2011. Version actuelle : 26/07/2014.
*/'ɸranɡ-e-/ v.tr. « faire subir (à qch.) un processus de destruction par une séparation subite » */'ɸranɡ-e-re/ > sard. ['fraŋgere] v.tr. « faire subir (à qch.) un processus de destruction par une séparation subite, briser » (DES ; PittauDizionario 1), dacoroum. frânge (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 109 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 647 ; DA/DLR ; Cioranescu n° 3490 ; MDA), méglénoroum. frǫnziri (Candrea,GrS 3, 395 ; CapidanDicţionar s.v. frǫng ; AtanasovMeglenoromâna 44, 46, 54, 86, 91, 93, 163, 198, 233, 234), aroum. frîngu (dp. 1760 [σε-φράντζε], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0835 ; KavalliotisProtopeiria n°
*/'ɸranɡ-e-/ v.tr. | 439
1061 ; Pascu 1, 88 s.v. frîndzire ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1458)1, 2, it. frangere (dp. ca 1230/1250, Picchiorri in TLIO ; Faré n° 3482 [march. itmérid.] ; DELI2 ; AIS 1350 [lig. tosc. « broyer (des olives) »]), frioul. franzi « broyer en serrant fortement, écraser » (Pirona ; GDBTF)3, afr. fraindre « briser » (11e – 15e s., FEW 3, 752b-757a ; Gdf ; TL ; ANDEl), frpr. freindre (dp. ca 1220/1230 [franiam prés. 4], ProsalegMussafia 217 = Philipon,R 30, 252 ; FEW 3, 752b ; Huber in GPSR 7, 1000–1001), aoccit. franher (ca 1100/1115 [franén gérond.] – 15e s., AppelChrestomathie 149 ; Raynouard ; Levy ; FEW 3, 752b ; BrunelChartes ; LegAurT 43, 382)4, agasc. franher « agir en opposition à (qch.), enfreindre » (1255 [ms. 1341] – 1318, CoutMontrOG 155 ; MillardetRecueil 24 ; FEW 3, 753b), acat. frànyer « briser » (ca 1072/1099 [frania impf. 3 intr. « manquait »] – av. 1429 [traduction de l’it.], DECat 4, 157 ; DCVB), esp. frañer (1270 – 1706, Kasten/Cody ; DCECH 2, 939 ; DME ; NTLE ; Kasten/Nitti)5, ast. ˹frañer˺ (dp. 1155 [franger fut. subj. 3], Kasten/Cody ; DELlAMs ; AriasPropuestes 2, 148 ; DGLA), agal./port. franger (dp. 13e s., DELP3 ; CunhaVocabulário2 ; DDGM ; Buschmann ; DdD ; Houaiss). Commentaire. – À l’exception du dalmate, du ladin (cf. néanmoins n. 2 et 3 pour ces deux idiomes) et du romanche, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'ɸranɡ-e-/ v.tr. « faire subir (à qch.) un processus de destruction par une séparation subite, briser ». Protorom. */'ɸranɡ-e-/ se trouvait dans un rapport de synonymie partielle avec */'rʊmp-e-/ ; les continuateurs de ce dernier ont eu tendance à évincer ceux de */'ɸranɡ-e-/, lesquels sont limités aux états anciens de plusieurs langues (fr. occit. gasc. cat. gal.). Le corrélat du latin écrit, frangere v.tr., présente, entre autres, le sens « briser » (dp. Caton l’Ancien [* 234 – † 149], TLL 6/1, 1241) que l’on peut reconstruire pour protorom. */'ɸranɡ-e-/. || 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier présent. 2 Vinja,SRAZ 7, 24 cite cr. (Smokvica, île de Korčula) raspranžit(i) v.tr. « mettre en morceaux », qui représente un emprunt soit à un intermédiaire dalmate disparu, soit directement à protorom. */'ɸranɡ-e-/. 3 Gherd. sfrànyer v.tr. « briser » (Kramer/Kowallik in EWD ; Gsell,Ladinia 13/1, 154) représente un préfixé idioroman d’une issue ladine disparue de protorom. */'ɸranɡ-e-/. 4 Mistral mentionne lim. fragne v.tr. « rompre », mais cette mention n’est pas confirmée par les dictionnaires du limousin contemporain. 5 Les issues espagnoles, asturiennes, galiciennes et portugaises des verbes appartenant à la flexion en */'-e-/ du protoroman subissent régulièrement une réaffectation à celle en */-'e-/ ou en */-'i-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119, 126 ; WilliamsPortuguese § 148 ; LloydLatin 451–455).
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Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 242–244, 246, 485 ; REW3 s.v. frangĕre ; Ernout/Meillet4 s.v. frangere ; von Wartburg 1934 in FEW 3, 752b-757a, FRANGERE ; LausbergLinguistica 1, § 231, 233–235, 237, 337, 339, 417 ; HallPhonology 146 ; SalaVocabularul 543, 549 ; StefenelliSchicksal 240–241. Signatures. – Rédaction : Mihaela-Mariana MORCOV. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Maria ILIESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Jérémie DELORME ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Ulrike HEIDEMEIER ; Coralie LEBLAN ; Matthieu SEGUI. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/05/2013. Version actuelle : 17/08/2014.
*/'ɸratr-e/ s.m. « personne de sexe masculin considérée par rapport aux enfants du même père et/ou de la même mère ; adepte du christianisme ; religieux d’un ordre monastique chrétien » I. Type originel : */'ɸratr-e/ I.1. Sens « frère » */'ɸratr-e/ > logoud. fratre s.m. « personne de sexe masculin considérée par rapport aux enfants du même père et/ou de la même mère, frère » (dp. 2e qu. 12e s., CSNTMerci2 136 = BlascoCrestomazia 1, 154 ; Spano1 [Bitti] ; CasuVocabolario [Bitti] ; EspaLogudorese [Bitti]), dalm. frutro (BartoliDalmatico 219, 222, 225, 245, 250, 428 § 420 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 101), ait. fratre (1235 – 1352, Faleri in TLIO s.v. frate ; DELI2), romanch. frar (dp. fin 11e s., LiverManuel 109 ; GartnerBifrun 20 ; Decurtins in DRG 6, 565–566 ; FerminBifrun 77 ; HWBRätoromanisch ; AIS 13 p 3, 7, 9, 15, 17, 19)1, fr. frère (dp. 842 [fradre], GdfC s.v. fredre ; FEW 3, 763b ; TL ; TLF ; AND2 ; ALF 1826), frpr. frare (dp. ca || 1 Nous suivons Looser,RF 14, 571, Decurtins in DRG 6, 565–566 et EichenhoferLautlehre § 437a pour considérer romanch. frar comme héréditaire, malgré HWBRätoromanisch, qui y voit un emprunt à l’ancien italien septentrional.
*/'ɸratr-e/ s.m. | 441
1220/1230, HafnerGrundzüge 135 ; Liard in GPSR 7, 973 ; FEW 3, 763b ; ALF 1826), occit. fraire (dp. 1123, BrunelChartes 7 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 33 ; FEW 3, 763b ; Pansier 3 ; DAO n° 58 ; ALF 1826 p 992), gasc. [hraj] (dp. 1163/1185 [ms. 1ère m. 15e s. ; frair], CartBigRC 71 ; Raynouard ; Levy s.v. fraire ; Palay [fray] ; CorominesAran 462 s.v. frare ; ALF 1826 ; ALG 1481), acat. frare (1420, DECat 4, 166, 167 ; MollSuplement n° 1546 ; DCVB), aesp. fradre (ca 1300, Kasten/Nitti ; Kasten/Cody ; DCECH 2, 942).
I.2. Sens « chrétien ; moine » */'ɸratr-e/ > frioul. frari s.m. « religieux d’un ordre monastique chrétien, moine » (PironaN2 ; AIS 797 p 327–329), romanch. frar « adepte du christianisme, chrétien ; moine » (dp. fin 11e s. [frares pl.], LiverManuel 109 ; Decurtins in DRG 6, 566–567), fr. frère (dp. ca 1164, TLF ; FEW 3, 765b ; TL), frpr. frare (dp. 1286/1310, MargOingtD 142 ; Liard in GPSR 7, 975), occit. fraire (dp. 1190, BrunelChartes 239 ; Raynouard ; AppelChrestomathie 46, 184), gasc. frai (dp. 1290 [ms. 15e s. ; frays pl.], ForsBéarnOG 510), cat. frare « moine » (dp. 13e s., DECat 4, 166–167 ; DCVB ; MollSuplement n° 1546)2, esp. frare (dp. 1230 [fradre], DME ; DCECH 2, 942 ; Kasten/Cody).
II. Type dissimilé : */'ɸrat-e/ II.1. Sens « frère » */'ɸrat-e/ > sard. frate/fraδe s.m. « frère » (dp. 1066/1074 [frate], BlascoCrestomazia 1, 43 ; Wagner,AR 19, 18 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 13), dacoroum. frate (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 116 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 635 ; DA ; Ciorănescu n° 3477 ; MDA ; ALR SN 1336, 1674, 1676)3, istroroum. fråte (MaiorescuIstria 124 ; Byhan,JIRS 6, 220 ; PuşcariuIstroromâne 3, 112, 186, 310 ; KovačecDescrierea 95, 198 ; SârbuIstroromân 213 ; FrăţilăIstroromân 1, 171 ; ALIstro n° 492 ; ALR SN 1336, 1674, 1676), méglénoroum. frati (Candrea,GrS 3, 394 ; CapidanDicţionar ; PapahagiMeglenoromânii 2, 214 ; ALR SN 1336, 1674, 1676 ; WildSprachatlas 463 p 1–3, 5 ; Ata|| 2 Cat. fraire « moine », esp. fraire/fraile (NTLE), ast. fraile, gal./port. freire (REW3) sont des emprunts à occ. fraire (DCECH 2, 942 ; REW3 s.v. frater ; LausbergSprachwissenschaft 3, § 627). 3 L’énoncé torna, torna, frater/fratre ne semble pas fournir la première attestation de protoroum. *frate (cf. la controverse autour des textes de Théophilactus Simocatta [ca 630] et de Théophane le Confesseur [810/814] dans la synthèse fournie par MihăescuRomanité 420–429).
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nasovMeglenoromâna 50, 93, 280 ; ALDM 416 p 1–7), aroum. frate (dp. 1770 [φράτε], KavalliotisProtopeiria n° 1111 ; Pascu 1, 87 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1674, 1676), istriot. fra (DeanovićIstria 110 ; MihăescuRomanité 148 ; PellizzerRovigno ; AIS 13 p 397–398 ; ILA n° 492), ait. frate (1213 – 14e s., TLIO ; DELI2 ; DEI), frioul. fradi (PironaN2 ; AIS 13 p 327), lad. frè (dp. 1869, Kramer/Kowallik in EWD ; ElwertFassa 29 ; ALD-I 316 p 81–85, 89–91)4.
II.2. Sens « chrétien ; moine » */'ɸrat-e/ > dacoroum. frate s.m. « chrétien ; moine » (dp. 1563/1583 [date du ms.], Cod.Vor.2 257 ; Tiktin3 ; DA ; MDA), istriot. fra « chrétien » (PellizzerRovigno), it. frate « chrétien ; moine » (dp. 1274, TLIO ; DELI2 ; DEI), ast. frade « moine » (dp. 1052 [ms. 12e s.], DELlAMs ; AriasPropuestes 3, 168 ; DGLA), gal./port. frade (dp. 1200, TMILG ; FerreiroGramática 1, 145 ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; CoDoLGa ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)5. Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type phonologiquement évolué, protorom. */'ɸratr-e/ s.m. « personne de sexe masculin considérée par rapport aux enfants du même père et/ou de la même mère, frère ; adepte du christianisme, chrétien ; religieux d’un ordre monastique chrétien, moine »6. Les issues romanes de protorom. */'ɸratr-e/ ont été subdivisées ci-dessus en distinguant deux types formels, */'ɸratr-e/ (I.) et */'ɸrat-e/ (II.), et deux types sémantiques : « frère » (I.1. et II.1.) et « chrètien ; moine » (I.2. et II.2.)7. Au plan géolinguistique, le type I. */'ɸratr-e/ est continué dans une aire compacte assez centrale (sard. dalm. it. frioul. romanch. fr. frpr. occit. gasc. cat. esp.), tandis que le type II. */'ɸrat-e/ est moins présent au centre (istriot. it. frioul. lad.), mais atteint les aires latérales (sard. roum. ast. gal./port.), ce qui
|| 4 La forme de lad. frer (1763, EWD) est douteuse. 5 La date de 1059 enregistrée par DDGM, DELP3 et Houaiss et celle de 1184 avancée par CoDoLGa concernent des attestations latines. 6 Comme le suggèrent DDA2 et Ciorănescu n° 3477, alb. frat s.m. « moine » (MannDictionary) pourrait bien représenter un latinisme, même si VătăşescuAlbaneză 504 considère que lat. frater n’a pas été emprunté par l’albanais. 7 Les valeurs sémantiques « chrétien » et « moine » sont traitées dans une même subdivision en raison de l’usage presque indistinct des continuateurs de */'ɸratr-e/ comme appellation entre les chrétiens en général et entre les moines en particulier.
*/'ɸratr-e/ s.m. | 443
incite à penser qu’à date prélittéraire, il occupait toute la Romania. Cette aréologie invite à assigner les deux types à la strate du protoroman commun, antérieure à l’individuation du sarde, mais elle ne permet pas de déterminer la chronologie relative entre eux. Le type */'ɸrat-e/ se dénonce cependant comme secondaire en reconstruction interne : en effet, contrairement à */'patr-e/ et */'matr-e/, avec lesquels */'ɸratr-e/ forme un micro-paradigme lexical, */'ɸratr-e/ présente deux vibrantes. Dès lors, nous suivons WagnerFonetica 375–376 pour voir dans */'ɸrat-e/ le résultat d’une dissimilation à distance, en application de la formule III. de Grammont (GrammontTraité 282)8. Plusieurs lexèmes que nous identifions comme des cognats permettant de reconstruire le type dissimilé (ci-dessus II.) ont été expliqués comme des héritages du nominatif */'ɸrater/. Pour dacoroum. frate, c’est ainsi le cas de RosettiIstoria 171, tandis que Candrea-Densusianu n° 635 opte pour une convergence du nominatif et de l’accusatif. LausbergSprachwissenschaft 3, § 627 voit de même une survivance du nominatif dans it. frate (pour lequel RohlfsGrammStor 2, § 344 hésite entre un rattachement au nominatif et à l’accusatif) et port. frade. Pour fr. frère, la même hypothèse a été avancée par LaChausséeMorphologie 33 (mais dans LaChausséePhonétique 198, cet auteur part de l’accusatif) ainsi que par Merk,RLiR 47, 335–351, dont l’analyse a toutefois été réfutée de façon convaincante par Spence,RLiR 48, 311–322. En tout état de cause, l’hypthèse d’un héritage du nominatif */'ɸrater/ doit être écartée si l’on considère, comme c’est notre cas, que les données sous II. ont une origine commune. En effet, si les deux hypothèses en lice sont en mesure d’expliquer la majorité des lexèmes en question (cf. TappoletVerwandtschaftsnamen 519), sard. frate ne peut remonter qu’à */'ɸrat-e/ : */'ɸrater/ aurait abouti à sard. *frater(e) (cf. WagnerFonetica 322 ; LausbergLinguistica 1, § 561 ; REW3 s.v. pĭper). Au plan sémantique, le sens « frère » (I.1. et II.1.) est commun, du moins au Moyen Âge, à toutes les branches romanes à part le galégo-portugais. Dans ce sens, les issues de protorom. */'ɸratr-e/ ~ */'ɸrat-e/ sont toutefois très fortement concurrencées, dans les idiomes de la péninsule ibérique, par les représentants de protorom. */ɡer'man-u/. En italien, elles ont fini par été évincées par celle de protorom. */ɸra't-ɛll-u/. Pour ce qui est de l’aire occupée par le double sens « chrétien ; moine » (I.2. et II.2. : dacoroum. istriot. it. frioul. ro|| 8 MeyerLübkeGLR 1, § 585 attribue à tort cette dissimilation de façon idioromane au seul italien (la formulation de DELI2, “lat. frātre[m] ʿfratelloʾ [d’orig. indeur.], con caduta per dissimilazione della seconda -r-”, tolère les deux interprétations). 9 Les issues francoprovençales du nominatif et de l’accusatif ont régulièrement abouti au même résultat, les distinctions étant le résultat d’analogies (HafnerGrundzüge 132, 136 ; JensenProvençal 44–45, 91–92 ; cf. BuridantGrammaire 64–65).
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manch. fr. frpr. occit. gasc. cat. esp. ast. gal./port.), elle exclut le sarde, de sorte que ce sémantisme ne peut être reconstruit que pour une époque postérieure à la séparation du protoroman continental et du protosarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256). Dans les idiomes de la péninsule Ibérique et en italien, seul le sens chrétien s’est maintenu jusqu’à l’époque contemporaine. En frioulan, les issues des deux types se sont spécialisées sémantiquement (cf. TappoletVerwandtschaftsnamen 51, 54). Le corrélat du latin écrit du type I., frater, -tris s.m., est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 6, 1253), tandis que celui du type II., frate s.m., n’est attesté qu’en latin tardif (dp. 361 [frates pl.], CIL 8, 21766 ; cf. DES ; DELI2). La bisémie de protorom. */'ɸratr-e/ ~ */'ɸrat-e/ trouve de même sa correspondance dans les données du latin écrit, le corrélat frater présentant les sens correspondant aux deux types sémantiques reconstruits : « frère » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 6, 1253) et, seulement en latin chrétien, « chrétien » (dp. Minucius Felix [fin 2e s.], GrafFrater 24) et « moine » (dp. 383, TLL 6, 1257 ; cf. GrafFrater 27–28). En outre, la chronologie relative entre les types I. et II. dégagée ci-dessus trouve une confirmation en diachronie profonde, lat. frater étant hérité de proto-ind.-eur. *bhréh2-tr-, lexème contenant le suffixe *-t(e)r(IEEDLatin). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 226, 301, 494 ; 2, § 363, 364 ; 3, § 160 ; TappoletVerwandtschaftsnamen 50–61 ; REW3 s.v. frater ; von Wartburg 1934 in FEW 3, 763b-768a, FRATER ; Ernout/Meillet4 s.v. frāter ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173, 174, 175 ; 2, § 337, 419, 561 ; 3, § 626, 627, 632, 634 ; HallPhonology 99, 103 ; SalaVocabularul 598 ; DOLR 4 (1994), 25 ; StefenelliSchicksal 44, 240– 241 ; MihăescuRomanité 272, 305. Signatures. – Rédaction : Alina BURSUC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Cristina FLORESCU ; August KOVAČEC. Italoromania : Maria ILIESCU ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; David Paul GERARDS ; Xavier GOUVERT ; Günter HOLTUS ; Yusuke KANAZAWA ; Gilles PETREQUIN ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Nikola VULETIĆ. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 07/05/2014. Version actuelle : 30/08/2014.
*/'ɸuɡ-e-/ v.intr./tr. | 445
*/'ɸuɡ-e-/ v.intr./tr. « partir en toute hâte pour échapper à une menace ; chercher à éviter (qch. ou qn) » I. Flexion en */'-e-/ */'ɸuɡ-e-re/ > sard. ˹fúgere˺ v.intr./tr. « partir en toute hâte pour échapper à une menace, fuir ; chercher à éviter (qch. ou qn), fuir » (dp. fin 16e s. [fúere], DES [Bitti] ; Spano1 [logoud. fuere] ; PittauDizionario 2 ; CasuVocabolario ; EspaLogudorese)1, itsept./itcentr. ˹fuggere˺ intr. (dp. ca 1243, TLIOCorpus [itsept. itcentr.] ; Merlo,RIL 83, 143 ; Faré n° 3550 ; Boerio ; AIS 1674* p 205, 216 [lomb. [˹fytʃ fytʃ˺] ! « fuis, fuis ! »]), sic. s-fùiri intr./tr. (Faré n° 3550 ; VS), SRfrpr. fuirè (Godat in GPSR 7, 1097)2, gasc. hùje intr. (dp. 1203 [ms. 1345 ; fuger], DAG n° 1616 ; RohlfsGascon2 212 ; Bec,VD 10, 47 ; CorominesAran 512 [húge]), cat. nordorient. fúger (dp. fin 13e s., DCVB ; DECat 4, 220–223)3.
II. Flexion en */-'i-/ */ɸu'ɡ-i-re/ > sard. fuíre/fuíri v.intr./tr. « fuir » (dp. apr. 1180 [fugivit v.tr. prét. 3], BlascoCrestomazia 1, 150 ; Spano1 ; DES ; PittauDizionario 2 ; CasuVocabolario), dacoroum. fugi intr. (dp. 1559/1560 [fugiţi imp. 5], Cod. Brat. 397 ; DA ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 665 ; Cioranescu n° 3507 ; MDA ; ALR SN 1428, 2100, 2153), istroroum. fují (MaiorescuIstria 124 ; PuşcariuIstroromâne 3, 113 [fuzí/fuží] ; SârbuIstroromân 213 ; FrăţilăIstroromân 1, 172–173 ; ALR SN 2100), méglénoroum. fuziri (CapidanDicţionar ; Candrea,GrS 3, 396 ; AtanasovMeglenoromâna 233, 239 ; ALR SN 2100), aroum. fug (dp. 1770 [φούγκου], KavalliotisProtopeiria n° 0351 ; Pascu 1, 88–89 [fudzire] ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 2100)4, it. fuggire intr./tr. (dp. 13e s., DELI2 ; Merlo,AUTosc 44, 50 ; Merlo,RIL 83, 143), itsept. ˹fügì˺ intr. (Michael 52 ; Azaretti,StudiLiguriaProvenza 99 ; Bonazzi), frioul. fuî intr. (PironaN2 ; GDBTF ; ASLEF 36 n° 230, 37 n° 232 p || 1 Contrairement à des verbes comme ['bennere] < */'βɛn-i-/, qui ont connu un métaplasme de conjugaison dans toutes les variétés diatopiques du sarde, l’aréologie de ce type (nuorais et logoudorien) le dénonce comme héréditaire (cf. Wagner,ID 14, 136 pour des cas similaires). 2 Godat in GPSR 7, 1100 hésite entre un lexème héréditaire, une formation analogique et un emprunt. 3 Le catalan connaît des métaplasmes -ir > -er récents, mais fúger est attesté trop anciennement pour pouvoir être expliqué de cette manière (cf. DCECH 3, 423 ; DECat 4, 220–223). 4 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent.
446 | 1. Articles 2a, 942 n° 4542 p 2a)5, romanch. fügir/fugir intr./tr. (dp. 1560 [fügitten v.intr. prét. 6], GartnerBifrun 36 = FerminBifrun 38 ; Decurtins in DRG 6, 669–671 ; HWBRätoromanisch)6, fr. fuir (dp. ca 900 [fuiet subj. prés. 3], HenryChrestomathie 3 ; Gdf ; TL ; TLF ; AND1 ; ALF 336 ; ALFSuppl 90)7, frpr. fuir (dp. 1ère m. 13e s., SommeCode 13 ; FEW 3, 836b ; DuraffourGlossaire n° 4079 ; GPSR 7, 1097– 1100)8, occit. fugir (dp. ca 1060, SFoiHA 1, 288 ; Raynouard ; Mistral ; Levy ; AppelChrestomathie ; Pansier 3), gasc. fuji intr. (dp. ca 1330 [ms. 1410], DAG n° 1616 ; FEW 3, 836b), cat. fugir intr./tr. (dp. 1283, MollSuplement n° 1567 ; DCVB ; DECat 4, 220–223), esp. huir (dp. 1054 [fuxieron], DCECH 3, 422–423 ; DME ; NTLE ; Kasten/Nitti), ast. fuxir (dp. 13e s. [fuge prés. 3], DELlAMs [afuxir] ; AriasGramática § 4.4.4.3. ; DGLA), gal. fuxir/port. fugir (dp. 1209 [fugir subj. fut. 3], DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)9. Commentaire. – À l’exception du dalmate et du ladin (cf. n. 5), toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type morphologique évolué, protorom. */'ɸuɡ-e-/ v.intr./tr. « partir en toute hâte pour échapper à une menace, fuir ; chercher à éviter (qch. ou qn), fuir »10.
|| 5 Lad. fugì est emprunté à l’italien : le continuateur de */ɸu'ɡ-i-re/ présenterait la forme *fu(j)ì (cf. Kramer/Kowallik in EWD). 6 La voyelle initiale des cognats romanches (engad. /y-/ ~ surs. /u-/) pose un problème de reconstruction : on attendrait soit engad./surs. /u-/ < */ʊ-/ (LausbergLinguistica 1, § 253 ; EichenhoferLautlehre § 267a), soit engad. /y-/ ~ surs. /i-/ < */u-/ (LausbergLinguistica 1, § 253 ; EichenhoferLautlehre § 268b). Toutefois, des parallèles engad. /y-/ ~ surs. /u-/ < */u-/ existent : engad. müstaila/surs. musteila < */mus'tel-a/ (EichenhoferLautlehre § 268), engad. süar/surs. suar < */'sud-a-/ (EichenhoferLautlehre § 268a). La comparaison romane incite ainsi à rattacher engad. fügir et surs. fugir à */ɸu'g-i-re/ et à renoncer à l’analyse de Decurtins in DRG 6, 671 : “Die Zweiteilung : engad. fügir [...] und surmeir.-surselv. fugir erklärt sich aus innersprachlichen Gründen. Beide Formen, und das ganze morphologische System, gehen auf -Ŭzurück, welches in E[ngadinisch] unter Einwirkung der nachfolgenden Palatalaffrikate + i palatalisiert wurde”. 7 FouchéPhonétique 2, 407, DCECH 3, 423 et DECat 4, 220–223 analysent fr. fuir comme issu secondairement, sous l’influence analogique des formes de l’indicatif présent, de fr. ˹fouir˺ « id. » (déb. 13e-17e s., FEW 3, 836b), lequel représenterait régulièrement le type I. En raison de l’antériorité nette de fuir (ca 900) par rapport à fouir (déb. 13e s.) et de la rareté des attestations de ce dernier, il nous semble toutefois plus économique de considérer fuir comme régulièrement issu du type II. (cf. BourciezPhonétique § 199). 8 Godat in GPSR 7, 1100 hésite entre un lexème héréditaire et un emprunt. 9 L’attestation de 1124 citée par DELP3 provient d’un texte latin. 10 La méthode comparative incite en effet à poser, à partir d’itcentr. /u/ ~ itsept. /y/ ~ fr. /y/ ~ esp. /u/ etc., un étymon comportant la voyelle (accentuée ou initiale) */u/ (cf. MeyerLübkeGLR
*/'ɸuɡ-e-/ v.intr./tr. | 447
Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les deux classes de flexion dont elles relèvent : conjugaison en */'-e-/ (inf. */'ɸuɡ-e-re/) et conjugaison en */-'i-/ (inf. */ɸu'ɡ-i-re/)11. Le premier type morphologique (ci-dessus I.), minoritaire, a été répertorié, toujours en concurrence avec un représentant du second type, en italien septentrional et central, dans des dialectes sardes archaïques, en francoprovençal, en gascon ainsi que dans quelques zones du domaine catalan12. Le type morphologique */-'i-/ (ci-dessus II.) englobe au contraire l’ensemble de l’espace couvert par le lexème */'ɸuɡ-/. Cette répartition spatiale montre que I. est un type morphologiquement récessif et qu’il constitue par conséquent la strate la plus ancienne, tandis que le type morphologique II., aréologiquement extensif, relève d’une innovation protoromane plus récente13. Le même changement de classe flexionnelle de la conjugaison en */'-e-/ à celle en */-'i-/ s’observe assez fréquemment, y compris à large échelle, par exemple pour */'mɔr-e-/ > */'mɔr-i-/ v.intr. « mourir » (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119). Les données du latin écrit confirment la chronologie postulée. Le corrélat fugere v.intr./tr. « id. » du type flexionnel I. est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* 254 - † 184], TLL 6/1, 1476). Quant au second type flexionnel, son corrélat (fugire) n’est attesté qu’à partir de Julius Firmicus Maternus (343/350, TLL 6/1, 1475)14. Du point de vue diasystémique (ʿlatin globalʾ), deux particularités sont à signaler. D’une part, la confrontation de l’étymon reconstruit, qui comporte */u/ || 1, § 46–47, 351 ; LausbergLinguistica 1, § 164, 253), et non pas */ʊ/ comme le laissent penser les étymons en proposés par le REW3 et le FEW. Du coup, il est inutile de postuler, comme le fait MeyerLübkeGLR 1, § 147, une influence des formes du parfait pour expliquer le vocalisme d’it. fugge, fr. fuit et esp. huye. 11 L’analyse du REW3 (qui classe toutes les données romanes sous 2. fŭgīre) et du FEW 3, 839a (“FUGIRE [...], das allein weiterlebt, und zwar in allen rom. sprachen”) est à corriger sur ce point. 12 Le gérondif dacoroum. fugând (forme secondaire à côté de fugind) pourrait de même se rattacher au type flexionnel I. */'ɸuɡ-e-/ (hypothèse de Tiktin3), à moins qu’il ne se rattache à */ɸu'ɡ-a-/ (hypothèse de Meyer-Lübke in REW3 s.v. fŭgāre). 13 Ce changement de conjugaison a été facilité par les formes en /-i-/ communes aux deux paradigmes : “[à] l’époque classique, un verbe comme fodiō et un verbe comme dormiō ne se distinguaient, au présent de l’indicatif, que par la quantité de l’-i- à la 2e personne du singulier et à la 1ère et à la 2e du pluriel. Ils ne se distinguaient pas du tout à l’imparfait de l’indicatif, au futur, au présent, au gérondif, au participe futur passif. Cela pouvait fournir une base analogique suffisante pour refaire le passé et le supin” (Graur,BSL 40 ; cf. aussi LausbergLinguistica 2, § 926). 14 Nous n’avons pas retrouvé l’attestation du 3e siècle à laquelle fait allusion FEW 3, 839a (TLL 6/1, 1475 cite une attestation de la Vetus latina ; elle ne nous semble pas datable plus précisément qu’entre le 2e et le 4e siècles).
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(cf. n. 7), avec les données du latin écrit, qui postulent */u/ > **/ʊ/, incite à analyser */u/ comme issu par analogie des formes du parfait, pour lesquelles le latin écrit postule */uː/ > */u/. D’autre part, du point de vue morphologique, le type */ɸu'ɡ-i-/ se dénonce comme une variante sans doute diaphasiquement et/ou diastratiquement marquée, qui n’a eu que tardivement accès au code écrit. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 30–31, 118–119, 147, 306–307, 313, 353, 405, 408, 438, 455 ; REW3 s.v. fŭgĕre/fŭgīre ; Ernout/Meillet4 s.v. fugiō ; von Wartburg 1934 in FEW 3, 836b-839b, FUGERE ; LausbergLinguistica 1, § 167–168, 183, 302, 307, 392–395 ; 2, § 926 ; Faré n° 3550 ; HallPhonology 75 ; SalaVocabularul 539 ; StefenelliSchicksal 109 n. 24, 117–118, 139–140 n. 104, 242 ; MihăescuRomanité 224. Signatures. – Rédaction : Adèle JATTEAU. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU ; August KOVAČEC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Francesco CRIFÒ ; Simone PISANO ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Pascale BAUDINOT ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Christelle GODAT ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Aude-Claire LUCAIRE ; Stella MEDORI ; Michela RUSSO. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 03/02/2012. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'iak-e-/ v.intr. « être étendu de manière plus ou moins horizontale ; être situé dans un lieu déterminé » */ia'k-e-re/ > sard. yakere v.intr. « être étendu de manière plus ou moins horizontale, être couché ; être situé dans un lieu déterminé, se trouver » (dp. 1180, DES [encore logoud. ğakkíre « être alité »] ; CasuVocabolario s.v. giacchìre), dacoroum. zăcea (dp. 1500/1510 [date du ms. ; dzăcea-veţi fut. 5], Psalt. Hur.2 138 ; Tiktin3 ; EWRS s.v. zac ; DLR ; Ciorănescu n° 9393 ; MDA ; ALR II/I 109)1,
|| 1 Les initiales /z/ ~ /dz/ à la place de /Ʒ/ des cognats roumains s’expliquent par une dissimilation avec la consonne palatale de la syllabe suivante (LausbergSprachwissenschaft 2, § 331).
*/'iak-e-/ v.intr. | 449
istroroum. zăčå (MaiorescuIstria 129 [a jăcè] ; Byhan,JIRS 6, 387 s.v. żatŝǫ ; PuşcariuIstroromâne 3, 141, 330 [zaţå] ; KovačecRječnik 219 [začå, zaţå] ; SârbuIstroromân 300 ; ScărlătoiuIstroromânii 304 ; ALR II/I 1091), méglénoroum. ˹zạţęrị˺ (Candrea,GrS 7, 228 ; CapidanDicţionar s.v. zac ; AtanasovMeglenoromâna 88, 103, 228, 284 ; ALR II/I 1091), aroum. dzac (dp. 1770 [ντζάκου], KavalliotisProtopeiria n° 0877 ; Pascu 1, 81 s.v. dziţeare ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR II/I 1091)2, istriot. ʃâʃi (Crevatin,ACStDialIt 12, 202)3, it. giacere (dp. 2e m. 12e s. [amarch. iaci’ impf. 3], TLIOCorpus ; SalvioniPostille ; Faré n° 4562 ; DELI2 ; GDLI), gherd. jajëi « avoir sommeil » (dp. 1879, GartnerGredner 119 = DEAF G 581), romanch. giaschair/scher « être couché ; se trouver » (dp. 1560 [giescha prés. 3], GartnerBifrun 626 ; Giger in DRG 7, 180–193 ; HWBRätoromanisch), fr. gésir (dp. ca 1000 [joth prét. 3], DEAF G 588 ; FEW 5, 1a [encore wall. pic. hbret. lorr.] ; Gdf ; GdfC ; TL s.v. jesir ; TLF ; ANDEl ; ALF 329, 1519 ; cf. NyropGrammaire 1, 59)4, frpr. gisir (dp. 1220/1230 [geit prés. 3], ProsalegStimm 49 ; HafnerGrundzüge 70 ; Fluckiger in GPSR 8, 301–303 ; FEW 5, 1a [encore SRfrpr. aost.] ; ALF 329, 1519), occit. jazer (dp. ca 1060 [jazon prés. 6], SFoiHA 1, 254 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 8 ; FEW 5, 1a ; Pansier 3), agasc. ˹jazer˺ (1239 (?) [yazen prés. 6] – 1289, DAG n° 1621, 1583), acat. ˹jaser˺ (1251 – fin 14e s. [jagut part. p.], DECat 4, 887–890 s.v. jeure ; MollSuplement n° 1861 ; DCVB s.v. jeure)5, esp. yacer (dp. 1140 [yazer], Kasten/Cody ; DCECH 6, 10–11 ; DEM ; NTLE ; Kasten/Nitti), aast. ˹jazer˺ (1239 (?) [yazen prés. 6] – 1501, DELlAMs), gal. xacer/port. jazer (dp. 1170/1220, TMILG ; DDGM ; DdD ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2 ; cf. WilliamsPortuguese § 188 ; HuberGramática § 132, 1 ; § 151, 5 ; § 208, 1 ; § 378, 12 ; § 388). Commentaire. – À l’exception du végliote et du frioulan, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'iak-e-/
|| 2 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. Cette dernière ne permet pas d’attribuer le cognat à un type flexionnel donné, mais l’infinitif dziţeare (cf. l’entrée de Pascu citée ci-dessus) témoigne de l’appartenance du verbe à la flexion en */-'e-/. 3 L’issue istriote manifeste un passage à la flexion en */'-e-/. 4 En français moderne et contemporain, gésir est considéré comme vieilli (FEW 5, 1a) et littéraire (TLF). Par ailleurs, dans les quatre idiomes de la Galloromania, les issues héréditaires ont été largement concurrencées, voire évincées, par des formes refaites sur les issues de */'plak-e-/ : fr. frpr. occit. jaire, gasc. jàse (tous FEW 5, 1a). 5 Cette issue régulière a été évincée par cat. jaure (dp. 1304, DECat 4, 887), puis jeure (dp. 19e s., cf. BadiaGramàticaHistòrica § 146, 153, 299).
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v.intr. (flexion en */-'e-/) « être étendu de manière plus ou moins horizontale, être couché ; être situé dans un lieu déterminé, se trouver ». Le corrélat du latin écrit, iacere v.intr., est connu durant toute l’Antiquité dans les deux sens reconstruits : « être couché » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 7/1, 5 ; cf. aussi IEEDLatin s.v. iaciō [Derivatives : [...] iacēre ’to lie’]) et « se trouver » (dp. Varron [* 116 – † 27], OLD). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 70, 83, 105, 407, 433, 441 ; REW3 s.v. jacēre ; von Wartburg 1948 in FEW 5, 1a-5a, JACERE ; Ernout/Meillet4 s.v. iaceŭ ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 168–170 ; 2, § 329–333, 386–391 ; HallPhonology 57 ; SalaVocabularul 543 ; StefenelliSchicksal 244 ; MihăescuRomanité 222 ; Baldinger 1995 in DEAF G 581–653 ; StengaardStare 24–59 ; SpalingerJacere. Signatures. – Rédaction : Paul VIDESOTT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Cristina FLORESCU ; August KOVAČEC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Maria ILIESCU. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Victor CELAC ; Günter HOLTUS ; Julia MALOLEPSZY ; Bianca MERTENS ; Florin-Teodor OLARIU ; Amélie SCHNEIDER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/08/2014. Version actuelle : 21/08/2014.
*/ɪm-'prεst-a-/ v.ditr. « mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé » I. Sens originel : « prêter » */ɪm-pres't-a-re/ > sard. imprestare/imprestai v.ditr. « mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé, prêter » (dp. 11e/12e s. [inprestait prét. 3], CSPSDelogu 100 ; DES s.v. prestare ; PittauDizionario 1 ; EspaLogudorese ; CasuVocabolario ; AIS 277 p 916, 922, 938, 947, 949, 954, 955, 963, 967, 990)1, 2,
|| 1 Nous rejetons l’interprétation de Wagner in DES, qui considère sard. imprestare/imprestai comme un italianisme : son caractère héréditaire (ainsi que celui de prestare/prestai, cf.
*/ɪm-'prεst-a-/ v.ditr. | 451
istriot. inprastà (PellizzerRovigno ; DallaZoncaDignanese ; AIS 277 p 397–398), it. imprestare (dp. 1245 [atosc. ’nprestamo prét. 4], TLIOCorpus ; GDLI ; AIS 277), frioul. imprestâ (PironaN2 ; GDBTF ; DOF ; AIS 277 p 326–329, 337–338), lad. imprestè (dp. 1763, Kramer/Fiacre in EWD ; ALD-I 633 ; AIS 277), romanch. imprastar (dp. 1658, Giger in DRG 8, 361–364 ; AIS 277), cat. emprestar (dp. 1404, DCVB ; DECat 6, 802), esp. emprestar (dp. 1140, Kasten/Cody ; DCECH 4, 646), ast. emprestar (dp. 1244 [enpreste prét. 3], AriasPropuestes 4, 374 ; DGLA ; DALlA), gal./port. emprestar (dp. 1188/1230 [aver enprestado inf. p.], DDGM ; DRAG2 ; DELP3).
II. Sens secondaire : « emprunter » */ɪm-pres't-a-re/ > oïl. ˹emprêter˺ v.ditr. « obtenir (qch.) (de qn) pour un temps déterminé, emprunter » (dp. 1397 [afrcomt. emprester], FEW 4, 607ab [wall. pic. ang. saint. orl. centr. bourg. lorr. frcomt.])3, prov. emprestá (FEW 4, 607b [Beuil])4. Commentaire. – À l’exception du roumain et du dalmate, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un sens secondaire, protorom. */ɪm-'prεst-a-/ v.ditr. « mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé, prêter », dérivé en */ɪn-/ (préfixe employé pour renforcer et rendre plus expressif le sens du verbe simple, cf. HallMorphology 156–157) de */'prεst-a-/5. On a observé un classement sémantique des matériaux, qui oppose le sémème « prêter » (ci-dessus I.) au sémème « emprunter » (ci-dessus II.). Le type I., majoritairement répandu, couvre à la fois le domaine sarde et une partie de la Romania continentale, ce qui le dénonce comme originel, tandis que le type II., || */'prεst-a-/) est assuré par sa diffusion large et ancienne, par l’absence de types lexicaux concurrents et par la régularité de l’évolution phonétique (observée aussi par Wagner in DES). 2 Dalm. inprestuor v.tr. « prêter » (BartoliDalmatico 255, 312) est très probablement à considérer comme un emprunt à l’italien. 3 Le gallicisme bret. amprestañ « emprunter » (dp. 1499, Deshayes) témoigne de la diffusion anciennement plus large de ce type. 4 La seule attestation contemporaine (Beuil) est isolée dans les Alpes-Maritimes, mais elle est appuyée par le dérivé aoccit. emprest s.m. « emprunt » (1508, FEW 4, 607b). 5 Kramer/Fiacre in EWD expliquent la formation du verbe par un phénomène de resegmentation à partir de la locution latine in praestitum dare « prêter ». Cette interprétation ne s’impose pas comme nécessaire, l’origine du verbe pouvant s’expliquer à l’intérieur de la morphologie dérivationnelle protoromane.
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limité à des dialectes oïliques et occitan, ne peut pas être projeté à l’époque protoromane : le sens « emprunter » est clairement secondaire, et selon toute probabilité idioroman. Nous suivons von Wartburg in FEW 4, 607b-608a pour considérer que ce changement de sens est dû à l’influence paronymique des issues de protorom. */ɪm'prumut-a-/, partiellement synonymes avec celles de */'prεst-a-/ et de */ɪm-'prεst-a-/. Dans les parlers de la Gaule, la proximité phonétique qui a fini par caractériser les issues de */ɪm-'prεst-a-/ et de */ɪm'prumut-a-/ aura déterminé la marginalisation de */ɪm-'prεst-a-/, réduit à de rares continuateurs dialectaux, au profit des issues de */'prεst-a-/, qui se sont fortement spécialisées dans le sens « prêter » en s’opposant aux issues de */ɪm'prumut-a-/, qui ont fini par n’exprimer que le sens « emprunter ». En revanche, nous ne suivons pas von Wartburg (in FEW 4, 607b-608a ; 9, 316a) pour expliquer l’origine même de ce verbe comme le résultat d’un croisement entre */'prεst-a-/ et */ɪm'prumut-a-/ : la large distribution observable pour le type I. amène à le considérer comme héréditaire. Dans le reste des branches romanes ayant hérité du protolexème, on observe par ailleurs une synonymie entre les issues de */ɪm-'prεst-a-/ et celles de sa base dérivationnelle */'prεst-a-/. La large aire géographique concernée par cette coexistence incite à la considérer comme très ancienne. Dans la majeure partie des parlers, les deux unités lexicales se trouvent en rapport d’équivalence, mais les continuateurs du préfixé */ɪm-'prεst-a-/ ont connu parfois plus de vitalité au niveau oral : en particulier, c’est le cas du ladin et de l’asturien, où les issues de */'prεst-a-/ ont été reduites à une position marginale dans le sens « prêter » (cf. Kramer/Fiacre in EWD ; AIS 277 p 311, 313 ; DGLA ; DALlA). De la même manière, le frioulan et l’ensemble des dialectes italoromans montrent une certaine préférence pour le préfixé (cf. AIS 277). Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de protorom. */ɪm-'prεst-a-/ : du point de vue diasystémique (‛latin global’), ce verbe est donc à considérer comme un oralisme qui n’a eu aucun accès à la variété écrite. Pour un complément d’information, cf. */ɪm'prumut-a-/, */'kred-e-/ et */'prεst-a-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 225, 352, 355, 375, 405, 468, 485 ; 2, § 117– 118, 537, 607 ; von Wartburg 1951 in FEW 4, 607a-608a, IMPROMUTUARE 2 a ; LausbergLinguistica 1, § 174, 253, 337, 415, 424 ; 2, § 787. Signatures. – Rédaction : Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Maria ILIESCU ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Simone PISANO ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana
*/ɪm'prumut-a-/ v.ditr. | 453
BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Steven N. DWORKIN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Francesca DE BLASI ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Ulrike HEIDEMEIER ; Piera MOLINELLI ; Michela RUSSO. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 27/05/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/ɪm'prumut-a-/ v.ditr. « obtenir (qch.) (de qn) pour un temps déterminé ; mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé » */ɪmprumu't-a-re/ > dacoroum. împrumuta v.ditr. « obtenir (qch.) (de qn) pour un temps déterminé, emprunter ; mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé, prêter » (dp. 1500/1510 [împrumuteadză prés. 3], Psalt. Hur.2 118 ; DA/DLR ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 827 ; Cioranescu n° 4351 ; MDA ; ALR SN 16 p 192, 219), aroum. mprumút (Pascu 1, 120 ; DDA2 ; BaraAroumain)1, piém./lomb. ˹imprümüdar˺ (dp. 1300/1310 [alomb. imprumuda prés. 3], TLIOCorpus ; BellettiBestiarioErbario 79, 247)2, 3, romanch. impermidar (dp. 1848, Giger in DRG 8, 305)4, fr. emprunter (dp. 1125/1150 [« prêter »], TLF ; Gdf ; GdfC ; || 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. Cette dernière, de même que son cognat dacoroumain (împrumut), présupposent un déplacement d’accent qui, étant donné l’isolement du phénomène, ne doit pas remonter au-delà du protoroumain ; son origine pourrait résider dans une analogie avec le continuateur de protorom. */'mut-a-/. 2 Le ligurien a également dû connaître un continuateur de cet étymon, comme en témoigne le dérivé alig. enpremuo s.m. « objet emprunté » (hap. av. 1311, TLIOCorpus = Flechia,AGI 8, 351). 3 It. improntare « emprunter » (dp. 1260 [atosc. ’nprontare], TLIOCorpus ; GDLI) est emprunté à fr. emprunter (cf. DEI ; HopeBorrowing 107 ; CastellaniGrammStor 118 ; CellaGallicismi 440– 441). La vitalité du modèle galloroman dans les parlers italoromans médiévaux se déduit entre autres de la présence du syntagme afr. a emprunt dans un document latin de 1221 rédigé en Calabre (cf. MosinoStoria 1, 165). La chronologie des formes et les évolutions phonétiques observables (la chute de la voyelle intertonique n’étant pas régulière) empêchent aussi de considérer comme héréditaire it. mérid. ˹mpruntari˺/˹mbrontà˺« emprunter ; prêter » (dp. 1302/1337 [asic. inpruntarj], TLIOCorpus ; VDS ; NDC ; VS ; DeGiovanniStoria 62), tandis que camp./cal./sic. mprustà « id. » (NDC ; VS ; AIS 277 p 721, 729, 762, 765, 771, 791, 821) s’explique par un croisement entre les types ˹mpruntari˺ et ˹imprestare˺ (cf. */ɪm-'prεst-a-/). 4 La forme du cognat romanche doit être considérée en parallèle avec les variantes piém./lomb. ˹impremüdà˺, ˹impermüdà˺ « id. » (dp. 1300/1310 [alomb. impremuda prés. 3],
454 | 1. Articles FEW 4, 606ab ; TL ; ANDEl ; ALFSuppl 72)5, frpr. ˹inprontà˺ « emprunter » (dp. 1321 [empromtiet prét. 3], Guigue,R 35, 432 = HafnerGrundzüge 81 ; Liard in GPSR 6, 339–340 ; FEW 4, 606ab ; DuraffourGlossaire n° 3571), occit. enprumtar (dp. 1220/1269, Levy ; FEW 4, 606ab ; Pansier 3), gasc. emprountà (dp. 1528/1529 [enprontet prét. 3], Parfouru,RevG 30, 489 ; FEW 4, 606b ; Palay). Commentaire. – Le roumain, l’italien septentrional, le romanche et les parlers romans de la Gaule présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ɪm'prumut-a-/ v.ditr. « obtenir (qch.) (de qn) pour un temps déterminé, emprunter ; mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé, prêter ». Protorom. */ɪm'prumut-a-/ a été en concurrence avec */'prεst-a-/ et */ɪm-'prεst-a-/, selon des modalités qui ont donné lieu à une situation complexe au sein des idiomes romans. En roumain, qui est la seule branche (à part le dalmate, qui ne connaît pas non plus de continuateur de */ɪm'prumut-a-/) où ces deux concurrents n’ont pas laissé de traces (mais qui a dû les connaître à date prélittéraire, cf. ci-dessous), les issues de */ɪm'prumut-a-/ se sont généralisées dans les sens réciproques inverses « emprunter » et « prêter ». Ces deux valeurs sémantiques sont connues aussi dans les domaines italien et romanche, mais sans exclusive pour « prêter », qui reste aussi attaché aux issues de */'prεst-a-/ et */ɪm-'prεst-a-/. Pour ce qui est des parlers romans de la Gaule, leurs continuateurs de */ɪm'prumut-a-/ ont eu tendance à se spécialiser dans le sens « emprunter » (cf. n. 5), le sens « prêter » ayant été assumé par les issues de protorom. */'prεst-a-/. Cette situation complexe dans les idiomes romans contemporains incite à reconstruire les deux sens opposés « emprunter » et « prêter » pour protorom. */ɪm-'prumut-a-/ et donc à y voir un cas d’énantiosémie. Schiaffini,ID 6, 39–41 propose de considérer la diffusion de protorom. */ɪm'prumut-a-/ comme antérieure à celle de son concurrent */'prεst-a-/, sur la base de l’absence de ce dernier en roumain : */'prεst-a-/ appartiendrait à une couche postérieure à la fin des contacts historiques entre la Dacie et les autres
|| TLIOCorpus ; LSI) : pour expliquer ces développements, il n’est pas nécessaire de supposer des protovariantes */ɪm'permut-a-/ ou */ɪm'premut-a-/, car ils sont probablement le résultat d’un phénomène plus tardif (qui a pu se produire dans différentes zones de la Romania) de confusion entre les préfixes pro-, pre- et per- (cf. Salvioni 4, 167) ou bien de l’influence d’it. permutare « échanger » (dp. 1282, TLIOCorpus ; GDLI). 5 Fr. emprunter ne présente aujourd’hui plus que le sens « emprunter », tandis que la langue ancienne connaissait aussi le sens « prêter », qui ne semble plus être attesté après 1434/1438 (PelCharlF 194 ; FEW 4, 606b), mais survit indirectement dans les emprunts dans les dialectes de l’Italie du Sud (cf. n. 3).
*/ɪm'prumut-a-/ v.ditr. | 455
régions de l’Empire romain. Cette hypothèse n’est toutefois pas compatible avec la coprésence d’un continuateur de */'prεst-a-/ en sarde et dans plusieurs idiomes de la Romania continentale, qui incite à reconstruire ce verbe pour l’époque du protoroman commun. En revanche, l’existence de protorom. */ɪm'prumut-a-/ ne peut pas être affirmée pour une époque aussi ancienne, de sorte que ce verbe est plutôt à analyser comme une innovation postérieure à la diffusion de */'prεst-a-/, qui n’a plus réussi à s’imposer également dans toutes les régions latinophones. La situation actuelle des parlers romans s’interprète donc comme le résultat d’une ancienne coexistence, du moins pendant une certaine période, qui aura abouti à des résultats différenciés selon les différentes zones de la Romania : généralisation de */ɪm'prumut-a-/ (roumain), coexistence de */ɪm'prumut-a-/ et de */'prεst-a-/ avec des spécialisations sémantiques (variétés romanes de la Gaule), marginalisation (parlers italiens et romanche) ou bien disparition totale de */ɪm'prumut-a-/ au profit de ses lexèmes concurrents (dalmate, istriote, variétés romanes de la péninsule Ibérique). Le corrélat du latin écrit, impromutuare v.ditr., n’est connu que depuis les Leges Visigothorum (6e s., TLL 7/1, 695) et seulement dans le sens « prêter »6. La comparaison entre les résultats de la reconstruction et les données du latin écrit fait apparaître une différence frappant la voyelle accentuée (*/'u/ vs. ). Une reconstruction interne sur la base du critère de la directionalité amène à penser que */'o/ représente l’état originel et que */'u/ s’est développé sur la base d’une assimilation régressive à distance qui aura trouvé son origine dans les formes arhizotoniques du verbe (cf. TLF ; mais cf. aussi MeyerLübkeGLR 1, § 386 et FEW 4, 607a)7. Pour un complément d’information, cf. */ɪm-'prεst-a-/, */'kred-e-/ et */'prεst-a-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 45–48, 118, 332, 341–349, 352, 386, 443, 449, 494 ; 2, § 189 ; REW3 s.v. *imprōmŭtŭare ; Ernout/Meillet4 s.v. mūtō ; Mer-
|| 6 Lattard. impromutuare s’analyse comme un dérivé en in- de lat. promutuus adj. « perçu d’avance (argent) », connu depuis César (* 100 – † 44, TLL 7/1, 695 ; 10/2, 1909). Par ailleurs, le type impromutare, qui se rattache mieux à la protoforme reconstruite, est attesté dans un glossaire latin transmis par des manuscrits dont le plus ancien date du 9e siècle (CGL 4, 238). 7 Il n’est pas nécessaire de postuler une base protorom. */'prumut-a-/ pour expliquer les attestations sporadiques de roum. dial. prumuta v.tr. « emprunter » (DA/DLR) et d’oïl. prunter v.tr. « id. » (dp. hap. 13e s. [prompter], FEW 4, 607b) : il s’agira dans les deux cas de rares variantes aphérétiques indépendantes des issues de */ɪm'prumut-a-/ (en outre, au moins le verbe français pourrait résulter de la dynamique d’interférence entre les continuateurs de */ɪm'prumut-a-/, */'prεst-a-/ et */ɪm-'prεst-a-/, cf. FEW 4, 607b).
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lo,RIL 81, 60 ; von Wartburg 1951 in FEW 4, 606a-608a, IMPROMUTUARE ; LausbergLinguistica 1, § 179–182, 184, 253, 284–296, 378, 404, 415, 419–421 ; 2, § 795 ; MihăescuRomanité 283 ; LEIMatériaux. Signatures. – Rédaction : Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Victor CELAC. Italoromania : Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana María CANO GONZÁLEZ ; Steven N. DWORKIN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Francesca DE BLASI ; Yan GREUB ; Ulrike HEIDEMEIER ; Maria ILIESCU. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 27/05/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/ɪn-ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. « (faire) prendre place sur le dos d’un cheval ; être positionné de manière à avoir la jambe gauche d’un côté (de qch.) et la droite de l’autre côté ; s’accoupler (avec une femelle) » I.1. Sens « monter en selle » (emploi intransitif) */ɪn-kaβall-i'k-a-re/ > dacoroum. încăleca v.intr. « prendre place sur le dos d’un cheval, monter en selle » (dp. 1563/1583, DA/DLR ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 213 ; Cioranescu n° 4370 ; MDA), méglénoroum. ăncălicári (Candrea,GrS 3, 179 ; CapidanDicţionar ; Saramandu,FD 29, 97), aroum. ncálic (Pascu 1, 55 ; DDA2 ; BaraAroumain)1, agn. ˹enchevacher˺ « aller à cheval, chevaucher » (mil./fin 14e s. [enchivachant part. prés.] – av. 1382 [s’enchevacha prét. 3 pron.], ANDEl)2, esp. encabalgar (dp. 1732, Autoridades ; DRAE22 [archaïsme]), ast. encabalgar « monter en selle » (dp. 19e s., DELlAMs ; DGLA)3, agal. encabal-
|| 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 2 Afr. enchevaucher v.intr. « chevaucher » (ca 1376/1379, Cromer in DMF2012) est un motfantôme : dans le passage Envye vint suiant Sa soer dame Ire enchivalchant Moult fierement sur un sengler, la lecture en chivalchant « en chevauchant » semble s’imposer. La même chose vaut pour occit. encavalcat « chevauché », que Raynouard attribue à tort à Jaufré : JaufreBre 46 et JaufreB 1, 49 ont cavalcat. 3 Le dérivé ast. encabalgadura s.f. « monture » (dp. 13e s., DELlAMs) constitue un témoignage indirect de l’ancienneté du verbe.
*/ɪn-ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. | 457
gar/port. encavalgar « chevaucher » (dp. 1240 [Achei Sancha Anes encavalgada], TMILG ; DDGM ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
I.2. Sens « faire monter en selle » (emploi transitif direct) */ɪn-kaβall-i'k-a-re/ > dacoroum. încăleca v.tr.dir. « mettre sur le dos d’un cheval, faire monter en selle » (dp. 1766, DA), afr. enchevaucher « fournir un cheval (à qn.), munir (qn) d’un cheval » (déb. – 2e m. 13e s., TL ; Gdf ; FEW 2, 6b), aoccit. encavalcar (av. 1126 [encavalguatz part. p. m.pl.] – 1272, AppelChrestomathie 94 ; Raynouard ; FEW 2, 6b), cat. encavalcar (dp. 2e m. 13e s. [molt bé encavalcat part. p.], CICA ; DCVB), esp. encabalgar (dp. 1487/1488, CORDE ; DRAE22).
II.1. Sens « être à califourchon (sur) » (emploi transitif direct) [> « mettre en bonne position »] */ɪn-kaβall-i'k-a-re/ > sard. inkaḍḍikare v.tr.dir. « être positionné de manière à avoir la jambe gauche d’un côté (de qch.) et la droite de l’autre côté, être à califourchon (sur) » (DES s.v. kaá¸á¸ikare ; PittauDizionario 1 s.v. incaddare), dacoroum. încăleca (dp. 1688, Biblia (1688)3 597 ; DA/DLR ; CADE ; MDA ; DGS ; NALR – O 322 p 940 [drum încălecat loc. nom. n. « carrefour »]), aroum. ncálic (DDA2), it. incavalcare (dp. 1399 [atosc./avén. s’encavalca pron. prés. 3 « se met à califourchon (sur) »], TLIOCorpus ; GDLI ; LEI 9, 67–68)4, occit. ˹encavaucar˺ pron. « se positionner de manière à avoir la jambe gauche d’un côté (de qch.) et la droite de l’autre côté, enjamber » (FEW 2, 6b-7a [viv.-alp. prov. auv.]), cat. encavalcar tr. « superposer » (dp. 1456 [encavalcades part. p. f.pl. « (être) montées (pièces d’une arbalète) »], DCVB)5, aesp. encaualgar (ca 1277 – 1611, Kasten/Cody ; CORDE [« monter (pièce d’artillerie) »]), gal. encabalgar (DRAG2), port. encavalgar « assembler les divers éléments qui (la) constituent (d’une pièce d’artillerie), monter » (1713, Bluteau).
|| 4 L’attestation de ca 1341 citée par GDLI et LEI 9, 67 n’a pas pu être confirmée par TLIOCorpus. 5 En revanche, en raison de son caractère tardif, fr. enchevaucher « disposer (des choses) l’une sur l’autre, superposer » (dp. 1771, FEW 2, 6b) s’analyse plutôt comme un dérivé idioroman sur le représentant français de */ka'βall-ik-a-/ II. 2. à l’aide du préfixe en- à valeur perfective (cf. TLF s.v. en- C. 2.).
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II.2. Sens « s’accoupler (avec une femelle) » (emploi transitif direct) */ɪn-kaβall-i'k-a-re/ > dacoroum. încăleca v.tr.dir. « s’accoupler (avec une femelle), saillir » (dp. 1688, DA/DLR ; CADE ; Cioranescu n° 4370 ; MDA). Commentaire. – À l’exception du dalmate, du frioulan, du ladin, du romanche, du francoprovençal et du gascon, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ɪn-ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. « (faire) prendre place sur le dos d’un cheval, (faire) monter en selle ; être positionné de manière à avoir la jambe gauche d’un côté (de qch.) et la droite de l’autre côté, être à califourchon (sur) ; s’accoupler (avec une femelle), saillir »6, dérivé en */ɪn-/ (préfixe formateur, entre autres, de verbes inchoatifs, cf. Meillet,RPhAnc 21, 84, 89 ; BarbelenetAspect 344–353 ; Lejay,RPhAnc 43, 254, 267– 269 ; Ernout/Meillet4 s.v. in ; MeilletTraité 302–303 ; HallMorphology 156–157 ; cf. aussi RohlfsGrammStor 3, § 1015) de */ka'βall-ik-a-/7. Les données romanes ont été classées selon les sémantismes originels auxquels elles s’attachent et la valence qu’elles présentent : « monter en selle » (intr., ci-dessus I.1.), « faire monter en selle » (tr.dir., ci-dessus I.2.), « être à califourchon (sur) » (tr.dir., ci-dessus II.1.) et « s’accoupler (avec) » (tr.dir., cidessus II.2.). Seuls le roumain et l’asturien maintiennent le sémantisme inchoatif (I.) véhiculé par le préfixe (« monter en selle »), que les autres branches ont neutralisé à date prélittéraire (> « aller à cheval »). Pour ce qui est du sens « faire monter en selle » (I.2.), on le reconstruit d’une part à partir de la donnée roumaine, d’autre part à travers le sens « munir d’un cheval », que connaissent le français, l’occitan, le catalan et l’espagnol, et qui y remonte à travers l’étape « monter (un homme d’armes) sur un cheval, (le) pourvoir d’un cheval ».
|| 6 Nous suivons HaarmannAlbanisch 130, ÇabejStudime 6, 360, VătăşescuAlbaneză 194, 330, 357 et IEEDAlbanian s.v. shklakonem pour considérer alb. ngalkonem v.intr. « monter en selle » (dp. 1555 [engalcomeh fut. 4], ÇabejBuzuku 2, 300 ; GiordanoDizionario ; HaarmannAlbanisch 130 ; ÇabejStudime 6, 360 ; VătăşescuAlbaneză 330, 357 ; IEEDAlbanian s.v. shklakonem), « aller à cheval » (GiordanoDizionario ; HaarmannAlbanisch 130 ; ÇabejStudime 6, 360), tr. « s’accoupler (avec une femelle) » (HaarmannAlbanisch 130 ; ÇabejStudime 6, 360 ; VătăşescuAlbaneză 194, 357 ; BonnetAlbanais 346 [“seul le médio-passif ngalkohet est vivant”]), qui y répond tant du point de vue phonétique que sémantique, comme un emprunt à protorom. */ɪn-ka'βall-ik-a-/ (ou plutôt à un protoroman régional et tardif */ɪn-ka'βalk-a-/, cf. ÇabejStudime 6, 360), malgré BonnetAlbanais 346, qui y voit plutôt un emprunt au roumain ou un croisement entre alb. ngarkohet « être enceinte » < « être chargée » (< */ɪn-'karr-ik-a-/) et kalë « cheval », hypothèse inutilement compliquée. 7 En raison du parallélisme structurel avec */dɪs-ka'βall-ik-a-/, cette hypothèse nous semble plus probable que celle d’une formation sur */ka'βall-u/.
*/ɪn-ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. | 459
L’évolution générale de I.1. à II.1. est donc celle d’une action non factitive à une action factitive (cf. le sens parallèle « faire descendre (qn) de cheval » sous */dɪs-ka'βall-ik-a-/ I.2.), puis de cette action à son résultat, le point d’arrivée étant constitué par une réanalyse en des “parasintétiques munitifs” (verbes dont le sens est « munir (qn) (de qch.) », cf. RonjatGrammaire 3, 448 ; cf. aussi NyropGrammaire 3, 223 et AlvarMorfología 351). Les matériaux ici réunis sont en général analysés comme des dérivés idioromans (post-protoromans) à l’aide du continuateur du préfixe */ɪn-/, soit sur la base de l’issue de protorom. */ka'βall-ik-a-/ (REW3 s.v. cabăllĭcāre ; DES ; PittauDizionario 1 ; Tiktin3 ; EWRS ; Cioranescu n° 4370 ; DA/DLR ; RaevskijDikcionar ; LEI 9, 67–68 ; FEW 2, 6b-7a ; DCVB ; DECat ;DCECH ; Kasten/Cody ; Houaiss), soit sur celui de protorom. */ka'βall-u/ (DELP3). Il est vrai que des formations idioromanes de type préfixe + verbe seraient théoriquement possibles, mais des arguments de nature comparative et phylogénétique, sémantique et morphologique militent en faveur d’une dérivation protoromane (et donc d’un héritage roman). D’abord, le lexème se retrouve dans les trois grands ensembles génétiques de la Romania : en sarde, en roumain et dans plusieurs idiomes appartenant à la Romania italo-occidentale. Puis on constate un parallélisme sémantique entre */ka'βall-ik-a-/ et */ɪn-ka'βall-ik-a-/, qui présentent tous les deux les sémèmes secondaires « être à califourchon » et « s’accoupler », qui reposent sur des métaphores non triviales et dont le développement semble donc difficile à justifier de façon indépendante8. En outre, l’hypothèse de créations idioromanes en préfixe + verbe ne tient pas compte du fait que le roumain, qui n’a pas maintenu de représentant de */ka'βall-ik-a-/, connaît un lexème présentant le même trisémisme que ce dernier. Enfin, elle achoppe sur une difficulté morphologique : si le continuateur de */ɪn-/ peut en effet servir à former des préfixés sur base verbale en italien, en occitan, en français et en galégoportugais (RohlfsGrammStor 3, § 1015 ; RonjatGrammaire 3, 447 ; NyropGrammaire 3, 223 ; FerreiroGramática 2, 81–82 ; CoutinhoGramática § 325), il n’est guère productif sur base verbale en roumain9 et pas du tout en espagnol (cf.
|| 8 La Database of semantic shifts in the languages of the world, qui exploite les données de plus de 300 langues, répertorie le développement « aller à cheval » > « s’accoupler (avec) » dans trois langues non romanes : deux langues sémitiques (akkadien et tigrigna) et une langue germanique (islandais), mais pas le développement « aller à cheval » > « être à califourchon » (DatSemShifts s.v. to ride). 9 Contrairement à protorom. */ɪn-/, productif tant sur base nominale que verbale, roum. înforme très majoritairement des dénominaux (Şuteu,SMFC 2, 61) : sur 1141 lexèmes présentant en synchronie le préfixe în-, seuls sept pourraient être des déverbaux de création roumaine (Şuteu,SMFC 2, 44 ; cf. aussi MironKreativität 83, qui cite seulement un hapax chez Cantemir
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AlvarMorfología 351). Quant à l’hypothèse de formations idioromanes de type préfixe + nom, elle est irrecevable pour des raisons phonétiques : la séquence [ɛk-] de dacoroum. încăleca et ses correspondants dans les autres cognats resterait inexpliquée10. Pour cet ensemble de raisons, qui s’appuie sur une comparaison romane (ce qui n’est que rarement le cas dans les approches débouchant sur une hypothèse idioromane), nous suivons Candrea-Densusianu n° 21311, Pascu 1, 55 (“IN-CABALLICARE”), DDA212, BaraAroumain (“incaballicare”) et García Arias in DELlAMs (qui hésite entre les deux analyses)13 pour y voir des lexèmes héréditaires remontant à un dérivé créé en protoroman. Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de protorom. */ɪn-ka'βall-ik-a-/. Du point de vue diasystémique (‛latin global’), ce verbe est donc à considérer comme un particularisme (oralisme) de la variété B (basse) qui n’a eu aucun accès à la variété H (haute). Inversement, lat. inequitare v.intr. « aller à cheval (quelque part) » (dp. Florus [1er/2e s. apr. J.-Chr.], TLL 7/1, 1304), non transmis aux langues romanes ( REW3 ; FEW), s’attache typiquement au code écrit. Pour un complément d’information, cf. */ka'βall-ik-a-/ et */dɪs-ka'βall-ik-a-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 306–307, 341–349, 352, 405, 409, 413, 443, 446, 539, 545, 555–557, 563, 566 ; REW3 s.v. cabăllĭcāre ; von Wartburg 1936 in FEW 2, 6b-7a, CABALLICARE I ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 253, 273, 284–290, 314–318, 373, 396–398, 401, 494–498, 565 ; MihăescuRomanité 280 ; Panzera/Pfister/Hohnerlein 2004 in LEI 9, 67–68, CABALLICARE I 1 c. Signatures. – Rédaction : Élodie JACTEL ; Éva BUCHI. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. || [✝ 1723] : a înăcăji « s’énerver beaucoup (?) » < a năcăji « s’énerver » ; FormareaCuvintelor 2, 134–143, qui présente une analyse synchronique très poussée du préfixe în-, ne distingue pas entre lexèmes hérités et créations roumaines). 10 Des formations parasynthétiques faisant intervenir des représentants de */-ik-/ sont exclues aussi, car ce suffixe n’a été hérité que par un nombre très réduit d’idiomes romans : “ICARE ist [...] in den den tonlosen Nachtonvokal synkopierenden Sprachen untergegangen” (MeyerLübkeGLR 2, § 577). 11 “IN-CABALLICARE. [...] it. incavalcare ; sard. log. inkaḍḍigare ; fr. enchevaucher ; prov. encavalcar ; cat. encabalcar ; sp. encabalgar ; port. encavalgar”. 12 “Lat. in-caballicare, caballicare « aller à cheval, chevaucher »”. 13 “Compuestu del verbu cabalgar (cfr.) anque duldemos si encabalgar ha tenese por formación llatina compuesta *INCABALLICARE o por amestanza romance pues tamién se conseña en port. encavalgar, cast. encabalgar, cat. encavalcat”.
*/ka'βall-a/ s.f. | 461
Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; Elton PRIFTI. Italoromania : Marco MAGGIORE ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Wolfgang SCHWEICKARD. – Contributions ponctuelles : Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Ulrike HEIDEMEIER ; Günter HOLTUS ; Maria ILIESCU ; Alexandra MESSALTI ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Florin-Teodor OLARIU ; Jan REINHARDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 30/03/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/ka'βall-a/ s.f. « femelle du mammifère domestique appartenant à la famille des équidés, utilisé notamment comme animal de monture et de trait » */ka'βall-a/ > dalm. kavúla/kavuóla s.f. « femelle du mammifère domestique appartenant à la famille des équidés, utilisé notamment comme animal de monture et de trait, jument » (BartoliDalmatico 190 § 43), it. cavalla (dp. 1277/1282 [chavalla], Coluccia in TLIO ; LEI 9, 162–169 ; DELI2 ; AIS 1062)1, frioul. cjavale (Frau in DESF ; Iliescu,RRL 17, 186 ; GDBTF ; AIS 1062 ; ASLEF 878 n° 4021), lad. ćiavàla (dp. 1763 [ciavala], Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 1062), romanch. chavalla/cavalla (dp. 1658, Schorta in DRG 3, 492 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1062 p 1, 3, 5, 10, 11, 13–16). Commentaire. – Un groupe de parlers occupant une aire contiguë au centre de la Romania – dalmate, italien, frioulan, ladin et romanche –2, 3 présentent des
|| 1 It. cavalla couvre une vaste zone septentrionale et centrale, Abruzzes comprises (points les plus méridionaux : AIS 1062 p 682, 646, 637, 619), mais s’étendait plus au sud, et même jusqu’en Sicile, à l’époque médiévale (LEI 9, 163). 2 La phonétique et/ou la chronologie montrent clairement que les féminins du type de fr. cavale ne sont autochtones dans aucune des langues de la Galloromania (ils sont attestés depuis le 16e siècle en français [FEW 2, 2b ; ALF 736] ; depuis 1683 en francoprovençal [EscoffierLyonnais 131] ; depuis la fin du 15e siècle en occitan [DAO n° 1265] ; depuis 1566 en gascon [DAG n° 1265]) : on a affaire à des emprunts, directs ou indirects (et parfois adaptés) à l’italien. 3 Contrairement à ce qui est proposé par REW3 s.v. caballa, nous considérons, en accord avec Wagner in DES, Corominas et Pascual in DCECH et Machado in DELP3 et en raison de leur caractère tardif, sard. kaddína s.f. « caprice », esp. caballa « maquereau » (dp. 1599, DCECH 1, 708), gal. cabala et port. cavala « id. » (dp. 15e s., DELP3) comme des formations idioromanes sur
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cognats conduisant à reconstruire protorom. */ka'βall-a/ s.f. « femelle du mammifère domestique appartenant à la famille des équidés, utilisé notamment comme animal de monture et de trait, jument »4. Protorom. */ka'βall-a/, qui s’analyse comme un dérivé de */ka'βall-u/, n’a pas supplanté */'eku-a/ sur tout le territoire roman (cf. Ernout/Meillet4 s.v. caballus). Des issues du couple */ka'βall-u/ : */ka'βall-a/ s’observent seulement dans l’aire italoromane (parlers septentrionaux et centro-méridionaux) et ses abords septentrionaux (dalm. frioul. lad. romanch.) : dalm. kavúl : kavúla, it. cavallo : cavalla, frioul. cjaval : cjavale, lad. ćiaval : ćiavala, romanch. chavagl : chavalla (MeyerLübkeGLR 2, § 364 ; RohlfsDiferenciación 124–128 et carte n° 47)5. En revanche, le couple */ka'βall-u/ : */'eku-a/ a perduré, au moins jusqu’au Moyen Âge, en roumain, sarde, français, occitan, gascon, catalan, espagnol, galicien et portugais6. Le corrélat du latin écrit, caballa, -ae s.f. « id. », n’est attesté que dans l’Antiquité tardive (6e s. [Anthologiae latinae], TLL 3, 4). L’articulation des données romanes en reconstruction et des données du latin écrit permet de suggérer un scénario en trois étapes : 1° Né dans la péninsule italienne, */ka'βall-u/ se diffuse partout hors de la péninsule, mais avec son sens spécial ou péjoratif « cheval hongre ; cheval de somme ; cheval de peu de valeur » le plus ancien, car ils n’appellent pas de féminin, surtout le péjoratif (cf. les dénominations péjoratives du cheval en français : bourrin s.m. et canasson s.m., sans féminins, et rosse s.f., sans masculin), cela à une époque où */ka'βall-a/ n’existait pas ou n’avait pas atteint le centre directeur (Rome). 2° L’extension de sens en faveur du générique se diffuse ensuite hors de la péninsule italienne, également partout, et à partir du même centre directeur. 3° Enfin, */ka'βall-a/, formation secondaire, se diffuse à son tour, mais trop tard pour atteindre la Sardaigne, la Dacie, la Gaule ou l’Ibérie, car Rome n’est plus alors le centre directeur effectif de toute la partie latinophone de l’Empire. || sard. kaváddu, esp. caballo, gal. cabalo et port. cavalo (cf. */ka'βall-u/) plutôt que comme des issues héréditaires de */ka'βall-a/. 4 Ce lexème a été emprunté par le grec : grbyz. καβάλλα s.f. « jument » (MihăescuRomanité 374 ; cf. MihăescuInfluenţa 172). 5 La comparaison romane incite en effet à exclure l’hypothèse selon laquelle it. cavalla serait une formation analogique à partir du masculin (malgré Merlo,AUTosc 44, 29). 6 Dacoroum. cal : iapă (REW3 s.v. ěqua ; Cioranescu n° 4238), istroroum. cal : iapa (PuşcariuIstroromâne 3, 105, 115, 182) ; sard. kaváḍḍu : ebba (REW3 s.v. ěqua ; DES ; AIS 1062) ; afr. cheval : ive (REW3 s.v. ěqua ; FEW 2, 8b ; 3, 233a) ; aocc. caval : ega (REW3 s.v. ěqua ; FEW 2, 8b ; 3, 233a) ; agasc. cauàt : egoe (DAG n° 1255, 1256 ; FEW 3, 233a) ; cat. cavall : egua (REW3 s.v. ěqua ; DECat 3, 228–230) ; esp. caballo : yegua (REW3 s.v. ěqua ; DCECH 6, 14) ; gal. cabalo : egua ; port. cavalo : egua (DELP3 ; REW3 s.v. ěqua).
*/ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. | 463
Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 221, 302–305, 349, 405–406, 446, 545 ; 2, § 364 ; REW3 s.v. cabălla ; Ernout/Meillet4 s.v. caballus ; von Wartburg 1936 in FEW 2, 2b-3b, CABALLA ; von Wartburg 1930 in FEW 3, 233a-233b, EQUA ; Calabrò/Pfister 2006 in LEI 9, 99–226, CABALLUS/CABALLA ; RohlfsDiferenciación 24 ; LausbergLingüística 1, § 197, 484, 254 ; DOLR 5 (1995), 58–80. Signatures. – Rédaction : Ana María CANO GONZÁLEZ. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Max PFISTER. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Carli TOMASCHETT ; Simone TRABER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 17/12/2009. Version actuelle : 31/08/2014.
*/ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. « être sur le dos d’un cheval ; monter (un cheval ou un autre animal, notamment de monture) ; être positionné de manière à avoir la jambe gauche d’un côté (de qch.) et la droite de l’autre côté ; s’accoupler (avec une femelle) » I.1. Sens « être en selle » (emploi intransitif) */kaβall-ɪ'k-a-re/ > sard. kaḍḍikare v.intr. « être sur le dos d’un cheval, être en selle » (dp. ca 1112/1120 [poriclos de caballicare loc. nom. m.pl. « palefreniers »], BlascoCrestomazia 1, 104 ; LupinuLogu 130 ; DES ; PittauDizionario 1 s.v. cabaddicare, caddicare ; CasuVocabolario), it. cavalcare (dp. 1246/1255 [atosc.], Coluccia in TLIO ; DELI2 ; LEI 9, 34–35 ; cf. AIS 1232 p 316 [sèla da kavalka loc. nom. f. « selle »]), frioul. chiavaglià (1775, BusiçEneide chant XI stance 125 ; Frau in DESF s.v. ciavalgiâ ; GDBTF s.v. cjavalgjâ)1, bas-engad. chavalgiar (dp. 1527, Schorta in DRG 3, 492 ; HWBRätoromanisch s.v. cavalcar)2, fr. chevaucher
|| 1 La forme du frioulan contemporain (cjavalgjâ) manifeste une irrégularité non expliquée ([ɟa]) ; celle de la première attestation (chiavaglià [-ja]) est régulière (cf. */karr-ɪ'k-a-re/ > frioul. cjariâ). – Lad. cavalchè v.intr. « aller au trot » est emprunté à l’italien (cf. Kramer/Schlösser in EWD). 2 Surs. cavalcar « id. » n’est pas indigène (italianisme [?], cf. Schorta in DRG 3, 492).
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(dp. ca 1100 [chevalcher ; forme hybride francienne/agn.], TLF [“ancien” dp. 1680] ; FEW 2, 6a ; ANDEl), frpr. tsevaodzi (dp. 1411/1412 [chavouchiron prét. 6], Marzys in GPSR 3, 531 ; FEW 2, 6a), occit. ˹cavalcar˺ (dp. ca 1060 [cavalgar], SFoiHA 1, 326 ; AppelChrestomathie 33 ; Raynouard ; Levy ; Pansier 3 s.v. cavalcadar ; Mistral ; FEW 2, 6a), gasc. ˹cabalcà˺ (dp. 1456/1457 [chibauche prét. 1], UgolIned 388 ; Palay ; FEW 2, 6a), cat. cavalcar (dp. ca 1080 [cavalcaré fut. 1 « ferai un raid à cheval »], DECat 2, 649 ; MollSuplement n° 606 ; DCVB ; FaraudoVocabulari)3, esp. cabalgar (dp. 1073 [kabalkar], DCECH 1, 708 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. cabalgar (dp. 12e s. [calualgar], DELlAMs ; DGLA), gal. cabalgar/port. cavalgar (dp. 1264/1284 [cavalgou prét. 3], TMILG ; DDGM ; Buschmann ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
I.2. Sens « monter (un cheval ou un autre animal) » (emploi transitif direct) */kaβall-ɪ'k-a-re/ > sard. kaḍḍikare v.tr.dir. « monter (un cheval ou un autre animal, notamment de monture), chevaucher » (DES ; CasuVocabolario)4, istriot. cavalcà (PellizzerRovigno), it. cavalcare (dp. 4e qu. 12e s. [avén.], TLIO ; DELI2 ; LEI 9, 41), fr. chevaucher (dp. 2e t. 12e s., TL ; GdfC ; TLF ; ANDEl), frpr. tsevaodzi (dp. 1225 [ms. ca 1375 ; chavauche prés. 3], DocLyonnais 85 = HafnerGrundzüge 171 ; GPSR 3, 531), occit. ˹cavalcar˺ (dp. 1184/1205 [cavalguar], Raynouard ; Mistral), cat. cavalcar (dp. 1292 [cavalch prés. 3], DCVB ; FaraudoVocabulari), aesp. caualgar (1250 – ca 1499 [caualgaua impf. 3], Kasten/Cody ; DiCCA-XV), gal. cabalgar/port. cavalgar (dp. 1223 [caualgar fut. subj. 3], LegesConsuetudines 1, 595 ; DDGM ; Buschmann ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
II. Sens « être à califourchon (sur) » (emploi transitif direct) */kaβall-ɪ'k-a-re/ > sard. kaḍḍikare v.tr.dir. « être positionné de manière à avoir la jambe gauche d’un côté (de qch.) et la droite de l’autre côté, être à cali-
|| 3 L’ancien catalan connaît une variation libre entre cavalgar (cavalgar inf., cavalg[u]a prés. 3, cavalguan prés. 6, cavalgada[s] part. p.) et cavalcar (cavalcar inf., cavalcarà fut. 3, cavalcan part. prés., cavalcat/cavalcades part. p.), cf. DECat 2, 649. Ce n’est pas la variante cavalgar, plus régulière (cf. BadiaGramàticaHistòrica § 69), qui s’est imposée, mais cavalcar, qui témoigne d’une syncope intervenue à date ancienne susceptible de bloquer la sonorisation (cf. BadiaGramàticaHistòrica § 90 ; MollMartíGramàticaHistòrica § 441). 4 Nous n’avons pas relevé d’attestation ancienne de ce sens (le phonétisme de caualcare dans LupinuLogu 168 traduit un emprunt au toscan).
*/ka'βall-ik-a-/ v.intr./tr. | 465
fourchon (sur) » (PudduDitzionàriu s.v. cadhicare), it. cavalcare (dp. av. 1336 [atosc.], TLIO ; LEI 9, 56–57), fr. chevaucher (dp. 13e s., TLF ; FEW 2, 7a), frpr. tsevaodzi (GPSR 3, 531), occit. ˹cavalcar˺ « se superposer (à) en se prolongeant, empiéter (sur) » (LevyPetit [intr.] ; Mistral), acat. cavalcar « être à califourchon (sur) » (2e m. 14e s. [cavalca prés. 3], CICA), esp. cabalgar « empiéter (sur) » (DRAE22), agal./port. cavalgar « être à califourchon (sur) » (dp. 1240 [un caralho, de que cavalguedes « un pénis que vous enfourchez »], TMILG ; Houaiss).
III. Sens « s’accoupler (avec une femelle) » (emploi transitif direct) */kaβall-ɪ'k-a-re/ > logoud. kaḍḍigare v.tr.dir. « s’accoupler (avec une femelle), saillir » (DES ; PittauDizionario 1 s.v. cabaddicare, caddicare ; AIS 1136 p 937 [« couvrir (une poule), côcher »]), it. cavalcare (dp. 1ère m. 14e s. [atosc.], TLIO ; LEI 9, 59 ; AIS 1136 p 574 [« couvrir (une poule), côcher »] ; cf. AIS 1051 p 158, 1051* p 327 [˹vace ca ciavalge˺ « vache qui tente tout le temps de monter sur un taureau »]), romanch. cavalgiar (HWBRätoromanisch ; LRC [pron.]), fr. chevaucher (dp. ca 1370/1407, Martin in DMF2012 ; FEW 2, 7a ; TLF), frpr. tsevaodzi (GPSR 3, 532), occit. ˹cavalcar˺ intr. « monter sur d’autres vaches (vache en chaleur) » (ALP 686* p 25, 157 [˹cavauco˺ prés. 3] ; ALLOc 379 [˹cabalgo˺ prés. 3] ; ALMC 401 [˹cavalèdge˺ prés. 3]), cat. cavalcar tr.dir. « saillir » (dp. av. 1436 [caualcaue prés. 3], DCVB ; FaraudoVocabulari), esp. cabalgar (dp. 1270, Kasten/Cody ; DME ; DiCCA-XV s.v. cavalgar ; DRAE22), port. caualgar (1562, CardosoLamacensis). Commentaire. – À l’exception du roumain5, du dalmate et du ladin, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ka'βall-ik-a-/6 v.intr./tr. « être sur le dos d’un cheval, être en selle ; monter (un cheval ou un autre animal, notamment de monture), chevaucher ; être positionné de manière à avoir la jambe gauche d’un côté (de qch.) et la droite de
|| 5 La branche roumaine a maintenu le dérivé */ɪn-ka'βall-ik-a-/. Pour ce qui est de transylv. căleca « monter en selle », seulement connu à travers deux attestations (1888 – 1899, DA/DLR [la troisième attestation citée par DA/DLR est erronée : il s’agit en réalité du verbe încăleca, cf. Neculce, L. 79]), le sens inchoatif qu’il présente montre clairement qu’il s’agit d’une rétroformation (cf. Candrea-Densusianu n° 213). Le sens « aller à cheval » est attaché au verbe a călări (dp. 1650, MDA ; Tiktin3), dérivé de călare adj. « à cheval » (cf. Cioranescu n° 1305). 6 Protorom. */ka'βall-ik-a-/ se reconstruit à partir de protosard. */ka'βall-ik-a-/ et de protorom. italo-occidental */ka'βallk-a-/ (cf. Faré n° 1439 : “per l’it. cavalcare [...] e il franc. chevaucher risaliremo a un già latino *CABALCARE”).
466 | 1. Articles l’autre côté, être à califourchon (sur) ; s’accoupler (avec une femelle), saillir »7, dérivé en */-ik-/ (suffixe formateur de verbes dénominaux, cf. CooperFormation 239–241 ; Leumann1 § 225 e ; HallMorphology 147 ; cf. aussi MeyerLübkeGLR 2, § 577) de */ka'βall-u/ (cf. StefenelliSchicksal 63 n. 82). Les données romanes ont été classées selon le sémantisme et la valence qu’elles présentent : « être en selle » (intr., ci-dessus I.1.), « monter (un cheval) » (tr.dir., ci-dessus I.2.), « être à califourchon (sur) » (tr.dir., ci-dessus II.) et « s’accoupler avec » (tr.dir., ci-dessus III.). Le corrélat du latin écrit, caballicare, n’est connu que tardivement par deux attestations, l’une dans le sens « aller à cheval » (intr., av. 533 [Anthimus], TLL 3, 3 = SouterGlossary ; cf. ci-dessus I.1.), l’autre dans celui de « monter (un cheval) » (tr.dir., 6e s. [Loi salique], TLL 3, 3 , cf. ci-dessus I.2.). Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas, en revanche, de corrélat du lexème dans les sens II. et III. Du point de vue diasystémique (‛latin global’), protorom. */ka'βall-ik-a-/ est donc à considérer comme un particularisme de l’oral – ou plus précisément de l’‛immédiat communicatif’ – qui n’a pas eu accès au code écrit (sens II.2. et II.3.) ou seulement très peu et très tardivement (sens I. et II.1). Inversement, lat. equitare v.intr. « aller à cheval » (dp. Cicéron [* 106 – † 43], TLL 5/2, 729), non transmis aux langues romanes ( REW3 ; FEW), s’attache typiquement au code écrit et à la ‛distance communicative’ (cf. la situation analogue de protorom. */ka'βall-u/ et de lat. equus). Pour un complément d’information, cf. */dɪs-ka'βall-ɪk-a-/ et */ɪn-ka'βall-ɪk-a-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 306–307, 341–349, 405, 409, 413, 443, 446, 539, 545, 555–557, 563, 566 ; REW3 s.v. cabăllĭcāre ; Ernout/Meillet4 s.v. caballus ; von Wartburg 1936 in FEW 2, 6a-7b, CABALLICARE ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 253, 273, 284–290, 314–318, 373, 396–398, 401, 494–498, 565 ; HallPhonology 225 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 280 ; Panzera/Pfister/Hohnerlein 2004 in LEI 9, 33–82, CABALLICARE. Signatures. – Rédaction : Élodie JACTEL ; Éva BUCHI. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Marie-Guy BOUTIER ; Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Maria ILIESCU ; Yusuke KANAZAWA ; Marco
|| 7 Ce lexème a été emprunté par le grec : grbyz. καβαλλικεύειν v.intr. « aller à cheval » (MihăescuRomanité 374 ; cf. MihăescuInfluenţa 172).
*/ka'βall-u/ s.m. | 467
MAGGIORE ; Simone PISANO ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Wolfgang SCHWEICKARD. – Contributions ponctuelles : Esther BAIWIR ; Jérémie DELORME ; Steven N. DWORKIN ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Maria ILIESCU ; Laura MATERGIA ; Bianca MERTENS ; Alexandra MESSALTI ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Florin-Teodor OLARIU. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 30/03/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/ka'βall-u/ s.m. « mammifère domestique appartenant à la famille des équidés, utilisé notamment comme animal de monture et de trait » */ka'βall-u/ > sard. kaváḍḍu s.m. « mammifère domestique appartenant à la famille des équidés, utilisé notamment comme animal de monture et de trait, cheval » (DES ; AIS 1062), dacoroum. cal (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 102 ; Tiktin3 ; EWRS ; DA ; Candrea-Densusianu n° 209 ; Cioranescu n° 1294 ; MDA ; MihăescuRomanité 34, 263 ; ALR SN 275, 276, 277), istroroum. cå (PuşcariuIstroromâne 3, 105 [s.v. cal], 182 ; ScărlătoiuIstroromânii 286 ; SârbuIstroromân 194 [cal]), méglénoroum. cal (Candrea,GrS 3, 195 ; CapidanDicţionar), aroum. cal (dp. 1770 [κάλου], KavalliotisProtopeiria n° 0371 ; Pascu 1, 55 ; BaraAroumain), dalm. kavúl (BartoliDalmatico 238 ; ElmendorfVeglia s.v. caval ; MihăescuRomanité 115), it. cavallo (dp. 12e s. [caval], Coluccia in TLIO ; LEI 9, 99–226 ; DELI2 ; AIS 1062), frioul. ciaval (Frau in DESF ; GDBTF ; AIS 1062 ; ASLEF 936 n° 4497), lad. ćiavàl (dp. 1763 [ciaval], Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 1062 ; ALD-I 130), romanch. chavagl/cavagl (dp. 1527 [chiavalg], Schorta in DRG 3, 483 ; HWBRätoromanisch [cavagl] ; AIS 1062), fr. cheval (dp. ca 1100, TLF ; FEW 2, 8b-9a ; TL ; ALF 269), frpr. [tså'va] (dp. 1ère m. 13e s. [chaval], SommeCode 21 ; FEW 2, 8b-9a ; HafnerGrundzüge 82 ; Marzys in GPSR 3, 522– 526 ; ALF 269 ; ALLy 311 p 58, 59, 60)1, occit. ˹caval˺/˹cavau˺ (dp. av. 1126 [caval], DAO n° 1255 ; Raynouard ; AppelChrestomathie ; FEW 2, 8b ; Pansier 3 ; BrunelChartes 20 ; BrunelChartesSuppl 16 ; ALF 269), gasc. cauàt (dp. ca 1150
|| 1 Les formes du domaine francoprovençal de type [tsə'vo], [tsi'vo] représentent des pluriels dont le vocalisme initial manifeste une influence française (cf. GardetteForez 190–194).
468 | 1. Articles [cauat], DAG n° 1255 ; Palay [“vieux”, Lomagne] ; CorominesAran 751)2, cat. cavall (dp. 1030, DECat 2, 647–650 ; DCVB), esp. caballo (dp. 932, DCECH 1, 708 ; Kasten/Cody ; DME), ast. caballu (dp. 889 [kauallos pl.], DELlAMs ; DGLA), gal. cabalo/port. cavalo (dp. 1273 [cavalo], TMILG ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)3. Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ka'βall-u/ s.m. « mammifère domestique appartenant à la famille des équidés, utilisé notamment comme animal de monture et de trait, cheval ». L’extension panromane de */ka'βall-u/, lexème probablement né dans la péninsule italienne (au contact du grec, cf. FEW 2, 11b), montre qu’il avait supplanté comme générique son parasynonyme du latin écrit equus, dépourvu de corrélat en protoroman ( REW3), lequel reflète un stade antérieur de la langue parlée4. La généralisation de */ka'βall-u/ est également démontrée par le fait qu’il a été emprunté par des langues non romanes voisines5. Sur le plan référentiel, la substitution précoce et générale de equus par */ka'βall-u/ s’explique par l’utilisation du cheval comme animal de trait, dans le travail quotidien à la place des bœufs ou avec eux. Le corrélat du latin écrit, caballus, -i s.m., est attesté depuis le latin préclassique dans le sens originel « cheval hongre ; cheval de somme ; cheval de peu de valeur » (dp. Lucilius [† 103 av. J.-Chr.], TLL 3, 3 ; cf. Ernout/Meillet4 s.v. caballus ; StefenelliSchicksal 51), puis, trois générations plus tard, dans le sens généricisé de « cheval » (dp. Varron [* 116 – † 27], TLL 3, 3). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 221, 308, 349, 405–406, 446, 545 ; 2, § 364 ; REW3 s.v. cabăllus ; Ernout/Meillet4 s.v. caballus ; von Wartburg 1936 in FEW 2, 8b-12b, CABALLUS ; RohlfsDiferenciación 124–128 ; GardetteForez 190– 194 ; LausbergLingüística 1, § 143, 175, 260, 274, 314–316, 364, 373, 496–498, 572 ; Tuaillon,TraLiLi 9/1, 91–176 ; HallPhonology 70 ; SalaVocabularul 539 ;
|| 2 Selon les données de DAG n° 1255, les formes héréditaires sont largement documentées en ancien gascon jusqu’en 1490 ; à partir de 1491, l’emprunt chibau l’emporte de manière écrasante. 3 La date de 856 ? proposée par DDGM ainsi que celle de 870 mentionnée par DELP3 correspondent à des textes rédigés en latin. 4 Lat. equus disparaît presque complètement de la langue écrite à partir du 6e siècle (FEW 2, 11b). 5 Alb. kałë s.m. « cheval » (BonnetAlbanais 166 ; VătăşescuAlbaneză 199), mbret. cavall, gall. cafall (LEIA C-33–34 ; LothBrittoniques 146).
*/'kad-e-/ v.intr. | 469
StefenelliSchicksal 51 ; DOLR 5 (1995), 58–60 ; Büchi/Champy in PatRomPrésentation 8–22 s.v. CABALLUS ; VătăşescuAlbaneză 199 ; BonnetAlbanais 166 ; Calabrò/Pfister 2006 in LEI 9, 99–226, CABALLUS/CABALLA. Signatures. – Rédaction : Ana María CANO GONZÁLEZ. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Max PFISTER. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; FlorinTeodor OLARIU ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Carli TOMASCHETT ; Simone TRABER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 07/09/2009. Version actuelle : 26/07/2014.
*/'kad-e-/ v.intr. « être entraîné à terre » I. Flexion en */'-e-/ */'kad-e-re/ > istriot. cài v.intr. « être entraîné à terre, tomber » (DeanovićIstria 112 s.v. kaj ; DallaZoncaDignanese s.v. càgi ; PellizzerRovigno s.v. cài ; cf. DeanovićIstria 35), lig. ['kaze], lomb. orient. cadre, vén. ˹caçer˺, tosc. cadere, apul. [kad], salent. sept. ['kkaːdəri], cal. cadere, sic. cádiri (tous LEI 9, 410– 414 ; cf. aussi Salvioni,RDR 4, 224)1, occit. ˹caire˺/˹chaire˺ (dp. 1259/1285 [cayre], COM2 ; Levy ; FEW 2, 24b [occit. orient.] ; ALF 1311 [prov.] ; ALP 134)2, cászer (fin 12e/déb. 13e s., Levy)3, gasc. ˹càde˺ (dp. 1ère m. 14e s. [cader], LespyRécits 2, 28 ;
|| 1 Nous avons neutralisé la distinction pratiquée par le LEI entre « tomber » (sans complément circonstanciel) et « tomber quelque part » (avec complément circonstanciel). Cf. aussi roum. a se cădea v.pron. « convenir » (dp. 1563/1583, DA), qui présente une construction syntaxique évolutive. 2 Pour ce qui est des deux attestations que le DAO n° 127 lemmatise en caire, elles représentent chai prés. 3, forme flexionnelle qui pourrait relever autant de l’un que de l’autre de deux types flexionnels. 3 On relève la forme ˹c(h)a(z)er˺ de ca 1150/1180 (ci-dessous II.) à ca 1441 (DAG n° 106 [cazer « s’abattre (tempête) »] ; cf. aussi BrunelChartes 129, 267 ; Pansier 3 ; FEW 2, 24b ; AppelChrestomathie 203), mais la plupart du temps, l’accentuation est indécidable, de sorte qu’il peut s’agir aussi bien du type flexionnel I. que II. Nous avons donc choisi de mentionner ci-dessus
470 | 1. Articles
DAG n° 106 ; FEW 2, 24b ; CorominesAran 179 ; ALF 1311), cat. caure (dp. ca 1400, DECat 2, 642 ; MollSuplement n° 611 ; DCVB ; ALPI 31).
II. Flexion en */-'e-/ */ka'd-e-re/ > dacoroum. cădea v.intr. « tomber » (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 87 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 207 ; DA ; Cioranescu n° 1262 ; MDA ; ALR II/I 95), istroroum. kadę́ (MaiorescuIstria 112 [cădè] ; Byhan,JIRS 6, 235 ; FrăţilăIstroromân 1, 120 ; ALR II/I 95), méglénoroum. cădeari (Candrea,GrS 3, 194 ; CapidanDicţionar s.v. cad ; AtanasovMeglenoromâna 232, 283 ; ALR II/I 95 ; WildSprachatlas 478), aroum. cad (dp. ca 1760 [κάτᾳ], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0606 ; KavalliotisProtopeiria n° 0054 ; Pascu 1, 59 s.v. cădeare ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR II/I 95)4, végl. kadár (BartoliDalmatico 313, 439 § 453, 481 ; MihăescuRomanité 102)5, it. cadere (dp. 2e m. 12e s. [amarch. cande prét. 3]6, Camboni in TLIO ; DELI2 ; LEI 9, 429 ; AIS 220 [lomb. vén. tosc. apul. salent. sic.])7, frioul. cjadê (dp. ca 1400 [chadut part. p.], DAroncoAntologia 57 ; Faré n° 1451 ; Crevatin in DESF ; GDBTF ; ASLEF 14 n° 49, 56, 942 n° 4537, 968 n° 5081)8, fr. choir (dp. ca 1040 [chiet prés. 3], TLF ; Gdf ; GdfC ; FEW 2,
|| sous I. et ci-dessous sous II. seulement les attestations que la métrique, la rime ou une indication métalinguistique permettent d’attribuer à l’un ou à l’autre type. 4 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. Cette dernière ne permet pas d’attribuer le cognat à un type flexionnel donné, mais l’infinitif cădeáre (cf. l’entrée de Pascu citée ci-dessus) témoigne de l’appartenance du verbe à la flexion en */-'e-/. 5 Nous ne suivons pas ElmendorfVeglia, qui considère (sans avancer d’argument) végl. kadár comme un italianisme. Le développement phonétique est régulier, cf. BartoliDalmatico 419 § 379 (avec des parallèles comme SUDARIOLU > sedarul, même si l’hypothèse d’un emprunt est évoquée) et 447. 6 PoetiDuecentoContini 1, 25 précise : “da interpretare naturalmente « cadde » (e da mettere in rapporto col fatto inverso, muddanii per mund-)”. 7 Malgré REW3 s.v. cadĕre/*cadēre, on ne rattachera pas ici log. kaizzu s.m. « abattoir », qui représente un hispanisme sans rapport avec notre famille lexicale (cf. DES s.v. karnittséri ; PittauDizionario 1 s.v. caítza). Pour ce qui est de sard. kaíri, que DOLR 3, 117 considère comme héréditaire, il s’agit d’un emprunt à l’espagnol ou à l’italien (DES s.v. kaíri ; PittauDizionario 1 s.v. caíri). 8 Malgré DOLR 3, 117, romanch. crodar/cruder/curdar v.intr. « id. » n’est pas à rattacher ici, mais à protorom. */kor'rɔt-a-/ (Decurtins in DRG 4, 267 ; HWBRätoromanisch). Pour ce qui est de romanch. cader v.intr. « avoir lieu », il s’agit d’un emprunt à l’italien (Schorta in DRG 3, 5).
*/'kad-e-/ v.intr. | 471
24ab ; TL ; AND2 s.v. chair ; ALF 1311)9, frpr. ˹tsái˺ (dp. 1ère m. 13e s. [cheir], SommeCode 104 ; FEW 2, 24ab ; HafnerGrundzüge 68 ; Marzys in GPSR 3, 604– 609 ; ALF 1311 ; ALJA 133)10, aoccit. cazer/chazer (ca 1150/1180 [chazer , var. ], BernVentA 145 = Raynouard ; ca 1169/1228 [cazer ], AppelChrestomathie 14 ; 1225/1245 [chazer : “de la segonda conjugaço”], DonPrM 171 ; ca 1288/1289 [cazer ], Levy)11, acat. ˹cader˺ (ca 1200 [cader] – fin 14e s./15e s. [caer], BofarullDocumentos 94 = DECat 2, 643), esp. caer (dp. mil. 10e s. [kaderát fut. 3], DCECH 1, 734 ; MenéndezPidalCid 1, 178 ; 2, 522 ; Kasten/Cody ; DME ; ALPI 31)12, ast. cayer (dp. 1145 [ms. 1295], DELlAMs ; DGLA ; ALPI 31), gal./aport. caer (dp. 1250 [caer subj. fut. 3], TMILG ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; ViterboElucidário2 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2 ; BoaventuraInéditos 1, 22 = DELP3 ; ALPI 31 ; ALGa 1, 160)13. Commentaire. – À l’exception du sarde, du ladin et du romanche14, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type morphologique évolué, protorom. */'kad-e-/ v.intr. « être entraîné à terre, tomber ». Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les deux classes de flexion dont elles relèvent : flexion en */'-e-/ (inf. */'kad-e-re/) et flexion en
|| 9 Nous ne retenons pas l’attestation de ca 1000 (SLégerA 231 [cadit prét. 3] = TLF), l’appartenance linguistique de la Vie de saint Léger étant discutée (cf. DEAFBiblEl s.v. SLégerA). Par ailleurs, fr. choir est défectif à partir du 16e siècle (FEW 2, 29b) ; il a été évincé du français standardisé oral (sauf dans laisser choir) par tomber (von Wartburg in FEW 13/2, 408a-409a, TUMB-). 10 “Le type tsại remonte à bas-lat. cadēre […]. Tsạire, etc., a été assimilé aux verbes en -re, tels que boire, faire, lire” (Marzys in GPSR 3, 608). 11 Cf. ci-dessus n. 3. 12 Les issues espagnoles, asturiennes, galiciennes et portugaises des verbes appartenant à la flexion en */'-e-/ du protoroman ont subi régulièrement une réaffectation à celle en */-'e-/ ou en */-'i-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119, 126 ; WilliamsPortuguese § 148 ; LloydLatin 451–455). De ce fait, les cognats de ces idiomes ne peuvent pas être attribués avec certitude à l’un des deux types ici distingués. Si nous les avons classés sous II., c’est pour réserver la section I. aux continuateurs assurés du type récessif. 13 Les attestations de 1006 et de 1152 citées par DELP3 proviennent de textes latins. – En portugais, cette issue régulière a été évincée par cair (dp. 1364 [cajr], CunhaÍndice ; CunhaVocabulário2 ; Houaiss ; DELP3 ; ALPI 31). Le changement de conjugaison -er > -ir, que le portugais partage avec le galicien (cair, dp. 1259 [queir ; variante minoritaire], DDGM), ne remonte pas au-delà de l’époque médiévale (WilliamsPortuguese § 148 ; PielEstudos 216 ; Malkiel,RomQuart 33, 5–10 ; cf. aussi FerreiroGramática 1, 316 n. 406). 14 Cf. n. 7 et 8 et le commentaire ci-dessus.
472 | 1. Articles */-'e-/ (inf. */ka'd-e-re/)15, 16. Le premier type morphologique et accentuel (cidessus I.), minoritaire, ne se trouve qu’en istriote, dans des îlots des dialectes italiens septentrionaux, centraux et surtout méridionaux, en occitan17, en gascon et en catalan. Le second type morphologique (ci-dessus II.) couvre au contraire, du moins au Moyen Âge, quasiment l’ensemble de l’espace occupé par le type lexical. Cette répartition spatiale suggère que I. est un type morphologique récessif, qui s’est maintenu dans des zones de recul correspondant aux domaines linguistiques les plus anciennement latinisés (cf. Raupach,LRL 2/1, 5–19 [et surtout 8, carte 1]), et qu’il constitue par conséquent la strate la plus ancienne, tandis que le type morphologique II., aréologiquement extensif, relève d’une innovation plus récente du protoroman. Le même changement de classe flexionnelle de la conjugaison en */'-e-/ à celle en */-'e-/ ne s’observe qu’exceptionnellement à une aussi large échelle, à savoir dans deux autres lexèmes verbaux qui se signalent par leur haute fréquence : */'kap-e-/ « prendre » et */'sap-e-/ « savoir »18. Dans plusieurs domaines linguistiques, des compétiteurs sont venus concurrencer, et dans certains cas évincer, les représentants de protorom. */'kad-e-/ « tomber », que l’on suppose originellement (quasi) panprotoroman (à l’exclusion sans doute du protoroman régional de Sardaigne) : protorom. */'rʊ-e-/ (> sard. rúere v.intr. « id. », DES), */kor'rɔt-a-/ (> notamment romanche, cf. von Wartburg in FEW 2, 1227b-1228b, *CORROTARE et ci-dessous n. 8) et */'tʊmb-a-/ (> surtout lad. tomè v.intr. « id. » [Kramer/Fiacre in EWD], français,
|| 15 Nous ne suivons donc pas DensusianuHistoire 1, 148, qui estime que les lexèmes du type I. “sont probablement des formations analogiques récentes, de sorte qu’on peut placer *cadēre à la base de toutes les formes romanes”, ni Meyer-Lübke in REW3, qui fait implicitement la même analyse. 16 Les parlers romans présentent aussi çà et là des issues de */'kad-e-/ relevant de la conjugaison en */-'i-/ (cf. LEI 9, 481–486, 497), qui ne semble toutefois pas remonter au protoroman (cf. RohlfsGrammStor 2, § 616). En tout état de cause, parmi les items cités LEI 9, 497, aocc. quaira fut. 3 (BoeciS) et caira (FlamG ; CroisAlbM) ne permettent pas de poser un *caír, mais se rattachent aux types flexionnels I. et II. ci-dessus ; adauph. cheir (SommeCode 104) est l’ancêtre de frpr. ˹tsái˺ (ci-dessus II. et n. 10) ; pic. caïr doit être interprété comme une réfection analogique (GossenGrammaire 67–68) ; cf. encore n. 7 et 13. 17 Cette répartition géographique nous semble faire système (cf. ci-dessus). Nous excluons donc l’hypothèse de Coromines (in DECat 2, 643), selon laquelle occit. caire serait d’origine analogique et que “essent més tardà potser és casual la coincidència amb l’accentuació clàssica CADERE”. 18 Cf. MeyerLübkeGRS 2, § 126 ; REW3 s.v. capĕre ; sapĕre/*sapēre ; von Wartburg in FEW 2, 247a ; 11, 198b.
*/'kad-e-/ v.intr. | 473
francoprovençal, occitan et gascon [von Wartburg in FEW 13/2, 404a-406b, TUMB- I 2]), dont le sens originel est « faire la culbute »19. Les données du latin écrit sont cohérentes avec la chronologie postulée. Le corrélat cadere v.intr. « id. » du type flexionnel I. est connu durant toute l’Antiquité (dp. Ennius [* 239 – † 169], TLL 3, 16). Quant au second type flexionnel, son corrélat (cadēre) n’est attesté en latin écrit que dans l’Antiquité tardive (cadebit [4e s.] ; cadeat [ca 400] ; TLL 3, 16 ; StotzHandbuch 4, 186). Bibliographie. – Gröber,ALL 1, 539 ; MeyerLübkeGRS 1, § 69–70, 223, 306–307, 332, 405, 409, 413, 443 ; REW3 s.v. cadĕre/*cadēre ; Ernout/Meillet4 s.v. cadō ; von Wartburg 1936 in FEW 2, 24a-31a, CADERE ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 150, 173–175 ; 2, § 314–318, 375–377 ; 3, § 790 ; HallPhonology 72 ; Faré n° 1451 ; Malkiel,LatVulg 1, 167–179 ; SalaVocabularul 542 ; StefenelliSchicksal 226–227 ; MihăescuRomanité 223 ; DOLR 3 (1993), 117–118 ; Urso/Cornagliotti/Hohnerlein 2004 in LEI 9, 408–498, CADERE/CADERE. Signatures. – Rédaction : Éva BUCHI. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Pierre SWIGGERS. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Wolfgang DAHMEN ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Max PFISTER. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN. Révision finale : Wolfgang SCHWEICKARD. – Contributions ponctuelles : Rosario COLUCCIA ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Maria ILIESCU ; Jean LAFITTE ; Lorenzo RENZI ; Michela RUSSO ; Thomas STÄDTLER ; Monika TAUSEND ; Heinz Jürgen WOLF. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 08/08/2008. Version actuelle : 23/08/2014.
|| 19 Dans les variétés populaires et dialectales du dacoroumain, a cădea est concurrencé par a pica, dont le sens originel est « couler goutte à goutte » (cf. DLR ; Tiktin3 ; REW3 s.v. *pīkk-).
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*/'karn-e/ s.f. « substance molle et fibreuse (enveloppée par la peau) qui constitue les muscles de l’homme et des animaux ; cette substance considérée comme aliment » */'karn-e/ > sard. kárre/kárri s.f. « substance molle et fibreuse (enveloppée par la peau) qui constitue les muscles de l’homme et des animaux, chair » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 993), dacoroum. carne « chair ; substance molle et fibreuse (enveloppée par la peau) qui constitue les muscles de l’homme et des animaux considérée comme aliment, viande » (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 129 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 266 ; DA ; Graur,BL 5, 92 ; Cioranescu n° 1484 ; RosettiIstoria 276 ; MDA ; Tiktin3 ; ALR SN 1761, 1839), istroroum. cårne (PopoviciIstria 97 ; PuşcariuIstroromâne 3, 306 ; SârbuIstroromân 196 ; ScărlătoiuIstroromânii 286 ; ALR SN 1761, 1839), méglénoroum. carni (Candrea,GrS 3, 198 ; CapidanDicţionar ; AtanasovMeglenoromâna 74, 124 ; ALR SN 1761, 1839 ; ALDM 229 p 1–5, 7)1, aroum. carne (dp. 1770 [κάρνε], KavalliotisProtopeiria n° 0613 ; Pascu 1, 58 ; DDA2 ; BaraAroumain [carni] ; ALR SN 1761, 1839)2, dalm. kuorno « viande » (BartoliDalmatisch 2, 49, 53, 115, 124, 133, 139, 147, 152, 153 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 105 [kuarne]), istriot. karno (DeanovićIstria 112 ; MihăescuRomanité 145, 148)3, it. carne « chair ; viande » (dp. fin 12e s. [avén.], Gambino in TLIO ; Merlo,AUTosc 44, 33–34 ; Faré n° 1706 ; DELI2 ; LEI 12, 242–243 ; AIS 993)4, frioul. cjar (Frau in DESF ; GDBTF ; AIS 993 ; ASLEF 547 n° 2844), lad. ćèr (dp. 1763 [cièr], Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 993 ; ALD-I 122), romanch. charn/carn (dp. 1560 [chiarn], Decurtins in DRG 3, 384 ; HWBRätoromanisch ; AIS 993), fr. chair (dp. ca 1050 [char], TLF ; GdfC ; FEW 2, 383b ; TL ; AND2 ; ALF 1383), frpr. ˹[tsɛ:r]˺ (dp. 1220/1230 [cher], HafnerGrundzüge 83 ; FEW 2, 383b ; Burger in GPSR 3, 262 ; ALF 1383), occit. carn (dp. 1142, BrunelChartes 45 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 223 ; FEW 2, 385b ; Pansier 3 ; BrunelChartesSuppl 34 ; ALF 1383), gasc. car (dp. ca 1170 [carn], DAG n° 1737 ; FEW 2, 383b ; CorominesAran 389 [carn] ; ALF 1383 ; ALG 730), cat. carn (dp. 2e m. 11e s., DECat 2, 577 ; DCVB), esp. carne (dp. ca 1230, DME ; Kasten/Cody ; DCECH 1, 878), ast. carne (dp. 1221, DELlAMs ; AriasPro|| 1 La forme karne donnée par WildSprachatlas 138 est erronée. 2 Malgré Cioranescu n° 1484, aroum. (farserot) cară et carră (DDA2 s.v. cară) ne sont pas issus du nominatif */'kar-o/, mais remontent régulièrement à l’accusatif */'karn-e/ (cf. CapidanAromânii 351–352 ; SaramanduDobrogea 98–100). 3 La finale traduit l’intégration du substantif dans la classe non étymologique des féminins en -o (cf. MihăescuRomanité 136). 4 Itsept. itcentr. itmérid. ˹carna˺ s.f. « id. » (LEI 12, 255–256 ; AIS 993) manifeste une remorphologisation (marquage explicite du féminin) idioromane (cf. RohlfsHistGramm 2, § 353).
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puestes 3, 178 ; DGLA), gal./port. carne (dp. av. 1282, DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; CunhaÍndice ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'karn-e/ s.f. « substance molle et fibreuse (enveloppée par la peau) qui constitue les muscles de l’homme et des animaux, chair ; cette substance considérée comme aliment, viande ». Le corrélat du latin écrit, caro, -nis s.f. « id. », est attesté durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 3, 481). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 221–229, 259–263, 306–307, 405–413, 474 ; REW3 s.v. caro ; Ernout/Meillet4 s.v. caro ; von Wartburg 1938 in FEW 2, 383b-393b, CARO ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175, 225, 272–273 ; 2, § 314–318, 408 ; DardelGenre 26 ; HallPhonology 139 ; Faré n° 1706 ; SalaVocabularul 539 ; StefenelliSchicksal 25 ; MihăescuRomanité 206 ; de Fazio/Pfister 2010 in LEI 12, 242–304, CARO. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Wolfgang DAHMEN ; Cristina FLORESCU ; Johannes KRAMER. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Anna CORNAGLIOTTI ; Simone PISANO. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Uwe SCHMIDT ; Agata ŠEGA. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 10/03/2010. Version actuelle : 17/08/2014.
*/'karpin-u/ s.f. « arbre de la famille des bétulacées, au bois blanc et dur, aux fruits entourés de bractées trilobées, aux feuilles caduques, ovales et dentées (Carpinus betulus L.) » I. Changement de genre : */'karpin-u/ s.m. */'karpin-u/ > dacoroum. carpen s.m. « arbre de la famille des bétulacées, au bois blanc et dur, aux fruits entourés de bractées trilobées, aux feuilles caduques, ovales et dentées (Carpinus betulus L.), charme » (dp. 1532 [carpenu],
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DERS ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 272 ; DA ; Cioranescu n° 1486 ; MDA ; ALR SN 600)1, méglénoroum. carpin (Candrea,GrS 3, 198 ; CapidanDicţionar ; AtanasovMeglenoromâna 61, 74, 150, 282), aroum. carpin (Pascu 1, 58 ; DDA2 ; BaraAroumain)2, istriot. kárpano (LEI 12, 352), it. carpino (dp. ca 1340, DELI2 s.v. carpine ; SalvioniPostille ; Marrani in TLIO ; LEI 12, 351–353 ; AIS 578*)3, frioul. cjarpin (PironaN2 ; Frau in DESF ; GDBTF ; ASLEF 139), oïl. mérid. charpe (dp. 1481, GdfC ; FEW 2, 406b [poit. saint. centr. bourb.]), wall. ˹charne˺ (ALW 6, 421), pic. carne (dp. ca 1180, TL ; GdfC ; FEW 2, 406b ; ALPic 247)4, 5, saint. charne (FEW 2, 406b), bourb. charne (FEW 2, 406b ; ALCe 135), bourg. charne (dp. 1289/1292, GdfC ; FEW 2, 406b ; ALCe 135), frpr. charpeno (dp. 1571 [charpenoz], Burger in GPSR 3, 379–380 ; FEW 2, 406b ; ALF 241 p 50 ; ALLy 448)6, occit. ˹charpre˺ (dp. 1483 [calpre], FEW 2, 406b ; ALF 241 [Haute-Loire [tsarn]] ; ALLOc 192* ; ALAL 284), gasc. carpe (dp. ca 1400 [Bordeaux], DAG n° 488 ; FEW 2, 406b ; CorominesAran 390 s.v. carpo ; ALF 241 ; ALG 1365).
II. Remorphologisation : */'karpin-a/ s.f. */'karpin-a/ > lomb. carpla s.f. « charme » (LEI 12, 355–356), vén. kárpena (LEI 12, 355–356)7, laz. mérid. kárpina (LEI 12, 356), frioul. ˹čarpina˺ (ASLEF 139
|| 1 La datation de 1437 avancée par Tiktin3 est erronée : d’une part, il s’agit d’un toponyme, d’autre part, le texte en question est un faux à dater de la 2e moitié du 16e ou du début du 17e siècle (cf. DRH A, 1, 428). 2 Sur dalm. cluocno, cf. LEI 12, 361 n. 2. 3 It. carpine s.m. « id. » (dp. 1554, DELI2) représente une innovation idioromane (peut-être, comme le suggère DELI2, une réfection à partir du pluriel carpini). Les datations respectives nous incitent à suivre RohlfsGrammStor 2, § 352 (qui cite des parallèles, et notamment d’autres noms d’arbres qui présentent le même phénomène) pour postuler un passage de la deuxième à la troisième déclinaison plutôt que d’envisager le mouvement inverse (DELI2 : “[…] a meno che non si parta da un lat. parl. *cărpine[m] ”). 4 Quant à fr. charme s.m. « id. » (dp. ca 1170, TLF ; Gdf ; GdfC ; TL ; FEW 2, 406b ; ALF 241), il s’agit d’une forme syncopée évolutive (cf. FouchéPhonétique 3, 828, qui suppose une labialisation de la nasale par assimilation à distance, avant syncope). 5 Norm. karn, cité dans REW3, n’est confirmé ni par ALF 241 ni par ALFTable 94. 6 Les issues francoprovençales présentent un déplacement de l’accent sur la pénultième (SeifertProparoxytona 103 ; HafnerGrundzüge 124–125 ; LausbergLinguistica 1, § 152). 7 On hésite à ranger sous ce type laz. kárpina s.f. « charme » et abr. càrpina « Hypnum sericeum », camp. « Ostrya vulgaris » (LEI 12, 356) en raison de leur nette séparation de l’aire galloitalienne : s’agirait-il d’une réfection morphologique idioromane (facilitée dans le dialecte des Abruzzes et en campanien par l’issue /-ə/ de */-u/, cf. RohlfsGrammStor 1, § 147) ?
*/'karpin-u/ s.f. | 477
[sud-ouest]), frpr. charpena (Burger in GPSR 3, 379–380 ; FEW 2, 407a ; ALF 241 [général] ; ALLy 448 ; ALJA 530 [Jura [’tsarna]])8, 9. Commentaire. – Le roumain, l’istriote, l’italien, le frioulan, le français, le francoprovençal, l’occitan et le gascon présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'karpin-u/ s.f. « arbre de la famille des bétulacées, au bois blanc et dur, aux fruits entourés de bractées trilobées, aux feuilles caduques, ovales et dentées (Carpinus betulus L.), charme »10. En revanche, des considérations d’ordre phonétique11, chronologique et géobotanique (le charme n’est pas autochtone dans la péninsule ibérique) incitent à suivre Corominas et Pascual in DCECH 1, 887, qui considèrent esp. carpe s.m. « charme » (dp. ca 1495, DME ; DCECH 1, 887) et port. carpa s.f. (dp. 1873, DELP3) comme des emprunts intraromans (avec un changement de genre dû à la finale dans le cas du portugais), malgré REW3 et DELP3, qui y voient des issues héréditaires. Mais la langue prêteuse n’est pas, comme l’affirme le DCECH, l’occitan, mais le gascon ou, plus probablement, le français régional de Bordeaux (cf. Chambon,ACILR 26/1, 148–
|| 8 On rattachera ici bourg. mérid. charpenne s.f. « id. » (dp. 1648, JeannetGlossaire ; FEW 2, 407a ; ALB 548), qui représente un vestige de l’ancienne zone francoprovençale effondrée. – “Abress. Charma f. « charme »” (1341, DAO n° 488) est erroné : cette donnée est à rattacher à */'kalm-a/ (FEW 2, 100b-101b, CALMA), cf. Duraffour,VRom 5, 269 n. 1. 9 À l’exception du bourguignon méridional (cf. ci-dessus n. 8), les formes féminines du domaine oïlique (poit. [ʃarpr], FEW 2, 407a ; ALF 241 ; ALO 343* [en coprésence de formes masculines] ; champ. charme, dp. 1384/1385, GdfC ; FEW 2, 407a ; ALCB 564 ; frcomt. charpenne, FEW 2, 407a ; ALJA 530) s’analysent comme issues d’une recatégorisation intervenue en français, avec changement de genre dû à /-ə/ interprété comme une marque de féminin. – Arouerg. calpena s.f. « id. » (s.d., FEW 2, 407a), dont la source n’a été retrouvée ni par DAO n° 488 ni par nous, est douteux. 10 Il conviendrait de tester l’hypothèse, vraisemblable, de Chambon,ACILR 26/1, 149 selon laquelle la reconstruction sémantique aboutirait à « Carpinus betulus ; Ostrya carpinifolia ; (par métonymie) bois de ces deux arbres ». 11 On a essayé de contourner la difficulté phonétique en postulant une base étymologique secondaire, issue de */'karpin-u/ par dérivation régressive. Mais dans sa première formulation (Baist in GröberGrundriss2 1, 892 : “[Esp.] carpe, pg. carpa verlangt *CARPIS nicht *CARPINUS”), cette hypothèse présente la faiblesse de ne pas s’appuyer sur des parallèles avérés. Sous la forme d’une variante proposée par GarcíaDiego, */'karp-u/, elle est, en raison de l’existence de */'ɸraksin-u/ ~ */'ɸraks-u/ (REW3 s.v. fraxĭnus ; DES s.v. frássu ; von Wartburg in FEW 3, 771b773a, FRAXINUS ; DECat 4, 185–186 ; fraxus : “tardif”, Ernout/Meillet4 s.v. fraxinus ; ButlerLatin 69 et n. 62), qui pourrait être invoqué comme un parallèle, plus crédible du point de vue morpho-sémantique, mais elle se heurte à une impossibilité phonétique (*/-u/ > esp. /-o/, port. /-u/, cf. MeyerLübkeGRS 1, § 308).
478 | 1. Articles 149). Ainsi, ni le protoroman régional de Sardaigne12, ni celui de la Rhétie13, ni celui de l’Ibérie14 ne semblent avoir adopté */'karpin-u/. Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les deux types morphologiques, correspondant à deux voies de réfection, dont elles relèvent : masculin en */-u/ (I.) et féminin en */-a/ (II.). Le masculin couvre les domaines roumain, istriote, italien, frioulan, français, francoprovençal, occitan et gascon, tandis que le féminin se confine à une aire assez compacte formée par le lombard, le vénitien, le dialecte du Latium, le frioulan et le francoprovençal. La diffusion large du masculin, y compris en roumain, dont la séparation du tronc commun semble remonter au 3e siècle (Straka,RLiR 20, 258), incite à l’attribuer à une strate ancienne du protoroman. En revanche, la localisation du féminin dans une aire comprise dans celle du masculin le dénonce comme plus récent. Les types I. et II. doivent être conçus comme deux réfections, de sens contraire, à partir d’un même point de départ anomal à l’intérieur des classes morphologiques du protoroman. Leur ancêtre commun ne saurait être que protorom. */'karpin-u/ s.f., qui seul explique les deux développements ultérieurs : un changement de genre, général (I.), et une remorphologisation en */-a/ dans une partie du domaine (II.). Un tel passage du féminin au masculin s’observe par ailleurs pour d’autres noms d’arbres15. Les données du latin écrit confirment la reconstruction en diachronie profonde : lat. carpinus, -i s.f. « id. » est connu dès le latin préclassique (dp. Caton l’Ancien [* 234 – † 149], TLL 3, 491 ; AndréPlantes 51). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 256, 308, 327, 405, 409, 474, 605 ; REW3 s.v. carpĭnus ; Ernout/Meillet4 s.v. carpinus ; von Wartburg 1938 in FEW 2, 406b-408a, CARPINUS ; LausbergLinguistica 1, § 173–174, 284–287, 293 ; 2, § 314, 408, 531, 601, 624 ; HallPhonology 131 ; Faré n° 1715 ; SalaVocabularul 546 ; MihăescuRomanité 197 ; Zamboni in LEI 12, 351–362, CARPINUS.
|| 12 Cf. sard. aúrri s.m. « id. », d’origine préromane (DES ; PittauDizionario 1). 13 Le romanche ne présente pas d’issue de */'karpin-u/. – Lad. carpénn s.m. « bois dur » est un emprunt aux dialectes nord-italiens (Kramer/Schlösser in EWD). 14 Cf. cat. faig de cleda s.m. « id. », littéralement « hêtre de clôture » (FEW 2, 407b ; calque de l’allemand selon DCECH 1, 887 n. 1). – Gal. carpe s.m. « charme » (DaviñaNatureza ; Xerais), dépourvu d’attestations anciennes, représente un emprunt à l’espagnol, malgré Buschmann, qui postule une filière héréditaire en s’appuyant sur le témoignage de gal. carpaza s.f. « type d’arbuste (Chamaespartium tridentatum) ; type d’arbrisseau du genre cistacées », qu’elle analyse à tort (cf. DCECH 1, 887) comme un dérivé d’un simple perdu. 15 LausbergLinguistica 2, § 601 ; LEI 1, 102, ABIES ; von Wartburg in FEW 25, 90ab, ARBOR ; Calabrò/Fanciullo/Lupis in LEI 3/1, 817, ARBOR.
*/'kasi-u/ s.n. | 479
Signatures. – Rédaction : Stella MEDORI. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Günter HOLTUS. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Jérémie DELORME ; Maria ILIESCU ; Max PFISTER. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Luca BELLONE ; Lidia COTOVANU ; Žarko MULJAČIĆ. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 24/10/2008. Version actuelle : 16/08/2014.
*/'kasi-u/ s.n. « produit alimentaire obtenu par égouttage (et, généralement, salage et affinage) de la masse solide résultant de la coagulation du lait (ou de la crème ou de leur mélange) » */'kasi-u/ > sard. kaṡu s.m. « produit alimentaire obtenu par égouttage et éventuellement salage, mais sans affinage de la masse solide résultant de la coagulation du lait, fromage frais » (DES ; PittauDizionario 2 ; AIS 1217), dacoroum. caş n. (Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 275 ; DA ; Cioranescu n° 1498 ; MDA), istroroum. cåş m. « produit alimentaire obtenu par égouttage (et, généralement, salage et affinage) de la masse solide résultant de la coagulation du lait (ou de la crème ou de leur mélange), fromage » (MaiorescuIstria 114 [« fromage frais battu et mêlé de crème, fromage blanc »] ; PuşcariuIstroromâne 3, 106 ; SârbuIstroromân 196 ; ALIstro n° 1505, 1506, 1507, 1508), méglénoroum. caş (Candrea,GrS 3, 199 ; CapidanDicţionar), aroum. caş n. (dp. 1770 [κάσσου], KavalliotisProtopeiria n° 0129 ; Pascu 1, 58–59 ; DDA2 ; BaraAroumain), dalm. kis m. (BartoliDalmatico 410 § 340, 421 § 386 ; ElmendorfVeglia), itcentr./itmérid. cacio (dp. 3e qu. 12e s., Mosti in TLIO ; DELI2 ; AIS 1217), esp. queso (dp. 980, DCECH 4, 721 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. quesu (dp. 927 [ms. 12e s. ; queso], DELlAMs ; DGLA), gal. queixo/port. queijo (dp. 1257 [queygios pl.], DELP3 ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)1. Commentaire. – À l’exception du frioulan, du ladin, du romanche, du français, du francoprovençal, de l’occitan, du gascon et du catalan, toutes les branches || 1 La date de 1188/1230 fournie par DELP3 correspond à un texte en latin médiéval mâtiné de lexèmes castillans, tel queso, cité à tort comme première attestation de port. queijo.
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romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'kasi-u/ s.n. « produit alimentaire obtenu par égouttage (et, généralement, salage et affinage) de la masse solide résultant de la coagulation du lait (ou de la crème ou de leur mélange), fromage ». Plusieurs langues non romanes ont emprunté ce lexème au protoroman2. Le genre neutre de l’étymon se déduit du genre des continuateurs dacoroumain et aroumain et s’articule bien avec le genre neutre du corrélat latin (cf. cidessous). Dans une partie occidentale de la Romania (Gallia amplissima), les continuateurs de ce type lexical sont entrés en concurrence, jusqu’à éviction, avec des lexèmes rattachables notamment à protorom. rég. */ɸor'm-atik-u/ s.m. « fromage mis en forme au moyen d’un moule » (fr. frpr. occit. gasc. cat.)3 et */kasi-'ɔl-u/ s.m. « id. » (lad. et romanch.)4. Ces deux innovations lexicales reflètent une innovation technique, la mise en forme du fromage au moyen d’un moule, concurrençant ou évinçant d’autres usages (façonnage du fromage à la main, serrage du fromage dans une poche servant d’étamine). Au demeurant, la survie en Gaule (fr. frpr. occ. gasc.) de protorom. */kasi-'ari-a/ s.f. « fromagerie ; égouttoir à fromages » et */kasi-'ari-u/ s.m. « id. » (cf. FEW 2, 456b-457b) montre que la disparition de */'kasi-u/ n’est pas originelle. Le corrélat du latin écrit, caseum/casium, -i s.n. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 3, 513). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 511 ; REW3 s.v. casĕus ; von Wartburg 1938 in FEW 2, 456b-458a, CASEUS ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 174, 175 ; 2, § 314–318, 459–461 ; HallPhonology 151. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : August KOVAČEC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Carli TOMASCHETT ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam
|| 2 Les antécédents de vangl. cēse s. « fromage » (> angl. cheese, OED2), vsax. kēsi/kiēsi (Kluge24), ahall. kāsi (> all. Käse, Kluge24), gall. caws (PedersenKeltisch 1, 202), corn. caus (LothBrittoniques 146), bret. keuz (HaarmannBretonisch 90 ; Deshayes), irl. cáise (PedersenKeltisch 1, 202, 217 ; LEIA C-22) et écoss. càis (MacLennanGaelic) ont été empruntés, directement ou indirectement, au protoroman. 3 Fr. fromage s.m. « fromage » (> it. [surtout itseptr.] formaggio, cf. DELI2, et istriot. furmàio, cf. PellizzerRovigno), frpr. fromaðo, occit. froumadze, gasc. ourmaje (cf. FEW 3, 717b-719a), cat. formatge (DCVB). 4 Lad. ćiajó s.m. « fromage » (Kramer/Schlösser in EWD), romanch. chaschöl/caschiel (Decurtins in DRG 3, 444–450 ; HWBRätoromanisch).
*/kas'tani-a/ ~ */kas'tɪni-a/ s.f. | 481
BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Lucia MANEA. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/05/2011. Version actuelle : 25/08/2014.
*/kas'tani-a/ ~ */kas'tɪni-a/ s.f. « fruit du châtaignier » I. */kas'tani-a/ */kas'tani-a/ > sard. kastánza/kastánğa s.f. « fruit du châtaignier, châtaigne » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1291), méglénoroum. ˹căstǫńă˺ (CapidanMeglenoromânii 1, 80 ; Candrea,GrS 3, 199 ; CapidanDicţionar ; AtanasovMeglenoromâna 127), aroum. căstîńe (dp. 1770 [γκασταννε], KavalliotisProtopeiria n° 0250 ; Pascu 1, 61 ; CapidanMeglenoromânii 1, 80 ; CapidanAromânii 148 ; DDA2 ; BaraAroumain)1, it. castagna (dp. ca 1200 [castanee pl. ; graphie latinisante], Piermaria in TLIO ; DELI2 ; AIS 1291), romanch. chastogna/castogna (Schorta in DRG 3, 459–461 ; HWBRätoromanisch), fr. châtaigne (dp. ca 1170 [chastaingne], TL ; TLF ; Gdf ; GdfC ; AND2 s.v. chasteine ; FEW 2, 463a ; ALF 251), frpr. chatagni (dp. déb. 13e s. [chastanes pl.], SommeCode 7 ; DAO n° 641 ; Schüle in GPSR 3, 424–427 ; FEW 2, 463a ; ALF 251), occit. castanha (dp. ca 1160/1180 [castagna], Raynouard ; DAO n° 641 ; Pansier 3 ; FEW 2, 463b ; ALF 251), gasc. castanhe (dp. 1352 [castanha], DAG n° 641 ; CorominesAran 394 ; FEW 2, 463b ; ALF 251), cat. castanya (dp. 1272, DECat 2, 624–625 ; DCVB), esp. castaña (dp. 1250, CORDE ; DCECH 1, 916 ; DME ; Kasten/Cody), ast. castaña (dp. 1149 [castaneas pl. ; graphie latinisante], DELlAMs ; DGLA ; AriasPropuestes 2, 380), gal. castaña/port. castanha (dp. 1209 [castañas pl.], DDGM ; Buschmann ; DELP3 ; CunhaVocabulário2 ; Cunha,Confluência 3, 31 ; Houaiss).
|| 1 Si la documentation concernant l’istroroumain est lacunaire, les formes dacoroumaines castană et ghistină/aghistină sont des emprunts dont l’origine est discutée (cf. HristeaProbleme 81–82 ; Cioranescu n° 1511 ; Tiktin3 ; Densusianu,R 33, 276 ; DA). – Istriot. [kast'áña] (AIS 1291) semble être un emprunt à l’italien (Deanović,AGI 39, 193).
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II. */kas'tɪni-a/ */kas'tɪni-a/ > itsept. castegna s.f. « châtaigne » (dp. 13e s. [lomb. vén.], Piermaria in TLIO ; AIS 1291 [piém. lomb. trent. émil.-romagn. vén.])2, march. kast'ę́ñ (AIS 1291)3, laz. kast'ẹ́́ña (AIS 1291), camp. kast'ẹ́́ña (AIS 1291), frioul. cjastine (Iliescu,RRL 17, 186 ; Frau in DESF ; GDBTF ; AIS 1291 ; ASLEF 895 n° 4121, n° 4123)4, lad. ćiastëgna (dp. 1879 [chastëgna], Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 1291 ; ALD-I 127). Commentaire. – À l’exception du dalmate5, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */kas'tani-a/ ~ */kas'tɪni-a/ s.f. « fruit du châtaignier, châtaigne ». Les issues romanes ont été subdivisées selon les deux prototypes dont elles relèvent : */kas'tani-a/ (cidessus I.) et */kas'tɪni-a/ (ci-dessus II.). Le type I. est régulièrement continué dans les parlers de toutes les branches de la famille romane, à l’exception du ladin et du frioulan, dans les domaines desquels vit le type concurrent II. (*/kas'tɪni-a/), typique aussi de l’italien septentrional et de quelques variétés centroméridionales (RohlfsGrammStor 1, § 14 ; REW3 s.v. castinea). Protorom. */kas'tani-a/ ~ */kas'tɪni-a/ représente une ellipse de la lexie complexe */'nʊk-e kas'tani-a/ ~ */'nʊk-e kas'tɪni-a/, elle-même calquéeempruntée de gr. κάρυα καστάνεια (Ernout/Meillet4 s.v. castanea). Dès lors, la variation */kas'tani-a/ ~ */kas'tɪni-a/ ne fait que refléter le traitement fluctuant
|| 2 L’attestation lombarde est de sens figuré (en référence au peu de valeur de la châtaigne). RohlfsGrammStor 1, § 14 et Sganzini,VRom 2, 83 mentionnent l’existence de castegna en ancien ligurien, mais Piermaria in TLIO ne donne, pour le génois, qu’un continuateur du type I (castagne pl.) attesté en 1311. 3 Certaines de ces formes (lomb. émil.-romagn. march.) pourraient toutefois continuer, à travers [kast'ę́ña], protorom. */kas'tani-a/ (I). En effet, on observe régulièrement en italien septentrional la palatalisation de /a/ en [ɛ] sous l’accent (cf. LausbergLinguistica 1, § 175 ; RohlfsGrammStor 1, § 19 ; TekavčićGrammatica1 1, 52–54). Ces formes présentant [ɛ] peuvent aussi résulter d’évolutions secondaires sous l’effet de la palatale subséquente (RohlfsGrammStor 1, § 57). 4 Suite à Sganzini,VRom 2, 84, Hering/von Wartburg in FEW 2, 466b postulent une troisième base étymologique, */kas'tɛni-a/, pour une partie des données (lomb. émil.-romagn. frioul.) classées ci-dessus sous II. Nous écartons cette hypothèse étymologique et suivons au contraire Iliescu,RRL 17, 186 et Frau in DESF (pour le frioulan) et ErnoutAspects 32–34 et BivilleEmprunts 2, 110–111, 136–137 (pour l’agencement général des deux types étymologiques, cf. n. 7). 5 Le dalmate ne présente pas d’issue de */kas'tani-a/ ~ */kas'tɪni-a/. Toutefois, BartoliDalmatico 401 § 306 et MihăescuRomanité 115 voient dans scr. kesten un emprunt à une ancienne issue de */kas’tani-a/ que le dalmate aurait perdue depuis.
*/kas'tani-a/ ~ */kas'tɪni-a/ s.f. | 483
de gr. /ă/, passé par apophonie à /ɪ/ dans certaines variétés de la langue emprunteuse (cf. BivilleEmprunts 2, 110–111, 136–137)6. L’extension géographique du type */kas'tɪni-a/ (II.) montre un succès moindre, reflétant une influence plus tardive du grec, qui n’a pas réussi à conquérir l’espace occupé par les continuateurs de */kas'tani-a/7, 8. Les données du latin écrit confirment cette chronologie. Le corrélat de I., castanea, -ae s.f. « id. », est connu depuis Virgile (av. 19 av. J.-Chr., TLL 3, 523 ; Ernout/Meillet4 ; OLD ; AndréPlantes 53)9, tandis que celui du type II., castinea s.f. « id. », n’est attesté que tardivement, dans l’Oribase latin (5e/6e s., TLL 3, 523 ; Ernout/Meillet4 s.v. castanea ; AndréPlantes 53). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 17, 223, 232, 244, 283, 314–318, 468 ; 2, § 394 ; REW3 s.v. castanea, castinea ; Ernout/Meillet4 s.v. castanea ; Hering/von Wartburg 1938 in FEW 2, 463a-467b ; LausbergLinguistica 1, § 167, 169, 173–175, 230–231, 233–236, 251, 314–318, 424, 463 ; 2, § 591–592, 601 ; SalaVocabularul 541 ; DOLR 6 (1996), 53 ; HallPhonology 152 ; Faré n° 1742 ; AndréPlantes 53. Signatures. – Rédaction : Stella MEDORI. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Eugen MUNTEANU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Anna CORNAGLIOTTI ; Georges DARMS ; Simone PISANO ; Michela RUSSO. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision
|| 6 Ernout/Meillet4 : “Le vocalisme avec ă intérieur maintenu semble montrer que l’emprunt ne remonte pas à la période la plus ancienne”. 7 La reconstruction romane n’invite donc pas à suivre MeilletEsquisse 90, Sganzini,VRom 2, 77–78, 88–103 et FEW 2, 466b, 467a, qui postulent l’antériorité de protorom. */kas'tɪni-a/ par rapport à */kas'tani-a/ (le fait que les continuateurs de */kas'tɪni-a/ participent à une évolution phonétique régulière ne constitue pas un contre-argument : la variante II. est ancienne, mais postérieure à I.). Cf. ErnoutAspects 32–34 (“doublet[s] dialecta[l] tardif[s]”) et BivilleEmprunts 2, 110–111, 136–137. 8 La vitalité du type */kas'tani-a/ peut être confirmée par l’emprunt dont témoignent les langues celtiques (corn. cesten, bret. kesten coll. « châtaignes », cf. LothBrittoniques 149) ainsi que l’albanais (MihăescuRomanité 34 ; VătăşescuAlbaneză 160). 9 Lat. castanea s.f. est aussi employé durant toute l’Antiquité dans le sens de « châtaignier » (dp. Virgile [* 70 - † 19], TLL 3, 523–524 ; AndréPlantes 53). Cependant, à l’exception d’une attestation judéofrançaise isolée (fin 11e s., RaschiD2 2, 147 = FEW 2, 463a), dont le caractère héréditaire n’est pas assuré, les parlers romans, qui désignent l’arbre par dérivation ou changement de genre à partir du nom de la châtaigne, ne connaissent pas ce sens pour le simple.
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finale : Victor CELAC. – Contributions ponctuelles : Éva BUCHI ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Johannes KRAMER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/04/2010. Version actuelle : 27/07/2014.
*/ka'ten-a/ s.f. « succession d’anneaux engagés les uns dans les autres » */ka'ten-a/ > sard. kađèna s.f. « succession d’anneaux engagés les uns dans les autres, chaîne » (DES s.v. katèna ; PittauDizionario 1 s.v. cadena ; AIS 217), dacoroum. cătină « fruit juteux et comestible (globuleux, jaune à orange) d’un arbrisseau épineux possédant un feuillage à reflets argentés et dont on se sert pour fixer les sols (Hippophae rhamnoides L.), fruit de l’argousier » (dp. 1792, Tiktin3 ; Candrea-Densusianu n° 289 ; DA ; Cioranescu n° 1550 ; MDA ; ALR SN 628 p 784, 876 [« sorte de saule »] ; cf. aussi p 812 [catin s.m. « id. »])1, 2, aroum. cătină « ensemble des vertèbres dont la suite articulée forme un axe osseux du crâne au bassin ou à la queue, colonne vertébrale » (DDA2 ; BaraAroumain), dalm. kataina « chaîne » (BartoliDalmatisch 2, 68 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 119, 211), it. catena (dp. 12e s., Artale in TLIO ; Merlo,AUTosc 44, 34 ; Faré n° 1764 ; DELI2 ; AIS 217), frioul. cjadene (Crevatin in DESF ; GDBTF ; AIS 217 ; ASLEF 509 n° 2659, 511), lad. ćiadëna (dp. 1879, Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 217 ; ALD-I 128), romanch. chadaina/cadeina (dp. 1560 [chiadainas pl.], Decurtins/Schorta in DRG 3, 145 ; HWBRätoromanisch ; AIS 217), fr. chaîne (dp. ca 1100 [chaeines pl.], RolS2 221 = TLF ; GdfC ; FEW 2, 498a ; TL ; TLF ; AND2 ; || 1 Quant à la datation de 1472 proposée par Tiktin3, elle concerne un toponyme cité dans un texte slave. 2 Nous reprenons à notre compte l’étymologie proposée par Candrea-Densusianu n° 289 et reprise par DA et MDA : elle ne se heurte à aucun obstacle phonétique (l’évolution est régulière), et le changement de sens s’explique quand on tient compte de la forme des fruits de l’argousier, qui s’étendent comme une sorte de chaîne sur les branches de l’arbuste. Le sens originel s’est étendu à la plante entière, l’argousier, puis à d’autres plantes (tamaris, lyciet, lampourde épineuse, myricaire d’Allemagne). – Cioranescu n° 1550 rattache le lexème à */'katan-u/, ce qui pose des problèmes phonétique (*/-an/ > dacoroum. -ân, cf. DensusianuHistoire 2, 17) et sémantique (les issues de */ka'ten-a/ désignent d’abord le fruit et non pas la plante, cf. Hristea,RRL 9) et laisse le genre féminin inexpliqué. Quant à l’accentuation de cătină, elle est originellement paroxytonique ; les attestations accentuées sur la première syllabe sont récentes et minoritaires et ne peuvent donc pas constituer un argument en faveur de */'katan-u/.
*/ka'ten-a/ s.f. | 485
ALF 221), frpr. ˹tsə(i)na˺ (dp. 1372 [cheyna « chaîne d’un tissu »], Marzys in GPSR 3, 258 ; HafnerGrundzüge 77 ; FEW 2, 498b ; ALF 221), occit. cadena/chadena (dp. ca 1100 [kadenas pl.], AppelChrestomathie 148 ; Raynouard ; Levy s.v. cadenat ; Pansier 3 ; FEW 2, 498a ; ALF 221), gasc. cadia (FEW 2, 498b ; CorominesAran 374 ; ALF 221 ; ALG 772), cat. cadena (dp. 13e s., DECat 2, 385 ; DCVB), esp. cadena (dp. ca 1230, DME ; Kasten/Cody ; DCECH 1, 732), ast. cadena (dp. 1270, DELlAMs ; AriasPropuestes 2, 14 ; DGLA), gal. cadea/port. cadeia (dp. 1265 [cadea], CunhaÍndice ; Buschmann ; DRAG1 ; DDGM ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ka'ten-a/ s.f. « succession d‘anneaux métalliques engagés les uns dans les autres, chaîne ». En roumain, le lexème ne s’est maintenu qu’en dacoroumain et en aroumain, qui n’ont cependant pas conservé le sens ancestral « chaîne »3, mais ont développé indépendamment des sens par analogie de forme. Le corrélat du latin écrit, catena, -ae s.f. « id. », est attesté durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 3, 605). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 70, 259–263, 409–413, 443, 450 ; REW3 s.v. catēna ; Ernout/Meillet4 s.v. catena ; von Wartburg 1938 in FEW 2, 498a502b, CATENA ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 156–160, 193–199, 230–235 ; 2, § 314–318, 360–365 ; HallPhonology 36 ; Faré n° 1764 ; SalaVocabularul 588 ; MihăescuRomanité 119, 211. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Anna CORNAGLIOTTI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Jérémie DELORME ; Günter HOLTUS ; Eugen MUNTEANU ; Uwe SCHMIDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 22/01/2010. Version actuelle : 27/07/2014.
|| 3 Dans le sens « chaîne », protorom. */ka'ten-a/ a été evincé en dacoroumain par lanţ s.n. (dp. 16e s., < slave, Tiktin3).
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*/'klam-a-/ v.intr./tr./pron. « émettre avec force un son perçant ; émettre un son perçant ou prononcer à voix haute le nom propre de (qn) pour attirer (son) attention ; reconnaître publiquement (qn ou qch.) comme (le détenteur d‘un statut) ; attribuer un nom à (qn) pour (le) distinguer ; porter (un certain nom) comme nom propre » I. Emploi intransitif : « crier » */kla'm-a-re/ > dacoroum. chema v.intr. « émettre avec force un son perçant, crier » (dp. 1500/1510 [date du ms. ; chemai prét. 1], Psalt. Hur.2 88 ; DA ; Cioranescu n° 1708 ; MDA), istroroum. cl'emå (PuşcariuIstroromâne 3, 306 ; FrăţilăIstroromân 1, 130), dalm. ˹klamúr˺ (BartoliDalmatico 229, 315), istriot. čamá (DallaZoncaDignanese), it. chiamare (dp. fin 13e s. [aombr. clamare], TLIOCorpus ; GDLI), frioul. clamâ (Doria in DESF ; GDBTF), romanch. clamar (dp. 1658, Decurtins in DRG 3, 682 ; HWBRätoromanisch)1, cat. clamar (dp. 1ère m. 13e s. [clamà prét. 3], DCVB = CICA ; DECat 2, 729–732), aesp. llamar (ca 1340 – 1500, Kasten/Cody).
II. Emploi transitif : « appeler » */kla'm-a-re/ > sard. kramare v.tr. « émettre un son perçant ou prononcer à voix haute le nom propre de (qn) pour attirer (son) attention, appeler » (DES ; PittauDizionario 1), dacoroum. chema (dp. 1500/1510 [date du ms. ; chemă prét. 3], Psalt. Hur.2 129 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 329 ; DA ; Cioranescu n° 2116 ; MDA), istroroum. cl'emå (MaiorescuIstria 116 ; Byhan,JIRS 6, 242 ; PuşcariuIstroromâne 3, 306 ; SârbuIstroromân 197 ; FrăţilăIstroromân 1, 130), méglénoroum. cl'imari (Candrea,GrS 3, 201 ; CapidanDicţionar s.v. cl’em), aroum. cl'em (dp. ca 1760 [σὲ κλέννι subj. prés. 2], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 227 ; Pascu 1, 68 s.v. cl’imare ; DDA2 ; BaraAroumain)2, dalm. ˹klamúr˺ (BartoliDalmatico 224, 315 ; ElmendorfVeglia), istriot. čamá (DeanovićIstria 108 ; Pel|| 1 En français, en francoprovençal et en occitan, l’emploi intransitif n’est pas héréditaire : on ne trouve qu’un emploi absolu de clamer « appeler (qn) à haute voix » dans les parlers dialectaux (les attestations traduites par « crier » dans FEW 2, 729a représentent en réalité des emplois absolus). 2 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier présent.
*/'klam-a-/ v.intr./tr./pron. | 487
lizzerRovigno), it. chiamare (dp. 1219 [atosc.], TLIOCorpus ; DELI2 ; GDLI), frioul. clamâ (dp. 15e s., VicarioCarte 2, 46 ; Doria in DESF ; GDBTF), lad. tlamè (dp. 1879, Kramer/Schlösser in EWD), romanch. clamar (dp. 1613 [clamma prés. 3], DRG 3, 682 ; HWBRätoromanisch), fr. clamer (dp. 1440/1477, DMF2010 [« implorer (un être surnaturel) »] ; Gdf ; FEW 2, 729a [“vieux”] ; TL ; TLF ; AND2), frpr. clamar (GPSR 4, 94), occit. clamar (dp. ca 1000 [« invoquer (Dieu) »], AppelChrestomathie 147), gasc. clama (Palay), cat. clamar (dp. 1342 [clamaren prét. 6 ; rare], DCVB ; DECat 2, 729–732), esp. llamar (dp. ca 1140 [lamo prés. 3], MenéndezPidalCid 3, 127 ; DME ; Kasten/Cody ; DCECH 3, 721–722 ; NTLE), ast. llamar (dp. 1155 [se clamar fut. subj. 3], DELlAMs ; DGLA), gal./port. chamar (dp. 1252 [chamou prét. 3], TMILG ; DDGM ; Buschmann ; DdD ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss).
III. Emploi prédicatif transitif : « proclamer » */kla'm-a-re/ > dalm. ˹klamúr˺ v.préd.tr. « reconnaître publiquement (qn ou qch.) comme (le détenteur d‘un statut), proclamer » (BartoliDalmatico 225 ; ElmendorfVeglia), it. chiamare (dp. 1268 [atosc. chiama], TLIOCorpus ; GDLI), lad. tlamè (dp. 1613, BelardiStoria 156 ; Kramer/Schlösser in EWD), romanch. clamar (DRG 3, 683 ; HWBRätoromanisch), fr. clamer (dp. ca 1100, TLF [litt.] ; FEW 2, 730a ; Gdf ; TL ; AND2), frpr. clamar (FEW 2, 729a-730b ; Berlincourt in GPSR 4, 94), occit. clamar (dp. ca 1130/1149, MarcD 10 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 2, 729a-730b), gasc. clamà (Raynouard ; Levy ; FEW 2, 729a-730b ; Palay), esp. llamar (dp. fin 12e/déb. 13e s., SmithCid 206 ; DCECH 3, 721–722), ast. llamar v.pron. (dp. 1296 [laman prés. 6], DELlAMs), gal. chamar v.tr. (dp. 1264/1284 [chamando gérond.], DDGM).
IV.1. Emploi transitif : « nommer » */kla'm-a-re/ > sard. kramare v.tr. « attribuer un nom à (qn) pour (le) distinguer, nommer » (dp. 1206 [clamandu part. prés.], BlascoCrestomazia 1, 77 ; DES ; PittauDizionario 1), dacoroum. chema (dp. 1500/1510 [date du ms. ; chema-va fut. 3], Psalt. Hur.2 162 ; DA), istroroum. cl'emå (MaiorescuIstria 116 ; SârbuIstroromân 197), méglénoroum. cl'imari (Candrea,GrS 3, 201), aroum. cl'em (Pascu 1, 68 s.v. cl’imare ; DDA2 ; BaraAroumain), dalm. ˹klamúr˺ (BartoliDalmatico 282 ; ElmendorfVeglia), istriot. čamá (DeanovićIstria 108), it. chiamare (dp. 1252/1258 [atosc. chiamato part. p.], TLIOCorpus ; DELI2 ; GDLI), frioul. clamâ (Doria in DESF ; GDBTF), lad. tlamè (dp. 1895, Kramer/Schlösser in EWD [ar-
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chaïque]), fr. clamer (ca 1100 – 1630, FEW 2, 729b ; GdfC ; TL ; TLF ; AND2 ; DMF2010), esp. llamar (dp. ca 1140 [lamar hedes fut. 5], MenéndezPidalCid 3, 127 ; DME ; DCECH 3, 721–722 ; NTLE), ast. llamar (dp. 1232 [laman prés. 6], DELlAMs ; DGLA), gal./port. chamar (dp. 1192 [chamam prés. 6], DDGM ; DELP3 ; Buschmann ; DdD ; DRAG1 ; Houaiss).
IV.2. Emploi prédicatif pronominal : « s’appeler » */kla'm-a-re/ > sard. kramare v.préd.pron. « porter (un certain nom) comme nom propre, s’appeler » (dp. 1206 [si clamat prés. 3], BlascoCrestomazia 1, 77 ; PittauDizionario 1 ; AIS 80), dacoroum. chema (dp. 1559/1560 [cheamă prés. 3], Cod. Brat. 95 ; Tiktin3 ; DA ; Cioranescu n° 1708 ; MDA), istroroum. cl'emå (PuşcariuIstroromâne 3, 306 ; SârbuIstroromân 197 ; FrăţilăIstroromân 1, 130), méglénoroum. cl'imari (Candrea,GrS 3, 201), aroum. cl'em (Pascu 1, 68 s.v. cl’imare ; DDA2), istriot. čamá (DeanovićIstria 108 ; PellizzerRovigno), it. chiamare (dp. 1263 [atosc. si chiama prés. 3], TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 80), frioul. clamâ (Doria in DESF ; GDBTF ; AIS 80), lad. tlamè (dp. 1966, Kramer/Schlösser in EWD [archaïque] ; AIS 80), romanch. clamar (dp. 1612 [si clomma prés. 3], DRG 3, 684 ; HWBRätoromanisch ; AIS 80), gasc. clamà (Palay)3, esp. llamar (dp. 1270, Kasten/Cody ; NTLE), ast. llamar (DGLA ; DELlAMs), gal./port. chamar (dp. 1264/1284 [sse chamava prét. 3], TMILG ; DDGM ; DdD ; DRAG1 ; Houaiss). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'klam-a-/ v. intr./tr./pron. « émettre avec force un son perçant, crier ; émettre un son perçant ou prononcer à voix haute le nom propre de (qn) pour attirer (son) attention, appeler ; reconnaître publiquement (qn ou qch.) comme (le détenteur d‘un statut), proclamer ; attribuer un nom à (qn) pour (le) distinguer, nommer ; porter (un certain nom) comme nom propre, s’appeler ». La comparaison romane permet en effet de reconstruire quatre sens et trois valences pour protorom. */'klam-a-/. On a présenté d’abord le sémème « crier » (I.), puis le sémème « appeler » (II.), analysé comme une restriction de sens, enfin les sémèmes « proclamer » (III.), « nommer » (IV.1.) et « s’appeler » (IV.2.),
|| 3 On trouve une attestation isolée de l’emploi pronominal en catalan : “com mossén Johan Cortit [...] haja un castell fort que·s clama la Pinyana” (LópezEpistolari 112), qui est, cependant, insuffisante pour prouver l’existence stable de cet emploi en catalan.
*/'klam-a-/ v.intr./tr./pron. | 489
qui semblent se greffer sur « appeler » (II.). Il n’est pas possible, sur la base de l’aréologie des différentes valeurs sémantiques attachées aux cognats romans, d’établir leur ordre d’apparition dans la protolangue. La polysémie de protorom. */'klam-a-/ trouve partiellement son pendant dans les données du latin écrit. Le corrélat clamare v.intr./tr., connu durant toute l’Antiquité, présente trois sens correspondant à ceux du protoroman reconstruit : « crier » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 3, 1250 ; cf. ci-dessus I.), « appeler » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 3, 1250 ; cf. ci-dessus II.) et « proclamer » (dp. Cicéron [* 106 – † 43], TLL 3, 1253–1254 ; cf. ci-dessus III.). Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas, en revanche, de corrélat des sens « nommer » et « s’appeler » (ci-dessus IV.). Du point de vue diasystémique (‛latin global’), les sens « nommer » et « s’appeler » sont donc à considérer comme des particularismes propres à des variétés qui n’ont pas eu accès au code écrit. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 421–425, 449 ; REW3 s.v. clāmāre ; von Wartburg 1939 in FEW 2, 729a-730b, CLAMARE ; Ernout/Meillet4 s.v. clāmō ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 340–343 ; HallPhonology 106 ; SalaVocabularul 540 ; StefenelliSchicksal 122 ; MihăescuRomanité 135, 237. Signatures. – Rédaction : Bianca MERTENS ; Laure BUDZINSKI. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Max PFISTER ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Anne-Marie CHABROLLE-CERRETINI ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Karen GONZALEZ ORELLANA ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS ; Anaïs MIRMONT ; David TROTTER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 25/09/2012. Version actuelle : 26/08/2014.
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*/'kred-e-/ v.tr./ditr. « tenir (qch.) pour vrai ; considérer (qn) comme digne de foi ; mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé » I. Sens abstrait : « croire » */'kred-e-re/ > sard. krèdere v.tr. « tenir (qch.) pour vrai, croire ; considérer (qn) comme digne de foi, croire » (dp. 1334/1336 [cretidu part. p.], BlascoCrestomazia 1, 189 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1595), dacoroum. crede (dp. 1500/1510 [credu prés. 6], Psalt. Hur.2 200 ; Tiktin3 ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 404 ; DA ; Cioranescu n° 2550 ; MDA ; ALR SN 1752), istroroum. kręde (Byhan,JIRS 6, 254 ; PuşcariuIstroromâne 3, 307 ; KovačecRječnik 55 ; ALR SN 1752), aroum. cred (Pascu 1, 70 ; DDA2 ; BaraAroumain)1, dalm. credro (ElmendorfVeglia)2, istriot. krídi (DeanovićIstria 112 ; PellizzerRovigno s.v. crìdi ; AIS 1595 p 397, 398), it. credere (dp. ca 1190 [alig. credì prés. 5], Ravani in TLIO ; DELI2 ; GDLI ; TLAVI ; AIS 1595), frioul. crodi (dp. 1358, PironaN2 ; Rizzolatti in DESF ; GDBTF ; AIS 1595 ; ALD-I 201), lad. crëie (dp. 1763 [craier], Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 1595 p 305, 313, 314 ; ALD-I 201), romanch. crajer/crer (dp. 1560 [crair], GartnerBifrun 223 ; Schorta in DRG 4, 179–183 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1595 ; ALD-I 201), fr. croire (dp. fin 11e s. [creid prés. 1], AlexisS2 102 ; Gdf ; GdfC ; FEW 2, 1298b-1300a ; TL ; TLF ; AND2)3, frpr. creire (dp. 1ère m. 13e s., SommeCode 79 ; FEW 2, 1298b-1300a ; HafnerGrundzüge 31 ; Marzys in GPSR 3, 581–585), occit. ˹crezer˺ (dp. ca 1060 [cred prés. 1], SFoiHA 1, 292 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; Pansier 3 ; FEW 2, 1298b-1300a), gasc. crede (dp. 1192/1214 [creder], CartBigRC 118 ; FEW 2, 1299a-1300a ; CorominesAran 156), cat. creure (dp. 2e m. 13e s., DCVB ; MollSuplement n° 1020 ; DECat 2, 1050–1052), esp. creer (dp. 1140, DCECH 2, 235 ; Kasten/Cody ; DME ; CORDE)4, ast. creyer (dp. 1289 [creuiessedes subj. impf. 5], DELlAMs ; DGLA),
|| 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 2 Le dalmate semble aussi connaître des variantes avec changement de conjugaison (kreduor, ElmendorfVeglia ; kredár, BartoliDalmatico 396 § 295, 440 § 455), de création idioromane. 3 La forme credre (fin 10e s.), donnée comme première attestation par le TLF, est extraite de la Passion de Clermont, texte composé dans un idiome dont l’identification n’est pas assurée (peut-être occitan, cf. DePoerck,RLiR 27 ; DEAFBiblEl s.v. PassionA) ; des considérations semblables valent pour credre (ca 1000, SLégerA2 380). 4 Les issues espagnoles, asturiennes, galiciennes et portugaises des verbes appartenant à la flexion en */'-e-/ du protoroman ont subi régulièrement une réaffectation à celle en */-'e-/ ou en */-'i-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119, 126 ; WilliamsPortuguese § 148 ; LloydLatin 451–455).
*/'kred-e-/ v.tr./ditr. | 491
gal./port. crer (dp. 1220/1240 [creer], DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; CunhaÍndice ; Houaiss).
II. Sens concret : « prêter » */'kred-e-re/ > it. credere v.ditr. « mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé, prêter » (1296/1305 [atosc.] – av. 1606, TLIO ; GDLI), fr. croire « faire crédit (à qn de qch.) » (12e s. – 1611, FEW 2, 1298b ; Gdf ; TL ; AND2), afrpr. creire « confier (qch. à qn) » (hap. 1ère m. 13e s. [creit prés. 3], SommeCode 12), aoccit. creire « faire crédit (à qn de qch.) » (ca 1149 – fin 13e s., CodiD 51 ; FEW 2, 1298b = Levy)5, acat. creure (13e – 14e s., DECat 2, 1051 ; FaraudoVocabulari). Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'kred-e-/ v.tr./ditr. « tenir (qch.) pour vrai, croire ; considérer (qn) comme digne de foi, croire ; mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé, prêter ». Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon leur sémantisme. On a observé une distinction entre le sens abstrait « croire », panroman (ci-dessus I.), et le sens concret « prêter » (ci-dessus II.). Ce second sens se limite aux variétés anciennes de l’italien, du français, du francoprovençal, de l’occitan (pour le gascon, cf. note 5) et du catalan. En dépit d’une telle distribution aréale, qui renvoie à une zone compacte et centrale de la Romania ne présentant pas la forme d’une aire de retrait, nous voyons dans les issues du deuxième groupe les survivances d’un type sémantique ancien qui a rencontré la concurrence des continuateurs de */'prεst-a-/ jusqu’à son extinction progressive6. Les données du latin écrit confirment les résultats de la reconstruction. Le corrélat de I., lat. credere v.tr. « croire » (dp. Plaute [*ca 254 – † 184], TLL 4, 1133), et celui de II., lat. credere v.ditr. « prêter » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 4, 1130), sont connus durant toute l’Antiquité. Pour un complément d’information, cf. */ɪm-'prεst-a-/, */ɪm'prumut-a-/ et */'prεst-a-/.
|| 5 Le gascon a également dû connaître ce sens, comme en atteste indirectement le dérivé béarn. crededou s.m. « créancier » (dp. 1273 [crededors pl.], DAG 2078 ; FEW 2, 1298b). 6 Dans certains textes tardifs, l’emploi des issues de */'kred-e-/ dans le sens « prêter » peut être dû à une influence savante (cf. ContiniQuattrocento 109, 140).
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Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 72, 77, 79, 87, 306, 307, 405, 436 ; 2, § 172, 174, 280 ; REW3 s.v. crēdĕre ; Hering/von Wartburg 1945 in FEW 2, 1298b-1311a, CREDERE ; LausbergLinguistica 1, § 168–170, 337, 364, 365, 375, 377, 565 ; HallPhonology 72 ; SalaVocabularul 540 ; StefenelliSchicksal 232. Signatures. – Rédaction : Adriana DIACONESCU ; Jérémie DELORME ; Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du SudEst : Victor CELAC ; August KOVAČEC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Steven N. DWORKIN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Esther BAIWIR ; Pascale BAUDINOT ; Myriam BERGERON-MAGUIRE ; Laure BUDZINSKI ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Christoph GROß ; Maria ILIESCU ; Giorgio MARRAPODI ; Stella MEDORI ; Bianca MERTENS ; Michela RUSSO ; Cylia SADI-AHMED ; Wolfgang SCHWEICKARD ; Mário Eduardo VIARO. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 03/01/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'kresk-e-/ v.intr./tr. « grandir progressivement jusqu’au terme du développement normal, croître ; rendre (qch.) plus grand, accroître » I. Verbe intransitif : « croître » */'kresk-e-re/ > sard. krèskere v.intr. « grandir progressivement jusqu’au terme du développement normal, croître » (DES ; PittauDizionario 1), dacoroum. creşte (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 175 ; Tiktin3 ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 407 ; DA ; Cioranescu n° 2562 ; MDA), istroroum. creşte (MaiorescuIstria 119 ; Byhan,JIRS 6, 254 ; PopoviciIstria 102 ; PuşcariuIstroromâne 3, 108, 184, 307 ; SârbuIstroromân 201 ; ScărlătoiuIstroromânii 299 ; ALIstro n° 1001), méglénoroum. creáştiri (CapidanDicţionar s.v. cres ; Candrea,GrS 3, 203– 204 ; WildSprachatlas 480), aroum. créscu (dp. ca 1760 [că se crească], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0758 ; KavalliotisProtopeiria n° 0878 ; DDA2 ; Pascu 1,
*/'kresk-e-/ v.intr./tr. | 493
70 ; BaraAroumain)1, dalm. crascro (BartoliDalmatico 316, 396, 430 ; ElmendorfVeglia), istriot. crìsi (DeanovićIstria 112 ; PellizzerRovigno ; ILA n° 1001), it. crescere (dp. 2e m. 12e s., Ravani in TLIO ; DELI2), frioul. cressi (dp. 1365/1381 [cresin prés. 6], BenincàEsercizi 24 ; Rizzolatti in DESF ; GDBTF ; ASLEF 38 n° 269, 430 n° 1919–1920), lad. crësce (dp. 1763 [crusche], Kramer/Schlösser in EWD ; ALD-I 202), romanch. crescher (Decurtins in DRG 4, 236–240 ; HWBRätoromanisch), fr. croître (dp. ca 1100 [creistre], RolS2 142 = TLF ; Gdf ; FEW 2, 1323b ; TL ; AND2 s.v. crestre ; DMF2009 ; ALF 362), frpr. creitre (dp. ca 1220/1230 [crestra], ProsalegStimm 55 ; HafnerGrundzüge 123 ; FEW 2, 1323b ; ALF 362), occit. creisser (dp. ca 1060 [creiss prés. 3], SFoiHA 1, 323 ; Raynouard ; AppelChrestomathie 197 ; Levy ; Pansier 3), gasc. creisser (dp. 1279 [creisseran fut. 6], DAG n° 387 ; FEW 2, 1323b ; Palay ; CorominesAran 418 ; ALF 362 ; ALG 2106), cat. créixer (dp. 1ère m. 13e s., DECat 5, 1036–1038 ; MollSuplement n° 1029 ; DCVB), esp. crecer (dp. fin 12e/déb. 13e s. [creçe prés. 3], MenéndezPidalCid 2, 605 ; DCECH 2, 234–235 ; Kasten/Cody ; DME)2, ast. crecer (dp. 1256 [crezca subj. prés. 3], DELlAMs ; DGLA), gal./port. crecer (dp. 1220/1240, TMILG ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 [creçer] ; CunhaÍndice ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)3.
II. Verbe transitif : « accroître » */'kresk-e-re/ > sard. krèskere v.tr. « amener à son plein développement, élever » (DES), dacoroum. creşte (dp. 16e s., Tiktin3 ; Candrea-Densusianu n° 407 ; DA ; Cioranescu n° 2562), méglénoroum. creáştiri (WildSprachatlas 480 [kreşte]), aroum. créscu (DDA2 ; Pascu 1, 70), istriot. crìsi « rendre (qch.) plus grand, accroître » (PellizzerRovigno), it. crescere (dp. 1ère m. 13e s. [ha cresciuto p. comp. 3], Ravani in TLIO)4, frioul. cressi (GDBTF), fr. croître (dp. 1ère m. 12e s.
|| 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 2 L’espagnol, l’asturien et le galego-portugais présentent un déplacement d’accent régulier, dû à la perte de la classe flexionnelle en */'-e-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 126 ; LausbergLinguistica 2, § 788). 3 En portugais contemporain, cette graphie phonétique, courante jusqu’au 16e siècle et encore attestée jusqu’au 19e siècle (DDGM ; DELP3 ; Morais10), a été évincée par la variante , qui montre une influence savante. Contrairement à ce que suggère DELP3, cette dernière graphie n’apparaît pas seulement au 17e siècle, mais est attesté dès 1295/1312 (crescia, TMILG). 4 L’emploi transitif de crescere se trouve plus fréquemment au Moyen Âge. Pour ce qui concerne la langue contemporaine, il n’est courant que dans la locution crescere i figli (cf. Ageno-
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[crestrai fut. 3], GormB 13 = TL ; Gdf ; GdfC ; FEW 2, 1323b ; AND2 s.v. crestre ; DMF2009 ; TLF [aujourd’hui vieux et rare])5, frpr. creitre (dp. 1286/1310 [creisit prét. 3], MargOingtD 106 ; GPSR 4, 598 ; FEW 2, 1323b), occit. creisser (dp. 1137/1152 [creis prés. 3], CercT 184 ; Raynouard ; AppelChrestomathie ; FEW 2, 1323b), gasc. creisser (dp. 14e s. [creysser], ArchHistGironde 11, 35 ; ForsBéarnOG 188, 488 ; Palay), acat. créixer (1272 [crex prés. 3] – 2e t. 15e s., DCVB ; DECat 5, 1036–1038), aesp. crecer (13e [creçer] – déb. 17e s., Kasten/Cody ; DCECH 2, 235), ast. crecer (DALlA), port. crecer (dp. 14e s., CunhaVocabulário2 ; Houaiss)6. Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats incitant à reconstruire protorom. */'kresk-e-/ v.intr. « grandir progressivement jusqu’au terme du développement normal, croître », tr. « rendre (qch.) plus grand, accroître »7. Les issues romanes ont été subdivisées selon leur sémantisme et leur valence : verbe absolutif et intransitif (ci-dessus I.) et causatif et transitif (cidessus II.). En dépit d’une diffusion non complètement homogène et d’attestations généralement plus tardives du type II., nous y voyons un héritage commun : à l’exception du dalmate, du ladin et du romanche8, toutes les branches romanes connaissent, au moins au Moyen Âge, un emploi transitif du verbe, ce qui nous fait postuler que protorom. */'kresk-e-/ avait les caractéristiques d’un verbe labile (cf. CreisselsSyntaxe 2, 4 ; Letuchiy,Challenges 247). Le corrélat de I. en latin écrit, crescere v.intr. « croître », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Caton [* 234 – † 149], TLL 4, 1176), tandis que le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat du type II9. En revanche, le sens principal de crescere, « naître, venir au monde », usuel durant toute l’Antiquité (dp. Ennius [* 239 – † 169], TLL 4, 1176), est étranger aux cognats romans (cf. aussi DOLR 1, 56–57).
|| Verbo 28–29), tandis qu’il est assez fréquent dans les dialectes méridionaux (cf. RohlfsGrammStor 3, § 635). 5 Selon FEW 2, 1329a n. 2, le verbe transitif est ressenti comme une licence poétique depuis le début du 18e siècle. 6 L’emploi transitif du verbe est rare et, semble-t-il, limité au portugais du Brésil. 7 Bret. kreski (FEW 2, 1328b) semble avoir été emprunté à protorom. */'kresk-e-/. 8 Decurtins in DRG 4, 238 signale deux exemples d’emplois transitifs de romanch. crescher, dans l’acception « augmenter (la paye) ». Il s’agit toutefois de cas isolés probablement idioromans. 9 La première attestation disponible de l’emploi transitif dans le code écrit se rencontre en 841/843 (MltWb).
*/'kuɛr-e-/ v.tr. | 495
Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 306–307, 313, 404–405, 438, 455, 468, 473, 532 ; 2, § 160 ; REW3 s.v. crēscĕre ; Ernout/Meillet4 s.v. crēscō ; von Wartburg 1945 in FEW 2, 1323a-1330a, CRESCERE ; LausbergLinguistica 1, § 168, 170, 337, 353–356 ; HallPhonology 751 ; SalaVocabularul 540 ; DOLR 1 (1991), 14 ; MihăescuRomanité 214. Signatures. – Rédaction : Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Pascale BAUDINOT ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Stella MEDORI ; Jan REINHARDT ; Mélynda SALCEDO ; Simone TRABER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 24/06/2011. Version actuelle : 17/08/2014.
*/'kuɛr-e-/ v.tr. « agir en sorte de trouver (qch. ou qn) ; avoir le désir (de qch.) ; exprimer (un désir) de manière à (en) provoquer la réalisation » I. Flexion originelle en */'-e-/ I.1. Sens « chercher » */'kuɛr-e-re/ > dacoroum. pop. cere v.tr. « agir en sorte de trouver (qch. ou qn), chercher » (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 93 ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 317 ; DA ; Cioranescu n° 1671 ; MDA ; ALR SN 1945, 1946, 2010, 2062), istroroum. ˹čęre˺ (MaiorescuIstria 115 ; PuşcariuIstroromâne 3, 106, 328 ; SârbuIstroromân 204 ; KovačecDescrierea 41 ; FrăţilăIstroromân 1, 146–147), méglénoroum. ţireári (CapidanDicţionar s.v. tser ; Candrea,GrS 7, 216 ; AtanasovMeglenoromâna 50, 227, 229, 237, 283 ; ALR SN 1945 ; ALDM 1, 510–515)1, ait. cherere (ca 1230/1250 [atosc. cherendo gérond.] – 1350/1400 [plus tard licence
|| 1 Avec passage idioroman à la flexion en */-'e-/.
496 | 1. Articles poétique], TLIOCorpus ; GDLI)2, frioul. čę́ri (dp. ca 1416 [date du ms. ; zir imp. 2], Barbieri,CeFastu 69/2, 149 ; PironaN2 ; FrancescatoDialettologia 411 ; Crevatin in DESF ; ASLEF 506 n° 2014 p 112a ; ALD-I 139 p 196), gherd. crì (EWD ; ForniGherdëina 572)3, abas-engad. quirer (LombardinMs ; Merlo,RIL 86, 413 ; Decurtins in DRG 5, 603)4, fr. querre (fin 11e s. – 1629, Gdf ; FEW 2, 1408ab [encore wall. pic. norm. poit. bourb. champ. lorr. frcomt.] ; TL ; TLF ; ANDEl s.v. quere1 ; Frantext)5, frpr. querre (dp. 1220/1230, ProsalegMussafia 98 ; FEW 2, 1408a ; HafnerGrundzüge 23, 28, 95 ; ALF 22 ; DuraffourGlossaire n° 5024), occit. querre (dp. ca 1060 [queir ind. prés. 1], SFoiHA 1, 292 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 2, 1408a ; Pansier 5 ; BrunelChartes), gasc. quèrre (dp. 1125 [ms. 1ère m. 15e s. ; querent part. prés], CartBigRC 63 ; Palay [“rare”] ; ALG 181, 181* ; ALF 22 p 548, 632, 635, 637, 682, 690, 760), acat. querre (fin 12e s. [quer prés. 3] – 1460, DCVB ; DECat 6, 939–940 ; MollSuplement n° 2723), aesp. querer (ca 1150 [queria prét. 3] – ca 1180, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 4, 717)6.
I.2. Sens « vouloir » */'kuɛr-e-re/ > logoud. kèrrere v.tr. « avoir le désir (de qch.), vouloir » (DES ; AIS 1638 p 923, 937–938, 941–943, 949, 954)7, dacoroum. pop. cere (dp.
|| 2 Ce représentant régulier de l’étymon a été évincé par it. chiedere v.tr. « id. » (dp. 1267/1268 [atosc. chied’ prés. 3], ScuolaSicColuccia 1150 ; TLIOCorpus ; DELI2 ; GDLI ; AIS 636 p 182, 305, 312, 315, 318–319, 327, 338, 348, 359 ; 736 p 523* ; 1506 p 305, 312–313, 327–328, 338, 348, 359 ; cf. latméd. quedere, 872, DeBartholomaeis,AGI 15, 261, 354), qui en est issu par dissimilation (cf. RohlfsGrammStor 1, § 328). 3 Gherd. crì présente une flexion mixte : tandis que l’infinitif et l’imparfait relèvent de la conjugaison en */-'i-/ (cf. ci-dessous lad. chirì), le reste du paradigme appartient à celle en */'-e-/ (cf. ForniGherdëina 572 et ci-dessous n. 10). 4 La majorité du domaine romanche a remplacé cette issue régulière par un préfixé en en- (cf. DRG 5, 603–606 ; HWBRätoromanisch s.v. encurir ; LRC s.v. encurir). 5 L’attestation de la fin du 10e siècle citée par TLF s.v. quérir est extraite de la Passion de Clermont, texte composé dans un idiome dont l’identification n’est pas assurée (peut-être occitan, cf. DePoerck,RLiR 27 ; DEAFBiblEl s.v. PassionA). – Fr. querre a pu ne pas connaître la diphtongaison en raison de la précocité de la syncope de la voyelle posttonique (cf. LaChausséePhonétique 111). 6 Les issues espagnoles, asturiennes, galiciennes et portugaises des verbes appartenant à la flexion en */'-e-/ du protoroman ont subi régulièrement une réaffectation à celle en */-'e-/ ou en */-'i-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119, 126 ; WilliamsPortuguese § 148 ; LloydLatin 451–455). 7 Infinitif refait à partir de kerre sous la pression analogique (cf. DES). – Asard. kerre n’étant pas attesté dans le sens « vouloir », Wagner in DES propose d’y voir l’effet d’une influence d’esp. querer, mais l’absence d’un tel hispanisme dans les dialectes de l’Italie méridionale (y compris Sicile), où l’influence ibérique a été très forte (cf. BeccariaSpagnolo 66–75, 139–140 ;
*/'kuɛr-e-/ v.tr. | 497
1563/1583, Cod.Vor.2 261, 319, 391 = DA ; MDA), méglénoroum. ţireári (CapidanDicţionar s.v. tser ; Candrea,GrS 7, 216 ; Atanasov,SCL 28, 441 ; AtanasovMeglenoromâna 227), it. sept. ˹cherere˺ (fin 12e s. [avén. quero prés. 1], PoetiDuecentoContini 1, 540 = TLIOCorpus), esp. querer (dp. 1022, Kasten/Cody ; DCECH 4, 717–720 ; DME ; NTLE ; Kasten/Nitti), ast. querer (dp. 1029 [queria impf. 3], DELlAMs ; DGLA), gal./port. querer (dp. 1255 [quiser subj. fut. 1], MaiaHistória 807 ; DDGM ; DELP3 ; DdD ; DRAG1 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
I.3. Sens « demander » */'kuɛr-e-re/ > asard. kerre v.tr. « exprimer (un désir) de manière à (en) provoquer la réalisation, demander » (14e s. [cherre], Stat. Sass. 8 ; DES), dacoroum. cere (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 124 ; Tiktin3 ; EWRS ; DA ; MDA), istroroum. ˹čęre˺ (MaiorescuIstria 115 ; FrăţilăIstroromân 1, 146–147 ; KovačecRječnik 61), méglénoroum. ţireári (CapidanDicţionar s.v. tser ; Candrea,GrS 7, 216), aroum. ţer (Pascu 1, 177 s.v. ţireare [ţearere] ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1946, 2062)8, ait. cherere (ca 1230/1250 [atosc.] – 1321, LEIMatériaux ; GDLI ; TLIOCorpus)9.
II. Flexion innovante en */-'i-/ II.1. Sens « chercher » */kue'r-i-re/ > aitsept. cherire v.tr. « chercher » (1274 [alomb. queri], Sarti in TLIO), frioul. cirî (dp. ca 1416 [date du ms. ; zir imp. 2], Barbieri,CeFastu 69/2, 149 ; Salvioni,RIL 32, 150 ; PironaN2 ; Doria in DESF ; GDBTF ; AIS 636 p 327, 338, 348 ; 1506 p 327–328, 338, 348 ; ASLEF 506 n° 2014 p 2*, 23, 83 ; ALD-I 139)10, || Coluccia,CoFIM 9, 177–232 ; MichelVocabolario 47–169), amène à considérer le sens « vouloir » comme héréditaire. 8 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. L’infinitif ţeárere, cité en seconde position par Pascu (cf. ci-dessus), témoigne de l’appartenance du verbe à la flexion en */'-e-/, même s’il a connu par ailleurs un passage idioroman à celle en */-'e-/ (infinitif ţireáre ; cf. CapidanAromânii 436). 9 En revanche, les attestations isolées d’afr. aoccit. querre v.tr. « demander » (cf. TL ; Levy) sont à interpréter comme des développements idioromans à partir du sens « chercher ». 10 Frioul. cirî présente une flexion mixte : la majeure partie du paradigme (inf., ind. prés. 5, impf., prét., imp. 5, subj. prés. 5, subj. impf.) relève de la conjugaison en */-'i-/, mais certaines formes (part. p., fut., cond.) appartiennent à celle en */'-e-/ (cf. ci-dessus n. 3).
498 | 1. Articles
lad. chirì (dp. 1763, Kramer/Schlösser in EWD ; Merlo,RIL 86, 413–414 ; Faré n° 6923 ; AIS 636 p 305, 312, 315; 1506 p 305, 312–313 ; ALD-I 139 p 81–91, 94–100), bas-engad. kurír (Decurtins in DRG 5, 603–606), fr. quérir (dp. 1327, Klein,Orbis 10, 154 ; TL ; TLF ; FEW 2, 1408ab ; Frantext ; ALF 22)11, frpr. querir (dp. 1389, DevauxEssai 99 ; FEW 2, 1408ab ; ALF 22 ; DuraffourGlossaire n° 5024), occit. querir (dp. 1228/1229, CroisAlbMa 2, 86, 88 ; Levy ; Raynouard ; AppelChrestomathie ; FEW 2, 1408b), agasc. querir (15e s. [querissen subj. impf. 6], ForsBéarnOG 140), acat. querir (fin 13e s., DECat 6, 939–940 ; DCVB ; MollSuplement n° 2723).
II.2. Sens « vouloir » */kue'r-i-re/ > aitsept. cherire v.tr. « vouloir » (1ère m. 13e s. [alomb. querir], TLIO).
II.3. Sens « demander » */kue'r-i-re/ > aitsept. cherire v.tr. « demander » (1ère m. 13e s. [alomb. querir] – av. 1246/1250, TLIO ; GDLI ; DEI). Commentaire. – À l’exception du dalmate, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type morphologiquement évolué, protorom. */'kuɛr-e-/ (['kwɛr-e-]) v.tr. « agir en sorte de trouver (qch. ou qn), chercher ; avoir le désir (de qch.), vouloir ; exprimer (un désir) de manière à (en) provoquer la réalisation, demander ».
|| 11 En français standardisé, le verbe survit seulement à l’infinitif (Frantext ne propose pas d’attestations de formes fléchies après 1601), dans des locutions du type aller quérir « aller chercher ». Il est non seulement défectif, mais tout à fait inusité dans la langue parlée courante générale (cf. Klein,Orbis 10, 154–155). Par ailleurs, la locution ˹aller quérir˺ bénéficie d’une certaine vitalité au niveau dialectal, au moins à en juger par ALF 22 (« aller chercher des violettes ») : le type dialectal le plus diffusé est ˹krí˺, qui couvre une large partie du territoire de la France centro-septentrionale. On relève aussi un certain nombre de continuateurs du type ˹k/(w)ér˺ plus ancien (pic. saint. lorr. ; aussi lang. lim. périg. gasc.) : la distribution aréale minoritaire et moins compacte par rapport aux formes avec passage à la conjugaison en */-'i-/ confirme qu’il s’agit d’un type récessif, confiné à un nombre réduit de parlers dialectaux.
*/'kuɛr-e-/ v.tr. | 499
Les issues romanes ont été subdivisées selon les types morphologiques et sémantiques dont elles relèvent. On a observé une première distinction entre un type originel appartenant à la flexion en */'-e-/ (ci-dessus I.), régulièrement continué dans tous les idiomes romans ayant hérité du protolexème, et un type caractérisé par une innovation morphologique, le passage de la classe flexionnelle en */'-e-/ à celle en */-'i-/ (ci-dessus II.). On observe la coexistence des deux types morphologiques en frioulan, en romanche et en francoprovençal, de même que dans les phases anciennes de l’italien, du français, de l’occitan, du gascon et du catalan. De plus, on peut remarquer que le type II. a une distribution aréale compacte et centrale (cf. Liver,VRom 60, 118), comprenant l’italien septentrional, le frioulan, le ladin et le romanche (‛Italia [septentrionalis] maxima’), le français, le francoprovençal, l’occitan, le gascon et le catalan (‛Gallia maxima’), qui montre que le type II. est une innovation originaire du centre de la Romania, qui n’a pas atteint les zones latérales, et qui est notamment absente des branches sarde et roumaine. L’oscillation entre les deux types, si elle a bien déjà caractérisé la protolangue12, ne peut donc être reconstruite que pour une phase relativement tardive du protoroman, postérieure à l’individuation du roumain. Cette innovation flexionnelle intervient ainsi postérieurement à celle constatée pour */'ɸuɡ-e-/ > */ɸu'ɡ-i-/, */'kʊp-e-/ > */ku'p-i-/, */'luk-e-/ > */lu'k-i-/ ou encore */'mɔr-e-/ > */mo'r-i-/, qui montrent une réaffectation précoce à la classe en */-'i-/, parfois documentée en latin tardif (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119). La raison de cette différence chronologique réside probablement dans le fait que ces verbes ont tous été caractérisés, au moins à un moment donné de leur histoire, par le morphème flexionnel */'-io/ (prés. 1), identique à celui de la flexion en */-'i-/ (cf. MeulInfixes 39), tandis que l’intersection des formes du paradigme de */'kuɛr-e-/ avec celles du paradigme en */-'i-/ était plus limitée. Protorom. */'kuɛr-i-/ appartient donc à une vague plus récente de métaplasme flexionnel, qui a par ailleurs laissé de nombreuses traces dans les variétés romanes (cf. RohlfsGrammStor 2, § 616). Au plan sémantique, la reconstruction fait apparaître trois sémèmes fondamentaux : « chercher » (ci-dessus I.1. et II.1.), « vouloir » (ci-dessus I.2. et II.2.)
|| 12 La comparaison romane permet donc d’exclure l’hypothèse idioromane de l’origine de la variante flexionnelle en */-'i-/ que l’on trouve çà et là (ainsi BourciezPhonétique § 63, rem. III). Par ailleurs, l’intrication entre les conjugaisons en */'-e-/ et en */-'i-/, dont la première n’est plus productive dans les idiomes romans (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 124), est telle qu’on les a considérées comme “due classi della stessa macroclasse, piuttosto che come due macroclassi distinte” (SpinaConiugazione 42) ; l’observation, exprimée ici à propos de la conjugaison de l’italien, pourrait facilement être étendue à d’autres parlers romans.
500 | 1. Articles et « demander » (ci-dessus I.3. et II.3.)13. Dans le sens « chercher », les issues de */'kuɛr-e-/ ont subi presque partout la concurrence des continuateurs de */'kɪrk-a-/ (cf. Ernout/Meillet4 s.v. quaerō ; FEW 2, 1410a ; REW3 s.v. cĭrcāre). Cette situation a déterminé dans certains cas l’extinction à date historique du continuateur de */'kuɛr-e-/ (catalan) ou bien sa survivance partielle (français). En revanche, le protosémème « chercher » s’est maintenu en roumain, frioulan, ladin, romanche, français, francoprovençal, occitan, gascon et dans les phases anciennes de l’espagnol et du catalan. Le second protosémème, « vouloir », ne se conserve que dans trois aires marginales : en roumain, en sarde et dans une aire englobant l’espagnol, l’asturien et le galégo-portugais14 ; le troisième, « demander », s’est maintenu en roumain, en italien et en sarde. Une telle distribution spatiale montre qu’on a bien affaire à des protosémèmes. Le corrélat de I.1., lat. quaerere v.tr. « chercher » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], OLD), et celui de I.3., lat. quaerere v.tr. « demander » (dp. Varron [* 116 – † 27], OLD), sont connus durant toute l’Antiquité, tandis que le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat relevant de la flexion en */-'i/ ni présentant le sens « vouloir »15 (types I.2. et II.). Du point de vue diasystémique (‛latin global’) et plus précisément diamésique, il s’ensuit de ce qui précède que la flexion en */-'i-/ et le sens « vouloir » sont à considérer comme des particularismes de l’oral, qui n’ont pas eu accès au code écrit. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 291–292, 426 ; 2, § 119–129, 174, 283, 286, 331, 339, 345 ; REW3 s.v. quaerĕre ; von Wartburg 1945 in FEW 2, 1408a1410b, QUAERERE ; LausbergLingüística 2, § 241, 345, 346 ; Ernout/Meillet4 s.v. quaerō ; HallPhonology 155 ; SalaVocabularul 542 ; StefenelliSchicksal 70, 95, 123, 164, 166, 185, 264 ; MihăescuRomanité 234 ; LEIMatériaux ; Maggiore,LatVulg 10/2.
|| 13 Malgré l’absence du sens « chercher » en sarde, qui s’explique aisément par un évincement idioroman. Par ailleurs, le passage de « chercher » à « vouloir » (ou inversement) se justifie à travers le sémème « chercher à obtenir, demander » (cf. Klein,Orbis 10, 151). 14 Dans les autres variétés romanes, cette valeur sémantique est assumée par les continuateurs de */'βɔl-e-/ (cf. REW3 s.v. vĕlle, 2. *vŏlēre). – Par ailleurs, l’acception « aimer », connue des idiomes présentant le sémème « chercher » à l’exception du dacoroumain et du sarde, est à considérer comme un développement sémantique secondaire post-protoroman (cf. DCECH 4, 717 ; Klein,Orbis 10, 154 ; malgré BambeckWortstudien 63–66, réfuté par Klein,Orbis 10, 153–154). 15 On relève dans les textes latins, surtout à partir d’auteurs chrétiens comme Tertullien, des emplois de quaerere en fonction modale qui préfigurent l’apparition du sens « vouloir » (cf. Maggiore,LatVulg 10/2, 603–605).
*/'kul-u/ s.m. | 501
Signatures. – Rédaction : Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Rémy VIREDAZ. Romania du Sud-Est : Marta ANDRONACHE ; Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU ; August KOVAČEC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Simone PISANO ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Pascale BAUDINOT ; Pauline BUQUAND ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Christel NISSILLE ; Florin-Teodor OLARIU ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 24/08/2012. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'kul-u/ s.m. « partie du corps de l’homme et de certains animaux qui comprend les fesses et le fondement » */'kul-u/ > sard. kúlu s.m. « partie du corps de l’homme et de certains animaux qui comprend les fesses et le fondement, cul » (DES ; PittauDizionario 1 s.v. culu ; AIS 136), dacoroum. pop. cur (dp. ca 1650 [kur], DA ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 450 ; MDA ; ALR II/I Suppl. 3* p 666)1, istroroum. cur (MaiorescuIstria 120 ; Byhan,JIRS 6, 259 ; PuşcariuIstroromâne 3, 108, 307 ; SârbuIstroromân 202), méglénoroum. cur (Candrea,GrS 3, 207 ; CapidanDicţionar), aroum. cur (dp. 1770 [κούρου], KavalliotisProtopeiria n° 0082 ; Pascu 1, 73 ; DDA2 ; BaraAroumain)2, dalm. čol (BartoliDalmatisch 2, 9, 45, 66, 82 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 105, 130), istriot. koul (DeanovićIstria 112 ; MihăescuRomanité 145 ; AIS 136 p 397, 398), it. culo (dp. 1252/1258, Larson in TLIO ; DELI2 ; AIS 136), frioul. cûl (Pellegrini in DESF ; GDBTF ; AIS 136 ; ASLEF 383 n° 1335), lad. cü (dp. 1879, Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 136 ; ALD-I 212), romanch. chül/tgil (Decurtins in DRG 3, 648 ; HWBRätoromanisch ; AIS 136), fr.
|| 1 En dacoroumain standard, le substantif est devenu neutre (cf. Tiktin3 ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 450 ; DA ; Cioranescu n° 2692 ; MDA ; ALR II/I Suppl. 3*), probablement par analogie avec ses principaux synonymes, tous neutres : dos, fund, popou, şezut, tur. – L’attestation de 1437 citée par Tiktin3 concerne un anthroponyme dans un texte slavon. 2 Selon DDA2, aroum. cur est tantôt masculin, tantôt neutre, tandis que Pascu 1, 73 n’indique que le genre masculin.
502 | 1. Articles
cul (dp. ca 1179, TLF ; Gdf ; GdfC ; FEW 2, 505b ; TL ; AND2 ; ALF 372), frpr. cu (dp. ca 1520, Schüle in GPSR 4, 652 ; FEW 2, 1506a ; ALF 372), occit. cul (dp. av. 1257/1258, Raynouard ; FEW 2, 1505b ; Pansier 3 ; ALF 372), gasc. cu (FEW 2, 1506a ; CorominesAran 421 ; ALF 372 ; ALG 873), cat. cul (dp. 14e s., DECat 2, 1098 ; DCVB), esp. culo (dp. 1141, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 2, 287 ; DME), ast. culu (dp. 1155 [culo], DELlAMs ; AriasPropuestes 3, 182 ; DGLA), gal./port. cu (dp. 1220/1240 [cuu], TMILG ; DDGM ; Buschmann ; DRAG1 ; DELP3 ; CunhaÍndice ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protoroman */'kul-u/ s.m. « partie du corps de l’homme et de certains animaux qui comprend les fesses et le fondement, cul ». Le corrélat du latin écrit, culus, -i s.m. « id. », est attesté depuis Catulle (* 87/86 – † 58/57 av. J.-Chr., TLL 4, 1339). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 45–49, 410, 457 ; REW3 s.v. culus ; Ernout/Meillet4 s.v. culus ; von Wartburg 1946 in FEW 2, 1505b-1524b, CULUS ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 184–185 ; 2, § 319–320, 385 ; HallPhonology 29 ; Faré n° 2384 ; SalaVocabularul 539 ; DOLR 1 (1991), 97 ; MihăescuRomanité 213 ; Germain in PatRom 2/1, 599–633 s.v. CULUS. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Ana BOULLÓN ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Uwe SCHMIDT ; André THIBAULT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 08/10/2010. Version actuelle : 27/07/2014.
*/la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/ s.f. « vigne grimpante poussant naturellement, notamment dans les bois des régions méditerranéennes (Vitis vinifera subsp. sylvestris C. C. Gmel.) ; fruit de Vitis vinifera subsp. sylvestris »
*/la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/ s.f. | 503
I. Type originel : */la'brusk-/ ~ */la'brʊsk-/ I.1. Féminin originel : */la'brusk-a/ */la'brusk-a/ > dacoroum. ˹lăuruşcă˺ s.f. « vigne grimpante poussant naturellement, notamment dans les bois des régions méditerranéennes (Vitis vinifera subsp. sylvestris C. C. Gmel.), vigne sauvage ; fruit de Vitis vinifera subsp. sylvestris, fruit de la vigne sauvage » (dp. 1670, Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 968 ; RosettiIstoria 345 ; MihăescuRomanité 196 ; DLR ; Cioranescu n° 4736 ; MDA)1, 2.
I.2. Masculin secondaire : */la'brʊsk-u/ */la'brʊsk-u/ > tosc. abrosco s.m. « vigne sauvage » (DEI s.v. abròstine)3.
II. Type présentant l’épenthèse d’une consonne nasale : */lam'brusk-/ ~ */lam'brʊsk-/ II.1. Féminin originel II.1.1. */lam'brusk-a/ */lam'brusk-a/ > it. lambrusca s.f. « vigne sauvage ; fruit de la vigne sauvage » (dp. ca 1350, DELI2 ; TLIOCorpus ; Maragliano [lambrüsca] ; Gorra,ZrP 14, 149 n. 2 [lãmbrüska] ; PenzigFlora 1, 526 [ambrusca])4, fr. ˹lambruche˺ (dp. 15e s. [lambrusce], FEW 5, 108b ; TLF)5, frpr. ˹[lã'brüθi]˺ (FEW 5, 108b), occit. lambrusca
|| 1 Pour lăuruşcă et ˹răuruscă˺ (variante présentant une assimilation régressive à distance), DLR précise : “popular” (cf. aussi Graur,BL 5 ; MDA). 2 Les dérivés dalm. abastráin s.m. « type de raisin noir » (BartoliDalmatico 295 § 150) et cat. llebruixea s.f. « petit fruit de peu de valeur » (+ */-'et-a/, cf. DCVB ; DECat 5, 48) témoignent du fait que le dalmate et le catalan ont connu de même une issue de */la'brusk-/. Cf. aussi moz. occid. labrúšk (11e s., DCECH 3, 546 ; DECat 4, 48). ‒ En revanche, aport. lavrusca adj.f. « (raisin) provenant de la vigne sauvage » (14e s. [uvas lavruscas], traduction de l’Ancien Testament, CunhaVocabulário2 ; DELP3) semble représenter un latinisme phraséologique. 3 “L iniziale è stato sentito come articolo” (DEI). 4 Nous suivons Wagner (in DES 1, 62, 606) pour rattacher logoud. agrústu à */ar'bust-u/ et non pas, comme le propose Meyer-Lübke in REW3, à */la'brusk-/ ~ */la'brʊsk-/. 5 FEW 5, 108b et TLF considèrent lambrusque s.f. « id. » (dp. 1490, FEW 5, 108b) comme une simple variante de lambruche, mais l’évolution phonétique n’est pas régulière (cf.
504 | 1. Articles
(ms. 1470 ; dp. 1723, DAO n° 997 ; FEW 5, 108b ; ALF 1832 ; ALLOc 743 [tous les deux « grappillon »]), gasc. lambrusco « vigne sauvage » (FEW 5, 108b), cat. llambrusca (dp. 14e s., DECat 4, 47 ; DCVB), aesp. lambrusca (fin 14e s. [lanbruscas pl.] – 1494, MenschingSinonima 62 ; CORDE).
II.1.2. */lam'brʊsk-a/ */lam'brʊsk-a/ > itsept. ˹lambrosca˺ s.f. « vigne sauvage » (dp. av. 1788, IslerGandolfo 364 ; Faré n° 4814), laz. mérid. mbrošta (Vignoli), bourg. lambroche « fruit de la vigne sauvage » (FEW 5, 108b), frpr. lambrochi « grappe de raisin à laquelle il n’y a que quelques grains » (FEW 5, 108b).
II.2. Masculin secondaire II.2.1. */lam'brusk-u/ */lam'brusk-u/ > it. lambrusco s.m. « type de cépage cultivé en Italie du Nord, lambrusco ; vin de table rouge pétillant élaboré à partir de ce cépage, lambrusco » (dp. ca 1350, DELI2 ; Maragliano [lambrüsch] ; Schulze,ZrP 13, 279, 290 [ciambrusco] ; Chiappini [ciambrusco]), occit. lambrusc « vigne sauvage » (1785, DAO n° 997), aesp. lambrusco « fruit de la vigne sauvage » (15e s., DME).
II.2.2. */lam'brʊsk-u/ */lam'brʊsk-u/ > lomb. orient. lambrösch s.m. « lambrusco (vin) » (Oneda), émil.-romagn. lambrósc (Ercolani). Commentaire. – À l’exception du sarde, du frioulan, du ladin, du romanche et du portugais, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers des types phonologiquement et/ou morphologiquement évolués, protorom. */la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/ s.f. « vigne grimpante poussant naturellement, notamment dans les bois des régions médi-
|| MeyerLübkeGLR 1, § 468–470 ; BourciezPhonétique § 157), de sorte que nous y voyons un emprunt savant.
*/la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/ s.f. | 505
terranéennes (Vitis vinifera subsp. sylvestris C. C. Gmel.), vigne sauvage ; fruit de Vitis vinifera subsp. sylvestris, fruit de la vigne sauvage »6, 7. Les issues romanes de protorom. */la'brusk-a/ ~ */la'brʊsk-a/ ont été subdivisées ci-dessus en distinguant deux types formels, */la’brʊsk-/ (I.) et */lam’brʊsk-/ (II.), et deux genres, féminin (I.1. et II.1.) et masculin (I.2. et II.2.). Pour ce qui est, enfin, de la voyelle accentuée, on est amené à reconstruire une fluctuation de phonèmes (synchroniquement irréductible) entre */u/ (à partir de I.1., II.1.1., II.2.1.) et */ʊ/ (à partir de I.2., II.1.2., II.2.2)8. On remarque néanmoins que l’aire de */u/ (roum. it. fr. frpr. occit. gasc. cat. esp.) est extensive par rapport à celle de */ʊ/ (it. sept. it. centr. bourg. frpr.) et que */u/ caractérise le type le plus archaïque I.1. ; */u/ apparaît par conséquent comme représentant la strate la plus ancienne et */ʊ/ comme une probable innovation9. Au plan géolinguistique, le type I. */la'brusk-/ ~ */la'brʊsk-/ est représenté dans plusieurs aires non contiguës : dans une aire latérale (roumain), de manière isolée en toscan, de manière récessive en dalmate et en catalan (dans les deux langues, dérivés dans des sens secondaires, cf. n. 2). Le type II. */lam'brusk-/ ~ */lam'brʊsk-/ est continué, au contraire, dans une aire compacte et plus centrale (it. fr. frpr. occit. gasc. cat. esp.). Cette aréologie invite à assigner à la strate la plus ancienne du protoroman */la'brusk-/ ~ */la'brʊsk-/, conservé seulement dans des zones de retrait et évincé au centre par un type */lam'brusk-/ ~ */lam'brʊsk-/ qui se dénonce comme une innovation. Dès lors, ce dernier peut être expliqué par l’épenthèse d’une consonne nasale (MeyerLübkeGRS 1, § 587 ; Schuchardt,ZrP 35 ; Ernout/Meillet4 s.v. labrŭsca ; cf. aussi le parallèle */sam'buk-u/ s.v. */sa'buk-u/). Pour ce qui est du genre, le féminin occupe une large aire presque continue (roumain, italien, français, francoprovençal, occitan, gascon, catalan, espagnol), tandis que le masculin n’apparaît que dans une partie méridionale et occidentale de cette dernière (italien, occitan, espagnol), ce qui incite à le considérer comme innovatif – et peut-être comme sémantiquement marqué : il a pu d’abord désigner le fruit de la vigne sauvage. Le corrélat du latin écrit du type I.1., labrusca, -ae s.f., est attesté depuis Virgile (* 70 – † 19, TLL 7/2, 813 ; AndréPlantes 135) dans le sens « vigne sauvage », mais seulement en latin tardif dans celui de « fruit de la vigne sauvage » || 6 Alb. lërushk s. « petit raisin noir ; plante grimpante » (HaarmannAlbanisch 41) en a été emprunté. 7 Quant au type fr. occit. cat. esp. port. ˹labrusca˺, il représente un emprunt savant. 8 Cf. FEW 5, 109b, ainsi que FEW 1, 575b, BRUSCUM pour un probable parallèle. 9 Nous nous opposons donc à von Wartburg in FEW 5, 109b, qui estime que */’ʊ/ est probablement originel, mais sans donner d’argument.
506 | 1. Articles (dp. Eustathius [ca 400], TLL 7/2, 813)10. En revanche, le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat du type II.11 ni des types I.2. et II.2. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 118–119, 302–305, 349, 405, 418, 468, 494, 587 ; Ernout/Meillet4 s.v. labrŭsca ; REW3 s.v. labrŭsca/lambrŭsca ; von Wartburg 1948 in FEW 5, 108b-109b, LABRUSCA ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 183, 253, 272 ; 2, § 308, 421 ; Sereni,AAColombaria 29, 151–166 ; Faré n° 4814 ; HallPhonology 31, 54, 56, 86, 97, 130 ; MihăescuRomanité 196 ; LEIMatériaux. Signatures. – Rédaction : Jan REINHARDT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU ; Eugen MUNTEANU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Max PFISTER ; Carli TOMASCHETT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Jérémie DELORME ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Narcís IGLESIAS FRANCH. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 01/03/2011. Version actuelle : 31/08/2014.
|| 10 Lat. labruscum, -i s.n. « fruit de la vigne sauvage » (dp. Fulgence le Mythographe [5e/6e s. ?], rare, TLL 7/2, 814) est clairement secondaire. 11 Il faut attendre le 8e siècle (IsidoroLindsay 17, 5, 3, ms. D : “labrusca ex lanbrusca” ; aussi ms. 10e/11e s., CGL 3, 542) pour qu’un corrélat du type II. soit relevé dans le code écrit.
*/'laks-a-/ v.tr. | 507
*/'laks-a-/ v.tr. « cesser ou s’abstenir de faire (qch.) » I. */'laks-a-/ */lak's-a-re/ > sard. lassare v.tr. « cesser ou s’abstenir de faire (qch.), laisser » (dp. 1102 [lasare], BlascoCrestomazia 1, 99 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1657), dacoroum. lăsa (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 105 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1262 ; Cioranescu n° 4715 ; RosettiIstoria 120–121 ; MDA ; DLR ; Florescu,RLiR 71, 99–109 ; ALR SN 1871–1872), istroroum. laså (Byhan,JIRS 6, 262 ; PopoviciIstria 119 ; PuşcariuIstroromâne 3, 119, 190 ; MihăescuRomanité 140 [lasé part. p.] ; SârbuIstroromân 222 ; ALR SN 1802 p 02), méglénoroum. lăsari (Candrea,GrS 3, 408 ; CapidanDicţionar s.v. las ; AtanasovMeglenoromâna 100), aroum. las (dp. 1770 [λάσου], KavalliotisProtopeiria n° 0501 ; Pascu 1, 30 ; DDA2 s.v. alas ; BaraAroumain ; ALR SN 1802 p 010)1, dalm. lasúa (BartoliDalmatico 318 ; ElmendorfVeglia ; Vinja,SRAZ 7, 26)2, istriot. lasá/láso (DeanovićIstria 113 ; MihăescuRomanité 143 ; AIS 1657 p 397, 398), itcentr./itmérid. lassare (dp. déb. 13e s. [lassadho part. p. ; aussi ms. fin 13e s.], TLIOCorpus ; AIS 1657)3, frioul. lassâ (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1658 p 326– 329, 337–38, 348, 357), afr. laissier (881 [lazsier] – ca 1477/1481, HenryChrestomathie 3 = TLF ; DMF2009 ; Gdf ; GdfC ; TL ; FEW 5, 220b ; AND2 ; ALF 745)4, frpr. laissier (dp. 1220/1230, HafnerGrundzüge 63 ; ALF 745), occit. laissar (dp. 2e t. 11e s. [laissaz ind. prés. 5], SFoiHA 1, 293 = FEW 5, 221a ; ALF 745), gasc. ˹lachà˺ (dp. 3e t. 12e s. [laissar/leissar], CartBigRC 34 ; FEW 5, 222b ; ALF 745), acat. lleixar (1237 – 15e s., DCVB ; DECat 3, 44–48), aesp. lexar (10e/11e s. [laiscare ; lexar(e)], DCECH 2, 435 ; DME s.v. dejar), ast. llexar (dp. 978 [lexauit prét. 3], DELlAMs)5, agal./aport leixar (1220/1240 – 1552, TMILG ; DDGM ; DiplomataChartae 456 = DELP3 s.v. deixar)6.
|| 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 2 Prés. 1 (l’infinitif n’est pas attesté). 3 Les graphies et des scriptae de l’Italie du Nord pourraient aussi avoir la valeur /ʃ/, mais les attestations dialectales modernes avec /ss/ orientent vers une lecture /s(s)/. 4 Cette issue régulière (loi de Bartsch) a été remplacée par fr. laisser (dp. ca 1150, TL ; Gdf ; TLF ; FEW 2, 221a), forme analogique (cf. BourciezPhonétique § 41 ; LaChausséeMorphologie 226, 228). 5 De nos jours, ast. llexar n’est pratiquement plus utilisé, bien que l’on relève encore des attestations au 20e siècle (DGLA s.v. dexar). 6 La date de 1069 proposée par CoDoLGa correspond à un texte rédigé en latin.
508 | 1. Articles
II. */'laks-i-a-/ */lak's-i-a-re/ > itsept./tosc. lasciare v.tr. « laisser » (dp. 1ère m. 12e s., ScuolaSicDiGirolamo 561–562 ; DELI2 ; AIS 1657), lad. lascè (dp. 1763 [lassè], Kramer/Thybussek in EWD ; ALD-I 395), romanch. laschar (dp. 1527 [laschier], Schorta,ASR 56, 19 ; Tomaschett in DRG 10, 498–530 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1657). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type évolué, protorom. */'laks-a-/ v.tr. « cesser ou s’abstenir de faire (qch.), laisser ». Les issues romanes ont été subdivisées selon les deux prototypes dont elles relèvent : */'laks-a-/ (ci-dessus I.) et */'laks-i-a-/ (ci-dessus II.)7 : la grande majorité des idiomes romans continuent I., tandis que les dialectes italiens septentrionaux (majoritairement)8, le toscan (et donc l’italien standardisé), le ladin et le romanche présentent le type II. Cette répartition spatiale dénonce comme secondaire le type II., inconnu du sarde et du roumain, les deux parlers qui se sont séparés le plus tôt du tronc protoroman commun. Ce type évolutif s’analyse avec profit, à la suite de Dardel,RLiR 70, 393–394 et passim (dont la modélisation s’appuie sur 21 paires de variantes grammaticales du type */'par-a-/ ~ */'par-i-a-/, */'sɪmil-a-/ ~ */'sɪmil-i-a-/), comme issu de I. par ajout de l’interfixe postradical-préflexif /-i-/, diastratiquement marqué : sans contenu sémantique dénotatif, cet interfixe apporte une connotation plus basilectale aux lexèmes qu’il frappe, par opposition à leurs correspondants non interfixés, qui relèvent davantage de variétés acrolectales. Par la suite, les idiomes issus des branches connaissant les deux variantes ont sélectionné soit l’une, soit l’autre, de sorte que toutes les deux ont perdu leur connotation diastratique originelle.
|| 7 Nous suivons MeyerLübkeGLR 1, § 464, RohlfsGrammStor 1, § 225, Kramer/Thybussek in EWD, Eichenhofer in HWBRätoromanisch et Tomaschett in DRG 10, 529 pour postuler l’existence du type II. en protoroman (nous rejetons, suite à Castellani,StAltieriBiagi 31–43, l’analyse de Baglioni,SLI 27, 143–171, qui considère le phonétisme /-ʃʃ-/ d’it. lasciare comme un gallicisme). Ne sont isolées sous II. que les données irréductibles au type I., tandis que les cas indécidables sont traités sous I. (la palatalisation du groupe /ks/ est régulière en fr. frpr. occit. gasc. cat. esp. ast. gal. port., cf. MeyerLübkeGLR 1, § 463–464 ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 210 ; 2, § 441 ; HafnerGrundzüge 63, 126 ; RonjatGrammaire 2, 184–186 ; BadiaGramàticaHistòrica § 84 ; LloydLatín 405 ; FerreiroGramática 1, 153 ; WilliamsPortuguese § 92). 8 Cf. RohlfsGrammStor 1, § 225 et AIS 1657 pour le détail ; en ancien toscan, les deux types coexistent (CastellaniGrammStor 398–399).
*/'laks-a-/ v.tr. | 509
Le corrélat du latin écrit de l’Antiquité du type I., laxare v.tr. « déployer dans sa longueur, étendre ; rendre moins tendu ou moins serré, relâcher », est connu depuis Cicéron (* 106 av. J.-Chr. – † 43, TLL 7/2, 1071) – les sens « consentir à donner ou à permettre, accorder » (dp. Cyprien [ca 248/259]) et « cesser de prétendre (à) et d’agir pour (l’)obtenir, renoncer (à) » (dp. Itala [2e s. apr. J.-Chr.], tous les deux TLL 7/2, 1074), plus proches du sémantisme protoroman, étant plus tardifs –, tandis que le latin écrit ne connaît pas de corrélat du type II. Les données écrites se concilient donc bien avec le rapport diasystémique postulé entre les deux variantes protoromanes. Sur le plan sémantique, protorom. */'laks-a-/ occupe une place originale au sein du système verbal du latin global. Le protoroman ne connaissant pas de corrélats de lat. concedere « consentir à donner ou à permettre, accorder », linquere/relinquere « cesser ou s’abstenir de faire (qch.), laisser », permittere « laisser faire, permettre » et sinere « id. » (malgré REW3 s.v. sĭnĕre), */'laks-a-/ y est hégémonique dans le sens « laisser », tout en étant dépourvu des sens centraux de son corrélat en latin écrit (cf. Ernout/Meillet4 s.v. linquō ; StefenelliSchicksal 174). Pour un complément d’information, cf. */'daks-a-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 463–464 ; 2, § 235, 314, 465, 576 ; 3, § 387, 391 ; REW3 s.v. laxāre ; Ernout/Meillet4 s.v. laxus ; von Wartburg 1949 in FEW 5, 220b-228b, LAXARE ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175, 210 ; 2, § 308, 439–441, 565 ; HallPhonology 122 ; Faré n° 4955 ; SalaVocabularul 540 ; StefenelliSchicksal 174 ; DOLR 3 (1993), 111 ; MihăescuRomanité 236. Signatures. – Rédaction : Cristina FLORESCU. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Maria ILIESCU ; Johannes KRAMER ; Ricarda LIVER ; Stella MEDORI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; André THIBAULT. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS ; FlorinTeodor OLARIU ; Michela RUSSO ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Uwe SCHMIDT ; Carli TOMASCHETT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 31/05/2010. Version actuelle : 31/08/2014.
510 | 1. Articles
*/'lakt-e/ s.n. « liquide blanchâtre (opaque, légèrement sucré) sécrété par les glandes mammaires » I. Substantif neutre originel */'lakt-e/ > dacoroum. lapte s.n. « liquide blanchâtre (opaque, légèrement sucré) sécrété par les glandes mammaires, lait » (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 190 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 943 ; DLR ; Cioranescu n° 4707 ; MDA ; ALR SN 303, 309, 312)1, istroroum. lapte (MaiorescuIstria 130 ; PuşcariuIstroromâne 3, 118, 190 ; SârbuIstroromân 222 ; KovačecRječnik 102 [Jug] ; ALR SN 303, 312 ; ALIstro n° 1484)2, méglénoroum. lápti (Candrea,GrS 3, 407 ; CapidanDicţionar ; WildSprachatlas 330 ; ALR SN 303, 309, 312)3, aroum. lápte (dp. 1770 [λάπτε], KavalliotisProtopeiria n° 0850 ; Pascu 1, 105 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 309).
II. Changement de genre : substantif masculin */'lakt-e/ > sard. látte s.m. « lait » (DES ; CasuVocabolario ; AIS 1199), dalm. lu̯at (BartoliDalmatico 43, 318, 456 § 498 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 98), istriot. lato (PellizzerRovigno ; AIS 1199 ; ILA n° 1484), it. latte (dp. 1282,
|| 1 L’appartenance de dacoroum. lapte à la catégorie des neutres n’est pas décelée par LausbergSprachwissenschaft 2, § 653, qui le traite comme un masculin. Cette erreur, également commise dans le cas d’autres idiomes de la branche roumaine (cf. n. 2 et 3 ci-dessous), mais corrigée par Tiktin3, Candrea-Densusianu n° 943, DLR et MDA, est imputable à la principale valeur de quantification attachée aux continuateurs de protorom. */'lakt-e/, massique, qui tend à raréfier l’observation de formes de pluriel. Du reste, les rares formes de pluriel mentionnées dans la documentation représentent surtout des sens dérivés attachés à des unités fonctionnant comme plurale tantum (lăpturi s.f.pl. « laitages ») ou variables en nombre, mais strictement masculines (lapte m.sg. [lăpţi m.pl.] « traite » ; lapte m.sg. [lapţi m.pl.] « suc laiteux sécrété par une plante »). 2 Bien que SârbuIstroromân 222 donne istroroum. lapte pour masculin, la forme de pluriel lapturi, mentionnée dans MaiorescuIstria 130, répond clairement au féminin et justifie de situer ce substantif dans la catégorie des neutres. Pour ce qui est de la forme masculine relevée à Žejane par KovačecRječnik 102, comme l’auteur la donne après la forme neutre de Jug, on peut comprendre qu’il la considère comme secondaire. 3 CapidanDicţionar donne méglénoroum. lápti pour masculin, bien qu’il cite lǫptur et laptur comme formes du pluriel et que ces formes, qui répondent au féminin, justifient de ranger ce substantif parmi les neutres, ce à l’encontre de DardelGenre 91, qui rattache les issues istroroumaine et méglénoroumaine de protorom. */'lakt-e/ à la catégorie des masculins.
*/'lakt-e/ s.n. | 511
TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 1199), frioul. lat (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1199 ; ASLEF 861b, 864, 877), lad. làt (dp. 1763, Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 1199 ; ALD-I 396), romanch. lat/latg (dp. 1560, GartnerBifrun 490 [lat] ; Giger in DRG 10, 538–562 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1199), fr. lait (dp. 1ère m. 12e s., Gdf ; GdfC ; FEW 5, 110a ; TL ; TLF ; DEAF ; AND1 ; ALF 746), frpr. occid. ˹[lɑ]˺ (dp. ca 1220/1230 [lait], ProsalegStimm 49 ; FEW 5, 110a ; ALF 746), occit. lait/lach (dp. 1ère m. 13e s., Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 186 ; FEW 5, 110a-110b ; Pansier 3 ; ALF 746), ast. occid. lleche (DGLA ; DELlAMs), gal./port. leite (dp. 1257 [lecte], DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
III. Changement de genre : substantif féminin */'lakt-e/ > vén. late s.f. « lait » (dp. 1390/1404, IneichenSerapiom 2, 141–142 ; RohlfsHistGramm 2, § 385 ; AIS 1199 p 334, 345, 354, 367, 368, 378, 393)4, lang. occid. lait (dp. 1318, GuilhBarraG 74 ; Raynouard ; Levy ; FEW 5, 110b ; ALF 746 p 750, 752, 773, 783–786, 792, 793 [Ariège, Aude, Haute-Garonne])5, gasc. leit (dp. ca 1330 [ms. ca 1410], LespyR ; FEW 5, 110b ; CorominesAran 533 ; ALF 746 ; ALG 979), cat. llet (dp. ca 1270, MollSuplement n° 1930 ; DCVB ; DECat 5, 172– 173), esp. leche (dp. 1129, DCECH 3, 615–616 ; Kasten/Nitti), ast. orient. lleche (dp. 1253 [leche], DELlAMs ; DGLA). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers des types grammaticalement évolués, protorom. */'lakt-e/ s.n. « liquide blanchâtre (opaque, légèrement sucré) sécrété par les glandes mammaires, lait »6. Les issues romanes de protorom. */'lakt-e/ ont été subdivisées ci-dessus selon les trois genres dont elles relèvent : neutre originel, conservé par tous les rameaux de la branche roumaine (ci-dessus I.) ; masculin innové dans la majeure partie de la Romania (ci-dessus II.) ; féminin encore plus récent et plus restreint (ci-dessus III.), selon un processus de succession analysé dans Dar-
|| 4 Dans la plupart des parlers vénitiens, le genre est cependant masculin. 5 On rencontre une attestation féminine dans le domaine limousin (ALF 746 p 602), mais sa situation isolée la fait paraître douteuse. 6 Plusieurs langues celtiques ont emprunté */'lakt-e/ au protoroman : le breton (laezh s.m. « lait »), le cornique (lêth) et le gallois (laeth) ; cf. LothBrittoniques 180 ; PedersenKeltisch 1, 228 ; Deshayes.
512 | 1. Articles del,ACILR 14/2, 76–827, 8. Le masculin occupe notamment une vaste aire compacte de la Romania centrale : domaines dalmate, istriote, italien, sarde, frioulan, ladin, romanche, français, francoprovençal et occitan, prolongés toutefois à l’extrême ouest de la Romania, au-delà d’une solution de continuité correspondant à l’aire du féminin, par les domaines asturien occidental, galicien et portugais. Le féminin est localisé d’une part dans le domaine vénitien, d’autre part dans une aire à cheval entre la Gallia et l’Iberia. Les trois genres de protorom. */'lakt-e/ trouvent leur corrélation dans les données du latin écrit. Le corrélat du type I., lac, -tis s.n. « id. », est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Ennius [* 239 – † 169], OLD), celui du type II., masculin, est connu depuis Pétrone (* ca 12 – † ca 66, OLD)9, tandis que celui du type III., féminin, n’est attesté qu’à partir de Caelus Aurelianus et de l’Oribase latin (5e/6e s., TLL 7, 816). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 231, 418, 459 ; 2, § 9, 377 ; 3, § 31 ; REW3 s.v. lac/*lacte ; von Wartburg 1948 in FEW 5, 110a-115a, LAC ; Ernout/Meillet4 s.v. lac, lactis ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 207 ; 2, § 308, 430–435 ; HallPhonology 121 ; SalaVocabularul 194 ; StefenelliSchicksal 27 ; MihăescuRomanité 242–243. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Carli TOMASCHETT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Marta ANDRONACHE ; Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Robert DE DARDEL ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Simone TRABER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 01/02/2011. Version actuelle : 27/07/2014. || 7 De Dardel (DardelGenre 66–91 ; Dardel,ACILR 14/2, 76–82) postule toutefois une phase ultérieure caractérisée par la restauration du masculin aux dépens d’une partie des zones précédemment conquises au féminin. 8 Le cas de */'lakt-e/ appelle la comparaison de */'sanguin-e/ (cf. FEW 9, 178b) et, plus largement, selon un rapport d’analogie structurelle souligné dans Dardel,ACILR 14/2, 76–82 et DardelGenre 15–17, avec les cas de */'mar-e/, */'ɸɛl-e/, */'mɛl-e/ et */'sal-e/. 9 Attestation plus ancienne, mais douteuse, chez Vitruve (TLL 7, 815).
*/'laur-u/ s.m. | 513
*/'laur-u/ s.m. « arbuste de la famille des lauracées à feuilles persistantes, lancéolées, luisantes et aromatiques (Laurus nobilis L.) » */'laur-u/ > sard. lavru s.m. « plante herbacée de la famille des solanacées très vénéneuse, à grandes fleurs blanches et à fruits épineux, riche en alcaloïdes et employée dans des usages thérapeutiques (Datura stramonium L.), stramoine » (dp. ca 1113/1ère m. 13e s. [lauros pl.], DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 598), dacoroum. laur (dp. av. 1563, MDA ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 967 ; Cioranescu n° 4735)1, aroum. lavru « arbuste de la famille des lauracées à feuilles persistantes, lancéolées, luisantes et aromatiques (Laurus nobilis L.), laurier » (DDA2 ; BaraAroumain), istriot. ['lɔr] (IveIstria 126), lomb. lor (1299/1309, Piermaria in TLIO ; AIS 598 p 93*), laz. mérid. ['(l)ɔro] (AIS 598 p 632)2, 3, afr. lor (fin 11e – 1er qu. 13e s., FEW 5, 208b ; TL ; Gdf), aoccit. laur (ca 1130/1149 – ca 1350, MarcGHP 56 ; FEW 5, 208b ; DAOSuppl n° 759), cat. llor (dp. 1309 [lor], DECat 5, 261–264 ; DCVB)4, ast. lloru (DELlAMs s.v. lloréu ; DGLA)5, port. louro (dp. 1304, DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – Le roumain, l’istriote, l’italien, le sarde, le français, l’occitan, le catalan, l’asturien et le portugais présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'laur-u/ s.m. « arbuste de la famille des lauracées à feuilles persistantes, lancéolées, luisantes et aromatiques (Laurus nobilis L.), laurier ». Ce lexème a été concurrencé ou évincé par des innovations, notamment par le dérivé */lau'r-ari-u/ (en frioulan, ladin, français, francoprovençal, occitan, gascon, catalan, espagnol, asturien, galicien). Il est continué dans des aires latérales (roumain, portugais) ou isolée (sarde) ; ailleurs, son usage est restreint en diachronie ou en diatopie : */'laur-u/ constitue donc un type récessif6.
|| 1 Le sens de laurier serait secondaire en dacoroumain (“préstamo cultural”, Cioranescu n° 4735 ; cf. MihăescuRomanité 196). 2 L’italien standard présente d’une part alloro s.m. « id. » (dp. ca 1336, < */'ɪll-a 'laur-u/, avec déglutination et changement de genre, DELI2), d’autre part le latinisme lauro (dp. av. 1321, DELI2). 3 En revanche, romanch. laura s.f. « id. » représente un latinisme avec remorphologisation due au genre de l’étymon (Widmer in DRG 10, 607) ; l’indication “< it. laura” de HWBRätoromanisch est erronée, ce type étant restreint à l’italien méridional (cf. DRG 10, 607). 4 En revanche, esp. lauro s.m. « id. » est un latinisme (REW3). 5 Cf. aussi ast. alloru (DELlAMs ; DGLA), qui représente un cognat d’it. alloro (ci-dessus n. 2). 6 L’emprunt alb. lar s.m. « id. » (MihăescuRomanité 38 ; VătăşescuAlbaneză 183) témoigne de la vitalité du lexème dans le sud-est de la Romania à date ancienne.
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Le corrélat du latin écrit, laurus, -i/-us s.m. « id. », n’est attesté que sporadiquement à partir du pseudo-Apulée (4e s. [?], TLL 7/2, 1060), tandis que le latin écrit de toute l’Antiquité a connu laurus, -i/-us s.f. « id. » (dp. Plaute [* ca 254 – † ca 184], TLL 7/2, 1059–1062 ; AndréPlantes 140). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 281–283, 308, 405, 455 ; REW3 s.v. laurus ; von Wartburg 1949 in FEW 5, 208b-209b, LAURUS ; Ernout/Meillet4 s.v. laurus ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 243, 272 ; 2, § 308, 384 ; HallPhonology 34–35, 86, 89, 92 ; SalaVocabularul 546 ; RohlfsPanorama 26 ; MihăescuRomanité 196 ; LEIMatériaux. Signatures. – Rédaction : Jan REINHARDT ; Julia RICHTER. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Anna CORNAGLIOTTI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Rosario COLUCCIA ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Maria ILIESCU ; Wolfgang SCHWEICKARD ; André THIBAULT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 12/01/2011. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'lɛβ-a-/ v.tr./pron. « déplacer (qch.) en (le) sortant de l’endroit occupé auparavant ; déplacer (qch.) pour (le) mettre avec soi ; déplacer (qch.) vers le haut ; se déplacer vers le haut ; déplacer (qch.) d’un lieu à un autre » I. Emploi transitif : « enlever » */le'β-a-re/ > sard. leƀare v.tr. « déplacer (qch.) en (le) sortant de l’endroit occupé auparavant, enlever » (dp. ca 1124/1130 [levare], BlascoCrestomazia 1, 118 ; DES ; EspaLogudorese), dacoroum. lua (dp. 1500/1510, Psalt. Hur.2 130 ; Cioranescu n° 4921 ; DLR)1, it. levare (dp. 13e s. [leva prés. 3], TLIOCorpus ; GDLI), frioul. jevâ (PironaN2 ; GDBTF), lad. levè « couper (les cartes) » (Kramer/Thybussek in EWD), bas-engad./haut-engad. alvar « enlever » (dp. 1605 || 1 “Sous l’influence d’une labiale suivante, e inacc. passe dans quelques mots à u : [...] levare > lua” (NandrisPhonétique 26).
*/'lɛβ-a-/ v.tr./pron. | 515
[aluaedas part. p. f. pl.], Pult in DRG 1, 221 ; HWBRätoromanisch)2, fr. lever (dp. ca 1200, TLF ; FEW 5, 278a ; AND2 ; ALF 59, 389), frpr. ˹levar˺ (FEW 5, 278a), occit. ˹levar˺ (dp. 12e s., FEW 5, 278a ; Raynouard ; Levy), cat. llevar (dp. 1315, DCVB), gal./port. levar « emporter » (dp. 13e s., DDGM ; DRAG1 ; TMILG ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
II. Emploi transitif : « prendre » */le'β-a-re/ > sard. leƀare v.tr. « déplacer (qch.) pour (le) mettre avec soi, prendre » (dp. apr. 1113/1140 [levas prés. 2], BlascoCrestomazia 1, 155 ; DES ; EspaLogudorese), dacoroum. lua (dp. 1500/1510, Psalt. Hur.2 105 ; DensusianuHistoire 1, 192 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1007 ; Cioranescu n° 4921 ; DLR ; MDA ; ALR SN 1265, 1430), istroroum. luå (MaiorescuIstria 131 ; Byhan,JIRS 6, 266–267 ; PuşcariuIstroromâne 3, 119, 313 ; SârbuIstroromân 225 [luvå] ; ALR SN 1265), méglénoroum. lari (Candrea,GrS 3, 408 ; CapidanDicţionar [leau]), aroum. l'eau (dp. 1770 [λλιάου], KavalliotisProtopeiria n° 0559 ; Pascu 1, 109 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1265)3, dalm. levúr (BartoliDalmatico 199, 275, 292, 296, 301, 318, 434 § 441, 440 § 455 ; ElmendorfVeglia), istriot. livá (DeanovićIstria 113), it. levare (dp. 1211, DELI2 ; GDLI), cat. llevar (dp. ca 1293 [levada part. p. f.], DECat 5, 182 ; DCVB).
III.1. Emploi transitif : « lever » */le'β-a-re/ > sard. leƀare v.tr. « déplacer (qch.) vers le haut, lever » (EspaLogudorese), istriot. livá (DeanovićIstria 113 ; PellizzerRovigno), it. levare (dp. 1ère m. 13e s., GDLI ; TLIOCorpus ; Merlo,BF 10, 81 ; Merlo,AUTosc 44, 58 ; Merlo,RIL 85, 35–36 ; Faré n° 5000 ; AIS 661), frioul. jevâ (PironaN2 ; Iliescu,RRL 17, 74 ; GDBTF), fr. lever (dp. ca 1000, TLF ; FEW 5, 267b ; Gdf ; GdfC ; TL ; AND2 ; ALF 763), frpr. ˹levar˺ (dp. ca 1220/1230 [levá part. p. f.], ProsalegStimm 52 ; HafnerGrundzüge 21, 23, 27, 28 ; DuraffourGlossaire n° 5857 ; FEW 5, 267b), occit. ˹levar˺ (dp. ca 1060 [levan prés. 6], SFoiHA 1, 312 ; BrunelChartes 103 ; FEW 5, 267b ; Raynouard ; Levy ; Pansier 5), gasc. lhevar (dp. ca 1190 [lheuera
|| 2 Avec a- inorganique, cf. DRG 1, 222. 3 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent.
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fut. 3], DAG n° 1638 ; Schneider,RDR 5, 376 ; FEW 5, 267b ; CorominesAran 537– 538)4, cat. llevar (dp. av. 1315/1316 [leuà prét. 3], DECat 5, 182 ; DCVB).
III.2. Emploi pronominal : « se lever » */le'β-a-re/ > sard. leƀare v.pron. « se déplacer vers le haut, se lever » (dp. ca 1120/1146 [si levent subj. prés. 6], BlascoCrestomazia 1, 109 ; EspaLogudorese), dalm. levúr (BartoliDalmatico 234, 291, 294, 318), istriot. livá (DeanovićIstria 54, 55, 56, 59, 65, 76 ; PellizzerRovigno), it. levare (dp. fin 12e s. [su levare], GDLI ; TLIOCorpus ; DELI2), frioul. jevâ (PironaN2 ; GDBTF ; ASLEF 560 n° 3018 p 138), lad. levè (dp. 1879 [levé], Kramer/Thybussek in EWD), surs. levar intr. (dp. 1560 [lêua sû imp. 2], DRG 1, 219 ; HWBRätoromanisch), fr. lever pron. (dp. ca 1000 [s’en leved prés. 3], TLF ; FEW 5, 275a, 276a ; AND2 ; ALF 764), frpr. ˹levar˺ (dp. ca 1220/1230 [leva tei ! imp. 2], ProsalegStimm 52 ; DuraffourGlossaire n° 5857 ; FEW 5, 276a), aoccit. levar (12e s. [levet prét. 3], Raynouard ; Levy), gasc. lhevar (Palay ; CorominesAran 537 [lheuà-se inf.]), cat. llevar (dp. av. 1276 [leuaren-se prét. 6], DCVB ; DECat 5, 183), agal./aport levar (1240/1300 [lleva prés. 3] – 14e s., TMILG ; CunhaVocabulário2 ; DDGM).
IV. Emploi transitif : « transporter » */le'β-a-re/ > esp. llevar v.tr. « déplacer (qch.) d’un lieu à un autre, transporter » (dp. fin 12e/déb. 13e s. [levava impf. 3], CORDE ; DCECH 3, 731–732 ; Kasten/Cody ; DME ; MenéndezPidalManual4 46)5, ast. llevar (dp. 992, DELlAMs ; DGLA), gal./port. levar (dp. 1200/1214 [leuan prés. 6], TMILG ; DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'lɛβ-a-/ v.tr./pron. « déplacer (qch.) en (le) sortant de l’endroit occupé auparavant, enlever ; déplacer (qch.) pour
|| 4 Le caractère palatal de la consonne initiale de cette forme arhizotonique repose sur une analogie avec les formes rhizotoniques, où il s’explique par une assimilation régressive (cf. RonjatGrammaire 1, 150 ; RohlfsGascon2 81 ; FEW 5, 285b n. 2 ainsi que ci-dessous n. 4). 5 LausbergLinguistica 1, § 309 : “un caso particolare è la palatalizzazione della l- seguita da ie nello spagnolo LEVAT > *lieva > lleva (e conformemente anche nelle forme accentate sulla desinenza : llevar)” (cf. aussi DCECH 3, 731–732 et ci-dessus n. 3).
*/'lɛβ-a-/ v.tr./pron. | 517
(le) mettre avec soi, prendre ; déplacer (qch.) vers le haut, lever ; se déplacer vers le haut, se lever ; déplacer (qch.) d’un lieu à un autre, transporter »6. Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les valeurs sémantiques qui leur sont attachées : « enlever » (ci-dessus I.), « prendre » (ci-dessus II.), « (se) lever » (ci-dessus III.) et « transporter » (ci-dessus IV.). Les deux premiers sémèmes, « enlever » (I.) et « prendre » (II.), attestés en sarde, en roumain et dans plusieurs branches de la Romania italo-occidentale, remontent clairement à la phase la plus ancienne du protoroman, antérieure à la séparation du sarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256). Le sens « (se) lever » (III.) est inconnu en roumain, mais son existence en sarde et dans plusieurs branches de la Romania italo-occidentale incite à penser que le roumain l’a perdu à date préhistorique et qu’on peut donc le projeter également sur cette première phase du protoroman. En revanche, le sens « transporter » (IV.), attesté en espagnol, asturien et galégo-portugais, se dénonce comme une innovation tardive du protoroman régional d’Ibérie (cf. aussi KleinBedeutungswandel 124– 125 pour la chronologie des sens). La polysémie de protorom. */'lɛβ-a-/ trouve son pendant dans les données du latin écrit (cf. KleinBedeutungswandel 96–104). Le corrélat leuare v.tr./pron., connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], « alléger », TLL 7/2, 1227), présente, entre autres valeurs, deux sens correspondant à ceux du protoroman reconstruit : d’une part « enlever » (dp. Cicéron [* 106 – † 43], OLD ; cf. cidessus I.), de l’autre « lever » (dp. Virgile [* 70 – † 19], TLL 7/2, 1231 ; aussi se levare « se lever », dp. Ovide [* 43 av. J.-Chr. – † 17/18 apr. J.-Chr. ], TLL 7/2, 1231 ; cf. ci-dessus III.). Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas, en revanche, de corrélat présentant les sens « prendre » (ci-dessus II.) et « transporter » (cidessus IV.). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 262, 296, 349, 397, 406 ; REW3 s.v. lĕvāre ; Ernout/Meillet4 s.v. lĕuis ; von Wartburg 1949 in FEW 5, 267b-286b, LEVARE ; LausbergLinguistica 1, § 171, 173, 253, 308–309 ; HallPhonology 86 ; MihăescuLangue 288 ; SalaVocabularul 539 ; MihăescuRomanité 283 ; KleinBedeutungswandel 95–168.
|| 6 En revanche, en raison de leur isolement géohistorique et du phonétisme de l’initiale (non palatalisation) du premier, nous excluons de la reconstruction sémantique aesp. leuar v.tr. « rendre moins pesant, alléger » (ca 1295, DCECH 5, 81) et aport. levar (14e s., CunhaVocabulário2), que nous considérons comme des latinismes.
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Signatures. – Rédaction : Anne-Marie GUIRAUD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du SudEst : Victor CELAC ; Maria ILIESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Stella MEDORI ; Carli TOMASCHETT ; Paul VIDESOTT. Galloromania : JeanPaul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Pascale BAUDINOT ; Jérémie DELORME ; Cristina FLORESCU ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Günter HOLTUS ; Sophie WARISSE. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 28/07/2011. Version actuelle : 27/07/2014.
*/'lɔk-u/ s.m. « portion déterminée de l’espace » */'lɔk-u/ > sard. lóku s.m. « portion déterminée de l’espace, lieu » (dp. ca 1112/1120 [locu], BlascoCrestomazia 1, 104 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1597), dacoroum. loc n. (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 119 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1004 ; Cioranescu n° 4889 ; DLR ; MDA), istroroum. loc (MaiorescuIstria 131 ; Byhan,JIRS 6, 266 ; PuşcariuIstroromâne 3, 119, 190, 313 ; SârbuIstroromân 224), méglénoroum. loc (Candrea,GrS 6, 410 ; CapidanDicţionar), aroum. loc (dp. 1770 [λóκου], KavalliotisProtopeiria n° 1098 ; Pascu 1, 890 ; DDA2 ; BaraAroumain), dalm. luc m. (BartoliDalmatico 318 [luk/luọk] ; ElmendorfVeglia [luok/luag/luche] ; MihăescuRomanité 506), istriot. lògo (PellizzerRovigno ; AIS 1597 p 368), it. luogo (dp. 1250/1294, DELI2 ; GAVI ; AIS 1597)1, itmérid. ˹luoco˺ (dp. 1250/1294 [loco], DELI2 ; RohlfsGrammStor 1, § 194 ; AIS 1597), frioul. lûc (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1597), lad. lüch (dp. 1763 [lug], Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 1597 p 80, 312, 314), romanch. lö/liug (Widmer in DRG 11, 349–369 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1597), fr. lieu (dp. ca 1050 [leu], TLF ; FEW 5, 391b-392a ; Gdf ; TL ; AND2 s.v. liu1 ; ALF 460)2, 3, frpr. ˹luà˺ (dp. ca 1225 [lué], SommeCode 3 ; HafnerGrundzüge 112 ; FEW 5, 392b ; ALF 460 p 988), || 1 La forme de l’italien standard n’est pas d’origine toscane mais lombarde et/ou vénitienne (cf. RohlfsGrammStor 1, § 194). 2 La forme loc (fin 10e s.), donnée comme première attestation par le TLF, est extraite de la Passion de Clermont, texte composé dans un idiome dont l’identification n‘est pas assurée (peut-être occitan, cf. DePoerck,RLiR 27 ; DEAFBiblEl s.v. PassionA). 3 Le caractère régulier du phonétisme de fr. ['ljø] (face à afr. ['lwɛu] [, , ] > oïl. ['lø]) n’est pas complètement assuré (cf. cependant BourciezPhonétique § 69, remarque III).
*/'lɔk-u/ s.m. | 519
occit. ˹luec˺ (dp. 1160 [loc], Pansier 3 s.v. luoc ; FEW 5, 392b ; Raynouard ; Levy ; ALF 460 p 899), gasc. loc (dp. ca 1350 [lauc], FEW 5, 392a ; Raynouard ; CorominesAran 543), cat. lloc (dp. 1150 [log], DECat 5, 234–239 ; DCVB), aast. llogo (908 [lloco] – 15e s., DELlAMs ; MenéndezPidalOrígenes5 216), gal./port. logo (1220/1230 – ca 1550, TMILG ; DELP3 ; DDGM ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)4. Commentaire. – À l’exception de l’espagnol, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'lɔk-u/ s.m. « portion déterminée de l’espace, lieu ». Dans une vaste aire du sud-ouest de la Romania, les issues de ce lexème ont été concurrencées (aocc. gasc. logal, acat. llogar) ou remplacées (aesp. logar > esp. lugar, ast. llugar, gal./port. lugar) par celles du dérivé */lo'k-al-e/ (cf. REW3 s.v. lŏcālis ; von Wartburg 1950 in FEW 5, 386b-387b, LOCALIS ; DCECH 3, 710– 711). Ce supplétisme s’explique par le développement, en protoroman occidental, d’un adverbe temporel */'lɔk-o/, issu par conversion de */'lɔk-u/ (figé au cas oblique), ayant signifié *« à l’endroit-même, ici », d’où « sur-le-champ » > « bientôt », et dont les représentants se confondaient avec ceux de */'lɔk-u/ (von Wartburg 1950 in FEW 5, 391ab, LOCO ; DCECH 3, 710)5. Le corrélat du latin écrit, locus s.m. « id. », est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* 254 – † 184], TLL 7, 1575). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 199, 405, 433, 434 ; REW3 s.v. lŏcus ; von Wartburg 1950 in FEW 5, 391b-396b, LOCUS ; Ernout/Meillet4 s.v. locus ; LausbergLinguistica 1, § 176–178, 308, 401–403 ; HallPhonology 68 ; SalaVocabularul 541 ; MihăescuRomanité 305 ; StefenelliSchicksal 95 n. 167, 250. Signatures. – Rédaction : Xavier GOUVERT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Georges DARMS ; Johannes KRAMER ; Stella MEDORI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Wolfgang SCHWEICKARD.
|| 4 L’attestation de 897 [logo] fournie par DELP3 provient d’un texte latin. 5 Cf. afr. lues adv. « à ce moment-là, alors ; dès ce moment, aussitôt », aoccit. lo, esp. luego « dans peu de temps, bientôt », ast. llueu, gal./port. logo.
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Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 12/07/2011. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'lɔnɡ-e/ adv. « à une distance (d’un observateur ou d’un point d’origine) considérée comme grande » */'lɔnɡ-e/ > asard. alonghe adv. « à une distance (d’un observateur ou d’un point d’origine) considérée comme grande, loin » (hap. 14e s., Stat. Sass. 6, 120)1, istriot. ˹lonzi˺ (Rosamani ; Crevatin,AMSPIstr 29/30, 424 ; DallaZoncaDignanese ; cf. AIS 357 p 398), it. sept. ˹lonz˺ (dp. 1271/1280 [alomb. da lonz loc. adv.], TLIOCorpus ; SalvioniPostille ; Merlo,RIL 85, 37 ; Faré n° 5116 ; Salvioni 1, 28 ; AIS 357 [lig. piém.]), atosc. longe (1268 – 1337 [logne], TLIOCorpus)2, frioul. luònz (PironaN2 [da luònz loc. adv.]), lad. lùnc (dp. 1763 [da lungs loc. adv.], Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 357 p 305, 312, 316), romanch. löntsch (dp. 1560 [da lœnsth loc. adv.], GartnerBifrun 36 ; Tomaschett in DRG 11, 423–435 ; HWBRätoromanisch ; EichenhoferLautlehre § 192a ; AIS 357 p 5, 7, 9, 14, 16, 19), fr. loin (dp. ca 1050 [luinz], AlexisS2 473 = TLF ; Gdf ; FEW 5, 401b-402a ; TL ; AND2 ; ALF 780), frpr. ˹[lwẽ]˺ (dp. 1ère m. 13e s. [loing], SommeCode 39 ; FEW 5, 402a ; DuraffourGlossaire n° 5988 ; ALF 780), occit. ˹luenh˺ (dp. ca 1060 [loin], SFoiHA 1, 331 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 5, 401a-402b ; Pansier 3 ; ALF 780), gasc. loégn (dp. 1214 [ms. 14e s. ; lonh], ArchHistGironde 3, 101 ; FEW 5, 402a ; CorominesAran 543 ; ALF 780), cat. lluny (dp. 1288/1289 [luny], DCVB ; MollSuplement n° 2028 ; DECat 5, 247–250 ; DIEC2), aesp. lueñe (2e m. 11e [aluenge] – 16e s. [archaïque après], SecoLéxico ; Malkiel, ÉtudesHorrent 269 ; Kasten/Cody ; DCECH 3, 708 ; Meier,Verba 14, 53 ; DME ; Kasten/Nitti ; CORDE), ast. lloñe (dp. 1270 [lomne], AriasPropuestes 4, 247–248 ; DGLA), gal. lonxe/port. longe (dp. 1220, TMILG ; DDGM ; DELP3 ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – À l’exception du roumain et du végliote3, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'lɔnɡ-e/ || 1 Dérivé issu d’une locution contenant le continuateur de */a/ (cf. commentaire) ; l’issue régulière n’est pas attestée. 2 It. lungi adv. « loin » (dp. 1268 [atosc. lunge], TLIOCorpus ; DELI2 ; GDLI) est une forme innovante florentine dont la voyelle tonique reflète l’influence d’it. lungo adj. « long » (cf. */'lɔng-u/ n. 2), plutôt que de se rattacher, comme le propose MeyerLübkeGLR 1, § 220, à un **/'long-e/. 3 Dans ces domaines, les issues de */'lɔnɡ-e/ ont été évincées par des lexèmes concurrents, sans avoir laissé de traces. En dacoroumain, le sens « loin » s’attache à l’adverbe departe (de +
*/'lɔnɡ-e/ adv. | 521
adv. « à une distance (d’un observateur ou d’un point d’origine) considérée comme grande, loin ». Seul un petit nombre d’adverbes en */-e/ (notamment, à part */'lɔnɡ-e/, */'bɛn-e/, */'mal-e/, */'pur-e/ et */'tard-e/) ayant été transmis aux langues romanes, il faut considérer, malgré HallMorphology 149, que ce suffixe formateur d’adverbes n’était plus productif en protoroman. En raison de la compositionnalité sémantique de cette série résiduelle d’adverbes, il ne fait toutefois pas de doute que leur caractère dérivé était encore senti par les locuteurs : le lien entre */'lɔnɡ-e/ et sa base dérivationnelle */'lɔnɡ-u/ ne devait pas être rompu (cf. KarlssonMente 25 ; Bauer,MaidenHistory 1, 552–553). Les continuateurs de */'lɔnɡ-e/ ont souvent été concurrencés, et quelquefois évincés, par des locutions contenant des prépositions issues de */a/ et */de/ qui ont eu tendance à devenir des préfixés (asard. alonghe, alomb. da lonz, frioul. da luònz, lad. da lungs, romanch. da lœnsth, aesp. ˹alueñe˺, cf. ci-dessus et TLIOCorpus ; PironaN2 ; EWD ; DRG 11, 429–433 ; AIS 357). Le corrélat du latin écrit, longe adv. « loin » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 7/2, 1644 ; Ernout/Meillet4 s.v. longus), est connu durant toute l’Antiquité. Pour un complément d‘information, cf. */'lɔnɡ-u/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 193, 220, 301, 306, 405, 485 ; 2, § 619 ; 3, § 480 ; REW3 s.v. lŏnge ; von Wartburg 1950 in FEW 5, 401b-405b, LONGE ; Ernout/Meillet4 s.v. longus ; LausbergLinguistica 1, § 176–178, 273, 280, 308, 417 ; 2, § 691–692 ; SalaVocabularul 604 ; HallMorphology 222 ; DOLR 3 (1993), 85. Signatures. – Rédaction : Steven N. DWORKIN ; Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Maria ILIESCU ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Yan GREUB ; Bianca MERTENS. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 23/08/2014. Version actuelle : 23/08/2014.
|| parte, Tiktin3 ; MDA), tandis que le végliote présente l’italianisme ˹lontuon˺ (BartoliDalmatico 232, 251, 254, 255, 296, 318).
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*/'lɔnɡ-u/ adj. « qui a une grande étendue d’une extrémité à l’autre dans l’espace ou dans le temps » */'lɔnɡ-u/ > sard. longu adj. « qui a une grande étendue d’une extrémité à l’autre dans l’espace ou dans le temps, long » (dp. av. 1180, CSPSDelogu 56 ; DES ; PittauDizionario 1 ; EspaLogudorese ; CasuVocabolario), dacoroum. lung (dp. 1559/1560 [date du ms. ; în lungu loc. adv.], Cod. Brat. 267 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1022 ; DA/DLR ; Cioranescu n° 4945 ; MDA ; cf. NandrisPhonétique 34), istroroum. lung (MaiorescuIstria 132 ; Byhan,JIRS 6, 229 ; PuşcariuIstroromâne 3, 120 ; SârbuIstroromân 225 ; FrăţilăIstroromân 1, 205), méglénoroum. ˹lungu˺ (AtanasovMeglenoromâna 54, 81, 82, 175, 198 ; Candrea,GrS 6, 410 ; CapidanDicţionar), aroum. lungu (dp. ca 1760, Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0595 ; Pascu 1, 111 ; DDA2 ; BaraAroumain), végl. ˹luang˺ (BartoliDalmatico 318, 395 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 106), istriot. ˹lóngo˺ (Rosamani ; PellizzerRovigno ; ILA n° 323)1, it. sept./it. mérid. ˹longo˺ (dp. 1176/1200 [avén.], TLIOCorpus ; SalvioniPostille ; Merlo,AUTosc 44, 58 ; Faré n° 5119 ; RohlfsGrammStor 1, § 126 ; GDLI)2, frioul. lunc (dp. 1354, DAroncoAntologia 26 ; PironaN2 ; GDBTF ; ASLEF 925 n° 4325 ; ALD-I 419 p 202–203), lad. ˹lenk˺ (dp. 1763 [lung ; lunch], Kramer,VMFI 56, 86 ; Kramer/Thybussek in EWD ; ALD-I 419 p 97, 98)3, romanch. ˹líun˺ (dp. 1560 [lungias f.pl.], GartnerBifrun 197 ; Tomaschett in DRG 11, 414–418 [bas-engad./haut-engad. lönch] ; cf.
|| 1 PellizzerRovigno donne istriot. lòngo, dont le graphisme semble indiquer une voyelle tonique ouverte. Mais le résultat attendu de */'ɔ/ en syllabe fermée est une diphtongue (['wɔ] ou, plus rarement, ['ɔw]), qui, dans certaines variétés, peut se réduire à [o] (ce qui pourrait justifier le vocalisme de ˹lóngo˺, cf. Doria,IncontriLing 7, 60–61). La variante lòngo résulte-elle d’une monophtongaison ? Le manque de textes médiévaux istriotes empêche de déterminer laquelle des deux formes istriotes est la plus ancienne. En outre, on n’est pas en mesure de vérifier la possible influence des issues istro-vénitiennes sur le vocalisme des continuateurs istriotes. 2 L’italien standardisé présente lungo (dp. 1201/1250, TLIOCorpus ; GDLI ; DELI2), que d’aucuns ont voulu rattacher à une seconde base étymologique, **/'long-u/ (RohlfsGrammStor 1, § 110 [“longus ha trasformato in u la sua o davanti al nesso ng, come il latino volgare fongus (> fungo)”]) ou **/'lung-u/ (Barbato,ACILR 27 ; cf. les attestations Lun et LUNGO [SampsonNasal 43 ; CastellaniSaggi 1, 76], dont la réalisation phonétique est toutefois douteuse). La distribution géographique des types longo et lungo dans la documentation tant médiévale que moderne incite plutot à voir dans lungo un développement idioroman de la variété florentine du toscan. 3 Selon Kramer/Thybussek in EWD, qui envisagent, avec des réserves, un éventuel rattachement à **/'lung-u/ (cf. ci-dessus n. 2), l’évolution de la voyelle tonique est irrégulière. Il est difficile d’expliquer cette anomalie, car l’absence d’attestations médiévales ne permet pas d’établir la chronologie relative des variantes ˹lenk˺, ˹lonk˺ et ˹lunk˺ répertoriées par le EWD.
*/'lɔnɡ-u/ adj. | 523
LausbergLingüística 1, § 233 ; EichenhoferLautlehre § 192a, 544c, 565c), fr. long (dp. ca 1050 [lunga f.], AlexisS2 443 = TLF ; Gdf ; FEW 5, 406b ; TL ; DEAF ; ANDEl), frpr. ˹lõ˺ (dp. 1267 [longy f.], HafnerGrundzüge 34 ; DuraffourGlossaire n° 5946), occit. long (dp. ca 1130/1149 [lonc], MarcD 162 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 5, 406b ; Mistral ; Pansier 3), gasc. ˹loung˺ (dp. 1238 [lonc], ArchHistGironde 3, 112 ; Palay ; CorominesAran 544), acat. llong (13e – 15e s., DECat 5, 246–247 ; MollSuplement n° 2030 ; DCVB)4, esp. luengo (ca 1050 [per luenga loc. adj.] – 17e s., SecoLéxico ; DCECH 3, 708–709 ; Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti ; CORDE)5, ast. llongu (dp. 1253 [longa f.], DELlAMs ; DGLA), gal./port. longo (dp. 13e s. [longu], DDGM ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'lɔnɡ-u/ adj. « qui a une grande étendue d’une extrémité à l’autre dans l’espace ou dans le temps, long »6. Il nous semble en effet possible, malgré des hypothèses contraires consistant à distinguer deux prototypes, */'lɔnɡ-u/ et **/'lonɡ-u/ ou **/'lunɡ-u/ (cf. cidessous n. 2), de ramener l’ensemble des cognats romans à la protoforme */'lɔnɡ-u/. D’une part, la diphtongue de certains cognats (itmérid. ˹luongu˺, romanch. líun, aesp. luengo), quelquefois réduite par la suite en une monophtongue (salent. lengu, romanch. lung, cf. RohlfsGrammStor 1, § 126 ; EichenhoferLautlehre § 192a), appuie la reconstruction de */'ɔ/, et d’autre part, la fermeture de */'ɔ/ devant le groupe nasale + consonne peut être expliquée par le phenomène que la tradition italienne appelle anafonesi (cf. CastellaniGrammStor 1, 269 ; Barbato,ACILR 27). Enfin, en sarde et dans une zone dialectale conservatrice entre la Calabre et la Lucanie (cf. MartinoLausberg 46–53), */ɔ/ et */o/ ont fusionné de bonne heure en /o/ (LausbergLingüística 1, § 161). Le corrélat du latin écrit, longus adj. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 7/11, 1633–1651 ; Ernout/Meillet4 s.v. longus). Pour un complément d‘information, cf. */'lɔnɡ-e/.
|| 4 Cette issue a été évincée en catalan classique et contemporain par llarg < */'larɡ-u/, cf. DECat 5, 247. 5 Cette issue a été évincée en espagnol classique et contemporain par largo < */'larɡ-u/ (dp. 1140, DCECH 3, 586–587 ; DME), cf. Dworkin,Corónica 26/1 ; Dworkin,ACIHLE 4/2, 99–107. 6 HaspelmathSpace a démontré la large diffusion à travers les langues du monde de la coprésence au sein d’une même unité lexicale de l’idée d’extension spatiale et de celle d’extension temporelle, l’évolution diachronique allant toujours dans le sens « étendue spatiale » > « étendue temporelle ».
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Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 135, 220, 308, 405 ; REW3 s.v. lŏngus ; Ernout/Meillet4 s.v. longus ; von Wartburg 1950 in FEW 5, 406b-420b, LONGUS ; LausbergLinguistica 1, § 231, 233, 235, 308, 570 ; HallPhonology 146 ; SalaVocabularul 604 ; StefenelliSchicksal 250. Signatures. – Rédaction : Steven N. DWORKIN ; Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU ; August KOVAČEC ; Elton PRIFTI ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Francesca DE BLASI ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Laure GRÜNER ; Mihaela-Mariana MORCOV. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 22/08/2014. Version actuelle : 23/08/2014.
*/'luk-e-/ v.intr. « émettre une lumière » I. Flexion en */-'e-/ */lu'k-e-re/ > sard. lúkere v.intr. « émettre une lumière, briller » (Salvioni,RIL 32, 143 ; DES ; PittauDizionario 1)1, tosc. [lu'kere] (dp. 1265, LEIMatériaux ; TLIOCorpus ; DEI), frioul. centr.-orient. lusê (ASLEF 24 n° 127).
II. Flexion en */-'i-/ */lu'k-i-re/ > dacoroum. luci v.intr. « briller » (dp. 16e s. [luceşte prés. 3], Tiktin3 ; Candrea-Densusianu n° 1009 ; DLR ; Cioranescu n° 4928 ; MDA), aroum.
|| 1 Le sarde a fait passer tous les verbes appartenant initialement à la flexion en */-'e-/ à celle en */'-e/ (cf. Wagner,ID 14, 137), de sorte qu’il est impossible de déterminer avec certitude si sard. lúkere remonte à l’une ou à l’autre flexion protoromane. Dans le doute, nous reprenons à notre compte l’analyse traditionnelle (REW3 ; FEW 5, 432a ; DES), même si elle est probablement influencée par les données du latin écrit.
*/'luk-e-/ v.intr. | 525
luţéscu (Pascu 1, 111 s.v. luţire ; DDA2 ; BaraAroumain)2, itsept. lusì (CherubiniVocMil2 ; Malaspina ; Tiraboschi ; Faré n° 5136 ; DEI), frioul. lusî (dp. 1ère m. 17e s. [lusin prés. 6], DAroncoAntologia 138 ; GDBTF ; PironaN2 ; ASLEF 24 n° 127), romanch. glüschir (dp. 1774, Giger in DRG 7, 503–506 ; HWBRätoromanisch), fr. luisir (dp. ca 1100 [encore wall. saint. lorr.], FEW 5, 429a ; Gdf ; TL ; TLF s.v. luire ; AND2 ; ALFSuppl 119 ; ALW 3, 27)3, frpr. ˹luire˺ (dp. ca 1220/1230 [luisit parf. 3], Philipon,R 30, 252 ; FEW 5, 429a)4, occit. luzir (dp. 1150/1180, BernVentA 40 ; Raynouard ; Pansier 3 ; AppelChrestomathie ; DAO n° 15), gasc. lusi (1583, DAG n° 15 ; RohlfsGascon2 212 ; Palay)5, cat. lluir (dp. ca 1272, DCVB ; DECat 5, 297), esp. lucir (dp. ca 1220, Kasten/Cody ; DCECH 3, 718 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. llucir (dp. 18e s. [llocir], DELlAMs ; DGLA), gal. lucir/port. luzir (dp. ca 1264/1284, TMILG [luzir] ; DDGM ; DRAG2 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
III. Flexion en */'-e-/ */'luk-e-re/ > it. ['lutʃere] v.intr. « briller » (dp. 1276, TLIOCorpus ; Salvioni,RIL 32, 143 ; Faré n° 5136 [lomb. lùsi ; sic. lùciri « être utile »])6, frioul. ['luzi] (GDBTF ; ASLEF 24 n° 127), fasc. lujer (dp. 1914, Kramer/Thybussek in EWD s.v. lujé)7, occit. lúse (dp. 14e s. [luser], BernVentA 40 ; Raynouard ; FEW 5, 249a ; DAO n° 15 [prov. lang.]), gasc. ˹lùse˺ (Palay ; RohlfsGascon2 212 ; Bec,VD 10, 45 ; CorominesAran 169).
|| 2 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 3 Phonétiquement, fr. luisir et frpr. *luisir pourraient aussi reposer sur le type I. (cf. HafnerGrundzüge 70 ; BourciezPhonétique § 59) ; nous les classons ici, comme von Wartburg in FEW 5, 432a, par affinité aréologique. Pour ce qui est de fr. luire (dp. 12e s., FEW 5, 429a ; Gdf ; GdfC ; TL ; AND2 ; Bloch/Wartburg), il s’agit d’une réfection qui a évincé l’issue héréditaire dans la langue commune (FouchéVerbe 232). Frpr. ˹luire˺ manifeste la même évolution idioromane, à la différence près que l’issue héréditaire n’est pas attestée. 4 Cf. n. 3. 5 Selon RohlfsGascon2 212, le changement de flexion serait idioroman. 6 Nous suivons REW3 et FEW 5, 432a pour considérer cette donnée, dont le traitement phonétique est régulier, comme héréditaire. On ne peut toutefois pas exclure l’hypothèse d’un latinisme défendue par DELI2. 7 Bad. fod. lujé (dp. 1763 [luschè], Kramer/Thybussek in EWD) ne peut pas reposer, comme le EWD le laisse entendre, sur le type ci-dessus I., mais manifeste un phénomène de régularisation idioromane sur les issues de la flexion en */-'a-/ (cf. KramerFormenlehre 64).
526 | 1. Articles
Commentaire. – À l’exception du végliote, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement (I.), soit à travers un type morphologique évolué (II. ; III.), protorom. */'luk-e-/ (inf. */lu'k-e-re/) v.intr. « émettre une lumière, briller ». Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les trois classes flexionnelles sur lesquelles elles semblent reposer : flexion en */-'e-/ (inf. */lu'k-e-re/ ; I.), flexion en */-'i-/ (inf. */lu'k-i-re/) et flexion en */'-e-/ (inf. */'luk-e-re/ ; III). Le type */-'e-/ (I.), minoritaire, qui se reconstruit à partir de cognats observés en sarde (cf. néanmoins n. 1) et dans deux idiomes remontant au protoroman continental (tosc. frioul.) et dont le modèle flexionnel est récessif (MeyerLübkeGLR 2, § 124, 127), se dénonce comme le plus ancien, remontant au protoroman commun, dont les deux autres sont issus par changement de flexion. Parmi les deux métaplasmes flexionnels, celui qui aboutit à la classe en */-'i-/ (II.) est continué dans la branche roumaine et dans une grande partie de la Romania ‛italo-occidentale’ (itsept. frioul. romanch. fr. frpr. occit. gasc. cat. esp. ast. gal./port.), ce qui permet de l’attribuer au protoroman continental. En revanche, le type flexionnel */'-e-/ (III.), confiné à une aire centrale (it. frioul. lad. occit. gasc.), ne peut pas être reconstruit pour une période antérieure à la séparation du protoroumain et du protoroman ‛italo-occidental’. Tandis que la reconstruction du prototype en */-'i-/ (II.) est en adéquation avec l’analyse traditionnelle (REW3 : entrée double lūcēre/*lūcīre ; von Wartburg in FEW 5, 432a : “LUCERE [...] ist offenbar noch lt. zu *lūcīre geworden”), celle du type en */'-e-/ ne va pas de soi. En effet, l’analyse traditionnelle (REW3 ; RonjatGrammaire 3, 143 ; FEW 5, 432a) consiste à rattacher les données que nous avons classées sous III. au type I., et donc à considérer implicitement que le passage de la flexion en */-'e-/ à celle en */'-e-/ est idioroman. L’aire dessinée par les cognats en question (it. frioul. lad. occit. gasc.) nous semble toutefois suffisamment cohérente pour en postuler, avec Bec,VD 10, 45, 47 (qui ne se prononce que sur l’occitan et le gascon), une origine commune (et donc héréditaire). Le corrélat du latin écrit du type I., lucere v.intr. « id. », est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 7, 1692 ; IEEDLatin), tandis que le latin de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat des types II. et III. Du point de vue diasystémique (“latin global”), les deux derniers types se dénoncent donc comme des oralismes et peuvent être attribués plutôt au latin d’‛immédiat communicatif’. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 30–31, 45–47, 70–71, 306–307, 351, 404– 405, 441, 455 ; 2, § 119, 169 ; REW3 s.v. lūcēre/*lūcīre ; von Wartburg 1950 in FEW 5, 429a-433a, LUCERE ; Ernout/Meillet4 s.v. *lūc-/lŭc- ; LausbergSprachwissen-
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schaft 1, § 166, 168–170, 184–185, 253, 273 ; 2, § 308, 384, 387–395 ; HallPhonology 68 ; SalaVocabularul 542 ; MihăescuRomanité 177. Signatures. – Rédaction : Laure GRÜNER. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Günter HOLTUS ; Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Maria ILIESCU ; August KOVAČEC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : JeanPaul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Marta ANDRONACHE ; Pascale BAUDINOT ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Laura CHAVAROT ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Christoph GROß ; Ulrike HEIDEMEIER ; Sergio LUBELLO ; Marco MAGGIORE ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Jan REINHARDT ; Matthieu SEGUI. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 15/08/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'lumen/ s.n. « objet destiné à produire de la lumière ; agent physique capable de rendre les choses visibles » I. Étymon originel : */'lumen/ s.n. (> s.m.) I.1. Sens « lampe » */'lumen/ > it. lume s.m. « objet destiné à produire de la lumière, lampe » (dp. 1313/1319, DELI2 ; AIS 912 p 393, 914, 915), occit. lum (FEW 5, 443b ; ALF 1845 p 669 [« lumignon »]), cat. llum (dp. 1372, DCVB ; DECat 5, 300), ast. llume (dp. 1245 [lumne], DELlAMs).
I.2. Sens « lumière » */'lumen/ > logoud. lúmene s.m. « substance transparente qui entoure le jaune de l’œuf, blanc d’œuf » (DES)1, it. lume « agent physique capable de rendre les choses visibles, lumière » (dp. 1268, TLIOCorpus ; DELI2), norm. ˹lum˺ (dp. 1611, Cotgrave ; MétivierGuernesey ; FEW 5, 443b ; SjögrenGuernesey 107 ; Garis-
|| 1 Cette issue présente une voyelle paragogique régulière (WagnerLingua2 292 ; LausbergSprachwissenschaft 3, § 646 ; DardelGenre 40).
528 | 1. Articles Guernesiais)2, 3, occit. lum (dp. ca 1130/1149, MarcD 7 ; BrunelChartes 263 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 269 ; FEW 5, 443b ; Pansier 3), gasc. sudorient. lüm (FEW 5, 443b ; ALF 299 p 790 ; ALFSuppl 120 p 762 ; ALG 1493), acat. llum (ca 1275 – 1396, DCVB ; DECat 5, 301), ast. llume (dp. 1256 [lumne], DELlAMs ; DGLA ; AriasPropuestes 3, 110)4, gal./port. lume (dp. 13e s., DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss)5.
II. Recatégorisation féminine : */'lum-e/ s.f. II.1. Sens « lampe » */'lum-e/ > végl. ˹lún˺ s.f. « lampe » (IveVeglia 121, 154 [loin ; = it. lume] ; BartoliDalmatisch 2, 55, 201), istriot. ˹lóumo˺ (Rosamani)6, it. lume (RohlfsGrammStor 2, § 385 ; AIS 912, 914, 915)7, frioul. lum (PironaN2 ; AIS 915 p 339, 357), lad. lüm (dp. 1923 [lum], Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 914 p 305, 915 p 310), romanch. glüm (Decurtins in DRG 7, 481 ; HWBRätoromanisch ; AIS 914 p 7), acat. llum (1283/1288, DCVB).
|| 2 Les attestations normandes sont rares et incertaines, soit du point de vue philologique (des leçons incertaines des manuscrits, cf. ANDEl), soit en ce qui concerne leur authenticité (la seule source première à citer lum en tant que lexème autonome est GarisGuernesiais, les autres n’attestant que la locution ˹ni feu ni lum˺ < ni feu ni lieu « sans domicile ». 3 On relève d’autres attestations de fr. lum s.m./f., mais soit elles véhiculent un sens non rattachable ici (ca 1200 « boue », TL, malgré Gdf et FEW 5, 443b, qui définissent par « lumière »), soit il s’agit d’emprunts : à l’italien (14e s., Gdf ; FEW 5, 444a n. 3) ou (probablement) à l’occitan (1840 [Bourges], FEW 5, 443b). 4 Le cognat asturien pourrait aussi se rattacher à */'lumin-e/ (ci-dessous III.1.2.), car /-m-/ est le résultat régulier du groupe /-mn-/ secondaire (cf. DELlAMs). 5 Appliquant le même raisonnememt que celui appliqué dans le cas de gal. fame/port. fome (cf. */'ɸamen/ n. 6), nous suivons LausbergSprachwissenschaft 3, § 646 et DardelGenre 40 pour rattacher gal./port. lume au type */'lumen/, malgré DELP3, qui y voit un continuateur du type */'lumin-e/ (ci-dessous III.1.), Houaiss hésitant entre les deux étymons. 6 Quant à istriot. ˹loûme˺ (IveCanti 350 ; IveIstria 149 ; PellizzerRovigno ; MihăescuRomanité 136 ; AIS 914, 915), il s’agit très probablement d’un italianisme, l’issue attendue étant en -o. 7 Les deux genres semblent être également représentés, parfois présents au même point, avec une possible spécialisation sémantique (« lampe à huile »/« lampe à pétrole », cf. AIS 914, 915 p 499, 500, 558, 664, 682).
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II.2. Sens « lumière » */'lum-e/ > dacoroum. lume s.f. « lumière » (dp. 1573/1578 [date du ms.], Psalt. 95 = DLR ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1014 ; Cioranescu n° 4939 ; MDA ; ALR I/I 19)8, istroroum. lume (KovačecRječnik 108 [personnes âgées]), méglénoroum. lumi « ensemble de tout ce qui existe, monde » (Candrea,GrS 3, 410 ; CapidanDicţionar), aroum. lume (Pascu 1, 110 ; DDA2 ; BaraAroumain [lumi]), végl. loin « lumière » (ElmendorfVeglia ; cf. BartoliDalmatisch 2, 201), istriot. ˹lóumo˺ (DallaZoncaDignanese ; Rosamani), lad. lüm (dp. 1763 [lum], EWD), bas-engad. glüm (dp. 1700, DRG 7, 484 ; HWBRätoromanisch), agn. lume (ca 1185, ANDEl), gasc. sud-orient. lüm (CorominesAran 547 ; ALG 1493 p 699E, 699SE), cat. llum (dp. 1396, DECat 5, 301 ; DCVB)9.
III. Remorphologisation flexionnelle : */'lumin-e/ s.m./f. III.1. Masculin III.1.1. Sens « lampe » */'lumin-e/ > frpr. lúme s.m. « lampe » (DuraffourGlossaire n° 5956 ; ALF 1845 p 940 [« lumignon »]), prov. lúme (FEW 5, 443b ; ALF 751 [« lanterne »], 1845 [« lumignon »]).
|| 8 Ce sens héréditaire subsiste sporadiquement en dacoroumain, notamment dans des locutions du type lumea ochilor « pupille » (ALR I/I 19), ainsi que de façon résiduelle en istroroumain (cf. ci-dessus). Mais dans la branche roumaine, le sens le plus diffusé (en méglénoroumain et en aroumain, le seul attesté) est « monde » (dacoroum. : dp. 1500/1510 [date du ms]., Psalt. Hur.2 113 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1014 ; DLR ; Cioranescu n° 4939 ; MDA ; ALR SN 1372, 1398, 1400, 1422 ; istroroum. : MaiorescuIstria 132 ; Byhan,JIRS 6, 269 ; PuşcariuIstroromâne 3, 119–120, 190, 313 ; SârbuIstroromân 225 ; KovačecRječnik 108 ; méglénoroum. et aroum. : cf. ci-dessus). Le témoignage convergent des quatre sous-branches roumaines incite à placer ce développement sémantique en protoroumain et à y voir une influence de protosl. svętŭ « lumière ; monde » (cf. RosettiIstoria 292, malgré MihăescuRomanité 177, qui considère que le sémantisme roumain s’est développé de façon indépendante du slave). En dacoroumain, en istroroumain et en aroumain, le sens « lumière » s’attache aux issues de */lu'min-a/ (ci-dessous IV.2.), tandis qu’un slavisme a évincé l’issue en question en méglénoroumain. 9 Il n’est pas nécessaire de postuler avec Coromines in DECat 5, 301 qu’en catalan, l’apparition du féminin est due à une convergence de lllum avec llu s.f. < */'luk-e/. En revanche, l’issue de */'luk-e/ a pu jouer dans la répartition des deux genres entre les deux sens.
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III.1.2. Sens « lumière » */'lumin-e/ > afrpr. lumen s.m. « lumière » (fin 16e s., TuaillonPoèmes 126 ; cf. DevauxEssai 216 ; SeifertProparoxytona 92), prov. lúme (dp. 1377, Pansier 3 ; 5 ; Levy ; FEW 5, 443b ; ALFSuppl 120 p 889 ; cf. SeifertProparoxytona 92 ; RonjatGrammaire 1, 246 ; DardelGenre 41).
III.2. Féminin III.2.1. Sens « lampe » */'lumin-e/ > esp. lumbre s.f. « lampe » (dp. ca 1200 [lunbres pl.], MenéndezPidalCid 3, 738 ; Kasten/Cody ; DCECH 3, 712 ; DME).
III.2.2. Sens « lumière » */'lumin-e/ > esp. lumbre s.f. « lumière » (dp. ca 1200, LazarAlmerich 162 ; Kasten/Cody ; DCECH 3, 712 ; DME ; Kasten/Nitti).
IV. Recatégorisation de nombre : */'lumin-a/ s.n.pl. > s.f.sg. IV.1. Type originel */'lumin-a/ > sard. lúmina s.f. « organe de la vue, oeil » (DES [locutions comme èst a una lúmina « il a un seul oeil »]).
IV.2. Type présentant un changement d’accent par attraction du suffixe */-'ina/ */lu'min-a/ > dacoroum. lumină s.f. « lumière » (dp. 1500/1510, Psalt. Hur.2 192 ; Tiktin2 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1016 ; DLR ; Cioranescu n° 4940 ; MDA ; ALR SN 784 [« rayon de soleil »]), istroroum. lumire (CandreaDensusianu n° 1016 ; CantemirTexte [lumine]), aroum. luńină (dp. 1770 [λουννίνα], KavalliotisProtopeiria n° 145 ; Pascu 1, 111 ; DDA2 ; BaraAroumain). Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers des types morphologique-
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ment évolués, protorom. */'lumen/ s.n. « objet destiné à produire de la lumière, lampe ; agent physique capable de rendre les choses visibles, lumière ». Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les différents types morphologiques dont elles relèvent et, secondairement, selon leur sens. On a dégagé quatre grands types formels – dont un qui impose une subdivision supplémentaire à partir des genres et un qui connaît deux variantes accentuelles – à la base des cognats romans : */'lumen/ s.n. (> s.m. ; ci-dessus I.), */'lume/ s.f. (II.), */'lumin-e/ s.m. (III.1.) et s.f. (III.2.), */'lumin-a/ s.f. (IV.1.) et */lu'min-a/ s.f. (IV.2.). Le premier type morphologique (I. */'lumen/) est maintenu en sarde – qui impose une reconstruction */'lumen/ et non pas */'lume/, et du coup un neutre – et dans une vaste zone de la Romania ‛italo-occidentale’ (it. occit. fr. gasc. cat. ast. gal./port.), ce qui permet de l’assigner à la phase la plus ancienne du protoroman (protoroman commun). Ce prototype, que l’on reconstuit sur la base de cognats masculins10, est à la base des autres types dégagés. Le passage au féminin (type II.), qui a sans doute profité aussi de l’analogie avec */'luk-e/ s.f. (cf. DardelGenre 54), a dû être simultané avec un changement formel (*/'lumen/ > */'lum-e/, cf. */'ɸamen/ n. 21), qui a entraîné le lexème dans la sous-classe flexionnelle des parisyllabiques masculins et féminins. En raison de la continuation de ce type morphologique à la fois dans la branche roumaine et la branche ‛italo-occidentale’ (végl. istriot. it. frioul. lad. romanch. fr. gasc. cat.), on situe sa formation dans une phase antérieure à la séparation du protoroumain (2e m. 3e s. [?], Straka,RLiR 20, 258 ; RosettiIstoria 184 ; Stefenelli,LRL 2/1, 84), mais postérieure à l’individuation du protosarde (2e m. 2e s. [?], Straka,RLiR 20, 25 ; Dardel,RLiR 49, 268 ; Stefenelli,LRL 2/1, 84). Le passage du neutre au masculin et au féminin avait entraîné la séparation entre nominatif et accusatif, le premier cas étant représenté par la forme brève, */'lumen/, et le second par la forme longue, */'lumin-e/. Cette dernière forme flexionnelle a été recatégorisée et est continuée, régionalement, comme forme de base (III.)11. La distribution aréologique de ce type, très réduite (frpr. occit. esp.), indique une innovation occidentale plus tardive que les autres recatégorisations. Les sous-divisions du type */'lumin-e/ (III.1. et III.2.) relèvent des deux genres que manifeste cette série de cognats. Le féminin, caractérisant seulement la forme espagnole, représente peut-être une évolution idioromane, due à || 10 Le genre masculin dont relèvent les cognats réunis sous I. représente l’évolution régulière du genre neutre des substantifs appartenant à ce type morphologique (DardelGenre 41, 51–55). Par ailleurs, le genre masculin est sporadiquement attesté pour le corrélat de */'lumen/ dans le latin écrit de l’Antiquité, lumen (“in serm. vulgari”, TLL 7/2, 1810). 11 Cf. */'ɸamin-e/ (*/'ɸamen/ IV.), ainsi que d’autres cas parallèles (DardelGenre 53).
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l’influence d’esp. luz s.f. « lumière » (DCECH 3, 712) et/ou à l’“analogie des nombreux substantifs en -bre, continuateurs des substantifs latins en -tudo [*/-'tudin-e/] (MeyerLübkeSchicksale 77 ss.)” (DardelGenre 71 ; cf. aussi RohlfsGrammStor 2, § 385). La coexistence, en occitan, des continuateurs des types */'lumen/ (I.) et */'lumin-e/ (III.), dont le premier a fourni la forme canonique, pourrait indiquer le fonctionnement originel de ces types comme allomorphes, ou, selon DardelGenre 53, supposerait un rapport flexionnel entre les deux formes, la brève fonctionnant en tant que singulier et la longue en tant que pluriel (*/'lumen/ sg. ~ */'lumin-a/ pl. > */'lumen/ sg. ~ */'lumin-es/ ou */'lumin-i/ pl.), comme semble l’attester acat. llum sg./llumens pl. (MeyerLübkeSchicksale 82)12. Le type */'lumin-a/ (IV.1.), conservé seulement en sarde, est issu d’une remorphologisation du pluriel de */'lumen/ (cf. ci-dessus I.) comme singulier féminin. Cette même forme morphologique a pu entraîner un déplacement d’accent13, donnant naissance au type */lu'min-a/ (IV.2.), conservé dans la branche roumaine14. La comparaison romane ne permet pas de déterminer lequel des deux sens reconstruits, « lampe » ou « lumière », est premier. Mais une analyse morpholo-
|| 12 Nous rattacherions ici cat. nord-occid. llúmens pl. « petit bois de chauffage que l’on allume pour illuminer le four quand on prépare la coca » (1936 [Arcavell], DECat 5, 301, que Coromines analyse de façon étonnante comme “LUMEN [...] en un plural de forma ben llatina” (*/-n/ aurait dû tomber). 13 Le déplacement d’accent est probablement dû à une assimilation à la série des substantifs suffixés en */-'in-u/ ~ */-'in-a/ ; on peut invoquer le parallèle avec les adjectifs proparoxytons en */'-in-u/ devenus paroxytons (*/-'in-u/, cf. MeyerLübkeGLR 2, § 454). En tout état de cause, ce déplacement d’accent n’est pas isolé, puisqu’on relève les parallèles */ɸa'min-a/ et */βɛr'min-a/ (cf. */'ɸamen/ [commentaire]). 14 Dacoroum. lumină, istroroum. lumire et aroum. luńină ont aussi été expliqués par un étymon **/lumin-'in-a/, sans corrélat latin (Candrea-Densusianu n° 1016, explication reprise par MihăescuRomanité 177, DDA2 et BaraAroumain), étymologie peu plausible en raison de la valeur du suffixe */-'in-a/, qui forme généralement des noms collectifs d’animaux et de plantes (cf. ButlerLatin 22). REW3 s.v. lūmen considère lumină comme un dérivé idioroman, ce qui est improbable au vu de l’improductivité du suffixe -in(ă) en roumain. Cioranescu n° 4940 y voit le résultat d’un déplacement d’accent idioroman, par attraction du suffixe de substantifs comme albină s.f. « abeille », sulfină s.f. «mélilot officinal », tulpină s.f. « tige ». Mais la grande majorité des substantifs roumains en -ină sont hérités de la protolangue (albină < */al'β-in-a/, CandreaDensusianu n° 46 ; REW3 ; DDA2 ; Cioranescu n° 179 ; căprină < */ka'pr-in-a/, DA s.v. capră ; Candrea-Densusianu n° 250 ; REW3), porcină < */pɔr'k-in-a/, Candrea-Densusianu n° 1430 ; Cioranescu n° 6652 ; DLR) etc. Nous considérons donc que la formation du type */lu'min-a/ remonte au protoroman, ou plus précisément au protoroumain (cf. EWRS, qui suppose un étymon “*LUMINA, -AM (von LUMEN)”, mais qui ne donne pas d’autres explications).
*/'lumen/ s.n. | 533
gique (pré-protoromane) conduit à poser « lampe » comme originel : “diffère de lūx en ce qu’il a dû désigner d’abord un moyen d’éclairage, une ‛lumière’, avec le sens concret que donnait à la formation le suffixe -men-. Ainsi lūmen s’emploie au pluriel [...]” (Ernout/Meillet4 s.v. *lūc-/lŭc-). Le choix qu’a opéré chaque parler entre ces deux signifiés semble avoir été influencé par la présence ou l’absence d’un continuateur de */'luk-e/ « lumière » : les parlers qui continuent cet étymon (sard. végl. it. frioul. romanch. occit. gasc. cat. esp. port., cf. REW3 s.v. lux, -ūce ; von Wartburg 1950 in FEW 5, 478a-480a, LUX) maintiennent, en général, le sens « lampe » pour */'lumen/ (végl. it. frioul. romanch. occit. cat. esp. ; parfois en concurrence avec « lumière »), tandis que la branche roumaine, qui ne perpétue pas */'luk-e/, conserve seulement le sens « lumière ». Le corrélat du latin écrit du type I., lumen s.n., est usuel durant toute l’Antiquité, tant dans le sens « lampe » (dp. Ennius [* 239 – 169], TLL 7/2, 1812 ; OLD) que « lumière » (dp. Névius [* ca 270 – † 201], IEEDLatin s.v. lūx ; cf. TLL 7/2, 1810 ; OLD). En revanche, les types II., III. et IV. ne connaissent pas de corrélat en latin écrit. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 45–58, 306–307, 313, 332–335, 404–405, 449–450 ; REW3 s.v. lūmen ; von Wartburg 1950 in FEW 5, 443b-444a, LUMEN ; Ernout/Meillet4 s.v. *lūc-/lŭc- ; LausbergLinguistica 1, § 167, 184, 308, 404–405 ; HallPhonology 234 ; SalaVocabularul 542 ; MihăescuRomanité 177. Signatures. – Rédaction : Simona GEORGESCU. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; August KOVAČEC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Rosario COLUCCIA ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Pascale BAUDINOT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Stella MEDORI ; Simone PISANO ; David TROTTER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 31/08/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
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*/'lun-a/ s.f. « grand corps céleste observable surtout pendant la nuit et qui change d’aspect en suivant un cycle de quatre semaines » */'lun-a/ > sard. lúna s.f. « grand corps céleste observable surtout pendant la nuit et qui change d’aspect en suivant un cycle de quatre semaines, lune » (dp. 1102 [« unité temporelle du calendrier médiéval »], BlascoCrestomazia 1, 99 ; 2, 51 ; DES ; PittauDizionario 1 ; 2 ; AIS 361), dacoroum. lună (dp. 1500/1510 [date du ms. ; lunra], Psalt. Hur.2 195 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1018 ; Cioranescu n° 4942 ; MDA ; DLR ; ALR SN 804, 805)1, istroroum. lúrę (MaiorescuIstria 132 ; Byhan,JIRS 6, 269 ; PuşcariuIstroromâne 3, 120, 190 ; KovačecRječnik 108 ; SârbuIstroromân 225 ; FrăţilăIstroromân 1, 206 ; ALR SN 804), méglénoroum. lună (Candrea,GrS 3, 410 ; CapidanDicţionar s.v. lúnă ; ALR SN 804, 805 ; WildSprachatlas 5 ; AtanasovMeglenoromâna 281), aroum. lúnă (dp. ca 1760 [λοῦννα], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0006 ; KavalliotisProtopeiria n° 0326 ; Pascu 1, 110 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 804), dalm. loina (BartoliDalmatico 236 § 42 ; 275 § 85 ; 292 § 123 ; 297 § 233 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 78, 89, 107), istriot. loûna (MihăescuRomanité 134 ; PellizzerRovigno ; AIS 361 p 397, p 398), it. luna (dp. ca 1224 [aombr. sud-orient.], TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 361), frioul. lune (dp. 2e m. 14e s. [luno], BenincàEsercizi 39 ; PironaN2 ; GDBTF ; AIS 361 ; ASLEF 1 n° 3), lad. lüna (dp. 1763, Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 361 ; ALD-I 417), romanch. glüna/glina (dp. 1560 [liüna], GartnerBifrun 77 = Decurtins in DRG 7, 487–495 ; HWBRätoromanisch ; AIS 361), fr. lune (dp. ca 1100, RolS2 219 = TLF ; FEW 5, 446ab ; TL ; AND2 ; ALF 788), frpr. ˹luna˺ (dp. 1220/1230, HafnerGrundzüge 80 ; FEW 5, 446b ; ALF 788), occit. luna (dp. 11e s. [date du ms.], DAO n° 35 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 5, 446ab ; Pansier 4 ; ALF 788), gasc. ˹['lyə]˺ (dp. 1567 [Luä], DAG n° 35 ; Raynouard ; Levy ; FEW 5, 446b ; CorominesAran 545 ; ALF 788 ; ALG 1010)2, cat. lluna (dp. 13e s., DECat 5, 305–308 ; DCVB), esp. luna (dp. 2e m. 10e s., DCECH 3, 712–713 ; Kasten/Cody ; DME), ast. lluna (dp. 13e s. [luna], DELlAMs ; DGLA), gal. lúa/port. lua (dp. 1264/1284 [lũa], TMILG ; DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
|| 1 La datation de ca 1418 proposée par Tiktin3 concerne une attestation relevée dans un texte slavon (Mihăilă, D. 75). 2 Les attestations antérieures du domaine gascon (luna : 1203 ; ca 1441 ; lune : ca 1370 ; DAG n° 35) ne présentent pas l’amuïssement intervocalique de */n/ typique du gascon (“remonte au aut moyen âge”, RonjatGrammaire 2, 140) : il s’agira de graphies latinisantes.
*/'lun-a/ s.f. | 535
Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'lun-a/ s.f. « grand corps céleste observable surtout pendant la nuit et qui change d’aspect en suivant un cycle de quatre semaines, lune »3, 4. Le corrélat du latin écrit, luna, -ae s.f. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184 av. J.-Chr.], TLL 7/2, 1829)5. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 45, 301–4, 404, 450–454 ; REW3 s.v. lūna ; Ernout/Meillet4 s.v. *lūc-/lŭc- ; von Wartburg 1950 in FEW 5, 446a-455b, LUNA ; LausbergLinguistica 1, § 184–185, 308, 405 ; HallPhonology 86 ; SalaVocabularul 539 ; MihăescuRomanité 178. Signatures. – Rédaction : Giorgio CADORINI. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; August KOVAČEC. Italoromania : Rosario COLUCCIA ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révi|| 3 Les continuateurs romans de */’lun-a/ présentent un certain nombre de sens secondaires, dont aucun ne paraît suffisamment diffusé ni documenté avec suffisamment d’ancienneté pour justifier sa reconstruction en protoroman. Plusieurs auteurs (PuşcariuLimba 1, 248 ; Cioranescu n° 4942 ; MihăescuLangue 282 ; IvănescuIstoria1 74 ; cf. aussi EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1018 ; TLF [« mois lunaire »]) attribuent à */'lun-a/ le sens de « mois », notamment en s’appuyant sur une inscription relevée en Dacie (où le lexème lun(a) signifie toutefois « jour du mois lunaire synodique », cf. MommsenChronologie 312 ; CIL 3, 1051). La comparaison romane nous incite à suivre plutôt Fischer,ILR 2, 143 et SalaContact 301–302 pour analyser le sens « mois » du roumain comme une innovation idioromane – ou plus précisément protoroumaine, car l’aroumain connaît également ce sens (DDA2) 4 En dépit de formulations chez quelques auteurs qui pourraient laisser entendre une telle analyse (“vom lat. lunae [dies], altit. luni”, Byhan,JIRS 6, 269 ; “lūnae dies [...], 2. lūnis” (REW3) ; “LUNIS = LUNAE [DIES] analogisch nach martis, jovis, etc.”, Pascu 1, 111 ; “din lat. lūnis [= lunae (dies)]”, CapidanDicţionar etc.), nous ne voyons pas dans dacoroum. luni s.f. « lundi » (DLR), istroroum. lur (Byhan,JIRS 6, 269 ; SârbuIstroromân 225), méglénoroum. luni (CapidanDicţionar), aroum. luni (Pascu 1, 110–111 ; DDA2), dalm. loine m. (ElmendorfVeglia), sard. lunis (DES), frioul. lunis (PironaN2) esp. lunes (DCECH 3, 713) et leurs congénères des continuateurs directs d’une forme flexionnelle originelle (génitif irrégulier) de */'lun-a/. Des raisons sémantico-morphologiques nous incitent plutôt à y voir, avec Corominas in DCECH 3, 713 (“abreviación del lat.”), des représentants d’une ellipse de */'lun-is 'die/ loc. nom.m. « lundi » (analyse peut-être sous-jacente à certaines formulations ambiguës citées ci-dessus ; cf. aussi Ernout/Meillet4 s.v. *lūc-/lŭc- 4 : “lūnae diēs et lūnis, d’après illūnis ou d’après martis d. ?” ainsi que GilliéronÉtudes 97). 5 Pour d’éventuels emprunts à lat. luna par des langues non romanes, cf. PedersenKeltisch 1, 207 ; Vasmer s.v. луна I. ; Ernout/Meillet4 s.v. *lūc-/lŭc- ; Pokorny s.v. leuk- ; MihăescuRomanité 448–453 ; EWD ; DECat 5, 306–308 ; ESJS 444–445.
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sion finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Pascale BAUDINOT ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Günter HOLTUS ; Maria ILIESCU ; Stella MEDORI ; Carli TOMASCHETT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 18/06/2012. Version actuelle : 28/07/2014.
*/ma'ɡɪstr-a/ s.f. « femme qui exerce une autorité ; femme qui est qualifiée pour enseigner » */ma'ɡɪstr-a/ > dacoroum. măiestră s.f. « personnage féminin imaginaire doté de pouvoirs magiques et censé influer sur le monde des vivants, fée » (dp. 1836/1838 [măiastră], Tiktin3 ; Graur,BL 5, 104 ; Candrea-Densusianu n° 1043), it. maestra « femme qui exerce une autorité, maîtresse ; femme qui est qualifiée pour enseigner, maîtresse » (dp. 1271/1275 [aflor. ; fig. : maestra della vita], TLIOCorpus ; DELI2), frioul. mestre (PironaN2 ; GDBTF ; ASLEF 433 n° 1962), afr. maistre (ca 1170–13e s., BenTroieC 1, 78 ; TL ; FEW 6/1, 35a), frpr. ['maitra] (dp. 16e s. [mecza], FEW 6/1, 35a), occit. maistra (dp. av. 1272 [maïstra], FlamMa 238 ; Raynouard ; FEW 6/1, 35a), cat. mestra (dp. 1561, DCVB), esp. maestra (dp. 2e qu. 13e s., DCECH 3, 760 ; CORDE), ast. maestra (DGLA ; DELlAMs). Commentaire. – À l’exception du sarde, du dalmate, du ladin, du romanche, du gascon et du galégo-portugais, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ma'ɡɪstr-a/ s.f. « femme qui exerce une autorité, maîtresse ; femme qui est qualifiée pour enseigner, maîtresse »1, dérivé en */-a/ (suffixe véhiculant le sens « féminin ») de */ma'gɪstr-u/2. L’aire des continuateurs de */ma'ɡɪstr-a/ se situe à l’intérieur de celle des issues de */ma'ɡɪstr-u/ ; comme elle exclut le sarde, la reconstruction de */ma'ɡɪstr-a/ ne peut qu’être attribuée au protoroman continental (régional et/ou tardif). Le corrélat du latin écrit, magistra s.f. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Cicéron, TLL 8, 87). Pour un complément d’information, cf. */ma'ɡɪstr-u/.
|| 1 Si Poppe/Keller in FEW 6/1, 42b n. 4 hésitent entre une création idioromane et un héritage de */ma'ɡɪstr-a/, la comparaison romane oriente clairement vers un héritage du protoroman. 2 La reconstruction de */-ɡ-/ n’est pas indispensable dans le cas de */ma'ɡɪstr-a/, mais se déduit du rapport de dérivation qui unit ce lexème à */ma'gɪstr-u/.
*/ma'ɡɪstr-u/ s.m. | 537
Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 70, 115, 302–305, 308, 349, 405, 443, 468 ; Ernout/Meillet4 s.v. magister ; Poppe/Keller 1958 in FEW 6/1, 34a-43a, MAGISTER ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 167, 253, 272 ; 2, § 299, 392–395, 424. Signatures. – Rédaction : Anastasia KROYER ; Jan REINHARDT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Bianca MERTENS. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 01/01/2014. Version actuelle : 22/07/2014.
*/ma'ɡɪstr-u/ s.m. « personne qui exerce une autorité ; personne qui est qualifiée pour enseigner » */ma'ɡɪstr-u/ > sard. magistru/maístu s.m. « personne qui exerce une autorité, maître ; personne qui est qualifiée pour enseigner, maître » (dp. 2e/3e qu. 12e s. [alogoud. magistru], DES), dacoroum. măiestru adj. « présentant une grande érudition, savant » (dp. 1560, Tiktin3 ; Candrea-Densusianu n° 1043 ; DLR ; Graur,BL 5, 104 ; Cioranescu n° 4983 ; MDA)1, 2, it. maestro s.m. « maître » (dp. 1ère m. 12e s. [atosc.], TLIOCorpus ; DELI2), frioul. mestri (PironaN2 ; Iliescu,RRL 17, 188 ; GDBTF ; ASLEF 433 n° 1961)3, fr. maître (dp. 2e qu. 12e s. [maistre], Kel|| 1 Contrairement à ce qui est affirmé par EWRS et REW3, le dacoroumain ne présente pas de substantif rattachable à */ma'gɪstr-u/, mais seulement un adjectif qui en est issu à date prélittéraire. 2 Istroroum. măiestru/mestru s.m. (MaiorescuIstria 132 ; Byhan,JIRS 6, 275) est emprunté à l’allemand (SârbuIstroromân 226) ou au vénitien (PopoviciIstria 125). Méglénoroum. májstur (Candrea,GrS 3, 163 ; CapidanDicţionar ; WildSprachatlas 369, 371, 374, 399) et aroum. máĭstur (dp. ca 1760 [mastori pl.], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0384 ; KavalliotisProtopeiria n° 1079 ; Pascu 2, 61 ; DDA2) représentent, selon toute probabilité, des emprunts au bulgare, au macédonien ou au grec moderne (cf. WildSprachatlas 369). Pour ce qui est de dalm. muostro (BartoliDalmatico 170), il est emprunté à it. mastro ([uo] < /['a] ; cf. ElmendorfVeglia). Enfin, istriot. maeîstro/maìstro représente vraisemblablement un emprunt à l’italien ou au vénitien (cf. PellizzerRovigno). 3 Nous suivons Kramer/Thybussek in EWD pour considérer lad. maéster comme un italianisme, Giger in DRG 12, 119–128 et HWBRätoromanisch, pour voir dans romanch. meis-
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lerWace 224 ; Gdf ; GdfC ; FEW 6/1, 34a ; TL ; TLF ; AND1 s.v. mestre1 ; ALF 802), frpr. ˹metro˺ (dp. 1220/1230 [maistre], ProsalegMussafia 148 = HafnerGrundzüge 135 ; FEW 6/1, 34a ; ALF 802), occit. ˹maistre˺ (dp. 1150, BrunelChartes 63 ; Raynouard ; Levy ; FEW 6/1, 34ab ; Pansier 5 ; ALF 802), gasc. ˹mestre˺ (dp. 1186 [maeste], BrunelChartes 222 ; FEW 6/1, 34ab ; Palay ; CorominesAran 570), cat. mestre (dp. ca 1200 [maestre], DECat 5, 632 ; MollSuplement n° 2066 ; DCVB), esp. maestro (dp. 1101, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 3, 760–761 ; DME ; Kasten/Nitti)4, ast. maestru (dp. 1206 [maestro], DELlAMs ; DGLA)5. Commentaire. – À l’exception du dalmate, du ladin, du romanche et du galégo-portugais, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ma'ɡɪstr-u/ s.m. « personne qui exerce une autorité, maître ; personne qui est qualifiée pour enseigner, maître »6. Le témoignage du sarde d’un côté et de la Romania continentale de l’autre permet de postuler l’existence du substantif dès la période du protoroman commun. Si cette unité originelle s’est brisée par la suite, c’est en raison d’emprunts massifs (cf. n. 2, 3 et 5), surtout à l’allemand (domaine de l’école) et à l’italien (domaine de la musique), qui ont évincé les représentants héréditaires de */ma'ɡɪstr-u/. Le corrélat du latin écrit, magister, -tri s.m. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (depuis les inscriptions archaïques, TLL 8, 76–77). Pour un complément d’information, cf. */ma'ɡɪstr-a/. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 70, 115, 302–305, 308, 349, 405, 443, 468 ; REW3 s.v. magĭster ; Ernout/Meillet4 s.v. magister ; Poppe/Keller 1958 in FEW 6/1, 34a-43a, MAGISTER ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 167, 253, 272 ; 2, § 299, 392– 395, 424 ; HallPhonology 91 ; SalaVocabularul 541.
|| ter/maister un emprunt à l’allemand, enfin Tomaschett in DRG 11, 678–679, pour considérer romanch. maestro/maester comme un italianisme. 4 L’attestation maistro de l’an 993 citée par DCECH 3, 760 (pour l’espagnol) et par DELlAMs (pour l’asturien) est tirée d’un texte latin (cf. DELlAMs). 5 Nous suivons DELP3 et Houaiss pour considérer gal./port. mestre (dp. 1214 [maestre], DDGM ; DdD ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2 ; TMILG) comme emprunté soit à afr. maistre, soit à aoccit. maestre (plutôt qu’au catalan, comme l’envisage Corominas in DCECH 3, 760). En tout état de cause, une influence du ʻmonde carolingienʼ (Metzeltin,Manual 400) nous semble plus probable que la continuation du nominatif ou du vocatif */ma'ɡɪster/ (hypothèse exprimée par AriasGramática § 3.3.10.4 et DELlAMs). 6 Protorom. */ma'ɡɪstr-u/ a été emprunté par l’albanais : alb. mjeshtër (MihăescuRomanité 38 ; VătăşescuAlbaneză 328).
*/'mai-u/ s.m. | 539
Signatures. – Rédaction : Anastasia KROYER ; Jan REINHARDT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Julia ALLETSGRUBER ; Pascale BAUDINOT ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Bianca MERTENS. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 01/01/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'mai-u/ s.m. « mois qui suit avril et précède juin » */'mai-u/ > sard. máyu s.m. « mois qui suit avril et précède juin, mai » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 320), dacoroum. mai (dp. 1679, DLR ; Tiktin3 ; EWRS s.v. maiŭ ; Candrea-Densusianu n° 1040 ; Mihăilă, D. 118 ; Kramer,BA 9, 110– 111 ; MDA ; ALRM SN 601)1, istroroum. måi (Byhan,JIRS 6, 271 ; PuşcariuIstroromâne 3, 120, 234 ; SârbuIstroromân 225 ; FrăţilăIstroromân 1, 207 ; ALRM SN 601), méglénoroum. mai̯ (Candrea-Densusianu n° 1040 ; CapidanDicţionar s.v. culujeu ; AtanasovMeglenoromâna 119, 178 ; ALRM SN 601)2, aroum. maĭŭ (DDA2 ; BaraAroumain ; ALRM SN 601)3, dalm. maž (dp. 14e s., Vinja,RLiR 21, 261–262)4, istriot. májo (IveCanti 36, 380 ; DeanovićIstria 12, 23 ; AIS 320 p 397, || 1 Les datations de 1509 (Mihăilă, D. 118 ; Tiktin3), 1619 (DLR ; MDA) et 1641 (DLR) concernent des attestations slavonnes. – Nous suivons EWRS s.v. maiŭ, Candrea-Densusianu n° 1040 et Kramer,BA 9, 110–111 pour considérer dacoroum. mai comme héréditaire, ce qui le fait rentrer dans l’ensemble formé par tous les parlers de la Romania du Sud-Est et par l’albanais (qui a emprunté le lexème au protoroman, cf. VătăşescuAlbaneză 133), malgré Cioranescu n° 5008, qui propose une étymologie double (“slav. maj, mgr. μάϊος”) et IvănescuIstoria2 504, qui y voit un emprunt au slavon. D’autres ouvrages de référence hésitent entre l’hypothèse d’un héritage et celle d’un emprunt à slav. maj (ILR 2, 143 ; MihăescuRomanité 302 : “panroman maius > dr. mai [...] ; toutefois, il n’est pas exclu qu’à l’origine du mot roumain se soit trouvé v.sl. maj”) ou proposent une étymologie double (“lat. maius, slav. maj” [DLR ; cf. aussi MDA]) ou triple (“lat. maius, slav. maj, gr. μάϊος” [Tiktin3]). Le caractère héréditaire du lexème nous semble avérée ; il a toutefois pu être revitalisé secondairement par l’influence du slavon et du grec (cf. déjà Mihăilă, D. 118 : “lat. majus, întărit de slavon. maj”). 2 Nous ne suivons pas Candrea,GrS 6, 164, qui opte pour un emprunt au bulgare ; il est toutefois possible d’admettre qu’une influence bulgare a revitalisé ce lexème (cf. n. 1). 3 Malgré Pascu 2, 60, qui opte pour un emprunt à grmod. μάϊος. 4 Nous reprenons l’étymologie de Vinja,RLiR 21, 261–262, qui donne cette forme comme héréditaire, en précisant qu’elle est conservée “de nos jours seulement dans les villages insulaires
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398 ; ILA n° 358), it. maggio (dp. 1211 [magio], DELI2 ; AIS 320), frioul. Mai (dp. 1360 [may], PironaN2 ; GDBTF ; AIS 320 p 326–329, 337, 338, 348, 357 ; ASLEF 32 n° 171), lad. mà (dp. 1879, Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 320 p 305 ; ALD-I 426), romanch. mai/meg/matg (dp. 1562, Tomaschett in DRG 12, 21 ; HWBRätoromanisch s.v. matg ; EichenhoferLautlehre § 400a ; AIS 320), fr. mai (dp. ca 1100, RolS2 224 = TLF ; Gdf ; GdfC ; TL ; FEW 6/1, 61a-64b ; AND2 ; ALF 792), frpr. ˹may˺ (dp. 13e s., DocLyonnais 17 ; HafnerGrundzüge 115, 116 ; FEW 6/1, 61a-64b ; ALF 792 p 978, 979, 985, 987–989), occit. mai (dp. 1155/1180, AppelChrestomathie 1 ; Pansier 3 ; BrunelChartesSuppl 139 ; FEW 6/1, 61a-64b ; ALF 792), gasc. mai (dp. 3e t. 12e s., CartBigRC 34 ; FEW 6/1, 61a-64b ; CorominesAran 550 ; ALF 792 ; ALG 1049), cat. maig (dp. av. 1276, DECat 5, 372 ; MollSuplement n° 2078 ; DCVB), esp. mayo (dp. fin 12e/déb. 13e s., Kasten/Cody ; DCECH 3, 890 ; DME), ast. mayu (dp. 1251 [mayo], DELlAMs ; DGLA), gal./port. maio (dp. 1255, Houaiss ; DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'mai-u/ s.m. « mois qui suit avril et précède juin, mai »5. Le corrélat du latin écrit, maius, -i s.m. « id. », est connu depuis Varron (45/43, PHI 5.3 = OLD). Il s’agit là du seul nom de mois qui ait été continué dans tous les parlers romans. Les autres noms de mois manquent souvent dans les parlers peu documentés de la Romania du Sud-Est, cf. */a'gʊst-u/ (l’issue héréditaire manque dans les dialectes sud-danubiens du roumain, en istriote et en dalmate), */a'pril-e/ et */a'pril-i-u/ (sans issue héréditaire en istroroumain, istriote et dalmate), */ɸe'βrari-u/ (sans issue héréditaire dans les dialectes sud-danubiens du roumain, en istriote et en dalmate), */'mart-i-u/ (sans issue héréditaire en istroroumain, méglénoroumain, istriote et dalmate). Cette situation s’explique par l’étroitesse de la documentation, mais aussi par une organisation sociale
|| (les îles Hvar et Korčula)”. Les synonymes dalmates muói (IveVeglia 122 ; BartoliDalmatico 284 ; ElmendorfVeglia s.v. mai) et mai (BartoliDalmatico 233 ; ElmendorfVeglia) semblent être dus à l’influence vénitienne (cf. BartoliDalmatico 170 § 144), malgré ElmendorfVeglia s.v. mai, qui les donne comme héréditaires. 5 Plusieurs langues en contact avec le latin ont emprunté ce lexème : grec (MerloStagioni 179 ; TagliaviniStoria 139–140), albanais (VătăşescuAlbaneză 133), berbère (SchuchardtBerberisch 66), allemand (Kluge23 s.v. Mai), brittonique insulaire, d’où breton, cornique et gallois (tous Deshayes s.v. mae ; cf. aussi PedersenKeltisch 1, 216 et LothBrittoniques 184), irlandais (PedersenKeltisch 1, 216) ; cf. aussi MerloStagioni 179 et TagliaviniStoria 139–140.
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moins évoluée dont ont bénéficié les populations respectives au long des siècles, ce qui a pu favoriser des emprunts à des langues considérées comme porteuses d’un état de civilisation supérieur. Pour ce qui est de la situation plus favorable de */'mai-u/, elle doit être en rapport avec la forte valeur symbolique du mois de mai (cf. TagliaviniStoria 138–141). Les opinions rejetant un héritage protoroman en dacoroumain, méglénoroumain et aroumain (cf. n. 1–3 ci-dessous) négligent à tort cette valeur symbolique et, surtout, considérant à chaque fois un idiome isolément, ne tirent pas profit d’une approche globale. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 308, 405, 510 ; MerloStagioni 126– 131 ; REW3 s.v. majus ; Ernout/Meillet4 s.v. Māia ; Poppe 1958 in FEW 6/1, 61a64b, MAIUS ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175, 272 ; 2, § 297, 299, 471, 565 ; TagliaviniStoria 138–141 ; HallPhonology 58 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 302. Signatures. – Rédaction : Victor CELAC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Carli TOMASCHETT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Wolfgang SCHWEICKARD ; Cătălina VATAŞESCU. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 01/09/2009. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'man-u/ s.f. « partie du corps humain située à l’extrémité du bras » I. Singulier */'man-u/ */'man-u/ > sard. manu s.f. « partie du corps humain située à l’extrémité du bras, main » (dp. ca 1066/1074, BlascoCrestomazia 1, 43 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 148), dacoroum. sept. mân (Candrea-Densusianu n° 1120 ; Pop,DR 7,
542 | 1. Articles 100–101)1, 2, istroroum. măr (Byhan,JIRS 6, 282 ; PuşcariuIstroromâne 3, 120, 314 ; FrăţilăIstroromân 1, 212 ; ALIstro n° 259b), méglénoroum. mǫnă (Candrea,GrS 6, 169 ; CapidanDicţionar ; ALR I/I 49 ; II/I 48 ; WildSprachatlas 165 ; ALDM 266), aroum. mînă (dp. 1770 [μᾳνᾳ], KavalliotisProtopeiria n° 0136 ; Pascu 1, 118 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR I/I 49), dalm. muon (BartoliDalmatisch 2, 29, 45 ; ElmendorfVeglia), istriot. man (MihăescuRomanité 145 ; PellizzerRovigno ; AIS 148 ; ILA n° 259b), it. mano (dp. 2e m. 12e s. [atosc.], TLIOCorpus ; Merlo,AUTosc 44, 61 ; Faré n° 5339 ; DELI2 ; AIS 148), frioul. man (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 148 ; ASLEF 362 n° 1273), lad. man (dp. 1763 [magn], Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 148 ; ALD-I 434), romanch. man/maun m. (Giger in DRG 12, 508 ; HWBRätoromanisch ; AIS 148)3, fr. main f. (dp. ca 1160, TLF ; TL ; Gdf ; GdfC ; FEW 6/1, 285a ; AND2 ; ALF 796–797)4, frpr. man (dp. 1220/30, HafnerGrundzüge 71 ; FEW 6/1, 285a ; ALF 796–797), occit. man (dp. ca 1060, SFoiHA 1, 274 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 151 ; Pansier 3 ; 5 ; BrunelChartesSuppl ; FEW 6/1, 285a ; ALF 796–797)5, gasc. mâ (dp. 1171 [maa], DAG n° 1565 ; Palay ; CorominesAran 553 [man] ; ALF 796–797), cat. mà (dp. fin 11e s., DECat 5, 319 ; DCVB ; MollSuplement n° 2123), esp. mano (dp. ca 1102, CORDE ; || 1 Dacoroum. sept. mân, très rare au singulier (Pop,DR 7, 100–101 fournit la seule attestation textuelle connue à ce jour), est issu par rétroformation analogique (perte de -u associé aux masculins) du continuateur régulier *mânu. Dans la langue standard, ce dernier a été évincé par mână (dp. 1500/1510 [date du ms. ; mânră], Psalt. Hur.2 200 ; Tiktin3 ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 1120 ; DLR ; MDA ; ALR I/I 49 ; II/I 48–49 ; ALRR – Sinteză 217), qui présente une remorphologisation analogique en -ă. La même variation s’observe en istroroumain : măr/mără (avec rhotacisme, cf. MaiorescuIstria 133 ; Byhan,JIRS 6, 282 ; PuşcariuIstroromâne 3, 120 ; SârbuIstroromân 227 ; FrăţilăIstroromân 1, 212 ; ALR I/I 49 ; II/I 48). Pour ce qui est du méglénoroumain et de l’aroumain, ils ont évacué la forme originelle au profit de la forme refaite en -ă (cf. Cioranescu n° 5285 ; DR 7, 100–101). Le processus de remorphologisation, dont le résultat est tangible dans les quatre dialectes roumains, peut donc être attribué au protoroumain, de même que la fluctuation entre forme héritée et forme innovante qui en a résulté. 2 En dépit de ce que laissent entendre DLR et MDA, dacoroum. mân s.n. n’existe pas : Pop,DR 7, 100, la source citée par DLR à l’appui d’une telle analyse, attribue au contraire mână et toutes ses variantes au féminin (cf. aussi GheţieDialectologia 115). 3 La recatégorisation au masculin de romanch. man/maun est ancienne (cf. HWBRätoromanisch). En revanche, le genre féminin, qui est répandu en engadinois, en surmiran et en sutsilvan et que l’on trouve surtout dans des locutions figées, résulte de l’influence de l’italien, qui se fait sentir à partir du 17e siècle (cf. Giger in DRG 12, 577). 4 La forme man (fin 10e s.), donnée comme première attestation par le TLF, est extraite de la Passion de Clermont, texte composé dans un idiome dont l’identification n’est pas assurée (peut-être occitan, cf. DePoerck,RLiR 27 ; DEAFBiblEl s.v. PassionA). 5 En ancien occitan, le substantif man apparaît sous les deux genres (cf. SFoiHA 1, 153 ; JensenSyntaxe 1), le masculin étant attesté de 1060 à 1272 (AppelChrestomathie 25, 151 ; SFoiHA 1, 262). C’est le féminin originel qui l’a emporté en définitive.
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Kasten/Cody ; DCECH 3, 817 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. mano (dp. 1145, DELlAMs ; DGLA), gal. man/port. mão (1220/1240 [mão], TMILG ; DELP3 ; Houaiss ; DRAG1 ; DDGM ; CunhaVocabulário2 ; ALGa 2, 37).
II. Pluriel */'man-u/ */'man-u/ > dacoroum. sept. mân s.f.pl. « mains » (dp. 1500/1510 [date du ms. ; mânrule pl. art. déf.], Psalt. Hur.2 139 ; DLR s.v. mînă ; Tiktin3 ; EWRS s.v. mână ; Candrea-Densusianu n° 1120 ; MDA s.v. mână ; GheţieDialectologia 115 ; ALR I/I 49 ; ALRR – Sinteză 216)6, istroroum. măr (Byhan,JIRS 6, 282 ; FrăţilăIstroromân 1, 212), it. centr.-mérid. ˹mano˺ (dp. 1245/1255 [alaz.], TLIOCorpus ; RohlfsGrammStor 2, § 367 ; LausbergLinguistica 1, § 659 ; LedgewayGramm 135 ; AIS 151 [tosc. ombr. laz. camp. salent. cal. sic.])7. Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'man-u/ s.f. « partie du corps humain située à l’extrémité du bras, main ». Les données romanes permettent de reconstruire non seulement, à partir de leur intégralité, le singulier */'man-u/ (ci-dessus I.), mais aussi, sur la base du roumain et des dialectes italiens centro-méridionaux, le pluriel récessif */'man-u/ (ci-dessus II.). Pour ce qui est du genre féminin, il se reconstruit à partir de la totalité des données à l’exception du cognat romanche (pour lequel cf. n. 3). En tant que féminin en */-u/, protorom. */'man-u/ présente une anomalie morphologique8, que la majorité des idiomes romans ont conservée (cf. n. 1, 3 et 5 pour les parlers qui y ont remédié9). Le corrélat du latin écrit, manus, -us s.f. « id. », est attesté durant toute l’Antiquité (dp. Loi des Douze Tables [5e s. av. J.-C.], TLL 8, 343).
|| 6 Pour ce qui est de campid. manus s.f.pl. « mains » (dp. 1089 [μάνους], BlascoCrestomazia 1, 52 ; DES ; AIS 151), son vocalisme final est dû à un phénomène idioroman d’harmonie vocalique (cf. Loporcaro,AttiBolelli 198–199). 7 Nous ne suivons pas RohlfsGrammStor 2, § 367, pour qui vén. man f.pl. « mains » remonterait au pluriel */'man-us/, */-i/ se conservant dans cet idiome. Il s’agira plutôt du continuateur d’avén. mane (ca 1250 – fin 14e s., TLIOCorpus) : en vénitien moderne, la chute de /-e/ est régulière après consonne nasale (cf. RohlfsGrammStor 1, § 143). 8 La remorphologisation analogique ne frappe pas forcément tout le paradigme : l’asturien présente ainsi mano sg. ~ manes pl. 9 Il n’y a pas lieu de reconstruire, malgré Puşcariu in EWRS, un féminin morphologiquement marqué */'man-a/.
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Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 223, 244, 246, 308, 450 ; 2, § 48, 242, 371 ; REW3 s.v. manus ; Ernout/Meillet4 s.v. manus ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 233, 235 ; 2, § 405 ; von Wartburg 1960 in FEW 6/1, 285a-298a, MANUS ; HallPhonology 52 ; SalaVocabularul 539 ; DOLR 1 (1991), 99 ; StefenelliSchicksal 250– 251 ; Piquer in PatRom 2/1, 145–157 s.v. MANUS. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß ; Wolfgang SCHWEICKARD. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Maria ILIESCU ; Marco MAGGIORE ; Simone PISANO. Galloromania : JeanPaul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Ana BOULLÓN ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Jan REINHARDT ; Uwe SCHMIDT ; Paul VIDESOTT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 10/02/2012. Version actuelle : 23/08/2014.
*/'mart-i-u/ s.m. « mois qui suit février et précède avril » */'mart-i-u/ > sard. márθu/mártsu s.m. « mois qui suit février et précède avril, mars » (dp. 14e s. [marthu], Stat. Sass. 41 = DES ; PittauDizionario 1 s.v. marthu ; AIS 318), dacoroum. pop. marţ (dp. 1581 [marţi], Coresi, Ev. 144 = DLR ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1056 ; Cioranescu n° 5115 ; Kramer,BA 9, 105–107 ; MDA ; ALRM SN 599 p 27, 95, 833)1, aroum. márţu (Pascu 1, 114 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALRM SN 599)2, 3, it. marzo (dp. 1211, TLIOCorpus ; DELI2 s.v. marte ; || 1 Cette issue héréditaire s’est trouvée affaiblie en raison de son homonymie partielle avec marţi « mardi » ; aujourd’hui elle a presque entièrement été évincée par martie s.m. (dp. 1512, DERS = Tiktin3 ; Cioranescu n° 5115 ; DLR ; IvănescuIstoria2 504 ; MDA) < slav. martij (MiklosichLexicon s.v. marъtъ ; Kramer,BA 9, 106). 2 L’aroumain est la seule variété sud-danubienne du roumain à avoir maintenu le continuateur de */'mart-i-u/. En istroroumain, il a été remplacé par ˹márăč˺ s.m. (< slov. marec ou scr. marač « id. », Byhan,JIRS 6, 187 ; PuşcariuIstroromâne 3, 234 ; SârbuIstroromân 226 ; Kramer,BA 9, 104 ; ALRM SN 599), en méglénoroumain, par márta s.f. (< bulg. mart « id. », Candrea,GrS 6, 165 ; CapidanDicţionar). 3 Quant à dalm. muárz (IveVeglia 122 ; BartoliDalmatico 229, 237), son caractère héréditaire n’est pas assuré (cf. BartoliDalmatico 370, 421 § 387 et TagliaviniStoria 130, pour qui une issue dalmate héréditaire ne pourrait être postulée qu’à partir de scr. marač s.m. « id. », généralement analysé comme un emprunt à l’ancien dalmate, ainsi que l’absence de dalm. muárz dans
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AIS 318), frioul. Març (dp. 16e s., PironaN2 ; GDBTF ; AIS 320 ; ASLEF 32 n° 169), lad. mèrz (dp. 1879 [mérz], Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 318 p 305, 312, 313 ; ALD-I 435), romanch. marz/mars (dp. 1560 [martz], GartnerBifrun 4 = Klainguti in DRG 13, 412 ; HWBRätoromanisch s.v. mars ; EichenhoferLautlehre § 595 ; AIS 318), fr. mars (dp. 1119 [marz c.s.], TL ; GdfC ; FEW 6/1, 390a-394b ; TLF ; AND2 s.v. march ; ALF 821), frpr. ˹mar˺ (dp. 1322, DocLyonnais 567 ; FEW 6/1, 390a394b ; ALF 821), occit. mars (dp. 1137 [marz], BrunelChartes 33 = FEW 6/1, 390a ; Raynouard ; AppelChrestomathie 63 [marz] ; Pansier 3 ; ALF 821), gasc. mars (dp. 1274, MillardetRecueil 9 ; FEW 6/1, 390a-394b ; CorominesAran 560 ; ALF 821 ; ALG 1047), cat. març (dp. 1250, DECat 5, 467 ; DCVB), esp. marzo (dp. fin 12e/déb. 13e s. [março], Kasten/Cody s.v. março ; DCECH 3, 864 s.v. Marte ; DME), ast. marzu (dp. 1251 [marzo], DELlAMs ; DGLA), gal. marzo/port. março (dp. 1253/1254 [março], DDGM s.v. março ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – À l’exception du dalmate (cf. n. 3 ci-dessous), toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'mart-i-u/ ([’marʦu]) s.m. « mois qui suit février et précède avril, mars »4. Le corrélat du latin écrit, martius, -i s.m. « id. », est connu depuis Titus Quinctius Atta († 77 av. J.-Chr., OLD)5. Cf. */'mai-u/ pour une vue d’ensemble sur le devenir des noms de mois protoromans. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 308, 405, 474, 509 ; MerloStagioni 116–118 ; REW3 s.v. martius ; Ernout/Meillet4 s.v. Mārs ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175, 272 ; 2, § 299, 408, 452–454 ; TagliaviniStoria 129–133 ; Bal-
|| MihăescuRomanité 91–130, malgré FEW 6/1, 393a, qui le donne comme héréditaire) ; nous préférons y voir un emprunt à l’italien (hypothèse d’ElmendorfVeglia) ou au vénitien (cf. BartoliDalmatico 170 § 144 pour d’autres emprunts au vénitien dont le phonétisme a été adapté selon le modèle des mots hérités). Pour ce qui est d’istriot. ˹márso˺ s.m. (IveCanti 379 [marzo] ; AIS 318 p 397, 398 ; ILA n° 358), nous le considérons comme un emprunt au vénitien. 4 Plusieurs langues en contact avec le latin ont emprunté ce lexème : alb. mars (MihăescuRomanité 39 ; VătăşescuAlbaneză 133), berb. ˹mares˺ (SchuchardtBerberisch 67), all. März (Kluge23), brittonique insulaire, d’où bret. meurzh (dp. 1499 [meurz]), corn. merth et gall. mawrth (tous Deshayes s.v. meurzh ; Jud,ZrP 38, 66 ; FEW 6/1, 393a), basq. martzo (FEW 6/1, 393a) ; cf. aussi MerloStagioni 178 et TagliaviniStoria 129–130. 5 Et non pas depuis Caton l’Ancien (* 234 – † 149), comme on pourrait comprendre à la lecture de FEW 6/1, 393a : chez Caton, il s’agit de l’adjectif martius (PHI 5.3 : Kal. Martiis), dont martius s.m. est issu par ellipse (< mensis martius).
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dinger 1961 in FEW 6/1, 390a-394b, MARTIUS ; HallPhonology 172 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 302. Signatures. – Rédaction : Victor CELAC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Maria ILIESCU. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Ulrike HEIDEMEIER ; Günter HOLTUS ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Carli TOMASCHETT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 04/08/2009. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'mεnt-e/ s.f. « principe de la vie psychique (notamment intellectuelle) chez un individu ; région latérale de la tête (entre le coin de l’œil et le haut de l’oreille) ; forme particulière que revêt l’accomplissement d’une action » I. Sens abstrait : « esprit » */'mɛnt-e/ > sard. mènte s.f. « principe de la vie psychique (notamment intellectuelle) chez un individu, esprit » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 100), dacoroum. minte (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 192 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1132 ; DA ; Cioranescu n° 312 ; MDA ; ALR SN 911), méglénoroum. minti (Candrea,GrS 6, 167 ; CapidanDicţionar ; WildSprachatlas 197), aroum. minte (dp. 1770 [μίντε], KavalliotisProtopeiria n° 0587 ; Pascu 1, 116 ; DDA2 ; BaraAroumain), dalm. mjant « intelligence » (BartoliDalmatisch 2, 11 § 15 ; 2, 332 § 289 ; ElmendorfVeglia), istriot. mento « esprit » (PellizzerRovigno ; MihăescuRomanité 136), it. mente (dp. 4e qu. 12e s., TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 1143 p 124, 190), frioul. mènt (PironaN2)1, lad. mënt (dp. 1895, Kramer/Thybussek in EWD), bas-engad. maint (Decurtins in DRG 8, 250 [vieilli ; Müstair] ; HWBRätoromanisch)2, frpr. orient. men « mémoire » (FEW 6/1,
|| 1 L’évolution phonétique est régulière (protorom. */'ɛ/ devant nasale passe, selon les dialectes, à frioul. ['ɛ] ou ['i], cf. Finco,AAA 104/105, 216). 2 Dans les autres variétés engadinoises, */'mεnt-e/ a été remplacé par les issues de protorom. */in 'mεnt-e/ (> engad. immaint, cf. Decurtins in DRG 8, 244, 250 ; HWBRätoromanisch), tandis
*/'mεnt-e/ s.f. | 547
708a)3, occit. ˹men˺ m./f. « esprit » (dp. 1203 [men f.], Levy ; Raynouard ; AppelChrestomathie 147 ; Mistral [viv.-alp. Nice] ; FEW 6/1, 708ab)4, 5, cat. ment f. (dp. 1271/1274, DCVB ; DECat 5, 582), esp. miente (dp. fin 12e/déb. 13e s., DCECH 4, 41 ; Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti)6, ast. miente (dp. 13e s., DELlAMs ; DGLA)7, gal./port. mente (dp. 13e s., DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
II. Sens concret : « tempe » */'mɛnt-e/ > sard. mente s.f.pl. « région latérale de la tête (entre le coin de l’œil et le haut de l’oreille), tempes » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 100), aroum. mintsă (EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1132), cors. menta sg. « tempe » (Falcucci [“Zicavo e Portovecchio”] ; Faré n° 5496)8.
III. Suffixe formateur d’adverbes de manière (< « manière ») */-'mɛnte/ > sard. -menti suff. « (suffixe formateur d’adverbes de manière) » (dp. 12e/13e s. [comenti “comment”], KarlssonMente 128 ; WagnerWortbil-
|| que le reste des parlers romanches présentent endamen (< protorom. */ad in 'mεnt-e/, avec influence de romanch. en « dans », cf. HWBRätoromanisch). 3 Si le seul emploi autonome de ce lexème est attesté à Hérémence (Valais), on le rencontre en outre dans des locutions figées comme de bon men loc. adj. « qui apprend facilement, qui a une bonne mémoire » ou teni men loc. v. « rester à regarder ce que font les autres » (FEW 6/1, 708ab). 4 Occit. ment est attesté dès 1100, mais dans les occurrences antérieures à 1203, le lexème n’apparaît que soudé à des adjectifs de forme féminine ou épicène (cf. AppelChrestomathie 147) : il s’agit de l’emploi adverbial décrit ci-dessous sous III. – Dans les attestations d’avant 1400, occit. ˹men˺ est toujours féminin (Raynouard ; Levy). Par ailleurs, le lexème vit surtout dans des locutions figées, par exemple aoccit. a men loc. adv. « avec intention » ou tenir a ment loc. v. « surveiller, observer ». 5 L’existence ancienne d’une issue gasconne de */'mεnt-e/ présentant le sens « esprit » est assurée par les dérivés abéarn. mentant s.m. « témoin qui n’a ni vu ni entendu le fait au moment où il s’accomplissait et qui raconte ce qu’il sait par ouï-dire » (ca 1400) et béarn. mentà v.tr. « mentionner, citer, nommer, rappeler » (Palay ; FEW 6/1, 708b). 6 On rencontre encore cette issue régulière dans des locutions littéraires comme caer en (las) mientes loc. v. « se souvenir tout à coup » ; ailleurs, elle a été remplacée par le latinisme mente (dp. 1170, CORDE). 7 Cette issue héréditaire a été concurrencée par le latinisme mente (DELlAMs). 8 Par analogie avec les féminins en -a.
548 | 1. Articles dungslehre 147–148)9, 10, dalm. -miant (KarlssonMente 129–130)11, istriot. mèntro (DeanovićIstria 33)12, it. -mente (dp. 1219 [antica mente], TLIOCorpus ; DELI2), carn. -mènti (Finco,AAA 104/105, 215 ; cf. DeLeidiSuffissi 161 ; Finco,SotLaNape 61/1 ; Finco,SotLaNape 61/2)13, 14, romanch. -maing/-mein (Decurtins in DRG 5, 532 ; HWBRätoromanisch), fr. -ment (dp. 4e qu. 10e s. [dulcement], GdfC ; TL ; TLF ; AND2), frpr. ˹[-mẽ]˺ (dp. 1220/1230 [soulament], ProsalegStimm 23, 29 ; HafnerGrundzüge 138–139 ; Casanova in GPSR 5, 898), occit. -ment (dp. 1100 [mala ment], AppelChrestomathie 147 ; Raynouard ; Levy), gasc. -mén (Palay), cat. -ment (dp. 4e qu. 11e s. [segurament], DECat 7, 752 ; DCVB), aesp. -miente (1215 [primera miente] – av. 1500, CORDE)15, aast. -miente (13e s., DELlAMs ; DGLA), gal./port. -mente (dp. 13e s. [longada mente], DDGM ; DELP3 ; Houaiss). Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'mεnt-e/ s.f. « principe de la vie psychique (notamment intellectuelle) chez un individu, esprit ; région latérale de la tête (entre || 9 Selon Hummel,FoLH 34, 10, sard. -menti ne serait pas héréditaire, mais reposerait sur un emprunt ‛continental’. 10 L’isolement de dacoroum. altminteri adv. « autrement » (dp. 1521, “lat. altera mente”, Tiktin3 ; cf. aussi Cioranescu n° 220 ; + suffixe adverbial */-ter/, KarlssonMente 131) et d’aroum. alumtrea (“ALTERA MENTE”, Pascu 1, 117) rend leur interprétation difficile. Aux deux hypothèses envisagées par KarlssonMente 131, emprunt ancien à un autre idiome roman ou vestige d’un suffixe héréditaire évincé par la suite sous l’influence slave (analyse à laquelle il semble donner la préférence), on peut ajouter celle d’une composition protoromane. 11 Nous suivons KarlssonMente 130 pour considérer ce suffixe, dont le phonétisme est régulier (BartoliDalmatisch 2, 332 § 289), comme héréditaire, même si BartoliDalmatisch 2, 418 § 519 en doute (“wahrscheinlich entlehnt”) : il nous semble que Karlsson a raison de rejeter comme inopérants les deux arguments invoqués par Bartoli, l’absence du suffixe en roumain et en italien méridional et l’existence en dalmate d’adverbes formellement identiques à des adjectifs. 12 L’istriote, le frioulan et le dacoroumain (ci-dessus n. 10), de même que le lombard, le vénitien, le ladin, l’ancien espagnol (KarlssonMente 131) et l’ancien asturien (DELlAMs) présentent une forme avec /-r-/, que KarlssonMente 94–95 explique de façon convaincante comme représentant du suffixe adverbial */-ter/ (cf. CooperFormation 200–204). 13 Dans les autres dialectes frioulans, cette issue régulière a été remplacée par le type évolutif -mèntri (cf. Finco,AAA 104/105, 215 et ci-dessus n. 12). Par ailleurs, la vitalité de frioul. mènt(r)i, héréditaire – sinon tout à fait régulier (/-r-/ + voyelle d’appui /-i/) –, a profité de modèles et d’emprunts de l’italien centro-septentrional (Finco,AAA 104/105, 216, 229). 14 Quant à lad. -mente, sa voyelle finale le dénonce comme non héréditaire ; il s’agit probablement d’un italianisme. 15 En revanche, le vocalisme tonique d’esp. ast. -mente dénonce le suffixe comme emprunté, même si la langue d’origine n’est pas établie à ce jour : il pourrait s’agir du catalan, de l’aragonais, de l’occitan ou du français (cf. KarlssonMente 87–107), mais aussi du latin.
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le coin de l’œil et le haut de l’oreille), tempe ; forme particulière que revêt l’accomplissement d’une action, manière »16, 17. Les issues romanes ont été subdivisées selon les différentes valeurs sémantiques et fonctionnelles qu’elles présentent. Les aires occupées par */'mεnt-e/ dans le sens abstrait « esprit », qui manque seulement en français (ci-dessus I.), et dans le sens concret « tempe »18, continué en aroumain, en corse et en sarde (ci-dessus II.), incitent à assigner ces derniers à la première période du protoroman, antérieure à la séparation du sarde (au 2e siècle, cf. Straka,RLiR 20, 256), puis du roumain, du tronc commun. Même le sens « manière », que nous reconstruisons comme point de départ lexical de la grammaticalisation qui a donné lieu, dans toutes les branches romanes à part le roumain (cf. cependant n. 10) et le ladin, au suffixe formateur d’adverbes de manière ˹-mente˺ (ci-dessus III.)19, semble pouvoir être assigné à cette première phase du protoroman. La reconstruction du sens « manière » de */'mεnt-e/ à la base de la grammaticalisation du suffixe formateur d’adverbes de manière dans les idiomes romans (III.) s’articule bien avec la diachronie du système de l’adverbe de manière roman mise en évidence par des travaux récents : tandis qu’en protoroman commun d’‛immédiat communicatif’, les adverbes de manière se formaient par transcatégorisation à partir d’adjectifs (type de dacoroum. greu « lourdement »), le type ˹-mente˺ se dénonce comme secondaire (Hummel,FoLH 34, 8, 18). Il est, certes, d’origine orale, mais sa très grande diffusion, qui a notamment relégué, dans la Romania ‛italo-occidentale’, le type originel dans le sub-standard, est clairement liée à l’écrit (notamment ecclésiastique et juridique), à la standardisation et, en dernière analyse, à la ‛distance communicative’ (Hummel,FoLH 34, 18–20, 23–24, 26–30 ; cf. aussi Bauer,AdLitteras, Bauer, Colloquial et Bauer,MaidenHistory 1, 552–556).
|| 16 Protorom. */'mεnt-e/ s’est par ailleurs fixé dans le composé */mεnt-'aβ-e-/ (> fr. occit. gasc., cf. REW3 s.v. mĕnte habēre ; Baldinger 1968 in FEW 6/1, 732a-735a, MENTE HABERE). 17 Si bsq. men « sentence » et mentu « jugement » semblent, en raison de leur sémantisme, empruntés à l’acrolecte latin, bsq. mendu « caractère » pourrait bien représenter un emprunt à la langue orale (cf. FEW 6/1, 708b). 18 Selon une croyance populaire, les tempes sont considérées comme l’endroit de la pensée (cf. FEW 6/1, 708b ; DCECH 5, 240). 19 Cf. MeyerLübkeGLR 2, § 620 ; FEW 6/1, 709a ; KarlssonMente ; Lüdtke,LRL 2/1, 263 ; Krefeld,Reanalyse ; Bauer,MaidenHistory 1, 552–556. – Dans les premiers témoignages romans, les continuateurs de */'mεnt-e/ ne sont pas encore entièrement grammaticalisés, mais apparaissent plutôt en tant qu’unités lexicales dans des tours périphrastiques (cf. ci-dessus les premières attestations italienne, occitane, espagnole et galégo-portugaise ainsi que Finco,AAA 104/105, 225 pour le frioulan).
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Le corrélat du latin écrit de I., mens, -tis s.f. « esprit », est attesté durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 8, 711). En revanche, le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de II. ni de III. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 150, 162, 180, 485 ; REW3 s.v. mens, mĕnte ; Ernout/Meillet4 s.v. mens ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 171–172, 232 ; DardelGenre 26 ; Baldinger 1968 in FEW 6/1, 708a-709b, MENS ; HallPhonology 142 ; Faré n° 5496 ; SalaVocabularul 606 ; StefenelliSchicksal 252–253 ; MihăescuRomanité 136. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Anna CORNAGLIOTTI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Giorgio CADORINI ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Maria ILIESCU ; Johannes KRAMER ; Jan REINHARDT ; Uwe SCHMIDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 07/01/2011. Version actuelle : 22/08/2014.
*/'mɪnu-a-/ v.tr./intr. « rendre ou devenir plus petit » */mɪnu-'a-re/ > ait. menovare v.tr./intr. « rendre ou devenir plus petit, diminuer » (1219 [atosc.] – 1ère m. 15e s., TLIOCorpus ; GDLI ; DEI)1, 2, agasc. mingar (hap. 13e s., LespyR = FEW 6/2, 126a)3, cat. minvar (dp. 1272, DCVB ; DECat 5, 596 s.v. menys), esp. menguar (dp. 1140, Kasten/Cody ; DCECH 4, 38 ; DME ; Kas-
|| 1 Sard. menguare représente un emprunt à l’espagnol (DES ; PittauDizionario 1). 2 Ait. menovare est en général considéré comme héréditaire (REW3 s.v. mĭnuāre ; von Wartburg in FEW 6/2, 126b ; DEI). Il ne s’agit toutefois pas d’une issue régulière : le groupe *[-nwa-] n’ayant pas abouti à *[-nn-] (cf. RohlfsGrammStor 1, § 293), il s’agit d’un développement semisavant (pour le /-v-/ anti-hiatique, cf. RohlfsGrammStor 1, § 339 ; cf. aussi Nocentini s.v. manovale pour un cas de figure semblable). 3 Nous suivons von Wartburg in FEW 6/2, 126b pour considérer agasc. mingar comme héréditaire. Pour autant, ce lexème ne présente pas une évolution phonétique régulière (cf. gasc. jè « janvier ») : comme dans gasc. [ʒank] s.f. « porte en claire-voie » < */'ianu-a/ (RohlfsGascon2 110 ; héréditaire selon von Wartburg in FEW 5, 29a, JANUA 1 ; cf. aussi Lief,LSRL 33, 265), il n’y a pas eu expulsion de *[w] et amuïssement de *[-n-] intervocalique.
*/'mɪnu-a-/ v.tr./intr. | 551
ten/Nitti ; NTLE ; DRAE22), ast. menguar (dp. 1254 [minguar], AriasPropuestes 3, 57 ; DGLA ; DELlAMs), gal./port. minguar (dp. 1269 [minguen subj. prés. 6], TMILG ; DDGM ; DRAG2 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2 ; WilliamsPortuguese § 41, 93). Commentaire. – L’italien, le gascon et les parlers romans de la péninsule Ibérique présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. rég. */'mɪnu-a-/ v.tr./intr. « rendre ou devenir plus petit, diminuer ». En l’absence de cognats en sarde et en roumain, la reconstruction de ce verbe ne peut être attribuée qu’à une strate tardive du protoroman, postérieure au dégagement du protoroumain (2e moitié 3e siècle selon RosettiIstoria 184 ; fin 3e siècle selon Straka,RLiR 20, 258). Le corrélat du latin écrit, minuare v.tr./intr. « id.», n’est attesté qu’à partir du 4e siècle (dans la Mulomedicina Chironis, cf. TLL 8, 1034 ; FEW 6/2, 126b)4, tandis que le latin écrit de toute l’Antiquité a surtout connu minuere v.tr./intr. « id.» (documenté dp. Cicéron [* 106 – † 43], OLD ; TLL 8, 1034). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 222–225, 279, 353, 405, 450, 455, 503 ; 2, § 117 ; REW3 s.v. mĭnuāre ; von Wartburg 1967 in FEW 6/2, 126b, MINUERE I ; Ernout/Meillet4 s.v. minuō ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 209, 253, 405. Signatures. – Rédaction : Paul VIDESOTT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC. Italoromania : Maria ILIESCU ; Johannes KRAMER. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Esther BAIWIR ; Victor CELAC ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Laure GRÜNER ; Günter HOLTUS ; Bianca MERTENS ; Angeline PALA ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 02/01/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
|| 4 Le lexème apparaît dans le 3e livre de la Mulomedicina, donc dans la partie remaniée par Végèce vers la fin du 4e siècle. Cependant, au vu de son absence dans la liste des remaniements de Végèce publiée dans GrevanderMulomedicina 60–98, on peut l’attribuer à Chiron (cf. aussi ALLG 10, 513).
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*/mon't-ani-a/ s.f. « territoire caractérisé par d’importantes élévations du terrain ; importante élévation de terrain » */mon't-ani-a/ > campid. sept. muntánğa s.f. « importante élévation de terrain, montagne » (DES ; PittauDizionario 1)1, it. montagna « territoire caractérisé par d’importantes élévations du terrain, région montagneuse ; montagne » (dp. déb. 13e s. [alomb. ; « montagne »], TLIOCorpus ; DELI2 s.v. monte ; AIS 421 [général])2, romanch. muntagna/muntogna (dp. 1560 [muntagna « montagne »], GartnerBifrun 140 ; HWBRätoromanisch s.v. muntogna ; EichenhoferLautlehre § 51 ; AIS 421 p 7 [[mun’tɔɲa]]), fr. montagne (dp. ca 1100 [muntaigne « région montagneuse ; montagne »], TL s.v. montaigne ; GdfC ; FEW 6/3, 100b-101a ; TLF ; AND2 s.v. muntaine ; ALF 874), frpr. montagni (dp. ca 1220/1230 [montaigni], ProsalegStimm 24, 48, 50, 52 ; GononPoncins ; FEW 6/3, 100b-101a ; DAOSuppl n° 169 [montagny] ; ALF 874), occit. montanha (dp. 1er t. 12e s., AppelChrestomathie ; DAO n° 169 ; Raynouard ; Levy ; Pansier 3 ; Mistral ; FEW 6/3, 100b-101a ; ALF 874), gasc. montanhe (dp. 12e s. [montagna], DAG n° 169 ; Palay ; FEW 6/3, 101a ; ALF 874), cat. muntanya (dp. av. 1276 [« montagne »], DCVB ; DECat 5, 836), esp. montaña (dp. fin 12e/déb. 13e s. [montana « région montagneuse couverte de végétation »], Kasten/Cody s.v. montanna ; DCECH 4, 131 ; DME ; Kasten/Nitti), aast. montaña (1288 [montanna] – av. 1376 [ms. 13e/14e s. ; montana], DELlAMs), gal. montaña/port. montanha (dp. 1264/1284 [montanna « montagne »], CunhaVocabulário2 ; DRAG1 ; DDGM ; DELP3 ; Houaiss). Commentaire. – À l’exception du roumain, du dalmate, du frioulan et du ladin3, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à recons-
|| 1 Dans le domaine sarde, ce lexème n’est conservé comme appellatif qu’en campidanais septentrional (“barb.” [= barbaricino], DES). Par ailleurs, il subsiste comme toponyme, où son sens sous-jacent est « région montagneuse », en campidanais central (DES : “Muntánğa nome di una regione montagnosa fra Villacidro, Gonnosfanádiga e Arbus”). Le reste du domaine ne connaît que mònte/mònti s.m. (< */'mɔnt-e/) et l’italianisme ˹muntáña˺ s.f. (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 421). 2 Pour ce qui est du frioulan, il présente montagne s.f. (dp. 1867, PironaN2 ; IliescuFrioulan 132 n. 6 ; GDBTF ; AIS 421 p 338, 348, 357 ; ASLEF 34 n° 183, 184), dont le caractère héréditaire est peu probable : il s’agit plutôt d’un italianisme, étant donné son attestation tardive et le parallélisme avec campagne s.f. « campagne » (< it. ou vén., Francescato in DESF). 3 Dans ces idiomes – de même qu’en asturien, où le continuateur de */mon't-ani-a/ s’est éteint au plus tard au 14e siècle –, ce sont les issues de protorom. */'mɔnt-e/ qui sont bien implantées.
*/mon't-ani-a/ s.f. | 553
truire protorom. */mon't-ani-a/ s.f. « territoire caractérisé par d’importantes élévations du terrain, région montagneuse ; importante élévation de terrain, montagne ». Ce lexème s’analyse, en synchronie protoromane, comme un dérivé en */-'ani-/, suffixe (rare) à valeur collective (« ensemble de x », MeyerLübkeGLR 2, § 460)/topographique (« terrain où se trouvent des x », Heidemeier,DÉRom 1), de */'mɔnt-e/ s.m. « importante élévation de terrain »4. Une analyse morpho-sémantique incite à considérer le sens « région montagneuse » de protorom. */mon't-ani-a/ comme originel. Étant donné la très large correspondance diaromane (cf. n. 1 pour le sarde), le sens secondaire singulatif « montagne », dans lequel les continuateurs du dérivé en sont venus à concurrencer ceux de */'mɔnt-e/5, doit lui aussi être projeté sur la protolangue. Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat de protorom. */mon't-ani-a/. Du point de vue diasystémique (‛latin global’), */mon't-ani-a/ est donc à considérer comme un particularisme (oralisme) de la variété B (basse) qui n’a eu aucun accès à la variété H (haute), en tout cas à l’écrit6. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 223, 302–305, 404–405, 485, 512 ; REW3 s.v. *mŏntanea ; Ernout/Meillet4 s.v. mōns, montis ; Baldinger 1966 in FEW 6/3, 100b-104b, *MONTANEA ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175, 230–237, 251, 253 ; 2, § 299, 415, 463 ; SalaVocabularul 561. Signatures. – Rédaction : Victor CELAC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina
|| 4 Pour ce qui est de l’analyse dérivationnelle diachronique de */mon't-ani-a/, la communis opinio (cf. FEW 6/3, 104a ; DCECH 4, 131 ; DECat 5, 836 ; DME) consiste à considérer, comme le suffixe */-'ani/ sert surtout à former des adjectifs (MeyerLübkeGLR 2, § 460 : “vorwiegend adjektivisch”), que */mon't-ani-a/ est le résultat d’une ellipse à partir d’un syntagme comportant le pluriel neutre d’un */mon't-ani-u/ adj. « formé de montagnes, montagneux » (cf. BourciezLinguistique § 202d pour d’autres exemples de “raccourcissements d’expressions”), non reconstructible à partir des données romanes ( REW3 ; FEW) et non attesté en latin écrit de l’Antiquité ( TLL). Cf. toutefois l’analyse détaillée de Heidemeier,DÉRom 1, qui y voit le résultat d’une double dérivation : */mon't-an-i-a/ s.f. < */mon't-an-u/ s.m. « montagnard » < */'mɔnt-e/. 5 Cf. FEW 6/3, 104a : “schon im afr. begann *MONTANEA das simplex MONS zu verdrängen […], wobei es auch den kollektiv-augmentativen sinn mehr und mehr einbüsste, der nur noch formal in redensarten wie aller à la montagne, etc. durchschimmert”. 6 Si le substantif n’a pas eu accès au code écrit, on relève en revanche dans ce dernier le surdérivé montaniosus adj. « formé de montagnes, montagneux » (Gromatici [av. 6e s. ; in montanioso loco], TLL 8, 1457–1458 ; Ernout/Meillet4 s.v. mōns, montis).
554 | 1. Articles
FLORESCU ; Maria ILIESCU ; August KOVAČEC ; Johannes KRAMER. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Simone PISANO ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Ana SISTO. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Jérémie DELORME ; Steven N. DWORKIN ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 06/03/2012. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'mɔnt-e/ s.m. « importante élévation de terrain » */'mɔnt-e/ > sard. mònte/mònti s.m. « importante élévation de terrain, montagne » (dp. ca 1110/mil. 13e s. [monte], CSMBVirdis 43 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 421), dacoroum. munte (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 209 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1169 ; Cioranescu n° 5498 ; DLR ; MDA ; ALR SN 808)1, istroroum. munte (MaiorescuIstria 135 ; FrăţilăIstroromân 1, 225 ; ALIstro n° 156)2, méglénoroum. munti (Candrea,GrS 6, 170 ; CapidanDicţionar ; WildSprachatlas 129 ; ALR SN 808), aroum. munte (dp. ca 1760 [μούντζη pl.], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0033 ; KavalliotisProtopeiria n° 0553 [μοῦντε] ; Pascu 1, 121 ; DDA2 ; BaraAroumain [munti] ; ALR SN 808), dalm. muant (BartoliDalma-
|| 1 La datation de 1443 de Tiktin3 concerne un anthroponyme dans un texte slavon. 2 La première des deux attestations connues de ce lexème provient de MaiorescuIstria 135, qui précise qu’il n’était connu qu’à Jeiăn ; Byhan,JIRS 6, 284 donne cette attestation comme douteuse, en citant et en adoptant le point de vue de St. Nanu : “heutzutage giebt es kein munte”. PuşcariuIstroromâne 2, 233, 235 cite munte (probablement d’après Maiorescu) dans deux listes de lexèmes héréditaires complètement évincés. Or une seconde attestation vient confirmer celle de Maiorescu : à la question « vertige » on a noté, toujours à Jeiăn, muntɛ mi se ɘn kåp loc. « j’ai une montagne dans la tête » (ALIstro n° 156) – même si cette locution pourrait être calquée d’it. avere un monte sulla testa « essere preso da un senso di oppressione, di stanchezza, di tedio che impedisce di svolgere la normale attività » (GDLI 10, 857). – Par ailleurs, l’istroroumain connaît, comme désignations de la montagne, les serbo-croatismes brig s.n. (MaiorescuIstria 111, 135 ; Byhan,JIRS 6, 199 ; PuşcariuIstroromâne 2, 233, 235 ; PuşcariuIstroromâne 3, 123, 305 ; SârbuIstroromân 193 ; ALR SN 808) et gorę s.f. (Byhan,JIRS 6, 224 ; PopoviciIstria 113 ; PuşcariuIstroromâne 2, 235 [gora]), ainsi que codru s.m. (MaiorescuIstria 117 ; Byhan,JIRS 6, 243 ; PuşcariuIstroromâne 2, 235 ; PuşcariuIstroromâne 3, 123, 306 ; SârbuIstroromân 198) < protorom. */'kɔdr-u/ s.m. ; cf. lat. quadrus adj. « carré » (REW3 s.v. quadrus ; Ernout/Meillet4 s.v. quattuor).
*/'mɔnt-e/ s.m. | 555
tico 252, 267, 288 ; MihăescuRomanité 106)3, istriot. monto (DeanovićIstria 26, 114 ; MihăescuRomanité 136 ; AIS 421 p 398), it. monte (dp. 1207/1208, TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 421 p 179, 189, 199, 243, 333, 443, 453, 464, 466, 500, 530, 541, 555, 558, 565), frioul. mont f. (dp. 2e m. 14e s., BenincàEsercizi 34 ; PironaN2 ; IliescuFrioulan 39 ; GDBTF ; AIS 421 p 326–329, 337 ; ASLEF 34 n° 183 [partout féminin])4, 5, lad. mùnt (dp. 1763 [na mont « collis, tumulus »], Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 421 p 305, 312, 313, 315 ; ALD-I 476), romanch. munt/mun m. (dp. 1560 [munt], GartnerBifrun 25 ; HWBRätoromanisch s.v. mun ; EichenhoferLautlehre § 192b ; AIS 421 p 9, 19), fr. mont (dp. ca 1000 [vieilli], TLF ; GdfC ; TL ; FEW 6/3, 84a ; AND2 s.v. munt1), frpr. mon (dp. 1er qu. 13e s. [mont ; vieilli], DocLyonnais 7 ; FEW 6/3, 84a), occit. mont (dp. 1130/1149 [vieilli], DAO n° 169 ; Raynouard ; Levy s.v. mon ; Pansier 3 ; AppelChrestomathie 50, 114 ; FEW 6/3, 84a), gasc. mont (dp. ca 1330 [vieilli], DAG n° 169 ; FEW 24, 623a)6, cat. mont (dp. fin 12e/déb. 13e s. [vieilli], DECat 5, 835–836 ; DCVB ; MollSuplement n° 2270 ; MollMartíGramàticaHistòrica § 57)7, aesp. muent (1258, BerganzaAntigüedades 2, 576 = MenéndezPidalCrestomatía 1, 187 = NTLE s.v. || 3 Nous ne suivons pas ElmendorfVeglia, qui considère (sans avancer d’argument) dalm. muant comme un italianisme, car son phonétisme est régulier, cf. BartoliDalmatico 395 § 289 (avec des parallèles comme */'pɔnt-e/ > puant). 4 Ce phonétisme est signalé (de même que celui de front « front » et celui des formes à radical tonique du paradigme de kontâ « raconter ») comme une irrégularité par rapport à l’évolution régulière dont témoignent “pwuint < PONTE ; rišpwínt < RESPONDET” (IliescuFrioulan 39). 5 Les cognats frioulan et ladin relèvent du genre féminin (EWD fait mention en outre d’un cognat féminin en lombard alpin, mais la source citée, Guarnerio,RIL 41, 399, ne se prononce pas sur le genre ; cf. aussi RohlfsGrammStor 2, § 391), et cela depuis le début de la transmission écrite (cf. aussi les toponymes comme Mònt Sànte ou Montavièrte [PironaN2 1770], qui confirment le genre féminin pour le frioulan prélittéraire). On hésite toutefois, en raison de son caractère isolé, à projeter le genre féminin sur la protolangue : il semble plutôt s’agir d’une recatégorisation idioromane. Les raisons de ce changement de genre pourraient résider d’une part, pour le frioulan, dans l’homophonie de mont s.f. avec mont s.m. « monde » (GDBTF), d’autre part, pour les deux idiomes, où mont signifie surtout « alpage » (cf. EWD), par une influence analogique (il ne semble pas s’agir de celle de frioul. lad. malga s.f. « alpage » [GDBTF ; EWD (< itsept.)], qui ne sont pas héréditaires). Pour ce qui est de frioul. lad. mont s.m. « montagne », il s’agit d’italianismes (cf. PironaN2 ; EWD s.v. mùnt). 6 L’attestation datée « av. 1400 : 1141 ? » de DAG n° 169 est tirée d’un document suspect (cf. BaldingerLvSchlüssel 271). 7 Pour la fermeture de /ɔ/ en /o/ devant nasale suivie d’une occlusive, cf. MollMartíGramàticaHistòrica § 57. – Cette forme régulière a été presque entièrement évincée par munt s.m. (dp. 1272, DECat 5, 835–836 ; MollSuplement n° 2270 ; DCVB ; MollMartíGramàticaHistòrica § 57). Puis munt a été évincé, dans son sens originaire, par l’issue de */mɔn't-an-i-a/, en se maintenant sporadiquement avec le sens de « proéminence du relief sous-marin » (DECat 5, 835–836) et plus généralement dans celui de « grande quantité, amoncellement » (DCVB ; DECat 5, 836).
556 | 1. Articles monte)8, ast. monte (dp. 1157, DELlAMs ; DGLA)9, gal./port. monte (dp. av. 1253/1254, DDGM ; DRAG2 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)10. Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'mɔnt-e/ s.m. « importante élévation de terrain, montagne »11. Le genre masculin de l’étymon se reconstruit sur la base de la majorité des cognats romans (cf. n. 5 pour le genre féminin attesté en frioulan et en ladin, analysé comme un phénomène idioroman). Protorom. */'mɔnt-e/ semble donc bien représenter, comme le propose Robert de Dardel, un des principaux retardataires de la tendance à féminiser les substantifs de la troisième déclinaison : “toute une série des masculins lui résistent et conservent intact en roman commun leur genre classique, quittes à passer tardivement au féminin dans certains parlers romans, dans des circonstances particulières et d’intérêt local” (DardelGenre 29). Dans presque toute la Romania continue, les issues de */'mɔnt-e/ ont été plus ou moins concurrencées par celles de protorom. */mon't-ani-a/ s.f., notamment en raison de leur monosyllabisme. Le corrélat du latin écrit, mons, -tis s.m. « montagne », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 8, 1430 ; Ernout/Meillet4 s.v. mōns, montis). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 184, 202, 307, 404–405, 485 ; REW3 s.v. mons, monte ; Ernout/Meillet4 s.v. mōns, montis ; Baldinger 1966 in FEW 6/3, 84a-94b, MONS ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 176–178, 230–237, 272, 276 ; 2, § 299, 415 ; 3, § 624 ; DardelGenre 29 ; HallPhonology 142 ; Faré n° 5664 ; SalaVocabularul 541 ; StefenelliSchicksal 252–253 ; MihăescuRomanité 187.
|| 8 Il s’agit là de la seule attestation connue de l’issue espagnole régulière (cf. REW3 : “asp. muent”), qui a été entièrement évincée par monte (dp. ca 1140, Kasten/Cody ; DME ; DCECH 4, 131 ; Kasten/Nitti), forme présentant la fermeture de [o] devant nasale implosive (cf. DCECH 4, 131 [qui ignore notre attestation de muent] : “La falta de diptongación debe explicarse por influjo de la nasal” et LausbergSprachwissenschaft 1, § 232 : “Auch im Span. ist ŏ vor gedecktem Nasal manchmal zu ọ geschlossen worden : comite conde, abscondit esconde, homine hombre [aber ponte puente, fronte *fruente > frente mit der normalen Entwicklung von vlt. ǫ]”). 9 L’absence de la diphtongaison de la voyelle tonique s’explique par l’influence de la nasale, cf. AriasGramática § 3.1.7.4. 10 Pour la fermeture de /ɔ/ devant nasale en /o/ du galicien, cf. FernándezDialectoloxía 44–45. 11 Nous ne suivons pas MeyerLübkeGLR 1, § 184, qui postule un “Vulgärlateinisch” mọnte à partir de “span. monte”, “siz. munti”, “kalabr. munte”, “alatr. mọnte” et “friaul. mont” (cf. n. 7 et 10).
*/'mʊlɡ-e-/ v.tr. | 557
Signatures. – Rédaction : Victor CELAC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Steven N. DWORKIN. Romania du Sud-Est : Iulia MARGARIT. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Francesco CRIFÒ ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 08/11/2010. Version actuelle : 28/07/2014.
*/'mʊlɡ-e-/ v.tr. « extraire manuellement le lait de la mamelle (des vaches ou d’autres femelles laitières) en exerçant une pression sur les trayons du pis » I. Type originel : */'mʊlg-e-/ */'mʊlɡ-e-re/ > sard. murĝere v.tr. « extraire manuellement le lait de la mamelle (des vaches ou d’autres femelles laitières) en exerçant une pression sur les trayons du pis, traire » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1194), dacoroum. mulge (dp. 16e s., Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1164 ; DLR ; Graur,BL 5, 106 ; Cioranescu n° 5489 ; MihăescuRomanité 268 ; IvănescuIstoria2 164 ; MDA ; ALR SN 301, 1721, 1734)1, istroroum. muiže (MaiorescuIstria 135 [mulge, graphie dacoroumaine] ; Byhan,JIRS 6, 283 ; PuşcariuIstroromâne 3, 191 ; ALR SN 301, 1721 ; ALIstro n° 1481), méglénoroum. mulge (Candrea,GrS 6, 170 ; CapidanDicţionar ; ALR SN 1721, 1734), aroum. mulgu (Pascu 1, 120–121 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1721, 1734)2, istriot. ['molʒi] (AIS 1194 ; ILA n° 1481), itsept. ['mulzɛr] (AIS 1194)3, frioul. molzi (PironaN2 ; AIS 1194), lad. muje (dp. 1914, Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 1194 ; ALD-I 488), romanch. mulscher (HWBRätoromanisch), oïl. sept. moudre (dp. ca 1170 [mulger, graphie latinisante], TLF s.v. traire ; Gdf ; FEW 6/3, 198a ; TL ; ALF 1323 [wall. pic.] ; ALPic 170), frpr. ['mwedre] (FEW 6/3, 198b-199a ; ALF 1323 p
|| 1 Dacoroum. mulgătoare s.f. « enclos où l’on trait les brebis », qui s’analyse comme un dérivé de mulge, est attesté depuis 1500/1510 (date du ms., Psalt. Hur.2 154). 2 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 3 En revanche, lomb. [mul'zi] (AIS 1194 p 237, 238, 245, 258) est de formation idioromane, cf. MeyerLübkeGLR 2, § 120 : “En Italie, c’est surtout le Nord qui accorde à -ire une préférence marquée [...]. La conséquence en est donc que le nombre des verbes [en -ere] qui ne possèdent pas au moins une forme secondaire en -í, est très peu considérable”.
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956, 967 ; ALLy 378 p 46 ; ALJA 679 p 38, 42, 46), occit. ['muze] (dp. 1ère m. 13e s. [mous prés. 3], Levy ; FEW 6/3, 199a ; ALF 1323 ; ALP 715)4, gasc. mérid. ['muʎe] (FEW 6/3, 199a ; CorominesAran 171–172 [molhe] ; ALF 1323 ; ALG 758), cat. dial. mullir (MollSuplement n° 2296 [cat. nord-occid., valenc. mérid.] ; DCVB)5, arag. sept. muyi (DECat 5, 844), ast. muxir (AriasPropuestes 4, 312 ; DELlAMs)6.
II. Type innové sous l’effet d’une attraction paronymique : */'mʊng-e-/ */'mʊng-e-re/ > it. mungere v.tr. « traire » (dp. 1287 [munçe], TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 1194)7, 8, frioul. orient. mónzi (PironaN2 ; AIS 1194 p 349), romanch. mundscher (HWBRätoromanisch), occit. orient. ['mũze] (ALF 1323 [surtout viv.alp. prov.]), gasc. orient. ['muɲe] (ALG 758 p 790NE), rouss. ['muɲə] (DCVB)9, aesp. muñir (ca 1256/1300 [munne prés. 3], Kasten/Nitti), ast. muñir (DGLA)10, agal./port. monger (dp. 1264/1284, DDGM ; Houaiss ; CunhaVocabulário2 ; PielEstudos 241 [Trás-os-Montes] ; BarrosDicionário [Vila Real])11.
|| 4 Nous suivons RonjatGrammaire 2, 165 pour attribuer la forme d’occit. orient. mouire (ALF 715 p 878, 887, 888 [viv.-alp. orient., prov. orient.]) à une réfection sur moui (prés. 3) et pensons qu’une évolution analogue explique cat. nord-occid. muire (DECat 5, 844). 5 Rouss. ['mulsi] v.tr. « traire » (ALF 1323 p 794–798) s’expliquerait par l’attraction de ['mulsə] s.f. « traite » (cf. DECat 5, 844–845 : “MULGERE va donar primerament mólzer o *molzir amb tractament purament fonètic i ortodox del grup LGE, però com que això formava sistema amb molsa, molseó, molsís, molsor, era inevitable que molzir es canviés en molsir (o molzer > moulse”). C’est un phénomène analogue qui explique lang. mérid. ['mulse]/['mulsi] (ALF 1323 p 758, 777, 786, 787). 6 Les issues espagnoles, asturiennes, galiciennes et portugaises des verbes appartenant à la flexion en */'-e-/ du protoroman ont subi régulièrement une réaffectation à celle en */-'e-/ ou en */-'i-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119, 126 ; WilliamsPortuguese § 148 ; LloydLatin 451–455). 7 Istroroum. muinje v.tr. « traire » est donné par SârbuIstroromân 230 comme influencé par ou emprunté à it. mungere ; cf. aussi Byhan,JIRS 6, 283. 8 Lomb. [mun'zi] (AIS 1194 p 250, 254), cors. [mu'ɲi] (AIS 1194 p 916, 922) salent. [mun'ʧire] (AIS 1194 p 749), acamp. mungiri (1316/1337, AngiluDiCapuaFolena 62), cal. [mun'ʤiri] (AIS 1194 p 765, 772, 780, 791) sont de formation idioromane, cf. ci-dessus n. 4 et MeyerLübkeGLR 2, § 120 : “Le Sud [de l’Italie] aussi connaît le passage de [-ere] à [-ire], p. ex. à Noto, où les lois phonétiques ont amené la fusion des verbes en -ēre avec ceux en -ire, qui plus tard attirèrent aussi ceux en -ĕre”. 9 Cette issue régulière a été évincée sur la majeure partie du territoire par cat. munyir (dp. av. 1388, DCVB ; DECat 5, 843–847). 10 Nous suivons DELlAMs pour imputer ast. mucir à “l’influxu del tamién llat. MULCĒRE ʽfrotar suavementeʼ, ʽafalagarʼ”. 11 Cette issue régulière a été évincée sur une grande partie du territoire par gal. munguir/port. mungir (dp. 14e s., Houaiss ; DdD ; DRAG1 ; DELP3 ; CunhaVocabulário2).
*/'mʊlɡ-e-/ v.tr. | 559
Commentaire. – À l’exception du dalmate, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type formel évolué, protorom. */'mʊlɡ-e-/ v.tr. « extraire manuellement le lait de la mamelle (des vaches ou d’autres femelles laitières) en exerçant une pression sur les trayons du pis, traire ». Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus en distinguant deux types formels : type originel, à base en */-lɡ-/ (ci-dessus I.), et type évolué sous l’effet d’une attraction paronymique, à base en */-nɡ-/ (ci-dessus II.). Le type II., qui a concurrencé ou évincé le type I. dans une importante partie de la Romania, à l’exclusion des branches sarde, roumaine et française, où seules des issues du type I. sont présentes, appartient à une strate plus récente, qui ne saurait être antérieure à la plus tardive des séparations qui ont affecté le protoroman parlé dans ces trois régions (séparation du protoroman parlé dans le nord de la Gaule, datée du début du 5e s., cf. Straka,RLiR 20, 261). La forme du type II., en */-nɡ-/, se laisse expliquer par la relation paronymique qu’entretient */'mʊlɡ-e-/ avec */e'mʊnɡ-e-/ v.tr. « moucher », dont il partage plusieurs traits (phonèmes en commun, structure prosodique identique, même classe flexionnelle, archisémème « provoquer l’excrétion d’une substance organique »)12. Quant à la distribution des deux types sur le territoire de la Romania, elle détermine trois aires nettement compartimentées : (1) une aire périphérique et discontinue (Dacia, Sardaigne et nord de la Gallia) réunissant des positions d’abri où le type originel s’est conservé sans subir la moindre concurrence du type innové ; (2) une aire méridionale discontinue, d’où le type innové a complètement évincé le type originel (Italia et Iberia centrales et méridionales) ; (3) une aire de compénétration, intermédiaire et continue, disposée en tampon entre le nord de la Gallia et l’aire méridionale, et d’où le type originel, quoique soumis à la concurrence du type innové, n’a cependant pas connu d’éviction complète (Italia septentrionale, sud de la Gallia, nord de l’Iberia). Le corrélat du latin écrit du type I., mulgere v.tr. « id. », n’est connu que depuis Sextus Placitus (fin 4e s. apr. J.-Chr., TLL 8, 1566), tandis que le corrélat du latin écrit du type II., mungere « traire ; sucer », dans lequel TLL 8, 1643 voit un dérivé régressif de emungere « moucher ; nettoyer ; dépouiller » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], TLL 5, 543), est attesté tardivement dans l’Oribase latin (5e/6e s., TLL 8, 1643) et chez Anthimus (511/534, TLL 8, 1566)13. || 12 Expliquer la forme de */'mʊnɡ-e-/ par un phénomène d’assimilation nasale, progressive et indirecte, est difficile à appuyer : il n’existe pas d’exemple, dans les langues romanes, de lexèmes dont la comparaison autoriserait la reconstruction d’un étymon protoroman répondant à la même innovation formelle que */'mʊlɡ-e-/. 13 Un corrélat approximatif du type II., mung-, dont la classe flexionnelle n’est pas décidable, est toutefois attesté dès la Vulgate (ca 390/406, cf. TLL 8, 1566 : “mung- [VVLG. Iob 10, 10 cod. unus]”).
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Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 532 ; 2, § 120, 154, 315 ; REW3 s.v. mŭlgĕre ; von Wartburg 1966 in FEW 6/3, 198b-200a, MULGERE ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 150, 183 ; 2, § 299, 413, 414, 417 ; 3, § 790 ; HallPhonology 126 ; KoppelbergErbwortschatz 389. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU ; August KOVAČEC. Italoromania : Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Rosario COLUCCIA ; Steven N. DWORKIN ; Xavier GOUVERT ; Günter HOLTUS ; Uwe SCHMIDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 09/05/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'mʊr-a/ s.f. « fruit de la ronce ; fruit du mûrier » I. Sens « fruit de la ronce » */'mʊr-a/ > sard. mura s.f. « fruit de la ronce (Rubus fruticosus et al. spp.), mûre » (DES ; AIS 609), dacoroum. mură (dp. 1598, Tiktin3 ; CandreaDensusianu n° 1172 ; DLR ; MDA)1, istriot. mura (PellizzerRovigno ; AIS 609 [mura de + N] ; ILA n° 1858 [Rovigno ’mura da sa’raja]), it. centr.-sept. ˹['mora]˺ (dp. 1ère m. 13e s. [alomb.], Leavitt in TLIO ; Merlo,AUTosc 44, 64 ; RohlfsGrammStor 1, § 68 ; DELI2 ; AIS 609), it. mérid. ˹['mura]˺ (AIS 609), frioul. more (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 609), lad. ˹mora˺ (AIS 609), romanch. amura/mura (Schorta in DRG 1, 251 ; HWBRätoromanisch ; AIS 609), fr. meure (2e m. 13e s. – 1694, NoomenFabl 7, 197, 200 = TLF ; FEW 6/3, 154ab ; AND1 s.v. mure2 ; ALF 892)2, frpr. ˹moura˺ (FEW 6/3, 154b ; ALF 892), occit. ˹mouro˺ (dp. ca 1220 [moras dels cams « fruits de la ronce basse (Rubus caesius) »], DAO n° 708 ; FEW 6/3, 154b-155a ; DAOSuppl n° 708 ; ALF 892), gasc. ˹moure˺ (dp. 1642, DAG n° 708 ; RohlfsGascon1 77 ; FEW 6/3, 154ab ; BernhardAran 67 [múra] ; ALF
|| 1 La comparaison romane incite à ne pas suivre Cioranescu n° 5500, qui analyse mură comme un dérivé de dacoroum. mur s.m. « mûrier ». 2 Cette issue régulière a été évincée par fr. mûre (dp. 1672, TLF), dont l’origine s’explique probablement par un hypercorrectisme (cf. FEW 6/3, 159b-160a, n. 52).
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892 ; ALG 175)3, cat. móra de l'esbarzer (dp. 14e s., DECat 5, 781 ; DCVB), esp. mora (dp. 1490, NTLE [Palencia 1490] ; DCECH 4, 135), ast. ˹mora˺ (DGLA ; DELlAMs), gal./port. ˹['mɔrɐ]˺ (dp. 1264/1284 [mora], TMILG ; DDGM ; DELP3 ; Houaiss [amora preta] ; CunhaVocabulário2 ; DRAG2).
II. Sens « fruit du mûrier » */'mʊr-a/ > sard. mura s.f. « fruit du mûrier (Morus nigra et al. spp.), mûre » (DES), dacoroum. mură (dp. 1688 [vieilli et pop.], Tiktin3 ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 1172 ; DLR ; MDA), méglénoroum. mură (Candrea,GrS 6, 170)4, aroum. ˹mură˺ (Pascu 1, 121 ; DDA2 ; BaraAroumain [amurâ])5, istriot. mura (MihăescuRomanité 144 ; PellizzerRovigno), it. centr.-sept. mora (dp. 1291/1300 [atosc.], TLIO ; DELI2), it. mérid. mura (Merlo,RIL 85, 46 [cal. sic.]), frioul. more (PironaN2 ; GDBTF), romanch. amura/mura (DRG 1, 251), fr. meure (ca 1165 – 1718, TLF ; FEW 6/3, 152b ; AND1 s.v. mure2), frpr. ˹mura˺ (dp. 1633 [mora], FEW 6/3, 152b), occit. ˹moura˺ (dp. ca 1160/1200 [mora], DAO n° 663 ; FEW 6/3, 152b)6, gasc. mora (dp. 1567, DAG n° 663 ; FEW 6/3, 152b ; CorominesAran 578), cat. móra (dp. 14e s., DECat 5, 781 ; MollSuplement n° 2287 ; DCVB), esp. mora (dp. ca 1275, Kasten/Cody ; DCECH 4, 135), ast. ˹mora˺ (AriasPropuestes 2, 73 s.v. amorgar ; DGLA ; DELlAMs), gal./port. ˹['mɔrɐ]˺ (dp. 13e s. [mora], DDGM ; HuberElementarbuch § 98 ; DELP3 ; Houaiss ; DRAG2). Commentaire. – Toutes les branches romanes (pour la situation particulière du dalmate, cf. n. 5) présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'mʊr-a/ s.f. « fruit de la ronce (Rubus fruticosus et al. spp.), mûre ; fruit du mûrier (Morus nigra et al. spp.), mûre »7, 8. || 3 En revanche, aran. mora (CorominesAran 578) représente probablement un catalanisme (cf. BernhardAran 67 s.v. múra). 4 Candrea ne précise pas s’il s’agit du fruit de la ronce ou de celui du mûrier. 5 Dalm. moruor s.m. « mûrier » (BartoliDalmatico 240 § 43), dérivé en */-'ari-u/ d’un simple non attesté, témoigne indirectement de l’existence d’une issue dalmate de */'mʊr-a/. 6 “Apr. mora est difficile à interpréter : « fruit du mûrier ou mûre de ronce » ?” (DAO n° 708). 7 Les variantes de type ˹amora˺ s’expliquent soit par des prothèses (pour l’aroumain, cf. Kramer,Rumänistik 232), soit par des mécoupures suite à l’agglutination de l’article (pour le romanche, cf. Schorta in DRG 1, 252 ; EichenhoferLautlehre § 669a ; cf. aussi MeyerLübkeGRS 1, § 383). 8 Le bisémisme de l’étymon a été perçu comme gênant par certains idiomes romans, qui ont levé l’ambiguïté par la création de syntagmes figés de type ˹mora˺ de N pour désigner la mûre (cf. istriot. frioul. occit. cat., ci-dessus I.). Pour les parlers qui ne connaissent plus le simple pour le sens « fruit de ronce » (frioulan et catalan), ce sont ces syntagmes que nous indiquons dans les matériaux, même si seul leur constituant central représente à proprement parler le cognat.
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L’étymologie ici proposée s’oppose à celles retenues en général (REW3 et FEW : mōrum ; DES : mora ; DA/DLR : “lat. morum sau mur2 + suf. -ă” ; DELI2 et DCECH : mōra), qu’il convient d’abandonner pour des raisons phonétiques (cf. déjà Cioranescu n° 5500 : “el resultado u < o no ha sido explicado satisfactoriamente”)9 : si un étymon en */-o-/ pourrait, certes, rendre compte de la majorité des cognats de la Romania italo-occidentale, un tel étymon est incompatible avec les cognats sarde, roumain et italien méridional (cf. MeyerLübkeGLR 1, § 118–119 ; LausbergLinguistica 1, § 182 ; Rohlfs,ZrP 46, 162–164)10 : seul un étymon en */-ʊ-/ est susceptible de les expliquer tous (cf. MeyerLübkeGLR 1, § 118– 119 ; LausbergLinguistica 1, § 183 ; WagnerFonetica 29–30). Les deux sens sont presque homotopes, de sorte que la renconstruction comparative ne permet pas de décider lequel d’entre eux est originel : ils remontent tous les deux à l’époque du protoroman commun. Si protorom. */'mʊr-a/ ne connaît pas de corrélat exact en latin écrit de l’Antiquité11, un corrélat approximatif de I., mora s.f. « fruit de la ronce », est attesté depuis le latin tardif (4e s., TLL 8, 1472 s.v. mōra3 ; AndréPlantes 164), le type II. étant dépourvu de corrélat. Lat. mora est issu du pluriel de morum s.n. « id. », lexème usuel durant toute l’Antiquité (dp. Varron [* 116 – † 27 a.C.], TLL 8, 1521 ; Ernout/Meillet4 s.v. mōrus/mōrum [< gr. ou autre langue méditerranéenne]). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 118–119, 146, 302–304, 308, 404–405, 455 ; REW3 s.v. mōrum ; Ernout/Meillet4 s.v. mōrus/mōrum ; Baldinger 1966 in FEW 6/3, 152b-160a, MORUM ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 164, 179–183, 284–288 ; 2, § 384 ; HallPhonology 240 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 196–197 ; DOLR 6 (1996), 49. Signatures. – Rédaction : Jan REINHARDT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina
|| 9 Un lat. *mŏrum, que Pokorny 1, 749 suppose avoir été évincé par mōrum, qu’il analyse comme un hellénisme, ne rendrait pas non plus compte du vocalisme des cognats romans. 10 Wagner in DES propose deux explications idiosyncrasiques aux issues présentant /u/ : “anche nel rum. mură si ha un u non ancora spiegato, ma in quella lingua può avere sue ragioni speciali. In sardo o > u è frequente nella vicinanza di consonanti labiali (HLS § 37 b)” (le paragraphe correspondant de WagnerFonetica 57–59 § 37 b porte toutefois sur les seules voyelles prétoniques, et de plus ne présente aucun cas où une labiale aurait agi sur */o/). 11 On relève des attestations de mura en latin médiéval (ms. 10e/11e s. [batus : mura domestica], CGL 3, 543 ; TLL 8, 1472 s.v. mōra3), mais il n’est pas sûr qu’elles reflètent réellement le code parlé : l’alternance / purement graphique est usuelle dès l’Antiquité tardive (cf. StotzHandbuch 3, 48–49, 62–63).
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FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Maria ILIESCU. Galloromania : JeanPaul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Heinrich KOHRING ; Joan VENY. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 07/01/2014. Version actuelle : 22/07/2014.
*/'mʊst-u/ s.n. « jus de raisin dont la vinification n’a pas commencé ou n’est pas terminée » */'mʊst-u/ > sard. mústu s.m. « jus de raisin qui dans le processus de vinification vient d’être exprimé et n’a pas encore subi la fermentation alcoolique, moût » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1337), dacoroum. must n. « id. ; jus de raisin qui a été soumis à un début de fermentation alcoolique avant que celle-ci ne soit interrompue, vin doux ; jus de raisin qui est tiré à l’issue de la fermentation avant d’avoir subi la macération post-fermentaire, vin nouveau » (dp. 1560, Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1184 ; DLR ; Cioranescu n° 5530 ; MDA ; ALR SN 235*)1, méglénoroum. must m. « moût » (Candrea,GrS 6, 168 s.v. most, 171 s.v. must ; CapidanDicţionar [must/most])2, 3, aroum. mustu n. « moût ; vin doux » (Pascu 1, 123 ; DDA2 ; BaraAroumain), istriot. mùsto m. « moût » (PellizzerRovigno ; AIS 1337 p 397, 398 ; ILA n° 1240)4, it. mosto « id. ; vin doux ; vin nouveau » (dp. 1260, DELI2 ; GDLI ; AIS 1337), frioul. most « moût. ; vin doux » (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1337 ; ASLEF 832 n° 3860, n° 3862), lad. most « moût » (dp. 1879, Kramer/Thybussek in EWD)5, romanch. most/must « id. ; vin doux » || 1 EWRS donne à tort must comme masculin. 2 Nous voyons dans istroroum. mošt s.m. « moût » (ALIstro n° 1240, 1241, 1242 ; cf. aussi Byhan,JIRS 6, 279) l’influence d’une langue slave (< croat. mošt < all. Most ou vén. mosto), le réflexe régulier de protorom. */st/ n’étant pas /ʃt/ en roumain, mais /st/. 3 Méglénoroum. most, contrairement à must, n’est pas une issue régulière de protorom. */'mʊst-u/. 4 Dalm. muast s.m. « moût ; vin doux » (ElmendorfVeglia) ne semble pas devoir être rattaché à protorom. */'mʊst-u/, le réflexe régulier de protorom. */ʊ/ en syllabe fermée étant dalm. /u/ (BartoliDalmatico 397 § 295), et dalm. /ua/ étant, en syllabe fermée, le réflexe régulier de protorom. */a/ (BartoliDalmatico 393). 5 Kramer/Thybussek in EWD considèrent lad. most comme un emprunt (à l’italien ou au latin), au motif que “sicher ist jedenfalls, daß weitab von den Weinbaugebieten in den Dolomiten nicht mit einem Erbwort zu rechnen ist”. Cette prise de position semble faire peu de cas des
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(dp. 1560, GartnerBifrun 268 ; HWBRätoromanisch), fr. moût (dp. 1256, GdfC ; FEW 6/3, 271a ; TL ; TLF ; AND1 s.v. must ; ALF 923 p 72, 73), SRfrpr. ['muː] « vin doux » (Gignoux,ZrP 26, 142), occit. moust « moût ; vin nouveau » (dp. ca 1350 [most « vin nouveau »], Raynouard ; FEW 6/3, 271a ; Pansier 3), gasc. moust « moût » (FEW 6/3, 271a ; CorominesAran 580), cat. most (dp. 1372, DCVB ; DECat 5, 811–812), esp. mosto (dp. ca 1242, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 4, 164 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. mostu (dp. 1156 [musto], DELlAMs ; DGLA), gal./port. mosto « id. ; vin doux ; vin nouveau » (dp. 1209, LegesConsuetudines 1, 850 ; DdD ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss). Commentaire. – À l’exception du dalmate (cf. n. 4), toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'mʊst-u/ s.n. « jus de raisin dont la vinification n’a pas commencé ou n’est pas terminée »6. Le genre neutre de l’étymon se déduit du genre des continuateurs dacoroumain et aroumain et concorde avec le genre neutre du corrélat en latin écrit (cf. ci-dessous). Quant à la reconstruction du sens protoroman, elle repose sur l’examen des trois signifiés attestés dans les idiomes romans, représentés tantôt isolément (méglénoroum. istriot. sard. lad. gasc. cat. esp. ast. gal. « moût »), tantôt ensemble (aroum. frioul. romanch. fr. frpr. « moût ; vin doux », occit. « moût ; vin nouveau », dacoroum. it. port. « moût ; vin doux ; vin nouveau »), répartition qui, mis à part le bloc monosémique occidental (gasc. cat. esp. ast. gal.) « moût », ne trahit pas de tendance régionale remarquable. Cet examen révèle, hors les cas du dacoroumain, de l’italien et du portugais, une spécialisation du sens protoroman au profit des différents stades par lesquels transite la vinification. Les rapports métonymiques qui relient les sens « moût », « vin doux » et « vin nouveau » se fondent sur la contiguïté chronologique des opérations intervenant dans le processus de vinification, selon un axe opposant le jus de raisin au vin (jus de raisin engagé dans un processus de vinification mais non vinifié : « moût » ; jus de raisin dont la vinification est interrompue peu après le début du processus : « vin doux » ; jus de raisin dont la vinification est interrompue peu avant la fin du processus : « vin nouveau ») et dans un ordre qu’épouse la prévalence des différents signifiés dans les idiomes romans : || vignobles du haut Adige situés à la bordure nord-occidentale du domaine ladin (Bozner Leiten, Eisacktal, Sankt Magdalener) et ne suffit pas, selon nous, à récuser l’hérédité de most. 6 Les antécédents d’ahall. most (> all. Most « vin doux », Kluge24), croat. d’Istrie mast (Skok 2, 383–384), alb. musht (VătăşescuAlbaneză 92) et grbyz. μοῦ στος (Skok 2, 383–384 ; MihăescuRomanité 460) ont été empruntés au protoroman.
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« moût » > « vin doux » (le plus souvent associé à « moût ») > « vin nouveau » (le plus souvent associé à « moût ; vin doux »). On peut penser – en s’appuyant sur le bloc « moût » monosémique mentionné ci-dessus – qu’il s’agit là de l’ordre chronologique du dégagement des trois sens en protoroman. Le corrélat du latin écrit, mustum, -i s.n. « jus de raisin qui dans le processus de vinification vient d’être exprimé et n’a pas encore subi la fermentation alcoolique, moût ; jus de raisin qui a été soumis à un début de fermentation alcoolique avant que celle-ci ne soit interrompue, vin doux ; jus de raisin qui est tiré à l’issue de la fermentation avant d’avoir subi la macération post-fermentaire, vin nouveau », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Caton [* 234 – † 149], TLL 8, 1712 ; OLD ; Ernout/Meillet4 s.v. mŭstus)7. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 119, 308, 404, 468 ; REW3 s.v. mŭstum ; Ernout/Meillet4 s.v. mŭstus ; Pfister 1966 in FEW 6/3, 271a-275a, MUSTUM ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 183, 272 ; 2, § 299, 424 ; HallPhonology 81 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 243 ; DOLR 5 (1995), 113. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Maria ILIESCU ; August KOVAČEC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Georges DARMS ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Lucia MANEA. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 18/07/2011. Version actuelle : 25/08/2014. || 7 Lat. mustus adj. « nouveau » se rencontre dans uinum mustum loc. nom. « jus de raisin dont la vinification n’a pas commencé ou n’est pas terminée », qui n’est attesté, en latin écrit de l’Antiquité, que chez Caton (* 234 – † 149, OLD), et dont nous considérons mustum s. « id. », employé par le même auteur et dans le même texte (de Agri Cultura), comme une ellipse (contrairement à Ernout/Meillet4, qui y voit une substantivation). Sur cette locution, reprise dans le latin savant à partir du Moyen Âge central (dp. 1173, NGML 1007), plusieurs idiomes romans ont calqué les lexies suivantes, généralement dans le sens de « vin doux » : it. vino mosto (dp. 1586, BerarducciSomma 4, 130), aromanch. uin muost (1560, GartnerBifrun 98), fr. vin moût (dp. 1708, CalmetCommentaire 89), aoccit. vin most (1358, Pansier 3), acat. vi most (déb. 15e s., DECat 5, 811), esp. vino mosto (dp. 1524, HerreraAgricultura 40), aast. vinno mosto (1371, DELlAMs s.v. mostu), gal. viño mosto (dp. 1424, TMILG [la locution se rencontre aussi avec un adjectif intercalaire : vino puro mosto (1429), viño ullaao mosto (1433), TMILG]), port. vinho mosto (dp. 1716, FrancoIndiculo ; ViterboElucidario1 s.v. vinho mole).
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*/'nap-u/ s.m. « plante de la famille des brassicacées, dont la racine, généralement sphérique, parfois allongée ou discoïde, est charnue et comestible (Brassica rapa subsp. rapa L.) » */'nap-u/ > dacoroum. nap s.m. « plante de la famille des brassicacées, dont la racine, généralement sphérique, parfois allongée ou discoïde, est charnue et comestible (Brassica rapa subsp. rapa L.), navet » (dp. ca 1700, Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1201 ; DLR ; Cioranescu n° 5594 ; MDA ; ALR SN 193 [surtout transylv. maram. ; « plante de la famille des amaranthacées, à feuilles larges et à grosses côtes comestibles (Beta vulgaris L.), bette »]), istroroum. nap (MaiorescuIstria 135 ; PuşcariuIstroromâne 3, 124, 192, 316 ; SârbuIstroromân 234 ; ScărlătoiuIstroromânii 290 ; ALIstro n° 1709)1, afr. nef (ca 1174/1ère m. 13e s. [nés pl.] – 15e s., TL ; Gdf ; FEW 7, 9b), lang. nap (dp. 12e s., DAO n° 831 ; Levy [« plante de la famille des brassicacées, dont la tige comporte un renflement sphérique, charnu et comestible (Brassica oleracea var. Gongylodes L.), chou rave »] ; FEW 7, 9b-10a ; ALF 1643), gasc. nap (dp. 1734, DAG n° 831 ; FEW 5, 10a ; CorominesAran 583 ; ALF 1643 ; ALG 1367), cat. nap (dp. 1268, DCVB ; DECat 5, 877–878)2, esp. nabo (dp. 1305, Kasten/Cody ; DCECH 4, 199 ; Kas|| 1 Ait. napo s.m. « navet ; navette » est considéré par DEI comme savant (“probabilmente v[oce] dotta”). Cette opinion est confortée par l’absence du type dans les dialectes modernes (ø AIS) ainsi que par le fait que sa plus ancienne attestation se rencontre dans une traduction florentine de la Naturalis historia de Pline l’Ancien (1476, PlinioVolgLandino 1476, 19.6), ce qui inciterait d’autant plus à le regarder comme un emprunt au latin que le terme employé usuellement en ancien italien pour désigner le navet était un continuateur de protorom. */’rap-a-/ (cf. */'rap-u/ II. ; cf. aussi DELI2 s.v. ràpa) et que le traducteur disposait de ce terme, auquel il a pourtant préféré l’emploi d’une unité rattachable à lat. napus : lat. in horto satorum celerrime nascuntur ocimum, blitum, napus, eruca (PlineHistoire 7, 102) est ainsi rendu par ait. tra lherbe dorto el Basilico Blito Napo & Rucheta nascano (PlinioVolgLandino 1476, 19.6). It. navone « navette ; rutabaga » (dp. 1269 [abol. navones pl. « navette »], DEI), que DEI donne comme le résultat d’un emprunt interne fait (“certam[ente]”) par l’italien au lombard ou au vénitien, suppose un simple non attesté, du type *nav-, qui pourrait témoigner de la postérité de protorom. */'nap-u/ dans les parlers italiens septentrionaux, avant l’éviction de ses représentants par napo ou par des issues de */'rap-a/ ou de */'rap-u/. Quant à sard. napu s.m. « navet » et napa s.f. « id. » (nuor. logoud., cf. AIS 1360), nous sommes tenté de suivre DES pour considérer le premier comme un emprunt à cat. nap et regarder le second comme le produit d’une remorphologisation (m. > f.) de napu influencée par raƀa s.f., de même sens, “che è la vera voce sarda”, mais nous n’excluons pas que, dans la partie de la Sardaigne où le type napu est représenté, celui-ci soit le résultat de la catalanisation d’une issue régulière *naƀu de protorom. */'nap-u/. 2 DCVB range erronément le navet (représenté pourtant par une illustration qui ne laisse aucun doute sur son identification à la variété Brassica rapa subsp. rapa L., donc au navet proprement dit) sous le taxon Brassica napus, qui regroupe des plantes telles que le rutabaga et
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ten/Nitti), ast. nabu (dp. 18e s., DELlAMs ; DGLA), gal./port. nabo (dp. 1257, DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – Le roumain, d’une part, la plupart des parlers de la Gaule et ceux de l’Ibérie, d’autre part (français, occitan, gascon, catalan, espagnol, asturien, galégo-portugais), présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'nap-u/ s.m. « plante de la famille des brassicacées, dont la racine, généralement sphérique, parfois allongée ou discoïde, est charnue et comestible (Brassica rapa subsp. rapa L.), navet »3, 4. Ce type lexical est entré en concurrence avec protorom. */'rap-u/ s.n. « navet » et a connu des fortunes diverses. (1) Il est représenté dans la branche roumaine, qui ne connaît pas de représentant de */'rap-u/. (2) Il est absent d’une région centrale et continue de la Romania, où le sens « navet » s’attache à des continuateurs de */'rap-u/ (dalm. istriot. it. sard. frioul. lad. romanch.). (3) Il côtoie */'rap-u/ ailleurs, selon une spécialisation sémantique : le sens de « navet » s’attache aux continuateurs de */'nap-u/, tandis que les continuateurs de */'rap-u/ ont un autre sens (fr. occit. gasc. « rave », cat. « baudroie », esp. ast. gal. port. « queue »). Du reste, il est possible, malgré l’étroite imbrication des deux types dans les régions occidentales de la Romania, de distinguer plusieurs orientations dynamiques : (1) le type */'rap-u/, en comparaison de */'nap-u/, manifeste un caractère récessif. Il se maintient, dans son sens primitif, dans une zone de repli centrale correspondant à l’Italie métropolitaine et à deux provinces périphériques (Dalmatie, Sardaigne), alors qu’il n’est continué ailleurs (sauf dans la marge orientale de la Romania, où il ne connaît aucune postérité) que sous des significations secondaires. (2) En revanche, le type */'nap-u/, sé-
|| le colza. C’est probablement la même erreur, fondée sur une mésinterprétation du sens spécial attaché au second élément du binôme Brassica napus, que font Tiktin3, Cioranescu n° 5594, DAO, DAG, DGLA, DELlAMs et AndréPlantes 169 en glosant par Brassica napus des signifiés qui répondent très certainement à « navet » plutôt qu’à « rutabaga » ou « colza ». 3 L’antécédent de vangl. naep s. « navet » (> angl. neep, OED2) a été emprunté au protoroman avant le début du 5e siècle (abandon de la province de Bretagne par Rome). 4 Le protoroman aurait emprunté */'nap-u/ au grec, de même que */'sɪnap-e/ « moutarde ». Les lexèmes situés à la source de ces emprunts, να҇πυ et σίνα҇πι, étaient synonymes (« moutarde »), le premier étant toutefois d’un usage plus répandu chez les attiques (cf. Chantraine). Le développement sémantique « moutarde »> « navet », dans le cas de να҇πυ > */'nap-u/, est sans doute lié à plusieurs analogies (les fleurs de la moutarde et celles du navet, jaunes et quadripétales, sont très ressemblantes, de même que leurs fruits, des siliques ; les graines de moutarde et les fanes de navet ont une saveur voisine) qu’Ernout/Meillet4 ne parvient pourtant pas à déceler (“le rapprochement [...] avec gr. να҇πυ « moutarde » [...] ne satisfait pas pour le sens”).
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mantiquement stable, se voit substitué à */'rap-u/ « navet » et témoigne, ce faisant, d’une dynamique d’extension qui n’a pu jouer qu’à une époque où les variétés (a) sud-occidentale et (b) nord-occidentale du protoroman, pour chacune desquelles la resémantisation de */'rap-u/ a suivi une voie originale (extension d’une part, métaphorisation d’autre part), et (c) le protoroman de Dacie, pour lequel la supplantation de */'rap-u/ a été complète, présentaient déjà tous trois des traits d’individuation. En outre, le fait que */'nap-u/ ait été emprunté par une langue parlée dans une zone externe de la Romania submersa (le vieil anglais, au delà de la Gallia, avant le début du 5e siècle, cf. n. 3), alors que */'rap-u/ n’a été emprunté que par une langue parlée dans une zone interne de la Romania submersa (le slave commun, en deçà de la Dacia, cf. */'rap-u/ n. 4), est un argument supplémentaire à l’appui du caractère extensif de */'nap-u/ et du caractère récessif de */'rap-u/. (3) Enfin, au stade idioroman, certaines issues de */'nap-u/ semblent avoir à leur tour été engagées dans une dynamique récessive (it. sard., cf. ci-dessous n. 1 ; fr.), au bénéfice soit d’issues de */'rap-u/, soit d’autres types lexicaux. Le corrélat du latin écrit, napus, -i s.m. « navet ; sorte de plante ressemblant au navet », est attesté depuis A. Cornelius Celsus (*ca 25 av. J.-Chr. – † ca 50, OLD)5, 6. Pour un complément d’information, cf. */'rap-u/ ; cf. aussi */'sɪnap-e/.
|| 5 AndréPlantes 169 relève chez Pline l’Ancien plusieurs sens de napus subsumables sous celui de « plante de la famille des brassicacées, à racine charnue comestible » : « chou-navet » (probablement chou rave, car le chou-navet, ou rutabaga, décrit pour la première fois en 1620, passe pour un hybride d’origine scandinave et ne semble pas avoir été connu dans l’Antiquité) et « navet », plantes du genre Brassica ; par erreur d’identification, « radis », du genre Raphanus, et « raifort », du genre Armoracia. Quant à OLD, il prête à napus le sens de « navet ; navette » (“a turnip, navew”), tandis que Ernout/Meillet4 ne lui connaît que le sens de « navet ». 6 L’hypothèse d’un emprunt de */'nap-u/ au grec trouve un appui dans les données du latin écrit, la plus ancienne attestation du corrélat se rencontrant chez l’auteur d’un traité de médecine, A. Cornelius Celsus, dont les connaissances procèdent de deux médecins grecs, Hippocrate et Asclépiade de Bithynie. L’intégration de */'nap-u/ au protoroman et sa mise en concurrence avec */'rap-u/ pourraient alors s’interpréter comme le résultat de la basilectalisation d’un terme d’abord introduit, à partir du grec, dans le technolecte des médecins romains. L’apparente incohérence dans la succession des signifiés (« moutarde » > « navet ; sorte de plante ressemblant au navet » > « navet ») peut être résolue de la manière suivante : (1) l’emprunt s’accompagne d’une extension du sens de l’espèce (« moutarde »), déjà pris en charge en protoroman par le lexème */'sɪnap-e/, au sens d’une espèce ressemblante (« navet ») et d’un genre de plantes (« sorte de plante ressemblant au navet ») dont elle représente une espèce typique ; (2) la basilectalisation s’accompagne d’une restriction du sens étendu à celui de « navet », probablement sous l’influence paronymique de */'rap-u/ « navet », qui va dès lors subir la concurrence défavorable de */'nap-u/.
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Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223–225, 308, 405, 433 ; REW3 s.v. napus ; von Wartburg 1953 in FEW 7, 9b-11b, NAPUS ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173–175, 274 ; 2, § 367–369 ; DOLR 6 (1996), 36, 42 ; StefenelliSchicksal 28. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Maria ILIESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Simone TRABER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 16/03/2011. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'nɪβ-e/ s.f. « vapeur d’eau atmosphérique congelée généralement sous forme de fins cristaux blancs qui s’agglomèrent en flocons et s’éparpillent du ciel sur la terre » I. Type originel : */'nɪβ-e/ */'nɪβ-e/ > sard. níve s.f. « vapeur d’eau atmosphérique congelée généralement sous forme de fins cristaux blancs qui s’agglomèrent en flocons et s’éparpillent du ciel sur la terre, neige » (DES ; PittauDizionario 2 ; AIS 378), dacoroum. occid. nea/neauă (dp. 16e s., Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1211 ; DLR ; Cioranescu n° 5647 ; MDA ; PuşcariuLimba 1 carte n° 18), istroroum. nę (MaiorescuIstria 136 ; Byhan,JIRS 6, 287 ; SârbuIstroromân 236 ; ScărlătoiuIstroromânii 290 ; ALIstro n° 29, 31), méglénoroum. neáu̯ă (Candrea,GrS 6, 173 s.v. nęu̯ă ; CapidanDicţionar ; WildSprachatlas 20), aroum. neauă (dp. 1770 [νιάο], KavalliotisProtopeiria n° 0113 ; Pascu 1, 125 ; DDA2 ; BaraAroumain), dalm. nai (BartoliDalmatico 269 § 81, 396 § 295, 434 § 441 ; ElmendorfVeglia), istriot. nìo (DeanovićIstria 114 ; AIS 378 p 397–398 ; ILA n° 29, 31), it. neve (dp. déb. 13e s., DELI2 ; Merlo,AUTosc 44, 66 ; Merlo,RIL 86, 236 ; Faré n° 5936 ; AIS 378), frioul. nêf (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 378 ; ASLEF 20 n° 101), lad. neif (dp. 1763 [naei], Kramer/Mehren in EWD ; AIS 378 ; ALD-I 505), romanch. naiv/neiv (dp. 1560 [naif], GartnerBifrun 114 ; HWBRätoromanisch ; LRC ; AIS 378), oïl. occid. noif (dp. ca 1100, RolS2 259 [neif] ; Gdf ; FEW 7, 156a ; TL ; AND1 [neif/noif] ; ALBRAM 548 p 1, 5–6 [hbret. ˹nê˺] ; ALN 571 p 1, 3 [norm. ˹[’neː]˺]), frpr. nei (dp. 3e qu. 12e
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s., GirRossDécH 100, 136 [cf. PfisterRoussillon 580–581] ; DevauxEssai 81 ; FEW 7, 156a ; HafnerGrundzüge 31, 168 ; ALF 903).
II. Type présentant une attraction paronymique : */'nɛβ-e/ */'nɛβ-e/ > dalm. niav s.f. « neige » (BartoliDalmatico 236 § 42 ; ElmendorfVeglia), it. dial. nieve (dp. 13e s., GDLI ; Merlo,RIL 86, 236 ; Faré n° 5936 ; FEW 7, 157a ; Kramer/Mehren in EWD ; AIS 378 p 316–318, 570* [vén. tosc. lazz. camp. apul.]), occit. ˹neu˺ (dp. fin 12e s., Raynouard ; Levy ; Pansier 3 ; FEW 7, 156a156b ; DAO n° 126 ; ALF 903), gasc. neu (dp. ca 1390, DAG n° 126 ; FEW 7, 156b ; CorominesAran 594 [nyèu] ; ALF 903 ; ALG 1019), cat. neu (dp. 1371, DCVB ; MollSuplement n° 2355 ; DECat 5, 918–920), esp. nieve (dp. ca 1250/1279, DCECH 4, 227 ; Kasten/Nitti), ast. nieve (dp. 13e s., DELlAMs ; DGLA), gal./port. neve (dp. 1264/1284, DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2 ; ALGa 3, 55). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type évolué, protorom. */'nɪβ-e/ s.f. « vapeur d’eau atmosphérique congelée généralement sous forme de fins cristaux blancs qui s’agglomèrent en flocons et s’éparpillent du ciel sur la terre, neige ». Les issues romanes ont été subdivisées selon les deux types phoniques dont elles relèvent : */'nɪβ-e/ (ci-dessus I.) et */'nɛβ-e/ (ci-dessus II.). Ce dernier couvre une zone étendue et continue du sud-ouest de la Romania (occit. gasc. cat. esp. ast. gal./port.), tandis que le type I. est représenté partout ailleurs (sard. roum. dalm. istriot. it. frioul. lad. romanch. fr. frpr.). Les deux types se chevauchent dans la majeure partie de l’Italie (itsept. itcentr. itmérid.) et en dalmate. Ce que l’on sait de la phylogenèse romane incite à postuler l’antériorité du type I. sur le type II. (absent du sarde et du roumain), qui n’aura pas été innové avant le 4e siècle (séparation du protoroman de Dacie à la fin du 3e siècle, cf. Straka,RLiR 20, 258), sous l’effet d’une fluctuation du phonème vocalique accentué imputable à l’attraction paronymique de */'nɛβʊl-a/ s.f. « brouillard » (cf. DECat 5, 918–919)1, mais n’aura complètement évincé le type I. que dans le sud de la Gaule et dans la péninsule ibérique.
|| 1 RohlfsGrammStor 1, § 51 propose d’imputer */'nɛβ-e/ à l’attraction de */'gɛl-u/ s.m. « gel » ; FEW 7, 157b n. 9, à l’analogie de */'lɛβ-e/ adj. « léger ». Ces deux propositions sont peu convaincantes : d’une part, quoique la base de */'lɛβ-e/ partage un phonème avec celle de
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Le corrélat du latin écrit du type I., nix, -vis s.f. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [*ca 254 – † 184], OLD). Quant au type II., le latin écrit de l’Antiquité n’en connaît pas de corrélat2. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 70, 104, 442, 555, 567 ; 2, § 378 ; 3, § 25 ; REW3 s.v. nĭx, nive ; von Wartburg 1953 in FEW 7, 156a-157b, NIX ; Ernout/Meillet4 s.v. nix ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 167, 272 ; 2, § 304, 565 ; HallPhonology 23 ; SalaVocabularul 196 ; MihăescuRomanité 96, 133. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Maria ILIESCU ; August KOVAČEC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Georges DARMS ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Simone TRABER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 28/03/2011. Version actuelle : 31/07/2014.
|| */'nɪβ-e/, l’un et l’autre n’entretiennent aucun rapport sémantique évident ; d’autre part, quoique */'gɛl-u/ appartienne au même champ notionnel que */'nɪβ-e/, celui des phénomènes atmosphériques, l’un et l’autre n’ont aucun phonème en commun. 2 Arnaldi/Smiraglia s.v. nix relève dans l’Oribase latin (5e/6e s.) deux formes en nev- (nevae abl.sg., nevis nom.pl.), mais la graphie employée dans cette source confond les valeurs */ɪ/ et */ɛ/ du protoroman et rend hasardeuse l’identification de ces formes à un corrélat du type II.
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*/'nod-u/ s.m. « enlacement d’un objet sur soi-même ou de plusieurs objets entre eux ; protubérance à la partie externe d’un arbre constituée par un faisceau de fibres et de vaisseaux ligneux » I. Type originel : */'nod-u/ */'nod-u/ > sard. nou s.m. « enlacement d’un objet sur soi-même ou de plusieurs objets entre eux, nœud ; protubérance à la partie externe d’un arbre constituée par un faisceau de fibres et de vaisseaux ligneux, nœud du bois » (DES ; PittauDizionario 1)1, dacoroum. nod n. (dp. 1551/1553 [« nœud »], Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1235 ; DA/DLR ; Cioranescu n° 5708 ; MDA)2, méglénoroum. nod (Candrea,GrS 6, 174 ; CapidanDicţionar ; AtanasovMeglenoromâna 123, 165), aroum. nod (Pascu 1, 129 ; DDA2 ; BaraAroumain), istriot. nùdo m. (DallaZoncaDignanese ; PellizzerRovigno ; ILA n° 254), it. nodo (dp. 1271/1280 [avén. noi pl. « jointures du corps »], TLIOCorpus ; DELI2 ; GDLI ; TLAVI ; cf. AIS 560 p 499, 520, 534, 582, 712, 739), romanch. ˹nuv˺ (PeerDicziunari ; HWBRätoromanisch ; DOLR 1, 93 ; LRC ; cf. EichenhoferLautlehre § 171b, 357b), fr. nœud (dp. 1119 [nut c.r./nuz c.s. « nœud »], TLF ; Gdf ; TL ; FEW 7, 171a-174a ; ANDEl ; ALF 915), frpr. ˹nu˺ (dp. 1220/1230 [nou « nœud (sens métaphorique) »], ProsalegMussafia 231 ; ALLy 63 ; ALJA 524, 1275 ; FEW 7, 171b ; DuraffourGlossaire n° 6771 ; HafnerGrundzüge 53–54), occit. ˹not˺ (dp. av. 1207 [notz pl. « nœuds »], Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 182 ; FEW 7, 171a ; ALF 915 ; cf. Pansier 3), gasc. sud-orient. ['nut] (dp. 1583 [nootz deus os pl. « articulations des os »], LespyR ; ALG 767), ast. noyu (DGLA ; DELlAMs), agal./aport. noo (14e s. – 1647, DELP3 ; MessnerDicionários 37, 2–8 ; CunhaVocabulário2 ; Houaiss)3.
|| 1 Le type dominant en sarde moderne, nodu (EspaLogudorese ; CasuVocabolario), est influencé par l’italien, tandis que campid. nuu semble être un catalanisme (cf. DES 2, 169b-170b). 2 L’istroroumain est le seul dialecte roumain où aucune issue de */'nod-u/ n’est attestée : elle y aura été évincée à date prélittéraire par les croatismes véžăn et grop (cf. PuşcariuIstroromâne 3, 124 et, pour l’origine lointaine de grop, n. 5). 3 Cette issue régulière a été remplacée par gal./port. nó (dp. 15e s., DELP3 ; DRAG2 ; MessnerDicionários 37, 2–8).
*/'nod-u/ s.m. | 573
II. Type évolué : */'nud-u/ */'nud-u/ > gasc. sud-orient. ['nyt] s.m. « nœud ; nœud du bois » (FEW 7, 171b ; CorominesAran 593–594 ; ALG 767), cat. ˹nu˺ (dp. 13e s., DECat 5, 983– 986 ; DCVB), esp. nudo (dp. 13e s., Kasten/Cody ; DCECH 4, 244–245 ; DME ; Kasten/Nitti)4, ast. nudu « nœud » (DGLA ; DELlAMs). Commentaire. – À l’exception du dalmate, du frioulan et du ladin5, toutes les branches romanes présentent des cognats incitant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type phonologiquement évolué, protorom. */'nod-u/ s.m. « enlacement d’un objet sur soi-même ou de plusieurs objets entre eux, nœud ; protubérance à la partie externe d’un arbre constituée par un faisceau de fibres et de vaisseaux ligneux, nœud du bois »6. Les cognats romans se divisent en deux groupes : ceux qui conduisent à reconstruire une base */'nod-u/ (ci-dessus I.) et ceux qui imposent la reconstruction d’une variante */'nud-u/ (ci-dessus II.)7. Le type I., majoritairement répandu, est à considérer comme originaire, tandis que le type II. représente une innovation limitée à une zone aquitano-ibérique compacte et centrale (gascon, catalan, espagnol). La genèse de cette variante n’a pas encore été expliquée ; on ne dispose pour l’heure que d’hypothèses ad hoc peu convaincantes : croisement avec un lexème italique (non identifié), métaphonie provoquée par la voyelle finale du nominatif pluriel */'nod-i/, influence analogique de protorom. */'nud-u/ adj. « nu » (cf. REW3 s.v. nūdus) ou bien, au niveau idioroman, d’esp. nudillo s.m. « jointure » et/ou añudar v.tr. « nouer » (pour la bibliographie de la question et des commentaires critiques sur ces hypothèses, cf. DCECH 4, 244 ; Malkiel,GL 27 ; Malkiel,MisceláneaColón 413–422).
|| 4 La conservation de */-d-/ (nudo au lieu de *nuo) représente un problème spécifique à la phonétique historique de l’espagnol (cf. LloydLatin 232–236 ; Dworkin,ForL 3). – REW3 (> FEW 7, 174a) cite ñudo comme cognat espagnol ; il s’agit plus précisément de la variante léonaise. 5 En dalmate, dans les dialectes de l’Italie septentrionale, en frioulan et en ladin, les issues de */'nod-u/ ont été remplacées, dans le sens « nœud », par des emprunts à des descendants de protogerm. */'kruppa-/ s.m. « objet compact » (IEEDGermanic ; cf. FEW 16, 416a ; BartoliDalmatico 311 ; PironaN2) ou par des emprunts secondaires (ainsi lad. < it., cf. Kramer/Homge in EWD 3, 444–445). En revanche, dans les dialectes de l’Italie septentrionale, les issues de */'nod-u/ montrent une certaine vitalité dans le sens secondaire « articulation du doigt » (cf. AIS 156). 6 Protorom. */'nod-u/ a été emprunté par l’albanais (alb. nyje « nœud », VătăşescuAlbaneză 36, 154, 386, 404 ; IEEDAlbanian ; BonnetAlbanais 169). 7 Protorom. */'o/ n’aboutit pas régulièrement à esp. */'u/, même s’il existe des parallèles ponctuels comme protorom. */ok'tobr-e/ s.m. « octobre » > esp. octubre.
574 | 1. Articles
Le vocalisme des cognats de la partie occidentale de la péninsule Ibérique pose encore un autre problème pour la reconstruction. Aesp. nuedo (CORDE [rare]), ast. ˹nuedu˺ (DGLA) et gal./port. nó [nɔ] (dp. 15e s., cf. n. 3) présupposentils comme point de départ une base */'nɔd-u/, dont il faudrait expliquer la genèse ? En tout état de cause, nous ne suivons pas Malkiel,GL 27, qui propose d’y voir le résultat d’une analogie avec */'nɔr-a/ s.f. « belle-fille » (cf. REW3 s.v. nŭrus, 2. nŭra, 3. *nŏrus, 4. *nŏra), ni García Arias in DELlAMs, qui invoque une analogie avec ast. anodar ~ anuedar v.tr. « nouer » . En ce qui concerne le genre de protorom. */'nod-u/, il semble s’agir d’un masculin, à partir duquel le protoroumain a développé un neutre secondaire. Le corrélat du latin écrit du type I., nodus s.m., connu durant toute l’Antiquité, est attesté dans le sens « nœud » depuis Livius Andronicus (* ca 280 – † ca 200, WaldeHofmann4 ; cf. Ernout/Meillet4 s.v. nōdus ; IEEDLatin) et dans le sens « nœud du bois », depuis Caton (* ca 234 – † 149, OLD), tandis que le latin écrit ne connaît pas de corrélat du type II. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 118, 147, 308, 405, 436 ; REW3 s.v. nōdus ; Ernout/Meillet4 s.v. nodus ; von Wartburg 1953 in FEW 7, 171a-174b, NODUS ; LausbergLingüística 1, § 161, 193, 304, 565, 568 ; HallPhonology 83 ; SalaVocabularul 539 ; MihăescuRomanité 247. Signatures. – Rédaction : Steven N. DWORKIN ; Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; August KOVAČEC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Maria ILIESCU. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU ; Matthieu SEGUI. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Jérémie DELORME ; Maria Teresa DE LUCA ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Laure GRÜNER ; Ulrike HEIDEMEIER ; Johannes KRAMER ; Mihaela-Mariana MORCOV. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 17/06/2014. Version actuelle : 23/08/2014.
*/'pan-e/ s.m. « aliment fait d’un mélange de farine et d’eau (et généralement de levain) qu’on cuit au four »
*/'pan-e/ s.m. | 575
I. Substantif masculin originel : sarde */'pan-e/ > sard. páne s.m. « aliment fait d’un mélange de farine et d’eau (et généralement de levain) qu’on cuit au four, pain » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 985).
II. Substantif féminin innovant : roumain */'pan-e/ > dacoroum. pop. pâne s.f. « pain » (dp. 1500/1510 [pânrea], Psalt. Hur.2 170 ; Tiktin3 s.v. pâine ; EWRS s.v. pîne ; Candrea-Densusianu n° 1388 ; DLR s.v. pîine ; Cioranescu n° 6371 ; MDA s.v. pâine ; ALR SN 1066)1, istroroum. păre (Byhan,JIRS 6, 317 ; PuşcariuIstroromâne 3, 126–127, 319 ; SârbuIstroromân 248 ; FrăţilăIstroromân 1, 243 ; ALR SN 1066 ; ALIstro n° 700), méglénoroum. pǫnị (Candrea,GrS 6, 183 s.v. poini ; WildSprachatlas 351 ; MihăescuRomanité 241 ; AtanasovMeglenoromâna 18 ; ALR SN 1066), aroum. pîne (dp. 1770 [πάνε], KavalliotisProtopeiria n° 0076 ; Pascu 1, 144 ; DDA2 ; BaraAroumain [pâni] ; ALR SN 1066).
III. Substantif masculin restauré : Romania centrale */'pan-e/ > dalm. ['puŋ] s.m. « pain » (dp. mil. 15e s. [aragus. pen], BartoliDalmatico 356, 400 § 306 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 117), istriot. ['paŋ] (PellizzerRovigno [pan] ; DeanovićIstria 115 [pan] ; AIS 985 p 397, 398 ; ILA n° 700), it. pane (dp. 1158, DELI2 ; GDLI ; AIS 985), frioul. pan (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 985 [['paŋ]] ; ASLEF 950 n° 4711), lad. pan (dp. 1763, Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 985 [['paŋ]] ; ALD-I 557), romanch. pan/paun (dp. 1560 [paun], GartnerBifrun 159 ; HWBRätoromanisch ; AIS 985), fr. pain (dp. 1120, TLF ; Gdf ; GdfC ; FEW 7, 543b-544a ; TL ; AND1 ; ALF 964)2, frpr. pã (dp. 1220/1230 [pan], HafnerGrundzüge 71 ; FEW 7, 544a ; ALF 964), occit. pan (dp. ca 1060, SFoiHA 1, 262 ; BrunelChartesSuppl 5 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 7, 544a ; Pansier 3 ; ALF 964), gasc. pan (dp. ca 1180 [ms ca 1390], DAG n° 1752 ; || 1 En dacoroumain standard, cette forme régulière a été évincée par pâine (dp. 1581, DLR), qui est issu, dans un premier temps dans le dialecte de Munténie, de l’épenthèse anticipative d’un [i] non syllabique à partir du pluriel pâni (DensusianuHistoire 2, 16). 2 La forme pan (fin 10e s.), donnée comme première attestation par le TLF, est extraite de la Passion de Clermont, texte composé dans un idiome dont l’identification n’est pas assurée (peut-être occitan, cf. DePoerck,RLiR 27 ; DEAFBiblEl s.v. PassionA)
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FEW 7, 544a ; CorominesAran 605–606 ; ALF 964), cat. pa (dp. 12e s., DCVB ; DECat 6, 146–155), esp. pan (dp. 1090, Kasten/Cody ; DCECH 4, 364–366 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. pan (dp. 958, DELlAMs ; DGLA), gal. pan/port. pão (dp. 1209 [pan], LegesConsuetudines 1, 850 = DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)3. Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type évolué, protorom. */'pan-e/ s.m. « aliment fait d’un mélange de farine et d’eau (et généralement de levain) qu’on cuit au four, pain ». Une analyse historico-aréologique conduit à attribuer les issues romanes de protorom. */'pan-e/, en fonction du genre dont elles relèvent, à trois couches successives (cf. le cas analogue de */'pɔnt-e/) : masculin originel (protoroman stricto sensu, ci-dessus I.), féminin innovant (protoroman continental, ci-dessus II.) et masculin restauré (protoroman italo-occidental, ci-dessus III.). Le genre masculin du cognat sarde semble représenter le seul témoignage du masculin originel. En effet, en raison de la tendance analogique à féminiser les substantifs de la troisième déclinaison (cf. Dardel,ACILR 14/2), */'pan-e/ a connu un passage au féminin, que l’on peut dater entre l’individuation du protosarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256) et celle du protoroumain (2e moitié du 3e siècle selon RosettiIstoria 184 ; fin du 3e siècle selon Straka,RLiR 20, 258). Si seule la branche roumaine témoigne de cette phase du protoroman, c’est qu’une seconde innovation, cette fois-ci sous la pression de l’acrolecte, est venu restaurer le genre masculin. Parti de Rome, ce mouvement a englobé toute la Romania italo-occidentale, mais n’a plus atteint le roumain. Dès lors, le dégagement du type III. peut être daté d’une date postérieure à la séparation de la branche roumaine. Le corrélat du latin écrit des types I. et III., panis, -is s.m. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], OLD), tandis que le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat du type II. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 299, 306, 307, 397, 400 ; REW3 s.v. panis ; von Wartburg 1954 in FEW 7, 543b-554b, PANIS ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 230, 231, 233–235 ; 2, § 299, 405 ; HallPhonology 84 ; SalaVocabularul 34 ; DOLR 6 (1996), 69.
|| 3 La date de 1047 fournie par DELP3 et reprise par DDGM et par Houaiss correspond à un texte en latin, ainsi que les dates de 1068, 1166, 1185 et 1186 mentionnées par DDGM.
*/'part-e/ s.f. | 577
Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Steven N. DWORKIN. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Georges DARMS ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Lucia MANEA. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 12/04/2011. Version actuelle : 01/08/2014.
*/'part-e/ s.f. « partie d’un tout » */'part-e/ > sard. párte s.f. « partie d’un tout, part » (dp. ca 1066/1074, BlascoCrestomazia 1, 43 ; DES ; PittauDizionario 2), dacoroum. parte (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 127 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1339 ; DLR ; Cioranescu n° 6168 ; MDA ; ALR SN 1387), istroroum. pårte (MaiorescuIstria 138 ; PuşcariuIstroromâne 3, 127, 319 ; KovačecRječnik 142 [« compagnie de carnaval passant d’une maison à l’autre »]), méglénoroum. parti (Candrea,GrS 7, 178 ; CapidanDicţionar), aroum. párte (dp. 1770 [πάρτε], KavalliotisProtopeiria n° 0769 ; Pascu 1, 138 ; DDA2 ; BaraAroumain), dalm. pŭart (BartoliDalmatico 325 ; ElmendorfVeglia), istriot. parto (DeanovićIstria 115 ; MihăescuRomanité 133), it. parte (dp. 960, DELI2 ; AIS 311 p 566 ; 986 p 666, 731 ; 1023* p 263, 273 ; 1273* p 575 ; 1592), frioul. part (dp. 1361, DurlìV 24 ; PironaN2 ; GDBTF ; ASLEF 958 n° 4822–4823), lad. pert (dp. 1763 [na pertes « pars »], Kramer/Schlösser in EWD ; ALD-I 564), romanch. part (dp. 1560, GartnerBifrun 112 ; HWBRätoromanisch), fr. part (dp. 842, TLF ; GdfC ; TL ; FEW 7, 669a ; AND2 ; ALF 19, 1886), frpr. part (dp. ca 1220/1230, HafnerGrundzüge 83 ; FEW 7, 669a ; ALF 19, 1886), occit. part (dp. ca 1060, SFoiHA 1, 303 ; Raynouard ; Levy ; Pansier 3 ; BrunelChartesSuppl ; FEW 7, 669a ; ALF 1886), gasc. part (dp. 3e t. 12e s. [ms. 1ère m. 15e s.], CartBigRC 34 ; Levy ; FEW 7, 669a ; CorominesAran 612– 613 ; ALF 977), cat. part (dp. 1211, DCVB ; MollSuplement n° 2476 ; DECat 6, 308–313), esp. parte (dp. 1148, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 4, 414–415 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. parte (dp. 1145 [ms. 1295], DELlAMs ; DGLA), gal./port.
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parte (dp. 1209, LegesConsuetudines 1, 889 = DDGM ; DRAG1 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)1. Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'part-e/ s.f. « partie d’un tout, part ». Le corrélat du latin écrit, pars, -tis s.f. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 - † 184], TLL 10, 448). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 306–307, 312, 404–405, 474 ; REW3 s.v. pars, parte ; von Wartburg 1955 in FEW 7, 669a-674a, PARS ; Ernout/Meillet4 s.v. pars ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 299, 408 ; HallPhonology 244 ; SalaVocabularul 540 ; DOLR 1 (1991), 11 ; StefenelliSchicksal 166, 194, 258 ; MihăescuRomanité 185. Signatures. – Rédaction : Élodie VELASCO. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU ; August KOVAČEC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Mickaël CORDEIRO DE OLIVEIRA ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Stella MEDORI ; Florin-Teodor OLARIU ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Simone TRABER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 12/04/2011. Version actuelle : 31/07/2014.
|| 1 La date de 1142 donnée par Houaiss comme première attestation correspond à un texte latin. Quant au texte de 1192 (O Auto de partilhas) cité par DDGM et DELP3, il s’agit d’une traduction réalisée probablement à la fin du 13e siècle d‘un texte latin de 1192 (cf. CostaCronologia 167– 256 ; Castro,OrígenesLeón 75).
*/'pɛkk-a-/ v.intr. | 579
*/'pɛkk-a-/ v.intr. « commettre un acte qui contrecarre les prescriptions religieuses ; commettre une action non prévue par rapport à une norme » */pek'k-a-re/ > sard. pekkare/pekkai v.intr. « commettre un acte qui contrecarre les prescriptions religieuses, pécher ; commettre une action non prévue par rapport à une norme, se tromper » (DES ; PittauDizionario 1 ; CasuVocabolario ; EspaLogudorese)1, istriot. paká (DeanovićIstria 115 ; PellizzerRovigno), it. peccare (dp. 1176/1200 [avén.], TLIOCorpus ; GDLI ; DELI2 ; TLAVI), frioul. pecjâ (dp. 2e m. 14e s. [pecar], BenincàEsercizi 42 ; PironaN2 ; GDBTF), lad. pićé (dp. 1763 [pecciè], Kramer/Schlösser in EWD), romanch. pechar (dp. 1560 [pechia prés. 3], GartnerBifrun 61 ; HWBRätoromanisch), fr. pécher (dp. ca 1050 [ad pechét p. comp. 3], AlexisS2 546 = TLF ; GdfC ; FEW 8, 98a ; TL ; AND1), frpr. ˹[pe'ʧa]˺ (dp. 1220/1230 [pechont prés. 6], ProsalegMussafia 101 ; FEW 8, 98b ; DuraffourGlossaire n° 7185), occit. pecar (dp. 1183 [an peccat p. comp. 6], BertrBornG 1, 220 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; Pansier 3), gasc. pecà (dp. 15e s. [pecca prét. 3], LespyR ; FEW 8, 98b ; Palay ; CorominesAran 618), cat. pecar (dp. ca 1274/1276 [peccàs subj. impf. 3], DCVB ; DECat 6, 359– 360), esp. pecar (dp. ca 1215, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 4, 450–451 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. pecar (dp. 13e s. [pecam prés. 6], DELlAMs ; DGLA), gal./port. pecar (dp. 1264/1284 [pecamos prés. 4], DDGM ; DRAG2 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – À l’exception du roumain et du végliote, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'pɛkk-a-/ v.intr. « commettre un acte qui contrecarre les prescriptions religieuses, pécher ; commettre une action non prévue par rapport à une norme, se tromper »2. Le corrélat du latin écrit, peccare v.intr., est connu durant toute l’Antiquité dans le sens « se tromper » (dp. Plaute [*ca 254 - † 184], TLL 10/1, 885) et attesté
|| 1 La branche roumaine ne connaît pas de continuateurs de protorom. */'pɛkk-a-/. L’action de pécher est désignée par exemple par dacoroum. păcătui v.intr. (dp. 1688, Tiktin3 ; DA/DLR ; Cioranescu n° 5988 ; MDA), dérivé idioroman de păcat s.n. « péché » (cf. */pek'k-at-u/). 2 Selon Corominas in DCECH 4, 450, les cognats romans ici réunis ne seraient, en raison de l’absence de diphtongaison de */-'ɛ-/ dans les formes rhizotoniques du verbe (*/'pɛkk-a-t/ prés. 3 > peca), que “semi-popular[es] y no verdaderamente hereditari[os]”. Nous estimons au contraire que l’absence de diphtongaison s’explique par une analogie intraparadigmatique avec les formes arhizotoniques du verbe.
580 | 1. Articles
dans l’acception chrétienne de « pécher », dominante par la suite, à partir de saint Augustin (4e s. apr. J.-Chr., TLL 10/1, 888). Pour un complément d’information, cf. */pek'k-at-u/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 352, 404–405, 541 ; 2, § 117 ; REW3 s.v. pĕccāre ; Ernout/Meillet4 s.v. pĕccō ; von Wartburg 1955 in FEW 8, 98a-100b, PECCARE ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 253, 272, 299, 384, 504 ; 2, § 795 ; HallPhonology 40 ; SalaVocabularul 556, 559 ; StefenelliSchicksal 91, 258–259. Signatures. – Rédaction : Anna NEY ; Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Pierre SWIGGERS. Romania du SudEst : Maria ILIESCU ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Steven N. DWORKIN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Myriam BENARROCH ; Laure BUDZINSKI ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Ulrike HEIDEMEIER ; Mihaela-Mariana MORCOV. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 14/08/2014. Version actuelle : 15/08/2014.
*/pek'k-at-u/ s.n. « acte qui contrecarre les prescriptions religieuses ; action non prévue par rapport à une norme » */pek'k-at-u/ > sard. pekkáđu/pekkáu s.m. « acte qui contrecarre les prescriptions religieuses, péché ; action non prévue par rapport à une norme, erreur » (dp. 1066/1074 [peccados pl. « péchés »], BlascoCrestomazia 1, 43 ; DES ; PittauDizionario 1 ; CasuVocabolario ; EspaLogudorese)1, dacoroum. păcat n. (dp. 1500/1510 [date du ms. ; « péché »], Psalt. Hur.2 94 ; Tiktin3 ; EWRS ; CandreaDensusianu n° 1296 ; DA/DLR ; Cioranescu n° 5988 ; ALR II/I 211*)2, istroroum. pecåt (MaiorescuIstria 139 ; PuşcariuIstroromâne 3, 319 ; SârbuIstroromân 248 ; || 1 Il faut considérer à part acampid. peccada s.f. (1114/1120, Solmi,ASI 35, 283 ; DES s.v. pekkare), qui représenterait une remorphologisation au singulier du pluriel collectif neutre */pek'k-at-a/ (cf. Salvioni 4, 753) : l’attestation est tirée des Carte dell’Archivio arcivescovile di Cagliari (à dater de 1070/ca 1226), texte dont la fiabilité n’est pas assurée : “Si tratta di un corpus ancora non collaudato sul piano paleografico e diplomatistico, nonché filologico” (Blasco,LRL 2/2, 252). 2 Le genre masculin donné par Puşcariu in EWRS est erroné.
*/pek'k-at-u/ s.n. | 581
FrăţilăIstroromân 1, 244 ; ALR II/I 211*), méglénoroum. picáti (Candrea,GrS 6, 180 ; CapidanDicţionar ; AtanasovMeglenoromâna 201 ; ALR II/I 211*, 2788), aroum. picát (Pascu 1, 142 ; DDA2 ; BaraAroumain), istriot. ˹pacà˺ m. (DallaZoncaDignanese ; PellizzerRovigno), it. peccato (dp. 1065 [aombr. peccata f.pl. « péchés » ; en ancien italien, genre alternant (à côté du genre masculin) : peccato m.sg./peccata f.pl.]3, TLIOCorpus ; GDLI ; DELI2 ; TLAVI ; AIS 183 p 178), frioul. pecjât (dp. 1ère m. 14e s. [pecat « péché »], BenincàEsercizi 41 ; PironaN2 ; GDBTF ; ASLEF 477 n° 2252 ; 950 n° 4697), lad. pićé (dp. 1879, Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 633 p 305 ; ALD-I 570 p 81–101), romanch. puchà/puccau (dp. 1560 [pchios pl. « péchés »], GartnerBifrun 21 ; HWBRätoromanisch ; LRC), fr. péché (dp. ca 1135 [pechié « péché »], TLF ; GdfC ; FEW 8, 98b-99b ; TL ; AND1 ; ALFSuppl 167 p 284, 285, 435)4, frpr. ˹pechie˺ (dp. 1220/1230 [« péché »], ProsalegMussafia 100, 153 ; HafnerGrundzüge 63 ; FEW 8, 99a ; DuraffourGlossaire n° 7185), occit. ˹pecat˺ (dp. 2e m. 11e s. [peccad « péché »], SFoiHA 1, 265 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 8, 98b-99a ; Pansier 3 ; ALFSuppl 167 p 733, 743), gasc. ˹pecat˺ (dp. 1276 [peccat « délit »], ArchHistGironde 27, 352, 357 ; FEW 8, 99a ; Palay ; CorominesAran 619), cat. pecat (dp. ca 1200 [pecatz pl. « péchés »], DCVB ; DECat 6, 360), esp. pecado (dp. 1107, DCECH 4, 450 ; Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti ; CORDE), ast. pecáu (dp. 1243 [« péché »], DELlAMs ; DGLA), gal./port. pecado (dp. 13e s., DDGM ; DRAG2 ; LisboaNascentes 38 ; DELP3 ; Houaiss). Commentaire. – À l’exception du végliote5, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */pek'k-at-u/ s.n. « acte qui contrecarre les prescriptions religieuses, péché ; action non prévue par rapport à une norme, erreur »6. La reconstruction du genre neutre du substantif s’appuie d’une part sur le genre neutre des quatre cognats de la branche roumaine, d’autre part sur le || 3 On trouve des traces du genre alternant, peut-être sous l’influence des formules liturgiques latines comme Ecce agnus Dei qui tollis peccata mundi, jusque dans la langue littéraire du 18e siècle (1795/1796 [Ugo Foscolo ; alle peccata f.pl.], BiblItal). 4 La première attestation (fin 10e s.) donnée par GdfC, TL et TLF est extraite de la Passion de Clermont, texte composé dans un idiome dont l’identification n’est pas assurée (peut-être occitan, cf. DePoerck,RLiR 27 ; DEAFBiblEl s.v. PassionA) ; pour des raisons analogues, on ne retient pas une attestation tirée de la Vie de saint Léger (ca 1000, HenryChrestomathie 13). 5 Les attestations de végl. pecátis s.m.pl. « péchés », tirées de prières (BartoliDalmatico 167, 323, 477), sont à considérer comme des xénismes forgés sur la base de lat. peccatis dat./abl. pl. (cf. ElmendorfVeglia). 6 Protorom. */pek'k-at-u/ s’analyse comme une transcatégorisation à partir du participe passé de */'pɛkk-a-/.
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genre alternant que le cognat italien présente dans ses états anciens (cf. aussi n. 1)7. Le corrélat du latin écrit, peccatum s.n., est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 - † 184], TLL 10/1, 892–894) dans le sens « erreur » et attesté depuis Tertullien (* ca 160 - † 220, TLL 10/1, 897) dans le sens « péché », introduit par les auteurs chrétiens pour traduire gr. ἁμαρτία (cf. Ernout/Meillet4 s.v. pĕccō). Pour un complément d’information, cf. */'pɛkk-a-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 221–223, 308, 352, 404–405, 433, 541, 551 ; 2, § 488 ; REW3 s.v. pĕccātum ; Ernout/Meillet4 s.v. pĕccō ; von Wartburg 1955 in FEW 8, 98a-100b, PECCARE ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 253, 272, 299, 378– 379, 504, 529–530 ; 2, § 604–607 ; HallPhonology 112 ; SalaVocabularul 543 ; StefenelliSchicksal 43, 111 ; MihăescuRomanité 298. Signatures. – Rédaction : Anna NEY ; Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Pierre SWIGGERS. Romania du SudEst : Petar ATANASOV ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Maria ILIESCU ; Simone PISANO ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Steven N. DWORKIN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Ulrike HEIDEMEIER ; Yusuke KANAZAWA ; Mihaela-Mariana MORCOV. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 14/08/2014. Version actuelle : 15/08/2014.
|| 7 Pour le genre alternant de l’ancien italien, cf. Faraoni,ACILR 26/2, 173–175 ; Formentin,LinguaStile 47, 226 ; Maggiore,MLI 10, 72.
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*/'pes-u/ s.n. « ce qui pèse (sur qn ou qch.) ; objet utilisé comme étalon pour mesurer la pression vers le bas exercée par un corps physique ; instrument servant à mesurer la pression vers le bas exercée par un corps physique ; valeur (évaluée dans un système de référence) de la pression qu’un corps physique exerce vers le bas ; pièce en métal (de forme et poids caractéristiques) qui sert de moyen légal de paiement » I. Type originel : */'pes-u/ (pl. */'pes-ora/) s.n. I.1. Sens « charge » */'pes-u/ > dacoroum. păs s.n. « ce qui pèse (sur qn ou qch.), charge » (dp. 1581 [« peine »], Tiktin3 [« objet lourd » ; pl. păsuri] ; EWRS [« souci »] ; CandreaDensusianu n° 1348 [« charge morale »] ; DA/DLR [« objet lourd »] ; Cioranescu n° 6173 [« charge morale »] ; MDA ; ALRR – Sinteză 2, 34 [« asthme »])1, 2.
I.2. Sens « unité de poids » */'pes-u/ > ait. peso s.m. « objet utilisé comme étalon pour mesurer la pression vers le bas exercée par un corps physique, unité de poids » (1342 [pesora pl.], TLIOCorpus).
II. Type issu d’une recatégorisation (changement de genre) : */'pes-u/ s.m. II.1. Sens « charge » */'pes-u/ > sard. pesu s.m. « charge » (DES [pésu de úa « grappe de raisin »] ; PittauDizionario 1), it. peso (dp. 1260/1261, TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 1324* ; GDLI), frioul. pês (PironaN2 ; GDBTF ; ALD-I 582), lad. pëis (dp. 1763, Kramer/Schlösser in EWD ; ALD-I 582), romanch. pais (HWBRätoromanisch ; LRC ; || 1 Parmi les deux hypothèses étymologiques entre lesquelles hésite Tiktin3 (“postverbal von a păsa od. lat. pensum”), la comparaison romane incite à préférer la seconde. 2 Le seul lexème aroumain susceptible d’être rapporté à protorom. */'pes-u/ se trouve dans une attestation citée par DDA2 (păsurĭ pl.) et pour le sens de laquelle Papahagi hésite entre « pas » et « souci ». Même si cette seconde lecture est théoriquement possible, nous voyons plutôt dans aroum. păsurĭ une forme dacoroumaine, car *păs n’est pas mentionné parmi les synonymes d’aroum. frundiδă « souci » répertoriés par DDA2.
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ALD-I 582), fr. poids (dp. 1170, TLF ; FEW 8, 205a ; Gdf), frpr. ˹pei˺ (HafnerGrundzüge 31 ; FEW 8, 204a), occit. pes « chose pénible qu’il faut supporter, fardeau » (dp. ca 1130/1149, MarcD 171 = Levy = AppelChrestomathie 110), gasc. pes (Palay), esp. peso « charge » (dp. 1276/1279, Kasten/Nitti ; DCECH 4, 503 ; DRAE22), gal./port. peso (dp. 1295, DDGM [« souci »] ; DdD ; DRAG2 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
II.2. Sens « unité de poids » */'pes-u/ > sard. pesu s.m. « unité de poids » (PittauDizionario 1), istriot. ['piz] (AIS 272* ; ILA n° 1174), it. peso (dp. 1262, TLIOCorpus ; AIS 272* ; GDLI), frioul. pês (PironaN2 ; AIS 272* 357 ; ALD-I 582), lad. pëis (dp. 1950, EWD ; ALD-I 582), romanch. pais (HWBRätoromanisch ; ALD-I 582), fr. poids (dp. ca 1196, TL ; Gdf ; FEW 8, 204b, 205a ; TLF ; ANDEl s.v. peyz), occit. pes (dp. 1200/1272, PCardL 344 = Raynouard ; Levy ; FEW 8, 204b, 205a), gasc. pes (dp. 2e t. 15e s., ForsBéarnOG 508 ; Palay ; CorominesAran 628), cat. pes (dp. 1430, DCVB), esp. peso (dp. 1250, Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti), ast. pesu (dp. 1055 [peso], DELlAMs ; DGLA), gal./port. peso (dp. 1269, DELP3 ; DDGM ; DRAG2 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
II.3. Sens « balance » */'pes-u/ > sard. pesu s.m. « instrument servant à mesurer la pression vers le bas exercée par un corps physique, balance » (PittauDizionario 1 ; AIS 272 p 923), it. peso (dp. av. 1321, DELI2 ; AIS 272), romanch. pais (ALD-I 582), frpr. ˹pei˺ (dp. 1338/1339, Devaux,RLaR 55, 199 ; DocLyonnais 215 ; FEW 8, 205a ; ALF 108), occit. pes (dp. ca 1350, Levy ; FEW 8, 205a ; ALF 108), gasc. pes (dp. 1396, Levy ; FEW 8, 205a), cat. pes (DCVB), esp. peso (dp. 1140 [« action de peser dans la balance »], Kasten/Cody ; Kasten/Nitti ; DRAE22), ast. pesu « balance » (dp. 1270 [peso], DELlAMs ; DGLA), gal./port. peso (dp. 1295/1312 [en peso loc. adj. « incertain »], TMILG ; DDGM ; DdD).
II.4. Sens « poids » */'pes-u/ > sard. pesu s.m. « valeur (évaluée dans un système de référence) de la pression qu’un corps physique exerce vers le bas, poids » (PittauDizionario 1), istriot. ['piz] (PellizzerRovigno), it. peso (dp. 1252/1258, TLIOCorpus ; DELI2),
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frioul. pês (PironaN2 ; GDBTF ; ALD-I 582), lad. ˹pëis˺ (dp. 1879, EWD ; ALD-I 582), romanch. pais (HWBRätoromanisch ; LRC ; ALD-I 582), fr. poids (dp. 1165, TLF [peis] ; TL ; Gdf ; FEW 8, 204a ; ANDEl), frpr. ˹pei˺ (dp. 1ère m. 13e s. [« masse »], SommeCode 30 ; DevauxEssai 85 ; VurpasCarnaval 130), occit. pes (dp. 1318 [de pes loc. adj. « bien considéré »], Levy ; FEW 8, 205a), gasc. pes (Palay), cat. pes (dp. 1284 [aver de pes loc. nom. « marchandise pesable »], DCVB ; DECat 467), esp. peso (dp. 1250/1279, Kasten/Nitti ; DCECH 4, 503), ast. pesu (dp. 1253 [peso], DELlAMs ; DGLA ; DALlA), gal./port. peso (dp. 1240/1300 [« importance »], TMILG ; DDGM ; DdD ; DRAG2 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
III. Type issu d’une remorphologisation accompagnant une recatégorisation (changement de genre) : */'pes-a/ s.f. (< */'pes-a/ s.n.pl.) III.1. Sens « charge » */'pes-a/ > ait. pesa s.f. « charge » (1265, TLIOCorpus)3, romanch. peisa (HWBRätoromanisch ; LRC), occit. peso « paquet de chanvre d’un poids déterminé » (FEW 8, 205b), ast. pesa « grosse pierre pendue à la vis de la presse servant à la fabrication du cidre » (DGLA ; DALlA).
III.2. Sens « unité de poids » */'pes-a/ > it. pesa s.f. « unité de poids » (dp. 1304, TLIOCorpus ; AIS 272*), romanch. peisa (HWBRätoromanisch ; LRC ; AIS 272* ; ALD-I 582 [coll.]), fr. poise (1202 – 1717, FEW 8, 205a ; Gdf ; DMF2012), aoccit. peza (1ère m. 13e s. – 1298, Levy), cat. pesa (1678, DCVB), esp. pesa (dp. 1270, Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti [pl.] ; DRAE22).
III.3. Sens « balance » */'pes-a/ > it. pesa s.f. « balance » (dp. 1304, TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 272*), romanch. peisa (HWBRätoromanisch), afr. poise (1ère m. 12e s. – 1543, TL ; Gdf ; FEW 8, 205a ; ANDEl), gasc. pèso (dp. 15e s. [peses pl.], ForsBéarnOG 318 ; Pa-
|| 3 La comparaison romane incite à considérer it. pesa comme un continuateur direct de protorom. */'pes-a/, malgré DELI2, qui y voit un dérivé idioroman à partir de pesare.
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lay), cat. ['pęza] « un des deux supports d’une balance, plateau de balance » (BarnilsAlacant 27), esp. pesa « balance » (1645 – 1679, NTLE [Salas 1645 - Henríquez 1679]), ast. pesa (DELlAMs ; DGLA).
III.4. Sens « poids » */'pes-a/ > afr. poise s.f. « poids » (2e m. 13e – déb. 14e s., Gdf ; TL).
III.5. Sens « monnaie » */'pes-a/ > afr. poise s.f. « pièce en métal (de forme et poids caractéristiques) qui sert de moyen légal de paiement, monnaie » (1362, Gdf ; FEW 8, 205a), cat. pesa « certaine quantité d’or ou d’argent pesée légalement » (DECat 6, 467), esp. pesa « monnaie » (dp. ca 1250, Kasten/Cody). Commentaire. – À l’exception du dalmate, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers des substantifs masculins ou féminins, protorom. */'pes-u/ s.n. (pl. */'pes-ora/ et */'pes-a/) « ce qui pèse (sur qn ou qch.), charge ; objet utilisé comme étalon pour mesurer la pression vers le bas exercée par un corps physique, unité de poids ; instrument servant à mesurer la pression vers le bas exercée par un corps physique, balance ; valeur (évaluée dans un système de référence) de la pression qu’un corps physique exerce vers le bas, poids ; pièce en métal (de forme et poids caractéristiques) qui sert de moyen légal de paiement, monnaie »4. Protorom. */'pes-u/ s.n. s’analyse comme un dérivé substantival par transcatégorisation à partir du participe passé de */'pend-e-/ v.tr. « accrocher (qch.) à distance du sol ou d’un support, pendre » (REW3 s.v. pĕndēre ; cf. lat. pendere, dp. Varron [* 116 – † 27], TLL 10/1, 1043). Les issues romanes ont été subdivisées dans un premier temps selon les trois genres dont elles relèvent : neutre (ci-dessus I.), masculin (ci-dessus II.) et féminin (ci-dessus III.). Le neutre est attesté dans les branches roumaine et
|| 4 Plusieurs langues vernaculaires en contact avec le protoroman ont emprunté le lexème */'pes-u/ : vangl. pís, gall. pwys, poys, bret. poéz, bsq. pisu, phezu, alb. peshë (FEW 8, 206a ; PedersenKeltisch 1, 209 ; Lhande ; VătăşescuAlbaneză 231).
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italienne5, le masculin, en sarde et dans la majeure partie de la Romania ‛italooccidentale’, y compris dans ses aires latérales (istriot. it. frioul. lad. romanch. fr. frpr. occit. gasc. cat. esp. ast. gal./port.), tandis que le féminin est consigné à une aire assez centrale de la Romania ‛italo-occidentale’ (it. romanch. fr. occit. gasc. cat. esp. ast.). Sur la base de cette aréologie et en tenant compte du caractère récessif du neutre en protoroman, on peut reconstruire le scénario suivant : (1) le neutre ne saurait qu’être originel et donc remonter au protoroman stricto sensu ; (2) dès une époque ancienne du protoroman, encore antérieure à l’individuation du sarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256), protorom. */'pes-u/ a connu une recatégorisation et est passé au masculin ; (3) plus tardivement, en protoroman ‛italo-occidental’ – époque que l’on peut dater entre l’individuation du roumain (3e s., Stefenelli,LRL 2/1, 84) et celle du gascon (ca 600, Chambon,RLiR 66, 489) –, */'pes-u/ a connu une seconde recatégorisation, accompagnée par une remorphologisation, pour passer à */'pes-a/ s.f. (< */'pes-a/ s.n.pl.). La seconde subdivision des continuateurs romans de */'pes-u/ est d’ordre sémantique. Cinq sémèmes sont reconstructibles pour la protolangue : « charge » (ci-dessus I.1., II.1., III.1.), « unité de poids » (ci-dessus I.2., II.2., III.2.), « balance » (ci-dessus II.3., III.3.), « poids » (ci-dessus II.4., III.4.) et « monnaie » (ci-dessus III.5.). Deux de ces sens, « charge » et « unité de poids », s’attachent au substantif neutre originel et pourraient donc l’un ou l’autre constituer le sens premier. C’est le sémantisme du verbe */'pend-e-/, dont le participe passé constitue l’étymon direct de */'pes-u/, qui incite à donner la préférence à « charge », issu du sens *« objet pendu » non directement accessible à travers la méthode comparative. À l’origine, */pes-u/ désignait donc la charge qui, selon une technique métrique ancienne (laquelle consistait dans la suspension du corps à mesurer), devait être contrebalancée par le poids d’un autre (cidessus 1.). Puis, toujours à l’époque du protoroman commun, */'pes-u/ en est venu à désigner, par contiguïté sémantique, l’étalon dont on se servait pour peser les objets (ci-dessus 2.). À partir d’une synecdoque, qui consistait à remplacer mentalement l’unité de poids, considérée comme une partie de l’instrument à mesurer, par l’instrument lui-même, le sens « unité de poids » a donné naissance à celui de « balance » (ci-dessus 3.). Le sens « poids » (cidessus 4.) s’explique par une évolution depuis le sens concret, représenté par « charge », vers le sens abstrait de l’étymon. Quant au sens « monnaie », attaché
|| 5 L’alternance entre une forme de masculin au singulier et une forme de féminin en -ora (de même origine que roum. -uri dans păsuri) au pluriel montre en effet qu’ait. peso continue directement un neutre protoroman (cf. LausbergSprachwissenschaft 3, § 642).
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seulement à protorom. régional et tardif */'pes-a/ s.f. (ci-dessus III.5.), il se fonde sur une métonymie ayant comme point de départ le lien étroit entre le poids de l’unité monétaire et sa valeur. La reconstruction sémantique fournit la base pour une explication de l’évolution morphologique de l’étymon : le substantif féminin */'pes-a/ est issu du neutre pluriel */'pes-a/, variante de */'pes-ora/, réinterprété comme un collectif (cf. la valeur collective attestée en romanche ci-dessus III. 2.). Le point de départ de cette recatégorisation a probablement été constitué par le sens « unité de poids », souvent en rapport avec plusieurs objets considérés comme étalons pour mesurer le poids d’une marchandise. Le corrélat approximatif du type I., pensum (pl. -a) s.n., est attesté d’abord dans les sens « quantité de laine à filer ou à tisser » (dp. Plaute [193 av. J.-Chr.], TLL 10/1, 1048) et « tâche » (dp. Plaute [189 av. J. - Chr.], TLL 10/1, 1049), plus tard dans ceux d’« unité de poids » (dp. Lucifère [* 370], TLL 10/1, 1048 ; cf. cidessus 2.) et de « poids » (dp. Cassiodore [534/538], TLL 10/1, 1048 ; cf. ci-dessus 4.). Le type II. (masculin) ne connaît pas de corrélat en latin écrit de l’Antiquité. Pour ce qui est du corrélat du type III., pensa s.f., il est enregistré seulement en latin tardif, entre autres dans les sens « unité de poids » (dp. Oribase [6e s.], TLL 10/1, 1050 ; ci-dessus 2.) et « poids » (dp. Venance Fortunat [* 530 – † 600], TLL 10/1, 1050 ; ci-dessus 4.). Enfin, le type */'pes-a/ s.f. « monnaie » (ci-dessus III.5.) trouve un corrélat approximatif dans pinsum (Oribase [6e s.], TLL 10/1, 1049). Parmi les cinq sens reconstruits de protorom. */'pes-u/, trois trouvent donc une correspondance dans les données du latin écrit de l’Antiquité, tandis que le sens originel, « charge », de même que le sens « balance », restent sans corrélation. Du point de vue diasystémique (‛latin global’), les sens « charge » (ci-dessus 1.) et « balance » (ci-dessus 3.) de protorom. */'pes-u/ ~ lat. pensum sont donc à considérer comme des particularismes de l’oral, les sens « quantité de laine à filer ou à tisser » et « tâche », comme des particularismes de l’écrit, les sémèmes « unité de poids » (ci-dessus 2.), « poids » (ci-dessus 4.) et « monnaie » (cidessus 5.) constituant l’intersection entre les deux codes. Quant aux particularités flexionnelles du lexème, protorom. */'pes-u/ ~ lat. pensum semble avoir présenté à l’oral une variation (libre ?) entre les pluriels */'pes-ora/ et */'pes-a/, tandis que l’écrit ne connaissait que pesa. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 26, 68–74, 76–78, 81, 107, 108, 308, 312– 315, 401, 404, 405, 440 ; REW3 s.v. pē(n)sum ; von Wartburg 1956 in FEW 8, 204a-206b, PENSUM ; Ernout/Meillet4 s.v. pendō ; LausbergLinguistica 1, § 168, 170, 275, 281, 299, 381, 382 ; HallPhonology 62 ; SalaVocabularul 541 ; MihăescuRomanité 40, 239.
*/'plak-e-/ v.tr.indir. | 589
Signatures. – Rédaction : Mihaela-Mariana MORCOV. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Rémy VIREDAZ. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Elton PRIFTI ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Giorgio MARRAPODI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Elisabeth BERCHTOLD ; Myriam BERGERON-MAGUIRE ; Steven N. DWORKIN ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Laure GRÜNER ; Ulrike HEIDEMEIER ; Marco MAGGIORE ; Pascale RENDERS. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 08/05/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'plak-e-/ v.tr.indir. « être au goût (de qn) » */pla'k-e-re/ > sard. prákere/práǥere v.tr.indir. « être au goût (de qn), plaire » (dp. ca 1190/1200 [plachirus-nos appari prét. 4 loc. v. « être quitte »], BlascoCrestomazia 1, 63 ; DES ; PittauDizionario 1 ; EspaLogudorese)1, dacoroum. plăcea (dp. 1551/1553, Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1398 ; DLR ; Cioranescu n° 6469 ; MDA ; ALR SN 7, 2122)2, aroum. plac (DDA2 ; BaraAroumain ; Nevaci,MélSaramandu 631)3, végl. placaro (BartoliDalmatisch 2, 105 § 82)4, is|| 1 Le cognat sarde a rejoint régulièrement, comme tous les verbes de cet idiome appartenant initialement à la flexion en */-'e-/ , la flexion en */'-e/ (cf. Wagner,ID 14, 137). 2 Istroroum. ˹pĭažęĭ˺ v.tr.indir. « plaire » (Byhan,JIRS 6, 310 ; PuşcariuIstroromâne 3, 128 ; KovačecRječnik 147) représente un emprunt à vén. ˹piazér˺. En méglénoroumain, le continuateur (non attesté) de */'plak-e-/ a été complètement évincé par l’hellénisme ărisiri (DDA2 ; CapidanDicţionar s.v. arises ; Saramandu,FD 29, 130). 3 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. Cette dernière ne permet pas d’attribuer le cognat à un type flexionnel donné, mais l’infinitif substantivé plăţeáre (DDA2 s.v. plac) témoigne de l’appartenance du verbe à la conjugaison en */-'e-/. Par ailleurs, cette issue de */'plak-e-/ est fortement concurrencée par l’hellénisme arisescu (dp. 1770 [αρεξέσκου], KavalliotisProtopeiria n° 0184, 0744 ; DDA2 ; cf. DDA2 s.v. plac : “acest verb e complet anemiat”). 4 Végl. placaro représente une forme hybride entre les résultats attendus des types flexionnels */-'e-/ (*plakar) et */'-e-/ (*plakro). Le cognat végliote est souvent cité sous la forme plakar (BartoliDalmatisch 2, 377 § 425, 389 § 455 [phonétique historique ; pas dans les textes ni dans le glossaire] ; REW3 ; MihăescuRomanité 231 ; Tekavčić,Abruzzo 20, 41–60), mais il semble s’agir d’une lemmatisation étymologisante à partir de placaro. Par ailleurs, cf. aussi cr. plakir (BartoliDalmatisch 2, 298) < ragus. *plakir < */'plak-e-/ (cf. Skok 2, 675).
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triot. piàʃi (PellizzerRovigno ; DallaZoncaDignanese ; Balbi/MoscardaBudić ; Tekavčić,SRAZ 24, 33)5, it. piacere (dp. 1180/1210 [aémil-romagn. plas’ pres. 3], TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 1104), frioul. plasê (dp. 2e m. 14e s., BenincàEsercizi 38 ; GDBTF ; AIS 1104 ; ASLEF 377 n° 1430), lad. plajëi (dp. 1763 [ples prés. 3], Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 1104 ; ALD-I 587), romanch. plaschair/plascher (HWBRätoromanisch ; LRC ; AIS 1104), afr. plaisir (ca 1130 – 15e s., FEW 9, 1a ; Gdf ; AND2 s.v. plaissier)6, afrpr. plaisir (1220/1230 [plaisie impf. 3], ProsalegMussafia 22 ; FEW 9, 1b ; HafnerGrundzüge 70, 115, 158–161, 188–189), occit. plazer (dp. ca 1060 [plaz prés. 3], SFoiHA 1, 258 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 289 ; FEW 9, 1b ; Pansier 3 ; ALF 1672 ; BrunelChartes 46, 484), agasc. ˹plaser˺ (1220 – 15e s. [ms. ca 1460], DAG n° 1948 ; ForsBéarnOG 166), acat. plaer (12e – 14e s., DECat 6, 599 ; DCVB)7, esp. placer (dp. ca 1140 [plazer], DCECH 4, 572 ; Kasten/Cody ; DME)8, ast. placer (dp. 1145 [ms. 1295 ; plazera fut. 3], DELlAMs ; DGLA [dialectal]), gal. pracer/port. prazer (dp. 1220/1240 [prazer], TMILG ; DDGM ; Ir Indo ; DELP3 ; Houaiss ; cf. WilliamsPortuguês § 67 ; Vasconcelos,RL 28, 23)9. Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'plak-e-/ v.tr.indir. « être au goût (de qn),
|| 5 En revanche, istriot. piazir représente un emprunt à vén. ˹piazér˺ (DeanovićIstria 115), avec un changement de flexion typique pour l’istriote (cf. Ursini,LRL 3, 545). 6 En français moderne et contemporain, cette issue régulière a été évincée par plaire (dp. ca 1174, BenDucF 1, 279 ; Gdf ; FEW 9, 1b-5b ; TL ; TLF ; ALF 1672), d’origine analogique (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 125 ; FouchéVerbe 165–166 ; BourciezPhonétique § 116, remarque II. ; LaChausséeMorphologie 231). Le francoprovençal, l’occitan et le gascon présentent – probablement sous l’influence du français – la même réfection, plus tardive ou plus rare (l’ancien occitan atteste cinq exemples seulement de plaire contre 239 de plaser et 931 de plazer, COM2), qui concurrence les formes régulières ci-dessus : frpr. plaire (dp. 1286/1310 [playre], MargOingtD 116 ; FEW 9, 1b ; ALF 1672), occit. plaire (dp. 1455, Levy ; FEW 9, 1b), gasc. plaire (dp. 1238 [playre], DAG n° 1948 ; CorominesAran 175 ; FEW 9, 1b). 7 Cette issue régulière a été évincée par cat. plaure (dp. 1399, DECat 6, 599), qui manifeste la même influence analogique que fr. plaire (cf. ci-dessus n. 6). En tout état de cause, ce verbe ne survit presque plus que dans la locution si us plau « s’il vous plaît », cat. agradar l’ayant presque entièrement supplanté par ailleurs (cf. ci-dessous n. 9). 8 En espagnol et en asturien, le résultat de l’évolution du groupe */-pl-/ est irrégulier, mais ce phénomène est largement attesté dans d’autres types lexicaux (cf. MenéndezPidalManual4 126 ; Malkiel,ArchL 15, 144–173 ; WrightLatín, 27–73 ; Lüdtke,LlA 21, 7–16 ; LloydLatin 363–367 ; PennyGramática 70 ; AriasGramática § 4.4.8.1.3.). 9 Dans les idiomes de la péninsule Ibérique, les continuateurs de */'plak-e-/ sont concurrencés par d’autres verbes : cat. agradar (cf. ci-dessus n. 7), esp. agradar et gustar (DCECH), ast. prestar et gustar (DGLA), gal. gustar (DRAG1) et port. agradar et aprazer (Houaiss).
*/'plak-e-/ v.tr.indir. | 591
plaire ». Malgré sa large répartition aréologique, ce verbe est récessif dans les idiomes romans (cf. ci-dessous n. 2, 3, 4, 5 et 9). Nous écartons l’hypothèse que von Wartburg in FEW 9, 5b n. 28 envisage de façon dubitative, à savoir que certaines unités lexicales romanes se rattacheraient à un prototype secondaire présentant la flexion en */'-e-/ : à notre avis, les métaplasmes flexionnels en question sont d’origine idioromane (cf. cidessous n. 1, 4, 6 et 7)10. Le corrélat latin, placere v.tr.indir. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], OLD ; cf. TLL 10/1, 2256 ; Ernout/Meillet4 ; IEEDLatin). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 236, 392 ; 2, § 125, 128, 168–170, 179, 263, 392 ; 3, § 340, 364 ; REW3 s.v. placēre ; von Wartburg 1958 in FEW 9, 1a-5b, PLACERE ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 284–291, 340–343, 387–391 ; HallPhonology 104 ; SalaVocabularul 541 ; MihăescuRomanité 231. Signatures. – Rédaction : Marta ANDRONACHE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Günter HOLTUS. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; August KOVAČEC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Francesco CRIFÒ ; Maria ILIESCU ; Yusuke KANAZAWA ; Simone PISANO ; Paul VIDESOTT. Galloromania : JeanPaul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Caroline CEBALLOS ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Jan REINHARDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 07/08/2014. Version actuelle : 09/08/2014.
|| 10 Le statut du hapax placit prés. 3 (438, CodexTheodosianus, TLL 10/1, 2256) n’est pas clair.
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*/plan't-agin-e/ s.f. « plante de la famille des plantaginacées aux feuilles disposées en rosette et aux fleurs réunies en épis (représentée par diverses espèces du genre Plantago) » I. Substantif originel : */plan't-agin-e/ s.f. */plan't-agin-e/ > it. piantaggine s.f. « plante de la famille des plantaginacées aux feuilles disposées en rosette et aux fleurs réunies en épis (représentée par diverses espèces du genre Plantago), plantain » (dp. 1ère m. 13e s., GDLI ; Salvioni,RIL 32, 149 ; Bertoldi,AR 8, 258 ; PenzigFlora 2, 361–362 ; DELI2 ; AIS 633 p 354, 374)1.
II. Remorphologisation : */plan't-agin-a/ s.f. */plan't-agin-a/ > dacoroum. occid. plătagină s.f. « plantain » (Tiktin3 ; Candrea-Densusianu n° 1360 ; DLR ; Cioranescu n° 6208 ; MDA ; ALR SN 650)2, it. dial. ˹piantaggina˺ (Bertoldi,AR 8, 258 [lomb. trent. émil.-romagn.] ; PenzigFlora 2, 361–362 [piém. lomb. émil.-romagn. tosc.] ; NDC [cal. prantána] ; AIS 633 p 762 [cal.]), fasc. piantana (Kramer/Schlösser in EWD), bas-engad. plantaja (HWBRätoromanisch ; AIS 633 p 29)3, oïl. sept. ˹plantaine˺ (dp. 2e m. 13e s. [agn.], Meyer,R 35, 580 ; RollandFlore 9, 84, 86 [wall. pic. norm.] ; FEW 9, 19b [wall. norm.] ; AND1), gasc. occid. plantagne (Palay ; ALG 189 [surtout vallée de l’Adour]), arag. ˹plantaina˺ « espèce de plante du genre Plantago à feuilles lancéolées et à longue hampe (Plantago lanceolata L.), plantain lancéolé » (1596, CalvoCirurgia 679, 680, 681 ; DCECH 4, 574 ; BocAragonés 3, 1170 ; 4, 1483)4, ast. llantaina (Sánchez,LlA 28, 83 ; AriasPropuestes 3, 89 ; DGLA).
|| 1 Sans restriction diatopique dans GDLI et DELI2, mais DEI précise : “panromanzo, con eccezione dell’Italia Meridionale”. 2 Cette issue régulière est représentée en transylvanien, en olténien et en banatéen, à côté de dacoroum. pătlagină s.f., forme métathésée (dp. ca 1704, Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1360 ; DLR ; Cioranescu n° 6208 ; MDA ; ALR SN 650). 3 Il n’est pas nécessaire, comme le propose HWBRätoromanisch, de postuler un changement de suffixe */-'agin-e/ > -*/'ali-a/ pour plantaja : la comparaison romane incite à y voir un représentant héréditaire de */plan't-agin-a/. 4 Une analyse aréologique nous incite à voir dans val. plantaina s.f., qui n’est attesté que dans la partie aragonaise du domaine valencien (cf. ALDCMs 1105), un emprunt à arag. plantaina, malgré MollMartíGramàticaHistòrica § 364, qui analyse cat. dial. plantaina comme le résultat d’une évolution phonétique régulière (et malgré DECat 6, 589, qui en postule une origine mozarabe).
*/plan't-agin-e/ s.f. | 593
III. Recatégorisation : */plan't-agin-e/ s.m. */plan't-agin-e/ > itsept. ˹piantai˺ s.m. « plantain » (Bertoldi,AR 8, 258 [piém. lomb. trent. vén.] ; PenzigFlora 2, 361–362 ; AIS 633 p 51, 310 [piém. trent.] ; Kramer/Schlösser in EWD [vén.]), frioul. ˹plantagn˺ « espèce de plante du genre Plantago à feuilles ovales et à courte hampe (Plantago media L.), plantain intermédiaire » (Ascoli,AGI 1, 526 ; Salvioni,RIL 32, 149 ; PironaN2 ; GDBTF ; AIS 633 p 318, 357), bad. plantagn « épi porté par une espèce de plante du genre Plantago à feuilles ovales et à longue hampe (Plantago major L.), épi du grand plantain » (Kramer/Schlösser in EWD)5, fr. plantain « plantain » (dp. ca 1205, TLF ; GdfC ; FEW 9, 19b ; TL ; AND1 ; ALF 1027), frpr. ˹[plã'tẽ]˺ (FEW 9, 19b ; ALF 1027), occit. plantain (dp. 1475, Pansier 3 ; FEW 9, 19b-20a ; ALF 1027 ; AIS 633 p 160 [viv.-alp. [pjan’taɲ]]), gasc. ˹[plãn'tẽɲ]˺ (ALG 189 p 659NO, 659SE, 667, 667SE, 672NO, 676, 678, 685NO, 691O, 762SO, 782), esp. llantén (dp. fin 13e s., Kasten/Nitti ; DCECH 4, 573–574), ast. llantén « espèce de plante du genre Plantago à feuilles ovales et à longue hampe (Plantago major L.), grand plantain » (DELlAMs ; Sánchez,LlA 28, 83 ; AriasPropuestes 3, 89 ; DGLA), gal. chantaxe f. (dp. 1745/1755, DdD), aport. chantagem « plantain » (16e s., DELP3 ; Houaiss)6, 7. Commentaire. – À l’exception du sarde, du dalmate et du catalan, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers des types morphologiques évolués, protorom. */plan't-agin-e/ s.f. « plante de la famille des plantaginacées aux feuilles disposées en rosette et aux fleurs réunies en épis (représentée par diverses espèces du genre Plantago), plantain ». Protorom. */plan't-agin-e/ est formé au moyen du morphème dérivationnel */-'agin-/, fonctionnant notamment comme formateur de substantifs désignant des plantes (cf. Leumann1 § 176 II D 4 c ; Rohlfs,RLiR 7,
|| 5 La proximité formelle de lomb. trent. vén. piantázen nous incite à voir dans romanch. occid. plantagen s.m. « plantain » un emprunt à un dialecte italien septentrional, contrairement à HWBRätoromanisch, qui, s’il décèle l’emprunt (la forme issue d’une évolution régulière serait *plantin), en attribue cependant la source au latin. 6 Le féminin de gal. chantaxe et de port. chantagem s’explique par un changement de genre survenu sous l’effet d’une analogie : les substantifs galiciens en -axe et portugais en -agem sont généralement féminins (cf. gal. follaxe, homenaxe, roupaxe, port. folhagem, homenagem, roupagem etc.). 7 Aport. chantagem, issue régulière, a été évincé par port. tanchagem s.m. (dp. ca 1537/1583, DELP3 ; Houaiss), forme métathésée.
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129), sur la base de */'plant-a/ s.f. « face inférieure du pied » (“à cause de la forme des feuilles de la plante”, Ernout/Meillet4)8. Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les trois types morphologiques dont elles relèvent : féminin originel (ci-dessus I.), féminin innové à la faveur d’une remorphologisation (ci-dessus II.), masculin innové à la faveur d’une recatégorisation (ci-dessus III.). Le type I. ne s’est conservé qu’en italien. L’adoption exclusive du type II. par le dacoroumain et ce que l’on sait de la phylogenèse romane (séparation du protoroman de Dacie avant le 4e siècle, cf. Straka,RLiR 20, 258) incitent à postuler l’antériorité du type II. sur le type III., qui n’aurait été innové qu’après le 3e siècle en protoroman occidental. Ces deux types innovés ont dû constituer deux variantes protoromanes, diffusées dans l’ensemble de la Romania occidentale aux dépens du type originel (I.) et entrées en concurrence l’une avec l’autre. Le type II. manifeste cependant une assez nette tendance récessive par rapport au type III., aréologiquement extensif : aussi bien en Italie (où le type III. couvre les domaines piémontais, trentin, vénitien, frioulan et une partie du domaine ladin, tandis que le type II., repré|| 8 En revanche, des considérations d’ordre phonétique, philologique et historique incitent à regarder plusieurs unités représentées dans les domaines italien, français, occitan, gascon et catalan comme des emprunts savants à la forme de nominatif singulier de lat. plantago s.f. « plantain » : (1) it. sept. pjantáśu/plantáge s.m. (AGI 16, 540 ; Bertoldi,AR 8, 258 ; PenzigFlora 2, 361–362) ; (2) frioul. plantagu (PenzigFlora 2, 362 ; PironaN2) ; (3) afr. plantage s.m. (1495, Gdf ; FEW 9, 20b), cf. SeifertEntwicklung 94 ; (4) occit. mérid. plantage s.f. (aoccit. mérid. ca 1220, Raynouard ; Levy ; R 78, 318 ; R 83, 154, 160, 162, 169 ; RecPyrB 6, 112–113 ; CorradiniRicettari 1, 466–467 ; ALP 243 p 135 [prov.]) ou m. (dp. 1395, Pansier 3 ; RecPyrB 99 ; FEW 9, 19b-20a ; ALF 1027 [surtout prov. lang.]), plantagi s. (mil. 14e s., R 80, 187), plantaja (14e s., R 78, 316), plantague f. (1398/1441, RecPyrB 2), cf. RonjatGrammaire 2, 187–188 et DardelGenre 47 ; (5) gasc. plantage s.f. (ALG 189 p 699NE [seulement Haute-Garonne]) ou m. (CorominesAran 645 ; ALF 1027 p 548, 659, 668, 760, 762 ; ALG 189 p 548, 549, 549N, 650N, 659SE, 678, 760NE, 760SE, 762NE, 772, 791O [surtout Médoc et gasc. orient.]) ; (6) cat. plantatge s.m. (dp. 1409, MollSuplement n° 2597 ; DCVB ; DECat 6, 589 ; ALF 1027 p 794–796), malgré MollMartíGramàticaHistòrica § 364, qui traite les suffixes -aina et -atge du catalan comme des cognats, tout en concédant que les formes en aina sont “més concordants amb l’evolució fonètica normal, però més dialectals que les acabades en -atge”. Ces emprunts, survenus au 15e siècle au plus tard, ont d’abord gagné le technolecte de la pharmacopée avant de pénétrer les terminologies populaires, où ils ont concurrencé, voire évincé, les issues héréditaires de protorom. */plan't-agin-a/ s.f. ou */plan't-agin-e/ m. Un phénomène comparable s’observe pour d’autres lexèmes et dans d’autres champs de spécialité dans une région assez compacte de la Romania, centrée sur le domaine de l’ancien occitan (cf. occit. ferrage, cat. ferratge < lat. ferrago ; fr. occit. image < lat. imago ; occit. probage < lat. propago ; cat. sofratja < lat. suffrago, emprunts à comparer respectivement aux issues romanes héréditaires de protorom. */ɸar'r-agin-e/, */i'magin-e/, */prɔ'p-agɪn-e/ et */sʊɸ'ɸr-agin-e/). En outre campid. prantáža s.f. « plantain » est un emprunt à cat. plantatge (cf. DES). Quant à murc. plantage s.m., nous suivons DCECH 4, 574, qui le donne comme un emprunt à cat. plantatge.
*/plan't-agin-e/ s.f. | 595
senté en outre dans des dialectes italiens centraux et méridionaux, se cantonne néanmoins à des secteurs plus restreints) qu’en Gaule (type III. représenté par le français, le francoprovençal, l’occitan et le gascon ; type II. cantonné à des aires marginales : quelques dialectes oïliques septentrionaux et l’ouest du domaine gascon) et dans la péninsule ibérique (type III. représenté par l’espagnol, l’asturien, le galicien et le portugais ; type II. chevauchant dans le domaine asturien, restreint ailleurs à l’aragonais). L’ancêtre commun de II. et de III. ne saurait être que protorom. */plan't-agin-e/ s.f. (I.), qui seul explique les deux développements ultérieurs : une remorphologisation en */-a/, générale, avant le 4e siècle (avant la séparation du protoroman de Dacie, II.), et une recatégorisation en protoroman occidental, après le 3e siècle (après la séparation du protoroman de Dacie, III.). De surcroît, les formes correspondant à ces deux types innovés ont été soumises secondairement à des traitements phonétiques divers : proparoxytonisme conservé en italien et dans deux zones latérales (Romania du sud-est ; ouest de la péninsule ibérique) ; apocope en Italie septentrionale9 ; syncope dans le cas général, vocalique le plus souvent, plus rarement syllabique (it. fasc.), et chevauchante par rapport au type non métaplasmé et au type apocopé en Italie septentrionale10. Cette distribution rappelle, sans s’y superposer toutefois, la répartition des issues de protorom. */'karpin-u/. Le corrélat du latin écrit du type I., plantago, -inis s.f. « id. », est connu depuis A. Cornelius Celsus (*ca 25 av. J.-Chr. – † ca 50, OLD ; AndréPlantes 202). Quant aux types II. et III., le latin écrit de l’Antiquité n’en connaît pas de corrélat11. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 11, 223, 422 ; 2, § 372, 428 ; REW3 s.v. plantāgo, -ĭne ; von Wartburg 1958 in FEW 9, 19b-20b, PLANTAGO ; Ernout/Meillet4 s.v. plantāgō ; MihăescuRomanité 195. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est :
|| 9 Des considérations historiques (séparation du galloitalien acquise aux environs de 600, cf. Seidl,MélStotz 35) inclinent à faire remonter l’apocope à une période postérieure au 5e siècle. 10 Cf. RohlfsGrammStor 3, § 1058 pour un aperçu général sur les issues du suffixe “-ággine” dans les dialectes italiens. 11 Toutefois, Arnaldi/Smiraglia s.v. plantago relève dans l’Oribase latin (5e/6e s.) une forme de génitif singulier (plantagis) construite sur l’allomorphe bref de la base plantag- ~ plantagin-, allomorphe qui semblerait avoir été étendu, dans la variété de latin qui est celle de l’Oribase latin, à la construction de l’ensemble de la flexion casuelle de plantago. Cette donnée pourrait, en toute hypothèse, étayer la reconstruction, à partir des cognats du type III. présentant une apocope (itsept. frioul.), d’un étymon */plan't-ag-e/.
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August KOVAČEC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Germà COLON ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Simone TRABER ; Joan VENY. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/06/2012. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'pɔnt-e/ s.m. « ouvrage permettant de franchir une dépression ou un cours d’eau en reliant les deux bords de la dépression ou en enjambant le cours d’eau » I. Substantif masculin originel : sarde */'pɔnt-e/ > sard. pònte/pònti s.m. « ouvrage permettant de franchir une dépression ou un obstacle (voie de communication, cours d’eau) en reliant les deux bords de la dépression ou en enjambant l’obstacle, pont » (dp. 1211/1237, CSMBVirdis 41 ; DES ; PittauDizionario 1).
II. Substantif féminin : aires latérales et aires isolées */'pɔnt-e/ > dacoroum. punte s.f. « passerelle réservée aux piétons » (dp. 1649, DRH B, 34, 124 ; Tiktin3 ; EWRS ; Candrea-Densusianu n° 1474 ; Cioranescu n° 6971 ; DLR ; MDA ; ALRR – M pl. 55 ; NALR – O pl. 47 ; ALRR – MD 539*1)2, istroroum. púnte pl. « passage permettant de franchir un cours d’eau aménagé avec de grosses pierres disposées à distance d’un pas chacune » (KovačecRječnik 161 ; FrăţilăIstroromân 1, 257)3, méglénoroum. punti sg. « passerelle réservée aux piétons ; pont » (CapidanDicţionar ; Candrea,GrS 6, 188), aroum. punte
|| 1 Les autres atlas roumains n’ont pas posé la question « pont ». 2 La date de 1645 donnée par Tiktin3 et DLR ne peut pas être retenue, car le texte en question, Herodot (1645), est en réalité daté de 1668/1670, et de plus n’est connu qu’à travers un manuscrit de 1816 (cf. Herodot2 606, 658). – Dans le sens de « pont », cette cognat a été évincée par dacoroum. pod s.n. (< protosl. *podъ s.m. « sol », IEEDSlavic ; dp. 1563/1583, DLR ; MDA). 3 Dans le sens « pont », l’cognat héréditaire a été remplacée par le croatisme most (Byhan,JIRS 6, 279 ; PopoviciIstria 127 ; SârbuIstroromân 230).
*/'pɔnt-e/ s.m. | 597
« pont » (dp. 1770 [ποῦντε], KavalliotisProtopeiria n° 1076 ; Pascu 1, 148 ; DDA2 ; BaraAroumain), lomb. sept. ˹pọnt˺ (Rohlfs,ASNS 177, 40 [Bormio, Livigno] ; LSI [Tessin])4, romanch. punt (dp. 1394 [puntt], CrestomaţieRomanică 1, 435 ; HWBRätoromanisch ; Coromines,FSJud 582 ; EichenhoferLautlehre § 192b)5, esp. puente (1043 – av. 1639, DCECH 4, 674 ; Kasten/Cody ; DME)6, ast. ponte (dp. 1157, DELlAMs ; DGLA), gal./port. ponte (dp. 1254, DDGM ; DRAG1 ; Houaiss ; DELP3 ; CunhaVocabulário2)7.
III. Substantif masculin restauré : Romania centrale */'pɔnt-e/ > dalm. puant s.m. « pont » (BartoliDalmatico 272 § 82 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 107, 112), istriot. ponto (IveCanti 65, 134, 192, 308)8, it. ponte (dp. 12e s., TLIOCorpus ; DELI2), frioul. puint (dp. 1361, DurlìV 29 ; PironaN2 ; IliescuFrioulan 39 ; GDBTF ; ASLEF 34 n° 189–190), lad. pùnt (dp. 1763 [pont], Kramer/Schlösser in EWD ; ALD-I 618), fr. pont (dp. ca 1100 [punt], TLF ; GdfC ; TL ; AND2 s.v. punt1 ; ALF 1060), frpr. ˹pont˺ (dp. 2e m. 13e s., Philipon,R 22, 44 = HafnerGrundzüge 92 ; FEW 9, 168b ; ALF 1060), occit. ˹pon˺ (dp. ca 1150/1180 [pon], AppelChrestomathie 56 ; Raynouard ; Pansier 3 ; ALF 1060), gasc. ˹poun˺ (dp. ca 1278 [pont], ForsBéarnOG 504 ; Palay ; CorominesAran 652 ; ALF 1060), cat. pont (dp. av. 1315, DECat 6, 691–692 ; DCVB), arag. ˹puent˺ (dp. 14e s., Pascual,ACILR 26/1, 153). Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type morphologique innovant, protorom. */'pɔnt-e/ s.m. « ouvrage permettant de franchir une dépression ou un cours d’eau en reliant les deux bords de la dépression ou en enjambant le cours d’eau, pont ». Les cognats romanes de protorom. */'pɔnt-e/ ont été subdivisées ci-dessus selon les deux genres dont elles relèvent, articulés avec ce que l’on sait de la pro|| 4 Cf. l’attestation en latin médiéval ipsam pontem (Bormio 1322, Bracchi,BSAV 2, 51). 5 Le caractère isolé de surm. punt s.m. « id. » (HWBRätoromanisch [le plus souvent en concurrence avec le féminin]) nous incite à le considérer comme une innovation intraromane. 6 Le lexème est par la suite, à époque idioromane, passé au masculin (dp. 1526, NTLE ; DCECH ; DME), probablement sous l’influence du latin (cf. DCECH). 7 Cf. déjà latméd. illa ponte (1ère m. 9e s., VasconcelosOpusculos 1, 290 ; CoDoLGa). – Pour la fermeture de /ɔ/ devant nasale en /o/ du galicien, cf. FernándezDialectoloxía 44–45. 8 Cf. DeanovićIstria 26, qui enregistre des substantifs héréditaires masculins en -o : dènto, frónto, mónto. L’istriote présente en plus la forme ponte s.m. (IveCanti 93, 303), probablement sous l’influence du vénitien.
598 | 1. Articles
tohistoire des idiomes romans : masculin originel, typiquement conservé par le sarde (ci-dessus I.), féminin innové tardivement (ci-dessus II.) et masculin restauré venu le recouvrir plus récemment encore (ci-dessus III.)9. Le féminin caractérise des aires latérales et isolées (roumain, lombard, romanche, espagnol, asturien, galicien et portugais), tandis que le masculin occupe une vaste aire compacte de la Romania centrale : dalmate, italien, ladin, frioulan, français, francoprovençal, occitan, gascon et catalan, cf. aussi DardelGenre 20–21. Cette répartition rappelle suffisamment (sans pourtant s’y superposer) celles de */'mar-e/, */'ɸɛl-e/, */'mɛl-e/, */'lakt-e/, */'sal-e/ et */'sangu-e/ étudiés par Robert de Dardel (Dardel,ACILR 14/2 ; cf. Pascual,ACILR 26/1, 153) pour souffrir la même explication : protorom. */'pɔnt-e/ connaissait les deux genres, le masculin étant plus ancien, le féminin – issu plus récemment (mais assez tôt pour avoir pu être transmis au roumain) de la tendance analogique à féminiser les substantifs de la troisième déclinaison – étant devenu (en tout cas très largement, cf. Möhren,AberystwythColloquium 8–10) hégémonique10 avant d’être repoussé par le masculin innovant11. Une analyse aréologique, historique et diastratique des données romanes incite à considérer cette restauration du masculin, particulièrement en Italie et en Gaule, comme le fait d’une réaction due dans un premier temps (innovation) à l’influence de la langue haute parmi les couches supérieures alphabétisées, puis (diffusion) à l’imitation de leur manière de parler. Les données du latin écrit confirment l’antériorité du masculin, attesté durant toute l’Antiquité : lat. pons, -tis s.m. « pont » (dp. Ennius [* 239 – † 169], OLD ; Ernout/Meillet4 s.v. pōns). Pour ce qui est du féminin, le latin écrit de l’Antiquité ne l’atteste qu’à partir d’un texte datant probablement de la fin du 3e siècle (Möhren,AberystwythColloquium 8 ; cf. aussi CuntzItineraria 40 = MihăescuLangue 216).
|| 9 Le lexème a été emprunté au protoroman parlé dans l’île de Bretagne jusqu’au début du 5e siècle par le brittonique insulaire, d’où breton pont s.m. (dp. 1443, Deshayes), cornique pons s. et gallois pont s.f. (les deux LothBrittoniques 197 ; Deshayes) : “So pontem drove out briva, perhaps because the Roman bridge was an impressive work of engineering whereas the Celtic one would be a rough affair, and all the main bridges on roads and in the cities would be of Roman construction” (JacksonBritain 77). Pourtant, ces informations ne nous permettent pas de reconstruire ici le genre protoroman dans les langues celtiques. 10 Protorom. */pɔn't-ikl-a/ s.f. « petit pont » (sard. ˹ pontiya˺ [DES s.v. pònte], ast. ponteja [REW3 s.v. pŏntĭcŭlus], gal. pontella (DRAG1) ; données lexicales et toponymiques de Gaule [Ponthoile NL Somme, NègreToponymie n° 5747 ; Ponthoille NL Aisne, MalsyNoms 2, 325 ; fr. ponteille s.f. « petit pont » Gdf ; frpr. põtę́yə, ALF 1060 p 986 ; occit. pontia, von Wartburg 1958 in FEW 9, 172b, PONTICULUS ; cf. Chambon,HomenaxeArias 2, 637–646]) et ses rapports avec le genre du simple posent des problèmes complexes qui dépassent le cadre de cet article. 11 Cf. un changement de genre analogue pour les cognats de */'ɸɔnt-e/ et */'ɸrɔnt-e/.
*/'prεst-a-/ v.intr./ditr. | 599
Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 202, 307, 404–405, 485 ; 2, § 378 ; REW3 s.v. pons, pŏnte ; Ernout/Meillet4 s.v. pōns ; von Wartburg 1958 in FEW 9, 168b172a, PONS ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 176–178, 230–237, 272, 276 ; 2, § 299, 415 ; 3, § 624 ; DardelGenre 20–21, 28 ; HallPhonology 248 ; Dardel,ACILR 14/2 ; Faré n° 6649 ; SalaVocabularul 539 ; MihăescuRomanité 279 ; Möhren, AberystwythColloquium 6–12 ; Buchi,Whilom 127–130. Signatures. – Rédaction : Marta ANDRONACHE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Robert DE DARDEL ; Günter HOLTUS. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Wolfgang DAHMEN ; Maria ILIESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA. Galloromania : JeanPaul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Steven N. DWORKIN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Piera MOLINELLI ; Jan REINHARDT ; Dana-Mihaela ZAMFIR. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 16/12/2008. Version actuelle : 16/08/2014.
*/'prεst-a-/ v.intr./ditr. « être assez valable pour servir (à qn/qch.) ; mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé » I. Type récessif : « être utile » (v.intr.) */pres't-a-re/ > aesp. prestar v.intr. « être assez valable pour servir (à qn/qch.), être utile » (fin 12e/déb. 13e s. – ca 1335, Kasten/Cody ; DCECH 4, 646 ; DME), ast. prestar (dp. 1270 [se preste subj. pron. 3], AriasPropuestes 4, 372–374 ; DGLA ; DALlA), gal./port. prestar (dp. 1220 [prestou prét. 3], TMILG ; DDGM ; DRAG2 [« donner des sensations de bien-être »] ; HouaissGrande [13/05/2014] ; CunhaVocabulário2).
II. Type dominant : « prêter » (v.ditr.) */pres't-a-re/ > sard. prestare/prestai v.ditr. « mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé, prêter » (dp. ca 1272 [prestare], BlascoCrestomazia 1, 182 ; DES ; PittauDizionario 1 ; EspaLogudorese ; CasuVocabolario ; AIS
600 | 1. Articles 277 p 923, 937–938, 941–943, 957, 959, 968, 973)1, 2, istriot. ˹prastà˺ (PellizzerRovigno ; Balbi/MoscardaBudić), it. prestare (dp. 1211 [atosc. prestammo prét. 4], TLIOCorpus ; DELI2 ; GDLI ; AIS 277), frioul. prestâ (PironaN2 ; GDBTF ; DOF ; AIS 277 p 348, 357), lad. ˹prestè˺ (dp. 1903 [fasc. prestame imp. 2], TALL ; AIS 277 p 311, 313), romanch. prestar (HWBRätoromanisch ; LRC), fr. prêter (dp. ca 1140, TLF ; GdfC ; FEW 9, 314a ; TL ; AND1 ; ALF 1681), frpr. ˹pretâ˺ (dp. 1ère m. 13e s. [prestar], SommeCode 16 ; FEW 9, 314a ; ALF 1681), occit. prestar (dp. ca 1120 [prested prét. 3], BrunelChartes 240 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 292 ; FEW 9, 314a ; Pansier 3 ; ALF 1681), gasc. prestà (dp. 15e s. [prestar], ForsBéarnOG 200 ; Palay ; ALF 1681), cat. prestar (dp. 1237, DCVB ; DECat 6, 800–802), esp. prestar (dp. fin 12e/déb. 13e s. [prestalde imp. 5], DCECH 4, 646 ; Kasten/Cody ; DME), ast. prestar (dp. 1230/1277 [presto prét. 3], AriasPropuestes 4, 372–374 ; DGLA ; DALlA), gal./port. prestar (dp. 1188/1230 [prestado part. p.], DDGM ; DRAG2 ; DELP3). Commentaire. – À l’exception du roumain et du dalmate, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'prεst-a-/ v.intr./ditr. « être assez valable pour servir (à qn/qch.), être utile ; mettre (qch.) à la disposition (de qn) pour un temps déterminé, prêter ». Les issues romanes ont été subdivisées selon leur sémantisme et leur valence : on a observé une distinction entre un type intransitif, qui présente le sens « être utile » (ci-dessus I.), et un type ditransitif, dont le sens est « prêter » (ci-dessus II.). Le type I. montre une diffusion limitée aux variétés romanes centrales et occidentales de la péninsule Ibérique, surtout anciennes (esp. ast. gal./port.)3, consistante avec une survivance dans une zone latérale de la Romania4 : le type I. est clairement récessif. Pour ce qui est du type II., majoritai-
|| 1 Nous rejetons l’interprétation de Wagner in DES (> BlascoCrestomazia 1, 241), qui considère sard. prestare/prestai comme un italianisme : son caractère héréditaire (ainsi que celui de imprestare/imprestai, cf. */ɪm-'prεst-a-/) est assuré par sa diffusion large et ancienne, par l’absence de types lexicaux concurrents et par la régularité de l’évolution phonétique (observée aussi par Wagner in DES). 2 Dacoroum. presta v.tr. (dp. 19e s., DA/DLR ; Cioranescu n° 6800 ; MDA), employé surtout dans la locution a presta juramant « prêter serment », représente probablement un calque de l’italien ou du français. 3 Valenc. prestar v.intr. « se plier ou s’élargir progressivement sous la pression, se fléchir » (dp. av. 1465 [presta prés. 3], DCVB ; DECat 6, 800) ne semble pas être directement en rapport avec les cognats du type I. 4 L’attestation isolée it. prestare « être utile » (av. 1588, GDLI) est tirée d’un texte du navigateur Filippo Sassetti : il pourrait donc bien s’agir d’un ibérisme. It. prestarsi v.pron. « être
*/'prεst-a-/ v.intr./ditr. | 601
rement répandu, il n’est continué ni en roumain (où le sens « prêter » est exprimé par les issues de */ɪm'prumut-a-/) ni en dalmate (où règne un italianisme, cf. */ɪm-'prεst-a-/ n. 2). Dans le reste de l’espace linguistique roman, ses issues ont en revanche évincé les continuateurs de */'kred-e-/ dans le sens « prêter ». Dans la majorité des variétés ayant hérité du protolexème, l’issue régulière de II. coexiste avec celle de la variante lexicale préfixée */ɪm-'prεst-a-/, qui a connu parfois plus de vitalité au niveau oral. Un corrélat approximatif de I., lat. praestare v.intr. « être meilleur, valoir mieux » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184 av. J.-Chr.], TLL 10/2, 908), est connu durant toute l’Antiquité, tandis qu’un corrélat approximatif de II., lat. praestare v.ditr., est attesté dans le sens « mettre (qch.) à la disposition (de qn), fournir » depuis la Rhétorique à Hérennius (86/82 av. J.-Chr., TLL 10/2, 913), et à partir du 5e siècle (Interpraetationes ; Codex Theodosianus) dans le sens technique « prêter à intérêt » (Schiaffini,ID 6, 39–40). Pour un complément d’information, cf. */ɪm-'prεst-a-/, */ɪm'prumut-a-/ et */'kred-e-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 225, 355, 405, 468 ; 2, § 117–118 ; Schiaffini,ID 6, 40–41 ; REW3 s.v. praestāre ; von Wartburg 1958 in FEW 9, 314a-317a, PRAESTARE ; LausbergLinguistica 1, § 174, 253, 337, 424 ; 2, § 787 ; SalaVocabularul 612 ; MihăescuRomanité 306. Signatures. – Rédaction : Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; August KOVAČEC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Maria ILIESCU ; Simone PISANO ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Steven N. DWORKIN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Laure BUDZINSKI ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Ulrike HEIDEMEIER ; Josep MARTINEZ PEREZ. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 26/05/2014. Version actuelle : 25/06/2014.
|| utile » (dp. 1800/1813, GDLI) s’explique aisément, vu sa date tardive, comme le résultat d’une évolution idioromane.
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*/'rap-u/ s.n. « plante de la famille des brassicacées, dont la racine, généralement sphérique, parfois allongée ou discoïde, est charnue et comestible (Brassica rapa subsp. rapa L.) » I. Recatégorisation (changement de genre) : */'rap-u/ s.m. I.1. Sens propre : « navet » */'rap-u/ > itsept./itcentr. rapo/ravo s.m. « plante de la famille des brassicacées, dont la racine, généralement sphérique, parfois allongée ou discoïde, est charnue et comestible (Brassica rapa subsp. rapa L.), navet » (dp. 14e s. [atosc.], Vaccaro in TLIO ; SalvioniPostille [vén.] ; Merlo,RIL 86, 418 [lig. vén.] ; Faré n° 7065 ; AIS 1360 [lomb. trent. vén. itcentr.]), frioul. râf (Faré n° 7065 ; PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1360 ; ASLEF 744 n° 3467), lad. rè (dp. 1879, Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 1360 p 305, 312).
I.2. Par métaphore : « chose dont l’aspect évoque un navet long » */'rap-u/ > cat. rap s.m. « poisson de la famille des lophiidés, vorace, remarquable par la grosseur de sa tête et de sa gueule et par ses nageoires pectorales portées sur des moignons (Lophius piscatorius), baudroie » (dp. 1790, DECat 7, 103–105 ; DCVB), esp. rabo « appendice plus ou moins développé et flexible, généralement poilu et dont l’axe squelettique est un prolongement de la colonne vertébrale (d’un mammifère terrestre), queue » (dp. ca 1225, DME ; DCECH 4, 744–746), ast. rabu (dp. 18e s., DELlAMs ; DGLA)1, gal./port. rabo (dp. 1188/1230, DELP3 ; DDGM ; DRAG1 ; Houaiss).
II. Remorphologisation et recatégorisation : */'rap-a/ s.f. II.1. Sens propre : « navet » */'rap-a/ > sard. occid. raƀa s.f. « navet » (DES ; PittauDizionario 2 ; AIS 1360 [campid. logoud.]), dalm. ruapa (BartoliDalmatico 169, 268 § 79, 418 § 373 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 115), istriot. rava (PellizzerRovigno ; AIS 1360 p 397, 398 ; ILA n° 1709), it. rapa (dp. 1271/1280 [alomb. rav pl.], Vaccaro in TLIO ; SalvioniPostille ; Merlo,RIL 86, 418 ; DELI2 ; GDLI ; AIS 1360), carn. ráve || 1 Nous voyons dans ast. raba s.f. « queue » (dp. 1140 [NP], DELlAMs) le produit d’une remorphologisation et d’une recatégorisation intervenues au stade idioroman.
*/'rap-u/ s.n. | 603
« plante de la famille des brassicacées, dont la racine ronde, à chair jaune et comestible, a une saveur plus douce que celle du navet (Brassica napobrassica [L.] Mill.), rutabaga » (PironaN2), romanch. rava « navet » (HWBRätoromanisch ; LRC ; AIS 1360).
II.2. Par extension de sens : « rave » */'rap-a/ > fr. reve s.f. « plante à racine charnue comestible, rave » (dp. 12e s., TLF ; GdfC s.v. rave ; FEW 10, 69a-69b ; ALF 1133 [centr. bourb. bourg. champ. frcomt.] ; ALB 759 ; ALCB 674 ; ALCe 699 ; ALFC 562 ; ALLy 272 ; ALO 262)2, frpr. rava (dp. 1322, GononDocuments 141 ; GononTestaments 147 [ravez pl.] ; EscoffierLyonnais 26 [rave pl.] ; FEW 10, 69a-69b ; ALF 1133), occit. raba (dp. 1ère m. 13e s., Raynouard ; Pansier 3 ; Levy ; FEW 10, 69a-69b ; DAO n° 832 ; ALF 1133), gasc. arrabo (dp. ca 1441 [ravas pl.], DAG n° 832 ; FEW 10, 69b ; ALF 1133). Commentaire. – À l’exception du roumain, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, à travers des types formellement et/ou sémantiquement évolués, protorom. */'rap-u/ s.n. « plante de la famille des brassicacées, dont la racine, généralement sphérique, parfois allongée ou discoïde, est charnue et comestible (Brassica rapa subsp. rapa L.), navet »3. Les issues romanes de protorom. */'rap-u/ ont été subdivisées ci-dessus selon deux types morphologiques correspondant aux deux voies de récatégorisation du neutre originel : masculin */'rap-u/ (ci-dessus I.), qui couvre une partie du centre et du Nord-Est de l’Italie, d’une part (it. frioul. lad.), toute l’Ibérie, d’autre part (cat. esp. ast. gal. port.) ; (2) féminin */'rap-a/, représenté dans le reste du domaine (dalm. istriot. sard. romanch. fr. frpr. occit. gasc.), mais aussi dans une bande chevauchante et discontinue reliant l’Ombrie au Frioul (it. frioul.). Les issues du type I. ont été subdivisées selon les deux valeurs sémantiques qui leur sont attachées : (1) « navet » (Italie, ci-dessus I.1) ; (2) par métaphore, « chose dont l’aspect évoque un navet long » (Ibérie, ci-dessus II.2), va-
|| 2 La forme régulière, reve, s’est effacée en français standard au profit de rave, mais s’est maintenue en français dialectal dans les périphéries orientale et méridionale du domaine. TLF voit dans fr. rave un emprunt à frpr. rava, ce dont rend difficilement compte la conservation massive de formes régulières dans des dialectes oïliques (bourg. frcomt.) parlés à la frontière du domaine francoprovençal. Par ailleurs, la forme rave de GdfC est donnée comme rimant avec fève. 3 Skok 2, 129 postule que le slave commun a emprunté vers le 5e siècle le lexème protoroman, sous la forme *riepa, sur le limes du Danube.
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leur reconstruite à partir d’une comparaison des signifiés attachés aux différents cognats, l’aspect d’une baudroie (cat.) et d’une queue (esp. ast. gal./port.) évoquant la racine allongée, plus ou moins conique et radicellée de la variété longue du navet (cf. Colón,L’Espill 9, 55–63). Quant aux issues du type II., elles présentent elles aussi deux valeurs sémantiques : (1) « navet », dans une vaste zone de la Romania centrée sur l’Italie (dalm. istriot. it. sard. frioul. romanch., ci-dessus II.1) ; (2) « rave », type cantonné à un bloc nord-occidental (fr. frpr. occit. gasc., ci-dessus II.2.). Ce dernier sens s’interprète comme le produit d’une extension de la désignation du navet à celle de plusieurs sortes de plantes cultivées, à l’instar du navet, pour leur racine charnue et comestible (betterave, carotte, céleri rave, chou rave, panais, salsifis etc.). Cette double spécialisation sémantique (« navet » > « chose dont l’aspect évoque un navet long » ; « navet » > « rave ») doit être mise en rapport avec la fortune, diverse, connue par les représentants de protorom. */'nap-u/ s.m. « navet » dans les régions de la Romania qui connaissent des issues de */'rap-u/ ou de */'rap-a/ : dans les parlers où */'nap-u/ n’est pas représenté (it. sard. frioul. lad. romanch. frpr.), les issues de */'rap-u/ ou de */'rap-a/ ont généralement le sens de « navet » ; là où la concurrence entre */'nap-u/ et */'rap-a/ ne s’est pas traduite par l’éviction de l’un des deux types au détriment de l’autre (fr. occit. gasc.), la prise en charge du sens spécifique (« navet » ou « chou rave ») et du sens générique (« rave ») s’est répartie entre */'nap-u/ (spécifique) et */'rap-a/ (générique) ; enfin, dans les idiomes où la concurrence entre */'nap-u/ et */'rap-u/ ne s’est pas traduite par l’éviction de l’un des deux types au détriment de l’autre (cat. esp. ast. gal./port.), la prise en charge des deux sens de « navet », propre et métaphorique, s’est répartie entre */'nap-u/ (propre) et */'rap-u/ (métaphorique). D’une manière générale, on observe ainsi que, dans les régions où les issues de */'rap-u/ ou de */'rap-a/ ont conservé le sens originel, */'nap-u/ n’a pas connu de postérité directement attestable (Romania centrale) ; que, dans celles où */'nap-u/ a connu une postérité, */'rap-u/ ou */'rap-a/ soit n’en ont connu aucune (Romania orientale), soit ne se sont maintenus qu’au prix de reconfigurations sémantiques (Romania occidentale). Les deux types suivent des orientations dynamiques contraires (*/'nap-u/ est extensif, */'rap-u/ est récessif) ; pour une explication de détail, cf. */'nap-u/. L’ancêtre commun des types I. et II. ne saurait être que protorom. */'rap-u/ s.n. « navet », qui seul explique les développements ultérieurs, tant au point de vue grammatical qu’au point de vue sémantique : recatégorisation comme masculin, d’une part ; remorphologisation et recatégorisation comme féminin, d’autre part, sur la base du neutre pluriel, survenue nécessairement avant le 3e siècle (séparation du protoroman de Sardaigne, acquise au plus tard dans la 2e moitié du 2e s., cf. Straka,RLiR 20, 256 ; Dardel,RLiR 49, 268) ; au sein des types
*/'rap-u/ s.n. | 605
I. et II., développements sémantiques sur la base du sens de « navet », seul commun aux deux types. Les données du latin écrit fournissent un corrélat du substantif neutre : rapum, -i s.n. « navet » est connu dès le latin préclassique (dp. Caton, * 234 – † 149, OLD ; AndréPlantes 216)4. Le corrélat du latin écrit du type II., rapa, -ae s.f. « id. », est attesté durant toute l’Antiquité (dp. Varron, * 116 – † 27, OLD ; AndréPlantes 216) ; quant au type I., il n’en existe pas de corrélat. Pour un complément d’information, cf. */'nap-u/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 312–315, 405, 433 ; REW3 s.v. rapum ; von Wartburg 1960 in FEW 10, 68a-75a, RAPUM ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 173, 272, 273 ; 2, § 307, 367 ; DOLR 6 (1996), 34–36, 42. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : August KOVAČEC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Marco MAGGIORE ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Myriam BENARROCH ; Victor CELAC ; Germà COLON ; Rosario COLUCCIA ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 26/09/2013. Version actuelle : 31/08/2014.
|| 4 OLD et AndréPlantes 216 ne s’accordent pas sur le sens de lat. rapum : « navet » pour OLD (et pour IEEDLatin), mais « rave, chou-rave (Brassica rapa L.) » pour AndréPlantes 216, qui confond apparemment le chou rave (variété de Brassica oleracea L.) et une autre plante du genre Brassica (l’espèce Brassica rapa L. est représentée par plusieurs variétés, dont le navet) ; AndréBotanique ne croit pas déceler le sens de navet avant le 6e siècle, chez Oribase et Dioscoride. Le même désaccord oppose OLD et AndréPlantes 216 au sujet du sens de lat. rapa. Au demeurant, la confusion qui règne dans la nomenclature française des légumes à racine a été soulignée par von Wartburg in FEW 10, 73a. On observe d’ailleurs qu’AndréPlantes 169 commet, à propos de lat. napus (cf. */'nap-u/ n. 2), une erreur comparable en glosant le navet par Brassica napus.
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*/res'pɔnd-e-/ v.tr./intr. « réagir à une sollicitation (par le langage ou par d’autres moyens) ; être conforme (à) ; assumer la responsabilité (de) » I. Sens concret : « répondre » */res'pɔnd-e-re/ > sard. respúndiri/rispòndere v.tr./intr. « réagir à une sollicitation (par le langage ou par d’autres moyens), répondre » (dp. 1180, DES ; PittauDizionario 1 ; Spano1 ; RubattuDizzionario1)1, dacoroum. răspunde (dp. 1500/1510 [date du ms. ; rrăspundu prés. 6], Psalt. Hur.2 136 ; Tiktin3 ; EWRS ; DLR ; Cioranescu n° 7098 ; MDA ; ALR II/I 26)2, dalm. respondro (BartoliDalmatico 326), istriot. raspóndi (DeanovićIstria 116), it. rispondere (dp. 1151/1200 [atosc. rispos’ prét. 3], TLIOCorpus ; GDLI ; DELI2 ; Merlo,RIL 81, 423 ; Faré n° 7247), frioul. rispuindi (dp. 1785, DAroncoAntologia 155 ; PironaN2 ; GDBTF), lad. respogne (dp. 1763 [respognè], Kramer/Thybussek in EWD), romanch. rispunder/respuonder (dp. 1560 [aresponder], GartnerBifrun 73 ; HWBRätoromanisch ; LRC), fr. répondre (dp. fin 11e s. [respont prés. 3], AlexisE 28 = FEW 10, 310a ; GdfC ; TL ; TLF ; ANDEl ; ALFSuppl 192), frpr. ˹répondre˺ (dp. 1220/1230, ProsalegStimm 84 = HafnerGrundzüge 92 ; FEW 10, 310a), occit. respondre (dp. 1060 [respon prés. 3], SFoiHA 1, 292 = FEW 10, 310a ; Raynouard s.v. esponcio ; Levy ; AppelChrestomathie 3 ; Pansier 3 ; BrunelChartes 264 ; BrunelChartesSuppl 86), gasc. arrespoúne (dp. ca 1400 [arresponer], FEW 10, 310a ; Palay ; CorominesAran 290 s.v. respone), cat. respondre (dp. ca 1200 [respòs prét. 3], DECat 7, 278 ; MollSuplement n° 2841 ; DCVB), esp. responder (dp. 1022, DCECH 4, 887 ; Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti ; DRAE22)3, ast. responder (dp. 1145 [responda subj. prés. 3], DELlAMs s.v. arresponder ; DGLA s.v. arresponder), gal./port. responder (dp. 1152 [responda subj. prés. 3], DELP3 ; DRAG2 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2 ; WilliamsPortuguese § 148).
|| 1 Nous suivons Meyer-Lübke in REW3 et PittauDizionario 1 pour voir dans les données sardes (cf. la variété de formes relevées par RubattuDizzionario1) des issues héréditaires, en dépit des doutes de Wagner in DES (“nel sardo antico per ’rispondere’ si diceva di più torrare uerbu ; probm. le forme sarde non risalgono alla voce latina [...], ma sono italianismi”). 2 Istroroum. respundì (MaiorescuIstria 144) est un emprunt au vénitien (MihăescuRomanité 237 ; Byhan,JIRS 6, 328). Pour ce qui est d’aroum. *respunere (Pascu 1, 150 ; DDA2), il s’agit d’un lexème artificiel, introduit par BoiagiGramatică 294 (source citée par Pascu) sous l’influence du dacoroumain. 3 Les issues espagnoles, asturiennes, galiciennes et portugaises des verbes appartenant à la flexion en */'-e-/ du protoroman ont subi régulièrement une réaffectation à celle en */-'e-/ ou en */-'i-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119, 126 ; WilliamsPortuguese § 148 ; LloydLatin 451–455).
*/res'pɔnd-e-/ v.tr./intr. | 607
II. Sens abstraits II.1. Sens « correspondre » */res'pɔnd-e-re/ > dacoroum. răspunde v.tr. « être conforme (à), correspondre (à) » (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 171 ; Tiktin3 ; DLR ; Cioranescu n° 7098 ; MDA), it. rispondere (dp. 1268 [atosc. risponde prés. 3], TLIOCorpus ; DELI2 ; GDLI), frioul. rispuindi (GDBTF), romanch. rispunder/respuonder (LRC), fr. répondre (dp. fin 12e s., FEW 10, 312a ; GdfC ; TL ; TLF ; ANDEl), afrpr. respondre (av. 1310 [respondeit impf. 3], MargOingtD 106), aoccit. respondre (ca 1220 – 14e s., FEW 10, 312a ; Raynouard ; Levy), cat. respondre (dp. 1290/1292 [respona prés. 3], DCVB), esp. responder (dp. 1620, NTLE [Francios. 1620] ; DRAE22), gal./port. responder (DELP3 ; DRAG2 ; Houaiss).
II.2. Sens « être responsable » */res'pɔnd-e-re/ > dacoroum. răspunde v.tr. « assumer la responsabilité (de), être responsable (de) » (dp. 1581, DLR ; Tiktin3 ; Cioranescu n° 7098 ; MDA), it. rispondere (dp. 1260/1261 [atosc. risponderò fut. 1], TLIOCorpus ; GDLI ; DELI2), frioul. rispuindi (GDBTF), lad. respogne (dp. 1914, EWD), fr. répondre (dp. fin 12e s. [respont prés. 3], TLF = TL ; FEW 10, 311b ; ANDEl), frpr. ˹répondre˺ (dp. 1658 [repondou prés. 1], EscoffierLyonnais 74 ; FEW 10, 311b), occit. respondre (dp. 1157, BrunelChartes 78 = FEW 10, 311b ; Raynouard ; Levy ; OlivierAuvergnat ; Mistral), gasc. respoune (dp. 15e s. [responer], ForsBéarnOG 440 ; Palay), cat. respondre (dp. 1393, DCVB), esp. responder (DRAE22), ast. responder (dp. 1274 [respondan subj. prés. 6], DELlAMs s.v. arresponder), gal./port. responder (DELP3 ; DRAG2 ; Houaiss). Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */res'pɔnd-e-/ v.tr./intr. « réagir à une sollicitation (par le langage ou par d’autres moyens), répondre ; être conforme (à), correspondre (à) ; assumer la responsabilité (de), être responsable (de) ». On a subdivisé les issues romanes selon les principaux sémèmes qu’elles manifestent : le sens concret « répondre » (ci-dessus I.) et les sens abstraits « correspondre » (ci-dessus II.1.) et « être responsable » (ci-dessus II.2.). Tandis que le sens concret est attesté pour l’ensemble des branches romanes, les deux sens abstraits manquent en sarde. On peut en déduire, ainsi que de considérations de sémantique théorique (les passages d’un sens concret à un sens abstrait sont très fréquents), que ces deux derniers sont secondaires.
608 | 1. Articles
Les données du latin écrit s’accordent bien avec ce scénario reconstruit : tandis que le corrélat de I., respondere v.tr./intr. « répondre », n’est attesté qu’à partir du 4e siècle, dans la Mulomedicina Chironis (OderMulomedicina 22, 243, 423 [respondit ind. prés. 3 ; respondat subj. prés. 3] ; cf. FEW 10, 314b), on ne connaît pas de témoignage direct de II.1. ni de II.2. En revanche, le latin écrit de l’Antiquité connaît surtout respondēre, variante appartenant à la flexion en */-'e-/ usuelle durant toute l’Antiquité dans le sens « répondre » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], OLD) et attestée plus tardivement dans les sens abstraits « correspondre » (dp. Cicéron [* 106 – † 43], OLD ; cf. ci-dessus II.1.) et « garantir » (dp. Vulgate, FEW 10, 314b), ce dernier préfigurant le sens « être responsable » (ci-dessus II.2.). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 184, 405, 468, 485 ; REW3 s.v. rĕspŏndēre/rĕspŏndĕre ; Müller 1961 in FEW 10, 310a-315a, RESPONDERE ; Ernout/Meillet4 s.v. spondeō ; LausbergLinguistica 1, § 176–178, 307, 415, 424 ; HallPhonology 250 ; SalaVocabularul 615 ; StefenelliSchicksal 266 ; MihăescuRomanité 237. Signatures. – Rédaction : Paul VIDESOTT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; August KOVAČEC ; Cristina FLORESCU ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Maria ILIESCU ; Marco MAGGIORE. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Myriam BENARROCH ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Nicolae SARAMANDU. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 06/01/2014. Version actuelle : 26/08/2014.
*/re'tʊnd-u/ adj. « qui a la forme d’un cercle » I. Type originel */re'tʊnd-u/ */re'tʊnd-u/ > logoud. redùndhu adj. « qui a la forme d’un cercle, rond » (CasuVocabolario [+ dérivé redundhàre v.tr. « arrondir »] ; cf. DES s.v. retúndu ;
*/re'tʊnd-u/ adj. | 609
PittauDizionario 1 s.v. rodundu)1, dacoroum. rătund (dp. 2e m. 17e s., DLR ; Tiktin3 ; EWRS ; Cioranescu n° 7260 ; MDA ; ALR SN 809 p 157, 605)2, ait. ritondo (1255 – 15e s., TLIOCorpus ; SalvioniPostille ; GDLI ; Merlo,AUTosc 44, 75–76 ; Merlo,RIL 86, 430–431 ; DELI2 s.v. ruòta), bas-engad. raduond (LRC s.v. rodund ; cf. HWBRätoromanisch s.v. rodund ; EichenhoferLautlehre § 672), fr. rond (dp. 1ère m. 12e s. [reont], FEW 10, 520a ; TLF ; GdfC ; TL ; AND1 s.v. rund ; ALF 1891), frpr. rion (dp. av. 1310, HafnerGrundzüge 154–156 ; FEW 10, 520a ; ALF 1581), occit. redon (dp. ca 1125 [ms. fin 13e s.], DAO n° 887 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 10, 520a ; Pansier 3 ; ALF 1891), gasc. arredoun (FEW 10, 520a ; CorominesAran 288 s.v. redonn ; ALF 1891 p 782 ; ALG 1087), cat. redó (dp. 1288 [redon], DCVB s.v. rodó ; DECat 7, 386–388 [valenc. baléar.]), esp. redondo (dp. fin 12e/déb. 13e s., DME ; DCECH 4, 834–835 ; NTLE ; Kasten/Nitti)3, ast. redondu (dp. 1049 [ms. 12e s. ; retondo], DELlAMs ; DGLA), gal./port. redondo (dp. 1264/1284, TMILG ; Houaiss ; DDGM ; DELP3 ; CunhaVocabulário2)4.
II.1. Type traduisant l’attraction de */'rɔt-a/ : */ro'tʊnd-u/ */ro'tʊnd-u/ > asard. ˹rodundu˺ adj. « rond » (11e/13e s. [orrudundu] – ca 1110/mil. 13e s., DES 2, 357 ; CSMBVirdis 78), itsept. ˹rotunt˺ (AIS 1581), mar. rodunt « bien spécifié, précis » (Kramer/Fiacre in EWD s.v. torónn), surs. rodund « rond » (HWBRätoromanisch ; LRC), afr. ˹roont˺ (ca 1130 – ca 1375, FEW 10,
|| 1 Cette issue régulière, résiduelle, est concurrencée par sard. retundu, dont le consonantisme traduit une influence italienne (cf. DES : “nella vecchia lingua camp. la voce è rappresentata da forme popolari con -d- [...], ed anche per il log. mod. il Casu registra a redúndu, avv. ‛intorno’ [...], = ROTUNDUS-RETUNDUS. Ma oggi sono più frequenti le forme italianizzanti”. 2 La datation de 1456 proposée par Tiktin3 concerne une attestation relevée dans un texte slavon. – Dacoroum. rotund adj. « id. » est en général considéré comme un latinisme (cf. Tiktin3), mais cette forme pourrait aussi s’expliquer comme le produit d’une contamination par dacoroum. roată s.f. « roue ». En tout état de cause, nous ne suivons pas Cioranescu n° 7260, qui rattache rătund au type */ro'tʊnd-u/. 3 Tant l’espagnol (dp. 1511, CORDE) que le portugais (dp. 1572, Houaiss) connaissent en outre un doublet savant rotundo. 4 Les trois dates (10e s., 1059 et 1089) fournies par DELP3 et correspondant respectivement aux formes rodondo (et non rodonho), rodonda et redondo renvoient à trois textes en latin (DiplomataChartae 1, 258, 431) ; la forme rodonho citée par DELP3 et reprise par Houaiss n’est pas attestée dans le texte mentionné (DiplomataChartae 1).
610 | 1. Articles 519b-520a ; GdfC ; TL ; AND1 s.v. rund)5, afrpr. raond (1er qu. 13e s., Philipon,R 22, 40)6.
II.2. Type métathésé */to'rʊnd-u/ (< */ro'tʊnd-u/) */to'rʊnd-u/ > avén. torond adj. « rond » (Salvioni,AGI 16, 329)7, frioul. taront (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1581 ; ASLEF 744 n° 3467 p 83*), lad. torónn (dp. 1763 [toron], Kramer/Fiacre in EWD ; AIS 1581 ; ALD-I 674).
III. Type aphérésé */'tʊnd-u/ (< */re'tʊnd-u/) */'tʊnd-u/ > sard. tundu adj. « rond » (DES 2, 357 ; AIS 1581)8, it. tondo (dp. ca 1260/1261, TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 1581)9. Commentaire. – À l’exception du dalmate, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers des types évolués, protorom. */re'tʊnd-u/ adj. « qui a la forme d’un cercle, rond ». Les issues romanes ont été subdivisées selon les types et sous-types dont elles relèvent : */re'tʊnd-u/ (ci-dessus I.), */ro'tʊnd-u/ (ci-dessus II.1.), */to'rʊnd-u/ (ci-dessus II.2.) et */'tʊnd-u/ (ci-dessus III.). Le type */re'tʊnd-u/ (I.) est, de loin, le plus largement diffusé : il est exclusif en roumain, occitan, gascon, catalan, espagnol, asturien et galégo-portugais ; présent, à côté de II.1., en romanche, français et francoprovençal ; à côté de III., en italien centro-
|| 5 BourciezPhonétique § 102, remarque I voit dans afr. roont une forme secondaire issue par assimilation d’afr. reont (cf. ci-dessus I.), mais les datations relatives et la comparaison romane incitent plutôt à suivre von Wartburg in FEW 10, 527a, qui rattache roont à */ro'tʊnd-u/. 6 Le caractère relativement tardif de cat. rodó adj. « id. » (dp. fin 14e s. [rodon], DCVB ; DECat 7, 386–388 [rouss. cat. nord-occid.]) nous incite, malgré von Wartburg in FEW 10, 527a et en suivant DCECH 4, 835 n. 1 et Bastardas i Rufat in PatRomPrésentation 242 n. 2, à y voir le résultat d’une assimilation idioromane à partir de cat. redó (cf. ci-dessus I.). 7 Logoud. atturundare v.tr. « arrondir » permet de postuler alogoud. *turundu adj. « rond » (DES 2, 357). 8 Istroroum. tond adj. « id. » (KovačecRječnik 197) et istriot. tòndo (PellizzerRovigno : “aferesi de lat. rotundus”) représentent probablement des emprunts au vénitien. 9 RohlfsGrammStor 1, § 321 et DELI2 considèrent it. tondo comme issu d’une aphérèse du latinisme it. rotondo « id. » (dp. av. 1527, DELI2 ; cf. FEW 10, 527b), hypothèse qu’il paraît difficile de soutenir au vu des datations respectives.
*/re'tʊnd-u/ adj. | 611
méridional ; enfin, à côté de II.1. et de III., en sarde. Nous considérons ce type comme originel et estimons, à la suite de BenvenisteOrigines 14010 (malgré Ernout/Meillet4 s.v. rota11), que le type */ro'tʊnd-u/ (II.) est issu du type I. suite à l’attraction qu’il a subi de */'rɔt-a/. Ce type en */o – 'ʊ/ ne s’est maintenu qu’en sarde et dans une aire périphérique nord-occidentale (itsept. frioul. lad. romanch. fr. frpr.) ; il est clairement récessif en sarde, français et francoprovençal. Outre les formes régulières (sous-type I.1.), il a donné lieu très anciennement (avant la sonorisation des occlusives sourdes intervocaliques dans la Romania occidentale) à un sous-type métathésé I.2. (vénitien, sarde [témoignage indirect, cf. n. 7], frioulan, ladin). Enfn, le type */'tʊnd-u/ (III.), directement issu de I., manifeste une aphérèse de ce qui semble avoir été interprété secondairement comme le préfixe */re-/. Sa coprésence en sarde et dans un idiome de la Romania continentale (italien) incite à dater cette dernière formation du protoroman commun. Le corrélat du latin écrit du type II.1., rotundus adj. « id. », est attesté depuis Caton (* 234 – † 149, IEEDLatin ; OLD). Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas, en revanche, de corrélat des types I., II.2. et III.12. Du point de vue diasystémique (‛latin global’), les types I., II.2. et III. sont donc à considérer comme des particularismes (oralismes) de la variété B qui n’ont eu aucun accès à la variété H (“au fond, il n’a jamais été écrit et enseigné à l’école qu’un seul latin”, MeilletMéthode 8). En outre, du même point de vue, II.2. et III. – mais aussi II.1. (par archaïsme) – apparaissent comme fortement marqués sur le plan diatopique et relèvent du ‛latin (global) régional’). Protorom. */re'tʊnd-u/ constitue une unité lexicale simple. Mais en diachronie pré-protoromane, cet adjectif s’analyse comme un dérivé de *rete/ov.intr. « courir ; rouler » à l’aide du suffixe -und (cf. Heidemeier,DÉRom 1, 14–18). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 118–119, 309, 352, 404–405, 432, 485 ; REW3 s.v. rŏtŭndus/rĕtŭndus ; Ernout/Meillet4 s.v. rota ; von Wartburg 1962 in FEW 10, 519b-528b, ROTUNDUS ; LausbergLinguistica 1, § 183, 253, 307, 361–364,
|| 10 “Rotundus [...] se relie probablement à un verbe radical *retī (v. irl. rethim) [...] ; les formes romanes supposent *retundus d’accord avec la forme irlandaise ; rotundus devrait son o à rota”. Cf. aussi IEEDLatin s.v. rota : “lat. rotundus may have been derived directly from the pr. *rete/o- (with replacement of *ret- by *rot- under the influence of rota) or from an o-grade pr. *(re-)rot- « to roll », which disappeared from the language afterwards”. 11 “L’adjectif rotundus [...] devrait son o à rota ; toutefois, le retundus que supposent les formes fomanes ne doit pas être ancien et résulte d’une dissimilation secondaire”. 12 On relève lat. retundus adj. « id. » à époque post-antique seulement (7e s., CGL 4, 162 ; 9e s., CGL 4, 347).
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416 ; Faré n° 7400 ; HallPhonology 251 ; SalaVocabularul 539 ; DOLR 1 (1991), 165 ; MihăescuRomanité 186 ; Bastardas i Rufat in PatRomPrésentation 231–246 s.v. *RETUNDUS ; Heidemeier,DÉRom 1, 14–18. Signatures. – Rédaction : Maria HEGNER. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON ; Ulrike HEIDEMEIER. Romania du Sud-Est : Victor CELAC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Georges DARMS ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Simone AUGUSTIN ; Pascale BAUDINOT ; Ana BOULLÓN ; Cristina FLORESCU ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS ; Stella MEDORI ; Florin-Teodor OLARIU ; Uwe SCHMIDT ; Wolfgang SCHWEICKARD. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 22/07/2011. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'rod-e-/ v.tr. « user peu à peu (qch.) en (le) coupant avec les dents par petits morceaux » */'rod-e-re/ > sard. ròdere/ròere v.tr. « user peu à peu (qch.) en (le) coupant avec les dents par petits morceaux, ronger » (Wagner,AR 20, 357 ; DES ; PittauDizionario 1 ; Spano1), dacoroum. roade (dp. 1500/1510 [rroase prét. 3], Psalt. Hur.2 156 ; Tiktin3 ; EWRS s.v. rod ; DLR ; Cioranescu n° 7224 ; MDA ; ALR SN 1188), istroroum. róde (PuşcariuIstroromâne 3, 130 s.v. roade ; FrăţilăIstroromân 1, 264)1, méglénoroum. rǫdiri (Candrea,GrS 6, 191 ; CapidanDicţionar s.v. rod2), aroum. aród (Pascu 1, 40 s.v. aroadire ; BaraAroumain)2, it. rodere (dp. 1252/1258 [arom.], TLIOCorpus ; DELI2 ; Faré n° 7358 ; GDLI ; AIS 1101 [tosc. march.]), romanch. ruojer/ruir (dp. 1560 [arus part. p.], GartnerBifrun 295 ;
|| 1 Byhan,JIRS 6, 329 mentionne également une forme rodéi, qu’il explique comme un emprunt à vén. roder. 2 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. Cette dernière ne permet pas d’attribuer le cognat à un type flexionnel donné, mais l’infinitif aroadire (cf. l’entrée de Pascu citée ci-dessus) témoigne de l’appartenance du verbe à la flexion en */'-e-/.
*/'rod-e-/ v.tr. | 613
HWBRätoromanisch s.v. ruir ; LRC s.v. ruir)3, oïl. rore (dp. ca 1200, FEW 10, 442a [lorr. frcomt.] ; Gdf ; TL), occit. roire (dp. ca 1130/1149 [ro prés. 3], MarcD 7 ; FEW 10, 442a ; Raynouard s.v. roder ; Levy ; DAO n° 1221), gasc. arròde (FEW 10, 442a), acat. roure (1274/1276 – 15e s., DECat 7, 467 s.v. rosegar ; DCVB ; MollSuplement n° 2877), esp. roer (dp. ca 1220, Kasten/Cody ; DCECH 5, 52 ; DME ; Kasten/Nitti)4, ast. royer (dp. 1861 [royen prés. 6], DELlAMs ; DGLA), gal./port. roer (dp. 1240 [roe ind. prés. 3], TMILG ; DRAG2 ; DELP3 ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – À l’exception du dalmate, du frioulan, du ladin et du francoprovençal, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'rod-e-/ v.tr. « user peu à peu (qch.) en (le) coupant avec les dents par petits morceaux, ronger ». Le corrélat du latin écrit, rodere v.tr. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Lucrèce [* ca 97 – 55], OLD). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 119, 405, 436 ; 2, § 119 ; REW3 s.v. rōdĕre ; von Wartburg 1962 in FEW 10, 442a-443b, RODERE ; Ernout/Meillet4 s.v. rōdō ; LausbergLinguistica 1, § 179–182, 307, 375 ; HallPhonology 88 ; SalaVocabularul 615 ; MihăescuRomanité 204. Signatures. – Rédaction : Paul VIDESOTT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU ; August KOVAČEC. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Maria ILIESCU ; Giorgio MARRAPODI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Victor CELAC ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Matthieu SEGUI. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 26/09/2013. Version actuelle : 31/08/2014.
|| 3 L’infinitif de la forme romanche a été refait à partir de ruoja prés. 3 (HWBRätoromanisch s.v. ruir). 4 Les issues espagnoles, asturiennes, galiciennes et portugaises des verbes appartenant à la flexion en */'-e-/ du protoroman ont subi régulièrement une réaffectation à celle en */-'e-/ ou en */-'i-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119, 126 ; WilliamsPortuguese § 148 ; LloydLatin 451–455).
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*/'rɔt-a/ s.f. « pièce de forme circulaire tournant sur un axe qui passe par son centre » */'rɔt-a/ > sard. ròđa/arròđa s.f. « pièce de forme circulaire tournant sur un axe qui passe par son centre, roue » (DES s.v. ròta ; PittauDizionario 1 s.v. rota ; AIS 1227), dacoroum. roată (dp. 1573/1578 [date du ms. ; « cercle »], DLR ; Tiktin3 ; EWRS ; DLR ; Cioranescu n° 7225 ; MDA ; ALR SN 440)1, méglénoroum. roată (CapidanDicţionar ; Candrea,GrS 6, 192 [rotă « roue du potier »]), aroum. aroată (Pascu 1, 40 ; DDA2 ; BaraAroumain)2, istriot. ruda (DeanovićIstria 13 ; PellizzerRovigno ; AIS 1227 p 397)3, it. ruota (dp. 1286/1290 [atosc.], TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 1227), frioul. ruede (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1227 ; ASLEF 936 n° 4488), lad. roda (dp. 1763, Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 1227 ; ALD-I 677), romanch. rouda/roda (HWBRätoromanisch ; AIS 1227), fr. reue (dp. 10e s. [ruode], GdfC ; TL ; FEW 10, 490a [wall. pic. norm. ang. poit. bourg. lorr. frcomt.] ; TLF ; AND2 ; ALF 1170 [wall. pic. norm. ang. bourg. lorr. frcomt.])4, frpr. ˹['rua]˺ (dp. 1378 [rua], HafnerGrundzüge 46–48 ; FEW 10, 490a ; ALF 1170), occit. ròda (dp. ca 1188, BertrBornG 2, 678 ; Levy ; Pansier 3 ; 5 ; FEW 10, 490a ; ALF 1170), gasc. ˹arròda˺ (dp. 1376/1378 [arodes pl.], LespyR ; FEW 10, 490a ; CorominesAran 294 ; ALF 1170), cat. roda (dp. 1272, DCVB ; DECat 7, 366), esp. rueda (dp. 1220/1250, DCECH 5, 85 ; Kasten/Cody ; Kasten/Nitti), ast. rueda (dp. 1243, DELlAMs ; DGLA ; AriasPropuestes 1, 9), gal./port. roda (dp. 1300/1330 [« roue que fait le paon »], TMILG ; DRAG1 ; DDGM ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
|| 1 La datation de 1451 proposée par Tiktin3 concerne une attestation relevée dans un texte alloglotte slavon. 2 Pour des raisons phonétiques, dalm. ['rada] s.f. « roue » (BartoliDalmatisch 1, 251 § 144 ; 2, 36 ; ElmendorfVeglia) ne peut pas être héréditaire (la forme attendue serait *ruta, cf. BartoliDalmatisch 2, 332 § 289, 362 § 373) ; il semble s’agir d’un emprunt à vén. roda (cf. BartoliDalmatisch 1, 251 § 144). 3 Istriot. roda (AIS 1227 p 398) représente un emprunt au vénitien, cf. PellizzerRovigno. 4 Dans la langue standardisée contemporaine, cette forme régulière a été évincée par fr. roue (dp. 12e s. [roe], FEW 10, 490a ; TLF), dont l’explication est controversée : on évoque soit l’influence analogique d’unités de la même famille lexicale comme fr. rouelle, rouet ou rouer (BourciezPhonétique § 66 ; Bloch/Wartburg ; TLF), soit une évolution spécifique de la diphtongue originelle en hiatus devant voyelle finale atone (MeyerLübkeGrammatik 1, 192 ; FouchéPhonétique 1, 293 ; PopeFrench 203).
*/'rɔt-a/ s.f. | 615
Commentaire. – À l’exception du dalmate, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'rɔt-a/ s.f. « pièce de forme circulaire tournant sur un axe qui passe par son centre, roue »5. Le corrélat du latin écrit, rota, -ae s.f. « id. », est usuel durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], OLD). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 183–186, 302–303, 383, 433 ; REW3 s.v. rŏta ; Ernout/Meillet4 s.v. rota ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 137, 160, 178, 197, 307 ; 2, § 360–365, 378 ; von Wartburg 1962 in FEW 10, 490a-496a, ROTA ; Faré n° 7387 ; HallPhonology 88 ; SalaVocabularul 539 ; StefenelliSchicksal 266–267 ; MihăescuRomanité 279. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Victor CELAC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Anna CORNAGLIOTTI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Maria ILIESCU ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Uwe SCHMIDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 22/06/2012. Version actuelle : 31/08/2014.
|| 5 Protorom. */'rɔt-a/ a été emprunté par l’albanais (alb. rrotë « roue », cf. VătăşescuAlbaneză 336). En revanche, contrairement à ce qui est affirmé par le REW3, gall. rhod « roue » n’a pas été emprunté au protoroman : il s’agit d’un mot celtique héréditaire (cf. bret. rod, irl. roth « roue », PedersenKeltisch 1, 33 ; OLD ; Deshayes).
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*/'rʊmp-e-/ v.tr.dir./intr. « faire subir (à qch.) un processus de destruction par une séparation subite ; rendre cultivable (une terre en friche) par un premier labour ; survenir subitement (d’un phénomène naturel ou d’un événement) » I. Emploi transitif : « briser » */'rʊmp-e-re/ > sard. ˹rúppere˺ v.tr.dir. « faire subir (à qch.) un processus de destruction par une séparation subite, briser » (DES s.v. rúmpere [rúppidu part. p. « souffrant de hernie »] ; PittauDizionario 1)1, dacoroum. dial. ˹rumpe˺ (dp. 1500/1510 [date du ms. ; rrumpu prés. 1], Psalt. Hur.2 186 ; Tiktin3 ; EWRS ; DA/DLR [“învechit şi regional”] ; Cioranescu n° 7290 ; MDA ; ALR SN 1921)2, istroroum. rúpe (Byhan,JIRS 6, 332 ; FrăţilăIstroromân 1, 266), méglénoroum. rupiri (Candrea,GrS 6, 192 ; CapidanDicţionar s.v. rup ; AtanasovMeglenoromâna 233), aroum. arup (dp. ca 1760 [σε αροῦπε pron. prés. 3], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 5290 ; Pascu 1, 42 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1921 p 010)3, istriot. ˹rómpi˺ (PellizzerRovigno), it. rompere (dp. fin 13e s., DELI2 ; Faré n° 7442 ; AIS 1420, 1432 p 717 ; 1433 p 179, 640 ; 540 ; 1300 ; 1497a), frioul. rompi (dp. 1361 [roto part. p. f.], DurlìV 28 ; PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1300 p 328, 329, 357 ; ASLEF 483 n° 2353 ; 711 n° 3391 ; 752 n° 3518 ; 797 n° 3780 ; 927 n° 4359 ; 960 n° 4886 ; ALD-I 670), lad. rumpe (dp. 1763, Kramer/Thybussek in EWD ; AIS 1300 p 312 ; ALD-I 670), romanch. rumper (HWBRätoromanisch ; LRC ; AIS 1300 p 7, 19 ; ALD-I 670), fr. rompre (dp. ca 1100 [rumpre], RolS2 270 ; TL ; Gdf ; FEW 10, 565b575a ; TLF ; ANDEl ; ALF 742, 1162), frpr. rontre (dp. 1433/1434, HafnerGrundzüge 145 ; FEW 10, 565b ; ALF 1162)4, occit. ˹roumpre˺ (dp. 1060 [rumped prét. 3 « se brisa »], SFoiHA 1, 332 ; AppelChrestomathie ; Raynouard ; Levy ; FEW 10, 565b-566a ; ALF 1162), gasc. ˹arroùmpe˺ (dp. 1480 [s-arromp pron. prés. 3], MillardetRecueil 126 ; Palay ; FEW 10, 565b ; ALF 1162 p 650), cat. rompre (dp. 1233, DCVB ; DECat 7, 432), esp. romper (dp. 1140, Kasten/Cody ; DCECH 5, 62 ;
|| 1 Nous suivons Salvioni,RIL 42 et Wagner in DES pour voir dans sard. ˹rúppere˺ le résultat d’une influence analogique du radical du parfait. 2 Cette issue régulière a été évincée en dacoroumain standard par rupe (dp. 1857, DA/DLR). 3 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier présent. Pour ce qui est de la prothèse de /a-/ devant /-r/, elle est régulière (cf. CapidanAromânii 224). 4 La forme de cette issue n’est pas régulière ; elle a probablement subi l’influence analogique de ront prés. 3 (cf. von Wartburg in FEW 10, 574a n. 1).
*/'rʊmp-e-/ v.tr.dir./intr. | 617
NTLE ; Kasten/Nitti)5, ast. romper (dp. 1260 [ronpa, subj. prés. 3], DELlAMs ; DGLA), gal./port. romper (dp. 1228, DDGM ; DdD ; DRAG2 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
II. Emploi transitif : « défricher » */'rʊmp-e-re/ > logoud. rúpere v.tr.dir. « rendre cultivable (une terre en friche) par un premier labour, défricher » (DES s.v. rúmpere ; PittauDizionario 1 ; CasuVocabolario ; EspaLogudorese), istriot. ˹rómpi˺ (ILA n° 1114), it. rompere (GDLI), frioul. rompi (PironaN2), fr. rompre (dp. 1253, FEW 10, 568a ; TLF), frpr. rontre (FEW 10, 568a), occit. ˹roumpre˺ (dp. 1293 [rompan prés. 6], Levy ; FEW 10, 568a), gasc. ˹arroùmpe˺ (FEW 10, 568a ; ALG 250), cat. rompre (dp. 1315, DCVB), esp. romper (dp. 1490 [« labourer »], NTLE [Palencia 1490] ; DRAE22), ast. romper (dp. 1255 [rompan subj. prés. 6], DELlAMs ; DGLA), gal. romper (DRAG2), port. romper « ouvrir des sillons en retournant (la terre) avec un puissant outil à main ou tracté pour (l’)ameublir et (la) préparer à la culture, labourer » (Houaiss).
III. Emploi intransitif : « éclater » */'rʊmp-e-re/ > sard. ˹rúppere˺ intr. « survenir subitement (d’un phénomène naturel ou d’un événement), éclater » (PittauDizionario 1 ; CasuVocabolario ; EspaLogudorese), dacoroum. dial. ˹rumpe˺ intr./pron. « dépasser brusquement les bords de son lit et répandre ses eaux, déborder » (dp. 1581/1582 [rupseră-se pron. prét. 6], DA/DLR [“învechit şi regional”]), aroum. arupe intr. « éclater » (DDA2 [prés. 3]), it. rompere (dp. 13e s., GDLI ; DELI2), lad. rumpe (dp. 1895, EWD), romanch. rumper (LRC), cat. rompre (dp. 1497, DCVB), esp. romper « sortir avec impétuosité, jaillir » (dp. 1272/1275, Kasten/Nitti ; NTLE ; DRAE22), ast. romper (dp. 1145 [rronper], DELlAMs ; DGLA), gal. romper tr. « accomplir la première phase d‘une opération (de qch.), commencer » (DRAG2 [+ a + inf.]), port. romper (Houaiss).
|| 5 Les issues espagnoles, asturiennes, galiciennes et portugaises des verbes appartenant à la flexion en */'-e-/ du protoroman subissent régulièrement une réaffectation à celle en */-'e-/ ou en */-'i-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119, 126 ; WilliamsPortuguese § 148 ; LloydLatin 451–455).
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Commentaire. – À l’exception du végliote, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'rʊmp-e-/ v.tr.dir./intr. « faire subir (à qch.) un processus de destruction par une séparation subite, briser ; rendre cultivable (une terre en friche) par un premier labour, défricher ; survenir subitement (d’un phénomène naturel ou d’un événement), éclater ». Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les trois valeurs sémantiques qui leur sont attachées : « briser » (I.), « défricher » (II.) et « éclater » (III.). Le sens « briser » (I.) est primaire, car, d’une part, il est le seul à être attesté dans toutes les branches romanes et, d’autre part, il peut expliquer les autres acceptions : une métonymie est à la base du passage du sens « briser » au sens « défricher », et l’idée de violence et de rapidité inhérente au sens « briser » est à l’origine du sens figuré « éclater ». On notera que dans le sens « briser », protorom. */'rʊmp-e-/ se trouve dans un rapport de synonymie avec */'ɸranɡ-e-/. Le corrélat du latin écrit, rumpere v.tr./intr., présente, entre autres, deux sens qui correspondent à ceux de protorom. */'rʊmp-e-/ : « briser » (dp. Plaute [* 254 – † 184], OLD) et « éclater » (dp. Virgile [29 av. J.-Chr.], OLD). Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas, en revanche, de corrélat du type II. « défricher ». Du point de vue diasystémique (‛latin global’), le sens « défricher » est donc à considérer comme un particularisme (oralisme) du latin d’‛immédiat communicatif’, notamment de celui véhiculé par les paysans, qui n’ont pas eu accès au code écrit. Par ailleurs, l’apparition du sens « défricher » est à mettre en rapport avec le fait que */pre'skɪnd-e-/ « faire le premier labour », à en juger par sa survivance très limitée (cf. REW3 s.v. prŏscĭndĕre ; von Wartburg 1958 in FEW 9, 305b-306a, PRAESCINDERE ; Schmitt,RLiR 38), devait être peu utilisé à l’oral. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 404, 118 ; 2, § 124, 129 ; REW3 s.v. rŭmpĕre ; Ernout/Meillet4 s.v. rumpō ; von Wartburg 1962 in FEW 10, 565b-575a, RUMPERE ; LausbergLinguistica 1, § 183, 415 ; 2, § 879 ; HallPhonology 140 ; SalaVocabularul 539 ; StefenelliSchicksal 266 ; MihăescuRomanité 305. Signatures. – Rédaction : Mihaela-Mariana MORCOV. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Valentin TOMACHPOLSKI ; Rémy VIREDAZ. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Maria ILIESCU ; Giorgio MARRAPODI ; Simone PISANO. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Myriam BENARROCH ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Ulrike HEIDEMEIER ; Alexandra MESSALTI ; Anna NEY ; Fernando SÁNCHEZ MIRET.
*/sa'gɪtt-a/ s.f. | 619
Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 17/08/2014. Version actuelle : 29/08/2014.
*/sa'gɪtt-a/ s.f. « arme de trait composée d’une hampe de bois munie d’une pointe aiguë à une extrémité et d’un empennage à l’autre (et qu’on lance principalement à l’aide d’un arc) ; extrémité pointue d’un sarment de vigne auquel on a appliqué une taille courte ; lumière éblouissante accompagnant la décharge électrique des masses nuageuses, précédant le tonnerre et zébrant de façon variée un ciel d’orage » I. Sens primaire : « flèche » */sa'gɪtt-a/ > dacoroum. săgeată s.f. « arme de trait composée d’une hampe de bois munie d’une pointe aiguë à une extrémité et d’un empennage à l’autre (et qu’on lance principalement à l’aide d’un arc), flèche » (dp. 1500/1510, Psalt. Hur.2 135 ; Tiktin3 ; EWRS ; Cioranescu n° 7335 ; DLR ; MDA), aroum. sădzeată (Pascu 1, 151 ; DDA2 ; BaraAroumain)1, it. saetta (dp. 1252/1258 [sagecta], Vaccaro in TLIO ; DELI2)2, lad. saìta (dp. 1879, Kramer/Schlösser in EWD), fr. saiete (ca 1138 – 1606, Gdf ; FEW 11, 58ab [wall. « renoncule flammette »] ; TL ; AND1 ; ALF 308 p 429, 448, 459, 521, 540 [poit. « coin à fendre »]), frpr. ˹sayeta˺ (dp. 3e qu. 12e s., GirRossDécH 415 ; FEW 11, 58b [« pièce de tissu coupée en pointe »]), occit. sageta/saeta (dp. 3e qu. 12e s., BertrBornG 1, 394 [sajeta] ; Raynouard ; RonjatGrammaire 2, 106 ; FEW 11, 58a ; Pansier 3), béarn. sagete (dp. av. 1440 [« pointe d’une montagne »], DECat 7, 589 ; LespyR ; Palay), cat. litt. sageta (dp. 1265, DCVB ; MollSuplement n° 2928 ; DECat 7, 588–590), esp. saeta (dp. 1ère m. 13e s., DCECH 5, 124 ; Kasten/Nitti), ast. saeta (dp. 13e s., DELlAMs ; AriasPropuestes 2, 364 ; DGLA), gal./port. seta (dp. 1209 [saeta], DELP3 ; DDGM ; DRAG1 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
|| 1 Dalm. sajaita s.f., que le médiocre ElmendorfVeglia, qui prétend puiser ses sources dans REW3 et BartoliDalmatico, donne avec le signifié « flèche », n’est corroboré dans ce sens par aucune d’elles. 2 Logoud. saitta s.f., que REW3 et FEW 11, 59a donnent respectivement avec les signifiés « éclair » et « flèche », n’est corroboré dans ces sens ni par Spano1, ni par Wagner,AR 16, 115, ni par Wagner,AR 20, 358, ni par DES, ni par PittauDizionario 1. Du reste, Wagner,AR 16, 115, auquel FEW 11, 59a renvoie pourtant pour appuyer entre autres le sens de flèche, n’atteste en aucune manière ce sens et, pour ce qui concerne celui d’éclair, réfute catégoriquement REW3.
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II. Sens secondaire : « courson » */sa'gɪtt-a/ > sard. saítta s.f. « extrémité pointue d’un sarment de vigne auquel on a appliqué une taille courte, courson » (Wagner,AR 20, 358 ; DES ; PittauDizionario 1), esp. saeta (dp. 1823, DRAE7).
III. Calque sémantique du grec : « éclair » */sa'gɪtt-a/ > dalm. sajai̯ta s.f. « lumière éblouissante accompagnant la décharge électrique des masses nuageuses, précédant le tonnerre et zébrant de façon variée un ciel d’orage, éclair » (BartoliDalmatico 236, 269 § 81), istriot. saìta (PellizzerRovigno)3, it. saetta (dp. av. 1287/1288, Vaccaro in TLIO ; GDLI ; DELI2 ; AIS 393), frioul. saete (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 393 ; ASLEF 8 ; 52 n° 14), lad. saìta (dp. 1879, Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 393), ahaut-engad. seichta (HWBRätoromanisch)4, 5. Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */sa'gɪtt-a/ s.f. « arme de trait composée d’une hampe de bois munie d’une pointe aiguë à une extrémité et d’un empennage à l’autre (et qu’on lance principalement à l’aide d’un arc), flèche ; extrémité pointue d’un sarment de vigne auquel on a appliqué une taille courte, courson ; lumière éblouissante accompagnant la décharge électrique des masses nuageuses, précédant le tonnerre et zébrant de façon variée un ciel d’orage, éclair »6.
|| 3 En revanche, istriot. sayéta s.f. « tonnerre ; éclair » (AIS 393 p 398 ; PellizzerRovigno ; ILA n° 42) est un emprunt à une variété d’italien, probablement à l’émilien-romagnol (cf. AIS 393). Quant à istroroum. sayétę s.f. « éclair », il s’agit d’un emprunt au croate (cf. Byhan,JIRS 6, 333). 4 Romanch. sajetta (HWBRätoromanisch ; AIS 393) résulte d’un emprunt à ait. sajetta (HWBRätoromanisch ; EichenhoferLautlehre § 401a). 5 L’isolement aréal de baléar. satgeta s.f. « foudre » (ALDC 673 p 84 ; DECat 7, 588), localisé à Ibiza, à l’extrémité de routes de navigation reliant les Baléares à l’Italie, incite à regarder cette unité comme le résultat d’un calque approximatif d’it. saetta « éclair ». 6 Grbyz. σαγίττα s.f. « flèche » (MihăescuRomanité 381), les antécédents d’alb. shigjetë (VătăşescuAlbaneză 378 ; HaarmannAlbanisch 99 ; cf. aussi BonnetAlbanais 167 n. 6 qui, avec MeyerStudien 4, 57–58, estime que “[grbyz.] σαγίττα est toutefois possible autant que le latin directement [comme source d’alb. shigjetë]”), de bsq. zagita (Lhande), de corn. seth, de bret. saez (LothBrittoniques 204), de gall. saeth et d’irl. saiget (PedersenKeltisch 1, 216) seraient des emprunts à protorom. */sa'gɪtt-a/. En revanche, bretvann. seah « foudre » (dp. 1723, LothChalons 82 ; ErnaultVannes 203) est un calque sémantique de fr. litt. carreau « id. » (dp. 1625/1655, FEW 2, 1402b).
*/sa'gɪtt-a/ s.f. | 621
Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les trois valeurs sémantiques qui leur sont attachées : « flèche » (I.), « courson » (II.) et « éclair » (III.). Le type I. est commun à la plupart des branches romanes, à l’exception du dalmate, du sarde, du frioulan et du romanche. Le type II. n’est représenté qu’en sarde et en espagnol, tandis que le type III. se cantonne à une aire centrale constituée du dalmate, de l’istriote, de l’italien, du frioulan, du ladin et du romanche. Ces trois sens s’articulent selon des rapports d’analogie. Le type I. présente la plus grande extension aréale, ce qui incite à l’attribuer à une strate ancienne du protoroman et à considérer son sens comme primaire. Le sens II. s’y rattache secondairement par une analogie de forme entre l’extrémité perforante d’un fer de flèche et l’extrémité appointée d’un sarment de vigne taillé en courson. Le sens III. est également secondaire : il s’explique par une analogie de mouvement entre la course d’une flèche et la manifestation lumineuse de la foudre. Des considérations de géolinguistique historique et de philologie nous incitent à postuler l’antériorité de la première de ces deux extensions sémantiques sur la seconde. En effet, le sens du type II. n’a pu être développé qu’antérieurement à l’individuation du protoroman de Sardaigne, soit avant le 3e siècle (cf. Straka,RLiR 20, 256 ; Dardel,RLiR 49, 268) ; quant au sens du type III., absent du sarde mais couvrant l’Italie antiquo sensu, c’est un calque du grec dont témoigne la Vulgate par un hapax traductif7 et dont l’implantation dans le protoroman d’Italie ne saurait être intervenue qu’à une époque comprise entre la séparation du protoroman de Sardaigne et l’écriture de la Vulgate (début du 5e siècle au plus tard). Le trisémisme de protorom. */sa'gɪtt-a/ trouve son correspondant dans les données du latin écrit. Le corrélat sagitta s.f., connu durant toute l’Antiquité, présente, entre autres valeurs, trois sens correspondant à ceux du protoroman reconstruit : « flèche » (dp. Névius [* ca 270 – † 201], OLD ; cf. aussi DAGR 997b1001a), « extrémité d’un sarment de vigne taillée en pointe » (dp. Columelle [mil. 1er s. apr. J.-Chr.], OLD) et « éclair » (Vulgate [ca 390 – 406], Forcellini). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 70, 405, 510, 541 ; REW3 s.v. sagĭtta ; von Wartburg 1961 in FEW 11, 58a-60b, SAGITTA ; Ernout/Meillet4 s.v. sagitta ; || 7 Gr. βέλος s.n. « trait ; arme de jet » et particulièrement, dans des acceptions analogiques appartenant à la langue poétique, « faisceau de dards de feu en zigzags terminés par une flèche et qui constitue l’attribut des puissances divines ou guerrières, foudre » (Chantraine s.v. βάλλω) et « traits de la foudre » (Liddell/Scott), est rendu dans la Vulgate, dans ce dernier sens, par lat. sagitta : gr. “καὶ γὰρ τὰ βέλη σου διαπορεύονται” (Bible des Septante) > lat. “etenim sagittæ tuæ exeunt” (Vulgate), cf. HexaplarPsalter 77 v 17.
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LausbergSprachwissenschaft 1, § 167, 253 ; 2, § 306, 394–395, 492–493 ; HallPhonology 54 ; SalaVocabularul 200 ; MihăescuRomanité 381. Signatures. – Rédaction : Jérémie DELORME. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Victor CELAC ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Günter HOLTUS ; Florin-Teodor OLARIU ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Simone TRABER. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 01/03/2011. Version actuelle : 31/07/2014.
*/'salβi-a/ s.f. « plante ligneuse ou herbacée de la famille des Labiacées (Salvia officinalis et al. spp.) » */'salβi-a/ > dacoroum. salbie s.f. « plante ligneuse ou herbacée de la famille des Labiacées (Salvia officinalis et al. spp.), sauge » (dp. 1825, DLR s.v. salvie ; EWRS ; Tiktin3 s.v. sălvíe [“transylv.”] ; MDA s.v. salvie)1, 2, istriot. sávia (IveIstria 25 ; PellizzerRovigno ; ILA n° 1713 [« salvia comune »], 1862 [« salvia pratensis »]), it. salvia (dp. 1282, TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 1385*)3, frioul. salvie (PironaN2 ;
|| 1 Nous suivons EWRS, Tiktin1-Tiktin3 s.v. sălvíe (de façon dubitative : “sálbie könnte auch erbwörtlich sein”), Meyer-Lübke in REW3 et von Wartburg in FEW 11, 133a pour considérer dacoroum. salbie comme héréditaire, même si DLR s.v. salvie envisage un emprunt à l’allemand (“pentru salbie, salbai, cf. germ. Salbei”) et que MDA traite salbie comme une simple variante de salvie (cf. ci-dessous). Il n’y a en tout cas pas de difficulté phonétique (cf. MeyerLübkeGRS 1, § 508 : “vi̯ latin devient presque partout bi̯, toutefois les exemples manquent pour le roumain”). ‒ Par ailleurs, dacoroum. salvie représente un latinisme (Cioranescu n° 7386 [“la forma salvie, que no parece popular, puede ser un préstamo al lat. científico, en el s. XIX”] ; DLR ; DEX2 ; MDA). 2 Cioranescu n° 7366 propose “lat. *salva” pour expliquer port. salva s.f. « sauge » et dacoroum. salbă « collier ; ruban », salbă moale « evonymus pratensis ». Nous n’acceptons pas cette hypothèse, car d’une part les signifiés de salbă ne s’expliquent pas à partir de « sauge », d’autre part port. salva remonte régulièrement à */'salβi-a/ ([j] peut tomber après un groupe de consonnes, cf. HuberGramática § 234). 3 Sard. sálvia représente un emprunt à l’italien ou à l’espagnol (DES), mais on ne peut pas en tirer la conclusion que le sarde n’a jamais connu d’issue de protorom. */'salβi-a/.
*/'salβi-a/ s.f. | 623
GDBTF ; AIS 1385* p 357 ; ASLEF 102 n° 526), lad. sàlvia (MenegusDiz ; RossiVoc), romanch. salvgia (HWBRätoromanisch ; LRC), fr. sauge (dp. fin 11e s. [salje], TLF ; FEW 11, 132ab ; AND1 s.v. sage ; ALF 1195), frpr. ˹sarvə˺ (dp. av. 1722 [sarvi], FEW 11, 132b ; ALF 1195)4, occit. ˹sauvia˺ (dp. 1150 [salvia], Pansier 3 ; AppelChrestomathie 167 ; FEW 11, 132ab ; DAO n° 896 ; DAOSuppl n° 896 ; DAG n° 896 ; ALF 1195), gasc. ˹sàubio˺ (FEW 11, 132b ; BernhardAran 82 ; CorominesAran 668 [sàuvia] ; ALF 1195), cat. sàlvia (dp. 1429, DECat 7, 636 ; DCVB), esp. salvia (dp. ca 1275, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 5, 143), ast. salvia (AriasPropuestes 2, 367 ; DGLA ; DELlAMs), gal. xarxa (dp. 1745, DdD ; DRAG1), port. salva (dp. 1496/1500 [salua], CunhaVocabulário2 ; DELP3 ; Houaiss)5. Commentaire. – À l’exception du dalmate et du sarde (cf. n. 3), toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'salβi-a/ s.f. « plante ligneuse ou herbacée de la famille des Labiacées (Salvia officinalis et al. spp.), sauge »6. Le corrélat du latin écrit, saluia, -ae s.f. « id. », est connu depuis Pline (* 23 ‒ † 79, OLD ; AndréPlantes 224). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 302–305, 405, 477, 482, 508 ; REW3 s.v. salvia ; Ernout/Meillet4 s.v. saluia ; von Wartburg 1962 in FEW 11, 132a-133b, SALVIA ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 215, 217 ; 2, § 306, 373, 413, 474–477 ; HallPhonology 175 ; SalaVocabularul 546 ; MihăescuRomanité 61 ; LEIMatériaux. Signatures. – Rédaction : Jan REINHARDT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Georges DARMS ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS.
|| 4 Il n’est pas nécessaire de postuler, comme le fait von Wartburg in FEW 11, 133ab n. 1, un prototype */'sarβ-a/ pour expliquer les formes francoprovençales, parfaitement régulières (rhotacisme de */l/ devant consonne labiale, cf. HafnerGrundzüge 167). 5 Les deux attestations du 13e siècle mentionnées par CunhaVocabulário2 ne se rattachent pas à */'salβi-a/, mais (directement ou indirectement) à l’adjectif */'salβ-u/. – Cf. n. 2. 6 Selon Cioranescu n° 7366, alb. šabí serait emprunté au latin, mais cette hypothèse n’est pas confirmée par VătăşescuAlbaneză 185.
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Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/05/2011. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'sal-e/ s.m. « substance d’un goût piquant (formée de cristaux blanchâtres et solubles dans l’eau) qui sert à l’assaisonnement et à la conservation des aliments » I. Substantif masculin originel */'sal-e/ > sard. sále/sáli s.m. « substance d’un goût piquant (formée de cristaux blanchâtres et solubles dans l’eau) qui sert à l’assaisonnement et à la conservation des aliments, sel » (DES ; PittauDizionario 2 ; AIS 1009).
II. Substantif féminin innovant */'sal-e/ > dacoroum. sare s.f. « sel » (dp. 1551/1553, Tiktin3 ; EWRS ; Cioranescu n° 7452 ; MDA ; ALR SN 1104), istroroum. sare (MaiorescuIstria 146 ; PuşcariuIstroromâne 3, 132 ; SârbuIstroromân 270 [såre] ; FrăţilăIstroromân 1, 268 ; ALIstro n° 618a), méglénoroum. sari (Candrea,GrS 7, 195 ; CapidanDicţionar ; ALR SN 1104 p 012), aroum. sare (dp. 1770 [σάρε], KavalliotisProtopeiria n° 0442 ; Pascu 1, 150 ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1104 p 010), itsept. ˹sal˺ (RohlfsGrammStor 2, § 385 ; AIS 1009), sic. sáli (AIS 1009), oïl. mérid. sau (dp. 1572, MorelPoitevinrie 99 ; FEW 11, 76b ; ALF 1213 ; ALB 1494 ; ALFC 973), frpr. sal (dp. ca 1220/1230, ProsalegStimm 11 = HafnerGrundzüge 17 ; FEW 11, 76b ; ALF 1213 ; ALFSuppl 205), occit. sal (dp. ca 1143, BrunelChartes 50, 245 ; BrunelChartesSuppl 175 ; Raynouard ; Levy ; DAO n° 347 ; FEW 11, 76b ; Pansier 3 ; Pansier 5 ; ALF 1213 ; ALFSuppl 205), gasc. sau (dp. 1203 [ms. 1345 ; sal], DAG n° 347 ; CorominesAran 687 ; ALF 1213 ; Palay)1, cat. sal (dp. 1249, DCVB ; DECat 7, 603), esp. sal (dp. 14e s., NTLE ; DCECH 5, 130 ; Kasten/Cody ; DME ; Kasten/Nitti), ast. sal (dp. 1291, DELlAMs ; DGLA)2. || 1 Palay accorde les deux genres au substantif, mais LespyR considère le lexème comme uniquement féminin ; selon ce dernier, le genre masculin reflète une influence moderne et localisée du français. 2 L’asturien a connu depuis le Moyen Âge une hésitation quant au genre dans le substantif sal (cf. ci-dessous III.), comme dans certains autres substantifs désignant des entités non comptables comme lleche (cf. */'lakt-e/), llume, mar, miel ou encore sangre ; visiblement, cette hésitation du genre existait avant toute possibilité d’impact du castillan.
*/'sal-e/ s.m. | 625
III. Substantif masculin restauré */'sal-e/ > istriot. sal s.m. « sel » (PellizzerRovigno ; AIS 1009), it. sale (dp. 1233, DELI2 ; GAVI ; AIS 1009), frioul. sâl (dp. 1357 [sal], VicarioCarte 1, 84 ; PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1009 ; ASLEF 551 n° 2884), lad. sè (dp. 1763, Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 1009 ; ALD-I 679), romanch. sal/sel (dp. 1560 [haut-engad. sel], GartnerBifrun 663 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1009), fr. sel (dp. ca 1120, TLF ; GdfC ; FEW 11, 76b ; TL ; AND2 ; ALF 1213 ; ALFSuppl 205), ast. sal (dp. 914/924, DELlAMs ; DGLA), gal./port. sal (dp. 1220/1240, TMILG ; DDGM ; DELP3 ; Houaiss ; DdD ; DRAG1 ; CunhaVocabulário2)3. Commentaire. – À l’exception du dalmate, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'sal-e/ s.m. « substance d’un goût piquant (formée de cristaux blanchâtres et solubles dans l’eau) qui sert à l’assaisonnement et à la conservation des aliments, sel ». Les issues romanes de protorom. */'sal-e/ ont été subdivisées ci-dessus selon les deux genres dont elles relèvent. Elles confirment l’analyse de Robert de Dardel (Dardel,ACILR 14/2, 75–82 ; DardelGenre 14 ; DardelProtoroman 8), selon qui */'sal-e/ fait partie d’un groupe de substantifs originellement masculins passés au féminin dans une grande partie du domaine, dès l’époque protoromane (cf. */'ɸɛl-e/, */'lakt-e/, */'mar-e/, */'mɛl-e/ et */'sangu-e/). Le masculin persiste dans une zone isolée et excentrique (sarde) et se propage plus tard dans les zones avant conquises par le féminin. Le genre grammatical du substantif */'sal-e/ a donc connu la répartition spatio-temporelle suivante en roman commun : le masculin du protoroman */'sal-e/ (ci-dessus I., III.) englobe un large territoire non compact des parlers romans où il est présent tantôt comme la persistance du genre masculin originel (en sarde, ci-dessus I.), tantôt comme un fait plus tardif (ci-dessus III. : istriote, italien centro-méridional, frioulan, ladin, romanche, français, asturien, galicien et portugais). Le féminin (ci-dessus II.) caractérise deux aires continues mais séparées entre elles : dans la Romania orientale (tous les dialectes du roumain), d’une part, et dans la Romania occidentale (dialectes du nord de l’Italie, du sud-ouest et du sud-est du français, francoprovençal, occitan, gascon, catalan et espagnol), d’autre part. Seul l’asturien permet d’attester les deux genres pour le même idiome. Le corrélat du latin écrit du substantif masculin (ci-dessus I. et III.), sal, -is s.m. « id. », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Varron [* 116 – † 27], Er-
|| 3 La date de 1008 proposée par DDGM, DELP3 et Houaiss correspond à un texte en latin.
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nout/Meillet4 ; cf. aussi Forcellini ; OLD ; Gaffiot). Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas, en revanche, de corrélat du substantif féminin (ci-dessus II.). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 223, 225–226, 307, 405, 457 ; REW3 s.v. sal ; Ernout/Meillet4 s.v. sāl ; von Wartburg 1961 in FEW 11, 76b-85b, SAL ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 307, 385 ; HallPhonology 233 ; SalaVocabularul 540 ; StefenelliSchicksal 29 ; MihăescuRomanité 241. Signatures. – Rédaction : Yauheniya YAKUBOVICH. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du SudEst : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Ricarda LIVER ; Stella MEDORI. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Marta ANDRONACHE ; Simone AUGUSTIN ; Pascale BAUDINOT ; Georges DARMS ; Jérémie DELORME ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Günter HOLTUS ; Jan REINHARDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 22/07/2011. Version actuelle : 01/08/2014.
*/'s-βɔl-a-/ v.intr. « quitter un lieu en s’élevant dans l’air ; se mouvoir dans l’air » I. « quitter un lieu en s’élevant dans l’air » */s-βo'l-a-re/ > dacoroum. zbura v.intr. « quitter un lieu en s’élevant dans l’air, s’envoler » (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 165 ; Tiktin3 ; DLR ; MDA), aroum. asbór (DDA2 ; Pascu 1, 49)1, istriot. zbulá (DeanovićIstria 120 ; MihăescuRomanité 151), itsept. svolare (dp. 1ère m. 14e s. [atosc. svola prés. 3], TLIOCorpus ; GDLI ; DEI ; Faré n° 3115), afr. esvoler v.intr./pron. (fin 12e s. – 1594, FEW 14, 604a ; Gdf ; TL ; Gassmann in GPSR 6, 977 [encore frcomt. [evu’lɛ:]])2. || 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. La forme asbór présente une prothèse de a-, fréquente mais non régulière. 2 Nous reprenons la datation de ElieF du DEAF, malgré le FEW, qui date le texte du milieu du 13e siècle. Pour ce qui est de “judfr. esvolant « se répandant » Rs” (fin 11e s., FEW 14, 604a), cette attestation est douteuse (cf. RaschiD2 1, 62).
*/'s-βɔl-a-/ v.intr. | 627
II. « se mouvoir dans l’air » */s-βo'l-a-re/ > dacoroum. zbura v.intr. « se mouvoir dans l’air, voler ; être projeté dans l’air, voler » (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 99 ; Tiktin3 ; EWRS ; DLR ; Cioranescu n° 7517 ; MDA), aroum. asboáir (DDA2 ; Pascu 1, 49 ; BaraAroumain), dalm. *śvolúr « se mouvoir dans l’air » (BartoliDalmatico 222 § 9, 331, 433 § 439 [śvolúa impf. 6]), istriot. ˹zbulá˺ (Rosamani ; MihăescuRomanité 151 ; AIS 516 p 368, 378–379, 397–398), itsept. svolare (dp. 1ère m. 14e s. [atosc. svola prés. 3], TLIOCorpus ; Salvioni,RIL 32, 158 ; DEI ; GDLI ; PratiEtimologie 183 s.v. ʃvolare ; Faré n° 3115 ; AIS 516), frioul. svolâ (dp. 1484 [? ; suola prés. 3], Marchetti,CeFastu 17, 155 = DAroncoAntologia 77 ; PironaN2 ; GDBTF ; AIS 516 ; ASLEF 295 n° 963, 967), lad. jorè (dp. 1763, Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 516), romanch. svolar/ṣgular (HWBRätoromanisch ; LRC ; PeerDicziunari ; AIS 516). Commentaire. – À l’exception du sarde, du francoprovençal, de l’occitan, du gascon, du catalan, de l’espagnol, de l’asturien, du galicien et du portugais3, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'s-βɔl-a-/ (*[Is-'βɔl-a-]) v.intr. « quitter un lieu en s’élevant dans l’air, s’envoler ; se mouvoir dans l’air, voler », dérivé en */s-/, préfixe convoquant le sens de séparation (Leumann1 § 179 C 4 c δ ; CooperFormation 277–281 ; HallMorphology 152–153 ; cf. RohlfsHistGramm 3, § 1012 ; RonjatGrammaire 3, 444–446 ; NyropGrammaire 3, 223 ; Baiwir,BCRTD 85, 82–85), de protorom. */'βɔl-a-/. Les issues romanes ont été subdivisées selon un critère sémantique : d’une part celles qui présentent le sens inchoatif « s’envoler » (ci-dessus I.), d’autre part celles qui prennent en charge le sens duratif « voler » (ci-dessus II.). Les aires « s’envoler » (dacoroum. aroum. istriot. itsept. fr.) et « voler » (dacoroum. aroum. dalm. istriot. itsept. frioul. lad. romanch.) présentent une très large intersection et ne permettent pas de décider lequel des deux sens est premier. Mais le critère de la compositionnalité sémantique du dérivé conduit à considérer le sémème « s’envoler » comme premier, le sémème « voler » s’expliquant comme une conséquence de l’affaiblissement et de la neutralisation subséquente du sémantisme du préfixe */s-/ (cf. Leumann1 § 119 ; CooperFormation || 3 Les dérivés it. svolazzare « voleter çà et là » (DELI2), cat. esvolategar « agiter ses ailes bruyamment » (MollSuplement n° 1386 ; DCVB ; DECat 9, 360 s.v. volar), gal. esvoazar « battre des ailes » (DdD), port. esvoaçar « battre des ailes pour prendre son envol » (DELP3 ; Houaiss) témoignent de l’existence ancienne de continuateurs de protorom. */s-'βɔl-a-/ dans ces idiomes.
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277–281). Dans une bonne partie de la zone concernée (roum. dalm. frioul. lad. romanch.), les continuateurs de */'s-βɔl-a-/ ont ainsi supplanté ceux de */'βɔl-a-/. L’aréologie des deux séries de cognats assigne la formation de */'s-βɔl-a-/ à une strate relativemement ancienne du protoroman, datable entre le décrochage du protosarde (2e moitié du 2e siècle [?], cf. Straka,RLiR 20, 256) et celui du protoroumain (2e moitié 3e siècle selon RosettiIstoria 184 ; fin 3e siècle selon Straka,RLiR 20, 258)4. La répartition complémentaire, pour le sens « voler », des issues de */'βɔl-a-/ et de */'s-βɔl-a-/ sur tout le territoire de la Romania plaide également pour une organisation ancienne du système, de même que la continuité géographique de l’aire classée sous II. : sans doute la forme préfixée s’est-elle généralisée dans le sens « voler » dès avant la séparation linguistique de la Dacie. Si le latin écrit de l’Antiquité n’atteste pas le corrélat exact de */'s-βɔl-a-/, il connaît un corrélat approximatif, présentant une réalisation allomorphique du préfixe, du type I. : lat. evolare « s’envoler » (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], IEEDLatin s.v. volō ; OLD). En revanche, le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas de corrélat du type II. Dans le sens « voler », */'s-βɔl-a-/ est donc à considérer comme un particularisme du latin parlé (et donc probablement du latin d’‛immédiat communicatif’) qui n’a pas pénétré dans ses variétés écrites. Pour un complément d‘information, cf. */'βɔl-a-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 184, 219, 402, 416, 457 ; 2, § 604 ; REW3 s.v. *exvŏlāre ; von Wartburg 1961 in FEW 14, 598b-608b, VOLARE ; Ernout/Meillet4 s.v. uolō ; LausbergLinguistica 1, § 175, 253, 300–301, 385 ; Faré n° 9431 ; SalaVocabularul 596 ; DOLR 3 (1993), 106 ; MihăescuRomanité 200 ; Baiwir,BCRTD 85, 82–85 ; Gouvert,DÉRom 1, 125 et n. 33. Signatures. – Rédaction : Esther BAIWIR. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Xavier GOUVERT ; Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Rosario COLUCCIA ; Maria ILIESCU ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Giorgio CADORINI ; Jérémie DELORME ; Christoph GROß ; Ulrike HEIDEMEIER ; Pascale RENDERS ; Wolfgang SCHWEICKARD ; Nikola VULETIĆ.
|| 4 À noter que le roumain ne connaît pas de préfixe productif issu de */s-/ (Vasiliu,SCL 6 ; MihăescuLangue 26).
*/'skriβ-e-/ v.tr. | 629
Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 20/04/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'skriβ-e-/ v.tr. « tracer et assembler (les signes d’un système d’écriture) » */'skriβ-e-re/ > sard. iskriƀere v.tr. « tracer et assembler (les signes d’un système d’écriture), écrire » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1662), dacoroum. scrie (dp. 1500/1510 [scrie-va fut. 3], Psalt. Hur.2 120 [date du ms.] ; Tiktin3 ; EWRS s.v. scriŭ ; DLR ; Cioranescu n° 7610 ; MDA ; ALR SN 1935–1937, 2008)1, aroum. scriu (dp. 1770 [σκρίου prés. 1], KavalliotisProtopeiria n° 0961 ; Pascu 1, 154 s.v. scriire ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALR SN 1935–1937, 2008 p 010)2, dalm. scrivru (BartoliDalmatisch 2, 100 ; ElmendorfVeglia)3, istriot. skreivi (MihăescuRomanité 277, 526 ; AIS 1662), it. scrivere (dp. déb. 13e s., TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 1662), frioul. scrivi (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1662 ; ASLEF 433 n° 1958), lad. scriver (dp. 1763 [schrì], Kramer/Schlösser in EWD s.v. scrì ; AIS 1662 ; ALD-I 702), romanch. scriver (dp. 1560, GartnerBifrun 117 ; HWBRätoromanisch ; AIS 1662), afr. escrivre (1185 – ca 1402, FEW 11, 331b ; GdfC s.v. escrire ; AND2)4, frpr. ecrire (dp. 1er qu. 12e s., AlexAlbZ 411 [escrit part. p.] ; Voillat in GPSR 6, 109 ; FEW 11, 331b ; ALF 446)5, occit. escriure (dp. ca 1100, AppelChrestomathie 148 ; Raynouard ; Levy ; Pansier 3 ; BrunelChartes 14 ; BrunelChartesSuppl 29 ; FEW 11, 332a ; ALF 446), gasc. escriber (dp. ca 1114 [escriuer ; ms. 13e s.], CartBigRC 200 ; Palay s.v. escrìbe ; FEW 11, 331b ; CorominesAran 161 s.v. escriue ; ALF 446 ; ALG 1793), cat. escriure (dp. 4e qu. 11e s. [escrit part. p.], CICA ; DCVB ; DECat 3, 560), esp. escribir (dp. 1100 [escrivir], DCECH 2, 711 ; Kasten/Cody ; DME s.v. escrebir ; Kas-
|| 1 SârbuIstroromân 272 et ScărlătoiuIstroromânii 301 enregistrent istroroum. scrie « écrire », mais ces témoignages sont douteux (il pourrait s’agir de dacoroumain, cf. ScărlătoiuIstroromânii 301). 2 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. 3 Nous ne suivons pas ElmendorfVeglia, qui suppose un emprunt à l’italien, même si la voyelle /i/ résulte probablement de l’influence de l’italien ou du vénitien (l’évolution régulière aurait abouti à *skrevro). 4 Cette issue régulière a été refaite très tôt sur fr. lire (cf. FouchéVerbe 95) : afr. escrire (> fr. écrire) est attesté dès la fin du 11e siècle (GdfC ; FEW 11, 331b). 5 La forme de l’infinitif apparaît refaite sur lire dès les plus anciens textes (GirRossDécH 131, 437).
630 | 1. Articles ten/Nitti)6, ast. escribir (dp. 1128 [escrivimos prés. ou prét. 4], DELlAMs ; DGLA), gal. escribir/port. escrever (dp. av. 1254 [scriuj prét. 1], DDGM ; DRAG2 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'skriβ-e-/ v.tr. « tracer et assembler (les signes d’un système d’écriture), écrire ». Le corrélat du latin écrit, scribere « id. », est attesté durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], cf. OLD). Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 31, 442 ; 2, § 129 ; REW3 s.v. scrībĕre ; Ernout/Meillet4 s.v. scribo ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 166 ; 2, § 353–355, 365 ; Müller 1963 in FEW 11, 331b-336b, SCRIBERE ; HallPhonology 2, 160 ; SalaVocabularul 540 ; StefenelliSchicksal 266–267 ; MihăescuRomanité 277. Signatures. – Rédaction : Christoph GROß. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Anna CORNAGLIOTTI ; Maria ILIESCU ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Uwe SCHMIDT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 26/06/2013. Version actuelle : 17/08/2014.
|| 6 Les issues espagnoles, asturiennes, galiciennes et portugaises des verbes appartenant à la flexion en */'-e-/ du protoroman ont subi régulièrement une réaffectation à celle en */-'e-/ ou en */-'i-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119, 126 ; WilliamsPortuguese § 148 ; LloydLatin 451–455).
*/'sparg-e-/ v.tr. | 631
*/'sparg-e-/ v.tr. « répartir en plusieurs endroits ; porter à la connaissance d’un large public » I. Sens « disperser » */'sparg-e-re/ > sard. [i'spargere] v.tr. « répartir en plusieurs endroits, disperser » (Wagner,AR 24, 27 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 1395 ; Spano1 ; CasuVocabolario), dacoroum. pop. sparge (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 131 ; Tiktin3 ; EWRS ; DA/DLR ; Cioranescu n° 8047 ; MDA ; ALR SN 215, 1458 [« casser »] ; ALRR – M 948 p 222, 228 ; NALR – B 347 p 64 ; ALRR – MD 524 p 774 ; NALR – O 313 p 979), istroroum. spårge (CantemirTexte 180 = FrăţilăIstroromân 1, 280–281 ; Byhan,JIRS 6, 349 [spǫ́rže « casser »] ; PuşcariuIstroromâne 3, 134 [spårže « casser »] ; SârbuIstroromân 277 [spårje « casser »] ; KovačecRječnik 179 [« casser »]), méglénoroum. spardziri « mettre en morceaux, casser » (Candrea,GrS 7, 201 ; CapidanDicţionar s.v. sparg ; AtanasovMeglenoromâna 45, 81, 82, 83, 108, 110)1, aroum. spargu « disperser » (dp. 1760 [ἀσπάρτζε prés. 3 « détruit »], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0605 ; KavalliotisProtopeiria n° 0800 ; DDA2 ; Pascu 1, 44 s.v. a’spardzire [« dépenser »] ; BaraAroumain [« briser »])2, it. spargere (dp. 1ère m. 13e s., TLIOCorpus ; DELI2 ; Faré n° 8120 ; GAVI ; AIS 140 p 544, 1180 p 654, 1395 ; GDLI ; VS)3, oïl. espardre (11e – 17e s., TL ; Gdf ; FEW 12, 133a-133b [wall. pic. lorr.] ; ANDEl), lyonn. epady (hap. 17e s., FEW 12, 133b)4, occit. ˹espàrger˺ (dp. 1180/1200, ArnDanT 362 = Raynouard [s’esparga pron. subj. prés. 3] ; Levy ; AppelChrestomathie ; FEW 12, 133a-133b), gasc. [esp'arʒe] (FEW 12, 133b ; CorominesAran 450), cat. espargir (dp. 1429 [intr. « se
|| 1 Le sens étymologique est conservé dans la locution-phrase vinì la spartă păzărişte « il est venu trop tard (litt. une fois la foire dispersée) » (CapidanDicţionar s.v. sparg). 2 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier présent. 3 Le ladin n’a pas maintenu protorom. */'sparg-e-/, mais le dérivé spersa s.f. « base, plan inférieur, superficie » (< part. p. f., Gsell,Ladinia 15, 145) laisse à penser que l’étymon a eu une descendance ladine à date prélittéraire. Par ailleurs, nous suivons HWBRätoromanisch pour considérer romanch. spạrger comme un emprunt à it. spargere. 4 FEW 12, 133b considère lyonn. [Lantignié-en-Beaujolais] ẹpędr comme une issue de */'sparg-e-/. Or la présence de la voyelle [ę] au lieu de [a] montre qu’il s’agit plutôt d’un continuateur de protorom. */e'spand-e-/, comme le montre la correspondance entre lyonn. [ε] et fr. [ã] : lyonn. pèdre/fr. pendre, lyonn. pèdè/fr. pendant, lyonn. vèdr/fr. vendre (cf. DescroixGlossaire). Pour ce qui est de frpr. epady, ce lexème s’explique par une réfection par attraction de la flexion en */-'i-/. Actuellement, les continuateurs de protorom. */'sparg-e-/ ne subsistent en francoprovençal qu’à travers des lexèmes croisés avec le verbe asperger (Gassmann in GPSR 6, 563 ; Aebischer/Jeanjaquet in GPSR 2, 57).
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disperser »], DCVB ; DECat 3, 613), aesp. esparzer (1237 – 1284/1345, DCECH 2, 737 [esparçir] ; DME ; Kasten/Nitti)5, ast. esparder (dp. 1274 [se esparzian pron. subj. 6], DELlAMs ; DGLA), gal. esparxer/aport. dial. esparger (dp. 13e s., DDGM [Trás-os-Montes] ; DRAG2 [esparexer] ; CunhaVocabulário2 ; DELP3 ; Houaiss ; FEW 12, 135a = KrügerSanabrias 239 [Trás-os-Montes]).
II. Sens « divulguer » */'sparg-e-re/ > logoud. ispàrghere v.tr. « porter à la connaissance d’un large public, divulguer » (Spano1 ; CasuVocabolario), it. spargere (dp. 2e m. 13e s., TLIOCorpus ; DELI2 ; GAVI ; DEI ; VS), afr. espardre (fin 12e s. – 1461/1472, TL ; Gdf ; DMF2012), aoccit. ˹espàrger˺ (1162/1173 [esparser]6, Levy), cat. espargir (dp. 17e s., DCVB), aesp. esparzer (1280 [esparzudo part. p.], Kasten/Nitti), ast. esparder (dp. 13e s. [esparzudo part. p.], DELlAMs ; DGLA ; DALlA), port. espargir (dp. 15e s., CunhaVocabulário2 ; Houaiss). Commentaire. – À l’exception du dalmate, du frioulan et du romanche (pour la situation particulière du ladin, cf. n. 3), toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'sparg-e-/ v.tr. « répartir en plusieurs endroits, disperser ; porter à la connaissance d’un large public, divulguer ». Les issues romanes ont été subdivisées selon les deux principales valeurs sémantiques qui leur sont attachées : « disperser » (I.) et « divulguer » (II.). La répartition aréologique ne permet pas de déterminer la chronologie relative de ces deux sens en protoroman. En revanche, une analyse sémantique interne amène à considérer le sens « divulguer » comme le résultat du passage du concret (disperser par exemple un liquide) à l’abstrait (divulger une information).
|| 5 Aesp. esparzer a été évincé par esparcir (dp. 1611, NTLE ; DRAE22) : les issues espagnoles, asturiennes, galiciennes et portugaises des verbes appartenant à la flexion en */'-e-/ du protoroman subissent régulièrement une réaffectation à celle en */-'e-/ ou en */-'i-/ (cf. MeyerLübkeGLR 2, § 119, 126 ; WilliamsPortuguese § 148 ; LloydLatin 451–455). Par ailleurs, nous suivons Malkiel,DirectionsSymposium 42, 48 pour considérer aesp. esparzer comme une issue non régulière de protorom. */'sparg-e-/, car le résultat attendu serait *esparyer : le iod a été remplacé par /z/ sous l’influence des paradigmes verbaux présentant une alternance /g/ ~ /z/ du type digo ~ dizes. 6 Comme aesp. esparzer, aoccit. esparser s’explique par une réfection sur le modèle des paradigmes verbaux présentant une alternance /g/ ~ /z/ (cf. Malkiel,DirectionsSymposium 43 et cidessus n. 5).
*/'sʊrd-u/ adj. | 633
Les données du latin écrit sont cohérentes avec le résultat de la reconstruction. Le corrélat du latin écrit, spargere v.tr., présente, entre autres, le sens « disperser » (dp. Ennius [* 239 – † 169], OLD) et, plus tardivement, « divulguer » (dp. Virgile [* 70 – † 19]), OLD). Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 221, 256–258, 468, 474 ; 2, § 124 ; REW3 s.v. spargĕre ; von Wartburg 1963 in FEW 12, 133a-135b, SPARGERE ; Ernout/ Meillet4 s.v. spargere ; LausbergLinguistica 1, § 173–175, 314, 353–355, 408, 410 ; SalaVocabularul 550 ; StefenelliSchicksal 268 ; MihăescuRomanité 305. Signatures. – Rédaction : Mihaela-Mariana MORCOV. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Cristina FLORESCU ; August KOVAČEC ; Elton PRIFTI. Italoromania : Maria ILIESCU ; Giorgio MARRAPODI ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Myriam BENARROCH ; Pascale BAUDINOT ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Estelle DEMANGE ; Steven N. DWORKIN ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Ulrike HEIDEMEIER ; Florin-Teodor OLARIU ; Paul VIDESOTT. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 02/01/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'sʊrd-u/ adj. « qui (par défaut de l’ouïe ou par un choix délibéré) n’entend pas ou mal ; qu’on entend mal » */'sʊrd-u/ > sard. surdu adj. « qui (par défaut de l’ouïe ou par un choix délibéré) n’entend pas ou mal, sourd ; qu’on entend mal, sourd » (dp. ca 1112/1120, BlascoCrestomazia 1, 104 ; DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 190), dacoroum. surd (dp. 17e s., Tiktin3 ; EWRS ; DLR ; Graur,BL 5, 114 ; Cioranescu n° 8382 ; MDA ; Mihăilă, D. 160 ; ALRR – Sinteză 64, 65, 66), istroroum. surd (Byhan,JIRS 6, 357 ; PuşcariuIstroromâne 3, 135 ; FrăţilăIstroromân 1, 288), méglénoroum. surdu (Candrea,GrS 7, 205 ; CapidanDicţionar ; WildSprachatlas 195 p 1–2 ; AtanasovMeglenoromâna 87, 99, 185, 208, 234 ; ALDM 1, 85), aroum. surdu (dp. 1770 [σούρντου], KavalliotisProtopeiria n° 1007 ; Pascu 1, 164 ; DDA2 ; BaraA-
634 | 1. Articles roumain), dalm. ˹sort˺ (BartoliDalmatico 329 ; ElmendorfVeglia)1, istriot. ˹surdo˺ (AIS 190), it. sordo (dp. fin 12e s. [avén.], TLIOCorpus ; DELI2 ; GAVI ; TLAVI ; AIS 190), frioul. sort (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 190 ; ASLEF 392), lad. surt (dp. 1763 [surd], Kramer/Schlösser in EWD ; AIS 190 ; ALD-I 751, 752), romanch. suord (dp. 1560, GartnerBifrun 111 ; HWBRätoromanisch ; LRC ; AIS 190), fr. sourd (dp. fin 11e s. [surz c.s.], AlexisS2 551 = TLF ; FEW 12, 452a ; TL ; ANDEl ; ALF 1258)2, frpr. ˹sor˺ (dp. 1ère m. 13e s. [sorz c.s.], SommeCode 82 ; FEW 12, 452a ; ALF 1258), occit. sort (1100/1110 [sorda f.], AppelChrestomathie 149 ; Raynouard ; FEW 12, 452a ; Pansier 4 ; ALF 1258), gasc. ˹sourd˺ (dp. 1489 [date du ms.], DAG n° 1602 ; FEW 12, 452b ; CorominesAran 706 ; ALF 1258 ; ALG 2515), cat. sord (dp. fin 13e s. [sort], DCVB ; DECat 8, 78–80), esp. sordo (dp. 1140/1235, CORDE ; Kasten/Cody ; DCECH 5, 310–311 ; Kasten/Nitti), ast. sordu (dp. 1331, DELlAMs ; DGLA), gal. xordo/aport. sordo (dp. 1264/1284 [sordo], TMILG ; DDGM ; DRAG2 ; DELP3 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2 ; DCECH 5, 310)3. Commentaire. – Tous les parlers romans sans exception présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'sʊrd-u/ adj. « qui (par défaut de l’ouïe ou par un choix délibéré) n’entend pas ou mal, sourd ; qu’on entend mal, sourd »4, 5. Le corrélat du latin écrit, surdus adj. « sourd », est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], OLD ; Ernout/Meillet4 s.v. surdus -a um ; IEEDLatin s.v. surdus). Par ailleurs, lat. surdus connaissait aussi le sens || 1 Nous ne suivons pas ElmendorfVeglia, qui, sans fournir d’arguments, considère les issues dalmates comme des italianismes. 2 Nous reprenons la datation de AlexisS2 par le DEAF, malgré le TLF, qui date le texte du milieu du 11e siècle. Quant au type lorr. ['ʃur], frpr. centr. ['ʃor], gasc. ['ʃurd], il semble se rattacher à protorom. */s-'sʊrd-u/ (cf. von Wartburg in FEW 12, 456b). 3 L’évolution phonétique de gal. xordo s’expliquerait “como palatalización espontánea (no del todo excepcional en gallego, cf. xastre, xostra, xabre, xabrón y alguno más” (DCECH 5, 310 ; cf. aussi ValleTrueque 81–86 ; DELlAMs). Pour port. surdo (dp. 13e s., CunhaVocabulário2), cf. MeyerLübkeGLR 1, § 147 ; WilliamsPortuguês § 100, 38. 4 Dans toutes les variétés ayant hérité du protolexème, l’adjectif, appliqué à des référents humains, tend aussi à être utilisé comme substantif. 5 Le lexème semble avoir été emprunté par l’albanais (alb. shurdhër « sourd », BonnetAlbanais 44, 168, 215, 294 ; IEEDAlbanian). En revanche, le rattachement de gall. swrth « apathique, endormi » à lat. surdus, conjecture proposée par Schuchardt,LGRP 14, 95 (> FEW 12, 456b), est peu probable, ne serait-ce que pour des raisons d’ordre phonétique, le passage -rd- > -rthn’étant pas documenté ailleurs (cf. HaarmannKymrisch 101, 106, 116). On observera au demeurant que pour exprimer le sens « sourd », toutes les langues néo-celtiques ont le même type qu’airl. bodar « sourd » (LEIA B-64–65).
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« indistinct, faible » (dp. Pline l’Ancien [* 23 – † 79], OLD), qui n’est pas continué par les idiomes romans. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 118–126, 139, 141–143, 148, 405, 417, 474– 475 ; REW3 s.v. sŭrdus ; Ernout/Meillet4 s.v. surdus -a -um ; von Wartburg 1966 in FEW 12, 452a-458a, SURDUS ; LausbergLingüística 1, § 183, 408–410 ; 2, § 668 ; HallPhonology 31, 135 ; SalaVocabularul 540 ; MihăescuRomanité 219. Signatures. – Rédaction : Marco MAGGIORE. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Pierre SWIGGERS ; Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; August KOVAČEC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Maria ILIESCU ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Steven N. DWORKIN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Myriam BERGERONMAGUIRE ; Victor CELAC ; Jérémie DELORME ; Cristina FLORESCU ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Yan GREUB ; Ulrike HEIDEMEIER ; Günter HOLTUS ; Mihaela-Mariana MORCOV ; Elton PRIFTI ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET ; Rémy VIREDAZ. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 04/01/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/ti'tion-e/ s.m. « morceau de bois incandescent ; maladie des céréales d’origine cryptogamique qui les convertit en poussière noirâtre » I. Sens « tison » */ti'tion-e/ > sard. tiθθone s.m. « morceau de bois incandescent, tison » (DES ; PittauDizionario 1 ; AIS 925), dacoroum. tăciune (dp. 1620, Tiktin3 ; EWRS ; Cioranescu n° 8443 ; DLR ; MDA ; SalaPhonétique 166, 225 ; ALR SN 1214 p 182, 250, 346, 520, 848)1, istroroum. tačuru (PuşcariuIstroromâne 3, 136 ; FrăţilăIstroromân 1, 293)2, méglénoroum. tăčuni (Candrea,GrS 7, 208 ; CapidanDicţio-
|| 1 La date de 1591 avancée par Tiktin3 correspond à une attestation où tăciune représente un anthroponyme. 2 Avec changement de déclinaison idioroman.
636 | 1. Articles nar s.v. tătšiuni ; AtanasovMeglenoromâna 196, 201, 283)3, aroum. tăciune (Pascu 1, 168 ; DDA2 ; BaraAroumain)4, it. tizzone (dp. 1288, GAVI ; Merlo,AUTosc 44, 85 ; DELI2 ; RohlfsGrammStor 1, § 289 ; TLIOCorpus ; AIS 925), frioul. stiçon (GDBTF s.v. stiç ; PironaN2 [“Aggiunte e correzioni” s.v. stithon] ; AIS 925 p 328– 329 ; ASLEF 399 n° 1708 [« brûlure d’estomac »])5, lad. ˹tizon˺ (dp. 1879, Kramer/Fiacre in EWD s.v. tìza ; AIS 925 p 307, 310–311, 316, 322–323, 332), romanch. tizun (HWBRätoromanisch ; AIS 925 p 9–10, 13, 17, 19), fr. tison (dp. ca 1180 [tisun], TLF ; FEW 13/1, 356ab ; Gdf ; GdfC ; TL ; AND1 s.v. tisun1 ; ALF 1721), frpr. ˹tezon˺ (dp. 1276 [tison], DevauxEssai 70 ; FEW 13/1, 356ab ; ALF 1721), occit. ˹tizon˺ (dp. ca 1060 [tizun c.s. pl.], SFoiHA 1, 333 = Levy ; Raynouard ; AppelChrestomathie ; FEW 13/1, 356ab ; ALF 1721), gasc. ˹tisoû˺ (Raynouard ; FEW 13/1, 356b ; Palay ; CorominesAran 720 ; ALF 1721), cat. tió (dp. ca 1271/1274, DCVB ; MollSuplement n° 3234 ; DECat 8, 495), esp. tizón (dp. 1235, DME ; Kasten/Cody ; DCECH 5, 512 ; NTLE), ast. tizón (dp. 17e s., DELlAMs ; DGLA), gal. tizón/port. tição (dp. ca 1260 [tiçon], DDGM ; DRAG1 [sens secondaires] ; DELP3 ; Houaiss).
II. Sens « charbon (maladie des céréales) » */ti'tion-e/ > logoud. θiθθone s.m. « maladie des céréales d’origine cryptogamique qui les convertit en poussière noirâtre, charbon » (DES)6, dacoroum. tăciune (dp. ca 1650, DLR ; Tiktin3 ; EWRS ; Cioranescu n° 8443 ; MDA ; ALR SN 111), aroum. tăciune (Pascu 1, 168 ; DDA2), cal. tizzune (DTC)7, sic. tizzuni (VS [Capizzi, province de Messina]), frioul. stiçon (comm. pers. William Cisilin ; Valentino de Bean), esp. tizón (1801, CORDE), ast. tizón (DGLA ; DELlAMs). Commentaire. – À l’exception du dalmate, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */ti'tion-e/ s.m. « mor-
|| 3 Le genre féminin indiqué par CapidanDicţionar est erroné : son exemple atteste le masculin. 4 L’initiale d’istriot. ˹steîso˺ (PellizzerRovigno ; AIS 925 p 368, 378, 397–398 ; ILA n° 581) oriente vers une analyse en tant qu’emprunt au frioulan. 5 Frioul. stiçon présente une prothèse de /s-/, qui constitue un phénomène très diffusé en frioulan (cf. Ascoli,AGI 1, 531–532). 6 Avec assimilation régressive (DES). 7 Cf. aussi le dérivé salent. tizzunara s.f. « id. » (VDS), qui présuppose l’existence ancienne du simple.
*/ti'tion-e/ s.m. | 637
ceau de bois incandescent, tison ; maladie des céréales d’origine cryptogamique qui les convertit en poussière noirâtre, charbon »8. Les issues romanes ont été subdivisées ci-dessus selon les deux sens qu’elles présentent : « tison » (I.) et « charbon (maladie des céréales) » (II.). Le premier sens, très majoritaire, couvre l’ensemble de l’espace occupé par le lexème, tandis que le second est restreint au roumain, au calabrais (pour le salentin, cf. n. 6), au sicilien, au sarde, au frioulan, à l’espagnol et à l’asturien. Le second sens peut également être reconstruit dans la protolangue, car il se retrouve dans les trois grands ensembles génétiques de la Romania : le sarde, le roumain et la Romania italo-occidentale (cf. Jud,R 50, 606 ; FEW 13/1, 359a). En outre, le fait qu’il soit restreint à des aires latérales à l’échelle de la Romania (roum. esp. ast.) ou de l’Italie (calabr. sic. sard. frioul.), voire à des aires à la fois latérales et isolées (sic. sard.), révèle son ancienneté. Si l’analyse aréologique ne permet donc pas de déterminer la chronologie des sens, l’analyse sémantique amène à considérer le sens « charbon (maladie des céréales) » comme un développement métaphorique à partir du sens « tison » ; en effet, le charbon donne aux plantes un aspect carbonisé9. Le corrélat du latin écrit de I., titio, -onis s.m. « tison », est connu depuis Varron (* 116 – † 27, OLD ; “mot populaire d’après Lactance”, Ernout/Meillet4)10. Le latin écrit de l’Antiquité ne connaît pas, en revanche, de corrélat de II. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 118–119, 135, 306–307, 350, 404–405, 450, 454, 509 ; REW3 s.v. tītio, -ōne ; Ernout/Meillet4 s.v. tītiō, -ōnis ; LausbergLinguistica 1, § 179–182, 231–235, 253, 273, 304, 405, 452–455 ; Müller 1966 in FEW 13/1, 356a-359b, TITIO ; HallPhonology 148 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 255.
|| 8 Dans certains idiomes de la Romania centrale (it. frioul. lad.), les issues de */ti'tion-e/ ont été ressenties comme des dérivés, ce qui a généré l’apparition de rétroformations de type ˹tizzo˺ (cf. Kramer/Fiacre in EWD s.v. tìza). 9 It. carbone s.m. « maladie de diverses plantes » (dp. 1759, Suani/Tressel/Hohnerlein in LEI 11, 1439, CARBO I 2 e1 α) et fr. charbon (dp. 1701, TLF ; Poppe in FEW 2, 358b, CARBO III 3) représentent des évolutions sémantiques à partir de noms de maladies humaines (bubon et anthrax). On ne peut donc pas établir de parallèle sémantique direct entre ces dénominations de maladies de plantes et le sens II. de */ti'tion-e/, ce qui incite à écarter l’hypothèse d’un développement métaphorique spontané d’époque idioromane. 10 Le protoroman ne connaît pas de corrélat ( REW3 ; FEW) de lat. torris « tison » (“mot rare et poétique”, Ernout/Meillet4 s.v. torreō).
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Signatures. – Rédaction : Élodie JACTEL ; Éva BUCHI. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du SudEst : Victor CELAC ; Cristina FLORESCU. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Wolfgang SCHWEICKARD. – Contributions ponctuelles : Georges DARMS ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Günter HOLTUS ; Maria ILIESCU ; Nikola VULETIĆ. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 18/06/2012. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'tɔn-a-/ v.impers./intr. « faire du tonnerre ; faire éclater le tonnerre » I. Type originel */to'n-a-re/ > dacoroum. tuna v.impers./intr. « faire du tonnerre, tonner ; faire éclater le tonnerre, tonner » (dp. 1500/1510 [date du ms. ; tunră prés. 3], Psalt. Hur.2 99, 109 ; Tiktin3 ; EWRS ; DLR ; Cioranescu n° 8980 ; MDA), méglénoroum. tuna impers. (Candrea,GrS 7, 213 ; CapidanDicţionar ; WildSprachatlas 38 ; AtanasovMeglenoromâna 67), aroum. túnă (Pascu 1, 173 ; DDA2 ; BaraAroumain)1, végl. tonúr(o) (BartoliDalmatico 269 § 81, 332 ; ElmendorfVeglia), istriot. tonar (Rosamani), it. centr. tonare impers./intr. (dp. ca 1282 [atosc. ; v.absol.], TLIOCorpus ; DELI2 ; Nocentini ; AIS 396 [dont tosc. laz.])2, frioul. tonâ (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 396), lad. tonè (dp. 1763 [tonè prés. 3], Kramer/Fiacre in EWD ; AIS 396 ; ALD-I 824), romanch. tunar (HWBRätoromanisch ; AIS 396), fr. tonner (dp. ca 1155, TLF ; GdfC ; ALF 1315), frpr. tonar (FEW 13/2, 23a-24b ; HafnerGrundzüge 78 ; ALF 1315), gasc. touà (dp. 1567 [toä prés. 3], DAG n° 115 ; Palay ; ALF 1315 p 657, 658 ; ALG 819), gal./port. toar (dp. 14e s., DELP3 ; DdD ; DRAG2 ; Houaiss).
|| 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la troisième personne du singulier présent. 2 La variante it. tuonare est de création idioromane (analogie avec les formes rhizotoniques du paradigme, cf. DELI2 ; GAVI ; Nocentini).
*/'tɔn-a-/ v.impers./intr. | 639
II. Type présentant une insertion expressive de */-r-/ */tro'n-a-re/ > sard. tronare v.impers./intr. « tonner » (DES ; EspaLogudorese ; CasuVocabolario ; AIS 396), it. sept./it. mérid. tronare (dp. 1311 [alig. trona prés. 3], TLIOCorpus ; GAVI ; Nocentini ; AIS 396), frpr. sud-orient. tronar (FEW 13/2, 23b ; ALF 1315 p 975, 985, 986, 987 ; AIS 396 ; ALJA 29 p 61, 62, 63, 64, 72, 76, 77, 78, 84, 86 ; ALLy 780*), occit. tronar (dp. 1149/1168, DAO n° 115 ; Raynouard ; Levy ; AppelChrestomathie 85 ; FEW 13/2, 23a-24b ; ALF 1315), gasc. trouà (Palay ; CorominesAran 693–694 s.v. tronà ; ALG 819 p 692, 692SO, 692S ; ALF 1315 p 659, 698, 760), cat. tronar (dp. 13e s., DECat 8, 866–870 ; DCVB), esp. tronar (1250, DCECH 4, 601–602 ; NTLE ; DRAE22), ast. tronar (DGLA), gal. tronar/port. troar (dp. 1295, TMILG ; DDGM ; DRAG2 ; DELP3 ; Houaiss). Commentaire. – Toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, soit directement, soit à travers un type phonologiquement évolué, protorom. */'tɔn-a-/ v.impers./intr. « faire du tonnerre, tonner ; faire éclater le tonnerre, tonner ». Les issues romanes ont été subdivisées selon les deux variantes phonologiques dont elles relèvent. Le type */'tɔn-a-/ (ci-dessus I.) est continué de façon exclusive dans la branche roumaine (dacoroum. méglénoroum. aroum.) et dans une large aire centrale de la Romania “italo-occidentale” (végl. istriot. itcentr. [dont tosc. laz.] frioul. lad. romanch. fr.), le type */'trɔn-a-/ (ci-dessus II.) se trouve de façon exclusive en sarde, en italien septentrional et méridional, en occitan et dans la majeure partie de l’Ibérie (cat. esp. ast.), tandis que le francoprovençal, le gascon et le galégo-portugais connaissent les deux types. Cette répartition aréologique suggère que le type I. (*/'tɔn-a-/) est originel et relevait d’un registre plutôt soutenu dans la protolangue, tandis que le type II. (*/'trɔn-a-/) en représente une variante régionale, d’un registre plus bas, qui est venue la concurrencer secondairement. Pour expliquer la genèse de ce second type, diastratiquement marqué, nous suivons Schuchardt,ZrP 15 et von Wartburg in FEW 13/2, 24a pour y voir un phénomène onomatopéique de la langue populaire : l’insertion de */-r-/ après */-t-/ initial rappelle de façon expressive le bruit que fait le tonnerre. Le même groupe onomatopéique */tr-/ se trouve dans protorom. */'tronit-u/ (< */'tonitr-u/) s.m. « tonnerre », dont les continuateurs romans dessinent une aire presque homotope avec celle de */'trɔn-a-/, ce qui laisse penser que l’origine des deux variantes en */-r-/ est liée. Comme dans le cas de */'tronit-u/, l’insertion expressive du */r/ est appuyée par la métathèse (cf. REW3 s.v. tŏnāre ; DCECH 4, 601–602 ; DECat 8, 866), on peut penser que la
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variante secondaire a pris son origine dans le substantif et s’est propagée ensuite au verbe3. Le corrélat du latin écrit du type I., tonare v., est connu durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], OLD ; cf. IEEDLatin) en construction impersonnelle (« faire du tonnerre ») et depuis Sénèque le Jeune (* 4 [?] av. J.Chr. – † 65 apr. J.-Chr., OLD) en construction intransitive (« faire éclater le tonnerre »). En revanche, le latin écrit ne connaît pas de corrélat du type II. */'trɔn-a-/, qui se dénonce donc comme un oralisme du ‛latin global’. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 183–185, 208, 219, 404–405, 450 ; 2, § 188 ; REW3 s.v. tŏnāre ; von Wartburg 1965 in FEW 13/2, 23a-24b, TONARE ; Ernout/Meillet4 s.v. tonō ; LausbergLinguistica 1, § 176–178, 304, 405 ; HallPhonology 258. Signatures. – Rédaction : Bianca MERTENS. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Valentin TOMACHPOLSKI. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Cristina FLORESCU ; Maria ILIESCU ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Max PFISTER ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Ana BOULLÓN. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Maude EHINGER ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Laure GRÜNER ; Johannes KRAMER ; Anne VIKHROVA. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 12/08/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
|| 3 En outre, protorom. */'trɛm-e-/ v.intr. « trembler » a pu jouer un rôle dans ce processus d’imitation acoustique.
*/'ʊng-e-/ v.tr. | 641
*/'ʊng-e-/ v.tr. « enduire d’une substance grasse » */'ʊng-e-re/ > sard. únĝere/únğiri v.tr. « enduire d’une substance grasse, oindre » (DES s.v. únĝere ; PittauDizionario 1 s.v. úngher(e) ; AIS 1566 [« graisser (souliers) »]), dacoroum. unge (dp. 1500/1510 [date du ms.], Psalt. Hur.2 205 ; Tiktin3 ; EWRS s.v. ung ; Cioranescu n° 9061 ; DLR ; MDA ; ALRM II/I 279 [« enduire de terre glaise »]), istroroum. únje (MaiorescuIstria 154 s.v. ung ; Byhan,JIRS 6, 375 s.v. unẑe ; PuşcariuIstroromâne 2, 233 ; SârbuIstroromân 293 ; FrăţilăIstroromân 1, 304), méglénoroum. úndziri (Candrea,GrS 7, 218 [« peindre à la chaux »] ; CapidanDicţionar s.v. ung ; AtanasovMeglenoromâna 91, 233 ; ALRM II/I 279 p 012 [« enduire de terre glaise »] ; WildSprachatlas 400 p 5 [« peindre »]), aroum. úngu (dp. ca 1760 [οὔντζη], Kristophson,ZBalk 10/1 n° 0528 ; KavalliotisProtopeiria n° 0439, 0537 [οὐγκου] ; Pascu 1, 47 s.v. aundzire ; DDA2 ; BaraAroumain ; ALRM II/I 279 p 010 [« enduire de terre glaise »])1, dalm. jongár (BartoliDalmatico 271, 430 § 425 ; ElmendorfVeglia ; MihăescuRomanité 98)2, istriot. ónzi (MihăescuRomanité 148 ; PellizzerRovigno s.v. ònʃi ; AIS 1566 p 398), it. ungere (dp. 1200/1210 [alomb. serà onto fut. passif 3], TLIOCorpus ; DELI2 ; GAVI ; TLAVI ; AIS 1566 [« graisser (souliers) »]), frioul. onzi (PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1566 p 326, 327, 329, 337–339, 348, 349, 357 [« graisser (souliers) »] ; ASLEF 555 n° 2961 [« graisser (souliers) »]), lad. unje (dp. 1763 [unsche], Kramer/Boketta in EWD ; AIS 1566 p 305, 312–314 [« graisser (souliers) »] ; ALD-I 831 [« graisser (souliers) »]), romanch. undṣcher/unṣcher (dp. 1560 [hunscher], GartnerBifrun 630 ; HWBRätoromanisch s.v. unscher ; EichenhoferLautlehre § 200, 544 ; AIS 1566 p 1, 3, 5, 7, 9–11, 13–17, 19 [« graisser (souliers) »]), fr. oindre (dp. 1er qu. 12e s. [uindre « enduire d’onguent »], BrendanS 34 = TLF ; Gdf ; GdfC ; FEW 14, 36a ; TL ; ANDEl s.v. uindre), frpr. oindre (dp. 1220/1230 [« enduire d’onguent »], ProsalegMussafia 175 = HafnerGrundzüge 123 ; Girardin,ZrP 24, 232 = FEW 14, 36a ; Philipon,R 30, 253 ; HafnerGrundzüge 122, 124 ; ALF 294
|| 1 L’aroumain ne connaît presque plus l’infinitif verbal (cf. Saramandu,Tratat 460 ; Kramer,LRL 3, 429–430) ; la forme citationnelle est la première personne du singulier du présent. Cette dernière ne permet pas d’attribuer le cognat à un type flexionnel donné, mais l’infinitif úndzire (Pascu 1, 47 s.v. aundzire ; DDA2) témoigne de l’appartenance du verbe à la flexion en */'-e-/, même s’il a connu par ailleurs un passage idioroman à la flexion en */-'e-/ (undzeáre, cf. CapidanAromânii 432, 435 ; NevaciVerbul 20). Par ailleurs, cette issue régulière a été fortement concurrencée par aúngu (Pascu 1, 47 s.v. aundzire ; DDA2 ; BaraAroumain), variante présentant une prothèse idioromane très fréquente en aroumain (CapidanAromânii 224–227). 2 Cette issue présente un passage idioroman à la flexion en */-'e-/ (cf. BartoliDalmatico 439 § 435 : “i metaplasmi tra le coniugazioni, o meglio tra le forme dell’infinito, sono straordinariamente numerosi”).
642 | 1. Articles
p 988 [« cirer (souliers) »] ; ALFSuppl 156 p 731, 733, 743), occit. onher/onger (dp. 1179/1224 [onh prés. 3], BertrBornS 222, 352 = Raynouard s.v. onger = Levy s.v. ohner = Chambon,RLiR 67, 580 ; AppelChrestomathie 27 ; Pansier 3 s.v. onhar ; FEW 14, 36a ; ALFSuppl 156 p 889, 982), gasc. ùgne (dp. fin 14e/déb. 15e s. [date du ms. ; unhir]3, Levy ; FEW 14, 36a [béarn. unhe]). Commentaire. – À l’exception des langues de l’Ibérie, toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire protorom. */'ʊng-e-/ v.tr. « enduire d’une substance grasse, oindre »4. Nous suivons REW3 s.v. ŭngĕre, DCECH 5, 715 et DECat 8, 984 pour considérer que les langues de l’Ibérie n’ont pas hérité protorom. */'ʊng-e-/ : cat. ungir (dp. 1696, DECat 8, 984 ; DCVB), esp. ungir (dp. 1220/1250, Kasten/Cody ; DCECH 5, 715 ; DME ; Kasten/Nitti), ast. unxir (dp. 1267, DELlAMs ; DGLA ; AriasPropuestes 4, 427)5 et gal./port. unxir/ungir (dp. 1264, DDGM ; DELP3 ; DRAG2 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2) sont des latinismes introduits à travers la langue ecclésiastique. En effet, le sens de ces lexèmes est « faire une onction pour bénir ou sacrer » (DECat 8, 984 ; DCVB ; Kasten/Nitti ; DALlA ; DELlAMs ; DELP3 ; DRAG2 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2), tandis que celui de leurs parasynonymes (< protorom. */'ʊnt-a-/ v.tr. ou formations internes à partir des issues de protorom. */'ʊnk-t-u/, cf. REW3 s.v. ŭnctum et FEW 14, 29a) est plus généralement « oindre » : cat. untar v.tr. (dp. 1284, DECat 8, 983 ; DCVB), esp. untar (dp. ca 1140, Kasten/Cody ; DCECH 5, 715 ; DME; Kasten/Nitti), ast. untar (DELlAMs ; DALlA ; DGLA), gal./port. untar (dp. 13e. s., DELP3 ; DRAG2 ; DDGM ; Houaiss ; CunhaVocabulário2)6.
|| 3 Avec passage idioroman à la flexion en */-'i-/. 4 Ce lexème a été emprunté par l’irlandais : airl. oinghter, irl. ungaim (PedersenKeltisch 1, 224 ; LEIA O-24 ; cf. aussi FEW 14, 37a). Pour ce qui est d’alb. ngjyey v.tr. « immerger ; peindre », que MihăescuRomanité 43 et HaarmannAlbanisch 66, 70, 71 donnent comme un emprunt à protorom. */'ʊng-e-/, nous suivons VătăşescuAlbaneză 324 pour le rattacher à protorom. */in-'tɪng-e/ v.tr. « immerger, mouiller » (REW3 s.v. intĭngĕre). 5 Les deux attestations médiévales (ungan, unguirse) sont difficiles à analyser du point de vue de leur phonétisme (cf. AriasGramática § 4.5.9.1.). 6 FEW 14, 36b (< LamanoSalmantino 508) enregistre à tort esp. (“Salamanca”) juñir comme un continuateur de protorom. */'ʊng-e-/ : juñir est une variante de zuñir v.intr. « bourdonner » (cf. DCECH 6, 122). De la même manière, aesp. uņir (non référencé) de HallPhonology 146 ne se rattache pas à */'ʊng-e-/, mais représente une variante d’esp. uncir v.tr. « mettre au joug » (DCECH 5, 714, cf. aussi LeMenLeonés 3, 1899–1901) < protorom. */'iʊng-e-/ (cf. REW3 s.v. jŭngěre).
*/'ʊnk-t-u/ s.n. | 643
Le corrélat exact du latin écrit, ungere v.tr. « id. », n’est connu que depuis Cicéron (dp. 49 av. J.-Chr. [Ad Atticum: ungendum, PHI 5.3]). Il apparaît sporadiquement dans des textes apparatenant à divers genres (entre autres, chez Vitruve, Ovide, Properce, Celsus, Pline le Jeune, Pétrone, Apulée, Apicius, tous PHI 5.3) et est stigmatisé comme incorrect par le grammairien Flavius Caper (2e s. apr. J.-Chr., PHI 5.3), tandis que la forme unguere est usuelle durant toute l’Antiquité (dp. Plaute [* ca 254 – † 184], OLD s.v. ung(u)ō, cf. aussi Ernout/Meillet4 s.v. unguō et PHI 5.3). Du point de vue diasystémique (‛latin global’), ce lexème relève d’un cas particulier de variation phonologique : l’élément labial /u/ ([w]) est caractéristique de la variété H, tandis que la variété B se caractérise par la fréquence beaucoup plus faible de cet élément, notamment quand il est précédé par */-ng/ et suivi par */-e-/ ~ */-i-/ (cf. MeyerLübkeGRS 1, § 501–502 ; LausbergSprachwissenschaft 2, § 486). Dès lors, les formes du paradigme sans élément labial (ungo, ungor, ungebam, ungunt, ungat etc.) sont à considérer comme des particularismes (oralismes) de la variété B qui n’ont eu qu’un accès sporadique à la variété H (et donc à l’écrit). Pour un complément d’information, cf. */'ʊnk-t-u/. Bibliographie. – MeyerLübkeGRS 1, § 118–119, 132–138, 485, 501–502 ; REW3 s.v. ŭngĕre ; Ernout/Meillet4 s.v. unguō ; von Wartburg 1957 in FEW 14, 36a-37a, UNGUERE ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 183 ; 2, § 417, 486 ; HallPhonology 146 ; Faré n° 9069 ; SalaVocabularul 543 ; MihăescuRomanité 268. Signatures. – Rédaction : Victor CELAC. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Maria ILIESCU ; Paul VIDESOTT. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Marta ANDRONACHE ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Christoph GROß ; Günter HOLTUS ; Marco MAGGIORE ; Mihaela-Mariana MORCOV. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 04/01/2014. Version actuelle : 31/08/2014.
*/'ʊnk-t-u/ s.n. « matière grasse élaborée servant à enduire »
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I. Sens « matière grasse élaborée utilisée en cuisine » I.1. Sens « saindoux » */'ʊnk-t-u/ > it. unto s.m. « matière grasse obtenue à partir de la graisse du porc, saindoux » (dp. 1298, TLIOCorpus ; DELI2 ; AIS 248 p 374, 385, 393 [vén. mérid.] ; 995 p 507, 513, 520 [tosc. nord-occid.] ; 996 [itsept.])1, lad. unt (dp. 1879, Kramer/Boketta in EWD), fr. oint (dp. 1260, TL ; FEW 14, 28b [pic. norm. frcomt.] ; Gdf ; GdfC ; TLF)2, frpr. ˹oint˺ (FEW 14, 28b), occit. onch (dp. 1785 [vounch], FEW 14, 28b [viv.-alp. prov.]), cat. unt (dp. 1507, DECat 8, 983 ; DCVB), esp. unto (dp. 1251, Kasten/Cody ; DCECH 5, 715), ast. untu (dp. 1274 [unto], DELlAMs ; DGLA), gal./port. unto (dp. 1253, DELP3 ; DdD ; DRAG1 ; Houaiss ; CunhaVocabulário2).
I.2. Sens « beurre » */'ʊnk-t-u/ > dacoroum. unt s.n. « matière grasse obtenue à partir du lait de vache, beurre » (dp. 1510/1510 [date du ms. ; « huile »], Psalt. Hur.2 89 ; Tiktin3 ; EWRS ; Cioranescu n° 9067 ; DLR ; MDA ; ALR SN 306)3, istroroum. unt (MaiorescuIstria 154 ; Byhan,JIRS 6, 375 ; PuşcariuIstroromâne 3, 139, 198 ; SârbuIstroromân 293 ; FrăţilăIstroromân 1, 304), méglénoroum. ˹untu˺ (Candrea,GrS 7, 218 ; CapidanDicţionar s.v. unt ; AtanasovMeglenoromâna 21, 53, 70), aroum. umtu (dp. 1770 [ούμτoυ], KavalliotisProtopeiria n° 0275 ; Pascu 1, 47 ; DDA2 ; BaraAroumain), vén. sept. ont m. (AIS 1207 p 307, 316, 317), frioul. ont « beurre frit » (dp. 1348, DSF ; PironaN2 ; GDBTF ; AIS 1207 p 349 ; ASLEF 869 n° 3997 p 42*, 138*, 206, 212a [« beurre »])4.
II. Sens « matière grasse élaborée utilisée comme pommade » */'ʊnk-t-u/ > it. unto s.m. « matière grasse utilisée comme pommade, onguent » (dp. 16e s., GDLI ; DELI2 ; AIS 706 Cp), lad. unt (dp. 1914, Kramer/Boketta in EWD), romanch. üt/etg (dp. 1560 [hüt], GartnerBifrun 82 ;
|| 1 Istriot. onto s.m. « unto » (PellizzerRovigno) est un emprunt au vénitien. 2 Le lexème est sorti de l’usage du français standardisé (cf. dès Ac1 1694 : “ne se dit pas”). 3 Malgré son ancienneté, le sens « huile » de dacoroum. unt (cf. DLR), isolé au sein des parlers romans, se dénonce comme un calque de protosl. maslo s.n. « beurre ; huile » (cf. IEEDSlavic ; MiklosichLexicon). 4 Fod. ont « beurre » (Faré n° 9057) n’est pas confirmé par les dictionnaires.
*/'ʊnk-t-u/ s.n. | 645
HWBRätoromanisch ; AIS 706*)5, fr. ˹oint˺ (dp. 1495, TLF ; FEW 14, 28b [bourg. frcomt.]), occit. onch (dp. 1381 [oyns pl. « produit destiné à un usage militaire et servant à propager le feu sur une ville assiégée »], OlivierAuvergnat = FEW 14, 28b [viv.-alp.])6, cat. unt (dp. 1507, DECat 8, 983 ; DCVB), esp. unto (dp. 1492, NTLE [Nebrija] ; DCECH 5, 715), ast. untu (DALlA), gal./port. unto (dp. 1253, Houaiss ; DdD ; CunhaVocabulário2). Commentaire. – À l’exception du sarde et du végliote (pour le gascon, cf. n. 6), toutes les branches romanes présentent des cognats conduisant à reconstruire, à travers des sens évolutifs, protorom. */'ʊnk-t-u/ s.n. « matière grasse élaborée servant à enduire, graisse ». Ce substantif est dérivé par transcatégorisation du participe passé homophone de protorom. */'ʊng-e-/ v.tr. « enduire d’une substance grasse ». L’absence de cognats sardes incite à attribuer cette substantivation au protoroman continental, postérieur au décrochage du sarde (2e moitié du 2e siècle, cf. Straka,RLiR 20, 256). Du point de vue phonématique, la reconstruction du groupe */-nkt-/ repose sur deux prototypes phonétiques intermédiaires : *[-nχt-] < */-nt-/ (< roum. it.) et *[-nçt-] < */-int-/ (< romanch. fr. frpr. occit. et cat. esp. ast. gal./port. avec dépalatalisation ultérieure), cf. MeyerLübkeGLR 1, § 467 et LausbergLinguistica 1, § 436–438. Les issues romanes ont été subdivisées selon le sémantisme qui leur est attaché : « matière grasse élaborée utilisée en cuisine » (ci-dessus I.) et « matière grasse élaborée utilisée comme pommade » (ci-dessus II.). Le premier de ces sens n’est pas atteignable directement, mais se reconstruit à partir de « saindoux » (I.1.) et « beurre » (I.2.), distinction non pas intrinsèquement linguistique, mais qui reflète des aires culturelles correspondant respectivement à la cuisine au beurre (production bovine, d’aire orientale)7 et à la cuisine au saindoux (production porcine, d’aire occidentale), auxquelles s’ajoute la cuisine à l’huile, d’aire méditerranéenne8. À partir des sémèmes « matière grasse élaborée utilisée en cuisine » et « matière grasse élaborée utilisée comme pommade », on
|| 5 La typisation du cognat romanche met en avant la forme du Val Müstair (bas-engad.), qui est la seule à avoir conservé la nasale (cf. EichenhoferLautlehre § 200b ; HWBRätoromanisch s.v. etg). 6 Les dérivés gascons du type untami n.m. « graisse pour oindre, cambouis », untis « id. » (FEW 14, 28b-29a) incitent à penser que le gascon a connu le simple à date prélittéraire. 7 Un parallèle pour ce développement sémantique se retrouve dans les dialectes suisses alémaniques : Anken « beurre » < ahd. ancho « matière grasse » (SchweizIdiotikon 1, 342). Pour la France, la répartition de ces modalités différentes de cuisiner est étudiée dans Febvre,Annales 16/4.
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peut reconstruire le protosémème « matière grasse élaborée servant à enduire », dont I. et II. représentent des innovations par spécialisation : le sens « matière grasse utilisée en cuisine » (I.) s’est développé par restriction du sème /pour enduire/ à /dans l’usage culinaire pour empêcher les aliments d’adhérer au récipient lors de la cuisson/. L’aire de cette innovation est chronologiquement parlante, car elle comprend l’ensemble de l’espace occupé par le type lexical, ce qui permet de la placer entre la séparation du sarde et celle du roumain, soit entre la 2e moitié et la fin du 2e siècle (Straka,RLiR 20, 256, 258). Pour ce qui est du sens « matière grasse élaborée utilisée comme pommade » (II.), il représente une innovation sémantique par restriction du sème /pour enduire/, à /dans l’usage médical/, qui est limitée à la Romania occidentale : elle ne semble donc pas avoir été compatible avec la spécialisation au sens de « beurre » (les aires de I.2. et de II. sont mutuellement exclusives). Sur la base des cognats roumains, on reconstruit un étymon de genre neutre, genre récessif en protoroman. Le corrélat du latin écrit du type II., unctum s.n. « onguent », est connu depuis Apulée (* ca 123/125 – † ca 170, OLD). Le latin écrit de l’Antiquité, qui atteste par ailleurs ce lexème dans le sens « nourriture riche » (dp. Horace [* 65 – † 8], OLD), ne connaît pas, en revanche, de corrélat dans le sens « matière grasse élaborée utilisée en cuisine » (ci-dessus I.). Du point de vue diasystémique (‛latin global’), le sens « matière grasse élaborée utilisée en cuisine » (ci-dessus I.) de protorom. */'ʊnk-t-u/ ~ lat. unctum est donc à considérer comme un particularisme de l’oral, « nourriture riche », comme un particularisme de l’écrit, le sémème « matière grasse élaborée utilisée pour enduire » (ci-dessus II.) constituant l’intersection entre les deux codes. Pour un complément d’information, cf. */'ʊng-e-/. Bibliographie. – MeyerLübkeGLR 1, § 118–119, 123–137, 308, 467, 643 ; REW3 s.v. ŭnctum ; von Wartburg 1957 in FEW 14, 28b-29b, UNCTUM ; Ernout/Meillet4 s.v. unguō ; LausbergSprachwissenschaft 1, § 179, 183, 203–204, 230–237, 272 ; 2, § 436–438, 529 ; HallPhonology 167 ; MihăescuRomanité 268. Signatures. – Rédaction : Paul VIDESOTT. – Révision : Reconstruction, synthèse romane et révision générale : Jean-Pierre CHAMBON. Romania du Sud-Est : Petar ATANASOV ; Victor CELAC ; Nikola VULETIĆ. Italoromania : Giorgio CADORINI ; Rosario COLUCCIA ; Georges DARMS ; Maria ILIESCU. Galloromania : Jean-Paul CHAUVEAU. Ibéroromania : Maria Reina BASTARDAS I RUFAT ; Myriam BENARROCH ; Ana BOULLÓN ; Ana María CANO GONZÁLEZ. Révision finale : Éva BUCHI. – Contributions ponctuelles : Pascale BAUDINOT ; Xosé Lluis GARCÍA ARIAS ; Karen GONZALEZ
*/'ʊnk-t-u/ s.n. | 647
ORELLANA ; Xavier GOUVERT ; Yan GREUB ; Laure GRÜNER ; Günter HOLTUS ; Bianca MERTENS ; Philippe OLIVIER ; Jan REINHARDT ; Fernando SÁNCHEZ MIRET. Date de mise en ligne de cet article. – Première version : 16/10/2012. Version actuelle : 31/08/2014.
2. Abréviations et signes conventionnels N.B. Les idiomes « facultatifs » (qui n’apparaissent en structure de surface des articles du DÉRom qu’en l’absence de l’idiome obligatoire qui forme leur langue-toit) sont assortis, entre crochets carrés, de l’idiome « obligatoire » qui leur correspond. a abl. abr. acc. adj. adv. afrq. agn. ahall. alb. all. andal. ang. angl. aost. apr. apul. arag. aran. aroum. art. déf. art. indéf. ast. auv. av. bad. baléar. ban. bas-engad. béarn. berb. bol. bourb. bourg. bret. bretvann. britt. bsq.
ancien (devant nom de parler) ablatif dialecte des Abruzzes [it.] accusatif adjectif adverbe ancien francique anglo-normand [fr.] ancien haut allemand albanais allemand andalou [esp.] angevin [fr.] anglais valdôtain [frpr.] après apulien [it.] aragonais [« esp. »] aranais [gasc.] aroumain article défini article indéfini asturien auvergnat [occit.] avant badiot (Val Badia) [lad.] baléare [cat.] dialecte du Banat [dacoroum.] bas-engadinois (vallader) [romanch.] béarnais [gasc.] berbère bolonais [it.] bourbonnais [fr.] bourguignon [fr.] breton breton vannetais brittonique basque
650 | 2. Abréviations et signes conventionnels
bulg. ca cal. camp. campid. carn. cat. cat. nord-occid. centr. centr. centr.-mérid. centr.-occid. centr.-orient. centr.-sept. cf. champ. coll. cond. conj. coord. conj. subord. corn. cors. cr. c.r. criş. c.s. dacoroum. dalm. dat. déb. dial. dir. dp. écoss. émil.-romagn. esp. estrém. etc. f. fasc. fig. fod. fr. frcomt. frioul. frioul. centr.-orient. frpr.
bulgare circa calabrais [it.] campanien [it.] campidanais [sard.] carnique [frioul.] catalan catalan nord-occidental [cat.] central (après nom de parler) dialecte oïlique du Centre [fr.] centre-méridional (après nom de parler) centre-occidental (après nom de parler) centre-oriental (après nom de parler) centre-septentrional (après nom de parler) confer champenois [fr.] collectif conditionnel conjonction de coordination conjonction de subordination cornique corse [it.] croate cas régime dialecte de Crişana [dacoroum.] cas sujet dacoroumain dalmate datif début dialectal (après nom de parler) direct attesté depuis écossais émilien-romagnol [it.] espagnol estrémadurien [esp.] et cetera féminin fascian (Val di Fassa) [lad.] figuré fodom (Livinallongo) [lad.] français franc-comtois [fr.] frioulan frioulan centre-oriental [frioul.] francoprovençal
2. Abréviations et signes conventionnels | 651
fut. gal. gaél. gall. gasc. gén. germ. gérond. gherd. got. gr. grbyz. grmod. hap. haut-engad. hbret. hongr. imp. impers. impf. ind.-eur. indir. inf. interj. intr. invar. irl. istriot. istroroum. it. itcentr. itmérid. itsept. J.-Chr. lad. lang. lat. latarch. latméd. latsubstand. lattard. laz. lig. lim. litt. loc. loc. adj.
futur galicien gaélique gallois gascon génitif germanique gérondif gherdëina (Val Gardena) [lad.] gotique grec grec byzantin grec moderne hapax haut-engadinois (puter) [romanch.] dialecte oïlique de Haute-Bretagne (gallo) [fr.] hongrois impératif impersonnel imparfait indo-européen indirect infinitif interjection intransitif invariable irlandais istriote (istroroman) istroroumain italien dialectes italiens centraux [it.] dialectes italiens méridionaux [it.] dialectes italiens septentrionaux [it.] Jésus-Christ ladin languedocien [occit.] latin latin archaïque latin médiéval latin non standard (substandard) latin tardif dialecte du Latium [it.] ligure [it.] limousin [occit.] littéraire ; littéralement locution locution adjectivale
652 | 2. Abréviations et signes conventionnels
loc. adv. loc. nom. loc.-phrase loc. v. logoud. lomb. lorr. luc. lyonn. m. m. macéd. maram. mar. march. méglénoroum. mérid. mgr. mil. mold. moz. ms. mss munt. murc. n. n. NL nom. nord-occid. nord-orient. norm. nuor. NP num. card. num. card. f. num. card. m. num. card. m./f. num. card. n. num. ord. occid. occit. oïl. olt. ombr. orient. orl.
locution adverbiale locution nominale locution-phrase locution verbale logoudorien [sard.] lombard [it.] lorrain [fr.] dialecte de la Lucanie (Basilicate) [it.] lyonnais [frpr.] masculin moitié macédonien dialecte du Maramureş (dacoroum.) mareo [lad.] dialecte des Marches [it.] méglénoroumain méridional (après nom de parler) moyen grec milieu moldave [dacoroum.] mozarabe manuscrit manuscrits dialecte de Munténie [dacoroum.] murcien [esp.] neutre note nom de lieu nominatif nord-occidental (après nom de parler) nord-oriental (après nom de parler) normand [fr.] nuorais [sard.] nom de personne numéral cardinal numéral cardinal féminin numéral cardinal masculin numéral cardinal masculin et/ou féminin numéral cardinal neutre numéral ordinal occidental (après nom de parler) occitan dialectes d’oïl [fr.] olténien [dacoroum.] ombrien [it.] oriental (après nom de parler) orléanais [fr.]
2. Abréviations et signes conventionnels | 653
p p. p. ant. par ex. part. p. comp. périg. pic. piém. pl. pl. tantum poit. pop. port. pqpf. prép. prés. prét. prob. pron. pron. démonstr. pron. indéf. pron. interrog. pron. pers. pron. rel. proto-ind.-eur. protoital. protorom. protoroum. protosl. prov. qch. qn qu. ragus. romanch. rouerg. roum. rouss. s. s. saint. salent. sard. sav. scr. s.d.
point d’atlas passé passé antérieur par exemple participe passé composé périgourdin [occit.] picard [fr.] piémontais [it.] pluriel plurale tantum poitevin [fr.] non standard (« populaire ») (après nom de parler) portugais plus-que-parfait préposition présent prétérit probablement pronominal pronom démonstratif pronom indéfini pronom interrogatif pronom personnel pronom relatif proto-indo-européen protoitalique protoroman protoroumain protoslave (= slave commun) provençal [occit.] quelque chose quelqu’un quart ragusain [« dalm. »] romanche rouergat [occit.] roumain (en tant que branche) roussillonnais [cat.] siècle substantif saintongeais [fr.] salentin [it.] sarde savoyard [frpr.] serbo-croate sans date
654 | 2. Abréviations et signes conventionnels
sept. s.f. s.f./n. s.f.pl. tantum sg. sic. slav. slov. s.m. s.m./f. s.m./n. s.m.pl. tantum s.n. SRfrpr. srb. subj. sud-occid. sud.-orient. surm. surs. suts. s.v. t. tosc. tr. tr.dir. tr.indir. transylv. trent. v. v.abs. v.ambitr. valenc. vangl. v.aux. v.ditr. végl. vén. v.impers. v.intr. viv.-alp. v.préd.pron. v.préd.tr. v.pron. vsax. v.tr. wall.
septentrional (après nom de parler) substantif féminin substantif féminin et/ou neutre substantif féminin plurale tantum singulier sicilien [it.] slavon d’Église slovène substantif masculin substantif masculin et/ou féminin substantif masculin et/ou neutre substantif masculin plurale tantum substantif neutre Suisse romande francoprovençale [frpr.] serbe subjonctif sud-occidental (après nom de parler) sud-oriental (après nom de parler) surmiran [romanch.] sursilvan [romanch.] sutsilvan [romanch.] sub voce tiers toscan [it.] transitif transitif direct transitif indirect dialecte de Transylvanie [dacoroum.] trentin [it.] verbe verbe en emploi absolu verbe ambitransitif valencien [cat.] vieil anglais verbe auxiliaire verbe ditransitif végliote [« dalm. »] vénitien (it. veneto) [it.] verbe impersonnel verbe intransitif vivaro-alpin [occit.] verbe prédicatif pronominal verbe prédicatif transitif verbe pronominal vieux saxon verbe transitif wallon [fr.]
2. Abréviations et signes conventionnels | 655
1 2 3 4 5 6 * * «» “” ‘’ ˹˺
1ère personne 2e personne 3e personne 4e personne (= 1ère personne du pluriel) 5e personne (= 2e personne du pluriel) 6e personne (= 3e personne du pluriel) (trouvé par la méthode de la reconstruction comparative) (dépourvu d’attestations textuelles) (indication sémantique) (citation textuelle) (terme technique imparfaitement lexicalisé) (taquets de typisation) (rime avec)
Pascale Baudinot
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